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Full text of "Dictionnaire historique : ou histoire abrégée des hommes qui se sont fait nom par leur génie, leurs talens, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jusqu'a nos jours"

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in  2009  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/dictionnairehis11felluoft 


DICTIONNAIRE 

HISTORIQUE, 

on 

HISTOIRE  ABREGEE 

DES  BOHMES  QVl  SE  SONT  FAIT  DK  NOUS  PAR  LEUR  GENIE,  LEDHS  TAIiENS, 
LEURS  VERTUS,  LEURS  ERREURS  OU  LEURS  CRIMES, 

DEPUIS    LE   COMMENCEMENT   DU   MONDE   JUSQU'A   NOS  JOUBS; 
AUGHERTÉE   DE    PtTJS    DE    2000    ARTICLES    INTERCALES    PAR    ORDRE   AlPHABÉtlQrE. 

TOME  ONZIÈME. 


BESANÇON. 


OUTHENIN  CHALANDRE  FILS,  IMPRIMEUR- ÉDITEUR, 

grahd'&ite,  h'  6o. 

PARIS, 

CHEZ  GAUME  FRÈRES,  LIBRAIRES. 


n 


DICTIONIVAIRE 


HISTORIQUE 


DE  FELLER. 


POL 


POL 


POL  (Le  comte  de  Saint-).  Voyez 
Luxembourg  et  Fbançois. 

POLALLION  (  Marie  LuMAGNK,  veuve 
de  François),  ayant  perdu  son  mari ,  qui 
était  résident  de  France  à  ftaguse,  s'ap- 
pliqua dans  Paris  à  l'établissement  de 
plusieurs  communautés  de  Ailes.  Dès  l'an 
1630,  elle  commença  à  se  retirer  du 
monde,  et  à  faire  subsister  de  pauvres 
filles  dont  la  chasteté  était  en  danger.  Ce 
ne  fut  pas  sans  trouver  beaucoup  d'op- 
positions, et  sans  même  essuyer  de  gran- 
des humiliations,  qu'elle  soutint  cet  em- 
ploi de  charité.  Dès  qu'elle  fut  veuve, 
elle  se  trouva  chargée  de  plus  de  cent  de 
ces  filles.  La  reine  Anne  d'Autriche  lui 
donna  une  maison  pour  les  loger ,  et 
elles  furent  alors  nommées  les  Filles  de 
la  Providence.  Leur  premier  établisse- 
ment fut  à  Fonteiiai,  près  de  Paris  ,  d'où 
elles  furent  transférées  à  Charonne  ,  puis 
au  faubourg  Saint-Marcel.  De  cet  établis- 
sement sortit  celui  des  filles  appelées 
Nouvelles  Converties ,  que  cette  dame 
plaça  à  Paris  dans  la  rue  Sainte-Anne, 
près  la  porte  Richelieu  ;  et  elle  eut  la 
consolation  de  voir  établir,  dans  Metz, une 
maison  pareille  à  celle  de  ses  Filles  de 
la  Providence.  Cette  pieuse  fondatrice 
mourut  en  16ô7  ,  en  odeur  de  sainteté. 
On  a  sa  Vie  par  l'abbé  Colliti ,  vicaire  de 
Sainl-Martin-des-Champs ,  Paris ,  1744, 
in-8. 

POLAN  (Armand),  théologien  de  la 
religion  prétendue  réformée,  né  à  Oppaw 
en  Silésie,  l'an  1661,  devint  professeur 
de  théologie  à  Bâie,  et  y  mourut  en  1 6 1 0  , 
à  49  ans.  On  a  de  lui  :  1°  des  Commen- 
taires latins  sur  Ezéchiel ,  sur  Daniel ,  et 
XI. 


sur  Osée  ;  2°  des  Dissertations  ;  3°  des 
Thèses;  4"  des  Ecrits  de  coolroverse 
contre  Bellarmin  ,  etc. 

POLEMBODRG  (  Corneille  ),  peintre, 
né  à  Utrecht  en  1 586,  mort  dans  la  même 
ville  en  1660,  fit  un  voyage  en  Italie  pour 
se  perfectionner.  Il  forma  son  pinceau 
d'après  les  meilleurs  tableaux  qui  em- 
bellissent la  ville  de  Rome.  Son  goût  le 
portait  à  travailler  en  petit  ;  les  tableaux 
qu'il  n'a  point  faits  dans  une  petite  for- 
me ne  sont  pas  aussi  précieux.  Le  grand- 
duc  de  Florence  voulut  avoir  de  ses  ou* 
vrages;  le  roi  d'Angleterre,  Charles  I"", 
le  fit  venir  à  Londres  ;  Rubens  l'estimait 
beaucoup ,  et  lui  commanda  plusieurs  ta- 
bleaux. Po  embourg  a  fait  des  paysages 
très  agréables  ;  il  rendait  la  nature  avec 
beaucoup  de  vérité.  Ses  sites  sont  bien 
choisis,  et  ses  fonds  souvent  ornés  de 
belles  fabriques  et  des  ruines  de  l'an- 
cienne Rome.  Sa  louche  est  légère,  et 
son  pinceau  doux  et  moelleux.  Le  trans- 
parent de  son  coloris  se  fait  singulière- 
ment remarquer  dans  ses  ciels.  Varrege 
est,  parmi  ses  élèves  ,  celui  qui  a  le  plus 
approché  de  sa  manière. 

POLÉMON ,  né  à  Octe,  dans  le  terri- 
toire d'Athènes  ,  se  livra  à  la  débauche 
en  sa  jeunesse.  Un  jour  il  se  rendit  à  l'a- 
cadémie encore  tout  fumant  d'ivresse ,  la 
tète  couronnée  de  fleurs ,  et  les  yeux  ap- 
pesantis par  le  vin  ;  il  y  fut  si  frappé 
d'un  discours  que  fil  Xénocrate  sur  les 
suites  humiliantes  de  l'intempérance, 
que,  par  un  excès  contraire,  il  aâicha 
une  austérité  de  parade.  Telle  était  la 
vertu  inconsistante  des  anciens  philoso- 
phes >  qu'elle  ne  pouvait  se  tenir  dans  cet 

1, 


5  POL 

heureux  milieu  qui  feit  sa  place  nalU' 
relie, et  hors  duquel  elle  devient  vice. 
Polémon  remplit  la  chaire  de  Xénocrate, 
sou  maître ,  et  mourut  fort  âgé ,  vers  l'an 
272  avant  J.  C  Voyez  Collics  ,  Lucien  , 
ZENON ,  etc. 

POLÉMON  I" ,  roi  de  Pont ,  obtint 
ce  royaume  du  triumvir  Marc-Antoine , 
dont  il  était  l'ami.  Il  le  servit  de  toutes 
ses  forces  dans  la  guerre  contre  les  Par- 
thes ,  qui  le  firent  prisonnier.  A  peine 
avait-il  obtenu  sa  liberté ,  que  la  guerre 
civile  s'étant  allumée  entre  Octave  et 
Marc-Antoine ,  il  fit  marcher  des  troupes 
au  secours  de  son  protecteur.  Mais  la 
bataille  d'Aclium  ayant  décidé  du  sort 
et  de  la  vie  d'Antoine ,  Polémon  se  ré- 
concilia avec  Octave ,  qui  admira  sa  fi- 
délité ,  et  lui  donna  la  souveraineté  du 
Bosphore,  qu'il  conserva  jusqu'à  sa  mort, 
arrivée  vers  l'an  37  de  J.  C. 

POLÉMON  II,  fils  du  précédent, 
fut,  par  l'empereur  Caligula,  reconnu 
souverain  des  états  de  son  père ,  dès  qu'il 
fut  mort.  Claude  lui  céda ,  trois  ans 
après ,  la  Cilicie  én^échange  du  Bosphore 
Cimmérien ,  qu'il  donna  à  un  descen- 
dant de  Mitbridate.  Polémon  II  embrassa 
le  judaïsme,  pour  épouser  la  reine  Béré- 
nice ,  fameuse  par  ses  amours  avec  Ti- 
tus ;  mais  cette  princesse  s'étant  séparée 
de  lui ,  il  abandonna  le  culte  auquel  il 
s'était  soumis.  Sur  la  fin  de  ses  jours , 
il  céda  le  royaume  de-Pont  aux  Romains, 
et  l'on  en  fit  une  province ,  qui  porta 
long-temps  le  nom  de  Polémoniaque. 

POLÉMON ,  orateur  qui  florissait  sous 
le  règne  de  Trajan,  vers  l'an  100  de 
J.  C,  laissa  des  Harangues  y  Toulouse, 
16.37  ,  in-8,  en  grec  et  en  latin.  —  Il  y  a 
eu  un  philosophe  Polémon  ,  ami  d'Attale 
H ,  roi  de  Pergame  ;  et  un  autre  Polémon, 
aussi  philosophe ,  homme  très  insolent , 
qui  chassa  de  sa  maison  l'empereur  Au- 
tonin,  alors  proconsul.  Voyez  Antonin. 

POLENI  (  Le  marquis  Giovani  ),  né  à 
Padoue  en  1683,  et  mort  en  la  même 
-ville  en  1761  ,  y  avait  occupé  avec  beau- 
coup de  distinction  les  chaires  de  pro- 
fesseur d'astronomie  et  de  mathémati- 
ques. Après  avoir  remporté  trois  prix  au 
jugement  de  l'académie  royale  des  Scien- 


POL 

ces  de  Paris ,  il  fut  agrégé  à  cette  com- 
pagnie en  1739.  Comme  il  excellait  dans 
l'architecture  hydraulique ,  il  fut  chargé 
par  la  république  de  Venise  de  veiller 
sur  les  eaux  de  cette  seigneuriCv  D'au- 
tres puissances  le  consultèrent  sur  le 
même  objet.  Il  travailla  aussi  dans  toutes 
les  parties  qui  concernent  l'architecture 
civile  ;  et  quand  Rome  ouvrit  les  yeux 
sur  l'état  périlleux  où  se  trouvait  la  ba- 
silique de  Saint-Pierre ,  le  pape  Benoît 
XIV  appela  le  marquis  Poleni  pour  en- 
tendre son  avis.  Après  les  examens  con- 
venables ,  il  dressa  un  excellent  Me'nioire 
sur  les  dommages  qu'avait  souflferls  cet 
édifice ,  et  sur  les  réparations  qu'il  était 
à  propos  d'y  faire.  C'était  un  homme 
doux  ,  afiable ,  modeste ,  toujours  prêt  à 
dire  du  bien  de  tout  le  monde.  Il  avait 
l'esprit  pénétrant ,  profond  ,  et  la  mé- 
moire excellente.  Son  âme  était  grande, 
forte ,  pleine  de  constance ,  de  sincérité, 
de  probité  :  sa  charité  était  sans  bornes. 
Le  marquis  Poleni  ne  se  borna  pas  aux 
mathématiques  ;  il  s'adonna  quelque- 
fois aux  antiquités ,  et  l'on  a  de  lui  des 
Supplémens  aux  grands  recueils  deGrœ- 
vius  et  de  Gronovius,  Venise,  1737,  5 
vol.  in-fol.  (Ses  avXxei ouvrages  roulent 
sur  les  baromètres ,  thermomètres ,  hor- 
loges, etc.  sur  les  tourbillons ,  sur  les  r»- 
vières,  sur  les  aqueducs  de  Rome ,  etc. 

POLI  (  Matthieu  ).  Voyez  Poolk. 

POLI  (  Martin  ),  né  à  Lucquesen  1662, 
alla  à  Rome  à  l'âge  de  1 8  ans ,  pour  se 
perfectionner  dans  la  connaissance  des 
métaux.  Il  y  inventa  plusieurs  expériences 
nouvelles ,  et  y  eut  un  laboratoire  pu- 
blic de  chimie ,  qui  fut  très  fréquenté. 
Poli  ayant  trouvé  un  secret  concernant 
la  guerre  ,  il  vint  l'offrir  à  Louis  XIV. 
Ce  prince  loua ,  dit-on  ,  l'invention , 
donna  une  pension  à  l'auteur  et  le  titre 
de  son  ingénieur  ;  mais  il  ne  voulut 
point  se  servir  du  secret ,  préférant  l'in- 
térêt du  genre  humain  au  sien  propre. 
Anecdote  qui  a  été  contestée ,  et  qui  peut- 
être  n'est  pas  plus  vraie  que  tant  d'au- 
tres que  l'on  rapporte  dans  le  même 
genre,  en  particulier  celle  qui  regarde 
un  certain  Dupré ,  qu'on  prétend  avoir 
offert  à  Louis  XV  de  mettre  le  feu  à  une 


POL 

flotte  entière  de  loin.  «  Pourquoi,  dit 
3>  un  homme  d'esprit ,  n'aurait-on  pas 
)i  adopté  ce  secret  ?  Ceux  qui  en  font 
»  honneur  à  des  principes  d'humanité 
i>  sont  bien  honnêtes  ;  mais  quand  j'exa- 
u  mine  la  manière  dont  les  choses  vont , 
»)  j'ai  bien  de  la  peine  à  le  croire.  Si 
»  l'humanité  avait  quelque  influence 
»  dans  l'esprit  des  héros,  sur  le  choix  des 

V  matières  pour  détruire  les  hommes,  la 
i>  poudre  à  canon  aurait-elle  jamais  été 
))  adoptée  ?...  Les  mines,  les  bombes, 
ij  ne  sont-elles  pas  ce  que  la  lâcheté , 
»  jointe  à  la  cruauté  ,  a  jamais  imaginé 
u  de  plus  furieux  ?...  Pour  moi,  en 
»  voyant  le  canon  balayer  la  surface 
»  de  la  terre  ^  les  mines  en  déchirer  les 
w  entrailles,  et  l'air  lui-même  chargé 
)>  d'une  pluie  homicide ,  j'ai  quelques 
u  soupçons  que  les  grandes  âmes  qui 
h  ont  diversifié  avec  tant  de  sang-froid 
»  les  manières  de  couper  les  hommes , 
u  de  les  percer  ,  de  les  hacher ,  de  les 
»  rôtir  ,  de  les  bouillir ,  n'ont  jamais  pu 
"  être  arrêtées  par  le  scrupule  d'en  intro- 

V  duire  une  de  plus.  »  Poli ,  de  retour 
en  Italie  en  1704  ,  fut  employé  par  Clé- 
ment XI ,  et  par  le  prince  Cibo ,  duc  de 

, Massa.  Il  revint  en  France  en  1713,  et 
obtint  une  place  d'associé  étranger  à 
l'académie  des  Sciences.  Louis  XIV  lui 
ordonna  de  faire  venir  en  France  toute 
sa  famille.  A  peine  était-elle  arrivée  ,  que 
Poli ,  attaqué  d'une  grosse  fièvre,  expira 
le  29  juillet  1 7 1 4.  On  a  de  lui  une  apolo- 
gie des  acides  ,  sous  ce  titre  ;  Il  Trionfo 
degli  acidi.  Le  Lut  de  cet  ouvrage  est 
de  prouver  que  les  acides  sont  très  in- 
justement accusés  d'être  la  cause  d'une 
infinité  de  maladies  ,  et  qu'au  contraire 
ils  en  sont  le  remède  souveraiii.  Ce  livre 
parut  à  Rome  en  1706. 

*  POLI  (  Joseph  ),  savant  physicien  , 
ué  en  1746  à  Molletta ,  dans  la  Pouille  , 
mort  à  tapies  le  7  avril  1825  ,  fit  ses 
études  à  Padoue  sous  la  direction  du  cé- 
lèbre Morgagni.  Après  avoir  terminé  son 
éducation  à  Londres  et  à  Paris  ,  il  revint 
dans  sa  patrie  où  il  rapporta  des  con- 
naissances profondes  :  il  s'était  surtout 
mis  au  courant  des  découvertes  impor- 
tantes dont  les  sciences  physiques  ve- 


POL  J 

uaient  d'être  enrichies  par  la  France  et 
l'Angleterre.  De  retour  à  JN'aples,  il  fut 
chargé  de  donner  un  cours  de  physique 
à  l'université  de  cette  ville  ,  et  un  de 
géographie  et  d'histoire  à  l'école  mili- 
taire. Plus  tard  sou  mérite  le  fit  nom- 
mer précepteur  du  prince  royal  de  Na- 
ples  ,  depuis  François  I".  Dès  lors  il  ne 
s'est  plus  séparé  de  son  élève  qu'il  a  suivi 
en  Sicile  ,  dans  les  deux  voyages  que  la 
Cour  de  tapies  y  a  faits  pour  se  mettre  à 
l'abri  des  invasions  françaises.  Poli  avait 
formé  un  laboratoire  et  un  cabinet  d'his- 
toire naturelle  qu'il  ouvrit  à  ses  com- 
patriotes. Il  publia  des  Institutions  de 
physique  expérimentale  ,  5  vol.  in-8, 
qui  furent  adoptées  comme  le  meilleur 
cours  élémentaire  dans  la  plupart  des 
écoles  d'Italie.  L'un  des  plus  beaux  titres 
de  Poli  à  l'estime  des  savans  est  un  ou- 
vrage intitulé  :  Testacea  utriusque  Si- 
ciliœ  ,  auquel  la  mort  ne  lui  a  pas  per- 
mis de  mettre  la  dernière  main.  Il  avait 
fait  plusieurs  autres  livres  sur  les  scien- 
ces ,  et  même  des  Essais  de  poésie  dans 
lesquels  il  a  exposé  le  système  céleste 
(  viaggio  ce/este ,  2  vol.  in-8.  en  ottava 
rima  ) ,  et  les  phénomènes  intérieurs  de 
la  terre  (  viaggio  soterraneo  .•  ce  dernier 
poème  n'a  pas  été  achevé).  C'est  aux 
soins  éclairés  de  Poli  qu'on  doit  la  (gn-^ 
dation  d'une  chaire  de  minéralogie ,  le 
1"  essai  d'un  jardin  botanique  ,  l'intro- 
duction de  la  machine  pour  vider  les 
canons ,  d'une  trombe  hydraulique  à  va- 
peur pour  élever  les  eaux  du  Volturne  , 
et  de  deux  grands  cylindres  en  acier 
pour  laminer  les  planches  de  cuivre  à 
l'usage  de  la  marine.  Poli  ,  après  avoir 
été  quelque  temps  à  la  tête  de  l'académie 
militaire,  fut  chargé  de  l'école  des  Sages 
et  du  cabinet  minéralogique  de  tapies. 

POLIDORE  -  CALDARA ,  peintre , 
né  en  1496 ,  à  Caravaggio ,  bourg  du  Mi- 
lanais ,  d'oii  il  prit  le  nom  de  Caravage^ 
fut  obligé  de  faire  le  métier  de  manœu- 
vre jusqu'à  l'âge  de  18  ans.  Mais  ayant 
été  employé  à  porter  aux  disciples  de  Ra- 
phaël le  mortier  dont  ils  avaient  besoin 
pour  la  peinture  à  fresque ,  il  résolut  de 
s'adonner  entièrement  à  la  peinture.  Les 
élèves  de  Raphaël  le  secondèrent  dans 


4  POL 

son  entreprise.  Ce  grand  peintre  le  prit 
sous  sa  discipline ,  et  Pofidore  fut  même 
celui  qui  eut  le  plus  de  part  à  l'exécution 
des  loges  de  ce  maître.  I(  se  signala  sur- 
tout à  Messine ,  où  il  eut  la  conduite  des 
arcs  de  triomphe  qui  furent  dressés  à 
l'empereur  Cbarles-Quint,  après  son  ex- 
pédition de  Tunis.  Polidore  songeait  à 
revenir  à  Rome,  quand  son  valet  lui 
vola  une  somme  considérabie,qu'il  venait 
de  recevoir ,  et  l'assassina  dans  son  lit , 
en  1643.  La  plus  grande  partie  de  ses 
ouvrages  est  peinte  à  fresque.  Il  a  aussi 
beaucoup  travaille  dans  un  genre  de  pein- 
ture qu'on  appelle  sgra/fitto  ou  manière 
égratignée.  Ce  célèbre  artiste  avait  un 
goût  de  dessin  très  grand  et  correct.  On 
remarque  beaucoup  de  fierté ,  de  no- 
blesse et  d'expression  dans  ses  airs  de  tête. 
Ses  draperies  sont  bien  jetées.  Son  pin- 
ceau est  moelleux.  Ses  paysages  sont  par- 
ticulièrement très  estimés.  Il  a  été  com- 
paré au  célèbre  Jules  Romain  ;  et  si  Po- 
lidore avait  moins  d'enthousiasme,  il 
mettait  plus  d'art  dans  ses  compositions. 
On  a  beaucoup  gravé  d'après  lui.  (Le 
musée  de  Paris  conserve  plusieurs  ta- 
bleaux de  cet  habile  artiste.  ) 

*  POLIER  (  Antoine-Louis-Henri  de  ) , 
colonel  dans  l'Inde  ,  né  à  Lausanne  en 
1741  d'une  famille  noble  de  France, 
réfugiée  et  naturalisée  depuis  long- 
temps en  Suisse  ,  passa  dans  l'Inde  en 
1757  comme  cadet  au  service  de  la  com- 
pagnie anglaise.  Ses  connaissances  en 
*  mathématiques  lui  valurent  bientôt  la 
place  d'ingénieur ,  et  peu  de  temps 
après  celle  d'ingénieur  en  chef.  Mais  cet 
emploi  lui  fut  enlevé  par  suite  d'une  in- 
iuslice  :  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  res- 
ter au  service  de  la  compagnie  ;  mais 
ayant  eu  de  nouveaux  sujets  de  plaintes, 
il  accepta  la  place  d'architecte  et  d'in- 
génieur en  chef  de  Souja-Oul-Doula , 
devenu  l'allié  des  Anglais  ;  il  se  fixa  à 
Feizabad  où  il  étudia  à  fond  la  religion 
et  l'histoire  des  Indous.  En  revenant  en 
Europe  il  rapporta  de  nombreux  manu- 
scrits d'où  l'on  a  tiré  l'ouvrage  intitulé  : 
Mythologie  des  Induits,  Paris,  1809, 
2  vol.  in-8.  11  s'était  fixé  ,  en  1792  , 
dans  une  propriété  qu'il  avait  achetée 


POL 

aux  environs  d'Avignon  :  il  fut  assassiné 
le  9  février  17  9â  par  des  brigands  qui 
dévalisèrent  sa  maison  ;  mais  la  riche 
collection  de  peintures  indiennes  et  de 
manuscrits  orientaux ,  qu'il  avait  formée 
dans  l'Inde  ,  échappa  heureusement  au 
pillage.  Sa  collection  de  peintures  fut 
vendue  à  M.  Beckford,  Anglais.  Ses  ma- 
nuscrits ,  au  nombre  de  42  ,  ont  été  cé- 
dés par  son  fils  à  la  bibliothèque  du  roi  ; 
l'un  des  plus  précieux  ,  celui  des  Insti- 
tutes  de  l'empereur  jikbar ,  avait  été 
remis  par  suite  d'échange  à  M.  Langlès  , 
par  Polier  lui-même  qui  avait  envoyé 
d'autres  manuscrits  ,  contenant  la  copie 
complète  des  Védas  ,  en  1 1  vol.  in-folio, 
à  sir  Joseph  Ranks  ,  pour  être  déposés 
au  Muséum  britannique. 

POLIGNAC  (  Melchior  de  ) ,  cardinal, 
vit  le  jour  au  Puy  en  Velay,  l'an  1661 , 
d'une  des  plus  illustres  maisons  de  Lan- 
guedoc. Six  mois  après  qu'il  fut  venu 
au  monde ,  il  fut  exposé  à  un  grand  mal- 
heur. Il  était  nourri  à  la  campagne.  Sa 
nourrice,  qui  était  fille  ,  et  qu'une  pre- 
mière faute  n'avait  pas  rendue  plus  sage, 
en  fit  une  seconde.  Dans  cet  état ,  qu'elle 
ne  put  long-temps  cacher,  frappée  de 
tout  ce  qu'elle  avait  à  craindre,  elle  s'en- 
fuit vers  la  fin  du  jour,  et  disparut,  après 
avoir  porté  l'enfant  sur  un  fumier ,  où  il 
passa  toute  la  nuit.  Heureusement  c'était 
dans  une  belle  saison;  on  le  trouva  le 
lendemain  ,  sans  qu'il  lui  fût  arrivé  au- 
cun accident.  Le  jeune  Polignac  fut 
amené  de  bonne  heure  à  Paris  par  son 
père,  qui  le  destinait  à  l'état  ecclésias- 
tique. Il  fit  ses  humanités  au  collège  de 
Louis  le  Grand ,  et  sa  philosophie  à  ce- 
lui d'Harcourt.  Aristote  régnait  toujours 
dans  les  écoles.  Polignac  l'éludia  par 
déférence  pour  ses  maîtres  ;  mais  il  se 
livra  en  même  temps  à  la  lecture  de  Des- 
cartes. Instruit  de  ces  deux  philosophie» 
si  différentes,  il  soutint  l'une  et  l'autre 
dans  deux  thèses  publiques,  et  en  deux 
jours  consécutifs ,  et  réunit  les  suffrages 
des  partisans  des  rêveries  anciennes,  et 
de  ceux  des  chimères  modernes.  Les 
thèses  qu'il  soutint  en  Sorbonne,  vers 
l'an  1C83  ,  ne  lui  firent  pas  moins  d'hon- 
neur. Le  cardinal  de  Bouillon ,  enchanté 


POL 

des  agrémens  de  son  esprit  et  de  son  ca- 
ractère, le  prit  avec   lui,  lorsqu'il  se 
rendit  à  Rome  ,  après  la  mort  d'Innocent 
XI.  H  l'employa  uon  seulement  à  l'élec- 
tion du   nouveau  pape,  Alexandre  VIII, 
mais  encore  dans  l' accommodement  qu'on 
traitait  entre  la  France   et  la   cour  de 
Rome.  L'abbé  de  Polignac  eut  occasion 
de  parler  plusieurs  fois  au  pontife  ,  qui 
lui  dit,  dans  une   des  dernières  confé- 
rences :  «    Vous  paraissez  toujours  être 
5)  de  mon  avis ,  et  à  la  fin  c'est  le  vôtre 
))  qui  l'emporte.  «  Les  différends  entre  le 
saint-Siége  et  la  cour  de  France  étant 
heureusement  terminés ,  le  jeune  négo- 
ciateur vint  en  rendre  compte  à  Louis 
XIV.  C'est  à  celte  occasion  que  ce  mo- 
narque dit  de  lui  :  «  Je  viens  d'entretenir 
M  un  homme  et  un  jeune  homme ,  qui 
»  m'a  toujours  contredit  et  qui  m'a  tou- 
»  jours  plu.  uSes  talens  parurent  décidés 
pour  les  négociations.  Le  roi  l'envoya 
ambassadeur  en    Pologne,    en  1693.  Il 
s'agissait  d'empêcher  qu'à  la  mort   de 
Jean  Sobieski ,    près   de    descendre  au 
tombeau ,  un  prince  dévoué  aux  ennemis 
de  la  France  n'obtînt  la  couronne  de  Po- 
logne, et  il  fallait  la  faire  donner  à  un 
de  la  maison  de  France.  Le  prince  de 
Conti  fut  élu  par  ses  soins,  en  1696; 
mais   diverses   circonstances   ayant  re- 
tardé l'arrivée  de  ce  prince  en  Pologne  , 
il  trouva  tout  changé  lorsqu'il  parut,  et 
fut  obligé  de  s'embarquer  à  Dantzick. 
L'abbé  de  Polignac,  contraint  de  se  re- 
tirer, fut  exilé  dans  son  abbaye  de  Bon- 
Port.  Après  y  avoir  fait  un  séjour  de  3 
ans,  uniquement  occupé  des  belles-let- 
tres ,  des  sciences  et  de  l'histoire ,  il  re- 
parut à  la  cour  avec  plus  d'éclat  que  ja- 
mais (  n02  ).  Il  fut  envoyé  à  Rome,  en 
qualité  d'auditeur  de  rote  (  1706  ),  et 
il  n'y  plut  pas  moins  à  Clément  XI,  qu'il 
avait  plu  à  Alexandre  VIII.  De  retour  en 
France,  en  1709,  il  fut  nommé  pléni- 
potentiaire, avec  le  maréchal  d'Uxelles, 
pour  les  conférences  de  la  paix ,  ouvertes 
à  Gertruidemberg  (  1710  ).  Ces  deux  né- 
gociateurs en  auraient  fait  une  avanta- 
geuse, si  elle  avait  été  possible.  La  fran- 
chise du  maréchal  était  tempérée  par  la 
douceur   et  la  dextérité  de  l'abbé,  le 


POL  S 

premier  homme  de  son  siècle  dans  l' art 
de  négocier  et  de  bien  dire.  Tout  l'art 
des  négociateurs  fut  inutile  :  les  alliés  , 
les  Hollandais  surtout,  se  souvenaient 
des  hauteurs  et  des  prétentions  exorbi- 
tantes de  Louis  XIV  ;  ils  usèrent  de  re- 
présailles ,  et  prescrivirent  au  monarque 
vaincu  des  conditions  trop  dures.  L'abbé 
de  Polignac  fut  plus  heureux  au  congrès 
d'Utrecht,  en  1712;  mais  les  plénipo- 
tentiaires de  Hollande  s'apercevantqu'on 
leur  cachait  quelques-unes  des  condi- 
tions du  traité  de  paix,  déclarèrent  aux 
ministres  du  roi  qu'ils  pouvaient  se  pré- 
parer à  sortir  de  leur  pays.  L'abbé  ,  qui 
n'avait  pas  oublié  le  ton  avec  lequel  ils 
lui  avaient  parlé  aux  conférences  de 
Gertruidemberg  ,  leur  dit  :  »  Non,  mes- 
■»  sieurs  ,  nous  ne  sortirons  pas  d'ici  ; 
j<  nous  traiterons  chez  vous,  et  nous 
i>  traiterons  de  vous ,  et  nous  traiterons 
"  sans  vous.  »  Ce  fut  la  même  année 
1712,  qu'il  obtint  le  chapeau  de  cardi- 
nal ,  qui  fut  accompagné,  l'année  d'après, 
de  la  charge  de  maître  de  la  chapelle  du 
roi.  Après  la  mort  de  Louis  XIV ,  il  se 
lia  avec  les  ennemis  du  duc  d'Orléans, 
et  ces  liaisons  lui  valurent  une  disgrâce 
éclatante.  Il  fut  exilé ,  en  17 1 8 ,  dans  son 
abbaye  d'Anchin  ,  d'où  il  ne  fut  rappelé 
qu'en  1721.  Innocent  XIII  étant  mort, 
en  1724,  le  cardinal  de  Polignac  se  ren- 
dit à  Rome ,  pour  l'élection  de  Benoît 
XIII,  et  y  demeura  8  ans,  chargé  des 
affaires  de  France.  Nommé  à  l'archevê- 
ché d'Auch  ,  en  1726  ,  et  à  une  place  de 
commandeur  de  l'ordre  du  Saint-Esprit , 
en  17  32,  il  reparut  cette  année  en  France, 
et  y  fut  reçu  comme  un  grand  homme. 
Il  mourut  à  Paris,  en  17  41,  à  80  ans, 
avec  une  réputation  immortelle.  Le  car- 
dinal de  Polignac  était  un  de  ces  esprits 
vastes  et  lumineux ,  qui  embrassent  tout, 
et  qui  saisissent  tout.  Les  sciences  et  les 
arts,  les  savans  et  les  artistes  lui  étaient 
chers.  Sa  conversation  était  douce ,  amu- 
sante et  infiniment  instructive,  comme 
on  peut  le  juger  par  tout  ce  qu'il  avait 
vu  dans  le  monde  et  les  différentes  cours 
de  l'Europe.  Le  son  de  sa  voix ,  et  la 
grâce  avec  laquelle  il  parlait  et  pronon- 
çait ,  achevaient  de  mettre  dans  son  en- 


6  POL 

tretien  une  espèce  de  charme  qui  allait 
presque  jusqu'à  la  séduction.  L'univer- 
salité de  ses  connaissances  s'y  montrait, 
mais  sans  dessein  ni  de  briller  ni  de  faire 
sentir  sa  supériorité.  Il  était  plein  d'é- 
gards et  de  politesse  pour  ceux  qui  l'é- 
coutaient  ;  et  s'il  aimait  à  se  faire  écouter, 
on  se  plaisait  encore  plus  à  l'entendre. 
Sa  mémoire  ne  le  laissa  jamais  hésiter 
sur  un  mot ,  sur  un  nom  propre  ou  sur 
une  date,  sur  un  passage  d'auteur  ou 
sur  un  fait ,  quelque  éloigné  ou  détourné 
qu'il  pût  être  ;  elle  le  servait  constam- 
ment ,  et  avec  tout  l'ordre  que  la  médi- 
tation peut  mettre  dans  le  discours.  Quoi- 
que le  cardinal  de  Polignac  aimât  les 
bons  mots ,  et  qu'il  en  dit  souvent ,  il  ne 
pouvait  souffrir  la  médisance.  Un  sei- 
gneur étranger ,  attaché  au  service  d'An- 
gleterre ,  et  qui  vivait  à  Borne  sous  la 
protection  de  la  France ,  eut  un  jour 
l'imprudence  de  tenir  à  sa  table  des  pro- 
pos peu  mesurés  sur  la  religion  et  sur  la 
personne  du  roi  Jacques.  Le  cardinal  lui 
dit,  avec  un  sérieux  mêlé  de  douceur  : 
H  J'ai  ordre  ,  monsieur  ,  de  protéger 
»  votre  personne ,  mais  non  pas  vos  diss 
»  cours,  u  Nous  avons  de  lui  un  poème 
sous  ce  titre  :  Anti-Lucretius ,  seu  de 
Deo  et  natura,  libri  IX,  publié  en 
1747,  iu-8  et  in-12,  par  M.  l'abbé  de 
Bothelin  ;  traduit  en  italien  par  le  Père 
Ricci,  bénédictin ,  Vérone  ,  1 767,  3  vol. 
in-4,  et  élégamment  en  français  par  Bou- 
gainville,  2  vol.  in-8.  «  Ouvrage  »  (  pour 
parler  avec  ce  dernier  )  «  qui  a  hié  tous 
»  les  suffrages  et  vaincu  tous  les  obstacles 
X  que  lui  opposait  un  siècle  oii  la  langne 
»  de  l'ancienne  Rome  est  peu  cultivée , 
M  oii  l'irréligion  triomphe  ,  où  l'abus  de 
)>  l'esprit  est  appelé  raison ,  où  les  bons 
»  mots  sont  devenus  des  décisions  ,  et 
»  les  paradoxes  des  principes.  »  L'objet 
de  cet  ouvrage  est  de  réfuter  Lucrèce , 
et  de  déterminer ,  contre  ce  précepteur 
du  crime  et  ce  destructeur  de  la  Divinité, 
en  quoi  consiste  le  souverain  bien ,  quelle 
est  la  nature  de  l'âme  ,  ce  que  l'on  doit 
penser  des  atomes ,  du  mouvement ,  du 
vide.  L'auteur  en  conçut  le  plan  en  Hol- 
lande, oii  il  s'était  arrêté  à  son  retour 
de  Pologne.  Le   fameux  Bayle  y  était 


POL 

alors;  l'abbé  de  Polignac  le  vit  (1),  et 
en  admirant  son  esprit ,  il  résolut  de  ré- 
futer ses  erreurs.  Il  commença  à  y  tra- 
vailler durant  son  premier  exil ,  et  il  ne 
cessa  depuis  d'ajouter  de  nouveaux  orne- 
mens  à  ce  vaste  et  brillant  édifice.  On 
ne  saurait  trop  s'étonner  qu'au  milieu  des 
dissipations  du  monde  et  des  épines  des 
affaires ,  il  ait  pu  mettre  la  dernière  main 
à  un  si  long  ouvrage  en  vers,  écrit  dans 
une  langue  étrangère ,  lui  qui  avait  à 
peine  fait  quatre  bons  vers  dans  sa  propre 
langue.  Il  est  étonnant  qu'il  ait  pu  ex- 
primer d'une  manière  si  claire  ,  si  natu- 
relle et  si  aisée  ,  des  phénomènes  ou  des 
systèmes  hérissés  de  détails  qui ,  en  prose 
même ,  ne  sont  pas  sans  obscurité.  Ceux 
qui  ont  trouvé  ces  détails  peu  agréables, 
et  qui  par- là  ont  tâché  de  mettre  l'au- 
teur au  dessous  de  Lucrèce ,  auraient  dû 
nous  prouver  que  lorsque  celui-là  nous 
parle  de  ces  atomes  et  de  leurs  proprié- 
tés, il  est  plus  coulant  et  plus  harmo- 
nieux que  son  adversaire ,  en  expliquant 
la  règle  de  Kepler ,  les  progressions ,  sta- 
tions, rétrogradations  des  planètes,  etc. 
Si  on  veut  mettre  de  côté  le  préjugé  qui 
parle  en  faveur  des  anciens,  on  trou- 
vera qu'avec  l'aisance  et  la  facilité  de 
Lucrèce ,  il  n'a  ni  sa  négligence ,  ni  son  | 
incorrection  (  royez  lucrèce  ),  et  qu'on  1 
ne  doit  attribuer  qu'à  sa  modestie  ce 
qu'il  dit  de  son  ouvrage  :  Eloquio  victi, 
re  vincimus  ipsa.  «  A  l'égard  de  la  phy- 
)i  sique  de  ce  poème ,  dit  Voltaire ,  il 
»  me  Iparaît  que  l'auteur  a  perdu  beau- 
»  coup  de  temps  et  de  vers  à  réfuter  la 
»  déclinaison  des  atomes ,  et  les  autres 
»  absurdités  dont  le  poème  de  Lucrèce 
}>  fourmille  ;  c'est  employer  de  l'artillerie 
»  pour  détruire  une  chaumière.  »  Vol-  ' 
taire  ne  songeait  pas  que ,  dans  ce  siècle, 
des  absurdités  aussi  révoltantes  que  celles 
de  Lucrèce  avaient  eu  plus  d'un  défen- 
seur. Témoin  le  Système  de  la  Nature , 
qui  n'est  qu'une  paraphrase  de  celui  de 
Lucrèce.  Il  n'est  donc  point  du  tout  inu-. 

^i)  Dans  une  coDTenation  avec  le  IlnHandait.  l'abbé  de 
Polifinac  lui  ayant  demandé  s'il  était  rérUemHiit  protestant: 
Oui,  monsieur,  répondit  Bavie,  et  ai  bien  proteslani,  que 
je  protrste  contre  tout  ce  qui  te  dit  et  ce  qui  se  fait.  Ou 
prétend  que  c'est  à  cette  réponse  Irèt  frappanle  ,  surtout 
d*D>  1«  bouche  de  BajrU,  que  noua  devouirAuti-Lucrèce. 


POL 

tile  de  foudroyer  ces  extravagances ,  et 
on  peut  dire  que  Polignac  l'a  fait  supé- 
rieurement. Sans  blesser  la  modestie ,  il 
chante  lui-même  son  triomphe  ,  c'est-à- 
dire  celui  de  la  religion  et  de  la  raison. 
Nous  citerons  ce  morceau  ,  capable  seul 
d'embarrasser  étrangement  ceux  qui  osent 
lui  préférer  le  poème  de  Lucrèce  ,  pour 
les  expressions ,  les  idées  et  les  images  . 

Nuiiiine  calcato  sed  nuim  spoliisque  saperbus  , 
Quam  plenis  cantabat  oïaos  sua  sernina  buccis! 
Quam  tumide  Diagni  relebrabat  Inanis  hoDorem 
Jamque  immortale^  Epicuri  ad  leinpla  ferebat 
£tu«ias,  «iridi  redîmitus  teinpora  lauio 
Viclor ,  ob  ereplum  Superis  et  Manibus  orbem  , 
Atque  incantatas  praclaro  carminé  gcntes. 
MoMla  sequebatur  iuaiiibu«  posl  terga  ret iuctis 
Relligio,  slipata  choro  lugente  priorum  : 
VictUna  sarnlrgum  cultro  mactanda  profane. 
Xum  sailli  alque  joris  pubes  iiisana  niicare , 
Spargere  purpureos  flores  myrtumque  Tirentem  ; 
Nec  deerant ,  Veneris  lectissima  lurba  ,  puellae, 
Quee  calatbis  ferrent  uias  et  Adouidis  hortos. 
Jam  duce  tu  gradiens  Katione  ,  quid  ille  creparei 
VidUtI  :  fragiles  nugas  et  >ana  Iropsa  , 
?Jon  sine  despeelu  quodam  tacitoque  pudore 
Miratus  tenues  dilabi  prorsus  in  auras  : 
Nec  persouatte  sieteruut  meudacia  Mus». 

On  a  encore  blâmé  l'auteur  d'avoir  com- 
battu les  idées  de  Newton ,  pour  mettre 
à  leur  place  les  rêveries  de  Descartes  ;  il 
est  vrai  qu'il  eût  mieux  fait  de  s'en  tenir 
à  des  notions  sûres  et  avouées ,  et  de 
n'adopter  aucun  système  :  celui  de  Des- 
cartes ne  se  soutient  plus  nulle  part ,  au 
moins  dans  sa  totalité,  et  celui  de  New- 
ton reçoit  tous  les  jours  de  grandes  at- 
teintes (  voy.  son  article  ).  Mais  il  est  si 
difficile  de  n'avoir  pas  quelque  prédilec- 
tion pour  certaines  opinions  que  la  vo- 
gue et  le  nationalisme  ont  en  quelque 
sorte  consacrées,  qu'on  ne  doit  pas  ju- 
ger sévèrement  l'illustre  auteur  à  cet 
égard.  D'ailleurs,  la  réflexion  principale, 
et  en  quelque  sorte  générale ,  qu'il  op- 
pose aux  hypothèses  de  Newton ,  savoir 
qu'une  chose  n^est  pas  démontrée  pour 
être  exactement  calculée,  et  que  le  faux 
peut  être  supputé  comme  le  vrai ,  reste 
toujours  incontestable ,  indépendam- 
ment de  tout  ce  que  l'auteur  raisonne 
sur  les  systèmes  Sa  Fie,  par  le  Père 
Fauchet,  Paris,  1777  ,  2  vol.  in-12  ,  est 
prolixe,  et  assez  faiblement  écrite ,  mais 
exacte ,  pleine  de  faits  intéressans  et  de 
bonnes  observations.  (  Voltaire  lui-même 


POL  7 

a  prodigué  ses  éloges  k  Polignac  ;  et , 
dans  le  Temple  du  goût,  il  l'appelle  le 
Cardinal  oracle  de  la  France  ...  Réunis- 
sant Virgile  avec  Platon  ,  vengeur  du 
ciel  et  vengeur  de  Lucrèce,  Polignac 
aimait  les  antiquités ,  et  il  coopéra  à  la 
découverte  de  la  maison  de  campagne 
de  Marius ,  près  de  Frasenti  ;  on  y  trou- 
va entre  autres  un  magnifique  salon, 
orné  de  statues  et  de  superbes  peintures. 
Il  aida  aussi  à  la  découverte  du  palais  des 
Césars,  sur  le  Mont -Palatin.  Il  aurait  dé- 
siré qu'on  détournât  le  cours  du  Tibre, 
dans  certains  endroits,  pour  en  retirer 
les  statues  et  les  trophées  qu'on  y  avait 
jetés  dans  les  temps  des  factions.  (Les  hon- 
neurs littéraires  s'étaient  accumulés  sur 
sa  tête  ;  après  avoir  remplacé  Bossuet  à 
l'académie  française  en  1704 ,  il  fut  nom- 
mé membre  de  l'académie  des  Sciences  en 
1717.  Son  Eloge  a  été  composé  par  M. 
de  Boze,  et  inséré  dans  le  Recueil  de  l'a- 
cadémie des  Inscripitions  -.  M.  de  Mairan 
l'a  fait  aussi  dans  l'académie  des  Sciences. 
POLIN(  Le  capitaine  ).  Foye%  Gabde 
(La).  , 

P0LIN1ERE(  Pierre), physicien,  né 
à  Coulonce,  près  de  Yire,  en  1671  ,  fit 
son  cours  de  philosophie  au  collège 
d'Harcourt  à  Paris ,  et  reçut  le  bonnet  de 
docteur  en  médecine.  Un  attrait  puis- 
sant l'entraîuait  à  l'étude  des  mathémati- 
ques ,  de  la  physique ,  de  l'histoire  natu- 
relle ,  de  la  géographie  et  delà  chimie.  Il 
fut  choisi  le  premier  pour  démontrer  les 
expériences  de  physique  dans  les  collèges 
ile  Paris,  et  il  en  fit  un  cours  en  présence 
du  roi.  Il  mourut  subitement  dans  sa 
maison  de  campagne  à  Coulonce,  en  1 734, 
à  6.3  ans.  Polinière  était  un  homme  ap- 
pliqué ,  qui  ne  connaissait  queses  machi- 
nes et  ses  livres.  Il  cherchait  plus,  dans 
l'explication  de  ses  expériences,  la  clarté 
que  l'élégance  :  car  quoique  des  physi- 
ciens distingués  vinssent  profiter  de  ses 
leçons ,  il  n'oubliait  point  qu'elles  étaient 
destinées  pour  des  écoliers.  Ses  ouvrages 
sont  :  1"  des  Elémens  de  mathémati- 
ques ,  peu  consultés  ;  2°  un  Traité  de. 
physique  expérimentale ,  qui  a  eu  beau- 
coup de  vogue  avant  les  Leçons  de  l'ab- 
bé NoUet.  Il  est  intitulé  Expérience  dç 


8  POL 

physique.  La  dernière  édition  est  de  1 7  4  i , 
2  vol.  in-12. 

POLIPHILE.  Foyez  Colosnk. 

*  POLITl  (Alexandre) ,  clerc  régulier 
des  écoles  pies,  et  l'un  des  savans  les 
plus  distingués  que  produisit  cet  ordre, 
naquit  à  Florence  le  10  juillet  1679,  et 
y  prit  l'habit  de  clerc  régulier  le  6  fé- 
vrier 1696,  n'ayant  pas  encore  16  ans 
accomplis.  Il  avait  fait  ses  humanités 
chez  les  jésuites  d'une  manière  brillante. 
Il  donna  dès  son  noviciat  des  preuves  de 
ce  qu'il  deviendrait  un  jour,  en  rédi- 
geant des  notes  savantes  et  judicieuses 
sur  d'anciens  auteurs.  Il  en  fit  présenter 
le  recueil  à  son  provincial,  lequel,  char- 
mé d'un  si  beau  talent,  protégea  depuis 
avec  une  bienveillance  singulière  le  jeu- 
ne religieux  qui  donnait  de  telles  espé- 
rances. Il  fit  sa  philosophie  et  sa  théo- 
logie ,  partie  à  Florence,  et  partie  à 
Borne,  et  y  fournit  avec  éclat  cette 
double  carrière.  Le  chapitre  général  était 
assemblé  dans  celle  dernière  ville,  en 
1700,  lorsque  Politi  terminait  ses  cours; 
il  y  soutint  des  thèses  publiques,  oîi  il  fit 
admirer  son  savoir.  De  retour  en  Toscane, 
il  enseigna  successivement  la  rhétorique 
et  la  philosophie  à  Florence ,  puis  la  théo- 
logie à  Gênes  pendant  près  de  20  ans,  et 
enfin  les  belles-lettres  et  l'éloquence  dans 
l'université  de  Pise ,  qui  crut  ne  pouvoir 
donner  au  fameux  Benoît  Averani,  pro- 
fesseur de  belles-lettres,  un  successeur 
plus  digne  de  le  remplacer.  Frappé  d'apo- 
plexie le  18  juillet  1752,  il  expira  le  23  à 
l'âge  de  7  3  ans  et  quelques  jours.  Il  a  laissé 
un  grand  nombre  d'ouvrages,  dont  hs 
principaux  :  sont  i°  Philnsnphia peripale- 
tica ,  ex  mente  sancti  Thnmœ  Aquina-^ 
Us,  Florence,  in-12;  2°  Selecta  chris- 
tianœ  thenlngiœ  capita ,  ibid. ,  in-4  ;  3" 
De  patria  in  cnndendis  tettamenfis po- 
iestate,  Florence,  1712,  in-12.  On  en 
trouve  un  bon  extrait  dans  le  Giornale 
de*  letterati  d'Italia,  tome  10,  art.  9,  p. 
447  etsuiv.  A" Spécimen Eustathii nunc 
primum  latine  versi.  C'est  un  essai  et 
comme  un  prélude  sur  le  grand  ouvrage 
qui  suit.  5°  Cnmmentaria  in  Iliadem  Ho- 
meri.  Ces  commentaires  d'Eustathe,  évê- 
que  de  Thessaloaique ,  au    12*   siècle, 


POL 

n'existaient  qu'en  grec.  Le  Père  Politi , 
aidé  du  Père  Salvini ,  les  traduisit  en  la< 
tin  pour  la  première  fois,  et  les  enrichit 
dénotes  savantes.  L'ouvrage  est  en  3  vol. 
in-fol. ,  dont  le  premier,  dédié  au  grand- 
duc  Jean  Gaston ,  parut  en  17  30  ;  le  deu- 
xième, dédié  au  pape  Clément  XII,  eu 
1732,  et  le  troisième,  dédié  à  Louis  XV 
en  1735.  Il  devait  en  paraître  un  qua- 
trième, et  on  commençait  à  l'imprimer 
lorsque  le  Père  Polili  mourut.  (  Foyez 
EusTATHE.  )  Cet  ouvrage  est  le  plus  con- 
sidérable de  ceux  du  Père  Politi.  6°  Fila 
délia  serva  di  Dio  suor  Maria  Ange  la 
Gini,  Florence  ,  in-4;  1° Martyrologium 
romanum  castigatum  ac  commentarUs 
illustratum,  Florence,  1751  ,in-foI.;  8" 
des  Harangues  ,  des  Pane'gyriquef,  et 
d'autres  Opuscules,  etc.  On  trouve  dans  la 
Storia  letteraria  d'Italia,  tome  G,  pag. 
733,  une  bonne  iVo//ce  sur  lePère Politi, 
avec  une  exacte  nomenclature  de  ses  ou- 
vrages ,  trop  nombreux  pour  être  tous 
rappelés  ici. 
.  POLITI.  Foyez  Catharinus. 
POLITIEN  ou  PoLiziANo  (  Ange  }, 
naquit  à  Monte-Pulciano  en  Toscane  l'an 
1454.  C'est  du  nom  de  cette  ville,  appe- 
lée en  latin  Mons  Politianus ,  qu'il  for- 
ma le  sien;  car  il  s'appelait  auparavant 
Cino  ou  Cini,  abréviation  d'Ambrngini. 
Andronic  de  Thessaloniqne  fut  son  mai  - 
tre  ,  et  le  disciple  valut  bientôt  plus  que 
lui.  Un  poème ,  dans  lequel  il  célébra 
unejoûtc  dont  Laurent  et  Julien  de  Mé- 
dicis  donnaient  le  spectacle  au  peuple, 
le  fit  connaître  avantageusement  de  ces 
illustres  protecteurs  des  lettres.  Ils  lui  fi- 
rent obtenir  un  canonicat  à  Florence,  et 
Laurent  le  chargea  ensuite  de  l'éducation 
de  ses  enfans,  entre  autres  de  Jean  deMé- 
dicis,  depuis  pape  sous  le  nom  de  Léon 
X.  Picde  laMirandole,  qui  était  alors  à 
Florence,  lui  donna  une  place  dans  son 
cœur,  et  l'associa  aux  travaux  de  son  es- 
prit. Les  talens  de  Politien  lui  méritèrent 
la  chaire  de  professeur  des  langues  latine 
et  grecque.  On  lui  envoya  des  disciples  de 
toutes  les  parties  de  l'Europe.  Ses  succès 
le  rendirent  altier  et  querelleur.  Il  eut 
des  disputes  fort  vives  avec  plusieurs  sa- 
vans ,  entre  autres  avec  Mérula ,   qu'il 


POL 

avait  attaqué  mal  à  propos,  et  qui  eut  la 
générosité  de  ne  pas  publier  une  satire 
très  piquantequ'ii  avait  faite  en  réponse. 
Polilieu  mourut  en  1494.  Sa  mort  est 
rapportée  différemment.  On  prétendit 
qu'il  s'était  cassé  la  tête  contre  une  mu- 
rai le,  désespéré  de  n'avoir  pu  gagner  le 
cœur  d'une  dame  qu'il  aimait.  Paul-Jove, 
Scaliger  et  d'autres,  ont  adopté  ce  récit. 
Varillas,  dans  st%  Anecdotes  de  Florence, 
lui  est  encore  moins  favorable,  et  donne 
une  autre  cause  plus  infâme  de  sa  mort. 
Ce  n'a  pas  été  assez  d'attaquer  ses  mœurs, 
on  a  écrit  qu'il  disait  «  qu'il  n'avait  lu 
')  qu'une  seule  fois  l'Ecriture  sainte,  et  se 
w  repentait  d'avoir  si  mal  employé  son 
»  temps.  »  Propos  d'un  homme  qui,  mê- 
me en  fait  de  littérature  et  de  sciences, 
n'aurait  ni  goût  ni  sentiment ,  puisqu'il 
est  de  fait  que  ce  livre  contient  de  gran- 
des beautés  et  de  grandes  lumières ,  in- 
dépendamment de  l'inspiration  (1).  Ces 
diverses  imputations  ont  été  niées  par 
les  défenseurs  de  sa  mémoire ,  ainsi  que 
dans  sa  Fie,  publiée  par  Mencke  en  1736, 
in-4.  Si  elles  sont  fausses,  elles  prouvent 
que  Politien  avait  beaucoup  d'ennemis  ; 
et  on  ne  doit  pas  cacher  qu'il  les  dut 
moins  à  ses  talens  qu'à  son  caractère  cau- 
stique. Parmi  ses  ouvrages,  on  compte: 
1°  l'Histoire  latine  de  la  conjuration 
des  Pazzi ,  écrite  avec  plus  d'élégance 
que  de  vérité;  2°  une  Traduction  latine 
d'  He'rodien ,  qu'il  entreprit  par  ordre  du 
pape  :  elle  est  aussi  pure  que  fidèle  ;  3° 
un  livre  A'Epigrammes  grecques  ;  4"  la 
Traduction  latine  de  plusieurs  poètes  et 
historiens  grecs;  5°  deuxViwes à' Fpîtres 
latines;  G"  quelques  petits  Traites  de 
philosophie ,  superficiels;  7"  un  Traite' 
de  la  colère;  8°  quatre  Poèmes  bucoli- 
ques, et  d'autres  ouvrages  latins.  Sa  dic- 
tion est  pleine  de  douceur  et  de  facilité. 
9°  Canzoni  a  Ballo  con  quelle  diLorenzo 
Medici,  Florence,  1568,  in-4;  1537, 
in-1 2  ;  n  59 ,  in-8 ,  et  d'autres  ouvrages 

li;  On  peut  consulter  >nr  reiujct  une  excellente  D!sser 
talion  de  M.  Ancillon ,  en  riponse  à  la  qucsiion  :  Queit 
sont,  outre  t'impiration  ,  Ut  earaelirei  ijui  asiarent  aux 
lÀtret  laiiiU  la  tupérioriU  tur  lea  livret  prirfanes.  Fnjezle 

Journ.  hitt.  et  Un.,  i5   juillet  et    i"  août   1785 An. 

I?uou,  Datid,  HiBAccc,  Istie,  Joi,  Loin,  Lcc,  Moïse, 
p4Ci,  elc. 

XI. 


POL  9 

en  italien.  Le  recueil  desOEuvresàefo- 
litien  ,  Bologne  ,  1 494 ,  in-4  ;  et  Venise , 
1498 ,  in-fol. ,  est  au  nombre  des  livres 
rares,  ainsi  que  l'édition  que  Gryphe  en 
donna  en  1 550  ,  en  3  vol.  in-8.  Cette  col- 
lection fut  réimprimée  à  Bâle  en  1553, 
in-fol.,  avec  des  augmentations. 

POLLIO.  Voyez  Trkbellius. 

POLLION.  Voyez  Asinius. 

POLLION  (  Védius)  engraissait  des 
lamproies  de  sang  humain.  Auguste  sou- 
pant  un  jour  chez  lui ,  un  de  ses  esclaves 
brisa  un  verre  de  cristal.  Védius  le  fit 
prendre  sur-le-champ,  et  donna  ordre 
qu'on  le  jetât  dans  un  grand  réservoir ,  à 
la  merci  des  lamproies  :  genre  de  mort 
dont  il  firisàit  punir  ses  gens  lorsqu'ils, 
tombaient  dans  quelque  faute.  Le  jeune 
esclave  s'échappa ,  et  courut  se  jeter  aux 
pieds  d'Auguste ,  le  suppliant  d'empêcher 
qu'il  ne  devînt  la  proie  des  poissons. 
L'empereur  fit  relâcher  l'esclave,  briser 
en  sa  présence  tous  les  verres  de  cristal, 
et  en  fit  remplir  le  réservoir.  Il  est  con- 
stant cependant  que  cette  inhumanité 
était  assez  commune  chez  les  Romains, 
surtout  à  l'égard  des  vieux  esclaves  dont 
on  ne  tirait  plus  de  service. 

POLLUX  (Julius),  grammairien  de 
Naucrate  en  Egypte ,  né  vers  l'an  180 
de  J.  C. ,  fut  élève  d'Adrien  de  Tyr  à 
Rome  ,  puis  instituteur  du  jeune  Com- 
mode. Il  devint  ensuite  professeur  de 
rhétorique  à  Athènes,  oii  il  mourut  à  l'âge 
de  58  ans.  Suidas  nous  a  transmis  les  ti- 
tres de  ses  ouvrages.  On  a  de  lui  un  Ono~ 
masticon ,  ou  dictionnaire  grec  ,  en  1 0 
livres,  Venise,  1502  ,  et  Florence,  1520, 
in-fol.  La  meilleure  édition  est  celle 
d'Amsterdam,  en  1706  ,  2  vol.  in-fol.  , 
en  grec  et  en  latin  ,  avec  des  notes  de 
Jungerman  et  de  divers  autres  savans. 

POLTROT  DE  MÉRÉ  [  Jean  ) ,  gentil- 
homme de  l'Angoumois  ,  né  vers  1525, 
passa  sa  jeunesse  en  Espagne  ,  où  il  avait 
suivi  le  baron  d'Aubeterre.  De  retour 
dans  son  pays,  il  embrassa  la  religion 
protestante ,  et  devint  un  de  ses  plus  fa- 
natiques partisans.  Irrité  des  succès  du 
duc  de  Guise ,  il  prit  la  résolution  de  le 
tuer.  Pendant  que  ce  prince  assiégeait 
Orléans  en  .1563 ,  Poltrot  épia  fé  moment 

0. 


lo  POL 

où  il  était  peu  accompagné ,  et  lui  tira  un 
coup  de  pistolet ,  dont  il  mourut  6  jours 
après.  Ayant  été  arrêté,  il  avoua  à  la 
question  «.  Qu'il  avait  été  attiré  et  in- 
»  duit  à  cela  par  la  persuasion  du  minis- 
j>  trc  Théodore  de  Bèze ,  lequel  lui  avait 
»  persuadé  qu'il  serait  le  plus  heureux 
»  de  ce  monde ,  s'il  voulait  exécuter  cette 
»  entreprise,  parce  qu'il  ôterait  de  ce 
»  monde  un  tyran  ennemi  juré  du  saint 
»  Evangile,  pour  lequel  acte  il  aurait 
j>  paradis ,  et  s'en  irait  avec  les  bienheu- 
»  reux,  s'il  mourait  pour  une  si  juste 
j)  querelle.  »  Le  ciel  pour  prix  d'un  par- 
ricide !  Telle  est  la  morale  horrible  que 
les  sectaires  de  tous  les  temps  ont  appe- 
lée au  secours  de  leurs  erreui:».  Ce  scélé- 
rat fut  condamné  par  arrêt  du  parlement 
à  être  déchiré  avec  des  tenailles  arden- 
tes, tiré  à  quatre  chevaux,  et  écartelé. 
f^oyez  François  de  LorraiiSE. 

POLUS,  PoLK  ou  Pool  (Renaud), 
cardinal  et  archevêque  de  Cantorbéry,  né 
en  1 500,  à  Stowerton-Castle  dans  le  comté 
de  Stafford ,  était  proche  parent  des  rois 
Henri  \II  et  Edouard  IV.  Il  fut  élevé  dans 
l'uni versité  d'Oxford ,  et  parcourut  ensuite 
lesplus  célèbres  académiesdel'Europe. Sa 
probité,  son  érudition ,  sa  modestie  et  son 
désintéressement  lui  iirentdes  amis  illus- 
tres, entre  autres  Bembo  et  Sadolet,qui 
le  regardaient  comme  un  des  hommes 
les  plus  éloquens  de  son  siècle.  Henri 
VIII ,  qui  faisait  beaucoup  de  cas  de  ses 
talens  ,  eut  pour  lui  une  amitié  et  une 
estime  distinguées.  Mais  Polus  n'ayant 
pas  voulu  flatter  sa  passion  pour  Anne  de 
Ëoulen ,  et  ayant  écrit  contre  son  chan- 
gement de  religion ,  ce  prince  mit  sa 
tète  à  prix.  Le  pape  Paul  III,  qui  l'avait 
fait  cardinal  en  1636  ,  lui  donna  des  gar- 
des. Après  la  mort  de  ce  pontife ,  il  eut 
beaucoup  de  voix  pour  lui  succéder  ;  il 
fut  exclu  par  la  brigue  des  vieux  cardi- 
naux ,  sans  que  cette  exclusion  lui  causât 
des  regrets.  Après  avoir  été  employé  dans 
diverses  légations ,  et  avoir  présidé  au 
concile  de  Trente,  il  retourna  en  Angle- 
terre sou»  le  règne  de  la  reine  Marie.  Cette 
princesse  le  lit  archevêque  de  Cantorbéry 
et  président  du  conseil  royal.  L'empe- 
reur Charles-Quint  s'était  opposé  à  son 


POL 

retour  en  Angleterre,  craignant  qu'il  ne 
s'opposât  lui-même  au  mariage  de  son  fils 
Philippe.  Mais  il  ne  s'occupa  qu'à  ramener 
les  protestans  dans  le  sein  de  l'Église, à 
remettre  le  calme  dans  l'état ,  et  à  rendre 
la  liberté  h  ceux  qui  étaient  opprimés.  En- 
nemi des  violences  dans  les  affaires  de  reli- 
gion ,  il  n'employa  jamais  que  la  patience 
et  la  douceur.  Sa  mort,  coup  fatal  et  pour 
la  relig^n  et  pour  le  royaume ,  arriva  à 
Londres,  le  25  novembre  1658.  Tous  les 
auteurs,  même  les  protestans,  donnent  de 
grands  éloges  à  son  esprit,  à  son  savoir ,  à 
sa  prudence,  à  sa  modération ,  à  son  désin- 
téressement et  à  sa  charité.  On  lui  avait  ap 
pris,  peu  auparavant,  la  mort  de  la  reine  : 
il  en  fut  tellement  touché,  qu'il  demanda 
son  crucifix,  l'embrassa  dévotement  et  s'é- 
cria :  Domine,  salira  nos, peiimus ;  Sal- 
vator  mundi ,  salva  Ecclesiam  tuam.  A 
peine  eut-il  prononcé  ces  paroles  ,  qu'il 
tomba  dans  l'agonie,  et  mourut  1 5  heures 
après,  âgé  de  58  ans',  avec  la  réputation 
d'avoir  été  un  des  plusillustresprélats  que 
l'Angleterre  eût  produits.  Son  corps  fut 
porté  à  Cantorbéry,  et  mis  dans  la  chapelle 
de  Saint-Thomas ,  qu'il  avait  fait  bâtir , 
avec  cette  simple  épitaphe  :  Depositum 
cardinaUs  Poli.  On  a  de  lui  plusieurs 
Traités  -.  1°  celui  De  unitate  ecclesias- 
tica ,  Rome ,  infol.  ;  2" De  o/jlcio  et po-  I 
iestate  summi pontifiais ,  Louvain ,  1 569,  ' 
in-fol.  ;  3"  De  concilio  iridenlino  ;  4  °  un 
Recueil  des  statuts ,  qu'il  fit  étant  légat 
en  Angleterre  ;  5  une  Lettre  à  Crammer 
sur  la  présence  réelle  ;  6  un  Discours 
contre  les  faux  évangéliques ,  adressé  à 
Charles-Quint  ;  7  plusieurs  Lettres ,  Bres- 
cia,  1744  et  1748,  4  vol.  in-4  ,  pour  ra- 
mener dans  le  sein  de  l'Eglise  ceux  qui 
s'en  étaient  séparés.  Ces  ouvrages  sont 
savans  ;  mais  le  stile  n'en  est  ni  pur  ni 
élégant.  Sa  P^ie  a  été  écrite  en  italien 
par  Beccatelli,  archevêque  de  Raguse,  et 
elle  a  été  traduite  en  latin  par  André  Du- 
dith  ;  ils  étaient  l'un  et  l'autre  secrétai- 
res de  cet  illustre  prélat.  Le  cardinal 
Ange-Marie  Quirini  a  donné  sa  P^ie  avec 
ses  Lettres  ;  mais  ces  ouvrages  sont  infé-  ^ 
rieurs  à  l'excellente  Histoire  de  cecardi^M 
nal ,  écrite  en  anglais  par  Thomas  Philips.S^ 
Foy.  ce  nom. 


POL 

POLUS( Matthieu  }.  Voyez  Poole. 
POLYBÈ ,  né  à  Mégalopolis  ,  ville  du 
Péloponèsc,  dansl'Arcadie,  vint  au  monde 
entre  l'an  210  et  l'an  200  avant  J.C.  Son 
père  Lycortas  était  illustre  par  la  fermeté 
avec  laquelle  il  soutint  les  intérêts  de 
^  la  république  des  Achéens ,  pendant 
•  qu'il  la  gouvernait.  Il  donna  à  son  fils  les 
premières  leçons  de  la  politique  ,  etPhi- 
lopœmen  ,  un  des  plus  intrépides  capi- 
taines de  l'antiquité,  fut  son  maître  dans 
l'art  de  la  guerre.  Le  jeune  Polybe  se  si- 
gnala dans  plusieurs  expéditions ,  pen- 
dant la  guerre  des  Romains  contre  Per- 
sée.  Ce  monarque  ayant  été  vaincu,  il  fut 
du  nombre  de  ces  Acbéens  emmenés  à 
Rome,  pour  les  punir  du  zèle  avec  lequel 
ils  avaient  défendu  leur  liberté.  Son  es- 
prit et  sa  valeur  l'avaient  déjà  fait  con- 
naître. Scipion  et  Fabius,  fils  de  Paul- 
Emile  ,  lui  accordèrent  leur  amitié ,  et  se 
crurent  trop  heureux  d'être  à  portée  de 
prendre  ses  leçons.  Polybe  suivit  Scipion 
au  siège  de  Carthage.  Sa  patrie  était  ré- 
duite en  province  romaine  ;  il  eut  la  dou- 
leur de  la  voir  en  cet  état,  et  la  c  onsolation 
d'adoucir  les  maux  de  ses  concitoyens 
par  son  crédit ,  et  de  fermer  une  pai-tie 
de  leurs  plaies.  Il  se  trouva  au  siège  de 
Numance  avec  son  illustre  bienfaiteur  , 
qu'il  perdit  peu  de  teçips  après.  Sa  mort 
lui  rendit  le  séjour  de  Rome  insupporta- 
ble, (il  recouvra  sa  liberté  avec  trois  cents 
autres  Achéens,  les  seuls  qui  restaient 
des  mille  qu'on  avait  amenés  à  Rome. 
Après  avoir  parcouru  en  observateur  les 
Gaules,  l'Espagne  et  l'Afrique ,  Polybe  ne 
songea  plus  qu'à  mettre  en  ordre  ses  ou- 
vrages.) Il  retourna  dans  sa  patrie,  où  il 
jouit,  jusqu'à  ses  derniers  jours ,  de  l'es- 
time, de  l'amitié  et  de  la  reconnaissance 
de  ses  concitoyens ,  et  mourut  à  80  ans  , 
l'an  120  avant  J.  C. ,  d'une  blessure  qu'il 
se  fit  en  tombant  de  cheval.  De  tous  ses 
ouvrages  ,  (  Vhistoire  de  Numance  ,  la 
vie  de  Philopœmen,  Commentaires  sur 
la  Tactique  ,  un  Traite'  de  l'habitation 
sous  l'Equateur ,  et  une  Histoire  géné- 
rale ) ,  nous  ne  possédons  qu'une  partie 
de  cete  dernière  qui  s'étendait  depuis  le 
commencement  des  guerres  puniques 
jusqu'à  la  fin  de  celle  de  Macédoine.  Elle 


POL  1 1 

fut  écrite  à  Rome,  mais  en  grec.  Elle 
était  renfermée  en  40  livres,  dont  il 
ne  reste  que  les  cinq  premiers,  qui 
sont  tels  que  Polybe  les  avait  laissés. 
Nous  avons  des  f.agmens  assez  considé- 
rables des  douze  livres  suivans  ,  avec  les 
ambassades  ,  et  les  exemples  des  vertus  et 
des  vices  ,  que  Constantin  Porphyrogé- 
nète  avait  fait  extraire  de  l'Histoire  de 
Polybe  qui  n'était  point  encore  perdue. 
On  trouve  ces  extraits  dans  le  recueil  de 
Henri  de  Valois .  Polybe  est ,  de  tous  les 
écrivains  de  l'antiquité,  celui  qui  est  le 
plus  utile  pour  connaître  les  grandes 
opérations  de  la  guerre  qui  étaient  en 
usage  chez  les  anciens.  Brutus  en  faisait 
tant  de  cas^  qu'il  le  lisait  au  milieu  de 
ses  plus  grandes  affaires.  Il  en  fit  un 
abrégé  pour  son  usage,  lorsqu'il  faisait 
la  guerre  à  Antoine  et  à  Auguste.  Les 
hommes  d'état  et  les  militaires  ne  sau- 
raient trop  le  lire ,  les  uns  ,  pour  y  pui- 
ser des  leçons  de  politique ,  et  les  autres, 
les  préceptes  de  l'art  funeste ,  mais  né- 
cessaire ,  de  la  guerre.  Cet  historien  leur 
plaira  plus  qu'aux  grammairiens  et  aux 
gens  de  goût.  S'il  raisonne  bien ,  il  narre 
mal ,  et  il  dit  désagréablement  de  bonnes 
choses.  Le  chevalier  de  Folard,  qui  nous  a 
donné  un  excellent  Commentaire  sur  cet 
auteur,  en  6  vol.  in-4,  1727-1730,  avec 
une  traduction  par  domThuillier,  a  le 
même  défaut.  Il  est  négligé  et  prolixe  dans 
sonstile  ,  trop  long  dans  ses  réflexions,  et 
manque  de  liaison  dans  ses  idées.  On  y  a 
ajouté  en  Hollande  un  7*  volume.  La  pre- 
mière édition  de  Polybe  est  de  Rome , 
1473,  in-fol.  (  Les  meilleures  sont  celles 
de  Casaubon,  in-fol.  ,  Paris,  1600;  et 
celle  d'Amsterdam  ,  1670,  cum  notis  va- 
riorum,  3  vol.  in-8.  ibid.  1753  et  74  ,  7 
vol.  in-4  ,  fig. ,  qui  contiennent  un  sup- 
plément que  l'on  joint  quelquefois  à  l'é- 
dition de  Paris.  Il  y  en  a  un  abrégé,  Pa- 
ris, 1754,4  vol.  in-4.  On  cite  encore 
l'édition  de  Leipsick,  1763,  3  vol.  iu-8, 
et  celle  donnée  dans  le  même  lieu  par 
M.  Schweghaeuser  père ,  9  vol.  in-8,  1789- 
95,  8  tomes  en  9  vol.  in-8.  L'un  des  prin- 
cipaux écrivains  qui  soignent  cette  8" 
édit.  du  Dictionnaire  de  Feller  a  fait  pa- 
raître comme  thèse  inaugurale  pour  le 


12  POL 

doctorat-èsfleltres  ,  une  dissertation  qui 
a  pour  titre  :  Polybe  considéré  comme 
historien  latin  y  ou  Examen  des  évé- 
nemensde  l'histoire  romaine  qu'il  a  pas- 
sés sous  silence  ou  qu'il  a  racontés  au- 
trement que  lés  historiens  romains, 
Strasbourg,  1829,  1  vol.  in-4. — Polvbe, 
médecin  et  gendre  d'Hippocrate,  a  lais- 
sé quelques  ouvrages  de  médecine  qui 
sont  parvenus  jusqu'à  nous.  On  les 
trouve  dansles  OÈuvres  d'Hippocrate.Un 
autre  Polybe  fut  affranchi  de  l'empereur 
Claude.  Sénèque  lui  adressa  un  de  ses 
ouvrages,  dans  lequel  il  le  loue  beaucoup. 
POLYCARPE  (Saint),  évêque  de 
Smyrne  ,  disciple  de  saint  Jean  l'évan- 
gélisle,  prenait  soin  de  toutes  les  Eglises 
d'Asie.  11  s'était  converti  vers  l'an  80,  et 
fut'ordonné  évêque  de  Smyrne  en  96.  Il,fit 
un  voyage  à  Rome ,  vers  l'an  1 58  ou  1 60  , 
pour  conférer  avec  le  pape  Anicet  sur  le 
jour  de  la  célébration  de  la  pâque  :  ques- 
tion qui  fut  agitée  depuis  avec  beaucoup 
de  chaleur  sous  le  pape  Victor.  Son  zèle 
pour  la  pureté  de  la  foi  était  si  ardent , 
que  lorsqu'il  entendait  proférer  quelque 
erreur,  il  s'enfuyait  en  criant  :  n  Ah  ! 
)i  grand  Dieu ,  à  quel  temps  m'avez-vous 
»  réservé!  u  On  dit  qu'ayant  rencontré 
Marcion  à  Rome ,  cet  hérésiarque  lui  de- 
manda s'il  le  connaissait  ?  Oui ,  répondit 
le  saint  évêque,  saisi  d'horreur  : /e  te 
reconnais  pour  h  fils  aine  de  Satan.  Une 
autre  fois,  ayant  vu  Cérinthe  entrer  dans 
un  bain  :  Fuyons ,  s'écria-t-il ,  de  peur 
que  le  bain  ne  tombe  sur  nous.  «  Grande 
»  leçon  pour  les  fidèles,  dit  un  moraliste, 
u  relativement  à  la  conduite  à  tenir  en- 
«  vers  les  hérétiques.  Si  ce  saint  et  savant 
»  évêque  ,  disciple  des  apôtres ,  si  près 
»  de  la  lumière  évangélique ,  n'a  osé 
»  communiquer  avec  des  sectaires,  crai- 
M  gnant  lesouffle  impur  des  faux  docteurs, 
»  que  penser  de  la  témérité  ou  de  la 
»  coupable  indifférence  des  simples  Adè- 
»  les  qui  fréquentent  leur  société  ,  lisent 
M  leurslivres,  ou  écoutentleurs  discours?  » 
De  retour  en  Asie  ,  il  scella  l'Evangilfrde 
son  sang ,  et  fut  condamné  à  être  brûlé 
vif;  maisles  flammes  l'épargnant,  le  bour- 
reau le  poignarda  vers  l'an  169,  sous 
l'empire  de  Marc-Aurèle,  dont  on  nous 


POL 
raconte  tant  de  choses  doucereuses.  Son 
martyre  est  rapporté  d'une  manière  très 
élégante  dans  la  lettre  de  l'église  de 
Smyrne  aux  églises  de  Pont  :  lettre  dont 
Eusèbe  a  donné  l'abrégé  dans  le  chapitre 
1 4  du  liv.  4  de  son  Histoire  ;  lettre  singu- 
lièrement estimée  des  anciens ,  et  que  l'on 
doit  regarder  comme  un  des  plus  précieux 
monumens  de  l'antiquité  ecclésiastique. 
Il  ne  nous  reste  de  saint  Polycarpequ'une 
seule  E  pitre ,  écrite  aux  Pbilippiens.  Ou 
la  trouve  dans  les  anciens  monnmens des 
Pères  par Cotelier;  dansles  f^aria sacra, 
par  le  Moine;  et  avec  cellesde  saint  Igna- 
ce, par  Ussérius,  Londres,  1644  et  1647  , 
2  tom,  in-4.  Saint  Pothiu,  premier  évêque 
de  Lyon ,  et  saint  Irénée ,  son  successeur, 
étaient  disciples  de  cet  illustre  martyr. 

POLYCLÉTE,  sculpteur  de  Sicyone, 
ville  du  Péloponèse ,  vivait  vers  l'an  432 
avant  J.  C. ,  et  passait  parmi  les  anciens 
pour  avoir  porté  la  sculpture  à  sa  perfec- 
tion. Il  avait  composé  une  figure  qui  re- 
présentait un  garde  dos  rois  de  Perse , 
où  toutes  les  proportions  du  corps  humain 
étaient  si  heureusement  observées,  qu'on 
venait  la  consulter  de  tous  les  côtés 
comme  un  parfait  modèle:  cequi  la  fit  ap- 
peler par  tous  les  connaisseurs  la  Règle. 
{  Polyclète  accrut  sa|  réputation  par  plu- 
sieurs autres  statues,  comme  un  Athlète, 
un  Mercure  ,  un  *uerrier  ,  un  Hercule 
terrassant  l'Hydre ,  etc.  Il  était  supé- 
rieur à  Calamis  et  à  Myron,  ses  contem- 
porains ,  mais  inférietir  à  l'inimitable 
Phidias.  ) 

POLYCRATE,  tyran  de  Samos,  vers 
l'an  532  avant  J.  C.  ,  régna  d'abord  avec 
un  bonheur  extraordinaire.  Amasis,  roi 
d'Egypte,  son  ami  et  son  allié,  effrayé 
d'une  prospérité  si  constante,  lui  écrivit 
de  se  procurer  quelque  malheur  ,  pour 
prévenir  ceux  que  la  fortune  volage  pou- 
vait lui  réserver.  Le  tyran  mit  cet  avis  à 
profit ,  et  jeta  une  bague  d'un  grand  prix 
dans  la  mer.  Quelqu&t  jours  après,  le 
sort  la  lui  lit  retrouver  dans  lecorps  d'un 
poisson  que  des  pêcheurs  lui  apportèrent. 
Le  malheur  qu'Amasis  craignait  pour  son 
ami  ne  tarda  pas  à  arriver.  Oronte  ,  l'un 
des  satrapes  de  Cambyse ,  et  qui  com- 
mandait pour  lui  à  Sardes,  résolut  de 


POL 

s'emparer  de  Samos.  Il  attira  chez  lui  le 
tyran ,  sous  prétexte  de  lui  céder  une 
partie  de  ses  trésors ,  aftn  de  le  soutenir 
dans  une  révolte  contre  le  roi  de  Perse. 
L'avide  Polycrale,  amorcé  par  cette  pro- 
messe, se  rendit  à  Sardes  ;  niais  à  peine  y 
fut-ilarrivé,  qu'Oronte  le  fit  mourir  en 
croix,  l'an  524  avant  J.  C.  Ce  récit  est 
d'Hérodote.  Polycrate  protégeait  les  let- 
tres, foyez  Anacréon. 

'POLYCRATE,  évêque  d'Ephèse,  n'est 
connu  que  par  une  lettre  au  pape  Victor 
sur  la  pàque.  Cette  lettre,  regardée  long- 
temps comme  authentique,  a  été  vive- 
ment attaquée  dans  une  Dissertation  du 
Père  Molkedbuhr ,  publiée  à  Munster  en 
1795 ,  in-4.  Il  est  certain  que  la  plupart 
des  raisons  que  le  savant  critique  allègue 
pour  prouver  la  supposition ,  sont  de 
nature  à  faire  une  grande  impression  sur 
j  des  lecteurs  non  prévenus  ;  elles  semblent 
\  même  répandre  des  doutes  fondés  sur 
l'existence  de  ce  Polycrate,  et  dès  lors 
il  faut  supposer  que  le  passage oîiEusèbe 
parle  de  cet  évêque ,  est  une  interpola- 
tion. Voyez  le  Journal  hist.  et  litt. , 
!  l^"^  décembre  1193,  page  503;  1"  février 
1794,  page  178. 

POLYDORE-VIRGILE  ou  Vergile  , 
né  vers  1470,  à  Urbin  en  Italie,  passa 
en  Angleterre  pour  y  recevoir  le  dener 
de  saint  Pierre,  tribut  qu'on  payait  alors 
au  saint-Siége.  Henri  VIII ,  charmé  de 
son  esprit ,  l'y  arrêta,  et  lui  procura  l'ar- 
chidiaconé  de  Wels.  Le  climat  froid  d'An- 
gleterre étant  contraire  à  sa  santé,  il  alla 
respirer  un  air  plus  chaud  en  Italie.  Il 
mourut  en  1555,  après  avoir  publié  plu- 
sieurs ouvrages,  purement  écrits  en  la- 
tin. Les  principaux  sont  :  1°  une  Histoire 
d' Angleterre  ,  qu'il  dédia  à  Henri  VIII , 
et  qui  va  jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Henri 
VII.  On  en  a  une  édition  publiée  à  Bâle 
en  1534,  in-fol.  Cet  historien  narre 
assez  bien  ;  mais  il  est  quelquefois  peu 
exact,  et  souvent  superficiel.  Elevé  sous 
une  domination  étrangère,  il  n'a  pas 
assez  connu  l'état  des  affaires  d'Angle- 
terre ,  ni  la  police  de  ce  royaume.  2°  De 
inventoribus  rerum,  en  huit  livres,  Ams- 
terdam, 1671,  in-12.  Il  y  a  beaucoup 
de  recherches ,  mais  peu  d'exactitude  ; 


POL  i3 

ce  qui  a  donné  lieu  à  ce  distique  latin  : 

Yirgilii  duo  (unt.  alu^r  Maro,  tu  Polydore 
Aller;  tu  niendax,  ille  Poeta  luit. 

3°  Un  Traite'  des  prodiges ,  Bâle  ,  1 534  , 
in-fol.,  peu  judicieux  ;  4°  des  Corrections 
sur  Gildas  ;  5°  un  Recueil  d'adages  ou 
de  proverbes.  {  On  cite  aussi  de  lui  trois 
opuscules  :  6"^  Depatientia  et  ejus  fruc- 
tu  libri  H  ;  De  vitaperfecta  lib.  I ,De 
veritate  et  mendacio  lib.  I.  ;  imprimés 
avec  le  Traite  des  ouvrages,  Bâle,  1545.) 
POLYUORE.  FoyezPoLiDORK  Cal- 

DARA.  / 

POLYEN,  Polycenus,  écri\aia  de  Ma- 
cédoine ,  s'est  fait  un  nom  célèbre  par  un 
Recueil  de  stratagèmes ,  qu'il  dédia  aux 
empereurs  Anlonin  et  Vérus,  dans  le 
temps  qu'ils  faisaient  la  guerre  aux  Par- 
thes.  On  a  plusieurs  éditions  de  cet  ou- 
vrage ,  qui  est  distribué  en  8  livres.  La 
meilleure  est  celle  de  Masvicius  ,  Leyde, 
in-8, 1691 ,  avec  des  notes;  (celle  de  M.  Co- 
ray,  Paris,  1809,  in-8  ,  est  maintenant 
préférée.)  Ce  livre  a  été  traduiten  français 
sous  ce  titre  :  Les  Ruses  de  guerre  de 
Polyen  ,  1739  ,  en  deux  vol.  in-12  ,  par 
dom  Lobineau. 

POLYEUCTE(  Saint),  célèbre  mar- 
tyr de  Mélitine  en  Arménie ,  dans  le  3* 
siècle.  Néarque ,  son  ami ,  a  écrit  les  Ac- 
tes de  son  martyre.  (Voy.  Tillemont, 
tome  3 ,  p.  424.  )  Pierre  Corneille  a  fait 
du  martyre  de  ce  saint  le  sujet  d'une  de 
ses  tragédies,  et  l'on  peut  dire  que  c'est 
un  chef-d'œuvre  dans  le  genre  dramati- 
que. Mais  cela  n'a  pas  empêché  les  per- 
sonnes pieuses  d'être  choquées  de  la  li- 
berté que  le  poète  s'est  donnée  de  faire 
monter  les  saints  sur  le  théâtre  habituel- 
lement consacré  à  un  histrionisme  pro- 
fane et  licencieux,  et  de  mêler  la  ten- 
dresse de  l'amour  humain  à  l'héroïsme  de 
l'amour  divin. 

POLYEUCTE.  F.  Epiphane,  moine. 

POLYGNOÏE,  peintre  grec  deTha- 
SOS,  île  septentrionale  de  la  mer  Egée,  flo- 
rissaitvers  la  90*  Olympiade.  Il  s'est  rendu 
célèbre  par  les  peintures  dont  il  orna  un 
portique  d'Athènes.  Ses  tableaux  étaient 
une  suite  qui  renfermait  les  principaux 
événemensde  Troie;  ils  étaient,  dit-on, 
précieux  par  les  grâces  ,  et  surtout  par 


i4  POM 

l'expression  que  ce  peintre  sut  donner  à 
ses  figures.  On  voulut  reconnaître  ses 
peines  par  un  prix  considérable ,  mais  il 
le  refusa  pénéreusement.  Cette  conduite 
lui  attira  de  la  part  des  Àmphictyons,  qui 
composaient  le  conseil  de  la  Grèce ,  un 
décret  solennel  pour  le  remercier.  Il  fut 
en  même  temps  ordonné  que,  dans  tou- 
tes les  villes  où  cet  artiste  célèbre  passe- 
rait, il  serait  logé  et  défrayé  aux  dépens 
du  public.  Polygnole  florissait  vers  l'an 
400  avant  J.  C.  (On  dut  à  ce  peintre  plu- 
sieurs améliorations  dans  son  art.  Il  in- 
venta entre  autres  choses,  pour  les  figu- 
res des  femmes ,  des  vêtemens  différens 
et  des  figures  de  couleurs  diverses.  Au 
temps  de  Pline  ,  on  voyait  à  Home ,  dans 
le  portique  de  Pompée ,  un  tableau  où 
Polygnote  avait  représenté  un  soldat  cou- 
vert de  son  bouclier  et  dans  l'action  de 
monter  ou  de  descendre  les  escaliers,  ce 
qu'on  ne  pouvait  décider.  Il  avait  un 
grand  talent  pour  exprimer  le  caractère 
moral ,  pour  les  tableaux  de  bataille , 
d'histoire ,  comme  celui  d'Hélène  entou- 
rée de  Troyens  qui  lui  reprochent  leurs 
blessures  ,  et  des  Grecs  qui  admirent  sa 
beauté;  tandis  que  Cassandre  attirait 
l'attention  de  ces  vainqueurs  par  la  di- 
gnité de  son  regard ,  et  que  ,  plus  loin  , 
les  cadavres  de  Priam  et  des  principaux 
chefs  troyens  inspiraient  l'horreur  et  la 
pitié;  au  milieu  de  cette  terrible  scène  , 
un  enfant ,  saisi  d'effroi  et  porté  par  un 
vieil  esclave  ,  se  cachait  les  yeux  pour 
ne  point  voir  cet  affreux  spectacle.) 
POLYHISTOR.    Foyez    Alexandrk- 

POLYHISTOfi. 

POMBAL  (  Sébastien-Joseph  Carva- 
lhomelho-Melho  ,  comte  d'OEVRAS,  puis 
marquis  de  ),  né  en  1 699  d'Emmanuel  de 
Carvalbo,  pauvre  gentilhomme  de  Soura, 
bourg  de  Portugal  dans  le  territoire  de 
Coïmbre.  Il  fut  envoyé  dans  l'université 
de  cette  ville  pour  y  faire  son  cours  de 
droit;  maisennemi  delà  gène  et  de  l'ap- 
plication ,  et  entraîné  par  des  passions 
vives,  il  se  dégoûta  bientôt  de  l'étude , 
et  prit  le  parti  des  armes.  Une  taille  avan- 
tageuse et  presque  gigantesque  ,  une  fi- 
gure distinguée  et  une  force  extraordi- 
naire le  rendaient  propre  à  ce  nouve 


POiM 

état  ;  mais  dégoûté  encore  de  cette  pro- 
fession ,  soit  par  inconstance ,  soit  parce 
qu'il  n'avait  pas  été  compris  dans  une 
promotion,  soit,  comme  on  l'a  écrit, 
qu'il  ait  été  obligé  de  quitter  son  régi- 
ment pour  des  écarts  de  jeunesse ,  il  se 
retira  à  Soura.  Il  avait  su  captiver  le 
cœur  d'une  jeune  dame  de  la  première  no- 
blesse du  royaume ,  nommée  dona  Thé- 
resa  deNoronha-Almada,  et  vint  à  bout 
de  l'épouser,  malgré  l'opposition  des  pa- 
rens  de  cette  dame.  Il  la  perdit  le  7  jan- 
vier 17  39.  A  force  d'intrigues  et  de  sol- 
licitations, il  fut  envoyé,  en  1745,  à 
Vienne  pour  une  commission  secrète , 
sans  être  revêtu  d'aucun  caractère  pu- 
blic. S'il  n'y  déploya  pas  de  grands  la- 
lens  pour  les  négociations ,  s'il  manqua 
l'objet  très  simple  et  facile  de  sa  mission, 
il  montra  qu'il  savait  très  bien  réussir 
en  galanterie.  Il  sut  plaire  à  la  jeune  com- 
tesse  de  Daun  ,•  parente  du  célèbre  ma- 
réchal de  ce  nom ,  et  éprouva  encore  des 
difficultés  plus  grandes  qu'en  Portugal , 
pour  contracter  cette  deuxième  union  : 
il  en  vint  cependant  à  bout.  Après  s'être 
acquitté  tout  aussi  mal  d'une  autre  com- 
mission à  Londres,  il  retourna  à  Lisbonne, 
où  il  resta  sans  emploi,  parce  que  la  con- 
duite qu'il  avait  tenue  à  Vienne  avait  dé- 
goûté Don  Juan  V  de  ses  services.  La 
reine  (  Marie-Anne  d'Autriche},  qui  avait 
pris  en  affection  l'épouse  de  Carvalho  , 
s'intéressa  vivement  en  faveur  de  l'époux 
auprès  du  roi ,  sans  qu'elle  pût  obtenir 
le  moindre  emploi.  Mais  cette  princesse 
réussit  mieux  auprès  de  son  fils  ,  après  la 
mort  de  D.Juan  V,  arrivée  le  30  juillet 
1750.  Le  nouveau  roi  ne  put  se  refuser 
aux  désirs  de  sa  mère,  et  nomma  d'abord 
Carvalho  secrétaire  des  affaires  étrangè- 
res. Il  s'empara  insensiblement  de  toute 
la  confiance  du  roi,  et  crut  son  crédit 
assez  bien  établi  pour  oser  s'opposer  au 
mariage  de  la  princesse  héritière  pré- 
somptive de  la  couronne ,  avec  don  Pè- 
dre ,  frère  du  roi ,  quoique  don  Juan  V 
eût  demandé  les  dispenses  nécessaires  à 
Rome  ;  il  voulut  ensuite  la  marier  au  duc 
deCumberland,  malgré  les  lois  fonda- 
mentales du  royaume,  touchant  la  suc- 
cession à  la  couronne,  qui  excluent  tout 


POM 

prince  étranger,  surtout  s'il  n'est  pas  ca- 
tholique (  voyez  les  Révolutions  de  Por- 
tugal par  Yerlot,  pag.  8);  en  sorte  que 
le  mariage  prémédité  par  Don  Juan  ne 
fut  conclu  qu'en  1760.  (  On  peut  consul- 
ter sur  ces  faits  divers  les  Mémoires  du 
marquis  de  Pombal,  1783,  4  vol.  in-12  ; 
et  les  Anecdotes  du  ministère  de  Sé- 
bastien Joseph  Carvalho,  Varsovie, 
1783,  avecl'épigraphe:  Quo  magis  so- 
cordiam  illorum  irridere  libet  qui  pres- 
senti potentia  credunt  extingui  passe 
etiam  sequentis  œvi  memoriam.  (  Tac. , 
Annal. ,  livr.  4.  )  Tant  que  la  reine-mère 
fut  en  vie ,  Carvalho  fit  quelques  efforts 
pour  cacher  son  caractère  ;  mais  après 
kmort  de  cette  vertueuse  princesse  ,  ar- 
rivée le  14  août  17  54,  il  crut  pouvoir 
tout  entreprendre,  et  ne  mit  plus  de  bor- 
nes à  son  orgueil  et  à  son  avarice.  L'illus- 
tre famille  de  Tavora  ayant  refusé  l'al- 
liance de  son  fils,  il  résolut  de  l'exter- 
miner avec  la  principale  noblesse  de 
Portugal.  Il  fit  construire  un  grand  nom- 
bre de  prisons  qui  furent  bientôt  remplies 
de  tous  ceux  qui  pouvaient  lui  porter 
ombrage.  Pendant  que  la  noblesse  et  le 
peuple  tremblaient  à  l'aspect  de  ces  hor- 
reurs ,  le  roi  de  son  côté  était  dans  des 
crises  continuelles  au  récit  des  préten- 
dues conjurations  dont  Carvalho  ne  ces- 
sait de  lui  figurer  la  réalité.  Sans  parler 
des  plus  illustres  personnages  du  royaume 
qui  périrent  sur  l'échafaud ,  une  multi- 
tude incroyable  de  personnes  de  tout 
état  et  de  tout  âge  furent  saisies ,  enfer- 
mées dans  des  cachots  ou  envoyées  en 
exil,  comme  autant  de  complices  d'un 
crime  qui  n'eut  jamais  d'existence  que 
dans  la  tète  du  ministre.  «  Plaisante  con- 
»  spiration  »  (  dit  un  auteur  qui  a  écrit 
impartialement  sur  cette  matière  } , 
'<  unique  à  coup  sûr  dans  l'histoire  de 
»  tous  les  siècles  !  ourdie  tout  à  la  fois 
»  par  des  capucins,  des  marchands  ,  des 
»  nobles,  des  militaires,  des  évêques, 
*)  des  jésuites  existansà  Goa  ,  au  Brésil , 
»  à  Lisbonne  -,  des  Allemands ,  des  Hon- 
w  grois,  des  Polonais,  des  Italiens,  des 
»  Portugais  ,  etc.  S'il  ne  fut  jamais  de 
»  mensonge  plus  atroce  et  plus  ensan- 
>'  glanté ,  il  n'en  fut  pas  non  plus  de 


POM  i5 

»  plus  grossier  et  de  plus  ridicule.  » 
(  F'oyez  Avkiro  ,  Tavoba  ,  Michel  dell' 
Annunciata  ,  Malagrida,  etc.  )  Pour 
mieux  cimenter  son  gouvernement,  Car 
valho  abolit  le  tribunal  qu'on  nommait  le 
Jugement  delà  Couronne  royale,  com- 
posé de  vingt-quatre  juges  auxquels 
étaient  attribuées  les  causes  des  grands 
du  royaume,  et  lui  substitua  celui  de 
V Inconfidence ,  qui  n'était  composé  que 
de  six  sénateurs  choisis  par  le  ministre  , 
devenu  quelque  temps  après  comte 
d'Oeyras,  grand-maître  de  la  cour  et  mar- 
quis de  Pombal.  Sa  puissance  était  telle, 
que  toute  plainte,  toute  réclamation  était 
étoufiëe  par  le  sentiment  de  la  terreur. 
«  Qui  croirait  »  (  dit  l'abbé  Garnier , 
dans  V  Oraison  funèbre  du  roi,  prononcée 
à  Lisbonne  en  1777  ),  «  qu'un  seul  hom- 
»  me,  en  abusant  de  la  confiance  et  de 
»  l'autorité  d'un  bon  roi,  pût,  durant 
»  l'espace  de  vingt  ans,  enchaîner  toutes 
»  les  langues, fermer  toutes  les  bouches, 
»  resserrer  tous  les  cœurs,  tenir  la  vérité 
»  captive,  mener  le  mensonge  en  triom- 
»  phe,  effacer  tous  les  traits  de  la  jus- 
«  tice ,  faire  respecter  l'iniquité  et  la  bar- 
»  barie,  dominerl'opinion  publique  d'un 
»  bout  de  l'Europe  à  l'autre  ?  Hélas  !  que 
»  les  ressources  du  crime  sont  redouta- 
»  blés ,  et  son  pouvoir  étendu  !  »  Tandis 
que  tout  le  royaume  était  en  deuil ,  le 
ministre  déployait  un  faste  et  une  opu- 
lence qui  contrastaient  étrangement , 
non  seulement  avec  la  situation  de  ce 
qu'il  y  avait  de  plus  grand  dans  le  royau- 
me, mais  encore  avec  celle  des  affaires 
publiques.  Quoique  tous  les  biens  de  ceux 
qu'il  fit  condamner  fussent  confisqués, 
l'état  était  obéré ,  les  troupes  mal  entre- 
tenues et  mal  payées.  Les  Espagnols  se 
seraient  emparés  facilement  de  tout  le 
Portugal  pendant  la  guerre  de  1762  ,  s'ils 
ne  s'étaient  pas  amusés  aux  sièges  de  Mi- 
randa  et  de  Bragance.  Ils  prirent  ces  p la-* 
ces,  et  Alméida,  qui  était  d'une  plus 
grande  importance ,  parce  qu'elle  leur 
ouvrait  le  chemin  de  Lisbonne;  mais  sur 
ces  entrefaites ,  la  paix  se  fit.  Carvalho 
la  fit  servira  de  nouvelles  vues  d'ambition 
et  de  vengeance  :  «  Le  règne  de  ce  mi- 
)>  nistre  (  dit  un  voyageur  philosophe  ) 


i6  POM 

»  dura  trop  pour  une  nation  opprimée  , 
»  qui  traînait  avec  douleurun  joug  de  fer. 
»  Les  années  qui  suivirent  ressemblèrent 
»  toutes  à  celles  qui  avaient  précédé  :  il 
»  ne  se  départit  jamais  de  ce  despotisme 
»  odieux  dont  il  s'était  fait  un  système. 
»  Ce  fut  toujours  le  même  mépris 
»  pour  la  noblesse  ;  et  ce  qui  ne  paraît 
»  pas  croyable ,  c'est  qu'il  ne  lui  était  pas 
«permis  d'entrer  au  service.  Celte  permis- 
»  sion, constamment  refusée  aux  ])erson- 
»  nés  de  condilion,n'est  accordée  qu'aux 
V  flatteurs  ou  aux  amis  du  ministre  :  ses 
»  créatures  et  les  étrangers  obtiennent 
»  seuls  les  distinctions  militaires.  Si  le 
»  peuple  jouit  de  quelque  apparence  de 
«  liberté,  c'est  qu'il  sait  concentrer  sa 
»  douleur  et  qu'il  se  tait.  Sur  lespluslé- 
»  gers  indices ,  sur  les  moindres  soup- 
»  çons,  plus  souvent  encore  sans  soup- 
ȍons,  saus  indices,  par  humeur,  par 
M  antipathie,  lesproscriptions continuent 
»  et  frappent  les  têtes  les  plus  respecta- 
»  blés.  Le  Portugal  est  couvert  de  deuil 
»  et  en  proie  à  la  désolation.  Les  prisons 
u  ne  suffisent  plus  ;  les  personnes  que  la 
»  force  comdamne  à  être  privées  de  leur 
M  liberté ,  iront  en  Afrique  ou  dans  les 
»  Indes  en  pleurer  la  perte ,  etc.  »  (  Dis- 
cours sur  l'Histoire  ,  etc. ,  par  le  comte 
d'Albon.  )  Le  moment  de  la  mort  du  roi , 
arrivée  en  1777  ,  fut  celui  de  la  chute  du 
ministre ,  et  cette  chute,  trop  lente  pour 
le  bonheur  des  peuples ,  leva  le  voile 
qu'une  faction  assez,  connue  avait  jeté 
sur  tant  d'excès  pour  en  cacher  la  réalité. 
Le  discours  que  les  ordres  de  l'état  adres- 
sèrent en  177  7  à  la  reine,  et  que  cette  prin- 
cesse envoya  elle-même  au  pape  Pie  VI , 
imprime  le  sceau  de  la  vérité  sur  ce  que 
nous  avons  rapporté  dans  cet  article. 
«  La  Providence  (  y  est-il  dit  entre  autres 
»  choses)  avait  destiné  Y.  M.  à  être  la 
»  rédemptrice  de  ce  royaume,  en  l'or- 
i>  nant  de  toutes  les  qualités  nécessaires 
»  pour  remplir  les  devoirs  d'une  dignité 
»  si  élevée;  le  sang  dégoutte  encore  de 
))  ces  plaies  profondes  qu'un  despotisme 
»  aveugle  et  sans  bornes  a  faites  au  cœur 
»  du  Portugal.  Ce  qui  nous  console  ,  c'est 
»  que  nous  en  sommes  actuellement  dé- 
»  livrés.  C'était  ce  despotisme  affreux , 


POM 

»  qui  était  par  système  reonemi  de 
»  l'humanité ,  de  la  religion ,  de  la  li- 
»  berté ,  du  mérite  et  de  la  vertu.  Il  peu- 
»  pla  les  prisons,  il  les  remplit  de  la  fleur 
»  du  royaume;  il  désespéra  le  peuple  par 
)>  ses  vexations ,  en  le  réduisant  à  la  mi> 
»  sère.  C'est  lui  qui  fît  perdre  de  vue 
»  le  respect  dû  à  l'autorité  du  souverain 
»  pontife  et  à  celle  des  évêques.  Il  oppri- 
»  ma  la  noblesse,  il  infecta  les  mœurs,  il 
»  renversa  la  législation ,  et  gouverna 
w  l'état  avec  un  sceptre  de  fer.  Jamais  le 
»  monde  ne  vit  une  façon  de  gouverner  si 
»  lourde  et  si  cruelle.  Eh  !  que  fait  la  Pro- 
»  vidence?Elle  fait  disparaître  l'illusion 
»  qui  tendit  des  pièges  à  la  piété  du  roi 
»  défunt,  et  oppose  au  grand  nombre  de 
»  ces  désordres  exécrables  les  vertus  de 

»  V.  M C'est  de  cette  source  que  dé- 

»  riventles  dispositions  sérieuses  du  gou- 
»  vernement  actuel;...  l'élargissement 
»  des  prisonniers,  la  justification  des 
»  innocens ,  la  réintégration  des  dépo- 
))  ses  et  des  exilés.  C'est  cette  mêmePro- 
»  vidence  qui  préserva  miraculeusemnnt 
»  V.  M.  contre  les  chocs  réitérés  qui  ré- 
»  duisirent  le  Portugal  à  la  consternation 
))  la  plus  déplorable.  Son  bras  tout-puis- 
«  sant  anéantit  de  puissans  stratagèmes , 
»  afin  que  V.  M.  eût  pour  époux  l'auguste 
»  monarque  qui  nous  gouverne  actuel le- 
»  ment....  Enfin  la  Providence  préserva 
w  V.  M.  de  plusieursattentatset  d'infâmes 
»  machinations  formées  contre  la  légiti- 
»  mité  de  son  droit.  Pour  faire  le  coup 
j»  d'état  qui  produisit  notre  bonheur, 
»  nous  n'avions  d'autres  armes  que  les 
»  prières  des  gens  de  bien  et  celles  du 
»  royaume,  qui  fléchirent  enfin  le  ciel 
»  en  notre  faveur,  etc.,  etc.  »  A  celte 
heureuse  époque,  les  fatales  prisons  s'ou- 
vrirent. On  vit  sortir  de  dessous  terre,  et 
reparaître  parmi  les  vivans,  huit  cents 
personnes  qui  avaient  disparu ,  et  que 
l'on  croyait  mortes  depuis  long-temps. 
C'était  le  reste  d'environ  neuf  mille,  que 
le  ministre  avait  enlevées  à  l'état.  Elles 
furent  accueillies  avec  des  transports  de 
joie ,  qu'on  sent  mieux  qu'on  ne  peut  les 
exprimer.  Le  procès  des  prisonniers  et  des 
suppliciés  fut  revu  par  ordre  de  la  reine, 
et  discuté  long-temps  avec  toute  la  ri- 


POM 

gueur  possible.  Le  conseil  d'état  et  les  ju- 
ges députés  pour  cet  examen ,  s'étant 
assemblés  le  T  avril  1781  (  les  Mémoires 
disent  la  nuit  du  3  au  i  ;  peut-être  ce  4 
est-il  devenu  un  7.  Voyez  le  Journ.  Hist. 
et  lut.  15  octobre  1784,  p.  268  ),  au 
palais  royal  pour  la  dernière  fois ,  et 
après  avoir  fait  jusqu'à  trois  heures  du 
matin  la  plus  longue  et  la  plus  sérieuse 
discussion  de  celte  affaire ,  décidèrent 
«  unanimement  ,  et  déclarèrent  que 
»  les  personnes  ,  tant  vivantes  que  mor- 
»  tes ,  qui  furent  justiciées  ou  exilées, 
»  ou  emprisonnées  en  vertu  de  la  sen- 
»  tence  du  12  janvier  1759  ,  étaient  tou- 
»  tes  innocentes  du  crime  dont  on  les 
»  avait  accusées.  «  On  s'étonnera  sans 
doute  qu'on  ait  laissé  vivre  un  tyran  qui 
avait  si  long-temps  opprimé  la  nation, 
et  qu'on  ne  l'ait  pas  sacrifié  à  la  vengeance 
publique;  mais  on  doit  se  souvenir  de 
l'ascendant  qu'il  avait  eu  sur  l'esprit  du 
roi  son  maître.  On  ne  peut  douter  qu'il 
n'ait  eu  la  précaution  de  se  munir  de 
toutes  les  pièces  capables  de  le  justifier, 
et  de  faire  retomber  sur  la  personne  de 
son  souverain  les  cruautés  dont  il  ne  pré- 
tendait être  que  l'instrument  et  l'exécu- 
teur. Non  content  de  menacer  qu'il  se  jus- 
tifierait à  ses  dépens,  il  osa  le  faire  en  effet 
dansunMémoirecivil,qui  fut  aussitôtsup- 
primé.  Ce  n'est  donc  pas  sans  raison  que 
par  respect  pour  la  mémoire  du  roi  son 
père,',la  reine  a  abandonné  le  scélérat  à  ses 
remords,  et  l'a  laissé  tranquillement  des- 
cendre dans  le  tombeau.  A  cette  consi- 
dération il  faut  joindre  les  efforts  du  parti 
philosophique  et  ceux  d'un  autre  parti 
également  intrigant  et  puissant,  pour 
intéresser  en  faveur  du  niinistre  dis- 
gracié une  cour  voisine,  a  qui,  du  moins 
alors,  l'excès  de  ses  forfaits  n'était  pas 
sufiSsamment  connu  ,  ou  qui ,  par  des  rai- 
sons politiques ,  croyait  devoir  empêcher 
l'éclat  de  sa  punition.  Il  mourut  à  sa 
terre  ,  le  8mai  1782,  dans  sa  86* année, 
près  de  neuf  mois  après  le  décret  défini- 
tif donné  contre  lui  par  la  reine  régnante, 
le  16  août  1781  ,  qui  portait,  «  qu'a- 
»  près  avoir  usé  de  clémence  à  son  égard, 
»  elle  ne  se  serait  pas  attendue  qu'il  eût 
»  osé,  dans  un  procès  civil  entamé  contre 
XI. 


POM  17 

»  lui ,  produire  au  grand  jour  une  dé- 
»  fense  de  sa  conduite  durant  le  cours 
i>  de  son  ministère  ;  que  l'ayant  fait  in- 
■»  terroger  et  entendre  sur  différens 
))  chefs  d'accusation ,  loin  de  s'en  purger, 
»  il  les  avait  tellement  aggravés,  qu'a- 
»  près  un  mûr  examen ,  les  juges  décidè- 
»  rent  qu'il  était  criminel ,  et  méritait 
M  une  punition  exemplaire.  Que  cepen- 
»  dant,  ayant  égard  à  son  âge  fort  avancé, 
M  son  bon  plaisir  royal  était  de  l'exemp- 
«  ter  de  la  punition  corporelle  qui  lui  de- 
»  vait  être  infligée,  et  de  lui  ordonner 
»  de  se  tenir  éloigné  de  vingt  milles  de  la 
»  cour,  laissant  néanmoins  dans  leur  en- 
j)  tier  toutes  les  prétentions  légales  et  jus- 
»  tes  contre  la  maison  dudit  marquis, 
»  soit  durant  sa  vie ,  soit  après  son  dé- 
»  ces.  »  Quoi  qu'il  en  soit  des  causes  hu- 
maines qui  ont  concouru  à  laisser  mourir 
Carvalho  dans  son  lit,  on  ne  peut  qu'a- 
dorer celles  de  la  Providence,  qui  punit 
quelquefois  avec  éclat  des  coupables  or- 
dinaires ,  tandis  qu'elle  tarde  à  frapper 
les  monstres  ,  et  qui  souvent  à  des  peines 
manifestes  substitue  des  tourmens  secrets 
d'une  impression  plus  longue  et  plus  vi- 
ve. CromAvel  teint  du  sang  de  son  roi, 
n'est-il  pas  mort  au  faîte  de  sa  puissance? 
mais  ignore-t-on  quel  enfer  il  porta  avec 
soi  ?  (  Voyez  son  article.  )  Et  Carvalho 
put-il  goûter  au  milieu  des  emprisonne- 
mens  et  des  massacres  qui  désolaient  la 
capitale  et  les  provinces ,  un  moment  de 
sécurité  et  de  paix  ?  Le  glaive  de  la  ven- 
geance divine  et  humaine  n'était-il  pas 
sans  cesse  présent  à  ses  yeux  et  suspen- 
du sur  sa  tête?  Ceux  même  qui,  au  mo- 
ment de  sa  disgrâce,  le  dévouaient  à  la 
mort,  conviennent  que  son  supplice  a 
été  mieux  assorti  k  ses  délits.  Que  le  fer 
termine  les  excès  d'un  scélérat  ordinaire; 
pour  un  tyran  glorieux  l'humiliation  est 
le  comble  du  châtiment.  Aman  sentit 
plus  vivement  que  la  mort  l'obligation 
de  promener  Mardochce  en  triomphe  par- 
mi les  rues  de  la  capitale  de  l'empire  de 
Perse...  Qu'on  juge  de  l'agitation  de  cette 
âme  altière  et  féroce ,  en  voyant  ses  en- 
nemis écrasés ,  reparaître  ,  par  une  es- 
pèce de  résurrection ,  dans  toute  la  gloi: 
re  de  l'innocence  et  de  la  considération 
3. 


i8  POM 

publique;  publier  les  arrêts  prononcés 
en  leur  faveur,  qui  étaient  autant  de  ma- 
nifestations de  ses  iniquités  ;  sortir  de  ses 
mains  les  sommes  immenses  que  sa  rapa- 
cité avait  amassées  par  les  voies  les  plus 
iniques ,  et  dont  la  justice  ordonna  la  res  - 
titulion(l);  un  peuple  entier  s'achar- 
ner à  l'abolition  de  son  médaillon ,  le 
charger  d'ordure ,  et  enfin  le  détruire 
avec  tous  les  transports  qu'inspire  la  dé- 
livrance après  la  plus  morgante  oppres- 
sion. Ce  genre  de  tourment,  suivi  de 
l'exil  et  d'une  longue  infirmité  ,  d'une 
lèpre  humiliante  et  dégoûtante,  est  bien 
propre  à  absoudre  la  Providence  des  repro- 
chesquedes  hommes  inconsidérés  font  à 
la  lenteur  et  au  secret  de  ses  opérations, 
et  à  rappeler  à  l'esprit  du  lecteur  philo- 
sophe ces  beaux  vers  de  Claudien  : 

Scpe  milii  dubium  traxit  sentnntia  mentcm  , 
Curarent  Supcri  terras ,  an  duIIus  inesset 
Bi'ctor  ,  et  incerlo  fluerent  morlalia  casii. 
Abstulit  hune  tandem  RuGni  poena  tuinullum  , 
AbsoUitque  Dcos. 

Quelques-uns  ont  cru  que  dans  son  exil , 
et  durant  l'espace  qui  s'écoula  entre  sa 
disgrâce  et  sa  mort,  ce  tyran  avait  tâché 
d'expier  ses  crimes  par  le  repentir.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain ,  c'est  que  lorsque 
l'évoque  de  Coïmbre,  Michel  dell' Annun- 
ciata  (voyez  ce  nom  ),  alla  le  voira  sa 
terre  de  Pombal ,  il  le  trouva  à  genoux 
avec  sa.  famille  au  milieu  de  la  cour ,  lui 
demandant  pardon  etsa  bénédiction .  L'on 
ne  peut  douter  aussi  qu'il  n'ait  été  que 
l'instrument  de  la  secte  philosophique  et 
jansénistique ,  qui  le  crut  propre  à  pré- 
luder aux  opérations  depuis  long-temps 
projetées,  et  dont  les  premières  sont  ex- 
pliquées par  les  dernières.  (  Il  y  a  plu- 
sieurs ouvrages  sur  la  vie  et  le  minis- 
tère de  Pombal ,  et  entre  autres  celui  in- 
titulé :  Anecdotes  du  ministère  deSêbas- 
tienJosephe-Cnrvalho  comte  d'Ocijras, 
marquis  de  Pombal,  1784;  un  autre 
ayant  pour  litre  :  Administration  de  dom 
Sébastien- Joseph  Carvalho,  etc.  4  vol. 
in-12,  1788,  n'est  qu'une  apologie.  ) 

(>)  Ellet  ne  ie  retrourérent  pas  toutai,  s'il  eat  vrai, 
comme  il  en  c(t  convenu  lui-même,  qu'il  arait  dépenié 
800,000  ducat»  pour  la  dettruction  dm  jénuites ,  aomnie 
que  d'autrn  portent  i  1.100,000.  [VojeiXt  Journ.  hiil.  tt 
lUl.,  iç)  juin  1739,  p.  sCo.J 


POM 

"POMER  ANCEou  Pomerancio  (  Chris- 
tophe RoNCALu),  dit  le  chevalier  dalle, 
peintre  italien,  né  à  Pomérance  en  Tos- 
cane, en  1 561 .  Ayant  acquis  de  la  réputa- 
tion ,  il  fut  appelé  à  Rome  ,  où  il  peignit 
au  Vatican  la  chapelle  Clémentine,  et  y 
représenta  la  Punition  d'Ananie  et  de 
Sapliire.  Il  fit  aussi  des  cartons  pour  des 
mosaïques.  On  voit  encore  dans  l'église 
de  Saint-Philippe  de  Néri  de  Naples  un  de 
ses  tableaux  sur  la  naf/Viïe'rfe/.  C.  oii  rè- 
gne un  bon  ton  de  couleur,  et  où  l'on  re- 
marque surtout  la  tête  de  la  \'ierge,qui  est 
peinte  de  main  de  maître.  Pomerancio 
voyagea  dans  différentes  parties  de  l'Eu- 
rope. Il  avait  un  beau  coloris,  une  touche 
légère ,  de  l'harmonie  et  du  clair-obscur  ; 
mais  on  lui  reproche  en  même  temps  un 
génie  trop  libre ,  des  attitudes  outrées  , 
des  cheveux  peu  naturels.  Malgré  ces  dé- 
fauts, son  génie  est  pittoresque,  et  il  a 
mérité  justement  une  place  parmi  les  bons 
artistes.  Il  mourut  à  Rome  en  1G2G. 

POMERE  (Julien)  Pomerius,  né  dans 
la  Mauritanie,  passa  dans  les  Gaules,  et 
fut  ordonné  prêtre  ,  après  y  avoir  ensei- 
gné la  rhétorique.  Il  vivait  encore  en  496. 
C'est  lui  qui  est  auteur  du  livre  De  la  vie 
contemplative ,  ou  des  vertus  et  des  vi- 
ces, ouvrage  qu'on  a  long-temps  attri- 
bué à  saint  Prosper,  et  qui  se  trouve  dans 
ses  OEuvrcs.  Saint  Julien  de  Tolède  ayant 
aussi  porté  le  nom  de  Pomère ,  quelques 
écrivains  l'ont  confondu,  mais  très  mal  à 
propos ,  avec  Julien  Pomère.  Pomère  de 
Mauritanie  vivait  au  5*  siècle ,  et  l'autre 
ne  parut  que  200  ans  après, 

POMET  (Pierre),  né  à  Paris  en  1658, 
acquit  autant  de  réputation  que  de  ri- 
chesses dans  la  profession  de  marchand 
droguiste,  qu'il  y  exerça  long-temps.  Il 
rassembla  à  grands  frais,  de  tous  les  pays, 
les  drogues  de  toute  espèce.  Il  fil  les 
démonstrations  de  son  droguier  au 
jardin  du  roi ,  et  donna  le  Catalogue  de 
toutes  les  drogues  contenues  dans  son 
magasin,  Paris,  1695  et  1709,  Il  se  pro- 
posait de  publier  la  description  de  tou- 
tes les  raretés  de  son  cabinet;  mais  il  n'en 
eut  pas  le  temps  ,  étant  mort  à  Paris  en 
1699,  le  jour  même  qu'on  lui  expédia 
le  brevet  d'une  pension  que  Louis  XIV 


POM 

lui  accorda. On  a  de  lui  un  excellent  ou- 
vrage que  Joseph  Pomet,  son  fils,  a  fait 
réimprimer  en  1735,  en  2  vol.  iu-4 ,  sous 
le  titre  d'Histoire  gAierale  des  drogues. 
Il  avait  déjà  paru  à  Paris  en  1694 ,  in-fol. 
et  les  figures  de  celte  première  édition 
sont  plus  belles  que  celies  de  la  seconde. 
Il  a  été  traduit  en  allemand ,  Leipsick , 
1717,  in-fol.  ,  et  en  anglais,  Londres, 
1726,  in-4. 

POMEY  (  François  ) ,  jésuite ,  né  dans 
le  comlat  Venaissiu  en  1618,  fut  long- 
temps préfet  des  basses  classes  à  Lyon , 
où  il  mourut  en  1673.  C'est  .un  de  ces 
hommes  qui  semblent  faits  pour  instruire 
la  jeunesse  parleur  zèle,  leur  patience, 
leur  méthode  et  leurs  talcns.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  sont  :  1  "  un  Dictionnaire 
français  latin, ia-i ydonton  ne  se  sert  plus 
dans  les  classes ,  depuis  qu'on  en  a  fait 
de  meilleurs;  2°  Flos  latinitatis.  C'est  un 
bon  abrégé  du  Dictionnaire  de  Robert 
Etienne  ;  3"  Indiculus  universalis ,  en 
français-latin,  Lyon,  in-12,  imprimé 
plusieurs  fois.  Georges-Matthias  Koning 
en  a  donné  une  édition  en  quatre  lan- 
gues, Nuremberg,  1698.  On  en  a  donné 
aussi  une  édition  avec  l'italien,  Venise  , 
1682.  L'abbé  Dinouart  en  a  publié  une 
nouvelle  édition  française-latine,  cor- 
ripée ,  augmentée  ,  et  selon  quelques- 
uns  gâtée  et  bouleversée,  Paris,  17  56, 
in-12;  4°  Des  Colloques  scolastiques  et 
moraux  ;  b°  Libitina  ou  Traité  des  funé- 
railles des  anciens  en  latin  ;  6°  un 
Traité  des  particules ,  en  français  ;  7° 
Paniheum  mysticum ,  scu  Fabularum 
historia;  Ulrecht,  1697,  in-8 ,  avec 
figures.  C'est  une  mythologie  assez 
bonne  ,  qui  a  été  traduite  en  français  par 
M.  du  Manant,  Paris  ,  1715.  ^°  Novus 
rhetoricœ  candidatus  ,  dont  le  Père 
Jouvenci  donna  en  1712  une  nouvelle 
édition  ,  corrigée  et  augmentée,  à  l'usage 
des  rhéloriciens  du  collège  des  jésuites 
de  Paris. 

POMIS  (  David  de  ).  Voyez  David. 

POMMERAYE  (  Dom  Jean-François  ), 
bénédictin  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur,  né  à  Rouen  en  1617,  renonça 
à  toutes  les  charges  de  son  ordre  , 
pour  se  livrer  entièrement  à  l'étude.  Il 


VOM  19 

mourut  d'apoplexie  dans  la  maison  du 
savant  Bulteau  ,  auquel  il  était  allé  ren- 
dre visite,  en  1687,  à  70  ans.  L'amour 
de  l'étude  et  celui  de  son  état  étaient  ses 
plus  grandes  passions.  On  a  de  lui  plu- 
sieurs ouvrages  pesamment  écrits,  mais 
pleins  de  recherches  laborieuses.  Les 
principaux  sont  :  1°  V Histoire  de  l'ab- 
baye de  Saint-Ouen  de  Rouen ,  et  celles 
de  Saint- Atnand ,  de  Sainte-Catherine, 
de  la  même  ville  ,  in-fol.,  1 662  ;  2°  1'//^- 
toire  des  archevêques  de  Rouen  ,  in-fol., 
1667.  C'est  le  meilleur  de  ses  ouvrages. 
3°  V Histoire  de  la  cathédrale  de  Rouen, 
in-4  ;  4°  un  Recueil  des  conciles  et  sy- 
nodes de  Rouen  ,  in-4,  1677/  On  pré- 
fère la  collection  des  mêmes  conciles 
donnée  par  le  Père  Bessin.  5"  Pratique 
journalière  de  V aumône ,  in-12.  C'est 
une  exhortation  de  donner  à  ceux  qui 
ont  la  charité  de  quêter  en  faveur  des 
pauvres. 

*  POMMEREUL  (François  Réné-Jean, 
Baron  de  )  ,  officier-général  et  adminis- 
trateur ,  né  à  Fougères  le  12  décembre 
1745  ,  d'une  famille  noble  ,  entra  en 
1765  dans  le  corps  de  l'artillerie  fen  qua- 
lité d'officier.  Après  avoir  été  employé  au 
siège  de  Corfou  ,  il  parvint  au  rang  de 
capitaine  dans  la  même  arme.  Il  était 
pourvu  de  ce  grade  à  l'époque  oii  éclata 
la  révolution.  Partisan  de  toutes  les  in- 
novations irréligieuses  et  politiques  pro- 
clamées alors  ,  il  mérita  les  faveurs  du 
nouveau  gouvernement  ,  et  en  1790  il 
fut  envoyé  à  Naples  pour  y  organiser 
l'artilleriesur  le  mêmepiedqu'en  France, 
etcefutlà  qu'il  obtint  successivement  les 
grades  de  colonel  ,  de  brigadier  et  de 
maréchal  de  camp.  Lorsque  le  gouver- 
nement napolitain  entra  dans  la  coali- 
tion des  puissances  étrangères  contre  la 
république  française  en  1793  ,  Pomme- 
reul  sollicita  ses  passeports  pour  revenir 
en  France  ;  mais  ils  lui  furent  refusés  , 
sous  le  prétexte  assez  plausible  qu'il 
connaissait  l'état  des  forces  napolitai- 
nes. Mais  ,  pendant  ce  temps-là  ,  il  fut 
inscrit  en  France  sur  la  liste  des  émigrés; 
ses  biens  furent  vendus  ,  et  sa  famille  in- 
carcérée. Dès  qu'il  en  eut  la  nouvelle  ,  il 
s'empressa  de  réclamer  de  nouveau ,  et 


20  POM 

dans  le  mois  de  juin  17 96  ,  il  obtint  en- 
fin ses  passeports.   Il  se  rendit  aussitôt 
auprès  du  ministre  de  France  à  Florence 
pour  obtenir  la  radiation  de  son  nom  de 
la  liste  des  émigrés  :  ce  qui  lui  fut  ac- 
cordé  seulement   dans  le  mois  d'avril 
1796.   De  retour  en  France  il  reprit  du 
service,  et,'quoiqu'il  n'ait  fait  aucune  ac- 
tion d'éclat  ,  il  parvint  au  grade  de  gé- 
néral de  division.  Alors  dégoûté  de  la 
carrière  militaire  ,   dans  laquelle  il  n'a- 
vait pas  brillé  ,  il  entra  dans  l'adminis- 
tration, et  devint  préfet  d'Indre-et-Loire. 
Ce  fut  dans  cette  place  qu'afifectant  avec 
la  dernière  inconvenance  sa  baine  pour 
tout  sentiment  religieux  ,   il  fit  publier 
ofiftciellement  un  almanach  dans  lequel 
les  noms  des  saints  étaient  remplacés  par 
ceux  des  pbilosopbes.  Cette  publication 
causa  un  grand  scandale  ,  et ,  pour  l'en 
punir  ,   le  gouvernement  le   transféra 
dans  une  des  plus  importantes  préfec- 
tures. Il  passa  à  LilleJ,  et  administra  ce 
département  jusqu'en  1810  ,    oii  il  fut 
nommé  conseiller  d'état  et  peu  de  temps 
après  ,  lors  de  la  disgrâce  de  M.  Portails , 
Buonaparte  lui  confia  la  direction  géné- 
rale de  l'imprimerie  et  de  la  librairie. 
Pommereul  se  déshonora  dansson  admi- 
nistration par  toutes  les  bassesses  et  les 
turpitudes  d'une  âme  vile  et  mercenaire. 
Il  se  vantait  de   n'avoir  été  élevé  aux 
fonctions  qu'il  occupait  ,  que  pour  per- 
sécuter le  pape  ,   et  il  s'acquitta  de  sa 
commission  avec  une  fidélité  dont  on  dut 
être  satisfait.  Privé  de  son  emploi  à  la 
rentrée  du  roi  ,    il  resta  sans  fonction 
jusqu'au  20  mars  1815,  époque  à  laquelle 
il  rentra  au  conseil  d'état.    Au  second 
retour  du  roi  ,  il  fut  compris  dans  l'or- 
donnance du  1 4  juillet ,  qui  le  força  à 
quitter  la  France  :  il  se  réfugia  à  Bruxel- 
les ,  d'oii  il  reçut  ordre  de  s'éloigner  en 
août  181G,  après  avoir  été  arrêté  et  gardé 
à  vue  pendant  plusieurs  jours.  Il  obtint 
dans  la  suite  de  rentrer  en  France  ,  et  il 
est  mort  k  Paris  en  1822.   Parmi  les  ou- 
vrages qui  nous  restent  de  lui  ,  on  dis- 
tingue :   1°  Histoire  de  l'île  de  Corse  , 
1779.    L'éloge  qu'il  faisait  dans  cet  ou- 
vrage de  la  famille  de  Buonaparte  ,  alors 
peu  illustre,  a  beaucoup  contribué  à  la 


POM 

faveur  dont  il  a  joui  constamment.  2'  Re- 
cherches sur  l'origine  de  l'esclavagere- 
ligieux  et  politique  du  peuple  en  France, 
1781  ;  3°  Des  chemins  et  des  moyens  les 
moins  onéreux  au  peuple  et  à  l'e'tat  de 
les  construire  et  de  les  entretenir,  1781  ; 
4°  Manuel  d'Epictète  ,  pre'ce'de'  des  ré- 
flexions sur  ce  philosophe  et  sur  la  mo- 
rale des  stoïciens  ,  17  83  ;  5"  Réflexions 
sur  V Histoire  des  Russes  ,  par  M.  Lé- 
vesque  ,  1783  ;  G"  Etrennes  au  clergé 
de  France,  ou.  Explication  d'un  des  plus 
grands  mystères  de  l'Eglise  ,  1786  : 
ouvrage  dans  lequel  le  clergé  est  traité 
avec  le  dernier  mépris  ;  7°  Essais  miné- 
ralogiques  sur  la  solfatare  de  Pouzoles , 
traduit  de  l'italien  ,  1792;  i°  Observa- 
tions sur  le  droit  dépasse,  proposé  pour 
subvenir  à  la  confection  des  chemins  , 
1796  ;  9"  Fues  générales  sur  V Italie  et 
Malte  ,  dans  leurs  rapports  politiques 
avec  la  république  française ,  et  sur  les 
limites  de  la  France  à  la  rive  gauche  du 
Rhin,  1797  ;  10°  Campagne  du  général 
Ruonaparte  en'Italie  ,  1797  ;  1 1°  L'Art 
de  voir  dans  les  beaux  arts  ,  traduit  de 
l'italien  ;  12°  f^oyage  physique  et  litho- 
logique dans  la  Campante  ,  par  Scipion 
Breislak  ,  traduit  de  l'italien  ;  i  3'*  Mé- 
moire sur  les  funérailles  et  les  sépultu- 
res ,1801.  Il  a  aussi  coopéré  à  l'Art  de 
vérifier  les  dates  ,  au  Dictionnaire  géo- 
graphique et  historique  de  Bretagne , 
à  V Encyclopédie  ,  etc.  Lalande  l'avait 
placé  dans  son  Dictionnaire  des  athées, 
et  il  était  bien  digne  de  cet  honneur. 
Pommereul  joua  un  grand  rôle  dans 
l'organisation  du  culte  théophilantro- 
pique. 

POMPADOUR(  Jeanne-Antoinette 
Poisson,  marquise  de),  était  fille  d'un 
fermier  de  la  Ferlé-sous-Jouare ,  ou , 
selon  d'autres,  d'un  boucher  des  Inva- 
lides, qui  fut  accusé  de  malversations, 
condamné  et  obligé  de  prendre  la  fuite. 
Kéeenl722,ellereçutde  sa  mère  une  édu- 
cation soignée  ;  elle  était  mariée  à  ftl.  Le- 
normand  l'Elioles ,  quand  elle  succéda , 
auprès  de  Louis  XV  ,  à  la  faveur  de  ma- 
dame de  Chàteauroux.  Elle  fut  créée  mar- 
quise de  Pompadour  en  1746,  et  jouit 
d'un  grand  crédit.  Elle  mourut ,  en  17G4, 


POM 

à  44  ans,  après  avoir  vu  sa  faveur  en 
durer  20.  On  a  publié  après  sa  mort  :  1° 
ses  Mémoires,  2  vol.  in-8  ,  1765.  Dans 
ce  livre,  on  la  fait  l'arbitre  de  la  guerre 
et  de  la  paix,  et  le  mobile  de  la  dis- 
grâce ou  de  la  faveur  des  ministres  et 
des  généraux.  Il  est  certain  qu'elle  avait 
dans  tout  cela  une  très  grande  influence. 
(Mais  cet  ouvrage  est  apocryphe.  Les 
Mémoires  historiques  et  anecdotes  de  la 
coiir  de  France  pendant  la  faveur  de 
la  marquise  de  Pompadour,  ouvrage 
conservé  dans  le  portefeuille  de  la  ma- 
réchale d'Estrées,  Paris  ,  1802 ,  in-8,  pu- 
blié par  Soulavie  ,  paraissent  tirés  d'une 
source  plus  authentique.)  2°  Des Ze^fre^, 
3  brochures  in-8  ,  beaucoup  mieux  écri- 
tes que  ses  Mémoires ,  mais  qui  ne  sont 
pas  plus  d'elle  que  ce  dernier  ouvrage. 
L'auteur  des  lettres  l'a  peinte  assez  au 
naturel.  On  la  voit  ennuyée  et  malheu- 
reuse au  sein  de  la  grandeur.  Voyez  Cré- 
BiLLON  (Claude-Prosper  ).  (M.  A.  A.  Bar- 
bier, Dictionnaire  des  anonymes,  2*  édi- 
tion ,  attribue  cet  ouvrage  à  M.  de 
Barbé-Marbois.  M.  Crawfurd  a  livré  au 
public  \e  journal  d'une  femme  de  cham- 
bre {  madame  du  Hausset)de  madame  la 
marquise  de  Pompadour  dans  ses  mé- 
langes ^histoire  et  de  littérature,  Paris, 
1809,  in-4.  Ce  journal  a  été  réimprimé 
dans  la  collection  des  mémoires  sur  la 
Révolution  chez  les  frères  Baudoin .  On  y 
a  trouvé  beaucoup  de  détails  sur  cette  fa- 
vorite et  sur  la  vie  privée  de  Louis  XV  :  M. 
Crawfurd  tenait  le  manuscrit  original  de 
M.  Senax  deMeithan,  lequel  le  devait  lui- 
même  à  un  ami  du  marquis  de  Marigny.  ) 
POMPÉE  LE  Grand  (  Cneïus  Pompeïus 
Magnus),  fils  de  Pompée  Strabon  et  de 
Lucilia,  d'une  famille  noble ,  naquit  l'an 
106  avant  J.  C,  la  même  année  que  Ci- 
céron.  11  apprit  le  métier  de  la  guerre 
sous  son  père,  un  des  plus  habiles  capi- 
taines de  son  temps.  Dès  l'âge  de  23  ans, 
il  leva  de  son  chef  trois  légions,  qu'il 
mena  à  Sylla.  Trois  ans  après ,  il  reprit 
la  Sicile  et  l'Afrique  sur  les  proscrits, 
et  mérita  les  honneurs  du  triomphe ,  l'an 
81  avant  J.  C.  Après  la  mort  de  Sylla  , 
il  obligea  Lépidus  à  sortir  de  Rome,  et 
porta  la  guerre  en  Espagne  contre  Ser- 


POM  2ï 

torius.  Cette  guerre  étant  heureusement 
terminée ,  il  triompha  une  deuxième  fois, 
l'an  73  avant  J.  C,  n'étant  encore  que 
simple  chevalier  romain.  Pompée  fut  élu 
consul  quelques  jours  après.  Il  rétablit , 
pendant  son  consulat ,  la  puissance  des 
tribuns ,  extermina  les  pirates ,  remporta 
de  grands  avantages  contre  Tigrane  et 
contre  Mithridate  ,  pénétra,  par  ses  vic- 
toires, dans  la  Médie  ,  dans  l'Albanie  et 
dans  l'Ibérie  ;  soumit  les  Colques  ,  les 
Achéens  et  les  Juifs,  et  retourna  en  Ita- 
lie avec  plus  de  puissance  et  de  gran- 
deur que  les  Romains  ni  lui-même  n'au- 
raient osé  l'espérer.  Ayant  congédié  ses 
troupes ,  il  rentra  dans  Rome  en  homme 
privé  et  en  simple  citoyen.  Cette  mo- 
destie ,  après  la  victoire ,  lui  gagna  tous 
les  cœurs.  Il  triompha  pendant  trois  jours 
avec  une  magnificence  qui  le  flatta  moins 
que  les  acclamations  du  peuple.  Sa  gloire 
lui  fit  des  ennemis  et  des  jaloux.  Pour  les 
repousser ,  il  s'unit  à  Crassus  et  à  Cé- 
sar. Tous  les  trois  jurèrent  de  se  servir 
mutuellement.  Julie,  fille  de  César  ,  que 
Pompée  épousa ,  fut  le  lien  de  cette 
union.  Ces  deux  grands  hommes ,  unis 
par  le  sang  et  par  la  politique,  et  sou- 
tenus par  Crassus ,  formèrent  ce  que  les 
historiens  appellent  le  premier  triurnvi- 
rat ,  vers  l'an  60  avant  J.  C.  Ce  fut  la 
première  époque  de  la  destruction  du 
pouvoir  consulaire  et  populaire ,  qui 
fléchit  bientôt  sous  une  autorité  que  le 
génie ,  le  crédit  et  les  richesses  rendaient 
inébranlable.  Calon  vit  porter  ce  coup 
et  ne  put  le  parer  ;  Nous  avons  des 
maîtres ,  s'écria-t-il ,  et  c'en  est  fait  de 
la  république.  Pompée  ayant  été  élu 
consul  avec  Crassus ,  on  voulut  donner  la 
préture  à  Caton ,  poar  contre-balancer 
leur  pouvoir  ;  mais  Pompée  feignit  qu'il 
avait  paru  des  signes  au  ciel,  qui  de- 
vaient l'empêcher  d'avoir  cette  charge. 
Ses  prétentions  ne  s'arrêtèrent  pas  là  ;  il 
voulut  tenir  tout  de  la  reconnaissance 
de  ses  concitoyens.  Il  avait  presque  triplé 
les  revenus  de  la  république,  et  telle- 
ment recalé  les  frontières  de  l'empire  , 
que  l'Asie  mineure  ,  qui ,  avant  ses  vic- 
toires, était  la  dernière  des  provinces 
du  peuple  romain  ,  en  occupait  alors  le 


aa  POM 

centre.  Cependant  Pompée ,  par  une  con- 
duite imprudente ,  se  donnait  un  rival 
redoutable ,  ou  plutôt  un  maître  dans  la 
personne  de  César.  Il  s'en  aperçut,  et 
travailla  à  l'abattre.  Le  sénat  l'ayant 
nommé  gouverneur  d'Afrique  et  d'Espa- 
gne, il  se  contenta  de  gouverner  ces 
provinces  par  ses  lieutenans ,  quoique  la 
chose  fût  sans  exemple ,  pendant  qu'il 
s'occupait  à  Rome  à  captiver  la  bienveil- 
lance du  peuple  par  des  jeux  et  des  spec- 
tacles. Il  en  donna  de  si  magnifiques .  à 
l'occasion  de  la  dédicace  d'un  théâtre 
qu'il  avait  fait  construire,  et  dont  les 
ruines  existent  encore ,  qu'au  rapport  de 
Cicéron ,  la  pompe  de  l'appareil  en  fit  en- 
tièrement disparaître  la  gaieté.  Ce  théâ- 
tre ,  le  premier  qui  ait  été  bâti  d'une 
manière  permanente,  était  assez  vaste 
pour  contenir  40,000  personnes.  L'an 
52  avant  J.  C,  il  fut  créé  seul  consul, 
élection  sans  exemple ,  autorisée  par 
Caton  et  par  le  sénat ,  mais  qui  brouilla 
Pompée  avec  César.  Ils  n'étaient  plus 
liés  depuis  quelque  temps  par  les  mêmes 
nœuds  qu'autrefois.  Julie  était  morte, 
et  Pompée  venait  d'épouser  Cornélia, 
fille  de  Métellus  Scipion,  qu'il  associa 
à  son  consulat.  César,  pour  se  rendre 
maître  de  la  république,  voulait  en  même 
temps  garder  le  gouvernement  des  Gau- 
les, et  obtenir  le  consulat.  Le  sénat,  à 
la  sollicitation  de  Pompée ,  rendit  un  dé- 
cret par  lequel  il  devait  être  regardé 
comme  ennemi  de  la  patrie ,  s'il  ne  quit- 
tait son  armée  dans  trois  mois.  Tel  fut 
le  premier  acte  d'hostilité  entre  ces  deux 
rivaux  de  gloire  et  de  puissance.  Pompée 
ne  l'aurait  peut-être  jamais  fait,  sans 
l'occasion  qu'il  eut  de  reconnaître  com- 
bien la  plupart  des  Romains  lui  étaient 
attachés.  Réchappé  d'une  maladie  ,  con- 
tre toute  espérance  ,  il  eut  le  plaisir  de 
voir  toute  l'Italie  entière  célébrer  sa  con- 
valescence par  des  fêtes.  Cet  événement 
le  rendit  présomptueux,  et  quelqu'un 
lui  ayant  dit  que  si  César  marchait  contre 
Rome  ,  on  ne  voyait  rien  qui  pût  l'arrê- 
ter :  (c  En  quelque  lieu  de  l'Italie ,  ré- 
»  pondit-il ,  que  je  frappe  la  terre  de 
»  mon  pied ,  il  en  sortira  des  légions.  » 
César  se  présenta  bientôt  pour  le  com- 


POM 

battre  ;  ce  Pompée  ,  qui  devait  faire  sor- 
tir des  légions  par  un  seul  mouvement 
du  pied,  se  relira  de  Rome  avec  les  con- 
suls ,  et  se  renferma  dans  Brindes ,  d'oîi 
il  passa  bientôt  dans  la  Grèce.  H  eut  le 
bonheur  de  mettre  l'Orient  dans  ses  in- 
térêts ,  et  forma  deux  grandes  armées , 
une  de  terre  et  l'autre  de  mer.  César  l'y 
suivit  ;  mais  Pompée  évita  soigneusement 
d'en  venir  aune  action  décisive.  Son  ad- 
versaire, sentantqu'il  ne  pouvait  l'y  con- 
traindre, prit  la  résolution  de  l'enfermer 
dans  des  lignes  ,  et  en  vint  k  bout ,  quoi- 
qu'il eût  un  tiers  moins  de  troupe».  Pom- 
pée ,  menacé  des  dernières  extrémités , 
attaque  les  lignes  et  les  force.  La  dé- 
route de  ses  ennemis  fut  si  complète, 
qu'on  ne  doute  point  que  la  fortune  ne 
se  fût  entièrement  déclarée  pour  lui,  s'il 
eût  marché  droit  au  camp  de  César.  Ce 
dernier  en  convenait  lui-même ,  et  disait, 
en  parlant  de  cette  journée ,  que  la  vic- 
toire était  aux  ennemis ,  si  leur  chef 
avait  su  vaincre.  Il  y  eut  bientôt  une 
nouvelle  bataille  à  Pharsale,  l'an  48 
avant  Jésus-Christ.  Dans  cette  journée, 
à  jamais  mémorable  ,  la  cavalerie  de 
Pompée  prit  lâchement  la  fuite.  (Elle 
était  composée  de  la  plus  brillante  jeu- 
nesse romaine.  César  connaissait  sa  mol- 
lesse, et  le  soin  qu'un  jeune  Romain 
prenait  de  sa  personne  :  il  donna  ordre 
à  ses  soldats  de  les  frapper  à  la  figure. 
Aux  premiers  coups ,  celte  jeunesse  ef- 
féminée se  dispersa.  )  Les  soldats  de  Cé- 
sar attaquèrent  Le  camp  du  général  en- 
nemi, qui,  découragé  par  la  déroute 
de  ses  troupes ,  se  réfugia  sur  des  hau- 
teurs ,  d'oîi  il  s'enfuit  par  mer  en  Egypte, 
auprès  de  Ptolémée.  Ce  monarque ,  à  qui 
il  demanda  une  retraite  dans  ses  états  , 
chargea  deux  de  ses  officiers  de  l'aller 
recevoir  ,et  de  le  poignarder  à  l'instant. 
Le  grand  et  malheureux  Pompée  passe, 
accompagné  de  peu  de  soldats  et  de  do- 
mestiques ,  dans  la  chaloupe  qui  devait 
le  porter  à  terre.  Mais  aussitôt  Achillaset 
Septimius ,  c'étaient  les  noms  des  deux 
officiers,  le  tuèrent,  à  la  vue  de  sa 
femme ,  qui  le  conduisait  des  yeux ,  du 
vaisseau  oîi  ill'avait  laissé.  Son  corps  de- 
meura quelque  temps  sans  sépulture  sur 


POM 

le  bord  de  la  mer.  Un  de  ses  affranchis  et 
un  de  ses  anciens  soldats  le  brûlèrent,  sui- 
vant l'usage  des  anciens,  et  couvrirent 
ses  cendres  d'un  petit  monceau  de  terre. 
Tel  fut  le  tombeau  du  grand  Pompée.  Cé- 
sar, h  qui  on  porta  sa  tête  ,  versa  des  lar- 
mes sur  son  sort,  et  lui  fit  élever  un  tom- 
beau plus  digne  de  lui.  Mais  il  y  a  lieu  de 
douter  que  ces  larmes  aient  été  sincères. 
(Ployez  CÉSAR.)  On  a  remarqué  que  la 
fortune  de  Pompée  et  sa  longue  chaînede 
victoires  finirent  après  la  démarche  im- 
prudente qu'il  fit  d'entrer  dans  le  temple 
de  Jérusalem ,  de  se  faire  montrer  le 
trésor  et  ouvrir  le  Sancta  Sanctorum. 
(  Voyez  Crassus.  )La  sainteté  du  temple, 
»  dit  Flave  Josèphe,  fut  violée  d'une 
»  étrange  sorte  ;  car  au  lieu  que  jusqu'a- 
))  lors  les  profanes,  non  seulement n'a- 
}>  vaient  jamais  mis  le  pied  dans  le  sanc- 
j)  tuaire  ,  mais  ne  l'avaient  jamais  vu  , 
»  Pompée  y  entra  avec  plusieurs  de  sa 
»  suite.  »  Cependant,  il  faut  rendre  jus- 
tice au  généreux  Romain;  ces  trésors 
qui  tentèrent  Crassus ,  Pompée  les  vit  et 
ne  toucha  à  rien  :  exemple  qui  doit  faire 
rougir  plus  d'un  prince  chrétien  ,  qu'une 
philosophie  impie  a  travestis  en  spolia- 
teurs des  lieux  saints.  S'il  fut  digne  d'en- 
trer en  concurrence  pour  la  valeur  avec 
César  ,  il  lui  fut  toujours  supérieur  par  la 
pureté  des  mœurs  et  la  modération  des 
sentimens.  César  voulut  être  le  maître  du 
monde ,  et  Pompée  ne  voulut  en  être 
que  le  premier  citoyen.  Il  fut  ami  con- 
stant ,  ennemi  modéré  ,  citoyen  paisible , 
tant  qu'il  ne  craignit  point  de  rival.  Sa 
vie  privée  offre  plusieurs  traits  dignes 
d'un  sage.  Son  médecin  lui  ayant  or- 
donné ,  dans  une  maladie,  démanger  de 
la  grive  ,  ses  valets  lui  dirent  qu'en  été  on 
ne  pouvait  trouver  cet  oiseau  nulle  part 
que  chez  Lucullus,  qui  en  engraissait 
chez  lui.  Pompée  nevoulutpointqu'on  al- 
lât lui  en  demander,  et  dit  à  son  médecin  : 
»  Quoi  !  Pompée  serait  donc  un  homme 
»  mort ,  si  Lucuilus  n'était  un  monstre 
»  perdu  de  mollesse  et  de  luxure  ?  »  Il 
commanda  en  même  temps  qu'on  lui  ser- 
vît un  autre  oiseau  qui  ne  fut  pas  si  diffi- 
cile à  trouver.  Salluste  l'a  durement  jugé 
par  cette  courte  sentence  .-  Oris  probi, 


POM 


23 


animo  inverecundo.  Il  se  peut,  sans 
doute,  que  les  paroles  et  les  dehors  de 
Pompée  n'aient  pas  toujours  été  d'accord 
avec  son  cœur ,  et  qu'il  n'ait  pas  assez 
aimé  la  vertu  pour  lui  sacrifier  en  secret; 
mais  il  serait  difficile  de  trouver  un  de 
ces  anciens  héros  qui  lui  eût  sacrifié  de 
la  sorte.  Cicéron  en  parle  avec  plus  de 
justice  dans  la  belle  oraison  Pro  lege 
Manilia.  Moline  a  donné  l'Histoire  du 
grand  Pompée,  ^aris,  1777,2  vol.  in-12. 

POMPÉE (  Cneïus  et  Sextus),fils  du 
précédent ,  avaient  mis  une  puissante  ar- 
mée en  campagne  ,  lorsque  leur  illustre 
père  leur  fut  enlevé.  Jules-César  les 
poursuivit  en  Espagne ,  et  les  défit  à  la 
bataille  de  Murcie,  l'an  45  avant  J.  C. 
Cneïus  y  fut  tué.  Sextus,  son  cadet,  se 
rendit  maître  de  La  Sicile,  où  sa  domina- 
tion ne  fut  pas  de  longue  durée.  Il  perdit 
dans  un  grand  combat  sur  mer  la  puis- 
sante flotte  dont  il  était  le  maître,  et  fut 
entièrement  défait  par  Octave  et  Lépi- 
dus.  Il  passa  en  Asie  avec  sept  vaisseaux 
seulement ,  lui  qui  auparavant  en  avait 
eu  jusqu'à  350.  L'impuissance  oxi  il  était 
de  soutenir  la  guerre  l'obligea  de  se  re- 
tirer en  Arménie,  où  Antoine  lui  fit  don- 
ner la  mort,  l'an  35  avant  J.C. 

POMPÉE.  royezlKOGVs. 

POMPEI  (Le  comte  Alexandre) ,  ar- 
chitecte ,  naquità  Vérone  en  janvier  1 705 
ou  1706,  étudia  à  Naples chez  les  jésui- 
tes :  revenu  dans  sa  patrie,  lise  consacra 
entièrement  à  l'architecture,  et  y  montra 
beaucoup  de  talent.  Plusieurs  des  palais 
qui  décorent  Vérone  furent  élevés  sous  sa 
direction  ;  on  y  remarque  les  principes 
du  goût  alliés  à  ceux  de  l'art.  Pompei 
mourut  en  1772  ;  il  a  laissé  :  Li  cinque 
ordinidé'llarchitettura  M.  San-micheli 
descriti  e pubblicati,\éroae,  1 7  55,  in- fol. 

*  POMPEI  (Jérôme  ) , de  la  même  fa- 
mille que  le  précédent,  gentilhomme  de 
Vérone,  où  il  naquit  le  18  avril  1 73  f,  em- 
brassa plusieurs  études  à  la  fois,  et  de- 
vint en  peu  de  temps  un  des  hommes  les 
plus  instruits  de  l'Italie.  Orateur  ,  philo- 
sophe, théologien  et  poète ,  il  acquit  une 
grande  réputation.  Il  cultiva  néanmoins 
plus  particulièrement  la  poésie,  et  mou- 
rut le  4  février  1788.  On  cite  de  lui  les 


24  POM 

ouvrages  suivans:  i° Canzoni pastorali, 
con  alcuni  IdilUi  di  Teocrito  e  di  Mosco, 
tradotti  in  ver  si  italiani ,  Vérone ,  1764, 
in-8 ,  dédiées  au  cardinal  Albani  ;  2° 
Nuove  Canzoni  pastorali ,  odi,sonetti, 
traduzzioni ,  etc. ,  Vérone ,  1 7  7  9  ;  3°  Les 
vies  des  hommes  illustres  de  Plutarquc, 
traduites  en  italien,  ibid. ,  1773  ,  4  vol. 
in-4,  Naples,  1784  ;  \° Ipermenesira ,  tra- 
gédie, 1767;  CaZZiWioe,  tragédie,  1769, 
etc.  (La  vie  de  Pompéi  a  été  écrite  en  la- 
tin parle  Père  Fontana,  Vérone,  1790  , 
et  insérée  dans  le  tom.  6  du  Fitœ  Italo- 
rum  de  Fabroni.  Son  Eloge  en  italien 
par  H.  Pindemonte  se  trouve  dans  le  Jour- 
nal de  Pise,  tom.  7,  p.  272.) 

POMPÉI  A-,  troisième  femme  de  Ju- 
les-César ,  fille  de  Q.  Pompée ,  fut  mariée 
à  ce  héros  après  la  mort  de  Cornélie  ; 
jnais  son  époux  la  répudia  bientôt  après. 
11  la  soupçonnait  d'avoir  eu  commerce 
avec  Clodius ,  qui  s'était  glissé  en  habit 
de  femme,  pendant  les  cérémoniespubli- 
ques  de  la  fête  de  la  Bonne-Déesse.  On 
voulait  engager  César  de  déposer  contre 
elle;  il  le  refusa,  en  disant  quHl  ne  la 
croyait  point  coupable  ;  cependant ,  par 
une  inconséquence  digne  de  ces  temps 
ténébreux  ,  il  la  renvoya,  sous  le  ridicule 
prétexte  que  la  femme  de  César  (le  plus 
luxurieux  des  Romains  {ne  devait  pas  seu- 
lement être  exempte  de  crimes,  mais 
même  de  soupçon. 

POMPÉIEN.  Foyez  Lucillk. 

*  POMPEIOLEOINIS,  célèbre  sculp- 
teur itulien,  naquit  en  là38,  et  après 
avoir  acquis  un  renom  dans  l'Italie ,  vint 
en  Espagne,  où  l'appela  Philippe  II. 
Pompeio  orna  le  maître-autel  de  l'église 
de  l'Escurial  de  quinze  statues  et  d'un 
cruct/îx  qui  font  l'admiration  de  tous  les 
connaisseurs  :  ce  sont  ses  plus  beaux 
ouvrages.  Il  mourut  vers  1605. 

''POMPIGNAN(  Jean -Georges  de). 
VoyezfVkKVC  (Le)  dePompignan.  VAmi 
de  la  religion  nous  a  indiqué  dans  sou 
n"  2088,  page  468,  où  il  rend  le  compte 
le  plus  avantageux  de  notre  édition ,  une 
inexactitude  commise  par  Feller  :  nous 
ne  l'avons  point  réparée,  car  elle  nous 
avait  échappée.  Nous  nous  empressons 
de  répondre  à  son  désir  et  au  besoin  que 


POM 

nous  avons  de  rendre  notre  édition  aussi 
bonne  que  possible.  L'article  de  Feller 
reproduit  un  jugement  âpre  et  injuste  de 
l'abbé  Barruel  sur  ce  prélat  :  nous  indi- 
querons la  réponse  que  l'abbé  Emery  a 
faite  à  l'abbé  Barruel  ;  elle  se  trouve  dans 
la  préface  des  Lettres  à  un  e'vêque  par 
M.  de  Pompignan.  Ce  savant  et  pieux 
ecclésiastique  repousse  les  reproches  qui 
avaient  été  adressés  à  ce  prélat.  Voici  le 
plus  grave.  La  constitution  civile  du 
clergé  menaçait  la  France  d'un  schisme. 
Le  10  juillet  1 790  le  pape  Pie  VI  envoya 
à  l'ancien  archevêque  de  Vienne  une  bulle 
où  il  blâmait  les  nouveaux  décrets  pt  où 
il  l'engageait  à  détourner  le  roi  d'y  don- 
ner la  .sanction  :  le  même  jour  il  avait 
écrit  dans  le  même  sens  à  M.  deCicé, 
archevêque  de  Bordeaux,  et  à  Louis  XVI. 
Cependant  le  roi  sanctionna  la  constitu- 
tion civile  du  clergé  le  24  août.  Ce  n'est 
pas  seulement  l'abbé  Barruel  qui  a  blâmé 
la  conduite  que  tint  dans  celte  circon- 
stance M.  de  Pompignan  •  l'évêque  de 
Blois,  M.  de  Thémine  dans  son  ordon- 
nance de  1791,  et  M.  l'abbé  N.-S.  Guillon 
dans  sa  collection  des  brefs  du  St. Siège, 
tome  l*"",  page  38,  parlent  de  ce  prélat 
avec  sévérité.  Nous  renvoyons  ceux  qui 
voudront  étudier  cette  question,  à  la 
Notice  qu'a  donnée  M.  l'abbé  Emery  à  la 
tète  des  Lettres  à  un  êvêque  par  M.  de 
Pompignan.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
que  c'est  le  24  aoiit  que  fut  apposée  la  • 
signature  du  roi  au  bas  de  la  constitution, 
et  que,  dès  le  17  du  même  mois  ,  M.  de  > 
Pompignan  n'assistait  plus  au  conseil ,  j 
retenu  chez  lui  par  la  maladie  qui  le 
conduisit  au  tombeau  ;  c'est  que  M.  de 
Pompignan  répondit  au  pape  et  lui  promit 
de  faire  ce  qui  était  en  lui  pour  secon- 
der ses  vues.  Le  bref  de  Pie  VI  ne  fut  pas 
publié  :  faut-il  l'attribuer  à  une  rései-ve 
commandée  par  les  circonstances ,  ou  aux 
ordres  même  du  roi  ?  c'est  ce  que  nous  ne 
nous  permettrons  pas  de  décider.  Foyez 
une  Notice  sur  ce  prélat  dans  les  Mémoi- 
res pour  servir  à  P histoire  ecclésiastique 
pendant  le  1 8*  siècle.  VAmi  de  la  reli- 
gion-parle  d'une  Notice  plus  étendue; 
mais  elle  est  encore  inédite.  Nous  don- 
nons ici  la  liste  dés  ouvrages  de  M.  de 


POM 

Pompignan  :  1°  Une  Instruction  pasto- 
rale aux  nouveaux  convertis  de  son  dio- 
cèse, Montauban,  17. M;  c'est  un  ouvrage 
de  controverse ,  court ,  mais  solide  ;  2° 
Questions  sur  V incre'dulité,  1 7  53 ,  in- 1 2; 
l'auteur  y  traite  cinq  questions.  Cet  ou- 
vrage, un  des  premiers  qui  parurent 
contre  la  philosophie  naissante,  est  plein 
de  sens  et  de  modération.  3"  Le  ve'rita- 
ble  usage  de  V autorité  séculière  dans  les 
matières  qui  concernent  la  religion, 
17.53,  in-12.  C'est  une  défense  des  droits 
de  l'Eglise  contre  les  entreprises  du  par- 
lement. 4°  La  dévotion  réconciliée  avec 
Fesprit,  1754,  7  vol.  in-12,  souvent  ré- 
imprimé ;  5°  Controverse  politique  sur 
l'autorité  de  l'Eglise,  ou  Lettres  de  M. 
D.  C.  à  M.  Vévêque  du  Puy,  avec  les 
réponses  de  ce  prélat,  1757,  in-12. 
Cette  controverse  fut  provoquée  par  les 
Questions  sur  l'incrédulité.  H  y  a  deux 
lettres  sous  le  nom  d'un  ministre  pro- 
testant ,  avec  les  deux  réponses  du  pré- 
lat. Grillet  nous  apprend  que  l'ouvrage 
est  du  chanoine  Favre  d'Anncci ,  sous  le 
nom  du  ministre  des  Certolz.  6°  Vincré- 
dulité  convaincue  par  les  prophéties, 
1759,  3  vol.  in-12;  1°  Instruction  pas- 
torale sur  la  prétendue  philosophie  des 
incrédules  modernes,  1764  ,  2  vol.  in-12; 
8°  Instruction  pastorale  sur  l'hérésie, 
17G6  ,  in-4.  11  y  eut  une  Lettre  à  l'évê- 
que  du  Puy  sur  cette  instruction  ;  cette 
Lettre,  17tJ6,  80  pages  in-12,  est  une  ré- 
clamation en  faveur  des  appelans;  9° 
Défense  des  actes  du  clergé,  concernant 
la  religion,  17  69;  c'est  une  réponse  au 
réquisitoire  violent  de  M.  de  Castillon  , 
avocat-général  à  Aix;  10°  La  religion 
vengée  de  V  incrédulité  par  l'incrédulité 
elle-même,  1772  ,  in-12  ;  11°  les  Lettres 
à  un  évêque  sur  divers  points  de  morale 
et  de  discipline,  1802,  2  vol.  in-8  ;  cet 
ouvrage  posthume  a  été  publié  par  le 
sage  abbé  Emery,  qui  y  a  joint  la  Notice 
dont  nous  avons  parlé  sur  la  vie  du  pré- 
lat. L'éditeur  annonce  qu'il  existe,  en 
manuscrit,  un  Traité  dogmatique  et  mo- 
ral sur  le  jugement  dernier  et  la  résur- 
rection des  morts,  et  un  assez  grand 
ouvrage  sur  les  jésuites.  M.  de  Pompi- 
gnan avait  écrit  au  roi ,  le  16  avril  1762, 


POM  25 

une  lettre  en  faveur  de  ces  religieux.  On 
pourrait  joindre  des  Z^àcour.y  prononcés 
en  différentes  occasions  :  par  exemple,  les 
Oraisons  funèbres  de  la  Dauphine  en 
1747,  et  de  la  reine  Marie  Leczinska, 
en  1768  ;  des  Mandemens,  et  des  Rap- 
ports faits  dans  les  assemblées  du  clergé. 
POMPOINACE  ou  POMPON Azzi  (Pierre), 
en  latin  Pomponatius,  né  dans  la  ville  de 
Mantoue  en  1 462,  était  de  si  petite  taille, 
qu'il  ne  s'en   fallait  guères  qu'il  ne  fût 
un   nain.    Mais    la  nature  avait  réparé 
ce  défaut  en  lui  accordant  beaucoup  d'es- 
prit. Il  enseigna  la  philosophie  à  Padoue 
et  en  plusieurs  autres  villes  d'Italie,  avec 
une  réputation  extraordinaire.  Son  livre 
De  immortalitate  animée  ,  en  1534,  in- 
12,  dans  lequel  il  soutient  qu'Aristote  ne 
la  croit  point,  et  que  l'on  ne  peut  la 
prouver  que  par  l'Ecriture  sainte  et  par 
l'autorité  de  l'Eglise,  fui  vivement  atta- 
qué. La  première  assertion  pouvait  être 
vraie,  et  l'on  comprend  que  l'autorité  du 
pédagogue  grec  est  peu  de  chose  en  cette 
matière  {voy.  Orégius  )  :  mais  la  seconde 
est  dangereuse  et  fausse  ;  car  quand  tout% 
autre  preuve  philosophique  manquerait  à 
ce  dogme ,  les  notions  de  morale,  1  idée 
ineffaçable  du  vice  et  de  la  vertu,  en  for- 
meraient une  démonstration    complète. 
Cependant  le  cardinal  Bembo  ,  qu'on  prit 
pour  arbitre  dans  cette  affaire ,  tâcha  de 
lui  donner  un  tour  favorable,  et  Pompo- 
nace  obtint  une  nouvelle  permission  de 
publier  son  livre.  Il  trouva  alors  des  apo- 
logistes ;  mais  il  lui  resta  encore  beau- 
coup d'adversaires.  Théophile  Raynaud 
prétend  que  son  ouvrage  deV  immortalité 
de  l'âme  fut  jngé  digne  du  feu  par  les  Vé- 
nitiens ,  et  qu'il  fut  désavoué  par  son  pro- 
pre père.  Le  cinquième  concile  de  Latran 
le  condamna.  Il  paraît  que  ,  non  content 
de  rejeter  les  preuves  naturelles  d'uue 
vérité  aussi  consolante  que  parfaitement 
assortie  à  toutes  les  notions  humaines, 
Pomponace  voulait  mettre  une  espèce 
d'opposition   entre  la  foi  et  la  raison, 
deux  choses  qui,  dans  un  bon  esprit,  sont 
toujours  d'accord.  Un  auteur  protestant 
a  depuis  renouvelé  cette  erreur.  {Voyez 
HoFFMAN  Daniel.  )  Son  livre  des  enchan- 
temens  n'excita  pas  moins  de  rumeur.  On 

4- 


5.6  POM 

le  mil  à  Vindex.  L'auteur  veut  y  prou- 
ver que  ce  qu'on  dit  de  la  magie  et  des 
sortilèges  ne  doit  aucunement  être  attri- 
bué au  démon.  Mais,  en  même  temps 
qu'il  combat  la  magie ,  il  donne  un  pou- 
voir fort  étrange  aux  astres  ;  il  leur  attri- 
bue tous  les  effets  miraculeux ,  et  en  fait 
dépendre  les  lois  et  la  religion.  Telle  est 
l'inconséquence  de  l'esprit  humain  aban- 
donné à  lui-même,  que  rejetant  des  vé- 
rités reconnues ,  il  les  remplace  par  les 
fruits  d'une  imagination  inquiète  et  éga- 
rée. On  place  la  mort  de  Pomponace  en 
1525 ,  à  63  ans.  Elle  fut  causée  par  une 
rétention  d'urine.  Il  s'était  fait  cette  épi- 
taphe  ,  qui  marque  assez  bien  son  esprit 
flottant,  bizarre  et  capricieux  :  Hic  se^ 
pultusjaceo.  Quare  ?  nescio  ,  nec  si  scis, 
aut  nescis,  euro.  Si  vales ,  bene  est .-  vi- 
vens  valut.  Fartasse  nunc  valeo  ;  si,  aut 
non,  dicere  nequeo.  Quoiqu'une  foule  d'é- 
crivains catholiflues  et  protestans  l'aient 
accusé  d'irréligion,  on  assure  qu'il  fit  une 
fin  très  chrétienne,  son  incrédulité  étant, 
comme  chez  beaucoup  d'autres,  plus 
^ans  sa  bouche  et  dans  sa  plume  que  dans 
son  esprit.  Les  ouvrages  philosophiques 
de  Fomponace  furent  recueillis  à  Venise, 
en  1625,  in-fol.,  sous  ce  titre  :  Pétri 
Pomponatii  opéra  omnia  philosophica. 
Cette  édition  est  rare. 

POMPONE.  Foyez  Arnauld. 
POMPONIUS-ATTICDS.     Foyez 
Atticus. 

POMPONIUS-MELA ,  géographe  de 
Mellaria,  dans  le  royaume  de  Grenade, 
est  auteur  d'une  géographie  intitulée  2?e 
situ  orbis  ,  en  trois  livres.  Cet  ouvrage 
est  exact  et  méthodique.  L'auteur  a  su  le 
rendre  agréable  par  plusieurs  traits  d'his- 
toire. Plusieurs  savans,  entre  autres  Vos- 
sius  et  Gronovius  ,  l'ont  enrichi  de  notes. 
La  première  édition  est  de  1 47 1 ,  in-4.  Les 
meilleures  sont  celles  de  Lcyde,  164G, 
in- 12  ;de  Gronovius,  1722  ,  in-8  ,  qui  se 
joint  aux  éditions  cum  notis  variorum. 
On  en  a  encore  une  de  Leyde,  1748  ,  2 
vol.  in-8  ,  et  une  de  1761  ,  in-4.  (E.  P. 
Fadim  en  a  donné  une  autre  fidèle  et 
qui  ne  manque  pas  d'élégance.  Il  y  a 
joint  des  notes  qui  forment  une  géogra- 
phie comparée  des  temps  anciens  et  mo- 


POM 

dernes.  )  Ce  géographe  florissait  dans  le 
premier  siècle  de  l'Eglise.  , 

POMPONIUS     L^TUS  (  Julius) , 
nommé  mal  à  propos  Pierre  de  Calabve , 
naquit ,  en  1 435 ,  à  AmenDolara  ,  dans  la 
haute  Calabre.  Il  vint  de  bonne  heure  à 
Rome,  où  ses  talens  le  firent  distinguer; 
mais  ayant  été  accusé  avec  d'autres  sa- 
vans d'avoir  conjuré  contre  le  pape  Paul 
II ,  il  se  retira  à  Venise.  Après  la  mort  du 
pontife ,  il   revint  à  Rome.  Il   eut  dans 
cette  ville  un  grand  nombre  de  disciples, 
et  ses  leçons  étaient  tellement  suivies, 
qu'elles  commençaient  au  point  du  jour  ; 
on  venait  souvent  à  minuit  pour  retenir 
une  place.  Sixte  IV  et  Innocent  VIII  ap- 
préciaient ses  talens.  Cependant  on  l'ac- 
cusait  de  vivre   en  philosophe  suspect 
d'impi^'té  et  d'athéisme.  Il  était  enthou- 
siaste de  l'ancienne  Rome.  Une  lisait  que 
les  auteurs  de  la  plus  pure  latinité,  dédai- 
gnant l'Ecriture  et  les  Pères.  Il  célébrait 
la  fête  de  la  fondation  de  Rome  ,  et  avait 
dressé  des  autels  à  Romulus.  Dans  la  cha- 
leur de  son  zèle  pour  le  paganisme ,  il 
disait  que  la  religion  chrétienne  n'était 
faite  que  pour  des  barbares.  «  Cela  était 
»  vrai ,  dit  un  auteur,  dans  le  sens  qu'elle 
»  a  instruit  tous  les  barbares  de  la  terre  , 
»  qu'elle  les  a  soumis  à  ses  lois ,  et  rendus 
»  heureux  par  des  mœurs  douces  et  par  les  , 
»  consolations  de  la  foi.  »  Les  lumières  de 
la  grâce  ayant  dissipé  les  ténèbres  de  sa 
philosophie,  il  mourut  chrétiennement, 
en  1495,  à  70  ans  ,  à  l'hôpital,  où  son 
indigence  l'avait  fait  porter  dans  sa  der- 
nière maladie.  On  lui  donne  aussi  le  nom 
de   Julius   Pomponius  Sabinus,  et  de 
Pompitius  Fortunatus.  On  a  de  lui  :  1° 
un  Abrégé  de  la  vie  des  Césars ,  depuis 
la  mort  des   Gordien  jusqu'à  Justinien 
III,  1588,  in-fol.  ;  2°  un  livre  De  exortu 
Mahumedis ,  dans  un  recueil  sur  ce  su- 
jet ,  Râle ,  1 533 ,  in-fol ,  ;  3°  un  autre  Des 
magistrats  romains,  in-4  ;  4"  De  sacer- 
dotiis ,  de  legibus ,  ad  M.  Pantagathum , 
in-4  ;  5°  De  Romance  urbis  vetustate , 
Rome  ,1515,  in-4  ;  6°  P^ita  Statii  poetce 
et  palris  ejus  ;  De  arte  grammatica^ 
Venise,  1 484,  in  4  ;  7° des  éditions  de  Sal- 
luste,  de  Pline  le  Jeune,  et  de  quelques 
écrits  de  Cicéron  ;  8°  des  Commentaire^ 


PON 

sur  Quintilien,  sur  Columelle  et  sur  Vir- 
gile, etc.  Sabeliius,  son  disciple,  a  écrit 
sa  Fie. 

PONA  (Jean-Baptiste),  mort  à  Vé- 
rone sa  patrie  en  1588  ,  à  la  fleur  de  son 
âge,  est  auteur  P  d'un  ouvrage  criti- 
que qui  a  pour  titre  :  Diatribe  de  rébus 
philosophicis  ,  Venise ,  1 590  ;  2"  de  Poé- 
sies latines  ;  3°  d'une  pastorale  intitulée 
il  Terrino ,  etc.  — 11  ne  faut  pas  le  con- 
fondre avec  Jean  PoKA,  son  frère,  habile 
botaniste  ,  apothicaire  de  Vérone,  dont 
on  a  :  1"  Plantée  quce  in  Baldo  monte 
et  in  via  a  Ferona  ad  Baldum  reperiun- 
fur, Vérone,  1595,  in-4;et  dans  l'His- 
toria  rarioruni  stirpiuni  de  Charles  de 
l'Ecluse,  Anvers,  1901,  in-fol. Cet  ouvrage 
a  été  traduit  en  italien ,  et  a  paru  sous  le 
titre  de  Monte  Baldo  descritto ,  Venise, 
1617,  iu-4  ;  2°  Del  vero  balsamo  degli 
antichi ,  Venise ,  1 623 ,  in-4. 

POJNA  (  François  } ,  né  à  Vérone  en 
1594  ,  y  exerça  la  médeciDe  ,  et  mourut 
vers  1652.  Ou  a  de  lui  :  1°  Medicina 
animée,  1629,  in-4;  2°  La  Lucerna  di 
Eureta  Misoscolo ,  1627,  in-4.  C'est  un 
entretien  qu'il  a  avec  sa  lampe ,  laquelle, 
suivant  les  principes  des  pythagoriciens, 
était  animée  d'une  âme  qui  avait  passé 
par  plusieurs  corps.  3°  Saturnalia  ,1632, 
in-8  ;  4"  VHormondo,  1635  ,  in-4  :  c'est 
un  roman  ;  5°  La  Messalina  ,  in-  4 , 
autre  roman;  6°  des  Tragédies  et  des 
Comédies  ;  7°  La  Galleria  délie  donne 
celebri,  1641,  in-12;  8°  V Adamo, poema, 
1664,  in-16  ;  9"  Dclla  contraria  forza 
di  due  begli  occhi,  in-4,  etc. 

POJNCE  DE  Lazare,  gentilhomme  du 
diocèse  de  Lodève,  dans  le  12^  siècle, 
fut  long-temps  le  fléau  de  sa  province 
par  ses  brigandages  et  ses  violences. 
Touché  de  la  grâce  ,  il  prit  la  résolution 
de  faire  une  pénitence  aussi  éclatante  que 
ses  crimes  avaient  été  publics.  Sa  femme, 
charmée  de  son  dessein  ,  lui  en  facilita 
l'exécution  en  entrant  dans  un  monas- 
tère. Après  avoir  vendu  tous  ses  biens  et 
ses  meubles ,  payé  ses  créanciers  et  tous 
ceux  à  qui  il  avait  fait  tort ,  et  donné  des 
exemples  siuguliers  d'humilité  et  de  pé- 
nitence ,  il  alla  à  Saint-Jacques  en  Ga- 
lice ,  avec  six  compagnons  de  ses  débau- 


PON  27 

ches  qu'il  avait  gagnés  à  Dieu ,  et  fit , 
selon  la  coutume  de  ce  temps-là ,  divers 
autres  pèlerinages.  Il  s'arrêta  ensuite, 
avec  ses  compagnons,  dans  un  lieu  ap- 
pelé Salvanes,  qu'Arnauld  du  Pont,  sei- 
gneur de  cet  endroit,  lui  donna.  Ils  y 
bâtirent  des  cabanes ,  et  le  nombre  des 
disciples  de  Ponce  s'étant  augmenté  ,  ils 
embrassèrent  la  règle  de  Cîteaux  en  1 136. 
Pierre  ,  abbé  de  Mazan ,  leur  donna  l'ha- 
bit, et  choisit  Adémare,  l'un  d'entre 
eux ,  pour  leur  abbé.  Ponce  ne  voulut 
d'autre  rang  que  celui  de  frère  convers , 
et  mourut  quelque  temps  après  eu  odeur 
de  sainteté. 

PONCE  DE  LA  FuENTE  (  Coustuntiu  )  , 
Poiitius  Foniius,  chanoine  de  Se  ville, 
et  docteur  en  théologie  de  la  faculté  de 
cette  ville,  fut  prédicateur  de  l'empereur 
Charles-Quint  ;  mais  s'étant  laissé  fas- 
ciner par  les  nouveautés  du  protestan- 
tisme ,  il  apostasia  et  embrassa  ce  parti , 
dont  il  devint  un  des  plus  ardens  secta- 
teurs. Il  fut  arrêté  par  ordre  du  saint- 
office  ,  et  n'échappa  au  supplice  que  par 
la  mort,  qu'il  fut  même  accusé  de  s'être 
procurée  en  1559  :  son  effigie  fut  livrée 
aux  flammes.  Ponce  avait  composé  en 
latin  des  Commentaire  s  sur  l'Ecclésia&le, 
les  Proverbes ,  le  Cantique  des  Canti- 
ques, et  d'autres  ouvrages. 

*  PONCE  (Pierre)  bénédictin  espagnol , 
né  vers  1520  à  Valladolid,  est  le  premier 
inventeur  connu  de  l'art  d'instruire  et 
de  faire  parler  les  sourds-muets.  Voici  à 
quelle  occasion  lui  vint  l'idée  de  s'occu- 
per de  ce  soin.  Un  certain  Gaspard  Bur- 
gos  n'ayant  pu  entrer  dans  un  couvent 
qu'en  qualité  de  frère  convers ,  parce 
qu'il  était  sourd -muet,  Pierre  Ponce  se 
chargea  de  l'instruire,  trouva  le  secret 
de  le  faire  parler  ,  en  sorte  que  le  frère 
put  se  confesser,  et  d'après  l'assertion 
d'Ambroise  Morales  (Description  de  l'Es- 
pagne ,  page  38  j ,  il  devint  habile  dans 
les  lettres ,  et  composa  plusieurs  ouvra- 
ges. Le  même  historien  Morales  raconte 
en  outre  qu'il  avait  instruit  les  deux  frè- 
res et  une  sœur  du  connétable ,  ainsi 
qu'un  fils  du  grand  juge  d'Arragon  ,  tous 
quatre  sourds-muets  de  naissance  ,  et  il 
dit  que  ces  élèves  écrivaient  non  seule- 


a8  PON 

meut  très  bien  une  lettre  ou  toute  autre 
chose  ,  mais  qu'ils  répondaient  de  \ive 
voix  aux  questions  que  leur  instituteur 
leur  adressait  par  signes  ou  par  écrit.  Ce 
phénomène  ,  qui  a  laissé  plusieurs  incré- 
dules ,  est  renouvelé  maintenant  en  Al- 
lemagne et  en  Suisse.  M.  Désiré  Ordi- 
naire ,  ancien  recteur  de  l'académie  de 
Strasbourg ,  est  parvenu  au  même  résultat 
dans  l'Institut  de  Besançon,  auquel  il  a 
donné  des  soins  en  1 S31 -32  :  depuis  celte 
époque  il  applique  sa  méthode  à  l'Insti- 
tut des  sourds-muets  de  Paris  oiisa  scien- 
ce, ses  vertus  et  son  zèle  en  font  un  des 
pi  us  dignes  successeurs  de  l'abbé  del'Epée 
et  de  l'abbé  Sicard.  Le  père  Ponce  est  mort 
en  1584  ;  il  n'a  rien  écrit  sur  sa  méthode 
d'instruire  les  sourds-muets.  Jean-Paul 
Bonnet  est  le  premier  qui  ait  publié  un 
ouvrage  sur  ce  sujet ,  intitulé  :  Reduccion 
de  las  letras,  y  arte  para  en  senar  a 
hablar  los  mutos,  1620,  in-4. 

PONCE  (  Paul  ) ,  sculpteur  florentin , 
se  distingua  en  France  sous  les  règnes 
de  François  II  et  de  Charles  IX.  Il  y  avait 
plusieurs  de  ses  ouvrages  aux  Célestins 
de  Paris  ,  qui  attiraient  les  curieux  dans 
cette  église,  qui  n'existe  plus,  et  dont 
les  beaux  monuraens  sépulcraux  ont  été 
défaits  et  dispersés. 

PONCE  DE  Lkon  (  Basile  ) ,  canoniste 
et  théologien  de  Grenade ,  d'une  famille 
illustre ,  prit  l'habit  religieux  de  l'ordre 
des  ermites  de  Saint- Augustin.  Après 
avoir  brillé  dans  ses  études  ,  il  professa 
la  théologie  et  le  droit  canon  à  Alcala  et 
à  Salamanque,  avec  une  grande  répu- 
tation. Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
1*  De  confirmât ione ,  in-4  ;  2°  De  ma- 
trimonio ,  in-fol.  ;  3°  De  impedimentis 
matrimonii,  in-4;  4°  Diverses  ques- 
tions tirées  de  la  théologie  scolastique 
et  de  la  positive  ,  en  latin  ;  ouvrage 
plein  d'érudition,  etc.  Ce  savant  et  pieux 
religieux  mourut  en  1629  à  Salamanque, 
où  il  avait  été  chancelier  de  l'université. 
On  lui  a  reproché  des  décisions  trop  peu 
sévères  ;  mais  ceux  qui  lui  ont  fait  ce  re- 
proche n'ont  pas  été  les  hommes  les 
plus  rigides  dans  la  pratique.  F'oyez 
EscoBAR  Antoine, 

PONCE  DK  LEO»  (  GoDsalve-Marin  ), 


PON 

écrivain  de  Séville,  contemporain  du 
précédent,  très  habile  dans  la  langue 
grecque  ,  a  traduit  en  latin  les  OEuvres 
de  Théophane ,  archevêque  de  Nicée  ;  et 
le  Physiologue  de  saint  Epiphane.  Ses 
traductions  sont  aussi  élégantes  que  fi- 
dèles. On  a  encore  de  lui  d'autres  ou- 
vrages. 

*  PONCELIN  delaRochk-Tillac  (Jean 
Charles),  littérateur,  né  le  7  mai  174G  à 
Dissay,  bourg  du  Poitou,  fut  d'abord 
chanoine  à  Châlellerault  et  à  Notre-Dame 
de  Bellay  ;  il  devint  ensuite  avocat-con- 
seiller à  la  table  de  marbre  dont  il  acheta 
la  finance  ,  puis  procureur  cl  avocat  du 
roi.  S'étant  rendu  à  Paris ,  il  se  fit  jour- 
naliste et  homme  de  lettres.  Lorsque  la 
révolution  éclata ,  il  s'en  montra  le  par- 
tisan zélé;  en  conséquence  il  rédigea  un 
petityoï/rAiaZqui  eut  d'abord  le  titre  d'As- 
semblée nationale,  et  bientôt  après  celui 
de  Courrier-Français.  Celte  feuille  sui- 
vit jusqu'au  10  août  la  marche  de  la  ré- 
volution française  ;  mais  alors  Poncelin 
fut  obligé  de  changer  le  titre  de  son  jour- 
nal et  de  l'appeler  le  Courrier  Républi- 
cain, titre  fort  opposé  à  son  esprit;  car 
les  rédacteurs  furent  condamnés  à  la  dé- 
portation comme  royalistes.  Poncelin  créa 
bientôt  après  un  autre  journal  intitulé 
la  Gazette  Française  pour  la  rédaction 
de  laquelle  il  s'était  associé  M.  Fiévée  : 
l'esprit  de  cette  feuille  royaliste  l'exposa 
à  de  nouveaux  dangers.  Accusé  d'avoir 
provoqué  le  rétablissement  de  la  royauté, 
la  guerre  civile  et  l'assassinat  des  repré- 
sentans  du  peuple ,  il  fut  condamné  à 
mort  le  26  octobre  1795  par  le  conseil 
militaire  de  la  section  du  Théâtre  Fran- 
çais. Poncelin  avait  trouvé  le  moyen  de 
s'échapper:  il  ne  reparut  qu'en  1797  oii 
il  reprit  la  rédaction  de  ses  journaux.  Au 
18  fructidor  son  nom  fut  inscrit  sur  la 
liste  des  journalistes  déportes;  son  impri- 
merie fut  mise  en  pièces  et  jetée  dans  la 
rue.  Il  paraît,  d'après  le  témoignage  de 
M.  Fiévée  rapporté  dans  la  Gazette  Fran- 
çaise, qu'il  avait  été  auparavant  en  bulle 
aux  poursuites  acharnées  du  Directoire, 
et  que  dans  l'appartement  même  de  Bar- 
ras où  il  avait  été  appelé,  on  l'avait  ou- 
tragé de  la  manière  la  plus  humiliante. 


PON 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  traitement  que 
les  directeurs  auraient  eu  l'insolence  de 
lui  donner  à  titre  de  correction,  Ponce- 
lin  reparut  dans  la  capitale  après  la  ré- 
volution  du    18   brumaire  :  il  continua 
pendant  quelque  temps  de  gérer  la  mai- 
son de  librairie    qu'il   avait  établie   au 
commencement  delà  révolution.  De  mau- 
vaises affaires  le  forcèrent  de  quitter  son 
commerce  en  1811  ;  il  vint  habiter  une 
petite  maison  de  campagne  à  Ouarvilie , 
commune  de  Lèves  près  de  Chartres.  Pon- 
celin  s'était  marié;  il  vivait  dans  sa  famille, 
retiré  du  monde  et  livré  tout  entier  à 
la  lecture  des  auteurs  grecs  dont  il  fai- 
sait ses  délices ,  lorsqu'il  mourut  à  l'âge 
de  82  ans,  le  1"  novembre  1828.  On  lui 
doit  comme  auteur  et  comme  libraire  : 
1  °  Bibliothèque  politique,  ecclésiastique, 
physique  et  littéraire ,   de  la  France , 
1781,  tome   l*'',  in-4  ;   2°  Description 
historique  de  Paris ,  et  de  ses  plus  beaux 
monumens,  tome 2  et  3,  17  81  ,  in-4  (le 
tome  1**"  est  de  Bequitlet)  ;  3"  Conférences 
sur  les  détails  concernant  les  faillites., 
1781,  in-12  ;  4°  Y  Art  de  nager,  avec  les 
instructions  pour  se  baigner  utilement, 
1781  ,  iu-8  ;  5"  Supplément  aux  lois  fo- 
reslières  de  France, précédé  d'une  ana- 
lyse de  l'ordonnance  de  1 0G3, in-4,  1 781  ; 
6°  Tableau  du  commerce  et  des  posses- 
sions des  Européens  en  Asie  et  en  Afri- 
que ,  selon  les  conditions  des  prélimi- 
naires de  paix  signés  le  20  janvier  1783; 
7°  Histoire    philosophique  de  la  nais- 
sance ,  des  progrès  et  de  la  décadence 
d'un  grand  royaume  ou  Révolution  de 
Taïti,  1782,  2  vol.  in-12;  i"  Tableau 
politique  de  Vannée  1781  ,  in-12;  d°  His- 
toire des  enseignes  et  des  étendards  des 
anciennes  nations ,  1782,  in-1 2  ;  10°  Cé- 
rémonies   et   coutumes    religieuses  de 
tous  les  peuples  du  monde,  1  783  ,  4  vol. 
in-fol.  ;    11"   Superstitions    orientales, 
1785,   in-fol.;  12"   Chefs-d'œuvre     de 
l'antiquité  sur  les  beaux-arts ,  et  monu- 
mens précieux  de  la  religion  des  Grecs 
et  des  Romains ,  de  leurs  sciences ,  etc. 
1784,2  vol.  in-fol.  ;  13°  OEuvres  d'O- 
vide  (  traduction    de   divers  auteurs  ) , 
1798,  7  vol.  in-8  ;  14°  Almanach  amé- 
ricain, asiatique  et  africain,  1783  et 


PON  ag 

années  suivantes,  in-12;  15°  Code  de 
commerce  de  terre  et  de  mer,  ou  Confé- 
rences sur  les  lois  tant  anciennes  que 
modernes, 'i^  édiiWon,  1800,  2vol.  in-12. 
M.  Ersch  lui  attribue  :  Choix  d' anecdotes 
anciennes  et  modernes, 180Z,  h\ol.  in-18. 
'  PONCET  (  Pierre  ou  plutôt  Mauri- 
ce), (1)  bénédictin  de  l'abbaye  de  Saint- 
Pierre  de  Melun,  appelé  vulgairement 
Saint-Per,  fut  un  des  prédicateurs  sédi- 
tieux du  temps  de  Henri  111,  roi  de 
France.  Il  était  né  à  Melun ,  et  avait  em- 
brassé la  vie  monastique  dans  l'abbaye 
de  Saint-Pierre  de  cette  ville.  Il  avait 
fait  ses  cours  de  théologie  dans  l'uni- 
versité de  Paris ,  et  y  avait  pris  le  bonnet 
de  docteur  en  cette  faculté.  Il  avait  du 
talent  pour  la  chaire ,  c'est-à-dire  le  ta- 
lent de  ce  temps ,  qui  consistait  en  beau- 
coup de  hardiesse  et  en  une  élocutioa 
facile.  Il  déclamait  avec  force  et  véhé- 
mence contre  la  cour  de  Henri  III.  Il  se 
permit  un  discours  fougueux  et  indécent 
à  propos  de  la  confrérie  des  pénitens , 
instituée  par  ce  prince,  et  de  la  proces- 
sion de  celte  confrérie  le  25  mars  1583  , 
jour  de  l'Annonciation.  «  Pourquoi  le 
w  roi ,  sans  vouloir  parler  à  lui ,  disant 
«  que  c'était  un  vieux  fou ,  le  fit  con- 
»  duire  dans  son  coche  ,  par  le  chevalier 
»  du  guet ,  en  son  abbaye  de  Saint-Pierre 
»  à  Melun ,  sans  lui  faire  autre  mal  que 
))  la  peur  qu'il  eut ,  en  y  allant ,  qu'on  le 
»  jelàt  dans  la  rivière  (2).  »  Il  en  fut 
quitte  pour  demeurer  quelque  temps  en 
retraite  dans  ce  monastère.  Il  devint  en- 
suite curé  de  Saint-Pierre-des-Arcis,  et 
n'en  fut  ni  plus  modéré  ni  moin  sati- 
rique ,  à  quoi  le  portait  son  caractère , 
ayant  la  riposte  prompte  et  piquante  (3). 
Il  mourut  de  frayeur  le  23   novembre 

(i)  Vovrzle  Journal  dt»  rhntei  mémorables  advenues  durant 
le  règne  de  Henri  111,  roi  de  France  et  de  Pologne,  elc, 
tom.  a,  pag.  3o3. 

(a)  Journal  susdit,  loin.  1,  pape  Go. 

(3!  A  propos  du  sermon  qui  Tit  arrêter  Poncel,  le  due 
d'Epernon  voulut  le  Toir,  et  lui  dit:  «  Monsieur  nostre 
»  maistre,  on  dit  qiieious  faites  rire  les  gens  à  foire  ser- 
»  mon.  —  Monsieur,  répondit  Poucet,  sans  s'élonuer  au. 
»  irement.je  ïcux  bien  que  tous  sarhie»  que  je  ne  presche 
»  que  la  parole  de  Dieu,  et  qu'il  ue  vient  point  à  mon 
»  sermon  de  gens  pour  rire,  s'ils  ne  «oui  méchans  ou 
«  alliéistes;  el  aussi  n'en  ai.je  autant  fait  rire  en  ma  rie 
a  comme  vous  en  aT»  fait  pleurer,  i  tourna/ susdit,  lom. 
1,  pag.  6o. 


3o  PON 

1586  ,  ayant  appris  le  supplice  d'un  avo- 
cat nommé  François  Le  Breton ,  con- 
damné à  mort  pour  avoir  composé  une 
satire  contre  le  roi  et  le  parlement.  Il 
laissa  les  ouvrages  suivans  :  1°  Livre  de 
Voraison  ecclésiastique  ,  avec  une  expli- 
cation de  t  Oraison  dominicale ,  ^Mis  ^ 
1568,  in-8  ;  2°  Remontrance  à  la  nO' 
blesse  de  France  ^  de  r utilité  et  repos 
que  le  roi  apporte  à  son  peuple  ,  et  de 
Vinstruction  qu'il  avait  pour  bien  gou- 
verner,  Paris,  1572,  in-8;  3°  Oraison 
funèbre  prononcée  aux  funérailles  d' Eus- 
tache  de  Con flans,  vicomte  d'Auchy, 
Paris,  1574,  in-8  ;  4»  Discours  de  Vavis 
donné  à  Pierre  de  Gondi ,  évêque  de  Pa- 
ris ,  sur  la  proposition  qu'il  fit  aux  théo- 
logiens,  touchant  la  traduction  de  la 
première  Bible  en  langue  vulgaire ,  Pa- 
ris, 1578,  in-8;  5°  Méditations  fami- 
lières sur  l'histoire  de  l'incarnation  du 
Fils  de  Dieu ,  Reims,  in-8;  enfin  Instruc- 
tion pour  aimer  Dieu,  Paris,  1584, 
iu-8. 

*  PONCEY  (  Dom  Maurice  ),  béné- 
dictin de  la  congrégation  de  Saint-Maur, 
naquit  vers  1690  à  Limoges  de  parens 
pieux.  L'exemple  de  son  frère  qui  était 
entré  dans  celte  société  le  détermina  à 
embrasser  le  même  état.  Après  avoir  fait 
son  noviciat  dans  l'abbaye  de  Marmou- 
tiers ,  et  y  avoir  prononcé  ses  vœux  le 
27  mai  1705  ,  à  l'âge  de  19  ans,  il  fut  at- 
taché à  l'académie  bénédictine  établie  à 
Saint-Florent  de  Saumur,  pour  le  per- 
fectionnement de  l'instruction  des  jeunes 
religieux.  Il  s'y  livra  à  l'étude  de  l'Ecii- 
ture  sainte  et  des  antiquités  ecclésiasti- 
ques, recueillit  beaucoup  de  matériaux, 
et  composa  plusieurs  Dissertations.  Une 
seule  a  été  publiée  par  les  soins  de  dom 
François  Clément,  sous  ce  titre  :  Nou- 
veaux éclaircissemens  sur  l'origine  et 
le  Pentateuque  des  Samaritains ,  Paris, 
1760  ,  in-8.  Les  journalistes  de  Trévoux 
en  ontparlé  avec  éloge.  Dom  Poncet  par- 
tagea le  travail  de  Dom  Rivet  sur  V His- 
toire littéraire  de  France,  depuis  1723 
jusqu'en  1732.  H  fut  utile  aux  auteurs  du 
nouveau  Traité  de  diplomatie,  et  ce  n'est 
que  par  la  reconnaissance  qu'ils  lui  en 
tiémoignèrent  qu'on    l'a  appris.    11  est 


PON 

mort  à  l'abbaye  de  Coulombs,  diocèse  de 
Chartres  ,  le  2  décembre  1664. 

PONCET  DE  LA  Rivière  (  Matthias  ) , 
évêque  de  Troyes,  né  à  Paris  en  1707, 
morten  1780,  s'est  distingué  par  son  zèle, 
ses  vertus  et  ses talens  oratoires.  Il  fut  au- 
mônier de  Stanislas,  roi  de  Pologne,  et  fut 
exposé  aux  plusviolentess  contradictions 
dans  un  diocèse  où  les  jansénistes  avaient 
long-temps  dominé.  Son  opposition  à 
leur  doctrine  lui  mérita  l'exil,  et  le  força, 
eu  1758  ,  à  donner  la  démission  de  son 
siège.  La  lecture  de  ses  Oraisons  funè- 
bres donne  une  haute  idée  de  l'effet  que 
devait  produire  sa  parole.  Le  caractère 
de  son  éloquence,  sans  être  du  premier 
genre ,  a  un  mérite  qui  lui  est  particu- 
lier. «  On  voit ,  dit  un  critique  ,  par  cer- 
»  tains  morceaux  de  ses  discours  pleins 
»  de  chaleur  et  de  dignité,  que  plus  de  so- 
»  briété  dans  l'usage  de  son  esprit ,  plus 
))  de  retenue  à  sacrifier  au  goût  des  con- 
i>  trastes  et  de  l'antithèse ,  l'auraient  en- 
M  core  plus  approché  de  nos  vrais  modèles 
»  en  ce  genre.  »  On  a  encore  de  ce  pré- 
lat une  Instruction  pastorale  sur  le 
schisme ,  et  un  Discours  sur  le  goût , 
estimé  pour  la  délicatesse  des  pensées 
et  l'élégance  de  l'expression. 

POJNCHARD  (  Julien  ) ,  né  en  basse 
Normandie,  près  la  ville  de  Domfront , 
eut  la  principale  direction  du  Journal 
des  savans.  Habile  dans  l'étude  de  l'hé- 
breu ,  du  grec  et  du  latin ,  ainsi  qu'en 
celle  de  la  philosophie  et  de  la  théolo- 
gie, il  obtint  en  1701  une  place  dans 
l'académie  des  Inscriptions ,  et  trois  ans 
après  la  chaire  de  professeur  en  grec  au 
collège  royal.  Il  mourut  en  1705,  âgé 
de  40  ans.  On  a  de  lui  :  1"  Discours  sur 
l'antiquité  des  Egyptiens  ;  2°  un  autre 
sur  les  libéralités  du  peuple  romain, 
dans  les  Mémoires  de  l'académie  ;  3°  His- 
toire universelle  ,  depuis  la  création  du 
monde  jusqu'à  la  mort  de  Cléopfttre,  en 
manuscrit. 

POISCHER  (Etienne),  fils  d'un  grai- 
netier au  grenier  à  sel  de  Tours  ,  naquit 
dans  cette  ville  en  1446.  Il  fut  d'abord 
chanoine  de  Saint-Gatien  et  de  Saint-Mar- 
tin de  la  même  ville,  puis  évêque  de  Paris 
en  1 503.  Son  mérite  lai  procura  les  places 


PON 

degarde-des-sceaux  en  1512  ;  d'ambassa- 
deur de  France  à  la  cour  d'Espagne  en 
1517,  puis  à  celle  d'Angleterre  en  1518, 
avec  l'amiral  deBonnivet;  enfin  l'archevê- 
ché de  Sens  en  151 9.  Egalement  ferme  et 
prudent,  il  soutint  en  présence  de  Louis 
XII  et  de  la  reine  son  épouse,  qui  n'aimait 
pas  à  être  contredite,  le  parti  des  Véni- 
tiens qu'on  avait  abandonnés;  mais  la  pas- 
sion du  roi  contre  ces  républicains  et  l'au- 
torité de  la  reine  l'emportèrent  sur  sessa- 
ges  conseils.  Poncher  était  aussi  recom- 
mandable  par  son  intelligence  dans  les 
affaires  que  par  les  vertus  épiscopales.  Il 
mourut  à  Lyon  en  1524,  à  78  ans.  On  a  de 
Ini  des  Constitutions  synodales,  publiées 
en  1514  ,  où  il  entre  dans  un  grand  dé' 
tail  sur  la  manière  d'administrer  les  sa- 
cremens. 

PONCHER  (  François  ),  neveu  du  pré- 
cédent ,  succéda  à  son  oncle  dans  l'évê- 
ché  de  Paris  en  1519.  Il  se  brouilla  avec 
la  duchesse  d'Angoulême  ,  mère  du  roi 
François  F',  qui  le  fit  renfermer  à  Vin- 
cennes,  où  il  finit  en  1532 ,  sans  que  les 
délits  qu'on  lui  attribue  aient  jamais  été 
prouvés.  (On  l'avait  d'abord  accusé  de  si- 
monie ,  et  ensuite  d'avoir  intrigué  avec 
l'Espagne.  Il  a  composé  des  Commentai- 
res sur  le  droit  civil). 

POINÇOL  (  Henri-Simon-Joseph  Ans- 
QUER  de  ) ,  jésuite ,  né  à  Quimper-Coren- 
tin  en  1730,  mort  au  château  de  Bardy 
dans  l'Orléanais,  en  17  83  ,  a  publié  deux 
ouvrages  très  bien  accueillis  du  public  : 
le  premier  est  V Analyse  des  traités  des 
bienfaits  et  de  la  Clémence  de  Sénèque, 
précédée  de  la  P^ie  de  ce  philosophe , 
Paris,  1776,  in-12.  Cette  vie  est  surtout 
fort  bien  faite,  remplie  d'observa- 
tions judicieuses  et  de  discussions  appro- 
fondies. Diderot  en  parle  lui-même  avec 
éloge  dans  son  Essai  sur  les  règnes  de 
Claude  et  de  Néron.  Il  faut  convenir  ce- 
pendant que  le  portrait  de  Sénèque  est 
flatté  ,  et  son  éloge  exagéré.  L'autre  ou- 
vrage a  pour  titre  :  Code  de  la  raison  , 
Paris,  1778.  C'est  un  recueil  de  senten- 
ces et  de  faits  propres  à  faire  aimer  les 
mœurs  et  à  donner  de  la  justesse  à  l'es- 
prit. L'auteur  y  a  mis  du  choix  et  de  l'in- 
térêt j  mais  on  ne  peut  s'empêcher  de 


PON 


3i 


souhaiter  qu'il  eût  mis  un  peu  plus  d'or- 
dre et  de  suite  dans  les  matières.  On  a 
encore  de  l'abbé  de  Ponçol  diverses  piè- 
ces fugitives  insérées  dans  les  journaux. 
Il  a  laissé  quelques  manuscrits  considé- 
rables ,  entre  autres,  une  traduction  de 
Martial ,  qui  mériterait  d'être  imprimée. 

PONCY  DE  Neuville  (  Jean-Baptiste), 
né  à  Paris ,  mort  en  1737,  âgé  de  39  ans, 
prit  l'habit  de  jésuite  ,  qu'il  quitta  après 
s'être  distingué  dans  cette  compagnie. 
Se  trouvant  dans  le  monde  sans  ressour- 
ces, il  cultiva  le  talent  de  la  chaire  et 
celui  de  la  poésie.  Il  remporta  jusqu'à 
sept  fois  le  prix  à  l'académie  des  Jeux 
Floi'aux  de  Toulouse.  Nous  avons  aussi  de 
lui  plusieurs  autres  pièces  de  poésie, 
imprimées  la  plupart  dans  lesMercures. 
L'abbé  de  Poney  a  encore  composé  un 
drame  intitulé  Damoclès,  représenté  au 
collège  des  jésuites  de  Mâcon,  où  il  pro- 
fessait :  on  le  trouve  dans  le  Cours  de 
sciences  du  Père  Buffier.  De  tous  ses  dis- 
cours, le  plus  connu  est  le  Panégyrique, 
de  saint  Louis,  prononcé  en  présence 
de  l'académie  des  Sciences  et  belles-let- 
tres. 

*  PONIATOWSKJ(  le  prince  Joseph), 
surnommé  le  Bayard  Polonais ,  descen- 
dait d'une  illustre  famille  de  Pologne,  et 
était  neveu  de  Stanislas,  dernier-roi  de  ce 
pays.  Né  à  Varsovie  le  7  mai  1763  ,  il  eut 
pour  père  André  Poniatowski, général  d'ar- 
tillerie au  service  de  l'impératrice  Marie- 
Thérèse.  Le  jeune  Poniatowski  fit  ses  pre- 
mières armes  dans  l'armée  autrichienne 
où  il  obtint  un  avancement  rapide;  il  fut 
rappelé  dans  sa  patrie  en  1789 ,  et  on  lui 
confia  en  1792  une  armée  destinée  contre 
les  Russes,  qui  avaient  opéré  une  seconde 
invasion  dans  ce  royaume.  Le  prince  Po- 
niatowski remporta  des  avantages  signa- 
lés à  Zielenca  et  à  Dubiinska  ;  mais  con- 
trarié par  les  irrésolutions  continuelles 
du  faible  Stanislas,  il  n'eut  paslieu  de  dé- 
velopper ses  talens  militaires.  On  lui  op- 
posa alors  le  fameux  Kosciusko  ;  mais  Je 
prince,  ne  voyant  en  lui  qu'un  défenseur 
de  sa  patrie ,  continua  d'aimer  et  d'esti- 
mer son  rival,  et  lui  en  donna  des  preuves 
en  plusieurs  occasions.  De  son  côté ,  il 
faisait  tous  ses  efforts  pour  arrêter  les 


32  PON 

Busses  :  il  dépêcha  au  roi  son  oncle  trois 
ofiîciers  supérieurs  pour  le  déterminer  à 
se  mettre  à  la  tête  de  ses  armées,  afin  de 
donner  un  nouveau  courage  à  ses  trou- 
pes; mais  il  ne  put  jamais  y  réussir. 
Ayant  appris  que  Stanislas  avait  accédé 
à  la  confédération  de  Targowitz ,  il  donna 
sa  démission ,  avec  tous  les  officiers  les 
plus  distingués  par  leurs  talens.  Ses  com- 
pagnons d'armes  lui  offrirent  avant  son 
départ  une  médaille  qu'ils  avaient  fait 
frapper  à  son  effigie  avec  cette  inscrip- 
tion, Miles  Imperatori.  Lors  de  l'insur- 
rection de  1794  ,  le  prince  alla  se  ranger 
sous  les  drapeaux  de  Kosciusko ,  qui  lui 
donna  le  commandement  d'une  division  , 
et  il  rendit  d'importans  services.  Après 
le  parlage  définitif  de  la  Pologne ,  il  se 
retira  dans  ses  terres  et  ensuite  à  Vienne, 
d'où  il  refusa  toutes  les  ofifres  que  Cathe- 
rine II  et  son  fils  Paul  l"  lui  firent  pour 
l'attacher  à  la  cour  de  Russie.  La  paix  de 
Tilsitt  ramena  le  prince  sur  la  scène  po- 
litique (1806)  ;  et  Napoléon,  après  l'é- 
rection du  duché  de  Varsovie ,  nomma 
Poniatowski  ministre  de  la  guerre.  Il  or- 
ganisa l'armée  polonaise  avec  une  habi- 
leté qui  mérita  les  éloges  de  tous  les  gé- 
néraux français.  Les  Autrichiens  ayant 
attaqué  la  Pologne  en  1809  avec  60,000 
hommes,  il  marcha  contre  eux  avec  des 
forces  inférieures ,  eut  le  talent  de  rendre 
cette  guerre  une  guerre  nationale ,  et 
par  son  intelligence  et  ses  exploits  il  éta- 
blit sa  gloire  militaire.  Il  servit  sous  Na- 
poléon dans  les  funestes  campagnes  de 
1812  et  1813,  se  couvrit  de  nouveaux 
lauriers,  et  fut  nommé  grand-cordon  de 
la  Légion-d'Honneur  et  maréchal  de 
France,  le  16  octobre,  sur  le  champ  de  ba- 
taille de  Leipsick.  Il  ne  jouit  pas  long- 
temps de  ces  honneurs  :  à  la  suife  d'une 
action  malheureuse  pour  les  Français, 
il  se  trouvait  sur  les  bords  de  la  Pleiss 
pour  couvrir  leur  retraite  :  le  pont  de 
Lindenau  ayant  été  détruit,  il  tenta  de 
passer  cette  rivière  à  la  nage  ;  mais  son 
cheval  n'en  put  franchir  les  bords ,  et  il 
périt  aux  yeux  de  toute  l'armée ,  dont  il 
fut  sincèrement  regretté  :  c'était  le  1 8  du 
même  mois.  Le  prince  Poniatowski  avait 
le  caractère  noble  et  bienfaisant  :  on  peut 


PON 

néanmoins  lui  reprocher  d'avoir  été  trop 
accessible  aux  séductions  du  plaisir. — Le 
prince  Stanislas  Poniatowski,  cousin  du 
précédent,  est  mort  à  Florence,  le  13  fé- 
vrier, à  l'âge  de  79  ans.  Il  était  fils  de 
Casimir  -  Stanislas-Auguste  ,  dernier  roi 
des  Polonais.  Il  était  retiré  depuis  long- 
temps à  Florence  oîi  il  cultivait  les  lettres 
et  les  arts.  Ce  fut  lui  qui  affranchit  le 
premier  les  serfs  de  ses  domaines  en  Po- 
logne. 

PONS  (  Jean-François  de  ) ,  issu  d'une 
ancienne  noblesse  de  Champagne,  na- 
quit en  1683  à  Marly,  près  de  Paris.  Il 
vint  dans  cette  ville  en  1C99,  et  y  prit 
des  leçons  de  théologie  en  Sorbonne  ; 
mais  la  faiblessede  sa  santé  le  détermina 
à  renoncer  nu  bonnet  de  docteur.  L'abbé 
de  Pons  fut  nommé,  peu  de  temps  après, 
à  un  canonicatde  la  collégiale  de  Chau- 
mont.  Ce  bénéfice  lui  ayant  été  disputé, 
il  composa  un  Mémoire  ingénieux  ,  so- 
lide et  bien  écrit,  qui  lui  fit  gagner  son 
procès  en  1709.  Ce  succès  fut  suivi  peu 
de  temps  après  de  la  démission  volon- 
taire de  son  canonicat,  qu'il  quitta  pour 
se  fixer  à  Paris.  Lesliensderamiliéetles 
plaisirs  de  la  littérature  le  retenaient 
dans  la  capitale.  Parmi  les  amis  qu'il  se 
fit ,  il  se  lia  surtout  avec  Houdard  de  la 
Motte ,  qu'il  défendit  contre  madame 
Dacier.  Il  traita  celle  savante  avec  la 
même  vivacité  que  celle-ci  avait  montrée 
contre  La  Motte.  On  l'appelait  le  Bossu 
de  la  Motte ,  sobriquet  dont  il  ne  faisait 
que  rire.  Son  tempérament  était  très  vif 
et  très  faible,  ce  qui  l'épuisa  bientôt.  Se 
sentant  dépérir,  il  se  relira  à  Chaumont, 
dans  le  sein  de  sa  famille,  et  y  mourut 
en  1733.  A  un  esprit  orné  il  joignait  un 
cœur  excellent  et  de  grands  sentimens 
de  religion.  On  a  imprimé  à  Paris,  en 
1738  ,  les  OEuvres  de  Vabbe  de  Pons, 
in-12.  On  trouve  dans  ce  recueil ,  outre 
le  Factum  dont  nous  avons  parlé,  un 
nouveau  Système  d'éducation,  et  quatre 
Dissertations  sur  les  langues ,  et  sur  la 
langue  française  en  particulier.  On  voit 
de  l'esprit  et  du  brillant  dans  les  écrits 
de  l'abbé  de  Pons ,  mais  un  stile  affecté. 

PONT  (  Louis  du  ) ,  jésuite  espagnol, 
célèbre  parmi  les  maîtres  de  la  vie  spiri- 


PON 

tuelle ,  naquit  à  Valladolid ,  le  11  no- 
vembre 1504,  d'une  famille  noble.  Il 
entra  dans  la  société  en  lô75  ,  à  Tàge  de 
21  ans,  après  avoir  fait  son  cours  de 
philosophie  et  en  partie  celui  de  théolo- 
gie, il  balança  long-temps  entre  l'insti- 
tut de  saint  Dominique  et  celui  des  jé- 
suites ,  et  crut  que  Dieu  l'appelait  à  ce 
dernier.  11  At  son  noviciat  à  Médina  del 
Campo  ,  étudia  ensuite  les  lettres  par  or- 
dre de  ses  supérieurs  ,  et  y  fit  de  grands 
■progrès.  Une  faible  santé  ne  lui  ayant 
pas  permis  de  continuer  l'emploi  de  l'en- 
seignement ,  il  se  voua  à  la  direction  et 
à  la  composition  d'ouvrages  pieux.  Pen- 
dant une  peste ,  dans  une  partie  de  l'Es-- 
pagne,  touché  du  délaissement  de  ceux 
qui  en  étaient  attaqués,  il  sollicita  vive- 
ment de  ses  supérieurs  et  obtint  la  per- 
mission d'aller  à  leur  secours,  et  les  soi- 
gna avec  beaucoup  de  zèle  et  de  charité. 
Après  une  vie  passée  dans  les  bonnes 
œuvres  et  la  pénilence ,  il  mourut  à  Val- 
ladolid, le  16  février  1G24,  âgéde  70  ans, 
après  en  avoir  passé  50  dans  la  société. 
Sa  vie  a  été  écrite  par  le  Père  Champin , 
jésuite.  Ou  a  de  lui  :  \°  Exposition  mo- 
rale du  Cantique  des  Cantiques,  en  latin, 
2  vol.  in  fol.,  1622,  réimprimée  à  Séville, 
en  espagnol,  1625,  in-8  ;  2°  Méditations 
sur  les  mystères  ,  Cologne,  1612  ,  in-8  , 
livre  plein  d'onction  et  d'instruction  ; 
3°  Le  directeur  spirituel,  Cologne,  1613, 
in-8.  L'auteur  y  traite  en  détail  de  tout 
ce  qui  concerne  la  vie  ascétique.  La  plus 
grande  partie  de  cet  ouvrage  a  été  tra- 
duite en  latin  par  le  Père  Trévinnio  ,  jé- 
suite. 4"  De  la  perfection  chre'tienne  ,\ 
vol.  ,  Cologne  :  les  2  premiers  en  H)16  , 
les  derniers  en  1G17;  5°  Fie  du  PèreBal- 
thasar  ^Zpares ,  jésuite ,  ibid.,  ICI 4, 
in-8  ;  6"  Directoire  spirituel  pour  la  con- 
fession ,  la  communion  et  la  célébration 
du  sacrifice  de  la  messe,  ou  Du  bon  usage 
des  sacremens  ;  7"  Traité  du  sacerdoce 
et  de  Vépiscopat.  Cet  ouvrage  et  les  Mé- 
ditations ont  été  traduits  en  arabe  par 
le  Père  Fromage,  de  la  même  société. 
Le  Père  Jean  Brignon,  aussi  jésuite,  a  tra- 
duit les  ouvrages  ascétiques  en  français. 
Celte  traduction  a  été  publiée  à  Paris , 
in-8, 1689,  1700,  1703.  Le  Père  Nico- 

XI. 


PON  33 

las  Frison  en  a  fait  un  Abrégé,  1712  , 
4  voji.  in-12.  (  frayez  Fromage  et  Bri- 
gnon ).  (La  vie  de  ce  jésuite  a  été  écrite 
par  le  Père  Cachupin  ;  c'est  celle  d'un 
saint.  ) 

*  PONT  (  N.  le  chevalier  de  )  maré- 
chal-de-camp, l'un  des  conservateurs  de 
la  bibliothèque  de  l'arsenal ,  mort ,  à 
l'âge  de  70  ans  ,  à  Paris  en  1830  ,  avait 
suivi  le  drapeau  blanc  sur  les  bords  du 
Rhin  au  commencement  de  la  révolution, 
et  fait  avec  distinction  les  campagnes 
de  l'armée  de  Condé.  En  1798  il  faisait 
partie  de  cette  poignée  de  Français  qui , 
sous  les  ordres  de  Philippeaux  ,  et  sous 
le  commandement  immédiat  de  sir  Sid- 
ney  Smith  ,  obligea  Buonaparte  à  lever 
le  siège  de  St.-Jean  d'Acre.  On  sait  que 
le  général  en  chef  de  l'armée  ,  étonné 
de  l'héroïque  résistance  que  lui  opposait 
la  garnison,  .s'écria  un  jour  :  lly  a  donc 
des  Français  là-dedans.  Les  secours  de 
la  religion  ont  consolé  le  chevalier  de 
Pont  à  sa  dernière  heure  ,  et  il  est  mort 
en  faisant  les  vœux  les  plus  ardens  pour 
le  bonheur  de  la  France. 

PONT  (  Pierre  du  ).  Voyez  Pontanus. 

PONT-DE-VEYLE  (  Antoine  de  Fer- 
RioL,  comte  de  ),  gouverneur  de  la  ville 
de  Pont  de-Veyle  en  Bresse  ,  intendant- 
général  des  classes  de  la  marine  ,  né  en 
1697  d'un  président  à  mortier  au  parle- 
ment de  Metz  ,  et  d'une  sœur  du  cardi- 
nal deTencin,  mourut  à  Paris  en  1774. 
Ses  parens  le  destinaient  à  la  robe;  mais 
il  ne  voulut  embrasser  aucun  état  qui 
pût  gêner  son  goût  pour  les  plaisirs.  Il 
passa  une  partie  de  sa  vie  dans  l'inaction, 
et  à  faire  quelques  comédies,  quelques 
chansons  et  pièces  fugitives ,  et  se  char- 
gea ,  en  quelque  sorte  malgré  lui ,  de  la 
charge  d'intendant-général  des  classes 
delà  marine, qu'il  abandonnaensuite.il 
était  neveu  de  M.  Ferriol,  ambassadeur 
à  Conslantinople  ,  qui  fit  peindre  les  fi- 
gures des  Levantins.  Il  en  fit  graver  cent 
estampes  avec  l'explication,  1715,  in-fol. 
Les  tableaux  originaux  étaient  chez  le 
comte  de  Pont-de  Veyle  ,  d'où  ils  passè- 
rent chez  le  prince  de  Conti.  Parmi  les 
comédies  de  Pont-de-Veyle ,  ou  distin- 
gue le  Complaisant  et  le  Fat  puni ,  dont 
5. 


34  PON 

Laharpe  dit  un  mot  dans  son  Cours  de 
littérature.  (Pont-de-Veyle,  dès  sa  pre- 
mière jeunesse,  avait  été  très  intimement 
lié  avec  madame  du  Deffant.  Voyez  ce 
nom.  )  Quand  il  mourut,  leur  amitié 
comptait  plus  de  cinquante-six  ans;  mais, 
au  dire  de  Grimm ,  cette  amitié  n'était 
que  pure  habitude,  de  sorte  que  madame 
du  Deffant  se  montra  fort  indifférente  à 
la  perte  de  son  ancien  ami.  Il  était  da 
conseil  littéraire  de  Voltaire,  avec  son 
frère  d'Argental  :  ce  que  ce  philosophe 
appelait  son  triumvirat.  Il  a  laissé  une 
riche  bibliothèque  en  pièces  de  théâtre, 
qui  a  appartenu  au  général  Valence,  mort 
en  1822 ,  et  qui  est  passée  à  M.  de  So- 
leinne.  {Voyez  sur  ce  personnage  le  iVe- 
crolofje  des  hommes  célèbres  de  France , 
tom.  10,  année  1775.  ) 

PONTAC  (  Arnaud  de  ) ,  évêque  de 
Bazas ,  natif  de  Bordeaux,  d'une  famille 
illustre ,  fut  choisi  par  l'assemblée  du 
clergé,  tenue  à  Melun  l'an  1579,  pour 
faire  au  roi  Henri  III  des  remontrances  : 
commission  dont  il  s'acquitta  avec  di- 
gnité. On  les  trouve  dans  les  Mémoires 
du  clergé.  Ce  prélat  mourut  au  château 
de  Joubertbes  en  1 605 ,  ayant  la  réputa- 
tion d'un  homme  qui  possédait  les  lan- 
gues orientales.  Les  occupations  de  l'é- 
piscopat  ne  l'empêchèrent  pas  de  se  li- 
vrer à  sou  goût  pour  l'étude.  On  a  de 
lui  :  1°  des  Commentaires  sur  Abdias, 
1 666  ,  in-4  ;  2°  des  Notes  sur  la  Chroni- 
que d'Eusèbe  ;  3°  un  Traité  contre  du 
Plessis-Mornai. 

PONTANUS  (  Octavius  ),  théologien 
et  jurisconsulte  ,  né  à  Cerreto,  bourg  de 
rOmbrie,  se  fit  un  nom  par  son  esprit. 
Pie  II  l'envoya  en  1459  en  qualité  de 
nonce  ,  pour  régler  les  différends  de  Fer- 
dinand, roi  de  Piaples,  et  de  Pandolfe 
Malatesta  ,  seigneur  de  Rimini.  Il  fut  en- 
suite envoyé  à  Bàle,  et  nommé  à  la  pour- 
pre ;  mais  il  mourut  dans  ce  voyage,  sans 
pouvoir  profiter  de  cet  honneur.  On  a  de 
lui  un  volume  à'Epîtres ,  et  un  autre 
Ae  Réponses  à  des  consultations  de  droit. 
PONTAJNUS  ou  PoNTANO  (  Joannes- 
Jovianus),  né  à  Cerreto  en  1426,  se 
retira  à  Naples ,  oii  son  mérite  Ini  acquit 
d'illustres  amis.    Il  devint  précepteur 


,     PON 

d'Alphonse  le  Jeune  ,  roi  d'Aragon ,  du- 
quel il  fut  ensuite  secrétaire  et  conseiller 
d'état.  Ce  prince  s'étant  révolté  contre 
son  père  ,  Jovianus  les  réconcilia.  Fer- 
dinand le  combla  d'honneurs,  lui  fit 
épouser  une  héritière* fort  riche  ,  et  lui 
conféra  deux  charges  très  lucratives, 
outre  celles  dont  il  était  déjà  revêtu.  En 
1482  ,  il  pacifia  l'Italie  ,  que  troublaient 
les  différends  du  duc  de  Ferrare  avec 
son  beau-père  ,  le  roi  Ferdinand.  Il  se 
rendit  en  1492  auprès  du  pape  Innocent 
VIII,  et  terminales  discussions  qui  exis- 
taient entre  le  saint-Siége  et  le  roi  de 
Naples.  A  son  retour,  il  fut  nommé  pre- 
mier ministre ,  charge  qu'il  remplit  au- 
près d'Alphonse  successeur  de  Ferdi- 
nand. Dans  sa  vieillesse,  il  se  retira dq» 
affaires  ;  et  quand  Louis  XII  eut  de  nou- 
veau conquis  le  royaume  de  Naples 
(  qu'il  perdit  peu  de  temps  après  ) ,  il 
offrit  à  Pontanus  de  le  rétablir  dans  ses 
dignités;  mais  il  préféra  sa  studieuse 
tranquillité.  Pontanus  mourut  en  1503. 
Il  ternit  sa  grande  réputation  par  des 
Poésies  obscènes,  et  Cinq  dialogues 
contre  les  ecclésiastiques.  Ses  autres  ou- 
vrages sont  :  De  Obedientia  ;  De  Forti- 
tudine  ;  De  Liberalitate ,  De  Splendore , 
De  Aspirationé ;  De  Sermone,  etc. 
V Histoire  des  guerres  de  Ferdinand  /" 
et  de  Jean  d^ Anjou ,  et  un  grand  nombre 
d'autres  ouvrages  en  vers  ou  prose,  tous 
écrits  en  latin  assez  purement,  et  re- 
cueillis à  Bâie  en  1556  ;  ils  forment  4  vol. 
in-8.  On  a  séparément  ses  ouvrages  en 
prose,  à  Venise  ,  1518  et  1519 ,  3  vol. 
in-4  ;  et  ses  productions  poétiques , 
recueillies  dans  la  même  ville,  1 533,  in-8 . 
(Les  Histoires  de  Pontanus  manquent  de 
fidélité ,  et  le  reste  n'est  que  médiocre- 
ment bon.  Le  stile,  quoique  élégant,  est 
souvent  obscur  et  enflé.  Ses  Poésies  sont 
remplies  d'expressions  obscènes.  Nicéron 
a  donné  la  liste  de  ses  ouvrages,  tom.  8. 
Robert  deSarno,  oratorien,  a  publié  la  vie 
de  Pontanus  en  latin ,  Naples,  1761, 
in-4  :  M.  Suard  en  a  donné  une  bonne 
analyse  dans  le  tom.  1"  de  ses  Variétés 
littéraires.) 

PONTANUS  ou  DE  Pôntb( Pierre), 
grammairien  de  Bruges,  fut  surnommé 


PON 

V Aveugle,  parce  qu'il  perdit  la  vue  à 
l'âge  de  3  ans.  Celte  disgrâce  de  la  nature 
ne  l'empêcha  'pas  de  devenir  savant.  Il 
enseigna  les  belles-lettres  à  Paris  avec 
réputation ,  et  publia  plusieurs  écrits  qui 
lui  firent  honneur.  Les  principaux  sont  : 
une  Rhétorique,  et  un  traité  de  VArt  de 
faire  des  vers.  Il  y  attaque  Despaulère 
en  quelques  endroits.  Il  est  auteur  de 
plusieurs  poèmes  qui  ne  montrent  pas 
qu'il  a  excellé  dans  ce  genre.  Pontanus 
était  un  philosophe  tranquille ,  ennemi 
de  la  bassesse  et  de  la  flatterie ,  ami  de 
la  vertu ,  de  la  franchise  et  de  la  vérité. 
Il  dit  lui-même  qu'il  a  toujours  déclaré 
la  guerre  aux  voluptés  ,  et  recommandé 
la  piété  et  l'amour  de  la  religion.  Il  floris- 
sait  vers  le  commencement  du  16*  siècle. 

POiNTA]NUS  (  Roverus),  carme,  né 
à  Bruxelles  ,  mort  en  1 567  ,  est  connu 
par  un  ouvrage  intitulé  :  Rerum  memo- 
rabilium  ab  ann.  1500  ad  ann.  15C0  in 
republ.  christiana  gestarum,  Ubri  V, 
Cologne,  1559,  in-fol.  Cette  histoire  est 
en  forme  d'annales  avec  des  notes.  L'au- 
teur paraît  l'avoir  entreprise  pour  dé- 
montrer la  mauvaise  foi  de  Sleidan  ,  qui 
a  défiguré  toute  l'histoire  de  son  temps 
pour  calomnier  les  catholiques. 

PONTA^'US  (  Jacques  J ,  jésuite  de 
Bohème,  enseigna  long-temps  en  Alle- 
magne les  belles-lettres  avec  un  succès 
distingué.  Il  mourut  à  Âugsbourg  en  1626, 
à  84  ans.  On  a  de  lui  en  latin  :  1°  des 
Institutions  poétiques ,  1602,  in-8;  2° 
'des  Commentaires  sur  les  livres  de 
Ponio  et  les  Tristes  d'Ovide,  lugolstadt, 
1610  ,  in-fol.  :  3"  des  Commentaires  très 
amples  sur  Virgile  ,  Augsbourg,  1699, 
in-fol.;  4"  des  Traductions  At^ivtis,  au- 
teurs grecs,  et  plusieurs  autres  ouvrages 
en  prose  et  envers.  Ceux-ci  sont  faibles, 
et  il  était  plus  capable  de  commenter  les 
poètes  que  de  l'être  lui-même. 

PO^TA^'DS  (Jacques),  né  à  Iler- 
malle,  village  sur  la  Meuse  entre  Liège  et 
Maëstricht,  mort  en  1668,  fulceuseurdes 
livres  à  Louvain  ,  et  approuva  avec  beau- 
coup d'éloges  VAugustinus  de  Janséuius. 
Cela  lui  suscita  quelques  difficultés  ; 
mais  il  déclara  qu'il  n'avait  approuvé 
cet  ouvrage  qu'à  cause  de  la  réputation 


PON  35 

de  l'auteur  et  à  la  sollicitation  des  édi- 
teurs, et  qu'il  était  éloigné  des  senlimens 
qu'il  renfermait.  Il  donna  lieu  de  soup- 
çonner que  sa  déclaration  n'était  pas 
sincère ,  puisqu'il  approuva  dans  la  suite 
différens  livres  pour  la  défense  de  Jansé- 
nius  et  la  fameuse  version  du  nouveau 
Testament  de  Mons  ;  ce  qui  fit  que  l'ar- 
chiduc Léopold ,  gouverneur  des  Pays- 
Bas,  et  le  nonce  du  pape  le  suspendirent 
de  ses  fonctions.  On  a  de  lui  :  Laudatio 
funebris  Joannis  Mafii,  monasterii  par- 
censis  abbatis ,  Louvain  ,  1648  ,  in-8. 

PONTANUS  (  Jean-Isaac  ) ,  historio- 
graphe du  roi  de  Danemark  et  de  la 
province  de  Gueldre,  était  originaire  de 
Harlem.  Il  naquit  en  1 57 1  ,  à  Elseneur , 
où  ses  parens  étoient  allés  pour  quelques 
a£faires,  et  mourut  à  Harderwick ,  en 
1640,  à  69  ans,  après  y  avoir  enseigné 
la  philosophie  et  les  mathématiques.  Des 
différens  ouvrages  dont  il  a  enrichi  la 
littérature  ,  on  n'estime  que  ceux  d'éru- 
dition. Il  se  mêlait  de  poésie;  mais  il 
versifiait  en  dépit  d'Apollon,  et  ses  vers, 
imprimés  en  1634  ,  iul2,  à  Amsterdam, 
n'étaient  que  delà  prose  mesurée.  Il  avait 
fait  sur  un  trou  l'énigme  suivante  ,  qu'il 
proposa  aux  savans  : 

Die  milii  qoid  majus  fiai,  quo  plarimademai. 

Scriverius  répondit  sur-le-champ  : 

Pontano  dcnias  carmiiia,  major  rrit. 

Ses  écrits  en  prose  sont  :  1°  Historia 
urbis  et  rerum  amstellodamensium , 
in-fol.,  1611;  ouvrage  qui  déplut  à 
tous  les  bons  critiques;  il  y  u  une 
infinité  de  hors-d'œuvre  qui  montrent 
sa  haine  contre  tout  ce  qui  tient  à  Taii' 
tique  religion  ,  qui  était  autrefois  floris- 
sante dans  sa  patrie  ;  2°  Itinerarium  Gal- 
liœ  narbonensis,  in-12,  Leyde  ,  1606; 
3"  Rerum  danicarum  historia,  una  cum 
chorographica  ejusdem  regni  urbiumque 
descriptione,  Amsterdam,  1631,  in-fol. 
Cette  histoire  estimée  va  jusqu'en  1548. 
M.  de  Westphal ,  chancelier  dans  le 
Holstcin ,  en  a  fait  imprimer  la  suite  dans 
le  second  tome  de  ses  Monumenta  inc- 
dita  rerum  germanicarum ,  etc.  ,  Leip- 
sick,  1740.  Cette  suite  de  Pontanus  com- 
prend les  règnes  de  Chrisliern  l"'  et  des 


36  PON 

cinq  rois  suivans  :  l'éditeur  rapporte 
dans  sa  préface  plusieurs  traits  particu- 
liers de  la  \ie  de  Pontauus  ;  4°  Discepta- 
tiones  chorographicœ  de  Rheni  divortus 
atque  ostiis  et  accolis  populis  adversus 
Ch.  Cluverum,  1617  ,  in-8  :  livre  savanl 
et  judicieux  ;  5°  Observationes  in  trac- 
tatum  de  globis  cœlesti  et  terrestri,  auc- 
tore  Roberto  ffuesio,  Amsterdata,  1617, 
in-4;  6°  Discussiones  historicœ,  Ams-- 
terdam,  1637  ,  in-8.  Il  y  traite  princi- 
palement de  la  manière  qu'il  faut  enten- 
dre ces  mots ,  la  mer  libre  et  la  mer 
fermée  f  contre  Jean  Selden  ,  Anglais  ; 
7°  Historia  geldrica ,  Amsterdam,  1639, 
in-fol. ,  avec  une  description  chorogra- 
phique  de  cette  province.  Cet  ouvrage 
estimé  a  été  traduit  en  flamand  par  Ar- 
nold Slichtenhorste ,  Ainheim  ,  1654, 
in-fol.  j  8°  Origines  Franciœ,  in-4, 
pleines  d'érudition  ;  9°  Historia  ulrica , 
in-fol  ,  exacte;  1 0°  la  rie  de  Frédéric  //, 
roi  de  Danemark  et  de  Norwége  ,  pu- 
bliée en  1737,  par  Georges  Kyrsing, 
docteur  en  médecine  à  FJensbourg. 

POINTAS  (  Jean  ),  célèbre  casuiste, 
naquit  à  Saint-Hilaire  de  Harcourt,  au 
diocèse  d'Avranches,  en  1638.  Il  vint 
achever  ses  études  à  Paris,  et  reçut  les 
ordres  sacrés  à  Toul ,  en  1633.  Trois  ans 
après ,  il  fut  reçu  docteur  en  droit  canon 
et  en  droit  civil.  Péréfixe ,  archevêque  de 
Paris,  instruit  de  son  mérite  ,  le  lit  vi- 
caire de  la  paroisse  de  Sainte-Geneviève- 
des-Ardens  à  Paris.  Il  remplit  cette  place 
avec  zèle  pendant  26  ans ,  et  fut  ensuite 
nommé  à  celle  de  sous-pénitencier  de 
l'église  de  Paris.  Ses  lumières  n'éclatè- 
rent pas  moins  dans  cette  place  que  l'ar- 
deur de  sa  charité.  Il  mourut  en  1728,  à 
90  ans.  Parmi  les  ouvrages  qui  font  hon- 
neur à  sa  mémoire  ,  on  distingue  :  1° 
Scriptura  sacra  ubique  sibi  constans, 
in-4.  Il  y  concilie  les  contradictions  ap- 
parentes du  Pentateuque.  2°  Un  grand 
DCctionnaire  des  cas  de  conscience.,  dont 
la  plus  ample  édition  est  en  3  vol.  in-fol. 
11  tient  un  juste  milieu  entre  le  rigorisme 
et  le  relâchement.  On  y  trouve  quelques 
décisions  contradictoires,  que  son  abré- 
viateur,  l'abbé  Collet,  a  tâché  de  conci- 
lier dans  VAbrégé(iv!'A  en  a  donné,  1764 


PON 

et  1770  en  2  vol.  in-4.  On  ne  saurait  ap- 
prouver qu'un  ouvrage  fait  pour  les  pas- 
teurs et  directeurs  des  âmes  soit  écrit 
en  langue  vulgaire.  Ce  détail  de  péchés 
et  d'opinions  opposées  sur  leuf  nature 
et  leur  grièveté  ne  convient  pas  au  simple 
peuple,  et  ne  peut  produire  des  fruits 
de  piété.  En  traitant  ces  matières  en 
français ,  on  n'a  que  trop  réussi  à  faire 
de  la  théologie  une  espèce  de  commune 
oii  tout  le  monde ,  jusqu'aux  femmes , 
prétend  labourer ,  récoller ,  arracher  et 
couper.  3"  Des  Entretiens  spirituels, 
pour  instruire ,  exhorter  et  consoler  les 
malades ,  pleins  d'onction  et  bien  pro- 
pres à  ce  charitable  ministère  ;  traduits 
en  flamand  par  Jean-Charles  Dierxsens  , 
curé  de  l'hôpital  à  Anvers,  1763  ;  4°  un 
grand  nombre  d'autres  Livres  de  piété 
qui  prouvent  qu'il  était  très  versé  dans  la 
lecture  de  l'Ecriture  et  des  Pères. 

PONTADLT  DE  Beaulieu.  Foyez 
Beauligu. 

POJNTBRIAND  (René-François  du 
Breil  de  ),  Breton ,  abbé  de  Saint-Marien 
d'Auxerre,  né  vers  la  fin  du  17^  siècle  , 
mort  à  Paris  en  1 767 ,  avait  occupé  les  mo  - 
mens  de  loisir  que  lui  accordaient  les  de- 
voirs de  son  état  à  écrire  particulière- 
ment contre  les  erreurs  qui  déshonorent 
le  18*  siècle.  Il  est  surtout  connu  par  son 
zèle  pour  instruire  et  soulager  les  pauvres 
Savoyards  qui  se  trouvent  à  Paris.  Il  fit 
paraître,  de  1737  à  1743,  quatre  petits 
écrits ,  pour  engager  à  prendre  part  à 
cette  bonne  œuvre,  à  laquelle  il  consa- 
cra son  temps  et  sa  fortune,  ^^ous  avons 
de  lui  :  1°  l'Incrédule  détrompé  et  le  chré- 
tien affermi  dans  la  foi,  1752,  gr.  in-8  : 
ouvrage  écrit  d'un  stile  pur  et  simple , 
renfermant  beaucoup  de  témoignages  en 
faveur  de  la  religion,  pris  dans  les  au- 
teurs païens  ;  2°  Pèlerinage  du  Calvaire 
sur  le  Mont  Falérien,  1 751 ,  in-1 8,  et  un 
journal  des  conférences  de  Loudun  ,  La 
Haye,  1720,2  petits  vol.  in-8. — Son 
frère ,  abbé  de  Ranvaux ,  chanoine  et 
grand-chantre  de  Rennes,  est  auteur  des 
ouvrages  suivans  :  1"  Nouvelles  vues  sur 
le  système  de  Vunivers ,  1751  ,  in-8  ;  2* 
Essai  de  grammaire  française,  17  54, 
in-8  ;  3"  Poème  sur  l'abus  de  la  poésie  , 


I 


PQN 

couronné  aux  Jeux  Floraux ,  en  1 7  22.  — 
Un  troisième  frère  desprécédens,  sacré 
évêque  de  Québec  en  1741,  mourut  à 
Mont-Réalen  1760,  pendant  le  siège  de 
celle  ville  par  les  Anglais. 

PONTCHARTRAIN  (  Paul  Phelï- 
PEAHX,  seigneur  de  ),  4*  fils  de  Louis  Phe- 
lypeaux,  seigneur  de  la  Vrillière,  naquit 
àBlois,en  1569.  La  famille  de  Phely- 
peaux,  dont  l'ancienneté  remonte  jus- 
qu'au 13"  siècle,  est  également  distin- 
guée par  les  hommes  illustres  qu'elle  a 
produits ,  et  par  les  charges  dont  ils  ont 
été  revêtus.  Paul  Phelypeaux,  dont  il  est 
question  dans  cet  article ,  joignant  à  la 
facilité  d'un  heureux  génie  toutes  les  lu- 
mières d'une  excellente  éducation,  entra 
dans  les  affaires  dès  1588.  Il  se  perfec^ 
tionna  sous  Villeroi ,  et  fut  pourvu  par 
Henri  IV  de  la  charge  de  secrétaire  des 
commandemens  de  Marie  de  Médicis. 
Cette  princesse,  satisfaite  de  son  zèle, 
lui  procura  celle  de  secrétaire  d'état  en 
1610,  peu  de  temps  avant  la  mort  dé- 
plorable de  Henri  IV.  Dans  les  temps 
orageux  de  la  régence ,  il  aida  la  reine  à 
maintenir  le  pouvoir  du  trône  et  la  tran- 
quillité des  peuples.  Les  mouvemens  des 
huguenots  furent  réprimés  par  ses  soins. 
Enfin  ,  le  roi  ayant  été  obligé  d'armer 
contre  eux  ,  il  le  suivit  en  Guienne  en 
1621.  H  tomba  malade  au  siège  de  Mon- 
tauban ,  et  alla  mourir  à  Castel-Sarrasin , 
le  21  octobre  de  la  même  année,  âgé  de 
62  ans.  Ses  travaux  avaient  épuisé  ses 
forces  et  hâté  sa  mort.  On  a  de  lui  des 
Mémoires  intéressans,  La  Haye,  1720, 
2  vol.  in-8. 

POINTCHARTRAIN  (  Louis  Phely- 
PEADX,  comte  de  ) ,  petit-fils  du  précé- 
dent ,  naquit  en  1 643.  Conseiller  au  par- 
lement à  l'âge  de  17  ans  en  1G61  ,  il  fut 
nommé,  en  1667,  premier  président  au 
parlement  de  Bretagne.  Ayant  contribué 
I  ar  son  génie  conciliant  à  calmer  les  agi- 
tations de  celte  province ,  il  obtint  la 
place  de  contrôleur- général  en  1689, 
après  la  retraite  de  Le  Pellelier;  devint 
ministre  et  secrétaire  d'état  en  1690.  On 
reprocha  à  Pontchartrain  d'avoir  spé- 
culé sur  la  vanité  française  ,  en  vendant 
des  charges  nouvelles ,  et  des  lettres  de 


PON  37 

noblesse  ;  mais  à  cette  époque  toutes  les 
caisses  étaient  épuisées,  il  fallait  subve- 
nir à  des  besoins  urgens ,  et  il  crut  pré- 
férable d'avoir  recours  aux  deniers  desri  - 
ches ,  en  contentant  leur  amour-propre , 
que  d'aggraver  le  peuple  déjà  par  trop 
surchargé.  Il  fut  nommé  chancelier  en 
1 699,  et  lorsqu'il  prêta  serment  le  9  sep- 
tembre de  la  même  année ,  le  roi  lui  dit: 
M  Monsieur,  je  voudrais  avoir  unechar- 
»  ge  encore  pluséminente  à  vous  donner, 
w  pour  vous  marquer  mon  estime  de  vos 
»  talens ,  et  ma  reconnaissance  de  vos 
M  services.  »  Il  protégea  les  sciences ,  et 
donna  une  nouvelle  forme  aux  académies 
des  sciences  et  des  belles-lettres,  qui 
eurent  en  lui  un  protecteur  zélé.  Après 
avoir  rendu  de  longs  services  à  l'étal, 
il  se  retira  en  1 7 1 4  à  l'institution  de  l'O 
raloire  où  il  .se  montra  aussi  grand  par 
ses  vertus ,  qu'il  l'avait  été  par  ses  places. 
Louis  XIV  l'honora  d'une  de  ses  visites. 
Il  mourut  à  Pontchartrain  en  1727  ,  à  84 
ans  ,  et  fut  enseveli  sans  pompe  ,  comme 
il  l'avait  désiré.  (  «  Il  fut  plus  grand  en- 
»  core ,  dit  le  président  Hénault,  par  sa 
»  généreuse  retraite,  que  par  les  impor- 
)j  tans  emplois  qu'il  remplit  avec  desta- 
»  lens  supérieurs.  »  )  Son  petit-fils ,  le 
comte  de  Madrepas,  né  en  1701  ,  est 
mort  sans  postérité  en  1781  ,  à  l'âge  de 
80  ans.  Il  avait  été  élevé  au  ministère,  et 
occupa  ce  poste  sous  Louis  XV.  Disgra- 
cié pour  une  épigramme  contre  madame 
de  Pompadour,  il  ne  reparut  au  ministère 
qu'à  l'avènement  de  Louis  XV[  au  trône. 
Une  disgrâce  de  vint-cinq  ans  n'apporta 
aucun  changement  dans  le  caractère  du 
comte  de  Maurepas;  toujous  léger,  faible, 
indolent ,  incapable  d'une  application 
profonde  et  sérieuse  ,  il  entraîna  le  mo- 
narque dans  des  démarches  qui  lui  devin- 
rent funestes.  (L'abbé  Guyotetle  marquis 
de  Condorcet  ont  fait  son  éloge  ;  mais 
ils  n'ont  pas  loul  dit.  Des  juges  plus  sévè- 
res, témoins  de  la  révolution  de  France, 
l'ont  regardé  comme  une  des  causes  assez 
immédiates  de  cette  grande  catastrophe. 
La  légèreté  et  l'indolence  qui  caractérisè- 
rent son  dernier  ministère ,  les  mauvais 
conseils  qu'il  donna  au  jeune  roi,  surtout 
pour  le  rappel  des  parlemens ,  le  retour 


dé  PON 

et  le  triomphe  de  Voltaire  à  Paris ,  la 
guerre  en  faveur  de  la  rébellion  des  co- 
lonies anglaises  ,  etc. ,  viennent  à  l'ap- 
pui de  ce  jugement.  ) 

PONTCHASTEAl  J  (  Sébastien-Joseph 
du  Câmbout  de  )  né  en  1G34  d'une  fa- 
mille illustre  et  ancienne ,  était  parent 
du  cardinal  de  Richelieu.  Singlin,  direc- 
teur des  religieuses  de  Port-Royal ,  l'at- 
tira dans  cette  maison,  mais  il  n'y  resta 
guère.  Après  divers  voyages  en  Allema- 
gne ,  en  Italie  et  dans  les  différentes  par- 
ties de  la  France,  et  après  plusieurs  aven- 
tures ,  il  rentra  de  nouveau  à  Port-Royal, 
et  s'y  chargea,  en  1668  ,  de  l'office  de 
jardinier ,  dont  il  fit  pendant  six  ans  tou- 
tes les  fonctions.  Obligé  de  sortir  de  sa 
retraite  en  1679,  il  alla  à  Rome,  où  il  agit 
en  faveur  du  parti.  Il  y  demeurait  sous 
un  nom  emprunté ,  lorsque  la  cour  de 
France  le  découvrit  et  obtint  son  ex- 
pulsion. Pontchasteau  se  retira  dans  l'ab- 
baye de  la  Haute-Fontaine,  en  Champa- 
gne ,  puis  dans  celle  d'Orval,  oiiii  vécut 
pendant  cinq  ans.  Quelques  affaires 
l'ayant  rappelé  à  Paris,  il  y  tomba  malade 
et  y  mourut  en  1690  ,  à  56  ans.  On  a  de 
lui  :  1°  La  manière  de  cultiver  les  arbres 
fruitiers  y  Paris,  1662,  in-12,  sous  le 
nom  de  Le  Gendre  ;  2°  les  deux  premiers 
volumes  de  la  Morale  pratique  des  je'- 
suites,  dont  Arnauld  a  fait  les  six  autres: 
ouvrage  que  Te  parlement  de  Paris  con- 
damna à  être  brûlé  et  lacéré  par  la  main  du 
bourreau ,  et  que  Rome  défendit ,  sous 
peine  d'excommunication,  par  un  décret 
publié  le  27  mai  1687.  On  prétend  que 
Pontchasteau  fit  exprès,  et  même  à  pied, 
le  voyage  d'Espagne,  pour  y  acheter  le 
Teatro  jesuitico.  3"  Une  Lettre  à  M.  de 
Pêréfixe,  eu  1666  ,  en  faveur  de  M.  de 
Saci ,  qui  avait  été  mis  à  la  Bastille  ;  4° 
il  a  traduit  en  français  les  Soliloques  de 
Hamon  sur  le  Psaume  CXFIll. 

PONTCOURLAY.  Voyez  Wignkbod. 

*  PONTE  (  Jean-François  de),  chevalier 
napolitain ,  né  en  1571  ,  sous  le  règne  de 
Philippe  II,  roi  d'Espagne  ,  dont  il  était 
sujet.  Il  apprit  les  lois  et  fut  successive- 
ment avocat ,  conseiller ,  et  régent  du 
grand  conseil  d'Italie.  Il  a  publié  :  \°  Con- 
siliorum^TL  vol.  ;  2»  Repetitiones  feuda- 


PON 

les ,  juris  rtsponsum  super  censura  ve- 
neta,  Rome,  1607  ,  in-4  ;  3°  Decisiones  ' 
supremi  itali  concilii,  regiœ  cancellaricBy 
et  regiœ  camerœ  summariœ,  Naples, 
1612  ,  in-fol.  ;  4°  Depotestatepro  régis 
napolitani ,  et  coUateralis  concilii,  reg- 
nique  regimine  ,  ihid.  1621,  in-foi.  J.- 
Baptiste Ton  réimprima  cet  ouvrage  avec 
des  additions.  Ponte  passait  pour  un  ju- 
risconsulte profond ,  et  mourut  dans  sa 
patrie  en  1635. 

*  PONTE  (  Laurent  de  ) ,  de  l'ordre  des 
clercs  mineurs ,  né  à  Naples  le  24  sep- 
tembre 1575  ,  est  auteur  de  Commentai- 
res sur  le  livre  de  la  Sagesse,  et  d'une 
Explication  de  l'Evangile  de  saint  Mat- 
thieu, qui  devait  être  composée  de  4  vol.; 
mais  il  mourut  après  en  avoir  achevé 
deux ,  et  ce  livre  est  resté  incomplet.  Il 
a  laissé  néanmoins  un  grand  nombre 
d'ouvrages  qui  eurent  de  la  célébrité,  et 
furent  honorés  de  l'estime  des  savans.  On 
cite  surtout  une  Vie  de  David,  qui  fut 
très  bien  accueillie  du  public.  Le  Pèrede 
Ponte  mourut  au  collège  d'Alcala  le  26 
octobre  1639. 

PONTEDERA  (  Jules  ) ,  né  à  Vicence 
en  1688,  fut  professurde  botanique  à  Pa- 
doue,  au  commencement  du  18*  siècle. 
Il  fit  paraître  :  1°  Compendium  tabula- 
rum  botanicaram  ,  in  quo  plantœ  27  2  in 
Ilalia  nuper  detectœ  recensentur ,  1718, 
in-4  ;  2°  De  florum  natura,  1720,  in-4  ; 
3°  Antiquitatum  latinarum  grœcarum- 
que  enarrationes  et  emundationes,  Pa- 
doue,  1740,  iu-4.  (Il  est  mort  à  Padoue, 
en  1757.) 

PONTEVÈS.  Voyez  Flassans. 

PONTHIEU  (Adélaïde  ou  Adèle,  com- 
tesse de  ) ,  a  été  célèbre  dans  le  temps 
des  croisades.  Injustement  condamnée 
par  son  père ,  arrachée  à  son  mari,  ven- 
due à  un  Soudan ,  reconnue  long-temps 
après ,  elle  fut  ramenée  triomphante  dans 
sa  patrie.  Sesaventuresoiitfourni  au  com- 
mandeur de  Vignacourt  le  sujet  de  son 
roman  d'Adèle  de  Ponlhieu,  imprimé 
en  1723;  peut-être  cette  histoire  même 
n'était-elle  ,  dans  sa  totalité ,  qu'un  ro- 
man. De  la  Place  a  fait  sur  ce  sujet  une 
mauvaise  Tragédie,  et  M.  de  Saint-Marc 
un  Opéra,  représenté  en  1772. 


PON 

PONTIEN  (  Saint  ),  placé  sur  la  chaire 
de  saint  Pierre,  après  la  mort  de  saint  Ur- 
bain I*"" ,  arrivée  en  230,  siégea  cinq  ans , 
selon  le  calendrier  de  Libère;  il  souffrit 
beaucoup  pour  la  foi  deJ.  C.  sousl'empe- 
reurMaximin,etmourut  l'an  235,  dans  rîle 
deSardaigne,oùil  avait  été  exilé.  S'il  ne 
termina  pas  sa  vie  par  le  glaive,  ilnefut 
pas  moins  martyr  de  la  foi,  en  mourant  de 
misère  et  d'abandon  dans  le  pays  oii  il 
avait  été  relégué.  Son  corps  fut  rapporté 
dans  le  cimetière  de  Cailixte  à  Rome,  et 
l'on  croit  communément  que  ce  fut  le  pape 
saint  Fabien  qui  fit  cette  translation.  On 
lui  attribue  deuxEpîtres;  mais  elles  sont 
d'un  temps  postérieur  à  son  pontificat. 

•PONTIER  (  Gédéon  ) ,  naquit  vers 
1640.11  était  proteslant;mais  jeune  encore 
il  se  fit  catholique,  étudia  les  sciences  sa- 
crées ,  prit  les  ordres,  et  devint  protono- 
taire apostolique.  Il  mena  toujours  une  vie 
régulière,  et  mourut  en  1709.  On  a  de 
lui;  1°  Ze  Cabinet  des  grands,  Paris,  1680- 
1689,  3  vol.  in-12  ;  2°  Questions  de  la 
princesse  Henriette  de  la  Guiche ,  du- 
chesse d' Angoulême ,  sur  toutes  sortes 
de  sujets,  avec  les  réponses,  Paris,  1688  , 
'  in-12.  Le  président  Coussin  a  fait  dans  le 
Journal  des  savans  des  éloges ,  peut- 
être  un  peu  exagérés ,  des  ouvrages  de 
Pontier. 

PONTIS  (  Louis  de) ,  seigneur  de  la 
terre  de  Pontis ,  dans  le  diocèse  d'Em- 
brun, naquit  en  1583.  Son  père  s'était 
distingué  par  sa  valeur ,  et  lui-même  enr 
tra*jeune  dans  le  régiment  des  gardes, 
sous  Henri  IV  ,  et  s'éleva  par  son  mérite 
à  divers  emplois  militaires.  Louis  XIII , 
instruit  de  sa  valeur ,  lui  donna  une 
lieutenance  dans  les  gardes,  et  ensuite 
une  compagnie  dans  le  régiment  de 
Bresse.  Ce  prince  l'engagea  à  acheter  la 
charge  de  commissaire-général  des  Suis- 
ses; mais  mille  obstacles  s'opposèrent  à 
sa  fortune.  Pontis,  las  de  rouler  sans 
cesse  dans  ce  tourbillon ,  et  n'ayant  pas 
voulu  s'attacher  au  cardinal  de  Richelieu, 
fut  contraint  de  quitter  la  cour.  Il  s'en- 
ferma dans  Port-RoyaUdes-Champs,  et 
y  mourut  en  1670  ,  à  87  ans  ,  après  avoir 
servi  50  ans  sous  trois  rois,  et  avoir  reçu 
17  blessures,  ffous  avons  sous  son  nom 


PON  39 

des  Mémoires,  imprimés  à  Paris  en  1676, 
en  2  vol.  in-12.  On  y  trouve  les  circon- 
stances les  plus  remarquables  des  guerres 
de  son  temps ,  des  intrigues  de  la  cour , 
et  du  gouvernement  des  princes  sous 
lesquels  il  a  servi.  Les  mécontentemens 
que  l'auteur  essuya  à  la  cour  rendent  sa 
narration  suspecte,  surtout  lorsqu'il  parle 
du  cardinal  de  Richelieu  et  de  quelques 
autres  ministres.  »  Je  suis  attachée  ,  dit 
dans  une  de  ses  Lettres  madame  de  Sévi- 
gné,  «  à  des  Mémoires  de  M.  de  Pontis, 
»  qui  conte  sa  vie  etle  temps  de  Louis  XIII 
»  avec  tant  de  vérité  ,  de  naïveté  et  de 
»  bon  sens,  que  je  ne  puis  m'en  tirer.  Ce 
»  livre  a  bien  des  approbateurs ,  et  d'au- 
»  très  qui  ne  le  peuvent  souffrir.  Ou  on 
»  l'aime ,  ou  on  le  hait ,  il  n'y  a  pas  de 
»  milieu.  »  Le  Père  d'Avrigny  et  Vol- 
taire ont  cru  <\\XQ  ce  Pontis  n'a  point 
existé,  et  que  c'est  un  être  supposé.  Il 
est  vrai  néanmoins  que  la  famille  de  Pon- 
tis était  très  connue  en  Provence,  et 
qu'elle  passait  ordinairement  l'été  à  la 
terre  de  Pontis ,  et  l'hiver  à  Digne.  Quant 
à  Pontis  lui-même,  les  solitaires  de  Port- 
Royal  ne  l'ont  jamais  regardé  comme  un 
personnage  romanesque  ;  mais  leur  té- 
moignage peut  paraître  suspect.  C'est  un 
de  leurs  affidés ,  Thomas  du  Fossé ,  qui 
prétend  avoir  recueilli  ces  Mémoires  des 
conversations  de  ce  guerrier,  source  qui, 
quand  elle  serait  véritable,  supposerait, 
pour  mériter  de  la  confiance,  une  mé- 
moire extraordinairement  exacte  et  fidèle. 
Ce  qu'en  dit  madame  de  Sévigné  marque 
assez  que  c'est  un  ouvrage  de  parti ,  et 
qu'elle  le  juge  d'après  celui  auquel  elle 
fut  attachée.  Ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est 
que  ces  Mémoires  sont  remplis  de  faits 
absolument  faux,  qui  n'ont  pu  être  rap- 
portés par  un  auteur  contemporain  et 
instruit. 

PONTIUS.  Voyez  Pouce. 

PONTIUS  ou  Dupont  (  Paul  } ,  gra- 
veur des  Pays-Bas ,  né  à  Anvers  en  1 596  , 
mort  au  commencement  du  17*  siècle. 
Cétait  un  dessinateur  correct  et  savant. 
On  a  de  lui  un  grand  nombre  d'estampes, 
d'après  Rubens,  Van  Dick  et  Jordans. 
Elles  sont  très  estimées.  (  Ce  maître  a 
rave  cinquante  portraits,  vingt-sept  su- 


4o  PON 

jets  historiques ,  etc.  Son  chef-d'œuvre 
est  le  Saint-Roch,  de  Rubens,  dont  l'ori-  - 
ginal  est  au  musée  de  Paris. 

PONTOPPIDAN  (  Eric-ERicsoN  ),  doc- 
teur en  théologie  et  évêque  luthérien,  né 
en  161Gà  Biergegard,  dans  l'iledeFionie 
en  Norwége,  mort  en  1 C78,  âgé  de  62  ans, 
a  publié  divers  ouvrages,  parmi  lesquels, 
Grammatica  Unguœ  danicce^  1G66;  jff«- 
colica  jacra, Leyde,  i  C4  3;  Theologiœpra- 
ticœ,  seu  Ethicœ  sacrœ  synopsis,  1656; 
Epigrammatum  latinorum  centurue 
varice. — Eric  PoNTOPPiDAN,son  petit-ne- 
veu ,  ou  fils  de  son  neveu ,  Louis  Pon- 
toppidan  ,  prédicateur  du  roi  de  Dane- 
mark en  174  4,  a  donné  une  Histoire 
de  la  réformation  du  Danemark ,  et 
une  Histoire  ecclésiastique  de  ce  pays , 
pleine  des  préjugés  de  sa  communion. 
Ce  qui  lui  a  fait  plus  d'honneur  est  Mar- 
mora  danica ,  seu  inscriptionum  per 
Daniam  universam  sylloge,2  vol.in-fol. 
Devenu  évêque  de  Norwége,  il  publia 
l'Histoire  naturelle  de  cette  province, 
d'une  ma  nière  très  intéressante  et  avec 
de  solides  réflexions.  On  a  encore  de  lui 
une  Instruction  pastorale  sur  les  mer- 
veilles de  la  Providence ,  et  les  bienfaits 
répartis  dans  les  climats  les  plus  âpres 
et  les  plus  froids.  Elle  a  été  traduite  et 
imprimée  en  français  en  1760. 

PON TORMO  î  Jacques  Carrucci  de), 
célèbre  peintre  ,  né  à  Florence  en  1493, 
mourut  dans  la  même  ville  en  1568.  Ses 
premiers  ouvrages  annoncèrent  un  talent 
supérieur;  Raphaël  et  Michel-Ange,  en  les 
voyant ,  dirent  que  «  ce  maître  porte- 
»  rait  la  peinture  à  son  plus  haut  degré.  » 
Pontormo  ne  remplit  point  toute  l'éten- 
due de  cette  prophétie  ;  mais  on  ne  peut 
nier  qu'il  n'eût  d'abord  un  pinceau  vi- 
goureux ,  un  beau  coloris,  et  qu'il  ne 
mît  de  l'invention  dans  ses  ouvrages.  Sa 
manière  était  grande,  quoique  un  peu 
dure.  U  sortit  de  son  genre,  oii  il  acqué- 
rait beaucoup  de  réputation ,  pour  pren- 
dre le  goût  allemand.  C'est  à  celte  bizar- 
rerie qu'il  faut  attribuer  la  grande  diffé- 
rence qui  est  entre  ses  premiers  ouvra- 
ges ,  fort  estimés ,  et  les  derniers ,  dont 
on  ne  fait  point  cas.  Il  voulut  revenir  à 
sa  première  manière;  mais  ses  efforts  fu- 


PON 

rent  inutiles.  Ce  peintre  avait  quelques 
singularités  dans  sa  façon  de  vivre  :  il 
avait  fait  construire  dans  sa  maison  un 
escalier  de  bois,  qu'il  retirait  en  haut  par 
une  poulie  lorsqu'il  était  monté  à  son  ate- 
lier :  «  Expédient,  dit  un  auteur,  que 
»  les  gens  appliqués  et  ennemis  des  con- 
»  versations  inutiles  ne  feraient  pas  mal 
»  d'employer  pour  tromper  les  oisifs,  et 
»  s'assurer  du  calme  nécessaire  à  leur 
'>  travail.  »  Par  la  même  raison,  il  se  ser- 
vait lui-même,  et  se  délivrait  de  tout 
l'embarras  que  donne  la  dépendance 
d'un  secours  étranger.  (  Le  musée  de  Pa- 
ris possède  deux  tableaux  de  ce  peintre , 
un  Portrait  de  Giovanni  délie  Corniole, 
fameux  graveur  ;  Le  vœu  de  Florence , 
ou  une  Fierge  assise  sur  les  genoux  de 
sainte  j4nne,  soulevant  V enfant  Jésus.) 

PONTUS.  Foyez  Gardie. 

*PO]NZ  (  Don  Antonio  )  ,  savant  es- 
pagnol, naquit  à  Bexix ,  dans  le  royaume 
de  Valence,  en  1725.  Sa  vaste  érudition 
le  fit  appeler  à  Madrid  ,  où  il  occupa  plu- 
sieurs places  importantes,  et  fut  nommé 
membre  des  académies  de  Saint-Ferdi- 
nand ,  et  d'histoire  de  cette  capitale ,  de 
celle  des' antiquités  de  Londres,  et  des 
Arcades  de  Rome.  Il  voyagea  dans  plu- 
sieurs parties  de  l'Europe,  et  demeura 
long-temps  à  Rome  et  à  Naples.  De  re- 
tour à  Madrid  ,  il  parcourut  toute  l'Es- 
pagne, et  publia  :  1°  Foyage  en  Espa- 
gne, Madrid,  1772  etsuiv.,  13  vol.  in-8. 
Cet  ouvrage  a  été  d'un  grand  secours  à 
M.  de  la  Borde,  dans  son  Itinéraire 
d'Espagne,  qui  est  le  plus  exact  que 
l'on  connaisse.  Jean-Joseph  Diez ,  pro- 
fesseur d'histoire  à  Goltingue,  traduisit 
en  français  le  premier  volume ,  imprimé 
en  1775.  Il  a  élé  traduit  aussi  en  alle- 
mand et  en  italien;  2°  Voyage  hors 
d'Espagne,  Madrid,  1785,  2  vol.  in-8. 
C'est  le  fruit  des  observations  de  Ponz 
dans  ses  courses  chez  l'étranger.  On  y 
remarque  des  aperçus  justes  ,  de  l'impar- 
tialité, et  une  saine  critique.  Il  cultiva 
également  la  poésie  avec  succès,  pro- 
tégea les  arts,  dans  lesquels  il  était  un 
connaisseur  habile ,  et  mourut  à  Madrid 
en  1792.  C'était  aussi  un  peintre  distin- 
gué ;  on  a  de  lui  des  tableaux  estimés. 


POO 

PONZETA  (  Ferdinand  ),  né  à  Florence 
de  parens  nobles  et  originaires  de  Naples, 
parvint  à  l'office  de  trésorier  du  pape 
Léon  X,  qui  lui  donna  l'évêché  de  Melfi, 
puis  celui  de  Grosseto  ,  et  enfin  le  fit  car- 
dinal en  1 5 1 7 .  Ce  prélat  se  fit  estimer  par 
sa  prudence  et  par  la  pureté  de  ses  moeurs, 
et  rendit  de  grands  services  au  saint-Sié- 
ge.  Lors  de  la  prise  de  Rome ,  les  Alle- 
mands, parmi  lesquels  se  trouvaientbeau- 
coup  d'hérétiques,  le  traitèrent  indigne- 
ment, et  le  traînèrent  par  les  rues  de  la 
ville  avec  barbarie.  Ces  violences  furent 
cause  de  sa  mort,  qui  arriva  le  2  septem- 
bre 1 527  ,  dans  la  90*  année  de  son  âge. 
Son  corps  fut  enterré  dans  l'église  de 
Notre-Dame  de  la  paix ,  où  l'on  voit  son 
épitaphe,  que  lui  fit  faire  Jacques  Pon- 
zeta  ,  évoque  de  Melfi  ,  son  neveu. 

PONZIO  (  Flamino  ) ,  célèbre  archi- 
tecte, né  près  de  Côme  ,  dans  la  Lom- 
bardie,  vers  1666.  Il  étudia  à  Rome,  et 
s'y  distingua  dans  son  art.  La  belle  cha- 
pelle de  la  famille  Borghèse ,  à  Sainte- 
Marie-Majeure  ,  est  de  son  exécution , 
ainsi  que  celle  appelée  Pauline  ,  où  l'on 
remarque  autant  la  richesse  des  pierres 
que  le  fini  de  la  sculpture.  La  sacristie 
de  cette  basilique  fut  élevée  sous  sa  di- 
rection ,  ainsi  que  le  bel  escalier  double 
qui  orne  le  palais  Quirinal.  Il  présida  à 
la  construction  de  la  basilique  de  Saint- 
Sébastien.  Cependant  son  meilleur  ou- 
vrage est  la  superbe  façade  du  palais  de 
Sciria  Colonda  ,  dont  la  porte  principale 
est  d'un  seul  morceau  et  fut  construite 
d'après  les  principes  de  l'architecte  Vi- 
gnole.  Ponzio  mourut  à  Rome,  Agé  de 
45  ans,  et  sous  le  pontificat  de  Paul  V. 
Cet  artiste  aimait  beaucoup  le  grandiose, 
et  on  remarque  dans  tous  ses  ouvrages 
beaucoup  de  goût ,  et  une  exacte  pro- 
portion dans  toutes  les  parties. 

POOLE  (  Renaud  ).   Foyez  Polus. 

POOLE  (  Matthieu  ),  né  à  York,  et  selon 
quelques-uns  à  Londres ,  en  1624,  fut  in- 
corporé dans  l'université  d'Oxford,  et  lui 
fit  honneur  par  son  érudition.  Il  devint 
recteur  de  Sainl-Michel-le-Quern  à  Lon- 
dres, en  1648,  et  proposa  en  1653  pour  l'é- 
ducation de  la  jeunesse,  un  projet  que  le 
parlement  approuva  ;  mais  l'auteur  ayant 
XI. 


POP  4i 

été  obligé  de  se  retirer  en  Hollande ,  ce 
projet  n'eut  pas  lieu  ;  et  vu  le  peu  d'effet 
de  tous  ses  plans  d'éducation,  il  est  à  croire 
que  le  public  n'y  perdit  pas  grand'  chose. 
Poole  avait  publié  avant  son  départ  plu- 
sieurs ouvrages,  dont  le  plus  célèbre  est 
son  Synopsis  criticorum ,  Londres,  1669, 
5  vol.  qui  se  relient  en  9  ,  in-fol. ,  et  ré- 
imprimé à  Utrecht,  1684  ,  6  v.  in-fol.  , 
avec  des  augmentations  qui  n'empêchent 
pas  de  préférer  la  première  édition.  Cet 
ouvrage  est  un  abrégé  des  remarques  des 
plus  habiles  commentateurs  de  l'Ecriture 
sainte,  et  sur  tout  de  celles  des  protes- 
tans.  Il  mourut  à  Amsterdam  en  1679. 

POOT  (Hubert),  poète  hollandais,  né 
près  de  Delft  en  1689  d'un  paysan  ,  n'a- 
bandonna presque  point  la  charrue,  etsut 
cependant  trouver  assez  de  loisir  pour 
exceller  dans  la  poésie  flamande,  jusque 
là  que  plusieurs  l'ont  appelé  VHesiodr 
de  la  Hollande.  Il  mourut  en  1733.  Se. 
poésies  ont  été  recceillies  en  3  vol.  in-4, 
Delft,  1722-1734,  avec  de  belles  vi- 
gnettes. 

POPE  (  Alexandre  }  vit  le  jour  à  Lon- 
dres le  22  mai  1688.  Il  était  d'une  an- 
cienne famille  noble  du  comté  d'Oxford. 
Les  auteurs  de  sa  naissance,  catholiques 
romains  ,  ne  lui  laissèrent  qu'une  mé- 
diocre fortune.  Faible  de  santé,  mal  con- 
formé ,  bossu  même ,  il  fut  l'objet  des 
plus  tendres  soins  de  sa  mère,  et  reçut 
dans  la  maison  paternelle,  une  éduca- 
tion digne  des  dons  heureux  que  lui  avait 
faits  la  nature.  (A  6  ans  il  lisait  déjà  les 
poètes  grecs  et  latins  chez  un  vieux  prêtre 
catholique  où  il  était  en  pension  :  depuis 
il  termina  sespremières  éludes  à  Londres; 
là,  ayant  été  au  spectacle,  il  avait  impro- 
visé au  bout  de  quelques  jours  une  pièce 
sur  un  sujet  grec.  Rappelé  à  12  ans  dans 
là  maison  paternelle  ,  il  étudia  les  Eglo- 
gues  de  Virgile  avec  passion.  Cette  étude 
et  l'aspect  des  champs  l'entraînèrent 
à  la  composition  de  ses  Pastorales.)  II  dé- 
buta par  une  Ode  sur  la  vie  champêtre. 
Plus  lard  il  composa  un  poème  intitulé  la 
Forêt  de  fFindsor,  puis  une  Eglogue  sur 
la  naissance  du  Messie.  On  trouve  dans 
cette  dernière  pièce  des  idées  sublimes  et 
une  poésie  fort  élevée.  V Essai  sur  la 
6. 


4?.  POP 

critique  parut  en  1 709 ,  et  mit  le  jeune 
poète  ail  rang  des  plus  beaux  génies  de 
l'Angleterre ,  quoiqu'il  n'y  eût  pas  d'or- 
dre dans  le  plan ,  et  que  l'imagination 
n'y  soit  pas  toujours  bien  réglëe.  L'abbé 
du  Resnel  en  a  donné  une  traduction 
estimée.  Le  Temple  de  la  Renommée, 
poème  qui  parut  en  1710,  offre  encore 
moins  d'ordre  que  VEssai  sur  la  cri- 
tique :  tout  y  est  confus,  il  y  a  cependant 
des  morceaux  d'une  grande  beauté ,  et 
qui  décèlent  l'homme  de  génie.  La  Bou- 
cle de  cheveux  enlevée ,  petit  poème  en 
cinq  cbants  ,  publié  en  1712.  Celte  ba- 
gatelle ne  respire  que  la  galanterie  ;  mais 
YEpître  d'Héloïse  à  Abailard  paraît 
dictée  par  tout  ce  que  l'amour  le  plus 
violent  peut  inspirer.  Le  poète  y  peint 
les  combats  de  la  nature  et  de  la  grâce 
d'une  manière  où  la  piété  et  la  paix  des 
âmes  pures  n'ont  rien  à  gagner.  Un  tra- 
vail plus  considérable  occupait  Pope, 
lorsqu'il  enfanta  ce'fte  épître  :  il  prépa- 
rait une  traduction  en  vers  de  l'Iliade 
et  de  YOdyssée.  Toute  l'Angleterre  sou- 
scrivit pour  cet  ouvrage ,  et  l'on  prétend 
que  l'auteur,  qui  n'était  rien  moins  que 
désintéressé,  y  gagna  près  de  cent  mille 
écus.  Quand  l'/ToOTère  anglais  vit  le  jour, 
il  parut  fort  au  dessous  du  grec ,  quoi- 
qu'on y  trouvât  de  l'abondance  et  de  la 
force.  Ses  ennemis  ou  ses  rivaux  en  pro- 
fitèrent pour  l'accabler  de  sarcasmes.  Ils 
allèrent  jusqu'à  ridiculiser  sa  figure  et  sa 
taille,  qui  en  effet  n'étaient  pas  avanta- 
geuses ;  ils  lui  reprochèrent  d'être  ^«««f, 
laid  et  bossu.  Pope  répondit  par  une  sa- 
tire intitulée  la  Dunciade,  c'està-dire 
YHébétiade  ou  la  Sottisiade.  Il  y  passait 
en  revue  les  auteurs  et  les  libraires.  Cette 
satire  basse  et  indécente  respire  la  fu- 
reur. L'auteur  eut  honte  dans  la  suite 
de  l'avoir  enfantée;  il  n'hésita  point  à 
la  jeter  au  feu,  en  présence  du  docteur 
Swift,  qui  la  relira  promptement,  et 
lui  rendit  le  mauvais  office  de  la  con- 
server. Non  contens  de  le  traiter  dans 
vingt  libelles  ^'ignorant,  de  fou,  de 
monstre,  à' homicide  et  (Y empoisonneur, 
ses  adversaires  firent  courir  dans  les  rues 
de  Londres  une  relation  d'une  flagella- 
tion ignominieuse.  Cette  satire,  où  il  y 


POP 

avait  quelques  traits  perçans ,  et  qui  ne 
tombaient  pas  absolument  à  faux ,  rem- 
plit d'amertume  le  cœur  de  Pope.  Il  ne 
se  contenta  pas  de  faire  écrire  un  Avis 
au  public,  où  il  attestait  qu'il  n'était  pas 
sorti  de  sa  maison  le  jour  marqué  par  la 
relation ,  il  voulut  encore  ajouter  de  nou- 
veaux traits  à  la  Dunciade.  Ses  amis  lui 
conseillèrent  de  ne  répondre  à  ses  adver- 
saires que  par  des  ouvrages  louables ,  et 
il  enfanta  Y  Essai  sur  V  homme.  L'au- 
teur embellit  les  matières  les  plus  sèches 
par  une  élocution  noble  ,  facile,  éner- 
gique ,  variée  avec  art.  Il  y  a  pourtant 
des  descriptions  trop  étendues  et  des 
pensées  répétées  ;  on  y  trouve  peu  de  so- 
lidité dans  quelques  assertions ,  peu  d'or- 
dre et  de  liaison  entre  les  idées,  et,  ce 
qui  fait  l'objet  d'une  critique  plus  grave, 
des  principes  favorables  à  l'irréligion, 
une  morale  vague  et  sans  autorité,  une 
métaphysique  imaginaire  et  illusoire. 
Il  est  vrai  que  Ramsay  a  tenté  de  faire 
l'apologie  de  ses  sentimens,  dans  une 
lettre  à  Racine  le  fils ,  auquel  Pope  écri- 
vit lui-même  ;  mais  il  est  bien  difficile  à 
quiconque  a  lu  les  ouvrages  et  a  connu 
les  amis  de  Pope ,  de  n'avoir  pas  quelques 
doufes  sur  ses  sentimens.  ff  Après  avoir 
»  lu  ce  poème  dans  l'anglais ,  dit  Ra- 
»  cine  ,  loin  d'en  être  le  défenseur ,  je, 
»  reconnais  qu'il  ne  peut  être  justifié  que 
»  par  des  explications  forcées ,  et  que  le 
»  système  qu'il  présente  d'abord  est  ce- 
»  lui  du  déisme.  »  Plusieurs  écrivains 
l'ont  traduit  en  français.  La  version  de 
l'abbé  du  Resnel ,  en  vers ,  n'est  pas 
assez  littérale ,  et  celle  de  M.  Silhouette, 
en  prose,  l'est  trop.  L'abbé  Millot  en  a 
donné  une  en  17G1,  qui  ne  vaut  aucune 
des  deux  précédentes.  On  trouve  à  la 
suite  de  sa  traduction  une  épître  morale 
de  Pope  sur  la  connaissance  des  hommes. 
C'est  un  tissu  de  réflexions  où  le  génie 
anglais  se  montre  dans  tout  son  éclat  et 
avec  tous  ses  défauts.  Cette  épître  tient 
par  son  sujet  à  Y  Essai  sur  l'homme  ,  et 
on  peut  la  regarder,  comme  une  carte 
particulière ,  où  est  tracé  en  détail  ce 
qu'une  carte  générale  ne  présente  qu'en 
gros.  En  1783,  M.  de  Fontanes  adonné 
une  nouvelle  traduction  en  versdel'Jï'.y-' 


I 


POP 

soi  sur  V homme  ,  avec  des  notes  et  un 
discours  rempli  d'idées  communes ,  dé- 
bitées avec  beaucoup  d'emphase.  Quel- 
ques personnes  préfèrent  celle  de  l'abbé 
hesnel.  Si  le  premier  traducteur  manque 
souvent  d'élévation ,  de  vigueur  et  de 
coloris  ,  il  est  du  moins  clair,  naturel  et 
fait  entendre  Pope,  si  obscur  dans  la 
dernière  traduction  ;  la  phrase  est  plus 
française,  plus  coulante  ;  sa  versifica- 
tion moins  sèche  ,  moins  dure ,  moins 
heurtée.  Pope  a  encore  composé  des 
Odes,  des  Fables  ,  des  Epitaphes ,  des 
Prologues  et  des  Epilogues  ;  il  passe 
pour  le  poète  le  plus  élégant  et  le  plus 
correct,  et,  ce  qui  est  encore  beaucoup, 
le  plus  harmonieux  qu'ait  eu  l'Angle- 
terre. Il  a  réduit  les  sifflemens  aigres  de 
la  trompette  anglaise  au  son  doux  de  la 
flûte.  Nous  ne  parlerons  point  de  ses 
Lettres ,  dont  on  a  un  recueil  assez  am- 
ple. S'il  en  a  deux  ou  trois  qui  puisse.it 
intéresser  le  public  ,  toutes  les  autres  ne 
sont  presque  d'aucun  pris  ;  et  il  en  est 
ainsi  de  presque  toutes  les  collections  de 
ce  genre.  Ses  dififérens  ouvrages  ont  été 
recueillis  à  Londres  en  17  51  ,  20  vol. 
in-8;ibid.,  1797,  9  vol.  in-8  ;  ibid. , 
1804,  6  vol.  et  à  Edimbourg,  U764,  6 
vol.  in-8.  (Sa  Traduction  à.'liom.eïe  ne 
se  trouve  point  dans  cette  dernière  édi- 
tion. Cette  traduction  a  été  réimprimée 
à  Londres  en  1805  ,  12  tomes  en  6  vol.) 
On  a  publié  à  Amsterdam  les  OEuvres 
diverses  de  Pope ,  traduites  de  t  anglais  ; 
nouvelle  édition,  augmentée  deplusieurs 
pièces  et  de  la  vie  de  l'auteur ,  avec  des 
figures  en  taille-douce,  1767  ,  7  vol.  in- 
12.  La  plupart  des  traductions  insérées 
dans  ce  recueil  sont  lourdes ,  maussades, 
pesantes.  On  a  donné  une  nouvelle  édi- 
tion des  OEuvres  complètes  de  Pope , 
Paris,  1779,  8  vol.  in-8,  avec  figures. 
«  Pope ,  dit  un  critique ,  avait  plus  de 
M  subtilité  dans  l'esprit ,  que  de  vérité 
j>  et  de  jugement.  11  n'a  ni  le  génie  de 
»  Milton ,  ni  le  goût  épuré  d'Addisson. 
j>  Son  talent  principal  était  d'imiter  et 
»  de  s'approprier  les  idées  d'autrui  ;  le  ta- 
»  lent  qui  lui  manquait  était  l'invention 
»  et  l'ordre.  Il  entassait  beaucoup  de  par- 
»  lies  brillantes ,  dont  il  ne  savait  pas 


POP  43 

»  faire  un  tout  bien  proportionné.  La  plu- 
«  part  de  ses  détails ,  pris  séparément, 
»  sont  bien  ;  mais  ,  malgré  son  système, 
w  le  tout  n'est  pas  bien.  »  On  a  souvent 
cité  de  lui  ce  morceau  sur  la  mort ,  qui 
est  effectivement  d'une  grande  beauté  ; 
«  O  Mort ,  je  te  bénis  !  C'est  toi  qui  frap- 
»  pes  les  tyrans ,  qui  en  purges  la  terre, 
i>  qui  mets  un  frein  à  la  cruauté  et  à  l'am- 
»  bition.  C'est  toi  qui  confonds  dans  la 
»  poussière  ceux  que  le  monde  avait  flat- 
M  tés,  et  qui  regardaient  les  hommes  avec 
)»  mépris.  Us  tombent ,  et  nous  respirons. 
M  Sans  toi ,  nos  malheurs  seraient  éter- 
V  nels.  O  Mort ,  qui  tiens  en  respect  les 
M  hommes  durs  et  heureux,  qui  jettes 
»  l'effroi  dans  leurs  coeurs  coupables  , 
))  espoir  des  infortunés,  achève  d'étendre 
M  ton  bras  sur  les  scélérats  puissans  et 
»  respectés.  »  Il  ne  reste  plus  qu'à  faire 
connaître  l'homme  ,  après  avoir  fait  con- 
naître l'écrivain.  Pope  était  bon  pa- 
rent et  bon  ami  ;  il  avait  de  la  philoso- 
phie ,  mais  surtout  de  celle  qui  est  de 
mode  dans  ce  siècle,  qui  est  beaucoup 
plus  dans  l'esprit  que  dans  le  caractère. 
Il  était  vain  ,  railleur  ,  colère,  envieux  ; 
sacrifiant  tout  à  sa  réputation ,  d'une 
sensibilité  puérile  sur  la  critique,  et  ca- 
pable des  plus  grandes  violences  pour  la 
repousser.  Il  allait  souvent  chez  son  li 
braire ,  et  il  y  donnait  de  temps  eu  temps 
des  scènes  de  fureur ,  que  sa  figure ,  sa 
taille  et  la  singularité  de  ses  mouvemens 
rendaient  comiques.  On  l'accusait  aussi 
d'avarice.  Sa  santé  fut  toujours  chance- 
lante ,  et  l'art  fut  souvent  appelé  au  se- 
cours de  la  nature.  Il  mourut  d'une  hy- 
dropisie  de  poitrine  en  17  44  à  56  ans. 

POPELirslÈRE  (  Lancelot  Voesi.n  , 
seigneur  de  la  ) ,  gentilhomme  du  Bas- 
Poitou,  né  vers  1540,  était  calviniste.  (Il 
servit  dans  la  guerre  de  ces  sectaires 
contre  le  gouvernement ,  soit  à  Toulouse, 
soit  dans  la  Provence.  En  J575,  il  prit 
Tournai,  Boutonne,  fit  une  descente 
dans  l'île  de  Rées.  Envoyé  par  le  prince 
de  Condé  aux  états  de  Blois,  il  y  rédigea 
la  protestation  de  ses  corréligionnaires. 
11  voulut  défendre  La  Rochelle  avec  peu 
de  forces,  et  il  eut  une  vive  querelle 
avec  un  de  ses  officiers ,  qui  lui  repré- 


44  POP 

sentait  l'impossibilité  de  l'entreprise. 
L'officier  lui  donna  un  coup  d'épée  au 
travers  du  corps ,  qui  l'empêcha  de  con- 
tinuer la  guerre.  Peu  de  temps  après,  il 
fit  son  abjuration  ,  et  mourut  en  1608  , 
au  faubourg  St.-Germain ,  presque  dans 
la  misère.)  C'était  un  homme  d'une  ima- 
gination yive ,  mais  mal  réglée.  On  a  de 
lui  :  1°  une  Histoire  de  France,  depuis 
1660  jusqu'en  1677,  en  4  vol.  in-8. 
Quoique  la  matière  soit  vaste ,  il  pouvait 
se  renfermer  dans  des  bornes  plus  étroi- 
tes. Il  narre  avec  assez  de  netteté.  Il  est 
sincère  et  exact  dans  beaucoup  d'en- 
droits ,  et,  s'il  ne  l'est  pas  en  tout ,  c'est 
par  zèle  pour  le  calvinisme.  2°  Un  ou- 
vrage intitulé  Les  Trois  Mondes ,  in-4  ; 
3°  l'Histoire  des  histoires ,  in-4 ,  etc. 
Ce  jffest  qu'un  recueil  de  bruits  popu- 
laires. 4°  Histoire  des  derniers  trou- 
bles, etc.,  depuis  1662,  Cologne,  1671; 
6"  V Amiral  de  France,  1584. 

*  POPHAM  (sir  Home  Riggs  ),  amiral 
anglais,   né  en  1762  à  Gibraltar  d'une 
famille  originaire  d'Irlande,   fut  le  21^ 
fils  de  sa  mère  qui  mourut  en  lui  donnant 
le  jour.  Son  père  ,  consul  à  Tétuan  dans 
le  royaume  de  Maroc  ,   eut  44  enfans  de 
ses  différentes  femmes.  Elevé  par  les  soins 
de  l'un  de  ses  frères  aînés  qui  était  juris- 
consulte à   Madras  ,   le  jeune  Popham 
passa  de  l'université  de  Cambridge  dans 
le  service  de  la  marine  en  qualité  de 
simple  matelot,   dans  l'escadre  de  sir 
Thomson  :  plus  tard  il  suivit  le  comodore 
sur  la  côte  d'Afrique  comme  intendant 
maritime.  Après  avoir  fait  partie  de  l'ex- 
pédition d'Amérique  dans  la  guerre  con- 
tre les  États-Unis  et  être  devenu  lieute- 
nant ,  il  montra  de  si  grandes  connais- 
.«ances  en  topographie  nautique ,  qu'il 
fut  choisi,  en  1788  ,  pour  faire  partie 
d'une  commission  envoyée  pour  inspec- 
ter New-Harbour  ,   qui  avait  été  repré- 
senté comme  très  propre  à  devenir  un 
arsenal  maritime.  En  1791,  il  comman- 
dait dans  l'Inde  un  bâtiment  du  pays  , 
avec  lequel  il  se  rendit  à  Bombay  ;  mais 
il  éprouva  de  violentes  tempêtes  qui  le 
forcèrent  de  jeter  l'ancre  à  Poulo-Pinang, 
appelé  maintenant  l'île  du  prince  de  Gal- 
les. Cet  accident  le  conduisit  à  la  décou- 


POP 

verte  et  à  la  connaissance  du  détroit  du 
Sud,  dont  ilfutpublié  la  même  année  une 
carte  ,  avec  la  permission  du  gouverne- 
ment, qui  écrivit  à  sir  Popham  une  lettre 
de  remercîmens.  Le  gouverneur-général 
et  plusieurs  capitaines  des  vaisseaux  de 
la  compagnie  qui  sentaient  l'avantage 
qu'on  devait  tirer  de  sa  découverte  ,  lui 
offrirent  aussi  des  remercîmens  publics 
et  des  marques  de  leur  reconnaissance. 
La  guerre  ayant  éclaté  entre  l'Angleterre 
et  la  France,  il  assista  comme  volontaire 
au  siège  de  Nimègue  fait  par  Pichegru  en 

1 794  ,  et  il  y  fit  preuve  de  beaucoup  de 
valeur  :  ce  qui  le  fit  connaître  du  duc 
d'York  ,   qui  obtint  pour  lui ,  en  avril 

1795  ,  le  grade  de  capitaine  de  vaisseau. 
Ce  fut  alors  qu'il  conçut  l'idée  d'armer  les 
pêcheurs  de  Flandre  contre  les  Français 
pour  défendre  leurs  propresvilles,moyen 
qu'il  fit  ensuite  adopter  en  grand  ,  dans 
l'Angleterre.  Lorsque  les  succès  de  Piche- 
gru contraignirent  les  Anglais  à  évacuer 
la  Hollande,  il  présida  à  l'embarquement 
des  troupes ,  et  les  escorta  en  Angleterre 
avec  les  frégates  VAmphion  et  le  Dédale. 
Il  présenta  ensuite  au  gouvernement  le 
plan  d'organisation  d'un  corps  de  marins 
destinés  à  résister  à  toute  tentative  d'in- 
vasion de  la  part  des  Français  ,  et  il  eut 
en  récompense  le  commandement  d'une 
de  ces  compagnies  ,  qu'il  conserva  jus- 
qu'à l'année  1 800.  Pendant  tout  ce  temps, 
il  déploya  beaucoup  d'audace  et  d'intel- 
ligence ,  et  il  réussit ,  en  1798  ,  à  brûler 
et  à  détruire  les  écluses  ,  les  bassins  et 
les  divers  travaux  du  canal    d'Ostende 
à  Bruges  ,  par  où  le  gouverneur  français 
faisait  arriver  à  Dunkerque  une  grande 
quantité  de  munitions  de  guerre.  Pen- 
dant l'hiver  de  1 799  ,   il  fut  employé  de 
nouveau  sur  les  côtes  de  Hollande ,  et  il 
reçut  une  pension  de  cinq  cents  livres 
sterling  ,  en  témoignage  de  satisfaction 
pour  les  services  qu'il  rendit  alors.  A  la 
fin  de  1800  ,   il  fut  envoyé  de  nouveau 
dans  les  Indes  orientales  avec  une  esca- 
dre de  quatre  vaisseaux  de  ligne  ,  et  il 
se  concerta  avec  le  gouverneur-général 
Wellesley,  aunom  duquel  il  remplit  avec 
succès  différentes  missions  diplomatiques 
auprès  du  chérif  de  la  Mecque  et  d'autres 


POP 

chefs  de  l'Arabie,  De  retour  en  Angle- 
terre ,  il  trouva  le  ministère  changé  ,  et 
les  wighs  à  la  tête  des  affaires.  Ce  parti 
censura  sa  conduite  dans  l'Inde  et  le 
laissa  sans  emploi  ;   mais  bientôt  élu  au 
parlement  par  le  bourg  d'Yarmouth  ,  il 
proiita  de  sa  position  pour  attaquer  le  mi- 
nistère par  rapport  à  l'administration  de 
la  marine .  Un  nouveau  changement  ayant 
eu  lieu  dans  le  cabinet  en  1804  ,  sirPo- 
pham  obtint  le  commandement  de  V Anti- 
lope ,  de  50  canons  ,  et  fut  chargé  de 
faire  l'essai  d'un  nouveau  moyen  de  des- 
truction des  flottes.  Cette  première  ex- 
périence réussit ,  et  deux  bâtimens  fran- 
çais furent  détruits  devant  Boulogne; 
mais  une  seconde  tentative  plus  impor- 
tante trompa  son  attente.  En  1805,  il 
eut  le  commandement  de  la  partie  ma- 
ritime de  l'expédition  qui  s'empara  du 
cap  de  Bonne-Espérance  en  janvier  1806  : 
de  là  ,   il  se  porta  sur  Buenos-Ayres  ; 
mais  cette  entreprise,  qu'il  avait  faite  de 
son  chef  ,  n'ayant  pas  réussi ,  il  fut  ar- 
rêté par  ordre  du  gouvernement,  comme 
ayant  outre-passé  ses  pouvoirs  ,   et  mis 
en  jugement.  Cependant  il  fut  acquitté  ; 
cette   rigueur  n'était  qu'apparente  :  on 
ne  punit  réellement  en  lui  que  le  défaut 
de  succès  dans  la  tentative.  En  effet  ,  il 
fut  employé  de  nouveaupour  l'expédition 
de  Copenhague  ,   puis  sur  les  côtes  du 
nord  de  l'Espagne,  et  enfin  pour  la  prise 
de  l'île  de  Walcheren  ,  qu'il  fut  forcé 
d'abandonner  à  l'approche  des  troupes 
françaises.  Durant  la  guerre  dans  la  pén- 
insule ,   il  commanda  le  Vénérable  de 
74  canons  ,  qui  fut  employé  activement 
sur  la  côle  nord-ouest  de  l'Espagne  à 
harceler  les  armées  françaises.   Lorsque 
lord  Moira  partit  pour  le  gouvernement 
général   du  Bengale  ,    sir  Popham  fut 
chargé  de  le  transporter  dans  l'Inde  sur 
le  Stirling-Castle  ;  et  à  son  retour  ,  il 
fut  nommé  colonel  des  troupes  de  la  ma- 
rine. Le  4  juin  1814,  il  fut  élevé  au 
grade  de  contre-amiral  du  pavillon  blanc. 
Il  s'occupa  d'objets  relatifs  à  la  marine  , 
particulièrement  de  la  confection  d'un 
télégraphe    nommé    Sémaphore  ,     qui 
offre  ,  dit-on  ,  deux  mille  combinaisons 
au  lieu  de  cent ,  et  peut  être  démonté  en 


POP 


45 


cinq  minutes  et  transporté  sur  un  cha- 
riot d'un  endroit  à  un  autre.  Il  fut  adopté 
par  le  gouvernement  ,  et  employé  ,  en 
1815  ,  sur  la  côte  depuis  Bridport  jusqu'à 
l'extrémité  du  comté  de  Cornouailles.  En 
1819,  il  eut  le  commandement  de  la 
station  de  la  Jamaïque  ,  et  peu  après  , 
il  alla  commander  celle  des  Indes  Occi- 
dentales ,  où  il  fit  de  vains  efforts  pour 
ménager  un  accommodement  entre  le 
roi  noir  Christophe  et  le  général  Boyer. 
Sir  Popham  revint  en  Angleterre  en  1820, 
et  mourut  le  1 1  septembre  de  la  même 
année  à  Cheltenbam.  lia  publié  :  1°  Ex- 
posé succinct  des  faits  relatifs  au  trai- 
tement éprouvé  par  sir  Home  Popham , 
depuis  son  retour  de  la  mer  Bouge  , 
1 805  ,  in-8  ;  2°  Description  de  nie  du 
Prince  de  Galles  et  des  avantages 
qu'elle  offre  comme  point  maritime  , 
1805  ,  in-S  ;  3°  Principes  et  réglemens 
à  observer  sur  les  vaisseaux  de  Sa  Ma- 
jesté ^  1805,  in-4.  Sir  Home  Popham 
était  membre  de  la  société  royale  de 
Londres,  chevalier  de  l'ordre  du  bain,  etc. 
ce  fut  sans  contredit  l'un  des  meilleurs 
marins  anglais  du  19®  siècle. 

POPIEL  ï" ,  roi  de  Pologne ,  fils  de 
Leseko  ouLechus  III,  et  selon  d'autres  IV, 
lui  succéda  vers  8 15,  et  mourut  cinq  ans 
après.  Son  fils  ,  Popiel  II ,  qui  lui  succéda , 
est  célèbre  dans  les  annales  polonaises 
par  sa  mort  tragique  et  extraordinaire. 
Les  historiens  rapportent  qu'il  fut  mangé 
par  des  rats  avec  safemmeetsesenfans 
vers  840.  (  Voyez  Othon  ou  Hatton.  ) 
Piast  lui  succéda  après  un  interrègne  d'un 
an  ou  deux. 

POPILroS(C.),  de  l'illustre  famille 
desPopiliens,  qui  donna  plusieurs  grands 
hommes  à  la  république  romaine.  Il  fut 
député  vers  Antiochus ,  roi  de  Syrie , 
pour  l'empêcher  d'attaquer  Ptolémée , 
roi  d'Egypte ,  et  allié  du  peuple  romain. 
Le  monarque  syrien  chercha  à  éluder  par 
adresse  la  demande  des  Romains  ;  mais 
Popilius  aperçut  son  dessein ,  et  traçant, 
avec  sa  baguette ,  un  cercle  autour  de 
lui ,  il  lui  ordonna  de  n'en  point  sortir , 
sans  lui  donner  une  réponse  décisive  ou 
de  paix  ou  de  guerre.  Cette  action  inti- 
mida tellement  Antiochus ,  qu'il  renonça 


46  POR 

à  son  projet ,  l'an  168  avant  Jésus-Christ, 
et  évacua  toutes  les  villes  de  l'Egypte  où 
il  avait  garnison.  — Il  uc  faut  pas  confon- 
dre C.  Popilius  avec  un  autre  Popilius  , 
scélérat  obscur  ,  qui  tua  Cicéron,  quoi- 
que ce  grand  orateur  lui  eût  conservé  la 
vie  par  son  éloquence. 
POPILIUS   JNÉPOTIAJNUS.    Foyez 

NÉPOTIEN. 

POPPÉE  (Poppea  Sabina),  fille  de 
Titus  Ollius ,  qui  avait  été  questeur ,  prit 
le  nom  de  son  aïeul  maternel  Poppéus 
Sabiuus ,  qui  avait  illustré  sa  famille 
par  les  honneurs  du  triomphe.  Elle  fut 
mariée  à  un  chevalier  romain ,  nommé 
RufusCrispinus,et  elle  en  avait  un  fils, 
lorsque  Othon ,  qui  fut  depuis  empereur 
et  alors  favori  de  Néron ,  l'enleva  à  son 
mari  et  l'épousa.  Il  ne  cessa  de  la  louer 
devant  Néron  ,  qui  en  devint  amoureux , 
répudia  sa  femme  Octavie,  qui  fut  bien- 
tôt sacrifiée  à  sa  rivale ,  et  épousa  Pop- 
pée.  (  Comme  Poppée n'espérait  pas  mon- 
ter sur  le  trône  pendant  la  vie  d'Agrip- 
pine ,  elle  irritait  sans  cesse  Néron  contre 
sa  mère,  qui  fut  enfin  sacrifiée.  Ce  ne 
fut  qu'après  sa  mort,  qu'Octavie  fut  ré- 
pudiée.) Néron  eut  une  fille  dePoppée  :  la 
naissance  de  cet  enfant  lui  causa  des 
transports  de  joie  violens.  Il  lui  donna  le 
nom  d'Auguste ,  ainsi  qu'à  sa  mère. 
Poppée  ne  jouit  pas  long-temps  de  sa  fa- 
veur, sous  un  prince  cruel  et  bizarre. 
Elle  mourut  d'un  coup  de  pied  que  lui 
donna  Néron,  lorsqu'elle  était  enceinte, 
l'an  65  de  Jésus-Christ.  Elle  s'était  per- 
mise de  railler  l'empereur.  Il  la  regretta 
ensuite ,  rendit  à  ses  restes  de  grands 
honneurs  et  prononça  lui-même  sou 
oraison  funèbre.  Les  soins  que  Poppée 
prenait  de  sa  "beauté  sont  célèbres  .-  elle 
se  baignait  tous  les  jours  dans  du  lait 
d'ânesse. 

POQUELIN.  Foyez  Molière. 

POQUET.  Foyez  Livonièrk. 

PORCACCHI  (Thomas),  écrivain 
toscan,  né  vers  1530  à  Castiglione-Are- 
tino,  mourut  en  1585.  Il  traduisit  en  ita- 
lien/w^/tn,  Dion,  Plutavquc,  et  d'au- 
tres auteurs  grecs  et  latins.  On  a  de  lui 
d'autres  ouvrages ,  dont  le  plus  curieux 
est  intitulé  :  FuneraU  antichi  di  diversi 


POR 

popoli  e  nazioni ,  con  figure  del  Porto , 
Venise,  1574,  in-4.  Il  cultiva  aussi  les 
muses  italiennes  et  latines;  mais  il  eut 
moins  de  succès  en  vers  que  dans  les  re- 
cherches d'érudition.  On  cite  encore  son 
Isole  del  mondo  ,  1620  ,  in- fol. 

PORCAIRE  (  Saint  )  ou  Porghaire  , 
abbé  de  Lérinsen  731  ,  était  à  la  tète  de 
500  moines,  lorsque  les  Sarrasins  ou 
Maures  d'Espagne  vinrent  foudre  sur 
cette  île  ,  au  retour  du  siège  d'Arles.  Ces 
barbares  massacrèrent  tous  ces  saints  re- 
ligieux ,  à  l'exception  de  quatre ,  qu'ils 
emmenèrent  avec  eux.  Ceux-ci,  s'étant 
sauvés,  revinrent  à  Lérins  ,  et  n'y  trou- 
vèrent qu'un  vieillard  appelé  ^/eu//tère, 
qui  s'était  caché  dans  une  grotte  pen- 
dant celte  horrible  boucherie.  Us  l'élu- 
rent pour  abbé  ,  après  avoir  fait  revenir 
d'Italie  36  religieux  que  saint  Por- 
caire  y  avait  envoyés  à  la  première  nou- 
velle des  incursions  des  Sarrasins  en 
Provence.  Les  habitans  de  Momverdan  , 
près  du  Lignon  en  Forez,  croient  que 
saint  Porcaire  se  retira  chez  eux ,  et 
qu'il  y  fut  depuis  martyrisé  par  les  Sar- 
rasins. Mais  si  le  saint  de  ce  nom  qu'ils 
honorent  est  le  même  que  l'abbé  de 
Lérins ,  ce  sera  quelque  translation  de  ses 
reliques ,  qui  aura  donné  lieu  au  culte 
qu'ils  lui  rendent . 

PORCELLETS  (Guillaume  des  ) ,  sei- 
gneur en  partie  de  la  ville  d'Arles ,  suivit 
en  1265  Charles  \",  roi  de  Naples,  dans 
son  royaume  de  Sicile.  Il  se  signala  à  1^ 
couqifête  de  Naples,  et  mérita  le  titre  de 
chevalier  et  le  gouvernement  de  la  ville 
de  Pouzzoles.  Sa  probité  et  sa  douceur  le 
firent  épargner  seul  à  Palerme  pendant 
le  massacre  terrible  des  Vêpres  sicilien- 
nes. 

PORCELLUS  ou  Pokcellics  (Pierre), 
écrivain  de  Naples,  fut  ainsi  appelé 
parce  qu'il  garda ,  à  ce  que  l'on  croit , 
les  pourceaux  dans  sa  jeunesse.  On  ne  sait 
comment  il  sortit  de  l'obscurité  :  ce  qu'il 
y  a  de  constant ,  c'est  qu'il  se  qualifie 
Secrétaire  du  roi  de  Naples.  Ses  talens 
lui  procurèrent  l'amitié  et  l'estime  de 
Frédéric ,  duc  d'Urbin  et  célèbre  géné- 
ral, mort  en  1482.  Il  se  trouva  en 
1452  dans  l'armée  des  Vénitiens,  qui 


POR 

étaient  en  guerre  contre  les  Milanais.  Por- 
cellusy  était,  non  comme  guerrier,  mais 
comme  témoin  des  belles  actions  du 
comte  Jacques  Piccinino  ,  qui  combattait 
à  ses  frais  pour  les  Vénitiens.  Ce  héros 
l'honorait  de  son  estime ,  le  logeait  avec 
lui,  et  l'admettait  tous  les  jours  à  sa  ta- 
ble. Porcellus  écrivit  l'histoire  de  ce  gé- 
néral ,  et  l'adressa  à  Alphonse  d'Aragon, 
sous  ce  titre  :  Commentaire  du  comte 
Jacques  Piccinino^  appelé Scipion  Emi- 
lien.  Ce  morceau  d'histoire  ,  qui  fut  pu- 
blié en  1731,  par  Muratori ,  dans  le  tome 
20  de  ses  Ecrivains  d'Italie  ,  plaît  parles 
agrémens  du  stile.  Son  ouvrage  est  en  9 
livres  ;  il  avait  fait  une  suite  de  cette  his- 
toire, mais  elle  est  demeurée  manuscrite. 
On  a  encore  de  Porcellus  des  EpUjram- 
mes ,  d'un  stile  simple  et  naturel.  On  les 
trouve  dans  un  Recueil  de  poésies  italien- 
nes, 1539,  in-8. 

'PORCHER  deLinonay  (Gilles) comte 
de  RicHEBOURG  ,  né  en  1 763 ,  à  la  Châtre, 
devint  subdélégué  et  procureur  du  roi 
dans  cette  ville.  Il  occupait  cette  place 
au  commencement  de  la  révolution  :  il 
fut  nommé  successivement  maire  ,  com- 
missaire du  roi  près  le  tribunal  du  dis- 
trict delà  même  ville  ,  suppléant  du  dé- 
partement de  l'Indre  à  l'assemblée  légis- 
lative ,  et  enfin  député  à  la  Convention 
nationale  en  1 792  ;  il  y  vota  la  détention 
du  roi  et  son  bannissement  à  la  paix  ,  en 
déclarant  qu'il  votait  non  comme  juge  , 
n'en  ayant  pas  le  droit,  mais  comme  re- 
présentant du  peuple  chargé  de  prendre 
des  mesures  de  sûreté  générale  ;  il  se 
déclara  aussi  pour  l'appel  au  peuple  et 
pour  le  sursis.  Depuis ,  il  se  fit  peu  re- 
marquer dans  l'assemblée ,  et  ce  ne  fut 
qu'après  le  9  thermidor  qu'on  le  vit  agir 
avec  beaucoup  d'activité  ,  soit  au  comité 
de  législation  ,  au  nom  duquel  il  fit  de 
fréquens  rapports  ,  entr'autres  celui  qui 
amena  la  suppression  du  tribunal  révo- 
lutionnaire le  26  mai  1795.  Envoyé  en 
mission  dans  quelques  départemens,  il  se 
conduisit  avec  modération.  Néanmoins  , 
se  trouvant  aux  approches  de  vendémiaire 
dans  le  Calvados ,  il  dénonça  à  la  Con- 
vention les  manœuvres  des  royalistes , 
et  il  continua  de  se  montrer  républicain, 


POR  47 

quoiqu'il  fût  souvent  en  opposition  avec 
le  directoire.  Il  fut  encore  nommé  député 
au  conseil  des  anciens  ;  mais  son  élection 
ayant  été  annulée  ,  il  devint  membre  de 
la  commission  administrative  des  hospi- 
ces civils  de  Paris.  Il  perdit  cet  emploi 
en  1799  ,  à  la  suite  d'un  renouvellement 
général  ;  mais  il  fut  réélu  au  conseil  des 
anciens  ,  et  dans  le  mois  de  novembre  il 
se  prononça  en  faveur  de  la  révolution 
de  Saint-Cloud.  Alors  il  fit  partie  de  la 
commission  intermédiaire  du  conseil,  et 
enfin  il  entra  au  sénat  conservateur.  Il 
en  était  secrétaire  à  l'époque  de  la  chute 
de  Buonaparte  (  1 8 1 4  ) ,  et  il  signa  ,  en 
cette  qualité  ,  la  création  d'un  gouver- 
nement provisoire  et  la  déchéance  de 
l'empereur.  Le  roi  le  nomma  pair  de 
France  le  4  juin.  N'ayant  pas  été  appelé 
à  la  chambre  des  cent-jours ,  il  conserva 
cette  dignité  jusqu'à  sa  mort  ,  arrivée  le 
12  avril  1824. 

PORCHERES  d'Arbaud(  François  de), 
né  à  Saint-Maximin  en  Provence ,  fut  un 
des  élèves  de  Malherbe ,  qui  lui  légua  la 
moitié  de  sa  bibliothèque.  Porchères  ob- 
tint une  place  parmi  les  premiers  mem- 
bres de  l'académie  française  ,  et  mourut 
l'an  1640,  en  Bourgogne ,  où  il  s'était 
marié.  Ses  poésies  sont  :  1"  une  Para- 
phrase des  psaumes  graduels  ;  2°  des 
Poésies  diverses  sur  dilférens  sujets  , 
in-8,  Paris,  1633;  et  plusieurs  autres 
pièces,  insérées  dans  les  recueils  de  son 
temps  ;  3°  une  Ode  au  cardinal  de  Riche- 
lieu. On  lui  attribue  un  Sonnet  sur  les 
yeux  de  la  belle  Gabrielle  d'Estre'es  ; 
sonnet  qui  lui  valut,  dit-on,  une  pension 
de  I,  400  liv.,  de  la  part  de  Henri  IV, 
souvent  plusgénéreuxenfait  de  galante- 
rie, qu'économe  de  la  richesse  publique. 

PORCHERON  (  Dora  David  Placide), 
bénédictin  et  bibliothécaire  de  l'abbaye 
de  Saint -Germain -des -Prés,  naquit  à 
Châteauroux  en  Berri  l'an  1652.  Les  lan- 
gues', l'histoire  ,  la  géographie  ,  les  gé- 
néalogies et  les  médailles  entraient  dans 
la  sphère  de  ses  connaissances.  Ce  pieux 
et  savant  religieux  mourut  à  Paris  dans 
l'abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés ,  en 
1694,  à  42  ans.  On  a  de  lui  :  1°  une  édi- 
tion des  Maximes  pour  Ve'ducatiort  d'ui% 


48  POR 

jeune  seigneur,  laquelle  il  publia  en 
1690,  après  en  avoir  reformé  le  stile.  Il 
y  ajouta  une  traduction  des  Instructions 
de  l'empereur  Basile-le-Macédonien  pour 
Léon  son  fils ,  et  la  Vie  de  ces  deux  . 
princes.  2°  Une  Edition  de  la  Géogra- 
phie de  V Anonyme  de  Ravenne  ,  qu'il 
publia  en  1688  ,  in-8  ,  avec  des  notes  cu' 
rieuses  et  savantes  :  ouvrage  très-utile 
pour  la  géographie  du  moyen  âge  ;  3°  il 
contribua  à  la  nouvelle  Edition  de  saint 
Hilaire,  et  à  quelques  autres  éditions 
publiées  par  ses  confrères. 

PORCHETTI  Salvagio,  en  latin dk 
SiLVATicis ,  savant  et  pieux  chartreux  gé- 
nois, qui  vivait  vers  1315,  s'occupa 
dans  sa  solitude  à  réfuter  les  Juifs  dans 
un  livre  intitulé  :  Victoria  advevsus  im- 
pins Hebrœos,  Paris,  1520  ,  in-fol.  ;  go- 
thique, assez  rare.  Cet  ouvrage,  dont 
Haimond  Martin  lui  avait  fourni  Ile  mo- 
dèle ,  et  qui  depuis  fut  copié  par  Pierre 
Galatin,  renferme  de  fort  bonnes  choses, 
mais  aussi  quelques  raisonncmens  peu 
concluans  ;  son  zèle  paraît  quelquefois 
plus  avantageusement  que  sa  logique. 
Voyez  JusTiNiANi  Augustin. 

PORCIE, fille  deCaton  d'Utique,et 
femme ,  en  premières  noces,  de  Bibulus, 
puis  de  Brutus ,  se  rendit  célèbre  par  son 
esprit  et  par  son  courage.  Dans  le  temps 
que  Brutus  devait  exécuter  contre  César 
la  conjuration  qu'on  lui  cachait,  elle  se  fit 
elle-même  une  grande  blessure.  Son  mari 
demanda  la  raison  d'une  si  étrange  con- 
duite. <f  C'est,  répondit-elle,  pour  vous 
5>  faire  connaître  avec  quelle  constance 
»  je  me  donnerais  la  mort ,  si  l'affaire 
i>  que  vous  allez  entreprendre  venait  à 
»  échouer  et  causer  votre  perte.  »  Brutus 
ayant  perdu  la  vie  quelques  années  après, 
elle  ne  voulut  point  lui  survivre.  Sespa- 
rens  s'opposèrent  à  ce  funeste  dessein,  et 
lui  ôtèrent  toutes  lesarmes  avec  lesquelles 
elle  pouvait  se  nuire  ;  mais  elle  avala  des 
charbons  ardens ,  dont  elle  mourut  l'an 
42  avant  Jésus-Christ.  —  Il  y  a  eu  une 
autre  Porcik  ,  sœur  de  Caton  d'Utique , 
de  laquelle  Cicéron  parle  avec  éloge. 

PORDENONE  f  Jean-Antoine  Licinio 
Rkgillo,  dit  le),  peintre,  né  en  1483  au 
bourg  de  Pordenone ,  dans  le  Frioul ,  à 


POR 

8  lieues  d'Udîne,  mourut  à  Ferrare  en 
1540.  Ce  fut  dans  l'école  du  Giorgion, 
qu'il  étudia  les  effels  piquans  de  la  na- 
ture, pour  les  transporter  dans  ses  ouvra- 
ges. Charles-Quint  combla  ce  peintre  de 
biens ,  et  le  décora  du  titre  de  chevalier. 
Le  Pordenone  a  beaucoup  peint  à  fresque; 
il  y  a  plusieurs  villes  d'Italie  enrichies  de 
ses  ouvrages.  Son  tableau  de  saint  Au- 
gustin ,  et  deux  chapelles  qu'il  a  peintes 
à  fresque  à  Vicence ,  sont  particulière- 
ment admirés.  (Le  Pordenone  étaitl'émule 
du  Titien ,  avec  lequel  il  eut  plusieurs 
différends.- Il  est  considéré  comme  le  se- 
cond maître  de  l'école  vénitienne. —  Son 
neveu,  Julius  Lucinius  le  Pordenone,  né 
à  Venise,  mort  à  Augsbourg,  en  1561,  fut 
son  élève ,  et  réussissait  dans  la  peinture 
à  fresque.  Il  a  peint  à  Venise  et  dans 
plusieurs  autres  endroits  de  l'Italie.  Les 
magistrats  d' Augsbourg,  charmés  des 
ouvrages  qu'il  y  a  faits ,  ont  cru  devoir 
honorer  sa  mémoire  par  une  inscription 
particulière.  ) 

POREE.  royetPoRSÉE. 

PORÉE  (Charles),  jésuite,  né  en 
1 6 7 5  à  Vendes ,  près  de  Caen  ,  entra  dans 
la  société  des  jésuites  en  1C92.  Il  pro- 
fessa d'abord  les  humanités  en  province, 
et  se  fit  une  grande  réputation.  Appelé  à 
Paris  pour  y  faire  sa  théologie,  il  fut 
chargé  en  même  temps  de  la  direction  de 
quelques  pensionnaires.  Les  progrès 
qu'ils  firent  sous  un  tel  maître,  l'idée  que 
SCS  supérieurs  avaient  de  ses  talens,  le 
firent  nommer,  en  1708,  professeur  de 
rhétorique  au  collège  de  Louis  le  Grand  : 
emploi  qu'il  n'accepta  qu'à  regret.  Si 
l'on  n'eût  écouté  que  ses  inclinations  et 
ses  instances,  il  se  serait  consacré  pour 
toujours  aux  missions  chez  les  infidèles.  Le 
PèrePorée,  choisi  immédiatement  après 
le  Père  Jouvenci,  le  remplaça  dignement. 
Même  zèle ,  même  piété ,  même  applica- 
tion ;  mais  plus  d'esprit,  plus  de  génie , 
plus  d'élévation  dans  le  successeur.  Une 
latinité  moins  élégante  et  moins  pure, 
mais  un  stile  plus  vif,  plus  ingénieux, 
un  stile  que  Sénèque  et  Pline  auraient 
peut-être  envié.  On  lui  a  reproché  de 
n'avoir  point  l'éloquence  nombreuse  et 
périodique  de  Cicéron  ;  mais  il  ne  voulait 


POR 

pas  l'avoir.  Le  slile  coupé,  pressé  ,  vif, 
lui  paraissait  plus  convenable  pour  des 
discours  académiques ,  tels  que  ceux 
qu'il  prononçait  à  l'ouverture  des  clas- 
ses, et  plus  propre  à  aiguiser  l'esprit  des 
jeunes  gens  et  à  exercer  leur  imagination. 
Le  Père  Porée  forma  des  élèves  dignes  de 
lui ,  pendant  les  33  années  qu'il  occupa 
la  place  de  professeur  ,  jusqu'à  sa  mort , 
arrivée  en  17il.  Il  aimait  ses  disciples, 
et  il  avait  l'art  de  s'en  faire  aimer.  Il  les 
rappelait  à  leur  devoir  par  la  douceur, 
et  à  la  vertu  par  ses  exemples.  Occupé 
uniquement  de  son  emploi ,  il  était  pres- 
que aussi  solitaire  au  milieu  de  Paris  que 
dans  un  désert.  Ou  a  de  lui  :  1"  un  Re- 
cueil de  harangues ,  publié  h  Paris  en 
173-S,  eu  2  vol.  in-I2.  On  ne  peut  nier 
qu'il  n'y  ail  dans  ses  discours  un  grand 
nombre  de  tours  ingénieux  ,  de  pensées 
fines  ,  d'expressions  vives  et  saillantes  ; 
mais  on  y  trouve  en  même  temps  des 
jeux  de  mots  ,  des  anlilbèses ,  et  en  géné- 
ral un  tour  tout  difterent  de  celui  de  l'é- 
loquence romaine.  On  raconte  à  ce  sujet 
l'anecdote  suivante.  Le  Père  Thoulier  (de- 
puis l'abbé  d'Olivetj,  lui  parlaun  jour  de 
cette  diÔëreucc.  Le  Père  Porée  répondit  : 
Après  inut,quc  trouvez-vous  de  si  beau 
dans  Cicéron  ?  Je  vous  promets  là-dessus 
le  secret  votre  vie  durant,  reprit  le  Père 
Thoulier,  un  des  plus  zélés  partisans  de 
l'orateur  de  Piome.  2"  Un  second  Recueil 
de  harangues,  Paris,  1747,  in- 12.  Il  y  en 
a  quelques-unes  sur  des  sujets  pietix,  dans 
lesquelles  il  est  plus  simple  que  dans  ses 
discours  d'apparat.  Il  ne  pense  qu'à  éclai- 
rer l'esprit  et  à  toiicber  le  cœur ,  et  il 
réussit.  3"  Six  Trage'dies  latines,  pu- 
bliées en  1725,  in-12,  par  le  Père  Griffet, 
qui  les  a  ornées  d'une  Fie  de  l'auteur.  Il 
y  a  plusieurs  morceaux  pleins  d'éléva- 
tion ,  de  noblesse  et  de  pathétique  ;mais 
tout  n'est  pas  égal.  4°  Cinq  Comédies  la- 
tines en  prose ,  en  1749,  in-12  ,  qui  ont 
TU  le  jour  par  les  soins  du  même  éditeur. 
Le  comique  du  Père  Porée  est  gracieux 
et  toujours  décent.  Il  n'ani  le  vis  comica 
de  Plaute,  ni  l'élégante  simplicité  deTé- 
rence  ;  mais  on  admire  la  flexibilité  de 
son  esprit ,  et  surtout  l'attention  d'ame- 
ner une  morale  exacte  à  la  portée  des  jeu- 


POU  4y 

nés  gens.  LePèrePorée  a  fait  d'autres  piè- 
ces fugitives,  telle  que  celle  qu'il  com- 
posa sur  la  dernière  maladie  du  Père  Com- 
mire  ,  où  l'on  remarque  beaucoup  d'ima- 
gination et  de  poésie.  On  a  gravé  son 
portrait ,  avec  ces  mots  au  bas ,  qui  ren- 
ferment un  éloge  d'autant  plus  flatteur 
qu'il  est  fondé  sur  la  plus  exacte  vérité  : 
Pietate  anJngenio,poesi  an  eloquentia  , 
modestia  major  an  fama  ?  L'abbé  Lad-  ' 
vocat  blâme  l'usage  de  faire  représenter 
aux  écoliers  des  comédies ,  et  prétend 
qu'on  devrait  leur  préférer  les  exercices 
en  forme  de  plaidoyer ,  dont  on  se  sert , 
dit-il,  depuis  le  Père  Porée  dans  le  collè- 
ge Louis  le  Grand.  Cet  habile  jésuiteavait 
effectivement  employé  ce  moyen ,  établi 
par  le  Père  Le  Jay,  et  on  convient  qu'ill'a- 
Yoit  porté  à  toute  la  perfection  dont  il  est 
susceptible  ;  mais  il  croyait  le  théâtre 
plus  propre  à  corriger  le  ridicule  des 
jeunes  gens ,  et  à  leur  donner  de  la  har- 
diesse pour  les  actions  publiques  aux- 
quelles on  les  destine.  Ce  sentiment  est 
incontestable  et  sensiblement  vrai  dans 
ses  effets  ;  mais  le  théâlre  en  général  est 
aujourd'hui  si  corrompu,  est  devenu 
une  source  si  vaste  et  si  sûre  de  corrup- 
tion ,  que  dans  la  crainte  de  nuancer  le 
bien  avec  le  mal ,  il  est  convenable  de 
sacrifier  les  avantages  d'un  théâtre  hon- 
nête et  innocent  aux  dangers  du  théâtre 
devenu  l'école  des  vices  et  des  abomina- 
tions humaines. 

PORÉE  (  Charles-Gabriel  ) ,  frère  du 
précédent,  naquit  à  Caen ,  en  1685.  Lé 
dégoût  que  ses  premiers  maîtres  lui  fi- 
rent prendre  pour  l'étude ,  dura  jusqu'à 
25  ans,  qu'il  se  cassa  la  jambe.  La  lec- 
ture,  sa  ressource  contre  l'ennui  pen- 
dant la  guérison  de  cet  accident ,  devint  ' 
une  passion  qui  ne  le  quitta  qu'avec  la 
vie.  Il  entra  dans  la  congrégation  de  l'O- 
ratoire d'où  son  frère  le  fit  sortir  bien- 
tôt après  ,  pour  le  placer  auprès  de  l'il- 
lustre Fénélon  ,  en  qualité  de  bibliothé-' 
Caire.  Ensuite,  il  fut  curé  dans  l'Auvergne 
jusqu'en  1728,  que  le  roi  lui  donna, 
dans  la  cathédrale  de  Bayeux,  un  cano- 
nicat  qu'il  résigna  deux  ans  après.  On  le 
contraignit  encore  d'accepter  la  cure  de 
LouvigTiy,  près  Caen  ;  il  la  garda  20  ans, 

7- 


5o  POR 

Retire  dans  celte  ville  au  sein  de  sa  fa- 
mille, il  partagea  son  temps  entre  la 
prière  et  l'étude  jusqu'au  17  juin  1770, 
qu'il  mourut.  Il  était  gai ,  franc ,  chari- 
table, chéri  de  tous  les  honnêtes  gens. 
Nous  avons  de  lui  :  1"  Examen  de  la 
prétendue  possession  de  Landes  ,  et  Ré- 
futation d'un  Mémoire  oiiV on s^ efforce 
de  l'établir.  Il  fit  cet  ouvrage  conjointe- 
ment avec  M.  Dudouet,  médecin  àCaen. 
2°  La  Mandarinadc,  ou  Histoire  du  man- 
darinat de  l'abbé  de  Saint-Martin,  connu 
dans  le  17*  siècle  par  ses  ridicules  :  celte 
histoire  en  3  vol.  in-12  renferme  beau- 
coup d'anecdotes  amusantes  sur  l'abbé 
qui  en  est  le  héros.  Ses  extravagances 
fournirent ,  dit-on  ,  à  Molière  l'idée  du 
Bourgeois  gentilhomme.  3"  Quatre  Let- 
tres sur  les  sépultures  dans  les  églises, 
1745,  Cet  ouvrage  fut  attaqué;  il  répon- 
dit par  un  petit  écrit ,  sous  le  litre  d'Ob- 
servations. 4°  Nouvelles  littéraires  de 
Caen ,  3  vol.  in-8.  Il  les  commença  en 
1742  ,  et  les  continua  jusqu'à  la  fin  de 
1744.  C'est  un  recueil  de  pièces,  en 
prose  et  en  vers ,  des  académiciens  de 
cette  ville.  5"  Quarante-quatre  Disserta- 
tions sur  différens  sujets ,  lues  à  l'acadé- 
mie de  Caen ,  dont  M.  Porée  a  été  pen- 
dant 30  années  un  des  principaux  orne- 
mens.  Onze  de  ces  dissertations  ont  été 
imprimées  dans  les  Mémoires  de  cette 
académie,  et  dans  les  Nouvelles  littérai- 
res. 6"  Un  grand  nombre  de  Corrections 
et  à' Additions  ,  pour  une  nouvelle  édi- 
tion du  Dictionnaire  de  Trévoux,  restées 
manuscrites. 

*  PORION  (  Pierre-Joseph  )  ,  évêque 
constitutionnel  ,  né  en  1743  à  Thièvres 
dans  le  Diocèse  de  Sainl-Omer  ,  fut  pro- 
fesseur à  la  Flèche,  puisa  Arras.  En  1780 
il  devint  curé  de  Saint-Mcolas-des-Fossés 
dans  cette  ville  ,  et  le  30  mars  1791  il 
fut  élu  évêque  du  Pas-de-Calais.  Sacré  à 
Paris  le  1 0  avril  1 7  9 1 ,  il  fut  peu  de  temps 
sur  son  siège  :  en  1793  il  renonça  à  ses 
fonctions  ,  ainsi  que  la  plupart  des  prê- 
tres qu'il  avait  ordonnés.  Il  se  fit  défen- 
seur officieux  près  les  tribunaux  ,  et  fut 
quelque  temps  président  de  l'administra- 
tion municipale  de  Saint-Omer.  Il  s'était 
marié  à  la  fille  d'un   officier  irlandais 


POR 

nommé  Prud'hov.  En  1 802  il  vint  se  fixer 
à  Paris  où  il  vécut  dans  l'obscurité  ;  il  ^ 
composa  un  Commentaire  de  Lhomond 
et  publia  des  Corrigés  de  thèmes.  Il  fai- 
sait des  fer.y  latins  et  français  ;  mais  ils 
ne  lui  ont  pas  fait  grande  réputation  , 
quoiqu'il  eût  chanté  successivement  les 
chefs  des  divers  gouvernemens  qui  se 
sont  succédé  pendant  la  révolution.  Il 
est  mort  à  Paris  le  20  mars  1830.  Il  n'a 
vait  eu  de  son  mariage  qu'une  seule  Jiile. 
Voyez  la  Gazette  des  cultes  du  8  avril 
1830. 

PORLIER  (  Pierre  ) ,  seigneur  de  Gou- 
pilières  en  Normandie ,  fut  maître  des 
comptes  à  Paris ,  et  rendit  un  service 
important  à  l'ordre  de  Malle,  en  1714. 
Les  Turcs  ,  sachant  qu'il  n'y  avait  point 
de  poudre  dansl'île,  résolurent  d'en  faire 
le  siège.  Portier,  sensible  aux  malheurs 
dont  la  religion  était  menacée ,  les  pré- 
vint ,  en  vendant  sa  vaisselle  d'argent  et 
d'autres  effets  précieux,  pour  acheter 
une  grande  provision  de  poudre ,  qu'il 
fit  passer  dans  cette  île  ,  et  les  Turcs  re- 
noncèrent à  leur  projet.  Le  grand  maî- 
tre, Perellos  de  Rocafull,  pénétré  d'esti- 
me et  de  reconnaissance  pour  uneaction 
aussi  généreuse,  envoya  à  Portier  la  croix 
de  l'ordre.  Il  mourut  à  Paris  dans  un  âge 
fort  avancé. 

■^  PORLIER  (don  Juan  Diaz),  surnom- 
mé El  Marquesito ,  maréchal  de  camp, 
capitaine  général  des  Asturics  ,  né  vers 
1 775  à  Carthagène  dans  l'Amérique ,  était 
encore  très  jeune  lorsqu'il  entra  au  ser 
vice  de  mer  comme  garde-marine.  Il  n'y  | 
avait  pas  long-temps  qu'il  avait  embrassé  j 
celte  carrière  lorsqu'il  assista  au  désas- 
treux combat  de  Trafalgar.  Porlier  de- 
manda ensuite  de  l'emploi  dans  un  régi- 
ment d'infanterie  royale,  lorsque  lesFran- 
çais  envahirent  la  Péninsule.  Sa  bravoure 
lui  mérita  en  peu  de  temps  le  grade  de 
colonel.  Autorisé  à  lever  un  corps  de 
partisans  ou  une  guérilla,  il  se  signala  à 
la  tète  dececorpsdans  plusieurs  occasions 
importantes.  La  régence,  voulant  récom- 
penser ses  nombreux  services,  lui  donna 
le  grade  de  maréchal  de  camp  et  le  com- 
mandement général  des  Asturies  ;  Ferdi- 
nand VII ,  replacé  sur  le  trône,  l'accueil- 


POR 

lit  avec  distinction.  Jlais  Porlier  avait 
été  séduit  par  les  idées  libérales  qu'a- 
vaient proclamées  les  Corlès  dans  leur 
constitution  :  la  conduite  du  gouverne- 
ment qui  ne  partagea  point  cet  élan  d'in- 
dépendance politique ,  indigna  l'ànie 
fière  de  ce  soldat  ;  il  laissa  même  échap- 
per dans  sa  correspondance  des  plaintes 
que  redisaient  encore  plus  fortement  ses 
entretiens,  et  dont  la  police  ne  tarda  pas  à 
être  instruite  :  une  de  ses  lettres  fut  in- 
terceptée, et  bientôt  après  (  1 0  août  1814) 
il  fut  enfermé  d;ins  le  château  de  San- 
Antonio,  d'oii  il  ne  sortit  qu'au  bout  de 
plusieurs  mois  pour  al  1er  prendre  les  eaux 
d'Arteyro.  C'est  là  que  fut  ourdi  le  fa- 
meux complot  qui  éclata  dans  la  nuit  du 
18  au  19  septembre  par  la  prise  de  Sainte- 
Lucie.  Après  avoir  installé  dans  cette  ville 
les  autorités  de  1 8 1 4  ,  il  publia  une  pro- 
clamation dans  laquelle  il  appelait  aux 
armes  ses  concitoyens  jalou\  de  recon- 
quérir une  liberté  qu'ils  avaient  déjà 
payée  ,  disait-il,  au  prix  de  tant  d'efforts. 
Une  junte  provinciale  de  Galice  s'insti- 
tua sous  sa  présidence  :  elle  lui  décerna 
le  litre  de  commandant  général  de  l'in- 
térieur du  royaume.  Il  partit  ensuite  pour 
Santiago  oîi  il  croyait  entrer  comme  à 
Sainte-Lucie  :  il  savait  que  les  troupes 
étaient  favorables  à  son  parti.  Le  gou- 
verneur de  la  ville  paralysa  ses  disposi- 
tions ,  en  payant  la  solde  arriérée  et  eu 
répandant  d'un  côté  l'or  à  pleines  mains, 
et  de  laulre  les  menaces  les  plus  terri- 
bles, l'orlier  s'avança  jusqu'à  trois  lieues 
de  Santiago.  Epuisé  de  fatigues  ,  il  s'é- 
tait endormi,  lorsque  deux  sous-officiers 
des  troupes  insurgées,  séduits  parle  gou- 
verneur, donnèrent  à  un  détachement 
de  l'armée  royale  les  moyens  de  pren- 
dre ce  général.  Arrêté  le  25  septembre 
1815,  il  fut  condamné  comme  traître  ,  et 
pendu  le  3  octobre  suivant.  Les  restes  de 
Porlier  reçurent  eu  1820  une  éphémère 
apothéose. 

PORPHYRE,  philosophe  platonicien, 
né  près  de  Tyr,  dans  le  bourg  de  Bata- 
née,  l'an  de  J.  C.  233,  portait  d'abord 
le  nom  de  Malchus  qui  signifie  roi  dans 
la  longue  syriaque  ;  celui  de  Porphyre  ^ 
Purpuraius,  lui  fut  donné  par  Longin.  Il 


POR 


5i 


étudia  d'abord  l'éloquence  et  la  philoso- 
phie à  Athènes  sous  ce    rhéteur.  De  là  il 
passa  à  Rome, oii  ilpritPlotin  pour  maître. 
Après  la  mort  de  ce  philosophe ,  il  en- 
seigna avec  succès,  et  eut  un  grand  nom- 
bre de  disciples.  On  dit  qu'il  épousa  la 
veuve  d'un  de  ses  amis ,  pour  être  plus  à 
portée  de  faire  du  bien  à  sa  femme  et  à 
ses  enfans.  Il  paraît  certain  qu'il  avait 
embrassé  le  christianisme,  et  que,  par 
une  inconstance  très  peu  philosophique, 
il  le  quitta  pour  un  sujet  foït  mince.  L'his- 
torien  Socrale  dit  formellement  que  le 
platonicien    de  Batanée   abandonna  le 
christianisme,  pour  avoir  été  maltraité 
par  quelques  chrétiens  deCésaréeeu  Pa- 
lestine. Il  mourut  sous  le  règne  de  Dio- 
clétien,  après  s'être  fait  un  grand  nom 
par  ses  talens  et  par  sa  manière  de  vivre. 
Son  génie  était  vif,  entreprenant,  pas- 
sionné pour  la  nouveauté  et  les  choses 
extraordinaires.  «  On  voit,   dit  un  criti- 
»  que ,  dans  tous  ses  ouvrages  un  es|)rît 
u  imbu  de  cette  mystérieuse  théurgie, 
«  qui  consistait  dans  divers  moyens  de 
»  purifier  l'âme ,  de  la  préparer  à  la  com- 
))  municalion  la  plus  intime  avec  les  es- 
n  prits ,  de  l'élever  à  la  connaissance  dès 
»  plus  sublimes  vérités ,  et  même ,  en 
»  quelque  manière,  deJa  déifier.  C'est 
»  là  ce  qu'il  s'efforce  d'expliquer,  et  ce 
»  qu'il  prétend  démontrer  par  les  Fies 
>'  de  Pythagore  et  de  Plotin  qu'il  a  don- 
»  nées,  et  qui  sont  toutes  des  miracles, 
»  des  prodiges ,  qu'il  présente   comme 
))  bien  supérieurs  à  ceux  des  chrétiens. 
»  Il  est  vrai  qu'il  n'en  a  point  d'autre  ga- 
»  rant  que  la  parole  de  Porphyre  lui- 
»  même.  Cette  théurgie  n'était  au  fond 
»  que  la  sœi^r  de  la  magie,   qu'une  es- 
»  pèce  de  commerce  avec  les  esprits  sé- 
H  ducleurs  ,  qu'un  ramas  d'illusions  sub- 
»  tiles  par  lesquelles    ces  hommes  or- 
))  gueilleux  et  présomptueux  étaient  sou- 
X  vent   aveuglés  eux-mêmes,  et  sédui- 
»  saient  ensuite  les  autres.  »  Le  plus  cé- 
lèbre de  ses  ouvrages  est  celui  qu'il  com- 
posa contre  les  chrétiens.  Kous  ne  l'a- 
vons plus  ;  mais  il  fallait  qu'il  fût  bien 
répandu ,  puisqu'il  a  été  réfuté  par  saint 
Méthodius ,  évêque  de  Tyr  ;  par  Eusèbe , 
de  Prœp.  evang.  ;  par  Apollinaire,  saint 


52  POR 

Augustin,  saint  Jérôme;  saint  Cyrille  et 
Théodoret.  Ce  philosophe  avait  lul'Kcri- 
ture  sainte  pour  la  combattre;  et  eu  com- 
parant avec  les  historiens  profanes  les 
prophéties  du  livre  de  Daniel ,  il  les  trou- 
va si  claires,  si  détaillées  et  si  conformes 
à  l'histoire,  qu'il  s'imagina  que  Daniel 
n'en  avait  pu  être  l'auteur ,  mais  qu'elles 
avaient  été  composées  par  un  écrivain 
qui  avait  vécu  depuis  Antiochus  Epi- 
phanes ,  et  qui  avait  emprunté  le  nom 
de  Daniel.  On  lui  démontra  le  contraire, 
en  exposant  la  tradition  constante  des 
Juifs  et  la  manière  dont  s'est  formé  le 
canon  des  livres  saints.  Mais  cette  ima- 
gination de  Poi-phyre  est  une  excellente 
preuve  de  la  clarté  et  de  l'évidence  frap- 
pante des  prophéties.  Ou  vit  ici  les  Juifs 
combattre  pour  les  chrétiens ,  et  la  reli- 
gion de  Jésus-Christ  avoir  pour  défen- 
seurs ses  plus  cruels  ennemis.  Théodose 
le  Grand  fit  brûler  les  ouvrages  de  Por- 
phyre en  388.  Ses  Truites  De  abstinentia 
ab  aniinalibus  necandis ,  et  De  vita  Py- 
thagorœ,  parurent  àXambridge  ,  1655, 
in-8  ,  avec  les  notes  de  Luc  Holstenius; 
et  Utrecht,  1767  ,  in-8.  On  a  encore  de 
lui  :  De  aniro  nympharum  ,  Utrecht  , 
1765,  in-4.  On  a  imprimé  sous  son  nom, 
Porphyru  Isagoge  latine ,  Ingolsladt , 
1492  ,  in-fol.  rare.  Le  Traité  sur  l'ab- 
stinence des  viandes  a  été  traduit  en 
français  par  Maussac ,  Paris ,  1622  ,  in-8, 
et  par  M.  de  Burigni ,  1747,  in-12. 

PORPHYRE  (  Publius  Oplatianus  ) , 
poète  latin ,  florissait  sous  l'empire  de 
Constantin  le  Grand.  Il  composa  en  vers  le 
Pane'gyrique  de  ce  prince,  vers  l'an  379. 
Ce  poème,  présenté  à  l'empereur,  valut 
à  l'auteur  le  rappel  de  l'exil  ou  il  était 
alors.  Il  fut  imprimé  à  Augsbourg ,  en 
1595,  in-fol.,  de 28  feuillets.  Rien  n'est 
si  ridicule  que  les  difficultés  que  le  poète 
a  récherchées  dans  la  confection  de  cet 
ouvrage.  Ce  sont  dec  :crostiches  au  com- 
mencement et  au  milieu  des  vers  ,  des 
chiffres  entrelacés  ,  des  figures  de  mathé- 
matiques ,  etc.  ,  sur  chaque  page. 

PORPHYROGÉNETE.   Voyez  Cos- 

STANTIN. 

'  PORPORATI  (  Charles-Antoine  ) , 
habile  graveur ,  naquit  à  Turin ,  en  1741 . 


POR 

Il  vint  jeune  à  Paris,  travailla  long-temps 
chez  Beauvalet ,  et  a  laissé  plusieurs  es- 
lampes  qui  décèlent  un  véritable  talent. 
Les  principales  soirl  :  Suzanne  au  bain , 
d'après  Santerre;  j^gar  renvoyée,  d'après 
le  peintre  Van-Dick  ;  le  Devoir  naturel, 
sur  les  dessins  de  Cignani.U  retourna  dans 
sa  patrie ,  en  17  80,  fut  pensionné  de  la 
cour,  et  grava  la  Mort  d'Jbel,  Paris  et 
OEnone ,  d'après  le  chevalier  Van  der 
W'erft"  ;  Vénus  et  t Amour,  La  Prêtresse 
comptissante ,  Le  Coucher ,  etc.  Por- 
porati  fut  reçu  à  l'académie  de  Paris ,  en 
1773  :  il  mourutcn  1792.  Sonbnrin  était 
léger,  exact,  et  il  donnait  beaucoup  de 
moelleux  aux  chairs  et  de  grâce  aux  dra- 
peries. 

*  PORQUET  (Pierre-Charles  François), 
ecclésiastique,  né  à  Vire  en  Normandie, 
le  12  janvier  1728  ,  de  pareus  fort  pau- 
vres ,  dut  son  éducation  à  des  personnes 
bienfaisantes  qui  l'aidèrent  à  entrer  dans 
la  carrière  ecclésiastique.  L'abbé  Porquet 
cultiva  la  poésie  dont  il  inspira  le  goût  à 
Boufilers  sou  élève.  Après  avoir  |fait  l'é- 
ducation de  ce  jeune  seigneur ,  il  devint 
aumônier  de  Stanislas,  roi  de  Pologne. 
On  a  de  lui  diverses  Poésies  dans  plu- 
sieurs recueils,  dans  VAlmanach  des 
Muses  oii  il  signait  quelquefois  le  petit 
Vieillard,  ànnsle  journal  de Frcron,  etc. , 
On  distingue  entre  autres  une  Ode  sur  le 
bonheur ,  et  des  Stances  sur  V espérance, 
où  l'on  trouve  de  l'élégance  et  beaucoup 
d'expression.  L'abbé  Porquet  a  publié 
son  Discours  de  réception  à  l'académie 
de  INancy ,  prononcé  en  1746,  et  des  Ré- 
flexions sur  l'usure.  Il  est  mort  le  20 
novembre  179G  âgé  de  68  ans.  On  trouve 
une  Notice  très  étendue  sur  cet  ecclésias- 
tique dans  le  Magasin  encyclopédique , 
1807  ,  tomes  2  et  3.  L'abbé  Porquet  était 
d'une  taille  courte  et  d'une  santé  frêle  ; 
lui-même  disait  en  plaisantant  :  Je  suis  > 
comme  empaillé  dans  ma  peau.  \ 

PORRÉE  (Gilbert  de  la),  né  à  Poi- 
tiers, fut  chanoine,  puis  évêque  de  celte 
ville,  après  avoir  enseigné  la  philosophie 
et  la  théologie  avec  une  réputation  ex- 
traordinaire. Le  goût  de  son  siècle  était, 
en  logique  et  en  théologie,  d'analyser 
tout,  et  de  donner  des  noms  différcns 


POR 

aui.  différentes  qualités  des  objets.  Gil- 
bert de  la  Forrée  le  suivit.  Il  avait  com- 
posé plusieurs  ouvrage^ théologiques  ,  et 
avait  traité  les  dogmes  de  la  religion  , 
plutôt  selon  les  maximes  d'Aristote  que 
suivant  le  langage  de  l'Ecriture  et  des 
saints  Pères.  Aiusi ,  par  esemple,  en  par- 
lant delà  Trinité,  il  avait  examiné  lu 
nature  des  personnes  divines,  leurs  attri- 
buts ,  leurs  propriétés.  Il  avait  examine 
quelle  différence  il  y  avait  entre  l'essence 
des  personnes  et  leurs  propriétés ,  entre 
la  nature  divine  et  Dieu ,  entre  la  nature 
et  les  attributs  de  Dieu.  Comme  tous  ces 
objets  avaient  des  définitions  diverses , 
Gilbert  jugea  qu'ils  étaient  différens , 
que  l'essence  ou  la  nature  de  Dieu ,  sa  di- 
vinité, sa  sagesse,  sa  bonté,  sa  grandeur, 
n'étaient  pas  Dieu  ,  mais  la  forme  par  la- 
quelle il  est  Dieu.  Ainsi ,  par  une  méta- 
physique aussi  vaine  et  fausse  qu'hété- 
rodoxe, il  regardait  les  attributs  de  Dieu 
et  la  Divinité  comme  déformes  différen- 
tes; et  Dieu,  ou  l'Etre  souverainement 
parfait ,  comme  la  collection  de  ces  for- 
mes. C'est  là  l'erreur  fondamentale  de 
Gilbert  de  la  Porrée.  Il  en  avait  conclu 
que  les  propriétésdes  personnes  divines 
n'étaient  pas  ces  personnes,  que  la  nature 
divine  ne  s'était  pas  incarnée.  Gilbert  de 
la  Porrée  conserva  tous  ces  principes  , 
lorsqu'il  fut  élu  évèque  de  Poitiers ,  et 
les  expliqua  dans  un  discours  qu'il  fit  à 
son  clergé.  Arnauld  et  Galon,  ses  archi- 
diacres, le  déférèrent  au  pape  Eugène  III, 
qui  était  alors  à  Sienne  sur  le  point  de 
passer  en  France.  Lorsqu'il  y  fut  arrivé, 
il  fit  examiner  l'accusation  qu'on  avait 
portée  contre  l'évêque  de  Poitiers. Gilbert 
fut  appelé  à  une  assemblée  qui  se  tint  à 
Paris,  en  1147  ,  et  ensuite  au  concile  de 
Reims  ,  tenu  l'année  suivante,  et  dans 
lequel  on  condamna  lessentimens  de  Gil- 
bert. Ce  prélat  rétracta  ses  erreurs ,  et 
se  réconcilia  sincèrement  avec  ses  dé- 
nonciateurs. Il  mourut  en  septembre 
1154.  Quelques-uns  de  ses  disciples  per- 
sévérèrent dans  leurs  sentimens;  mais  ils 
ne  formèrent  point  un  parti. 

PORRETE  (  Marguerite  ) ,  femme  du 
Hainaut ,  vint  à  Paris  ,  oii  elle  composa 
un  livre  rempli  des  erreurs  renouvelées 


POR  53 

par  quelques  quiétistes  modernes,  {f^oy. 
Moi.iNoS.  )  Elle  y  disait ,  entre  autres  cho- 
ses, «  qu'une  personne  anéantie  dans 
«  l'amour  de  son  Créateur  peut  satisfaire 
M  librement  tous  les  désirs  de  la  nature , 
«  sans  crainte  d'offenser  Dieu.  «  Elle 
soutint  opiniâtrement  cette  doctrine , 
qui  -la  fit  condamner  à  être  brûlée  ,en 
1310. 

PORSEJNNA ,  roi  d'Etrurie ,  dont  la 
capitale  était  Clusium  {aM\o\xxà!\x\nChiusi 
en  Toscane } ,  alla  assiéger  Rome  ,  l'an 
507  avant  J.  C.  ,  pour  rétablir  Tarquin 
le  Superbe.  Ce  siège  réduisit  les  Romains 
à  la  dernière  extrémité  ;  mais  le  courage 
de  délie,  d'Horatius  Coclès  et  de  Mutius 
Scaevola  (  voy.  ces  trois  articles  ) ,  obli- 
gea Porsenna  de  le  lever.  Il  mourut  peu 
de  tempsaprès.  (  Cet  événement  n'est  pas 
raconté  de  la  même  manière  par  Polybe 
et  d'autres  écrivains.) 

PORTA  (  Simon  ) ,  Portius  ,  Napoli- 
fain  ,  fut  disciple  de  Pomponace,  dont  il 
embrassa  les  opinions.  Après  avoir  fait 
quelque  bruit  dans  différentes  villes  d'I- 
talie, il  professa  la  philosophie  à  Pise, 
et  mourut  à  Naples  en  1554,  à  57  ans. 
On  a  de  lui  divers  Traités  de  philosophie, 
recueillis  à  Florence  eu  1  551  ,  in-4.  Cette 
collection  renferme  ses  Traités  De  mente 
humana  ;  An  homo  bonus  vel  malus  vo-  . 
lensfiat ,  mauvais  ouvrages;  De  dolore , 
De  coloribus  oculorum,  etc.  On  a  encore 
de  lui  :  1°  De  rerum  nnturalium princi- 
piis  libri  duo  ,  1 553  ,  in-4,  plein  de  vues 
fausses  ou  hasardées  ;  2°  De  conflagra- 
iione  agri puieolani ,'llorence,  1551, 
in-4  ;  3"  Opus  physiologicum  ,  in  quo 
tractatur  num  ars  chimica  verum  au- 
rume/ficcre  queat?  Messine,  1618,  in-4. 
—  Il  y  a  eu  un  Simon  Portius  ,  Romain, 
auteur  à'm\ Lexicon  grœco-harbnrum  et 
grœcoUtteratum,  1635  ,  in-4  ;  et  d'une 
Grammaire  de  la  langue  grecque  vul- 
gaire ,  1G38 ,in-4. 

PORTA  (Joseph  ) ,  prit  le  surnom  de 
Salviati,  parce  qu'il  fut  disciple  du  pein- 
tre de  ce  nom.  Il  naquit  àCastel-Nuovo, 
dans  la  Garfagnana  ,  en  1 520  ,  et  mourut 
à  Venise  en  1585.  11  se  fit  une  manière 
qui  tenait  du  goût  romain  et  du  véni- 
tien. Porta  excellait  également  à  peindre 


54  POR 

à  fresque  et  à  l'huile.  Le  pape  Pie  IV  et 
le  sénat  de  Venise  exercèrent  longtemps 
son  pinceau.  Cependant  ses  occupations 
ne  l'empêclièreiit  point  de  s'attacher 
aux  sciences,  et  principalement  à  la  chi- 
mie, dont  il  tira  plusieurs  secrets  pour 
son  art.  Ce  maître  avait  un  dessin  correct, 
un  bon  goût  de  couleur  :  il  inventait  fa- 
cilement; mais  on  remarque  dans  ses  ou- 
vrages trop  d'affectation  à  exprimer  les 
muscles  du  corps  humain.  (Le  musée  du 
Louvre  conservç  un  tableau  de  cet  ha- 
bile maître  :  Adam  c  liasse  du  Paradis, 
terrestre.  On  voyait  son  Enlèvement  des 
5aôi«e.ç  dans  la  galerie  du  Palais-Royal.  ) 

*  PORTA  (  Jacques  de  la  ) ,  architecte 
milanais ,  né  vers  l'an  1 520.  Après  avoir 
travaillé  quelque  temps  en  stuc,  il  étudia 
sous  Vignole,  et  devint  architecte  de 
l'église  de  Saint-Pierre.  Sixte  Quint , 
ayant  donné  beaucoup  de  soins  à  l'em- 
bellissement de  Rome  ,  voulut ,  avant  de 
mourir,  voûter  la  fameuse  coupole  de  l'é- 
glise de  Saint-Pierre,  dont  Michel-Ange 
avait  formé  le  projet ,  et  que  la  mort 
l'empêcha  d'exécuter.  La  Porta  et  Domi- 
nique Fontaua  furent  chargés  de  ce 
grand  travail.  Sis  cents  hommes  y  tra- 
vaillèrent jour  et  nuit,  et  au  bout  de 
vingt-deux  mois  la  coupole  fut  voûtée. 
LaPorta  continua  également  les  travaux 
duCapilole  d'après  les  dessins  de  Michel- 
Ange,  et  plaça  les  statues  sur  les  balustra- 
des qui  terminent  les  trois  superbes  pa- 
lais. Il  finit  aussi  de  construire  la  belle 
église  de  Jésus  (  des  Pères  de  la  compa- 
gnie )  selon  les  plans  de  son  maître  Vi- 
gnole. Il  entreprit  ensuite  d'autres  tra- 
vaux qui  font  honneur  à  ses  talens.  Il 
mourut  à  Rome  âgé  de  63  ans. 

PORTA  (  Jean-Baptiste  ) ,  gentilhom- 
me napolitain,  etphysicien  célèbre,  né  à 
Naples,  vers  1545,  s'adonna  à  l'étude 
des  mathématiques ,  de  la  médecine  et 
de  l'histoire  naturelle.  (  Il  voyagea  dans 
presque  toute  l'Europe.  De  retour  à  Na- 
ples, il  y  établit  l'académie  des  Oziosi , 
mais  il  s'ennuya  bientôt  de  se  borner  à 
la  culture  des  lettres.  Son  penchant  l'en- 
traînait vers  les  sciences  occultes.  )  Il 
tenait  souvent  chez  lui  des  assemblées 
d'hommes  veràés  dans  l'astrologie,  dans 


POR 

lesquelles  on  traitait  des  secrets  de  la  ma- 
gie. La  cour  de  Rome  ,  instruite  de  l'ob-  » 
jet  qui  occupait  cette  petite  académie, 
nommée  dei  Sccrcti ,  lui  défendit  de  la 
tenir.  Il  se  consacra  aux  muses ,  et  com- 
posa des  Tragédies  et  des  Comédies  qui 
eurent  quelque  succès.  Il  mourut  en  1615, 
à  70  ans.  On  a  de  lui  :  1"  un  Traité  de  la 
magie  naturelle ,  en  latin ,  Amsterdam  , 
1664,  in-12;  traduit  en  français  par 
Meissonnier,  Lyon,  1688,  in-12  :  livre 
plein  d'idées  chimériques  et  extravagan- 
tes. (On assure  querauteur,'qui  montrait 
un  talent  très  précoce ,  avait  composé 
cet  ouvrage  à  l'âge  de  quinze  ans  ;  ce 
qui  peut  excuser  en  quelque  sorte  les 
extravagances  qu'il  contient.  )  2"  Un  au- 
tre Traité  de  la  physionomie  ,  composé 
dans  le  même  esprit  que  le  précédent. 
L'auteur ,  entêté  de  l'astrologie  judi- 
ciaire, l'a  rempli  d'inepties.  Cet  ouvrage, 
imprimé  à  Leyde  en  latin  ,  1645,  in-1 2  , 
fut  traduit  en  français  parRuult,  Rouen, 
1665  ,  in-8.  On  l'a  aussi  en  italien  ,  Ve- 
nise, 1652  ,  in-8  ,  édition  extrêmement 
rare.  3"  De  occultis  Utterarum  notis , 
réimprimé  à  Strasbourg  en  1606,  avec 
des  augmentations.  C'est  un  traité  sur  la 
manière  de  cacher  sa  pensée  dans  l'écri- 
ture, ou  de  découvrir  celle  des  autres. 
Il  y  donne  plus  de  180  manières  de  se  ' 
cacher  ;  et  il  en  laisse  encore  une  infinité 
d'autres  à  deviner,  qu'il  est  aisé  d'inven- 
ter sur  celles  qu'il  propose.  Ainsi  il  a 
sui-passé  de  beaucoup  tout  ce  qu'avait 
fait  Trithème  sur  ce  point,  particulière- 
ment dans  sa  Polygrapliic  ,  soit  par  sa  | 
diligence  et  son  exactitude,  soit  par  son  1 
abondance  et  sa  diversité,  soit  enfin  par 
sa  netteté  et  par  sa  méthode.  4°  Phyto- 
gnomonica ,  seu  Methodus  cognoscendi  j 
ex  inspectione  vires  abditas  cujuscum- 
que  rci,  Naples,  1583,  in-fol.  h"  De 
distillalionibus ,  Rome,  1608,  in-4.  C'est 
à  J.-B.  Porta  que  nous  devons  l'invention 
de  la  chambre  obscure,  perfectionnée  de- 
puis par  s'Gravesande.  Il  avait  conçu  le 
projet  d'une  £'«cycZo/>e'(//e,  que  Bacon  a 
proposé  ensuite  d'une  manière  plus  dé- 
veloppée ,  et  qui,  exécutée  enfin  d'une 
façon  pitoyable  par  des  hommes  incon- 
séquens ,  et  dirigés  uniquement  par  l'es- 


POR 

prit  d'intérêt ,  a  produit  une  masse  in- 
forme ,  fatale  à  toutes  les  branches  des 
sciences.  C'était  du  reste  un  esprit  empi- 
rique et  faux  ,  auquel  on  a  trouvé  plus 
d'un  trait  de  ressemblance  avec  Corneille 
Agrippa ,  Cardan  ,  Paracelse  ,  et  autres 
partisans  d'une  physique  occulte  et  con- 
damnable. (M.  H.-Gabr.  Duchesne  a  pu- 
blié wne  notice  historique. sur  J.  B.  Porta, 
Paris,  1601,  in-8.  Voyez  sur  Porta  ^ 
Storia  délia  letteratura  de  Tiraboscbi.  ) 

PORTAL  (  Paul),  chirurgien,  naquit 
à  Montpellier  vers  1G30,  vint  à  Paris,  où 
il  termina  ses  études  et  se  distingua  dans 
la  pratique  des  accoucheniens.  Il  a  laissé  : 
1  "  Discours  nnatomiques  sur  le  sujet 
d'un  enfant  d'une  figure  extraordinaire, 
Paris,  1671,  in-12;  2"  La  pratique  des 
accoucheniens  soutenue  d'un  grandnoni- 
brc  d'observations  ,  Paris  ,  1685,  in-8  ; 
Amsterdam,  1C90,  in-8.  Portai  mourut 
à  Paris  le  !"■  juillet  1703.  Quoique  nous 
croyions  qu'il  répugne  à  la  décence  de 
recourir  à  un  chirurgien  ,  excepté  dans 
les  cas  dangereux,  pour  assister  à  de 
semblables  opérations  ,  on  ne  peut  refu- 
ser à  Portai  beaucoup  d'habileté  dans  la 
partie  qu'il  avait  entreprise. 

*  PORTAL  (  Antoine) ,  premier  méde- 
cin consultant  de  Louis  XYIIl  et  de  Char- 
les X  ,  commandant  de  la  légion  d'hon- 
neur, chevalier  de  St.-Michel  ,  etc.  na- 
quit k  Gailluc  le  5  janvier  1742  d'une 
famille  qui  avait  déjà  fourni  plusieurs 
médecins  distingués.  Après  avoir  étudié 
la  médecine  à  Montpellier  et  y  avoir  été 
reçu  docteur ,  il  mérita  à  l'âge  de  20  ans 
d'être  correspondant  de  l'académie  des 
Sciences  de  celle  ville  où  il  professa  l'a- 
iiatomie  peu  de  mois  après.  Portai  vint  à 
Paris  en  1765;  il  s'y  fit  bientôt  connaître 
par  des  écrits  importans  et  par  son  habi- 
leté dans  la  pratique  de  la  médecine.  En 
même  temps  il  étudia  la  chirurgie,  et  ne 
tarda  pas  à  être  associé  aux  travaux  scien- 
tifiques de  Sénac  et  de  Lieutaud.  Le  pre- 
mier ,  qui  était  premier  médecin  de  Louis 
XV,  iechoisitpour  donner  une  édition  de 
son  Traite  sur  la  structure  du  cœur. 
Tels  furent  les  succès  de  Portai,  qu'il  se 
■vit  bientôt  recherché  et  consulté  par  les 
personnages  les  plus  élevés  en  dignité , 


POR 


55 


par  des  ministres  ,  des  princes  et  même 
des  rois.  Il  obtint  l'amitié  de  Franklin , 
deBuifon,ded'Alembert.  En  1769,  quatre 
ans  après  son  arrivée  à  Paris  ,  il  fut  reçu 
membre  de  l'académie  des  Sciences  où  il 
succéda  à  Ferrein  ,  et  où  il  siégea  à  côté 
de  Lagrange ,  de  Laplace  ,  de  Bailly ,  etc. 
et  sa  maison  devint  pour  eux  une  seconde 
académie.  A  peu  près  à  la  même  époque  , 
il  fut  nommé  professeur  d'anatomie  au 
collège  de  France,  et  en  177Î  il  dut 
à  l'amitié  de  Buffon  la  place  de  pro- 
fesseur-administrateur d'anatomie  hu- 
maine au  jardin  des  plantes.  Portai  était 
sans  contredit  l'un  des  médecins  les  plus 
célèbres  de  France  ;  jamais  professeur 
n'a  enseigné  plus  long-temps  et  avec 
une  assiduité  plus  exemplaire.  Ses  ou- 
vrages sont  nombreux  et  importans;  ils 
ont  obtenu  le  plus  grand  succès  dans 
sa  patrie  et  à  l'étranger ,  et  ont  été  tra- 
duits dans  presque  toutes  les  langues 
de  l'Europe.  Nous  citerons  ;  1°  Disserta- 
tio  mcdico-chirurgica  generalis  luxa- 
tionumrationes coniplectens,  1764,  in-4. 
C'est  le  sujet  de  sa  Thèse  soutenue  à 
Montpellier.  2" ^natomie historique-pra- 
tique de  M.  Lieutaud ,  augmentée  d'un 
grand  nombre  d'observations,  1767,2  vol. 
in-4;  1776,2  vol.  in-8;  3°  Précis  de 
chirurgie  pratique  ,  contenant  l'histoire 
des  maladies  chirurgicales  ,  et  la  manière 
la  plus  usitée  de  les  traiter,  1768,  2 
vol.  in-8  ;  4°  Histoire  de  l'anatomie  et 
de  la  chirurgie,  contenant  l'origine  et 
les  progrès  de  ces  deux  sciences ,  avec 
un  tableau  chronologique  des  principales 
découvertes,  et  un  catalogue  des  ouvra- 
ges d'anatomie  et  de  chirurgie,  des  mé- 
moires académiques,  des  dissertations  in- 
sérées dans  les  journaux,  et  de  la  plupart 
des  thèses  qui  ont  été  soutenues  dans  les 
facultés  de  médecine  de  l'Europe,  1779. 
Cet  ouvrage  en  6  volumes  est  le  résultat 
d'un  travail  immense.  b°  Lettre  à  M.  Pe- 
tit ,  1771,  in-8°  ;  6°  Lettre  en  réponse  à 
M.  Goulin ,  1771,  in-8  ;  7"  Rapport  fait 
par  ordre  de  V académie  des  Sciences  sur 
la  mort  du  sieur  Lcmaire  et  de  son  épouse, 
par  la  vapeur  du  charbon,  17  75,  in-8  ; 
réimprimé  sous  le  titre  de  ;  Observations 
sur  les  effets  des  vapeurs  méphitiques 


56  POR 

sur  le  corps  de  Vhomme ,  etc.  1 Î78,  in-8  j 
6*  édition  1791,  iu-8  ;  el  réimprimée 
sous  le  titre  de  :  Instruction  sur  le  trai- 
tement des  asphyxies  par  le  mc'phitisme, 
etc.  1794,  in- 12;  la  12«  édition  est  de 
1 805 ,  in-8.  Cet  ouvrage  fut  distribué  gra- 
tuitement dans  toute  la  France ,  par  or- 
dre du  ministre  Turgot.  11  a  été  imprimé , 
depuis  plusieurs  fois,  notamment,  en 
1816,  par  ordre  du  gouvernement,  et 
adressé  à  tous  les  préfets  par  ordre  du 
ministre  de  l'intérieur.  8°  Observations 
sur  la  nature  et  le  traitement  de  la  rage , 
Yverdun,  m  9,  in-12;  9°  Observations 
sur  la  nature  et  le  traitement  de  laphtlii- 
sie pulmonaire  ,  1793,  in-8,  1S09,  2  vol. 
in-8  ;  10"  Observations  sur  la  nature  et 
le  traitement  du  rachétisme,  1  "  97 ,  in-8  ; 
1 1  "  Mémoires  sur  la  nature  et  le  traite- 
ment  de  plusieurs  maladies,  1800,  2  vol. 
in-8;  12°  Cours  d'anatomie  médicale, 
1804  ,  5  vol.  in-8.  On  peut  lire  le  compte 
rendu  de  cet  ouvrage ,  dans  les  rapports 
du  jury  sur  les  prix  décennaux,  et  dans 
ceux  de  la  classe  des  sciences  mathéma- 
tiques et  physiques  de  l'Institut ,  de  la  56* 
p.  à  la  66*.  1.3°  Considérations  sur  la  na- 
ture et  le  traitement  des  maladies  de  fa- 
mille et  des  maladies  héréditaires  (  lues 
à  l'Institut  le  3  janvier  1808)  ,  3«  édition, 
i814,  in-8  ;  14"  Observations  sur  la  na- 
ture et  le  traitement  des  maladies  du 
foie ,  1813,  in-8  ;  1 5"  Notice  sur  la  ma- 
ladie et  la  mort  de  madame  la  baronne 
de  Staël;  1817  ,  in-8.  M.  Portai  a  encoie 
publié ,  dans  le  recueil  de  l'académie  des 
Sciences  et  de  l'Institut ,  une  foule  de 
Mémoires  relatifs  à  l'art  de  guérir.  Il  lut 
h  l'Institut  en  1818  un  curieux  mémoire 
sur  la  dilatation  des  ventricules  du  cœtir 
avec  aplatissement  de  leurs  parois  ;  et 
un  autre  sur  les  inflammations  du  péri- 
carde. A  cette  liste  déjà  nombreuse  des 
ouvrages  de  Portai  nous  ajouterons  deux 
Mémoires  qu'il  a  communiques  en  1 828 
à  l'académie  royale  des  Sciences  ;  le 
premier  est  intitulé  :  Considérations  sur 
les  fièvres  putrides  devenues  malignes;  et 
le  second  :  Observations  et  remarques  sur 
la  nature  et  le  traitement  des  hydropi- 
sies  avec  des  palpitations  de  cœur , et  prin- 
cipalement sur  le  ramollissement  de  cet 


POR 

organe.  Portai  fut  nommé  en  1815  mem- 
bre de  la  commission  chargée  de  rendre 
compte  au  roi  de  l'état  de  l'enseignement 
dans  les  écoles  de  médecine  et  de  chirur- 
gie. Louis  XVIII  le  nomma  |)résident  per- 
pétuel de  la  société  royale  de  médecine 
à  la  création  de  laquelle  il  avait  contri- 
bué beaucoup  en  1820.  Portai  fut  étran- 
ger à  tous  les  actes  de  la  révolution  :  il 
pratiquait  son  art,  et  regrettait  dans  le 
silence  l'ordre  déchu  que  l'anarchie  avait 
remplacé,;  aussi  sa  mémoire  est-elle  res- 
tée piu'e.  Il  avait  deux  frères  prêtres,  dont 
l'un  fut  nommé  chanoine  de  Noire  Dame 
en  1 806 ,  et  l'autre  mourut  peu  après. 
LiM-même  était  lié  avec  plusieurs  ecclé- 
siastiques, et  on  nous  a  assuré  qu'il  pra- 
tiquait la  religion.  Malgré  son  grand  âge, 
la  mort  l'a  surpris  :  il  ne  se  croyait  pas 
aussi  malade;  c'est  ce  qui  explique  ap- 
paremment pourquoi  il  n'a  point  appelé 
les  secours  de  l'Eglise.  Il  est  mort  à  90  ans 
le  25  juillet  1832  des  suites  d'une  mala- 
die calculeuse  chronique  ;  il  est  le  5«  pro- 
fesseur du  collège  de  France  qui  ait  suc- 
combé dans  cetle  année  si  fatale  pour  la 
France,  alors  désolée  par  le  choléra-mor- 
bus  :  (  les  quatre  autres  sont  MM.  Cham- 
pollion  ,  Cuvier,  Rémusat  et  Thurot.  } 
Portai  était  membre  des  académies  de 
Bologne,  de  Turin,  e(c. ,  et  d'un  grand 
nombre  de  sociétés  littéraires  et  savantes. 
*  PORTALlS  (Jean-FJienne-Marie) . 
ministre  des  cultes,  naquit  le  1"  avril 
1 746 ,  à  Beausset  en  Provence ,  d'une  fa- 
mille de  robe  qui  depuis  longtemps  avait 
mérité  l'estime  générale.  A  l'âge  de  21 
ans,  il  fut  reçu  au  parlement  d'Aix,  et 
dès  son  début  il  se  plaça  parmi  les  juris- 
consultes et  les  orateurs  les  plus  distingués 
de  celle  époque.  Plusieurs  meTTîot/'Cî con- 
tribuèrent à  établir  sa  réputation  :  on  re- 
marque surtout  sa  Cnnsu'tntion  sur  la 
validité  des  mariages  des  protestans  en 
France,  Paris,  1770,  in  12.  Deux  causes 
soutenues  contre  deux  adversaires  puis- 
sans  augmentèrent  encore  sa  célébrité  : 
c'étaient  Mirabeau  et  Beaumarchais  :  Por- 
tails s'était  chargée  des  intérêts  de  ma- 
dame de  Mirabeau,  et  il  parvint  à  obtenir 
une  séparation  utile  à  la  conservation  de 
ses  biens.  Moins  heureux  en  défendant 


POR 

le  comte  de  la  Blache  contre  Beaumar- 
chais ,  il  ne  put  gagner  sa  cause  déjà 
perdue  devant  le  public  ;  mais  sa  défense 
fut  digne  de  son  talent.  Portails  fut  bien- 
tôt placé,  malgré  sa  jeunesse,  à  la  tête 
de  l'administration  de  sa  province,  et 
il  justifia  par  sa  capacité  ,  dans  les  fonc- 
tions admin  istratives,  le  choix  qu'on  avait 
fait  de  lui.  Dès  le  commencement  de  la 
révolution,  il  fut  alarmé  des  troubles  qui 
se  préparaienl  ;  et  dès  »  790  il  se  retira  k 
la  campagne.  Comme  les  provinces  méri- 
dionales étaient  de  jour  en  jour  plus  agi- 
tées ,  il  alla  chercher  un  asile  à  Lyon 
qu'il  fut  encoreobligé  de  quitter  bientôt. 
Il  se  rendit  à  Paris  dans  les  derniers  mois 
de  1793  ;  il  ne  tarda  pas  à  y  être  arrêté, 
et  il  ne  recouvra  sa  liberléque  plusieurs 
mois  après  la  chute  de  Piobcspierre.  Nom- 
mé en  1795  député  du  département  de 
la  Seine  au  conseil  des  anciens,  il  y  dé- 
veloppa un  caractère  plein  de  modéra- 
tion ,  et  se  montra  constamment  opposé 
au  parti  directorial.  Le  directoire  voulait 
s'arroger  le  droit  d'élection  ,  et  Portails 
opina  sur  ce  droit  le  15  décembre  de  la 
même  année  :  «  Ce  serait ,  dit-il ,  com- 
»  promettre  cette  autorité  que  de  lui 
»  donner  la  faculté  proposée  :  en  admet- 
»  tant  le  prétexte  de  la  tranquillité  pu- 
»  blique  pour  violer  un  article  de  la 
jj  constitution ,  bientôt  on  pourra  en 
»  violer  un  autre  ,  et  ainsi  tout  sera  livré 
»  à  l'arbitraire.  »  Il  fut  nommé  secré- 
taire de  l'Assemblée  le  17  ,  et  le  27  fé- 
vrier 1796  il  fit  un  rapport  verbal  sur  la 
résolution  de  détruire  la  liste  des  émigrés  ; 
il  combattit  en  même  temps  le  projet  de 
donner  au  directoire  le  pouvoir  de  sta- 
tuer sur  les  radiations.  11  prouva  victo- 
rieusement que  l'intérêt  du  gouverne- 
ment lui-même  y  était  opposé,  et  que 
les  tribunaux  étaient  les  juges  naturels 
de  ces  contestations  comme  de  toutes  les 
autres.  Malgré  la  noble  franchise  de  ses 
discours,  qui  auraient  paru  blesser  les 
intérêts  ou  les  prétentionsdu  directoire, 
il  fut  président  le  1 9  juin  1 796  ;  et  le  25 
aoftt  il  s'opposa  à  l'impression  d'un  dis- 
cours deCreuzé-la-Touche  contre  les  prê- 
tres. Le  lendemain  ,  il  présenta  un  rap- 
port exact  des  lois  rendues  sur  cet  ordre  ; 
xr. 


POR 


6'7 


"  il  se  plaignit  des  sermens  exigés  d'eux, 
'^  plus  encore  des  peines  prononcées  contre 
ceux  qui ,  obéissant  à  leur  conscience , 
avaient  refusé  de  se  parjurer.  Il  assimila, 
avec  assez  de  justesse,  les  mesures  pro- 
posées à  leur  égard  à  celles  adoptées  pen- 
dant le  règne  de  la  terreur ,  et  cita  J.- J. 
Rousseau,  qui,  philosophe  lui-même, 
disait  «  que  si  les  philosophes  avaient  ja- 
.  »  mais  l'empire,  ils  seraient  plus  intolé- 
»  rans  que  les  prêtres.  »  Il  fut  un  de  ceux 
qui  déclamèrent  le  plus  vigoureusement 
contre  la  loi  du  9  floréal  an  4  (28  avril 
1796),  qui  ordonnait  le  partage  des 
biens  des  ascendans  d'émigrés  •  loi  qui 
dépouillait  de  leur  vivant  des  vieillards 
innocens,  et  qui  était  en  opposition  avec 
un  des  premiers  principes  des  législa- 
teurs ,  que  les  crimes  sont  personnels. 
Il  attaqua,  le  30  novembre  1796,  la  loi 
du  3  brumaire ,  dans  ses  articles  concer- 
nant les  parens  d'émigrés  ,  comme  pro- 
clamant l'intolérance ,  poursuivant  en 
masse  tous  les  citoyens,  «  faisant  des 
»  privilégiés  des  suspects,  des  mécon- 
-a  tens  et  des  esclaves,  »  Il  démontra  que 
l'amnistie  du  4  brumaire  était  absolue, 
et  dit  :  '(  Que  si  elle  pouvait  subsister 
»  encore  après  le  rejet  de  la  résolution , 
»  elle  subsisterait  oubliée,  déshonorée, 
»  comme  une  loi  de  colère,  comme  le 
»  dernier  acte  de  la  vengeance  d'un 
»  parti,  et  que  le  l*""  germinal,  époque 
»  des  élections ,  elle  serait  anéantie  par 
»  la  volonté  du  peuple  ,  par  cela  même 
»  qu'elle  ne  serait  pas  offerte  à  l'accep- 
»  tatîon  d'un  souverain.  »  Dans  le  cou- 
rant de  fôvrier,  il  fut  désigné  dans  le 
plan  de  conspiration  deLavilleheurnois, 
comme  devant  remplacer  Cochon  dans 
le  ministère  de  la  police.  11  s'opposa  à 
ce  que  les  électeurs  fussent  astreints  à 
prêter  le  serment  civique.  Le  25  juillet, 
il  vota  contre  les  sociétés  populaires. 
Bientôt  après  ,  il  fut  inscrit  dans  la  liste 
de  déportation  du  18  fructidor  an  5 
(4  septembre  1797),  et  se  réfugia  en  Al- 
lemagne. Rappelé  en  France  après  la  ré- 
volution du  1 8  brumaire  (  9  novembre 
1799),  il  y  arriva  le  13  février  1800. 
Le  3  avril,  on  le  nomma  commissaire 
du  gouvernement  près  du  conseil  des 
8. 


58 


POR 


prises ,  et  il  entra  dans  le  conseil  d'état 
vers  la  An  de  la  même  année.  Il  présenta 
différens  projets  de  loi  au  corps  législa- 
tif, et  défendit  plus  particulièrement 
celui  relatif  à  l'établissement  des  tribu- 
naux spéciaux,  qui  éprouva  une  forte 
opposition.  Peu  de  temps  après,  il  pré- 
senta le  projet  du  Code  civil.  Il  fut  char- 
gé dans  le  mois  d'août  1801  de  toutes 
les  affaires  concernant  les  cultes.  Il  lit 
reconduire  à  Rome  le  corps  de  Pie  "VI , 
resté  jusque  là  à  Valence.  Il  ordonna 
d'efiacer  les  inscriptions  païennes  qui 
souilloient  le  frontispice  des  temples.  Il 
rappela  dans  leur  patrie  les  évêques  dé- 
missionnaires qui  en  étaient  exilés  de- 
puis tant  d'années  :  mesure  qui  ne  fut 
que  le  prélude  d'un  autre  acte  que  ré- 
clamaient depuis  long-temps  la  justice  et 
l'humanité ,  le  rappel  des  émigrés  :  ob- 
jets si  malheureux  de  la  haine  révolution- 
naire, et  sur  lesquels  la  barbarie  s'était 
appesantie  au  point  qu'il  suffisait  d'être 
de  cette  classe  proscrite ,  pour  être  en- 
voyé à  l'échafaud  sans  autre  formalité. 
Le  5  avril  1802  il  prononça,  devant  le 
nouveau  corps  législatif,  que  l'on  venait 
de  convoquer  pour  cet  effet  un  discours 
dans  lequel  il  exposait  les  motifs  qui 
avaient  amené  la  convention  faite  entre 
le  saint-Siége  et  le  gouvernement  fran- 
çais. Il  y  établit  quelques  principes  fort 
sages  ;  mais  on  croit  s'apercevoir  que  l'o- 
rateur craignait  de  paraître  trop  favora^ 
ble  à  la  religion  catholique  et  qu'il  re- 
doutait les  sarcasmes  de  la  philosophie, 
à  moins  qu'on  ne  veuille  l'excuser  sur 
les  préventions  que  l'esprit  révolution- 
naire avait  encore  laissées  chez  beaucoup 
de  gens  en  place  contre  la  religion  ;  pré- 
ventions telles,  que  le  gouvernement 
pouvait  craindre  que  le  concordat  ne  fût 
pas  adopté,  si  on  heurtait  trop  les  opi- 
nions. Le  discours  de  Portails  d'ailleurs 
était  grave ,  décent ,  et  contrastait  avec 
le  langage  révolutionnaire,  inhumain  et 
farouche ,  dont  cette  même  tribune  avait 
retenti  tant  de  fois.  Il  fit  ensuite  lecture 
du  concordat  du  15  juillet ,  que  le  corps 
législatif  adopta ,  après  quelque  discus- 
sion. En  1 803 ,  il  fut  élu  candidat  au 
sénat  conservateur,  et  en  juillet  dsl'an- 


POR 

née  suivante  on  le  nomma  définitivement 
ministre  des  cultes.  Le  1  *■■  février  1 805 , 
il  fut  créé  grand  officier  de  la  légion- 
d'honneur.  Portails  était  attaqué  depuis 
long-temps  d'une  cruelle  ophthalmie  ;  il 
se  fît  opérer.  Le  2  janvier  180G  il  pronon- 
ça à  l'Institut ,  dont  il  était  membre,  riS"- 
loge  d' Antoine-Louis  Se'guier ,  avocat 
au  parlement  de  Paris ,  et  successeur  de 
Fonlenelle  à  l'académie  française  :  cet 
éloge  a  eu  deux  éditions.  A  son  ophthal- 
mie, qui  le  tourmentait  continuellement, 
se  joignit  enfin  une  infirmité  assez  grave 
qui  le  conduisit  au  tombeau  le  25  août 
1807.  Buonaparte  ordonna  qu'il  serait 
élevé  'à  ce  ministre  une  statue  dans  le 
conseil  d'état.  Elle  a  été  exécutée  par 
Desenne.  En  1 820,  son  fils  a  publié  un  ou- 
vrage posthume  qui  a  pour  titre  :  Traite' 
sur  Vouvraye  et  l'abus  de  F  esprit  philo- 
sophique pendant  le  18*  siècle ,  précédé 
d'une  notice  fort  intéressante  sur  l'au- 
teur, Paris,  2  volumes  in-8.  C'est  un  li- 
vre très  remarquable  par  la  philosophie 
religieuse  qui  y  règne,  par  l'esprit  de 
méthode  et  d'analyse  qui  a  présidé  à  sa 
composition,  et  par  unstile  noble,  ferme 
et  élégant. 

"  PORT  ALLIER  (  Claude-Joseph  ) , 
ecclésiastique  du  diocèse  de  Belley ,  né 
le  9  mars  1788  à  Meximieux ,  diocèse 
de  Lyon,  entra  dans  l'état  ecclésiastique 
après  avoir  obtenu  l'agrément  de  sa  fa- 
mille qui  était  dans  l'aisance  et  qui  s'op- 
posa long-temps  à  ses  vœux.  Après  avoir  . 
exercé  le  ministère  à  Poncin ,  il  fut  em- 
ployé dans  les  séminaires  de  Meximieux, 
d'Alix ,  de  l'Argentière  et  de  Saint-lrénée 
à  Lyon.  M.  l'évêque  de  Belley,  ayant  pris 
possession  de  son  siège ,  chargea  l'abbé 
Portallier  de  tons  les  soins  relatifs  à  la 
formation  du  grand  séminaire  de  son 
diocèse  qu'il  établit  à  Brou.  Le  jeune 
prêtre  s'en  acquitta  avec  zèle  et  intelli- 
gence ;  mais  sa  faible  santé  ne  lui  permit 
pas  de  supporter  continuellement  les  pé- 
nibles autorités  de  la  vie  de  séminaire  ; 
il  revint  donc  à  Bourg  où  il  fut  chargé 
de  diriger  le  noviciat  des  sœurs  de  Saint-  ' 
Joseph ,  pour  lesquelles  il  a  composé 
quelques  ouvrages.  Cette  congrégation 
qui  se  consacre  à  tous  les   genres  de 


POR 

bonnes  œuvres,  tient  sept  hôpitaux,  et  a 
80  établissemens  dans  le  diocèse.  Parmi 
les  principaux  ouvrages  de  l'abbé  Por- 
tailier  on  distingue  le  Manuel  des  céré- 
monies Lyonnaises  et  le  Mois  de  Marie. 
On  a  aussi  de  lui  une  nouvelle  édition  de 
t Histoire  de  l'Eglise  de  Brou.  M.  l'é- 
vêque  de  Bourg  l'avait  nommé  chanoine 
d'honneur  de  sa  cathédrale.  L'abbé  Por- 
tallier  est  mort  le  22  juillet  1831 ,  dans 
un  âge  qui  permettait  d'attendre  de  lui 
une  longue  suite  de  services. 

PORTE  (  Maurice  de  la),  littérateur  , 
né  à  Paris  en  1 530  d'un  imprimeur,  mort 
en  1571  ,  à  40  ans,  est  le  premier  auteur 
qui  ait  rassemblé  les  Epithètes  françai- 
ses. Le  Père  Daire,  qui  a  fait  un  ouvrage 
sous  le  même  titre ,  paraît  n'avoir  pas 
connu  celui  de  La  Porte.  Il  fut  imprimé 
à  Paris  en  1571  ,  in-8.  Le  but  de  ce  com- 
pilateur est  de  faciliter  l'intelligence  des 
poètes.  Mais  ce  livre  n'a  pu  être  utile  qu'à 
des  écoliers  ,  et  ne  peut  servir  tout  au 
plus  aujourd'hui  qu'à  faire  connaître  que 
La  Porte  avait  beaucoup  lu  nos  anciens 
auteurs  français  ,  et  que  son  livre  est  un 
fruit  de  ses  lectures. 

PORTE  (  Charles  de  la  ) ,  duc  de  la 
Meilleraye  ,  s'éleva  aux  premiers  hon- 
neurs militaires  par  son  courage  ,  et  sur- 
tout par  la  laveur  du  cardinal  de  Riche- 
lieu ,  son  parent.  Après  s'être  distingué 
dans  plusieurs  sièges  ,  il  obtint  le  gou- 
vernement de  la  ville  et  du  château  de 
Nantes  ,  eu  1632.  Il  fut  fait  chevalier 
des  ordres  eu  1G33  ,  et  grand-maître  de 
l'artillerie  en  1634.  Il  servit  ensuite  à  la 
balaille  d'Avent  (et  non  pas  Avein  ) ,  dans 
le  pays  de  Liège  ,  à  2  lieues  de  Huy  ;  aux 
sièges  de  Louvain,  deDôle,  etc.  ;  et  après 
la  prise  d'Hesdin  ,  il  reçut  des  mains  de 
Louis  XIII  lebàton  de  maréchal  de  France, 
sur  la  brèche  de  cette  place  ,  le  30  juin 
1639.  Le  nouveau  maréchal  défit  les 
troupes  du  marquis  de  Fuenlès ,  le  2 
août  suivant ,  et  contribua  beaucoup  à 
la  prise  d'Arras  en  1640.  Il  prit,  les  an- 
nées suivantes  ,  quelques  autres  places , 
et  emporta  Gravelines  en  1644,  conjoin- 
tement avec  Gassion.  (  Voyez  ce  nom  ). 
En  1646  ,  il  commanda  l'armée  en  Italie, 
où  il  prit  Piombino  et  Porto-Longone. 


POR  59 

Le  roi  érigea  en  sa  faveur  la  Meilleraye 
en  duché-pairie  ,  en  1663.  Ce  maréchal 
mourut  à  l'arsenal  à  Paris  ,  en  1664  ,  âgé 
de  62  ans.  Il  passait  pour  l'homme  de  son 
temps  qui  entendait  le  mieux  les  sièges. 
Son  hls  épousa  Hortensc  Mancini ,  et  suc- 
céda au  nom  de  Mazarin.  Voy.  ce  nom. 
*  PORTE  (Pierre  de  la)  ,  premier  va- 
let de  chambre  de  Louis  XIV,  né  en  1603, 
entra  dès  l'âge  de  1 8  ans  au  service  d'Anne 
d'Autriche  ,  et  obtint  la  charge  de  por- 
te-manteau de  la  reine.  Il  se  dévoua  en- 
tièrement aux  intérêts  et  aux  vues  de 
cette  princesse  ,  et  devint  l'agent  de 
la  correspondance  qu'elle  entretenait 
avec  l'Espagne  et  l'Angleterre  ,  alors  en;; 
nemics  de  la  France.  Par  des  motifs  de  fa- 
mille ,  Louis  XIII  renvoya  en  1624  un 
grand  nombre  de  serviteurs  de  son 
épouse  ,  parmi  lesquels  on  comprit  La 
Porte.  La  reine  le  fit  recevoir  dans  la 
compagnie  des  gendarmes  commandés 
par  le  comte  d'Estaing.  Six  mois  après, 
le  roi  lui  permit  de  reprendre  sa  charge 
à  la  cour.  Mais  étant  devenu  suspect  ,  et 
non  sans  raison  ,  au  cardinal  de  Riche- 
lieu ,  ce  ministre  le  fit  arrêter  en  août 
1637  ,  conduire  à  la  Bastille  ,  et  enfer- 
mer dans  un  cachot  ,  naguère  occupé 
par  un  certain  Dubois ,  qu'on  venait  de 
mener  au  supplice.  Il  subit  plusieurs  in- 
terrogatoires en  présence  du  cardinal 
lui-même.  On  força  la  reine  à  lui  écrire 
qu'elle  avait  tout  avoué ,  et  qu'elle  l'en- 
gageait à  tout  dire  ;  mais  ce  moyen  ,  les 
promesses  ,  les  menaces  de  la  torture  et 
du  dernier  supplice,  rien  ne  put  lui  arra- 
cher un  mot  qui  compromît  sa  souve- 
raine. Cependant ,  La  Porte  était  sûr 
qu'on  n'axirait  jamais  pu  lui  apporter  des 
preuves  convaincantes  sur  le  délit  dont 
on  l'accusait.  On  s'était  emparé  de  ses 
papiers  ;  mais  ceux  qui  pouvaient  dépo- 
ser contre  lui  étaient  cachés  dans  un  trou 
de  sa  chambre ,  et  ne  furent  pas  trouvés. 
Pendant  ce  temps  ,  le  roi ,  par  les  con- 
seils de  mademoiselle  de  Lafayette  ,  qui 
avait  abandonné  la  cour  pour  embrasser 
la  vie  religieuse  ,  s'était  rapproché  de 
son  épouse  ,  qui  devint  enceinte  ;  et 
cet  événement  accrut  son  autorité.  A  sa 
médiation  ,  La  Porte  sortit  dç  la  Bastille 


6o  POR 

le  12  mai  1638  ,  et  fut  exilé  à  Saumur. 
Le  cardinal  de  Richelieu  ,  tëtnoin  de  la 
fidélité  et  de  la  discrétion  peu  commu- 
nes de  La  Porte  ,  chercha  à  l'attacher  à 
son  service  ;  mais  toutes  ses  démarches 
furent  inutiles.  Après  l'accouchement 
de  la  reine  ,  ayant  obtenu  la  liberté  de 
se  promener  dans  les  environs  de  Sau- 
mur ,  La  Porte  en  profita  pour  faire  se- 
crètement plusieurs  voyages  en  France. 
Le  cardinal  mourut  en  1642,  et  Louis XIII 
en  1643.  Anne  d'Autriche  ,  devenue  ré- 
gente ,  reprit  La  Porte  à  son  service ,  et 
en  le  revoyant  pour  la  première  fois  : 
«  Voilà  ce  pauvre  garçon  ,.  »  dit  S.  M.  , 
»  qui  a  tant  souffert  pour  moi ,  et  à  qui 
j)  je  dois  ce  que  je  suis  à  présent.  «  Elle 
lui  donna  la  charge  de  premier  valet  de 
chambre  du  jeune  prince  son  fils  ,  de- 
puis Louis  XIV ,  et  le  présenta  au  cardi- 
nal Mazarin  ,  qui  jouissait  d'un  grand 
crédit  auprès  de  la  reine.  Celui  de  La 
Porte  ne  dura  pas  long-temps.  Nous  ne 
pourrions  dire  les  causes  qui  l'éloignèrent 
encore  une  fois  de  la  cour  :  c'étaient  ou 
un  excès  de  franchise  ou  des  conseils  in- 
discrets, ou  bien  l'accusation  mal  fondée 
d'un  crime  qu'il  aurait  commis  sur  la 
personne  du  jeune  roi.  Anne  d'Autriche 
étant  morte  en  1666  ,  Louis  XIV  ,  qui 
connaissait  son  innocence  ,  le  rappela  , 
et  lui  fit  l'accueil  le  plus  favorable  ;  on 
ne  lui  rendit  cependant  pas  ce  qu'il  avait 
perdu.  Il  mourut  le  13  septembre  1680  , 
âgé  de  73  ans.  11  a  laissé  écrits  les  évé- 
nemens  de  sa  vie,  publiés  sous  le  titre  de 
Mémoires  de  M .  de  La  Porte  ,  premier 
valet  de  chambre  de  Louis  Xlf^  ,  con- 
tenant plusieurs  particularite's  des  rè- 
gnes de  Louis  XIII  et  de  Louis  XIV  , 
Genève  ,1755,  petit  in-1 2.  Ces  Mémoi- 
res ,  réimprimés  dans  la  2*  série  de  la 
Collection  des  mémoires  relatifs  à  l'his- 
toire de  France  ,  par  MM.  Petitot  et 
Moumerqué  ,  contiennent  des  détails  as- 
sez curieux  :  l'auteur  s'y  montre  très  at- 
taché à  ses  maîtres  ;  mais  on  ne  peut 
louer  en  lui  son  dévouement  servile  pour 
Anne  d'Autriche  ,  aux  ordres  de  laquelle 
il  aurait  tout  sacrifié. 

PORTE  (  l'Abbé  Joseph  de  la  )  né  à 
Belfort  en  Alsace,  en  1718,  embrassa 


POR 

l'état  ecclésiastique.  Après  avoir  débuté 
dans  la  carrière  des  lettres  par  des  jour- 
naux et  d'autres  ouvrages  critiques  ,  il 
s'occupa  de  diverses  compilations,  parmi 
lesquelles  on  a  distingué  le  Voyageur 
français  ,  dont  il  a  publié  24  vol.  in-1 2. 
Il  mourut  à  Paris  le  19  septembre  1779  , 
dans  de  grands  sentimcns  de  piété  et  de 
résignation,  qu'on  peut  regarder  comme 
une  rétractation  de  ce  qu'il  y  a  de  répré- 
hensible  dans  ses  écrits  ;  quoiqu'on  ait 
de  la  peine  à  accorder  cette  disposition 
du  mourant  avec  les  deux  tomes  du  Voya- 
geur français  qui  parurent  immédia- 
tement après  sa  mort ,  et  qui  sont  beau- 
coup plus  répréhensibles  que  les  précé- 
dens.  On  publia  ,  en  17  80  ,  dans  le  Mer- 
cure de  France  ,  une  critique  amère  des 
ouvrages  de  l'abbé  de  la  Porte.  La  fin 
chrétienne  de  cet  abbé  lui  a  attiré  des 
sarcasmes  de  tout  genre  de  la  part  des 
philosophes  ,  avec  lesquels  il  avait  paru 
s'entendre  assez  bien.  Mais  s'il  y  a  de 
l'exagération  et  de  l'imposture  dans  la 
critique  ou  plutôt  la  satire  insérée  dans 
le  Mercure  ,  il  n'y  en  a  pas  moins  dans 
l'apologie  insérée  dans  V Annéelitterairc, 
1780  ,  n°  2  ,  p.  109  ,  oîi  l'on  n'hésite 
point  à  élever  jusqu'aux  nues  le  Voya- 
geur français  ,  qu'on  dit  avoir  réuni  les 
suffrages  de  tout  le  monde.  A  Dieu  ne 
plaise  que  tout  le  monde  accorde  son 
suffrage  à  une  compilation  aussi  informe, 
aussi  fausse  et  mal  vue  quant  à  son  objet 
principal ,  aussi  remplie  de  contes  et 
d'observations  lubriques  ,  indécentes  , 
irréligieuses  quant  à  l'accessoire.  L'abbé 
de  Fontcnai  a  continué  cet  ouvrage  ;  et 
malgré  la  sagesse  reconnue  de  ses  prin- 
cipes ,  il  ne  s'est  peut-être  pas  assez 
écarté  des  défauts  de  l'abbé  de  la  Porte. 
Un  anonyme  lui  a  succédé  :  les  33*  et  34' 
volumes  ont  paru  en  1»790.  (  Voyez  le 
Journ.  hiit.  et  litt.  ,  i"'  août  1791  ,  p. 
490.  )  On  a  encore  de  la  Porte  :  t°  une 
j4nalyse  de  l'esprit  des  lois;  2°  Voyage 
au  séjour  des  ombres  ;  3°  le  Calendrier 
historique  des  théâtres  de  Paris  ,  pen- 
dant 28  ans  ;  h°  Dictionnaire  dramatique, 
avec  M.  de  Champfort  ,  qui  n'a  fait  que 
la  partie  didactique  ;  6°  Anecdotes  dra- 
matiques ,  avec  Clément  >  3  vol.  in-8  ; 


11 


I 


POR 

6"  les  Pensées  de  Massillon  ,  V Esprit  de 
J.-J.  Rousseau  ;  1°[' Ecole  de  la  littéra- 
ture ;  8°  Observations  sur  la  littérature 
moderne  ;  9»  Tableau  de  l'empire  otto- 
man ;  1 0"  X Antiquaire ,  comédie  imilée 
de  Goldoni. 

*  PORTE  (  Barthélémy  de  la  ) ,  prêtre 
et  théolosicn  ,  né  vers  1699  ,  était  selon 
le  Dictionnaire  des  anonymes  de  la  Cio- 
tat.  Il  paraît  quen'ayant  pas  voulu  signer 
le  formulaire  ,  il  s'était  attaché  au  dio- 
cèse de  Montpellier  ,  oîi  M.  Colbert  lui 
conféra  les  ordres.  L'auteur  de  l'article 
qui  le  concerne  dans  la  7"'®  édition  de  ce 
Dictionnaire  ,  semble  croire  que  cet  ec- 
clésiastique fut  le  même  qu'on  accusa 
d'intrigues  ,  et  qui  fut  exilé  en  1741  à 
Auxerre  et  en  1743  à  Bordeaux.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  l'abbé  de  la  Porte  mourut 
en  17  86  ,  après  avoir  publié  plusieurs 
ouvrages  qui  ont  tous  paru  sous  le  voile 
de  l'anonyme.  Nous  citerons  :  X" Le  con- 
ciliateur pacifique  ,  ou  Remarques  suc- 
cinctes d'un  théologien  de  province  sur 
la  lettre  de  l abbé  Joubert  au  P.  de  Saint- 
Gènes  sur  les  indulgences  ,  1760  ,  iu- 
12,  à  l'oecasion  des  écrits  de  Mariette  sur 
cette  matière  ;  2°  Lettre  d'un  Bordelais 
sur  la  vie  et  les  mystères  de  la  Sainte 
Vierge  ,  de  Lafiteau  ,  1759  ,  in-12  ,  de 
concert  avec  le  Père  Eyraar  ;  3"^  Lettres 
philosophiques  et  théologiques  ,  avec  la 
réfutation  d'une  instruction  pastorale 
de  M.  de  Beaumont ,  17 GO  ;  4"  Inscrip- 
tion en  faux  contre  le  texte  cité  sous  le 
iiom  de  Bossuet ,  dans  la  réclamation  de 
l'assemblée  du  clergé  ,  de  1760  ,  1761  , 
in-12  ;  h°  Principes  théologiques,  cano- 
niques et  civils  sur  l'usure ,  1763,  3  vol. 
in-12.  Ils  commencent  par  une /n/rorfwc- 
tion  intéressante  sur  les  écrits  pour  et 
contre  le  prêt  ,  et  finissent  par  six  Let- 
tres contre  le  Traité  des  prêts  de  com- 
merce ;  6"  Nouvelles  lettres  à  un  ami 
sur  les  prêts  usuraires  de  commerce , 
1769,  in-12.  Un  quatrième  volume, 
ajouté  aux  Principes  théologiques  ,  en 
1702  ,  est  spécialement  dirigé  contre  le 
Traité  des  prêts  de  Mignot.  1°  Lettre 
instructive  d'un  théologien  romain  sur 
la  nouvelle  dévotion  au  sacré  Cœur  , 
1773  (c'est  la  traduction  d'un  écrit  en 


POR 


6i 


italien ,  qui  avait  paru  à  Rome  )  ;  8"  Le 
Défenseur  de  l'usure  confondu  ,  ou  Ré- 
futation de  la  théorie  de  V intérêt  de  l'ar- 
gent, 1782,  in-12  ,  avec  un  recueil  d'or- 
donnances, par  Moltrot.  Il  est  à  regretter 
que  La  Porte  ,  homme  d'ailleurs  instruit 
et  régulier  ,  ait  mêlé  à  de  fort  bonnes 
raisons  des  expressions  dures  contre  ses 
adversaires.  —  Un  autre  La  Porte  (Jo- 
seph )  est  auteur  du  J^oyageur  français, 
1765-95,  42  vol.  trad.  en  espagnol  par 
M.  Estala  ,  et  des  Pensées  de  Massillon , 
1748,  1  vol.  in-i2;  on  les  joint  aux 
OEuvres  de  cet  éloquent  prélat.  Joseph 
La  Porte  mourut  en  1779. 

*  PORTE-DUTHEIL  (  François-Jean- 
Gabriel  La  )  gavant  littérateur ,  né  à  Pa- 
ris en  1742,  mort  le  28  mai  1815,  suivit 
d'abord  la  carrière  des  armes,  servit 
plusieurs  années  avec  distinction,  et  ob- 
tint la  décoration  de  Saint-Louis.  Retiré 
du  service  à  la  paix  de  1763 ,  il  se  livra 
tout  entier  à  la  culture  des  lettres  qu'il 
n'avait  pas  négligée  dans  les  camps,  et 
publia  plusieurs  traductions  d'ouvrages 
grecs.  En  1770  il  débuta  par  celle  de 
VOrcste  d'Eschyle  qu'il  accompagna  de 
notes  judicieuses  :  ce  travail  le  fit  ad- 
mettre la  même  année  à  l'académie  des 
Inscriptions.  En  1775  il  donna  la  Tra- 
duction de  Callimaque.  L'année  suivante 
il  partit  avec  rautori.<tation  du  gouverne- 
ment en  qualité  de  membre  du  comité 
des  Chartres,  établi  pour  la  recherche 
des  monumens  historiques.  Après  un  sé- 
jour de  plusieurs  années  en  Italie,  il  rap- 
porta en  France  17  ou  18  mille  pièces, 
dont  la  plupart  pouvaient  jeter  quelque 
jour  sur  l'histoire  de  l'Europe  aux  13*  et 
14^  siècles.  Un  grand  nombre  de  ces 
pièces  est  imprimé  dans  le  recueil  des 
Chartres,  actes  et  diplômes  relatifs  à 
l'histoire  de  France ,  dont  il  a  paru  en 
1791  3  vol.  in-fol.  Les  deux  derniers  sont 
entièrement  dus  à  Dutheii .  Ce  savant  de- 
vint conservateur  de  la  Bibliothèque 
royale.  On  a  de  lui  :  1"  Traité  de  Plu- 
tarque  sur  la  manière  de  discerner  un 
flatteur  d'avec  un  ami ,  en  grec  et  en 
français ,  1772,  in-8  ;  2°  Les  hymnes  de 
Callimaque,  en  grec  et  en  français, 
avec  des  notes  ,1775,  in-8  ;  3"  le  Théâtre 


63  POR 

d^ Eschyle ,  en  grec  et  en  français ,  avec 
des  notes,  1795 ,  2  vol.  in-8  ;  4»  Traité 
dt  feux  propres  à  détruire  les  ennemis , 
traduit  du  grec  de  Marcus,  1804  ,  in-4. 
Il  a  été  un  des  coopérateurs  du  Théâtre 
des  Grecs  du  Père  Brumoy ,  1786,  13 
vol.  in-8. 

*PORTEOUSouPoRTEDs(BeiIby),lord, 
évêque  de  Londres,  né  à  York  en  1731  , 
morteni  808,  futd'abord  chapelain  duroi, 
puis  curé  de  Lambeth ,  et  ensuite  évêque 
de  Chester ,  d'où  il  passa  sur  le  siège  an- 
glican de  Londres ,  après  le  célèbre  doc- 
teur Lowth.  Il  se  rendit  célèbre  par  ses 
talens,  ses  succès  dans  la  prédication 
et  sesnombreux  ouvrages  parmi  lesquels 
nous  citerons  :  1°  une  édition  de  la 
courte  réfutation  des  erreurs  de  V Eglise 
romaine ,  extraite  des  cinq  sermons  de 
Thomas  Secker ,  archevêque  de  Can- 
iorbéry,  1782;  2°  dix-huit  Discours 
prêches  par  lui  (  Porteous  )  à  Lambeth  , 
1783  ,  1  vol.  Il  y  établit  l'évidence  mo- 
rale et  naturelle  d'une  vie  future  indé- 
pendamment de  la  révélation.  A  ce  vo- 
lume il  en  ajouta  un  second  en  1794.  3° 
The  bénéficiai  effects  of  christianity  on 
the  temporal  concern  of  mankind ,  pro- 
ved  from  history  and  from  facts ,  Lon- 
don ,  1 806 ,  in-8  ;  traduit  en  français 
par  les  soins  des  éditeurs  du  Monthhj 
repertory ,  sous  ce  titre  ;  Heureux  effet 
du  christianisme  sur  la  félicité  tempo- 
relle du  genre  humain,  prouvés  par 
l'histoire  et  les  faits ,  suivis  des  prin- 
cipales preuves  de  la  vérité  et  de  la  di- 
vine origine  de  la  religion  chrétienne , 
Paris,  1808,  petit  in-8.  Cet  ouvrage, 
d'ailleurs  assez  court,  est  fait  dans  le 
meilleur  esprit ,  et  comme  l'a  remarqué 
un  critique ,  «  il  faut  que  le  mot  de  pa- 
pisme ait  échappé  au  bon  et  respectable 
évêque ,  pour  qu'on  ait  pu  deviner  que 
l'auteur  de  celte  production,  qui  an- 
nonce une  plume  véritablement  chré- 
tienne ,  appartenait  à  une  communion 
dissidente.  »  Porteous  cependant  était 
très  attaché  à  l'Eglise  établie ,  ce  qui 
rend  sa  modération  encore  plus  louable. 
On  dit  qu'il  avait  la  confiance  de  Geor- 
ges III ,  et  l'on  croit  qu'il  ne  fut  point 
étranger  aux  dispositions  de  ce  monarque 


POR 

envers  les  catholiques.  Outre  les  ouvrages 
ci-dessus  mentionnés,  il  a  laissé  plusieurs 
Mandemens ,  dont  quelques-uns  sur 
r incrédulité.  Ces  différens  ouvrages  ont 
été  recueillis  en  1811,  et  cette  édition 
est  précédée  d'une  Notice  sur  ce  prélat. 
En  181Ô  on  a  publié  en  anglais  Beautés 
du  docteur  Porteus,  et  en  1817  iSer- 
mons  tirés  des  leçons  de  V évêque  Porteus. 

PORTER  (  François  ) ,  né  en  Irlande 
dans  le  comté  de  Meath ,  fut  récollet  et 
professeur  en  théologie  dans  le  couvent 
de  Saint-Isidore  à  Rome.  Plusieurs  car- 
dinaux l'honorèrent  du  titre  de  leur 
théologien ,  et  Jacques  II  lui  donna  celui 
de  son  historiographe.  Ilmourutà  Rome, 
le  7  avril  1702.  On  a  de  lui  :  1°  Sccu- 
ris  evangelicaad  hœresis  radiées  posita, 
1674;  2°  Palinodia  religionis  prcetensœ 
reformatée,  1679;  3°  Compendium  An- 
nalium  ecclesiasticorum  regni  Hiber- 
niœ ,  1690,  in-4;  4°  Systema  decreto- 
rum  dogmaticorum  ab  initio  nascentis 
Ecclesiœ  per  summos  pontifices  ,  con- 
cilia generalia  et  particularia  hue  usque 
editorum,  1698. 

*  PORTER  (Miss  Anna-Maria) ,  auteur 
de  plusieurs  romans ,  appartient  à  une 
famille  anglaise  qui  s'est  distinguée  dans 
les  arts  et  dans  les  lettres  ;  sa  sœur  Jeanne 
est  connue  par  des  ouvrages  fort  agréa- 
bles dont  Chénier  a  parlé  dans  son  Ta- 
bleau historique  de  VEtat  et  des  pro 
grès  de  la  littérature.  Son  frère  Robert 
Ker  Porter  est  à  la  fois  peintre  et  litté- 
rateur. Miss  Anna-Maria  s'est  fait  con- 
naître comme  romancière  et  comme 
poète.  Elle  a  publié  :  1"  Contes  sans  art, 
1793,  2  vol.  in-12  ;  2°  Octavie  ,  1  798  ,  3 
vol.  in-12  ;  3°  le  lac  de  Killarney ,  1804, 
3  vol.  in-12;  4"  L'amitié  du  marin  et 
l'amour  du  soldat,  1805  ,  2  vol.  in-12. 
5°  Les  frères  Hongrois,  1807,  7  vol. 
in-12  ,  traduits  en  français.  6"  Vom  Se- 
bastien ou  la  maison  de  Bragance , 
1809,  4  vol.  in-12.  1°  Le  reclus  de  Nor- 
wége ,  1814,  4  vol.  in-12,  traduit  en 
français  par  M"*  Elisabeth  de  Bourbon  , 
1816,  4  vol.  in-12.  8°  Ballades,  ro- 
mances et  autres  poèmes  ,  1811,  in-8. 
Mis  Anna-Maria  Porter  est  morte  dans  le 
mois  de  juillet  1832. 


POR 

PORTES  ( Philippe  des) ,  né  à  Char- 
tres ,  en  1 546  ,  vint  à  Paris  et  s'y  attacha 
à  un  évêqufi  avec  lequel  il  alla  à  Rome 
où  il  apprit  la  langue  italienne.  De  retour 
en  France ,  il  se  livra  à  la  poésie  fran- 
çaise ,  qu'il  cultiva  avec  un  succès  dis- 
tingué. Peu  de  poètes  ont  été  aussi  bien 
payés  de  leurs  vers.  Henri  III  lui  donna 
10,000  écus  pour  le  mettre  en  état  de 
publier  ses  premiers  ouvrages,  et  Char- 
les IX  lui  avait  donné  800  écus  d'or  pour 
son  Rodomont.  L'amiral  de  Joyeuse  fit 
avoir  à  l'abbé  des  Portes  une  abbaye 
pour  un  sonnet.  Enfin  ,  il  réunit  sur  sa 
tête  plusieurs  bénéfices,  qui  tous  en- 
semble lui  produisaient  plus  de  10,000 
écus  de  rente.  Henri  III  faisait  aussi 
l'honneur  à  des  Portes  de  l'appeler  dans 
son  conseil ,  et  de  le  consulter  sur  les 
affaires  les  plus  importantes  du  royaume. 
On  prétend  qu'il  refusa  plusieurs  évê- 
chés ,  et  même  l'archevêché  de  Bor- 
deaux. Après  la  mort  de  Henri  III,  il 
embrassa  le  parti  de  la  ligue ,  et  contri- 
bua à  enlever  la  Normandie  à  Henri  IV  ; 
il  travailla  ensuite  à  la  faire  rentrer 
sous  son  obéissance,  et  obtint  l'amitié 
et  l'estime  de  ce  monarque.  Des  Portes 
mourut  en  1G06  ,  à  60  ans.  Nous  avons 
de  lui  :  1°  des  Sonnets;  2°  des  Stances; 
3°  des  Elégies  ;  4"  des  Cliansons  ;  5°  des 
Epigrammes  ;  6°  des  Imitations  de  FA- 
rioste  ;  7°  la  Traduction  des  Psaumes, 
en  vers  français,  1698  ,  in-8  ;  8°  d'autres 
Poésies ,  qui  virent  le  jour  pour  la  pre- 
mière fois  en  1573,  in-4.  La  muse  de 
des  Portes  a  une  naïveté  et  une  simpli- 
cité aimables  ;  il  est  le  premier  parmi  les 
poètes  français  qui  ait  possédé  l'inutile 
et  souvent  dangereux  talent  de  mettre 
de  l'agrément  et  de  la  délicatesse  dans 
les  vers  erotiques.  La  plupart  de  ses  piè- 
ces en  ce  genre  ne  sont  que  des  traduc- 
tions de  Tibulle ,  d'Ovide  ,  de  Properce , 
de  Sannazar.  Il  possédait  tous  les  poètes 
anciens  et  modernes ,  et  il  les  imitait 
souvent.  Malherbes  a  beaucoup  critiqué 
ses  ouvrages.  Des  Portes  était  neveu  de 
Mathurin  Régnier,  et  avait  un  frère, 
Joachim  des  Portes,  auteur  à'vai Abrégé 
de  la  vie  du  roi  Charles  IX. 

PORTES,  rayez  Dksportks. 


POR  63 

•PORTIER DE  l'Oise  (  Louis ),  député 
à  la  Convention  par  le  département  dont  il 
prit  le  nom,  naquit  à  Beauvais  le  t""  mai 
1765.  Il  était  clerc  de  procureur  à  Paris  et 
membre  de  la  basoche  ,  lorsque  la  révo- 
lution éclata.  Il  se  trouva  à  la  prise  de  la 
Bastille  avec  la  plupart  de  ses  camarades, 
et  reçut ,  comme  eux  ,  le  brevet  qui  at- 
testait sa  présence  dans  ce  premier  sou- 
lèvement révolutionnaire.  De  retour  à 
Beauvais  avec  le  titre  d'avocat  et  l'insigne 
dont  on  avait  décoré  les  vainqueurs  delà 
Bastille  ,  il  ouvrit  les  clubs  qui  s'organi- 
sèrent dans  son  département ,  et ,  en  ré- 
compense de  son  patriotisme,  il  reçut  les 
suffrages  de  ses  confrères  ,  les  patriotes 
de  sa  ville  natale ,  qui  l'envoyèrent  à  la  ' 
Convention  continuer  l'œuvred'anarchie, 
commencé  par  les  deux  assemblées  précé- 
dentes. Il  se  fit  d'abord  connaître  par  sa 
modération  ;  mais  il  ne  tarda  pas  à  chan- 
ger de  système,  et  il  vota  ,  dans  le  procès 
du  roi,  contre  l'appel  au  peuple,  et  pour 
la  mort  et  contre  le  sursis  ,  quoiqu'il 
eût  demandé  quelques  jours  auparavant 
que  le  procès  fût  porté  devant  le  tribunal 
criminel  de  Paris.  Après  le  9  thermidor, 
il  prit  part  à  toutes  les  mesures  qui  ten- 
daient à  réparer  les  excès  qui  avaient  eu 
lieu  ,  et  il  fit  décréter,  le  8  juillet  1796, 
qu'on  ne  ferait  plus  d'exécution  sur  la 
place  de  Louis  XV,  qu'on  appelait  alors 
la  Place  de  la  révolution.  Envoyé  la 
même  année  dans  la  Belgique  ,  il  pressa 
vivement  la  réunion  de  ce  pays  à  la  ré- 
publique française.  Il  fut  ensuite  élu  dé- 
puté au  conseil  des  cinq-cents  ,  puis 
membre  du  tribunat  ;  et ,  à  la  dissolution 
de  ce  corps  ,  il  devint  professeur  et  di- 
recteur des  écoles  de  droit  de  Paris , 
quoiqu'il  fût  hors  d'état  de  remplir  cette 
place  ;  mais  les  journaux  avaient  prôné 
un  Code  diplomatique  qu'il  avait  publié, 
contenant  le  texte  de  tous  les  traités 
conclus  avec  la  république  française  jus- 
qu'à la  paix  d'Amiens  ,  1802-1803  ,  4 
vol.  in-8.  Ce  n'était  cependant  qu'une 
maigre  et  sèche  compilation  de  diverses 
pièces  qu'il  avait  copiées  dans  le  Moni- 
teur. On  a  encore  de  lui  un  Essai  sur 
Boileau  ,  1804,  in-8  ;  un  Cours  de  lé- 
t/islation  administrative  f  1808,  2  vol. 


64  POR 

in-8 ,  et  quelques  autres  écrits  qui  ne 
valent  pas  mieux.  Ses  leçons  furent  sou- 
vent l'objet  de  la  critique  et  même  de  la 
risée  de  ses  élèves.  Il  mourut  le  5  mars 
1810, 

PORTIUS  (Grégoire) ,  Italien  de  na- 
tion, s'est  rendu  célèbre  vers  l'an  1630 
par  son  talent  pour  la  poésie  latine  et 
pour  la  poésie  grecque.  Il  a  composé 
dans  ces  deux  langues  des  Odes  ,  des 
Elégies,  des  Epigrammes.  On  admire 
surtout  la  facilité  et  le  naturel  de  ses 
vers  latins  :  qualités  d'autant  plus  esti- 
mables dans  ce  poète  ,  que  ceux  de  sa 
nation  semblent  ordinairement  aifecter 
l'enflure  et  l'hyperbole  ,  soit  dans  leurs 
pensées,  soit  dans  leurs  expressions. 

PORTIUS  ou  PoBZio  (Luc-Antoine) , 
néà  Naplesen  1639,  enseigna  la  médecine 
à  Borne  vers  1672  ,  passa  de  là  à  Venise , 
puis  à  Vienne  en  Autriche,  où  il  exerça  son 
art  avec  succès.  Il  termina  ses  jours  dans 
sa  patrie  après  l'an  1711.  On  a  de  lui  :  De 
militis  in  castris  sanitate  iueiida, 
Vienne,  1685,Leyde,  1741,  in  8  ;  en 
français,  sous  le  titre  de  Médecine  mili- 
taire,  Paris,  1744.  Ce  traité  est  estimé. 
On  a  encore  plusieurs  ouvrages  du  même 
auteur ,  réunis  sous  ce  titre  :  Opéra  mer 
dica,  philosophica  et  mathemaiica  in 
unum  collecta,  Naples,  1736,  2  vol. 
in-4. 

PORTIUS  (Simon).  Toyes  Porta. 

*PORTLA]ND  (  William-Henri  Caven- 
dish-Bentinck  ,  troisième  duc  de),  pair  et 
ministre  d'état  anglais ,  né  en  17  38  d'une 
famille  noble  et  ancienne,  était  arrière- 
petit-fils  du  premier  comte  de  Portiand , 
qui  fut  favori  deGuillaumeIII.il  fut  long- 
temps un  des  membres  les  plus  illustres 
du  parti  de  l'opposition  dans  la  chambre 
despairsoii  il  avait  été  appelé  en  1762. 
;Nommé  successivement  à  plusieurs  char- 
ges importantes,  il  devint  en  1783  pre- 
mier lord  de  la  trésorerie.  Son  ministère, 
appelé  le  ministère  de  la  coalition,  ayant 
été  renversé  la  même  année  par  le  parti 
de  la  cour,  il  retourna  sur  les  bancs  de 
Topposition  ;  mais  le  22  décembre  1792 
il  déclara  «  que  dans  la  crise  oii  se  trou- 
»  vait  la  Grande-Bretagne  ,  par  suite  de 
»  la  révolution  française,  il  se  croyait 


POR 

»  obligé  par  devoir  d'affermir  le  parti 
M  ministériel.  »  En  effet  il  vota  depuis 
constamment  en  sens  inverse  de  l'oppo- 
sition, et  il  parla  plusieurs  fois  pour  la 
continuation  de  la  guerre  avec  la  France. 
En  1794  il  fut  revêlu  de  la  place  de  se- 
crétaire d'état  au  département  des  affai- 
res intérieures  ;  et,  ensuite  nommé  vice- 
roi  d'Irlande ,  il  passa  en  1 803  aux  fonc- 
tions de  président  du  conseil-d'état  du 
royaume  uni  de  la  Grande-Bretagne,  qu'il 
garda  jusqu'à  la  mort  de  Pilt,  époque  à 
laquelle  il  quitta  momentanément  le  mi- 
nistère, 011  il  rentra  néanmoins  en  1807, 
comme  premier  lord'de  la  trésorerie.  U 
fut  de  nouveau  remplacé  en  1 809 ,  et 
mourut  à  la  fin  de  novembre  de  la  même 
année ,  des  suites  de  l'opération  de  la 
pierre.  Il  a  été  l'un  des  nombreux  écri- 
vains auxquels  on  a  .successivement  at- 
tribué les  Lettres  de  Junius  :  pour  éta- 
blir ce  système  on  a  publié  un  volume  in- 
titulé :  Letters  to  a  nohleman,  proving 
a  late  prime  rninisler ,  the  late  Duke  of 
Portiand,  to  hâve  been  Junius.  Voyez 
le  Monthly  Review  de  septembre  1816  , 
pag.  111. 

'PORTO- MAURIZIO  (Léonard  de)  , 
religieux  de  l'institut  des  frères  mineurs 
réformés  de  Saint-François ,  naquit  le 
20  décembre  1776  à  Port-Maurice,  ville 
ducale  de  l'état  de  Gênes  d'où  il  a  pris 
son  nom  :  il  était  de  la  famille  de  Casa- 
Nuova  ,  célèbre  dans  ce  duché.  Envoyé 
à  l'âge  de  12  ans  à  Rome  chez  un  oncle 
qui  prit  soin  de  son  éducation ,  il  fut  rais 
d'abord  sous  la  direction  d'un  prêtre 
pieux  qui  lui  enseigna  les  premiers  élé- 
mens  des  sciences  :  il  fit  ensuite  ses  hu- 
manités et  sa  philosophie  au  collège  ro- 
main tenu  par  les  jésuites.  A  l'âge  de  21 
ans,  il  résolut  de  quitter  le  monde,  et 
prit  le  2  octobre  1697  l'habit  monasti- 
que chez  les  religieux  réformés  francis- 
cains. Ordonné  prêtre  en  171  2,  il  se  dé- 
voua à  l'œuvre  des  missions  ,  et  continua 
pendant  40  ans ,  c'est-à-dire  tout  le  reste  j 
de  sa  vie,  l'exercice  de  ces  fonctions  pé- 
nibles. Il  parcourut  l'état  de  Gênes ,  la 
Toscane,  la  Corse,  les  Etais  romains, 
laissant  partout  des  marques  de  zèle  et 
des  fruits  de  son  apostolat.  A  Rome,  il  j 


1 


POR 

établit  au  Colisée ,  si  souvent  arrosé  du 
sang  des  martyrs ,  la  pratique  sainte 
connue  sous  le  nom  de  Chemin  de  la 
Croix.  Il  mourut  dans  cette  capitale  au 
couvent  de  Saint-Bonaventure ,   le    2G 

novembre  1751  ,  à  l'âge  de  75  ans.  Il 
fut  regretté  de  Benoît  XIV ,  qui  souvent 
était  allé  l'entendre ,  et  qui  rendit  un  té- 
moignage public  à  ses  vertus.  On  a  du 
Père  Léonard  de  Port-Maurice  :  1°  Ilte- 
snro  nascosto ,  ov^ero  pregi  ed  eccel- 
lenze  délia  sanla  messa,  Rome  ,  1737- 
L'ouvrage  est  dédié  à  Clément  XII.  2" 
Alanuale  sacro ,  ovi>eroraccoltà  divarf 
documenli  spivituali  per  le  monache, 
Venise,  1734;  3"  Direttorio  délia  con- 
fessione  générale  y  Rome,  17  39;  4°  La 
viadel paradiso ,  considerazioni  sopra 
le  massine  eterne ,  e  sopra  la  passione 
dcl  Signore ,  Bergame,  etc.  Le  Père 
Léonard  avoue  devoir  beaucoup  au  Père 
Paul  Scgncri,  et  avoir  souvent  profité 
de  ses  ouvrages  dans  ses  sermons  et 
autres  compositions.  On  a  réuni  tous  les 
écrits  du  Père  Léonard  en  2  vol. ,  sous 
le  titre  d'O^'wi^/'e^  morales,  etc. ,  Ve- 
nise, 17  42,  plusieurs  fois  réimprimées 
ailleurs.  Le  Père  Raphaël  de  Rome ,  du 

.  même  ordre,  a  écrit  sa  Fie,  1753. 

PORTUS  (François),  célèbre  philo- 
logue ,  né  dan?  l'île  de  Candie  en  1511. 
(  Il  eut  une  chaire  de  grec  à  Modène  ; 
mais  ses  sarcasmes  contre  la  cour  de 
Rome  la  lui  firent  perdre.  Il  se  rendit  à 
Ferrarc,  oîi  la  duchesse  Renée  de  France 
lui  confia  l'éducation  de  ses  enfans ,  et 
le  chargea  de  la  correspondance  qu'elle 
entretenait  avec  Calvin ,  dont  Portus 
avait  embrassé  la  doctrine.  Après  la  mort 
de  cette  princesse,  il  passa  à  Genève  oîi 
il  mourut  en  1581  ,  à  70  ans.)  On  a  de 
lui  :  1°  des  Additions  au  Dictionnaire 
grec  de  Constantin,  Genève,  1593,  in- 
fol.  ;  2°  des  Commentaires  sur  Pindare, 
sur  Thucydide ,  sur  Longin,  et  sur  plu- 
sieurs autres  auteurs  grecs. —  Son  fils, 
Emilius  Portus  ,futhabile  dans  la  langue 
grecque,  l'enseigna  à  Lausane  et  à  Hei- 
delberg.  On  a  de  lui  :  l"  Dictionarium 
ionicum  et  doricum ,  grœco-latinum, 
Francfort,  1603,  2  vol.  in-8  ;  2"  une  Tra- 
duction de  Suidas ,  et  d'autres  ouvrages. 

XI. 


PQR  65 

PORUS ,  roi  d'une  partie  des  Indes , 
entre  les  fleuves  d'Hydaspe  et  Acesine, 
possédait  un  empire  considérable  ,  dont 
on  croit  que  La-Hor,  autrefois  Lo-Pore, 
était  la  capitale.  Alexandre,  vainqueur 
de  Darius ,  le  fit  sommer  par  ses  ambas- 
sadeurs, l'an  328  avant  J.  C,  de  lui  faire 
hommage  de  ses  états.  Le  monarque  in- 
dien ,  surpris  d'une  telle  proposition , 
lui  fit  dire  «  qu'il  irait  sur  les  frontières 
»  de  son  royaume  le  recevoir  les  armes 
»  à  la  main.  «  Il  s'approcha  en  effet  avec 
son  armée  des  bords  de  l'Hydaspe,  pour 
en  défendre  le  passage  au  conquérant 
macédonien.  Ce  torrent  était  une  bar- 
rière en  quelque  sorte  insurmontable. 
Cependant  Alexandre  passa  ce  fleuve  à 
la  faveur  des  ténèbres ,  et  battit  le  fils 
aîné  de  Porus.  Ce  prince  livra  un  second 
combat,  oîi  il  fut  de  nouveau  vaincu, 
quoiqu'il  eût  montré  dans  la  bataille  la 
conduite  d'un  général  et  la  bravoure 
d'un  soldat.  Enfin  ,  percé  de  coups ,  il  se 
retirait  sur  son  éléphant.  On  l'atteignit, 
et  Alexandre  ,  admirateur  de  son  cou- 
rage ,  envoya  un  prince  indien  pour 
l'engager  à  se  rendre.  «  N'entends-je 
»  point ,  lui  dit  Porus ,  la  voix  de  ce 
3)  traître  à  la  patrie  ?  »  Et  il  se  saisit  en 
même  temps  d'un  dard  pour  le  percer. 
Alexandre  le  fit  de  nouveau  solliciter 
par  ses  amis ,  qui  le  déterminèrent  à  se 
rendre,  mais  non  pas  à  rabattre  de  sa. 
fierté.  Comment ,  lui  demanda  le  vaiu- 
queur,  veux-tu  que  je  te  traite? —  En 
roi,  réponditle  vaincu.  Charmé  de  cette 
uéponse  généreuse ,  Alexandre  ordonna 
qu'on  prît  grand  soin  de  sa  personne  ;  il 
lui  rendit  ses  étals ,  et  y  ajouta  de  nou- 
velles provinces.  Porus,  pénétré  de  re- 
connaissance ,  suivit  son  bienfaiteur  dans 
toutes  ses  conquêtes ,  après  lui  avoir 
juré  une  fidélité  qu'il  ne  viola  jamais. 

POSADAS  (François),  dominicain, 
canonisé  en  1 81 8,  naquit  à  Cordoue  dans 
l'Andalousie,  de  parens  pauvres  mais 
vertueux  ;  il  se  signala  dans  son  ordre 
par  le  talent  d'instruire  les  pauvres  de 
la  campagne ,  et  de  ramener  à  une  vie 
exemplaire  les  personnes  du  grand 
monde.  Son  mérite  le  fit  nommer  à  ua 
évêché  ;  mais  son  humilité  le  porta  à  le 

9- 


66  POS 

refuser.  Tout  ce  qu'il  y  avait  de  grand 
en  Espagne  avait  pour  lui  une  considé- 
ration singulière.  On  le  consultait  comme 
rm  oracle.  Le  Père  Posadas  mourut  à 
Cordoue  en  1713  ,  après  une  longue  vie 
passée  dans  les  bonnes  œuvres  et  les 
austérités.  La  voix  publique  l'a  déjà  ca- 
nonisé ,  et  on  a  commencé  à  faire  les 
informations  pour  procéder  un  jour  à  la 
canonisation  authentique  de  ce  .serviteur 
de  Dieu,  qui  avait  été  béatifié  le  20  sep- 
tembre 1817.  Un  savant  religieux  de  son 
ordre  a  écrit  sa  Vie  ,  et  l'a  publiée  en  1 
gros  vol.  in-fol.  Vincent  de  Castro  en  a 
donné  un  abrégé,  Rome,  1818,  in-12. 
On  a  du  Père  Posadas  plusieurs  ouvrages 
qui  respirent  la  plus  haute  piété  :  \°  Le 
Triomphe  de  la  chasteté  contre  les  er- 
reurs de  Molinos,  in-4  ;  2°  La  Vie  de 
saint  Dominique  de  Guzman ,  in-4  ; 
3°  Sermons  doctrinaux ,  2  vol.  iij-4  ; 
4°  Sermons  de  la  Sainte  Vierge  Marie, 
in-4.  On  a  encore  de  lui  divers  Traités 
de  théologie  mystique ,  qui  pourraient 
former  6  vol.  in-4.  Us  sont  restés  ma- 
nuscrits. 

"  POSSELT  (  Ernest-Louis  ),  historien 
et  publiciste  allemand  ,  né  à  Bade  en 
1763  ,  d'un  conseiller-antique  de  Dour- 
lach  ,  termina  d'une  manière  brillante 
ses  études  à  l'université  de  Goettingue. 
Après  avoir  suivi  ses  cours  de  droit  à 
Strasbourg  et  y  avoir  été  reçu  docteur  , 
il  retourna  dans  sa  patrie  où  il  s'attacha 
momentanément  au  barreau.  Bientôt  dé- 
goûté de  cette  carrière ,  il  sollicita  et 
obtint  la  chaire  de  droit  et  d'éloquence 
au  gymnase  de  Carlsruhe ,  et  reçut  en 
outre  le  titre  de  secrétaire  privé  du  Mar- 
grave. Posselt  s'efforça  de  diriger  son  en- 
seignement dans  un  sens  politique  ,  et  , 
dans  plusieurs  de  ses  discours  ,  il  repro- 
duisit quelques-uns  de  ces  faits  propres 
à  électriser  un  auditoire  ,  mais  capables 
aussi  de  donner  aux  masses  le  sentiment 
de  leur  force,et  par  conséquent  d'inspirer 
l'esprit  de  révolte.  Cette  innovation  con- 
tribua à  le  faire  connaître  ;  et,  comme  il 
avait  entremêlé  ses  écrits  d'hommages 
adroits  adressés  aux  princes  d'Allema- 
gne ,  il  reçut  de  nombreuses  félicita- 
tions et  des  offres  d'emplois.  En  1791  il 


POS 

obtint  une  place  de  bailli  à  Gernsbacb  , 
près  de  Rastadt ,  qui  ,  lui  donnant  peu  ' 
d'occupation  ,  lui  permit  de  fixer  toute 
son  attention  sur  les  grands  événemens 
qui  se  passaient  en'  France  ,  et  il  se  dé- 
clara chaudement  pour  le  parti  de  la  ré- 
volution, il  écrivit  en  latin  V Histoire  des 
premières  guerres  des  Français  contre 
les  coalisés ,  qu'il  fit  imprimer  à  Goet- 
tingue en  1793  ,  et  qui  a  été  traduit  en 
allemand  et  en  français.  Il  commença 
aussi  son  Almanach  de  Vhistoire  de  nos 
jours  qu'il  continua  pendant  8  ans  (1 7  92- 
1800).  S'étant  lié  avec  le  général  Mo- 
reau  ,  il  le  suivit  à  Strasbourg  avec  le 
projet  de  recueillir  auprès  de  lui  les  dp- 
cumens  de  l'histoire  de  la  fameuse  re- 
traite de  Bavière  ,  et  il  la  publia  dans 
les  Annales  européennes  ,  ouvrage  dont 
il  était  le  rédacteur  et  qui  parut  de  1795 
à  1804.  On  fit  à  Strasbourg  une  traduction 
française  de  l'histoire  de  cette  retraite 
avec  des  notes.  Posselt  eontinua  depuis 
à  correspondre  avec  le  général  français  ; 
mais  celui-ci ,  ayant  été  accusé  de  haute 
trahison  en  1 804  ,  et  le  Moniteur  ayant 
parlé  de  prétendues  trames  ourdies  en 
Allemagne  ,  il  craignit  d'être  impliqué 
dans  la  procédure  ;  et  frappé  de  terreurf, 
il  quitta  subitement  Bade  ,  erra  de  ville 
en  ville  ,  ne  se  croyant  nulle  part  en  sû- 
reté ;  enfin  son  imagination  se  troubla  à 
tel  point  qu'étant  arrivé  au  mois  de  juin 
1804  à  Heidelberg  ,  il  s'élança  d'un  troi- 
sième étage  sur  le  pavé  de  la  rue  et  expira 
quelques  heures  après.  On  a  encore  de 
cet  écrivain  un  grand  nombre  d'ouvra- 
ges ,  oîi  l'on  trouve  de  la  profondeur  , 
beaucoup  de  facilité  ,  mais  trop  de  pen- 
chant à  l'enthousiasme.  Les  principaux 
sont  :  1"  Histoire  des  ligues  des  princes 
allemands  ,  Leipsick  ,  1 787  ,  ouvrage 
fait  à  l'occasion  de  la  ligue  de  la  Prusse 
et  de  petits  états  d'Allemagne  pour  proté-  i 
ger  la  Bavière  contre  l'Autriche  ;  2°  His^  1 
taire  des  Allemands  ,  tome  1  et  2 ,  Leip-  ' 
sick ,  1 789-90.  Posselt  n'a  pas  continué 
cette  histoire  ;  mais  Pœlitz  y  a  ajouté  un 
3*  vol.  en  1805;  3°  Remarques  sur  l'his- 
toire secrète  de  la  cour  de  Berlin  ,  par 
Mirabeau  ,  Carlsruhe  ,  1789  ,  in-8  ;  4° 
Archives  de  l'histoire  ,  de  la  politique 


POS 

et  de  la  géographie  ancienne  et  moderne, 
surtout  de  V Allemagne  ,  tom.  1  et  2  , 
Memroingen  ,  1790-92  ,  ouvrage  non 
achevé  ;  5"  Histoire  de  Gustave  III ,  roi 
de  Suède  ,  Carlsruhe  ,  1792,  nouvelle 
édition,  Giessen  ,  1805.  C'est  un  des 
meilleurs  ouvrages  de  Posselt ,  et  il  a  été 
traduit  en  français,  Genève,  1807  ,  in-8  ; 
6°  Histoire  impartiale  ,  complète  et  au- 
thentique du  procès  de  Louis  XVI , 
Baie  ,  tome  1  et  2.  Cette  édition  n'ayant 
pas  été  mise  en  circulation  ,  l'ouvrage  a 
été  réimprimé  à  Nuremberg  en  1802  , 
mais  le  tome  1  a  vu  seul  le  jour  ;  7"  An- 
nales européennes,  Tubingue  ,  1795- 
1805  ,  10  années.  Après  la  mort  de  Pos- 
selt ,  ce  journal  a  été  continué  par  d'au- 
tres rédacteurs.  On  y  trouve  des  maté- 
riaux sur  l'histoire  des  guerres  et  autres 
événemens  de  la  révolution.  8°  Diction- 
naire de  la  révolution  française  ou  Re- 
cueil des  notices  biographiques,  tom.  1, 
Nuremberg  ,  1802.  Tins  Discours  et  plu- 
sieurs autres  écrits ,  sur  lesquels  ou  peut 
consulter  le  4*  volume  du  Dictionnaire 
des  poètes  et  prosateurs  allemands  ,  par 
Joerdens. 

POSSEVIN  (Antoine),  né  à  Man- 
toue  en  1534 ,  fut  d'abord  précepteur  de 
François  et  de  Scipion  de  Gonzague, 
entra  ensuite  dans  la  compagnie  de  Jé- 
sus en  1559.  Il  prêcha  en  Italie  et  en 
France  avec  un  succès  distingué,  et  fut 
fait  successivement  recteur  des  collèges 
d'Avignon  et  de  Lyon.  EverardMercurien, 
général  de  son  ordre ,  l'appela  à  Rome 
en  J572,  et  le  fit  son  secrétaire.  Son 
génie  pour  les  langues  étrangères  et  pour 
les  négociations  le  fit  choisir  par  le  pape 
Grégoire  XIII  pour  être  envoyé  en  qua- 
lité de  nonce  à  la  cour  de  Suède;  Maxi- 
milien  II ,  empereur  d'Allemagne,  ledé- 
cora  du  titre  d'ambassadeur.  Il  travailla 
beaucoup  en  Suède  pour  les  intérêts  de  la 
religion  catholique,  el  parvint  à  engager 
le  roi  Jean  à  abjurer  le  luthéranisme  le 
16  mai  1578.  Mais  ce  succès  ne  fut  point 
de  longue  durée.  Il  fut  encore  envoyé 
en  qualité  de  nonce  en  Pologne  et  en 
Russie,  en  1581  ,  rétablit  la  bonne  in- 
telligence entre  Jean  III ,  roi  de  Pologne, 
et  le  czar  Basilowitz ,  et  consacra  tous 


POS  67 

ses  soins  à  la  réunion  des  Russes  à  l'E- 
glise romaine.  On  peut  voir  le  succès  de 
cette  entreprise  dans  son  ouvrage  inti- 
tulé Moscovia.  De  retour  en  Italie  en 
1 586  ,  il  demeura  pendant  quatre  ans  à 
Padoue  ,  oii  il  dirigea  la  conscience  de 
saint  François  de  Sales.  Il  travailla  à 
Rome  à  la  réconciliation  de  Henri  IV 
avec  le  saint-Siége.  Ce  zèle  ne  plut  pas 
aux  Espagnols ,  qui  se  défiaient  de  la 
conversion  de  ce  prince ,  et  qui  firent 
donner  ordre  à  Possevin  de  sortir  de 
cette  ville.  Il  mourut  à  Ferrare  le  2G  fé- 
vrier 1611  ,  âgé  de  77  ans.  Nous  avons 
de  lui  divers  ouvrages.  Les  plus  impor- 
tans  sont  :  1  °  Sa  Bibliothèque  choisie , 
Rome,  1593  ,  in-fol. ,  pleine  d'érudition 
et  de  recherches  ;  mais  l'auteur  ne  fait 
pas  toujours  un  assez  bon  choix  des 
écrivains  qu'il  consulte  ;  il  en  censure 
d'autres  avec  trop  peu  de  ménagement  : 
il  y  a  d'ailleurs  des  négligences  et  des 
inexactitudes  ;  2"  Apparatus  sacer  ad 
scriptores  vcteris  et  novi  Tesiamenti , 
en  3  vol.  in-fol.  ;  ouvrage  qui  a  eu  beau- 
coup de  cours  ;  3°  Moscovia ,  Cologne , 
in-fol,  1587.  C'est  une  description  fort 
étendue  de  l'état  des  Moscovites,  de 
leurs  mœurs ,  de  leur  religion ,  etc.  ; 
4°  Judicium  de  Nuce  (la  Noue  ) ,  Joan- 
nis  Bodini ,  Philippi  Mornœi  et  Nicolai 
Machiavelli  quibusdam  scriptis ,  Rome, 
1592  ,  et  Lyon,  1593  :  ouvrage  fait  par 
ordre  d'Innocent  IX  ;  5°  Confutatio  mi- 
nistrorum  Transylvaniœ  et  Francisci 
Davidis  ,  de  Trinitate  ;  6"  Miles  chris- 
tinnus  ;  1"  quelques  Opuscules  en  ita.- 
lien ,  dont-on  peut  voir  le  titre  dans  le 
Dictionnaire  trjpographique.  Le  Père 
Dorigny ,  jésuite ,  a  donné  la  Vie  de  cet 
habile  négociateur,  en  1712,  in-12. 
Elle  est  curieuse  et  intéressante.  — Il  ne 
faut  pas  le  confondre  avec  Antoine  Pos- 
sevin ,  son  neveu,  natif  de  Mantoue, 
dont  on  a  Gonzagarum  Mantuœ  et  Mon- 
iisferati  ducum  historia ,  Mantoue , 
1628,iri-4. 

POSSIDIUS ,  élu  en  397  évêque  de 
Calame  en  Numidie,  et  disciple  de  saint 
Augustin ,  recueillit  les  derniers  soupirs 
du  saint  docteur  en  430.  On  a  de  lui  la 
Vie  de  son  maître  ,  écrite  d'un  stile  assez 


68  POS 

simple  ;  mais  il  y  a  beaucoup  d'exacli- 
tude  et  de  vérilé  dans  les  faits.  Il  y  a 
joint  le  catalogue  des  ouvrages  de  ce 
Père,  avec  lequel  il  avait  eu  le  bonheur 
de  vivre  pendant  près  de  40  ans.  Cette 
Vie  a  paru  à  Naples ,  avec  de  savantes 
notes,  1731,  et  à  Augsbourg,  1764,  avec 
une  dissertation  critique  :  De  variis  ges- 
ils ,  dictis  ac  visionibus  sancto  jiugus- 
iino  falso  aut  minus  solide  aitributis. 

POSSIDOKIUS  ou  PosiDONius  ,  astro- 
nome et  mathématicien  d'Alexandrie, 
naquit  à  Apamée  en  Syrie  et  vivait  après 
Eratosthèue  et  avant  Ptolémée.  Il  mesura 
la  circonférence  de  la  terre,  et  la  trouva 
de  30,000  stades  ;  mais  comme  les  plus 
habiles  astronomes  modernes  n'ont  pu 
encore  s'accorder  sur  cette  mesure,  il  ne 
faut  pas  s'étonner  si  Possidonius  ne  fit 
pas  un  calcul  bien  juste.  —  Il  ne  faut  pas 
le  confondre  avec  Possidonius  d'Apamée, 
célèbre  philosophe  stoïcien  ,  qui  tenait 
son  école  à  Rhodes.  Celui-ci  florissait 
vers  l'an  30  avant  J.  C.  Pompée,  à  son 
retour  de  Syrie ,  après  avoir  heureuse- 
ment achevé  la  guerre  contre  Mithridate, 
vint  exprès  à  Rhodes  pour  profiter  en 
passant  de  ses  leçons.  On  lui  apprit  qu'il 
était  fort  malade  d'un  accès  de  goutte, 
qui  lui  faisait  souffrir  de  cruels  tour- 
mens.  Il  voulut  du  moins  voir  celui  qu'il 
s'était  flatté  d'entendre  raisonner  sur  des 
sujets  philosophiques.  Il  alla  chez  lui,  le 
salua,  et  lui  témoigna  la  peine  qu'il 
avait  de  ne  pouvoir  l'entendre.  «  Il  ne 
»  tiendra  qu'à  vous  ,  répartit-il ,  et  il  ne 
»  sera  pas  dit  qu'à  cause  de  ma  maladie, 
»  un  si  grand  homme  soit  venu  me  voir 
»  inutilement.  »  Il  commença  donc  dans 
son  lit  un  long  et  grave  discours  sur  ce 
dogme  des  stoïciens  :  «  Qu'il  n'y  avait 
M  rien  de  bon  que  ce  qui  est  honnête  :  » 
sentiment  que  les  seuls  épicuriens  s'avi- 
sent de  contester.  Et  comme  la  douleur 
se  faisait  sentir  vivement ,  il  répéta  sou- 
vent :  «  Tu  ne  gagneras  rien,  ô  douleur  ! 
»  quelque  incommode  et  violente  que  tu 
»  puisses  être,  je  n'avouerai  jamais  que 
»  tu  sois  un  mal.  »  Rravades  philosophie 
ques ,  froides  et  pauvres  ressources  con- 
tre les  malheurs  et  les  soufiiances  de 
l'humanité. 


POS 

POSSIN.  Voyez  Poussines. 

POSTEL  (Guillaume),  savant  et  cé- 
lèbre visionnaire ,  né  l'an  1 510,  à  la  Do- 
lerie, hameau  delà  paroisse  de  Barenton 
en  Normandie  ,  perdit  à  8  ans  son  père 
et  sa  mère ,  qui  moururent  de  la  peste. 
La  misère  l'ayant  chassé  de  son  village , 
il  se   fit  maître  d'école,  âgé  seulement 
de  1-i  ans,  dans  un  autre  village  près  de 
Pontoise.  Dès  qu'il  eut  ramassé  une  pe- 
tite somme  ,  il  vint  continuer  ses  études 
à  Paris.  Pour  éviter  la  dépense,  il  s'asso- 
cia avec  quelques  écoliers  ;  mais  il  ne  fut 
pas  long-temps  à  s'en  repentir  :  dès  la 
première  nuit  on  lui  vola  son  argent  et 
ses  habits.  Le  froid  qu'il  endura  lui  causa 
une  maladie  qui  le  réduisit  à  souffrir 
pendant  deux  ans  dans  un  hôpital.  Sorti 
de  cet  asile  de  la  misère  ,  il  alla  glaner 
en  Beauce.  Son  industrie  laborieuse  lui 
ayant  procuré  un  habit,  il  vint  continuer 
ses  études  au  collège  de  Sainte-Barbe, 
oii  il  s'engagea  à  servir  quelques  régens. 
Ses  progrès  furent  si  rapides,  qu'en  peu 
de  temps  il  acquit  une  science  univer- 
selle. François  \" ,  touché   de  tant  de 
mérite  uni  à  tant  d'indigence ,  l'envoya 
en  Orient ,  d'où  il  rapporta  plusieurs 
manuscrits  précieux. Ce  voyagelui  mérita 
la  chaire  de  professeur  royal  de  mathé- 
matiques et  de  langues ,  avec  des  ap- 
pointemens  considérables.  Sa  façon  d'en- 
seigner, et  surtout  sa  façon  de  vivre,  lui 
suscitèrent  divers  ennemis.  La  reine  de 
Navarre,  irritée  de  son  attachement  au 
chancelier  Poyet,  lui  fit  perdre  ses  places. 
Obligé  de  quitter  la  France,  il  passa  à 
Vienne ,  s'en  fit    chasser  ;  se   rendit  à 
Rome,  se  fit  jésuite,  fut  exclu  de  l'ordre, 
et  mis  en  prison  l'an  154i>,  pour  avoir 
commencé  à  répandre  des  erreurs.  Après    ' 
une   année   de  captivité,  il  se  relira  à    ■ 
Venise  ,  oii  une  vieille  fille  s'empara  de    \ 
son  cœur  et  de  son  esprit.  Il  s'oublia   y 
jusqu'à  soutenir  que  la  rédemption  des   ( 
femmes  n'était  pas  achevée,  et  que  la   | 
Mère  Jeanne  { c'était  le  nom  de  sa  Véni-   i 
tienne  )  devait  terminer  ce  grand   ou- 
vrage :  c'est  sur  cette  enthousiaste  qu'il  • 
publia  son  livre  extravagant  ;  Des  très 
merveilleuses  victoires  des  femmes  du    j 
Nouveau-Monde ,  et  comment  elles  doi- 


1 


POS 

vent  par  raison  à  tout  le  monde  comman- 
der, et  même  à  ceux  qui  auront  la  mo- 
narchie du  Monde-Fieil,  Paris,  1653, 
in-16.  Ses  rêveries  le  firent  enfermer; 
mais  on  le  relâcha  ensuite  comme  un 
insensé.  De  retour  à  Paris  en  1553,  il 
continua  à  débiter  ses  extravagances. 
Contraint  de  fuir  en  Allemagne  ,  il  se 
retira  à  la  cour  de  Ferdinand  ,  qui  l'ac- 
cueillit assez  bien,  et  il  professa  quelque 
temps  dans  l'université  de  Vienne  eu 
Autriche.  L'amour  de  la  patrie  le  sollici- 
tant de  retourner  en  France ,  il  adressa 
une  rétractation  k  la  reine,  qui  le  rétablit 
dans  sa  chaire  du  Collège  royal.  Son 
changement  n'était  pas  sincère.  Il  cher- 
cha à  répandre  ses  folies,  et  fut  relégué  au 
monastère  de  Saint-Martin-des  Champs  , 
où  il  fit  pénitence  ,  et  où  il  mourut 
en  1581,  âgé  de  71  ans.  Postel  se  faisait 
beaucoup  plus  vieux  ;  il  attribuait  sa  con- 
stante santé  et  sa  longue  vie  à  l'avantage 
de  n'avoir  jamais  approché  d'aucune 
femme.  Il  voulait  persuader  aussi  qu'il 
était  ressuscité  ;  et,  pour  prouver  ce  mi- 
racle à  ceux  qui  l'avaient  vu  autrefois 
avec  un  visage  pâle,  des  cheveux  gris  et 
une  barbe  blanche ,  il  se  fardait  secrè- 
tement, et  se  peignait  la  barbe  et  les 
cheveux.  C'est  pourquoi,  dans  la  plupart 
de  ses  ouvrages  ,  il  s'appelait  Postellus 
Restitutus.  Quelques  auteurs  ont  écrit 
qu'il  a  vécu  cent  ans  ,  qu'à  la  fin  de  ses 
jours  il  rajeunit,  et  que  ses  cheveux 
blancs  devinrent  tout  noirs.  Postel  était, 
malgré  ses  rêveries ,  un  des  génies  les 
plus  étendus  de  son  siècle.  Il  avait  une 
vivacité, une  pénétration,  et  une  mémoire 
qui  allaient  jusqu'au  prodige.  Il  connais- 
sait parfaitement  les  langues  orientales, 
une  partie  des  langues  mortes,  et  presque 
toutes  les  vivantes  ;  il  se  vantait  de  pou- 
voir faire  le  tour  du  monde  sans  truche- 
ment. François  I""  et  la  reine  de  Navarre 
le  regardaient  comme  la  merveille  de  leur 
siècle.  Charles  I\  l'appelait  son  philoso- 
phe. On  assure  que  quand  il  enseignait  à 
Paris  dans  le  collège  des  Lombards ,  il  y 
avait  une  si  grande  foule  d'auditeurs, 
que  la  salle  de  ce  collège  ne  pouvant  les 
contenir ,  il  les  faisait  descendre  dans  la 
cour  et  leur  parlait  d'uue  fenêtre.  On  ne 


POS  69 

peut  nier  qu'il  n'eût  fait  beaucoup  d'hon- 
neur aux  lettres ,  si ,  à  force  de  lire  les 
rabbins  et  de  contempler  les  astres  ,  il 
n'avait  pas  perdu  la  tète.  Ses  principales 
chimères  étaient ,  que  les  femmes  domi- 
neraient un  jour  sur  les  hommes;  que 
toutes  les  sectes  seraient  sauvées  par 
J.  C;  que  la  plupart  des  mystères  du 
christianisme  pouvaient  se  démontrer 
par  la  raison  ;  que  l'ange  Raziel  lui  avait 
révélé  les  secrets  divins,  et  que  ses  écrits 
étaient  les  écrits  de  J.  C.  même;  enfin  , 
que  l'âme  d'Adam  était  entrée  dans  son 
corps.  Ces  folles  idées  étaient  plus  dignes 
de  compassion  que  de  châtiment ,  et 
Postel  était  un  de  ces  hommes  qui  sont 
moins  méchans  que  fous.  Dans  la  foule 
d'écrits  dont  il  surchargea  l'univers  lit- 
téraire, on  ne  citera  que  les  principaux  ; 
1'^  Clavis  absconditorum  a  constitulione 
mundi,  Paris,  1547,  in-lG,  et  Amsterdam, 
1G46,  in-12.  Cette  dernière  édition  est 
très  commune  ,  la  première  est  fort  rare. 
Quelques-uns  ont  comparé  à  cet  ouvrage 
extravagant  celui  de  M.  Court  de  Gébe- 
lin,  Ze  Mande  primitif  analysé  et  consi- 
déré dans  son  génie  allégorique,  et  dans 
les  allégories  auxquelles  conduit  ce  génie; 
mais  il  faut  convenir  que,  malgré  quel- 
ques rapports  du  côté  de  l'imagination, 
le  parallèle  dans  sa  généralité  est  peu 
exact.  2"  De  ultimo  judicio,  sans  nom  de 
ville  ni  d'imprimeur,  et  sans  date,  in-16. 
C'est  un  des  plus  rares  ouvrages  de  Pos- 
tel. 3°  Apologie  contre  les  détracteurs 
de  la  Gaule,  qui  renferme  des  choses 
singulières;  4"  V Unique  moyen  de  V ac- 
cord des  protestans  et  des  catholiques  ; 
b°  les  Premiers  élémens  d'£uclide  chré- 
tien., pour  la  raison  de  la  divine  et  éter- 
nelle vérité  démontrée,  traduits  du  latin, 
Paris,  1579,  J  vol.  in-16;  C"  la  Divina 
ordinazione ,  1vol.  in-8,  1556,  ouest 
compi'ise  la  raison  de  la  restitution  de 
toutes  choses  ;  7°  Merveilles  des  Indes , 
1553,  1  vol.  in-16;  8°  Description  et 
carte  de  la  Terre-Sainte,  1553;  9°  Les 
Raisons  de  la  monarchie,  Paris,  1551, 
1  vol.iu-8;  1  (i"  Histoire  des  Gaulois  depuis 
le  déluge,  Paris,  1552,  1  vol.  in-16;  11° 
La  Loi  salique  ,  1552;  12°  De  Phœni- 
cum  lilleris ,  Paris,   1552,  1  vol.  in-8, 


70  POS 

petit  format  ;  1 3°  Liber  de  causis  natU' 
rœ,  1552,  1  vol.  in- 16;  14°  Z?e  origini- 
bus  nationum,  1553 ,  1  vol.  in-8;  15°  Le 
prime  nuove  deW  altro  mondo ,  cioè  la 
f^ergine  venitiana  y  1555,  1  vol.  in-8; 
16°  Traité  de  ï  origine  del'Etrurie;  17° 
Epistola  ad  Skwenfeldium  de  Firgine 
venitiana,\ bbQ ,  1  vol.  in-8;  18°  Recueil 
des  prophéties  les  plus  célèbres  du 
monde,  par  lequel  il  se  voit  que  le  roi 
François  /*'"  doit  tenir  la  monarc/Ue  de 
tout  le  Monde  ;  1 9°  Alcorani  et  Evange- 
lii  concordia,  Paris,  1543,  1  vol.  in-8; 
20°  De  rationihus  Spiritus  sancti,  idem  ; 
2\°  De  nativitate  Mediatoris  ultima, 
1547,  1  vol.  in-4;  22°  Proto-Evange- 
lium,  1552,  1  vol.  in-8  ;  2^°  De  linguœ 
phœnicis  ,  seu  hebraicœ  exceUentia , 
Vienne  en  Auiriche,  1554,  1  vol.  in-4, 
inséré  depuis  dans  la  Bibliothèque  de 
Brème ,  très  rare.  Il  fit  aussi  l'apologie 
de  Servet.  24°  De  Orbis  concordia,  Bâle, 
1  vol.  in-fol.j  1544.  Le  but  de  l'auteur  est 
de  ramener  l'univers  à  la  religion  chré- 
tienne. Celte  production  bizarre  est  divi- 
sée en  quatre  livres.  Le  premier  contient 
les  preuves  de  la  religion,  le  deuxième  la 
réfutation  de  la  doctrine  de  VAlcoran,  le 
troisième  un  traité  de  l'origine  des  faus- 
ses religions  et  de  l'idolâtrie,  et  le  qua- 
trième, de  la  manière  de  ramener  les 
mahométans ,  les  païens  et  les  juifs.  Ces 
écrits  sont  aussi  rares  que  singuliers.  11 
y  en  a  encore  d'autres  que  les  curieux 
recherchent,  quoique  leur  rareté  en  fasse 
tout  le  mérite.  Consultez  les  Nouveaux 
E  clair  cissemens  sur  la  vie  elles  ouvra- 
ges de  Guillaume  Postel,  par  le  Père 
Desbillons ,  Liège ,  1773.  On  voit  par  cet 
ouvrage  que  la  folie  s'était  emparée  de 
l'esprit  de  Foslel  long-temps  avant  qu'il 
eût  la  réputation  d'en  être  atteint  ;  c'est 
un  germe  qui  s'étendait  et  qui  croissait 
jusqu'à  la  maturité  de  ses  fruits.  Il  en  est 
ainsi  de  presque  toutes  les  folies  :  elles 
s'annoncent  par  des  écarts  isolés,qu'onne 
remarque  presque  point,  et  finissent  par 
des  délires  constans  et  des  extravagances 
suivies.  C'est  à  tort  qu'on  a  attribué  à 
Postel  le  livre  De  tribus  Impostoribus. 
Voyez  La  Monwoyk  et  Vîmes  (  Pierre 
dwj. 


POS 

POSTEL  (  Henri  ) ,  jésuite  ,  né  le  28 
mai  1707  ,  à  Binche ,  petite  ville  du  Hai- 
naut,  mourut  à  Douai  le  7  novembrel788, 
où  il  avait  professé  la  philosophie  et  la 
théologie  pendant  un  grand  nombre 
d'années.  On  a  remarqué  dans  ses  leçons 
une  solidité ,  une  précision ,  une  clarté 
qui  eu  ont  fait  désirer  la  publication.  Il 
en  a  donné  une  partie  sous  le  titre  de 
V Incrédule  conduit  à  la  religion  par  la 
voie  de  la  démonstration.  Tournai,  1772, 
2  \  ol.  in-8  ,  dont  le  premier  est  dirige 
contre  les  athées,  les  déistes  et  autres 
incrédules,  et  le  second  n'est  qu'un  pré- 
cis de  controverses  contre  les  sectaires. 
L'élégance  et  la  légèreté  du  stile  n'éga- 
lent pas  la  force  de  raisonnement  répan- 
due dans  cet  ouvrage.  L'auteur  ,  en  l'an- 
nonçant par  la  voie  des  périodistes,  a 
donné  le  défi  formel  de  faire  voir  quel- 
que défaut  de  logique  dans  les  divers  ar- 
gumens  qu'il  opposait  aux  erreurs  domi- 
nantes. Ce  défi  n'a  point  été  accepté ,  et 
l'ouvrage  est  demeuré  sans  réponse. 

POSTHUME  (Marcus-Cassius-Latinus), 
l'un  des  30  tyrans  qui  se  disputèrent 
l'empire  sous  le  règne  de  Gallien,  fut  pro- 
clamé empereur  par  une  partie  de  l'ar- 
mée ,  après  l'assassinat  de  Valéricn ,  eu 
261.  (  Il  commandait  les  Gaules,  et  Gal- 
lien, fils  de  Valérien,  dut  à  ses  conseils 
les  victoires  qu'il  obtint  sur  les  Germains. 
Mais  le  jeune  Salonius ,  fils  de  Gallien  , 
que  son  père  avait  nommé  gouverneur 
des  Gaules,  ayant  réclamé  le  butin  fait 
sur  l'ennemi ,  les  soldats  se  révoltèrent, 
et  élurentpourempereurPosthume(257); 
Salonius  et  son  précepteur  furent  tués.  ) 
Posthume,  toujours  cher  aux  soldats, 
repoussa  les  Germains,  et  sut  pendant 
plusieurs  années  se  maintenir  dans  sa  di- 
gnité ,  quoique  Gallien,  fils  de  Valérien, 
fît  des  efforts  extraordinaires  pour  le  dé- 
truire. Posthume  avait  un  fils  qu'il  asso- 
cia à  l'empire  ;  il  était  digne  de  son  père 
par  ses  grandes  qualités,  et  lui  était  su- 
périeur en  éloquence.  On  lui  a  attribué 
dix-neuf  Déclamations ,  qui  ont  paru 
sous  le  nom  de  Quintilien.  Les  deux  Pos- 
thume furent  tués  aussi  par  leurs  soldats 
en  267  ,  près  de  Mayence  oii  ils  venaient 
de  vaincre  le  tyran  Lélien- 


POT 

POSTHUMroS(Lucius).  Il  fut  nom- 
mé consul  après  la  bataille  de  Cannes 
(217  avant  J.C  ),  et  partit  pour  les  Gau- 
les avec  une  armée;  lesBoïens,  qui  ha- 
bitaient le  Bourbonnais,  le  battirent  com- 
plètement. Posthumius,  couvert  de  bles- 
sures, expira  sur  le  champ  de  bataille; 
les  Gaulois  lui  ayant  coupé  la  tête,  la  por- 
tèrent en  triomphe  dans  leur  temple ,  et 
le  crâne  du  général  romain  devint  un  vase 
sacré  ,  dans  lequel  ils  offraient  des  liba- 
tions à  leurs  dieux.  Ces  exemples  de  su- 
perstition atroce  étaient  assez  communs 
parmi  ces  peuples  barbares. 

POTAMON,  philosophe  d'Alexan- 
drie ,  coutemporain  d'Auguste ,  prit  un 
milieu  entre  l'incertitude  des  pyrrhoniens 
et  la  présomption  des  dogmatiques.  Il 
emprunta  de  chaque  école  de  philoso- 
phie ce  qu'il  croyait  pouvoir  perfection- 
ner sa  raison.  Il  ne  paraît  pas  que  ce 
philosophe  ait  présidé  une  école,  ni  qu'il 
ait  donné  naissance  à  une  secte  ;  mais  sa 
manière  de  philosopher  se  répandit  dans 
le  monde  savant.  Ceux  qui  l'embrassèrent, 
soit  à  Alexandrie ,  soit  à  Rome  ,  furent 
nommés  Eclectiques  (d'eligo  ou  exîego), 
parce  qu'ils  choisissaient  les  opinions  qui 
leur  paraissaient  les  plus  convenables. 

POTEMKIN  (  Le  prince  Grégoire 
ÀLEXANDROviTSCH  ),  le  Taurîque,  descen- 
dant d'une  famille  polonaise,  naquit  près 
de  Smolensken  1736.  Il  entra  au  service 
de  la  Russie ,  et  se  distingua  par  sa  bra- 
voure et  son  intelligence  dans  l'art  mili- 
taire. Il  remporta  de  grands  avantages 
contre  les  Turcs ,  auxquels  il  enleva ,  le 
17  décembre  1788,  l'importante  forte- 
resse d'Oczakow ,  qu'il  prit  d'assaut ,  à 
la  faveur  d'un  hiver  très  rude ,  qui  avait 
glacé  Je  Borysthène  et  la  mer  Noire.  Il 
s'empara  d'autres  places ,  occupa  la  Bes- 
saride ,  la  Moldavie ,  et  réduisit  les  infi- 
dèles à  de  grandes  extrémités.  L'impéra- 
trice récompensa  ses  services ,  en  accu- 
mulant sur  lui  une  multitude  de  dignités 
lucratives  et  honorifiques  ;  elle  le  nomma 
feld-maréchal  et  commandant  en  chef  de 
toute  l'armée  russe,  chef  des  flottes  de  la 
mer  d'Azof ,  de  la  mer  Caspienne  et  de  la 
mer  Noire ,  sénateur  et  président  du  col- 
lège de  guerre ,   gouverneur-général  de 


POT  71 

Catharinoslaw,  de  la  Tauride  ;  adjudant- 
général  ,  chambellan  de  S.  M.  I. ,  in- 
specteur-général de  toute  l'armée,  colo- 
nel des  gardes  du  corps  de  Préobaschinki, 
chef  du  corps  des  chevaliers  et  d'un  ré- 
giment de  cuirassiers  de  son  nom  ,  chef 
des  dragons  de  Pétersbourg  et  des  gre- 
nadiers de  Catharinoslaw,  chef  de  toutes 
les  manufactures  d'armes  et  de  fonderies 
de  canons ,  grand-hetman  des  cosaques 
russes  et  de  ceuxde  Catharinoslaw  et  des 
environs  de  la  mer  Noire ,  chevalier  de 
l'oi'dre  impérial  russe  de  Saint-André, 
etc. ,  etc.  Il  était  sur  le  point ,  dit-on , 
de  devenir  prince  souverain  de  quelques 
places  démembrées  de  la  Pologne  ,  lors- 
qu'il mourut  le  16  octobre  1791  ,  dans 
la  55®  année  de  son  âge.  Croyant  que 
l'air  de  Jassy ,  où  il  s'était  rendu  pour 
entrer  en  conférence  avec  les  plénipo- 
tentiaires ottomans,  et  conclure  une  pa- 
cification enjre  la  Porte  et  la  Russie ,  lui 
était  contraire,  il  quitta  cette  ville  le  1 5, 
et  se  mit  en  route  pour  Nikolaefka  sur 
le  Bog  ;mais  à  peine  eut-il  fait  35  wers- 
tes  sur  le  chemin  de  Bender,  qu'il  se 
plaignit  de  violentes  douleurs  dans  le 
bas-ventre ,  descendit  de  la  voiture  ;  et 
comme  il  n'y  avait  point  d'habitation  à 
l'entour ,  il  se  coucha  par  terre  sur  le 
ventre,  et  expira  quelques  minutes  après. 
Ainsi  finit,  dans  un  désert  et  un  abandon 
total ,  un  homme  qui  avait  fait  tant  de 
bruit  dans  le  monde,  et  joui  de  toutes 
les  faveurs  que  l'on  peut  recevoir  des 
puissances  de  la  terre.  On  a  prétendu  de- 
puis qu'il  allait  se  soulever  contre  l'im- 
pératrice ,  et  que  c'est  elle  qui  s'en  est 
défait.  Quoi  qu'il  en  soit,  quelles  réfle- 
xions une  telle  mort  ne  fait-elle  pas  faire 
sur  les  grandeurs  humaines  !...  Que  la 
vraie  philosophie  se  fortifie  et  se  nourrit 
par  de  tels  spectacles  !  Du  reste,  le  prince 
Potemkin  était  aussi  homme  de  bien 
qu'on  pouvait  l'être  au  faîte  des  gran- 
deurs ,  dans  le  sein  d'une  cour.  Il  avait 
de  la  probité  ,  de  la  religion  ;  les  catho- 
liques ont  toujours  trouvé  en  lui  un  pro- 
tecteur ;  c'est  lui  qui  est  la  cause  prin- 
cipale de  ce  que  certaines  imitations 
n'ont  pas  eu  lieu  en  Russie.  Potemkin 
avait  un  goût  particulier  pour  la  théolo- 


72  POT 

gieet  la  controverse  ;  il  avait  été  destiné 
d'abord  à  l'état  ecclésiastique.  Le  jour 
(  28  juin  1762  )  oii  Catherine  arracha  le 
Irône  à  son  époux  Pierre  III ,  Potemkin 
était  de  garde  au  palais.  La  czarine  était 
à  cheval  et  en  uniforme;  mais  elle  n'avait 
pas  de  dragonne  (  signe  distinctif  des 
officiei's  dans  les  pays  du  nord  )  ;  Potem- 
kin lui  offrit  la  sienne  ,  et  dès  ce  moment 
.sa  faveur  commença.  Il  lutta  contre  le 
pouvoir  d'Orloff,  et  devint  favori  dé- 
claré de  la  czarine  ,  sans  que  cependant 
Orloff  perdît  son  influence.  Celui-ci  ayant 
trouvé  à  la  volage  Catherine  un  favori  de 
son  choix,  Potemkin  ,  par  dépit,  s'en- 
ferma dans  un  monastère  :  la  czarine  l'en 
fit  sortir  et  le  combla  de  nouvelles  fa- 
veurs. Ce  fut  à  son  tour  de  trouver  à  Ca- 
therine des  favoris  qui  lui  étaient  dé- 
voués. Mais  sa  puissance  finit  par  devenir 
incommode  à  la  souveraine  ;  les  ennemis 
de  Potemkin  lui  persuadèrent  de  faire 
continuer  la  guerre  contre  les  Turcs  , 
pendant  l'absence  du  généralissime  ,  qui 
se  trouvait  dans  la  capitale.  Le  prince 
P>epenin  obéit ,  remporte  une  éclatante 
victoire  ;  Potemkin  accourt  sur  les  lieux, 
et  accable  son  lieutenant  de  reproches. 
C'est  lorsqu'il  retournait  à  Pétersbourg 
pourfaire  destituer  Repenin,  que  la  mort 
le  surprit  en  route.  Ou  a  cru  que  sa  mort 
avait  été  l'effet  du  poison  ;  mais  il  semble 
plus  naturel  de  l'attribuer,  avec  les  écri- 
vains russes ,  à  une  décomposition  de 
sang,  préparéepar  son  intempérance  et 
hâtée  par  ses  derniers  chagrins.  Il  faut 
lire  dans  les  ouvrages  de  quelques  étran- 
gers, et  surtout  dans  les  Mémoires  de 
M.  le  Comte  de  Se'gur ,  le  portrait  mo- 
ral de  Potemkin.  On  y  trouvera  un  hom- 
me dont  le  caractère  offrait  le  mélange 
d'une  ardeur  très  martiale  et  de  la  plus 
grande  activité  avec  une  excessive  pa- 
resse, d'une  piété  extrême  avec  beau- 
coup de  superstition  et  des  mœurs  déré- 
glées ,  de  l'avarice  avec  la  prodigalité  ; 
fier  avec  seség.iux,  affable  avec  ses  infé- 
rieurs ,  il  fit  peu  de  bien  à  ses  amis,  peu 
de  mal  à  ses  ennemis,  et  contribua  sans 
contredit  à  la  gloire  du  règne  de  Cathe- 
rine et  à  la  prospérité  de  la  Russie.  Sa  f^ie 
a  été  écrite  plusieurs  fois  en  russe  et  en 


POT 

allemand-  L'une  des  meilleures  qui  ait 
été  donnée  en  russe  est  anonyme  et  impri- 
mée à  Saint-Pétersbourg  en  1811.  On  en 
a  une  en  français,  publiée  à  Paris  en  1 807, 
in-8.  Le  bulletin  du  Nord,  avril  1829, 
aunonce  que  les  habitans  de  Kherson  , 
lui  ont  élevé  une  statue  en  bronze  con- 
fiée au  statuaire  russe  Martoss.  ) 

POTER(Paul),  peintre,  né  à  En- 
ckhuysen  en  1626,  mort  à  Amsterdam 
en  1654  ,  a  excellé  dans  la  peinture  en 
paysage.  On  admire  surtout  l'art  avec  le- 
quel il  a  rendu  les  différens  effets  que 
peut  faire  sur  la  campagne  l'ardeur  et 
l'éclat  d'un  soleil  vif  et  brillant.  Ses  sites 
ne  sont  pas  des  plus  riches ,  n'ayant  exé- 
cuté que  les  vues  de  la  Hollande,  qui  sont 
plates  et  peu  variées.  Son  talent  n'était 
point  pour  la  figure  ;  aussi  il  n'en  pei- 
gnait guère  plus  de  deux,  encore  avait-il 
soin  de  les  cacher  ensuite.  Pour  les  ani- 
maux ,  on  ne  peut  les  rendre  avec  plus 
de  vérité  que  ce  maître.  Du  Jardin ,  un 
de  ses  élèves ,  a  imité  sa  manière. 

POTIiIER(  Robert-loseph),  célèbre 
jurisconsulte  ,  conseiller  au  présidial 
d'Orléans  sa  patrie ,  et  professeur  en 
droit  de  l'université  de  cette  ville ,  na- 
quit en  janvier  1699  ,  et  mourut  au  mois 
de  février  17  72,  après  avoir  consacré 
toute  sa  vie  à  la  jurisprudence.  Un  goût,  j 
particulier  le  porta  d'abord  vers  le  droit 
romain;  il  s'attacha  ensuite  au  droit 
français,  et  nous  avons  de  lui  un  très 
grand  nombre  d'ouvrages ,  qui  prou- 
vent qu'il  possédait  l'un  et  l'autre.  Les 
principaux  sont  :  1  "  Pandectce  Justi- 
nianœ ,  1748  et  1  782  ,  3  vol.  in-fol.  ;  2° 
Traité  des  obligations,  2  vol.  in-12, 
1761  ,  et  réimprimé  en  1765,  avec  des 
augmentations;  Z°  Traité  du  contrat  de 
■ve/i/e,  1765,  in-12;  4°  Traité  du  con- 
trat de  rente,  1763,  in-12  ;  5"  Traité  du 
contrat  de  louage,  1764,  in-1 2;  6°  Traité 
du  contrat  de  société,  in-1 2  ;  7°  Traité 
des  contrats  maritimes,  in-12  ;  8°  Traité 
des  contrats  de  bienfaisance,  1766,  2v. 
in-12  ;  9°  Traité  du  contrat  de  mariage, 
1768,  in-12.  Tout  n'y  est  pas  exact; 
quoiqu'il  s'éloigne  de  l'erreur  de  Lau- 
noy ,  et  qu'il  reconnaisse  dans  l'Eglise 
le  pouvoir  de  mettre  des  empêchemens 


POT 

dirimans  ,  il  n'est  pas  toujours  d'accord 
aveclesplus  sages  jurisconsultes,  ni  avec 
lui-même  :  on  [peut  consulter  là-dessus 
l'excellent  traité  :  Apologie  du  mariage 
chrétien^  lAé^e ,  17S8,  in-12;  et  le 
Journ.  hist.  et  litte'r. ,  15  février  1791  , 
p.  247 .  {Voyez  Dominis,  Gerbais,  Gibert, 
Launoy.  )  10°  Coutume  du  duché  d! Or- 
léans, 1740,  2  vol.  in-12,  et  1773,  in-4; 
1 1"  Traité  de  la  possession  et  de  la  pres- 
cription ,  in-12,  1772,  etc.,  etc.  Ces 
nombreux  ouvrages  ont  été  recueillis  en 
1774  et  1781 ,  en  4  vol.  in-4,  à  l'excep- 
tion des  Pandectœ  Justinianœ ,  et  d'un 
Traité  des  fiefs  ,  Orléans,  1776,  2  vol. 
in-12.  En  1777  et  1778,  ont  paru  3  vol. 
d'OEuvres  posthumes  ,  publiées  par 
M.  Guyot.  (Les  ouvrages  de  Pothier  sont 
aussi  imprimés  en  28  vol.  in-12  ;  ils  ont 
élé  réimprimés  en  1817-1819  en  13  vol. 
in-8  ,  y  compris  la  table  avec  quelques 
corrections.  Cette  édition  est  peu  recher- 
chée, étant  mal  imprimée.  M.  Bernardi  a 
publié  en  1806  et  années  suivantes  les 
OEuvres  de  Pothier  mises  en  rapport  avec 
le  code  civil ,  23  vol.  in-8.  Elles  ont  eu 
peu  de  succès.  On  n'y  trouve  ni  le  traité 
de  la  Procédure  civile  ,  ni  ceux  des  Fiefs 
et  de  la  Garde  noble,  ni  la  Coutume  d'Or- 
léans. Au  reste  tous  les  ouvrages  de  Po- 
thier, à  l'exception  de  ses  Pandectes,  se 
trouvent  réunis  dans  l'édition  de  M.  Sif- 
frein,  Paris,  1821-23,  17  vol.  in-8,  et 
dans  celle  de  1826  qui  a  pour  titre  OEu- 
vres de  Pothier  revues  sur  les  anciennes 
éditions  ,  classées  dans  l'ordre  des  ma- 
tières du  code  civil,  précédées  d^une  dis- 
sertation sur  sa  vie  et  ses  écrits,  et  sui- 
vies d'une  table  de  concordance,  par 
MM.  Rogron  et  Firbach.)  L'auteur  joignait 
à  beaucoup  de  mémoire  une  grande  faci- 
lité de  travail  ;  mais  son  jugement  n'é- 
galait pas  ces  avantages  :  il  est  souvent 
obscur  et  embarrassé  dans  ses  raisonne- 
mens;  ses  preuves  sont  incohérentes, 
quelquefois  contradictoires  ,  et  presque 
toujours  d'un  faible  résultat.  Son  amour 
pour  la  jurisprudence  l'engagea  à  faire 
chez  lui  des  conférences  de  droit,  qui  s'y 
tenaient  toutes  les  semaines.  Nommépar 
le  chancelier  d'Aguesseau  à  la  place  de 
professeur  en  droit  français ,  en  1749, 
XI. 


POT  73 

sans  l'avoir  demandée,  il  établit  des  prix 
pour  exciter  l'émulation  parmi  les  étu- 
dians.  C'était  un  homme  doué  de  toutes 
les  vertus  morales  et  chrétiennes,  chari- 
table ,  bienfaisant  ,  utile  à  sa  patrie  par 
son  savoir  et  par  son  esprit  de  concilia- 
tion. On  lit  dans  l'épitaphe  que  la  ville 
de  Paris  fit  mettre  sur  son  tombeau  dans 
le  grand  cimetière  ,  l'éloge  suivant  : 

Vir  juris  peritia  ,   sequi  studio, 

Spriptis,  consilioque , 
An!nii  pandore,  simplicïtate  morum , 

Vitœ  sanctitate 
Prœclarus. 
Civibus  smgulis ,  probis  omnibus , 

Studiosse  juTentuti, 
Ac  maxime  pauperibus , 
Quorum  gratiapauperipse  >ixit, 
iËternum  eui  desiderium  reliquit. 

POTHIN  (  Saint  ),  1"  évêque  de  Lyon, 
était  disciple  de  saint  Polycarpe,qui  l'en- 
voya dans  les  Gaules.  Il  a  pu  l'être  aussi 
de  saint  Jean,  puisqu'il  avait  15  ans 
quand  cet  apôtre  mourut.  Polhin  était 
âgé  de  90  ans ,  lorsqu'une  persécution 
cruelle  s'éleva  sous  l'empire  de  ce  douce- 
reux Marc-Aurèle ,  que  nos  philosophis- 
tes nous  donnent  comme  un  modèle  de 
bienfaisance ,  l'an  177  de  Jésus-Christ.  Il 
fut  conduit  devant  les  magistrats  de  Lyon, 
à  la  vue  d'une  multitude  de  païens  qui 
criaient  contre  lui.  Le  gouverneur  lui 
demanda  alors  quel  était  le  Dieu  des  chré- 
tiens :  Vous  le  connaîtrez ,  répondit  saint 
Pothin ,  si  vous  en  êtes  digne.  Cette  ré- 
ponse irrita  le  tyran.  On  le  maltraita 
cruellement,  et  on  le  traîna  en  prison, 
où  il  mourut  deux  jours  après.  Saint  Iré- 
née  fut  son  successeur.  Voyez  les  Actes 
de  son  martyre  dans  la  Lettre  des  Eglises 
de  Vienne  et  de  Lyon  aux  fidèles  d'Asie  et 
de  Phrygie  ,  qu'on  trouve  en  grande  par- 
tie dans  l'Histoire  ecclésiastique  d'Eusè- 
be,  lib.  5.  C'est  undesplusprécieuxmo- 
numens  des  premiers  siècles  de  l'Eglise. 

POTIER  (Nicolas),  seigneur  de  Blanc- 
mesnil,  président  au  parlement  de  Paris, 
d'une  noble  et  ancienne  famille,  naquit 
eu  1541  dans  cette  ville.  N'ayant  pu  sor- 
tir de  Paris  lorsque  cette  capitale  se  dé- 
clara pour  la  ligue  catholique  contre  la 
protestante,  il  fut  arrêté  prisonnier  au 
Louvre,  avec  ceux  qui  semblaient  favo- 
riser la  première.  La  faction  des  Seize 
10. 


74  POT 

lui  fit  faire  son  procès  dans  les  urines , 
parce  qu'il  entretenait  une  correspon* 
dance  secrète  avec  les  protestans.  Il  au- 
rait subi  le  même  sort  que  le  président 
Brisson,  si  le  duc  de  Mayenne  ne  fût  allé 
le  délivrer  de  sa  prison.  «  Monseigneur, 
lui  dit  Blancmesnil  en  se  jetant  à  ses  pieds, 
je  vous  ai  obligation  de  la  vie;  mais  j'ose 
vous  demander  un  plus  grand  bienfait  : 
c'est  de  me  permettre  de  me  retirer  au- 
près de  mon  légitime  roi,  ne  pouvant 
vous  servir  comme  mon  maître.  »  Le  duc, 
touché  de  cette  fermeté ,  le  laissa  aller 
versHenri  ly .  Il  mourut  en  1 635 ,  âgé  de 
94  ans.  —«•Louis  Potikb,  son  frère  puîné, 
seigneur  de  Gesvres  ,  secrétaire  d'état, 
s'acquit  la  confiance  de  Henri  IIÏ ,  qui 
\oulut  l'avoir  auprès  de  lui  après  la  jour- 
née des  Barricades  ,  en  1688.  Il  ne  fut 
pas  moins  attaché  à  Henri  IV  et  à  Louis 
XIII ,  auxquels  il  rendit  de  grands  servi» 
ces  durant  les  guerres  civiles.  Il  mourut 
en  1630  ,  laissant  René  Potier  ,  comte  de 
Tresmes  en  Valais,  capitaine  des  gar- 
des du  corps,  gouverneur  de  Cbâlons, 
etc.,  dont  la  terre  de  Tresmes  fut  érigée 
en  duché-pairie,  l'an  1648,  sous  le  nom 
de  Gesvres. 

'  POTOCKI  (le  comte  Stanislas-Félix), 
d'une  famille  illustre^  de  Pologne  ,  na- 
quit à  Cracovie  en  1750.  Il  prit  part  auî 
premiers  troubles  qui  désolèrent  son  pays 
à  l'époque  oii  les  trois  grandes  puissant 
ces  du  nord  annoncèrent  leurs  vues  ara- 
bilieuses  sur  le  partage  de  ce  royaume. 
Après  s'être  ensuite  exilé  volontairement 
dans  la  Galicie,  et  fait  bâtir  plusicursvil- 
lages  dans  les  déserts  de  l'Ukraine  dont 
il  chercha  à  civiliser  les  habitans ,  il  fut 
rappelé  par  ses  compatriotes  et  devint  un 
moment  l'idole  du  peuple  ;  mais  sa  fidé- 
lité ayant  été,  non  sans  motif,  soupçonnée 
à  la  cour,  il  la  quitta  de  nouveau  et  alla 
chercher  un  emploi  dans  l'armée  russe  ; 
il  seconda  même  les  vues  de  la  Russie  , 
qui  voulait  tenir  la  Pologne  dansl'abais- 
sèment.  En  mai  1792  ,  Potocki  publia  à 
Targowitz  ,  conjointement  avec  Rez- 
wuski  et  Braniski ,  un  manifeste  contre 
la  nouvelle  constitution.  Il  suivit  l'armée 
russe  ,  avec  l'appui  de  laquelle  il  porta 
le  faible  Stanislas  à  accéder  lui-même 


POT 

au  manifeste  de  Targowitz  ,  qui  donna 
lieu  à  la  diète  de  Grodno  ,  formée  par  , 
l'influence  de  Potocki  ,  sous  les  auspices 
delà  Russie  ;  on  y  annula  la  constitution 
de  l'année  précédente  ,  et  l'on  signa  le 
partage  du  pays.  On  avait  cru  que  Po- 
tocki n'avait  réclamé  ce  secours  de  Pé- 
tersbourg  ,  que  pour  ravir  la  couronne  à 
Poniatowski.  En  1793  ,  il  se  chargea  de 
plusieurs  missions  auprès  de  Catherine  II, 
et  pendant  toute  cette  année  il  exerça 
une  grande  influence  en  Pologne  ;  mais 
en  1794  Cosciusko  ,  Kolontay  ,  Ignace 
Potocki  et  presque  tous  les  Polonais  ayant 
pris  les  armes  contre  la  Russie  ,  on  in- 
struisit le  procès  du  comte  Félix  ;  il  fut 
déclaré  traître  à  la  patrie  ;  on  confisqua 
ses  biens  ,  et  ,  comme  il  était  absent , 
on  le  pendit  en  effigie.  Potocki,  qui  était 
en  Amérique  ,  revint  aussitôt  en  Russie. 
Il  avait  accepté  en  1793  l'ordre  de  Saint- 
Alexandre  de  Newski ,  et  en  1795  Cathe- 
rine II  le  nomma  général  en  chef  de  ses 
armées.  Après  le  partage  définitif  de  la 
Pologne ,  il  se  retira  dans  ses  terres  ,  où 
il  vécut  oublié.  Il  y  mourut  en  juillet 
1803.  —  D'autres  membres  de  la  même 
famille  eurent  une  conduite  bien  diffé- 
rente. Nous  citerons  Potocki  (Ignace, 
comte  )  ,  grand-maréchal  de  la  Lithua- 
nie  ,  cousin  du  précédent  ,  né  en  1751.  , 
Nommé  membre  de  la  commission  de 
l'instruction  publique  ,  il  réorganisa 
l'enseignement  dans  les  collèges  ,  et  tra- 
duisit lui-même  en  polonais  la  Logique 
de  Condillac.  A  l'époque  de  l'envahisse- 
ment de  la  Pologne  par  les  Russes ,  il  fut 
obligé  de  se  réfugier  en  Saxe  :  la  victoire 
de  Praclawice  ,  l'emportée  par  Kos- 
ciusko  ,  lui  permit  de  revenir  à  Varso- 
vie ;  il  organisa  un  nouveau  gouverne- 
ment, et  fut  lui-même  ministre  des  affaires 
étrangères.  Ce  triomphe  fut  de  courte 
durée  :  fait  prisonnier  par  les  Russes  à 
l'époque  du  sac  de  Varsovie,  il  fut  traîné 
en  Russie  et  détenu  dans  la  forteresse  de 
Schlusselbourg  jusqu'à  la  mort  de  l'im- 
pératrice Catherine  II.  Après  avoir  vécu  , 
ensuite  quelque  temps  en  Galicie  dans  la  1 
plus  grande  retraite,  il  fut  arrêté  de  nou-  \ 
veau  en  1 7  98,  et  subit  alors  une  détention  ' 
de  quelques  mois  à  Cracovie.  Il  obtint 


POT 

enfin  la  permission  de  retourner  daiis  ses 
tenes  ,  où  il  mourut  en  1809.  —  IVous 
citerons  encore  Potocki  (Jean  ,  comte), 
historien  polonais  ;  en  1805  il  fit  partie 
de  la  grande  ambassade  russe  qui  fut  en- 
voyée à  la  Chine  ,  d'oîi  il  a  rapporté  de 
nombreux  matériaux  historiques  qu'il 
s'occupait  de  mettre  en  ordre  ,  lorsqu'il 
mourut  dans  l'Ukraine  à  la  fin  de  1815. 
Ce  savant  avait  beaucoup  voyagé  ;  il 
avait  été  en  Egypte  ,  et  c'est  lui  qui  a 
gravé  sur  la  pyramide  du  Caire  ce  vers 
deDelille  : 

Leur  masse  iiidestriiclible  a  fatigué  le  temps. 

Il  a  donné  la  Relation  de  son  voyage.  On 
cite  encore  de  lui  des  Recherches  sur  la 
Sarmatie  et  une  Histoire  primitive  des 
peuples  de  la  Russie.  — Enfin  nous  cite- 
rous  PoTOCRi  (  Stanislas  ,  comte  )  ,  pu- 
Lliciste  ,  littérateur  et  homme  d'état , 
né  en  17  57  à  Varsovie.  Il  était  déjà  nonce 
dans  la  diète  de  1776  :  il  le  fut  encore  dans 
celles  de  nSG  et  de  1788.  On  peut  le 
placer  parmi  ceux  qui  contribuèrent  le 
plus  à  la  constitution  du  3  mai.  Lorsque 
Kosciusko  tenta  de  rétablir  l'indépen- 
dance de  la  Pologne  ,  Potocki  fut  arrêté 
par  ordre  du  gouvernement  autrichien  à 
Carisbad  ,  oii  il  se  trouvait  sous  un  pré- 
texte de  santé.  Envoyé  au  fort  de  Joseph- 
stadt,  il  subit  une  captivité  de  huit  mois, 
après  lesquels  il  vécut  dans  la  retraite  , 
éloigné  de  tous  les  emplois  publics.  Lors- 
que Varsovie  fut  érigée  en  duché  ,  il  fut 
appelé  aux  dignités  de  sénateur  polonais 
et  de  chef  du  conseil  d'état  «t  des  minis- 
tres. Plus  tard  il  devint  ministre  des  cul- 
tes et  de  l'instruction  publique  ,  et  fut 
nommé  en  1818  président  du  sénat.  Po- 
tocki est  mort  en  1821.  C'était  un  ami  des 
sciences  et  des  arts  :  il  avait  formé  dans 
son  habitation  de  Willamow  ,  près  de 
Varsovie  ,  une  magnifique  collection  de 
tableaux  ,  de  vases  étrusques  ,  d'estam- 
pes ,  etc.  Outre  un  assez  grand  nombre 
d'opuscules  académiques  ,  il  a  publié 
une  Traduction  polonaise  de  Winkel' 
man  ,  précédée  d'un  Discours  sur  Vart 
chez  les  anciens  ,  en  forme  d'introduc- 
tion. On  lui  doit  encore  un  ouvrage  qui 
a  pour  titre  :  De  l'éloquence  et  du  stile, 


POT  75 

en  4  vol.  ;  un  roman  satirique  ,  inti- 
tulé :  yoyagc  a  Ciemnogrod,  en  4  vol., 
et  les  Eloges  de  quelques  grands  hommes 
contemporains  et  des  braves  Polonais . 
tue's  à  la  bataille  de  Raszyn  en  1809.  Il 
a  laissé  un  manuscrit  des  ouvrages  relatifs 
à  la  politique  ,  à  l'instruction  publique 
et  à  la  discipline  ecclésiastique. 

POTON.  Foyez  Saintrailles. 

POTT  (  Jean-Henri  }  ,  habile  chi- 
miste allemand,  né  en  1692  à  Halberstadt, 
recula  les  bornes  de  la  science  qu'il  cul- 
tivait. On  a  de  lui  :  1*  De  sulphuribus 
metallorum,  1738,  in-4  ;  2°  Observatio- 
nes  circa  sal,  Berlin,  1739,  et  1741,2 
vol.  in-4.  Ces  ouvrages  sont  très  estimés, 
à  cause  d'un  grand  nombre  d'observations 
nouvelles.  (  C'est  à  lui  que  la  Prusse  doit 
la  découverte  d'une  terre ,  aux  environs 
de  Berlin,  propre  à  faire  la  pâte  des  por- 
celaines. ) 

*POTT  (Perce val),  habile  chirurgien 
anglais,  naquit  à  Londres  en  1 7 1 3,  fut  élè- 
ve du  célèbre  Nousse,  chirurgien  en  chef 
de  l'hôpital  de  Saint-Barthélémy.  (Pott 
commença  à  exercer  son  art  en  1736 
dans  ce  même  hôpital ,  et  y  fut  attaché 
toute  sa  vie.  Il  s'appliqua  à  écarter  les 
anciennes  pratiques  barbares,  qu'il  rem- 
plaça par  d'autres  moins  douloureuses  ou 
plus  promptes,  et  il  eut  la  satisfaction  de 
voir  adopter  sa  nouvelle  méthode.  Une 
chute  de  cheval  qu'il  fit ,  dans  laquelle  il 
se  fracassa  une  jambe,  lui  donna  le  loisir 
de  composer  le  plan  pour  son  Traite' des 
hernies.  )  Ses  leçons  étaient  très  suivies , 
et  on  remarquait  en  lui  beaucoup  de  pré- 
cision dans  les  idées ,  de  pureté  dans  le 
stile ,  et  de  grâce  dans  les  expressions. 
La  société  royale  de  Londres  l'admit  par- 
mi ses  membres  en  174G,  et  il  mourut 
en  1788,  âgé  de  75  ans.  Ses  principaux 
ouvrages  sont  :  un  Mémoire  sur  les  tu\ 
meurs  qui  ramollissent  les  os  y  dans  les 
Transactions  philosophiques,  1741 ,  n" 
459;  2"  Traité  des  hernies  y  1756-1763, 
in-8  ;  3"  Mémoire  sur  une  espèce  de 
hernie  particulière  dans  lesenfans  nou- 
veau-nés, qui  se  présente  quelquefois 
dans  les  adultes  ,  1756,  in-8  ;  4°  Obser- 
vations sur  la  fistule  lacrymale,  1758  , 
in-8  ;  5"  Observations  sur  les  blessu- 


.j6  POT 

res  et  les  contusions  de  la  tête ,  i  760  ; 
avec  des  additions,  1768  ;  6°  Remarques 
pratiques  surVhydrocèle  ;  7°  Méthode 
pour  guérir  Vhydrocèle  à  l'aide  d'un  se- 
lon, 1 772  ,  in-8  ;  8°  Observations  sur  la 
cataracte,  le  polype  du  nez,  le  can- 
cer du  scrotum ,  et  sur  différentes  es- 
pèces de  hernie,  etc.  etc.  Les  ouvrages  de 
Pott  ont  été  imprimés  de  son  vivant ,  en 
J  vol.  in-4.  Sou  gendre  eu  adonné  une 
édition,  corrigée  et  augmentée,  avec 
la  vie  de  l'auteur  ,  Londres,  17  90  ,  3  vol. 
in-8  ;  traduite  en  français ,  et  publiée  en 
1 777  et  1 792  .  3  vol.  in-8.  Pott  était  doué 
d'un  jugement  sain ,  et  avait  une  grande 
dextérité  de  la  main.  Tous  ses  ouvrages 
sont  écrits  d'un  slile  correct  et  élégant, 
POTTER  (  Christophe  ) ,  né  en  1 591  , 
fut  élevé  à  Oxford.  Il  devint  chapelain  du 
roi  Charles  I"  ,  doyen  de  Worcester  ,  et 
vice-chancelier  de  l'université  d'Oxford. 
Dans  sa  jeunesse,  il  fut  puritain  zélé. 
Dans  un  âge  plus  avancé  ,  il  s'attacha  au 
parti  du  roi ,  et  fut  maltraité  dans  les  trou- 
bles qui  agitaient  l'Angleterre.  On  a  de 
cet  auteur  quelques  Traités  sur  la  pré- 
destination et  sur  la  grâce.  On  ne  doit 
point  s'attendre  à  y  trouver  de  la  justesse 
ni  de  l'orthodoxie.  Il  a  aussi  traduit  de 
l'italien  en  anglais,  et  publié  l'Histoire 
du  différend  du  pape  Paul  V  avec  les 
Vénitiens.  Il  mourut  en  1646. 

POTTER  (  François  ) ,  curé  de  Kil- 
manton  en  Angleterre.  Son  goût  pour  la 
peinture  et  les  mécaniques  allait  jusqu'à 
la  passion.  Une  machine  pour  l'eau,  qu'il 
présenta  à  la  société  royale  de  Londres  , 
lui  valut  l'honneur  d'être  admis  au  nom- 
bre de  ses  membres.  Potter  mourut  aveu- 
gle en  1678.  On  a  de  lui  plusieurs  ouvra- 
ges ,  parmi  lesquels  on  distingue  YifJx- 
pUcation  du  nombre  660  de  la  Bête  de 
t Apocalypse,  chap.  13.  Il  pousse  le  fa- 
natisme jusqu'à  prétendre  trouver  dans 
le  nombre  de  la  bête,  Rome  ,  le  pape , 
les  cardinaux  et  toute  la  hiérarchie  de 
l'Eglise  catholique.  Ce  livre ,  imprimé  à 
Oxford,  1642,  in-4,  a  été  traduit  en  latin, 
Amsterdam,  167  7,  in-8. 

POTTER  (  Jean  ) ,  né  à  Wakefield , 
dans  le  comté  d'York,  en  1674,  se  ren- 
dit très  habile  dans  la  langue  grecque, 


POU 

fut  nommé  à  l'archevêché  de  Cantorbéry 
etmouruten  1745.  On  a  delui  :  Archœo-    , 
logia   grœca ,  sive  antiquitatum  Grœ- 
ciœ  corpus  absolutissimum  -.  cet  ouvra- 
ge ,  ordinairement  en  anglais ,  a  été  pu- 
blié à  Oxford  13  fois  jusqu'en  1813.  Les 
meilleures  éditions  sont  de  1706  ,  2  vol. 
in-8,  en  latin  ;  de   Leyde,  1702  ,  in-fol. 
de  Venise,  1774,  2  vol.   in-fol.  et  dans 
Grouovius;  2°  une  Edition  de  saint  Clé- 
ment d'Alexandrie  avec  des  annotations ,  A 
Oxford,  1736,  2  vol.  in-fol.  ;  3»une^rft-^ 
lion  de  Lycophron,  1702  ;  4°  des  Ouvra- 
ges théologiques  y  Oxford,  1753,  3  vol. 
in-8. 

*  POTTER  (  Robert  ) ,  théologien  an- 
glican, né  en  1721,  fit  ses  études  à  Cam- 
bridge, au  collège  d'Emmanuel,  et  y 
prit  le  degré  de  maître-ès-arts.  Il  obtint , 
en  1788  ,  la  cure  de  Loweslofl",  au  comté 
de  Suffolk ,  et  fut  ensuite  nommé  à  un 
canonicat  de  Norwich.  Il  parait  qu'il  s'oc- 
cupa beaucoup  plus  de  littérature  que  de 
théologie  ;  du  moins  on  ne  trouve  cité 
de  lui  aucun  ouvrage  du  dernier  genre  ; 
mais  il  acquit  de  la  célébrité  par  le  mé- 
rite de  ses  Traductions.  Il  a  donné  en 
anglais  celles  de  Sophocle,  &' Euripide 
et  à! Eschyle.  Il  prit  le  parti  du  poète 
Grai  contre  Johnson,  et  mourut  eu 
1804. 

*PODCHARD  (Julien) , naquit  en  1 6  56 , 
près  Domfront,en  basse  Normandie.  Il  étu- 
dia la  philosophie,rhistoire,les  antiquités, 
et  possédait  l'hébreu,  le  grec  et  le  latin. 
Il  fut  reçu,  en  1 7  0 1 ,  à  l'académie  des  Ins- 
criptions et  belles-lettres,  et  il  obtint ,  en 
1704,  la  chaire  de  langue  grecque  au  Col- 
lège royal.  Il  mourut  l'année  suivante  à  | 
l'âge  de  49  ans.  On  a  de  lui  :  1°  Discours 
sur  V antiquité  des  Egyptiens  ;  2°  un  au- 
tre sur  les  libéralités  du  peuple  romain. 
On  les  trouve  dans  les  Mémoires  de  l'a- 
cadémie. Il  a  laissé  en  manuscrit  une  j 
Histoire  nniverselle ,  depuis  la  création  1 
du  monde  jusqu'à  la  mort  de  Cléopâtre.  j 
Il  aurait  mieux  valu  dire  jusqu'au  règne  ! 
d'Auguste.  I 

*POUFFIER  (  Hector-Bernard  ),  né  j 
à  Dijon,   en  1658,  suivit   le  barreau,  - 
et  fut  doyen  du  parlement  de  sa  ville  na- 
tale. 11  fonda  par  son  testament  (  imprimé 


POU 

cil  1736  ),  l'académie  de  Dijon,  et  lui 
légua  des  fonds  nécessaires  pour  les  prix 
et  les  exercices.  Il  mourut  en  1732. 

POUGET  (  François- Aimé  ),  prêtre 
de  l'Oratoire ,  docteur  de  Sorbonne  et 
abbé  de  Cbambon  ,  naquit  à  Montpellier, 
en  166G.  Il  fut  fait  vicaire  de  la  paroisse 
de  Saint-Roch  à  Paris  en  1692  ,  et  ce  fut 
en  cette  qualité  qu'il  eut  part  à  la  conver- 
sion du  célèbre  La  Fontaine,  dont  il  don- 
na une  relation  curieuse  et  détaillée , 
dans  une  Lettre  publiée  par  le  Père  Des- 
molets.  Pouget  avait  fait  sa  licence  avec 
Colbert,  évêque  de  Montpellier  ,  qui  le 
mit  à  la  tète  de  son  séminaire.  Après  avoir 
rempli  avec  zèle  les  fonctions  attachées 
à  cette  place ,  il  alla  mourir  à  Paris  dans 
la  maison  de  Saint-Magloire ,  en  1723,  à 
67  ans.  (Il  lit  dans  ce  séminaire  des  Con- 
férences publiques  sur  les  cas  de  con- 
science ,  et  fut  membre  de  la  commission 
chargée  par  le  cardinal  de  Noailles ,  delà 
réforme  de  la  liturgie  de  Paris.  )  Son  prin- 
cipal ouvrage  est  le  livre  connu  sous  le 
nom  de  Catéchisme  de  Montpellier, 
dont  l'édition  la  plus  recherchée  est 
celle  de  Paris,  en  1702,  in-4,  ou  5 
vol.in-1 2.  Uaété  traduit  en  italien,  en  es- 
pagnol et  en  anglais.  Pouget  avait  lui- 
même  traduit  cet  ouvrage  en  latin ,  et  il 
voulait  le  publier  avec  les  passages  entiers 
qui  ne  sont  que  cités  dans  l'original  fran- 
çais ;  la  mort  l'empêcha  d'exécuter  ce 
dessein.  Le  Père  Desmolets,  son  confrère, 
acheva  ce  travail ,  et  le  mit  au  jour  en 
1725,  sous  le  iilred'lnstitutionescatho- 
licœ,  2  vol.  in-fol.  Louvain,  1774,  et  en 
14  vol.  in-8.  Cet  ouvrage  solide  peut 
tenir  lieu  d'une  théologie  entière.  Il  y  a 
peu  de  productions  de  ce  genre  où  les 
dogmes  de  la  religion ,  la  morale  chré- 
tienne, les  sacremens,  les  prières,  les 
cérémonies  et  les  usages  de  l'Eglise, 
soient  exposés  d'une  manière  plus  claire 
et  avec  une  simplicité  plus  élégante.  Il 
y  a  cependant  quelques  endroits  qui  ont 
essuyé  des  difficultés,  et  qui  firent  con- 
damner l'ouvrage  à  Rome  en  1 721.  L'au- 
teur cite  toujours  en  preuve  de  ce  qu'il 
avance,  les  livres  saints,  les  conciles  et 
les  Pères;  mais  l'on  remarque  dans  quel- 
ques citatioas,  non  seulement  une  pré- 


POU  77 

dilection  qui  semble  tenir  à  l'esprit  de 
parti,  mais  encore  des  applications  qui 
ne  tiennent  pas  au  sens  littéral,  ce  qui 
est  cependant  essentiel  dans  un  caté- 
chisme. Charancy,  successeur  de  Colbert, 
le  fit  imprimer  avec  des  corrections  qui 
firent  disparaître  ce  qui  se  ressentait  des 
préventions  de  l'auteur,  et  paraissait 
favoriser  les  opinions  condamnées  par 
l'Eglise  ;  et  c'est  de  cette  édition  qu'il 
faut  entendre  les  éloges  que  les  catholi- 
ques ont  fait  de  l'ouvrage.  On  doit  encore 
au  Père  Pouget  :  1°  Instruction  chré- 
tienne sur  les  devoirs  des  chevaliers  de 
Malte,  1712,  in-12.  Il  ne  fut  guère 
que  l'éditeur  et  le  réviseur  de  cet  ou- 
vrage. 2°  Il  a  eu  part  au  Bréviaire  de 
JVar  bonne. 

*  POUJOULX  (  Jean-Baptiste) ,  litté- 
rateur médiocre  et  fécond  ,  né  en  1762  , 
à  Saint-Macaire  en  Guyenne  ,  mort  à  Pa- 
ris le  17  avril  1821  ,  s'occupa  toute  sa 
vie  des  lettres  et  des  arts.  Il  a  laissé  plu- 
sieurs Comédies  très-faibles  ,  dont  une 
partie  contient  la  critique  du  salon  de 
peinture  des  années  1783,  1784,  1787. 
Ses  autres  pièces  sont  :  \°  V Ecole  des 
parvenus  ,  en  trois  actes  et  en  prose  , 
1787  ;  2"  Philippe  ,  ow.  Les  Dangers  de 
l'ivresse  ,  en  un  acte  et  en  prose,  17  94  ; 
3°  Les  Modernes  enrichis  ,  en  trois  actes 
et  en  vers  ,  1798  ;  4"  U Anticélibataire  , 
ou  Les  Mariages  ,  en  3  actes  et  en  vers, 
1803.  —  Des  Opéras  comiques  ,  savoir  : 
1°  Les  Noms  supposés ,  en  2actes,  1799; 
2°  Le  Voisinage  ,  1800  ;  8°  Matinée  de 
P^oliaire,  —  Des  ouvrages  élémentaires 
et  autres  :  1  °  le  Livre  du  second  âge  , 
ou  Instructions  amusantes  sur  l'histoire 
naturelle,  1800 — 1801  — -1803,  1vol. 
in-8  ;  2°  Paris  à  la  fin  du  dix-huitième 
siècle ,  ou  Esquisse  historique  et  morale 
desmonumens  et  des  ruines  de  cette  ca- 
pitale ,  de  l'état  des  sciences  ,  de  l'art 
et  de  l'industrie  à  cette  époque  ,  ainsi 
que  des  mœurs  et  des  ridicules  de  ses 
habitons  ,  1800,  in  8  ;  1801  ,  in-8,  tra- 
duit en  allemand  sur  la  première  édition, 
Leipsick ,  1  vol.  in-8  ;  3"  Promenade  au 
jardin  des  plantes  ,  à  la  ménagerie  et 
dans  les  galeries  du  musée  d'histoire 
naturelle,    1804,  1  vol.  in-12;  4°  Ze 


^8  POU 

Naturaliste  du  second  âge  ,  servant  de 
suite  au  ZtVre  </u  second  âge  ,  1806  ,  in- 
8  ,  traduit  en  polonais  ;  6°  Leçons  de 
physique  à  l'école  polytechnique  ,  sur 
les  propriétés  générales  des  corps,  1 805, 
in-8  ;  6°  la  Botanique  des  jeunes  gens  , 
1810  ,  2  vol.  in-8  ;  7°  Promenade  au 
inarché  aux  fleurs  ,  ou  la  Botanique  du 
second  âge  ,  1811  ,  in-12  ;  S°V Astrolo- 
gue parisien  ,  ou  le  Nouveau  Matthieu 
JLaensberg  y  pour  les  années  1812,  I8i3, 
1814,  1815,  1816  et  1817.  Le  dernier  con- 
tient une  petite  comédie,  intitulée  Mon- 
sieur Leplat.  Les  six  volumes  de  Poujoulx 
portent  dans  le  litre  ces  lettres  :  A.  B.  C. 
D.  ;  celles  du  continuateur  sont  :  V.  X. 
S.  Z.  —  9°  Minéralogie  des  gens  du 
monde  ,  1813  ,  in-8  ;  10°  Louis  XFI 
peint  par  lui-même,  ou  Correspondance 
et  autres  écrits  de  ce  monarque,  précédé 
d'une  Notice  sur  la  vie  de  ce  prince  , 
avec  des  Notes  historiques  sur  la  corres- 
pondance, 1817,  in-8.  Cette  correspon- 
dance est  entièrement  apocryphe  ;  mais 
au  moment  qu'il  la  publiait  ,  Poujoulx  y 
.croyait  de  bonne  foi.  (  31.  Beuchot  en  a 
donné  quelques  détails  dans  son  Journal 
de  la  librairie ,  1818,  pages  350  et  400  ; 
et  1819,  page  1813.)  Cet  infatigable 
écrivain  a  été  éditeur  :  1°  du  Maître  ita- 
lien de  Feneroni,  suivi  d'un  Focabulaire 
français-italien  {  avec  Dupont  )  ,  1803, 
in-8  ;  2°  des  OEuvres  choisies  de  Piron, 
avec  une  Notice  historique  sur  la  vie  et 
les  écrits  de  cet  auteur  ,  1 806  ,  3  vol. 
in- 18  ;  3°  de  la  première  Edition  des 
Mélanges  de  poésie  et  de  littérature  , 
par  Florian  ,  ouvrage  posthume  ,  1806  , 
in-18  ;  4"  de  la  première  Edition  de  lu 
jeunesse  de  Florian  ,  ou  les  Mémoires 
d'un  jeune  Espagnol,  1807  ,  in-18.  Pou- 
joulx a  travaillé  en  outre  au  Journal  de 
la  littérature  française  et  étrangère 
(  Deux-Ponts  )  ;  —  à  V Encyclopédie  des 
Dames  (  pour  V Astronomie  ,  Physique , 
Chimie  ,  Histoire  naturelle  des  miné- 
raux ,  Musique  )  ;  au  Journal  de  Paris, 
à  la  Gazette  de  France  ,  au  Journal  de 
l'empire ,  à  la  Biographie  universelle  de 
Michaud  ,  à  laquelle  il  a  donné  les  arti- 
cles des  Troubadours ,  et  ceux  de  Cima- 
rosa  et  Grélry.  Poujoulx  avait  beaucoup 


POU 

de  connaissances ,  un  slile  assez  élégant, 
mais  le  trop  grand  nombre  de  ses  ouvra- 
ges a  souvent  nui  à  leur  succès.  Il  écri- 
vait ,  ainsi  que  le  fameux  Cubières  de 
Palmeseaux  ,  avec  une  prodigieuse  faci- 
lité ;  ce  qui  ne  forme  certainement  pas 
le  principal  mérite  d'un  auteur  qui  vise 
à  la  célébrité.  Au  reste,  Poujoulx  passait 
pour  être  un  homme  probe  ,  étranger  k 
la  politique ,  et  seulement  occupé  de  ses 
libraires  et  de  ses  productions. 

POUILLI.  Voyez  Lévksquk. 

•  FOULARD  (  Thomas-Just  )  ,  ancien 
évêque  de  Saône- et -Loire  ,  naquit  à 
Dieppe  le  1"'  septembre  1754.  En  1772 
il  vint  à  Paris,  et  entra  au  séminaire  des 
Trente-trois.  Nommé  ensuite  curé  au 
diocèse  de  Lisieux  ,  il  suivait  néanmoins 
à  Paris  la  carrière  de  la  chaire.  Il  pro- 
nonça en.  1791  avec  quelques  membres 
du  clergé  de  St.-Roch  le  serment  exigé 
des  ecclésiastiques.  Devenu  vicaire  épi- 
scopal  de  l'Orne  ,  il  donna  dans  tous  les 
excès  de  la  révolution.  U Ami  de  la  re- 
ligion du  28  mars  1833  est  disposé  à  pen- 
ser que  Foulard  est  le  même  que  Soul- 
lard  ,  aussi  vicaire  épiscopal  de  l'Orne 
qui  ,  suivant  les  procès  verbaux  de  la 
Convention  ,  aurait  abjuré  à  la  date  du 
27  brumaire  an  2  ,  et  tout  nous  porte  à 
penser  qu'il  en  est  ainsi,  et  qu'il  y  a  une 
erreur  dans  la  manière  dont  le  nom  est 
écrit.  De  retour  à  Paris  après  la  terreur  , 
Poulard  resta  attaché  à  l'église  constitu- 
tionnelle, devint  curé  d'Aubervilliors  près 
de  Paris  ,  et  assista  au  concile  de  1797 
comme  député  de  la  Haute-Marne.  En 
1800  parut  une  adresse  de  plusieurs  cu- 
rés constitutionnels  du  diocèse  de  Paris  , 
aux  autres  curés,  vicaires  et  prêtres  con- 
stitutionnels de  France  :  Poulard  y  ap- 
posa sa  signature  ;  c'est  une  misérable 
déclamation  contre  les  ecclésiastiques 
qui  avaient  refusé  le  serment.  La  même 
année,  lorsque  le  concordat  allait  se  con- 
clure ,  on  s'avisa  de  faire  Poulard  évêque 
de  Saône-et-Loire  ;  il  fut  sacré  le  14  juin 
1800,  se  rendit  ensuite  à  Chàionsety  tint 
un  synode.  Le  nouvel  évêque  assista  au 
concile  de  1801  ,  donna  sa  démission, 
quand  elle  fut  demandée  aux  évêques  de 
son  parti ,  et  obtint  la  pension  qu'on  leur 


POU 

accordait  à  tous.  Dès  lors  il  vécut  à  Paris 
dans  la  retraite  ;  on  n'entendit  parler  de 
lui  ni  sous  l'empire  ni  sous  la  restaura- 
tion. Peu  avant  la  révolution  de  1830  , 
il  publia  un  petit  écrit  qui  avait  pour  ti- 
tre :  Moyen  de  nationaliser  le  clergé  de 
France.   Voyez  sur  cet  ouvrage  VAmi 
de  la  religion,  tome  G6  ,  n°  10  et  131. 
Vers  ce  même  temps  ,  Poulard  prêta  son 
ministère   épiscopal  pour  les  actes  les 
plus  irréguliers  et  les  plus  condamna- 
bles :  ainsi ,  il  conféra   tous  les  ordres 
à  plusieurs  jeunes  gens  sans  examen,  sans 
préparation ,  sans  dispense.  Il  en  ordon- 
na deux  avant  la  révolution  de  juillet  et 
trois  en  1831  ;  la  dernière  cérémonie  eut 
lieu  dans  la  chapelle  de  Châtel ,  et  du 
nombre  des  ordonnés  était  le  sieur  Auzou. 
Poulard  est  mort  le  9  mars  1833  en  vrai 
constitutionnel,  ce  sont  les  expressions 
de  son  testament  ;  il  avait  refusé  le  minis- 
tère du  curé  de  sa  paroisse  qui  se  pré- 
senta deux  fois  chez  lui  ,  et  son  corps  a 
été  porté  directement  au  cimetière,  sans 
prière  ,  et  sans  que  rien  indiquât  le  ca- 
ractère ecclésiastique  dont  il  avait  été 
revêtu.    La  Biographie  des  vivans  lui 
attribue    des  Ephémérides    religieuses 
pour  servir  à  V histoire  ecclésiastique  de 
la  fin  du  1 8*  siècle  et  du  commencement 
du  19*  ;  elle  le  dit  aussi  auteur  d'un  li- 
vre :  Sur  Tétat  actuel  de  la  religion  en 
France.   Si  ces  deux  ouvrages  ont  été 
publiés  ,  ils  sont  restés  inconnus  ;  mais 
tout  porte  à  croire  qu'ils  sont  manuscrits. 
"POULLAIN  ou  Poulain  do  Pakc  (Au- 
gustin-Marie )  ,  jurisconsulte  ,  frère  du 
littérateur  PouUain  de  Saint-Foix  {voyez 
Saint-Foix)  ,   né  à  Rennes   en    1710, 
embrassa  la  carrière  du  barreau,  comme 
son  père  Poullain  de  Bélair,  auteur  d'une 
Traduction   abrégée    du    commentaire 
d^ Argentré sur  la  coutume  de  Bretagne. 
Après  s'être  distingué  au  barreau ,  il  n'y 
parut  plus  que  pour  des  procès  de  la  plus 
grande  importance  :  il  se  consacra  à  l'en- 
seignement public  et  à  la  rédaction  de 
ses  ouvrages  ,     qui  furent  recherchés. 
Poullain  du  Parc  fut  un  des  hommes  les 
plus  profonds  dans  la  science  du  droit , 
et  eut  le  grand  mérite  d'éclaircir  les  lois 
bretonnes  mieux  que  n«  l'avaient  fait  ses 


POU  79 

prédécesseurs.  Il  fut  l'émule  du  célèbre 
Pothier  qu'il  égala  ,  au  moins  ,  comme 
professeur  ;  mais  il  lui  est  resté  inférieur 
comme  écrivain.  Il  mourut  dans  sa  patrie 
en  1782.  On  a  de  lui  :  1°  Commentaires 
sur  les  coutumes  de  Bretagne  ,  1745,  3 
vol.  in-4.  On  les  connaît  plus  générale- 
ment sous  le  nom  de  Grande  coutume , 
pour  les  distinguer  de  l'ouvrage  suivant 
du  même  auteur.  2°  La  coutume  et  la 
jurisprudence  coutumière  de  Bretagne 
dans  leur  ordre  naturel,  1752  ;  3°  Ob- 
servations sur  les  ouvrages  de  Percham- 
bault  de  la  Bigottière  ,  1 776  ,  in- 12  ;  4" 
Principes  du  droit  français  suivant  les 
maximes  de  Bretagne  ,  12  vol.  in-12  , 
etc. ,  etc.  , 

*  POULLAIN  DE  Gbandprky  (  Joseph- 
Clément)  ,  député  à  la  Convention,  né  le 
23  décembre  1744  à  Ligneville,  près  Mire- 
court,  avait  une  constitution  délicate  qui 
força  ses  parens  à  ne  lui  faire  commencer 
ses  études  que  fort  tard  :  ainsi  il  ne  com- 
mença à  lire  et  à  écrire  qu'à  9  ans,  apprit  le 
latin  dans  la  maison  paternelle  et  termina 
ses  classes  avec  succès  chez  les  jésuites 
dePont-à-Mousson.  Destiné  par  son  père, 
qui  était  maître  des  eaux  et  forêts ,  à  sui- 
vre la  même  carrière ,  il  avait  déjà  acquis 
quelque  connaissance  pratique  nécessaire 
à  cet  état ,  lorsqu'il  le  perdit  à  l'âge  de 
17  ans.  Il  étudia  dès  lors  le  droit ,  et  il 
exerça  d'abord  la  profession  d'avocat  à 
Mirecourt.  Il  fut  pourvu  en  1 7  70  de  l'office 
de  procureur  du  roi  près  le  même  bail- 
liage ;  l'année  suivante  il  obtint  la  place 
de  prévôt  de  Ligneville  ,  et  il  occupait 
cette  place  au  commencement  de  la  révo- 
lution. Il  embrassa  la  cause  populaire  et 
fut  chargé  de  rédiger  le  cahier  des  do- 
léances du  bailliage  de  Neuf-Châteaux  ; 
les  députés  de  la  Lorraine  le  choisirent 
aussi  pour  la  rédaction  des  demandes  du 
tiers-état  de  toute  la  province.  Lors  delà 
première  formation  des  administrations 
populaires ,  il  fut  élu  procureur-général- 
syndic  du  département  des  Vosges,  et  il 
gouverna  cette  contrée  dans  les  circon- 
stances difficiles  oîi  l'on  se  trouvait  avec 
un  mélange  habile  de  modération  et  de 
patriotisme  qui  lui  acquit  l'estime  et  la 
confiance  des  deux  pa'rtis.  Il  présida  le? 


8o  POU 

assemblées  électorales  de  1791  et  de 
1792  ,  et  fut  nommé  dans  cette  dernière 
député  à  la  Convention.  Désigné  par  le 
sort  pour  être  un  des  commissaires  char- 
gés de  communiquer  à  Louis  XVI  les  piè- 
ces trouvées  dans  l'armoire  de  fer  des  Tui- 
leries ,  que  l'on  prétendait  être  à  sa 
charge  ,  afin  qu'il  pût  y  répondre  ,  il 
montra  pour  ce  malheureux  prince  des 
égards  qui  déplurent  àDrouetet  à  Legen- 
dre  qui  firent  décréter  qu'il  ne  lui  serait 
plus  fait  de  communications  à  l'avenir. 
Dans  le  procès  du  roi ,  il  s'opposa  d'a- 
bord à  ce  que  la  Convention  jugeât  ce 
prince  ;  il  se  prononça  ensuite  pour  la 
ratification  du  peuple  ;  cependant  ilvota 
la  mort ,  mais  avec  la  réserve  expresse 
du  sursis  inséparable  de  son  vote,  ce  qui 
le  fit  comprendre  dans  la  minorité,  c'est- 
à-dire  ,  parmi  ceux  qui  avaient  voté  le 
bannissement  ou  la  réclusion.  Après  la 
promulgation  de  la  constitution  il  passa 
au  conseil  des  anciens  ,  où  il  se  déclara 
pour  le  parti  du  directoire  contre  celui 
dit  de  Clichy  qui  formait  l'opposition. 
Il  fut  élu  successivement  secrétaire  et 
président  de  cette  assemblée,  et  occupa 
fréquemment  la  tribune.  Sorti  par  la  voie 
du  sort ,  il  fut  réélu  au  conseil  des  cinq- 
cents  ,  et  il  prit  une  part  active  aux  me- 
sures du  1 8  fructidor.  Il  eut  la  présidence 
Je  21  août  1798  ,  et  il  s'occupa  beaucoup 
cette  année  et  la  suivante  d'objets  de  fi- 
nance. Fidèle  au  serment  qu'il  avait  fait 
à  la  constitution  de  l'an  3  ,  il  ne  favorisa 
pas  l'usurpation  deBuonaparte  au  18  bru- 
maire ;  et  comme  on  connaissait  son  at- 
tachement auxlois  existantes,  il  fut  com- 
pris d'abord  au  nombre  des  députés  con- 
damnés à  la  déportation  ,  puis  à  être  re- 
légué dans  les  îles  du  département  de  la 
Charente.  Pour  se  soustraire  aux  premiè- 
res poursuites  ,  il  avait  accepté  un  asile 
chez  Montgolfier  ;  mais  il  eut  bientôt  la 
liberté  de  se  retirer  sur  sa  terre  de  Grand- 
prey ,  et  il  s'y  occupa  d'essais  agricoles  , 
notamment  de  la  culture  du  sainfoin  qu'il 
a  introduit  dans  son  département ,  ce 
qui  lui  valut  une  médaille  de  la  société 
d'encouragement.  En  1 800  il  fut  nommé 
président  du  tribunal  civil  de  Neufchâ- 
teau  ,  et  en  1811  il  fut  envoyé  à  Trêves 


POU 

pour  présider  une  des  chambres  de  la 
cour  royale.  Le  traité  à  Paris  du  30  mars  ' 
1 8 1 4  l'obligea  de  revenir  dans  ses  foyers. 
Durant  les  cent-jours  îl  fut  nommé  dé- 
puté ,  et  à  la  seconde  restauration,  quoi- 
que son  vote  eût  été  compté  avec  la  mi- 
norité dans  le  procès  de  Louis  XVI,  il  fut 
compris  dans  la  loi  contre  les  régicides , 
et  obligé  de  se  retirer  à  Trêves  ;  mais  le 
roi  ,  informé  de  cette  circonstance  ,  l'au- 
torisa, par  une  ordonnance  du  13  février 
1818  ,  à  rentrer  en  France.  Depuis  Poul- 
lain  de  Grandprey  ne  s'occupa  plus  que 
d'agriculture  ,  et  i!  mourut  dans  sa  terre 
près  de  Neufchâteau  le  6  février  1826. 

POULLAIN.   Votjez  Barre  ,  Pullux 
et  Saiivt-Foix. 

*POULLE  (L'abbé  Louis),;prédicateur 
du  roi  et  orateur  célèbre  ,  né  à  Avignon 
le  lOfévr.  1703,  d'une  famille  noble,  dis- 
tinguée dans  la  magistrature.  Ses  parens 
le  destinèrent  à  cette  carrière;  mais  d'a- 
bord il  se  livra  à  son  goût  pour  la  poésie, 
et  fut  deux  fois  couropné  aux  jeux  flo- 
raux. Renonçant  ensuite  à  cette  passion  , 
il  embrassa  l'état  ecclésiastique  ,  et  se 
disposa  à  la  prédication  par  l'étude  sé- 
rieuse de  l'art  oratoire  et  des  Ecritures 
saintes.  Des  succès  signalèrent  ses  efforts, 
et  plusieurs  panégyriques  qu'il  prononça 
dans  sa  patrie  révélèrent  son  talent  pour  '  f 
la  chaire.  Il  vint  à  Paris  où  l'attendaient  ' 
de  nouveaux  triomphes  :  sa  réputation 
s'accrut  de  jour  en  jour.  Une  récompense 
flatteuse  lui  fut  accordée  :  le  roi  lui 
donna  ,  de  son  propre  mouvement ,  une 
pension  de  1000  livres.  Chargé  en  1748 
de  prêcher  le  Panégyrique  de  Saint- 
Louis  devant  l'académie  française  ,  il 
^lut  tellement  à  cette  compagnie  qu'elle 
sollicita  pour  lui  une  abbaye  qui  lui 
fut  accordée.  II  devint  abbé  commanda- 
taire  de  Notre-Dame  de  Nogenl.  Depuis 
cette  époque,  il  ne  cessa  de  prêcher,  soit 
à  Paris,  soit  à  la  cour,  et  toujours  avec  les 
mêmes  applaudissemens  ,  jusqu'en  1770. 
Alors  voulant  se  retirer  dans  sa  famille,  il 
quitta  la  capitale,  et  fit  à  son  auditoire , 
avant  de  partir  ,  dans  son  sermon  sur  la 
f^igilancc  chrc'tienne ,  des  adieux  si  toù- 
chans  que  tous  en  furent  émus,  et  que'plu- 
sieurs  d'entre  les  assistans  allèrent  Iq 


POU 

trouver  pour  lui  témoigner  leurs  regrets 
de  le  voir  s'éloigner  d'eux  ,  et  tâcher  de 
le 'dissuader  de  la  résolution  qu'il  avait 
prise.  «  Hélas  !  »  (  leur  dit-il  dans  ce  ser- 
mon )  «  hélas  !  mes  très  chers  frères,  de- 
»  puis  35  ans  que  nous  exerçons  le  minis- 
»  tère  de  la  parole  dans  cette  capitale , 
»  nous  n'avons  cessé  de  vous  annoncer 
»  tous  les  malheurs. .  Sentinelle  vigilante. 
»  du  haut  de  la  montagne  où  nous  étions 
»  placés  ,  nous  avons  sonné  l'alarme  au 
j)  moment  où  la  Babylone  maudite ,  après 
»  avoir  préparé  son  poison...,  nous  vous 
»  criâmes  :  Arrêtez  !..  Qu'allez-vous  faire? 
}>  Loin  de  vos  lèvres  cette  coupe  empoi- 
>j  sonnée  !....  \'ous  buvez  la  mort.  Que 
w  nous  reste-t-il  donc  à  vous  prédire  en 
M  descendant  de  la  montagne  ?  Nous  le 
»  disons  en  gémissant  :  les  f^engeances 
i>  du  ciel!  Quel  héritage  !....»  A  ces  der- 
nières paroles  ,  tout  son  auditoire  parut 
si  consterné  ,  qu'il  y  fut  sensible  lui- 
même.  Use  retira  en  1770 dans  sa  patrie 
qu'il  n'a  cessé  d'édifier  par  la  pratique 
de  toutes  les  vertus  chétiennes  ,  jusqu'au 
8  novembre  17  81,  époque  de  sa  mort.  Sa 
famille  lui  avait  fait  élever  dans  l'église 
de  Notre-Dame  ,  où  il  repose  avec  les 
cendres  de  ses  ancêtres ,  un  monument 
qui  fut  détruit  par  les  vandales  de  la  ré- 
volution. L'abbé  Poulie  n'avait  jamais 
écrit  ses  discours  ;  ce  fut  en  17 7G  que  , 
cédant  aux  instances  de  son  neveu  ,  vi- 
caire général  à  Saint-Malo,  il  consentit  à 
lui  dicter  onze  de  ses  sermons,  conservés 
dans  sa  mémoire  depuis  40  ans  :  ils  pa- 
rurent à  Paris  en  17  78  ,  2  vol.  in-12  ;  ils 
furent  réimprimés  dans  la  même  ville  en 
1781  et  à  Lyon  en  1818.  Ces  sermons  an- 
noncent une  grande  connaissance  des 
saintes  Ecritures  ,  une  érudition  variée , 
et  sont  écrits  d'un  stile  élégant  ,  à  la 
fois  ,  nerveux  ,  souvent  sublime ,  rempli 
de  grandes  images  et  de  nobles  pensées. 
M.  le  Baron  de  Sainte-Croix  a  fait  son 
Eloge  ,  1783  ;  Laharpe  ,  M.  de  Chateau- 
briand, M.  de  Fontanes  ,  en  parlent  aussi 
avec  distinction  ;  le  journal  de  la  Minerve 
l'a  cité  comme  un  excellent  orateur  ,  de 
même  que  V Encyclopédie  moderne.  On 
a  comparé  l'abbé  Poulie  à  Massillon,  mais 
ces  deux  orateurs  ne  se  ressemblent  pas  ; 

XI. 


POU  8i 

on  l*a  comparé  aussi  à  M.  de  Boismont , 
mais  c'était  le  placer  trcjp  bas. 

*POULLE  (L'abbé  Louis  de),  neveu  du 
précédent ,  naquit  à  Avignon  le  10  mai 
1743.  Son  père ,  Joseph  de  Poulie  ,  était 
doyen  du  tribunal  suprême  de  la  Rote 
d'Avignon  et  co-seigneur  de  Veras  et  de 
Saint-Didier.  L'abbé  Louis  de  Poulie , 
après  avoir  été  ordonné  prêtre  à  l'âge  de 
24  ans  ,  fut  presque  aussitôt  nommé  par 
le  pape  ,  avec  l'agrément  du  roi  de 
France,  prévôt  à  la  cathédrale  d'Orange. 
En  même  temps,  l'évêque  de  Saint-Malo, 
oncle  de  l'abbé  Louis  ,  lui  envoya  des 
lettres  de  grand-vicaire  de  cette  ville  ; 
et ,  à  la  demande  de  ce  même  prélat  ,  le 
roi  Louis  XVI  lui  accorda  en  1781  une 
pension  de  3000  livres  ;  quelques  années 
après  ,  Madame  lui  confia  la  place  d'au- 
mônier dans  la  chapelle  dont  il  avait  été 
fait  grand-vicaire.  En  1789  ,  et  au  com- 
mencement de  la  révolution  ,  il  fut  élu 
député  suppléant  aux  états  -  généraux 
par  la  principauté  d'Orange.  Il  y  rem- 
plaça d'abord  l'évêque  de  ce  diocèse  , 
démissionnaire  ;  et  dans  cette  assemblée, 
il  défendit  avec  autant  de  zèle  que  de 
courage  les  droits  de  la  religion  et  du 
trône.  L'évêque  d'Orange  étant  mort ,  le 
pape  Pie  VI  le  nomma  pour  administrer 
ce  diocèse  pendant  la  vacance  ;  mais  les 
troubles  toujours  croissans  de  la  révolu- 
tion obligèrent  l'abbé  Louis  de  Poulie  à 
quitter  la  France.  S'étant  rendu  en  Italie, 
il  fut  accueilli  favorablement  de  Mesda- 
mes ,  filles  de  Louis  XV  ,  à  Rome  ;  et  de 
Louis  XVIII,  à  Vérone.  Rentré  en  France 
à  l'époque  de  la  restauration  ,  il  fut  créé 
chevalier  de  Malte,  nommé  vicaire-géné- 
ral de  Sainl-Flour  ,  puis  d'Avignon  ,  et 
il  eût  sans  doute  obtenu  un  évêché,  dont 
ses  talens  et  ses  vertus  le  rendaient  digne, 
si  son  âge  avancé,  ses  infirmités  et  un 
tremblement  convulsif  dans  les  mains 
ne  l'eussent  empêché  de  remplir  les  fonc- 
tions de  cette  place  importante.  Cepen- 
dant le  roi  le  nomma,  le  1 0  octobre  1824, 
chanoine  honoraire  du  chapitre  royal  de 
SaintDenys  ;  mais  il  ne  jouit  que  peu  de 
jours  de  cet  honneur  ,  car  il  mourut  le 
23  novembre  de  la  même  année  ,  à  l'âge 
de  81  ans.  —  Il  ne  faut  pas  le  confondre 
II. 


82  POU 

avec  un  certain  Chrysostôme  Poule , 
moine  apostat^,  cité  par  la  Biographie 
des  Contemporains  ,  et  dont  la  conduite 
blâmable  et  les  principes  sont  tout-à-fait 
opposés  avec  ceux  de  l'estimable  neveu 
du  prédicateur  abbé  de  ce  nom. 

*  POULLETIER  de  la  Salle  (François- 
Paul  )  ,  médecin  ,  né  à  Lyon  le  30  sep- 
tembre ni9  ,  était  fils  de  l'intendant  de 
la  généralité  de  cette  ville.  Envoyé  à  Pa- 
ris pour  y  faire  son  droit,  il  se  livra  aussi 
à  l'étude  de  la  médecine,  sans  cependant 
n^liger  la  jurisprudence  qu'il  devait  ap- 
prendre pour  obéir  aux  vœux  de  sa  fa- 
mille. C'était  dans  des  vues  de  bienfai- 
sance qu'il  apprenait  l'art  de  guérir  ,  et 
c'était  dans  des  vues  d'ambition  que  sa 
famille  voulait  qu'il  devînt  jurisconsulte. 
«  Non  ,  »  dit-il ,  «  je  n'ai  point  assez 
»  médité  sur  des  devoirs  que  je  crois  au 
j)  dessus  de  mes  forces  ,  et  je  n'ai  point 
j)  assez  vécu  potir  inspirer  la  confiance 
j)  qui  est  nécessaire  au  succès.  »  Par  égard 
cependant  pour  les  auteurs  de  ses  jours , 
il  accepta  la  charge  de  maître  des  requê- 
tes ;  mais  il  exerçait  en  même  temps  la 
médecine  ,  et  seulement  en  faveur  des 
pauvres.  Il  établit  dans  les  faubourgs  de 
Paris  trois  hospices  ,  oîi  les  malheureux 
furent  reçus  et  traités  à  ses  dépens  par  les 
médecins  et  les  chirurgiens  les  plus  ha- 
biles ,  sous  lesquels  il  apprit  à  connaître 
la  nature  et  les  diverses  périodes  des  ma- 
ladies. Intime  ami  de  Macquer  ,  il  parta- 
gea ses  travaux  et  lui  fournit  plusieurs 
articles  pour  son  Dictionnaire  de  chimie. 
Uniquement  occupé  à  faire  le  bien ,  il  ne 
connut  d'autres  délassemens  que  la  mu- 
sique ,  et  il  composa  le  chant  de  plu- 
sieurs morceaux  des  Opéras  de  Métas- 
tase. Cet  homme  bienfaisant  ,  né  avec 
une  constitution  faible  ,  succomba  à  tant 
de  travaux  au  mois  de  mars  1788  ,  re- 
gretté de  tous  les  amis  des  sciences  et  de 
l'humanité.  Il  a  laissé  une  bonne  traduc- 
tion de  la  Pharmacopée  du  collège  royal 
des  médecins  de  Londres  ,  faite  sur  la 
seconde  édition  de  Pemberton  ,  Paris , 
1761-1771  ,  2  vol.  in-4.  Vicq  d'Azyr  a 
donné  VEloge  de  PouUelier. 

*  POULLIN  DK  Lu  M I N  A  (  Eli  enne- Joseph), 
négociant  à  Lyon  ,  né  à  Orléans  ,  mort 


POU 

en  1772  ,  s'est  fait  connaître  :  l"par  son 
Histoire  de  la  guerre  contre  les  Anglais, 
1769,  in-8  ;  i"  Abrégé  chronologique  de 
V histoire  de  Lyon  ,  17G7  ,  in-4  ;  3°  His- 
toire de  V Eglise  de  Lyon,  1770  ,  in-4  ; 
4"  Les  mœurs  et  coutumes  des  Français, 
2  vol.  in-1 2.  Ces  ouvrages  sont  écrits  d'un 
stile  languissant  et  peu  propre  à  attacher 
le  lecteur.  Dans  son  Histoire  de  t  Eglise 
de  Lyon  ,  On  a  cru  remarquer  un  esprit 
de  parti  qui  lui  attira  des  désagrémens. 

*  POULTIER  d'Elmotte  (  François- 
Martin)  ,  militaire  ,  religieux  ,  législa- 
teur et  écrivain  ,  né  à  Montreuilsur  mer, 
le  !"■  décembre  1763  ,  d'une  famille  es- 
timée et  considérée  dans  le  pays  ,  quitta 
ses  études  pour  prendre  le  parti  des  ar- 
mes ,  servit  d'abord  dans  la  maison  du 
roi  ,  puis  dans  le  régiment  de  Flandre, 
oii  il  était  sous-lieutenant  en  1770.  Deux 
ans  après  il  renonça  à  l'état  militaire  :  il 
fut  successivement  professeur  de  littéra- 
ture française  à  Londres,  et  commis  dans 
l'intendance  des  bureaux  de  Paris  ;  mais 
s'étant  servi  du  contre-seing  de  l'inten- 
dant pour  faire  circuler  des  nouvelles 
manuscrites  ,  il  perdit  son  emploi.  Alors 
il  entra  au  théâtre  des  élèves  de  l'opéra  , 
et  il  y  joua  les  rôles  de  Jeannot.  En  quit- 
tant ce  théâtre,  il  embrassa  l'état  monas- 
tique chez  les  bénédictins  ;  mais  il  ne 
reçut  pas  ,  dit-on  ,  la  prêtrise  ,  et  il  se 
borna  à  porter  l'habit  de  l'ordre  ,  et  fut 
professeur  au  collège  de  Compiègne.  Dès 
le  commencement  de  la  révolution  ,  il 
en  embrassa  la  cause  avec  chaleur  :  il 
reprit  les  armes  ,  s'enrôla  comme  volon- 
taire ,  et  il  devint  chef  de  bataillon.  Peu 
après  il  fut  élu  ,  par  le  département  du 
Nord ,  député  à  la  Convention  nationale, 
et  il  y  vota  la  mort  du  roi  et  son  exécu- 
tion dans  les 24  heures.  Au  9  thermidor, 
il  se  déclara  contre  Robespierre,  et  il  at- 
taqua son  compatriote  Lebon  et  les  jaco-  , 
bins  avec  autant  de  véhémence  que  s'il  i 
n'avait  jamais  figuré  dans  leurs  rangs. 
Envoyé  en  mission  dans  le  midi  ,  il  se 
montra  l'ennemi  prononcé  des  terroris- 
tes ;  mais  s'étant  rendu  dans  la  Hau- 
te -  Loire  après  le  1 3  vendémiaire ,  il 
y  sévit  avec  ardeur  contre  les  royalistes. 
Après  la  session  ,  Pouitier  passa  au  con- 


POU 

seil  des  anciens  ,  et  il  se  voua  aux  inlé- 
rêls  du  directoire  ,  dans  un  journal  qu'il 
publia  ,  sous  le  titre  A' Ami  des  lois  ;  il 
y  tonna  aussi  contre  les  prêtres  ,  les  pa- 
ïens d'émigrés  et  le  mode'rantisme  ;  ce- 
pendant on  doit  ajouter  qu'après  le  1 8 
fructidor  il  écrivit,  dans  le  même  journal, 
contre  le  projet  de  Boulay  de  laMeurthe 
qui  demandait  la  déportation  des  nobles  : 
il  contribua  à  faire  rejeter  cette  atroce 
mesure.  Il  sortit  du  conseil  le  20  mai 
1798  ,  et  le  directoire  le  nomma  chef  de 
brigade  de  gendarmerie  dans  les  dépar- 
tcmens  réunis.  Réélu  au  conseil  des  cinq- 
cents  en  1799  ,  il  parla  en  faveur  de  la 
liberté  de  la  presse  ,  et  se  prononça  eu- 
suite  pour  la  révolution  de  Saint-Cloud 
au  18  brumaire.  En  1802  ,  il  rentra  au 
service  avec  le  grade  de  colonel  ,  et  fut 
nommé  commandant  de  place  à  Mon- 
Ireuil  ,  sa  patrie  ;  il  y  resta  jusqu'à  la 
restauration  de  1814.  Après  l'invasion  de 
Buonaparte  ,  Poultier  fut  encore  élu  dé- 
puté, mais  il  se  fit  peu  remarquer.  La  loi 
contre  les  régicides  l'obligea  de  quitter 
la  France  en  181G.  11  est  mort  à  Tour- 
nay  ,  dans  les  Pays-Bas  ,  en  1827.  On  a 
de  lui  :  Lettres  sur  le  partage  de  la  Po- 
logne ;  Galate'e  ,  scène  lyrique  ;  plu- 
sieurs Epîtres  en  vers  ,  et  plusieurs 
morceaux  sur  la  métaphysique  ,  la  lo- 
gique ,  la  littérature  ,  etc.  Sous  l'habit 
de  bénédictin  il  composa  une  Epître 
adressée  à  Thomas  et  dirigée  contre  Vol- 
taire, epître  dont  le  premier  de  ces  écri- 
vains repoussa  publiquement  l'hom- 
mage ,  pour  ne  pas  se  brouiller  avec  le 
patriarche  de  la  philosophie  ;  plus  tard, 
sous  l'habit  de  soldat  ,  il  se  réconcilia 
avec  la  doctrine  qu'il  avait  combattue. 
La  vie  de  Poultier  fut  agitée  par  des  vi- 
cissitudes de  tout  genre  :  il  porta  tour  à 
tour  les  habits  les  plus  disparates  et  fit 
les  métiers  les  plus  opposés  ;  mais  ce 
n'est  pas  le  seul  que  la  révolution  ait  sou- 
mis à  ces  chaogemens  de  conduite  comme 
d'opinions  :  les  métamorphoses  n'ont  ja- 
mais été  si  communes  que  dans  l'époque 
positive ,  et  comme  on  le  dit ,  réfléchie  , 
oii  nous  vivons. 

POUPART  (  François),  né  au  Mans, 
▼int  de  bonne  heure  à  Paris,  où  ils'appli- 


POU  83 

qua  à  l'étude  de  la  chirurgie.  L'acadé- 
mie des  Sciences  se  l'associa  en  1699  ,  et 
le  perdit  en  1708.  On  a  de  lui  :  1°  une 
Description  de  la  sangsue,  dans  le  Jour- 
nal des  savans  ;  i°  un  Mémoire  sur  les 
insectes  hermaphrodites  ;  3°  l'Histoire 
du  formica-leo  et  du  forviica-pulex  ;  4" 
des  Observations  sur  les  m,oules,  et 
d'autres  écrits  dans  les  Mémoires  de  l'aca- 
démie des  Sciences.  On  croit  aussi  qu'il 
lut  l'éditeur  du  livre  intitulé  La  Chirur- 
gie complète.  C'est  un  Recueil  de  plu- 
sieurs Traités  curieux  et  utiles. 

POUPPÉE.  Foyez  Desportes. 

POURBUS  ,  ou  plutôt  PoRBUS  (Fran- 
çois), peintre  ,  mort  à  Anvers  en  1680, 
âgé  d'environ  40  ans,  était  fils  de  Pierre, 
peintre  habile  ,  dont  le  chef-d'œuvre  est 
un  saint  Hubert,  qu'on  voyait  dans  la 
grande  église  de  Gondas.  Le  jeune  Fran- 
çois s'est  attaché  à  peindre  des  animaux 
et  des  paysages  ;  mais  c'est  dans  le  por- 
trait qu'il  a  surtout  excellé.  Il  donnait  à 
SCS  têtes  beaucoup  de  ressemblance ,  et 
saisissait  avec  sagacité  ces  traits  délicats 
dans  lesquels  l'esprit  et  le  caractère 
d'une  personne  se  font  en  quelque  sorte 
connaître.  Son  ton  de  couleur  est  excel- 
lent ;  on  aurait  souhaité  plus  de  force 
de  dessin  dans  ses  ouvrages.  —  Son  fils  , 
nommé  François  Poorbus  ,  né  à  Anvers  , 
mort  à  Paris  en  1622  ,  a  paru  surpasser 
son  père  et  son  maître.  Il  a  fait  beau- 
coup de  portraits  estimés.  On  lui  doit 
aussi  quelques  sujets  d'histoire,  qui  prou- 
vent l'excellence  de  ses  talens  dans  ce 
genre.  (  Le  musée  du  Louvre  possède  six 
exccllens  Tableaux  de  ce  maître.) 

POURCHOT  (  Edme  )  ,  célèbre  pro- 
fesseur de  philosophie,  né  au  village  de 
Poilly  près  d'Auxerre ,  en  1651,  de  pa- 
rens  obscurs  ,  vint  à  Paris  pour  y  achever 
ses  études.  Il  s'y  distingua,  et  devint 
professeur  de  philosophie  au  collège  des 
Grassins  ,  puis  à  celui  de  Mazarin.  Il  fut 
sept  fois  recteur  de  l'université  ;  il  l'eût 
été  encore  plus  souvent,  si  l'on  eut  pu 
forcer  davantage  sa  modestie.  Pendant 
40  ans  qu'il  fut  syndic ,  il  servit  ce  corps 
avec  le  zèle  le  plus  ardent ,  et  ses  mem- 
bres avec  l'amilié  la  plus  agissante.  Il 
n'était  pas  seulement  connu  dans  l'uni- 


84  POU 

verdté  ,  il  Tétait  encore  dans  le  monde , 
et  l'était  aTantageusement.  Racine  ,  Des- 
préaux ,  Mabillon ,  du  Pin ,  Raillet ,  Mont- 
faucon,  Santeuil,  le  recherchèrent  comme 
un  homme  dont  le  caractère  et  la  con- 
versation avaient  des  charmes.  Bossuet 
et  Fénélon  l'honoraient  d'une  estime  par- 
ticulière. Ce  dernier  lui  o£frit  plusieurs 
fois  d'employer  son  crédit,  pour  le  met- 
tre au  nombre  des  instituteurs  des  en- 
fans  de  France;  mais  Pourchot  aima 
mieux  se  dévouer  au  service  de  l'univer- 
sité qu'à  celui  de  la  cour.  Cet  homme  es- 
timable mourut  à  Paris  en  1734.  On 
trouve  son  caractère  en  peu  de  mots 
dans  ces  vers  faits  par  M.  Martin ,  son 
élève  : 

Ille  est  Purcbotius,  quo  le  scbola  principe  jactat, 
Spretis  certa  aequi  dogmata  quiiquiliis. 

Belligionis  amans,  idem  sopliÏKquc  magister 
Egrcgius,  mores  Tormat  et  iogenium. 

On  a  de  lui  Institutiones  philosophicœ  , 
dont  la  4*  édition  fut  donnée  en  1734,^ 
in-4,  et  5  vol.  in-12.  Ce  Cours  de  phi- 
losophie ,  tt'étant  pas  conforme  aux  sys- 
tèmes modernes ,  est  moins  consulté  qu'il 
ne  l'a  été;  mais  il  est  mieux  rédigé  et 
plus  plein  de  choses  vraies  et  utiles  que 
la  plupart  des  ouvrages  qu'on  écrit ,  ou 
plutôt  qu'on  compile  aujourd'hui  dans 
ce  genre.  Pourchot  a  travaillé ,  pour  le 
stile ,  aux  Prolégomènes ,  et  à  la  com- 
position des  Méthodes  hébraïque ,  clial- 
dàique  et  samaritaine  de  Masclef  son 
ami ,  lesquelles  il  contribua  beaucoup  à 
répandre.  On  a  encore  de  lui  des  Mé- 
moires sur  différens  droits  de  l'univer- 
sité. Pourchot  était  très  lié  avec  Port- 
Royal. 

POURFOUR  (  François  du  Petit  ), 
médecin  de  Parts  sa  patrie  ,  né  en  1664, 
phis  connu  sous  le  nom  de  Petit  ,  lit 
des  progrès  rapides  dans  son  art.  Il  s'ac- 
quit une  grande  réputation ,  surtout  pour 
la  cure  des  maladies  des  yeux.  Il  avait 
imaginé  et  fait  construire  un  ophthalmo- 
mètre ,  instrument  destiné  à  mesurer  les 
parties  de  l'œil ,  et  plusieurs  autres  ma- 
chines, pour  constater  ce  qu'il  avançait 
sur  toute  cette  matière ,  ou  pour  diriger 
la  main  de  ceux  qui  ont  à  opérer  sur  cet 
organe  délicat.  Une  des  plus  importantes 


POU 

était  un  globe  de  verre  creux ,  représen- 
tant au  naturel  un  œil  dont  le  cristallin 
est.  cataracte.  Cet  habile  homme  mourut 
à  Paris  en  1741  ,  après  avoir  publié  quel- 
ques écrits,  dont  le  stile  est  négligée! 
sans  aucun  agrément.  Renfermé  dans  les 
faits  et  dans  les  expériences ,  il  s'embar- 
rassait fort  peu  des  phrases.  Ses  écrits 
ne  sont  que  des  brochures.  Les  princi- 
pales sont  :  1°  Trois  lettres  sur  un  nou- 
veau système  du  cerveau ,  Namur,  1710, 
in-4  ;  2°  une  Dissertation  sur  une  nou- 
velle méthode  de  faire  l'opération  de  la 
cataracte,  1727,  in-12;  3°  Lettredans 
laquelle  il  est  démontré  que  le  cristallin 
est  fort  près  de  Vuvée,  Paris,  1729, 
in-4  ;  4°  une  autre  Lettre  contenant  des 
réflexions  sur  ce  que  Hecquet  a  fait  im- 
primer touchant  la  maladie  des  yeux  , 
1729,  in-4  ;  5  une  troisième  ZeWre  con- 
tenant des  réflexions  sur  les  découvertes 
oculaires,nZ2  ,  in-4.  Il  a  orné  aussi  les 
Mémoires  de  l'académie  des  Sciences  de 
plusieurs  observations  curieuses.  On 
trouva  ,  à  sa  mort ,  un  herbier  de  30 
gros  vol.  in-fol.,  qui  ne  contenait  aucune 
plante  qu'il  n'eût  desséchée  lui-même, 
et  dont  il  ne  connût  la  vertu.  Il  est  en- 
core auteur  d'une  Dissertation  qui  est 
rare,  où  il  critique  quelques  endroits 
des  Elémens  de  botanique  de  Tourne- 
fort. 

POUSSIN  (  Nicolas  le  ) ,  peintre  célè- 
bre ,  et  considéré  comme  le  Raphaclde 
la  France  ,  naquit  aux  Ândelys  en  Nor- 
mandie en  1 594  ,  d'une  famille  noble , 
mais  très  pauvre,  alla  à  Rome  pour  s'in- 
struire dans  l'art  de  la  peinture  ,  et  y  fit 
des  progrès  rapides.  Lorsqu'il  fut  de  re- 
tour en  France  ,  Louis  XIII  le  nomma  son 
premier  peintre.  Un  jour  que  cet  ar- 
tiste venait  à  Fontainebleau ,  le  roi  en- 
voya ses  carrosses  au  devant  de  lui ,  et 
lui  fit  l'honneur  d'aller  jusqu'à  la  porte 
de  sa  chambre  pour  le  recevoir.  On  avait 
chargé  le  Poussin  de  décorer  la  grande 
galerie  du  Louvre  ;  mais  ayant  été  tra- 
versé par  plusieurs  envieux  ,  il  retourna 
à  Rome,  et  y  resta  jusqu'à  sa  mort,  ar- 
rivée en  1665,  à  71  ans.  Il  y  avait  quel- 
que temps  qu'il  était  à  moitié  paraly- 
tique. Il  vécut  toujours  dans  la  médio- 


POU 

crité,  quoique  Louis  XIV  lui  eût  conservé 
sa  qualité  el  ses  pensions.  Sa  maison  était 
montée  sur  le  ton  le  plus  modeste.  Un  jour 
qu'il  reconduisait  lui-même ,  la  lampe  à 
la  main  ,  l'abbé  3Iassimi ,  depuis  cardi- 
nal ,  ce  prélat  ne  put  s'empêcher  de  lui 
dire  :  «  Je  vous  plains  beaucoup,  M.  Pous- 
»  sin ,  de  n'avoir  pas  seulement  un  valet, 
»  — Et  moi ,  répondit  le  Poussin  ,  je  vous 
»  plains  beaucoup  plus ,  monseigneur , 
»  d'en  avoir  un  si  grand  nombre.  »  La 
gloire  était  son  seul  mobile.  Il  ne  faisait 
jamais  de  prix  pour  ses  tableaux  ;  il  mar- 
quait derrière  la  somme  qu'il  en  voulait, 
et  renvoyait  ce  qu'on  lui  présentait  en  sus 
de  son  estimation.  Il  était  encore  dans 
l'usage  d'accompagner  son  ouvrage  d'une 
lettre,  pour  en  rendre  un  compte  détaillé 
et  raisonné.  Le  Poussin  a  montré  un  grand 
jugement  dans  tout  ce  qu'il  a  fait  :  il  des- 
sinait avec  beaucoup  de  correction  ;  sa 
composition  est  sage ,  et  en  même  temps 
pleine  de  noblesse.  On  ne  peut  lui  rien 
reprocher  contre  l'érudition  et  la  conve- 
nance. Ses  inventions  sont  ingénieuses , 
son  stile  grand  et  héroïque.  On  voit  à 
Rome  plusieurs  ouvrages  du  Poussin  ; 
mais  la  plus  grande  partie  est  en  France, 
dans  la  colleclion  des  tableaux  du  roi. 
Celle  ci  offre  entre  autres  les  Sept  Sa- 
cremens ,  suite  très  précieuse.  Le  ta- 
bleau du  mariage  est  plus  faible  que  les 
autres  ;  ce  qui  fit  dire  plaisamment  à  un 
poète,  dans  une  épigramme,  qu'un  bon 
mariage  était  difficile  à  faire  même  en 
peinture.  (  Le  Poussin  a  peint  en  outre 
la  Rébecca ,  les  Berg  ers  (ïArcadie  ,  la 
Femme  adultère  ,  Eurydice  ,  VEcho, 
Pyrame  el  Tliisbé,  plusieurs  Madones 
et  Saintes  familles ,  etc.  )  Le  Bellori ,  qui 
a  écrit  la  Fie  du  Poussin  en  italien ,  com- 
posa ces  quatre  vers  latins  en  son  hon- 
neur : 

Pdrce  piis  lacrj'inii ,  »i»it  Puuiniis  in  uriia  , 
Viicre  qui  drderat,  netcius  ipse  mori; 

Hic  tanien  ipse  silet:  si  vis  audire  loquenleiu  , 
Miruu  est ,  in  tabulis  >ivit  el  eloquilur. 

POUSSINES  (  Pierre  ),  en  latin  Po^- 
sinus ,  jésuite  de  Narbonne ,  né  en  1 609, 
demeura  long-temps  à  Rome ,  oii  la  reine 
Christine  de  Suède ,  le  cardinal  Barberin, 
et  plusieurs  autres  personnes  illustres 


POW  85 

lui  donnèrent  des  marques  de  l'estime 
qu'ils  faisaient  de  son  mérite.  Il  mourut 
en  168 G,  à  77  ans,  également  recom- 
mandable  par  son  savoir  et  par  sa  piété. 
On  a  de  lui  :  1°  des  Traductions  d'un 
grand  nombre  d'écrivains  grecs  avec  des 
notes  ;  2°  une  Chaîne  des  Pères  grecs 
sur  saint  Marc ,  Rome,  1673,  in-fol.; 
3°  Spicilegium  evangelicum  ;  4°  Expia- 
natio  inApocalypsim;  b°  des  Harangues, 
des  pièces  de  vers  ,  et  d'autres  ouvrages 
qui  prouvent  beaucoup  en  faveur  de  son 
érudition.  {L*  Eloge  Au.  PèrePoussines  par 
le  Père  Théodore  Lombard  a  été  inséré 
dans  les  Mémoires  de  Trévoux  ,  no- 
vembre 1 560,  et  dans  le  Dictionnaire  de 
Moréri ,  édition  de  1739.  ) 

POUTEAU  (Claude  ) ,  docteur  en  mé- 
decine, commença  sa  carrière  dans  l'Hô- 
tel-Dieu  de  Lyon  ;  les  cures  éclatantes 
qu'il  fit  dans  cet  hôpital  prouvèrent  bien- 
tôt que  son  génie  savait  s'élever  au  dessus 
des  préjugés  reçus.  Il  mourut  à  la  fleur 
de  son  âge,  en  1775.  (Il  a  publié  plu- 
sieurs écrits  très  précieux  pour  l'art  de 
guérir ,  tels  que  Mélanges  de  chirurgie, 
1760,  in-8  ;  Essai  sur  la  rage,  1763, 
in-8  ;  La  taille  au  niveau,  1765,  in-8.  ) 
On  a  trouvé  en  outre  à  sa  mort  une  ample 
collection  de  pièces  intéressantes,  qui 
ont  été  arrangées  et  publiées  à  Paris  en 
1783,  3  vol.  in-8,  avec  des  notes  par  M. 
Colombier. 

PODZOL  (  Marie  de  ) ,  fille  illustre  , 
célébrée  par  Pétrarque  comme  un  pro- 
dige de  force ,  de  valeur,  de  vertu  et  de 
chasteté.  Voyez  les  OEuvres  de  cepoète. 

POVODOVIUS  (  Jérôme  ) ,  archi- 
diacre de  Cracovie ,  issu  d'une  famille 
noble  ,  se  distingua  par  son  érudition  et 
par  ses  talens  pour  la  chaire.  On  a  de 
lui  un  Instruction  des  confesseurs  ,  un 
Traité  de  la  Cène ,  un  autre  de  la  Ré- 
surrection ,  et  des  Ecrits  polémiques 
contre  les  ariens,  etc.  Ils  sont  en  latin , 
et  virent  le  jour  à  Cracovie  ,  J  6 1 0  ,  in-4. 
Povodovius  mourut  3  ans  après,  en  1613. 

*  POWEL  (  Georges  ),  acteur  et  auteur 
dramatique  anglais  ,  né  vers  16 50,  excel- 
lait à  rendre  le  haut  tragique,  surtout 
dans  les  pièces  de  Dryden  :  rival  heureux 
du  fameux  Bellistou ,  il  mérite ,  selon  le 


86  POW 

poète  Cibber,  d'être  comparé  à  Wilks. 
Les  critiques  anglais  le  placent  comme 
auteur,  parmi  les  poètes  du  second  ordre. 
Il  a  laissé  :  Alphonse,  roi  de  JVaples,  tra- 
gédie, 1691,  in-4;  The  treacher,ous  Bro- 
thers, ovilti  Frères  traîtres,  tragédie, 
1696  ,  in-4  ;  A  very  good  Vife,  ou  La 
'véritable  bonne  Epouse,  comédie,  1693  ; 
The  Imposture  defeated,  ou  L'Imposture 
dévoilée  ,  1698,  etc.  Il  mourut  en  1714, 
après  avoir  mené  une  conduite  régulière , 
qui  formait  un  contraste  bien  remarqua- 
ble avec  celle  que  tenait  son  confrère  Bel- 
liston. 

*  POW  IVAL  ou  PowNALL  (Jean  ) ,  an- 
tiquaire anglais,  né  en  1725  d'une  famille 
distinguée,  fit  d'excellentes  études  à 
l'université  d'Oxford,  et  suivit  la  carrière 
des  affaires  publiques.  Nommé  gouver- 
neur d'une  des  colonies  anglaises  dans 
l'Amérique,  il  resta  quelque  temps  dans 
le  Nouveau-Monde.  De  retour  en  An- 
gleterre ,  il  se  livra  entièrement  à  l'é- 
tude ,  et  fut  reçu  à  Londres  dans  la  so- 
ciété des  antiquaires.  Il  vint  en  France 
en  1787  ,  demeura  quelques  mois  à  Lyon, 
où  il  publia  une  savante  dissertation 
sur  l'arc  de  triomphe  d'Orange.  On 
trouve  dans  V Archéologie  britannique 
un  grand  nombre  de  Dissertations  de 
cet  écrivain  laborieux,  il  a  laissé  en 
outre  un  ouvrage  très  estimé  sur  les  an- 
tiquités anglaises.  Jean  Pownal  est  mort 
en  1796  ,  âgé  de  70  ans. 

*  POWNAL  ou  PowNALL  (Thomas; , 
frère  du  précédent,  fut  comme  lui  un 
antiquaire  distingué.  Né  à  Londres  ou  à 
Lincoln  en  1722,  il  fut  en  1745  secré- 
taire de  la  commission  pour  le  commerce 
elles  colonies.  En  1753  il  fut  envoyé  eu 
Amérique ,  en  qualité  de  gouverneur  de 
New-Jersey  ,  et  le  fut  ensuite  de  la  pro- 
vince de  Massachusset  et  de  la  Caroline 
méridionale  ,  oit  il  passa  eu  1760.  Pen- 
dant son  gouvernement,  il  appela  l'at- 
tention des  ministres  sur  les  conséquences 
du  congrès  d'Albany  qu'il  prévoyait  de- 
voir être  funeste  à  la  mère-patrie  :  en 
efifet  cette  assemblée  servit  en  1775  de 
modèle  au  célèbre  congrès  qui  déclara 
l'Amérique  indépendante.  De  retour  en 
Angleterre,  il  deviat  contrôleur  général 


POY 

des  comptes  de  l'extraordinaire  de  l'ar- 
mée d'Allemagne;  il  fut  aussi  membre 
de  trois  parlemens ,  et  il  se  distingua 
dans  ces  diverses  fonctions,  sans  pour 
cela  négliger  les  lettres ,  qu'il  avait  cul- 
tivées dès  sa  première  jeunesse.  Dans  uu 
âge  assez  avancé ,  il  quitta  les  affaires , 
et  étant  allé,  pour  cause  de  santé,  aux 
eaux  de  Bath  ,  il  y  mourut  le  25  février 
1 805.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages , 
nous  citerons  les  suivans  :  1°  Mémoire 
sur  l'écoulement  des  eaux  et  sur  la  na- 
vigation ;  2°  Lettre  à  Adam  Smith  sur 
plusieurs  passages  de  son  livre  de  la 
Richesse  des  nations  ;  3°  Description 
topographique  d'une  partie  du  nord  de 
V Amérique  ;  4°  Traité  des  antiquités  ; 
5"  Mémorial  adressé  aux  souverains  de 
V Europe  ;  6"  Le  droit ,  l'intérêt  et  le  de- 
voir du  gouvernement,  relativement 
aux  araires  des  Indes  orientales  ;  7" 
Notices  et  descriptions  des  antiquités 
de  la  province  romaine  des  Gaules  ; 
8°  Physique ,  ou  Médecine  intelleC' 
tuelle  ;  9°  Essai  concernant  la  nature  de 
l'être  ;  1 0°  Traité  de  la  vieillesse ,  qui 
est  un  de  ses  meilleurs  ouvrages ,  et  qui, 
seul ,  aurait  suffi  pour  établir  sa  répu- 
tation. 

POYET  (  Guillaume  },  chancelier  de 
France,  né  vers  1474  ,  était  fils  de  l'é- 
chevin  perpétuel  d'Angers;  il  étudia 
dans  les  plus  célèbres  universités  du 
royaume ,  et  vint  ensuite  à  Paris ,  oîi  il 
parut  avec  éclat  dans  le  barreau.  Louise 
de  Savoie ,  mère  de  François  I*'" ,  le  choi- 
sit pour  soutenir  les  prétentions  qu'elle 
avait  contre  le  connétable  de  Bourbon. 
Poyet  ayant  plaidé  cette  cause  avec  suc- 
cès ,  la  princesse  lui  obtint  du  roi  la 
charge  d'avocat-géuéral.  Ce  ne  fut  pas 
là  le  terme  de  son  élévation.  Il  devint 
président  à  mortier ,  puis  chancelier  de 
France  en  1538.  Mais  ayant  déplu  à  la 
reine  de  Navarre  et  à  la  duchesse  d'E- 
tampes,  il  fut  arrêté  en  1542  ,  privé  eu 
15^5,  par  arrêt  du  parlement ,  de  toutes 
ses  dignités,  déclaré  inhabile  à  tenir  au- 
cune charge,  condamné  à  100,000  liv. 
d'amende  ,  et  enfermé  pour  cinq  ans 
dans  l'endroit  que  le  roi  ordonnerait. 
Péculat ,  altération  de  jugement ,  faus- 


POY 

setés  commises  et  protégées ,  concussions, 
créations  et  dispositions  d'offices ,  évo- 
cations vexatoires,  violences,  abus  de 
pouvoir ,  etc.,  tels  furent  les  crimes  dont 
on  l'accusa,  suivant  l'auteur  de  VHis- 
toire  du  procès  du  chancelier  Poyet, 
Londres,  1776,  in-8  :  ouvpage  d'ailleurs 
peu  exact  et  plein  de  ftel ,  où  l'on  a  moins 
cherché  la  vérité  que  les  allusions  pro- 
pres à  servir  l'esprit  de  faction.  On  l'en- 
voya dans  la  grosse  tour  de  Bourges ,  d'où 
il  ne  sortit  qu'après  avoir  cédé  tous  ses 
biens  à  François  1".  Poyet  mourut  en 
1548,  à  74  ans,  d'une  rétention  d'urine. 
Bien  des  auteurs  ont  paru  justifier  sa  mé- 
moire, et  regarder  sa  condamnation 
comme  une  intrigue  de  cour  et  une  ven- 
geance de  femme.  Il  est  certain  que  la 
reine  de  Navarre,  sœur  de  François  I", 
et  la  duchesse  d'Etampes ,  maîtresse  de  ce 
prince,  eurent  plus  de  part  à  sa  disgrâce 
que  ses  prévarications.  Le  chancelier 
ayant  reçu  un  ordre  du  roi  de  sabler  des 
lettres,  qu'il  avait  d'abord  rejetées,  quoi- 
qu'accompaguées  d'une  recommandation 
de  la  duchesse ,  se  rencontra  avec  la  reine 
de  Navarre,  qui  lui  demandait  aussi  une 
grâce.  Le  chancelier  lui  dit  d'un  ton  cha- 
grin :  K  Voilà  le  bien  que  les  dames  font  à 
»  la  cour.  \on  contentes  d'y  exercer  un 
)>  empire  despotique,  elles  veulent  en- 
»  core  dominer  sur  les  magistrats  les 
»  plus  consommés ,  pour  leur  faire  vio- 
}'  1er  les  lois  les  mieux  établies.  »  La 
reine  de  Navarre  pritpour  elle  ces  paroles, 
qui  ne  regardaient  que  la  duchesse.  Elle 
concerta  avec  elle  le  moyen  de  perdre  le 
chancelier  ;  et  qui  a  jamais  résisté  à  deiyc 
femmes  en  crédit  chez  un  roi  faible  ?  (  Ce- 
pendant l'imp'artialité  de  l'histoire  nous 
oblige  de  dire  que  plusieurs  des  accusa- 
tions dirigées  contre  Poyet  étaient  fon- 
dées. Afin  de  remplir  les  coffres  du  roi , 
il  se  procura  de  l'argent  par  des  moyens 
vexatoires.  Dans  les  divisions  qui  exis- 
taient entre  le  connétable  de  Montmo- 
rency et  l'amiral  Chabot ,  il  prit  le  parti 
du  premier  ;  et  dans  le  procès  de  Chabot, 
dont  il  devint  l'accusateur  ,  il  présida  le 
tribunal ,  dont  lui-même  avait  nommé  les 
commissaires.  Comme  les  juges  ne  rendi- 
rent pas  l'arrêt  qu'il  aurait  souhaité,  il 


POY  87 

ajouta  dans  la  copie  qu'il  en  fit  faire, 
différentes  dispositionsaggravanles  ;  mais 
la  falsification  fut  reconnue,  et  Poyet 
puni  :  le  roi  lui-même  déposa  contre  le 
chancelier.  Après  avoir  payé  100,000 
livres  d'amende,  il  recouvra  sa  liberté. 
Il  jouissait  encore  ,  de  son  aveu  ,  de  1 5 
mille  livres  au  moins  de  rente.  ) 

POYET  (François),  docteur  de  Sor- 
bonne,  de  l'ordre  de  Saint- Dominique, 
naquit  à  Angers  vers  le  commencement 
du  1 6*  siècle. Il  était  prieur  d'Angoulême, 
lorsque  l'amiral  de  Coligni  s'empara  de 
celte  ville.  Les  hérétiques  n'ayant  pu 
l'entraîner  dans  leur  parti ,  le  mirent  en 
prison  avec  Jean  Ch  auveau ,  âgé  de  7  0  ans, 
qui  y  mourut  mangé  des  vers.  Ensuite 
ayant  tâché  de  vaincre  le  Père  Poyet  dans 
la  dispute  et  par  des  conférences  réité- 
rées, ils  n'en  remportèrent  que  la  confu- 
sion. Ils  le  tirèrent  de  prison ,  le  prome- 
nèrent par  la  ville,  en  lui  faisant  déchirer 
le  dos  et  la  poitrine  avec  des  tenailles 
ardentes,  l'habillèrent  ensuite  déballions 
en  forme  de  chasuble,  lui  mirent  des 
brides  au  cou  et  aux  bras  en  forme  d'é- 
tole  et  de  manipule,  et  le  précipitèrent 
dans  la  Charente  ,  où  ils  achevèrent  de 
le  tuer  à  coups  de  fusil.  Tels  furent  les 
exploits  qu'exerça  sur  une  infinité  de 
gens  de  bien,  et  surtout  sur  les  ministres 
du  Seigneur,  une  secte  qui  a  joué  un  si 
grand  rôle  dans  la  révolution  sanglante 
qui  avait  détruit  la  religion  en  France. 

*  POYET  (  Bernard  ) ,  architecte,  né  à 
Dijon  le  3  mai  1742  ,  reçut  les  leçons  de 
Vailly ,  sous  lequel  il  fit  de  grands  pro- 
grès. Ayant  été  envoyé  en  Italie  comme 
pensionnaire  du  roi ,  il  y  perfectionna 
ses  connaissances  ,  et  quoique  très  jeune 
fut  chargé  ,  par  l'ambassadeur  de  France 
à  Naples ,  de  la  direction  des  fêtes  bril- 
lantes qu'il  exécuta  de  la  manière  la 
plus  ingénieuse.  De  retour  à  Paris,  il 
devint  successivement  architecte  du  duc 
d'Orléans  ,  de  la  ville  de  Paris  et  de  l'ar- 
chevêché ,  de  l'université  ,  du  corps  lé- 
gislatif, du  ministère  de  l'intérieur.  Ses 
ouvrages  lui  méritèrent  le  titre  de  mem- 
bre de  l'académie  d'architecture  et  du 
conseil  des  bâtimens  civils.  C'est  lui  qui 
fit  transporter  la  fontaine  des  Innocens 


88  POY 

au  milieu  du  marché  de  ce  nom  ,  et  c'est 
à  son  goût  et  à  sa  persévérance  que  l'on 
finit  la  démolition  de  toutes  les  maisons 
construites  sur  les  ponts.  Parmi  les  édi- 
fices construits  par  lui ,  on  remarque  les 
écuries  d'Orléans  et  le  superbe  frontis- 
pice qui  décore  la  chambre  des  députés; 
cependant  on  reproche  à  cette  œuvre 
capitale  de  Poyet,  de  n'offrir  qu'une 
imitation  commune  de  l'antique,  et  d'être 
dénuée  de  grâce  et  d'effets  pittoresques. 
Cet  architecte  est  un  de  ceux  qui  ont 
présenté  le  plus  de  projets  :  il  avait  une 
fécondité  et  une  fougue  d'imagination 
étonnante  ;  mais  en  voulant  paraître  ori- 
ginal ,  il  donna  souvent  dans  la  bizarre- 
rie ,  et  il  présenta  plusieurs  conceptions 
empreintes  du  cachet  d'un  talent  distin- 
gué ,  mais  chimériques  et  inexécutables. 
Il  est  mort  le  6  décembre  1 824.  Il  a  fait 
imprimer  un  grand  nombre  de  projets. 
Les  principaux  sont  :  1°  Mémoire  sur  la 
nécessité  de  transférer  et  de  recon- 
struire V Hôtel-Dieu  de  Paris  y  1786, 
in-4.  Le  lieu  de  son  choix  pour  cette  re- 
construction était  l'île  des  Cignes.  Il  re- 
produisit ce  projet  en  1807,  en  1822  et 
en  1824.  2°  Projet  pour  employer  dix 
mille  personnes ,  tant  artistes  qu^ ou- 
vriers ,  à  la  construction  d'une  place 
dédiée  à  la  nation,  avec  Fexposition 
des  moyens  de  fournir  à  la  dépense  du 
monument  civique,  1791 ,  in-8  ;  3°  Pro- 
jet de  cirque  national  et  de  fêtes  an- 
nuelles,  1792,  in-8  ;  4°  Hommage  na- 
tional destiné  a  consacrer  l'époque  for^ 
lunée  du  retour  de  Sa  Majesté  Louis 
XFIII,  et  la  réunion  de  tous  les  Fran- 
çais autour  du  trône  légitime ,  Paris , 
1816,  in-4  ;  5"  Mémoire  sur  le  projet 
d'un  édifice  à  construire  au  centre  du 
grand  carré  des  Champs-Elysées ,  pour 
les  réunions  de  la  garde  royale  et  de  la 
garde  nationale ,  ainsi  que  pour  servir 
aux  fêtes  publiques  ,  Paris ,  1816,  in-4  ; 
6"  Nouveau  système  de  ponts  en  bois  et 
en  fer  forgé,  inventé  par  M.  Poyet , 
etc.  ;  7°  Nouveau  système  de  ponts  en 
bois  et  en  fer  forgé. . . .  comparé  avec  les 
ponts  ordinaires  pour  la  durée  ^  la  soli- 
dité et  Véconomie  ,  Paris ,  1822  ,  in  folio. 
M.  Mahul  lui  a  consacré  un  article  dans 


POZ 

^on  Annuaire  nécrologique ,  iom.  h.  La 
liste  des  ouvrages  publiés  par  cet  artiste 
se  monte,   selon  soA  biographe,  à  2&. 

*  POYNTER  (M.-Guillaume  ) ,  vicaire 
apostolique  de  Londres,  avait  été  élevé 
au  collège  anglais  de  Douai ,  et  il  y  était 
professeur  au  commencement  de  la  ré- 
volution. Enfermé  avec  plusieurs  de  ses 
compatriotes  au  château  de  Doullens,  il 
ne  recouvra  sa  liberté  qu'au  bout  de  plus 
d'un  an.  De  retour  dans  sa  patrie,  il  se 
fit  bientôt  distinguer  par  son  mérite.  En 
1803  il  devint  coadjuteur  de  M.  Dou- 
glas ,  évêque  et  vicaire  apostolique  du 
district  de  Londres ,  et  fut  sacré  en  qua- 
lité d'évêque  d'Halie.  Son  administration 
ne  fut  pas  sans  difficulté  ;  il  eut  plusieurs 
contestations,  soit  politiques ,  soit  théo- 
logiques, dans  lesquelles  il  se  conduisit 
toujours  avec  une  prudente  réserve  et 
une  modération  dont  les  amis  de  ia  paix 
sauront  gré.  Jamais  sa  conduite  ne  fut 
blâmée  par  le  saint-Siége  ;  sou  zèle  tou- 
jours tempéré  par  la  prudence  ,  sa  capa- 
cité pour  les  affaires ,  ses  grandes  con- 
naissances, le  talent  qu'il  avait  pour  la 
controverse,  lui  donnèrent  une  grande 
influence  sur  les  catholiques  de  son  pays. 
Depuis  la  restauration ,  il  vint  à  plu- 
sieurs reprises  en  France  ,  pour  réclamer 
la  restitution  des  biens  qui  appartenaient 
à  sa  mission  ;  il  échoua  dans  ses  efforts 
par  une  déplorable  fatalité.  En  1815  il 
alla  à  Rome,  pour  l'intérêt  des  catholi- 
ques anglais  :  partout  il  se  fit  estimer  par 
ses  talens  et  .sa  sagesse.  Il  est  mort  le  26 
novembre  1827  dans  un  âge  peu  avancé. 
Il  est  auteur  de  plusieurs  ouvrages  théo- 
logiques zl'un  des  plus  remarquables  est 
le  Christianisme  ,  ou  preuves  et  carac- 
tères de  la  religion  chrétienne ,  traduit 
par  M.  Taillefer,  inspecteur  de  l'académie 
de  Paris,  1828,  1  vol.  in-12.  Ses  instruc- 
tions ont  contribué  à  faire  rentrer  dans 
le  sein  de  l'Eglise  catholique  un  assez 
grand  nombre  de  protestans. 

POZZO(  André),  né  àTrente,en  1 642, 
se  fit  frère  jésuite  à  l'âge  de  23  ans.  Il 
était  peintre  et  architecte ,  et  se  fit  sur- 
tout une  grande  réputation  dans  la  pein- 
ture. Il  maniait  le  pinceau  avec  une 
vitesse  et  une  facilité  sui'prenante ,   et 


è 


PRA 

s'est  distingué  principalement  dans  la 
perspective.  On  estime  beaucoup  les 
peintures  dont  il  a  orné  la  voûte  de  l'é- 
glise de  Saint-Ignace  à  Rome.  Il  ne  réus- 
sit pas  également  dans  l'architecture,  sur 
laquelle  il  a  composé  deux  gros  volumes, 
intitulés  :  Perspective  des  peintres  et 
architectes,  ouvrage  d'un  goût  bizarre  et 
contraire  aux  vrais  principes  de  l'art.  Tel 
est  aussi  le  superbe  autel  de  saint  Louis 
de  Gonzague ,  élevé  sur  ses  dessins  dans 
l'église  de  Saint-Ignace,  où  la  somptuo- 
sité et  la  magnificence  brillent  de  toutes 
parts  ,  mais  ne  dérobent  pas  aux  yeux  des 
artistes  et  des  connaisseurs  les  défauts 
considérables  qui  régnent  dans  la  com- 
position. Frère  Pozzo  mourut  en  706  à 
Vienne,  où  ses  talens  l'avaient  fait  ap- 
peler par  l'empereur. 

POZZO   (Modesta).    Voyez    Fonte- 

MODERATA. 

PRADES  (Jean-Martin  de),  prêtre, 
bachelier  de  Sorbonne  ,  né  vers  1720  à 
Castel-Sarrasin  ,  dans  le  diocèse  de  Mon- 
tauban,  fit  ses  premières  études  en  pro- 
vince ,  passa  de  là  à  Paris,  et  demeura 
dans  plusieurs  séminaires,  entre  autres 
dans  celui  de  Saint-Sulpice.  Ses  progrès 
dans  la  théologie  ne  furent  pas  brillans  ; 
mais  il  sut  se  tirer  de  la  foule  et  se  faire 
une  réputation  par  une  thèse  qu'il  sou- 
tint en  1 7 .5 1 ,  et  qui  fut  approuvée  par  le 
syndic  de  la  sacrée  faculté ,  qui  sans 
doute  ne  l'avait  pas  lue.  Tous  les  gens  de 
bien  réclamèrent  contre  ce  premier  essai 
public  de  la  philosophie  irréligieuse. 
Elle  contenait  les  propositions  les  plus 
fausses  sur  l'essence  de  l'âme ,  sur  les 
notions  du  bien  et  du  mal ,  sur  l'ori- 
gine de  la  société,  sur  la  loi  naturelle 
et  la  religion  révélée,  sur  les  marques 
de  la  véritable  religion,  sur  la  certitude 
des  faits  historiques  ,  sur  la  chronologie 
et  l'économie  des  lois  de  Moïse ,  sur  la 
force  des  miracles  pour  prouver  la  révé- 
lation divine,  sur  le  respect  dû  aux  saints 
Pères  ;  mais  ce  qui  indignait  surtout , 
c'était  le  parallèle  impie  des  guérisons 
d'Esculape  et  des  guérisons  miraculeuses 
de  J.  C.  Le  parlement  de  Paris  sévit  con- 
tre celte  production  grossière  et  dégoû- 
tante.  La  Sorbonne    l'imita,  et  publia 


PRA  89 

une  censure  le  27  janvier  1752.  La  thèse 
fut  également  condamnée  par  l'archevê- 
que de  Paris  et  par  Benoît  XIV.  De  Pra- 
des,  craignant  que  l'on  ne  s'en  tînt  pas  à 
la  condamnation  de  son  livre ,  se  relira 
à  Berlin ,  et  eut  quelque  temps  après  un 
canonicat  de  Breslau.  Alors  il  publia  une 
Apologie,  et  fut  aidé  dans  son  travail  par 
Diderot,  qui  lui  avait  prêté  la  main  pour 
sa  Thèse,  en  reconnoissance  des  articles 
que  l'abbé  avait  fournis  à  l'Encyclopédie. 
Dans  cette  Apologie,  de  Prades  se  répan- 
dit en  invectives  contre  ses  censeurs ,  et 
les  accabla  d'injures;  mais  dès  que  sa 
bile  fut  soulagée ,  il  rougit  de  ses  excès, 
et  songea  à  se  réconcilier  avec  l'Eglise. 
L'évêque  de  Breslau  fut  le  principal  mo- 
teur dont  se  servit  la  Providence  pour 
ménager  cette  réconciliation.  Il  rendit 
compte  à  Benoît  XIV  des  dispositions  de 
Prades;  et  cet  abbé  signa  une  rétractation 
solennelle,  le  6  avril  1754,  où  il  dit,  en- 
tre autres  choses,  «  qu'il  n'avait  pas  assez 
»  d'une  vie  pour  pleurer  sa  conduite 
»  passée  et  pour  remercier  le  Seigneur 
»  de  la  grâce  qu'il  lui  accordait.  «  Il  en 
envoya  des  exemplaires  au  pape ,  à  l'é- 
vêque de  Montauban  et  à  la  faculté  de 
Paris.  Benoit  XIV  obtint  de  la  Sorbonne 
qu'il  fût  rétabli  dans  ses  degrés.  Il  fut  fait 
ensuite  archidiacre  d'Oppelen,  et  mourut 
à  Glogau  ,  en  1782,  après  avoir  été  ren- 
fermé quelque  temps  au  château  de  Mag- 
debourg,  pour  des  indiscrétions  et  des 
correspondances  suspectes  (1).  Nous 
avons  donné  quelque  étendue  à  cet 
article,  parce  que  la  Thèse  de  cet  abbé 
fait  époque  dans  la  révolution  arrivée 
de  nos  jours  à  l'égard  de  la  religion. 
Avant  cela ,  on  ne  l'attaquait  qu'en 
se  couvrant  du  manteau  de  l'anonyme  , 
par  des  moyens  obscurs,  par  de  petites 
brochures  clandestines  :  la  Thèse  fut 
le  premier  signal  d'une  attaque  ou- 
verte. Depuis  ce  temps  ,  l'impiété ,  sous 
le  masque  de  la  philosophie  ,  a  marché 

(i;  Il  était  TérilaLlement  entré  dans  une  ronspiratlon  . 
non  contre  le  roi  de  Prusse  ,  mais  conlre  la  monarchie 
prussienne,  en  faveur  de  la  France,  aven  laquelle  il  vou- 
lait se  réconcilier  de  pré  ou  de  force.  Frédéric  lui  par- 
donna ,  pour  ne  p.is  paraître  inconséquent ,  après  avoir 
reçu  l'abbé  de  l'rades ,  couvcrl  du  manteau  d'une  pbilo- 
sopliie  qui  n'a  jamais  empêché  les  gens  de  conspirer  au 
besoin  contre  l'ordre  public. 

12. 


90  PRA 

tète  levée  ,  et  ses  partisans  n'dnt  point 
rougi  de  mettre  leurs  noms  à  la  tête  des 
productions  les  plus  infâmes,  et  designer 
leur  honte  avec  leurs  blasphèmes,  l.ntre 
les  écrits  que  l'on  a  publiés  contre  l'abbé 
de  Prades,  on  distingue  celui  du  Père 
Brotier,  le  célèbre  commentateur  de  Ta^ 
cite,  intitulé  :  Examen  de  l'j4pologie  de 
l'abbé  de  Prades,  avec  celte  épigraphe  : 
Bis  peccat  qui  crimennegat,  1753.  On  a 
remarqué ,  lors  du  système  de  l'égalité 
établi  en  France  en  1791,  que  dès  l'an 
17  51  l'abbé  de  Prades  l'avait  mis  for- 
mellement dans  sa  thèse  :  Jus  illud  inœ- 
qualitatis  barbarum  ,  quod  vocant 
tequius ,  quia  validius.  Voyez  le  Journ. 
hist.  et  un.,  1"  octobre  1791,  pag.  192. 
PRADO  (Jérôme),  jésuite  espagnol, 
natif  de  Baëça,  enseigna  la  philosophie  à 
Cordoue  avec  un  succès  peu  commun.  Il 
finit  ses  jours  à  Rome  en  1595,  à  48 
ans.  Il  s'était  rendu  dans  cette  ville  pour 
y  faire  imprimer  ses  Commentaires  sur 
l'Ecriture  sainte.  Il  travailla  pendant  16 
ans  avec  le  Père  Yillalpende  ,  autre  jé- 
suite, par  ordre  de  Philippe  II,  roi  d'Es- 
pagne, à  expliquer  les  vingt-six  premiers 
et  les  trois  derniers  chapitres  d'Ezéchiel, 
qui  concernent  le  temple.  Leur  produc- 
tion est  imprimée  en  trois  volumes  in- 
fol.,  Rome,  1596.  C'est  un  des  livres  les 
plus  profondément  savans  qu'on  ait  faits 
sur  les  prophètes.  On  en  estime  surtout 
la  description  du  temple  et  de  la  ville  de 
Jérusalem  :  cette  matière  s'y  trouve 
épuisée.  Les  figures  sont  un  des  mérites 
de  cet  ouvrage.  On  a  encore  de  Prado 
des  Commentaires  sur  les  prophètes 
Isaïe,  Michée  ,  Zacharie,  sur  les  Epîlres 
de  saint  Paul  aux  Galates,  aux  Éphésiens, 
aux  Colossiens  et  aux  Hébreux. 

PRADON  (Nicolas),  poète  français, 
natif  de  Rouen,  en  1632,  mourut  à  Paris 
au  mois  de  janvier  1698.  Les  tragédies 
de  Pradon  eurent ,  dans  leurs  premières 
représentations,  beaucoup  d'admirateurs 
et  d'illustres  partisans.  Ce  poète  se  mon- 
tra le  concurrent  de  Racine,  en  traitant 
le  même  sujet  que  lui  ;  et  en  effet ,  sa 
tragédie  de  Phèdre  et  d'Hippolyte  parut 
avec  plus  d'éclat  que  celle  de  son  rival, 
et  sembla    balancer  quelque  temps  sa 


PRA 

réputation  ;  mais  elle  tomba  ensuite  dans 
un  oubli  dont  elle  n'a  pu  se  tirer.  Des- 
préaux ,  intime  ami  de  Racine,  n'a  pas 
peu  contribué  à  ridiculiser  Pradon.  Ce- 
pendant il  faut  avouer  qu'il  y  a  dans  ses 
tragédies  des  morceaux  qui  satisfont 
l'homme  judicieux.  On  jouait  encore,  il 
y  a  quelques  années,  Re'gulus ;  celle  de 
Dorât ,  qui  porte  ce  nom  ,  ne  l'a  pas  fait 
oublier.  Ses  autres  pièces  sont  :  La 
Troade ,  Statira  ,  Scipion  V Africain, 
Tamerlan,  et  Pyrame  et  Thisbe\  qui  fut 
sa  première  pièce.  On  les  a  recueillies  à 
Paris,  1744  ,  2  vol.  in-12.  (Pradon  n'a- 
vait fait  presque  aucune  étude,  ainsi  que 
peut  le  prouver  l'anecdote  suivante.  Le 
prince  de  Conti ,  sortant  de  la  première 
représentation  de  Tamerlan ,  lui  fit  ob- 
server qu'il  plaçait  en  Europe  une  ville 
d'Asie  :  «  Je  prie  Votre  Altesse,  répon- 
w  dit-il,  de  m'excuser  ;  car  je  ne  sais  pas 
»  trop  bien  la  Chronologie.  »  ) 

PRADOVENTURA  (Antoine),  reli- 
gieux de  l'ordre  de  la  Trinité,  né  en  1701 
dans  l'Andalousie,  s'éleva  par  sou  mérite 
aux  premiers  emplois  de  son  ordre.  Au- 
cun prédicateur  n'a  prêché  à  la  cour  de 
Madrid  avec  tant  d'applaudissement  ;  et 
les  sermons  qu'il  faisait  dans  l'église  des 
trinitaires  attiraient  une  foule  d'auditeurs 
de  toutes  les  conditions,  enchantés  de 
son  éloquence.  Le  Père  Pradoventura 
mourut  à  Cordoue  en  1753.  On  a  de  lut 
plusieurs  ouvrages  :  1°  \e  Poème  de  saint 
Raphaël,  in-4;  2°  Sermons  des  saints, 
2  vol.  in-4;  3°  Aiserses  Consultations , 
in-fol.  On  a  d'autres  ouvrages  de  ce  sa- 
vant, à  qui  on  ne  peut  refuser  la  gloire 
d'avoir  été  un  de  ceux  qui  ont  contribué 
le  plus  à  la  pureté  de  la  langue  espagnole, 
et  au  degré  de  perfection  où  elle  se 
trouve  aujourd'hui. 

PRAGEMANN  (Nicolas),  docteur  en 
philosophie  à  léna ,  où  il  mourut  à  la 
fleur  de  son  âge,  en  1719,  était  né  à 
Strade  en  1690.  On  a  de  lui  une  bonne 
dissertation  De  meritis  Germanorum  in 
jurisprudentia  naturali  ;  2°  un  ouvrage 
latin  sur  le  Droit  Canon,  etc. 

*  PRAM  (Christian  ou  Chrétien),  poète 
et  conseiller  d'état,  né  en  NorAvége  en 
1765,  mort  à  l'île  de  St.-Thomas  dans 


PRA 

les  Antilles  en  1821 ,  a  publié,  en  1785, 
un  poème  en  1 5  chants ,  intitulé  :  Staer- 
kadder ,  dont  le  sujet  est  tiré  de  l'his- 
toire fabuleuse  des  Scandinaves.  On  y 
a  relevé  beaucoup  de  défauts  et  d'inéga- 
lités ;  mais  il  renferme  aussi  de  très  beaux 
passages.  Prara  a  composé  encore  3  dra- 
mes en  vers ,  Damon  et  Pythias ,  17  89  ; 
F  rode  et  Fingal,  1790 ,  et  Olinde  cl  So- 
phronie,  qui  se  sont  mieux  soutenus  à 
la  lecture  qu'au  théâtre.  Ils  sont  imprimés 
dans  le  recueil  dramatique  de  RahLek.  Il 
a  aussi  donné  plusieurs  Comédies ,  qui 
n'ont  pas  été  imprimées ,  et  un  opéra 
intitulé  :  Lagertha,  imprimé  dans  la 
Minerva ,  recueil  périodique  dont  il  fut 
l'un  des  rédacteurs.  On  trouve  plusieurs 
de  ses  poésies  dans  les  Mémoires  de  la 
société  royale  des  belles-lettres  de  Co- 
penhague. La  verve,  la  vigueur,  le  feu 
de  l'imagination  ,  caractérisent  spéciale- 
ment le  talent  de  ce  poète.  Il  a  fourni 
plusieurs  morceaux  intéressans  aux  Mé- 
moires  de  la  société  de  littérature  Scan- 
dinave ,  dont  il  était  membre. 

PRASLIN.  Foyez  Choiskul. 

PRAT  (Antoine  du),  archevêque  et 
cardinal,  né  en  1465  d'une  famille  noble 
d'Issoire  en  Auvergne,  parut  d'abord  au 
barreau  de  Paris.  Il  fut  fait  ensuite  lieu- 
tenant-général au  bailliage  de  Mont^Fer- 
rant,  puis  avocat-général  au  parlemet  de 
Toulouse.  Elevé  de  charge  en  charge  ,  il 
devint  premier  président  du  parlement 
de  Paris  en  1 507,  et  chancelier  de  France 
en  1515.  Pour  donner  plus  d'activité  de 
promptitude  à  la  justice ,  il  crut  devoir 
suggérer  au  roi  de  créer  une  nouvelle 
chambre  au  parlement  de  Paris.  Cette 
chambre,  composée  de  vingt  conseillers, 
forma  ce  qu'on  appelait  la  Tournelle. 
François  \"  ayant  toujours  besoin  d'ar- 
gent, le  chancelier  fut  obligé  de  se  prêter 
à  des  moyens  qui  répugnaient  à  son  ca- 
ractère. Les  tailles  furent  augmentées, 
et  de  nouveaux  impôts  établis  sans  atten- 
dre l'octroi  des  états,  contre  l'ordre 
ancien  du  royaume.  Ayant  suivi  en  Italie 
François  I*',  il  persuada  à  ce  prince  d'a- 
bolir la  pragmatique-sanction ,  et  de 
faire  le  concordat ,  par  lequel  le  pape 
remit  au  roi  le  droit  de  nommer  aux  bé- 


PRA  91 

néiices  de  France,  et  le  roi  accorda  au 
pape  les  anates  des  grands  bénéfices 
sur  le  pied  du  revenu  courant.  (Ployez 
François  !"■  et  Léon  X. }  Ce  concordat 
finit  heureusement  les  longues  contesta- 
tions qui  avaient  subsisté  entre  les  papes 
et  les  rois  de  France.  Ayant  embras.sc 
l'état  ecclésiastique,  du  Prat  fut  élevé 
successivement  aux  évêchés  de  Meaux, 
d'Albi ,  de  Valence ,  de  Die,  de  Gap  ;  à 
l'archevêché  de  Sens,  enfin  à  la  pourpre 
en  1527.  Nommé  légat  à  latere  eu 
France  ,  il  couronna  la  reine  Eléonore 
d'Autriche.  Un  auteur  italien  prétend 
qu'il  voulut  se  faire  pape  en  1534,  après 
la  mort  de  Clément  VII,  et  ajoute  qu'il 
le  proposa  au  roi ,  auquel  il  promit  de 
contribuer  jusqu'à  400,000  écus;  mais 
que  ce  monarque  se  moqua  de  son  ambi- 
tion, et  retint  son  argent.  Ce  fait  n'a 
aucune  vraisemblance  :  car,  outre  que 
Paul  III  obtint  là  tiare  vingt-huit  jours 
après  la  mort  de  Clément  Vil,  il  n'est 
point  apparent  que  du  Prat ,  qui  élait 
âgé  et  incommodé,  songeât  à  quitter  la 
tranquillité  de  sa  maison  pour  les  agita- 
tions du  trône  pontifical.  Il  se  retira,  sur 
la  fin  de  ses  jours,  au  château  de  Nan- 
touillet,où  il  mourut  en  1535  ,  à  70  ans. 
On  accuse  ce  ministre  d'avoir  suggéré 
au  roi  l'idée  de  vendre  les  charges  de 
judicature.  M.  le  marquis  d'Argenson  , 
ministre  d'état,  prétend,  dans  ses  Loisirs, 
le  justifier  de  ce  reproche  ,  et  dit  que  ce 
fut  d'Amboise  qui  commença  à  rendre 
les  charges  vénales  ;  mais  cette  assertion 
paraît  moins  bien  prouvée  que  la  pre- 
mière.—  Son  fils,  Guillaume  du  Prat, 
évêque  de  Clermont ,  assista  au  concile 
de  Trente,  sous  le  pape  Paul  III,  fonda  le 
collège  de  Clermont  à  Paris  pour  les 
jésuites,  et  mourut  en  1560,  à  53  ans, 
avec  la  réputation  d'un  prélat  zélé  et 
éclairé. 

*  PRAT  (  Alexandre) ,  supérieur  de  la 
maison  royale  des  Loges,  né  à  Paris  en 
1760,  mena  dès  sa  jeunesse  la  vie  la  plus 
pieuse.  Il  montra  une  vocation  pour  l'é- 
tat ecclésiastique,  auquel  il  se  prépara 
de  bonne  heure ,  par  l'éloignement  des 
plaisirs ,  par  les  austérités  et  la  mortifi- 
cation ,  par  une  tendre  affection  pour  les 


92  PRA 

pauvres  et  une  application  constante 
aux  éludes  du  sacerdoce.  Après  avoir  été 
ordonné  prêtre  ,  il  fut  employé  dans  une 
des  paroisses  de  la  capitale  ;  mais  il  se 
retira  bientôt  au  .village  de  Sceaux-les- 
Chartreux  ;  c'est  là  qu'il  éprouva  les  pre- 
mières persécutions  de  la  révolution  : 
ainsi  on  le  vit  un  jour  pressé  par  une 
troupe  armée  qui,  la  baïonnette  et  le  sa- 
bre sous  la  gorge,  voulait  lui  faire  prêter 
le  serment  ;  il  refusa  avec  courage  et  ne 
dut  sa  fuite  et  son  salut  qu'à  une  protec- 
tien  visible  du  ciel.  Retiré  d'abord  à  Pa- 
ris ,  puis  à  Versailles,  il  continua  d'exer- 
cer son  saint  ministère  ;  mais  il  fut  ar- 
rêté et  jeté  au  fond  des  cachots.  Là ,  mal- 
gré la  mort  dont  il  était  menacé  tous  les 
jours,  il  songeait  moins  à  lui  qu'à  ses 
compagnons  de  captivité ,  dont  il  cher- 
chait à  être  le  consolateur  par  son  zèle 
religieux.  Rendu  à  la  liberté ,  il  reprit 
ses  fonctions  avec  un  zèle  tout  nouveau. 
Dans  l'espace  de  30  ans  qui  s'écoulèrent 
depuis  celte  époque  ,  jusqu'à  celle  de  sa 
mort,  plusieurs  cures  importantes  de 
Paris  et  même  le  canonicat  lui  furent  of- 
ferts ;  mais  il  préféra  à  tous  ces  avantages 
sa  retraite  de  Versailles,  où  il  pouvait 
continuer  dans  l'oubli  et  l'obscurité  ses 
soins  aux  âmes  qu'il  dirigeait  en  grand 
nombre  dans  les  voies  du  salut ,  et  aux 
pauvres  pour  qui  il  était  le  père  le  plus 
tendre.  Ce  fut  au  milieu  de  ses  travaux 
pénibles  et  dans  l'exercice  de  ses  vertus 
modestes ,  qu'il  termina  sa  carrière  après 
une  maladie  douloureuse  le  1 3  novembre 
1 828.  L'abbé  Prat  méritait  une  place  dans 
ce  Dictionnaire  oii  nous  aimons  à  consi- 
gner tous  les  exemples  de  vertu  et  de 
religion. 

*  PRAT  (  N.  ),  membre  du  conseil  des 
Cinq-Cents,  mort  dans  le  mois  de  février 
1833,  à  Ploudalniezeau  dans  le  départe- 
ment du  Finistère,  à  l'âge  de  69  ans,  après 
avoir  refusé  le  ministère  du  prêtre  que  sa 
famille  avait  fait  appeler  :  la  sépulture 
ecclésiastique  lui  a  été  refusée.  Un  jour- 
nal a  cru,  à  cause  de  la  similitude  des 
noms,  que  c'était  M.  l'abbé  de  Pradt  qui 
était  mort ,  et  lui  a  consacré  une  Notice 
dans  laquelle  on  voit  que  l'ancien  évê- 
que  de  Malines  a  fait  des  démarches  au- 


PRA 

près  du  schismatique  Auzou  à  Clichy , 
pour  l'engager  à  rentrer  dans  le  sein  de    , 
l'Eglise.  Du  reste  ,  il  n'y  a  rien  de  remar- 
quable dans  la  vie  de  Prat  qui  resta  tou- 
jours dans  l'obscurité. 

*  PRATELLl  ou  pratilli  (François- 
Marie)  ,  chanoine  de  Capoue ,  où  il  na- 
quit vers  1700.  Il  fut  considéré  comme 
un  des  hommes  les  plus  érudits  de  son 
siècle.  Il  a  publié  :  1°  Historia  princi- 
pum  longobardorum  quœ  continet  ali- 
quot  opusciila  de  rébus  Longobardorum 
beneventance  olim  provinciœ,  quœ  modo 
regnumfere  est  neapolitanum ,  Naples  , 
1754,5  vol.  in-4.  Cette  même  histoire 
avait  été  publiée  en  1643  par  Camille 
Pellegrini  le  jeune,  de  Capoue;  elle 
comprenait  depuis  720  jusqu'en  1 137  ,  et 
fut  insérée  dans  les  collections  histori- 
ques deBurmann  et  deMuralori.  Pratelli 
l'augmenta  considérablement,  l'enrichit 
de  plusieurs  dissertation»  et  de  la  vie  de 
Pellegrini.  i°  De'  consolari  délia  pro 
vincia  délia  Campania,  dissertazione  , 
Naples ,  17  57  ;  3°  La  via  appia  riconos- 
ciuta  e  descritta  di  Roma  a  Brindisi, 
Kaples  ,  1747  ,  in-fol.  ;  fig.  Pratelli  mou- 
rut en  1786. 

PRATEOLUS  (  Gabriel  ) ,  autrement 
du  Préau,  naquit  en  1511  à  Marcoussi, 
et  mourut  en  1588,  docteur  de  Sor- 
bonne.  Son  jugement  n'égalait  pas  son 
érudition.  Il  mit  au  jour  et  augmenta  la 
Geomance  de  Cattan  ,  travail  au  moins 
inutile.  Ses  traités  de  doctrine  et  d'his- 
toire ecclésiastique  ,  tels  que  son  Elen  • 
chus  hœrelicorum  ,  Cologne,  1605  ,  in-  1 
4  ,  firent  honneur  à  son  zèle  ;  mais  VE-  \ 
lenchus  comprend  bien  des  gens  qui  ne 
doivent  pas  être  placés  parmi  les  héréti- 
ques. Les  ouvrages  de  du  Préau  peuvent 
se  diviser  en  quatre  classes ,  théologie  , 
traductions,  grammaire  et  histoire. 
Voyez  dans  La  Croix-du-Maine. 

*  PRATI  (Alessio),  compositeur  ita- 
lien ,  né  en  1 736  à  Ferrare ,  mort  dans  la 
même  ville  le  2  février  1788,  est  particu- 
lièrementconnu  par  son  opéra  à' l/igenia, 
qui  fut  tellement  goûté ,  qu'après  la  pre- 
mière représentation ,  l'archiduc  acheta 
l'ouvrage ,  et  le  retira  pour  en  demeurer 
seul  possesseur;  et  par  son  Jrmida  ab- 


PRA 

bandonala  ,  qui  obtint  un  succès  pro  di- 
gieux  ,  et  lui  valut  la  place  de  maître  de 
chapelle  de  l'électeuf  Palatin. 

PRATINAS,  ancien  poète  tragique  de 
Phlionte ,  ville  du  Péloponèse,  voisine  de 
Sicyone,  florissait  vers  l'an  500  avait  J.C. 
Ce  poète  était  contemporain  d'Eschyle 
et  de  Chérile  ,  qui  écrivit  dans  le  même 
genre  ,  et  dont  il  fut  le  concurrent.  Il 
composa  jusqu'à  50  poèmes  dramatiques, 
et  parmi  ces  50  on  comprend  32  farces 
connues  sous  le  nom  de  Satires.  On  en 
trouve  quelques  fragmens  dans  le  Cor- 
pus poetarum  grœcorum ,  Genève,  1 606 
et  16)4  ,  2  vol.  in-fol. 

*PRATO  (Jérôme  de)  ,  prêtre  de  la 
congrégation  de  l'Oratoire  d'Italie,  naquit 
à  Vérone  vers  1710  ;  il  mourut  en  17  82. 
C'était  un  homme  savant,  duquel  on 
a  :  1°  De  chronic.  libris  duobus  ab  Eu- 
sebio  cœsariensi  scriptis  et  editis ,  accé- 
dant grceca  fragmenta  ex  libro  primo , 
olim  excerpta  a  Georgio  Syncello,  Vé- 
rone ,  nb0;2°  SulpiciiSeveri  opéra  ad 
mss.  codices  emendata ,  notis ,  observa- 
tionibus  et  dissertationibus  illustrata, 
Vérone ,  1 754,  in-fol.  Le  Père  Prato  mou- 
rut en  17  82.  Casimir  Oudin  ,  tome  2  , 
De  scriptoribus  ecclcsiasticis ,  pag.  568, 
'  d'après  Barthélemi  Albizzi ,  auteur  des 
Conformités  de  saint  François.,  fait  men- 
tion d'un  autre  Prato  (  Arlotto  ),  frère 
mineur  et  élu  en  1225  général  de  son 
ordre  ,  auquel  le  même  Albizzi  attribue 
l'ouvrage  intitulé  ,  Concordantiœ  biblio- 
rum  sacrorum ,  contre  l'ancienne  opi- 
nion qui  le  donne  à  Ugo  de  sancto  Cha- 
ro,  ou  de  sancto  Theuderio,de  l'ordre 
de  Saint-Dominique  ;  sur  quoi  on  peut 
consulter  Echard ,  De  Scriptoribus  ordi- 
nis  prœdicatorum ,  tom.  I*"',  p.  203;  et 
Wadding  ,  Scriptores  ordinis  minorum , 
p.  40,  qui  cite,  en  faveur  de  Prato, 
Trithème  et  d'autres. 

*  PRATO  VENTURA.  Fogez  Ven- 
tura. 

PRAXAGORAS  d'Athènes  vivait 
vers  l'an  345  de  J.  C.  Il  publia  ,  âgé  seu- 
lement de  19  ans,  V Histoire  des  rois 
d'Athènes  ,  et  à  22  ans,  la  Fie  de  Con- 
stantin le  Grand.  Photius  nous  en  a  con- 
servé des  fragmens.  Quoique  païen ,  il  y 


PRA  93 

parle  très  avantageusement  de  ce  prin- 
ce :  témoignage  qui  vaut  certainement 
mieux,  et  qui  a  plus  d'autorité  et  de  force 
que  toutes  les  satires  des  prétendus  phi- 
losophes du  18'  siècle  contre  le  premier 
empereur  chrétien,  (^oyez  Constantin.) 
Il  avait  aussi  écrit  \ Histoire  d'Alexan- 
dre le  Grand. 

PRAXÉAS,  hérésiarque  du  2*  siècle, 
était  Phrygien.  Il  alla  à  Piome  du  temps 
du  pape  Eleuthère  ,  s'y  déclara  contre  les 
montanistes  ,  et  engagea  le  pape  à  révo- 
quer les  lettres  de  communion  qu'il  leur 
avait  accordées  sur  de  faux  exposés.  U 
connaisait  d'autant  mieux  leurs  erreurs, 
qu'il  avaitquitté  leur  secte  ;  mais  il  tom- 
ba ensuite  dans  une  autre  hérésie ,  ne 
connaissant  qu'une  seule  personne  dans 
la  Trinité  ,  et  disant  même  que  le  Père 
avait  été  crucifié  comme  le  Fils  ,  ce  qui 
fut  depuis  suivi  par  les  hérétiques  noë- 
tiens,  par  les  sabelliens  et  par  les  patri- 
passiens.  TertuUien  écrivit  avec  une  ex- 
trême véhémence  contre  Praxéas,  qui 
était  passé  de  Rome  en  Afrique.  U  revint 
deux  ou  trois  fois  dans  le  sein  de  l'Église, 
qui,  comme  une  bonne  mère,  le  reçut 
avec  une  très  grande  douceur;  mais  il  re- 
tomba toujours  et  mourut  dans  l'hérésie. 

PRAXILLA ,  dame  de  Sicyone ,  floris- 
sait vers  l'an  450  avant  J.C.  Elle  inventa, 
dit-on,  une  espèce  de  vers,qui  de  son  nom 
fut  appelée  praxilleenne.  Mais  tout  cela 
est  fort  incertain  ;  et  l'on  peut  douter 
aussi  que  les  poésies  imprimées  sous  son 
nom  avec  celles  de  quelques  autres  poè- 
tes lyriques,  Hambourg,  1734,  in-4 , 
soient  effectivement  de  celte  ancienne 
muse. 

PRAXITÈLE  ,  sculpteur  grec ,  vers 
l'an  564  avantJ.C,  réussissait  tellement  à 
travailler  le  marbre ,  qu'il  semblait  l'a- 
nimer par  son  art.  Tous  ses  ouvrages 
étaient,  dit-on,  d'une  grande  beauté  : 
on  ne  savait  auquel  donner  la  préférence  ; 
il  fallait  être  lui-même ,  pour  juger  des 
différens  degrés  de  perfection.  La  fa- 
meuse courtisane  Phryné  ayant  obtenu  de 
Praxitèle  la  permission  de  choisir  son 
plus  bel  ouvrage  ,  se  servit  d'un  strata- 
gème pour  le  conngtître.  Elle  fit  annon- 
cer à  ce  célèbre  artiste  que  le  feu  était  à 


94  PRE 

son  atelier  ;  alors ,  tout  hors  de  lui- 
même  ,  il  s'écria  ;  «  Je  suis  perdu  ,  si  les 
w  flammes  n'ont  point  épargné  mon 
M  Satyre  ei  mon  Cupidon.  «Phryné,  sa- 
chant le  secret  de  Praxitèle ,  lui  déroba 
le  Cupidon.  Les  anciens  auteurs  ont 
beaucoup  vanté  une  autre  statue  de 
Vjémour  faite  par  ce  sculpteur ,  une 
statue  de  Phryné,  une  entre  autres , 
dont  les  habi tans  de  Gnide  furent  pos- 
sesseurs ,  mais  que  Pline  dit  avoir  été  in- 
férieure à  celle  de  Scopas.  (  Voyez  ce 
nom.)  On  voit  que  Praxitèle,  ainsi  que 
la  plupart  des  artistes  du  paganisme, 
choisissait  de  préférence  des  sujets 
assortis  à  la  corruption  des  mœurs  et  au 
goût  d'un  peuple  voluptueux.  L'opinion 
commune  est  que  les  deux  chevaux 
qu'on  voit  au  Monte-Cavallo  à  Rome  , 
sont  de  Praxitèle.  (Pour  se  former  une  fai- 
ble idée  du  talent  rare  et  peut-être  uni- 
que de  Praxitèle ,  il  suffit  de  connaître 
les  simples  copies  des  ouvrages  de  cet 
artiste  ,  savoir  :  le  Faune  et  le  Cupidon 
du  Vatican ,  qu'on  voyait  au  musée  de 
Paris,  en  1814  ,  la  Vénus  de  Gnide,  au 
jardin  des  Tuileries,  sur  la  terrasse  du 
midi  ;  une  tête  de  cette  même  Vénus ,  au 
musée  du  Louvre ,  et  que  le  célèbre  Vis- 
conti  trouvait  d'une  beauté' divine  ,  sans 
compter  d'autres  copies  répandues  à 
Rome  et  en  d'autres  musées.  Les  chevaux 
du  Capitule  ont  toujours  formé  et  forme- 
ront toujours  un  sujet  d'étude  pour  les 
artistes,  comme  ils  exciteront  toujours 
l'admiration  des  connaisseurs.  ) 

PRÉ  (Claude  duj ,  sieur  de  Vau-Plai- 
saint,  naquit  à  Lyon  vers  l'an  1543.  Ses 
ancêtres  y  avaient  été  distingués  dans  la 
robe  et  dans  la  littérature.  Un  autre 
Claude  du  Pré  ,  mort  en  1 560 ,  et  enterré 
aux  Jacobins  de  cette  ville,  a  composé 
un  Traite'  des  connaissances  ge'ne'rales 
du  droit.  Celui-ci  fit  ses  études  dans  sa 
pairie,  cl  prit  des  grades  dans  l'univer- 
sité de  Toulouse,  en  1565.  Quatre  ans 
après ,  il  fut  pourvu  d'une  charge  de  con- 
seiller en  la  sénéchaussée  et  siège  prési- 
dial  de  Lyon  ,  laquelle  il  exerça  avec 
beaucoup  d'honneur.  11  a  fait,  en  latin  , 
Compendium  verce  originis  et  genealo- 
gice  Franco-Gallorum,  et  un  Recueil 


PRE 

intitulé  Praium  Claudil  Prati,  Paris, 
1614  ,  in-8.  C'est  dans  ce  dernier  ouvra-  . 
ge ,  divisé  en  4  livres ,  qu'il  établit  l'uti- 
lité de  la  philosophie  pour  étudier  la 
jurisprudence ,  et  (ce  qu'il  a  moins  bien 
prouvé  (la  nécessité  de  traiter  la  philoso- 
phie et  les  sciences  en  français.  C'est 
peut-être  à  cet  usage  qui  a  prévalu  que 
nous  devons  celle  fourmilière  de  faux 
savans  qui  dégradent  les  lettres  en 
même  temps  qu'ils  dévastent  la  religion 
et  les  mœurs.  (  Voyez  François  I" ,  Fer- 
NEi,.)  (  Les  Dictionnaires  historiques  con- 
fondent ordinairement  les  deux  auteurs 
qui  ont  porté  le  nom  de  Claude  du  Pré, 
La  Biographie  universelle  attribue  au 
premier  les  ouvrages  que  Feller  donne  au 
second ,  à  l'exception  du  Traité  des  con- 
naissances du  droit,  qu'elle  semble  don- 
ner au  second.  ) 

PRÉ  (Jean  du  ),  célèbre  ermite  dans 
le  canton  de  Fribourg  en  Suisse ,  s'est  si- 
gnalé par  un  ouvrage  unique  en  son 
genre,  qui  fait  l'admiration  de  tous  les 
voyageurs.  C'est  un  monastère  taillé 
dans  le  roc ,  auquel  il  travailla  avec  son 
valet  durant  25  ans.  {Voyez-en  la  des- 
cription à  Farticle  Fribourg,  ermitage, 
dans  le  Dict.  géog.  )  Il  était  né  à  Gruyè- 
res ,  et  périt  malheureusement  dans  la 
Sane  en  1708,  avec  des  écoliers  de  Fri- 
bourg ,  qui  relaient  venus  voir  le  jour  de 
la  fête  de  son  église  :  il  les  reconduisait  à 
l'autre  rive  ,  dans  une  nacelle  qui  cha- 
vira. 

PRÉ  d'Aunay  (Louis  du) ,  Parisien ,  né 
en  1670,  mourut  en  1768,  après  avoir 
été  commissaire  des  guerres ,  directeur 
général  des  vivres  ,  et  chevalier  de  l'or- 
dre du  Christ.  Nous  avons  de  lui  :  1" 
Lettres  sur  la  génération  des  animaux-, 
2°  Traité  des  subsistances  militaires , 
1744,  2  vol.  in-4  ;  3°  Réception  du  doc- 
teur Hecguet  aux  enfers ,  1748  ,  in- 12  ; 
4°  Réflexions  sur  la  transfusion  du  sang, 
1749,  in-12.  {  Vogez  Libavius  ,  Denys 
Jean-Baptiste  et  Merklin.)  5°  Aventures 
du  faux  chevalier  de  fVarwich,  1750  , 
2  vol. 

PRÉ  DE  Saint  Maur  (  Nicola.s-François 
du) ,  maître  des  comptes  ,  à  Paris ,  où  il 
était  né  en  1695,  y  mourut  en  1774,  a 


PRE 

donné  :  1*  la  Traduction  du  Paradis 
perdu  de  Milton,  3  vol.  in-12 ,  qui  com- 
prennent le  Paradis  reconquis ,  traduit 
par  un  jésuite,  et  les  remarques  d'Addis- 
son  sur  le  Paradis  perdu.  Cette  version 
oii  l'on  a  fait  disparaître  les  principaux 
défauts  de  l'original,  en  y  faisant  des 
changemens  et  des  retranchemens ,  est 
écrite  d'un  slile  vif  ,  énergique  et  bril- 
lant. Cependant  on  reproche  à  Pré  ou 
T)upré  d'avoir  mutilé  sans  ménagement 
l'ouvrage  de  Milton,  2°  Essai  sur  les 
monnaies  de  France,  1746,  i n- 2  ;  ou- 
vrage plein  de  recherches  curieuses,  et 
justement  estimées  ;  3°  Recherches  sur 
la  valeur  des  monnaies  et  le  prix  des 
grains ,  1761  ,  in-12  :  estimables  et  uti- 
les ;  4"  Tables  de  la  durées  de  la  vie  de 
hommes ,  dans  V Histoire  naturelle  de  M. 
de  Buffon. 

•  PRÉAMENEU  (  Félix  -  Julien  -  Jean 
Bigot  de  ).  Ployez  Bigot. 

PRÉAU  (Du).  Voyez  Prateolus. 

PRÉAUX  (Des).  Voyez  Boilkau  (x\i- 
colas). 

PRECIPIANO  (Humbert-Guillaume, 
comte  de  ) ,  l'un  des  plus  vertueux  et  des 
plus  zélés  évêques  du  17*  siècle,  naquit 
à  Besançon  en  1626  d'une  ancienne  fa- 
mille originaire  de  Gênes,  alliée  aux 
Doria  et  aux  Spinola.  Successivement 
chanoine ,  archidiacre  et  doyen  de  l'é- 
glise de  Besançon  ,  abbé  de  Bellevaux  ,  il 
brilla  de^tant  d'excellentes  qualités  dans 
l'exercice  de  ces  emplois ,  qu'il  s'attira 
l'estime  et  la  confiance  de  son  souverain. 
Philippe  IV,  roi  d'Espagne,  le  nomma 
conseiller  ecclésiastique  de  la  cour  sou- 
veraine de  Bourgogne,  et  en  1667  il 
fut  choisi  pour  être  envoyé,  de  la  part 
des  états  de  cette  province,  à  la  diète 
d'eoipire.  Son  habileté  dans  les  négocia- 
tions le  fit  élever  en  1672  à  la  dignité 
de  conseiller  suprême  pour  les  affaires 
des  Pays-Bas  et  de  Bourgogne,  auprès 
de  Charles  II  ;  emploi  qui  demandait  sa 
présence  à  Madrid.  Dix  ans  après ,  il  fut 
nommé  évêque  de  Bruges.  Sa  piété  et 
son  zèle  ,  qui  ne  s'étaient  point  ralentis 
pendant  ses  négociations ,  se  manifestè- 
rent avec  un  nouvel  éclat  après  sa  pro- 
jnotion.  Il  consacra  tous  ses  soins  à  rem- 


PRE  *  95 

pllr  les  devoirs  d'un  pasteur  vigilant,  et 
s'attacha  surtout  à  démêler  la  zizanie 
du  bon  grain  ,  pour  l'arracher  du  champ 
qui  lui  était  confié.  Nommé  à  l'arche- 
vêché de  Malines ,  il  montra  beaucoup 
de  répugnance  à  quitter  son  troupeau  ; 
il  fallut  des  ordres  exprès  dupape  Alexan- 
dre VIII  pour  lui  faire  accepter  cette 
nouvelle  dignité.  Les  Pays-Bas  se  sou- 
viennent encore  du  zèle  qu'il  déploya 
pour  maintenir  la  pureté  de  la  foi  et 
l'autorité  du  siège  de  Rome  ;  pour  sou- 
tenir les  décrets  de  cette  mère  Eglise ,  la 
discipline  et  la  juridiction  ecclésiasti- 
que. Sa'  charité  envers  les  pauvres,  sa^ 
piété  et  la  douceur  de  ses  mœurs  lui  at- 
tirèrent l'amour  et  la  confiance  de  ses  vé- 
ritables ouailles  ;  mais  il  eut  beaucoup  à 
souffrir  de  la  part  de  ceux  qui  montraient 
peu  de  soumission  à  l'autorité  du  saint- 
Siége.  Enfin,  accablé  sous  le  poids  des 
années  et  des  infirmités,  il  mourut  à 
Bruxelles  en  1711  ,  à  l'âge  de  85  ans. 
Besançon ,  Bruges  ,  Bruxelles ,  Malines  , 
l'abbaye  de  Bellevaux ,  possèdent  des 
monumens  et  de  sa  munificence  et  de  sa 
piété.  On  voit  son  mausolée  excellemment 
exécuté  dans  l'église  métropolitaine  de 
Malines ,  et  accolé  à  celui  de  son  frère 
Prosper-Ambroise  Precipiano  ,  lieutenant- 
général  des  armées  d'Espagne ,  mort  à 
Bruxelles  en  1707.  Ce  dernier  monument 
est  hors  du  sanctuaire ,  quoiqu'il  tienne 
à  l'autre.  On  y  voit  ces  paroles  :  Quo- 
modo  in  vita  dilexerunt  se ,  ita  et  in 
morte  non  sunt  separati. 

"^  PRÉCY  (Louis -François  Perrein  , 
comte  de),  général  royaliste,  né  à  Semur , 
le  15  janvier  1742,  était  d'une  famille 
originaire  du  Dauphinéqui  fut  forcée  de 
se  retirer  en  Bourgogne  dans  le  milieu 
du  16*  siècle  par  suite  des  guerres  de 
religion.  Précy  fut  reçu,  à  l'âge  de  20 
ans ,  dans  un  régiment  dont  un  de  ses 
oncles  était  colonel ,  et  fit  les  campagnes 
d'Allemagne  de  17  55  à  1762.  Devenu 
aide-major,  il  fit  en  1774  la  campagne 
de  Corse  ;  et  quand  on  forma  les  batail- 
lons de  chasseurs  (en  1783)  ,  il  fut  nommé 
commandant  de  celui  des  Vosges.  Il  se 
trouvait  avec  ce  corps  dans  lemidi ,  dans 
le  commencement  de  la  révolution  :  il 


96  PRE 

réprima  par  sa  fermeté  les  perturbateurs 
des  villes  de  Collioure ,  de  Lunel ,  Per- 
pignan et  Montpellier.  Les  jours  du  roi 
lui  parurent  bientôt  en  danger  ;  il  désira 
se  rapprocher  de  sa  personne.  Ce  fut 
dans  ce  but  qu'il  refusa  le  commande- 
ment du  régiment  d'Aquitaine  auquel  le 
roi  l'avait  nommé  :  il  devint  lieutenant- 
colonel  de  la  garde  constitutionnelle  de 
Louis  XVI  qui  fut  licenciée  le  19  mai 
1792.  Le  comte  de  Précy  contiuua  de 
veiller  à  la  sûreté  de  Louis  XVI,  et,  quoi- 
qu'il n'eût  aucune  qualité  apparente,  il 
avait  su  conserver  à  sa  disposition  quel- 
ques-uns de  ses  compagnons  d'armes. 
Au  10  août  il  en  réunit  1 50  avec  lesquels 
il  combattit  dans  les  rangs  des  Suisses. 
En  quittant  pour  jamais  son  palais ,  Louis 
XVI  aperçut  le  comte  de  Précy  et  s'écria. .. 
«  Ah  !  fidèle  Précy  ! »  ces  mots  de- 
venus historiques  font  un  si  grand 
honneur  à  cette  illustre  famille,  que 
Louis  XVIII  l'autorisa,  en  1823,  aies 
placer  pour  devise  dans  ses  armes.  Un 
heureux  hasard  sauva  le  comte  de  Précy 
des  massacres  qui  eurent  lieu  dans  cette 
journée  du  10  août.  Après  la  mort  de 
Louis  XVI ,  retiré  à  Semur  dans  le  sein 
de  sa  famille ,  il  attendait  qu'il  pût  en- 
core exposer  sa  vie  pour  la  cause  de  la 
monarchie.  Les  Lyonnais  qui  avaient  ap- 
pris à  l'estimer  pendant  le  temps  qu'il 
avait  été  en  garnison  dans  leur  ville 
(  1787  ) ,  lui  offrirent  le  commandement 
de  l'armée  fédérative  qu'ils  organisaient 
pour  marcher  contre  la  Convention.  Le 
comte  de  Précy  accepta  et  alla  dans  cette 
ville  où  il  se  hâta  de  se  mettre  en  me- 
sure contre  les  troupes  nombreuses  qui 
venaient  pour  combattre  les  Lyonnais. 
La  défection  des  soldats  de  Précy  le  mit 
dans  la  nécessité  de  se  renfermer  dans  la 
ville  de  Lyon;  mais  rien  n'était  prêt  pour 
soutenir  un  siège.  Une  perdit  cependant 
pas  courage.  Il  envoya  des  commissaires 
à  l'armée  de  Condé,  aux  cantons  Sui.sses 
et  à  Turin.  Le  prince  était  dans  Timpos- 
sibilité  de  rien  entreprendre  ;  les  Suisses 
se  bornèrent  à  de  grandes  promesses ,  et 
ja  cour  de  Turin,  au  lieu  de  10,000 
hommes ,  envoya  quelques  bataillons 
que  Kellermann  battit  dans  la  Taren- 


PRE 

taise.  L'armée  républicaine  était  déjà 
devant  Lyon,  avant  même  qu'on  eût  pu 
dresser  une  seule  batterie.  Cette  armée 
était,  forte  de  40  ,000  hommes  ,  et  dans 
la  suite,  elle  s'éleva  jusqu'à  100,000. 
Le  premier  coup  de  canon  fut  tiré  le  8 
août  1793  ,  et  les  premières  rencontres 
n'ayant  pas  tourné  à  l'avantage  des  répu- 
blicains, leurs  proconsuls  campés,  pour 
plus  de  sûreté,  sur  les  hauteurs  de  Montes- 
sui ,  eurent  recours  à  la  ruse.  Ils  envoyè- 
rent dans  la  place ,  le  1 7  août ,  un  mes- 
sager porteur  d'une  dépêche  par  laquelle 
ils  promettaient  clémence  et  protection 
aux  habitans  si ,  dans  une  heure,  ils  ou- 
vraient les  portes  de  la  ville  et  livraient 
leurs  principaux  chefs.  On  remit  la  dé- 
pêche au  général  Précy ,  qui  la  commu- 
niqua aussitôt  au  conseil  du  gouverne- 
ment de  la  cité.  Après  qu'on  en  eut  fait 
lecture  à  haute  voix  ,  le  général  se  leva 
et  dit  :  «  Messieurs,  j'ai  ceint  l'épéed'a- 
»  près  le  vœu  du  peuple  de  Lyon  ;  je  la 
»  dépose  jusqu'à  ce  que  son  vœu,  de 
i>  nouveau  librement  exprimé  ,  m'engage 
»  à  la  reprendre.  »  Alors  les  trente-deux 
sections  ayant  été  convoquées  quelques 
heures  après,  ce  vœu  fut  exprimé  en  fa- 
veur du  général  par  vingt  mille  signa- 
tures, qui  devinrent  ensuite  des  arrêts 
de  mort.  Le  comte  de  Précy  se  disposa , 
avec  le  peu  de  soldats  qui  lui  restaient , 
à  la  plus  vigoureuse  défense.  Sa  pre- 
mière démarche  fut  d'adresser,  en  ré- 
ponse aux  proconsuls ,  un  message  signé 
de  lui  et  de  plusieurs  officiers  de  son  état- 
major,  et  par  lequel  il  rendait  les  mem- 
bres du  comité  de  salut  public  respon- 
sables ,  sur  leur  tête,  de  la  sûreté  de  la 
famille  royale  enfermée  dans  la  tour  du 
Temple.  On  sait  qu'à  cette  époque  la 
reine,  le  jeune  Dauphin,  et  Madame 
Elisabeth ,  vivaient  encore  ;  on  sait  aussi 
que  dans  la  suite  ces  deux  princesses 
furent  condamnées  au  supplice  ,  que  le 
Dauphin  périt  d'une  mort  prématurée, 
et  que  ce  ne  fut  que  pour  effectuer  un 
échange  que  l'on  épargna  Madame  ,  du- 
chesse d'Angoulême,  aujourd'hui  Dau- 
phine  de  France.  Cependant  Précy  n'a- 
vait que  quatre  mille  cinq  cents  hommes 
à  opposer  à  l'armée  de  la  Convention. 


PRE 

Vi\  liers  dos  faibles  troupes  du  coiule 
occupait  constamment  la  campagne, 
dans  une  étendue  de  douze  lieues,  et 
î;ardait  par  pelotons  plusieurs  villages. 
Dans  l'intérieur ,  il  fallait  la  surveil- 
lance la  plus  active  ,  soit  pour  réparer  le 
mal  que  faisaient  les  bombes  ,  soit  pour 
tenir  en  respect  vingt  mille  ouvriers, 
tous  jacobins  ,  et  prêts ,  à  la  première 
occasion  ,  à  ouvrir  les  portes  à  l'ennemi. 
Le  siège  durait  depuis  deux  mois,  et  la 
troupe  du  général  Précy ,  par  les  pertes 
<iu'elle  avait  laites  dans  des  combats 
continuels  ,  se  trouvait  réduite  à  1 ,  500 
hommes.  C'est  avec  cette  poignée  de  sol- 
dats qu'il  brave  les  forces  imposantes 
des  républicains.  A  ces  maux  viennent 
se  joindre  une  cruelle  diselle,  et  la  tra- 
hison ,  qui  avait  facilité  aux  assiégeans 
le  moyen  de  braquer  leurs  canons  aux 
portes  de  la  ville  et  sur  les  hauteurs  qui 
la  dominent.  Les  sections  étaient  déjà  en 
pourparler  avec  les  proconsuls,  aux- 
quels elles  devaient,  pour  première  con- 
dition, livrer  le  général  et  ses  compa- 
gnons d'armes.  Dans  celte  extrémité ,  le 
comte  de  Précy  se  détermine  à  faire  une 
sortie  avec  700  hommes  ,  qu'il  divise  en 
trois  corps  :  il  l'exécute  en  plein  jour, 
le  9  octobre  179:».  Son  intention  était 
de  passer  la  Saône,  de  gagner  le  Jura,  la 
Suisse,  et  d'aller  avec  sa  petite  troupe 
se  joindre  à  l'armée  du  prince  de  Condé. 
Les  deux  premiers  corps  traversèrent  les 
lignes  au  milieu  du  feu  de  l'eunemi; 
mais  le  troisième,  que  conduisait  le 
comte  de  Varieu  ,  fut  taillé  en  pièces.  Le 
comte  de  Précy  échappe  à  ce  massacre, 
et,  accompagné  de  deux  soldats,  les 
seuls  qui  lui  restent  et  lui  servent  de 
guide ,  il  erre  plusieurs  jours.  Arrivé  aux 
montagnes  du  Forez  ,  il  atteignit  le  vil- 
lage de  Sainte-Agathe,  où  de  bons  culti- 
vateurs lui  donnèrent  asile  dans  leur 
chaumière.  Il  resta  pendant  douze  jours 
caché  dans  un  souterrain ,  d'où  il  en- 
tendait les  voix  des  émissaires  que  le  co- 
mité de  salut  public  envoyait  à  sa  pour- 
suite. Après  la  prise  de  Lyon  ,  que  l'in- 
fâme CoutliOD  (  voyez  ce  nom  )  inonda 
de  sang  et  combla  de  ruines  ,  le  parti 
modéré  prit  le  dessus  sur  celui  de  la 

XI. 


Pr»E  97 

Moiilugne  ,  et  Robespierre  et  la  commune 
furent  renversés.  Cependant  le  comte  de 
Précy  ne  peutquitter  la  France  que  six  se- 
maines après  la  mort  de  ce  tyran.  H  se 
rendit  à  Turin ,  oii  le  roi  Victor-Amédée 
l'attacha  à  son  état-major  avec  le  grade 
de  colonel  d'infanterie.  De  concert  avec 
MM.  d'Essoles  (  voyez  ce  nom  ) ,  Wick- 
hams ,  ministre  d'Angleterre ,  et  le  comte 
de  Maistre  ,  il  s'occupait  de  la  levée  d'un 
corps  franc  ,  lorsque  Louis  XVIII  l'appela 
à  Vérone.  Il  recul  le  plus  honorable  ac- 
cueil du  monarque  ,  qui,  au  moment  où 
le  comte  de  Précy  allait  s'incliner  ,  l'en 
empêcha  en  s'écriant...  «  Non,  le  dé- 
»  fenseur  de  Lyon  doit  embrasseï*  son 
»  roi...  »  et  il  l'embrassa.  Un  autre 
jour  ayant  été  invité  à  dîner  chez  Sa  Ma- 
jesté :  «  M.  le  comte  de  Précy  ,  lui  dit  le 
»  roi  en  entrant ,  vous  ne  trojiverez  au- 
»  jourd'hui  que  du  maigre  ;  il  faut  être 
«  observateur  zélé  des  lois  de  l'Eglise  , 
M  pour  mériter  de  Dieu  un  serviteur  aussi 
»  lidèle  que  vous.  »  M.  le  comte  de  Précy 
obtint  toute  la  confiance  de  Louis  XVIH, 
et  fit  partie  de  la  régence  formée  à 
Augsbourg ,  sous  les  ordres  immédiats 
du  roi ,  et  composée  de  MM.  Dandré  ,  le 
marquis  de  Vezet  et  l'abbé  de  Lamarre. 
Elle  était  destinée  à  diriger  les  opérations 
de  l'Institut  philantropiqiie ,  premier 
anneau  d'une  chaîne  d'associations  roya- 
listes ,  dont  Lyon  était  le  centre  ,  et  la- 
quelle s'étendait  de  l'est  au  midi  de  la 
France,  depuis  le  Var  jusqu'au  Jura;  se 
liait  en  outre  à  une  commission-générale 
établie  à  Bordeaux ,  et  pouvait  faire 
coïncider  ces  mouvemens  de  la  partie  de 
l'ouest  avec  ceux  de  la  Vendée ,  qui  était 
comprise  dans  une  autre  organisation  ,  à 
la  tête  de  laquelle  était  le  comte  d'Ar- 
tois (depuis  Charles  X).  Le  comte  de 
Précy  se  rendit  en  Angleterre  en  1796, 
chargé  d'une  mission  auprèsde  ce  prince, 
qui  le  mit  en  rapport  avec  le  gouverne- 
ment anglais,  et  il  put  ainsi  devenir 
utile  à  plusieurs  émigrés  fiançai.s.  De 
nouvelles  missions  le  firent  aller  à  Vienne 
où  il  reçut  un  favorable  accueil  de  la  du- 
chesse d'Angoulême,  et  de  l'archiduc 
Charles.  De  Vienne ,  le  comte  de  Précy 
passa  en  Suisse  ,  qu'il  fut  contraint  de 
i3. 


98  PRE 

quitter  à  l'uppvoche  de  l'arraée  du  direc- 
toire. Après  le  18  fructidor  (4  septembre 
1 797  ),  il  se  retira  près  d'Uberliugen  ,  où 
plusieurs  proscrits  ,  MM.  de  Gérando  et 
Camille  Jordan,  se  réunissaient  chez  lui, 
et  formaient  ensemble  des  plans  pour 
combattre  la  révolution.  Le  comte  de 
Précy  aurait  voulu  seconder  les  désirs 
du  grand-écuyer  Steiger  pour  défendre 
la  Suisse  ;  mais  le  général  Brune  l'avait 
déjà  envahie  avec  denombreuses  troupes. 
Les  intérêts  de  la  cause  royale  l'ayant 
appelé  à  Augsbourg ,  il  fut  également 
forcé  de  quitter  cette  ville  après  la  dé- 
faite des  Russes.  Retiré  à  Bareuth,  sous 
la  protection  du  roi  de  Prusse ,  il  s'y  vit 
arrêté  à  la  demande  du  con.<iul  Buona- 
parte ,  et  enfermé  dans  un  château  fort , 
d'où  il  ne  sortit  qu'au  bout  de  dix -huit 
mois.  Le  duc  de  Brunswick  lui  donna 
asile  dans  ses  états.  La  bataille  d'Iéoa 
laissant  les  états  de  Brunswick  ouverts 
aux  troupes  françaises,  le  comte  de 
Précy  se  rendit  avec  sa  famille  h  Ham- 
bourg, puis  à  Francfort,  et,  pour  l'en- 
tremise du  général  Lefèvre  et  le  député 
Tolissard ,  il  obtint  la  permission  de  ren- 
trer en  France  en  1810.  Il  demeura  à 
Dijon ,  ensuite  à  Marigny-sur-Loire  ,  au 
sein  de  sa  famille ,  où  il  apprit  l'heureux 
événement  delà  restauration.  Etant  ve- 
nu à  Paris  ,  Louis  XVIII  le  nomma  com- 
mandant de  la  garde  nationale  de  Lyon  : 
le  comte  d'Artois  s'y  trouvait ,  et  posa 
la  première  pierre  de  l'église  expiatoire, 
en  l'honneur  des  victimes  du  siège.  Ce 
prince  nomma  le  comte  de  Précy  inspec- 
teur de  ce  pieux  monument.  Au  retour 
de  Buouaparte  (  en  1 8 1 6  )  de  l'île  d'Elbe, 
il  voulait  essayer  encore  de  défendre 
cette  ville;  maison  ne  put  vaincre  la 
garnison  par  la  force  des  armes ,  ni  la 
gagner  par  des  promesses  et  de  l'argent. 
Le  comte  de  Précy  suivit  le  comte  d'Ar- 
tois à  Paris.  Il  y^fut  arrêté  ,  et  après  l'en- 
trée deBuonaparte  dans  la  capitale,  on 
lui  rendit  la  liberté,  mais  sous  la  sur- 
veillance de  la  police.  A  la  seconde  res- 
tauration ,  il  reprit  le  commandement 
des  gardes  nationales  de  Lyon ,  et  en 
1 8 1 G  le  roi  le  nomma  inspecteur  général 
de  cette  milice  dans  le  département  du 


PRE 

Uhôue.  Le  comte  de  Précy  demeurait  Or- 
dinairement à  Marigny-sur-Loire  ;  il  y  * 
fut  attaqué  d'une  longue  maladie  ,  et  y 
mourut  dans  des  sentimens  de  piété,  le 
26  août  1820,  âgé  de  soixante-dix-buit 
ans.  On  trouve  dans  son  testament  la 
phrase  suivante  :  Je  recommande  aux 
bonte's  du  roi  madame  de  Précy  ,  mn 
digne  épouse ,  dont  Vâge  et  la  modique 
fortune  pourront  paraître  à  S.  M. 
dignes  de  sa  munificence.  Les  restes  du 
comte  de  Précy  furent  transportés  à  Lyon 
le  2U  septembre  1821  ,  et  déposés  dans 
l'église  expiatoire ,  qui  était  entièrement 
achevée.  On  devait  élever,  dans  son  en- 
ceinte ,  et  en  marbre  de  Paros ,  deux  mo- 
numens  funèbres,  l'un  consacré  au  gêné- 
rai,  et  l'autre  aux  soldats  qui  avaientpéri 
dans  le  mémorable  siège  de  Lyon ,  et 
dont  on  est  parvenu  à  recueillir  les 
restes ,  qu'on  a  mis  dans  un  charnier.  Le 
comte  de  Précy  a  laissé  deux  écrits  sur 
ce  même  siège  et  sur  ses  suites  ;  sa  veuve 
les  a  confiés  au  secrétaire  de  la  commis- 
sion lyonnaise  à  Paris ,  et  ils  devaient 
êlreiiisérésdans  l'Histoire  relative  à  cette 
époque. 

*  PREGLIASCO  (Jacques),  architecte 
italien,  né  vers  17  57,  mort  à  l'âge  de 
68  ans  le  26  décembre  182.Sà  Turin,  s'é- 
tait distingué  dans  toute  l'Italie  par  son 
talent  dans  l'architecture  théâtrale  et 
dans  l'art  de  former  les  jardins  suivant 
le  goût  anglais.  On  remarque  parmi  ses 
ouvrages  le  parc  de  la  princesse  de  Lo- 
rène  Caregnano  ;  la  restauration  du  grand 
théâtre  de  la  Canobiana  à  Milan  ;  la  plu- 
part des  décorations  pour  les  ballets  my- 
thologiques de  Vigano  et  de  Gioja;  la 
nouvelle  construction  du  grand  théâtre 
de  Naples  et  du  théâtre  de  la  cour  de  Mi- 
lan à  Monza.  Nous  ne  pouvons  citer  tous 
les  ouvrages  dans  lesquels  il  fit  preuve 
d'autant  d'originalité  que  de  goût. 

PRÉMOWTVAL  (  André- Pierre  Le 
GuAY  de  ) ,  de  l'académie  des  Sciences 
de  Berlin ,  naquit  à  Charenton ,  en  17 16. 
Son  goût  pour  les  mathématiques  lui 
fit  ouvrira  Paris,  en  17  40  ,  une  école 
gratuite  pour  celle  science.  La  causti- 
cité orgueilleuse  de  son  caractère  lui  fit 
beaucoup  d'ennemis  ;  ayant  été  déshérité 


PKE 

par  son  père ,  il  quilta  la  France.  Pré- 
niontval ,  accablé  de  dettes ,  reçut  de 
Fontenelle  un  secours  de  1200  livres, 
avec  lesquelles  il  se  rendit  à  pied  à  Ge- 
nève, avec  une  demoiselle  qu'il  avait  en- 
levée. Il  l'épousa  à  Fribourg  ,  passa  un 
an  ou  deux  à  Bàle  ,  erra  dans  quelques 
villes  d'Allemagne,  et  se  fixa  ensuite  à 
Berlin ,  où  il  eut  des  succès  et  des  que- 
relles. Ce  fut  alors  qu'il  se  mit  au  rang 
des  auteurs,  et  il  travailla  pour  les  li- 
braires. (  Sa  femme  obtint  la  place  de  lec- 
trice de  la  princesse  Guillelhminc  de 
Prusse ,  épouse  du  prince  Henri.  Pré- 
montval  fut  admis  à  l'académie  de  Berlin, 
et  il  ne  tarda  pas  à  se  brouiller  avec  ses 
confrères.  Il  écrivit  beaucoup  contre  la 
philosophie  de  Wolf.  Il  convoitait  la 
chaire  de  langue  française,  qui  fut  don- 
née à  Toussaint.  Cet  échec  le  fit  tomber 
dans  le  délire,  et  il  mourut  quelque 
temps  après. }  Nous  avons  de  lui  -.  1°  La 
Monogamie ,  ou  l' Unité  dans  le  ma- 
riage, 1751  ,  3  vol.  in-8  :  ouvrage  mau- 
vais ,  bizarre  et  ennuyeux  ;  2"  Le  Dio- 
gène  de  d'Alcmbert,  in-12.  D'Alembert 
souhaitait  à  chaque  siècle ,  on  ne  sait 
trop  pourquoi,  un  Diogène,  mais  plus 
retenu  ,  plus  sage  ,  plus  décent  que 
le  cynique  d'Athènes.  D'après  ce  vœu , 
Prémontval  a  composé  ce  livre  ,  où  l'es- 
prit d'indépendance,  la  haine  de  la  so- 
ciété et  du  christianisme  forment  un  dé- 
lire perpétuel.  3"  Préservatifs  contre 
la  corruption  de  la  langue  française  en 
Allemagne,  1761  ,  in-8  :  c'est  le  meil- 
leur de  tous  ses  livres;  4"  plusieurs  Mé- 
moires. Il  mourut  h  Berlin  en  17G7,  avec 
la  réputation  d'un  homme  savant,  mais 
qui  faisait  haïr  ses  connaissances  par 
sou  caractère  bizarre,  difficile  et  em- 
porté. Rien  n'était  moins  décidé  chez 
lui  que  la  religion.  Dans  plusieurs  pas- 
sages de  ses  écrits ,  il  se  déclare  pour  le 
socinianisme  ;  dans  d'autres ,  il  affiche  le 
déisme  :  il  a  même  donné ,  en  faveur 
des  atomes  d'Epicure  ,  de  creuses  spécu- 
lations sur  les  chances,  solidement  ré- 
futées par  les  abbés  Nonotte  et  Bergier , 
et  même  par  Voltaire ,  dont  le  suffrarre 
en  pareille  matière  ne  peut  être  suspect. 
On  trouve  cependant  dans  ses  ouvrages 


PRE  99 

des  témoignages  bien  honorables  au  chris- 
tianisme ,  et  en  particulier  aux  religieux, 
qu'il  regardé  comme  les  sauveurs  des 
sciences,  des  arts  et  des  lettres,  dans 
les  temps  d'ignorance  et  de  barbarie. 

PRENESTINUS,  préteur  dans  l'ar- 
mée de  Papirius  Cursor,  vers  l'an  320 
avant  J.  C,  n'imita  point  la  valeur  de 
son  général.  Saisi  d'une  lâche  frayeur , 
il  mena  sa  troupe  à  un  combat  avec  la 
lenteur  d'un  homme  qui  craint  la  mort. 
Le  consul  Papirius  après  la  victoire  le  fit 
venir  ,  et  se  promenant  devant  sa  lente  , 
commanda  au  licteur  de  lever  la  hache. 
A  cet  ordre,  Prénestinus  fut  glacé  d'effroi: 
Cà  donc ,  licteur ,  ajouta  le  consul ,  cou- 
pez celte  racine  qui  nuit  au  passage. 
Il  le  renvoya  ainsi ,  troublé  par  la  crainte 
du  dernier  supplice,  et  lui  donna  une 
bonne  leçon  pour  l'avenir. 

PREPÔSITiVUS  (  Pierre  ) ,  théolo- 
gien scolastique  de  l'université  de  Paris, 
au  commencement  du  13^  siècle,  a  laissé 
une  Somme  de  théologie,  qui  n'a  point 
encore  été  imprimée. 

*  PRESEYOr  (Joseph),  juriscon- 
sulte, naquit  en  1740  à  Dijon,  fut  avo- 
cat ,  et  ensuite  président  au  parlement 
de  cette  ville ,  où  il  mourut  vers  1800. 
On  a  de  lui  :  Cours  d'étude  sur  les  lois 
nouvelles,  Dijon,  1790,  <  vol.  in-8.  Il 
cultiva  la  poésie,  et  composa  plusieurs 
comédies  qui  ne  furent  pas  imprimées. 

PRESLES  (  Raoul  de  ) ,  fils  naturel 
du  fondateur  du  collège  de  Presles,  avo- 
cat-général au  parlement  de  Paris,  puis 
maître  des  requêtes  de  l'hôtel  du  roi 
Charles  V,  fut  historien  et  poète  de  ce 
prince.  Ce  fut  par  son  ordre  qu'il  tra- 
duisit en  français  La  Cité  de  Dieu  de 
saint  Augustin.  Sa  traduction  a  été  im- 
primée à  Abbcville,  en  148G,  2  vol. 
in-fol.  Elle  est  rare.  Elle  fut  aussi  im- 
primée à  Paris  en  1 531 .  C'est  la  première 
version  française  de  ce  savant  traité.  Ou 
a  encore  de  Raoul  un  Traité  des  puis- 
sances ecclésiastique  et  séculière  ,  que 
Goldasta  fait  imprimer  dans  le  l*'  tome 
de  sa  Monarchie ,  comme  favorable  aux 
principes  protestans.  C'est  un  abrégé  du 
Songe  du  f^ergicr,  que  fit  de  Tresles,  à 
la  sollicitation  du  roi  Charles  V.  Il  y  a 


100  PRE 

(le  fortes  raisons  de  croire  qu'il  a  été  aussi 

I  a II feu r  du  Songe  du  Vergicv ,  1491, 
iu-fol.,  et  qu'on  trouve  encore  dans  les 
Libertés  de  V Eglise  gallicane ,  1131,  4 
vol.  in-fol.  (  Voyez  Louvikrs.  )  On  a 
encore  de  lui  un  traité  intitulé  Musa  ., 
mêlé  de  prose  et  de  vers.  C'est  une  fic- 
tion contre  les  mœurs  de  son  temps.  La 
traduction  française  de  la  Bible,  qu'il  a 
laissée  manuscrite  ,  est  une  copie  de 
relie  de  Guyard  des  Moulins.  De  Presles 
mourut  en  1382. 

*  1*RESSY  (François- Joseph -Gaston 
de  Tartz  de  )  ,  évoque  de  Boulogne  , 
né  en  1712  au  château  d'Esquires  ,  fut 
un  des  élèves  distingués  de  Saint  Siil- 
pice.  Nommé  évêque  de  noulo!][ne  le  24 
décembre  17  42  et  sacré  le  l.Sscptem- 
Itre  de  l'année  suivante,  il  gouverna  son 
diocèse  pendant  46  ans  avec  un  zèle  qui 
ne  se  démentit  jamais.  Il  y  fit  îles  éla- 
blissemens  utiles,  maintint  la  discipline 
ecclésiastique  parmi  son  clergé ,  l'affer- 
mit par  des  statuts  synodaux,  institua 
des  retraites  auxquelles  lui-même  assis- 
tait, fonda  un  petit  séminaire,  veilla  à 
l'instruction  des  jeunes  clercs  qu'on  y  ad- 
mettait, et  ne  laissa  jamais  manquer  ses 
ouailles  de  l'enseignement  qui  leur  était 
nécessaire.  Sa  cbarité  n'avait  point  de 
bornes  ;  non  seulement  les  pauvres  de  son 
diocèse  se  ressentaient  de  ses  libéralités , 
elles  s'étendaient  au  dehors  et  souvent 
uu  loin;  car  il  fournissait  des  .sommes 
pour  la  rédemption  des  captifs.  Il  entre- 
tenait des  catéchistes  dans  les  mi.ssions 
étrangères ,  et  il  n'était  aucune  bonne 
œuvre  à  laquelle  il  ne  s'empressât  de 
coopérer.  En  1762,  il  adhéra  à  la  lettre 
de  2 1  évêques ,  en  date  du  1 1  juin  ,  adres- 
sée au  roi  en  plainte  des  usurpations  du 
parlement  sur  l'autorité  ecclésiastique. 

II  s'exprima  avec  énergie  sur  le  même 
sujet  dans  un  de  ses  Mandcmens ,  que  le 
corps  contre  les  prétentions  duquel  il 
.s'exprimait  ne  manqua  pas  de  supprimer. 
L'évêquede  Boulogne  fut  membre  de  l'as- 
semblée générale  du  clergé  de  17C0,  et 
partagea  les  efforts  qu'eliefit  pour  arrêter 
les  progrès  de  l'incrédulité.  Il  publia  dif- 
férens  mandcmens  pour  en  préserver  son 
diocèse.    Les  principaux   de   ses   écrils 


PRE 

sont:  i'^  \xn  Mandement  pour  le  renouvel 
lemcnt  public  et  annuel  des  vœux  du 
baptême ,  1758  ;  2°  un  autre  sur  les  con- 
férences ecclésiastiques f  1765;  3"un5«/' 
l'obligation  d'instruire  ,  et  sur  la  fête  du 
sacre  Cœur  ,  1 7  66  ;  4"  un  pour  l  Adora- 
tion perpétuelle  du  St.-Sacrcment,  177  5; 
5"  un  en  1 7  7  6  ,  pour  la  pratique  du  souve- 
nir delà  mort  de  J.  C,  à  quoi  il  faut  ajou- 
ter :  6"  des  Instructions  pastorales  et 
des  dissertations  théologiques  sur  l'ac- 
cord de  la  foi  et  de  la  raison  dans  les 
mystères,  considérés  en  général  et  en 
particulier ,  2  vol.  in-4.  Ces  instructions 
furent  répandues  à  diverses  dates  :  il  y 
est  traité  des  Mystères  en  général  et  de 
chacun  en  particulier ,  de  la  grâce,  de 
Veuchnristie ,  de  la  création,  etc.  Les 
matières  y  sont  discutées  avec  soin  ,  et  les 
preuves  établies  d'une  manière  solide. 
Une  critique  sévère  pourrait  trouver  dans 
ces  écrits  de  la  diffusion  ,  et  quelquefois 
une  métaphysique  un  peu  obscure  ;  mais 
l'un  de  ces  défauts  tient  à  la  nature  du 
sujet,  et  l'on  est  quelquefois  obligé  d'être 
diffus  afin  de  se  faire  entendre,  surtout 
du  peuple,  pour  qui  cet  excellent  évê- 
que écrivait.  On  ne  peut  pas  aussi  facile- 
ment excuser  quelques  opinions  erronées 
ou  inexactes,  que  l'auteur  aurait  pu  se 
dispenser  de  soutenir.  Il  mourut  en  oc- 
tobre 1789,  au  moment  où  la  révolution 
offrait  déjà  un  aspect  sinistre.  Il  eut  pour 
successeur  M.  Asseline,  que  la  persécu- 
tion força  bientôt  d'abandonner  son  trou- 
peau. (  Voyez  son  article.  ) 

PRESTÈÏ  (  Jean  ) ,  prêtre  de  l'Ora- 
toire ,  était  fils  d'un  huissier  de  Cbàions 
sur-Saône;  il  vint  jeune  à  Paris,  et  en- 
tra au  service  du  PèreMalebranche  ,  qui, 
lui  trouvant  des  dispositions  pour  les 
sciences,  lui  apprit  les  mathématiques. 
Le  disciple  y  fit  en  peu  de  temps  de  si 
grands  progrès  ,  qu'à  l'àgc  de  27  ans , 
en  1675,  il  donna  la  2^  édition  de  ses 
Elémens  de  mathématiques.  La  nieil- 
leui'e  édition  de  cet  ouvrage  est  celle  de 
1689,  en  2  vol.  in-4.  On  y  trouve  un 
très  grand  nombre  de  problèmes  cu- 
rieux ,  dont  les  jeunes  mathématiciens 
peuvent  se  servir  comme  d'exemples  pour 
s'exercer.  Le  Père  Prestel  trouve  par  l'art 


\ 


PRE 

lies   combinaisons,  que  ce  vers   latin: 

Tôt  lilii  itintdot»,  Virgo,  quot  sidéra  cœlo. 

peut  être  varie  en  3376  manières,  sans 
cesser  d'èlre  vers  :  ce  qui  paraîtrait  in- 
croyable, si  on  ne  savait  pas  que  ces 
combinaisous  sont  en  raison  du  nombre 
des  mots,  multiplié  par  le  nombre  pré- 
cédent ,  aussi  multiplié  par  celui  qui 
précède,  et  cela  en  remontant  jusqu'à 
l'unité,  de  manière  que  si  les  buit  mots 
de  ce  vers  étaient  absolument  disponi- 
bles dans  tous  les  sens,  on  pourrait  le 
changer  40320  fois.  (  Voyez  Sessa  ). 
Lorsqu'il  publia  cet  ouvrage  ,  il  n'était 
pas  encore  de  l'Oratoire  :  il  y  entra  la 
même  année,  et  après  avoir  professé  les 
matliématiques  avec  distinction  ,  surtout 
à  Angers,  il  mourut  à  Malines  en  1G90, 
laissant  une  mémoire  clière  au  public  et 
à  ses  confrères. 

PRESTRE(  Claude  Le  ) ,  conseiller  au 
parlement  de  Paris,  sur  la  fin  du  17* 
siècle,  était  un  magistrat  recomman- 
dable  par  sa  piété  et  par  son  intégrité. 
On  a  de  lui  :  1°  un  recueil  fort  estimé 
sous  le  titre  de  Questions  de  droit ,  avec 
200  arrêts  et  des  observations.  La  meil- 
leure édition  de  ce  recueil  est  celle  de 
167G,  par  Guéret,  qui  l'a  enrichie  de 
noies  et  de  cent  autres  arrêts.  2°  Uh 
Traité  des  mariages  clandestins ,  et  les 
Arrêtés  de  la  6«  chambre  des  enquêtes. 
Ces  ouvrages  sont  recherchés  par  les  ju- 
risconsultes. 

PRESTRE  C  Sébastien  Le  ),  plus 
connu  sous  le  nom  de  Vauban ,  fils  d'Ur- 
bain le  Prestre ,  seigneur  de  Vauban  ,  na- 
quit en  1G33.  Il  commença  à  porter  les 
armes  dès  l'âge  de  1 7  ans.  Ses  talens  et 
son  génie  extraordinaire  pour  les  fortifi- 
cations se  firent  aussitôt  connaître ,  et 
parurent  avec  éclat  au  siège  de  Sainte- 
Menehould  en  1652.  Vauban  avait  servi 
jusqu'alors  sous  le  prince  de  Condé,  gé- 
néral des  armées  espagnoles,  contre  la 
France.  Il  fut  pris  par  un  parti  français, 
et  le  cardinal  Mazarin  l'engagea  au  ser- 
vice du  roi.  Celte  même  année  Vauban 
servit  d'ingénieur  au  second  siège  de 
Sainte-Menehould,  qui  fut  reprise  par 
l'armée  rovalc.  Il  fit  ensuite  les  fonctions 


PRE  loi 

d'ingénieur  an  siège  de  Stenay  en  1664, 
de  Landreciesen  1655,  de  Valenciennes 
en  1 656,  et  de  Montmédi  en  1657.  L'année 
d'après,  il  conduisit  en  chef  les  sièges 
de  Gravelines  ,  d'Ypres  et  d'Oudenarde. 
Après  la  paix  des  Pyrénées ,  le  jeune  in- 
génieur s'occupa  à  démolir  des  places 
ou  à  en  construire.  Quand  la  guerre  se 
ralluma  en  1667,  il  eut  la  principale 
conduite  des  sièges  que  le  roi  fit  en  per- 
sonne. Il  reçut  au  siège  de  Douai  un 
coup  de  mousquet  à  la  joue ,  et  continua 
de  servir.  Il  fut  occupé,  en  1668,  à 
faire  des  projets  de  fortification  pour  les 
places  de  la  Franche-Comté  ,  de  la  Flan- 
dre et  de  l'Artois.  Le  roi  lui  donna  le 
gouvernement  de  la  citadelle  de  Lille, 
qu'il  ve^ait  de  construire;  et  ce  fut  le 
premier  gouvernement  de  cette  nature 
en  France.  La  paix  ayant  été  conclue  à 
Aix-la-Chapelle  ,  il  n'en  travailla  pas 
moins  que  pendant  la  guerre.  Il  alla  en 
Piémont  avec  Louvois,  donna  au  duc  de 
Savoie  des  dessins  pour  Verue ,  Verceil , 
Turin ,  et  reçut  de  ce  prince  son  por- 
trait enrichi  de  diamans.  La  guerre  de 
167  2  lui  fournit  de  nouvelles  occasions 
de  signaler  son  génie.  Il  conduisit  tous 
les  sièges  auxquels  le  roi  se  trouva.  Ce 
fut  à  celui  de  Maëstricht ,  en  1 673 ,  qu'il 
commença  à  se  servir  d'une  méthode  sin- 
gulière pour  l'attaque  des  places.  Il  fit 
changer  de  face  à  cette  terrible  et  im- 
portante partie  de  la  guerre.  Les  fa- 
meuses parallèles  ,  connues  depuis  le 
siège  de  Candie  en  1669,  ei\es  places 
d'armes  furent  mises  en  exécution.  De- 
puis lors  il  ne  cessa  d'inventer,  tantôt 
les  cavaliers  de  tranchées ,  tantôt  ua 
nouvel  usage  des  sapes  el  des  demi-sapes^ 
tantôt  les  batteries  en  ricochet  ;  et  par 
ces  inventions  nouvelles ,  il  satisfit  à  ses^ 
vues  principales,  la  conservation  des 
hommes.  En  1677,  Valenciennes  fut  prise 
d'assaut,  et  l'attaque  de  cette  place  fut 
faite  en  plein  jour.  Ce  fut  Vauban  qui 
donna  ce  conseil ,  pour  empêcher  qu'une 
partie  desassiègeansne  tirât  sur  l'autre, 
et  que  la  nuit  ne  favorisât  la  pusillani- 
mité des  lâches.  L'usage  ancien  ètaitque 
les  attaques  se  fissent  pendant  la  nuit. 
La  paix  de  N'.mègue  lui  ôta  le  pénible 


102  PRE 

emploi  de  prendre  des  places  ;  mais  il  en 
eut  un  plus  grand  nombre  à  fortifier.  Il 
fit  le  fameux  port  de  Dunkerque,  son 
chef-d'œuvre,  et  par  conséquent  celui 
de  l'art.  Strasbourg  et  Casai  furent  en- 
suite ses  travaux  les  plus  considérables. 
La  guerre ,  qui  recommença  en  1 683,  lui 
donna  l'année  suivante  l'occasion  de 
prendre  Luxembourg,  place  forte  par  sa 
situation ,  mais  qui  alors  n'avait  presque 
aucun  des  ouvrages  extérieurs  qui  la  ren- 
dent aujourd'hui  si  vaste  et  si  redoutable. 
En  1688,  il  fit,  sous  les  ordres  du  Dau- 
phin ,  les  sièges  dePhilisbourg ,  de  Man- 
heim  et  de  Frankenthal.  Ce  prince  le  ré- 
compensa de  ses  services,  en  lui  donnant 
quatre  pièces  de  canon  à  son  choix  pour 
mettre  à  son  château  de  Bazoche  :  privi- 
lège unique  jusqu'alors.  Une  maladie 
l'ayant  mis  hors  d'état  d'agir  en  1690, 
il  répara  cette  oisivelé  involontaire  par 
la  prise  de  Mons  en  1691,  de  Namur  en 
1692;  par  le  siège  de  Charleroi  en  1693; 
par  la  défense  de  la  Basse-Bretagne  con- 
tre les  desseins  des  Anglais,  en  1694  et 
1695  ;  enfin  par  le  siège  d'Alh  en  1G97. 
La  succession  d'Espagne  ayant  fait  re- 
naître la  guerre,  il  était  à  Namur  en 
1703  lorsqu'il  reçut  le  bâton  de  maré- 
chal de  France.  Il  prit  à  la  fin  de  celle 
année  le  Vieux-Brisach ,  et  mourut  en 
1707,  d'une  fluxion  de  poitrine,  à  74 
ans ,  après  avoir  travaillé  à  300  places 
anciennes  ,  et  en  avoir  construit  33  nou- 
velles ;  et  après  s'être  trouvé  à  140  ac- 
tions de  vigueur  et  avoir  conduit  63 
sièges.  Le  maréchal  de  Vauban  était  un 
ancien  Bomain  sous  les  traits  d'un  Fran- 
çais. Sujet  plein  de  fidélité  et  nullement 
courtisan,  il  aimait  mieux  servir  que 
plaire.  11  méprisait  celle  politesse  super- 
ficielle, qui  couvre  souvent  tant  de  du- 
reté ;  mais  sa  bonté,  son  .humanité,  sa 
libéralité ,  lui  composaient  une  autre  po- 
litesse plus  rare ,  qui  était  dans  son  cœur. 
Dans  ses  voyages,  il  s'informait  avec 
soin  de  tous  les  détails  de  l'agriculture 
et  du  commerce.  Il  avait  recueilli  le  pro- 
digieux nombre  d'idées  qui  s'étaient  pré- 
sentées à  son  esprit  pour  le  bien  public. 
De  toutes  ces  difTèrentes  vues,  il  avait 
composé   12  gros  volumes  manuscrits, 


PRE 

qu'il  intitula  ses  Oisivetés.  Fortifica- 
tions, détail  des  places,  discipline  mi- 
litaire, campemens,  manœuvres,  cour- 
ses par  mer  en  temps  de  guerre,  finan- 
ces ,  culture  des  forêts ,  colonies  fran- 
çaises ,  il  embrasse  tout  ;  mais  ses  vues 
ne  sont  pas  toutes  praticables.  L'aca- 
démie des  Sciences  se  l'associa  en  1699, 
comme  un  homme  qui  ferait  autant 
d'honneur  à  son  corps  qu'il  en  faisait  ci 
la  France.  Outre  les  Oisivetés ,  il  y  a 
encore  plusieurs  ouvrages  qu'il  a  faits  , 
ou  qu'on  lui  attribue,  ou  que  l'on  dit 
avoir  été  composés  sur  ses  idées.  i°  Ma- 
nière de  fortifier ,  par  M.  de  F'auban , 
mise  en  ordre  par  M.  le  chevalier  de 
Cambrai,  Amsterdam,  1689  et  1692, 
in- 8  et  in-12  ;  Paris,  in-8,  sous  ce  titre, 
l'Ingénieur  français...  Hébert,  profes- 
seur de  mathématiques ,  a  joint  ses  notes 
à  cet  ouvrage.  Coignard  le  réimprima  à 
Paris  en  1691,  in-12  ,  avec  les  notes  de 
l'abbé  du  Fay.  Celte  édition  fut  contre- 
faite à  Amsterdam,  en  1702  et  1727,  eu 
2  vol.  in-4.  2°  Nouveau  Traite  de  Vat- 
taque  et  de  la  défense  des  places ,  sui- 
vant le  système  de  M.  de  Vauban.,  par 
M.  Desprez  de  Saint-Savin,  Paris,  1736, 
in-8  ,  excellent;  3"  Essais  sur  la  forti- 
fication ^jtdir  M.  de  Vauban,  Paris,  1740, 
in-1 2.  Ceux  qui  ont  considéré  cet  homme 
célèbre  comme  l'invenleur  de  la  fortifi- 
cation moderne  ne  font  pas  attention  au 
grand  nombre  de  places  antérieurement 
construites  selon  les  mêmes  idées  en  gé- 
néral. Cependant  on  ne  peut  contester  à 
cet  habile  ingénieur  d'avoir  construit  des 
places  dont  on  respecte  encore  les  for- 
tifications, et  d'y  avoir  ménagé  une  dé- 
fense plus  solide  et  plus  facile  que  celle 
qu'offraient ,  au  moins  en  France ,  les  an- 
ciennes fortifications.  4"  Projet  d'une 
dîme  royale ,  supprimant  la  taille ,  les 
aides ,  les  décimes  du  clergé  ,  et  tous  les 
autres  impôts.  Projet  romanesque,  qui 
a  paru  inexécutable ,  et  contraire  à  plus 
d'un  principe,  Bouen,  1707,  in-4.  5" 
Le  Testament  politique  de  M.  de  Vau- 
ban,  imprimé  en  1708,  in-12,  est  de 
Pierre  Le  Pesant,  sieur  de  Bois-Guille- 
bert,  lieutenant-général  au  bailliage  de 
Bouen ,  mort  en  1714.  Cet  écrit  avait  d'à- 


PRB 

bord  paru  sous  le  litre  d«  Dt'tail  de  la 
France. 

PRESTRE  (  Antoine  Le  ) ,  parent  du 
précédent,  après  s'être  signalé  en  1703 
au  siège  de  Brisach  ,  et  en  1 7 1 4  à  celui 
de  Barcelone,  fut  fait  lieutenant  général, 
et  obtint  l'érection  de  sa  terre  de  Saint- 
Sernin  en  comté ,  sous  le  nom  de  Vau- 
ban.  11  mourut  dans  son  gouvernement 
de  Béthune  ,  en  1731,  à  77  ans.  Il  avait 
alors  58  ans  de  service  ,  et  s'était  trouvé 
à  44  sièges,  et  avait  reçu  18  blessures 
considérables. 

PRÉTEXTAT(  Saint  ),  évêque  de 
Rouen  ,  craignant  les  suites  d'un  com- 
merce scandaleux,  maria  en  676  Méro- 
vée  ,  fils  de  Cliildéric  ,  avec  Brunehaut  sa 
tanle,  persuadé  que  le  cas  était  assez 
ptessanl  pour  autoriser  une  telle  dis- 
pense; mais  le  concile  de  Paris  ,  en  577, 
eujugea  tout  autrement ,  et  le  condamna  ; 
le  roi  l'exila  dans  une  petite  île  de  la 
Basse-Normandie.  Quelques  auteurs  pré- 
tendent que  Prétextât  ne  donna  pas  cette 
dispense  ;  mais  que  le  mariage  s'étant 
fait  à  Rouen  ,  il  parut  être  en  faute.  En 
tout  cas ,  la  dispense  était  nulle  ,  puisque 
les  évoques  ne  peuvent  dispenser  à  vo- 
lonté dans  les  lois  de  l'Eglise  univer- 
selle ;  et  c'est  vainement  que  quelques 
novateurs  ont  cité  cet  exemple  pour  ren- 
verser les  règles  établies  :  car  si  la  dis- 
pense a  été  donnée,  Prétextât  en  a  été 
puni,  et  ce  n'est  pas  par  le  délit,  mais 
par  la  punition  qu'il  faut  juger  des  prin- 
cipes alors  reçus  daus  l'Eglise.  On  peut 
voir  sur  cette  matière  divers  Traités  pu- 
bliés dans  ces  dernières  années  :  f^e'ri- 
table  elal  du  différend  e'ieuc  entre. le 
nonce  apostolique  résident  à  Cologne  et 
les  trois  électeurs  ecclésiastiques ,  1787; 
Coup  d'œil  sur  le  congrès  d'Ems,  1 7  87  ; 
Béflexious  sur  les  73  art.  du  pro  Me- 
moria  de  V archevêque  de  Cologne,  1788. 
(  Voyez  Collet.  )  Prétextât,  de  retour 
dans  son  diocèse ,  continua  de  veiller 
avec  soin  à  Id  garde  de  son  troupeau.  Il 
lâcha  par  ses  exhortations  d'ouvrir  les 
yeux  à  Frédégonde  sur  l'énormité  de  ses 
crimes  ;  mais  celle  princesse ,  au  lieu  de 
profiter  de  ses  exhortations,  le  fit  assas- 
siner le  25  février  588. 


PRE  io3 

PRÉTI  (  Jérôme  ) ,  natif  de  Toscane , 
mort  à  Barcelone  en  1()2G,  s'est  fait  un 
nom  parmi  les  poètes  d'Italie.  De  toutes 
les  poésies  de  son  recueil ,  imprimé  en 
1666,  in-12,  la  pièce  dont  on  fait  le 
plus  de  cas  est  l'idylle  de  Salinacis. 
PRÉTI  (  Mathias  ).    Foyez    Cala- 

BROIS. 

*PRÉVILLE(  Pierre-Louis  Dubus 
mT  ) ,  l'un  des  plus  grands  acteurs  comi- 
ques qui  aient  paru  sur  la  scène  française, 
naquit  à  Paris  en  1721  d'une  famille 
honnête,  et  fut  d'abord  destiné  à  l'état 
ecclésiastique  ;  mais  ayant  fui  la  maison 
paternelle  pour  des  étourderies ,  il  fut 
oblige  pendant  quelque  temps  de  servir 
d'aide  à  des  maçons.  Il  s'engagea  ensuite 
dans  une  troupe  de  comédiens  de  cam- 
pagne ,  et  joua  successivement  à  Stras- 
bourg, à  Dijon,  à  Rouen,  à  Lyon,  et 
devint  directeur  du  spectacle  de  cette 
ville.  Appelé  à  Paris  par  les  gentilshom- 
mes de  la  chambre  ,  il  débuta  sur  le 
théâtre  de  la  comédie  française  le  20 
septembre  1753,  et  fit  pendant  33  ans 
les  délices  de  la.  capitale.  Il  quitta  le 
théâtre  en  1786,  et  y  reparut  en  1791, 
dans  l'intention  de  venir  au  secours  de  ses 
camarades  ruinés  par  les  événemens  poli- 
tiques. Quelque  temps  après  son  esprit 
s'affaiblit  ;  il  se  retira  chez  sa  fille  aînée 
à  Beauvais,  où  il  mourut  aveugle  en 
17  09.  Un  monument  a  été  élevé  dans 
la  ville  à  sa  mémoire.  Il  avait  épousé 
M.''^Drouin,  qui  jouait  la  comédie  avec 
beaucoup  de  naturel  et  d'esprit.  Préville 
était  membre  associé  de  l'Institut,  depuis 
la  première  formation.  Ses  Mémoires  ont 
été  publiés  par  Cahaïsse ,  Paris ,  1812, 
ln-8;  1823avecune7Vbftc'eparM.  Ourry. 
Celte  dernière  édition  fait  partie  de  la 
Collection  des  mémoires  sur  Fart  dama- 
tique. 

PREVOST  D'EXMES(  François 
Le  ) ,  naquit  à  Caen  le  29  septembre 
1 729.  Il  passa  en  Lorraine ,  et  entra  dans 
les  gardes-du-corps  de  Stanislas ,  roi  de 
Pologne.  H  cultivait  les  lettres  avec  suc- 
cès, et  se  fit  connaître  à  la  cour  de  Lu- 
néville  par  une  Ode  qui  obtint  une  men- 
tion honorable  à  l'académie  de  Nancy. 
Il  donna  aussi  quelques  Comédies   qui 


io4  PRE 

furent  bien  reçues  du  public.  Ëncouraf'é 
par  SCS  essais,  il  quitta  le  service  mili- 
taire pour  se  fixer  à  Paris  ,  et  donna  aux 
Italiens ie^  Thcssalicnnes.  Peu  de  temps 
après  ,  il  obtint  une  place  qui  réparait 
en  partie  la  perle  de  sa  fortune,  qu'a- 
vaient engloutie  plusieurs  faillites.  La 
révolution  le  priva  de  cette  seule  res- 
source ,  et  le  plongea  dans  la  plus  af- 
freuse misère.  Naturellement  timide  ,  et 
n'osant  confier  sa  détresse  à  ses  plus 
chers  amis ,  il  se  vit  contraint ,  en  1"!  93, 
de  se  retirer  à  l'hospice  de  la  Charité,  à 
Paris,  où  il  mourut  vers  1799.  Il  a  laissé 
1°  Les  trois  Rivaux ,  opéra  comique  ;  La 
Nouvelle  réconciliation  ,  comédie  en  un 
acte  ,  jouée  sur  le  théâtre  de  Lunéville  ; 
Les  T/ies salienncs  y  comédie  en  3  actes, 
1752;  2"  Rosel,  ou  l' Homme  heureux. 
On  trouve  dans  cet  ouvrage,  d'ailleurs 
très  bien  écrit ,  de  sages  conseils  qu'un" 
père  donne  à  son  fils.  3"  f^ies  de  Lulli 
et  de  Julicnne-lc-Roi ,  insérée  dans  le 
Nécrologe  des  hommes  de  lettres  ;  4° 
Elénicns  du  Parnasse,  qu'il  rédigea  pen- 
dant plusieurs  années  ;  6°  Trésor  de  la 
littérature  étrangère  ,  qui  eut  beaucoup 
de  succès ,  et  dont  on  aurait  souhaité  la 
continuation.  Le  Prévost  a  travaillé  au 
Journal  des  speclacles ,  et  a  fait  les  pa- 
roles de  Oratorio  pour  les  concerts  spi- 
rituels. Il  a  laissé  manuscrite  une  His- 
toire de  la  dernière  guerre  (  1779)  de 
l'empereur  d'Autriche  contre  les  Turcs. 

*  PRÉVOST  DE  SAllNT-LUCIEN 
(  Roch-Henri) ,  né  à  Paris  en  1740,  mort 
en  1808  ,  était  avocat  au  parlement.  Il  a 
composé  plusieurs  ouvrages  utiles  :  1° 
Principes  élémentaires  de  la  grammaire 
française ,  mis  à  la  portée  des  cnfans 
du  premier  âge  ;  2°  l  Arithmétique  sim- 
ple démontrée  en  six  leçons  ;  3°  l'Arith- 
métique composée  rapprochaut  V an- 
cienne et  la  nouvelle  manière  de  compter; 
4°  MoT/ens  d'extirper  l'usure ,  ou  projet 
d'établissement  d'une  caisse  de  prêt  pu- 
blic sur  tous  les  biens  des  hommes  ;  5° 
plusieurs  Mémoires  dans  des  causes  im- 
portantes. Il  a  eu  part  à  l'y///  du  peintre, 
doreur  et  vernissenr ,  et  a  travaillé  au 
Journal  encyclopédique. 

' PRÉVOST  (IsaacBéncdicl),  pby- 


PRE 

sicicn  et  naturaliste,  né  à  Genève  en  1 7.S5, 
devint  professeur  à  la  faculté  de  théolo- 
gie prolestante  de  Montauban ,  cl  fut  l'un 
des  fondalcurs  de  l'académie  des  Scien- 
ces de  cette  dernière  ville.  Il  était  aussi 
membre  de  plusieurs  sociétés  savantes. 
Il  est  mort  dans  celte  dernière  ville  eu 
!  8 1 9.  On  lui  doit  un  ouvrage  estimé ,  in- 
titulé :  Mémoire  sur  la  cause  immédiate 
de  la  carie  ou  du  charbon ,  des  blés  et 
de  plusieurs  autres  maladies  des  plantes, 
Paris,  1807  ,  in-8  ;  et  nu  grand  nombre 
de  Mémoires  dans  divers  recueils  scien- 
tifiques. 

"PRÉVOST  (Pierre),  peintre  célè- 
bre ,  né  en  17G4  à  Montigni  près  de  Châ- 
teau d'une  famille  peu  aisée,  fut  cepen- 
dant envoyé  à  Paris  par  ses  parens  qui  se 
résignèrent  à  faire  des  sacrifices  pour  sa- 
tisfaire le  goût  invincible  qu'il  avait  pour 
la  peinture.  Il  avait  20  ans  lorsqu'il  y 
arriva ,  et  par  un  travail  opiniâtre  et  les 
sages  conseils  de  Valenciennes ,  son  maî- 
tre, il  parvint  bieniôl  à  composer  divers 
paysages  qu'il  exposa  au  salon  du  Lou- 
vre, et  qui  lui  méritèrent  les  suftVages 
des  connaisseurs  et  des  artistes.  A  celle 
époque  ,  l'Américain  Fullon  vint  en 
France  pour  y  faire  connaître  les  Pano- 
ramas ou  f^ucs  circulaires  d'une  ville  ou 
d'unvaste  site,  d'un  horizon,  qui  avaient' 
élénouvellementinvenlésen  Angleterre, 
et  par  conséquent  étaient  encore  impar- 
faits. Prévost  s'adonna  dès  lors  à  ce  genre 
de  peinture,  et  il  le  porta  au  plus  haut 
degré  de  perfection.  Il  donna  d'abord 
cdui  de  Paris ,  dont  les  habitans  purent 
juger  de  la  fidélité  ,  et  il  fut  suivi  de  17 
autres,  qui  furent  exécutés  d'après  des 
dessins  pris  sur  les  lieux  par  l'auleur  lui- 
même  ;  ceux  qui  obtinrent  le  plus  de 
succès  sont  :  Rome,  Naples,  Amster- 
dam ,  Boulogne  ,  Tilsitt ,  U^agram  , 
Anvers,  Londres,  Calais ,  Jérusalem , 
Athènes.  Prévost ,  pources  grandes  com- 
posilions.eut  pour  collaborateurs  Boulon, 
et  plus  tard ,  Cochcreau  ,  son  neveu ,  que 
la  mort  lui  enleva  en  1817.  Cette  perle 
empoi-sonna  ses  derniers  jours  ;  une  ma- 
ladie de  langueur  l'enleva  lui-même  le 
9  janvier  1823.  Peu  de  peintres  ont  su 
rendre  avec  autant  de  talent  que  lui  les 


PRE 

differens  aspects  de  la  campagne ,  et  re- 
produire sur  la  toile ,  îivec  une  vérité 
aussi  frappante,  la  nature  dans  tous  ses 
détails  et  dans  toutes  ses  formes.  Prévost 
a  encore  très  bien  réussi  à  exécuter  à 
l'buile  des  compositions  dans  la  dimen- 
sion la  plus  réduite,  et  qui  sont  précieu- 
ses par  le  charme  du  coloris  et  la  légèreté 
du  dessin.  Il  excellait  aussi  à  faire  la 
gouache. 

PREVOT  (  Jean  )  ,  fameux  par  ses 
prestiges,  dans  le  14*  siècle.  Un  abbé  de 
l'ordre  de  Cîteaux,  ayant  perdu  une 
somme  considérable  d'argent ,  il  entre- 
prit de  la  lui  faire  recouvrer  par  ses  sor- 
tilèges. Mais  ayant  été  découvert  dans  le 
temps  de  l'opération  ,  il  fut  condamné  à 
être  brûlé  vif  avec  Jean  Persant,  qui  pas- 
sait pour  un  grand  maître  dans  l'art  des 
sortilèges.  Les  complices,  qui  étaient  un 
moine  apostat  de  l'ordre  de  Cîteaux,  dis- 
ciple de  Persant ,  l'abbé  deSarconcelles, 
du  même  ordre,  et  quelques  chanoines 
réguliers,  furent  dégradés  et  condamnés 
à  une  prison  perpétuelle.  Ces  faits  ,  tout 
extraordinaires  qu'ils  paraissent,  ne  sont 
point  d'une  autre  nature  que  ceux  sur 
lesquels  le  parlement  de  Paris  portait  des 
jugemens  bien  réfléchis  à  la  An  du  17* 
siècle  (  1C88). 

PRÉVÔT  (Jean),  Prœpositus,  savant 
médecin  ,  né  à  Dilsberg,  dans  le  diocèse 
de  Bâle  ,  en  1585  ,  exerça  son  art  avec 
succès  àPadoue.  On  a  de  lui  :  1°  Opéra 
mcdica,  1G5C,  in-12;  2"  De  morbosis 
i4ten  passionibus ,  lG6d ,  in-8  ;  3°  De 
urinis,  1667,  in-12.  Il  mourut  à  Padoue 
en  1631. 

PRÉVÔT  (  Pierre-Robert  Le  ) ,  cha- 
noine de  l'église  de  Chartres,  né  à  Rouen, 
en  1675,  montra  dès  sa  jeunesse  un  goût 
décidé  pour  l'éloquence  de  la  chaire.  La 
ville  où  il  avait  reçu  le  jour,  applaudit 
à  ses  premiers  essais.  Il  vint  à  Paris,  pour 
s'y  former  sur  le  modèle  des  grands  maî- 
tres ;  et  bientôt  il  fut  recherché  avec  em- 
pressement, et  toujours  écouté  avec  un 
nouveau  plaisir.  Il  ne  fut  pas  moins  goûté 
à  la  cour,  où  il  prêcha  les  Avens  de  1714 
et  de  1727,  et  le  carême  de  1721.  Il  mou- 
rut à  Pari.s  1736.  On  a  de  lui  un  Pane- 
gyrique  de  saint  Louis ,  et  quatre  Orai- 
XI. 


PRÉ  io5 

.  sons  funèbres  ;  la  plus  belle  est  celle  du 
duc  de  Berry.  Elles  ont  été  imprimées  à 
Paris,  en  1765,  in-12. 

PRÉVÔT  (  Claude- Joseph  ) ,  avocat 
au  parlement  de  Paris,  mort  eu  1753,  à 
81  ans,  se  fit  un  nom  par  ses  consulta- 
tions et  par  ses  livres.  Nous  avons  de  lui: 
1°  Règlement  des  scellés  et  inventaires^ 
1734  ,  in-4  ;  2°  La  manière  de  poursui- 
vre les  crimes,  ou  Lois  criminelles,  1739, 
2  vol.  in-4  ;  3'^  Principes  de  jurispru- 
dence sur  les  visites  et  rapports  des  mé- 
decins, chirurgiens,  accoucheurs  et  sa- 
ges-femmes, 1763, in-12. 

PRÉVÔT  ou  Prévost  d'Exilés  (  An- 
toine-François ),  écrivain  fécond  du  1 8* 
siècle  ,  naquit  en  1697  ,  à  Hesdin,  petite 
ville  de  l'Artois ,  d'un  procureur  du  roi 
au  bailliage.  Après  avoir  fait  de  bonnes 
études  chez  les  jésuites,  il  prit  l'habit  de 
cette  société  ,  et  le  quitta  quelques  mois 
après  pour  porter  les  armes.  Il   s'enrôla 
en  qualité  de  simple   volontaire;   mais 
fâché  de  point  en  avancer  dans  cette  car- 
rière-, il  retourna  chez  les  jésuites  ,  d'où 
il  sortit  encore  quelque  temps  après.  Son 
goût  pour  le  service  militaire  s'étant  ré- 
veillé dans  le  cloître,  il  reprit  les  armes. 
Quelques  années  s'écoulèrent  dans  les 
plaisirs  frivoles  de  la  vie  dissipée  d'un 
officier.  La  malheureuse  fin  d'un  engage- 
ment trop  tendre  le  fit  entrer  chez  les  bé- 
nédictinl  de  Saint-Maur.  (Il  se  livra  d'a- 
bord à  l'enseignement ,  et  puis  à  la  pré- 
dication, où  il  obtint  beaucoup  de  succès. 
Envoj'é   à   l'abbaye    de  Saint-Germain- 
des-Prés ,  il  travailla  à   la   Gallia  chris- 
tiana,  dont  il  composa  un  volume  pres- 
que entier.)  L'élude  amortit  un  peu  ses 
passions,  mais  son  cœur  brûlait  sous  la 
cendre.  Tourmenté  par  le  souvenir  des 
faux  appâts  du  monde ,  il  prit  occasion 
d'un  petit  mécontentement  pour  quitter 
sa  congrégation  et  son  habit.  (Il  avait 
obtenu  de  Rome  d'être  transféré  à  l'ab- 
baye de  Cluni;   mais  l'évêque  d'.\miens 
exigea,  pour  le  lui  permettre,  de  meil- 
leures raisons  que  l'instabilité  de  son  ca- 
ractère ;  Prévôt  était  déjà  sorti   de  son 
monastère  ,  et  ayant  appris  la  résolution 
de  l'évêquc,  il  crut  prudent  de  s'éloigner 
delà  France.  }  Il  passa  en  Hollande,  eu 
14. 


io6 


PRE 


1729.  Se  trouvant  sans  fortune,  îl  clicr- 
cha  des   ressources  dans  ses   talens.  Il 
avait  comiiosé  à  Saint-Germain  les  deux 
premières  parties  de  ses  Mémoires  d'un 
homme  de  qualité  :  il  les  mit  au  jour  ,  et 
le  succès  de  cet  ouvrage  fut  aussi  utile  à 
sa  bourse  qu'à  sa  réputation.   Fixe  à  La 
Haye,   il   lia    connaissance     avec  une 
femme,  et  leur  liaison  donna  lieu  à  des 
Lruits    désagréables.     Diverses    raisons 
l'ayant  obligé  de  passer  en  Angleterre  , 
à  la  fm  de  1733  ,  celte  femme  l'y  suivit. 
Londres  aurait  pu  être  pour  lui  un  séjour 
délicieux  ;  mais  la  qualité  de  moine  apo- 
stat et  de   littérateur    vagabond  était 
de  grandes  taches.  Il  avait  entrepris  un 
Journal  sous  le  titre  de  Le  Pour  et  le 
Contre.  Quelque  soin  qu'il  eût  de  ména- 
ger l'amour-propre  des  auteurs ,  il  dé- 
plaisait toujours  à  quelqu'un  :  on  l'acca- 
blait de  brocards  ;  on  rappelait  ses  aven- 
tures ,  on  prédisait  «   qu'il  irait  à  Cou- 
»  slantinople  se  faire  circoncire  ,  et  que 
»  de  là  il  pourrait  gagner  le  Japon  pour 
j)  y  fixer  ses  courses  et  sa  religion.  »  Las 
de  lutter  contre  ses  folies  et  celles  des 
autres,  il  sollicita  son  retour  en  France. 
Ses  ouvrages  lui  avaient  fait  des  protec- 
teurs qui  lui  obtinrent  cette  permission. 
Il  repassa  à  Paris ,   dans   l'automne  de 
1734,  y  prit  le   petit-collet,    et  vécut 
tranquillement   sous  la  protection    du 
prince  de  Conti ,  qui  l'honora  des  titres 
de  sou  aumônier  et  de  son  secrétaire.  Le 
choix  que  le  chancelier  d'Aguesseaufit  de 
lui  ,en  1745  ,  pour  V Histoire   générale 
des  voyages ,    lui  donna  une   nouvelle 
considération.  Sa  mort  fut  accompagnée 
d'une  circonstance  tragique:  Il  fut  frappe 
le  23  octobre  1763,  dans  la  forêt  de  Chan- 
tilly ,  d'une  attaque  d'apoplexie ,   à  la 
C6*  année  de  son  âge.  On  le  crut  mort , 
et  on  le  porta  chez  le  curé  du  village  le 
plus  voisin.  La  justice  fit  procéder  à  l'ou- 
verture du  corps.  Un  cri  fit  connaître  au 
chirurgien  que  l'abbé  était  encore  en  vie  ; 
mais  c'était  trop  tard  ,  le  coup  mortel 
était  porté.  Accident  tragique  qui  rap- 
pelle celui  du  cardinal  d'F.spinosa  ,  dont 
les  circonstances    sont   exactement  les 
mêmes.  L'abbé  ne  mourut  cependant  pas 
tout  de  suite  ;  on  le  transporta  à  Paris, 


PRÉ 

et  l'on  appela  le  fameux  chirurgien 
M.  Louis  :  c'est  à  cette  occasion  qu'on  lit 
dansle /o«rnaZ  çe'nemZ,  par  M.  deFon- 
tenai ,  1792,  n°  188,  cette  anecdote, 
digne  de  la  philosophie  du  jour  :  r  An- 
»  cien  ami  de  M.  l'abbé  Prévôt ,  M.  Louis 
»  l'abandonna ,  par  cette  .seule  raison  , 
»  que  chrétien  éclairé,  mais  long-temps 
»  égaré  ,  il  avait  jugé  devoir  consacrer  à 
»  la  religion  ses  derniers  momeus.  »  Ses 
ouvrages  sont  ;  1"  Mémoires  d'un  homme 
de  qualité  qui  s'est  retiré  du  monde  ,  en 
G  vol.  in-12,  1729.  Ce  roman  renferme 
plusieurs  récits  intéressaus,  des  réflexions 
fines  et  délicates ,  et  des  historiettes  as- 
sez agréables.  La  morale  qui  y  règne  est 
noble  et  utile ,  mais  quelquefois  dépla- 
cée, et  presque  toujours  trop  longue. 
2°  Histoire  de  M.  Cléveland,  fils  naturel 
de  Cromwel,  1732  ,  6  vol.  in-12.  L'au- 
teur s'appesantit  sur  les  détails;  il  in- 
vente mal  ;  quoique  les  récits  soient  ho- 
nêtes  et  circonspects ,  l'impression  gé- 
nérale de  l'ouvrage  n'est  pas  en  faveur 
des  bonnes  mœurs.  3°  Histoire  du  che- 
valier des  Grieux  et  de  Manon  Lescaut, 
1733,  in-12.  Le  héros  de  ce  roman  est  un 
jeune  homme  vertueux  et  vicieux  tout 
ensemble ,  pensant  bien  et  agissant  mal, 
aimable  par  ses  sentimens,  et  détestable 
par  ses  actions  :  on  sait  que  ces  sortes  de 
tableaux  ne  servent  guère  à  multiplier  et 
à  renforcer  les  vertus.  4°  Le  Pour  et  le 
Contre,  ouvrage  périodique,  dans  le- 
quel on  s'explique  librement  en  matière 
de  sciences,  d'arts,  délivres,  etc.,  1733, 
et  années  suivantes,  20  vol.  in-12.  Ce 
journal  eut  moins  de  succès  que  les  feuil- 
les de  l'abbé  Desfontaines:  on  y  trouve 
cependant  des  morceaux  intéressans  et 
une  littérature  variée.  5"  Histoire  uni- 
verselle de  M.  de  Thou ,  traduite  en 
français,  1733,  in-4.  Il  n'en  a  paru  que 
le  premier  volume,  parce  que  l'abbé  Des- 
fontaines travaillait  dans  le  même  temps 
à  une  traduction  de  cette  Histoire.  Celle 
de  l'abbé  Prévôt  est  assez  négligée  ,  et  le 
texte  s'y  trouve  noyé  dans  un  long  com- 
mentaire. C°  Tout  pour  l'amour,  et  le 
monde  bien  perdu,  oulaMort  d'Antoine 
et  de  Cléopâtre,  tragédie  traduite  de  l'an- 
glais, 1735,  in-12.  Le  slile  de  cet  ou- 


λRÉ 

vrage  est  vif,  nombreux  ,  élégant ,  sans 
uft'cclalion,  et  la  version  est  assez  fidèle. 
1°  Le  doyen  de  Killerine,  histoire  mo- 
rale, en  6  vol.in-12,  1735  :  roman  ver- 
beux et  assez  mal  imaginé  ;  8°  Histoire 
de  Marguerite  d'Anjou,  reine  d'Angle- 
terre, contenant  les  guerres  de  la  maison 
de  Lancaslre  contre  la  maison  d'York  , 
1740,  2  vol.  in-12.  Quoique  cet  ouvrage 
doive  être  rangé  autant  dans  la  classe  des 
romans  que  dans  celle  des  histoires,  on 
le  lut  avec  avidité.  La  narration  en  est 
agréable  et  les  faits  singuliers.  9°  His- 
toire d'une  Grecque  moderne,  1741  , 
2  vol.  in-12  :  roman  qui  a  eu  du  succès; 
10"  Campagnes  philosophiques ,  ou  Mé- 
moires de  M.  de  Montcalm  ,  aidede- 
camp  de  M.  le  maréchal  de  Schomberg, 
contenant  VHistoire  de  la  guerre  d'Ir- 
lande ,  1741  ,  2  vol.  in-12.  C'est  un  mé- 
lange de  fictions  et  de  vérités  quelquefois 
mal  assorties,  mais  toujours  rendues  avec 
beaucoup  d'agrément.  11"  Me'moires 
pour  servir  à  l'histoire  de  Malte,  ou  His- 
toire du  commandeur  de***,  1742,  2  vol. 
in-1 2  ;  1 2"  Histoire  de  Guillaume  le  Con- 
quérant, roi  d'Angleterre  ,  1742  ,  2  vol. 
in-12.  11  y  a  trop  d'intrigues  de  cabinet 
et  de  galanterie  ,  trop  de  ressorts  de  po- 
litique, et  pointasses  de  cette  simplicité 
noble  qui  est  le  véritable  ornement  de 
l'histoire.  13"  F'oyage  du  capitaine  Ro- 
bert Lade  en  différentes  parties  de  VA- 
frique,  de  l'Asie  et  de  l'Amérique,  conte- 
nant l'histoire  de  sa  fortune  ,  et  ses  ob- 
servations sur  les  colonies  et  le  com- 
merce des  Espagnols ,  des  Anglais ,  des 
Hollandais,  etc.,  ouvrage  traduit  de 
l  anglais,  \m,  2  \o\.  in-12  :  relation 
intéressante  et  curieuse;  ii°  Lettres  de 
Cice'ron  à  U  rut  us  traduites  en  français, 
avec  des  notes,  1744 ,  in-1 2  ;  15"  His- 
toire de  la  vie  de  Cice'ron  ,  tire'e  de  ses 
écrits  et  des  monumens  de  son  siècle  avec 
les  preuves  etdes  éclaircisseniens ,  com- 
posée sur  l'ouvrage  anglais  de  M.  Midd- 
leton,  1743  ,  4  vol.  in-12.  Cet  ouvrage , 
fait  à  la  hâte  ,  aurait  demandé  plus  de 
soin,  de  méthode,  de  précision  et  de 
goût.  1 Q" Mémoire  d^un  honnête  homme, 
1745  :  roman  qui  a  peu  réussi  ;  17°  His- 
toire générale  des  voyages  depuis  le  com- 


PRE  107 

mencement  du  1 5*  siècle,  contenant  ce 
qu'il  y  a  de  plus  curieux ,  de  plus  utile 
et  de  mieux  vérifié  dans  toutes  les  rela- 
tions des  différentes  nations  du  monde  ; 
ouvrage  traduit  d^abord  de  l'anglais,  et 
continué  depuis  V interruption  des  pre- 
miers auteurs  par  ordre  de  monseigneur 
le  chancelier  de  France,  1745,  et  an- 
nées suivantes,  16  vol.  in-4  ;  et  G4  vol. 
in-12.  La  Table  des  matières  a  été  com- 
posée par  M.  Chorapré.  Cette  Histoire  a 
été  continuée  par  M.  de  Querlon,  et  en- 
suite par  M.  Deleyre,  Paris,  1768-1770, 
12  volumes  in-12.  M.  de  Laharpe  en  a 
donné  un  Abrégé  en  21  vol.  in-8  ,  Paris, 
1780,  et  un  vol.  de  cartes,  in-4.  (C'est 
M.  l'abbé  du  Tems  qui  en  a  fait  la  plus 
grande  partie  ).  18"  Lettres  de  Cice'ron, 
qu'on  nomme  vulgairement  familières, 
traduites  en  français  sur  les  éditionsde 
Grévius  et  de  M.  V  abbé  d' Olivet ,  avec 
desnotes ,  1746  ,  5  vol.  in-12.  Cette  ver- 
sion ressemble  à  un  excellent  original 
écrit  en  français.  19"  Manuel  lexique, 
ou  Dictionnaire  portatif  des  mots  fran- 
çais dont  la  signification  n'est  pas  fami- 
lière à  tout  le  monde  ;  ouvrage  utile  aux 
personnes  qui  veulent  écrire  et  parler 
juste,  1751 ,  1  vol.  in-8,  1754  ;  nouvelle 
édition ,  augmentée  d'un  Abrégé  de  la 
grammaire  française,  2  vol.  in-8.  C'est 
un  des  meilleurs  dictionnaires  qui  aient 
été  donnés  dans  ces  derniers  temps.  U 
renferme  des  définitions  claires  et  pré- 
cises. M.  de  Boille,  chanoine  régulier 
d'Eaucourt ,  en  a  donné  une  édition  aug- 
mentée àLicgc,  1788;  mais  n'ayant  pu 
veiller  par  lui-même  sur  l'impression ,  il 
a  vu  son  travail  défiguré  par  un  grand 
nombre  de  fautes  typographiques.  20° 
Lettres  de  miss  Clarisse  Harlowe  ,  en 
12  parties,  1751  :  ce  roman  est  traduit 
de  l'anglais  de  Richardson;  21"  Histoire 
de  sir  Charles  Grandisson ,  contenue 
dans  une  suite  de  lettres,  publiées  sur  les 
originaux,  par  l'éditeur  de  Paméla  et 
de  Clarisse;  ouvrage  traduit  de  l'an- 
glais, 1755  ,  8  parties  in-12  ;  22"  Mé- 
moires pour  servir  à  V histoire  du  cœur 
humain,  1760,  4  vol.  in-12;  2Z°  His- 
toire de  la  maison  de  Stuart  sur  le  trône 
d! Angleterre,  traduite  de  Vanglais  de 


[o8 


PRE 


M.  Hume,  I7fi0  ,  3  vol.  in-4  ,  ou  6  vol. 
in-12.  L'original  esl,  comme  l'on  sait,  le 
fruit  de  l'esprit  protestant  et  philoso- 
phique; à  ce  défaut ,  la  traduction  joint 
un  air  étranger,  un  stile  souvent  epibar- 
rassé,  semé  d'anglicismes ,  d'expressions 
peu  françaises,  de  tours  durs,  de  phra- 
ses louches  et  mal  construites.  24"  Me- 
moires  pour  servir  à  l'histoire  de  la 
vertu ,  1762  ,  4  vol.  in-12;  2b°Almeran 
et  Carnet,  1762,2  vol.  in-12;  26"  Let- 
tres de  Mentor  à  un  jeune  seigneur,  1764, 
in-12.  Ces  trois  ouvrages,  dont  le  der- 
nier est  posthume,  ont  été  traduits  de 
l'anglais.  L'abbé  Prévôt  était  un  écrivain 
d'une  imagination  belle  et  riche.  On  doit 
déplorer  qu'un  homme  capable  des  pro- 
ductions les  plus  utiles  ait  consacré  la 
moitié  de  sa  vie  à  un  genre  pernicieux, 
recueil  de  la  vertu,  l'opprobre  de  la  rai- 
son ,  et  le  délire  de  l'imagination.  Ce 
n'est  pas  qu'on  veuille  proscrire  les  l'o- 
mans  qui  ne  blessent  point  l'honnêteté 
des  mœurs ,  qui  ne  roulent  point  sur 
une  fade  galanterie,  et  qui  mènent  à  la 
vertu  par  l'agrément.  Il  faudrait  être  de 
bien  mauvaise  humeur  pour  désapprou- 
ver Têle'maque,  Se'thos,  et  quelques 
autres  ouvrages  qui  ne  sont,  pour  ainsi 
dire,  que  des  cours  de  morale  ;  mais  il 
faudrait  être  aussi  bien  indulgent  pour  ne 
pas  condamner  ces  écrits  frivoles ,  qui, 
par  la  vivacité  des  situations ,  la  ten- 
dresse des  sentimens  ,  amollissent  l'âme 
et  lui  inspirent  les  passions  les  plus  fu- 
nestes. Ceux  de  l'abbé  Prévôt,  qui  ont 
été  réunis  en  54  vol.  ,  sont  presque  tous 
dans  ce  dernier  genre.  Il  est  vrai  que  la 
morale  suit  partout  ses  héros  ,  et  jusque 
dans  les  plaisirs  ;  mais  la  vertu  n'y  est 
qu'eu  maximes ,  et  le  vice  y  est  mis  en  ac- 
tion ;  et  s'ils  parlent  comme  Sénèque,  ils 
agissent  comme  Pétrone.  On  a  donné  en 
1764,  in-12,  \es Pensées  de  M.  l'abbé 
Prévôt,  et  en  1783  ,  ses  OEuvres  choi- 
sies. 

PREYSIUS  (  Christophe  )  ,  né  en 
Hongrie,  professa  la  philosophie  dans  l'u- 
niversité de  Francfort.  Mclanchthon  loue 
sa  science,  son  érudition,  sa  sagacité  et 
son  attachement  à  ce  qu'il  appelait  la  vé- 
rité, c'est-à-dire  aux  erreurs  de  son  temps, 


PRI 

que  Preysius  soutint  avec  opiniâtreté  ; 
il  lui  donne ,  suitaut  l'usage  de  son  siè- 
cle, le  nom  de  Christophorus  Pannonius. 
Preysius  a  fait  eu  latin  une  Fie  de  Cicé- 
ran  que  l'on  estime.  Il  y  entre  dans  le 
détail  des  études  et  des  actions  de  cet 
excellent  orateur  ;  détail  puisé  dans  ses 
écrits  ,  ou  dans  ceux  des  auteurs  contem- 
porains. Cette  Histoire  de  Cicéron  parut 
à  Bàle  en  1555,  in-8  ,  avec  un  Traité  ou 
Discours  ,  De  imitatione  Ciceroniana , 
qui  est  aussi  de  Christophe  Preysius, 
Gaspard  Peucer  estimait  beaucoup  ces 
deux  ouvrages. 

PRICE(  Jean),  Pricœus,  né  à  Londres 
en  1600  ,  se  relira  à  Florence  ,  oîiil  em- 
brassa la  religion  catholique  ,  et  mourut 
à  Rome  en  168G.  Il  embrassait  le  sacré  et 
le  profane,  et  joignait  à  beaucoup  de 
mémoirele  jugement  qui  ne  l'accompa- 
gne pas  toujours.  On  a  de  lui:  1°  des 
Notes  sur  les  Psaumes  ,  sur  saint  Mat- 
thieu, sur  les  Actes  des  apôtres  ,  et  sur 
quelques  autres  livres.  On  les  trouve 
dans  les  Critici  sacri  de  Pearson.  On  lui 
attribue  encore  un  Traité  des  hérésies. 
Tous  ces  écrits  sont  savans. 

PRICE( Charles),  aventurier  anglais, 
fils  d'un  fripier,  naquit  à  Londres  en 
1723,  et  mourut  en  17  87.  Jeune  encore, 
il  fit  mourir  son  père  de  chagrin.  Déjà 
trop  connu  dans  sa  patrie ,  il  prit  le  parti 
de  voyager  incognito  sous  le  nom  de 
Johnson.  Revenu  en  Angleterre ,  il  fut 
mis  en  prison.  Le  désir  de  recouvrer  sa 
liberté  le  rendit  auteur.  Il  composa  un 
pamphlet  pour  la  sœur  du  roi  contre  ce- 
lui de  Danemark.  Le  livre  va  jusqu'au 
roi ,  et  Priée  sort  de  prison  ,  plus  fripon 
que  jamais.  Il  se  fit  buraliste,  et  contrefit 
des  billets.  Après  avoir  fait  une  multi- 
tude de  dupes ,  il  est  condamné  à  être 
pendu;  et, dès  que  sa  destinée  lui  est 
connue,  il  se  détruit  lui-même.  Six  édi- 
tions faites  en  Angleterre,  et  une  traduc- 
tion française  de  la  vie  d'un  escroc,  sous 
le  titre  d'Histoire  de  Charles  Price  ,  Pa- 
ris, 1787,2  vol.  in-12j  sufiBsent  pour 
faire  juger  du  goût  et  des  graves  occupa- 
tions de  ce  siècle.  Il  est  vrai  que  Cartou- 
che et  Mandrin  ont  eu  aussi  leurs  histo- 
riens; mais  leurs  vies  étaient  remplies  de 


PRI 

traits  singuliers,  et  avaient  un  air  roma- 
nesque, qui  semblait  justiBer  l'empres- 
sement de  la  curiosité;  au  lieu  que  celle 
de  Price  ne  présente  guère  que  des  scè- 
nes d'une  scélératesse  ordinaire  ,  mais 
féconde  en  fourberies  et  en  malice. 

*  PRICE  (Richard),  ministre  dissident 
et  écrivain  politique  ,  né  en  17  23  à  ïyn- 
lou  dans  le  pays  de  Galles  ,  fut  admis  en 
1 7G4  dans  la  société  royale  de  Londres,  et 
reçut  en  1 770  le  grade  de  docteur  en  théo- 
logie. Il  publia  en  1772  son  Appel  au 
public  sur  la  dette  nationale ,  et  en  177  3 
et  1774  il  devint  le  champion  des  dis- 
sidens  ,  contre  l'acte  sur  le  Test.  Pen- 
dant plusieurs  années  il  exerça  son  mi- 
nistère dans  la  congrégation  des  dissi- 
dens  de  Newington-Green  ,  et  dans  celle 
d'Hackney.  Il  publia  en  177G  ses  excel- 
lentes Observations  sur  le  gouvernement 
civil,  qui  lui  méritèrent  du  conseil  des 
communes  delà  ville  de  Londres  des  re- 
mercîmens  et  une  tabatière  d'or  :  son 
ouvrage  renferme  les  principes  sur  les- 
quels est  établie  l'autorité  législative  de 
la  Grande-Bretagne  sur  ses  colonies.  On 
a  encore  de  lui  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages ,  dont  les  principaux  sont  :  1° 
Revue  des  principales  questions  en  mo- 
rale ,  Londres  ,  1758  ,  in-8  ;  2"  Quatre 
dissertations  sur  la  providence  ,  la 
prière  ,  l'attente  dune  meilleure  vie  et 
V importance  du  christianisme  ,  ibid.  , 
1762  ;  3"  Observations  sur  la  nature  de 
la  liberté  civile  ,  les  principes  du  gou 
vernement  et  la  justice  de  la  guerre  con- 
tre t Amérique  ,  1776  ,  in-8  ;  4°  Corres- 
pondance avec  le  docteur  Priestley  sur 
la  doctrine  du  matérialisme,  ibid.,  17  78, 
iu-8  ;  5"  Essai  sur  l'état  présent  de  la 
population  en  Angleterre  et  dans  le  pays 
de  Galles  ,  ibid.  ,  17  79  ,  in-8  ;  6"  Etat 
des  finances  et  de  la  dette  publique  ,  à 
la  signature  des  préliminaires  de  la  paix, 
ibid.  ,  17  83  ;  7"  Sur  V importance  de  la 
révolution  de  l'Amérique,  et  les  moyens 
de  la  rendre  utile  au  monde  ,  ibidem  , 
1785  ,  in-8  ,  etc.  Price  est  mort  en  1791. 
Les  Mémoires  de  sa  vie  ont  été  publiés 
en  1815  ,  Londres,  in-8  ,  par  son  neveu, 
William  Morgan. 
PRIDEAUX  (  Jean)  ,  né  en  1578 ,  à 


PRI  log 

Stafford  en  Angleterre  ,  obtint  la  chaire 
de  théologie  et  le  rectorat  du  collège 
d'Exon.  Il  s'acquit  dans  ces  places  beau- 
coup de  réputation  ,  et  fit  paraître  un 
grand  zèle  pour  les  intérêts  du  roi  et  de 
l'église  anglicane.  Ce  zèle  lui  mérita  l'é- 
vêché  de  Winchester  en  1641.  Il  mourut 
en  1650  ,  à  72  ans.  On  a  de  lui  :  1"  une 
Apologie  pour  Casaubon  ,  contre  Eudae- 
mon  Jean,  en  latin  ,  1614,  in-8  ;2''des 
Leçons  de  théologie,  Oxford  ,  1648,  in- 
fol.  ,  et  d'autres  ouvrages  inconnus  au- 
jourd'hui. 

PRIDEAUX  (  Humphrey  ) ,  naquit  k 
Padstow  dans  le  comté  de  Cornouailles  , 
en  1648,  d'une  bonne  famille.  Il  fit  ses 
éludes  à  Westminster  ,  ensuite  à  Oxford  , 
et  se  signala  dans  ces  deux  endroits  par 
l'étendue  de  sa  mémoire.  La  mort  d'E- 
douard Pocock  ayant  fait  vaquer  la  chaire 
d'hébreu  ,  on  l'offrit  à  Prideaux  ,  qui  la 
refusa.  Il  fut  pourvu  du  doyenné  de  Nor- 
wich  en  1 704  ,  et  mourut  dans  cette  ville 
en  172'i.  Ses  mœurs  étaient  celles  d'un 
savant ,  toujours  enfermé  dans  son  cabi- 
net. Il  n'avait  pas  les  dehors  imposans  de 
cette  politesse  légère  de  nos  littcrateiirs 
français  ;  mais  il  se  distinguait  par  un 
grand  fonds  de  franchise  et  de  vertu.  Nous 
avons  de  lui  plusieurs  ouvrages  pleins  de 
recherches  ,  dont  le  principal  regarde  les 
marbres  d'Arundel  {voy.  ce  mot),  et  est 
intitulé  :  1°  Marniora  oxoniensia  ,  ex 
grundelianis ,  Seldenianis ,  aliisque  con- 
flata  ,  cum  Grœcorum  versione  latina  , 
et  lacunis  suppletis  ,  ac  figuris  œneis , 
Oxford  ,  1676  ,  in-fol.  Selden  avait  en- 
trepris cet  ouvrage  ,  et  en  avait  fait  im- 
primer une  partie  en  1627  ;  mais  il  n'a- 
vait expliqué  que  vingt-neuf  inscriptions 
grecques  et  dix  latines  ;  Prideaux  a  ex- 
pliqué les  deux  cent  soixante  autres.  De- 
puis quelque  temps  ,  les  marbres  (appe- 
lés de  Paros  ou  d'Arundel  )  ont  perdu 
beaucoup  de  leur  considération  :  de  sa- 
vans  critiques  sont  parvenus  à  les  rendre 
suspects  et  à  les  faire  considérer  comme 
une  chronique  postiche  et  d'un  temps 
infiniment  postérieur  à  celui  dont  elle 
prétend  tracer  les  événemens.  (  Foyez 
PAnos  Aawsia Diction,  géogr.)  Il  adonné 
aussi  la  Fie  de  Mahomet  ,   en  anglais. 


110  Pfil 

Elle  a  été  traduite  en  français  ,  et  impri- 
mée à  Amsterdam  en  1698  ,  in-8.  M.  Sa- 
vary  ,  dans  une  f^ie  de  Mahomet ,  qui  est 
à  la  têle  de  la  traduction  du  Coran  (Paris, 
1782,  2  vol.  in-8  ),  attaque  Prideaus  sur 
ce  qu'il  a  dit  du  moine  Sergius,  et  il  faut 
convenir  que  Prideanx  ne  s'est  pas  ex- 
primé avec  assez  d'exactitude  sur  ce  su- 
jet; mais  il  n'en  est  pas  moins  incontes- 
table que  Mahomet  a  eu  de  longues  con- 
férences avec  Sergius,  moine  du  Hauran, 
et  que  c'estauprès  de  lui  qu'il  a  étudié  les 
Livres  saints,  d'où  est  emprunté  ce  qu'il 
y  a  de  beautés  dans  le  Coran  (1).  Savary  , 
en  contredisant  ce  fait ,  cherchait  moins 
la  vérité  que  la  gloire  de  Mahomet ,  dont 
il  voudrait  faire  un  homme  de  génie. 
2°  L'ancien  et  le  nouveau  Tesiamcns 
nccordés  avec  l'histoire  des  juifs  ,  en 
anglais,  2  vol.  in-fol.  ,  Londres  ,  1720; 
3°  Histoire  des  Juifs  et  des  peuples  voi- 
sins ,  depuis  la  décadence  des  royaumes 
d'Israël  et  de  Juda  jusqu'à  la  mort  de 
Je'sus-Christ.  Ce  savant  ouvrage ,  écrit 
en  anglais  ,  a  eu  un  succès  extraordi- 
naire. On  en  a  fait  beaucoup  d'éditions. 
A  la  place  des  cartes  de  l'édition  de  Hol- 
lande ,  qui  étaient  simplement  des  copies 
de  Cellarius ,  peu  estimées  des  connais- 
seurs ,  on  en  a  fait  graver  de  nouvelles  , 
qui  ont  été  dessinées  sur  celles  de  de 
Lisle.  Quant  au  corps  de  l'ouvrage  de 
Prideaux  ,  on  n'y  a  fait  aucun  change- 
ment ;  le  peu  de  relranchemens  qu'il  y  a 
roulent  uniquement  sur  quelques  expres- 
sions peu  mesurées ,  que  l'on  a  cru  de- 
voir adoucir,  et  quel'auteur  n'aurait  pas 
dû  se  permettre ,  pour  son  propre  hon- 
neur. A  cela  près  ,  on  a  laissé  l'ouvrage 
tel  qu'il  était.  On  aurait  tort  de  vouloir 
que  Prideaux  parlât  en  catholique  sur  le 
canon  de  l'Ecriture  ,  par  exemple  ;  on 
s'est  donc  contenté  d'ajouter  des  disser- 
tations sur  les  points  oîi  il  s'écarte  de  la 
vérité.  Le  PèreTournemine  les  a  fournies; 
elles  serviront  de  préservatif,  et  l'on  ne 

(i)  Cil  fait  cili  flaii»  l'Iiisloire  des  Sarraaiiii  vient  à  l'ap- 
|iui  de  ce  que  l'on  iiiiDceiri:  Ëparf^nez  1ei  kommea  du 
Trèa-Haut  (  les  moines  ),  cl  frappt-z  sans  pitié  sur  les  gens 
â  tpnsuro  (  les  prêtres  séruliers  )  ,  tell«  était  la  derise  des 
premiers  musulmans.  Même  eucore  aujourd'hui .  les  moi- 
nesurecsel  laliusjoulueulparmi  les  Turcs  d'une  sorlcde 
coosidcration. 


PRÎ 


1 


doit  pas  craindre  que  ce  que  dit  Prideaux  , 
sur  ces  articles  puisse  induire  personne 
en  erreur.  (Deux  écrivains  anonymes  , 
Brulel  de  la  Rivière  et  Du  Soûl  ,  suivant 
M.  A.-A.  Barbier  ,  Dictionnaire  des  ano- 
nymes ,  n"  22,623  ,  ont  donné  une  tra- 
duction française  de  cette  histoire,  .Ams- 
terdam ,  1722,  5  vol.  in-12.  ) 

PRIERIO.  ^oyesMozzoLiNo. 

*  PRIESTLEY  (Jean  ou  Joseph),  mi- 
nistre imitai  re  et  physicien,  né  en  1733 
ou  1734  à  Fieldhead,  près  dcLeeds,  s'est 
rendu  célèbre  par  ses  opinions  religieu- 
ses et  politiques  ,  ainsi  que  par  ses  dé- 
couvertes. Il  composa  un  grand  nombre 
d'ouvrages  où  le  savoir  ne  manque  poin^, 
mais  qui  ne  sont  pas  toujours  d'accord  les 
uns  avec  les  autres.  Zélé  pour  Vunitaria- 
nisme,  il  rejetait  les  dogmes  et  les  mystè- 
res qui  sont  opposés  à  ce  système.  Ainsi , 
pour  lui,  il  n'y  avait  ni  Trinité,  ni  Incar- 
nation, ni  par  conséquent  divinité  de  Jé- 
sus-Christ. Il  voulait  néanmoins  un  culte, 
des  prières  ,  une  liturgie  ,  et  il  donna 
tout  cela  de  sa  façon  au  petit  troupeau 
qu'il  gouvernait.  Il  eut  des  démêlés  avec 
presque  tous  les  écrivains  de  son  temps  , 
avec  les  docteurs  Horsley  ,  au  sujet  de  la 
Trinité  et  de  la  divinité  de  Jésus-Christ; 
avec  l'archevêque  de  Newcome  ,  sur  la  , 
durée  du  ministère  du  Sauveur  ;  avec 
Witaker  ,  avec  Packhurst  ,  avec  le  Juif 
David  Levi  ,  avec  W'akefields  ,  etc.  ;  il 
s'éleva  aussi  contre  les  incrédules  du  jour, 
contre  Gibbon  ,  contre  les  disciples  du 
rêveur  suédois  Swedenborgh  ,  contre 
Thomas  Payne  et  son  j4ge  de  raison  , 
contre  Volney  et  ses  écrits  ,  etc.  Son  en- 
thousiasme pour  la  révolution  française 
tenait  du  délire  :  il  lui  valut  d'un  côté  le 
titre  de  citoyen  français  et  le  fit  nommer 
député  à  la  Convention  nationale  ;  mais 
il  ne  put  accepter  ces  fonctions  ;  d'un 
autre  côté  ,  il  lui  occasiona  de  fâcheux 
désagrémeus.  On  pilla  sa  maison  et  sa  bi- 
bliothèque. Il  prit  le  parti  de  se  retirer 
aux  Etats-Unis,  et  mourut  à  ^'orthuml)er- 
land  le  h  février  1804.  On  a  de  lui  :  l» 
Histoire  des  corruptions  du  christia- 
nisme, 1682.  Il  y  expose  les  altérations 
qu'il  prétend  avoir  été  faites  à  la  doctrine 
primitive.  2°  Lettres  à  un  philosophe  in- 


crédule,  et  beaucoup  d'autres  écrits,  etc. 
Il  rédigeait  un  journal  intitulé  Maga- 
sin théologique.  Homme  instruit ,  mais 
bizarre  et  inconséquent ,  bâtissant  d'un 
côté  ,puis  détruisant  l'édifice  qu'il  avait 
élevé,  rarement  d'accox-d  avec  Te  bon 
sens  ,  et  plus  rarement  encore  avec  lui- 
même,  faisant  abus  de  son  talent ,  et  ne 
sachant  le  plus  souvent  ni  oti  il  voulait 
aller  ,  ni  oîi  il  fallait  s'arrêter.  Après  l'a- 
voir envisagé  comme  théologien  et  comme 
politique  ,  voyons -le  comme  savant.  Il 
ne  méritera  ici  que  nos  éloges.  Seslaleus 
comme  physicien  et  comme  chimiste  ont 
si  puissamment  contribué  aux  progrès  de 
la  science,  qu'ils  l'ont  placé  au  i-ang  des 
premiers  hommes  de  l'Europe.  Permises 
ouvrages  scientifiques  ,  nous  citerons  : 
1"  \ Histoire  de  l'électricité,  1767  ,  tra- 
duit en  français  par  Brisson,  1771,  3  vol. 
in-12  ;  2"  V Histoire  et  l'état  actuel  des 
découvertes  relatives  à  la  vision  ,  à  la 
lumière  et  aux  couleurs  ,  17  72  ,  in-4  ; 
^^Expériences  sur  les  différentes  espèces 
d'air ,  3  vol.  in-8,  traduites  en  français 
par  Gibelin  ,  Paris,  1777  ,  9  vol.  in-12  ; 
4°  Essai  sur  le  phlogistique  ,  traduit  en 
français  par  .\dels  ,  Paris  ,  1798  ,  in-8  , 
etc.  La  collection  de  ses  OEuvrcs  forme 
70  vol.  in-8.  On  a  publié  en  1826  en 
anglais  les  Mémoires  du  D"^  Priestley  , 
2  vol.  in-8,  continués  jusqu'à  sa  mort 
par  son  fils  Joseph  Priestley  ,  et  des  Ob- 
servations sur  sesécrits,  parTh.Cooper 
et  Wm.  Christie.  Sa  Fie  par  J.  Corry  a 
paru  en  1805,  in-8,  et  son  Eloge  a  été  lu 
la  même  année  à  l'Institut  par  M.  Cuvier. 
PRIEUR  (Philippe  Le),  Priorius , 
né  à  Saint-Vaapert  de  Normandie ,  pro- 
fessa avec  un  succès  peu  ordinaire  les 
belles-lettres  dans  l'université  de  Paris, 
et  mourut  en  1680.  On  a  de  lui  :  1°  une 
Edition  de  TertuUien  ,  1G64,  in-fol.  , 
qu'il  accompagna  de  notes ,  tant  de  son 
propre  fonds  que  de  celles  qu'il  avait 
compilées,  particulièrement  de  l'édition 
de  Rigaud.  2°  Il  donna  dans  le  même 
goût  une  Edition  de  saint  Cyprien  ,  de 
Minutius-Félix ,  d'Arnobc  ,  de  Firmicus- 
Maternus  et  de  Commodianus-Gazœus , 
1666,  in-fol.;  3"  une  Edition  d'Optat  de 
Milève,  1679;  4°  un  bon  Traité  des  for- 


PRI  m 

mules  des  lettres  ecclésiastiques,  sous  ce 
titre  :  Dissertatio  de  litteris  canonicis, 
cum  appendice  de  tractoriis  et  synodicis, 
in-8;  5°  un  Traité  latin,  sous  le  nom  à.'Eu- 
sèbcromain,  contre  le  livre  despréadami- 
tes  de  la  Peyrère.  Ce  Traité  est  intitulé  : 
Animadversioncs  in  librum  prœadami- 
taruni ,  in  quibus  confutatur  nuperus 
scriptor,  et  primuni  omnium  hominum 
fuisse  Adamum de fenditur,  Paris,  1656, 
in-8  ;  6°  Epistola  gratulatoria  ad  Pey- 
rerium  de  ejus  conversione  ad  romanam 
fîdem,  1658,  in-8.  Foyez  Peyrère  Isaac. 
*  PRIEUR  DE  LA  Marne  (  N.  )  ,  ainsi 
surnommé  pour  le  distinguer  d'un  autre 
Prieur  ,  que  l'on  appela  pour  le  même 
motif  Prieur  de  la  Côte-d'Or  {voyez  l'ar- 
ticle suivant),  fut  membre  de  la  Conven- 
tion. Né  vers  1760  dans  le  département 
dont  il  portaitle  nom,  il  était,  avant  la  ré- 
volution ,  avocat  à  Châlons-sui'-Marne.  Le 
tiers-état  de  cette  ville  l'élut  député  aux 
étals-généraux.  Dès  les  premières  séan- 
ces, il  se  fit  remarquer  parmi  les  membres 
les  plus  exagérés  du  côté  gauche.  Il  parut 
souvent  à  la  tribune  ,  non  pour  y  pro- 
noncer des  discours  suivis  ,  mais  pour  y 
attaquer  ,  par  quelques  phrases  courtes 
et  violentes  ,  les  modérés  ,  les  aristocra- 
tes et  les  ennemis  de  la  révolution.  En- 
tr'autres  mesures  il  provoqua  la  destruc- 
tion des  emblèmes  de  servitude  qui  dé- 
coraient lepiedestal  de  la  statue  de  Louis 
XIV  sur  la  place  des  Victoires.  En  l  790, 
il  se  prononça  pour  le  séquestre  des 
biens  du  clergé  ;  et,  lorsque  les  évêques 
offrirent  ,  au  nom  de  cet  ordre  ,  de  rem- 
plir un  emprunt  de  cent  millions,  il  ob- 
serva que ,  ne  possédant  rien,  ils  ne  pou- 
vaient rien  oflrir.  Ce  fut^  aussi  lui  qui 
provoqua  ,  le  29  mai  1791,  une  loi  con- 
tre les  émigrans.  Après  le  départ  du  roi 
pour  Varennes  ,  il  accusa  ce  prince  de 
perfidie ,  et  commença  à  attaquer  son  in-, 
violabilité.  A  celte  époque  il  fut  envoyé 
dans  le  Finistère  ,  pour  y  contenir  les 
mécontens  qui  commençaient  à  remuer 
à  l'occasion  de  cet  événement ,  el,  à  son 
retour,  il  continua  de  se  montrer  parti- 
san des  mesures  extrêmes.  A  la  fin  de  la 
session  ,  il  fut  élu  vice-président  du  tri- 
bunal criminel  du  déparlement  de  Paris, 


lia  PRI 

puis  député  à  la  Convention  natiotialc. 
Dès  le  commencement  de  la  session  ,  il 
fut  envoyé  comme  commissaire  à  l'armée 
campée  en  Champagne.  Rentré  au  sein 
de  l'assemblée  ,  il  vota  la  mort  du  roi 
sans  appel  et  sans  sursis.  Il  sollicita  en- 
suite vivement  le  rapport  du  décret  con- 
tre les  auteurs  des  massacres  des  prisons 
aux  2  et  3  septembre  ,  et  devint ,  peu  de 
temps  après  ,  membre  du  comité  de  dé- 
fense générale  ,  et  ensuite  de  celui  de 
salut  public.  Envoyé  en  mission  aux  ar- 
mées du  Nord  ,  des  Ardennes  ,  de  la  Mo- 
selle et  du  Rhin  ,  puis  dans  celle  de  la 
Vendée  ,  il  lit  exécuter ,  contre  les  habi- 
tans  de  ce  malheureux  pays  ,  les  décrets 
dç  la  Convention.  Prieur  rentra  au  comité 
de  salut  public  le  6  octobre  1794  ,  et  le 
22  du  même  mois  ,  il  fut  nommé  prési- 
dent de  la  Convention.  Lors  de  l'insur- 
rection du  1"^  avril  1795  ,  il  fit  diverses 
propositions  favorables  aux  révoltés  ,  et 
demanda  entr'aulres  la  liberté  des  patrio- 
tes détenus  depuis  le  9  thermidor.  An- 
dré Damont  l'ayant  accusé  de  complicité 
dans  cette  émeute  ,  il  expliqua  ,  avec 
beaucoup  d'adresse ,  les  expressions  dont 
il  s'était  servi ,  et  vint  à  bout  de  conjurer 
cet  orage  ;  mais  le  20  mai  suivant  ,  il 
prit  une  part  plus  active  à  la  nouvelle 
insurrection  qui  éclata  contre  la  majorité 
delà  Convention  ,  et  il  lut  nommé  mem- 
bre de  la  commission  extraordinaire  , 
créée  pour  remplacer  le  comité  de  salut 
public.  Lorsque  la  force  armée  se  pré- 
senta pour  s'emparer  de  la  salle,  presque 
évacuée  par  les  insurgés  ,  il  s'écria  :  A 
moi,  sans-culottes  ,  ce  qui  le  fit  décréter 
d'arrestation  le  même  jour.  Il  parvint  à 
s'évader,  et  profita  del'amnisticdel796. 
Depuis  ce  temps  ,  Prieur  reprit  sa  pro- 
fession d'avocat  ,  et  n'eut  plus  aucune 
partaux  affaires  publiques.  Banni  en  1810 
de  la  France  ,  comme  régicide  ,  il  se  re- 
tira dans  les  Pays-Bas  ,  et  mourut  dans 
un  état  voisin  de  l'indigence  à  Bruxelles 
en  1827.  11  a  publié  :  Rapport  sur  l'éta- 
blissement des  sourds-muets  fait  à  ras- 
semblée nationale ,  1791  ,  in-'i, 

*  PRIEUR-DuvERNOis  ,  dit  Prieuk  de 
lA  Côtk-d'Or  (  C.  a.  )  ,  officier  du  génie 
etconve.ilionnel ,  naquit  le  22  décembre 


PRt 

176â  àAuxonne  d'un  receveur  des  ânait-^ 
ces  de  cette  ville.  H  entra  de  bonne  heure  ' 
dans  l'arme  du  génie,  dans  laquelle  il  fit 
preuve  de    connaissances  étendues.  En 
1791  ,  il  fut  député  à  l'assemblée  législa- 
tive par  le  département  delà  Côtc-d'Or. 
Il  ne  se  fit  nullement  remarquer  pendant 
cette  session.  Après  le  10  août ,  journée 
de  déplorable  mémoire  ,  dans  laquelle 
tomba  la  vieille  monarchie  française  ,  il 
fut  chargé  de  se  rendre  à  l'armée  pour  y 
proclamer  leschangemens  que  l'anarchie 
avait  amenés.  Pendant  qu'il  remplissait 
celle  mission  ,   le  même  département  le 
nomma  membre  de  la  Convention.  Dans 
le  procès  de  Louis  XVI ,  Prieur  vota  avec 
la  majorité  pour  la  mort  ,  sans  appel  et 
sans  sursis.  A  l'époque  des  troubles  que 
suscita  la  lutte  des  Montagnards  et  des 
Girondins,  ceux-ci ,  vaincus  au  .31  mai , 
s'étaient  réfugiés  dans  plusieurs  départe- 
mens  de  la  Normandie.  Prieur  fut  envoyé 
pour  les  poursuivre  et  pour  rallier  au 
parti  de  la  Convention  les  habitans  du 
pays  ;  mais  il  ne  put  réussir  dans  sa  ten- 
tative ,  et  il  fut  arrêté ,  ainsi  que  son  col- 
lègue, Romme ,   et  retenu  prisonnier  à 
Caen   jusqu'à  la  déroute  qu'éprouva   à 
Vernon  l'armée  départementale  qui  s'é- 
tait déclarée  contre  la  Convention.  De  re- 
tour à  l'assemblée  ,  Prieur  évita  de  mon-' 
ter  à  la  tribune  ,  et  il  ne  joua  aucun  rôle 
jusqu'au  14  août  1793  ,  où  il  fut  nommé 
membre  du  comité  de  salut  public  ,  avec 
Carnot  dont  il  était  l'ami.   L'histoire  a 
déjà  dit  le  rôle  infâme  que  joua  ce  comité 
présidé  par  Robespierre.  Prieur  participa 
à  tous  les  forfaits  qui  furent  commis  au 
nom  de  celte  sanglante  association  ,  dans 
laquelle  il  avait  pour  collègues  Couthon 
et  S.-  Jusf.  Lui-même ,  avec  Carnot ,  dé- 
fendit après  le  9  thermidor  ces  monstres  , 
et  assuma  sur  lui  laresponsabililé  de  tous 
les  actes  de  cq^comilé.  Il  est  vrai  de  dire 
qu'il  se  chargea  particulièrement  du  ma- 
tériel de  14  armées  que  la  France  avait 
alors  sur  pied  ;  il  avait  aussi  dans  ses  at- 
tributions spéciales   la  fabrication    des 
poudres  et  salpêtres,  pour  laquelle  il  sut 
inventer  des  procédés  ingénieux  qui  pu- 
rent fournir  des  produits  suflisans  pour 
les  grands  besoins  de  cette  époque.  Elu 


Pftî 

président  de  la  Convention  le  1  "  plairial 
an  2  (  20  mai  1794)  ,  il  sortit  du  comité 
de  salut  public  le  9  thermidor  an  2  (27 
juillet  1 794  ).  Plus  tard  il  proposa  l'usage 
du  calcul  décimal  et  de  l'unité  des  poids 
et  mesures  ;  ce  que  cette  assemblée 
adopta  dans  cette  même  session.  Prieur 
passa  au  conseil  des  Cinq-Cents,  d'où  il 
sortit  en  1798.  Dès  lors  il  n'a  plus  reparu 
sur  la  scène  politique.  Quelques  biogra- 
phes lui  font  hommage  de  la  première 
idée  de  l'école  polytechnique  que  d'au- 
tres altribuenl  à  Caruot  ou  à  Fourcroy. 
On  dit  encore  que  c'est  à  Prieur  qu'est  dû 
en  partie  le  1  "  établissement  de  l'Institut 
fondé  dans  les  derniers  jours  de  la  Con- 
vention. H  fonda  une  manufacture  de 
papiers  peints  et  réussit  dans  ce  com- 
merce. 11  est  mort  à  Dijon  le  11  août 
1832  ;  il  n'avait  pas  été  atteint  par  la  loi 
de  181G  contre  les  régicides.  On  lui  doit 
les  ouvrages  suivans  :  1"  Mémoire  sur  la 
nécessite'  et  les  moyens  de  rendre  uni- 
formes dans  le  royaume  toutes  les  me- 
sures d'étendue  et  de  pesanteur ,  1790  , 
in-8  ;  2°  Instruction  sur  le  calcul  déci- 
mal ,  1795  ,  in-8  ;  3°  Rapport  sur  la  loi 
du  \%  germinal  an  4  ,  1795  ,  in-8  ;  4° 
Rapport  sur  les  moyens  préparés  pour 
-établir  l'uniformité  des  poids  et  mesu- 
res ,  179G,  in-8  ;  5°  plusieurs  il-ie/nozVe.y, 
rapports  et  instructions  dans  \e  Journal 
de  l'école  polytechnique  et  dans  les  An- 
nales de  chimie. 

PRIÉZAC  (  Daniel  de  ) ,  né  au  châ- 
teau de  Priézac  en  Limousin,  en  1590, 
mort  à  Paris  ,  en  1062  ,  prit  le  bonnet  de 
docteur  en  droit  à  Bordeaux ,  y  fréquen- 
ta le  barreau  ,  s'y  maria  ,  et  y  enseigna 
pendant  dix  ans  la  jurisprudence  avec 
distinction.  Le  chancelier  Séguier,  pro- 
tecteur des  gens  de  mérite,  le  fit  venir  à 
Paris.  Il  y  devint,  peu  de  temps  après, 
conseiller  d'état  ordinaire,  et  membre 
de  l'académie  française  en  1 G 39.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  sont  :  1"  Findiciœ  yaU 
licœ  advèrsus  Alexandrum  palricium 
armachanum,  Paris,  1638  ,  in-8  ,  tradui- 
tes en  français  par  Baudoin  ,  1639,  in-8. 
C'est  une  réponse  qu'il  fit  par  ordre  de  la 
cour  au  Marsgallicus  du  fameux  Jansé- 
nius.  2°  Discours  politiques,  assez  mal 
SI. 


PRl  îi3 

écrits,  2  vol.  in-4  ;  deui  livrés  de Me- 
langes  eu  latin  ,  in-4;  4"  une  Paraphrase 
de  cinq  Psaumes  ;  5°  les  Privilèges  de  la 
Vierge  Marie,  6°  le  Chemin  de  la  Gloire, 
et  àGs Poésies,  1650,  in-8.  —  Salomon 
de  Priézac,  son  fils,  a  fait  une  Disserta^ 
tionsur  le  Nil,  in-8,  1 66 4,  et  V Histoire 
des  éléphans ,  1650,  in  12. 

PR13IASE,  évêque  d'Adrumète  en 
Afrique,  se  trouva,  l'an  553,  au  5*  synode 
général  tenu  à  Constantinople,  où  il 
s'opposa  à  la  condamnation  des  trois  cha- 
pitres. (  Voyez  Vigile,  pape.  )  Nous 
avons  de  lui  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères  des  Commentaires  sur  les  Epîtres 
de  saint  Paul  et  sur  l'Apocalypse.  C'est 
un  recueil  des  passages  de  saint  Augus- 
tin et  des  autres  Pères  sur  les  livres.  Ils 
ont  été  imprimés  à  Lyon  en  1 543.  On  lui 
a  attribué  aussi  un  Traité  des  hérésies. 
PRIMATICE  ou  Pbimaticcio, (François 
Le  ) ,  peintre  et  architecte,  né  à  Boulogne 
en  1490,  fut  employé  à  Mantoue  dans  le 
château  du  T.  Les  beaux  ouvrages  de  stuc 
qu'il  y  fit  donnaient  une  haute  idée  de 
ses  talens,  lorsqu'il  fut  appelé  en  France 
par  François  I".  Le  roi  le  chargea,  en 
1540  ,  d'acheter  en  Italie  des  figures  an- 
tiques ,  et  de  faire  faire  les  moules  des 
plus  fameuses  figures,  qui  furent  jetées 
en  bronze  et  placées  à  Fontainebleau.  Le 
Primalice  a  embelli  ce  château  par  ses 
peintures.  Il  a  aussi  donné  le  plan  du 
château  de  Meudon  ,  et  le  dessin  du  tom- 
beau de  François  I"  à  Saint-Denys.  (D'au- 
tres biographes  prétendent  que  les 
dessins  de  ce  tombeau  furent  de  Lorme. 
Primatice  mérita  la  bienveillance  des  suc- 
cesseurs de  ce  roi ,  Henri  II  et  François  II. 
Ce  dernier  le  nomma  commissaire  géné- 
ral des  bàtimens  du  royaume  Le  Prima- 
tice était  très  envieux  :  il  fit  Aaltreplu 
sieurs  constructions  de  le  Bosso  ou  Maî- 
tre-Roux, qui  l'avait  précédé  en  France.) 
Il  mourut  à  Paris,  en  1570.  Cet  artiste 
était  bon  coloriste,  il  composait  avec  es- 
prit :  les  attitudes  de  ses  figures  sont  d'un 
beau  choix;  mais  on  lui  reproche  d'avoir 
pressé  l'ouvrage,  et  d'avoir  peint  de  pra- 
tique. On  a  beaucoup  gravé  d'après,  ce 
maître.  Son  meilleur  élève  fut  Nicolo  de 
Modène. 

i5. 


îi4  PRI 

•PRlMAtJDIE  (  Pierre,  seigfûeur  delà), 
naquit  en  1 546.  Il  possédait  la  seigneurie 
de  Barrée  en  Anjou;  il  embrassa  de  bonne 
heure  la  carrière  des  armes,  et  cultiva 
en  même  temps  l'étude  de  la  morale  et 
des  antiquités.  Son  courage  et  sestalens 
lui  captivèrent  la  bienveillance  de  Henri 
III,  qui  le  nomma  gentilhomme  ordinaire 
de  sa  chambre.  Il  composa  un  ouvrage 
assez  volumineux,  qu'il  dédia  au  roi,  et 
qui  a  pour  litre  :  Académie  française , 
en  laquelle  est  traité  de  l'institution  des 
mœurs  et  de  ce  qui  concerne  le  bien  et 
heureusement  vivre  en  tous  états.  Ce 
livre  eut  beaucoup  de  succès,  fut  impri- 
mé en  1577-1579  ,  augmenté  d'un  vo- 
lume ,  1581-1613,  in-4.  Quoique  l'ou- 
vrage de  Primaudie  manque  et  de  la  pro- 
fondeur et  de  l'énergie  qui  forment  le 
principal  mérite  des  Essais  de  Montai- 
gne ,  on  y  trouve  de  bons  principes  de 
morale  et  de  politique,  sagement  appli- 
qués ,  et  appuyés  par  plusieurs  traits  his- 
toriques. Indépendamment  de  ces  quali- 
tés, on  y  remarque  de  la  facilité  dans  le 
stile  et  beaucoup  d'érudition. 

PRIMEROSE  (  Gilbert  )  ,  naquit  en 
Ecosse  vers  la  fin  du  1 6*  siècle ,  et  fut 
ministre  de  l'église  française  à  Londres. 
Par  la  suite ,  il  devint  chapelain  du  roi 
et  chanoine  de  Windsor.  Il  est  auteur  de 
plusieurs  ouvrages  théologiques ,  parmi 
lesquels  on  distingue  \°Le  Vœu  de  Jacob, 
ou  Opposition  aux  vœux  des  moines  et 
religieux ,  4  vol.  in-4  ,  en  français;  2°  la 
Trompette  de  Sion.  C'est  un  recueil  de  1 8 
sermons.  3°  D'autres  Opuscules,  etc.  Il 
mourut  en  1642. 

PRIMEROSE  (  Jacques  ),  médecin 
de  Paris  dans  le  17*  siècle,  natif  de  Bor- 
deaux ,  el^elon  quelques-uns ,  de  Saint- 
Jean-d'Angely  en  Saintonge,  fils  d'un 
ministre  écossais,  exerça  son  art  avec 
distinction  en  Angleterre.  On  a  de  lui  : 
VDemulierummorbis,  Rotterdam,  1655, 
in-4  ;2°  Academia  monspeliensis  descrip- 
ta,  Oxford,  1631  ;  3°  Enchiridion  medi- 
co'practicum,  Xmsterdaim,  1654;in-8;  4° 
Ars  pharmaceutica,  ibid. ,  1651  ,  in-8  ; 
6»  Devulgierroribus  inmediclna,  Leyde, 
1664  ,  in-8  ,  et  en  français  par  de  Ros- 
tagny,  Lyon,  1689;  6°  De  morbis puc" 


PRI 

rorum  partes  duce,  Rotterdam ,  1669  ;  7° 
plusieurs  Z?mer/rtfto«.î  pleines  de  raison- 
nemens  captieux  ,  qu'il  opposa  à  la  dé- 
monstration que  Harvée  venait  de  faire 
de  la  circulation  du  sang. 

'  PRINCE  (  Thomas-Nicolas  Le  ) ,  né 
à  Paris  en  1750  ,  et  mort  à  Ligny  le  31 
décembre  1818,  a  publié  :  1"  Essai  his- 
torique sur  la  bibliothèque  du  roi,  1782, 
petit  in-12  ;  2"  avec  Nougaret ,  .^^nec- 
dotes  des  beaux-arts  ;  3°  avec  Beau- 
drais ,  Petite  bibliothèque  des  théâtres , 
1783,  et  années  suivantes,  80  vol. 
in-18,  avec  des  Notices  sur  la  vie  des 
auteurs,  et  des  catalogues  très  détaillés 
de  leurs  voyages.  Ce  recueil  a  reparu  en 
1791,  sous  le  titre  de  Chefs-d'œuvre  dra- 
matiques,  100  vol.  petit  in-18  ;  mais  cette 
seconde  collection  ne  contient  guère 
que  70  vol.  de  la  première.  On  a  donné 
depuis  une  suite  en  1 1  volumes. 

PRINGLE  (  Jean  ) ,  chevalier  baron- 
•  net ,  médecin  du  roi  Georges  III  et  de  la 
reine  d'Angleterre,  né,en  1 707 ,  à  Hilchel- 
House,  dans  le  comté  de  Koxburg.  Il  se  dis» 
tingua  par  ses  connaissances  médicales, 
et  par  le  zèle  qu'il  eut  pour  les  soldats 
malades  et  blessés,  auxquels  il  doana 
les  plus  grands  soins  durant  la  guerre  de 
1741  ,  étant  à  la  suite  des  armées  d'An- 
gleterre en  Allemagne,  jusqu'en  1745  ; 
il  fut  alors  nommé  médecin  en  chef  des 
armées  britanniques ,  place  qu'il  remplit 
près  des  troupes  destinées  à  combattre 
le  prince  Edouard.  C'est  durant  ces  tra- 
vaux qu'il  prépara  un  ouvrage  sur  les  ma- 
ladies des  armées  ,  qui  a  été  très  bien  ac- 
cueilli et  traduit  en  plusieurs  langues;  en- 
tre autres  en  français  sous  ce  titre  :  Obser- 
vations sur  les  maladies  des  armées  dans 
les  camps  et  dans  les  garnisons ,  Paris, 
1 755,1 77 1 , 2  vol.  in-1 2;la  seconde  édition 
est  augmentée  de  sept  Mémoires  sur  les 
substances  septiques  et  antiseptiques, ({xie 
Pringle  avait  présentés  à  la  société  royale 
de  Londres  depuis  17500  jusqu'en  1752,  ' 
et  qui  ont  été  récompensés  par  des  médail-  , 
les.U  servit  encore  dans  les  armées  d'Alle- 
magne durant  les  trois  premières  cam- 
pagnes de  la  guerre  de  1755,  et  se  fixa 
à  Londres  en  1758,  partageant  son  temps 
entre  la  pratique  de  la  médecine  et  la  so- 


1 


PRI 

ci«5lé  royale ,  dont  il  était  président  de- 
puis 17  72  ;  place  qu'il  quitta  en  1778, 
chagriné  d'une  espèce  de  schisme  que 
l'usage  des  conducteurs  électriques  avait 
occasioné  dans  cette  savante  compagnie. 
Il  vit  avec  peine  que  la  méthode  de  Fran- 
klin avait  perdu  de  son  crédit ,  en  con- 
séquence de  plusieurs  accidens  qui  en 
étaient  résultés.  Ami  de  Franklin ,  il  sou- 
tint d'abord  sa  cause  avec  chaleur  ;  mais 
il  résolut  ensuite  de  préférer  sa  tranquil- 
lité à  ces  contestations  :  son  esprit  juste 
et  calme  lui  aura  sans  doute  persuadé 
que,  dansdesempirismes  de  cette  nature, 
tous  les  systèmes  sont  également  vains  et 
dangereux,  et  que  ce  n'est  pas  tant  dans 
la  manière  que  dans  la  chose  même  qu'on 
s'égare.  Voyez  Kirciiman.  Il  quitta  Lon- 
dres pour  aller  finir  ses  jours  à  Edim- 
bourg i  mais  la  rigueur  du  climat  le  força 
de  revenir  à  Londres,  oîi  il  mourut  le  18 
janvier  1782.  Outre  les  ouvrages  dont 
nous  avons  parlé,  on  a  de  lui  :  1"  Obser- 
vations sur  la  nature  et  le  traitement 
des  fièvres  des  hôpitaux  et  des  prisons, 
adressées  à  M.  Méad,  1750,  in-8  ,  en  an- 
glais ;  2°  une  Dissertation  sur  les  diffé- 
rentes espèces  d'airs ,  prononcée  à  la 
société  royale  en  1 774 ,  et  d'autres  écrits 
où  il  y  a  d'excellentes  choses,  et  quelque- 
fois des  idées  systématiques  et  hasardées; 
en  médecine  cependant  il  ne  voulait 
rien  de  ce  genre.  Il  était  ennemi  des  mé- 
thodes fondées  sur  la  théorie ,  qu'il  re- 
gardait comme  trop  vague  et  trop  peu 
avancée.  Il  paraissait  envisager  l'empi- 
risme, c'est-à-dire  la  pratique  appuyée 
sur  la  seule  observation ,  comme  la  meil- 
leure méthode.  //  faut  du  moins  que 
cet  empirisme  snit  raisonné ,  lui  disait 
un  de  ses  confrères.  —  Le  moins  qu'il  se 
pourra,  répondit  Pringle,  c'est  en  rai- 
sonnant que  nous  avons  tout  gâté. 

PRIOLO  ouPbioli  [  Benjamin  ) ,  né  à 
Saint- Jean-d'Angely,  en  1602  ,  descen- 
dait de  l'illustre  famille  des  Priuli  ou 
Prioli ,  qui  a  donné  quelques  doges  à  la 
république  de  Venise.  Après  avoir  étu- 
dié sous  Heinsius  et  sous  Vossius,  il  s'ap- 
pliqua à  Leyde ,  pendant  trois  ans ,  à  l'é- 
tude des  postes  et  des  historiens  grecs  et 
latins.  De  là  il  vint  à  Paris ,  pour  voir  et 


PRI 


ii5 


pour  consulter  Grotius.  Il  passa  ensuite 
à  Padoue  ,  pour  apprendre  à  fond ,  sous 
Crémonius  et  sous  Licétus,  les  sentimens 
des  philosophes  de  l'antiquité.  Quelque 
temps  après  ,  il  s'attacha  au  duc  de  Ro- 
han  ,  et  en  devint  le  plus  intime  confi- 
dent. Après  la  mort  de  ce  général  en 
1038,  Priolo  se  retira  dans  une  terre  qu'il 
avait  achetée  près  de  Genève ,  d'oîi  le  duc 
de  Longueville ,  qui  allait  à  Munster  en 
qualité  de  plénipotentiaire  pour  la  paix, 
lui  proposa  de  le  suivre;  ce  qu'il  accepta. 
Au  retour  de  Munster ,  Priolo  alla  à  Ge- 
nève ,  dans  le  dessein  de  conduire  sa  fa- 
mille à  Paris  ,  pour  s'y  établir.  Quand  il 
passa  par  Lyon,  le  cardinal  François  Bar- 
berin  eut  la  consolation  de  le  convain- 
cre de  la  vérité  de  la  religion  catholique, 
et  de  recevoir  son  abjuration  et  celle  de 
toute  sa  famille  et  de  ses  domestiques.  Il 
mourut  à  Lyon  en  1G67  ,  comme  il  allait 
à  Venise,  par  ordre  de  la  cour  de  France, 
pour  une  affaire  secrète.  On  a  de  lui  une 
Histoire  de  France  ,  en  Latin  ,  depuis  la 
mort  de  Louis  XIII  jusqu'en  1664  ,  dont 
la  meilleure  édition  est  de  1686,  in-4. 
Elle  est  dédiée  au  doge  et  au  sénat  de 
Venise  ,  qui  le  reconnurent  pour  noble 
chevalier  vénitien. 

PRIOR  (Matthieu),  poète  et  diplo- 
mate anglais  ,  naquit  à  Londres  en  1664 
d'un  menuisier  qui,  en  mourant,  le  laissa 
sous  la  conduite  d'un  oncle,  lequel  était 
cabaretier.  Prior  fit  ses  études  avec  suc- 
cès dans  l'école  de  Westminsler.  Le  comte 
de  Dorset  fut  si  charmé  de  sa  conversa- 
tion sur  Horace,  qu'il  le  prit  sous  sa  pi'O- 
tection,  et  l'envoya  au  collège  de  Saint- 
Jean  à  Cambridge.  Prior  y  fulfaitbache- 
lieren  168G  ,  et  fut  mis  ensuite  au  nom- 
bre des  associés.  Ce  fut  pendant  son  sé- 
jour dans  cette  université  qu'il  lia  une 
amitié  intime  avec  Charles  de  Montagii , 
depuis  comte  de  Halifax.  Guillaume  d'O- 
range ayant  usurpé  le  trône  de  sonbeau- 
père ,  Prior  fut  conduit  à  la  cour  par  le 
comte  de  Dorset,  et  fut  nommé  en  1690 
secrétaire  du  comte  de  Berkley  ,  pléni- 
potentiaire à  La  Haye.  Il  eut  le  même 
emploi  auprès  des  ambassadeurs  et  des 
plénipotentiaires  au  traité  de  Ryswicq  en 
1697 .  U  accompagna  ,  l'année  suivante , 


n6  PRI 

le  comte  de  Portlaud  dans  son  ambassade 
à  la  cour  de  France.  Il  y  retourna  de 
nouveau  en  1711  en  qualité  de  plénipo- 
tentiaire, et  présenta  en  1714  un  écrit  à 
la  cour  pour  la  démolition  du  canal  de 
Mardick.  Ce  fut  à  lui,  et  non  pas  à  rai- 
lord  Stairs,  comme  ledit  le  président 
Hénault,  que  Louis  XIV  répondit  :  «  J'ai 
»  toujours  été  maître  chez  moi,  quelque- 
»  fois  chez  les  autres  ;  ne  m'en  faites  pas 
»  souvenir.  »  Prior ,  de  retour  dans  sa 
patrie,  y  trouva  des  ennemis  qui  le  per- 
dirent à  la  cour  d'Angleterre.  On  lui  in- 
tenta un  procès  criminel ,  à  la  poursuite 
du  chevalier  VValpole.  Il  se  justiAa,  et  la 
liberté  lui  fut  rendue  en  1717.  Il  mourut 
à  Wimpole  en  1721,  et  fut  enterré  à  l'ab- 
baye de  Westminster ,  où  on  lui  dressa 
un  monument.  On  a  de  lui  un  grand 
nombre  de  Poésies  anglaises,  1733  , 
2  vol.  in-12,  dans  lesquelles  on  remar- 
que de  l'esprit  et  de  l'imagination.  Ses 
Odes  ont  été  traduites  en  fi'ançais  par 
M.  l'abbé  Yart.  (  Parmi  les  ouvrages  de 
ce  poète ,  on  cite  les  poèmes  de  La  Di- 
vinité', Emma,  ['Histoire  de  l'âme  ;  son 
chef-d'œuvre  est  Salomonoxila  Vanité 
du  monde.  Prior  était  contemporain  du 
célèbre  Dryden. 

PRIORIUS.  Toyez  Prieur. 

PRISGIEN,  Priscianiis,  était  gram- 
mairien deCésarée  au  6*  siècle;  on  a  de  lui 
divers  ouvrages  imprimés  à  Venise  par 
Aide  Manuce  en  1476  ,  in-fol.,  et  à  Paris 
par  Badius  en  1517,  in-fol.  On  les  trouve 
aussi  dans  le  Recueil  des  grammairiens 
latins,  Hanau,  1605,  in-4.  (Une  édition 
complète  de  Priscien  a  été  publiée  par  les 
soinsde  M.  Krehl  sous  le  litre  de  Prisciani 
Ccesariensis  opéra  ,  Leipsick  ,  1819-20  , 
2  vol.  in-8). 

PRISCILLE  ou  Prisque  ,  Priscilla  , 
Prisca,  chrétienne,  femme  d'Aquila,  est 
fort  connue  par  les  Actes  des  apôtres  et 
par  les  Epilres  de  saint  Paul.  Le  zèle  de 
ces  deux  époux  pour  le  progrès  de  l'E- 
vangile les  rendit  célèbres  :  ils  s'établi- 
rent d'abord  à  Rome;  mais  redit  de  ban- 
nissementquel'empereur  Claudien  porta 
contre  les  juifs  les  obligea  de  se  retirer  à 
Corintbe,  où  ils  exercèrent  l'art  de  faire 
des  tapisseries  ,ct  où  ils  curent  l'un  et 


PRI 

l'autre  l'avantage  de  recevoir  saint  Paul 
chez  eux.  Ils  risquèrent  leur  vie  pour 
sauver  celle  de  l'Apôtre ,  qu'ils  conduisi- 
rent jusqu'à  Ephèse,  quand  il  fut  obligé 
de  quitterCorinthe  ;  c'est  le  témoignage 
que  ce  grand  homme  leur  rend  lui-mê- 
me :  Qui  pro  anima  mea  suos  cervices 
supposucrunt.  De  là  ils  retournèrent  à 
Rome ,  où  ils  étaient  lorsque  saint  Paul 
écrivit  son  Epîtreaux  Romains,  l'an  58 
deJ.  C.  Ils  revinrent  ensuite  à  Ephèse 
quelque  temps  après  ;  ils  y  demeuraient 
lorsque  saint  Paul  écrivit  la  seconde  Epî- 
tre  à  Timothée.  Les  Grecs  et  les  Latins 
célébraient  leurs  fêtes.  [Foyez  Aquila.) 
La  tradition  de  Rome  est  que  saint  Pierre 
a  consacré  un  autel  dans  la  maison  de 
sainte  Prisque.  Ces  paroles  du  10*  chap. 
de  l'Epître  aux  Romains ,  Salutate  Pris- 
cam  et  Aquilam  et  domesticam  ccclc- 
siam  eorum,  viennent  à  l'appui  de  cette 
tradition. 

PRISCILLIEN,  hérésiarque  du  4«  siè- 
cle, né  en  Espagne,  était  un  homme  con- 
sidérable par  sa  fortune ,  par  sa  naissance 
et  par  son  mérite.  A  une  grande  facilité 
de  parler  il  joignait  un  extérieur  hum- 
ble, un  visage  compose,  des  mœurs  aus- 
tères et  un  grand  désintéressement.  Ces 
qualités  étaient  ternies  par  une  curiosité 
téméraire ,  par  un  caractère  ardent  et 
inquiet,  qui  le  jetèrent  d'abord  dans  les 
folles  et  vaines  recherches  de  la  magie, 
et  ensuite  dansles  erreurs  desgnostiques 
et  des  manichéens.  Son  hérésie  com- 
mença à  éclater  en  379,  et  se  répandit 
rapidement  dans  l'Espagne  sa  patrie.  U 
confondait ,  comme  Sabellius  ,  les  trois 
personnes  de  la  Trinité,  et  s'exprimait 
sur  ce  sujet  en  termes  nouveaux  et  extra- 
ordinaires. Il  enseignait  que  Dieu  avait 
plusieurs  fils ,  que  J.  C.  n'avait  pris  la 
nature  humaine,  n'était  né  et  n'avait 
souffert  qu'en  apparence.  Il  condamnait 
le  mariage  et  en  rompait  les  liens  ;  il  au- 
torisait les  plus  grandes  obscénités;  Aux 
livres  du  nouveau  Testament  ses  disci- 
ples joignaient  de. faux  actes  et  deux  ou- 
vrages remplis  de  blasphèmes,  l'un  inti- 
tulé :  Memoria  apostolorum ,  écrit  par 
Pri^cillien  ;  l'autre  appelé  Ziôra  ,  attri- 
bué à  Dictinius.   Les  priscillianisles  for- 


PRI 

nièrent  un  parti  considérable  en  Espagne. 
Hygin,  évêque  de  Cordoue,  et  Itbace , 
évêque  d'Ossobona ,  les  poursuivirent 
avec  beaucoup  d? vivacité  ;  mais  Hygin 
se  laissa  depuis  gagner,  et  fut  lui-même 
excommunié.  Après  plusieurs  disputes , 
lesévèques  d'Kspagne  et  d'Aquitaine  tin- 
vent  un  concile  à  Saragosse  en  381 ,  où 
les  nouvelles  erreurs  furent  anathémati- 
sées.  Istance  et  Salvien,  deux  évêques 
priscillianistes  ,  loin  de  se  soumettre  au 
jugement  du  concile,  ordonnèrent Pris- 
cillien  évêque.  Celle  ordination  souleva 
tout  l'épiscopat  contre  lui.  L'empereur 
Gratien  ordonna  de  les  bannir.  Priscil- 
lien  ,  Istance  et  Salvien  s'adressèrent  au 
pape  Damase ,  qui  refusa  de  les  voir. 
Salvien  mourut  à  Rome  ;  les  deux  autres 
se  relirèreutà  Milan  ,  où  saint  Ambroise 
refusa  de  communiquer  avec  eux.  On  as- 
sembla un  concile  à  Bordeaux  en  384; 
mais  Priscillien  ne  voulut  point  répon- 
dre devant  les  évêques.  Il  en  appela  à 
Maxime ,  usurpateur  de  l'empire.  Les 
évêques  Ithace  et  Idacc  l'accusèrent  de- 
vant le  prince ,  malgré  les  sollicitations 
de  saint  3Iarlin  de  Tours ,  qui ,  dans  la 
crainte  qu'on  n'usât  de  trop  de  rigueur, 
cojijura  ces  évêques  de  se  désister  de  leur 
accusation  ;  il  pria  également  Maxime 
de  laisser  la  vie  aux  coupables,  alléguant 
1  our  raison  qu'il  suffisait  qu'ils  eussent 
été  déclarés  hérétiques  et  excommuniés 
par  les  évêques.  L'empereur  fit  attention 
aux  remontrances  de  saint  Martin,  et 
promit  jnèrae  que  les  personnes  accusées 
ne  seraient  point  condamnées  à  mort. 
Mais  il  peine  saint  Martin  était  il  parti  de 
Trêves,  que  Maxime,  instruit  que  Pris- 
cillien était  convaincu ,  de  son  propre 
aveu,  de  plusieurs  crimes  contraires  à 
l'ordre  public  ,  le  condamna  ;i  mort  avec 
ceux  qui  l'accompagnaient. Le  suppiicejde 
Priscillien  rendit  lUiace  et  Idace  odieux. 
Ou  voit  l'impression  que  leur  conduite 
fit  sur  les  esprits,  par  le  panégyrique  de 
Théodose,  que  Pacatus  prononça  à  Rome 
lan  389,  en  présence  même  defhéodose, 
et  un  an  après  la  mort  de  Maxime.  Mais 
il  ne  faut  pas  prendre  à  la  lettre  ce  que 
dit  l'orateur,  qui  voudrait  faire  croire  à 
l'innocence  de  ces  hérétiques,  qui,  dans 


PRI  117 

le  fond ,  étaient  très  coupables.  L'auto- 
rité de  la  justice,  et  la  protection  de 
l'empereur,  empêchèrent  qu'on  ne  pour- 
suivît ceux  qui  avaient  traité  les  priscil- 
lianistes avec  tant  de  rigueur,  et  qu'on 
appela  illiaciens.  Saint  Ambroise  et 
plusieurs  autres  prélats  se  séparèrent  de 
leur  communion  ;  parce  que ,  quoique 
ces  hérétiques  eussent  été  punis  juste- 
ment et  selon  les  lois,  il  était  révoltant 
que  leur  sang  eût  été  répandu  à  la  solli- 
citation des  évêques.  Saint  Martin  refusa 
d'abord  de  communiquer  avec  eux;  mais 
il  s'y  détermina  ensuite,  pour  sauver  la 
vie  à  quelques  priscillianistes  et  à  quel- 
ques partisans  de  l'empereur  Gratien. 
Honorius  porta  des  lois  sévères  contre  les 
priscillianistes  d'Espagne.  Cette  secte 
fut  en  grande  partie  détruite  par  le  zèle 
de  saint  Léon,  pape,  f^oyez  saint  Augus- 
tin, Epist.  237,  n°Z;  — Dissertatio 
crilica  de  priscUManistis,  eorumque  fac- 
lis ,  doctrinis  et  moribus ,  par  Simouis 
de  Uries,  Ulrecht,  1745,  in-4  ;  —  His- 
toria  priscillianistarum ,  par  François 
Girvesius , évêque d'Urgel,  Rome,  1749  , 
iu-8. 

PRISCUS,  fameux  ingénieur,  qui 
florissant  après  iemilieu  du  secondsiècle 
de  l'Eglise,  sous  l'empire  de  Septime- 
Sévère.  Il  était  très  habile  dans  son  art  ; 
et  ce  prince  respecta  son  mérite,  lors- 
qu'en  l'an  1 96  de  J.  C.  la  ville  de  Byzauce, 
la  plus  considérable  de  la  Thrace,  eut 
été  prise.  On  fu  mourir ,  par  ordre  de 
Sévère,  tous  les  magistrats  et  tous  les  sol- 
dats. La  ville  fut  ruinée  ,  ses  murailles 
furent  rasées,  ses  théâtres,  ses  bains  ettous 
ses  ornemens  furent  abattus.  On  vendit 
ensuite  tous  les  biens  des  habit  ans  ,  et 
Byzance ,  privée  de  la  liberté  ,  fut  sou- 
mise, comme  un  simple  bourg  ,  à  la  ville 
de  Périnthe.  Priscus  seul  fut  épargné , 
dans  sa  personne,  dans  sa  liberté  et  dans 
ses  biens.  L'empereur  Sévère  lui  donna 
même  des  marques  d'affection,  et  se  servit 
très  avantageusement  de  lui  dans  la  suite. 

PRJSCUS ,  frère  de  l'empereur  Phi- 
lippe ,  gouverneur  de  Syrie ,  puis  de  Ma- 
cédoine, s'attira  la  haine  des  peuples 
par  ses  exactions.  Cela  ne  l'empêcha  pas 
de  prendre  la  pourpre  dans  cette  der- 


n8  PRO 

nière  province,  l'an  249,  à  la  nouvelle 
de  la  mort  de  son  frère  ;  mais  il  en  fut 
bientôt  privé ,  ainsi  que  de  la  vie ,  par 
Dèce ,  le  meurtrier  et  le  successeur  de 
Philippe. 

PRITZ  (  Jean-Georges  ),  en  latin 
Pritzius  ou  Pritius ,  célèbre  théologien 
de  la  confession  d'Augsbourg ,  naquit  à 
Leipsick  en  1 662  ,  et  se  dévoua  au  minis- 
tère évangélique.  Il  avait  du  savoir  et  du 
talent.  Son  mérite  le  fit  choisir  en  1707 
pour  professer  la  théologie  à  GripsAvald. 
Il  y  remplissait  en  même  temps  les  fonc- 
tions de  conseiller  ecclésiastique  et  de 
pasteur.  En  17 11  il  fut  appelé  à  Francfort 
pour  y  exercer  la  surintendance  du  minis- 
tère ecclésiastique.  Il  est  auteur  d'un  as- 
sez grand  nombre  d'ouvrages;  on  lui  doit: 
1°  des  Sermons  en  allemand  ;  2°  une  In- 
troduction latine  à  la  lecture  du  nouveau 
Testament ,  laquelle  eut  plusieurs  édi- 
tions ;  la  meilleure  est  celle  de  1 724,  in-8  ; 
3°  De  immortalitate  hominis,  contre  As- 
gil,  avocat  anglais,  qui  avait  fait  un  li- 
vre dans  lequel  il  établissait  qu'un  hom- 
me pouvait,  sans  passer  par  la  mort,  être 
transféré  de  cette  vie  mortelle  à  la  vie 
éternelle  (  voyez  Asgill  ,  )  ;  4°  ime 
édition  des  OEuvres  de  saint  Macaire, 
grec  et  latin  ,  Leipsick,  1098  et  1699  , 
2  vol.  in-8  ;  5°  une  édition  du  nouveau 
Testament  grec ,  avec  les  diverses  le- 
çons, et  des  caries  géographiques,  Leip- 
sick, in-1 2,  1702,  1709  et  1724;  6°  une 
édition  des  Lettres  de  Milton  ;  7°  De 
statu  religionis  christianœ  in  regno  si- 
nensi ;  8°  De  usurationis  ;  9° De  causis 
ftnalibus,  inrcrum  esscntiis  cxplicandiSy 
attendendis  ;  10"  De  amorc  Dei  puro 
in  causa  Fenelonii,  etc.  Prilz  fut  un  des 
auteurs  du  Journal  de  Leipsick  ,  depuis 
1687  jusqu'en  1698.  Il  mourut  le  24  août 
1732. 

PROBA-FALCONIA,  femme  d'Ani- 
cius  Probus  au  4«  siècle ,  mérita  les  élo- 
ges de  saint  Jérôme  ,  de  saint  Augustin 
et  de  saint  Jean-Chrysostôme.  (  Foy. 
Amcius  Probus.  )  On  lui  attribue  la  Fie 
de  Jésus-Christ ,  composée  de  divers 
fragmens  de  Virgile  ,  assemblés  en  cen- 
ioDB,  Francfort,  1546  ;  mais  cet  ouvrage 
est  de  la  femme  du  proconsul  Adelphius. 


PRO 
PROBUS  (  M.  Aurélius -Valérius  ), 
empereur  romain,  naquit  à  Sirmium  dans 
l'Illyrie  ,  pays  qui  donna  le  jour  aux  em- 
pereurs Claude  II  et  A^félien.  Probus  fut 
élevé  dès  sa  jeunesse  aux  premières  digni- 
tés militaires.  Son  père  avait  été  jardinier; 
mais  s'étant  mis  dans  la  milice,  il  parvint 
au  grade  de  tribun.  Son  fils  obtint  de 
l'empereur  Valérieu  le  même  titre  dès 
l'âge  de  vingt-deux  ans.  Plus  il  s'éloignait 
de  sa  jeunesse,  plus  son  mérite  augmen- 
tait. (Après  avoir  vaincu  les  Sarmates,  il 
se  signala  sur  le  Rhin ,  près  du  Danube , 
du  Nil ,  de  l'Euphrate  :  il  conquit  l'E- 
gypte, et  Tacite  lui  confia  le  commande- 
ment de  l'Orient.  )  Enfin ,  il  parvint ,  de 
dignité  endignité,  jusqu'au  trône.  Après 
la  mort  de  l'empereur  Tacite,  eu  276  , 
Florence  son  frère  voulut  se  saisir  du  scep- 
tre impérial  ;  mais  lestroupesd'Orientle 
donnèrent  à  Probus ,  comme  le  prix  de 
sa  valeur ,  de  son  intégrité  et  de  sa  clé- 
mence. Reconnu  par  le  sénat  et  par  les 
provinces  de  l'empire  ,  il  marcha  vers 
les  Gaules,  oii  les  Francs,  les  Bourgui- 
gnons ,  les  Goths  et  les  Vandales  exer- 
çaient les  plus  cruels  brigandages.  Il  les 
défit  dans  plusieurs  batailles,  leur  tua 
plus  de  400,  000  hommes ,  et  les  força 
à  demander  la  paix  et  à  payer  un  tribut. 
Vainqueur  des  Gaulois,  il  passa  en  Illyrie 
contre  les  Sarmates  et  leur  enleva  tout  ce 
qu'ils  avaient  usurpé.  Il  défit  ensuite  les 
Blemmys,  peuple  féroce  dans  le  voisi- 
nage de  l'Egypte.  La  victoire  qu'il  rem- 
porta sur  eux  épouvanta  tellement  Vara- 
nane  II ,  roi  de  Perse  ,  qu'il  lui  envoya 
des  ambassadeurs  avec  des  présens,  pour 
lui  demander  la  paix.  Ces  ambassadeurs 
le  rencontrèrent  sur  de  hautes  monta- 
gnes proche  de  la  Perse,  au  milieu  de  ses 
soldats  ,  mangeant  des  pois  cuits  depuis 
long-temps  et  du  porc  salé.  Probus,  sans 
se  détourner ,  dit  aux  envoyés  du  roi  de  | 
Perse,  que  «  si  leurmaitrene  faisait  une 
M  entière  satisfaction  aux  Romains ,  il 
»  rendrait  les  campagnes  ^e  la  Perse 
»  aussi  rares  que  sa  tête  l'était.  »  Il  ôta 
en  même  temps  son  bonnet,  pour  leur 
montrer  une  tête  parfaitement  chauve. 
11  les  invita  ensuite  à  manger  avec  lui 
s'ils  avaient  faim ,  sinon  de  se  retirer. 


PRO 

Varanane ,  toujours  plus  épouvanté,  vint 
lui-même   trouver  Probus  ,  qui  lui  ac- 
corda tout  ce  qu'il  voulut.  Les  ennemis 
du  dehors  vaincus ,  il  s'en  éleva  au  de- 
dans. Jules  Saturnin,  Proculus  et  Bonose 
se  firent  tous  les  trois  proclamer  empe- 
reurs, l'un  à  Alexandrie,  l'autre  à  Colo- 
gne ,  et  le  troisième  dans  les  Gaules  ; 
mais  leur  révolte  n'eut  point  de  suite. 
L'empire  romain  jouit  d'une  paix  géné- 
rale. Ce  fut  pendant  cette  paix  que  Pro- 
bus orna  ou  rebâtit  plus  de  soixante-dix 
villes.  Il  occupa  ses  soldats  à  divers  tra- 
vaux utiles,  et  donna  une  permission  gé- 
nérale de  planter  des  vignes  dans  les 
Gaules  et  dans  l'Illyrie  ;  ce  qui  n'avait 
point  été  permis  universellement ,  de- 
puis que  Domitien  avait  marqué  .les  en- 
droits où  il  accordait  d'en  planter.   Cre- 
vier  le  regarde  comme  le  fondateur  des 
vignes  de   Tokai ,   de  Champagne  ,    de 
Bourgogne,  et  ajoute:  «  Ce  prince  eût 
)>  été  sans  doute  célébré  par  les  buveurs, 
»  si  les  buveurs  étaient  savans.  w  Probus 
faisait  des  préparatifs  de  guerre  contre 
les  Perses  qui  avaient  repris  les  armes , 
lorsqu'il  fut  massacré  par  ses  soldats,  las 
des  travaux  qu'il  leur  faisait  entrepren- 
dre àSirmich  ,  en  282  ,  à  50  ans ,  après 
avoir  régné  6  ans  et  4  mois.  Le  seul  dé- 
faut de  Probus  fut  de  n'avoir  pas  su  mê- 
ler prudemment  la  fermeté  avec  la  dou- 
ceur. Sa  mort  inspira  des  regrets  par  tout 
l'empire.  «  Grands  Dieux,  disait  le  peuple, 
«  que  vous  a  fait  la  république  romaine , 
»  pour  lui  enlever  un  si  bon  prince  !  » 

PROBUS  (  M.  Valérius  ),  grammairien 
latin,  dans  le  2*  siècle,  composa  plu- 
sieurs ouvrages,  dont  il  ne  nous  reste 
que  des  fragmens ,  publiés  dans  le  Corps 
des  anciens  grammairiens  de  Putschius, 
J605,  in-4. 

PROGACCINI  (  Camille  },  peintre, 
né  à  Bologne  en  1520,  mort  à  Milan  en 
1 591 ,  entra  dans  l'école  de  Carrache,  oîi 
il  trouva  des  rivaux  qui  piquèrent  son 
émulation ,  et  des  modèles  qui  perfec- 
tionnèrent ses  talens.  Ce  peintre  avait  un 
beau  génie  :  il  peignait  avec  une  liberté 
surprenante.  Ses  draperies  sont  bien  je- 
tées, ses  airs  de  tête  sont  admirables.  Il 
donnait  beaucoup   d'expression  et  de 


PRO  1 19 

mouvement  à  ses  figures  ;  son  coloris  est 
frais.  Ses  principaux  ouvrages  sont  à  Bo- 
logne ,  à  Reggio  et  à  îVIilan.  — Son  frère, 
Jules-César  Procaccini  ,  né  à  Bologne  en 
1548  ,  et  mort  à  Milan  en  1626,  avait  un 
coloris  vigoureux ,  un  goût  de  dessin 
sévère  et  très  correct.  Son  génie  était 
grand ,  vif  et  facile;  il  étudiait  la  nature. 
Sa  réputation  le  fit  nommer  chef  de  l'a- 
cadémie de  peinture  à  Milan.  Il  eut  une 
école  nombreuse ,  et  acquit  une  fortune 
considérable.  —  Carlo-Antonio ,  son  frè- 
re ,  plus  jeune  que  lui ,  quitta  la  musique 
pour  la  peinture.  Son  talent  était  le 
paysage  ;  il  réussissait  principalement  à 
peindre  les  fleurs  et  les  fruits ,  et  laissa 
un  fils,  Ercole-Juniore ,  mort  en  1676, 
âgé  de  80  ans ,  qui  s'adonna  aussi  à  pein- 
dre des  fleurs;  mais  Jules-César,  son 
oncle,  lui  donna  des  leçons  et  étendit 
ses  talens.  Il  fit  beaucoup  de  tableaux 
d'histoire  pour  la  ville  de  Turin. 

PROCHIÏA  ou  Prociba  (  Jean  de  ) , 
principal  auteur  des  Vêpres  Siciliennes, 
ainsi  nommé  parce  qu'il  était  seigneur  de 
l'île  de  Prochita  (  Procita  ou  Procida  ), 
dans  le  royaume  de  Naples ,  (naquit  vers 
l'an  1225  et  s'adonna  à  la  médecine.  Les 
succès  qu'il  obtint  lui  valurent  la  faveur 
de  l'empereur  Frédéric  II  et  celle  de  son 
fils  Conrad  IV).  Il  eut  beaucoup  d'autorité 
dans  la  Sicile,  sous  le  règne  de  Mainfroi, 
porta  les  armes  en  faveur  de  Conradin  , 
compétiteur  de  Charles  d'Anjou,  et  fut 
dépouillé  de  ses  biens  et  de  ses  charges 
par  ce  prince  devenu  roi  de  Sicile,  qui 
abusa,  dit-on,  de  la  femme  de  Procita. 
«  Les  Français ,  ajoute  M.  de  Lalande, 
M  {Voyage  d^ Italie,  t.  6,  p.  98),  n'ont 
»  que  trop  souvent  donné  prise  en  ce 
»  genre  aux  plaintes  des  étrangers.  « 
Animé  par  l'esprit  de  vengeance,  et  pro- 
fitant du  mécontentement  que  les  Fran- 
çais avaient  fait  naître  (  Voyez  Charles 
de  France,  comte  d'Anjou,  ef  Conradin), 
il  intreprit  de  faire  révolter  la  Sicile 
contre  ce  prince ,  et  de  la  réduire  sous 
la  puissance  de  Pierre,  roi  d'Aragon. 
Pour  tramer  ce  comploi  plus  secrètement, 
il  se  déguisa  en  cordelier  l'an  1280,  et 
après  avoir  parcouru  toute  la  Sicile  sous 
cet  habit,  il  alla  à  Constautinople  traiter 


120  PRO 

avec  Michel  Paléologue,  et  en  obtint  un 
secours  d'argent.  Après  avoir  ourdi  sa 
conspiration  pendant  deux  ans,  avec  des 
soins  infatigables,  elle  fut  exécutée  en 
1282.  (Procida^fut  depuis  le  conseiller 
fidèle  des  princes  Aragouais  qui  se  suc- 
cédèrent en  Sicile,  et  parvint  à  une 
vieillesse  avancée  ).  (  /^oyes  Pierre  d'Ara- 
gon, et  Philippe  III ^  roi  de  France.  )  (On 
peut  consulter  les  Eclaircissemens  sur 
les  Vêpres  Siciliennes  par  Bréquigny, 
publié  par  Sainte-Croix  dans  le  Magasin 
cncycïope'dique ,  l"  année.  M.  Casimir 
Delavigne  a  fait  une  tragédie  des  Vêpres 
Siciliennes,  dans  laquelle  Procida  joue  le 
rôle  principal.  ) 

PROCLUS  (Saint),  célèbre  patriarche 
de  Constantinople,  disciple  de  saint  Jean 
Chrysostômc,  s'opposa  avec  une  force 
mêlée  de  douceur  au  progrès  du  nesto- 
rianistnc,  et  contribua  beaucoup  par  ses 
vertus  au  triomphe  de  la  vérité.  Il  nous 
reste  de  lui  des  Homélies,  des  Epîtres, 
entre  lesquelles  on  distingue  celle  qui 
est  adressée  aux  Arméniens  sur  la  foi; 
et  A'autres  écrits  en  grec,  publiés  par 
Riccardi,  Rome,  1630,  in-4.  On.  les 
trouve  aussi  dans  la  bibliothèque  des 
Pères.  Son  sliie  est  semé  de  pointes  et 
d'antithèses.  Cet  illustre  prélat  mourut 
en  447,  après  13  ans  et  3  mois  d'épisco- 
pat.  Saint  Cyrille  dit  «  que  c'était  un 
»  homme  rempli  de  piété,  parfaitement 
M  versé  dans  la  connaissance  de  ia  disci- 
j)  pline  ecclésiastique,  et  un  observateur 
»  exact  des  canons.  » 

PROCLUS  (Eutycliius),  grammairien 
célèbre  du  2*  siècle,  était  de  Sicca  en 
Afrique.  L'empereur  Antonin,  dont  il 
avait  été  précepteur,  le  fit  procon-sul. 
Trébellius  PoUion  cite  un  livre  de  Proclus 
sur  ce  qu'il  y  avait  de  plus  curieux  dans 
les  pays  étrangers  ;  mais  cet  ouvrage  est 
perdu. 

PROCLUS  DIADOCUS ,  philosophe 
platonicien  du  6*  siècle  ,  était  natif 
de  Lycie ,  ou,  selon  d'autres ,  de  Con- 
stantinople. H  eut  beaucoup  de  part 
à  l'estime  et  à  l'amitié  de  l'empereur 
Anastase.  On  dit  que  dans  le  temps  que 
Vitalien  assiégeait  Constantinople  ,  Pro- 
clus brûla  ses  vaisseaux  avec  de  grands 


PRO 

miroirs  d'airain  :  c'est  une  fable  sahs  fon* 
dément.  Ploclus  mourut  à  Athènes  vers 
l'an  487.  Chacun  sait  qu'il  écrivit  contre 
la  religion  chrétienne.  Il  nous  reste  de  lui 
des  Commentaires  &ur  (\\ie\(\iies  livres  de 
Platon,  et  plusieurs  autres  ouvrages  écrits 
en  grec.  Ils  ont  été  imprimés  à  la  suite  de 
l'édition  de  Jamblique,  Venise,  1497,  in- 
fol .  Allatius  a  donné  :  Proclus  in  Ptolemœi 
Tetrabilos,  grec  et  latin,  Leyde,  1C36  , 
in-8.  On  trouve  ses  Hymnes  dans  le  re- 
cueil de  Maittaire.  Proclus  était  un  des 
plus  fanatiques  partisans  du  paganisme , 
et  en  même  temps  un  de  ceux  qui ,  parmi 
les  anciens  philosophes  ,  ont  le  plus  clai- 
rement reconnu  la  création  de  la  ma- 
tière; il  dit  que  la  matière,  qui  est 
le  sujet  de  toutes  choses ,  est  elle- 
même  produite  par  Fauteur  de  toutes 
choses.  Il  attribue  le  même  sentiment  h 
Platon ,  qui  s'en  explique  en  effet  fort 
distinctement;  et  dans  son  commentaire 
sur  Timée  ,  Proclus  appelle  Dieu  V Au- 
teur ineffable  de  la  matière.  (  VoyezEié- 
BOCLÈs.  }  Marinus  de  Naples  a  écrit  sa  vie, 
(dont  M.  Boissonnade  a  donné  une  bonne 
édilion  en  1814.  Les  divers  ouvrages  de 
Proclus  ont  été  réunis  par  M.  Victor 
Cousin  avec  des  commentaires,  sous  ce 
titre  :  Procli  philosophi  platonici  opéra 
e  cod.  MSS.  Bibliothccœ  regiœ  Pa- . 
risiensis,  etc.,  Paris,  1819-1823  ,  5  vol. 
in-8.  A  ces  volumes  il  faut  joindre  celui 
qu'on  doit  aux  recherches  de  M.  Bois- 
sonnade,  Leipsick,  1820,  sous  ce  titre  : 
Extraits  des  scolies  de  Proclus  sur  le 
Cralyie  de  Platon.  ) 

PROCOPE  (  Saint  )  était  né  à  Jéru- 
salem ;  mais  il  se  relira  àBelhsan,  au- 
trement appelée  Scythopolis,  où  il  fut 
ordonné  lecteur  et  exorciste.  Il  fut  aussi 
chargé  d'çxpliquer  la  langue  grecque  en 
syro-chaldaïque.  C'était ,  au  rapport  de 
l'auteur  de  ses  actes ,  un  homme  d'une 
vertu  sublime  ,  qui  avait  toujours  vécu 
dans  une  chasteté  perpétuelle,  dans  la 
patience  et  dans  la  pratique  des  plus 
grandes  austérités.  Il  possédait  parfaite 
ment  les  sciences  des  Grecs,  mais  était 
encore  plus  versé  dans  la  connaissance 
des  saintes  Ecritures,  dont  il  nourrissait, 
et  fortifiait  son  âme.  Lès  édits  de  Dkl 


PRO 

clétien  contre  ie  christianisme  étant  ar- 
rivés en  Palestine  au  mois  d'avril  de  l'an- 
née 303 ,  Procope  fut  Je  premier  des  fi- 
dèles du  pays  qui  versa  son  sang  pour 
Jésus-Christ.  Il  fut  arrêté  à  Bethsan  et 
conduit  à  Césarée  avec  plusieurs  autres 
chrétiens,  où,  ayant  refusé  de  sacrifier 
aux  empereurs ,  se  disant  dieux ,  le  gou- 
verneur le  condamna  à  être  décapité. 
Saint  Procope  est  honoré  chez  les  Grecs 
avec  le  titre  de  grand  martyr.  Eusèbe  a 
écrit  les  Actes  de  son  martyre,  et  a  été  té- 
moin oculaire  de  tout  ce  qu'il  y  rapporte. 

PROCOPE,  empereur  d'Orient,  d'une 
famille  illustre  de  Cilicie  et  parent  de 
l'empereur  Julien ,  était  d'un  caractère 
sombre,  inquiet,  ardent  et  ambitieux. 
Après  avoir  rendu  des  services  à  l'état 
sous  Julien  et  sous  Jovien ,  il  se  retira 
chez  les  barbares  de  la  Chersonèse  Tau- 
rique  jusqu'au  règne  de  Valens,  époque 
à  laquelle  il  vint  se  cacher  à  Chalcédoine. 
Cet  empereur  étant  parti  pour  la  Syrie , 
Procope  se  rendit  à  Constantinople,  et 
se  fit  déclarer  empereur  le  28  septembre 
365.  Il  marcha  ensuite  contre  Valens. 
Le  succès  de  ses  armes  fut  si  rapide,  que 
ce  prince  aurait  abdiqué  l'empire ,  si  ses 
amis  ne  l'en  avaient  détourné.  L'année 
suivante,  les  choses  changèrent  de  face. 
Procope  fut  défait  dans  une  campagne 
de  Phrygie  ,  nommée  Salutaire  ;  et  ayant 
été  abandonné  par  ses  soldats ,  il  fut 
conduit  à  Valens ,  qui  lui  fit  trancher  la 
tète  à  la  fin  de  mai  366.  Il  n'était  âgé 
que  de  32  ans. 

PROCOPE ,  Procopius ,  fameux  his- 
torien grec,  fut  long-temps  professeur 
d'éloquence  à  Césarée ,  où  il  naquit  au 
commencement  du  6'  siècle.  Il  alla  à 
Constantinople ,  où  il  gagna  la  confiance 
de  Bélisaire  ,  qui  le  prit  pour  son  secré- 
taire, et  le  mena  avec  lui  lorsqu'il  était 
à  la  tête  des  troupes  en  Asie ,  en  Afrique 
et  en  Italie.  Justinien  l'honora  du  titre 
d'illustre  ,  et  lui  donna  la  place  de  préfet 
de  Constantinople.  Il  mourut  vers  la  fin 
du  règne  de  ce  prince.  Nous  avons  de 
lui  :  1°  une  Histoire  en  huit  livres.  Les 
deux  premiers  contiennent  la  guerre  des 
Perses ,  depuis  la  fin  du  règne  d'Arcadius 
jusqu'à  la  33'  année  du  règne  de  Justi- 

XI. 


PRO  121 

nien.  Les  deux  suivans  décrivent  la  guerre 
des  Vandales,  depuis  l'irruption  de  ces 
peuples  en  Afrique  jusqu'à  l'an  649,  qu'ils 
furent  entièrement  soumis  aux  Romains. 
Dans  les  quatre  derniers,  il  raconte  les 
guerres  d'Italie  contre  les  Ostrogoths, 
jusqu'à  la  mort  de  Taïas,  leur  dernier 
roi.  Celte  histoire  est  pleine  de  faits  cu- 
rieux et  vrais.  Le  caraclère  des  nations 
barbares  qui  inondèrent  Tempire  romain 
y  est  bien  peint.  Le  stile  de  Procope, 
sans  être  toujours  pur ,  ne  manque  pas 
d'élégance.  2°  Histoire  secrète.  Ce  sont 
des  Anecdotes  pour  servir  à  la  grande 
histoire.  Procope,  qui  avait  dit  dans 
celle-ci  tant  de  bien  de  Justinien  et  de  Bé- 
lisaire ,  les  couvre  d'opprobres  dans  celle- 
là  :  c'est  une  satire  dictée  par  la  noir- 
ceur ;  et,  quoique  la  méchanceté  puisse 
dire  vrai ,  cet  ouvrage  renferme  dts  faits 
si  atroces  ,  qu'il  est  difficile  d'y  ajouter 
foi.  L'impératrice  Théodora  y  est  surtout 
traitée  d'une  manière  si  affreuse  ,  que  les 
éditeurs  de  ces  anecdotes  se  sont  crus 
obligés  d'en  omettre  plusieurs  traits.  Le 
Père  Maltret ,  jésuite ,  qui  dirigea  ,  en 
1662  et  1663  ,  l'édition  des  ouvrages  de 
Procope,  donnée  au  Louvre  en  2  vol. 
in-folio  ,  grec  et  latin ,  en  retrancha  sa- 
gement une  partie;  mais  La  Monnoye  la 
conserva  dans  le  i"  volume  du  Mena- 
giana.  Nous  avons  diverses  traductions 
latines  de  l'Histoire  de  Procope ,  et  une 
en  français  parle  présldeat  Cousin.  Pro- 
cope est  encore  auteur  d'un  Traité  des 
édifices,  qu'on  trouve  dàas  l'édition  du 
Louvre.  Marmontel  a  voulu  prouver  >  à 
la  tête  de  son  Hélisaire ,  que  l'Histoire 
secrète  n'est  point  de  Procope  ;  mais  ses 
preuves  n'ont  pas  eu  l'approbation  des 
savans.  (jyiartin  Fumée  a  traduit  l'Histoire 
de  Procope  et  son  Traité  des  édifices ,  Pa- 
ris, 1686,in-fo[.  On  trouve  aussi  plusieurs 
morceaux  de  cet  historien  dùns  l'Histoire 
de  Constantinopie  par  le  présidant  Cou- 
sin, Paris,1672,  in-4  et  in-12.j 

PROCOPE  de  Gaza,  rhéteur  et  so- 
phiste grec ,  vers  l'an  560  ,  a  composé  : 
1  °  une  Chaîne  des  pères  grecs  et  latins 
sur  rOctateuque ,  c'«st-à-dire  les  pre- 
miers  livres  de  la  Bible  ;  elle  parut  en 
latin  ,  in-fol  ;  2"  des  Commentaires  sur 

i6. 


122  PRO 

les  Livres  des  Rois  et  sur  les  Paralipo- 
mènes ,  que  Meursius  a  publiés  en  grec 
et  eu  latin,  Lejde,  1G20,  in- 4;  3"  des 
Commentaires  sur  Isaïe ,  imprimés  en 
grec  et  latin ,  Paris  ,  1580  ,  in-fol.,  dans 
lesquels  il  ne  s'attache  pas  assez  au  sens 
littéral,  et  est  diffus. 

PROCOPE  RASE  ou  le  Rasé.  C'était 
un  gentilhomme  bohémien  qui ,  après 
avoir  voyagé  en  Allemagne,  en  France, 
en  Italie ,  en  Espagne  et  dans  la  Terre- 
Sainte  ,  reçut  la  tonsure  :  ce  qui  lui  fit 
donner  le  nom  de  Rase  ou  de  Rasé.  Il 
fut  même  ordonné  prêtre  ;  mais,  dégoûté 
de  l'état  ecclésiastique,  qu'il  déshonorait 
par  ses  vices  et  ses  erreurs ,  il  s'attacha 
à  Zisca,  chef  des  hussites,  qui  eut  pour 
lui  une  confiance  toute  particulière.  Il 
succéda  à  cet  aventurier  en  1424  ,  fit  de 
grands  ravages  dans  la  Moravie ,  dans 
l'Aulriche ,  dans  le  Brandebourg  ,  la 
Silésie  et  la  Saxe  ;  se  rendit  maître  de 
plusieurs  places,  et  d'une  grande  partie 
de  la  Bohême.  Sigismond ,  l'ayant  vai- 
nement combattu  ,  crut  que  ses  négocia- 
tions seraient  plus  heureuses  que  ses 
armes  :  il  eut  une  entrevue  avec  Procope, 
qui  lui  demanda  beaucoup,  et  n'obtint 
rien.  Ce  rebelle  ,  déterminé  à  continuer 
la  guerre ,  écrivit  une  longue  lettre  en 
mauvais  latin,  pour  solliciter  les  princes 
chrétiens  d'envoyer  au  concile  de  Bâle, 
indiqué  en  1431,  leurs  évêques  et  leurs 
docteurs,  pour  disputer  avec  les  doc- 
teurs des  hussites ,  à  condition  de  ne 
prendre  pour  fondement  de  leurs  dispu- 
tes quele  texte  seul  de  l'Écriture  :  moyen 
sûr  d'engendrer  et  de  propager  toutes 
sortes  d'erreurs,  en  substituant  des  ex- 
plications arbitraires  à  l'autorité  de  la 
tradition  des  saints  Pères  et  de  l'Eglise 
catholique.  Il  écrivit  une  autre  lettre  à 
l'empereur  Sigismond ,  le  22  mai  1432, 
pour  l'engager  (à  se  trouver  au  concile 
de  Bâle.  Procope  se  rendit  au  concile 
avec  ses  fauteurs,  au  commencement 
de  1433  ;  mais  voyant  que  les  affaires  ne 
tournaient  pas  selon  ses  désirs ,  il  en  re- 
partit fort  irrité,  et  continua  ses  courses 
et  ses  ravages.  Procope  mourut  en  1434, 
des  blessures  qu'il  avait  reçues  dans  un 
combat.  Ses  deux  Lettres  se    trouvent 


PRO 


^ 


dans  le  dernier  volume  de  la  grande  Col- 
lection des  Pères  Martenne  et  Durand. 
—  Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  Pro- 
cope,surnommé  le  Petit,  chef  d'une  partie 
de  l'armée  des  hussites,  qui  accompagna 
Procope  le  Rasé,  et  fut  tué  en  1434,  dans 
la  même  action  oîi  cet  aventurier  fut  ' 
blessé  à  mort. 

PROCOPE-COUTEAU  (Michel,  plus 
connu  sous  le?  nom  de  Coltellî  ) ,  mé- 
decin de  Paris ,  sa  patrie,  naquiten  1684. 
Il  était  fils  de  Procope  Coltelli ,  noble  pa- 
lermitain  ,  qui ,  se  trouvant  sans  fortune, 
vint  à  Paris ,  et  fut  le  premier  qui  éta- 
blit un  café  oii  se  réunissaient  les  nou- 
vellistes et  les  littérateurs  ,  lequel  est  en- 
core connu  sous  le  nom  de  Café  Procope. 
Michel  Couteau  avait  été  ecclésiastique 
avant  de  se  consacrer  à  la  médecine ,  que 
la  frivolité  et  les  plaisirs  ne  lui  permi- 
rent guères  de  pratiquer.  Il  mourut  à 
Chaillot  eu  1733.  Un  esprit  vif,  un  ca- 
ractère complaisant  ,  faisaient  oublier 
qu'il  était  petit,  laid  et  bossu.  On  a  de 
lui  beaucoup  de  poésies  fugitives ,  répan- 
dues dans  différens  recueils.  Il  a  donné 
comme  médecin  :  1°  {'Analyse  du  Sy- 
stème de  la  trituration  de  M.  Hecquet , 
1712,  in- 12  :  il  y  attaque  assez  leste- 
ment ce  médecin  célèbre ,  dont  il  n'avait 
pas  à  beaucoup  près  les  connaissances  et 
le  jugement  ;  2°  VArt  de  faire  des  gar- 
çons,  in-12  ;  ouvrage  frivole  et  indigne 
d'uu  physicien  instruit.  Il  a  aussi  écrit 
des  comédies  ou  des  farces ,  dont  la  meil- 
leure est  la  Gageure. 

PROCOPIUS-ANTHÉMIUS.  Foyez 

ÀNTBÉMIUS. 

PROGDLÉIUS  ,  chevalier  romain  , 
ami  de  l'empereur  Auguste ,  se  signala 
par  sa  tendresse  envers  ses  parens.  Après 
la  mort  de  son  père,  il  avait  partagé  éga- 
lement l'héritage  avec  ses  deux  frères , 
Munéra  et  Scipion  ;  mais  ils  furent  tota- 
lement dépouillés  par  la  guerre  civile. 
Proculcius,  pour  les  soulager  dans  leur 
malheur  ,  partagea  une  seconde  fois  les 
biens  qui  lui  étaient  échus.  Horace  l'a 
célébré  dans  sa  belle  Ode  Nullus  ar- 
gento  color  est. 

Vitet  extenlo  Proeuieins  ITTO, 
Notui  in  Trairct  animi  pateriii. 


PRO 

PROCULUS  (  Titius-iElius  ) ,  né  à  Al- 
benga,ville  delà  côte  de  Gênes,  homme  fa- 
meux par  sou  audace  el  son  courage,  avait 
acquis  de  grandes  richesses  dans  le  vil  mé- 
tier de  pirate.  Il  servit  avec  distinction 
dans  les  conquêtes  d'Aurélien  et  de  Pro- 
bus.  Son  ambition  lui  fit  prendre  le  titre 
d'empereur,  l'an  280,  à  la  sollicitation 
de  sa  femme  Yiturgie  et  des  Lyonnais. 
Le  prétexte  de  sa  révolte  fut  qu'on  l'a- 
vait salué  du  nom  de  César  dans  un  di- 
vertissement,  et  que  Prohus  ne  lui  par- 
donnerait pas  d'avoir  souffert  cette  flat- 
terie. Cet  empereur  marcha  en  effet  con- 
tre lui.  Proculus  fut  trahi  par  les  Francs, 
auxquels  il  s'était  confié ,  et  fut  livré  à 
l'empereur,  qui  lui  fit  subir  à  Cologne  le 
dernier  supplice.  Ce  rebelle  était  adonné 
aux  femmes,  et  livré  à  la  débauche  la 
plus  outrée. 

PRODICUS,  sophiste  et  rhéteur  de 
l'île  de  Céos ,  vers  396  avant  J.  C. ,  dis- 
ciple de  Protagoras,  fut  maître  d'Euri- 
pide, de  Socrate,  de  Théramène  et  d'I- 
socrate.  Il  enseigna  publiquement  l'élo- 
quence à  Athènes,  quoiqu'il  y  résidât  en 
qualité  d'ambassadeur  de  sa  patrie.  Une 
cupidité  .sordide  le  faisait  aller  de  ville 
en  ville,  pour  y  étaler  son  éloquence, 
et  mettre  à  contribution  ses  nombreux 
élèves.  Ce  charlatan  amassa  de  l'argent, 
et  acquit  de  la  gloire.  Thèbes ,  Lacédé- 
mone  ,  lui  rendirent  des  honneurs  distin- 
gués. Prodicus  avait  ses  pièces  d'éclat 
comme  les  baladins  de  profession.  Les 
anciens  ont  beaucoup  parlé  de  sa  Haran- 
gue à  50  dragmes ,  parce  que  personne 
ne  pouvait  y  assister  qu'en  payant  cette 
somme.  Les  Athéniens  le  firent  mourir 
comme  corrupteur  de  la  jeunesse.  (H  lui 
communiquait  son  athéisme  ;  cependant 
il  put  pendant  quelques  années  échapper 
à  la  punition  ;  mais  Aristophane  l'ayant 
tourné  en  ridicule  dans  les  Nuées  et  les 
Oiseaux,  il  fut  enfin  traduit  devant  la 
justice  et  condamné  à  boire  la  ciguë.  ) 

PRODICUS,  chef  des  hérétiques  ap- 
pelés AdamUes,  se  fit  connaître  dans  le 
1 1'  siècle  par  ses  extravagances.  La  prin- 
cipale ,  et  celle  qui  a  donné  le  nom  d'a- 
damites  à  ses  sectateurs ,  fut  que  l'homme 
devait  être  nu  ,  du  moins  dans  la  prière, 


PRO  123 

parce  qu'Adam  avait  toujours  été  tel  dans 
le  temps 'd'innocence.  (  Voyez  Picabd.  ) 
L'abus  que  les  hérétiques  ont  fait  dans 
tous  les  temps  de  la  sainte  Ecriture , 
quand  ils  ont  voulu  en  être  les  seuls  in- 
terprètes, prouve  la  nécessité  d'un  tri- 
bunal suprême  pour  l'expliquer ,  et  mon- 
tre de  plus  ,  contre  ceux  qui  en  conseil- 
lent la  lecture  à  tout  le  monde,  que  ce 
livre  divin  peut  devenir  une  source  d'er- 
reurs dans  les  esprits  faibles  ou  corrom- 
pus. Gerson  remarque  que  c'est  de  là 
«  que  sont  venues  les  erreurs  des  Bé- 
»  guards  ,  des  pauvres  de  Lyon  et  de 
»  tous  leurs  semblables  ,  dont  il  y  a  beau- 
»  coup  de  la'ïcs  qui  font  une  traduction 
»  de  la  Bible  dans  leur  langue  vulgaire  , 
»>  au  grand  préjudice  et  scandale  de  la 
»  vérité  catholique.  C'est  ce  qu'on  a  pro- 
»  posé  de  retrancher  par  le  projet  de  ré- 
M  formation.  j>  (  Tractât,  de  comm.  laie, 
sub  ulraque  specie.  )  «  C'est,  dit- il 
»  ailleurs,  une  chose  trop  périlleuse 
»  que  de  donner  aux  hommes  simples 
»  qui  ne  sont  pas  savan"^  les  livres  de  la 
M  sainte  Ecriture  traduits  en  français , 
»  parce  qu'ils  peuvent ,  en  les  expliquant 
»  mal ,  tomber  d'abord  dans  des  erreurs  ; 
»  ils  doivent  écouter  cette  parole  dans 
»  la  bouche  des  prédicateurs ,  autrement 
V  on  prêcherait  en  vain.  »  (  Serm.  de 
Nativ.  Dom.  ;  Il  se  foude  &ur  la  ré- 
flexion suivante  :  «  Comme  on  peut  tirer 
p  quelque  bien  d'une  bonne  et  fidèle  ver- 
»  sion  de  la  Bible  en  français  si  le  lecteur 
»  l'entend  avec  sobriété,  au  contraire  il 
»  arrivera  des  erreurs  et  des  maux  innom- 
»  brables  si  elle  est  mal  traduite  ou  ex- 
»  pliquée  avec  présomption ,  en  rejetant 
»  les  sens  et  les  explications  des  saints 
•»  docteurs.  »  (  Serm.  contra  adulât.  ) 
Voyez  Algasie  ,  Abundel  ,  Eostocaium  , 
Harney  ,  Mallet  ,  Marcelle. 

PRONAPIDE  d'Athènes,  ancien  poète 
grec  ,  qui ,  selon  Diodore  de  Sicile  ,  dit- 
on  ,  fut  le  maître  d'Homère.  Ce  fut  lui 
qui  commença  à  écrire  de  gauche  à  droite, 
au  lieu  que  les  Grecs  écrivaient  avant  lui 
de  droite  à  gauche ,  à  la  manière  des 
Orientaux.  On  a  attribué  à  ce  poète  une 
production  en  vers  intitulée  :  Le  premier 
monde. 


124  Pi^o 

PROP£RCË  (  Sexlu8-ÀureIius-Pro- 
pertius  ),  poète  latin,  naquit  l'an  52 
avant  J.  C. ,  à  Movania,  ville  d'Ombrie , 
aujourd'hui  Bevagna  ,  dans  le  duché  de 
Spolète ,  et  mourut  douze  ans  avant  J.  C. 
Son  père,  chevalier  romain,  avait  été 
mis  à  mort  par  ordre  d'Auguste ,  pour 
avoir  suivi  le  parti  d'Antoine  pendant  le 
triumvirat.  Le  fils  vint  à  Rome ,  et  son 
talent  pour  la  poésie  lui  mérita  la  pro- 
tection de  l'empereur ,  et  l'estime  de  Mé- 
cène et  de  Cornélius  Gallus.  Ovide ,  Ti- 
bulle ,  Bassus ,  et  les  autres  beaux  es- 
prits de  son  temps  ,  se  firent  un  honneur 
et  un  plaisir  d'être  liés  avee  lui.  Il  nous 
reste  de  Properce  quatre  livres  d'Ele'ffies. 
Une  dame ,  appelée  Hostia  ou  Hoslilia, 
à  laquelle  il  donne  le  nom  de  Cynthie  , 
et  qui  possédait  son  cœur ,  est  le  sujet  de 
ses  complaisances  amoureuses.  Ce  poète 
manie  très  heureusement  la  fable.  Il  a 
su  allier  la  pureté  de  l'expression  à  la  dé- 
licatesse du  sentiment.  Ses  Elégies  ac- 
compagnent ordinairement  celles  de  Ca- 
tulle (  Voyez  ce  nom  ) ,  et  méritent  le 
même  reproche  de  licence.  On  les  a  im- 
primées séparément  à  Amsterdam,  1705, 
in-4  ;  et  M.  l'abbé  de  Longchamps  les  a 
traduites  en  français,  1772 ,  in-8.  (D'au- 
tres traductions  ont  paru  depuis ,  entre 
autres  celles  de  Denne-Baron,  Paris, 
1814;2*édition,  1825;etde  M.  Mollevaut, 
Paris;  1821  ,  in-18.) 

PROPERZIA  DE  Ross»  florissait  à  Bo- 
logne ,  sous  le  pontificat  de  Clément  VU  ; 
elle  s'adonna  particulièrement  à  la  sculp- 
ture et  décora  la  façade  de  l'église  de 
Saint-Pétrone  de  plusieurs  statues  de 
marbre ,  qui  lui  méritèrent  les  éloges  des 
connaisseurs.  La  sculpture  n'était  point 
son  seul  talent ,  elle  possédait  tous  ceux 
qui  ont  rapport  au  dessin  :  elle  peignit 
quelques  tableaux ,  et  grava  plusieurs 
morceaux  sur  le  cuivre.  (  On  conserve 
quelques-uns  de  ses  ouvrages  au  musée 
de  Bologne.) 

*  PROPIAC  (Catherine- Joseph  Ferdi- 
nand Gérard  iir)  ,  traducteur  et  compi- 
lateur infatigable,  né  vers  1758  ou  1760 
à  Dijon  d'une  famille  noble  de  la  Bour- 
gogne, entra  fort  jeune  au  service  mili- 
taireeu  qualité  d'officier.  Dès  sa  jeunesse 


PRO 

il  avait  composé  de  la  musique  pour  la  , 
comédie  italienne ,  entr'autres  la  parti- 
tion des  Déesses  rivales,  opéra  de  Piis 
qui  eut  du  succès.  Il  émigra  en  1791  , 
servit  dans  l'armée  des  princes ,  habita 
long-temps  Hambourg,  et  rentra  en 
France  après  le  18  brumaire.  Il  obtint 
peu  de  temps  après  l'emploi  d'archiviste 
du  département  de  la  Seine.  Ces  fonctions 
lui  laissant  beaucoup  de  loisir ,  il  tra- 
vailla pour  le  théâtre  de  la  Gaité  oii  pen- 
dant 20  ans  il  fit  la  musique  delà  plupart 
des  mélodrames  qui  y  furent  jonés.  En 
même  temps  il  travaillait  aussi  pour  les 
libraires  ,  et  donna  successivement  un 
grand  nombre  de  traductions  de  livres  élé- 
mentaires et  d'abrégés  très  superficielsqui 
ne  sont  pas  toujours  exempts  de  reproches 
relativement  à  la  morale  et  à  la  vérité  de 
l'histoire.  Il  est  mort  d'une  attaque  d'a- 
poplexie foudroyante  le  1*"^  novembre 
1823.  Il  avait  obtenu  la  croix  de  Saint- 
Louis  en  181 5. Voici  le  titre  de  ses  nom- 
breux ouvrages  :  1°  Nouveaux  contes, 
moraux  d'Auguste  Lafontaine ,  traduits 
de  l'allemand,  1802,  2  vol.  in-12;2'* 
Histoire  de  Gustave  fFasa,  roi  de  Suède, 
par  M.  d'ArchenhoItz ,  traduit  de  l'alle- 
mand, 1803,  2  vol.  in-8,  production 
fort  médiocre ,  toute  en  faveur  des  pro- 
testans,  et  qui  n'a  obtenu  aucun  succès; 
3°  avec  Dubois  ,  Voyage  d'Almuza  dans 
l'île  de  la  Vérité ,  traduit  de  l'allemand, 
1804,  in-12;  4°  PUitarque  o\x  Abrégé 
des  hommes  illustres  de  ce  célèbre  écri- 
vain ,  avec  des  leçons  explicatives  de 
leurs  grandes  actions  ,  1805  ,  2  vol.  in- 
12,  4«  édition,  1823;  5°  Histoire  de 
France  à  l'usage  de  la  jeunesse  ,  1 807, 
2  vol.  in-12,  fig. ,  5«  édition,  1822  ;  6° 
Histoire  d'Angleterre  à  Vusage  de  la 
jeunesse,  1818,  2  vol.  in-12,  fig.,  2» 
édition,  1823;  1' les  deux  Fiancées, 
trad.'de  l'allemand  d'Auguste  Lafontaine, 
1810,  5  vol.  in  12;  8°  Histoire  sainte  à 
Vusage  de  la  jeunesse,  1810,  2  vol. 
iri-l2;  9"  le  Plutarque  des  jeunes  de- 
moisellesou  Abrégé  des  vies  des  femmes 
illustres  de  tous  les  pays ,  avec  des  le- 
çons explicatives  de  leurs  actions  et  de 
leurs  ouvrages ,  1 8 1 0 ,  in- 1 2  ,  fig.  ,  3* 
vdition  ,  1 821  ,  2  vol.  in-1 2  ;  10»  Beautés 


PRO 

de  Vhistoire  sainte  ou  Choix  des  traile's 
les  plus  remarquables  et  des  passages 
les  plus  e'ioquens  contenus  dans  l'ancien 
et  le  nouveau  Testament,  ouvrage  propre 
à  inspirer  l'amour  de  la  religion  à  la 
jeunesse  et  à  fortifier  la  foi  et  la  piété 
des  personnes  de  tout  âge  et  de  tout 
sexe ,    Paris ,    1811,    avec  seize    jolies 
gravures,      troisième     édition,     1825, 
in-I2;    11"  le    Plutarque   français    ou 
Abrégé  des  vies  des  hommes  illustres 
dont  la  France  s'honore  depuis  le  com- 
mencement   de  la    monarchie  jusqu'à 
nos  jours ,  Paris,    1813,   2vol.in-12, 
2«  édit.  orné  de  GO  portraits,  1825;  12° 
Beautés  de  l'histoire  militaire  ancienne 
et  moderne  contenant  le  précis  des  ba- 
tailles ,  des  combats ,  etc.   ouvrage  élé- 
mentaire destiné  à  l'instruction  de  la 
jeunesse,   Paris,  1814,  in-12.  Cet  ou- 
vrage renfermant  beaucoup  d'éloges  de 
Buouiiparte  n'a  pas  été  mis  en  circulation; 
13°  Beautés  de  l'histoire  de  la  Suisse 
depuis  Cépoque  de  la  confédération  jus- 
qu'à nos  jours,   Paris ,  1817,  in-1 2  ,  2* 
édit.  revue  et  corrigée  ,  1823;   14"  Dic- 
tionnaire d' émulation   à  l'usage  de  la 
jeunesse,  Paris,    1820,   in-12;   15°  les 
Merveilles  du  monde  ou  les  plus  beaux 
ouvrages  de  la  nature  et  des  hommes, 
répandus   sur  toute    la  surface  de  la 
terre,    ornées   de  16  gravures,   Paris, 
1820,2  vol.  in-12  v  2*  édition,  revue, 
corrigée  et  augmentée,   1823.  Cet  ou- 
vrage est   traduit  de  l'anglais.   16"  Les 
f^œux  de  la  mère  Poisson,  marchande 
de  marée  à  la  halle  de  Paris  ,  pour  S . 
A.  R.  le  duc  de  Bordeaux ,  Paris,  1821, 
in-8.  il" petit  Tableau  de  Paris  et  des 
Français    aux  principales  époques  de 
la  monarchie ,  contenant  une  descrip- 
tion des  monumens  les  plus  remarquable  s 
de  la  capitale  ,  t indication  de  tous  les 
autres  édifices,  les  ministères,  etc.,  avec 
une  notice  explicative  des  vciemcns , 
coiffures  et  armures  des  Français  depuis 
Pharnmond  jusqu'à  ce  jour ,  reproduit 
Tannée  suivante  sous  le  litre  :  Ae Beautés 
historiques ,  chronologiques ,  politiques 
et  critiques  de  la  ville  de  Paris ,  1821  , 
îvol.  in-12;  18°  le  Laharpc  de  la  jeu- 
nesse ,  ou  rArt  de  raisonner ,  de  parler 


PRO  1 25 

et  d'écrire  ,  extrait  du  cours  de  littéra- 
ture de  ce  célèbre  auteur  ,  Paris  ,  1822  , 
4  vol.  in-12;  i  9°  la  Sœur  Sainte-Camille 
ou  la  Peste  de  Barcelone  ,  roman  histo- 
rique, Paris,  1822,  2  vol.  in-12  ;  20° 
Beautés  de  la  morale  chrétienne  ou 
Choix  de  morceaux  publiés  par  les  pré- 
dicateurs les  plus  célèbres  et  les  philo- 
sophes  chrétiens  les  plus  illustres  sur 
les  vérités  et  la  force  morale  du  chris- 
tianisme ,  ouvrage  destiné  à  Finstruc- 
tion  et  à  F  édification  de  la  jeunesse;  21° 
les  Curiosités  universelles  faisant  suite 
azi.r  Merveilles  du  monde,  contenant  les 
plus  beaux  ouvrages  de  la  nature  et 
des  hommes,  répandus  sur  toute  la 
surface  de  la  terre ,  orné  de  gravures  , 
Paris  ,  1823  ,  2  vol.  in-12  ;  22°  Beautés 
de  l'histoire  du  Pérou  ou  Tableau  des 
événemens  qui  se  sont  passés  dans  ce 
grand  empire  ,  son  origine  ,  etc.  ,  Paris, 
1825,  in-12  avec  4  gravures,  ouvrage 
posthume.  Propiac  a  été  aussi  l'éditeur 
de  la  4*  édition  des  époques  ou  Beautés 
de  rhistoire  de  France  ,  par  Dardent , 
revue  ,  corrigée  et  '  considérablement 
augmentée,  Paris  ,  1823,  in-12,  et  il  a 
donné  quelques  articles  à  la  Biographie 
universelle ,  enlr'autres  celui  du  cheva- 
lier à'Eon. 

PKOSPER  (  Saint  )  naquît'  dans  l'A- 
quitaine au  commencement  du  5*  siècle 
(en  403).  Il  passa  sa  jeunesse  dans  les  plai- 
sirs et  la  débauche;  mais  les  malheurs 
dont  les  peuples  étaient  accablés  par  les 
ravages  des  barbares  lui  firent  ouvrir  les 
yeux.  Après  avoir  expié  les  fautes  de  sa 
vie  passée  ,  par  ses  larmes  et  par  ses  aus- 
térités ,  il  voulut  engager  les  peuples  à 
l'imiter  dans  sa  pénitence.  Il  se  nourrit 
des  livres  de  saint  Augustin ,  auquel  il 
s'unit  pour  la  défense  de  la  grâce  contre 
les  semi-pélagiens.  Lorsque  ces  héréti- 
ques répandirent  leurs  erreurs  dans  les 
Catdes,  Prosper  les  dénonça  à  cet  illus- 
tre évêque.  Après  la  mort  du  maître ,  le 
disciple  n'en  fut  pas  moins  ardent  à  dé- 
fendre sa  doctrine.  Il  réful»  les  prêtres 
deMarseilleel  Cassien.  (  Voyez  Cassikn, 
Jean.  )  Ses  écrits  ayant  excité  quelques 
rumeurs,  il  alla  à  Rome  avec  uu  pieux 
laïque,  nommé  i¥iYrtt/v',  pour  porter  de 


126  PRO 

concerl  leurs  plaintes  au  pape.  Célestin 
était  sur  la  chaire  de  saint  Pierre  ;  il 
écrivit  en  leur  faveur  aux  évêques  des 
Gaules.  Saint  Léon  ,  successeur  de  Cé- 
lestin ,  ne  témoigna  pas  moins  d'estime 
à  Prosper  ;  il  le  fit  venir  à  Rome,  le  fit 
son  secrétaire,  et  se  servit  de  lui  dans 
les  affaires  les  plus  importantes.  Ce  saint 
vivait  encore ,  selon  la  Chronique  de 
Marcellin  ,  en  463  ;  mais  on  ignore  en 
quelle  année  il  mourut ,  et  s'il  était  évê- 
que ,  ou  laïque.  La  plus  commune  opi- 
nion est  qu'il  n'était  point  engagé  dans 
le  ministère  ecclésiastique.  Les  écrits  qui 
nous  restent  de  saint  Prosper  sont  :  1° 
une  Lettre  à  saint  Augustin  et  une  à 
lîu/în  ;  2°  le  Poème  contre  les  ingrats. 
Il  donne  celle  dénomination  aux  péla- 
gicns  et  semi-pélagiens ,  qu'il  regarde 
comme  des  ingrats  envers  la  grâce  de 
J.  C.  3°  Deux  Epigrammcs  y  contre  uu 
censeur  de  saint  Augustin  ;  4°  cent  seize 
autres  Epigrainmes ,  avec  une  préface; 
5°  la  lîe'ponse  aux  objections  de  Fin- 
ccnt  ;  6"  Je  Livre  sur  la  grâce  et  le  libre 
arbitre,  contre  le  Collateur,  c'est  à-dire 
Ca&sien  ;  7°  le  Commentaire  sur  les 
psaumes  y  qui  n'est  qu'un  abrégé  de  ce- 
lui de  saint  Augustin  ;  nous  n'en  avons 
qu'une  partie  ;  8°  le  Recueil  de  392  Sen- 
tences tirées  des  ouvrages  de  saint  Au- 
gustin ;  9"  deux  Chroniques ,  l'une  de- 
puis l'origine  du  monde  jusqu'à  l'an  465, 
publiée  par  le  Père  Labbe ,  dans  sa  Bi- 
bliothèque des  manuscrits  ;  l'autre  nom- 
mée Chronique  consulaire,  publiée  par 
Du  Chesne  dans  le  1"^  volume  des  Histo- 
riens de  France.  On  a  attribué  à  saint  Pros- 
per les  Livres  de  la  vocation  des  gentils , 
qui  appartiennent  avec  plus  de  vraisem- 
blance à  saint  Léon  (  Voyez  ce  nom  et 
Anthelmi,  et  l'article  suivant  ),  ainsi 
que  d'autres  ouvrages  qui  ne  sont  pas  de 
lui.  Cet  illustre  défenseur  de  la  grâce  a 
réuni  le  rare  talent  d'écrire  avec  élégance 
en  vers  et  en  prose.  Ses  poésies  ont  de 
la  douceur ,  de  l'onction  et  du  feu.  La 
diction  en  est  pure  et  le  tour  aisé.  S'il 
n'y  a  point  répandu  certains  agrémens  , 
comme  les  poètes  profanes,  c'est  qu'il 
ne  cherchait  qu'à  éditicr  et  non  à  plaire  ; 
la  matière  d'ailleurs  neic  permettait  pas. 


PRO 

Ses  ouvrages  en  prose  sont  d'un  slile 
concis ,  nerveux ,  naturel ,  sans  affecta- 
tion ni  de  termes  ni  de  figures.  Dans 
l'un  et  dans  l'autre  genre  d'écrire,  il 
traite  son  sujet  avec  beaucoup  de  force 
et  de  netteté-  La  meilleure  édition  de 
ses  OEuvres  est  celle  de  Paris,  1711, 
in-fol.,  par  Mangeant.  Jean  Salinas  en  a 
donné  une  édition  enrichie  de  notes,  à 
Rome  en  17  32,  in-8.  Le  3Iaistre  de  Sacy 
a  donné  une  traduction  en  vers  français 
d^son  Poème  contre  les  ingrats,  in-12. 

PROSPER  (  Saint  ),  évêque  d'Orléans, 
se  signala  par  ses  vertus  et  ses  lumières. 
Il  était  contemporain  de  saint  Prosper 
d'Aquitaine;  il  succéda  vers  l'an  454  à 
saint  Aignan  ,  sur  le  siège  d'Orléans. 
Quelques  auteurs  l'ont  pris,  mais  sans 
fondement,  pour  l'évêque  de  ce  nom  qui 
assista  aux  conciles  qui  se  tinrent  à  Via- 
son  et  à  Carpenlras  dans  le  6'  siècle.  On 
ignore  en  quelle  année  il  mourut.  Il  est 
nommé  dans  le  Martyrologe  le  29  juil- 
let. 

PROSPER,  écrivain  ecclésiastique  du 
6^  siècle ,  qui ,  pour  éviter  la  persécution 
des  Vandales ,  avait  passé  d'Afrique ,  sa 
patrie,  en  Italie.  Quelques  critiques  pré- 
tendent que  c'est  ce  Prosper  qui  est 
auteur  du  Traité  de  la  vocation  des 
gentils,  et  de  VE pitre  à  la  vierge 
De'métriade,  dans  VAppendix  augus- 
tiniana,  Anvers,  1703,  in-fol.  Quelques- 
uns  lui  attribuent  aussi  l'ouvrage  intitulé 
De  Prœdictionibus  et  promis sionibus 
Dei,  qui  se  trouve  dans  la  collection  des 
ouvrages  de  saint  Prosper  d'Aquitaine. 
C'est  une  explication  de  plusieurs  pro- 
phéties relatives  au  Sauveur  ,  à  l'Ante^ 
christ ,  etc.  ;  mais  plusieurs  savans  ne 
regardent  pas  la  distinction  de  Prosper 
l'Africain  et  de  Prosper  d'Aquitainecomme 
suffisamment  fondée. —  Quelques-uns 
distinguent  un  PbosperTvro,  de  qui  on  a 
une  Chronique  appelée  en  latin  :  Chro- 
nicon  pithœanum ,  et  imperatorium , 
dont  Henri  IN'oris  a  corrigé  les  erreurs 
dans  V Histoire  pe'lagienne,  tome  2,  cha- 
pitre 1 5.  D'autres  croient  qi»e  cette  chro- 
nique est  la  même  que  celle  de  saint  Pros- 
per d'Aquitaine,  mais  falsifiée  par  un 
pélagicn. 


PRO 

PROSPER  ALPIjNI.  Foye-.  Alpim. 
PROSPER  MARCHAIS  b.roT/esMAR- 

CUAAb. 

*  PfiOST  (  Jean-Claude  ) ,  surnommé 
le  capitaine Lacuson,  né  àLongchaumois 
près  de  St. -Claude  en  Franche-Comté  , 
se  mit  au  service  de  l'Espagne,   et  de 
1 C35  à  1 659  fit  la  guerre  de  partisan  dans 
sa  province.  La  terreur  qu'il  inspira  aux 
liabilans  de  la  Bresse  jurassienne  était  si 
p,rande  qu'on  le  redoutait  comme  la  fiè- 
vre, si  commune  et  si  funeste  dans  cette 
contrée   marécageuse  et  mal  saine ,  et 
que  dans  une  oraison,  qui  s'est  perpétuée 
jusqu'à  nous,  ils  demandaient  à  Dieu  de 
les  préserver  de  ces  deux  fléaux  (  Lacu- 
son et  la  fièvre).  On  lui  attribuait  les 
crimes  les  plus  atroces ,   et  la  tradition 
ne  l'a  pas  lavé  de  cette  accusation.  Plus 
indulgent  ou  plus  juste,  le  parlement  de 
Dôle,  après  une  enquête  fdite  sur  sa  con- 
duite, l'a  justifié  de  toutes  les  horreurs 
qu'on  lui  imputait.  Lacuson  continua  de 
guerroyer  jusqu'à  sa  mort  :  il  défendit 
successivement  contre  les  armées  de  Louis 
XIV  les  principaux  châteaux  du  premier 
plateau  du  Jura  :  ce  hardi  aventurier  alla 
mourir  au  siège  de  Milan  dans  les  rangs 
espagnols.    Sa  principale    demeure   en 
Franche-Comté  était  le  manoir  de  St.- 
Laurent-La-Roche ,  près  de  Lons-le-Sau- 
nier  ;  les  ruines  de  cet  édifice  existent 
encore  :  c'est  de  là  qu'il  partait  pour 
s'emparer  des  convois  faiblement  escor- 
tés, ou  pour  rançonner  les  villes  environ- 
nantes. La  Biographe  universelle  de  Mi- 
chaud  rapporte  que  l'on  voit  encore  à 
Cuiseaux  une  sculpture,  sur  l'un  des  pan- 
neaux de  la  boiserie  en  chêne  de  l'église 
paroissiale,  représentant  un  renard  dans 
une  chaire  prêchant  des  poules  qui  ou- 
vrent un  large  bec  ;  elle  ajoute  que  ce 
monument  est  une  vengeance  des  habi- 
tans  de  ce  lieu  ,  qui  voulurent  rappeler 
par  cette  allégorie  la  conduite  d'un  sol- 
dat de  Lacuson,  qui  s'éait  déguisé  en 
capucin  pour  entrer  dans  ce  village  et 
qui  introduisit  ensuite  ses  camarades , 
pour  en  piller  avec  lui  toutes  les  mai- 
sons. 

'  PROST    DE    ROYER    (Antoine- 
François  ),  avocat  et  ancien  lieutenaut- 


PRO  197 

général  de  police  de  Lyon,  né  dans  cettr 
ville  en  1729,  s'acquitta  de  celle  place 
avec  beaucoup  de  zèle  et  d'intelligence. 
H  ne  remplit  pas  avec  moins  d'honneur 
les  fonctions  d'administrateur  des  hôpi- 
taux ,  d'échevin  ,  de  président  du  tribu- 
nal de  commerce  ,  de  lieutenant  provin- 
cial des  monnaies.  A  des  talens  et  des 
connaissances  étendues  qui  le  rendaient 
propre  à  tous  les  emplois ,  il  joignait 
une  âme  généreuse  et  un  cœur  sensible. 
Il  était  de  son  temps  le  seul  homme  à 
Lyon  qui  connût  le  droit  public.  Après 
avoir  mérité  l'estime  de  ses  concitoyens 
par  ses  vertus  et  son  dévouement  au 
bien  public,  il  mourut  dans  l'indigence 
en  1784.  On  a  de  lui  une  Lettre  à  M. 
l'archevêque  de  Lyon  sur  le  prêt  à  inté- 
rêt, in-8;  un  Mémoire  estimable  sur  les 
hôpitaux,  et  un  autre  sur  la  conservation 
des  enfans  trouvés  ;  des  lettres  sur  l'ad- 
ministration de  la  municipalité  de  Lyon, 
remplies  de  vues  grandes  et  utiles  ;  un 
Mémoire  très-bien  écrit  sur  l'allaitement 
des  enfans  et  l'établissement  des  bureaux 
de  nourrices.  Il  avoit  entrepris  une  nou- 
velle édition,  entièrement  refondue,  du 
Dictiomiaire  des  arrêts  de  Brillon,  où 
l'on  trouve  de  la  profondeur  dans  les  idées 
et  de  l'énergie  dans  le  stile;  mais  il  n'a 
publié  que  les  quatre  premiers  vol.  de  cet 
important  ouvrage.  VEloge  de  Prost  de 
Royer,  par  Barou  du  Soleil,  a  été  impri- 
mé, et  son  portrait  gravé  par  Boyli. 

PROTAGORAS  ,  célèbre  sophiste 
grec,  naquit  vers  l'an  488  avant  J.  C,  à 
Abdère,  exerça  d'abord  le  métier  decro- 
cheteur.  Démocrite  l'ayant  rencontré 
chargé  de  fagots  arrangés  dans  un  équi- 
libre géométrique ,  conçut  une  idée 
avantageuse  de  son  esprit,  et  le  mit  au 
nombre  de  ses  disciples.  Protagoras,  tiré 
de  la  misère  ,  ouvrit  bientôt  son  cœur  à 
un  orgueil  insupportable.  Il  osa  attaquer  la 
Divinité ,  et  nia  l'existence  d'un  YAxc 
suprême,  ou  du  mqins  la  mit  en  problè- 
me. Ses  écrits  impies  furent  condamnés 
aux  flammes  par  les  magistrats  d'Athènes, 
qui  chassèrent  l'auteur  comme  une  peste 
publique ,  persuadés  qu'une  bête  féroce 
est  moins  à  craindre  qu'un  homme  sans 
religion.   Le    blasphémateur    parcourut 


t28  PRO 

alors  les  îles  de  la  Méditerranée,  et  mou- 
rut en  allant  en  Sicile,  dans  un  âge  très 
avancé,  vers  l'an  400  avant  Jésus-Christ. 
Il  fut,  dit-on,  le  premier  qui  déshonora  la 
philosophie,  en  donnant  ses  leçons  pour 
de  l'argent.  (Il  trouva  un  imitateur  dans 
Prodicus,auss  isophiste,  et  son  contempo- 
rain. Protagoras  avait  amassé  de  grandes 
richesses.il  écrivit  un  Traite  de  la  Na- 
ture :  le  précis  de  la  doctrine  de  ce  phi- 
losophe se  trouve  dans  le  Thée'lète  de 
Platon.  )  Protagoras  avait  l'esprit  moins 
solide  que  subtil.  Il  raisonnait  ou  plutôt 
il  déraisonnait  en  dilemme.  Il  s'appli- 
quait de  préférence  à  fournir  des  argu- 
mens  captieux,  pour  faire  gagner  une 
mauvaise  cause  :  on  lui  a  quelquefois 
comparé  Bayle,  et  il  y  a  quelques  rapports 
entre  ces  deux  sophistes  et  sceptiques. 
Une  de  ses  opinions  était  que  Vâme  n'é- 
tait pas  différente  des  sens,  et  que  tout 
ce  qu'ils  représentaient  était  véritable. 

PROTAIS  (Saint).  Protasius.  F  oyez 
Gkbvais. 

*  PROTHADE  (Saint)  ,  évêque  de 
Besançon  dans  le  7'  siècle  ,  était  fils  ou 
proche  parent  de  Prothade ,  maire  du 
palais  de  Bourgogne.  S'étant  consacré 
de  bonne  heure  au  service  des  autels , 
il  mérita  par  ses  lumières  et  ses  vertus 
l'affection  de  l'évêque  Nicet  auquel  il 
succéda  en  612  ou  613  sur  le  siège  de 
Besançon.  Son  administration  fut  sage  : 
il  maintint  la  discipline,  chassa  les  si- 
moniaques  et  préserva  les  fidèles  de 
son  diocèse  des  erreurs  qui  infestaient 
Jes  pays  voisins.  Le  roi  Clotaire  II  avait 
pour  ce  prélat  une  grande  vénération  , 
et  il  se  plaisait  à  le  consulter  souvent. 
Pour  fixer  les  cérémonies  ,  Prothade  com- 
posa un  Rituel ,  qui  continue  d'être  cité 
sous  son  nom  ,  malgré  les  nombreux 
changemens  qui  y  ont  été  apportés  de- 
puis :  Dunod  l'a  publié  dans  les  preuves 
de  l'Histoire  de  FEglise  de  Besançon. 
Prothade  mourut  en  624  ,  le  10  février, 
jour  cil  l'Eglise  honore  sa  mémoire.  La 
plus  grande  partie  de  ses  reliques  est 
consei-vée  dans  l'église  de  St. -Pierre  de 
Besançon ,  oii  il  fut  inhumé.  Sa  f^ie  par 
P.-Fr.  Chifflet  est  insérée  dans  Tes  Acta 
Sanctorum,  et  dom  Rivet  lui  a  consacré 


PRO 

une  iVb/icc  dans  VUist.  litt.  de  laFrance, 
t.  3,  pag.  531.  * 

PROTHÉE.  Foyez  PinÉGRiN. 

PROTOGÈNES,  peintre  de  Cannes  , 
ville  située  sur  la  côte  méridionale  de 
l'île  de  Rhodes  ,  florissait  l'an  336  avant 
J.  C.  Il  fut  réduit  par  son  indigence  à 
peindre  des  vaisseaux.  Aristote,  avec  qui 
il  était  lié  d'amitié,  lui  proposa  les  batail- 
les d'Alexandre  ;  mais  Prologènes  crut  ce 
travail  au  dessus  de  ses  forces.  Apelles, 
étant  venu  voir  ce  peintre,  fut  étonné  de 
la  grandeur  de  son  talent,  vraiment  rare 
pour  ce  temps-là  ,  et ,  indigné  de  ce  que 
les  Rhodiens  n'en  connoissaient  point  le 
prix,  il  offrit  d'acheter  ses  tableaux  ;  mais 
celte  proposition  s'étant  répandue  dans 
le  public,  les  compatriotes  de  ProtogèneS' 
ouvrirent  les  yeux  sur  son  mérite,  et 
payèrent  ses  ouvrages  comme  ils  le  mé- 
ritaient. Démétrius, ayant  assiégé  Rhodes, 
ne  voulut  point  mettre  le  feu  à  un  quar- 
tier de  la  place  ,  quoique  ce  fût  le  seul 
moyen  de  s'en  emparer,  parce  qu'il  apprit 
que  c'était  en  cet  endroit  que  Prologènes 
avait  son  atelier.  Le  tableau  le  plus  célè- 
bre de  ce  peintre  était  Vlalyse ,  chasseur 
fameux,  qui  passait  pour  être  un  petit- 
fils  du  Soleil,  et  le  fondateur  de  Rhodes. 
Il  employa  sept  années  à  ce  morceau  ;  et 
pendant  tout  ce  temps,  il  prit  un  régime 
de  vie  extrêmement  sobre  ,  afin  d'être 
plus  capable  de  réussir.  Cependant  tant 
de  précaution  pensa  lui  être  inutile.  Il 
s'agissait  de  représenter  dans  ce  tableau 
un  chien  tout  haletant  et  la  gueule  pleine 
d'écume;  depuis  long-temps  il  y  travail- 
lait, et  n'en  était  jamais  content.  Enfin, 
de  dépit  il  jette  sur  l'ouvrage  l'éponge 
dont  il  s'était  servi  pour  l'effacer.  Le  ha- 
sard fit,  dit- on,  ce  que  l'art  n'avait  pu 
faire ,  l'écume  fut  représentée  parfaite- 
ment ,  et  l'animal ,  ainsi  rendu  ,  fit  l'ad- 
miration desconnaisseurs.  Apelles,  arrivé 
à  Rhodes ,  alla  chez  ce  peintre ,  et  traça 
chez  lui  quelques  traits  ,  que  Protogènes 
trouva  si  supérieurs  aux  siens,  que,  sans 
s'amuser  inutilement  à  jouter  contre  un 
si  redoutable  rival ,  il  contracta  depuis 
avec  lui  l'amitié  la  plus  intime.  On  a 
trouvé  des  fresques  à  Herculanum,  tirés 
des  peintre.s  grecs;  on  les  admire  encore, 


PRO 

et  les  peintres  modernes  se  sont  empressés 
lie  les  imiter.  Ou  dit  que  quelques-uns 
appartiennent  à  l'école  ou  au  stile  de 
Protogènes,  f^oyez  Apelles. 

PR OTO-SPATH ARIUS.  Foyez 
Théophile. 

*  PROU  (  Claude  ),  religieux  célestin, 
né  à  Orléans,  entra  dans  cet  ordre,  et  y  fit 
profession  de  la  vie  monastique  le  15 
novembre  16GC.  Il  s'y  distingua  par  sa 
piété,  sa  régularité,  et  la  composition 
d'ouvrages  édiftans  et  estimes,  dont  voici 
les  titres  :  I"  Les  Regrets  d'une  âme  tou- 
chée d'avoir  abuse'  long  temps  de  la  sain- 
teté du  Pater ,  Orléans,  1 69 1 ,  in-1 2  :  livre 
plein  d'onction,  qui  fui  bien  accueilli 
des  personnes  pieuses,  et  qu'on  recher- 
che encore  ;  2°  La  Fie  de  saint  Lye\ 
solitaire  de  Beausse,OT\é&r\s,  1694,  in-8; 
3°  Réflexions  chrétiennes  sur  la  virgi- 
nité,  1C93,  in-8.  Elles  furent  réimpri- 
mées en  1700,  avec  une  augmentation 
de  sept  chapitres,  et  reparurent  sous  ce 
titre  :  Réflexions  importantes  sur  la  vir- 
ginité ;  4°  Le  Guide  des  pèlerins  de 
N.-D.  de  Ferdelays  ,  Bordeaux,  1700, 
in-8.  Verdelays  (  Firidis  Lucus)  est  un 
monastère  du  diocèse  de  Bordeaux  ,  cé- 
lèbre par  son  pèlerinage  et  la  dévotion 
des  fidèles.  6°  Dispositions  nécessaires 
pour  le  jubilé  de  Vannée  sainte ,  Bor- 
deaux, 1700;  6"  Instructions  morales 
touchant  ^obligation  de  sanctifier  les  di- 
^  manches  et  les  fêtes ,  Bordeaux ,  1703, 
in-8,  etc.  Le  Père  Prou  mourut  au  monas- 
tère de  Verdelays,  le  20  décembre  1722. 
L'auteur  de  l'Histoire  des  Célestins  de 
France  le  nomme  Proust  ;  c'est  mal  à 
propos. 

*  PROUSTEAU  (  Guillaume  ),  juris- 
consulte, né  à  Tours  le  26  mai  1 626,  d'un 
marchand  de  cette  ville ,  fit  ses  premiè- 
res études  chez  les  jésuites,  et  les  con- 
tinua à  la  Flèche,  où  il  remporta  tous  les 
premiers  prix.  Après  avoir  étudié  les  lois 
et  avoir  reçu  le  bonnet,  il  s'appliqua  plus 
particulièrement  au  droit  romain ,  qu'il 
regardait  avec  raison  comme  la  base  de 
la  jurisprudence  et  la  source  de  toutes 
les  lois.  Son  application  assidue  le  mit 
en  état  d'éclaircir  et  de  développer  avec 
précision  et  clarté  le  Digeste  et  le  Code 

XI. 


PRO  109 

romain.  Pendant  quatre  années,  il  exerça 
à  Orléans  la  profession  d'avocat,  se  voua 
ensuite  à  l'enseignement,  et  mourut  le  19 
mars  1715,  à  l'âge  de  89  ans.  Il  fonda 
en  1694  la  bibliothèque  d'Orléans ,  qui 
passe,  après  celle  de  Paris,  pour  être  une 
des  plus  riches  de  France.  11  dépensa  de 
grandes  sommes  pour  la  construction  in- 
térieure de  la  bibliothèque  ,  et  y  laissa 
des  fonds  pour  l'entretien  du  bibliothé- 
caire et  pour  l'achat  des  livres ,  chaque 
année.  Ses  ouvrages  sont  :  1°  Recitatio 
ad  L.  XXIII,  1684,  in-4  :  livre  qui  éta- 
blit justement  sa  réputation  ;  2"  Ve  ver*- 
borum  significatione  ;  3°  Ve  diversis 
regulis  juris  ;  4°  plusieurs  Instituts  du 
droit  canon;  5"  des  Commentaires  sur 
différens  titres  du  Digeste  et  du 
Code,  etc. 

PROVEINZALI  (Jérôme),  médecin 
de  Clément  VIII ,  puis  archevêque  de 
Sorrento,  était  de  Naples.  Il  fit  honneur 
à  sa  patrie  par  ses  connaissances.  Il 
mourut  en  1612,  après  avoir  gouverné 
son  diocèse  avec  sagesse.  On  a  de  lui  un 
Traité  des  sens,  en  latin,  Rome,  1597, 
in-4,  qui  dément  la  mauvaise  idée  qu'on 
s'est  faite  de  la  physique  de  son  siècle. 

*  PROVOST  (  René  ) ,  chanoine  du 
Mans  et  curé  d'Evron  ,  né  en  cette  ville 
le  10  octobre  1770,  n'était  encore  que 
clerc  tonsuré  en  1792  lorsqu'il  fut  obli- 
gé de  s'expatrier  par  suite  de  la  loi  ré- 
volutionnaire de  la  déportation.  Il  se  ren- 
dit à  Londres  où  il  continua  ses  études 
Ihéologiques  au  séminaire  des  missions 
étrangères.  Après  9  ans  de  séjour  dans 
cet  établissement,  il  revint  en  France, 
en  1801  ,  sa  santé  ne  lui  ayant  pas  per- 
mis d'aller  porter  la  parole  de  Dieu  en 
Chine.  Il  avait  été  ordonné  prêtre  en 
1795:  nommé  vicaire  d'Evron,  il  passa 
dans  cemodesteemploi25années,  unique- 
ment occupé  des  fonctions  de  son  minis- 
tère, et  édifiant  tous  ceux  qui  le  voyaient, 
par  la  pratique  exacte  de  ses  devoirs. 
Ce  fut  en  quelque  sorte ,  en  employant 
la  violence,  qu'on  parvint  à  lui  faire  ac- 
cepter en  1828  la  cure  d'Evron,  vacante 
par  la  mort  de  M.  Bigot.  Plus  tard  il  fut 
nommé  chanoine  honoraire.  L'abbé  Pro- 
vost  n'a  composé  aucun  ouvrage  qui  nous 

»7- 


i3o  PRO 

soit  connu  ;  mais  ses  actions  rendent  sa 
mémoire  chère  h  tous  les  fidèles  :  prêtre 
vertueux,  entièrement  livré  à  l'exercice 
de  ses  devoirs,  homme  de  bon  conseil, 
d'une  rare  humilité  ,  d'une  prudence 
consommée,  d'une  charité  grande,  d'une 
piété  aimable  et  du  caractère  le  plus  heu- 
reux ,  il  est  mort ,  comme  il  a  vécu ,  c'est- 
à-dire  en  saint  :  c'est  le  28  septembre 
1831  qu'il  a  été  enlevé  au  diocèse  du 
Mans. 

*PROYART  (  Liévain-Bonaventure  ) , 
historien,  né  à  Arras  en  1743  ,  fit  ses 
premières  éludes  au  collège  de  Saint' 
Quentin  en  Vermandois,  et  les  acheva 
■ïu  séminaire  Saint-Louis  à  Paris.  Il  em- 
brassa l'état  ecclésiastique  et  se  consacra 
à  l'éducation  de  la  jeunesse.  Appelé  au 
collège  Louis-le-Grand  quelque  temps 
après  l'expulsion  des  jésuites,  ils' efforça 
de  maintenir  dans  cet  établissement  l'es- 
prit religieux  qui  y  régnait  sous  les  cé- 
lèbres maîtres  que  la  persécution  arra- 
chait à  l'enseignement  et  à  la  religion. 
De  Louis-le-Grand,  où  il  étail|sous-princi- 
pal ,  l'abbé  Proyart  passa  auPuy  en  Vclay 
en  qualité  de  principal  du  collège,  et  fut 
chargé  d'organiser  cet  établissement.  Il 
avait  fait  de  cette  maison  l'une  des 
écoles  les  plus  florissantes  du  royaume. 
Plusieurs  ouvrages  qu'il  avait  fait  pa- 
raître augmentèrent  sa  réputation.  Il  ve- 
nait d'être  pourvu  d'un  canonicat  dans 
sa  ville  natale,  lorsque  la  révolution 
éclata.  Il  se  réunit  alors  au  petit  nombre 
d'écrivains  qui  restèrent  fidèles  aux  saines 
doctrines.  Condamné  à  la  déportation 
pour  avoir  refusé  le  serment ,  il  parvint 
à  sortir  de  France.  Il  se  retira  d'abord  en 
Flandre ,  oii  il  eut  une  conversation  avec 
le  général  Dumouriez  ,  qui  le  sollicita 
en  vain  de  rentrer  en  France  ,  et  d'y  ac- 
cepter un  évêché  constitutionnel  qu'il 
refusa.  En  1794,  il  harangua  l'empereur 
François  II  h  Bruxelles,  au  nom  des  prêtres 
français.  Depuis  ilse retira  en  Allemagne, 
et  fut  accueilli  avec  une  extrême  bien- 
veillance par  le  prince  Hohenlohe-Bar- 
tenstein  ,  qui  le  fit  son  conseiller  ecclé- 
siastique. Il  ne  rentra  en  France  qu'après 
la  signatureduConcordat,  et  alla  s'établir 
à  Saint<Germain.  Il  publia  en  1808  sur 


PRO 

Louis  XVI  un  nouvel  ouvrage  qui  le  fit  en  - 
fermer  à  Bicêtre.  Ce  livre  avuitpour  titre  : 
Louis  XP^I  et  ses  valus  aux  prises 
avec  la  perversité'  de  son  siècle.  Le  cha- 
grin ,  la  privation  des  choses  les  plus  né- 
cessaires et  la  rigueur  du  froid  eurent 
sur  sa  santé  la  plus  funeste  influence  : 
atteint  d'une  hydropisie  de  poitrine,  il 
obtint  la  permission  d'être  reconduit  à 
Arras  sous  l'escorte  d'un  gendarme.  11  y 
mourut  peu  après ,  le  23  mars  1808,  à 
l'âge  de  66  ans.  L'abbé  Proyart  était  un 
prêtre  édifiant ,  à  qui  les  choses  de  piété 
étaient  familières,  et  un  écrivain  labo- 
rieux, animé  des  intentions  les  plus 
pures ,  et  fortement  prononcé  pour  le 
bien  ;  mais  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  fût 
toujours  élégant,  modéré  et  judicieux. 
Son  stile  est  quelquefois  lâche  ou  diffus, 
son  ton  vif  et  ses  jugemens  hasardés  et 
sévères ,  surtout  dans  ses  derniers  ou- 
vrages. Les  principaux  sont  :  1"  Y  Eco- 
lier vertueux,  ou  Fie  édifiante  de  De'- 
calogne ,  écolier  de  F  université  de  Paris, 
f^^  édition,  1772  :  petit  livre  très  ré- 
pandu dans  les  collèges  et  maisons  d'é- 
ducation ,  et  très  propre  à  inspirer  le 
goût  de  la  piété  et  de  la  vertu  ;  3*  édi- 
tion ,  1 7  7  8,  in-1 2  ;  2°  /-e  Modèle  des  jeu- 
nes gens  ,  ou  Fie  de  Souzi  le  Pelletipr  , 
aussi  répandu  que  le  précédent.  On 
trouve  à  la  fin  wae  Notice  sur  le  frère  de 
Souzi ,  qui  fut  supérieur  -  général  de 
Saint-Sulpice.  3"  Histoire]  de  Loango , 
Kakongo  et  autres  royaumes  d'Afrique , 
de  1766  à  1773,  in-12,  rédigé  sur  les 
Mémoires  de  plusieurs  missionnaires  ; 
4°  Fie  du  Dauphin,  père  de  Louis  XFI, 
1777  ,  in-1 2  ;  6°  Eloge  du  même  prince  , 
qui  concourut  pour  le  prix  proposé  en 
son  honneur  ,17  7  9  5  6"  De  F  Education 
publique  et  des  moyens  d'en  réaliser  la 
réforme,  1781 ,  Mémoire  rédigé  sur  les 
questions  proposées  sur  cette  matière 
par  les  agens  du  clergé,  d'après  jles 
vues  de  l'assemblée  de  1780  ;  7°  Fie  du 
Dauphin,  père  de  Louis  XF ,  2  vol. 
in-12,  1782.  L'abbé  Proyart  fait  très 
bien  connaître  le  caractère  et  le  mérite 
dii  prince;  il  le  montre  à  la  cour,  à 
l'armée,  dans  le  silence  du  cabinet  et 
dans  les  détails  de  la  vie  privée ,  tou- 


I 


PRO 

jours  égal ,  bon  ,  laborieux  ,  réglé  dans 
sa  conduile.  Cette  Fie ,  outre  l'iulérêl 
tlu  héros,  l'élève  de  Fénéion,  qui  don- 
nait de  si  grandes  espérances,  est  d'ail- 
leurs rédigée  avec  soin,  et  nous  paraît 
une  des  meilleures  productions  de  l'abbé 
Proyarf.  8°  Histoire  deS/anislas ,  roi  de 
Pologne,  1 784,  in- 1 2;  9"  Fie  de  M.  de  la 
Mothe  d^ Orléans,  e'vêque  d^ Amiens; 
tO"  Histoire  de  madame  Louise,  fille 
de  Louis  XJ^ ,  carmélite  à  Saint-Deny  s  ; 
1 1  "  Histoire  de  Marie  Leczinska  ,  reine 
de  France  ;  1 2°  Histoire  de  Robespierre. 
Ces  quatre  derniers  écrits  ont  été  pu 
bliés  en  pays  étrangers.  I.e  sujet  en  est 
intéressant,  généralement  bien  traité, 
s'il  n'y  avait  parfois  des  longueurs,  13° 
Louis  XFI  détrôné  avant  d' être  roi;  1 4° 
Louis  XVI  et  ses  vertus  aux  prises 
avec  la  perversité  de  son  siècle,  5  vol. 
Nous  allons  rapporter  sur  ces  deux  ou- 
vrages le  jugement  d'un  écrivain  distin- 
gué, n  II  y  a  dans  ces  livres  ,  dit-il ,  des 
réflexions  très  justes  et  des  faits  malheu- 
reusement très  vrais  ;  mais  on  désirerait 
souvent  plus  de  précision  ,  de  mesure  et 
de  critique.  Les  digressions  sont  fré- 
<iuentes  et  pas  toujours  assez  motivées. 
Il  y  a  dans  le  dernier  ouvrage  sur  Clé- 
ment XIV  des  détails  qui  ne  paraissent 
ni  exacts  ni  présentés  avec  la  mesure 
convenable.  Ce  livre  renferme  des  anec- 
dotes qui  supposent  beaucoup  de  re- 
cherches ;  deux  volumes  presque  entiers 
roulent  sur  les  philosophes  modernes , 
les  illuminés  ,  les  francs-maçons,  et  sur 
quelques  charlatans  qui  firent  du  bruit  à 
Paris  vers  la  fin  du  dernier  siècle.  L'au- 
teur fait  bien  connaître  l'esprit  du 
temps ,  et  les  extraits  des  écrits  philoso- 
phiques qu'il  rapporte  mettent  à  décou- 
vert leurs  vues  et  leurs  projets.  Si  quel- 
quefois les  tableaux  sont  un  peu  chargés, 
les  expressions  fortes  ,  le  ton  vif,  il  faut 
le  pardonner  à  celui  qui  avait  vu  les  si- 
nistres eflfets  des  doctrines  anti- reli- 
gieuses ,  et  dont  l'imagination  vive  avait 
été  frappée  du  spectacle  de  tant  d'ex- 
cès et  de  tant  de  fureurs.  «  On  attribue 
aussi  à  l'abbé  Proyart  quelques  bro- 
chures de  circonstance  à  l'époque  de 
la    révolution,  et     une    continuation 


PRU 


i3i 


de  l'Histoire  abrégée  de  l'Eglise  par 
Lhomond  qu'on  a  supprimée  dans  les 
nouvelles  éditions,  et  remplacée  par 
une  autre  plus  conforme  à  l'esprit  de 
l'auteur ,  laquelle  a  été  faite  par  M.  l'abbé 
Ganilh  la  Gravière.  Nous  n'indiquons 
pas  les  formats  et  les  éditions  des  ou- 
vrages de  l'abbé  Proyart ,  parce  qu'elles 
sont  très  multipliées  et  très  répandues. 
On  a  publié  à  Paris,  en  1819,  les 
OEuvres  complètes  de  l'abbé  Proyart , 
17  vol.  in-8,  et  17  vol.  in-12. 

PRUDENCE  (  Aurelius  -  Prudentius- 
Clemens  ) ,  poète  chrétien  ,  né  à  Cala- 
hora  dans  l'Aragon  ,  l'an  348,  fut  suc- 
cessivement avocat ,  magistrat ,  homme 
de  guerre  ,  gouverneur  de  Saragossc,  et 
se  distingua  dans  toutes  ces  professions» 
Son  mérite  lui  procura  un  emploi  hono-^ 
rable  à  la  cour  d'Honorius  ;  mais  on  ne 
sait  rien  de  plus  particulier  sur  sa  vie  ou 
sur  sa  mort.  On  sait  seulement  que  le 
préfet  Symmaque  ayant  demandé  à  Va- 
lentinien  II  ,  au  nom  du  sénat ,  le  ré- 
tablissement de  l'autel  de  la  Victoire,  et 
les  revenus  des  temples  païens  que  Gra- 
tien  avait  confisqués,  Prudence  fit  contre 
lui  deux  livres  qui  nous  restent  encore. 
Les  meilleures  éditions  de  ses  Poésies 
sontcelle  d'Eizévir,  in-1 2, 1 6G7,  à  Amster- 
dam ,  avec  les  notes  de  Nicolas  Heinsius; 
et  celle  de  1G87  ,  in-4  ,  à  Paris,  adusum 
Delphini ,  par  les  soins  du  Père  Chamil- 
lard,  jésuite  ,  et  celle  de  Bodoni,  Parme , 
1789  ,  2  vol.  in-8.  La  Fie  de  Prudence 
est  dans  la  plupart  des  éditions  ;  on  l'a 
omise  dans  celle  de  1GC7  ;  elle  est  dans 
les  Mémoires  de  Tillemont,  tom.  7.  Ses 
poèmes  sont  :  1°  PsTjchomathia  ,  ou 
Combat  de  l'esprit  contre  le  vice;  2"  Ca- 
themerinon  -.  c'est  un  recueil  d'hymnes 
pour  certains  temps  de  la  journée  et  quel- 
ques solennités;  3°  A potheosis -.  c^esl 
une  défense  de  la  foi  contre  les  païens  et 
les  hérétiques;  4"  Hamartigenia ,  de 
l'origine  des  péchés  ;  5"  Enchiridion  : 
c'est  un  abrégé  de  l'histoire  sainte;  6* 
Péri  Stcphanon ,  ou  Des  couronnes  des 
Martyrs ,  composé  de  quatorze  hymnes. 
Le  Clerc,  fameux  critique  protestant,  fait 
sur  ce  livre  l'observation  suivante  :  «  Il 
»  paraît    clairement  par  plusieurs   eu- 


l32 


PRU 


»  droits  de  ces  hymnes ,  que  depuis  ce 
»  lenips-là  on  invoquait  les  martyrs,  et 
»  qu'on  croyait  qu'ils  avaient  été  établis 
»  dcUieu  patrons  de  certains  lieux.  Qnel- 
>•  ques  protestans,qui  se  sont  imaginé  que 
»  l'on  doit  joindre  à  l'Ecriture  la  tradition 
»  des  quatre  ou  cinq  premiers  siècles, 
»  ont  nié  que  l'on  invoquât  les  saints 
»  dans  le  quatrième  siècle  ;  mais  ils  ont 
»  eu  tort  de  se  former  un  système  en  idée, 
u  avant  que  d'être  bien  instruits  des  faits, 
M  puisqu'on  peut  les  convaincre  de  celui- 
»  ci  par  divers  endroits  de  Prudence.  » 
Biblinth.  unh>.  et  hist.,  t.  12.  Prudence 
est  plus  estimable  encore  par  son  zèle 
pour  la  religion  que  par  la  beauté  de  ses 
poésies.  Il  y  a  dans  ses  vers  des  fautes  de 
quantité;  ses  phrases  se  ressentent  de  la 
décadence  des  lettres  et  de  la  bonne  la- 
tinité. Mais  il  faut  convenir  qu'on  ren- 
contre dans  ses  ouvrages  plusieurs  mor- 
ceaux où  il  règne  du  goût  et  de  la  déli- 
catesse, Ses  stances  sur  les  Innocens, 
Salve  te,  flores  martyrum  ,  sont  de  ce 
nombre.  11  mérite  ,  suivant  Erasme ,  par 
la  sainteté  et  par  l'érudition  sacrée  qui 
éclatent  dans  ses  écrits,  d'avoir  une  place 
parmi  les  plus  grands  docteurs  de  l'E- 
glise. Des  auteurs  ecclésiastiques  et  quel- 
ques agiographes  lui  ont  donné  le  titre 
de  saint  ;  mais  on  ne  lit  point  son  nom 
dans  les  Martyrologes. 

PRUDENCE  (  Saint  ),  surnommé  le 
Jeune  ,  quitta  son  nom  de  Galindo,  pour 
prendre  celui  de  Prudence^  peut  être 
en  mémoire  du  précédent.  Il  était  né  en 
Espagne,  et  passa  en  France  pour  se 
soustraire  à  la  fureurdesinfidèles.  Son  ra- 
re méritele  fit  élever  en840  ou  845  sur  le 
siège  épiscopal  de  Troyes.  Il  s'y  distingua 
par  ses  lumières  et  son  zèle,  surtout  dans 
l'affaire  de  Gotescalc  :il  signa  les  articles 
de  la  doctrine  catholique,  établis  au  con- 
cile deQuerci,  contre  ce  moine  opiniâtre, 
et  se  tint  en  même  temps  arme  contre 
les  hérésies  opposées  et  les  illusions  des 
pélagiens  et  semi-péiagieus.  Quelques 
savans  prétendent  qu'il  poussa  la  précau- 
tion trop  loin,  et  qu'il  enveloppa  la  vérité 
dans  la  proscription  de  l'erreur.  Mais  il 
est  à  croire  que  c'est  l'effet  de  la  dispute  ; 
sa  parfaite  soumission   à  l'aulorilé   de 


PRU 

l'Eglise  prouve  qu'il  ne  cherchait  et  n'ai- 
mait que  la  croyance  catholique;  il  tra- 
vailla ensuite  avec  saint  Loup  de  Fer- 
rières  à  la  réforme  des  monastères  de 
France,  et  mourut  le  6  avril  861.  On  a 
de  lui  quelques  écrits ,  insérés  dans  la 
Bibliothèque  des  Pères,  t.  1  à.  M.  Breyer, 
chanoine  de  Troyes,  a  écrit  sa  P^ie,  1725, 
in-12. 

*PRUDHOMME  de  laBoussihikre  des 
"Vallées  (  Jacques-Guillaume-Réné-Fran- 
çois),  évêque  constitutionnel,  né  le  16 
décembre  1728  à  Saint-Christophe,  dans 
le  diocèse  du  Mans,  fit  ses  études  à  Paris 
et  appartint  à  la  société  de  Sorbonne  oii 
il  fit  sa  licence  en  17  56,  et  fut  reçu  doc- 
teur en  17G0.  Devenu  curé  du  Crucifix 
au  Mans,  il  occupa  cette  place  jusqu'à  la 
révolution.  Le  23  mars  17  67  il  prononça 
dans  l'église  de  l'hôpital  de  cette  ville 
V Eloge  de  M.  Froulay  de  Lessé,  dont  le 
cœur  était  transféré  dans  ce  lieu.  L'on 
remarqua  dans  ce  discours  un  passage 
contre  les  jansénistes  qu'il  appela  sans 
les  nommer  des  esprits  inquiets  et  tur- 
bulens  ;  ce  qui  valut  à  ce  discours  l'hon- 
neur d'être  traité  de  rapsodie  fanatique 
dans  la  feuille  du  15  juillet  1767  des 
Nouvelles  ecclésiastiques.  Prud homme 
de  la  Boussinière  jouissait  de  la  considé- 
ration qu'il  devait  à  la  régularité  de  sa 
conduite,  lorsque  la  révolution  vint 
changer  le  cours  de  ses  idées,  et  à  GO  ans 
lui  donner  de  l'ambition.  Grégoire,  ayant 
été  nommé  évêque  au  Mans  et  à  Blois, 
opta  pour  ce  dernier  siège  :  Prudhomme 
se  mit  sur  les  rangs  pour  le  remplacer; 
il  fut  élu ,  et  son  sacre  eiit  lieu  à  Paris 
le  11  mars  1791.  Le  10  avril  suivant  il 
fut  installé  au  Mans  ;  il  fit  dans  cette  oc- 
casion un  discours  dont  on  trouve  la  cri- 
tique dans  une  brochure  du  temps  :  c'est 
une  lettre  datée  du  4  septembre  1791, 
in-8 ,  qui  a  pour  titre  :  Mon  petit  mot  à 
M.  Prudhomme.  Dans  une  Lettre  pasto- 
rale du  5  janvier  1 7  92,  et  qui  est  intitulée 
le  Catholicisme  de  l'assemblée  consti- 
tuante, de'montré  par  la  discipline  des 
premiers  siècles  et  les  procès  verbaux 
du  cierge',  ou  instruction  pastorale  dog- 
matique de  M.  l'c'vcque  de  la  Sari/ie  sur 
Us  contestations  qui  divisent  l'Eglise  de 


I 


PRU 

France,  in- S  ,  il  cherche  .Vjuslifier  tout 
ce  qu'avait  fail  celte  assemblée  sur  la 
religion.  VÀniL  de  la  religion  dans  la 
Notice  qu'il  a  consacrée  à  cet  cvêque 
(n°  IGGO,  7  juillet  1830)  ne  pense  pas 
que  celle  diatribe  contre  le  clergé  ait  été 
rédigée  par  Prudhomme;  les  traces  de 
jansénisme  qu'il  y  a  trouvées  lui  font 
croire  que  quelque  avocat  de  la  secte  a 
tenu  la  plume  pour  lui.  Quoi  qu'il  en 
soit,  il  sut  conserver,  au  milieu  de  la  li- 
cence et  des  apostasies,  la  décence  de 
son  état  :  ainsi  on  le  vit  s'opposer  au  ma- 
riage d'un  bénédictin,  qui  était  l'un  de 
ses  grands-vicaires,  et  à  qui  un  autre 
bénédictin  donna  plus  tard  la  bénédiction 
nuptiale  dans  la  cathédrale  même  du 
Mans.  Après  avoir  cessé  quelque  temps 
ses  fonctions ,  il  les  reprit ,  adhéra  aux 
deux  encycliques  publiées  par  les  Réunis 
en  >79S  ,  assista  aux  conciles  dits  natio- 
naux de  1797  et  de  1801;  tint  lui-même 
en  1800  au  Mans  un  synode  dont  les 
Actes  ont  été  imprimés,  se  rendit  en- 
*  suite  au  comité  métropolitain  que  Claude 
Lecoz  avait  convoqué  à  Reims,  et  donna 
sa  démission  en  1801.  Dès  lors  il  v-écut 
en  simple  prêlre  ,  jusqu'à  sa  mort  arrivée 
au  Mans  le  9  février  1812,  à  l'âge  de 
83  ans.  Il  passait  la  plus  grande  partie 
de  l'année  à  sa  campagne  de  Baine  où  il 
a  été  inhumé  :  l'inscription  placée  sur 
son  tombeau  ne  rappelle  nullement  son 
litre  épiscopal.  Un  chanoine  l'assista  dans 
ses  derniers  momcns  :  rien  ne  prouve  qu'il 
ait  persisté  dans  ses  anciennes  opinions 
ni  qu'il  les  ait  rétractées. 

•PRUDHOMME  (Louis),  journaliste 
et  écrivain  révolutionnaire,  né  à  Lyon  en 
1762,  fut  d'abord  garçon  de  magasin 
chez  un  libraire  de  cette  ville;  il  vint 
ensuile  à  Meaux  oii  il  se  fit  relieur.  Il  ha- 
bitait Paris  depuis  plusieurs  années, 
lors<jue  la  révolution  éclata.  Déjà  il  s'était 
fait  remarquer  par  la  publication  d'un 
grand  nombre  d'écrits  révolutionnaires; 
plusieurs  fois  même  il  avait  été  arrêté 
par  suite  de  ses  publications  :  lui-même  a 
dit  que  dans  l'intervalle  qui  s'écoula  entre 
les  premiers  troubles  du  parlement  en 
1787  et  le  1  i  juillet  1 789,  il  mit  au  jour 
plus  de  1,500  pamphlets,  tous  destinés  à 


PRU  i33 

préparer  les  événemens  :  Ses  Litanies  du 
tiers-état  et  son  Avis  aux  gens  de  li- 
vrées sur  leurs  droits  politiques,  furent 
distribués  à  plus  de  100,000  exemplaires 
dans   les   rues    et  dans  les   carrefours. 
Dans  les  commencemens  de  la   révolu- 
tion,   il   se  fit  journaliste  et  publia  la 
feuille  intitulée  :  Les  révolutions  de  Paris 
avec  cette  épigraphe  :  Les  grands  ne 
nous  paraissent  grands,  que  parce  que 
nous  sommes  à  genoux. . . .  Levons-nous. 
Il  fit  paraître    en  même   temps   divers 
pamphlets  qui  eurent  la  plus  grande  in- 
fluence sur  l'esprit  du  peuple,  et  qui  ne 
contribuèrent  pas  peu  à  répandre  l'esprit 
d'impiété  et  d'anarchie  dans  les  dernières 
classes  de  la  population  de  Paris  ;  mais  il 
en  est  quelques-uns  qui  parurent  alors» 
et  qu'on  lui  atUibua  à  tort  :  ce  sont  les 
Crimes  des  Reines  de  France,  1 7  9 1 ,  in-8, 
dont  Déranger  est  l'auteur.  Voyez  la  Biog. 
univ.;\e5  Crimes  des  Papes,  1 792  ,  in-8, 
dont  l'auteur  est  la  Vicomlerie  ;  les  Cri- 
mes des  empereurs  d'Allemagne,  1793  , 
in  8,  qui  sont  dusà  l'auteurdes  Crimes  des 
Reines,  etc.  Prudhomme  changea  bientôt 
d'opinion,  et  en  17  93  il  fut  emprisonné 
comme  royaliste.  Cependant  sa  détention 
dura  peu.  Son  journal  ayant   cessé  de 
paraître,  il  quitta  Paris  avec  sa  famille; 
il  y  reparut  en    1797,    et  publia    alors 
l'Histoire  générale  des  crimes  commis 
pendant  la  révolution  ;  c'est  sans  con  • 
tredit  son  meilleur  ouvrage.  Prudhomme 
a  exercé  depuis  la  profession  de  libraire. 
Parmi  les   grandes   entreprises   qu'il   a 
formées ,  nous  ne  pouvons  passer   sous 
silence  une  édition  de  Lavater,    1809, 
10  vol.  in-4  et  in-8  ;  les  Cérémonies  /e- 
ligieuses ,  par  B.  Picard,  1810,  13  vol. 
in-fol.  (  Voyez  la  Biographie  universelle 
au  mot/.-i'\  Bernard,  et  cette  édition  du 
Dictionnaire  de  Feller  au  mot  Picard.  ) 
Prudhomme  fit  d'autres  ouvrages  moins 
importans.  Il  est  mort  à  Paris  le  20  avril 
1830:  c'était  un  compilateur  infatigable, 
mais  sans  discernement  et  sans  goîit.  En 
1810  il  avait  acheté  de  l'abbé  Chaudon 
le  droit  de  faire  une  édition  de  son  Dic- 
tionnaire ;  il  prélendit  aussitôt  user  de 
ce  droit  pour  interdir  à  tout  autre  li- 
braire la  faculté  de  faire  un  dictionnaire 


i34  PRU 

historique  quelconque  -.  c'était'  à  celte 
époque  que  commençait  à  paraître  la 
Biographie  universelle  de  Michaud  : 
rrndhomme  traduisit  l'éditeur  de  cette 
entreprise  devant  les  tribunaux,  et  pré- 
tendit qu'un  ouvrage  rédige  par  l'élite 
des  littérateurs  et  des  savans  n'était 
qu'une  contretrefacon  de  son  Diction- 
naire historique  fait  par  un  ecclésiastique 
estimable  sans  doute,  mais  étranger  à 
presque  tous  les  objets  dont  il  avait  parlé. 
L'éditeur  de  la  Biographie  universelle 
triompha  aisément  de  cette  attaque  ridi- 
cule. Les  principaux  Ouvrages  de  Prud- 
Iiomme  sont  :  1°  Géographie  de  la  répu- 
blique française  en  120  de'pariemens , 
1791 ,  in-8  ;  2°  Histoire  générale  et  im- 
partiale des  erreurs,  des  fautes  et  des 
crimes  commis  pendant  la  révolution, 
1798,  G  vol.  in-8  ;  ^"Dictionnaire  uni- 
versel de  la  France,  1805,  5  vol.  in-4. 
.4°  Miroir  de  l'ancien  et  du  nouveau 
Paris,  1804,6  vol.  petit  in  1 2  ;  5°  Voyage 
descriptif  et  philosophique  de  l'ancien 
et  du  nouveau  Paris,  1814,  2  vol.  in-1 8. 
C"  L'Europe  tourmentée  par  la  révolu- 
tion en  France,  ébranlée  par  1 8  années 
de  promenades  meurtrières  de  Napo^ 
léon  Buona parte,  avec  un  tableau  du 
nombre  d'hommes  qui  ont  péri  pendant 
la  révolution ,  et  les  milliards  partagés 
pour  un  petit  nombre  d'individus  qui 
ont  prêté  tous  les  sermens  depuis  17  89, 
18IG,  2  vol.  in-1 2.  Prudhomme  professe 
dans  cet  ouvrage  le  plus  profond  mépris 
pour  le  gouvernement  de  Buonaparte,  et 
pour  toute  la  noblesse  de  sa  création , 
parmi  laquelle  il  a  reconnu  un  si  grand 
nombre  de  ses  anciens  confrères  les  Snns- 
culottes.  On  lui  attribue  aussi  les  Crimes 
de  la  Convention,  avec  la  liste  des  indi- 
vidus envoyés  à  la  mort  pendant  la  ré- 
volution et  particulièrement  sous  le  ré- 
gime de  la  Convention,  1796,  5  vol. 
in-8. 

•  PRUDHON  f  Pierre-Paul  ),  peintre, 
membre  de  l'Institut  ,  né  le  6  avril  1760 
à  Cluny ,  d'un  maître  maçon  dont  il  était 
le  13*  enfant  ,  perdit  son  père  ,  étant 
encore  en  bas  âge ,  et  fut  élevé  gratuite- 
ment à  la  célèbre  abbaye  de  sa  ville  na- 
tale.    Les  heureuses    dispositions  qu'il 


PRU 

montra  pour  la  peinture  fixèrent  l'atten- 
tion des  moines  qui  sollicitèrent  pour  lui 
la  protection  de  M.  Moreau  ,  évêque  de 
Mâcon.  Ce  prélat  l'envoya  à  l'école  de 
dessin  de  Dijon  ,  sous  Devosges  ,  et  les 
progrès  du  jeune  Prudhon  justifièrent  les 
espérances  qu'il  avait  fait  concevoir  ; 
mais  aussi  l'ardeur  et  la  vivacité  d'une 
imagination  qu'il  ne  chercha  point  à  ré- 
primer le  précipitèrent  dans  des  écarts 
qui  eurent  sur  le  reste  de  sa  vie  une  in- 
fluence bien  funeste  ,  et  le  tinrent  dans 
un  état  de  gêne  qui  l'empêcha  de  se  li- 
vrer à  des  travaux  de  longue  haleine.  A 
peine  âgé  de  18  ans,  et  avant  d'avoir  ob- 
tenu le  prix  de  peinture  fondé  par  les 
Etats  de  Bourgogne,  il  s'était  épris  d'une 
passion  violente  pour  une  femme  qui  ne 
lui  convenait  sous  aucun  rapport.  Cette 
union  mal  assortie  fut  pour  lui  une  source 
de  chagrins  continuels  :  la  dissipation  et 
l'inconduite  de  son  épouse  le  forcèrent  à 
s'en  séparer  par  un  divorce.  Quelque 
temps  après  une  autre  femme,  à  laquelle 
il  donnait  des  leçons  ,  le  fit  encore  re-  ' 
noncer  au  projet  qu'il  avait  formé  de  vi- 
vre dans  la  solitude;  mais  cette  alliance 
cfriminelle  fut  pour  sa  compagne  une 
cause  de  regrets  et  de  remords  :  elle  mit 
fin  à  ses  jours.  Le  chagrin  que  Prudhon 
en  éprouva  le  conduisit  au  tombeau  le 
16  février  1823.  M.  Voyart  a  publié  une 
Notice  sur  sa  vie  et  ses  ouvrages,  Paris, 
Didot  ,  1824  ,  in-8.  Ses  principales  pro- 
ductions sont  :  le  plafond  du  musée ,  re- 
présentant Diane  implorant  Jupiter  ;  le 
crime  poursuivi  par  la  justice  et  In  ven- 
geance céleste  ,  allégorie  ,  où  le  peintr« 
s'est  élevé  très  haut  ,  principalement 
dans  la  partie  poétique  et  morale  de  son 
art.  Ce  tableau,  exposé  au  salon  de  1808, 
a  été  déposé  à  la  galerie  du  Luxembourg, 
et  a  été  gravé  par  M.  Roger.  VEnlève- 
ment  de  Psyché  par  les  zéphyrs ,  exposé 
aussi  au  salon  de  1808,  et  gravé  par  Mul- 
ler  en  1 8 1 7  ;  Zéphire  se  balançant  sur  la 
surface  des  eaux ,  exposé  au  salon  de 
1812.  Il  peignit  aussi  pour  le  salon  de 
1819  une  Assomption  de  la  Ficrge,  qui 
orne  maintenant  l'autel  de  la  chapelle  du 
château  des  Tuileries.  Enfin  sa  dernière 
composition  est  un  Christ  mourant  sur 


PRU 

la  croix,  qui  a  élé  acheté  par  le  ministre 
de  la  maison  du  roi.  On  reproche  à  cet 
artiste  de  l'incorrectiou  dans  le  dessin  et 
une  constante  ressemblance  dans  les  têtes 
de  tous  ses  personnages  ;  mais  il  avait 
toujours  une  couleur  suave  et  brillante  , 
et  un  charme  de  pinceau  que  personne 
ne  peut  lui  contester. 

PRUSIAS,  fils  de  Prusias  le  Boiteux , 
et  petit-fils  de  Ziélas ,  succéda  à  son  père 
dans  le  royaume  de  Bithynie.  Il  était  sur 
le  point  d'entrer  dans  la  ligued'Antiochus 
contre  les  Romains,  auxquels  sa  politique 
l'avait  rendu  redoutable,  lorsque  le  sénat 
l'en  détacha  par  ses  ambassadeurs.  Il 
tourna  ses  armes  contre  Eumène  ,  roi  de 
Pergame,  elle  vainquit  en  plusieurs  oc- 
casions ,  par  l'adresse  et  le  courage  d'An- 
nibal ,  qui  s'était  réfugié  chez  lui.  Il 
ternit  l'éclat  de  ses  victoires  par  l'ingra- 
titude dont  il  paya  celui  qui  les  avait 
remportées.  Les  Romains  lui  ayant  pro- 
posé de  leur  livrer  ce  héros ,  il  était  près 
de  le  faire,  lorsque  Annibal  s'empoisonna, 
lui  épargnant  ce  crime,  1S3  ans  avant 
J.-C.  Ce  lâche  monarque  se  renditàRome 
l'an  167  ,  et  y  fut  reçu  magnifiquement  ; 
mais  ce  fut  par  des  bassesses  d'esclave 
qu'il  obtint  ces  honneurs.  Il  alla  au  devant 
des  députés  envoyés  pour  le  recevoir ,  la 
tête  rasée,  avec  le  bonnet,  l'habit  et  la 
chaussure  des  affranchis.  «  Voici ,  leur 
»  dit-il  ,  un  de  vos  serviteurs,  prêt  à 
»  tout  faire  et  à  tout  entreprendre  pour 
M  vous.  »  Lorsqu'il  parut  devant  le  sénat 
assemblé  ,  il  baisa  le  seuil  de  la  porte. 
De  retour  dans  ses  états,  il  déclara  la 
guerre  à  Altale,  roi  de  Pergame ,  le  vain- 
quit, s'empara  de  la  capitale  de  ses  états, 
et  fut  contraint  par  les  Romains  à  rendre 
tout  et  à  faire  des  réparations  au  vaincu. 
Cette  paix  conclue ,  l'an  3  64  avant  J.  C, 
et  l'extrême  cruauté  de  Prusias,  le  ren- 
dirent l'exécration  et  le  mépris  de  ses 
sujets.  «  Ce  n'était,  dit  un  historien,  par 
»  la  taille  qu'une  mpitié  d'homme,  par 
»  le  courage  qu'une  femme.  »  Les  peu- 
ples révoltés  mirent  sur  le  trône  son  fils 
Nicomède.  Prusias  ,  dès  le  premier  mo- 
ment de  la  révolte  ,  avait  mis  son  espé- 
rance dans  les  Romains;  mais  ,  désespéré 
de  ce  qu'ils  n'envoyaient  que  des-ambas- 


PRY  i35 

sadeurs  au  lieu  de  soldats  ,  il  s'enfuit  à 
Nicomédie  ,  où  il  fut  tué  près  de  l'autel 
de  Jupiter,  l'an  148  avant  l'ère  chré- 
tienne :  ce  fut  son  fils  lui-même  ,  si  l'on 
en  croit  Tite-Live. 

PRYNN  ou  pRyNNE  (  Guillaume  ) ,  ju- 
risconsulte anglais,  naquit  en  1600  à 
Swanswick  dans  le  comté  de  Sommerset. 
Il  s'éleva  avec  violence  contre  les  épisco- 
paux  ,  dans  un  écrit  intitulé  :  Du  viole- 
ment  du  sabbat  et  de  Ve'tat  des  e'vêques. 
{  Cet  écrit  qui  lui  valut  une  condamna- 
tion humiliante  lui  suscita  beaucoup 
d'ennemis,  qui  n'attendaient  qu'une  oc- 
casion pour  le  perdre.  Elle  arriva  en  1 663, 
lorsqu'il  publia  V Histrio-mastix  ou  le 
Fouet  des  Come'diefis ,  oîi  il  s'élevait 
contre  les  femmes  qui  se  livrent  au  théâ- 
tre. La  reine  venait  de  jouer  dans  une 
pièce  ,  et  devant  la  cour  ;  l'on  persuada 
au  roi  que  Prynn  avait  voulu  insulter  la 
reine  dans  son  ouvrage,  et  il  fut  sur-le- 
champ  condamné  à  payer  une  amende 
de  5000  livres,  à  sortir  de  l'université,  à 
être  attaché  au  pilori  en  deux  endroits 
différens,  en  perdant  une  oreille  à  cha- 
que station  ,  et  à  une  prison  perpétuelle. 
A  la  révolution  de  1640  ,  sousCharlesP"^, 
il  sortit  de  prison.  )  La  persécution  qu'il 
avait  soufferte  le  fit  regarder  par  les  pu- 
ritains comme  un  martyr  de  la  bonne 
cause.  On  le  choisit  pour  être  un  des  mem- 
bres de  la  chambre  des  communes ,  dans 
le  parlement  assemblé  contre  le  roi. 
(  Prynn  insista  pour  qu'on  acceptât  les 
propositions  de  Charles  I" ,  et  fut  mis 
eu  prison.  )  ily  composa  un  petit  livre 
pour  détourner  le  parlement  de  faire  le 
procès  au  roi.  Il  fut  poursuivi  sous  Crom- 
well,  et  mourut  en  1609,  à  09  ans.  Outre 
l'ouvrage  dont  nous  avons  parlé ,  et  qui 
se  trouve  dans  le  Sylloge  variorum  trac- 
<«/««m,imprimé  en  1049,  on  a  de  Prynn: 
1°  la  Fie  des  rois  Jean  II,  Henri  III  et 
Edouard  /" ,  in-fol.,  en  anglais.  Il  y 
défend  le  pouvoir  suprême  des  rois, 
après  l'avoir  attaqué  long-temps.  T  His- 
toire de  Guillaume Laud,  archevêque  de 
Cantorbéry,  in-fol.  en  anglais;  3°  ^nti- 
quœ  constitutioncs  rcgni  anglici  sub 
Joanne  II,  Ilenrico  III  et  Eduardo  I, 
circa    jurisdiclionem     ecclesiasticam , 


i36  PSA 

Londres,  1C72,  2  vol.  în-fol.  recueil  qui 
n'est  pas  commun;  4°  plu  sieurs  ouvrages 
de  théologie  et  de  controverse,  où  il  y  a 
quelque  érudition  et  peu  de  jugement. 
Voltaire  traite  assez  mal  cet  auteur. 

PRZIBRAM  .(  Jean  ) ,  pasteur  de  la 
paroisse  de  Saint-Gilles  de  Prague,  et 
professeur  en  théologie  de  cette  ville, 
mort  l'an  1447,  eut  un  grand  crédit  par- 
mi les  hussites.  Ayant  abjuré  leurs  er- 
reurs, il  écrivit  contre  eux  un  Traité; 
mais  dans  la  Profession  de  Fot  qu'il  dres- 
sa depuis  sur  la  Trinité  ,  à  la  tête  de  l'u- 
niversité ,  il  montra  que,  pour  avoir  ab- 
juré le  hussitisme,  il  n'eu  était  pas  plus 
catholique ,  et  qu'il  n'avait  paru  quitter 
ses  erreurs  que  pour  les  reprendre.  On 
trouve  ses  ouvrages  dans  V Histoire  des 
hussites,  de  Cochlée. 

PRZIPCOYIUS  (  Samuel  ) ,  l'un  des 
plus  ardens  défenseurs  du  socinianisme, 
fut  chassé  de  Pologne  avec  les  unitaires  en 
1658,  et  se  réfugia  chez  l'élecleurdeBran - 
debourg ,  qui  le  mit  au  rang  de  ses  conseil- 
lers. Il  a  laissé  en  faveur  de  sa  secte  un 
grand  nombre  d'ouvrages,  dont  quelques- 
uns  ont  été  imprimés  dansla  Bibliothèque 
des  frères  Polonais ,  1 656,  9  vol.  in-fol. 
11  termina  sa  cairière  en  Prusse,  en  1670, 
à  80  ans. 

PSALMANASAR  (Georges  ) ,  impos- 
teur, né  dans  la  France  méridionale, 
se  fit  passer  pour  Japonais  converti  au 
christianisme,  parcourut  une  partie  de 
l'Europe  en  mentant  et  trompant  les  cu- 
rieux. Son  fameux  roman  intitulé  :  Bela- 
tion  de  l'île  de  Formose ,  partagea  les 
esprits  pendant  un  temps,  et  on  en  fit  des 
éditions  en  diverses  langues.  Il  finit  par 
se  mettre  à  compiler,  et  se  rangea  parmi 
les  rédacteurs  de  ['Histoire  universelle , 
en  38  vol.  in-4 ,  ouvrage  informe,  qui 
n'a  pu  être  accueilli  que  dans  un  siècle 
de  frivolité  et  d'insouciance  pour  toutes 
sortes  de  vérités  (  voyez  Journ.  hist.  et 
litt.  15  janvier  1781  ,  p.  ^3  ).  Il  mou- 
rut à  Londres  en  1705  ,  âgé  d'environ  65 
ans;  et  laissa  un  manuscrit  pour  être  pu- 
blié après  sa  mort  ;  c'est  V Histoire  de  sa 
•vie ,  écrite  en  anglais ,  et  imprimée  à 
Londres  en  1764  ,  in-8. 

PSAMMENIT  fat  le  479»  et  dernier 


PSA 

roi  d'Egypte  de  la  dynastie  des  Séiles , 
la  26*  des  races  royales  qui  gouvernèrent 
ce  pays.  Psamménit  monta  ,  dit-on  ,  sur 
le  trône  après  Amasis,  son  père,  vers^ 
l'an  526  avant  J.  C.  Cambyse  lui  déclara 
la  guerre ,  et  l'attaqua  devant  Péluse,  mit 
son  armée  en  fuite,  et  s'empara  de  la  ville. 
Le  vainqueur,  profitant  de  la  superstition 
des  Egyptiens,  avait  mis  à  la  tête  de  son 
arméeles  animaux  que  ce  peuple  honorait 
comme  ses  dieux  ;  ce  qui  empêcha  les 
Egyptiens  de  se  défendre  comme  ils  au- 
raient pu.  (  Le  roi  d'Egyple  fut  envoyé 
à  Suse,  après  avoir  vu  égorger  sa  femme 
et  ses  enfans ,  et  mourut  ensuite  empoi- 
sonné par  ordre  de  Cambyse,  qui  l'ac- 
cusait d'avoir  voulu  soulever  les  Egyp- 
tiens. )  Psamménit  est  le  seul  des  an- 
ciens rois  d'Egyple  sur  lequel  l'histoire 
profane  nous  apprend  quelque  chose  de 
positif.  Tout  ce  qui  précède ,  dans  Héro- 
dote ,  n'est  que  mêlé  de  fables.  On  pré- 
tend même  que  cet  Amasis  qu'on  lui  don- 
ne pour  père  est  le  roi  d'Assyrie  Nabucho- 
donosor  (  voyez  ce  nom  ).  Après  Psam- 
ménit, l'Egypte  est  resiée  aux  rois  de 
Perse  jusqu'à  Alexandre  le  Grand. 

PSAMMITIQUE,  roi  d'Egyple,  né 
à  Sais,  capitale  de  la  Basse-Egypte,  était 
fils  de  Bocchoris,  qui  fut  tué  par  Saba- 
cos,  roi  d'Ethiopie,  lorsque  celui-ci 
s'empara  de  l'Egypte.  (  L'Egypte  avait 
alors  douze  rois  (  l'an  667  avant  J.  C.  }. 
Psammilique  ouvrit  ses  étais  aux  Grecs, 
qui  l'aidèrent  à  triompher  de  ses  rivaux, 
et  il  demeura  seul  souverain  de  l'Egyp- 
te. )  Tout  ce  qu'on  en  a  raconté  appar- 
tient aux  temps  fabuleux,  ainsi  que 
l'histoire  de  Sabacos,  par  lequel  ou  le 
fait  tuer.  Voyez  Sabacos. 

PSAPHOIN  ,  Lybien  ,  qui ,  voulant  se 
faire  reconnaître  comme  dieu,  amassa  un 
grand  nombre  d'oiseaux.  Il  leur  apprit  à 
répéter  ces  mots  Psaphon  est  un  grand 
dieu.  Quand  il  les  crut  assez  instruits,  il 
les  lâcha  sur  des  montagnes,  qu'ils  firent 
retentir  de  ces  mêmes  mots.  Les  habitans 
de  la  Libye,  frappés  de  ce  prétendu  pro- 
dige, regardèrent  Psaphon  comme  un 
dieu,  et  lui  décernèrent  les  honneurs 
divins. 

PSEATJME  (  Nicolas  ) ,  en  latin  Psal- 


r 


PTO 

meus,  iîls  d'un  simple  laboureur  de  Cbau- 
mont-sur-Aire ,  village  du  diocèse  de 
Verdun  ,  dut  son  éducation  à  un  de  ses 
.  oncles,  abbé  de  Saint-Paul  de  Verdun,  qui 
réleva  avec  soin ,  et  lui  résigna  son  ab- 
baye en  1538.Ilsefitprémontré  en  1640, 
et  l'année  d'après  il  fut  fait  docteur  de 
Sorbonne.  Il  fut  pourvu  de  l'évèchéde 
Verdun  en  1548,  par  la  résignation  que 
lui  en  fit  le  cardinal  Jean  de  Lorraine. 
Il  assista  en  cette  qualité  au  concile  de 
Trente ,  et  s'y  signala  par  son  éloquence. 
On  a  de  lui  :  1  °  un  Journal  de  ce  qui  s'est 
fait  au  concile  de  Trente  :  ouvrage  cu- 
rieux ,  qui  a  été  donné  au  public  par  le 
Père  Hugo,  prémontré,  dans  son  recueil 
intitulé  :  Sacrœ  antiquitatis  Monumen- 
ta  ;  2°  un  écrit  intitulé  :  Préservatif  con- 
tre le  changement  de  religion ,  Verdun  , 
1563,  in-8  :  ouvrage  qui  conserva  à  l'E- 
glise quelques-uns  de  ses  enfans  ,  dispo- 
sés à  s'en  séparer.  Pseaume  mourut  le  10 
août  1675,  dans  sa  ville  épiscopale,  em- 
portant avec  lui  les  regrets  de  ses  ouail- 
les. 

PSELLUS  (  Micbel  ),  auteur  grec,  sous 
le  règne  de  l'empereur  Constantin  Ducas, 
qui  le  fit  précepteur  de  son  fils  Michel  Pa- 
rapinace,  laissa  quelques  ouvrages  :  \° De 
quatuor  matliematicis ,  Bâle,  1 556,  in-8  ; 
2°  De  Lapidum  virtutibus,  grec  et  latin , 
avec  les  notes  de  Philippe-Jacques  Maus- 
sac  et  de  Jean-Etienne  Bernard,  Toulouse, 
1615,  in-8;  Leyde,  1745,  in-8  ;  3°  Z?eo/7e- 
ratione  dœmonum  ,  grec  et  latin ,  Paris, 
1623,  in-8  ;  Kiell  ,  1688,in-12  ;  et  dans 
la  Bibliothèque  des  Pères.  Ce  traité  a 
été  traduit  en  français  par  Gaulmin.  4° 
De  victus  ratione  libri  duo ,  Bâle  ,  1 529  , 
in-8,  traduitpar  Georges  Valla;  5"  Synop- 
sis legum  versibus  grœcis  édita,  cum 
latina  interpretatione  Fr.  Bosqueti, 
Paris,  1632,  in-8.  Psallus  fut  enveloppé 
dans  la  disgrâce  de  Jlichel  Parapinace , 
qui  fut  détrôné  par  ^■icéphore  Botoniate 
en  1078.  On  le  dépouilla  de  ses  biens,  et 
on  le  relégua  dans  un  monastère  ,  oii  il 
mourut  la  même  année. 

PTOLÉMÉEjLAGDS  ou  Soter  roi 
d'Egypte.  (Il  fut  le  fondateur  de  la  dynas- 
tie macédonienne  qui  rétablit  la  monar- 
chie égyptienne  détruite  par  Cambyse. 


PTO  i37 

Voyez  Psamménit .  (  Il  naquit  l'an  360 
avant  J.C,  et  étaitfils  d'Ârsinoé,  concu- 
bine de  Philippe  de  Macédoine.  Ce  prince 
la  maria ,  dès  qu'elle  fut  enceinte ,  J» 
Lagus  ,  homme  de  basse  extraction  ,  qui 
fut  depuis  l'un  des  gardes  d'Alexandre  le 
Grand.  Plolémée ,  élevé  à  la  cour  de  ce 
conquérant,  devinll'un  de  ses  plus  inti- 
mes favoris,  et  eut  grande  part  à  ses  con- 
quêtes. Après  la  mort  d'Alexandre,  Ptolé- 
mée  eut  l'Egypte  en  partage,  dans  la  dis- 
tribution qui  fut  faite  de  ses  états,  l'an 
325  avant  J.  G.  Quoiqu'il  ne  prît  point 
encore  le  titre  de  roi,  c'est  toutefois  de 
ce  temps  qu'il  faut  compter  les  années 
de  l'empire  des  nouveaux  rois  d'Egypte 
surnommés  Lagides.  Le  premier  soin  de 
Ptolémée  fut  de  profiter  des  troubles  de 
Cyrénaïque  en  Libye  pour  s'en  rendre 
Maître.  Perdicas  ,  régent  du  royaume  de 
Macédoine ,  se  préparait  à  marcher  con- 
tre lui  ;  mais  la  réputation  que  Ptolé- 
mée s'était  faite  par  sa  douceur ,  son 
équité ,  sa  sagesse  et  sa  modération,  attira 
beaucoup  de  monde  dans  son  parti.  Per- 
dicas fut  vaincu,  et  massacré  par  sa  pro- 
pre armée  ,  qui  offrit  la  régence  de  l'em- 
pire à  son  rival.  Ptolémée  refusa  ce  titre, 
qu'il  regardait  comme  plus  dangereux 
qu'utile  à  ses  intérêts.  Pour  s'assurer  la 
possession  de  l'Egypte  par  la  conquête 
des  provinces  voisines,  il  se  rendit  maître 
de  la  Célésyrie  et  de  la  Phénicie  par  ses 
généraux,  entra  dans  la  Judée  ,  prit  Jé- 
rusalem ,  et  emmena  plus  de  100,  000 
captifs  en  Egypte ,  du  nombre  desquels 
il  choisit  30  ,  000^ ,  à  qui  il  donna  la 
garde  des  places  les  plus  importantes  de 
ses  états.  Il  invita  aussi  les  Juifs  à  venir 
s'établir  dans  Alexandrie ,  pour  achever 
de  la  peupler,  et  il  leur  accorda  le  droit 
de  bourgeoisie.  Ptolémée  passa  ensuite 
dans  l'île  de  Chypre ,  et  s'en  rendit  maî- 
tre. De  là  il  alla  mettre  le  siège  devant 
Gaza ,  défendue  par  Démétrius ,  sur  le- 
quel il  remporta  une  victoire  signalée. 
Le  vainqueur  ,  non  seulement  donna  au 
vaincu  la  permission  de  faire  enterrer  ses 
morts ,  mais  il  ne  garda  aucun  prison- 
nier ,  et  lui  renvoya  tous  ses  bagages  sans 
rançon.  Cette  victoire  mit  Plolémée  en 
possession  de  la  Phénicie  et  de  la  Syrie 
i8. 


i38 


PTO 


Tyr  et  Sidon  rentrèrent  sous  ton  obéis- 
sance. Cependant  Démétriuslève/lenou- 
Tclles  troupes ,  et ,  de  concert  avec  son 
père  Antigone,  il  porte  la  guerre  en 
Egypte,  qu'il  fui  forcé  d'abandonner. 
Désespéré  d'avoir  manqué  son  coup  ,  il 
assiégea  Rhodes, que  Plolémée  secourut. 
Les  Kbodiens,  pénétrés  de  reconnaissance, 
donnèrent  à  leur  libérateur  le  surnom  de 
Soter  ou  de  Sauveur.  Après  plusieurs  au- 
tres tentatives  de  Démétrius  ,  Plolémée 
resta  paisible  possesseur  d'un  grand  nom- 
bre d'états,  et  nomma  pour  son  successeur 
Plolémée  Philadelphe ,  qu'il  plaça  lui- 
même  sur  le  trône.  Il  mourut  quelque 
tempsaprès,  l'an  285  avant  J.  C,  à  7  5  ans, 
après  en  avoir  régné  40.  Ce  roi  avait  établi 
à  Alexandrie  une  académie  appelée  ie  mu- 
sc'on;  modèle  ou  cause  occasionelle  des 
académies  qui  se  sont  successivement 
formées  en  divers  pays ,  et  dont  l'Europe 
est  aujourd'hui  couverte  :  dans  l'état  de 
dégradation  oii  sont  les  sciences ,  ce  sont 
autant  de  foyers  d'ignorance  et  de  sottise, 
qui  ne  tendent  qu'à  la  subversion  des 
idées  saines.  Sous  le  règne  de  ce  prince, 
fut  élevée  la  fameuse  tour  du  fanal  de 
l'île  de  Pharos,  mise  au  nombre  des  sept 
merveilles  du  monde.  Cette  tour  était 
construite  de  marbre  blanc  ,  ou  ,  selon 
Pline ,  de  pierres  blanches ,  et  l'on  y  en- 
tretenait continuellement  du  feu  pour 
servir  de  guide  aux  matelots. 

PTOLÉMÉE  II  ou  PHILADELPHE , 
fils  du  précédent,né  dans  l'île  de  Cos,  vers 
l'an  309  avant  J.  C. ,  succéda  .l'an  285 
avant  J  C,  à  son  père  ,  qui  de  son  vi- 
vant l'avait  déjà  associé  à  l'empire.  H  fut 
surnommé  Philadelphe ,  amateur  de  son 
frère ,  par  antiphrase  ou  contre-vérité , 
parce  qu'il  en  avait  fait  mourir  deux.  Plo- 
lémée chercha  l'amitié  des  Romains,  qui 
lui  envoyèrent  des  ambassadeurs  pour 
conclure  un  traité  d'alliance  11  distribua 
à  chacun  des  députés  une  couronne  d'or; 
ils  en  ornèrent  ses  statues.  Flatté  de  cette 
politesse  généreuse  ,  Philadelphe  leur  fit 
de  magnifiques  présens,  qu'ils  portèrent 
au  trésor  public ,  à  leur  retour  à  Rome. 
Cependant  il  s'élevait  plusieurs  rebelles 
en  Egypte.  Mages, son  frère  utérin,  tra- 
ma une  conspiration  contre   lui  ;  mais 


PTO 

elle  fut  bientôt  éteinte  par  la  mort  du 
coupable.  Quatre  mille  Gaulois  médi- 
taient la  conquête  de  l'Egypte.  Ptolémée 
sut  conduire  les  conjurés  dans  une  île  du 
Nil  oîi  ces  barbares ,  investis  de  tous  cô- 
tés ,  périrent  par  leur  propre  fureur  ou 
par  la  faim.  Tranquille  après  ces  agita- 
tions passagères,  il  travailla  à  attirer  dans 
son  royaume  le  commerce  maritime. 
Dans  ce  dessein ,  il  bâtit ,  sur  la  côte  occi- 
dentale de  la  mer  Rouge  ,  une  ville  à 
laquelle  il  donna  le  nom  de  sa  mère  Be- 
re'nice;  mais  ce  port  n'étant  pas  commo- 
de, on  se  servait  de  celui  de  Myros-Hor- 
mos,  qui  n'en  était  pas  éloigné.  C'était 
là  que  venaient  aborder  les  richesses  de 
l'Arabie ,  de  l'Inde ,  de  la  Perse  et  de 
l'Ethiopie  ;et,  pour  faciliter  les  transports 
des  marchandises,  on  construisit  un  ca- 
nal ,  depuis  le  Nil ,  dont  il  tirait  ses  eaux, 
jusqu'au  port  de  Myros-Hormos.  Plolé- 
mée fit  équiper  deux  flottes,  l'une  dans 
la  mer  Rouge,  et  l'autre  dans  la  Mé- 
diterranée ,  et  par  ce  moyen  ,  il  s'assura 
tout  le  commerce  du  levant  et  du  cou- 
chant. Antiochus  Theos ,  ou  le  Dieu  ,  roi 
de  Syrie  ,  marcha  contre  Ptolémée,  avec 
toutes  les  forces  de  Babylone  et  de  l'O- 
rient ;  mais  les  troubles  élevés  dans  ses 
états  le  forcèrent  à  faire  la  paix.  Les  con- 
ditions du  traité  furent,  que  le  roi  de 
Syrie  répudierait  Laodice ,  sa  femme  et  sa 
sœur  ;  qu'il  épouserait  Bérénice  ,  fille  de 
Plolémée  ,  et  que  déshéritant  les  enfans 
du  premier  lit,  il  assurerait  la  couronne 
à  ceux  qui  naîtraient  de  ce  mariage. 
Conditions  barbares  et  contre  la  nature, 
qui  prouvent,  autant  que  l'assassinat  de 
ses  frères,  que  Ptolémée,  pour  aimer  les 
sciences,  n'en  était  ni  plus  juste  ni  plus 
humain.  L'alliance  des  deux  rois  fut 
conclue  à  ces  conditions  ,  et  Ptolémée  , 
malgré  son  grand  âge  et  ses  infirmités , 
conduisit  lui-même  la  princesse  jusqu'à 
Séleucie ,  port  de  mer  proche  l'embou- 
chure de  l'Oronte ,  rivière  de  Syrie,  où 
Antiochus  la  vint  recevoir.  Ptolémée,  dans 
le  séjour  qu'il  fit  en  Syrie ,  fut  frappé 
d'admiration  pour  une  statue  de  Diane , 
et  l'obtint  d' Antiochus  ;  mais  à  peine 
cette  statue  fut-elle  transportée  à  Aleian- 
drie,  qu'Arsinoé  ,  femme  de  Ptolémée, 


I 


PTO 

tomba  malade.  Cette  rciue  crut  voir  en 
songe  Diane  elle-même,  qui  se  plaignait 
d'avoir  été  ainsi  enlevée  de  son  temple. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  rêve ,  il  est  cer- 
tain ,  par  une  multitude  d'exemples ,  que 
Dieu  réprouve  la  violation  des  temples, 
même  païens  ,  faite  par  ceux  qui  n'ont 
pas  d'autre  culte ,  parce  que  c'est  une  in- 
sulte fuite  à  la  religion  en  général ,  et 
l'eflet  de  l'impiété  est  partout  détesta- 
ble. [Voyez  Brennus.)  «  J'ai  vu,  dit  un 
»  auteur  de  ce  siècle,  des  chrétiens  se 
»  scandaliser  de  ces  observations;  comme 
»  si  Dieu,  disaient-ils ,  s'intéressait  aux 
»  idoles  et  aux  cultes  superstitieux. 
i>  Mais  il  s'intéresse  moins  encore  à  une 
»  impiété  absolue,  le  plus  funeste  com- 
»  me  le  plus  punissable  des  crimes.  Dé- 
X  molir  des  pagodes ,  pour  élever  sur 
w  leurs  débris  des  temples  au  vrai  Dieu , 
«  c'est  la  plus  sainte  des  œuvres  :  mais 
»  attaquer  les  faux  cultes  parce  qu'on 
>i  n'en  veut  aucun  ,  c'est  la  disposition 
)'  d'esprit  la  plus  détestable.  Aussi  tou- 
«  tes  les  histoires  sont-elles  remplies  d'é- 
"  vénemensqui  châtient  l'impiété,  quel 
»  qu'en  soit  l'objet.  Voyez  le  traité  de 
»  Sacrilegiorum  vindictis  et  pœnis ,  ex 
»  christianis  et  gentilibus  historicis  col- 
»  lectus ,  qui  peut  servir  de  pendant  à 
»  celui  de  Spelman.  »  Le  roi ,  voulant 
guérir  l'esprit  inquiet  de  la  reine  ,  ren- 
voya la  statue  en  Syrie.  La  mort  de  cette 
princesse,  arrivée  peu  de  temps  après, 
accabla  Plolémée  de  douleur  :  ce  monar- 
que l'avait  aimée  constamment.  ]l  donna 
son  nom  à  plusieurs  villes  qu'il  fitbâtir, 
et  lui  rendit,  après  sa  mort,  tous  les 
honneurs  qu'il  put  imaginer.  Il  avait, 
entre  autres ,  formé  le  projet  d'élever  à 
sa  mémoi,re  un  temple ,  dont  la  voûte 
devait  être  revêtue  de  pierres  d'aimant , 
pour  y  tenir  la  statue  d'Arsinoé  suspen- 
due en  l'air  ;  mais  la  mort  de  Dinocrate, 
fameux  architecte ,  qui  avait  donné  le 
dessin  de  ce  temple ,  empêcha  l'exécu- 
tion de  ce  projet  ridicule  et  insensé.  Pto- 
lémée  Philadelphe  ne  survécut  pas  long- 
temps à  Arsinoé  ;  il  mourut  dans  la  64" 
année  de  son  âge  ,  et  l'an  246  avant  J.  C. 
Ce  prince  enrichit  la  bibliothèque  d'A- 
lexandrie des  livres  les  plus  rares  et  les 


PTO  139 

plus  curieux  qu'il  put  trouver  dans  tou- 
tes les  parties  du  monde  connu.  Lorsqu'il 
mourut,  elle  était  composée  de  200,000 
volumes  ,  et  ses  successeurs  l'augmen- 
tèrent jusqu'au  nombre  de  700,  000. 
[Voyez  DÉMÉTRius  de  Phalère.  )  «  Il  ne 
"faut  pas  croire,  au  reste,»  dit  un 
auteur  moderne ,  «  que  cette  fameuse 
»  bibliothèque  surpassât  celles  de  l'em- 
)'  pereur  à  Vienne  ,  et  du  roi  de  France , 
«  qui  n'ont  que  300,000  volumes,  ni 
»  même  la  plupart  de  nos  bibliothèques 
»  un  peu  considérables.  Ces  volumes 
»  étaient  des  rouleaux  qui  contenaient 
»  très  peu  de  choses.  Un  ouvrage  divisé 
»  en  50  livres  donnait  autant  de  rou- 
j>  leaux  ,  et  ces  livres,  comme  l'on  sait, 
»  n'avaient  jamais  beaucoup  d'étendue; 
»  on  en  peut  réduire  cent  et  plus  en  un 
»  de  nos  in-folio^  Il  faut  observer  encore 
«  que  tous  ces  livres  étaient  écrits  à  la 
»  main  ,  et  ne  pouvaient  concentrer  dans 
»  le  même  espace  autant  de  choses  que 
u  des  livres  imprimés  ,  et  enfin  qu'ils 
j>  n'étaient  écrits  que  d'un  côté,  comme 
«  encore  aujourd'hui  les  livres  chinois  ; 
u  c'est  pour  cela  que  saint  Jean  parle , 
«  comme  d'un  livre  extraordinaire,  de 
»  celui  qui  était  scriptus  intus  et  fo- 
»  ris.  »  On  sait  que  c'est  Ptolémée  Phila- 
delphe qui  a  fait  traduire  en  grec  les  li- 
vres sacrés  des  Juifs  ;  et  c'est  sans  doute 
la  plus  sage  et  la  plus  utile  des  opéra- 
tions faites  sous  son  règne.  Voyez  Aris- 

TÉE ,  ÉlÉAZAR  ,  MaSCLEF. 

PTOLÉMÉE  m  ou  ÉVERGÈTE,  le 
Bienfaisant ,  fils  et  successeur  du  précé- 
dent, monta  sur  le  trône  246  ans  avant 
J.  C.  Il  entreprit  de  venger  la  mort  de 
Bérénice  sa  sœur ,  mariée  à  Antiochus  le 
Dieu.  Il  se  rendit  maître  de  la  Syrie  et 
de  la  Cilicie,  passa  l'Euphrate  et  soumit 
tout  jusqu'au  Tigre.  Il  était  sur  le  point 
de  faire  d'autres  conquêtes  ,  lorsqu'une 
révolte  l'obligea  de  revenir  dans  sesétats. 
Le  vainqueur  emporta  avec  lui  des  ri- 
chesses immenses,  et  plus  de  2500  sta- 
tues ,  dont  la  plus  grande  partie  avaitété 
enlevée  dans  les  temples  d'Egypte  ,  lors- 
que Cambyse  en  avait  fait  la  conquête. 
Les  Egyptiens ,  charmés  de  revoir  leurs 
dieux,  depuis  long-temps   captifs  chez 


i4o  PTO 

une  nation  étrangère,  lui  donnèrent 
par  reconnaissance  le  nom  à' E vergeté  , 
c'est'à-dire  Bienfaisant.  Il  eut  ensuite 
un  démêlé  avec  les  Juifs.  La  fin  du  rè- 
gne de  Ptolémée  fournit  peu  d'événe- 
mens.  Ce  prince,  profitant  des  douceurs 
de  la  paix,  s'occupa  à  faire  fleurir  les 
sciences  ,  et  à  augmenter  la  fameuse  bi- 
bliothèque d'Alexandrie.  Il  mourut  l'an 
221  avant  J.  C.  après  un  règne  de  27  ans. 
Voyez  On  us  II. 

PTOLÉMÉE  IV  ou  PHILOPATORI, 
roi  d'Egypte,  ainsi  nommé  par  déri- 
sion ,  parce  qu'on  l'accusa  d'avoir  em- 
poisonné Ptolémée-Evergète ,  son  père  , 
auquel  il  succéda  l'an  221  avant  J.  C.  , 
fut  un  monstre  de  cruauté.  Il  se  défit  de 
sa  mère ,  de  son  frère  ,  de  sa  sœur  et  de 
sa  femme.  Adonné  aux  passions  les  plus 
brutales ,  il  fit  régner  *'  ec  lui  la  licence 
et  la  débauche  ;  ce  qui  lui  fit  donner  le 
surnom  mérité  de  Tryphon.  Antiochusle 
Grand,  roi  de  Syrie,  lui  ayant  déclaré 
la  guerre ,  Ptolémée  marcha  contre  son 
agresseur  à  la  tête  d'une  puissante  ar- 
mée ,  et  alla  camper  dans  les  plaines  de 
Raphia.  Théodote,  officier  du  monarque 
syrien,  voulant  terminer  la  guerre  par 
uncoup  hardi,  pénètre  dans  le  camp  des 
Egyptiens  ,  entre  dans  la  tente  de  Ptolé- 
mée ,  tue  son  médecin,  qu'il  prend  pour 
ce  prince.  Cette  hardiesse  hâta  la  ba- 
taille. Antiochus  fut  vaincu,  et  obtint  la 
paix;  mais  sa  défaite  fit  rentrer  la  Cc- 
lésyrie  et  la  Palestine  sous  la  domination 
de  Ptolémée.  Le  vainqueur  parcourut 
alors  les  provinces  conquises  par  ses  ar- 
mes. Il  entra  dans  Jérusalem  et  alla  au 
temple;  mais  voulant  pénéti'Cr  jusque 
dans  le  sanctuaire,  malgré  l'opposition 
des  Juifs,  il  fut  arrêté  par  la  main  de 
Dieu.  De  retour  en  Egypte,  il  voulut  se 
venger  de  cet  affront.  Il  ordonna  qu'on 
exposât  un  grand  nombre  de  Juifs  dans 
la  placé  destinée  à  la  course  des  éléphans, 
pour  lesfaire  écraser  sous  les  piedsde  ces 
animaux ,  qui  tournèrent  leur  fureur  con- 
tre les  spectateurs.  Ce  prodige  calma  la 
colère  de  Ptolémée,  et  depuis  il  combla  la 
nation  juive  de  bienfaits.  Il  signala  en- 
suite sa  magnificence  envers  les  Rho- 
dicns  ,  désolés  par  un  horrible  tremblc- 


PTO 

meut  de  terre.  Les  dernières  années  de 
son  règne  furent  marquées  par  une 
ambassade  de  la  part  des  Athéniens ,  et 
par  le  renouvellement  de  l'alliance  avec 
les  Romains.  Il  mourut  l'an  204  avant 
J.  C. ,  usé  de  débauches  et  comblé  de 
malédictions,  après" un  règne  licencieux 
et  cruel  de  17  ans.  Les  femmes  tinrent 
le  sceptre  pendant  tout  ce  règne ,  et  l'é- 
tat n'en  fut  pas  gouverné  avec  plus  de 
douceur. 

PTOLÉMÉE  V  ou  ÉPIPHANES  , 
monta  sur  le  trône  d'Egypte  à  l'âge  de  4 
ans ,  après  la  mort  de  son  père,  Ptolémée- 
Philopator  ,  l'an  204  avant  J.  C.  Il  fut  en 
danger  d'être  mis  à  mort  durant  sa  mino- 
rité, par  ceux  qui  avaient  le  soin  de  sa  tu- 
telle, etfbt  redevable  de  sa  couronne  à  la 
fidélité  de  ses  sujets  et  à  la  protection  des 
Romains;  car  Antiochus  le  Grand  ,  vou- 
lant profiter  de  la  faiblesse  de  l'âge  de  ce 
prince  pour  s'emparer  de  ses  états  ,  enva- 
hit la  Syrie  et  la  Palestine  ,  que  les  géné- 
raux de  Ptolémée  reprirent  quelque 
temps  après.  Mais  l'année  suivante  le  roi 
de  Syrie,  ayant  battu  l'armée  des  Egyp- 
tiens ,  conquit  de  nouveau  la  Célésyrie 
et  la  Palestine.  Les  Juifs,  s'empressaut  de 
lui  porter  les  clefs  de  leurs  villes,  l'aidé-' 
rent  encore  à  chasser  les  garnisons  des 
Egyptiens.  Ils  lui  demeurèrent  attachés,  ' 
jusqu'à  ce  qu'ils  retournèrent  sous  l'o- 
béissance du  roi  d'Egypte,  par  le  mariage 
de  ce  prince- avec  Cléopàtre  ,  fille  d'An- 
tiochus,  qui  céda  les  deux  provinces  con- 
testées pour  la  dot  de  la  princesse.  Pto- 
lémée ,  ayant  été  déclaré  majeur  ,  fut 
placé  sur  le  trône  avec  beaucoup  de  ma- 
gnificence ,  et  honoré  du  surnom  à'Epi- 
phanes ,  c'est-à-dire  Illustre  ,  surnom 
qu'il  ne  mérita  pas  I5ng-temps.  Dès  qu'il 
fut  maître  ,  il  s'abandonna  aux  dérégle- 
mens  les  plus  infâmes.  A  des  rois  corrom- 
pus il  faut  des  ministres  qui  leur  res- 
semblent. Aristomène  ,  son  tuteur  ,  son 
conseil  et  son  soutien  ,  homme  d'un  es- 
prit éclairé  ,  d'une  âme  pleine  de  no- 
blesse ,  fut  empoisonné  par  ses  ordres. 
L'Egypte  ne  fut  plus  qu'un  chaos.  L'hu- 
meur féroce  du  roi  souleva  plusieurs  vil- 
les. Celle  deLycopolis  éclata  la  première, 
et  fut  forcée  de  se  rendre.  Ptolémée  char- 


PTO 

gea  Poljciate  ,  grand  ministre  el  grand 
général ,  de  réduire  les  antres  rebel- 
les, et  ee  héros  les  eut  bientôt  fait 
rentrer  dans  le  devoir.  Quatre  des 
principaux  conjurés  furent  chargés  d'al- 
ler renouveler  à  Alexandrie  leur  serment 
de  fidélité.  Le  roi  avait  promis  de  leur 
pardonner  ;  mais  à  peine  furent-ils  arri- 
vés ,  qu'il  les  fit  attacher  nus  à  son  char, 
et  après  les  avoir  traînés  dans  toute  la 
ville ,  il  les  envoya  au  supplice.  Ce  mons- 
tre ne  survécut  pas  long-temps  à  cette 
barbarie.  Comme  il  avait  le  dessein  de 
faire  la  guerre  au  roi  de  Syrie  ,  on  lui 
demanda  oii  il  prendrait  l'argent  néces- 
saire pour  cette  expédition  ?  il  répondit 
que  SCS  amis  étaient  son  argent.  Les 
principaux  de  la  cour  conclurent  ,  de 
cette  réponse  ambiguë  ,  que  le  roi  en 
voulait  à  leurs  biens  et  même  à  leurs  per- 
sonnes ,  et  ils  le  firent  empoisonner  l'an 
180  avant  J.  C.  ,  la  28*  année  de  sa  vie, 
et  la  24*  de  son  règne. 

PÏOLÉMÉE  \I  ou  PHILOMÉTOR  , 
ainsi  nommé  par  ironie  ,  parce  qu'il  dé- 
testait Cléopàtre  ,  sa  mère  ,  monta  sur  le 
trône  d'Egypte  après  la  mort  de  Ptoléraée- 
.  Epiphanes,  son  père,  l'an  180  avant  J.  C. 
C'est  sous  le  règne  de  ce  prince  que 
fût  bâti  par  Onias  III ,  dans  la  préfecture 
d'Héliopolis,  le  temple  surnommé  Onion. 
(  f^oy.  Onias  III.  )  Ptolémée  mourut  entre 
les  mains  des  médecins  ,  qui  voulaient 
faire  sur  lui  l'opération  du  trépan  ,  pour 
le  guérir  d'une  blessure  qu'il  avait  reçue 
à  la  tête  ,  dans  une  bataille  contre 
Alexandre  Bala,  roi  de  Syrie.  Il  fut  vain- 
queur ;  mais  la  victoire  lui  coûta  cher. 
On  place  sa  mort  l'an  1 46  avant  J.  C. 
.  PTOLÉMÉE  PH  Y  SCON ,  ou  le  F  en- 
tra ,  avait  d'abord  régné  quelque  temps 
avec  son  frère  Philométor.  Il  s'empara  , 
après  sa  mort ,  du  trône  d'Egypte  ,  l'an 
I4G  avant  J.  C,  au  préjudice  de  la  veuve 
et  du  fils  de  son  frère.  Ceux-ci,  soutenus 
par  une  petite  armée  de  Juifs  ,  marchè- 
rent à  Alexandrie  pour  disputer  la  cou- 
ronne à  l'usurpateur  ;  mais  un  ambassa- 
deur romain  qui  se  trouvait  à  Alexandrie 
amena  les  choses  à  un  accommodement. 
On  convint  que  Physcon  épouserait  Cleo- 
pâtre  ,  veuve  de  son  frère  ,  dont  le  fils 


m^o  i4« 

serait  déclaré  héritier  de  la  couronne  , 
et  qu'en  attendant  ,  Physcon  en  jouirait 
toute  sa  vie.  Leur  mariage  ayant  été 
conclu  ,  Physcon  fut  reconnu  roi ,  et  le 
jour  même  des  noces  il  tua  le  jeune  prince 
entre  le.s  bras  de  sa  mère.  Ses  vices  et  ses 
cruautés  excitèrent  une  indignation  gé- 
nérale. On  conspira  contre  lui  ,  et  il  eût 
été  détrôné  sans  la  prudence  d'Hyéras  , 
son  premier  ministre.  Enfin,  sa  tyrannie 
monta  à  un  tel  point  ,  que  les  habitans 
d'Alexandrie  se  réfugièrent  dans  les  pays 
étrangers  ,  et  laissèrent  la  ville  presque 
déserte.  PoUr  repeupler  cette  ville,  il  fal- 
lut accorder  de  grands  privilèges  à  ceux 
qui  voulurent  s'y  établir  ;  mais  peu  d'hom- 
mes eurent  ce  courage.  Parmi  les  réfu- 
giés d'Alexandrie,  il  y  eut  beaucoup  de 
grammairiens,  de  philosophes  ,  de  géo- 
mètres ,  de  médecins ,  de  musiciens  et 
d'artistes  ,  qui  portèrent  le  goût  des 
sciences  et  des  beaux-arts  dans  l'Asie  mi- 
neure et  dans  les  î'cs  voisines.  Les  nou- 
veaux habitans  d'Alexandrie  y  brisèrent 
ses  statues.  Ptolémée ,  croyant  que  Cleo- 
pâtre  ,  qu'il  venait  de  répudier  ,  était 
auteur  de  cette  action  ,  fit  tuer  Memphi- 
tis  ,  son  fils  et  le  sien ,  jeune  prince  de 
grande  espérance  ;  il  ordonna  qu'on  cou- 
pât son  corps  en  morceaux ,  et  envoya  ce 
fatal  présent  à  Cléopàtre  ,  le  jour  même 
de  la  naissance  de  cette  princesse.  Un  si 
affreux  spectacle  inspira  l'horreur  qu'il 
méritait.  On  leva  contre  le  tyran  une  ar- 
mée ,  dont  la  reine  donna  le  commande- 
ment à  Marcias  ;  mais  elle  fut  vaincue. 
Ptolémée  ,  après  cette  victoire  ,  voulut 
assurer  la  couronne  à  l'aîné  de  ses  fils  , 
qu'il  avait  eu  de  sa  dernière  femme  ,  et, 
dans  ce  dessein  ,  il  le  maria  à  Cléopàtre 
sa  fille  ,  suivant  l'infâme  coutume  du 
pays  ,  où  le  roi  et  la  reine  étaient  sou- 
vent frère  et  sœur  ,  mari  et  femme.  Il 
mourut  l'année  d'après  ,  l'an  11 G  avant 
J.  C. ,  souillé  de  tous  les  vices  de  l'esprit 
et  du  cœur  ,  et  surnommé  Cacourgèle  , 
c'est-à-dire  Malfaisant  ;  surnom  bien  di- 
gne d'un  tyran. 

PTOLÉMÉE-LATHYRE  ,  ainsi  ap- 
pelé à  cause  d'un  poireau  qu'il  avait  au 
nez,  eut  à  peine  succédé  à  son  père  Phys- 
con, l'an  H 6  avant  J.  C,  que  Cléopàtre 


i4a  PTO 

ea  mère  ,  soutenue  des  forces  d'Âlexau- 
dre  Jannée  ,  roi  des  Juifs,  le  chassa 
du  trône  pour  mettre  à  sa  place  Ptolémée 
son  frère,  et  le  força  de  se  retirer  à  Chy- 
pre. Lathyre ,  pour  se  venger  du  monar- 
que juif  ,  entra  dans  son  royaume  ,  et 
après  avoir  emporté  Azolh  ,  il  livra  ba- 
taille à  ce  prince  ,  qu'il  rencontra  près 
d'Azoph  sur  le  Jourdain.  La  victoire  fut 
long-temps  disputée  ;  mais  enfin  Lathyre 
rompit  l'armée  des  Juifs ,  et  en  fit  un 
grand  carnage  ;  50,000  restèrent  sur  la 
place  ,  et  le  vainqueur  s'étant  répandu 
dans  les  bourgs  ,  fit  égorger  les  femmes 
et  les  eufans  ,  et  les  fit  jeter  dans  des 
chaudières  d'eau  bouillante,  pour  inspi- 
rer plus  de  terreur  à  l'ennemi.  Lathyre 
ayant  tenté  en  vain  de  rentrer  en  Egypte, 
se  retira  dans  l'ile  de  Chypre;  mais  il 
fut  rappelé  après  la  mort  de  Ptolémée- 
Alexandre  ,  qui  fut  tué  par  un  pilote  , 
l'an  88  avant  J.  C.  Il  mourut  environ  8 
ansaprès. 

PTOLÉMÉE-AULÈTES,  c'est-à-dire 
Joueur  de  flûte,  fils  naturel  de  Plolé- 
mée-Lathyre,  monta  sur  le  trône  d'E- 
gypte, l'an  73  avant  J.  C. ,  après  Alexan- 
dre III.  Pour  s'y  affermir,  il  donna  à  Cé- 
sar 6000  talens;  mais  les  levées  extraor- 
dinaires dont  ilsurchargeait  son  peuple, 
la  lâche  indifférence  avec  laquelle  il  laissa 
le  peuple  romain  s'emparer  de  l'île  de 
Chypre,  ses  crimes  et  ses  débauches , ir- 
ritèrent les  Alexandrins  à  un  tel  point, 
qu'on  déclara  Bérénice ,  l'aînée  de  ses  en- 
fans  ,  reine  à  sa  place.  Aulèlcs  aborda  à 
l'île  de  Hhodes,  oii  Caton  était  depuis 
plusieurs  jours.  Le  roi  le  fit  avertir  de  son 
arrivée  ;  mais  le  fier  sénateur  attendit 
qu'il  vînt  le  trouver;  et,  sans  daigner  se 
lever ,  il  blâma  ouvertement  Ptolémée 
de  ce  qu'il  abandonnait  son  royaume 
pour  devenir  le  client  et  le  jouet  des 
grands  de  Rome  :  il  lui  conseilla  de  re- 
tourner eu  Egypte ,  et  offrit  de  l'accom- 
pagner pour  être  médiateur  entre  lui  et 
ses  sujets.  Ptolémée  méprisa  ces  sages 
conseils ,  et  continua  sa  route  vers  Rome , 
où  il  comptait  trouver  du  secours  pour 
rentrer  dans  son  royaume.  Les  Alexan- 
drins, craignant  que  le  séjour  de  Ptolé- 
mée auprès  des  Romains  n'eut  pour  eux 


PTO 

des  suites  funestes  ,  envoyèrent  cent  des 
plus  notables  de  la  ville,  afin  de  justifier  ' 
dans  le  sénat  leur  conduite  ,  etd'exposer 
les  excès  et  les  vexations  de  Ptolémée. 
Mais  ce  prince  fit  égorger  la  plus  grande 
partie  de  ces  citoyens  députés,  et  gagna 
les  autres  par  des  présens.  Cependant  les 
affaires  de  Ptolémée  traînaient  en  lon- 
gueur. Ses  ennemis ,  et  un  prétendu  ora- 
cle delà  Sibylle,  directement  contraire 
à  ses  intérêts ,  lui  ôtèrent  l'espérance  de 
régner  de  nouveau  en  Egypte.  Il  se  retira 
à  Ephèse ,  dans  le  temple  de  Diane.  Bé- 
rénice, sa  fille,  avait  épousé  Archélaùs, 
prêtre  d'une  ville  de  Pont ,  avec  lequel 
elle  partageait  son  trône  ;  mais  Ptolémée, 
ayant  été  rétabli  par  Gabinius,  lieutenant 
de  Pompée ,  il  fit  mourir  sa  fille ,  et  mou- 
rut lui-même  peu  de  temps  après,  l'an 
61  avant  J.  C,  fit  un  testament  par  le- 
quel il  donnait  la  couronne  aux  aînés  des 
deux  sexes ,  et  ordonnait  le  mariage  en- 
tre le  frère  et  la  sœur ,  suivant  la  cou- 
tume incestueuse  du  pays  ;  et,  comme  l'un 
et  l'autre  étaient  fort  jeunes ,  il  les  mit 
sous  la  protection  du  sénat  romain. 

PTOLÉMÉE   ou  DEisys,    surnommé 
BAccnus,  roi  d'Egypte,  succéda  à  son 
père  Aulètes,   avec  Cléopâtre,  l'an  51 
avant  J.   C.   C'est  lui  qui  eut  la  lâche 
cruauté  de  faire  mourir  Pompée  son  bien-' 
faiteur,  après  la  bataille  de  Pharsaie.  Il 
ne  fut  pas  plus  fidèle  à  César,  car  il  lui 
dressa  des  embûches  à  Alexandrie  ;  mais 
ce  héros  en  sortit  victorieux.  (Ptolémée 
avait  eu  plusieurs  différends  avec  sa  sœur 
Cléopâtre,    qui  était  son   aînée.  Leurs, 
flottes  allaient  se  livrer  bataille  lorsque  • 
César  arriva  en  Egypte.  Il  prit  le  parti 
de  Cléopâtre,  retint  le  roi  prisonnier,  et 
soutint  plusieurs  combatscontre  les  Egyp- 
tiens ,    commandés  par  Achillas  et  Arsi- 
noë,  sœur  puînée  de  Cléopâtre.   C'est- 
pendant  cette  guerre  qu'un  incendie  con- 
suma la  bibliothèque  d'Alexandrie,  qui 
contenait  400,000  volumes.  César,  ayant  ' 
reçu  des  secours  de  Rome,  entra  dans 
Alexandrie  ,  rendit  la  liberté  à  Ptolémée, . 
qui  recommença  la  guerre.  César  lui  li-j 
vra  bataille;  Ptolémée  fut  vaincu  et  sej 
retrancha  auprès  du  Nil.  César  vint  l'at- 
taquer, culbuta  ses  troupes,  et,  dans  sa 


PTO 

fuite ,  Ptolémée  se  noya  dans  le  Nil ,  l'an 
46  avant  Jésus-Christ.  ) 

PTOLÉMÉE-MEN]\Él]S,roi  deChal- 
cide,  vers  l'an  30  avant  J.  C.  ,  lît  al- 
liance avec  Alexandre,  fils  d'Aristobule , 
prince  des  Juifs.  Après  la  mort  de  son  al- 
lié, occasionée  par  Scipion ,  il  envoya 
Philippion  son  fils  offrir  à  Alexandra  , 
sœur  du  malheureux  Alexandre,  une  re- 
traite honorable  dans  ses  états.  Mais  s'é- 
tant  aperçu  que  Philippion  avait  conçu 
de  l'amour  pour  la  princesse ,  il  le  tua  de 
sa  propre  main ,  et  força  Alexandra  à  rece- 
voir aux  pieds  des  autels  sa  main  fumante 
encore  du  sang  de  son  fils. 

PTOLÉMÉE-MACRON ,  fils  de  Bo- 
rymène ,  avait  reçu  de  Philométor  le  gou- 
vernement de  l'île  de  Chypre.  11  livra  en- 
suite cette  île  à  Antiochus  Epiphanes , 
qui  lui  donna  le  commandement  des 
troupes  qu'il  avait  dans  la  Phénicie  et  la 
Célésyrie.  Il  se  laissa  corrompre  par  ar- 
gent, et  fit  déclarer  innocent  l'impie  Mé- 
nélaûs  par  Antiochus  (  II.  Mach.  4  ). 
Après  la  mort  d'Epiphanes,  ses  ennemis 
le  noircirent  dans  l'esprit  du  jeune  Eu- 
pator,  en  le  représentant  comme  le  pro- 
tecteur des  Juifs ,  et  ils  le  forcèrent  de 
s'empoisonner. 

PTOLÉMÉE,  fils  d'Abobi,  gendre  de 
Simon  Machabée,  gouverneur  du  château 
de  Doch  et  de  la  plaine  de  Jéricho,  con- 
çut le  barbare  dessein  de  se  défaire  de 
son  beau-père  et  de  ses  fils,  pour  s'em- 
parer seul  du  gouvernement  de  la  Judée. 
Simon  ,  qui  était  alors  occupé  à  visiter 
les  places  de  son  état,  arriva  à  Jéricho, 
l'an  135  avant  Jésus-Christ,  avec  sa 
femme  et  ses  fils  ,  Mathatias  et  Judas,  et 
alla  loger  chez  son  gendre  au  château 
de  Doch.  Ptolémée  leur  fit  un  grand  fes- 
tin ,  et,  au  milieu  du  repas,  des  gens 
qu'il  avait  apostés  entrèrent  dans  la  salle, 
tuèrent  Simon  et  quelques-uns  des  siens, 
et  retinrent  prisonniers  sa  belle-mère  et 
ses  deux  fils.  Aussitôt  il  manda  à  Antio- 
chus Sidètes  ce  qu'il  avait  fait ,  et  le 
pria  de  lui  envoyer  du  secours  pour  dé- 
livrer le  pays  du  joug  des  Machabées.  11 
envoya  en  même  temps  des  gens  à  Gazara 
pour  tuer  Jean  Hyrcan  ,  dernier  fils  de 
Simon  ,  et  d'autres  à  Jérusalem,  avecor- 


PTO  43 

dre  de  se  saisir  de  la  montagne  du  tem- 
ple; mais  Dieu  fit  échouer  les  projets  de 
cet  ambitieux.  Hyrcan  ,  averti  à  temps  , 
se  mit  en  défense  ,  et  se  sauva  à  Jérusa- 
lem ;  il  quitta  ensuite  cette  ville ,  dont  il 
fit  fermer  les  portes,  et  vint  assiéger  Pto- 
lémée dans  son  château.  Ce  barbare  lui 
fit  lever  le  siège,  en  faisant  déchirera 
coups  de  fouet  sa  mère  et  ses  frères  ;  il 
les  fit  ensuite  mourir,  et  s'enfuit  auprès 
de  Zenon  ,  tyran  de  Philadelphie.  (  I. 
Mach.  JG.  J 

PTOLÉMÉE  (Claude  ),  mathémati- 
cien de  Péluse  ,  surnommé  par  les  Grecs 
très  divin  et  très  sage ,  florissait  à  Ca- 
Dope  ,  près  d'Alexandrie,  sous  l'empire 
d'Adi-ieu  et  de  Marc-Aurèle,  vers  l'an 
138  de  Jésus-Christ.  11  est  célèbre  par 
son  Système  du  monde  ,  dans  lequel  il 
place  la  terre  au  centre  de  l'univers.  Sa 
Géographie  est  un  ouvrage  nécessaire 
pour  la  connaissance  du  monde  ancien. 
La  l"  édition  est  de  Bologne,  1462, 
in-fol.  et  la  meilleure  celle  de  Bertius, 
1619,  in-fol.  On  fait  cas  aussi  de  celle  de 
Servet,  Lyon,  1535,  in-fol.  réimprimée 
avec  des  changemens  et  des  retranche- 
mens  en  1 541 .  Outre  sa  Géographie  ,Vio- 
lémée  a  donné  plusieurs  savans  ouvrages 
sur  l'astronomie,  publiés  à  Bâle  ,  1651  , 
in  fol.  Les  principaux  sont  :  1°  VAlma- 
gcste  ou  Cnmpositio  magna.  On  trouve 
dans  ce  livre  un  catalogue  des  étoiles 
fixes ,  formées  d'après  les  observations 
de  l'auleur  et  celles  d'Hipparque.  On  y 
compte  1022  étoiles,  dont  les  longitu- 
des et  les  latitudes  sont  déterminées. 
(  F  oyez  HiPPARQUE  ,  Flamstffd.  )  Enfin 
cet  ouvrage  est  singulièrement  estimable, 
par  la  démonstration  que  Ptolémée  y 
donne  du  mouvement  des  étoiles  fixes 
sur  le  centre  de  l'écliplique.  2"  Dejudi- 
ciis  astrologicis  ;  3"  Planisphcerium  ;  4° 
Jlarmonicorum  libri  très,  Oxford,  16S2, 
in-4.  Son  système  du  monde  a  été  adopte 
pendantplusieurs  siècles  par  les  philoso- 
phes et  par  les  astronomes.  Tycho  l'a  per- 
fectionné et  dégagé  de  divers  embarras. 
Lessavans  d'aujourd'hui  l'ont  abandonne 
pour  suivre  le  système  de  Copernic  :  reste 
à  savoir  si  cette  préférence  n'aura  pas  le 
sort  général  des  opinions  humaines. 


i44  PUB 

PTOLÉMÉE,  dit  fie  Lucqiies,  parce 
que,  selon  quelques  écrivains ,  il  était 
né  dans  celle  ville  au  14«  siècle,  et  que, 
selon  d'autres  ,  il  y  avait  fait  un  long  sé- 
jour, embrassa  l'ordre  de  Saint-Domini- 
que. Il  s'appliqua  particulièrement  à  l'é- 
tude de  l'histoire  sacrée  et  profane  ;  mais, 
voulant  pénétrer  trop  avant  dans  la  mys- 
ticité, et  en  dire  plus  que  ce  que  nous 
dit  l'Ecriture  sainte  sur  l'incarnation  du 
Verbe,  il  s'égara.  Il  osa  avancer  dans  un 
sermon  prêché  à  Mantoue,  que  Jésus- 
Cbrist  avait  été  formé  dans  le  cœur  de 
la  sainte  Vierge,  et  non  dans  ses  entrail- 
les. Une  proposition  aussi  singulière  obli- 
gea ses  supérieurs  à  lui  imposer  silence. 
Il  se  tut  en  chaire,  et  il  parla  par  ses  livres, 
quine  valent  guère  mieux  queses sermons. 
Les  principaux  sont  :  1"  des  Annales 
en  latin  ,  depuis  lOCO  jusqu'en  1303.  On 
les  trouve  dans  la  Bibliothèque  des  Pères. 
2"  une  Chronique  des  papes  et  des  em- 
pereurs dans  la  même  langue,  réimpri- 
mée à  Lyon  en  1619 ,  in-4. 

PÏOLOMEI  (  Jean-Baptiste  )  ,  né  à 
Pistoie  en  Toscane ,  entra  chez  les  jésui- 
tes, et  fut  fait,  malgré  lui,  cardinal  par 
Clément  XI.  Cette  dignité  ne  changea  rien 
dans  sa  manière  de  vivre.  Il  continua  de 
demeurer  au  Collège  romain,  se  conten- 
tant de  deux  petites  chambres ,  et  man- 
geant à  la  table  commune.  Il  mourut  le 
18  janvier  1726.  Il  passait  pour  un  des 
plus  savans  de  l'Europe;  et  les  ouvrages 
qu'il  a  donnés  au  public  soutiennent  cette 
opinion ,  surtout  son  Cours  de  philo- 
sophie ,  où  l'on  découvre  des  vues  vas- 
tes et  hardies,  qui  donnent  des  explica- 
tions aussi  neuves  que  simples  et  finies. 

PUBLICI  (  Aymond  de  ) ,  des  comtes 
de  Plosasci ,  docteur  en  droit ,  co  -sei- 
gneur de  Publici  (  Publiciarum  ),  prèsde 
Turin,  après  avoir  rempli  divers  emplois , 
devint  conseiller  du  grand  conseil  de 
Charles  II ,  duc  de  Savoie.  Ce  prince 
l'envoya  comme  ministre  en  différentes 
cours,  k  Piome  et  en  France.  Ce  fut  lui 
qu'il  chargea,  en  1629,  d'aller  à  Venise 
revendiquer  ses  droits  à  la  couronne  de 
Chypre.  Il  assista,  avec  le  duc  de  Savoie, 
à  Bologne,  au  couronnement  de  Charles- 
Quint;  l'année  suivante,  il  fut  nommé 


PUB 

président  du  sénat  de  Chambéry ,  et  il 
conserva  cette  place  jusqu'aux  troubles  ' 
de  l'année  1 536 ,  qui  l'obligèrent  de  se 
retirer  chez  lui.  Accusé  d'être  favorable 
au  parti  du  duc  de  Savoie  ,  il  fut  arrêté 
et  conduit  dans  le  châleau  de  Turin  ,  en 
1542.  Son  procès  fut  instruit,  et  il  fut  re- 
légué à  Montferrand  en  Auvergne.  Après 
y  avoir  fait  venir  sa  femme,  ses  enfans 
et  sa  bibliothèque,  il  exerça  sa  profe.'ssion 
de  jurisconsulte  dans  les  sièges  de  Riom, 
de  Clermont  et  de  Monferrand.  Il  s'ap- 
pliqua particulièrement  à  composer  une 
Cofiférence  du  droit  écrit  avec  les  Cou- 
tumes d'Auvergne,  ouvrage  plein  d'éru- 
dition ,  qui  est  peu  lu  aujourd'hui. 

PUBLIUS  SYRUS,  poète  mimique  la- 
tin, natifdeSyrie,florissaità  Rome  l'an  44 
avant  J.  C.  Il  fut  amené  esclave  ,  et  tom- 
ba entre  les  mains  d'un  maître  qui  l'éleva 
avec  soin  et  l'affranchit  fort  jeune.  Syrus 
se  distingua  dans  la  poésie  mimique, 
c'est-à-dire  dans  des  satires  mises  en  ac- 
tion sur  le  théâtre.  (  Voyez  Labébius.  ) 
On  a  de  cet  auteur  des  Sentences  en 
vers  ïambes  libres  ,  rangées  dans  l'ordre 
alphabétique.  Accarias  de  Sérione  l'a  tra- 
duit en  français  ,  Paris  ,  17  36  ,  in-12.  Les 
meilleures  éditions  sont  celle  de  Tanne- 
guy  Le  Fèvre ,  et  celle  d'Havercamp  ,  or- 
née de  remarques,  in-8,  Leyde,  1708,' 
avec  les  Sentences  de  Séuèque.  (  La  plus 
récente  et  la  plus  complète  est  celle  don- 
née par  J.  C.  Orellius,  Leipsick,  1822  , 
in-8  ,  Cum  notis  variorum ,  avec  la  tra- 
duction grecque  de  Scaliger.) 

PUBLIUS  ,  un  des  principaux  habi- 
tans  de  l'île  de  Malte,  reçut  saint  Paul  et 
le  défraya  avec  toute  sa  suite  durant  trois 
jours.  Saint  Paul  guérit  de  la  fièvre  le 
père  de  Publius  (  Act.  28  ).  On  assure 
qu'il  se  fit  chrétien ,  et  fut  le  premier 
évêque  de  cette  île.  Quelques  auteurs 
croient  qu'il  était  gouverneur  de  l'île 
pour  les  Romains ,  parce  qu'il  est  nom- 
mé princeps  insulœ;^  mais  dans  l'Ecri- 
ture sainte  ce  mot  se  prend  souvent  pour 
un  homme  puissant  et  distingué. 

•  PUCCI  (  Antoine  )  ,  poète  italien  , 
né  à  Florence  vers  1460,  d'un  père  qui 
était  fondeur  de  cloches  ,  exerça  lui- 
même  cet  état  pendant  plusieurs  années. 


PUC 

Kn  même  temps  qu'il  travaillait  avec  son 
père  ,  il  trouvait  le  moment  d'aller  dans 
un  couvent  de  religieux  prendre  des 
leçons  de  grammaire  latine  et  de  rhéto- 
rique. Quelques  Poésies  légères  qu'il 
publia  lui  acquirent  une  certaine  répu- 
tation littéraire.  Il  quitta  son  premier 
état,  et,  à  l'aide  d'un  puissant  Mécène, 
dont  il  avait  su  capter  la  bienveillance  , 
il  occupa  plusieurs  places  dont  les  émo- 
lument le  mirent  à  portée  de  se  livrer  à 
son  goût  pour  la  poésie.  Il  ne  traita  ce- 
pendant que  le  genre  badin  ,  et  fut  un 
des  premiers  qui  introduisirent  dans  la 
poésie  ce  ton  joyeux  et  burlesque  adopté 
par  d'autres  poètes  ,  et  notamment  par 
Berni  ,  qui  le  rendit  plus  général  dans 
son  Orlando  innamoralo ,  et  qui  fut  ap- 
pelé Bernesco  ,  du  nom  de  ce  dernier. 
L'Arioste  ,  Lippi  dans  son  Malmantile 
racquistato,  Tassoni  dans  sa  Sccchia  ra- 
pita  ,  Forliguerra  dans  le  Ricciardetlo  , 
portèrent  ensuite  ce  genre  au  point  de 
perfection  dont  il  était  susceptible.  On 
'  aurait  souhaité  qu'en  l'adoptant  ils  se 
fussent  bornés  à  ridiculiser  les  vices  et 
les  travers  des  hommes  ,  sans  tomber 
dans  ces  expressions  trop  libres  ,  dans 
ces  équivoques  indécentes  qui  insultent 
à  la  morale  et  souvent  même  à  la  reli- 
gion. Les  compositions  poétiques  de 
Pucci  se  trouvent  insérées  dans  plusieurs 
recueils  italiens  ,  et  notamment  dans  ce- 
lui intitulé  Scella  di  varie  poésie,  choix 
de  poésies  diverses.  Il  mourut  au  com- 
mencement du  IG^  siècle. 

*  PUCCI  (  François  )  ,  écrivain  con- 
troversiste  ,  né  à  Florence  dans  le  16* 
siècle  ,  avait  à  peine  terminé  ses  études 
qu'il  vint  à  Lyon  pour  se  livrer  au  com- 
merce. Mais  dégoûté  de  cette  carrière 
par  suite  des  liaisons  qu'il  avait  eues  avec 
quelques  protestans  ,  il  embrassa  une 
partie  de  leurs  opinions,  et  alla  à  Oxford 
étudier  la  théologie.  Après  y  avoir  reçu  en 
167  4  le  degré  de  maître-ès-arts ,  il  publia 
un  traité  :  Defide  in  Deum,  quce  etqua- 
Us  sit  ,  dans  lequel  il  combattit  le  parti 
calviniste  qui  dominait  dans  cette  uni- 
versité. Obligé  de  quitter  Oxford  oii  ses 
opinions  lui  avaient  fait  des  ennemis,  il 
se  rendit  à  Bâie,  et  s'y  lia  avec  Faust  So-^ 

XI. 


PUC  145 

cin  dont  il  embrassa  la  doctrine.  Malheu- 
reusement pour  le  repos  de  Pucci  ,  il 
avait  fait  connaître  ses  sentimens  sur  la 
grâce  universelle  :  les  théologiens  bâiois 
qui  ne  partageaient  pas  son  avis  le  forcè- 
rent à  quitter  leur  ville.  Pucci  retourra 
à  Londres  ;  ses  opinions  manifestées  avec 
trop  de  licence  le  firent  mettre  en  pri- 
son. Quand  il  eut  recouvré  la  liberté,  il 
alla  en  Hollande  ,  d'où  il  entretint  avec 
Socin  une  correspondance  active  ;  cepen- 
dant il  le  combattit  sur  certains  points 
dans  un  traité  :  De  immorlalitale  natU" 
rail primi hominis  ante peccalum.  Après 
avoir  habité  ensuite  Anvers  etCracovie, 
il  se  fixa  quelque  temps  à  Prague,  oîi  il  fit 
une  rétractation  publique  de  ses  erreurs 
en  1 595  entre  les  mains  du  nonce  du  pape 
qui  avait  eu  avec  lui  quelques  conféren- 
ces. Après  sa  rétractation,  Pucci  fut  or- 
donné prêtre  et  devint  secrétaire  du  car- 
dinal Pompéi  d'Aragon  ,  chez  lequel  il 
mourut  en  1 600.  Il  existe  une  dissertation 
intitulée  :  De  vita ,  faiis,  operibus  et  opi- 
nionibus  Fr.  Puccii  Filidini  ;  elle  est  in- 
sérée dans  la  Nuova  raccolta  Caloge- 
rana,  t.  30  ,  Venise,  1776. 

PUCELLE  (  L'abbé  René  )  naquit  à 
Paris  ,  en  1655  ,  de  Claude  Pucelle,  avo- 
cat au  parlement,  et  de  Françoise  de  Câ- 
linât ,  sœur  du  maréchal  du  même  nom. 
Il  se  consacra  d'abord  à  l'état  ecclésias- 
tique ;  mais ,  peu  de  temps  après ,  le  goût 
des  armes  l'emporta  sur  cette  première 
destination.  Après  avoir  fait  quelques 
campagnes  en  qualité  de  volontaire  ,  il 
voyagea  en  Italie  et  en  Allemagne.  De 
retour  à  Paris ,  il  reprit  l'habit  ecclésias- 
tique ,  se  fit  ordonner  sous-diacre  ,  étu- 
dia en  droit ,  et  fut  reçu  conseiller-clerc 
au  parlement  de  Paris  ,  en  1684  ,  s'es- 
crima, en  1713,  conlreV Histoire  des  jé- 
suites de  Jouvenci ,  et  en  1 7 1 4  il  se  dé- 
chaîna contre  la  bulle  Unigenitus.  Après 
la  mort  de  Louis  XIV  ,  en  1715  ,  il  eut 
une  place  dans  le  conseil  de  conscience  , 
établi  par  le  duc  d'Orléans ,  régent  du 
royaume.  La  vivacité  avec  laquelle  il 
continua  de  favoriser  la  cause  des  an- 
ticonstitutionnaires  le  fit  exiler  dans 
son  abbaye  de  Saint-Léonard  de  Corbi- 
gni,  dont  il  avait  été. pourvu  en  1694. 

'9- 


i46  PUF 

.    U   mourut  k  Paris  en   1745,  à  90  ans. 
PUCELLE  d'Orlkaus.  (  roi/ez  Je  as  s  k 
s' Arc.  ) 

•  PUCKERIDGE  (  B.  ) ,  Irlandais ,  né 
en  1730,  fut  l'inventeur  de  l'harmonica. 
Le  son  produit  par  le  frollement  d'un 
doigt  mouillé  avec  un  verre  à  boire  (en 
1760}  éveilla  son  attention.  Après  plu- 
sieurs observations  ,  il  essaya  de  former 
un  nouvel  instrument  de  musique  ,  et  il 
y  parvint  en  plaçant  sur  une  table  un  cer- 
tain nombre  de  verres  de  diverses  gran- 
deurs ,  et  à  moitié  remplis  d'eau  ;  il  en 
lira  des  sons  variés  ,  put  jouer  un  mor- 
ceau tout  entier.  Celte  invention  fut  con- 
nue par  le  docteur  Franklin  ,  qui  la  per- 
fectionna ,  et  Vharmonica  devint  un  in- 
strument à  la  mode  dans  toute  l'Europe. 
Fuckeridge  mourut  à  la  fleur  de  son  âge. 
Voyez  le  grand  ouvrage  de  Physique  de 
Biot. 

PUFFEINDORF  (Samuel  de),  publi- 
cisleet  historien,  né  à  Cbemnitz,  village 
deMisnie,  en  IG32,  d'une  famille  luthé- 
rienne, était  fils  du  ministre  de  ce  village. 
Après  avoir  étudié  à  Leipsick,  il  devint 
en  1658  gouverneur  du  fils  de  Coyet, 
ambassadeur  du  roi  de  Suède  à  la  cour 
de  Danemark.  Il  se  rendit  avec  son  élève 
à  Copenhague  ;  mais  à  peine  y  fut-il  ar- 
rivé, que  la  guerre  s'étant  allumée  entre 
le  Danemark  et  la  Suéde ,  il  fut  arrêté 
avec  toute  la  maison  de  l'ambassadeur. 
Puffendorf ,  pendant  sa  prison,  qui  dura 
8  mois,  réfléchit  sur  ce  qu'il  avait  lu  dans 
les  ouvrages  de  Grolius,  mit  ses  réflexions 
en  ordVe,  et  les  publia  à  La  Haye  en  1660, 
se  us  le  titre  à'Ele'mens  de  la  Jurispru- 
dence universelle.  Ce  premier  essai  lui 
acquit  une  telle  réputation,  que  Charles- 
Louis,  électeurpalatin,  fonda  en  sa  faveur 
une  chaire  de  droit  naturel  dans  l'uni- 
versité d'Heidelberg.  Puffendorf  demeura 
dans  celle  ville  jusqu'en  1670,  que 
Charles  XI,  roi  de  Suède,  le  fit  son  his- 
toriographe. U  s'attacha  ensuite  à  l'élec- 
teur de  Brandebourg,  qui  le  fit  conseiller 
d'état,  et  le  chargea  d'écrire  l'histoire  de 
l'électeur  Guillaume  le  Grand.  Il  mourut 
à  Berlin  en  1694,  à  62  ans.  Parmi  les  ou- 
vrages qui  lui  ont  fait  un  nom  ,  on  dis- 
tingue :   1°  Histoire  de  Suède,  depuit 


PUF 

Vexpe'dition  de  Gustave-Adolphe  en 
Allemagne,  jusqu'à  Vabdication  de  Chris- 
tine ,  c'est-à-dire  depuis  1628  jusqu'en 
lG54,Utrecht,  1686,  in-fol.;  2°  Histoire 
de  Charles-Gustave ,  en  2  lomes  in-fol., 
Nuremberg,  1696,  en  latin,  et  imprimée 
en  français  dans  la  même  ville,  1698, 
in-fol.;  3°  Histoire  de  F re'de'ric-Guil- 
laume  le  Grand,  électeur  de  Brande- 
bourg ,  BerWn  ,  1695,  2  vol.  in-fol.,  en 
latin.  Cette  histoire,  tirée  des  archives 
de  la  maison  de  Brandebourg ,  essuya 
plusieurs retranchemenspendanl le  cours 
de  l'impression;  il  est  rare  de  trouver 
des  exemplaires  sans  corrections.  4°  Ele- 
mentorum  jurisprudentice  universalis 
libri  duo,  à  La  Haye  ,  en  1660  ;  à  léna  , 
1669,  avec  un  appendix  de  Sphœra  mo- 
rali,  qui  est  d'une  antre  main;  5°  une 
édition  des  Miscellanea  laconica  Joan- 
nis  Mrursii,  Amsterdam,  1661,  in-i,  et 
de  la  Grèce  ancienne,  de  Jean  Lauretr- 
berg,  1661,  in-4  ;  6°  Scverini  de  Mo- 
zanbano,  de  statu  imperii  gcrmanici, 
Genève,  1667,  in-12,  souvent  réimprimé 
depuis,  et  traduit  en  plusieurs  langues, 
quoique  vivement  censuré  par  plusieurs 
savans.  Puffendorf,  déguisé  sous  les  noms 
de  Mozanbanus ,  veut  y  prouver  que 
l'Allemagne  est  un  corps  de  république, 
dont  les  membres  mal  assortis  font  un 
tout  monstrueux.  La  traduction  française 
est  de  Savinien  d'Alquier,  Amsterdam, 
1669,  in-12.  7"  Un  recueil  de.disserta- 
tions  académiques ,  en  latin  ,  1668,  in-8; 
5°  une  Description  historique  et  poli- 
tique de  l'empire  du  pape,  en  allemand  , 
production  partiale,  que  les  fanatiques 
du  parti  protestant  ont  traduite  en  fla- 
mand et  en  latin.  On  la  trouve  dans  l'ou- 
vrage suivant,  édition  de  1742.  d°  Intro- 
duction à  tHistoire  des  principaux 
Etats  qui  sont  aujourd'hui  dans  l'Eu- 
rope, en  allemand,  1682,  avec  une  suite 
en  168G,  et  une  addition  contre  Varillas 
en  1722.  Ce  livre  fut  traduit  en  français 
par  Claude  Rouxel  ;  et  en  1722,  un 
anonyme  rectifia  cette  traduction, 
continua  l'ouvrage,  l'enrichit  de  notes, 
et  publia  le  tout  à  Trévoux ,  sous  le  titre 
d'Amsterdam  ,  en  7  vol.  in-i 2.  {  Voyez 
Bbuzen  de  la  Martinièbe.  (  m.  de  Grâce 


PUF 

en  a  donné  depuis  une  nouvelle  édition, 
considérablement  augmentée ,  en  8  vol. 
in-4.  Quelque  mérile  qu'ait  cet  ouvrage, 
il  fjiut  convenir  qu'il  est  fort  au  dessous 
de  la  réputation  dont  il  a  joui ,  et  sur  la- 
quelle on  revient  tous  les  jours.  «  La  nar- 
»  ration  de  Puffendorf,  dit  un  critique, 
»  est  maigre  ;  on  n'en  peut  sup])orter  la 
»  lecture  sans  ennui  ,  et  parlant  sans 
«  profit  pour  le  commun  des  hommes. 
M  Son  histoire  est  un  squelette,  où  il  man- 
w  yue.commele  disait  Lucien, /«  chnir  et 
»  les  couleurs.  »  1 0°  Traité  du  droit 
naturel  et  des  gens,  imprimé,  pour  la 
«"fois,  en  1G7  2,  à  Leyde  ,  en  allemand. 
En  1G84,  il  en  fit  faire  une  seconde  édi- 
tion à  Francfort,  augmentée  d'un  quart. 
Ce  traité  fut  traduit  en  français  par  Jean 
Barbeyrac,  avec  des  notes,  et  imprimé  à 
Amsterdam  en  17  34,  2  vol.  in-4.  On  l'a 
réimprimé  en  latin  à  Francfort ,  1744, 
2  vol.  in-4.  Il  publia  un  abrégé  de  cet 
ouvrage  sous  le  titre  de  Devoir  de  l'homme 
et  du  citoyen  ,  traduit  en  latin  à  Edim- 
bourg, in-8  ;  et  en  français,  par  lîarbey- 
rac,  1718,  2  vol.  in-8.  Si  Puffendorf  eut 
des  aiiprobateurs,  il  ne  manqua  pas  de 
critiques,  contre  lesquels  il  n'oublia  pas 
aussi  de  se  défendre.  Le  recueil  de  ce  qui 
fut  dit  de  part  et  d'autre  forme  un  livre, 
imprimé,  dès  l'an  1G8C,  à  Francfort,  sous 
le  titre  à'Eris  scandica.  Quelque  chose 
qu'on  ait  dit  des  traités  de  Puffendorf ,  il 
est  cerliiin  qu'il  a  rectifié  et  étendu  quel- 
ques principes  de  Grotius  ;  mais  son  pro- 
testantisme est  moins  modéré  et  moins 
équitable  envers  les  catholiques  que  celui 
du  jurisconsulte  hollandais.  Le  compila- 
teur Fébronius  a  fort  mal  à  propos  tran- 
scrit un  grand  nombre  de  passages  de 
Puffendorf,  pour  rendre  l'Eglise  romaine 
odieuse;  de  tels  témoignages  ne  prou- 
veront jamais  rien  dans  l'esprit  des  gens 
équitables.  Les  éditions  de  Puffendorf, 
publiées  en  France  dans  ces  derniers 
temps,doiventêtreprisesavec  précaution. 
Les  éditeurs  ont  encore  donné  de  l'exten- 
sion aux  principes  libéraux  de  l'auteur, 
(fi'analyse  des  ouvrages  de  Puffendorf , 
qui  sontau  nombre  de  20,  se  trouve  dans 
V Eloge  deM.  Lenich  (1 797),  dans  lesj¥e- 
moiresàe  l'académie  deStockolm,  1802.) 


PUG  i47 

"PUFFENDORF  (Isaïe),  frère  de 
Samuel,  naquit  à  Fleh  ,  en  Misnie,  en 
1628,  fit  ses  études  avec  tant  de  succès, 
qu'avant  même  qu'il  les  eût  terminées 
on  lui  offrit  des  places  aussi  bonorables 
que  lucratives.  Il  les  remplit,  dès  sa  pre- 
mière jeunesse,  dans  son  propre  pays, 
fut  chargé  ensuite  de  plusieurs  missions 
importantes  auprès  de  diverses  cours,  et 
il  demeura  dansquelques  unes  en  qualité^ 
de  résident.  Il  est  auteur  d'un  ouvrage 
intitulé  :  anecdotes  deSuède,o\i  Histoire 
secrète  de  Charles  XI,  1716,  in-8,  et 
d'un  autre  qui  a  pour  titre  Opuscula 
jiivenilia,  1699,  in-S,  qui  contiennent 
différentes  dissertations  sur  les  druides, 
les  lois  saliques  ,  la  théologie  de  Platon. 
Puffendorf  mourut  à  Ralisbonne  en  1C90. 
PUGATSCHEW  ou  Pocgatschew, 
fameux  rebelle  et  imposteur,  se  fitpas.ser 
pour  le  fils  de  Pierre  II,  empereur  de 
Piussie,  et  excita  de  grands  troubles  dans 
quelques  provinces  de  Russie,  particuliè- 
rement dans  celles  d'Astracan  et  d'Orem- 
bourg.  H  fut  pris  et  exécuté  à  Moscou, 
le  21  janvier  17  75.  «  Les  progrès  rapide-i 
»  et  effrayans  de  celte  révolte  ont  élé,sui- 
3)  vantl'observation  d'unpolitique,la.sui(e 
i>  de  la  faute  grossière  que  fit  Pierre  I*' 
«  de  transférer  sa  résidence  et  de  placer 
»  la  métropole  de  l'empire  sur  lesbords  de 
»  la  Baltique.  » 

PUGET  (Pierre),  sculpteur,  peintre 
et  architecte,  né  à  Marseille  en  1622, 
mort  dans  la  même  ville  en  1695,  (ap- 
partenait à  une  famille  distinguée  ;  et 
l'un  de  ses  ancêtres,  Jean  Puget,  fut  qua- 
tre fois  premier  consul  d'Aix,  de  1541  à 
1570.  Simon,  arrière-petit-fils  de  Jean, 
était  architecte  et  père  de  celui  qui  forme 
le  sujet  de  cette  Notice.)  Pierre  annonça 
dès  l'enfance  ce  qu'il  devait  être  un  jour. 
Il  construisit  une  galère,  n'étant  âgé  que 
de  seize  ans.  Il  séjourna  à  Florence  et  à 
Rome.  De  retour  dans  sa  patrie,  à  21  ans, 
il  inventa  ,  pour  orner  les  vaisseaux  ,  ces 
belles  galeries  que  les  étrangers  ont  imi- 
tées. Pugel  se  faisait  aussi  un  grand  nom 
par  ses  tableaux;  mais  une  maladie  lui  fit 
abandonner  cet  art ,  pour  ne  plus  se 
livrer  qu'à  la  sculpture.  Foucquet  le  char- 
gea d'aller  choisir  en  Italie  de  beaux  blocs 


i4«  PUG 

de  marbre.  Ce  ministre  ayant  clé  disgra- 
cié, ce  fut  un  obstacle  au  retour  de  Puget. 
Il  fit  plusieurs  grands  morceaux  à  Gênes, 
et,  pour  le  duc  de  Mantoue,  ce  magnifi- 
que bas-relief  de  l'Assomption,  auquel 
le  chevalier  Bernin  ne  put  refuser  ses 
éloges. Colbert  le  rappela,  et  lui  fit  donner 
une  pension  de  1200  écus.  Ses  morceaux 
de  sculpture  pourraient  être  comparés  à 
ceux  de  l'antiquité,  pour  le  grand  goût  et 
la  correction  du  dessin,  pour  la  noblesse 
et  l'expression  de  ses  caractères,  pour  la 
beauté  de  ses  idées ,  et  l'heureuse  fécon- 
dité de  son  génie.  Puget  a  dessiné  sur  le 
vélin  des  marines^  morceaux  précieux 
pour  le  goût  et  l'exécution.  (Il  peignit 
plusieurs  tableaux  pour  différentes  villes 
de  Provence.  V Annonciation^  X&Visi' 
talion ,  le  Sauveur  du  monde ,  le  Bap- 
tême de  Constantin,  celui  de  Clovis, 
sont  au  musée  de  Marseille.  On  voit  à 
Versailles  de  belles  statues  de  cet  artiste, 
comme  un  Milon,  Anosoinède,  un  grand 
bas-relief ,  représentant  Alexandre  et 
Diogène.  L'académie  de  Marseille  a  pro- 
posé en  1801  son  Eloge  -.  M.  Eméric- 
David  a  obtenu  le  prix  en  1807). 

'  PCGET  ou  Puget  -  Barbantane 
(  Paul-François-Hilarion-Bienvenu ,  mar- 
quis de  }  ,  né  à  Paris  le  20  mars  17.S4  , 
embrassa  la  cause  de  la  révolution  qu'il 
défendit  par  sa  plume  et  par  son  épée. 
En  1 7  90  il  fut  nommé  maréchal  de  camp  , 
et  fut  employé  ,  en  1792  ,  dans  la  8®  di- 
vision militaire.  Dans  la  discussion  qui 
s'éleva  entre  les  Marseillais  et  les  soldats 
du  régiment  suisse  d'Ernest ,  il  se  déclara 
pour  les  premiers  et  contribua  au  désar- 
mement de  ces  militaires.  Peu  de  temps 
après  il  fut  destitué  et  traduit  devant  un 
conseil  de  guerre  ;  mais  il  fut  acquitté. 
Nommé  commandant  de  la  même  divi- 
sion ,  il  fut  chargé  de  l'organisation  du 
comtat  d'Avignon  que  divers  commissai- 
res avaient  tentée  inutilement  :  il  l'acheva 
promptement ,  et  sans  qu'une  goutte  de 
sang  eût  été  répandue  :  ce  qui  lui  valut 
le  grade  de  lieutenant-général.  Ayant 
obtenu  le  commandement  d'une  division 
à  l'armée  des  Pyrénées ,  il  se  distingua 
dès  le  commencement  de  cette  guerre  ; 
et ,  Iciwque  le  général  Deflers  fut  mort , 


PLG 

il  eut  provisoirement  le  commandement 
en  chef  de  l'armée.  Malgré  la  faiblesse 
des  Français ,  attaqués  par  les  Espagnols 
plus  nombreux  ,  il  sauva  Perpignan  par 
l'activité  ,  le  zèle  et  l'intelligence  qu'il 
mit  à  organiser  un  nouveau  corps  d'ar- 
mée à  Salces.  Il  se  distingua  à  Peirestorte, 
contint  l'ennemi  ,  et  l'empêcha  de  s'é- 
tendre dans  le  midi  de  la  France.  Diffé- 
rentes contrariétés  qu'il  éprouva  ,  sans 
doute  comme  ancien  noble  ,  le  détermi- 
nèrent à  donner  sa  démission.  Bientôt  il 
fut  arrêté  à  Toulouse  et  conduit  à  Paris. 
Il  n'obtint  sa  liberté  qu'après  le  9  ther- 
midor, et  vécut  dès  lors  dans  la  retraite.  Il 
en  sortit  pour  prendre  le  commandement 
successif  des  2*,  9«  et  8«  divisions  militai-r 
res.  Mais  dégoûté  du  despotisme  de  Buo- 
naparte  ,  il  donna  une  deuxième  fois  sa 
démission.  En  1816  il  vint  habiter  Paris, 
où  il  est  mort  le  27  mars  1 828.  Il  a  laissé 
dts  Mémoires  politiques  que  l'on  dit  trèa- 
curieux.  i 

"  PUGLIESE  (  Guillaume  ),  savant  ec-    | 
clésiastique  napolitain,  né  vers  l'an  1060, 
vivait  sous  le  fameux  chevalier  normand, 
Robert   Guiscard.     Pugliese    était  à   la 
cour  d'Urbain  II  ,    et  fut  toujours  très 
attaché  à  la  famille  de  Guiscard.  Le  pon- 
tife le  chargea  en  1092  d'écrire  un  Poème 
latin  sur  ses  exploits  et  les  hauts  fait^ 
d'armes  des  Normands  dans  la  Calabre, 
jusqu'à  la  mort  de  Robert,  arrivée  en 
1086.  Cet  ouvrage,  que  l'auteur  dédia  à 
Roger  ,  fils  de  Robert ,  mérita  les  éloges    | 
d'Urbain  et  des  hommes  instruits  de  cette    I 
époque  ;  on  en  fil  plusieurs  copies  que  le    1 
temps  a  fait  disparaître.  Ce  poème  fut    ■ 
enfin  trouvé  dans  le  monastère  de  Bechol- 
vino  ,  par  Jean  Tireneo  Nauteneo,  avocat 
du  fisc  de  Rouen.  On  ignore  s'il  a  obtenu    | 
les  honneurs  de  l'impression,  dont  on  le 
jugeait  digne. 

"PUGLIOLA  (Barthélemi  de  la), 
historien  italien,  naquit  à  Bologne  le  15 
octobre  1378.  A  l'âge  de  16  ans,  il  entra 
dans  l'ordre  des  mineurs  conventuels,  oii 
il  acquit  de  vastes  connaissances  en  phi- 
losophie et  en  théologie.  Il  professa  ces 
deux  sciences  dans  le  couvent  de  .son 
pays,  et  en  d'autres  du  même  ordre,  dans 
diverses  villes  d'Italie.  Il   se  distingua 


PUI 

aussi  dans  la  pr,  dication,  nolammeiit  à 
Rome,  et  devint  vicaire  de  sou  ordre, qu'il 
gouverna  avec  sagesse.  Le  Père  de  la 
Pugiiola  a  écrit  en  outre  une  excellente 
Chronique  de  Cologne.  Il  l'avait  extraite 
en  partie  des  manuscrits  de  Jacques  Bian- 
chetli  ,  lesquels  étaient  sans  ordre ,  et 
manquaient  d'un  grand  nombre  de  dates 
importantes.  Cette  chronique  commence 
à  l'année  1362,  et  finit  en  1407.  Elle  fut 
continuée  par  d'autres  écrivains  jusqu'à 
l'année  1 47  I ,  et  a  été  publiée  par  Mura- 
tori,  qui  l'avait  trouvée  dans  la  bibliothè- 
que de  Modène,  et  qui  l'inséra  dans  son 
grand  ouvrage  des  Ecrivains  d'Italie, 
lome  18,pag.  230.  Le  Père  de  la  Pugiiola 
mourut  le  10  février  1 43G,  âgé  de  58  ans. 

•  PCGNANI  (Guelano  ),  célèbre  vio- 
loniste piémontais  ,  né  à  Turin  eu  1728, 
reçut  dès  sa  plus  tendre  jeunesse  des 
leçons  de  J.  B.  Soniir,  l'un  des  élèves 
les  plus  distingués  de  Sorelli.  Après 
avoir  parcouru  une  partie  de  l'Eu- 
rope, il  revint  dans  sa  patrie,  oii  il  fonda 

^  une  école  de  violon,  qui  a  produit  de 
très  bons  violonistes.  Il  fit  aussi  repré- 
senter sur  le  théâtre  royal  de  Turin,  dont 
il  dirigeait  l'orchestre  :  Issea  ,  Thamas- 
Kouli-Kan,  Achille  in  Sciro.  Démo  fonte 

/  c  Demetrio  a  Rodi.  Il  mourut  en  1798. 
Peu  d'artistes  ont  su  mériter  comme  lui 
l'admiration  pour  leur  talent  et  l'estime 
pour  leur  personne.  Jamais  il  ne  parais- 
sait en  public,  sans  être  somptueusement 
paré.  Il  conservait  aussi  dans  son  main- 
tien beaucoup  de  dignité.  Le  grandiose 
de  son  exécution  répondait  parfaitement 
à  cet  extérieur  qui  frappait  tous  les  yeux. 

*  PUIFFERRAT  (  Pierre  ) ,  grand-vi- 
caire  de  Sens  ,  né  le  29  décembre  1744  , 
h  Lavanpot ,  dans  le  diocèse  de  Limoges, 
lit  ses  études  au  collège  de  Magnac-La- 
▼al ,  et  professa  la  rhétorique  dans  cet 
établissement  ,  après  avoir  été  ordonné 
prêtre  en  1769.  Il  devint  ensuite  aumô- 
nier de  M.  d'.\rgentré  ,  évêque  de  Limo- 
ges ,  et  fut  bientôt  élevé  à  la  dignité  , 
alors  très  considérée ,  de  chantre  de  la 
collégiale  de  St. -Martial  de  cette  ville.  En 
1786  le  même  prélat  le  choisit  pour  l'un 
de  ses  grands-vicaires.  L'abbé  Puifferrat 
suivit  son  évêque  dans  l'émigration  ;   il 


PLI  i49 

ne  le  quitta  qu'en  1801  ,  pour  faire  u» 
petit  voyage  en  France  et  revoir  sa  fa- 
mille ;  mais  il  retourna  bientôt  auprès  de 
son  protecteur  qui  mourut  en  1808  dans 
le  pays  de  Munster.  L'abbé  Puifferrat  re- 
vint alors  se  fixer  dans  son  pays  natal. 
Un  sentiment  de  délicatesse  l'empêcha 
d'accepter  le  titre  de  vicaire-général  que 
lui  offrait  M.  Du  Bourg,  alors  évêque  de 
Limoges  :  il  crut,  qu'après  avoir  été  si 
long-temps  attaché  à  un  évêque  non  dé- 
missionnaire ,  il  ne  convenait  pas  de  re- 
cevoir le  titre  de  vicaire-général  d'un 
prélat  qui  avait  accepté  le  siège  de  M. 
d'Argentré  ;  du  reste  aucune  idée  de 
schisme  ou  d'opposition  n'entrait  dans 
son  refus.  Nommé  chanoine  honoraire  de 
Limoges,  il  consentit  à  prendre  trois  ans 
après  la  cure  de  Magnac  Laval  qu'il  oc- 
cupa jusqu'en  1819.  M.deCosnac,  ayant 
été  nommé  évêque  de  Noyon,  s'empressa 
d'offrir  à  l'abbé  Puifferrat  la  place  de 
grand-vicaire, qu'il  accepta  pour  se  réunir 
à  un  ami  et  à  un  compagnon  d'exil.  Ce 
fut  à  Mcaux  et  en  1819  qu'eut  lieu  cette 
réunion.  L'abbé  Puifferrat  suivit  M.  de 
Cosnac  à  Sens  :  c'est  dans  cette  ville  qu'il 
est  mort  le  8  décembre  1 831 .  Sa  foi  vive, 
ses  grandes  vertus,  la  droiture  de  son  es- 
prit et  la  franchise  de  son  caractère  ,  son 
obligeance  et  l'agrément  de  son  com- 
merce étaient  des  qualités  rares  dans  le 
siècle  où  nous  vivons.  Personne  ne  sau- 
rait dire  le  bien  qu'il  fit  dans  les  diocèses 
de  Limoges  ,  de  Meaux  et  de  Sens. 

*  PUISAYE  (Joseph,  comte  de)  ,  lieute- 
nant-général des  armées  royales ,  né  à 
Mortagne  d'une  bonne  famille  du  Perche 
fut  destiné  dans  sa  jeunesse  à  l'état  ec- 
clésiastique ,  et  fit  en  conséquence  quel- 
ques études  à  St.-Sulpice;  mais  son  goût 
l'entraîna  vers  la  carrière  des  armes  qu'il 
embrassa  et  dans  laquelle  il  se  distingua 
par  sa  valeur  et  ses  talens.  Cependant , 
après  avoir  été  sous-lieutenant  dans  le 
régiment  de  Conti  (  cavalerie  ) ,  et  en- 
suite capitaine  dans  les  dragons  de  La- 
nan  ,  il  se  retira  dans  sa  famille ,  mécon- 
tent qu'il  était  de  ne  s'être  pas  élevé  au 
gré  de  ses  désirs.  Son  père  étant  mort,  il 
recueillit  la  part  de  sa  succession  et  acheta 
une  charge  dans  les  Cent-Suisses  de  la 


i5o  PUI 

maison  du  roi  ;  ce  qui  lui  donna  le  rang 
de  colonel.  En  17  89  il  fut  nommé  député 
de  la  noblesse  du  Perche  aux  élats-géué- 
raux;  sa  conduite  fut  dirigée  dans  ces  cir- 
constances orageuses  par  les  principes  de 
iidélilc  monarchique  ,  et  par  conséquent 
il  vota  avec  la  minorité.  Il  signa  la  protes- 
tation du  24  juin  1790  contre  le  décret 
du  19  du  même  mois  qui  portait  l'aboli- 
tion de  la  noblesse  ;  du  reste  il  se  fit 
peu  remarquer  :  en  général  on  le  regar- 
dait comme  un  partisan  de  la  constitution 
anglaise.  Après  la  session,  il  se  retira  en 
Normandie;  en  1T9I  il  fui  élevé  au  grade 
de  maréchal-de  camp  et  de  commandant 
de  la  garde  nationale  d'Evreux  ;  en  1793 
il  fut  adjoint  au  général  \\  impfen  ,  en 
qualité  de  chef  de  son  état  major ,  €t  com- 
manda ,  au  mois  de  juin  ,  l'avant  garde 
de  l'armée  de  l'Eure  qui  marcha  contre 
la  Convention.  Battu  à  Pacy-sur-Eure, 
il  se  relira  en  Bretagne  :  sa  tête  fut  mise 
à  prix.  Puisaye,  bravant  dès  lors  une  mul- 
titude de  dangers,  rallia  et  réorganisa 
dans  le  déparlement  d'Ille-et-Villaine 
les  débris  du  parti  de  la  chouannerie  au- 
quel les  frères  Cliouans  avaient  donné 
leur  nom  :  il  se  mit  en  rapport  avec 
d'autres  chefs  royalistes ,  créa  un  con- 
seil militaire,  mit  en  circulation  du  pa- 
pier-monnaie ,  envoya  des  émissaires  à 
F^ondres  ,  reçut  des  secours  du  cabi- 
net anglais  et  des  pouvoirs  du  comte 
d'Artois.  Il  publia  des  proclamations,  et 
devint  en  quelque  sorte  le  centre  et  l'âme 
de  la  confédération  vendéenne.  Dans 
toutes  ces  circonstances,  il  déploya  beau- 
coup d'activité  etde  talent. Couvaincuque 
les  royalistes  ne  pourraient  réussir  dans 
leurs  tentatives ,  .sans  être  fortement  ap- 
puyésparles  Anglais,  il  subordonna  tou- 
tes ses  opérations  aux  volontés  du  gouver- 
nement britannique.  Plus  d'un  Vendéen 
rougit  de  cette  humiliation  à  laquelle  il 
condamnait  son  parti ,  et  il  y  en  avait  qui 
allaient  jusqu'à  regarder  le  comte  de  Pui- 
saye comme  un  faux-frère.  Ce  qu'il  y  a  de 
bien  certain,  c'est  que  le  gouvernement 
anglais  fut  un  auxiliaire  perBde,  et,que,  si 
des  fautes  furent  commises  par  les  roya- 
listes, on  doit  moins  leur  attribuer  le 
mauvais  succès  des  armées  vendéennes 


PUI 

qu'aux  pièges  que  leur  tendirent  des  al- 
liés qui  ne  voulaient  que  la  perte  des 
Français  et  non  le  triomphe  des  Bourbons. 
Quoi  qu'il  en  soit,  le  comte  de  Puisaye  , 
passa  en  Angleterre  dans  le  mois  de  sep- 
tembre 17  94;  il  s'aboucha  avec  les  mi- 
nistres, auxquels  il  proposa  le  plan  d'une 
descente  dans  la  Bretagne.  Telle  fut  l'o- 
rigine de  la  malheureuse  expédition  de 
Quibéron,  qui  échoua  d'une  manière  si  dé- 
plorable. La  division  entre  les  chefs  roya- 
listes (le  comte  de  Puisaye  commandait 
les  troupes  de  l'intérieur,  et  M.  d'Hervilly 
élait  à  la  têle  des  émigrés  ) ,  et  l'incroya* 
ble  activité  des  généraux  républicains, 
surtout  de  Hoche,  furent  sans  contredit 
les  principales  causes  de  ces  désastres  ; 
mais  on  rendit  le  comte  de  Puisaye  res- 
ponsable de  l'issue  malheureuse  de  cette 
expédition  qu'il  avait  provoquée,  et  il  y 
eut  contre  lui  un  concert  de  plaintes  et 
de  reproches  tant  des  royalistes  du  de- 
dans que  des  émigrés.  I.e  comte  de  Pui- 
saye qui  élait  parvenu  à  s'échapper  de 
Quibéron  fut  regardé  par  les  uns  comme 
un  traître,  par  d'autres  comme  un  lâche. 
Cependant  il  rentra  en  Bretagne;  mais, 
mal  vu  de  tous  ceux  avec  lesquels  il  avait 
combattu,  il  lui  fut  plus  facile  de  se  ga- 
rantir des  embûches  que  lui  tendaient 
les  républicains  que  de  l'animadversion' 
des  royalistes;  il  eut  des  démêlés  fort 
désagréables  aveclesagens  du  roi,  et  sur- 
tout avec  M.  d'Avaray ,  ministre  de  Louis 
XVin  ;  enfin  dégoûté  d'une  carrière  si 
périlleuse  et  si  agitée ,  il  retourna  en  An- 
gleterre. Il  obtint  des  ministres  anglais 
un  établissement  dans  le  Canada  avec 
une  somme  d'argent  pour  son  exploita- 
tion ;  il  se  rendit  donc  en  Amérique  oii  il 
fut  suivi  d'une  partie  des  officiers  qui  lui 
étaient  restés  attachés.  A  l'époque  du 
traité  d'Amiens,  il  retourna  à  Londres  où 
il  trouva  les  mêmes  préventions;  elles 
furent  augmentées  encore  par  la  publi- 
cation de  ses  Mémoires  qui  parurent  en 
6to1.  de  1803  à  1808.  Celle  justification 
un  peu  volumineuse,  dans  laquelle  il  trai- 
tait avec  beaucoup  de  hauteur  et  de  du- 
reté plusieurs  royalistes  distingués ,  fut 
réfutée  à  Londres  dans  les  feuilles  pério- 
diques et  dans  plusieurs  brochures.  S» 


i 


PUJ 

disgrâce  fut  complète.  Fort  sensible  à 
l'opinion  qu'avaient  conçue  de  lut  les 
princes,  il  s'était  fait  naturaliser  en  An- 
gleterre où  il  avait  obtenu  une  pension. 
U  ne  rentra  point  en  France  à  la  restau- 
ration; il  est  mort  le  13  octobre  1827  à 
Hammersmith  près  de  Londres  où  il  ré- 
sidait :  il  avait  reçu  les  secours  de  la  re- 
ligion, des  mains  d'un  pieux  prélat, 
M.  Weld,  évêque  d'Amiclée.  Le  comte 
de  Puisaj  e  se  plaignait  souvent  de  l'in- 
gratitude des  hommes  ;  il  est  à  regretter 
qu'il  ait  mis  dans  sa  défense  une  amer- 
tume qui  n'a  pu  qu'accroître  les  préven- 
tions formées  contre  lui.  Ses  Mémoires 
contiennent  du  reste  des  faits  curieux  et 
sont  nécessaires  pour  quiconque  veut 
connaître  l'Histoire  du  parti  royaliste 
pendant  la  révolution.  Voyez  l'Histoire 
de  la  Vendée  parBeauchamp  ,  les  lettres 
sur  la  Chouannerie  et  les  autres  écrits 
relatifs  à  cette  époque. 

PtriSlEUX  (  Philippe-Florent  de  ),  né 
à  Meaux  en  1713,  mort  à  Paris  en  1772, 
était  avocat  au  parlement  de  Paris.  Il 
cultiva  moins  la  jurisprudence  que  la 
littérature.  Nous  avons  de  lui  un  grand 
nombre  de  traductions  de  livres  anglais, 
dont  quelques-unes  sont  utiles.  Telles 
sont  celles  de  la  Grammaire  géographi- 
que de  Gordon,  in-8;  de  l'Histoire  navale 
d'Angleterre,  en  3  vol.  in-4;  de  la  Gram- 
maire des  Sciences  philosophiques,  des 
£lémens  des  sciences  et  des  arts,  etc.,  etc. 
Il  a  aussi  traduit  quelques  romans  et  quel- 
ques autres  brochures  anglaises ,  dont  la 
plupart  ne  méritaient  pas  de  passer  la 
mer. 

PUISIEUX.  Voyez  Brulart. 
PUJOS  (André),  né  à  Toulouse  en 
1730,  et  peintre  de  l'académie  de  cette 
ville,  se  distingua  dans  le  dessin  et  la 
peinture  en  miniature,  puis  s'attacha  aux 
portraits,  genre  où  il  excella.  Il  peignit 
presque  tous  les  hommes  qui  avaient  quel- 
que célébrité  en  France. 
•  *  PUJOL  (Alexandre-Denys-Joseph  de), 
député  à  l'assemblée  des  notables,  né  en 
1737,  mort  le  30  août  1816,  avait  été  pré- 
vôt, puis  chef  de  la  ville  de  Valenciennes. 
Il  était,  avant  la  révolution,  commissaire 
principal  des  guerres  en  Hainaut.  Il  est 


PUL  i6t 

auteur  de  la  Galerie  historique  univer- 
selle, dont  il  a  publié  18  livraisons.  Il  a 
en  outre  laissé  en  manuscrit  le  Manuel 
de  r homme  de  bien. 

•  PUJOULX  (  Jean-Baptiste  ) ,  littéra- 
teur, né  à  St.-Macaire,  département  de  la 
Gironde  en  17G2,  mort  à  Paris  le  17  avril 
1 821 , se  fit  connaître  d'abord  par  des  arti- 
cles de  journaux  qui  annonçaient  du  goût, 
de  la  facilité  et  des  connaissances  :  ainsi, 
il  a  travaillé  au  Journal  de  la  littérature 
française  et  étrangère ,  à  la  Gazette  de 
France,   au   Journal  de    Paris,  et   au 
Journal  de  l'Empire.  Il  a  publié  :  1°  le 
Livre   du  second  âge,  ou  Instructions 
amusantes  sur  l'Histoire  naturelle  des 
animaux  ,  1800,  in-8;  3*  édition  ,  1803; 
2"  Paris  à  la  fin  du  18^  siècle,  ou  Es- 
quisse historique   et  morale  des  monu- 
mens  et  des  ruines  de  cette  capitale  ,  de 
l'état  des  sciences,  des  arts  et  de  l'in- 
dustrie à  cette  époque ,  ainsi  que  des 
mœurs  et  des  ridicules  de  ses  habitans , 
1800  et  1801  ,  in-8;  3°  Promenades  au 
Jardin   des  Plantes,  à  la  Ménagerie  et 
dans  les  galeries  du  muséum,  d'histoire 
naturelle,  1804,2  vol.  in  18;  4°  Le  na- 
turaliste du  second  âge,  destiné  à  servir 
de  suite  et  de  complément  au  Livre  du 
second  âge,   1805,  in-8;  S"  Leçons  de 
physique  à  l'école  polytechnique  sur  les 
propriétés  générales  des  corps,  précédées 
d'une   introduction,    1805,  in-8;  6°  La 
Botanique  des  jeunes  gens,  1810,  2  vol. 
in-8  ;  7°  Promenades  au    marché  aux 
fleurs,  ou  la  Botanique  du  second  âge, 
1811,    in-12;  8°   l'Astrologue  parisien, 
ou   le  Nouveau  Matthieu  Laensberg  , 
année  1812  jusqu'à    1 8 1 7  ;  9°  Minéralo- 
gie à  l'usage  des  gens  du  monde,  1813, 
in-8;  IQ"^  Louis  XVIpcint par  lui-même, 
ou  Correspondance  et  autres  écrits  de  ce 
monarque,  1817,  in-8.  Lorsque  Pujoulx 
composa  cet  ouvrage,  il  croyait  authen- 
tique la  Correspondance  apocryphe  de 
Louis  XVI.   11°  Plusieurs  comédies  et 
opéras,(\ni  ont  eu  peu  de  succès.  Pujoulx 
a  fourni  aussi  quelques  articles  à  la  Bio- 
graphie universelle  de  Michaud.  Voyez 
Mahui,  annuaire  nécrolog.  tom.  2, p.  266. 
PULCHÉRIE  (^lia-PulcheriaAugusta , 
Sainte),  impératrice,  fille  de  l'empereur 


iÔ2  PUL 

Arcadius,  el  soeur  de  Théodose  ic  Jeune, 
naquit  l'an  399  à  Constanlinopte,  et  fut 
créée  Auguste  en  414,  et  parlar^ea  avec 
son  frère  la  puissance  impériale.  Après  la 
mort  de  Théodose,  arrivée  en  450,  sainte 
Pulchérie  fit  élire  Marcien,  et  l'épousa , 
plutôt  pour  avoir  4in  soutien  qui  l'aidât 
à  porter  le  poids  de  la  couronne,  que 
pour  avoir  un  époux.  Elle  lui  fit  promet- 
tre qu'il  garderait  la  continence  avec  elle. 
Le  concile  de  Chalcédoine  assemblé  en 
457,  par  Marcien,  à  la  prière  de  saint 
Léon,  la  combla  d'éloges.  Elle  les  méri- 
tait par  sa  p  été  et  par  son  zèle.  Cette 
princesse  aimait  les  lettres  et  les  cultivait. 
Elle  mourut  en  454,  à  55  ans.  Voltaire 
ménage  peu  cette  princesse  dans  la  pré- 
face du  commentaire  sur  la  Pu/c/ieWe  de 
Corneille. 

PULCHRE  (  François  Le  ),  seigneur  de 
la  Mothe  Messemé,  était  originaire  d'An- 
gleterre ,  et  son  père  avait  la  charge  de 
sur-intendant  auprès  de  Marguerite, 
reine  de  Navarre,  qui  demeurait  ordinai- 
rement à  Mont-de-Marsan.  Le  Puichre  y 
naquit  vers  l'an  1540,  suivit,  dès  sa  pre- 
mière jeunesse,  la  carrière  des  armes,  se 
trouva  à  la  bataille  de  Dreux  (1502  ).  Il 
fut  envoyé  par  Charles  IX  à  la  reine  sa 
mère,  Catherine  de  Médicis,  pour  appren- 
dre de  ses  nouvelles,  et  celles  de  la  paix, 
dont  cette  princesse  s'occupait  dans  ce 
moment.  Le  Puichre  resta  toujours  atta- 
ché à  la  cour,  et  la  suivit  à  Paris,  à  Saint- 
Germain,  etc.  Il  se  distingua  dans  toutes 
les  guerres  qui  eurent  lieu  à  cette  époque, 
et,  en  récompense,  Charles  IX  le  nomma 
gentilhomme  ordinaire  de  sa  chambre. 
Le  Pulchrè  mourut  dans  un  âge  très 
avancé,et  a  laissé  un  ouvrage  assez  singu- 
lier par  le  titre  ,  et  par  la  bizarrerie  du 
stile,  mais  qui  contient  plusieurs  faits 
historiques  assez  curieux  et  intéressans  ; 
cet  ouvrage  a  pour  titre  :  Les  sept  livres 
des  honnêtes  plaisirs  de  M.  de  la  Mothe- 
Messemé,  chevalier  de  tordre  du  roi,  et 
capitûine  de  cinquante  hommes  d^armes 
de  sa  majesté'.  Chaque  livre  est  intitule' 
du  nom  d'une  des  planètes,  qui  est  un 
discours  en  forme  de  chronologie ,  où 
sera  ve'ritablement  discouru  des  plus  no- 
tables occurrenàes  de  nos  guerres  civiles 


PUL 

et  de  divers  accidens  de  l'auteur  dédie' 
au  roi  ;  plus  un  mélange  de  divers  poè- 
mes, d'élégies ,  stances  et  sonnets,  etc., 
Paris,  1587. 

PULCI  (  Louis },  poète  italien ,  né  à 
Florence  en  1432  d'une  famille  noble, 
et  chanoine  de  cette  ville,  est  auteur  d'un 
long  poème  intitulé  :  Morganle  mag- 
giore,  espèce  de  poème  épique,  oii  il  y  a 
quelque  imagination  ,  mais  peu  de  juge- 
ment, encore  moins  de  goût,  et  où  l'au- 
teur fait  un  mélange  bizarre  du  sérieux 
et  du  comique  le  plus  bas.  Il  se  permet 
en  outre  des  plaisanteries  révoltantes  sur 
des  matières  sacrées,  et  même  des  obscé- 
nités grossières.  Quelques  critiques  ita- 
liens, Varchi ,  entre  autres,  ont  mis  bien 
arbitrairement  Puici  au  dessus  de  l'A- 
rioste.  (Il  n'a  de  commun  avec  ce  grand 
poète  qu'une  licence  très  répréhensible 
dans  quelques  images.  L'académie  de  la 
Crusca  a  mis  le  Morgantc  parmi  les  ou- 
vrages classiques,  non  quant  à  la  com- 
position ,  mais  sous  le  rapport  du  stile, 
qui  est  le  plus  pur  toscan.  Pulci  fut  l'in- 
venteur du  poème  héroï-comique.  Il  pu- 
blia en  outrele  Credo  et  la  confession  àla 
Vierge,  petits  poèmes  en  tercets  ;  le  der- 
nier est  suivi  de  quelques  poésies  pieuses, 
dedeux  comédies  etdepIusieurs5o«nc/j.) 
On  ignore  l'année  de  sa  mort.  Zilioli,  au- 
teur d'une  histoire  manuscrite  des  Vies 
des  poètes  italiens,  a  dit,  mais  sans  preu- 
ves, que  ce  poète  était  mort  à  Padoue,  et 
qu'on  lui  avait  refusé  la  sépulture  comme 
à  un  excommunié.  —  Luc  et  Bernard 
PuLci,  frères  de  Louis,  se  distinguèrent 
aussi  dans  la  poésie.  Le  premier  est  prin- 
cipalement connu  par  deux  poèmes  :  // 
Ciriffo  calvaneo ,  dont  la  meilleure  édi- 
tion est  celle  de  Venise,  1518,  iu-8;// 
Driadeo,  Florence,  1479,  in-4.  Le  second 
a  composé  un  Poème  sur  la  passion  de 
J.  G.,  et  une  Traduction  en  vers  des  £{ 
coliques  de  Virgile. 

*  PULGAR  (  Ferdinand  de  ) ,  cél 
écrivain ,  surnommé  par  ses  compatrio- 
tes le  Plutarque espagnol,  naquit  àPul- 
gar  près  de  Tolède,  en  1436.  Il  était  d'une 
ancienne  et  illustre  famille ,  et  son  père 
fut  attaché  à  la  cour  de  Jean  II  et  de  Henri 
IV  ;  le  jeune  Pulgar  y  futëleTé,  et  reçut 


Icbr^ 


PtlL 

«ne  éducation  «lifyne  de  sa  naissance  îi 
itneépoque  où  les  lettres  reflorlssaient  en 
Espagne ,  par  les  soins  et  la  protection  du 
premier  de  ces  monarques.  Dans  lesdiftc- 
rends  qui  eurent  lieu  entre  Henri  IV  et  sa 
sœur  Isabelle  de  Castille,  Ferdinand  de 
Pulgar  suivit  le  parti  de  cette  princesse; 
et  quand,  après  la  mort  de  Henri  IV,  elle 
s'assit  sur  le  trône  avec  Ferdinand  le  Ca- 
tholique, roi  d'Aragon,  les  deux  augus- 
tes époux  appelèrent  auprès  d'eux  le  fi- 
dèle Pulgar,  et  le  nommèrent  leur  secré- 
laireintime.  Peu  de  temps  après,  Pulgar 
remplit  une  mission  difficile  auprès  de  la 
cour  de  France,  et  il  s'en  acquitta  avec 
honneur.  A  son  retour,  il  fut  créé  con- 
seiller d'état,  et  résida  plusieurs  années 
à  la  cour.  Pour  mieux  se  livrer  à  l'éludé  , 
qui  était  sa  passion  favorite  ,  il  se  retira 
dans  sa  patrie  ;  la  reine  Isabelle  le  rap- 
pela en  1482,  et  le  fit  nommer  historio- 
graphe des  rois  catholiques.  Il  les  suivit 
dans  leurs  voyages ,  leurs  expéditions,  et 
fut  témoin  oculaire  des  faits  qu'il  raconte 
dans  sa  Chronique  de  ce  règne  si  glorieux 
pour  l'Espagne  (  Cronica  de  los  reyes  don 
Fernando  y  Dnna  Isabel,  Saragosse, 
15G7  ,  in -loi.  )  Elle  fut  imprimée  pour 
la  première  fois  en  J488,  in-4;  mais  elle 
ne  portait  pas  le  nom  de  Pulgar.  Le  stile 
en  est  simple,  mais  noble  ;  et  il  est  sur- 
faut remarquable  par  la  concision  et 
l'exactitude  des  faits.  On  cite  parmi  ses 
autres  ouvrages  Les  grands  hommes  de 
la  Castille  ,  Se  ville ,  1 500  ;  Lettres  à  la 
l'eine  Isabelle ,  Alcala ,  1628,  Madrid, 
17  76,  in-8.  «  Ces  deux  ouvrages,  dit  le 
»  savant  Capmani ,  apprennent  plus  à 
V  connaître  les  hommes  que  la  plus 
»  grande  partie  des  histoires.  »  Ferdi- 
nand de  Pulgar  mourut  vers  1479, 

PULLUS  ou  PouLLAiN  (  Robert),  théo- 
logien anglais ,  fit  ses  études  à  Paris  avec 
distinction.  A  son  retour  en  Angleterre, 
vers  1 1 30 ,  il  rétablit  l'académie  d'Ox- 
ford ,  et  fut  pourvu  de  l'archidiaconé  de 
Rochester.  Quelque  temps  aprè.s,  le  pape 
Innocent  II  l'appela  à  Rome,  oii  il  fut 
fait  cardinal  par  le  pape  Célestin  II,  en 
1144,  et  chancelier  de  l'Eglise  romaine 
par  Luce  II.  LePèreMathou,  bénédictin, 
publia  en  16ôi>ses  trois  livres  des  Sen- 

XI. 


PtL 


i53 


trnci's ,  in-fol.  1.1  est  cucorc  aulCHr  de 
Commentaires  sur  les  Psaumes  et  sur  l'A- 
pocalypse, et  d'autres  ouvrages.  Il  mou- 
rut vers  1160. 

PULMAINN  (  plus  connu  sous  le  nom 
de  Théodore  Poelmann  ) ,  né  à  Cra- 
nenbourg,  dans  le  duché  de  Clèves ,  vers 
1610.  Quoique  d'une  condition  obscure» 
et  obligé  de  vivre  du  travail  de  ses  mains, 
il  se  rendit  habile  dans  les  belles-lettres 
et  dans  la  critique  grammaticale..  Sou 
application  principale  fut  de  corriger  les 
poètes  latins  sur  d'anciens  manuscrits, 
et  d'en  donner  de  bonnes  éditions  chez 
Plantin,  à  Anvers;  il  y  servit  de  correc- 
teur d'imprimerie  pendant  IG  ans.  On  a 
de  lui  des  éditions  d'Arator,  de  saint 
Paulin,  de  f^irgile ,  de  Lucain ,  de  Jii- 
vénal  ^  d'Horace  »  d'Ausone,  de  Claw- 
dien,  d'Esope^  de  Tcrcnce,  de  Suétoncy 
etc.  Il  mourut  à  Salamanque  en  Espagne. 

*PULTENEY  (William),  comte  de 
Bath  ,  né  en  1G82  d'une  ancienne  fa- 
mille du  comté  de  Leicester,  fut  appelé 
jeune  encore  à  la  chambre  des  communes, 
sous  le  règne  de  la  reine  Anne  :  il  se 
prononça  fortement  contre  le  ministère 
que  cette  princesse  avait  choisi  en  1710 
parmi  les  torys.  Il  se  montra  ensuite  un 
des  partisans  de  Georges  P' ,  à  sou  avè- 
nement au  trône ,  et  ce  monarque  le 
nomma  secrétaire  de  la  guerre  en  1714  , 
et  ensuite  trésorier  de  l'épargne.  Forcé 
par  ces  deux  places  de  communiquer 
souvent  avec  lord  Walpole  ,  premier  mi^ 
nistre ,  pendant  quelque  temps  ils  pa^ 
rurent  l'un  et  l'autre  vivre  en  parfaite 
harmonie  ;  mais  celte  harmonie  ne  dura 
pas  long  temps.  Pulteney ,  que  ses  ta- 
lens  rendaient  orgueilleux ,  ne  tarda  pas 
à  censurer  toutes  les  mesures  et  les  pro- 
positions du  ministre  avec  une  opposi- 
tion si  tenace  et  un  tel  acharnement , 
que  le  roi  lui-même  eflaca  en  juillet 
1731  son  nom  de  la  liste  des  conseillers 
privés  ,  et  le  dépouilla  de  ses  charges. 
Pulteney  prononça  à  cette  occasion , 
dans  la  chambre  des  communes ,  ce  fa- 
meux discours  oii ,  entre  autres  choses , 
«  il  compare  le  ministère  anglais  à  ua 
empirique,  qui  traite  la  nation  comme 
un  malade  ,  et  ne  sait ,  parmi  les  diffc- 

20. 


i54  ruL 

rens  remèdes  qu'il  lui  propose  ,  en  trou- 
ver de  réellement  efficaces.  »  Sa  disgrâce 
ne  iîl  qu'accroître  sa  popularité ,  qui  le 
maintint  de  plus  en  plus  dans  son  in- 
flexible Opposition.  Le  ministre  Walpole 
avait  bien  raison  dédire  «  qu'il  craignait 
plus  sa  langue  qu'une  épée  acérée  dont 
il  serait  menacé.  »  Pullenej  l'emporta 
enfin ,  et  lord  Walpole  fut  contraint  de 
résigner  sa  place.  Son  adversaire  fut 
rapf»elé  au  conseil  privé ,  et  nommé  pair 
avec  le  titre  de  comte  de  Balh.  L'in- 
fluence dont  il  jouit  le  reste  de  sa  vie  à  la 
cour  le  dédommagea  ,  sans  doule  à  ses 
yeux,  des  applaudissemens  populaires 
qu'il  ne  pouvait  plus  obtenir  et  qu'il 
affeclatt  de  dédaigner.  Il  mourut  le  8 
juin  1704,  à  l'âge  de  82  ans  ,  emportant 
la  réputation  d'un  homme  habile  ,  mais 
non  désintéressé.  Il  avait  publié  plusieurs 
pamphlets  politiques ,  et  dans  ce  genre 
de  composition  ,  aucun  écrivain  de  son 
temps  ne  put  l'égaler.  Il  eut  aussi  beau- 
coup de  part  à  la  rédaction  du  journal 
The  Crafstmnn  (l'Artisan).  On  a  aussi 
de  lui  des  Poésies  assez  estimées. 

*  PULTENEY  (-Richard)  .médecin  et 
botaniste  anglais,  naquit  en  nSOàLongh- 
borough  dans  le  comté  de  Leicester. 
Il  fut  d'abord  apprenti  chez  un  apothi- 
caire, et  étudia  ensuite  la  médecine. 
Reçu  docteur  à  Edimbourg  en  1764,  il 
exerça  cet  art  à  Leicester.  S'étant  livré 
avec  ardeur  à  l'étude  de  la  botanique  , 
il  composa  sur  cette  science  beaucoup  de 
Mémoires ,  qui  se  trouvent  dans  Gent- 
leman's  Magazine ,  avec  d'autres ,  du 
même  auteur ,  sur  les  antiquités.  Après 
avoir  été  pendant  quelque  temps  le  mé- 
decin du  comte  de  Bath  dont  il  était  pa- 
rent ,  il  se  fixa  à  Blanford ,  canton  de 
Dorset ,  où  il  acquit  une  grande  réputa- 
tion ,  et  mourut  en  1801.  On  a  encore 
de  lui  :  1°  Revue  générale  des  écrits  de 
Linnée,  1782,  in-8;  2"  Essais  histo- 
riques et  biographiques  sur  les  progrès 
de  la  botanique  en  Angleterre,  1790, 
2  vol.  iu-8.  Ces  deux  ouvrages  ont  été 
traduits  en  français  chacun  en  2  vol. 
in-8  ,  le  premier  par  Millin,  1789  ,  et  le 
deuxième  par  Boulard  ,  1809.  Il  a  beau- 
coap  enrichi  par  ses  recherches  VHis- 


PUN 

toire  de  Leicester,  par  Nichol ,  et  celle 
du  comté  de  Dorset ,  par  Huteching , 
édition  dcGough.  Pultency  était  membre 
de  la  société  royale  de  Londres ,  et  de 
plusieurs  académies  étrangères. 

*  PUiNT  (  Jean  ) ,  graveur,  acteur  et 
peintre  hollandais,  naquit  à  Amsterdam 
en  1711.  Il  s'était  déjà  fait  connaître 
avantageusement  dans  la  gravure,  lors- 
que ,  s'étant  marié  en  1733  à  une  fa- 
meuse comédienne,  Anne-Marie  Bruiu , 
il  embrassa  son  art,  et  devint  lui  même 
un  acteur  célèbre,  rival  de  Druim  ;  il 
excellait  dans  les  grands  rôles  tragiques. 
La  mort  prématurée  de  sa  femme  le  dé- 
goûta de  la  scène,  et  il  reprit  alors  le 
burin.  Il  s'occupa  à  graver  les  36  plafonds 
peints  par  Rubens  pour  les  quatre  gale- 
riesde  l'église  d£s  jésuites  d'Anvers.  Ja- 
cob de  Witt  les  avait  dessinés  six  ans 
avant  que  ce  magnifique  édifice  fût  con- 
sumé par  les  flammes.  Cédant  aux  in- 
stances de  ses  amis,  il  reparut  sur  la  scène 
en  1753 ,  et  deux  ans  après  il  obtint  lu 
place  lucrative  de  concierge  du  théâtre, 
équivalente  à  celle  de  directeur.  Dans  sa 
première  jeunesse,  il  avait  pris  des  le- 
çons de  peinture  :  il  la  cultiva,  et  peignit 
le  portrait,  le  paysage,  et  même  l'his- 
toire, et  son  travail  assidu  contribuait  à 
le  faire  vivre  dans  l'aisance.  Il  s'était  re- 
marié, en  1748,  avec  Anne  Cicot,  i\^ 
d'un  marchand  de  tableaux ,  qui  avait 
réveillé  en  lui  le  goût  de  la  peinture. 
Devenu  veuf  une  seconde  fois,  en  1771, 
il  prit  encore  une  troisième  femme,  Ca- 
therine Fokke ,  tragédienne  renommée. 
Punt ,  d'un  caractère  modeste  et  doux, 
avait  une  bonne  réputation  ,  et,  lié  avec 
les  personnes  les  plus  distinguées,  il 
jouissait  du  bonheur  domestique,  quand 
un  accident  funeste  vint  le  troubler.  La 
salle  de  spectacle  dont  il  était  concierge 
fut  réduite  en  cendres  ;  il  y  perdit  plu- 
sieurs tableaux,  une  partie  de  sa  fortune, 
et  lui  et  son  épouse  purent  à  peine  se 
sauver  delà  fureur  des  flammes.  Cet  ac- 
cident i^iflua  sur  sa  santé  ;  peu  de  temps 
après  il  tomba  malade  ,  et  mourut  en 
1779.  H  aurait  mieux  valu  pour  ce  pein- 
tre acteur  den'avoir  jamais  recherché  les 
applaudissemens  de  la  scène,  et  de  s'être 


PUR 

enlièienient  consacré  à  la  peinlure,  art 
propre  à  contribuer  à  sa  tranquillité  et  à 
sa  gloire. 

PUPJEIN  (  Marcus-Claudius-Maximus- 
Pupienus  ) ,  empereur  romain  ,  né  vers 
l'an  164  d'un  forgeron,  prit  le  parti  des 
armes,  et  parvint  par  son  mérite  aux  pre- 
miers emplois  de  l'armée  et  du  sénat.  Il 
fut  préteur,  consul ,  préfet  de  Rome  ,  et 
gouverneur  de  plusieurs  provinces,  où 
il  se  conduisit  avec  autant  d'intégrité 
que  d'intelligence.  Après  la  mort  des 
Gordiens  eu  237  ,  le  sénat  le  déclara  Au- 
guste avec  Balbin ,  pour  délivrer  l'em- 
pire de  la  tyrannie  desMaximins.  Il  mar- 
chait contre  eux  avec  une  armée  formi- 
dable ,  lorsqu'il  apprit  qu'ils  avaient  été 
massacrés  devant  Aquilée.  Il  fut  alors  re- 
connu par  tout  l'empire  ,  et  vint  jouir  à 
Kome  de  la  paix  procurée  parle  meurtre 
desMaximins.  Il  sç  préparait  à  porter  ses 
armes  victorieuses  dans  la  Perse  ;  mais 
les  soldats  du  prétoire  s'étant  révoltés ,  il 
fut  massacré  par  Balbin  ,  le  1 5  juillet 
238.  Ceprince,  digne  d'un  meilleur  sort, 
avait  la  taille  élevée ,  le  maintien  grave , 
la  figure  noble.  I.a  mélancolie  dominait 
dans  son  caractère  ;  il  était  sévère  sans 
rudesse,  humain  sans  faiblesse,  et  d'une 
douceur  admirable.  Il  régna  un  an  <'t 
quelques  jours,  et  mourut  âgé  de  7  4  ans. 

PUUBACIi,  Peurbacu  ou  Burbacu 
(  Georges  )  ,  PurOachius ,  né  en  1423  , 
au  village  de  Purbach  ,  entre  la  Bavière 
et  l'Autriche  ,  enseigna  la  philosophie  et 
Ja  théologie  à  Vienne.  Il  prit  un  goût 
particulier  pour  l'astronomie  ,  et  fit  plu- 
sieurs voyages  en  Italie,  afin  d'acquérir 
des  connaissances  plus  étendues  dans 
cette  science.  On  voulut  le  fixera  Bolo- 
gne ;  mais  l'empereur  Frédéric  III  l'en- 
gagea par  tant  de  bienfaits  à  retourner  à 
Vienne,  qu'il  en  reprit  le  chemin.  Pur- 
bach s'attacha  alors  uniquement  à  l'ob- 
servation des  astres  ;  et  après  avoir  rec- 
tifié les  instrumcns  des  anciens  astrono- 
mes, il  en  imagina  de  nouveaux.  Il  forma 
des  tables  astronomiques,  et  perfectionna 
la  trigonométrie  et  la  gnomonique.  Au 
milieu  de  ses  travaux,  il  désirait  toujours 
avoir  une  traduction  fidèle  de  l'aima- 
geste  dePtolémée.  Cet  ouvrage  était  écrit 


PtR  i55 

eu  grec,  et  il  ignorait  cette  langue.  Le 
cardinal  Bessarion,  Grec  d'origine,  étant 
venu  à  Vienne,  lui  conseilla  de  retour- 
ner en  Italie  pour  apprendre  la  langue 
grecque.  Il  travaillait  à  un  abrégé  de  ce 
grand  ouvrage,  et  il  en  était  au  sixième 
livre.  H  se.disposait  cependant  à  suivre 
le  conseil  de  Bessarion ,  lorsqu'une  ma^ 
ladie  l'enleva  le  8  avril,  en  H62,  à  39  ans. 
Ses  ouvrages  sont  :  1"  Thcorice  novœ 
planetarunt;  2"  Observationes hassiacœ; 
i"  Tabulœ  eclipsium ,  pour  le  méridien 
de  Vienne.  Muller  a  publié  une  partie  de 
ces  ouvrages. 

PURCHAS  (  Samuel },  savant  anglais, 
ne  dans  le  comté  d'Essex  en  1577,  mort 
en  1628,  a  donné  un  Rccueildes  voyages 
faits  par  ceux  de  sa  nation  ;  il  est  estimé. 
Il  était  lui-même  très  habile  navigateur , 
et  a  donné  son  nom  à  une  pointe  de  terre, 
découverte  à  l'extrémité  du  Spitzhcrg  ,à 
82  degrés  de  latitude  septentrionale. 

PCRE  (  Michel  ,  abbé  de  ) ,  écrivain 
français  du  1 7*  siècle,  né  à  Lyon  en  1 C34, 
est  auteur  de  quelques  pièces  de  théâtre, 
qu'on  n'a  pu  ni  jouer  ni  lire.  Ou  a  en- 
core de  lui  des  traductions  ,  1"  des  In- 
slilulions  de  Quini'ilitn,  1663,  in-4,lrès 
inférieure  à  celle  de  l'abbé  Gedoyn  ; 
2°  àe  l'Histoire  dev  Indes  orientales  de 
Maffée,  1G65,  iu-4  ;  3^de  V Histoire  afri- 
caine, de  J.-B.  Birago,  1G66,  in-12.Son 
ouvrage  le  plus  recherché  est  sa  Fie  du 
fuaréchal  de  Gassion,  Paris,  1G73, 
4  vol.  in-12.  (Mais il  est  bien  plus  connu 
par  le  ridicule  dont  Boilcau  l'a  couvert 
dans  ses  satires  que  par  les  ouvrages 
qu'il  a  publiés.)  Il  mourut  à  Paris  en  1G80. 

*PUR1CELL[  (Jean-Pierre),  célèbre 
érudit,  né  à  Gallarate  ,  dans  le  diocèse 
de  Milan,  le  23  novembre  1689,  fit  ses 
études  chez  les  jésuites  de  Milan  ,  d'où  - 

il  passa  au  séminaire  de  cette  ville.  Ses 
connaissances  l'avaient  rendu  cher  au 
cardinal  Frédéric  Borromée ,  qui  se  servit 
de  lui  dans  diverses  occasions,  et  le 
chargea  de  commissions  honorables , 
dont  Puricelli  s'acquitta  si  bien  ,  que , 
pour  l'en  récompenser ,  ce  prélat ,  en  ^ 
1G29,  réleva  à  la  dignité  d'archiprêtre 
de  l'église  de  Saint- Laurent.  Pendant  la 
peste  qui  désola  Milan  en  1630,  il  si- 


156 


PUR 


f;n.ila  son  zùlc  et  sa  chanté  :  seul  il  se  dé- 
voua au  service  des  pestiférés,  et  fut  le 
seul  des  chanoines  que  la  contagion 
épargna.  Puriceili faisait  delà  recherche 
des  anciens  monumens  son  occupation 
principale.  Il  fouillait  les  chartriers ,  les 
archives ,  les  bibliothèques ,  pour  y  dé- 
couvrir quelques  manuscrits  non  encore 
connus,  et  il  A t  à  cet  égard  plusieurs 
découvertes.  11  fut  aussi  un  des  premiers 
qui  portèrent  dans  les  travaux  de  ce 
genre  le  flambeau  de  la  critique ,  exemple 
qui  par  la  suite  fut  suivi  avec  tant  d'a- 
vantage par  Muratori,  Maffei ,  et  un 
grand  nombre  d'écrivains  de  toutes  les 
nations.  Il  mourut  en  1G59,  à  l'âge  de 
70  ans.  Parmi  les  ouvrages  qu'il  a  laissés, 
on  distingue  :  1°  Ambrosinnœ  basilic  ce 
mnnitmentn,  ouvrage  important  pour 
riiistoirc  ecclésiastique  en  général,  et  en 
particulier  pour  celle  de  l'église  de  Mi- 
lan ;  2"  SnnctiSatyrict  sanctorum  Am- 
bi'osii  et  Marcel  inca  tumulu  ç  suœ  luci 
rcstitutus ,  Milan  ,  16G'»  ;  3°  Sanctorum 
martyriim  Gervnsiiet  Protasii,  Nazarii 
et  Celsi  ,  AriaJdi  et  Erlnmbaldi ,  dis- 
xcrtatio  ;  4°  f^iia  Laurcntii  archicpi^ 
scopi ,  elc.  Mais  ce  qu'a  publié  l'abbé 
Puriceili  ne  forme  qu'une  très  petite 
partie  de  ses  OEuvres.  La  bibliothèque 
ambrosicnne  renferme  un  grand  nombre 
de  ses  productions ,  qui  n'ont  pas  moins 
d'intérêt,  et  qui  sont  restées  inédites. 
On  s'étonne  des  travaux  qu'il  a  fallu 
pour  rassembler  tous  les  monumens  an- 
ciens ,  les  Chartres ,  les  diplômes ,  les 
inscriptions ,  qui  forment  les  recueils 
qu'on  doit  à  ses  veilles.  On  croit ,  et 
c'est  l'opinion  de  VArgclati ,  qu'on  lui 
doit  la  Storia  degli  umigliati.  II  est  cer^ 
tain  du  moins  qu'il  a  rassemblé  et  tiré 
non  seulement  des  archives  de  Milan, 
mais  encore  de  celles  de  plusieurs  rilles 
d'Italie ,  par  le  moyen  des  savans  avec 
lesquels  il  correspondait,  une  grande 
quantité  de  pièces  anciennes  et  modernes 
et  des  notices  concernant  cet  ordre  ,  des- 
quelles l'abbé  Tiraboschi  a  profilé  pour 
l'ouvrage  qu'il  a  publié  sous  ce  litre  : 
frétera  liiitniliatoruni  mnnunienta  ,  an- 
rtolationibus  et  disscrtntinnibus  prndn- 
mis  illustra  la,  quibus  multa  sacrœ ,  ci- 


PUT 

viUs  ac  Utterariat  mcdii  œvi  Jiisloritf! 
capita  illtistrantur ,  fiWan ,  1708,  3  v. 
in-4.  VArgelati,  dans  sa  Bibliolhcca 
scriplorum  mcdinlanensium  ,  a  donné  la 
nomenclature  exacte  des  ouvrages  de 
Puriceili ,  et  la  Notice  de  sa  vie. 

•PUSCLLO  (Hubert  ),  célèbre  poète 
latin ,  né  à  Brescia  vers  l'an  14  40  ,  fut  un 
des  hommes  les  plus  instruits  de  son 
temps.  Il  se  distingua  surtout  dans  la 
poésie  latine  ,  et  on  remarque  dans  ses 
ouvrages  une  connaissance  profonde  de 
cette  langue  :  il  paraît  nourri  de  la  lec- 
ture de  Virgile ,  et  souvent  il  offre  une 
imitation  heureuse  de  son  modèle.  H  est 
auteur  de  deux  poèmes  :  1"  La  chute  de 
Constantinople ,  en  4  livres  ;  cet  ouvra- 
ge n'a  pas  été  achevé  ;  2"  Le  martyre  du 
jeune  Simon ,  mis  à  mort  par  les  Hé- 
breux,  août  l&n.Pusculo  fut  employé 
par  la  république  vénitienne  dans  plu- 
sieurs missions  irapoitantcs.il  entendait 
fortbien  les  affaires,  cl  élait  en  outre  un 
excellent  hcllénisle.  Il  mourut  dans  un 
âge  avancé ,  vers  l'an  1 542. 

WTEM^VS  (Erycius),  ou  Henri  du 
Put,  ou  plutôt  Vandh-Putte,  né  à  Ven- 
lodans  la  Gueidre,  en  1674  ,  fut  disciple 
de  Juste  l.ipsc.  11  voyagea  en  Italie,  et 
obtint  une  chaire  d'éloquence  à  Milan. 
Sa  réputation  le  fit  choisir  par  Philippe 
III ,  roi  d'Espagne ,  pour  son  historio- 
graphe. L'archiduc  Albert,  désirant  le 
posséder  dans  les  Pays-Bas ,  lui  donna 
la  place  de  professeur  qu'avaitJusle-Lip- 
se,  le  gouvernement  de  la  citadelle  de 
Louvain,et  une  charge  déconseiller  d'é- 
tat. Ces  récompenses  étaient  dues  au  mé- 
rite de  Puteanus  et  aux  qualités  de  sou 
cœur.  Il  avait  antant  de  modestie  que  de 
savoir;  c'était  un  philosophe  chrétien , 
qui ,  pendant  plus  de  40  ans ,  s'appliqna 
avec  beaucoup  de  zèle  à  former  aux  bel- 
les-lettres,  cl  encore  plus  à  la  verlu, 
les  élèves  qui  lui  étaient  confiés.  Son 
slile  n'était  pas  celui  des  anciens,  c'était 
celui  de  Juste  Lipsc,  son  maître.  Il  mou- 
rut à  Louvain  ,  en  1G46  ,  à  72  ans.  Ou  a  1 
de  lui  un  grand  nombre  de  traités  d'his- 
toire ,de  rhétorique, de  mathématiques, 
d'antiquités  romaines ,  des  poésies.  Les 
principaux  sont  :  1  "  Statcra  belU  ctpacis^ 


PUT 

1433,  in-4,  dans  lequel  il  veut  pc;su;i- 
der  aux  Espagnols  de  faire  la  paix.  On 
prétend  que  ses  principes  pacifiques ,  et 
la  façon  dont  il  les  exposa  ,  faillirent  l'ex- 
poser à  des  aflàircs  fâcheuses.  2"  Histo- 
ria  insubrica  ,  Leipsick  ,  1G7S,  in-fol. 
Il  reçut  en  récompense  un  collier  d'or  de 
rarchiduchessc  Isabelle.  3"  Thcatrum 
heroicum  imperatnrum  aiistriacontm , 
etc. ,  Bruxelles,  IG-ii,  in-fol.  :  ouvrage 
superficiel;'!"  Cornus,  seii  de  Lu.ru, 
traduit  en  français  par  Nicolas  Pelloquin, 
sous  le  titre  de  Cornus  ,  ou  le  Banquet 
dissolu  des  Cimnie'riens ,  Paris  ,  1 C 1 3  , 
in-12  ,  et  une  infinité  d'autres  ouvrages 
dont  plusieurs  ont  trouvé  place  dans  les 
Anliquitcs  romaines.  Foyez  Nicéron  , 
tome  IC. 
PUTHERB^EUS.    Voyez     rijY-tÎKr.- 

BAULT. 

PUTIPHAR.  Voyez  Joseph. 

PUTSCHIUS  (I-;iie),  né  à  Anvers, 
en  1580,  d'une  famille  originaire  d'Augs- 
bourg ,  n'avait  que  21  ans  lorsqu'il  mit 
au  jour  Snllusle  ,  I.cyde  ,  ICOl  ,  in-12  , 
avec  des  fragmensel  de  bonnes  noies.  Il 
donna  ensuite  un  llccueilàa  33  anciens 
grammairiens,  avec  des  notes,  Hanau , 
1C05,  in-4.  Ce  .savant  préparait  d'autres 
ouvrages  ,  lorsqu'il  mourut  à  Stade  ,  en 
IGOG  ,  à2G  ans. 

PUY  (P.aimond  du),  De  Podio  ,  2« 
grand-maîlre  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem,  succéda  en  1120  à  Gérard, 
instituteur  de  cet  ordre  II  était  du  Dau- 
phiné  ou  peut-être  du  Languedoc.  Beau- 
coup de  gontiisbommes  capables  de  ma- 
nier les  armes  s'élant  ranges  sous  sa  ban- 
nière, ilélablit  une  milice  pour  défendre 
la  religion  contre  ses  ennemis.  Il  assem- 
bla le  premier  chapitre  général,  et  y  fit  de 
nouvelles  constitutions,  confinnccs  en 
1123  par  le  pape  Callixte  II  et  en  1130 
par  Iiuiocent  II.  Ayant  rassemblé  des 
troupes,  il  oflrit  ses  services  à  Bau- 
douin ,  roi  de  Jérusalem  ,  qu'il  accom- 
pagna au  siège  d'Ascalon  ,  où  il  signala 
son  courage.  La  ville  se  rendit  en  peu  de 
jours.  Anastase  IV,  ayant  appris  cette 
ronquèlc  ,  accorda,  l'an  1 154  ,  de  grands 
privilèges  à  son  ordre  C/est  depuis  cette 
époque,  quoi  qu'en  dise  l'abbé  de  Ver- 


PIJY  1 57 

lot ,  que  l'ordre  fut  partagé  en  trois  cla.s- 
ses  :  de  chevaliers,  de  sergens  d'armes, 
et  de  chapelains.  Auparavant,  il  n'y  avait 
que  deux  classes  de  frères,  celle  des 
clercs  et  celle  des  laïques.  Raimond 
mourut  en  1 1  GO.  Quoique  nous  ayons  dit 
qu'il  était  le  second  grand-maiire  de 
l'ofdre,  il  est  certain  qu'il  prit  le  pre- 
mier ce  titre  ,  Gérard  n'ayant  eu  que  ce- 
lui de  recicur  de  l'hôpital  de  Saint-Jean 
de  Jérusalem.  Le  brave  Montbrun  était 
de  la  même  famille.  {Voyez  son  article  ) 

PUY  ou  "Vasde-Potte  (Henri  du). 
Voyez  VvTKAVVS. 

PUY  (  Claude  du  ),  né  à  Paris  d'un 
avocat  au  ]iarlement,  apprit  les  bellcs- 
Jetlrcs  sous  Turnèbe  ,  et  le  droit  sous 
Cujas.  Après  avoir  fait  un  voyage  en  Ita- 
lie, il  fut  reçu  conseiller  au  parlement, 
et  employé  dans  plusieurs  affaires  impor- 
tantes. Il  mourut  à  Paris  ,  en  1 594  ,  à  49 
ans. 

PUY  (Christophe  du),  fils  aîné  du 
précédent ,  naquit  à  Paris  ,  vers  1 580 ,  fil 
ses  études  à  Tours  ,  et  suivit  à  Rome  le 
cardinal  de  Joyeuse,  en  ijUalité  de  .son 
])rolonotaire.  Il  s'y  trouva  dans  le  temps 
qu3  la  congrégation  de  V Index  voulait 
mellre  au  nombre  des  livres  défendus  la 
V  partie  de  V Histoire  du  président  de 
Tbou,  à  raison  de  la  grande  inclination 
que  l'auteur  témoigne  pour  les  protes- 
tans,  et  de  la  passion  qu'il  montre  con- 
tre les  catholiques.  DuPuy  travailla  vai- 
nement h  empêcher  le  décret ,  qui  fut 
donné  le  9  novembre  1609.  De  retour  en 
Fr.mce,  il  se  fit  chartreux  à  Bourg-Fon- 
taine ,  et  devint  procureur-général  de 
son  ordre  à  Rome ,  où  il  mourut  on  1 654 , 
à  74  ans,  prieur  de  la  Chartreuse  de 
celle  ville.  Pendant  qu'il  était  aumônier 
du  roi  ,  et  auprès  du  cardinal  du  Perron, 
il  fit  la  Perroniana,  recueil  plein  de 
choses  hasardées,  imprimé  in-12,  en 
1669,  parles  soins  de  Daiilé  le  fils.  Ce  li- 
vre et  quelques  autres  anecdotes  sem- 
blent prouver  qu'il  n'avait  pas  parfaite- 
ment l'esprit  de  son  état. 

PUY  (Pierre  du  ),  frère  du  précédent, 
et  troisième  fils  de  Claude  du  Puy,  né  à 
Paris  ,  en  15S2.  Il  travailla  avec  ardeur 
à  la  recherche  des  droits  du  roi  et  à  l'in- 


i58  PL  Y 

ventaire  du  trésor  des  chartes.  Tant  de 
pièces  rares  qui  avaient  passe  sous  ses 
yeux  lui  donnèrent  une  si  grande  con- 
naissance de  toutes  les  parties  de  l'his- 
toire de  France  ,  que  peu  de  personnes 
y  ont  fait  d'aussi  heureuses  découvertes. 
Le  roi  croyant  avoir  des  droits  à  faire 
valoir  sur  des  dépendances  des  évêchés 
de  Metz,  Toul  et  Verdun,  du  Puy  lut 
chargé  de  cette  commission  avec  Le  Brct 
et  de  Lorme.  Il  en  porta  lui  seul  tout  le 
poids ,  et  dressa  toutes  les  pièces  néces- 
saires pour  cette  aftaire,qui  dans  le  fond 
fut  mieux  éclaircie  par  la  puissance  et 
l'humeur  conquérante  de  Louis  XIV,  que 
par  les  lumières  des  savans.  Reçu  con- 
seilier  au  parlement  et  garde  de  la  bi- 
bliothèque du  roi,  il  se  signala  dans  ces 
deux  charges  par  son  amour  pour  les 
lettres,  et  il  mourut  à  Paris  en  1G51,  à  6D 
ans.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  1° 
Traite  touchant  les  droite  du  roi  sur 
plusieurs  états  et  seigneuries  ,  1655,  in- 
l'ol.  Le  cardinal  de  Richelieu  chargea  de 
cet  ouvrage  intéressant  pour  le  pouvoir 
et  le  trésor  royal ,  Théodore  Godefroy, 
qui  y  travailla  de  concert  avec  du  Puy. 
2°  llecherche  pour  montrer  que  plusieurs 
provinces  et  villes  du  royaume  sont  aux 
domaines  du  roi  :  livre  écrit  dans  l'es- 
prit et  le  but  du  précédent;  3°  Preuves 
des  libertés  de  l'Eglise  gallicane  ,  dasis 
le  Traité  sur  les  libertés ,  Paris,  1131  , 
4  vol.  in-fol.  Cet  ouvrage  ne  déplut  pas 
seulement  à  la  cour  de  Rome,  mais  vingt- 
deux  évêques  ou  archevêques  de  l'Eglise 
gallicane  le  censurèrent  avec  autant  de 
force  que  de  raison.  «  Il  fallut,  dit  un 
>»  critique  ,  recourir  à  d'autres  mains 
»  pour  le  corriger  ;  mais  la  matière  a  été 
»  brouillée  depuis  si  long-temps  par  les 
«  mains  séculières,  qu'on  n'a  pas  encore 
»  réussi,  et  qu'on  ne  réussira  vraisem- 
»  blablement  jamais  à  la  débrouiller  par- 
»  faitcment.  »  4°  Histoire  véritable  de 
n  la  condamnation  de  l'ordre  des  Tem- 
u  plier  s ,  Bruxelles,  1751  ,  in-4  ,  el2  vol. 
in-12  :  collection  très  curieuse  et  très 
intéressante.  Il  résulte  de  ce  recueil,  que 
l'ordre  méritait  la  suppression,  quoi- 
qu'on ne  puisse  croire  toutes  les  hor- 
reurs qu'oa  lui  attribue,  rri  approuver 


PUY 

le  supplice  horrible  du  grand-mailre  et 
de  tant  d'autres  chevaliers,  {f^oyez  Clk- 

MSNT.   f^Oyez  MOLAY,    ?R\UVVf.  LE  Bel  ,  et 

Journal  hist.  et  lit  t. ,  I*""  octobre  1190, 
page  163.)  5"  Histoire  générale  du  schis- 
me qui  a  été  dans  F  Eglise  depuis  1378 
jusqu'en  1428,  in-4  ,  1654  ;  6°  Mémoire 
d",  la  provision  aux  prélatures  de  l'E- 
glise ;  7"  Différends  entre  le  saint-Siége 
et  les  empereurs  pour  les  investitures  ; 
8°  Histoire  du  différend  entre  le  pape 
Boni  face  Vlïlet  le  roi  Philippe  le  Bel, 
in-fol.  ;  9°  Traité  de  la  loi  salique;  10" 
Histoire  des  favoris  ,  in  4  ,  et  en  3  vol. 
in-1 2  ;  11°  Du  concordat  de  Bologne  en- 
tre le  pape  Léon  X  et  le  roi  François 
/er  .  J20  Traité  des  régences  et  majori- 
tés des  rois  de  France,  in-4  ,  ou  2  vol. 
in-8  ;  1  Z°  Traité  des  contributions  que 
les  ecclésiastiques  doivent  au  roi  en  cas 
de  nécessité  ;  1 4"  Mémoire  du  droit  d'au- 
baine ;  1 5"  Traité  de  l'interdit  ecclésias- 
tique ;  1 6°  Mémoire  et  instruction  pour 
servir  à  justifier  l'innocence  de  messire 
François-Auguste  de  Thou  ;  \1"  Apo- 
logie de  l'Histoire  de.  M.  le  président 
de  Thou,  etc.,  dans  le  recueil  des  Pièces 
historiques,\)e\it,  17 17,  in-1 2  :  deux  fruits 
de  i'amiliéet  peut-être  de  la  prévention. 
Du  Puy  s'est  appliqué  dans  presque  tous 
ses  ouvrages  à  déprimer  l'autorité  ecclé- 
siastique ;  mais  il  faut  avouer  aussi  que 
la  force  de  la  vérité  lui  a  arraché  des  té- 
moignages d'autant  plus  précieux,  qu'il 
s'en  était  montré  grand  adversaire.  Tel 
est  celui-ci  :  «  Ce  qui  regarde  la  religion 
w  et  les  affaires  de  l'Eglise  doit  être  exa- 
»  miné  et  décidé  parles  ecclésiastiques, 
))  et  non  par  les  séculiers;  ce  principe  est 
»  reco^inu  des  deux  partis.  »  Il  apporte 
en  preuve  le  concile  de  Sardique ,  les 
paroles  d'Osius  à  Constance  (  voyez 
Osius  deCordoue),  et  les  plaintes  de  saint 
Hilaireau  même  empereur.  Il  poursuit  : 
«  Comme  il  y  a  deux  sortes  d'états  dans 
»  le  monde,  celui  des  ecclésiastiques  ou 
»  des  prêtres,  et  celui  des  séculiers,  il  y 
«  aussi  deux  puissances  qui  ont  droit  de 
»  faire  des  lois  ,  et  de  punir  ceux  qui  les 
w  violent  ,  l'ecclésiastique  et  la  sécu- 
lière. »  Libertés  de  l'Eglise  gallicane , 
tome  1,  page  13  et  21,  édition ,  1731) 


PUY 

Nicolas  Rigauii,  son  ami,  a  écrit  sa  Fie. 
PUY  (  Jacques  du  ) ,  frère  du  précé- 
dent ,  et  cinquième  iils  de  Claude  du 
Puy,  devint  prieur  de  Saint-Sauveur, 
et  garde  de  la  bibliollièque  du  roi.  Il 
continua  de  tenir  duns  celte  bibliothèque 
les  conférences  qui  avaient  procuré 
tant  de  gloire  à  son  frère  et  tant  d'a- 
vantages aux  gens  de  lettres.  11  mou- 
rut en  1656,  après  avoir  publié  le  plus 
grand  nombre  des  ouvrages  de  son  frère. 
PUY  (  Claude-Thomas  du  ) ,  fils  d'un 
négociant  de  Paris  ,  oii  il  était  né  ,  s'éleva 
par  son  mérite.  Il  fut  conseiller  du  roi , 
d'état,  maître  des  requêtes  honoraire, 
intendant  de  la  Nouvelle-France  en  Ca- 
nada,  et  avocat-général  au  grand  con- 
seil pendant  12  ans.  Il  s'était  acquis  l'es- 
time des  savans  par  ses  talens  pour  les 
sciences  et  les  beaux-arts,  et  surtout 
pour  la  mécanique.  Il  est  le  premier  qui 
ait  fait  des  sphères  mobiles  suivant  le  sys- 
tème de  Copernic.  Les  machines  hydrau- 
liques ,  de  son  invention  ,  ont  mérité  l'at- 
tention des  savans  de  Taris  et  des  étran- 
gers. Il  mourut  en  1738  ,  à  58  ans. 

PUY  (  Jean  Cochon  du  } ,  médecin  de 
la  marine  à  Rochefort,  ne  à  Niort  en 
Poitou,  l'an  1674,  mort  en  1757,  publia 
en  1698  ,  une  brochure  curieuse,  inti- 
tulée :  Histoire  d'une  enflure  du  bas- 
ventre  très  particulière.  C'était  un 
homme  fort  habile  dans  sa  profession  , 
qu'il  a  exercée  longtemps  avec  le  plus 
grand  zèle. 
•     PUY-GULLON.  /^oyesPiNGOLAN. 

PUY-HERBAULT  (  Gabriel  du  ) ,  Pu- 
tlierbœus,  religieux  de  l'ordre  de  Fonte- 
vrault  et  docteur  de  Sorbonne ,  natif  de 
Tourainc,  fut  l'un  des  plus  célèbres  pré- 
dicateurs et  des  plus  habiles  conlrover- 
sistes  de  son  temps.  Lesprotestans  le  re- 
gardaient comme  leur  fléau.  Il  mourut 
en  1 560 ,  au  monastère  de  Notre-Dame 
de  Colignance,  en  Picardie.  On  a  de  lui 
plusieurs  ouvrages  ;  les  plus  connus  sont 
1  "  Evanfjelicœ  Tetranomon  ;  2"  Theoti- 
itius ,  de  tollendis  et  e.xpurgandis  mnlis 
libris ,  Paris ,  in-8  ,  1  549. 

PUYiSÉGUR  (  Jacques  de  Chastenet, 
seigneur  de  ) ,  colonel  du  régiment  de 
Piémont ,  et  lieutenant  général  des  ar- 


PUY  15(7 

mées  i\\\  roi,  sous  les  règnes  de  Louis 
Xlll  et  de  Louis  XIV,  descendait  d'une 
famille  illustre  de  l'Armagnac.  11  porl» 
les  armes  pendant  43  ans  sans  disconti- 
nuation, et  se  trouva  à  plus  de  120  siè- 
ges ,  à  plus  de  30  combats ,  batailles  ou 
rencontres ,  et  passa  par  tous  les  degrés 
militaires  ,  sans  avoir  été  malade  ,  ni 
avoir  reçu  aucune  blessure.  Il  a  laissé  des 
Me'innires,  qui  s'étendent  depuis  1617 
jusqu'en  1G58.  Ils  ont  vu  le  jour  à  Paris 
et  à  Amsterdam  en  1C60  ,  2  vol.  in-12  , 
par  les  soins  de  Duchène  ,  historiographe 
de  France.  (3î.  Petitol  les  a  insérés  dans 
sa  Collection  dcsme'nioires  relatifs  à  l'his- 
toire de  France.)  On  y  voit  divers  événe- 
niens  remarquables  sur  les  campemens 
où  il  s'est  trouvé,  et  il  y  a  à  la  fin  des 
instructions  militaires  assez  utiles.  L'au- 
teur raconte  avec  hardiesse  et  avec  un 
ton  de  vérité..  Il  mourut  à  l'Age  de  82 
ans  ,  vers  l'an  1670. 

PUYSEGUR  (  Jacques- François  de 
Chastenet  ,  marquis  de  ) ,  fils  du  précé- 
dent, naquit  à  Paris  eu  1655.  Il  s'éleva 
de  grade  en  grade,  fut  du  nombre  de 
ceux  qui  entrèrent  au  conseil  de  guerre 
établi  après  la  mort  de  Louis  XIV  en  1715, 
et  parvint- enfin  à  être  nommé  maréchal 
de  France.  Le  bâton  lui  fut  accordé  en 
1734,  et  en  1739  il  fut  reçu  chevalier 
des  ordres  du  roi.  11  mourut  à  Paris  en 
1743,  à  88  ans,  après  s'être  signalé  par 
son  esprit  et  par  son  courage.  (En  1703 
il  précéda  en  Espagne  le  maréchal  de 
Bcrwick;  il  eut  une  grande  influence 
dans  les  affaires  politiques  de  ce  royaume, 
et  contribua  à  raffermir  le  trône  de  Phi- 
lippe V.)  On  a  de  lui  un  ouvrage  estimé 
sur  VArt  militaire.,  1748,  in-fol.,  et  2 
vol.  in-4. 

*  PUYSEGUR  (  Jacques-François-Ma- 
xime de  Chastenet  ,  marquis  de  ),  fils  du 
précédent,  né  à  Paris  en  1716  .  mort  en 
1782,  se  distingua  dans  la  carrière  des 
armes,  et  parvint  jeune  encore  au  grade 
de  lieutenant-général.  On  lui  doit  :  1" 
Etat  actuel  de  Vart  et  de  la  science  mi- 
litaireàla  C/ti/ie,  Londres  (Paris),  1773, 
in-12;  2"  Du  droit  du  soui'erain  sur  les 
biens  du  cierge  et  des  moines,  1  770  ;  3* 
Analyse  et  Abrégé  du  Spectacle  de  la  na- 


i6o  PUT 

/i/re  de  Pluche  ,  Reims,  1772,  I78C, 
in-12,  et  diverses  brochures  de  circon- 
sltince. 

•PUYSÉGUR  (Pierre -Louis  de  Chas- 
TKNKT  ,  comte  de  ) ,  fils  du  maréchal  de 
France  Jacques-François  (î'oyes  le  2*  ar- 
ticle des  Puységur),  naquit  eu  1727  et 
suivit  comme  ses  ancêtres  la  carrière  des 
armes.  Il  était  lieutenant-général,  lors- 
qu'il fut  appelé  au  ministère  delà  guerre. 
Quoiqu'il  ue  conservât  ce  poste  que 
jusqu'en  1789,  l'assemblée  constituante 
déclara  ,  au  moment  de  sa  retraite,  qu'il 
emportait  l'estime  et  les  regrets  publics. 
Son  dévouementse  signala  à  la  journée  du 
10  août,  pendant  laquelle  il  combattit 
avec  sa  compagnie  de  gentilshommes. 
Après  la  mort  de  Louis  XVI ,  il  passa 
en  pays  étrangers,  revint  ensuite  en 
France  et  mourut  à  Rabasteiusen  1807. 

'PUYSÉGUR  (Jean-Auguste  de  Chas- 
TENET  de)  ,  archevêque  de  Bourges,  né, 
en  1740  ,  de  l'illustre  famille  de  ce  nom, 
fut  nommé  à  3 1  ans  évêque  de  Saint-Omer, 
puis^de  Carcassonne,  et  enfin  en  17  88  ar- 
chevêque de  Bourges.  L'année  suivante 
il  fut  député  aux  états-généraux  ,  signa 
plusieurs  protestations  du  côté  droit,  et 
fut  un  des  36  évêques  qui  soiiscrivirent 
YExpnsition  des  principes  contre  la 
constitution  civile  du  cierge'.  Obligé  de 
s'expatrier,  il  fut  aussi  un  des  signataires 
de  V Instruction  sur  les  atteintes  portées 
à  la  Religion,  publiée  en  1798 ,  par  les 
évoques  français  émigrés.  En  1801  ,  il 
donna  la  démission  de  son  siège  ,  et  re- 
vint en  France,  oii  il  vécut  dans  la  re- 
traite. Il  est  mort  à  Rabasteins  en  1815. 

•  PUYSÉGUR  (  Antoine -Hyacinthe- 
Anne  DE  Chastenet  de),  plus  counu 
sous  le  nom  de  comte  de  Chaslenet,  ca- 
]iitaine  de  vaisseau  de  la  marine  royale, 
naquit  en  1762.  Il  était  le  2*  fils  du  ma- 
réchal de  Puységur.  Dès  ses  pins  jeunes 
années,  il  annonça  beaucoup  de  dispo- 
sitions pour  les  sciences  exactes,  et  se 
fit  remarquer  dans  la  carrière  qu'il  avait 
embrassée,  par  ses  talens  et  ses  utiles 
recherches.  Dans  un  voyage  qu'il  fit  aux 
îles  Canaries  en  1772,  il  sollicita  et  ob- 
tint du  roi  d'Espagne  la  permission  de 
pénétrer  dans  les  catacombes  servant  à 


PUY 

la  sépulture  des  Guancbes,  peuple  qiri 
habitait  autrefois  l'ile  deTénérifle  ,  mais 
dont  l'origine  est  encore  ignorée.  Il  par- 
vint, à  travers  mille  dangers,  à  en  ex- 
traire des  momies  très  bien  conservées , 
qui  enrichissent  les  cabinets  d'histoire 
naturelle  de  Paris  et  de  Madrid  oU  on 
les  voit  encore.  Le  gouvernement  lui 
confia,  en  1774  ,  l'honorable  mission  de 
dresser  les  cartes  de  tous  les  débarque- 
mens  de  l'île  de St.-Doraingue,  pour  gui- 
der la  navigation  dans  ces  parages  :  elles 
sont  encore  d'une  grande  utilité  :  M.  de 
Puységur  émigra  au  commencement  de 
la  révolution  ,  servit  dans  l'armée  de 
Condé  ,  passa  ensuite  à  la  solde  de  l'An- 
gleterre, puis  à  celle  du  Portugal.  Après 
avoir  obtenu  le  grade  de  contre-amiral 
et  la  croix  de  l'ordre  du  Christ ,  il  sauva 
de  Naples  Ferdinand  IV  et  sa  famille,  et 
les  conduisit  en  Sicile  sur  un  vaisseau 
qu'il  commandait.  De  retour  en  France 
en  1803,  il  ne  reprit  aucun  service; 
il  s'occupa  uniquement  de  l'étude.  Il  était 
fort  instruit  ,  bienfaisant  ,  très  attaché 
à  la  religion.  Il  termina  sa  vie  le  2© 
janvier  1809. 

"PUYSÉGUR  (  Amand-Marie-Jacques 
DE  Ciiastenet  ,  marquis  pe)  ,  petit-fils  du 
maréchal  de  ce  nom,  naquit  en  17  62, 
et  entra  à  IG  ans  (en  17GS)  dans  l'artil- 
lerie ,  où  son  nom  et  son  mérite  lui  va- 
lurent un  avancement  extraordinaire.  A 
27  ans  ,  il  reçut  le  rang  de  colonel , 
sous  la  conditiou  cependant,  qu'avaut 
d'en  remplir  les  fonctions,  il  passerait 
un  certain  nombre  d'années  à  compléter 
sou  instruction  dans  tous  les  emplois  et 
grades  intermédiaires.  Il  fit  la  campagne 
d'Espagne  en  1782,  et  remplit,  au  siège 
de  Gibraltar,  les  fonctions  de  major  de 
tranchée.  En  1786,  il  fut  nommé  com- 
mandant du  régim'cnt  d'artillerie  de 
Strasbourg.  Au  commencement  de  la  ré- 
volution, il  eu  adoptâtes  principes, 
mais  avec  modération  ,  et  devint  com- 
mandant de  l'école  d'artillerie  de  La 
Fère ,  avec  le  grade  de  maréchal-de- 
camp.  Il  donna  sa  démission  en  17  92,  et 
rentra  dans  ses  foyers;  mais  bientôt  il 
fut  accusé  de  correspondre  avec  ses 
frères  émigrés ,  et  détenu  pendant  deux 


PtY 

ans  à  Soissons  avec  sa  t'erame  et  ses  en- 
faus.  Il  se  retira  ensuite  dans  sa  terre  de 
Buzancy  qui  est  aux  environs  de  cette 
ville,  et  donna  asile  à  plusieurs  proscrits 
dans  les  carrières  qu'il  possédait.  Il  ra- 
cheta aussi  une  portion  du  patrimoine 
de  sa  famille ,  qu'il  partagea  avec  ses 
frères ,  lorsqu'ils  revinrent  en  France._ 
Après  le  l8  brumaire ,  il  devint  maire  de 
Soissons  ;  mais  il  donna  sa  démission  eu 
1805.  Il  s'est  livré  depuis  avec  beaucoup 
d'ardeur  au  magnétisme  ,  dont  il  avait 
été  de  bonne  foi  le  partisan  dès  son  ori- 
gine. U  a  publié  :  1  "  Mémoire  pour  servir 
à  l'histoire  et  à  l' établissement  du  ma- 
gnétisme animal ,  Paris ,  17  84,  1788, 
1809  ,  in-8  ,  sous  le  voile  de  l'anonyme  ; 
2°  Suite  à  ce  Mémoire,  1805,  in-8  ;  3" 
Du  magnétisme  animal  considéré  dans 
SCS  rapports  avec  diverses  branches 
de  la  physique,  1807  1809,  in-8;  4° 
Recherches,  expériences  et  observations 
physiques  sur  l'homme  ,  dans  Vétat  de 
somnambulisme  naturel  et  dans  le  som- 
nambulisme provoqué  par  l'acte  magné- 
tique ,  1811,  in-8  ;  5°  les  Férités  che- 
minent ,  tôt  ou  tard  elles  arrivent , 
1814,  in-8  ;  ouvrage  aussi  relatif  au 
magnétisme.  Puységur  a  aussi  coopéré , 
de  1814  à  1825,  aux  recueils  suivans  : 
Annales  du  magnétisme  ;  Archives  du 
magnétisme.  Il  est  encore  auteur  de  Vln- 
térieur  d'un  ménage  républicain  ,  vau- 
deville représenté  le  1 5  nivôse  an  1 1  , 
musique  de  Fay  ,  et  le  Juge  bienfaisant^ 
comédie  qui  eut  du  succès  en  1799  au 
théâtre  de  l'Odéon  :  le  sujet,  c'est  un 
beau  trait  de  la  vie  de  M.  Angran-d'Al- 
leray.  Le  marquis  de  Puységur  est  mort 
le  1"  août  1825,  dans  son  château  de 
Buzancy ,  où  il  continua  de  rester  même 
sous  la  restauration. 

*  PUYVALLÉE  (Philippe-Jacques 
Bengy  de) ,  député  de  la  noblesse  du  Berry 
aux  états-généraux,  naquit  en  1743  à 
Bourges.  Il  avait  commencé  par  porter 
les  armes  en  qualité  de  sous-lieutenant 
dans  le  régiment  de  \ieille-marine.  Nom- 
mé député  aux  états  généraux ,  il  ne  s'y 
fit  remarquer  que  par  un  discours  contre 
\e  projet  de  diviser  la  France  par  dépar- 
temens.  Bientôt  il  quitta  son  pays  ou  il 

XI. 


PUY 


i6t 


rentra  en  1Î92.  Contraint  de  passer  de 
nouveau  à  l'étrauger,  il  fut  exposé  dans 
ce  voyage  aux  plus  grands  dangers.  Le 
gouvernement  consulaire  ayant  publié 
uue  amnistie ,  il  en  profita  et  revint  4 
Bourges,  où  il  fut,  sous  le  gouvernement 
impérial,  membre  de  la  commission  ad- 
ministrative des  hospices  de  cette  ville.  Il 
était  sous  la  restauration  membre  du 
conseil-général  du  département  du  Cher , 
dont  il  obtint  cinq  fois  la  présidence. 
Puyvallée  est  mort  à  Bourges  en  1823. 
On  lui  doit  un  essai  sur  la  Société  reli- 
gieuse en  France  et  sur  ses  rapports 
avec  la  société  politique ,  depuis  l'éta- 
blissement de  la  monarchie  jusqu'à  nos 
jours,  Paris,  1820,  in  8.  M.  de  Villesaison 
a  prononcé  dans  la  société  d'agriculture  « 
dontPuyvallée  était  président ,  son  Eloge 
qui  a  paru  par  extraits  dans  le  Moniteur 
du  21  août  1824. 

*  PUYVERT  (Bernard-Emmanuel- 
Jacques,  marquis  de),  lieutenant-géné- 
ral ,  né  dans  le  midi  de  la  France  vers 
1 770,  tut  d'abord  aide-^de-camp  du  comte 
d'Artois ,  depuis  Charles  X.  Sa  conduite 
pendant  la  révolution  fut  celle  d'un 
royaliste  fidèle;  il  se  dévoua  tout  entief 
au  service  de  la  monarchie.  Il  était  muni 
des  pouvoirs  de  Louis  XVIII  pour  le  midi 
de  la  France  lorsqu'il  fut  arrêté  à  Belle- 
ville  près  de  Paris,  le  12  mars  1804.  Il 
était  à  peine  sorti  de  prison  en  1812, 
lorsqu'il  prit  part  à  la  conspiration  de 
3Iallet  ;  arrêté  de  nouveau ,  il  fut  enfermé 
à  Vincennes ,  puis  transféré  au  château 
d'Angers,  où  il  resta  jusqu'à  la  restaura- 
tion. Nommé  chevalier  de  St. -Louis  en 
1814,  membre  delà  légion-d'honneur 
en  1816,  officier  de  cet  ordre  en  1821 , 
cordon-rouge  en  1823,  il  fut  élevé  suc- 
cessivement au  grade  de  maréchal  de 
camp  et  de  lieutenant-général.  Le  com- 
mandement de  Vincennes  lui  fut  aussi 
confié  en  1 8 1 4 .  Lorsque  les  troupes  de  Buo- 
naparte  vinrent,  à  l'époque  du  20  mars,  le 
sommer  de  rendre  le  château  dont  le  roi 
lui  avait  donné  la  garde ,  il  résista  à  tous 
les  ordres  qui  lui  furent  donnés ,  et  ne 
quitta  les  fonctions  de  commandant  qu'a- 
près une  capitulation  dont  il  signa  lui- 
même  les  conditions.  Pendant  les  cent, 
ai. 


i62  PYR 

jours,  il  organisa  des  volontaires  royaux 
dans  les  départemeiis  de  l'Eure,  d'Eure-et- 
Loire  et  de  la  Seine-Inférieure.  Au  retour 
du  roi  il  reprit  ses  fonctions  de  com'- 
mandant  de  Vincenncs ,  et  il  a  occupé  ce 
poste  jusqu'à  la  révolution  de  1830.  De- 
puis cette  époque,  il  n'a  plus  exercé 
d'emploi.  Eu  1815  le  département  de 
l'Aude  l'avait  nommé  membre  de  la  cham- 
bre des  députés  :  ses  collègues  le  choisi- 
rent pour  questeur  :  le  marquis  de  Puy- 
vert  abandonna  la  moitié  du  traitement 
qui  lui  était  alloué  en  cette  qualité.  Ses 
opinions  se  rattachaient  à  celles  de  la  ma- 
jorité avec  laquelle  il  vota  constamment  ; 
il  ne  fut  pas  réélu  en  181G.  Cet  officier 
général  est  mort  à  Paris  dans  le  mois  de 
janvier  1832,  à  la  suite  d'une  fièvre  cé- 
rébrale. 

PUZOS  (  Nicolas  )  ,  accoucheur  ,  né 
>\  Paris  en  1686,  devint  en  1745  direc- 
teur de  l'académie  de  chirurgie.  Il  mou- 
rut le  7  juin  1753.  Sa  charité  pour  les 
pauvres  ne  se  bornait  pas  à  secourir  gra- 
tuitement ceux  qui  avaient  recours  à  lui; 
il  y  eu  avait  un  grand  nombre  dont  il 
était  letrésorier.  11  laissa  quelques  notes 
sur  l'art  qu'il  avait  pratiqué.  M.  Morisot- 
Dcslandes  en  forma  un  Traite  des  ac- 
couchemens ,  1759,  in-4  ,  qui  parut  in- 
férieur au  nom  que  Puzos  s'était  fait, 
oX  qui  prouve  assez  bien  la  vérité  des  ré- 
flexions de  M.  Roussel  sur  l'espèce  de 
charlatanerie  attachée  à  une  opération 
simple.  Voyez  Hecquet  et  Hiéropiih.e. 

PYLADE ,  pantomime  de  Cilicie  ,  pa- 
rut à  Rome  du  temps  d'Auguste.  11  in- 
venta une  danse  oii ,  par  des  gestes  et 
par  les  divers  mouvemcns  du  corps ,  des 
doigts  et  des  yeux ,  les  acteurs  expri- 
maient ,  sans  parler  ,  les  sujets  tragiques 
ou  comiques.  Ces  acteurs  étaient  propre- 
ment appelés  mimes ,  et  les  autres  his- 
trions ,  quoique  ces  deux  mots  se  con- 
fondent souvent.  (  Voyez  Batuille.  Il 
ne  faut  pas  confondre  les  mimes  avec  les 
poètes  mimiques.  Voyez  Publius-Syrus 
et  Laberius. 

*PYRE1CUS,  peintre  grec  ,  mieux 
connu  de  nos  jours  par  ses  tableaux  dé- 
couverts dans  les  ruines  d'Herculanum.Se- 
lou  Pline  ,  U  ne  fut  pas  inférieur  aux  plus 


PYR 

grands  peintres  de  la  Grèce.  Il  peignait 
an  miniature ,  et  on  remarque  d'ans  ses 
ouvrages  que  sa  manière  se  rapproche 
beaucoup  de  l'école  hollandaise,  d'oii 
on  peut  conclure  que  les  Grecs  ne  man- 
quaient ni  de  couleur  ni  d'exécution.  Il 
rendait  en  miniature  des  boutiques  de 
barbiers  et  de  cordonniers  ,  des  ani- 
maux ,  des  fleurs ,  des  légumes ,  objets 
dont  l'effet  consiste  principalement  dans 
l'exactitude  et  dans  les  diverses  nuances 
de  couleur.  Suivant  ce  que  Pline  rap- 
porte, on  achetait  ses  ouvrages  beau- 
coup plus  cher  que  les  plus  belles  pro- 
ductions. Cela  provenait  encore  de  ce  que 
ce  genre  de  peinture  n'était  pas  assez  com- 
mun parmi  les  Grecs,  et  que  peut  être 
Pyreicus  en  avait  été  l'inventeur.  Il  vivait 
au  premier  temps  de  Pline,  c'est-à-dire 
vers  l'an  70  de  J.  C.  (  Le  talent  reconnu 
de  cet  ancien  artiste,  et  plusieurs  mor- 
ceaux découverts  dans  les  fouilles  en 
Grèce ,  Rome  et  Naples  prouvent ,  de 
l'avis  de  tous  les  connaisseurs  (  seuls  ar- 
bitres en  cette  matière  ) ,  que  les  pein- 
tres grecs  étaient  plus  avancés  dans  leur 
art  que  ne  le  prétendent  quelques  écri- 
vains mal  instruits;  d'autant  plus  que 
ce  qui  nous  reste  d'eux  sert  souvent  de 
modèle  à  nos  peintres  modernes ,  et  Ra- 
phaël lui-même  n'a  pas  dédaigné  de  les 
imiter,  comme  on  le  voit  surtout  dans 
les  ornemens  et  les  fresques  des  galeries 
du  Vatican.) 

PYRGOTÈLES  ,  graveur  grec  sous 
Alexandre  le  Grand  ,  avait  le  droit  ex- 
clusif de  graver  ce  fameux  conquérant, 
de  même  que  le  sculpteur  Lysippe  était 
seul  autorisé  à  faire  ses  statues.  Ce  pri- 
vilège montre  bien  la  vanité  de  l'ori- 
ginal. Elisabeth,  reine  d'Angleterre ,  a 
renouvelé  et  porté  même  plus  loin  cet 
égoïsme  de  figure.  Voyez  son  article. 

PYRRHON ,  fameux  philosophe  grec, 
né  à  Elis  dans  le  Péloponèse  ,  florissait 
vers  l'an  336  avant  J.  C.  U  avait  exercé 
la  profession  de  peintre  avant  que  de 
s'attacher  à  l'étude  de  la  philosophie. 
Anaxarque  fut  son  maître.  Pyrrhon  flot- 
tait dans  un  doute  éternel  ;  il  trouvait 
partout  des  raisons  d'affirmer  et  des  rai- 
sons de  nier,  et  après  avoir  bien  exa- 


•,k 


PYR 

miné  le  pour  et  le  contre,  il  suspendait 
son  consentement,  et  se  réduisait  à  dire  : 
Non  liqitet,  cela  n'est  pas  évident.  Ainsi 
il  chercha  toute  sa  vie  la  vérité,  et  ne 
voulut  jamais  tomber  d'accord  qu'il  l'eût 
trouvée.  C'est  cet  art  de  disputer  sur 
toutes  choses,  sans  prendre  d'autre  parti 
que  de  suspendre  son  jugement,  que 
l'on  appela  le  scepticisme  ou  le  pyrrho- 
nisme.  Quoique  Pyrrhon  n'en  soit  pas 
l'inventeur,  il  le  mit  néanmoins  telle- 
ment en  vogue  de  son  temps,  que  de- 
puis il  a  porté  son  nom.  Cette  opinion 
n'était  pas  la  plus  dangereuse  de  celles 
qu'il  avançait.  Il  enseignait  que  «  l'hon- 
3>  ncur  et  l'infamie  des  actions,  leurjus- 
»)  tice  et  leur  injustice,  dépendent  uni- 
»  quement  des  lois  humaines  et  de  la 
j>  coutume.  »  Son  indifférence  était  si 
étonnante,  ou ,  si  l'on  veut ,  si  brutale, 
qu'Anaxarque  son  maître,  étant  un  jour 
tombé  dans  un  fossé  ,  il  passa  outre  sans 
daigner  I\ii  tendre  la  main.  Pyrrhon  sou- 
tenait que  vivre  et  mourir  étaient  la 
même  chose.  Un  de  ses  disciples ,  choqué 
de  celte  extravagance,  lui  ayant  dit: 
«  Pourquoi  donc  ne  mourez- vous  pas? 
»  — C'est  précisément,  répondit-il,  parce 
»  qu'il  n'y  a  aucune  différence  entre  la 
»  mort  et  la  vie.  »  Etant  sur  le  point  de 
faire  naufrage,  il  fut  le  seul  que  la  tem- 
pête n'étonna  point,  et  comme  il  vit  les 
autres  saisis  de  frayeur ,  il  les  pria  d'un 
air  tranquille  de  regarder  un  pourceau 
qui  était  à  bord ,  et  qui  mangeait  à  son 
ordinaire  :  «  Voilà,  leur  dit-il,  quelle 
»  doit  être  l'insensibilité  du  sage.  »  Il 
faut  convenir  qu'il  choisissait  bien  son 
modèle  :  c'estlà  effectivement  où  conduit 
l'insensibilité  et  le  cynisme  philosophi-. 
que.  Quand  il  parlait,  il  se  mettait  peu 
en  peine  si  on  l'écoutait  ou  si  on  ne  l'é- 
coutait  pas ,  et  il  continuait  ses  discours , 
quoique  ses  auditeurs  s'en  allassent.  11 
tenait  ménage  avec  sa  sœur,  et  parta- 
geait avec  elle  les  plus  petits  soins  do^- 
jnestiques.  Il  balayait  la  maison,  il  en- 
graissait des  poulets,  des  cochons ,  et  al- 
lait les  vendre  au  marché.  Il  se  fâcha  un 
jour  contre  elle  pour  un  sujet  assez  lé- 
ger ;  et  comme  on  lui  remontra  que  son 
chagrin  ne  s'accordait  pas  avec  l'indif- 


PYR  i()3 

férence  dont  il  faisait  profession  :  «  Pen- 
»  sez-vous,  répondit-il,  que  je  veuille 
j)  mettre  cette  vertu  en  pratique  pour  une 
»  femme  ?  »  On  sait  que  les  philosophes 
ne  tachent  de  paraître  vertueux  que  dans 
les  occasions  d'éclat.  Les  anciens  nous 
apprennent  que  Pyrrhon  allait  toujours 
devant  lui ,  sans  se  détourner  ni  reculer, 
même  h  la  rencontre  d'un  chariot  ou  d'un 
précipice,  et  que  ses  amis,  qui  le  sui- 
vaient, lui  sauvèrent  souvent  la  vie.  Ce 
philosophe  vivait  du  temps  d'Epicure  et 
de  Théophraste ,  vers  l'an  300  avant  J.  C. 
Il  mourut  à  90  ans ,  sans  avoir  laissé 
aucun  écrit.  On  trouve  sa  Vie  dans  Scx- 
tus  Jimpiriciis.  Les  philosophes  moder- 
nes, que  l'irréligion  a  réduits  à  un  triste 
scepticisme,  ont  fait  de  grands  efforts 
pour  réhabiliter  la  mémoire  et  la  doc- 
trine de  Pyrrhon  ;  Bayle  surtout  s'est  si- 
gnalé dans  ce  vain  et  pernicieux  travail  ; 
mais  un  doute  perpétuel  sur  les  plus  im- 
portantes et  les  plus  consolantes  vérités 
est  un  état  violent,  que  la  nature  de  l'es- 
prit humain  ne  comporte  pas.  «  L'opi- 
»  nion  des  pyrrhoniens ,  dit  un  écrivain 
»  judicieux  ,  n'a  jamais  subsisté  que  dans 
»  les  discours ,  les  disputes  ou  les  écrits  , 
»  et  personne  n'en  a  jamais  été  sérieusc- 
»  ment  persuadé.  Ils  prétendaient  qu'on 
»  ne  peut  distinguer  le  sommeil  de  la 
»  veille ,  ni  la  folie  du  bon  sens  :  malgré 
»  toutes  leurs  raisons ,  pouvaient-ils  dou- 
»  ter  qu'ils  ne  dormaient  point ,  et  qu'ils 
w  avaient  l'esprit  sain  ?  Mais  s'il  se  trou-r 
«  vait  quelqu'un  capable  de  former  ce 
»  doute,  au  moins  personne  ne  saurait 
»  douter,  comme  dit  saint  Augustin  ,  s'il 
w  est,  s'il  pense,  s'd  vit;  car,  soit  qu'il 
M  dorme  ou  qu'il  veille ,  soit  qu'il  ait  l'es- 
»  prit  sain  ou  malade,  soit  qu'il  se  trompé 
»  ou  qu'il  ne  se  trompe  pas ,  il  est  cer^ 
))  tain  au  moins,  puisqu'il  pense  ,  qu'il 
«  est  et  qu'il  vit ,  étant  impossible  de  sé- 
»  parer  l'être  et  la  vie  de  la  pensée,  et 
3)  de  croire  que  ce  flui  pense  n'est  pas 
))  et  ne  vit  pas.  «  frayez*  Arcésilaus. 
(On  peut  consulter  V histoire  comparée 
des  systèmes  de  philosophie  considérés 
relativement  aux  principes  des  con- 
naissances humaines,  par  M.  Degérando. 
2"  édition  ,  1 822  ,  4  vol  in-8- ) 


^ 


i64  PTR 

PYRRHUS,  roi  des  Épîrotes,  après  que 
les  Molosses  eurent  tué  son  père ,  fut 
enkvé ,  par  quelques  serviteurs  fidèles, 
à  la  fureur  des  révoltés  qui  le  poursui- 
vaient pour  l'égorger.  Cassandre,  roi  de 
Macédoine,  voulut  acheter  la  mort  de  cet 
enfant  ;  mais  Glaucias,  roi  d'Ulyrie,  à  la 
cour  duquel  il  s'était  retiré ,  eut  horreur 
d'une  telle  inhumanité  :  il  le  fit  élever 
comme  son  propre  fils  ,  et  lorsqu'il  eut 
atteint  l'âge  de  douze  ans,  il  le  rétablit 
dans  son  royaume.  Pyrrhus  fut  d'abord 
obligé  de  le  partager  avec  Néoptolème^qui 
l'avait  usurpé  ;  mais  il  se  défit  peu  de 
temps  après  de  ce  rebelle,  et  régna  seul 
en  grand  roi.  Alexandre  Balas ,  rqi  de 
Syrie,  l'ayant  appelé  à  son  secours  contre 
pémétrius,  roi  de  Macédoine,  il  lui  de- 
manda pour  prix  de  ses  services  quelques 
provinces  dont  il  s'empara.  Il  s'y  établis- 
sait lorsque  Démétrius  le  força  de  se 
retirer.  Ce  prince  ravagea  l'Epire,  et  Pyr- 
rhus se  vengea  sur  l'Italie,  où  il  remporta 
une  victoire  signalée.  La  nouvelle  d'une 
maladie  de  Démétrius  le  rappela  dans  la 
Macédoine  l'année  d'après,  l'an  290  avant 
Jésus-Christ.  Tout  céda  à  la  force  de  ses 
armes,  jusqu'à  ce  que  Démétrius,  étant 
un  peu  remis,  le  repoussa.  Pyrrhus  fit  de 
nouvelles  tentatives, qui  eurent  un  succès 
heureux  :  il  s'empara  de  la  Macédoine, 
et  la  partagea  avec  Lysimaque;  mais  il  n'en 
jouit  pas  long-temps.  Les  Macédoniens  le 
chassèrent  sept  mois  après  ,  et  ne  voulu- 
rent reconnaître  pour  leur  souverain  que 
son  collègue.  Une  guerre  plus  impor- 
tante vint  bientôtl'occuper.  Les  Tarentins 
l'ayant  appelé  à  leur  secours,  il  courut 
à  Tarente ,  livra  bataille  au  consul  Lavi- 
nus  ,  près  d'IIéraclée,  et  remporta  une 
victoire  complète.  Ce  prince  avait  amené 
des  éléphans  armés  en  guerre.  La  vue , 
l'odeur  extraordinairç ,  les  cris  de  ces 
monstrueux  animaux ,  effarouchèrent  les 
chevaux  de  l'armée  romaine ,  et  causè- 
rent leur  déroule.  Le  combat  fut  meur- 
trier ,  et  le  -nombre  des  morts  fut  à  peu 
près  égal  des  deux  côtés.  Le  vainqueur 
disait  après  la  bataille  :  «  Hélas  !  si  j'en 
V  gagne  une  semblable ,  il  faudra  que  je 
»  retourne  en  Épire  presque  «ans  suite.  » 
Il  souhaitait  beaucoup  la  paix,  et  il  en- 


PYR 


voya  à  Rome  le  philosophe  Cynéas  pour 
la  proposer.  Cynéas  harangua  le  sénat 
avec  beaucoup  d'éloquence  j  mais  on  lui 
répondit  que  «  si  Pyrrhus  souhaitait  l'a-  • 
>j  mitié  du  peuple  romain,  il  ne  devait  en  ! 
»  faire  la  proposition  que  quand  il  serait 
V  hors  de  l'Italie.  »  Il  se  donna  une  se- 
conde bataille  près  d'Ascolis,  dans  la 
Pouille ,  où  la  victoire  fut  balancée,  et  si 
douteuse ,  que  les  historiens  se  contre- 
disent sur  ce  qu'ils  en  racontent.  Pyrrhus 
continuait  la  guerre  avec  assez  peu  de 
succès ,  lorsque  les  Siciliens  l'appelèrent 
dans  leur  île  pour  les  délivrer  du  joug 
des  Carthaginois,  et  de  celui  de  plusieurs 
petits  tyrans.  Il  y  passa  ,  gagna  deu\  ba- 
tailles sur  les  Carthaginois  en  27G  et  277 
avant  J.  C,  et  prit  Eryx  avec  quelques 
autres  places.  Cependant  l'insolence  de 
ses  Iroupes  et  son  envie  de  dominer  com- 
mencèrent à  le  rendre  odieux  aux  Sici- 
liens. On  fut  charmé  de  le  voir  partir. 
Dès  qu'il  eut  disparu ,  il  perdit  presque 
toutes  les  villes  qui  avaient  embrassé  sori 
parti.  Les  Tarentins  le  rappelèrent  ;  mais 
sa  flotte  fut  battue  dans  le  détroit  de 
Sicile  par  celle  des  Carthaginois.  De  200 
galères,  il  n'en  ramena  que  12  en  Italie. 
Il  châtia  en  passant  les  Locriens ,  et  pilla 
le  trésor  consacré  à  la  déesse  Proserpine. 
Il  y  eut  une  nouvelle  bataille  à  Bénévent 
entre  lui  et  les  Romains.  Le  consul  Cu- 
rius  Denlatus  eut  la  gloire  de  le  vaincre  :  il 
n'avait  que  20,000  hommes,  et  son  adver- 
saire en  avait  plus  de  80,  000.  Pyrrhus  , 
Iionteux  de  sa  défaite ,  retourna  précipi- 
tamment dans  son  royaume.  Il  implora  le  1 
secours  d'Antiochus ,  roi  de  Syrie ,  et  I 
d'Antigone,  roi  de  Macédoine  ;  mais  n'en 
ayant  reçu  que  des  lettres  d'excuses,  il 
ravagea  les  états  du  dernier,  .s'empara  de 
plusieurs  places  frontières  et  de  toutes 
les  villes  de  la  haute  Macédoine  et  de  la  I 
Thessalie.  Enivré  de  l'orgueil  de  ses  l( 
triomphes ,  et  oubliant  ses  défaites ,  il 
affecta  d'humilier  les  Macédoniens  par 
des  inscriptions  iiifamantes.  Cléonyme, 
prince  du  sang  royal  de  Sparte ,  l'ayant 
appelé  à  son  secours ,  il  entra  dans  le 
Péloponèse  et  forma  le  siège  de  Sparte  ; 
mais  il  fut  bientôt  contraint  de  l'aban- 
donner. De  là  il  se  jeta  dans  Argos,  où  il 


PYT 

s'était  élevé  une  faction  entre  Arîslippe 
et  Arislias.  Les  Argiens  lui  envoyèrent 
des  ambassadeurs  pour  le  prier  de  se 
retirer.  Il  le  promit  ;  mais  il  entra  la  nuit 
dans  leur  ville,  dont  Aristias  lui  avait 
fucililé  l'ouverture,  Pyrrhus  eut  l'impru- 
dence d'y  faire  entrer  ses  éléphans,  qui, 
trop  resserrés,  nuisirent  beaucoup  à  l'ac- 
tion. Abandonné  des  siens  et  prêt  à  tom- 
ber entre  les  mains  de  l'ennemi,  il  se  fait 
jour  par  sa  valeur,  après  avoir  quitté  son 
aigrette  pour  n'être  pas  reconnu.  Un 
Argien  l'attaque,  et  lui  porte  un  coup  de 
javeline ,  qui  fut  paré  par  l'épaisseur  de 
sa  cuirasse.  Le  prince,  plein  de  fureur, 
était  près  de  le. frapper,  lorsque  la  mère 
de  cet  Argien ,  qui  voyait  le  combat  de 
son  toit,  lança  une  tuile  sur  la  tête  du  roi 
et  le  renversa  sans  connaissance.  Un  sol- 
dat d'Antigone  survint  et  lui  coupa  la 
tête.  C'est  ainsi  que  mourut ,  l'an  272 
avant  J.  C,  ce  prince,  également  célè- 
bre par  de  grandes  qualités  et  de  grands 
défauts.  Son  caractère  était  affable ,  son 
accès  facile.  Il  était  reconnaissant  des 
services  qu'on  loi  rendait,  et  prompt  à 
les  récompenser,  il  pardonnait  aisément 
Jes  fautes  que  l'on  commettait  à  son 
égard ,  et  ne  punissait  qu'à  regret.  De 
jeunes  officiers,  pris  de  vin,  avaient  fait 
■de  lui  des  plaisanteries  offensantes  : 
l'ayant  su,  il  les  fit  venir,  et  leur  de- 
manda s'il  était  vrai  qu'ils  eussent  ainsi 
parlé?  «Oui,  seigneur  (répondit  l'un 
»  d'entre  eux),  et  nous  en  aurions  dit 
»  davantage  si  le  vin  ne  nous  eût  man- 
»  que.  »  Cette  repartie  le  fit  rire,  et  il  les 
renvoya....  Le  témoignage  glorieux  qu'on 
dit  lui  avoir  été  rendu  par  Annibal  , 
l'homme  du  monde  le  plus  capable  de 
juger  sainement  du  mérite  guerrier,  ne 
permet  pas  de  refuser  à  Pyrrhus  le  titre 
de  grand  capitaine.  Personne,  en  effet, 
ne  savait  mieux  que  lui  prendre  ses  pos- 
tes, ranger  ses  troupes  ,  gagner  le  cœur 
des  hommes  et  se  les  attacher.  On  pour- 
rait à  quelques  égards  le  ranger  aussi 
parmi  les  législateurs,  par  les  sages  régle- 
mens  qu'il  fit  en  plus  d'une  occasion. 
«  Dès  que  Pjrrhus,  dit  un  historien  ,  eut 
»  été  reçu  dans  Tarente  aux  acclamations 
«  de  tout  un  peuple,  il  s'appliqua  à  en 


PYT  i65 

»  connaître  les  mœurs.  Il  leur  trouva  le 
»  goût  du  luxe  et  de  la  bagatelle,  et  il 
»  entreprit  d'en  réformer  les  désordres. 
»  Le  théâtre  était  le  lieu*où  les  gens  oisifs 
»  allaient  perdre  le  temps ,  et  oîi  les 
»  brouillons  fomentaient  des  divisions  et 
»  des  partis  ;  il  le  fit  fermer.  Tous  les 
M  jours  on  s'a.^semblait  dans  le  parc  et 
»  sous  des  portiques,  où,  en  se  prome-  ■ 
j)  nant,  on  parlait  de  la  guerre  et  de  la 
w  paix,  et  l'on  réglait  l'état  selon  ses  ca- 
»  priées  ;  il  en  défendit  l'entrée.  Les  fes- 
«  tins ,  les  mascarades  ,  les  comédies  , 
»  occupaient ,  le  jour  et  la  nuit ,  ces 
»  hommes  désœuvrés  et  voluptueux;  il  * 
»  en  interdit  l'usage.  Le  maniement  des 
))  armes  et  les  exercices  militaires  étaient 
M  presque  entièrement  bannis  de  Tarente; 
»  il  les  rétablit.  »  Pyrrhus  n'avait  aucune 
règle  dans  ses  entreprises,  et  il  s'y  livrait 
presque  toujours  par  tempérament ,  par 
passion  et  par  impuissance  de  se  tenir 
en  repos.  Violent,  inquiet,  impétueux,  ne 
respectant  ni  les  traités  ni  sa  parole,  il 
fallait  qu'il  fût  toujours  en  mouvement  et 
qu'il  y  mît  les  autres  ;  toujours  errant,  et 
allant  chercher  de  contrée  en  contrée  un 
bonheur  qui  le  fuyait,  et  qu'il  ne  ren- 
contrait nulle  part.  On  connaît  le  bon 
mot  de  Cynéas.  Pyrrhus  lui  étalant  un 
jour  les  conquêtes  qu'il  avait  faites  en 
imagination,  de  toute  l'Italie,  de  la  Sicile, 
de  Carthage  et  de  la  Grèce,  ce  prince 
ajouta  :  «Ce  sera  alors,  mon  ami,  que 
»  nous  rirons  ,  et  que  nous  nous  repose- 
»  rons  à  l'aise.  »  — «  Mais,  seigneur  (  re- 
V  partit  Cynéas),  qui  nous  empêche  de 
)>  le  faire  dès  à  présent  ?  »  (  Plusieurs 
écrivains  font  descendre  Pyrrhus  du  hé- 
ros grec  de  ce  nom,  fils  d'Achille.  Il 
était  le  douzième  des  rois  Pyrrycles  dans 
les  listes  chronologiques.  Il  existe  une 
Histoire  de  Pyrrhus,  en  français,  par  J.-B. 
Jourdan,  Amsterdam,  1749,  2vol.in-12.) 
PYTHAGORE,  chef  et  fondateur  de 
l'école  philosophique,  dite  école  d" Italie, 
naquit  à  Samos,  d'un  sculpteur,  vers  l'an 
600  avant  J.  C.  Il  exerça  d'abord  lé  mé- 
tier d'athlète  ;  mais  s'étant  trouvé  aux 
leçons  de  Phérécyde  sur  l'immortalité 
de  l'âme,  il  se  consacra  à  la  philosophie 
(  voyez  PhÉrécydk  j^  abandonna  sa  patrie, 


i66  PYT 

ses  parens  j  SCS  biens ,  cl  parcoiirul  l'E- 
gyple.  la  Gbaldée  et  l'Asie  mineure.  De 
relour  à  Samos,  il  trouva  que  Polycrale 
avait  usurpé  le  gouvernement  de  sa  pa- 
trie ^  cela  le  dclermina  à  aller  s'établir 
dans  cette  partie  de  l'Italie  qui  a  été  ap- 
pelée la  Grande-Grèce.  Il  fit  sa  demeure 
ordinaire  à  Héraclée  ,  k  Tarente ,  et  sur- 
tout à  Crotone,  dans  la  maison  du  fameux 
atiilète  Milon.  C'est  de  là  que  sa  secle  a 
été  appelée  Italique:  Sa  réputation  se 
répandit  bientôt  dans  toute  l'Italie.  On 
accourait  de  toutes  parts  pour  l'enten- 
dre, et  dans  peu  de  temps  il  eut  quatre 
on  cinq  cenlsdisciples.  Avant  que  de  les 
admettre  à  ce  rang,  il  leur  faisait 
subir  Un  noviciat  de  silence,  qui  durait 
deux  ans  pour  les  taciturnes  ;  et  qu'il 
faisait  durer  au  moins  cinq  années  pour 
ceux  qu'il  jugeait  les  plus  enclins  à  par- 
ler. «  Loi  tyranniquc,  dit  un  auteur  ju- 
5>  dicieux  :  il  n'élail  pas  possible  que 
»  durant  cet  espace  de  temps  il  ne 
»  se  format  dans  Tesprit  de  ses  disci- 
«  pies  des  difficultés  sur  lesquelles  leur 
i>  maître  nepouvaitèlreconsullé,etqu'ils 
»  ne  courussent  le  risque  de  ne  pouvoir 
»  jamais  les  éclaircir.  »  II  leur  recomman  - 
dait  aussi  fortement  de  ne  jamais  manger 
de  fèves,  et  de  tenir  les  oreilles  toujours 
attentives  aux  concerts  des  spbères  cé- 
lestes. On  dit  que,  pour  donner  plus  de 
poids  à  ses  leçons ,  il  s'enferma  dans  un 
lieu  souterrain  où  il  demeura  pendant 
un  certain  temps.  Sa  mère  lui  com- 
muniqua en  secret  tout  ce  qui  se  passait 
pendant  son  absence.  Pytbagore  sortit 
enfin  de  sa  caverne  avec  un  visage  pâle 
et  défait  ;  il  assembla  le  peuple,  et  assura 
qu'il  venait  des  enfers.  (  Voyez  Collius, 
Lucien,  J.-j.  Rousseau,  Zenon  ,  etc.  ) 
Pytbagore  forma  des  disciples  qui  devin- 
rent des  législateurs  fameux  ,  tels  que  Za- 
leucus,  Cbarondas  et  quelques  autres.  La 
science  des  mœurs  et  des  lois  n'était  pas 
la  seule  que  ce  pbilosopbe  professât  ;  il 
était ,  dit-on  ,  savant  en  astronomie  et  en 
géométrie.  On  prétend  qu'il  inventa  cette 
fameuse  démonstration  du  carré  de  Vhy~ 
pothc'nuse.  ,  qui  est  d'un  si  grand  usage 
dans  les  traités  de  mathématiques.  «.  Il 
■»  fit  lui-même  ,  dit  i^n  écrivain  ,  des  dé>' 


PYT 

w  couvertes  importantes  dans  les  niathé- 
>)  matiques,  et  leur  donna  une  forme 
w  méthodique.... Outre  la  démonstration 
«  du  carré  de  d'bypolhénuse ,  il  déter- 
)'  mina  les  rapports  mathématiques  des 
«  intervalles  musicaux.  Les  sons  des  mar- 
«  teaux  d'un  forgeron  le  convainquirent 
»  qu'ils  formaient  la  quarle,  la  quinte 
»  et  l'octave ,  et  les  poids  de  ces  mar- 
»  teaux  étaient  dans  les  rapports  de  3i4, 
>'  2|3  et  de  lj2.  Un  grand  nombre  de  ses 
»  élèves  furent  appelés  aux  plus  grands 
»  emplois  dans  les  villes  de  la  Grande- 

»  Grèce »  On  ajoute  qu'il  en   sentit 

lui-même  l'utilité  tellement  qu'il  immola 
à  Dieu,  par  reconnaissance,  une  béca- 
tombe  ou  sacrifice  de  1 00  bœufs  :  sacrifice 
contradictoire  avec  la  défense  qu'il  lit  à 
ses  disciples  de  tuer  les  animaux,  et  d'en 
manger  les  viandes  ;  mais  l'on  se  trom- 
perait beaucoup  ,  si  l'on  prétendait  trou- 
ver de  la  conséquence  ou  de  la  consi- 
stance dans  les  idées  des  anciens  sages  (1). 
Celte  défense  au  reste  était  une  suite  de 
son  système  de  la  métempsycose,  c'est- 
à-dire  de  la  transmigration  des  âmes  d'un 
corps  dans  un  autre.  C'était  le  dogme 
principaldesapbilosopbie  ;  il  l'avait  em- 
prunté ou  des  Egyptiens  ou  des  Brach- 
manes.  Cette  chimère  lui  tenait  si  fort 
au  cœur,  qu'il  se  vantait  de  se  souvenir 
dans  quel  corps  il  avait  été  avant  que 
d'être  Pytbagore.  Sa  généalogie  ne  re- 
montait que  jusqu'au  siège  de  Troie.  Il 
avait  été  d'abord  Ethalides  ,  fils  putatif 
de  Mercure  ;  ensuite  Eupborbe,  le  même 
qui  fut  blessé  par  Ménélas.  Son  âme 
passa  du  corps  d'Euphorbe  dans  celui 
d'Hermotime  ;  de  celui-ci  dans  le  corps 
d'un  pêcheur  ;  enfin  ,  dans  celui  de  Py- 
tbagore. Quelques  autres  parties  de  son 
système  étaient  moins  ridicules  :  il  ad- 
mettait dans  le  monde  une  Intelligence 
suprême ,  une  force  motrice ,  une  matière 
sans  intelligence ,  sans  force  et  sans  mou- 
vement. «  Tous  les  phénomènes ,  selon 
»  Pytbagore,  supposaient  ces  trois  prin- 
»  cjpes;  mais  il  avait  observé  dans  les 
»  phénomènes  une  liaison  de  rapports  , 

(l)  On  pourrait  obiect»?r  qoe  Inreqiir  Pvthajîorr  offrit 
en  luirririce  .  il  n'a«ait  pan  ennnre  établi  f»  dortrinc.  ni 
•  on  école,  cl  qu'il  ne  »'occup«it  enror»  qiir  de*  irisnc*» 
ibdraitet. 


PYT 

))  une  fin  géiicrale  ,  et  il  attribuait  l'en- 
»  cbaineineiit  des  phénomènes,  la  for- 
i>  luation  de  loules  les  parties  du  monde 
»  et  leurs  rapports  à  l'Intelligence  siiprè- 
i>  me ,  qui  seule  avait  pu  diriger  la  force 
u  motrice,  et  établir  des  Rapports  et  des 
>»  liaisons  entre  toutes  les  parties  de  la 
»  nature  ;  il  ne  donna  donc  aucune  part 
»  aux  génies  dans  la  formation  du  monde. 
j>  Pythagore  avait  découvert,  entre  les 
«parties  du  monde,  des  rapports,  des 
»  proportions.  Il  avait  aperçu  que  l'har- 
»  monie  ou  la  beauté  était  la  fin  que  l'In- 
u  telligence  suprême  s'était  proposée 
»  dans  la  formation  du  monde  ,  et  que 
»  les  rapports  qu'elle  avait  mis  entre  les 
»  parties  de  l'univers  étaient  le  moyen 
»  qu'elle  avait  employé  pour  arriver  à 
»  cette  fin.  Ces  rapports  s'exprimaient 
n  par  des  nombres.  Parce  qu'une  planète 
»  est,  par  exemple,  éloignée  du  soleil 
»  plus  ou  moins  qu'une  autre,  un  certain 
»  nombre  de  fois,  Pythagore  conclut  que 
»  c'était  la  connaissance  de  ces  nombres 
"  qui  avait  dirigé  l'Intelligence  suprême. 
»  L'âme  de  l'homme  était,  selon  Pytha- 
»)  gore,  une  portion  de  celte  Intelligence 
»  suprême ,  que  son  union  avec  le  corps 
»  en  tenait  séparée  ,  et  qui  s'y  réunissait 
)'  lorsqu'elle  s'était  dégagée  de  toute  af- 
}>  fection  aux  choses  corporelles.  La 
»  mort ,  qui  séparait  l'âme  du  corps  ^  ne 
M  lui  ôtait  point  ses  afteclions  ;  il  n'ap- 
»  partenait  qu'à  la  philosophie  d'en 
»  guérir  l'âme,  et  c'était  l'objet  de  toute 
»  la  morale  de  Pythagore.  »  {Mémoire 
pour  servir  à  l'histoire  des  e'garemens 
de  l'esprit  humain  ,  ou  Dictionnaire  des 
he're'sies ,  Discours  .  préliminaire,  pag. 
72  et  7  3.  M.  Pluquet,  auteur  de  cet  ou- 
vrage estimable  ,  renvoie  le  lecteur  à 
l'Examen  du  fatalisme  ,  tome  1"^ ,  et  à 
ïaP^ieAc  ce  philosophe  parDacier.j  Notre 
soin  principal  devait  être  ,  selon  Pytha- 
gore, de  nous  rendre  semblables  à  la 
Divinité.  Le  seul  moyen  d'y  parvenir 
était  de  posséder  la  vérité,  et  pour  la  pos- 
séder il  fallait  la  chercher  avec  une  âme 
pure.  «  Il  faut,  disait-il  souvent,  ne 
»  faire  la  guerre  qu'à  cinq  choses  :  aux 
»  maladies  du  corps ,  à  l'ignorance  de 
j*  l'esprit ,  aux  passions  du  cœur ,  aux 


PYT  16:; 

V  séditions  des  villes,  et  à  la  discorde 
»  des  familles.  Telles  sont  les  piuq  choses, 
«s'écriait-il,  qu'il  faut  combattre  de 
M  toutes  ses  forces,  même  par  le  fer  et 
M  par  le  feu.  Il  disait  que  le  spectacle  de 
»  ce  monde  ressemble  à  celui  des  jeux 
)>  olympiques  :  les  uns  y  tiennent  bou- 
»  tique  et  ne  songent  qu'à  leurs  intérêts; 
u  les  autres  y  paient  de  leur  personne  et 
»  ne  cherchent  que  la  gloire;  d'autres  ne 
M  font  que  regarder  tout  cela  ,  et  leur 
»  condition  n'est  pas  la  pire.  Interrogé 
))  par  les  magistrats  des  villes  de  la 
»  Grande-Grèce  ,  il  leur  recommanda  la 
M  bonne  foi ,  la  justice  ;  leur  représenta 
)>  l'anarchie  comme  le  plus  grand  des 
»  maux,  l'éducation  des  enfans  comme 
»  le  moyen  le  plus  efiicace  d'assurer  un 
«jour  d'heureuses  destinées  à  l'état,  » 
Ce  philosophe  se  plaisait  à  débiter  ses 
préceptes  sous  le  voile  des  énigmes;  mais 
ce  voile  était  si  épais  que  les  interprètes 
y  ont  trouvé  une  ample  matière  à  leurs 
conjectures.  On  ne  sait  rien  de  certain 
sur  le  lieu  et  sur  le  temps  de  la  mort  de 
ce  philosophe.  Les  uns  disent  qu'il  mou- 
rut à  Mélaponte  ,  vers  l'an  497  avant 
J.  C.  ;  d'autres  le  font  brûlera  Crotone  ; 
d'autres  disent  qu'arrêté  dans  un  champ 
de  fèves ,  pour  lesquelles  il  avait  toujours 
eu  une  extrême  vénération,  il  aima 
mieux  se  laisser  tuer  que  de  gâter  ces 
plantes.  Sa  maison  fut  changée  en  un 
temple,  et  on  l'honora  comme  un  dieu. 
Il  était  en  si  grande  vénération ,  qu'on 
lui  lit  faire  pendant  sa  vie  et  après  sa 
mort  une  foule  de  prodiges.  On  disait 
qu'il  écrivait  avec  du  sang  sur  un  miroir 
ce  que  bon  lui  semblait,  et  qu'opposant 
ces  lettres  à  la  face  de  la  lunequaud  elle 
était  pleine,  il  voyait  dans  le  rond  de  cet 
astre  tout  ce  qu'il  avait  écrit  dans  la  glace 
de  son  miroir;  qu'il  parut  avec  une 
cuisse  d'or  aux  jeux  olympiques  ;  qu'il  se 
fit  saluer  du  fleuve  de  Xessus  ;  qu'il  arrêta 
le  vol  d'un  aigle,  apprivoisa  un  ours, 
fit  mourir  un  serpent,  et  chassa  parla 
vertu  de  certaines  paroles  un  bœuf  qui 
gâtait  un  champ  de  fèves  ;  qu'il  se  fit 
voir  au  même  jour  et  à  la  même  heure 
dans  la  ville  de  Crotone  et  dans  celle  de 
Métapoale;  qu'il  avait  des  secrets  magi- 


168 


PYT 


ques  ;  qu'il  prédisait  les  choses  futures  , 
fetc.  Ces  contes  absurdes  prouvent  mieux 
que  tout  le  reste  qu'une  grande  partie  de 
ses  admirateurs  étaient  les  plus  stupides 
des  hommes,  qui  se  laissaient  persuader 
les  plus  grandes  extravagances  à  la  faveur 
de  V autos  epha  [c'est  lui  qui  Va  dit). 
Cette  observation  tenait  lieu  à  ses  dis- 
ciples de  tout  raisonnement;  après  qu'on 
l'avait  faite,  il  n'était  plus  permis  de 
douter  ni  de  ses  opinions  ni  de  ses  asser- 
tions quelconques.  Nous  avons,  sous  le 
nom  de  Pytliagore,  un  ouvrage  en  grec  , 
commenté  par  Hiéroclès ,  et  intitulé  les 
Vers  dorés  ;  mais  il  est  constant  que  ce 
livre  n'est  point  de  lui.  On  les  a  imprimés 
à  Padoue,  1474  ,  in-4  ;  — à  Rome,  1475, 
in-4  ; —  à  Cambridge,  1709;  —  et  à 
Londres,  1742,  in-8.  Ces  deux  éditions 
se  joignent  aux  auteurs  cum  notis  vario- 

runi —  Diogène  Laerce  ,  Porphyre, 

Jamblique,  un  anonyme  dont  Pholius 
donne  l'extrait,  ont  écrit  la  Vie  de  ce 
philosophe  avec  une  crédulité  puérile  et 
sans  discernement  ;  il  est  certain  que  les 
légendaires  les  plus  décriés  n'ont  jamais 
poussé  la  bonhomie  à  ce  point.  On  a  réuni 
leurs  écrits  à  Amsterdam,  1707,  in-4. 
Daciera  mis  plus  de  critique  dans  celle 
qu'il  a  publiée  en  français,  avec  les  Vers 
dorés  et  le  Commentaire  d'Hiéroclès, 
Paris,  1706  et  1771  ,  2  vol.  in-12.  Mais 
Dacier  est  si  prévenu  pour  les  vieilles 
choses,  qu'il  faut  toujours  beaucoup  ra- 
battre de  ce  qu'il  en  dit.  Il  va  jusqu'à  ad- 
mirer des  choses  extravagantes  ;  il  se  met 
l'esprit  à  la  torture  pour  expliquer  les 
énigmes  de  Pythagore ,  et  il  y  trouve  des 
sens  auxquels  le  philosophe  n'a  vraisem- 
blablement jamais  pensé.  Lucien,  en 
parlant  de  Pythagore  dans  son  dialogue 
de  Gallus,l'a  peint  au  naturel.  Si  ce  que 
dit  Jamblique  dans  sa  Vie  est  vrai ,  on 
ne  peut  s'empêcher  de  le  mettre  au  nom- 
bre des  plus  grands  scélérats.  On  trouve 
d'autres  vues  sur  Pythagore  dans  \His- 
ioire  des  temps  fabuleux  ,  par  Guérin 
du  Rocher ,  et  dans  Hérodote ,  historien 
du  peuple  hébreu  sans  le  savoir ,  par 
l'abbé  Bonnaud.  «  Tous  les  disciples  de 
V  Pythagore  mettaient  leurs  biens  en 
»  commun,  avec  la  faculté  de  les  re- 


PYT 

»  prendre  quand  ils  voudraient  quitter  la 
»  société  ;  ils  habitaient  tous  enseml^le 
»  avec  leurs  familles  dans  un  vaste  édifice 
»  appelé  Emachion  -.  ils  y  suivaient  une 
»  règle  dont  l'austérité  était  tempérée 
u  parla  promenade  ,  le  chant  ,1a  danse, 
w  et  la  lecture  des  poètes  :  le  vin ,  la 
»  viande  et  le  poisson  y  étaient  inter- 
»  dits.  »  Voyez  VHist.  comparée  des 
systèmes  de  philosophie  ,  considérés  re- 
lativement aux  principes  des  connais- 
sances humaines,  par  M.  Degérando  ,  2* 
édilionj  1822  ,4  vol.  in-8. 

*  PYTHAGORE  deReggio,  sculpteur, 
contemporain  de  Polyclète  d'Argos,  432 
ans  avant  J.  C. ,  est ,  selon  Pline ,  un  des 
trois  fameux  statuaires  de  ce  nom,  qui 
vivaient  a  la  même  époque.  Mais  il  parait 
qu'il  le  confond  avec  Pylhagoras  de  Sa- 
mos  ;  car  Pausanias  lui  donne  pour  maî- 
tre Cléarque ,  élève  d'Enchir  le  Corin» 
thien ,  qui  vivait  dans  un  temps  plus 
reculé.  On  voyait  de  cet  artiste ,  à  Olym- 
pie  ,  une  statue  qui  représentait  Pancra- 
tiaste  Léonticus ,  qui  était  d'un  beau  fini, 
ainsi  qu'un  monument  de  bronze ,  re- 
présentant Cratistène  sur  le  char  de  la 
victoire  ;  Europe  assise  sur  le  taureau  ; 
le  combat  d'Etéocle  et  de  Polynice.  Ces 
morceaux  remarquables  conservaient 
toute  leur  réputation  du  temps  de  Pau- 
sanias. 

PYTHEAS ,  philosophe  contemporain 
d'Aristote ,  naquit  à  Marseille,  colonie 
des  Phocéens,  et  se  rendit  habile  dans  la 
philosophie ,  l'astronomie  ,  les  mathéma- 
tiques et  la  géographie.  On  conjecture 
que  ses  concitoyens  ,  prévenus  en  faveur 
de  ses  connaissances  et  de  ses  talens ,  et 
dans  la  vue  d'étendre  leur  commerce  « 
lui  fournirent  les  moyens  d'aller  tenter 
dans  le  Nord  de  nouvelles  découvertes, 
tandis  qu'ils  employaient  Euthymènes  à 
découvrir  les  pays  du  Sud.  Pythéas  par- 
courut, dit-on,  une  partie  des  côtes  de 
l'Océan,  et  s'avança  jusqu'à  l'ile  de  Thulé 
(  l'Islande  }  ;  il  pénétra  ensuite  dans  la 
mer  Baltique ,  jusqu'à  l'embouchure  d'un 
fleuve  qu'il  nomma  mal  à  propos  Tanaïs 
(car  le  Tanaïs  se  décharge  dans  la  mer 
Noire  ) ,  et  qui  est  peut-être  la  Vistule. 
Il  observa  qu'à  mesure  qu'il  s'avançait 


QUA 

vers  le  pôle  arctique,  les  jours  s'alon- 
geaient  au  solstice  d'été,  et  qu'à  l'île 
de  Thulé  le  soleil  se  levait  presque  aus- 
sitôt qu'il  s'était  couché  :  ce  qui  arrive 
en  Islande  et  dans  les  parties  septentrio- 
nales de  la  Norvège.  La  relation  des 
voyages  de  Py  théas  a  paru  fabuleuse  à  Po- 
lybe  et  à  Strabon  ;  mais  Gassendi ,  Sanson 
et  Rudbekont  été  du  sentiment  d'Hippar- 
queetd'Eratosthène,  enprenanlladéfense 
de  cet  ancien  géographe.  Strabon  nous  a 


QUA  169 

conservé  une  autre  observation  que  Py 
théas  fit  dans  sa  patrie  au  temps  du  sol- 
stice. Ce  Marseillais  est  le  premier  et  le 
plus  ancien  des  écrivains  gaulois  <jui 
nous  soit  connu.  Le  plus  célèbre  de  ses 
ouvrages  était  intitulé  Le  tour  de  la  terre; 
mais  ni  cet  ouvrage  ni  aucun  des  autres 
de  Pythéasne  sont  parvenus  jusqu'à  nous, 
quoique  quelques-uns  existassent  encore  à 
la  fin  du  4"  siècle.  Us  étaient  écrilsen  grec, 
qui  était  alors  la  langue  des  Marseillais. 


QUADRATUS  ,  ou  Quadrat  (  Saint  ), 
'  disciple  des  apôtres,  et ,  selon  quelques- 
uns  ,  l'ange  de  Philadelphie,  à  qui  J.-C. 
parla  dans  l'Apocalypse ,  était  déjà  célè- 
bre dans  l'Eglise  du  temps  de  Trajan  ,  et 
répandait  partout  la  semence  de  la  parole 
évangélique.  On  prétend  qu'il  fut  élevé 
sur  le  siège  d'Athènes  vers  l'an  126.  Qua- 
dratus  est  le  premier  qui  ait  composé  une 
,  Apologie  de  la  religion  chrétienne,  qu'il 
présenta  à  Adrien  vers  l'an  131.  Cet  ou- 
vrage ,   plein  de  raisonnemens  forts  et 
solides ,  est  digne  d'un  disciple  des  apô- 
tres.   Il  paraît  par  un  passage  de  Lara- 
pride  ,  dans  la  Fie  d^ Alexandre  Se'vève  , 
qu'Adrien  en  fut  frappé  au  point  de  re- 
connaître la  divinité  de  J.  C.   «  Alexan- 
»  dre  ,  »  dit-il ,  «  forma  le  dessein  d'éle- 
j)  ver  un  temple  à  J.  C.  ,  et  de  le  placer 
»  parmi  les  dieux  de  l'empire.    Adrien 
■I  avait  déjà  conçu  le  même  projet  en  or- 
-  donnant  qu'on  bâtît  dans  toutes  les  vil- 
les des  temples  sans  images.  Ces  lera- 
'  pies  ,  qui  ne  sont  consacrés  à  aucune 
)'  divinité    particulière  ,     se    nomment 
Adriannées  ,   ou  temples  d'Adrien.  » 
iuoi  qu'il  en  soit ,   l'écrit  de  Quadralus 
:inêta  le  feu  de  la  persécution  ,  qui  était 
alors  allumé  contre  les  chrétiens.   Il  ne 
nous  en  reste  qu'un  fragment  conservé 
par  Eusèbe.  On  y  lit,  entre  autres  choses, 
cette  distinction  solide  des  miracles  de 
J.   C.    des  impostures   des  magiciens  : 
(1  Les  miracles  du  Sauveur  subsistent  tou- 
XI. 


»  jours  ,  parce  qu'ils  étaient  réels  et  vé- 
))  ritables.  Les  malades  qu'il  a  guéris,  les 
«  morts  qu'il  a  ressuscites,  n'ont  passeu- 
»  lement  paru  un  instant  ;  ils  sont  restés 
»  sur  la  terre  avec  îui  ;  quelques-uns  mê- 
»  me  ont  vécu  ju.squ'à  noire  temps  ,  et 
J)  par  conséquent  bien  après  l'ascension 
»  du  Seigneur.  » 

*  QLADRI  (Jean-Louis)  ,  architecte  , 
peintre  de  perspective  ,  graveur  et  mé- 
canicien ,  naquit  en  1681  à  Bologne 
d'une  ancienne  famille  bourgeoise.  Il 
exerça  ces  trois  arts  avec  succès  ,  et  on 
voit  en  Italie  et  dans  son  pays  natal  plu- 
sieurs de  ses  ouvrages  qui  obtiennent  en- 
core l'approbation  des  connaisseurs.  Oa 
a  de  lui  :  1°  Tavole  ou  Table-;  gnomo- 
niqiies  pour  dessiner  des  cadran^  solai- 
res ,  qui  indiquent  les  heures  comme  les 
horloges  ordinaires  ,  et  autres  tables 
pour  la  construction  de  ceux-ci  ,  etc.  , 
Bologne,  17  33  ;  2"  Tables  gnomoniques 
pour  régler,  pendant  le  jour  les  horloges 
à  roue  ,  ibid.  ,  1736  ;  3"  Règles  pour 
les  cinq  ordres  d^architecture  de  M.  Jac- 
ques Barozzi  di  Fignola  ,  dernièrement 
grave'es  sur  le  premier  original  de  Vau~ 
teur ,  ibid.  ,  I73G  ;  4°  Règles  pour  la 
perspective  pratique  ,  dessinées  suivant 
la  seconde  règle  de  J.  Barozzi,  ibid.  , 
1744.  Plusieurs  manuscrits  de  Quadri  se 
conservent  dans  la  bibliothèque  de  l'in- 
stitut de  Bologne  [LaSpecola)  ;  ils  pas- 
sent pour  être  très  utiles  aux  arts,  etron 
22. 


170  QUA 

prétend  qu'ils  gagneraient  à  ètrfî  connus. 
Cet  artiste  mourut  dans  sa  patrie  en  1748. 

QUADRIO  (  François-Xavier) ,  litté- 
rateur italien  ,  né  dans  la  Valteline  ,  le 
1"  décembre  1G95  ,  se  fit  jésuite  ,  et  se 
distingua  par  son  application  ;  mais  sa 
mélancolie  et  son  inconstance  lui  firent 
abandonner  cet  état  en  1744  :  il  se  relira 
à  Zurich  ,  d'où  il  sollicita  auprès  du  sou- 
verain pontife  la  permission  de  rester 
dans  l'état  de  prêtre  séculier.  Benoît  XIV, 
qui  avait  pour  lui  de  la  bienveillance  , 
acquiesça  à  sa  demande  ,  et  lu»  donna  un 
canonicat.  Quadrio  vint  à  Paris  en  1744, 
y  passa  trois  ans  ,  et  fut  bien  accueilli 
par  le  cardinal  de  Tencin.  Après  avoir 
visité  encore  une  fois  Rome  ,  il  retourna 
à  Milan  ,  et  vers  la  fin  de  sa  carrière  ,  il 
se  retira  chez  les  barnabites ,  où  il  mou- 
rut le  21  novembre  1756.  On  a  de  lui  : 
l°Un  Traite  delà  poésie  italiemie  ,  sous 
le  nom  de  Joseph-Marie  Andrucci  ;  1° 
Histoire  de  la  poésie  ,1  vol.  ;  Z°  Disser- 
tations sur  la  Valteline  ,  pleines  d'éru- 
dition ,  3  vol. 

*  QUAGLIA ,  ou  QuAYK  (  Gian-Genè- 
fio  )  ,  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Fran- 
çois ,  né  à  Parme  ,  et  nommé  aussi  quel- 
quefois ,  à  cause  de  cela  ,  frère  Jean  de 
Parme  ,  vivait  au  temps  de  Pétrarque. 
11  alla  faire  sa  théologie  en  Angleterre  , 
d'où  il  revint  en  1391.  On  l'envoya  pro- 
fesser la  théologie  à  Pise  ;  il  retourna  en- 
suite dans  sa  patrie  ,  où  il  mourut ,  en 
1398.  On  a  de  lui  :  1°  Liber  de  civitate 
Christ i  compilatus  a  magistro  Joanne 
Genesio  Quaye  de  Parma,  ordinis  mino- 
j'um  j  etc.  Reggio  ,  1601  ,  in-4  ;  réim- 
primé à  Rome  en  1523  :  l'auteur  l'avait 
composé  à  Pise  ;  2°  Incipit  rosarium  edi- 
tum  a  fratre  Joanne  Quaya  de  Parma  , 
ordinis  minorum.  Cet  ouvrage  existe  en 
manuscrit  dans  la  bibliothèque  Barberine 
à  Rome  ,  code  246  ,  dans  la  bibliothèque 
royale  de  Parme  ,  dans  celles  de  Saint- 
Jean  et  Saint-Paul  à  Venise  ,  dans  celle 
des  Augustins  de  Padoue  et  dans  quel- 
ques autres.  L'auteur  ,  dans  ce  livre,  em- 
brasse toute  la  philosophie  morale  et 
chrétienne.  3°  De  incarnatione  Christi, 
seu  de  secretis  philosophiœ ,  ouvrage 
savant,  conservé  dans  la  bibliothèque  du 


QUA 

Vatican,  sous  le  n"  6129.  Voyez  sur  le 
Père  Quaglia  le  Père  Affo  ,  récollet,  dans 
ses  Memorie  degli  scrittori  e  letterati 
parmigiani  ,  vol.  2  ,  pag.  97.  Le  Père 
Wadding  ,  histotiograpbe  de  l'ordre  de 
Saint-François ,  nous  donne  sa  vie  d'une 
autre  manière.  Selon  lui  ,  Jean  Genèfio 
prit  naissance  dans  l'état  de  Bologne  , 
quoiqu'il  le  nomme  aussi  Jean  de  Parme; 
il  ne  parle  point  de  son  voyage  en  An- 
gleterre, mais|il  dit  qu'il  professa  à  Paris, 
et  qu'Innocent  IV  l'ayant  fait  venir  de. 
France,  ce  religieux  fut  élu  ministre  gé- 
néral de  son  ordre  l'an  1247  ;  qu'il  futen 
voyé  en  Orient  vers  l'empereur  des  Grecs, 
et  vers  Manuel,  patriarche  de Constan- 
tinople  ;  que  s'étant  démis  du  généralat , 
il  eut  pour  successeur  saint  Bouaventure  ; 
qu'il  se  retira  dans  une  cabane  de  la  val- 
lée de  Rieti  ,  bâtie  par  saint  François  , 
où  il  vécut  d'une  manière  pénitente  ;  que 
Jean  XXI  l'avait  en  grande  estime  ;  que 
Nicolas  IV  l'envoya  une  seconde  fois  vers 
les  Grecs,  et  que  s'étant  mis  en  chemin, 
il  mourut  à  Camerino  ,  en  1289  ,  c'est- 
à-dire  au  moins  cent  ii"s  avant  l'épo- 
que fixée  par  le  Père  AlVo  ,  et  qu'il  fut 
enterré  dans  le  couvent  de  Saint-François 
de  celte  ville.  Wadding  lui  attribue  les 
traités  suivans  :  1°  /«  libres  Magistri 
sententiarum  ;  2°  De  conversatione  re- 
ligiosorum  libri  duo  ;  3°  De  bencficiis 
creatoris  ;  4"  De  civitate  Christi  ,  ou- 
vrage qui  vraisemblablement  est  le  mê- 
me que  celui  du  même  lilre  cité  plus 
haut  ;  5°  Sacrum  commerçium  sancti 
Francisci  cum  domina  pauperlatc  ;  G" 
Oflicium  passionis  Christi  ,  qui  com- 
mence par  ces  mots  :  Regem  Christum 
crucifixum.  Wadding  ajoute  que  quel- 
ques-uns distinguent  Jean-Genès  de 
Quaglia  ,  de  Jean  de  Parme  ;  mais  il  as 
sure  que  c'est  la  même  personne  :  Idem 
prorsus  est  Joannes  hic  cum  Joanne  par- 
mensi. 

QUAINI  (  Louis  )  ,  peintre  ,  né  à  Ra- 
venne  en  1643  ,  mort  à  Bologne  en  1717. 
Le  Cignani  lui  apprit  les  élémens  de  son 
art.  Bientôt  il  eut  tant  de  confiance  dans 
les  talens  de  cet  illustre  élève  ,  qu'il  lui 
remit  ses  principaux  ouvrages  ,  conjoin- 
tement avec  Franceschini ,  qui  était  de- 


QUA 

venu  ,  dans  la  même  école  ,  son  rival  et 
son  ami.  Leurspinceaux  réunis  semblent 
n'en  faire  qu'un.  Les  parties  principales 
de  Quaini  étaient  l'architecture  ,  le  pay- 
sage et  les  autres  ornemens.  Francescbini 
se  chargeait  pour  l'ordinaire  de  peindre 
les  figures.  Ils  ont  principalement  tra- 
vaillé à  Parme  et  à  Bologne. 

*  QUAINO  (  Jérôme  )  ,  religieux  de 
l'ordre  des  servîtes  ,  florissait  au  16"  siè- 
cle. Il  était  né  à  Padoue  ,  oii  il  jouissait 
de  la  réputation  d'un  savant  théologien 
et  d'un  prédicateur  très  distingué.  Il 
avait  ,  pendant  plusieurs  années  ,  pro- 
fessé les  saintes  Ecritures  dans  l'univer- 
sité de  Padoue  ,  et  souvent  la  chaire  y 
avait  retenti  de  ses  discours  éloquens.  Il 
a  laissé  de  bons  Commentaires  sur  quel- 
ques livres  de  la  Bible ,  et  des  Traites  de 
théologie  estimés.  On  a  de  lui  des  Orai- 
sons latines.  Plusieurs  de  ses  sermons  ont 
été  publiés  dans  le  recueil  intitulé  :  Le 
Prediche  di  diversi  illustri  theologi,  rac- 
colte  da  Tommaso  Porcacchi  ,  Venise  , 
1566  ,  l'*  partie,  in-8.  Les  confrères  du 
Père  Quaino  lui  firent  dresser  dans  leur 
église  une  statue  de  marbre  qu'ils  accom- 
pagnèrent d'un  éloge  en  son  honneur  : 
marque  de  distinction  qui  suppose  en  ce- 
lui à  qui  on  l'accorde  un  mérite  qui  n'est 
point  ordinaire.  Quaino  mourut  en  1 582. 

*  QUANZ  fJean-Joachim},  musicien, 
né  en  1697  au  village  d'Oberscheden  près 
de  Goettingue,  donna  des  leçons  de  son 
art  au  grand  Frédéric.  Dès  sa  première 
jeunesse  ,  il  aima  passionnément  la  mu- 
sique ,  et  jouait  assez  bien  de  la  basse. 
Destiné  à  l'état  de  son  père,  qui  était  ma- 
réchal-ferrant  ,  celui-ci  céda  à  ses  in- 
stances et  lui  permit  de  se  rendre  chez 
un  oncle,  musicien  pensionnaire  à  Mers- 
bourg,  sous  lequel  Quanz  apprit  les  pre- 
miers élémensde  la  musique.  Il  se  livra  à 
l'étude  du  hautbois  et  notamment  de  la 
flûte  ,  instrument  dans  lequel  il  excella. 
Après  avoir  été  employé  dans  les  orches- 
tres des  cours  deMersbourgetdeDresde, 
il  entra  au  service  du  roi  de  Pologne  , 
en  1714  ,  fit  avec  l'ambassadeur  de  ce  roi 
le  voyage  de  Naples,  et  connut  dans  cette 
ville  les  célèbres  Hape  et  Scarlatti.  Quanz 
parcourut  ensuite  la  France  et  l'Angle- 


QUA  171 

terre  ,  en  donnant  des  concerts.  De  re- 
tour en  Allemagne  ,  il  eut  l'honneur  d'a- 
voir pour  élève  Frédéric  II  ,  depuis  roi 
de  Prusse,  et  alors  prince  royal.  Ce  prince 
exécutait  souvent  avec  lui  et  avec  son  fa- 
vori Quincilius  des  duo  et  des  trio.  Quanz, 
en  perfectionnant  la  flûte  ,  prépara  les 
progrès  que  d'autres  musiciens  ont  faits 
après  lui  sur  cet  instrument.  En  1726  , 
il  apprêta  une  languette  ,  et  en  1752  , 
il  inventa  le  bouchon ,  qui  sert  à  baisser 
la  flûte  ,  en  hausser  le  ton  sans  toucher 
au  corps  de  rechange.  Ces  procédés  l'a- 
menèrent à  établir  un  atelier  pour  la  fa- 
brication de  ses  instrumens  ,  lequel  de- 
vint très  utile  à  sa  fortune.  Il  composa 
pour  son  royal  élève  deux  cent  quatre- 
vingt-dix-neuf  concerts  ,  et  deux  cents 
solo  ,  et  une  Instruction  pour  jouer  de 
la  flûte  ,  Berlin,  1752,  in-4  ;  souvent 
réimprimé  et  traduit  en  français  et  en 
hollandais.  Botermund  lui  attribue  une 
suite  de  Pièces  à  deux  flûtes ,  publié  en 
1729.  Quanz  mourut  à  Berlin  ,  o.i  à  Pots- 
dam  ,  le  12  juillet  1773  ,  âgé  de  76  ans. 
Frédéric  avait  pour  lui  une  telle  affec- 
tion ,  qu'il  le  soigna  pendant  sa  maladie, 
remplaça  bien  souvent  son  médecin  ,  et 
lui  fit  élever  après  sa  mort  un  tombeau 
magnifique. 

*  QUARANTA  (Etienne)  ,  clerc  ré- 
gulier ,  né  à  Naples  au  commencement 
du  17*  siècle,' se  fit  remarquer  dans  sa 
congr^ation  par  ses  vertus  et  ses  lumiè- 
res ,  et  devint  en  1650  évêque  d'Amalfi. 
On  ignore  l'époque  de  sa  mort.  Parmi  les 
ouvrages  qu'il  a  laissés,  nous  citerons  :  l" 
De  concilio  provinciali  et  auctoritate 
episcopi  in  suffraganeos,  eorumque  sub- 
ditos  in  tota  provincia  ;  2°  Summa  bul- 
larii  omniumque  summorum  pontificum 
constitutionum.  —  Il  y  a  un  autre  écri- 
vain du  nom  de  Quaranta  (  Orazio  )  ,  le- 
quel est  auteur  de  divers  opuscules,  dont 
Cinelli  fait  mention  dans  le  tom.  4  ,  pag. 
107  ,  de  sa  Bibliothèque. 

QUARESME  (  François  )  naquit  à 
Lodi  dans  le  Milanais  ,  se  fit  cordelier  , 
fut  employé  aux  missions  du  Levant ,  et 
mourut  vers  1640.  Il  a  laissé  quelques 
ouvrages  théologiques  ,  et  une  descrip- 
tion de  la  Terre-Sainte  ».qui  contient 


172  QUA 

plusieurs  particularités  assez  curieuses. 
*  QUARIJN  (  Joseph  ) ,  premier  méde- 
cin de  l'empereur  Joseph  II  ,  naquit  à 
Vienne  le  13  novembre  1733  d'un  méde- 
cin déjà  célèbre  de  cette  ville.  Il  fut  reçu 
docteur  en  philosophie  à  l'Age  de  15  ans, 
et  de  médecine  à  18  ans.  Il  exerça  cet 
état  avec  le  plus  grand  succès  ,  et  se 
distingtia  par  son  zèle  et  par  ses  talens. 
Il  travailla  surtout  à  la  perfection  de  l'in- 
struction médicale.  En  1756  ,  il  donna  , 
à  Vienne,  des  cours  d'anatomie  et  de  ma- 
tière médicale.  Il  ouvrit  au^si  des  cours 
de  clinique  ,  qui  ont  servi  de  modèle  à 
ceux  qu'on  forma  depuis  eu  France  et  en 
Italie  :  il  s'efforça  surtout  d'améliorer  le 
système  des  hôpitaux  ,  et  publia  dans  ce 
Lut ,  comme  dans  l'intérêt  de  la  science, 
diverses  Observations  qui  lui  valurent  les 
plus  honorables  suffrages.  On  ne  parlait 
alors  que  de  la  découverte  de  son  maître 
Storck  sur  la  vertu  de  la  ciguë  contre  les 
maladies  cancéreu.ses.  Quarin  en  fit  des 
essais  dont  il  publia  les  résultats ,  et  son 
ouvrage  fut  favorablement  accueilli.  L'im- 
pératrice Marie-Thérèse  l'envoya  en  1 7  77 
à  Milan  ,  soigner  son  troisième  fils  ,  l'ar- 
chiduc Ferdinand  ,  gouverneur  de  la 
Lombardie.  Quarin  parvint  à  rétablir  la 
santé  du  prince ,  qui  était  malade  depuis 
long-temps.  L'archiduc  reconnaissant  le 
nomma  son  médecin  ,  et  l'empereur  Jo- 
seph II  lui  donna  le  même  titre ,  après 
l'avoir  nommé  premier  médecin  d«f  l'hô- 
pital général.  Il  fut  six  fois  recteur  de 
l'université  ;  mais  ses  nombreuses  occu- 
pations le  forcèrent  de  se  démettre  de  sa 
place  à  l'hôpital  général. Entre  autres  qua- 
lités ,  il  avait  celle  de  ne  jamais  flatter 
ses  malades  ,  ce  qui  faisait  qu'ils  se  pré- 
paraient à  temps  à  la  mort.  Joseph  II , 
dans  sa  dernière  maladie  ,  lui  demanda 
s'il  pouvait  guérir  ;  Quarin  lui  répondit, 
avec  une  noble  franchise,  qu'il  ne  restait 
à  Sa  Majesté  que  peu  de  jours  à  vivre. 
L'empereur  ,  loin  de  se  montrer  fâché  de 
cet  avis  ,  si  terrible  à  entendre  ,  le  créa 
baron,  et  lui  fit  un  présentée  mille  sou- 
verains d'or  (  20,000  francs  ).  François  II, 
neveu  de  ce  monarque,  fils  et  successeur 
de  Léopold  II  ,  lui  conféra  le  titre  de 
comte  en  1797  ;  il  obtint  ,  en  1808  ,  le 


QUA 

cordon  de  l'ordre  de  Saint-Léopold  ,  et 
mourut  le  1 3  mars  1 8 1 4  ,  âgé  de  8 1  ans. 
De  son  vivant  (en  1803),  on  avait  exéculé 
son  buste  en  marbre ,  que  l'on  plaça  so-  | 
lennellementdansla  salle  de  l'université.  I 
Quarin  fut  pendant  28  ans  médecin  des  1 
frères  de  la  charité.  Il  était  membre  des 
sociétés  de  médecine  de  Copenhague ,  de 
Londres  ,  de  Venise  et  de  Vienne.  On  a 
de  lui  :  1°  Tentamina  de  cicuta.  Vienne, 
1761  ,  in-8  ;  2°  Methodus  medendarum 
febrium  ,  ibid. ,  17 72  ;  3"  Methodus  mc- 
dendi in/lammationes ,ïhid.,  1774,  in-8. 
Les  deux  traités ,  réunis  en  un  seul  ,  ont 
été  traduits  et  publiés  en  français  ,  1800, 
par  Monnot.  Ils  avaient  aussi  été  publiés 
ensemble  à  Vienne ,  sous  ce  titre  :  4°  De 
curandis  febribus  et  inflarnmationibus 
commentatio  ,  1781  ;  5"  Tractatus  de 
morbis  oculorum  ;  6°  De  Entonnia  noxa 
ex  utili  physico-medico  considerata  ;  7* 
(en  allemand)  Considérations  sur  les  hô- 
pitaux de  Vienne  ,  1784  ;  8°  Animad- 
versiones  practicœ,  in  diversos  niorbos, 
ibid.  ,  1786  ,  in-8  ,  traduit  en  français 
par  M,  Sainte-Marie  ,  sous  le  titre  d'Ob- 
servations pratiques  sur  les  maladies 
chroniques,  1807,  in-8.  Les  ouvrages 
de  cet  estimable  médecin,  dont  quelques- 
uns  ont  été  traduits  en  français  ,  en  an- 
glais et  en  italien  ,  renferment  des  vues 
pratiques  très  sages ,  mais  aussi  quelques 
théories  erronées  sur  les  fièvres  ,  et  des 
divisions  peu  exactes  :  au  reste  ,  on  les 
consulte  toujours  avec  profit. 

QUARRÉ  ou  QuARREY  (Jean-Hugues), 
docteur  de  Sorbonne  ,  né  à  Poligny  dans 
la  Franche-Comté  ,  en  1 580.  (Il  fut  nom- 
mé chanoine-théologal  dans  la  collégiale 
de  Poligny,  et  se  démit  de  cette  prébende 
pour  embrasser  l'état  monastique.  Quarré 
entra  ,  en  1617  ,  dans  la  congrégation 
alors  naissante  de  l'Oratoire.  )  Ses  Ser-- 
mons  ,  ses  ouvrages  et  ses  vertus  lui  fi- 
rent une  grande  réputation.  Il  devint 
prédicateur  de  l'infante  Isabelle  ,  gou- 
vernante des  Pays-Bas  :  il  demeurait  à 
Bruxelles,  où  il  était  prévôt  de  la  congré- 
gation belgique  de  son  ordre.  Le  Père 
Quarré  mourut  en  1656.  Ses  principaux 
ouvrages  sont  :  i°  La  Fie  de  la  bienheu- 
reuse mère  Angèle,  première  fondatrice 


QUA 

des  mères  de  Sainte- Ursule  ,  in-12  ;  2* 
Traité  de  la  pénitence  chrétienne,  in-1 2  ; 
3°  Trésor  spirituel  ,  contenant  les  ex- 
cellences du  christianisme  et  les  adres' 
ses  pour  arriver  à  la  perfection  chré- 
tienne par  les  voies  de  la  grâce  et  d'un 
entier  abandonnement  à  la  conduite  de 
Jésu^-Christ,  in-8.  Il  y  a  eu  six  éditions 
de  cet  ouvrage  ,  qu'une  critique  trop 
subtile  a  vainement  attaqué,  i^  Direction 
spirituelle  pour  les  âmes  qui  veulent  se 
renouveler  en  la  piété,  avec  des  Médi- 
tations,  in-8.  Le  stile  de  ces  ouvrages 
est  suranné  ;  mais  ils  respirent  une  piété 
douce  et  tendre. 

QUATREMAIRE  (Dom  Jean-Robert), 
bénédictin  ,  né  à  Coursereaux ,  au  dio- 
cèse de  Séez  ,  en  IGll  ,  se  signala  par 
son  ardeur  contre  Naudé  ,  qui  soutenait 
que  Gersen  n'était  pas  l'auteur  de  l'Imi- 
tation. Dom  Quatremaire  publia  deux 
J^crits  très  vifs  en  latin  à  celte  occasion, 
l'un  et  l'autre  in-8 ,  Paris  ,  1649  et  1650. 
(  Foyez  Naudé  ,  Amort  ,  Kem^s  ,  Fron- 
TEAC  ,  Gersen.  )  On  a  encore  de  îui  :  1° 
deux  Dissertations  pour  prouver,  contre 
Launoy  ,  le  privilège  qu'a  l'abbaye  de 
Sain l-Germain-des- Prés,  d'être  immédia- 
tement soumise  au  saint-Siége.  La  pre- 
mière vit  le  jour  en  1657  ,  in-8  ;  la  deu- 
xième en  16C8  ,  in-4  ;  2°  une  autre  Dis- 
sertation •puhWée  en  1659  pour  autoriser 
de  pareils  droits  de  l'abbaye  de  Saint- 
Médard  de  Soissons.  Quelques-uns  lui  at- 
tribuent le  Recueil  des  ouvrages  sur  la 
grâce  et  la  prédestination  ,  qui  a  paru 
sous  le  nom  de  GuilbertMauguin,  1650, 
en  2  vol.  in-4  ;  mais  l'abbé  d'Olivet  donne 
le  2*  vol.  de  ce  recueil  à  l'abbé  de  Bour- 
zéis.  Ce  bénédictin  étaût  en  l'abbaye  de 
Ferrières  en  Gatinais  pour  y  prendre  les 
bains  ,  se  noya  dans  la  rivière,  le  7  juil- 
let 1671  ,  à  60  ans. 

*  QUATTRO  FRATI  (  François-Ma- 
rie )  ,  jésuite  italien  ,  né  à  Modène  ,  flo- 
rissait  au  17*  siècle.  Il  avait  cultivé  l'art 
oratoire  et  la  poésie  ,  et  y  avait  obtenu 
des  succès.  Il  était  membre  de  l'académie 
de  Parme  ,  dite  des  innominati.  Il  a  pu- 
blié un  grand  nombre  d'ouvrages  ,  parmi 
lesquels  on  distingue  :  1°  Relazione  délie 
essequie  ed  orazioni  in  morte  del  padre 


QUE  173 

Francesco  Bordoni ,  Parme  ,  1671  et 
1676.  Bordoni  était  de  Parme  ,  et  théolo- 
gien très  distingué  de  l'ordre  de  Saint- 
François.  2°  Discorso  funèbre  sopra  le 
virtu  di  monsignor  Ettore  Molza  ,  ves- 
covo  di  Modena  ,  Modène  ,  1679  ;  3°  Ré- 
lazione  délie  essequie  del  padre  Paolo 
Rosini  ,  min  ,  conventuale  ,  coll'  ora- 
zione  funèbre  ,  Parme  ,  1683  ;  4°  Predi- 
che,  panegiriche,  co'  sermoni  per  le  otto 
feste  principali  di  Maria  Vergine  ,  Plai- 
sance, 1698  ;  W  Le  Lamentazioni  di  Ge- 
remia,  volgarizzatc  da  F.  M.  Q.  ,  aca- 
demico  innominato  ,  Plaisance  ,  1701  ; 
6°  Prosce  et  carmina  ,  Modène,  1706  , 
in-4.  En  outre  ,  on  a  de  lui  des  Fies 
d'hommes  célèbres  ,  et  quelques  autres 
opuscules.  Le  Père  Quattro  Frati  mourut 
à  Plaisance  ,  le  16  février  1704  ,  âgé  de 
58  ans.  —  Quattro  Frati  (  Nicolas  )  , 
aussi  de  Modène  ,  et  poète  latin  du  15® 
siècle  ,  était  lié  d'intimité  avec  les  célè- 
bres poètes  de  son  temps  ,  le  Guarini  et 
l'Arioste ,  aiixqnels  il  adressa  quelques- 
unes  de  ses jF/jj^/aoîTOcy.  La  bibliothè- 
que du  marquis  Bevilacqua  ,  à  Ferrare , 
possédait  un  beau  manuscrit  de  Poésies 
latines  ,  où  il  est  question  de  Nicolas 
Quattro  Frati,  comme  auteur  de  plusieurs 
poèmes  ,  notamment  dans  une  Elégie  de 
Henri  II  ,  ou  Hylas  de  Prato  ,  adressée  à 
une  certaine  Orsa  ,  pro  Nicolao  çi  qua- 
tuor fratribus. 

QDATTROMANI  (  Sertorio  ) ,  né  à 
Cosenza ,  dans  le  royaume  de  Naples , 
vers  1551 ,  d'une  famille  honnête  ,  mou- 
rut vers  1606.  La  littérature  et  la  poésie 
remplirent  toute  sa  vie.  Le  recueil  de 
ses  OEuvrcs  publié  à  Naples  ,  en  1714  , 
in-8,  renferme  des  vers  latins  et  italiens, 
des  lettres ,  etc.  On  y  trouve  certaines 
pièces,  mais  en  petit  nombre,  dignes  de 
quelque  attention.  Sannazar,  son  com- 
patriote et  presque  son  contemporain  , 
avait  été  son  modèle,  et  le  copiste  lui  est 
inférieur.  Votjez  la  liste  de  ses  ouvrages 
dans  le  Dictionnaire  historique  et  criti- 
que ,  en  4  vol.  in-8  ,  publié  à  Lyon  en 
1771,  sous  le  nom  de  Bonnegarde  ;  et 
dans  le  tome  1 1*  des  Mémoires  de  Nicé- 
ron. 

*  QUECCIUS  (  Grégoire  ) ,  médecin , 


174 


QUE 


naquit  à  Altorf  en  1 59G ,  fut  reçu  docteur 
à  Bâie ,  en  1620  ,  et  occupa  pendant  plu- 
sieurs années  la  chaire  de  philosophie 
dans  sa  ville  natale.  Il  a  laissé  un  ou- 
vrage qui  établit  sa  réputation  ,  et  qui  a 
pour  titre  :  Anatomia  philologica  ,■  con- 
tinens  discursus  de  nobilitate  etprœstan- 
tia  hominis ,  contra  iniquos  condiiionis 
humanœ  œstimatores,  imprimé  en  1632, 
in-4 ,  à  Nuremberg ,  oii  il  mourut  en 
1632,  à  36  ans. 

QUELLIN  (  Erasme  ),  Quellinus , 
peintre,  né  à  Anvers  en  1607,  mort  dans 
cette  ville  l'an  1676  ,  s'adonna  dans  sa 
jeunesse  à  l'étude  des  belles-  lettres.  Il 
professa  même  quelque  temps  la  philo- 
sophie ;  mais  son  goût  pour  la  peinture 
l'ayant  entièrement  dominé,  il  fréquenta 
l'école  de  Rubens,  et  donna  des  preuves 
de  l'excellence  de  son  génie.  Ses  com- 
positions font  honneur  à  son  goût.  Son 
coloris  se  ressent  des  leçons  de  son  illus- 
tre maître  ;  sa  touche  est  ferme  et  vigou- 
reuse. Il  y  a  peu  de  peintres  qui  aient 
fait  de  plus  grands  tableaux  ;  celui  du 
ParaZy/j^ue,  qu'on  voit  dans  l'église  de 
l'abbaye  de  Saint-Michel  à  Anvers,  occupe 
tout  le  fond  de  la  croisée.  On  voit  aussi 
deux  de  ses  plus  grandes  compositions 
dans  le  réfectoire  de  l'abbaye  de  Tonger- 
loo.  Son  imagination  vaste,  hardie,  gi- 
gantesque et  luxuriante,  à  force  d'orne- 
mens  et  d'jncidens,  embrouillait  quel- 
quefois les  sujets ,  de  manière  que  du 
premier  abord  il  n'est  pas  toujours  aisé 
de  les  saisir.  Il  s'est  beaucoup  attaché  à 
l'architecture  et  aux  figures  d'optique. 
Dans  la  Description  des  principaux  ou- 
vrages de  peinture,  sculpture,  etc.,  de  la 
ville  d'Anvers,  imprimée  à  Anvers,  1774, 
il  est  toujours  nommé  Quillin  ;  mais  on 
voit  Quellinus  écrit  de  sa  main  sur  un 
dessin  qui  exprime  pittoresquement  cette 
vérité  eucharistique  :  Fisus ,  gustus , 
tac  tus  in  te  fallitur,  sed  audit  u  solo  tuto 
creditur.  U  eut  un  fils,  nommé  Jean- 
Erasme  Quellin  ,  qui  n'eut  point  les  ta- 
lens  de  son  père.  On  voit  pourtant  quel- 
ques tableaux  de  lui  dans  différentes  vil- 
les de  l'Italie ,  qui  lui  font  honneur.  — 
Son  neveu ,  Artus  Quelun  ,  a  fait  à  An- 
vers f  sa  patrie,  des  morceaux  de  sculp- 


QUE 

ture  qui  le  font  regarder  comme  un  ex- 
cellent artiste.  C'est  lui  qui  a  exécuté  les 
belles  sculptures  de  l'hôtel  de  ville 
d'Amsterdam,  gravées  par  Hubert  Qukl- 

LIN. 

•QUELLMALTZ  (Samuel  Théodore), 
savant  médecin  et  anatomiste  allemand , 
naquit  à  Friedberg  en  Misnie  le  21  mai 
1699.  S'étant  établi  à  Leipsick  ,  il  y  fut 
successivement  professeur  d'anatomie , 
de  chirurgie ,  de  physiologie  et  de  pa- 
thologie. On  lui  doit  plusieurs  dis:  crta- 
tions  académiques,  comme  :  1°  De  ptya- 
lismo  febrili,  Leipsich  ,  1748  ;  2°  De  na- 
rium,  eorumque  septi  incurvatione ,  ibid. 
1 76o  ;  3°  De  musculorum  capitis  exten- 
sorum  paralysi,  ibid. ,  1757  ;  4°  Devi- 
ribus  electricis  medicis ,  ibid.,  1765; 
6°  Programma  quo  frigoris  acrioris  in 
corpore  humano  effectus  expendit, 
ibid. ,  1775.  On  trouve  toutes  ces  disser- 
tations dans  le  recueil  intitulé ,  Disser- 
tationes  ad  morborum  historiam ,  etc.  , 
par  Hailer.  Il  est  mort  en  1 758. 

"  QUENON  (  J.  ) ,  professeur  de  se- 
conde au  collège  de  Louis  le  Grand,  mort 
le  28  juillet  1821  ,  à  l'âge  de  54  ans,  a 
publié  un  Dictionnaire  grec-français , 
Paris,  1807  ,  2  vol.  in-8 ,  qui  a  obtenu 
peu  de  succès.  Il  avait  été  aidé  dans  ce 
travail  par  M.  Thory,  l""  employé  à  la 
bibliothèque  du  roi.  Il  a  laissé  des  maté- 
riaux pour  un  Dictionnaire  français- 
grec,  dont  il  s'occupait  depuis  plusieurs 
années. 

QUENSTEDT  (  Jean-André  ) ,  théo- 
logien luthérien,  natif  de  Quedlinbourg, 
mort  en  1688  ,  à  71  ans,  a  laissé  :  1"  un 
Traité,  en  forme  de  dialogue,  touchant 
la  naissance  et  la  patrie  des  hommes  de 
fc//re^,  depuis  Adam  jusqu'en  1 600,  in-4. 
Cet  ouvrag'' ,  superficiel  et  inexact ,  pa- 
rut à  Witemberg  en  1664  ,  in-4  ;  2°  un 
savant  traité  De  sepultura  veterum,  sive 
de  ritibus  sepulcralibus  Grœcorum, 
Romanorum,  Judœorum  et  Christiano- 
rum ,  in-8  et  in-4.  C'est  son  meilleur 
écrit.  3°  Un  Système  de  la  théologie  de 
ceux  qui  suivent  la  confession  d'Augs- 
bourg,  en  ^  yo\.  in-folio,  1685.  On  en 
diminuerait  le  nombre  si  on  en  ôtait  ce 
qu'il  a  écrit  en  pui'e  perte  contre  les  ca- 


QUE 

tholiques.  Du  reste,  l'ouvrage  est  très 
bien  intitulé  :  dès  qu'on  se  détache  une 
fois  de  la  doctrine  de  l'Eglise  catholique, 
tout  ce  que  l'on  disserte  en  théologie 
n'est  que  système  ,  qu'un  ensemble  d'o- 
pinions éphémères  et  arbitraires.  4°  Plu- 
sieurs autres  ouvrages  remplis  d'érudi- 
tion ,  mais  quelquefois  dénués  de  criti- 
que ,  d'exactitude  et  de  goût. 

QUENTAL  (Barthélemi  du  ),  ne  dans 
l'île  de  Saint-Michel ,  une  des  Açores ,  en 
162G,  donna  dès  son  enfance  des  mar- 
ques d'une  piété  singulière.  Devenu  con- 
fesseur de  la  chapelle  du  roi  de  Portugal, 
et  l'un  de  ses  prédicateurs  ordinaires , 
il  profita  de  son  crédit  pour  fonder  la 
congrégation  de  l'Oratoire  du  Portugal , 
l'an  1698.  U  refusa  l'évêché  de  Laraego  , 
et  mourut  saintement  en  1698  à  7  2  ans. 
On  a  de  lui  :  1°  des  Méditations  sur  les 
mystères  ;  2°  des  Sermons  en  portugais , 
qui  sont  pleins  d'onction.  Le  pape  Clé- 
ment XI  lui  donna  le  titre  de  Féne'rable. 

QUEJNTIN  (  Saint  ),  martyr  dans  le 
3'  siècle,  était  Romain ,  si  l'on  en  croit 
ses  Actes  publiés  par  Surius ,  et  descen- 
dait d'une  famille  sénatorienne.  Rempli 
d'ardeur  pour  la  propagation  de  l'Evan- 
gile ,  il  quitta  son  pays ,  renonça  à  tou- 
tes les  espérances  qu'il  avait  dans  le 
monde ,  et  partit  pour  les  Gaules  avec 
saint  Lucien.  Il  pénétra  jusqu'à  la  ville 
d'Amiens,  qu'il  choisit  pour  y  exercer 
son  zèle  apostolique,  et  ce  zèle  lui  pro- 
cura la  couronne  du  martyre  au  com- 
mencement du  règne  de  Maximien-Her- 
cule ,  que  Dioclétien  associa  à  l'empire 
en  286.  Après  avoir  souffert  dans  les  tor- 
tures tous  les  ralhnemens  que  la  cruauté 
peut  inventer,  il  fut  conduit  par  ordre 
de  Riccius  Varus,  préfet  du  prétoire  dans 
les' Gaules,  d'Amiens  à  Augusta,  capitale 
du  Vermandois.  Il  y  persista  généreuse- 
ment dans  la  confession  de  la  foi  ;  et, 
après  avoir  été  percé  de  broches  et  de 
clous  ,  il  eut  la  tête  tranchée  le  31  octo- 
bre 287.  Saint  Eloi ,  évêque  de  Noyon  et 
de  Vermandois,  ayant  fait  chercher  ses 
saintes  reliques  en  641  ,  on  les  trouva 
avec  les  clous  dont  le  corps  du  saint  avait 
été  percé ,  et  on  les  plaça  dans  l'église 
derrière  l'autel.  On  en  fit  une  nouvelle 


QUE 


[75 


translation  le  25  octobre  825.  Ces  reliques 
sont  conservées  chez  les  chanoines  de 
Saint-Quentin ,  qui  prend  son  nom  de 
celui  du  saint  martyr.  Cependant  quel- 
ques savans  prétendent  que  Saint-Quen- 
tin n'est  pas  exactement  V Augusta  Ve- 
remanduorum.  Voyez  le  Dict.  ge'og. , 
Ï793. 

"  QUER-Y-MARTINEZ  (  Joseph  }  , 
chirurgien  et  botaniste  espagnol  ,  né  , 
en  1696  ,  à  Perpignan  ,  étudia  la  méde- 
cine à  Valence,  puis  à  Barcelone  et  à  Ma- 
drid ,  où  il  se  fixa.  U  fut  employé  ,  en  - 
qualité  de  chirurgien-major,  dans  les  ar- 
mées espagnoles  ,  et  profita  des  diftcrens 
voyages  qu'il  fit  ,  avec  son  régiment  , 
dans  quelques  parties  de  l'Espagne  ,  sur 
les  côtes  de  l'Afrique  et  ailleurs  ,  pour 
recueillir  un  grand  nombre  de  plantes  et 
de  graines  ,  dont  il  forma  dans  la  suite 
un  jardin  botanique  où  il  réunit  en  peu 
d'années  plus  de  2000  espèces.  Charles  lU 
nomma  Quer  chirurgien  de  la  cour  ,  et 
lui  accorda  une  riche  pension.  Ce  mo- 
narque ,  à  l'insinuation  de  son  ministre, 
le  comte  de  Florida-Blanca  ,  avait  fait 
revivre  les  études  dans  son  royaume  ,  et 
avait  fondé  des  établissemens  pour  l'in- 
struction publique  ,  à  la  tête  desquels  il 
avait  appelé  les  plus  habiles  professeurs 
de  l'Espagne.  Cependant,  parmi  plusieurs 
sciences  qu'on  y  cultivait  ,  celle  de  la 
botanique  n'avait  pas  encore  fait  des  pro- 
grès bien  rapides  :  Ortega  et  Cabanillas 
n'étaient  pas  encore  assez  connus.  Quer 
fut  désigné  pour  remplir  la  chaire  de  bo- 
tanique. Les  succès  qu'obtinrent  les  le- 
çons de  ce  professeur  lui  méritèrent  de 
nouvelles  pensions  de  la  cour  ,  et  on  lui 
donna  la  direction  du  jardin  des  plantes 
de  Buen  Retiro.  Quer  mourut  à  Madrid 
en  1764.  Parmi  ses  ouvrages,  on  cite  les 
deux  suivans  :  1°  Dissertation  physico- 
botanique  sur  les  affections  néphréti- 
ques ,  Madrid  ,  1765  ,  in-8  ;  2°  Flore 
espagnole,  ou  Histoire  des  plantes  d'Es- 
pagne ,  ibid.  ,  1762  ,  4  vol.  in-4,  avec 
une  petite  Carte  de  la  péninsule  et  188 
planches.  Ortega  continua  celle  Flore  , 
et  les  derniers  volumes  qui  complètent 
cet  ouvrage  parurent  en  1784.  Le  5*  est 
précédé  de  VEloge  historique  de  Quer, 


176  QUE 

Ce  botaniste  est  le  premier  Espagnol  qui 
ait  publié  un  travail  sur  les  plantes  de 
son  pays. 

QUERAS  (Mathurin),  docteur  de  Sor- 
bonne,  naquit  à  Sens,  l'an  1614,  d'une 
famille  obscure.  M.  de  Goudrin  ,  arche- 
vêque de  cette  ville  ,  le  mit  à  la  tête  de 
son  séminaire,  elle  fit  un  de  ses  grands- 
vicaires.  Cet  ecclésiastique  avait  été  ex- 
clu de  Sorbonne  pour  avoir  refusé  de  si- 
gner le  formulaire  ,  et  de  souscrire  à  la 
censure  contre  le  docteur  Arnauld.  Il 
mourut  àTroyes  en  lG95,àgé  de  81  ans. 
Nous  avons  de  lui  un  Eclaircissement  de 
cette  question  :  «  Si  le  concile  de  Trente 
»  a  décidé  ou  déclaré  que  Vattrition  , 
))  conçue  par  les  ^.eules  peines  de  l'enfer 
»  et  sans  amour  de  Dieu,  soit  une  dispo- 
3)  sition  sufifisanle  pour  recevoir  la  rcmis- 
■»  sion  des  pt'chés  et  la  grâce  de  la  justifi- 
3)  cation  au  sacrement  de  pénitence  ?  » 
in-8  ,  1G85.  K  défend  la  négative.  Voyez 

KÉERCASSEL. 

*  QUERBEUF  ou  Quebbokuf  (Yves- 
Mathurin-Marie  de),  jésuite,  né  à  Lander- 
nau  le  13  janvier  172G),  élait  fort  jeune 
lorsqu'il  entra  dans  la  société  de  Jésus. 
li  s'y  distingua  par  ses  talens  ,  et  occupa 
divers  emplois  importans.  A  l'époque  de 
la  dissolution  de  l'ordre  des  jésuites  ,  il 
«e  retira  dans  les  Pays-Bas  et  ensuite  en 
Hollande.  Plus  tard  il  revint  à  Paris  ,  et 
babita  d'abord  chez  la  duchesse  de  Niver- 
nois  ,  puis  chez  le  duc  de  la  Vauguyon 
qui  lui  avait  confié  l'éducation  de  son 
fils.  Beaucoup  de  personnes  de  distinc- 
tion avaient  la  plus  grande  confiance 
dans  ses  lumières  et  ses  vertus  ,  et  il  les 
dirigeait  dans  le  chemin  du  salut.  La  ré- 
volution l'arracha  à  ses  utiles  fonctions. 
Une  seconde  fois  il  quitta  la  France  ,  et 
se  réfugia  avec  la  comtesse  de  Marsan  à 
Brunswick,  oîi  il  mourut  en  1797.  Ses 
productions  sont  peu  nombreuses  ,  et  il 
n'a  attaché  son  nom  à  aucun  ouvrage  re- 
marquable :  on  connaît  seulement  de  lui 
xine  Ode  sur  la  naissance  du  duc  de 
Berri,  et  la  Fie  de  Fcnélon,  à  la  tète  de 
l'édition  en  9  vol.  in-4  ,  et  VOraisnn  fu- 
nèbre du  duc  de  Bourgogne  ,  traduit  du 
latin  duPère  Willermet.  Le  Père  de  Quer- 
Jjeuf  a  publié ,  comme  éditeur,  un  grand 


QUE 

nombre  d'ouvrages  :  on  regrette  que  ses 
occupations  ne  lui  aient  pas  toujours  per- 
mis d'en  soigner  l'impression.  Nous  ci- 
terons :  \°  Mémoires  pour  servir  à  V  his- 
toire de  Louis ,  Dauphin  de  France,  re- 
cueillis par  le  Père  Griffet ,  Paris  ,  1777, 
2  vol.  in-12  ;  2°  Lettres  édifiantes  et  cu- 
rieuses écrites  des  missions  étrangères 
par  quelques  missionnaires  de  lacompU' 
gnie  de  Jésus,  Paris  ,  1780-83  ,  26  vol. 
in-1 2 .  Les  relations  des  divers  pays  étaient 
placées  confusément.  Le  Père  de  Quer- 
bcuf  les  divisa  par  contrées ,  et  mit  dans 
leur  ordre  les  lettres  qui  avaient  rapport 
à  la  même  mission  et  au  même  pays.  Cet 
ouvrage  a  été  divisé  en  quatre  parties  dis- 
tinctes ,  le  Levant  ,  l'Amérique  ,  les  In- 
des, la  Chine  avec  les  royaumes  adjacens  ; 
en  tête  de  chaque  partie  est  une  pi'éface, 
à  la  place  de  celles  qui  se  trouvaient  à 
la  tête  de  chaque  volume  de  l'édition  pré- 
cédente. L'édition  a  été  augmentée  de 
mémoires  inédits  ,  de  Lettres  nouvelles 
et  des  Notes  du  savant  Père  Brotier.  3"* 
OEuvres  de  Fénélon,  1787-92  ,  9  vol. 
in-4.  Le  clergé  de  France ,  qui  fit  faire 
cette  édition,  la  confia  d'abord àl'abbé 
Gallard  ;  mais  il  mit  tant  de  lenteur  à 
s'acquitter  de  cet  ouvrage  ,  qu'il  fallut 
songer  à  le  remplacer,  et  on  lui  substitua 
le  Père  Querbeuf.  L'abbé  Gallard  n'avait 
préparé  que  très  peu  de  matériaux,  et  le 
Père  Querbeuf ,  dont  les  occupations 
étaient  très  multipliées  ,  ne  put  apporter 
h  ce  ti'avail  les  soins  nécessaires.  On  s'a- 
perçoit qu'il  n'a  pas  coUationné  les  ma- 
nuscrits et  les  différentes  éditions  ,  et 
qu'il  a  laissé  échapper  des  erreurs  qui 
disparaîtront  dans  la  nouvelle  édition  des 
OEuvres  del'illustre  évêque  de  Cambrai. 
4"  Sermons  du  Père  Charles  Frey  de 
Neuville,  Paris,  1776  ,  8  vol.  in-1 3.  Il 
fut  secondé  dans  cette  édition  par  le  Père 
Mars  ,  son  ancien  confrère.  6°  Observa- 
tions sur  le  Contrat  social  de  J.  J.  Rous- 
seau ;  les  Psaumes  et  Isaïe ,  traduits  en 
français  ,  avec  des  notes  et  des  réfle- 
xions morales  ,  par  le  Père  Berthicr.  Le 
dernier  de  ces  ouvrages  fut  publié  avec 
beaucoup  de  négligence  ,  les  fautes  y 
sont  multipliées  et  les  transpositions  nom- 
breuses. Dans  une  édition  postérieure  , 


li 


QUE 

on  a  réparé  les  fautes  du  Père  Querbeuf  , 
et  l'ou  a  donné  à  l'ouvrage  le  titre  qui 
lui  convenait ,  en  le  publiant  sous  celui 
iMOEiivres  spirituelles  du  Père  Berthier. 
Le  Père  Querbeuf  était  reconiniandable 
par  sa  haute  piété,  par  sa  modestie  et 
sa  simplicité  :  il  était  oncle  de  l'abbé 
Legris-Duval. 

•  QUERCfA  (  Jacques  délia  ) ,  sculp- 
teur, né  en  1358  à  Sienne,  était  déjà 
connu  par  quelques  ouvrages  qu'il  avait 
faits  pour  sa  ville  natale,  lorsqu'il  fut 
chargé  de  la  construction  delà  belle  fontai- 
ne de  marbre  qui  orne  la  place  Del  Consi- 
glio ,  ou  hôtel  de  ville,  dans  la  même  cité. 
Cette  fontaine,  représentant  une  vaste 
coquille,  conserve  la  ligure  de  Ja  place 
oii  elle  est  élevée ,  et  qui  ressemble  beau- 
coup à  un  vallon  creux  et  régulier.  C'est 
d'après  ce  monument  que  Quercia  ne  fut 
plus  appelé  que  Jacques  de  la  Fontaine^ 
délia  Fontana  ;  et  en  effet ,  son  ouvrage 
n'est  pas  inférieur  à  la  superbe  fontaine 
de  Palerme,  ni  à  plusieurs  de  celles  qui 
embellissent  P>ome,  et  qui  sont,  sans 
contredit,  les  plus  magnifiques  de  toute 
l'Europe.  Quercia  eut  ensuite  la  surin- 
tendance des  travaux  de  la  cathédrale  de 
Sienne,  une  des  plus  remarquables  de 
l'Italie,  soit  par  la  beauté  de  l'ensemble, 
soit  par  la  richesse  des  marbres  qui  dé- 
corent son  extérieur,  et  encore  davantage 
par  une  superbe  mosaïque  qui  forme  le 
pavé  de  tout  l'intérieur  de  l'église.  Elle 
a  été  construite,  à  peu  de  différence 
près,  sur  le  modèle  de  la  cathédrale  de 
Florence,  quoiqu'elle  n'ait  pas  l'étendue  " 
de  celle-ci ,  qui  est  des  plus  vastes  de 
l'Italie.  Quercia  mourut  dans  sa  patrie  en 
H  20. 

QUERE]NGHI  (Antoine),  poète  ita- 
lien et  latin,  naquit  à  Padoue  en  154G. 
Il  eut  un  talent  précoce  :  à  l'âge  de  1 4  ans, 
il  expliquait  les  passages  les  plus  diffici- 
les des  auteurs  grecs  et  latins,  et  possé- 
dait déjà  plusieurs  langues  modernes.  Il 
obtint  les  mêmes  succès  dans  les  sciences, 
et  avant  d'avoir  atteint  sa  25*  année,  il 
savait  la  philosophie  ,  la  jurisprudence , 
la  théologie,  et  avait  acquis  une  grande 
réputation  comme  poète.  Son  aptitude 
pour  les  affaires  le  fit  appeler  à  la  cour 

XI. 


QUE  lo? 

de  Rome,  où  il  prit  les  ordres  et  fut  secré- 
taire du  sacré  collège ,  sous  cinq  papes  , 
qui  l'envoyèrent  dans  plusieurs  missions 
importantes  auprès  des  cours  de  France, 
d'Espagne,  de  la  république  de  Veni- 
se ,  etc.  Henri  IV  voulut  l'attirer  auprès 
de  lui  ;  Querenghi  préféra  demeurer  at- 
taché au  saint-Siége.  Clément  VIII  Je  fit 
chanoine  à  Padoue.  Paul  V  le  rappela  à 
Rome ,  le  nomma  son  camérier  secret , 
référendaire  de  l'une  et  de  l'autre  signa- 
ture, et  prélat  ordinaire.  Grégoire  XV  et 
Urbain  VIII  le  conservèrent  dans  ces 
mêmes  places;  et  il  mourut  à  Rome  le 
V  septembre  1633  ,  âgé  de  87  ans.  Il  a 
laissé  des  Poésies  latines,  Rome,  1629, 
in-8 ,  et  italiennes,  ibid-,  ICI  G,  Jn-8.  La 
plupart  de  celles-ci  sontdes  sujets  sacrés, 
oii  l'on  trouve  de  h\  facilité  et  une  grande 
pureté  de  langage.  Ces  mêmes  qualités 
distinguent  ses  Poésies  latines,  qui  sont 
écrites  avec  plus  de  verve  et  de  chaleur 
que  les  premières,  étant  composées  dans 
une  langue  à  laquelle  Querenghi  s'était 
plus  particulièrement  livré.  On  y  trouve 
aussi  plusieurs  heureuses  imitations 
iyHorace. 

*  QUERENGHI  (Flavio  ),  neveu  d'An- 
toine Querenghi ,  chanoine  de  Padoue , 
naquit  dans  cette  ville  en  1 580. 11  y  com- 
mença ses  études  et  les  continua  à  Rome, 
à  Parme  et  enfin  à  Pérousc.  Grégoire  XV 
l'appela  auprès  de  lui ,  et  le  fit  son  ca- 
mérier d'honneur.  Plus  tard  Querenglii 
fut  élu  évêque  de  Veglia  ;  il  refusa  cette 
dignité  pour  conserver  son  modeste  ca- 
nonicat  de  Padoue.  Il  excellait  surtout 
dans  la  philosophie  morale,  ce  qui  fit 
qu'en  1624  le  sénat  de  Venise  lui  en  of- 
frit une  chaire  qu'il  accepta.  Il  mourut 
dans  cet  emploi  en  1646.  Il  a  publié  les 
ouvrages  suivans  :  V  Epilome  institu- 
tionum  nwralium;  2"  De  génère  dicendi 
philosophorum  ;  3°  Introductio  in  philo- 
snphiani  moraleni  Aristotelis.  Celte  phi- 
losophie était  le  sujet  principal  de  ses 
leçons,  la  destination  de  la  chaire  qu'il 
occupait  étant  de  l'expliquer.  4"  De  ho- 
nore libri  quinqiie  ;  5"  De  cnnsiliariis 
principum  ;  6"  Alcliimia  dclle  passioni 
dell  anima,  etc.;  1"  Raygionamento  a 
nome  dello  studio  di  Padova  ad  OlLa- 
23. 


178 


QUE 


viano  Bon. ,  podesta  ;  8"  Discàrsi  Varj, 
curiosi  ed  eruditi. 

*  QUERIOLET  (  Pierre  de  ),  né  le 
,14  juillet  1602,  dans  la  ville  d'Auroi 
en  Bretagne,  d'un  conseiller  de  parle- 
ment qui  lui  fit  donner  une  éducation 
religieuse.  Au  lieu  de  profiter  des  bons 
conseils  dont  il  était  environné,  il  vécut 
dans  ses  premières  années  sans  aucune 
retenue,  n'ayant  ni  soumission  pour  ses 
parens  ni  respect  pour  Dieu.  En  peu  de 
temps  il  devint  un  libertin  consommé  : 
sa  débauche  l'entraîna  dans  d'autres  cri- 
mes ;  il  vola  ses  parens  et  quitta  la  maison 
paternelle.  Après  avoir  dissipé  la  somme 
qu'il  avait  prise ,  il  recourut  à  toute  sorte 
d'expédiens  powr  se  procurer  de  l'argent. 
Comme  il  savait  parfaitement  se  servir 
de  l'épée,  il  cherchait  les  occasions  de  se 
battre,  et  dans  ses  duels  nombreux  il  fit 
beaucoup  de  victimes.  Après  avoir  erré 
dans  les  pays  étrangers  et  avoir  fait  le  mé- 
tier de  chevalier  d'industrie,  il  apprit  que 
son  père  était  mort.  Il  forma  plusieurs  pro- 
jets et  finit  par  acheter  une  charge  de 
conseiller  au  parlement  de  Rennes.  Cette 
place  honorable  ne  le  rendit  pas  plus 
sage ,  son  impiété  surtout  s'accrut  en- 
core. En  vain  Dieu  voulut-il  le  ramener  à 
lui  -.  la  foudre  qui  éclata  plusieurs  fois 
sur  sa  tête ,  qui  brûla  même  une  partie 
du  lit  oîi  il  était  couché,  qui  l'abattit  de 
son  cheval  au  milieu  des  montagnes, 
ne  put  le  faire  rentrer  en  lui-même.  Le 
nombre  de  ses  blasphèmes  ne  diminua 
point  ;  sa  corruption  alla  si  loin  qu'il 
mettait  son  bonheur  à  tenter  de  séduire 
des  religieuses.  Bientôt  une  grande  révo- 
lution s'opéra  dans  de  Queriolet.  Une 
espèce  de  vision  qui  dura  cinq  ou  six  heu- 
res, et  pendant  laquelle  il  crut  parcourir 
l'enfer,  produisit  sur  son  esprit  une  forte 
impression.  Alors  il  donna  quelques 
.signes  de  conversion  et  entra  même  chez 
les  chartreux  pour  y  faire  pénitence. 
Mais  peu  aprè.s  il  retourna  au  vice  et  fut 
comme  auparavant  l'être  le  plus  immoral 
et  le  plus  impie.  Cependant,  au  milieu  de 
sa  dépravation,  il  avait  conservé  un  reste 
de  dévotion  pour  la  sainte  Vierge,  et ,  lors 
même  qu'il  blasphémait  le  nom  de  Dieu, 
par  un<;  contradiction  aussi  bizarre  que 


OtJE 

fréquenté ,  il  [invoquait  sa  mère.  Plus 
lard  il  attribua  sa  conversion  à  l'inter- 
cession de  Marie.  Elle  s'opéra  à  Loudun 
où  il  s'était  rendu  pour  séduire  une  de- 
moiselle huguenote.  L'un  des  moyens 
de  séduction  qu'il  voulait  employer  était 
d'abjurer  le  catholicisme.  Mais  avant 
d'exécuter  ce  projet,  il  voulut  être  té- 
moin d'une  cérémonie  qui  le  frappa  : 
c'était  l'exorcisation  de  jeunes  filles  pos- 
sédées par  le  démon.  Alors  la  lumière 
entra  dans  son  esprit,  et  il  résolut  aussi- 
tôt de  mener  une  vie  chrétienne.  Après 
avoir  vendu  sa  charge  de  conseiller,  il 
fit  un  voyage  à  Notre-Dame  de  Bonne- 
Kouvelle  à  Rennes,  et  là  il  se  confirma' 
dans  sa  résolution.  Après  plusieurs  épreu- 
ves, il  se  décida,  de  l'avis  de  son  direc- 
teur, à  prendre  les  ordres  sacrés  ;  il  fut 
ordonné  le  28  mars  1637.  Dès  lors  sa  vie 
ne  présente  qu'une  suite  de  mortifica- 
tions. Il  serait  trop  long  de  détailler  tous 
les  genres  de  privations  qu'il  s'imposa  : 
il  prit  à  tâche  de  maltraiter  son  corps,  et 
jusqu'à  sa  mort  ce  fut  une  pénitence 
continuelle.  Sa  fortune  fut  consacrée  au 
soulagement  des  pauvres  :  souvent  il  vi- 
sitait les  hospices  et  les  prisons.  Autant 
ses  premières  années  avaient  donné  de 
scandale ,  autant  les  dernières  furent 
édifiantes.  Il  est  mort  le  8  octobre  1660. 
Plusieurs  personnes,  dit-on ,  ont  été 
guéries  par  ses  prières  ou  en  venant  vi- 
siter son  tombeau.  Sa  vie  a  été  écrite 
sous  ce  titre  :  Le  grand  Pt'cheur  con- 
verti, représente  dans  deux  états  de  la 
vie  de  M.  de  Queriolet,  prêtre,  conseil- 
ler au  parlement  de  Rennes,  par  le  Père 
Dominique  de  Sainte- Catherine,  reli- 
gieux Carme  de  la  province  de  Touraine 
et  observance  de  Rennes,  3*  édition, 
revue,  corrigée  et  augmentée,  Paris, 
1671,in-J2. 

QUERK  (Ignace),  jésuite,  né  en  Au- 
triche, passa  sa  vie  dans  l'instruction  dttj 
peuple,  surtout  dans  les  campagnes,  et 
futregardé  des  grands  et  des  petits  comme 
le  modèle  des  hommes  apostoliques. 
Vieux  et  infirme ,  retiré  dans  la  maison 
de  Sainte-Anne,  qui  était  le  noviciat  des 
jésuites  à  Vienne,  il  exhortait  les  novices 
qui  le  servaient  dans  sa  maladie  à  se  pour- 


QUE 

voir  d'une  vertu  ferme  et  résistante,  parce 
iju'il  arriverait  bientôt  des  temps  oii  ils 
en  auraient  besoin,  et  leur  disait  souvent  : 
Advenient  tempora  magnœ  tribulatio- 
/lis,  quibus  absque  solida  vivtute  suc- 
cumbetis.  Gaudebitis  si  quis  vobis  micas 
de  mcnsa  sitppeditaverit  ;  sanguis  a  ca- 
piiibus  vestris  de/luel  .  prédiction  ac- 
complie à  l'égard  de  la  société ,  et  à  l'é- 
gard du  clergé  en  général.  Il  mourut  en 
1743,  à  l'âge  de  84  ans. 

QUERLON  (  Anne-Gabriel  Mkusnikr 
de),  né  à  Nantes  en  1702,  mort  à  Paris, 
le  22  avril  1780.  (  Il  avait  été  reçu  avo- 
cat ;  mais  il  renonça  à  cette  profession 
pour  se  livrer  à  la  littérature.  L'abbé  Sal- 
lier  l'attacha  à  la  garde  des  manuscrits 
de  la  bibliothèque  du  roi.  Malgré  cela, 
il  serait  tombé  dans  la  misère ,  si  l'abbé 
de  Saint- Léger  ne  l'eût  fait  entrer  ,  com- 
me bibliothécaire ,  chez  Beaujon ,  riche 
financier ,  qui  consacrait  une  grande 
partie  de  sa  fortune  à  protéger  les  lettres 
et  à  acheter  des  livres.  )  Querlon  a  donné 
un  grand  nombre  d'ouvrages ,  dont  les 
principaux  sont  :  1"  Testament  littéraire 
de  l'abbé  des  Fontaines,  1746,  in-12;  2° 
le  Code  lyrique ,  ou  Règlement  pour  l'O- 
péra de  Paris ,  1743,  iu-12;  3°une  Edi- 
tiorc  de  Lucrèce,  17  44,  in-12,  accom- 
pagnée de  notes  très  estimées;  4°  une 
Edition  de  Phèdre,  avec  des  notes;  5° 
une  Edition  des  poésies  d'Anacréon  ;  6° 
Collection  historique  ou  Mémoire  pour 
servir  à  l'histoire  de  la  guerre  terminée 
par  la  paix  d' Aix-la-Chapelle  en  1748, 
Paris,  17 57,  in-12  ;  7°  Continuation  de 
rHistoire  des  voyages  de  l'abbé  Prévôt  ; 
8°  des  Romans,  moins  fades  et  moins  en- 
nuyeux que  la  plupart  des  productions 
de  ce  genre  ;  9°  Traduction  du  poème 
de  la  Peinture ,  de  l'abbé  de  Marsy  ;  elle 
est  fidèle  et  élégante  ;  1 0°  la  prélace  des 
Dons  de  Comus ,  ouvrage  plein  de  gaieté 
et  de  finesse;  11"  il  a  rédigé,  pendant 
22  ans  ,  la  feuille  périodique  intitulée  : 
Annonces  et  Affiches,  le  Mercure,  la 
Gazette  et  autres  journaux.  Critique 
éclairé,  sage,  profond,  iî  eut  le  mérite  rare 
de  bien  apprécier  les  talens,  de  faire  va- 
loir les  ouvrages  essentiels ,  de  ne  traiter 
que  légèrement  les  objets  frivoles,  d'être 


QUE  1^9 

ferme  et  invariable  sur  les  principes  du 
devoir,  de  la  décence,  de  la  religion, 
des  mœurs ,  du  bien  public  et  du  vrai 
goût  en  matière  d'art  et  de  littérature. 
Dans  les  douleurs  de  ses  dernières  mala- 
dies ,  il  a  joui  des  adoucissemens  que  les 
lettres  et  la  religion  peuvent  seules  pro- 
curer. Heureux  d'avoir  su  éviter ,  au  mi- 
lieu de  l'égoïsme  et  des  factions,  tout  es- 
prit de  brigue  et  de  parti ,  d'avoir  vécu 
sans  faste  et  sans  ambition  ! 

'  QUERNO  (Camille), poète,  naquit 
à  Monopoli ,  dans  le  royaume  de  Naples , 
vers  1482.  Sa  facilité  à  faire  des  verset 
son  humeur  enjouée  lui  acquirent  bien- 
tôt de  la  réputation  et  de  puissans  pro- 
tecteurs, qui  le  recommandèrent  à  la 
cour  de  Rome.  Il  y  vint  en  1514  ,  et  re- 
çut un  accueil  très  favorble  de  Léon  X , 
qui  l'admit  dans  sa  société  intime.  Quer- 
no  ne  parlait  qu'en  vers.  Après  la  mort 
de  ce  pontife  (  1 521  ) ,  il  retourna  dans  sa 
patrie,  et  consomma  en  peu  de  temps  ce 
qu'il  avait  amassé  à  la  cour  de  Rome.  Ré- 
duit à  l'indigence  et  se  trouvant  malade, 
il  fut  contraint  de  se  réfugier  dans  un 
hôpital  où  il  mourut  en  1530.  Il  avait 
écrit  un  poème  de  20  mille  vers,  intitulé 
VAlexiade,  qu'il  récitait  par  cœur. 

QUESNAY  (  François  ) ,  chef  de  la 
secte  des  économistes,  premier  médecin 
ordinaire  de  Louis  XV  ,  membre  de  l'a- 
cadémie des  Sciences  de  Paris  et  de  la 
société  royale  de  Londres ,  né  à  Mercy  , 
près  de  Monfort-l'Amaury,  en  1 694 ,  d'un 
laboureur,  s'occupa  des  travaux  de  la 
campagne  jusqu'à  16  ans.  Il  apprit  alors 
à  lire  et  à  écrire ,  et  fit  ses  délices  de  la 
lecture  de  la  Maison  rustique.  Le  chirur- 
gien du  village  d'Ecquevilli  lui  donna 
quelque  teinture  de  grec  et  de  latin,  et 
des  premiers  principes  de  son  art.  Ayant 
pris  la  maîtrise  en  chirurgie,  il  alla  l'exer- 
cer à  Mantes.  M.  de  la  Peyronie  le  trou- 
vant déplacé  dans  une  petite  ville  ,  l'ap- 
pela à  Paris  pour  être  secrétaire  de  l'aca- 
démie de  chirurgie,  qu'il  voulait  établir. 
Quesnay  orna  le  premier  recueil  des  Mé- 
moires de  cette  compagnie  d'une  préface 
qui  donne  une  idée  favorable  de  ses  ta- 
lens. La  goutte  qui  le  tourmentait  lui  fit 
abandonner  la  chirurgie  pour   la  méde- 


iBù 


QUE 


cme;  mais  sonanciep  goût  pour  l'écono- 
mie rurale  et  politique  se  réveilla  à  la  fin 
de  ses  jours,  et  il  fut  regardé  comme  un 
des  patriarches  de  la  secte  des  économis- 
tes, qui  le  perdit  au  mois  de  décembre 
1774.  Elle  fit  son  oraison  funèbre;  et  bien 
qu'on  ne  puisse  en  approuver  l'enthou- 
siasme et  les  exagérations,  on  doit  cepen- 
dant reconnaître  à  Quesnay  des  qualités 
patriotiques  et  sociales,  quoique  son  gé- 
nie égaré  par  une  imagination  inquiète  et 
exaltée  ait  toujours  eu  quelque  chose 
d'exotique  et  de  romanesque,  f  Voyez 
BiQUETi.  )  Ses  ouvrages  sont  :  1°  Observa- 
tions sur  les  effets  de  la  saignée  ,  1730, 
in-12;  réimprimé  en  1750;  2"*  Essai 
physique  sur  l'économie  animale ,  1747, 
3  vol.  in-12  ;  oii  il  développe ,  suivant  sa 
manière  de  voir,  l'origine  et  les  progrès, 
les  excès  et  les  remèdes  des  passions.  Si 
on  excepte  les  idées  fausses  de  Quesnay, 
ce  n'est  qu'une  suite  de  plagiats  et  d'en- 
droits copiés  dans  Boerhaave.  3°  VArt 
de  guérir  par  la  saignée,  1736,  in-12.  Ce 
livre,  réimprimé  en  1 7  50  offre  des  raison- 
nemens  et  des  principes  qui  ont  été  con- 
tredits avec  raison.  4°  Traité  des  fièvres 
continues  ,  17  53,  2  volumes  in-12  :  bon 
ouvrage  ;  6°  Traité  de  la  gangrène , 
1749,  in-12;  6°  De  la  suppuration, 
1749,  in-12;  7»  Physiocratie ,  ou  Du 
gouvernement  le  plus  avantageux  au 
genre  humain,  1768  ,  in-8  :  livre  dont 
les  idées  sont  aussi  singulières  que  le 
stile  ridiculement  recherché,  ampoulé  et 
amphibologique;  8°  divers  Opuscules  &uv 
la  science  économique,  où  il  y  a  quel- 
ques bonnes  vues  ,  mais  encore  plus  de 
spéculations  fausses,  inutiles  ou  même 
dangereuses  ;  9°  quelques  articles  de 
l'Encyclopédie  relatifs  à  la  même  ma- 
tière. Depuis  .sa  mort,  la  secte  des  écono- 
mistes a  beaucoup  perdu  de  son  crédit  : 
le  public ,  d'abord  engoué  des  grands 
mots  d' humanité ,  de  bienfaisance  ,  d'rt- 
mour  des  hommes,  etc.,  a  ouvert  les  yeux 
sur  cette  espèce  de  charlatanerie,  comme 
sur  les  autres ,  qu'il  ne  conpaît  pour 
l'ordinaire  qu'après  en  avoir  été  dupe. 
Voyez  TuRGOT.  (L'éloge  de  Quesnay  par 
Grand-Jean  de  Fouchy  a  été  inséré  dans 
le  recueil  de  l'académie  des  Sciences.  Le 


QUE 

marquis  de  Mirabeau,  l'un  des  plus  grands 
admirateurs  de  Quesnay,  et  qui,  dit  on, 
l'avait  aidé  dans  la  rédaction  de  quelques- 
uns  de  ses  ouvrages,  a  composé  aussi  son 
éloge;  mais  il  est  d'un  ridicules!  rare  que, 
s'il  faul  en  croire  Laharpe,les  curieux  l'ont 
conservé  comme  un  modèle  de  galimatias. 
Il  existe  un  troisième  Eloge  de  Ques- 
nay par  le  comte  d'Albon  ,  Paris ,  1775, 
in-8.  Il  a  été  inséré  dans  le  nécrologe  des 
hommes  célèbres  de  France.  Le  portrait 
de  Quesnay  a  été  gravé  par  Will  in-8  et 
in-fol.  et  par  J.  Ch.  François,  à  la  ma- 
nière noire  :  l'un  etl'autre  sont  également 
recherchés.  ) 

QUESNE  (  Abraham  ,  marquis  du  ) , 
né  en  Normandie  en  1610  ,  apprit  le  mé- 
tier de  la  guerre  sur  mer  sous  son  père  , 
capitaine  habile.  Eu  1637,  il  se  trouva 
à  l'attaque  des  îles  de  Sainte-Marguerite, 
et  l'année  d'après,  il  contribua  beaucoup 
à  la  défaite  de  l'armée  navale  d'Espagne 
devant  Cattari.  Il  se  signala  devant  Tar- 
ragone  en  1641  ,  devant  Barcelone  en 
1G42,  et  l'an  1643  dans  la  bataille 
qui  se  donna  au  cap  de  Gales  contre 
l'armée  espagnole.  L'année  suivante , 
1644,  il  alla  servir  en  Suède ,  oti  son  ,  ^ 
nom  était  déjà  connu  avantageusemeut!f1flH 
Il  y  fut  fait  major  de  l'armée  navale,  * 
puis  vice -amiral.  Il  avait  ce  dernier 
titre  dans  la  bataille  oii  les  Danois  furent 
entièrement  défaits,  et  il  aurait  fait  pri- 
sonnier le  roi  de  Danemark  lui-même, 
si  ce  prince  n'avait  été  obligé,  la  veille 
de  la  bataille,  par  suite  d'une  blessure 
dangereuse ,  de  sortir  du  vaisseau  qu'il 
montait.  Du  Quesne ,  rappelé  en  France 
en  1647  ,  fut  destiné  à  commander  l'es- 
cadre envoyée  à  l'expédition  de  Naples.^ 
Comme  la  marine  de  France  était  fo 
déchue  de  son  premier  lustre ,  il  arma 
plusieurs  navires  à  ses  dépens  en  1650. 
Ce  fut  avec  sa  petite  flotte  qu'il  obligea 
Bordeaux ,  révolté  contre  son  roi ,  à  se 
rendre.  Ce  qui  a  le  plus  contribué  à  son 
éclatante  réputation  ,  ce  sont  les  guerres 
de  Sicile.  Ce  fut  là  qu'il  eut  à  combattre 
le  grand  Buyter ,  et  qu'il  résista  dans 
trois  batailles,  avec  un  succès  presque 
égal ,  aux  flottes  réunies  de  Hollande  et 
d'Espagne,  le  8  janvier ,  le  22  avril  et  le 


QUE 

2  juin  1676.  Le  général  hollandais  fut 
tué  dans  le  second  combat.  Les  vaisseaux 
de  Tripoli ,  qui  étaient  en  guerre  avec  la 
France,  se  retirèrent  dans  le  port  de 
CLio.  Du  Quesne  alla  les  foudroyer  avec 
une  escadre  de  six  vaissaux  ;  et  après  les 
avoir  tenus  bloqués  pendant  long-temps, 
il  les  obligea  à  demander  la  paix.  Alger 
et  Gènes  furent  forcés  de  même  à  implo- 
rer la  clémence  de  Louis  XIV.  Du  Quesne 
mourut  à  Paris  en  1088  ,  à  l'âge  de  78 
ans,  dans  le  calvinisme  où  il  avait  été 
élevé ,  laissant  quatre  fils ,  dont  le  plus 
connu  est  Henri ,  marquis  du  Quesne  , 
qui  se  distingua  par  son  habileté  dans 
la  guerre  et  dans  la  marine.  Il  mourut  à 
Genève  en  1722  ,  à  7  >  ans.  On  a  de  lui 
des  Réflexions  anciennes  et  nouvelles 
sur  V Eucharistie  ,  1718  ,  in-4,  dont  les 
prolestans  font  un  cas  singulier,  parce 
qu'elles  renferment  toutes  les  erreurs  de 
la  secte  touchant  cet  auguste  mystère 
des  chrétiens. 

*  QUESIVÉ  (François-Alexandre),  bo- 
laniste-cultivaleur ,  né  en  1742  à  Rouen, 
renonça  au  commerce  qu'il  avait  em- 
hrassé  pour  plaire  à  ses  parens  ,  et  se  li- 
vra tout  entier  à  la  culture  des  plantes  et 
à  l'élude  raisonnée  de  la  botanique.  11 
acclimata  dans  son  pays  de  Bois-Guil- 
laume ,  près  de  Rouen,  plusieurs  plantes 
exotiques  ,  telles  que  les  mélèzes  ,  les  cè- 
dres du  Liban  ,  et  le  ginkgobiloba.  Il  a 
publié  divers  Mémoires  et  Notices  sur 
la  botanique  ,  la  plupart  insérés  dans  le 
Recueil  de  la  Société  d'émulation  de  sa 
ville  natale.  Quesne  traduisit  l'excellent 
Discours  que  M.  A.-L.  de  Jussîeu  avait 
placé  en  tête  de  son  Gênera  plantarum  ; 
mais  malheureusement  ce  dernier  ou- 
vrage est  encore  inédit.  Le  travail  qui 
fait  le  plus  d'honneur  à  Quesne,  comme 
écrivain,  est  la  traduction  française  de  la 
Philosophie  botanique  de  Linnée,  Rouen, 
1788  ,  in-8  ,  et  qui  eut  beaucoup  de 
succès.  Quesne  mourut  dans  sa  patrie  le 
17  avril  1820  ,  âgé  de  7  8  ans. 

QUESNEL  (Pasquier),  né  à  Paris  en 
1034  d'une  famille  honnête,  fit  son  cours 
de  théologie  en  Sorbonne  avec  beaucoup 
de  distinction.  Après  l'avoir  achevé  ,  il 
entra  dans  la  congrégation  de  l'Oratoire 


QUE  i8i 

en  1657.  Consacré  tout  entier  à  l'étude 
de  l'Ecriture  et  des  Pères,  il  composa  de 
bonne  heure  des  livres  de  piété ,  qui  lui 
méritèrent ,  dès  l'âge  de  28  ans,  la  place 
de  premier  directeur  de  l'institution  de 
Paris.  Ce  fut  pour  l'usage  des  jeunes  élè- 
ves confiés  à  ses  soins  qu'il  composa  ses 
Réflexions  morales.  Ce  n'étaient  d'abord 
que  quelques  pensées  sur  les  plus  belles 
maximes  de  l'Evangile.  Le  marquis  de 
Laigue  ayant  goûté  cet  essai ,  en  fit  un 
grand  éloge  à  Félix  Vialart ,  évêque  de 
Châlons-sur-Marne,  qui  résolut  de  l'adop- 
ter pour  son  diocèse  L'oratorien,  flatté 
de  ce  suffrage,  augmenta  beaucoup  son 
livre  :  il  fut  imprimé  à  Paris  en  1671,  avec 
un  mandement  de  l'évêquc  de  Châlons; 
et  l'approbation  des  docteurs.  Quesnel 
travaillait  alors  à  une  nouvelle  édition 
des  OEuvres  de  saint  Léon,  pape,  sur  un 
ancien  manuscrit  apporté  de  Venise,  qui 
avait  appartenu  au  cardinal  de  Grimani. 
Elle  parut  à  Paris  en  1675,  en  5  vol. 
in  4,  fut  réimprimée  à  Lyon  en  1700, 
in-fol.  ;  et  l'a  été  depuis  à  Rome  en  3 
vol.  in-fol. ,  avec  des  augmentations  et 
des  changemens.  Quelque  éloge  qu'en 
fasse  M.  du  Pin ,  l'oratorien  semble  ne 
l'avoir  entreprise  que  pour  attaquer  les 
prérogatives  du  saint-Siége  :  d'ailleurs  il 
s'est  donné  des  peines  inutilespour  prou- 
ver que  saint  Léon  est  auteur  de  la  lettre 
à  Démétriade  et  du  livre  de  la  Vocation 
des  gentils.  Le  repos  dont  il  avait  joui 
jusqu'alors  fut  troublé  peu  de  temps 
après.  L'archevêque  def*aris(M.  deHar- 
lay),  instruit  de  son  attachement  aux 
nouveaux  disciples  de  saint  Augustin,  et 
de  son  opposition  à  la  bulle  d'Alexandre 
YII,  l'obligea  de  quitter  la  capitale  et  de 
se  retirer  à  Orléans  en  1681  ;  mais  il  n'y 
resta  pas  long-temps.  On  avait  dressé 
dans  l'assemblée  générale  de  l'Oratoire, 
tenue  à  Paris  en  1678,  un  formulaire  de 
doctrine  qui  défcndaità  tous  les  membres 
de  la  congrégation  d'enseigner  le  jansé- 
nisme et  quelques  nouvelles  opinions  en 
philosophie,  dont  on  se  défiait  alors, 
parce  qu'elles  n'étaient  pas  encore  bien 
éclaircies.  Dans  l'assemblée  de  1684,  il 
fallut  quitter  ce  corps  ou  signer  ce  for- 
mulaire. Quelques  membres  de  la  con- 


i82  QUE 

grégation  en  sortirent  ;  Quesnel  fut  de 
ce  nombre.  Il  se  retira  aux  Pays-Bas  en 
1685,  et  alla  se  consoler  auprès  de  M. 
Arnauld  à  Bruxelles. C'est  alors  qu'il  com- 
mença à  jouer  un  rôle.  Ayant  un  talent 
singulier  pour  écrire  facilement ,  avec 
onction  et  élégance  ;  jouissant  d'une 
santé  robuste ,  que  ni  l'étude ,  ni  les 
voyages,  ni  les  peines  continuelles  d'es- 
prit n'altérèrent  jamais;  joignant  à  l'é- 
tude le  désir  de  diriger  les  consciences, 
personne  n'était  plus  en  état  que  lui  de 
remplacer  Arnauld.  11  en  avait  recueilli 
les  derniers  soupirs.  Un  auteur  prétend 
«  qu' Arnauld  mourant  l'avait  désigné  chef 
»  d'une  faction  malheureuse.  Aussi  les 
«  jansénistes,  à  la  mort  de  leur  pape,  de 
»  leurpère  abbé,  mirent-ils  Quesnel  à  la 
»  tête  du  parti.  L'ex-oratorien  méprisa 
«  des  titres  si  fa.stueux  ,  et  ne  porta  que 
))  celui  de  père  prieur.  H  avait  choisi 
))  Bruxelles  pour  sa  retraite.  Le  savant 
V  bénédictin  Gerberon,  un  prêtre  nommé 
M  Brigode,  et  trois  ou  quatre  autres  per- 
»  sonnes  de  conAance  composaient  sa 
»  société.  Tous  les  ressorts  qu'on  peut 
))  mettre  en  mouvement,  il  les  faisait  agir 
«  en  digne  chef  du  parti.  Soutenir  le 
»  courage  des  élus  persécutés ,  leur  con- 
»  server  les  anciens  amis  et  protecteurs 
»  ou  leur  en  faire  de  nouveaux ,  rendre 
»  neutres  les  personnes  puissantes  qu'il 
»  ne  pouvait  se  concilier  ;  entretenir 
»  sourdement  des  correspondances  par- 
»  tout,  dans  les  cloîtres,  dans  le  clergé, 
»  dans  les  parlemens,  dans  plusieurs 
»  cours  de  l'Europe  :  voilà  quelles  étaient 
»  ses  occupations  continuelles.  Il  eut  la 
»  gloire  de  traiter  par  ambassadeur  avec 
3)  Rome.  Hennebel  y  alla,  chargé  des  affai- 
»  res  des  jansénistes.  Ils  firent  de  leurs 
»  aumônes  un  fonds  qui  le  mit  en  état 
»  d'y  représenter.  Il  y  figura  quelque 
»  temps  :  il  y  parut  d'égal  à  égal  avec  les 
»  envoyés  des  têtes  couronnées  ;  mais  les 
»  charités  venant  à  baisser,  son  train 
»  baissa  de  même.  Hennebel  revint  de 
»  Rome  dans  les  Pays-Bas  en  vrai  pèlerin 
u  mendiant.  Quesnel  eu  fut  au  désespoir  ; 
M  mais,  réduit  lui-même  à  vivre  d'aumô- 
ji  nés,  comment  eût-il  pu  fournir  au 
»  luxe  de  ses  députés  ?»  Ce  fut  à  Bru- 


QUE 

selles  qu'il  acheva  ses  Réflexionsmorales 
iur  les  actes  et  les  e'pttres  des  apôtres. 
Il  les  joignit  aux  lie'fiexions  sur  les  qua- 
tre Evangiles,  auxquelles  il  donna  plus 
d'étendue;  L'ouvrage  ainsi  complet  parut 
en  1G93  et  1694.  Le  cardinal  delVoailles, 
alors  évêque  de  Chàlons  ,  successeur'  de 
Vialart ,  invita  par  un  mandement ,  en 
1695,  son  clergé  et  son  peuple  à  le  lire, 
il  le  proposa  aux  fidèles  comme  le  pain 
des  forts  et  le  lait  des  faibles.  Les  jésui- 
tes, voyant  qu'on  multipliait  les  éditions 
de  ce  livre,  y  soupçonnèrent  un  poison 
caché.  Le  signal  de  la  guerre  se  donna 
en  1696.  Noailles,  devenu  archevêque  de 
Paris,  publia  une  instruction  pastorale 
sur  la  prédestination  ,  qui  occasiona  le 
Problème  ecclésiastique.  (Ployez  Noail- 
les. )  Cette  brochure  roulait  presque  en- 
tièrement sur  les  Réflexions  morales. 
Elle  donna  lieu  à  examiner  ce  livre.  Le 
cardinal  de  Noailles  convint  que  la  criti- 
que était  fondée  ,  et  fit  faire  des  correc- 
tions; l'ouvrage  ainsi  corrigé  parut  à 
Paris  en  1696.  La  retraite  de  Quesnel  à 
Bruxellesayantété  découverte,  Philippe  V 
donna  un  ordre  pour  l'arrêter  :  l'arche- 
vêque de  Malines ,  Humbert  de  Preci- 
piano,  le  fit  exécuter.  On  \e  trouva  au 
refuge  de  Forêt,  caché  derrière  un  ton- 
neau, n  Comme  on  avait  de  la  peine  à  le 
«reconnaître,  dit  l'abbé  Bérault,  sous 
))  l'habit  séculier  qu'il  portait,  on  luide- 
»  manda  s'il  n'était  pas  le  Père  Quesnel. 
»  Il  répondit  avec  simplicité  qu'il  s'ap- 
»  pelait  de  Rebecq.  DeFresne,  deRebecq, 
»  le  Père  Prieur  :  c'étaient  là  pour  lui  au- 
»  tant  de  noms  de  guerre,  et  de  pieux 
»  expédiens  ,  pour  éviter  les  restrictions 
»  mentales  et  l'abominable  équivoque,  >> 
On  ne  laissa  pas  de  saisir  de  Rebecq,  et 
on  le  conduisit  dans  les  prisons  de  l'ar- 
chevêché ,  d'oii  il  fut  tiré  par  une  voie 
inespérée,  le  13  septembre  1703.  Sa  dé= 
livrance  fut  l'ouvrage  d'un  gentilhomme 
espagnol  réduit  à  la  misère  ,  qui ,  plein 
d'espoir  en  la  boîte  qui  vaut  la  pierre 
philosophale,  perça  les  murs  de  la  pri- 
son et  brisa  ses  chaînes.  En  l'arrêtant, 
on  s'était  saisi  de  ses  papiers,  et  de  ceux 
qu'il  avait  d'Arnauld  :  le  jésuite  Le  Tel- 
lier  en  fit  des  extraits  ,  dont  madame  de 


QUE 

Maintenon  lisait  tous  les  soirs  quelque 
chose  à  Louis  XIV  pendant  les  dernières 
années  de  sa  vie.  Le  monarque  y  trouva 
des  motifs  nouveaux  de  ne  pas  se  repentir 
des  efforts  qu'il  avait  faits  pour  abattre 
cette  secte  naissante.  Quesnel,  remis  en 
liberté ,  s'enfuit  en  Hollande ,  d'oîi  il  dé- 
cocha plusieurs  brochures  contre  l'arche- 
vêque de  Malines,  un  des  plus  sages  et 
des  plus  zélés  prélats  qu'eût  alors  l'Eglise 
catholique.  (  Voyez  son  article.)  Cepen- 
dant, dès  le  1 5  octobre  de  cette  année, 
Foresla  de  Cologne,  évêque  d'Apt,  pro- 
scrivit les  Réflexions  momies.  L'année 
suivante,  on  dénonça  l'auteur  au  public, 
comme  hérétique  et  comme  séditieux.  W 
était  effectivement  l'un  et  l'autre.  Le 
Père  Quesnel  se  défendit  ;  mais  ses  apo- 
logies n'empêchèrent  pas  que  ses  Ré- 
flexions morales  ne  fussent  condamnées 
^ar  un  décret  de  Clément  XI  en  1708, 
supprimées  par  un  arrêt  du  conseil  en 
1711,  proscrites  par  le  cardinal  de  Noail- 
les  en  1713  ,  enfin  solennellement  ana- 
'  thématisées  par  la  con.stilution  Unigeni- 
tus,  publiée  à  Rome  le  8  septembre  de  la 
même  année,  sur  les  instances  de  Louis 
XIV.  Cette  bulle  fut  acceptée,  le  26  jan- 
vier 1714,  par  les  évcques  assemblés  à 
Paris,  enregistrée  en  Sorbonne  le  5  mars, 
et  reçue  ensuite  par  le  corps  épiscopal, 
à  l'exception  de  quelques  évoques  fran- 
çais qui  en  appelèrent  au  futur  concile. 
De  ce  nombre  était  le  cardinal  de  Noail- 
les,  qui  dans  la  suite  abandonna  le  parti 
avec  éclat.  Quesnel  survécut  peu  à  ces 
événemens.  Après  avoir  employé  sa 
vieillesse  à  formera  Amsterdam  quelques 
églises  jansénistes,  il  mourut  dans  cette 
■ville  en  1*19,  à  85  ans.  (  Voyez  Causa 
quesnelliana ,  Bruxelles,  1704,  in--! ,  et 
Ilistoria  Ecclesiœ  ultrajectinœ  a  tem- 
pore  mutatœ  religionis,  par  Hoynck  Van 
Papen  Drecht,  Malines,  1725,  in-folio. } 
La  manière  dont  il  s'expliqua  dans  ses 
derniers  momens  est  remarquable.  11 
déclara  dans  une  profession  de  foi  :  «  Qu'il 
j>  voulait  mourir  comme  il  avait  toujours 
'  vécu,  dans  le  sein  de  l'Eglise  catholi- 
que ;  qu'il  croyait  toutes  les  vérités 
»  qu'elle  enseigne  ;  qu'il  condamnait 
»  toutes  les  erreurs  qu'elle  condamne  j 


QUE  ï83 

»  qu'il  reconnaissait  le  souverain  pontife 
i>  pour  le  premier  vicaire  de  J.  C,  et  le 
j)  siège  apostolique  pour  le  centre  de 
3)  l'unité.  »  Dans  le  cours  de  la  même 
maladie ,  il  rappela  à  une  personne  qui 
était  auprès  de  lui  les  accusations  qu'on 
avait  formées  contre  lui  à  Louvain  tou- 
chant ses  mœurs,  etassura  qu'elles  étaient 
mal  fondées.  Quelque  temps  auparavant, 
son  nCveu  Pinson  lui  ayant  demandé 
conseil  sur  le  parti  à  prendre  dans  les 
disputes  qui  l'avaient  tant  occupé,  il  lui 
recommanda  de  rester  attaché  à  l'Eglise  : 
«  Les  manières  outrageantes  des  jésuites, 
»  ajouta-t-il ,  m'ont  engagé  à  soutenir 
»  avec  opiniâtreté  ce  que  je  soutiens 
«  aujourd'hui.  »  Ce  détail  se  trouve  dans 
une  lettre  de  M.  Pinson,  sculpteur,  à  M. 
Poncet  de  la  Rivière  ,  évêque  d'Angers. 
On  a  de  Quesnel  :  1°  Lettres  contre  les 
nudités,  adressées  aux  religieuses  qui 
ont  soin  de  l'éducation  des  filles.,  in-12, 
1686  ;  2°  L'Idée  du  sacerdoce  et  du  sa- 
crifice de  Jésus-Christ ,  dont  la  seconde 
partie  est  du  Père  de  Ondren  ,  deuxième 
supérieur-général  de  l'Oratoire.  On  .  a 
plusieurs  éditions  de  cet  ouvrage,  qui  est 
in-12.  Z'^Les  trois  consécrations,  la  con- 
sécration baptismale ,  la  consécration 
sacerdotale,et  la  consécration  religieuse., 
in-12,  avec  l'ouvrage  précédent;  ^°  Elé- 
vations à  N.S.  J.  C.  sur  sa  passion  et  sa 
mort,  etc.,  in-16  ;  5°  Jésus  pénitent, 
in-18  ;  6°  Du  bonheur  de  la  mort  chré- 
tienne, in-12;  7°  Prières  chrétiennes, 
avec  des  pratiques  de  piété,  2  vol.  in-12; 
8°  Office  de  Jésus ,  avec  des  réflexions^ 
in-12  ;  9"  Prière  à  N.  S.  J.  C.  au  nom 
des  jeunes  gens,  et  de  ceux  qui  désirent 
de  lire  la  parole  de  Dieu,  et  surtout  VE- 
vangile  ;  brochure  in-12  ;  10"=  Eloge  his- 
torique de  M.  Desmahis ,  chanoine 
d'Orléans,  à  la  tête  de  Vérité  de  la  reli- 
gion catholique ,  etc.,  de  ce  chanoine. 
Tous  ces  ouvrages  ont  été  souvent  réim- 
primés, i  l"  Re'cueil de  Lettres  spirituel- 
les sur  divers  sujets  de  morale  et  de 
piété,  in-1 2,  3  vol., Paris,  1 72 1  ;  12°  Tra- 
dition de  l'Eglise  romaine  .mr  la 
prédestination  des  saints  et  sur  la  grâce 
efficace,  Cologne,  1687,4  vol.  in-12, 
sous  le  nom  du  Sr.  Germain,  docteur  eu 


i84  QUE 

théologie.  La  matière  y  est  traitée  con- 
formément aux  maximes  adoptées  par 
l'auteur.  1 3°  La  Discipline  de  l'Eglise, 
tirée  du  nouveau  Testament  et  de  quel- 
ques anciens  conciles,  2  vol.  in-4.  Lyon, 
1689.  Ce  ne  sont  que  des  mémoires  im- 
parfaits, fruits  des  conférences  sur  la 
discipline  qu'il  avait  été  engagé  de  faire 
par  ses  supérieurs.  1 4°  Cause  arnaldine, 
in-8,  1699,  en  Hollande.  On  voit  dans 
cet  ouvrage  tout  ce  que  l'esprit  de  parti 
peut  inspirer  d'ardeur  pour  la  défense 
du  chef.  Il  le  fit  entrer  en  partie  dans  la 
Justification  de  M.  Arnauld,  1702,  3  vol. 
in- 12.  15"  Entretiens  sur  le  décret  de 
Rome,  contre  le  nouveau  Testament  de 
Châlons ,  accompagnés  de  réflexions 
morales  ;  16°  sept  Mémoires  en  7  vol. 
in-12,  pour  servir  à  l'examen  delà  con- 
stitution Unigenitus  ;  une  grande  quan- 
tité d'ouvrages  sur  les  contestations  dans 
lesquelles  il  s'était  engagé,  dont  il  est 
inutile  de  donner  la  liste ,  depuis  que  la 
secte  dont  il  fut  le  coryphée  a  professé 
ouvertement  le  déisme  et  l'athéisme , 
comme  on  l'a  pu  voir  dans  la  révolution 
de  France  en  1789  et  suiv. 

QUESNEL  (Pierre),  surnommé  Be- 
nard,  mort  à  La  Haye  vers  17  74,  âgé 
de  7  5  ans,  est  connu  dans  la  république 
des  lettres  par  plusieurs  ouvrages,  et 
principalement  par  VHistoire  de  la  com- 
pagnie de  Jésus  y  dont  les  quatre  pre- 
miers volumes  ont  été  imprimés  à 
Utrecht  en  1741.  Cet  écrivain,  qui  avait 
achevé,  trois  mois  avant  sa  mort ,  cette 
Histoire  ,  à  laquelle  il  avait  employé  la 
plus  grande  partie  de  sa  vie,  s'est  déter- 
miné, peu  d'heures  avant  de  rendre  le 
dernier  soupir,  et  à  la  persuasion  de  cer- 
taines personnes  qui  lui  en  ont  fait  un 
cas  de  conscience ,  à  en  faire  brûler  le 
manuscrit ,  qui  aurait  fo'rmé  20  volumes 
Jn-12.  (M.  Barbier  croit  que  cet  abbé 
Quesnel  est  neveu  de  Pasquier;  cepen- 
dant on  ne  sait  rien  de  positif  sur  ce  per- 
sonnage. ) 

QUESNOY  (  François  du  ),  connu  sous 
le  nom  du  Flamand,  sculpteur,  natif  de 
Bruxelles,  mort  à  Livourne  en  1044,  âgé 
de  52  ans ,  travailla  principalement  en 
Italie  et  dans  les  Pays-Bas.  Les  compo- 


QUE 

BÎtions  de  cet  ingénieux  artiste  Sùni  d'un 
goût  et  d'une  élégance  admirables.  Il  a 
fait  beaucoup  de  petits  bas-reliefs  en 
bronze,  en  marbre,  en  ivoire,  etc.,  et  de 
petites  figures  en  cire,  qui  représentent, 
la  plupart,  des  jeux  d'enfans ,  des  bac 
chanales  et  autres  sujets  gais,  traités 
avec  un  art  et  un  esprit  exquis.  Ils  sont 
fort  recherchés  des  curieux. 

QUESINOY  (Jérôme  du),  frère  du 
précédent,  excella  comme  lui  dans  la 
sculpture.  On  voit  les  chefs-d'œuvre  de 
cet  artiste  aux  Pays-Bas.  On  admire  sur- 
tout le  mausolée  de  Triest,  évêque  de 
Gand,  dans  l'église  cathédrale  de  cette 
ville.  C'est  un  des  plus  beaux  ouvrages 
de  sculpture  qui  soient  dans  ce  pays  ;  il 
est  composé  d'une  manière  grande,  exé- 
cuté avec  correction  et  finesse.  Jérôme , 
dont  les  vices  égalaient  les  talens,  fut 
surpris  en  finissant  ce  mausolée  dans  le 
crime,  de  pédérastie ,  et  brûlé  dans  la 
même  ville  le  24  octobre  1654.  Plusieurs 
de  ses  ouvrages  se  ressentent  de  la  cor- 
ruption de  son  cœur. 

QUETIF  (Jacques),  né  à  Paris  en 
1618,  prit  l'habit  de  Saint-Dominique, 
fut  bibliothécaire  du  couvent  des  domi- 
nicains de  la  rue  Saint-Honoré,  et  mou- 
rut le  2  mars  1698,  h  80  ans.  On  a  de 
lui  1°  une  Edition  des  opuscules  et  des' 
lettres  de  Pierre  Morin  ;  2°  une  nouvelle 
Edition  du  Concile  de  Trente ,  in-12  ;  3" 
une  nouvelle  Edition  de  la  Somme  de 
saint  Thomas,  en  3  vol.  in-fol.  ;  i"  lés 
Lettres  de  Savonarole,  et  sa  fie  par 
Jean-François  Pic  de  la  Mirandole  ;  5"  il 
préparait  une  Bibliothèque  des  auteurs 
de  son  ordre ,  qui  fut  finie  par  le  Père 
Echard,  son  confrère.  Toutes  ses  produc- 
tions sont  des  témoignages  avantageux 
de  son  érudition.  Sa  vertu  égalait  son 
savoir,  et  son  savoir  était  très  étendu. 

QUEUX  (Claude  Le),  chapelain  de 
li»aint-YvesàParis,  mort  en  17(18,  a  donné 
des  Traductions  de  plusieurs  traités  de 
saint  Augustin  et  de  saint  Prosper  sur  là 
grâce  et  sur  le  petit  nombre  des  élus.  De 
plus,  il  a  composé  :  1°  TjCs  dignes  fruits 
de  pénitence ,  1742,  in-12  ;  2"  Le  Chré- 
tien fidèle  à  sa  vocation  ,  1 748  et  1761 , 
in-1 2  j  3°  £e  Ferbe  incarné,  1 759,  in-12j 


QUE 

A'  Tableau  d'un  vrai  chrélien,  1748, 
in-12  ;  5°  Mémoire  justificatif  de  Y  Ex- 
position de  la  doctrine  chrétienne  de 
Mesenguy  ;  6°  un  Traité dupetit  nombre 
des  élus  ,  traduit  du  latin  de  Foggini.  Il 
a  travaillé  aussi  avec  l'abbé  Le  Roi',  ex- 
oratorien,  à  une  édition  de  l'Histoire  des 
variations  par  Bossuet ,  6  vol.  in-12, 
1772,  avec  la  Défense,  les  Avertisse- 
mens  aux  proies  tans ,  etc.  ;  mais  ce  qni 
l*a  fait  le  plus  connaître,  est  le  Prospec- 
tus de  la  nouvelle  édition  des  OEuvres 
de  ce  prélat ,  abandonnée  ensuite  à  dom 
de  Floris  et  autres  bénédictins  :  édition 
proscrite  par  le  clergé  de  France,  et  en- 
treprise précisément  pour  corrompre  les 
écrits  de  ce  grand  homme  ,  et  rendre  sa 
foi  suspecte.  On  raconte  au  sujet  de  l'abbé 
Le  Queux  l'anecdote  suivante ,  que  nous 
transcrirons  telle  qu'elle  nous  a  été  com- 
muniquée. «  Feu  M.  Riballier,  syndic  de 
»  la  faculté  de  Paris,  parlant  à  M.  l'abbé 
»  Le  Queux  du  petit  ouvrage  qu'avait  faU; 
»  ce  prélat  sur  le  formulaire  d'Alexandre 
»  VU,  lui  dit  que  sûrement  il  avait  du 
»  le  trouver parmises  manuscrits.  L'abbé 
»  répondit  qu'effectivement  il  l'avait 
M  trouvé,  mais  qu'il  l'avait  jeté  au  feu. 
»  M.  Riballier  lui  fit  à  ce  sujet  une  répri- 
>j  mande  convenable.  »  Nous  pouvons 
citer  les  personnes  les  plus  respectables 
qui  vivent  encore,  et  à  qui  M.  Riballier  a 
fait  part  de  celle  anecdote.  Il  n'en  reve- 
nait pas  toutes  les  fois  qu'il  racontait  cette 
impertinente  réponse.  Voyez  Soardi. 

QUEYEDO  DE  ViLLEGAs  (D.  François), 
né  à  Madrid  en  1680  d'une  famille  noble, 
étudia  à  Alcala ,  où  il  fit  de  rapides  pro- 
grès dans  toutes  les  sciences,  sans  excep- 
ter la  médecine,  la  jurisprudence  et  la 
théologie.  Il  possédait  en  outre  le  latin, 
le  grec ,  l'hébreu  ,  l'arabe  ,  l'italien  et  le 
français.  Un  duel  qu'il  eut  en  Espagne, 
pour  défendre  xine  dame ,  l'obligea  de 
passer  à  Palerme,  où  le  duc  d'Ossune  le 
nomma  inspecteur  général  des  finances. 
Ce  même  seigneur  lui  ayant  obtenu  sa 
grâce,  il  revint  en  Espagne  ,  et  fut  em- 
ployé à  diverses  négociations  auprès  de 
plusieurs  cabinets.  La  disgrâce  du  diic 
d'Ossune  entraîna  la  sienne;  il  fut  arrêté 
.    en  1620  et  transporté  dans  une  de  ses 


QUE 


i85 


ferres ,  où  on  le  retint  trois  nos.  Ayant 
recouvré  sa  liberté,  il  demanda  les  arré- 
rages de  sa  pension,  et  il  fut  exilé.  Rap- 
pelé à  Madrid ,  le  duc  d'Alvarès  l'investit 
de  la  charge  de  secrétaire  du  roi ,  et  il 
lui  offrit  l'ambassade  de  Gènes,  qu'il  ne 
voulut  pas  accepter.  Il  se  maria  à  l'âge 
de  54  ans,  après  avoir  renoncé  à  plusieurs 
bénéfices  ecclésiastiques  qu'il  possédait. 
II  fut  bientôt  accusé  d'un  libelle  contre  le 
ministère  ;  ses  bien  furent  saisis,  et  il  se 
vit  jeté  dans  un  cachot,  et  réduit  à  vivre 
d'aumônes.  On  trouva  enfin  le  vérifabia 
auteur  du  libelle,  et  Quevedo  sortit  de  la 
prison.  Il  se  retira  dans  sa  terre  de  la 
Juan  Abad,où  il  mourut  en  1645,  âgé 
de  65  ans.  Il  était  chevalier  de  Saint- 
Jacques.  Cet  auteur  est  mis  au  rang  des 
plus  célèbres  écrivains  de  sa  nation.  Il 
s'est  exercé  dans  plusieurs  genres  de  poé- 
sie. On  a  de  lui  :  1  "  des  Pièces  héroïques; 
2°  des  lyriques;  3°  àt?,  facétieuses.  Il 
publia  ses  différentes  poésies  sous  le  titre 
de  Parnasse  espagnol,  Madrid,  1650, 
in- 4;  4" des  Traductions;  h^V Aventurier 
Buscon  :  mauvais  roman,  traduit  en  fran- 
çais, 1776,  3  brochures  in-12;  6°  les 
faisions.  A  ces  ouvrages  il  faut  ajouter 
la  Politique  de  Dieu  ;  la  f^ie  de  saint 
Paul ,  Conte  des  contes  ,  des  Comédies, 
des  Satires,  etc.,  etc.  Ses  productions 
en  vers  et  en  prose  ne  manquent  ni  d'i- 
magination ni  d'agrémens.  Ses  ouvrages 
ont  été  rectieillis  à  Bruxelles  en  3,  vol. 
in-12,  et  traduits  en  français  et  imprimés 
dans  la  même  ville  en  2  vol.  (  On  peut 
consulter  avec  fruit  V Histoire  de  la  litté- 
rature du  Midi  par  M.  de  Sismondi ,  et 
VHistoirc  de  la  littérature  espagnole 
par  31.  Bouterwéck.  ) 

'  QUEVEDO-Y-QUINSANO  (  Pierre 
de  Alc ANTARA  dc),  cardinal  et  évêque  d'O- 
ranse  en  Galice,  naquit  le  12  janvier 
1736àVilla-Nuova  di  Fresno(Viile-Neuve- 
du-Frêne'),  dans  l'Eslramadure  ,  d'une 
famille  recommandable  par  ses  vertus  et 
par  sa  noblesse.  Le  jeune  Quevedo  fit  ses 
études  à  l'université  de  Salamanque  où 
il  prit  le  grade  de  docteur.  Ayant  em- 
brassé l'état  ecclésiastique,  il  devint 
bientôt  chanoine  de  Salamanque  et  in- 
quisiteur du  saint-otfice.  En  17  76,  le  roi 
24. 


t86  QUE 

Charles  lU  le  nomma  évêque  d'Orense  ea 
Galice.  Ce  n'était  peint  un  siège  riche, 
ni  un  poste  brillant;  il  n'eu  fut  que  plus 
cher  à  Qucvcdo,  et  son  humble  troupeau 
n'en  eut  que  plus  de  droit  à  son  intérêt: 
il  prêchait  assidûment,  répandait  d'a^ 
boudantes  aumônes,  maintenait  la  dis- 
cipline parmi  son  clergé  ,  faisait  de  fré- 
quentes visites  dans  son  diocèse  pour  s'as- 
surer du  bien  qu'il  y  avait  à  faire,  et  des 
abus  qu'il  fallait  réprimer.  Le  cardinal 
Delgado  étant  mort  en  17  82,  et  ayant 
laissé  le  siège  de  Séville  vacant,  Charles 
III  y  nomma  Quevedo.  Aussi  désintéressé 
que  modeste,  l'évêque  d'Orense  supplia 
le  roi  de  le  dispenser  d'accepter  celte 
place,  et  de  le  laisser  à  sa  première  épouse. 
Lorsque  la  persécution  révolutionnaire 
obligea  les  ecclésiastiques  français  de 
quitter  leur  patrie,  Quevedo  accueillit 
honorab:emeut  tous  ceux  qui  cherchèrent 
un  asile  dans  son  diocèse.  Il  les  logea 
dans  ses  séminaires,  dans  sa  maison  de 
campagne  et  même  dans  son  palais.  Il 
fournit  à  tous  leurs  besoins.  Le  nombre 
ne  l'efliayait  pas,  et  plus  il  s'en  présen- 
tait, plus  la  Providence  semblait  multi- 
plier les  ressources  dans  ses  mains  chari- 
tables. Il  aidait  également  des  familles 
d'émigrés  retirées  en  Galice.  On  a  évalué 
à  plus  de  80,000  f.  ce  qu'il  consacrait  par 
an  à  celte  bonne  œuvre,  pour  laquelle  il 
mérite  la  reconnaissance  de  toutes  les 
âmes  généreuses.  Quand  Duonaparles'em- 
para  de  l'Espagne ,  fidèle  à  son  roi ,  il  ne 
voulut  reconnaître  ni  un  maître  étranger, 
ni  le  pouvoir  que  s'arrogeaient  les  corlès , 
et  refusa  de  se  prêter  aux  vues  de  ces  as- 
semblées. Proscrit  par  elles,  il  se  relira 
dans  une  partie  de  son  diocèse  ,  située  en 
Portugal,  et  y  demeura  jusqu'au  retour 
de  Ferdinand  Yll,  en  1814.  Un  des  pre- 
miers soins  de  ce  prince ,  rendu  à  ses 
étals,  fut  de  rappeler,  l'évêque  d'Orense, 
et  de  le  nommer  à  l'archevêché  de  Sé- 
ville, qui  se  trouvait  de  nouveau  vacant. 
Quevedo,  pour  la  Seconde  fois,  refusa  ce 
riche  bénéfice.  La  lettre  qu'il  écrivit  à 
ce  sujet  au  ministre  secrétaire  d'état  est 
un  modèle  de  désintéressement  et  de  mo- 
destie. Foyez-\a.  dans  l'Ami  de  la  reli- 
gioftf  tom.  1 ,  p.  831.  Ferdinand  voulut 


QUE 

bien  agréer  ses  excuses  ;  et,  pour  lui  don- 
ner du  moins  une  marque  de  sa  considé- 
ration et  de  son  estime,  il  lui  envoya  le 
grand-cordon  de  l'ordre  de  Charles  III. 
Quelque  temps  après,  il  le  présenta  au 
cardinalat.  Pie  VII  l'élcva  à  celte  dignité 
dans  le  consistoire  du 8  mars  18IG  ;  mais 
il  ne  fut  déclaré  que  le  23  septembre 
suivant.  Sa  modestie  et  ses  autres  verlus 
apostoliques  ne  reçurent  aucune  atteinte 
des  honneurs  dont  il  fut  comblé  malgré 
lui.  Le  vénérable  pasleur  mourut  presque 
subitement  dans  son  palais  épiscopal,  la 
nuit  du  27  au  28  mars  1818,  regretté  de  i 
son  clergé  et  de  son  peuple.  Il  commen-  ' 
çait  sa  83^  année.  En  1801  ,  les  prêtres 
français  firent  graver  son  portrait  à  Ma- 
drid ,  avec  cette  inscription  :  Consolatus 
est  lufjentes  inSion,  eleemoiynas  ejus 
enarrabit  omnis  Eccltsia  sanctorum. 

*  QUEYSEIN  (Guillaume),  homme  d'é- 
tat ,  né  à  Zwolle,  le  31  mai  1754,  suivit 
d'abord  avec  succt*s  la  carrière  du  bar- 
reau. Nommé  ensuite  membre  du  conseil 
municipal  de  Zwolle,  il  fit  partie,  en 
1775,  des  étals  de  la  province,  qui  l'é- 
lurent député  des  états-généraux..Membre 
de  la  première  Convention  nationale  de 
la  république  batave,  il  s'y  montra  fort 
modéré,  déploya  de  grands  talens  ora- 
toires, et  fut  de  la  commission  chargée 
de  rédiger  la  nouvelle  conslilulion.  Il  fut 
réélu  député  à  la  seconde  Convention, 
et  devint  membre  du  comité  des  affaires 
étrangères.  Queysen  se  déclara  toujours 
contre  les  mesures  violentes  ,  et  ne  dé- 
sirait qu'une  sage  liberté;  aussi  le  parti 
démagogiqueayant pris  le  dessus,  Quey- 
sen fut  arrêté  et  relégué,  comme  pri- 
sonnier d'état,  à  Horn ,  où  il  demeura 
jusqu'au  mois  de  juin  1798.  Le  parti  op- 
presseur ayant  à  son  tour  été  vaincu, 
Queysen  recouvra  sa  liberté;  mais  il  ne 
voulait  plus  se  mêler  d'affaires  politiques. 
Cependant  les  vœux  de  ses  concitoyens 
lui  firent  quitter  sa  retraite  :  employé 
pour  la  troisième  fois,  il  fut  nommé 
membre  du  directoire  exécutif  de  la  ré- 
publique batave  jusqu'en  1805,  époque 
de  la  dissolution  de  cette  assemblée.  Lors- 
que la  Hollande  fut  érigée  en  royaume 
par  Buonaparte,    Queysen  fut    nommé 


QUI 

conseiller  d'état  :  le  roi  Louis  Buona- 
parte  lui  confia  en  même  temps  la  di- 
rection générale  des  postes,  et  lui  donna 
la  croix  de  l'ordre  de  l'Union.  Qucysen 
était,  en  1803,  préfet  de  l'Osl-Frise, 
pays  ajouté  au  nouveau  royaume.  A  l'é- 
po(|ue  de  la  réunion  de  la  Hollande  à 
l'empire  français,  Buonaparle  appela 
Qucysen  à  Paris,  el  le  nomma  mcnibre'du 
corps  législatif.  La  chute  de  Napoléon 
ramena  Qucysen  en  Dclgique,  et  lors  de 
la  création  du  royaume  des  Pays-Bas ,  en 
faveur  de  la  maison  d'Orange ,  le  roi 
Guillaume  lui  conserva  son  titre  de  con- 
seiller d'état,  et  le  créa  chevalier  de  l'or- 
dre du  Lion-Belgique.  Ce  monarque  ayant 
formé  une  commission  pour  vérifier  les 
lois  fondamentales  de  l'éiat ,  Qucysen  en 
fit  partie.  11  se  prononça  ,  en  présence  de 
ce  même  souverain,  pour  la  liberté  de  la 
presse  et  la  publicité  des  délibérations 
dç  la  seconde  chambre  des  états-géné- 
raux ;  et,  malgré  l'opposition  la  plus 
vive,  l'opinion  de  Queysen  prévalut.  Sa 
santé  s'étant  visiblement  altérée,  Quey- 
sen se  retira  à  Zorgviiet,  village  près  de 
La  Hay e ,  oii  il  mourut  le  1 1  avril  1817, 
âgé  de  63  ans. 

QUIEN  DELA  Neufville  (Jacques  Le), 
né  à  Paris  en  1647  ,  capitaine  de  cavale- 
rie, d'une  ancienne  famille  du  Boulon- 
nais ,  lit  une  campagne  en  qualité  de  ca- 
det dans  le  régiment  des  gardes  françai- 
ses, et  qiiiKa  ensuite  le  service  pour  le 
barreau.  Il  était  sur  le  point  d  être  pour- 
vu de  la  charge  d'avocat-général  de  la 
cour  des  monnaies,  lorsqu'une  banque- 
roule 'considérable  faite  à  son  père  dé- 
rangea ses  projets,  et  le  réduisit  à  cher- 
cher une  ressource  dans  la  littérature. 
Après  avoir  appris  l'espagnol  et  le  portu- 
gais ,  il  donna  ,  en  1700  ,  en  2  vol.  in-4, 
Vliisloire  géncrale  de  Portugal  ;  ouvra- 
ge qui  lui  mérita  une  place  à  l'académie 
des  Inscriptions,  en  1706.LeQuien  n'a 
conduit  celle  histoircque jusqu'en  1521, 
à  la  mort  d'Emmanuel  P""  ;  et  outre  que 
son  ouvrage  n'est  pas  fini ,  il  a  plusieurs 
autres  défauts.  La  Clède ,  secrétaire  du 
maréchal  de  Coigni,  qui  donna,  eij 
1735,  en  2  vol.  in-4  ,  et  en  S  in-12,  une 
Nouvelle  Histoire  de  Portugal,  conduite 


QUI  187 

jusqu'à  nos  jours  ,  prétend  que  Le  Quiea 
a  supprimé  dans  la  sienne  un  grand  nom 
bre  de  faits  imporlans,  et  a  passé  légère- 
ment sur  beaucoup  d'autres  :  mais,  mal- 
gré sa  critique,  l'ouvrage  de  Le  Quien 
est  avec  raison  préféré  au  sien.  Son  traité 
De  l'usage  des  postes  chrz  les  anciens  et 
les  modernes  ,  Paris,  17  3 '1,  in-12  ,  lui  fit 
donner  la  direction  d'une  partie  de  cel- 
les de  la  Flandre  française.  Il  alla  s'éta- 
blir au  Quesnoy,  elil  y  demeura  jusqu'en 
1713,  que  l'abbé  de  Mornay ,  ambassa-- 
deur  en  Portugal ,  l'cmmciia  avec  lui, 
comme  un  homme  inlelligent  et  un  con- 
fident sûr.  Ce  voyage  lui  fut  aussi  avan- 
tageux qu'honorable.  Le  roi  de  Portugal 
lui  donna  une  pension  de  1,500  livres, 
payables  en  quelque  lieu  qu'il  fût,  et  le 
nomma  chevalier  de  l'ordre  du  Christ. 
Le  Quien  crut  ne  pouvoir  mieux  le  re- 
mercier qu'en  travaillantà  finir  son  HiS" 
toire  de  Portugal;  mais  sa  trop  grande 
application  lui  causa  une  maladie,  dont 
il  mourut  à  Lisbonne,  en  1728,  à  81  ans, 
laissant  deux  fils. 

QUIEN  (Michel  Le) ,  dominicain  ,  na- 
quit à  Boulogne  en  1061  d'un  mar- 
chand. Etant  venu  achever  ses  études  à 
Paris,  il  s'y  rendit  habile  dans  les  lan- 
gues, dans  la  théologie  et  dans  l'anti- 
quité ecclésiastique.  Il  fut  aimé  par  ses 
confrères  et  consulté  parles  savans,  qui 
trouvaient  en  lui  un  critique  habile  et 
un  littérateur  poli ,  toujours  prêt  à  com- 
muniquer ses  lumières.  Ce  pieux  et  sa- 
vant dominicain  mourut  à  Paris,  en  17  33, 
à  72  ans.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
1°  la  Défense  du  texte  hébreu  contre  le 
Père  Pezron,  avec  une  réponse  au  même 
Père  ,  qui  avait  réfuté  cette  Défense ,  in- 
12.  ( /^oyes  MoRiN  Jean  et  Cappel.  )  2" 
Une  Edition  des  OEuvres  de  saint  Jean 
Damascène,  en  grec  et  en  latin,  3  vol. 
in-fol.,ni2  ;  3"  un  traité  contre  le  schis- 
me des  Grecs,  qu'il  a  intitulé  :  Pannplia 
contra  schisnia  Grœcorum ,  in-4  ,  sous 
le  nom  CC Etienne  de  Altimura  ;  4"  Nul- 
lité des  ordinations  anglicanes,  contre 
le  Père  Le  Courayer,  4  vol.  iii-12;  5° 
plusieurs  Dissertations  dans  les  Mémoi- 
res de  littérature  et  d'histoire ,  recueil- 
lis par  le  Père   Desmolets  ;  C°  Oriens 


ifia.      ♦      QUI 

chrislianus  ,  in  quatuor palrMichatus 
digestus ,  m  quo  exhibentur  Ecclesiœ 
patriarchce ,  cœierique prœsules  Orien- 
tis ,  3  vol.  jn-fol.,  1740,  Paris,  de  l'im- 
primerie royale.  Ouvrage  qui  renferme 
toutes  les  Eglises  orientales ,  sous  les  qua- 
tre grands  patriarcats  de  Conslantiuo- 
ple ,  d'Alexandrie ,  d'Antioche  et  de  Jé- 
rusalem. L'auteur  y  donne  la  description 
géographique  de  chaque  diocèse  des 
villes  cpiscopales.  Il  rapporte  l'origine 
ft  l'établissement  des  Eglises,  leur  éten- 
due, leur  juridicliou  ,  leurs  droits,  leurs 
prérogatives  ,  leurs  prétentions,  la  suc- 
cession et  la  suite  de  leurs  évêques  ,  le 
gouvernement  politique ,  les  change- 
uiens  qui  y  sont  arrivés ,  etc.  La  Gallia 
chrisiiana  àe  Sainte-Marthe  lui  a  servi 
de  modèle,  et  il  t'a  très  bien  imitée. 

QUIETUS  (Fulvius),  second  fils  de  Ma- 
crien ,  se  distingua  dans  les  armes,  et 
fut  fait  tribun  par  Valérien.  Son  père 
ayant  été  déclaré  empereur  en  261  par 
l'armée  d'Orient,  lui  donna  le  titre  d'Au- 
guste ,  et  partagea  son  autorité  avec  lui 
«tMacrien  le  jeune.  Macrien  le  père  vou- 
lut aller  se  faire  reconnaître  'în  Occident 
où  Gallien  régnait  ;  il  laissa  à  Quietus  le 
soin  de  défendre  l'Orient  contre  les  Per- 
ses. Quietus  signala  dans  cette  occasion 
ses  talens  militaires.  Mais  son  pèi'e  etsoa 
frère  ayant  été  tués ,  Odénat ,  qui  l'avait 
très  bien  servi  jusqu'alors ,  lui  enleva 
une  partie  de  ses  troupes,  et  mit  le  siéje 
devant  Emese,  où  l'infortuné  prince  s'é- 
tait renfermé.  Les  habitans  le  sacrifièrent 
à  leur  sûreté ,  et  après  lui  avoir  donné  la 
mort ,  ils  jetèrent  sou  cadavre  dans  les 
fossés  de  la  ville.  Ce  fut  à  la  fin  de  juillet 
de  l'an  262.  Son  règne  ne  fut  que  d'envi- 
ron 1 7  mois  ;  mais  dans  un  si  court  es- 
pace ,  il  parut  très  capable  de  bien  gou- 
verner un  empire. 

QUIGNOINEZ  (François  de),  car- 
dinal ,  était  fils  du  comte  de  Zuma ,  et 
naquit  à  Léon  vers  la  fin  du  15^  siècle. 
41  fut  page  du  cardinal  Ximenès,  et  quitta 
cet  homme  célèbre  pour  entrer  chez  les 
eordeliers.  Quignonez  parvint  par  ses 
talens  à  la  place  de  général  .de  son  or- 
dre en  1522.  L'empereur  Charles-Quint, 
qui  l'aimait  siutaat  qu'il  l'estimait ,  le  fit 


QUI 

membre  de  son  conseil  de  conscience. 
Lorsque  Clément  VII  eut  été  fait  prison- 
nier, en  1 627,  par  les  troupes  de  ce  prince, 
Quignonez  fut  chargé  par  ce  pontife  de 
négocier  la  paix  et  d'obtenir  sa  liberté. 
Ses  soins  lui  ayant  réussi ,  il  fut  honoré 
de  la  pourpre  ,  envoyé  légat  en  Espagne 
et  à  Naples  ,  fait  évèque  de  Coria ,  et 
mourut  a'Varnli,  eu  1640,  après  avoir 
donné  une  grande  idée  des  lumières  de 
son  esprit  et  des  qualités  de  son  coeur. 
Ou  a  de  lui  un  Bréviaire  { Breviarium 
romanum  sacra  polissimiim  Scriptura 
el  probatis  sanctorum  historiis  confec- 
tum),  imprimé  à  Rome,  en  1636  ,  au- 
jourd'hui assez  rare.  La  préface  en  est 
belle ,  et  mérite  d'être  lue.  On  a  suivi  en 
partie ,  dans  les  nouveaux  Bréviaires  de 
France  ,  le  plan  proposé  par  ce  cardinal; 
et  si  celui  de  Paris  était  pendant  toute 
l'année  comme  il  est  au  temps  pascal ,  il 
y  serait  entièrement  conforme.  Les  Heu- 
res canoniales  sont  réduites  à  trois  psau- 
mes ,  et  les  Slatines  à  trois  leçons  ;  le 
Psautier  y  est  distribué  de  façon  qu'on 
peut  le  réciter  en  entier  dans  chaque  se- 
maine :  mais  les  psaumes  y  sont  morce- 
lés ,  ce  qui  fait  un  défaut  essentiel  par  la 
confusion  qu'il  y  a  dans  les  idées  ,  relati- 
vement au  nombre ,  à  la  nature  et  à  l'ob- 
jet de  ces  divins  cantiques,  par  l'extinc- 
tion de  l'enthousiasme  poétique  qui  en 
a  dessiné  les  liaisons  et  fixé  l'ensemble 
de  la  manière  la  plus  inviolable.  (  F'oyez 
le  Jour.  hist.etUtt.,  1«'  novembre  1786, 
pag.  471  ,  1<^'  octobre  1792  ,  pag.  196; 
avantages  de  l'ancien  et  du  nouveau 
Bréviaire  comparés  ,ibid.,  1«'  septembre 
1792,  p.  13.)  Pie  r ,  ne  voulant 
d'ailleurs  pas  autoriser  par  son  silence 
la  circulation  d'un  ouvrage  liturgique 
qui  n'avait  aucune  sanction ,  le  suppri- 
ma. On  le  réimprima  à  Paris  ,  in-8  ,  vers 
l'an  1676  -.  il  est  recherché  par  les  savans, 
surtout  des  liturgistes.  Foyez  Robi.net 
Urluiin. 

QUIGNONEZ  (Jean  de),  médecia 
espagnol ,  de  la  même  famille  que  le  pré- 
cédent ,  naquit  vers  IGOO.  Il  exerçait  la 
médecine  par  goût  et  non  par  intérêt. 
Ses  amis  ,  à  qui  il  portait  généreusement 
du  secours  dans  leurs   maladies  ,  éprou- 


QUI 

Tèrent  plus  d'une  fois  combien  il  était  in- 
struit dans  l'art  des  guérisons.  Il  nous 
reste  de  lui  ,  sur  les  langoustes  ou  sau- 
terelles ,  un  traité  écrit  en  espagnol  ,  et 
qui  est  curieux  et  peu  commun.  Il  fut 
imprimé  à  Madrid,  in-4  ,  en  1620.  Qui- 
gnonez  est  encore  auteur  d'un  Traité 
assez  recherché ,  imprimé  à  Madrid ,  eu 
1G32,  in-4,  sous  ce  titre  :  ^Z  monte 
Fcsuvio.  Il  est  curieux.  Cet  auteur,  com- 
me on  voit,  avait  embrassé  plus  d'une 
science.  Outre  celle  de  l'histoire  natu- 
relle ,  à  qui  nous  devons  les  deux  traités 
précédons  ,  il  cultiva  aussi  celle  des  an- 
tiquités. Il  a  laissé  un  Traité ,  en  espa- 
gnol ,  sur  quelques  monnaies  des  Ro- 
mains,  imprimé  à  Madrid  ,  en  1620, 
in-4  :  il  est  peu  commun. 

QUILLARD  (Pierre-Antoine),  pein- 
tre ,  né  à  Paris,  vers  17  00  ,  fut  élève  de 
Wateau ,  dont  il  suivit  le  stile.  Son  dessin 
était  parfait,  et  dès  l'âge  de  1 1  ans  ,  il 
donnait  de  si  belles  espérances,  que  le 
cardinal  de  Fleury  présenta  quelques- 
uns  de  ses  ouvrages  à  Louis  XV ,  et  ce 
monarque  le  gratifia  d'une  pension.  Un 
médecin  suisse,  attaché  à  la  cour  de  Lis- 
bonne ,  nommé  Merveilleux ,  l'engagea  à 
passer  en  Portugal  pour  dessiner  les  pro- 
ductions végétales  de  ce  royaume,  dont 
il  voulait  composer  un  herbier.  Lorsque 
Quillard  fut  arrivé  dans  la  capitale,  le 
roi  dom  Joseph  lui  assigna  une  pension 
de  80  cruzados  (  400  fr.  )  par  mois.  Après 
avoir  travaillé  quelque  temps  à  la  Flore 
du  médecin  Merveilleux ,  il  peignit  les 
plafonds  de  l'appartement  de  la  reine  , 
et  plusieurs  tableaux  ,  très  estimés ,  dans 
l'hôtel  du  duc  de  Cadaval.  Il  grava  en 
outre,  sur  ses  propres  dessins,  toutes 
les  planches  représentant  la  pompe  fu- 
nèbre du  duc  de  Nunho ,  Olivarès  Pe- 
reyra  ,  Lisbonne,  1730  ,  in-fol.  Quillard 
est  mort  à  Lisbonne  en  1733. 

QUILLET  (  Claude),  poètç  latin  mo- 
derne, né  en  1602  à  Chinon  en  Tou- 
raine,  exerça  d'abord  la  médecine. 
Il  se  trouva  à  Loudun,  dans  le  temps 
que  Laubardemont  fut  envoyé  par  le 
cardinal  de  Piichelieu  dans  cette  ville, 
pour  prendre  connaissance  delà  fameuse 
alTaire  d«  Grandier.  On  sait  qu'il  était 


QUI  189 

question  de   sortilège.  Le  diable  s'était 
emparé  des  religieuses  de  Loudun ,  par 
le  ministère,  à  ce  qu'on  prétendait,  du 
malheureux    curé,    (  Voyez    Grandier  , 
Mesnardière.  )  Quillet     laissa    échapper 
quelques  discours  qui  offensèrent  le  car- 
dinal ,  et  écrivit  un  traité  où  il  se  trouva 
plusieurs  assertions  propres  à  lui  causer 
du  désagrément.  (Quillet  fit  paraître  quel- 
ques doutes  sur  la  culpabilité  de  Gran- 
dier;   ce  qui  déplut  à  Laubardemont , 
créature  et  affidé  de  Pvichelieu.)  S'étant 
retiré  en  Italie  ,  il  y  embrassa  l'état  ec- 
clésiastique ,    et   le  maréchal  d'Estrées, 
ambassadeur  de  France  à  Rome  ,  le  prit 
pour  son  secrétaire.  Ce  fut  dans  cette 
Ville  qu'il  commença  sa  Callipédie ,  poè- 
me en  quatre  chants,  qu'il  termina  à  Pa- 
ris, où  il  revint  après  la  mort  de  Riche- 
lieu. La  Callipédie  fut  imprimée  à  Leyde, 
en  1655,  sous  ce  titre  :  Calvidii  Lceti 
CalUpœdia  ,  sive  de  pulchrœ  prolis  ha- 
bendœ  ratione  ,  in-4.  L'auteur  le  publia 
sous  un  nom  étranger,  parce  qu'il   y 
avait  lancé  plusieurs  vers  satiriques  con- 
tre le  cardinal  Mazarin.  Ce  ministre  le 
découvrit ,  et  ne  s'en  vengea  qu'en  lui 
donnant  une  abbaye  :  Apprenez  ,  lui  dit- 
il,  à  ménager  davantage  vos  amis.  L'ab- 
bé Quillet ,  pénétré  de  reconnaissance  , 
donna  une  nouvelle  édition  de  son  poè- 
me à  Paris,  en  1656  ,  in-8  ,  la  dédia   au 
cardinal ,  et  substitua  l'éloge  à  la  satire. 
Cet  auteur  mourut  quelque  temps  après, 
à  Paris  ,  en  1661  ,  à  59  ans.  Son  poème 
est  intéressant  par  la  juste  distribution 
des  parties,  par  l'ingénieux  emploi  de  la 
fable ,  par  la  variété  des  épisodes  ;  mais 
sa  versification  ne  se   soutient   pas,  la 
diction  n'est  pas  toujours  correcte,  et  la 
bonne  latinité  y  est  blessée  en  quelques 
endroits.  La  matière  n'y  est  pas  traitée 
avec  solidité  ,  et  ne  pouvait  pas  l'être  ; 
on  y  trouve  quelques  erreurs  populaires  : 
il  y  débite  sérieusement  les  extravagan- 
ces de  l'astrologie  judiciaire.  Un  défaut 
plus  grave ,  c'est  un  grand  nombre  de 
peintures  trop  libres;  il  est  vrai  que  le 
sujet  semble  les  amener ,  mais  où  est  la 
nécessité  de  traiter  de  tels  sujets?  On  a 
publié,  in-12,  en  17  46,  une  traduction 
française  en  prose  de  ce  poème,  par  Mon- 


»9o  QUI 

tenault  d'Egly  ;  et  en  1774,  une  en  vers 
fiançais  avec  le  texte  latin,  in-8.  Cail- 
lai], médecin  de  Bordeaux,  en  a  publié  , 
en  1709,  une  traduction  nouvelle  avec 
le  lexle  latin  et  une  notice  sur  Quillet. 
Ce  qui  est  rcprébcnsible  dans  le  latin 
l'est  bien  davantafjc  encore  dans  le  fran- 
çais. (  Quillet  avait  écrit  un  Poème  sur 
Henri  IV  ;  il  le  laissa  à  Ménage  avec  600 
écus  pour  le  faire  imprimer  ;  Ménage 
garda  l'argentet  oublia  le  poème  quis'est 
perdu.) 

QUILLIN.  Fnyez  Quelliî^. 

*  QUILLOÏ  (  Claude  ) ,  ecclésiastique, 
né  à  Arnay-le-Dùc  en  Bourgogne  ,  vers 
le  milieu  du  17*  siècle  ,  d'une  famille 
pauvre  ,  fit  ses  premières  éludes  dans  sa 
ville  natale,  et  les  continua  à  Dijon,  où  il 
entra  chez  un  conseiller  au  parlement  de 
cette  ville  en  qualité  de  précepteur  de 
ses  enfans.  Il  avait  de  la  piété  :  l'idée  de 
mener  une  vie  pénitente  lui  fit  prendre 
la  résolution  de  se  l'aire  chartreux.  Il  se 
présenta  chez  ces  pères ,  y  fut  admis  ,  et 
les  édifia  par  son  zèle  et  sa  régularité  ; 
mais  ses  forces  ne  répondirent  point  à  sa 
bonne  volonté.  Il  ne  put  soulenir  l'austé- 
rité de  cette  vie  ,  et  fut  obligé  de  rentrer 
dans  le  monde.  L'évêque  de  Langres  lui 
conféra  les  ordres  sacrés  ,  l'attacha  à  la 
paroisse  de  Saint-Pierre  de  Dijon  ,  et  lui 
donna  le  pouvoir  de  confesser.  Sa  vie 
édifiante  lui  eut  bientôt  attiré  la  con- 
fiance des  personnes  les  plus  religieuses 
de  la  ville.  On  le  consultait  de  toutes 
parts.  Il  devint  célèbre  ,  et  celle  célé- 
brité ,  qu'il  ne  cherchait  pas  ,  lui  fit  des 
jaloux.  Sa  piété  le  portait  à  recbercher 
les  ouvrages  qu'il  croyait  les  plus  propres 
à  la  nourrir.  Il  lut  les  Mystiques  ,  et 
même,  dit-on,  les  écrits  de  3Iolinos,  qui 
n'étaient  pas  encore  condamnés.  Il  reçut 
chez  lui ,  en  1G8G  ,  madame  Guyon  et  le 
Père  Lacombe.  Il  n'en  fallut  pas  davan- 
tage à  ses  ennemis  pour  faire  éclater  leur 
haine.  lis  le  dénoncèrent  comme  com- 
plice de  Philibert  Robert^  dont  on  pour- 
suivait alors  le  procès  pour  accusation  de 
quiélisme.  Quillot  en  effet  fut  compris 
dans  la  sentence  lancée  le  17  juillet  1700, 
par  l'of&cial  de  Dijon  ,  contre  ce  prêtre 
et  ses  sectateurs.  Quillot  qui  n'avait  point 


QUI 

comparu  fut  déclaré  par  cette  sentence  , 
contumace  ,  atteint  et  convaincu  d'avoir 
tenu  des  discours  remplis  des  erreurs  du 
quie'tisme  ,  d'avoir  distribué  des  livres 
qui  contenaient  lesdiles  erreurs  ,  etc.  : 
pour  raison  de  quoi  il  fut  condamné  à 
trois  ans  de  prison  dans  un  monastère  , 
à  y  jeûner  au  pain  et  à  l'eau  Ions  les  ven- 
dredis ,  et  à  faire  certaines  prières  et  au- 
mônes :  tout  pouvoir  d'cnlendre  les  con- 
fessions lui  élait  relire.  Cependant  Quil- 
lot s'était  caché.  Le  parlement  de  Dijon  , 
de  son  côté  ,  prenait  connaissance  de 
celte  affaire  en  ce  qui  pouvait  le  concer- 
ner; car  plusieurs  personnes  avaient  été 
englobées  dans  cette  sentence.  Quillot  y 
fit  parvenir  différentes  pièces  qui  prou- 
vèrent son  innocence  ;  et  par  arrêt  du  27 
août  1700  ,  il  fut  mis  liors  de  cour.  Ce 
premier  succès  lui  en  fit  espérer  un  plus 
complet.  Il  demanda  la  révision  du  pro- 
cès instruit  devant  l'officialilé,  et  se  con- 
stitua en  prison.  Une  nouvelle  sentence 
le  renvoya  à  pur  et  à  plein  de  l'accusa- 
tion formée  contre  lui  ;  il  sortit  de  prison 
le  21  avril  1701,  et  reprit  ses  fonctions, 
à  l'exception  de  celles  du  confession- 
nal, dont  les  supérieurs  ecclésiastiques 
jugèrent  qu'il  devaits'abslenir.  Cette  jus- 
tification authentique  n'empêcha  pas  la 
publication  d'nn  écrit  calomnieux  sous 
le  tilre  <r Histoire  du  quillotisme,  ou  de 
ce  qui  s'est  passe'  à  Dijon  au  sujet  du 
quie'tisme  ,  etc. ,  Zell ,  1703  ,  in-4.  L'au- 
teur est  Hubert  Mauparly  ,  procureur  du 
roi  du  bailliage  et  siège  présidial  de  Lan- 
gres :  tout  ,  dans  celle  histoire  ,  respire 
la  pasiion  et  la  haine.  On  veut  absolu- 
ment y  faire  croire  à  une  nouvelle  héré- 
sie ,  dont  Quillot  serait  l'auteur.  M.  de 
Clermont-Tonnerre ,  évêque  de  Langres , 
ayant  f.iit  examiner  cet  ouvrage  ,  le  dé- 
fendit par  une  Lettre  pastorale  du  21 
avril  de  la  même  année  ;  et  le  parlement 
de  Dijon  le  condamna  ,  le  9  juillet  sui- 
vant ,  à  être  lacéré  et  brûlé  par  l'exécu- 
teur de  la  haute  justice  ,  comme  calom- 
nieux et  blessant  également  le  sacerdoce 
et  l'empire.  Il  est  devenu  très  rare.  On 
ignore  l'époque  de  la  mort  de  Quillot. 

•  QUIN  (  James  )  ,  célèbre  acteur  an- 
glais ,  né  k  Londres  le  24  février  1693  , 


r 


QUI 

eut  une  naissance  illégitime  ,  sans  qu'on 
pût  accuser  ses  parens  d'aucun  crime.  Sa 
mère  avait  épousé  en  premières  noces  un 
négociant  qui,  pour  raison  de  commerce, 
passa  aux  Indes  orientales.  Il  ne  donna 
depuis  son  absence  aucune  nouvelle  à  sa 
femme  ni  à  ses  amis,  de  sorte  que  le  bruit 
de  sa  mort  s'accrédita.  Son  épouse  en  prit 
Je  deuil  ,  et  écouta  les  propositions  de 
mariage  d'un  propriétaire  appelé  Quin  , 
et  qui  jouissait  d'un  revenu  de  lOOOliv. 
sterling.  Le  fruit  de  cette  union  fut  le 
jeune  Quin  ,  et  il  était  encore  dans  sa 
première  enfance  ,  lorsque  le  premier 
mari  de  sa  mère  reparut  à  Londres  ,  ré- 
clama sa  femme  ,  et  les  tribunaux  la  lui 
accordèrent.  Le  second  époux  ,  Quin  , 
forcé  de  se  retirer ,  prit  soin  de  son  fils , 
l'envoya  à  Dublin  ,  où  il  lui  fit  faire  ses 
éludes.  Etant  mort  ab  intestat,  en  1710, 
il  laissa  le  jeune  Quin  ,  alors  âgé  de  17 
ans,  sans  appui  et  sans  ressources.  Forcé 
par  le  besoin  ,  il  s'engagea  dans  une 
troupe  de  comédiens  qui  se  formait  dans 
la  capitale  de  l'Irlande.  S'élant  rendu  à 
Londres  ,  par  les  conseils  de  quelques 
amis,  il  fut  reçu  dans  la  troupe  de  Dru- 
ry-Lane  ,  et  fit  connaître  ses  talens  dans 
la  pièce  de  Tanierlan,  où  il  jouait  le  rôle 
de  Bajazet.  Aprèsavoir  jouésurplusieurs 
théâtres  de  l'Angleterre  et  de  l'Irlande, 
et  avoir  recueilli  d'unanimes  applau- 
dissemens  comme  un  acteur  du  pre- 
mier mérite ,  il  vint  se  mesurer  avec 
Garrick  à  Drury-Lane.  Ils  jouèrent  en- 
semble dans  la  Belle  pénitente  ;  mais 
Quin  ne  put  soutenir  la  comparaison  d'un 
rival  trop  dangereux.  II  quitta  brusque- 
ment le  tbéàtre  et  se  retira  k  Balb.  Ap- 
pelé à  Londres  ,  pour  faire  une  bonne 
œuvre  en  faveur  de  plusieurs  familles  de 
Cornhill  ,  qu'un  incendie  affreux  avait 
réduites  à  la  misère ,  il  reparut  au  théâ- 
tre et  leurprocura  une  abondante  recette. 
A  cette  époque  (nci) ,  le  prince  de  Gal- 
les fit  venir  auprès  de  lui  Quin  ,  pour 
donner  des  leçons  de  déclamation  à  ses 
enfans  ,  auxquels  il  voulait  faire  joiier  la 
tragédie  de  Cnton  d'Addisson.  11  eut  pour 
élève  George  lil  (né  en  1738  et  proclamé 
en  1760)  ;  et,  lorsqu'il  eut  appris  la  ma- 
nière gracieuse  et  pleine  de  dignité  avec 


QUI  igi 

laquelle  ce  prince  avait  prononcé  son 
premier  discours  au  parlement,  il  s'écria 
d'un  ton  aussi  insolent  que  ridicule  : 
«  Ebbien  !  c'est  encore  moi  qui  ai  formé 
»  ce  jeune  homme.  »  Il  finit  sa  carrière 
théâtrale  en  1763  ,  et  mourut  à  Balh  le 
21  janvier  17C6,  à  l'âge  de  7  3  ans.  Parmi 
les  défauts  de  son  caractère,  il  fit  paraître 
quelques  bonnes  qualités.  Il  vola  souvent 
au  secours  de  plusieurs  gens  de  lettres  , 
et  notamment  de  Thompson  ,  auteur  du 
poème  des  Quatre  saisons,  de  Coriolan 
et  autres  pièces  dramatiques.  Le  célèbre 
Pope  lui  témoigna  beaucoup  d'amitié  , 
ce  qui  ajouta  à  sa  réputation.  Mais  il  avait 
un  caractère  querelleur  :  ce  qui  lui  attira 
de  fâcheuses  affaires.  Il  existe  une  Vie 
de  Quin  ,  17G6  ,  in-8.  Davies  a  donné  de 
grands  détails  sur  cet  acteur  célèbre  dans 
la  Vie  de  Garrick. 

QUINAULT  (Philippe),  poète  lyrique, 
naquit  en  1635  d'une  famille  honnête, 
et  non  d'un  boulanger ,  comme  l'insinue 
Furetière  dans  son  Facium  contre  l'a- 
cadémie. L'auteur  de  Mariamne  ,  Tristan 
l'Ermile,  dont  il  avait  été,  dit-on,  le 
domestique,  lui  donna  les  premières  le- 
çons de  poésie.  11  se  fit  connaître  avant 
l'âge  de  20  ans  par  quelques  pièces  de 
théâtre ,  et  avant  l'âge  de  30  ans  il  en 
donna  16  ,  dont  plusieurs  obtinrent  les 
suffrages  du  parterre.  Elles  furent  jouées 
depuis  1654  jusqu'en  1666.  Quinault, 
s'apercevant  qu'une  de  ses  tragédies 
était  mal  reçue,  dit  à  un  courtisan  que 
la  scène  était  en  Cappadoce,  qu'il  fallait 
se  transporter  dans  ce  pays-là ^  et  entrer 
dans  le  génie  de  la  nation  :  Vous  avez 
raison ,  répondit  le  courtisan  :  franche- 
ment je  crois  qu'elle  n'est  bonne  qu'à 
être  jouée  sur  les  lieux.  Boileau  lui  re- 
procha que  dans  ces  pièces  doucereuses, 
languissantes,  tout,  jusqu'à  je  vous 
hais ,  se  disait  tendrement.  Il  faut  con- 
venir que  si  le  satirique  n'épargna  pas 
assez  le  jeune  poète,  son  tort  n'est  que 
dans  l'excès  de  sa  critique;  et,  en  jugeant 
Quinault  précisément  comme  poète,  il 
ne  pouvait  eu  porter  un  jugement  bien 
favorable.  (D'ailleurs  ,  et  il  est  bon  d'y 
faire  attention,  lorsque  Boileau  a  traité 
sévèrement  Quinault,  ce  dernier  n'avait 


iÇ)7.  QUI 

point  encore  donné  ses  meilleurs  opéras, 
non  plus  que  sa  comédie  La  Mère  co- 
quette. )  D'Alembert  lui-même ,  qui ,  à 
cette  occasion,  a  dit  bien  du  mal  de  Boi- 
leau ,  en  est  convenu.  «  La  grande 
»  poésie  ,  dit-il ,  veut  des  images ,  de 
»  l'énergie ,  une  harmonie  ferme  et  sou-. 
»  tenue ,  un  faire  mâle  et  prononcé , 
»  qu'on  ne  trouve  que  rarement  dans 
»  Quinault.  Aussi  dira-t-on  de  lui  avec 
»  justice ,  que  c'est  un  poète  charmant  ; 
»  mais  personne  ne  dira  que  c'est  un 
»  grand  poète,  comme  on  le  dira  de 
»  Despréaux,  de  Corneille  ,  de  Racine, 
»  de  Rousseau.  C'est  à  peu  près  ainsi 
»  que  le  maréchal  de  ^^illars  disait  du 
»  maréchal  d'Uxelles  :  J'ai  toujours  en- 
»  tendu  dire  que  c'e'tait  une  bonne  ca- 
M  boche  ;  mais  personne  n'a  jamais  osé 
»  dire  que  ce  fût  une  bonne  tête.  »  Vol- 
taire et  Laharpe  rendent  plus  de  justice 
à  Quinault.  Cependant  Quinault,  qui 
avait  mêlé  l'étude  du  droit  à  celle  de  la 
rime,  arrangea  les  comptes  d'un  riche 
marchand  que  ses  associés  inquiétaient. 
Après  la  mort  de  ce  marchand ,  qui  arriva 
quelque  temps  après ,  il  épousa  sa  veuve. 
Devenu  riche  par  ce  mariage,  il  acheta , 
en  1671,  une  charge  d'auditeur  en  la 
chambre  des  comptes.  Sa  nouvelle  for- 
tune ne  l'empêcha  pas  de  se  plaindre  en 
jolis  vers  de  sa  médiocrité  : 

C'est  aTec  peu  de  bien  un  terrible  deroir. 
De  BC  sentir  pressé  d'être  cinq  fois  beau-pire. 

Quoi  I  cinq  actes  derant  notaire  I 

Pour  cinq  filles  qu'il  faut  pourvoir  I 

O  ciell  peut-on  jamais  avoir 

Opéra  plusCàcbeui  à  taire? 

Il  avait  été  reçu  l'année  d'auparavant  à 
l'académie  française  :  ses  Opéras  lui 
avaient  mérité  une  place  dans  cette  com- 
pagnie. Lulli  le  préféra  à  tous  les  autres 
poètes,  parce  qu'il  trouvait  en  lui  seul 
toutes  les  qualités  qu'il  cherchait  :  une 
oreille  délicate ,  qui  ne  choisit  que  des 
paroles  harmonieuses;  un  goi^t  tourné  à 
la  tendresse ,  pour  varier  en  cent  ma- 
nières les  sentimens  consacrés  à  cette 
espèce  de  tragédie.  Ce  poète  eut  l'hon- 
neur de  haranguer  le  roi ,  au  nom  de 
l'académie  française,  au  retour  de  ses 
campagnes  de  1 67  5  et  1 67  7 .  Ayant  appris 
la  mort  de  Turenne  au  moment  qu'il  al- 


QUI 

lait  parler ,  il  At  une  -digression  ,  aussi 
ingénieuse  que  touchante,  sur  ce  héros. 
Sur  la  fin  de  sa  vie  ,  il  se  repentit  d'avoir 
consacré  son  temps  à  ses  opéras ,  aux- 
quels il  a  dû  sa  célébrité  ;  et  ces  regrets 
étaient  bien  justes ,  car  l'amour  et  la 
volupté  y  sont  parés  de  tous  les  moyens 
de  la  séduction  ,  et  ne  peuvent  faire  que 
des  impressions  dangereuses  sur  un  jeune 
cœur,  disons  mieux,  sur  tous  les  cœur?. 
«  Cette  musique,  dit  madame  de  Main-' 
»  tenon  dans  une  de  ses  Lettres,  qui 
»  fait  le  seul  plaisir  du  roi ,  et  où  l'on 
>)  n'entend  que  des  maximes  absolument 
»  contraires  aux  mœurs,  serait,  ce  me 
»  semble  ,  bien  convenable  à  retoucher 
w  ou  a  proscrire.  Si  l'on  en  dit  un  mîit, 
M  le  roi  répond  aussitôt:  Mais  cela  a 
»  toujours  été.  La  reine  ,'ma  mère ,  qui 
»  avait  de  la  piété,  et  la  reine,  qui 
»  communiait  trois  fois  la  semaine  ,  ont 
»  vu  tout  cela  comme  moi.  Il  est  vrai 
»  que,  pour  lui  personnellement,  cela 
»  ne  lui  fait  aucune  impression  ,  qu'il 
»  n'est  occupé  que  de  la  beauté  de  la 
»  musique,  des  sons,  des  accords,  et 
»  qu'il  chante  même  ses  propres  louanges 
»  comme  si  c'était  les  louanges  d'un 
»  autre,  et  seulement  par  goût  pour  les 
>)  airs.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même 
»  pour  le  reste  des  spectateurs  :  il  est 
»  impossible  que ,  parmi  tant  de  jeunes 
»  cœurs,  il  n'y  en  ait  de  sensibles  à  ces  pa- 
»  rôles  pleines  d'une  morale  qui  fait 
»  consister  le  bonheur  dans  le  plaisir. 
i>  Car  mettez  à  l'alambic  tous  les  opéras, 
»  vous  n'en  retirerez  jamais,  que  celte 
»  maxime  retournée  en  mille  façons  dif- 
»  férentes.  Le  roi  a  pris  autrefois  un  plai- 
))  sir  extrême  aux  beaux  cantiques  à'Es- 
»  ther  et  A'Athalic  ;  aujourd'hui  il  est 
»  presque  honteux  de  les  faire  chanter , 
»  parce  qu'il  sent  qu'ils  ennuient  les 
»  courtisans ,  que  Quinault  pourtant 
»  n'ennuie  pas  moins.  N'est-il  pas  dé- 
»  plorable  que,  parmi  des  chrétiens,  et 
»  sous  un  roi  qui  ne  voudrait  assurément 
»  pas  oflTenscr  Dieu ,  on  ait  des  principes 
»  si  contraires  à  tout  le  système  de  reli- 
»  gion?  Si  le  roi  cependant  voulait  ab- 
»  solument  qu'au  lieu  des  maximes  per- 
»  nicieuses  semées  dans  les  opéras  ,  on 


QVl 

»  ne  chantât  que  des  choses  saintes,  ou 
))  du  moins  innocentes ,  les  gens  d'es- 
»  prit ,  dont  la  France  abonde ,  s'empres- 
»  sero.enL  de  travailler  dans  ce  genre. 
»  Mais  il  craint  d'établir  une  nouveauté; 
»  il  craint  que  les  beaux  airs  n'ennuient 
M  dès  que  les  paroles  en  sont  pures;  il 
»  craint  de  déplaire  au  public,  de  l'o- 
»  pinion  duquel  le  prince  dépend  encore 
î)  plus  que  le  sujet.  Quelques-uns  disent 
»  que  ce  que  l'on  entend  à  l'Ope'ra  entre 
'>  par  une  oreille  et  sort  par  Vautre. 
»  Oui,  mais  ils  oublient  que  le  cœur  est 
»  entre  deux.  »  Quinault  mourut  dans  de 
grands  senlimens  de  religion,  le  26  no- 
vembre 1688,  Agé  de  53  ans  ,  après  avoir 
composé  pour  lui-même  cette  épilaphe , 
dont  la  simplicité  est  remarquable  : 

Panant,  arrête  ici  pour  prier  un  monn-nl; 

C'est  ce  que  drs  vitaiu  le»  morts  peuvent  allendre   : 

Quand  lu  seras  au  monument, 

On  aura  soin  de  le  le  rendre. 

Quinault  est  aussi  auteur  :  1"  de  quel- 
ques Epigrammet y  dont  la  poésie  est 
faible  ;  2"  de  la  Description  de  la  mai- 
son de  Sceaux  ,  petit  poème  écrit  avec 
délicatesse;  3'  de  différentes  pièces  de 
poésie,  répandues  dans  les  recueils  du 
temps.  Ses  OEuvres  ont  été  imprimées 
avec  sa  Vie  à  Paris,  1739  et  1778,5  vol. 
in-12;  nouvelle  édition,  Paris,  1824, 
2  vol.  in -8, avec  une iVW/ce intéressante. 
Quinault  avait  aussi  le  dessein  de  faire 
un  poème  sur  l'extinction  de  la  religion 
réformée  ,  qui  commençait  par  ces  vers: 

Je  n'ai  que  trop  rhanté  les  jeux  cl  les  amours; 

Sut  un  Ion  plus  «ubliine  il  Taut  nie  faire  eulendre. 

Je  TOUS  dis  adieu,  muse  tendre, 

Je  TOUS  dis  adieu  pour  toujours. 

(Les  principaux  opéras  de  Quinault  sont 
les  F  êtes  de  Bacchus  ,  Amadis ,  Armide, 
Cadmus ,  Alceste  ,  Thésée ,  Atis  ,  Isis , 
Persée,  Roland,  etc.  ) 

*  QUINAULT  DuFRJiNE  ou  Du  Fresnk 
(Jeanne-Françoise),  sœur  de  Quinault 
Du  Frêne  [voyez  Fresne),  naquit  en  1701 
à  Paris  d'une  famille  dont  plusieurs 
membres  avaient  suivi  la  carrière  théâ- 
trale (  Quinault  le  père ,  Jean-Baptiste- 
Maurice  Quinault  l'aîné  ,  Marie-Anne  et 
Françoise  Quinault  ses  sœurs).  Jeanne- 
Françoise  Quinault  suivit  leur  exemple, 

XI. 


QUI  ig3 

et  débuta  en  1718  dans  la  tragédie,  par 
le  rôle  de  Phèdre  ;  mais  le  peu  de  talent 
qu'elle  y  déploya  l'engagea  à  renoncer 
au  cothurne,  et  elle  fut  reçue  parmi  les 
comédiens  français  pour  le  rôle  de  sou- 
brette. Elle  s'essaya  ensuite  dans  d'autres 
rôles ,  et  toujours  avec  un  égal  succès. 
Cette  actrice  ne  manquait  pas  d'une  cer- 
taine instruction  ,  et  plusieurs  auteurs 
lui  demandaient  ses  conseils.  Elle  donna 
à  La  Chaussée  l'idée  de  la  comédie  Le 
Préjugé  à  la  mode.  Ce  fut  à  elle  aussi 
que  Yoltaire  dut  le  sujet  de  VEnfant 
prodigue,  ouvrage  bien  inférieur  à 
d'autres  de  ce  poète  philosophe,  et  qui 
n'est  au  reste  qu'une  espèce  de  Parodie 
d'une  pièce  tirée  ,  peut-être  mal  à  pro- 
pos ,  de  la  parabole  de  la  Sainte-Ecri- 
ture. Mademoiselle  Quinault  avait  voulu 
d'abord  confier  ce  sujet  à  Destouches  ; 
mais  Voltaire,  par  jalousie,  la  pria  de 
lui  donner  la  préférence.  Elle  présida 
au  plan  de  la  pièce,  aux  corrections, 
etc.  Malgré  ses  nombreux  défauts,  celte 
comédie  parade  eut  du  succès.  Quelque 
temps  après  elle  manqua  de  se  faire  pour 
toujours  un  ennemi  de  Voltaire,  en  bles- 
sant son  amour-propre,  si  facile  à  irri- 
ter. II  paraît,  d'après  ce  que  dit  Laharpe, 
que  Voltaire  ayant  lu  sa  Zaïre  à  made- 
moiselle Quinault,  celle-ci,  qui  était 
natuBellement  gaie,  et  qui  voulait  s'a- 
muser un  peu  aux  dépens  de  l'auleur ,  lui 
dit  en  éclatant  de  rire  :  «  Savez-vous 
»  comment  il  faut  intituler  votre  pièce  ? 
»  La  Procession  des  captifs.  «  Cette 
plaisanterie,  sans  doute  déplacée  ,  arra 
cha  un  cri  d'effroi  à  Voltaire,  qui  ré- 
pondit en  balbutiant  :  «  Mademoiselle, 
»  si  vous  ne  me  donnez  votre  parole 
■»  d'honneur  de  ne  jamais  répéter  celle 
>)  plaisanterie,  jamais  Zaïre  ne  sera  re- 
j)  présentée.  »  L'aclrice  lui  promit  tout 
ce  qti'il  voulut,  et  l'on  sait  le  succès 
qu'a  obtenu  celte  tragédie.  Dans  sa  mai- 
son ,  qui  était  à  la  mode,  comme  celles 
de  M"""  du  Dcffant ,  l'Espinasse  et  Geof- 
friu  [voyez  ces  noms),  ses  contempo- 
raines, M""  Quinault  réunissait  la  so- 
ciété, sinon  la  mieux  choisie,  du  moins 
la  plus  brillante  de  la  capitale,  et  dont 
les  membres  les  plus  assidus   étaient  le 

25. 


^ 


194  QUI 

chevalier    d'Orléans,    grand-prieur;  le 
comte  de  Caylus,  d'Alembert,  Voltaire, 
Destouches,  Fagan,   Duclos,    Moncrif, 
Crébillon  fils,  Pont-de-VeyIe,  Voisenon, 
M.  de  Maurepas  ,  le  marquis  d'Argenson, 
etc.  On  dînait  deux  fois   par  semaine , 
soit  chez  mademoiselle  Quinault ,  soit 
chez  le  comte  de  Caylus  ;  mais  chaque 
convive  devait  payer  sa  carte  en  esprit , 
et  par  des  productions  en  prose,  vers, 
bons  mots,  saillies  piquantes,  petites 
médisances ,  etc. ,  etc.  ;  ce  qui   formait 
à  la  vérité  une  réunion  fort  spirituelle  , 
fort  gaie ,  mais  oîi  la  morale  ne  trouvait 
pas  grand' chose  à  gagner.  On  ne  sait  pas 
à  quel  propos  on  appelait  ces  banquets 
dîners  du  bout  du  banc  ;  car  ils  n'étaient 
ni  sobres  ni  courts.   Mademoiselle  Qui- 
nault devint  l'amie  intime  de  Duclos, 
de  r Alembert  et  du  marquis  d'Argenson.. 
Sa  gaieté  lui  faisait  parfois  franchir  les 
convenances,  ainsi  que  le  prouve  le  fait 
suivar^t.  Lorsque  le  marquis  d'Argenson 
fut  élevé  au  ministère,  elle  alla  le  com- 
plimenter. M.  d'Argenson  ,  en  l'aperce- 
vant ,  perça  la  foule  des  solliciteurs,  alla 
au  devant  d'elle  et  l'embrassa  en  pré- 
sence de  cinquante  témoins.  Fort  étonné 
de  ce  trait  d'esprit  du  nouveau  ministre, 
un  des  solliciteurs  ,  chevalier  de  Saint- 
Louis  ,  s'étant  alors  approché  de  made- 
moiselle Quinault ,  la  pria  de  lui  accor- 
der sa  protection  auprès  de  M.  d'Argen- 
son. Elle  lui  répondit  en  riant  :  «  Ah  î 
t»  Monsieur  ,  je  ne  puis  mieux  faire  que 
»  de  vous  rendre  ce  que  le  ministre  vient 
»  de  me  donner,  »   et  elle  l'embrassa, 
préférant  faire  une  plaisanterie  plutôt 
que  de  rendre  un  service.  Mademoiselle 
Quinault  se  retira  du  théâtre  en  1741  ,  à 
l'Age  de  40  ans.  Sa  bonne  humeur  et  ses 
habitudes  ne  l'abandonnèrent  pas  dans 
sa  vieillesse,  et  elle  avait  passé  sa  quatre- 
vingt-deuxième  année ,  que   l'élégance 
de  la  toilette  formait  encore  un  de  ses 
principaux  soins.  Elle  s'en  occupait  en- 
core quand  la  mort  vint  la  surprendre, 
presque  subitement,  eu  17  83  ,  à  l'âge  de 
qualre-vingt-quatreans.  Elle  laissa  à  d'A- 
lembert un  diamant  de  prix  et  des  ma- 
nuscrits.  Les    Mémoires    de    Madame 
d'Epinay,   Paris,    1818,  3   vol.  in-8 , 


QUI 


contiennent  des  détails  curieux  sur  cette 
actrice  et  sur  Duclos.  ^ 

QUINAULT.  Foyez  Fbesse  (Du). 

QUINCY  (Charles  Sevin,  marquis  de), 
lieutenant  général  d'artillerie,  né  vers 
IGCO  ,  s'est  distingué  par  son  courage,  et 
par  son  amour  pour  les  lettres.  On  a  de 
lui  Y  Histoire  militaire  du  règne  de  Louis 
Xir,  Paris,  1726,  7  vol.  in-12,  qui  se 
relient  en  8.  Elle  est  très  utile  pour  ceux 
qui  s'appliquent  au  métier  de  la  guerre , 
et  qui  veulent  suivre  les  marches ,  les 
campemens  et  les  autres  opérations  mi- 
litaires. 

QUINCY  (Jean),  médecin  anglais,  ■ 
exerçait  sa  profession  au  commencement 
du  18'  siècle  à  Londres;  Il  mourut  dans 
cette-ville  en  1 723 ,  après  avoir  publié  en 
anglais  :  1  "  un  Dictionnaire  de  physique, 
1719,  in-8;  2"  une  Pharmacopée  uni- 
verselle,  1721,  in-8,  traduite  en  fran- 
çais par  Clausier ,  Paris  ,  17  45,  in-4.  Ou 
y  trouve  la  critique  des  principales  pré- 
parations des  apothicaires.  3"  Pharma- 
copée chimique,  Londres,  1723,  in-4. 

*  QUlNETÏE(i\icblas-MArie),  fameux 
révolutionnaire,  né  à  Paris  en  17G2,  avait 
reçu  une  éducation  très  négligée.  Son 
père  luiacheta  peu  de  tempsavant  la  révo- 
lution une  étude  de  procureur  ou  de  no- 
taire à  Soissons.  Le  jeune  Quinetle  em- 
brassa avec  passion  le  parti  des  novateurs 
et  des  démagogues  :  ce  qui  lui  valut  d'a- 
bord la  place  d'administrateur  du  dépar- 
tement de  l'Aisne ,  et  en  1G91  la  nomi- 
nation de  député  à  l'assemblée  législa- 
tive. Alors  les  révolutionnaires  s'empres- 
saient d'établir  des  clubs,  non  seulement 
dans  les  villes,  mais  jusque  dans  les  vil- 
lages,  moyen    sur  de  faire  tomber  le 
pouvoir  entre  les  mains  d'un  peuple  ef- 
fréné. Devenu  membre  de  ces  sociétés 
turbulentes,  Quinette  y  brilla  par  la  force 
de  ses  poumons  ,  une  loquacité  infatiga-   i 
ble,  et  une  ardeur  antimonarchique  qui   I 
lui    gagnèrent   beaucoup  de    partisans   J 
parmi  ses  obscurs  auditeurs.  Après  avoir    j 
brillé  dans  les  clubs,  Quinette  parut  à 
l'assemblée  constituante  ;  mais  il  ne  parla 
point  aux  premières  séances,  et  se  rangea   | 
néanmoins  du  côlé  gauche,  oii  siégeiient  I 
les  plus  violens  révolutionnaires.  Cepen-  " 


QUI 

dant ,  lorsque  les  premières  attaqxies  de 
celle  assemblée  se  furent  dirigées  contre 
les  émigrés,  Quinette  rompit  enfin  le  si- 
lence ;  et  le  9  février  1792  ,  il  demanda 
que  les  biens  des  émigrés  fussent  séques- 
trés ;  la  motion  fut  adoptée  presque  à 
l'unanimité ,  et  causa  la  ruine  d'une  in- 
finité de  familles  nobles.  Pour  rendre 
l'exécution  de  cette  motion  plus  prompte, 
Quinette  appuya  la  proposition  de  La- 
marque,  qui  demandait  que  le  décret  du 
séquestre  ne  tût  pas  soumis  à  la  sanction 
royale.  Il  s'unit  ensuite,  le  31  mai,  à 
Chabot ,  pour  demander  la  mise  en  ac- 
cusation du  duc  de  Brissac,  commandant 
de  la  garde  constitutionnelle  du  roi.  De- 
puis cette  motion  ,  qui  fut  adoptée,  jus- 
qu'après le  10  août,  époque  de  la  chute 
du  trône ,  on  ne  parla  guère  de  Quinette  ; 
et  pendant  l'assemblée  législative ,  qui 
succéda  à  la  constituante,  il  fut  membre 
de  la  commission  formée  pour  surveiller 
le  nouveau  gouvernement.  Lors  des  dis- 
cussions sur  le  sort  de  Louis  XVI ,  Qui- 
nette fit  décréter ,  au  nom  de  la  commis- 
sion ,  que  la  famille  royale  serait  logée  à 
l'hôtel  de  la  chancellerie,  et  entourée 
d'une  nombreuse  garde  aux  ordres  du 
maire  de  Paris;  et  que  pour  les  dépenses 
de  cette  famille ,  on  lui  accorderait  un 
fonds  annuel  de  cinq  cent  mille  francs, 
payable  par  semaine,  jusqu'à  l'installa- 
tion de  la  Convention  nationale.  On  sait 
que ,  malgré  ce  décret,  Louis  XVI  et  sa 
famille  n'eurent  pour  asile  que  la  tour  du 
Temple.  Depuis  ce  moment ,  tout  devint 
suspect,  jusqu'aux  généraux  républicains, 
auprès  desquels  on  envoyait  des  procon- 
suls pour  les  surveiller.  Quinette  fut  un 
des  premiers  chargés  d'une  mission  pa- 
reille. On  l'envoya  à  l'armée  du  Xord,  et, 
à  son  retour ,  il  fut  nommé  député  à 
la  Convention,  par  le  département  de 
l'Aisne.  L'abbé  Grégoire  (  évêque  consti- 
tulionuel  de  Blois  )  et  Collot-d'Herbois 
demandèrent,  dès  la  première  séance, 
l'abolition  de  la  royauté.  On  s'étonna  fort 
quand  on  entendit  Quinette  dire  que  c'é- 
tait au  peuple  à  choisir  entre  la  royauté 
et  la  république.  Il  s'aperçut  bientôt  de 
la  fâcheuse  impression  que  cette  opinion 
avait  faite  sur  l'esprit  de  ses  collègues , 


QUI 


igS 


et  tâcta  de  la  faire  oublier  par  les  mo- 
tions les  plus  anti-monarchiques.  Ce  fut 
lui  qui  ,  le  12  décembre  1792,  demanda 
que  Louis  XVI  fût  traduit  à  la  barre  de 
la  Convention  ,  pour  être  jugé  sans  dés- 
emparer ,  «  et  que  ses  défenseurs  ne  pus- 
»  sent  dépasser ,  dans  leurs  discours ,  les 
5>  bornes  qui  leur  seraient  prescrites.  » 
Lors  de  ce  jugement  inique  ,  il  vota  pour 
la  mort  y  sans  appel  au  peuple  et  sans 
sursis.  Il  fit ,  en  outre ,  le  serment  de 
traiter  de  même  tous  ceux  qui  usurpe- 
raient les  droits  du  peuple ,  et  pren- 
draient le  titre  de  roi.  Devenu  membre 
du  comité  de  salut  public ,  il  fut  envoyé 
avec  quatre  autres  députés  à  l'armée  de 
Dumourier ,  pour  arrêter  ce  général,  re- 
gardé comme  suspect.  Dumourier  les  fit 
arrêter  eux-mêmes  et  les  livra  aux  Autri- 
chiens ,  commandés  par  le  prince  de  Co- 
bourg.  Ils  furent  échangés ,  après  deux 
ans  de  détention  (le  25  décembre  1795) , 
contre  Madame  duchesse  d'Angoulême, 
fille  de  Louis  XVI,  et  enfermée  alors  dans 
la  tour  du  Temple.  La  Convention  ayant 
été  remplacée  par  le  conseil  des  Cinq- 
cents,  Quinette  y  fut  reçu  avec  des  trans- 
ports de  joie  et  porté  en  triomphe  jus- 
qu'au fauteuil  du  président ,  tandis  que 
l'on  déclarait  à  l'unanimité  qu'il  avait 
bien  mérité  de  la  patrie.  En  1 796 ,  il  de- 
vint membre  de  celte  assemblée  ;  enfin  , 
instruit  par  l'expérience ,  il  se  montra 
plus  modéré,  et  demanda  même  avec  in-l 
stance  qu'on  accordât  des  secours  aux 
enfans  des  émigrés ,  qu'il  avait  taht  per- 
sécutés. Avant  la  journée  du  1 8  fructi- 
dor, il  sortit  du  conseil.  Nommé  minis- 
tre de  l'intérieur  en  juillet  17  99  ,  il  ne 
figura  point  dans  la  journée  du  18  bru- 
maire ,  oîi  Buonaparte  fut  déclaré  pre- 
mier consul.  Revenu  de  son  délire  répu- 
blicain ,  Quinette  nommé  préfet  de  la 
Somme  se  fit  aimer  de  ses  administrés, 
qui  le  désignèrent  pour  candidat  au  sénat 
conservateur.  Mais  Napoléon  ne  l'accepta 
pas.  Pour  le  dédommager,  il  le  fit  con- 
seiller d'état,  et  créa  pour  lui  la  place 
de  directeur  général  de  la  comptabilité 
des  communes  et  des  hospices.  Quinette 
donna  sa  démission  à  la  déchéance  de 
Buonaparte  (  le  11  avril  1814).  A  son  re- 


^ 


196 


QUI 


lourde  l'île  d'Elbe,  celui-ci  le  nomma 
commissaire  dans  les  départemens  de  la 
Somme  et  de  la  Loire,  et  le  créa  ensuite 
pair.  Il  l'avait  déjà  nommé  baron  ,  et 
Qiiinelle  cbangea  alors  son  nom  vérita- 
ble pour  celui  de  barondeRichemontou 
Rochemont.  Il  essaya,  quoique  en  vain, 
dans  la  chambre  des  pairs,  de  faire  adop- 
ter la  motion  de  M.  de  La  Fayette  à  la 
chambre  des  députés,  et  qui  avait  pour 
objet  de  faire  déclarer  traîtres  à  la  patrie 
et  de  punir  sévèrement  ceux  qui  cher- 
cheraient à  dissoudre  la  représentation 
nationale.  Buonaparle  ayant  donné  sa 
seconde  abdication,  Quinette,  choisi  par 
Fonché ,  fit  partie  de  la  commission  qui 
gouverna  quelques  jours  jusqu'au  refour 
de  Louis  XVIII  dans  sa  capitale.  Peu  de 
temps  après,  exilé  comme  régicide,  il 
se  retira  aux  Etats-Unis ,  d'oîi  il  vint 
deux  ans  après  à  Bruxelles  avec  sa  fa- 
mille. Il  y  vivait  presque  ignoré,  lors- 
qu'un jour  étant  allé  dans  sa  bibliothèque 
chercher  quelques  livres  ,  il  fut  attaqué 
d'une  apoplexie  foudroyante  ,  et  tomba 
sans  vie  :  c'était  le  14  juin  1824  ;  il  était 
âgé  de  soixante  ans.  On  n'a  de  lui  qu'un 
Rapport  sur  la  détention  à  l'étranger  de 
Camus,  Bancal,  Quinette,  Lamarque  et 
Drouet,  Paris,  an  4  (t796j,  in-8  de  206 
pages. 

QUINQUARBRES.  Voyez  Cinq-Ar- 
BBES  Jean. 

QUlNTE-CURCEfQ.  CurtiusRufus), 
historien  latin,  probablement  au  premier 
siècle  de  l'ère  vulgaire,  était,  selon  quel- 
ques-uns ,  fils  d'un  gladiateur  ;  au  moins 
sa  naissance  était  si  peu  illustre,  que 
Tacite  ,  par  égard  pour  un  homme  de- 
venu très  célèbre,  n'a  pas  voulu  en  par- 
ler. Il  s'attacha  dans  sa  jeunesse  au  ques- 
teur d'Afrique,  se  fit  des  protecteurs  ,  et 
après  avoir  rempli  diverses  dignités ,  il 
eut  le  gouvernement  de  l'Afrique.  Tibère, 
en  le  lui  donnant ,  essaya  de  couvrir  en 
quelque  sorte  l'obscurité  de  sa  naissance, 
en  disant  qu'il  paraissait  s'être  fait  lui- 
même.  Curtius  Riifus  videtur  mihi  ex 
senatus.  Tacite  et  Pline  le  Jeune  racon- 
tent que  son  élévation  lui  fut  prédite  par 
un  spectre  qui  lui  apparut  à  Adrumète  , 
sous  la  figure  d'une  femme.  L'idée  qu« 


QUI 

le  premier  de  ces  auteurs  donne  de  son 
caractère  n'est  rien  moins  que  flatteuse. 
Quinte-Curce  s'est  immortalisé  par  son 
Histoire  (ï Alexandre  le  Grand.,  et  il  a 
immortalisé  ce  héros.  Cet  ouvrage  était 
en  dix  livres  ,  dont  les  deux  premiers ,  la 
fin  du  cinquième  et  le  commencement 
du  sixième  ne  sont  pas  venus  jusqu'à 
nous.  Son  stile  est  noble,  élégant,  pur, 
mais  trop  fleuri.  Ses  pensées  sont  bril- 
lantes ,  ingénieuses  et  sensées.  Le  nom 
d'Alexandre  ne  lui  en  impose  point  :  il 
dit  le  bien  et  le  mal  de  ce  héros,  comme 
il  l'aurait  pu  dire  d'un  homme  ordinaire. 
Il  est  moins  fidèle  dans  les  discours  qu'il 
prête  à  ce  conquérant  et  aux  personnages 
qu'il  fait  agir.  La  plupart  sont  trop  longs, 
et  le  bel  esprit  y  paraît  plus  que  l'hom- 
me véritablement  éloquent.  On  lui  repro- 
che encore  d'avoir  trop  négligé  la  chro- 
nologie, les  dates,  et  d'avoir  fait  des 
fautes  essentielles  en  géographie.  Les 
meilleures  éditions  sont  celles  du  Père 
Matthieu  Raderus  ,  Cologne  ,  1628  ,  in- 
fol.  ;deCellarius,  Leipsick,  1721;  d'El- 
zevir,  1633,  in-12;  du  Père  Le  Tellier 
ad  usuni  Delphini,  Paris,  1677,  in-4. 
Les  curieux  recherchent  aussi  celle  de 
Venise,  1470,  in  fol.  (Nous  citerons  en- 
core les  éditionsd'Holmstadt,  1795- 1802,  , 
3  vol.  in-8  ,  par  D.-J-.T.  Cunze  ;  de  Leip- 
sick, 1818,  gr.  in-8,  par  J.-C.  Cokey  ; 
enfin  l'édition  la  plus  récente  de  Quin- 
te-Curce est  celle  qui  fait  partie  de  la 
Collection  des  poètes  latins,  par  M.  Le- 
maire,  Paris,  1822  ,  in  8.  La  traduction 
donnée  par  Vaugelas,2  vol.  in-12,  est 
estimée  et  mérite  de  l'être.  Foycz  Favrk 
Claude,  et  Freinshemius.  Freinshemius 
a  donné  des  supple'niens.) 

QUINTIEN  (  Saint  ) ,  né  en  Afrique 
sous  la  domination  des  Vandales,  vint 
en  France  du  temps  du  roi  Clovis,  et  fut 
éluévêquedeRhodez  ;  il  assista,  en  cette 
qualité,  au  concile  d'Agdeen  506.  Chassé 
de  son  siège  par  les  Gothi;,  il  se  retira  en 
Auvergne  ,  oii  il  devint  évêque ,  et  oii  il 
mourut  saintement  en  627  ,  après  avoir 
sauvé  par  ses  prières  sa  ville  épiscopale, 
que  le  roi  Thierri  avait  jure  de  démolir. 

•  QUINTILI A  de  la  Mirande  (Lucrèce), 
Italienne  célèbre  par  ses  talens  dans  lea 

i 


QUI 

lettres  et  la  peinture  ,  naquit  vers  ir)20. 
On  lui  doit,  entre  autres  choses,  une 
Biographie  des  peintres  les  plus  célèbres, 
qui  a  eu  plusieurs  éditions.  Elle  composa 
àts  poésies  o\i.  l'on  remarquait  un  stile 
correct  et  des  pensées  neuves.  Comme 
peintre,  ses  tableaux  sont  encore  estimés 
en  Italie  ,  et  se  distinguent  par  l'exacti- 
tude du  dessin  et  la  grâce  dans  les  figures. 
Quintilia  est  morte  vers  1686. 

QUliNTlLlEN  (  Marcus-Fabius-Quin- 
tilianus  ) ,  naquit  la  2*  année  de  l'empe- 
reur Claude,  la  42*  de  Jésus-Christ.  On 
dispute  sur  le  lieu  de  sa  naissance.  Plu- 
sieurs le  font  Espagnol  et  de  Calahorra  ; 
d'autres  croient,  avec  assez  de  fondement, 
qu'il  était  né  à  Rome.  Quintilien  ,  pour 
se  former  à  l'éloquence,  se  rendit  le  dis- 
ciple des  orateurs  qui  avaient  le  plus  de 
réputation.  Domitius  Afer  tenait  alors 
parmi  eux  le  premier  rang.  Quintilien  ne 
se  contentait  pas  d'entendre  ses  plai- 
doyers au  barreau ,  il  lui  rendait  de 
fréquentes  visites.  Au  commencement 
de  l'empire  de  Galba  ,  Quintilien  ou- 
vrit à  Rome  une  école  de  rhétorique. 
Il  fut  le  premier  qui  l'y  enseigna  par  au- 
torité publique,  et  aux  gages  de  l'élat. 
Il  dut  ce  privilège  à  Vespasien,  «  qui  assi- 
»  gna  sur  le  fisc,  dit  Suétone,  un  revenu 
»  annuel  aux  professeurs  d'éloquence 
»  grecque  et  latine.  »  Ce  revenu  était 
considérable  et  équivalait  à  20,000  livres, 
monnaie  de  France  ;  mais  c'était  sans 
doute  une  somme  à  répartir  entre  tous. 
Quintilien  remplit  la  chaire  de  rhétori- 
que avec  un  applaudissement  général.  Il 
exerça  en  même  temps ,  et  avec  un  pa- 
reil succès,  la  fonction  d'avocat,  et  se 
fit  un  grand  nom  dans  le  barreau.  Après 
avoir  employé  20  années  à  ces  deux  exer- 
cices, il  obtint  de  l'empereur  Domitien 
la  permission  de  les  quitter.  Le  loisir 
que  se  procura  Quintilien  par  sa  retraite 
ne  fut  pas  un  loisir  de  langueur  et  de 
paresse,  mais  d'ardeur  et  d'activité.  Il 
commença  par  composer  un  Traité  sur 
les  causes  de  la  corruption  de  l'élo- 
quence, dont  on  ne  saurait  trop  repret- 
ter  la  perte  ;  nous  ne  le  connaissons  que 
par  quelques  passages  et  citations.  Quel- 
que temps  après,  pressé  par  les  instau* 


QUI 


197 


tes  prières  de  ses  amis ,  il  commença 
son  grand  ouvrage  des  Institutions  ora- 
toires composé  de  12  livres.  Il  en  avait 
achevé  les  trois  premiers,  lorsque  l'em- 
pereur Domitien  lui  confia  le  soin  des 
deux  jeunes  princes  ses  petits-neveux , 
qu'il  destinait  à  l'empire.  Le  plaisir  que 
lui  causa  la  composition  de  ce  livre  fut 
troublé  par  la  perte  de  ses  deux  fils  et  de 
sa  femme  ;  il  fut  surtout  sensible  à  la 
mort  de  l'aîné.  «  La  fécondité  de  son  gé- 
»  nie ,  dit-il ,  n'en  était  pas  demeurée 
»  aux  boutons  et  aux  fleurs  ;  dès  l'âge  de 
3)  dix  ans  il  portait  des  fruits.  »  C'était 
principalement  pour  ce  cher  fils ,  l'objet 
de  ses  complaisances  et  de  ses  soins,  qu'il 
avait  commencé  ses  Institutions  ora- 
toires. C'est  la  rhétorique  la  plus  com- 
plète que  l'antiquité  nous  ait  laissée. 
Son  dessein  est  de  former  un  orateur  par- 
fait. Il  le  prend  au  berceau  et  le  conduit 
jusqu'au  tombeau.  Dans  le  premier  livre, 
il  traite  de  la  manière  dont  il  faut  élever 
les  enfans  dès  l'âge  le  plus  tendre,  et 
prouve  que  c'est  moins  de  leur  propre 
caractère  que  des  exemples  de  leurs 
précepteurs  et  de  leurs  parens  ,  que 
naissent  les  défauts  et  les  vices  qui  en 
font  par  la  suite  le  fléau  de  la  société.  « 
»  Plût  aux  dieux ,  dit-il ,  que  nous 
»  n'ayons  pas  à  nous  imputer  à  nous- 
M  mêmes  les  vices  de  nos  enfans  !  Nous 
)>  amollissons  leur  enfance  par  de  dange- 
}>  reuses  délicatesses.  Celtemolle  éduca- 
»  tion  leur  énerve  l'esprit  et  le  corps. 
»  Accoutumés  à  fouler  la  pourpre,  jus- 
M  qu'oii  ne  porteront-ils  pas  leurs  désirs, 
j>  à  mesure  qu'ils  avanceront  en  âge  ? 
M  S'il  leur  échappe  quelques  termes  trop 
»  libres  ,  nous  nous  en  amusons  ;  et  ce 
»  que  nous  ne  souffririons  pas  dans  la 
»  bouche  des  plus  grands  libertins,  nous 
j)  le  souffrons  dans  la  bouche  de  nos  en- 
»  fans,  nous  en  rions,  nous  les  cares- 
»  sons.  De  qui  ont-ils  appris  ces  mots 
»  licencieux  ?  Hélas!  ils  ne  sont  que  les 
«  échos  de  ce  qu'ils  nous  ont  entendu 
i>  dire  !  Nous  les  rendons  témoins  de  nos 
»  libertés  criminelles:  il  n'est  point  de 
»  repas  qui  ne  retentisse  de  chansons 
»  indécentes,  et  où  l'on  n'expose  à  leurs 
M  yeux  des  choses  qui  font  rougir  la  pu- 


198 


QUI 


»  deur:  ils  en  contractent  l'habitude  , 
>»  qui  se  change  bientôt  en  nature,  et  les 
»  malheureux  enfans  sont  déjà  vicieux  , 
))  sanssavoir  ce  que  c'est  que  le  vice  (  1  ).  » 
Dans  le  même  livre  ,  il  traite  de  ce  qui 
regarde  la  grammaire.  Le  second  expose 
ce  qui  doit  se  pratiquer  dans  l'école 
de  rhétorique,  et  plusieurs  questions 
qui  regardent  la  rhétorique  même.  On 
trouve  dans  les  cinq  livres  suivans  les 
préceptes  de  l'invention  et  de  la  dis- 
position. Un  des  caractères  parliculiers 
de  la  rhétorique  de  Quintilien ,  est 
d'être  écrite  avec  art  et  élégance.  On 
y  voit  une  grande  richesse  de  pensées, 
d'expressions ,  d'images ,  et  surtout  de 
comparaisons ,  qu'une  imagination  vive 
et  ornée  lui  fournit  à  propos.  On  y 
souhaiterait  seulement  plus  de  préci- 
sion et  plus  de  profondeur.  Quintilien 
parle  ;  mais  il  ne  creuse  pas  assez  son  su- 
jet. Ses  Institutions  demeurèrent  incon- 
nues jurqu'en  1415.  Elles  furent  trouvées 
par  le  Pogge,  dans  l'abbaye  de  Saint- 
Gall,  et  non  point  dans  la  boutique  d'un 
épicier  allemand,  comme  quelques-uns 
l'ont  écrit  :  c'est  chez  les  moines  qu'on 
a  trouvé  ,  à  la  renaissance  des  lettres,  les 
anciens  ouvrages  que  quelques  savans 
croyaient  perdus  ;  et  c'est  à  eux  qu'on 
en  doit  la  conservation,  comme  celle  des 
sciences  ,  dans  des  temps  de  barbarie  et 
d'ignorance.  C'est  lajusticequileuraélé 
rendue  par  des  philosophes  de  ce  siècle, 
leurs  forcenés  ennemis.  L'abbé  Gédoyn  a 
traduit  en  français  les  Institutions,  Paris, 
4  vol.  in-12;  excellente  traduction, mais 
défigurée  par  l'orthographe  du  nouvel 
éditeur.  On  en  a  donné  une  nouvelle 
édition  en  1 803  ,  en  4  vol.  in-1 2  ,  et  les 
lacunes  que  Gédoyn  avait  laissées  ont  été 
remplies  d'après  un  mémoire  manuscrit 
de  Cl.  Cappéronier,   par  M.  Adry.  Cette 

(i)  IIorâceDfail  préludé  à  re  tableau  de  la  dégénératinn 
de*  nxrura  ,  dans  sa  belle  oàe  :  Dellcta  majurum,  ele.  La 
proranatioii  du  lit  iiuplial ,  les  danses  elTéminérs  apprWes 
aux  jennct  filles,  qui  n'en  sortaient  que  ponr  se  nourrir 
le  rœur  de  «oluplés  et  l'esprit  do  pensées  eriininelles  : 
tout  semblait  déjà  conspirer  de  son  temps  à  amener  assez 
rapidement  la  dégradation  de  rrspèce,  et  pronietire  une 
géuéralion  encore  plus  «ieieuse  que  la  sienne  : 

Damnes*  qiiid  non  imminuit  dies? 

jfitas  parrntum,  pejor  avis  ,  Iulit 

Nos  nequiores,  mox  daluros 

Progeuietn  \!lioiioreiu. 


QUI 

traduction  a  été  réimprimée  avec  le  teste 
latin ,  en  1 8 1 0  ,  6  vol.  in-8 ,  et  en  1 8 1 2  , 
en  6  vol.  in-12.  M.  C.V.  Ouizille  a  pu- 
blié une  nouvelle  traduction  des  Institu- 
tions Oratoires ,  Paris  ,  1829,  in-8  ;  elle 
fait  partie  de  la  Collection  des  classiques 
latins,  de  Panckoucke.  Les  savans  re- 
cherchent deux  éditions  àes  Institutions 
données  à  Rome ,  en  1 4  70,  in-fol. ,  l'une 
par  Comanus ,  qui  est  la  plus  estimée ,  et 
l'autre  par  l'évèque  d'Aleria.  —  Il  ne 
faut  pas  confondre  cet  éloquent  rhéteur 
avec  Quintilien,  son  aïeul.  C'est  de  ce 
dernier  qu'il  nous  reste  145  Déclama- 
tions. Ugolin  de  Parme  publia  les  136 
premières  dans  le  15®  siècle,  Venise, 
1481  et  1482,  in-fol.  Les  9  autres  furent 
publiées  en  1563  par  Pierre  Âyrauld, 
et  ensuite  par  Pierre  Pithou  ,  en  1 580.  Il 
y  a  encore  19  autres  Déclamations  im- 
primées .sous  le  nom  de  Quintilien  l'ora- 
teur ;  mais  Vossius  pense  qu'elles  ne  sont 
ni  de  lui  ni  de  son  grand-père.  Il  les  at- 
tribue au  jeune  Posthume  ,  qui  prit,  dit- 
on  ,  le  nom  de  César  et  d'Auguste  dans 
les  Gaules,  avec  Posthume  son  Père , 
l'an  2C0  de  J.  C.  Elles  ont  été  traduites 
en  français,  in-4  ,  par  Jean  Nicole ,  père 
de  l'auteur  des  Essais  de  morale.  On  a 
réuni  les  institutions  du  petit-fils  et  les 
Déclamations  de  l'aïeul  ,  dans  l'édition 
cumnotis  variorum  ,  1665,  2  vol.  in-8  ; 
et  dans  celle  du  savant  et  prolixe  com- 
mentateur Burman,  1724  ,  4  vol.  in-4  , 
moins  esliméeque  l'autre. 

QUINTJLIUS-VARUS.  Foyez  Va- 
rus. 

QUINTILIDS-VARUS,  gouverneur 
de  Syrie,  présida  à  l'assemblée  qu'Hé- 
rode  convoqua  pour  juger  son  fils  Anli- 
pater,  accusé  de  l'avoir  voulu  tuer.  Il 
conseilla  de  le  tenir  en  prison  jusqu'à  ce 
qu'Auguste  en  eût  connaissance  ;  il  em- 
pêcha Sabinus,  gouverneur  de  Judée , 
de  s'emparer  des  trésors  d'Hérode,  et 
apaisa  par  sa  sagesse  une  sédition  que  la 
méchanceté  de  ce  gouverneur  avait  ex- 
citée. 

QUlNTILIUS(Marcus-Aurélius-Clau- 
dius  ),  empereur  romain,  né  vers  230, 
se  distingua  dans  la  guerre  contre  les 
Golhs.  Il  se  fit  proclamer  Auguste  par  lei 


QUI 

Iroupes  qu'il  commandait,  près  d'Aqui- 
Jée  ,  afin  de  succéder  à  son  frère  Claude 
]I  ;  niuis  celui-ci ,  avant  de  mourir  ,  avait 
recommandé  à  ses  généraux  d'élire  Au- 
l'élien  ,  comme  le  plus  propre  à  porter 
la  couronne.  Les  gardes  prétoriennes, 
ainsi  que  les  autres  milices,  qui  aimaient 
Aurélien,  fameux  par  plusieurs  victoires, 
suivirent  l'avis  de  Claude,  et  le  procla- 
mèrent empereur.  Quintilius,  se  voyant 
à  la  veille  d'être  abandonné  de  ses  pro- 
pres soldats,  et  ne  pouvant  lutter  contre 
un  si  puissant  adversaire,  quitta  son 
'•amp,  revint  à  Aquilée,  oii  il  se  fit  ou- 
vrir les  veines  dans  un  bain,  après  un 
règne  éphémère  de  dix-sept  jours.  Au- 
rélien fit  rendre  à  son  rival  tous  les  hon- 
neurs de  Vapothe'ose  ,  réservés  aux  em- 
pereurs ,  et  souvent  accordés  sans  avoir 
égard  à  leurs  vices  ou  à  leurs  crimes.  On 
ne  connaît  point  de  médailles  en  argent 
de  Quintilius.  Celles  en  or  sont  fort  ra- 
res; maison  en  trouvebeaucoup  en  petit 
lironze. 

"  QUINTILU  (  Jean-Paul  ),  célèbre 
avocat,  naquit  à  Rome  le  1*'  octobre 
1632.  Il  étudia  la  philosophie,  les  belles- 
lettres  ,  le  droit  civil,  le  droit  canon  ,  et 
était  doué  d'une  si  vive  éloquence,  que 
quand  il  plaidait,  la  salle  du  tribunal 
liait  pleine  de  personnes  les  plus  distin- 
;;iiées,  qui  y  accouraient  pour  l'entendre. 
Croyant  que  Venise  était  un  lieu  plus 
propre  à  y  exercer  ses  talens  oratoires  , 
il  s'y  rendit,  obtint  un  accueil  favorable 
au  barreau  ,  et  se  concilia  l'estime  géné- 
rale. Rappelé  à  Rome  pour  des  affaires 
de  famille,  il  fut  nommé  auditeur  géné- 
ral et  secrétaire  intime  du  prince  jean- 
BaplisleLouis.il  mourut  en  1705,  et  a 
laissé  :  1°  plusieurs  volumes  sur  la  Juris- 
prudence; 2°  Disscrlazione,  ou  Disset ta- 
lion médico-physique  sur  le  décès  d'une 
dame  qu'on  croyait  morte  par  teffet 
d'un  poison ,  Romç,  1693  ;  3°  des  Orato- 
rio, etc. 

QUINTIN  (  Jean  ) ,  né  à  Autun  en 
1500,  fut  chevalier  servant  dans  l'ordre 
deMalte,  et  accompagna  le  grand-maître 
dans  cette  île  en  qualité  de  domestique. 
De  retour  en  France  ,  il  devint  profes- 
seur en  droit  canon  à  Paris  ,  l'an  1 536 , 


QUI  ,99 

et  s*y  acquit  beaucoup  de  réputation. 
Quintin  mourut  à  Paris  en  1 561.  On  a  de 
lui  une  Description  de  l'île  de  Malte, 
en  latin  ,  1536  ,  in-4  ,  et  d'autres  ouvra- 
ges plus  volumineux  qu'exacts. 

QUIISÏIJN,  tailleur  d'habits,  chef 
des  hérétiques  qu'on  nommait  Liber- 
tins, tient  une  place  parmi  lesrêveurset 
les  blasphémateurs  du  16*  siècle.  Il  sou- 
tenait que  Jésus-Christ  était  Satan  ,  que 
tout  l'Evangile  était  faux,  qu'il  n'y  avait 
dans  l'univers  qu'un  seul  Esprit,  qui  est 
Dieu  ;  qu'on  ne  doit  pas  punir  les  mé- 
chans;  qu'on  peut  professer  toutes  sortes 
de  religions  ;  enfin  ,  qu'on  peut ,  sans 
péché,  se  laisser  aller  à  toutes  ses  pas- 
sions. Cet  impie  factieux  etturbulentfut 
brûlé  à  Tournai  en  1 5-30  ;  mais  la  mort 
du  maître  n'empêcha  pas  les  disciples  de 
se  répandre  en  France ,  en  Hollande  et 
dans  les  pays  voisins. 

QUINTIN.  ro7/e~.  Messis. 

QUIIVTIINIE  (  Jean  de  la  ),  auteur 
agronomique,  naquit  à  Chabanais  dans 
l'Angoumois ,  en  1026.  Après  son  cours 
de  philosophie,  il  prit  quelques  leçons 
de  droit,  et  vint  à  Paris  se  faire  recevoir 
avocat.  Quoiqu'il  eOit  peu  de  temps  dont 
il  pîit  disposer,  il  en  trouvait  suffisam- 
mentpour  satisfaire  la  passion  qu'il  avait 
pour  l'agriculture.  Il  lut  Columelle,  Var- 
ron  ,  Virgile,  et  tous  les  auteurs  anciens 
et  modernes  qui  (»nt  traité  de  cette  ma- 
tière. Il  augmenta  ses  connaissances  sur 
le  jardinage  danj;  un  voyage  qu'il  fit  en 
Italie.  De  retour  à  Paris,  la  Quintiniese 
livra  tout  entier  à  l'agriculture,  et  fit 
un  grand  nombre  d'expériences  curieu- 
ses et  utiles.  On  dit  communément  qu'il 
a  prouvé  le  p.remier  qu'un  arbre  trans- 
plante ne  prend  nourriture  que  par  les 
racines  qu'il  a  poussées  depuis  qu'il  est 
replanté,  et  nullement  par  les  petites  ra- 
cines qu'on  lui  a  laissées,  qu'on  appelle 
ordinairement  le  chevelu;  qu'ainsi,  loin 
de  conserver  ces  anciennes  petites  raci- 
nes ,  quaud  on  transplante  l'arbre ,  com- 
me on  faisait  autrefois  avec  grand  soin  , 
il  faut  l«;s  couper.  Cependant  Roger  de 
Schabol  a  prétendu  prouver  le  contraire, 
et  soutient  que  le  chevelu  est  nécessaire. 
La  ma  nière  vivace  dont  nous  voyons  re- 


2Ô0  QUI 

prendre  des  plantes  (  1  )  ,  sans  aucune  de 
ces  petites  racines ,  est  favorable  à  l'as- 
sertion de  la  Quintinie.  C'est  lui  aussi 
qui  a  donné  la  méthode  de  bien  tailler 
les  arbres  pour  les  contraindre  à  donner 
du  fruit  aux  endroits  oîi  l'on  veut  qu'il 
vienne ,  et  même  à  le  répandre  également 
su  toutes  leurs  branches.  La  Quintinie  fait 
de  vains  efforts  pour  détruire  le  sentiment 
qui  attribue  de  l'influence  à  la  lune, 
autrefois  généralement  reconnue ,  puis 
rejetée  comme  une  qualité  occulte,  au- 
jourd'hui rétablie  par  les  écrivains  les 
plus  célèbres  (  2  ).  Ilsedéclara  aussi  con- 
tre la  circulation  de  la  sève  dansles  plan- 
tes ;  et  ce  qu'il  disserte  là-dessus  prouve 
peut-être  qu'il  était  meilleur  cultivateur 
que  bon  physicien.  La  Quintinie  mourut 
à  Paris  vers  1700.  Louis  XIV  avait  créé 
en  sa  faveur  la  place  de  directeur-général 
des  jardins  polagerset  fruitiers  des  mai- 
sons royales.  On  a  de  lui  un  livre  inti- 
tulé: Instructions  pour  les  jardins  frui- 
tiers et  potagers  ^Vaùs,  1725,2  vol. 
in-4  :  et  plusieurs  Lettres  sur  la  même 
matière. 

QUIJNTUS  CALABER.  Voyez  Cala- 

BER. 

*QUI^ZANO  (JeanFranrois  Conti, 
connu  sous  le  nom  de  ),  en  latin  Quintia- 
nus-Stoa,  poète  latin  moderne,  né  dans 
le  Brescian,  au  village  de  Quinzano,  en 
1484,  étudia  la  rhétorique  à  Brescia  ;  il 
y  apprit  aussi  la  langue  grecque ,  la  philo- 
sophie ,  les  mathématiques  et  l'astrologie. 

(i)  Mêmr  des  bn!>  <rc9  et  des  (ronrons  d'arbres,  dans 
cerlaiiics  espèces  ,  tomme  I  olitier.  Virgile  a  dit,  et  il  a 
dil  vrai: 

Quin  tAiam  cauUcibut  tecUi,  niirnUle  dirlii  ! 
TrudltuT  a  ticeo  radix  uleagina  Upno. 

(ïi  On  peut  Toir  dan»  le  DiVt.  enryrlop. ,  art.  AsnoLociE, 
où  les  iiiflucnces  sont  reconnues  et  eipliquées  autant  que 
la  matièrr  le  comporte.  H.  de  Lalande  observe  que  si  la 
lune  «ouléie  deux  fois  par  jour  les  eatix  de  l'Océan  .  elle 
doit  bien  produire  d'autres  effris  encore.  •  Je  voudrais  , 
*  sioule-t-il ,  que    les  niéderitis  consultassent  au  moins 

>  l'expérience  à  cet  é|;ard  ,  et  qu'ils  eianiinassent  si  les 
»  crises  et  les  parniysmes  des  mabdics  n'oiil  pas  quelque 
.1  cprresponJance  avec  le»  silualinnsdc  la  lune  par  rapport 

>  à  l'èqualeur.  aux  ty.jgiet  et  aui  apiides.  Plusieur»  mé- 
»  decins  babiles  m'en  ont  paru  persuadés,  et  c'était  pour 
»  les  engager  à  s'en  occuper,  que  je  donnai  pendant  quel. 
»  ques  années,  dans  la  Gaieltc  de  mddcrine  ,  tes  détails  des 
H  circonstances  astronomiques  dont  nn  doit  tenir  compte.» 
Abrégé  (Cattronomie,  ù  Paru,  1774*  Derliam,  dans  sa  Théo- 
logie atlninvmi^ue.  page  i5o,  établit  les  iniluenees  d'une 
nunière  plus  positive  encore. 


QUI 

Dès  sa  première  jeunesse,  il  montra  une  si 
étonnante  facilité  pour  les  vers  latins,  que 
ses  condisciples  l'appelèrent  5/oa,  du  mot 
grec  qui  signifie /;o;'//ç^«('  des  muses;  et 
sa  sévérité  en  corrigeant  leurs  composi- 
tions poétiques,  laquelle  rappelait  ce 
Quintilien  dont  parle  Martial ,  lui  fit  don- 
ner aussi  le  nom  de  Quintianus ;  c'est 
sous  ce  double  nom  de  Quintianus  Stoa 
qu'il  était  connu  dans  les  écoles  et  parmi 
les  savans.  Il  fit  ensuite  un  cours  de  ju- 
risprudence, à  Padoue  et  s'adonna  ensuite 
tout  entier  à  la  poésie  latine.  Etant  venu 
en  France,  il  fut  présenté  par  le  cardinal 
d'Amboise  à  Louis  XII,  qui  le  choisit 
pour  précepteur  du  jeune  duc  d'Angou- 
lême  ,  depuis  François  I«%  et  auquel 
Quinzano  inspira  son  goût  pour  les  let- 
tres. Reçu  comme  professeur  de  belles- 
lettres  à  l'Université  de  Paris,  il  y  devint 
recteur  et  principal.  Qninziano  improvi- 
sait 800  et  même  1,000  vers  latins  par 
jour.  Louis  XII  le  mena  avec  lui  lorsque 
ce  monarque  passa  en  Italie  pour  con- 
quérir le  Milanais  ;  et  à  peine  se  fut-il 
rendu  maître  de  la  capitale,  qu'il  posa 
publiquement,  de  sa  propre  main,  la  cou- 
ronne poétique  sur  la  tête  de  Quinzano. 
Lors  du  couronnement  de  Louis  XII, 
après  avoir  improvisé  quelques  vers  à  la 
louange  de  son  bienfaiteur,  Quinzano  lui 
offrit  l'histoire  de  la  vie  et  des  exploits  de 
ce  monarque.  Nommé  par  le  sénat  de 
Milan  à  la  chaire  de  bellesletlres  de  l'uni- 
versité de  Pavie ,  il  y  publia  ses  Epogra- 
phies  qu'il  avait  composées  à  l'âge  de 
20  ans.  Lors  de  la  retraite  des  Français, 
en  1513,  il  revint  à  Paris,  oii  il  fit  im- 
primer plusieurs  ouvrages.  En  1515, 
après  la  victoire  de  Marignan  ,  Quinzano 
retourna  à  Pavie  oii  il  reprit  les  fonctions  | 
de  professeur.  En  1522 ,  il  obtint  le  titre 
de  citoyen  de  Brescia.  Il  passa  ensuile  à 
Venise,  oii  le  sénat  lui  conféra  letilrede  I 
chevalier,  et  voulut  le  nommer  président  | 
de  l'université  de  Padoue,  place  que  ' 
Quinzano  refusa.  Use  relira  à  Villa  Chiara,  j 
et  puis  à  Quinzano ,  son  pays  natal  ,  oii  il 
mourut  le  7  octobre  1 557,  âgé  de  73  ans. 
On  lui  érigea,  dans  l'église  paroissiale 
de  sa  patrie,  un  superbe  mausolée.  Ses 
restes  furent  transportés  en  1 580  dans  le 


-<!.. 


QUI 

chœur  de  l'église  principale  deUa  Pieve, 
où  on  éleva  en  son  honneur  un  tombeau 
magnifique,  orné  des  portraits  de  Louis 
XII  ,  de  François  I",  de  JeanetDomitien 
Conti,  parent  de  Quinzano.  Quinzano 
était  à  la  fois  grammairien,  orateur,  his- 
torien, philosophe  et  poète.  Tous  les  sa- 

^  vans,  parmi  lesquels  nous  citerons  Plane- 
rius,  ont  fait  dans  leurs  écrits  l'éloge  de  ce 
latiniste.  Sa  vie  a  été  publiée  à  Brescia , 
1661 ,  par  le  Père  Léonard  Cozzando  ,  et 
par  >ember,  sous  le  titre  de  MeniorieoM 
Mémoires  anecdotiques  et  critiques  sur 
la  vie  et  les  écrits  de  Jean-François 
Quinzano  Stoa,  etc. ,  Brescia,  1777.  On 
conserve  encore  à  Brescia,  dans  la  biblio- 
thèque du  feu  comte  Jean-Marie  Mazzu- 
chelli ,  le  diplôme  que  Louis  XII  donna 
à  Quinzano  lors  de  son  couronnement 
poétique.  Il  a  écrit  et  publié  un  grand 
nombre  d'ouvrages  dont  nous  citerons 
quelques-uns  :  \°  Grippi  dccem  de  omni- 
bus numeris  ad  imitationem  ludicri  au- 
soniani,  Milan,  l.')92  ;  2°  Lacernœi  XX 
in  totidem  libr.  noctium  ntticarum.  Aulu- 
Gelli,  ibid.  ,1731;  Venise,  1542;  3°  Odœ 
très  ad  cardinalem  de  liouano  (  d'Am- 
boise,  archevêque  de  Rouen),  Paris, 
1 504  ;  4°  Fita  divi  Quintiani  Avernorum 
episcopi,  Venise,  1519;  5"  Disticha  in 
omnes  fabulas  Ovidii  Metamorplio- 
seon  et  elegia,  Pavie ,  1 506  ;  Paris ,  1 51 4  ; 
Bâie,  1544  ;  Brescia,  15G5;  6°  Paraclesis: 
ad  Ludovicum  Xllelegia,  1 5 1 2  ;  7°  Apo- 
logia  pro poetis  ;  8°  Cleopolis  :  de  laudi- 
bus  ccleberrimœ  Parisiorum  urbis  ;  sylv. 
et  bacchantium  elelodia post  interfcctum 

•>  Orphea,  Paris,  1514;  d°  de Figurispoe- 
ticis,  2'  édition,  Venise,  1597;  iO°  de 
mnlierum  dignilate.  Milan,  1517;  11° 
Cliristianorum  meiamorphoseon,  lib,  8, 
Pavie,  1511  ;  12°  Citationes  omnium 
poetarum,  cum  adnotamentis  et  scho- 
liii,  Milan,  1 538;  1 3"  Fita  Ludovici  XH, 
Galliarum  régis,  etc.,  etc.  Des  Comédies, 
1.  Furtivorum;  2.  Lesbia-,  3.  Ceranni; 
4.  Sorores  ;  Consobrini.  Il  perdit  ces 
quatre  dernières  pièces  lors  de  la  prise 
de  Pavie  par  les  Espagnols. 

QUIQUERAN  de  Beaujeu  (Pierre 
de),  naquit  en  1526  d'une  ancienne 
maison  d'Arles  ea  Provence.  Après  avoir 

XI. 


QUI  20 1 

appris  la  rhétorique  et  la  poésie  à  Paris  > 
il  fit  un  voyage  en  Italie,  oii  il  s'appliqua 
à  la  musique.  De  retour  à  Paris,  il  étudia 
les  mathématiques  ,  l'histoire  naturelle  , 
la  botanique  et  les  belles-lettres.  Sa  nais- 
sance, soutenue  par  la  réputation  que 
lui  avaient  faite  ses  lalcns,  lui  mérita 
l'évêché  de  Senez,  à  l'âge  de  18  ans.  Il 
n'en  jouit  pas  long-temps ,  étant  mort 
à  Paris  en  1 550  ,  à  24  ans.  Quiqueran  fut 
le  premier  évêque  nommé  après  le  con- 
cordat de  Léon  X  et  de  françois  I»'.  Oii 
a  de  lui  :  un  Eloge  de  la  Provence  ,  en 
vers  latins ,  sous  ce  titre  :  De  laudibus 
Provinciœ.  On  en  a  une  version  fran- 
çaise ,  in-8 ,  par  Pierre  de  Vini  de  Claret, 
archidiacre  d'Arles;  2°  nn  Poème  latin 
sur  le  passage  d'Annibal  dans  les  Gaules. 
Ces  deux  ouvrages  offrent  des  images 
heureuses  et  de  l'esprit  ;  mais  on  voit  que 
son  génie  n'avait  pas  encore  acquis  sa 
maturité.  Ilsont  été  recueillis  à  Paris,  eu 
1551  ,  in-fol. 

QUIQUERAN  de  Beaujeu  (Paul-An- 
toine de  ) ,  célèbre  marin  de  la  même  fa- 
mille, chevalier  de  Malte,  combattit 
souvent  avec  succès  contre  les  Turcs. 
Mais,  au  mois  de  janvier  1660,  une 
tempête  l'ayant  obligé  de  relâcher  dans 
un  fort  mauvais  port  de  l'Archipel,  il  y 
fut  investi  par  30  galères  de  Rhodes ,  que 
le  capitan-pacha  Mazamamet  commandait 
en  personne.  Il  en  soutint  le  feu  pendant 
un  jour  entier ,  et  n'y  succomba  qu'après 
avoir  épuisé  ses  munitions  et  perdu  les 
trois  quarts  de  son  équipage.  Il  était 
chargé  de  fers,  quand  une  seconde  tem- 
pête ,  plus  violente  que  la  première,  mit 
la  flotte  victorieuse  en  tel  danger  ,  que 
Mazamamet  se  vit  réduit  à  implorer-'le 
secours  du  chevalier.  Quiqueran  la  sauva 
par  l'habileté  de  sa  manœuvre.  Le  capi- 
tan  ,  touché  de  reconnaissance  pour  ce 
service  ,  voulut  le  sauver  à  son  tour. 
Pour  réussir  plus  facilement ,  il  le  con- 
fondit avec  les  plus  vils  esclaves.  Mais  le 
grand  visir ,  qui  le  reconnut  au  portrait 
qu'on  en  avait  fait ,  le  fit  mettre  au  châ- 
teau des  Sept-Tours,  sans  espérance  de 
rançon  ni  d'échange.  Louis  XIV  le  rede'- 
manda  en  vain,  et  les  Véniliens-ne  pu- 
rent le  faire  comprendre  dans  le  traité  de 
26. 


202  QUI 

Candie.  Il  fut  délivré  par  la  hardiesse  et 
le  zèle  ingénieux  de  son  neveu ,  Jacques 
de  Quiqueran ,  et  mourut  commandant 
de  Bordeaux.  —  Son  autre  neveu,  Honoré 
de  Quiqueran  de  Beaujeu ,  frère  de 
Jacques,  naquit  à  Arles  en  l656,  entra 
dans  la  congrégation  de  l'Oratoire ,  fut 
envoyé  dans  les  missions  du  Poitou  et  du 
pays  d'Âunis ,  après  la  l'évocation  de 
redit  de  Nantes,  et  devint  évêque  d'Olé- 
ron  en  1705  ,  et  peu  de  temps  après  de 
Castres.  Louis  XIV  étant  mort  en  1715  , 
dans  le  temps  de  l'assemblée  générale  du 
clergé ,  l'évêque  de  Castres  fut  choisi 
pour  prononcer  à  Saint-Denys  l'Oraison 
funèbre  de  ce  monarque  :  il  s'en  acquitta 
avec  succès.  Ce  prélat  mourut  à  Arles , 
oii  il  était  allé  voir  sa  famille,  en  1736  , 
à  8t  ans.  On  a  un  vol.  in-4  des  Mande- 
mens,  des  Lettres,  des  Instructions  pas- 
torales qu'il  publia  sur  l'établissement 
de  son  séminaire ,  sur  les  maladies  con- 
tagieuses de  Provence  et  de  Languedoc , 
sur  l'incendie  de  Castres,  et  sur  quel- 
ques objets  qui  décèlent  son  attache- 
ment aux  nouveaux  disciples  de  saint 
Augustin.  Colbert  et  Soanen  eurent  en  lui 
un  ami  zélé. 

QUIRIN  (  Saint  ) ,  évêque  de  Sciscia , 
ville  de  la  Pannonie,  aujourd'hui  Sisseg, 
souffrit  la  mort  pour  la  foi  à  Sabaria  ,  le 
-i  juin  303  ou  304.  Saint  Jérôme  et  For- 
tunat  en  parlent  avec  de  grands  éloges  : 
Prudence  a  composé  une  Hymne  en  son 
honneur.  Dom  Ruinart  a  publié  les  Actes 
authentiques  de  son  martyre. 

QUIRINALIS  (Claudius),  ancien  rhé- 
teur ,  né  à  Arles  ,  s'appliqua  avec  tant  de 
succès  à  l'étude  des  belles-lettres ,  qu'il 
ne  tarda  pas  à  se  trouver  en  état  de  les 
enseigner  aux  autres  et  de  s'acquérir 
beaucoup  de  réputation  dans  cette  pro- 
fession. On  croit  qu'il  commença  à  l'exer- 
cer dans  la  ville  de  Marseille ,  et  qu'il  fut, 
dans  le  i'''  siècle  de  l'Eglise,  un  de  ses 
illustres  rhéteurs  qui  contribuèrent  à 
rendre  si  célèbres  les  écoles  de  cette  ville. 
Mais ,  selon  saint  Jérôme ,  il  quitta  les 
Gaules,  et  passa  à  Rome,  où  il  professa 
publiquement  la  rhétorique  avec  une 
grande  réputation. 

QUIRINI  ou  QuKBiNi  (  Ange-Marie  ; , 


QUI 

noble  Vénitien  ,  cardinal  et  littérateur , 
né  en  1680  ,  avec  un  esprit  vif ,  entra  de 
bonne  heure  dans  l'ordre  de  saint  Benoit. 
Il  fît  profession  ,1e  l*^*^  janvier  1698,  dans 
l'abbaye  des  bénédictins  de  Florence  ,  et 
se  livra  aux  sciences  avec  une  applica- 
tion infatigable.  (  Il  fut  chargé  de  donner 
des  leçons  de  théologie  et  de  langue  hé- 
braïque aux  novices  de  son  ordre.  )  Ce- 
pendant, en  1709,  ses  études  furent 
quelque  temps  traverséespar  une  idée  im- 
portune :ils'iniaginait'qu'il  avait  la  pierre. 
Il  en  fut  détrompé  par  une  diète  sévère  , 
qui  ,  en  guérissant  son  imagination , 
.tffaiblit  excessivement  ses  forces  :  pour 
les  rétablir,  il  prit  le  parti  de  voyager 
et  de  visiter  les  savans.  Il  parcourut 
l'Allemagne,  la  Hollande,  l'Angleterre 
et  la  France,  et  fit  connaissance  avec 
plusieurs  hommes  distingués.  De  retour 
à  Rome  ,  il  fut  nommé  en  1723  archevê- 
que de  Corfou,  et  s'attira  par  une  con- 
duite vraiment  épiscopale,  non  seule- 
ment la  vénération  de  ses  ouailles ,  mais 
encore  celle  des  Grecs  schismatiques. 
Honoré  du  chapeau  de  cardinal  en  1727  , 
il  répara  avec  magnificence  l'église  de 
Saint-Marc ,  qui  était  son  titre.  L'église 
cathédrale  de  Brescia ,  dont  il  avait  été 
fait  évêque  en  1726  ,  est  devenue  par  ses 
soins  une  des  plus  magnifiques  d'Italie. 
Toute  l'Europe  saitcomhien  il  a  contribué 
à  la  construction  de  l'église  catholique 
de  Berlin.  Il  augmenta  la  bibliothèque  du 
Vatican  par  la  donation  de  la  sienne  ,  qui 
était  choisie ,  et  si  nombreuse  ,  qu'il  fal- 
lut, pour  la  placer,  construire  une  nou- 
velle salle.  Il  acheta  un  grand  nombre  de 
livres,  qu'il  donna  de  même  à  la  ville  de 
Brescia, pour  en  faire  une  bibliothèque  pu- 
blique, à  l'entretien  de  laquelle  il  assigna 
des  fonds  suffisans.  On  s'étonnera  peut- 
être  de  toutes  ses  libéralités  ;  mais  il  avait 
de  grands  revenus  ,  et  peu  de  besoins. 
Cet  illustre  prélat  mourut  subitement 
d'apoplexie  à  Brescia  en  1755,  à  75  ans. 
Lebeau  fit  en  1756  son  Eloge  à  l'aca- 
démie des  Inscriptions  et  belles-lettres, 
dont  le  cardinal  était  correspondant.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  \"  Primer dia 
Corcyrœ  ,  ex  antiquissimii  monumentis 
illustrata  ;  ouvrage  plein  d'érudition  et 


QUI 

de  critique  ,  dont  la  meilleure  édition 
est  celle  de  Brescia  en  1738,  in-4  ; 
2"  Edition  des  ouvrages  de  quelques 
saints  évêques  de  Brescia ,  qu'il  publia 
en  1738  ,  in-folio  ,  sous  ce  titre  ;  P^ete- 
rum  Brixiœ  episcoporum  ,  sancti  Phi- 
lastvii  et  sancti  Qaudentii  opéra  .-  nec 
non  beati  Ramperti  et  venerabilis  Alde- 
mani  opuscula ,  etc.  ;  3"  Spécimen  va- 
ries litternturœ ,  quœ  in  urbe  Brixia 
ejusque  ditione  paulo  post  typographies 
incunabula  florebat ,  etc.  ,  1739,  in-4  ; 
4°  la  Relation  de  ses  voyages  :  elle  ren- 
ferme des  anecdotes  curieuses  et  inté- 
ressantes ;  5"  une  Edition  des  livres 
de  l'office  divin  ,  à  l'usage  de  l'Eglise 
grecque  ;  6"  une  de  VEnchiridion  Grœ- 
corum  ;  7°  Gesta  et  cpistolœ  Francisci 
Barbari;  8°  un  recueil  de  ses  Lettres  , 
en  dix  livres;  9°la  Fie  du  pape  Paul  II, 
contre  Platine  ,  Rome  ,  1 740  ,  in-4  ;  10° 
une  Edition  des  lettres  du  cardinal 
Polus  ;  1 1  °  quatre  Instructions  pastora' 
les  ;  12"  un  Abrégé  de  sa  Vie  ,  jusqu'à 
l'année  1740  ,  Brescia  ,  17  49  ,  in-8  ;  13° 
étant  bibliothécaire  du  Vatican ,  il  pro- 
cura la  nouvelle  Edition  des  OEuvres  de 
saint  Ephrem ,  1742 ,  6  tomes  in-fol. ,  en 
grec,  en  syriaque  et  en  latin;  14»  une 
Harangue  ;  De  mosaicce  historiée  prœ- 
stantia  ,  pleine  d'idées  justes  ,  et  bien 
propre  à  apprécier  la  narration  de  Moïse. 
QUIRINUS  (Publius  Sulpitius) ,  con- 
sul romain  ,  natif  de  Lanuvium  ,  rendit 
de  grands  services  à  sa  patrie  sous  l'em- 
pire d'Auguste.  Après  son  consulat,  il 
commanda  une  armée  dans  la  Cilicie ,  où 
il  soumit  les  Hémoniades ,  et  mérita,  par 
ses  victoires  sur  ce  peuple ,  l'honneur  du 
triomphe.  Auguste  envoya  Quirinus  pour 
gouverner  en  Syrie,  environ  dix  ans 
après  la  naissance  de  Jésus-Christ  ;  ce 
qui  forme  une  difficulté  dans  le  passage 
de  saint  Luc,  qui  dit  que  ce  fut  sous  Qui- 
rinus ou  Cyrinus ,  que  se  fit  le  dénom- 
brement qui  obligea  la  sainte  Vierge  et 
Joseph  d'aller  à  Bethléem  pour  s'y  faire 
inscrire.  Il  est  certain  cependant  que 
Quirinus  ne  fut  nommé  au  gouverne- 
ment de  Syrie  que  dix  ans  après  la  nais- 
sance de  Jésus-Christ,  qui  vint  au  monde 
«tt  temps  de  ce  dénombrement.  Ainsi, 


QUI  2o3 

quelques  interprètes  traduisent  le  passage 
de  saint  Luc  :  Hœc  descriptio  prima  facta 
est  a  prœside  Syriœ  Cyrino  ,  de  la  ma- 
nière suivante  :  «  Ce  dénombrement  est 
i)  le  premier ,  et  s'est  fait  avant  celui  de 
•»  Quirinus.  »  D'autres  croient  que  ce  dé- 
nombrement ,  qui  avait  été  commencé 
dans  le  temps  de  la  naissance  de  J.  C, 
avant  l'arrivée  de  Quirinus  en  Syrie ,  fut 
continué  et  achevé  par  ce  gouverneur, 
dont  il  porta  le  nom  ;  d'autres  enfin  sup- 
posent que  Quirinus  fit  ce  dénombrement 
en  vertu  d'une  commission  particulière 
avant  d'être  gouverneur  de  Syrie.  Qui- 
rinus fut  ensuite  gouverneur  de  Caïus  , 
petit-fils  d'Auguste.  Il  épousa  ^milia- 
Lepida,  arrière-petite-fille  de  Sylla  et  de 
Pompée  ;  mais  il  la  répudia  dans  la  suite, 
et  la  fit  bannir  de  Rome  d'une  manière 
honteuse.  Il  mourut  l'an  22  de  J.  C. 

*  QUIROGA  (Joseph),  jésuite  et 
missionnaire  espagnol  ,  né  le  14  mars 
1 707  à  Lugo  en  Galice  ,  d'une  illustre 
famille  de  cette  province  ,  entra  dans  la 
société  de  Jésus  à  l'âge  de  1 5  ans.  Aupar- 
avant il  avait  étudié  les  mathématiques 
avec  succès  ,  et  avait  été  admis  à  l'école 
de  la  marine.  Il  fit  plusieurs  voyages  au 
Mexique  et  au  Paraguay  pour  les  affaires 
de  son  ordre  ,  remplit  dans  son  couvent 
de  Mexico  ,  pendant  deux  années ,  la 
chaire  de  mathématiques  ,  qu'il  occupa 
également  à  Oviédp  et  à  Compostelle. 
Pendant  son  séjour  en  Amérique,  il  reçut 
du  roi  d'Espagne  la  commission  de  visi- 
ter la  terre  dite Magellanique ,  à  l'extré- 
mité de  l'Amérique  du  sud  ,  de  s'assurer 
des  ressources  que  le  pays  pouvait  offrir, 
et  de  déterminer  des  points  convenables 
à  l'établissement  de  ports  et  de  rades 
pour  les  bàtimens  de  commerce.  Le  ré- 
sultat de  cette  mission  ne  fut  pas  aussi 
important  qu'on  était  en  droit  de  l'atten- 
dre du  zèle  du  Père  Quiroga.  De  retour 
en  Europe ,  il  se  rendit  à  Rome  pour  y 
exposer  l'état  des  missions  dans  le  Para- 
guay. Lors  de  la  suppression  de  son  or- 
dre ,  il  se  fixa  à  Bologne,  où  il  se  lia  avec 
les  mathématiciens  les  plus  renommés  , 
comme  Canterzani ,  Palcani ,  etc.  Il  y 
publia  un  ouvrage  eu  italien  ,  intitu'é  : 
Jrte  di  navîgare  per  ctrcolo  paralUlo, 


ao4  QUI 

Bologne  ,  1784  ,  qui  eut  beaucoup  de 
succès.  Il  a  laissé  en  outre  plusieurs  ma- 
nuscrits ,  qui  existaient  dans  l'institut  de 
Bologne  (  la  Specola  ),  et  qui  traitent  des 
longitudes  en  mer  ,  de  la  boussole  ,  des 
moyens  de  renouveler  et  purifier  l'air 
dans  un  vaisseau  ,  de  l'art  de  construire 
des  barques  et  des  ponts  sur  les  fleuves 
et  les  rivières  les  plus  rapides  ,  un  traité 
sur  les  différens  climats,  etc.  Le  PèreQui- 
roga  allait  donner  tous  ces  ouvrages  à 
l'impression  ,  lorsque  la  mort  le  surprit 
à  Bologne  le  23  octobre  1784  ,  à  l'âge 
de  77  ans.  Il  était  membre  de  plusieurs 
sociétés  savantes  d'Espagne  et  d'Italie. 
Le  Journal  de  sonvoyage,  rédigé  sur  ses 
observations  et  sur  celles  de  ses  compa- 
gnons ,  par  le  Père  Loçano  ,  a  été  impri- 
mé dans  les  Pièces  justificatii>es  de  l'his- 
toire du  Paraguay,  par  le  Père  de  Char- 
levoix. 

*  QUIROS  (Pedro-Fernandez  de) ,  cé- 
lèbre navigateur  espagnol ,  naquit  à  BilH 
bao  ,  en  1562.  Il  avait  fait  plusieurs 
voyages  en  Amérique,  en  qualité  de  pi- 
lote, lorsque  Philippe  III  le  chargea  ,  en 
1604,  de  faire  des  découvertes  dans  la 
mer  Pacifique.  Quiros  partit  de  Lima  en 
décembre  1605  ,  s'avança  à  20  degrés  de 
latitude  et  240  de  longitude,  et  décou- 
vrit les  terres  australes  du  Saint-Esprit , 
et  les  îles  de  la  Société.  Il  écrivit  ce 
Voyage ,  qui  dans  le  temps  fut  imprimé 
en  espagnol ,  et  oa  l'inséra  ensuite  dans 
le  recueil  des  Voyages.  Il  a  été  d'une 
grande  utilité  au  fameux  Cook  ;  et  il  rend 
cet  hommage  à  Quiros ,  dans  son  Voyage 
autour  du  monde.  Le  navigateur  espa- 
gnol obtint  une  pension  de  Philippe  III, 
et  mourut  à  Lima  en  1630.  (  Le  Mé- 
moire que  Quiros  adressa  à  Philippe  III, 
pour  lui  demander  des  secours  afin  de 
continuer  ses  découvertes ,  fut  imprimé  k 
Séville,  en  1610;  traduit  en  latin,  Am- 
sterdam, 1613  ;  en  français,  Paris,1617; 
en  anglais,  Londres,  1625  ,  dans  la  Col- 
lection des  Voyayes  de  Purchas.  ) 

QUIROS  (  Augustin  de  ) ,  jésuite  es- 
pagnol ,  natif  d'Andujar  ,  fut  élevé  aux 
premières  charges  de  sa  province,  en- 
«uile  envoyé  au  Mexique ,  où  il  mourut 
le  13  décembre  1622,  à  56  ans.  On  a  de 


QUO 

lui  des  Commentaires  sur  le  cantique  de 
Moïse,  surlsaïe,  Nahum,  Malachie;  sur 
l'Epitre  aux  Colossiens ,  sur  celle  de 
saint  Jacques ,  etc. 

QUISÏORP  (Jean),  théologien  luthé- 
rien ,  naquit  à  Rostock  en  1584 ,  et  fut 
professeur  de  théologie  dans  cette  ville. 
Il  eut  ensuite  la  surintendance  des  Eglises 
de  sa  communion.  Il  assista  Grotiusdans 
ses  derniers  momens.  Il  a  composé  di- 
vers ouvrages,  savoir  :  1°  Articuli  for- 
mulée concordiœ  iUustrati;  2°  Manu' 
duciio  ad  studium  theologicum  ;  3°  des 
Notes  latines  sur  tous  les  livres  de  la 
Bible  ;  4"  des  Commentaires  sur  les  Epî- 
tres  de  saint  Paul  ;  5°  des  Sermons  ; 
6"  des  Dissertations.  Il  mourut  en  1648. 
— QuisTORp  (  Jean  ) ,  fils  du  précédent , 
naquit  en  1624,  et  suivit  la  même  car- 
rière que  son  père.  Il  fit  ses  études  à 
Gripswald ,  et  visita  les  universités  de 
Copenhague  et  de  Leyde ,  pour  en  en- 
tendre les  professeurs.  Revenu  à  Rostock, 
il  y  obtint  une  chaire  de  théologie ,  et 
en  même  temps  une  place  de  pasteur. 
On  a  de  lui  :  1°  Catechesis  antipapistica. 
Il  y  attaque  le  pape  et  l'Eglise  romaine. 
2°  Pia  desideria;  3°  Repeliiiones  deca- 
logi  antipapisticœ  ;  4°  une  Lettre  alle- 
mande à  la  reine  Christine  de  Suède,  sans 
signature;  5"  le  Trésor  dans  le  champ  ; 
6°  Disputationes  theologicœ.  Dans  ses 
écrits,  surtout  dans  ceux  contre  le  pape, 
le  fiel  est  mêlé  à  l'érudition.  Il  mourut 
en  1669. 

*  QUISTORP  (  Jean-Nicolas  ),  théo- 
logien luthérien ,  né  à  Rostock  en  1651 , 
fut  pasteur  dans  cette  ville,  et  y  mourut 
le  9  août  1715.  Il  a  laissé  des  Explica- 
tions sur  saint  Jean ,  et  plusieurs  écrits 
de  controverse  et  de  théologie. 

QUOD-VULT-DEUS  (  S.  )  était 
évêque  de  Carthage  ,  dans  le  temps  que 
cette  ville  fut  prise  par  Genseric ,  roi  des 
Vandales,  l'an  439.  Ces  barbares  le  mi- 
rent lui  et  la  plupart  de  ses  clercs  dans 
de  vieux  navires  qui  faisaient  eau  de 
toutes  parts,  et  qui  étaient  sans  aucune 
provision.  Dieu  fut  leur  pilote,  et  les  fit 
aborder  heureusement  à  INapIcs ,  où  ils 
furent  reçus  comme  de  glorieux  confes- 
seurs de  Jésus-Christ,  f^oyes  Deo-Gkatias. 


râb 


RÂB 


3«$ 


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RABACHE  (  Etienne  ) ,  docteur  de 
Sorbonne ,  de  l'ordre  des  augustins ,  na- 
quit à  Voves  ,  dans  le  diocèse  de  Char- 
tres ,  en  1566.  Il  fit  à  Bourges  ia  ré- 
forme des  religieux  de  son  ordre ,  et  l'é- 
tablissement delà  congrégation  de  Saint- 
Guillaume,  en  1694.  Ce  pieux  réforma- 
teur finit  sa  vie  à  Angers,  en  1616,  à 
60  ans. 

RABAN-MAUR  (  Magnence  )  na- 
quit à  Fulde  en  788  de  la  meilleure  no- 
blesse du  pays.  Ses  parens  l'offrirent, 'à 
l'âge  de  dix  ans,  au  monastère  de  Fulde, 
cil  il  fut  instruit  dans  la  vertu  et  dans  les 
lettres.  On  l'envoya  ensuite  à  Tours, 
pour  y  étudier  sous  le  fameux  Âlcuin. 
-De  retour  à  Fulde ,  il  en  fut  élu  abbé  en 
882 ,  et  réconcilia  Louis  le  Débonnaire 
avec  ses  enfans.  Baban  écrivit  une  lettre 
pour  consoler  ce  prince,  que  l'on  avait 
déposé  injustement,  et  publia  un  Traité 
sur  le  respect  que  doivent  avoir  les 
enfans  envers  leur  père,  et  les  sujets 
envers  leur  prince.  Il  est  dans  la  Con- 
cordia  de  Marca,  édition  de  Baluze.  (En 
récompense  de  son  zèle ,  il  obtint  de 
riches  possessions  dont  il  dota  diverses 
maisons  naissantes,  entr'autres  l'abbaye 
d'Hirsange.  Il  se  démit  ensuite  de  son 
titre  pour  aller  vivre  dans  la  solitude  du 
Mont-St.-Pierre.  )  Devenu  archevêque  de 
Mayence  en  847  ,  il  fit  paraître  beaucoup 
de  zèle  et  de  charité  dans  le  gouverne- 
ment de  son  Eglise.  Après  avoir  examiné 
la  doctrine  de  Cotescalc  dans  un  concile 
tenu  dans  sa  ville  épiscopale  en  848  ,  il 
la  condamna  et  envoya  Gotescalc  à  Hinc- 
mar,  archevêque  de  Beims,  dans  le  dio- 
cèse duquel  il  avait  été  ordonné.  (  Foyez 
Gotescalc.  (  Une  famine  qui  désola  le  dio- 
cèse de  Mayence  en  860 ,  lui  fournit  une 
occasion  de  montrer  le  zèle  et  la  charité 
dont  il  était  animé  pour  son  troupeau  : 
ses  revenus  furent  distribués  aux  pau- 
vres, et  chaque  jour  il  en  avait  300  à 
sa  propre  table,  il  présida  ensuite  un  con- 


cile tenu  en  852  dans  sa  ville  épiscopale, 
et  assista  l'année  suivante  à  celui  de 
Francfort.  )  Baban  mourut  dans  sa  terre 
de  Winfeld,  en  856  ,  à  68  ans.  Il  légua 
ses  livres  aux  abbayes  de  Fulde  et  de 
Saint-Alban.  On  a  de  lui  beaucoup  d'ou- 
vrages recueillis  à  Cologne  en  1627,5 
tomes  in-fol.,  qui  se  relient  en  3  vol.  Ils 
contiennent  :  1  °  des  Commentaires  sur 
l'Ecriture,  qui  ne  sont  presque  que  de 
simples  extraits  des  écrits  des  Pères  :  c'é- 
tait la  manière  des  théologiens  de  son 
temps  ;  2°  un  Traité  de  V Institution  des 
clercs  et  des  Cérémonies  de  V Eglise  ou 
des  Offices  divins  ,  divisé  en  trois  livres. 
C'est  un  de  ses  plus  importans  ouvrages  : 
ila  eu  plusieurs  éditions  dans  le  1G«  siècle. 
3°  Un  Traité  du  Calendrier  ecclésiastique. 
Il  y  enseigne  la  manière  de  discerner  les 
années  bissextiles  et  de  marquer  les  in- 
dictions. 4°  Un  Livre  sur  la  vue  de  Dieu, 
sur  la  pureté  du  cœur ,  et  la  manière  de 
faire  pénitence.  Ce  sont  des  extraits  que 
l'auteur  avait  faits  en  lisant  les  Pères. 
5°  De  universo,  sive  Etymologiarum 
opus.  Il  contient  la  définition  des  noms 
propres  qui  se  trouvent  dans  l'Ecriture 
sainte.  6°  Des  Homélies  ;  T  un  Marty- 
rologe. Le  prologue  de  ce  martyrologe  a 
été  publié  par  D.  UahiUoa ,  ^nalect.y 
pag.  419  ,  d'après  un  manuscrit  de  la  bi- 
bliothèque de  Saint-Gall.  8°  le  Livre  de 
la.  grammaire  :  ce  n'est  qu'un  extrait  de 
Priscien  le  grammairien;  9°  Traité  des 
ordres  sacrés,  des  sacremens  et  des 
habits  sacerdotaux  ;  1 0°  Traité  de  la 
discipline  ecclésiastigue  ;  1 1°  un  Péniten- 
tiel  ;  1 2"  un  Traité  de  l'invention  des  lan- 
gues ;  1 3°  Le  Traité  des  vices  et  des  ver- 
tus, qu'on  lui  attribue,  estd'Halilgarius, 
évêque  d'Orléans.  On  trouve  dans  le  Thé- 
saurus de  Martenne,  dans  les  Miscel- 
lanea  de  Baluze  ,  et  dans  les  OËuvresdn 
Père  Sirmond  ,  quelques  traités  qui  ne 
sont  point  dans  le  recueil  de  ses  OEuvres; 
Raban  cultivait  aussi  la  poésie  :  témoin 


2o6  RAB 

son  Poème  en  l'honneur  de  la  sainte 
croix ,  qui  est  dans  le  recueil  de  ses  ou- 
\rages ,  et  dont  il  y  a  une  assez  belle 
édition  particulière  à  Augsbourg,  1605, 
in-fol.  Le  P.  Brouwer  a  publié  ses  poésies 
à  la  suite  de  celles  de  Forlunat.  (  On  y 
tïouve  le  P^eni  Creator ,  conservé  dans 
les  prières  de  l'Eglise.  )  Quoique  le  stile  de 
Raban  soit  en  général  simple,  clairet 
concis  ,  cependant  il  y  a  des  endroits  qui 
ont  besoin  d'explication  ;  il  écrit  moins 
bien  en  vers  qu'eu  prose  ;  il  lui  échappe 
même  des  fautes  contre  la  prosodie ,  ce 
qui  dans  ces  siècles  n'a  rien  d'étonnant. 

RA BARDEAU  (  Michel  ),  jésuite, 
mort  en  1649,  à  77  ans,  est  connu  par 
son  Optatus  gallus  benigna  manu  sec- 
tus,  Paris,  1041,  in-4.  Rabardeau ,  pré- 
tendant réfuter  le  livre  intitulé  :  Optati 
gallide  cavendo  schismate  de  Charles  Her- 
sant, qui  paraissait  craindre  un  schisme 
dans  l'Eglise  de  France ,  à  l'occasion  du 
patriarcat  dont  le  cardinal  de  Richelieu 
semblait  vouloir  se  revêtir  ,  donna ,  aussi- 
bien  que  son  adversaire ,  dans  diverses 
erreurs.  Il  avançait  que  la  création  d'un 
patriarche  en  France  n'avait  rien  de  schis- 
matique  ,  et  que  le  consentement  de 
Rome  n'était  pas  plus  nécessaire  pour 
cela ,  qu'il  ne  l'avait  été  pour  établir  les 
patriarches  de  Jérusalem  et  de  Constan- 
linopie.  Ce  dernier  article  en  particulier 
montre  combien  l'auteur  avait  peu  ré- 
fléchi. Les  termes  seuls  de  sa  compa- 
raison auraient  dû  lui  ouvrir  les  yeux. 
Le  pape  ,  successeur  du  prince  des  apô- 
tres et  chef  de  l'Eglise  universelle,  est  en 
même  temps  patriarche  de  l'Occident , 
mais  il  ne  l'est  pas  de  l'Orient.  Ainsi  l'é- 
rection des  patriarcats  de  Jérusalem  et 
de  Constantinople  n'avait  rien  pris  sur  sa 
juridiction  patriarcale  ;  au  lieu  que  la 
création  d'un  patriarche  en  France  lui  en 
ravissait  une  partie  des  plus  considérables. 
Elle  ne  pouvait  donc  se  faire  malgré  lui , 
sans  une  injustice  palpable.  «  Qu'elle  put 
)>  absolument  avoir  lieu  sans  schisme, 
»  dit  un  auteur  fort  modéré ,  c'est  là  une 
»  de  ces  spéculations  qui  égarent  tou- 
»  jours  dans  la  pratique,  qui  au  moius 
»  dans  les  circonstances  oii  on  les  agile 
»  communément,  et  oit  Ton  agitait  celle- 


RAB 

))  ci ,  c'est-à-dire  dans  la  chaleur  du 
})  ressentiment,  et  l'aveuglement  du  dé- 
»  pit ,  conduisent  inévitablement  au  pré- 
))  cipice ,  qu'on  n'en  sépare  que  par  des 
»  précisions  idéales.  »  Son  ouvrage  fut 
condamné  à  Rome  en  1643;  l'assemblée 
du  clergé  de  France  reçut  ce  décret  le 
19  septembre  1645  ,  et  le  fit  enregistrer 
dans  son  procès-verbal. 

*  RABAUT  ,  Saint-  Etienne  (  Jean- 
Paul  )  ,  ministre  de  la  religion  protes- 
tante ,  naquit  à  Nîmes  en  1743  ,  d'un 
père  qui  était  lui-même  pasteur  dans  cette 
ville  ,  et  qui  se  signala  dans  plusieurs 
circonstances  par  son  zèle  pour  ses  cor- 
réligionnaires.  La  proscription  entoura 
le  berceau  du  jeune  Rabaut ,  et  sa  mère 
eut  besoin  de  chercher  un  asile  secret 
pour  lui  donner  le  jour  ;  car  la  tête  de 
son  mari  avait  été  mise  à  prix  comme  mi- 
nistre protestant.  Cette  famille  se  retira 
en  Suisse  où  Rabaut  fut  admis  à  jouir  des 
fondations  faites  par  plusieurs  souverains 
protestans  étrangers  en  faveur  des  jeu- 
nes Français  qui  se  livraient  aux  études 
théologiques.  L'un  de  ses  maîtres  fut 
Court  de  Gébelin.  Lorsque  Rabaut  eut  été 
nommé  ministre  ,  il  vint  en  France  où 
ses  discours  furent  remarqués.  Alors  il 
composa  le  vieux  Cévenol ,  espèce  de 
roman  historique ,  où  il  mit  en  action 
toutes  les  lois  rendues  contre  les  protes- 
tans depuis  la  révocation  de  l'édit  de 
Nantes.  Plus  tard  il  fit  VEloge  de  M.  de 
Bec-de-Lièvre  ,  évêque  de  Nîmes  ,  que 
sa  charité  avait  fait  aimer  même  des  pro- 
testans ,  et  ce  discours  fut  loué  par  La- 
harpe.  Rabaut  exerçait  son  ministère  dans 
sa  ville  natale  ,  lorsqu'il  fut  nommé  par 
la  sénéchaussée  de  Nîmes  député  du  tiers  . 
aux  états-généraux.  Sectateur  ardent  du  I 
philosophisme  et  des  innovations  politi- 
ques ,  il  avait  déjà  annoncé  ses  opinions 
dans  ses  écrits,  où  il  disait  «  que  tous  les 
»  établissemens  anciens  nuisaient  au  peu- 
))  pie  ;  qu'il  fallait  renouveler  les  esprits, 
■»  changer  les  idées  ,  les  lois ,  les  usages, 
»  les  hommes  ,  les  mots  ;  enfin  tout  dé- 
))  truire  pour  pouvoir  tout  recréer.  »  Ra- 
baut se  signala  par  son  acharnement  con- 
tre les  prêtres ,  qu'il  persécuta  sans  relâ- 
che ,  et  qu'il  ne  ceiia  d'iDiulterdani  se* 


RAB 

discours.  Dans  le  cours  des  années  1789 
et  1790  ,  il  présenta  quelques  projets  de 
loi  peu  essentiels  en  eux-mêmes  ,  de- 
manda et  obtint  le  décret  que  les  ouvra- 
ges incendiaires  seraient  soumis  à  un  jury 
pour  éviter  l'inquisition  contre  la  pen- 
sée. Sans  être  orateur  ,  il  obtint  une  ré- 
putation assez  grande  ,  soit  par  l'habi- 
tude qu'il  avait  de  parler  en  public,  soit 
par  la  facilité  qu'il  avait  pour  composer 
les  discours  écrits  qu'il  venait  ensuite 
prononcer  devant  l'assemblée.  Il  devint 
président  en  1790.  En  1791  ,  il  s'éleva 
avec  violence  contre  les  troubles  de  Nî- 
mes qu'il  attribua  aux  catholiques.  Quel- 
ques mois  après  il  parla  sur  l'organisa- 
tion des  gardes  nationales  ,  et  demanda 
ensuite  la  liberté  indéfinie  des  cultes. 
Rendu  à  la  vie  privée  par  la  dissolution  de 
l'assemblée  constituante  ,  il  put  alors  ré- 
fléchir sur  les  suites  inévitables  de  la 
crise  politique  dans  laquelle  se  trouvait 
la  France  ,  et  ,  lorsque  dans  le  mois  de 
septembre  1792,  il  se  présenta  à  la  Con- 
vention comme  député  de  l'Aube  ,  son 
ardeur  révolutionnaire  sembla  s'être 
beaucoup  refroidie  :  il  se  montra  l'enne- 
mi déclaré  de  l'anarchie.  Parmi  plusieurs 
projets  qu'il  présenta  ,  on  en  remarque 
un  bien  singulier  :  c'était  celui  qui  avait 
pour  but  d'adopter  en  France  l'éducation 
des  Cretois,  et  qui  fut  cependant  envoyé 
k  tous  les  départemens.  Dans  le  procès 
du  roi  ,  il  se  prononça  vivement  contre 
l'avis  de  ceux  qui  prélendaient  que  la 
Convention  elle-même  pouvait  juger 
Louis  XVI  ,  et  dit  «  que  la  constitution 
«  ne  l'avait  pas  créée  cour  de  judicature  ; 
»  soutint  qu'il  n'appartenait  qu'aux  tri- 
»  bunaux  de  faire  un  acte  pareil,  et  qu'il 
»  devait  même  être  confirmé  par  le  peu- 
»  pie.  »  Il  termina  son  discours  par  ces 
paroles  mémorables  :  «  Je  suis  las  de  ma 
w  portion  de  despotisme  ,  et  je  ne  sou- 
»  pire  qu'après  l'instant  où  uu  tribunal 
»  national  nous  fera  perdre  Zey  formes 
»  et  la  contenance  des  tyrans  ;  »  et  il 
ajouta  encore  ,  comme  par  prophétie  , 
«  que  la  mort  de  Charles  1*"^  avait  amené 
>j  en  Angleterre  la  domination  de  Crom- 
»  welet  le  retour  de  la  royauté.  »  Fidèle 
k  ses  nouveaux  principes  ,  ne  pouvant 


RAB  207 

pas  empêcher  le  jugement  de  Louis  XVI 
par  la  Convention  ,  il  se  borna  à  voter 
pour  la  détention  de  ce  prince  et  son 
bannissement  à  la  paix.  Il  vota  également 
pour  l'appel  au  peuple  et  pour  le  sursis. 
En  1793  ,  il  devint  président  de  la  Con- 
vention ,  appuya  l'emprunt  forcé  ,  et  au 
mois  de  mars  il  fut  nommé  membre  de  la 
commission  des  douze  ,  imaginée  par  les 
Girondins  pour  surveiller  les  opérations 
du  tribunal  révolutionnaire  ,  et  décou- 
vrir les  complots  de  la  municipalité  de 
P§ris  contre  la  Convention.  Chargé  de 
faire  un  rapport  sur  ce  sujet,  sa  voix  fut 
étouffée  parles  clameurs  de  la  montagne.,  . 
et  il  ne  put  parvenir  à  se  faire  entendre. 
Ce  fut  le  signal  de  l'orage  dont  il  devait 
être  la  victime.  En  effet  ,  bientôt  après 
les  Girondins  succombèrent ,  et  Rabaut 
fut  entraîné  dans  leur  chute.  Un  premier 
décret  qu'il  évita  par  la  fuite  le  mit  en 
arrestation  ,  un  second  ordonna  la  con- 
fiscation de  ses  biens  et  lemithorsla  loi. 
Alors  il  quitta  Bordeaux  ,  oii  il  s'était  ré- 
fugié ,  et  se  retira  dans  la  campagne  , 
près  de  Paris  ,  chez  un  ancien  ami  ,  qui 
le  livra  ,  dit-on  ,  aux  jacobins.  Traduit 
devant  le  tribunal  révolutionnaire,  il  fut 
condamné  à  mort  le  4  novembre  1793  , 
et  exécuté  le  lendemain  ,  à  l'âge  de  50 
ans.  Rabaut  fut  un  des  ennemis  les  plus 
acharnés  du  clergé  catholique;  il  ne  lais- 
sait passer  aucune  occasion  de  l'insulter 
et  de  manifester  la  haine  qu'il  lui  avait 
vouée.  Ses  connaissances  étaient  variées 
et  assez  étendues  ;  mais ,  élevé  par  ua 
père  d'un  caractère  ardent  et  passionné, 
il  puisa  dans  ses  leçons  un  amour  excessif 
d'indépendance  et  une  ambition  désor- 
donnée. Ses  principaux  écrits  sont  :  1" 
Lettre  sur  la  vie  et  les  écrits  de  Court 
de  Gébelin  ,  17  74  ,  in-8  ;  2°  Lettres  sur 
l'histoire  primitive  de  la  Grèce  ,  1787, 
in-8.  Elles  sont  adressées  à  l'astronome 
Bailly  ,  et  ne  sont  pas  dépourvues  de  sa- 
voir et  de  mérite.  3"  Considérations  sur 
les  intérêts  du  tiers-état  ,  1789  ;  4"  Al- 
manach  historique  de  la  révolution,  1 792, 
1  vol.  in-18,  avec  6  gravures,  réimprimé 
par  décret  de  la  Convention  aux  frais  de 
la  république  en  1794,  et  publié  ensuite 
sous  le  titre  de  Précis  de  l'histoire  de  Ict, 


2o8  RAB 

révolution.  M.  Charles  de  Lacretelle  a 
continué  cet  ouvrage  ,  qui  est  bien  loin 
des  saines  opinions  qu'il  professe  depuis 
quelques  années  ;  cependant  sa  conti- 
nuation diffère  de  beaucoup  de  l'ouvrage 
de  Rabaut  ,  dont  nous  ne  citerons  qu'un 
passage  ,  qui  en  fera  connaître  suffisam- 
ment l'esprit  :  «  Le  clergé  ,  »  dit-il , 
«  cherche  encore  dans  une  religion  , 
»  qu'on  appelle  la  paix ,  des  prétextes  et 
»  des  moyens  de  discorde  et  de  guerre  ; 
»  il  brouille  les  familles  dans  l'espoir  de 
w  diviser  l'état  :  tant  il  est  difficile  à  ce 
«genre  d'hommes  desavoir  se  passer  de  ri- 
^  chesseset  de  pouvoir!  mais  les  lumières, 
»  en  se  communiquant  bientôt  aux  der- 
»  nières  classes  des  citoyens  ,  les  affran- 
M  chiront  de  la  plus  dangereuse  de  toutes 
i>  les  servitudes  ,  l'esclavage  de  la  pen- 
«  sée  ;  alors ,  ou  les  prêtres  seront  ci- 
»  toyens,  ou  l'on  ne  voudra  plus  de  prê- 
»  très.  »  Rabaut  avait  coopéré  à  la  ré- 
daction de  la  Feuille  -villageoise  avec 
Cerutti ,  et  au  Moniteur  jusqu'à  la  fin  de 
1792.  Une  édition  de  ses  OEuvres,  pré- 
cédée d'une  Notice  biographique ,  par 
M.  Collin  de  Plancy  ,  a  été  publiée  en 
1826  ,  2  vol.in-8. 

*  RABATjT  (  Jacques-Antoine  )  ,  dit 
Rabaut-pommier,  frère  du  précédent,  na- 
quit à  Nîmes  le  24  octobre  17  4  4.  Le  surnom 
de  Pommier  qu'il  portait  lui  fut  donné 
par  son  père  pour  le  soustraire  à  la  vigi- 
lance de  l'autorité  qui  l'aurait  fait  élever 
dans  la  religion  catholique  :  la  même 
précaution  fut  prise  à  l'égard  de  ses  deux 
autres  frères ,  dont  l'un  s'appela  Saint- 
Etienne  et  l'autre  Dupuy.  Après  avoir 
fait  ses  études  de  philosophie  et  de  théo- 
logie à  Lausane ,  il  embrassa  l'état  de 
ministre,  et  vint  en  celte  qualité  en  1787 
desservir  successivement  les  églises  pro- 
testantes de  Nîmes  et  de  Marseille.  Il 
était  àMontpellieràl'époque  delà  révolu- 
tion. Il  fut  un  des  plus  zélés  partisans 
des  réformes  politiques  demandées  par 
les  démagogues.  En  1790  il  fut  nommé 
membre  de  la  municipalité  de  Mont- 
pellier ,  et  en  1792  le  département  du 
Gard  le  députa  à  la  Convention.  Il  eut 
alors  quelque  part  à  l'établissement  des 
télégraphes.  Dans  le  procès  du  roi  il  vota 


RAB 

pour  la  mort  de  cet  infortuné  monarque  ; 
mais  il  demanda  le  sursis  et  l'appel  au 
peuple  :  il  mit  tant  de  restrictions  dans 
son  vote  que  ,  dans  le  recensement  des 
suffrages  ,  le  sien  ne  fut  point  compté 
pour  la  peine  de  mort.  Ayant  signé  la 
protestation  du  6  juin  1793  ,  contre  la 
tyrannie  de  la  montagne ,  il  fut  un  des  73 
députés  mis  en  arrestation  sous  Robes- 
pierre et  rappelés  après  sa  chute.  Il  passa 
après  la  session  au  conseil  des  anciens , 
ou  il  se  montra  assez  modéré ,  et  d'où  il 
sortit  le  20  mai  1798.  Après  le  18  bru- 
maire ,  il  fut  nommé  sous-préfet  de  Vi- 
gan  ,  et  lorsque  l'église  protestante  de 
Paris  fut  réorganisée  en  1803 ,  il  fut  ap- 
pelé par  le  consistoire  pour  en  être  l'un 
des  pasteurs.  En  1815,  on  lui  appliqua, 
comme  votant  ,  les  peines  portées  par  la 
loi  d'amnistie  ;  nonobstant  ses  réclama- 
tions et  ses  Mémoires ,  il  fut  obligé  de 
sortir  de  France.  Rabaut  y  rentra  en  1818, 
et  mourut  à  Paris  le  IG  mars  1820.  Nous 
ne  connaissons  de  lui  que  deux  Discours, 
qui  confirment  celte  vérité  ,  que  les  ré- 
publicains de  la  révolulion  avaient  plus 
de  soif  de  pouvoir  et  d'honneurs,  que  le 
désir  de  donner  de  bonnes  institutions  : 
1°  Napoléon  libérateur  ,  discours  reli- 
gieux ,  1  8 1 0  ;  2°  Sermon  d'action  de 
grâces  sur  le  retour  de  Louis  XP^III.  On 
a.ssure  qu'il  avait  eu  des  notions  sur  la 
vaccine  vers  1780  ,  avant  que  Jenner  en 
proclamât  l'invention.  On  trouve  dans 
V  Annuaire  protestant ,  1821  ,  un  Arti- 
cle sur  Rabaut-Pommier.  —  Rabaut-Du- 
puY  OH  Rabaut  jedne  ou  du  Vigan  (N.)  , 
frère  des  précédens  ,  embrassa  la  profes- 
sion de  négociant.  A  l'époque  de  la  ré- 
volution il  partagea  leurs  opinions  ,  et 
remplit  plusieurs  missions  administrati- 
ves. Proscrit  en  1793  comma  fédéraliste, 
il  parvint  à  s'enfuir  ;  mais  alors  il  fut 
porté  sur  la  liste  des  émigrés  ,  et  cette 
circonstance  fttarrêterson  père. Le  dépar- 
tement du  Gard  le  nomma  en  1 797  mem- 
bre du  conseil  des  anciens.  Quoiqu'il 
n'approuvât  pas  la  conduite  du  direc- 
toire ,  il  parla  et  écrivit  en  su  faveur.  Il 
se  prononça  à  la  tribune  pour  les  émi- 
grés du  département  du  Ras-Rhin  ,  d'A- 
vignon et  du  comtat  Venaissin.  En  même 


I 


RAB 
temps  il  s'éleva  contre  les  jacobins  du 
Midi.  S'étant  déclaré  en  faveur  de  la  ré- 
volution du  18  brumaire  ,  il  entra  au 
corps  législatif;  il  le  présida  en  1802  ,  et 
c'est  sous  sa  présidence  que  fut  voté  le 
consulat  à  vie.  Envoyé  en  mission  dans 
le  Midi  ,  il  eut  le  bonheur  de  sauver  à 
Toulouse  un  émigré  (M.  de  Segny  )  qui 
allait  être  fusillé  ,  et  sa  conduite  fut  ap- 
prouvée de  Buonaparte.  En  1 804,  il  reçut 
]a  décoration  de  la  légion  d'honneur  ,  et 
à  la  cessation  de  ses  fonctions  législati- 
ves ,  il  devint  conseiller  de  préfecture  à 
Nîmes  ,  charge  qu'il  exerçait  encore  lors- 
qu'il mourut  ,  le  13  septembre  1808  , 
d'une  chute  de  cheval.  On  lui  doit  Dé- 
tails historiques  et  recueils  de  pièces  sur 
les  divers  projets  de  réunion,  180T  {voy. 
Jes  Mélanges  de  philosophie ,  tome  4  , 
page  265),  et  d'un  Jnnuaire protestant, 
qui  a  été  continué  depuis. 

*  RABBE  (  Alphonse  ) ,  né  en  1786  à 
ï\iez  ,  dans  les  Basses-Alpes  ,  d'une  fa- 
mille ruinée  par  la  révolution  ,  fut  élevé 
à  l'école  centrale  des  Quatre-Nalions  , 
dirigée  par  M.  Dumas  ,  et  obtint  en  l'an 
1 1  le  prix  d'honneur.  Il  entra  dans  l'ad- 
ministralion  militaire  de  l'armée  d'Espa- 
gne ,  resta  deux  ans  dans  ce  pays  dont  il 
étudia  la  langue  et  la  littérature  ,  et  re- 
vint à  Paris  oii  il  travailla  à  la  partie  his- 
torique du  Voyage  pittoresque  d'Espa- 
gne ,  par  M.  de  La  Borde.  En  1812  il 
écrivit  un  Précis  de  l'histoire  de  Russie, 
faisant  partie  d'un  ouvrage  publié  par 
Dumaze  de  Raymond  ,  sous  ce  litre  :  Ta- 
bleau historique  ,  géographique  ,  mili- 
taire et  moral  de  l'empire  de  Russie. 
En  1813  Rabbe  retourna  en  Provence  , 
et  en  1815  il  entra  dans  les  rangs  des 
royalistes  dont  il  défendit  aussi  la  cause 
par  ses  écrits.  S'étant  chargé  d'une  mis- 
sion difficile  ,  il  fut  arrêté  sur  la  frontière 
de  la  Navarre  ;  mais  il  recouvra  bientôt 
sa  liberté.  Alphonse  Rabbe  se  rendit  a 
Aix  oîi  il  exerça  les  fonctions  d'avocat. 
En  1819  il  alla  à  Marseille  où  il  publia 
une  brochure  intitulée  -.  De  l utilité  des 
journaux  politiques  publiés  dans  les  pro- 
vinces ,  et  en  même  temps  il  fit  paraître 
le  premier  n°  d'un  journal  qu'il  appela 
le  Phocéen.  Le  rédacteur  n'avait  plus  les 


RAB  209 

opinions  qu'il  publiait  en  1815  ;  il  s'était 
rangé  dans  la  phalange  libérale ,  et  il 
n'en  fut  pas  l'un  des  héros  les  moins  har- 
dis ;  sa  hardiesse  fut  toutefois  punie  , 
et  à  plusieurs  reprises  il  fut  emprisonné. 
De  retour  à  Paris  eu  1822  ,  il  a  coopéré 
à  la  rédaction  de  plusieurs  journaux  li- 
béraux ,  et  concourut  au  succès  de  V Al- 
bum ,  des  Tablettes  universelles ,  du 
Courrier  dont  il  devint  rédacteur  en 
chef.  Alphonse  Rabbe  est  mort  à  Paris  le 
1^"' janvier  1830.  Il  a  ordonné  que  son 
corps  fût  conduit  directement  au  champ 
du  repos.  Il  est  auteur  de  Trois  résumés 
historiques  ,  l'un  d'Espagne  ,  l'autre  de 
Portugal ,  et  le  troisième  de  la  Russie  ; 
on  lui  doit  aussi  une  Histoire  d' Alexan- 
dre V^,  empereur  de  Russie,  2  vol.  in-8  , 
1826  ,  et  une  Biographie  universelle  et 
portative,  1829,  1  vol.  in-8.  «  Il  y  avait,» 
dit  l'Ami  de  la  religion  ,  p.  330  ,  t.  62  , 
«  rivalité  entre  Rabbe  et  ses  associés  à 
»  qui  serait  plus  hardi ,  plus  violent  , 
»  plus  insolent,  à  qui  défigurerait  mieux 
»  l'histoire  ,  à  qui  dirait  plus  de  mal  des 
»  rois  et  des  prêtres.  » 

*  RABBI  (Charles-Constance)  ,  savant 
religieux  de  l'ordre  de  Saint-Augustin  , 
naquit  à  Bologne  en  1678.  Il  parcourut 
presque  toutes  les  sciences  ,  et  fut  pro- 
fesseur de  philosophie  et  de  théologie  k 
Bologne  ,  à  Rome  et  dans  plusieurs  cou- 
vens  de  son  ordre.  Il  mérita  H  bienveil- 
lance du  pape  Benoît  XIV  ,  et  son  ex- 
trême modestie  le  tint  toujours  écarté 
des  dignités  ecclésiastiques.  Le  Père  Rabbi 
mourut  à  Rome  ,  le  8  septembre  1746  , 
et  a  laissé  plusieurs  ouvrages  ,  comme  : 
1"  De  mathematicarum  disciplinarum 
ad  t/ieologiam  utilitate  ,  ipsarumque  in 
ea  usu  dissertatio  ,  Faïence  ,  1729  ;  Ve- 
nise ,  1745;  2°  Sinonimiedaggiunti  ita- 
liani  raccoUi,  con  in  fine  un  tratlato  de 
sinonimi  ,  degli  aggiunti  e  délie  simili- 
tudini  ,  Bologne,  1732.  Plusieurs  ma- 
nuscrits de  ce  religieux  se  conservaient 
dans  la  bibliothèque  de  l'institut  de  Bo- 
logne (  la  Specola  )  ,  et  à  Rome  dans 
celle  du  pape  Benoît  XIV. 

RABELAIS  (  François  ) ,  naquit  vers 
l'an  1483  ,  à  Chinon  en  Touraine,  d'ua 
apothicaire.  (  Il  le  plaça  dans  l'abbay 
37. 


aïo  RAB 

de  Souillé,  puis  dans  un  couvent  d'An- 
gers, où  il  connut  du  Bellay,  depuis 
cardinal ,  et  son  protecteur.  )  Quelques 
mois  après,  il  entra  chez  les  cordeliers 
de  Fontenay-le-Comle  dans  le  Bas-  Poi- 
tou ,  et  fut  élevé  aux  ordres  sacrés.  Né 
avec  une  imagination  vive  et  une  mémoire 
heureuse,  il  se  consacra  à  la  chaire,  et 
y  réussit.  Son  couvent  était  dépourvu  de 
livres  :  il  employa  les  honoraires  de  ses 
sermons  à  se  faire  une  petite  bibliothè- 
que. Sa  réputation  commençait  à  se  for- 
mer, lorsqu'une  aventure  scandaleuse  le 
fit  renfermer  dans  une  prison  monastique. 
(  Il  avait  ôlé  l'image  de  saint  François , 
d'une  niche  placée  dans  un  lieu  assez  ob- 
scur, l'avait  remplacée  par  sa  propre  per- 
sonne et  s'offrit  ainsi  à  la  vénération  des 
paysans  qui  venaient  apporter  des  offran- 
des. )  Le  lieutenant  général  Rivagneau 
obtint  sa  liberté.  Des  personnes  de  la  pre- 
mière qualité ,  à  qui  son  esprit  enjoué 
avait  plu,  secondèrent  le  penchant  qui 
le  portait  à  sortir  de  son  cloître.  Clément 
VlIIlui  accorda,  à  leur  sollicitation,  la 
permission  de  passer  dans  l'ordre  de 
Saint-Benoît,  au  monastère  de  Maillezais. 
Rabelais,  ennemi  de  toute  sorte  de  joug, 
quitta  tout-à-fait  l'habitreligieux,  et  alla 
étudier  en  médecine  à  Montpellier ,  où 
il  prit  le  bonnet  de  docteur,  et  obtiut 
une  chaire  dans  cette  faculté  eu  1531. 
(  Il  publia  une  édition  latine  de  quel- 
ques écrits  d'Hippocrate.  Un  arrêt  pro- 
voqué par  le  chancelier  Duprat  avait 
aboli  les  privilèges  de  la  faculté  de  Mont- 
pellier :  cette  faculté  députa  Rabelais 
auprès  du  chancelier  pour  plaider  sa 
cause  ;  il  réussit,  et,  en  reconnaissance 
de  ce  service ,  l'université  décida  que 
tout  médecin  appelé  au  doctorat  se  revê- 
tirait de  la  robe  de  Rabelais.  On  dit  que 
cet  usage  subsiste  encore  ;  mais  la  robe 
deRabelais  qui  a  plus  de  300  ans  ne  peut 
plus'êtrequ'un  lambeau.  )  Rabelais  quitta 
bientôt  Montpellier  pour  passer  à  Lyon. 
Il  y  exerça  pendant  quelque  temps  la  mé- 
decine ;  mais  Jean  du  Bellay  l'ayant  in- 
vité à  le  suivre  dans  son  ambassade  de 
Rome  ,  il  partit  pour  l'Italie.  Ses  saillies 
amusèrent  beaucoup  le  pape  et  les  cardi- 
uaus,  et  il  obtint  une  autre  bulle  de  trans- 


RAB 

lulion  dans  l'abbaye  de  Saint-Maur-dcs- 
Fosscs,  dont  on  allait  faire  un  chapitre.  De 
cordelierilétaitdevenubénédictin, de  bé- 
nédictin chanoine;  de  chanoine  il  devint 
cure.  On  lui  donna  la  cure  de  Meudon 
en  1 545;  mais  il  ne  parut  pas  plus  appelé 
à  cet  étal  qu'aux  autres  qu'il  avait  aban- 
donnés. Ce  fut  vers  ce  temps-là  qu'il  mit 
la  dernière  main  à  son  Pentagruel  .-  sa- 
tire atroce  contre  les  moines,  qui  fut 
censurée  par  la  Sorbonne  et  condamnée 
par  le  parlement.  Dans  cet  extravagant 
livre  ,  il  a  répandu  une  gaieté  bouffonne, 
l'obscénité  et  l'ennui.  S'il  a  voulu  par-là 
se  venger  de  ses  supérieurs  qui  l'avaient 
mis  en  prison,  il  n'a  pas  rempli  son  but, 
car  rien  ne  prouve  mieux  combien  il  la 
méritait.  Il  mourut  en  1553,  à  70  ans. 
On  raconte  que  près  de  mourir  il  deman- 
da son  domino  ;  et,  comme  on  paraissait 
étonné  de  celte  demande,  il  répondit: 
Beati  mortui  qui  in  Domino  moriuntur. 
Mais  celte  anecdote,  où  la  sottise  mar- 
cheà  côté  de  rinipiété,n'est  probablement 
pas  plus  vraie  que  tant  d'autres  qu'on 
raconte  de  lui  aussi  extravagantes  que 
son  histoire  de  Gargantua.  On  prétend, 
par  exemple ,  que  n'ayant  ni  de  quoi 
payer  son  auberge,  ni  de  quoi  faire  son 
voyage  de  Paris,  il  fit  écrire  par  le  fils 
de  l'hôtesse  ces  étiquettes  sur  de  petits 
sachets  :  «  Poison  pour  faire  mourir  le  roi,  ~ 
»  poison  pour  faire  mourir  la  reine,  etc.» 
11  usa,  dit-on,  de  ce  stratagème,  pour 
êlre  conduit  et  nourri  jusqu'à  Paris  sans 
qu'il  lui  en  coûtât  rien,  et  pour  faire  rire 
le  roi  ;  mais  une  telle  turlupinade  ,  loin 
de  faire  rire,  aurait  pu  faire  pleurer  celui 
qui  en  était  l'auteur.  Les  OEuvres  de 
Rabelais,  dont  les  EIzévirs  donnèrent 
une  Edition  sans  notes  en  1CG3,  en  2  vol. 
in- 12  ,  furent  recueillies  en  Hollande  en 
5  vol.  in-8  ,  1715,  avec  des  figures  et  un 
commentaire  par  Le  Duchat.  En  1741  , 
Bernard ,  libraire  à  Amsterdam,  en  don- 
na uneédition  in-4,  3  vol.  avec  des  figures 
gravées  par  le  fameux  Bernard  Picart.  (  Les 
OEuvres  de  Rabelais  ont  été  réimpri- 
méesà  Paris,  1 823-1 825,  8  vol.  in-8,  édit. 
Fariorum  ,  etc. ,  avec  un  Commentaire 
historique  et  philosophique ,  et  ornés  de 
132  gravures.  )  On  a  encore  de  Rabelais 


I 


RAB 

de»  Lettres  in-8  ,  sur  lesquelles  M.  d« 
Sainte-Marlhe  a  fait  des  notes,  et  quelques 
écrits  de  médecine.  On  a  gravé  120  es- 
tampes en  bois,  sous  le  titre  de  Songes 
drolatiques  de  Pentagruel,  1565  ,  in-8. 
On  donna  en  1752  ,  sous  le  titre  à'OEu- 
vres  choisies  de  M'  François  Rabelais, 
Gargantua,  le  Pentagruel,  etc.  dont 
on  a  retranché  les  endroits  licencieux  et 
les  impiétés.  On  trouve  à  la  fin  une  Vie 
de  Rabelais.  Cette  édition,  en  3  petits  vol. 
in-12  ,  est  due  aux  soins  de  l'abbé  Perau. 
Jean  Dernier  avait  déjà  publié  :  Jugement 
et  observations  sur  les  OEuvres  de  Ra- 
belais ou  le  véritable  Rabelais  réforme', 
Paris,  1697  ,  in-12.  Piabelais  a  fait  impri- 
mer à  Lyon  en  1 532  :  Testamcntum  Lu- 
cii  Cupidii;  item,  Contractus  vcnditio- 
nis  antiquis  Romanorum  temporibus 
initns ,  cum  pnefalione  Francisci  Ra- 
bclœsii.  Il  croyait  que  ces  deux  pièces 
n'avaient  jamais  paru  et  qu'elles  étaient 
anciennes  ;  mais  il  se  trompait  sur  l'un  et 
sur  l'autre  article  Ce  testament  et  ce 
contrat  de  vente  avaient  été  imprimés,  et 
c'étaient  deux  pièces  modernes.  Un  curé 
de  Meudon ,  qui  a  publié  tout  ce  qu'il 
a  pu  trouver  à  la  louange  de  Rabelais, 
aurait  pu  employer  son  temps  plus  utile- 
ment. M.  Astruc  parle  fort  au  long  de  ce 
médecin  dans  son  Histoire  de  la  faculté 
de  Montpellier.  Rabelais  publia  d'autres 
écrits  de  peu  d'importance.  (On  a  fait  en 
1830  un  P'audeville  sur  Rabelais.  ) 

*  RABEINER  (Théophile-Guillaume), 
littérateur  et  moraliste  allemand  ,  né  en 
1714  à  Warchau  ,  village  près  de  Leip- 
sick  ,  termina  ses  études  à  l'université  de 
celte  ville  ,  après  les  avoir  commencées 
au  collège  de  Meissen.  Il  écrivait  aussi 
bien  en  prose  qu'en  vers  ,  et  réussissait 
surtout  dans  la  .ya/tre,  talent  qui  n'est  pas 
toujours  le  plus  recommandable.  Il  avait 
obtenu,  en  1735,  à  Dresde  ,  l'emploi 
de  secrétaire  de  l'administration  des  fo- 
rêts ;  au  siège  de  cette  ville  (  1760)  .plu- 
sieurs de  ses  ouvrages  furent  brûlés  dans 
sa  maison  ,  qui  devint  la  proie  des  flam- 
mes. Son  esprit  satirique  lui  ayant  sus- 
cite un  grand  nombre  d'ennemis  ,  il  ré- 
solut de  ne  plus  rien  imprimer  de  son  vi- 
•  Tant.  En  1767  ,  il  fut  frappé  d'une  atta- 


RAB  an 

que  d'apoplexie  ,  qui  le  fit  souffrir  pen- 
dant quatre  ans ,  sans  qu'il  perdît  rien  de 
sa  gaieté  ordinaire.  Il  mourut  en  1771  , 
à  l'âge  de  57  ans.  On  a  de  cet  écrivain 
plusieurs  ouvrages  en  prose  et  en  vers  ; 
mais  il  est  plus  particulièrement  connu 
par  ses  Satires  ,  dont  la  seconde  édition 
est  de  17  56,  4  vol.  in-12.  La  11"  édition  de 
ses  OEuvres  complètes  a  paru  à  Leipsick 
en  1  777,  6  vol.  in-  8,  avec  la  p^ie  de  l'au- 
teur, par  M.  C.-R .  Weisse.  Elles  ont  été  tra- 
duites en  totalité  ou  en  partie  dans  diffé- 
rentes langues.  On  a  en  français  quelques- 
unes  des  Lettres  satiriques  ,  insérées 
dans  le  Choix  de  poésies  allemandes  , 
par  Huber  ,  tome  4  ;  Satires  de  M.  Ra- 
bener  ,  traduction  libre  de  l'allemand 
parBoispréaux  (Dujardin  )  ,  Paris,  1754, 
2  vol.  in-12;  Mélanges  amusans ,  ré- 
créatifs et  satiriques  de  littératures  al- 
lemandes, traduits  librement  de Rabener, 
par  M.  N.  L.  F.  ,  ibid.  ,  1776,  4  volume» 
in-12;  Osaureus,  owle  nouvel  Abailard, 
comédie  ,  traduite  d'un  manuscrit  alle- 
mand de  Rabener  (par  Cailleau)  ,  terne 
(Paris)  ,  1761  ,  in-12. 

*  RABESANO  (  Livio  ) ,  fut  un  des 
hommes  les  plus  éclairés  de  son  siècle , 
et  naquit  près  de  Vienne  en  1605.  Il  en- 
tra dans  l'ordre  des  frères  mineurs  de 
l'observance, y  remplit  plusieurs  emplois 
importans,  et  fut  pendant  plusieurs  an- 
nées professeur  de  philosophie.  On  a  de 
lui  :  1"  Cursus  philosophicus  ad  mentent 
doctoris  subtilis  pro  tyronibus  scotistis, 
Venise,  1665,  in-4  ;  2"  Cursus  philoso- 
phicus ,  etc. ,  continens  très  libros  Aris- 
totelis  de  anima,  ibid.,  1 665  ;  3°  De  cœlo 
et  mundo,  iiiid.,  1672;  4"  De  gêner atione 
et  corruptione ,  ibid. ,  1674.  Le  Père  Ra- 
besano  mourut  à  Vienne  vers  1680. 

RABIRIDS,  célèbre  architecte,  vivait 
sous  l'empire  de  Domitien,  prince  cruel, 
qui  ne  s'est  pas  moins  rendu  fameux  par 
ses  fureurs  que  par  sa  passion  extraordi- 
naire pour  les  bàtimens.  Ce  fut  Rabirius 
qui  construisit  le  palais  de  cet  empereur, 
dont  on  voit  encore  des  restes.  Ce  superbe 
édifice  étai  i  d'une  architecture  excellente. 
Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  Rabibius  , 
qui  fit  sous  Auguste  un  Poème  sur  la  guerre 
qui  éclata  entre  cet  empereur  et  Marc-An- 


2!a  RAB 

toine.    Maittairo  eo  rapporta   quelques 
fragmens  dans  son  Corpus  poetarum. 

*  RABOTEAU  (  Pierre- Paul)  ,  littéra- 
teur ,  né  en  1766  à  La  Rochelle  ,  se  lit 
connaître  de  bonne  heure  par  quelques 
compositions  qui  lui  ouvrirent,  à  l'âge  de 
22  ans,  les  portes  de  l'académie  de  sa  ville 
natale.  Il  vint  à  Paris  en  17  97  ,  et  il  y  fit 
plusieurs  Faudevilles  et  d'autres  écrits 
qui  furent  favorablement  accueillis.  Sous 
la  restauration  ,  il  occupa  l'emploi  de 
sous-chef  au  ministère  delà  police  (1815- 
1 820  ).  Plus  tard  il  se  retira  dans  sa  ville 
natale,  où  il  mourut  le  21  octobre  1826. 
Son  poème  des  Jeux  de  l'enfance,  1 802, 
în-8  ,  eut  beaucoup  de  succès  ,  et  a  été 
réimprimé  en  1 805.  On  cite  encore  de  lui 
la  Prise  de  la  Bastille,  ode,  1790,  in-8  ; 
L^ avare  et  son  ami  ,  comédie  en  1  acie 
et  en  prose,  mêlée  de  vaudevilles,  1801  , 
in-8  (  avec  Radet  )  ;  Lasti.cnie  ou  une 
journée  d'Alcibiade  ,  id.  ,  1802  ,  in-8 
(  avec  Lachabeaussières  )  ;  La  ville  et  le 
village  ,  divertissement  ,  1802  ,  in-8. 
Dans  les  séances  publiques  de  la  société 
philotechnique  ,  dont  il  était  membre  ,  il 
lutua  Poème  adressé  aux  artistes  ,  une 
Eglogue  de  Rabener ,  tirée  de  la  Bible  , 
une  Epilre  à  l'ennemi  ,  d'autres  Poè- 
mes ,  et  surtout  des  Fables  pleines  d'es- 
prit et  de  naturel.  Il  a  laissé  en  manu- 
scrit un  travail  sur  Piaule  qui  est ,  dit-on, 
très  remarquable.  M.  Villenave  lui  a  con- 
sacré une  Notice  biographique  dans  la 
Revue  encycl.  ,  1826  ,  t.  1  ,  p.  S-iG. 

•  RABUEL  (  Claude  ) ,  jésuite  et  sa- 
vant mathématicien ,  naquit  à  Pont-de- 
Veyle  dans  la  Bresse,  le  24  avril  16C9. 
Entré  dans  la  société  à  l'àgede  17  ans,  il 
cultiva  les  belles-lettres ,  et  les  enseigna; 
mais  un  goût  particulier  pour  les  sciences 
exactes  lui  avait  fait  donner  à  l'étude  des 
mathématiques  une  partie  de  son  temps, 
et  il  les  possédait  à  un  haut  degré  ;  il  les 
professa  pendant  vingt  ans  dans  le  col- 
lège de  la  Trinité  à  Lyon.  L(  rsque  la  GeV)- 
métrie  de  Descartes  parut ,  elle  piqua 
sa  curiosité ,  et  il  fit  sur  cet  ouvrage  un 
travail  qui  néanmoins  ne  fut  pas  publié 
pendant  sa  vie.  Le  Père  l'Rspinasse,  aussi 
jésuite  ,  son  disciple,  le  fit  imprimer  en 
1 7  30,à  Ly  on,  sotis  le  titre  de  Commentaire 


RAB 

sur  la  géométrie  de  Descartes,  in  4.  MM. 
de  Beaunie,  de  Wilt  et  de  Fermât  avaient 
déjà  éclairci  quelques  parties  de  l'ouvra- 
ge du  philosophe  français.  On  a  en  outre 
du  Père  Rabuel  d'autres  traités  sur  V Algè- 
bre ,  les  sections  coniques ,  le  calcul  dif- 
férentiel et  le  calcu'  intégral,  in-4.  Ce 
savant  jésuite  est  mort  à  Lyon  le  12  aviil 
1728. 

RABUSSON  (  Dom  Paul  ) ,  né  en  1634 
àGannat,  ville  de  Bourbonnais,  entra 
dans  l'ordre  de  Cluny  en  1655,  et  y  oc- 
cupa dilYérentes  places.  Les  deux  chapi-^ 
tresde  IG'Get  1678  le  chargèrent  décom- 
poser le  fameux  Bréviaire  de  son  ordre, 
qui  a  servi  de  modèle  à  tant  d'autres.  On 
lui  associa  Claude  de  Vert,  de  l'ancien- 
ne observance,  qui  ne  se  chargea  que 
des  rubriques.  D.  Rabusson  engagea  Sau- 
teuil  de  Saint-Yiclor  à  consacrer  à  des 
poésies  plus  dignes  d'un  chrétien  le  ta- 
lent qu'il  avait  pour  ce  genre  d'écrire  ;  et 
le  poète  fit,  à  sa  sollicitation  ,  ces  belles 
Hymnes ,  dont  le  Tourneux  et  Rabusson 
lui  fournissaient  les  pensées.  Dom  Rabus- 
son fut  élu,  en  1G93  ,  supérieur  général 
de  la  réforme;  et  pendant  près  de  dix- 
huit  ans  qu'il  gouverna  de  suite,  il  fit 
régner  dans  Cluny  la  paix  et  toutes  les 
vertus  religieuses.  Lescardinaux  de  Bouil- 
lon et  de  Noailles  faisaient  beaucoup  de 
cas  de  son  mérite.  Il  mourut  en  171 7  ,  à 
83  ans. 

PtABUTIN  (  François  de  Bussi  ),  gen- 
tilhomme de  la  compagnie  du  duc  de 
Nevers,  d'une  des  plus  anciennes  et  des 
plus  illustres  familles  de  Bourgogne,  est 
célèbre  par  ses  Mémoires  militaires,  qu'il 
fit  imprimer  à  Paris,  en  1574,  sous  ce 
titre  :  Commentaire  sur  le  fait  des  guer- 
res en  la  Gaule  bclgiqiie,  entre  Henri  II 
et  Charles-Quint ,  \n-%.  Le  stiie  en  est 
simple,  ainsi  que  la  narration,  et  il  y 
règne  un  grand  air  de  sincérité.  Il  vivait 
sous  les  règnes  de  Henri  II  et  de  Charles 
IX,  qui  eurent  en  lui  un  sujet  fidèle  et 
un  guerrier  habile. 

RABUTIN  (  Roger,  comte  de  Bus.si  ), 
né  à  Fpiri  en  Nivernais  l'an  1618,  jtctil- 
fils  du  précédent,  servit  dès  l'âge  de  12 
ans  dans  le  régiment  de  son  père.  Sa 
valeur  parut  avec  éclat  dans  plusieurs 


RAB 

sièges  et  batailles.  Elle  lui  luéritu  les  [>la- 
ces  de  mcstre-de-camp  de  la  cavalerie  lé- 
gère, de  lieutenant  général  des  armées 
du  roi ,  et  de  lieutenant  général  du  Ki- 
vernais.  Etant  devenu  veuf  en  1648  ,  il 
conçut  une  violente  passion  pour  mada- 
me de  Miramion  ;  il  l'enleva  ,  mais  inu- 
tilement. (  Voyez  MiRAJUON.  )  Reçu  à 
l'académie  française  en  16G5,  il  y  pro- 
nonça une  harangue  pleine  d'esprit  et 
de  fanfaronnades.  11  courait  alors  sous 
son  nom  une  histoire  manuscrite  des 
amours  de  deux  dames  puissantes  à  la 
cour  (  d'Olonne  et  de  Chàlillon  ).  Ce 
manuscrit ,  intitulé  Histoire  amoureuse 
des  Gaules  ,  faisait  beaucoup  de  bruit. 
Aux  grâces  du  sti!e,  à  la  délicatesse  des 
pensées,  à  la  vivacité  des  saillies  ,  l'au- 
teur avait  su  joindre  des  portraits  peints 
avec  autant  d'art  que  de  vérité  ,  de  plu- 
sieurs personnes  de  la  cour,  et  un  Ion  de 
dépravation  qui  n'était  pas  ce  qui  plai- 
sait le  moins.  Les  personnes  intéressées 
portèrent  leurs  plaintes  au  roi ,  qui,  déjà 
mécontent  de  Bussi ,  le  fit  mettre  à  la 
Bastille.  Les  Amours  des  Gaules  furent 
le  prétexte  de  sa  détention.  Bussi  avait 
déjà  mérité  cette  punition  par  une  chan- 
son indécente  contre  le  roi ,  et  un  livre 
en  forme  à.' Heures,  où  il  substituait  aux 
images  des  saints  quelques  hommes  de 
la  cour,  dont  les  femmes  étaient  soup- 
çonnées de  galanteries.  Une  maladie  oc- 
casionée  par  sa  prison  lui  procura  la  li- 
berté ;  mais  avant  de  Tobleuir ,  il  fallut 
qu'il  donnât  la  démission  de  sa  charge, 
et  qu'il  écrivît  une  lettre  de  satisfaction 
aux  victimes  de  sa  méchanceté;  il  ne  sor- 
tit de  la  Ba.stille  que  pour  aller  en  exil 
dans  ses  terres.  Il  fatigua  pendant  toutes 
temps-là  Louis  XIV  par  une  foule  de  let- 
tres qui  décèlent ,  si  ce  n'est  une  âme 
i;msse  ,  au  moins  une  âme  petite  et  fai- 
ble. Il  protestait  au  roi  une  tendresse 
qu'il  n'avait  pas ,  et  il  se  donnait  des 
liges  qu'on  croyait  beaucoup  plus  sin- 
.  res  que  les  prole*tations  d'attachement 
«lont  il  excédait  le  monarque.  Après  dix- 
sept  ans  de  sollicitations  ,  il  obtint  enfin 
l.i  permission  de  retourner  à  la  cour  ; 
tuais  le  roi,  évitant  de  le  regarder,  il  se 
relira  dans  ses  terres,  partageant  sob 


RAB 


ai3 


temps  entre  les  plaisirs  de  la  campagne 
et  ceux  de  la  littérature.  (  Voyez  Riviïrb, 
Henri  François.  )  Il  mourut  à  Àulun  en 
1693,  à  75  ans.  Il  faut  avouer  qu'il  avait 
de  l'esprit,  mais  plus  d'amour-propre 
encore;  et  il  ne  se  servit  guère  de  son 
esprit,  que  pour  se  faire  des  ennemis. 
Comme  courtisan  ,  comme  guerrier , 
comme  écrivain ,  comme  homme  à  bon- 
nes fortunes,  il  croyait  n'avoir  point 
d'égal.  On  a  de  lui  :  1°  Discours  à  ses  en- 
fans  sur  le  bon  usage  des  adversités  ,  et 
sur  les  divers  éve'nemens  de  sa  vie  , 
Paris,  1694,  in-12.  On  y  trouve  des  ré- 
flexions utiles  ,  mais  communes.  2°  Ses 
Mémoires,  en  2  vol.  in-4  ,  Paris  ,  1693  ; 
réimprimés  à  Amsterdam,  en  3  vol. 
in-4,  avec  plusieurs  pièces  curieuses. 
Pour  quelques  faits  vrais  et  intéressans , 
on  y  trouve  cent  particularités  dont  on 
ne  se  soucie  pas  ;  le  stile  en  fait  le  prin- 
cipal mérite  :  il  est  léger,  pur  et  élégant. 
3"  Des  Lettres  ,  en  7  volumes  in-12,  plu- 
sieurs fois  réimprimées.  Elles  ont  eu  dans 
leur  temps  beaucoup  de  réputation  , 
mais  on  y  sent  trop  qu'elles  ont  été  fai- 
tes pour  être  publiques;  et,  quoique 
écrites  avec  noblesse  et  avec  correction, 
elles  ne  plaisent  guère  aux  personnes 
d'un  goût  véritablement  délicat,  qui 
préfèrent  le  naturel  à  toutes  ces  grâces 
contraintes.  4"  Histoire  abrégée  de  Louis 
le  Grand,  Paris,  1699,  in-12.  Ce  n'est 
presque  qu'un  panégyrique ,  et  il  révolte 
d'autant  plus  que  l'auteur  écrivait  contre 
sa  pensée. 5° Des  Poésies,  répandues  dans 
ses  lettres  et  dans  différens  recueils  ;  elles 
sont  plutôt  d'un  bel  eçprit  que  d'un 
poète. On  n'estime  guère  que  ses  Maximes 
d'amour  et  ses  E pigrammes  imitées  de 
Martial.  Les  Amours  des  Gaules  ont  été 
imprimées  en  Hollande  avec  d'autres 
historiettes  du  temps,  en  2  vol.  in-12; 
et  à  Paris,  sous  le  titre  de  Hollande,  en 
5  petits  vol.  in-12.  (  Bussi-Rabutin  avait 
une  fille  religieuse  de  la  Visitation  à  Pa- 
ris (  Diane-Charlotte  ),  qui,  selon  l'abbé 
Langlet,  écrivait  aussi  bien  que  son  père. 
C'était  d'elle  que  mademoiselle  Scudéri 
disait  en  écrivant  à  ce  dernier  ;  «  Votre 
»  fille,  que  je  vois  souvent,  a  autant 
»  d'esprit  qrfe  si  elle  vous  voyait  toui 


âi4  lÎAC 

>•  les  jours  ;  et  elle  est  aussi  sage  que  si 
M  elle  ne  vous  avait  jamais  vu.  u  M"*  de 
Bussi  a  donné  un  Abrégé  de  la  vie  dt 
madame  de.  Chantai,  et  un  autre  de  celle 
de  saint  François  de  Sales.  Elle  eut  un 
frère  évèque  de  Luçon  et  membre  de  l'a- 
cadémie française,  qui  se  signala  par  son 
zèle  pour  la  bulle  Unigenitus.  ) 

RACAN  (  Honorât  de  Bueil  ,  marquis 
de  },  poète  français,  né  en  Touraineà  la 
Rocbe-Racan  ,  l'an  1689,  d'un  maréchal 
de  camp  des  armées  du  roi ,  fut  l'un^des 
premiers  membres  de  l'académie  fran- 
çaise. (  Son  éducation  fut  toute  militaire; 
il  avait  pris  une  telle  aversion  pour  la 
langue  latine  qu'il  ne  put  jamais,  dit- 
on,  retenir  le  Confiteor.  )  A  l'âge  de  16 
ans ,  il  devint  page  de  la  chambre  du 
roi ,  sous  Bellegarde,  qui  avait  pris  Mal- 
herbe dans  sa  maison  par  l'ordre  de  Henri 
IV.  Racan  ,  cousin-germain  de  madame 
de  Bellegarde  ,  eut  occasion  de  voir  ce 
grand  maître  en  poésie ,  et  il  se  forma 
sous  lui.  Le  jeune  Racan  quitta  la  cour 
pour  porter  les  armes  ;  mais  il  ne  fit  que 
deux  ou  trois  campagnes  ,  et  il  revint  à 
Paris  après  le  siège  de  Calais.  Ce  fut  alors 
qu'il  consulta  Malherbe  sur  le  genre  de 
vie  qu'il  devait  embrasser.  Le  poète , 
pour  toute  réponse  ,  se  contenta  de  lui 
réciter  la  Fable  du  meunier,  son  fils 
et  râne  :  fable  ingénieuse  ,  inventée 
par  le  Pogge  et  imitée  par  la  Fontaine. 
Le  marquis  de  Racan  continua  quelque 
temps  encore  la  carrière  qu'il  avait  em- 
brassée ,  parvint  au  grade  de  maréchal- 
de-camp  ,  se  maria  et  passa  le  reste  de  sa 
vie  au  milieu  des  plaisirs  et  du  culte  des 
muses.  Ses  Bergeries  sont  recommanda- 
bles  dans  le  genre  pastoral.  Celle  qui 
commence  ainsi  :  Paissez  ,  chères  bre- 
bis, jouissez  de  la  joie ,  etc. ,  passe  pour 
son  chef-d'œuvre.  On  a  loué  aussi  des 
Stances  sur  la  fausseté  des  grandeurs 
humaines.  (  f^.  Louis  de  France.  )  Sa  tra- 
duction de  la  fameuse  strophe  d'Horace, 
Pallida  mors  ,  a  été  souvent  comparée , 
mais  toujours  à  son  détriment ,  à  celle  de 
Malherbe.  Voici  la  traduction  de  Racan': 

I.C9  loit  dt  la  mort  «nnl  faUln  , 
Anwi  bien  aux  malion*  roTale» 
Qu'aui  taudit  rourcrU  <lc  rot* aai. 


RAC 

Toui  nnt  jour»  ioiit  iujcii  aui  ParqiiM* 
Ceux  <lfi  bergeri  et  de!  moiiarquM 
Sont  coupéi  de»  mémei  ciieaux. 

Malherbe  avait  dit  : 

La  pauTre.  en  la  rabane  ,  où  le  cbaum*  la  eeufra . 

E.<l  «ujcl  à  ne»  lois  ; 
Et  la  ga  rdr  qui  <rille  aux  barrièrea  du  LouTra. 

N'en  défend  pas  nos  rois. 

Le  mérite  de  Racan  était  d'exprimer 
d'une  manière  ingénue  et  touchante  tou- 
tes sortes  d'objets  ,  ceux  même  qui  ap- 
partenaient à  la  poésie  sublime  ;  mais  il 
réussissait  mieux  dans  ceux  qui  étaient 
proprement  du  ressort  de  la  poésie  sim- 
ple et  naturelle.  Il  mourut  à  la  Roche- 
Racan,  en  1C70,  à  81  ans.  Ses  OEuvres 
et  Poésies  ont  été  recueillies,  Paris, 
1660,  in-8,  1724,  2  vol.  in-12.  Foyet 
dans  l'Art  poétique  de  Boileau  ce  que 
le  législateur  du  Parnasse  français  dit  de 
Racan. 

*R  ACCAFORTE  (Innocent),chanoine, 
né  à  Palerme ,  vers  1640,  embrassa  l'état 
ecclésiastique  ,  devint  chanoine  delà  ca> 
thédrale  de  Catane.  11  obtint  beaucoup  de 
réputation  par  ses  connaissances  en  litté- 
rature, surtout  dans  rhi.stoire  de  son 
pays.  Il  a  laissé  un  ouvrage  très  intéres- 
sant, intitulé  :  Journal  historique  de  la 
Sicile  ,  depuis  la  création  du  monde  jus- 
qu'à l'année  1700  ,  Palerme,  1704.  On 
a  joint  ce  journal  aux  E claircissemens 
historiques  de  la  Sicile,  par  Pierre  Carre« 
ra,  etc.  Raccaforte  a  écrit  aussi,  dans  , 
le  patois  de  son  pays,  quelques  poésies, 
qu'on  trouve  dans  plusieurs  recueils  de 
poésies  siciliennes.  Ce  patois  est  très 
propre  pour  le  stile  pastoral. 

RACHEL  ,  seconde  tille  de  Laban , 
épousa  le  patriarche  Jacob,  l'an  1753 
avant  J.  C.  Elle  en  eut  Joseph  et  Benja- 
min. Rachel  mourut  en  accouchant  de 
celui  ci.  Elle  fut  enterrée  sur  le  chemin 
qui  conduit  à  Epbrata ,  où  Jacob  lui 
éleva  un  monument  qui  a  sub.sisté  pen- 
dant plusieurs  siècles.  On  montre  encore 
aujourd'hui  sur  la  route  d'Ephrata  une 
espèce  de  dôme  soutenu  sur  quatre  piliers 
carrés ,  qui  forment  autant  d'arcades  ,  et 
l'on  prétend  que  c'est  le  tombeau  érigé 
à  Racbcl  par  Jacob.  Mais  comme  ce  mo- 
nument est  encore  tout  entier ,   il  est 


RAC 

difficile  de  croire  que  ce  soit  le  même 
que  Je  patriarche  consacra  à  la  mémoire 
de  son  épouse. 

RACKEL  (■Joachim),  né  en  Rassc- 
Sdxe,  poète  allemand,  recteur  de  l'école 
de  Norden,  s'est  attaché  parliculière- 
me.'it  à  la  poésie  satirique  dans  le  17® 
siècle.  Il  n'a  point  écrit  avec  la  même 
pureté  et  la  même  délicatesse  que  Des- 
préaux ;  mais  il  est  plus  véhément,  et 
partout  il  se  montre  l'ennemi  implacable 
du  vice  et  des  ridicules.  Son  énergie  lui 
a  fait  donner  le  nom  de  Lucilius  alle- 
mand. 

JRACIjNE  (  Jean) ,  le  plus  beau  génie 
delà  scène  tragique  chez  les  Français,  et 
peut-être  chez  tous  les  peuples  modernes, 
naquit  à  la  Ferté-Milon  d'une  famille  no- 
ble, Ie21  décembre  1639,  l'annéemêmeoii 
Corneille  âgé  de  33  ans  faisait  représenter 
Horace  et  Cinna.  Orphelin  de  père  et  de 
mère  dès  l'âge  de  3  ans,  il  fut  élevé  d'abord 
à  lieauvais,  puis  à  Paris,  au  collège 
d'IIarcourt,  et  enfin  à  Port-Royal-des- 
Champs,  où  Marie  des  Sloulins,  sa  grand'- 
mère  ,  s'était  retirée.  Son  goût  dominant 
était  pour  les  poètes  tragiques.  Il  allait 
souvent  se  perdre  dans  les  bois  de  l'ab- 
baye ,  un  Euripide  à  la  main  :  il  cher- 
chait des  lors  à  l'imiter.  Il  cachait  des 
livres  pour  les  dévorer  à  des  heures  in- 
dues. Le  sacristain  Claude  Lancelot,  son 
maître  dans  l'étude  de  la  langue  grec- 
que, lui  brûla  consécutivement  trois 
exemplaires  des  Amours  de  The'agène  et 
(le  Chariclee,  roman  grec  qu'il  apprit 
par  cœur  à  la  troisième  lecture.  Après 
avoir  terminé  sa  philosophie  au  collège 
il'Harcoirt,  il  débuta  per  une  Ode  sur  le 
mariage  de  Louis  XIV.  Cette  pièce  ,  inti- 
tulée la  Nymphe  de  la  Seine  ,  lui  valut 
une  gratification  décent  louis  et  unepen- 
bion  de  GOO  livres.  Le  ministre  Colbert 
obtint  pour  lui  l'une  et  l'autre  de  ces 
:;iàces.  (  Indépendamment  de  rOrfe  dé- 
jà citée ,  Racine  en  composa  une  autre 
pour  le  rétablissement  des  trois  acadé- 
mies, intitulée  la  Renommée  aux  Muscs, 
qui  lui  valut  de  nouvelles  gratifications 
de  la  part  du  roi.  Ces  succès  le  décidèrent 
à  se  livrera  la  poésie;  mais  peu  s'en 
fallut  qu'il  ne  renonçât  à  écrire  pour  le 


RAC  2i5 

théâtre.  Ayant  montré  à  Molière  sa  pr- 
mière  tragédie  (non  jouée  ni  imprimée), 
The'agène  et  Chariclee ,  cet  auteur  célè- 
bre lui  témoigna  sa  désapprobation  ;  quel- 
que temps  après  ,  il  lut  sou  Alexandre 
à  Corneille ,  qui  lui  conseilla  de  ne  plus 
faire  des  tragédies.  )  En  vain  un  de  ses 
oncles,  chanoine  régulier  et  vicaire-gé- 
néral d'Uzès ,  l'appela  dans  cette  ville 
pour  lui  résigner  un  riche  bénéfice;  la 
voix  du  talent  le  rappela  à  Paris.  Il  s'y 
retira  vers  1GG4  ,  époque  de  sa  première 
pièce  de  théâtre ,  qui  fut  la  Thébaïde 
ou  Les  Frères  ennemis ,  suivie  à'A- 
lexandre,  en  16G6.  Car  Racine ,  quoi- 
que élevé  dans  les  maximes  sévères  de 
Port-Royal ,  et  portant  l'habit  ecclésias- 
tique, n'en  travaillait  pas  moins  au  profit 
des  histrions  ,  et  ce  n'est  pas  la  première 
fois  que  l'on  vitun  partisan  du  rigorisme 
s'occuper  des  choses  que  les  plus  lâches 
probabilistes  eussent  cru  ne  s'accorder 
pas  avec  l'esprit  du  christianisme.  Ce 
fut  à  peu  près  vers  ce  temps-là  qu'il  ob- 
tint le  prieuré  d'Epignay  ;  mais  il  n'en 
jouit  pas  long  temps.  Ce  bénéfice  lui  fut 
disputé  :  il  n'en  retira  pour  tout  fruit 
qu'un  procès,  que  ni  lui  ni  ses  juges 
n'entendirent  jamais  ;  aussi  abandonna- 
t-il  et  le  bénéfice  et  le  procès.  Il  eut 
bientôt  un  autre  procès  qui  fit  plus  de 
bruit.  Des  Marest  de  Saint-Sorlin  écrivit 
contre  Nicole  ,  qui ,  dans  la  première  de 
ses  lettres ,  traita  les  poètes  dramatiques 
à' empoisonneurs  ,  non  des  corps ,  mais 
des  âmes.  Racine  prit  ce  trait  pour  lui; 
il  lança  d'abord  une  lettre  contre  ses  an- 
ciens maîtres.  Nicole  négligea  de  répon- 
dre :  mais  Barbier  d'Aucour  et  Dubois  le 
firent  pour  lui.  Racine  leur  répliqua  par 
une  lettre  qui  sentait  l'homme  piqué  ,  et 
qui  à  tout  prix  voulait  avoir  raison.  Boi- 
leau,  à  qui  il  la  montra  avant  que  de  la 
rendre  publiqlie  ,  l'engagea  à  la  suppri- 
mer. Alexandre  fut  suivi  à'Andromaque, 
jouée  en  1C68.  La  comédiedes  Plaideurs, 
jouée  la  même  année  ,  eut  du  succès,  à 
raison  des  allusions  oii  l'on  reconnut  di- 
vers personnages,  et  des  anecdotes  qui 
avaient  été  l'objet  de  la  conversation 
des  Parisiens  ;  ce  n'était  du  reste  qu'une 
imitation    des  Guêpes   d'Aristophane  : 


ai6  RAC 

cette  pièce  se  joue  encore  au  Théâtre- 
Français.  Brilannicus  parut  en  1G70. 
Bérénice ,  joucc  l'année  d'après ,  n'est 
qu'une  pastorale  héroïque  ;  elle  manque 
de  ce  grand  intérêt  et  de  ce  terrible ,  les 
deux  grands  ressorts  de  la  tragédie.  Ra- 
cine prit  un  essort  plus  élevé, en  1672, 
dans  Bajazct.  Mitliridate  ,  joué  en 
1G73,  est  plus  dans  le  goût  du  grand 
Corneille ,  quoique  l'amour  soit  encore 
le  principal  ressort  de  cet  épilhalame,  et 
que  cet  amour  y  fasse  faire  des  choses 
peu  dignes  de  la  tragédie.  Milhridate  s'y 
■sert  d'un  artifice  de  comédie  pour  sur- 
prendre une  jeune  personne  et  lui  faire 
dire  son  secret.  Cette  fureur  démettre 
de  l'amour  partout  a  dégradé  presque 
tous  les  héros  de  Racine.  Voltaire  a  eu 
raison  de  dire  :  <c  Les  connaisseurs  qui 
»  se  plaisent  plus  à  la  douceur  élégante 
»  de  Racine  qu'à  la  force  de  Corneille 
»  me  paraissent  ressembler  à  ceux  qui 
))  préfèrent  les  nudités  du  Corrége  au 
))  chaste  et  noble  pinceau  de  Raphaël.  « 
Iphigénie  ne  parut  que  deux  ans  après 
(  en  1G75  ) ,  et  mérita  le  même  reproche 
que  les  précédentes.  Phèdre  fut  jouée 
«n  1677  deux  jours  avant  la  représenta- 
tion du  même  sujet  traité  par  Prndon.  Le 
plan  des  deux  pièces  est  à  peu  près  de  la 
même  contexture  :  mêmes  personnages, 
mêmes  situations,  même  fonds  de senti- 
mens  et  de  pensées  ;  mais  c'est  lorsque 
les  deux  auteurs  se  rencontrent  de  plus 
près,  qu'on  sent  davantage  la  supériorité 
du  talent.  Cependant  Pradon  ,  soutenu 
par  les  ennemis  de  Racine ,  attira  tout 
Paris  à  sa  pièce  ,  tandis  que  celle  de  son 
rival  fut  couverte  de  huées  et  de  ridicule. 
(  La  postérité  a  fait  justice  de  cette  cabale; 
Phèdre  est  la  pièce  la  plus  souvent  jouée , 
et  toujours  avec  applaudissement.  )  Ra- 
cine, dégoûté  de  la  carrière  du  théâtre  , 
-  semée  de  tant  d'épines,  résolut  de  se 
faire  chartreux.  Son  directeur,  qui  con- 
naissait l'inconstance  de  son  caractère, 
lui  conseilla  de  s'arracher  au  monde  et 
au  théâtre ,  phitôt  par  un  mariage  chré- 
tien que  par  une  entière  retraite.  Il  épou- 
sa ,  quelques  mois  après ,  la  fille  du  tré- 
sorier de  France  ,  d'Amiens.  La  même 
année  de  son  mariage,  en  1677  ,  Racine 


RAC  . 
fut  chargé  d'écrire  l'histoire  de  Louis 
\IV,  conjointement  avec  Roileau.  Cette 
histoire  n'a  jamais  paru  ;  le  manuscrit 
en  a  péri  dans  l'incendie  de  la  bibUothè- 
que  de  M.  de  Valincourt.  Il  en  a  échappé. 
dit-on  ,  un  fragment  ,  qui  a  été  publié 
en  1784.  (  frayez  le  Journ.  hist.  et  Utt., 
1"  décembre  1784,  p.  602.  )  Ce  frag- 
ment ne  donne  pas  une  grande  idée  de 
l'ouvrage  ,  et  n'offre  dans  le  fait  qu'un 
Eloge  historique  y  titre  sous  lequel  il  a 
paru.  On  y  admire  tout,  on  y  exalte  tout. 
«  Tant  il  est  vrai ,  dit  un  critique  ,  qu'on 
w  ne  peut  jamais  écrire  l'histoire  pcn- 
»  dant  la  vie  des  rois,  surtout  lorsqu'ils 
»  sont  venus  à  bout  de  subjuguer  les  es- 
»  prits ,  comme  avait  fait  Louis  XIV.  On 
»  doit  se  borneralors  à  recueillir  Icsfails 
j)  par  ordre  chronologique,  et  l'on  n'est 
»  pas  en  droit  d'en  attendre  davantage 
»  des  historiographes  contemporains.  » 
»  La  religion  avait  enlevé  Racine  à  la 
poésie  ;  la  religion  l'y  ramena.  Madame 
de  Maintenon  le  pria  de  faire  une  pièce 
sainte,  qui  pût  être  jouée  à  S^int-Cyr  :  il 
en  fit  deux ,  Esthcr  et  Athalie  ;  mais  ces 
tragédies ,  quoique  d'une  grande  beauté  , 
et  vrais  chefs-d'œuvre  de  la  scène  fran- 
çaise ,  ne  furent  pas  rerues  avec  le  même 
enthousiasme  que  les  précédentes  :  nou- 
velle preuve  des  vrais  motifs  qui  produi- 
sent l'attachement  aux  spectacles  ,  tou- 
jours faible  lorque  la  corruption  du  cœur 
ne  le  fortifie  pas.  On  disait  «  que  c'était 
»  un  sujet  de  dévotion,  propre  à  amu- 
»  serdesenfans.»...  Racine jouissaitalors 
de  tous  les  agrémens  que  peut  avoir  un 
bel-esprit  à  la  cour.  Il  était  gentilhomme^ 
ordinaire  du  roi  ,  qui  le  traitait  eu  fa-j 
vori ,  et  qui  le  faisait  coucher  dans  sa 
chambre  pendant  ses  maladies.  Ce  mo-| 
narque  aimait  à  l'entendre  parler,  lire, 
déclamer.  Tout  s'animait  dans  sa  bouche, 
tout  y  prenait  une  âme,  une  vie.  Sa  fa- 
veur ne  dura  pas,  et  sa  disgrâce  hâta  sa 
mort.  Madame  de  Maintenon  ,  touchée 
delataisère  du  peuple,  avait  demandée 
Racine  un  Mémoire  sur  ce  sujet  intéres- 
sant. Le  roi  le  vit  entre  les  mains  à% 
cette  dame ,  et ,  fâché  de  ce  que  son  his- 
torien se  mêlait  de  son  administration, 
il  lui  défendit  de  le  revoir,  en  lui  disant' 


i 


RAC 

Parce  qu'il  est  poète ,  veut-il  être  minis- 
tre? Des  idées  tiisles,  une  fièvre  vio- 
lente ,  une  maladie  danrjereuse ,  furent 
la  suite  de  ces  paroles.  Racine  mourut 
en  1 699 ,  à  60  ans ,  d'un  petit  abcès  dans 
le  foie.  Tant  il  y  a  de  distance  entre  les 
ornemens  de  l'esprit  et  la  force  de  l'â- 
me ;  entre  la  culture  des  lettres  et  les 
sentimens  de  la  véritable  grandeur ,  qui 
sent  si  vivement  son  indépendance  des 
cours  et  des  rois  ,  et  qui  en  jouit  si  bien  ! 
Racine  était  d'une  taille  médiocre,  sa 
ligure  était  agréable ,  son  air  ouvert ,  sa 
physionomie  douce  et  vive.  Il  avait  la 
politesse  d'un  courtisan  et  les  saillies 
d'un  bel  esprit.  Son  caractère  était  aima- 
ble ,  mais  il  passait  pour  faux  ;  et ,  avec 
une  douceur  apparente ,  il  était  naturel- 
lement très  caustique.  Plusieurs  épi- 
grammes  ,  un  grand  nombre  de  couplets 
et  de  vers  satiriques ,  qu'on  brîila  à  sa 
mort ,  prouvent  la  vérité  de  ce  que  ré- 
pondit Despréaux  à  ceux  qui  le  trou- 
vaient trop  malin  :  Racine ,  disait-il , 
F  est  bien  plus  que  moi.  Les  défauts  de  ce 
poète  furent  effacés  en  partie  par  de  gran- 
des qualités.  La  religion  réprima  souvent 
ses  pencbans.  n  La  raison ,  disait  £oi- 
»  leau  à  ce  sujet,  conduit  ordinairement 
»  les  autres  à  la  foi  ;  mais  c'est  la  foi  qui 
»  a  conduit  Racine  à  la  raison.  »  Avec 
cela,  on  remarquait  un  air  de  fluctuation 
dans  sa  conduite,  et  comme  un  état  de 
dispute  entre  Dieu  et  le  monde ,  entre  sa 
conscience  et  les  choses  qu'elle  réprou- 
vait. Il  eut  sur  la  fin  de  ses  jours  uoe 
piété  tendre ,  une  probité  austère  ;  il 
condamna  l'usage  qu'il  avait  fuit  de  ses 
talens  en  faveur  d'un  genre  où  les  ver- 
tus chrétiennes  ont  si  peu  à  gagner. 
Outre  les  tragédies  de  Racine,  nous 
avons  de  lui  :  1°  des  Cantiques ,  qu'il  J'it 
h  l'usage  deSaint-Cyr.  Us  sont  pleins 
d'onction  et  de  douceur.  On  en  exécuta 
un  devant  le  roi ,  qui ,  à  ces  vers  : 

lion  Dieu  ,  quelle  guerre  rruelle  ! 
Je  trouve  deux  faomnies  en  moi  : 
I.'un  Teut  que  ,  plein  d'amour  pour  (ni , 
Je  U  toit  saus  cetfc  lideUe  i 
L'autre,  à  (m  ioIobUi  rebeUf , 
Mt  (oulèT*  coutre  ta  loi. 

dit  à  ipad^mç  de  Maintçnon  :  «  Ah  !  ma< 
»  dame,  \o\ïk  deux  hommes  que  je  cou- 

XI. 


R.\C  217 

j>  nais  bien.  »  2"  l'Histoire  de  Port- 
Royal ,  1707  ,  2  parties  in-12.  Le  stile 
de  cet  ouvrage  est  coulant  et  historique  , 
mais  souvent  négligé  ;  on  sent  assez  que 
l'historien  est  dans  le  cas  de  faire  quel- 
quefois l'apologiste  et  quelquefois  le  pa- 
négyriste. Clémencet  nous  a  donné  aussi 
uoe  Histoire  de  cette  maison  chérie  du 
parti.  Il  en  a  paru  une  nouvelle  eu  17  80, 
Paris  ,  4  vol.  in-12,  réunis  en  2  vol. 
Outre  cela ,  nous  avons  encore  les  Mé- 
moires hist.  et  chron.  de  Guilbert.  Tant 
d'histoires  d'une  maison  religieuse  sem- 
blent dire  qu'elle  avait  grand  besoin  de 
gens  qui  en  contassent  du  bien.  (  ployez 
Clémencet.  )  3°  Une  Idylle  sur  la  paix  , 
pleine  de  grandes  images  et  de  peintures 
riantes;  4°  quelques  Epigrammes  -.  genre 
qui  n'était  que  trop  dans  son  caractère, 
auquel  il  se  fût  livré  peut-être  davantage, 
si  les  remords  n'en  avaient  alïaibli  le  goût; 
5"  des  Lettres  et  quelques  opuscules,  pu- 
bliés par  son  fils  dans  ses  Mémoires  de 
la  vie  de  Jean  Racine  ,  1747,  5  vol.  in- 
12.  On  trouve  les  différens  ouvrages  de 
Racine  dans  l'édition  de  ses  OEuvres,  pu- 
bliée en  17C8,  en  7  vol.  in-8,  par  M. 
Luneau  de  Boisjermain  ,  qui  l'a  ornée  de 
remarques.  L'abbé  d'Olivet  a  donné  des 
Remarques  de  grammaire  sur  Racine , 
avec  une  Lettre  critique  sur  la  rime  , 
adressée  à  M.  le  président  Bouhier,  in- 
12,  Paris,  1738.  L'année  suivante  ,  l'ab- 
bé des  Fontaines  opposa  à  cet  écrit  :  Ra- 
cine vengé  ou  Examen  des  remarques 
grammaticales  de  M.  VabbéiïOlivet  sur 
les  OEuvresde  Racine,  Avignon  (Paris), 
in-12.  Ces  deux  écrits  méritent  d'être 
lus.  Celui  de  l'abbé  d'Oiivet  a  été  réim- 
primé en  17G6.  /^oy«  Corneille.  Nous 
avons  encore  d'autres  remarques  et  d'au- 
tres commentaires  sur  Racine;  on  doit 
les  lire  avec  précaution  et  se  défier  de 
leurs  louanges  :  les  plus  connus  sont 
ceux  de  Laharpe  et  de  Geoffroi.  On  dit 
qu'il  fit  perdre  à  Louis  XIV  l'habitude  de 
figurer  dans  les  ballets  qui  se  donnaient, 
à  la  cour  et  sur  un  théâtre ,  par  ces  vers, 
dans  la  tragédie  de  Rritanmcus  . 

>  Pour  toutg  iimbiliao  ,  pour  terlu  ainguitcre, 

>  Il  excelle  à  ronduire  on  cliar  dan»  la  carrière  , 

•  &  »e  douocr  li»im<-mu  en  spectacle  aux  llooisint, 

28.  - 


•>.i6  IIAC 

(1^8  éditions  (le  son  théâtre  sont  innombra- 
bles :  nous  indiquerons  seulement  celles 
de  Bodoni,  1813,  3  vol.  in- fol.,  et  celle 
de  Pierre  Didot  l'aîné  an  11  (1801-1805), 
3  vol.  io-fol.  ,  le  livre  le  plus  magni- 
fique que  la  typographie  ait  encore  pro- 
duit. Ses  OE livres  ont  été  reproduites  en 
1825,  1  vol.  in-18.  Les  meilleures  édi- 
tions des  OEuvres  complètes  de  Racine 
sont  celle  deGarnier ,  Paris  ,  1807  ,  7  vol. 
in-8 ,  avec  le  commentaire  de  Laharpe 
et  le  portrait  de  l'auteur;  celle  d'Aimé- 
Martin  avec  les  notes  de  tous  les  com- 
mentateurs, Paris,  le  Febvre,  1820, 
1822  et  1825. 

RACIJNE  (  Louis) ,  fils  du  précédent , 
naquit  à  Paris,  le  G  novembre  1G92. 
Ayant  perdu  son  père  de  bonne  heure , 
il  fut  confié  aux  soins  de  Roliin,  alors 
principal  du  collège  de  Beauvais.  Il  de- 
manda des  avis  à  Boileau ,  qui  lui  con- 
seilla de  ne  pas  s'appliquer  à  la  poésie  ; 
mais  son  penchant  pour  les  muses  l'en- 
traîna. Il  donna,  en  1720,  le  poème  de 
la  Grâce,  écrit  avec  assez  de  pureté ,  et 
dans  lequel  on  trouve  plusieurs  vers 
heureux.  Il  le  composa  chez  les  Pères  de 
l'Oratoire  de  N.-D.  des  Vertus ,  où  il  s'é- 
tait retiré  après  avoir  pris  l'habit  ecclé- 
siastique. Les  chagrins  que  son  père 
avait  essuyés  à  la  cour  lui  faisaient  re- 
douter ce  séjour  ;  mais  le  chancelier  d'A- 
guesseau  réussit  pendant  son  exil  à  Fres- 
nes  à  le  réconcilier  avec  le  monde  qu'il 
avait  quitté.  Il  se  fit  des  protecteurs,  qui 
contribuèrent  à  sa  fortune.  Le  cardinal 
de  Fleury  ,  qui  avait  connu  son  père ,  lui 
procura  un  emploi  dans  les  finances;  et 
il  coula  dès  lors  des  jours  tranquilles  et 
fortunés  avec  une  épouse  qui  faisait  son 
bonheur.  Un  fils  unique,  fruit  de  leur 
union,  jeune  homme  qui  donnait  de  gran- 
des espérances  ,  périt  malheureusement 
dans  le  tremblement  de  terre  et  l'inonda- 
tion qui  ravagèrent  Cadix  en  1755.  Son 
père ,  vivement  affligé  de  cette  perle,  ne 
traîna  plus  qu'une  vie  triste  ,  et  mourut 
dans  de  grands  sentimens  de  religion,  en 
17G3,à  71  ans.  L'académie  des  Inscrip- 
tions le  comptait  parmi  ses  membres  dès 
l'an  1719.  Ce  poètefaisait  honneur  à  l'hu- 
manité :  bon  citoyen ,  bon  époux ,  père 


RAC 

tendre  ,  fidèle  à  l'amitié  ,  reconnaissant 
envers  ses  bienfaiteurs  ,  la  candeur  ré- 
gnait dans  son  caractère  ,  et  la  politesse 
dans  ses  manières  .  malgré  les  distrac- 
tions auxquelles  il  était  sujet.  Il  s'était 
fait  peindre  les  OEuvres  de  son  père  à 
la  main ,  et  le  regard  fixé  sur  ce  vers  de 
Phèdre  : 

Et  moi,  nis  inconnu  d'un  •!  glorieux  père.... 

Pénétré  de  la  vérité  du  christianisme ,  il 
en  remplissait  les  devoirs  avec  exactitude. 
On  a  de  lui  des  OEuvres  diverses ,  en 
6  vol.  in-12.  On  trouve  dans  ce  recueil  : 
l°son  poème  sur  la  Religion,  imprimé 
séparément  in-8  et  in-12,  avec  d'excel- 
lentes notes  :  cet  ouvrage  offre  les  grâces 
delà  vérité  et  delà  poésie.  Il  n'y  a  point 
de  chant  qui  ne  renferme  des  traits  ex- 
cellcns  et  un  grand  nombre  de  vers  ad- 
mirables; mais  il  ne  se  soutient  pas  ,  et 
il  y  règne  une  monotonie  qui  le  rend 
quelquefois  languissant.  Dans  les  derniè- 
res éditions  on  trouve  des  changemens 
que  l'auteur  a  cru  devoir  faire,  surtout 
dans  les  notes,  par  déférence  pour  cer- 
taines critiques  qui  n'avaient  pas  la  soli- 
dité qu'il  leur  supposait ,  et  cette  docili- 
té mal  entendue  prend  quelquefois  un  air 
defaiblesse  et  d'inconséquence.  (  Laharpe 
le  regarde  comme  un  des  meilleurs  du 
deuxième  ordre  ;  il  a  été  réimprimé  un 
grand  nombre  de  fois ,  et  traduit  en  vers 
anglais,  en  vers  allemands ,  deux  fois  en 
vers  italiens,  et  plusieurs  fois  en  vers  la- 
tins. Il  été  réimprimé  en  1 82G ,  chez  De- 
bure,  un  vol.  in-32,  et  fait  partie  de  la  col- 
lection des  classiques  français.)  2°  Son 
poème  sur  la  Grâce,  1722,  qu'on  trouve 
à  la  suite  du  précédent.  Il  en  a  paru  une 
critique,  oîil'on  examine,  1°  la  marche  et 
la  versification  ;  2°  la  doctrine.  Cette  cri- 
tique parut  en  1723,  sous  le  litre  àî Exa- 
men, etc.  Elle  est  quelquefois  un  peu  sé- 
vère; mais  il  y  a  des  observations  rai- 
sonnables. \oltaire  a  adressé  à  l'auteur 
de  ce  poème  les  vers  suivans  : 

Cher  Racine,  j'ai  lu,  dans  tm  Tcrs  didaeliquei  , 
]>e  ton  Janwniui  les  dogmes  fanatiques  : 
Quelquefois  je  l'admire,  et  ne  te  crois  en  rien  : 
Si  ton  stile  me  plait,  ton  Dieu  n'est  pas  le  mien; 
Tu  m'en  fais  un  tyrdn  ,  je  tcux  qu'il  soit  mon  père. 
Si  ton  culle  est  sacré ,  le  mien  est  Tolontaire  : 


I 


RAC 

r»  loa  sang  mifui  qus  toi   je  rseoiniai»  lu  prii: 
Tu  lu  jer»  tu  etclav»,  il  je  le  icrs  en  liU. 
t:rnit-iuoi,  n'olTi-cte  point  une  inutile  audace, 
Il  faut  comprendre  Dieu  pour  comprendre  la  gric». 
Soumpltoni  nos  esprils,  présentons-lui  nos  rœurt, 
El  lovons  des  chrélieus,  el  no»  pas  dci  docleurt. 

3°  Des  Odes ,  recommandables  par  la  ri- 
chesse des  rimes,  Ja  noblesse  des   pen- 
sées et  la  justesse  des  expressions.  Quoi- 
qu'elles soient  sur  le  vrai  ton  de  ce  genre, 
on  souhaiterait  d'y   reiiconlrer  plus  sou- 
vent le  feu  de  Rousseau.  4°  Des  Epitres 
qui  renferment  quelques  réflexions  judi- 
cieuses.  Sa  poésie  est  élégante;  mais  il 
n'y  a  aucun  trait   bien  frappant,  et  elle 
manque  en  général  de  chaleur  et  de  co- 
loris. 5°  Des  Réflexions  sur  la  poésie , 
qu'on  a  lues  avec  plaisir  ,  quoiqu'il  n'y 
ait  rien  d'absolument  neuf  et  de  bien  pro- 
fond. 6°  Des  Mémoires  sur  la  vie  de  Jean 
Jtacine,  imprimés  séparément  en  2  vol. 
in-1 2.  Us  sont  curieux  et  intéressans  pour 
ceux  qui  aiment  l'histoire  littéraire.  S'il 
y  a  quelques  minuties  ,  on  doit  les  par- 
donner à  un  fils  qui  parle  de  son  père , 
et  d'un  père  si  célèbre.  (>  Malheur  à  l'âme 
»  froide,  dit  un  critique  équitable,  qui 
j»  ne   sera  pas   attendrie  en  assistant  à 
»  cette  procession ,  oîi  l'auteur  à'Athalie 
»  porte  la  croix ,  dont  ses  filles  compo- 
»  sent  le  clergé,  et  que  termine  le  jeune 
»  Lionval  (  nom  de  Louis  Racine  dans  sa 
»  jeunesse  ) ,  faisant  gravement  les  fonc- 
»  tions  respectables  de  pasteur  !  Il  faut 
»  l'avouer  :  nos  mœurs  sont  si  Ccrrom- 
»  pues,  notre  goût  si  frelaté,  qu'en  li- 
»  sant  ces  Mémoires  ,  nous  nous  croyons 
»  transportés ,  je  ne  dirai   pas  dans  un 
»  autre    siècle  ,    mais     dans   un  autre 
»  monde.  Cependant  il  est  encore  des 
»  âmes  honnêtes  qui  sentent  tout  le  prix 
»  d'un  hommage  rendu  à  l'amour  pater- 
»  nel  par  la  piété  filiale  ;  et  jamais  ,  non 
»  jamais  ,  notre  fastueuse  philantropie  ne 
M   vaudra  cette    touchante    païveté.    » 
Kous  avons  encore  de  cet  auteur  deux  ou- 
vrages médiocres  :  i°  Remarques  sur  les 
tragédies  de  Jean  Racine ,  en  3  vol. 
in-  12.  C'est  une  critique  volumineuse  : 
on  a  reproché  à  l'auteur  de  manquer  d'é- 
lévation ,  d'usage  du  théâtre,  et  de  con- 
naissance du  cœur  humain.  Il  y  a  pour- 
tant de  bonnes  réflexions.  2°  Une  Tra- 


RAC  îigf 

duclion  du  Paradis  perdu  de  Millon  en 
3  vol.  in-8,  chargée  de  notes.  Elle  est 
plus  fidèle  que  celle  de  M.  Dupré  de 
8ainl-3Iaure  ;  mais  on  n'y  sent  point , 
comme  dans  celle-ci  ,  l'enthousias- 
me de  l'Homère  anglais.  On  y  rencon- 
tre quelquefois  des  alliances  de  mots 
qui  choquent ,  un  stile  heurté ,  des  an- 
glicismes ;  et  c'est  par-là  qu'elle  a  obtenu 
eu  Angleterre  des  suffrages  qu'on  lui  re- 
fuse en  France  ;  car  on  sait  que  les  An- 
glais se  servent  communément  de  cette 
traduction  pour  étudier  la  langue  fran- 
çaise. Les  Pièces  fugitives  T^vihWées,  sous 
son  nom  en  1784  ont  été  hautement  dés- 
avouées par  sa  veuve  et  ses  amis  ;  et  il 
est  certain  que  c'est  une  imposture  typo- 
graphique ,  aujourd'hui  si  commune  en 
fait  d'ouvrages  posthumes,  ployez  la  fin 
de  l'article  Brotier.  (  Les  OEuvres  de 
Louis  Racine  ont  été  recueillies  en  1747 
et  en  1752  ,  C  vol.  petit  in-1 2.  M.  Lenor- 
mant  en  a  publié  une  nouvelle  édition  , 
Paris,  1808,  6  vol.  in-8,  précédée  del'E- 
loge  de  l'auteur  par  Le  Beau.  ) 

RACINE  (Bonaventure  )  ,  ecclésias- 
tique ,  né  à  Chauuy  en  1708,  vint  ache- 
ver ses  études  à  Paris,  au  collège  Mazarin, 
et  s'y  rendit  habile  dans  les  langues  lati- 
ne et  grecque.  La  Croix-Castries,  archevê- 
que d'Alby,rappela  en  1 729,  pour  rétablir 
le  collège  de  Rabasteins,  dont  les  habitans 
demandaient  la  restauration.  Mais  son  zèle 
pour  les  nouvelles  opinions  l'obligea  de 
se  retirer  à  Montpellier  auprès  de  Colbert, 
qni  le  chargea  de  la  direction  du  collège 
de  Lunel.  Il  en  sortit  secrètement  peu  de 
temps  après,  pour  éviter  des  ordres  rigou- 
reux. Il  passa  à  la  Chaise-Dieu,  afin  d'y 
voir  l'évêque  de  Senez ,  puis  à  Clermont, 
oii  il  s'entretint  avec  la  nièce  de  Pascal, 
et  vint  à  Paris.  Il  s'y  chargea  de  l'éduca- 
tion de  quelques  jeunes  gens  au  collège 
d'Harcourt.  Il  fut  encore  obligé  d'en  sor- 
tir en  17  34,  par  ordre  du  cardinal  de 
Fleury.  Caylus,  évêque  d'Auxerre,  atta- 
ché ainsi  que  lui  aux  intérêts  du  parti  , 
le  nomma  à  un  canonicat  de  sa  cathé- 
drale, et  lui  conféra  les  ordres  sacrés.  Il 
mourut  à  Paris,  en  1755,  à  47  ans.  L'ab- 
bé Racine  fut  rccommandable  par  se.t 
connaissances ,  par  la  bonté  de  son  ea^ 


220  RAC 

ractère ,  cl  dans  son  parti  parla  vivacité 
de  son  zèle.  Ardent  et  inflexible  dans  ce 
qu'il  croyait  vrai ,  ou  ce  qu'il  s'était  en- 
j^agc  de  défendre  comme  tel ,  il  le  sou- 
tenait avec  une  espèce  de  fanatisme.  On  a 
de  lui  :  1°  quatre  écrits  sur  la  dispute 
<{ui  s'était  élevée  touchant  la  crainte  et 
la  confiance  ;  2°  un  Abrégé  de  l'histoire 
ecclésiastique,  17  34,  en  1 3  vol.  in-1 2.  Cet 
ouvrage  a  eu  le  plus  grand  succès  auprès 
(les  disciples  de  l'Augustin  d'Ypres  ;  mais 
ceux  qui  distinguent  l'Eglise  catholique 
des  factions  diverses  qui  de  tout  temps 
se.sont  élevées  dans  son  sein,  n'en  ont 
pas  porté  le  même  jugement.  «  Ce  n'est 
»  réellement,  dit  un  critique,  qu'un  li- 
»  belle  diffamatoire  de  tous  les  hommes 
»  illustres  dont  les  noms  ne  se  trouvent 
»  pas  dans  les  dyptiques  du  parti ,  et  un 
w  recueil  d'éloges  de  tous  les  fanatiques 
»  qui  en  ont  porté  les  intérêts  jusqu'à  la 
))  démence.  »  (  Voyez  Viscemt  de  Paul.  ) 
L'auteur  se  proposait  de  pousser  cet  Abré- 
gé aumoins  jusqu'en  1750  ;  mais  la  mort 
ne  lui  en  a  pas  donné  le  temps.  On  joint 
à  cette  histoire  des  lettres  à  Morénas  , 
qui  font  le  1 4*  vol.  et  une  suite  en  2  vol. 
formant  les  16*  et  16*  vol.  Les  neuf  pre- 
miers volumes  ont  moins  de  partialité  et 
d'esprit  de  parti  que  les  quatre  suivans , 
oîi  l'auteur  prend  un  ton  d'enthousias- 
me indigne  de  l'histoire.  De  simples  re- 
ligieux appelans  ou  apostats  occupent  âO 
pages,  tandis  que  des  saints  reconnus 
par  l'Eglise,  et  les  martyrs  ,  les  évêques, 
les  solitaires,  qui  ont  illustré  la  religion 
chrétienne  dans  les  premiers  temps,  sont 
traités  testement  et  avec  une  sorte  d'in- 
différence. L'Histoire  de  FEglise  par 
l'abbé  Bérault  a  entièrement  effacé  celle 
de  Racine  dans  l'esprit  des  gens  dont  le 
jugement  n'est  asservi  à  aucun  parti. 
Nous  ne  dirons  rien  des  Siècles  chrétiens 
de  l'abbé  du  Creux ,  autre  abrégé  de 
l'Histoire  ecclésiastique ,  ouvrage  moitié 
philosophique,  et  qui,  dans  sa  totalité, 
ne  peut  être  envisagé  que  comme  le  fruit 
de  la  faiblesse  et  de  l'inconséquence. 

*  RACLE  (  Léonard  ),  habile  archi- 
tecte, né  en  1736  à  Dijon  ,  acquit,  pres- 
que sans  niaitre,  des  connaissances  éten- 
dues dans  les  mathématiques  et  dans  les 


RAC 

différentes  branchesde  la  physique.  Racle 
fit  construire  un  pont  de  fer,  le  premier 
qu'on  ait  vu  en  France  ;  mais  il  n'a  sub- 
sisté que  peu  d'années.  On  lui  doit  au.ssi 
le  secret  de  celte  espèce  d'enduit  appelé 
argile-marbre,  parce  qu'il  en  a  le  poli 
et  la  dureté.  Il  est  mort  à  Pont-de-Vaux 
en  1792.  Il  a  publié  un  savant  Mémoire 
sur  la  construction  d'un  pont  de  fer  ou 
de  bois  d'une  seule  arche  de  400  pieds 
d'ouverture ,  qui  a  été  couronné  par  l'a- 
cadémie de  Toulouse  en  1786;  et  des 
Réflexions  sur  le  cours  de  la  rivière  de 
VAin ,  ouvrage  plein  d'idées  lumineuses 
sur  l'art  hydraulique.  C'est  lui  qui  a 
bâti  Ferney  et  le  port  de  Versoix,  et  qui  a 
dirigé  les  travaux  du  canal  de  navigation 
de  Pont-de-Vaux.  M.  Amanlon  lui  a  con- 
sacré une  notice  biographique  ,  Dijon , 
1810, in-8. 

'RACINiTZ  (  Joseph-Frédéric  ,  baron 
de  )  était  âgé  de  17  ans  ,  lorsqu'il  entra 
au  service  de  l'électeur  de  Saie  ;  il  fit  les 
campagnes  de  1761  et  1762.  A  la  paix 
d'Huberlsbourg  ,  il  reçut  en  récompense 
de  sa  belle  conduite  le  grade  depremier- 
licutenantdans  les  grenadiers  de  la  garde 
électorale.  Après  avoir  reçu  en  1763  le 
titre  de  gentilhomme  de  la  chambre  ,  il 
quitta  le  service  militaire,  et  devint  suc- 
cessivement chambellan,  directeur  de  la 
chapelle ,  grand-maître  d'hôtel  ,  grand- 
maréchal  du  palais,  et  mourut  en  1818. 
Il  s'est  beaucoup  occupé  du  progrès  des 
sciences  et  des  arts  ,  et  il  a  publié  :  1° 
Lettres  sur  Carlsbad,  et  les  productions 
naturelles  de  SCS  environs,  Dresde,  1780; 
2°  Lettres  sur  la  basalte  ,  1790  ;  3°  Let- 
tres sur  les  arts ,  1792  ,  in-4  ;  4°  His- 
toire du  goût  chez  les  principaux  peu- 
ples ,  sous  le  rapport  de  l'architecture 
et  l'ornement  intérieur  des  appartemens, 
1798  ,  in-4  ,  avec  beaucoup  de  planches 
gravées  ;  S"  Essai  critique  sur  divers 
tableaux  de  la  galerie  royale  de  Dresde, 
1811,  avec  planches  ;  6°  Esquisse  d'une 
histoire  des  beaux-arts  en  Saxe  ,  parti  ■ 
culièretnent  de  la  peinture  ,  181Î. 

RAGONIS  (  Charles-François  b'Abiia 
de  ) ,  théologien,  né  en  IS80  ,  au  châ- 
teau de  Kaconis,  dans  le  diocèse  de 
Chartres,  professa  la  philosophie  au  col 


lège  du  Plessis,  el  la  llK^ologie  à  celui 
de  Navarre.  La  régularité  de  ses  mœurs, 
jointe  au  succès  de  ses  sermons  et  de  ses 
onvrages  de  controverse  ,  lui  méritèrent 
l'évêché  de  Lavaur  en  1637.  Il  mourut 
en  1C46,  après  avoir  publié  plusieurs 
écrits  :  1°  Traité  pour  se  trouver  en 
conférence  avec  les  hérétiques,  iu-i 2  , 
Paris,  ICI 8;  2°  Théologie  latine,  en 
plusieurs  vol.  in-8  ;  3°  la  Fie  et  la  mort 
de  madame  de  Luxembourg  ,  duchesse 
de  Mercœur ,  in-1 2  ,  Paris ,  1 C26  ;  5°  Ré- 
ponse à  la  Tradition  de  VEglise  sur 
la  pénitence  et  la  communion,  d'Ar- 
nauld,  etc. 

RADBERT.  f^OyCsPASCHASE-lîATBHRT. 

RADBOD  II,  évêque  de  Noyon  et  de 
Tournai ,  mort  l'an  1082,  a  écrit  la  Fie 
de  saint  Médard,  publiée  par  les  bollan- 
distes. 

•RADCLTFFE  (Jean),  célèbre  médecin 
anglais,  né  en  1G50  à  Wakefield,  dans  le 
comté  d'York ,  étudia  son  art  dans  l'uni- 
versité d'Oxford.  11  y  fut  reçu  docteur  en 
1675.  Constamment  opposé  aux  règles  et 
aux  méthodes  établies  ,  il  les  censura 
amèremenl  ,  et  prescrivit  de  nouveaux 
principes  dans  la  médecine.  Ces  innova- 
tions lui  suscitèrent  et  des  critiques  sé- 
vères et  de  nombreux  ennemis  ;  mais  , 
malgré  toutes  leurs  clameurs,  il  suivit  la 
roule  qu'il  s'ct:iit  frayée  ,  et  acquit  une 
{grande  réputation.  Il  vint  s'établir  à  Lon- 
dres en  1648  ,  et  devint  le  rival  du  doc- 
teur Lower,  médecin  alors  fort  en  vogue, 
n  devint  médecin  de  la  princesse  de 
Danemark  ,  et  acquit  en  peu  de  temps 
«le  grandes  richesses  ;  mais  la  fortune 
ne  lui  sourit  pas  long-temps  :  ses  éco- 
nomies confiées  à  un  armateur  furent 
prises  par  les  Français.  Il  allait  réparer 
<  '^Ue  perte  par  un  mariage  avantageux  , 
lorsqu'il  apprit  que  celle  qu'il  devait 
s'uniravait  d'autres  engagcraens.  La  mort 
l'.c  la  reine  Marie,  enlevée  en  1694  par  la 
petite  vérole,  lui  fut  attribuée,  et  il  perdit 
beaucoup  dans  l'opinion  publique.  Cepen- 
'litnt  leroi  Guillaume,  à  son  retour  deHol- 
lande  ,  le  fit  appeler.  Le  monarque  lui 
montra  ses  chevilles  excessivement  gon- 
flées ,  tandis  que  tout  le  reste  de  son 
«•orps  était    d'une    maigreur    eilrême. 


RAD  i-xx 

ft  Que  pensez-vous,  »  lui  dits.  M.  ,  «  de 
M  cet  état  ?  »  «  Pour  vos  trois  royaumes 
X  entiers,  sire,  »  répondit  l'impertinent 
médecin  ,  «  je  ne  voudrais  pas  avoir  vos 
»  deux  jambes.  «  Cette  répartie  indécente 
ne  plut  nullement  au  roi  ,  qui  congédia 
aussitôt  Radcliffc  ,  et  ne  voulut  plus  le 
revoir.  La  princesse  Anne  en  fit  de  même, 
et  lorsqu'elle  parvint  au  trône  ,  ce  fut 
en  vain  que  Je  comte  de  Godolphin 
chercha  à  mettre  Radcliffe  dans  ses  bon- 
nes grâces.  «  Il  me  dira  toujours  ,  »  lui 
répondit-elle  ,  «  que  tous  mes  maux  ne 
»  sont  que  des  vapeurs.  »  Radcliife,  ayant 
eu  une  pleurésie  assez  forte,  la  négligea, 
et  devint  dangereusement  malade.  Il  se 
fit  tirer  plus  de  cent  onces  de  sang  ;  le 
28  ,  il  fit  son  testament  ,  et  le  30  son  mal 
s'aggrava,  de  sorte  qu'on  crut  qu'il  allait 
expirer  le  lendemain.  Cependant  ,  le  31 
il  se  fait  transporter  à  Kensington  par 
quatre  hommes  ,  et ,  au  milieu  du  jour, 
il  y  arrive  après  avoir  essuyé  trois  éva- 
nouissemens  pendant  sa  route.  Il  se  met 
au  lit ,  s'endort  ,  et  trois  jours  après  il 
se  trouve  hors  de  danger.  La  reine ,  en 
apprenant  la  conduite  qu'il  avait  tenue 
dans  cette  occasion ,  «  Il  ne  faut  pas  se 
»  plaindre  ,  »  dit-elle  ,  «  s'il  traite  si 
»  rudement  ses  malades  ,  puisque  lui- 
»  même  se  ménage  si  peu.  »  Son  inso- 
lence et  son  orgueil  augmentaient  en 
proportion  de  sa  vogue  et  de  sa  fortune. 
La  reine  étant  tombée  dan.gereusement 
malade,  le  conseil,  ou  plutôt  un  message 
de  lady  Masham  ,  dame  d'honneur  de  la 
princesse ,  fit  appeler  dans  l'après-midi 
Radclifife,  qui,  sans  avoir  égard  à  la  gra- 
vité de  la  circonstance ,  ni  à  la  dignité 
du  malade,  répondit  brusquement  «  qu'il 
n  ne  pouvait  sortir  ,  parce  qu'il  avait 
»  pris  un  remède  ce  jour-là.  »  La  reine 
mourut  peu  de  jours  après  y  et,  comme  il 
avait  eu  le  bonheur  de  sauver  lord  Gor- 
ver  dans  une  maladie  pareille  ,  tout  le 
inonde  attribua  la  mort  de  la  reine  h  sa 
conduite  bizarre.  Se  voyant  en  butte  au 
ressentiment  de  toute  la  ville  ,  il  se  retira 
au  village  de  Carshalton  ,  où  ,  craignant 
encore  d'être  assassiné  par  le  ^leuple  ,  il 
n'osait  sortir  de  sa  maison.  Cependant  ,  \ 
la  frayeur  s'empara  si  fortement  de  lui , 


22a  RAD 

qu'elle  altéra  sa  santé,  et  ii  mourut  trois 
jours  après  la  reine  ,  le  1"  novembre 
1714.  Il  avait  vécu  dans  une  dispule  con- 
tinuelle avec  ses  collègues ,  qui  ne  le 
considéraient  que  comme  un  empirique 
hardi,  et  qui  ne  devait  un  certain  talent 
qu'à  une  extrême  activité  et  à  une  longue 
pratique.  On  ne  peut  cependant  nier  que 
RadcliiTe  n'ait  fait  de  1res  bonnes  cures, 
dans  les  cas  même  les  plus  désespérés. 
Les  docteurs  Atterbury  elMead  racontent 
plusieurs  anecdotes  de  cet  homme  sin- 
gulier. «  Mead  ,  »  disait-il  à  ce  médecin, 
«  je  vous  suis  attaché  ;  je  veux  vous  don- 
»  ner  un  moyen  sûr  de  faire  votre  for- 
»  lune  :  traitez  mal  le  genre  humain  en- 
M  tier.  »  Mead ,  loin  de  suivre  ce  conseil, 
parvint ,  par  une  roule  bien  différente  , 
à  une  fortune  qu'il  ne  pouvait  pas  se  re- 
procher. Radcliffe  ,  ayant  pris  un  soin 
extrême  d'une  dame  qu'il  parvint  à  sau- 
ver ,  se  vanta  qu'il  n'en  avait  agi  ainsi 
«  que  pour  contrarier  son  époux,  qui 
»  ne  l'aimait  pas,  »  Au  milieu  des  riches- 
ses, il  était  avare  dans  sa  maison;  il  l'a- 
vouait lui-même  ,  et  redoutait  de  faire 
changer  une  guinée.  «  Elle  s'évapore  ,  « 
disait-il  ,  «  aussitôt  qu'elle  est  en  petite 
»  monnaie.  »  Il  acquittait  difficilement 
ses  comptes  ;  et  un  paveur ,  après  mille 
démarches  infructueuses  pour  être  payé, 
l'arrêta  à  sa  porte  lorsqu'il  descendait  de 
voiture.  «  Coquin ,  «  lui  dit  le  médecin 
en  colère  ,  «  tu  oses  me  demander  le 
»  paiement  d'un  pavé  mal  placé  ,  et  que 
»  tu  as  couvert  de  tc^r^  pour  qu'on  ne  le 
i>  vît  pas  ?  u  «  Docteur ,  u  lui  répondit 
son  créancier  ,  et  je  ne  suis  pas  le  seul 
»  dont  la  terre  cache  les  fautes.  »  Ilad- 
cliffe  n'ajouta  pas  un  mot  ,  et  le  paveur 
fut  payé.  La  Ricliardsoninna  rapporle 
de  lui  d'autres  traits  qui  servent  à  faire 
mieux  connaître  son  caractère,  l'our  don- 
ner une  idée  des  grandes  richesses  qu'il 
avait  amassées  ,  il  suffira  de  dire  qu'il  lé- 
gua à  l'université  d'Oxford  40,000  livres 
sterling  (  près  d'un  million  de  francs  } , 
pour  construire  une  bibliothèque,  avec 
un  revenu  annuel  de  1 00  livres  pour  l'en- 
tretenir ,  et  150  pour  le  bibliothécaire. 
On  a  de  lut  :  Pratical  disquisitions  con- 
taining  a  complet  body  et  prescriptions 


RAD 

silted  for  ail  diseases  internai  and  ex- 
ternaly  Londres,  1718  ,  in-8  ,  plusieurs 
fois  réimprimé  et  traduit  en  allemand. 

*  RADCLIFFE  (Anne),  romancière 
célèbre,  dont  la  vie  fut  aussi  obscure 
que  la  réputation  de  ses  ouvrages  a  été 
brillante  et  universelle ,  naquit  à  Lon- 
dres en  1764  de  parens  estimables  ,  qui 
prirent  un  grand  soin  de  son  éducation. 
Nous  ne  connaissons  rien  des  principales 
circonstances  qui  se  rattachent  à  sa  bio- 
graphie :  elle  vécut  entièrement  dans 
l'intimité  domestique.  Mariée  vers  l'âge 
de  23  ans  à  William  Radcliffe,  gradué  à 
l'université  d'Oxford,  elle  se  livra  dès 
lors  à  la  culture  des  lettres.  Elle  fit  en 
1791  un  voyage  sur  les'bords  du  Rhin,  et 
revint  ensuite  habiter  sa  maison  ,  où  elle 
continua  ses  travaux  littéraires.  L'envie, 
excitée  par  les  succès,  s'est  plue  à  lui  at- 
tribuer diverses  productions  indignes 
d'elle;  et  l'on  croit  assez  généralement 
que  c'est  pour  se  soustraire  à  cette  odieuse 
manœuvre  qu'elle  cessa  tout  à  coup  d'é- 
crire. On  a  prétendu  depuis  qu'elle  était 
sans  cesse  occupée  des  visions  et  des  ter- 
reurs qu'elle  a  décrites,  que  sa  raison 
s'était  aliénée ,  et  qu'elle  avait  terminé 
ses  jours  dans  une  maison  de  fous.  Ces 
faits  sont  entièrement  faux  ,  et  nous  sa- 
vons d'une  manière  positive  qu'elle  a 
succombé  le  7  février  1823,  dans  sa  mai- 
son à  Londres,  à  un  asthme  spasmodique 
qui  la  faisait  souffrir  depuis  12  ans.  Ce 
qu'il  y  a  de  bien  certain,  c'est  que  cet 
auteur  choisissait  de  préférence  des  situa- 
tions terribles.  On  peut  dire  de  miss  Rad- 
ciiffe  qu'elle  avait  la  terreur  dansson  es- 
prit et  dans  son  cœur  :  elle  a  su  la  peindre 
avec  toutes  les  couleurs  qui  lui  sont  pro- 
pres. En  général ,  ses  romans  peuvent  in- 
téresser les  amateurs  de  ce  genre  de  lec- 
ture. Le  plan  en  est  assez  bien  fait,  les 
événemens  bien  conduits,  et  l'intérêt- 
adroitement  ménagé  ;  mais  ils  frappent 
plutôt  l'esprit  qu'ils  n'excitent  la  sensibi- 
lité. Le  slile  est  correct,  et  a  beaucoup  de 
rapidité  et  de  cbaleur.  Ses  descriptions  se- 
raient assez  pittoresques,  si  elles  n'étaient 
])as  trop  longues  cl  trop  prodiguées.  Ses 
principaux  ouvrages,  dont  une  grande- 
partie  a  été  traduite  par  l'abbé  Morellct^ 


HAD 

sont  :  1°  Les  mystères  d'Uilolphe,  1794, 
4  vol.  in-12;  2° Les Penitens  noirs,  1795, 
3  vol.  iii-)2.  Dans  ce  roman,  l'auleur, 
comme  bon  protestant ,  a  la  bonne  foi 
d'attribuer  à  un  moine  italien  toutes  les 
borreurs  dont  serait  capable  le  plus  grand 
scélérat.  3°  Jidin  oa  les  Souterrains  du 
château  de  Mnzzini;  \°  La  Foret  ou 
V Abbaye  de  Saint- Clair,  etc.  On  a 
aussi  de  celle  dame  auteur,  5"  un  Voyage 
en  Hollande  et  sur  la  frontière  de  l'Alle- 
magne, etc.,  Londres,  1795,  in-4  ;  tra- 
duit en  français  par  Cantivel ,  2^édit. , 
Paris,  1799,  2  vol.in-8).  Sir Waltcr  Scott 
a  consacré  un  article  détaillé  à  Anne 
Radcliffe  dans  sa  Biographie  littéraire 
des  romanciers  célèbres. 

RADEGONDE  (  Sainte  ),  fille  de 
Berthaire  ,  roi  de  Tburinge,  née  en  519, 
fut  élevée  dans  le  paganisme  jusqu'à 
l'âge  de  10  ans,  que  le  roi  Clotaire  \^' 
l'emmena  et  la  fit  instruire  dans  la  reli- 
gion chrétienne.  Elle  joignait  au.\  char- 
mes de  la  vertu  ceux  de  la  figure.  Clo- 
taire l'épousa,  et  lui  permit ,  6  ans  après, 
de  se  faire  religieuse.  Elle  prit  le  voile  à 
Noyon,  de  la  main  de  saint  Médard,  et 
fixa  sa  demeure  h  Poitiers,  oîi  elle  mou- 
rut saintement,  le  13  août  687,  à  G8 
ans ,  dans  l'abbaye  de  Sainte-Croix  qu'elle 
avait  fait  bâtir.  Nous  avons  son  Testa- 
ment dans  le  Recueil  des  conciles  ;  et  sa 
Fie,  Poitiers,  1527  ,  in-4 ,  traduite  du 
latin  par  Jean  Bouchet:il  y  en  a  une 
plus  moderne ,  par  le  Père  de  Monteil , 
Rodez,  1G27,  in-12. 

RADEMAKER  (  Abraham  ),  peintre 
hollandais,  né  en  1G7  5  à  Amsterdam, 
excella  dans  les  paysages.  Ses  dessins 
sont  d'un  effet  très  piquant ,  rares  et  des 
plus  précieux.  (Le  musée  du  Louvre  pos- 
sède de  cet  artiste  un  dessin  à  la  plume, 
lavé  à  l'encre  de  la  Chine ,  représentant 
l'hiver.  On  a  aussi  de  lui  un  recueil  fort 
estimé  de  vues  les  plus  intéressantes 
des  monumens  de  V antiquité  répandus 
dans  les  Provinces-Unies  ;  il  est  composé 
de  300  estampes  qu'il  a  dessinées  et  gra 
vées,  Amsterdam,  1731,  t  vol.  in-4.)  Il 
mourut  à  Harlem,  en  1735,  âgé  de  GO  ans. 

RADERUS  ou  Rader  (  Matthieu  ) ,  jé- 
suite ,  du  Tyrol,  né  en  15C1 ,  mort  à  Mii- 


RAD 


223 


nich  en  1G34  ,  à  73  ans,  se  signala  par 
son  savoir,  ses  vertus  et  ses  ouvrages. 
C'est  lui  qui  publia  ,  en  1 G 1 5  ,  la  Chroni- 
que d'Alexandrie ,  in-4.  On  a  encore  de 
lui:  1°  Viridnrium  sanctorum,  en  5 
vol.  in-8 ,  où  l'on  désirerait  plus  de  cri- 
tique ;  2°  des  Notes  sur  plusieurs  auteurs 
classiques,  enlreautres  surQuinle-Curce, 
Cologne,  1628,  in-fol.,  et  sur  Martial  ; 
elles  sont  estimées  ;  3°  une  bonne  Edi- 
tion de  saint  Jean  Climaque ,  in-fol.; 
4"  Bnvaria  sancta  et  Bavaria  pia , 
1615-24-27-28,4  vol.  in-fol. 

*RADET  (Etienne),  général  de  divi- 
sion, né  le  16  décembre  1762,  en  Lor- 
raine, fut  d'abord  garde-chasse  du  prince 
de  Condé.  Il  entra  jeune  au  service  :  nous 
ignorons  les  détails  de  son  premier  avan- 
cement militaire;  nous  savons  qu'en 
1800  il  était  parvenu  au  grade  de  chef 
d'escadron,  et  qu'il  commandait  la  gen- 
darmerie à  Avignon.  Alors  il  présenta  à 
Buonapartequi  était  premier  consul,  un 
Mémoire  sur  l'organisation  de  cette  arme  : 
son  projet  fut  approuvé  ,  et  il  fut  chargé 
de  l'exécuter.  A  cet  effet  il  vint  à  Paris', 
et  plus  tard  il  fut  envoyé  en  Corse ,  en 
Piémont  et  à  Gènes,  oiiii  organisa  succes- 
sivement des  corps  de  gendarmerie.  Nom- 
mé ensuite  commandant-général  de  la 
gendarmerie  dans  les  Etats-Romains,  il 
s'y  trouvait  en  1809  sous  les  ordres  du 
général  Miollis.  C'est  à  Radet  que  fut 
confiée  la  triste  mission  d'enlever  le  pape 
Pie  YII  :  voici  comme  il  la  remplit.  Il  di- 
rigea en  personne  l'assaut  qui  fut  livré  au 
palais  Quirinal  dans  la  nuit  du  5  au  6 
juillet.  Aidé  d'un  millier  d'hommes  ,  gen- 
darmes, conscrits  ou  soldais  de  la  garde 
civique  de  Rome,  il  fit  appliquer  des 
échelles  vers  deux  heures  du  malin  au 
palais  oii  le  pape  se  tenait  renfermé;  et 
après  avoir  fait  enfoncer  les  fenêtres  et 
les  portes  intérieures,  il  arriva  suivi  de 
ses  hommes  portant  des  armes  et  des 
torches  jusqu'à  la  pièce  qui  précédait 
immédiatement  la  chambre  à  coucher  du 
pape.  Celle-ci  fut  ouverte  par  ordre  de 
Sa  Sainteté;  alors  le  général  Radet,  le 
chapeau  à  la  main  ,  se  présenta  devant  le 
Saint-Père  à  la  tète  de  ses  gens  armés , 
et  lui  exposa  l'objet  de  sa  mission.  Le 


29.4  I^AD 

pape,  ayant  refusé  d'obéir  à  l'injonclion 
qui  luiclail  faite,  Radetlui  déclara  qu'en 
ce  cas  il  avait  ordre  de  l'emmener  avec 
lui  »  et  il  ne  lui  donna  qu'une  demi-heure 
pour  se  préparer  à  ce  voyage ,  oir  il  n'eut 
la  liberté  d'emmener  avec  lui  que  le  car- 
dinal Tacca.   Il  était  quatre  heures  du 
matin  lorsque  le  pape  monta  dans  une 
voiture  qui  l'attendait  à  la  porte  exté- 
rieure du  palais ,  et  il  sortit  de  Piome  par 
la  porte  dcl  Popolo.  Le  général  demanda 
de  nouveau  au  Saint-Père  s'il  voulait  re- 
noncer  aux  Etats  de  l'Eglise ,  qu'il  en 
était  encore  temps,  et  sur  la  réponse  né- 
gative de  Sa  Sainteté,  il  fit  prendre  le 
chemin  de  Florence.   F.n  route,  Radet 
prit  toutes  les  précautions  imaginables 
pour  soustraire  son  prisonnier  à  l'em- 
pressement et  à  la  curiosité  publique  ;  il 
pressa  même  tellement    les  postillons, 
que  la  voiture  oii  était  renfermé  le  saint 
Pontife  versa  à  Poggibondi.  Heureuse- 
ment le  pape  ne  se  fit  aucun  mal  ;  mais 
le  général,  qui  était  dans  le  cabriolet  sur 
le  devant  de  la  voiture,  fut  jeté  dans  une 
marc  d'eau  bourbeuse  ;  il  continua  néan- 
moins sa  route  jusqu'à  Florence  ,  et  là  il 
remit  son  vénérable  prisonnier  à  un  au- 
tre officier  de  gendarmerie.  Radet  fut  en- 
core chargé  par  Buonaparte  d'accompa- 
gner le  pape  à  Savone.  Après  le  rétablis- 
sement des  Bourbons  en  1814,  il  cessa 
d'être  employé  activement  ;  mais  à  l'ap- 
proche de  Buonaparte,  au  mois  de  mars 
1815,  il  se  rangea  des  premiers  sous  ses 
drapeaux  ,  et  commanda  l'escorte  char- 
gée de  conduire  à  Cette  le  duc  d'Angou- 
lême  qui  s'y  embarqua  pour  l'Espagne. 
Dans  le  mois  de  juin  il  reçut  les  titres 
d'inspecteur -général  de  gendarmerie  et 
grand  prévôt  de  l'armée.    Après  la  dé- 
route de  Waterloo  il  se  retira  sur  les 
bords  de  la  Loire,  et  fut  remplacé  dans  ses 
fonctions  au   mois   d'août   suivant.    En 
1810,  il  fut  arrêté  à  Vincenncs,  conduit 
Il  la  citadelle  de  Besançon  et  traduit  de- 
vant un  conseil  de  guerre,  qui  le  con- 
damna à  neuf  ans  de  détention  pour  la 
part  qui  lui  fut  imputée  dans  les  événc- 
mens  du  mois  de  mars  lSt5  ;  mais  une 
ordonnance  royale  du  mois  de  décembre 
1818  lui  rendit  la  liberté.  Il  est  mort  à 


RAD 

Varennes ,  déparlement  de  la  Meuse ,  le 
28  septembre  182.5. 

RADONVILLIERS  (  Claude  François 
LiZAROE  de  ) ,  littérateur ,  né  à  Paris  en 
1709  ,  mort  dans  la  même  ville  le  20 
avril  1789,  a  joui  de  la  confiance  de 
Louis  XV  et  de  la  famille  royale  ;  il  fut 
sous-précepteur  des  enfans  de  France , 
conseiller  d'état ,  membre  de  l'académie 
française  ,  etc. ,  et  donna  dans  ces  dififé- 
rens  emplois  des  preuves  de  ses  talons 
et  de  sa  vertu.  On  a  de  lui  une  Idylle 
sur  la  convalescence  du  roi,  et  une  co- 
médie en  un  acte,  intitulé  les  Talens 
inutiles,  pièce  ingénieuse,  et  si  sage- 
ment composée ,  qu'on  ne  fit  pas  de  dif- 
ficulté de  la  représenter  au  collège  de 
Louis  le  Grand  ,  en  1740  ;  un  Traite'  de 
la  manière  d'apprendre  les  langues, 
1708,  in-12.  L'abbé  de  Radonvilliers 
avait  été  jésuite,  et  conserva  toujours 
les  maximes  qui  honorent  l'état  religieux, 
ce  qui  n'empêcha  pas  qu'il  ne  fût  élu 
membre  de  l'académie  française  ;  mais  il 
eut  plus  d'une  fois  lieu  de  s'apercevoir 
du  mécontentement  de  ses  confrères , 
particulièrement  en  1779  ,  lorsque  ^ 
comme  directeur  de  l'académie  ,  dans  sa 
réponse  à  M.  Ducis ,  lors  de  la  réception 
de  celui-ci ,  il  s'exprima  ainsi  sur  le 
compte  de  Voltaire  :  «  Heureux  si ,  tenant 
»  dans  le  siècle  de  Louis  W  la  place  des 
»  beaux  génies  qui  ont  illustré  le  siècle 
1)  de  Louis  XIV  ,  M.  de  Voltaire  eût  con- 
»  serve  leurs  principes  et  imité  leurs 
»  exemples!  Corneille,  Racine.Despréaux, 
»  satisfaits  de  l'bouueur  légitime  que  pro- 
M  curent  les  lalens,  dédaignèrent  cette 
»  triste  célébrité  qui  s'acquiert  malheu- 
Hreusementparl'audaceetpar  la  licence  : 
»  ils  abandonnaient  aux  écrivains  sans 
)i  génie  ces  ressources  déplorables.  Pour- 
»  quoi  iM.  de  Voltaire  a-t-il  paru  ne  pas  les 
•a  croire  indignes  de  lui  ?  »  (  Ses  OEuvres 
diverses  ont  été  revues  par  Noël,  1807, 
3  vol.  in-8.0n  trouve  dans  VEssai^ur  l'é- 
loquence de  la  chaire  du  cardinal  Maury  , 
2  vol.  in-8 ,  un  Eloge  de  l'abbé  de  Ra- 
donvilliers. ) 

RADOSSAl\YI(  Ladislas  ) ,  né  à 
Neylra  en  Hongrie,  fit  ses  études  avec 
succès  à  Presbourg,  embrassa  l'ordre  de* 


RAD 

camaldulcs,  et  y  remplit  plusieurs  char- 
ges. On  a  de  lui  une  Histoire  des  ermites 
camaldulcs  ,  en  latin ,  Neustadt ,  t736  , 
in-4.  Elle  est  pleine  de  recherches,  et 
renferme  plusieurs  vies  ,  entre  autres 
celles  de  saint  Romuald ,  de  Paul  Jusli- 
nien ,  fondateur  de  la  congrégation  du 
Mont- Couronné,  de  saint  Dominique 
l'Encuirassé ,  etc. 

*  RADZIWIL ,  nom  d'une  famille  de 
Litbuanie  qui  s'est  distinguée  dans  la  car- 
rière des  armes.  Nous  ne  ferons  connaître 
que  les  principaux  membres  de  cette 
maison.  Rabziwil  (  Nicolas  ) ,  4*dii"iom, 
palatin  de  Wilna ,  grand  maréchal  et 
chancelier  de  Lithuanie,  voyagea  dans  la 
plupart  des  pays  de  l'Europe.  Les  grâces 
de  son  esprit  et  ses  talens  lui  acquirent 
à  son  retour  l'estime  et  l'amitié  de  Sigis- 
mond -Auguste,  roi  de  Pologne ,  qui  le 
fit  capitaine  de  ses  gardes.  Il  commanda 
trois  fois  les  armées  polonaises  dans  la 
Livonie ,  et  soumit  cette  province  à  la 
Pologne  ,  après  avoir  remporté  une  vic- 
toire complète  sur  les  Allemands.  L'ar- 
chevêque de  Riga  et  le  grand-maître  des 
chevaliers  de  Livonie  y  furent  faits  pri- 
sonniers. Quelque  temps  après,  ayant 
embrassé  publiquement  la  religion  pro- 
testante, à  la  sollicitation  de  sa  femme, 
il  fit  prêcher  des  ministres  dans  son  pa- 
lais de  Wilna  ,  et  les  chargea  de  traduire 
la  Bible  en  langue  polonaise.  Radziwil 
fit  imprimer  cette  traduction  à  ses  dé- 
pens, en  1563,  in-folio  :  elle  est  très 
rare.  En  vain  le  nonce  du  pape  et  tout 
ce  qu'il  y  avait  d'hommes  respectables 
dans  le  royaume  lui  reprochèrent  son 
apostasie  ;  le  palatin  mourut  opiniâtre 
dans  la  nouvelle  hérésie  en  15(>7,  lais- 
sant quatre  fils ,  qui  rentrèrent  dans  le 
sein  de  l'Eglise  catholique. 

*  RADZIWIL  (  Nicolas-Christophe  ) , 
duc  d'Olica  et  de  Nieswitz,  fils  aine  du 
précédent,  naquit  en  1549.  Ayant  abjuré 
le  luthéranisme,  il  fit  vœu,  pendant  une 
maladie  grave  dont  il  fut  atteint  à  l'âge 
de  2G  ans,  d'aller  à  Jérusalem.  Il  embrassa 
la  carrière  des  armes  ,  et  ne  put  remplir 
ce  voau  qu'en  1582.  A  son  retour  dans  sa 
patrie,  il  fut  nommé  maréchal  de  la  cour, 
puis  vaivede  de  Trozka  et  de  Wida ,  et 

XI. 


RAD  2-^5 

mourut  en  1616.  Il  a  laissé  en  polonais 
la  relation  de  son  voyage  à  Jérusalem  ; 
Thomas  Treller,  custode  de  l'église  de  Wa- 
ronie ,  en  a  donné  une  traduction  latine 
sous  ce  titre  :  Jerosolymitana  peregri- 
natio  illust.  Pr.  N-Ch.  Radziwil,  etc. 
Brunsberg,  1601,  in-fol.,en  vers,  16H, 
in-fol.  Ce  livre  offre  des  détails  curieux 
sur  la  Terre-Sainte ,  sur  l'Egypte  et  sur 
les  autres  contrées  que  l'auteur  avait 
parcourues. 

''RADZIWIL  (Charles de),  palatin  de 
Wilna ,  hérita  de  son  père  d'une  fortune 
de  cinq  millions  de  revenus.  Elevé  comme 
dans  les  temps  barbares,  il  n'était  pres- 
que jamais  sorti  des  forêts  de  la  Lithua- 
nie :  étranger  à  tous  les  arts,, à  toute  po- 
litesse, à  toute  éducation  ,  il  n'était  re- 
marquable que  par  la  force  corporelle  et 
par  une  certaine  droiture  d'esprit  qui  le 
guidait  toutes  les  fois  que  la  passion  où 
le  vin  nel'égaraienl  pas.  Habituellement 
il  était  environné  de  la  jeune  noblesse  de 
Lithuanie  qui  lui  composait  une  espèce 
de  cour ,  et  qui  à  son  exemple  se  livrait 
à  la  débauche  la  plus  effrénée.  En  1762 
il  fut  revêtu  de  la  première  dignité  de  la 
province  (Palatin).  Dès  lors  il  combattit 
pour  l'indépendance  de  son  pays  toujours 
menacée  par  la  Russie.  D'abord  il  fut  assez 
heureux  pour  le  protéger  ;  mais,  à  la  mort 
de  Frédéric-Auguste ,  il  ne  put  empêcher 
l'élection  de  Poniatovi'ski  faite  sous  l'in- 
fluence des  baïonnettes  russes.  Néan- 
moins il  se  battit  encore  ;  mais  il  essuya 
des  revers  qui  le  déterminèrent  à  se  re- 
tirer des  affaires  publiques.  Il  mourut 
dans  ses  domaines  le  29  novembre  1792 , 
laissant  encore  une  fortune  considérable, 
malgré  les  sacrifices  nombreux  qu'il  avait 
faits  pour  sa  patrie.  —  Le  prince  Domi- 
nique Radziwil  ,  mort  pendant  les  guerres 
de  l'empire  français,  appartient  à  la 
même  famille.  Il  fut  d'abord  colonel  d'un 
régiment  de  lanciers  ,  puis  major  dan.s 
les  chevau-légers  polonais  de  la  garde. 
A  la  bataille  de  Hanau  un  boulet  de  ca- 
non lui  enleva  son  schakos  sans  lui  faire 
aucune  blessureapparente;  mais  quelques 
jours  après  il  mourut  subitement;  il 
était  à  peine  âgé  de  30  ans. 

R.EV ARDUS  (  Jacques  ),  jariscon< 

29 


è!^  RAF 

suite ,  né  à  Lisseweghe ,  près  de  Bruges, 
en  1034  ,  professa  le  droit  avec  distinc- 
tion à  Douai ,  et  mourut  dans  sa  patrie, 
en  1568,  dans  un  âge  peu  avancé.  La 
connaissance  qu'il  avait  des  belles-let- 
tres ,  des  antiquités  grecques  et  romaines, 
fait  quece  qu'il  aécritsur  la  jurisprudence 
est  lu  avec  plus  de  goût  et  de  fruit  par 
les  antiquaires  que  par  les  jurisconsultes. 
Ses  OEuvres  ont  été  réunies  en  2  vol. 
in-8,Lyon,  1623. 

*  RAFFEI  (  Etienne  ),  philologue , 
poète  et  antiquaire,  naquit  à  Orbitello  , 
en  Toscane,  le  21  septembre   1712.  11 
passa  très  jeune  à  Rome ,  où  il  entra  chez 
les  Pères  de  la  compagnie  de  Jésus  au 
collège  romain,  le  7  septembre  1733.  Il 
fit  ses  études  avec  le  plus  grand  succès, 
possédait  plusieurs  langues  savantes,  la 
philosophie ,  la  théologie ,  les  antiquités, 
et  se  distingua  surtout  par  l'étendue  de 
ses  connaissances.  Pendant  vingt  ans,  il 
professa  la  rhétorique  dans  le  collège  ro- 
main ,  et  compta  parmi  ses  élèves  des 
sujets  distingués ,  qui  occupèrent  ensuite 
des  places  éminentes  dans  la  diplomatie 
et  l'Eglise.  Après  l'extinction  de  son  or- 
dre ,  il  continua  à  demeurer  à  Rome ,  et 
ne  s'occupa  plus  que  de  ses  éludes  favo- 
rites. Ses  talens  et  une  conduite  exem- 
plaire firent  regretter  sa  mort ,  arrivée 
en  janvier  1788,  à  l'âge  de  76  ans.  Il 
était  de  l'académie  des  Arcades  de  Rome, 
et  d'autres  sociétés  littéraires  de  l'Italie. 
On  a  de  lui  :  1  °  Gioviani  Colonna ,  tra- 
gédie, 1763  ;  2°  Flavio  Clémente,  ed  il 
Trionfo  delV  amicizia ,  ibid.  1764.  Ces 
deux  ti;agédies  furent  jouées   par  des 
élèves  sur  les  théâtres  de  son  collège,  et 
ensuite  sur  les  théâtres  publics  ,  et  elles 
eurent  un  succès  mérité  ;  3°  Disserta- 
zione  sopra  il  Crise  di  Marco  Pacuvio, 
Rome,  1770;   4'  Dissertazione   sopra 
A  polio  Picio,   ibid-,  1771  ;  5"  plus  de 
dix  autres  Dissertations  sur  divers  nio- 
numens  de  Rome,  qui  toutes  furent  im- 
primées; 6°  des  Poésies,  comme  son- 
nets ,  odes ,  épilhalames ,  etc. ,  imprimés 
séparément  et  à   diverses  époques.    La 
prose  du  Père  RaflFei  était  correcte  et  fa- 
cile ,  et  ses  vers  ont  beaucoup  d'harmo- 
nie et  de  concision. 


RAF 

•  RAFFEINEL  (  Claude-Denys) ,  jeune 
écrivain,  né  vers  1 797dans  le  département 
du  Jura,  d'un  officier  de  marine  qui  fut 
depuis  commandante  la  Rochelle,  fit  ses       . 
éludes  à  Clermont  en   Auvergne.  Placé      S 
en  1816  dans  une  maison  de  commerce,      \ 
il  ne  tarda  pas  à  en  sortir  pour  se  livrer 
à  des  spéculations  aventureuses  dans  les 
mers  du  Levant.  Il  avait  parcouru  déjà 
diverses  contrées  de  l'Orient,  lorsque  se 
trouvant  dans  les  colonies  du  Sénégal  à 
l'époque  du  naufrage  de  la  Méduse ,  il 
fut  exalté  à  tel  point  par  tout  ce  que  cet 
événement  avait   de   merveilleux  et  de 
terrible ,  qu'il  résolut  de  faire  dans  l'in- 
térieur de  l'Afrique  des  incursions  hasar- 
deuses. En  effet  il  visita  quelques  parties 
de  ce  continent;  les  curieux  détails  qu'il 
donna  dans  la  suite  à  ses  amis,  font  re- 
gretter qu'il  n'ait  pas  écrit  la  relation  de 
son  voyage ,  comme  il  se  l'était  proposé. 
Nous  savons  que  pendant  plusieurs  mois 
il  séjourna  seul  dans  une  cabane  con- 
struite sur  la  lisière  d'une  forêt,  et  qu'il 
faillit  y  succomber  à  une  maladie  dont  il 
fut  atteint.  Il  fut  attaché  quelque  temps 
à  l'un  des  consulats  de  France  en  ces 
pays,  et  fut  témoin  des  premiers  mouve- 
mens  de  la  révolution  des  Grecs.  Dès  lors 
if  se  voua  tout  entier  à  leur  cause.  Il 
fonda  à  Smyrne ,  sous  le  titre  de  V Obser- 
vateur   oriental,    un  journal    écrit   en 
français,  et  qu'il  voulait  consacrer  à  l'in- 
térêt du  commerce  des  Français  que  celte 
insurrection  avait  gravement  compromis. 
Mais ,  ne  pouvant  le  soutenir  seul  et  ne 
voulant   pas  le  confier  à  des  écrivains 
qui  ne  partageaient  pas  ses  opinions,  il 
cessa  de  le  faire  paraître.  Il  passa  en  Mo- 
rée  et  prit  part  à  la  première  campagne 
des  Hellènes.  Une  maladie  grave  l'obligea 
de  revenir  en  France  où  il  fut  bien  ac- 
^cueilli  par  le  général  La  Fayette,  qui  le 
chargea  de  diriger  l'éducation  de  ses  pe- 
tits-fils. Cependant,  il    s'embarqua    en 
1826  pour  aller  porter  de  nouveau  les 
armes  sous  l'étendard  des  Grecs,  et  il  eut 
la  tête  emportée  d'un  boulet  de  canon 
dans  le  château  d'Athènes  le  27  janvier 
1827.  lia  publié  :  1°  Histoire  des  Grecs 
modernes  depuis  la  prise  de  Constanti- 
noplepar  Mahomet  II  jusqu'à  ce  jour , 


RAF 

Paris,  1824  ,  in-12  ;  2°  Résumé  de  This- 
toire  de  la  Perse ,  depuis  Vorigine  de 
l'empire  des  Perses  jusqu'à  ce  jour , 
1825,  in-18;  3°  Histoire  complète  des 
tvènemens  de  la  Grèce ,  depuis  les  pre- 
miers troubles  jusqu'à  ce  jour ,  2'  édi- 
tion, 1825,  3  vol.  in-8,  cartes  et  por- 
traits ;  nouvelle  édition ,  avec  quelques 
correclionset  changemens  ;  4°  Résume  de 
l'histoire  du  Bas  Empire,  1826,  in-18. 
Raffenel  n'avait  pas  eu  le  loisir  d'embras- 
ser assez  fortement  le  genre  d'étude  au- 
quel il  se  destinait  ;  mais  il  avait  toutes 
les  qualités  qui  pouvaient  faire  espérer 
en  lui  un  bon  écrivain. 

*  RAFFLES  (  Sir  Thomas  Stamford)  , 
tils  d'un  capitaine  de  marine  marchande, 
naquit  en  mer,  à  la  hauteur  de  l'île 
de  la  Jamaïque  ,  le  5  juillet  1781.  Après 
avoir  reçu  une  éducation  distinguée,  il 
fut  nommé  en  1806  sous-secrétaire  du 
gouvernement  de  l'île  du  Prince-de- 
Galles  Il  profita  de  son  séjour  pour  ap- 
prendre les  langues  et  l'histoire  du 
pays.  En  1811  il  obtint  la  place  de  gou- 
verneur de  Java  et  revint  en  1816  en 
Angleterre.  Il  avait  acquis  la  connais- 
sance parfaite  de  tous  les  dialectes  de 
la  langue  des  Malais,  et,  autant  que 
les  habitans  du  pays,  il  savait  toutes  les 
annales  de  cette  partie  de  l'Asie.  En 
1817  il  a  publié  son  Histoire  de  Java , 
2  vol. ,  in-4 ,  ouvrage  aussi  curieux 
qu'intéressant  et  instructif.  A  la  fin  de 
la  même  année ,  il  fut  envoyé  à  Bencoo- 
len,  dans  l'île  de  Sumatra,  avec  le  titre 
de  gouverneur  du  fort  Marlborough. 
Après  avoir  formé  un  établissement  an- 
glais à  Singapore  ,  il  fut  contraint ,  par 
raison  de  santé  ,  de  retourner  en  An- 
gleterre. Railles  avait  mis  à  profit  le 
temps  qu'il  avait  passé  dans  celte  con- 
trée ;  il  avait  recueilli  un  grand  nombre 
de  matériaux  dont  il  se  proposait  de  se 
servir  pour  écrire  une  Histoire  de 
Sumatra,  de  Bornéo  et  d'autres  îles 
de  cette  mer.  En  se  mettant  en  mer 
le  deux  février  1725,  le  feu  prit  au 
navire  qu'il  montait  :  l'équipage  par- 
vint à  se  sauver  sur  deux  barques;  mais 
on  ne  put  rien  conserver  de  ce  qui 
était  sur  le  vaisseau ,   et  Raffles  perdit 


RAG  227 

tous  ses  papiers.  11  mourut  d'apoplexie 
le  4  juillet  1826.  Il  avait  été  l'édileur  de 
diverses  relations  de  voyages ,  eutr'aulres 
de  celui  de  Georges  Finlaison.  ^O^ez 
la  Revue  encycl. ,  t.  29  ,  p.  460.  Il  était 
membre  de  presque  tous  les  corps  savans 
de  l'Angleterre. 

'RAFFRON  DU  TROUILLET  (N.), 
conventionnel,  né  à  Paris  en  1708  OU 
1709  ,  embrassa  à  l'âge  de  80  ans  les 
principes  de  la  révolution  avec  l'ardeur 
d'un  jeune  homme.  Nommé  membre  de 
la  Convention  par  les  électeurs  de  Paris, 
il  pressa  vivement  le  procès  du  malheu- 
reux Louis  XVI ,  dont  il  vota  la  mort  sans 
appel  et  sans  sursis.  Il  appuya  aussi  la 
création  de  l'armée  révolutionnaire  ,  de- 
manda avec  instance  que  les  nobles  fus- 
sent renvoyés  des  armées  ;  et,  afin  d'ac- 
célérer la  vente  des  biens  des  émigrés ,  il 
proposa  de  les  adjuger  par  petits  lots. 
Cependant ,  les  jacobins  ayant  été  vain- 
cus dans  la  journée  du  9  thermidor ,  il 
songea  à  pourvoira  sa  sûreté  persomaelle 
eu  se  détachant  de  ce  parti;  il  ïiâta 
d'abord  le  jugement  de  Carrier ,  sor?kmi, 
puis  il  se  déclara  contre  Barrère ,  Lebon 
et  David.  En  1795,  il  entra  dans  le  con- 
seil des  Cinq-cents  qu'il  présida  comme 
doyen  d'âge  dans  la  première  séance  de 
cette  assemblée  ,  et  il  s'éleva  contre  le 
hue  des  fonctionnaires  publics,  les  folles 
dépenses  et  les  vêtemens  somptueux.  Il 
sortit  du  conseil  le  20  mai  1797  ,  et  mou 
rut  en  1 800. 

*  RAGOIS(N.  Le),  ecclésiastique  ver- 
tueux, dont  nous  ne  connaissons  ni  le 
lieu  ni  l'époque  de  la  naissance,  était  ne- 
veu de  l'abbé  Gobelin  ,  docteur  de  Sor- 
bonne,  et  confesseur  de  madame  de 
Maintenon.  Il  devint ,  par  le  crédit  dé 
cette  dame  célèbre,  précepteur  du  duc 
du  Maine.  C'est  pour  ce  prince  que  l'abbé 
Le  Ragois  composa  son  ouvrage  sur 
rfiistoire  de  France  et  sur  Fhistoire  ro- 
maine, 1684  ,  un  seul  volume  inl2,  dans 
lequel ,  en  outre ,  on  trouve  des  Ques~ 
lions  sur  la  géographie  et  sur  la  mytho- 
logie. Ce  livre ,  en  vogue  dans  les  mai- 
sons d'éducation  ,  a  été  souvent  réim- 
primé, et  les  instituteurs  et  institutrices 
le  mettent  encore  dans  les  mains  de  leurs 


228  RAG 

élèves.  Si  on  jugeait  par  cette  œuvre  des 
talens  de  l'abbé  Le  Ragois,  elle  n'en 
donnerait  pas  une  opinion  très  favo- 
rable. Médiocrement  écrit,  pauvre  d'i- 
dées ,  et  d'un  stilc  monotone ,  l'ouvrage 
présente  tes  faits  sèchement  et  sans  in- 
térêt. Ceux  qui  ont  continué  l'ouvrage 
ne  l'ont  point  amélioré  ,  et  se  sont  traînés 
sur  les  traces  de  l'auteur.  M.  Aloustalon 
l'a  totalement  refondu  dans  l'édition 
qu'il  a  publiée  à  Paris  en  1820  ,  2  vol. , 
in- 12  ,  augmentée  d'uu  Abrégé  de  géo- 
graphie ,  de  l' histoire  poétique,  etc.,  etc. 
V Abrégé  de  l'abbé  le  Ragois  ne  vaut  pas 
celui  du  Père  Loriquet  (A.  M.  D.  G.  )  ni 
d'autres  ouvrages  du  même  genre  qui 
ont  paru  depuis.  On  ignore  l'époque  de 
la  mort  de  ce  vénérable  ecclésiastique 
qui  aurait  été  entièrement  oublié  sans 
son  livre. 

RAGOTZKI  ou  plutôt  Racoczi  (Fran- 
çois ) ,  fils  de  George  II ,  prince  de  Tran- 
sylvanie ,  et  de  Sophie  de  Balhori ,  fut 
éleyé.gar  sa  mère  dans  la  religion  catho- 
lique, passa  sa  vie  dans  les  eiiercices  de 
piét<^,  mourut  à  Makowitz  l'an  1676,  et 
fut  enterré  à  Cassovie  dans  l'église  des 
jésuites,  qu'il  avait  fait  bâtir  avec  sa 
mère.  C'est  ce  prince  qui  est  le  véritable 
auteur  du  livre  de  prières  intitulé  :  Offl- 
cium  ragotzianuin  ,  dont  on  fait  grand 
usage  eu  Hongrie. 

RAGOTZKI  ou  Racoczi  (François- 
Léopold),  prince  de  Transylvanie,  né 
en  1676  ,  fut  élevé  à  la  cour  de  Vienne 
oii  plus  tard  il  réclama  une  partie  de  ses 
biens.  Il  futmisen  prisonà  Neustadt ,  en 
avril  1701  ,  accusé  d'avoir  voulu  soule- 
ver la  Hongrie  contre  l'empereur.  Il 
trouva  le  moyen  de  se  sauver ,  déguisé 
en  dragon  ,  le  7  novembre  de  la  même 
année  ,  à  deux  heures  après  midi.  Il  passa 
en  Pologne ,  et  alla  joindre  à  Varsovie 
le  comte  de  Bercheni ,  l'un  des  mécou- 
tens  de  Hongrie.  Le  29  du  même  mois, 
on  afficha  dans  la  ville  de  Vienne  des 
placards,  par  lesquels  ce  prince  était 
proscrit,  avec  promesse  de  dix  mille 
florins  à  ceux  qui  le  livreraient  vivant 
enC.*'e  les  mains  des  officiers  de  l'empe- 
reur,  et  de  six  mille  à  ceux  qui  appor- 
teraieM  m  lête.  Celle  proscription  le  ié- 


RAG 

termina  à  se  faire  chef  des  mécontens  de 
Hongrie.  Le  conseil  de  l'empereur  le 
condamna,  en  1703,  à  avoir  la  tête 
tranchée  ,  le  dégrada  de  ses  titres  ,  et  le 
priva  de  tous  ses  biens.  Deux  mois  après, 
il  prit  le  fort  de  Katto  ,  et  passa  au  fil  de 
Fépée  les  Impériaux  ,  qui  n'avaient  point 
fait  de  quartier  aux  Hongrois.  Ayant  fait 
la  guerre  avec  succès ,  les  états  de  Hon- 
grie le  déclarèrent  protecteur  du  royau- 
me ,  en  atlendant  l'élection  d'un  nouveau 
roi ,  et  le  proclamèrent  prince  de  Tran- 
sylvanie ,  en  août  1704.  Les  affaires  ayant 
changé  de  face  en  17 1 3  ,  et  la  Hongrie 
ayant  fait  sa  paix  avec  l'empereur  ,  Ra- 
golzki  vint  en  France,  et  passa  de  là  à 
Constantinople.  Il  y  demeura  toujours 
depuis,  estimé  de  la  cour  ottomane,  et 
aimé  de  tous  ceiix  qui  connaissaient  ses 
grandes  qualités.  Il  était  retiré  à  Rodos- 
to,  lieu  situé  sur  les  bords  de  la  mer 
de  Marmara,  entre  les  Dardanelles  et 
Constantinople,  à  25  lieues  de  cette 
ville,  lorsqu'il  mourut  le  8  avril  1735  , 
âgé  d'environ  59  ans.  Si  on  excepte  sa 
révolte ,  c'était  un  homme  de  bien , 
sage ,  réglé  dans  ses  mœurs ,  et  fort 
pieux  ;  il  s'était  imaginé  que  les  torts, 
vrais  ou  prétendus ,  faits  à  sa  patrie  ,  lui 
donnaient  le  droit  de  la  venger.  ( /^oycz 
ses  Mémoires ,  dans  les  Révolutions  dt 
Hongrie  ,  ha  Usiie,  17  39,  2  vol.  in-4  ,  i 
ou  6  vol.  in-12.)  On  a  encore  donné 
sous  son  nom,  en  1751  ,  un  ouvrage  in- 
titulé :  Testament  politique  et  moral  du 
prince  de  Ragotzki  ;  mais  on  doute  i^vec 
raison  qu'il  soit  de  lui.  Lorsqu'il  fut 
arrêté  en  1 701  ,  il  avait  dans  sa  chambre 
un  tigre  qui  le  défendit  long-temps  * 
contre  les  soldats. 

RAGUEAU  (François),  professeur  ' 
en  droit  dans  l'université  de  Bourges, 
distingué  par  sa  science,  est  auteur  d'un 
Commentaire  fort  étendu  sur  les  Cou- 
tumes du  Berry ,  1615,  in-fol.  Laurière 
fit  réimprimer  en  1 704 ,  en  2  vol.  in-4  , 
un  autre  livre  dumême  auteur ,  intitulé  : 
Indice  des  droits  royaux.  Ragueau 
mourut  en  1605. 

RAGDEL,  père  de  Sara.  Foyez  To- 

BlE 

RAGUENET  (  François  ) ,  littérateur, 


I 


RAG 

naquit  à  Rouen  vers  1660,  embrassa  l'état 
ecclésiastique,  et  s'appliqua  à  l'élude 
des  belles-lettres  et  de  l'histoire.  Il  rem- 
porta le  prix  de  l'éloquence  à  l'académie 
française,  en  1687.  Son  Discours  roulait 
sur  le  mérite  et  la  dignité  du  martyre. 
Ce  petit  succès  l'encouragea,  et  il  com- 
mença à  jouer  un  rôle  dans  la  république 
des  lettres.  Il  donna,  en  1704,  un  Paral- 
lèle des  Italiens  et  des  Français ,  en  ce 
qui  regarde  la  musique  et  les  opéras  : 
ce  parallèle  occasiona  une  guerre  litté- 
raire. La  musique  des  Italiens  est,  suivant 
lui,  fort  supérieure  à  la  française  à  tous 
égards  :  1°  par  rapport  à  la  langue,  dont 
tous  les  mots ,  toutes  les  syllabes  se  pro- 
noncent distinctement  ■,2"  par  rapport  au 
génie  des  compositeurs, à  l'enchantement 
des  symphonies,  à  l'invention  des  machi- 
nes. Lecerf  de  la  Vieuville  (aboyez  ce  nom), 
garde  des  sceaux  du  parlement  de  Nor- 
m  ndie,  réfuta  ce  parallèle  que  l'abbé 
Raguenet  défendit.  La  Vieuville  écrivit 
'  de  nouveau,  et  cette  querelle  finit,  comme 
toutes  celles  de  ce  genre,  par  le  dégoût 
des  parties  belligérantes  et  l'indififérence 
du  public.  L'abbé  Raguenet  mourut  en 
1722,  après  avoir  publié  plusieurs  ouvra- 
ges. Les  principaux  sont  :  1"  Les  Monu- 
mens  de  Rome ,  ou  Description  des  plus 
beaux  ouvrages  de  peinture,  de  sculpture 
et  d'architecture  de  Rome,  avec  des  ob- 
servations,  Paris,  1700  et  1702,  in-12. 
Ce  petit  ouvrage  valut  à  son  auteur  des 
lettres  de  citoyen  romain,  dont  il  prit  le 
titre  depuis  ce  temps-là.  2°  L'Histoire 
d^Olivier CromwelfVar'is,  in-4,  1691,  ou 
2  vol.  in-12,  très  supérieure,  pour  le 
fond  ,  au  roman  de  Gregorio  Leti  :  elle 
est  bien  écrite  ;  il  serait  à  souhaiter  que 
quelques  faits  que  l'on  y  trouve  fussent 
mieux  avérés,  et  que  les  autres  fussent  à 
leur  place  ;  3°  Histoire  de  l'ancien  Tes- 
tament, in-12;  4°  Histoire  du  vicomte 
de  Turenne,  in-12.  C'est  une  assez  froide 
relation  des  actions  militaires  de  ce  gé- 
néral, qui  y  est  peint  comme  héros,  et  non 
comme  homme  privé.  Cet  ouvrage  a  ce- 
pendant été  imprimé  un  grand  nombre  de 
fois.  On  attribue  à  Raguenet  le  p^oyage 
romanesque  de  Jacques  Sadeur  dans  la 
<</re^MJ^ra/e,  mais  il  n'en  est  tout  au  plus 


RAG  22g 

que  le  traducteur.  Ce  livre  est  de  Gabriel 
Frogny,  cordelier  apostat. 

RAGUET  (Gilles-Bernard),  né  àNa- 
mur  en  1668,  se  rendit  fort  jeune  à  Paris, 
où  il  embrassa  l'état  ecclésiastique,  et  fut 
nommé  directeur  spirituel  de  la  compa- 
gnie des  Indes.  En  1722,  le  roi  le  nomma 
à  l'abbaye  de  l'Aumône,  dite  le  Petit- 
Cîteaux  ,et  l'année  suivante  au  prieuré 
d'Argenteuil.  Il  fut  du  nombre  des  gens 
de  lettres  employés  à  l'éducation  de 
Louis  XV.  Les  auteurs  du  Gallia  chris- 
tiana  le  désignent  sous  le  titre  de  Régis 
antescholanus.  Il  mourut  à  Paris  le  20 
juin  1748.  Nous  avons  de  lui  :  \°  Histoire 
des  contestations  sur  la  Diplomatique 
de dom Mabillon,  Paris,  1708  ,  in-12.  Il 
s'y  décide  en  faveur  des  observations  du 
Père  Germon  contre  le  savant  bénédictin. 
2"  Traduction  de  la  nouvelle  Atlantide 
de  Bacon,  avec  des  augmentations, n02f 
in-12,  etc.  Il  a  aussi  travaillé  au  Journal 
dessavans  depuis  1705  jusqu'en  1721. 

*  RAGUSA  (Jérôme),  jésuite  sicilien, 
né  à  Modica  en  1695,  cultiva  l'éloquence, 
la  théologie  et  l'histoire,  surtout  en  cequi 
concernait  les  antiquités  et  la  biographie 
de  son  pays.  Il  est  auteur  des  ouvrages 
suivans  :  1°  Elogia  Siculorum,  qui  ve- 
teri  memoria  litteris  floruerunt,  Lyon, 
1 690,  in-1 2;  2°  Siciliœ  bibliotheca  vêtus, 
continens  elogia  veterum  Siculorum  qui 
litterarum  fama  claruerunt,  1  vol.  in-4  ; 
3°  Fragmenta  progymnasmatum  diver- 
sorum  ;  Venise,  1706,  in-8  ;  4°  Raggio- 
namenti, panegirici  moraliemisti ,  ibid. 
1 7 06,  in- 1 2;5"'  Siciliœ  bibliotheca  recens, 
continens  elogia  Siculorum  qui  nostra, 
velnostratium  memoria  litterarum  fama 
claruerunt ,  ab  anno  1 500  ad  annum 
1700  ;  6°  Siciliœ  bibliotheca  vêtus  et  re- 
cens, continens  elogia  tum  veterum  tum 
recentiorum  scriptorum,  1  vol.  in-4,  etc.; 
7°  Problemata philosophica-,  8°  Disser- 
tatio  de  quantttate  ;  9°  Examen  meta- 
physicœ  ;  1 0°  Paradigmata  quœstionum 
variarum  theologico  -  moralium  ;  11" 
Quœstiones  theologicœ  morales  de  vir- 
tutibus  t/ieologicis,  et  morales  de  sacra- 
mentis;  12°  Theologia  tripartita ,  3vol.- 
1 3°  Passio  Domini  nostri  Jesu  Christi , 
cum  eommentatio  i  14"  Paraphrcuis  in 


t3o  RAI 

Pentateiichum  ;  1 5°  Opuîcula  tria  cano- 
nico-polUica ,  etc.  Ragusa  est  mort  en 
1720. 

RAGUSE.  Voyez  Jean  de  Ragusb. 

RAHAB,  habitante  de  Jéricho,  reçut 
chez  elle  et  cacha  les  espions  que  Josué 
envoyait  pour  reconnaître  la  ville.  Josué 
l'excepta,  avec  toute  sa  maison,  de  l'ana- 
tbème  qu'il  prononça  contre  cette  ville. 
Rahab  épousa  Salmon,  prince  de  Juda, 
de  qui  elle  eut  Booz.  Ce  dernier  fut  père 
d'Obed  ,  et  celui-ci  d'isaï  ,  de  qui  naquit 
David.  Ainsi  J.  C.  a  voulu  descendre  de 
cette  Chauanéenne.  Le  texte  hébreu  la 
nomme  Zonah  qui  signifie  femme  de 
mauvaise  vie,  merelvix  ;  ou  hôtelière, 
hospita.  Cette  différente  signification  du 
même  mot  a  donné  lieu  à  plusieurs  in- 
terprètes de  justifier  Rahab ,  et  de  la 
regarder  simplement  comme  une  femme 
qui  logeait  chez  elle  des  étrangers.  Ils 
ajoutent  d'ailleurs  qu'il  n'est  guère  pro- 
bable que  Salmon ,  prince  de  la  tribu  de 
Juda,  eût  voulu  épouser  Rahab,  si  elle 
eût  été  accusée  d'avoir  fait  un  métier 
infâme,  ni  que  les  espions  se  fussent 
retirés  chez  une  courtisane,  dont  les 
liaisons  auraient  dû  leur  inspirer  de  la 
défiance.  Mais  les  autres,  en  plus  grand 
nombre,  se  fondant  sur  l'autorité  des 
Septante,  sur  saint  Paul  et  saint  Jacques, 
etsurla  plupart  des  Pères,  soutiennent  que 
le  mot  hébreu  doit  se  prendre  ici  pour 
une  femme  débauchée.  Du  reste,  il  n'y 
a  pas  lieu  de  douter  que  si  Rahab  a 
été  dans  ce  cas,  elle  s'en  est  relevée 
pour  mener  une  vie  honnête  ;  et  cette 
résipiscence  date  vraisemblablement  de 
l'acte  d'hospitalité  qu'elle  exerça  envers 
les  Israélites  par  la  foi  qu'elle  eut  en  leur 
Dieu  :  Fide  Hahab  meretrix  non  periit 
cum  increduUsy  excipiens  exploralores 
cumpace.  Heb.  11. 

*  RAIEVSKI  (  André  ),  littérateur, 
mort  à  Koursk  en  Russie,  le  13  mars 
1822,  a  laissé  plusieurs  ouvrages,  parmi 
lesquels  nous  citerons  :  1°  des  Mémoires 
sur  les  campagnes  des  années  1813  et 
1814  (en  russe],  Moskow,  1822,  2  vol. 
in- 8;  2"  des  poésies  qui  n'ont  pas  été 
réunies  en  corps  d'ouvrages  et  qui  sont 
dans  différeas  recueils  \  Z'  le  l'^^  vol.  des 


RAI 

Principes  de  stratégie  ou  Varchiduc 
Charles  ,  dont  il  n'a  pu  achever  la 
traduction  ,  Saint-Pétersbourg  ,  1818, 
in-8. 

RAIMOND  VI,  comte  de  Toulouse, 
dit  le  Vieux ^  fils  de  Raimond  V,  né  en 
1156  d'une  famille  illustre  par  son  an- 
cienneté et  par  sa  valeur,  fut  dépouillé 
de  ses  états  dans  la  croisade  contre  les 
albigeois.  Ce  prince  favorisait  ou  verte- 
ment ces  hérétiques.  (Leurs  chefs,  Pierre 
de  Bruis,  Henri  Olivier  et  autres,  furent 
toujours  vaincus  dans  les  conférences 
qu'ils  voulurent  engager.  Saint  Ber- 
nard et  saint  Dominique  prêchèrent 
contre  eux.)  Le  légat  du  saint-Siége, 
Pierre  de  Caslelnau,  l'excommunia  en 
1 207  ;  Raimond  parut  alors  vouloir  chan-  | 
ger  de  conduite.  Il  fit  prier  le  légat  de  i 
venir  à  Saint-Gilles,  promettant  d'accep- 
ter les  conditions  qu'il  lui  proposerait. 
Le  prélat  s'y  rendit  avec  joie  ;  mais  Rai- 
mond, le  plus  fourbe  et  le  plus  cruel  des 
hommes,  le  fit  assassiner  par  ses  gens. 
Les  croisés  s'avancèrent  alors  contre  lui  ; 
craignant  leur  ressentiment ,  il  fit  tout 
ce  qu'il  put  pour  obtenir  l'absolution  des 
censures.  Mais  lorsqu'il  eut  échappé  au 
danger,  il  recommença  ses  liaisons  avec 
les  albigeois ,  et  fut  excommunié  de  nou- 
veau. Pierre  M,  roi  d'Aragon,  prit  sa  dé- 
fense -,  mais  ils  furent  vaincus  l'un  et  l'au- 
tre à  la  bataille  de  Muret  en  1213.  L'an» 
née  d'après,  il  signala  de  nouveau  sa 
cruauté  et  sou  irréligion,  en  faisant  pen- 
dre son  frère  Baudouin  ,  comte  de  Tou- 
louse, sans  lui  laisser  la  liberté  de  recevoir 
les  sacremens  de  l'Eglise,  quoiqu'il  ne 
demandât  que  cette  grâce.  (  Baudouin 
avait  passé  dans  le  parti  de  Montfort 
(comte  de  Seicester),  après  lui  avoir 
livré  le  château  de  Montfort,  qu'il  défen-, 
dait.  )  Le  concile  de  Latran  de  l'an  1215 
joignit,  en  vertu  du  concours  de  la  puis- 
sance temporelle,  aux  censures  ecclésias- 
tiques contre  Raimond,  la  privation  des 
domaines  qu'il  possédait.  Philippe-Au- 
guste, de  qui  relevait  le  comté  de  Tou- 
louse, avait  renvoyé  au  souverain  pontife 
le  jugement  de  son  vassal:  ses  ambassa- 
deurs furent  présens  à  ce  jugement,  et  le 
prince  le  ratifia  lui-même,  par  l'investi- 


I 


RAI 

turc  qu'il  donna  du  comté  de  Toulouse  à 
Simon  de  Montfort.  (On  assigna  à  Rai- 
mond  une  pension  viagère  de  4,000 
marcs  d'argent,  et  à  son  lils,  une  partie 
du  marquisat  de  Provence.  Le  fils  de 
Raimond  parvint  à  réunir  une  armée , 
battit  Montfort,  qui  fut  tué  dans  un  com- 
bat d'un  coup  de  pierre.  Son  lils  Amauri 
fut  également  repoussé  par  Raimond  et 
son  fils ,  qui  recouvrèrent  presque  tous 
leurs  états.  Raimond  mourut  en  1222  ;  il 
s'était  marié  deux  fois ,  et  ne  laissa  que 
deux  enfans  légitimes ,  Raimond  VU, 
)  et  Constance ,  qui  épousa  Sanche  YIII, 
^  roi  de  Navarre.  )  Comme  il  n'avait  point 
été  absous  de  l'excommunication,  son 
corps  resta  sans  sépulture.  Raimond  n'a- 
vait rien  de  médiocre  dans  ses  bonnes  ni 
dans  ses  mauvaises  qualités.  Il  avait  l'âme 
noble,  le  génie  actif;  l'adversité  ne  l'a- 
battait point.  Les  sièges  des  villes  qu'il 
soutint,  les  conquêtes  qu'il  fit,  sont  des 
preuves  de  son  courage  et  de  son  habi- 
leté dans  l'art  de  la  guerre  :  mais  ses 
défauts  l'emportèrent  sur  ses  bonnes  qua- 
lités. Il  poussa  l'amour  du  plaisir  jusqu'à 
l'inceste,  et  la  colère,  comme  nous  ve- 
nons! de  le  dire,  jusqu'à  tremper  ses 
mains  dans  le  sang  d'un  de  ses  frères  et 
d'un  légat  du  saint-Siége.  Il  comptait 
pour  rien  la  parole  qu'il  avait  donnée. 
On  le  vit  au  pied  de  l'autel  ordonnera 
ses  bouffons  de  contrefaire  les  prêtres 
disant  la  messe.  C'était  lui  faire  sa  cour 
que  d'embrasser  l'hérésie;  et  quelle  hé- 
résie !  on  sait  que  toutes  les  abomina- 
tions se  trouvaient  réunies  dans  celle  des 
albigeois.  Il  ruina  les  monastères  ,  chan- 
gea les  églises  en  citadelles,  chassa  les 
évêques  de  leurs  sièges ,  etc.  Tel  est  le 
portrait  que  les  historiens  contemporains 
font  de  Raimond  Guillaume  Catei  en  a 
rassemblé  les  témoignages  dans  son  His- 
toire des  comtes  de  Toulouse, ti  le  Père 
Langlois  dans  l'Histoire  des  croisades 
contre  les  albigeois.  On  sait  que  Voltaire 
a  fait  ses  efforts  pour  disculper  ce  prince, 
et  pour  noircir  Simon  de  Montfort  ;  mais 
cela  ne  doit  nullement  surprendre  :  l'un 
a  constamment  soutenu  les  droits  de  la 
religion,  et  l'autre  s'en  est  déclaré  l'en- 
nemi irréconciliable.  L'abbé  Millot,ea 


RAI  23 1 

fidèle  disciple ,  a  copié  ce  patriarche  de 
la  philosophie. 

RAIMOWD  VII,  comte  de  Toulouse, 
fils  du  précédent ,  succéda  à  ses  étals  et 
à  ses  querelles.  Il  combattit  vivement 
Amauri  de  Montfort,  fils  du  célèbre  Si- 
mon, et  le  força  à  se  retirer  en  France. 
Cependant  lacroisadesubsistaitcontre  lui, 
et  il  fut  excommunié  en  122G.  Enfin,  après 
avoir  soutenu  une  longue  guerre,  il  fit 
la  paix  avec  les  catholiques,  et  parut  ren- 
trer de  bonne  foi  dans  le  sein  de  l'Eglise. 
En  124 7,  saint  Louis  l'engagea  à  se  croi- 
ser pour  la  Terre-Sainte  ;  mais  le  pape 
Innocent  IV,  qui  voulait  l'opposer  aux 
partisans  de  l'empereur  Frédéric  II,  l'em- 
pêcha de  faire  ce  voyage.  Il  mourut  deux 
aus  après,  en  1249,  à  Milfiaud  en  Rouer- 
gue ,  âgé  de  52  ans.  Alphonse ,  comte 
de  Poitou ,  frère  de  saint  Louis,  ayant 
épousé  la  fille  et  l'héritière  de  ce  prince, 
et  n'en  ayant  point  eu  d'enfans,  tous  les 
états  de  Raimond  VII  furent  réunis  à  la 
couronne  de  France  en  1361,  par  Phi- 
lippe III. 

Raimond,  dit  pkgsaflor  ou  pegna- 

FORT  (Saint),  naquit  au  château  de 
Pegnaflor  en  Catalogne,  l'an  1175.  Après 
avoir  fait  ses  études  à  Barcelone,  il  alla 
les  perfectionner  dans  l'université  de 
Bologne ,  et  y  enseigna  le  droit  canon 
avec  réputation.  De  chanoine  de  Barce- 
lone, il  entra  dans  l'ordre  de  Saint-Domi« 
nique,  qu'il  illustra  par  ses  vertus  et  sou 
savoir.  Le  pape  Grégoire  IX  l'employa 
l'an  1228  à  la  collection  des  Décre'tales  , 
et  voulut  l'élever  à  l'archevêché  de  Tar- 
ragone,  qu'il  refusa.  Ce  pontife  voulait 
le  retenir  à  sa  cour  ;  mais  le  saint  homme 
préféra  sa  solitude  de  Barcelone  à  tous 
les  avantages  qu'on  lui  faisait  espérer.  Il 
s'occupait,  dans  le  silence  et  dans  la  re- 
traite, à  l'étude  et  à  la  prière,  lorsqu'il 
fut  élu  général  de  son  ordre  en  1238, 
dignité  dont  il  se  démit  deux  ans  après. 
Il  contribua  beaucoup  ,  par  son  zèle  et 
par  ses  conseils,  à  l'établissement  de 
l'ordre  de  la  Mercy.  Ce  fut  aussi  par  son 
crédit  que  l'inquisition  fut  établie  dans 
le  royaume  d'Aragon  et  dans  le  Langue- 
doc. Les  papes  lui  permirent  de  pourvoir 
aux  offices  de  ce  tribunal,  et  il  le  fit  avec 


232  RAI 

beaucoup  de  sagesse.  Raimond  mourut  à 
Barcelone,  en  1275,  dans  la  centième 
année  de  son  âge.  Le  pape  Clément  VIII 
le  canonisa  en  1601.  On  peut  voir  le 
tableau  de  ses  vertus  dans  l'Histoire  des 
hommes  illustres  de  l'ordre  de  Saint- 
Dominique  ,  par  le  Père  Touron ,  qui  a 
donné  une  vie  très  exacte  et  très  circon- 
stanciée de  ce  saint.  On  a  de  lui  :  1  °  la  Col- 
lection des  De'cre'tales ,  qui  forme  le  se- 
cond volume  du  Droit  canon.  Ce  recueil 
est  en  cinq  livres.  L'auteur  a  joint  divers 
décrets  des  conciles  aux  constitutions  des 
papes.  2°  Une  Somme  des  cas  de  con- 
science, autrefois  très  consultée.  La  meil- 
leure édition  est  celle  du  Père  Laget, 
in-fol.,  Lyon,  1728,  avec  de  savantes 
notes.  On  estime  aussi  celle  de  Vérone  , 
1744,  in-fol. 

RAIMOND  (Pierre) ,  Lou  Prou.,  c'est- 
à-dire  le  Preux  et  le  Faillant,  né  à  Tou- 
louse, suivit  l'empereur  Frédéric  dans 
l'expédition  de  la  Terre-Sainte ,  oii  il  se 
signala  par  ses  vers  provençaux  et  par 
ses  exploits.  Ce  poète  mourut  en  1225, 
pendant  la  guerre  des  comtes  de  Pro- 
vence contre  les  albigeois  :  guerre  qui 
servit  à  faire  briller  son  courage.  Il  avait 
fait  un  Poème  contre  les  erreurs  des 
Ariens,  et  un  autre  où  il  blâmait  les  rois 
et  les  empereurs  d'avoir  laissé  prendre 
trop  de  pouvoir  aux  ecclésiastiques.  Il 
ne  songeait  pas  que  dans  les  siècles  bar- 
bares ,  ce  pouvoir  avait  beaucoup  servi 
à  adoucir  les  mœurs,  à  réprimer  la  vio- 
lence des  grands  et  des  petits,  et  à  tempé- 
rer le  despotisme.  Tout  ce  qui  a  suivi 
l'affaiblissement  de  leur  considération 
au  18*  siècle,  justice  cette  observation. 

RAIMOND-LULLE.  Foyez  Ldlle. 

RAIMOND-MARTIN.  Foy.  Martin. 

RAIMOINDI,  graveur.  Foyez  Marc- 
Antoine  Raimomdi. 

*RAIMONDI  (Rapbaël),  surnommé 
le  Baphaël  de  Côme,  jurisconsulte  célè- 
bre, né  vers  1370  dans  cette  ville,  fit 
ses  cours  de  droit  à  l'université  de  Pa- 
doue  sous  le  savant  Castiglionc  de  Milan. 
Cette  université  ayant  été  transportée  à 
Plaisance  en  1 4 1 1 ,  il  y  devint  professeur, 
et  y  demeura  plusieurs  années.  Appelé  à 
Padoue ,  à  cause  de  la  grande  réputation 


MI 

qu'il  s'était  acquise ,  il  y  établit,  en  1 422, 
une  école  de  droit,  dont  les  appointe- 
mens  se  montèrent  à  700  ducats,  somme 
alors  très  considérable.  La  république  de 
Venise  le  lit  venir  dans  cette  ville,  et  le 
chargea  de  plusieurs  missions  importan- 
tes, dont  il  s'acquitta  avec  succès.  Rai- 
mondi  acquit  beaucoup  de  fortune  par 
son  application  et  son  savoir,  et  mourut 
à  Padoue  en  1426.  On  a  de  lui  des  Com- 
mentaires sur  le  Digeste.  —  Son  fils, 
Benoît,  suivit  l'état  de  son  père,  et  s'y  dis- 
tingua; il  occupa  la  chaire  de  jurispru- 
dence à  Padoue  et  à  Bologne,  où  il  mourut 
vers  1480. 

"RAlAlOIVDI  (Annibal),  mathémati- 
cien du  16* siècle,  né  à  Vérone  en  1505, 
passait  de  son  temps  pour  un  prodige  de 
savoir.  Il  avait  étudié  non  seulement  les 
sciences  mathématiques,  mais  encore  la 
physique  et  l'astronomie.  Il  jouissait  de 
la  protection  de  plusieurs  princes  d'Ita- 
lie, et  il  obtint  une  pension  de  la  répu- 
blique de  Venise.  On  a  de  lui  sur  les  dif- 
férentes sciences  qu'il  connaissait  plu- 
sieurs ouvrages,  dont  nous  citerons 
les  suivaus,  comme:  1°  Divcorso  délia 
trepidazione  délie  stelle  fisse  ;  2°  Paterne 
riprensioni,  etc. ,  ou  Remontrances  pa- 
ternelles adressées  aux  médecins  rai- 
sonnables. Au  temps  d'Anuibal  Raimondi, 
un  grand  nombre  d'empiriques ,  sous  le 
titre  de  médecins,  infestaient  l'Italie; et 
les  médecins  eux-mêmes  ne  suivaient  pas, 
selon  l'avis  de  l'auteur,  la  méthode  la 
plus  propre  à  la  guérison  des  malades. 
C'est  aux  uns  et  aux  autres  qu'il  adressa 
son  ouvrage,  dans  lequel  il  leur  con- 
seillait l'usage  des  simples.  3°  DeW  an-  .\ 
ticttf  etc. ,  ou  de  Fancienne  et  honorable 
science  de  Normandie  ou  onomancie,  ^ 
Venise,  1549;  cet  ouvrage  a  été  tra- 
duit en  français.  4°  Trattato ,  etc.,  ou 
Traité  du  flux  et  reflux  de  la  mer,  Ve- 
nise, 1589.  Il  publia,  à  l'âge  de  84  ans, 
ce  livre ,  qui  a  été  aussi  traduit  en  fran- 
çais. Il  mourut  deux  ans  après  à  Vérone. 
Georges  Jodocus  fait  beaucoup  d'éloges 
de  ce  savant  dans  le  second  livre  de  l'ou- 
vrage intitulé  Del  Benaco. 

*  RAIMONDI  (Jean-Baptiste),  orien- 
taliste et  philosophe  italien ,  né  à  Cr<j- 


RAI 

mone  vers  l'an   1540,    passa  plusieurs 
années  en  Asie  où  il  acquit  une  connais- 
sance approfondie  de  l'arabe ,  de  l'armé- 
nien ,  du  syriaque  et  de  l'hébreu.  Il  revint 
ensuite  en  Italie  où  il  étonna  ses  contem- 
porains par  la  variété  et  l'étendue  de  ses 
connaissances.  Le  cardinal  Ferdinand  de 
Médicis  établissait  à  Florence ,  avec  une 
magnificence  digne    de   son  nom ,  une 
imprimerie  de  caractères  orientaux  qui  a 
été  comme  le  berceau  de  celle  delà  Propa- 
gande. Il  appela  en  même  temps  auprès  de 
lui  tous  les  hommes  dont  les  talens  pou- 
vaient faire  prospérer  sa  noble  entreprise, 
à  la  tête  de  laquelle  il  plaça  Jean-Baptiste 
Raimondi.  Les  premiers  ouvrages  qu'il 
fit  paraître ,  furent  une  Grammaire  hé- 
braïque, une  Grammaire  chaldêenne , 
quelques  livres  d'Aviçenne  en  arabe,  et 
plusieurs  autres  d'Euclide  en  grec.  Les 
Evangiles  furent  publiés  peu  de  temps 
après ,  avec  une  version  latine ,  afin  de 
les  répandre  dans  tout  l'Orient,  et  on  en 
tira  à  cet  effet  3,000  exemplaires.  Après 
la  bible  polyglotte  du  cardinal  Ximenès, 
ce  sont  les  plus  belles  productions  typo- 
graphiques que  l'on  connaisse,  même  de 
nos  jours.  Ces  éditions  se  conservent  à 
Florence  dans  la  bibliothèque  Maglia- 
becchiana.    Raimondi    avait    formé    le 
projet  d'imprimer  la  Bible  dans  les  six 
principales  langues  de  l'Orient,  savoir, 
en  langues  arabe,    syriaque,  persane, 
;       éthiopienne,   cophte    et    arménienne, 
ayant  en  regard  les  versions  grecque, 
latine,  hébraïque  et  chaldéenne ,   con- 
jointement avec  les   grammaires  et  les 
dictionnaires  de  ces   langues.  Il   allait 
exécuter  ce  projet  presque  gigantesque , 
sous  les  auspices  de  Grégoire  XIII  ;  mais 
la  mort  de  ce  pontife  (  1 585  )  l'obligea 
d'y  renoncer.   Raimondi   resta  toujours 
attaché  au  service  des  Médicis.  Le  grand- 
duc,  outre  les  honoraires  atlachés  à  son 
emploi  de  directeur  de  l'imprimerie  des 
langues  orientales  ,  l'avait  gratifié  d'une 
pension.  Raimondi  vécut  jusqu'à  un  âge 
très  avancé  ;  mais  on  ignore  l'époque  de 
sa  mort  ;  on  croit  cependant  qu'elle  doit 
êtrearriv#e  vers  1 592, 

'  RAIMUINDETTO  (Raimond) ,  cé- 
lèbre magistrat,  naquit  à  Saint-Martin  de 
il. 


RA[ 


233 


Latane  en  1630.  Il  acquit  un  grand  re- 
nom par  son  savoir  dansla  jurisprudebce, 
et  occupa  les  places  les  plus  distinguées 
dans  son  pays.  Les  rois  d'Espagne,  alors 
maîtres  des  deux  Siciles ,  et  d'une  por- 
tion de  l'Italie  ,  l'employèrent  successi- 
vement dans  les  affaires  les  plus  déli- 
cates. Il  fut  président  de  la  grande  cham- 
bre de  Palerme,  grand  juge  du  royaume 
de  Sicile ,  et  régent  du  conseil  suprême 
d'Italie.  Raimundetto  avait  aussi  étudié 
le  droit  canon ,  et  il  publia  les  ouvrages 
suivans  :  Responsum  juridicum  super 
spoUisac  fructibus  viduarum  Ecclcsia- 
rum  regni  Siciliœ  sacrce  catholicœ  ma- 
jestati  competentibus  ;  De  omnibus prœ- 
latis  cœterisque  ecclesiasticii  bene/iciis 
regio  juri  patronatui  addictis  ;  An  sci- 
licet  possil  de  iis  in  usus  mère  profanos 
disponere  ?  Il  mourut  à  Palerme  en  1 690. 

*  RAINALDI  (  Jérôme  ),  célèbre  ar- 
chitecte, naquit  à  Rome  en  1570,  et  fut 
élève  de  Dominique  Fontana.  Il  devint 
un  des  premiers  artistes  de  son  temps  ; 
ses  ouvrages  ont  rendu  son  nom  immor- 
tel, et  sont  considérés  comme  des  chefs- 
d'œuvre.  On  ne  saurait  cesser  d'admirer 
le  port  de  Fano,  Ve'glise  de  Montalto,  le 
collège  de  Sainte-Lucie ,  à  Bologne;  le 
palais  du  duc  de  Parme,  le  palais  Pam- 
phili,  et  la  décoration  de  V église  de  Saint- 
Pierre  à  Rome  (en  1610),  Ve'glise  des 
Carmes-Déchaussés  à  Capiarola  ,  etc.  Il 
acheva  aussi  le  Capitole ,  et  exécuta 
d'autres  ouvrages  qui  lui  firent  également 
honneur.  Cet  excellent  artiste  mourut 
dans  sa  patrie  en  1655. 

*RAI]NALDI  (Charles),  architecte, 
fils  du  précédent,  naquit  en  1611,  fui 
élève  de  son  père  des  talens  duquel  il 
hérita  ,  quoiqu'il  ne  su  vît  pas  toujours 
comme  lui  les  bons  principes.  Il  donna  , 
d'après  les  ordres  d'Innocent  X,  le  plan 
pour  l'église  de  Sainle-Agnès,que  ce  pape 
l'avait  chargé  de  bâtir  à  la  place  Navone. 
Il  travailla  ensuite  pour  différens  sou- 
verains; mais  son  chef-d'œuvre  est  le 
Palais  (  à  Rome  ),  d'abord  possédé  par  les 
ducs  de  Nevers,  et  destiné  ensuite  pour 
l'instruction  des  artistes  français.  Il 
est  situé  sur  il  Corso,  le  Cours,  et 
forme  un  des  principaux  ornemens  de 
3o. 


0.34  RAI 

cette  belle  rue.  A  la  demande  de  Louis 
XIV,  il  iit  les  dessins-  du  Louvre  ;  et  le 
monarque,  pour  lui  témoi!>;ner  sa  satis- 
faction de  ce  bel  ouvrage ,  lui  envoya 
son  portrait  enrichi  de  diamants.  Le  car- 
dinal Maurice  lui  fit,  de  la  part  de  Char- 
les-Emmanuel de  Savoie,  des  présens 
magnifiques,  et  en  même  temps  ce  sou- 
verain le  gratifia  des  croix  de  Saint-La- 
zare et  de  Saint-Maurice.  Rainaidi  mou- 
rut en  1G41,  ayant  à  peine  atteint  sa 
30*  année. 

RAINALDI  (Oderic),  vivait  dans 
le  n*  siècle.  Il  entra  chez  lesPhilippiens 
ou  prêtres  de  l'Oratoire,  et  s'appliqua 
au  même  genre  d'étude  que  son  confrère 
Baronius  ;  mais  il  s'en  faut  bien  que  sa 
Continuation  des  annales  Ae  ce  cardinal 
soit  aussi  estimée.  Il  y  a  beaucoup  de 
recherches  et  d'érudition,  une  manière 
de  voir  sage  ,  équitable  et  parfaitement 
orthodoxe;  mais  sa  critique  n'est  pas  assez 
sévère  et  assez  éclairée  ;  sa  narration 
n'est  pas  toujours  exacte ,  ni  en  général 
fort  intéressante.  On  en  a  cependant  im- 
primé un  Abre'géen  1 667,in-fol.  Rainaidi 
mourut  vers  1670.  Sa  Continuation,  im- 
primée à  Rome,  in-fol.,  1646-77,  en  9 
vol.,  s'étend  depuis  1 199  jusqu'en  15G7. 

RAINIE  (Gabriel  de  la).  Foyez  Ni- 
colas (Gabriel). 

RAINIER  ,  dominicain  de  Pise  ,  vice- 
chancelier  del'Eglise romaine,  et  évêque 
de  Maguelone,  mort  en  1249,  est  auteur 
d'un  Dictionnaire  Ihéologique  ,  qu'il  a 
intitulé  Pantheologia.  La  meilleure  édi- 
tion de  cet  ouvrage  est  celle  de  Lyon, 
16.56,3  vol.  in-fol.,  avec  les  additions 
du  Père  INicoluï,  dominicain. 

*  RAINOLDS  (  Guillaume  et  Jean  ), 
deux  frères  anglais,  que  de  singulières 
circonstances  portent  à  réunir  dans  un 
même  article,  étaient  nés  tous  deux  à 
Pinboë  dans  le  Devonshire,  savoir:  Guil- 
laume en  1539,  et  Jean  en  1549.  Elevés, 
dit-on,  séparément  et  hors  de  leur  pays, 
Jean  le  fut  dans  la  religion  catholique,  et 
Guillaume  dans  les  principes  de  la  réfor- 
mation. S'étant  un  jour  rencontrés,  et  fâ- 
chés de  se  trouver  de  croyance  dififcrente, 
ils  cherchèrent  mutuellement  à  se  faire 
changer  de  sentimens,  et,  disputant  avec 


RAI 

force,  chacun  en  faveur  du  culte  auquel  il 
appartenait,  ils  usèrent  de  raisons  si  con- 
vaincantes ,  ou  qui  parurent  telles  à  celui 
à  l'égard  duquel  on  les  employait,  que  le 
protestant  résolut  de  se  faire  catholique, 
et  le  catholique  protestant,  dessein  qu'ils 
effectuèrent  l'un  et  l'autre.  C'est  ce  que 
rapporte ,  sans  doute  d'après  des  autori- 
tés ,  Bayle ,  qui  pourtant  doute  du  fait, 
dont  le  bruit  s'était  assez  accrédité  pour 
que  l'anecdote  devînt  le  sujet  d'une 
épigramme  latine  (l).  Quoi  qu'il  en  soit 
de  cette  lutte  singulière,  et  de  son  effet 
plus  extraordinaire  encore ,  s'il  mérite 
qu'on  y  ajoute  foi,  il  est  certain  que  Guil- 
laume Rainolds,  d'abord  protestant,  et 
qui  même  avait  été  ministre  dans  cette 
communion  ,  se  fit  catholique  et  abjura 
à  Rome  l'hérésie  à  laquelle  il  avait  été 
attaché.  Fixé  en  France  après  son  retour 
d'Italie,  il  professa  à  Reims  l'Ecriture 
sainte  et  l'hébreu  dans  le  collège  des 
Anglais.  De  plusieurs  ouvrages  qu'il  a 
laissés,  nous  citerons  :  1"  un  traité  De 
sacra  Scriptura  ;  2"  un  autre  De  Eccle- 
sia  ;  3°  Colloquium  inter  Rainaldum  et 
Gentilem;  4°  des  Sermons  sur  les  psau- 
mes 17,  47  et  48;  .5°  Orationes  duodecim; 
6°  Explanatio  prophetarum  Aggœi  et 
Abdiœ ;  1°  Calvino-turcismus ,  id  est 
calvinisticœ  perfidies  cum  mahumetana 
collatio,  et  dilucida  utriusqite  sectœ  con- 
futatio,  avec  Guillaume  Gifford,  Anvers, 
1596,  et  Cologne,  1603.  Rainolds  n'eut 
pas  le  temps  d'achever  ce  livre,  étant 
mort  à  Anvers,  le  24  août  1594;  mais 
Gifford  y  mit  la  dernière  main  et  le  pu- 
blia. Le  protestantisme  y  était  violem- 
ment attaqué.  L'ouvrage  ne  fut  pas  sans 
réponse  :  Sutlivius,  ministre  protestant, 
y  en  opposa  une  autre ,  sous  ce  titre  : 

(i)  Voici   cette  épipramnie  ,   rapportée.  pa>  le  docteur 
Heyieni  qui  fait  aussi  mention  de  ce  fait  singulier  : 

Bclla  inter  peminos  plus  quam  ciTJlia  fratrcs 

Xraxrrat  ainbif;uiis  rellifiionis  apex  : 
Illc  reformatx  li<lci  quo  parlibus  inslal , 

Ille  rernriiiandam  dencgat  rsse  fidem. 
Propotilis  causie  rationibus,  aller  utrinque 

Conrurrere  pares  et  crcidere  pares. 
QuorI  fuit  in  Tolis  ,  fratreni  capit  alter  utrinque  : 

Quod  fuit  in  fatis,  perdit  uierque  fidem. 
Captiii  pemini ,  sine  captirante  fuerunl^ 

Et  «ictorticli  transfuga  castra  petit. 
Quod  geniis  hoc  pugnn  est.  ubi  victus  gaudet  uterque  , 

Et  tameo  tltrruter  M  superasje  doleil 


1 


^  RAI 

B  De  Turco-papismo,  hoc  est  de  turcarum 
m  et  papistarum  adversus  Christi  Eccle- 
I  iiam  et  fidem  conjuratione ,  eor unique 
in  religinne  et  moribus  consensione  et 
similitudine,  liber  unus.  De  pari  et  d'au- 
tre la  modération  ne  fut  point  observée, 
et  les  injures  se  mêlèrent  aux  raisons. 
8°  De  j'usta  christianœ  rcipubUcœ  in 
reges  impios  et  hœreticos  auctoritate  , 
justissimaque  catholicorum  ad  Henri- 
cum.  Navanœuni  et  quemcumque  hœre- 
ticum  ,  a  regno  Galliœ  npellendum , 
-  co  .fœderatione,  Anvers,  1 592,  in-8  ;  dia- 
tribe sédi  tieuse  dédiée  au  duc  de  Mayenne, 
dont  le  but  était  de  rendre  Henri  III  et 
Henri  IV  odieux ,  et  de  faire  prévaloir  la 
ligue-  Quelques-uns  ont  attribué  ce  livre 
à  Guillaume  Rose,  évêque  de  Senlis;  d'au- 
tres à  Gifford,  à  Jean  Boucher,  curé  de 
Saint-Benoît,  à  un  jésuile,  etc.;  mais  il 
paraît  constant  qu'il  est  de  Guillaume 
Bainolds,  lequel  dit  lui-même  l'avoir  en- 
trepris à  la  prière  du  duc  et  du  cardinal 
de  Guise,  depuis  tués  à  Blois.  L'opinion 
de  Bayle  est  aussi  qu'il  faut  le  donner  à 
l'auteur  du  Calvinostracismus.  Quant  à 
Jean  Rainolds,  frère  puîné  de  Guillaume, 
élevé  dans  l'université  d'Oxford,  il  y  avait 
ensuite  professé  la  théologie.  En  1598,  il 
était  devenu  doyen  de  Lincoln  ,  bénéfice 
qu'il  résigna  pour  prendre  la  présidence 
du  collège  de  Corpus  Christi.  Il  avait  tra- 
vaillé à  la  version  de  la  Bible  en  anglais, 
et  à  la  critique  de  livres  sacrés  regardés 
comme  apocryphes  par  les  prolestans.  Il 
est  auteur  d'un  grand  nombre  de  livres 
de  controverse  contre  l'Eglise  romaine, 
notamment  d'un  traité  intitulé  :  De  ido- 
lolatria  Ecclesiœ  romanm.  Il  mourut  en 
1607,  âgé  de  58  ans.  On  dit  qu'il  pen- 
chait vers  le  puritanisme. 

RAI^iSSAjNT  (Pierre),  savant  numis- 
mate, né  à  Reims,  en  1G40,  fut  médecin, 
antiquaire  et  garde  du  cabinet  des  mé- 
dailles de  Louis  XIV.  On  le  trouva  noyé 
dans  le  parc  de  Versailles,  le  7  juin  1689. 
On  a  de  lui  :  Dissertation  siu  douze  mé- 
dailles des  jeux  séculaires  de  l'empereur 
Domiticn,  Versailles,  1G84  ,in-4  ;  (  une 
autre  suvl  origine  de  la  figure  des  /leurs 
de  lys,  Paris,  1678,  in-i,etc.  roi/ez  le 
Journal  des  iavans). 


L 


RAL  235 

*  RAISS  (  Arnould  ),  chanoioe  de  l'é- 
glise de  Saint-Pierre  à  Douai ,  et  savant 
agiographe,  était  né  dans  cette  ville 
vers  1 58  o.  11  forma  le  dessein  de  recueillir 
et  de  publier  tout  ce  qui  pouvait  avoir 
rapport  aux  .saints  des  Pays-Bas,  au  culte 
dont  on  les  honorait  et  à  leurs  reliques. 
Cette  entreprise  demandait  du  travail  et 
beaucoup  de  recherches.  Il  n'épargna  ni 
peines,  ni  frais  ,  ni  voyages.  Il  parcourut 
les  diverses  provinces  belgiques,  visita  les 
églises  et  les  monastères,  fouilla  leurs  ar- 
chives et  les  autres  dépôts  publics ,  et 
en  tira  une  foule  de  renseignqmens  qui 
servirent  de  matériaux  à  un  grand  nombre 
d'ouvrages,  dont  les  principaux  sont  : 
1  °  Auctarium  ad  natales  sanctorum  Bel- 
gii  Joannis  Molani,  Douai,  1726,  in-8  ; 
2°  Hierogazophylacium  belgicum,  Douai, 
1628,  in  8.  L'auteur  y  traite  des  reliques 
conservées  dans  les  Pays-Bas  ;  3"  Peristro- 
mata  sanctorum ,  Douai,  1630,  in-8; 
4"  Origines  cartusiarum  Bclgii,  Douai, 
1623,  in-4  ;  5°  Belgica  christiana,  Douai, 
1634,  in-4  :  c'est  l'histoire  des  évoques 
et  prélats  des  provinces  flamandes,  dans 
le  genre  de  Gallia  christiana  ;  6°  f^itâ 
beatœ  Marice  Baggiœ,  Douai,  1621, 
in-8.  Cette  sainte  fille,  née  dans  l'île  de 
Chic,  était  du  tiers  ordre  de  Saint-Domi- 
nique. Sa  Vie  avait  été  écrite  en  espagnol 
par  Jean-Pierre  de  Saragosse,  et  depuis 
traduite  en  français.  Raiss  la  mit  en  la- 
tin. 7°  Cœnobiarchia  crispiniensis , 
Douai,  1642  ,  in-4  :  c'est  l'histoire  de  la 
vie  des  abbés  du  monastère  de  Crépin  , 
abbaye  de  l'ordre  de  Saint-Benoît  en 
Hainaut;  8"  Fita  sancti  Landclini ,  ab- 
batis  et  fundatoris  crispiniensis.  Saint 
Landelain  vivait  au  8"  siècle,  et  fonda 
l'abbaye  de  Lobes  et  celle  de  Crépin.  Ce 
dernier  ouvrage  est  son  histoire.  9°  Fita 
sancti  Ayberti,  crispiniensis  ascetœ  et 
reclusi.  Raiss  donna  en  outre  une  nou- 
velle édition  avec  corrections  et  augmen- 
tations du  livre  intitulé  :  Cœnobiarchia 
ogniacensis  Francisci  Mosschi,  Dduai, 
1636.  Il  mourut  à  Douai,  le  G  septembre 
|644. 

RALEIGH.  Voyez  Rawlech. 
'  RALLlEll  (  Louis-Anloine-Esprit  ) , 
doyen  des  députés  delà  chambre  de  1 827 , 


3i36  RAL 

mort  à  Fougères  sa  patrie,  en  1 829,  à  l'âge 
de  80  ans,  entra  d'abord  dans  le  corps 
royal  du  génie,  s'y  fit  remarquer  par  son 
activité  et  ses  connaissances,  et  devint 
capitaine.  Envoyé  à  St.-Domingue,  il 
résida  dans  plusieurs  parties  de  l'île,  et  le 
souvenir  de  son  séjour  dans  cette  an- 
cienne colonie  s'y  est  conservé,  surtout  à 
cause  des  travaux  d'art  qu'il  y  fit  exécu- 
ter. Bientôt  il  fut  appelé,  dans  nos  assem- 
blées législatives.  Après  avoir  été  succes- 
sivement oliicier  municipal  et  adminis- 
trateur du  district  de  Fougères,  il  fut 
député  en  1795  au  conseil  des  anciens,  et 
devint  un  des  inspecteurs  de  la  salle. 
Sorti  de  ce  conseil  en  1799,  il  fut  aussitôt 
réélu  à  celui  des  Cinq-cents,  à  la  suite  de 
la  crise  du  30  Prairial.  Il  se  montra  fa- 
vorable à  la  révolution  du  18  brumaire, 
et  passa  au  corps  législatif  où  il  siégea 
jusqu'au  20  mars  1815.  Rallier  n'accepta 
aucune  fonction  pendant  les  Cent-jours. 
En  1827,  ses  concitoyens  l'ayant  nommé 
député,  il  sortit  de  sa  retraite  pour  ren- 
trer dans  la  carrière  législative.  En  géné- 
ral il  parut  rarement  à  la  tribune  et  ne 
se  fit  remarquer  que  par  des  opinions 
modérées  et  pacifiques.  Rallier  profita 
des  loisirs  que  lui  laissaient  ses  fonctions 
pour  se  livrer  aux  sciences  et  aux  lettres  : 
quelques  morceaux  scientifiques  révèlent 
son  profond  savoir,  et  dans  les  écrits  lit- 
téraires qu'il  a  publiés,  on  remarque  du 
talent  et  surtout  un  grand  zèle  pour  les 
intérêts  de  l'humanité  :  c'était  un  homme 
essentiellement  bienfaisant.  Nous  cite- 
rons parmi  ses  ouvrages  :  f  Jîecueil  de 
chants  moraux  et  patriotiques,  1799, 
in-1 2  ;  2"  Epître  à  la  rime,  1 808 ,  in-8  ; 
3°  Mémoires  sur  les  frittes  de  verres  de 
V Ecosse,  1809  ;  4°  OEuvres  politiques 
et  morales,  1813.  Il  passe  encore  pour 
être  auteur  de  cinq  Tragédies  qui  n'ont 
pas  été  représentées. 

'  RALPK  (James),  historien  et  poêle 
anglais  ,  vit  le  jour,  à  ce  que  l'on  croit, 
dans  l'Amérique  septentrionale;  mais  on 
ignore  quels  furent  ses  parens  et  l'année 
de  sa  naissance.  Il  paraît  qu'il  appartenait 
■A  une  famille  pauvre  et  obscure,  et  qu'il 
ne  dut  qu'à  ses  talens  la  considération 
dont  il  jouit.  Il  fut'  d'abord  maître  d'é- 


RAM 

cole  à  Philadelphie;  m  As  cet  état  ne 
convenant  guère  ni  à  son  activité  natu- 
relle ni  à  sou  génie,  il  vint  s'établira 
Londres  au  commencement  du  règne  de 
Georges  II.  Le  premier  ouvrage  qu'il 
publia  est  un  poème  intitulé  la  Nuit, 
qui  eut  peu  de  succès  :  Pope  en  fait 
mention  dans  sa  Dunciade ,  mais  ce  n'est 
pas  pour  en  faire  l'éloge.  Il  donna  ensuite 
quelques  pièces  de  théâtre  qui  ne  réus- 
sirent point.  Il  fut  plus  heureux  en  prose. 
Il  écrivit  dans  plusieurs  journaux,  et  ses 
articles  furent  goûtés  du  public  :  ses 
pamphlets  politiques  eurent  aussi  un 
grand  succès,  par  la  justesse  de  sa  criti- 
que et  la  finesse  des  aperçus.  Son  Histoire 
d' Angleterre  a  encore  mieux  établi  sa  ré- 
putation. Le  règne  des  Stuarts  surtout 
est  comparable  à  ce  qu'ont  produit  de 
mieux  les  plus  célèbres  historiens  mo- 
dernes. La  mort  du  prince  de  Galles,  son 
prolecteur,  lui  enleva  toute  espérance 
d'avancement;  accablé  de  chagrin,  il 
mourut  à  Londres,  en  17G2. 

RAMAZZINI  (  Bernardin  ) ,  médecin 
italien,  naquit  à  Carpi,  dansleModenais, 
en  1633.  Après  avoir  exercé  avec  succès 
la  médecine  à  Rome  et  à  Carpi,  il  alla  la 
pratiquer  et  la  professer  à  Modènc,  puis 
à  Padoue.  H  mourut  à  Venise,  en  1714, 
à  81  ans.  (Le  sénat  de  Venise,  quoiqu'il 
eût  perdu  la  vue,  le  nomma  à  l'âge  de  7 1 
ans  président  du  collège  de  médecine  de 
cette  ville,  premier  professeur  de  méde- 
cine-pratique. Son  petit-fils  lui  servait  de 
lecteur,  et  il  continua  encore  ses  cours 
pendant  six  ans.  )  Son  humeur  était 
douce  ;  et,  quoique  sérieux  et  réservé  avec 
ceux  qu'il  ne  connai.ssait  pas,  il  était  fort 
gai  avec  ses  amis.  Ses  grandes  lectures 
rendaient  sa  conversation  fort  utile.  On 
a  de  lui  :  1°  uue  Dissertation  Vdiine  sur 
les  maladies  des  artisans  ;  2"  un  Traité 
latin  de  la  conservation  de  la  santé  des 
princes ,  et  plusieurs  autres  ouvrages  de 
médecine  et  de  physique,  dont  le  recueil 
a  été  imprimé  à  Londres  en  1716,  in-4, 
et  à  Naples  en  17  39,  2  vol.  in-4.  Un  de 
ses  principes  était  que  ,  pour  conserver 
la  santé,  il  fallait  varier  ses  occupations 
et  ses  exercices.  Sa  vie  est  à  la  tcle  de 
ses  OEuvres. 


RAM 

*  RAM BALDI  (Jean-François  ),  poète 
latin,  né  à  Vérone  vers  1520.  Il  avait  de 
vastes  connaissances  et  un  talent  parti- 
culier pour  la  poésie  latine  ;  mais  une 
imagination  trop  vive  et  trop  féconde 
nuisit  souvent  à  ses  succès.  Il  écrivit  la 
plupart  du  temps  sur  des  sujets  scienti- 
fiques, et  parmi  ses  nombreux  ouvrages 
on  cite  :  1°  Pliysiologicorum  libri  duo  ; 
2°  Meteorologicorum  libri  duo  ;  3°  De 
senûbus  libri  duo  ;  4«»  De  universo  ;  5°  De 
bona  fortuna,  etc.  On  ignore  l'époque  de 
sa  mort. 

RAMBAM.  Voyez  Maimonidb. 

*  RAMBAUDDE  VACHÈRES,  trou- 
badour provençal ,  un  des  plus  célèbres 
du  14*  siècle,  naquit  d'une  famille  hon- 
nête du  pays  d'Orange.  Ses  talens  poéti- 
ques lui  donnèrent  accès  auprès  du  prince 
Guillaume  de  Baux,  dont  il  captiva  la 
bienveillance.  Il  eut  un  autre  puissant 
protecteur  dans  le  marquis  de  Montferrat, 
et,  en  1304,  il  le  suivit  à  laTerre-Sainle. 
Le  marquis  l'avaitcréé  chevalier,  et  après 
avoir  conquis  Salonique  sur  les  Turcs,  il 
en  donna  le  gouvernement  à  Rambaud. 
Le  poète  chanta  cette  croisade  dans  un 
poème  dont  les  vers  respirent  l'ardeur 
guerrière  du  temps  et  l'enthousiasme  de 
la  gloire.  Ses  autres  pièces  les  plus  con- 
nues sont  des  sirventes,  et  un  poème 
intitulé  la  Caros,  qu'il  avait  composé 
pour  Béatrix  ,  sœur  du  marquis,  dont  il 
était  épris.  Ce  poète  est  cité  par  Nostrada- 
mus. 

*  RAMBERT  (Gabriel  de  Saint-), 
naquit  à  Pontarlier  en  Franche-Comté 
vers  1620.  Il  était, issu  d'une  famille  no- 
ble, et  entra  dans  sa  première  jeunesse  , 
en  qualité  de  page  ,  auprès  du  marquis 
de  Leganès,  grand  d'Espagne ,  et  gou- 
verneur du  Milanais.  Il  quitta  ce  seigneur 
quelque  temps  après,  pourentrer  comme 
intendant  chez  le  duc  d'Orscholt,  prince 
d'Aremberg.  On  ne  connaît  pas  d'ailleurs 
les  détails  de  la  vie  de  cet  écrivain.  Ou 
croit  seulement  qu'il  était  un  admirateur 
enthousiaste  de  Descaries,  à  en  juger  par 
ie  titre  de  l'ouvrage  suivant,  écrit  dans 
un  assez  bon  stile  :  Conformité'  de  prin- 
cipes de  Moïse  dans  la  création  du 
monde  avec  les  principes  de  la  philoso- 


RAM  237 

phie  de  Descartes,  Utrecht,  1817  ,  in-12. 
Rambert  mourut  vers  1700. 
RAMBOUILLET  (  Catherine  de  Vivon- 
NE,  femme  de  Charles  d'ANGENNES,  mar- 
quis de),  qu'elle  avait  épousé  en  1 600,  fut 
une  dame  aussi  distinguée  par  son  esprit 
que  par  ses  vertus.  Un  grand  nombre  de 
gen  de  lettres  fréquentaient  son  hôtel, 
qui  devint  une  petite  académie.  On  y  ju- 
geait la  prose  et  les  vers,  et  ce  n'était  pas 
toujours  le  goût  qui  présidait  àcesjuge- 
mens.  Des  écrivains  subalternes ,  proté- 
gés par  madame  de  Rambouillet ,  ayant 
voulu  être  les  émules  des  plus  grands 
génies,  cette  rivalité  ne  contribua  pas 
peu  à  décrier  les  décisions  de  ce  tribu- 
nal, d'ailleurs  respectable  par  les  quali- 
tés personnelles  de  celle  qui  y  présidait, 
et  à  qui  l'on  ne  pouvait  rien  reprocher 
que  la  formation  de  ce  tribunal  même. 
Elle  mourut  en  16C.5  ,  laissant  trois  filles 
religieuses,  et  une  quatrième,  Julie-Lu- 
cie d'Angennes  mariée  au  duc  de  3Ion- 
tausier,  et  qui  fut  dame  d'honneur  de  la 
reine  Marie-Thérèse ,  et  gouvernante  du 
grand  Dauphin.  Elle  mourut  en  1671  ,  à 
64  ans,  et  eut  la  vertu  et  l'esprit  de  sa 
mère.  Le  marquis  de  Rambouillet  était 
mort  à  Paris  en  1C52,  chevalier  des  ordres 
du  roi,  conseiller  d'élat  et  maréchal  de 
camp.  Il  avait  été  envoyé  l'an  1627  en 
ambassade  à  Turin,  pour  conclure  la  paix 
entre  le  roi  d'Espagne  et  le  duc  de  Sa- 
voie. Voyez  Sainte-Maure. 

RAMBOUILLET.   Voyez  Angennes. 

RAMBOUTS  (  Théodore  )  ,  peintre 
d'Anvers,  mort  en  1642,  excellait  dans 
le  petit.  On  admire  dans  ses  ouvrages  la 
légèreté  et  la  finesse  de  la  touche.  Ses 
figures  sont  bien  dessinées  et  plaisantes, 
lia  représenté  des /7rc«c«;'jrfe  tabac, 
des  buveurs,  etc. 

RA3IBURES  (  David,  sire  de  ) ,  cham- 
bellan du  roi,  et  grand-maître  des  arba- 
létriers de  France  en  1411,  de  l'illustre 
et  ancienne  maison  de  Ramburcs  en  Pi- 
cardie, rendit  des  services  signalés  au 
roi  Jean  ,  à  Charles  V  et  à  Charles  \L  II 
fut  tué  à  la  bataille  d'Azincourt,  avec  trois 
de  ses  fils,  en  1415. 

RAMEAU  (  Jean-Philippe  ),  célèbre 
musicien  français,  naquit  à  Dijon  le  25 


238  RAM 

septembre  1683.  Après  avoir  appris  de 
son  père,  qui  était  organiste,  les  pre- 
miers élémens  de  la  musique ,  il  suivit 
les  opéras  anibulans  de  province.  Le  di- 
recteur était  un  Italien  qu'il  avait  connu 
à  Milan,  où  Rameau  s'était  rendu  pour  vi- 
siter l'Italie.  A  l'âge  de  17  à  l8ans,  il  com- 
mença ses  essais  ;  et,  comme  ils  étaient 
déjà  au  dessus  de  la  portée  de  son  siècle, 
ils  ne  réussirent  pas ,  quoique  exécutés 
dans  Avignon,  qui  était  alors  en  réputa- 
tion à  cet  égard.  Le  dépit  le  ftt  sortir  de 
cette  ville ,  et  après  avoir  parcoutu  une 
partie  de  l'Italie  et  de  la  France,  il  in- 
terrogea l'instrument  le  plus  propre  à 
lui  rendre  raison  de  ses  idées  sur  la  mu- 
sique, c'est-à-dire  le  clavecin.  L'étude 
qu'il  lit  de  cet  instrument  le  rendit  ha- 
bile dans  son  jeu  ,  et  presque  le  rival  de 
Marchand.  Il  s'arrêta  quelque  temps  à 
Dijon  ,  sa  patrie  ,  et  y  loucha  l'orgue  de 
la  Sainte-Chapelle.  Il  demeura  beaucoup 
plus  long-temps  à  Clermont,  où  on  lui 
confia  celui  de  la  cathédrale.  La  réputa- 
tion qu'il  s'y  était  faite  y  attira  Marchand, 
qui  voulut  l'entendre.  «  Rameau,  dit  ce 
»  célèbre  musicien  ,  a  plus  de  main  que 
>'  moi ,  mais  j'ai  plus  de  tète  que  lui.  » 
Ce  discours  rapporté  à  Rameau  l'engagea 
à  rendre  la  pareille  à  Marchand.  Il  fit  le 
voyage  de  Paris  dans  cette  vue,  et  n'eut 
pas  de  peine  à  reconnaître  la  supériorité 
de  ce  maître.  Devenu  son  disciple  ,  il  ap- 
prit sous  lui  les  principes  les  plus  impor- 
tans  de  l'harmonie ,  et  presque  toute  la 
magie  de  son  art.  Quelque  temps  après , 
il  concourut  pourl'orgue  de  Saint-Paul,  et 
fut  vaincu  par  le  fameux  Daquin.  Dès  ce 
moment,  il  abandonna  un  genre  dans  le- 
quel il  ne  pouvait  pas  primer,  pour  s'ou- 
vrir une  carrière  nouvelle  en  musique. 
C'est  à  ses  méditations  que  nous  devons 
la  Démonstration  duprincipc  de  l'harmo- 
nie, 2  vol.  in-4  :  ouvrage  universelle- 
ment estimé,  qui  porte  sur  un  principe 
simple  et  unique,  mais  très  lumineux, 
la  basse  fondamentale.  Cette  idée  si  natu- 
relle ,  dont  cet  auteur  a  fait  un  grand 
usage  dans  son  Code  de  la  musique ,  im- 
primé au  Louvre  ,  est  la  preuve  du  génie 
de  Rameau.  Dès  que  sa  théorie  lui  eut 
fait  un  nom ,  il  s'attacha  à  la  pratique, 


RAM 

et  devint  compositeur  de  la  musique  du 
cabinet  du  roi ,  qui  lui  accorda  des  let- 
tres de  noblesse  en  1764.  Il  était  désigné 
pour  être  décoré  de  l'ordre  de  Saint-Mi- 
chel ,  lorsqu'il  mourut  le  1 2  septembre 
delà  même  année.  Quoiqu'on  l'accusât 
d'aimer  l'argent,  cette  passion  ne  put 
jamais  l'engager  à  plier  pour  quelque  mo- 
tif que  ce  fût.  Il  n'imposa  silence  à  ses 
ennemis  et  à  ses  rivaux  que  par  ses  ta- 
lens.  Quinault  avait  dit  :  «  qu'il  fallait 
i>  que  le  musicien  fût  le  très  humble  ser- 
»  vileur  du  poète.  Qu'on  me  donne  la 
»  gazette  de  Hollande,  dit  Rameau ,  et  je 
»  la  mettrai  en  musique.  »  Il  disait  vrai, 
s'il  en  faut  juger  par  certains  mauvais 
poèmes  qu'il  a  mis  au  théâtre  de  l'Opéra, 
et  qui  ont  eu  le  plus  grand  succès.  Quoi- 
qu'il ait  couru  la  même  carrière  que  LuUi, 
il  y  a  beaucoup  de  différence  entre  eux. 
Rameau  a  moins  de  ces  beautés  lâches  et 
molles ,  qui  sont  si  fatales  aux  bonnes 
mœurs,  et  est  en  général  plus  noble, 
majestueux  et  sublime,  quoiqu'il  ne  soit 
pas  exempt  du  reproche  d'avoir  aussi  sa- 
crifié à  la  licence  et  à  la  volupté.  Outre 
la  Démonstration  dont  nous  avons  parlé, 
on  a  de  lui  :  Code  de  musique,  1760,  2 
vol.  in-4  ;  plusieurs  recueils  de  pièces 
de  clavecin ,  admirées  pour  l'harmonie, 
et  des  opéras.  On  sait  quel  ridicule  d'A- 
lembert  s'est  donné  en  raisonnant  froi- 
dement et  gauchement  sur  les  principes 
et  les  talens  de  Rameau.  On  peut  voir  là- 
dessus  Les  be'vues ,  erreurs  et  méprises 
de  différens  auteurs  célèbres  en  matière 
musicale,  par  M.  Le  Febvre,  Paris  ,  1789i. 
Il  résulte  des  preuves  de  l'auteur  ,  que 
M.  d'Alembert  n'était  pas  en  état  de  distin- 
guer une  tierce  majeure  d'une  tierce  mi- 
neure ;  d'où  il  est  aisé  de  conclure  quel 
cas  l'on  doit  faire  de  tout  ce  qu'il  a  écrit 
sur  la  musique  :  et  il  ne  faut  pas  regar- 
der comme  outré  le  jugement  d'un  cri- 
tique, qui  a  dit  à  cette  occasion  :  «  Bien 
j>  des  personnes  ont  apprécié  l'immor- 
)'  tel  secrétaire  de  l'académie  française, 
w  en  le  considérant  comme  bel-esprit , 
»  comme  écrivain  ,  comme  philosophe  : 
»  mais  ce  que  bien  des  gens  ignorent,c'est 
)'  que  dans  cette  volumineuse  compila- 
n  lion  de  toutes  les  connaissances  hu- 


i 


RAM 

»  maines  ,  dans  ce  fameux  Dictionnairr. 
»  encyclopédique ,  où  les  arts  et  les 
)i  sciences  dorment  pêle-mêle  comme  au 
»  fond  d'un  vaste  tombeau ,  la  musique 
»  se  trouve  ensevelie  de  sa  propre  main.  » 
Rameau  a  commencé  à  travailler  à  Paris, 
dans  les  opéras  de  la  Foire-Saint-Ger- 
main, composés  par  Piron,  son  compatrio- 
te,qui  avait  remplacé  LuUi  dans  le  grand 
opéra  ,  et  débuta  par  Hippolyte  ou  par 
5a/K*o«. Outre  plusieurs  7/2oief  y  et  ca/2/rt- 
tes ,  Rameau  a  donné  à  l'académie  de 
musique  trente  opéras. 

*  RA3IEL  (  Jean-Pierre  ) ,  maréchal 
de  camp  ,  né  à  Cabors  en  1770,  entra  au 
service  à  l'Age  de  1 6  ans  ,  et  après  avoir 
passé  par  tous  les  grades ,  il  était  chef 
de  bataillon  à  l'armée  des  Pyrénées  lors- 
que son  frère  Pierre  officier  -  général 
fut  traîné  à  l'échafaud  (  1794).  Jean- 
Pierre  faillit  éprouyer  le  même  sort  ; 
rendu  à  la  liberté  stores  une  captivité  de 
16  mois,  il  obtint  le  grade  d'adjudant- 
général  ,  fit  la  campagne  du  Rhin  sous 
Moreau,  et  défendit  vaillamment  le  fort  de 
Kehl  dont  il  avait  le  commandement.  En 
1  797  il  fut  nommé  commandant  des  gre- 
nadiers de  la  garde  du  corps  législatif;  et 
la  conspiration  de  Brottier  et  Laville- 
Heurnois,  à  laquelle  il  ne  prit  part  que 
pour  les  dénoncer ,  suivant  la  déclaration 
qu'il  en  fit  lui-même  ,  lui  valut  un  décret 
portant  qu'i7  avait  bien  mérité  de  la  pa- 
trie. Il  se  lia  néanmoins  peu  de  temps 
après  avec  le  parti  accusé  de  royalisme, 
et  fut  compris  dans  la  proscription  du  18 
fructidor.  Dans  cette  journée  il  se  con- 
duisit avec  la  dernière  faiblesse,  et  se 
laissa  arrêter  sans  avoir  fait  aucun  effort 
pour  contenir  ses  soldats  et  sans  opposer 
aucune  résistance.  Transporté  à  Caïenne 
avec  Pichegru  et  les  autres  proscrits ,  il 
parvint  à  s'évader  du  lieu  de  son  exil  le  3 
juin  1798,  avec  quelques-uns  de  ses  com- 
pagnons :  ils  s'étaient  jetés  la  nuit  dans 
un  frêle  esquif  sous  la  conduite  d'un  pi- 
lote qui  se  dévouait  à  leur  salut,  et  après 
sept  jours  d'une  navigation  des  plus  pé- 
rilleuses ,  pendant  laquelle  ils  eurent  à 
souffrir  tour  à  tour  les  horreurs  delà  faim 
et  du  naufrage,  ils  parvinrent  le  10  à 
prendre  terre  au  fort  de  Monte-Krick , 


RAM  9.39 

dans  la  côUineanglaise  de  Surinam.  Après 
y  avoir  reçu  tous  les  secours  de  la  pius  gé- 
néreuse hospitalité ,  Raracl  s'embarqua 
pour  l'Angleterre,  et  fit  paraître  un  jour- 
nal sur  le  s  faits  relatifs  à  la  journée  du 
1 8  fructidor  ,  sur  le  transport ,  le  séjour 
et  l'évasion  des  déportés.  Cet  écrit  q4ii 
parut  en  17  99  valut  à  Ramel  de  nouvelles- 
persécutions;  cependant  après  le  1 8  bru- 
maire il  rentra  en  France ,  oîi  il  vécut 
ignoré  jusqu'en  180G,  qu'il  fut  employé 
comme  adjudant  en  chef  de  l'état-major 
dans  l'armée  de  Portugal.  Il  fut  élevé  au 
grade  de  maréchal  de  camp  en  1814,  et 
commandait  à  Toulouse ,  lorsqu'il  y  fut 
blessé  grièvement  dans  une  émeute  poi 
pulaire  ,  le  1 5  août  1815,  à  l'instant  oîi 
il  venait  remplir  ses  fonctions.  Il  mou- 
rut deux  jours  après  des  suites  de  ses 
blessures,  sans  avoir  voulu  nommer  ses 
assassins. 

RAMEL  DK  NoGARET.  Voyez  Nogabet. 

RAMELLI  (  Augustin  ),  ingénieur  et 
machiniste  italien  du  16^  siècle,  né  vers 
1531,  dans  te  duché  deMiian,  allia  l'étude 
des  beaux  arts  avec  le  bruit  des  armes. 
(Après  avoir  servi  avec  distinction  dans  les 
armées  de  Charles-Quint  ,  il  vint  en 
France ,  et  fut  pensionné  par  Henri  III.  ) 
On  admire  quelques-unes  de  ses  machi- 
nes, et  on  s'en  est  servi  quelquefois 
avec  utilité  ;  (  mais  en  général  elles  sont 
trop  compliquées).  Le  recueil  oîi  il  les  a 
rassemblées  fut  imprimé  à  Paris,  en  ita- 
lien eten  français,  in-fol.  1588,  sous  ce  ti- 
tre :  Le  diverse  ed  artificiose  machine 
del  Augustino  Ramelli.  Plusieurs  croient 
que  tout  n'est  pas  de  lui,  et  qu'il  a  pro- 
fité des  inventions  des  autres.  Quoi  qu'il 
en  soit,  les  amateurs  d'inventions  méca- 
niques recherchent  beaucoup  cet  ouvrage 
rare,  qui  est  enrichi  de  1 95  figures.  (  Cet 
habile  ingénieur  mourut  en  1590.  ) 

RAMESSES  ou  Ramesès  ,  Ramisès  , 
Ramsès  ,  Rampsès  et  Ramestés,  nom  com- 
mun à  plusieurs  rois  des  18"  et  19*  dyna- 
sties égyptiennes,  toutes  deux  régnant 
à  Thèbes.  Il  paraît  que  celui  qui  régnait, 
quand  Jacob  y  alla  avec  sa  famille, por- 
tait ce  nom.  Plusieurs  critiques  le  con- 
fondent avec  Sésostris  ,  qui  est  lui-même 
l'objet  de  beaucoup  de  conjectures.  On 


2^0 


RAM 


trouve  dans  les  anciens  auteurs  plusieurs 
autres  rois  d'Egypte  nommés  Ramessès. 
C'est  à  l'un  d'eux  que  l'on  attribue  (peut- 
être  mal  à  propos  )  le  magnilique  obé- 
lisque de  115  pieds  de  haut  que  l'empe- 
reur Constantin  fit  transporter  à  Alexan- 
drie en  334  ,  et  que  Constance,  son  fils, 
fit  élever  à  Rome  1 8  ans  après.  Les  Goths, 
saccageant  cette  ville  l'an  409,  renver- 
sèrent cet  obélisque,  qui  fut  rompu  en 
trois  morceaux,  et  demeura  enfoncé  sous 
terre  jusqu'au  temps  de  Sixte  V  :  ce  pape 
fit  redresser  ce  bel  ouvrage  dans  la  place 
de  Saint  Jean  de  Latran.  Il  est  chargé  de 
quantité  d'hiéroglyphes. 

'RAMLER  (Charles-Guillaume),  poète 
allemand,  né  en  1725  à  Colberg  enPomé- 
ranie  ,  d'une  famille  pauvre  qui  le  plaça 
dans  la  maison  des  Orphelins  de  Stettin, 
d'oii  il  passa  à  celle  de  Halle.  Il  termina  ses 
études  dans  l'université  de  cette  dernière 
ville;  mais,  dominé  par  sa  passion  pour 
la  poésie,  il  ne  s'occupa  que  de  vers  et  ne 
cultiva  que  la  littérature.  En  1746,  il 
alla  se  fixer  à  Berlin  ,  où  Gleim,  qui  l'a- 
vait connu  à  Halle,  lui  procura  une  place 
de  précepteur.  Sonméritelui  valut  bien- 
tôt la  chaire  de  professeur  de  logique  et 
de  belles-lettres  au  corps  royal  des  cadets, 
et  celle  de  membre  de  l'académie  des 
Sciences.  En  1787,  il  fut  chargé  avec 
Engel  delà  direction  du  théâtre;  mais 
Je  mauvais  état  de  sa  santé  l'obligea  d'y 
renoncer  en  17  96;  toutefois  on  lui  en 
conserva  les  appointemens  ,  et  il  mourut 
le  11  avril  17  98  d'une  phthisie  pulmo- 
naire. Le  Recueil  des  poe'sies  de  Ramier 
a  été  publié  par  son  ami  Goekingk,  1800- 
1801  ,  2  vol.  in-8  ,  avec  une  notice  bio- 
graphique très-intéressante  sur  ce  poète 
célèbre.  Nourri  de  la  lecture  d'Horace, 
qu'il  imite  sans  cesse ,  il  a  quelquefois 
sa  noblesse  ;  mais  on  y  chercherait  en 
vain  sa  légèreté  et  sa  grâce  ;  il  réussis- 
sait particulièrement  dans  les  odes  et  les 
chansons.  On  remarque  son  Ode  sur  le 
retour  du  roi;  Prédiction  de  Glaucus; 
le  Triomphe;  Odes  à  la  paix ,  à  la  con- 
corde, à  la  muse,  etc.  Sa  traduction  com- 
plète des  odes  d'Horace  fut  publiée  à 
Berlin  en  1 800.  On  a  encore  de  lui  :  1  "  une 
traduction  du  Cours  de  belles-lettres  de 


RAM 

leBalteux  ,  accompagnée  de  remarques  , 
qui  fut  pendant  long-temps  le  principal 
ouvrage  classique  des  Allemands ,  Leip- 
sick,  1768,  5«  édit.  1803;  2"  Chansons 
des  Allemands  et  anthologie  lyrique,  Ber- 
lin ,  1700,  3  vol.  in-8  ;  3°  Recueil  des 
meilleures  épigrammes  des  poètes  alle- 
mands,  Riga,  1766,  in-8;  4°  Extraits 
de  Martial,  en  latin  et  en  allemand, 
première  partie,  Leipsick,  1787,  in-8; 
S''  Choix  d'Idylles  de  Gcssner  mises  en 
vers  ,  1787  ,  in-8  ;  6°  Le  premier  navi- 
gateur, du  même ,  mis  en  vers  ,  Berlin, 
1789;  7°  Mythologie  abrégée,  etc.  Berlin, 
1790,  2  vol.  in-8,  2«  édition,  1808;  8' 
Recueil  de  Fables,  Leipsick,  1790,  2 
vol.  in-8;  9°  Epigrammes  de  Longau, 
avec  des  augmentations  et  des  remarques, 
1791  ,  2  vol.  petit  in-8  ;  10"  Extrait  de 
Catulle ,  en  latin  et  en  allemand,  1793, 
in-8  ;  11°  Odes  choisies  d'Anacréon,  et 
les  deux  Odes  de  Sapho ,  avec  des  re- 
marques par  Ramier.  I!  s'est  encore  con- 
sacré à  revoir  et  à  corriger  les  ouvrages 
de  plusieurs  poètes  de  sa  nation  ;  mais 
ses  corrections  n'ont  pas  toujours  été 
heureuses.  Ses  principaux  travaux  en  ce 
genre  sont  relatifs  aux  anciennes  chan- 
sons des  Allemands,  à  leurs  épigrammes, 
à  un  recueil  de  Fables,  aux  Idylles  et  aux 
autres  poèmes  de  Gessner. 

*  RAMOKD  DE  LA  Carbonnières  (  le 
baron  Louis  François-Elisabeth),  conseil- 
ler d'état  et  membre  de  l'Institut ,  né 
à  Strasbourg  le  4  janvier  1755  ,  fut  d'a- 
bord attaché  au  cardinal  de  Rohan  ,  et 
faisait  partie  de  la  garde  du  roi  lorsque 
la  révolution  éclata.  Ayant  adopté ,  à 
l'exemple  de  beaucoup  d'autres ,  les  es- 
pérances d'un  meilleur  ordre  de  choses, 
il  fut  nommé,  en  1791,  député  de  la 
ville  de  Paris  à  l'assemblée  législative , 
et  s'y  montra  l'un  des  plus  zélés  défen- 
seurs de  la  monarchie.  Il  monta  souvent 
à  la  tribune ,  et  y  développa  une  recti- 
tude de  vues  et  une  conséquence  de  prin- 
cipes qui  ne  se  démentirent  jamais.  Dans 
les  discussions  sur  les  émigrés,  il  convint 
que  la  confiscation  devait  frapper  sur  tous 
ceux  qui  prendraient  les  armes  contre  la 
France;  mais  il  soutint  en  même  temps  que  ' 
les  autres  devaient  jouir  du  droit  qui  ap-  * 


RAM 

parlienl  à  loul  lioinnie  tle  Iransporler  sa 
peisounc  et  sa  forluiio  où  bon  lui  semble. 
Il  parla  aussi  en  faveur  des  piètres  iuser- 
mentés.  et  il  insista  surtout  sur  la  nécessité 
de  laisser  le  libre  eiercice  des  cultes,  et 
desalarier  indistinctement  tous  les  minis- 
tres. Le  27  mars  17  92 ,  il  fut  charge  par 
le  comité  diplomatique  de  faire  un  rap- 
port sur  l'état  des  relations  de  la  France 
avec  l'Espagne;  et,  vers  la  fin  de  mai,  il 
obtint  un  décret  en  faveur  des  prison- 
niers de  guerre.  Dans  le  même  mois,  il 
prit  de  nouveau  la  parole  en  faveur  des 
prêtres  insermentés ,  et  s'éleva  avec  force 
contre  la  tyrannie  que  les  autorités  lo- 
cales exerçaient  sur  eux  ;  il  parla  aussi 
contre  le  projet  de  licencier  la  garde  du 
roi.  Enfin,  le  20  et  le  28  juin  ,  il  com- 
battit, avec  un  courage  honorable  ,  les 
Girondins  ,  qui  préparaient  déjà  la  chute 
du  pouvoir  exécutif,  et  qui  attaquaient  M. 
de  La  Fayette  ,  parce  que  ce  général  était 
■venu  demander  à  l'assemblée  justice  des 
attentats  commis,  le  20  juin,  contre  le 
trône  constitutionnel.  Il  proposa  le  dés- 
armement du  rassemblement  qui  s'était 
porté  à  l'assemblée  et  aux  Tuileries ,  et 
peu  après  des  mesures  relatives  à  la  ca- 
pitulation des  régimens  suisses.  Après  la 
journée  du  10  août ,  il  fut  obligé  de  quit- 
ter Paris  pour  échapper  aus  proscriptions 
de  17  93.  Il  fit  alors  un  voyage  dans  les 
Pyrénées  pour  suivre  ses  études  scienti- 
fiques qu'il  avait  négligées  pendant  ses 
fonctions  législatives  ;  et  après  la  mort 
de  Robespierre,  il  fut  nommé  professeur 
d'histoire  naturelle  à  l'école  centrale  du 
département  des  Hautes-Pyrénées.  Le 
sénat  conservateur  l'appela  au  corps  lé- 
gislatif en  1800,  et  il  y  siégea  jusqu'à 
l'année  1806,  qu'il  fut  nommé  préfet  du 
département  du  Puy-de-Dôme.  11  en 
exerça  les  fonctions  jusqu'en  1814.  Le 
roi  le  nomma  en  1815  maître  des  requê- 
tes ,  et  en  1318  conseiller  d'état.  Il  est 
mort  à  Paris  le  4  mai  1 827 .  Il  était  mem- 
bre de  l'Institut  depuis  le  24  février  1 802. 
On  a  de  lui  :  1°  Lettres  de  M.  W.  Coxe 
à  M.  W.  Melmoth ,  sur  l'état  politique, , 
civil  et  militaire  de  la  Suisse ,  traduites 
de  l'anglais ,  et  augmentées  des  observa- 
tions  faites  par  le  traducteur  dans  le 


RAM 


24 1 


môme  pays,  1781,2  vol.  in-8  ;  2°  Obser- 
vations faites  dans  les  Pyréne'es ,  pour 
servir  de  suite  à  des  observations  sur 
les  Alpes ,  insérées  dans  une  traduction 
des  Lettres  de  M.  Coxe  sur  la  Suisse  , 
17  89,  2  vol.  in-8  ;  3"  Opinion  sur  les 
lois  constitutionnelles  ,  leurs  caractères 
distinctifs ,  leur  ordre  naturel,  leur  sta-  , 
bililé  relative,  leur  révision  solennelle  y 
17  91,  in-8  ;  4°  F'oyage  au  Mont-Perdu , 
1801,  in-8;  6°  Mémoire  sur  la  formule 
barométrique  de  la  mécanique  céleste , 
1812,  in-4,  et  plusieurs  autres  Mémoires, 
insérés  dans  ceux  de  l'Institut.  On  trou- 
vera aussi  dans  la  collection  des  travaux 
de  l'Institut  plusieurs  Mémoires  de  Ra- 
mond.  Le  Moniteur  du  9  juin  1827  con- 
tient les  discours  qui  ont  été  prononcés 
sur  sa  tombe.  On  dit  que  c'est  Ramond 
qui  a  donné  à  La  Fayette  le  titre  de  fils 
aîné  de  la  liberté. 

*  RAMOS  Ramo-Parrea  ,  et  non  Perei- 
RA  (  Barlhélemi  ),  réformateur  de  la  mu- 
sique ,  naquit  à  Salamanque  vers  1 535. 
Il  était  aussi  habile  dans  la  théorie  que 
dans  la  pratique  de  cet  art.  Le  pape  Ni- 
colas V  ayant  fondé  à  Bologne  la  chaire 
de  musique,  il  appela,  en  1582,  Parre» 
pour  l'occuper.  Malgré  les  nombreux 
partisans  de  Guido-Artino,  il  eut  le  cou- 
rage de  démontrer  à  l'Italie  la  fausseté 
du  système  de  celui-ci,  et  les  erreurs  qui 
en  étaient  et  en  devaient  être  la  consé- 
quence. Il  publia  ,  pour  le  prouver  ,  son 
Traité  de  la  musique,  Bologne,  sans 
date,  très  rare,  quoique  réimprimé  dans 
la  même  ville  en  1595;  après  avoir  été  vi- 
vement combattu  par  les  grMzrf/.y^ej,  ce  livre 
fut  généralement  adopté  ,  d'abord  en  Ita- 
lie, et  ensuite  dans  toute  l'Europe.  Par- 
rea  a  composé  plusieurs  savans  mor- 
ceaux ,  comme  des  motets,  des  psaumes, 
des  cantiques ,  etc.  qui  se  conservent 
encore  à  Bologne  :  le  célèbre  Père  Mar- 
tini fit  l'acquisition  d'une  grande  partie, 
qui  se  trouvent  à  la  bibliothèque  musi- 
cale du  couvent  de  Saint-François  ,  àBo 
logne.  Parrea  mourut  dans  cette  ville 
vers  1610. 

*  RAMOS  (Don  Henri),  militaire  et 
écrivain  espagnol,  né  à  Alicante  en  1 738, 
entra  d'abord  dans  l'artillerie,  et  ensuite 
3i. 


a'ia  RAM 

dans  la  garde  royale  espagnole,  oh  il 
parvint  au  grade  de  capitaine ,  avec  le 
titre  de  colonel ,  et  puis  de  brigadier, 
ou  général  de  brigade.  Il  servit  avec  dis- 
tinction dans  les  guerresd'Alger(1772), 
de  Gibraltar  (  1780  ),  et  contre  la  répu- 
blique française  (  1793  ).  Son  instruction 
n'était  pas  moindre  que  sa  bravoure  ;  et 
il  cultiva  avec  un  égal  succès  tes  scien- 
ces exactes  et  la  poésie.  Il  était  surtout 
très  versé  dans  la  géométrie  ,  et  plaçait 
cette  science  au  premier  rang  des  con- 
naissances humaines.  Il  mourut  à  Madrid 
en  1801.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages  , 
nous  citerons  les  plus  connus  ,  comme  : 
1°  Eltmens  sur  V instruction  et  la  disci- 
pline de  V infanterie ,  Madrid,  1776,  in-8; 
2°  Elémens  de  géométrie  à  l'usage  des 
gardes  royales  ,  ibid.  1787  ,  in-4  ;  3°  In- 
structions pour  les  élèves  d'artillerie, 
ibid.  \l%%;k° Eloge  de  Bayan^marquis 
de  Santa-Cruz,  Madrid,  1780;  5°  Gus- 
man,  tragédie  en  3  actes,'Barcelone,  1780, 
in-8  ;  6°  Pelage,  tragédie  en  3  actes,  Ma- 
drid, 1784.  Ces  deux  pièces  obtinrent 
du  succès.  Il  y  a  une  autre  tragédie  du 
nom  de  Pelage,  par  M.  Quintana.  1°  Le 
Triomphe  de  la  vérité,  poème  fort  bien 
écrit,  et  plein  de  verve.  Le  stile  surtout 
a  mérité  l'éloge  des  littérateurs  espa- 
gnols. 

RAMPALLE.  Foyez  Pierre  de  Saint- 
André. 

RAMPEN  (  Henri),  docteur  en  théo- 
logie, né  à  Huy  dans  la  principauté  de 
Liège ,  vers  1672  ,  enseigna  le  grec  et  la 
philosophie  à  Louvain ,  et  y  donna  pen- 
dant plusieurs  années  des  leçons  d'Ecri- 
ture sainte.  Il  fut  président  du  collège  de 
Sainte-Anne  et  du  grand  collège.  Il  ter- 
mina, le  4  mars  1641  ,  sa  vie  qui  avait 
toujours  été  édifiante.  Nous  avons  de 
lui  un  Commentaire  sur  les  quatre 
Evangiles,  qui  contient  d'excellentes 
remarques,  à  Louvain,  1631-33-34,3 
vol.  in-4, 

RAMSAY  (Charles-Louis  ),  gentilhom- 
me écossais,  est  auteur  d'un  ouvrage 
latin,  intitulé  :  Tacheographia ,  ou  Y  Art 
d'écrire  aussi  vite  qu'on  parle ,  dédié  à 
Louis  XIV.  Il  a  été  traduit  en  français  , 
et  publié  datis  ces  deux  langues  ,  à  Pa- 


RAM 

ris,  en  1681.  L'auteur  substitue  aux  let- 
tres romaines  des  traits  plus  simples,  re- 
présentés en  six  tables.   Foyez  Tiron. 

RAMSAY  (  André-Michel  de  ),  cheva- 
lier-baronnet en  Ecosse,  et  chevalier  de 
Saint-Lazare  en  France,  docteur  de  l'u- 
niversilé  d'Oxford ,  naquit  à  Daire  en 
Ecosse  en  1686  ,  d'une  branche  cadette 
de  l'ancienne  maison  de  Ramsay.  Il  eut 
dès  sa  plus  tendre  jeunesse  un  goût  dé- 
cidé pour  les  sciences,  surtout  pour  les 
mathématiques  et  pour  la  théologie.  Il 
aperçut  bientôt  la  fausseté  de  la  religion 
anglicane.  Après  avoir  long-temps  hésité 
entre  les  diverses  opinions  philosophi- 
ques, il  consulta  les  théologiens  d'Angle- 
terre et  de  Hollande,  el  ne  fut  pas  moins 
embarrassé.  Il  ne  trouva  la  vérilé  que 
dans  les  lumières  de  l'illustre  Fénélon , 
archevêque  de  Cambrai,  qui  le  fixa  dans 
la  religion  catholique  en  1700.  Ramsay 
ne  tarda  pas  àsofaire  connaître  en  France 
el  dans  les  pays  étrangers  ,  par  des  ou- 
vrages qui,  sans  être  d'une  grande  éten- 
due, annonçaient  d'heureuses  disposi- 
tions. On  lui  confia  l'éducation  du  duc 
de  Château-Thierry,  et  ensuite  celle  du 
prince  de  Turenne.  Le  roi  d'Angleterre , 
ou  le  prétendant  Jacques  III,  l'appela  en 
17  24  à  Rome,  oîi  il  était  réfugié,  pour 
lui  confier  une  partie  de  l'éducation  des 
princes  ses  enfans  ;  mais  des  brouilleries 
de  cour  l'obligèrent  de  revenir  en  France. 
Ramsay  fit  en  1730  un  voyage  en  Angle- 
terre, où  il  fut  admis  à  la  société  royale 
de  Londres  et  reçu  docteur  à  l'université 
d'Oxford.  A  son  retour  en  France  il  devint 
intendant  du  prince  de  Turenne,  depuis 
duc  de  Bouillon  ,  et  mourut  à  Saint  Ger- 
main-en-Laye  en  1743,  à  57  ans.  Ramsay  , 
était  un  homme  estimable;  mais  il  prêtait  } 
beaucoup  à  la  plaisanterie  par  sesairs  em- 
pesés, par  son  affectation  à  faire  parade  de 
science  et  d'esprit  dans  la  société.  Ses  ou- 
vrages sont  :  Vi' Histoire  de  la  vie  et  des 
ouvrages  de  M.  de  Fénélon,  archevêque 
de  Cambrai,  la  Haye,  1723;  publiée  aussi 
en  anglais  la  même  année  :  elle  fait  aimer 
ce  digne  évêque;  2°  Essai  philosophique 
sur  le  gouvernement  civil,  Londres,  1721, 
in-12;  ibid.  1722,  in  8;  réimprimé  depuis 
sous  le  titre  û' Essai  politique  ;  3°  Le 


RAM 

Psychomèlre,  ou  Réflexions  sur  les  diffc- 
rens  caractères  de  l'esprit;  4°  les  Voya- 
ges de  Cyrus ,  Paris  et  Londres,  1727,  2 
vol.in-8;  1730,  in-4,ct  2  volumes  in-12  : 
écrits  avec  assez  d'élégance  ,  mais  trop 
chargés  d'érudition  elde réflexions.  L'au- 
l€uryacopiéBossuet,Fénélon  et  d'autres 
écrivains,  sans  les  citer.  Il  j  aà  la  fin  un 
Discours  sur  la  mythologie  des  anciens, 
savant  et  estimé  ;  5°  P/«/i  d'e'ducation, 
,par  l'auteur  des  Voyages  de  Cyrus,  en 
anglais,  Glascow,  17  49,  2  vol.  in-4,  pos- 
.thume  ;  6  "  plusieurs  petites  pièces  de 
poésie,  en  anglais  ;  7°  V Histoire  du  maré- 
chal de  Ture.nne ,  Paris,  1735,  2  vol. 
in-4,  et  Hollande,  4  vol.  in-12.  Il  y  a  de 
l'ordre ,  de  la  précision  ,  de  l'élégance 
dans  cet  ouvrage  :  on  y  voit  des  por 
traits  bien  dessinés  et  des  parallèles  in- 
génieux; mais  ses  réflexions  ont  un  airaf- 
fecté  et  sont  assez  mal  enchâssées.  8"Un 
ouvrage  posthume,  imprimé  en  anglais  à 
Glascow,  sous  ce  titre  :  Principes  philo- 
sophiques de  la  religion  ruiturelle  et  ré- 
vélée, développés  et  expliqués  dans  l'or- 
dre géométrique,  1749,  2  vol.  in-4.  On 
trouve  dans  cet  ouvrage  des  opinions 
pour  le  moins  très  singulières,  telles  que 
la  métempsycose,  l'animation  des  brutes 
par  les  démons,  la  fin  des  peines  de  l'en- 
fer, etc.  ;  ce  qu'il  y  a  de  plus  singulier 
encore,  c'est  que  Piamsay  prétend  qu'en 
tout  cela  il  est  parfaitement  d'accord 
avec  la  croyance  de  Fénélon,  et  même 
avec  les  décisions  de  l'Eglise-,  par  le  se- 
cond de  ces  accords,  on  peut  juger  du 
premier;  il  est  déplus  très  naturel  de 
croire  qu'un  homme  qui  a  la  confiance 
de  préconiser  de  teiles  opinions  comme 
de  grandes  et  importantes  vérités,  peut 
avoir  celle  de  les  attribuer  à  un  homme 
célèbre  ;  s'il  les  a  trouvées  dans  la  doc- 
trine de  l'Eglise,  rien  n'empêche  qu'il 
ne  les  ait  découvertes  dans  celle  de  Fé- 
nélon. Du  reste ,  il  n'est  pas  inutile 
d'observer  que  quelques  critiques  re- 
gardent cet  ouvrage  comme  faussement 
attribué  à  Ramsay,  ou  du  moins  comme 
essentiellement  altéré.  La  qualité  de 
posthume  autorise  ce  sentiment.  On  .sait 
que  ces  ouvrages  servent  souvent  à  dé- 
chirer la  mémoire  des  gens  de  bien  ,  qui 


RAM  a43 

n'ont  plus  de  voix  pour  réclamer  con- 
tre l'imposture.  C'est  un  des  artifices 
favoris  de  l'hérésie  et  de  la  philosophie. 
(  Voyez  Brotier,  PiACIne.  )  9°  Un  Dis- 
cours sur  le  poème  épique,  dans  lequel 
l'auteur  adopte  le  système  de  la  Motte 
sur  la  versification.  On  le  trouve  à  la  tête 
du  Télémaque,  1717,  in-12,  et  plusieurs 
fois  depuis. 

•  RAMSAY  (  Alain  ) ,  poète  anglais  , 
naquit  en  1696  à  Peebles,  en  Ecosse.  Sa 
famille  étant  fort  pauvre,  il  ne  put  rece- 
voir aucune  éducation.  Forcé  de  pour- 
voir à  sa  propre  subsistance,  il  entra  chez 
un  barbier,  où  il  servit  à  titre  de  garçon 
pendant  quelques  années.  Mais  comme 
il  avait  de  l'esprit  naturel,  plusieurs  de 
ses  pratiques  lui  conseillèrent  de  faire 
quelques  éludes  ,  et  de  se  livrer  à  l'art 
dramatique.  Elles  lui  procurèrent  des  se- 
cours, à  l'aide  desquels  il  put  prendre 
des  leçons  de  grammaire  et  de  rhétori- 
que, en  même  temps  qu'il  lisait  les  poè- 
tes classiques  de  sa  nation.  Ayant  passé  à 
Londres  ,  il  y  débuta  par  quelques  poé- 
sies légères  qui  furent  bien  reçues.  Il 
donna  ensuite  des  comédies  qui  réussi- 
rent également;  la  meilleureest  une  pas- 
torale intitulée  The  gentel  Shepherd,  le 
gentil  berger.  Il  a  aussi  laissé  un  recueil 
de  Poésies  fugitives  ,  où  l'on  trouve  de 
la  grâce  et  de  la  facilité. 

RAMUS,  ou  LA  Ramée  (  Pierre  ) ,  phi- 
losophe célèbre,  naquit  à  Cuth  ,  village 
de  Vermandois  ,  vers  1502.  Ses  ancêtres 
étaient  nobles  ;  mais  les  malheurs  de  la 
guerre  réduisirent  son  aïeul  retiré  en  Pi- 
cardieà  faire  et  à  vendre  du  charbon  pour 
subsister.  Dans  son  enfance,  Ramus  fut 
attaqué  deux  fois  de  la  peste.  Après  avoir 
été  gardien  de  troupeaux ,  il  vint  à  l'âge 
de  huit  ans  à  Paris  ,  d'où  la  misère  le 
chassa.  Il  y  revint  une  seconde  fois,  et  ce 
second  voyage  ne  fut  pas  plus  heureux. 
Enfin,  dans  le  troisième,  il  fut  reçu  comme 
domestique  au  collège  de  Navarre.  Il  em- 
ployait le  jour  aux  devoirs  de  son  état , 
et  la  nuit  à  l'étude.  Il  acquit  assez  de 
connaissances  pour  aspirer  au  degré  de 
maître-ès-arts.  Il  prit  pour  sujet  de  sa 
thèse,  que  «  tout  ce  qu'Aristote  avait  en- 
»  seigné  n'était  que  faussetés   et  chi» 


5.44  Ti'Alvi 

«  mères  :  »  Asseiiion  ridicule  el  plus  ex- 
travagante dans  sa  généralité  que  toutes 
les  erreurs  qui  se  trouvent  dans  les  écrits 
d'Aristote.  L'université  intenta  contre 
Bamus  un  procès,  el  l'accusa  d'énerver  la 
•philosophie,  en  décréditantlephilosophe 
grec.  L'aflaire  fut  portée  au  grand  con- 
seil, qui  lui  défendit  d'enseigner.  L'arrêt 
fut  rendu  en  15i3,  et  peu  s'en  fallut 
qu'on  ne  l'envoyât  aux  galères.  Il  fut  ba- 
foué ,  joué  sur  les  trétaux  ,  et  il  souffrit 
tout  sans  murmurer.  Cependant  Ramus 
profita  l'année  d'après  de  l'occasion  de 
la  peste  qui  ravageait  Paris,  pour  recom- 
mencer ses  leçons.  Les  collèges  étaient 
fermés;  les  écoliers  allèrent  l'entendre 
par  désœuvrement.  La  faculté  de  théolo- 
gie présenta  requête  au  parlement  pour 
l'exclure  du  collège  de  Presics  ;  mais  le 
jiarlement  le  maintint  dans  son  emploi. 
Les  chaires  d'éloquence  et  de  philosophie 
ayant  vaqué  au  Collège  royal  (  collège 
de  France  ),  Ramus  les  obtint  en  1551  , 
par  la  protection  du  cardinal  de  Lor- 
raine. 11  professa  tranquillement  dans 
celte  nouvelle  place,  et  composa  une 
Grammaire  pour  les  langues  latine  et 
française.  On  prononçait  alors  en  latin 
le  Q,  comme  le  K ,  de  façon  qu'on  disait 
Kiskis ,  Kankan  ,  pour  Quisqids,  Quan- 
quam  .-  il  eut  bien  des  obstacles  à  sur- 
monter pour  réformer  celte  prononcia- 
tion. «  La  lettre  Q  ,  disait  un  mauvais 
«  plaisant  àcesujet,  faitplus  deA'flwAvïn 
»  que  toutes  les  autres  lettres  ensemble.  » 
Ramus  était  protestant,  et  l'était  jusqu'au 
fanatisme.  Après  l'enregistrement  de  l'é- 
dit  qui  permettait  le  libre  exercice  de  la 
religion,  il  brisa  les  images  du  collégcde 
Prestes ,  disant  qu'il  n'avait  pas  besoin 
d'auditeurs  sourds  et  muets  -.  action  con- 
traire à  l'ordre  public  et  aux  droits  de  la 
religion  établie.  Il  déclama  contre  le  dis- 
cours de  l'université  opposante  à  l'enre- 
gistrement de  l'édit ,  el  désavoua  le  rec- 
teur. Tous  ces  excès  le  rendirent  odieux. 
La  guerre  civile  l'obligea  de  quitter  Pa- 
ris ;  l'université  le  destitua  et  déclara  sa 
place  vacanle.  Le  roi  lui  donna  un  asile 
à  FO'itainebleau  ;  tandis  qu'il  s'y  tenait, 
les  catholiques  pillaient  sa  bibliothèque 
à  Paris  ,  et  dévastaient  son  collège.  Ils  le 


KAM 

poursuivirent  dans  son  asile ,  oii  il  ne 
cessait  dintriguer en  faveur  de  sa  secte. 
Il  fut  obligé  de  se  sauver ,  et  ne  fut  réta- 
bli dans  sa  charge  de  principal  du  col- 
lège de  Presles  et  dans  sa  chaire,  qu'après 
la  mort  du  duc  de  Guise  ,  en  1 5C3.  Ayant 
pris  ouvertement  les  armes  contre  l'état, 
il  se  trouva  en  I5G7  à  la  bataille  de  St.- 
Denys,  où  il  manqua  périr.  Cependant  à 
la  paix  il  fut  encore  rétabli  dans  ses  fonc- 
tions. Il  s'absenta  pendant  quelque  temps 
pour  aller  visiter  les  universités  d'Alle- 
magne ,  et  SCS  honoraires  lui  furent  con- 
tinués. Il  avait  demandé  la  chaire  de 
théologie  de  Genève  ;  Théodore  de  Rèze 
écrivit  contre  lui,  et  l'empêcha  de  rol>- 
lenir.  Ramus,  d'un  esprit  toujours  in- 
quiet et  tracassier,  aussi  mécontent  des 
profestansque  des  catholiques,  avait  pro- 
jeté une  réforme  dans  le  calvinisme.  De 
retour  à  Paris,  en  1571,  il  fut  compris 
dans  le  massacre  de  la  St.-Barlhélemi  en 
1572.  (Il  s'était  caché  dans  une  cave;  ua 
de  se.s  ennemis  l'y  découvrit  au  bout  de 
deux  jours.  Ramus  lui  demande  la  vie; 
l'autre  consent  à  la  lui  vendre  ,  et  après 
lui  avoir  pris  son  argent,  il  le  livre  à  ses 
satellites,  qui  regorgèrent  et  le  jetèrent 
par  les  fenêtres.)  Les  écoliers  de  l'univer- 
sité répandirent  ses  entrailles  dans  les 
rues,  traînèrent  son  cadavre  jusqu'à  la 
place  Maubert  en  le  frappant  de  verges  , 
et  le  jetèrent  dans  la  rivière.  Il  était  âgé 
de  69  ans.  Ramus  ne  s'était  point  marié. 
On  a  de  lui:  1°  trois  livres  d'arithme'li- 
que ,  Paris,  1555,  in-4 ,  et  vingt-sept  de 
(/e'oine'lrie ,  fort  au  dessous  de  sa  répu- 
tation ;  2"  un  traité  I)e  militia  Cœsaris , 
ibid.,  1559,  in-8  ;  -3"  un  autre  De  mori- 
bus  vcterum  Gallorum  ,  1559  et  1562, 
in-8;  4"  Grammaire  grecque,  1560, 
in-8  ,  traduit  en  français,  par  Michel  de 
Caslelnau  ;  5"  Grammaire  latine  ,  1558, 
1 559  et  1 564,  in-8  ;  6"  Grammaire  fran- 
çaise,  1571  ,  in-8  ,  et  un  grand  nombre 
d'autres  ouvrages  dont  on  trouvera  les 
titres  dans  les  Mc'moires  de  Nicéron  , 
t.  13el  20.  Foyez  Ossat  (d').  (Theophr. 
Banosius,  Th.  Freig,  Nicol.  Nancel  et 
Fred.Lenz,  ont  écrit  la  f^/e  de  Ramus.) 

RAMUS  (  Jean  )  ,  littéralenr  et  juri.<i- 
cori.«u!Ic,  né  à  Tergoes  eu  Zélande  ,  eu 


RAN 

1 535,  er.scifjna  l.i  rhétorique  et  la  langue 
(grecque  à  Vienne  en  Autriche,  le  droit 
à  Louvain  et  à  Douai,  et  mourut  le  25 
novembre  157  8  à  Dôleen  Franche  Comté, 
où  il  était  allé  pour  prendre  possession 
d'une  chHire  de  droit  qu'on  lui  avait  of- 
ferte. On  a  de  lui  :  1*^  une  Traduction 
dn  grec  en  latiîi  du  Bouclier  dCHercule, 
poème  attribué  à  Hésiode  :  cette  traduc- 
tion est  insérée  dans  l'édition  de  ce  poèle, 
faite  à  Bâle  ;  2"  Cnmmentarii  ad  régulas 
jurit  ufriusqite,  Louvain,  1541,  in-4,  et 
quelques  autres  ouvrages  de  littérature  et 
de  jurisprudence.  Ramus  était  éloquent 
et  méthodique.  En  désapprouvant  l'érec- 
tion des  nouveaux  évêchés  aux  Pays-Bas, 
et  en  parlant  avantageusement  de  la  Pn- 
cifîcalion  de  Ggiid ,  il  a  fait  naître  des 
soupçons  sur  sa  religion. 

RAMUSIO  ou  Ransusio  (Jean-Bap- 
tiste),  historien,  secrétaire  du  conseil 
des  Dix  de  la  république  de  Venise,  sa 
patrie,  né  en  14  85,  mort  à  Padoue  en 
1557,  à  72  ans,  fut  envoyé  en  France, 
en  Suisse  et  à  Rome,  et  montra  beaucoup 
de  prudence  et  de  sagacité  dans  ces  diftë- 
rcntes  missions.  Il  est  auteur:  1°  d'im 
traité  De  Nili  incremento  :  V  d'un  Re- 
cueil devoyages  maritimes ,  Venise,  im- 
primé par  les  Juntes  en  3  vol.  in-folio, 
enrichis  Ae  pre'faccs ,  de  dissertations  et 
de /7r'fe.y.  Celte  collection  est  en  italien.  Le 
1"  volume  est  de  1550  ,  le  2*  de  1559, 
et  le  3*  de  1 56G,  à  Venise.  (  Il  avait  laissé 
les  matériaux  d'un  4*  volume  ;  mais  ses 
notes  ont  péri  dans  l'incendie  de  l'impri- 
merie des  Juntes  en  1557.  Les  biographes 
prétendent  que  pour  avoir  un  exe.i  plaire 
bien  complet  du  recueil  de  Ramusio,  il  faut 
choisir  le  l"vol.  de  l'édition  del5G3,  le 
2«del583et  le  3"  de  1565,  en  ajoutant  à 
ce  dernier  un  supplémentde  trois  pièces, 
quisontdel'édit.  de  1606.  La  plus  grande 
partie  des  morceaux  qui  composent  les 
premiers  volumes,  ont  été  traduits  en 
français,  et  forment  le  Recueil  de  J.  Tem- 
.  poral ,  intitulé  :  Description  de  VÂfri- 
que,  etc.,  f.yon,  1556,2  vol.  in-fol.) 

RANCÉ  (  Dom  Armand-Jean  le  Bou- 
TiiU-iiER  de),  né  à  Paris  en  1026,  était 
neveu  de  Claude  le  Bouthillier  de  Chavi- 
gni,  stcrélaire  d'état,  et  surintendant  des 


RAN  245 

finances.  (  La  famille  des  Bouthillier  te- 
nait son  nom  de  la  charge  d'échanson 
qu'elle  avait  exercée  à  la  cour  de  Breta- 
gne. (  Rancé  fit  paraître,  dès  son  enfance,  , 
de  si  heureuses  dispositions  pour  les  bel- 
les-lettres, que,  dès  l'âge  de  12  à  13 
ans ,  à  l'aide  de  son  précepteur,  il  publia 
\une  nouvelle  édition  des  Poésies  d'Ana- 
créon,  en  grec,  avec  des  notes,  1639, 
in-8.  Il  devint  chanoine  de  Notre-Dame 
de  Paris ,  et  obtint  plusieurs  abbayes.  Des 
belles-lettres  il  passa  à  la  théologie  ,  et 
prit  ses  degrés  eu  Sorbonne  avec  la  plus 
grande  distinction.  Il  fut  reçu  docteur 
en  1654.  Le  cours  de  ses  études  fini,  il 
entra  dans  le  monde  ,  et  s'y  livra  à  toutes 
ses  passions,  et  surtout  à  celle  de  l'a- 
mour. On  veut  même  qu'elle  ait  occa- 
sioné  sa  conversion.  On  dit  que  l'abbé 
de  Rancé ,  au  retour  d'un  voyage  ,  allant 
voir  sa  maîtresse ,  dont  il  iguorait  la 
mort,  monta  par  un  escalier  dérobé,  et 
qu'étant  entré  dans  l'appartement  ,  il 
trouva  sa  tête  dans  un  plat  :  on  l'avait  sé- 
parée du  corps,  parce  que  le  cercueil 
de  plomb  qu'on  avait  fait  faire,  était  trop 
petit.  Voyez  les  Véritables  motifs  de 
la  conversion  de  ï abbé  de  Rancé ,  par 
Daniel  de  la  Roque,  Cologne,  1685, 
in-12.  Ce  récit  est  essentiellement  faux  : 
l'abbé  de  Piancé  avait  passé  toute  la  nuit 
auprès  de  la  malade  (  madame  de  Mont- 
bazon  )  ,  et  l'avait  exhortée  à  remplir 
les  devoirs  de  la  religion.  Elle  mourut 
de  la  rougeole).  D'autres  prétendent  que 
l'aversion  de  Rancé  pour  le  monde  fut 
causée  par  la  mort  ou  par  les  disgrâces 
de  quelques-uns  de  ses  amis,  nubien 
par  le  bonheur  d'être  sorti  sans  aucun 
mal  de  plusieurs  grands  périls  :  les  balles 
d'un  fusil  ,  qui  devaient  naturellement  le 
percer,  donnèrent  dans  le  fer  de  sa  gibe- 
cière. (La  mort  du  duc  d'Orléans,  son  pro- 
tecteur ,  et  dont  il  était  l'aumônier  ,  lui 
causa  un  vif  chagrin.  Ce  fut  peu  de 
temps  après  celte  perle  qu'il  renonça  au 
monde.  )  Du  moment  qu'il  projeta  son 
changement  de  vie  ,  il  ne  parut  plus  à  la 
cour.  Retiré  dans  sa  terre  de  Veret  auprès 
de  Tours,  il  consulta  les  évoques  l'Aieth  , 
de  Pamicrs  et  de  Comminges.  Leurs  avis 
furent  diflférens  ;   celui   du  dernier  fut 


246  RAN 

qo'il   embrassât   l'état   monastique.    Le 
cloître  ne  lui  plaisait  point  alors;  mais 
après  de  mûres  réflexions  il  se  détermina 
à  y  entrer.  Il  vendit   sa  terre  de   Veret 
300  ,000  livres,  pour  les  donner  à  l'Hô- 
tel-Dieu  de  Paris,  et  ne  conserva  de  tous 
ses  bénéfices  quele  prieuré  de  Boulogne, 
de  l'ordre  de  Grammont,  et  son  abbaye 
de  la  Trappe  ,  de  l'ordre  de  Cîteaux.  Los 
religieux   de  ce  monastère  n'y  vivaient 
pas  selon  leur  règle  primitive.  L'abbé  de 
Rancé,  tout  rempli  de  ses  projets  de  re- 
traite, demande  au   roi   et   obtient   un 
brevet  pour  pouvoir  y  établir  la  réforme. 
Il  prend  ensuite  l'habit  régulier  dans  l'ab- 
bave  de  Pcrseigne ,  est   admis  au   novi- 
ciat en  1663,  et  fait  profession  l'année 
d'après,  Agé  de  trente-huit  ans.  La  cour 
de  Rome  lui  ayant  accordé  des  expédi- 
tions pour  rétablir  la  règle  dans  son  ab- 
baye ,  il  prêcha  si  vivement  ses  religieux, 
que  la  plupart  embrassèrent  la  nouvelle 
réforme.  L'abbé  de  Rancé  eût  bien  voulu 
faire  dans  tous  les  monastères  de  l'ordre 
de  Cîteaux  ce  qu'il  avait  fait  dans  le  sien  ; 
mais  ses  soins  furent   inutiles.  N'ayant 
pu  étendre  sa  réforme,  il  s'appliqua  à  lui 
faire  jeter    de   profondes  racines  à   la 
Trappe.  Ce  monastère  reprit  en  effet  une 
nouvelle  vie.  Continuellement  consacrés 
au  travail  des  mains  ,  à  la  prière  et   aux 
pratiques  les  plus  austères,  les  religieux 
retracèrent  l'image  des  anciens  solitaires 
de  la  Thébaïde.  Le  réformateur  les  priva 
des  amusemens  les  plus  permis.  L'élude 
leur  fut  interdite  ;  la  lecture  de  l'Ecriture 
sainte  et  de  quelques  traités  de  morale  , 
voilà  toute  la  science  qu'il   disait  leur 
convenir.  Pour  appuyer  son  idée  ,  il  pu- 
blia son  Traité  de  la  sainteté  et  des  de- 
voirs de  Vétat  monastique  :  ouvrage  qui 
causa  une  dispute  entre  l'austère  réfor- 
mateur et  le   doux  et  savant  Mabillon. 
(  voy.  l'article  de  celui-ci).  Cette  guerre 
ayant  été  calmée,  il  fallut  qu'il  en  soutînt 
une  autre  avec  les  partisans  d'Arnauld. 
Il  écrivit  sur  la  mort  de  cet  homme  fa- 
meux une  lettre  à  l'abbé  N'icaise,   dans 
laquelle   il  s'exprimait  de  cette  sorte  : 
«  Enfin  ,  voilà  M.  Arnauld  mort  !  après 
M  avoir  poussé  sa  carrière  aussi  loin  qu'il 
»  a  pu,  il  a  fallu  qu'elle  se  soit  terminée. 


RAW 

»  Quoi  qu'on  dise,  voilà  bien  des  ques- 
»  tions  finies.  Son  érudition  et  son  auto- 
))  rite  étaient  d'un  grand  poids  pour  le 
»  parti.  Heureux  qui  n'en  a  point  d'autre 
>>  que  celui  de  J.  C!  »  Ces  quatre  lignes 
produisirent  vingt  brochures  contre  lui , 
et  les  jansénistes  ne  lui    pardonnèrent 
jamais.   La  part  qu'il  prit  aux  démêlés 
théologiques  entre  Eossuet  et  Fénélon, 
et  qui  se  réduit  à  deux  lettres  très  courtes 
adressées  à  l'évêque  de  Meaux,  publiées 
contre  le  gré  de  celui  qui  les  avait  écrites, 
lui  attirèrent  des  vers  très  piquans  de  la 
part  du  duc  de  Nevers  (l'oy.  ce  nom). 
L'abbé  de  la  Trappe,  accablé  d'infirmités, 
crut  devoir  se  démettre  de  son  abbaye.  Le 
roi   lui  laissa  le   choix  du  sujet,  et  il 
nomma  dom  Zozime ,  qui  mourut  peu  de 
temps  après.  Dom  Gervaise  ,  qui  lui  suc- 
céda ,  mit  le  trouble  dans  la  maison  de  la 
Trappe.  Il  inspirait  aux  religieux  un  nou- 
vel esprit,  opposé  à   celui    de  l'ancien 
abbé  ,  qui ,  ayant  trouvé  le  moyen  d'ob- 
tenir   une     démission ,  la    fit  remettre 
entre  les  mains  du  roi.  Le  nouvel  abbé  , 
surpris  et  irrité,  courut  à  la  cour  noircir 
l'abbé  de  Rancé  ,  l'accusa  de  jansénisme, 
de  caprice,  de  hauteur;  mais,  malgré 
toutes    ses    manœuvres,  dom    Jacques 
de  la  Cour  obtint  sa  place.  La  paix  ayant 
été   rendue   à  la  Trappe,  le    pieux  ré- 
formateur   mourut     tranquille,    le    26 
octobre   1700.  Il  expira   couché    sur  la 
cendre  et  sur  la  paille,   en  présence  de 
l'évêque  de  Séez  et  de  toute  sa    com- 
munauté. L'abbé  de  Rancé  possédait  de 
grandes  qualités,  un    zèle  ardent ,  une 
piété    éclairée,  une   facilité  extrême  à 
s'énoncer  et  à  écrire.  Son  stile  est  noble  , 
pur,  élégant  ;  mais  il  n'est  pas  assez  pré- 
cis. Il  ne  prend  souvent  que  la  fleur  des 
sujets ,  et  ne  s'arrête  pas  à  les  approfon- 
dir. «Sans  rien  ôter  à  sa  piété,  dit  un 
»  écrivain  très  impartial ,  ni  à  ses  vrais 
»  talens,  on  peut  dire  que  c'est  le  feu  , 
»  l'imagination  ,  la  facilité  et  l'élégance 
M  qui  dominent  dans  ses  écrits ,  et  que  si 
»  personne  ne  s'exprime  avec   plus  de 
»  grâce,  et  ne  tourne   une   pensée  en 
»  plus  de  manières  intéressantes,  il  no 
»  pense  pas  toujours  aussi  iiarfailcment 
»  qu'il  s'exprime,  il  ne  médite  pas  assez 


I 


RAN 

»  les  choses ,  et  ue  fait  souvent  qu'ef- 
«  fleurer  les  matières.  »  Dans  le  temps 
qu'il  était  lié  avec  les  jansénistes,  il 
adopta  plusieurs  de  leurs  opinions  sur 
parole,  et  avança  des  choses  qui  ne  peu- 
vent avoir  été  le  résultat  de  son  jugement 
propre.  C'est  ainsi  qu'il  attribuait  aux 
décisions  des  casuistes  les  désordres  de  la 
plupart  des  pécheurs  qui  venaient  se 
jeter  entre  ses  bras  :  «  Comme  si  les  con- 
»  sciences  cautérisées,  dit  l'abbé  Bérault, 
»  qui  allaient  chercher  leur  dernier 
>'  remède  à  la  Trappe ,  s'étaient  fort  oc- 
»  cupés  auparavant  de  la  lecture  des  mo- 
)>  ralisles.  «  Il  y  a  toute  apparence  que 
l'abbé  s'en  était  peu  occupé  lui-même, 
ou  du  moins  n'avait  pas  étudié  leurs 
sentimens  dans  les  sources  (  voyez  Bu- 
ZEMBAUM,  EscoBAR,  PASCAL  ).  L'auibition 
avait  été  sa  grande  passion  avant  son 
changement  de  vie;  il  tourna  ce  feu  qui 
le  dévorait  du  côté  de  Dieu  ;  mais  il  ne 
put  pas  se  détacher  entièrement  de  ses 
anciens  amis.  H  dirigeait  un  grand  nom- 
bre de  personnes  de  qualité,  et  les  lettres 
qu'il  écrivait  continuellement  en  réponse 
aux  leurs  occupèrentune  partie  de  sa  vie. 
Voltaire  a  dit  «  qu'il  s'était  dispensé , 
»  comme  législateur  ,  de  la  loi  qui  force 
»  ceux  qui  vivent  dans  le  tombeau  de  la 
M  Trappe  d'ignorer  ce  qui  se  passe  sur  la 
»  terre.  »  Mais  on  peut  dire,  pour 
l'excuser ,  que  sa  place  l'obligeait  à  ces 
relations,  et  qu'il  s'en  servait  souvent 
pour  ramener  les  personnes  du  monde 
dans  la  voie  du  salut.  On  ne  peut  ce- 
pendant s'empêcher  de  reconnaître 
dans  ses  démarches  les  plus  louables 
un  air  d'éclat  et  d'ostentation  ,  que  la 
sainteté  chrétienne  évite  pour  l'ordi- 
naire avec  tant  de  soin.  On  a  de  lui  :  1° 
une  Traduction  française  des  OEuvres 
attribuées  à  saint  Dorothée  ;  2"  Explica- 
tion sur  la  règle  de  saint  Benoit,  in-12  ; 
3"  Abrégé  des  obligations  des  chrétiens  ; 
4"  Réflexions  morales  sur  les  quatre 
Evangiles ,  4  vol.  inl2;  et  des  Con- 
férences sur  le  même  sujet ,  aussi  en  4 
vol.  ;  b° Instructions  et  maximes,  in-12  ; 
6°  Conduite  chrétienne  ,  composée  par 
madame  de  Guise,  in-12;  7°  un  grand 
nombre  de  Lettres   spirituelles  ,  en  2 


RAN  247 

volumes  in-12;  8"  plusieurs  Ecrits  au 
sujet  des  études  monastiques  ;  9°  ^e/a- 
tions  de  la  vie  et  de  la  mort  de  quelques 
religieux  de  la  Trappe,  en  4  vol.  in-12, 
auxquels  on  en  a  ensuite  ajouté  2  ;  10* 
les  Constitutions  et  les  réglemens  de 
l'abbaye  de  la  Trappe,  1701  ,  2  vol. 
in-12  ;  11°  De  la  sainteté  des  devoirs  de 
l'état  monasligue  ,  1683  ,  2  vol.  in-4, 
avec  des  Eclaircissemens  sur  ce  livre  y 
1685,  in-4....  Foyez  les  Fies  de  l'abbé 
de  Rancé ,  composées  par  Maup  eou  ^  par 
MarsoUier ,  et  par  dora  Le  >'ain ,  et 
le  Genuinus  character  Patris  Armandi 
Joannis  Bancœi ,  Tpar  M.  Inguimberti. 
On  peut  consulter  aussi  V Apologie  de 
Rancé  par  dom  Gervaise ,  contre  ce 
qu'en  dit  dom  Vincent  Thuillier  dans 
son  //w^o/re  de  la  contestation  excitée  au 
sujet  des  éludes  monastiques,  au  tome  !•' 
des  O^'wfre^  posthumes  des  PP.  Thierri 
Ruinart  et  Jean  Mabillon.  Il  y  a  d'excel- 
lentes réflexions  dans  cette  apologie , 
mais  trop  de  hauteur  et  de  vivacité.  A  ce 
que  MarsoUier  écrit  dans  la  P^ie  de  Rancé, 
livre  4,  pag.  44-60,  édit.  de  Paris,  1703, 
in-4  ,  pour  le  disculper  du  soupçon  de 
jansénisme  ,  et  la  Lettre  écrite  à  l'abbé 
Nicaise,  dont  nous  avons  parlé  ,  il  faut 
ajouter  deux  Lettres  à  madame  de  Saint- 
Loup  ,  publiées  sur  les  originaux  par  le 
cardinal  de  Bissy ,  à  la  fin  de  sa  Réponse 
aux  jansénistes  qui  avaient  attaqué  son 
Mandement  pastoral  de  l'an  1703.  Rancé 
avait  été  favorable  au  parti,  et  avait  con- 
tribué à  répandre  ,  avant  sa  conversion  , 
les  Lettres  provinciales  ;  mais  dès  qu'il 
connut  la  secte ,  il  s'en  détacha.  Cepen- 
dant quelques  hommes  sévères  auraient 
voulu  que,  ayant  connu  l'erreur ,  il  se 
fût  appliqué  à  la  démasquer ,  et  que  , 
non  content  de  la  repousser  lui  même ,  il 
eût  averti  avec  plus  d'activité  et  d'éclat 
ceux  qui  pouvaient  s'y  être  engagés  à  la 
faveur  de  son  nom.  «  Sa  réserve,  dit  un 
w  historien  très  orthodoxe ,  ne  p!u(  à 
»  aucun  des  partis  ,  ou  plutôt  elle  les 
>)  choqua  l'un  et  l'autre,  et  les  lui  mit 
»  presque  également  à  dos.  Tant  la  neu- 
»  tralité  en  matière  de  foi ,  ne  fût-elle 
»  qu'apparente ,  fait  de  fâcheuses  ira- 
»  pressions  dans   les    esprits.   Toujours 


a4B 


RAN 


»  elle  répand  sur  les  vertus  tnéiiie  les 
><  plus  éclatantes  des  ombres  que  les 
»  meilleurs  apoloijisles  ensuite  ne  réus- 
3»  sissent  pas  toujours  à  dissiper.  »  (Outre 
la  Vicde  V  abbé  de  /fa«ce  par  Marsollier, 
on  en  a  2  autres  par  Pierre  Le  Kain,  et 
parMaupeou  cure  de  Nonaucourf.) 

R-dVINGHIIN  (  Etienne  J,  ne  vers  1600  , 
mort  en  1583  à  Montpellier,  où  il  pro- 
lessaitle  droit ,  se  fit  un  nom  parmi  les 
jurisconsultes  de  son  temps  ,  par  ses  ou- 
vrages sur  la  jurisprudence.  Le  principal 
est  Miscellanea  decisionum  juris ,  tra- 
duit enfrançais,à  Genève,  1709,  in-fol. 

RAPSCHIN  (Guillaume),  parent  du 
précédent ,  était  avocat  du  roi  à  la  cour 
des  aides  de  Toulouse.  On  a  de  lui  :  Ré- 
vision  du  Concile  de  Trente,  Toulouse, 
in-8.  Ce  livre,  imprimé  en  1600  ,  a  in- 
spiré des  soupçons  sur  sa  catholicité;  plu- 
sieurs ont  même  assuré  que  Ranchin  était 
réellement  prolestant.  Il  est  certain  que 
l'auteur  a  doimé  lieu  à  cette  assertion  , 
et  que  dans  les  prétendues  nullités  qu'il 
trouve  dans  ce  concile  œcuménique  ,  il 
a  emprunté  le  langage  des  novateurs  de 
ce  temps-là. — Une  faut  pas  le  confondre 
avec  Henri  Ranchin,  conseiller  à  la  cour 
des  comptes  de  Montpellier,  de  la  même 
famille  que  les  précédens  ,  auteur  d'une 
assez  mauvaise  Traduction  des  Psaumes 
en  vers  français,  1G97,  in-12.  —  Un 
autre  Ranchin  ,  conseiller  à  la  chambre 
de  redit,  et  originaire  de  Montpellier, 
est  connu  par  quelques  Poe'sies  écrites 
d'un  stile  faible ,  mais  facile. 

RANCONKET  (Aimar  de),  fils  d'un 
avocat  de  Bordeaux,  se  rendit  très  ha- 
bile dans] le  droit  romain,  dans  les  ma- 
thématiques et  dans  les  antiquités.  Il 
devint  conseiller  au  parlement  de  Bor- 
deaux, et  ensuite  président  à  celui  de 
Paris.  Le  président  de  Ranconnet  écri- 
vait bien  en  grec  et  en  latin  ;  et ,  si  l'on 
en  croit  Pithou  ,  ce  fut  lui  qui  composa 
le  'Dictionnaire  qui  porte  le  nom  de 
Charles  Etienne.  Pithou  ajoute  que  le 
cardinal  de  Lorraine  ayant  fait  assembler 
le  parlement  de  Paris  pour  avoir  son  avis 
sur  la  punition  des  hérétiques,  Ranconnet 
y  porta  les  OEuvres  de  Sulpice-Sévère,  et 
y  lut  l'endroit  oii  il  e.«t  parlé  de  Priscil- 


RAN 

lien  dans  la  Fie  de  saint  Martin  de  Tours, 
L'application  n'était  pas  juste:  si  lespris- 
cillianistes  avaient  porté,  comme  \c% 
protestans  ,  e  fer  et  le  feu  dans  le  sein 
de  l'état,  saint  Martin  en  eut  porté  un 
jugement  différent.  Celle  démarche 
ayant  déplu  au  cardinal ,  qui  connais- 
sait mieux  que  lui  les  nouvelles  sectes, 
Ranconnet  fut  renfermé  à  la  Bastille, 
où  il  mourut  de  douleur  eu  1569  ,  âgé 
de  plus  de  60  ans.  Tous  les  maux  à  la 
fois  l'avaient  assailli  et  avaient  rempli 
SCS  jours  d'amertume  :  la  misère  le  ré- 
duisit à  être  simple  correcteur  des 
Etienne;  il  vit  mourir  sa  fille  sur  le  fu- 
mier ,  exécuter  son  fils  ,  et  sa  femme  fut 
écrasée  par  le  tonnerre.  On  a  de  lui  le 
Trésor  de  la  langue  française  ,  tant  an- 
cienne que  moderne  ,  qui  servit  beau- 
coup à  îs'icot  et  à  Monel  pour  la  composi- 
tion de  leurs  Dictionnaires. 

RANDAN.  Foyez  Rocuefoucauld  et 
Foix. 

RANDOLPH  (Thomas),  poète  an- 
glais, né  en  1605  dans  la  province  de 
Northamplon  ,  mort  en  1671  ,  est  auteur 
de  diverses /;oe.«e.y  qui  lui  ont  mérité  la 
seconde  ou  troisième  place  sur  le  Par- 
nasse britannique. 

"RANDOK  (Charles-Joseph,  comte  de 
Pl'LLy)  ,  lieutenant-général ,  né  le  1 8  dé- 
cembre 17  51  ,  mort  à  Paris  le  30  avril 
1832,  dans  la  82^  année  de  son  âge, 
était  entré  au  service  militaire  au  sortir 
du  collège.  Parvenu  au  grade  de  lieute- 
nant-colonel du  régiment  de  cavalerie  de 
royal-cravate  ,  il  en  devint  colonel  le  .'»  1 
février  1792  ;  il  fut  nommé  le  19  septem-  | 
bre  de  la  même  année  général  de  brigade, 
et  le  8  mars  1793  général  de  division. 
Cet  avancement  rapide  fut  l'effet  des  cir- 
constances et  de  ses  talens.  Chacun  sait 
quel  vide  avaient  laissé  dans  les  rangs  de 
l'armée  les  officiers  supérieurs  qui  refu- 
sèrent de  se  .soumettre  aux  changemens 
politiques  de  la  révolution.  Nous  dirons 
toutefois  que  le  général  Randon  se  mon- 
tra digne  de  son  élévation.  Sous  les  or- 
dres du  général  Beurnonville,  il  fit  la 
campagne  de  1792  et  contribua  puissam- 
ment à  l'occupation  des  hauteurs  de  Wa- 
ren  :  le  15  décembre  de  la  même  année, 


RAiH 

il  s'empara  avec  1 200  hommes  de  la  mon- 
tagne de  Ham  qui  était  hérissée  de  ca- 
nons, et  défendue  par  3000  Autrichiens; 
l'année  suivante  il  eut  le  commandement 
du  corps  des  Vosges,  et  continua  à  se 
distinguer  parmi  les  plus  braves  officiers 
de  l'armée.  Après  le  1  8  brumaire  il  fut 
nommé  commandantd'une  division  îJ  l'ar- 
mée d'Italie;  ce  fut  lui  qui  franchit  le 
Spulgen  avec  tant  de  hardiesse  dans  le 
mois  de  décembre  1 800.  L'année  suivante 
il  remplaça  à  Storo  la  division  du  géné- 
rai Rochambeau,et  concourut  à  la  prise 
de  Saint-Alberto.  Après  l'armistice,  il 
fut  placé  dans  le  Tyrol  italien.  Pen- 
dant la  campagne  de  1805,  il  se  dis- 
tingua surtout  au  passage  du  ïaglia- 
monte  à  la  tête  d'une  division  de  cuiras- 
siers. En  1809  il  prit  part  aux  brillans 
succès  de  la  campagne  d'Autriche.  Enfin 
dans  le  mois  d'avril  1813  ,  il  eut  le  com- 
mandement du  premier  régiment  des 
gardes  d'honneur.  Telle  est  la  vie  mili- 
taire du  général  Randon.  Mis  à  la  re- 
traite à  l'époque  du  licenciement  géné- 
ral,  en  1 815  ,  il  a  été  replacé  en  dispo- 
nibilité après  la  révolution  de  1830; 
mais  il  a  été  compris  dans  l'ordonnance 
du  5  avril  1 832  qui  donne  la  retraite  aux 
lieutenans-généraox  âgés  de  plus  de  65 
ans.  Buonaparte  avait  accordé  en  1809  à 
ce  général  le  titre  de  comte  d'empire, 
et  Louis  XVIII  l'avait  fait  en  1814  grand 
officier  de  la  légion-d'honneur. 

»  RAiNGONE  -  MACHIAVEL  (Jean- 
Baptiste  ,  marquis  de),  ministre  d'état 
italien  ,  né  à  Modène  en  décembre  1716, 
entra  dès  l'âge  de  1 2  ans  dans  les  gardes- 
du-corps  du  duc  de  Modène,  et  se  signala 
en  1731  dans  la  campagne  contre  les 
Turcs  en  Hongrie.  Il  fit  ensuite  la  guerre 
de  Sept  ans  comme  colonel  de  la  garde,  et 
donna  les  plus  grandes  preuves  de  courage 
le  1 1  août  17  44  à  la  surprise  de  Vellétri. 
La  terreur  s'était  emparée  des  troupes  :  il 
les  rallia  ,  attaqua  le  détachement  autri- 
chien qui  s'amusait  à  piller,  le  défit  com- 
plètement ,  et  sauva  par-là  l'armée  et  le 
duc  François  III.  Ce  prince,  en  recon- 
•  naissance  de  ses  services,  le  nomma  quel- 
ques années  après  conseiller  intime  d'é- 
tat, ministre  des  eaux,  ponts-el-chaus- 

XI. 


RAN  a^'9 

sées,  et  enfin  grand-veneur.  Rangone 
mourut  à  Florence  le  17  octobre  1793.  Il 
cultivait  la  poésie  italienne,  eta  laissé  un 
poème  burlesque  et  quelques  pièces  lé- 
gères ,  qui  n'ont  point  été  imprimées. 

RAlNNEQDIiNSuALEMjOumieuxSwALM 
Reskin  (  N.  ) ,  célèbre  machiniste  ,  né  à 
Liège  en  1G44  et  non  en  1648  ,  s'est  im- 
mortalisé par  la  fameuse  machine  de 
Marly.  (Il  était  fiis  d'un  charpentier  ,  et 
suivit  lui-même  cette  profession  pen- 
dant plusieurs  années,  et  c'est  presque 
par  son  seul  génie  qu'il  se  fit  un  nom.)  U 
s'agissait  de  donner  de  l'eau  à  Versailles , 
et  pour  cela  il  fallait  la  faire  monter  au. 
-sommet  d'une  montagne  élevée  de  502^ 
pieds  au  dessus  du  lit  de  la  rivière.  C'est 
à  quoi  parvînt  Rannequin  ,  par  une  ma- 
chine composée  de  14  roues,  qui  ont 
toutes  pour  objet  de  faire  agir  deux 
pompes  qui  forcent  l'eau  à  se  rendre  sur 
une  tour  élevée  au  sommet  de  la  mon- 
tagne. Cette  machine  donne  5258  ton- 
neaux d'eau  en  24  heures.  On  dit  qu'elle 
a  coûté  plus  de  8,000  ,000.  Elle  avait 
été  commencée  en  1675,  et  elle  com- 
mença à  agir  en  1682.  L'abbé  Delille  l'a 
célébrée  dans  une  épître poétique  (  voy. 
Marly  dans  le  Dict.  géog.  )  Avant  d'exé- 
cuter en  grand  cet  ouvrage,  il  l'avait 
exécuté  en  petit  au  château  de  Modave 
dans  le  pays  de  Liège,  où  l'on  en  aper- 
çoit encore  des  traces.  Ce  château  ap- 
partenait à  M.  de  Ville,  gentilhomme 
liégeois.  On  a  gravé  le  portrait  de  ce  sei- 
gneur, avec  une  inscription  qui  lui  at- 
tribue l'invention  de  la  ma  chine  de  Marly; 
mais  on  sait,  à  n'en  point  douter,  qu'il 
n'en  fut  que  l'entrepreneur ,  et  qu'il  se 
servit,  pour  l'e-xécuter,  de  Rannequin, 
dont  il  avait  essayé  les  connaissances  dans 
la  mécanique  à  Modave.  (La  machine  de 
Marly  a  été  décrite  avec  le  plus  grand  soin 
dans  un  Mémoire  publié  en  1801  ;  on  en 
voit  un  petit  modèle  au  conservatoire  des 
arts  et  métiers.  Cette  machine  merveil- 
leuse pour  l'époque  a  été  détruite  depuis 
peu  ,  et  remplacée  par  une  pompe  à  feu. 
Rannequin  mourut  en  17  08. 

RAjNS  (Bertrand  de  ) ,  imposteur  célè- 
bre ,  était  un  ermite  né  dans  la  ville  do 
Reims.  Il  vécut  long-temps  fort  reiigieu- 

32. 


25o  KAN 

sèment  dan»  la  forêt  de  Parthcnay,  et 
dans  celle  de  Glaçon ,  près  de  Tournai. 
Las  de  sa  solitude,  il  voulut  se  faire  passer 
pour  Baudouin  I",  empereur  de  Con- 
stantinople,  comte  de  Flandre  et  de  Hai- 
iiaut.  C'était  environ  20  ans  après  la  mort 
de  ce  prince  ,  que  le  roi  des  Bulgares 
avait  pris  dans  une  bataille  l'an  1205,  et 
qu'il  avait  fait  mourir  en  prison  l'année 
suivante.  Bertrand  de  Rans  parut  en 
Flandre  pour  jouer  son  personnage. 
Jeanne,  tille  aînée  de  l'empereur  Bau- 
douin ,  comtesse  de  Flandre  et  de  Hai- 
naut ,  ne  voulant  rien  précipiter,  envoya 
deux  personnes  de  confiance  en  Grèce , 
et  s'assura  pleinement  de  la  mort  de 
l'empereur  Baudouin.  Cependant  une 
bonne  partie  de  la  noblesse  de  Flandre 
reconnut  l'imposteur  pour  son  souverain, 
pour  son  comte ,  et  pour  l'empereur 
d'Orient.  Jeanne  fut  obligée  d'implorer  le 
secours  de  Louis  Vill,  roi  de  France, 
contre  cet  usurpateur,  qui  fut  pendu 
publiquement  à  Lille. 

RANTZAW  (Josias,  comte  de),  ma- 
réchal de  France ,  gouverneur  de  Dun- 
kerque,  lieutenant-général  des  armées 
du  roi  en  Flandre ,  était  de  l'illustre 
maison  de  Rantzaw  dans  le  duché  de 
Holstein.  Il  porta  les  armes  avec  distinc- 
tion dans  l'armée  suédoise,  vint  en 
1635  en  France  avec  Oxenstieru,  chan- 
celier de  Suède ,  et  fut  retenu  par  le  roi 
Louis  XIII ,  qui  le  fit  maréchal  de  camp, 
et  colonel  de  deux  régimens.  Il  alla  ser- 
vir l'an  1636  au  siège  de  Dôle ,  où  il 
perdit  un  œil  d'un  coup  de  mousquet  ;  et 
il  défendit  vaillamment  Saint-Jean-de- 
Lône  en  Bourgogne  ,  contre  le  général 
Galas  ,  qu'il  obligea  de  lever  le  siège. 
(Rantzaw  fit  toutes  les  campagnes  de  Flan- 
dre etd'Allemagne  sous  le  duc  d'Orléans, 
et  puis  sous  le  duc  d'Enghien  (  prince  de 
Condé).  En  1640,  il  servit  à  celui  d'Ar- 
ras,  y  perdit  une  jambe  et  fut  estropié 
d'ubemain.  L'année  suivante,  il  se  trouva 
au  siège  d'Aire  ,  et  fut  fait  prisonnier  au 
combat  d'Honnecourt  en  1642.  Sa  valeur 
se  signala  encore  au  siège  de  Gravelînes 
en  1645  :  il  fut  fait  gouverneur  de  Dun- 
kerque,  et  reçut  le  bâton  de  maréchal  de 
France  le  16  juillet  par  la  faveur  du  car- 


RAO 

dinal  Mazarin.  L'assurance  qu'il  avait 
donnée  d'abjurer  le  luthéranisme  con- 
tribua beaucoup  à  son  èlévalion  :  il  se 
fit  catholique  la  même  année.  Il  servit  les 
années  suivantes  en  Flandre,  et  fut  arrêté 
le  26  février  1649,  sous  quelques  soup- 
çons qu'on  eut  de  sa  fidélité.  Mais  s'en 
étant  justifié  ,  il  sortit  de  prison  le  22 
janvier  1650  ,  et  mourut  d'hydropisie  le 
4  septembre  suivant,  sans  laisser  d'en- 
fans.  Sa  valeur  était  admirable  dans  les 
grandes  actions  ;  mais  elle  dédaignait , 
pour  ainsi  dire,  les  petits  périls,  et  il 
paraissait  nonchalant  dans  les  occasions 
ordinaires  de  la  guerre.  11  aimait  le  vin  à 
l'excès,  et  cette  passion  déshonorante 
lui  fit  manquer  quelques  projets, et  le 
livra  à  des  emporlemens  qui  auraient  pu 
lui  être  funestes.  On  dit  qu'à  sa  mort  il 
n'avait  plus  qu'un  œil ,  qu'une  oreille, 
qu'un  bras ,  qu'une  jambe  ,  qu'un  de  tout 
ce  que  les  hommes  ont  double ,  par  les 
ravages  que  la  guerre  avait  faits  sur  son 
corps.  Ce  qui  donna  lieu  de  lui  faire  cette 
èpitaphe  : 

Du  corps  du  graud  RA^Tz.*w  tu  n'as  qu'une  des  parti: 
L'autre  moitié  resta  dans  les  plaines  dé  Han. 
11  dispersa  partout  ses  membres  et  sa  gloire. 
Tout  abattu  'ju'il  fut  ,  il  demeura  vainqueur; 
Son  sang  fut  en  cent  lieux  le  prii  de  sa  tictoire  , 
£t  Mars  uelui  laissa  reiu  d'entier  que  le  cœur. 

On  a  publié.  Relation  de  ce  qui  s'est  passe 
à  la  mort  de  Josias ,  comte  de  lîantzau, 
Paris,  1620  un  4. 

*  RAON  (Jean)  habile  sculpteur  pari- 
sien ,  naquit  en  1630,  étudia  d'abord 
dans  sa  patrie,  et  se  perfectionna  à  Rome, 
oii  quelques  ouvrages  qu'il  fit  lui  acqui- 
rent de  la  réputation.  De  retour  à  Paris, 
le  roi  le  chargea  de  travailler  pour  les 
jardins  de  Versailles,  où  l'on  voit  encore 
quelques  statues  de  cet  artiste,  qui  dé- 
cèlent du  goût  et  du  talent.  Il  mourut  à 
Paris  en  1707  ,  âgé  de  77  ans. 

RAOUL  1*',  duc  de  Normandie.  Voyez 

ROLLON. 

RAOUL  l'Arueint,  prêtre  du  diocèse 
de  Poitiers,  ainsi  surnommé  à  cause  de 
la  vivacité  de  son  esprit  et  de  l'ardeur  de 
son  zèle ,  suivit  Guillaume  IX  ,  comte  dç 
Poitiers  ,  à  la  croisade  de  1 101.  On  a  de' 
lui  des  Homélies  latines,  1586,  in-8  ; 
traduites   en  français,  1575,  en  2  vol. 


RAP 

iu-8.  On  croit  qu'il  mourut  daus  la  Pa- 
lestine. 

RAOUL  DE  Caen  ,  surnom  qu'il  tient 
du  lieu  de  sa  naissance  en  Normandie  , 
est  célèbre  par  son  Histoire  ou  Gestes  de 
Tancrède ,  l'un  des  chefs  de  la  première 
croisade ,  et  auquel  il  s'était  attaché.  Il 
traite  de  supercherie  et  d'imposture  la 
découverte  de  la  sainte  lance  que  Rai- 
mond d'Agiles,  autre  historien  de  cette 
croisade ,  tâche  de  faire  passer  pour  un 
événement  incontestable.  (Cette  histoire 
publiée  par  Martène  dans  le  3"  vol.  de 
ses  Anecdotes ,  a  reparu  depuis  dans  la 
grande  Collection  Ae  Muratori.  M.  Guizot 
l'a  reproduite  dans  sa  Collection  des  mé- 
moires relatifs  à  l'Histoire  de  France.  ) 
Raoul  mourut  vers  1115. 

RAOUX  (  Jean  ) ,  peintre ,  né  à  Mont- 
pellier en  1G77,  mort  à  Paris  en  1734,- 
fut  reçu  à  l'Académie  en  1717.  Boul- 
longue  lui  donna  les  premières  instruc- 
tions de  son  art ,  et  son  séjour  en  Italie 
le  perfectionna.  Il  trouva,  à  son  retour 
en  France,  un  Mécène  dans  le  grand- 
prieur  de  Vendôme,  qui  le  logea  dans 
son  palais  du  temple ,  où  l'on  voyait 
quelques  ouvrages  de  ce  maître.  Fiaoux 
était  bon  coloriste  ;  il  a  peint  avec  suc- 
cès le  portrait,  l'histoire,  et  souvent  des 
morceaux  de  caprice. 

RAPHAËL ,  de  SANTI  ou  SAJNZIO , 
l'Homère  de  la  peinture,  né  à  Urbia 
l'an  1483,  le  jour  du  Vendredi  saint, 
est,  de  tous  les  peintres,  celui  qui  a 
réuni  le  plus  départies.  Son  père,  pein- 
tre fort  médiocre,  l'occupa  d'abord  à 
peindre  sur  la  faïence ,  et  le  mit  ensuite 
chez  le  Pérugin.  L'élève  devint  bientôt 
égal  au  maître;  il  puisa  la  beauté  et  les 
richesses  de  son  art  dans  les  chefs-d'œu- 
vre des  grands  peintres.  A  Florence ,  il 
étudia  les  fameux  cartons  de  Léonard  de 
Vinci  et  de  Michel-Ange, et  à  Rome  il 
sut  s'introduire  dans  la  chapelle  que 
Michel-Ange  peignait.  Celle  étude  lui  fit 
quitter  la  manière  qu'il  tenait  du  Péru- 
gin, pour  ne  plus  prendre  que  celle  de 
la  belle  nature.  Le  pape  Jules  II  lit  tra- 
vailler Raphaël  dans  le  Vatican  ,  sur  la 
recommandation  de  Bramante ,  célèbre 
architecte ,  et  son  parent-  Son  premier 


RAP  a5i 

ouvrage  pour  le  pape  fut  l'Ecole  d'A- 
thènes. Sa  réputation  s'accrut  par  les  au- 
tres morceaux  qu'il  peignit  au  Vatican  , 
ou  que  ses  disciples  firent  sur  ses  des- 
sins. Enfin  il  se  surpassa  lui-même  dans 
son  tableau  de  la  Transfiguration,  qu'on 
regarde  comme  le  chef-d'œuvre  de  ce 
peintre,  j'ai  presque  dit  de  la  peinture. 
On  le  voyait  à  Rome  dans  l'église  de 
Saint-Pierre  inMontorio.  Ce  grand  ar- 
tiste mourut  en  1 520  ,  à  37  ans  ,  le  même 
jour  qu'il  était  né  ,  épuisé  par  la  passion 
qu'il  avait  pour  les  femmes,  et  mal  gou- 
verné par  les  médecins,  à  qui  il  avait  celé 
la  cause  de  son  mal.  Un  génie  heureux , 
une  imagination  féconde,  une  ■composi- 
tion simple,  un  beau  choix,  beaucoup 
de  correction  dans  le  dessin  ,  de  grâce  et 
de  noblesse  dans  les  figures  ,  de  finesse 
dans  les  pensées,  de  naturel  et  d'expres- 
sion dans  les  attitudes  :  tels  sont  les  traits 
auxquels  on  peut  reconnaître  la  plupart 
de  ses  ouvrages.  Michel-Ange  avait  plus 
d'imagination  et  de  génie  que  Raphaël , 
mais  celui-ci  avait  plus  de  goût  et  d'es- 
prit. Raphaël  surpassait  Michel-Ange  en 
beauté, Michel-Ange  surpassait  Raphaël  en 
énergie.  Les  productions  de  3Iichel-Ange 
ont  un  caractère  fort,  vaste  et  singu- 
lier ;  elles  semblent  comme  jetées  en 
fonte  dans  ce  génie  riche  et  inépuisable, 
qui  n'avait  pas  besoin  ou  avait  honte 
d'emprunter  aucun  secours  étranger. 
Raphaël  au  contraire  tirait  parti  de  tous 
les  matériaux  qu'il  employait  ;  sa  main  y 
mettait  de  l'ordre  et  de  la  convenance. 
Les  dessins  de  ce  grand  maître ,  qu'il 
faisait  la  plupart  au  crayon  rouge  ,  sont 
très  recherchés  pour  la  hardiesse  de  ses 
traits  et  les  contours  coulans  de  ses  figu- 
res. On  a  beaucoup  gravé  d'après  lui.  On 
compte  parmi  ses  disciples  Jules  Romain, 
Jean -François  Penni  ,  qu'il  fit  ses  héré- 
tiers  ;  Pellegrin  de  Modène  ,  Perrin  del 
Vaga,  Polydore  de  Caravage ,  etc.  On 
lui  a  fait  cette  épitaphe,  attribuée  au  car- 
dinal Bembo  : 

Hic  silus  e»t  Raphaël,  mêlait  qun  sotpite  finri 
Magna  paréos  rfcrum ,  quo  nioriente  niori. 

Le  Musée  royal  compte  encore  treize  ta- 
bleaux de  Raphaël.  CeîuiaCittadi  Cas- 
tello  que  Raphaël  peignit  ses  premiers 


25a  RAP 

tableaux ,  dont  ou  cite  celui  de  san  Ni- 
colo  da  Tdlentino  e  gli  Eremitani  -.  il 
l'exécuta  à  l'âge  de  dix-sept  ans.  l.cs  lo- 
ges et  les  salles  du  Vatican ,  entre  autres 
celle  de  la  segnatura ,  offrent  de  nom- 
breux chefs-d'œuvre  de  ce  peintre.  Parmi 
les  nombreuses  Madone  qui  sortirent  de 
son  rare  pinceau ,  on  distingue  la  Ma- 
dona  délia  seggiola  qu'on  voit  à  la  gale- 
rie de  Florence.  Le  tableau  de  la  Trans- 
figuration avait  été  peint  pour  un  cou- 
vent de  Palerme  ;  le  vaisseau  qui  le  por- 
tait enfermé  dans  une  caisse  fit  nau- 
frage :  tout  périt ,  excepté  la  caisse,  que 
les  flots  jetèrent  sur  la  côte  de  Gênes 
sans  que  le  tableau  fût  endommagé.  Il 
fallut  la  médiation  de  Léon  X  pour  que 
les  Génois  rendissent  le  tableau  aux  Pa- 
lermitains  ,  et  cette  restitution  fut  chè- 
rement payée.  Arrivé  à  sa  destination , 
la  vive  sensation  qu'il  produisit  lui  fit 
donner  le  nom  de  lo  spasimo  délia  Si- 
cilia  (La  merveille  delà  Sicile).  Cet  ou- 
vrage unique  passa  en  Espagne ,  d'oix  on 
le  transporta  à  Paris  en  1810.  Il  y  resta 
jusqu'en  1814,  qu'il  fut  restitué  à  l'Es- 
pagne avec  d'autres  tableaux  de  Ra- 
phaël, comme  la  Fierge  dite  délia  Perla. 
Raphaël  a  peint  un  grand  nombre  de  ta- 
bleaux sublimes  dans  l'espace  de  20 ans). 

RAPHAËL  D'AREZZO  ou  deReggio, 
mort  en  1580  ,  était  fils  d'un  paysan  qui 
l'occupait  à  garder  des  oies  ;  sa  forte  in- 
clination pour  la  peinture  l'entraîna  à 
Borne ,  oii  il  se  mit  sous  la  discipline  de 
Frédéric  Zuccharo.  On  fait  cas  de  plu- 
sieurs morceaux  de  lui,  qui  sont  dans  le 
Vatican,  à  Sainte-Marie-Majeure ,  et  dans 
plusieurs  autres  lieux  de  Rome. 

RAPHELENGIDSouRavlenghikn 
(François,)  savantorientaliste,  né  à  Lanoy 
près  de  Lille  en  1539,  vint  de  bonne 
heure  à  Paris ,  oii  il  apprit  le  grec  et 
l'hébreu.  Les'  guerres  civiles  l'obligè- 
rent de  passer  en  Angleterre ,  où  il  en- 
seigna le  grec  à  Cambridge.  De  retour 
dans  les  Pays-Bas, il  épousa,  en  1565, 
la  fille  du  célèbre  imprimeur  Christophe 
Plantin.  Il  le  servit  pour  la  correction  de 
ses  livres ,  qu'il  enrichissait  de  notes  et 
de  préfaces,  et  travailla  surtout  à  la 
fiible  polyglotte  d'Anvers,  imprimée  en 


RAP 

1 569-1 572  ,  par  ordre  de  Philippe  II ,  roi 
d'Espagne.  Raphelengius  alla  s'établir , 
en  1585,  à  Leyde,  où  Plantin  avait  une 
imprimerie.  H  y  travailla  avec  son  assi- 
duité ordinaire ,  et  mérita  par  son  éru- 
dition d'être  élu  professeur  en  hébreu  et 
en  arabe  dans  l'université  de  cette  ville. 
Ce  savant  mourut  d'une  maladie  de  lan- 
gueur,  causée  par  la  perte  de  sa  femme, 
en  1597  ,  à  58  ans.  Ses  principaux  ouvra- 
ges sont  :  1"  des  Observations  et  des 
Corrections  smtVa  Paraphrase  chaldaïque; 
2°  une  Grammaire  hébraïque;  3"  unL-xi- 
con  arabe  ,  1613  ,  in-4  ;  4"  un  Diction- 
naire chaldaïque  ,  qu'on  trouve  dans 
l'Apparat  de  la  Polyglotte  d Anvers ,  et 
d'autres  ouvrages.  —  Un  de  ses  fils ,  de 
même  nom  que  lui ,  a  aussi  publié  des 
Notes  sur  les  tragédies  de  Sénèque  ;  2° 
des  Eloges  eu  vers  de  5o  savans  avec 
leurs  portraits ,  Anvers,  1587,  infol.  Il 
était  digne  de  son  père  par  son  érudition. 
RAPICIUS,  ouRapiccio.  Foyezio\ik.^ 
RAPIN  (Nicolas),  littérateur,  né  vers 
1540  à  Fontenay-le-Comte  en  Poitou, 
fut  vice-sénéchal  de  celte  ville,  et  vint 
ensuite  à  Paris,  où  le  roi  Henri  III  lui 
donna  la  charge  de  grand-prevôt  de  la 
connétablie.  Rapin,  ne  voulant  point  en- 
trer dans  la  ligue  des  catholiques  contre 
celle  des  proteslans ,  fut  chassé  de  Pa- 
ris. Henri  IV  le  rétablit  dans  sa  charge. 
Il  mourut  à  Poitiers  en  1608  à  08  ans. 
Rapin  a  tenté  de  bannir  la  rime  des  vers 
français,  et  de  les  construire  à  la  manière 
des  Grecs  et  des  Latins,  sur  la  seule 
mesure  des  pieds  ;  mais  cette  singularité, 
contraire  au  génie  de  la  langue,  n'a 
point  été  autorisée.  Ses  OEuvres  latines 
furent  imprimées  en  1610,  in-4.  Ce  sont 
des  épigrammes ,  des  odes  ,  des  élégies  , 
etc.  Ses  vers  ont  de  l'élégance,  et  l'on 
en  trouve  une  bonne  partie  dans  le  3* 
tome  des  Délices  des  poètes  latins  de 
France.  On  estime  particulièrement  ses 
épigrammes ,  à  cause  de  leur  sel ,  et  du 
tour  aisé  qu'il  leur  a  donné.  Parmi  ses 
vers  français  ,  il  y  en  a  très  peu  qui  mé- 
ritent d'être  cités.  Rapin  travailla  à  la 
Satire  Ménippée ,  et  quelques  auteurs 
lui  attribuent  tous  les  vers  de  cette  piè- 
ce ;  d'autres  disent    qu'il  fut  aidé  par 


é 


RAP 

Passerai  :  on  ne  comprend  pas  comment 
des  écrivains,  se  disant  catholiques  ,  s'a- 
musèrent à  ridiculiser  et  à  calomnier  la 
ligue  catholique,  sans  montrer  la  moin- 
dre humeur  contre  la  ligue  huguenote  , 
qui  depuis  long-temps  portait  le  feu  et 
le  fer  dans  toute  la  France ,  et  qui  ten- 
dait ouvertement  à  renverser  du  même 
coup  le  trône  et  l'autel.  {  F^oy ezHvcuAT, 
Le  Fèvre  Antoine,  Gillot,  Montgail- 
LARD,  PiTiiou.)ll  ne  faut  donc  pas  être 
surpris  si  Rapin  fut  regardé  par  les  ca- 
tholiques comme  un  huguenot  déguisé. 
RAPIN  (  René  )  ,  jésuite,  né  à  Tours 
en  1G21,  mort  à  Paris  en  1C87,  est  cé- 
lèbre par  son  talent  pour  la  poésie  latine. 
Il  s'y  était  consacré  de  bonne  heure  ,  et 
il  enseigna  pendant  neuf  ans  les  belles- 
lettres  avec  un  succès  distingué.  A  un 
génie  heureux  ,  à  un  goût  siîr,  il  joignait 
une  probité  exacte  ,  un  cœur  droit ,  un 
caractère  aimable  et  des  mœurs  douces. 
Parmi  ses  diflerentes  poésies  latines  ,  on 
distingue  leFoème  des  Jardins.  C'est  son 
chef-d'œuvre.  «  Il  est  digne  du  siècle 
»  d'Auguste,  dit  l'abbé  des  Fontaines, 
w  pour  l'élégance  et  la  pureté  du  langage, 
>»  pour  l'esprit  et  les  grâces  qui  y  rè- 
M  gnent.  L'agrément  des  descriptions  y 
»  fait  disparaître  la  sécheresse  des  pré- 
»  ceples,  et  l'imagination  du  poète  sait 
w  délasser  le  lecteur  par  des  fables,  qui , 
»  quoique  trop  fréquentes ,  sont  presque 
»  toujours  riantes  et  bien  choisies.  »  Plu- 
sieurs critiques  ont  prétendu  que  le  Père 
Rapin  n'était  que  le  père  adoplif  de  cet 
ouvrage  charmant,  et  qu'on  le  trouvait 
dans  un  ancien  manuscrit  lombard,  qu'un 
prince  de  Naples  conservait  dans  sa  bi- 
bliothèque. Mais  quels  garans  donne- ton 
d'une  anecdote  aussi  singulière  ?  des  ouï- 
dire  sans  fondement ,  et  qui  sont  dé- 
mentis par  la  facilité  qu'il  y  aurait  de  vé- 
rifier le  fait  s'il  était  vrai....  Çn  1782, 
AL  Delille  a  donné  un  poème  français  sur 
les  jardins,  à  l'occasion  duquel  il  cri- 
tique fortement  celui  du  Père  Ilapiu. 
Mais  l'année  suivante  l'on  vit  paraître  lin 
Parallèle  raisonne  entre  les  deux  poè- 
mes ,  etc.  On  y  fait  voir  que  «  le  plan  du 
i>  Père  lîapin  est  grand,  quoique  simple  ; 
»  la  marche  en  est  aisée  ,  quoiqu'on  s'a  - 


RAP  253 

»  rêtc  un  peu  trop  souvent  pour  cueillir 
j>  des  fleurs;  heureux  défaut!  Le  stile 
»  est  élégant ,  les  détails  pleins  de  déli- 
»  catesse  et  de  sensibilité  ;  enfin  ,  lesépi- 
»  sodés  très  heureux  ,  quoiqu'un  peu 
»  trop  fréquens.  Le  poème  de  M.  l'abbé 
»  Delille  n'a  aucun  plan  :  tout  y  est  dans 
»  le  désordre  et  la  confusion  ,  on  est 
»  inondé  de  préceptes  froids  et  senten- 
«  cieux  qfre  rien  n'égaie;  le  cœur  y  est 
"d'une  sécheresse  qui  l'attriste  ;  il  n'y 
»  règne  point  d'ensemble  ;  on  n'y  trouve 
y>  que  deux  épisodes  bien  faits  et  qui  appar- 
»  tiennent  au  poète  ;  et  par-dessus  tout 
»  cela  ,  ou  voit ,  en  lisant  le  Père  Rapin 
»  le  premier,  que  M.  Delille  s'est  ap- 
))  proprié  les  tournures  les  plus  heu- 
»  reuses,  les  expressions  les  plus  poéti- 
»  ques  de  son  rival  ;  qu'il  a  imité  les 
«  plus  beaux  morceaux  en  les  amaigris- 
»  sant  par  la  futeur  de  créer  un  jargon 
«  pi'écieux,  un  stile  maniéré  qui  ne  soit 
M  qu'à  lui.  M  Cette  critique  est  terminée 
par  un  dialogue  en  vers,  intitulé  le  Chou 
et  le  Navet ,  dans  lequel  on  trouve  des 
vers  fort  heureux  et  des  détails  d'une 
gaieté  piquante  et  naturelle.  On  ne  fait 
pas  moins  de  cas  des  églogues  sacrées  du 
Père  Rapin  que  de  son  poème.  Si  celui-ci 
est  digne  des  Géorgiques  de  Virgile, 
celles-là  méritent  un  rang  distingué  au- 
près des  Bucoliques.  Quoique  le  Père 
Rapin  fût  bon  poète,  il  n'était  pas  en- 
tête de  la  poésie.  Du  Perrier  et  Santeuil 
parièrent  un  jour  à  qui  ferait  mieux  des 
vers  latins.  3Iénage  n'ayant  pas  voulu 
être  leur  juge ,  ils  convinrent  de  s'en 
rapporter  au  Père  Rapin.  Ils  le  trouvèrent 
qui  sortait  de  l'églisr.  Ce  jésuite,  après 
leur  avoir  reproché  vivement  leur  va- 
nité, leur  dit  que  les  vers  ne  valaient 
rien  ,  rentra  dans  l'église  d'où  il  sortait, 
et  jeta  dans  le  tronc  l'argent  qu'ils  lui 
avaient  consigné.  On  a  encore  du  Père 
Rapin  des  OEuvres  rfiVer.ye.y ,  Amster- 
dam ,  1709,  3  vol.  in-12.  On  y  trouve  : 
1"  des  Re'/lexions  sur  l'éloquence  ,  sur 
la  poé.sie,  sur  l'histoire  et  sur  la  philo- 
sophie; 2"  \cs,  Comparaisons  de  Firgile 
et  d'Homère  ,  de  De'nioslhèncs  cl  de  Ci- 
li'ron  ,  de  Platon  ctd'./ristnte  ,  de  Thu- 
cydide cl  de  Tilc-Livc  .-  celk-ci  et  la 


a54  RAP 

pénullième  sont  moins  estimées  que  les 
premières  ;  3°  plusieurs  ouvrages  de 
piété,  entre  aulves  la  Perfection  duchris- 
tianisme  ,  V Importancu  du  salut  ,  la 
P^ie  des pre'destinés  ,  etc.  On  trouve  dans 
ces  OEuvres  des  réflexions  judicieuses, 
des  jugemens  sains ,  des  idées  et  des  vues  : 
le  slilc  ne  manque  ni  d'élégance ,  ni  de 
précision  ;  maison  y  souhaiterait  plus  de 
variété,  pj  s  de  douceur,  plus  de  grâce. 
Ces  qualités  se  font  surtout  désirer  dans 
les  Parallèles  des  auteurs  anciens.  Le 
Père  Bapin  publiait  alternativement  des 
ouvrages  de  littérature  et  de  piété  ;  cette 
variation  fit  dire  à  l'abbé  de  la  Chambre, 
que  ceje'suite  servait  Dieu  et  le  monde 
par  semestre.  La  meilleure  édition  de 
ses  Poe'sies  latines  est  celle  de  Cramoisy, 
en  3  vol.  in-12  ,  1681.  On  y  trouve  des 
églogues,  les  4  livres  des  Jardins  et  les 
poe'sies  diverses.  Les  Jardins  ont  été  tra- 
duits en  français  par  Gazon  d'Oursigné, 
Paris,  1 7  7  2  :  mais  cette  traduction  prolixe 
et  très  infidèle  est  semée  de  termes  indé- 
cens  qui  ne  se  trouvent  pas  dans  le  poêle 
latin  ;  toujours  fidèle  aux  bienséances  de 
son  état ,  jamais  il  ne  chanta  l'amour  et 
ses  transports  ,  comme  la  traduction 
pourrait  Je  foire  soupçonner.  On  a  donné 
une  meilleure  traduction  avec  le  texte  à 
côté  ,  Paris  ,  1782  ,  in-8  ;  elle  aurait 
cependant  été  plus  exacte  et  plus  com- 
plète si  les  traducteurs  avaient  eu  sous 
les  yeux  la  belle  édition  de  l'original 
donnée  par  le  Père  Brotier  avec  des  ad- 
ditions, des  notes  lumineuses,  et  la  Dis- 
sertation du  Père  Rapin  :  De  disciplina 
hortensis  culiurœ  ,  Paris,  1780. 

RAPIN-TuoYBAs  (  Paul  de  ),  historien, 
né  à  Castres  en  IGGl,  d'une  ancienne  fa- 
mille originaire  de  Savoie ,  se  fit  rece- 
voir avocat.  La  profession  qu'il  faisait 
du  calvinisme  étant  un  obstacle  à  son 
avancement  dans  la  magistrature  ,  il  ré- 
solut de  suivre  le  métier  des  armes;  mais 
sa  famille  n'y  voulut  point  consentir.  La 
révocation  de  l'édit  de  Nantes  en  1685  , 
et  la  mort  de  son  père ,  arrivée  deux 
mois  auparavant ,  le  déterminèrent  à 
passer  en  Angleterre  ,  où  il  arriva  en 
168G.  l^eu  de  temps  après  ,  il  repassa  en 
jllollandc  et  entra  dans  une  compagnie 


RAP 

de  cadets  français,  qui  était  à  Utrecht. 
Il  suivit  le  prince  d'Orange ,  depuis  Guil- 
laume III,  en  Angleterre  en  1688;  et 
l'année  suivante,  milord  Kingston  lui 
donna  l'enseigne  colonelle  de  son  régi- 
ment, avec  lequel  il  alla  en  Irlande.  Il 
fut  ensuite  lieutenant ,  puis  capitaine 
dans  le  môme  régiment,  et  se  trouva  à 
plusieurs  sièges  et  combats  où  il  ne  fut 
pas  spectateur  oisif.  Rapin  céda  sa  com- 
pagnie,  en  1693,  à  l'un  de  ses  frères, 
pour  être  gouverneur  de  mylord  Port- 
land.  Il  suivit  ce  jeune  seigneur  en  Hol- 
lande ,  en  France,  en  Allemagne,  en 
Italie  et  ailleurs.  Lorsqu'il  eut  fini  l'édu- 
cation du  duc  de  Portland,  il  se  relira  à 
La  Haye  ,  où  il  se  livra  tout  entier  à  l'é- 
tude des  fortifications  et  de  l'histoire.  Il 
se  transporta  en  1707,  avec  sa  famille, 
à  Wesel.  Ce  fut  alors  qu'il  travailla  à  son 
Histoire  d'Angleterre.  L'ouvrage  qu'il 
publia  sous  ce  nom  a  eu  un  grand  suc- 
cès, et  il  le  mérite  à  bien  dès  égards; 
mais  il  est  rempli  de  faits  faux  ou  ha- 
sardés. On  voit  d'ailleurs  clairement  que 
c'est  en  partie  le  chagrin,  l'aigreur  et  la 
haine  qui  lui  ont  mis  la  plume  à  la  main. 
Tout  ce  qui  tient,  de  quelque  manière 
que  ce  soit,  à  la  religion  catholique , 
est  barbouillé  de  toutes  les  couleurs  dont 
le  fanatisme  de  secte  a  coutume  de  pein- 
dre l'antique  mère  des  chrétiens.  A  ces 
défauts,  fruit  de  la  prévention  ou  de  la 
passion,  il  en  a  ajouté  d'autres.  Il  a 
avancé  un  grand  nombre  de  faits  sans 
les  vérifier.  Son  stile  est  naturel ,  as-! 
sez  net  ,  quelquefois  brillant.  Sa  nar- 
ration est  vive  :  ses  portraits  ont  du  co- 
loris et  de  la  force,  maisilssont  peu  ré- 
fléchis. Cet  historien  mourut  à  Wesel  en 
1725.  Ses  ouvrages  sont  :  1°  Histoire 
d'Angleterre,  La  Haye,  1 7  24  et  1 726,9  vol. 
in-4  ;  et  réimprimé  à  Trévoux  en  1728  , 
en  10  aussi  in-4  ;  on  ajouta  à  cette  édi- 
tion des  Extraits  de  Rymer.  On  y  joint 
ordinairement  une  continuation  en  3 
vol.  in-4,  par  David  Durand ,  et  les  re- 
marques de  Tindall  en  2.  (L'édition  la 
meilleure  et  la  plus  complète  est  celle  de 
Lefèvre  de  St. -Marc  ,  La  Haye  (  Paris}, 
17  49,  elanu.  suiv.,  16  vol.  iu-4.0n  en  fit 
un  Abrégé  tn   10  vol.  in-12,  La  Haye, 


RAP 

1730;  2°  Une  bonne  Dissertation  sur  les 
Wighs  et  les  Tory  s,  imprimée  à  La 
Haye ,  en  1 7 1 7  ,  in-8 .  Rapin-Thoyras  était 
arrière-pelil-fils  de  Philibert  Rapin,  maî- 
tre-d'hôtel du  prince  de  Condé,  qui, 
ayant  été  envoyé  au  parlement  de  Tou- 
louse pour  y  porter  de  la  part  du  roi  l'édit 
de  pacification  en  1 558  ,  y  fut  arrêté  par 
ordre  de  cette  cour ,  qui  lui  fit  son  procès 
en  3  jours ,  et  le  fit  décapiter ,  le  1 3  avril 
de  celle  année  ,  comme  un  des  princi- 
paux auteurs  de  la  conjuration  de  Tou- 
louse, malgré  l'amnistie  que  le  roi  lui 
avait  accordée.  (  On  trouve  dans  le  Dic- 
tionnaire de  Chaufepié  des  détails  cu- 
rieux sur  Rapin,  l'auleur  de  l'Histoire 
d^  Angleterre). 

RAPIJNE  (  Claude  ) ,  célestin  ,  né  au 
diocèse  d'Auxerre ,  et  conventuel  à  Paris, 
fut  envoyé  en  Italie  pour  réformer  quel- 
ques raonaslères  de  son  ordre.  Le  succès 
avec  lequel  il  s'acquilta  de  cette  commis- 
sion le  fit  choisir  par  le  chapitre  général 
pour  corriger  les  constitutions  de  son" 
ordre ,  suivant  les  ordonnances  des  cha- 
pitres précédens.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  :  1°  De  studiis philosophiœ  ; 
2°  De  studiis  monachorum.  Le  Père  Ma- 
billon  en  a  fait  usage  dans  son  Traite' 
des  études  monastiques.  Ce  pieux  et  sa- 
vant religieux  mourut  en  1493. 
>  *  RAPP  (  Jean  ) ,  général  de  cavalerie 
et  pair  de  France  ,  né  à  Colmar  le  27 
avril  1771  ,  entra  au  service  le  i"  mai 
1788  ,  et  mérita  bientôt  par  sa  valeur 
le  grade  d'aide-de-camp  du  général  De- 
saix ,  avec  lequel  il  fit  les  campagnes 
d'Allemagne  et  d'Egypte.  Après  la  mort 
de  ce  général  à  Marengo,  Buonaparte  l'at- 
tacha à  sa  personne  en  la  même  qualité, 
et  lui  confia  en  1802  la  mission  délicate 
de  signifier  aux  Suisses  l'intervention  de 
laFrance  dans  leurs  troubles  civils.  Rapp 
exécuta  cet  ordre  avec  beaucoup  d'intel- 
ligence ,  et  reçut  même  à  cette  occasion 
des  remercîmens  du  sénat  de  Berne.  Lors 
de  la  reprise  des  hostilités  contre  l'Aulri- 
che  ,  il  accompagna  Buonaparte  en  Alle- 
magne, et  se  signala  à  la  bataille  d'Aus- 
terlitz.  Il  y  fit  prisonnier  de  sa  propre 
tnain  le  prince  Repnin,  et  fut  à  cette  oc- 
casion promu  au  grade  dégénérai  de  di- 


I\AP  255 

vision.  Il  ne  se  distingua  pas  moins  dans 
les  campagnes  de  180G  ,  1807  ,  1809  et 
1812  ,  et  notamment  au  combat  de  Go- 
lymin  ,  oti  il  eut  le  bras  gauche  fracassé, 
à  la  bataille  de  la  Moscova  et  au  combat 
de  Malojaroslawitz  ,  où  il  fut  cité  pour 
avoir  donné  des  preuves  d'une  rare  intré- 
pidité et  d'un  courage  à  toute  épreuve. 
Après  les  désastres  de  celle  campagne  il 
se  jeta  dans  la  place  de  Dantzick  ,  oîi  il 
fut  bientôt  bloqué  par  les  Russes  ,  et  oîi 
il  développa  ,  pendant  l'espace  d'un  an  , 
toutes  les  ressources  du  génie  et  du  cou- 
rage ;  enfin  ,  obligé  de  capituler  faute  de 
vivres  ,  et  après  avoir  perdu  par  la  ma- 
ladie les  deux  tiers  de  la  garnison ,  il  fut 
conduit  prisonnier  à  Riow  en  Russie.  La 
relation  du  siège  de  Dantzick  a  été  pu- 
bliée en  1820  ,  in-8.  Aussitôt  que- le  gé- 
néral Rapp  apprit  la  déchéance  de  Buo- 
naparte ,  il  envoya  son  adhésion  aux  ac- 
tes du  sénat  ;  et,  à  son  retour  en  France  , 
le  roi  l'accueillit  avec  distinction.  Il  lui 
confia  même  en  mars  1815  le  commande- 
ment du  premier  corps  d'armée  destiné 
à  arrêter  les  progrès  du  prisonnier  de 
l'île  d'Elbe,  qui,  appuyé  par  la  trahison, 
était  parvenu  à  s'échapper  ,  et  venait  re- 
prendre possession  d'un  Irône  qu'il  n'a- 
vait pas  su  conserver.  Le  général  Rapp 
adhéra  au  nouveau  gouvernement,  et  fut 
bien  accueilli  de  son  ancien  chef ,  qui 
le  nomma  membre  de  la  chambre  des 
pairs,  et  lui  donna  bientôt  après  le  com- 
mandement en  chef  de  l'armée  du  Rhin. 
Après  avoir  soutenu  quelques  engage- 
mens  contre  un  ennemi  bien  supérieur 
en  force  ,  il  se  replia  sous  le  canon  de 
Strasbourg  ,  et,  après  l'occupation  de  la 
capitale  par  les  troupes  des  puissances 
coalisées  ,  il  envoya  de  nouveau  sa  sou- 
mission au  roi  ,  qui  le  continua  dans 
son  poste  jusqu'au  mois  de  septembre 
suivant  ,  époque  à  laquelle  rarmée  fut 
licenciée.  II  se  retira  alors  dans  l'Argo- 
vie  ,  oii  il  fit  l'acquisition  du  château  de 
W'ildenstein.  Cependant  il  revint  à  Paris 
en  1817  ,  fut  placé  sur  le  cadre  de  dispo- 
nibilité, et  peu  après  obtint  la  pairie.  Il  est 
mort  le  2  novembre  1821  ,  dans  sa  terre 
de  Rheinviller  ,  située  dans  le  grand- 
diirhc   de  Bade.  Il  passait  pour  un  des 


^56  RAS 

plus  riches  officiers  généraux  de  France  , 
et  possédait  une  belle  collection  de  ta- 
bleaux précieux  ,  statues  ,  vases  et  gra- 
vures, qui  ont  été  vendus  après  sa  mort, 
et  dont  le  catalogue  a  été  imprimé  en 
1822.  On  a  publié  sous  son  nom  des  Mé- 
moires ,  auxquels  il  n'a  eu  aucune  part 
directe  :  voyez  le  Dictionnaire  des  ano- 
nymes de3I.  A. -A.  Barbier,  n"  13,647  ;  ils 
paraissent  avoir  été  rédigés  par  M.  Bulos, 
d'après  des  notes  du  général  Belliard  et 
de  quelques  autres  amis  du  général  Rapp. 

RASARIO  (  Jean-Baptiste  ),  médecin , 
natif  de  Valdugia  dans  le  Novarais,  en 
1517,  enseigna  avec  réputation  à  Ve- 
nise la  rhétorique  et  la  langue  grecque 
pendant  22  ans.  Il  fut  de  l'académie 
degli  j4ffidali  de  Padoue  ,  et  mourut 
d'une  Aèvre  maligne  en  1578  ,  à  Tavie  , 
à  61  ans.  Quoiqu'il  eût  passé  toute  sa  vie 
dans  le  célibat ,  il  ne  fut  jamais  soup- 
çonné d'avoir  manqué  aux  bonnes  mœurs. 
Naturellement  généreux  ,  il  traitait  les 
malades  gratuitement  et  nourrissait  les 
nécessiteux ,  comme  s'il  eût  été  leur 
père.  On  a  de  lui  des  Traductions  la- 
tines de  Pachymère ,  d'Ammonius ,  de 
Xénocrate  ;  des  commentaires  de  Galien 
sur  quelques  livres  d'Hippocrate ,  Sara- 
gosse,  1567,  in-4  ;  d'Oribase,  1557,  in-8, 
publiés  de  nouveau  à  Leyde,  1735,  in-4. 

RASCHI.  Voyez  Jarchi. 

RASCHID.  Voyez  Aron-PvAsciud. 

RASIS  ,  Razi,  ou  Rhasès  (  Mohamed- 
Abou-Bekrse  ,  fameux  médecin  arabe  au 
10*  siècle  ,  connu  sous  le  nom  à'Àlman- 
sor  ou  le  Grand.  C'était  le  Galien  des 
Arabes.  Il  opérait  avec  fermeté,  et  ju- 
geait avec  circonspection.  Il  ne  cessa  ja- 
mais de  lire  ou  d'écrire  jusqu'à  un  âge 
avancé,  qu'il  devint  aveugle.  Il  fut  tué 
peu  de  temps  après,  vers  l'an  935.  Ses 
Traités  sur  les  maladies  des  cnfans 
sont  encore  estimés.  Rasis  est  le  premier 
qui  ait  écrit  sur  la  petite  vérole,  qui 
peut-être  n'est  pas  beaucoup  plus  an- 
cienne que  lui.  Il  est  certain  que  les  Ro- 
mains ne  la  connaissaient  pas  ,  et  qu'il 
n'existe  pas. de  nom  latin  pour  la  dési- 
gner. (  Voyez  CoNDAMiisE.  )  Robert  Etien- 
ne donna  ,  en  1548,  en  grec ,  le  traité 
de  ce  médecin  sur  celte  maladie  funeste. 


RAS 

On  en  a  fait  depuis  à  Londres  une  édi- 
tion en  arabe  et  en  latin,  f767  ,  in-8. 
Ses  autres  ouvrages  se  trouvent  avec  le 
Trallien,  1548  ,  in-fol.  Il  tira  son  nom 
de  Rhases  ou  Arasi,  de  la  ville  de  Ray 
en  Perse,  célèbre  par  son  académie  :  il 
y  naquit  vers  l'an  860.  Après  s'être  si- 
gnalé par  plusieurs  guérisons  ,  il  eut  la 
direction  de  divers  hôpitaux  ,  et  la  place 
de  médecin  du  calife  Moktader  Billah. 

*  RASK  (  N.  )  ,  savant  philologue  , 
mort  à  Copenhague  dans  le  mois  de  no- 
vembre 1832  ,  n'avait  que  45  ans,  lors- 
qu'il a  été  enlevé  à  la  science  qu'il  culti- 
vait avec  tant  de  succès.  Quoique  jeune, 
il  était  compté  depuis  long-temps  parmi 
les  hommes  les  plus  érudits  de  l'Europe. 
L'étude  des  langues ,  et  surtout  de  celles 
de  l'Asie  ,  avait  particulièrement  fixé  son 
attention.  Il  était  professeur  depuis  plu- 
sieurs années  à  Copenhague,  et  .ses  cours 
étaient  très  fréquentés.  C'est  dans  l'inté- 
rêt de  la  science  philologique  qu'il  entre- 
prit en  1820  un  voyage  au  Tibet  et  dans 
les  Indes.  A  son  retour  d'Orient  ,  cet  ha- 
bile et  savant  philologue  publia  des  Trai- 
tés sur  les  langues  qu'on  y  parle.  En 
1819,  il  avait  fait  paraître  à  St.-Péters- 
bourg  une  Grammaire  de  la  langue  sans- 
crite ;  ouvrage  dans  lequel  il  prétend  , 
contre  l'avis  de  beaucoup  d'autres  savans, 
que  ,  si  cette  langue  a  du  rapport  avec 
les  langues  de  l'Europe  ,  ce  rapport  est 
très  faible.  Le  professeur  Rask  a  donné 
en  outre  un  Traité  sur  la  langue  islan- 
daise ,  ainsi  qu'une  Edition  de  l'Edda 
ou  Recueil  littéraire  de  l'Islandais  Sno- 
gro,  et  une  autre  de  VEdda  de  Soemon  , 
ou  Recueil  de  poésies  Scandinaves. 

'  RASORI  (  Jean  )  ,  médecin  italien, 
né  à  Parme  ,  en  1767  ,  d'un  pharmacien 
qui  lui  donna  une  éducation  distinguée. 
Après  avoir  étudié  la  médecine,  aux  frais 
du  duc  de  Parme,  qui  avait  entendu  par- 
ler de  ses  talens  précoces  ,  d'abord  en 
Toscane,  puis  en  Ecosse,  et  enfin  à  Paris, 
il  revint  dans  sa  patrie  tout  imbu  des 
nouveaux  principes  démagogiques  qu'il 
avait  puisés  en  France.  Il  avait  aussi  em- 
brassé en  Aïigleterre  la  doctrine  médical«> 
de  Brown  ,  et  il  chercha  à  la  propage 
avec  autant  d'ardeur  qu'il  mettait  à  rér| 


RAS 

pandre  ses  opinions  révolutionnaires.  Il 
publia  donc  une  traduction  itaVienne  des 
ouvrages  du  médecin  anglais  avec  des 
notes  et  une  préface  explicative.  Rasori 
avait  été  aussi  nommé  professeur  de  pa- 
thologie à  Pavie  :  il  y  enseigna  sa  doc- 
trine. Sa  traduction  et  ses  leçons  firent 
du  bruit  en  Italie;  le  professeur \'acca- 
Berlinghieri  delMse  publia  de  judicieuses 
observations,  par  lesquelles  il  réfutait  la 
doctrine  BroM-nienne.  Rasori  ,  qui  avait 
promis  d'y  répoudre  ,   se  vit  obligé  de 
quitter  sa  place.  Lorsque  les  Français  en- 
trèrent en  Italie  ,    en  179G  ,  il  se  rendit 
à  Milan  ,    où  il  publia  un  journal  politi- 
que qui  avait  pour  litre  :  \'Ami  de  la  li- 
berté'. Nommé  ensuite  secrétaire  général 
du  ministère  de  l'intérieur  ,  il  eut  pen- 
dant  quelque  temps    le    portefeuille  ; 
mais  il  n'aspirait  qu'à  rentrer  dans  l'uni- 
versité de  Pavie  :  il  y  retourna  en  1797  ; 
mais  les  attaques  violentes  qu'il  dirigea 
contre  les  médecins  anciens  et  modernes, 
excilèrciit  des  réclamations  qui  ,  réunies 
à  quelques  intrigues  ,  lui  enlevèrent  en- 
core sa  chaire  de  clinique,  Rasori  revint 
à   Milan  ,   et  proclama  un  nouveau  sys- 
tème de  médecine  qui  eut  des  partisans, 
même  parmi  les  professeurs  les  plus  dis- 
tingués.  Quand  l'armée  austro-russe  re- 
conquit le  iMilanais  ,   Rasori  se  retira  à 
Gênes  oîi  command.iit  Hasséna.  Cette  ville 
ayant  été  atteinte  du  typhus,   il  donna 
ses  soins  aus  soldats  français  et  aux  ha- 
hitans  avec  un  zèle  et  une  activité  qui 
méritèrent  des  éloges  universels  ;    plus 
lard  il  publia  l'histoire  de  cette  maladie. 
Api'ès  la  bataille  de  Marengo  ,  il  revint  à 
Milan  ,  obtint  la  place  de  prolo-mcdico, 
premier  médecin  ou  archiàtre  du  gouver- 
nement ,   celle  de  médecin  en  chef  de 
l'hôpital  militaire  et   de  professeur  de 
clinique  au  grand  hospice  de  Snnta-Co- 
rona  ;    mais  plus  tard  il  fut  destitué  de 
tous  ces  emplois.  Vers  la  fin  de  1814  ,  il 
fut  arrêté  comme  un  des  membres  de  la 
conspiration  des  Carbonari  ,   et  renfer- 
mé dans  la  citadelle  de  Mantoue.  Il  ne 
recouvra  sa  liberté  qu'au  bout  de  deux 
ans.  Il  reprit  ensuite  l'exercice  de  sa  pro- 
fession ,  et  mourut  en  1824.  La  doctrjne 
de  Rasori  a  été  exposée  dansun  journal  in- 


RAS  257 

titulé  Annales  de  médecine  :  elle  reçut  en 
Italie  le  nom  de  doctrine  du  Contro-Sti- 
/noZo.  Suivant  Rasori,  le  plus  grand  nom- 
bre des  maladies  qui  affligent  l'espèce  hu- 
maine dépendent  d'une  cause  stimulante, 
et  un  bien  petit  nombre  se  rapportent  à 
une  cause  débilitante.  Ces  causes  qui 
produisent  un  état  qu'on  nomme  dia- 
ihèse  sthénique  ou  asthénique,  peuvent 
avoir  plusieurs  degrés  d'intensité.  Pour 
les  combattre  ,  il  faut  employer  des 
moyens  contre-stimulans  dans  le  pre- 
mier cas  ,  et  stimulons  dans  le  second. 
Ainsi  la  matière  médicale  est  divisée  en 
deux  classes,  d'après  ce  système.  La  doc- 
trine du  docteur  Broussais  a  beaucoup 
d'analogie  avec  celle  de  Rasori.  Nous 
connaissons  de  lui  les  ouvrages  suivans  : 
Lettera  al  dottore  Rubini ,  etc. ,  Pavie , 
17  93,  in-8  ;  Proluzione  letta  assumendo 
la  scuola  di  patologia  ,  Milan  ,  in-8  ; 
Rapporto  sullo  stato  delV  universita  di 
Pavia ,  in-4  ;  Compendio  délia  nuova 
dottrina  medica  di  Rrown  ,  trad.  dalï 
inglese  ,  17  95-1805,  2  vol.  in-8  ;  Ana- 
lisi  del  preteso  genio  d'ippocrate  ,  Mi- 
lan ,  1709,  in-8  ;  Zoonomia  .,  ovvero 
legyi  délia  vita  organica  dalprof.  Dar- 
^ving  ,  trad.  de  l'anglais ,  avec  des  N'o- 
ies ,  ibid.  ,  1803,  C  vol.  in-8  ^  Storia 
délia  febre  petccchiale  di  Genova,  ibid., 
1 803  ,  in-8  ,  souvent  réimprimée  ,  et 
traduite  eu  français  par  le  docteur  Fonta- 
nelles ,  Paris,  1822,  in-8,  avec  des 
Notes.  Rasori  a  traduit  de  l'allemand  en 
italien  le  romande  M™*  Pikier  ,  intitulé  : 
Agalocte  ,  les  Lettres  sur  la  mimique 
d'Engcl,  et  quelques  PoeVie.y  de  Schiller 
et  de  Wieland. 

* R ASPE  (  Radolphe-Eric  ) ,  savant  an- 
tiquaire allemand  ,  naquit  à  Hanovre  en 
17  37,  fit  ses  études  à  Goettingue  et  à 
Leipsick,  et  obtint  la  chaire  d'archéolo- 
gie à  Cassel.  Devenu  ensuite  inspecteur 
du  cabinet  des  antiques  et  médailles ,  puis 
conseiller  et  2*  bibliothécaire,  il  fut 
chargé  par  le  Landgrave  de  Hesse-Cassel 
d'aller  en  Italie  faire  aux  frais  du  gou- 
vernement des  recherches  relatives  à 
l'histoire  et  aux  antiquités.  Un  goût  ex- 
cessif pour  la  dépense  lui  fit  dissiper  les 
fonds  qu'on  avait  mis  à  sa  disposition  et 
33. 


a58  RAS 

aliéner  une  partie  des  richesses  du  cabi- 
net confié  à  sa  garde;  il  fut  obligé  de 
fuir  en  Angleterre  où  il  donna  des  leçons 
de  théologie  et  d'histoire,  et  traduisit  en 
anglais  plusieurs  ouvrages  allemands.  Sa 
conduite  privée  le  fit  mépriser  :  son 
nom  même  fut  rayé  de  la  liste  des  mem- 
bres de  la  société  royale  de  Londres. 
Raspe  se  retira  en  Irlande  oii  il  mourut 
en  1794.  On  a  de  lui  :  OEuvres philoso- 
phiques latines  et  françaises  de  feu  M.  de 
Leibnitz  ,  tirées  de  ses  manuscrits ,  qui 
se  conservent  dans  la  bibliothèque 
royale  à  Hanovre ,  Amsterdam  et  Leip- 
sick,  1765,  in-4;  Me'moire  pour  servir 
à  la  plus  ancienne  histoire  de  liesse- 
Cassel,  1774,  in-8;  Foyage  en  Angle- 
terre sous  le  rapport  des  manufactures , 
des  arts,  de  l'industrie,  etc.  Berlin,  1785; 
An  account  of  some  german  volcanos 
and  their  productions ,  Londres ,  1 77G  ; 
Essai  critique  sur  les  peintures  à  l huile 
(en  anglais),  Londres,  in-4,  1781  ;  A 
descriptive  catalogue  of  a  gênerai  col- 
lection ofancient  and  modem  engraved 
gems  cameos  aswell  as  intaglios ,  etc. , 
Londres,  1791 ,  2  vol.  in-4, avec  57  plan- 
ches. Cette  explication  des  empreintes 
faites  par  Tassie ,  a  aussi  été  publiée  en 
français  sous  le  titre  de  :  Catalogue  rai- 
sonné d'une  collection  générale  de  pier- 
res gravées,  antiques  et  modernes,  tirées 
des  plus  beaux  cabinets  de  V Europe. 
Cet  ouvrage  est  rare  et  recherché. 

RASPONI  (  Dona  Felicie  ) ,  dame  ita- 
lienne ,  célèbre  par  son  savoir ,  d'une  il- 
lustre famille,  naquit  à  Ravenne  en  1523. 
Elle  apprit  la  langue  latine,  étudia  la 
philosophie  de  Platon  et  celle  d'Aristote, 
l'Ecriture,  les  saints  Pères,  et  soutint 
des  thèses  latines  avec  les  hommes  les 
plus  savans  de  son  époque.  Douée  d'une 
beauté  rare  et  comblée  des  biens  de  la 
fortune,  elle  ne  voulut  cependant  ja- 
mais se  marier,  et  refusa  les  partis  les 
plus  avantageux.  Félicie  était  extrême- 
ment pieuse ,  et ,  voulant  fuir  tous  les 
appâts  des  grandeurs,  elle  se  retira  dans 
un  couvent  de  bénédictines ,  dans  le  mo- 
nastère de  Saint-André.  Elle  y  fit  sa  pro- 
fession ,  y  mena  une  vie  exemplaire,  et 
mourut  en  1579  ,  à  l'âge  de  50  ans.  Elle 


RAS 

a  laissé  :  1"  Délia  cognizione  ,  etc. ,  ou 
De  la  connaissance  de  Dieu ,  discours , 
etc.,  Bologne ,  1670  ,-  2°  Dialogodeli  ec- 
cellenza ,  etc. ,  ou  Dialogue  sur  F  excel- 
lence de  l'étal  monacal  et  de  plusieurs 
de  ses  exercices ,  Bologne,  1672. 

*  RAST  DE  MALPAS  (  Jean-Louis  ) , 
manufacturier  et  agronome  ,  né  en  1731  à  . 
La  Voulte ,  petite  ville  du  Vivarais ,  d'une 
famille  ancienne  et  honorable ,  qui  a 
produit  plusieurs  hommes  distingués. 
Son  père,  habile  médecin,  vint  se  fixer 
à  Lyon  ;  Jean-Baptiste  Antoine  Rast  , 
l'un  de  ses  frères ,  suivit  la  même  car-  i 
rière,  et  se  rendit  célèbre  dans  l'enseigne-  ' 
ment  et  la  pratique  médicale.  Jean-Louis 
Rast  ,  qui  est  l'objet  de  cet  article ,  em- 
brassa la  carrière  du  commerce,  et  voya- 
gea beaucoup  dans  sa  jeunesse ,  surtout 
en  Italie.  Nalurellement  porté  aux  scien- 
ces, il  employait  ses  loisirs  à  étudier 
l'histoire  naturelle  et  l'agriculture.  De 
retour  à  Lyon ,  il  partagea  son  temps 
entre  le  commerce  et  l'agronomie.  Pen- 
dant le  siège  de  cette  ville  en  1793,  il 
eut  le  noble  courage,  quoiqu'il  eût  déjà 
perdu  une  partie  da  sa  fortune  par  l'effet 
de  la  révolution  ,  de  compromettre  ce 
qui  lui  restait ,  en  garantissant  par  sa  si- 
gnature les  bons  de  subsistances  mili 
taires  des  Lyonnais  armés  contre  l'anar-  ■ 
chie.  Proscrit  après  la  reddition  de  la 
ville,  il  erra  d'asile  en  asile  jusqu'au  9 
thermidor,  qu'il  lui  fut  permis  de  ren- 
trer dans  sa  patrie.  Le  suffrage  de  ses 
concitoyens  le  porta  bientôt  au  conseil- 
général  de  son  département ,  ainsi  qu'au 
conseil  de  commerce  et  manufactures  de 
Lvon ,  réorganisé  sous  le  nom  de  cham- 
bre de  commerce.  Il  s'occupait  en  même 
temps  des  progrès  de  l'agricullure.  Il  a 
déposé  dans  les  archives  de  la  société 
de  Lyon  dont  il  était  un  des  membres  les 
plus  distingués,  plusieurs 7?2e/noj/'e,y  pré- 
cieux sur  les  végétaux  qu'il  cultivait  dans 
ses  jardins  et  dans  ses  pépinières ,  que 
les  savans  voyageurs  étrangers  n'ou- 
bliaient jamais  de  visiter.  En  1820  il 
reçut  une  des  médailles  d'honneur  que 
le  gouvernement  décerna  aux  plus  ha- 
biles agriculteurs  français.  Rast  de  Mau- 
pas  est  mort  à  Lyon  le  27  mars  1821 ,  M. 


I 


RAS 

Grognier ,  secrétaire  de  la  société  d'agri- 
culture de  celte  ville ,  a  publié  une  no- 
tice sur  sa  vie  et  ses  travaux,  qui  a  été 
insérée  dans  le  Compte  rendu  de  cette 
société,  1821,  in-8.  Lyon  doit  au  zèle 
de  Rast  l'établissement  connu  sous  le 
nom  de  condition  des  soies,  où  par  des 
procédés  ingénieux  on  parvient  à  don- 
ner aux  soies  le  degré  convenable  de  des- 
siccation. Le  commerce  ,  avant  cette  in- 
vention, était  sans  garantie  contre  la  cu- 
pidité des  marchands  de  soie  et  l'infidé- 
lité d'une  foule  d'agens  subalternes.  Rast 
a  publié  en  1800,  à  ce  sujet,  une  bro- 
chure intitulée  Observation  de  Rast- 
Maupas ,  inventeur  et  auteur  de  la  Con- 
dition publique  des  soies  à  Lyon  ,  in-4. 
On  lui  doit  encore  un  procédé  propre  à 
peindre  et  adorer  l'étofte,  à  la  manière 
des  Chinois  ;  l'invention  d'une  espèce  de 
petit  bateau  qui  ne  peut  ni  chavirer, 
ni  être  chaviré  ;  un  moulin  propre  à 
écraser  le  raisin  qu'on  veut  jeter  dans  la 
cuve  ,  dont  on  trouve  la  description  dans 
le  Compte  rendu  de  la  société  d'agri- 
culture de  1819;  et  enfin  l'invention 
d'une  nouvelle  greffe  qui  porte  son  nom, 
qu'on  nomme  par  scion,  c'est-à-dire 
qu'elle  s'effectue  avec  de  jeunes  pousses 
boiseuses,  telles  que  bourgeons  .rameaux, 
racines,  etc. ,  qu'on  sépare  de  leurs  troncs 
pour  les  placer  sur  un  autre,  afin  d'y  vivre 
etd'y  croître  à  ses  dépens.  M.  Thouin,  pro- 
fesseur de  culture  au  muséum  d'histoire 
naturelle  de  Paris ,  a  décrit  cette  greffe 
dans  un  ouvrage  relatif  à  la  multiplica- 
tion des  végétaux. 

RASTIGiVAC.  (FoyesCiiATOuCHAPT 
DERA.sTiGNAC.)Ce  Hom  illustre  s'est  trouvé 
avec  mille  autres  dans  le  catalogue  des 
victimes  de  la  révolution  de  France. 
L'abbé  Armand- Anne-Charles-Auguste- 
Antoine-Sicaire  de  Chapt  de  Rastignac , 
aussi  respecté  pour  ses  vertus  que  pour 
son  profond  savoir,  constamment  em- 
ployé à  la  défense  de  la  vérité  et  de  la 
religion  ,  fut  massacré  avec  IGO  tant 
évêques  que  prêtres,  dans  l'église  des 
Carmes  à  Paris,  le  2  septembre  1792.  On 
trouve  quelques  détails  sur  celte  exécu- 
tion horrible  dans  le  Journ.  hist.  et  lit  t., 
premier  octobre  1792, pag.  217.  Il  était 


RAT  2^9 

âgé  de  76  ans.  Il  était  né  dans  le  Péri- 
gord  en  1727  ;  il  fut  docteur  en  Sor- 
bonne ,  abbé  de  St.-Mesmin  d'Orléans, 
prévôt  de  St. -Martin  de  Tours  ,  grand  ar- 
chidiacre et  grand-vicaire  d'Arles.  Député 
aux  états-généraux  en  1 789,  il  siégea  con- 
stamment au  côté  droitdecetteassemblée, 
et  composa  sur  les  matières  qui  s'y  agi- 
taient plusieurs  écrits  qui  font  autant 
d'honneur  à  son  érudition  qu'à  la  sa- 
gesse de  ses  principes.  Peu  avant  sa  mort 
il  avait  publié  la  Lettre  synodale  de  Ni- 
colas ,  patriarche  de  Constantinople , 
traduite  du  grec  ,  avec  de  savantes  notes, 
ibid,  1"  avril  1792,  pag.  492.  On  a  en- 
core de  lui  :  V Accord  de  la  révélation 
et  de  la  raison  contre  le  divorce  ,  et  un 
autre  ouvrage  sur  le  divorce  en  Po- 
logne. 

RAT  ALLER  (  George  ) ,  né  d'une  fa- 
mille noble  à  Leuwarden  ,  en  1528  ,  fut 
fait  conseiller  au  grand  conseil  de  Ma- 
lines,  en  1575,  et  président  du  conseil 
d'Utrecht,  en  1569.  Il  y  mourut  le  6  oc- 
tobre 1581  ,  avec  la  réputation  d'un  ma- 
gistrat laborieux  et  intègre,  et  d'un  sa- 
vant littérateur.  Nous  avons  de  lui  :  i" 
Sophoclis  tragœdiœ  latino  carminé  red- 
ditce ,  Anvers,  1570,  in-12,  1°  Euri- 
pidis  tragœdiœ,  1581,  in-12,  envers 
latins  ;  3°  Hesiodi  opéra,  Francfort  , 
1546  ,  en  vers  latins,  etc. 
RATBERT.  f^oy.  Paschase  Ratbert. 
*  RATER  (  Antoine  ) ,  architecte,  né 
à  Lyon  le  26  avril  1729,  s'était  déjà  fait 
connaître  par  ses  talens  pour  la  con- 
struction ,  lorsque  Soufflot ,  passant  par 
cette  ville ,  y  dressa  le  plan  d'un  nouveau 
quai  et  de  deux  rues  parallèles,  depuis 
la  place  de  la  Comédie  jusqu'au  bastion 
de  St.-Clair.  Rater  l'exécuta  et  fit  bâtir 
plusieurs  maisons  remarquables  par  l'élé- 
gance de  leur  distribution.  Ce  quartier 
devint  un  des  plus  beaux  de  Lyon  ;  mais 
il  aurait  été  désert  et  sans  débouché ,  si 
on  n'y  avait  établi  une  grande  roule  de 
communication  avec  la  Bresse;  Rater  l'ou- 
vrit, nivela  le  terrain  en  coupant  des 
montagnes,  et  procura  à  sa  ville  natale  une 
avenue  très  fréquentée.  Il  mourut  le  4 
août  1 794  à  Mirebel  ,  près  de  Lyon,  oii  il 
s'était  retiré  avant  le  siège. 


zQo  RAT 

RATHÈRE  ou  Rathiee,  moine  de 
l'abbaye  de  Lobbes,  suivit  en  Italie  Hii- 
duin  ,  qui  avait  été  dépouillé  de  l'évêchc 
de  Liège  ;  Rathère  y  obtint  l'évêché  de 
Vérone  ,  dont  il  fut  dépossédé  quelque 
temps  après.  Il  remonta  sur  son  siège 
cpiscopal  ;  mais  il  en  fut  encore  chassé 
par  Manassès  ,  arcbevêque  de  Milan  ,  qui , 
contre  toutes  les  lois ,  avait  été  ordonné 
évêque  de  Vérone.  Saint  Brunon  ,  arche- 
vêque de  Cologne  ,  dont  Rathère  avait  été 
précepteur,  le  fit  nommer  à  l'évêché  de 
Liège  après  la  mort  de  Hilduiu  ;  mais  il 
essuya  le  même  sort  qu'en  Italie.  S'élant 
élevé ,  peut-être  avec  trop  de  véhémence , 
contre  les  vices  dominans,  un  parti 
puissant  parvint  à  le  faire  déposer.  Il 
repassa  en  Italie ,  et  fut  de  nouveau  rétabli 
par  le  crédit  de  l'empereur  Othon  sur 
le  siège  de  Vérone  :  mais  s'élant  livré , 
comme  à  Liège,  à  toute  l'ardeur  de  son 
zèle  contre  les  désordres  qui  y  régnaient, 
il  en  fut  chassé  une  troisième  fois  ;  ce  qui 
donna  lieu  à  ce  vers  : 

Veronœ  prBsul  ,sed  l«r  Ratberius  exul. 

Il  vintalors  en  France ,  y  acheta  des  terres, 
et  obtint  les  abbayes  de  Saint-Âmand, 
d'Aumont  et  d'Aine.  Selon  plusieurs 
auteurs ,  il  mourut  à  Aine ,  dans  l'Entre- 
Sambre-  et-Meuse,  l'an  974  ;  et  son  corps 
fut  transporté  à  Lobbes.  On  a  de  lui  :  1° 
des  Apologies ,  des  Ordonnances  syno- 
dales ^  des  Lettres  et  des  Sermons,  qui 
se  trouvent  dans  le  tome  2*  du  Spicilége 
de  dom  Luc  d'Achery  ;  2°  six  livres  de 
Discours  {Prœloquiorum},  dans  le  tome  9 
de  VAmplissirna  collectio  des  PP.  Mar- 
tcnne  et  Durand.  Pierre  et  Jérôme  Balle- 
rini,  frères,  ont  donné  une  édition  des 
OEuvres  de  Rathère  à  Vérone,  en  1765, 
in-fol. 

RATHSAMHAUSEN  (Casimir-Fré- 
déric de  ),  né  à  Strasbourg  le  17  janvier 
1698,  dans  le  sein  d'une  famille  noble, 
qui  venaitde  rentrer  au  giron  de  l'Eglise, 
fit  profession  de  l'ordre  monastique  de 
Saint-Benoît,  le  24  avril  1718,  dans  la 
célèbre  abbaye  princicre  de  Muibach. 
D'abord  grand-prieur  de  Lure,  puis  élu 
coadjuleur  de  Murbacb  le  26  août  1737  , 
il  succéda  le  26  juin  1756,  dans  la  dignité 
abbatiale  ,  au  cardinal  François-Armand 


RAT 

de  Rohan-Soubise.  Son  abbaye ,  trans- 
férée,enl759,àGcbwiller,  futsécularisée 
et  changée  en  chapitre  équeslral  le  1 1 
août  1764  ,  par  le  pape  Clément  XIII. 
C'est  particulièrement  aux  soins  de  ce 
vertueux  prélat  que  l'église  de  Geb willer , 
un  des  plus  beaux  édifices  de  l'Alsace, 
doit  son  existence  ;  elle  justifie  aux  yeux 
de  tous  les  connaisseurs  l'inscription  pla- 
cée au  haut  du  frontispice  :  Opus  nainque 
grande  est  :  neque  cnim  liomini prœpa- 
ratur  habitatio,  sed  Deo  (  1  Par.  29  J. 

RAÏKAI  (  George  ) ,  historien,  né  en 
1613  en  Hongrie  d'une  famille  noble, 
embrassa  l'état  ecclésiastique,  et  fut  fait 
chanoine  de  l'église  de  2^grab.  Il  y  mérita 
la  confiance  du  vice-roi  de  la  Croatie , 
Jean  Draskovits  ,  qui  l'engagea  à  écrire 
l'histoire  de  cette  province,  et  lui  en  faci-  -  . 
lita  le  moyen  par  le  libre  accès  qu'il  lui 
donna  aux  archives.  Les  fruits  de  ses  re- 
cherches sont  consignés  dans  Memoria 
regum  et  regnorum  Dalmatiœ,  Croatiee , 
Slavoniœ ,  inchoata  ab  origine  sua  ns- 
qucadannum  1652, Vienne,  1652,  in-fol. 
ouvrage  qui  a  fixé  les  suffrages  de  ses  com- 
patriotes et  des  savans. 

RATRAMWE,  moine  de  l'abbaye  de 
Corbie  en  Picardie ,  florissait  dans  le  9*' 
siècle.  Il  était  contemporain  d'Hincmar, 
contre  lequel  il  publia  deux  Livres  sur 
la  prédestination  y  dans  lesquels  il  mon- 
tre que  la  doctrine  de  saint  Augustin  sur 
la  grâce  est  la  seule  doctrine  catholique. 
Ce  qui  doit  s'entendre  des  assertions  op- 
posées aux  erreurs  des  pélagiens,  et  point 
de  diverses  questions  incidentes  que  VE- 
glise,  comme  Célesliu  1*'  et  Innocent  XII 
l'ont  déclaré,n'a  pas  prétendu  décider.  On 
les  trouve  dans  les  f^indiciœ prœdestina- 
tionis  de  Gilbert  Mauguin,  1G50,  2  vol. 
in-4.  On  a  encore  de  lui  plusieurs  autres 
Traités:  \°  De  l'enfantement  de  ~J  C., 
dans  le  Spicilége  de  D.  d'Achéry  ;  2°  de 
VAme  ;  3°  un  Traité  contre  les  Grecs,  en 
4  livres ,  dans  lequel  il  justifie  les  Latins  : 
il  se  trouve  dans  leSpicilége  ;  4°  un  Trai- 
té du  corps  et  du  sang  de  J.C.  ,  contre 
Paschase  Ratbert.  Le  docteur  Boileau  le 
publia  en  1686,  in-12,  avec  une  traduc- 
tion française  et  des  notes.  Le  traducteur 
l'orna  en  même  temps  d'une  préface  dans 


RAT 

laquelle  îl  démontre,  contre  les  calvi- 
nistes ,  que  le  traité  de  Ratranine  n'est 
nullement  favorable  à  leurs  opinions, 
comme  ils  le  prétendent  ordinairement. 
L'auteur  de  la  Perpétuité  de  la  foi  a  dé- 
montré également  (|ue  cet  ouvrage  obscur 
est  bien  plus  favorable  aux  catholiques 
qu'aux  sacramentaires  ;  mais  Mubillon  a 
porté  cette  preuve  jusqu'à  l'évidence  dans 
la  préface  au  14"  Siècle  des  Bénédictins. 
Ratranine  entreprend  d'y  prouver  deux 
choses  :  la  première,  que  le  corps  et  le 
sang  de  Jésus-Christ,  qui  sont  reçus  dans 
l'Eglise  par  la  bouche  des  fidèles,  sont 
des  figures ,  si  on  les  considère  par  l'appa- 
rence visible  et  extérieure  du  pain  et  du 
vin,  quoiqu'ils  soient  véritablement  le 
corps  et  le  sang  de  J.C. ,  par  la  puissance 
du  Verbe  divin;  la  deuxième,  que  le  corps 
de  J.C.  dans  l'Eucharistie  est  différent, 
non  en  soi  et  quant  à  la  substance ,  mais 
quant  à  ia  manière  d'être  du  corps  de  J.C. 
tel  qu'il  était  sur  la  terre,  et  tel  qu'il  est 
dans  le  ciel ,  sans  voile  et  sans  figure.  Le 
Traité  du  corps  et  du  sang  de  J.  C.  fut  im- 
primé en  latin  avec  une  Défense^  en  1 7 1 2 , 
in-1 2.  On  trouve  dans  les  Ecrivains  ecclé- 
siastiques d'Oudin,  article  Ratbamne, 
une  lettre  curieuse  de  celui-ci  sur  les  hom- 
mes qui  ont  une  tête  de  chien.  Il  y  a  toute 
apparence  que  ces  prétendus  hommes 
étaient  des  singes  ;  quoiqu'il  soit  possible 
que  la  partie  inférieure  du  visage,  deve- 
nue trop  saillante,  ait  donné  à  quelques  fa- 
milles uneespècedephysionomie  canine, 
sans  altérer  essentiellement  la  figure  de 
l'homme,  inefifaçable  dans  ses  grand  traits, 
comme  le  remarque  Buffon  ,  la  même  sous 
tous  les  climats  et  l'influence  de  toutes  les 
causes  locales.  Les  monstruosités  qu'elle 
essuie  quelquefois  ne  sont  qu'individuel- 
les, et  tiennent  aux  règles  mêmes  qui 
maintiennent  l'uniformité   générale. 

*  RATTE  (  Etienne  Hyacinthe  de  ) , 
mathématicien  et  astronome,  né  le  l*"^ 
septembre  17  22,  à  Montpellier,  se  livra 
de  bonne  beure  à  l'étude  des  sciences 
dans  lesquelles  il  fit  de  si  grands  progrès, 
que  l'académie  de  cette  ville  le  nomma 
encore  jeune ,  son  secrétaire ,  et  il  en 
remplit  les  fonctions  pendant  plusieurs 
années.  A.  l'âge  de  37  ans ,  il  se  livra  plus 


RAU  26r 

particulièrement  à  l'astronomie  ;  la  co- 
mète de  175D,  prédite  depuis  long- 
temps ,  le  décida  pour  cette  science.  Il 
observa  différentes  autres  comètes ,  ainsi 
que  le  passage  de  Vénus  ,  en  17fil  ,  et 
d'autres  phénomènes  célestes.  Après  la 
mort  de  son  père,  il  se  fit  recevoir  à  la 
cour  des  aides  dans  la  charge  de  con- 
seiller. La  révolution  interrompit  ses 
travaux  jusqu'après  le  9  thermidor  1794, 
Réuni  ensuite  avec  d'autres  savans, 
membres  de  l'ancienne  société  de  sa  ville 
natale,  qui  avaient  pu  échappera  la 
proscription,  ils  la  rétablirent  sous  le 
nom  de  Société  des  sciences  et  belles- 
lettres  de  Montpellier ,  et  Ralte  en  fut 
élu  président.  On  doit  à  cette  académie 
plusieurs  volumes  intéressansdeses  Mé- 
moires ,  publiés  sous  le  tite  de  Bulletins. 
Lors  du  rétablissement  des  études  en 
France,  Ratte  fut  reçu  dans  plusieurs 
société  savantes,  ainsi  qu'à  l'Institut.  Il 
obtint,  en  1804,  la  décoration  de  la  lé- 
gion-d'honneur, et  mourut  le  16  août 
1805  ,  âgé  de  83  ans.  Il  fournit  au  Dic- 
tionnaire encyclopédique  les  articles 
Froid ,  Glace ,  Gelée  ;  il  publia  en  outre 
deux  volumes  de  V Histoire  el  des  Mé- 
moires  de  l'académie  de  Montpellier.  M. 
Flaugergues,  son  neveu,  céièbre  astro- 
nome de  Viers,  a  recueilli  les  Observa- 
tions astronomiques  de  Ratte. 

*  RADCOURT  (  Françoise-Marie- An- 
toinette Saucerotte,  plus  connue  sous  le 
nom  de  mademoiselle),  actrice  célèbre 
duThéâtre  Français,naquit  en  1 756  à  Nan- 
cy d'un  assez  mauvais  comédien ,  qui 
l'exerça  dans  l'art  dramatique.  Après  avoir 
été  applaudie  en  Espagne  dès  l'âge  de  12 
ans  dans  plusieurs  rôles  tragiques,  elle 
alla  en  1770  jouer  sur  le  théâtre  de 
Rouen  oîi  elle  remplit  le  personnage 
à'Euphémie ,  dans  Gaston  et  Bayard 
de  Du  Belloy;  elle  vint  ensuite  à  Paris  où 
elle  prit  des  leçons  de  Brizard,  et  débuta  à 
l'âge  de  1 6  ans,le  23  septembre  1 772,  dans 
l'emploi  des  reines  par  le  rôle  de' ZJ/rfo/i. 
Son  éclatante  beauté  ,  sa  taille  noble  et 
gracieuse,  ses  heureuses  dispositions  lui 
obtinrent  un  succès  d'enthousiasme.  Elle 
s'est  fait  remarquer  dans  les  rôles  du 
haut  tragique,  comme  dans  celui  deJio- 


262  RAU 

dogune ,  de  la  pièce  de  ce  nom  ,  de  Cor- 
neille; d&ns  celui  à' j4 thnlie  ,  de  Racine; 
de  Se'miramis  ,  de  Voltaire  ,  etc.  Son  jeu 
était  noble,  et  elle  avait  beaucoup  d'en- 
semble, d'énergie  et  d'expression.  Ces 
qualités  étaient  parfois  ternies  par  une 
voix  rauque,  sombre  et  d'une  inodula- 
tiou  difficile.  Mademoiselle  Raucourt 
éprouva  quelques  désagréniens  que  lui 
suscita  la  jalousie  :  sifflée  par  le  public 
qui  l'avait  encensée  d'abord,  et  qui  lui 
reprocha  ensuite  sans  fondement  la  li- 
cence desesmœurset  des  travers  odieux, 
elle  quitta  la  scène  en  177G,  et  parcourut 
plusieurs  cours  du  Nord.  La  protection 
de  la  reine  la  fit  rentrer  en  1779  au  Théâ- 
tre-Français oii  eWerecouvra  son  ancienne 
faveur.  M*"""  Raucourt ,  attachée  à  la  fa- 
mille royale  dont  elle  avait  reçu  plusieurs 
bienfaits,  se  prononça  contre  la  révolu- 
tion :  elle  fut  arrêtée  comme  suspecte  en 
1794;  elle  recouvra  sa  liberté  au  bout 
de  quelques  mois,  après  la  journée  du  9 
thermidor.  Elle  forma  alors  une  troupe 
des  débris  de  l'ancien  Théâtre  Français , 
qui  joua  jusqu'en  septembre  1797.  Son 
théâtre  fut  considéré  comme  le  rendez- 
vous  des  royalistes ,  et  le  directoire  le  fit 
fermer.  Mademoiselle  Raucourt  rentra 
au  Théâtre-Français  l'année  suivante 
(1798),  et  y  demeura  jusqu'en  1809, 
époque  à  laquelle  elle  passa  à  Naples,  à 
la  tète  d'une  troupe  qui  donna  des  re- 
présentations à  Rome ,  Milan  ,  Florence, 
Turin  et  autres  villes  de  l'Italie.  Elle  re- 
vint à  Paris,  joua  encore  au  Théâtre-Fran- 
çais, et  mourut  en  1815,  âgée  à  peu 
près  de  50  ans.  Le  curé  de  Saint-Roch 
ayant  refusé  à  sa  dépouille  mortelle  l'en- 
trée de  l'église ,  ce  juste  refus  donna 
lieu  à  des  scènes  scandaleuses,  [f^oyez 
l'article  Marduel.)  En  1782,  elle  avait 
donné  un  drame  intitulé  Henriette,  qui 
eut  quelques  représentations.  —  Son 
père ,  réduit  à  la  plus  extrême  indigence, 
se  jeta  en  1790  par  une  fenêtre  d'un 
septième  étage.  On  ne  saurait  concilier 
cet  acte  de  désespoir,  auquel  l'entraîna 
la  misère,  avec  une  lettre  tendre  et  res- 
pectueuse de  sa  fille,  qu'on  trouva  sur 
lui.  Il  y  avait  aussi  dans  sa  poche  un  billet 
écrit  de  sa  main ,  et  conçu  en  ces  termes  : 


RAU 

»  Je  prie  qu'on  n'inquiète  personne  ;  ma 
>'  moM  est  volontaire  ;  je  ne  puis  sup- 
)'  porter  mon  horrible  vie.  Priez  le  Dieu 
•»  de  miséricorde  de  me  pardonner  ;  » 
et  il  n'y  avait  pas  un  mot  pour  sa  fille. 
*  RAUCOURT  (  Louis-Marie  ],  dernier 
abbé  de  Clairvaux ,  né  à  Reims  le  1 0  juin 
1743  d'un  père  qui  avait  été  d'abord 
manufacturier,  puis  contrôleur  des  guer- 
res ,  commença  ses  éludes  dans  l'univer- 
sité de  sa  ville  natale.  Un  voyage  qu'il 
fit  à  Clairvaux  auprès  d'un  de  ses  oncles 
qui  y  était  prieur,  fixa  sa  vocation  pour 
la  vie  religieuse.  Pendant  la  durée  de 
son  noviciat,  il  fut  envoyé  à  l'abbaye  des 
Trois-Fontaines  ,  puis  à  Paris,  au  collège 
des  bernardins  où  il  acheva  ses  éludes.  De 
retour  à  Clairvaux  ,  il  y  enseigna  la  théo- 
logie, devint  procureur  de  l'abbaye  en 
1768,  prieur  eu  1773,  et  coadjuteur  de 
l'abbé  en  1 7  80.  Raucourt  était  retourné  à 
Paris  pour  y  prendre  ses  grades  en  théo- 
logie, et  il  avait  été  reçu  docteur  en  1775. 
Après  la  mort  de  l'abbé  Leblois,  il  fut  dé- 
signé pour  lui  succéder.  Son  administra- 
tion répondit  aux  espérances  qu'on  avait 
conçues  desestalens.  Pour  ne  citer  qu'un 
exemple  de  l'emploi  qu'il  faisait  du  super- 
flu des  revenus  de  l'abbaye ,  nous  dirons 
qu'il  acheta  pour  500,000  fr.  la  belle  bi- 
bliothèque du  président  Bouhier  de  Di- 
jon, que  la  révolution  ne  permit  pas  de 
mettre  en  place,  et  qui. forme  maintenant 
la  bibliothèque  publique  de  Troyes.  L'ab- 
bé Raucourt  avait  aussi  conçu  le  pro- 
jet d'élever  un  monument  à  St.  Bernard  ; 
la  statue  de  la  charité  était  déjà  arrivée 
à  Clairvaux ,  les  marbres  de  Carare  étaient 
en  route  ;  mais  nos  troubles  politiques 
empêchèrent  l'érection  de  ce  monument. 
On  dit  que  l'abbé  Raucourt  se  laissa  pen- 
dant quelque  temps  séduire  par  des  idées 
d'innovation,  et  qu'il  introduisit  dans 
son  abbaye  des  changemens ,  tant  pour 
le  costume  des  religieux  que  pour  la  disci- 
pline de  la  maison.  A  l'époque  de  la  ré- 
volution, l'abbaye  de  Clairvaux  fut  enva- 
hie ;  son  mobilier,  son  trésor ,  tout  fut  en- 
levé ,  excepté  quelques  reliques  trouvées 
par  l'abbé  Raucourt.  Obligé  de  quitter 
cettedemeure,il  se  retira  à  une  lieuede  là, 
au  petit  village  de  Juvancourt  où  il  resta 


RAU 

jusqu'en  1804  ,  oublié  du  monde,  mais 
respecté  des  habitans  qui  lui  en  donnè- 
rent des  preuves  non  équivoques  pendant 
la  terreur.  Il  se  fixa  ensuite  à  Bar-sur- 
Aube  où  il  est  mort  le  6  avril  1824,  VA- 
mi  de.  la  religion  lui  a  consacré  u n •in- 
téressa nt  a/7tc/e ,  tome  61,  pag.  *8. 

RAUFFIJNG  (Elisabeth  de),  veuve 
d'un  gouverneur  d'Arches  ,  nommé  du 
Bois,  s'étant  retirée  avec  ses  trois  filles 
en  Lorraine  où  elle  était  née ,  y  fut  l'ob- 
jet de  l'édification  publique  ,  et  devint 
l'institutrice  des  religieuses  de  Notre- 
Dame  du  Refuge.  Dans  l'immense  va- 
riété des  ordres  et  des  congrégations 
établis  pour  assortir  les  moyens  du  sa- 
lut à  tous  les  caractères  et  à  toutes  les 
dispositions,  on  avait  oublié  jusque-là , 
comme  perdues  sans  ressources,  les 
femmes  qui  avaient  trahi  l'honneur  le 
plus  irréparable  de  leur  sexe.  La  pieuse 
dame  s'occupa  de  cet  objet ,  établit  un 
institut  que  le  pape  Urbain  VIII  approuva 
le  20  mars  1C54.  Jean  de  Porcelet,  évè- 
que  de  Toul  ;  Erric  de  Lorraine,  évêque 
de  Verdun  ;  le  cardinal  de  Bérulle  ,  et  à 
leur  exemple  quantité  d'ecclésiastiques 
et  de  laïques  distingués,  s'employèrent 
vivement  pour  consommer  et  cimenter 
cet  établissement.  Dès  l'année  1C27,  le 
duc  de  Lorraine,  Charles  IV,  donna  ses 
lettres-patentes  pour  le  refuge  de  Aancy. 
Deux  ans  après ,  le  cardinal  Nicolas- 
François,  de  Lorraine,  évêque  de  Toul, 
dont  iSaucy  dépendait ,  établit  cette  mai- 
son en  forme  de  monastère  ,  lui  donna 
la  règle  de  saint  Augustin ,  et  fil  dresser 
les  constitutions,  qui,  approuvées  d'a- 
bord par  Urbain  VIII  ,  furent  confirmées 
•lans  la  suite  par  Alexandre  VU.  La  fon- 
datrice fut  appelée  en  différentes  villes 
de  France  pour  y  établir  des  maisons  de 
son  institut.  De  retour  à  sa  maison  de 
Nancy ,  et  épuisée  d'austérités  ,  plus  en- 
core que  de  travaux,  elle  y  mourut  en 
odeur  de  sainteté. 

Rx\ULENGmEN.   Frjyez  Raphflen. 

RAI  LIN  (Jean),  prédicateur,  naquit 
à  Toulouse  en  1443.  Après  avoir  pris  ses 
degrés  dans  l'université  de  Paris,  il  prê- 
cha dans  cette  capitale  avec  beaucoup 
de  succès.  Il  était  entré  dans  l'ordre  de 


RAU 


a63 


Cluny  en  1497,  et  il  mourut  à  Paris  en 
1614  ,  à  "1  ans.  En  1.S41  ,  on  recueillit 
ses  Sermons,  in-8.  Il  se  rendit  autant 
recommandable  par  sa  régularité  que  par 
les  ouvrap;es  ascétiques  qu'il  donna  au 
public.  On  a  encore  de  lui  des  Lettres , 
Paris,  l.'jSl  ,  in-4,  peu  communes.  Ses 
ouvrages  furent  recueillis  à  Anvers,  1612, 
en  6  vol.  in-4.  (La  Fontaine  a  emprunté  à 
Raulin  le  sujet  de  la  fable  des  Animaux 
malades  de  la  peste.  Rabelais  l'a  mis 
aussi  à  contribution  (  Voyez  les  chap. 
y  et  27  de  .son  Pantagruel.  ) 

RAULIN  (  Jean-Facond  ) ,  Espagnol 
de  nation,  a  donné,  dans  le  cours  du 
1 8*  siècle ,  Histoire  ecclésiastique  du 
Malabar,  impriméeà  Rome,  in-4.  Elle 
est  pleine  de  particularités  qui  semblent 
n'avoir  d'exislenceque  dans  l'imagination 
de  l'auteur. 

*  RAULIN  (  Joseph  ) ,  médecin  ordi- 
naire du  roi ,  censeur  royal ,  etc. ,  na- 
quit à  Aiguotinte  ,  près  d'Auch  ,  en  1 708. 
Il  exerça  d'abord  son  art  à  N'érac.  Son  mé- 
rite y  fut  méconnu,  et  il  eut  peu  de  suc- 
cès. Le  président  de  Monlesquiou ,  qui 
le  connaissait,  l'enga-gea  à  venir  se  fixer 
à  Paris.  Raulin  y  arriva  en  17  5S,  et  y  fut 
bientôt  autant  recherché  qu'il  avait  été 
négligé  en  Gascogne.  Cependant  il  était 
plus  habile  pour  la  théorie  que  pour  la 
pratique;  il  se  consacra  à  la  première  .  Il 
fut  appelé  il  presque  toutes  les  consulta- 
lions  ,  et  se  vit  entouré  de  la  considéra- 
tion publique  et  des  biens  de  la  fortune. 
Le  roi  le  nomma  son  médecin  ordinaire, 
et  peu  de  temps  après  il  obtint  l'em- 
ploi de  censeur  royal.  Le  gouverne- 
ment le  chargea  de  composer  ptusieure 
Traites  sur  la  manière  d'élever  les  en- 
fans  ,  sur  les  nccouchemçns ,  sur  les 
maladies  des  femmes  en  couche,  elc. 
Raulin  fut  membre  des  académies  de 
Bordeaux ,  de  Rotien  ,  des  ,\rcades  de 
Rome,  etc.  Il  mourut  à  Paris  le  12 
avril  1784,  âgé  de  76  ans.  Ses  princi- 
paux ouvrages  sont  :  1°  Traité  des  ma- 
ladies occasionées  par  les  promptes 
variations  de  V  air,  1752,  in-12;2''  Traité 
des  maladies  occasionées  par  les  excès 
de  chaleur,  de  froid ,  d'humidité  et  autres 
intempéries  de  Vair  ,  Paris,  1 766  ,  in-12j 


264  RAU 

3°  Traité  des  affections  vaporeuses  du 
sexe  ,  ibid. ,  17  59  ,  in- 1 2  ;  4°  De  la  con- 
servation des  enfans ,  ou  des  Moyens 
de  les  fortifier ,  de  les pre'server  et  guérir 
des  maladies,  ibid.  ,  1768  ,  2  vol.  in-12  ; 
5°  Traité  des  maladies  des  femmes  en 
couche  ,  ibid.  ,  1771  ,  in-12  ;  6"  Instruc- 
tions succinctes  sur  les  accouchement  , 
1769  ,  in-12  ;  7°  Parallèle  des  eaux  mi- 
nérales de  France  avec  celles  d'Alle- 
magne, ibid.  1777,  in-12;  8°  Analyse 
des  eaux  minérales  de  Provins;  9" 
Examen  de  thuile  regardée  comme  en- 
grais, ib.  ,  1776  ,  in-12  ;  10«  Traité  de 
la  phlhisie  pulmonaire  ,  1784  ,  in-8.  Cet 
ouvrage  ,  le  dernier  que  l'auteur  écrivit, 
est  un  des  plus  importans  qu'il  ait  faits. 
'  RAUTENSTRAUCH  (  Etienne  de}, 
bénédictin  allemand,  et  abbé  de  Braunau, 
vivait  vers  le  milieu  du  siècle  dernier.  11 
était  savant  en  théologie,  et  avait  pro- 
fessé cette  science  pendant  plusieurs  an- 
nées dans  son  monastère.  On  sait  que 
vers  ce  temps  une  nouvelle  doctrine, 
qui  rabaissait  l'autorité  spirituelle  pour 
relever  celle  des  princes ,  s'introduisait 
en  Allemagne.  Dom  Rautenstrauch  en 
avaitadoplé  les  principes  et  les  enseignait 
dans  ses  Icrons.  Le  consistoire  archiépi- 
scopal de  Prague  en  ayant  été  instruit, 
Rautenstrauch  fut  mandé  pour  y  rendre 
compte  de  ses  opinions,  filles  parurent  au 
moins  su.spectes,  et  il  fut  privé  de  sa 
chaire;  mais  ses  senlimcns  .s'accordaient 
avec  ceux  des  théologiens  qui  avaient  du 
crédit  à  la  cour.  Dom  Rautenstrauch 
envoya  a  Ricger ,  l'un  d'eux  ,  son  Traité 
du  pouvoir  du  pape ,  les  Thèses  qu'on 
avait  improuvées  à  Prague ,  et  ses  Dé- 
fenses. Rieger  les  communiqua  à  Stock, 
président  de  la  faculté  de  théologie  de 
Vienne,  et  membre  du  conseil  des  élu- 
des {voyez  Stock),  qui  le  fit  nommer 
président  des  études  à  Prague  même  où 
il  avait  été  condamné.  Le  triomphe  de 
Rautenstrauch  ne  fc  borna  point  à  ce 
premier  .succès.  En  17  74  ,  l'impératrice, 
abusée  sur  son  compte,  le  rappela  à 
Vienne  et  lui  donna  la  place  de  Stock, 
qui  était  mort.  Il  se  trouva  ainsi  prési- 
dent de  la  faculté  de  théologie  de  Vienne, 
et  investi  de  tous  les  pouvoirs  nécessaires 


RAU 
pour  faire  prévaloir  les  noavelles  idées. 
Il  dressa  un  Plan  de  théologie  dans  ce 
sens.  En  vain  le  cardinal  Migazzi,  arche- 
vêque de  Vienne,  d'autres  prélats,  le 
pape  lui-même  ,  auquel  ce  plan  avait  été 
dfféré,  firent  des  représentiitions  au  gou- 
vernement impérial.  Non  seulement  le 
plan,  mais  encore  une  Introduction  à  la 
théologie ,  dressée  d'après  les  mêmes 
principes  par  Ferdinand  Sloger,  profes- 
seur d'histoire  ecclésiastique,  furent  ap- 
prouvés par  le  tribunal  des  éludes.  Ou 
n'employa  plus  que  des  professeurs  im- 
bus des  opinions  nouvelles  ;  chaquejour 
la  manie  d'innover  devenait  plus  hardie. 
Pehem ,  l'un  de  ces  professeurs ,  osa  pro- 
poser de  se  servir  de  la  langue  vulgaire 
dans  la  célébration  des  offices  et  dans 
l'administration  des  sacremens.  Rautens- 
trauch fit  soutenir  à  Vienne  une  Thèse 
où  l'on  prenait  contre  le  pape  le  parli 
de  l'Eglise  d'Utrecht,  et  où  l'on  permet- 
tait une  usure  modérée.  En  17  S.*) ,  il  en- 
treprit un  voyage  en  Hongrie  pour  y 
propager  ces  réformes  ;  mais  il  mourut  à 
Erlau  le  30  septembre  de  la  même  année. 
Il  avait  publié  en  1 77 1  des  Prolégomènes 
sur  le  droit  ecclésiastique  universel ,  et 
sur  le  droit  ecclésiastique  d'Allemagne. 
RAUWOLF  (Léonard),  surnommé 
Dasylicus,  médecin  ,  natif  d'Aug.sbourg, 
avait  pour  la  botanique  une  forte  pas- 
sion ,  qui  fit  qu'il  se  rendit  en  Syrie  en 
1.S73.  Il  parcourut  la  Judée,  l'Arabie, 
la  Babylonie,  l'Assyrie,  l'.Arménie  ,  etc.; 
amassa  un  grand  nombre  de  plantes  et 
de  curiosités  naturelles ,  et  fit  de.";  ob- 
servations sur  les  mœurs  des  peuples  de 
ces  contrées.  Il  revint  dans  sa  patrie  en 
1&76;  mais  les  troubles  qui  l'agitaient 
l'obligèrent  de  se  retirer  en  1  JjRS  à  Lintz , 
où  il  mourut  en  1606  avec  le  litre  de 
médecin  des  archiducs  d'Autriche.  Il  pu- 
blia la  Relation  de  son  voyage  en  alle^^ 
mand,  Francfort,  1682,  in-4.  NicoIfli^H 
Slaphrost  l'atraduit  en  anglais,  Londres;"^ 
1693.  Le  Catalogue  des  plantes  que 
RauAvolf  a  observées  au  Levant ,  a 
été  donné  en  latin  par  Jean-Frédéric 
tJronovius ,  sous  le  titre  de  Flora  oricn- 
talis ,  Leyde ,  17  66,  in-8.  On  voit  en- 
core dans  la  bibliothèque  de  Leyde  les 


RAV 

plantes  sèches  que  Rauwolf  a  rapportées 
en  Europe. 

KAVAILLAG  (François) ,  le  meurtrier 
d'Henri  IV  ,  fils  d'un  praticien  d'Angou- 
lême,  né  en  157  8  ou  J57  9,  conçut  l'eié- 
crabie  dessein  d'assassiner  Henri  IV  ,  et 
il  l'exécuta  le  14  mai  IGIO.  Ce  monstre 
avait  été  d'abord  valet  de  chambre  d'un 
conseiller ,  puis  praticien  ,  ensuite  maître 
d'école.  Il  fut  mis  en  prison  pour  dettes, 
à  Angouiême;  et  lorsqu'il  recouvra  la  li- 
berté ,  il  protesta  qu'il  avait  eu  d'étranges 
visions  dans  sa  prison.  Dans  un  de  ses 
nombreux  voyages  à  Paris  ,  il  prit  l'ha- 
bit de  frère  convers  chez  les  feuillans; 
mais  il  en  fut  chassé  comme  visionnaire. 
De  retour    à  Angouiême .  il    entendit 
dire,  chez  un  certain  Belliard ,  que  le 
pape  avait   menacé    d'excommunier  le 
roi ,  et  que  Henri   IV  avait  répondu  que 
si  le  pape  l'excommuniait  il  le  dépose- 
rait. Dès  lors  Uavaillac  conçut  le  projet 
d'assassiner  le  roi.  Cependant ,  étant  re- 
venu à  Paris  ,  il  se  rendit  au  Louvre  chez 
la  duchesse  d'Angoulème,  pour  qu'on  le 
présentât   au  roi,  ahn ,  disait-il,  de  le 
prier  de  forcer  les  proteslans  d'embrasser 
la  religion  catholique  ;  '<  car  sans  cela  il 
»  avait  l'intention  de  le  tuer.  »  Celte  as- 
sertion est  consignée  dans  son  procès  , 
et  l'on  s'étonne   lU'on  n'ait  point  arrêté 
un  fanatique  qui  témoignait  de  telles  in- 
tentions. Il   retourna  encore   dans   son 
pays,  y  resta  quelques  mois,    et  avant 
de  se  rendre  à  Paris  pour  la  dernière 
fois ,  il  communia  ,  fit  dire  une  messe  ; 
quinze  jours  après  être  arrivé  à  Paris,  il 
■vola  un  couteau  dans  une  hôlellerie  ,en 
aiguisa  la  pointe  avec  une  pierre,  et  le 
jour  suivant,  se  trouvant  rue  de  la  Fer- 
ronnerie, au  moment  où  un  embarras  de 
charrettes  avait  arrêté  le  carrosse  du  roi 
dans  celte  rue ,  Ravaillac  monte  sur  une 
des  roues  de  derrière,    et   avançant  le 
corps  dans  le  carrosse  au  moment  que  ce 
prince  était  tourné  vers  le  duc  d'Epernon 
assis  à  son  côté  ,   pour  lui  parler  à  l'o- 
reille, il  lui  donne  dans  la  poitrine  deux 
coups  de  poignard.  Le  monstre  eût  pu  se 
sauver  sans  être  reconnu  ;  mais  étant 
demeuré  à  la  même  place ,  tenant  à  la 
maio  le  couteau  encore  dégouttant  de 
XI. 


RAV  265 

sang  ,  le  duc  d'Epernon  le  fit  arrêter.  Son 
procès  ayant  été   dressé,  il  fut  tiré  à 
quatre  chevaux  et  écartelé  à  la  place  de 
Grève,  le  27  mai  16 lO,  âgé  d'environ 
32  ans,  après  avoir  constamment  per- 
sisté à  dire  dans  tous  ses  interrogatoires, 
qu'il  n'avait  point  de  complices.    I^es 
deux  docteurs  de  Sorbonne  qui  l'assis- 
tèrent à  la  mort,  Filesac  et  Gamache, 
ne  purent  rien  arracher  de  lui ,  peut-être 
parce  qu'il  n'avait  rien  à  dire.  On  n'en- 
trera point  dans  des  détails  et  dans  un 
amas  de  circonstances  que  personne  n'i- 
gnore,  sur  le  caraclère  des  personnes 
auxquelles  on  a  attribué   ce  déteslaV>!e 
parricide  ;  on  dira  seulement  qu'il  est 
très  difficile  de  décider  si  ,  parmi  ces 
personnes  ,  il  y  en  eut  quelqu'une  qui 
trempa  dans  cet  horrible  forfait.  Le  duc 
de  Sully  assure  que  le  cri  public  désigne 
assez   ceux   qui    ont  armé  le    bras   du 
monstre.  3iais  les  Mémoires  de  ce  mi- 
nistre furent  composés  par  ses  secrétaires 
dans  le  temps  qu'il   était  disgracié  par 
Marie  de  Médicis.  Il  n'est   pas  étrange 
qu'on  y  laisse  échapper  quelques  soup- 
çons sur  cette  princesse  que  la  mort  de 
Henri  IV  rendait  maîtresse  du  royaume, 
et  sur  le  duc  d'Epernon  (  1  )  ,  qui  avait 
servi  à  la  faire  déclarer  régente.  Les  con- 
jectures odieuses  que  les  autres  historiens 
ont  recueillies  ne  sont  pas  plus  fondées. 
RAVA  >EL  ,  chef  des  camisards  ,  sa- 
chant que  sa  têle  était  mise  à  prix,  eut  la 
hardiesse  de  venir  trouver  le  maréchal  de 
Villars,  et  de  lui  demander  les  mille  écus 
de   récompense,  en   se  découvrant.  Le 
maréchal    lui  pardonna  et  lui  fit  comp- 
ter la  somme.    Mais    l'année  suivante, 
ayant  été  reconnu  pour  le  chef  d'une  con- 
spiration tramée  en  Languedoc,  et  con- 
vaincu d'excès  atroces,  il  fut  brûlé  vif  , 
en  juin   170ô.  «  Ravanel  et  Catiuat  (  dit 

(i)Il  put  «nniitant  que  le  dur  d'Epernon  «'oppnM  «fee 
une  «orle  de  tioli-nri-  à  er  que  le  régiride  fût  nias-arré  «r- 
!e-rhamp  par  Ir»  (•«•ii»  du  roi:  et  pour  peu  qu'il  rOt  été 
complii'e  ,  il  n'aïaît  qu'à  laisser  faire.  On  a»ait  monté  !• 
tête  p<-u  nolidt-  de  Ravaillac.  roiiinn'  on  a  monlé  de  noi 
jours  e^l|pfc  plus  mautaiie»  enrore  d'uiip  partie  des  assa»- 
sinïde  Louis  XVI  .  à  force  de  ealomiiie» .  et  des  plusdé- 
goaiant>-9.  r.e  malh' urriii  «nvant  |p  peuple  foudre  «n 
larmes  ï  la  Irelure  de  l'eudi  oil  de  sa  seiileiice  ,  où  l'on  re. 
traçait  son  liorrilde  ariion  ronlre  le  bon  roi ,  a'écri*  :  Abl 
ùjVaiKU  qu'il  fût  uut  aiiuél 


a66  RAV 

»  M.  deUerwick  dans  ses  excellenset  Të- 
■»  rldiques  Mémoires  )  ,  qui  avaient  ëlé 
»  grenadiers  dans  les  troupes ,  furent 
»  brûles  vifs,  à  cause  des  sacrilèges  bor- 
»  ribles  qu'ils  avaient  commis.  Billar  et 
i>  Jonquet  furent  roués  :  le  premier  s'é- 
»  tait  chargé  d'exécuter  le  projet  formé 
»  contre  M.  Basviile  et  moi;  ill'avoua,  et 
»  semblait  s'en  faire  gloire.  Le  même  jour 
»  que  j'entrai  dans  la  province,  l'on  prit 
»  un  nommé  Castanet,  prédicant,  lequel 
»  fut  roué  à  Montpellier ,  convaincu  de 
»  toutes  sortes  de  crimes  énormes,  et  non 
»  pour  fait  de  religion,  comme  on  a  af- 
»  feclé  de  le  publier. ..  Je  sais  qu'en  beau- 
»  coup  de  pays  on  a  voulu  noircir  ce  que 
»  nous  avons  fait  contre  ces  gens-là  ; 
»  mais  je  puis  protester  en  homme  d'hon- 
jj  neur  qu'il  n'y  a  sorte  de  crimes  dont 
])  les  camisards  ne  fussent  coupables.  Ils 
»  joignaient  à  la  révolte,  aux  sacrilèges, 
»  aux  meurtres,  aux  vols  et  aux  débo  rde- 
a  mens,descruaulésinouïes,  jusqu'à  faire 
»  griller  des  prêtres,  éventrer  des  femmes 
»  grosses  et  rôtir  les  enfans.»  Voilà  les  ob- 
jets des  apologies  philosophiques  et  des 
déetamalions  les  plus  forcenées  contre 
]^s  catholiques  ! 

RAVAUO.  royez  Rémi. 

*  RA\E!NET  (  Simon-François  ) ,  gra- 
veur, naquit  à  Paris,  en  1721  ,  et  il  y 
étudia  son  art ,  passa  à  Londres  ,  où  l'on 
croit  qu'il  se  perfectiona  sousBartolozzi. 
Il  se  Âxa  dans  cette  ville  et  grava  plu- 
sieurs estampes ,  parmi  lesquelles  on  re- 
marque V Emblème  de  la  vie  humaine , 
d'après  le  Titien  ;  lesBergers  d'^rcadie, 
d'après  les  dessins  du  Poussin  ;  Lucrèce 
déplorant  son  sort,  sur  ceux  de  Casali , 
et  un  grand  nombre  de  portraits.  —  Son 
fils,  Ravenet,  se  Axa  à  Parme,  y  exerça 
l'art  de  son  père,  exécuta  plusieurs  mor- 
ceaux sur  les  dessins  du  Corrége,  fit 
j^atailte  Jupiter  et  A ntiope,  d'après  Ru- 
bens. 

'  RAYENKE  (  Marc  de),  célèbre  gra- 
veur  du  16'  siècle,  surnommé  le  Raveh- 
oate  ou  Ravegnano,  naquit  en  1500, 
fut  élève  de  Marc-Antoine ,  et  travailla 
pour  le  compte  de  cet  artiste.  On  a  de 
lui  plusieurs  ouvrages  estimés,  d'après 
les  plus  grands  peintres,  comme  Ra- 


RAV 
phaêl ,  Jules  Romain  ,  Michel-Ange.  Ses 
estampes  les  plus  renommées  sont  la  Sta- 
tue de  Laocoon  et  le  Massacre  des  In- 
nocens.  Il  mourut  vers  1570. 

RAYESTEIN  (  Josse}ou/urfom»  Ti- 
letanus,  né  à  Tielten  Flandre  vers  1506, 
professeur  en  théologie  et  chanoine  de 
Saint-Pierre  à  Louvain  ,  assista  au  con- 
cile de  Trente ,  député  de  Charles-Quint,  i 
et  au  colloque  de  W'osr  en  1 557 .  Il  mou-  I 
rut  à  Louvain  le  7  février  1571.  Ce  doc-  1 
teur  était  habile  controversiste ,  grand  ' 
adversaire  des  erreurs  de  Baïus ,  qu'il  dé-  i 
nonçaà  plusieurs  évêques  et  universités,  1 
etc.  Nous  avons  de  lui  :  1°  une  Réfuta-  ■ 
tion  de  la  Confession  d^ Anvers,  en  latin, 
Louvain,  1507  ;  2°  Apologie  de  cette  Ré-  ^^^ 
futation ,  1 568  ;  3°  Apologiedes décrets  jiH 
du  concile  de  Trente  touchant  les  sacre- 
mens ,  Cologne,  1607  ,  in- 12. 

*  RAYESTEIN  (  Jean  Van  ) ,  un  des 
meilleurs  peintres  de  la  Belgique  ,  né  à 
La  Haie  en  1580.  On  remarque  dans  ses 
compositions  du  jeu,  de  la  variété,  de 
l'énergie  et  un  excellent  coloris.  On  con- 
serve trois  superbes  tableaux  de  cet  ar- 
tiste, à  La  Haye,  dans  les  salons  du  jar- 
din de  l'Arquebuse. 

*  RAVESTEYN  (  Hubert }  ,  peintre 
en  paysages,  né  à  Dordrecht  en  1647.  Il 
acquit  de  la  réputation  en  peignant  des 
Vues ,  des  Foires  ,  des  Rassemblemens 
dépeuples  ,  etc.  —  Ravesteyn  (  Nicolas } 
fut  aussi  peintre  renommé  dans  l'histoire 
et  dans  le  portrait.  Il  était  né  à  Bommel 
en  1G61.  Il  travaillait  avec  une  grande 
facilité. 

*  RAVI  (Jean  ) ,  architecte  et  sculp- 
teur français  ,  né  vers  l'an  1280,  fut 
employé  ,  pendant  plusieurs  années,  aux 
travaux  de  l'église  Notre-Dame  de  Paris. 
On  n'a  pas  d'autres  renseignemcnssursa 
vie  que  ceux  qu'indiquait  l'inscription 
suivante,  placée  dans  cette  même  église, 
et  qui  était  à  côté  d'une  petite  Agure 
qui  représentait  cet  artiste  :  «  C'est 
»  maître  Jean  Ravi ,  qui  fut  maçon  de 
»  Notre-Dame  par  l'espace  de  26  ans  , 
))  et  commença  ces  Nouvelles  histoires. 
»  Priez  Dieu  pour  l'âme  de  lui  :  et  mai- 
»  tre  Jean  Le  Boulelier,  son  neveu  ,  les 
V  a  parfaits  ,  l'an  1 352.  »  Ou  n'ignore 


RAW 

pas  que  dans  ces  temps  on  désignait  les 
architectes  par  le  nom  de  maîtres-ma- 
çon». 

RAVISIUS  Textor.  Voyez  tixier. 

RAVIUS  ou  Rave  (  Chrétien  ),  né  à 
Berlin  en  1613  ,  voyagea  en  Orient,  où 
il  apprit  les  langues  turque,  persane  et 
arabe,  et  d'où  il  rapporta  des  manuscrils 
précieux.  De  retour  en  Europe,  il  pro- 
fessa les  langues  orientales  à  Utrecht, 
d'abord  sans  appointemens  ,  cl  ensuite 
avec  une  pension  de  600  florins  que  la 
ville  lui  décerna.  Raviusfutun  dessavans 
de  la  cour  de  la  reine  Christine  de  Suède. 
Enfin  il  professa  les  langues  orientales  à 
Kiell ,  puis  à  Francfort-sur-le-Mein  ,  où 
il  mourut  en  1 67  7 ,  à  64  ans.  On  a  de  lui  :  1° 
un  Plan  d'orthographe  etd'élymologies 
hébraïques ,-  2"  une  Grammaire  hébraï- 
que, chaldaïque,  syriaque,  arabe,  sama- 
ritaine et  anglaise ,  Londres  ,  1640,  in-8; 
3°  une  Traduction  latine  de  l'arabe  d'A- 
pollonius de  Perge.  —  Il  ne  faut  pas  le 
confondre  avec  Jean  Ravius,  son  hls,  bi- 
bliolbécairedel'électeurde  Brandebourg, 
qui  a  laissé  des  Commentaires  sur  Cor- 
nélius Népos,  des  Àphorismes  militaires  ^ 
et  d'dutres  écrits  latins. 

RAWLEGH  ou  Ralegh  (Walter),  d'une 
famille  noble  et  ancienne,  eut  beaucoup 
de  part  aux  expéditions  maritimes  du  rè- 
gne de  la  reine  Elisabeth  dont  il  avait  ga- 
gné les  bonnes  grâces  en  étendant  un 
beau  manteau  sous  ses  pieds  dans  un  che- 
min boueux.  C'étaitun  génie  audacieux  et 
romanesque.  (Il  naquit  vers  1 552  à  Hayes, 
petit  village  auprès  de  la  mer,  dans  le 
Devonshire.  Il  vint  en  France  avec  les 
secours  d'armes  qu'Elisabeth  envoya  aux 
protestans.)  De  retour  en  Angleterre  , 
Rawlegh  alla  dans  l'Amérique  septen- 
trionale en  1684,  s'y  rendit  maître  du 
pays  de  Mocosa,  y  introduisit  la  pre- 
mière colonie  anglaise,  et  donna  à  ce 
pays  le  nom  de  Virginie.  Eli.sabeth  le 
choisit  en  1 692  pour  commander  la  flotte 
destinée  à  s'opposer  aux  progrès  des  Es- 
pagnols dans  l'Amérique.  Rawlegh  se 
mit  en  mer  avec  quinze  vaisseaux  de 
guerre.  Il  causa  de  grandes  pertes  aux 
Espagnols ,  et  leur  enleva  une  caraque 
estimée  2  millions  de  livres  sterling.  La 


RAW  267 

reine  le  reçut  à  son  retour  comme  ua 
homme  distingué,  le  nomma  capitaine 
de  sa  garde ,  et  lui  Al  épouser  une  de  ses 
dames  d'honneur.  Rawlegh  se  rembar- 
qua en  1 695 ,  alla  attaquer  les  Espagnols 
dans  l'île  de  la  Trinité,  brûla  la  ville  de 
Saint-Joseph ,  et  fit  prisonnier  le  gou- 
verneur. Il  s'avança  ensuite  sur  la  ri- 
vière d'Orénoque  ;  mais  n'ayant  pu 
aborder  dans  la  Guiane ,  il  réduisit  en 
cendres  la  ville  de  Cortiana,  et  se  con- 
duisit, comme  en  toute  occasion,  avec 
autant  de  cruauté  que  de  courage.  Sous 
le  lègne  de  Jacques  I",  il  fut  accusé 
d'avoir  voulu  mettre  sur  le  trône  Ar- 
belle  Sluajd  ,  dame  du  sang  royal ,  et 
condamné  à  perdre  la  tête  ;  mais  le  roi 
se  contenta  de  le  faire  renfermer  à  la 
tour  de  Londres,  où  il  demeura  13  ans. 
Rawlegh  profita  de  cette  retraite  pour 
composer  une  Histoire  du  monde.  Il  fut 
mis  en  liberté  en  1 6 1 6  ,  pour  aller  sur  la 
Castille  d'or  et  sur  les  côtes  de  la  Guiane; 
mais  son  expédition  n'ayant  pas  été  heu- 
reuse, il  eut  la  tète  tranchée  à  Westmin- 
ster l'an  1618  ,  en  exécution  de  l'ancien 
arrêt  qui  n'avait  pas  été  annulé ,  et  à  la 
sollicitation  de  l'ambassadeur  d'Espagne, 
qui  se  plaignit  de  diverses  atrocités  exer- 
cées par  Rawlegh  sur  les  sujets  de  son 
maître.  Le  fanatisme  de  secte ,  qui  en- 
trait pour  beaucoup  dans  sa  bravoure, 
le  rendait  sanguinaire  et  cruel  :  l'auteur 
du  Plutarque  anglais  s'est  vainement 
efforcé  d'en  faire  un  homme  de  bien. 
On  a  de  lui  :  1"  son  Histoire  du  monde, 
en  anglais,  in-8,  1614.  L'auteur  ne  pu- 
blia que  la  première  partie;  il  jeta  au 
feu  la  seconde.  Cet  ouvrage  est  confus 
et  peu  exact;  l'auteur  n'avait  pas  la  tête 
assez  calme  pour  écrire  avec  clarté,  or- 
dre et  vérité.  2°  Lne  Relation  de  son 
premier  voyage  à  l'Amérique ,  ou  la  Dé- 
couverte de  la  Guiane^  en  latin  ,  Nurem- 
berg, 1699,  in-4.  Il  y  a  des  choses  cu- 
rieuses, mais  toutes  ne  sont  pas  vraies. 
'  RAWLIJNSON  (  Thomas  ) .  biblio- 
mane  anglais ,  né  à  Londres  en  1681  ,  à 
l'aide  d'une  immense  fortune,  rassembla 
des  milliers  de  livres  et  de  manuscrils, 
qui  formaient  la  plus  vaste  collection 
qui  existât  de  son  temps  chez  un  particu- 


a68  RAY 

lier.  Sa  bibliothèque  en  ëfant  encom- 
brée, il  remplit  deceux  qui  restaient  ses 
vasles  appartemens  et  même  sa  chambre, 
QÙ  il  avait  à  peine  laissé  une  place  pour 
son  lit.  Il  man)];eait,  dormait ,  s'habillait 
«t  recevait  au  milieu  de  cet  énorme  fatras 
de  volumes.  Sa  manie  n'échappa  point  à 
]a  plume  piquante  d'Addisson  ;  il  le  dé- 
signe dans  le  Tatler  par  le  nom  de  Tont 
Folio.  Rawlinson  avait  des  connaissances 
étendues  ,  et  était  lié  avec  les  hommes  de 
lettres  de  son  temps,  et  particulièrement 
avec  Maittaire,  qui  lui  dédia  son  édi- 
tion des  Satires  de  Juve'nal.  On  a  impri- 
mé les  Annales  A' Aluredus  Beverlacen- 
sis ,  d'après  un  manuscrit  que  possédait 
Rawlinson.  Il  mourut  en  1725.  On  em- 
ploya seize  jours  à  la  seule  vente  de  ses 
manuscrits. 

*  RAWLINSON  (Richard),  savant  an- 
tiquaire anglais,  naquit  vers  1G90  ,  élu- 
da les  lois  à  Oxford  ,  où  il  reçut  en  1719 
Je  bonnet  de  docteur.  Il  cultiva  de  pré- 
férence les  antiquités  et  la  numismatique, 
fit  de  riches  collections  pour  la  conti- 
nuation àeV  Athenœ  oxonienses  Ae  Wood, 
«t  contribua  à  la  publication  de  plusieurs 
ouvrages  sur  l'histoire  ancienne.  Il  a 
^crit  une  Histoire  d'Oxford,  et  a  tra- 
duit en  anglais  l'ouvrage  de  Lenglet-Du- 
fresnoy ,  sur  la  Méthode  d'étudier  l'his- 
toire, 2  vol.  in-8.  Cet  homme  estimable 
mourut  en  1755  ;  son  cœur  fut  enfermé 
dans  une  urne  de  marbre ,  placée  dans  la 
chapelle  du  collège  de  Saint-Jean  à  Ox- 
ford. Il  laissa  ,  par  testament ,  à  cette  uni- 
versité sa  bibliothèque,  ses  médailles  et 
ses  manuscrits. 

RAY  (Jean  )  ou  John  Wrat,  en  latin 
Raius,  savant  naturaliste,  né  dans  le 
comté  d'Efsex  en  1628  d'un  forgeron, 
étudia  à  Cambridge  ,  et  (ut  membre  du 
collège  de  la  Trinité.  Après  avoir  pris 
les  degrés  académiques,  il  fut  ordonné 
prêtre  de  l'Eglise  anglicane;  mais  son 
opposition  auxsentimensdes  épiscopaux 
l'empêcha  d'obtenir  des  bénéfices.  Il  se 
consola  de  la  privation  des  biens  ecclé- 
siastiques par  l'étude  de  la  nature.  Il  avait 
tout  ce  qu'il  fallait  pour  l'approfondir: 
un  esprit  actif,  un  zèle  ardent ,  un  coo- 
rage  iufaligabie.  H  parcourut  J'Angle- 


RAY 
terre ,  l'Ecosse  et  l'Irlande ,  la  Hollande , 
l'Allemagne,  l'Italie,  la  France  et  plu- 
sieurs autres  pays  dans  lesquels  il  fit  des 
recherches  laborieuses.  La  société  royale 
de  Lonàres  s'empressa  de  le  posséder  en 
1 667  ,  et  le  perdit  en  1 706.  Il  était  pour 
lors  âgé  de  78  ans.  Ray  passa  sa  vie  en 
philosophe  et  la  finit  de  même.  Sa  mo- 
destie, son  affabilité,  lui  firent  des  amis 
illustres.  Il  n'était  point,  comme  cer- 
tains savans  ,  avare  de  ses  recherches  ;  il 
les  communiquait  avec  un  plaisir  infini. 
Il  joignait  aux  connaissances  d'un  natu- 
raliste celles  d'un  littérateur  et  d'un 
théologien.  Ses  ouvrages,  dans  lesquels 
on  trouve  beaucoup  de  solidité,  de  saga- 
cité et  d'érudition  ,sont  :  1°  une  Histoire 
des  plantes ,  en  3  vol.  in-fol.  1686-1688, 
1704  ;  et  les  trois  tomes  ensemble,  1716, 
in-fol.  ;  2°  une  Nouvelle  Méthode  des 
plantes,  Londres,  1682,  in-8;  3"  un  Cata- 
logue des  plantes  d'Angleterre  et  des 
îles  adjacentes,  Londres,  1677  ,  in-8, 
avec  un  supplément  en  1688  ,  et  divers 
autres  ouvrages  de  botanique.  Son  systè- 
me diffère  decelui  de  Tournefort.  Celui-ci 
ne  distribue  les  plantes  qu'en  22  genres, 
au  lieu  que  Rây  en  compte  28  :  cepen- 
dant d'habiles  physiciens  ont  cru  quecette 
multiplication  des  genres  n'avait  point 
formé  une  classification  plus  exacte  que 
celle  de  Tournefort  et  de  Linné,  et  que 
les  difficultés  se  compensaient  dans  ces 
systèmes  divers.  (  f^oyez  Toursefort.  ) 
4"  Un  Catalogue  des  plantes  des  environs 
de  Cambridge,  1660,  in-8  ,  avec  un  ap- 
pendix  de  1663,  et  un  de  1685  ;  S"  Stir- 
pium  europœarum  extra  Britanniam 
nascenlium  sylloge,  Londres,  1694  ,in-8; 
6°  Synopsis  methodiea  animalium  qua- 
drupedum  et  serpentini  generis,  ibid. 
1724,  in-%;V  Synopsis  methodiea  avium 
et  pi^cium,  ibid,  161 3, in-8;  8°  Histo- 
ria  inscctorum  cum  Appendice  Martini 
Listeri  de  scarabœis  britannicis,  1710, 
in-4;  9"  Dictionariorum  trilingue  secun- 
dum  locos  communes,  1 0"  De  variis  plan- 
tarum  methodis  dissertatio ,  l696,iii-4. 
C'est  une  apologie  de  son  système.  Tous 
les  ouvrages  précédens  sont  en  latin.  Les 
principaux  de  ceux  qu'il  a  écrits  en  an< 
glais  sont  :  1  *>  V Existence  et  la  sagesse  de 


RAY 

Dieu,  manifestées  dam  les  œuvres  de  la 
cre'atinn.  Ce  livre  a  élé  traduit  en  fran- 
çais ,  Uliechl,  17l4,in-8.1l  y  a  beau- 
coup de  solidUé  et  d'érudition.  2"  Trois 
Dissertations  sur  le  chaos  et  la  création 
du  monde ,  le  déluge  et  Vembrasement 
futur  du  monde,  dont  la  plus  ample  édi- 
tion est  celle  de  Londres,  en  1713,  in-8. 
3°  Une  Exhortation  à  la  piété ,  le  seul 
fondement  du  bonheur  présent  ou  futur. 
Ce  discours  est  contre  Bayle,  qui  niait 
qu'une  lépublique  composée  de  chré- 
tiens qui  observeraient  exactement  les 
préceptes  de  J.  C.  pût  se  soutenir.  4°  Di- 
vers Discours  sur  différentes  matières 
tbéologiques,  imprimés  à  Londres  en 
1692  ,  io-8  ;  5"  un  Recueil  de  lettres  phi- 
losophiques,  1718,  in-8,  qui  ne  sont  pas 
dans  leur  totalité  «n  recueil  précieux  ;  6° 
Observations  topographiques ,  morales 
et  physiques ,  sur  les  pays  qu'il  a  parcou- 
rus, 1G73  et  1746,  in-8.  —  Il  ne  faut 
pas  le  confondre  avec  l'abbé  Augustin- 
Fidèle  Rav  ,  dont  on  a  une  Zoologie  uni- 
verselle ,  ou  Histoire  universelle  de  tous 
les  quadrupèdes ,  célacées  et  oiseaux 
connus,  etc.  Paris,  1788,  in-4;  ouvrage 
savant  et  sagement  écrit.  F  oyez  le  Journ. 
hist.  et  lit.  15  octobre  1789,  pag.  243. 

RAYGER  (  Charles  ) ,  né  à  Presbourg 
en  1 64  I ,  étudia  en  médecineà  Strasbourg, 
à  Leyde  et  à  Montpellier,  pratiquant  son 
art  avec  beaucoup  de  succès  dans  sa  pa- 
trie, communiqua  à  l'académie  impériale 
de  Vienne  un  grand  nombre  d'observa- 
tions, qui  lui  n:érilèrent,  en  1694  ,  une 
place  dans  cette  société,  et  mourut  à 
Presbourg  le  14  janvier  17  07.  Ses  06*er- 
vations  sur  une  infinité  d'objets  curieux 
et  intéressans  ,  qui  ont  rapport  à  la  mé- 
decine et  à  l'histoire  naturelle ,  ont  trou- 
vé place  dans  les  Miscellanea  de  l'aca- 
démie dont  il  était  membre.  On  a  encore 
de  lui  des  Observations  ']o\\\ics  à  celles 
de  Paul  Sprindier  avec  des  notes  ,  Franc- 
fort, 1691 , in-4. 

RAYMOND.  Trjycs  Raimond. 

•  RAYMOND  (  Jean-Arnaud  ) ,  an- 
cien architecte  du  roi ,  naquit  le  9  avril 
1742,  de  Pierre  Raymond,  entrepreneur 
debàlimens,  qui  lui  donna  les  premières 
leçoQs  d'architecture.  Il  vint  à  Paris,  en 


RAY  269 

1760,  et  après  avoir  obtenu,  en  1761, 
le  grand  prix  d'archileclure,  il  alla  à  Ro- 
me. Il  revint  à  Paris  en  17  76,  et  quelque 
temps  après ,  on  l'appela  à  Montpellier 
pour  y  construire  la  belle  place  du  Pé- 
rou. ^'ommé  ensuite  architecte  des  états 
de  Languedoc  ,  il  présenta  un  projet  de 
palais  de  justice  et  de  prison  pour  la  ville 
d'Aix  ,  ainsi  que  pour  la  reconstruction 
de  l'église  de  Saint-Barthélemi  de  Bor- 
deaux; mais  ces  projets  ne  purent  s'effec- 
tuer, faute  de  fonds.  Il  éleva,  aux  frais  de 
la  province  du  Languedoc ,  l'église  col- 
légiale de  l'île  Jourdain  ,  à  quatre  lieues 
de  Toulouse.  En  17  84  ,  il  vint  se  fixer  à 
Paris,  oîi  l'académie  des  beaux-arts  l'a- 
vait nommé  parmi  ses  membres.  L'année 
suivante ,  il  bâtit ,  rue  du  Gros-Chenet , 
pour  la  célèbre  madame  Le  Brun ,  la  belle 
maison  qui  mérita  les  éloges  de  tous  les 
connaisseurs.  Bientôt  après  il  fut  nommé 
architecte  du  roi.  Le  ministre  Calonne 
avait  formé  le  projet  de  restaurer  entiè- 
rement le  cirque  de  Nîmes,  et  Raimond 
devait  être  mis  à  la  tête  de  cette  entre- 
prise. La  révolution  fit  oublier  ce  des- 
sein ;  Raymond  s'enferma  alors  dans  son 
cabinet ,  et  eut  le  bon  esprit  de  ne  pas 
figurer  dans  nos  troubles  politiques.  !l 
entra  dans  l'institut,  lors  de  sa  formation, 
et  on  le  chargea  des  travaux  du  Louvre  , 
du  Muséum,  de  la  Bibliothèque,  de  l'O- 
péra ,  du  palais  de  Sainl-Cloud  ,  et ,  con- 
jointement avec  M.Chalgrin,  de  la  con- 
struction de  l'arc  de  l'Etoile,  ouvrage  qui 
n'est  pas  encore  achevé.  Raymond  était  at- 
taquédepuis  1809  d'une  maladie  1res  gra- 
ve, à  laquelle  il  succomba  le  28  février 
181 1  ,aprèsavoir  mis,  commeil  leditlui- 
même,  un  intervalle  entre  la  vie  et  la 
mort.  Cei  artiste  était  d'un  caractère 
doux  et  bienfaisant,  et  fut  un  de  ceux  qui 
rétablirent  en  France  le  bon  goût  dans 
l'architecture. 

*  RAYMONDIS  ( Jean-Zacharieou  Pa- 
RADIS  DE  ),  né  à  Bourg  en  Bresse,  en  1746, 
succéda  à  son  père  dans  la  charge  de  lieu- 
tenant-général du  bailliage  de  Bresse  d5nt 
sa  fnible  santé  le  força  de  se  démettre. 
Dès  lors  il  se  voua  tout  entier  à  l'agri- 
culture et  aux  lettres.  Lorsque  la  révolu- 
tion  éclata,  il  se  retira  en  Italie^  et  ne 


270  RAY 

revint  en  France  qu'en  1797;  il  mourut  à 
Lyon  le  15  décembre  1800.  Il  est  auteur 
d'un  Traité  élémentaire  de  morale  et  de 
bonheur,  1784,  2  vol.  in-18  ;  d'un  pam- 
phlet intitulé  :  Des  prêtres  et  des  cultes, 
Paris,  1797,  in-8,  brochuie  qui  parait 
avoir  été  rédigée  dans  le  sens  des  Théo- 
philanthropes ;  et  de  plusieurs  autres  ou- 
vrages relatifs  surtout  à  l'agriculture. 

*  RAYJNAL  (Guiilaume-Thomas-Fran- 
çois  ) ,  l'un  des  écrivains  philosophes  les 
plus  célèbres  du  18<' siècle  ,  naquit  le  11 
mars  1713  àSaint-Geuiex  dans  leRouer- 
gue.  Il  entra  fort  jeune  chez  les  jésuites, 
et  obtint  des  succès  précoces  dans  ses 
études.  Après  avoir  réussi  ,  soit  dans 
l'enseignement,  soit  dans  la  prédication  , 
il  se  lassa  bientôt  du  séjour  des  collèges, 
et  surtout  d'un  genre  dévie  qui  ne  s'ac- 
cordait nullement  avec  son  caractère 
ni  avec  ses  opinions  particulières.  L'abbé 
Baynal  quitta  donc  en  1748  ,  à  l'âge  de 
35  ans,  la  société  des  jésuites,  et  alla 
s'établir  dans  la  capitale  pour  y  exercer 
le  métier  d'écrivain.  Cependant  il  s'atta- 
cha à  la  paroisse  de  St.-Sulpice  en  qua- 
lité de  prêtre  desservant  ;  puis ,  renon- 
çant aux  pratiques  du  saint  ministère  , 
il  parut  dans  le  monde  et  se  rangea  dans 
la  secte  des  philosophes.  Raynal  n'avait 
pas  de  fortune  ;  il  chercha  des  mo}  eus 
d'existence  dans  la  culture  des  lettres  : 
quelques-uns  de  ses  premiers  ouvrages, 
\e&  Anecdotes  littéraires  et  les  Mémoires 
de  Ninon  de  Lenclos  fournirent  à  ses 
besoins  ,  mais  firent  peu  pour  sa  renom- 
mée: ce  sont  des  compilations  qui  n'ont 
laissé  qu'un  faible  souvenir.  Il  n'en  fut 
pas  tout-à-fait  ainsi  de  {'Histoire  du 
Statlioudérat  qui  ,  prônée  par  les  dis- 
tributeurs de  la  renommée  littéraire,  ob- 
tint  un  succès  de  vogue.  Ce  livre  est  un 
précis  des  révolutions  qui  ont  agité  la 
Hollande,  depuis  que  ce  pays  se  dégagea 
de  la  domination  espagnole.  Raynal  s'é- 
tait fait  des  amis:  Diderot,  d'Holbach  et 
les  autres  philosophes  du  temps  le  prirent 
sous  leur  protection ,  lui  firent  confier 
la  rédaction  du  Mercure  de  France  ,  et 
l'aidèrent  de  leur  crédit  pour  lui  aspurer 
une  existence  aisée  et  indépendante. 
Raynal ,  que  les  occupations  littéraires 


RAY 

n'enrichissaient  pas  ,  se  livra  ,  dit-on  , 
aux  spéculations  du  commerce,  et  il  pa- 
raît qu'elles  furent  plus  utiles  à  sa  fortune. 
Ce  fut  au  milieu  de  l'agiotage  qu'il  con- 
çut et  qu'il  exécuta  son  Histoire  philoso- 
phique des  établissemens  et  du  commerce 
des  Européens  dans  les  deux  Indes.  Cet 
ouvrage  parut  en  1770  ,  et  son  succès  , 
d'abord  assez  équivoque  ,  ne  flatta  pas 
l'amour  propre  de  l'auteur;  mais  le  parti 
en  releva  bientôt  le  mérite  par  de  pom- 
peux éloges, et  publia  autant  d'apologies 
qu'il  parut  de  critiques.  H  paraît  que 
Raynal  fut  aidé  dans  cet  ouvrage  par 
plusieurs  de  ses  amis.  Deleyre  fut  chargé 
de  réunir  les  matériaux  ,  les  comtes  d'A- 
randa  et  de  Souza  fournirent  des  mémoi- 
res ;  le  baron  d'Holbach  ,  Dubuc  ,  Jean 
de  Pechmeja  ,  et  surtout  Diderot ,  y  tra- 
vaillèrent, n  Qui  ne  sait ,  »  dit  Grimm  , 
«  que  près  d'un  tiers  de  l'Histoire  philo- 
»  sophique  appartient  à  Diderot  ?  il  y 
»  travailla  pendant  deux  ans ,  et  nous  lui 
»  en  avons  vu  composer  une  bonne  partie 
»  sous  nos  yeux.  Lui-même  était  souvent 
»  effrayé  de  la  hardiesse  avec  laquelle  il 
»  faisait  parler  son  ami.  Mais  qui  ,  luidi- 
»  sait-il  ,  osera  signer  cela  ?  Moi ,  lui  ré- 
M  pondait  l'abbé,  moi,  vous  dis-je  ;  allez 
»  toujours.  »  { /^oj/ezle  Dictionnaire  des 
anonymes ,  2'édit.  n°  8204,  et  le  même 
n°  aux  Corrections.  )  D'après  les  princi- 
pes de  tels  collaborateurs  ,  l'esprit  anti- 
religieux qui  règne  dans  tout  ce  livre  ne 
doit  nullement  étonner.  Il  fut  publié  en 
1770  ;  le  gouvernement  en  ordonna  la 
suppression  le  29  décembre  1772.  Le 
public  ,  par  ses  observations  ,  l'ayant 
averti  des  défauts  de  son  ouvrage  ,  Ray- 
nal se  mit  à  voyager  ,  et  visita  les  princi- 
pales  places  de  commerce  de  la  France  , 
delà  Hollande  et  de  l'Angleterre.  En  par- 
lant du  commerce  des  deux  Indes,  il  avait 
flatté  l'amourpropre  des  Anglais  sur  leurs 
établissemens  ;  aussi  il  reçut  à  Londres 
une  distinction  très  flatteuse.  Il  se  trou- 
vait un  jour  dans  la  galerie  de  la  chambre 
des  communes:  l'orateur,  l'ayant  appris, 
fit  tout  à  coup  cesser  la  discussion  ,  jus- 
qu'à ce  qu'on  eût  accordé  à  Raynal  une 
place  d'honneur.  A  son  retour  d'Angle- 
terre, il  s'arrêta  à  Genève ,  et  il  y  publia 


RAY 

une  nouvelle  édition  de  son  Histoire  , 
1781.  Elle  contient  des  corrections  utiles, 
des  articles  et  des  notices  plus  exactes 
sur  la  Chine  ,  les  Etats-Unis  ,  et  sur  le 
commerce  en  général  ;  mais  ,  en  revan- 
che, sa  haine  contre  les  rois  et  la  religion 
s'y  montre  plus  à  découvert.  Il  se  trou- 
vait à  Courbevoie ,  lorsque  son  ouvrage 
faisait  de  nouveau  le  sujet  de  toutes  les' 
conversations  dans  la  capitale.  Des  gens 
bien  p\ensans  ,  attachés  au  service  de 
Louis  XVI  ,  placèrent  l'Histoire  philoso- 
phique sur  une  table,  dans  l'appartement 
de  ce  prince,  afin  qu'il  pût  la  parcourir. 
Louis  XVI  ,  naturellement  pieux,  en  fut 
indigné  ,  et  le  parlement ,  d'après  les 
conclusions  de  l'avocat-général  Séguier, 
ordonna  qu'il  fût  brûlé.  La  Sorbonne  dé- 
clara le  livre  abominable  ,  et  le  qualifia, 
non  sans  raison  ,  de  délire  d'une  âme 
impie.  L'auteur  lui-même  fut  décrété  de 
prise  de  corps  ;  il  en  fut  averti ,  et  se  re- 
lira de  Courbevoie  pour  se  rendre  aux 
eaux  de  Spa.  Il  partit  ensuite  pour  l'Al- 
lemagne ,  et  ayant  prolongé  son  voyage 
jusqu'à  Berlin  ,  il  fit  demander  à  Frédé- 
ric II  la  permission  de  lui  présenter  ses 
hommages.  Le  roi  de  Prusse  lui  indiqua 
le  jour.  Ce  prince  était  debout  auprès  de 
son  bureau  :  «  Monsieur  ,  »  lui  dit-il , 
«  vous  êtes  vieux  ainsi  que  moi  ;  sansfa- 
»  çon,  asseyons-nous.  Vous  me  trouvez  à 
»  lire  un  de  vos  ouvrages ,  V Histoire  du 
i>  Stathoude'rat.  »  La  vanité  de  Raynal , 
qui  était  extrême,  fut  très  satisfaite  de  cet 
accueil  familier  ;  il  répondit  à  Frédéric 
avec  le  ton  de  cette  même  vanité  :  «  Celte 
»  histoire  est  un  des  ouvrages  de  ma  pre- 
«  mière  jeunesse  :  j'ai  fait  mieux  que 
»  cela.  »  —  <<  Et  quel  est  donc  cet  ou- 
»  vrage  ?  »  demanda  le  prince. —  «  C'est,  » 
ajouta  Raynal ,  «  mon  Histoire  philoso- 
})  phique  des  deux  Indes.  »  —  «  Je  ne  la 
»  connais  pas  ,  »  lui  répondit  Frédéric  , 
s  je  n'en  ai  jamais  entendu  parler.  »  Celte 
réponse  froide  et  inattendue  déconcerta 
un  peu  Raynal  ,  qui  s'empressa  de  termi- 
ner la  conversation.  H  visita  plusieurs 
cours ,  comme  s'il  avait  voulu  prome- 
ner sa  renommée.  De  retour  en  France  , 
il  demeura  long-temps  dans  les  pays 
méridionaux.    Il  donna   aux  académies 


RAY  271 

de  Marseille  et  de  Lyon  plusieurs  prix , 
dont  il  proposa  les  sujets.  Le  plus  re- 
marquable est  celui  qui  avait  pour  but 
de  déterminer  si  la  découverte  de  V Amé- 
rique avait  été  utile  ou  nuisible  à  F  Eu- 
rope. Mûri  par  l'âge  ,  et  moins  dominé 
par  l'effervescenee  des  passions ,  il  n'en- 
visagea dans  les  nombreuses  innovations 
qui  eurent  lieu  lors  de  la  formation  de 
l'assemblée  constituante ,  que  des  atten- 
tats contre  la  propriété  ,  et  des  eucoura- 
gemens  à  la  licence  parmi  le  peuple.  Le 
31  mai  n  9 1 ,  il  adressa  une  longue  lettre 
à  cette  assemblée,  où  l'on  remarque  les 
passages  suivans  :  <(  J'osai  ,  »  dit  il  , 
«  parler  long-temps  aux  rois  de  leurs 
»  devoirs  ;  souffrez  qu'aujourd'hui  je 
»  parle  au  peuple  de  ses  erreurs.  Serait- 
))  il  donc  vrai  qu'il  fallût  me  rappeler 
»  avec  effroi  que  je  suis  un  de  ceux  qui, 
»  en  éprouvant  une  indignation  géné- 
»  reuse  contre  le  pouvoir  .-arbitraire  ,  ont 
M  peut-être   donné  des  armes  à  la  II- 

»  cence  ? Près  de  descendre  dans  le 

»  tombeau ,  que  voi.s-je  autour  de  moi  ? 
»  des  troubles  religieux  ,  des  dissensions 
5)  civiles,  la  consternation  des  uns,  l'au- 
w  dace  des  autres  ;  un  gouvernement  es- 
))  clave  de  la  tyrannie  populaire  ,  le 
»  sanctuaire  des  lois  environné  d'hom- 
M  mes  effrénés  ,  qui  veulent  alternative- 
w  ment  ou  les  dicter  ,  ou  les  braver  ; 
»  des  soldats  sans  discipline  ,  des  chefs 
»  sans  autorilé  ,  des  ministres  sans 
»  moyens  ,  la  puissance  publique  n'exis- 
»  tant  plus  que  dans  les. clubs  !...  Vous 
»  vous  applaudissez  de  toucher  au  terme 
»  de  votre  carrière,  et  vous  n'êtes  entou- 
u  rés  que  de  ruines  ,  et  ces  ruines  sont 
u  souillées  de  .sang  et  baignées  de  lar- 
j>  mes  :  des  bruits  sourds  et  vagues,  une 
»  terre  qui  fume  et  qui  tremble  de  toutes 
»  parts,  annoncent  encore  des  explosions 
»  nouvelles.  Qui  osa  jamais  rêver  pour  un 
»  grand  peuple  une  constitution  fondée 
»  sur  un  nivellement  abstrait  et  chimé- 
»  rique  ?  Ma  pensée  va  jusqu'à  désirer 
M  que  le  tombeau  se  referme  prompte- 
»  ment  sur  moi;  vous  recevrez  d'un  vieil' 
»  lard  qui  s'éteint  la  vérité  qu'il  vous 
»  doit.  »  Quand  Raynal  avait  parlé  en 
philosophe  ,    il  avait  trouvé  un  grand 


27a  RAY 

nombre  d'admirateurs  ;  il  parlait  une 
fois  en  homme  sage  ,  et  ces  mêmes  ad- 
miraleurs  méprisaient  ses  avis  ,  et  al- 
laient jusqu'à  rinsulter.  On  ne  fit  aucun 
cas  de  sa  lettre  ,  et  on  le  traita  de  vieux 
radoteur.  Voyant  la  marche  horrible  que 
prenait  la  révolution  ,  il  al'a  se  fixer  à 
Passy  .  oii  il  vécut  tout-à-fait  ignoré  ,  et 
où  il  eut  le  temps  de  se  convaincre  ,  par 
une  juste  réflexion  ,  et  comme  il  le  mar- 
que dans  sa  lettre  à  l'assemblée  ,  qu'il 
avait  été  un  de  ceux  qui  avaient  donné 
des  armes  à  la  licence.  Il  mourut  le  6 
mars  n9G  ,  dépouillé  de  presque  tout  ce 
qu'il  possédait.  Quatre  heures  avant  sa 
mort ,  il  avait  entendu  la  lecture  d'un 
journal ,  sur  lequel  il  avait  fait  des  ob- 
servations critiques.  Sa  fortune  était  si 
notablement  diminuée,  qu'on  ne  trouva, 
dit-on  ,  chez  lui ,  pour  tout  argent  , 
qu'un  assignat  de  50  livres  ,  valant  alors 
5  sous  en  numéraire.  Voici  la  liste  de  ses 
principaux  ouvrages  :  1°  Histoire  du 
Stathoudérat,  Varis,  1748,  in-12;  1760, 
2  vol.  ,  réimprimé  en  1819.  11  la  ht  im- 
primer à  ses  frais ,  la  vendit  lui-même  , 
et  en  débita,  dit-on  ,  GOGO  exemplaires. 
2"  Histoire  du  parlement  d'Angleterre  , 
ibid.  ,  1750,  2  vol.  in-12.  On  critiqua 
justement  dans  ces  deux  ouvrages  un  ton 
oratoire  et  ampoulé,  peu  convenable  au 
bon  goût  et  à  la  digiiilé  historique.  Eu 
1 820  les  frères  Baudoin  ont  fait  imprimer 
cet  ouvrage  sous  le  litre  à' Histoire  du 
parlement  anglais  ,  par  Louis  Bonaparte 
(sic),  avec  des  iVo/e,y  de  Napoléon.  3" 
Anecdotes  littéraires  ,  historiques  ,  mi- 
litaires et  politiques  de  l'Europe,  depuis 
Vélévntion  de  Charles-Quint  à  l'empire, 
jusqu'à  la  paix  d'Aix-la-Chapelle,  ibid., 
1753,  3  vol.  in-12.  Cet  ouvrage  présente 
des  faits  assez  curieux  et  inléiessans  ,  et 
il  est  écrit  d'un  slile  naturel  et  mpide , 
qualités  qu'on  retrouve  rarement  dans 
ses  autres  productions ,  excepté  la  sui- 
vante ,  à  laquelle  on  accorde  le  même 
mérite.  4"  Histoire  du  divorce  de  Henri 
Fin,  ibid.,  1763,  in-12  ;  b°  Ecole,  mi- 
litaire,  1762,  3  vol.  in-«2;  recueil  in- 
digeste, et  où  les  exemples  de  bravoure 
sont  mis  pêle-mêle  avec  ceux  de  bassesse 
et  de  lâcheté  ;  6°  Mémoires  historiques 


RAY 

de  l'Europe,  1772  ,  3  vol.  in-8  ,  où  la 
critique  et  les  faits  ne  sont  pas  toujours 
exacts  ;  7°  Tableau  et  révolutions  des  co- 
lonies anglaises  dans  l'Amérique  sep- 
tentrionale, 1781,  2  vol.  in-12;  8°  His- 
toire philosophique  et  politique  des  éta- 
blissemens  et  du  commerce  des  Euro- 
péens  dans  les  deux  Indes,  Paris,  1770  ; 
Genève  ,  1781 ,  10  vol.  in-8.  Les  éloges 
que  Labarpe  fît  de  cet  ouvrage  ,  dès  sa 
première  édition  ,  sembleraient  plutôt 
dictés  par  un  esprit  de  secte  que  par 
l'homme  impartial  ;  et  le  lecteur  judi- 
cieux, en  parcourant  l'histoire  philoso- 
phique ,  y  trouve  de  la  confusion  ,  des 
absurdités ,  des  déclamations  fatigantes 
contre  les  lois  ,  les  usages  établis  ,  les 
gouvernemens,  et  surtout  contre  les  rois 
et  les  prêtres.  Le  mérite  qu'on  remarque 
dans  plusieurs  de  ces  Mémoires  sur  le 
commerce  de  quelques  nations  est  con- 
tre-balancé par  des  erreurs,  des  inexacti- 
tudes sans  nombre,  et  par  des  récits  et 
des  tableaux  licencieux  qui  répugnent 
également  aux  bonnes  mœurs  et  aux  con- 
venances sociales.  Ces  premiers  défauts 
ont  disparu  ,  il  est  vrai ,  dans  la  seconde 
édition  ;  mais  l'auteur  s'y  montre  encore 
plusacharné  contre  les  souverains  et  con- 
tre la  relijfion.  Son  stile,  parfois  nobleet  . 
élevé,  prend  trop  souvent  le  ton  d'un 
charlatan  monté  sur  un  tréteau,  pour  dé- 
biter à  la  multitude  des  lieux  communs , 
et  des  imprécations  menaçantes  contre 
le  despotisme  et  la  superstition.  Rayual 
en  effet  déclare  la  guerre,  non  seulement  ■ 
à  la  révélation,  mais  aussi  à  la  morale  et  1 
à  toute  autorité  civile.  Le  Dieu  des  Juifs  f 
n'était  pour  lui  qu'un  dieu  local  comme 
ceux  des  autres  nation  s ,  etrclahlis.se- 
ment  du  christianisme  n'était  que  l'effet 
A'Mn^ mauvaise  logique.  Toute  sa  morale 
se  fondait  sur  ces  deux  principes  :  Désir 
de  jouir  ,  liberté  de  jouir.  Il  s'élevait 
contre  le  despotisme  paternel ,  qui  pro- 
duit le  respect  extérieur  et  une  liaine 
impuissante  et  secrète  contre  les  Pères. 
il  osait  également  offrir  aux  peuples  des 
remèdes  contre  la  tyrannie.  «  Fuissent 
»  les  vraies  lumières  ,  »  disait-il ,  «  faire 
»  rentrer  dans  leurs  droits  des  êtres  qui 
»  n'ont  besoin  que  de  les  sentir  pour  les 


RAY 

»  reprendre  !  Sages  de  la  terre  ,  philoso- 
»  phes  de  toutes  les  nations  ,  c'est  à  vous 
»  seuls  à  faire  des  lois  ,  en  les  indiquant 
»  à  vos  concitoyens.  Ayez  le  courage  d'c- 
»  clairer  vos  frères.  Faites  rougir  ces 
»  hommes  soudoyés,  qui  sont  prêts  à  ex- 
»  terminer  leurs  concitoyens  aux  ordres 
»  de  leur  maître.  Soulevez  dans  leurs 
»  âmes  la  nature  et  l'humanité  contre  le 

»  renversement  des  lois  sociales Ré- 

»  vélez-leur  les  mystères  qui  tiennent 
»  l'univers  à  la  chaîne  et  dans  les  tcnè- 
«  bres  ,  et  que,  s'apercevant  combien  ou 
»  se  joue  de  leur  crédulité  ,  les  peuples 
»  éclaires  tous  à  la  fois  vengent  enfin  la 
»  gloire  de  l'espèce  humaine.  »  Nous  ter- 
minerons cet  article  par  rapporter  les 
dernières  phrases  du  réquisitoire  de  l'a- 
vocat général  Séguier  contre  VHistoire 
.philosophique  de  Raynal  :  «  L'auteur  ,  « 
dit-il ,  «  n'a  fait  qu'un  code  barbare  ,  qui 
»  n'a  d'autre  but  que  de  renverser  les 
»  fondemens  de  l'ordre  civil.  En  rappro- 
»  chant  toutes  les  parties  du  système  ré- 
»  pandu  dans  la  totalité  de  cette  histoire, 
»  on  pourrait  tracer  le  plan  de  subversion 
»  générale  que  renferme  cette  affreuse 
»  production.  »(  Plusieurs  auteurs  ont  ré- 
futé les  assertions  de  Raynal.  On  trouve 
dans  les  OEuvres  du  cardinal  Gerdil  un 
morceau  sur  ce  sujet.  Cet  écrivain,  hon- 
teux lui-même  de  seségaremens  ,  se  pro- 
posait sur  la  fin  de  ses  jours  de  donner 
une  nouvelle  édition  de  ses  OEuvres  , 
purgées  de  toutcr  les  déclamations  irré- 
ligieuses et  révolutionnaires  de  ses  amis. 
Sa  famille  ,  dit-on,  possède  ce  manuscrit. 
V Histoire  philosophique  a  été  réimpri- 
mée en  1 820.  M.  A.  Jay  a  publié  unpre'cis 
historique  sur  la  vie  et  les  écrits  de 
Vahbé  Raynal  :  c'est  un  philosophe  qui 
en  loue  un  autre.  ) 

RAYNAU  D  (  Théophile  ) ,  né  à  Sos- 
pello ,  au  comité  de  Nice  ,  en  1 583,  entra 
dans  la  société  des  jésuites  en  1G02  ,  et 
y  passa  toute  sa  vie  ,  quoique  traversé 
par  ses  confrères  et  sollicité  d'en  sortir 
parles  étrangers.  Quelques  auteurs  l'ont 
cru  Français  ,  parce  qu'il  a  toujours  vécu 
en  France.  Après  avoir  enseigné  les  bel- 
les-lettres et  la  thélogie  dans  différentes 
maisons  de  sa  compagnie,  il  mourut  dans 

XI. 


RAY  273 

celle  de  Lyon,  en  16G3,  ^  80  ans.  Cet 
auteur  avait  l'esprit  pénétrant,  une  ima  - 
gination  vive  et  une  mémoire  prodi- 
gieuse. Il  avait  embrassé  tous  les  genres; 
mais  on  reconnaît  à  sa  façon  d'écrire 
qu'il  avait  trop  négligé  les  auteurs  de  la 
belle  latinité.  Imitateur  de  dififérens 
stiles,  lorsqu'il  a  voulu  s'en  faire  un 
propre ,  c'est  celui  de  Tacite  qu'il  a  ren- 
contré. Il  paraît  très  souvent  obscur , 
parce  qu'il  affecte  de  se  servir  de  termes 
recherchés  et  de  mots  tirés  du  grec.  Il 
voulait  être  original  dans  sa  diction 
comme  dans  ses  pensées.  Ayant  fait  un 
chapitre  sur  la  bonté  de  J.  C,  il  l'inti- 
tula :  Christus  bonus,  bona  ,  bonum. 
Quoiqu'il  parût  l'homme  le  plus  doux 
dans  le  commerce  de  la  vie,  il  était  très 
mordant  la  plumell  la  main.  Malgré  ses 
défauts ,  son  érudition  immense ,  et  une 
sorte  de  singularité  dans  les  sujets  qu'il 
a  choisis  ,  ainsi  que  dans  la  manière  de 
les  trailer ,  feront  toujours  rechercher  ses 
ouvrages.  On  distingue  entre  autres  : 
Erotemala  de  bonis  et  malis  libris ,  c'est- 
à  dire  Questions  sur  les  bons  et  sur  les 
mauvais  livres  ;  Symbola  antoniand,  Ro- 
me, 1 G48,  in-8,  relatif  aufeu  Saint-Antoi- 
ne; les  HeterocUtaspiritualia,  oîi  il  traite 
des  dévolions  singulières  et  exotiques  , 
que  le  goût  de  la  solide  piété  semble  ne 
pas  comporter.  On  trouve  dans  les  autres 
plusieurs  questions  qui  sont  d'une  ori- 
ginalité sans  exemple.  Parmi  les  satires 
qui  sont  sorties  de  sa  plume  ,  il  n'y  en  a 
point  de  plus  vive  que  celle  qu'il  publia 
contre  les  dominicains  ,  sous  le  nom  de 
Pet  rus  à  Valle  clausa.  Les  parleraens 
d'Aix  et  de  Toulouse  condamnèrent  cet 
ouvrage  au  feu  ;  jugement  où  il  y  avait 
autant  d'humeur  que  de  rigueur.  Il  avait 
fait  un  livre  en  faveur  du  scapulaire  , 
Paris,  1C53  ,  in-8  ;  mais  il  désavoua  en-, 
suite  ce  traité,  comme  ayant  été  altéré 
par  une  main  étrangère  depuis  le  com- 
cement  jusqu'à  la  fin.  Les  carmes  ne 
laissèrent  pas  de  lui  rendre  des  honneurs 
funèbres  dans  tous  les  couvens  de  l'or- 
dre. Toutes  ses  OEuvres  ,  imprimées  à 
Lyon,  16G6-G9,  en  20  vol.  in-vol. ,  n'eu- 
rent pas  d'abord  beaucoup  de  débit  ,  et 
Roissat,  son  imprimeur,  mourut  à  l'hôpi- 

35. 


274  I^AZ 

lal.  Lapluparl  des  livres  du  Père  Raynaud 
avaienl  déjà  élé  imprimés  séparémeut, 
et  il  avait  eu  la  mortification  d'en  voir 
mettre  quelques-uns  à  YIndex.  Ceus-ci 
sont  presque  tous  dans  le  tom.  20*  ,  inti- 
tulé :  Apopompœus^  et  imprimes  avec  la 
souscription  masquée  de Craco vie.  Foyez 
HoRTADo  Thomas.  (Ou  peut  voir  la  liste 
des  ouvrages  de  Raynaud  dans  le  26 
vol.  des  Me>«ojre.y  de  Nicéron.) 

•  R AYINAUD  (  le  Père  ),  pieux  et  mo- 
deste oratorien ,  excellent  prédicateur , 
né  à  Hyères  ,  mort  en  1790  ,  se  distingua 
par  la  simplicité  ,  par  la  pureté  de  ses 
mœurs,  et  par  cette  éloquence  douce  qui 
parle  au  cœur.  Un  de  ses  plus  célèbres 
sermons  est  celui  sur  les  spectacles. 

"  RAYINAULD  ou  RAAIN'OLD (Jean), 
professeur  de  grec  a  Oxford ,  principal 
du  collège  de  Christ  dans  cette  univer- 
sité, doyen  de  Lincoln,  mort  le  21  mai 
1607  ,  est  principalement  connu  par  son 
livre  intitulé  :  Censura  librorwn  apo- 
cryphorum  veteris  Testamenti  adver- 
sus  BeUarminum  ,  1611,  2  vol.  in-4  ; 
ouvrage  où  l'on  trouve  quelques  bon- 
nes et  un  plus  grand  nombre  de  mauvai- 
ses critiques,  à  travers  beaucoup  d'inutili- 
tés ,  selon  Simon  (Bibliol.  crit.  tom.  4, 
p.  78-93).  Il  a  fait  encore  plusieurs  au- 
tres ouvrages  contre  les  catholiques  ;  ce 
ne  sont  que  des  déclamations  pleines  de 
fanatisme. 

RAZIAS ,  un  des  principaui  d'entre 
les  Juifs,  qu'on  appelait  même  le  Père 
du  peuple,  à  cause  de  l'affection  qu'il 
lui  portait ,  fut  sollicité  par  Nicanor 
[voyez  ce  mot)  d'adorer  les  idoles.  Ce 
général  fit  entourer  la  maison  de  Razias 
de  cinq  cents  soldais.  Celui-ci ,  voyant 
que  la  porte  allait  être  enfoncée ,  se 
donna  un  coup  d'épée  pour  ne  point 
tomber  entre  les  mains  des  idolâtres ,  et 
être  l'occasion  de  leurs  blasphèmes  con- 
tre le  Seigneur  ;  mais  parce  qu'il  n'était 
point  blessé  à  mort ,  il  se  précipita  du 
haut  d'une  muraille  et  tomba  la  tête  la 
première;  il  se  releva,  monta  sur  une 
pierre  escarpée,  prit  SCS  entrailles  à  plei- 
nes mains  de  son  corps  enlr'ouvert ,  et 
les  jeta  sur  le  peuple  ,  priant  Dieu  de  le 
venger  etdeleressuscitcrun  jour  (2  Macb. 


RAZ 

14  ).  Celte  action  a  été  diversement  in- 
terprétée. Quelques  Pères  ,  entre  autres 
saint  Augustin  ,  la  condamnent  ;  d'au- 
tres la  regardent  comme  inspirée  par  le 
maître  de  la  vie  et  de  la  mort ,  pour  qui 
toutes  les  manières  de  disposer  de  nos 
jours  sont  saintes  et  légitimes.  Ce  qu'il 
y  a  de  certain  ,  c'est  que ,  sans  approu- 
ver l'action ,  on  peut  louer  l'intention 
du  courageux  Israélite  qui  crut  y  voir  • 
un  moyen  d'affermir  la  foi  et  la  con-  ; 
stancedeses  compatriotes.  Un  judicieux  | 
théologien  remarque  qu'il  ne  faut  pas 
juger  sur  les  règles  communes  de  la  mo- 
rale chrétienne  certaines  actions  extra- 
ordinaires auxquelles  les  saints  se  sont 
portés  dans  les  transports  d'une  foi  vive, 
d'une  charité  ardente,  ou  d'une  douleub 
profonde  à  la  vue  de  grands  crimes  et 
d'outrages  faits  à  Dieu.  Oninia  sanctorum 
dicta  vel  fada  ad  accuratam  nnrmam 
exigenda  non  sunt.  Ployez  Apolline. 

RAZILLY  (  Marie  de  ) ,  morte  à  Paris 
en  1707  ,  âgée  de  83  ans,  était  d'une  fa- 
mille ancienne  et  noble  de  la  province 
de  Touraine.  Son  goût  pour  les  vers 
alexandrins  ,  qu'elle  composait  presque 
toujours  sur  des  sujets  héroïques,  lui  fit 
donner  le  surnom  de  CalUope.  Parmi  ses 
poésies  répandues  dans  différens  re- 
cueils, on  dislingue  son  Placet  au  roi  , 
déplus  de  120  vers,enl0G7.  Louis  XIV 
lui  accorda  une  pension  de  2  ,  000  livres. 
'  RAZOUT(le  comte  Louis-Nicolas), 
lieutenant-général,  né  à  Paris  en  1773, 
d'une  famille  noble  de  Rourgogne,  étudia 
d'abord  le  droit ,  et  entra  ensuite  comme 
sous-lieutenant  au  régiment  de  la  Sarre 
en  1792.  Il  s'éleva  de  grade  en  grade,  pen- 
dant les  campagnes  de  la  révolution  ,  f\it 
aide  de-camp  du  général  Joubert  en  1 79G, 
etcolonel  du  9'»*  régiment  en  1701.  Sa 
belle  conduite  à  la  bataille  d'EyIau  lui 
valut,  le  14  février  1807,  le  grade  de 
général  de  brigade.  Employé  en  Espagne 
en  1808 ,  il  se  distingua  le  27  octobre  à 
l'attaque  de  Lerins  sur  la  rive  gauche  de 
l'Ebre,  et  fut  nommé,  le  31  juillet  1811, 
général  de  division.  Il  commanda  en  cette 
qualité  dans  la  campagne  de  Russie,  et  se 
distingua  au  combat  de  Valontina  ,  à  la 
bataille  de  la  Moskowa  et  dans  latclraite 


RAZ 

de  Moscou.  Fait  prisonnier  à  Dresde,  il 
se  Irouvoit  à  Ilaab  en  Hongrie  à  l'époque 
de  la  restauration  de  1814.  11  adressa  le 
premier  sa  soumission  au  roi ,  et  provo- 
qua celle  des  officiers  qui  se  trouvaient 
avec  lui.  A  sou  retour  en  France,  le  roi 
le  créa  chevalier  de  Saint-Louis.  Lors  de 
l'invasion  de  Buonaparte,  pendant  les 
Cent-j^rs  il  resta  caché  quelque  temps  : 
cepenoantil  se  décida  plus  tarda  prendre 
du  service,  et  fut  chargé  du  commande- 
ment de  la  21^  division  militaire  à  Bour- 
ges, oîi  il  coopéra  beaucoup  au  maintien 
de  l'ordre  pendant  le  licenciement  de 
l'armée  de  la  Loire.  Le  ministre  de  la 
guerre  lui  avoit  confié,  en  1819,  le  com- 
mandemant  de  la  3*  division  militaire  à 
Metz.  Il  y  mourut  à  la  suite  d'une  attaque 
d'apoplexie  le  10  janvier  1820. 

*  RAZZI  (Sylvain),  moine  sous  le  pré- 
nom de  Jérôme,  littérateur  italien,  né 
eu  1527  à  Marradi  dans  le  diocèse  de 
Faenza ,  entra  dans  l'ordre  des  camal- 
dules  ,  cultiva  la  littérature  sacrée  et  pro- 
fane ,  et  fut  compté  parmi  les  bons  écri- 
vains de  son  temps.  Sa  prose  est  claire 
et  correcte ,  et  l'on  trouve  dans  ses  vers 
du  feu  et  de  la  facilité.  Il  eut  plusieurs 
désagrémens  à  essuyer  de  la  part  de  ses 
supérieurs,  qui  ne  le  voyaient  pas  avec 
plaisir  s'occuper  de  la  composition  de 
pièces  dramatiques  ,  qu'on  jouait  sur  les 
théâtres  de  l'Italie.  En  effet,  ces  compo- 
sitions ne  convenaient  pas  trop  à  son 
état  de  religieux.  Dans  la  suite  il  n'écri- 
vit que  des  ouvrages  irréprochables.  Il 
mourut  à  Florence  en  1611  ,  et  a  laissé  : 
\°  La  Cecca  ,-  La  Balia  ,  La  Cnstanza  , 
comédies  ;  La  Gismonda  -.  Il  Tancrc- 
di ,  tragédies  ;  2*>  Recueil  de  prières  à 
J.  C.  et  à  la  sainte  Vierge  ,  Florence, 
1  .^5G  ;  3"  Miracles  de  la  sainte  Ficrge  , 
ibid. ,  1 576  ;  4"  Vies  de  quatre  hommes 
illustres  ,  les  deux  Uberti ,  ducs  d'A- 
thènes ,  Sili>estre  de  Mc'dicis ,  et  Côme 
de  Médicislc  ^/eu.T,  Florence  ,  1580. 

*  RAZZI  (Séraphin),  célèbre  domini- 
cain et  frère  puîné  du  précédent ,  naquit 
à  Florence  le  16  décembre  1531.  11  n'a- 
vait pas  encore  18  ans  ,  lorsqu'il  prit,  le 
28  juin  lô'iO,  l'habit  monastique  dans  le 
couvent  de  Saint-Marc  de  cette  ville*.  Il 


RAZ  ?75 

professa  pendant  long-temps  dans  divers 
couvens  de  son  ordre,  et  il  prêcha  avec 
succès.  A  ces  avantages  il  joignait  de  la 
piété,  des  mœurs  douces,  et  du  zèle  pour 
la  discipline  régulière.  On  lui  confia  la 
supériorité  de  diverses  maisons,  la  surin- 
tendance des  études,  et,  en  1587,  il 
était  vicaire-général  de  sa  province.  H 
composa  divers  ouvrages  ,  dans  la  nom- 
breuse liste  de.squels  nous  nous  borne- 
rons à  citer  les  suivans  :  1°  De  lacis 
thenlogicis  prœlectiones,  Pérouse,  1603, 
in-4 .  Le  Père  Razzi  abrège  ce  qu'avait  écrit 
sur  ce  sujet  Melchior  Cano  ,  docteur  do- 
minicain ,  et  y  rectifie  ce  qui  pouvait 
avoir  échappé  à  ce  célèbre  théologien. 
2"  La  Corona  angelica ,  owero  cinque 
libri  ne  quali  si  traita  in  lingua  vol- 
gare  délia  sostanza  degli  angeli ,  délia 
Inro  intellezione,  délia  loro  volonta,  délia 
loro  erudizionc ,  e  dclla  loro  amniinis 
trazione ,  seguitando  san  Tomaso  d'A- 
quino  ;  3°  De  incarnatione  ,  coUationes 
habit œ  in  gcnerali  studio perusino,  anno 
1573  ;  4°  Cento  casi  di  coscienza  ,  Flo- 
rence ,  1578  et  15S5,  réimprimé  plu- 
sieurs fois  à  Venise  et  ailleurs.  5°  Sum- 
ma  confessorum  ,  seu  sunima  casuum 
conscientiœ  ;  6"  Quattro  libri  sopra  la 
sfera  del  mnndo,  etc.  ;  délia  natura  e 
proprieta  delV  api ,  owero  pecchie  ,  da 
gravi autori  raccolta,  etc.  ,  imprimés  à 
Lucques  ;  7°  Lezzioni  sopra  Tobia  ,  Fo- 
ligno ,  1 569  ;  8°  des  Sermons  en  très 
grand  nombre  ;  9"  Un  libro  di  laudi 
(  senza  poésie  )  con  la  propria  musica , 
Venise  ,  1 563  ;  1 0°  /Z  Rosarin  délia  Ma- 
donna,  in  ottava  rima ,  con  le  annota- 
zioni  inprosa,  Florence,  1583.  1 1°  L'in- 
nario  dominicano,  con  le  annotazioni 
in  prosa  ,  Pérouse,  1587  ,  in-4  ;  12°  Vite 
dei  santi  delsacro  ordine  de  prcdicatori, 
casi  ominicome donne,  Florence,  1577  , 
in-4;  réimprimées,  ibid.,  1588,  in-4, 
avec  beaucoup  d'augmentations.  Elles 
ont  été  traduites  en  français  par  Jean 
Blancoa  de  Toulouse,  de  l'ordre  des  frè- 
res mineurs ,  sous  ce  titre  :  Vies  des 
saints  et  saintes ,  bienheureux  et  hom- 
mes illustres  de  l'ordre  sacre'  de  Saint- 
Dominique  ,  Paris  ,  1G16  ,  in  4.  Cet  ou- 
vrage   demandait  des  recherches   infi- 


m 


37^ 


REA 


nies.  L'auteur  raconte  que  dans  le  cours 
seul  de  l'année  1572,ilfità  pied  plus  de 
900  milles  d'Italie  ,  et  parcourut  la  mar- 
che d'Ancône,  la  Romagne.  la  Lombardie, 
le  Piémont ,  pour  \isiter  les  archives  des 
églises  et  des  monastères ,  les  bibliothè- 
ques ,  les  dépôts  publics  ,  consulter  les 
chroniques  des  lieux,  et  recueillir  les  ma- 
tériaux nécessaires  pour  composer  ces 
vies.  Il  en  publia  beaucoup  d'autres  dont 
nous  nous  dispensons  de  faire  mention. 
Le  PèreMittarelli,  dans  su  Letteratura  fa- 
ventina,  en  donne  la  nomenclature,  avec 
une  notice  de  la  vie  de  Razzi.  Echard,  dans 
ses  Scriptores  ordinis  prœdicntoriim , 
donne  aussi  une  liste  fort  étendue  de  ces 
mêmes  écrits,  à  laquelle  ceux  qui  désirent 
plus  de  détail  peuvent  avoir  recours.  Il 
n'assigne  point  la  date  de  la  mort  du 
Père  Séraphin  Razzi  ;  mais  il  dit  qu'il 
vivait  encore  en  1613,  et  il  avait  alors 
82  ans. 

*  RÉ  (  le  comte  Filippo  ),  célèbre  pro- 
fesseur d'agriculture  et  de  ^olaniqiic , 
né  en  1763  à  Reggio,  y  mourut  en  1817. 
La  clarté  de  son  stile ,  l'assurance  avec 
laquelle  il  parlait,  et  les  agrémens  que  sa 
vaste  érudition  savait  prêter  aux  sujets 
qu'il  traitait,  attiraient  à  ses  leçons  un 
grand  nombre  d'auditeurs.  En  1798,  il 
publia  à  Parme  ses  Elemcnti  de  agricol- 
tura,  qui  ont  été  adoptés  dans  toutes  les 
universités  du  royaume  d'Italie.  On  a 
encore  de  lui  plusieurs  autres  ouvrages , 
parmi  lesquels  on  cite  un  éloge  de  Pietro 
Crescenzi.  Les  Annales  encyclopédiques 
du  mois  d'août  1817,  contiennent  une  No- 
tice sur  Philippe  Ré  ,  trad.  du  journal 
encyclopédique  de  Naples. 

REAL  (César  "Vichard  de  Saint-  ),  fils 
d'un  conseiller  au  sénat  de  Chambéry  , 
où  il  naquit  en  1639,  vint  à  Paris  de 
bonne  heure^  et  y  prit  la  tonsure  chez 
les  jésuites.  Depuis,  il  ne  fut  connu  que 
sous  le  nom  d'abbé  de  Saint-Réal.  Varil- 
las,  auprès  duquel  il  vécut  quelque 
temps,  l'accusa  de  lui  avoir  enlevé  quel- 
ques papiers ,  et  cette  accusation  n'a  pas 
été  éclaircie.  De  retour  dans  sa  patrie 
en  1675,  il  fut  chargé  par  Charles-Em- 
manuel II  d'écrire  l'histoire  d'Emma- 
nuel l*',60u  aïeul  \  ou  ignore  s'il  exé- 


RÉA 

enta  ce  projet ,  on  croit  même  qu'il  ne 
reçut  jamais  celte  mission.  La  duchesse 
Mancini ,  nièce  du  cardinal  Mazarin,  s'é- 
tant  réfugiée  en  Savoie ,  goûta  l'abbé  de 
Saint-Réal ,  et  l'emmena  avec  elle  en  An- 
gleterre ,  où  il  se  lia  avec  le  fameux 
Saint-Evremond.  (C'est  à  Londres  que  le 
premier  écrivit  les  Mémoires  de  la  du- 
chesse de  Mazarin.)Ce  voyage  ayant  dé- 
rangé ses  études,  il  vint  à  Paris  et  y  de- 
meura jusqu'en  1692,  qu'il  se  rendit  à 
Chambéry  ,  où  il  mourut  vers  la  fin  de 
cette  année.  (A  son  second  retour  dans  sa 
patrie,  en  1679,  il  fut  nommé  membre 
de  l'académie,  fondée  un  au  auparavant 
par  la  duchesse  douairière  ,  Marie-Jean- 
ne ,  qui  le  nomma  historiographe  de  Sa- 
voie.) Cet  écrivain  avait  nue  imagination 
vive,  une  mémoire  ornée;  mais  son  goût 
n'était  pas  toujours  sûr.  On  lui  reproche 
d'avoir  été  d'une  sensibilité  puérile  pour 
la  critiquc,vif  et  impétueux  à  l'excès  dans 
la  dispute.  Ses  ouvrages  parurent  en 
1745  ,  Paris  (Nyon),  3  vol.  in-4  ,  et  6  vol. 
in-12.  Les  principaux  sont  :  1°  sept  Dis- 
cours sur  l'usage  de  l'Histoire  ,  Paris , 
1671 ,  pleins  de  réflexions  judicieu.ses  , 
mais  écrits  sans  précision  ;  2°  Histoire 
de  la  conjuration  que  les  Espagnols 
formèrent  en  1618  contre  la  république 
de  P^enise,  1618  et  1674.  Ce  morceau  est 
certainement  romanesque  à  plusieurs 
égards, et  il  est  très  vraisemblableqne  le 
fonds  même  manque  de  vérité.  (  Voyez 
CuEVA.)  Il  y  règne  un  sens  admirable 
dans  les  réflexions ,  un  coloris  vigoureux 
dans  les  portraits  ,  et  un  choix  heureux 
dans  les  faits  ;  c'est  dommage  que  tout 
cela  ne  soit  qu'un  tableau  d'imagination. 
3°  DonCarlos,  1672,  in-12, nouvellehis- 
torique  ,  purement  romanesque  f  voyez 
Carlos  don)  ;  4°  la  Vie  de  Jésus-Christ , 
Paris  ,  1689.  Il  y  a  à  la  fin  des  remarques 
qui  sont  estimées.  5°  Discours  de  remer- 
cîmcnt ,  prononcé  le  13  mai  1080  à  l'aca- 
démie de  Turin ,  dont  il  avait  été  reçu 
membre  dans  un  voyage  qu'il  fit  cette 
année  en  celte  ville.  6"  Relation  de  FA- 
postasiede  Genève.  Cet  ouvrage,  curieux 
et  intéressant ,  est  une  nouvelle  édition 
du  livre  intitulé  Levain  du  calvinisme  , 
composé  par  Jeanne  de  Jussie,  religieuse 


1 


REA 

de  Sainte  Claire  à  Genève. L'abbé  de  S;iiiit- 
Réal  en  letoucliale  stile,  et  le  publia  sous 
«n  aulre  titre.  1"  Cc'snrion  ou  divers 
Entretiens  curieux  ;  8"  Discours  sur  la 
valeur,  adressé  à  l'électeur  de  Bavière 
en  IC88.  Cest  une  des  meilleures  pièces 
de  Sainl-Réal.  9"  Traite'  de  In  critique  ; 
1 0"  Traduction  des  Lettres  de  Cicc'ron 
à  Atticus,  2  vol.  in  12.  Celte  traduction 
ne  contient  que  les  deux  premiers  livres 
des  épîtresk  Atlicus  ,  avec  la  deuxième 
Jcltre  du  premier  livre  à  Quintus.  11" 
Plusieurs  Lettres.  Les  autres  ouvrap^es 
de  cet  auteur  sont  :  La  Conjuration 
des  Gracques,  celle  de  Pison,  des  opus- 
cules sur  César  ^  Marius  ,SyUa  ,  etc. 
Son  stile  est  plus  dur  que  fort,  et  plus 
élégant  que  correct.  En  1757  ,  l'abbé 
Pérau  donna  une  nouvelle  et  jolie  édi- 
tion de  toutes  les  OEuvres  de  cet  au- 
teur, en  8  petits  vol.  in-1 2.  Ce  n'est  qu'une 
réimpression  de  celle  qu'il  avaitdonnéeen 
1745.  (Ou  a  publié  ses  OEuvres  choisies 
précédées  d'une  notice  sur  sa  vie  par  M. 
Ch.  Malo,  Paris,  1819,  1  vol-in.  8.  M.  de 
Neuville  a  donné  l'Esprit  de  Saint-Réal, 
in-1 2.) 

REAL  (Gaspard  de),  seigneur  de 
Curban  et  grand  sénéchal  de  Forçai - 
quier,  né  à  Si.sterou  en  1G82,  et  mort  à 
Paris  en  1752  ,  se  distingua  par  ses  la- 
lens  pour  la  politique.  On  a  de  lui  un 
Traité  de  la  Science  du  Gouvernement  : 
ouvrage  de  morale,  de  droit  et  de  politi- 
que. Aix-la-Chapelle  (Paris),  17G2-G4  G3, 
8  vol.  in-4.  Il  contient  les  principes  du 
commandement  et  de  l'obéissance,  où 
l'on  réduit  toutes  les  matières  du  gou- 
vernement en  un  corps  unique,  entier 
dans  chacune  de  ses  parties  ,  et  où  l'on 
explique  les  droits  et  les  devoirs  des  sou- 
verains ,  ceux  des  sujets,  ceux  de  tous 
les  hommes  en  quelque  situation  qu'ils  se 
trouvent.  On  n'y  rencontre  pas  les  para- 
doxes ni  la  morgue  des  philosophe  du 
temps.  —  REAL  ,  abbé  de  Lure,  neveu  du 
précédent,  né  à  Sisteron  en  1701  ,  mort 
en  1774,  est  auteur  d'un  ouvrage  inti- 
tulé Dissertation  sur  le  nom  de  la  fa- 
mille qui  règne  en  France  ,  1762,  1  vol. 
in-1 2. 
'  REAL  (  André  ) ,  convenlionncl,  ne 


REA  27; 

à  Grenoble  eu  17  55  ,   était  avocat  avant 
la  révolution.  L'enthousiasme  avec  lequel 
il  embrassa  la  cause  des  novateurs  poli- 
tiques le  fit  nommer  président  du  direc- 
toire du  district  de  Grenoble.  Il  occupait 
cette  place,  lorsqu'en  1792  il  fut  élu  par 
son  département  député  à  la  Convention 
nationale.  Dans  le  procès  du  roi  il  vota 
d'abord  contre  la  compétence  de  l'assem- 
blée ;  mais  la  Convention  s'étant  arrogé 
le  droit  de  juger  Louis  XVI ,  il  appuya  la 
proposition  faite  de  n'ouvrir  la  discussion 
que  trois  jours  a[)rès  l'impression  et  la 
distribution  de  la  défense  de  ce  prince  : 
cette  proposition  ayant   été  rejetée  ,   il 
demanda  qu'au  moins  la  discussion  fût 
continuée  jusqu'après  l'impression.  Lors- 
que l'on  en  vint  à  recueillir  les  suffrages, 
il  déclara  qu'il  r.e  votait  pas  comme  juge., 
mais  comme  législateur,  et  se  prononça, 
par  mesure  de  sûreté  générale  ,  pour  la 
détention  provisoire  ,  sauf  commutation 
en  un  exil  dans  un  temps  plus  calme  ;  il 
ajouta  (\\i'\\ aimerait  mieux  que  les  droits 
dont  Louis  avait  été  revêtu  ,  repassas- 
sent sur  sa  tête  flétrie  et  humiliée  que 
de  les  voir  réunis  sur  celle  de  tout  autre 
Bourbon.    Du  reste  il  vota  pour  l'appel 
au  peuple  et  pour  le  sursis.   Plus  lard  il 
fit  plusieurs  rapports  au  nom  de  comité 
des  liiianccs  dont  il  était  membre  ,   fut 
envoyé  plusieurs   fois  en  mission  ,    dé- 
fendit, à4'époque  du  31  mai  1793,  Buzot 
qui  passait  pour  être  le  chef  des  Giron- 
dins ,  vota  la  suppression  du  maximum 
et  la  levée  du  séquestre  des  biens  des 
étrangers  ,    enfin  appuya  la  proposition 
faite  de  restituer  les  biens  des  condamnés. 
Un  journal ,  et ,  d'après  ce  journal  ,  une 
biographie  prétendait  qu'il  demanda  l'a- 
journement de  cette  dernière  question, 
ce  qui  est    faux.   On  peut   assurer  que 
Real  était  un  des  membres  les  plus  mo- 
dérés  de  la   Convention  ,  et   qu'il  vota 
contre  toutes  les   mesures    de  rigueur. 
Envoyé  dans  le  mois   de   germinal  an   3 
en  mission  près  de  l'armée  des  Alpes  et 
de  l'Italie  ,  son  premier  soin  fut  de  met- 
tre en  liberté  tous  les  ecclésiastiques  et 
les  religieuses  qui  étaient  emprisonnés 
pour  opinion  politique  ;  mais  ,  lorsqu'il 
fut  arrivé  à  Nice  ,    il  signala  les  mouve- 


278 


REA 


meas  survenus  à  Toulon  ,  à  Âix  el  à  Mar- 
seille ,  les  comprima  de  concert  avec  le 
général  Kellermana  ,  et  rendit  compte 
à  la  Convention  des  mesures  qu'il  avait 
prises.  Ce  fut  Real  qui  annonça  les  divers 
succès  remportés  par  l'armée  des  Alpes 
au  mont  Saint-Bernard.  Réélu  eu  l'an  4 
(  1796  )  par. le  département  de  l'Isère, 
il  fit  partie  du  conseil  des  Cinq- cents. 
C'est  dans  cette  assemblée  qu'il  combat- 
tit la  proposition  qui  avait  été  faite  de 
percevoir  l'impôt  foncier  en  nature , 
démontrant  que  ce  mode  de  perception 
était  plus  dispendieux,  et  par  conséquent 
plus  onéreux  pour  les  contribuables. 
Nommé  secrétaire  du  conseil  le  21  dé- 
cembre 1795  ,  il  présenta  peu  de  temps 
après  un  projet  sur  le  régime  hypothé- 
caire ,  dont  les  principales  dispositions 
furent  consacrées  par  la  loi  du  1 1  bru- 
maire an  11.  Après  avoir  appuyé  d'au- 
tres projets  de  loi  ,  il  sortit  du  conseil 
par  la  voie  du  sort,  dans  le  mois  de  mai 
1797 .  Rentré  dans  ses  foyers,  il  fut  nom- 
mé presque  aussitôt  commissaire-central 
du  département  de  l'Isère;  en  1801  juge 
à  la  cour  d'appel  de  Grenoble,  et  en  1812 
président  de  chambre  dans  la  même  cour. 
Le  30  novembre  1815  Real  donna  sa  dé- 
mission. Compris  dans  la  liste  des  an- 
ciens conventionnels  qui  devaient  sortir 
de  France  ,  en  exécution  de  l'article  7  de 
la  loi  du  12  janvier  1816  ,  Real  réclama 
contre  cette  erreur  ;  car  il  n'était  point  ré- 
gicide, n'avait  pas  signé  l'acte  additionnel 
pendant  les  Cent-jours,  et  n'avait  rien  ac- 
cepté de  ce  gouvernement  éphémère.  Le 
1 1  avril  1816,  il  obtint  du  conseil  du  roi 
un  sursis  indéfini  qui  l'autorisait  à  rester 
dans  ses  foyers  ,  et  une  décision  royale 
du  26  septembre  1819  déclara  que  la  loi 
du  12  janvier  ne  lui  était  pas  applicable. 
Real  a  vécu  dès  lors  dans  la  retraite  :  il 
est  mort  à  Grenoble  le  19  octobre  1832 
dans  la  78«  année  de  son  âge.  11  était 
président  honoraire  de  la  cour  royale  de 
Grenoble. 

RÉAUMUR  (René-Antoine  Fekchault, 
sieur  de),  naturaliste  et  physicien  célèbre, 
né  à  La  Rochelle  en  1683  d'une  famille 
de  robe,  quitta  l'étude  du  droit  pour  s'ap- 
pliquer ii  la  physique.  Use  rendit  à  Paris 


REA 

en  1703  ,  et  en  1708  il  fut  agrégé  à  l'a- 
cadémie des  Sciences  Depuis  ce  momen  t, 
il  se  livra  tout  entier  à  l'étude  de  l'his- 
toire naturelle.  Ses  mémoires  sur  la  for- 
mation des  coquilles  ,  sur  les  araignées , 
sur  les  filières ,  les  moules  ,  les  puces 
marines,  etc.  ,  lui  firent  un  nom  distin- 
gué. Mais  il  se  rendit  surtout  utile  par 
un  ouvrage  intitulé  :  VArt  de  convertir 
le  fer  forgé  en  acier,  et  Vart  d'adoucir 
le  fer  fondu  et  de  faire  des  ouvrages  de 
fer  fondu  aussi  finis  que  le  fer  forge', 
1  vol.  in-4  ,  1722.  Le  duc  d'Orléans  ,  ré- 
gent ,  crut  devoir  récompenser  ces  ser- 
vices rendus  à  l'état  par  une  pension  de 
12  ,00  liv.  ;  Réaumur  ,  voulant  la  rendre 
perpétuelle,  ne  l'accepta  qu'en  deman- 
dant qu'elle  fût  mise  sous  le  nom  de  l'a- 
cadémie ,  qui  en  jouirait  après  sa  mort. 
Ce  fut  à  ses  soins  qu'on  dut  les  manufac- 
tures de  fer-blanc  établies  en  France  ;  on 
le  tirait  autrefois  de  l'étranger.  La  patrie 
lui  fut  encore  redevable  de  l'art  de  faire 
de  la  porcelaine.  Ses  premiers  essais  en 
ce  genre  réussirent  parfaitement.  Il  con- 
trelitmêmela  porcelaine  de  Saxe,  et  trans- 
porta par  ce  moyen  dans  le  royaume  un 
art  utile  et  une  nouvelle  branche  de 
commerce.  Un  autre  travail  intéressant 
pour  la  physique  est  la  construction 
d'un  nouveau  thermomètre  ,  au  moyen 
duquel  on  peut  conserver  toujours  et  dans 
toutes  les  expériences  ,  des  degrés  égaux 
de  chaud  ou  de  froid.  Ce  thermomètre 
porte  son  nom  et  a  fait  oublier  ceux  de 
Drebbel,  d'Amontons,  de  La  Hire,  etc. 
Celui  de  Fahrenheit,  que  les  Allemands 
ont  voulu  lui  substituer,  n'en  a  ni  la 
simplicité  ni  la  sûreté  {voyez  Fahren- 
heit )  ;  de  manière  qu'on  lui  doit  la  per- 
fection d'une  découverte  beaucoup  plus 
ulile  etplus  importante  que  tant  d'autres 
dont  on  a  fait  beaucoup  plus  de  bruit. 
«  Car  avant  l'usage  du  thermomètre ,  dit 
»  un  physicien  célèbre  ,  comment  pou- 
>»  vait-on  juger  des  différentes  tcmpéra- 
»  turcs  de  l'air,  de  celle  des  lieux  oii  il 
»  nous  importe  qu'elle  soit  d'un  degré 
»  détermine,  de  l'état  d'un  certain  mé- 
»  lange ,  de  certaines  compositions  dont 
»  le  succès  n'est  sûr  qu'autant  qu'on  y 
«  eolrelient  telle  ou  telle  chaleur?  Con- 


IIEA 

»  naissait-on  d'autres  refroidissemens 
M  que  ceux  dont  on  s'apercevait  par  le 
»  toucher  ,  signe  loul-à-fait  équivoriue  ? 
»  Savait-on  que  dans  les  caves  profondes 
»  et  dans  les  antres  souterrains  il  ne  fait 
«  ni  plus  chaud  en  hiver  ni  plus  froid  en 
»  été  que  dans  toutes  les  autres  saisons  de 
»  l'année  ,  et  que  s'il  y  a  des  dififérences  , 
»  elles  sont  très  peu  considérables?  Sa- 
»  vait-on  que  l'eau  qui  bout  longtemps 
»  ne  devient  pas  plus  chaude  qu'après  les 
M  premiers  bouillons  ?  Enfin,  sans  lelber- 
M  momètre ,  se  serait-on  jamais  douté 
)>  que  dans  les  pays  les  plus  chauds,  sous 
»  la  ligne  équinoxiale ,  la  plus  grande 
»  chaleur  n'excède  pas  celle  que  nous 
»  éprouvons  quelquefois  dans  nos  climats 
»  tempérés  ?  Aurait-on  su,  et  l'aurait-on 
»  pu  croire,  qu'il  y  eut  un  pays  habité 
M  par  des  hommes  où  le  froid  devient  en 
))  certaines  années  deux  fois  aussi  grand, 
»  et  même  davantage,  que  celui  qui 
»  causa  tant  de  désordres  en  1709  en 
w  France  et  dans  plusieurs  autres  parties 
w  de  l'Europe  ?  Le  physicien  ,  guidé  par 
»  le  thermomètre  ,  travaille  avec  plus  de 
V  certitude  et  de  succès  ;  le  bon  citoyen 
M  est  mieux  éclairé  sur  les  variations  qui 
M  intéressent  la  santé  des  hommes  et  les 
M  productions  de  la  terre  ;  et  le  particu- 
»  lier  qui  cherche  à  se  procurer  les  com- 
»  modités  de  la  vie  est  averti  de  ce  qu'il 
»  doit  faire  pour  habiter  pendant  toute 
»  l'année  dans  une  température  à  peu 
»  près  égale  ,  et  éviter  d'échauffer  trop 
»  des  apparlemens  ,  afin  de  ne  pas  s'ex- 
«  poser  à  des  températures  trop  con- 
»  traires,  subites  et  dangereuses.  C'est 
»  en  l'observant  qu'on  donne  à  la  chambre 
»>  d'un  malade,  ou  à  une  serre,  la  tem- 
»  pérature  convenable.  »  L'illustre  obser- 
[irateur  composa  V Histoire  des  rivières  au- 
rifères de  France  ,  et  donna  le  détail  de 
cet  art  si  simple  qu'on  emploie  à  retirer 
les  paillettes  d'or  que  les  eaux  roulent 
dans  leur  sable.  Une  tentative  qu'on 
croyait  d'abord  beaucoup  plus  impor- 
tante fut  de  nous  donner  l'art  de  faire 
éclore  et  d'élever  les  poulets  et  lesoiseaux 
comme  il  se  pratique  en  Egypte,  sans 
faire  couver  des  œufs  ;  mais  cette  tenta- 
tÎTC  fut  infructueuse ,  et  dans  la  pratique 


REA  979 

il  n'a  jamais  été  dédommagé  de  ses  peines 
ni  de  ses  dépenses,  l'ne  collection  d'oi- 
seaux desséchés,  qu'il  avait  trouvé  le  se- 
cret de  se  procurer  et  de  conserver ,  lui 
donna  lieu  de  faire  des  expériences  sin- 
gulières sur  la  manière  dont  les  oiseaux 
font  la  digestion  de  leur  nourriture.  Dans 
le  cours  de  ses  observations  ,  il  fit  des 
remarques  sur  l'art  avec  lequel  les  dif- 
férentes espèces  d'oiseaux  savent  con- 
struire leurs  nids.  Il  en  fit  part  à  l'acadé- 
mie en  1756,  et  ce  fut  le  dernier  ouvrage 
qu'il  lui  communiqua.  11  mourut  le  17 
octobre  1757,  âgé  d'environ  7 5  ans,  des 
suites  d'une  chute  ,  en  sa  terre  delaBer- 
mondière  dans  le  Maine  ,  où  il  était  allé 
passer  les  vacances.  Réaumu?  était  un 
physicien  plus  pratique  que  spéculatif; 
observateur  infatigable  ,  dont  tout  arrê- 
tait l'attention  ,  tout  excitait  l'activité  , 
tout  appliquait  l'intelligence.  Ses  ouvra- 
ges font  assez  connaître  l'étendue  de  son 
esprit.  I!  est  peut-être  trop  diffus  ;  mais 
ce  défaut  est  une  nécessité  dans  les  ou- 
vrages d'observation ,  et  il  a  traité  sa 
matière  avec  autant  de  soin  que  de  clarté 
et  d'agrément.  Il  est  vrai  qu'il  a  quelque 
fois  trop  généralisé  le  résultat  et  les 
conséquences  de  ses  observations,  et 
qu'il  a  trop  précipitamment  conclu  la 
fausseté  de  quelques  anciennes  opinions 
fondées  sur  des  expériences  plus  vraies 
et  plus  constantes  que  les  siennes.  (Réau- 
mur  procura  au  verre  une  blancheur  et 
une  opacité  qui  le  fait  ressembler ,  en 
quelque  sorte,  à  la  porcelaine.  L'incuba- 
tion ,  ou  l'art  de  faire  pondre  les  œufs  , 
inventée  par  lui,  a  été  de  nouveau  essayée 
avec  un  avantage  réel.  Il  a  indiqué  lit 
manière  d'empêcher  l'évaporation  des  li- 
queurs par  le  mercure  ;  il  a  perfectionné 
la  suspension  des  voitures  et  l'emboîte- 
ment des  essieux.  En  17 11  ,  il  retrouva 
un  coquillage  dont  le  suc  fournit  une 
teinture  analogue  à  la  pourpre  des  an- 
ciens ,  et  a  cherché  à  tirer  parti  même  de 
la  soie  des  araignées.  Son  Mémoire  à  ce 
sujet ,  de  1710  ,  fut  traduit  en  mantchou 
par  le  Père  Parrennin ,  par  ordre  de  l'em- 
pereur de  la  Chine.  )  Les  qualités  de  son 
cœur  le  rendaient  encore  plus  estimable 
que  celles  de  son  esprit.  La  douceur  de 


28o  REB 

son  caractère,  sa  bonté,  la  pureté  de  ses 
mœurs  et  son  exactitude  à  remplir  les 
devoirs  de  la  religion  en  faisaient  un 
citoyert  aussi  respeclalilc  qu'ainiiible. 
Ses  ouvrages  sont:  l"un  très  grand  nom- 
bre de  Mémoires  et  à' Observations  sur 
diflféreus  points  d'histoire  naturelle.  Ils 
sont  imprimés  dans  la  collection  de  l'a- 
cadémie. 2°  L'Histoire  natiirclL  des 
insectes  ^  en  6  vol.  in-4.  Tout  n'y  est  pas 
exact ,  et  quelques  unes  de  ses  assertions 
ont  été  corrigées  par  des  observations 
plus  récentes  ;  mais  en  général  l'ouvrage 
est  curieux,  intéressant , et  le  fruit  de 
beaucoup  d'application. 

RÉBECCA  ,  fille  de  Balhuel  et  petite- 
fille  de  I\»ichor,  frère  d' Abraham.  Eliézer, 
intendant  de  la  maison  de  ce  patriarche  , 
étant  allé  en  Mésopotamie  chercher  une 
femme  pour  le  iilsdc  son  maître,  aperçut 
I\ébecca  qui,  étant  venue  à  la  fontaine, 
s'en  retournait  à  Haran  ,  portant  sur  son 
épaule  sa  cruche  pleine  d'eau.  Le  servi- 
teur d'Abraham  ayant  reconnu  que  c'é- 
tait celle  que  le  Seigneur  destinait  à  son 
maître,  l'obtint  de  Bathuel,  et  l'amena 
à  rsaac  ,  qui  demeurait  alors  à  Béersabée 
dans  la  terre  de  Chanaan.  Elle  demeura 
vingt  ans  avec  son  mari  sans  en  avoir 
d'enfans  ;  après  ce  temps,  les  prières 
d'Isaac  lui  obtinrent  la  vertu  de  conce- 
voir, et  elle  devint  mère  de  deux  jumeaux, 
dont  le  premier  fut  surnommé  Esaû  et 
l'autre  Jacob.  Rébecca  eut  toujours  plus 
d'inclination  et  de  tendresse  pour  Jacob 
que  pour  Esaii ,  parce  que  ,  sachant  les 
desseins  de  Dieu  sur  Jacob  ,  elle  réglait 
ses  sentimens  sur  ceux  de  la  souveraine 
et  éterxielie  justice.  Comme  il  lui  avait 
été  révélé  que  le  plus  jeune  de  ses  enfans 
jouirait  du  droit  de  l'aîné,  sa  foi  la  tenait 
attentive  à  tous  les  événcmcns.  L'ouvrage 
commença  par  la  cession  que  fit  de  ce 
droit  Esaû  pour  un  plat  de  lentilles  ; 
mais  il  fallait  faire  confirmer  cette  ces- 
sion par  la  bénédiction  de  son  père ,  et 
c'est  ce  que  fit  Rébecca  dans  le  temps. 
Quand  elle  sut  qu'Isaac  se  préparait  à 
bénir  Esaii,  elle  fit  couvrir  Jacob  des 
habits  de  ce  dernier  et  le  substitua  à  son 
frère.  Esaii ,  désespéré  de  se  voir  sup- 
planté par  son  cadet ,  jura  de  se  venger 


REB 

quand  Isnac  serait  mort  ;  el  Rébecca  ,  le 
craignant,  engagea  Isaac  à  envoyer  Jacob 
en  Mésopotamie,  pour  y  épouser  une  des 
filles  de  son  oncle  Laban.  Depuis  ce 
temps ,  l'Ecriture  ne  nous  dit  plus  rien 
de  Rébecca,  sinon  qu'Isaac  fut  mis  dans 
le  tombeau  avec  elle.  Quoiqu'on  np 
puisse  pas  blâmer  cette  tendre  et  ver- 
tueuse mère  d'avoir  assuré  à  son  fils  les 
avantages  de  la  primogénilurc  que  son 
frère  lui  avait  vendue,  et  qui  dans  les 
vues  de  la  Providence  lui  étaient  dévolus, 
l'on  n'est  pas  obligé  pour  cela  de  jus- 
tifier toutes  les  circonstances  de  cet  évé- 
nement et  tous  les  moyens  qu'elle  y  fit 
servir.  (  roy.  Jéuu.  )  Cependant  saint 
Augustin  l'excuse  de  mensonge,  parce 
que  son  dessein  ne  l'ut  pas  de  tromper 
Isaac,  mais  de  lui  faire  faire  ce  qu'il 
fallait,  et  qu'il  se  fût  trompé  aii  contraire 
en  donnant  la  première  bénédiction  à 
Jacob.  Il  est  vrai  aussi  que,  quoique  au- 
cune espèce  de  mensonge  ne  soit  per- 
mise dans  aucun  cas,  cette  morale  pure 
et  sévère  n'a  pas  toujours  été  également 
connue.  On  a  pu  se  persuader  innocem- 
ment, quoijque  faussement,  que  dans  des 
affaires  justes  et  louables  il  était  permis 
de  n'être  pas  toujours  sincère.  Si  des 
saints  Pères  ont  cru  pouvoir  adopter 
cette  opinion  avant  que  l'Eglise  eût  paru 
la  rejeter ,  il  ne  faut  pas  s'étonner  que 
dans  les  temps  de  la  première  simplicité 
on  l'ait  regardée  comme  véritable. 
"REBECQUE.royes  Constant  de  Rk- 

BECQUE. 

REBELLUS  (  Ferdinand),  jésuite  por- 
tugais, né  à  Prado  en   1547,   mort  çn 
1608,  est  le  premier  des  théologiens  qui   , 
a  attaqué  le  probabilisme.  (/^.  Gonzalez 
Thyrsc.  )  Il  enseigna  long-temps  la  phi-    j 
losophie  et  la  théologie  à  Evora.  On  a  de    ■ 
lui  un  ouvrage  ample  et  érudit  sur  les  j 
obligations  de  justice  ,  de  religion  et  de  j 
charité.  v  ' 

*  REBOLLEDO  (  Le  comte  Bernardin   ! 
de  )  ,  général ,  diplomate  et  poète  espa- 
gnol ,  naquit  à  Léon  en  1597   d'une  fa- 
mille illustre.  A  l'âge  de  1 4  ans  il  em-   l 
brassa  l'état  militaire,  et  servit  contre    ! 
les  Turcs  dans  la  guerre  terminée  par  la 
bataille  de  I-épante,  gagnée  par  les  Ksjjf- 

t 


REB 

gno's  sous  le  règne  de  Philippe  II.  Re- 
bolledo  fut  nommé  commandant  d'une 
galère  en  Sicile,  et  se  distingua  à  la 
prise  d'Aibenga,  d'Onella  ,  de  Port-Mau- 
rice elduchaleaudeVenlimiIia.il  reprit, 
en  1626,  le  service  de  terre,  et  acquit 
une  nouvelle  gloire  à  la  prise  de  Nice  et 
de  Casai.  Six  ans  après,  il  passa  en  Flan- 
dre, où  il  obtint  une  compagnie  de  lan- 
ciers. Rebolîedo  possédait  à  la  fois  des 
talens  militaires  et  politiques  dont  Phi- 
lippe IV  sut  profiter  .  il  l'envoya  en  1 636 
en  Allemagne  pour  solliciter  des  secours 
des  princes  de  l'empire  et  de  l'empereur 
Ferdinand  11.  Il  s'acquitta  avec  honneur 
de  cette  mission  difficile,  et  Feidinand 
le  nomma  comte  de  l'empire.  Rebolîedo 
servit  ensuite  dans  les  guerres  contre  les 
Français,  et  il  se  fit  remarquer  dans  toutes 
les  occasions  et  par  ses  talens  et  par  son 
courage.  Rappelé  à  Madrid ,  il  repassa 
encore  en  Allemagne  ,  chargé  des  négo- 
ciations les  plus  importantes.  L'empereur 
Ferdinand  le  créa  alors  capitaine  géné- 
ral de  l'artillerie  et  gouverneur  du  Bas- 
Palatinat.  A  son  retour  en  Espagne ,  il 
fut  nommé  président  du  conseil  suprême 
de  Casti.le.  Il  s'était  couvert  d'honneur 
dans  toutes  les  places  qu'il  avait  occu- 
pées; mais  c'est  dans  son  ambas.sade  au- 
près de  Frédéric  III ,  roi  de  Danemark, 
qu'il  déploya  toute  l'étendue  de  ses  ta- 
lens :  il  demeura  à  Copenhague  près  de 
•vingt  ans.  Chargé  d'infirmités,  il  revint 
à  Madrid  et  y  mourut  en  1677  ,  âgé  de 
quatre-vingt  ans.  Ses  différentes  occupa- 
tions ne  l'empêchèrent  pas  de  cultiver 
la  poésie,  et  il  mérita  un  rang  distingué 
parmi  les  bons  poètes  de  sa  nation.  Ses 
vers ,  où  il  suit  les  traces  de  Boscan  et  de 
Garcildsso,  sont  pleins  de  pensées  neu- 
ves ,  et  écrits  d'un  slile  correct  et  har- 
monieux. Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
1  °  Mes  Inisirs  ;  2"  Foret  militaire  et  po- 
litique,  3"  Forêt  danoise.  C'est  un  poème 
historique  sur  le  Danemarck,  qui  con- 
tient en  outre  les  généalogies  des  sou- 
verains de  ce  royaume.  Il  a  traduit  en 
beaux  vers  les  Psaumes  de  David ,  les 
Lamentations  de  Jérémieet  leZ-iVrede 
Job.  Ces  ouvrages,  tous  en  espagnol, 
.911I  été  imprimés  à  Copenhague  et  à  Au- 
XI, 


REB  281 

vers,  et  ont  eu  plusieurs  éditions.  La  meil- 
leure est  celle  de  Madrid,  177  8,4  vol.  in-8. 
REBOULET  (Simon  ),  historien  ,  né 
à  Avignon  le  9  juin  1687  ,  mort  dans  la 
même  ville  en  1762,  fit  de  bonnes  études 
chez  les  jésuiles  de  sa  patrie.  Il  prit  du 
goût  pour  cet  état ,  l'embrassa  ,  et  fut 
obligé  de  le  quitter  par  défaut  de  santé. 
Il  tourna  alors  ses  éludes  du  côté  de  la  ju- 
risprudence, se  fit  recevoir  avocat  dans 
l'université  d'Avignon  et  fréquenta  assi- 
dîiment  le  barreau.  Il  rempissait  les 
fonctions  d'avocat  et  de  juge  avec  ap- 
plaudissement, lorsque  des  vomissemens 
de  sang  réitérés  l'obligèrent  d'abandon- 
ner l'une  et  l'autre.  Peu  de  temps  avant 
sa  mort,  l'université,  dont  il  était  mem- 
bre, l'honora  de  la  charge  deprimicier. 
Une  élude  plus  ou  moins  sérieuse  l'occu- 
pa toute  sa  vie;  celle  de  l'histoire  lui  ser- 
vaitde  délassement.  Les  ouvrage  que  nous 
avontdelui  en  ce  genre  sont  t  l"l  Histoire 
de  la  congrégation  rfe.»  Filles  de  V Enfan- 
ce de  Jésus-Christ,  1734,2vol.  in-12.  Ses 
anciens  confrères  lui  en  fournirent  les  mé- 
moires.(Cette  congrégation, fondée  à  Tou- 
louseen  1662parmadamedeMondonville, 
fut  supprimée  par  ordre  de  la  cour  en 
1686.)  Beaucoupde  personnesont  dit  que 
Reboulet  n'était  pas  l'auteur  de  celle  his- 
toire, puisque,  dil-on,  le  manuscrit  avait 
été  vu  à  Paris  avant  qu'il  fût  imprimé.  La 
seconde  partie  de  cette  allégation  peut 
être  vraie  ;  mais  la  picmière  est  absolu- 
ment fausse.  L'abbé  Juliard  attaqua  cet 
ouvrage;  Reboulet  fit  une  Réponse  pour 
en  détendre  la  \C'rilé;mais  le  marquis  de 
Gardouche,  neveu  de  madamedeMondou- 
ville,  jugea  que  l'autorité  valait  mieuy  que 
les  raisons,  et  obtint  en  1738  un  arrêt  au 
parlement  de  Tou'ou.se  qui  condamna  cet- 
te Réponse  et  V Histoire  au  feu  •  genre  de 
réfulalionqui  n'affaiblit  pas  toujours  la  vo 
gued'un  ouvrage,  elqui  fil  rechercher  da- 
vaulage  celui-ci, écrit  avec  art  et  d'une  ma- 
nière très  intéressante. L'on  ne  peut  cepen- 
dant s'empêcher  de  croire  qu'il  n'y  ait  de 
l'exagération  dans  quelques  récits,  et  de 
regarder  les  moyens  employés  pour  dévoi- 
ler les  secrets  de  la  maison  comme  peu  con- 
formes à  lacandeuret  à  lasimplicilé  chré- 
tienne. En  vain  dirait-on  qu'il  est  permis 
3(J, 


de  combattre  la  fraudepar  la  fraude ,  de 
découvrir  par  un  mensonge  utile  et  com- 
mandé des  impostures  funestes  et  odieu- 
ses ;  ce  peut  bien  être  là  un  principe  de 
politique  mondaine,  mais  ce  ne  sera  ja- 
mais la  morale  de  l'Evangile.  (  Foyeziv- 
LiARD  ET  MoNDOSviLLB.  )  2"  Mémoires  du 
chevalier  de  Forbin ,  2  vol.  in-12,  rédi- 
gés sur  les  manuscrits  de  ce  célèbre  ma- 
rin :  ils  sont  pleins  de  faits  curieux  dont 
quelques-uns  sont  basardés  ;  3"  Histoire 
de  Louis  XIF ,  Avignon,  1742-44,  en 
3  vol.  in-4 ,  et  en  9  vol.  in-12  ,  écrit  avec 
trop  de  sécheresse.  En  beaucoup  d'en- 
droits, elle  ressemble  a  une  gazette  ;  il  y 
en  a  de  plus  ornés,  et  en  général  cette  , 
histoire  se  fait  lire  avec  plus  de  plai.sir 
que  celle  de  Larrai  et  de  La  Martinière. 
On  y  trouve  quelques  faits  altérés,  parce 
que  l'auteur  écrit  souvent  d'après  des  mé- 
moires peu  sûrs,  mais  plus  encore  parce 
que  l'esprit  national  a  séduit  l'impartia- 
lité de  l'auteur.  Les  succès  des  Français 
sont  toujours  exagérés ,  et  ceux  des  en- 
nemis presque  réduits  à  rien.  4°  His- 
toire de  Clément  XI,  2  vol.  in  4 ,  sup- 
primée en  France  à  la  prière  du  roi  de 
Sardaigne,  dont  le  père  (  Victor-Amédée  ) 
y  était  maltraité.  Ce  prince  avait  persé- 
cuté les  jésuites,  et  l'ex-jésuite  Reboulet 
ne  pouvait  le  peindre  qu'avec  des  cou- 
leurs désagréables.  Celte  histoire  est 
écrite  d'ailleurs  avec  netteté  et  dans  un 
assez  grand  détail.  Laiitau  a  traité  le 
même  sujet,  mais  d'une  manière  moins 
développée.  (  On  trouve  des  détails  sur 
Reboulet  dans  les  M émof/;es  de  littérature 
de  l'abbé  d'Artigny.  ) 

REBUFFE  ou  Rebuffi  (  Pierre),  ju- 
risconsulte, néàBaillargues,àdeux  lieues 
de  Montpellier,  en  1 4  S7,  enseigna  ledroit 
avec  beaucoup  de  réputation  à  .Montpel- 
lier, à  Toulouse,  à  Cahors  ,  à  Bourges, 
et  enfin  à  Paris.  Son  mérite  engagea  le 
pape  Paul  III  à  lui  offrir  une  place  d'au- 
diteur de  rote  à  Rome.  On  voulut  aussi 
lui  faire  accepter  une  charge  de  conseil- 
ler ,  puis  de  président  au  grand  conseil , 
et  successivement  une  de  conseiller  aux 
parlemens  de  Rouen,  de  Toulouse,  de 
Bordeaux  et  de  Paris;  mais  il  préféra  le 
re^os  à  toutes  les  places,  Son  amour 


REC 

pour  la  vertu  l'ayant  engagé  dans  l'état 
ecclésiastique  en  1547  ,  il  fut  élevé  au 
sacerdoce  i  l'âge  de  GO  ans  Cet  habile 
homme  mourut  dix  ans  après,  à  Paris, 
en  lâ57.  Il  possédait  le  latin  ,  le  grec  , 
l'hébreu.  Sa  modestie  relevait  son  savoir. 
On  a  recueilli  ses  ouvrages  à  Lyon  en  S 
vol.  in-fol.,l58G  et  années  suivantes.  Les 
principaux  sont  :  1  °  Praxis  bcneficinrum  ; 
2"  un  Traité  de  la  bulle  In  cœna  Domini. 
(  Voyez  Pie  V.  )  3"  des  Notes  sur  les  rè- 
gles de  la  chancellerie  ;  Commentaires 
sur  les  édits  et  les  rois  de  France ,  sur 
les  Pandectes  ,  etc.  Tous  ces  ouvrages 
sont  en  latin ,  fort  savans  et  sagement 
écrits  ,  dans  les  bons  principes  de  juris- 
prudence et  de  morale  chrétienne. 

RECAREDE  1",  17'  roi  des  Visigoths 
en  Espagne,  succéda  à  Leuvigiide,  son 
père,  en  586.  Il  remporta  quelques  avan- 
tages sur  Contran,  chef  des  Francs,  près  de 
Carcassonne,  abjura  l'arianisme à  l'exem- 
ple d'Hermenigilde  son  frère,  et  fit  em- 
brasser la  religion  catholique  à  ses  sujets. 
Ce  n'est  pas  le  seul  service  qu'il  leur  ren- 
dit; il  en  fut  le  bienfaiteuret  le  père.  C'est 
par  ses  soins  que  fut  assemblé  le  3*  con- 
cile de  Tolède  en  589 ,  dont  il  appuya  les 
décisions  de  l'autorité  royale.  Ce  bon 
prince  mourut  en  601.  Saint  Léandre 
rend  un  beau  témoignage  à  ses  vertus  et  à 
son  zèle.  (  Ce  prince  est  le  héros  d'un 
poème  latin  de  P. — J.  Mayre.  } 

RECHENBERG  (  Adam  ) ,  théologien 
protestant,  né  à  Meissen  dans  la  Haute- 
Saxe,  en  1642,  fut  professeur  en  lan- 
gues, en  histoire,  puis  en  théologie  à 
L^ipsick,  où  il  mourut  en  1721 ,  après 
avoir  été  marié  quatre  fois.  On  a  de  lui  : 
1°  quelques  TAvres  de  controverse  ;  2° 
des  £'rfi7/o/j5  d'Athénagore  ,  des  Epitres 
de  Roland  des  Marels,  de  VObstetrix 
animarum  du  docteur  Edmond  Richer , 
Leipsick,  1708,  in-12,  et  de  VHistoriœ 
nummarice  scriptores ,  ibid.,  1602,2 
vol.  io-4  ;  Z^Fundamenta  religionis pru- 
dcntium,  dans  \e  Syntagma  dissertatio- 
num philolngicarum  ,  Rotterdam  ,  1699  , 
in-8,  et  1708,  in-12. 

RECHENBERG  (Charles-Othon),  fils 
du  précédent,  né  à  Leipsick  en  1689, 
devint  professeur  en  droit  l'an  1 71 1 ,  fut 


RËD 

décoré  du  titre  de  conseiller,  et  mourut 
en  1751.  Ses  ouvrages  sont  :  1°  Insiitu- 
tiones  jurispvudentiœ  naturalis  ;  2°  In- 
stitutioncs  juris publici;  3°  Régulée jitvis 
priva  a. 

*  RECUPERO  (  Alexandre  ) ,  savant 
antiquaire  italien  ,  naquit  à  Catane  eu 
1740,  d'une  famille  noble.  Une  dispute 
fàcheiise  qu'il  eut  avec  un  des  principaux 
de  la  ville,  et  qui  fut  suivie  d'un  duel, 
l'obligea  à  quitter  sa  patrie.  Il  changea 
alors  son  nom  en  celui  d'Alexis  Molta , 
voyagea  en  Italie  et  se  fixa  à  Rome ,  où 
il  se  livra  à  son  élude  favorite.  Ou  lui  doit 
une  riche  collection  de  médailles  consu- 
laires,  par  lesquelles,  après  une  applica- 
tion noninlerronipue  pendant  30  années, 
il  parvint  à  connaître  les  familles  romaines 
et  les  signes  qui  les  caractérisent.  Il  por- 
ta surtout  ses  observations  sur  les  as  et 
sur  les  divisions  des  as  qui  les  distinguent. 
LeMagasin  encyclopédique  renferme  une 
lettre  que  Recupero  adressa,  en  l'année 
1797  ,  à  M.  Saiht-Vincent  d'Aix,  et  dans 
laquelle  on  trouve  des  notions  fort  impor- 
tantes sur  le  recueil  de  l'antiquaire  ita- 
lien. Il  mourut  à  Rome  en  octobre  1803. 
Les  seules  médailles  romaines  qu'il  a 
laissées  furent  évaluées  à  6,000  écus 
romaihs.  Il  possédait  aussi  un  uombrc 
considérable  de  médailles  ou  teisères  de 
plomb.  Voici  les  titres  dequelques-uns  de 
ses  manuscrits:  1°  f^era  assium  origo , 
natura  et  celas  ;  2'^  Institutio  stemma- 
tica ,  sive  de  vera  stemmatum  romano- 
rum  natura  atque  differentia  ;  3°  Anna- 
les familiarum  romanaruin  ;  4°  Annales 
gentium  historico-numismaticœ ,  sivede 
origine  gentium  ,  seu  familiarum  roma- 
narum  dissertatio  ,-  à"  Fétus  RÔmano- 
rum  numerandi  modus  ,  nunc  primum 
détectas ,  etc. 

R£DI  (  François) ,  savant  naturaliste, 
né  à  Arezzo  en  1026  d'une  famille  noble, 
devint  premier  médecin  des  grands-ducs 
de  Toscane,  Ferdinand  II  etcômelll.  Il 
travailla  beaucoup  au  Dictionnaire  de 
l'académie  de  la  Crusca ,  dont  il  était 
membre;  mais  il  se  signala  surtout  par  ses 
recherches  dans  la  physique  et  dans  l'his- 
toire naturelle.  Cet  habile  naturaliste  fut 
trouvé  mort  dans  son  lit,  le  P'  marsl697, 


RED  283 

à  71  ans.  Quoiqu'il  fût  sujet  à  plusieurs 
maladies,  entre  autres  à  l'épilepsie  ,  il 
,  ne  voulut  jamais  abandonner  l'étude.  On 
a  de  lui  :  1"  des  Poésies  italiennes.  Son 
Bacco  in  Toscana  est  un  poème  agréa- 
hle,qu'il  a  accompagné  de  notes  savantes; 
2°  d'excellens  ouvrages  de  philosophie  et 
d'histoire  naturelle.  On  imprima  à  Ve- 
nise, en  1 7 1 2-17  26,  le  Recueil  de  ses  OEu- 
vres  en  6  vol,  in-8  ;  et  à  Naples,  eu  1 7  4 1 , 
6  vol.  in-4  :  ils  sont  en  italien.  On  a  im- 
primé séparément  ;  1°  ses  Expériences 
sur  la  génération  des  animaux ,  Flo- 
rence, 1668  ,  in-4;  eu -latin,  à  Amster- 
dam, 1688  ,  2  vol.  in-12.  Il  y  combat  le 
faux  système  delà  génération  des  insectes 
par  la  pourriture.  2"*  Observations  sur  les 
vipères,  1664,  et  en  latin,  1678;  3°  jE'.r- 
périences  sur  les  c/ioses  naturelles  qu'on 
apporte  des  Indes  ,  1671 ,  in-4  ;  en  la- 
tin, Amsterdam  ,  1685.  Il  ne  s'y  montre 
guère  prévenu  en  faveur  des  remèdes 
étrangers.  Redi  ne  haïssait  rien  tant  que 
la  multitude  des  médicamens  dont  on 
accable  ordinairement  les  malades  ;  sa 
méthode  était  simple.  (Indépendamment 
de  son  talent  pour  la  médecine  ,  Redi  est 
considéré ,  co  mme  poète  ,  parmi  les  clas- 
siques italiens.  Ses  OEuvres  ont  été  re- 
cueillies à  Venise  en  1712,  6  vol.  in-8  , 
et  à  Naples  ,1741,6  vol.  in-4.) 

*  REDING  (  Aloys  ,  baron  de  ) ,  célè- 
bre général  et  landamann  suisse ,  né 
en  1755  d'une  famille  distinguée  du  can- 
ton de  Schwith,  entra  d'abord  au  service 
d'Espagne,  qu'il  quitta  en  1788  pour  se 
retirer  dans  sa  patrie.  Lors  de  l'irruption 
des  Français  en  Suisse ,  il  se  mit  à  la  tête 
des  milices  de  Schwitzavec  lesquelles  il 
fit  des  prodiges  de  valeur.  Il  osa  même, 
le  deux  mai  1798  ,  livrer  bataille  aux 
Français ,  fort  supérieurs  en  nombre  , 
et  il  les  chassa  de  la  plaine  de  Morgar- 
ten,  déjà  si  fameuse  par  la  victoire  rem-  ■ 
portée  sur  les  Autrichiens  en  1315,  sous 
la  direction  d'un  de  ses  ancêlres  Rodol- 
phe Redingue  de  Biberegg.  Si  tous  les 
autres  cantons  eussent  opposé  la  même 
résistance,  les  troupes  françaises  au-' 
raient  été,  infailliblement  chassées  de  la 
Suisse  ;  mais  venant  d'accepter  la  nou- 
velle constitution  qui  leur  était  dictée  , 


a8)î  REE 

Bedingue  conseilla  au  sien  d'y  souscrire. 
Il  ne  lepaïul  sur  la  scène  poliliqiiequ'a- 
près  le  Irailé  de  I-uncville  :  el  lorsque  le 
gouvernement  central  ouvrit  à  Berne ,  le 
1"  septembre  1801  ,  une  dièle  générale 
pour  lui  soumcllrele  plan  d'une  organi- 
sation définitive,  Reding  défendit  avec 
énergie  les  anciennes  libertés  des  petits 
cantons,  contre  le  parti  révolutionnaiie 
qui  soutenait  le  principe  de  l'unilé  ab- 
solue. La  proposition  que  fit  Reding 
n'ayant  pas  été  admise  ,  il  partit  à  l'im- 
proviste  avec  les  députés  de  Schwilz, 
d'Underwald  etd'Uri ,  et  détermina  ain- 
si une  scission  qui  finit  par  obtenir  la 
majorité.  On  procéda  alors  à  la  forma- 
tion du  gouvernement  central,  qui  fut 
composé  d'un  sénat  et  d'un  conseil  exécu- 
tif,  dont  les  rênes  furent  remises  à  Re- 
ding ,  avec  la  dignité  de  premier  jaiida- 
mann  de  l'Helvétie.  Buonaparte  ayant 
refusé  de  communiquer  avec  cette  ré- 
gence, Reding  se  détermina  à  se  rendre 
à  Paris ,  pour  connaître  enfin  les  vérita- 
bles intentions  de  la  France.  Il  obtint  eu 
partie  ce  qu'il  demandait  ;  mais  ayant 
été  destitué  peu  après  son  retour  en  Suisse 
par  le  parti  qui  lui  était  opposé,  la  guerre 
lecommença  entre  les  cantons. Redingrem- 
porta  sureux  de  nouveaux  avantages,  et  fi- 
nit par  être  arrêté  par  ordre  du  général 
français,  qui  le  fit  transférer  à  la  forteresse 
d'Arbourg,  d'où  on  lui  rendit  la  liberté 
peu  de  temps  après.  En  1803,  il  futélulan- 
damann  du  canton  de  Scliwitz,  et  il  as- 
sista en  cette  qualité,  le  5  juin  1809  ,  à 
la  diète  de  Fribourg.  Après  les  funestes 
désastres  delà  France  en  1812  et  1813, 
il  fut  cboisi  par  les  cantons  pour  se  ren- 
dre à  Francfort  auprès  des  souverains  ai- 
lits,  afin  d'obtenir  une  jneutralité  qui 
n'était  qu'apparente;  le  passage  du  Rhin, 
qui  s'effectua  peu  après  sur  le  territoire 
suisse,  ne  laisse  aucun  doute  à  cet  égard. 
Reding  mourut  à  Schwilz  dans  les  pre- 
miers jours  de  février  1818. 

*  RÉES  (  Abraham),  ministre  anglais, 
né  vers  1743  dans  le  nord  du  pays  de 
Galles,  d'un  pasteur  protestant,  professa 
les  mathématiques  à  l'institution  d'Hox- 
ton  près  de  Londres  oii  lui-même  avait 
terminé  ses  études.  Après  aToir  occupé 


celte  chaire  pendant  30  ans,  il  passa 
comme  professeur  de  théologie  au  col- 
lège d'Hackney,  où  il  demeura  jusqu'en 
1796.  Egalement  recommandable  et  par 
ses  vertus  et  par  son  savoir,  il  est  mort 
le  9  juin  1825,  avec  la  réputation  d'un 
des  savans  les  plus  distingués  de  l'An- 
gleterre. Son  principHl  ouvrage  et  le  plus 
connu  a  pour  titre  Tlienew  encyclopedia, 
or  universal  dictionnary  nf  arts,  scien- 
ces and  littérature,  Londres,  1803  et 
suiv.,  44  vol.  grand  in-4,  composé  sur  le 
plan  de  notre  encyclopédie  et  du  grand 
dictionnaire  de  Cliambers.  Rées  était 
membre  de  la  société  royale  de  Londres, 
de  la  société  italienne  et  de  plusieurs 
corps  savans. 

REESE^■^R.  F'oyez  Rksende. 

*  REEVE  (Clara),  romancière  anglaise, 
née  vers  l'année  1725  à  Ipswich  ,  où  elle 
mourut  en  1803,  était  fille  d'un  ecclé- 
siastique anglais,  qui  l'initia,  dès  l'en- 
fance, à  l'étude  des  langues  savantes  et 
de  l'histoire.  Sa  mère ,  étiint  devenue 
veuve,  alla  se  fixer  à  Colchesler;  Miss 
Clara  l'y  suivit  avec  deux  de  ses  sœurs. 
C'est  là  qu'elle  a  traduit  (1772)  du  latin 
le  roman  de  Barclay,  intitulé  -.Arg^nis^ 
et  composé  en  anglais  plusieurs  romans, 
parmi  lesquels  on  dislingue  celui  qui  a 
pour  titre  le  F'ieux  Baron  anglais.  Il  avait 
d'abord  paru  sous  le  titre  suivant:  Le. 
champion  de  vertu,  histoire  gothique. 
Il  a  été  souvent  réimprimé.  On  peut  voir 
la  liste  de  ses  autres  ouvrages  dans  la 
Notice  que  lui  a  consacrée  Sir  Walter- 
Schott  dans  le  tome  3  de  sa  Biographie 
lilte'raire  des  romanciers  ce'lèbres. 

*  REEVE  (  Joseph  ) ,  prêtre  catholi- 
que anglais,  entra  fort  jeune  dans  la  so- 
ciété des  jésuites ,  et  y  professa  les  hu- 
manités avec  distinction.  Il  fut  ensuite 
envoyé  en  Angleterre  pour  y  exercer 
les  fonctions  de  missionnaire  ,  et  de- 
vint chapelain  de  lord  Clifford  dans  la 
famille  duquel  il  a  vécu  plus  de  53  ans, 
partageant  son  temps  entre  l'étude  et  les 
travaux  du  saint  ministère  ;  il  l'exerça 
avec  le  plus  grand  zèle  jusqu'à  l'âge  de 
75  ans,  qu'il  perdit  entièrement  la  vue, 
et  mourut  le  20  mai  1820 ,  étant  âgé  de 
87  ans.  On  lui  doit  :  1°  un  Abrège' de  la 


REG 

Bible  ,  en  2  vol.  in-12,  qui  n'ëtaît  qu'une 
traduction  libre  de  Vabiégé de  linyau- 
mont  ;  mais  dans  une  seconde  édition  il 
refondit  enlièiement  l'ouvrage  qui  de- 
puis a  été  très  souvent  réimprinné;  2^  des 
Sermons,  2  vol.  plus  recommandables 
pour  la  solidité  que  pour  réloculion;3°  un 
Tableau  abrégé  de  l'histoire  de  r  Eglise, 
3  vol.  in-12.  Reeve  s'est  attaché  parlicu- 
lièremenl,  dans  cet  ouvrage,  à  ce  qui 
regarde  l'Angleterre,  et  à  réfuter  les  as- 
sertions inexactes  des  historiens  protes- 
tans  anglais.  4°  Des  Poésies  latines  et 
anglaises  sur  divers  sujets  profanes. 

REGA  (  Henri-Joseph  ) ,  docteur  et 
professeur  primaire  de  la  faculté  de  mé- 
decine à  Louvain  sa  patrie,  oîi  il  naquit 
en  IG90.  Il  s'est  distingué  autant  par  ses 
vertus  chrétiennes,  surtout  par  sa  grande 
charité  à  secourir  les  pauvres,  que  par 
sa  science.  Lorsque  ses  occupations  ne 
lui  laissaient  pas  le  loisir  de  visiter  les 
malades  indigens  ,  il  y  envoyait  d'autres 
médecins,  et  se  faisait  rendre  compte  de 
l'état  oîi  ils  les  trouvaient.  Il  fut  décoré 
deux  fois  du  rectorat  de  l'université.  Sa 
trop  grande  application  le  conduisit  au 
tombeau  l'an  1764,  âgé  de  64  ans.  L'ar- 
chiduches.se  Marie-Klisabelh ,  gouver- 
nante des  Pays  Bas ,  l'avait  honoré  du  ti- 
tre de  son  médecin.  On  a  de  lur:  1"  De 
sympntliia ,  seu  de  consensu  partium 
corporis  humani,  Harlem  ,  1 02 1 .  et  Leip- 
sick  ,  1762,  in-12,  ouvrage  savant,  et 
qui  lui  fit  une  i  r  inde  répulation  ;  2°  De 
urinis  tractatus  duo,  Louvain,  1732; 
Francfort,  1761  ,  in-8  ;  Z"  Âccuratame- 
thodus  medendi  per  aphorismos  prnpo- 
sitn,  Louvain,  17  37,  in  4;  Cologne,  1767, 
in- 4  ;  4"  Visser tatio  medica  de  aquis 
minernlibus  fnntis  marimontensis,  Lou- 
vain ,  1740  ,  etc. 

*  REGANHAC  {  Géraud  Valet  de  } , 
poète  ,  naquit  à  Cahorsen  1719.  Son  ta- 
lei.t  pour  les  vers  le  fit  recevoir  à  l'aca- 
démie des  jeux  floraux  à  Toulouse,  li 
avait  beaucoup  de  verve,  écrivait  avec 
élégance  et  pureté ,  et  était  très  versé 
dans  les  classiques  latins.  On  a  de  lui  :  1° 
L'esprit  pliilosophique  est  il  plus  nuisi- 
ble qu'utile  aux  belles- lettres  ?  17  65, 
in-8.  L'auteur  se  prononce  pour  l'affirma- 


REG  285 

tive,  et  s'appuie  sur  de  bien  sages  raisons. 
Quoique  cet  ouvrage,  en  forme  de  lettres, 
ne  contienne  que  peu  de  pages,  il  fut  bien 
accueilli,  et  commença  à  donner  de  la  ré- 
putation à  l'auteur.  2°  Etudes  lyriques, 
d'après  Horace ,  de  Villefranche,  Rouer 
gue,  1775,  in-8;  i"  les  Odes  d'Horace, lr&- 
duites  en  français,  précédées  d'observa- 
tions critiques  sur  la  poésie  lyrique, 
Paris,  1781  ,  2  vol.  in-12.  Cet  une  tra- 
duction assez  estimée.  Plusieurs  mor- 
ceaux de  cette  traduction  ont  été  cou- 
ronnés par  l'académie  des  jeux  floraux 
dans  les  années  1752,  1757  et  17.'j8. 
Reganhac  est  mort  en  1784  ,  à  l'âge  de 
65  ans.  La  France  littéraire  nomme  un 
Reganhac  fils ,  auquel  elle  attribue  un 
Eloge  de  Louis  XIII,  1782.  Le  jeune  Re- 
ganhac a  été  couronné  en  1787  par  l'a- 
cadémie de  3Ionlauban  pour  un  Eloge 
de  ./.  Le  franc  de  Pompignan. 

*  REGEMORTES  (  Louis  de  ) ,  ingé- 
nieur et  directeur  des  canaux  de  Loing 
et  d'Orléans  ,  Hollandais  d'origine,  tra- 
vailla d'abord  sous  Vaubun  aux  fortifica- 
tion de  New-Brisach.  C'est  sur  ses  des- 
seins et  sous  sa  direction  qu'on  a  con- 
struit le  pont  de  Moulins,  remarquable 
par  sa  beauté  ,  et  qui  lui  a  fait  d'autant 
plus  d'honneur,  qu'il  lui  a  fallu  vaincre 
de  très  grandes  diflScultés  pour  le  fonder 
solidement.  Trois  ponts  de  pierre  et  un 
pont  de  bois  avaient  écroulé  à  Moulins 
en  moins  de  40  ans,  et  aucun  homme  de 
l'art  n'osait  se  charger  d'élever  un  pont 
dans  celte  ville.  Cet  habile  ingénieur  a 
fait  connaître  le  détail  des  moyens  ingé- 
nieux qu'il  a  employés  :  il  les  a  consignés 
dans  un  ouvrage  intitulé  ;  Description 
d'un  nouveau  pont  de  pierre  construit 
sur  la  rii>ière  d'allier  à  Moulins,  Paris, 
1771,  un  vol.  in-folio. 

RÉGILLIEN  (Quintus-Nonius  Regil- 
lianus-AugusIus),  un  des  tyransqui  trou- 
blèrent l'empire  sous  Gallien,  était  Dace 
d'origine,  et  parent,  à  ce  qu'on  croit, 
du  roi  Drcébale,  vaincu  par  Trajan.  Il 
s'éleva  sous  Valérien  aux  premiers  em- 
plois militaires.  Il  commanda  en  chef 
dans  rillyrie,  sous  Gallien,  et  remporta 
en  260  des  victoires  signalées  dans  la 
Haute -Mœsie.  Les  peuples,  mécontens 


286  KÉG 

de  Gallien,  l'élurent  empereur.  On  pré- 
tend qu'il  dut  en  partie  son  élévation  au 
Dom  qu'il  portait.  Ce  nom,  qui  en  latin 
a  des  rapports  avec  celui  de  roi ,  parut 
d'un  augure  favorable  à  des  officiers  qui 
soupaient  ensemble ,  et  le  lendemain  ils 
le  revêtirent  de  la  pourpre.  Régillien  se 
préparait  à  marcher  contre  les  Sarmates, 
lorsqu'à  la  fin  d'août  263  il  fut  tué  par 
ses  soldats,  de  concert  avec  les  peuples 
d'Illyrie,  qui  craignaient  d'éprouver  de 
nouveau  la  cruauté  de  Gallien.  Ceprince 
avait  du  courage  et  de  grandes  qualités. 

REGILLO.  f^oyez  Pobdesone. 

RëGIjNALD  (Yalère  ),  jésuite,  né  en 
1543  dans  la  Franche-Comté,  mort  le  î4 
mars  1623,  après  avoir  enseigné  la  phi- 
losophieà  Bordeaux,  à  Pout-à-Mousson  et 
à  Paris ,  et  la  théologie  à  Dôle.  On  a  de 
lui  Praxis  firi,  Cologne,  1623.  Saint 
François  de  Sales  en  recommande  la  lec- 
ture dans  son  Avertissement  aux  con- 
fesseurs. 

REGliS  ALD  (  Antoine  ),  dominicain  , 
mort  à  Toulouse  en  1676,  se  distingua 
par  ses  ouvrages.  Les  principaux  sout  : 
1°  un  i»etil  Traite  theologique  sur  la  cé- 
lèbre distinction  du  sens  compose' et  du 
sens  divisé;  2"  un  gros  volume  De  mente 
Cnncilii  Tridentini,  circa  gratiamper  se 
efficacem,  in-fol.,  1706.  Il  s'y  montie  un 
des  plus  ardens  défenseurs  de  la  doctrine, 
qu'il  regarde  comme  celle  de  saint  Tho- 
mas et  de  saint  Augustin. 

RÉGliNOIN,  abbé  de  Prum,  de  l'ordre 
de  Saint-Benoit,  mort  l'an  915  d'ans  le 
monastère  de  Saint-Maximiu  à  Trêves, 
comme  il  résulte  de  l'ouverture  de  sou 
tombeau  faite  l'an  1581,  a  mérité  par  son 
savoir  que  son  nom  fût  consacré  dans 
les  fastes  de  l'Eglise.  On  a  de  lui  1°  une 
Chronique,  utile  pour  l'Histoire  de  l'Al- 
lemagne, publiée  pour  la  première  fois  à 
Mayence  en  1521.  On  la  trouve  dans  les 
Historiens  d^ Allemagne  ,  de  Pistorius , 
tome  1",  édition  de  Francfort,  1583.  La 
chronique  de  Reginou  commence  à 
J.  C,  et  finit  à  l'an  907  ;  elle  a  été  con- 
tinuée jusqu'à  l'an  972.  2°  Un  recueil  de 
canons  et  de  réglemens  ecclésiastiques  , 
inlitu  é  :  De  discipli/iis  ecclesinsticis,  et 
de  rcligione  christiana  libri  duo.  11  com- 


REG 

posa  cet  ouvrage  à  la  sollicitation  de 
Batbodc,  archevêque  de  Trêves,  dans  la 
ville  duquel  il  s'était  retiré  après  avoir 
été  obligé  de  quitter  son  abbaye  en  899 
Baluze  a  donné  en  1671,  in-8,  uneexcel- 
lente  édition  de  ce  recueil,  avec  des  no- 
tes pleines  d'érudition.  On  conservedans 
la  bibliothèque  de  Brème  une  Lettre  de 
Beginon  à  Batbode  ,  sur  l'institution  du 
chant  ;  à  la  suite  de  cette  lettre  il  y  a 
une  partie  de  l'office  divin  avec  les  note» 
du  chant  de  ce  temps-là.  On  trouve  la 
vie  de  fiéginonam  tome  6  de  VHist.  litter. 
de  France. 

REGIO-MONTAN.  F  oyez  Muller 
Jean. 

RÉGIS  (  Saint-Jean-François  ),  né 
d'une  famille  noblede  Languedoc  en  1597, 
entra  chez  les  jésuites.  Ayant  demandé 
plusieurs  fois  inutilement  la  permission 
de  passer  chez  les  sauvages  du  Canada ,  il 
s'attacha  à  convertir  les  hérétiques ,  à 
ramener  à  Dieu  les  pécheurs  et  à  diriger 
les  âmes  dans  les  voies  du  salul.  Son 
zèle  fut  couronné  des  plus  grands  fruits 
dans  le  Languedoc  et  dans  les  provinces 
voisines  ,  oii  il  forma  plusieurs  établis- 
semens  de  piété.  Consumé  de  travaux 
et  d'austérités,  il  mourut  à  la  Louvesc, 
village  du  Dauphiné  ,  en  1640.  Clément 
XII  le  canonisa  en  1737.  Sa  ^te  a  été 
écrite  en  français  par  le  Père  d'Auben- 
ton,  1  vol.  in-8.  On  y  trouve  à  la  fin  la 
copie  des  témoignages  authentiques  qui 
réfutent  la  fable  imaginée  sur  sa  préten- 
due sortie  de  la  société  des  jésuites.  Ou 
peut  consulter  aussi  Les  saints  enlevés 
et  restitués  au.x jésuites  (saint  François 
Xavier  et  saint  François  Bégis  ),  par  Jean- 
Joseph  Petit-Didier,  Luxembourg,  1738, 
in-12. 

REGIS  (  Pierre  Sylvain  j,  philosophe 
Cartésien,  né  à  la  Salvelat  de  Blanque- 
fort ,  dans  le  comté  d'Agenois,  en  1632, 
vint  achever  ses  éludes  à  Paris  ,  et  fut 
disciple  de  Bohauit.  Il  alla  ensuite  à 
Toulouse,  où  il  établit  des  conférences 
publiques  sur  la  philosophie.  Il  parlait 
avec  facilité ,  et  avait  surtout  le  don  de 
mettre  les  matières  abstraites  à  la  portée 
doses  auditeurs.  L'ancienne  philosophie 
fit  bientôt  place  à  la  nouvelle ,  et  les  Tou- 


REG 

lousains,  touchés  des  instructions  et  des 
lumières  que  Régis  leur  avaient  appor- 
tées, lui  firent  une  pension.  Le  marquis 
de  Vardcs ,  exilé  en  Languedoc ,  passa 
de  Toulouse  à  Montpelleir  en  !G71.  Régis 
qui  avait  en  lui  un  disciple  zélé ,  l'y  ac- 
compagna et  y  fit  des  conférences  qui 
obtinrent  tous  les  suffrages.  Régis  vint 
à  Paris  en  1680,  et  y  eut  les  mêmes  ap- 
plaudissemens  qu'à  Montpellier  et  à  Tou- 
louse. Après  avoir  soutenu  plusieurs 
combats  pour  Descartes ,  il  entra  dans 
l'académie  des  Sciences  en  1G99  ,  et  mou- 
rut en  ï'Ol ,  chez  le  duc  de  Rohan ,  qui 
lui  avait  donné  un  appartemetit  dans  son 
hôtel.  Ses  ouvrages  sont  :  1°  Système 
de  philosophie ,  contenant  la  logique , 
ta  métapliysique  et  la  morale,  1G90, 
3  vol.  in-4.  C'est  une]  compilation  ju- 
dicieuse de  différentes  idées  de  Des- 
caries, que  l'auteur  a  développées  et 
liées;  mais  ces  idées  n'étant  plus  à  la 
mode  ,  cet  ouvrage  ne  peut  être  aujour- 
d'hui qued'un  très  petit  usage.  2''Un  livre 
intitulé  :  Usage  de  la  raison  et  de  la 
foi ,  in-4  ;  3"  une  Réponse  au  livre  du 
célèbre  Huet ,  intitulé  :  Censura  philo- 
sophiœ  cartesianœ  ,  in-12  {voy.  Huet]; 
4°  une  autre  Be'pome  aux  Re'flexions 
critiques  de  du  Hamel  ,1691  ,  in-12.;  5° 
des  Ecrits  contre  le  Père  Malebranche  , 
pour  montrer  que  la  grandeur  apparente 
d'un  objet  dépend  uniquement  de  la 
grandeur  de  son  image  tracé  sur  la  ré- 
tine ;  6"  une  Dissertation  sur  cette  ques- 
tion :  Si  le  plaisir  nous  rend  actuelle- 
ment heureux  ?  1694  ,  in-4. 

RÉGIS  (Pierre) ,  né  à  Montpellier  en 
1656,  docteur  en  médecine  dans  l'uni- 
versilé  de  celte  ville,  se  rendit  de  bonne 
heure  à  Paris.  Il  s'y  acquit  l'estime  de  Du 
Vcrney  .deLémcry  ,dePellisson,  de  Des- 
préaux ,  de  Perrault,  de  Ménage,  etc  De 
retour  à  Montpellier,  il  y  pratiqua  la 
mc'dfcine  avec  succès  jusqu'en  1685, 
que  la  révocalion  de  l'édit  de  Nantes 
l'obligea  de  se  retirer  avec  sa  famille  à 
Amsterdam.  Il  y  mourut  d'un  abcès  dans 
l'estomac,  en  1726,  à  70  ans.  Ses  ou- 
vrages sont  1°  une  Edition  àesOEui'res 
posthumes  du  savant  Malpighi,  1098, 
in-4  ;  2**  des  Observations  sur  la  peste 


REG  287 

de  Provence,  1721  ,  in-12;  3"  il  retou- 
cha tous  les  articles  de  médecine  et  de 
botanique  du  Dictionnaire  de  Furetière , 
de  l'édition  de  Basnage  ,  sieur  de  Beau- 
val.  On  peut  voirla  lisle  de  ses  ouvrages 
dans  le  tom.  7,  pag.  8  des  Mémoires  de 
Nicéron. 

REGIUS  ou  Le  Roy  (Urbain),  né  à 
Largenargen,  sur  le  lac  de  Constance,  étu- 
dia à  Ingolstadt  et  y  enseigna  avec  succès. 
Plusieurs  gentilshommes  lui  confièrent  la 
conduite  de  leurs  enfans ,  sans  en  excep- 
ter le  soin  qui  regardait  la  dépense  ;  mais 
ces  jeunes  gens  s'endettèrent.  Comme  Ré- 
gius  était  leur  caution  ,  il  fit  une  espèce 
de  banqueroute,  et  futobligé  de  s'enrôler. 
Son  professeur  Eckius  le  dégagea  et  le  ré- 
concilia avec  les  Muses.  Il  reçut  à  Ingol- 
stadt  la  couronne  d'orateur  et  de  poète, 
de  la  main  même  de  l'empereur  Maximi- 
lien  ;  quelque  temps  après,  il  fut  fait  pro- 
fesseur de  rhétorique  et  de  poéfie.  Son 
penchant  pour  le  luthéranisme  l'obligea 
de  se  retirer  à  .Augsbourg ,  où  il  fonda  une 
église  prolestante.  Il  fut  quelque  temps 
zuinglien,  ensuite  fougueux  luthérien. 
Regius  s'attacha  en  1 530  au  duc  de  Bruns- 
wick, qui  le  fit  surintendant  des  églises 
de  Lunebourg.  Il  mourut  à  Zell  en  1541. 
Ses  Ouvrages  ont  été  imprimés  en  3  vol. 
in-folio.  Les  deux  premiers  sont  consacrés 
aux  écrits  latins,  et  le  dernier  aux  écrits 
allemands.  Il  y  3  de  l'érudilion  dans  les 
uns  et  dans  les  autres,  mais  peu  de  jus- 
tesse et  de  modération. 

REGIDS  ou  DU  Roi  (Henri  ),né  à 
Utrecht  en  1 598  ,  se  rendit  habile  dans  la 
médecine  et  en  devint  professeur  à  Ulrecht 
en  1638.  Sa  passion  pour  le  carlési,i- 
nisme  lui  suscita  de  fâcheuses  affaires  de 
la  part  de  Voëtius  et  des  autres  adversai- 
res de  Descaries,  qui  manquèrent  de  lui 
faire  perdre  sa  chaire.  Si  Regiusfut  un  des 
premiers  sectateurs  du  cartésianisme,  il 
en  fut  aussi  l'un  des  premiers  déserteurs. 
Descaries  ayant  refusé  d'approuver  quel- 
ques senlimens  particuliers  de  son  disci- 
ple, celui-ci  renonça  aux  opinions  de 
son  maître.  Regius  finit  sa  carrièie  eu 
J679.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  1» 
Physiologia,  Utrecht,  1641,  in-4,  2^ 
fundamenta  physica ,   1646,  in-4.  Il  en 


288  REG 

donna  une  nouvel'e  t^dilion  sous  le  litre 
de  PhUosnphia  naluralis ,  en  1661  ,  in- 
4.  Cet  ouvrage  a  été  traduit  en  français, 
Ulreclif,  1686.  On  accusa  Regius  d'avoir 
dérobé  à  Descartes  une  copie  de  son  Trai- 
té des  animaux,  et  de  l'avoir  ensuite  pres- 
que tout  insérée  dans  cet  ouvrage.  3" 
Praxis  medica,  etc.  1657  ,  in-4  :  c'est  le 
meilleur  de  ses  écrits;  4°  Explicatio  men- 
tis humanœ,  Ulrechl,  1669,  in-4  ;  h"  Hor- 
tus  academicus  uUrajectinus.  Tous  ses 
ouvrages  de  médecine  ont  été  réunis  et 
imprimés  à  Ulreclit  en  1668,  in-i. 

REGNARD  (Jean-François  j,  poète  co- 
mique, naquit  à  Paris  en  1647  ,  d'un 
marchand  qui  demeurait  sous  les  piliers 
des  Haile-s,  et  qui  cependant  lui  laissa  une 
fortune asez  considérable.  Sa  passion  pour 
les  voyages  se  déclara  presque  dès  son 
enfance.  Il  parcourut  d'abord  l'Italie,  y 
joua  ,  et  ses  gains  furent  si  considérables 
que  les  frais  de  ses  voyages  payés  ,  il  lui 
resta  encore  dix  mille  écus.  A  son  retour , 
il  s'embarqua  avec  une  femme  nommée 
Elevir  à  Gênes  sur  un  bâtiment  anglais 
qui  allait  à  Marseille,  et  qui  fut  pris  par 
deux  vaisseaux  algériens;  l'équipage  fut 
conduit  à  Alger.  Regnard  avait  du  talent 
pour  la  cuisine ,  art  qu'il  avait  exercé  pour 
satisfaire  son  amour  pour  la  bonne  chère. 
Il  fut  fait  cuisinier  du  maître  dont  il  était 
devenu  l'esclave.  Il  s'en  fit  aimer;  mais  sa 
bonne  mine  et  ses  manières  prévenantes 
lui  gagnèrent  aussi  le  cœur  des  femmes  fa- 
vorites de  son  maître.  Il  écouta  leur  pas- 
sion ,  fut  découvert  et  livré  à  la  justice. 
Il  allait  être  puni  selon  les  lois ,  qui  veu- 
lent 't  qu'un  chrétien  trouvé  avec  une  ma- 
n  hométane  expie  son  crime  parle  l'eu,  ou 
»  se  fasse  mahométan.  »  Le  consul  de  la 
nation  française ,  qui  avait  reçu  depuis 
peu  une  somme  considérable,  s'en  servit 
pour  l'arracher  au  supplice  et  à  l'escla- 
•vage.  Regnard .  devenu  libre,  retourna  en 
France,  emportant  avec  lui  la  chaîne 
avec  laquelle  il  avait  été  attaché.  Le  26 
avril  1681  ,  il  partit  de  nouveau  de  Paris 
pour  visiter  la  Flandre  et  la  Hollande , 
d'oii  il  passa  en  Danemark  et  ensuite  en 
Suède.  Le  roi  de  ce  dernier  pays  lui  con- 
seilla de  voir  la  l.aponie.  Notre  voyageur 
s'embarqua  à  Stockholm  avec  deuxiiulrcs 


REG 

Français,  et  passa  jusqu'à  Tornëa.  II  re- 
monta le  fleuve  Tornéa  et  pénétra  jus- 
qu'à la  mer  Glaciale.  S'élant  arrêté  lors- 
qu'il ne  put  aller  plus  loin  ,  il  grava  ces 
quatre  vt'rs  sur  une  pierre  et  sur  une 
pièce  de  bois  : 

Gallia  no»  fEriiiiit.  fidil  nos  Afrira  ;  Gaiigpm 
Uauiinius,  Ëuropaiiiquc  oculin  lunIraTiuiuc  oronein  ; 
Casibus  et  ïarii»  ai'li  ti-trài|ut-  niarii|ue, 
Sist!niU9  hir  (aiidrni  nobis  ubi  dtTuil  orbis. 

De  retour  à  Stocklhom,  il  en  partit  le  3 
octobre  1 683  pour  aller  en  Pologne.  Après 
avoir  visité  les  principales  villes  de  ce 
royaume,  il  passa  à  Vienne,  d'où  il  re- 
vint à  Paris  après  un  voyage  de  trois  an- 
nées. H  y  acheta  une  charge  de  trésorier 
de  France  au  bureau  des  tinances  de 
Paris,  et  établit  au  bout  de  la  rue  de 
Richelieu  sa  demeure  qui  devint  le  ren- 
dez vous  des  a  ma  leurs  de  la  bonne  chère: 
il  eut  souvent  au  nombre  de  ses  convives 
les  princes  de  Condé  et  de  Conli.  Il  pos- 
sédait la  terre  de  Grillon  près  de  Dour- 
dan  ,  à  11  lieues  de  Paris.  C'est  là  que, 
dans  la  belle  saison,  il  s'abandonnait  à 
une  vie  sensuelle  et  délicate,  dans  la  com- 
pagnie de  quelques  épicuriens  choisis  ; 
et  à  force  de  rechercher  le  plaisir,  il  en 
éprouva  le  plus  désespérant  dégoût.  Ce 
philosophe  voluptueux,  cet  homme  en 
apparence  si  gai,  mourut  de  chagrin  en 
1709,  à  62  ans.  On  prétend  même  qu'il 
avança  ses  jours,  et  qu'il  mourut  d'une 
médecine  prise  à  la  suite  d'une  indiges- 
tion. I>a  meilleure  édition  destsOËuvr's 
était,  avant  cellede  M.  I.equien,  1830,  6 
vol.  in-8  ,  et  celle  de  M.  Crapelet  ,avec 
noteset  Variante,  1822  et  1823,6  vol.iii-8, 
celle  de  Paris  ,  1790,  4  vol.  in-8.  Le  pre- 
mier volume  contient  la  relHtion  de  ses 
voyages  en  Flandre,  en  Hollande,  en 
Danemark,  en  Suède,  en  Laponie  ,  en 
Pologne  et  en  Allemagne.  Il  n'y  a  que  la 
relation  de  son  voyage  en  Laponie  qui 
mérite  de  l'attention  ;  le  reste  est  fort 
peu  de  chose.  L'auteur  n'avait  composé 
ses  relations  que  pour  s'amuser  ;  il  ne 
comptait  pas  les  publier.  Le  second  volu- 
me renferme  les  pièces  suivantes-.  La 
Provençale' ,  œuvre  posthume.  C'est 
une  hi.storictle  où  Regnard  fait  le  récit 
des  aventures  qu'il  eut  dans  le  voyage  sur 


REG 

mer  où  il  fut  pris  et  mené  à  Alger  ;  il 
contient  quelques  particularités  de  sa 
vie.  On  trouve  ensuite  ses  pièces  de  théâ- 
tre, qui  l'ont  mis  dans  la  classe  des  meil- 
leurs poètes  comiques.  La  plus  connue 
de  ses  pièces  et  ia  plus  souvent  repré- 
sentée ,  est  Le  Joueur.  Ce  poète  con- 
naissait le  caractère  qu'il  avait  tracé.  Il 
était  joueur,  et  joueur  heureux.  La  gaieté 
est  le  caractère  dominant  des  comédies 
de  Regnard;  il  excelle  dans  le  comique 
noble  ainsi  que  dans  le  familier;  mais 
sa  versification  n'est  pas  toujours  cor- 
recte ;  et  ce  qui  fait  la  matière  d'un  re- 
proche plus  grave,  quoique  commun  à 
presque  tous  les  poètes  comiques,  c'est 
que  la  bonne  morale  y  est  souvent  bles- 
sée. «  J'aurais  trop  d'avantage ,  dit  un 
»  philosophe  célèbre  fJ.-J.  Rousseau), 
»  si  je  voulais  passer  de  l'examen  de  3Io- 
»  lière  à  celui  de  ses  successeurs ,  qui 
»  n'ayant  ni  son  génie,  ni  sa  probité, 
»  n'en  ont  que  mieux  suivi  ses  vues  in- 
•n  léressées ,  en  s'attachant  à  flatter  une 
»  jeunesse  débauchée  et  des  femmes  sans 

»  moeurs Reguard,'plus  modeste,  n'en 

»  est  pas  moins  dangereux.  C'est  une 
»  chose  incroyable  qu'avec  l'agrément 
»  de  la  police  ,  on  joue  publiquement  au 
n  milieu  de  Paris  une  comédie  où ,  dans 
»  l'appartement  d'un  oncle  qu'on  vient 
»  de  voir  expirer ,  son  neveu ,  l'honnête 
»)  homme  de  la  pièce ,  s'occupe ,  avec 
»  son  digne  cortège  ,  de  soins  que  les  lois 

»  paient  de  la  corde  :   faux  acte, 

»  supposition ,  vol  ,  fourberie  ,  men- 
»  songe ,  inhumanité  ;  tout  y  est ,  et  tout 

»  y  est  applaudi Belle  instruction 

»  pour  les  jeunes  gens ,  nescii  aw  ce  fal- 
»  lacis,  qu'on  envoie  à  cette  école,  où 
»  les  hommes  faits  ont  bien  de  la  peine 
»>  à  se  défendre  de  la  séduction  du  vi- 
»  ce  !  ....  Tous  nos  penchans  y  sont  fa- 
»  vorisés,  et  ceux  qui  nous  dominent  y 
M  reçoivent  un  nouvel  ascendant.  Les 
»  continuelles  émotions  qu'on  y  ressent 
))  nous  enivrent,  nous  alTuiblissent ,  nous 
»  rendent  plus  incapables  de  résister  à 
»  nos  passions ,  détruisent  l'amour  du 
»  travail ,  découragent  l'industrie ,  in- 
M  spirent  le  goût  de  subsister  sans  rien 
»  faire.  On  y  apprend  à  ne  couvrir  que 

XI. 


REG  289 

»  d'un  vernis  de  procédé  la  laideur  du 
))  vice,  à  tourner  la  sagesse  en  ridicule, 
»  à  substituer  un  jargon  de  théâtre  à  la 
>>  pratique  des  vertus  ,  à  mettre  toute  la 
»  morale  en  métaphysique,  à  travestir 
»  les  citoyens  en  beaux-esprits ,  les  mè- 
»  res  de  famille  en  petites -maîtresses, 
»  les  filles  en  amoureuses  de  comédies.  » 
{Foy.  Molière).  On  publia,  en  1783, 
un  Supplément  aux  OEuvres  de  Re- 
gnard, contenant  les  pièces  qu'il  a  don- 
nées à  r ancien  théâtre  italien ,  2  vol. 
in-ï2.  Si  on  avait  rejeté  de  ce  recueil  les 
inutilités  et  les  naiseries  ,  il  eût  été  ré- 
duit à  une  quarantaine  de  pages.  (On 
assure  que  Regnard  avait  dérobé  à  du 
Fresny  sa  comédie  du  Joueur.  Ses  autres 
pièces  sont  :  Le  Légataire  universel. 
Les  Méncchmes ,  Les  Folies  amoureu- 
ses,  Le  Distrait ,  etc.,  qu'on  joue  en- 
core au  Théâtre  Français  ,  et  quelques 
pièces  en  un  acte.  ) 

'  REGNAUD-LAGRELAIE,  littéra- 
teur ,  né  à  Dijon  vers  1740,  mort  en  1 807, 
a  publié  plusieurs  ouvrages ,  dont  voici 
les  principaux  :  1°  Tableau  de  la  nature, 
ouvrage  propre  à  l'éducation  et  très- 
agréable  à  lire  ;  2°  Soupers  de  P^aucluse  ; 
3°  Les  prisonniers  du  Temple,  petit 
poème  écrit  avec  élégance  et  beaucoup 
de  sensibilité  ;  4°  Les  Français  en 
Egypte,  autre  poème  assez  bien  ver- 
sifié. 

REGNAULDIN  (  Thomas  ),  sculp- 
teur ,  natif  de  Moulins ,  mourut  à  Paris 
en  nOG  ,  âgé  de  79  ans.  Il  était  de  l'aca- 
démie royale  de  peinture  et  de  sculp- 
ture. Cet  illustre  artiste  a  fait  plusieurs 
morceaux  estitnés.  On  voit  de  lui ,  dans 
les  jardins  de  Versailles ,  V Automne  et 
Faustine  ;  et  aux  Tuileries  ,  le  beau 
groupe  représentant  l'Enlèvement  de 
Cybèle  par  Saturne  ,  sous  la  figure  du 
Temps. 

REGNAULT  (Noël),  jésuite,  né  à  Arras 
en  1683,  mourut  à  Paris  en  1 762.  L'étude 
de  la  philosophie  ancienne  et  moderne 
remplit  ses  soins  et  sa  vie,  après  les  devoirs 
de  la  piété. On  a  delui  ■.\° Entretiens phij- 
siques,  d'abord  en  3  vol.  in-1 2,  ensuite  en 
h.  Les  jeunes  écoliers  qui  veulent  savoir 
un  peu  {<Ius  de  physique  qu'on  n'en  ap- 
3-7. 


2^0  REG 

prend  commuDdnient  dans  les  collèges 
trouveront  dans  cet  ouvrage  de  quoi  se 
satisfaire.  Il  est  écrit  avec  beaucoup  d'or- 
dre, de  clarté  ,  et  tout  l'intérêt  que  les 
inutièrcscomportent.  2*  Origine  ancienne 
de  la  physique  nouvelley  3  vol.  in-12. 
L'auleur,  dans  cet  ouvrage,  enlève  à 
plusieurs  physiciens  fameux  la  gloire  de 
beaucoup  de  découvertes  physiques,  fait 
voir  qu'elles  sont  plus  anciennes,  et 
que,  par  une  suffisance  ingrate,  nous 
nous  parons  des  dépouilles  de  nos  aïeux 
en  les  déprisant.  Georges  Paschius  et  M. 
Dulens  ont  démontré  la  même  chose, 
l'un  dans  son  traité  De  novis  inventis 
quorum  accuratiori  cultui  faceni  prce- 
iulit  antiquitas  ,  l'autre  dans  ses  Ee- 
çkevclies  sur  l'origine  des  découvertes 
attribuées  aux  modernes;  3"  Entre- 
liens mathématiques,  in-12,  trois  vo- 
lumes ,1747  ;  4°  Logique  en  forme  d'en- 
tretiens, in-12,  1742.  Elle  n'a  pas  eu 
autant  de  succès  que  ses  Entretiens  phy- 
siques. 

*  REGNAULT  (  N.  ) ,  prèlre  ,  est  au- 
teur d'une  Instruction  pour  la  première 
communion  ,  in  8  ,  imprimée  d'abord  en 
1769,  et  depuis  très  souvent  réimpri- 
mée. On  a  encore  de  lui  une  Instruction 
pour  la  confirmation  ,  1707  ,  in-ï8. 

*  REGNAULT  ,  peintre  à  Paris ,  a 
publié  :  1  °  La  botanique  mise  à  la  por- 
tée de  tout  le  monde ,  ou  Collection  des 
plantes  d'usage  dans  la  médecine ,  dans 
les  alimens  et  dans  les  arts,  3  vol. 
grand  in-folio,  Paris,  1774,  ornés  de  4G7 
planches  coloriées,  et  quelquefois  475; 
ouvrage  rarement  complet  et  d'un  prix 
fort  élevé  ;  2"  Les  écarts^  de  la  nature  , 
ou  Recueil  des  principales  monstruo- 
sités que  la  nature  produit  dans  le  genre 
animal,  Vaùs,\lli>,  in-folio,  fig..colo- 
rices,  ouvrage  non  terminé. 

*  REGNAULT  (  N.  j ,  né  à  Paris  en 
1756,  mort  dans  cette  ville  en  1818,  a 
publié  uue  Nouvelle  grammaire  renfer- 
mant la  solution  des  difficultés  de  la 
langue  française,  1808  ,  réimprimée  en 
1800,  in-12. 

*  REGNAULT  dk  saint  Jean-d'Angelt 
(  Michcl-Louis-Elienne,  le  comte),  l'un 
des  courtisans  de  Buouaparte ,  naquit  en 


REG 

nCO  à  Saint-Fa rgeau,  ob  ton  père  rem- 
plissait les  fonctions  de  président  du 
tribunal  et  celle  de  subdélégué  de  l'in- 
tendance :  ce  magistrat  fut  le  premier 
instituteur  de  son  lils.  En  1771  le  prési- 
dent de  Saint-Fargcau  fut  exilé  dans  sa 
terre:  il  y  conduisit  sa  famille,  et  c'est 
là  que  I\egnault  reçut  d'un  précepteur  une 
éducation  soignée.  Il  termina  ses  études  à 
l'université  de  Paris  oii  son  père  l'avait 
conduit,  lorsqu'il  avait  été  appelé  dans 
cette  ville  par  le  chancelier,  sur  le  refus 
qu'il  avait  lait  d'enregistrer  à  son  bailliage 
l'édit  de  17  71.  Le  jeune  Regnault  avait 
obtenu  au  concours  une  place  au  collège 
du  Plessis.  Sorti  de  cet  établissement  en 
1 777,  il  fit  soncours  de  droit  et  se  destina 
à  la  profession  de  jurisconsulte,  et  fut 
même  reçu  avocat  en  1781;  mais  l'année 
suivante  il  fut  nommé  lieutenant  de  la 
prévôté  de  la  marine  à  Rochefort.  Le 
jeune  Regnault  se  distingua  par  ses  talens, 
et,  il  faut  le  dire  à  sa  louange,  les  reve- 
nus de  sa  place  et  ceux  de  son  cabinet  de 
consultations  servaient  à  fournir  aux 
besoins  de  ses  parens  réduits  à  un  état 
malheureux  par  suite  de  la  cécité  du  pré- 
sident de  Saint-Fargeau.  Regnault  ayant 
embrassé  le  cours  de  la  révolution  avec 
enthousiasme,  sa  ville  natale  le  nomma 
député  aux  étals  généraux.  Il  apporta  dan» 
celte  assemblée  des  opinions  modérées 
qu'il  manifesta  à  la  tribune,  et  plus  par- 
ticulièrement encore  dans  une  feuille 
quotidienne  qu'il  publiait  à  cette  époque 
sous  le  titre  de  Journal  de  Fersailles  qui 
eut  de  la  vogue,  mais  qui  lui  valut  des 
insultes  et  des  menaces  de  la  part  du 
peuple  et  des  Marseillais.  Plus  tard  on  le 
vit  s'écarter  de  cette  modération.  Ainsi 
dans  les  premières  séances  de  l'assemblée 
nationale,  en  1790,  il  AénowcAV adresse 
des  catholiques  de  Nîmes,  et  défendit 
ensuite  avec  la  même  chaleur  les  mem- 
bres de  la  ci-devant  assemblée  générale 
de  Saint-Domingue.  Ils  venaient  de  dé- 
barquer à  Brest;  et  on  les  accusait  d'ex- 
citer l'escadre  à  l'insubordination.  De- 
venu également  ennemi  de  la  cour  et  des 
prêtres,  il  vota,  le  2G  janvier  1791,  le 
remplacement  des  ecclésiastiques  réfrac- 
taircs.  Peu  de  temps  après ,  il  protesta 


REG 

contre  l'insertion  de  son  nom  sur  ]u  liste 
des  membres  du  club  monarchique.  U 
demanda  qu'on  élevât  une  statue  à  Vol- 
taire, et  défendit  les  droits  des  hommes 
de  couleur.  Regnault  semblait  vouloir 
faire  oublier  son  pas  rétrograde  vers  la 
monarchie,  par  un  acharnement  srtns 
bornes  contre  la  cour.  Il  le  montra  dans 
tout  son  jour  lors  de  la  fuite  de  Louis  XVI, 
époque  oii  il  proposa  les  mesures  les  plus 
violentes,  dont  une  grande  partie  furent 
malheureusement  adoptées  Tout  porte  à 
croire  qu'il  se  rallia  ensuite  de  très  bonne 
foi  à  ceux  qui  voulaient  sauver  la  mon- 
archie. Après  la  session,  il  avait  rédigé 
le  Journal  de  Paris  ;  mais  Regnault  était 
républicain  pur,  et  par  conséquent  atta- 
ché au  parti  de  la  Gironde  et  ennemi  des 
jacobins.  Après  le  31  mai  1793,  il  entra, 
pour  se  soustraire  à  leurs  persécutions, 
dans  les  charrois  militaires  :  il  fut  décou- 
vert et  arrêté  à  Douai  le  22  août,  et  mis 
en  prison  comme  suspect.  Sa  captivité 
ne  cessa  qu'après  la  chute  de  Robespierre, 
le  9  thermidor.  Il  reparut  alors  sur  la 
scène  politique,  et  fut  nommé  adminis- 
trateur des  hôpitaux  des  armées,  place 
dans  laquelle  il  commença  à  amasser  des 
richesses  que,  dans  la  suite,  il  n'oublia 
pas  d'augmenter.  Son  emploi  le  condui- 
sant en  Italie,  il  y  connut  Buonaparle, 
s'attacha  à  lui ,  l'accompagna  à  Malte ,  où 
il  fut  commissaire  pendant  quelques 
mois.  De  retour  à  Paris,  il  s'y  trouvait  le 
18  brumaire,  et  seconda  de  tout  son 
pouvoir  les  projets  de  ce  jeune  guerrier. 
Celui-ci ,  devenu  empereur  ,  le  nomma 
conseiller  d'état,  et  le  fit  successivement 
ministre,  procureur-général  près  de  la 
haute  cour,  grand-officier  de  la  légion 
d'honneur,  grand'croix  de  l'ordre  de  la 
Réunion,  etc.  Il  s'était  attiré  tous  ces 
honneurs  par  son  dévouement  servile 
envers  son  maître ,  dont  il  fut  toujours 
chargé  de  remplir  auprès  du  corps  légis- 
latif et  du  sénat  toutes  les  missions  qui 
avaient  pour  objet,  soit  quelque  levée 
d'hommes,  soit  des  réunions  de  pays. 
Après  la  funeste  retraite  de  Moscou,  et  lors 
de  la  rentrée  de lUionaparte en  France,  le 
1  Ojjanvier  1 8 1 3,  le  même  orateur  vint  pro- 
poser de  nouveau  au  sénat  une  levée  de 


REG  591 

150,000  hommes.  Il  se  déchaîna  dans 
cette  occasion  contre  le  général  prussien 
d'York,  et  attribua  à  un  hiver  précoce 
et  rigoureux  les  désastres  de  l'armée 
française.  Le  12  novembre  suivant,  il 
parut  encore  à  la  tribune  du  sénat  con- 
servateur pour  demander  la  levée  de 
300,000  hommes.  Dans  le  même  discours 
qu'il  prononça  à  cette  occasion  ,  il  appela 
les  Français  à  la  défense  de  leur  patrie  et 
du  trône  de  leur  maître,  et  leur  exposa 
les  résultats  d'une  invasion  qu'ils  ne  re- 
pousseraient pas.  A  la  création  de  la 
garde  nationale  par  Buonaparte,  Regnault 
de  Saint-Jean-d'Angely  en  fut  nommé 
chef  de  légion  ;  mais  il  s'en  fallut  bien 
qu'il  eût  sur  le  champ  de  bataille  la  mê- 
me ardeur  qu'il  avait  montrée  à  la  tri- 
bune du  sénat  :  il  abandonna  sa  troupe 
au  moment  du  danger,  et  ne  s'occupa  que 
de  sa  sûreté  personnelle.  U  adhéra  à  l'ab- 
dication de  Buonaparte,  et  le  retour  des 
Bourbons  le  plongea  dans  une  espèce 
d'oubli.  Il  présida  l'Institut  pour  la  ré- 
ception de  M.  Campenon,  son  protégé; 
et,  dans  celte  ciixonstance,  il  déploya 
autant  d'adresse  que  de  talens  :  il  se  ré- 
pandit en  éloges  sur  Louis  XVIII  et  son 
gouvernement  paternel,  dont  il  montra 
les  plus  sûres  espérances.  L'apparition  de 
Buonaparte  en  France,  en  mars  1815, 
replaça  le  comte  Regnault  sur  la  scène 
politique  :  il  paraît  qu'il  n'avait  pas  été 
étranger  à  sa  fuite  de  l'île  d'Elbe;  aussi 
il  rentra  aussitôt  au  conseil  d'état,  et  lit 
partie  de  la  chambre  des  représentons, 
convoquée  à  cette  époque.  Le  22  juin,  il 
parla  sur  la  seconde  abdication  de  Buo- 
naparle, vanta  beaucoup  son  attachement 
pour  lui,  et  assura  néanmoins  «qu'il  avait 
»  osé  le  premier  le  porter  à  cet  acte, 
»  que  les  circonsiances  rendaient  néces- 
1)  saire.  »  H  laissa  éclater  à  cette  occasion 
une  douleur  assez  vive ,  et  demanda 
«  que  le  bureau  fût  chargé  de  se  rendre 
»  auprès  de  Napoléon  pour  lui  exprimer 
))  sa  reconnaissance  du  sacrifice  qu'il 
j)  avait  fait  à  l'indépendance  nationale.  » 
Le  lendemain  ,  il  prononça  un  discours 
énergique ,  afin  que  la  chambre  reconnût 
Napoléon  II.  Lors  du  retour  du  roi  dans 
la  capitale,  il  fut  compris  dans  l'ordon- 


aya  REG 

nance du  24  juillet,  et  obligé  de  quitter 
Paris  sous  trois  jours.  II  put  ensuite  ob- 
tenir des  passeports,  et  se  rendit  avec  sa 
famille  aux  Etats-Unis.  Il  revint  depuis  à 
Paris,  où  il  arriva  mourant  ;  quelques  heu- 
resaprès,  il  expira:  c'était  le  10  mars  181 9; 
il  avait  59  ans.  Regnault  de  Saint-Jean- 
d'Angely  avait  de  l'instruction ,  de  l'élo- 
quence ,  quoique  souvent  un  peu  ampou- 
lée ,  et  surtout  de  l'adresse  et  de  la  péné- 
tration ;  il  connaissait  fort  bien  le  métier 
de  courtisai) ,  et  l'art  de  faire  valoir  ses 
éloges  à  l'idole  dominante,  et  de  se  cap- 
tiver la  confiance  du  maître  autant  que 
Napoléon  pouvait  l'accorder.  Quoique , 
auprès  de  lui,  il  n'oubliât  certainement 
pas  sa  fortune ,  il  fut  cependant  un  de  ses 
serviteurs  les  plus  dévoués ,  et  eut  pour 
son  bienfaiteur  un  attachement  qui  pa- 
raissait sincère.  Il  fut  bien  souvent  auprès 
de  lui  le  canal  des  grâces,  et  partageait 
cet  emploi  avec  le  maréchal  Duroc.  Si 
dans  les  chances  de  la  révolution  il 
sembla  balancer  un  moment  entre  deux 
opinions,  celle  qu'il  adopta  en  faveur  de 
Buonaparte ,  tenait  trop  à  ses  considéra- 
tions personnelles  pour  qu'il  pût  jamais 
la  changer.  C'est  pourquoi  on  le  vit ,  avec 
un  dévouement  sans  bornes ,  seconder 
tous  les  projets  de  l'ambition  de  celui 
d'oii  dérivaient  ses  dignités  et  sa  for- 
tune. 

REGNADT.  V.  Guisk  (  Dom  Claude). 

REGNIER  (Mathurin),  poète  satiri- 
que français,  neveu  de  l'abbé  Desportes , 
né  à  Chartres,  le  21  décembre  1573, 
mort  à  Rouen  le  22  octobre  1613,  mon- 
tra dès  sa  jeunesse  son  penchant  pour  la 
satire.  Son  père  le  châtia  plusieurs  fois 
pour  le  lui  faire  perdre  :  punitions ,  priè- 
res ,  tout  fut  inutile.  Ce  malheureux  ta- 
lent lui  fit  des  amis  illustres.  Le  cardinal 
François  de  Joyeuse  le  mena  à  Rome  avec 
lui,  et  il  fit  une  seconde  fois  ce  voyage 
avec  l'ambassadeur  Philippe  de  Réthune. 
Ses  protecteurs  lui  procurèrent  plusieurs 
bénéfices,  et  une  pension  de  2,000  livres 
sur  l'abbaye  de  Vaux-Cernai.  Il  dévolut 
en  même  temps  un  canonicat  de  l'église 
(le  Cliartres,  et  ne  se  servit  de  tous  ces 
biens  sacrés  que  pour  satisfaire  son  goût 
effréné  pour  le  plaisir.  Vieux  à  30  an.s,il 


REG 

mourut  à  40 ,  entièrement  usé  par  les 
débauches.  On  assure  que  sa  fin  fut  chré- 
tienne. On  trouve  dans  le  recueil  de  ses 
OEuvres  seize  Satires,  trois  Epîlres, 
cinq  Elégies,  des  Stances,  des  Odes,  etc. 
Ses  satires  sont  ce  qui  fixe  le  plus  l'atten- 
tion dans  ce  recueil.  Régnier  verse  son 
fiel  sur  tous  ceux  qui  lui  déplaisent,  et 
souvent  avec  une  licence  brutale.  Il  a  ce- 
pendant quelques  vers  heureux  et  origi- 
naux, quelques  saillies  fines,  quelques 
bons  mots  piquans,  quelques  expressions 
naïves.  Son  stile  est  souvent  incorrect, 
ses  plaisanteries  basses  ;  la  pudeur  y  est 
blessée  en  plus  d'un  endroit ,  et  c'est  avec 
raison  que  Boileau  a  dit  : 

Ileureux!  si  se>  disrnurs,  rraiii»  du  ciuite  lecteur. 
Ne  se  senlairni  des  lirux  que  rié<|ueiita!niil  l'auteur, 
Kt  si  du  son  liardi  de  srs  rimes  cyniques 
Il  n'alarmait  souTent  Ic-s  oreillvs  pudiquei. 

(  Les  meilleures  éditions  de  Régnier  sont 
celles  publiées  par  M.  Vio!let-le-Duc  en 
1821,  in-8,etparM.  Lequien  en  1822, 
in  8 ,  avec  le  Commentaire  de  Bros- 
sette.  ) 

*  REGNIER  (  Jacques  ),  médecin  et 
poète  latin  ,  naquit  à  Beaune  le  6  janvier 
1589.  Outre  la  médecine,  il  possédait  les 
langues  grecque  et  latine,  l'histoire  na- 
turelle des  animaux ,  des  poissons ,  des 
plantes  et  des  minéraux.  Il  était  aussi 
versé  dans  l'histoire  générale  et  ecclé- 
siastique. Régnier  avait  fait  ses  études 
dans  sa  ville  natale,  puis  à  Dijon  ,  oii  il 
fut  répétiteur  chez  un  de  ses  parens.  De 
là  il  se  rendit  à  Besançon ,  et  ensuite  à 
Lyon,  en  vivant  de  son  travail;  les  épar- 
gnes qu'il  fit  dans  cette  dernière  ville,  où 
il  demeura  deux  ans,  lui  servirent  pour 
faire  un  voyage  à  Paris.  Il  y  donna  plu- 
sieurs comédies ,  entre  autres  l'Amphi- 
tryon de  Plaute ,  qui  fut  joué  sur  le  théâ- 
tre de  l'hôtel  de  Bourgogne.  S'étant  rendu 
à  Bordeaux,  il  y  étudia  sous  d'habiles 
professeurs  la  médecine  théorique  et  pra- 
tique. H  quitta  bientôt  cette  ville  et  alla 
à  Saintes ,  où  il  exerça  son  art  avec  suc- 
cès. Il  retourna  enfin  dans  sa  patrie , 
après  15  ans  d'absence,  y  suivit  la  pro- 
fession de  médecin  ,  et  obtint  beaucoup 
de  réputation.  Régnier  mourut  en  16C3  , 
âgé  de  74  ans.  Il  a  écrit  plusieurs  ouvra- 


, 


REG 

ges,  comme  un  Poème  latin  à  la  louange 
d'une  (lame,  plusieurs  Comédies;  mais 
l'ouvrage  qui  l'a  fait  connaître  avanta- 
geusement est  un  recueil  de  fables ,  inti- 
tulé :  jépologi  phœdrii  ex  ludicris  J. 
Jlegnerii,  belnensis  doctoris  medici,  jan- 
vier, 1G4  3,  in-12de  125  pages.  Ces  fables 
sont  divisées  en  deux  parties  ;  la  première 
est  de  40  fables ,  la  seconde  de  60  (  1 00  ). 
On  trouve  ces  fables  dans  plusieurs  cata- 
logues des  Fables  de  Phèdre,  et  notam- 
ment dans  le  Phèdre  de  Coustellier,  17  47, 
et  dans  celui  du  Père  Brottier,  17  83  :  et 
cela  par  une  erreur  bien  singulière;  car 
au  lieu  d'entendre  par  Apologi phœdrii: 
«  Apologues  dans  le  genre  de  ceux  de 
»  Phèdre,  »  on  a  cru  que  c'était  une  édi- 
tion de  Phèdre.  Vers  la  fin  de  ses  jours, 
il  composa  un  aulre  recueil  de  Fables, 
plus  volumineux  que  le  premier,  quoi- 
qu'il eût  mis  à  la  fin  de  celui-  ci  :  Hic 
cestus  artemque  repono. 

REGIS  1ER -DESMARAIS  ou  plutôt 
Desmarets  (François-Séraphin),  naquit 
à  Paris,  en  1G32,  d'une  famille  noble, 
originaire  de  Saintonge.  Il  fit  sa  philo- 
sophie avec  distinction  dans  le  collège 
de  Montaigu.  Ce  fut  pendant  son  cours 
qu'il  traduisit  en  vers  burlesques  la  Ba- 
trachomyomachic  d'Homère ,  ouvrage 
qui  parut  un  prodige  dans  un  jeune 
homme  de  là  ans.  Le  duc  de  Créqui  , 
charmé  de  son  esprit ,  le  mena  avec  lui 
à  Rome,  en  1602.  Le  séjour  de  l'Italie 
lui  fut  utile  ;  il  apprit  la  langue  italienne, 
dans  laquelle  il  fit  des  vers  dignes  de  Pé- 
trarque. L'académie  de  la  Crusca  de  Flo- 
rence prit  une  de  ses  odes  pour  une  pro- 
duction de  l'amant  de  Laure,  et  lorsque 
celle  société  fut  désabusée,  elle  ne  se 
vengea  de  son  erreur  qu'eu  accordant 
une  place  dans  son  sein  à  celui  qui  l'avait 
causée.  (2e  fut  en  1667  qu'on  lui  fit  cet 
houueur,  et  3  ans  après  l'académie  fran- 
çaise se  l'associa.  Mézerai,  secrétaire  de 
celle  compagnie,  étant  mort  en  1684,  sa 
])lace  fut  dounée  à  l'abbé  Uegnier.  Il  se 
signala  dans  les  démêlés  de  l'académie 
conlrc  Furelière,  et  composa  tous  les 
Mémoires  qui  ont  paru  au  nom  de  ce 
cor]»s.  L'abbé  Kcgnier  eut  plusieurs  bé- 
néfices, entre  autres  l'abbaye  de  Sainl- 


REG  293 

Laon  de  Thouars.  On  prétend  qu'il  aurait 
été  évéque,  sans  sa  traduction  d'une 
scène  voluptueuse  du  Pastor  fido.  Il 
mourut  à  Paris ,  en  1713,  à  81  ans.  Ses 
talens  étaient  relevés  par  une  probité, 
une  droiture  et  un  amour  du  vrai  géné- 
ralement reconnus.  Son  amitié  faisait 
honneur  à  ceux  qu'il  appelait  ses  vrais 
amis,  parce  qu'il  ne  la  leur  donnait  que 
quand  il  reconnaissait  en  eux  les  qualités 
qui  formaient  son  caractère.  (  L'abbé  Ré- 
gnier avait  accompagné  plusieurs  sei- 
gneurs en  différens  voyages ,  et  rempli 
des  missions  de  confiance,  dont  le  char- 
gèrent les  ministres  et  le  roi.  )  Nous  avons 
de  lui  :  1°  une  Grammaire  française  im- 
primée en  1676,  en  2  vol.  in-12.  La 
meilleure  édition  est  celle  del710,  in-4. 
On  trouve  dans  cet  ouvrage,  un  peu  dif- 
fus, le  fond  de  ce  qu'on  a  dit  de  mieux 
sur  la  langue.  2"  Une  Traduction  en  vers 
italiens  des  odes  d'Anacréon,  in-8,  qu'il 
dédia  ,  en  1692  ,  à  l'académie  de  la  Crus- 
ca :  la  simplicité  et  le  naturel  y  sont 
joints  à  l'élégance  et  à  la  noblesse  ;  3°  des 
Poésies  françaises,  latines,  italiennes  et 
espagnoles,  réunies,  en  1708,  en  2  vol. 
in-12.  Ses  vers  français  offrent  de  la  va- 
riété, de  la  gaieté,  des  moralités  heureu- 
sement exprimées;  mais  son  stile  est  plus 
noble  que  vif,  et  plus  pur  que  brillant. 
Ses  vers  italiens  et  espagnols  ont  plus  de 
coloris  et  plus  de  grâce.  Les  poésies 
françaises  ont  étéaugmenléesdans  les  édi- 
tions de  1716  et  de  1750,  2  vol.  in-12. 
4°  Une  Traduction  Ae.  ]a Perfection  chré- 
tienne de  Rodriguez,  entreprise  à  la 
jtrièic  des  jésuites,  et  plusieurs  fois  ré- 
imprimée ,  en  3  vol.  in-4,  et  en  4  in-8. 
Cette  version  ,  écrite  avec  moins  de  nerf 
que  celle  de  Port-Royal ,  est  d'un  stile 
plus  pur  et  plus  coulant  ;  elle  est  aussi 
plus  fidèle  ,  car  les  traducteurs  de  Port- 
Royal  font  dire  souvent  à  l'auteur  espa- 
gnol toBt  le  contraire  de  ce  qu'il  dit  en 
effet.  (  Ployez  Rodrigciez.  )  5°  Une  Tra- 
duction des  2  livres  de  la  Divination  de 
Cicéron,  17 10,  in-12  ;  6"  une  autre  Fer- 
sion  des  livres  de  cet  auteur.  De  finibus 
bonorum  et  malorum,  avec  de  bonnes 
remarques,  in-12  ;  7"  {'Histoire  des  dé- 
mêlés de  la  France  avec  la   cour  de 


294  Î^EG 

Home ,  au  sujet  de  V affaire  des  Corses, 
1767,  in-4. 

•  REGNIER  (Claude-François),  né  en 
Auvergne,  en  1718,  vint  faire  ses  études 
à  Paris  au  séminaire  de  Saint-Sulpice,  et 
embrassa  l'état  ecclésiastique.  Aprèsavoir 
pris  le  bonnet  de  docteur  en  Sorbonne , 
il  s'agrégea  à  la  congrégation  des  sulpi- 
ciens,  et  devint  un  des  directeurs  du 
séminaire  de  Paris.  On  a  de  lui  :  \°  Cer- 
titude des  principes  de  la  religion  contre 
les  nouveaux  efforts  des  incrédules, 
Paris,  de  1778  à  1782,  G  vol.  in-12  ; 
2"  Tractatus  de  Ecclesia  Christi,  Paris  , 
1789,  2  vol.  in-8.  Ces  ouvrages  sont  esti- 
més. L'abbé  PiCgnier  mourut  dans  le 
courant  de  l'année  1790.  —  Régnier 
(Dom  ),  bénédictin  de  la  congrégation 
des  Exempts,  a  publié  des  Sermons, 
1761,  3  vol.  in-12. 

*  REGNIER  (  Claude-Ambroise  ou  An- 
toine ),  duc  de  Massa-Carrara,  ministre  de 
la  j  iistice  sousBuonaparte,naquit  le  6  avril 
1736  à  Blaniont  dans  le  département  de  la 
Meurthe.  Avant  la  révolution  ,  il  était  un 
des  avocats  les  plus  distingués  de  Nancy. 
Il  embrassa  les  principes  des  réforma- 
teurs avec  un  zèle  qui  fut  récompensé 
par  la  nomination  aux  étals-généraux  et 
ensuite  à  l'assemblée  nationale.  Il  de- 
vait celle  distinction  aux  suifrages  du 
bailliage  de  la  ville  de  Nancy.  Régnier 
se  rangea  du  côté  gauche;  mais  il  pa- 
rut peu  à  la  tribune  ,  et  s'occupa  beau- 
coup de  judicature  et  d'administration. 
11  s'éleva  contre  l'institution  des  jurés  en 
malière  civile  ;  et,  lorsque  le  vicomte  de 
Mirabeauenleva  les  cravates  de  son  régi- 
ment, il  proposa  de  le  mettre  en  accusa- 
tion ;  cependant  il  défendit  la  municipa- 
lité de  Nancy  contre  les  reproches  des 
jacobins  ,  lors  de  l'insurrection  de  cette 
ville,  et  approuva  la  conduite  de  M.  de 
Bouille.  La  fuite  du  roi,  20  juin  1 7  91, ayant 
causé  quelque  tumuUe  dans  jes  départe- 
mens  du  Rhin  el  des  Vosges,  on  y  envoya 
Régnier  pour  les  calmer,  et  sa  conduite 
ne  donna  lieu  à  aucun  reproche.  Il  sut 
vivre  ignoré  pendant  le  règne  de  la  ter- 
reur, jusqu'à  ce  qu'il  /ut  nommé  par  le 
département  de  la  Meurthe  au  conseil  des 
anciens.  A  celte  époque,  il  s'opposa  vi 


REG 

goureuscment  à  l'admission  de  JobAyroé, 
et  à  la  rentrée  des  prêlres  re'fractaires. 
Il  devint  secrétaire ,  puis  président  du 
conseil ,  et  y  fut  réélu  eu  1799  ,  à  l'épo- 
que où  devaient  cesser  ses  fonctions.  Il  se 
prononça  plus  ouvertement  encore  qu'il 
ne  l'avait  fait  contre  les  jacobins,  s'op- 
posa en  même  temps  à  l'impression  d'une 
adresse  des  habilans  de  Grenoble  contre 
Schérer,  et  combattit  la  permanence  des 
séances  après  le  30  prairial;  il  se  déclara 
aussi  avec  Courtois  contre  le  Manège. 
Régnier  eut  une  part  très  active  dans  ta 
révolution  du  18  brumaire,  et  fut  un  de 
ceux  qui  se  réunirent,  le  17  septembre 
au  malin,  chez  Lemercier,  président  du 
conseil  des  anciens.  On  y  arrêta  les  me- 
sures délinitives  qui  pouvaient  assurer  le 
succès  de  cette  conspiration  ;  Régnier 
présenta  le  projet  de  décret  qui  transfé- 
rait les  deux  conseils  h  Saint-Cloud ,  et 
fut  nommé  président  de  la  commission 
intermédiaire.  Après  l'établissement  du 
régime  consulaire,  Buonaparle  n'oublia 
pas  les  services  de  Régnier  ;  il  le  nomma 
conseiller  d'état  dans  la  section  des  fi- 
nances, le  combla  de  dignités  et  de  fa- 
veurs, et  le  15  septembre  1802,  Ré- 
gnier réunit,  sous  la  dénomination  de 
grand-juge,  les  deux  ministères  de  la 
justice  et  de  la  police  générale.  !l  se  dé- 
mit de  celle  seconde  place  lorsque  Fou- 
ché  fut  appelé  à  l'occuper  :  il  conserva 
cependant  son  titre  de  grand-juge  et  le 
ministère  de  la  justice  ;  ce  fut  lui  qui  en 
1804  dirigea  toutes  les  poursuites  contre 
Georges  et  Pichegru.  Nommé  grand-offi- 
cier de  la  légion-d'honneur,  il  oblint , 
en  février  1805  ,  le  grand-cordon,  et  fut 
créé  duc  de  Massa-Carrara.  En  novembre  ( 
1 8 1 3,  il  remit  le  portefeuille  de  la  justice, 
pour  remplir  la  place  de  ministre  d'état; 
et  ensuite  celle  de  président  du  corps  lé- 
gislatif,  oii  il  ne  reçut  pas  un  accueil 
bien  flatteur.  Buonaparle ,  de  retour  de  sa 
désastreuse  expédition  de  Moscou  ,  avait 
besoin  de  mettre  à  la  tête  de  cette  assem- 
blée un  homme  entièrement  dévoué  à  se» 
projets  :  il  y  plaça  Régnier.  La  dissolu- 
tion du  corps  législatif,  le  31  décembre 
1813,  mit  un  terme  à  la  forlunc  de  Ré- 
gnier. Lors  de  la  première  abdication  ,  il 


I 


REG 

ëcrÏTit,  le  8  aTiil  1814,  au  gouverne- 
ment provisoire ,  pour  savoir  s'il  était 
encore  président  du  corps  législatif  ;  il 
ne  reçut  point  de  réponse.  Il  ne  survé- 
cut que  deux  mois  et  demi  à  sa  dis- 
grâce, et  mourut  à  Paris  le  24  juin  1814. 
Assez  bon  jurisconsulte,  médiocre  ora- 
teur et  peu  habile  ministre,  il  fut, 
comme  le  comte  Regnaultde  Saint-Jean- 
dAngely,  un  des  hommes  les  plus  atta- 
chés à  Napoléon,  et  la  plus  souple  de  ses 
créatures  ;  il  parut  sensiblement  affecté 
quand  celui-ci  abdiqua  et  se  retira  à  l'île 
d'Elbe.  Son  intérêt  personnel  était  sans 
doute  pour  quelque  chose  dans  l'afflic- 
tion que  lui  causait  cet  événement.  Son 
fils  a  élé  nommé  pair  de  France  par 
Louis  XVIII. 

*REGMER  (Edme),  célèbre  méca- 
nicien ,  né  à  Semur ,  en  Bourgogne ,  le 
15  juin  11  bi  ,  commença  ses  études  au 
collège  de  celle  ville;  mais  sa  mère,  élant 
devenue  veuve ,  fut  obligée  de  le  mettre 
en  apprentissage  chez  un  arquebusier  de 
Dijon.  Le  jeune  Régnier  travaiUa  avec  tant 
de  succès  qu'il  parvint  à  pouvoir  soutenir 
sa  mère,  à  élever  et  à  établir  ses  frères 
et  ses  sœurs.  Il  se  fit  connaître  en  même 
temps  par  des  inventions  relatives  à  son 
art.  La  première  iuiuneéprouvelte  pour 
essayer  la  force  des  poudres  de  chasse , 
supérieure  à  toutes  celles  qui  ont  été  ima- 
ginées jusqu'à  ce  jour,  et  qui  amena  la 
découverte  du  dynamomètre ,  machine 
pour  mesurer  la  force  et  la  résistance. 
C'est  lui  qui  a  construit  le  premier  des 
paratonnerres  en  Bourgogne,  et  il  les  a 
perfectionnés  :  il  en  avait  déjà  placé  six  à 
Semur  et  dans  les  environs  de  cette  ville, 
avant  qu'il  y  en  eût  aucun  à  Paris.  Il 
présenta  à  Francklin  des  modèles  de  con- 
ducteurs mobiles,  par  lesquels  il  avait 
cherché  à  remplacer  ceux  que  cet  illus- 
tre physicien  avait  employés  dans  ses 
appareils,  et  Francklin  applaudit  à  celle 
ingénieuse  amélioration.  Il  fit  aussi  pour 
l'usage  de  sa  ville  natale  un  méridien  son= 
nant,  dont  il  eut  l'honneur  d'offrir  un  mo- 
dèle réduità  Louis  XVi,  qui  l'admira  et  ré- 
compensa l'inventeur.  C'est  par  le  même 
procédé  que  s'obtient  la  détonation  des 
canons  méridiens.  En  1777,  il  obtint  le 


REG  295 

premier  prix  d'encouragement  pour  1» 
meilleure  serrure  à  combinaisons ,  quoi- 
qu'il n'eût  jamais  vu  d'ouvrage  de  ce 
genre.  Elle  est  décrite  dans  VEncyclo- 
pédie  méthodique.  Il  l'a  perfectionnée 
depuis,  ainsi  que  les  cadenas  à  combinai- 
sons qui  sont  maintenant  fort  en  usage.  On 
lui  doit  encore  l'invention  d'une  échelle 
à  incendie  qui  a  remporté  le  premier  prix, 
et  le  sécateur,  machine  pour  tailler  les 
arbres,  heguier  est  mort  à  Paris  le  10 
juin  1825.  On  trouve  dans  une  Notice 
imprimée  chez  M™^  Huzard ,  la  descrip- 
tion de  7  5  machines  différentes  qu'il  a 
inventées.  On  avait  publié  auparavant  un 
Mémoire  explicatif  du  dynamomèlre  et 
autres  machines  inventées  par  le  citoyen 
R.  (Régnier),  17  98,in-4.  Régnier  avait 
été  nommé  conservateur  du  musée  cen- 
tral d'artillerie  qu'il  créa  lui-même.  Ap- 
pelé à  Paris  pendant  la  révolution  comme 
membre  de  l'administration  des  armes 
portatives ,  il  avait  profilé  de  cette  oc- 
casion pour  recueillir  avec  soin  les  an- 
ciennes armures  de  nos  rois  qui  étaient 
éparses  en  France  et  qu'il  classa  par  or- 
dre chronologique  :  telle  fut  l'origine  du 
musée  central  d'artillerie  qu'il  sut  con- 
server intact  pendant  les  invasions. 

' REGJNIER  -  DESTOURBET  (  Fran- 
çois-Hippolyte),  littérateur,  né  à  Langres 
en  1804,  mort  à  Paris,  âgé  de  28  ans, 
le  23  septembre  1832,  mérite  une  place 
dans  notre  Dictionnaire  ,  soit  à  cause  de 
ses  premières  produclions,  soit  à  cause 
de  sa  fin  toule  chrélienne.  Issu  d'une  fa- 
mille estimable ,  il  avait  élé  élevé  dans 
les  principes  de  la  religion ,  e^t  même  , 
pendant  quelque  temps  ,  il  avait  songé  à 
embrasser  l'état  ecclésiastique.  Ses  pre- 
miers travanx  roulèient  sur  des  sujets  re- 
latifs au  clergé.  Il  n'avait  encore  que  2t 
ans,  lorsqu'il  publia  une  brochure  sous  ce 
iiire-.Des  Jésuites  en  France,  1825, 
in-8.  Il  y  répondait  aux  reproches  dont 
ces  religieux  étaient  l'objet;  quoiqu'il 
ne  les  considérât  que  par  rapport  à  la 
France,  son  écrit  pouvait  cependant 
écarter  bien  des  préventions.  Son  His- 
toire du  clergé  de  F rance  pendant  la  ré- 
volution, 1828,  3  vol.  in-12  ,  fut  égale- 
ment conçue  dans  des  intentions  droites. 


296  RtG 

L'auteur  qui  ne  s'était  fait  connaître  que 
par  les  initiales  M.  R.  s'y  montre  attaché 
aux  bonnes  doclrines;  mais  il  manquait 
<le  beaucoup  de  connaissances  relatives 
à  son  sujet ,  et  il  n'avait  pas  fait  assez  de 
recherches.  Les  trois  volumes  de  cette 
histoire  parurent  successivement  :  le  pre- 
mier va  jusqu'à  la  fin  de  l'assemblée 
constituante;  le  second  jusqu'à  la  fin  de 
la  Convention,  et  le  dernier  devait  em- 
brasser le  règne  du  directoire  et  celui  de 
Buonaparte  ;  cette  dernière  partie  est 
encore  moins  soignée  que  les  précédentes, 
et  sur  la  fin  surtout,  l'auteur  indique  les 
faits  plutôt  qu'il  ne  les  raconte.  Vers  le 
même  temps  il  composa  pour  la  Biblio- 
thèque catholique  une  Histoire  abrégée  de 
la  constitution  civile  du  clergé,  1828, 
in-8.  Sans  doute  il  y  a  des  erreurs  et  des 
omissions  dans  cet  abrégé  ;  mais  c'est 
peut-être  ce  que  31.  Régnier  a  fait  de 
moins  négligé.  On  est  d'ailleurs  porté  à 
l'indulgence  envers  un  jeune  homme 
qui ,  dans  l'âge  où  tant  d'autres  sont  li- 
vrés à  la  dissipation ,  donnait  cette  di- 
rection religieuse  à  ses  études.  Que  n'a- 
t-il  toujours  continué  à  marcher  sur  cette 
ligne!  Il  avait  commencé  pour  la  Biblio- 
thèque catholique  une  Histoire  de  la  ré- 
volution, qui  n'a  pas  vu  le  jour.  Ses  Sep' 
tcmbriseurs  sont  un  ouvrage  assez  singu- 
lier; l'auteur  a  imaginé  de  mettre  l'his- 
toire de  ce  temps-là  sous  la  forme  d'en- 
tretiens entre  les  jacobins.  Ils  furent  sui- 
vis de  romans,  tels  que  Louiset,  1830  ; 
un  Balcliez  Louis-Philippe,  1831,  Char- 
les H ,  et  l'Amante  espagnole,  1831  ,• 
4  vol.  in-12,  etc.  Nous  ne  pouvons  nous 
empêcher  de  déplorer  qu'il  ait  publié  un 
de  ses  romans  sous  le  nom  de  l'Abbé Fi- 
berge.  Nous  ne  doutons  point  que  M.  Ré- 
gnier n'ait  vivement  regretté  au  lit  de 
la  mort  cette  attribution  mensongère 
qui  compromettait  un  corps  respectable. 
Il  avait  aussi  fait  des  pièces  de  théâtre , 
te\&  que  Napoléon  àSchoenbrunn,  Char- 
lotte Corday,  etc  Ployez  pour  cette  der- 
nière pièce  la  Revue  E ncyclopédique , 
1 830,  tome  2,  pag.  1 94 .  Il  avait  fourni  des 
articles  à  la  Revue  de  Paris  et  au  livre 
des  Cent  et  un.  Il  tomba  malade  vers  le 
comnienccment  d'août ,  et  le  mal  s'au- 


nonça  aussitôt  d'une  manièreinquiélanle. 
Le  jeune  Régnier  s'empressa  de  mettre  sa 
conscience  eu  paix  :  ses  derniers  jours 
furent  consacrés  au  repentir,  et  il  a  laissé 
sa  famille  consolée  par  les  nombreux  té- 
moignages de  son  retour  à  la  religion.  U 
travaillait,  dit  on,  dans  les  derniers  temps 
au  Messager  des  Chambres  et  à  la  Mode. 
Il  avait  fait  son  droit ,  et  occupa  quelque 
temps  la  place  d'auditeur  au  tribunal  de 
Chàlons-sur-Marne  ;  mais  il  s'en  démit  à 
l'époque  de  la  dernière  révolution  pour 
se  livrer  tout  entier  à  son  goût  pour 
écrire. 

*  REGUIS,  curé  dans  le  diocèse  de 
Gap,  a  publié  en  1766  la  J^oix  du  pas- 
teur, discours  familiers  d'un  curé  à  ses 
paroissiens ,  pour  tous  les  dimanches  de 
l'année ,  2  vol.  in-1 2  ,  très  souvent  réim- 
primés. Cet  ouvrage,  l'un  des  meilleurs 
en  ce  genre  ,  remarquable  par  la  simpli- 
cité et  l'onction  qui  y  règne ,  vient  en- 
core d'être  perfectionné  par  un  pasteur 
animé  du  même  esprit  que  l'abbé  Reguis, 
sous  le  titre  d'Instructions  familières, 
imprimées  d'abord  en  5  vol. ,  puis  en 
6 ,  et  enfin  en  8  vol.  in-l2.  La  7*  édition 
a  paru  en  1821.  Ces  instructions  courtes 
et  adoptées  aux  circonstances  ne  peu- 
vent lasser  la  patience  du  lecteur,  et  sont 
bien  propres  à  ranimer  le  zèle  trop 
éteint  pour  les  intérêts  de  la  religion  , 
à  combattre  l'indifférence  des  chrétiens 
et  leur  lâcheté  à  eu  observer  les  pré- 
ceptes. 

RÉGULUS  (  Marcus  Attilius  ) ,  con- 
sul romain  avec  Julius  Libo ,  l'an  267 
avant  J.  C. ,  réduisit  les  Salentins  et  se 
rendit  maître  de  Brindes  leur  capitale. 
Consul  une  2*  fois  avec  Manlius  Vulso  , 
ils  furent  vainqueurs  d'Amilcar  et  d'Han- 
non  ,  dans  un  combat  naval  donné  près 
d'Héraclée  sur  la  côte  de  Sicile  ;  ils  leur 
prirent  G4  galères  et  eu  coulèrent  à  fond 
plus  de  30.  Régulus ,  resté  en  Afrique 
après  cette  victoire  sur  mer ,  gagna  une 
bataille  sur  terre ,  suivie  de  la  reddition 
de  plus  de  200  places ,  et  surtout  de 
Tunis  ,  ville  à  3  ou  4  lieues  de  Carthage. 
Les  Carthaginois  demandèrent  la  paix  ; 
mais  Régulus  ne  voulut  pas  la  leur  don- 
ner. Ebloui  par  ses  succès  ,  il  oublia  la 


REG 

vicissitude  des  choses  humaines  et  l'is- 
sue incertaine  des  combats  ;  il  prescrivit 
aux  vaincus  des  conditions  cruelles  et 
déraisonnables  ,  et  provoqua  les  ressour- 
ces du  désespoir.  Xantippe  ,ofi&cier  Spar- 
tiate, arrivé  à  Carthage  avec  un  renfort 
de  troupes  grecques  ,  promit  de  rétablir 
les  affaires.  Il  y  eut  un  combat  entre  lui 
et  le  consul.  Il  tailla  en  pièces  30,000 
Romains,  fit  15,000  prisonniers,  et  prit 
Picgulus ,  qui  fut  emmené  à  Carthage  avec 
les  compagnons  de  son  infortune.  On 
l'envoya  bientôt  à  Rome ,  sous  le  ser- 
ment d'un  prorapt  retour ,  pour  y  an- 
noncer les  conditions  de  la  paix  et  pro- 
poser l'échange  des  prisonniers  ;  mais , 
loin  de  le  solliciter,  Régulus  persuada 
au  contraire  au  sénat  de  le  rejeter  avec 
fermeté ,  et  retourna  dégager  sa  parole 
et  se  livrer  aux  lortures  qu'on  lui  pré- 
parait. Les  Carthaginois  ,  irrités  ,  inven- 
tèrent pour  lui  de  nouveaux  supplices. 
On  lui  coupa  les  paupières  et  on  l'ex- 
posa plusieurs  jours  aux  ardeurs  du  so- 
leil ;  on  l'enferma  dans  un  tonneau  garni 
de  pointes  de  fer,  l'an  251  avant  J.  C. 
La  femme  de  Régulus  ayant  appris  cet 
excès  de  cruauté  ,  obtint  du  sénat  les 
plus  considérables  prisonniers  carthagi- 
nois ,  les  fit  mettre  dans  une  armoire 
étroite  ,  hérissée  de  pointes  de  clous ,  et 
les  y  laissa  5  jours  sans  nourriture  ;  ils  y 
périrent  tous,  hormis  un,  nommé  Amil- 
car  :  vengeance  aussi  lâche  que  celle  que 
les  Carthaginois  avaient  tirée  de  Régulus. 
L'action  de  Régulus  a  été  célébrée  au  17^ 
siècle  ,  dans  une  tragédie  de  Pradon  ,  et 
de  nos  jours,  par  Dorât  :  mais  rien  n'é- 
gale la  brièveté  sublime  avec  laquelle 
Horace  a  chanté  ee  général  dans  la  belle 
ode  Cœlo  tonantem,  etc.  Valère-Maxime 
rapporte  que  Régulus ,  faisant  la  guerre 
en  Afrique  ,  trouva ,  sur  le  bord  du  fleuve 
Bagrada ,  un  serpent  d'une  grandeur  si 
monstrueuse ,  qu'il  fallut  l'attaquer  avec 
les  machines  de  guerre  ,  comme  une  cita- 
delle :  quoiqu'il  y  ait  peut-être  de  l'exa- 
gération dans  ce  récit,  la  grandeur  de 
quelques  serpens  d'Amérique  lui  donne 
de  la  vraisemblance.  (Tous  ces  faits  sont 
rapportés  par  la  plupart  des  auteurs  la- 
tins ;  aussi  Polybe  et  Diodore  de  Sicile 
XI. 


REI  297 

n'en  font  aucune  mention.  Beaucoup  de 
contradictions  se  rattachent  à  ce  récit  de 
Tite-Live  :  c'est  ce  qu'a  démontré  M.  Bour- 
gon ,  professeur  d'histoire  à  la  faculté  des 
lettres  de  Besançon,  dans  la  Dissertation 
qui  a  pour  titre  :  De  Polybe  considéré 
comme  historien  romain  -.  thèse  inau- 
gurable  pour  le  doctorat,  Strasbourg  , 
1829,  in-4.  La  mort  de  Régulus  a  été 
transportée  sur  la  scène  française  par 
Pradon ,  Dorât ,  et  plus  récemment  par 
M.  Arnault  fils.  Métastase  l'a  mise  sur  le 
théâtre  italien.  ) 

*  REICHARD  (  Henri- Auguste-Otto- 
care  )  ,  directeur  de  l'administration  de 
la  guerre  de  l'état  de  Saxe-Gotha,  et  con- 
seiller intime  au  même  département  , 
naquit  en  1751  à  Gotha.  Son  éducation 
fut  dirigée  par  son  beau-père,  Rudolphe, 
conseiller  intime  de  régence.  Après  avoir 
suivi  des  cours  de  jurisprudence  dans  les 
universités  de  Goettinguc ,  de  Leipsick 
et  d'Iena  ,  Reichard  s'attacha  spéciale- 
ment aux  éludes  littéraires,  dans  lesquel- 
les il  fit  de  rapides  progrès  sous  la  direc- 
tion de  Gotter  et  de  Klupfel.  Quelques 
Poésies  ,  insérées  dans  les  Almanachs 
des  muses  ,  et  plusieurs  Articles  qui  pa- 
rurent dans  divers  recueils  périodiques  , 
lui  méritèrent  l'honneur  d'être  admis 
l'un  des  premiers  dans  la  société  drama- 
tique fondée  à  Gotha  par  Seyler.  Après 
un  début  aussi  heureux,  il  fit  représenter 
plusieurs  Pièces  qui  eurent  du  succès. 
Nommé  directeur  du  théâtre  ducal  ,  il 
fut  en  même  temps  bibliothécaire  du  duc 
Ernest  :  le  théâtre  de  Gotha  lui  dut  son 
premier  y^Z/na««cA  ,  et  il  fit  paraître  en 
même  temps  un  Journal  dramatique  (\}i\ 
a  conservé  de  l'importance  par  rapport  à 
l'histoire  de  l'art  chez  les  Allemands.  Ce 
fut  encore  lui  qui  fonda  la  Gazette  scien- 
tifique de  Gotha.  Plus  tard  il  s'associa 
à  la  rédaction  du  recueil  intitulé  :  OlUi 
Potridœ ,  puis  à  celle  du  Nouveau  Mer- 
cure de  France  ,  du  Journal  de  lecture 
et  de  la  Bibliothèque  des  Romains.  Vers 
le  commencement  du  règne  d'Emile-Léo- 
pold-Auguste  ,  il  visita ,  avec  sa  jeune 
épouse  ,  l'intérieur  de  l'Allemagne  ,  la 
Suisse,  l'Italie  et  la  France.  A  son  retour 
il  publia  plusieurs  ouvrages  ,  parmi  les- 
38. 


298  REI 

quels  nous  citerons  -.  son  Guide  des  voya- 
geurs en  Europe  ,  dont  la  5*  édition  a 
paru  à  Weimar  en  1 807, 3  vol.  grand  in-8, 
avec  des  figures  ;  réimprimé  l'année  sui- 
vante ,  ibid. ,  4  volumes  in-12  :  depuis 
il  a  eu  plusieurs  autres  éditions  ;  son  Pas- 
sager en  voyage,  et  les  Petits  voyages^ 
en  8  vol.  ,  ont  eu  aussi  une  très  grande 
vogue.  Reichard  s'était  affilié  à  diverses 
sociétés  secrètes  ,  dont  le  duc  lui-même 
faisait  partie  ,  notamment  à  celle  des 
francs-maçons  de  Gotha,  dans  le  sein  àa 
laquelle  fut  publié  dans  le  mois  d'octo- 
bre 1825  un  écrit  sous]  le  titre  de  Jubilé 
lie  Reichard.  Ce  littérateur  était  aussi 
partisan  des  nouvelles  doctrines  politi- 
ques; néanmoins  il  était  fermement  atta- 
ché aux  intérêts  et  aux  prérogatives  mon- 
archiques ;  il  conserva  toujours  les  bon- 
nes grâces  d'Emile-Léopold-Auguste ,  et 
fut  même  employé  dans  plusieurs  af- 
faires d'état  sous  Frédéric  IV ,  son  suc- 
cesseur. Nous  ne  saurions  donner  la  liste 
nombreuse  des  ouvrages  de  Reichard  : 
elle  se  trouve  dans  V Allemagne  savante 
de  Meusel.  Reichard  est  mort  dans  le 
mois  d'octobre  1828.  Un  grand  nombre 
de  feuilles  allemandes  ,  surtout  celles  de 
Gotha  ,  lui  ont  consacré  plusieurs  No- 
tices intéressantes. 

*RE1CHARDT  (  Jean-Frédéric  ) ,  lit- 
térateur et  compositeur  de  musique,  né, 
le  26  novembre  1752,  à  Koenigsberg , 
étudia  la  musique  sou»  Richter  de  l'école 
de  Bach ,  et  sous  Veichtner  de  l'école  de 
Benden  ,  et  la  philosophie  sous  le  pro- 
fesseur Kant  (  1769—1770).  Appelé  à 
Berlin  en  1775  ,  il  fut  long-temps  direc- 
teur de  l'opéra  italien  de  cette  ville  ,  et 
eut  ensuite  la  direction  des  théâtres  fran- 
çais et  allemand  à  Cassel.  Il  visita  l'Italie 
en  1782,  alla  donner  des  concerts  à 
Londres  et  à  Paris,  et  en  fit  exécuter  plu- 
sieurs de  sa  composition.  Il  retourna  en 
Prusse  pour  composer  une  grande  Can- 
tate funèbre  qui  fut  exécutée  aux  funé- 
railles du  roi  à  Postdam.  Il  resta  long- 
temps à  la  cour  du  nouveau  roi  Frédéric- 
Guillaume  II.  Il  est  mort  dans  une  terre 
qu'il  avait  à  Halle  le  27  juin  1814.  Com- 
me compositeur  il  a  donné  plusieurs 
opéras,  parmi  lesquels  on  distingue  celui 


RËI 

intitulé  :  Ylle  des  esprits  ,  qu'il  fit  pour 
la  fête  du  sacre  de  Frédéric-Guillaume  II, 
roi  de  Prusse  ;  Amour  et  fidélité ,  vau- 
deville allemand  qui  eut  un  grand  suc- 
cès ;  le  Tamerlan  de  Morel  et  le  Panthée 
de  Berquin.  Il  a  publié  :  \°  Lettres  fami- 
lières écrites  pendant  un  voyage  en 
France  en  1 792  ,  2  vol.  in-8  ;  2°  Nou- 
velles lettres  familières  écrites  pendant 
son  voyage  en  France  dans  les  années 

1803  et  1804  ,  3  vol.  in-8  ,  ouvrage  qui 
eut  beaucoup  de  succès  ;  3"  des  Lettres 
familières  sur  Vienne ,  qui  furent  aussi 
très  bien  accueillies.  Il  a  rédigea  Berlin 
la  Gazette  musicale  pendant  les  années 

1804  et  1805  ,  et  il  y  a  inséré  plusieurs 
morceaux  estimés  des  connaisseurs. 

*  REICHSTADT  (Napoléon-François- 
Charles-Joseph  BuoNAPARTK  ,  duc  de  ) 
fils  de  Napoléon  Buonaparte  et  de  l'im- 
pératrice Marie-Louise  ,  archiduchesse 
d'Autriche  ,  naquit  à  Paris  le  20  mars 
1811.  Sa  naissance  fut  célébrée  par  de 
pompeuses  cérémonies  et  de  brillantes 
fêtes  :  on  lui  donna  le  titre  àe prince  im- 
périal et  de  roi  de  Rome  qu'il  fallut 
échanger  à  l'époque  de  la  chute  de  son 
père  contre  celui  plus  modeste  de  duc 
de  Reichstadt  ,  que  lui  donna  l'empe- 
reur d'Autriche  son  aïeul.  Emmené  dans 
les  états  autrichiens  en  1814,  il  a  con- 
tinué d'y  résider  jusqu'à  sa  mort  qui  est 
arrivée  le  22  juillet  1832  dans  le  château 
de  Schoenbrunn  près  de  Vienne.  Ce 
prince  avait  21  ans  3  mois  et  2  jours.  La 
maladie  qui  l'a  enlevé  était  une  phthisie 
poulmonaire,  dont  il  se  sentait  atteint 
depuis  long-temps.  Il  s'attendait  lui- 
même  à  mourir  ,  et  un  jour  qu'un  de  ses 
emphatiques  flatteurs  ,  tels  qu'il  s'en 
trouve  si  souvent  dans  les  cours  ,  lui  dit 
en  stile  oriental  :  fils  du  soleil ,  vous  se- 
rez au  moins  planète  ou  comète....  Hé  , 
Monsieur,  répondit-il,  laissez-moi  mou- 
rir tranquille  ;  dest  tout  ce  que  je  désire. 
Le  duc  de  Reichstadt  était  un  bel  homme; 
il  avait  d'heureuses  qualités.  Sans  doute 
le  mal  qui  l'a  conduit  au  tombeau  a  di- 
minué l'énergie  de  son  âme  ;  mais  rien 
n'annonçait  en  lui  un  grand  homme.  Ce- 
pendant il  fut  pendant  quelque  temps  le 
point  de  mire  d'un  parti  en  France  :  les 


REI 

Buonapartistes  avaient  rattaché  leurs  in- 
térêts à  l'élévation  de  ce  prince.  Ainsi , 
après  la  seconde  abdication  de  Buona- 
parte  ,  dans  le  mois  de  juin  1815  ,  quel- 
ques membres  de  la  chambre  des  repré- 
sentans  demandèrent  qu'on  proclamât  ce 
prince  sous  le  nom  de  Napoléon  II  ;  mais 
cette  proposition  ne  fut  pas  accueillie. 
Depuis  on  a  entendu  par  fois  prononcer 
ce  nom  qui  était  devenu  un  cri  de  ral- 
liement ;  il  s'est  mêlé  ,  depuis  la  ré- 
volution de  juillet ,  à  celui  de  vive  la  ré- 
publique. L'empereur  d'Autriche  lui  avait 
accordé  peu  de  temps  avant  sa  mort  le 
grade  de  colonel  dans  ses  armées.  Sa 
mère  Marie-Louise ,  duchesse  de  Parme , 
qui  a  si  souvent,  depuis  sa  chute  du 
trône  impérial,  perdu  de  vue  ce  qu'elle 
fut,  pour  donner  le  scandale  d'une  vie 
licencieuse ,  n'a  point  oublié  au  milieu 
de  ses  égaremens  qu'elle  avait  donné  le 
jour  au  fils  de  Buonaparte.  Elle  a  quitté 
ses  états  d'Italie  et  elle  a  recueilli  le  der- 
nier soupir  de  ce  prince.  La  cour  d'Au- 
triche a  pris  le  deuil  pour  si.v  semaines  à 
l'occasion  de  sa  mort.  Plusieurs  Notices 
ont  paru  sur  ce  prince  ;  nous  remar- 
quons l'ouvrage  que  M.  de  Montbel,  an- 
cien ministre  de  Charles  X,  lui  a  consacré 
sous  ce  titre  :  Le  duc  de  Reichstadt , 
Notice  sur  la  vie  et  la  mort  de  ce  prince , 
par  M.  de  Montbel,  2»  édition,  1833,  por- 
trait et  fac-similé. 

*  REID  (  Thomas) ,  philosophe  écos- 
sais ,  né,  le  26  avril  1710,  à  Shaian  , 
dans  le  comté  de  Kincardine  ,  près  d'A- 
berdeen  ,  n'offre  dans  sa  vie  aucun  de  ces 
évènemens  remarquables  qui  excitent  la 
curiosité.  Après  avoir  passé  deux  ans  à 
l'école  de  sa  paroisse  natale  ,  il  entra  au 
collège  Maréchal  d'Aberdeen  où  il  fit  sa 
philosophie  sous  le  docteur  Georges 
TurnbuU  ,  connu  par  ses  Principes  de 
philosophie  morale  et  par  son  ouvrage 
sur  la  peinture  antique.  Nommé  biblio- 
thécaire de  l'université  ,  il  se  démit  de 
cet  emploi  en  1736  ,  voyagea  en  Angle- 
ttrre  ,  visita  Londres  et  les  deux  univer- 
sités d'Oxford  et  de  Cambridge ,  et  fut  à 
son  retour  ,  en  1737  ,  promu  par  le  col- 
lège d'Aberdeen  à  un  des  bénéfices  qui 
était  sous  le  patronage  de  l'université  : 


REI  299 

ce  fut  àNew-Macherqu'ilfut  envoyé  pour 
y  exercer  les  fonctions  du  ministère  ;  car 
Beid  avait  embrassé  la  carrière  ecclésias- 
tique. Le  modeste  ministre  se  contentait 
de  lire  à  ses  paroissiens  les  sermons  de 
Tillotson  et  d'Evans  :  cependant  il  en 
composa  quelques-uns  qui  ne  sont  point 
indignes  du  talent  dont  pi  us  tard  il  donna 
des  preuves.  Ce  fut  alors  qu'il  fit  insérer 
dans  les  Transactions  philosophiques  de 
la  société  royale  de  Londres  pour  l'année 
1748  un  Essai  sur  Papplication  des  ma- 
thématiques à  la  morale  :  à  cette  époque 
ily  avait  une  espèce  d'engoûmentpourles 
mathématiques  qu'on  voulait  appliquer  à 
tout  :  on  les  avait  appliquées  à  la  méde- 
cine ,  et  Hutcheson  venait  de  les  appli- 
quera Porigine  de  nos  idées  de  beauté ei 
de  vertu.  Beid  ,  après  avoir  examiné 
dans  son  Essai  la  nature  des  méthodes  . 
mathématiques ,  et  les  matières  auxquel- 
les on  les  avait  appliquées  ,  prouve 
qu'elles  ne  peuvent  pas  convenir  à  la 
morale  ,  parce  que  ces  vérités  ne  se  rap- 
portent pas  aux  mêmes  facultés.  D'Alem- 
bert  a  depuis  traité  le  même  sujet.  Beid 
fit  paraître  ensuite  une  Analyse  de  la 
logique  d'Arisiote.  Les  professeurs  du 
collège  royal  d'Aberdeen  ,  en  lisant  les 
dififérentes  compositions  de  Beid',  formè- 
rent la  résolution  de  ne  point  le  laisser 
dans  son  obscure  retraite.  En  conséquence 
ils  le  nommèrent  en  1752  professeur  de 
philosophie  dans  leur  établissement. 
C'est  pendant  qu'il  était  à  Aberdeen  qu'il 
publia  le  livre  intitulé  :  Recherches  sur 
l'esprit  humain,  1764.  Cet  ouvrage  était 
une  première  attaque  dirigée  contre  les 
conséquences  du  scepticisme  de  Hume. 
Beid  avait  admis  d'abord  avec  Berkeley 
que  rien  ne  peut  être  perçu  s'il  n'est  pas 
dans  l'esprit  qui  le  perçoit ,  et  que  nous 
ne  voyons  pas  les  choses  extérieures,mais 
uniquement  les  représentations.  En  re- 
fléchissant sur  ce  système  ,  dont  les  con- 
séquences le  surprirent ,  il  chercha  sur 
quoi  était  fondée  cette  doctrine  ;  et,  com- 
me il  n'y  vit  que  l'autorité  de  Berkeley  ot 
de  Hume  ,  il  forma  dès  lors  le  projet  de 
rechercher  une  méthode  exacte  et  sévère  ; 
il  se  proposa  d'abord  de  reformer  la  théo- 
rie des  idées  ,  telle  qu'elle  était  admisç 


m 


3oo  REI 

dans  les  écoles  d'Ecosse.  Il  adopta  les 
procédés  adaptés  aux  sciences  physi- 
ques par  les  disciples  de  Bacon,  c'est-à- 
dire  qu'il  prit  la  méthode  expérimentale, 
qu'il  soumit  tout  à  l'obsei'vation  et  à  l'a- 
nalyse. L'université  de  Glasgow  se  hâta 
de  l'appeler  dans  son  sein  en  1763  ,  en 
lui  conÂantla  chaire  de  philosophie  mo- 
rale ,  vacante  par  la  démission  d'Adam 
Smith.  Keid  divisa  son  cours  en  quatre 
parties  :  la  métaphysique  ,  la  morale 
proprement  dite ,  la  jurisprudence  ou  le 
droit  naturel  ,  et  le  droit  public.  Il  fai- 
sait aussi  un  cours  de  rhétorique  ,  oii  il 
exposait  les  principes  du  beau  et  sa  théo- 
rie sur  l'éloquence.  De  tous  ces  cours  il 
ne  nous  reste  que  ses  Essais  sur  les  fa- 
cultés actives  de  l'homme ,  publiés  en 
1788  ,  et  son  premier  ouvrage  Sur  les 
facultés  intellectuelles.  Dugald-Stewart, 
son  disciple  ,  les  a  réunis  en  un  seul  vo- 
lume qu'il  a  donné  sous  le  titre  de  Phi- 
losophie de  Reid,  avec  une  Notice  sur  la 
vie  et  les  ouvrages  de  son  maître.  C'est  là 
qu'est  toute  la  doctrine  de  Reid  ,  dont 
Dugald-Stewart  a  cherché  à  remplir  les 
lacunes  par  les  ouvrages  qu'il  a  publiés 
lui-même.  Reid  composa  aussi  quel- 
ques dissertations  qu'il  fit  insérer  dans 
diflférens  recueils.  Il  est  mort  à  Glasgow 
le  7  octobre  1796.  Les  Recherches  de 
Reid  sur  l'entendement  humain,  d'après 
les  principes  du  sens  commun,  ont  été 
traduits  en  français,  Amsterdam  ,  17G8  , 
2  volumes  in- 12.  M.  Jouffroy  ,  profes- 
seur de  philosophie  au  collège  de  France, 
a  déjà  publié  plusieurs  volumes  d'une 
traduction  complète  des  OEuvres  de 
Reid. 

REID  ANUS  (Everard  ),  né  àDeventer, 
vers  1550,  futbourguemestreà  Arnheim  , 
député  des  états-généraux ,  et  mourut  ù 
51  ans.  Il  est  auteur  de  V Origine  et  suite 
des  guerres  des  Pays-Bas  ,  etc.  ,  depuis 
1566  jusqu'en  1601 ,  Amsterdam,  1644  , 
in-fol. ,  en  flamand.  Il  y  a  assez  d'exacti- 
tude dans  les  faits  ;  mais  on  y  souhaite- 
rait plus  d'impartialité.  Il  y  en  a  cepen- 
dant plus  que  dans  les  écrits  des  autres 
protestans  qui  ont  écrit  sur  ces  événe- 
ments ;  il  s'élève  lui-même  contre  les 
impostures  de  Méteren.  Cette  Histoire  a 


RËI 


été  traduite  en  latin  par  Denys  Vossius , 
Leyde,  1633,  in-folio. 

REFFFEMBERG  (Frédéric  de)  ,  de 
l'illustre  famille  des  barons  de  ce  nom 
dans  le  pays  de  Trêves  ,  où  il  naquit  en 
1719,  entra  chez  les  jésuites  et  se  fit 
connaître  par  des  pièces  de  littérature. 
Il  étudia  la  théologie  à  Rome,  et  de  retour 
en  Allemagne  ,  il  s'appliqua  à  former  les 
jeunes  jésuites  à  la  bonne  latinité.  On  a 
de  lui  :  1°  la  Traduction  latine  de  l'ou- 
vrage italien  du  célèbre  Scipion  Maffei , 
sur  la  grâce,  le  libre  arbitre  et  la  pré- 
destination,  divise' en  16  livres;  les  Re'- 
ponses  de  ce  savant  aux  réfutations  que 
les  jan.sénistes  ont  prétendu  faire  de  son 
ouvrage  ,  et  une  Dissertation  sur  ces  ma- 
tières ,'  que  le  Père  de  Reiifemberg  y  a 
ajoutée ,  Jlayence  et  Francfort ,  17  66,  in- 
fol.  On  trouve  au  commencement  de  cet 
ouvrage  la  Fie  de  Maffei ,  et  la  liste  de 
ses  ouvrages,  dont  les  titres  occupent 
deux  pages.  1°  Un  Recueil  de  poésies  la- 
tines de  toute  espèce  ,  avec  une  Disser- 
tation sut  le stile lapidaire,  1  vol.  in-8;  3" 
une  Apologie  en  allemand,  iu-8,  en  fa- 
veur des  jésuites  ;  4°  des  Préceptes  latins 
et  grecs  ,  et  Exemples  tirés  des  meil- 
leurs auteurs  anciens  et  modernes,  pour 
les  collèges  du  Bas-Rhin  et  de  Weslpha- 
lie  ,  5  vol.  in-8  ,  rédigés  avec  beaucoup 
de  méthode  et  de  choix  ;  5°  Y  Histoire 
des  jésuites  de  la  province  du  Bas-Rhin 
depuis  1550  jusqu'en  1626,  1  vol.  in- 
fol.  On  y  désirerait  plus  de  critique,  un  "  1 
stile  plus  précis,  plus  noble.  La  mort  f 
qui  l'enleva  en  1764  ,  à  l'âge  de  46  ans, 
l'empêcha  de  la  continuer. 

*  REIFFENSTUEL  (  Anaclet  ),  savant 
théologien  allemand,  était  de  l'ordre  des 
frères  mineurs  réformés  de  Saint-Fran- 
çois ,  et  florissait  au  commencement  du 
18*  siècle.  Il  appartenait  à  la  province 
de  Bavière.  Il  y  avait  professé  la  théolo- 
gie, exercé  divers  emplois.  Quelques- 
uns  de  ses  ouvrages  de  théologie,  re- 
commandables  non  seulement  par  le 
fond,  mais  encore  par  la  clarté  et  la 
méthode  qui  y  régnent  et  la  solidité  du 
raisonnement ,  eurent  un  grand  succès 
et  achevèrent  sa  réputation.  Le  principal 
est  un  traité  De  probabilismo ,  en  2  volu- 


RÈI 

mes  in-4.  Il  reçut  l'accueil  le  plus  favo- 
rable quand  il  parut ,  et  eut  plusieurs 
éditions  en  Allemagne.  Il  fut  réimprimé 
plus  de  vingt  fois  en  Italie ,  oîi  on  cher- 
cha à  lui  donner  toute  la  perfection  pos- 
sible, en  le  revoyant  à  chaque  édition  , 
et  en  l'améliorant  par  des  corrections  et 
des  augmentations  faites  avec  soin.  On 
compte  parmi  ceux  qui  le  revirent ,  les 
Pères  Maffei ,  Kreslinger  et  Dalmase 
Kirch,  savans  théologiens  du  même  or- 
dre. Le  Père  Mansi ,  de  l'ordre  de  Ja 
Mère  de  Dieu ,  l'enrichit  d'un  supplé- 
ment. Une  nouvelle  édition  en  avait  été 
donnée  à  Trente  en  1765:  l'ouvrage  fut 
revu  de  nouveau  par  le  Père  Flaviano 
Ricci ,  mineur  réformé ,  commis  à  cet 
effet  par  le  Père  Pascal  de  Varèse,  com- 
missaire général  de  l'ordre  ,  qui  le  dédia 
au  cardinal  Léopold-Ernest  di  Firmiano. 
Outre  cet  écrit,  on  a  du  Père  Reiffens- 
tuel  :  Jus  canonicum  universum  ,  cum 
tractatu  de  rcguUs  juris  et  répertoria 
generali,  6  vol.  in-fol.;  livre  qui  eut 
aussi  beaucoup  d'éditions  en  Allemagne 
et  en  Italie,  que  les  théologiens  estiment 
et  dont  ils  font  beaucoup  d'usage. 

*  REIGNY ( Louis  Abel  Beffroy  de) , 
littérateur ,  connu  assez  généralement 
sous  le  nom  de  Cousin  Jacques ,  naquit 
à  Laon  le  6  novembre  17  57.  A  l'âge  de 
13  ans  il  vint  à  Paris  ,  oîi  il  lit  ses  études 
avec  succès.  Reigny  professa  la  rhéto- 
rique elles  belles-lettres  dans  plusieurs 
collèges,  dès  l'âge  de  18  ans.  Il  composa 
plusieurs  ouvrages,  et  leur  donna  souvent 
des  titres  bizarres  ,  afin  d'exciler  Ja  cu- 
riosité du  public  :  celui  intitulé  Petites 
maisons  du  Parnasse  commença  à  lui 
donner  de  la  réputation  ;  elle  s'accrut  en 
peu  d'années ,  et  il  devint  membre  du 
musée  de  Paris,  du  lycée  des  arts,  de 
l'académie  de  Bretagne  et  autres  sociétés 
savantes.  Il  mourut  à  Charentcn,  près  de 
Paris ,  en  janvier  1810.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  :  1°  Petites  maisons  du  Par- 
nasse, 1783, 1  vol.  in-8.  C'est  un  mélange 
de  prose  et  de  vers  dont  quelques  mor- 
ceaux ne  manquent  pas  de  méthode,  mais 
qui  se  perdent  dans  un  fatras  de  lieux 
communs  et  de  plagiats  sans  nombre  , 
entassés  sans  ordre  ni  discernement.  2° 


REr  3oi 

Marlboroughy  Turlututu,  etc.,  Bouillon, 
1778;  Soissons,  1783,  3  vol.  in-8  :  le 
titre  indique  assez  quel  peut  être  l'esprit 
et  l'intérêt  de  l'ouvrage  ;  3°  Les  Lunes  y 
Paris,  1785-1787  ,  24  vol.  in-8  ;  4»  Le 
Courrier  des  planètes,  ?aris,  1788-1790, 
10  vol  ;  5°  Pre'cis  historique  de  la  prise  de 
la  Bastille,  ibid.  ,  1789;  6°  Histoire  de 
France  pendant  trois  mois,  ibid. ,  1789; 
7°  Les  nouvelles  lunes,  ibid. ,1 791  ,  in-8  ; 
8°  Le  Consolateur,  ibid.,  1792,3  vol. 
in-8  ;  9"  La  Constitution  de  la  lune  y 
ibid.  ,  1793  ,  in-8  :  c'est  une  critique  de 
la  conslitution  nouvelle  qu'on  donna 
dans  cette  même  année  à  la  France ,  et 
dont  on  ne  connut  que  le  nom  ;  10"  Tes- 
tament d'un  électeur  de  Paris,  ibid.  , 
1795,  in-8.  Une  de  ses  comédies ,  iVï- 
codème  dans  la  lune  ,  eut  un  succès  pro- 
digieux, et  fut  représentée  373  fois.  On 
cite  parmi  ses  nombreux  opéras  comi' 
ques  ,  dont ,  quelques-uns  exceptés ,  il 
composa  la  musique  :  L'Histoire  univer- 
selle, 1790-1791  :  elle  eut  87  représenta- 
tions; Le  Club  des  bonnes  gens,  1791  , 
joué  117  fois.  Son  désir  insatiable  de 
faire  toujours  parler  de  lui  donna  à  Rei- 
gny l'idée  d'un  Dictionnaire  des  hom- 
mes et  des  choses,  composition  bizarre, 
où  il  ne  ménageait  pas  des  hommes  alo.s 
puissans,  et  dont  il  ne  parut  qu'un  pe- 
tit nombre  de  cahiers,  la  police  en  ayant 
empêché  la  continuation. 

REIHING  (Jacques),  né  à  Augsbourg 
en  1579  ,  entra  chez  les  jésuites  ,  et  en- 
seigna les  humanités,  la  philosophie  et 
la  théologie  à  Ingolstadt  avec  réputation. 
Il  combattit  avec  zèle,  pendant  plusieurs 
années ,  les  erreurs  de  Luther  ;  mais 
ayant,  par  vanité  ou  par  corruption  du 
cœur,  perdu  l'esprit  de  son  état,  il  per- 
dit encore  sa  foi ,  se  retira  à  la  cour  de 
Wurtemberg  ,  se  lit  luthérien  et  se  ma- 
ria. On  lui  donna  une  chaire  de  théologie 
à  Tubingcn  et  la  direction  du  collège.  U 
mourut  en  1 628 ,  méprisé  des  deux  partis, 
qui  ne  voyaient  en  lui  qu'un  homme  lâ- 
che qui  avait  abandonné  sa  religion  pour 
une  femme.  On  a  de  lui  plusieurs  ouvra- 
ges de  controverse,  dont  la  doctrine  est 
différente ,  selon  les  différens  temps 
dans  lesquels  il  les  écrivit. 


3o2  REI 

*  REIL  (Jean-Chrétien),  médecin  alle- 
mand, né  le  28  février  1759  à  Rhanden 
dans  rOst  Frise  ,  était  fils  d'un  pasteur  , 
et  fut  destiné  lui-même  par  sa  famille  à 
l'état  ecclésiastique.  Il  commença  donc 
les  études  analogues  à  une  profession  , 
pour  laquelle  il  ne  sentait  aucune  voca- 
tion ;  enfin  ses  parons  s'étant  aperçus 
de  l'éloiguement  qu'il  avait  pour  la  car- 
rière pastorale  ,  lui  permirent  de  suivre 
les  cours  de  l'école  de  médecine  ,  et  il 
futreçu  docteur  en  1782.  Une  pratique  de 
cinq  années  lui  valut  en  1787  la  place  de 
professeur  de  thérapeutique  et  de  direc- 
teur de  l'Institut  clinique  à  l'université 
de  Halle.  Lorsqu'on  établit ,  en  1810, 
l'université  de  Berlin  ,  le  roi  l'appela  à 
cette  capitale  ,  pour  lui  donner  une 
chaire  de  médecine  où  il  soutint  sa  ré- 
putation. En  1813,  on  le  chargea  de  la 
direction  des  nombreux  hôpitaux  que 
nécessita  la  bataille  de  Leipsick.  Epuisé 
par  l'étude  et  les  veilles ,  il  succomba  le 
12  novembre  1813  aux  attaques  du  ty- 
phus qu'il  gagna  en  visitant  un  de  ses 
confrères  et  anciens  élèves  attaqué  de 
cette  maladie.  Il  était  d'une  activité  peu 
commune ,  et  il  a  contribué  plus  que 
personne  à  mettre  en  rapport  les  con- 
naissances physiologiques  avec  celles  de 
la  pathologie.  Il  s'efforça  aussi  d'éclairer 
par  ses  connaissances  en  psychologie  les 
phénomènes  qui  se  présentaient  dans  la 
pratique.  Il  s'occupa  encore  d'une  ma- 
nière toute  particulière  des  affections 
morales  ,  et  il  déploya  toute  sa  vie  une 
activité  infatigable  dans  cette  étude  dif- 
ficile ;  s'il  s'est  trompé  quelquefois 
dans  ses  systèmes  ,  il  n'en  a  pas  moins 
rendu  de  grands  services  à  cette  branche 
de  la  médecine.  On  a  de  lui  un  grand 
nombre  d'ouvrages  :  1"  Traclalus  depo- 
lychoUà  ,  Halle  ,  1782  ,  in-8  ;  2°  Frag- 
menta metaschematismi  polychnlice  , 
1783  ,  in-8  ;  3"  Histoire  de  la  maladie 
du  professeur  Gold-Hagen  ,  1788  ,  in-8, 
en  allemand  ;  4"  Memorabilia  clinica 
viedico-practica  ,  1790  et  1793 ,  in-8  ; 
5°  Hygiène  domestique  ,  Brème  ,  1791  , 
2  vol.  in-8  ;  6"  Dissertatio  de  irritahili- 
tatis  notione  ,  naturâ  et  morbis ,  1793  , 
7°  Cœnœstliesis ,  1794 ,  in-8  ;  8°  Sensus 


REI 

externus  ,  in-8  ;  9°  Functiones  animœ 
peculiares,  1794  ,  in-8  ;  10°  Dissertatio 
de  semeiologia  placentœ  ,  1794  ,  in-8  ; 
11°  archives  de  physiologie  ,  ouvrage 
périodique  publié  en  allemand  ,  1795  à 
1815,  12  vol.  in-8,  continuées  par  d'au- 
tres professeurs  ;  12"  E xercitationum 
anatomicarum  fasciculus  primus  de 
structura  nervorum  ,  17  96,  in-folio; 
1 3°  Sur  les  symptômes  et  les  gue'risons 
des  fièvres  ,  en  allemand,  Halle,  1797- 
1815,  5  vol.  in-8  ;  1 4°  Programma  de 
pruritu  senili ,  1801  ,  in-4  ;  16°  Pensées 
détachées  sur  V explication  de  la  mé- 
thode psychologique  au  traitement  des 
aliénés,  1803,  in-8  ;  16°  Pépinière  pour 
V instruction  et  la  formation  des  routi- 
niers en  médecine  ,  comme  besoin  de  l'é- 
tat dans  laposition  actuelle,  1804,  in-8, 
eu  allemand;  17°  Plan  d' une  pathologie 
universelle,  1815,  in-8,  ouvrage  pos- 
thume ;  1 8°  un  grand  nombre  de  Mémoi- 
res réunis  à  Vienne  en  1811,2  vol.  in-8  ; 
et  à  Halle  ,  1817  ,  1  vol.  in-8. 

*  REINA  (  François  )  ,  né  vers  1771  à 
Malgrate  ,  dans  le  territoire  de  Côme  , 
mort  à  Cannato  dans  la  province  de  Man- 
toue  le  12  novembre  1825  ,  à  l'âge  de  64 
ans,  reçut  une  éducation  distinguée  dans 
le  collège  et  l'université  de  Milan.  11  cul- 
tiva le  droit,  sans  négliger  la  littérature. 
Reina  avait  une  passion  pour  les  livres  : 
il  se  forma  dans  Milan  une  bibliothèque 
magnifique  tant  par  le  nombre  que  par 
le  choix  des  ouvrages.  Pendant  les  trou- 
bles de  l'Italie  ,  il  .se  rangea  du  côté  des 
novateurs  ;  mais  il  paya  sa'faute  par  la 
déportation.  Cette  leçon  le  détermina  à 
se  retirer  de  l'administration,  et  dès  lors  il 
seborna  à  la  culture  des  lettres. On  lui  doit 
les  Eloges  An  l'abbé  Denina,  dcMuratorl, 
de  Parini  ,  dont  il  publia  les  ouvrages. 

REllVBECK  (Jean-Gustave),  né  à 
ZcU  en  1 682  ,  mort  à  Berlin  en  1 741  ,  âgé 
de  58  ans  ,  fut  pasteur  des  églises  de 
Werder  et  de  la  Ville-Neuve,  premier 
pasteur,  prévôt  de  Saint-Pierre  ,  inspec- 
teur du  collège  de  Coin  (  quartier  de  la 
villede  Berlin),  conseiller  du  consistoire, 
et  chapelain  de  la  reine  et  de  la  princesse 
royale  de  Prusse.  Nous  avons  de  lui  :  1° 
Tractaius  de  redemptione  y  Hall ,  in-4  ; 


REI 

2°  La  nature  du  mariage  et  la  r éjection  du 
concubinage ,  in-4  ,  en  allemand,  contre 
Chr.Thomasius,  qui  avait  eu  l'imprudence 
d'écrire  en  faveur  de  ce  dernier  état  ;  3° 
Considérations  sur  les  vérités  divines 
contenues  dans  la  Confession  d'Augs- 
bourg,  en  allemand,  4  vol.  in-4  :  ouvrage 
qui  ne  persuada  pas  même  ceux  de  sa 
communion  ;  car  ils  ont  bien  de  la  peine 
à  croire  à  cette  divinité  de  la  confession 
d'Augsbourg,  à  laquelle  ils  ont  tant  de 
fois  dérogé  et  dérogent  encore  tous  les 
jours.  5" Plusieurs  volumes  de  Sermons, 
dont  quelques-uns  ont  été  traduits  en 
français  :  on  n'y  remarque  nirorateurélo- 
quent  ni  l'iionime  de  goût  ;  0°  plusieurs 
Traités  de  métaphysique  sur  l'optimis- 
me,  la  nature  et  l'immortalité  de  l'âme , 
en  allemand.  On  y  trouve  quelques  idées 
neuves. 

REINECCIUS  ou  Reinkck  (Reinier), 
naquit  en  1541  ,  à  Steinhelm ,  dans  le 
diocèse  de  Paderborn.  Il  fut  élève  de 
Mélancbthon  et  de  Glaudarp,  et  enseigna 
les  belles-lettres  dans  les  universités  de 
Francfortet  de  Helmstadt  jusqu'à  sa  mort, 
arrivée  en  1 595  dans  cette  dernière  ville. 
On  a  de  lui  :  1°  un  Traité  de  la  méthode 
de  lire  et  d'étudier  l'histoire  :  Methodus 
legendi  historiam ,  Helmstadt,  1 583  ,  in- 
fol.  :  ce  n'est  qu'une  compilation  assez  mal 
digérée;  2"  Historia  julia ,  1594  ,  1595 
et  1597,  3v.  in-fol.  :  ouvrage  savantpour 
les  recbercbes  des  anciennes  familles  ,  et 
rare ,  surtout  de  l'édition  que  nous  ci- 
tons. 3°  Chronicon  hierosolymitanum , 
in-4,  peu  commun;  4"  Historia  orienta- 
lis  ,  in-4  ;  livre  rempli  d'une  érudition 
profonde,  etc.,  etc.  Peu  d'écrivains  ont 
écrit  aussi  savamment  que  Reinecciussur 
l'origine  des  anciens  peuples. 

REINESIUS  (Thomas),  ne  à  Gotha 
en  1587, devint  bourguemestre  d'Alten- 
bourget  conseiller  deTéiecleur  de  Saxe. 
Il  se  relira  ensuite  à  Leipsick  ,  où  il  pra- 
tiqua la  médecine ,  et  où  il  mourut  en 
Ï667  ,  à  80  ans.  On  a  de  lui  :  i"  Syntag- 
ma  i nscriptionum  antiquarum  .compi- 
lation utile  ,  en  2  vol.  in-fol. ,  Leipsick  , 
^^1682  :  c'est  un  supplément  au  grand  re- 
cueil de  Gruter  ;  2"  six  livres  de  diver- 
ses leçons ,  1640  ,  in-4  ;  3°  des  Lettres  y 


REI 


3o3 


2  vol.  in-4  ,  1G67-1C70,  et  un  grand  nom- 
bre d'autres  ouvrages  en  latin.  Il  fut  un  des 
savans  qui  eurent  part  aux  libéralités  de 
Louis  XIV. 

*  REINHARD  (  François-Yolkmar  )  , 
prédicateur  protestant ,  né  en  1753  dans 
le  duché  de  Sulzbach  ,  eut  pour  père  un 
ministre  qui  résidait  au  Bourg  de  Vo- 
henstrauss  ,  et  qui  dirigea  ses  études 
jusqu'à  l'âge  de  IG  ans  Envoyé  alors  au 
gymnase  de  Ptatisbonne  ,  il  passa  ensuite 
à  l'université  de  Wittemberg ,  où  il  de- 
vint professeur  de  théologie  et  de  philo- 
sophie. Il  fut  nommé  premier  prédica- 
teur à  la  cour  de  Saxe  ,  conseiller  ecclé- 
siastique et  membre  du  consistoire  suprê- 
me. Son  influence  dans  l'administration 
se  manifesta  par  des  améliorations  dans 
toutes  les  branches  de  l'enseignement 
scolaire  et  religieux.  Pour  faciliter  les 
jeunes  prédicateurs  ,  il  avait  établi  une 
société honiélitique  qu'il  dirigeait.  Rein- 
hard  mourut  à  Dresde  le  6  septembre 
1812.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  1" 
Système  delà  morale  chrétienne  ,1788- 
1815  ,  5  vol.  Les  deux  premiers  volumes 
ont  été  réimprimés  plusieurs  fois.  2"  Es- 
sai sur  lejplan  formé  par  le  fondateur  de 
la  religion  chrétienne  pour  le  bonheur 
du  genre  humain ,  ouvrage  qui  a  obtenu 
quatre  éditions  de  1 791  à  1 798  ,  et  dont 
l'idée  fondamentale  avait  été  déjà  expri- 
mée dans  une  dissertation  latine,  qu'il 
avaitpubliée  en  1 780,  in-4,  sous  ce  titre  : 
Consilium  bcne  merendi  de  universo  gé- 
nère humano  ingenii  supra  hominetn  elati 
documentum  ;  3<'  Sermons  ,  1780-1813  , 
39  vol.  in-8.  Les  quatre  derniers  n'ont 
été  publiés  qu'après  sa  mort.  Le  docteur 
Ernest  Zimmermann  ,  aidé  de  Reinhard 
lui-même  ,  a  donné  une  Table  de  toutes 
les  matières  traitées  dans  les  sermons 
de Reinhard,¥ nmcfort,  1812-1822,  4  vol. 
in-8.  J.  L.  Ritler  a  fait  imprimer  un 
semblable  extrait  en  2  parties  ,  Leipsick  , 
1813  ;  4"  Lettres  de  F.  V.  Reinhard  , 
sur  ses  études  et  sa  carrière  de  prédica- 
teur ,  trad.  de  l'allemand  par  Monod  , 
1810  ,  in-8.  On  trouve  le  catalogue  rai- 
sonné des  ouvrages  de  Reinhard  à  la  suite 
de  ses  lettres.  5°  De  prœstantia  religio- 
nis  chrisliance  in  consolandis  miseris  , 


3o4  REI 

trad.  en  allemaud  sous  ce  litre  :  Influence 
du  christianisme  sur  l'adoucissement 
du  malheur  ,  par  J.  S.  Fest ,  2"  édition  , 
1798  ;  6°  Leçons  de  théologie  dogmati- 
que,  1801  ,  4«  édition,  1818. 

*  REINHOLD  (  Charles  Léonard  )  , 
métaphysicen  ,  né  en  1758  à  Vienne  en 
Autriche  ,  fit  son  noviciat  chez  les  jésui- 
tes au  collège  de  Saint-Ange  ;  niais,  avant 
qu'il  ne  l'eût  terminé,  cet  ordre  fut  sup- 
primé en  1773.  Il  ne  quitta  point  la  car- 
rière religieuse  qu'il  voulait  embrasser  ; 
en  conséquence  il  passa  l'année  suivante 
chez  les  barnabites ,  où  il  fut  chargé  de 
l'enseignement  de  la  philosophie  ;  mais 
bientôt  il  eut  des  liaisons  nombreuses 
avec  les  savans  de  Vienne  ,  et  coopé- 
ra même  à  la  rédaction  d'un  journal 
philosophique.  Ses  relations  avec  le 
monde  le  dégoûtèrent  de  la  carrière  ec- 
clésiastique :  il  se  rendit  à  Leipsick  ,  et 
ce  fut  sans  doute  pour  briser  plus  brus- 
quement les  liens  qui  l'attachaient  à  sa 
profession ,  qu'il  fit  paraître  alors  une 
Apologie  de  la  réformation.  Il  alla  en- 
suite à  Weimar  ,  où  il  se  lia  avec  le  célè- 
bre Wieland  dont  il  devint  le  gendre ,  et 
avec  lequel  il  travailla  au  Mercure.  Ap- 
pelé à  lena  pour  y  remplir  une  chaire  de 
philosophie,  il  quitta  cette  place  en  1 794, 
pour  s'attacher  à  l'université  de  Kiel.  Il 
resta  dès  lors  dans  cette  ville  danoise  ,  et 
il  y  mourut  en  1823.  Parmi  les  produc- 
tions de  Reinhold,  on  distingue  un  Essai 
pour  concilier  les  discussions  des  phi- 
losophes (en  allemand),  lena,  1792-94  , 
2  vol.  in-8  ,  et  des  Lettres  sur  la  philo- 
sophie de  Kant^  dont  il  était  l'admirateur 
enthousiaste  (  aussi  en  allemand),  Leip- 
sick, 1796  ,  2  vol.  in-8.  Son  fils ,  profes- 
seur h  lena  ,  a  publié,  en  allemand  ,  une 
Histoire  de  sa  vie  et  de  ses  travaux  lit- 
téraires, lena,  1825,  in-8,  ouvrage  in- 
téressant, .surtout  parce  qu'il  renferme 
des  Lettres  adressées  à  Reinhold  par 
Kant,  Fichlc  ,  Jacobi  ,  Lavater,  etc. 

REINIE  (  Gabriel  Nicolas  ,  seigneur 
delà),  né  h  Limoges  d'une  famille  an- 
cienne ,  fut  envoyé  à  Bordeaux  pour  faire 
ses  études.  Il  s'y  établit  et  devint  prési- 
dent au  présidial  de  cette  ville,  jusqu'aux 
troubles  arrivés  en  Guieune  l'an  1650. 


REI 

Le  duc  d'Epcroon,  gouverneur  de  la  pro- 
vince ,  le  présenta  à  Louis  XIV  ,  qui  le  fit 
maître  des  requêtes  en  1G61,  On  créa 
pour  lui ,  en  1 G67  ,  une  charge  de  lieu- 
tenant général  de  police  de  la  ville  de 
Paris.  C'est  aux  soins  infatigables  de  ce 
magistrat  que  la  France  a  été  redevable 
des  beaux  réglemens  de  police  qui  ont 
subsisté  long-temps  dans  la  capitale. 
Louis  XIV,  pour  le  récompenser,  le  fit 
conseiller  d'état  en  1 680. La  Reiniemourut 
en  1709,  à  85  ans,  universellement  re- 
gretté pour  sa  vigilance, son  intégrité, 
son  amour  pour  le  bon  ordre ,  ses  soins 
pour  la  sûreté  publique ,  et  surtout  pour 
son  équité  et  son  désintéressement. 

*  REINIER  (Rodolphe-Jean  Joseph) , 
archiduc  d'Autriche  ,  cardinal  ,  arche- 
vêque d'Olmutz  ,  né  à  Florence  le  8  jan- 
vier 1788,  était  le  dernier  fils  du  grand- 
duc  de  Toscane  ,  qui  fut  empereur.  Il 
embrassa  l'état  ecclésiastique,  et  fut  créé 
le  4  juin  1819  cardinal  du  titre  de  St.- 
Pierre  in  Montorio,  et  archevêque  d'Ol- 
mutz ,  en  Moravie.  Il  n'avait  que  43  ans, 
lorsqu'il  est  mort  le  23  juillet  1831  àBa- 
den  en  Autriche  ,  des  suites  d'une  atta- 
que d'apoplexie  ,  emportant  les  regrets 
de  la  famille  impériale  et  de  ses  diocé- 
sains, auxquels  il  était  vivement  attaché. 

REINOLD  ou  Reinhold  (  Erasme), 
astronome,  de  Saalfelddans  laThuringe  , 
est  auteur  de  quelques  ouvrage  de  ma- 
thématiques. Il  mourut  en  1553  en  pro- 
nonçant le  vers  suivant,  imité  du  4*  li- 
vre de  l'Enéide  : 

Vixi,  et  queni  dederascursum  niiL!,  Cliristc,  peregi. 

Son  fils ,  qui  porta  le  même  prénom,  a 
laissé  comme  son  père  des  ouvrages  sur     ■ 
l'astronomie;  on  estime  sa  Géométrie  sou-    | 
terraine. 

REISK  (Jean) ,  recteur  du  collège  de 
Wolfenbuttel ,  mort  en  1701 ,  à  60  ans,  a 
publié  un  grand  nombre  d'ouvrages  plus 
savans  que  méthodiques,  1"  sur  Isicorne 
d'Jmmon  -,  1°  sur  les  oracles  des  Sybilles 
et  les  anciens  oracles  ;  3"  sur  X'Assuérus 
d'Esthcr  ;  4°  sur  la  maladie  de  Job  ;  5" 
sur  les  images  de  J.  C.  et  sur  la  langue 
qu'il  parlait  ;  Ù°  siw  les  glossopètres  ;  '° 
une  édition  du  Chronicon  sarracenicum 


I 


REI 

et  turcicum  de  Wolgang  Drechter ,  avec 
des  notes  et  unappendix. 

*  REISRE  (Jean-Jacques),  docteur  en 
médecine  ,  professeur  d'arabe  dans  l'u- 
niversité de  Leipsick,  né  en  1716  à  Zoer- 
big,  petite  ville  de  Saxe  ,  fit  ses  études  à 
Halle,  puis  à  Leipsick.  En  1738  ilpassaen 
Hollande  et  sefixaàLeyde,  où  il  fut  obligé 
de  se  faire  correcteur  d'épreuves.  En  mê- 
me temps  il  suivait  les  leçons  d'Albert 
Schultens  qui  professait  dans  cette  ville 
les  langues  orientales.  Son  travail  le  mit 
bientôt  dans  le  cas  de  pouvoir  se  faire 
connaître  :  il  obtint  la  facilité  de  prendre 
une  connaissance  exacte  des  manuscrit? 
orientaux  de  la  bibliothèque  de  Leyde , 
fut  chargé  de  les  ranger,  de  les  numéro- 
ter et  d'en  l'aire  un  nouveau  catalogue 
manuscrit,  plus  approprié  au  service 
d'une  bibliothèque  publique.  En  1742, 
il  refusa  une  chaire  dans  le  collège  de 
Campen  ;  mais  convaincu  que  la  philolo- 
gie ne  pouvait,  dans  la  position  où  il  se 
trouvait,  lui  procurer  une  honnête  exi- 
stence, il  résolut  d'étudier  la  médecine, 
et  fut  reçu  docteur  en  1746.  Après  8  ans 
de  séjour  dans  la  Hollande ,  il  revint  à 
Leipsick  ,  où  il  devint  l'année  suivante 
professeur  de  philosophie ,  puis  de  lan- 
gue arabe.  Il  était  depuis  1768  recteur  du 
collège  de  St. -Nicolas,  lorsqu'il  mourut 
en  1774  à  68  ans.  On  a  de  lui  les  ouvra- 
ges suivans  :  Littérature  orientale  :  Abi 
Mohammed  el  Kasem  Basrensis  vulgo 
Hariri  Consessus  26  rakdah  seu  varie- 

gatus  dictas  cum  schoUis  arabicis 

et  versione  latina,  Leipsick,  1737,  in-4  ; 
Tharaphœ  Moallakah  cum  schoUisNa- 
lias  et  versione  latina,  Leyde  ,  1742  , 
in-4  ;  Miscellaneœ  observationes  med. 
ex  Arabum  monumentis  ,  disputât,  pro 
gradu  docioris ,  ib.  ,  1746  ,  in-4  ;  réim- 
primé à  Halle  en  1776  ,  in-8  ;  De  prin- 
cipibus  Mahummedanis  qui  aul  ab  eru- 
ditione ,  aut  ab  amorc  litterarwn  et  lit- 
teratorum  clarucrutit  ,  Leipsick  ,  1747  , 
in-4  ;  De  Arabum  epoclia  vetustissima 
Sailol  Arem,  id  est,  ruptura  cataractes 
Marebensis,  ibid.,  1748  ,in-A ;  Abilfedœ 
annales  Moslemici,  ib. ,  1764,  in-4  ; 
une  Traduction  allemande  du  poème 
arabe  de  Tograï ,  intitulé  :  Lamiat  ala- 
XI. 


REI  3o5 

rab,  Friederichstadt ,  1756  ,  in-4  ;  Abil 
Walidi  Risalet  seu  epistolium  arabice  et 
latine  cum  notulis,  Leipsick,  1 7  65,  in-4  ; 
Recueil  de  quelques  proverbes  arabes  , 
pris  des  Bâtons  et  des  verges  (  en  alle- 
mand )  ,  ibid.  ,  1768 ,  in-4  ;deActamo, 
philosopho-arabico ,  ibid. ,  1760  ,  in-4  ; 
Morceaux  de  poésies  arabes  (  en  alle- 
mand )  ,  ib.  1765,  in-4  ;  Abilfedœopus 
geographicum  ,   inséré  dans  le  Recueil 
de  Busching  ;  Marai ,   des  sohns   Jo- 
sephs. . . .  c'est-à-dire.  Histoire  des  priu' 
ces  qui  ont  gouverné  V Egypte ,  trad.  de 
l'arabe  ,  de  Maraï  ,  fils  de  Joseph ,  inséré 
également  dans  le  Recueil  de  Busching  ; 
Prodidagmata  ad  Hagji  chalifœ,  librum 
memorialem   rerum  a  Mahummedanis 
gestarum  ,  etc. ,  inséré  à  la  suite  de  la 
Description  de  la  Syrie  d'Albou'Ifeda,  pu- 
bliée par  Koehler  ;  /.  /.  Reiske  Conjec- 
turée in  Jobum  et  proverbia  Salomonis , 
etc.  ,  Leipsick,  1779  ,  in-8  ;  Lettres  sur 
les  monnaies  arabes  (  en  allem.  }  ,  insé- 
rées dans  le  Repertorium,  etc.,  de  Eich- 
horne.Les  ouvrages  de  Littérature  grec- 
que ET  LATINE  sont  :    Constantini  Por- 
phyrogenitœ  libri  duo  de  Cœremoniis 
aulœ  Byzantince,  grec  et  latin,  Leipsick, 
1751-64  ,  2  vol.  in-fol.  ;  Animadversio- 
nes  ad  Sophoclem  ,  ib.  ,   1763  ,  in-8  ; 
Animadversiones  ad  Euripidem  et  Aris- 
tophanem,  ibid.,  1764,  in-8;  Antholo- 
giœ  grœcœ  à  Constant.  Cephala  éditée^ 
lib.  m,  ibid.  ,  1754  ,  in-8,  réimprimé 
à  Oxford  en  1764  ;  Animadversiones  ad 
Greecos  auctores ,  ibid.  ,  17  57  ,  59,  61, 
63  ,  66  ,  5  vol.  in-8  ;  M:  Tullii  Cicero- 
nis  Tusculanorum  disputalionum  libri 
F  ,   ibid. ,  17  59  ,  in-12  ;  De  Zenobia  , 
sophista  Antiocheno,  ibid.,  1769,  in-4  ; 
De  quibusdam  è  Libanio  repetitis  argu- 
mentis ,  etc.,   ibid.,    1769,   in-4;   De 
rébus   ab  scholam  Nicolaitanam  Lip- 
siensem  pertinentibus  expositio  ,  ibid.  , 
1759  ,   in-4  ;    De   linguarum  veterum 
scientia  ,    maxime   necessaria ,    ibid., 
1759  ;  Theocriti  Reliquiœ  cum  scholiis 
grœcis  et  commentariis  iniegris  ,  etc. , 
ib.  ,  1766,  2  vol.  in-4  ;  Oratorcs grœci, 
ibid.,  de  1770  à  1776,  12  vol.  in-8  -jAp- 
paratus  critici  ad  Demosthenem,  vol. 
1,2,3,  etc.  ,  ibid.  ,  1775,  in-8  ;  Indi- 
39. 


3o6  REJ 

ces  operum  Demosthenis  ,  ibid. ,  1775  , 
in-8  ;  Plutarchi  quœ  supersunt  omnia, 
grec-latin ,  ibid. ,  12  vol.  in  8  ,  de  1774 
à  1782  ;  Maximi  Tyrii  Dissertationes 
e  recensione  DavisU,  etc.  ,  ib. ,  1774- 
75  ,  2  vol.  in-8  ;  Dionysii  Halicarna- 
censis  opéra  omnia ,  grec-latin ,  etc.  , 
ibid.  ,  6  vol.  in-8  ,  de  1774  à  1777  ;  Li- 
hanii  sophistce  orationes  et  declamatio- 
nes  ,  Altenbourg  ,  1783  à  1787  ,  4  vol. 
iu-8  j  Dionis  Chrysostomi  Orationes , 
etc.  ,  ibid. ,  1784  ,  2  vol.  in-8.  On  a  en- 
core de  Reiske  des  Traductions  alleman- 
des, des  Harangues  tirées  de  Thucydide, 
des  Discours  de  De'mosthène  et  d'£s- 
chine  ,  etc.  ;  un  grand  nombre  à^ Arti- 
cles dans  les  Acta  eruditorum  ,  les  Mis- 
cellanea  Lipsiensia,  et  autres  recueils  al- 
lemands. La  P^ie  de  Reiske  ,  écrite  par 
lui-même  jusqu'en  1790,  et  continuée 
par  sa  veuve  ,  a  paru  à  Leipsick  en  1783 
en  allemand. 

REJON  DE  SILVA  (  Don  Diego  An- 
tonio ) ,  écrivain  espagnol  ,  naquit  à 
Lorca ,  dans  le  royaume  de  Murcie ,  en 
1740,  d'une  famille  distinguée,  fit  ses 
éludes  dans  cette  ville,  et  les  termina  à 
Salamanque.  Il  fit  un  voyage  en  Italie , 
oii  il  prit  du  goût  pour  les  arts ,  dans  les- 
quels il  devint  habile  connaisseur,  et 
qu'il  protégea  toute  sa  vie.  Il  cultiva 
aussi  la  poésie  avec  beaucoup  de  succès. 
Ses  talens  l'appelèrent  à  diverses  places 
importantes,  qu'il  remplit  avec  honneur, 
et  il  obtint  de  Charles  III  le  titre  de  se- 
crétaire d'état.  Il  réunit  dans  sa  maison, 
qui  était  le  rendez-vous  des  artistes  ,  une 
collection  de  superbes  tableaux  des  pein- 
tres les  plus  renommés,  soit  espagnols, 
soit  flamands  ou  italiens.  Il  mourut  à 
Madrid  en  1798  ,  âgé  de  58  ans.  On  a  de 
lui  :  1°  La  Peinture ,  poème  en  3  chants, 
Ségovie,  1786,  in-8;  2°  Dictionnaire 
des  Beaux-Arts ,  Ségovie,  1788  ,  in-4  ; 
Z'  une  bonne  Traduction  du  Traité  de 
la  peinture  de  Léonard  de  Vinci ,  et  des 
trois  livres  sur  le  même  sujet ,  par  Al- 
berti ,  accompagnés  de  notes  précieuses, 
et  notamment  sur  l'anatomie ,  science 
peu  connue  du  temps  de  Vinci.  Rejon 
était  membre  de  l'académie  des  sciences 
de  Madrid. 


REL 

RELAND  (  Adrien  ) ,  né  à  Ryp ,  vil- 
lage de  Nord-Hollande,  en  1676,  d'un 
ministre  de  ce  village,  fit  paraître  dès 
son  enfance  des  talens  extraordinaires 
pour  les  belles-lettres  et  pour  les  scien- 
ces. La  chaire  de  philosophie  de  Har- 
dewick  ayant  vaqué ,  il  y  fut  nommé , 
quoiqu'il  n'eût  que  24  ans.  Il  la  quitta 
ensuite  pour  une  place  de  professeur  des 
langues  orientales  et  des  antiquités  ec- 
clésiastiques à  Utrecht.  La  petite-vérole 
l'emporta  le  5  février  1718,  à  42  ans. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  1°  une 
Description  de  la  Palestine ,  très  sa- 
vante et  très  exacte.  L'auteur  considère 
cette  province  dans  les  différens  états 
où  elle  a  été.  Il  publia  cet  ouvrage  sous 
le  titre  de  Palœstina  ex  monumentis  ve- 
teribus  iUustrata ,  Utrecht.  1714,  2 
vol.  in-4  :  il  a  profité  des  observations 
que  M.  Lub  avait  faites  sur  les  lieux  pen- 
dant dix-sept  ans;  cinq  Dissertations 
sur  les  médailles  des  anciens  Hébreux  , 
Utrecht,  1709,  et  plusieurs  autres  Dis- 
sertations sur  différens  sujets  curieux  et 
intéressans,  1706-1708,  4  vol.  in-12  : 
elles  décèlent  une  érudition  profonde; 
3°  une  Introduction  à  la  grammaire  hé- 
braïque ,  1710,  in-8  ,  4°  Antiquitates  sa- 
crœ  veterum  Hebrœorum  ,  1717  :  cet 
ouvrage  est  écrit  avec  méthode  ,  mais  il 
est  peu  solide  ;  on  n'y  trouve  que  les  ex- 
plications des  talmudistes  presque  tou- 
jours destituées  de  fondement;  4° /?e 
religione  mahumetana,  traduit  en  fran- 
çais par  Durand.  La  seconde  édition , 
qui  est  la  plus  estimée,  est  d'Utrecht, 
1717,  in-12.  Cet  ouvrage  est  divisé  en 
deux  livres,  dont  le  premier  contient  un 
abrégé  de  la  croyance  des  mahométans , 
traduit  d'un  manuscrit  arabe  ;  et  le  2% 
les  accusations  et  les  reproches  qu'on 
leur  fait ,  et  sur  lesquels  il  entreprend 
trop  légèrement  de  les  justifier.  «  C'est , 
»  dit  un  critique ,  une  de  ces  apologies 
»  dont  il  est  difficile  de  deviner  le  but; 
»  car  l'auteur  n'ignorait  point  qu'il  ne 
»  peisuaderait  pas  les  savans  qui  con- 
j»  naissaient  l'Alcoran  elle  mahomctisme 
»  à  fond  ;  et  il  semble  qu'il  y  a  de  la 
M  mauvaise  foi  à  vouloir  persuader  les 
»  autres.  V  II  demande  comment ,  si  celte 


REM 

religion  était  si  absurde ,  tant  de  nations 
l'auraient  embrassée  :  le  mode  de  la  pré- 
dication de  Mahomet  et  la  nature  de  sa 
doctrine  répondent  suffisamment  à  cette 
question.  Reland  ne  faisait  sans  doute 
pas  attention  que  sa  demande  justiiie  tout 
autrement  l'idolâtrie  que  le  mabomé- 
tisme.  6^  De  spoliis  templi  hierosolymi- 
tani  in  arcu  titiano  Romœ  conspicuis , 
Utrecht,  1716;  7°  une  édition  d'Epic- 
tète  :  pour  lequel  l'éditeur  est  beaucoup 
trop  prévenu;  8°  Pétri  Relandi  fasti 
consulares ,  Utrecht ,  1715,  in-8.  Adrien 
ne  fut  que  l'éditeur  de  cet  ouvrage, 
composé  par  Pierre  Reland  son  frère, 
mort  vers  1714. 

REMACLE  (  Saint  ) ,  né  dans  l'Aqui- 
taine, fut  disciple  de  saint  Sulp'ice  de 
Bourges  ,  puis  de  saint  Eloi ,  qui  l'éta- 
blit premier  abbé  du  monastère  qu'il 
fonda  à  Solignac ,  près  de  Limoges.  Il  se 
vit  depuis  obligé  de  prendre  le  gouver- 
nement de  l'abbaye  de  Cougnon.  Saint 
Amand  ayant  quitté  le  siège  épiscopal 
de  Tongres  ,  en  660  ,  saint  Remacle  fut 
contraint  d'accepter  cette  dignité,  qui 
donna  un  nouvel  éclat  à  ses  vertus.  Si- 
gebert  ,  roi  d'Austrasie  ,  l'honora  de 
toute  sa  confiance  ,  et  le  saint  en  pro- 
fita pour  l'engager  à  fonder  deux  monas- 
tères dans  les  Ardennes  (  Stavelo  et  Mal- 
médy  ) ,  oii  des  religieux  seraient  occu- 
pés à  adresser  des  vœux  au  Seigneur 
pour  la  stabilité  et  la  tranquillité  du 
royaume.  Saint  Remacle  en  fut  fait  abbé 
en  662.  La  crainte  de  s'oublier  lui-même 
au  milieu  des  fonctions  extérieures  du 
ministère  lui  fit  désirer  la  retraite.  Il  ré- 
signa son  évêché  à  saint  Théodard ,  du 
consentement  de  son  clergé  et  du  roi 
Childeric  II ,  et  alla  se  renfermer  à  Sta- 
velo en  6G0  ou  661  (  et  non  pas  en  663  ), 
comme  le  prouvent  les  boUandistes.  Sur 
le  bruit  de  sa  sainteté ,  qui  se  répandit 
de  toutes  parts ,  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes demandèrent  à  vivre  sous  sa  con- 
duite :  on  compte  parmi  ses  disciples  , 
saint  Théodard,  saint  Lambert ,  saint  Hu- 
bert ,  qui  occupèrent  successivement  son 
siège  épiscopal ,  saint  Tron  et  saint  Ha- 
delin.  Il  mourut  l'an  675,  dans  un  âge 
très  avancé. 


REM  3o7 

*  REMARD  (  Charles  ) ,  bibliophile  , 
né  à  Château-Thierry  le  9  janvier  1766  , 
fit  ses  études  aux  collèges  de  Louis-le- 
Grand  et  de  Montaigu  à  Paris.  Plus  tard 
il  ouvrit  un  magasin  de  librairie  à  Fon- 
tainebleau ,  et  se  livra  en  même  temps  à 
l'étude  des  lettres.  Nommé  bibliothécaire 
au  château  royal  de  Fontainebleau,  il  est 
mort  à  Paris  le  20  septembre  1828.  Nous 
connaissons  de  lui  deux  ouvrages  :  l°  Le 
guide  du  voyageur  à  Fontainebleau  , 
1820  ,  1  vol.  in-12  ;  2°  nous  n'osons  pas 
dire  le  titre  du  2*  qui  est  un  poème  or- 
durier ,  en  4  chants.  Il  a  laissé  en  ma- 
nuscrit ,  un  Supple'ment  nécessaire  aux 
œuvres  de  J.  Delille,  ou  Examen  géné- 
ral de  SCS  différens  poèmes  originaux  , 
et  de  ses  traductions  en  vers ,  dans  le- 
quel on  met  en  évidence  les  emprunts 
innombrables  qu'a  faits  ce  poète  à  une 
foule  d'auteurs  qui  ont  traité  avant  lui  les 
mêmes  sujets.  M.  A.-  A.  Barbier  en  parle 
avec  avantage  dans  son  Examen  critique 
et  complémentaire  des  dictionnaires 
historiques. 

REMBRANDT  (Paul,  dit  Van  Rhin 
ou  Ryn  ) ,  célèbre  peintre  et  graveur , 
fils  d'un  meunier,  naquit  en  1606  dans 
un  village  situé  sur  le  bras  du  Rhin  qui 
passe  à  Leyde.  Un  petit  tableau  qu'il  fit 
pendant  son  apprentissage ,  et  qu'un  con- 
naisseur paya  cent  florins  ,  le  mit  en  ré- 
putation dans  les  plus  grandes  villes  de 
Hollande.  Il  fut  surtout  employé  dans  les 
portraits  ;  nous  en  avons  de  lui  un  grand 
nombre.  Ses  sujets  d'histoire  sont  plus 
rares.  Il  mettait  ordinairement  des  fonds 
noirs  dans  ses  tableaux  ,  pour  ne  point 
tomber  dans  des  défauts  de  perspective, 
dont  il  ne  voulut  jamais  se  donner  la 
peine  d'apprendre  les  pi-incipes.  On  lui 
reproche  aussi  beaucoup  d'incorrections. 
Mais  ces  défauts  ne  l'empêchèrent  pas 
d'être  compté  parmi  les  plus  célèbres 
artistes.  11  est  égal  au  Titien  pour  la  fraî- 
cheur et  la  vérité  de  ses  carnations ,  et 
possédait  à  un  degré  éminent  le  clair- 
obscur.  Ses  tableaux ,  à  les  regarder  de 
près ,  sont  raboteux  ;  mais  ils  font  de  loin 
un  efifet  merveilleux.  Toutes  les  couleurs 
sont  en  harmonie  ,  sa  manière  est  suave , 
et  ses  figures  semblent  être  de  relief.  Sei 


3o8 


REM 


compositions  sont  très  expressives  ;  ses 
demi-figures  ,  et  surtout  ses  têtes  de 
vieillards  ,  sont  frappantes.  Enfin  il  don- 
nait aux  parties  du  visage  un  caractère 
de  vie  et  de  vérité  qu'on  ne  peut  trop 
admirer.  Les  estampes ,  en  grand  nom- 
bre ,  que  Rembrandt  a  gravées  sont  dans 
un  goût  singulier.  Elles  sont  recherchées 
des  connaisseurs,  et  fort  chères ,  parti- 
culièrement les  bonnes  épreuves.  La  plus 
considérable  est  la  pièce  de  Cent  francs, 
ainsi  appelée  parce  qu'il  la  vendait  ce 
prix-là  ;  le  sujet  de  cette  pièce  est  Notre- 
Seigneur  guérissant  les  malades.  On  a 
aussi  gravé  d'après  lui.  Rembrandt  a  fait 
quelques  paysages,  excellens  pour  l'ef- 
fet. Il  mourut  à  Amsterdam  en  1668 ,  ou, 
selon  d'autres,  en  1674.  (Comme  il  était 
avare,  il  amassa  de  grandes  richesses, 
dont  hérita  son  fils  Titus.  Rembrandt  a 
beaucoup  peint  et  gravé  :  on  trouve  de 
ses  ouvrages  dans  presque  toutes  les  col- 
lections d'Europe.) 

REMI  (  Saint  ) ,  né  dans  les  Gaules 
vers  l'an  438  ou  439,  d'une  famille  il- 
lustre dans  les  environs  de  Laon  en  Pi- 
cardie, fut  encore  plus  distingué  par  ses 
lumières  et  ses  vertus  que  par  sa  nais- 
sance. Ses  grandes  qualités  le  firent 
mettre  sur  le  siège  pontifical  de  Reims , 
à  22  ans.  Il  eut  beau  résister ,  il  fallut 
qu'il  sortît  de  sa  solitude.  Ce  fut  lui  qui 
baptisa  le  roi  Clovis  ,  qu'il  instruisit  des 
maximes  du  christianisme  ,  conjointe- 
ment avec  saint  Godard  de  Rouen  et 
saint  Vaast.  Rien  n'est  plus  admirable 
que  la  dignité  avec  laquelle  il  parla  à  ce 
roi  allier  et  victorieux ,  au  moment  qu'il 
courbait  la  tête  pour  recevoir  les  eaux 
sacrées  du  baptême  :  Adorez ,  dit-il ,  ce 
que  vous  avez  brûlé;  brûlez  ce  que  vous 
avez  adoré  ;  désignant  par  ce  contraste 
frappant  la  croix  et  les  idoles.  «Le  nouveau 

V  Samuel ,  dit  Bossuet,  appelé  pour  sa- 
»  crer  les  rois ,  sacra  ceux  de  France  en 
»  la  personne  de  Clovis ,  comme  il  dit 

V  lui-même, /?oj/r  être  les  défenseurs  de 
■»  V Eglise  et  des  pauvres  ,  qui  est  le 
»  plus  digne  objet  de  la  royauté.  Il  les 
»  bénit  et  leurs  successeurs ,  qu'il  ap- 
»  pellait  toujours  ses  enfans  ,  et  priait 
»  Dieu  nuit  et  jour  qu'ils  persévérassent 


REM 

»  dans  la  foi.  Prière  exaucée  de  Dieu  , 
«  avec  une  prérogative  bien  particu- 
»  lière ,  puisque  la  France  est  le  seul 
■»  royaume  de  la  chrétienté  qui  n'ait  ja- 
»  mais  vu  sur  le  trône  que  des  rois  en- 
3>  fans  de  l'Eglise.  »  Il  mourut  en  533 , 
dans  la  94^  année  de  son  âge.  Nous  avons 
sous  son  nom  4  Lettres  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pères.  On  a  aussi  deux  Tes- 
iamens  ;  mais  plusieurs  savans  doutent 
qu'ils  soient  de  lui.  Le  Père  Suyskens  , 
dans  les  .(^c/a  ^a/ic/orum ,  paraît  avoir 
démontré  que  le  plus  ample  de  ces  deux 
testamensest  une  pièce  supposée.  L'abbé 
£ye ,  savant  boUandiste ,  a  fortifié  les 
preuves  du  Père  Suyskens  d'une  disser 
tation  intitulée  :  Réponse  aux  Mémoires 
de  M.  des  Roches  ,  Bruxelles  ,  1780, 
in-8.  L'abbé  Ghespierre  a  démontré  la 
même  chose  dans  les  Acta  sanctorum 
Belgii  selecta.  t^oyez  Oudin ,  in  Suppl. 
ad  Bellarm...  pag.  113.  (Il  existe  un 
grand  nombre  de  Vies  de  saint  Rémi  ; 
on  en  trouvera  les  titres  dans  la  Biblio- 
thèque littéraire  de  France  ,  dans  la 
Gallia  christiana  et  dans  le  Recueil  de 
Godescard. } 

REMI  (  Saint  ) ,  grand-aumônier  de 
l'empereur  Lothaire,  succéda  à  Amolon 
'dans  l'archevêché  de  Lyon  en  852.  On 
croit  que  ce  fut  lui  qui  fit ,  au  nom  de 
cette  Eglise ,  la  Réponse  aux  trois  let- 
tres d'Hincmar  de  Reims ,  de  Pardule 
de  Laon ,  et  de  Raban  de  Mayence.  Il 
présida  le  concile  de  Valence  en  855 ,  se 
trouva  à  celui  de  Langres  et  à  celui  de 
Savonnières  ,  près  de  Toul,  en  859  ,  et 
se  signala  dans  toutes  ces  assemblées  par 
un  zèle  peu  commun.  Cet  illustre  prélat 
termina  sa  vie  glorieuse  en  875,  après 
avoir  fait  diverses  fondations.  Ou  trouve 
son  nom  parmi  ceux  des  saints  dans  le 
supplément  au  Martyrologe  romain  de 
Ferrari ,  et  dans  le  Martyrologe  de  France 
par  du  Saussay  ;  mais  il  ne  paraît  pas 
qu'il  ait  jamais  été  honoré  d'un  culte  pu- 
blic. Outre  la  Réponse  dont  nous  avons 
parlé ,  et  dans  laquelle  il  soutient  la  doc- 
trine de  saint  Augustin  sur  la  grâce  et 
sur  la  prédestination,  nous  avons  de  lui  : 
Traité  de  la  condamnation  de  tous  les 
hommes  par  Adam,  et  de  la  délivrance 


REM 

de  quelques-uns  par  J.  C.  ;  reslriclioa 
qui  ne  doit  s'entendrequedela  délivrance 
efficace  et  effective.  On  trouve  ce  traité  , 
ainsi  que  la  réponse ,  dans  la  Bibliothè- 
que des  Pères,  et  dans  Findicice  predes- 
tinationis,  1650,  2  vol.  in-4. 

REMI  d'Auxerbe,  ainsi  appelé  parce 
qu'il  était  moine  de  Saint-Germain  d'Au- 
xerre,  fut  appelé  à  Reims  vers  882,  par 
Foulques  ,  archevêque  de  cette  ville, 
pour  y  établir  des  écoles.  Il  mourut  vers 
l'an  908.  Il  eut  pour  maître  Henric  ou 
Henri.  Ses  études,  suivant  le  bon  usage 
de  ce  temps-là  ,  embrassèrent  les  sciences 
profanes  et  les  sciences  divines.  On 
croyait  alors,  ce  que  les  gens  sages  pen- 
sent encore  aujourd'hui,  que  ces  sciences 
bien  étudiées  se  prêtent  de  mutuels  se- 
cours. Il  enseigna  dans  l'université  de 
Paris ,  et  s'y  acquit  quelque  réputation. 
On  a  de  lui  :  1°  une  Exposition  de  la 
messe  ;  2°  des  Commentaires  sur  les  pe- 
tits prophètes ,  sur  les  Epîtres  de  saint 
Paul  ,  sur  le  Cantique  des  Cantiques, 
sur  l'Apocalypse  (  ces  deux  derniers  com- 
mentaires ont  été  long-temps  attribues  à 
Haymon  d'Halbersta  dt  ).  Il  en  a  aussi  fait 
sur  les  P5a«/wej ,  Cologne  ,  1536, in  fol., 

,  et  dans  la  Bibliothèque  des  Pères. 

'  REMI  (  Abraham  ) ,  en  latin  Remmius, 
dont  le  nom  véritable  é\.d\i  Ravaud ,  né 
en  1600  ,  mort  en  1C46  ,  professa  l'élo- 
quence au  Collège  Royal  ;  Rémi,  village 
du  Beauvoisis  sa  patrie,  lui  donna  son 
surnom.  11  est  regardé  comme  un  des  meil- 
leurs poètes  latins  de  son  temps.  Ses  pro- 
ductions virent  le  jour  à  Paris  en  1645, 
in-12.  On  y  remarque  de  l'esprit  ,  une 
imagination  vive,  de  l'invention ,  et  une 
facilité  peu  commune.  Il  a  fait  sur  Louis 
XIII  un  Poème  épique  divisé  en  quatre 
livres ,  sous  le  titre  de  Borbonias  ,  1627, 
in- 8.  Son  Mœsonium,  ou  Recueil  de  vers 
sur  le  château  de  Maisons ,  près  Saint-Ger- 
main ,  est  ce  que  cet  auteur  a  fait  de 
mieux. 

REMI  (Joseph-Honoré),  né  à  Remire- 
mont,  en  1738 ,  embrassa  l'état  ecclésias- 
tique, fut  ordonné  prêtre  par  l'évêque 
de  Toul ,  qui  voulut  le  fixer  dans  son  dio- 
cèse :  mais,  dominé  par  l'amour  de  l'in- 
dépendance ,  et  captivé  par  les  coryphées 


REM  3o9 

de  la  secte  philosophique ,  il  préféra 
le  séjour  de  Paris ,  où  il  s'appliqua  à  la 
littérature.  Ce  genre  d'étude  ne  lui  four- 
nissant point  de  quoi  subsister ,  il  se  li- 
vra au  droit  et  se  fit  recevoir  avocat.  Il 
concourut  pour  plusieurs  prix  académi- 
ques, et  les  maximes  qu'il  eut  soin  de 
parer  d'une  éloquence  verbiageuse  et 
antithétique  lui  méritèrent  les  applau- 
dissemens  de  bien  des  gens.  L'Eloge  de 
Fe'ne'lon  fut  jugé  digne  d'un  accessit  en 
1771  ,  et  celui  de  Michel  l'Hôpital  fut 
couronné  en  1777;  mais  la  faculté  de 
théologie,  offensée  des  paradoxes  de  l'au- 
teur ,  flétrit  ses  lauriers  par  une  censure 
bien  motivée.  Il  se  chargea  ensuite  de  la 
rédaction  de  la  partie  de  la  jurisprudence 
dans  la  nouvelle  édition  de  VEncyclo- 
pe'die  par  ordre  de  matières  ;  il  rédigea  le 
premier  volume ,  et  était  assez  avancé 
dans  le  second  ,  lorsqu'il  mourut  Je  1 2 
juillet  1782.  Outre  les  ouvrages  dont 
nous  avons  fait  mention ,  on  a  de  lui  :  1° 
Le  Cosmopolisme ,  1770  ;  2°  Les  Jours , 
pour  servir  de  correctif  aux  Nuits 
d'ï'oung,  1770,  où  il  critiqua  fort  mal  à 
propos  cet  ouvrage  admirable  ,  plein  de 
grandes  idées  et  de  scntimens  profonds, 
chef-d'œuvre  du  genre  sombre;  3°  le  Code 
des  Français,  1771  ,  2  vol.  in-12  ;  4° 
plusieurs  Extraits  dans  le  Mercure  de 
France ,  dont  il  a  été]  un  des  rédacteurs 
depuis  la  fin  de  1 7  7  8 .  L'abbé  Rémi  avai  t  des 
dispositions  heureuses  pour  réussir  dans 
la  culture  des  belles-lettres .  Ses  succès 
n'auraient  pas  été  douteux ,  sans  ce  mal- 
heureux esprit  philosophique ,  qui  des- 
sèche l'âme,  qui  éteint  le  sentiment  et 
l'imagination  ,  les  deux  grands  ressorts 
de  l'éloquence. 

REMIGIO  FiORKNTiNO,  dominicain  et 
littérateur  italien  du  16*siècle,se  fit  con- 
naître par  plusieurs  ouvrages ,  dont  les 
principaux  sont  des  Traductions  d'Am- 
mien  Marcellin  ,  de  Cornélius  Népos,  et 
de  l'Histoire  de  Sicile  de  Fazello.  Il  est 
aussi  auteur  de  Re'flexions  sur  V Histoire 
de  Guichardin ,  et  sur  quelques  autres 
Histoires ,  Venise ,  1 582 ,  in-4 ,  assez  esti- 
mées ;  et  de  Poésies  italiennes  fort  mé- 
diocres. Remigio  passa  presque  toute  sa 
vie  à  Venise  ;  son  nom  de  famille  était 


3io  REM 

Nanni.  Il  mourut  à  Florence  ,  sa  patrie  , 
en  1580,  à  62  ans. 

*  REMOND  (  François  ) ,  jésuite ,  na- 
quit à  Dijon  en  15â8,  de  Guillaume 
Remond,  conseiller  au  parlement  de  Bour- 
gogne ,  et  non  de  Florimond  Remond , 
écrivain  célèbre,  comme  quelques-uns 
l'ont  avancé.  Guillaume,  magistrat  zélé 
pour  le  service  du  roi ,  mourut  empoi- 
sonné par  les  intrigues  des  ennemis  de 
l'état.  François  fit  d'excellentes  études  , 
et  jeune  encore  il  cultivait  la  poésie  avec 
succès.  Étant  allé  à  Rome ,  il  se  mit  sous 
la  direction  du  Père  Jérôme  Plato,  jésuite, 
et  entra  lui-même  dansla  société  en  1 580 , 
ayant  alors  22  ans.  Il  commença  à  pro- 
fesser à  Piome  en  1586.  11  paraît  qu'il 
resta  dans  cette  ville  au  moins  jusqu'en 
1596, et  on  voit  que  pendant  cet  espace 
de  temps  il  prononça  divers  discours  ou 
harangues ,  soit  à  l'occasion  du  décès  de 
personnages  considérables ,  soit  dans 
d'autres  circonstances.  En  1598  et  1599, 
le  Père  Remond  était  à  Padoue,  et  à 
Parme  en  1600,  il  fut  appelé  par  le  prince 
Ranuzio  Farnèse,  duc  de  Parme  et  de 
Plaisance,  pour  commencer  les  exercices 
dans  l'université  que  ce  prince  venait  d'y 
fonder.  Il  revint  en  France ,  et  fut  pro- 
fesseur de  théologie  scolastique  à  Bor- 
deaux ,  depuis  1605  jusqu'en  1609  inclu- 
sivement. Il  repassa  ensuite  en  Italie ,  et 
enseigna  les  saintes  lettres  à  Mantoue. 
Cette  ville  ayant  été  surprise  et  pillée  par 
les  Impériaux ,  le  Père  Remond  se  dévoua 
au  service  des  soldats  blessés  ou  malades 
pour  leur  administrer  les  secours  spiri- 
tuels. Il  gagna  la  peste  dans  l'exercice  de 
sa  charité  ;  rétabli  peu  de  temps  après 
d'un  mal  aussi  dangereux,  il  succomba 
à  une  autre  maladie  le  14  novembre  1631 . 
On  a  du  Père  Remond  :  1  "  Orationes  XXIy 
elegiœ  F III,  epigrammatum  libri  II , 
Lyon,  1605,in-12,Pont-à-Mousson,  1605, 
in-16  ;  Ingolstadt,  1607  ,  in-12  ;  Paris, 
1613  ,  in-8  ;  2"  Epigrammata  et  oratio- 
nes -ï//,  Cologne ,  1605  et  1606;  An- 
vers, 1607,  in-1 2  ;  Genève ,  1607,  in-8. 
Une  partie  de  ses  poésies  ont  été  insé- 
rées dans  les  Deliciœ  poetarum  gal- 
lorum  de  Gruter  ;  3°  Carmina  et  oratio- 
nes novœ,  Ingolstadt ,  1615  ,  in-12  ,  et 


REM 

dans  plusieurs  autres  lieux.  Une  partie 
se  trouve  dans  les  Epigrammata  sclecta, 
Pont-à-Mousson,  1615,in-12.  A°  Poemata 
et  XXI orationes  ;  Epigrammat.  libri  II; 
Elegiœ  yilIdedivinisamoribus.Alexias 
elegiœ  septem.  L'auteur  ,  dans  ce  dernier  ; 
ouvrage,  introduit  l'épouse  abandon-  . 
née  de  saint  Alexis,  exprimant  ses  plain-  ' 
tes  et  ses  douloureux  regrets  sur  sa  fuite. 
Collet ,  père  du  poète  du  même  nom  ridi- 
culisé par  Boileau ,  et  meilleur  poète  que 
son  fils ,  a  traduit  VAlexiade  en  vers , 
sous  le  titre  de  Désespoir  amoureux  ; 
«  expression  trop  libre ,  peut-être ,  pour 
»■  une  âme  si  dévote,  »  dit  l'abbé  de 
Maroles,  qui,  à  propos  du  même  poème, 
n'hésite  point  de  proclamer  le  Père  Re- 
mond l'Ovide  chre'tien  ;  b"  Panegj/ricœ 
orationes  XF'in  laudem  sancti  Ignatii  et 
sancti  Francisci  Xaverii,  etc.  ;  Plai- 
sance, 1626,in-4;6°  Orationes  infunere 
Matthœi  Contarelli,  Constantii  Sar- 
nani,  et  Philippi  GuastaviUœi,  cardina- 
lium  dans  les  Orationes  funèbres ,  Hano- 
vre ,  1013 ,  in-4. 

REMOND  DE  Saint-Mard  (Toussaint), 
littérateur,  né  à  Paris  en  1682,  se  fit  con- 
naître par  ses  nouveaux  Dialogues  des 
dieux,  Vm'is,  1771.  Il  ne  fait  qu'effleu- 
rer la  surface  des  objets ,  ainsi  que  dans 
ses  autres  ouvrages  ;  et  il  faut  moins  y' 
chercher  la  morale  évangélique  que  celle 
d'Epicure.  Ses  autres  ouvrages  sont  :  1° 
Lettres  galantes  et  philosophiques , 
accompagnées  de  l'Histoire  de  made" 
moiselle  de  *** ,  remplies  de  paradoxes  , 
de  maximes  fausses  et  licencieuses  ;  2* 
trois  Lettres  sur  la  naissance ,  les  pro- 
grès et  la  décadence  du  goût .-  elles  sont 
écrites  avec  plus  de  feu  que  tout  le  reste  ; 
elles  ont  même  un  pétition  satirique,  qui 
n'est  pas  désagréable  aux  esprits  malins, 
c'est-à-dire  au  plus  grand  nombre  ;  3"  dif- 
férens  Traités  sur  la  poésie  en  général , 
et  sur  les  différens  genres  de  poésie, 
remplis  de  faux  jugemens  ;  4"^  un  petit 
poème  intitulé  La  Sagesse ,  et  qui 
devrait  être  intitulé  La  Démence,  fruit 
d'une  philosophie  très  corrompue,  parut 
d'abord  en  1712,  et  on  le  réimprima 
dans  un  recueil  en  1715,  sous  le  nom 
du  marquis  de  la  Fare ,  qui  n'en  était 


REM 

point  l'auteur  ;  6°  une  Lettre  sur  le  goût 
et  le  génie ,  et  sur  Vutilité  dont  peuvent 
être  les  règles.  Ces  difterens  écrits  ont 
été  recueillis  en  1742,  à  Paris,  sous  le 
titre  de  La  Haye  ,  en  3  vol.  in-12  ;  et  de- 
puis en  1751 ,  5  vol.  in-12,  petit  format. 
L'auteur  mourut  à  paris  en  1757,  à  75 
ans.  Sa  santé  avait  toujours  été  extrême- 
ment délicate ,  et  il  était  sujet  à  plusieurs 
infirmités,  fruit  de  sa  morale  spéculative 
et  pratique.  Il  parlait  comme  il  écrivait , 
1  d'une  manière  précieuse.  Il  s'était  formé 
sur  Fontenelle ,  quoiqu'il  le  regardât 
comme  le  corrupteur  du  goût,  et  qu'il  ne 
cessât  de  lancer  contre  lui  quelques  traits 
dans  ses  livres  et  dans  sa  conversation. 
REMOIS  D.  Voyez  Florihond  de  Re- 

MOUD. 

REMOND  DE  Sainte  Albine  (Pierre), 
censeur  royal,  membre  de  l'académie  des 
Sciences  et  belles-lettres  de  Berlin  ,  né  à 
Paris  en  1699  ,  mort  dans  la  même  ville, 
le  9  octobre  1778,  à  80  ans,  a  publié:  1° 
Abrégé  de  l'Histoire  du  président  de 
Thou,  avec  des  remarques,  1759,  10 
volumes,  in-12  :  livre  écrit  sèchement , 
et  qui  n'a  pas  eu  de  succès  ;  2°  Le  Co- 
médien ,  1749,  in-8  ,  où  il  donne  des  le- 
çons de  déclamation. 

•  REMONDINI  (Balthasar- Marie)  , 
évêque  de  Zante  et  de  Céphalonie,  na- 
quit à  Bassano,  dans  l'état  de  Venise,  le 
14  août  1698  d'une  famille  noble,  et  qui 
s'était  distinguée  dans  les  premières  pla- 
ces de  la  magistrature.  Il  étudia  les  let- 
tres grecques  et  latines  dans  le  séminaire 
de  Padoue.  Après  ces  études  prépara- 
toires ,  il  suivit  les  leçons  des  plus  célè- 
bres professeurs  de  droits  civil  et  canoni- 
que de  l'université  de  cette  ville,  et  y 
prit  le  bonnet  de  docteur.  De  là  il  passa  à 
Vicence.  Le  séminaire  épiscopal  était  mal 
doté  et  dénué  de  maîtres.  Remondini  se 
chargea  d'y  professer  gratuitement  l'élo- 
quence; ce  qu'il  fit  depuis  l'an  1723  jus- 
qu'en 1729.  Ayant  été  ordonné  prêtre, 
il  retourna  à  Bassano,  et  y  enseigna  la 
théologie  à  déjeunes  clercs  ses  compa- 
triotes. Le  désir  de  se  perfectionner  dans 
les  sciences  lui  fit  entreprendre  le  vo  j-age 
de  Rome.  Sa  réputation  l'y  avait  devancé. 
te  26  février  1736 ,  Clément  XII,  instruit 


REM  3n 

de  son  mérite,  le  nomma  aux  sièges  unis 
de  Zante  et  de  Céphalonie.  Il  prit  posses- 
sion de  son  évêché  le  8  février  1737. 
Des  tremblemens  de  terre  avaient  pres- 
que entièrement  détruit  son  église  cathé- 
drale :  il  la  reconstruisit,  l'enrichit 
d'ornemens  précieux  ,  en  accrut  les  re- 
venus ,  rappela  les  chanoines  que  la 
ruine  de  l'Eglise  avait  dispersés,  et  réta- 
blit l'office  canonial.  On  manquait  d'un 
séminaire  pour  la  jeunesse  qui  se  desti- 
nait à  l'état  ecclésiastique  :  il  y  poui'vut  à 
ses  propres  frais  ,  et  avança  les  fonds 
pour  des  places  gratuites  en  faveur  de 
ceux  qui  n'avaient  pas  de  fortune.  Rien 
n'échappait  à  sa  sollicitude  pastorale.  En 
1747  ,  il  fit  le  voyage  de  Rome  :  il  y  fut 
accueilli  par  Benoît  XIV  avec  la  bienveil- 
lance et  l'estime  dues  à  ses  services.  Ce 
pontife  offrit  à  Remondini  un  évêché  dans 
les  Etats  romains.  L'évêque  de  Zante , 
attaché  à  une  église  oîi  il  avait  fait  tant 
de  bien, n'accepta  pascette  offre  brillante. 
Après  avoir  passé  ensuite  quelques  jours 
dans  sa  patrie ,  il  retourna  à  Zante  ,  où 
il  continua  de  donner  l'exemple  de  tou- 
tes les  vertus  épiscopales.  Il  y  mourut 
saintement  le  5  octobre  17  77,  âgé  de 
79  ans.  La  multitude  de  ses  occupations 
ne  l'empêchait  pas  de  cultiver  les  saintes 
lettres.  Il  avait  une  bibliothèque  nom- 
breuse, choisie  et  riche  en  manuscrits 
grecs.  Il  en  détacha  quelques-uns  des 
plus  précieux,  qu'il  fit  passer  à  Rome 
sous  les  pontificats  de  Clément  XII  et  de 
Benoît  XIV,  pour  augmenter  la  collection 
de  la  bibliothèque  vaticane.  On  a  de 
lui  :  1°  Discorso,  ossia  istruzione  cris- 
tiana  sopra  delmufuo,  nelle  sue  diocesiy 
puhlicata  l'anno  17  43,  Rome,  1748, 
in-8  ;  2°  Invita  pastorale  dal  vescovo 
del  Zante  alsuo  reverendissimo  capitolo, 
recentemente  dal  principe  sovvenuto  a 
rimettere  la  sacra  cotidiana  officiatura 
inquella  suamoderna  cattedrale,  Venise, 
1752,  in-8  ;  3°  De  Zacynthi  antiquitati- 
bus  et  fortuna  commentarius ,  Venise, 
1750,  in-8.  Remondini  avait  rassemblé 
des  matériaux  pour  écrire  l'histoire  de 
l'île  ,  mais  il  n'eut  pas  le  temps  de  l'ache- 
ver. 4"  Saneti  Marci,  monachi,  quisœ- 
culo  quinto /loruit  f  sermones  dejejunio 


3i2  REM 

etdeMelchisedech  qui  deperditiputaban- 
tur ,  nunc  primum  cum  latina  interpre- 
tatione  in  lucem  prolali,  Rome,  1748, 
in-8.  C'est  une  traduction  du  grec  avec  le 
texte  à  côté  et  des  notes.  Bellarmin  a 
confondu  ce  Marc  avec  un  autre  cité  par 
Zonara,  et  qui  vivait  dans  le  10«  siècle, 
en  quoi  il  a  été  suivi  par  Le  Mire  ,  Labbe, 
Cave^  Oudin,  etc.  Remondini  a  laissé 
beaucoup  d'autres  ouvrages  manuscrits , 
ainsi  qu'une  traduction  du  syriaque  des 
Homélies  de  saint  Isaac  Syro ,  évêque 
de  Ninive  au  5*  siècle. 

RÉMUS ,  frère  de  Roraulus.  Quelques- 
uns  prétendent  que ,  ne  pouvant  s'accor- 
der avec  son  frère ,  il  s'exila  et  passa 
dans  les  Gaules,  où  il  fonda  la  ville  de 
Reims  ;  d'autres  disent  que  son  frère 
le  tua  pour  se  venger  de  ce  qu'il  avait 
sauté  par  mépris  le  fossé  récemment  tracé 
des  murs  de  Rome ,  ou  plutôt  pour  ré- 
gner seul  :  mais  tous  ces  faits  sont  fort 
incertains. 

*  RÉMUSAT  (Claire-Elisabeth-Jeanne 
Gbavier  deVergennes,  comtesse  de),  nièce 
du  comte  de  Vergennes ,  ministre  sous 
Louis  XVI ,  et  auteur  d'un  ouvrage  d'é- 
ducation ,  naquit  le  5  janvier  1780,  et 
fut  mariée  en  1 7  96,  à  1 6  ans,  au  comte  Au- 
guste Laurent  de  Rémusat  qui  avait  été 
avant  la  révolution  avocat-général  à  la 
cour  des  comtes  d'Aix,  et  qui  fut  depuis 
préfet  du  palais  impérial.  La  comtesse  de 
Rémusat  fut  elle-même  attachée,  en 
1 803 ,  à  la  maison  de  Joséphine ,  épouse 
de  Buonaparte ,  premier  consul ,  et  elle 
lui  resta  attachée  après  le  divorce  de 
l'empereur.  Depuis  la  restauration,  elle 
-vécut  auprès  de  son  mari  dans  les  diverses 
préfectures  (Haute-Garonne  et  Nord),  oîi 
il  fut  appelé ,  et  elle  mourut  à  Paris  le  1 6 
décembre  1821.  Entre  autres  ouvrages 
qu'elle  a  laissés  manuscrits,  se  trouve 
celui  que  son  fils  a  publié  en  1824,  sous 
le  titre  de  :  Essai  sur  l'e'ducaiion  des 
femmes ,  Paris,  1  vol.  in-8,  qui  a  eu  trois 
éditions.  Cet  ouvrage  a  obtenu  le  suffrage 
de  l'académie  française ,  qui  a  accordé 
luie  médaille  d'or  en  hommage  et  à  la 
mémoire  de  la  comtesse  de  Rémusat.  Cet 
Essai,  trop  souvent  superficiel ,  est  écrit 
d'une  manière  quelquefois  très  abstraite, 


REM 

et  contient  plutôt  des  recherches  et  des 
discussions  que  des  préceptes  et  des 
moyens  pour  diriger  l'éducation  des 
femmes.  L'ouvrage  d'ailleurs  n'a  pas  été 
achevé,  et  l'éditeur  lui-même  convient 
qu'il  ne  renferme  qu'environ  la  moitié 
du  plan  que  l'auteur  s'était  tracé.  Le  con- 
tenu des  chapitres  ne  répond  guère  au 
titre  j  par  exemple,  le  chapitre  intitulé  : 
De  r  éducation  des  filles  dans  la  première 
enfance  ,  commence  par  parler  du  ma- 
riage des  filles ,  et  l'auteur  se  plaint  qu'on 
les  marie  trop  jeunes.  Ce  chapitre  ne 
roule  guères  que  sur  les  femmes ,  et  finit 
aussi  en  parlant  des  femmes.  Il  ne  répond 
donc  pas  à  son  titre.  Il  est  vrai  que  dans 
le  cours  du  chapitre  l'auteur  dit  que 
Rousseau  s'est  occupé  avec  succès  du 
régime  des  enfans ,  et  que  les  deux  pre- 
miers chapitres  de  son  Emile  semblent 
propres  à  diriger  les  mères.  Ainsi ,  il 
faut  avoir  recours  à  cet  ouvrage  pour 
remplir  le  but  de  ce  chapitre;  et  les 
mères  chrétiennes  qui  ne  veulent  pas  lire 
cet  écrivain  rempli  de  sophismes,  ne 
trouvent  rien  pour  se  diriger  dans  cette 
première  enfance.  Le  même  Rousseau  est 
souvent  cité  dans  cet  Essai  d'éducation , 
et  souvent  avec  éloge ,  ce  qui  n'est  guère 
propre  à  inspirer  la  confiance.  On  aime- 
rait mieux  y  trouver  les  conseils  d'une 
femme  qui  a  l'usage  du  monde,  que  les 
rêves  d'un  homme  qui  a  mis  ses  enfans  à 
l'hôpital.  Le  chapitre  sur  la  religion  pa- 
raît aussi  susceptible  de  beaucoup  de  re- 
proches. On  y  trouve  qu'on  emploie  la 
peur  pour  instruire  le  pauvre;  qu'on 
n'apprend  aux  malheureux  la  religion 
que  par  la  crainte;  que  les  instructions, 
les  sermons  sont  effrayans,  et  que  ce  qui 
trouble  est  toujours  un  mauvais  moyen. 
On  ignore  où  l'auteur  a  lu  ou  entendu 
de  pareils  discours,  qu'elle  a  soin  d'ac- 
compagner de  réflexions  ironiques.  D'ail- 
leurs son  ouvrage  n'est  pas  écrit  pour 
l'éducation  des  pauvres,  et  alors  à  quoi 
bon  censurer  la  méthode  qu'elle  prétend 
qu'on  emploie  à  leur  égard.  Les  chapi- 
tres intitulés  :  De  la  destinée  des  femmes 
en  France,  et  sous  le  règne  de  Louis XIP^; 
les  Femmes  du  règne  de  Louis  XF"  ;  les 
Femmes  pendant  la  révolution  ;  de  la 


REN 

Destinée  prochaine  des  femmes ,  parais- 
sent plus  propres  pour  un  Essai  sur  les 
femmes  ,  que  pour  un  Essai  d'éducation 
qui  ne  contient  pas  300  pages.  M""*  de 
Rémusat  a  encore  publié  une  Nouvelle , 
insérée  dans  le  tom.  3  du  Lycée  français. 
"  REj\A(Cômede  la),  écrivain  et 
militaire,  naquit  à  Florence  vers  1630, 
suivit  la  carrière  des  armes,  et  devint 
capitaine  dans  les  troupes  de  son  pays. 
11  était  très  versé  dans  les  antiquités,  et 
plus  particulièrement  dans  les  antiqui- 
tés étrusques.  Il  fut  membre  de  l'acadé- 
mie de  la  Crusca  ,  et  chef  de  celle  appe- 
lée fiorcntina  (  de  Florence  ) ,  créée  dans 
celle  ville  sous  la  protection  des  Médicîs. 
Il  a  laissé  deux  ouvrages ,  dont  le  plus 
intéressant  est  Délia  série,  etc. ,  ou  de 
la  Chronologie  des  anciens  ducs  et  mar- 
quis de  Toscane,  avec  des  notices  sur 
l'empire  romain,  sur  le  règne  des  Golbs 
et  des  Lombards,  depuis  l'exil  de  Romu- 
]us  Augustulus  jusqu'à  la  mort  de  l'em- 
pereur Olbon  III,  Florence,  1690,  in- 
folio. 11  n'en  a  paru  que  la  première 
partie 

REiVAU  d'Eliçagaray  (Bernard) ,  célè- 
bre marin  ,  né  dans  le  Béarn  en  16à2  , 
d'une  famille  ancienne  de  Navarre,  fut 
placé,  dès  son  enfance,  auprès  de  Col- 
bert  du  Terron  ,  intendant  de  Rocheforl. 
On  lui  lit  apprendre  les  malbématiques  ; 
il  y  réussit,  et  devint  de  bonne  heure 
l'ami  intime  du  Père  Malebranche.  La 
marine  était  .son  étude  favorite.  Quand 
il  y  fut  assez  instruit ,  du  Terron  le  fit 
connaître  à  Seignelay  ,  qui  devint  son 
prolecleur.  11  lui  procura  en  1679  une 
place  auprès  du  comte  de  Vermandois, 
amiral  de  France ,  qui  lui  donna  une 
pension  de  mille  écus.  Louis  XIV,  vou- 
lant réduire  à  des  principes  uniformes 
Id  construction  des  vaisseaux ,  fit  venir 
t  la  cour  les  plus  habiles  constructeurs, 
iprès  quelques  discussions,  on  se  bor- 
na à  deux  méthodes,  l'une  de  Renau, 
et  l'autre  de  du  Quesne,  qui  eut  la  gé- 
nérosité de  donner  la  préférence  it  celle 
Je  son  rival.  Renau  jouit  de  son  triom- 
phe en  présence  de  Louis  XIV  ,  qui  lui 
ordonna  d'aller  à  Brest  et  dans  les  autres 
ports  pour  instruire  les  constructeurs.  Il 


REN  3i3 

mit  leurs  enfans  en  état  de  faire,  à 
l'âge  de  15  à  20  ans,  les  plus  gros  vais- 
seaux ,  qui  demandaient  auparavant  une 
expérience  de  20  ou  30  ans.  En  1680, 
Louis  XIV  résolut  de  se  venger  d'Alger; 
Renau  proposa  de  le  bombarder.  Jus- 
qu'alors il  n'était  venu  dans  l'esprit  de 
personne,  que  des  mortiers  pussent 
n'être  pas  placés  à  terre,  et  se  passer 
d'une  assiette  solide.  Il  promit  de  faire 
des  galiotes  à  bombes  :  on  se  moqua  de 
lui  dans  le  conseil;  mais  Louis  XIV  voulut 
qu'on  essayât  cette  nouveauté  funeste, 
qui  eut  un  heureux  effet.  Après  la  mort 
de  l'amiral  (le  comte  de  Vermandois), 
il  alla  en  Flandre  trouver  Vauban  ,  qui  le 
mit  en  état  de  conduire  les  sièges  de 
Cadaquiers  en  Catalogne,  de  Philisbourg, 
de  Manheim  et  de  Franckental.  Le  roi, 
pour  récompenser  ses  services,  lui  donna 
une  commission  de  capitaine  de  vais- 
seau ,  un  ordre  pour  avoir  entrée  et  voix 
délibéralive  dans  les  conseils  des  géné- 
raux, une  inspection  générale  sur  la 
marine,  et  Taulorité  d'enseigner  aux 
officiers  toutes  les  nouvelles  pratiques 
dont  il  était  l'inventeur,  avec  12,000 
livres  de  pension.  (  Il  demeura  cinq  ans 
en  Espagne,  à  la  demande  de  Philippe  V, 
y  répara  les  fortifications  de  Cadix  et 
d'autres  places.  Le  roi  l'honora  du  grade 
de  lieutenant  général.  )  Cet  habile  hom- 
me fut  demandé  par  le  grand  maître  de 
Malte  pour  défendre  l'île  ;  mais  le  sit'ge 
n'ayant  pas  eu  lieu  ,  Renau  revint  en 
France.  Il  fut  fait  à  son  retour  conseiller 
de  marine ,  et  grand-croix  de  l'ordre  de 
Saint-Louis.  Sa  mort,  arrivée  en  1719, 
fut  celle  d'un  religieux  de  la  Trappe. 
Persuadé  de  la  religion  par  sa  philoso- 
phie ,  il  regardait  son  corps  comme  un 
voile  qui  lui  cachait  la  vérité  éternelle, 
et  la  mort  comme  un  passage  des  plus 
profondes  ténèbres  à  une  lumière  par- 
faite. La  valeur,  la  probité,  le  désin- 
téressement ,  l'envie  d'êlre  utile ,  soit 
au  public ,  soit  aux  particuliers,  toutes 
ces  qualités  étaient  chez  lui  au  plus  haut 
degré ,  et  elles  étaient  soutenues  par  une 
piété  aussi  tendre  que  constante.  Il  avait 
été  reçu  membre  honoraire  de  l'acadé- 
mie des  Sciences  en  1699.  On  a  de  lui  la 

4o. 


3r4  REN 

Théorie  de  la  manœuvre  des  vaisseaux, 
1689,  in-8  ;  et  plusieurs  Lettres  pour 
répondre  aux  difficultés  de  Huyghens  et 
de  Bernouilli  contre  sa  Théorie.  (  Voyez 
le  Journaldes  Savans.  On  peut  consulter 
pour  plus  de  détails  l'Eloge  de  Renau 
par  Fontenelle,  et  le  Dictionnaire  de 
CbaufTepié.  ) 

RENAUD.  Voyez  Aimom. 

•  RENAUD  (  Jean-Baptiste-Lupicin  ) 
colonel  d'artillerie ,  né  à  Montigny ,  dans 
le  Jura  ,  le  14  mars  1777  ,  fut  un  élève 
distingué  de  l'école  polytechnique.  Pen- 
dant toute  sa  carrière  militaire,  il  n'a 
cessé  de  rendre  des  services  essentiels 
dans  son  arme.  Il  fit  partie  des  armées  de 
Sa mbre-et -Meuse ,  d'Espagne  ,  d'Allema- 
gne et  du  Rhin  :  on  le  rencontre  en 
Prusse,  en  Pologne,  en  Bavière,  à  léna,  à 
Ëylau,  à  Dantzick,  à  Friedland ,  à  Ratis- 
bonne,  à  Essling,  à  Anvers,  à  Brienne  , 
à  Champaubert ,  à  Craone.  Il  s'occupa 
en  outre  de  plusieurs  missions  impor- 
tantes à  Berlin  et  ailleurs.  Depuis  la  res- 
tauration ,  il  fut  attaché  au  comité  con- 
sultatif d'artillerie  ,  et  réunit  en  dernier 
lieu  à  ses  utiles  fonctions  l'inspection  des 
forges  de  celte  arme.  Il  était  officier  de  la 
légion-d'honneur  et  chevalier  de  Saint- 
Louis.  Le  colonel  Renaud  est  mort  à  Pa- 
ris le  29  novembre  1827.  On  lui  doit  un 
livre  estimé  sur  la  fabrication  de  la  pou- 
dre, un  vol.  in-8. 

RENAUDlE(Godefroi  de  Barri,  sieur 
de  la  ) ,  dit  <2e  /a  F  or  est ,  chef  de  la  con- 
juration d'Amboise  ,  et  second  chef  de  la 
conjuration  que  les  huguenots  firent,  en 
1 660 ,  eoiitre  le  roi  Henri  III ,  était  d'une 
ancienne  famille  de  Périgord.  (  Ayant 
altéré  son  titre  de  possession  sur  un  bé- 
néfice qu'il  possédait  illégitimement ,  il 
fut  poursuivi  par  la  justice.  (Condamné 
au  bannissement  pour  le  crime  defaux,il 
passa  le  temps  de  son  exil  à  Genève  et  à 
Lausane  ,  où  il  embrassa  le  calvinisme, 
et  s'insinua  dans  l'esprit  de  plusieurs 
Français  retirés  en  Suisse  à  cause  de  la 
religion.  Depuis,  il  forma  les  mêmes  ca- 
bales en  France,  où  il  ne  fut  connu  d'à' 
bord  que  de  ceux  de  son  parti.  La  Re- 
naudie  avait  de  l'esprit ,  de  la  hardiesse , 
et  était  vindicatif  Jl  souhaitait  effacer  l'ia- 


REN 

famie  de  son  bannissement  par  quelque 
action  éclatante.  Dans  cette  vue,  il  offrit 
ses  services  à  ceux  de  la  conjuration  for- 
mée par  les  protestans.  Il  se  char- 
gea d'aller  dans  les  provinces,  et  de 
gagner  par  lui-même  et  par  ses  amis 
ceux  qu'il  avait  déjà  connus,  et  leur 
donna  jour  au  I*'  février  pour  s'assem- 
bler à  Nantes.  L'assemblée  se  tint,  et 
on  résolut  d'exécuter  la  conjuration  à 
Amboise,  où  était  la  cour;  mais  ce  des- 
sein ayant  été  découvert  par  un  avocat , 
nommé  Pierre  Avenelles,  chez  qui  il 
était  logé  ,  La  Renaudie ,  qui  s'avançait 
avec  des  troupes,  fut  tué  le  1 7  mars  1 560, 
dans  la  forêt  de  Château-Renard,  près 
d'Amboise ,  où  son  corps  tut  porté  et  pen- 
du sur  le  pont  à  un  gibet ,  ayant  sur  le 
front  cette  inscription  •  Chef  des  rébelles. 
Un  de  ses  domestiques,  nommé  La  Si- 
gne ,  qui  fut  pris  dans  la  même  occasion, 
expliqua  divers  Mémoires  écrits  en  chif- 
fres, et  découvrit  tout  le  secret  de  la 
conjuration. 

RENAUDOT  (  Théophraste),  méde- 
cin, né  à  Loudun  en  1584,  s'établit  à 
Paris  en  1623.  Il  fut  le  premier  qui  com- 
mença, en  1631 ,  à  faire  imprimer  en 
France  ces  nouvelles  publiques,  si  con- 
nues sous  le  nom  de  Gazettes.  (  Depuis 
le  1 3^  siècle,  il  en  existait  déjà  en  Italie  et 
en  Espagne.  }  Louis  XIII  donna  à  Renau- 
dot  un  privilège,  qui  fut  confirmé 
par  Louis  XIV  ,  pour  lui  et  pour  sa  fa- 
mille. Ce  médecin  gazelier  mourut  à  Pa- 
ris, en  1653.  Pour  se  donner  une  grande 
réputation  en  qualité  de  médecin ,  il  s'a- 
visa d'établir  chez  lui  un  bureau  public 
de  consultations  gratuites  pour  les  pau 
vres,  et  obtint  du  cardinal  de  Richelieu 
des  lettres  qui  le  nommaient  co/n/nw.ç«jrc 
général  des  pauvres  valides  et  invalides 
dans  tout  le  royaume.  La  faculté  de  mé- 
decine se  récria  contre  ce  privilège, 
qu'elle  prétendit  n'être  qu'un  manteau 
qui  cachait  un  trafic  vil  et  usuraire.  Le 
parlement  lui  défendit,  par  arrêt  du  1" 
mars  1644,  de  se  servir  de  ce  privilège. 
(  Renaudot  administrait  à  ses  malades 
des  remèdes  secrets,  et  ce  fut  là  le  prin- 
cipal motif  des  poursuites  dirigées  con- 
tre lui  par  la  faculté  de   médecine.  ) 


REN 

Isaac  Renaudot ,  son  fils,  médecin,  a  pu- 
blié les  Pièces  de  ce  singulier  procès,  3 
vol.  in-4.  On  a  de  Renaudot, père,  outre 
ses  Gazettes  -.  1  "  une  suite  du  Mercure 
français,  depuis  1635,  jusqu'en  1643. 
Comme  il  ne  donna  dans  ce  recueil  que 
la  seule  relation  des  faits,  sans  y  joindre 
les  pièces  justificatives,  ainsi  qu'avaient 
fait  Jean  et  Etienne  Richer,  il  fut  obligé 
de  le  discontinuer.  Il  n'a  donné  que  les 
six  derniers  volumes  de  cet  ouvrage,  qui 
est  en  26  vol.in-8.  Les  siens  sont  les  moins 
estimés.  2"  Un  Abrégé  de  la  vie  et  de  la 
mort  de  Henri  de  Bourbon ,  prince  de 
Condé,  1 646 ,  in-4  ;  3°  La  Fie  et  la  mort 
du  maréchal  de  Gassion ,  1647,  in-4;  4° 
la  Fie  de  Michel  Mazarin ,  cardinal , 
frère  du  premier  ministre  de  ce  nom , 
1648 ,  in-4.  (  Ce  fut  aussi  Renaudot  qui , 
le  premier ,  établit  à  Paris ,  un  bureau 
de  prêt ,  connu  ensuite  sous  le  nom  de 
Montde- Piété.  ) 

RENAUDOT  (  Eusèbe  ) ,  petit-fils  du 
précédent,  naquit  à  Paris,  en  1646.  Après 
avoir  fait  ses  humanités  au  collège  des 
jésuites,  et  sa  philosophie  au  collège 
d'Harcourt,  il  entra  chez  les  Pères  de 
l'Oratoire,  et  n'y   demeura  que  peu  de 
mois.  Il   continua  cependant  de  porter 
l'habit  ecclésiastique  ;  mais  il  ne  songea 
point  à  entrer  dans  les  ordres.  Il  se  con- 
sacra d'abord  aux  langues  orientales,  et 
il  en  étudia  ensuite  plusieurs  autres.  Son 
dessein  était  de  faire  servir  ses  connais- 
sances à  puiser  dans  les  sources  primiti- 
ves les  vérités  de  la  religion.  Le  grand 
Colbert  avait  conçu  le  dessein  de  réta- 
blir en  France  les  impressions  en  langues 
orientales.  Il  s'adressa  à  l'abbé  Renaudot, 
comme  à  l'homme  le  plus  capable  de  se- 
conder ses  vues;  mais  la  mort  de  ce  mi- 
nistre fit  abandonner  ce  projet.  Le  car- 
dinal de  Noailles  mena  l'abbé  Renaudot 
avec  lui  à  Rome  en  1700  ,  et  le  fit  entrer 
dans  le  conclave.  Son  mérite  lui  attira 
les   distinctions  les  plus  flatteuses.  Le 
pape  Clément  XI  l'honora  de  plusieurs 
audiences    particulières,  et  lui  conféra 
le  prieuré  de  Frossay  en   Bretagne.   Il 
l'engagea  à  rester  encore  sept  à  huit  mois 
à  Rome ,   après  le  départ  du  cardinal , 
pour  jouir  plus  long-temps  de  son  entre- 


REN  3i5 

tien.  Le  grand-duc  de  Florence,  auprès 
de  qui  il  passa  un  mois ,  le  logea  dans 
son  palais ,  le  combla  de  présens  et  lui 
donna  des  felouques  pour  le  ramener  à 
Marseille.  Ce  fut  à  son  retour  en  France 
qu'il  publia  la  plupart  des  ouvrages  qui 
ont  illustré  sa  plunte.  Il  mourut  en  1720 
à  74  ans,  après  avoir  légué  sa  nom- 
breuse bibliothèque  aux  bénédictins  de 
Saint-Germain-des-Prés.  L'abbé  Renau- 
dot avait  un  esprit  net,  un  jugement  so- 
lide ,  une  mémoire  prodigieuse.  Homme 
de  cabinet  et  homme  du  monde  tout  en- 
semble ,  il  se  livrait  à  l'étude  par  goût, 
et  se  prêtait  à  la  société  par  politesse. 
Attentif  à  garderies  bienséances ,  ami  fi- 
dèle et  généreux,  libéral  envers  les  pau- 
vres ,  insensible  à  tout  autre  plaisir  qu'à 
celui  de  converser  avec  les  savans ,  il  fut 
le  modèle  de  l'honnête  homme  et  du  chré- 
tien. Quelque  lié  qu'il  fût  avec  quelques 
personnes  de  la  petite  Eglise,  il  ne  sut  pas 
les  imiter  dans  les  intrigues  et  les  mouvc- 
mens  de  parti ,  et  ne  fit  pas  de  manifeste 
contre  les  décrets  du  saint-Siége.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  1°  deux  vol. 
in-4,  en  1711  et  1713,  pour  servir  de 
continuation  au  livre  de  La  Perpétuité 
de  la  Foi  ;  2**  Historia  patriarcharum  , 
alexandrinorum,jacobitarum,elc.TaiT'is, 
1713,  in-4  ;  3°  un  Recueil  d'anciennes 
liturgies  orientales,  2  vol.  in-4,  Paris, 
1716,  avec  desdissertations  très  savantes; 
4°  deux  anciennes  Relations  des  Indes  et 
de  la  Chine ,  avec  des  observations,  Paris, 
1718,  in-8.  Cet  ouvrage,  traduit  de  l'a- 
rabe ,  renferme  les  voyages  de  deux  ma- 
hométans  du  9*  siècle.  ^°  Défense  de  la 
Perpétuité  de  la  Foi,  in-8 ,  contre  le  li- 
vre d'Aymon  ;  6°  plusieurs  Dissertations 
dans  les  Mémoires  de  l'académie  des  In- 
scriptions; 7°  Défense  de  son  Histoire  des 
patriarches d^ Alexandrie,  in-12  ;  8°  une 
Traduction  latine  de  la  Fie  de  saint 
Athanase,  écrite  en  arabe  :  elle  a  été  in- 
sérée dans  l'édition  des  OEuvres  de  ce 
Père  par  dom  de  Montfaucon,  etc.  ;  9" 
plusieurs  ouvrages  manuscrits.  Le  stile 
de  ces  diverses  productions  est  assez  no- 
ble, mais  il  manque  de  légèreté  et  d'a- 
grément. (Renaudot  fut  reçu  à  l'académie 
française  en  1689;  deux  ans  après  il  rem- 


3i6 


REN 


plaça  QuinauU  à  celle  des  Inscriptions  , 
et  Fut  nommé  en  1700  associée  celle 
de  la  Crusca.  ) 

*  RENAZZI  (  Philippe-Marie  ),  célè- 
bre avocat  italien,  né  à  Rome  en  1747, 
fut  professeur  de  droit  dans  cette  ville, 
où  il  jouit ,  ainsi  que  dans  toute  l'Italie, 
d'une  grande  réputation.  Les  avocats  les 
plus  renommés  de  son  pays,  de  Bologne, 
Padoue ,  etc.  le  consultaient  sur  les  ma- 
tières de  droit  les  plus  difficiles;  et  l'a- 
mour pour  sa  patrie  lui  fit  refuser  diffé- 
rentes places  honorables  à  Florence,  à 
Bologne  et  à  Venise.  Il  a  écrit  plus  de  15 
ouvrages,  soit  de  jurisprudence ,  soit  de 
philologie  ;  le  plus  connu  est  celui  inti- 
tulé :  Kltmens  de  droit  criminel,  Rome, 
1773,  3  vol.  in-8  :  ils  eurent  cinq  édi- 
tions en  peu  d'années ,  et  furent  traduits 
et  commentés  dans  presque  toutes  les  lan- 
gues de  l'Europe.  Parmi  «n  grand  nombre 
de  manuscrits  qu'il  a  laissés,  on  cite  une 
Réfutation  du  Contrat  social  de  J.  J. 
Rousseau.  Il  paraît  qu'au  moment  où  il 
allait  faire  imprimer  cet  ouvrage ,  il  en 
parut  un  autre  (  en  1779,  in-1 2  ) ,  écrit 
par  un  religieux  ,  et  qui  obtint  beaucoup 
de  succès.  Renazzi  mourut  à  Rome  en 
1808,  âgé  de  61  ans. 

RElNE,comte  d'Anjou  et  de  Provence, 
arrière-petit-fils  du  roi  Jean ,  né  à  An- 
gers le  16  janvier  1409  ,  descendait  de 
la  seconde  branche  d'Anjou ,  appelée  au 
trône  de  Naples  par  la  reine  Jeanne  l'*. 
Ayant  épousé  en  1420  Isabelle  de  Lor- 
raine, fille  ethéritièrede  Charles  II,  (  Re- 
né d'Anjou  suivit  Chailes  VII  dans  toutes 
ses  conquêtes  contre  les  Anglais.  Quoi- 
qu'il n'eût  que  vingt-un  ans,  il  se  pro- 
nonça souvent  contre  les  avis  de  La  Tre- 
mouille,  et  en  faveur  de  ceux  de  Dunois, 
Jeanne  d'Arc ,  La  Hire  ,  Polhon ,  etc.  Il 
ne  put  recueillir  l'héritage  de  son  beau- 
père.  Antoine,  comte  de  Vaudemont, 
qui  le  lui  disputa  les  armes  à  la  main ,  !e 
chassa  de  Lorraine ,  le  fit  prisonnier  en 
1431 ,  et  le  força  de  donner  sa  fille  Isa- 
belle en  mariage  à  son  fils  Ferri  de  Vau- 
demont ,  dont  les  descendans  régnèrent 
dans  cette  province.  Pendant  sa  captivité 
le  comte  de  Vaudemont  lui  permit  de 
sortir  de  prison  pour  aller  se  soumettre 


REN 

avec  lui  aux  décisions  de  l'empereur  Si- 
gismond  sur  le  duché  de  Lorraine.  L'em- 
pereur se  prononça  pour  René  ;  mais  le 
comte  n'accéda  pas  à  cet  arrêt,  et  René, 
esclave  de  sa  parole,  vint  reprendre  ses 
fers.  La  mort  de  son  frère  Louis  III  l'ap- 
pelait au  trône  delà  Provence,  et  en 
même  temps  il  avait  été  nommé  par  Jean- 
ne au  royaume  de  Naples.  L'intercession 
de  plusieurs  souverains  et  une  riche 
rançon  lui  obtinrent  enfin  sa  liberté.  Ar- 
rivé à  Naples  et  proclamé  roi ,  il  en  fut 
chassé  par  la  trahison  de  Caidora ,  par- 
tisan d'Alphonse  d'Aragon.  Par  suite  de 
divers  événemens,  il  céda  le  duché  de 
Lorraine  à  son  fils  Jean ,  frère  de  Mar- 
guerite, reine  d'Angleterre.  René  passa 
quelque  temps  après  en  Italie  au  secours 
des  Florentins  contre  les  Vénitiens.  Il 
eut  plusieurs  démêlés  avec  Louis  XI,  roi 
de  France  ,  qui  le  soupçonnait  de  secon- 
der les  vœux  de  Charles  le  Téméraire. 
Le  comte  d'Anjou,  n'ayant  eu  que  des  re- 
vers à  la  guerre ,  se  relira  en  Provence , 
où  il  cultiva  les  arts  de  la  paix.  Il  fit  des 
vers,  et  peignit,  comme  un  prince  pou- 
vait peindre  dans  un  siècle  et  dans  uu 
pays  alors  à  demi-barbare.  On  voyait  un 
de  ses  tableaux  aux  Célestins  d'Avignon. 
Le  sujet  n'est  pas  riant ,  mais  peut  pro- 
voquer des  réflexions  salutaires.  C'est  le 
squelette  de  sa  maîtresse  à  moitié  rongé 
des  vers,  avec  lecercueild'où  elle  sort.  Il 
est  le  premier  auteur  de  la  fameuse  pro- 
cession d'Aix ,  où  l'on  voit  les  diables, 
mêlés  avec  différens  personnages ,  repré- 
senter des  scènes  qui,  aujourd'hui,  ne 
paraîtraient  que  ridicules,  mais  qui,  chez 
un  peuple  grossier ,  étaient  des  moralités 
mises  en  action.  Plusieurs  de  ces  scènes 
ne  sont  pas  aisées  à  expliquer.  On  peut 
consulter  l'abbé  Papon  dans  son  Foyagc 
de  Provence,  tom.  1  ,  pag.  61  ,  édit.  de 
1787.  René  mourut  à  Aix  en  1 480.  On  lui  a 
attribué  V  Abusé  en  cour,  qu'on  imprima 
dans  un  recueil  d'anciennes  poésies  sans 
date,  mais  fort  ancien,  in-fol.  et  depuis 
àVienne,  1484,  in-fol.  On  a  encore  de 
lui  :  Les  Cérémonies  observées  à  la  récep- 
tion d'un  chevalier  .  manuscrit  enrichi 
de  belles  miniatures.  Jeanne  de  Laval , 
qu'il  épousa  en  secondes  noces ,  lui  doo- 


f 


REN 

na  des  enfans  qui  moururent  avant  lui. 
(Son  njanuscrit  sur  les  Tournois  &  été  pu- 
blié en  lilhographie, Paris,  1827,  in-fol. 
M.  Boisson  de  la  Salle  a  donné  un  précis 
historique  sur  la  vie  de  René  d'Anjou  , 
Ais,  1820,  in-8,  suivi  d'un  autre  précis 
par  le  Préfet  des  Bouches-du-Rhône.  En 
1825,  ila  paru  une  histoire  de  René  d'An- 
jou, par  le  vicomte  de  Villeneuve  Bar- 
gemont,  3  vol.  in-8  avec  planches.  Sir 
Walter  Scott  a  peint  la  cour  de  René  dans 
Anne  de  Geierstein;  en  1823  une  statue 
de  marbre  a  été  érigée  à  ce  prince  dans 
la  ville  d'AisL  :  on  montre  encore  dans 
cette  cité  la  promenade  favorite  du  roi 
René.  ) 

RENÉ ,  duc  de  Lorraine  ,  engagé  par 
le  roi  de  France  à  faire  la  guerre  à 
Charles  le  Hardi,  duc  de  Bourgogne, 
fut  d'abord  malheureux  et  perdit  son 
duché;  mais  il  le  recouvra  par  les  secours 
que  lui  fournirent  les  Suisses.  Charles 
étant  revenu  avec  une  puissante  armée 
assiéger  Nancy  ,  il  s'y  livra  une  sanglante 
bataille  le  4  janvier  1477,  dans  laquelle 
Charles  fut  défait  et  tué  (  selon  toute  ap- 
parence )  par  Campo-Basso ,  un  de  ses 
généraux  ,  gagné  par  René  avec  plusieurs 
autres.  (  Ployez  Charles  lk  Hardi.  )  René 
mourut  en  1508. 

REINEAULME  (  Paul-Alexandre  de  ) , 
chanoine  régulier  de  Sainte-Geneviève 
de  Paris,  né  à  Blois  vers  1672  d'une  fa- 
mil  e  noble,  originaire  de  Suisse,  fut 
prieur  de  Marchenoir,  et  ensuite  de 
Theuvy  ,  oîi  il  mourut  d'hydropisie  en 
1749.  C'était  un  homme  plein  de  vertus 
et  surtout  très  charitable.  Il  connaissait 
la  botanique  et  servait  de  médecin  aux 
pauvres  de  son  canton.  Il  s'était  formé 
une  des  plus  belles  bibliothèques  qu'un 
particulier  puisse  se  procurer.  En  1740, 
il  publia  \xiï  Projet  de  Bibliothèque  uni- 
verselle ,  pour  rassembler  dans  un  même 
corps  d'ouvrage  ,  par  ordre  alphabétique 
et  chronologique  ,  le  nom  de  tous  les  au- 
teurs qui  ont  écrit  en  quelque  langue 
que  ce  soit  ;  le  titre  de  leurs  ouvrages  , 
tant  manuscrits  qu'imprimés,  suffisam- 
ment étendu  pour  en  donner  une  idée 
en  forme  d'analyse  ;  le  nombre  des  édi- 
tions; des  traductions,  etc.  Une  santé 


REN  3i7 

languissante  dans  les  dernières  années 
de  sa  vie  l'a  empêché  d'exécutçr  cet  ou- 
vrage immense.  Tous  ses  manuscrits, 
ainsi  que  sa  bibliothèque  ,  passèrent  à  la 
maison  des  chanoines  réguliers  de  Saint- 
Jean  ,  à  Chartres.  —  Il  ne  faut  pas  le 
confondreavec  Reneaulme  Paul ,  médecin 
de  Blois  dans  le  17*  siècle ,  de  qui  on  a  : 
1"  £x  curationibus  observationes ,  Pa- 
ris, 1606,  in-8  :  il  y  démontre  que  les 
remèdes  chimiques  sont  quelquefois  d'ua 
grand  secours  ;  2°  Spécimen  historiée 
plantarum ,  avec  fig. ,  1611  ,  in-4  ;  3" 
La  vertu  de  la  fontaine  de  Médicis , 
près  de  Saint-Denys-Us-Blois,  I6l8, 
in-8. 

RENÉE  DE  France,  duchesse  de  Fer- 
rare,  née  à  Blois  en  1510,  de  Louis  XII 
et  de  la  reine  Anne  de  Bretagne ,  avait 
été  accordée  en  1515  à  Charles  d'Au- 
triche ,  depuis  empereur ,  et  fut  deman- 
dée quelques  années  après  par  Henri 
YIII ,  roi  d'Angleterre.  Ces  projets  n'eu- 
rent point  de  suite,  pour  quelques  rai- 
sons d'état,  et  la  princesse  fut  mariée, 
par  François  l"  ,  à  Hercule  d'Est ,  deu- 
xième du  nom,  duc  de  Ferrare.  C'était 
une  femme  d'un  esprit  inconstant  et 
d'une  curiosité  inquiète.  Calvin,  ayant 
été  obligé  de  quitter  la  France  et  de  pas- 
ser en  Italie ,  porta  facilement  l'esprit 
de  cette  princesse  à  suivre  ses  opiuions; 
et  Marot,  qui  lui  servait  de  secrétaire, 
la  confirma  dans  cette  disposition.  Après 
la  mort  du  duc  son  époux  ,  en  1 559  ,  elle 
revint  en  France  et  s'occupa  à  augmenter 
les  troubles  du  royaume.  Elle  parla  pour 
le  prince  de  Condé  lorsqu'il  fut  mis  en 
prison  ;  mais  leur  amitié  ne  dura  pas. 
Elle  se  brouilla  avec  lui ,  parce  qu'elle 
désapprouva  la  guerre  des  prétendus  ré- 
formés. Elle  mourut  dans  l'hérésie  ,  en 
1575 ,  dans  lechâleaude  Montargis,  âgée 
de  65  ans.  { Sa  vie  a  été  publiée  par  Cat- 
teau  ,  Berlin  ,  17  81 ,  in-8.  ) 

*  RENGGER  (N....  ) ,  voyageur  suisse, 
né  le  21  janvier  1795,  fit  ses  études  à 
l'université  de  Lausane.  Reçu  docteur, 
il  s'embarqua  le  1  "  mai  1818,  pour  l'A- 
mérique avec  son  ami  le  docteur  Loa« 
champs.  Ils  débarquèrent  à  Buénos-Ayres, 
et  arrivèrent  dans  le  mois  de  juin  1819 


3i8  REN 

à  l'Assomption.  Le  docteur  Bengger  par- 
courut la  plupart  des  contrées  de  TAmé- 
rique  méridionale  ,  séjourna  plusieurs 
années  au  Paraguay  où  il  sut  gagner  l'afifec- 
tion  des  babitans ,  et  échapper  à  la  tyran- 
nie du  docteur  Francia.  Il  revint  en  Suisse 
dans  le  mois  de  mars  1826  :  il  continua  à 
se  livrer  à  son  goût  pour  l'histoire  natu- 
relle et  pour  les  voyages.  Ainsi  au  com- 
mencement de  1 832  il  était  à  Naples  où  il 
tomba  malade  :  c'est  avec  peine  qu'il  put 
revenir  dans  sa  patrie.  Il  est  mort  à  Arrau 
le  9  octobre  1832,  n'ayant  pas  encore 
atteint  sa  38'  année.  Ce  jeune  savant  a 
laissé  plusieurs  ouvrages,  notamment  une 
Notice  sur  le  Paraguay  et  le  docteur 
Francia  ;  une  histoire  des  mammifères 
du  Paraguay ,  et  une  description  en- 
core inédite  des  contrées  américaines 
qu'il  avait  parcourues. 

*  RENMEL  C James)  major  anglais, 
géographe  célèbre,  né  en  1742  à  Chud- 
leigh  dans  le  Devonshire ,  fut  élevé  dans 
sa  ville  natale,  et  entra  dans  la  marine 
comme  midshipman  ou  officier  du  til- 
lac.  En  1761  il  s'était  déjà  distingué  à  la 
prise  de  Pondichéry  :  cinq  ans  après  il  ser- 
vait dans  l'Inde  comme  officier  de  génie. 
Il  acquit  de  la  réputation  dans  la  guerre 
sanglante  qui  assura  aux  Anglais  la  pos- 
session de  la  presqu'île  de  l'Inde ,  et  mé- 
rita l'estime  de  lord  Clève.  Une  blessure 
grave  le  força  de  quitter  le  service  :  il 
revint  en  Angleterre  où  il  reprit  ses  étu- 
des et  s'adonna  surtout  à  la  géographie. 
Le  1"  ouvrage  qu'il  publia  est  une  carte 
du  banc  et  du  courant  du  lac  LaguUas. 
Il  lui  valut  la  place  d'ingénieur-géogra- 
pbe-général  pour  le  Bengale.  En  1781  il 
publia  V Atlas  de  ce  pays,  et  une  Notice 
sur  les  cours  du  Gange  et  du  Brahma- 
Soutra  qui  parut  pour  la  première  fois 
dans  les  Transactions  philosophiques  de 
la  société  royale  de  Londres  de  la  même 
année.  Rennel  s'occupa  ensuite  plus  spé- 
cialement de  la  géographie  comparée 
desanciens eldes modernes:  exactcomme 
Cellarius,  profond  comme  d'Anville,  il 
a  rendu  les  services  les  plus  grands  à  cette 
partie  de  la  science.  Nous  citerons  parmi 
ses  travaux  le  Système  de  la  géographie 
d'Hérodote,   1800,  1816;  les  Observa- 


REN 

tions  sur  la  topographie  de  la  Troade  ; 
des  Eclaircissemens  sur  l'expédition  de 
Cyrus  le  Jeune  et  la  retraite  des  dix 
mille.  Rennel  s'est  acquis  beaucoup  de 
gloire  par  sa  Carte  de  tlndoustan  et  le 
Mémoire  qui  l'accompagne  ;  par  ses  Re- 
cherches sur  {'intérieur  de  l'Afrique. C'est 
lui  qui  a  rédigé  le  F'oyagede  Hornemann. 
Il  a  donné  plusieurs  Notices  pour  com- 
pléter l'ouvrage  du  docteur  Vincent  sur 
le  voyage  de  Néarche.  On  affirme  qu'il  a 
a  laissé  en  manuscrit  un  Traité  sur  les 
courans  de  l'Océan  altantique ,  avec  des 
cartes  très  détaillées.  Ce  savant  est  mort 
à  Londres  dans  le  mois  d'avril  1830  :  ses 
restes  ont  été  déposés  dans  l'abbaye  de 
Westminster. 

RENNEQUIN    ou    Rknkis.     Voyez 

RAîVNEQrjIN. 

RENNES  (Bricede),  capucin,  mis- 
sionnaire en  Palestine,  fut  un  de  ceux 
qui ,  par  ordre  de  la  Propagande ,  tra- 
vaillèrent à  l'édition  de  la  Bible  arabe, 
imprimée  en  1671  pour  l'usage  des 
églises  orientales.  Ce  religieux  a  traduit 
dans  la  même  langue  X'Epitome  anna- 
lium  ecclesiasticorum  cardinnlis  Baro- 
nii,  2  vol.  in-4  ,  et  VEpitomc  annalium 
■vcteris  Testamenti  Jacobi  Saliani  ab 
Adamo  usque  ad  Christum,  2  vol.  in-4, 
de  l'imprimerie  de  la  Propagande,  1653. 

*  RENNEVILLE  (René-Auguste-Con- 
stantin de  ),  écrivain  plus  connu  par  ses 
malheurs  que  par  ses  ouvrages ,  naquit 
en  1650  à  Caen,  et  vint  jeune  encore  à 
Paris.  Il  passa  ensuite  en  Hollande  où  il 
resta  pendant  quelques  années  pour  y 
suivre  librement  la  religion  calviniste. 
De  retour  en  France,  il  eut  pendant  long- 
temps pour  protecteur  M.  de  Cbamillart 
qui  lui  donna  plusieurs  emplois  lucratifs 
dans  les  domaines.  Quelques  bouts  rimes 
qu'il  fit  pendant  son  séjour  en  Hollande, 
ayant  été  remis  au  marquis  de  Torcy,  fu- 
rent trouvés  injurieux  pour  la  France,  et 
valurent  à  Renneville  d'abord  une  forte 
réprimande,  puis  son  emprisonnement  à 
la  Bastille  en  1702.  Après  une  captivité 
de  11  ans,  il  fut  exile  et  il  alla  en  An- 
gleterre où  il  mourut  en  1724.  On  a  de 
lui  :  t°  Histoire  de  la  Bastille,  1724, 
5  vol.  in-I2  ;  V  Recueil  des  voyages  qui 


REN 

ont  servi  à  rétablissement  de  la  compa- 
gnie des  Indes  orientales ,  formée  dans 
les  Provinces -Unies  des  Pays-Bas, 
Amslerdam,  1702,  1708,  1730,  10  vol. 
in-12. 

*RENjNEVILLE  (Sophie  de),  dame 
auteur,  née  vers  1771,  morleàParis  le  15 
octobre  1822,  des  suites  de  la  petite  vé- 
role, consacra  toutes  ses  veilles  à  l'in- 
struction de  la  jeunesse.  C'est  dans  ce 
but  qu'elle  a  travaillé  seule  ou  avec 
d'autres  dames,  telles  que  M"«»  de  Beau- 
fort,  d'Hautpoul,  Dufresnoy,  et  elle  a 
coopéré  à  l'ouvrage  qui  a  pour  titre  :  des 
Amusemens  de  Vadolescence  ;  elle  a  écrit 
aussi  dans  VAlhe'née  des  dames,  etc.  En 
général  on  peut  dire  que  ses  productions 
sont  dignes  de  l'honorable  mission  qu'elle 
s'était  imposée,  et  que  ,  sous  le  rapport 
littéraire ,  elle  mérite  les  suffrages  qu'elle 
a  obtenus.  M"»  de  Renneville  a  publié  : 
1°  Lettres  d'Octavie,  jeune  pension- 
naire de  la  maison  de  Saint  Clair,  1806, 
in-12  ;  2*  édition,  augmentée,  Paris, 
1818,  in-12;  2° Stanislas,  roi  de  Polo- 
gne, roman  historique,  suivi  d'un  abrégé 
de  V histoire  de  Pologne  et  de  Lorraine, 
3*  édition,  1807,  1808  et  1812,3  vol. 
in-1 2  ;  3°  Galerie  des  femmes  vertueuses, 
ou  les  Leçons  de  morale  à  tusage  des 
jeunes  demoiselles,  1808,  in-12;  3*  édi- 
tion, 1817,  in-12  ;  \° Lucile  ou  la  bonne 
fille,  1808  ,  2  vol.  in-12  ;  b°  DeVinfluence 
du  climat  sur  V homme,  1808,2vol. 
in-1 2  ;  6°  Fie  de  sainte  Clotilde,  reine  de 
France,  1809,  in-12;  1°  Contes  à  ma 
petite  fille,  à  mes  petits  enfans,  pour 
les  amuser,  leur  former  un  bon  cœur  et 
les  corriger  des  petits  défauts  de  leur 
âge,  1811,  in-12;  4«  édition,  1817;  8° 
La  Mère  gouvernante,  ou  Principes  de 
politesse  fondés  sur  les  qualités  du  cœur, 
1812,  4  vol.  in-12;  2«  édition,  1817, 
in-12;  9°  Le  Retour  des  vendanges, 
contes  moraux  et  imtruciifs,  à  la  portée 
des  enfans  de  différens  âges,  1 8 1 2,  4  vol . 
in-1 2  ;  2*  édition  revue  et  corrigée,  1 820, 
4  vol.  in-1 8  ;  10"  Elémens  de  lecture  à 
V  usage  des  enfans,  1812,  in-12;  11°  Les 
deux  Educations,  ou  Le  Pouvoir  de 
Vexemple,  1813,  in-12;  M"  Zélie  o\x  La 
bonne  fille,  \m,'m-n-f  h*  idXWon-,  18 17, 


REN  3 19 

in-1 8;  13°  La  Fée  gracieuse,  ou  La 
bonne  Amie  des  enfans,  1813,  in-1 8; 
14°  La  Fée  bienfaisante  ou  La  Mère 
ingénieuse,  1814,  in-1 8;  nouvelle  édi- 
tion, 1817,  in-1 8;  \b°  La  fille  de  Louis 
XVI,  ou  Précis  des  évènemens  les  plus 
remarquables  qui  ont  eu  quelque  in- 
fluence sur  la  fille  de  nos  rois,  1814, 
in-12  ;  16°  Le  petit  Savinien  ou  Histoire 
d'un  jeune  orphelin,  1814,  in-12;  nou- 
velle édition,  1818,  in-1 8;  17°les.ffe- 
créationsd! Eugénie,  contes,  1814,  in-1 8; 
18°  L' Ecole  chrétienne,  1816.  in- 1 8  ; 
1 9°  Le  Conteur  moraliste,  ou  Le  Bon- 
heur par  la  vertu,  contes ,  1816,  in-1 2  ; 
2«  édition,  1820;  20°  Les  secrets  du 
cœur,  ou  Le  Cercle  du  château  d!E~ 
glantine,  rora;in-nouvelle,  1816,3  vol.; 
tX"  Miss  Lovely  de  M  actes fleld,  ouïe 
Domino  noir,  1817,  3  vol.  in-12;  22° 
Correspondance  de  deux  petites  filles, 
1817,  in -18;  23°  Les  bons  petits  en- 
fans ;  portraits  de  mon  fils  et  de  ma  fille, 
contes  et  dialogues  à  la  portée  du  jeune 
âge,  1817; nouvelle  édition,  1821,  2  vol. 
in-1 8,  avec  figures;  24° £e  Précepteur 
des  enfans,  ou  le  Livre  du  second  âge, 
'^édition  entièrement  refondue,  1818, 
in-12  ;  2b°  Les  Aventures  de  Télamon, 
ou  les  Athéniens  sous  la  monarchie, 
1819,  3  vol.  in-12;  26°  Lettres  sur 
ï Amérique  septentrionale,  1819,  3  vol. 
in-12  ;  27°  Coutumes  gauloises,  ou  Ori- 
gines curieuses  et  peu  connues  de  la 
plupart  de  nos  usages,  1819,  in-1 2  i 
28"  Galerie  des  jeunes  vierges,  oa 
Modèles  des  vertus  qui  assurent  le 
bonheur  des  femmes,  1819,  in-12,  avec 
figures;  nouvelle  édition,  augmentée, 
1 822  ,  in-1 2  ;  29°  Contes  pour  les  enfans 
de  cinq  à  six  ans,  1820,  in-1 8  ,  figures  ; 
3'^  édition,  1823;  30°  Les  Jeunes  Per- 
sonnes,  nouvelles,  1820  ,  2  vol.  in-12, 
fig.  ;  nouvelle  édition,  revue  et  corrigée, 
1822,  2  vol.  in-12  ;  Z\° Beautés  de  l'his- 
toire du  jeune  âge,  etc.,  1820,  figures; 
32°  Nouvelle  mythologie  des  demoiselles, 
2  vol.  in-12  ;  33°  Charles  et  Eugène,  ou 
La  Bénédiction  paternelle,  1821,  2  vol. 
in -18;  Z^°  Palmire,  ou  l'Education  de 
[expérience,  1822,  2  vol.  in-12;  35° Ze 
Petit  Philippe,  ou  V  Emulation  excitée 


320  REN 

par  V  amour  filial,  1822  ,  in- 18,  figures; 
3Q°  La  Dot,  roman^  traduit  en  Prusse 
par  M.  Marlinot.  Madame  de  Rennevilie  a 
laissé  uu  manuscrit  :  Les  Femmes  illus- 
tres de  Rome  et  de  la  Grèce.  Les  seuls 
titres  des  nombreux  ouvrages  de  cette 
dame  prouvent  les  bons  principes  dans 
lesquels  ils  ont  été  rédigés.  Elle  avait 
fait  une  étude  approfondie  du  jeune  âge, 
et  en  avait  saisi  les  diverses  nuances. 
Son  stile  est  assez  correct  et  gracieux. 
*REiNNIE  (John),  mécanicien  et  in- 
génieur anglais ,  né  au  comté  de  Lothian, 
dans  l'Ecosse,  le  7  juin  1761,  d'un  fer- 
mier qui  le  laissa  orphelin  en  bas  âge , 
ne  reçut  d'abord  d'autre  éducation  que 
celle  donnée  par  l'écoleprimaire  du  bourg 
de  Preslon-Rirch,  qu'il  habitait.  Ayant 
souvent  l'occasion  d'aller  dans  une  ma- 
nufacture voisine,  connue  par  quelques 
inventions,  il  prit  dès  l'enfance  du  goût 
pour  les  divers  travaux  qu'il  y  vit  exécu- 
ter, et  il  eut  le  bonheur  d'inspirer  quel- 
que intérêt  au  chef  d'atelier,  qui  lui 
donna  des  instructions  et  lui  prêta  des 
outils.  A  l'âge  de  10  ans,  il  avait  déjà 
construit  des  modèles  de  moulin  à  vent 
et  des  machines  à  vapeurs  et  à  battre  les 
pieux ,  remarquables  par  la  perfection  de 
la  main  d'ceuvre.  A  1 3  ans ,  il  alla  étudier 
àDunbar,  sous  le  professeur  Gibson,  les 
sciences  mathématiques  et  physiques, 
dans  lesquelles  il  fit  de  1res  grands  pro- 
grès. Pour  s'y  perfectionner,  il  voulut 
encore  aller  suivre  à  Edimbourg  le  cours 
des  professeurs  Robinson  et  Black. Le  pre- 
mier l'introduisit  dans  les  ateliers  ds 
Watt  et  de  Bolton  ,  établis  à  Soho  près 
Birmingham ,  et  il  y  travailla  pendant  un 
an  à  exécuter  diverses  machines  ,  qui , 
après  40  ans  d'usage,  étaient  encore  re- 
gardées comme  des  modèles  dans  leur 
genre;  enfin  il  alla  à  Londres  pour  se 
produire  sur  un  plus  grand  théâtre ,  et  il 
y  fut  employé  par  les  mêmes  Walt  et 
Bolton,  dans  l'établissement  connu  sous 
le  nom  i'jélbion  mills,  et  il  continua  à  y 
faire  preuve  d'une  grande  habileté.  Cal- 
culateur et  praticien ,  ses  machines 
étaient  remarquables  par  une  précision  de 
mouvement ,  une  proportion ,  une  bar* 
monie  entre  les  diverses  parties,  qui  les 


REN 

faisaient  regarder  comme  des  chefs  d'œu' 
vre.  A  ces  qualités  il  joignait  le  talent, 
plus  essentiel  encore,  d'employer  la  force 
motrice  avec  un  grand  avantage.  Il  fit  des 
sciences  hydrauliques  l'objet  de  ses  mé- 
ditations, et  il  exécuta  plusieurs  grandes 
constructions  en  ce  genre ,  sous  la  direc- 
tion du  célèbre  Smealon ,  dont  il  devint 
bientôt  l'émule,  et  après  sa  mort,  il  fut 
jugé  seul  capable  de  le  remplacer.  Parmi 
les  nombreux  travaux  de  Rennie ,  on  ad- 
mire particulièrement  le  canal  de  Lan- 
castre,  un  des  plus  beaux  raonumens  de 
ce  genre;  le  canal  de  Crinian  en  Ecosse, 
dont  le  creusement  offrait  les  plus  grandes 
difficultés;  les  magnifiques  docks  ou  bas- 
sins d'entrepôts  pour  les  vaisseaux  mar- 
chands, que  Londres  compte  parmi  ses 
o.i'nemens  ;  la  jetée  ou  Breakwater  de 
Plymoulh  ,  l'une  de  ses  plus  belles  con- 
ceptions, remarquable  par  son  étendue, 
le  choix  des  matériaux  et  les  moyens 
pour  les  mettre  en  place;  le  pont  en  fer 
de  Southwark,  cité  comme  le  monument 
le  plus  remarquable  en  son  genre,  et  le 
premier  oii  l'on  ait  conçu  l'idée  hardie 
d'employer  le  fer  coulé  en  masses  com- 
pactes, d'une  étendue  qui  surpasse  celle 
des  massifs  de  pierre  les  plus  considéra- 
bles; celui  du  Strand  ou  Waterloo,  exé- 
cuté en  pierre  aussi  sur  la  Tamise,  le 
plus  grand,  le  plus  régulier  et  le  plus 
hardi  de  tous  ceux  qui  se  trouvent  dans 
le  royaume  britannique,  et  enfin,  les  ar- 
senaux royaux  de  Portsmoulh ,  Chatam  et 
Sheerness.  L'aspect  de  ce  dernier,  dont 
M.  C.  Dupin  a  publié  la  description  dans 
son  Voyage  de  la  Grande-Bretagne ,  oî» 
il  donne  sur  Rennie  une  Notice  fort  in- 
téressante, frappe  d'admiration  les  per- 
sonnes les  plus  étrangères  à  l'architecture 
hydraulique.  Ce  grand  ingénieur  a  été 
enlevé  aux  sciences  eu  aux  arts  le  16  oc- 
tobre 1821.  M.  de  Prony  a  aussi  contri- 
bué à  faire  connaître  en  France  cet  ha- 
bile mécanicien. 

*  REINOU  (  Antoine  ),  peintre  et  litté-, 
rateur,  né  à  Paris  en  1731,  fit  d'excellen- 
tes études,  et  obtint  souvent  des  couron 
nés  à  l'université;  cependant  son  goût 
pour  le  dessin  le  décida  pour  la  peinture. 
Après  avoir  étudié  sous  Pierre  et  \ien , 


REN 

jI  concourut  pour  le  grand  prix;  mais  il 
l'obtint  que  la  seconde  palme.  Il  allait 
entrer  dans  la  lice,  lorsqu'en  1760  le  roi 
tanislas  le  nomma  son  peintre  et  le  fixa 
la  cour.  Renou  ne  taisait  pas  seulement 
lors  des  tableaux,  il  composait  encore 
is  vers  et  jouait  la  comédie  avec  les 
rands  seigneurs.  Ce  fut  pour  lui  l'époque 
plus  heureuse  de  sa  vie.  Le  roiStanis- 
|s  étant  mort,  il  revint  à  Paris.  li  se  lit 
l'abord  connaître  par  un  tableau  repré- 
itant  Jésus  parmi  les  docteurs,  qui  le 
agréger  à  l'académie  de  peinture  en 
?66  ;  il  en  fat  reçu  membre  en  1781,  sur 
des  tableaux  du  plafoud  de  la  galerie 
^Apollon ,  représentant  V Aurore.  L'a- 
idémie  ayant  été  supprimée  à  la  révolu- 
)n,  il  fit  partie  des  écoles  spéciales  de 
einture   comme   secrétaire   et    comme 
irveillant  des  études.  11  mourut  à  Paris 
1806.   Ses   principales  productions, 
lire  celles  déjà  citées,  sont  :  le  Tableau 
igrippine  débarquant  à  Brindes,  avec 
trne  contenant  les  cendres  de  Germa- 
}icus  ;  une  Annonciation,  qui  se  voyait 
»ns  un  couvent  de  Saint-Germain-en- 
jye,  et  un  plafond  pour  l'hôtel  des 
)unaies  de  Paris.   Comme   littérateur, 
"on  a  de  lui .  Téréc  et  P/iilomèle,  tragédie 
jouée  avec  succès  au  Théâtre- l'rançais  en 
1773,  et  faite  par  suite  d'un  défi,  dans 
une  discussion  élevée  sur  les  difficultés 
de  la  poésie  et  celles  de  la  peinture.   Le- 
miene soutint  la  suprématie  de  la  poésie; 
alors  Benou  ie  défie  de  faire  un  tableau  , 
et  s'engage  à  faire  une  tragédie;  il  com- 
posa Térée,  et  le  tableau  est  encore  à 
venir.  On  a  encore  de  Renou  une  IraJuc- 
tien  en  vers  du  Poème  latin  de  Dufresnoy 
sur  la  peinture,  estimé  surtout  pour  les 
notes;   une  traduction  de  la  Jérusalem 
délivrée,  où  l'on  trouve  de  beaux  vers  et 
la  Lettre  du  marin,  et  celle  de  M.  Bon~ 
nard,  marcliand  bonnetier,  critique  fort 
gaie  au  sujet  d'une  exposition  publique 
du  Louvre,  aussi  inslruclivc  pour   les 
altistes  que  pour  le  public. 

RE^TY  ou  Renti  (  Gaslon-Jean-Bap- 
tisle  ,  baron  de  j ,  issu  d'une  ancienne 
maison  d'Artois,  naquit  en  ICII  au  dio- 
cèse de  Bayeus.  Il  fil  éclater  dès  sa 
tendre  jeunesse  une  piété  que  son  corn- 
ai. 


REP  321 

mcrce  avec  le  monde  n'éteignit  jamais.  Il 
se  proposa  d'entrer  chez  les  chartreux, 
mais  ses  parens  s'y  opposèrent.  Il  servit 
avec  distinction  dansées  guerres  de  Lor- 
raine, et  Louis  XIII  l'honora  de  son  es- 
time. Il  épousa  ,  à  l'âge  de  22  ans  ,  Eli- 
sabeth de.  Balzac,  comtesse  d(î  Graville. 
Son  occupation  principale  fut  dès  lors  de 
remplir  tous  les  devoirs  d'un  chef  de  fa- 
mille en  vrai  chrétien  ;  il  donna  le  spec- 
tacle de  toutes  les  vertus  que  la  religion 
peut  in.spirer.  Insensible  aux  richesses, 
aux  honneurs,  aux  plaisirs  et  à  tous  les 
biens  créés,  il  ne  songea  qu'à  servir  le 
souverain  maître  ,  et  à  le  faire  servir  par 
ses  vassaux  ,  et  surtout  par  ses  enfons. 
Il  mourut  à  Paris  le  24  avril  1G49,  et  fut 
enterré  à  sa  terre  de  Cilri ,  diocèse  de 
Soissons.  Il  eut  part  à  rétablissement  des 
frères  cordonniers.  (  F'oyez  Bûche.  }  Le 
Père  de  Saint-Jure,  jésuite,  a  donné  sa 
Fie,  1651,  in-4,  réimprimée  très  souvent 
in-12. 

*  RENZOLI  (  César } ,  jésuite  italien , 
né  dans  l'état  de  Modèiie  le  16  juillet 
1627  ,  habita  successivement  les  collèges 
de  son  institut  à  Ancône,  Macerata  et 
Lorrelte.  Il  s'y  dévoua  au  ministère  de 
la  prédication  et  à  l'œuvre  des  missions 
avec  un  zèle  qui  produisit  d'heureux 
fruits.  Il  était  rare  que  ceux  qui  allaient 
l'entendre  n'en  retirassent  pas  de  grands 
avantages  spirituels ,  et  beaucoup  de 
conversions  furent  dues  à  ses  exhorta- 
tions. On  croit  qu'il  mourut  à  Pérouse  au 
commencement  du  18*  siècle.  Il  a  pu- 
blié :  1°  Sermnni  sopra  la  passione  di 
N.  S.  Gesii  Christo ,  tom.  1,  Ancône, 
1687  ;  tom.  2  ,  Macerata  ,  1696  ;  tom.  3  , 
5  et6  ,  Macerata  ,  i:02;  2°  Panegirici  e 
discnrsi  sacri,  Macerata,  1698,  3  vol.; 
3"  Nunva  scella  di  laudi  spirituali  per 
uso  délie  missinni,  Ancône,  1689. 

'  REPELAER-VAN-DRIEL  (Okker , 
le  chevalier  ) ,  minisire  d'état  du  royau- 
me des  Pays-Bas  ,  et  depuis  du  nouveau 
royaume  de  Belgique,  naquit  à  Dordrecht 
en  17  59  d'une  ancienne  famille  patri- 
cienne. Nomméen  1794  commissaire-gé- 
néral de  radmiiiistration  des  vivres  de 
l'année  hollandaise  ,  il  se  distingua  par 
son  dévouement  au  Stalhouder.  L'année 

4i. 


322  REP 

suivante  ,   il  fut   obligé   de  rendre  les 
comptes  au  nouveau  gouvernement  éta- 
bli après  la   révolu'/ion   qui  venait  de 
s'opérer.  Malgré  sp,n  opposition  à  l'ordre 
de  choses  qui  avp.it  succédé  au  Slathouder, 
sa  probité  étaitjellementreconnuequ' une 
indemnité  "jiême  lui  fut  accordée  pour 
les  sommes  que  l'état  lui  devait  ,  d'après 
ses  calculs.  Cependant  Repelaer  fut  ar- 
rêté en  1795  ,   et  mis  en  jugement  :  il 
ét'ait  prévenu  de  correspondance  étran- 
gère   avec   les  partisans  de  la    maison 
d'Orange  et  le  prince  de  cette  famille. 
H.  van  Maanen  ,  alors  ami  de  la  révolu- 
tion ,  depuis  procureur  impérial  de  Buo- 
naparte  ,  et  ensuite  ministre  du  roi  des 
Pays-Bas ,  requit  ,  en  sa  qualité  de  fiscal 
du  gouvernement,  la  peine  de  mort  con- 
tre Repelaer.   Le  tribunal  le  condamna 
seulement  à  cinq  années  de  détention 
qu'il  subit.   Rendu  à  la  liberté  ,  il  n'oc- 
cupa de  fonctions  publiques  qu'après  la 
paix  d'Amiens  (  1802),    époque  oii  ses 
concitoyens   le    nommèrent  député   au 
corps  législatif.    Pendant  le  règne  mo- 
mentané de  Louis  Buonaparte  ,  il  devint 
membre  du  conseil  d'état  ,   et  c'est  en 
celte  qualité  qu'il  présenta  au  corps  lé- 
gislatif les  projets  des  nouveaux  codes  , 
mission  dont  il  s'acquitta  avec  un  talent 
supérieur.  Lorsque  la  Hollandefut  réunie 
à  l'empire  français,  Repelaer  se  relira  des 
affaires.  En  1813  il  travailla  de  tous  ses 
efforts  à  la  révolution  qui  devait  rétablir 
la  maison  d'Orange,  et  reçut  bientôt  de 
son  souverain  les  marques  les  plus  écla- 
tantes de    sa   reconnaissance.    Nommé 
d'abord  directeur  général  du  W'aterloole 
(administrateur  des  digues,  des  ponts  el 
chaussées  )  ,  il  devint  ensuite  commis- 
saire-général pour  l'instruction  publique, 
les  ails  et  les  sciences.  Il  se  démit  de  ces 
fonctions  en   1817  ,    et  devint  ministre 
d'état  ,  avec  une  pension  de  10,000  flo- 
rins. Quelque  temps  après  il  fut  nommé 
membre  de  la  commission  secrète  d'état , 
et  il  occupait  encore  cette  place  en  1 824. 
Nous  ignorons  la  part  qu'il  a  prise  à  la 
révolution  de  18.30  ;  mais,  si  nous  en  ju- 
geons d'après  ses  opinions  anciennes  qui 
n'avaient  pas  cessé  d'être  favorables  à  la 
maison  d'Orange  ,  nous  devrons  penser 


REQ 

qu'il  resta  tout  au  moins  en  dehors  des 
évènemens  qui  s'accomplirent  à  cette 
époque  avec  tant  de  rapidité.  Cependant 
les  journaux  ,  qui  ont  annoncé  sa  mort  , 
lui  ont  donné  le  titre  de  caissier-général 
du  royaume  de  Belgique.  Repelaer-van- 
Driel  est  mort  le  26oclobre  1832. 

•  REPJNIN  (  le  prince  .Nicolas  Vasilie- 
witsch  ) ,  célèbre  général  russe ,  né  en 
1734  d'une  famille  distinguée,  était  fils 
d'un  officier  de  ce  nom  qui ,  sous  Pierre 
le  Grand ,  commanda  un  corps  d'armée 
contre  Charles  XII ,  et  neveu  du  comte 
Panin,  principal  ministre  deCatherine  II. 
Le  jeune  Repnin  prit  aussi  le  parti  des 
armes  et  parut  sous  les  drapeaux  français 
pendant  la  guerre  dite  de  Sepl-ans.  En- 
voyé ensuite  par  Pierre  III  à  Berlin ,  il 
fut  choisi  en  1764  par  Catherine  pour 
aller  en  Pologne  seconder  l'élection  de 
Stanislas  Poniatowski.  Plus  lard  il  dé- 
ploya dans  ses  diverses  campagnes  une 
valeur  brillante  et  des  talens  militaires 
peu  communs,  surtout  dans  la  guerre 
contre  les  Turcs ,  sur  lesquels  il  remporta 
divers  avantages,  notamment  dans  la 
campagne  de  1781  et  en  l'absence  de 
Potemkiu  sous  lequel  il  commandait.  Ce- 
pendant, sa  marche  méthodique  et  pru- 
dente ayant  déplu  à  Catherine  ,  qui  ne 
l'aimait  pas  ,  elle  le  plaça  sous  les  ordres 
de  Souvarrow ,  comme  elle  l'avait  rois 
précédemment  sous  ceux  de  Potemkio , 
quoiqu'il  fîit  leur  ancien  et  leur  supérieur 
en  talent.  Elle  le  renvoya  ensuite  à  Var- 
sovie avec  le  titre  de  ministre  pour  dépo- 
ser le  faible  Stanislas ,  qui  signa  l'acte 
qu'on  lui  présenta  el  abandonna  un  trône 
sur  lequel  il  avait  été  placé  30  ans  aupa- 
ravant par  la  même  princesse.  Le  général 
Repnin  fut  élevé  au  rang  de  feld  maré- 
chal ,  le  20  novembre  17  96  ,  et  alla  mou- 
rir à  Moiicou ,  en  1 801 . 

REQUESENS  (  Louis  de  Zuniga  Y  ), 
d'une  famille  illustre  d'Espagne,  com- 
mandeur de  l'ordre  de  Saint-Jacques,  fut 
gouverneur-général  des  Pays-Bas  en  1 67  4, 
après  le  départ  du  duc  d'Alhe.  Il  s'empa- 
ra de  la  ville  de  Ziriczée  en  Zélande  ;  mais 
son  administration  ne  fut  pas  heureuse. 
Son  caractère  n'avait  pas  l'énergie  néces- 
saire pour  les  circouslances ,  et  lesmé: 


\ 


RES 

contens  en  profilèrent.  Ce  qui  a  fait  dire 
que  le  duc  d'Albe  n'aurnii  pas  dû  venir 
OMX  Pays-Bas,  ou  qu'il  n'aurait  pas  dû  en 
sortir.  Requesens  mourut  à  Bruxelles  en 
Ïà7fi.  Il  avait  été  auparavant  gouverneur 
du  Milanais,  et  s'était  conduit  d'une  ma- 
nière peu  convenable  à  l'égard  de  saint 
Charles  Borromée,  auquel  il  donna  de  cui- 
sans  chagrins  ;  ce  que  bien  des  personnes 
ont  regardé  comme  la  cause  de  son  peu  de 
succès  dans  le  gouvernement  des  Pays- 
Baset  de  sa  mort  prématurée.  Cependant 
il  en  avait  fait  demander  pardon  au  saint 
prélat ,  qui  avait  promis  de  le  demander 
à  Dieu  par  ses  plus  ferventes  prières. 

RESCICS  (Stanislas),  chanoine  de 
Warmie'en  Pologne,  secrétaire  du  cardi- 
nal Uosius,  fut  député  vers  Henri,  duc 
d'Anjou,  élu  roi  de  Pologne,  et  envoyé 
ensuite  par  Etienne  Batlori ,  en  qualité 
d'ambassadeur  à  Rome.  Ce  prince  lui  avait 
donné  l'abbaye  d'Androw ,  ordre  de  Cî- 
teaux.  Nous  avons  de  lui  :  1°  De  rébus  in 
electione  régis  Poloniœ  gestis  ad  disces- 
sum  ejus  ,  Rome ,  1 5"  3 ,  in-4  ;  2°  f^ita  D. 
StanislaiHosii ,  Poloni,  S.  R.  E.  cardin. 
majoris  pœnitenliarii  et  episcopi  war- 
miensis ,  Rome  ,  1687  ;  Munster ,  1G90  , 
io-S  ;  3°  Dissidium  evangelicorum  ma- 
gistrorurn  ac  ministrorum  ,  Cologne  , 
1 592  ,  in-8  ;  4°  De  atheismis  et  pliala- 
rismis  evangelicorum.  Ce  traité ,  qui 
n'est  pas  commun,  fut  imprimé  en  1596, 
in-4  ,  à  Naples ,  où  l'auteur  mourut  2  ans 
après,  en  1598. 

RESEJNDE  ou  Réesende^  Resendius 
(André  ou  Louis-André  de  ),  le  restaura- 
teur des  lettres  dans  le  Portugal,  né  à  Evo- 
ra  en  1498  ,  entra  jeune  dans  l'ordre  de 
saint  Dominique,  et  étudia  avec  succès 
à  Alcala ,  à  Salamanque ,  à  Paris  et  à 
Louvain.  Le  roi  de  Portugal,  Jean  IIF,  lui 
contia  l'éducation  des  princes  ses  frères, 
et  ayant  obtenu  du  pape  la  permission  de 
lui  faire  quitter  l'habit  de  religieux,  il 
lui  donna  uncanonicatd'Evora.  Resende 
ne  fut  pas  moins  laborieux  sous  l'habit  de 
chanoine  que  sous  celui  de  dominicain. 
Il  ouvrit  une  école  de  littérature ,  cul- 
tiva la  musique  et  la  poésie  ,  et  prêcha 
avec  applaudissement.  Il  mourut  en 
1573,  à  7  5  ans.  On  a  de   lui  un  grand 


RES  323 

nombre  d'ouvrages.  La  plupart  ont  été 
recueillis  à  Cologne,  l'an  IGOO  ,  en  2  v. 
in-8.  Les  principaux  sont  :  1°  De  Anti- 
quitatibus  Lusitanice ,  Evora  ,  1  593  ,  in- 
fol.,  curieux  et  rare  ;  2°  Deliciœ  lusi- 
iano-hispanicœ  ,  1G13  ,  in-8  ,  bon  et  re- 
cherché; 3"  un  vol.  in-4  de  poésies  la- 
tines ;  4°  De  vita  aulica,  in-4  ;  5°  une 
grammaire",  sous  ce  titre  :  De  verbnrum 
conjuratione ,  etc.  Il  était  très  versé  dans 
les  langues  grecque ,  latine  et  hébraï- 
que, et  dans  les  antiquités  sacrées  etpro* 
fanes.  Ses  poésies  valent  moins  que  ses 
ouvrages  d'érudition.  U  y  a  un  autre 
Resesde  (Garcias  de),  auteur  de  V  His- 
toire de  Jean  II ,  en  portugais,  1554  et 
1622,  in^fol. 

RESEMUS  (  Pierre  ) ,  professeur  en 
morale  et  en  jurisprudence  à  Copenha- 
gue, devint  prévôt  des  marchands  de 
cette  ville  et  conseiller  d'état.  Ses  ouvra- 
ges sont  relatifs  à  l'histoire  et  au  droit 
public  d'Allemagne.  On  a  de  lui  :  \°Jus 
aulicum  norwegicum ,  1673,  in-4  ;  2°  un 
Dictionnaire  islandais,  1683  ,  in-4  ;  3° 
deux  Edda  des  Islandais  ,  1665,  in-4. 
M.  3Iallet  en  a  donné  la  traduction  dans 
son  Introduction  à  l'histoire  de  Dane- 
mark,  Copenhague ,  1756  ,  in-4.  Rese- 
nius  poussa  sa  carrière  jusqu'à  63  ans  , 
et  mourut  en  1688. 

RESiNEL  DU  Bellay  (  Jean-François 
du),  né  à  Rouen  en  1692,  fit  voir  dès  sa 
jeunesse  beaucoup  d'esprit  et  de  talent 
pour  la  poésie.  Dès  qu'il  se  fut  montré  à 
Paris ,  il  trouva  des  amis  et  il  méritait 
d'en  avoir.  On  lui  procura  l'abbaye  de 
Fontaine  et  une  place  à  l'académie  fran- 
çaise et  à  celles  de  belles-lettres.  L'abbé 
du  Resnel  a  un  rang  marqué  sur  le  Par- 
nasse par  ses  traductions  des  Essais  sur 
lit  critique  et  sur  l'homme  de  Pope,  in-1 2. 
Ses  versions  sont  précédées  d'une  préface 
très  bien  écrite.  (  Foyez  Pope.  )  Il  a 
prêté  dans  ses  vers  beaucoup  de  force  et 
de  grâce  à  des  sujets  arides.  On  y  trouve 
de  très  beaux  morceaux  ,  quoiqu'il  y  ait 
quelques  vers  prosaïques  et  languissans. 
On  prétend  que  Pope  était  assez  mécon- 
tent de  son  traducteur;  on  n'en  voit  pas 
trop  la  raison;  car  le  copiste  a  souvent 
embelli  son  original  L'abbé  du  Resuel 


324  RES 

s'était  aussi  adonné  à  la  chaire  ,  et  nous 
avons  de  lui  un  Panégyrique  de  saint 
Louis.  Il  mourut  à  Paris  en  1761  ,  à  69 
ans.  On  lui  doit  dix  Mémoires  dans  le 
Recueil  de  l'académie  des  Inscriptions. 

RESSIUS  fRulger),  professeur  de  lan- 
gue grecque  à  Louvain,  naquit  à  Jlaseyck, 
dans  la  principauté  de  Liège  ,  vers  la  fin 
du  15®  siècle.  Erasme  rend  un  hommage 
flatteur  à  son  érudition  et  à  ses  mœurs  , 
dans  une  lettre  qu'il  écrivit  à  Jean  Bobin, 
doyen  de  l'église  de  Matines.  Doctior, 
dit-il ,  an  inveniri  possit  nescio ,  certo 
cUligentiorem  ac  moribus puriorem  vix 
invenias.  La  France  lâcha  de  l'arracher  à 
cette  université  par  les  ofl'res  les  plus  at- 
trayantes, mais  ce  fut  inutilement.  Il 
mourut  l'an  1545  ,  après  avoir  donné  des 
éditions  :  1  °  Des  Institutions  du  droit  des 
Grecs ^  par  Théophile,  Louvain,  1536  ; 
2°  des  Aphorismes  d'Hippocrate ,  1 533  ; 
3°  des  Lois  de  Platon. 

RESSOJVS  (Jean-Baptiste  Deschiens 
de  ) ,  né  à  Châlons  en  Champagne ,  vers 
Ï660,  d'une  bonne  famille  ,  mourut  à 
Paris  en  1735.  Son  goût  le  porta  dans  sa 
jeunesse  à  prendre  le  parti  des  armes.  Il 
servit  dans  l'artillerie,  et  fit  de  si  rapi- 
des progrès  dans  les  mathématiques,  qu'il 
fut  bientôt  admis  dans  l'académie  des 
Sciences,  dont  il  a  enrichi  le  recueil  d'un 
assez  bon  nombre  de  Mémoires. 

RESTAUT  (Pierre),  grammairien  fran- 
çais, né  à  Beauvais  en  1694  ,  d'un  mar- 
chand de  draps  de  cette  ville  ,  vint  de 
bonne  heure  à  Paris  où  il  fut  chargé  de 
quelque  éducation  particulière  au  collège 
de  Louis  le  Grand. 11  se  livra  ensuite  à  l'é- 
tude de  la  jurisprudence  ,  fut  reçu  avocat 
au  parlement,  acheta  eu  1740  une 
charge  d'avocat  au  conseil  du  roi ,  et 
mourut  à  Paris  en  1764  ,à  70  ans.  Tout 
le  monde  connaît  ses  Principes  généraux 
et  raisonnes  de  la  grammaire  française^ 
1730,  in-I2.  Il  y  a  eu  une  foule  d'éditions 
de  cette  grammaire.  «  Cet  auteur,  dit  un 
3>  habile  critique  ,  n'a  fait  que  répéter  ce 
»  qu'avaient  dit  le  Père  Buflier  ,  l'abbé 
■»  Begnier ,  M.  de  la  Touche,  et  tous  ceux 
■»  qui  avaient  écrit  avant  lui  sur  celte 
»  matière,  qu'il  a  embrouillée  à  force 
M  d'exceptions  aux  règles  qu'il  établit  ;  » 


RES 

on  peut  ajouter,  et  rendue  insipide  par 
la  forme  de  demandes  et  de  réponses,  et 
par  l'étalage  d'une  érudition  spéculative 
aussi  inutile  que  repoussante  pour  ceux 
qui  apprennent  une  langue.  «  Pourquoi , 
»  continue  le  critique,  ce  livre  a-t-il  eu 
»  tant  de  vogue  ?  C'est  que  l'auteur  était 
»  protégé  par  un  parti  qui  le  prônait.  » 
Restant  a  revu  le  Traité  de  l'orthograplie 
en  forme  de  dictionnaire,  Poitiers,  17  64, 
in-8.  On  a  encore  de  lui  un  Abrégé  de  sa 
grammaire,  in-12  ;  et  la  traduction  de 
\a  Monarchie  des  Solipscs ,  1721,  in-12, 
avec  des  notes  contre  les  jésuites.  Foyez 
Tnchofer. 

*  RESTIF   ou  RÉTIF  DE    LA  Bbetosne 

(Nicolas-Edme) ,  écrivain  fécond  et  spi- 
rituel, mais  cynique  et  bizarre  par  sys- 
tème ,  naquit  à  Sacy  en  Bourgogne  le  22 
novembre  1734.  Son  père  était  cultiva- 
teur ,  et  le  destinait  à  son  état  ;  mais  le 
jeune  Restif ,  qui  dès  son  enfance  avait 
montré  un  caractère  inquiet  et  ardent , 
ne  put  s'accommoder  de  cet  honorable  et 
tranquille  état.  Il  fut  alors  envoyé  par 
ses  parens  à  Auxerre  pour  apprendre  l'im- 
primerie. Cependant  une  imagination 
féconde  et  ses  inclinations  naturelles  le 
lançaient ,  pour  ainsi  dire ,  dans  la  car- 
rière des  lettres.  Imprimeur  et  prote 
comme  le  fameux  Richardson  ,  il  n'en 
eut  pas  sans  doute  le  génie  ,  mais  il  par- 
tagea avec  l'auteur  anglais  son  goût  pour 
le  genre  romanesque.  Richardson  ,  ce- 
pendant, écrivait  comme  un  observateur 
judicieux  qui  pense  et  qui  connaît  les 
derniers  replis  des  passions  ;  Restif  com- 
posait comme  un  homme  qui  effleure  ce 
qu'il  voit ,  et  il  voit  moins  qu'il  n'ima- 
gine. Ennuyé  de  sa  place  de  proie  ,  il 
revint  dans  son  village  ,  oii  il  composa 
son  premier  ouvrage  :  U école  de  la  jeu- 
nesse, avec  lequel  il  se  rendit  à  Paris, 
pouvant  dire  comme  Bias  :  Omnia  bona 
mea  mecuni  porto.  L'indigence  et  des 
goûts  licencieux  lui  firent  contracter 
des  liaisons  et  des  habitudes  avilissantes 
qu'il  conserva  toute  sa  vie  ,  et  qui  pour- 
tant ne  l'empêchèrent  pas  de  vouloir 
s'ériger  en  réformateur  des  mœurs  de 
son  siècle.  Le  bruit  tumultueux  delà  ca- 
pitale, les  diffcreus  objets  qui  frappaieat 


I 


RES 

ses  yeux  ,  exaltèrent  encore  plus  son 
imagination  ,  déjà  assez  vive  ,  et  lui  fi- 
rent enfanter  ce  nombre  prodigieux  d'ou- 
vrages qui  prouvent  en  lui  ,  sinon  un 
grand  talent  ,  au  moins  une  fécondité 
peu  commune.  Restif  n'était  qu'un  écri- 
vain agréable  et  spirituel  ;  il  étonnait 
souvent  ses  lecteurs,  mais  il  ne  leur  lais- 
sait pasd'impression  durable  ;  et  quoique 
tous  ses  romans  paraissent  avoir  un  but 
moral,  ce  but  se  perd  souvent  au  milieu 
des  senlimens  exagérés ,  des  passions  ex- 
traordinaires ,  des  tableaux  qui  blessent 
ou  la  pudeur  ,  ou  le  bon  goût  ,  ou  les 
convenances.  Sa  vie  entière  oftVe  elle- 
même  un  roman  trop  long  à  décrire  ,  et 
qui  participe  à  peu  près  de  ces  mêmes 
défauts.  Restif  était  dans  le  fond  ce  que , 
dans  la  société  ,  on  appelle  un  bon  Aowz- 
me;  il  ne  pencbailpas  du  côté  de  la  modes- 
tie, et  ne  cacbait  pas  la  grande  opinion 
qu'il  avait  de  ses  taiens  :  ainsi  il  di.sait  que 
souvent  il  ne  prenait  pas  même  la  peine 
de  rédiger  en  entier  ses  ouvrages.  Comme 
il  revenait  par  caprice  ou  par  besoin  à 
son  premier  état  d'imprimeur  ,  il  en 
composait  des  passages  entiers  sans  ma- 
nuscrits, et  était  en  même  temps  auteur 
et  ouvrier  ;  ses  productions  faites  à  la 
casse  étaient ,  selon  lui  ,  «  les  meilleu- 
■»  res,  les  mieux  écrites  et  les  plus  forte- 
j»  ment  pensées,  j»  Le  produit  de  ses  livres 
aurait  suffi  à  lui  assurer  une  bonncte 
existence  ;  mais  il  aimait  les  plaisirs  ,  et 
il  se  vit  souvent  privé  du  nécessaire.  Il 
n'étalait  cependant  pas  de  luxe  dans  sa 
parure  ,  qui  était  très  négligée ,  et  il 
avait  cela  encore  de  commun  avec  Ri- 
cbardson.  Il  se  croyait  au  moins  l'égal 
de  Voltaire  et  bien  supérieur  à  BuiTon 
qu'il  appelle  utie  taupe  ;  il  croyait  pou- 
voir lutter  victorieusement  avec  J.  J. 
Rousseau,  dont  il  affectait  d'ailleurs  tou- 
tes les  singularités  :  c'est  ainsi  qu'il  fit 
paraître  en  17  72  ,  en  opposition  avec 
V Emile  ,  les  Lettres  d'une  fille  à  son 
père  qu'il  regardait  comme  un  chef- 
d'œuvre  de  sensibilUé ,  un  tissu  de  lu- 
mières et  de  vertus  ,  en  un  mot  comme 
le  plus  beau  présent  qu'il  pût  faire  à  la 
postérité'.  Il  a  écrit  plus  de  150  volumes 
de  romans.  Son  slile  était  énergique  , 


RES  325 

rapide  ,  mais  souvent  incorrect  et  am- 
poulé. Il  mourut  à  Paris  en  1808  ,  âgé 
de  74  ans.  Nous  citerons  ses  principaux 
ouvrages  ,  savoir  :  1"  L'e'cole  de  la  jeu- 
nesse ,  qu'il  ne  rendit  pas  meilleur  en  le 
recomposant  presque  en  entier  ,  Paris  , 
1771,  4vol.in-12;  2"  Lettres  d'une  fille, 
à  son  père  ,  ibid.  ,  1772  ,  5  vol.  in-12  ; 
3"  La  femme  dans  les  trois  e'tats  de  fille, 
d'e'pouseet  de  mère,  ibid.  1773  ,  3  vol. 
in-i2  ;  4°  Le  ménage  parisien  ,  ibid., 
1773,2  vol.  in-12  ;  W  V école  des  pères, 
ibid.,  1776,  3  vol.  in-12  ;  6"  Le  paysan 
perverti,  ibid.,  1776,  4  vol.  in-12.  C'est 
son  meilleur  ouvrage  et  le  plus  moral  ; 
il  renferme  des  caractères  fortement  des- 
sinés ,  des  tableaux  frappans  ,  les  vices 
du  peuple  bien  rendus,  et  même  plusieurs 
traits  de  génie.  1°  Le  Quadragénaire, 
ou  VAge  de  renoncer  aux  passions ,  ib. , 
1772  ,  4  vol.  in-12;  8°  Les  métamor- 
phoses ,  ou  Les  ressorts  du  cœur  dévoi- 
lés ;  9°  Le  Mimographe ,  in-8  ;  iO"  Le 
Pornographc  ,  Londres,  1776,  in-8; 
11°  Les  Gymnographes  ,  2  vol.  in-8; 
1 2"  L'Autographe ,  le  Gymnographe  et 
le  Thesmographe  ,  17  90  ,  6  vol.  in-8  ; 
13°  La  dernière  aventure  d'un  homme 
£?e46  ans,  1782,  in-12  ;  14°  Les  con- 
temporaines ,  ou  Aventures  des  plus 
jolies  femmes  de  Cage  présent ,  Paris  , 
1780,  42  vol.  in-12.  C'est  un  recueil  de 
plus  de  cent  nouvelles  ,  presque  toutes 
vraies  ,  sous  des  noms  supposés  ,  qui  of- 
frent des  scènes  assez  licencieuses.  On 
en  fit  le  reproche  à  l'auteur  ,  qui  tâcha 
inutilement  de  le  repousser  par  une  ré- 
ponse en  apparence  assez  sage,  mais  qui, 
dans  le  fond,  n'avait  rien  de  satisfaisant  ; 
cependant  il  avoua  que  dans  cet  ouvrage 
il  avait  souvent  manqué  de  goût  ,  et  il 
ajouta  en  même  temps  :  «  Ne  passerez- 
))  vous  rien  au  génie  ?  »  1  h°La  malédic- 
tion paternelle  ,  1779  ,  3  vol.  in-12  ;  16° 
Les  Françaises  ,  ou  Trente  -  quatre 
exemples  choisis  dans  les  mœurs  actuel- 
le s,  ^euichklel ,  1186,  4vol.  in-12;  17" 
Lavie  de  mon  père  ,ihid.  ,  1787  ,2  voL 
in-12  ;  18°  La  prévention  nationale, 
3  vol.  in-1 2  ;  1 9°  Les  Parisiennes ,  4  vol. 
in-12  ;  20°  Tableau  des  mœurs  d'un  siè- 
cle philosophe  J  2  vol.  in-12;  21°  Les 


326  RES 

nuits  de  Paris  ,  ou  Le  spectateur  noc- 
turne, 1788  .Londres,  4  vol.  in-12;  22° 
Le  cœur  humain  dévoilé,  1799  ,  in-12  , 
etc.  Cet  écrivain  avait  la  manie  bizarre, 
ou  la  vanité  de  placer  à  la  fin  de  chacun 
de  ses  ouvrages  une  critique  de  l'ouvrage 
même  ,  en  y  ajoutant  ce  qu'il  pensait  de 
son  caractère  ,  de  ses  talens  et  de  son  es- 
prit. Ce  modeste  auleur  a  été  appelé  avec 
assez  de  raison  le  Rousseau  du  ruisseau. 

RESTOUT  (Jean),  peintre  ordinaire 
du  roi  ,  des  académies  de  Caen  et  de 
Kouen  ,  sa  patrie  ,  naquit  en  1 G92.  Fils  , 
petit-fils  de  peintres  ,  et  neveu  de  Jou- 
venet ,  il  hérita  de  ses  pères  et  de  son 
oncle  le  goût  pour  ce  bel  art,  et  la  nature 
y  ajouta  un  génie  plus  vaste.  Il  mourut 
à  Rouen  en  1768  ,  directeur  de  l'acadé- 
mie de  peinture  ,  laissant ,  de  la  fille  de 
Halle  ,  un  fils  héritier  de  ses  lalens.  Il 
avait  une  piété  éclairée  et  solide ,  des 
connaissances  et  de  l'esprit.  Comme  pein- 
tre, il  se  distingua  par  une  composition 
noble  et  mâle.  Il  entendait  supérieure- 
ment ces  balancemens  et  ces  oppositions 
que  les  grands  maîtres  font  des  masses, 
des  formes  ,  des  ombres  et  des  lumières. 
On  lui  a  reproché  un  coloris  un  peu  jaune, 
défaut  qu'il  tenait  apparemment  de  Jou- 
venet  ,  dont  il  avait  été  le  disciple. 

'  RESTOUT  (  Jean-Bernard  ) ,  pein- 
tre, fils  du  précédent,  naquit  à  Paris  vers 
1740.  Il  reçut  de  son  père  les  premières 
leçons  de  cet  art ,  passa  ensuite  à  Rome , 
oii  il  négligea  d'étudier  les  grands  mo- 
dèles et  les  fresques  savantes  de  Raphaël, 
de  Michel-Ange  et  de  Jules-Romain.  Cette 
blâmable  négligence  donna  à  son  stile 
une  certaine  imperfection  dont  il  ne  se 
corrigea  jamais.  11  avait  néanmoins  beau- 
coup de  talent  dans  la  science  de  la  per- 
spective ,  pour  les  cfiels  de  la  lumière 
sur  les  corps ,  et  enfin  dans  cette  partie 
de  la  composition  qu'on  nomme  pittores- 
que ,  pour  la  distinguer  de  celle  qui  con- 
stitue la  poésie  d'un  tableau.  De  retour  à 
Paris,  il  fut  reçu  en  1776  à  l'académie 
de  peinture ,  d'après  son  tableau  à'Ana- 
créon  la  coupe  à  la  main.  Ses  autres  ou- 
vrages les  plus  remarquables  sont  :  Ju- 
piter et  Mercure  a  la  table  de  Philémon 
et  de  Baucis  ;  la  Présentation  au  tem- 


RET 

pie  ,  qui  est  son  meilcur  tableau.  On  y 
voit  un  temple  immense  et  des  degrés 
nombreux  contenus  dans  un  petit  espace. 
Les  masses  d'ombre  et  de  lumière ,  sage- 
meut  distribuées,  répandent  l'air  dans 
toute  la  scène,  et  donnent  de  la  saillie 
aux  corps  qui  la  composent  ;  les  plis  des 
draperies,  sans  avoir  beaucoup  de  finesse, 
lai.ssent  cependant  voir  les  membres 
qu'ils  recouvrent  ;  et  un  coloris  ,  sinon 
brillant,  du  moins  grave  et  harmonieux, 
est  la  partie  de  l'art  qui  distingue  ce  ta- 
bleau ,  qui  est  le  prestige  de  la  science 
de  la  perspective.  Il  fut  exposé  au  salon 
en  1777  ,  et  fut  placé  depuis  dans  l'église 
de  l'abbaye  de  Chaillol.  Cet  artiste  ayant 
embrassé  les  principes  ds  la  révolution, 
ilsiéga  parmi  les  membres  de  la  munici- 
palité qui  s'installa  le  10  août  1792  ,  fut 
chargé  le  soir  même  de  l'arrestation  de 
M.  de  la  Porte  intendant  de  la  liste 
civile,  et  ensuite  de  celle  de  Thierry,  valet 
de  chambre  de  Louis  XVI  ;  accusé  en- 
suite d'avoir  pris  part  aux  dilapidations 
qui  eurent  lieu  au  garde-meuble  de  la 
couronne,  il  fut  renfermé  à  Saint-lMizare 
où  il  subit  une  captivité  de  15  mois.  Il 
mourut  à  Paris  en  1796. 

RÉTIF  DE  LA  BRETONNE.  Foyez 
Restif. 

RETZ  (Albert  de  Gondi,  dit  le  maré- 
chal de  } ,  était  fils  d'Antoine  de  Gondi , 
maltre-d'hùtel  de  Henri  H.  Sa  famille, 
établie  à  Florence,  y  brillait  depuis  les 
premiers  temps  delà  république.  (Albert 
était  né  dans  celle  ville  en  là22  ;  il  vint 
jeune  à  Lyon,  où  son  père  était  banquier. 
Calherine  de  Médicis  ayant  nommé  la 
mère  d'Albert  gouvernante  des  enfans 
de  France  ,  celui-ci  vint  à  la  cour ,  fut 
placé  auprès  du  jeune  Charles  IX ,  eut 
un  rapide  avancement ,  et  se  battit  contre 
les  huguenots.  )  Gondi  fut  employé  dans 
les  négociations  et  dans  les  armées.  U 
s'empara  de  Relle-Ue ,  qu'il  fortifia  ;  fut 
gouverneur  de  Provence,  que  les  factions 
l'ob  igèrent  de  quitter.  Charles  IX  le  fit 
maréchal  de  France  en  1674  ;  Henri  III 
le  fit  duc  et  pair.  Il  mourut  en  1602, 
regardé  comme  un  courtisan  habile  et 
un  médiocre  général,  qui  n'avait  eu  le 
bâton  que  par  faveur.  (  Au  grade  de  mare- 


RET 

chai  :  il  réunissait  d'autres  disUnctions 
il  était  chevalier  du  Saint-Esprit ,  géné- 
ral des  galères,  duc  de  Belle-Ile,  gou- 
verneur de  Provence  ,  de  >'anles  et  de 
Mets,  et  enfin  généralissime.  Parfois  il 
disait  des  vérités  au  roi,  son  maître  ,  qui . 
avait  en  lui  une  grande  confiance.  Il 
futlepremieràsedéclarerpourHenrilV.) 
C'est  lui  qui  avait  conseilléà  Henri  III  de 
s'unir  avec  le  roi  de  Navarre  contre  les 
entreprises  de  la  ligue.  —  Son  frère, 
Pierre  deCosDi ,  fut  évèque  de  Langres  , 
puis  de  Paris.  Le  pape  Sixte  V  l'éleva  au 
cardinalat  en  1587.  Il  mourut  à  Paris  le 
17  février  1616,  à  84  ans.  — Son  neveu, 
le  cardinal  Henri  de  Gondi ,  lui  succéda. 
Il  mourut  à  Béziers  ,  où  il  avait  suivi 
Louis  XllI ,  qui  marchait  par  son  conseil 
contre  les  huguenots,  le  3  août  1622, 
et  eut  pour  successeur  Jean-François  de 
Gondi  son  frère  ,  1*"^  archevêque  de  Paris, 
prélat  veilueux,  mort  en  1654  ,  à70ans. 
C'est  à  ce  dernier  que  succéda  le  car- 
dinal de  Retz  ,  qui  suit.  La  postérité  du 
maréchal  de  Retz  finit  en  son  arrière- 
petite-fille  ,  Paule-Françoise-Marguerite 
de  Gondi ,  qui  épousa  le  duc  de  Lesdi- 
guières  ,  dont  elle  resta  veuve  en  1681  , 
et  descendit  au  tombeau  en  1716,  à  61 
ans.  Elle  n'eut  qu'un  fils,  qui  mourut  sans 
postérité  en  1703. 

RETZ  (  Jean-François-Paul  de  Gon^ii , 
cardinal  de) ,  petit-neveu  du  précédent , 
naquit  à  Monlniirel  en  Brie,  l'an  1614. 
Son  père ,  Emmanuel  de  Gondi ,  était 
général  des  galères  et  chevalier  des  ordres 
du  roi.  On  lui  donna  pour  précepteur  le 
célèbre  Vincent  de  Paul.  Il  fit  ses  éludes 
particulières  avec  succès  et  ses  études 
publiques  avec  distinction  ;  prit  le  bon- 
net de  docteur  de  Sorbonne  en  1643 ,  et 
fut  nommé  la  même  année  coadjuleur  de 
l'archevêché  de  Paris.  L'abbé  de  Gondi 
sentait  beaucoup  de  dégoût  pour  son 
état  :  son  génie  et  son  goût  étaient  dé- 
cidés pour  les  armes.  Il  se  battit  plusieurs 
fois  en  duel  ,  même  en  sollicitant  les  plus 
hautes  dignités  de  l'Eglise.  Devenu  coad- 
juleur, il  se  corriger  pendant  quelque 
temps  pour  se  gagner  le  clergé  et  le 
peuple.  (Il  était  l'ennemi  du  cardinal  de 
Kichelieu  ,  et  entra  dans  la  conspiration 


RET  327 

du  comte  de  Boissons.  Ses  largesses ,  ses 
aumônes  secrètes,  avaient  pour  but  de 
se  créer  une  popularité  ;  mais  la  mort  du 
comte  mit  fin  à  tous  ses  projets.  Il  resta 
quelque  temps  tranquille  et  se  fit  aimer  de 
ses  diocésains.  )  Mais  dès  que  le  cardinal 
Mazarin  eut  été  mis  à  la  tête  du  minis- 
tère ,  il  se  montra  tel  qu'il  était.  Il  pré- 
cipita le  parlement  dans  les  cabales  et  le 
peuple  dans  les  séditions.  Il  leva  un  régi- 
ment   qu'on  nommait  le   régiment    de 
Corinihe  ,  parce  ^qu'il  était,  archevêque 
titulaire  de  Coriuthe.  On  le  vit  prendre 
séance  au  parlement  ayant  dans  sa  poche 
un  poignard,  dont  on  apercevait  la  poi- 
gnée. Ce  fut  alors  qu'un  plaisant  dit  ; 
Voilà  le  bre'viaire  de  notre  archevêque  i 
L'ambition  lui  fit  souffler  le  feu  de  la 
guerre  civile  ;  l'ambition  lui  fit  faire  la 
paix.  Il  se  réconcilia  secrètement  avec  la 
cour,  pour  avoir  un  chapeau  de  cardinal. 
Louis  XIV  le  fil  nommer  à  la  pourpre  en 
1651.  Le  nouveau  cardinal  ne  cabala  pas 
moins  ;  il  fut  arrêté  au  Louvre ,  conduit  k 
Vincennes,  et  de  là  dans  le  château  de 
Nantes  ,  d'oii  il  se  sauva.  Après  avoir  erré 
pendant  long-temps  en  Italie,  en  Hol- 
lande, en  Flandre  et  en  Angleterre ,  il 
revint  en  France  l'an   1661 ,  fit  sa  paix 
avec  la  cour  en  se  démettant  de  son  ar- 
chevêché, et  obtint  en  dédommagement 
l'abbaye  de  Saint-Denys.  Il  avait   vécu 
jusqu'alors  avec  une  magnificence  extra- 
ordinaire. Il  prit  le  parti  de  la  retraite 
pour  payer  ses  dettes  ,  ne  se  réservant 
que  20  ,000  livres  de  renle*Il  remboursa 
à  ses  créanciers  plus  d'un  million  ,  et  se 
vit  en  état,  à  la  fin  de  ses  jours ,  de  faire 
des  pensions  à  ses  amis.  Il  mourut  le  24 
août  1679  ,  dans  de  grands  sentimens  de 
piété,  qu'il  avait  constamment  manifestés 
dans  sa  retraite ,  et  qui  prouvèrent  que 
les  marques  qu'il  en  avait  données  par  in- 
tervalle dans  le  temps  de  ses  incartades 
n'étaient  pas  l'effet    du  caprice  ,  moins 
encore  de  1  hypocrisie.  Cet  homme  auda- 
cieux et  bouillant  devint ,  sur  la  fin  de  sa 
vie,    doux,   paisible,  sans  intrigue,  et 
fut   aimé    de  tous   les   honnêtes   gens  ; 
comme  si  toute  son  ambition  d'autrefois 
n'avait  été  qu'une  débauche  d'esprit ,  et 
des  tours  de  jeunesse  dont  on  se  corrige 


328  RET 

avec  l'âge.  «  Il  parut  sentir  ,  dit  un  bis- 
^«lorien,   que    les  honneurs  où  il  était 

V  parvenu  ne  valaient  pas  ce  qu'il  lui  en 

V  avait  coûté  pour  y  parvenir.  Réduit, 
»  après  tant  d'agitations  et  de  troubles, 
»  à  une  situation  paisible  ,  avec  un  petit 

V  nombre  d'amis  ,  il  signala  les  dernières 
il  années  d'une  vie  très  peu  chrétienne  , 
3j  par  tous  les  procédés  et  la  délicatesse 
»  même  de  la  vertu.  Il  demanda  au  roi 
»  la  permission  de  renvoyer  à  Rome  le 
;>  chapeau    de    cardinal.    Le    souverain 

V  pontife,  à  la  persuasion  du  roi,  lui  or- 
-)  donna  de  le  conserver  ;  mais  on  ne  put 
■»  l'empêcher  d'allerensuite  se  renfermer 
n  dans  l'une  de  ses  abbayes ,  pour  y  mé- 
i)  diler  à  loisir  les  grandes  vérités  du 
»  christianisme,  jusque-là  si  neuves  pour 
3)  lui.»  (A  ce  portrait  du  cardinaldeRelz, 
si  diversement  jugé  par  ses  contempo- 
rains et  par  la  postérité ,  nous  pourrions 
ajouter  ceux  qu'en  ont  tracés  la  Roche- 
foucauld, Bossuel  dans  l'oraison  funèbre 
de  Le  Teliier,  le  président  Hénault  et  La- 
harpe,  si  on  ne  les  trouvait  partout.)  Il 
nous  reste  de  ce  cardinal  plusieurs  ou- 
vrages :  ses  Mémoires  (  auxquels  nous 
renvoyons  nos  lecteurs  pour  de  plus  am- 
ples détails)  sont  les  plus  agréables  à 
lire.  Us  virent  le  jour  pour  la  première 
fois  en  1717  ;  on  les  réimprima  à  Amster- 
dam ,  en  1731  ,  en  4  vol.  in-12.  Cette 
édition  passe  pourla  plus  belle. (On  y  joint 
ordinairement  :  Mémoiies  de  Guy  Jnly  , 
Amsterdam,  1738  ,  2  vol.  petit  in-8,et 
Mémoires  de  la  duchesse  de  Nemours  , 
imprimés  aussi  à  Amsterdam,  1738,  petit 
in-8.)  «  Ces  Mémoires  sont  écrits,  dit 
»  l'auteur  du  Siècle  de  Louis  XI r,  avec 
»  un  air  de  grandeur,  une  impétuosité 
1»  de  génie  et  une  inégalité,  qui  sont 
n  l'image  de  sa  conduite.  »  Il  les  composa 
dans  sa  retraite,  avec  l'impartialité  d'un 
philosophe,  mais  d'un  philosophe  qui  ne 
l'a  pas  toujours  été.  Il  ne  s'y  ménage 
point,  et  il  n'y  ménage  pas  davantage 
les  autres.  On  y  trouve  les  portraits  de 
tous  ceux  qui  jouèrent  un  rôle  dans  les 
intrigues  de  la  Fronde.  «Portraits,  dit  le 
;«  cardinal  Maury ,  qui  sont  autant  de 
»  chefs-d'œuvre  ,  à  l'exception  toutefois 
i>  de  celui  d'Anne  d'Autriche ,  que  l'écri- 


RET 

»  vain  trace  en  homme  de  parti ,  aveuglé 
»par  la  haine,  et  alors,  selon  l'usage, 
■»  privé  par  sa  passion  de  toutes  les  forces 
»  de  son  esprit.  »  On  a  encore  de  lui 
Conjuration  du  comte  de  Fiesque ,  ou- 
vrage composé  à  l'âge  de  17  ans,  et  tra- 
duit en  partie  de  l'italien  de  Mascardi. 
M.  MusselPatay  a  publié  en  1807  ,  Ré- 
cherches historiques  sur  le  cardinal  de 
Retz,  i'n-8.  (  Peu  d'hommes  ont  eu  une  vie 
plus  agitée  que  le  cardinal  de  Retz.  Chef 
de  mécontens ,  il  avertit  cependant  la 
cour  de  la  mauvaise  disposition  des 
esprits.  Dans  la  journée  des  Barricades 
il  fut  renverse  par  la  foule  et  reçut  un 
coup  de  pierre  ;  mais  il  empêcha  le  pil- 
lage de  Paris.  Il  ne  voulait  que  faire  dis- 
gracier Mazarin  pour  prendre  sa  place. 
Lorsqu'il  se  présenta  à  la  cour  pour  rap- 
porter les  vœux  des  séditieux ,  la  reine 
lui  dit  avec  amertume  :  Allez  vous  re- 
poser ,  monseigneur ,  vous  avez  assez 
travaillé.  C'était  le  considérer  comme  le 
véritable  chef  de  la  révolte.  Indigné  de 
ces  paroles ,  il  imagina  de  nouveaux  com- 
plots ,  entra  dans  la  Fronde  (  voy.  Maza- 
rin )  ,  excita  le  peuple,  et  agit  de  nou- 
veau comme  un  chef  de  parti.  Il  faut 
pourtanllui  rendre  la  justice  de  dire  qu'il 
refusa  les  offres  de  l'Espagne  et  les  pro- 
messes insidieuses  de  Cromwell.) 

RETZ  (  François  ) ,  né  à  Prague  en 
1672,  entra  chez  les  jésuites  en  1689. 
Devenu  général  en  1730,  il  gouverna  la 
société  pendant  20  ans  avec  beaucoup  de 
prudence,  dans  un  calme  parfait  qui 
semblait  annoncer  des  tempêtes  pro- 
chaines, et  mourut  à  Rome  le  19  no- 
vembre 1750. 

RETZ.  Foyez  Laval  Gilles  et  André 
*  RETZIUS  (Anders-.Tahanj,  chimiste 
suédois  ,  né  à  17  42  en  Christianstadt  en 
Suède  ,  mort  en  1821,  est  connu  par 
plusieurs  ouvrages  sur  l'histoire  naturelle 
et  la  chimie  ,  enlr'autres  par  ses  Obser- 
vationes  botanicœ ,  sex  fasciculis  com- 
prehx-nsœ  ,  Leipsick  ,  1779-91.  Il  était 
membre  de  31  sociétés  savantes  ;  il  a 
fondé  la  société  physiographique  de  Lun- 
den ,  dont  il  fut  secrétaire  et  ensuite  pré- 
sident. On  trouve  une  Notice  sur  lui 
dans  les  Mémoires  de  l'académie  royatg. 


REU 

de  Stockholm  pour  1822.  Il  avait  ëté 
long-temps  professeur  d'histoire  naturelle 
et  de  chimie  dans  sa  ville  natale. 

REUCHLIN  (  Jean  ) ,  connu  aussi 
sous  le  nom  de  Fumée  et  de  Capnion 
{  parce  que  Reuch  ou  Rauch  en  allemand, 
et  Kapnion  en  grec ,  signifient  Fumée  ), 
naquit  à  Pfortzheim  en  Souabe,ran  1455, 
et  étudia  en  Allemagne ,  en  Hollande, 
en  France  et  en  Italie.  Il  brilla  par  la  con- 
naissance des  langues  latine  ,  grecque 
et  hébraïque.  Lorsqu'il  était  à  Rome,  il 
connut  Argyropile  et  étudia  sous  lui.  Ce 
savant  ayant  prié  Reuchlin  d'interpréter 
un  passage  de  Thucydide ,  il  le  fit  d'une 
façon  si  élégante  el  avec  une  prononcia- 
tion si  nette,  qu'Argyropi  le  dit  en  soupi- 
rant ,  Grœcia  nostra  exilio  transvoUiPit 
Alpes.  Il  enseigna  le  grec  à  Orléans  et  à 
Poitiers  ;  puis  il  retourna  en  Allemagne, 
où  il  s'attacha  à  Eberard  ,  prince  de 
Souabe.  Reuchlin  fut  nommé  triumvir 
de  la  ligue  de  Souabe  pour  l'empereur 
et  les  électeurs,  et  fut  envoyé  quelque 
temps  après  à  Inspruck ,  vers  l'empereur 
Maximilien.  Ses  derniers  jours  furent  em- 
poisonnés par  un  démêlé  qu'il  eut  avec 
les  théologiens  de  Cologne.  Pfefifercorn 
avait  obtenu  un  édit  de  l'empereur  pour 
faire  brûler  tous  les  livres  des  juifs. 
Ceux-ci  ayant  sollicité  la  révocation  de 
cet  édit,  Reuchlin  fut  consulté  6ur cette 
affaire.  Il  distingua  deux  sortes  de  livres 
chez  les  descendans  de  Jacob  :  les  in- 
dififérens  ,  qui  traitent  de  divers  sujets, 
el  ceux  qui  sont  composés  directement 
contre  la  religion  chrétienne.  Il  fut  d'avis 
qu'on  laissât  les  premiers ,  qui  pouvaient 
avoir  leur  utilité ,  et  qu'on  supprimât 
les  derniers  ;  mais  il  mêla  à  cet  avis  bien 
des  hors-d'œuvre  et  des  digressions 
qui  parurent  répréhensibles.  Pfefiercorn 
lui  opposa  un  ouvrage  qu'il  intitula  ; 
Miroir  manuel;  Reuchlin  y  répondit 
par  le  Miroir  oculaire.Les  théologiens  de 
Cologne  examinèrent  cette  réponse ,  et 
en  tirèrent  44  propositions ,  qu'ils  ac- 
cusèrent d'erreur  et  d'hérésie,  et  qui 
furent  publiées  en  latin  par  Arnauld  de 
Tongres  ,  avec  des  notes.  Les  théologiens 
de  Paris  furent  consultés  ,  et  80  docteurs 
rendirent,  en  1514,  une  décision  qui 

XI. 


lŒU  329 

jugea  le  livre  de  Reuchlin  digne  du  feu. 
Rome  ne  fut  pas  plus  favorable  à  cet  ou- 
vrage ,  il  fut  mis  dans  l'Index  du  con- 
cile de  Trente.  Reuchlin  se  retira  à  In- 
golstadt ,  où  ses  amis  lui  procurèrent  une 
pension  de  200  écus  d'or  pour  enseigner 
le  grec  et  l'hébreu.  Ses  ennemis  voulu- 
rent l'envelopper  dans  l'affaire  de  Luther, 
mais  ils  n'y  purent  réussir.  Il  persista  à 
demeurer  dans  la  communion  catholique, 
et  il  mourut  à  Hutgard  en  1522  ,  à  67 
ans  ,  épuisé  par  des  études  pénibles  et 
constantes.  Reuchlin  avait  beaucoup  d'é- 
rudition ,  et  écrivait  avec  chaleur.  L'Al- 
lemagne n'avait  alors  que  ce  seul  homme 
qu'elle  put  opposer  aux  savans  d'Italie. 
On  a  de  lui  un  grand  nombre  d'ouvrages 
imprimés  en  Allemagne ,  parmi  lesquels 
on  distingue  son  traité  De  arte  cabalis- 
tica  ,  1517  ,  in-fol.  ,  et  dans  Artis  caba- 
listicœ  scriptores ,  1587  ,  in-fol.  Cet 
ouvrage  fut  attaqué  avec  succès  par  le 
Père  Pochstrat ,  qui  publia  Destructio 
cabalœ ,  seu  cabalisticœ  perfidiee  ,  ad~ 
versus  Reuchlinum ,  Anvers ,  1518,  in-4. 
Ou  a  encore  de  Reuchlin  :  De  verbo  mi- 
rifico  libri  très.  Ces  deux  ouvrages  ont 
été  condamnés  à  Rome.  On  lui  attribue 
les  lettres  connues  sous  le  titre  de  Lit- 
terœ  obscurorum  virorum  :  satire  amère 
contre  les  théologiens  scolastiques ,  mais 
il  n'est  par  sûr  que  cet  ouvrage  soit  de 
Reuchlin  ,  et  on  l'attribue  avec  plus  de 
raison  à  Ulric  de  Hutten  ;  d'autres  disent 
qu'ils  y  ont  travaillé  en  société.  (  Ployez 
GRATius.)La^ie  de  Reuchlin  a  été  écrite 
par  Jean-Henri  Maius  (ou  Mai),  1687  , 
in- 8.  Voyez  Contra  dialogum  de  causa 
Reuchlini,  et  Apologiœ  contra  Reuchli- 
num, par  le  Père  Hochstral. 

*  REUTH  (Bernard) ,  professeur  à  l'u- 
niversité de  Kharkof,  naquit  à  Mayence 
où  il  reçut  sa  première  éducation.  Après 
avoir  fréquenté  les  universités  d'Iéna ,  de 
Leipsick  et  de  Goettingue  où  il  termina 
ses  études ,  il  revint  dans  son  pays  natal 
et  entra  dans  l'administration  civile,  sans 
abandonner  cependant  ses  occupations 
littéraires.  Il  quitta  bientôt  le  département 
de  Mont-Tonnerre  où  il  était  employé , 
pour  aller  à  Dorpat  en  Russie.  Il  y  rem- 
plit les  fonctions  de  vice-directeur  de 
4a. 


m 


33o 


REU 


rinstitutpédagogique  de  cette  ville.Ayant 
été  invité  en  1804  par  Je  comte  de  Po- 
totzky,  alors  curateur  de  l'arrondissement 
universitaire  de  Kharkof ,  à  aller  ensei- 
gner à  l'université  de  cette  ville  l'his- 
toire des  états  de  l'Europe  et  la  statisti- 
que, il  se  rendit  à  cette  invitation  et  oc- 
cupa ces  fonctions  jusqu'à  sa  mortarrivée 
le  à  janvier  1825.  La  liste  de  ses  ouvrages 
publiés  en  Allemagne  et  Russie  atteste  ses 
talens  et  son  activité  :  \°  Historisch-Po- 
litische  briefe,  nebst  dent  P^ersuche 
einer  Geschichte  der  chenaligen  Reichs- 
stadt  Maynz  ;  ou  Lettres  historiques  et 
politiques,  accompagnées  d'un  essai  sur 
t histoire  de  l'ancienne  ville  impériale  de 
Mayence,  Manheim,  1789;  2°  H.-K. 
Davila's  Geschichte  der  biir-gerlichen 
Kriege  ,  etc ,  ou  Histoire  de  la  guerre 
civile  en  France  par  Davila ,  traduite  de 
l'italien  en  allemand  avec  une  Histoire 
de  la  puissance  des  rois  et  des  révolu- 
tions de  France  depuis  l'origine  de  la 
monarchie  jusqu'à  la  ligue ,  Leipsick , 
1792-1796,  réimprimé  à  Vienne  en  1817, 
5  vol.  grand  in-8;  3"  Geschichte  der  Ko- 
niglichen  Macht ,  ou  Histoire  de  la  puis- 
sance des  rois  et  de  la  révolution  en 
France  depuis  la  dissolution  de  la  ligue 
jusqu'à  la  république,  Leipsick,  1796- 

1797,  2  vol.  in-8;  4°  Gemahlde  der  ré- 
volution in  Italien,  ou  Tableau  des  ré- 
volutions en  Italie  :  le  livre  \"  qui  a  seul 
paru  renferme  l'Histoire  des  révolutions 
de  la  république  de  Venise ,  Leipsick , 

1798,  in-8  ;  6°  Des  gênerais  Dumouriez, 
ctc ,  ou  Tableau  historico-statistique  du 
Portugal  par  le  général  Dumouriez,  tra- 
duit du  français  en  allemand,  Leipsick, 
17 9 8, in-8;  G"Iieise  nach  Sicilien,  Athen, 
Constantinopel,  u.  s.  w. ,  frey  nach 
dem  EngUschen,  ou  Voyage  en  Sicile,  à 
Athènes,  à  Constantinople,  etc,  traduit 
librement  de  l'anglais,  Leipsick,  1798, 
in-4  ;  7°  Spécimen  historiée  Russorum 
ou  Essai  d'histoire  des  Russes,  première 
partie,  Kharkof,  1811,  in-8;  %"  Geist 
der  litera  rischen  cultur  des  Orients 
und  Occidents ,  ou  Esprit  des  produc- 
tions littéraires  de  l'Orient  et  de  VOcci- 
dent,  discours ,  Kharkof,  1811,  in-4  ;  9* 
Dir  Orient j  Rede,  ou  VOrient ,  discourSf 


REV 

Ibid. ,  in-4.  Le  professeur  Reuth  a  pro- 
noncé dans  la  même  université  deux  au- 
tres discours  dont  le  premier  a  pour  objet 
la  Confédération  du  Rhin,  et  l'autre  le 
droit  public  des  royaumes  unis  de  la 
grande  Rretagne.  Plusieurs  des  compo- 
sitions que  nous  n'avons  point  citées  ont 
été  insérées  dans  divers  Recueils  périodi- 
ques. On  regarde  comme  ses  chefs-d'œu- 
vre ,  son  Essai  d'histoire  russe  et  V his- 
toire de  Davila  qu'il  a  complétée.  U  est 
à  désirer  que  l'on  conserve  avec  soin  les 
papiers  qu'il  avait  réunis,  et  particulière- 
ment ceux  qui  ont  rapport  au  Traité  sur 
les  Russes  qu'il  se  proposait  de  publier. 
Le  professeur  Reuth  était  un  homme  très 
instruit,  un  excellent  critique  ;  on  lui  re- 
proche cependant  d'avoir  admis  quelque- 
fois des  étymologies  qui  ne  sont  pas  tou- 
jours fondées. 

REUTER  (  Jean  ) ,  né  dans  la  pro- 
vince de  Luxembourg,  en  1680,  se  A  t 
jésuite  à  l'âge  de  26  ans.  Après  avoir  en- 
seigné les  humanités  et  la  philosophie  , 
il  fut  huit  ans  professeur  de  théologie 
morale  dans  l'université  de  Trêves.  On  a 
fait  imprimer  ses  Leçons  à  Cologne  en 
1766  ,  4  vol.  in-8.  Il  a  encore  donné  Neo- 
confessarius  pratice  instructus ,  livre 
très  propre  à  former  les  jeunes  ecclé- 
siastiques à  une  sage  administration  du 
sacrement  de  pénitence.  Il  partagea  son 
temps  entre  la  prière ,  l'étude  et  les  œu- 
vres de  charité.  C'est  dans  ces  exercices 
qu'il  mourut  à  Trêves  en  1762. 

*  REVERCHON  (Jacques),  conven- 
tionnel ,  né  à  Lyon  dans  le  mois  de  sep  - 
tembre  1746 ,  mort  en  1820  à  l'âge  d'en- 
viron 84  ans  à  Nyon  en  Suisse,  se  livrait 
avant  la  révolution  au  commerce  du  vin. 
Il  fut  élu  par  le  département  de  Saône-et 
Loire,  dont  il  était  devenu  administra- 
teur, député  à  l'Assemblée  législative, 
puis  à  la  Convention.  Il  vota  la  mort  de 
Louis  XVI,  contre  l'appel  et  le  sursis.  On 
l'envoya  en  mission  dans  les  départemens 
de  Saône-et-Loire,  du  Rhône ,  de  l'Ain  et 
de  l'Isère  :  il  s'était  d'abord  conduit  avec 
quelque  violence;  mais  il  reprit  ensuite 
des  sentimens  plus  modérés,  et  ce  fut 
lui  qui  fit  cesser  à  Lyon  la  terrible  réac- 
tion dont  cette  ville  était  la  victime. 


REV 

En  général  ce  député  agissait  selon  les 
circonstances  :  il  servit  d'abord,  puis  il 
comprima  les  jacobins.  Appelé  au  con- 
seil des  Cinq-cents ,  il  en  sortit  dans  le 
mois  de  mai  1797  :  il  fut  réélu  dans  le 
mois  de  mars  1798  pour  un  an,  et  en 
1799  il  entra  au  conseil  des  Anciens.  Il 
ne  prit  aucune  part  à  la  révolution  du 
18  brumaire,  époque  où  finit  sa  carrière 
politique.  .L'adbésion  qu'il  accorda  au 
gouvernement  des  Cent-jours  le  fit  placer 
sur  la  liste  des  conventionnels  exilés. 

*  REVERS  (  Louis-François  ),  chanoine 
de  Saint-Honoré  à  Paris ,  naquit  à  Caren- 
tan,  au  diocèse  de  Coutances,  vers  1728, 
et  vint  à  Paris  faire  ses  études  au  collège 
de  Navarre.  Il  s'appliqua  à  la  théologie, 
et  y  obtint  des  succès.  Les  connaissances 
qu'il  y  avait  acquises  engagèrent  M.  de 
Juigné ,  cvêque  de  Châlons-sur-Mame  , 
à  l'appeler  près  de  lui.  Ce  prélat  se  pro- 
posait de  faire  imprimer  un  nouveau  7?/- 
tuel  pour  son  diocèse.  Il  chargea  l'abbé 
Revers  de  le  rédiger  ,  et  lui  donna  un 
canonicat  dans  sa  cathédrale.  Le  Rituel 
parut  en  1776,  2  volumes  in-4.  M.  de 
Juigné  ayant  été  transféré  sur  le  siège  de 
Paris  ,  en  1781  ,  l'abbé  Revers  le  suivit; 
il  demeurait  à  l'archevêché ,  et  fut  dé- 
dommagé par  un  canonicat  de  Saint-Ho- 
noré, de  celui  qu'il  perdait  à  Châlons. 
Il  était  question  de  revoir  et  de  refondre 
le  Rituel  de  Paris ,  et  l'abbé  Revers  fut 
encore  chargé  de  ce  travail ,  dans  le- 
quel il  fut  aidé  par  l'abbé  Plunker,  doc- 
teur de  Sorbonne ,  et  par  l'abbé  Char- 
lier  ,  secrétaire  et  bibliothécaire  de  M. 
de  Juigné.  Le  Rituel  parut  en  1785,  3 
vol.  in-4,  sous  le  titre  de  Pastorale 
Parisiense.  On  accusa  les  auteurs  d'y 
avoir  fait  des  changemens  qui  n'étaient 
point  nécessaires,  d'y  avoir  introduit  de 
nouvelles  formules  pour  l'administra- 
tion des  sacremens  ,  d'avoir  mis  de 
la  recherche  dans  le  stile ,  etc.  Il  dé- 
plut surtout  aux  jansénistes ,  et  bien- 
tôt il  fut  attaqué  dans  une  foule  d'écrits 
par  Maultrot,  Larrière  et  Clément,  de- 
puis évêque  constitutionnel  de  Versailles. 
Robert  de  Saint-Vincent,  conseiller  de 
grand'chambre  ,  déféra  le  Pastoral  au 
parlement,  les  chambres  assemblées,  le 


REV  33i 

19  décembre  1786  ,  et  il  ne  tint  pas  à 
lui  que  la  distribution  n'en  fût  arrêtée , 
séance  tenante.  Un  avis  plus  modéré  pré- 
valut, et  la  dénonciation  n'eut  pas  de 
suite.  (  royez  Juigné  ,  archevêque  de 
Paris.  )  On  a  en  outre  de  l'abbé  Revers , 
Poème  de  la  Religion,  par  Racine  le 
fils,  traduit  en  vers  latins  (publié  avec 
beaucoup  de  changemens  par  l'abbé  Char- 
lier  ) ,  Paris,  Barbou,  1804  ,  in-12.  Re- 
vers était  mort  en  mars  1798,  et  par 
conséquent  avant  cette  publication. 

'  REVILLON  (  Claude  ),  médecin , 
naquit  à  Mâcon  en  1720.  Il  exerça  avec 
honneur  son  état  dans  sa  patrie ,  entra 
ensuite  comme  ofl&cier  de  santé  dans  les 
hôpitaux  militaires  ,  où  il  acquit  une 
grande  réputation.  Il  était  excellent  mé- 
decin pratique  ,  et  eut  un  grand  bon- 
heur dï\ns  ses  cures.  Il  a  laissé  un 
ouvrage  intitulé  :  Recherches  sur  les 
affections  hypocondriaques ,  appelées 
communément  vapeurs ,  ou  Lettre  d'un 
médecin  sur  ces  afffections,  Paris,  1779, 
1786,  1  vol.  in-8 ,  augmentée  de  plu- 
sieurs expériences.  L'auteur  croit  que 
l'hypocondrianisme  n'est  que  l'effet  de 
la  transpiration  insensible.  On  a  ajouté 
à  la  seconde  édition  un  Journal  de 
l'état  du  corps ,  en  raison  de  la  tempé- 
rature de  l'air  et  de  la  transpiration.  Re- 
villon  mourut  à  Thionville  en  1795  âgé 
de  75  ans. 

REVIUS  (  Jacques  ) ,  né  à  Deventer 
l'an  1586,  parcourut  presque  toute  la 
France ,  fut  ministre  en  divers  lieux  de 
son  pays ,  principal  du  collège  théolo- 
gique de  Leyde  enl642  ,  et  y  mourut  le 
1 5  novembre  1658.  Il  assista  au  prétendu 
synode  de  Dordrecht ,  et  fut  nommé  ré- 
viseur de  la  Rible  qui  porte  le  nom  de 
cette  ville.  Il  était  versé  dans  les  langues 
savantes ,  et  entendait  presque  toutes 
les  langues  vivantes  de  l'Europe.  On  a 
de  lui  :  1°  Belgicarum  Ecclesiarum  doc- 
trina  et  or  do  ,  grec  et  latin  ,  Leyde , 
1623,  in-l2  ;  2°  E pitres  françaises  des 
personnages  illustres  et  doctes  à  Sca- 
liger  ;  Harderwyck  ,  1634  ,  in-12  :  le 
principal  mérite  de  ce  recueil  est  sa  ra- 
reté ;  Z"  Historiapontificum  romanorum, 
Amsterdam ,   1632 ,  in-12  ,  qui  n'est  pas 


33a  REW 

estimée  même  chez  les  protestans;  4" 
Suarez  repurgatus,  Leyde,  1644  ,  in-4. 
C'est  la  métaphysique  de  Suarez  qu'il  pré- 
tend corriger  ;  on  a  beaucoup  ri  de  cette 
présomption  de  se  mesurer  avec  le  plus 
profond  métaphysicien  de  son  siècle.  Il 
lui  reproche  des  erreurs  théologiques  ; 
mais  elles  consistent  en  ce  que  Suarez 
n'a  pas  été  calviniste.  5*  Histoire  de  De- 
V enter ^  en  latin  ,  1651 ,  in-4,  et  quel- 
ques ouvrages  de  peu  d'importance. 

'REWBELL  (Jean-Baptiste),  l'un  des 
membres  du  directoire  exécutif  deFrance, 
naquit  en  1746  à  Colmar  oîi  il  était  bâ- 
tonnier de  l'ordre  des  avocats  au  conseil 
souverain  d'Alsace.  A  l'époque  de  la  ré- 
volution ,  le  bailliage  de  Colmar  et  de 
Schelestadt  le  nomma,  en  1789,  député 
aux  états-généraux.  Rewbell  se  signala 
dans  l'assemblée  nationale  comme  l'enne- 
mi déclaré  des  riches ,  des  nobles ,  des 
prêtres  et  des  monarques.  Il  débuta  par 
dénoncer  des  complots  royalistes,  et  par 
essayer  de  prouver  que ,  pour  le  bien  de 
la  nation ,  on  ne  devrait  pas  respecter  le 
secret  des  lettres.  Dans  un  discours  pro- 
noncé le  9  octobre ,  il  peignit  les  princes 
étrangers  qui  possédaient  des  biens  en 
Alsace  ,  comme  de  petits  tyrans  dont  il 
provoqua  la  spoliation.  Il  proposa  en- 
suite la  vente  des  cloches,  la  suppres- 
sion des  parlemens  ;  s'opposa  à  ce  qu'on 
accordât  au  roi  le  droit  de  paix  et  de 
guerre ,  et  pressa  ,  enfin ,  le  remplace- 
ment des  prêtres  insermentés.  Il  présida 
l'assemblée  le  5  avril  1791  ,  et  le  16  mai 
il  fit  des  efforts  inutiles  pour  faire  dé- 
clarer les  membres  de  l'assemblée  con- 
stituante rééligibles  à  la  prochaine  légis- 
lature. Il  fut ,  après  Robespierre ,  le  dé- 
puté qui  avait  laissé  entrevoir  le  plus 
clairement  le  désir  d'arriver  à  une  répu- 
blique. Les  sessions  étant  finies ,  Rewbeil 
fut  nommé  procureur-syndic  du  dépar- 
tement du  Haut-Rhin  ,  et  entra  à  la  Con- 
vention nationale  comme  député  de  ce 
département.  Lorsque ,  par  suite  de  la 
funeste  journée  du  10  août,  Louis  XVI 
fut  enfermé  avec  sa  famille  à  la  tour  du 
Temple ,  Rewbell  pressa  vivement  le 
procès  de  ce  monarque.  Il  alla  ensuite  en 
mission  à  Hayence,  d'oii  il  écrività  la 


REW 

Convention  qu'il  votait  pour  la  mort  de 
Louis  Capet.  Il  s'était  trouvé  dans  cette 
ville  pendant  le  siège  qu'elle  eut  à  essuyer 
des  troupes  prussiennes ,  et  fut  accusé  de 
s'être  emparé  dans  cette  occasion  de  l'ar- 
genterie de  l'électeur.  Il  brava  cette 
inculpation ,  quoiqu'il  ne  fît  rien  pour  la 
détruire.  Il  reparut  avec  un  front  imper- 
turbable à  la  Convention ,  dans  la  séance 
du  4  août  1793.  Comme  il  n'était  animé 
que  du  désir  de  s'enrichir ,  il  ne  s'atta- 
cha positivement  à  aucun  parti ,  et  il 
était  ami  ou  ennemi  de  chacun  d'eux,  et 
de  tous  ,  à  mesure  qu'ils  devenaient 
utiles  ou  nuisibles  à  son  insatiable  cupi- 
dité. Il  eut  tous  les  moyens  de  la  satis- 
faire lors  de  la  guerre  de  la  Suisse  ;  et , 
pendant  le  règne  de  la  terreur ,  il  eut  le 
soin  de  se  tenir  à  l'écart  et  surtout  de  se 
faire  envoyer  en  mission.  Le  9  thermidor 
arriva  enfin  pour  le  bonheur  de  la  France 
entière,  et  ce  ne  fut  qu'après  cette 
époque  que  Rev^'hell  osa  se  prononcer 
hautement  contre  les  yaco^^in^  .-  il  insista 
pour  qu'on  les  éloignât  du  gouverne- 
ment ,  dans  lequel  ils  voulaient  s'immis- 
cer, et  demanda  à  plusieurs  reprises 
qu'on  fermât  leur  club.  Il  devint ,  à  cette 
époque ,  membre  du  comité  de  sûreté 
générale  et  de  celui  de  salut  public ,  et  ,' 
acquit  une  grande  influence  dans  les 
affaires.  Il  s'en  servit  pour  renouveler 
ses  invectives  contre  les  terroristes  ^  les 
royalistes,  les  prêtres  réfractaires  et 
les  émigrés ,-  il  fit  décréter ,  le  1 7  avril 
1795,  la  vente  de  leurs  biens  par  voie  _ 
de  loterie ,  pour  faciliter  cette  opéra-  1 
tion.  n  passa  en  septembre  au  conseil  f 
des  Cinq-cents,  dont  il  fut  nommé  secré- 
taire, et  puis  membre  du  directoire 
exécutif.  Cependant  Rewbell  ne  possé- 
dait pas  de  connaissances  bien  étendues, 
ni  même  des  talens  oratoires  ;  mais  il 
savait  crier,  s'emporter,  menacer  du 
geste  et  de  la  voix  ses  adversaires ,  et 
l'emportait  ainsi  sur  eux  dans  les  discus-  i 
sions.  Il  fit  expulser  par  de  pareils  | 
moyens ,  et  successivement ,  Letourneur, 
Carnot  et  Barthélémy;  il  voulut  faire 
chasser  aussi  La  Réveillère-Lépaux  ;  mais  I 
celui-ci,  protégé  par  Barras ,  le  seul  qui  ^ 
pouvait  imposer  silence  à  ce  fougueux    \ 


à 


REY 

Alsacien ,  et  soutenu  par  Merlin ,  força 
enfin  son  ennemi  à  demander  sa  retraite, 
en  1799.  Mçilgré  les  clameurs  qui  s'éle- 
vaient de  toutes  parts  contre  ses  dilapi- 
dations ,  il  sut  si  bien  intriguer ,  qu'il 
fut  élu  par  son  département  au  conseil 
des  anciens.  Imperturbable  au  milieu 
des  plus  graves  accusations  qui  pesaient 
sur  lui ,  il  redoublait  d'audace ,  à  pro- 
portion qu'elles  augmentaient  ;  il  osa  se 
plaindre  de  la  calomnie ,  et  faire  l'éloge 
de  sa  probité.  Il  avait  voulu  jouer  quel- 
ques rôles  dans  la  révolution  du  1 8  bru- 
maire ;  mais  on  ne  voulut  point  de  lui , 
et  on  le  tint  à  l'écart.  Il  tomba  alors 
dans  une  nullité  absolue ,  et  eut  la  juste 
punition  de  voir  dépenser  par  ses  fils , 
en  de  folles  profusions,  la  plus  grande 
partie  des  richesses  qu'il  avait  acquises 
aux  dépens  des  malheureux.  Il  mourut 
ignoré  en  1 8 1 0  ,  âgé  de  6  4  ans. 

REY  (Jean),  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  le  célèbre  Jean  Rey  ou  Ray 
(  voyez  ce  dernier  nom  ) ,  vivait  du 
temps  du  Père  Mersenne ,  et  correspon- 
dait avec  lui.  Il  était  né ,  vers  la  fin  du 
16*  siècle ,  à  Bugne ,  petite  ville  du  Pé- 
rigord  ,  et  donna,  en  1629,  des  Essais 
sur  la  chimie  ,  réimprimés  en  1 782 ,  avec 
des  notes  d'un  M.  Gobet ,  qui  lui  attri- 
bue la  découverte  de  la  gravité  de  l'air  ; 
objet  si  peu  à  portée  de  Rey ,  qu'il  igno- 
rait même  la  nature  de  l'air  ,  qu'il  croyait 
être  un  composé  de  terre  et  d'eau  :  sans 
doute  que  dès  lors  il  dut  le  croire  pe- 
sant ,  mais  ce  n'est  pas  ce  qu'on  appelle 
une  découverte.  Ce  n'est  sur  aucun  des 
effets  de  l'air  que  Rey  en  imagina  la  pe- 
santeur ,  mais  d'après  l'absurde  idée  qu'il 
avait  de  sa  composition.  (Il  fut  cepen- 
dant le  précurseur  de  la  théorie  actuelle 
de  la  chimie  pneumatique.) 

REYD  (Van).  Voyez  Rkidanus. 

REYHER  (Samuel) ,  né  à  Schleusin- 
gen  ,  dans  le  comté  de  Henneberg ,  le 
19  avril  1635,  mort  en  1714,àKiel,  où 
il  professa  les  mathématiques  et  ensuite 
la  jurisprudence ,  était  conseiller  du  duc 
de  Saxe-Gotha ,  et  membre  de  la  société 
royale  des  Sciences  de  Berlin.  Il  a  tra- 
duit en  allemand  les  ouvrages  d'Euclide. 
On  a  encore  de  lui ,  en  latin  ,  un  livre  sa- 


REY  333 

vant  intitulé  :  Mathesis  Bihlica  ;  et  une 
Dissertation  fort  curieuse  sur  les  inscrip- 
tions de  la  croix  de  J.  G. ,  et  sur  l'heure 
de  son  crucifiement ,  etc. 

REYLOF  (Olivier),  trésorier  de  la 
ville  de  Gand ,  où  il  étaitné  ,  vers  1C70, 
mort  le  13  avril  1742  ,  cultiva  avec  suc- 
cès les  Muses  latines ,  et  en  fit  un  usage 
fort  louable.  Nous  avons  de  lui  :  1"  Poe- 
matum  libri  très.  Continent  Effectus 
mirabiles  divini  amoris,  Querelam  ani- 
mes in  inferis  detentœ ,  etc.  ,  Gand , 
1711,  in -8.  2°  Poematum  libri  très. 
Continent  Eclogas  sacras  et  profanas  -, 
Dissertationemde  piscibus  et  de  ranis, 
Gand,  1732,  in-8.  On  a  recueilli  ces 
différentes  productions ,  sous  le  titre  de 
Opéra poetica ,  Gand,  1738.  Il  y  a  de  la 
vai-iété  et  de  l'élégance ,  beaucoup  de 
clarté. 

"REYMOND  (Henri),  évêque  con- 
stitutionnel de  l'Isère  ,  puis  évêque  de 
Dijon  ,  naquit  le  21  novembre  en  1737  à 
Vienne  en  Dauphiné.  Après  avoir  fait  ses 
études  dans  le  collège  de  cette  ville  et 
pris  ses  degrés  en  théologie  dans  l'uni- 
versité de  Valence ,  il  fut ,  lors  de  l'ex- 
pulsion des  jésuites ,  professeur  de  phi- 
losophie. Ayant  quitté  l'enseignement,  il 
devint  curé  à  Vienne.  De  1776  à  1781, 
il  publia  divers  écrits  qui  le  mirent  en 
opposition  avec  le  haut  clergé.  A  l'é- 
poque de  la  révolution ,  il  embrassa  les 
opinions  nouvelles  :  il  fut  élu  second 
évêque  de  l'Isère  et  sacré  à  Grenoble  le 
15  janvier  1793.  Pendant  la  terreur,  il 
ne  déshonora  pas  son  caractère  par  l'a- 
postasie ,  et  fut  même  quelque  temps 
emprisonné  à  Grenoble.  Rendu  à  la  li- 
berté il  se  joignit  aux  autres  constitu- 
tionnels pour  faire  revivre  leur  église 
expirante.  Quoiqu'il  eût  assisté  au  con- 
cile de  1797,  et  signé  les  actes  des 
réunis ,  il  s'attira  cependant  les  repro- 
ches des  Annales  de  la  religion  de  Des- 
bois, comme  peu  zélé  pour  soutenir  les 
intérêts  de  l'Eglise.  Nommé  à  l'évêché 
de  Dijon  ,  il  signa  la  formule  de  rétrac- 
tation demandée  par  le  Saint-Père.  On 
a  prétendu  cependant  qu'il  ne  l'avait  pas 
fait ,  et  sa  conduite  postérieure  n'a  pas 
démenti  cette  assertion.  Son  administra- 


334  REY 

tion  se  ressentit  constamment  des  opi- 
nions qu'il  professait  ;  et  dans  des  temps 
plus  heureux,  on  n'eût  pas  souffert 
qu'un  évêque  fît  enseigner  dans  son  sé- 
minaire des  doctrines  condamnées,  et 
s'écartât  de  la  discipline  reçue  de  l'Eglise. 
A  la  rentrée  du  roi  Louis  XVIII,  il  refusa, 
malgré  la  délibération  du  conseil  muni- 
cipal ,  d'ordonner  qu'il  serait  chanté  un 
Te  Deum.  Mais  quand  Buonaparle  se  fut 
échappé  de  l'île  d'Èlbe ,  il  présenta  ,  dans 
une  Lettre  pastorale ,  son  retour  comme 
un  bienfait  de  la  Providence.  Le  sens 
de  nos  textes  sacres,  disait-il ,  s'applique 
par  la  droite  raison  au  rétablissement 
inattendu  de  Fillustre  Napoléon.  Au  se- 
cond rétablissement  des  Bourbons,  Rey- 
mond  fut  mandé  à  Paris ,  où  il  demeura 
quelque  temps  et  où  il  chercha  à  se  jus- 
tifier dans  un  Mémoire  inséré  dans  la 
Chronique  religieuse.  Ses  amis  appelè- 
rent cette  conduite  du  gouvernement 
une  horrible  persécution.  Après  quelques 
mois  de  séjour  dans  la  capitale ,  il  se 
rendit  à  Dijon  ,  où  il  fit  paraître  le  14 
décembre  1818  une  circulaire,  pour 
permettre  de  faire  gras  tous  les  samedis 
et  même  le  vendredi  pendant  la  ven- 
dange. Ou  se  tut  sur  une  licence  et  sur 
un  abus  aussi  énorme;  et  Reymond , 
qui  avait  vécu  sans  mériter  l'estime , 
mourut  sans  exciter  de  regret ,  le  20  fé- 
vrier 1820,  frappé  de  mort  subite.  11 
s'est  fait  connaître  par  :  1"  Droits  des 
curés  et  des  paroisses  sous  leur  double 
rapport  spirituel  et  temporel,  Paris, 
1776  ,  in-8,  et  1791  ,  3  vol.  in-12.  Cet 
écrit  fut  supprimé  par  arrêt  du  parlement 
de  Grenoble.  2°  Mémoire  à  consulter 
pour  les  curés  à  portion  congrue  du 
Dauphiné,  1780  ;  3°  Droit  des  pauvres, 
1781  ,  in-12  ;  4°  Analyse  des  principes 
constitutifs  des  deux  puissances;  5° 
Adresse  aux  curés;  6°  Mandemens  et 
lettres  pastorales. 

REYNA  (Cassidiore) ,  né  à  la  fin  du 
16'  siècle,  a  traduit  toute  la  Bible  en 
espagnol  sur  les  originaux.  Cette  traduc- 
tion calviniste  est  devenue  si  rare ,  que 
Gaffarel ,  qui  la  vendit  à  Carcavi  pour 
la  bibliothèque  du  roi  de  France,  lui  fit 
accroire  que  c'était  une  ancienne  Bible 


REY 

des  Juifs.  Mais ,  outre  que  le  nouveau 
Testament  y  est  traduit  aussi-bien  que  le 
Vieux ,  on  connaît  aisément ,  par  la  fi- 
gure de  l'ours  qui  est  à  la  première  page 
du  livre ,  qu'elle  a  été  imprimée  à  Bâle , 
et  que  l'auteur  a  caché  son  nom  sous  ces 
deux  lettres  G.  R. ,  qu'on  voit  à  la  fin  du 
discours  latin  qni  est  au  commencement. 
Elle  est  intitulée  :  La  biblia ,  que  os  los 
sacros  libres  delviejo  y  nuevo  Testa- 
mento  ,  transladada  en  espanol,  1569, 
in-4.  Il  y  a  à  la  tête  un  long  discours  en  es- 
pagnol ,  pour  prouver  qu'on  doit  tra- 
duire les  livres  sacrés  en  langue  vulgaire, 
sentiment  bien  opposé  à  celui  d'un  des 
illustres  compatriotes  du  traducteur  (le 
cardinal  Ximénès),  «   qui   croyait,  dit 
»  M.  Fléchier,   que  dans  ces  siècles  si 
«  éloignés  de  la  foi  et  de  la  docilité  des 
»  premiers  chrétiens  rien  ne  convenait 
»  moins  que  de  mettre  indifféremment 
M  entre  les  mains  de  tout  le  monde  ces 
»  oracles  sacrés ,  que  Dieu  fait  conce- 
»  voir  aux  âmes  pures ,  et  que  les  igno- 
»  rans,  selon  l'apôtre  saint  Piei're,cor- 
»  rompent  à  leur  propre  perte;   qu'il 
M  était  bon  de  publier  dans  la  langue  du 
»  pays  des  catéchismes ,  des  prières ,  des 
»  explications  solides   et   simples  de  la 
))  doctrine     chrétienne ,    des     recueils 
»  d'exemples  édifians ,  et   autres  écrits 
»  propres  à  éclairer  l'esprit  des  peuples 
»  et  à  leur  inspirer  l'amour  de  la  religion;     1 
»  mais  que,  pour  plusieurs  endroits  de     1 
»  l'ancien  et  du  nouveau  Testament,  qui 
»  demandaient   beaucoup   d'attention  , 
»  d'intelligence  et  de  pureté  de  cœur  et     1 
»  d'esprit ,  il  valait  mieux  les  laisser  dans     1 
»  les  trois  langues  que  Dieu  avait  permis     \ 
n  qu'on  eût   comme  consacrées  sur   la 
))  tête  de  J.  C.   mourant  ;   qu'autrement 
»  l'ignorance  en  abuserait,  et  que  ce  se- 
»  rait  un  moyen  de  séduire  les  hommes 
»  charnels  qui  ne  comprennent  pas  ce 
»  qui  est  de  Dieu ,  et  les  présomptueux, 
»  qui  croient  entendre  ce  qu'ils  ignorent. 
M  On  eût   dit  qu'il  prévoyait  dès    lors 
»  l'abus  que  les  dernières  hérésies   de- 
»  valent  faire  des  Ecritures.  » 

'REYNAUD  (Marc-Antoine),  curé 
de  Vaux  au  diocèse  d'Auxerre  et  prêtre 
appelant ,  naquit  vers  1717,  à  Limoux 


REY 

au  diocèse  de  Narbonne ,  et  non  à  Brive- 
la-Gaillarde.  Il  entra  jeune  en  qualité  de 
novice  à  l'abbaye  de  Saint- Polycarpe, 
même  diocèse.  Elle  avait  été  long-temps 
gouvernée  par  le  pieux  La  Fite-Maria, 
qui  y  avait  établi  la  réforme ,  et  l'avait 
préservée  de  diverses  tentatives  faites 
pour  y  introduire  le  jansénisme.  Depuis 
sa  mort,  elles  avaient  été  réitérées  avec 
plus  de  succès  ;  et  les  choses  en  étaient 
venues  au  point  que  la  cour  en  avait  pris 
connaissance  ,  et  défendit  d'y  admettre 
aucun  novice  à  la  profession.  En  consé- 
quence de  cet  ordre ,  Reynaud  fut  obligé 
de  se  retirer,  n'étant  encore  que  simple 
clerc.  M.  de  Caylus,  évêque  d'Auxerre, 
l'accueillit,  lui  fit  achever  ses  études 
dans  son  séminaire  ,  et  l'ordonna  prêtre. 
La  cure  de  Vaux ,  près  d'Auxerre ,  à  la- 
quelle était  unie  la  desserte  de  Champ  , 
ayant  vaqué  en  1747,  M.  de  Caylus  y 
nomma  l'abbé  Reynaud.  Il  avait  du  ta- 
lent. Il  consacra  sa  plume  à  la  défense 
de  son  parti ,  sans  pourtant  tomber  dans 
les  excès  et  les  absurdités  de  quelques- 
uns,  qu'au  contraire  il  prit  à  tâche  de 
signaler  et  de  combattre.  11  a  publié  : 
1"  Le  philosophe,  redressé  par  un  curé 
de  campagne  ,  ou  Réfutation  de  l'écrit 
de  d'Alembert ,  intitulé  :  Sur  la  des- 
truction des  jésuites  en  France,  1765, 
in-12  de  43  pages,  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  celui  de  Mirasson  ,  barna- 
bite  ;  2°  Traité  de  la  foi  des  simples , 
1770  ,  in-12;  3°  Lettres  aux  auteurs  du 
Militaire  philosophe  et  du  Système  de 
la  nature,  1769,  in-12,  66  pages,  et 
1792;  h''  Errata  de  la  Philosophie  de 
la  nature,  par  un  R.  P.  Picpus ;  b° 
Lettres  aux  cordicoles  ;  6°  Histoire  de 
l  abbaye  de  Saint  Polycarpe ,  de  l'ordre 
de.  Saint-Benoit,  1779  ,  in-12  ;  celle  de 
dom  Labat  est  de  1785.  L'auteur  y  loue 
beaucoup  l'esprit  qui  régnait  dans  cette 
maison.  Est-ce  l'esprit  qu'y  avait  intro- 
duit la  Fite-Maria ,  esprit  de  réforme  et 
de  régularité  ?  ou  celui  qui  s'y  introdui- 
sit après  lui ,  esprit  d'obstination  et  d'or- 
gueil ?  7°  Cinq  Lettres  sur  les  secours 
violens  ou  les  convulsions ,  dont  la  qua- 
trième, du  11  novembre  1685,  est  suivie 
dequelques  réponses  de  ses  adversaires  : 


RÈY  335 

ces  cinq  lettres ,  avec  les  pièces  qui  les 
accompagnent, forment 621  pages.  L'au- 
teur y  combat  le  secourisme,  en  dé- 
montre l'absurdité  et  les  dangers ,  et  ré- 
vèle les  folies ,  les  cruautés  et  les  turpi- 
tudes d'un  parti  qui  se  couvrait  du  man- 
teau de  la  rigidité.  Le  Père  Lambert  en- 
tra dans  la  controverse  et  chercha  à  ré- 
futer Reynaud.  Le  curé  de  Vaux  a  en- 
core publié  sur  la  même  matière  trois 
autres  écrits  :  Le  Secourisme  détruit ,  le 
Mystère  d'iniquité  dévoilé,  et  Lamen- 
tations amères  et  derniers  soupirs  des 
écrivains  secouristes  :  cette  dernière 
brochure  est  du  25  septembre  1788. 
L'abbé  Reynaud  fut  bientôt  entraîné  dans 
une  controverse  beaucoup  plus  terrible  : 
la  révolution  éclata ,  et  quoiqu'il  eût 
dans  les  rangs  de  ses  amis  de  nombreux 
exemples  d'une  honteuse  défection,  il 
s'opposa  constamment  aux  innovations  , 
et  publia  sur  ces  matières  quatre  écrits 
de  peu  d'étendue.  On  le  dépouilla  de  sa 
cure ,  et  il  fut  renfermé  pendant  deux 
ans.  Rendu  à  la  liberté  ,  il  se  trouva  ré- 
duit à  une  telle  misère,  qu'il  se  retira 
dans  un  hospice  :  il  mourut  en  1796, 
dans  sa  7  9*  année.  On  trouve  sur  cet 
écrivain  une  notice  très  détaillée  et 
très  intéressante  dans  VAmi  de  la  reli- 
gion, tome  35  ,  page  59. 

RÈYJVEAU  (Charles-Réné),  savant  ora- 
torien,  né  à  Brissac  en  1656,  entra  dans 
l'Oratoire  à  Paris,  âgé  de  20  ans.  Après 
avoir  professé  la  philosophie  à  Toulon 
et  à  Pézénas ,  il  fut  appelé  à  Angers  en 
1683,  pour  y  remplir  la  chaire  de  ma- 
thématiques. L'académie  des  Sciences  de 
Paris  se  l'associa  en  1716 ,  et  le  perdit  en 
1728.  «  Sa  vie,  dit  Fontenelle,  a  été  la 
5)  plus  simple  et  la  plus  uniforme.  L'é- 
))  tude ,  la  prière ,  deux  ouvrages  de  ma- 
M  thématiques  et  un  de  logique,  en  sont 
»  tous  les  événemens.  Il  se  tenait  fort  k 
»  l'écart  de  toute  affaire ,  encore  plus  de 
»  toute  intrigue,  et  il  comptait  pour  beau- 
»  coup  cet  avantage ,  si  précieiu  et  si  peu 
))  recherché,  de  n'être  rien,  m  II  ne  re- 
cevait guère  de  visites  que  de  ceux  avec 
qui  il  ne  perdait  pas  son  temps.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  sont  :  1°  Analyse  dé 
montrée,  1736,  2  vol.  iu-4  ;  2°  là  Science 


336 


REY 


du  calcul,  avec  une  suite,  1739  ,  2  vol. 
in- 4  :  ces  deux  ouvrages  sont  très  esti- 
més; 3°  la  Logique,  ou  l'Art  de  raison- 
ner juste,  in-12,  ne  lui  appartient  pas; 
ce  petit  traité  est  du  Père  Noël  Kegnault. 

REYNIE  (La).  Foyez  Reinie. 

*  REVINIER  (Jean-Louis-Ebnezer),  gé- 
néral de  division,  né  à  Lausane  le  14 
janvier  1771 ,  s'était  adonné  jeune  encore 
aux  sciences  exactes  ;  car  son  but  était 
d'entrer  dans  la  partie  des  ponts-et-chaus- 
sées.  La  révolution  française  changea  en- 
tièrepient  ses  projets  :  il  vint  à  Paris  et 
s'enrôla  comme  simple  canonnier.  Ce  fut 
en  celte  qualité  qu'il  fit  la  campagne  de 
France  contre  lesPrussiensqui  avaienten- 
vahi  la  Champagne.  LestalensdeReynier 
u'étaient  pas  restés  dans  l'oubli  :  ils  lui 
valurent  peu  de  terapsaprès  l'emploi  d'ad- 
joint à  l'état-major.  En  1792  il  fit  la  cam- 
pagne de  la  Belgique  :  il  s'y  distingua  , 
fut  nommé  adjudant-général,  et  contri- 
bua aux  succès  des  armes  républicaines , 
en  1793,  à  Lille,  Menin  et  Courtray.  Il 
se  fit  aussi  remarquer  à  la  conquête  de  la 
Hollande,  devint  dans  cette  campagne 
général  de  brigade ,  et  montra  beaucoup 
de  valeur  et  d'intelligence  au  passage  du 
Wahal.  Lprs  des  préliminaires  de  la  paix 
avec  la  Prusse ,  il  fut  choisi  pour  fixer  la 
démarcation  des  cantonnemens ,  et  laissa 
une  bonne  opinion  de  ses  connaissances, 
même  aux  généraux  prussiens.  Il  servit 
ensuite  sous  Moreau,  dans  l'armée  du 
Rhin ,  en  qualité  de  chef  de  l'état-major. 
Jl  mérita  les  éloges  de  ce  général  aux  di- 
vers passages  du  Rhin ,  et  aux  batailles 
de  Rastadt,  de  Neresheim,  de  Friedberg 
et  de  Biberacb.  L'intrigue  ou  la  jalousie 
l'écarta  du  service  pendant  quelque 
temps  :  il  y  rentra  au  moment  de  l'expé- 
dition d'Egypte  dont  il  fit  partie.  Pendant 
cette  campagne  il  donna  de  nouvelles 
preuves  de  courage,  surtout  à  la  bataille 
des  Pyramides ,  et  dans  la  campagne  de 
la  Syrie  ;  ce  fut  Reynier  qui  le  premier 
passa  le  désert ,  culbuta  l'avant-garde  de 
l'ennemi ,  fit  le  siège  d'El-Arish,  et  battit 
complètement,  peu  de  temps  après,  vingt 
mille  Turcs  qui  venaient  à  sa  rencontre. 
Il  fut  envoyé  par  Kléber  pour  commander 
dans  le  Kelioubetb  ;  mais  ce  général  ayant 


REY 

été  assassiné ,  il  revint  au  Kaire,  où  com- 
mencèrent ses  plaintes  contre  Menou. 
Reynier  souffrait  avec  impatience  de  ser- 
vir sous  ce  nouveau  chef,  dont  l'impé- 
ritie  était  connue  de  toute  l'armée,  et 
qui  ne  pouvait  avoir,  en  conséquence, 
la  confiance  des  chefs  subalternes  ni  des 
soldats.  Leur  inimitié  devint  funeste  à 
l'armée  française.  L'approche  des  Anglo- 
Turcs  ,  le  salut  de  l'armée ,  ne  purent 
pas  les  réunir,  et,  quoique  dans  la  ba- 
taille sanglantedu  30  ventôse  (mars  1801), 
Reynier  montrât  son  intelligence  et  sa  va- 
leur accoutumées,  elle  fut  perdue  pour 
les  Français.  Accusé  d'insubordination, 
il  fut  arrêté  et  envoyé  en  France ,  oii  le 
premier  consul  lui  fit  un  fort  mauvais  ac- 
cueil. Il  resta  en  disgrâce  pendant  tout 
le  gouvernement  consulaire ,  et  un  duel 
qu'il  eut,  en  1 803  ,  au  bois  de  Boulogne, 
avec  le  général  Destaing,  qu'il  mit  à  mort, 
ne  "fit  qu'empirer  ses  affaires.  Exilé  de 
Paris,  il  y  revint  en  1805;  il  fut  em- 
ployé de  nouveau,  et  appelé  au  comman- 
dement d'une  partie  de  l'armée  d'Italie, 
qui  s'empara  de  Naples  :  il  obtint  alors  le 
titre  de  grand  officier  de  la  légion-d'hon- 
neur. Il  commanda  celte  ville  après  le 
couronnement  de  Joseph-Napoléon ,  et 
fut  ministre  de  la  guerre  et  de  la  marine 
jusqu'en  1809;  mais  n'aimantpas  le  repos, 
il  vint  joindre  Napoléon  à  Vienne ,  prit 
du  service  dans  l'ai'mée  française  ,  et  eut 
sous  ses  ordres  le  corps  des  Saxons  à  la 
bataille  de  Wagram,  où  il  cueillit  de  nou- 
veaux lauriers.  Il  soutint  sa  réputation 
de  brave  général  en  Espagne ,  d'où  il  fut 
rappelé  par  Buonaparte  ,  qui  l'employa 
dans  la  guerre  de  Russie.  Il  commandait 
le  1"  corps  ;  mais  il  ne  put  rien  faire  de 
bien  remarquable  dans  cette  campagne  : 
il  repoussa  cependant  les  Prussiens  à  Ka- 
lisch,  et  vint  camper  en  avant  de  Dresde. 
En  1813 ,  il  se  distingua  à  la  bataille  de 
Bautzen,  ets'empara  de  la  ville  de  Gorlitz. 
L'armistice  ayant  cessé  ,  Reynier  marcha 
sur  Berlin ,  se  surpassa  par  sa  valeur  au 
combat  de  Dennevitz,  où  il  préserva  l'ar- 
mée française  d'une  perte  totale.  A  la  ba- 
taille de  Leipsick,  il  fut  abandonné  par 
le  corps  Saxon  qu'il  commandait  :  ce  fut 
là  le  terme  de  sa  carrière  militaire.  Après 


REY 

cette  affaire  désastreuse,  il  revint  à  Paris 
où  il  mourut  en  18)4,  âgé  à  peine  de  44 
ans.  On  lui  doit  plusieurs  ouvrages,  entre 
autres  :  1°  JDc  V Egypte  après  la  bataille 
d'He'liopoUs ,  et  considérations  généra- 
les sur  l'organisation  physique  et  politi- 
que de  ce  pays,  Paris,  1804,  in-8  :  cet  ou- 
vrage traduit  en  anglais  a  été  réimprimé 
en  1826  sous  le  titre  de  Mémoires  de 
Reynier ,  précédé  d'une  notice  par  M. 
Duclos.  Il  a  été  inséré  dans  la  seconde 
série  des  Mémoire*  de  la  révolution  fran- 
çaise. 2°  Conjectures  sur  les  anciens  ha- 
bitans  de  l'Egypte,  Paris,  1804,  in-8;  3° 
sur  les  Sphinx  qui  accompagnent  les 
Pyramides,  ibid. ,  1805,  in-8. 

REYJNOLDS  (sir  Josué) ,  un  des  pein- 
tres les  plus  célèbres  du  18*  siècle  ,  mort 
à  Londres  en  1792,  dans  la  G9*  année 
de  son  âge,  joignait  au  goût  le  plus 
exquis,  aux  grâces,  à  une  facilité  heu- 
reuse, au  mérite  de  l'invention,  une  ri- 
chesse et  une  harmonie  de  coloris  qui 
l'ont  rendu  presque  l'égal  des  grands  maî- 
tres d'Italie  et  de  Flandre.  Il  est  regardé 
comme  le  fondateur  de  l'école  anglaise, 
et  fut  enterré  avec  beaucoup  de  pompe  à 
Westminster,  à  côté  duWreu. 

REYRAC  (François-Philippe  de  Saint- 
Laurent  ou  DuLAUUENs  dc) ,  chanoinc  ré- 
gulier de  Chancelade ,  prieur-curé  de 
Saint-Maclou  à  Orléans ,  né  au  château 
de  Longeville  en  Limousin  ,  le  29  juillet 
1734,  mort  à  Orléans  le  10  décembre 
1782,  s'est  distingué  par  plusieurs  ou- 
vrages qui  respirent  les  bons  principes  , 
les  bonnes  mœurs  et  le  zèle  pour  la  reli- 
gion. (  Il  se  fit  d'abord  connaître  par  un 
Pane'gyrique  de  saint  Louis ,  prononcé 
dans  les  chaires  dc  Toulouse  et  de  Bor- 
deaux ,  et  qui  décelait  un  grand  orateur.) 
Le  dernier  de  ses  ouvrages,  celui  qui  lui 
a  fait  le  plus  de  réputation ,  est  une 
Hymne  au  soleil ,  écrite  en  prose,  et  plu- 
sieurs fois  imprimée  depuis  1777.  «  Si 
»  cette  prose,  dit  un  critique,  sur  la  source 
»  de  la  lumière  et  du  feu,  est  dépourvue 
»  de  verve  et  de  chaleur,  elle  ne  l'est 
»  point  de  clarté,  de  correction,  ni  d'i- 
a  mages  grandes  et  noblement  exprimées , 
»  et  célèbre  dignement  ce  bel  astre,  l'or- 
p  nement  et  l'àme  du  monde  physique , 
XI. 


REY  337 

»  appelé  si  justement  dans  l'Ecriture  : 
»  F'as  admirabile  opus  Excelsi.  »  Ce 
petit  ouvrage  est  précédé  d'un  discours 
préliminaire  qui  renferme  d'excellens 
principes  de  morale  et  de  goût.  On  a  en- 
core de  lui  :  1°  Epître  à  M.  le  comte  dé 
farcilles  sur  le  vrai  bonheur  de  Vhomme, 
1 758  ;  2°  Ode  sur  la  vertu,  à  M.  le  duc 
de  Mortemart ,  1758  ;  3°  Lettre  sur  ïé- 
loquence  de  la  chaire  ;  4°  Les  charmes 
de  la  vie  privée  ;  5"  Za  Philosophie  cham- 
pêtre ,  ode ,  traduite  de  l'italien ,  avec 
des  réflexions  sur  la  poésie,  1762  ,  in-8  ; 
6"  Discours  prononcé  dans  l'église  de 
Pompignan  ;  7°  Manuale  clericorum  ;  S" 
Odes  sacrées,  17  57  ,  in-12  ;  9°  Discours 
sur  la  poésie  des  Hébreux,  1760;  10° 
Poésies  tirées  des  saintes  Ecritures, 
dédiées  à  madame  la Dauphine,  1770.  La 
poésie  de  cet  auteur  est  en  général  assez 
froide;  le  langage  sublime  et  figuré  des 
prophètes  n'a  que  faiblement  échauffé  sa  ' 
verve.  L'abbé  de  Picyrac  possédait  toutes 
les  qualités  qui  pouvaient  le  rendre  cher, 
une  aménité  de  mœurs,  une  politesse, 
une  honnêteté  qu'il  aurait  été  difficile.de 
trouver  réunies  dans  un  degré  plus  émi- 
nent.  Livré  par  devoir  et  par  zèle  aux: 
fonctions  importantes  de  son  ministère, 
il  faisait  aimer ,  par'  l'innocence  de  ses 
mœurs  et  la  douce  onction  de  ses  paroles, 
la  religion  sainte  qui  seule  peut  donner 
celte  sérénité  du  juste  empreinte  sur  son 
front.  Sa  présence  apportait  le  courage 
aux  pauvres,  la  consolation  aux  aUEligés, 
la  concorde  aux  familles  désunies  ;  et  l'on 
ne  pouvait  l'approcher  sans  partager  en 
quelque  sorte  ce  calme  heureux ,  cette 
paix  inaltérable,  qui  formaient  comme 
l'essence  de  son  caractère.  Son  Eloge,  pu- 
blié par  Bérenger,  parut  en  1783. 

*  REYRE  (Joseph),  ecclésiastique,  né 
à  Eyguières,  en  Provence,  le  25  avril 
1735,  s'est  fait  de  la  réputation  comme 
prédicateur  et  comme  écrivain .  Issu  d'une 
honnête  famille  ,  il  fut  envoyé  chez  les 
jésuites  d'Avignon ,  pour  y  faire  ses 
études.  Après  avoir  terminé  la  rhétorique, 
il  fit  son  noviciat  dans  cette  société  ,  et, 
lorsqu'il  l'eut  terminé,  il  professa  successi- 
vement à  Roanne  ,  Lyon  et  Aix.  Les  pre- 
miers arrêts  du  parlement  contre  les  je- 
43. 


338  REY 

suites  l'ayant  obligé  de  se  retirer  dans 
le  Comtat ,  il  enseigna  les  belles-lettres  à 
Carpentras.  Après  la  dissolution  de  la  so- 
ciété ,  il  se  livra  à  la  prédication ,  et  fit 
entendre  la  parole  sainte  dans  plusieurs 
villes  du  midi.  Appelé  à  Paris,  il  prècba 
le  carême  de  1788  à  Notre-Dame;  mais 
les  troubles ,  qui  commençaient  à  agiter 
la  capitale,  l'empêchèrent  d'occuper  la 
station  suivante  à  Saint-Sulpice.  Il  se 
rendit  alors  auprès  de  son  confrère  le  Père 
Pravaz ,  à  Pontde-Voisin.  Pendant  les 
orages  de  la  révolution,  il  se  cacha  à  SauU 
près  Carpentras;  mais  il  fut  arrêté  sous 
le  régime  de  la  terreur  avec  un  de  ses 
frères,  et  détenu  quelque  temps  à  Saint- 
Remi.  Lorsque  la  paix  eut  été  rendue  à 
l'Eglise,  il  résida  d'abord  à  Lyon  ;  mais 
l'air  de  cette  ville  n'étant  pas  favorable 
à  sa  santé,  il  se  fixa  à  Avignon  ,  où  il 
mourut  le  5  février  1812.  L'abbé  Reyre 
était  un  prêtre  zélé  et  édifiant  :  il  était 
tout  rempli  de  l'esprit  de  la  société  dont 
il  avait  été  membre,  et  s'efforçait  d'en 
suivre  les  sentimens  en  consacrant  sa 
plume  à  l'instruction  des  fidèles  et  à  l'é- 
ducation de  la  jeunesse.  Ses  ouvrages  sont 
généralement  répandus  dans  les  bonnes 
maisons  d'éducation.  On  désirerait  que 
l'auteur  les  eût  travaillés  avec  plus  de 
soin.  Us  annoncent  de  la  facilité,  de  l'ai- 
sance ,  une  manière  de  s'exprimer  simple 
et  agréable  ;  mais  ils  sont  un  peu  super- 
ficiels. Nous  connaissons  de  cet  estimable 
écrivain  :  i°  L'Ami  des  enfans ,  publié 
ensuite  sous  le  titre  de  Mentor  des  en- 
fans,  1  vol.  in-12;  2"  L'Ecole  des  jeunes 
demoiselles,  2  vol.  in  12  ;  3"  Bibliothè- 
que pne'tique  de  la  jeunesse,  2  vol.  in- 12  ; 
4"  Fabuliste  des  enfans,  1  vol.  in-12;  5' 
Anecdotes  chrétiennes ,  2  vol.  in-12;  6° 
Prônes  nouveaux,  en  forme  d'homélies, 
2  vol.  in-12;  7°  Le  Petit  carême,  en 
forme  d'homélies.  Ces  deux  derniers  ou- 
vrages ont  été  réunis  avec  les  Instructions 
sur  Les  fêtes,  sous  le  titre  <X' Année  pasto- 
rale, 5  vol.  in-12.  Les  OEuvres  de  l'abbé 
Reyre  ont  eu  plusieurs  éditions. 

KEYS  (  Antonio  dos  ),  littérateur  por- 
tugais, né  à  Pernes,  à  trois  lieues  deSan- 
taren  ,  eu  1690,  se  fit  oratorien  à  Lis- 
bonne. Il  s'y  distingua  par  ses  prédica- 


REZ 

tiens,  et  devint  historiographe  de  sa 
congrégation  ,  qualificateur  du  saint- 
office  ,  consulteur  de  la  bulle  de  la  croi- 
sade ,  examinateur  synodal  du  patriarche 
de  Lisbonne  et  des  trois  ordres  mili- 
taires de  Portugal ,  chronologiste  de  ce 
royaume  en  langue  latine ,  censeur  et 
académicien  de  l'académie  d'histoire  por- 
tugaise. Il  refusa  plusieurs  évêchés ,  et 
mourut  à  Lisbonne  en  1738.  On  a  de  lui 
un  grand  nombre  d'ouvrages ,  les  uns 
imprimés  et  les  autres  manuscrits.  Les 
principaux  de  ceux  du  premier  genre  sont, 
1°  des  Poésies  latines  ,  élégantes  :  on 
estime  surtout  ses  Epigrammes ,  dans 
lesquelles  il  a  conservé  toute  la  décence 
de  son  état  ;  2°  la  Fie  de  Ferdinand  de 
Ménèze ,  en  latin  ;  3°  une  Introduction 
au  Recueil  des  meilleurs  poètes  portugais, 
in-8  ;  4°  une  Edition  du  Corpus  illustrium 
poetarum  lusitanorum  qui  latine  scrip- 
serunt,  en  7  vol.  in-4  ,  etc.  Reys  avait 
des  connaissances  très  étendues.  Il  savait 
les  langues  anciennes  et  modernes,  et 
sa  critique  était  assez  exacte. 

•  REZZAJNO  (  François  )  ,  ecclésias- 
tique  italien,  naquit  à  Côme  le  8  mars 
1731  (1)  d'honnêtes  parens.  Il  demeura 
quelque  temps  à  Rome ,  où  ses  bonnes 
qualités  lui  concilièrent  l'estime  et  la 
protection  du  cardinal  Colonne  qui  cher- 
cha à  l'avancer.  Malheureusement  ce 
prélat  vint  à  mourir ,  et  Rezzano  retomba 
dans  la  misère.  Etant  retourné  en  sa  pa- 
trie en  1 760 ,  il  obtint  de  son  évêque  une 
place  dans  sa  maison ,  et  fut  nommé  à 
un  canonicat  qui  lui  procura  l'aisance 
convenable  pour  continuer  ses  travaux. 
Il  mourut  à  l'âge  de  49  ans  le  27  mai 
1780,  montrant  de  grands  sentimens  de 
piété.  Il  a  publié  :  V  II  libro  di  Giobbe, 
esposto  in  poesia  italiana  con  annota- 
zioni,  Rome,  1760,  in-4  ,  et  Nice,  1781. 
Les  Novelle  letterarie  de  Florence  par- 
lent de  cet  ouvrage  avec  beaucoup  d'é- 
loges. Ce  même  livre  de  Job  a  depuis 
été  traduit  en  vers  italiens  par  le  comte 
Camille  Zampieri ,  Bologne  ,  1763  ;  par 
Marc-Antoine  Talleoni  ,  Osimo,    1764, 

(l)  Le  Dietioanairt  hitlorique  univtritl  f  Prudbomme  ) 
dit  \f  s  décembre.  On  •  prérérr  U  da(e  du  8  mira,  donnée 
par  le  DisJonarin  tturifo  di  Baraauo  ,  qu'on  nuppoie  mieux 
ioflruit ,  quaod  il  ett  quettieu  de  penoDuapa  iulieni. 


I 


REZ 

et  Hyacinthe  Cerulti,  Rome,  1773.  2"  Do- 
dici  cantici  sagri  ,  latini  e  italiani , 
1772.  L'auteur  y  joignit  douze  autres 
cantiques ,  et  le  tout  reparut  à  Lucques 
en  17  7G  sous  cciiive  :  L' Anima  médi- 
tante. Le  17*  cantique,  sur  les  misères 
de  la  vie,  est  une  peinture  de  celle  que 
l'auteur  mena  pendant  plusieurs  années. 
Z°  Il  Trionfo  délia  Chiesa ,  Venise,  1778. 
Rezzano  était  lié  d'intimité  avec  le  comte 
Giovio.  Ce  célèbre  écrivain,  à  la  mort 
de  Rezzano ,  fit  l'acquisition  des  écrits 
qu'il  laissa ,  et  honora  la  mémoire  de 
son  ami  d'une  Notice  pleine  d'estime  et 
d'affection ,  insérée  dans  son  recueil  in- 
titulé :  Gli  uomini  illustri  délia  comasca 
diœcesi,  p.  208. 

*  REZZONICO  (  Aurelio  ) ,  jésuite , 
issu  de  la  noble  famille  de  ce  nom ,  et 
allié  à  une  autre  famille  papale,  par  sa 
mère  ,  Thérèse  Odescalchi,  était  né  à 
Côme  le  1 G  septembre  1 7  2 3 .  11  entra  dans 
l'institut  des  jésuites,  le  8  juin  1740, 
et  s'y  lia ,  le  1 5  août  1757,  par  les  quatre 
•vœux.  H  prêcha  dans  les  principales  villes 
d'Italie,  et  recueillit  partout  des  applau- 
dissemens.ClémentXIII,  qui,  lorsqu'il  n'é- 
tait encore  que  cardinal  et  évêque  de  Pa- 
doue,  l'avait  ordonné  prêtre,  l'appela  près 
de  lui  à  son  avènement  au  souverain  pon- 
tificat ,  et  le  mit  à  la  tête  du  séminaire 
romain.  C'était  un  emploi  difficile  dans 
les  circonstances  malheureuses  oii  l'on 
se  trouvait.  Le  Père  Rezzonico  s'y  com- 
porta avec  toute  la  prudence  et  la  sa- 
gesse qu'on  pouvait  désirer.  A  la  dis- 
solution de  la  société  ,  sous  Clément 
XIV,  il  se  retira  à  Come  sa  patrie,  où 
il  fut  pourvu  d'un  canouicat  de  la  ca- 
thédrale ,  et  de  la  dignité  de  péniten- 
cier. Il  mourut  vers  la  fin  de  177  7  ,  âgé 
de  54  ans.  On  a  de  lui  :  1°  Orazione  pa- 
negirica  in  Iode  di  santa  Caterina, 
vergine  e  martire,  Venise,  1762;  2° 
Orazione  detta  in  Cremona  per  i  felici 
successi  delV  armi  autriache ,  Milan  , 
1764;  3°  Orazione  sagra  detta  nella 
sala  delsenato  diLucca,  Lucques,  1769. 
L'astronome  de  Lalande ,  qui  avait  eu  oc- 
casion de  voir  et  de  connaître  le  Père  Rez- 
xonico  en  Italie ,  en  parle  avec  beaucoup 
d'éloge  dans  la  relation  de  son  voyage 


RHE  339 

RHADAMISTE ,  fils  de  Pharasmanes, 
roi  d'ibérie ,  feignant  d'être  mal  avec  son 
père ,  se  retira  auprès  de  son  oncle  Mi- 
thridate,  roi  d'Arménie,  dont  il  épousa 
la  fille  appelée  Zénobie.  Dans  la  suite, 
il  leva  une  puissante  armée  contre  Mi- 
thridate  ;  l'ayant  attiré  à  une  conférence, 
il  lefit  étouffer  par  trahison.  Son  crime 
ne  demeura  pas  impuni  ;  car  ,  ayant  été 
vaincu  par  Artaban  ,  roi  des  Parlhes ,  il 
fut  contraint  de  prendre  la  fuite  ,  après 
avoir  poignardé  lui-même  sa  femme 
(  Voyez  ZÉNOBiE  ) ,  l'an  52  de  J.  C.  Son 
père  Pharasmanes  le  fit  ensuite  mourir 
comme  un  traître.  (  Crébillon  a  tiré  de 
Rhadamiste  le  sujet  de  sa  plus  belle  tra- 
gédie. ) 

RHASÈS.  FoyezRAsis. 

RHAY  (  Théodore  ) ,  né  à  Rées ,  dans 
le  duché  de  Clèves,  en  1603,  se  fit  jé- 
suite en  1622,  fut  précepteur  des  jeunes 
ducs  de  Juliers  et  Neubourg ,  ensuite  rec- 
teur du  collège  de  Duren ,  oîi  il  mourut 
le  10  mars  1671  ,  fort  regretté.  On  a  de 
lui  des  ouvrages  estimés  :  1°  Descriptio 
regni  Tliibet ,  Paderborn,  1658,  in-4  ; 
2°  Relatio  rerum  mirabilium  regni  Mo- 
gol,  ÎN'eubourg,  1663  ,  iu-4  ;  3°  Animes 
illustres  Juliœ,  Cliviœ ,  etc.,  e  monu- 
mentis  redivivœ,  Neubourg,  1663  ,  in-4  ; 
4°  deux  ouvrages  de  controverse  en  alle- 
mand. 

RHE1TA(  Antoine-Marie  Schtele  de  ), 
théologien  ,  prédicateur  et  mathémati- 
cien ,  né  en  Bohême  vers  la  fin  du  10' 
siècle  ,  entra  dans  l'ordre  des  capucins  , 
et  s'appliqua  ,  dans  ses  loisirs ,  aux  ma- 
thématiques et  à  l'astronomie.  On  lui  est 
redevable  de  la  lunette  astronomique  ac- 
tuelle  à  quatre  verres  convexes,  et  du  téle- 
scope binocle  que  Montucla  croit  trop  né- 
gligé. Il  donna  quelques  ouvrages  sur  cette 
dernière  science,  l'astronomie,  oii  il  a  mêlé 
avec  la  théorie  des  astres  des  vues  ascé- 
tiques et  morales  ,  entre  autres  :  Oculus 
Enoch  et  Elice,  sive  radius  s idereo-mys- 
iicus,  etc.  Cet  ouvrage  fut  imprimé  à 
Anvers  ,  en  1045,  en  2  vol,  A  la  tête  du 
2° ,  on  trouve  cet  autre  titre  :  Theo-As- 
tronomia ,  qua  ,  consideratione  visibi- 
lium  y  per  novos  et  jucundos  coneeptus 
prcedicabilesab  astris  desumptos ,  mens 


34o  RHE 

humana  in  invisibilia  Dei  introducUur. 
Ouvrage  qui  a  quelque  rapport  avec  la 
Théologie  astronomique  de  Derbam  , 
quoique  d'un  stile  très  différent  :  l'au- 
teur s'étend  sur  les  réflexions  et  les  sen- 
timens  qui  naissent  naturellement  dans 
l'homme  à  l'aspect  du  ciel  étoile.  Il  a 
fait  plusieurs  observations  astronomi- 
ques, qui  ont  fait  du  bruit  dans  le  temps. 
Il  prélendit  avoir  découvert  cinq  nou- 
veaux satellites  autour  de  Jupiter  ;  ce 
qui  ne  peut  avoir  été  qu'une  illusion  de 
catoptrique  ou  de  dioptrique.  On  a  en- 
core de  lui  un  petit  Traité  sur  les  indul- 
gences. Il  a  vécu  long-temps  à  Cologne. 
Il  mourut  à  Ravenne  en  1660. 

RHENANUS  (  Beatus  ) ,  philologue , 
naquit  à  Schelestadt  en  1485,  d'oîi  il 
vint  à  Paris  ,  ensuite  à  Strasbourg  ,  puis 
à  Bâle  ,  oii  il  contracta  une  étroite  ami- 
tié avec  Erasme,  et  oii  il  fut  correcteur 
de  l'imprimerie  de  Froben.  On  lui  a  re- 
proché d'avoir  été  luthérien  dans  l'âme; 
mais  il  est  constant  qu'il  ne  professa  ja- 
mais ouvertement  le  luthéranisme.  Ce 
fut  lui  qui  publia  le  premier  les  deux  li- 
vres de  l'histoire  de  Velleius  Paterculus. 
On  a  encore  de  lui  :  1°  la  Préface  qui 
est  à  la  tête  des  OEuvrcs  d Erasme-, 
2°  des  Notes  sur  Tertullien ,  sur  Pline 
le  naturaliste  ,  sur  Tite-Live  et  sur  Ta- 
cite ,  etc.  3°  une  Histoire  d'Allema- 
gne, sous  le  titre  de  Res  gcrmanicœ,  1 693, 
in-4 ,  qui  passe  pour  son  chef-d'œuvre  ; 
4°  Illyrici  provinciarum  ,  utrique  impe- 
rù) ,  tum  romano ,  tum  constanlinopoli- 
tano  ,  servientis  descriptio  :  dans  la  iVb- 
titia  dignitatum  imperii  romani ,  Paris  ^ 
1602,  in-8  :  ouvrage  savant,  ainsi  que 
tous  ceux  qui  sont  sortis  de  sa  plume. 
Rhenanus  mourut  à  Strasbourg ,  le  20 
mai  1542, à  51  ans.  (Il  faut  consulter  sur 
Rhenanus  le  tom.  38  des  Mémoires  de 
ISicéron.  ) 

RHEISFERD  (Jacques),  savant  orien- 
taliste, né  à  Mulheim  en  1654,  professa 
avec  réputation  pendant  près  de  30  ans  les 
langues  orientales  et  la  philosophie  à  Fra- 
neker.  Il  mourut  dans  cette  ville,  en  17 12, 
à  58  ans.  On  a  de  lui  un  grand  nombre 
de  Dissertations  curieuses,  imprimées  à 
Utrecht,  en  1712,  1  vol.  iu-4.  Lesprin- 


RHI 

cipales  sont  :  i"  De  antiquitate  charac- 
teris  hodierni  judaici  ;  2°  de  stylo  novi 
Testamenti  ;  3°  Observationes  ad  loca     l 
noui     Testamenti  ;    4°   Hcbrœa    rudi-     \ 
menta  grammaticœ  harfhonicœ  lingua-     < 
rum  orientalium:  5"  Periculum  criticum     1 
in  loca  depravata,deperdita  Eusebii  cœ-     i 
sarœi,  etc.  (f^oyez  les  Mémoires  de  Ni- 
céron  ,tom.  premier.) 

*  RHÉTICDS  (  Georges- Joachim  )  , 
savant  astronome,  né  enl  51 4  à  Feldkirch 
dans  le  pays  des  Grisons  ,  professa  les 
mathématiques  à  l'académie  deWittem- 
berg.  Il  quitta  celte  chaire  pour  s'atta- 
cher à  Copernic  ,  dont  il  ne  se  sépara 
qu'à  la  mort  de  ce  savant.  De  retour  à  Wit- 
temberg,  il  reprit  sa  chaire  de  mathéma- 
tiques ,  et  enseigna  ensuite  celle  science 
dans  plusieurs  autres  villes  ,  à  Leipsick, 
à  Varsovie  ,  àCassaria  ,  en  Hongrie,  etc. 
Rhéticus  est  mort  en  1 576  avec  la  répu- 
tation d'un  des  meilleurs  mathématiciens 
de  son  temps.  Il  a  laissé  :  1°  Narratio  de 
libris  Copernici,  Dantzich  ,  1540  ,  in-4  ; 
Bâle,  1541  ,in-8;réimpr.  avec  l'ouvrage 
de  Copernic ,  Bâle  ,  1 566  ;  2°  des  Ephé- 
mérides,  calculées  jusqu'à  l'année  1561  , 
Leipsick,  1550  ,  in-4  ,  ouvrage  rare:  3" 
Orationes  de  astronomia ,  geographia 
et  physica,  Nuremberg,  1542  ;  4°  Opus 
palatinum  de  triangulis,  in-fol.  ,  réim- 
primé en  161 3  sous  le  titre  de  Thaau- 
rus  mathematicus. 

*  RHIGAS  (  N.  ) ,  l'un  des  plusardens 
promoteurs  de  l'insurrection  grecque 
dans  le  18*  siècle,  naquit  vers  l'an  1753  à 
Velestina  enThessalie.  Après  s'être  distin- 
gué de  bonne  heure  dans  les  diflerens  col- 
lèges de  sa  patrie ,  il  se  rendit  à  Bucha- 
rest ,  oii  il  se  livra  à  quelques  opérations 
commerciales.  En  même  temps  il  se  per- 
fectionnait dans  la  connaissance  des  lan- 
gues anciennes  et  modernes,  des  sciences 
et  de  la  géographie  comparée  ;  il  culti- 
vait aussi  la  poésie  et  la  musique.  L'étude 
de  l'antiquité  avait  augmenté  en  lui  le 
goût  de  l'indépendance ,  et  fortitîé  sa 
haine  contre  les  Turcs  ,  les  oppresseurs 
de  sa  patrie.  Il  songea  à  délivrer  la  Grèce 
du  joug  qu'elle  portait  depuis  si  long- 
temps :  en  conséquence  il  forma  une 
grande  société  secrète ,  dans  laquelle  il 


RHO 

fit  entrer  non  seulement  l'élite  de  sa  na- 
tion et  des  étrangers  de  distinction,  mais 
encore  des  Turcs  mêmes,  et  entre  autres 
le  fameux  Passwan-Oglou.  En  attendant 
l'exécution  de  la  grande  conspiration  , 
formée  par  cetle  ligue  ,  il  se  rendit  à 
Vienne,  oîi  se  trouvaient  plusieurs  riches 
Grecs  qui  pouvaient  l'aider  dans  son  en- 
treprise. Alors  il  publia  ,  pour  l'instruc- 
tion de  ses  compatriotes  ,  un  Journal 
grec  ,  un  Traité  de  tactique  militaire  , 
un  autre  Traité  élémentaire  à  Vusage 
des  gens  du  monde  ;  il  traduisit  en  grec 
moderne  le  f^oyage  du  jeune  Ânacharsis 
en  Grèce  ,  et  plusieurs  autres  ouvrages 
français  qui  furent  accueillis  très  favora- 
blement. Mais  ce  qui  renditsa  réputation 
populaire  ,  ce  furent  ses  Poésies  patrio- 
tiques, dont  quelques-unes,  par  exemple 
la  Marseillaise  ,  sont  extraites,  traduites 
ou  imitées  de  notre  chansonnier  révolu- 
tionnaire. C'est  à  peu  près  à  la  même 
époque  que  Rhigas  fit  une  grande  Carie 
de  la  Grèce  ,  en  douze  feuilles ,  gravée  à 
Vienne  ,  dans  laquelle  il  a  désigné  par 
les  noms  modernes  et  les  noms  anciens 
tous  les  lieux  célèbres  dans  l'histoire  : 
ce  travail  n'est  pas  exempt  de  fautes  sans 
doute  ;  mais  il  atteste  l'érudition  de  l'au- 
teur ,  et  il  lui  mérita  une  grande  réputa- 
tion dans  l'Europe  savante.  Rhigas  fut 
dénoncé  au  gouvernement  autrichien 
comme  auteur  de  quelques  écrits  sédi- 
tieux. Arrêté  avec  huit  autres  Grecs  ,  il 
fut  dirigé  sur  Constantinople  ;  mais  ses 
gardes,  ayant  craint  que  Passwan-Oglou 
ne  les  délivrât ,  les  jetèrent  dans  le  Da- 
nube. Tous  les  Journaux  de  V Europe 
ont  retenti  de  cet  événement  qui  arriva 
dans  le  mois  de  mai  1798.  Plusieurs  Opu^- 
eules  furent  composés  alors  en  l'honneur 
de  Rhigas. 

*  RHO  (  Jacques  ) ,  célèbre  mission- 
naire jésuite,  naquit  à  Milan  ,  d'une 
fenrille  noble,  en  1593.  Son  père,  sa- 
vant jurisconsulte,  s'était  fait  un  nom 
dans  la  jurisprudence.  Rho  entra  à  20 
tns  chez  les  jésuites.  Après  avoit  fait  de 
Biédiocres  progrès  dans  ses  premières 
éludes,  il  obtint  des  succès  étonnans 
en  mathématiques.  Destiné  aux  missions 
de  la  Chine ,  il  vint  à  Rome,  et  y  re- 


RHO  34 1 

eut  la  prêtrise  des  mains  du  cardinal 
Bellarmin.  Bientôt  après  ,  il  partit  en 
1620  pour  l'Orient,  avec  le  Père  Tri- 
gaut ,  qui  était  venu  en  France  chercher 
du  renfort ,  et  qui  retournait  en  Chine 
avec  44  compagnons.  Après  avoir  achevé 
sa  théologie  à  Goa,  il  se  rendit  à  Macao  ; 
mais  il  ne  put  aller  plus  loin ,  les  Hollan- 
dais assiégeaient  cette  ville.  Rho  trouva 
moyen  d'être  utile  aux  habitans ,  en  leur 
apprenant  à  faire  usage  du  canon ,  et  Ma- 
cao fut  délivré.  Ce  service  ouvrit  au  Père 
Rho  l'entrée  de  la  Chine.  Aussitôt  il  mit 
tous  ses  soins  à  en  étudier  la  langue ,  et 
l'apprit  en  peu  de  temps  assez  bien  pour 
la  parler  et  l'écrire.  Un  ordre  de  l'em- 
pereur l'appela  à  Pékin ,  pour  y  travail- 
ler à  la  réforme  du  calendrier  chinois. 
Ce  n'était  point  une  tâche  facile.  Les  Pè- 
res Rho  et  Schall  l'entreprirent,  et  au 
bout  de  quelques  années ,  l'ouvrage  fut 
fini  à  la  satisfaction  de  l'empereur.  Ce 
prince,  offrit  en  récompense  aux  deux 
jésuites  des  titres  et  des  emplois  consi' 
dérables  ;  mais  ils  ne  voulurent  accepter 
qu'une  pension  ,  et  une  somme  d'argent 
pour  bâtir  une  église.  Telle  était  l'heu- 
reuse situation  de  la  mission  de  Pékin , 
lorsque  le  Père  Rho  y  mourut  le  27  avril 
16.38  ,  âgé  de  48  ans.  On  lui  fit  d'hono- 
rables funérailles ,  auxquels  assistèrent 
beaucoup  de  mandarins  et  d'officiers  de 
la  cour.  Ou  a  du  Père  Rho  :  1°  un  travail 
immense  pour  la  correction  du  calen- 
drier chinois  ,  de  concert  avec  le  Père 
Schall.  Alegambe  l'estime  à  cent  cin- 
quante volumes.  2"  Deux  lettres  De  sua 
navigatione  et  rébus  indicis  ,  en  italien, 
Milan,  1620;  3"  Tabulœ  motus  solaris , 
lunaris  et  planetarum  ;  4"  De  mensura 
cœli  et  terrœ,  en  chinois;  6°  divers 
Traités  relatifs  à  la  religion ,  aussi  en 
chinois ,  savoir  :  du  jeune ,  de  l'aumône, 
des  bons  conseils ,  des  œuvres  de  misé- 
ricorde. 

"RHO  (  Jean  ),  jésuite  et  frère  du  précé- 
dent ,  prédicateur  célèbre,  né  en  1 590,  à 
Milan, a  laissé  beaucoup  d'écrits,soit  en  la- 
lin,  soit  en  italien. On  a  de  lui  entre  autres: 
\°  Achates  ad  Constantinum  Cajetanum 
adversus  ineptias  et  malignitatem  libelli 
Pseudo-constaniiani ,  de  sancti  IgnatU 


34«  RHO 

constitutione  atque  excrcitiis ,  1G46.  Le 
Père  Rho ,  dans  ce  livre ,  réfute  dom 
Constantin  Cajetan  ,  bénédictin  sicilien, 
et  abbé  de  Sainte-Baronte ,  qui ,  par  zèle 
pour  la  gloire  de  l'ordre  de  Saint-Benoit, 
prétendait  que  le  livre  àe?,  Exercices  de 
saint  Ignace  était  une  production  béné- 
dictine. (  Voyez  Ignace  de  Loyola.  )  2" 
Ad  Joannem  Baptist.  Castaldum  inter- 
rogationes  apologelicœ,  inquibussancti 
Ignatii  cum  B.  Cajetano  Theatino  collo- 
quentis ,  atque  ab  eo  theatinorum  ordi- 
nem  postulantis,  rejicUur  fabula ,  1 690^ 
3°  beaucoup  d'autres  ouvrages,  dont  Ar- 
gelati  et  Xa  Bibliothèque  de  la  société  de 
Jésus  donnent  la  liste  ,  entre  autres  des 
Sermons,  àes Panégyriques,  etc.  Ce  Père 
mourut  à  Rome  en  1662. 

RHODES  (  Alexandre  de) ,  né  à  Avi- 
gnon en  1 591 ,  entra  dans  la  société  des 
jésuites  à  Rome  en  1612  ,  dans  le  dessein 
de  se  consacrer  entièrement  à  l'instruction 
des  inûdèles.  Il  partit  en  1618  pour  Ma- 
cao,  oii  s'étant  appliqué  à  l'étude  des  lan- 
gues en  usage  dans  ces  diverses  contrées, 
il  se  rendit  au  Tonquin,  pour  y  répandre 
la  foi  chrétienne  :  ce  qu'il  fit  avec  le  plus 
grand  succès.  Il  y  baptisa  plus  de  àOOO 
habitans  ,  dont  plusieurs  mandarins  en- 
voyés en  exil. Il  cultiva  si  bien  par  ses  caté- 
chistes celte  chrétienté  naissante  qu'en 
peu  de  temps  le  nombre  des  fidèles  ^ac- 
crut jusqu'à  30,000.  Il  passa  ensuite  à 
la  Cochinchine ,  oii  sa  prédication  pro- 
duisit les  mêmes  fruits  ,  et  ayant  été  em- 
prisonné ,  chassé  du  royaume ,  il  eut  la 
consolation  d'apprendre  que  son  princi- 
pal catéchiste ,  nommé  André ,  avait 
scellé  ses  instructions  de  son  sang,  et  mé- 
rité le  nom  de  proto-martyr  de  la  Cochin- 
chine. Envoyé  par  ses  supérieurs  à  Ro- 
me ,  il  demanda  la  permission  d'établir 
une  nouvelle  mission  en  Perse  ;  et 
l'ayant  obtenu,  il  se  rendit  dans  ce 
vaste  royaume,  oii,  après  des  travaux 
incroyables  ,  il  mourut  en  1660.  Ou 
a  de  lui  un  Dictionnaire  anamitique , 
langue  en  usage  dans  le  Tonquin  et  pro- 
vinces voisines,  imprimé  à  Rome  eu  1661; 
un  Catéchisme ,  en  tonquinois  et  en  la- 
tin, Rome  ,  1652  ;  Relation  des  progrès 
lie  P  Evangile  dans  le  royaume  de  Ton- 


RHO 

quin,  en  italien,  Rome,  1650,  in-4  ;  en 
français  et  en  latin,  Lyon,  1651  et  1652; 
son  Itinéraire ,  in-4  ;  et  d'autres  ouvra- 
ges où  la  piété,  ainsi  qu'une  sage  curio- 
sité ,  trouve  à  se  satisfaire.  —  Il  ne  faut 
pas  le  confondre  avec  George  de  Rhodes, 
dont  on  a  une  Théologie ,  2  vol.  in-fol. 
également  jésuite ,  né  à  Avignon ,  en 
1597  ,  et  mort  à  Lyon  en  1661.  Il  était 
vraisemblablement  frère  -  ou  parent  du 
précédent. 

RHODIGINUS  (  Ludovicus-Cœlius  ) 
dont  le  véritable  nom  était  Louis  Ric- 
chierî,  vit  le  jour  à  Rovigo  ,  dans  l'Etat 
de  Venise,  en  1450,  se  rendit  habile  dans 
le  latin  et  dans  le  grec.  (  Il  vint  à  Paris 
perfectionner  ses  connaissances.  De  re- 
tour en  Italie,  il  eut  à  souffrir  bien  des 
persécutions,  et  fut  souvent  contraint, 
pour  vivre ,  de  donner  des  leçons  parti- 
culières. )  Après  avoir  professé  à  Milan  , 
il  alla  enseigner  à  Padoue  ,  où  il  mou- 
rut en  1525,  à  75  ans.  Son  prin- 
cipal ouvrage  est  Antiquœ  lectiones  , 
Bâle,  1566  ,  et  Francfort,  1666  ,  in-fol. 
Jules-César  Scaliger  lui  donne  des  louan- 
ges qui  paraîtraient  moins  suspectes  si 
Rhodiginus  n'avait  pas  été  son  maître.  Sa 
Fie  a  été  écrite  en  italien  par  Ch.  Sil- 
vestri. 

RHODIUS  (  Ambroise  ) ,  né  à  Kem- 
berg  près  de  Witlemberg,  l'an  1577, 
alla  en  Danemark,  et  s'acquit  l'estime 
de  Ticho-Brahé  et  de  Kepler.  Il  exerça  la 
médecine  à  Anslo  en  IVorwége  ,  et  devint 
professeur  de  physique  et  de  mathéma- 
tiques dans  le  collège  de  cette  ville  ;  mais    I 
s'étant  mêlé  des  affaires  publiques ,  il  fut    I 
mis  en  prison,  où  l'on  croit  qu'il  mou- 
rut en  1633.  Ses  ouvrages  sont  :  l"  Dis-     . 
putationes  de  scorbuto;  2"  une  Optique,     i 
avec  un  Traité  des  crépuscules  ,  en  la- 
tin ,  Wittemberg,   1611,    in-8  ;  Z"   De 
iransmigratione  animarum  pythagori- 
ca ,  quomodo  eadem   concipi  et  defandi 
possit.  Cet  ouvrage  renferme  plusieurs 
paradoxes. 

RHODIUS  ou  Rhodk  (Jean  ) ,  célèbre 
médecin,  né  à  Copenhague  vers  l'an  1587, 
se  rendit  à  Padoue  en  1614.  Le  séjour  de 
cette  ville  lui  plut  tellement,  qu'il  s'y 
fixa.  Uniquement  jaloux  de  sa  liberté , 


RIB 

il  lui  sacrifia  toutes  les  places.  Il  refusa 
en  1631  une  chaire  de  professeur  en  bo- 
tanique à  Padoue  ,  avec  la  direction  du 
jardin  des  plantes ,  et  une  autre  de  phy- 
sique à  Copenhague,  en  1640.  Il  était 
boiteux  ;  mais  ce  défaut  corporel  était 
compensé  par  les  lumières  et  la  sagacité 
de  son  esprit.  On  a  de  Rhodius  :  1°  Notœ 
et  Lexicon  in  Scribonium  Largum  de 
compositione  medicamentorum,  Padoue, 
1635,  in-4;  2°  trois  Centuries  d'obser- 
vations médicinale  <!,Vadoue,  1657,  in-8; 
3°  un  Traite'  des  bains  artificiels,  1659, 
in-8  ;  et  un  grand  nombre  d'autres  ou- 
vrages en  latin  ,  r^iplis  d'érudition.  Il 
mourut  à  Padoue,  en  1659,  à  72  ans. 
{yoyez  les  Me'moiresde  ^"icéron,tom.  38, 
et  le  tom.  72  de  la  Biographie  médicale 
publiée  chez  Panckoucke.) 

RHOE  (  Thomas  ) ,  né  dans  le  comté 
d'Esses ,  mort  en  1644,  à  64  ans,  fut 
ambassadeur  au  Mogol ,  à  Constantino- 
ple  ,  dans  le  Nord  ,  chancelier  de  l'or- 
dre de  la  Jarretière,  et  conseiller  du  con- 
seil privé  du  roi.  Il  s'illustra  par  son  pa- 
triotisme et  ses  lumières.  On  a  de  lui  : 
1°  un  Voyage  au  Mogol-,  dans  Purchas 
et  Thévenot  ;  2"  Relation  de  la  mort  du 
sultan  Otman  ,  en  anglais,  1622,  in-4. 

RHOTENAMER  (  Jean  ) ,  peintre , 
né  à  Munich,  en  1564.  Le  séjour  qu'il 
fit  en  Italie  développa  son  goût.  Il  se  fixa 
quelque  temps  à  Venise  ,  où  il  dessina 
d'après  le  Tintoret.  Rhotenamer  s'était 
fait  une  manière  qui  tenait  du  goût  fla- 
mand et  du  goût  vénitien.  Il  est  gracieux 
dans  ses  airs  de  tête;  son  coloris  est  bril- 
lant ,  ses  ouvrages  sont  très  finis.  On  lui 
reproche  de  manquer  quelquefois  de  cor- 
rection. On  voit  à  Augsbourg  plusieurs 
grands  morceaux  de  ce  peintre;  on  y  ad- 
mire entre  autres  son  tableau  de  tous  les 
saints.  Nous  ignorons  l'année  de  sa 
mort. 

RIBADENEIRA  (  Pierre  ),  jésuite,  né 
à  Tolède,  en  1527,  fut  reçu  par  saint 
Ignace  au  nombre  de  ses  disciples ,  en 
1&40,  avant  même  que  sa  compagnie 
eût  été  confirmée  par  le  saint-Siége.  Il 
▼int  étudier  à  Paris,  en  1542,  passa  de 
là  à  Padoue  ,  d'où  il  fut  envoyé  à  Pa- 
lerme  pour  y  enseigner  la  rhétorique , 


RIB  343 

et  se  fit  partout  des  amis  illustres. 
Après  avoir  travaillé  à  la  propagation  de 
la  société  dans  les  Pays-Bas ,  en  France 
et  en  Espagne ,  il  mourut  à  Madrid  en 
1611 ,  à  84  ans.  C'était  un  homme  d'un 
zèle  infatigable,  savant,  mais  destitué 
des  lumières  de  la  critique.  Il  est  prin- 
cipalement connu  par  ses  Fleurs  des  vies 
de^  saints,  imprimées  à  Madrid,  en  1616, 
in-fol.  et  traduites  en  français  par  dififé- 
rens  écrivains.  Il  y  adopte  sans  discerne- 
ment une  infinité  de  choses  douteuses, 
fausses  et  quelquefois  révoltantes.  L'ou- 
vrage est  d'ailleurs  écrit  purement  en  espa- 
gnol. Ses  autres  ouvragessont  :  l°les  Fies 
de  saint  Ignace,de  saint  François  de  Bor- 
gia,  des  Pères  Lainez  et  Salmeron. 
Comme  il  avait  connu  beaucoup  ces  hom- 
mes célèbres ,  et  vécu  long-temps  avec 
eux,  ce  qu'il  en  rapporte  mérite  toute  la 
confiance  que  l'onpeut  donner  à  un  auteur 
contemporain ,  si  l'on  excepte  certaines 
choses  extraordinaires  qu'il  rapporte  sur 
des  ouï-dire.  2°  Un  Traite'  du  schisme 
d'Angleterre,  in-8, 1  594  ;  3"  un  autre,  in- 
titulé le  Prince,  où  il  traite  des  vertus  du 
prince  chrétien.  11  y  a  quelques  proposi- 
tions qui  ont  prêté  à  la  critique.  On  le 
traduisit  d'espagnol  en  latin  ,  Anvers  , 
1603,  in-fol.  4°  la  Bibliothèque  des 
écrivains  jésuites ,  in-8  ,  Lyon  ,  1 609. 
Ce  livre  contient  un  dénombrement 
assez  curieux  des  provinces  ,  des  mem- 
bres et  des  savans  de  la  société.  On  y 
trouve  aussi  une  liste  de  ses  martyrs. 
(  Foyez  OuDiN  François.  )  5°  Un  Traité 
de  la  tribulatioH. 

*  RIBALLIER  (  Ambroise  ) ,  docteur 
de  Sorbonoe  ,  et  abbé  commendataire 
de  Chambon  ,  diocèse  de  Poitiers,  na- 
quit à  Paris,  en  1712,  d'une  bonne  fa- 
mille originaire  de  Bourgogne.  Les  pla- 
ces principales  du  collège  des  Qualre- 
rs'ations  étaient  affectées  à  des  membi es 
de  la  maison  de  Sorbonne.  Le  docteur  Ri- 
ballier  fut  nommé  grand  maître  de  ce 
collège.  Il  était  connu  pour  sage,  modé- 
ré et  conciliant.  Il  fallait  ces  qualités 
dans  l'ecclésiastique  appelé  au  syndicat 
de  la  faculté  de  théologie.  La  place  ayant 
vaqué  en  1765  ,  il  en  fut  pourvu.  Enfin, 
lorsqu'on  17  66  un  arrêt  du  conseil  du  roi. 


344  RIB 

du  31  juillet,  créa  une  commission  pour 
la  réforme  des  ordres  religieux ,  l'abbé 
Riballier  en  fut  nomme  membre ,  et 
chargé  de  différens  travaux  relatifs  à  cet 
objet.  Il  les  entreprit;  mais  les  vues  dans 
lesquelles  ils  étaient  ordonnés  ne  permi- 
rent pas  à  Riballier  de  faire  le  bien  qu'il 
désirait.On  a  de  l'abbé  Riballier  :  X"  Lettre 
a  l'auteur  du  Cas  de  conscience  sur  la 
réforme  des  réguliers,  1768,  in-12;  2° 
Essai  historique  et  critique  sur  les  pri- 
vilèges et  exemptions  des  réguliers , 
1769  ,  in-12  ;  3°  Lettres  d'un  docteur  à 
un  de  ses  amis  au  sujet  de  Bélisaire, 
1768  ,  in-12.  Cet  ouvrage  de  Marmontel, 
imprimé  avec  approbation  et  privilège 
obtenus  un  peu  par  surprise  (1),  avait 
paru  dangereux  à  cause  du  chapitre  15, 
où  se  trouvaient  des  propositions  répré- 
hensibles.  Le  2  mars  17GT  ,  l'abbé  Ribal- 
lier ,  en  sa  qualité  de  syndic ,  le  dénonça 
à  la  faculté  de  théologie ,  qui  nomma 
pour  l'examiner  une  commission  dont 
lui-même  faisait  partie.  Néanmoins , 
avant  de  procéder  à  la  censure ,  on  crut 
devoir  user  de  ménagemens.  Il  y  eut  chez 
M.  l'archevêque  de  Paris  (deBeaumont), 
des  pourparlers  avec  l'auteur.  Comme  il 
n'en  résulta  rien ,  la  censure  de  la  fa- 
culté parut  le  26  juin  suivant.  II  n'en 
fallait  pas  tant  pour  émouvoir  la  bile  de 
Voltaire.  Il  bafoua  la  censure  et  la  Sor- 
bonne  dans  une  foule  de  libelles  qui  se 
succédaient  rapidement  et  circulaient 
dans  la  capitale.  Il  s'y  vengeait  du  syn- 
dic qui  avait  présidé  la  commission  ,  par 
d'indécentes  bouffonneries ,  par  de  bas- 
ses allusions  à  son  nom  ,  par  des  injures 
grossières  dignes  des  halles  (2).  L'abbé 
Riballier  réponditpar  des  raisons.  Il  n'eu 
fut  attaqué  que  plus  vivement.  Il  se  tut , 

(l)  Fpjtt  iliwtoires  de  JlarmmttI,  tome  3  ,  pages  55  et 

(t1  Od  «e  lert  1  regret  de  retto  expreision  :  mallieureu- 
iemrnt  vile  n'ett  que  trop  fondée.  Pcrfontie  n'ignore  que 
c'élail  la  manière  de  M.  de  Voltaire  à  l'égard  de  ceux  qui 
lui  diplaiHieiit.  De  quèli  termes  oiitrageiix  ne  s'eit-il  pat 
ttni  enter*  l'abbé  Deffonlainri ?  Lesmola  de  ribaud,  de 
bouc,  de  euiitrt,  de  imlUion  ,  de  maraud,  de  fauuairt , 
de  cof  utn  ,  d'etrroc  ,  à'apottat ,  et  pia  eiirore  ,  se  trouvent 
dana  lea  écrits,  assoriés  à  des  noms  qui  ne  sont  pas  sani 
gloire  ,  dont  la  plupart  avaient  droit  à  îles  égards .  el  dont 
qu<'lques>uns  mériictil  du  respect  :  tant  la  passioti  peut  dé- 
grader ce  qu'ont  de  poble  un  grand  talent  et  an  beau 
génie. 


RIB 

et  c'était  le  seul  parti  à  prendre.  Il  eut 
d'autres  affaires  à  débattre.  En  1768, 
on  soumit  à  son  examen  des  Thèses 
qui  avaient  été  soutenues  en  pays  étran- 
gers; il  s'y  trouvait  des  expressions  dures 
et  des  principes  qui  lui  parurent  avoir 
besoin  d'être  modifiés.  Il  s'en  expliqua 
dans  des  notes  remplies  de  modération. 
Un  parti ,  qui  voulait  trouver  dans  ce» 
thèses  un  appui  pour  ses  propres  opi- 
nions, fut  mécontent  des  notes,  et  les  cri- 
tiqua. Les  docteurs  Riballier  et  Le  Grand 
répondirent  à  la  critique  par  une  lettre 
imprimée  en  1769.  Cette  lettre  ne  de- 
meura pas  sans  répljgue  ,  et  elle  fut  sui- 
vie de  deux  autres  du  1 5  janvier  et  du  1 2 
septembre  17  70,  dans  lesquelles  les  deux 
docteurs  démontraient  la  différence  qu'il 
y  a  entre  les  sentimensdes  augustiniens 
d'Italie ,  et  ceux  des  appelons  français. 
Un  procès  entre  le  chapitre  de  Cahors  et 
les  curés  de  cette  ville  donna  lieu  à  un 
autre  différend  ,  dans  lequel  l'abbé  Ri- 
ballier se  trouva  impliqué.  Les  curés  de 
Cahors  avaient  mis  en  avant  la  préten- 
tion d'être  de  droit  divin,  et  d'avoir  suc- 
cédé dans  l'ordre  hiérarchique  aux  72 
disciples.  Ils  faisaient  dériver  de  là  des 
prérogatives  qui  choquaient  les  chanoi- 
nes. Ceux-ci  traitèrent  leurs  prétentions 
de  chimériques  ;  les  curés  les  soutinrent, 
et  rédigèrent  à  l'appui  un  Mémoire  qu'ils 
envoyèrent  enSorbonne.  Deux  docteurs,. 
Xaupi  el  Billette ,  donnèrent  droit  aux 
curés.  Les  abbés  Riballier  et  le  Grand, 
dans  une  autre  consuUation  du  14  avril 
17  72,  en  ne  refusant  point  de  reconnaî- 
tre que  les  curés  sont  de  droit  divin  , 
trouvèrent  néanmoins  que  leurs  préten- 
tions étaient  exagérées.  La  question  fut 
portéeà  la  faculté  de  théologie  assemblée. 
Elle  blâma  la  première  consultation  ,  et 
celle  des  docteurs  Riballier  et  le  Grand 
fut  maintenue.  L'abbé  Riballier  a  eu  des 
ennemis.  Il  dut  en  avoir  parmi  les  phi- 
losophes du  jour ,  parce  qu'il  combattait 
leur  doctrine  ,  et  s'opposait  à  sa  propa- 
gation. Il  en  eut  aussi  dans  le  parti  qui 
refusait  de  se  soumettre  aux  décisions  de 
l'Eglise,  parce  qu'il  en  maintenait  l'au- 
torité de  tout  son  pouvoir;  mais  il  était 
généralement  estimé  dans  le  clergé,  et  il 


I 


RIB 

le  méritait  ;  il  avait  du  talent,  du  savoir 
et  les  qualités  convenables  aux  places 
qu'il  occupait  ;  il  en  remplissait  les  de- 
voirs avec  exactitude  et  dignité.  A  un 
caractère  dons  et  facile  il  joignait  de 
l'aménité  dans  les  manières.  Il  était  en- 
nemi des  voies  rigoureuses  et  de  l'éclat , 
et,  autant  qu'il  était  en  lui,  il  les  évitait. 
C'était ,  en  un  mot ,  un  homme  de  mé- 
rite, et  qui  n'emprunte  point,  quoi  qu'en 
dise  le  Dictionnaire  universel ,  sa  célé- 
brité de  celle  du  Bélisaire.  Il  est  mort 
en  1785. 

RIBAS  Y  Cakasquillas  (  Jean  de  ) , 
prédicateur  de  l'ordre  de  Saint-Domi- 
nique, naquit  en  1612  à  Cordoue ,  et  y 
mourut  en  1 687  à  7  5  ans,aprês  avoirensei- 
gné  long-temps  la  philosophie  et  la  théo- 
logie. C'est  lui  qui  est  auteur  du  fameux 
livre  intitulé  :  Theatro  jesuitico,  Coïm- 
bre,  I65i,  in-4,  et  non  pas  don  Ildefonse 
de  Saint-Thomas,  dominicain  et  évêque 
de  Malaga,  auquel  on  l'avait  d'abord  at- 
tribué. C'est  un  recueil  intéressant  pour 
les  ennemis  des  jésuites.  On  a  encore  du 
Père  de  Ribas  plusieurs  autres  écrits  con- 
■  -ire  la  Société. 
-     RIBEIUA.  Ployez  Espagnolet. 

KIBEIRO  (  Jean-Piuto  ) ,  juriscon- 
sulte portugais,  mort  en  1694  ,  se  fit  un 
jiom  parmi  ses  compatriotes  par  sa  science 
dans  le  droit.  Ses  OEuvres  ont  été  re- 
cueillies et  imprimées  in-fol.  à  Lisbun- 
,ne  en  1729.  Elles  sont  précieuses  aux 
Portugais,  qui  croient  y  voir  une  ample 
justification  delà  fameuse  révolution  de 
1540. 

RIBERA  ou  RiBEiRA  (  François  de  ) , 
pieux  et  savant  jésuite,  né  en  1514, 
à  Villacastin,  dans  le  territoire  deSégo- 
vie  en  Espagne,  étudia  dans  l'université 
de  Salamanque  ,  et  y  apprit  les  langues 
et  lï  théologie.  Il  entra  prêtre  che^  les 
jésuites ,  à  l'âge  de  33  ans.  Il  enseigna 
avec  succès  à  Salamanque,  oii  il  mou- 
ruten  1 591,  aimé  et  estimé.  On  a  de  lui  :  1° 
de  bons  Commentaires  sar  les  XII  Petits 
prophètes,  Cologne,  1599,  in-fol.;  2°  — 
sur  V Evangile  de  saint  Jean ,  Lyon  , 
\^l'i,in-{o\.;Z'"s,iiv\.'  E pîlreaux  Hébreux, 
Cologne ,  1 600  ,  in-8  ;  4"  —  sur  V Apoca- 
lypse, Anvers,  1603,  in-8  ;  5"  un  Traité 
XI. 


RIB  345 

du  temple  de  Salomon,  avec  le  précédent; 
6"  la  Fie  de  sainte  Thérèse  ,  Cologne  , 
1620,  in-8.  Il  avait  été  pendant  quelque 
temps  son  directeur. 

RIBERA  (  Anastase-Pantaléon  de), 
poète  espagnol ,  naquit  à  Saragosse  ea 
1580.  L'enjouemnt  de  son  caractère  et 
ses  saillies  ingénieuses  le  firent  aimer  à 
la  cour  du  roi  Philippe  IV.  Ses  Poésies  y 
imprimées  à  Saragosse  en  1640 ,  et  à  Ma- 
drid, 1648,  sont  dans  un  genre  burles- 
que. On  remarque  dans  plusieurs  un  tour 
agréable  et  de  bonnes  plaisanteries.  (Il 
mourut  en  1639  ;  ce  fut  le  Scarron  de 
l'Espagne.  ) 

RIBIER  Guillaume  ) ,  président  du 
bailliage  de  Blois ,  député  aux  états  en 
1614,  fut  fait  conseiller  d'état,  et  mou- 
rut à  Llois  en  1663.  Il  a  paru  sous  son 
nom  :  Lettres  et  Mémoires  d^état  sur  les 
règnes  de  François  1",  Henri  II  et  Fran- 
çois II,  Blois,  1666,  2  vol.  in-fol.  Comme 
celte  compilation  n'a  paru  qu'après  sa 
mort,  il  s'y  est  glissé  plurieurs  fautes; 
elle  est  cependant  encore  assez  recher- 
chée.—  Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec 
Jacques  Ribier,  son  frère,  conseiller  au 
parlement  de  Paris  en  1 591 ,  qui  a  publié  : 
Mémoires  des  chanceliers  et  garde-des- 
sceaux ,  Paris,  1629,  in:4,  et  un  Dis- 
cours sur  le  gouvernement  des  monar- 
chies,'i6^0,  in-4. 

*  RIBIER  (César),  ecclésiastique,  né 
à  Lyon  en  1762  ,  entra  au  séminaire  de 
Saint-Irénée  de  cette  ville ,  et,  lorsqu'il 
ejit  reçu  les  ordres ,  il  fut  chargé  du  soin 
de  la  paroisse  de  Farnay,  annexe  de  Saint- 
Paul-en-Jarrest  ,  où  il  se  fit  chérir  des 
habitans  par  sou  zèle  pour  le  salut  des 
Ames  et  son  excessive  charité.  Ayant  re- 
fusé le  serment  ordonné  par  la  constitu- 
tion civile  du  clergé,  il  éprouva  quelques 
persécutions  ,  et  fut  même  renfermé  à 
Saint-Paul  ;  mais  bientôt  mis  en  liberté  , 
il  se  retira  à  Lyon  ,  mais  il  fut  contraint 
de  s'expatrier.  Pendant  son  exil ,  il  cher- 
cha à  acquérir  quelques  connaissances 
en  médecine  ,  espérant  que  celte  étude 
lui  faciliterait  les  moyens  ,  en  rendant 
la  santé  aux  corps  ,  de  procurer  le  salut 
des  âmes.  En  1795  il  revint  à  Lyon,  et  fut 
désigné  pour  remplir  les  fonctions  de 


M 


346  RIG 

secrétaire  du  conseil  de  rarclievêché  , 
qui  était  alors  gouverné  par  les  vicaires- 
généraux  en  l'absence  de  l'archevêque  , 
M.  de  Marbeuf .  Une  nouvelle  organisation 
ayant  eu  lieu  dans  le  diocèse  en  1 802 , 
il  devint  vicaire  à  Sainl-Nizier.  Dans  les 
dernières  années  de  sa  vie  ,  M.  Dévie , 
nommé  évêque  de  Belley  ,  qui  l'honorait 
d'une  amitié  particulière  ,  voulut  se  l'at- 
tacher en  qualité  de  son  premier  vicaire- 
général  ;  mais  il  céda  aux  prières  de  ses 
paroissiens  qui  le  regardaient  comme  un 
père,  et  il  resta  au  milieu  d'eux.  Ce  vé- 
nérable pasteur  fut  enlevé,  le  14  mai 
1826,  à  ses  paroissiens,  qui  n'oublieront 
jamais  ses  vertus.  Une  Notice  sur  sa  vie 
a  été  imprimée  en  1826  ,  in-8.  Son  hu- 
milité ne  lui  a  pas  permis  de  rien  faire 
imprimer  pendant  sa  vie  ;  mais  on  a  pu- 
blié après  sa  mort  :  1°  Le  paradis  sur  la 
terre,  ou  Le  chre'iien  dans  le  ciel  par 
ses  actions  ;  Me'ditations  sur  l'amour 
de  Dieu  pour  tous  les  jours  de  deux 
mois,  sur  la  communion,  pour  entendre 
la  sainte  messe ,  et  divers  autres  exerci- 
ces en  forme  de  me'ditations  ,  précédé 
d'un  abrégé  de  sa  vie  ,  Lyon  ,  1827  , 
in-18  ;  2"  édition  ,  1828  ,  avec  son  por- 
trait, ouvrage  quia  obtenu  le  plus  grand 
succès,  et  qui  convient  à  toute  espèce  de 
personnes,  parce  que  ce  sont  des  sujets 
détachés  qui  forment  la  matière  d'am- 
ples réflexions  pour  celui  qui  veut  entrer 
dans  la  vie  spirituelle  ;  2°  Conférences 
et  sermons ,  suivis  d'Avis  et  d'une  Re- 
traite de  trois  jours  pour  les  premières 
communions  ,  et  d'un  Plan  de  retraite 
pour  les  religieuses,  Lyon,  1828,  1  vol. 
in-12.  Il  a  laissé,  en  manuscrit,  un  grand 
nombre  de  Sermons  et  A' Instructions 
familières. 

RICARD  (  Jean-Marie),  avocat  au  par- 
lement de  Paris,  né  à  Beauvais  en  1622, 
était  un  des  premiers  du  palais  pour  la 
consultation  et  pour  les  arbitrages.  Il 
fut  choisi  pour  conseil  par  les  premières 
maisons  du  royaume,  et  mourut  en  1678, 
à  66  ans.  On  a  de  lui  :  1"  un  Traité  des 
substitutions  ;  2°  un  Commentaire  sur 
la  Coutume  de  Sentis  ;  3°  un  excellent 
Traité  de  donation,  dont  la  meilleure 
édition  est  celle  de  1754,  en  2  vol.  ia-fol. 


KIC 


avec  le  précédent.  Denys  Simon ,  con- 
seiller au  présidial  de  Beauvais ,  a  fait 
des  additions  aux  ouvrages  de  cet  avocat, 
un  de  ceux  qui  ont  le  mieux  écrit  et  qui 
ont  le  plus  mal  plaidé. 

*  RICARD  (  Dominique) ,  littérateur 
distingué,  né  à  Toulouse  le  23  mars  1741, 
entra  de  bonne  heure  dans  la  congréga- 
tion des  doctrinaires.  Après  avoir  pro- 
fessé avec  distinction  au  collège  d'Au- 
xerre,  il  vint  à  Paris,  oii  il  se  chargea 
de  l'éducation  du  fils  du  président  de 
Meslay.  L'abbé  Ricard  était  très  versé  dans 
la  langue  grecque  ;  il  s'occupa  pendant 
son  séjour  dans  la  capitale  de  donner  au 
public  une  nouvelle  Traduction  des  œu- 
vres complètes  de  Plutarque  ,  et  il  con- 
sacra le  reste  de  sa  vie  à  ce  travail.  Il 
mourut  à  Paris  en  1 803  ,  à  l'âge  de  C2 
ans.  Il  a  laissé  les  traductions,  dont  nous 
venons  de  parler,  savoir:  1°  Fies  des 
hommes  illustres ,  dont  il  n'a  pu  donner 
que  4  vol.  in-12  ,  17  98  :  la  suite  a  été 
publiée  avec  une  Notice  sur  l'abbé  Ri- 
card, en  tout  13  vol.  ;  2°  OEuvres  mo- 
rales ,  17  vol.  in-12  ,  depuis  1783  jus- 
qu'en 1795  ,  en  tout  30  vol.  in-12.  Il 
existait  déjà  une  Traduction  de  Plutar- 
que par  Amyot.  L'abbé  Ricard  pensa  que 
lestilede  l'ancien  traducteur  était  vieilli, 
et  que  celte  traduction  ue  pouvait  être 
lue  que  par  les  gens  de  lettres  à  peu  près 
seuls  capables  de  tenter  encore  les  char- 
mes de  son  vieux  langage.  Celle  de  l'abbé 
Ricard  ,  quoique  bonne ,  n'a  pu  ,  et  ne 
pourra  jamais  faire  oublier  celle  de  l'in- 
terprète si  simple  et  si  naïf  du  philosophe 
de  Chéronée.  Nous  remarquerons  toute- 
fois les  notes  qui  accompagnent  la  nou- 
velle traduction  :  elles  sont  savantes  ,  et 
seront  consultées  avec  fruit. Cet  estimable 
littérateur  a  encore  publié:  3"  LaSphère, 
poètne  en  huit  chants  ,  qui  contient  les 
élémens  des  deux  sphères,  1796,  in-8  , 
enrichi  de  notes  et  d'une  notice  des  poè- 
mes grecs  qui  traitent  de  quelques  par- 
ties de  l'astronomie.  Mais  Ricard  avait 
peu  de  talent  pour  la  poésie  didactique. 
Ce  fut  lui  qui  créa  en  1795  le  Journal 
de  la  religion  et  du  culte  catholique  ,  qui 
parut  depuis  sous  le  titre  A' Annales  phi- 
losophiques ,  morales  et  littéraires.  On 


^  RIC 

lut  doit  aussi  la  publication  des  Traités 
sur  la  superstition  et  sur  l'enthousiasme, 
ouvrage  posthume  de  l'abbé  Pluquet,  que 
l'éditeur  a  fait  précéder  d'une  Notice  sur 
cet  auteur.  Enfin  l'abbé  Ricard  a  laissé 
en  manuscrits  plusieurs  traductions  en 
grec  et  en  latin  ,  et  quelques  opuscules 
en  vers  ou  en  prose.  Il  conserva  dans  la 
capitale  toute  la  pureté  des  mœurs  qui 
l'avaient  rendu  ,  ainsi  que  ses  lalens  , 
cher  aux  religieux  ses  confrères  ,  et  il  se 
fit  également  remarquer  par  sa  modestie 

M      et  sa  bienfaisance. 

m  *  RICARD  (  N.  de  ) ,  ancien  député  , 
né  à  Toulouse  en  1761  ,  avait  été  nommé 
à  la  chambre  par  le  collège  départemen- 
tal de  la  Haute-Garonne,  dans  le  mois  de 
novembre  1820.  Réélu  l'année  suivante 
par  le  même  collège ,  il  le  fut  encore 
dans  le  mois  de  février  1 824  par  le  collège 
électoral  du  deuxième  arrondissement 
;  de  Toulouse  ,  dont  il  était  président. 
:  Pendant  les  huit  sessions  dont  il  a  fait 
partie,  depuis  1820  à  1827,  il  a  constam- 
ment voté  avec  le  côté  droit,  et  plusieurs 
fois  il  est  monté  à  la  tribune  pour  défen- 

fdre  les  projets  ministériels.  M.  de  Ricard 
fut  pendant  plusieurs  années  adjoint  au 
maire  de  Toulouse  :  il  a  reçu  la  croix  de 
la  légion  d'honneur  en  1823.  Il  est  mort 
à  Toulouse  le  29  avril  1832  ,  dans  un  âge 
assez  avancé. 

t*  RiCARDO  (David), économiste  an- 
glais ,  naquit  à  Londres  ,  en  17C2  ,  d'un 
juif  qui  exerçait  l'étatlucratif  de  courtier 
de  change.  En  même  temps  que  David 
Ricardo  se  livrait  au  commerce ,  il  s'a- 
donnait à  une  étude  approfondie  des 
finances  de  l'économie  politique.  Tou- 
jours heureux  dans  ses  spéculations  ,  il 
avait  acquis  une  fortune  immense.  Il  fut 
nommé ,  en  1819  ,  à  la  chambre  des  com- 
munes par  le  bourg  de  Portarllngton  en 
Irlande  ,  et  il  y  obtint  un  grand  poids 
par  sa  supériorité  en  matière  de  finances. 
Il  mourut  à  Catcomb-Park  le  11  septem- 
bre 1823.  Il  avait  renoncé  à  la  religion 
de  ses  pères  pour  se  faire  chrétien  angli- 
can. On  a  de  lui  :  l"  Essai  sur  le  haut 
prix  du  lingot  (Bullion) ,  preuve  de  la 
dépréciation  des  billets  de  banque ,  1810, 
in-8  ,  avec  ua  Supplément ,  1811  ,  4« 


RIC  347 

édit.  ;  2"  Essai  sur  l'influence,  du  bas 
prix  du  blé,  sur  les  profits  ou  le  cours  des 
fonds  publics  ,  1815  ,  in-8  ;  3°  Projet 
d'un  papier  -  monnaie  économique  et 
sûr,  1816-1818,  in-8  ;  4°  Principes  de 
l'économie  politique  et  de  l'impôt,  1817, 
jn-8,  6*  édit.  ,  1821  ;  trad.  en  français  , 
Paris,  1819,  2  vol.  in-8,  avec  des  Notes 
de  M.  J.  B.  Say  ;  5°  Sur  les  prohibitions 
en  agriculture  ,  1822  ,  in-8.  Il  a  inséré 
dans  le  supplément  de  l'Encyclopédie 
britannique  un  article  sur  le  Système 
d'amortissement,  et  il  mettait  la  dernière 
main  à  un  Essai  sur  la  meilleure  con~ 
stitution  d'une  banque  nationale  ,  lors- 
que la  mort  l'a  enlevé. 

*  RICARDOS-CARILLO  (  le  comte 
don  Antonio), célèbre  général  espagnol, 
né  le  12  septembre  1727  à  Sévilie  d'une 
famille  illustre  ,  entra  dès  l'âge  de  1 5  ans 
dans  le  corps  des  gardes  espagnols.  Son 
avancement  fut  rapide.  A  l'âge  de  16 
ans  il  état  déjà  colonel ,  et  c'est  eu  cette 
qualité  qu'il  fit  la  guerre  contre  le  Por- 
tugal. Déjà  auparavant  il  s'était  trouvé 
aux  batailles  de  Parme  et  de  Tidone , 
dans  lesquelles  il  déploya  une  valeur  bril- 
lante. Chargé  plus  tard  d'aller  organiser 
le  système  militaire  dans  les  possessions 
espagnoles  de  l'Amérique,  il  devint  à  son 
retourmembre  d'une  commission  chargée 
de  la  délimitation  des  frontières  entre 
la  France  et  l'Espagne.  C'est  Ricardos 
qui  créa  l'école  de  cavalerie  d'Ocana, 
dont  l'organisation  était  si  bien  appro- 
priée au  but  de  l'établissement ,  que  le 
célèbre  prince  de  Nassau  regrettait  de 
n'avoir  point  de  fils  à  y  faire  élever.  Ri- 
cardos fut  nommé  ensuite  inspecteur-gé- 
néral de  cavalerie  ;  mais  il  n'avait  pu 
acquérir  tant  de  titres  et  d'honneurs  sans 
exciter  l'envie.  Quelques  biographes  at^ 
tribuent  à  ce  vil  sentiment  la  poursuite 
dont  il  fut  l'objet  pour  ses  opinions  phi- 
losophiques et  irréligieuses.  Quoi  qu'il  en 
soit ,  l'inquisition  ne  lui  fit  subir  qu'une 
peine  très  légère.  Après  avoir  fait  lès 
campagnes  d'Alger  et  de  Gibraltar  (1777- 
1 7  82) ,  il  fut  élevé  au  grade  de  capitaine- 
général.  Selon  quelques-uns  ,  ce  fut  un 
exil  ;  car  il  fut  envoyé  dans  la  province 
de  Guipuscoa.  Rappelé  en  1793  ,  il  fut 


^ 


348  RIC 

chargé  du  commandement  de  la  Catalo- 
gne. La  guerre  ayant  alors  éclaté  entre  la 
France  et  l'Espagne  ,  don  Antonio  Ricar- 
dos  réunit  à  la  hâte  une  armée,  se  porta 
à  marches  forcées  sur  les  frontières ,  pé- 
nétra sur  le  territoire  français  ,  et  battit 
les  républicains.  Encouragé  par  ce  suc- 
cès ,  il  attaqua  le  fort  des  Bains  ,  qu'il 
prit  après  quarante-trois  jours  de  blocus, 
ainsi  que  celui  de  Bellegarde ,  qu'il  bom- 
barda pendant  33  jours  ,  et  qui  demanda 
à  capituler.  Ce  fut  le  général  Ricardos 
qui  ,  par  sa  valeur  ,  fit  gagner  la  bataille 
de  Trullas  ,  en  chargeant  l'ennemi ,  à  la 
tête  des  carabiniers  royaux.  Arrivé  jus- 
qu'aux portes  de  Perpignan  ,  il  parut 
vouloir  se  reposer  sur  ses  lauriers;  car  il 
ne  fit  aucune  tentative  pour  s'emparer 
de  cette  place ,  qui  l'aurait  rendu  maître 
du  Roussillon.  Il  revint  à  Madrid  deman- 
der des  renforts  pour  ouvrir  la  campagne 
suivante  ;  il  y  fut  reçu  comme  en  triom- 
phe ,  et  le  roi  le  décora  de  la  grand'croix 
de  l'ordre  de  Charles  III.  Cependant  le 
gouvernement  français  avait  envoyé  des 
forces  imposantes  vers  les  Pyrénées  ,  et 
les  Espagnols  ,  vaincus  à  leur  tour  ,  fu- 
rent forcés  de  repasser  les  frontières.  Le 
peuple  de  Madrid ,  indigné  de  cet  échec , 
l'attribua  à  la  lenteur  du  général  Ricar- 
dos, qui  persistait  à  ne  point  partir  avant 
d'avoir  obtenu  les  renforts  demandés. 
Cette  raison  ne  parut  pas  assez  plausible 
aux  mécontens,  et  tous  les  jours,  à  l'heure 
de  son  réveil  et  de  son  dîner ,  une  foule 
de  femmes  et  de  peuple  ,  portant  des 
guitares  et  des  tambours  de  basque,  en- 
combraient la  porte  de  son  hôtel  ,  en 
criant  au  son  de  leurs  instrumcns  :  Adieu, 
monsieur  le  général  !  Bon  voyage,  mon- 
sieur le  général  ! De  son  côté,  Ri- 
cardos pressait  en  vain  un  ministre  tout 
puissant  de  lui  accorder  des  troupes  ;  ce 
ministre  favori  s'y  refusait  ,  parce  que 
Ricardos  ne  lui  avait  pas  témoigné  les 
égards  qu'il  exigeait  des  personnes  les 
plus  distinguées.  Poussé  à  bout  par  les 
clameurs  du  peuple,' ce  général  se  rendit 
à  son  armée  ,  et  n'y  arriva  que  pour  la 
voir  battue  sur  tous  les  points.  Sa  disgrâce 
était  préparée  d'avance  par  Godoy  (voy. 
ce  nom }  ;   ce  revers  l'accéléra.  Il  fut 


RIC 

remplacé  dans  le  commandement  par  le 
comte  de  l'Union  ,  qui  fut  encore  plus 
malheureux  que  lui.  Au  milieu  d'une 
déroute  complète,  ce  général  mourut  sur 
le  champ  de  bataille.  Le  sort  changea  en 
faveur  des  Espagnols ,  sous  Urrutia  ,  qui 
succéda  à  l'Union  ;  mais  au  moment  de 
ces  premiers  succès  ,  la  paix  fut  conclue 
entre  l'Espagne  et  la  France.  Pendant  ce 
temps,  don  Antonio  Ricardos  s'était  retiré 
à  Séville,  sa  patrie  ,  oui!  succomba  ,  en 
avrill798,  d'une  maladie  occasionée  par 
ses  longues  fatigues:  il  était  âgé  de  71  ans. 
Ricardos  ne  manquait  pas  de  talens  mili- 
taires ;  mais  il  avait  lui-même  causé  son 
honorable  disgrâce,  en  ne  se  rangeant 
pas  parmi  les  flatteurs  d'un  ministre  qui 
perdit  l'Espagne  et  ses  souverains. 

RICAUÏ  (  Paul  ) ,  chevalier  anglais, 
fut  d'abord  secrétaire  du  comte  Winchel- 
sea  ,  ambassadeur  extraordinaire  de 
Charles  II  auprès  du  sultan  Mahomet  IV. 
Il  devint  ensuite  consul  de  la  nation  an- 
glaise à  Smyrne  pendant  1 1  ans  ;  et,  dan« 
ces  postes  différens  ,  il  fut  très  utile  jkix 
négocians  de  sa  nation  établis  en  Turquie. 
De  retour  en  Angleterre  ,  le  comte  de 
Clarendon  le  nomma  ,  en  i  G85 ,  son  pre- 
mier secrétaire  pour  les  provinces  de 
Leincester  et  de  Connaught  en  Irlande. 
Le  roi  Jacques  U  l'honora  du  titre  de 
conseiller  privé  pour  l'Irlande  et  de  juge 
de  l'amirauté.  Après  la  révolution  qui 
chassa  le  monarque  du  trône  ,  il  fit  sa 
cour  à  Guillaume  III  ,  et  obtint  le  carac- 
tère de  résident  d'Angleterre  dans  les  _ 
villes  anséatiques  de  Hambourg ,  Lubeck,  I 
Brème  ,  etc.  Il  retourna  en  Angleterre  f 
eu  1700  ,  et  y  mourut  la  même  année. 
Nous  avons  de  lui  :  1°  Histoire  de  l'état 
présent  de  l'empire  ottoman  ,  en  anglais, 
Londres  ,  un  des  ouvrages  qui  nous  font 
le  mieux  connaître  l'état  de  cet  empire. 
Il  fut  d'abord  traduit  en  français  par 
Briot ,  dont  la  traduction  parut  à  Paris 
en  1750  ,  in-4  etiu-12.  Cette  version  est 
bonne  :  rin-4,  qui  est  rare  et  magnifique, 
est  ornée  de  belles  figures  gravées  par 
Le  Clerc.  Bespier  traduisit  depuis  le  , 
même  ouvrage  en  2  vol.  in-12  ,  et  ac-  1 
compagna  sa  version  de  remarques  eu-  I 
rieuses  qui  le  font  rechercher.    2°  Une 


RIC 

Histoire  des  Turcs  dans  le  1 7*  siècle  , 
3  vol.  in-12,  traduite  parBriot  ;  ouvrage 
exact  ;  3"  l'Etat  présent  des  églises  de 
la  Grèce  et  de  l'Arme'nie  ,  etc.  en  1678, 
in-12  ,  traduit  par  Rozamond.  (  Ricaud  a 
traduit  en  anglais  l'Histoire  du  Pérou  , 
de  Garcilasso  de  la  Vega  ,  et  le  Criticon 
de  Gracian. } 

RICCAT1(  Vincent  de  )  Jésuite,  né  , 
en  1707  ,  à  Castel-Franco,  dans  le  terri- 
toire de  Trévise  ,  professa  les  mathéma- 
tiques à  Bologne  jusqu'à  la  suppression 
de  l'ordre  en  1773.  A  cette  époque ,  il  se 
retira  dans  sa  patrie  ,  où  il  mourut  d'une 
colique  en  17  75,  à  68  ans.  On  a  de  lui 
plusieurs  ouvrages  de  mathématiques  ; 
le  plus  recherché  est  son  Traite' du  calcul 
intégral,  3  vol.  in-4.  Il  travailla  long- 
temps sur  le  cours  des  fleuves.  La  répuhli- 
que  de  Yenise  fil  frapper  en  son  honneur 
en  17  74  une  médaille  d'or,  de  la  valeur 
de  1000  livres. 

*  RICCÉ  (  N.,  vicomte  de  ) , député  et 
préfet,  né  vers  1757,  était  issu  d'une 
famille  noble. et  ancienne.  Il  avait  em- 
brassé la  carrière  des  armes  ;  il  émigra 
au  commencement  de  la  révolution.  En 
1814  il  reçut  la  croiï  de  Saint-Louis,  et 
fut  nommé  préfet  de  l'Orne.  Pendant  les 
cent-jours  il  n'accepta  aucun  emploi  ; 
mais  au  second  retour  du  roi  il  reprit 
ses  fonctions  administratives.  En  1817  il 
passa  de  la  préfecture  de  l'Orne  à  celle 
de  la  Meuse  ,  et  en  1819  il  fut  transféré 
dans  le  Loiret.  Pendant  plus  de  douze 
ans,  il  a  administré  ce  département  qu'il 
a  quitté  seulement  le  2  novembre  1831, 
époque  oii  il  a  obtenu  sa  retraite  à  cause 
de  son  âge  avancé.  Il  avait  été  élu  député 
du  Loiret  dans  le  mois  de  juillet  1 830  ;  il 
fit  par  conséquent  partie  de  la  chambre 
qui  se  donna  le  pouvoir  constituant , 
au  moment  de  la  révolution  de  juillet  , 
et  offrit  le  trône  au  duc  d'Orléans.  Pen- 
dant la  session  de  1830-1831  ,  il  siégea 
au  centre  gauche.  Il  ne  fut  pas  réélu  aux 
élections  générales  de  1831.  Le  vicomte 
de  Riccé  est  mort  d'une  apoplexie  fou-J" 
droyante  dans  les  derniers  jours  du  mois 
de  novembre  1832. 

*  RICCI  (  Matthieu  ),  jésuite  et  fonda- 
teur de  Ja  mission  de  la  Chine  ,  né  à  Ma» 


RIC  349 

cerata  en  1 552  ,  passa  aux  Indes ,  acheva 
sa  théologie  à  Goa  en  1 57 8,  et  y  enseigna 
la  rhétorique.  Ses  supérieurs  l'ayant  des- 
tiné aux  missions  de  la  Chine  ,  il  apprit 
la  langue  du  pays  ,  et  ne  négligea  point 
les  mathématiques  ,  qu'il  avait  étudiées 
à  Rome  sous  le  savant  Clavius.  Après 
bien  des  traverses  ,  il  arriva  à  Pékin  ,  et 
y  fut  reçu  avec  distinction  par  l'empereur 
Vanli.  Ricci  n'oublia  rien  pour  le  rendre 
favorable  k  la  prédication  de  l'Evangile. 
Parmi  diverses  curiosités  d'Europe  que 
le  Père  lui  présenta  ,  il  fut  si  touché  de  • 
quelques  tableaux  du  Sauveur  et  de  la 
sainte  Vierge,  qu'il  les  fit  placer  dans  un 
lieu  élevé  de  son  palais  ,  pour  y  être  ho- 
norés. L'empereur  lui  ayant  demandé  une 
Carte  géographique  ,  il  évita  de  choquer 
les  idées  d'un  peuple  ignorant  et  vain  , 
qui  croit  que  la  Chine  est  au  milieu  du 
monde  ,  et  disposa  la  carte  de  façon  que 
la  Chine  se  trouva  réellement  placée  au 
milieu.  Après  des  peines  infinies  et  une 
longue  patience  ,  il  parvint  à  bâtir  une 
église  ,  et  à  jeter  les  fondemens  d'une 
chrétienté  qui  devint  très  florissante.  Cet 
homme  illustre  mourut  à  Pékin  en  1610 , 
à  58  ans.  Il  laissa  des  Mémoires  curieux 
sur  la  Chine,  dont  le  Père  Trigault  s'est 
servi  pour  écrire  son  ouvrage  :  Dechris- 
tiana  expedilione  apudSinas ,  Cologne, 
1684,  in-8.  Le  Père  d'Orléans  ,  jésuite, 
qui  a  donné  en  1G93  la  Fie  de  Ricci, 
rapporte  que  ce  Père  composa  d'abord 
pour  les  Chinois  un  petit  Catéchisme , 
«  oii  il  ne  mit  presque  ,  »  dit-il  ,  «  que 
■»  les  points  de  la  morale  et  de  la  religion 
■»  naturelle  les  plus  conformes  à  la  reli- 
»  gion  chrétienne.  »  Les  esprits  étant  ' 
ainsi  favorablement  disposés,  il  eut  moins 
de  peine  à  leur  faire  adopter  la  croyance 
des  mystères.  C'est  ainsi  que  de  tout 
temps  le  zèle  des  hommes  vraiment  apo- 
stoliques a  toujours  été  accompagné  de 
prudence  et  d'une  sainte  industrie.  (  Le 
Père  Ricci  est  le  premier  Européen  qui 
ait  écrit  des  ouvrages  en  langue  chinoise  ; 
ils  sont  au  nombre  de  quinze  ,  dont  nous 
citerons  les  suivans  :  1°  La  véritable 
doctrine  de  Dieu  ;  2°  Les  six  premiers 
livres  d'Euclide  ;  3°  Arithmétique  pra- 
tique ,  en  1 1  livres  ;  4°  Géométrie  prati- 


35o  RIC 

que  ;  5"  Explication  de  la  sphère  terres- 
ire  et  céleste,  elc.) 

RICCI  (Barihélemi),  célèbre  littéra- 
teur de  Lugo,  dans  le  Ferrarais,  vivait 
dans  le  16*  siècle.  On  a  de  lui  des  Ha- 
rangues, des  E pitres,  des  Comédies,  etc., 
iniprimëes  séparément.  On  en  a  donné 
une  édition  complète  à  Padoue  en  1748, 
3  vol.  iu-8. 

RICCI  (Joseph)  ,  natif  de  Brescia, 
et  clerc  régulier  de  Somasque ,  est  connu 
par  deux  ouvrages  médiocres ,  écrits  en 
latin,  et  imprimés  à  Venise  en  1649, 
in-4  ,  2  vol.  L'un  est  t Histoire  de  la 
guerre  d'Allemagne,  depuis  1618  jus- 
qu'en 1648  ,  que  l'on  appelle  communé- 
ment la  Guerre  de  trente  ans;  le  second 
est  l'Histoire  des  guerres  d'Italie ,  de- 
puis 1613  jusqu'en  16.53.  Ces  histoires 
sont  des  compilations  écrites  d'une  ma- 
nière languissante  ;  mais  on  y  trouve  des 
particularités  curieuses.  Les  retranche- 
mens  des  traits  satiriques  qu'on  exigea 
de  l'auteur  dans  la  seconde  ,  la  rendirent 
moins  agréable  aux  esprits  malins. 

RICCI  (Michel-Ange)  ,  cardinal,  né 
à  Rome  en  1619,  aima  les  mathémati- 
ques et  y  fit  de  grands  progrès  ,  comme 
le  prouve  son  traité.  De  maximis  et  mi- 
nimis....  Innocent  XIV  lui  donna  le  cha- 
peau en  1681  ;  mais  il  ne  jouit  pas  long- 
temps de  sa  dignité,  étant  mort  le  21 
mai  1682.  Ses  vertus  ,  ses  lumières  ,  son 
amour  pour  la  vérité,  et  son  zèle,  le 
rendirent  digne  des  éloges  et  de  l'estime 
des  souverains  pontifes. 

RICCI  (Sébastien),  peintre,  né  à 
Bellune ,  dans  les  états  de  Venise ,  eu 
1659,  mourut  à  Venise  eu  1734.  Les 
princes  de  l'Europe  ont  presque  tous  oc- 
cupé son  pinceau.  Ricci  fut  appelé  en 
Angleterre  par  la  reine;  il  passa  par 
Paris,  y  séjourna  quelque  temps,  et  se 
fit  recevoir  à  l'académie  de  peinture. 
Après  avoir  satisfait  à  Londres  à  tout  ce 
qu'on  exigeait  de  lui ,  il  revint  à  Venise, 
et  s'y  fixa.  Ce  peintre  avait  des  idées 
nobles  et  élevées  ;  son  imagination  était 
vive  et  abondante  ;  son  coloris  est  vigou- 
reux, quoique  souvent  trop  noir;  ses 
ordonnances  sont  frappantes  ;  sa  touche 
est  facile.  Il  y  a  plusieurs  morceaux  gra- 


RIC 

vés  d'après  lui.  (  Le  musée  de  Paris  con- 
serve de  ce  peintre  un  tableau  représen- 
tant Les  Amours  servant  la  France  , 
et  un  Génie  portant  le  diadème.  ) 

RiCCI  (  Laurent)  ,  jésuite  ,  né  à  Flo- 
rence le  2  août  1703,  d'une  famille  dis- 
tinguée, fut  élu  général  le  21  mai  17ô8. 
Le  plus  grand  événement  de  son  géné- 
ralat  fut  la  destruction  de  son  ordre.  Les 
jésuites  ayant  été  chassés  de  Portugal  en 
1759,  le  furent  quelques  années  après 
de  France,  d'Espagne  et  de  Naples.  Les 
ministres  des  cours  de  Bourbon  se  réuni- 
rent pour  en  demander  l'extinction  to- 
tale au  pape  Clément  XIV.  Ce  pontife 
signa  le  bref  qui  supprimait  la  com- 
pagnie de  Jésus,  eu  date  du  21  juillet 
1773.  (  Foy.  Clément  XIV.  )  On  transféra 
l'ex-général  Ricci ,  accompagné  de  ses 
assistans  et  de  plusieurs  autres  jésuites, 
au  château  Saint-Ange,  après  lui  avoir 
fait  signer  une  lettre  circulaire  à  tous 
les  missionnaires  de  son  ordre  pour  leur 
en  apprendre  la  suppression-  L'explica- 
tion de  ces  événemens ,  de  leurs  causes, 
et  des  effets  qui  en  résultèrent ,  n'appar- 
tient pas  à  ce  siècle  ;  la  postérité  verra 
tout  cela  d'une  manière  plus  calme  et 
plus  sûre.  Cependant  un  voyageur  phi- 
losophe, qui  juge  avec  beaucoup  d'im- 
partialité, a  cru  pouvoir  se  permettre 
les  réflexions  suivantes  :  »  De  ces  siècles 
»  où  la  cour  de  Rome  parut  souvent 
»  abuser  de  son  autorité ,  je  passe  à  des 
u  temps  où  elle  n'est  plus  occupée  qu'à 
»  parer  les  traits  qu'on  lui  lance.  Elle 
»  ne  commande  plus;  elle  ne  fait  qu'obéir: 
»  Les  demandes  des  souverains  sont  des 
»  ordres  pour  elle.  Les  sollicitations  la 
»  font  plier ,  les  menaces  l'intimident 
»  et  l'effraient  ;  elle  recule  à  pas  de 
»  géant ,  tandis  que  son  intérêt  lui  con- 
»  seille,  le  devoir  même  lui  ordonna  de 
«  se  roidir  contre  les  obstacles,  et  d'avan- 
»  cer.  Si  elle  paraît  de  temps  en  temps 
»  reprendre  son  ancienne  vigueur,  ce 
»  n'est  ordinairement  que  pour  montrer 
*  n  bientôt  plus  de  faiblesse ,  et  tomber 
»  avec  plus  d'éclat  dans  une  situation 
»  qui  excite  la  pitié  :  elle  n'entend  au- 
»  tour  d'elle  que  le  frémissement  des 
»  passions  les  plus  violentes.  Fatiguée , 


RÎC 

»  elle  prend  des  résolutions  extrêmes, 
»  et  qui  semblent  inspirées  par  le  déses- 
i>  poir.  Privée  d'une  partie  de  ses  ressour- 
j)  ces,  elle  n'ose  faire  usage  de  l'autre, 
»  et  se  range  quelquefois  du  côté  de  ceux 
»  qui  la  détestent  et  la  combattent ,  tan- 
»  dis  qu'en  même  temps  elle  repousse 
»  ceux  qui  l'aiment  et  qui  la  soutien- 
w  nent.  Armée  du  glaive,  elle  s'avance 
'>  avec  une  contenance  fière  pour  con- 
»  sommer  un  sacrifice  qui  étonne  l'uni- 
»  vers.  Sur  un  autel  élevé  par  des  mains 
»  ennemies,  elle  immole  des  victimes 
))  dont  elle  n'ignore  pas  le  prix ,  et  qui 
j)  n'auraient  jamais  dû.  tomber  sous  ses 
«coups.  »  Discours  iur  l'histoire,  etc., 
par  C.  d^Albon.  Ricci  mourut  dans  sa 
prison  le  24  novembre  177  5.  H  signa 
peu  de  temps  avant  sa  mort  une  espèce 
de  Mémoire ,  qu'on  rendit  public  sui- 
vant ses  intentions.  Il  y  protestait  :  1" 
que  la  compagnie  de  Jésus  n'avait  donné 
aucun  lieu  à  sa  suppression ,  et  qu'il  le 
déclarait  en  qualité  de  supérieur  bien 
informé  de  ce  qui  se  passait  dans  son 
corps;  2°  qu'en  son  particulier,  il  ne 
croyait  pas  avoir  mérité  l'emprisonne- 
ment et  les  duretés  qui  avaient  suivi 
l'extinction  de  son  ordre  ;  .3°  enfin  ,  qu'il 
pardonnait  sincèrement  à  tous  ceux  qui 
l'avaient  tourmenté  et  affligé ,  d'abord 
par  les  affronts  faits  à  ses  confrères,  et 
ensuite  par  les  atteintes  portées  à  sa  pro- 
pre réputation.  Un  grand  évêque ,  le  plus 
éloquent  prédicateur  qu'eut  alors  la 
France ,  en  prêchant  peu  de  temps  après 
la  suppression  de  cet  ordre  devant  une 
des  plus  illustres  assemblées  du  monde , 
n'a  pas  fait  difiiculté  de  s'exprimer  en 
ces  termes  :  «  Si  une  société  fameuse 
»  par  le  crédit  et  la  confiance  dont  elle 
i>  avait  joui  si  long -temps  auprès  des 
M  pontifes  et  des  rois ,  et  par  les  services 
3>  qu'elle  avait  rendus  à  la  religion  et 
»  aux  lettres  (  car  quelle  considération 
3)  pourrait  empêcher  les  âmes  sensibles 
»  de  rendre  ce  témoignage  à  des  hommes 
»  malheureux?)  ;  si  cette  société  a  été 
M  la  victime ,  etc.  »  Oraison  funèbre  de 
Louis  JTf^jparM.  de  Beauvais,  évêque 
de  Senez.  Caraccioli,  auteur  souverai- 
nement fécond  en  brochures  de  tous  les 


RIC 


35 1 


genres ,  a  donné  la  Fie  du  Père  Ricci , 
froide  et  incohérente  compilation  de 
gazettes. 

"RICCI  (Scipion),  évêque  de  Pistoie 
et  de  Prato  ,  né  à  Florence  en  1741  ,  fut 
élevé  au  séminaire  romain.  Nommé  audi- 
teur du  nonce  à  Florence  ,  puis  vicaire- 
général  de  l'archevêquelncontri  qui  occu- 
pait le  siège  delà  même  ville,  il  ne  tarda 
pas  à  être  promu  lui-même  à  l'évêché  de 
Pistoie  en  1780.  Fauteur  des  réformes  in- 
troduites dans  les  étals  autrichiens  par 
l'empereur  Joseph  II ,  et  par  suite  dans 
le  grand-duché  de  Toscane  ,  il  fut  long- 
temps en  opposition  avec  le  saint-Siége, 
qui ,  autant  que  les  circonstances  le  per- 
mettaient ,  repoussait  ses  dangereuses 
innovations.  11  devint  le  conseil  de  Léo- 
pold  II  ,  grand-duc  de  Toscane  et  frère 
de  l'empereur.  On  vit  dès  lors  le  gouver- 
nement se  mêler  des  affaires  ecclésiasti- 
ques ,  vouloir  régler  le  culte  et  les  céré- 
monies ,  et  s'emparer  de  l'enseignement 
spirituel.  On  faisait  composer  des  caté- 
chismes sans  consulter  les  évêques  ;  on 
établissait  dans  les  écoles  de  théologie 
d£s  professeurs  imbus  des  doctrines  qu'on 
voulait  accréditer.  Le  1 8  septembre  1786, 
conformément  aux  désirs  du  grand-duc , 
Ricci  ouvrit  à  Pistoie  un  synode  pour  pro- 
céder régulièrement  aux  réformes  qu'on 
voulait  faire.  Il  s'en  fallait  bien  qu'elles 
fussent  du  goût  de  la  majorité  de  son 
clergé  ;  mais  la  nouvelle  théologie  avait 
pénétré  dans  l'université  de  Pavie.  On 
fit  venir  de  cette  ville  Tamburini ,  qui 
avait  été  privé  de  sa  chaire  par  le  cardi- 
nal Molino  ,  évêque  de  Pavie  ,  pour  une 
dissertation  où  il  établissait  la  doctrine 
janséniste  sur  la  grâce.  Ricci  le  fit  promo- 
teur de  son  synode  ,  quoiqu'il  n'eût  pas 
même  le  droit  d'y  assister.  Il  y  ^ua  le 
principal  rôle  ,  aidé  d'ecclésiastiques 
pensant  comme  lui  ,  qu'on  avait  eu  soin 
de  lui  adjoindre.  On  y  adopta  toute  la 
doctrine  des  appelans  français.  On  y 
consacra  le  système  de  Baïus  et  de  Ques- 
nel  sur  les  deux  amours  ,  sur  l'efficacité 
et  la  toute-puissance  de  la  grâce,  sur  l'in- 
efficacité et  l'inutilité  de  la  crainte  ;  en 
un  mot,  sur  des  dogmes  que  l'Eglise  re- 
pousse depuis  le  commencement  de  ces 


35a  RlC 

disputes.  L'année  suivante  ,  une  seconde 
assemblée  se  tint  à  Florence  le  23  avril 
par  ordre  du  grand-duc  ;  elle  était  com- 
posée de  tous  les  évêques  de  Toscane. 
Elle  fut  loin  de  se  terminer  au  gré  de 
Ricci ,  comme  la  première.  Non  seule- 
ment il  y  trouva  de  l'opposition  de  la 
part  de  la  majorité  des  évêques  ,  mais 
encore  il  fut  obligé  de  la  dissoudre  le  5 
juin  ,  après  dix-neuf  sessions.  Pendant  sa 
durée  ,  une  sédition  s'était  élevée  contre 
lui  dans  le  diocèse  de  Prato.  On  avait 
renversé  et  brûlé  son  trône  épiscopal  et 
ses  armoiries  ,  après  avoir  enlevé  de  son 
palais  et  de  son  séminaire  les  livres  et  les 
papiers  qui  s'y  trouvaient.  On  fut  obligé 
d'envoyer  des  troupes  à  Prato  pour  y  ré- 
tablir l'ordre.  Néanmoins  ,  malgré  ces 
échecs ,  Ricci  ,  soutenu  par  le  grand- 
duc  ,  n'abandonna  pas  ses  plans.  Â  son 
instigation ,  de  nouveaux  édits  en  leur 
faveur  ,  et  calqués  sur  ceux  de  Vienne  , 
se  succédaient.  Un  événement  auquel  on 
ne  s'attendait  pas  vint  mettre  iin  à  ces 
funestes  innovations.  La  mort  de  l'em- 
pereur Joseph  II  en  1790  fit  passer  Léo- 
pold  sur  le  trône  impérial.  Il  paraît  que 
la  conduite  de  ce  prince  dans  ce  quHre- 
tait  passé  tenait  moins  à  ses  propres  opi- 
nions qu'au  désir  de  ne  point  contrarier 
les  projets  de  son  frère.  Après  son  départ 
de  Toscane,  tout  ,  sous  le  rapport  reli- 
gieux, y  rentra  dans  l'ordre.  Une  nouvelle 
émeute  ,  qui  eut  lieu  à  Pistoie  ,  contre 
Ricci,  l'obligea  de  fuir,  elle  détermina  à 
donner  sa  démission.  Pie  "VI ,  en  1794  , 
condamna  par  la  bulle  Auctorctn  fidei 
la  doctrine  établie  dans  le  concile  de 
Pistoie.  Cette  condamnation  ne  suffît  pas 
pour  ouvrir  les  yeux  à  Ricci.  Plus  tard, 
en  17*99  ,  il  subit  un  emprisonnement 
pourVètre  déclaré  en  faveur  des  décrets 
de  l'assemblée  constituante  et  des  Fran- 
çais qui  avaient  momentanément  occupé 
la  Toscane.  Rendu  à  la  liberté,  il  persista 
dans  ses  erreurs.  Ce  ne  fut  qu'en  1805 
qu'il  revint  sur  ses  pas.  Pie  VII  passait 
par  Florence  en  revenant  de  France. 
L'heuredu  repentir  étaitarrivée.  L'ancien 
évèque  de  Pistoie  vit  le  saint  Père  ,  et 
lui  remit  une  déclaration  portant  qu'il 
recevait  les  constitutions  apostoliques 


RIC 

contre  Baïtis ,  Jansénius  et  Quesnel ,  et 
notamment  la  bulle  Auctorem  fidei,  qui 
condamnait  son  synode.  Cet  évèque 
moui:ut  le  27  janvier  1810.  On  a  de  lui 
quelqiies  Instructions  pastorales ,  ten- 
dant à  appuyer  ses  prétendues  réfor- 
mes. Ou  lit  dans  \e  Dictionnaire  universel 
de  Prudhomme  que  Ricci  ne  se  rétracta 
point,  et  on  en  fait  pour  lui  un  sujet 
d'éloges.  Son  retour  à  de  meilleurs  sen- 
timensest  un  fait  positif,  et  nous  croyons 
le  louer  mieux  en  affirmant  sa  rétractation 
et  sa  soumission  aux  lois  de  l'Eglise.  En 
1824  on  a  publié  à  Bruxelles  un  ouvrage 
intitulé  :  Vie  et  mémoires  de  Scipion 
Ricci,  par  De  Potier,  4  vol.  in- 8.  Il  a 
été  réimprimé  en  1825  à  Paris  chez  les 
frèresBaudoin;maiscette  édition,  publiée 
par  l'abbé  Grégoire  et  le  comte  Lanjui- 
nais ,  a  été  mutilée. 

RICCIARELLI ,  peintre.  Voyez  Vor.- 

TERRE. 

RICCIO.  {Voyez  Rizzio  et  Crinitus.) 
RICCIOLI  (  Jean-Baptiste  ) ,  jésuite , 
né  à  Ferrare  en  1 598 ,  professa  avec 
succès  la  théologie  à  Parme  et  à  Bologne. 
Il  se  fit  un  nom  par  ses  connaissances 
astronomiques  et  malliématiques.  Ses 
principaux  ouvragessont  A*^  Gcographiœ 
ethydrographiœ  libri  A'//,Bologne,  1 66 1 , 
et  Venise,  1672.  Ce  livre  peut  servir  à 
ceux  qui  veulent  travailler  à  fond  sur  la 
géographie;  mais  il  faut  prendi-e garde  , 
en  le  lisant,  aux  inexactitudes,  qui,  dans 
le  temps  où  écrivait  l'auteur,  étaient 
inévitables.  2°  Chronologia  reformata  , 
Bologne,  1GC9,  in-fol.  :  livre  oîi  l'on 
trouve  des  choses  communes,  avec  d'au- 
tres utiles  et  savantes  ;  3"  Almagestum 
novum  ,  astronomiam  veterem  novam-  i 
que  complectens ,  tribus'  tomis  distinc-  \ 
tum,  Bologne,  1651,  in-fol.  Fruit  d'une  j 
vaste  érudition,  d'une  étude  profonde 
de  l'astronomie,  et  un  des  traités  les 
plus  complets  que  nous  ayons  sur  cette 
science  :  ceux  qui  ont  eu  le  plus  de 
succès  dans  ce  siècle  ne  l'ont  pas  fait 
oublier.  Il  y  a  des  fautes  et  des  erreurs , 
mais  peut-être  en  plus  petit  nombre 
que  dans  les  ouvrages  des  astronomes 
les  plus  modernes.  C'est  la  grande  ré- 
putation de  RiccioU  et  la  considération 


RIC 

qu'avaient  pour  lui  les  savans ,  qui  a  fait 
adopter  généralement  les  dénominations 
qu'il  donne  aux  taches  de  la  lune ,  et 
rejeter  celles  qu'Helvétius  a  imaginées. 
LePèreRiccioli  fit  aussi  des  expériences 
curieuses  sur  la  chute  des  corps ,  de  con- 
cert avec  le  Père  Grimaldi,  son  confrère , 
qui  le  seconda  dans  tous  ses  travaux.  Il' 
mourut  en  1671 .  (  L'abbé  Barottia  inséré 
une  bonne  notice  sur  la  vie  et  les  ou- 
vrages du  Père  Riccioli  dans  ses  Memorie 
istoriche  de  letterati  ferraresi,  Ferrada, 
1799,  tom.2,pag.  270  et  suiv.) 

RICCOBANI  (  Antoine  ),^iccoèo/2Uf, 
naquit  à  Rovigo  en  1541.  Les  célèbres 
Paul  Manuce,  Sigonius  et  Muret  furent 
ses  maîtres  dans  l'étude  des  humanités. 
Il  professa  lui-même  les  belles-lettres  à 
l'université  de  Padoue  ,  pendant  trente 
années  ,  et  avec  beaucoup  d'honneur.  Il 
y  mourut  en  1699.  Il  a  laissé  :  1°  Corti- 
mentaircs  historiques ,  avec  des  frag- 
mcns  des  anciens  historiens  ;  2°  Com- 
mentaires sur  les  Oraisons  et  sur  quel- 
ques autres  ouvrages  de  Nicéron  ;  2"  Rhé- 
torique^ 1395,  in-8  ;  4"*  des  Commen- 
taires sur  la  Poétique  et  la  Morale  d'A- 
ristole ,  in-4  ;  6°  Histoire  de  (université 
de  Padoue  ,  Paris,  1592  ,  in-4  ,  etc. 

RICCOBONI  (Louis),  né  à  Modène,  en 
1674  ou  1 G77,  se  consacra  au  théâtre, sous 
le  nom  de  LeIto.(  Il  effectua  une  réforme 
dramatique  sur  les  théâtres  de  son  pays, 
en  excluant  les  farces  obscènes  et  en  y 
donnant  des  pièces  régulières,  et  notam- 
ment les  traductions  de  Molière.)  Après 
avoir  joué  en  Italie  ,  il  vint  en  France , 
où  l'appelait  le  duc  d'Orléans ,  alors 
régent  (1716),  et  où  il  se  distingua 
comme  comédien.  Il  passa  pour  le  meil- 
leur acteur  du  théâtre  italien  de  Paris 
(  l'hôtel  de  Bourgogne  ),  qu'il  abandonna 
ensuite  par  principe  de  religion.  Sa  mort, 
arrivée  en  1753  ,  à  79  ans,  excita  les  re- 
grets des  gens  de  bien.  Ses  mœurs  n'é- 
taient point  celles  de  la  profession  qu'il 
avait  embrassée  ,  et  son  caractère  était 
aimable.  On  a  de  lui  le  Recueil  de  comé- 
dies qu'il  avait  composées  pour  le  théâtre 
italien.  Il  y  en  a  quelques-unes  qui  réus- 
sirent dans  le  temps.  Mais  on  fait  beau- 
coup plus  de  cas  de  ses  Pensées  sur  la 
XI. 


RIC  353 

déclamation ,  in-8  ,  et  de  son  Discours 
sur  la  réformation  du  théâtre,  1743, 
in-1 2  ;  ouvrage  rempli  de  réflexions  ju- 
dicieuses. On  le  trouva  trop  sévère ,  et 
peut-être  ne  l'était-il  pas  encore  assez. 
Nous  avons  aussi  dehonnes Observations 
sur  la  comédie  ,  et  sur  le  génie  de  Mo- 
lière, 1736,  in-1 2  ;  des  Réflexions  his- 
toriques et  critiques  sur  les  théâtres  de. 
r Europe,  1738,  in-8,  et  l'Histoire  du 
théâtre  italien,  publiée  en  1730  et  1731, 
en  2  vol.  in-8. 

*  RICCOBONI  (Marie-Jeanne  Laboras 
DE  MÉziiRKS  )  ,  dame  auteur  ,  née  à  Paris 
en  1714  ,  fut  actrice  dès  l'âge  de  vingt 
ans.  Cet  état  qu'elle  avait  pris  par  néces- 
sité ne  lui  fut  point  favorable  :  elle  fut 
constamment  médiocre.  Elle  ne  trouva 
pas  non  plus  de  bonheur  dans  son  union 
avec  Antoine-François  Riccoboni,  acteur 
du  théâtre  italien  et  auteur  de  plusieurs 
Comédies  et  de  l'ouvrage  intitulé  :  yirt 
du  théâtre,  17  50,  in-8  :  elle  eut  souvent 
à  déplorer  ses  égaremens  nombreux,  et  ce 
fut  pour  se  distraire  des  ennuis  dont  elle 
était  abreuvée  ,  qu'elle  se  livra  à  l'étude 
des  lettres,  et  qu'elle  produisit  ce  grand 
nombre  de  romans  qui  la  placèrent  dès 
son  début  au  premier  rang  parmi  nos 
meilleurs  romanciers.  Ses  ouvrages  sont 
écrits  d'un  bon  stile  ,  et  il  y  règne  à  la 
fois  de  la  décence  et  du  goût.  S'étant  re- 
tirée du  théâtre  en  1761 ,  elle  vécut  alors 
du  produit  de  ses  ouvrages  et  d'une  petite 
pension  que  lui  faisait  la  cour.  La  révo- 
lution la  priva  de  cette  dernière  ressource, 
et  elle  mourut  à  Paris  presque  dans  l'in- 
digence ,  le  6  décembre  1792  ,  à  l'âge  de 
78  ans.  Elle  a  laissé  les  (jfivrages  suivans  : 
1°  Histoire  du  marquis  de  Cressy,  1 756, 
in-1 2,  réimprimée  en  1 830  avec  plusieurs 
autres  ouvrages  du  même  auteur  dans  la 
Collection  des  romans  français  et  étran- 
gers ,  de  Dauthereau.  Cette  histoire  eut 
un  succès  prodigieux,  et  elle  le  méritait. 
Des  caractères  vrais  ,  nobles  ,  beaucoup 
d'intérêt ,  une  marche  suivie  et  dégagée 
d'accidens  extraordinaires,  des  réflexions 
sages  et  fine's  ,  de  la  délicatesse  dans  les 
sentimens  ,  de  la  grâce  et  de  la  pureté 
dans  le  stile,  point  d'images  déshonnêtes, 
ni  de  peintures  trop  libres,  une  connais» 
45. 


354  RIC 

sance  profonde  du  cœur  humain  ,  voilà 
les  qualités  qui  firent  réussir  cet  ouvrage. 
On  reprocha  cependant  à  l'auteur,  après 
y  avoir  peint  la  marquise  de  Cressy  aussi 
intéressante  et  vertueuse ,  de  la  porter  à 
se  donner  la  mort.  Ce  trait  de  désespoir 
détruit  en  partie  cette  morale  douce  et 
persuasive  répandue  dans  tout  l'ouvrage. 
Laharpe  porte  le  même  jugement  sur  M""" 
Kiccoboni.  2°  Lettres  de  Fanny  Buttler, 
17  .S7 ,  in- 1 2.  Ces  deux  ouvrages  obtinrent 
un  tel  succès  que  l'on  douta  d'abord 
qu'unefemmepùtienètrerauteur.Palissot 
fut  un  de  ceux  qui  contribuèrent  le  plus  à 
répandre  ce  soupçon  (  voyez  sa  Dun- 
ciade)  ;  mais  plus  tard  il  se  rétracta. 
3°  Lettre  de  milady  Catesby ,  1759  ;  4° 
Amélie^  traduite  de  l'anglais  deFieiding  ; 
5°  MissJenny  ,  1764  ,  4  vol.'in-12  ;  G" 
Lettres  de  la  comtesse  de  Sancerre,  1767, 
2  vol.  ;  7°  Ernestine  -.  c'est  un  des  meil- 
leurs ouvrages  de  l'auteur  :  Laharpe  l'ap- 
pelait le  diamant  de  M™*  Riccoboni  ;  8° 
Lettres  de  milord  Rivers  ,  1777  ,  2  vol. 
in-1 2  ;  9°  Recueil  de  pièces  et  d!  histoires, 
1  783  ,  2  vol.  in-12.  Les  OEuvres  de  ma- 
dame Riccoboni  ont  été  imprimées  à 
Neul'châtel  en  10  vol.  in-12  ;  à  Paris  en 
9  vol.  ,«et  en  14  vol.  après  la  mort  de 
l'auteur  ,  avec  une  Notice  sur  sa  vie  et 
ses  écrits.  Malgré  les  éloges  qu'on  donne 
à  madame  Riccoboni,  on  pourrait  parfois 
lui  reprocher  des  exclamations  et  des 
épithètes  trop  répétées  ,  et  quelque  af- 
fectation dans  le  stile  ,  défaut  qu'elle 
partageait  avec  madame  de  Gomez  et 
autres  romancières  de  son  temps.  Elle 
passait  pour  avoir  l'esprit  très  cultivé  , 
et  ses  ouvrages  n&.démentent  pas  cette 
opinion.  Malgif  l'état  de  comédienne 
qu'elle  exerça  près  de  vingt  ans,  ses 
mœurs  ne  blessèrent  jamais  les  conve- 
nances. 

•  RICH  (James-Claudius) ,  savant  dis- 
tingué ,  résident  d'Angleterre  à  Bagdad, 
joignait  à  une  connaissance  approfondie 
des  langues  orientales  le  goût  des  recher- 
ches d'antiquité.  Il  s'occupa  à  réunir  une 
belle  collection  de  manuscrits  orientaux, 
de  médailles  précieuses,  de  cylindres, 
de  pierres  gravées  et  d'objets  antiques  de 
tous  les  genres  ,  et  particulièrement  de 


RIC 

monumens  babyloniens  qu'il  avait  re- 
cueillis lui-même  dans  les  nombreuses 
visites  qu'il  fit  sur  l'emplacement  de  Ba- 
bylone.  Il  a  publié  ses  Recherches  dans 
le  tome  3  du  Recueil  des  mines  de  l'O- 
rient ,  publié  à  Vienne  en  1813  ,  in-fol.,  •' 
et  il  en  a  été  publié  une  traduction  fran- 
çaise sous  ce  titre  :  Voyage  aux  ruines 
de  Babyltme  par  M.  J.  C.  Rich,  résident 
à  Bagdad,  orné  de  4  gravures,  traduit 
et  enrichi  d'observations,  avec  des  notes 
explicatives  ,  suivies  d'une  dissertation 
sur  la  situation  du  Pallacopas ,  par  J. 
Raymond  ,  ancien  consul  a  Bassora  , 
1818  ,  in- 8.  On  trouve  dans  le  même 
tome  3  du  recueil  des  mines ,  et  dans  le 
tome  4  un  Catalogue  latin  des  manU' 
scrits  arabes,  persans  et  turcs,  recueillis 
dans  l'Orient  par  Rich,  et  dans  le  tome  4, 
même  recueil ,  une  traduction  anglaise 
de  l'Histoire  ,  ou  plutôt  de  la  Légende 
des  sept  dormans  ,  écrite  en  arabe.  Le 
Journal  des  savans  de  mai  1821  et  d'a- 
vril 1822  renferme  encore  des  extraits 
intéressans  de  deux  Lettres  de  ce  résident  ■ 
anglais  à  M.  Sylvestre  de  Sacy .  Rich  resta  I 
k  Bagdad  de  1807  à  1821  ;  néanmoins  il 
fit  dans  cet  intervalle  un  grand  nombre 
de  voyages ,  et  poussa  même  ses  recher- 
ches jusque  dans  les  cantons  les  plus  re- 
culés du  Kurdistan.  Il  était  âgé  seulement  ■ 
de  35  ans  ,  lorsqu'il  mourut ,  en  1821  , 
à  Schiraz  du  choléra-morbus. 

RICHARD  I",  roi  d'Angleterre  ,  sur- 
nommé Cœur  de  Lion  , monta  sur  le  trône 
après  la  mort  de  Henri  II  son  père  ,  l'an 
1 1 89.  Sa  mère  était  Eléonore  de  Guienne , 
répudiée  par  Louis  VII,  roi  de  France. Ri- 
chardétaitdevenul'aîné  parla  mort  deson 
frèreHenri, ditfe7e«ne,en  1 183.(Ils'était  j 
réuni  à  Henri  pour  faire  la  guerre  à  son  j 
père,  qui  en  mourut  de  chagrin.  Saladin 
venait  de  prendre  Jérusalem  :  cette  .nou- 
velle avait  enthousiasmé  le  courage  du 
jeuiie  Richard;  mais  les  guerres  qu'il 
excitait  contre  l'autorité  paternelle  em- 
pêchaient le  départ  des  croisés  :  le  légat 
du  pape  l'excommunia.  Il  se  repentit  de 
ses  excès,  et  ne  pensa  plus  qu'au  voyage 
de  la  Terre-Sainte.  }  Le  désir  de  chasser 
les  mahométans  des  belles  provinces 
qu'ils  avaient  usurpées  sur  les  chrétiens, 


RIC 

et  de  repousser  dans  l'Arabie  une  puis- 
sance qui  menaçait  déjà  l'Europe,  ani- 
mait alors  tous  les  princes.  Richard  prit 
part  comme  tous  les  autres  à  cette  entre- 
prise dictée  par  la  justice ,  la  piété  et  la 
bonne  politique  ,  et  se  croisa  avec  Phi- 
lippe-Auguste en  1190.  (Le  rendez-vous 
des  armées  était  à  Messine  :  Guillaume  II, 
roi  de  Sicile,  venait  de  mourir.  Sa  veuve 
était  sœur  de  Richard,  qui  exigea  la  res- 
titution de  la  dot  auprès  de  Tancrède , 
successeur  de  Guillaume.  La  querelle  d'es 
deux  monarques  occasiona  des  disputes 
sanglantes  entre  les  croisés  et  les  Mes- 
séniens.  Richard  s'empara  de  la  ville; 
mais  Philippe-Auguste  se  déclara  média- 
leur,  et  fit  conclure  la  paix  entre  les  deux 
monarques.  De  ce  moment  cessa  la  bonne 
intelligence  qui  régnait  entre  Philippe 
et  Richard  )  Il  s'empara  de  l'île  de  Chy- 
pre en  1191,  et  contribua  beaucoup  à  la 
prise  d'Acre.  C'est  en  ce  voyage   qu'il 
donna  à  Gui  de  Lusignan  l'île  de  Chypre, 
en  échange  du  litre  de  roi  de  Jérusalem. 
La  division  s'étant  mise  dans  les  armées, 
Philippe  retourna  en  France.  Richard , 
demeurant  maître  du  champ  d'honneur, 
déploya  le  courage  le  plus  héroïque. 
Saladin  ,  qui  revenait  vainqueur  de  la 
Mésopotamie ,  livra  bataille  aux  croisés 
près  de  Césarée.  Richard  eut  la  gloire 
de  le  désarmer  et  de  s'emparer  de  plu- 
sieurs places.  Ayant  fait  une    trêve  de 
trois  ans  avec  Saladin,  il  s'en  retourna  à 
la  vérité  avec  plus  de  gloire  que  Philippe- 
Auguste,  mais  d'une  manière  moins  pru- 
dente. Il  partit  en  1192  avec  un  seul  vais- 
seau ,  et  ce  navire  ayant  fait  naufrage 
sur  les  côtes  de  Venise,  il  traversa  ,  dé- 
guisé ,  la  moitié  de  l'Allemagne.  Il  avait 
offensé  au  siège  d'Acre,  par  ses  hauteurs, 
Léopold,  duc  d'Autriche,  sur  les  terres 
duquel  il  eut  l'imprudence  de  passer.  Ce 
duc  le  chargea  de  chaînes,  et  le  livra  au 
barbare  et  lâche  empereur  Henri  VI,  qui 
le  ga.da  en  prison  comme  un  ennemi  qu'il 
aurait  pris  en  guerre.  (Le  pape,  pressé 
par  les  prières  de  la  reine  Eléonore,  me- 
naça l'archiduc  et  Henri  de  les  excom- 
munier s'ils  ne  rendaient  pas  la  liberté  à 
Richard.  Ils  furent  inexorables.  Cepen- 
dant le  prince,  traduit  devant  une  diète, 


RIC  355 

et  accusé  du  meurtre  de  Conrard ,  mar- 
quis de  Tyr,prouva«i  bien  son  innocence, 
qu'il  intéressa  en  sa  faveur  ses  accusa- 
teurs. Conrard  avait  été  assassiné  parles 
émissaires  du  Fieux  de  la  montagne.  ) 
L'empereur ,  en  rendant  la  liberté  au  roi 
d'Angleterre  ,  exigea  ,  dit-on  ,  250,000 
marcs  d'argent  pour  sa  rançon.  Richard, 
de  retour  dans  son  royaume,  l'an  1 194,  le 
trouva  déchiré  par  la  faction  que  Jean 
son  frère  y  avait  formée  :  il  la  dissipa,  et 
tourna  ses  armes  contre  Philippe- Auguste; 
mais  les  succès  de  cette  guerre  ne 
furent  pas  décisifs.  En  1199,  après  avoir 
pillé  plusieurs  églises ,  il  apprit  qu'il  y 
avait  un  trésor  renfermé  dans  Chalus, 
place  du  Limousin  ;  il  alla  l'attaquer,  et 
y  reçut  une  blessure  dont  il  mourut  le  6 
avril  de  la  même  année ,  à  42  ans.  Un 
poète  de  ce  temps  a  consigné  cet  événe- 
ment dans  un  distique  où,  par  un  jeu  de 
mots,  il  fait  allusion  aux  vases  sacrés  en- 
levés et  profanés  par  Richard  : 

Cfarisie;  tui  calicis  prœdo  lit  pr»da  Calunit: 
Mre  brevi  rejicls  qui  Iulit  œra  crucis. 

Avant  de  mourir  ,  il  fit  donner  un  as- 
saut général  à  la  place  assiégée  ,  qui  fut 
emportée  de  vive  force.  Il  fit  pendre  tous 
les  soldats  qu'on  avait  faits  prisonniers, 
à  la  réserve  de  celui  qui  avait  tiré  sur 
lui ,  qu'il  destinait  à  un  plus  rigoureux 
supplice  ;  mais  il  changea  tout  d'un 
coup  de  sentiment,  etse  voyant  lui-même 
près  de  mourir,  il  renonçaà  sa  vengeance. 
Etant  dans  cette  disposition  ,  il  fit  venir 
l'archer,  à  cui  il  demanda  avec  douceur 
quel  mal  il  lui  avait  fait  pour  l'avoir  ob- 
ligé à  luiôter  la  v.ie  :  «  Vous  avez,  répon- 
»  dit-il  bien  fièrement,  fait  mourir  mon 
))  père  et  mes  deux  frères  ;  et  comme  je 
»  me  suis  ven^  de  vous ,  vengez-vous 
})  aussi  de  moi.  Je  m'offre  avec  plaisir  à 
»  tous  les  supplices  que  vous  me  prépa- 
)>  rez,  content  de  voir  que  vous  ne  me 
»  survivrez  pas  long-temps.  —  Et  moi , 
■»  répondit  le  roi ,  je  vous  pardonne  ,  et 
•»  je  veux  que  vous  me  surviviez  pour  être 
»  un  exemple  de  ma  clémence.  «  Ce 
prince  avait  un  orgueil  qui  lui  faisait 
regarder  les  rois  ses  égaux  comme  ses 
sujets,  et  ses  sujets  comme  des  esclaves. 
Son  avarice  né  respectait  ni  la  religion 


356 


RIC 


ui  la  pauvreté,  et  sa  lubricité  ne  connais' 
sait  ni  bornes  ni  bienséances.  Il  fut  brave, 
mais  féroce  ;  entreprenant, mais  inquiet; 
ferme,  mais  opiniâtre  ;  passionné  pour  la 
gloire  des  armes,  mais  jaloux  de  tous  ceux 
qui  pouvaient  la  lui  disputer.  Richard  était 
comte  de  Poitou  et  duc  de  Normandie. 
Jean-Sans-Terre  ,  son  frère,  lui  succéda. 
Sedaine  et  Grétry  sont  les  auteurs  du  fa- 
meux opéra  intitulé  Richard  Cœur  de 
Lion,  où  il  est  question  du  dévouement 

de  Blondel,  jadis  attaché  à  Richard 

(  Les  auteurs  arabes  célèbrent  eux-mêmes 
la  Valeur  de  Richard  ,  qui  avait  passé  en 
proverbe  en  Orient.  Quand  les  enfans 
pleuraient ,  les  mères  musulmanes  les 
faisaient  taire  en  leur  disant  :  Paix-là, 
voici  le  roi  Richard  !  A  JafiFa  ,  avec  400 
arbalétriers  et  dix  chevaux,  il  attaqua  et 
mit  en  fuite  15,000  cavaliers  musul- 
mans. Il  revint  tout  couvert  de  flèches, 
semblable ,  dit  un  historien  oculaire ,  à 
une  pelote  remplie  d'aiguilles.) 

RICHARD  II,  roi  d'Angleterre  ,  fils 
d'Edouard,  prince  de  Galles,  dit  le  Prince 
Noir ,  naquit  à  Bordeaux  en  1366  ,  suc- 
céda à  son  aïeul  Edouard  III,  en  1377.11 
était  encore  extrêmement  jeune.  Après 
avoir  éprouvé  divers  troubles  dans  sa 
minorité,  il  calma  ces  orages,  pour  por- 
ter la  guerre  contre  les  Français  et  contre 
les  Ecossais.  Il  la  fit  aux  uns  et  aux  autres 
avec  assez  de  bonheur  ;  mais  cette  pro- 
spérité ne  se  soutint  pas.  Jean ,  duc  de 
Lancastre  ,  Edouard  ,  duc  d'York ,  et 
Thomas ,  duc  de  Glocester  ,  tous  trois 
frères  de  son  père,  étaient  très  mécon- 
tens,  de  l'administration  de  leur  neveu. 
Le  dernier  conspira  contre  lui  en  1397, 
et  périt  à  Calais,  où  il  fut  étranglé  dans 
sa  prison.  Le  comte  d'Arundel  eut  la  tête 
tranchée  ,  et  le  comte  ée  Warwick  fut 
condamné  à  un  exil  perpétuel.  Quelque 
temps  après,  Henri,  comte  de  Derby,  fils 
du  duc  de  Lancastre  ,  voulant  défendre 
la  mémoire  de  son  oncle,  se  vitbanni  du 
royaume ,  où  il  fut  rappelé  par  quelques 
séditieux.  Le  comte  de  Northumberland, 
qui  était  dans  ses  intérêts,  arrêta  en  1399 
le  roi  à  Flint,.dans  la  principauté  de 
Galles,  et  le  remit  entre  les  mains  de 
Henri ,  depuis  peu  duc  de  Lancastre,  qui 


RIC 

l'enferma  dans  une  prison.  La  nation  se 
déclara  pour  lui.  Richard  II  demanda 
seulement  qu'on  lui  laissât  la  vie  et  une 
pension  pour  subsister.  Un  parlement 
assemblé  le  déposa  juridiquement.  Ri- 
chard ,  enfermé  dans  la  tour ,  remit  au 
duc  de  Lancastre  les  marques  de  la  royau- 
té avec  un  écrit  signé  de  sa  propre  main, 
par  lequel  il  se  reconnaissait  indigne 
de  régner.  Il  l'était  en  effet,  puisqu'il 
s'abaissait  à  le  dire.  Le  parlement  d'An- 
gleterre ordonna  que  ,  si  quelqu'un  en- 
treprenait de  le  délivrer,  dès  lors  Ri- 
chard II  [serait  mis  à  mort.  Au  premier 
mouvement  qui  se  fit  en  sa  faveur,  huit 
scélérats  allèrent  l'assassiner  dans  sa 
prison,  à  Pontfract,  où  il  avait  été  trans- 
féré de  la  Tour  de  Londres.  Il  défendit  sa 
vie  mieux  qu'il  n'avait  défendu  sonjtrône; 
il  arracha  la  hache  d'armes  à  l'un  des 
meurtriers,  et  il  en  tua  quatre  avant  que 
de  succomber.  Enfin  il  expira  sous  les 
coups  en  1400,  à  33  ans.  Ainsi  périt  ce 
malheureux  prince ,  qui  n'eut  ni  les  ver- 
tus d'un  chrétien,  ni  les  qualités  d'un 
honnête  homme ,  ni  les  talens  d'un  grand 
roi.  Il  manqua  également  d'esprit ,  de 
cœur  et  de  mœurs.  C'est  sous  son  règne 
que  Wiclef  commença  à  dogmatiser. 
(  Richard  avait  toujours  vécu  comme  en 
tutelle ,  sous  les  divers  partis  qu'exci- 
taient les  grands  du  royaume.  Il  s'en  dé- 
dommagea par  une  magnificence  sans 
bornes ,  qui  ne  lui  captivait  pas  l'amour 
de  ses  sujets.  Il  employait  trois  cents 
hommes  dans  les  cuisines,  et  la  reine  ne 
comptait  pas  moins  de  femmes  pour  la 
servir.  Aussi  quand  il  voulut  emprunter 
1000  livres  à  la  ville  de  Londres,  il  en 
reçut  un  refus  tout  net.  La  restitution 
de  Calais  et  de  Cherbourg  aux  Français 
avait  excité  un  mécontentement  général, 
et  il  ne  trouva  plus  de  prêteurs.  Jus- 
qu'alors les  gros  bourgeois  eux-mêmes 
s'étaient  vus  contraints  de  prêter  au  roi 
de  l'argent  qu'ils  ne  recouvrèrent  ja- 
mais. ) 

RICHRAd  m,  roi  d'Angleterre,  au- 
paravant duc  de  Glocester  et  frère  d'E- 
douard IV,  était  né  en  1462.11  se  fit  pro- 
clamer roi  en  1483,  après  avoir  fait  mou- 
rir Edouard  V  et  Richard  duc  d'York  , 


RIC 

ses  neveux ,  héritiers  légitimes  du  trô- 
ne. Il  ne  jouit  que  deux  ans  et  demi 
de  son  usurpation  ,  et  pendant  ce  court 
espace  il  assembla  un  parlement ,  dans 
lequel  il  osa  faire  examiner  son  droit  à 
la  couronne.  Il  y  a  des  temps  où  les  hom- 
mes sont  lâches,  à  proportion  que  leurs 
maîtres  sontcruels.  Ce  parlement  déclara 
que  la  mère  de  Richard  III  avait  été 
adultère;  que  ni  Edouard  IV  ni  ses  au- 
tres frères  n'étaient  légitimes  ;  que  le 
seul  qui  le  fut  était  Richard  ;  qu'ainsi  la 
couronne  lui  appartenait,  à  l'exclusion 
des  deux  jeunes  princes  (étranglés  dans 
la  tour ,  mais  sur  la  mort  desquels  on  ne 
s'expliquait  pas  ).  Il  parut  bientôt  un 
vengeur  de  ces  infortunés.  Le  duc  de 
Ruckingham  s'éleva  contre  Richard  III  ; 
mais  il  fut  arrêté  et  décapité.  Henri , 
comte  de  Richemont,  le  seul  rejeton  qui 
restât  de  la  Rose  rouge,  parut  après  lui, 
et  fut  plus  heureux.  Tout  le  pays  de  Gal- 
les ,  dont  ce  jeune  prince  était  origi- 
naire ,  arma  en  sa  faveur.  Richard  III  et 
Richemont  combattirent  à  Bosworth  ,  le 
22 août  1485.  Richard,  au  fort  de  la  ba- 
taille ,  mit  la  couronne  en  tête ,  croyant 
avertir  par-là  ses  soldats  qu'ils  combat- 
taient pour  leur  roi  contre  un  rebelle  ; 
mais  le  lord  Stanlay ,  un  de  ses]  géné- 
raux, qui  voyait  depuis  long-temps  avec 
horreur  cette  couronne  usurpée  par  tant 
de  meurtres ,  trahit  son  indigne  maître  , 
et  passa  avec  un  corps  de  troupes  du 
côté  de  Richemont.  Richard,  voyant  la 
bataille  désespère ,  se  jeta  en  furieux  au 
milieu  de  ses  ennemis ,  et  y  reçut  une 
mort  plus  glorieuse  qu'il  ne  méritait. 
Cette  journée  mit  hn  aux  désolations 
dont  la  Rose  rouge  et  la  Rose  blanche 
avaient  rempli  l'Angleterre.  Le  comte  de 
Richemont ,  couronné  sous  le  nom  de 
Henri  VII ,  réunit  par  son  mariage  les 
droits  des  maisons  de  Lancastre  et 
d'York.  Richard  III  fut  le  dernier  roi  de 
la  race  des  princes  d'York  ,  ou  Plantage- 
net.  (Phakespeare  a  fait  une  tragédie  inti- 
tulée Ric/iardIII.  On  doit  à  M.  J.  Reyrfej 
Essais  historiques  et  critiques  sur  Ri- 
chard III ,  Paris,  1818  ,  1  vol.  in-8.) 

RICHARD  I",  surnommé  Sans  peur , 
petit-fils    de  Rollon ,  premier    duc  de 


RIC  357 

Normandie ,  succéda  l'an  943  à  son  père 
Guillaume  Lougife-Çpée  ,  à  l'âge  de  dix 
ans.  Echappé  par  l'heureuse  adresse 
d'Osmond  son  gouverneur,  des  mains  du 
roi  Louis  d'Outremer ,  qui  le  retenait  à 
Laon ,  il  sévit  à  la  veille d'êlre  dépouillé 
de  ses  états;  mais  Aigrold,  roi  de  Da- 
nemark, et  Hugues  le  Blanc,  comte  de 
Paris ,  appelés  à  son  secours ,  battirent 
les  troupes  françaises ,  et  firent  Louis  IV 
prisonnier.  Othon  I*"",  roi  de  Germa- 
nie, et  Thibaut,  comte  de  Blois  ,  armés 
contre  ce  jeune  prince,  n'eurent  pas  un 
meilleur  succès  :  ils  furent  défaits,  le 
pays  chartrain  fut  pillé ,  sa  capitale  brû- 
lée. Après  la  mort  deLouis,  roi  de  France, 
le  duc  Richard  fut  un  de  ceux  qui  contri- 
buèrent le  plus  à  placer  la  couronne  sur 
la  tête  de  Hugues  Capet,  son  beau-frère. 
Il  mourut  en  996àFécamp  ,  dont  il  avait 
fait  bâtir  l'église ,  très  regretté  pour  la 
douceur  de  son  gouvernement. 

RICHARD  II,  dit  le  Bon,  fils  et  suc- 
cesseur de  Richard  I*"" ,  duc  de  Norman- 
die, régna  jusqu'en  1027 ,  époque  de  sa 
mort.  Le  commencement  de  son  règne  fut 
troublé  par  le  soulèvement  du  peuple,  qui 
se  plaignait  des  prétentions  de  la  no- 
blesse. Il  eut  depuis  à  combattre  plu- 
sieurs princes  puissans  :  Guillaume , 
comte  de  Hiesmes ,  son  frère  naturel , 
qui  refusait  de  lui  rendre  hommage  ;  le 
roi  d'Angleterre,  qui,  étant  descendu  en 
Normandie ,  ramena  à  peine  la  moitié  de 
ses  gens  dans  son  île  ;  enfin  Eudes,  comte 
de  Chartres  et  de  Blois, jaloux  de  sa 
puissance  :  celui-ci  denna  bientôt  toute 
satisfaction  au  duc  de  Normandie,  à  la 
vue  des  troupes  que  Lagman  et  Olaiis , 
rois  de  Suède  et  de  Danemark ,  avaient 
amenées  à  son  secours.  Richard  II  eut 
pour  successeur  Richard  III  son  fils ,  qui 
mourut  un  an  après ,  non  sans  soupçon 
de  poison. 

RICHARD  DE  Saint-Victob  ,  théolo- 
gien écossais,  vint  étudier  à  Paris  où  il 
se  fit  chanoine  régulier  dans  l'abbaye  de 
Saint- Victor.  Il  fut  prieur  de  ce  monas- 
tère, en  1164,  et  y  mourut  en  1173,  res- 
pecté pour  ses  vertus  autant  que  pour  ses 
lumières.  Son  tombeau,  qui  était  dans  le 
cloître,  portait  cette  courte  inscription  -. 


3Sê'  RIC 

Èicquiescit  B.  Richat4us  asancto  Vic- 
tore ,  doctor  celebei*fimus ;  mais  on  lisait 
à  côté  un  éloge  un  peu  plusaraple.  Nous 
avons  de  lui  un  grand  nombre  d'ouvra- 
ges, dans  lesquels  il  raisonne  avec  jus- 
tesse et  avec  méthode.  Sa  dialectique  est 
exacte  ,sa  logique  vigoureuse,  et  sa  théo- 
logie parfaitement  orthodoxe.  Un  cha- 
noine de  Trêves ,  nommé  Oehms ,  a  osé  se 
servir  d'un  de  ses  passages  pour  établi^ 
le  paradoxe  sacrilège ,  que  dans  le  1 0* 
siècle  l'Eglise  avait  commencé  à  varier 
sur  le  dogme  de  la  Trinité ,  et  à  donner 
dans  l'hérésie  de  Sabellius  ;  mais  il  fut 
vigoureusement  réfuté  dans  leJudicium 
theologorum  coloniensium,  17 90.  Effecti- 
vement ,  peu  de  théologiens  ont  traité  ce 
dogme  avec  autant  d'exactitude  dans  la 
doctrine  et  dans  le  langage  que  Richard 
de  Saint-Victor.  La  meilleure  édition  de 
ses  OEu^res  est  celle  de  1G50,  à  Rouen,  2 
vol.  iu-fol.  Ses  traités  théologiques  sont 
exacts,  et  ses  ouvrages  ascétiques  sont 
pleins  des  règles  les  plus  sublimes  de  la 
vie  intérieure.  Ses  Commentaires  sur 
l'Ecriture  sainte  sont  un  peu  diffus  ,mais 
remplis  de  bonnes  et  solides  explications. 
RICHARD  b'AbiMach  ou  Radclfhe  , 
nommé  dans  sa  patrie  Fitz  Ralph,  né 
à  Dundalke  en  Irlande ,  étudia  à  Oxford, 
y  devint  professeur  en  théologie ,  et  ga- 
gna les  bonnes  grâces  d'Edouard  III ,  qui 
le  fit  successivement  doyen  de  Litch- 
field ,  chancelier  de  l'université  d'Oxford 
en  1333.  Il  devint  ensuite  archevêque 
d'Armah  l'an  1347.11  soutint  la  juridic- 
tion des  évêques  et  des  curés  contre  les 
religieux  mendians  qui  l'accusèrent 
d'hérésie.  Il  fut  cité  à  Avignon  ,  où  il 
mourut  le  16  novembre  1360  ,  après  un 
séjour  de  trois  ans ,  sans  avoir  terminé 
les  affaires  pour  lesquelles  il  avait  été 
mandé.  Il  avait  la  réputation  d'un  homme 
versé  dans  la  lecture  de  l'Ecriture  sainte 
et  des  Pères.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  1"  plusieurs  5ermo«f;  2"  un  écrit 
intitulé  :  Defensio  curatorum.  adversus 
mendicanies^  Paris  ,  1496  ,  in-8.  H  avait 
déclamé  ce  discours  à  Avignon.  Roger  de 
Conway  lui  opposa  Defensio  mendican- 
iium.  3°  Un  autre  De  audientia  confes- 
sionum  ;  4°  un  !rrat7e  curieux,  in-8 ,  pa- 


ris  ,  1512,  contre  les  erreurs  des  Armé- 
niens. L'auteur  n'en  est  pourtant  pas 
exempt  lui-même  :  il  incline  quelquefois 
vers  celles  que  '^^'iclef  soutenait  en  ce 
temps. 

RiaiARD  (Martin  ),  peintre,  natif 
d'Anvers,  mourut  en  1636,  âgé  de  45 
ans.  Il  se  sentit  du  goût  pour  le  paysage, 
et  fit  toutes  les  études  nécessaires  pour 
y  réussir.  On  estimait  ses  tableaux ,  qu'il 
ornait  de  belles  fabriques.  Le  célèbre 
Vau-Dyck  faisait  en  particulier  beaucoup 
de  cas  de  ce  maître,  et  voulut  en  avoir  un 
portrait.  Un  jour  que  Richard  s'approcha 
des  fortifications  de  Namur  pour  les  des- 
siner, ilVut  arrêté  comme  espion  ;  mais 
il  se  fit  connaître  ,  et  obtint  sa  liberté. 
Ce  qu'il  y  a  de  singulier  dans  ce  peintre, 
c'est  qu'il  vint  au  monde  avec  le  bras 
gauche  seulement.  Son  frère  David  Ri- 
chard s'appliqua  aussi  à  la  peinture , 
mais  avec  moins  de  succès. 

RICHARD  (  Jean  },  bachelier  en  théo- 
logie, né  à  Paris,  fut  nommé  à  la  cure  de 
Triel ,  diocèse  de  Rouen.  Après  l'avoir 
occupée  pendant  18  ans,  il  fut  arrêté  et 
mis  dans  les  prisons  de  l'officialité  de 
Rouen  ,  pour  avoir  écrit  contre  la  signa- 
ture du  Formulaire.  Il  mourut  à  Paris  en 
1686 ,  à  l'âge  de  65  ans.  Il  avait  permuté 
sa  cure  pour  le  pieuré  d'Avoie  près  Che- 
vreuse.  On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages 
qui  furent  lus  dans  le  temps ,  mais  qui 
ont  été  effacés  par  d'autres  meilleurs  :  1° 
Y  Agneau  pascalou  Explicaticni  des  céré- 
monies que  les  Juifs  observent  dans  la 
manducatioh  de  l'agneau  de  Pâques, 
appliquées  dans  un  sens  spirituel  à  la 
manducation  de  l'agneau  divin  dans 
l'eucharistie,  in-8  ,  1686  ;  2°  Pratiques 
de  piété  pour  honorer  Jésus-Christ  dans 
Feucharistie,  in-12,  i6S3  iV  Sentimens 
d'Erasme  conformes  à  ceux  de  VEglise 
cat/iolique  sur  tous  les  points  contro- 
versés. Apologie  un  peu  trop  générale, 
et  qui  ne  s'accorde  que  bien  difiBcilement 
avec  ce  que  l'histoire  et  les  écrits  d'E- 
rasme nous  en  apprennent  (iJoyes  son  ar- 
ticle). A*  Aphorismes de  controverse,  etc. 

RICHARD  (Jean  ) ,  né  à  Verdun  en 
1639,  se  fit  recevoir  avocat  à  Orléans  ; 
mais  ce  fut  moins  pour  en  exercer  les 


RIC 

fonctions  que  pour  avoir  un  titre.  Quoi- 
que laïque  et  marié,  il  choisit  un  «genre 
d'occupation  que  l'on  prend  très  rare- 
ment dans  cet  état.  Il  se  fit  auteur  de  ser- 
mons. Il  prêcha  toute  sa  vie  de  son  ca- 
binet ,  ou  du  moins  il  eut  le  plaisir  de 
s'entendre  prêcher.  On  a  de  lui  :  1°  des 
Discours  moraux  ,  en  5  vol.  in- 12  ,  en 
forme  de  sermons,  qui  furent  bientôt 
suivis  de  cinq  autres  en  forme  de  prônes, 
et  de  deuji  autres  sur  les  mystères  de 
-A'otre-Seigneur  etsur  les  fêtes  de  la  Vier- 
ge :  ils  sont  solidement  écrits,  mais  ils 
manquent  de  chaleur  et  de  nerf.  2", Elo- 
ges historiques  des  saints ,  1 7 1 6 , 4  vol . 
in-12;  3"'  Dictionnaire  moral,  ou  La 
Science  universelle  de  la  chairt ,  en  5 
vol.  in-8.  On  trouve  dans  cet  ouvrage,  par 
ordre  alphabétique ,  ce  que  les  prédica- 
teurs français,  espagnols,  italiens  ,  alle- 
mands, ont  dit  de  plus  ciu*ieux  et  de  plus 
solide  sur  les  dififérens  sujets.  4"  Il  est  l'é- 
diteur des5er/7îoAi.y  deFromentières,  des 
Prônes  de  Joly,  des  Discours  de  l'a^ié 
Boileau.  La  vieillesse  ne  fut  pas  p«ur  lui 
un  temps  de  repos  ;.il  travailla  jusqu'à  sa 
mort ,  arrivée  en  1719,  à  8 1  ans.  . 

RICHARD  (René),  historiographe 
de  France ,  fils  d'un  uotaire  de  Saumur, 
naquit  en  1G54.  Il  entra  de  bonne  heure 
dans  la  congrégation  de  l'Oratoire,  d'où 
il  sortit ,  après  avoir  été  employé  dans 
les  missions  faites  par  ordre  du  roi  dans 
les  diocèses  de  Luçon  et  de  La  Rochelle. 
Il  obtint  un  canonicatde  Saint-Opportune 
à  Paris ,  et  mourut  doyen  de  ce  chapitre 
en  1727.  Il  avait  eu  le  titre  d'historiogra- 
phe de  France.  L'abbé  Richard  était  un 
homme  singulier,  et  la  singularité  de 
son  caractère  a  passé  dans  ses  écrits.  Les 
principaux  sont  :  1"  Parallèle  du  cardi- 
nal de  Riclielicu  et  du  cardinal Mazarin , 
Paris,  1704,  in-12  ;  réimprimé  en  1716. 
Cet  ouvrage  pèche  en  bien  des  endroits 
contre  la  vérité  de  l'histoire.  L'auteur 
n'avait  ni  l'esprit  assez  profond,  ni  le  ju- 
gement assez  solide  ,  ni  une  assez  grande 
connaissance  des  affaires ,  pour  faire  des 
parallèles  justes.  Il  avait  promis  de  com- 
parer aussi  Us  deux  derniers  confesseurs 
de  Louis  XIV,  La  Chaise  et  Le  Tellier;  les 
deux  archevêques  de  Paris,  Harlai    et 


RIC  359 

Noailles  ,  et  quelques-uns  des  ministres 
dé  Louis  XIV;  mais  ces  ouvrages  n'ont 
pas  vu  le  jour.  2°  Maximes  chrétiennes, 
et  le  Choix  d'un  bon  directeur ,  ouvrages 
composés  pour  les  demoiselles  de  Saint- 
Cyr  ;  3°  Vie  de  Jean- Antoine  Le  Vacher, 
prêtre,  instituteur  des  sœurs  de  l'union 
chrétienne  ,  in-1 2  ;  4°  Histoire  de  la  vie 
du  Père  Joseph  du  Tremblay,  capucin, 
employée  par  Louis  XIII  dansjies  affai- 
res d'état,  in-12.  L'abbé  Richard  peint 
dans  cet  ouvrage  le  Père  Joseph  comme 
un  saint,  tel  qu'il  a  dû  être;  mais  peu 
de  temps  après ,  ilen  donna  un  portrait 
contradictoire  dans  le  livre  intitulé  :  Le 
véritable  Père  Joseph,  capucin,  conte- 
nant l'histoire  anecdotique  du  cardinal 
de  Richelieu,  St. -Jean  de  Maurienne 
(Rouen),  1704,  in-12,  réimprimé  en 
1750, 2  vol.  in- 12.  Et  pour  mieux  se  dégui- 
ser, il  fit  une  critique  de  cette  histoire, 
sous  le  titre  de  Réponse  au  livre  intitulé  : 
Le  véritable  Père  Joseph,  in-12  ,  avec  le 
précédent.  Si  effectivement  tous  ces  ou- 
vrages opposés  les  uns  aux  autres  sont  de 
l'abbé  Richard,  ils  prouvent  un  esprit 
inconstant,  tortueux  et  faux ,  qui  re- 
cherchait moins  le  vrai  que  la  très  vaine 
gloire  de  revêtir  le  men.songe  de  toutes 
sortes  de  couleurs.  5"  Dissertation  sur 
Findult ,  in-8  ;  6"  Traité  des  pensions 
royales  ,in-\2. 

*  RICHARD  (  le  Père  Charles -Louis), 
écrivain  ecclésiastique,  né  en  1711  à 
Blainville-sur-Eau ,  en  Lorraine ,  d'une 
famille  noble  ,  mais  pauvre,  était  âgé  de 
16  ans,  lorsqu'il  entra  dans  l'ordre  de 
Saint-Dominique.  Après  avoir  fait  sa  pro- 
fession à  Nancy  ,  il  se  rendit  à  Paris  et 
habita  successivement  les  maisons  rue 
Saint-Dominique  et  rue  Saint-Jacques, 
que  les  dominicains  avaient  dans  la  ca- 
pitale. Il  fit  ses  cours  de  théologie  et  fut 
reçu  docteur.  Dès  lors  il  consacra  sa  plume 
à  la  défense  des  principes  religieux  mena- 
cés par  la  philosophie  du  18*  siècle. 
Quelques  écrits ,  dans  lesquels  il  attaquait 
un  arrêt  du  parlement  de  Paris ,  intervenu 
au  sujet  du  mariage  d'un  juif  converti, 
lui  ayant  fait  appréhender  que  cette  cour 
ne  lui  suscitât  de  fâcheuses  affaires,  il 
prit  le  parti  de  se  retirer  à  Lille  en  Flau^. 


36o  RTC 

dre.  Il  y  resta  jusqu'à  la  révolution.  Alors 
il  passa  dans  les  Pays-Bas.  Il  était  à  Mons 
en  1794,  quand  les  troupes  françaises 
s'emparèrent  de  cette  ville.  Hors  d'état 
de  fuir ,  à  cause  de  son  grand  âge  ,  il  s'y 
tint  caché;  mais  il  fut  découvert  et  tra- 
duit devant  une  commission  militaire , 
qui ,  sans  égard  pour  ses  vieux  ans ,  le 
condamna  à  être  fusillé.  Le  motif  de  cette 
condamnation  était  un  écrit  qu'il  avait 
publié  à  Mons ,  sous  ce  litre  :  Parallèle 
des  Juifs  qui  ont  crucifié  Jésus-Christ 
avec  les  Français  qui  ont  tué  leur  Roi. 
Le  jugement  fut  exécuté  le  16  août  1794. 
Le  Père  Richard  avait  84  ans.  D'après  le 
Dictionnaire  des  Anonymes ,  tome  2 , 
pag.  571  ,  n"  8,346,  ce  serait  un  ouvrage 
intitulé  :  Des  droits  de  la  maison  d'Au- 
triche sur  la  Belgique ,  par  le  Père  Ri- 
chard ,  Mons,  Monjot,  1794,  in-8.,  qui 
aurait  servi  de  prétexte  à  la  mort  de  ce 
religieux,  fusillé,  suivant  ce  même  dic- 
tionnaire ,  le  14  août,  au  lieu  du  16, 
date  des  Mémoires  pour  servir  à  l'his- 
toire ecclésiastique  pendant  le  18*  siècle. 
Ce  jugement  fut  rendu  le  28  thermidor 
(  1 5  août) ,  et  exécuté  le  lendemain  1 6 .  Le 
motif  de  la  condamnation  quiyest  énoncé 
est  le  livre  intitulé  :  Parallèle  des  Juifs, 
etc. ,  duquel  plusieurs  passages  y  sont 
rapportés.  Il  alla  à  la  mort  avec  courage, 
et  même  avec  allégresse  ,  appuyé  sur  le 
bras  du  Père  Sylvestre  Tahon  ,  récollet , 
son  confesseur  ,  et  récitant  des  prières. 
Il  avait  publié  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages, dont  les  titres  suivent  :  1°  Dis- 
sertation sur  la  possession  des  corps ,  et 
l  infectation  des  maisons ,  par  les  dé- 
mons, 1746,  in-8;  2°  Dictionnaire  uni- 
versel des  sciences  ecclésiastiques,  1 760, 
5  vol.  in-folio  ,  avec  un  volume  de  sup- 
plément, par  les  PP.  Hichard  et  Giraud  , 
dominicains  du  faubourg  Saint-Germain. 
La  France  littéraire,  tome  1,  page  383  , 
attribue  ce  dictionnaire  à  Jean  Richard, 
aussi  dominicain  et  docteur  de  Sorbonne, 
mais  il  paraît  constant  qu'il  est  du  Père 
Charles-Louis  ;  3°  Examen  du  libelle  in- 
titulé :  Histoire  de  V établissement  des 
moines  mendions  ,1767,in-12;4"  Let- 
tre d^un  archettêque  à  l'auteur  de  la 
brochure  intitulée  -.  Du  droit  des  souve- 


RIC 

rains  sur  les  biens-fonds  du  clergé  et  des 
moines,  Paris  ,  1770  ,  in-8  ;  5°  Disser- 
tation sur  les  vœux,  1771,  in-1 2  ;  6°  Let- 
tre d'un  docteur  de  Sorbonne  à  Fauteur 
de  l'Essai  historique  et  critique  sur  les 
privilèges  et  les  exemptions  des  régu- 
liers ,  1771,  in-1 2  ;  7°  Analyse  des  con- 
ciles générau)c  et  particuliers  ,  1772  et 
1777,  3  vol.  in-4  ;  8"  La  nature  en 
contraste  avec  la  religion  et  la  raison , 
ou  V ouvrage  qui  a poar  titre  -.  De  la  na- 
ture ,  condamnée  au  tribunal  de  la  foi  et 
du  bon  sens,  1773,  in-8  ;  9°  Observations 
modernes  sur  les  pensées  de  d'Alembert, 
1774,  in-8  ;  1 0°  Défense  de  la  religion , 
*ie  la- morale ,  de  la  vertu ,  de  la  société', 
*1775,in-8;  11°  L'accord  des  lois  divines , 
ecclésiastiques  et  civiles,  relativement 
à  l'état  du  clergé,  1775,  in-8  ;  12° 
Réponse  à.  la  lettre  écrite  par  un  théo- 
logien (  par  Condorcet  )  à  fauteur  du 
Dictionnaire  des  trois  siècles,  1775, 
in-1 2  ;  13"  Les  Protestans  déboutés  de 
leurs  prétentions  ,  1776,  in-1 2;  14°  Les 
Cent^questions  d'un  paroissien  au  curé 
de'*"*,  1776,  in-12,  contre  l'écrit  de 
Guidi,  intitulé  :  Dialogue  entre  un 
évêque  et  un  curé,  au  sujet  des  maria- 
ges des  protestans  (voyez  Guidi)  ;  15° 
Réponse  à  la  diatribe  de  Foliaire  contre 
le  clergé  de  France,  1776  ,  in-8  ;  16° 
Le  Préservatif  nécessaire  à  toutes  les 
personnes  qui  ont  lu  les  lettres  fausse- 
ment attribuées  au  pape  Clément  XIP^, 
1779,  in-8  ;  17°  Annales  de  la  charité 
ou  de  la  bienfaisance  chrétienne  ,  Paris, 
1785,  2  v.  in-12;  18°  Réfutation  de 
V Alambic  moral  ;  1 9°  Foliaire  de  retour 
des  ombres ,  et  sur  le  point  éCy  retourner 
pour  n'en  plus  revenir,  à  tous  ceux  qu'il 
a  trompés,  Bruxelles  et  Paris,  1776,  in- 
12,  attribuées  au  Père  Richard  ,  dans  le 
Dictionnaire  des  Anonymes,  n°  1 1,036, 
et  mis  comme  douteux  dans  la  table  du 
même  Dictionnaire,  tome  i,  p.  332  ;  20° 
quatre  volumes  de  Sermons,  in-12; 
beaucoup  d'autres  opuscules  et  plusieurs 
brochures  anonymes  imprimées  à  Mons 
et  à  Lille,  toutes  relatives  au  serment 
exigé  des  prêtres,  et  à  la  révolution, 
mais  qu'il  serait  difficile  aujourd'hui  de 
trouver  ailleurs  que  dans  le  cabinet  de 


RlC 

quelques  curieux  ,  les  imprimeurs  les 
ayant  brûlées ,  dans  la  crainte  d'être 
compromis.  (Voy.  Dictionnaire  des  Ano- 
nymes, ibid.)  Les  écrits  du  Père  Richard 
sont  jugés  un  peu  sévèrement  dans  le 
Nouveau  Dictionnaire  historique  {  de 
Prudhorame);  on  lui  reproche  d'écrire 
mal ,  sans  chaleur ,  sans  coloris.  A  ce 
jugement  nous  en  opposerons  un  autre  , 
dont  il  résulte  que  cet  estimable  religieux 
n'était  cependant  pas  si  dépourvu  des 
qualités  qui  constituent  le  bon  écrivain. 
Il  s'agit  de  VAnabjse  des  conciles  géné- 
raux :  «  La  netteté ,  l'ordre  ,  la  préci- 
sion ,  ne  sont  pas  ,  dit  un  critique ,  les 
seules  qualités  qui  caractérisent  cet  ou- 
vrage ;  on  y  trouve  tout  ce  qui  peut  in- 
téresser le  lecteur  curieux  et  le  savant  : 
stile  ,  érudition  ,  critique  ,  intelligence 
profonde  du  droit  ancien  et  moder- 
ne, etc.,  etc.  (l).  »  Celui  qui  mérite  cet 
éloge  n'est  pas ,  ce  nous  semble ,  un 
écrivain  si  médiocre.  Ce  qu'on  ne  con- 
teste point,  c'est  que  lePèreRichard  avait 
toutes  les  vertus  de  son  état ,  et  ce  mérite 
en  vaut  bien  un  autre.  On  trouve  dans  les 
Martyrs  de  la  Foi  un  article  long  et  in- 
téressant sur  le  Père  P»ichard.  Nous  avons 
seulement  l'emarqué  que  la  liste  des  ou- 
vrages diffère  de  celle  que  nous  don- 
nons. 

'  RICHARD  (  JeaH-Pierre  ) ,  prédica- 
teur, né  à  Belfort  en  Alsace,  le  7  fé- 
vrier 1743,  commença  ses  études  dans 
le  collège  de  sa  ville  natale  et  entra  en- 
suite dans  celui  des  jésuites  de  Colmar. 
En  1760  il  prit  l'habit  de  cette  société  :  et 
lors  de  la  suppression  de  cet  ordre,  il  se 
retira  d'abord  en  Lorraine  où  il  se  plaça 
sous  la  protection  du  roi  Stanislas  de 
Pologne.  Il  se  rendit  ensuite  à  Liège  où 
il  soigna  l'éducation  des  neveux  de  l'évê- 
que.  Le  Père  Richard  ne  fut  de  retour 
en  France  qu'en  1786  :  dès  lors  il  se  li- 
vra à  la  prédication,  et  il  se  fit  connaître 
assez  avantageusement  pour  être  chargé 
trois  ans  après  de  prêcher  à  la  cour  la 
Pentecôte.  Interrompu  dans  ce  pieux 
exercice  par  les  troubles  de  la  révolution, 
il  ne  prêta  point  le  serment  et  n'émigra 

(i)  Jiouvell»  Bibliothiijue  d'un  homme  <te  goQI ,  tom.  3  , 


RIC  36i 

pas;  il  resta  constamment  à  Paris.  En 
1800  il  reprit  ses  prédications,  M.  le 
cardinal  de  Belloy  le  nomma  ,  en  1 805  , 
chanoine  de  la  métropole.  En  1818,  il 
fut  chargé  de  la  station  du  carême  aux 
Tuileries;  il  devait  même  remplir,deux  ans 
après,  ceUedeVAuent ;  mais  atteint  par 
une  violente  maladie,  il  mourut  le  29 
septembre  1820,  âgé  de  soixante-dix-sept 
ans.  Il  a  laissé  un  Recueil  de  Sermons , 
contenant  vingt-neuf  discours  pour  les 
dimanches  de  l'avent ,  du  carême  ,  et 
pour  les  principales  fêtes  de  l'année  ;  ils 
se  font  remarquer  par  l'ordonnance,  l'es- 
prit ,  la  diction  ,  la  couleur  générale  ,  et 
la  profonde  connaissance  de  l'auteur  dans 
les  matières  ecclésiastiques.  Ils  ont  été 
imprimés,  Paris,  Adrien  Leclerc  ,  1822, 
4  vol.  in-12 ,  avec  un  portrait. 

■^  RICHARD  (  N.  l'Abbé  ),  mort  vers 
1800  ,  a  publié  :  1°  des  Réflexions  criti- 
ques sur  le  livre  intitulé  :  Les  mœurs,  de 
Toussaint ,  1748  ,  in-12  ;  2°  Tableau  his- 
torique, topographique  et  physique  de 
la  Bourgogne,  1763-1860,  8vol.in-24; 
3°  Description  historique  et  critique  de 
l'Italie,  Paris,  1766-70,  6  vol.  in-12;  4° 
Théorie  des  songes,  1760,  in-12  ;  5° 
Histoire  naturelle  de  Vair  et  des  mé- 
téores, 1770  ,  10  vol.  in-12  ;  4°  Histoij'e 
naturelle ,  civile  et  politique  du  Tun- 
quin,  1778,  2  vol.  in-12. 

"  RICHARD  (  Louis  -  Claude  -  Marie  ) , 
savant  botaniste  ,  né  à  Versailles  ,  le  20 
septembre  17  54,  était  fils  de  Claude  Ri- 
chard ,  jardinier  du  roi  à  Auteuil,  homme 
fort  instruit  qui  l'envoya  au  collège  de 
Vernon,  pour  y  achever  ses  études,  se  pro- 
posant de  lui  faire  embrasser  l'état  ecclé- 
siastique ;niais  celui-ci,  entraîné  par  son 
goût  pour  la  botanique,  quitta  la  maison 
paternelle  et  vint  à  Paris  pour  se  livrer 
sans  contrainte  à  sa  science  favorite.  Les 
dures  privations  auxquelles  il  fut  soumis 
dans  les  premiers  temps,  loin  d'ébranler 
sa  vocation ,  ne  firent  pour  ainsi  dire 
qu'augmenter  en  lui  l'ardeur  du  travail  : 
il  donna  des  leçons  de  dessin  qui  lui 
procurèrent  les  moyens  de  vivre  et  le  mi- 
rent même  dans  le  cas  de  faire  des  éco- 
nomies. Il  poursuivit  donc  avec  persévé- 
rance l'étude  des  sciences  naturelles.  Il  y 
46. 


362 


RIC 


fit  de  si  grands  progrès  qu'en  1781  l'a- 
cadémie des  Sciences  le  proposa  au  roi 
pour  un  voyage  dans  la  Guiane  française 
et  aux  Antilles.  Après  avoir  parcouru  ces 
pays  pendant  huit  ans,  il  revint  dans  sa 
patrie  pour  y  réclamer  la  récompense  due 
à  ses  services  ;  mais  on  était  alors  en  1789, 
et  il  n'y  trouva  que  des  maux  à  déplorer. 
Ses  finances  étant  presque  épuisées ,  il  fut 
long-temps  réduit  à  un  état  de  gêne  que 
le  délabrement  de  sa  santé  rendait  encore 
plus  cruel.  Cependant  un  ordre  de  choses 
plus  calme  vint  améliorer  sa  position  : 
il  fut  choisi  pour  remplir  la  chaire  de  bo- 
tanique à  l'école  de  médecine  ,  et  quel- 
ques années  après  il  fut  élu  membre  de  la 
première  classe  de  l'Institut  dans  la  sec- 
tion de  zoologie  et  d'anatomie  comparée. 
Il  s'acquit  bientôt  unegraude  réputation 
par  ses  leçons  de  botanique  ,  par  ses  her- 
borisations, et  il  publia  plusieurs  Mé- 
moires qui  ont  puissamment  contribué 
aux  progrès  de  la  botanique.  Il  est  mort 
le  7  juin  1821 ,  honoré  de  l'estime  des 
savans  les  plus  distingués  de  l'Europe.  Il 
était  membre  correspondant  de  la  société 
royale  de  Londres  et  chevalier  de  la  lé- 
gion-d'honnfiur.  C'est  à  son  zèle  qu'on 
doit  la  création  du  jardin  de  botanique 
delà  faculté  de  médecine ,  dans  lequel  il 
classa  toutes  les  plantes  médicinales.  Il 
aimait  la  science  pour  elle-même  ;  toutes 
ses  recherches  tendaient  à  mieux  connaî- 
tre l'organisation  des  plantes,  à  détermi- 
ner leurs  affinités  ,  à  ramener  la  science 
de  l'histoire  naturelle  à  un  petit  nombre 
de  principes  ,  et  à  créer  une  philosophie 
botanique  qui  pût  remplacer  celle  de 
Linnée.  A  cet  effet  il  a  poussé  l'art  d'ob- 
server la  nature  jusque  dans  les  plus  pe- 
tits détails  :  la  difficulté  que  présentait  un 
objet  était  pour  lui  une  raison  de  s'en  oc- 
cuper ;  l'organisation  la  plus  compliquée 
était  celle  qui  l'intéressait  le  plus  ,  et  il 
passait  des  mois  entiers  à  suivre  une  ob- 
servation, lorsqu'elle  lui  paraissait  devoir 
répandre  de  la  lumière  sur  un  point 
obscur.  Il  possédait  au  plus  haut  degré 
l'art  du  dessin,  et  toutes  ses  figures  offrent 
les  détails  les  plus  minutieux  avec  une 
netteté  et  une  exactitude  admirables.  On 
regrette  que  son  stile  soit  négligé  ;  mais 


RIC 

on  trouve  dans  tous  ses  écrits  des  obser- 
vations neuves  et  profondes.  On  lui  doit  : 
V  Dictionnaire  élémentaire  de  botani- 
que par  Builiard ,  revu  et  presque  entiè- 
rement refondu,  Paris,  17 98-,  petit  in-fol., 
itg.  et  in-8  ,  1800.  C'est  le  catalogue  le 
plus  complet  que  nous  ayons  des  termes 
techniques  ;  2°  Démonstration  botani- 
que ou  Analyse  du  fruit  considéré  en 
général,  ouvrage  remarquable  par  son 
extrême  concision,  les  idées  exactes  qu'il 
renferme  et  qui  a  été  traduit  en  plusieurs 
langues  ;  3**  Commenlatio  botanica  de 
coniferis  et  cycadeis ,  Paris,  1826,  in-4  , 
fîg.,  ouvrage  posthume  publié  par  son 
fils.  Il  a  aussi  publié  plusieurs  Mémoires 
dans  le  recueil  de  l'Institut,  dans  les  An- 
nales du  Muséum  et  dans  divers  autres 
recueils  scientifiques.  Il  a  encore  fourni 
quelques  articles  au  nouveau  Diction- 
naire d'histoire  naturelle ,  publié  chez 
Deterville ,  et  il  a  rédigé  la  Flore  de 
V Amérique  septentrionale ,  de  Michaud, 
en  latin,  1803,  2  vol.  in-8. 

*  RICHARD  (  Gabriel  ),  missionnaire 
français,  né  à  Saintes  le  15  octobre  17  &i, 
descendait,  suivant  une  notice  que  lui  a 
consacrée  le  Journal  du  Détroit  du  26 
septembre  1832,  de  la  famille  de  Bossuet 
par  sa  mère.  S'étant  destiné  à  l'état  ec- 
clésiastique, il  fit  ses  études  de  théologie 
au  séminaire  d'Angers ,  et  c'est  de  là 
qu'il  vint  à  la  Solitude  à  Issy ,  pour  en- 
trer dans  la  congrégation  de  St.-Sulpice. 
Il  paraît  qu'il  n'a  été  ordonné  prêtre 
qu'en  1791  :  il  fut  envoyé  l'année  sui- 
vante aux  Etals-Unis  par  M.  Emery.  On 
le  destinait  à  professer  les  mathématiques 
au  collège  naissant  de  Baltimore  ;  mais, 
au  bout  de  trois  mois ,  M.  Carrol ,  évêque, 
qui  avait  sous  sa  juridiction  tous  les  ca- 
tholiques des  Etats-Unis,  l'envoya  à 
Kaskaskias,  territoire  des  Illinois,  oii  il 
avait  une  colonie  d'anciens  Canadiens 
français.  Richard  y  resta  depuis  le  1 4  dé- 
cembre 1792  jusqu'au  22  mars  1798, 
qu'il  partit  avec  MM.  Levadoux  et  Dilbet 
pour  le  Détroit ,  la  ville  la  plus  impor- 
tante du  Machigan.  Il  y  a  dans  cette  ville 
et  les  environs  1 800  catholiques ,  origi- 
naires du  Canada  et  à  peu  près  7000  dans 
tout  le  Machigan ,  mais  bien  dispersés. 


KIC 

Richard  est  toujours  resté  depuis  chargé 
de  cette  mission  ,  et  il  était  en  dernier 
lieu  grand-vicaire  de  M.  l'évêque  de 
rohio  pour  le  Machigan.  L'Ami  delaRe- 
ligion  parle  plusieurs  fois  de  ses  travaux, 
et  on  trouve  des  lettres  de  lui  dans  le 
tome  3  des  Annales  de  la  propagation 
de  la  foi.  Il  visitait  de  temps  en  temps  les 
catholiques  du  Machigan  qui  ont  des  éta- 
blissemens  à  la  prairie  du  Chien ,  à  la 
Baie-Verte  ,  à  Machilimakinack ,  à  la 
Rivière,  aux  Raisins  et  à  la  Baie-St-  -Jo- 
seph. La  ville  du  Détroit  essuya  ,  le  l*'^ 
juin  1 805  ,  un  incendie  qui  consuma 
l'Eglise ,  bâtie  en  17  60  ,  par  les  soins  du 
Père  Roque ,  récollet.  Richard  parvint  à 
en  construire  une  nouvelle  en  pierres , 
qui  a  llG  pieds  de  long  sur  60  de  large. 
En  1 809  il  se  procura  une  presse  et  des 
caractères  ,  et  commença  un  recueil  pé- 
riodique ,  en  français,  sous  le  titre  d'Es- 
sais du  Machigan.  On  avait  espéré  que 
ce  recueil  pourrait  être  utile  à  la  religion 
catholique  ;  mais  l'éloignement  des  ca- 
tholiques et  l'irrégularité  du  service  des 
postes  empêchèrent  le  succès  de  cette 
publication.  La  presse  de  Richard  fut 
long-temps  la  seule  dans  le  Machigan  ,  et 
elle  servit  sous  sa  direction  pour  divers 
objets.  Dans  la  guerre  des  Etats-Unis  avec 
l'Angleterre ,  en  1812,  les  Anglais  firent 
Richard  prisonnier,  et  l'envoyèrent  à 
Sandwich  dans  le  Haut-Canada ,  où  son 
zèle  ne  fut  point  oisif.  Il  y  exerça  son 
ministère  envers  les  catholiques  du  pays, 
et  parvint  à  sauver  quelques  prisonniers 
qui  étaient  tombés  entre  les  mains  des 
Indiens ,  et  qui  allaient  périr  dans  les 
tourmens.  A  son  retour  au  Détroit ,  tout 
était  dans  la  confusion  ;  on  manquait 
de  blé,  et  les  autres  comestibles  étaient 
rares.  Richard  trouva  moyen  de  se  procu- 
rer du  blé  ,  qu'il  refusa  de  vendre ,  et  qu'il 
distribua  gratuitement  aux  plus  nécessi- 
teux. En  1817  il  entreprit  de  bâtir  une 
chapelle  en  pierres  au  Détroit  ;  c'est  la 
chapelle  Ste.-Anne,quele  défaut  de  fonds 
a  empêché  d'achever  sur  le  premier  plan. 
En  1823,  Richard  fut  élu  député  au 
Congrès  ;  c'est  le  premier  ecclésiastique 
qui  ait  eu  cet  honneur.  Il  accepta  cette 
mission  qui  lui  permettait  de  rendre  des 


RIC  363 

services  aux  catholiques.  Ses  fonctions  lui 
donnaient  un  traitement  et  lui  fournis- 
saient des  moyens  d'achever  les  églises 
du  Détroit.  Il  entretenait  des  relations 
avec  différentes  tribus  du  Machigan  ,  et 
leur  envoyaient  des  missionnaires ,  lors- 
qu'il ne  pouvait  aller  les  visiter  lui-même. 
Malheureusement  le  nombre  des  prêtres 
en  ce  pays  est  beaucoup  trop  petit.  Le 
choléra  ayant  éclaté  en  1832  au  Détroit, 
Richard  fut  victime  de  son  zèle  ;  il  mou- 
rut le  13  septembre,  après  avoir  édifié 
par  sa  fin  toute  chrétienne  les  fidèles 
confiés  à  ses  soins.  H  Ami  de  la  Religion 
lui  a  consacré  une  Notice  fort  intéres- 
sante dans  son  numéro  du  22  novembre 
1832.  Nous  ne  pouvions  puiser  à  meil- 
leure source ,  et  notre  article  n'est  qu'un 
extrait  de  cette  notice. 

RICHARDOT  (  François)  naquit, 
en  1 607,  à  Morey  près  de  Vesoul  en  Fran- 
che-Comté ,  et  se  fit  religieux  augustin 
dans  le  couvent  de  Champlitte.  Il  devint 
ensuite  professeur  dans  l'université  de 
Besançon  et  à  Paris ,  et  succéda  au  car- 
dinal de  Granvelle  dans  l'évêché  d'Arras, 
en  1561.  Il  préserva  son  diocèse  des  er- 
l'eurs  des  protestans  parus  avec  éclat  au 
concile  de  Trente,  et  eut  beaucoup  de 
part  à  l'érection  de  l'université  de  Douai. 
Sa  mort,  arrivée  eu  1674 ,  à  67  ans,  fut 
digne  des  vertus  qui  avaient  illustré  sa 
vie.  On  a  de  lui  :  1°  des  Ordonnances 
synodales  ,  Anvers,  1688  ;  2°  un  Traité 
de  controverses  ;  3°  des  Sermons  en 
français  ,  traduits  en  latin  par  François 
Schott ,  avocat  de  Saint-Omer,  1608, 
in-4  ;  i°  Institution  des  pasteurs ,  A.rr&s, 
1662,  et  d'autres  ouvrages. — Jean  Ri- 
CHARDOT ,  son  ncvcu ,  fut  président  du 
conseil  d'Arras ,  puis  du  conseil  privé  de 
Bruxelles.  Il  se  signala  par  sa  fidélité  et 
par  sa  capacité  dans  plusieurs  négocia- 
tions importantes ,  et  surtout  dans  l'am- 
bassade que  l'archiduc  Albert  envoya , 
au  nom  du  roi  d'Espagne ,  à  Vervins. 
Alexandre  de  Parme  en  faisait  un  cas 
tout  particulier ,  et  l'employa  dans  les 
occasions  les  plus  importantes  comme 
les  plus  délicates.  Quand  les  méconteus 
demandaient  à  traiter  avec  lui ,  il  les 
renvoyait  au  président  Richardot.  Cet 


364  I^IC 

habile    négociateur    mourut    en    1609. 

RICHARDSOIN  (  Jean  ) ,  théologien 
anglican  ,  natif  de  Chester  ,  devint  évê- 
que  d'Armach ,  en  Irlande  ,  et  mourut  en 
1653.  On  a  de  lui  des  Observations  choi- 
sies sur  l'ancien  Testament ,  in-fol.,  en 
anglais,  qui  pèchent  souvent  contre  leur 
titre. 

RICHARDSON  f  Samuel  ) ,  né  près 
de  Derby  en  Angleterre  ,  en  1689  ,  mort 
le  4  juin  1761,  exerça  long-temps  la 
profession  d'imprimeur ,  et  composa  plu- 
sieurs romans  qui  eurent  de  la  vogue.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  1°  Pame'la , 
ou  La  Fertu  récompensée ,  traduit  en 
français,  en  k  vol.in-12.  Ce  roman,  qui 
eut  cinq  éditions  dans  la  même  année , 
est  le  premier  fondement  de  la  réputa- 
tion de  Richardson  ;  il  semble  présenter 
des  encouragemens  à  la  vertu,  mais  lui 
présente  réellement  des  écueils ,  et  des 
illusions.  2°  Lettres  de  miss]  Clarisse 
ffarlowe,  traduites  en  français  par  l'abbé 
Prévôt,  en  8  parties  in -12,  pleines  de 
cette  morale  factice  qui ,  par  des  cou- 
leurs empruntées,  exalte  l'imagination, 
et  aflfecte  dangereusement  le  cœur.  3° 
Histoire  de  sir  Charles  Grandisson  ;  tra- 
duite encore  en  français  par  l'abbé  Pré- 
vôt,  8  parties  in-12.  C'est  sur  un  fond 
tout  différent  ;  mais  ce  sont  les  mêmes 
défauts ,  du  moins  pour  ceux  qui  n'ai- 
ment point  qu'on  alonge  le  récit  des 
peines ,  des  soins ,  des  mouvemens  qui 
agitent  les  personnages  d'un  roman  :  ce- 
pendant si  une  saine  morale  est  consi- 
dérée pour  quelque  chose ,  on  la  trouve 
répandue  dans  tout  ce  roman.  (Il  a  paru, 
en  1 804 ,  une  Correspondance  de  Sa- 
muel Richardson ,  précédée  d'une  No- 
tice biographique  et  critique ,  par  Mis- 
triss  Barbauld.  La  Notice  de  sir  Walter 
Scott ,  t.  1  *'  de  la  Biographique  litter. 
des  romanciers  célèbres  est  plein^  de 
détails  curieux.  ) 

•  RICHAUD  (Hyacinthe),  ancien  maire 
de  Versailles ,  et  ancien  député ,  né  vers 
ilhT  ,  remplit  plusieurs  fonctions  admi- 
nistratives, pendant  la  révolution,  sous 
l'empire  et  sous  la  restauration.  L'his- 
toire redira  les  détails  de  la  fatale  jour- 
née du  9  septembre  1792 ,  marquée  par 


RIC 

le  massacre  des  prisonniers  d'Orléans  à 
Versailles.  Richaud  ,  alors  maire  de  cette 
dernière  ville,  instruit  ofi&ciellement  de 
la  prochaine  arrivée  des  prisonniers ,  et 
craignant  les  excès  auxquels  il  savait  qu'é- 
taient disposés  à  se  porter  contr'eux  6,000 
hommes  réunis  dans  ce  moment  à  Ver- 
sailles des  divers  points  du  déparlement 
pour  s'organiser  en  bataillons  de  volon- 
taires, conjura  le  ministre  de  donner  aux 
prisonniers  une  autre  direction.  N'ayant 
obtenu  d'autre  réponse  que  l'ordre  impé- 
ratif de  les  recevoir,  il  prit  de  sages  dis- 
positions et  désigna  l'ancienne  ménagerie 
située  à   une  demi-lieue   de  Versailles 
comme  le  lieu  le  plus  sûr  et  le  plus  propre 
à  les  loger.  En  même  temps  il  lut  aux 
habitans  de   la  ville  une  proclamation 
qu'on  peut  présenter  comme  un  modèle 
de  prudence  et  d'humanité,  et  par  la- 
quelle il  les  engage  à  se  maintenir  dans 
le  calme  et  la  modération  que  dans  le 
désordre  général  ils  ont  montrés  jusqu'à 
ce  jour.  Les  prisonniers  arrivent  escortés 
de  2,000  fédérés  :  les  charrettes  sur  les- 
quelles ils  sont  transportés  traversent  la 
ville.  Elles  allaient  sortir  lorsqu'une  foule 
les  arrête  ,  demandant  qu'on  lui  livre  les 
prisonniers.  Richaud,  à  la  tête  du  convoi 
qu'il  protégeait ,  harangue  les  factieux  , , 
invoque  la  loi  et  l'humanité  ;  il  n'est  pas 
entendu.  Déjà  les  armes  sont  levées  sur 
ces  infortunés;  il  monte  alors  sur  la  1" 
charrette ,  et  se  jette  au  devant  des  coups 
dont  ils  vont  être  atteints.  Ne  pouvant  ar- 
rêter la  fureur  des  factieux ,  il  se  couvre 
la  tête  de  son  écharpe  et  se  confond  avec 
ceux  qu'il  ne  pouvait  sauver.  Un  habitant 
de  Versailles  le  reconnaît ,  voit  son  dan- 
ger, l'enlève  et  le  transporte  dans  une 
maison  voisine  où  il  s'évanouit  d'hor- 
reur et  de  fatigue  :  quand  il  reprit  ses 
sens,  le  crime  était  consommé.  Les  suites 
decettejtmrnée  réservaient  d'autres  épreuj 
veà  à  son  courage.  Le  soir  les  mêmes 
hommes  se  portent  à  la  prison  où  ils  com- 
mettent de  nouvelles  horreurs  :  Richaud 
s'y  précipite,  malgré  les  dangers  qu'il 
court  et  qu'il  brave  ;  il  parvient  à  dissi- 
per l'attroupement  et  à  sauver  quelques 
prisonniers.  Lorsque  la  ville  de  Versailles 
lit  plus  tard  célébrer  une  cérémonie  fu- 


RIC 

nèbre  pour  les  martyrs  du  9  septembre , 
Richaud  occupa  la  place  d  honneur.  11 
était  doyen  du  conseil  de  préfecture, 
lorsqu'il  mourut  en  1827,  à  l'âge  de  70 
ans. 

*  RICHE  (Claude-Antoine-Gaspard}, 
naturaliste  et  médecin  ,  né  à  Chamelet 
près  de  Lyon,  le  22  août  17G2,  était  des- 
tiné par  ses  parens  à  la  magistrature  ;  il 
fit  même  dans  ce  but  des  études  prélimi- 
naires. Mais  son  père,  Riche  de  Prony, 
étant  mort ,  il  se  livra  entièrement  à  son 
goût  pour  les  sciences.  S'étant  rendu  à 
Montpellier  pour  y  étudier  la  médecine, 
il  fut  reçu  docteur  en  1787.  Ses  succès 
avaient  été  si  brillans  que  l'académie  de 
celte  ville  ,  dérogeant  à  ses  usages  ,  l'a- 
vait admis  au  nombre  de  ses  associés  cor- 
respondans.  Après  avoir  visité  les  monta- 
gnes du  Languedoc  pour  y  augmenter  ses 
connaissances  eu  botanique  et  en  géolo- 
gie, il  vint  à  Paris  en  1788.  Accueilli  avec 
empressement  par  Vicq-d'Azir ,  il  fut  as- 
socié à  ses  travaux,  et  ce  fut  lui  qui  com- 
posa les  tableaux  que  l'on  trouve  au  com- 
mencement de  VanatoTtiie  comparée.  Le 
gouvernement  le  nomma  naturaliste  dans 
l'expédition  infructueuse  destinée  à  la 
recherche  du  malheureux  La  Peyrouse  , 
et  dans  ce  voyage  il  eut  occasion  d'enri- 
chir l'histoire  naturelle  de  découvertes 
précieuses.  Mais  les  nouvelles  de  la  révo- 
lution française  ,  ayant  partagé  les  opi- 
nions parmi  ceux  qui  étaient  de  ce  voyage, 
interrompirent  l'expédition.  Le  comman- 
dant fit  partir  pour  Samarang  Riche  et 
les  autres  qui  semblaient  avoir  embrassé 
les  nouveaux  principes.  Les  collections , 
les  journaux ,  les  cartes ,  restèrent  entre 
les  mains  du  même  commandant  ;  elles 
passèrent  en  Angleterre,  d'où  on  n'a  ren- 
voyé en  France  que  la  partie  qui  con- 
cerne l'histoire  naturelle.  Riche ,  après 
quelque  séjour  dans  l'Ile  de  France ,  re- 
vint dans  sa  patrie  ;  mais  il  y  arriva  dans 
un  si  mauvais  état  de  santé,  qu'étant  allé 
prendre  les  eaux  au  Mont-d'Or,  il  y  mou- 
rut peu  de  temps  après  ,  le  1 6  septembre 
1797.  Parmi  les  nombreux  Mémoires  qu'il 
a  publiés ,  on  cite  ceux  sur  la  classifica- 
tion des  êtres  naturels  par  leurs  parties 
intérieures  ;  sur  un  système  naturel  de 


RIC 


365 


larves  ;  ceux  sur  les  animaux  microsco- 
piques et  sur  les  coquillages  pétrifiés  des 
environs  de  Paris.  M.  Cuvier  faisait  un 
très  grand  cas  de  ce  naturaliste:  {Voyez 
le  supplément  aux  éloges  de  Cuvier.) 

RICHEBOURG.  Voyez  Bourdot. 

RICHELET  (  César -Pierre  }  naquit 
en  1G31  ,  à  Cherainon  en  Champagne. 
La  langue  française  fut  son  étude  prin- 
cipale. L'abbé  d'Aubignac  l'admit  dans 
son  académie,  1665.  (  Voyez  Hedelin.) 
Richelet  habitait  la  capitale  depuis  1660, 
et  il  s'y  fit  recevoir  avocat.  Il  quitta  en- 
suite Paris,  et  parcourut  différentes  villes 
de  province  ,  où  son  penchant  pour  la 
satire  lui  fit  bien  des  ennemis.  Il  mourut 
à  Paris ,  en  1693,  à  67  ans.  Nous  avons 
de  lui  :  1°  Dictionnaire  français  y  conte- 
nant Vexplication  des  mots.,  plusieurs 
nouvelles  remarques  sur  Ut  langue  fran- 
çaise ,  les  expressions  propres,  figurées 
et  burlesques ,  etc.  La  première  édition 
de  cet  ouvrage  est  de  Genève,  1680, 
in-4  (  voyez  Fabre  )  ;  et  la  dernière  est 
de  Lyon,  1759  ,  .en  3  vol.  in-fol.  On  la 
doit  à  l'abbé  Goujet ,  qui  a  donné  en 
même  temps  un  Abrégé  de  ce  Diction- 
naire ,  en  1  vol.  in-8  ,  réimprimé  avec 
des  augmentations  en  2  vol,,  par  Wailly, 
On  a  beaucoup  l)lâmé  l'orthographe  de 
Richelet  ;  mais  on  a  réprouvé  avec  en- 
core plus  de  raison  les  inutilités  et  les 
grossièretés  malignes  dont  son  ouvrage 
fourmille.  L'édition  publiée  par  l'abbé 
Goujet  est  purgée  des  principales.  Quel- 
ques curieux  bizarres  lui  préfèrent  la 
K« ,  à  cause  des  méchancetés  qu'elle 
renferme.  2°  Dictionnaire  des  rimes. 
Une  bonne  édition  de  cet  ouvrage ,  qui 
ne  fera  jamais  un  poète,  est  celle  de  M. 
Berthelin  ,  en  1760,  in-8.  L'éditeur  l'a 
augmenté  ,  et  mis  dans  un  nouvel  ordre. 
3°  Les  plus  belles  lettres  des  meilleurs 
auteurs  français ,  avec  des  notes ,  re- 
cueil très  médiocre  :  Bruzen  de  la  Mar- 
linière  en  a  donné  une  nouvelle  édition 
en  1 727  ,  2  vol.  in-1 2  ;  4"  Hùstoire  de  la 
Floride ,  écrite  en  espagnol  par  Garci- 
Lasso  de  la  Véga ,  traduite  en  Fi'ançais , 
plusieurs  fois  réimprimée.  La  dernière 
édition  est  celle  de  Leyde,  en  1731 ,  in-8, 
en  4  vol. ,  avec  figures. 


366  RIC 

RICHELIEU.  ^oyc5  Piissis. 
"RICHELIEU  (Armand-Emmanuel  So- 
phie Septimonie  DU  PLEssiSjduc  de),  petit- 
fils  du  maréchal  de  Richelieu ,  et  fils  du 
duc  de  Fronsac  ,  président  du  conseil  des 
ministres  sous  Louis  XYIII,  naquit  à  Paris 
le  25  septembre  1767.  H  porta  d'aboirdle 
nom  de  comte  de  Cbinon ,  puis  celui  de 
duc  de  Fronsac  qu'il  échangea  en  1791 , 
époque  de  la  mort  de  son  père,  contre  ce- 
lui de  Richelieu.  Entré  au  collège  du 
Plessis,  fondé  par  le  cardinal  de  Riche- 
lieu ,  grand-oncle  de  son  aïeul ,  il  y  fit 
ses  études  avec  succès.  Dès  sa  première 
jeunesse  il  montra  les  plus  heureuses  dis- 
positions pour  les  langues  vivantes ,  et 
se  les  rendit  si  familières ,  qu'on  assure 
qu'il  parlait  purement  et  facilement  à 
chaque  ministre  étranger ,  dans  la  lan- 
gue de  la  nation  à  laquelle  il  appartenait. 
Pour  terminer  son  éducation  ,  on  le  fit 
voyager  en  Italie  ;  mais  auparavant  il  fut 
marié ,  à  dix-huit  ans ,  à  une  riche  héri- 
tière de  l'ancienne  maison  de  Roche- 
chouart.  Après  avoir  visité  ,  sous  le  nom 
de  comte  de  Chinon ,  Turin ,  Rome , 
Naples,  Florence,  et  les  principales 
villes  d'Italie,  il  revint  en  France,  et 
remplit  les  fonctions  de  premier  gentil- 
homme auprès  de  Louis  XYI  ;  c'était  en 
1789,  au  commencement  de  nos  trou- 
bles politiques.  Le  5  octobre ,  il  fut  un 
des  premiers  qui  vinrent  avertir  la  fa- 
mille royale  qu'une  troupe  de  forcenés  , 
hommes  et  femmes ,  se  dirigeaient  sur 
Versailles.  Peu  de  temps  après,  il  obtint 
du  roi  la  permission  de  quitter  la  France, 
et  se  rendit  à  Vienne ,  oii  l'empereur  Jo- 
seph II  lui  fit  un  accueil  honorable.  Lié 
d'amitié  avec  le  jeune  prince  de  Ligne  , 
il  passa  avec  lui  dans  la  Russie ,  alors  en 
guerre  avec  les  Turcs.  Catherine  II  l'em- 
ploya dans  ses  armées,  où  il  servit  sous 
les  ordres  du  général  Souwarow .  Le  duc 
de  Fronsac  se  distingua  au  siège  d'Is- 
maïl ,  prise  sur  les  Turcs  le  22  décem- 
bre 1790,  et  sa  valeur  lui  mérita  de  la 
czarine  une  épée  à  poignée  d'or,  le  grade 
de  général-major,  l'ordre  de  Saint-George 
de  4'  classe  ;  et,  quand  il  revint  à  Péters- 
bourg,  il  fut  reçu  à  la  cour  avec  distinc- 
tion. Dans  la  même  année,  1782,  Ga- 


RIC 

Iherine  II  envoya  le  duc  de  Richelieu 
auprès  du  prince  de  Condé ,  qui ,  par 
suite  de  sa  malheureuse  campagne,  avait 
demandé  à  cette  souveraine  un  asile  dans 
ses  étals  pour  les  Français  exilés.  On 
devait  en  former  une  colonie  près  de  la 
merd'Azofj  mais  ce  projet  ne  put  se 
réaliser.  Le  prince  ayant  repris  les  armes 
contre  la  république  française ,  le  duc 
de  Richelieu  se  rendit  en  Angleterre,  où 
se  trouvait  Monsieur  (  depuis  Louis 
XVIII } ,  et  fut  nommé  un  des  six  com- 
mandans  des  corps  d'émigrés  à  la  solde 
du  gouvernement  britannique.  Il  servit 
sous  les  ordres  du  prince  de  Condé,  et  se 
trouva  au  siège  de  Valenciennes,  en  1793. 
Cette  campagne  ne  fut  pas  plus  heu- 
reuse que  la  précédente  :  alors  le  duc  de 
Richelieu  retourna  en  Russie,  où  régnait 
Paul  I«^  Il  sut  gagner  la  bienveillance 
du  grand-duc  Alexandre  (  depuis  empe- 
reur), et  il  obtint  le  commandement 
d'un  régiment  de  carabiniers  :  l'ayant 
conduit  une  fois  au  secours  d'un  village 
incendié  sans  en  avoir  reçu  l'ordre ,  ce 
fut  pour  l'emperç^r  une  raison  ou  un 
prétexte  de  lui  ôter  ce  régiment ,  et  de 
l'exiler  de  la  capitale.  On  sait  qu'à  celte 
époque  Paul  l"  paraissait  enthousiaste 
de  Buonaparte.  Le  duc  de  Richelieu  quitta 
la  Russie ,  et  n'y  revint  que  lors  de  l'avé- 
nement  au  trône  d'Alexandre  I*'.  L'ami- 
tié de  ce  monarque  pour  le  duc  de  Ri- 
chelieu ne  s'était  point  ralentie  :il  aurait 
voulu  le  retenir  dans  ses  états  ;  mais  l'a- 
mour de  la  patrie  rappela  M.  de  Richelieu 
en  France,  où  le  calme  s'était  un  peu 
rétabli  après  la  paix  de  1801.  Il  recueillit 
les  débris  de  sa  première  fortune  ;  mais 
ce  fut  tout  à  l'avantage  deses  créanciers: 
procédé  qui  fit  connaître  toute  la  loyauté 
de  son  caractère.  On  dit  qu'il  sollicita  la 
radiation  de  son  nom  de  la  liste  des  émi- 
grés ,  mais  que  Buonaparte  y  ayant  mis 
la  condition  qu'il  quittât  le  service  de  la 
Russie ,  Richelieu  ne  voulut  point  y 
consentir.  Il  retourna  dans  ce  pays ,  et 
y  fut  nommé,  en  1803,  gouverneur  civil 
et  militaire  d'Odessa  ,  capitale  des  pro- 
vinces bornées  par  la  mer  Noire ,  possé- 
dées autrefois  par  les  Turcs ,  et  devenues 
désertes.  C'était  une  colonie  fondée  par 


KIC 

Catherine  II,  et  dont  elle  avait  confié  la 
direction  au  prince  Potemkin.  On  lui 
accorda  ,  comme  à  ce  favori ,  une  auto- 
rité sans  bornes ,  et  il  ne  s'en  servit  que 
pour  le  bonheur  et  la  prospérité  des  peu- 
ples qui  lui  étaient  confiés.  A  son  arrivée 
à  Odessa,  cette  ville  ne  renfermait  que 
quatre  mille  babitans;  en  1805  elle  en 
comptait  déjà  plus  de  20,000,  et  en  1815 
le  nombre  s'élevait  à  35,000.  Cette  cité 
nouvelle  fut  embellie  ;  les  rues  furent  ti- 
rées au  cordeau  et  ombragées  par  des 
arbres  ;  des  habitations  tristes  et  mal 
saines  firent  place  à  des  constructions 
élégantes  et  commodes.  Par  ses  soins  un 
institut  et  un  gymnase  y  furent  fondés 
sous  la  direction  de  l'abbé  Nicole,  [f^oy. 
son  article.  )  Le  commerce  y  eut  bientôt 
un  port  où  afQuent  aujourd'hui  les  vais- 
seaux de  toutes  les  nations,  et  d'oîi  il  est 
sorti  dès  1 804  ,  chaque  année ,  pour  plus 
de  12  raillions  de  blé.  Deux  cents  villages 
s'élevèrent  dans  cette  contrée  déserte. 
Pour  juger  l'importance  et  les  heureux 
résultats  de  l'administration  du  duc  de 
Richelieu,  nous  rapporterons  le  témoi- 
gnage de  l'empereur  Alexandre.  Depuis 
long-temps  il  désirait  visiter  les  provin- 
ces de  la  Nouvelle  Russie  :  ayant  fait  ce 
voyage  en  1 8 1 8  ,  il  fut  saisi  d'étonne- 
ment ,  lorsqu'il  vit  la  prospérité  qui  ré- 
gnait partout  dans  ses  états,  et  sur-le- 
champ  il  expédia  un  courrier  au  duc  de 
Richelieu,  pour  lui  remettre,  comme 
une  récompense  de  son  administration 
paternelle,  les  décorations  de  l'ordre  de 
Saint-André ,  accompagnées  d'une  lettre 
écrite  par  l'empereur  lui-même ,  et  dans 
laquelle  ou  trouve  le  passage  suivant  . 
«  En  visitant  ces  pays  confiés  autrefois  à 
»  vos  soins ,  j'y  ai  trouvé  à  chaque  pas , 
j>  j'y  ai  admiré  avec  une  satisfaction  qui 
j>  se  reportait  sans  cesse  vers  vous,  le 
>'  fruit  de  vos  travaux,  de  vos  inten- 
))  lions  droites  et  pures,  constamment  ré- 
»  alisées  par  une  vigilance  infatigable.  « 
Richelieu  rentra  en  France  en  1814,  à 
l'époque  de  la  restauration  des  Bourbons. 
Honorablement  accueilli  par  Louis  XVIII, 
il  reprit  auprès  de  ce  monarque  ses  an- 
ciennes fonctions  de  premier  gentilhom- 
me de  la  chambre,  et  fut  nommé  pair  de 


T\IC  367 

France.  Au  retour  de  Napoléon  de  l'île 
d'Elbe  (  en  mars  1815  ) ,  le  duc  de  Ri- 
chelieu suivit  Louis  XVIII  à  Gand ,  et 
revint  avec  ce  prince  à  Paris,  après 
la  seconde  abdication  de  Buonaparte.  Le 
roi  confia  à  Richelieu  le  portefeuille 
des  affaires  étrangères,  et  lui  donna  la 
présidence  de  son  conseil  des  mi- 
nistres. Il  fut  investi  de  ces  emplois 
dans  les  circonstances  les  plus  critiques. 
Les  souverains  alliés  paraissaient  exiger 
de  la  France  d'énormes  sacrifices.  «  Le 
))  sort  des  armes  (  dit  M.  le  cardinal  de 
»  Bausset  dans  l'Eloge  historique  de 
»  Richelieu  )  venait  de  mettre  la  France 
»  à  la  merci  de  7  à  800,  000  hommes 
»  (  1,  230,000  hommes  )  :  c'était  l'Eu- 
»  rope  entière  qui  venait,  les  armes  à  la 
»  main ,  non  pas  discuter  des  calculs  et 
»  des  chiffres ,  mais  commander  impé- 
)>  rieusement  toutes  les  interprétations 
»  qu'il  lui  plairait  de  donner  aux  articles 
»  du  traité  de  1 8 1 4 .  C'est  dans  cettegran- 
»  de  circonstance  que  M.  de  Richelieu , 
«  se  servant,  pour  le  salut  de  la  France, 
j>  de  l'honorable  ascendant  que  son  oa- 
»  ractère  lui  avait  donné  auprès  des  prin- 
»  cipau*  cabinets  de  l'Europe  ,  sut  em- 
))  ployer  dans  une  juste  mesure  la  plus 
»  noble  fermeté  et  une  grande  habileté. 
»  Il  existe  une  lettre  de  lui  au  principal 
»  ministre  d'une  grande  puissance ,  dans 
»  laquelle  il  l'invite  à  ne  pas  porter  au 
»  désespoir  une  grande  nation  qui  venait 
»  sans  doute  d'éprouver  de  grands  re- 
»  vers,  mais  qui  sentait  encore  ses  for- 
»  ces,  et  dont  les  ressentimens  pouvaient 
»  devenir  terribles.  Il  lui  déclarait  en 
»  même  temps  avec  franchise ,  qu'il  se- 
»  rait  le  premier  à  conseiller  ce  noble 
»  désespoir  à  son  roi  et  à  son  pays,  si 
»  l'on  ne  revenait  pas  à  un  système  de 
»  modération  aussi  conforme  à  la  saine 
»  politiquequ'àlajusticeetà  l'honneur.  « 
M.  de  Richelieu  ne  montra  pas  moins  de 
fermeté  lors  du  procès  du  maréchal  Ney 
(  voyez  ce  nom  )  ;  et  dans  le  discours 
qu'il  prononça  le  13  octobre  1815,  à  la 
chambre  des  pairs ,  son  cœur  noble  et 
loyal  exprima  toute  son  horreur  pour 
une  trahison  qui  avait  compromis  le  sa- 
lut de  la  France.  Il  déploya  le  même  ca- 


368  RIC 

ractère  quand  il  rendit  compte  à  la  cham- 
bre des  députés  du  traité  conclu,  le  25 
du  même  mois,  avec  les  ministres  des 
puissances  alliées ,  et  lorsque  le  8  dé- 
cembre il  parla  sur  le  projet  de  loi  à'a?n- 
nistie ,  pour  ceux  qui  avaient  adhéré  au 
retour  de  Buonaparte  ou  qui  en  étaient 
les  complices.  On  remarqua  les  phrases 

suivantes «  Il  n'était  ni  juste  ni  po- 

»  litique  ,  dit-il ,  de  punir  tous  ceux  qui 
»  ont  pris  part  à  cette  grande  rébellion. 
»  Il  fallait  se  borner  à  désigner  plusieurs 
»  de  ceux  qui  s'y  sont  trouvés  engagés  , 
»  et  une  sorte  de  clameur  publique  a 
»  indiqué  les  individus  dont  les  noms 
»  sont  inscrits  dans  l'ordonnance,  etc.  » 
Quelques  députés  ayant  proposé  de  con- 
fisquer les  biens  des  bannis  et  des  con- 
damnés ,  M.  de  Richelieu  combattit  avec 
force  cette  proposition ,  et  dit ,  entre  au- 
tres choses  :  K  Ce  sont  les  confiscations 
y>  qui  rendent  irréparables  les  maux  des 
)>  révolutions  :  en  punissant  les  enfans  , 
»  elles  lèguent  aux  générations  les  hai- 
»  nés  et  les  vengeances  ;  elles  désolent 
»  la  terre  comme  des  conquérans ,  à  la 
»  suite  desquels  elles  marchent.  »  Il  an- 
nonça le  23  mars  1 8 1 G  le  mariage  du  duc 
de  Berri  avec  une  princesse  napolitaine  ; 
lut  deux  projets  de  loi  relatifs  à  la  dota- 
tion des  membres  de  la  famille  royale  , 
et  à  l'état  civil  de  la  maison  du  roi ,  et 
parla  les  jours  suivanssur  le  budjet.  Lors 
de  la  réorganisation  de  l'Institut ,  il  fut 
élu  membre  de  l'académie  française,  puis 
de  celle  des  beaux-arts  ;  et  le  24  avril  il 
présida  les  séances  d'installation  des  qua- 
tre académies  ;  enAn  le  1 3  septembre 
1818  il  fut  nommé  président  de  l'acadé- 
mie française.  S'étant  rendu  au  congrès 
d'Aix-la-Chapelle ,  il  y  trouva  les  souve- 
rains et  leurs  ministres  pleins  d'égards  et 
de  considération  pour  sa  personne,  mais 
peu  satisfaits  du  nouveau  système  qui 
régnait  en  France.  On  proposait  d'y  ap- 
porter des  modifications  ,  que  la  sagesse 
de  Richelieu  ne  crut  pas  devoir  ado- 
pter :  aussi ,  à  son  retour  à  Paris ,  il 
ne  tarda  pas  adonner  sa  démission,  et  fut 
remplacé  par  M.  Decazes.  Plusieurs  ré- 
compenses méritées  accompagnèrent 
la  retraite  de    Richelieu.   Louis    XVIIl 


RIC 

le  nomma  grand-veneur,  le  décora  du 
cordon  du  Saint-Esprit  ;  et  les  deux 
chambres,  interprètes  des  vœux  de  la 
nation,  le  gratifièrent,  d'un  consente- 
ment unanime ,  à  titre  de  recompense 
nationale ,  d'une  rente  annuelle  de  cin- 
quante mille  francs.  Cet  acte  législatif 
est  le  plus  bel  éloge  pour  le  duc  de  Ri- 
chelieu. En  ayant  appris  la  nouvelle  à 
Bordeaux ,  où  il  se  trouvait  alors,  il  s'em- 
pressa d'écrire  aux  chambres  une  lettre 
exprimant ,  en  substance  :  «  Qu'il  serait 
i>  trop  fier  d'un  témoignage  de  bienveil- 
»  lance  donné  parle  roi  avec  le  concours 
»  des  deux  chambres  pour  le  refuser; 
u  mais  que  comme  il  s'agissait  de  lui  dé- 
»  cerner ,  aux  frais  de  l'état ,  une  ré- 
»  compense  nationale  ,  il  ne  pouvait  se 
»  résoudre  à  voir  ajouter,  à  cause  de  lui, 
»  quelque  chose  aux  charges  qui  pesaient 
»  sur  la  nation.  «  Cependant  le  projet  fut 
adopté,  et  la  générosité  des  chambres 
l'emporta  sur  son  noble  désintéressement; 
mais  il  en  consacra  le  produit  à  la  fon- 
dation d'un  hospice  dans  la  ville  de  Bor- 
deaux. Il  voyagea  ensuite  dans  le  midi 
de  la  France,  en  Suisse,  en  Italie,  en 
Allemagne.  Il  revint  k  Paris  vers  la  fin  de 
1819.  Peu  de  temps  après ,  le  roi  le  char- 
gea d'aller  en  Angleterre  complimenter 
Georges  IV  sur  son  avènement  au  trône.- 
Son  départ  était  fixé  pour  le  1 5  février  ; 
mais  dans  la  nuit  du  1 4  fut  commis  l'hor- 
rible assassinat  sur  la  personne  du  duc  de 
Berri  (  voyez  ce  nom  ) ,  ce  qui  empêcha 
le  voyage  de  Richelieu.  Cédant  aux 
désirs  du  roi ,  il  accepta  de  nouveau  les 
fonctions  de  président  du  conseil  des  mi- 
nistres ,  et  il  eut  à  parcourir  une  époque 
extrêmement  difficile.  Le  meurtre  d'un 
membre  de  la  famille  royale ,  duquel  on 
attendait  les  rejetons  qui  devaient  perpé- 
tuer l'auguste  dynastie  des  Bourbons  ; 
l'insurrection  d'Espagne  qui  soumit  Fer- 
dinand YII  aux  cortès  ;  celles  de  Naples 
et  de  Piémont  ;  des  complots  à  Paris , 
dans  les  provinces ,  et  qui  avaient  des  ra- 
mifications dans  plusieurs  régimens  ;  uu 
état  d'inquiétude  malveillante  entretenue 
par  les  factieux  ;  des  séances  tumultueu- 
ses dans  la  chambre  ^les  députés  ;  des 
voies  de  faits  commis  devant  le  palais  des 


RIC 

députés;  des  altroupemens  renouvelés 
aux  portes  Saint-Martin,  Saint-Denys,  où 
l'on  faisait  entendre  des  vociférations 
séditieuses  :  tout  cela  enfin  exigea  que 
Richelieu  eût  recours  aux  mesures   les 
plus  énergiques.  Les  factieux  en  mur- 
murèrent ;  mais  il  sut  dissiper  leurs  com- 
plots, et  les  gens  bien  pensans  l'applau- 
dirent. Cependant,  à  l'ouverture  de  la 
session  de  novembre  1821,  par  un  hasard 
très  rare,  les  deux  partis  les  plus  oppo- 
sés de  la  chambre  se  trouvèrent  réunis  , 
et  voulaient,  d'un  commun  avis,  renver- 
ser le  ministère.  Dans  l'adresse   de  la 
chambre ,  en  réponse  au  discours  de  la 
couronne,  on  lisait  ce  passage  :   «  Nous 
)>  vous  félicitons,  Sire,  de  vos  relations 
')  amicales  avec  les  puissances  étrangè- 
»  res ,  dans  une  juste  confiance  qu'une 
»  paix  aussi  précieuse  n'est  point  ache- 
»  tée  par  des   sacrifices  incompatibles 
i)  avec  l'honneur  de  la  nation  et  avec  la 
»  dignité  de  la  couronne.  »  D'après  les 
prérogatives  qu'accordent  la  Charte  et 
tout  gouvernement  représentatif,  le  roi 
pouvait  dissoudre  la  chambre  ;  mais  le 
duc  de  Richelieu  n'osa  donner  ce  conseil, 
de  crainte  que  de  nouvelles  élections  ne 
troublassent  la  tranquillité  de  la  France. 
Il  offrit  su  démission  ,  qui  fut  acceptée. 
Richelieu  ressentit  cette  fois  un  véri- 
table chagrin  de  quitter  la   présidence 
du  conseil.  Celte  retraite,  que  les  cir- 
constances avaient  exigée  de  lui ,  déran- 
geait tous  ses  plans  pour  la  prospérité  de 
l'état ,  et  parmi  lesquels  il  comptait  l'ou- 
verture de  plusieurs  canaux,  qui  devaient 
faciliter  la  navigation  intérieure.  Il  assi- 
stait néanmoins ,  et    assidûment ,   aux 
séances  de  la  chambre  des  pairs,  et  s'y 
prononça  contre  le  projet  de  donner  au 
gouvernement,   comme  mesure  perma- 
nente ,  la  faculté  d'établir  la  censure  sur 
la  presse;  faculté  qu'il  proposa,  quoique 
sans  succès ,  de  limiter  à  cinq  ans.  Quel- 
que temps  après ,  il  se  rendit  au  château 
deCourleille,  oii  demeurait  habituelle- 
ment madame  la  duchesse  son  épouse , 
et  où  elle  se  faisait  chérir  par  ses  vertus. 
Se  sentant  indisposé  ,  il  voulut  revenir  à 
Paris  ;  mais,  frappé  d'une  attaque  d'apo- 
plexie ,  il  expira  dans  cette  ville  dans  la 
XI. 


RIC  369 

nuit  du  1 6  mai  1 821 ,  à  l'âge  de  cinquante- 
quatre  ans.  Le[duc  de  Richelieu  était  sim- 
ple dans  ses  goûts,  généreux,  noble  et 
affable  dans  ses  manières;  sa  franchise  et 
l'élévation  de  ses  vues  le  rendaient  digne 
de  la  considération  dont  l'honoraient  les 
souverains  de  l'Europe.  Sa  loyauté  était 
généralement  connue  ;  aussi  le  duc  de 
Wellington  disait  de  lui;  La  parole  du 
duc  de  Richelieu  vaut  un  traite'.  C'était 
l'opinion  que  firent  paraître  à  son  égard 
les  souverains  et  leurs  ministres  au  con- 
grès d'Aix-la-Chapelle.  En  parlant  de 
cettemission,  M.  le  cardinal  de  Bausset 
s'exprime  en  ces  termes  :  «  Les  lettres 
»  que  M.  de  Richelieu  écrivit  au  roi ,  et 
»  que  S.  M.  fit  lire  dans  son  conseil,  pas- 
»  sent ,  dans  l'opinion  de  tous  ceux  qui 
»  en  ont  eu  connaissance,  pour  des  mo- 
»  dèles  de  dignité,  de  sagesse  et  de  con- 
»  sidération  profonde  sur  les  grands  inté- 
»  rets  de  l'Europe....  Toutes  les  lettres 
»  importantes  adressées  aux  agens  du  roi 
»  dans  les  cours  étrangères  étaient  écri- 
>)  tes  de  sa  main  ,  et  n'offrent  ni  ratures , 
»  ni  recherches,  ni  efforts.  Jamais  aucun 
»  ministre  d'état  ne  s'est  moins  servi  de 
»  secrétaires.  Il  n'était  pas  un  particulier 
»  un  peu  connu  à  qui  il  ne  répondît  de 
»  sa  main  avec  empressement,  franchise 
»  et  obligeance.  «  Il  serait  à  souhaiter 
que  sa  probité  et  son  désintéressement 
trouvassent  beaucoup  d'imitateurs.  Ce 
même  homme  qui,  pendant  onze  ans, 
avait  exercé  dans  la  Nouvelle-Russie  un 
pouvoir  absolu  ,  et  qui  occupa  deux  fois 
en  France  la  place  de  premier  ministre, 
n'avait  pour  toute  fortune  qu'un  revenu 
de  i2,Q00  francs  sur  Fe'tat.  Son  Eloge  a 
été  prononcé  à  l'académie  française  par 
M.  Dacier,  son  successeur,  et  parM.  Vil- 
lemain  qui  répondit  au  nouvel  académi- 
cien. Nous  avons  cité  plusieurs  passages 
de  celui  qu'a  fait  à  la  chambre  des  pairs 
M.  de  Bausset. 

RICHEMOINT  (  Le  connétable  de  }. 
Voy.  ARMUsle  Justicier,  et  Charles  VU. 

RICHEMOINT  (  Henri,  comte  de  ;. 
Voy.  Henri  VII  ,  roi  d'Angleterre. 

RICHEOME  (  Louis  ) ,  jésuite  ,  né  à 
Digne  en  Provence,  l'an  1.544  ,  défendit 
avec  zèle  la  foi  catholique  contre  les  hu^ 


^ 


370  RIC 

guenots.  Après  avoir  été  deux  fois  pro- 
vincial ,  il  devint  assistant  général  de 
France  en  1598.  Il  mourut  à  Bordeaux 
en  1625  ,  k  87  ans ,  avec  une  (j;rande  ré- 
putation de  piété.  On  a  de  lui  plusieurs 
Traités  de  controverse,  et  des  écrits  as- 
cétiques et  théologiques ,  imprimés  à 
Paris  en  2  vol.  in-fol. ,  1628.  Quelques- 
uns  lui  attribuent  le  Traité  de  l'origine 
des  hérésies  ,  qui  a  paru  avec  le  nom  de 
Florimond  de  Rémond. 

RICHER  (  Edmond } ,  syndic  de  la 
faculté  de  théologie  de  Paris,  né  .à 
Chaource  ,  diocèse  de  Langres ,  en  1560, 
vint  achever  ses  études  dans  la  capitale 
et  y  fit  sa  licence  avec  distinction'.  Né 
avec  un  génie  impétueux,  il  se  distingua 
beaucoup  dans  le  parti  de  la  Ligue.  Il 
eut  la  hardiesse  ,  dans  une  de  ses  thèses, 
soutenue  au  mois  d'octobre  1591  ,  d'ap- 
prouver l'action  de  Jacques  Clément.  Il 
avait  pris  le  bonnet  de  docteur  en  1 590  , 
devint  grand  maître  du  collège  du  car- 
dinal Le  Moine ,  puis  syndic  de  la  faculté 
de  théologie  de  Paris ,  le  2  janvier  16O8. 
Il  s'éleva  avec  force  ,  en  1611  ,  contre  la 
thèse  d'un  dominicain  qui  soutenait  l'in- 
faillibilité du  pape  et  sa  supériorité  sur 
Le  concile.  Il  publia  ia  même  année, 
în-4 ,  un  petit  écrit  intitulé  :  De  la  puis- 
sance ecclésiastique  et  politique, ^out  éta- 
blir les  principes  sur  lesquels  il  préten- 
dait que  la  doctrine  de  l'Eglise  de  France 
et  delaSorbonne  ,  touchant  l'autorité  du 
concile  général  et  du  pape,  était  fondée. 
Mais  il  ne  se  borna  pas  là  ;  il  y  établit 
presque  tous  les  principes  de  Marc-An- 
toine de  Dominis.  (  f^oy.  son  article.  ) 
Sous  prétexte  d'attaquer  la  puissance  du 
pape ,  il  étalait  des  principes  qui  renver- 
saient la  puissance  royale  aussi  bien  que 
celle  du  souverain  pontife  et  des  évêques. 
Tel  est  celui-ci  :  «  Chaque  communauté  a 
»  droit  immédiatement  et  essentielle- 
»  mentde  segouvernerelie-même  :  c'est 
»  à  elle  et  non  à  aucun  particulier  que 
»  la  puissance  et  la  juridiction  a  été  don- 
"  née.  »  Il  ajoute  :  '<  Ni  le  temps  ,  ni  les 
i>  lieux,  ni  la  dignité  des  personnes  ne 
»  peuventprescrire  contre  ce  droit  fondé 
i'  dans  la  loi  divine  et  naturelle.  »  Ce 
petit  livre  souleva  contre  lui  le  noçce , 


RIC 


les  évêques  et  plusieurs  docteurs.  On 
voulut  le  faire  déposer  du  syndicat ,  et 
faire  anathématiser  son  livre  par  la  fa- 
culté de  théologie  ;  mais  M.  de  Verdun  , 
premier  président  du  parlement,  eut 
assez  de  crédit  pour  parer  ce  coup.  Le 
cardinal  du  Perron ,  archevêque  de  Sens, 
assembla  tous  les  évêques  de  sa  province, 
et,  après  plusieurs  conférences,  l'ouvrage 
de  Richer  fut  condamné  le  1 3  mars  1612. 
Son  livre  ,  proscrit  à  Rome,  le  fut  encore 
par  l'archevêque  d'Aix  et  par  les  évêques 
de  sa  province,  le  2't  mai  de  la  même 
année.  On  vit  paraître  alors  de  tous  côtés 
une  foule  d'écrits  pour  le  réfuter.  Le  car- 
dinal de  Richelieu ,  au  génie  duquel  rien 
n'échappait ,  sentit  le  danger  des  prin- 
cipes de  Richer,  et  en  fut  alarmé.  L'ha- 
bile ministre  crut  qu'il  avait  eu  en  vue 
d'attaquer  les  deux  puissances  par  ses 
principes  généraux  ,  et  il  ne  .se  trompa 
point,  (t  Cet  ouvrage ,  dit  le  cardinal  du 
«Perron,  est  un  levain  de  vieille  doc- 
>i  trine  qu'il  a  couvée  et  soutenue  dès 
-'  long-temps  ,  en  laquelle ,  encore  qu'il 
j>  ait  changé  de  procédure ,  pour  le  fait 
»  de  l'Eglise ,  néanmoins  il  a  conservé 
))  les  mêmes  maximes  qu'il  tenait  alors 
y  pour  le  fait  de  l'état.  Car  l'an  1 591  ,  au 
.)  mois  d'octobre,  il  soutint  publique- 
)i  ment ,  en  Sorbonne ,  que  les  états  du 
»  royaume  étaient  indubitablement  par- 
))  dessus  le  roi ,  etc.  »  (  Effectivement , 
lors  de  la  révolution  de  1789,  on  vit  l'as- 
semblée nationale ,  composée  dans  sa 
partie  dominante  de  richéristes  ,  régler 
sur  le  système  du  vieux  syndic  toutes  ses 
opérations  ,  tant  à  l'égard  de  la  consti- 
tution civile ,  qu'à  l'égard  de  la  consti- 
tution ecclésiastique.  )  La  cour  défendit 
à  Richer  de  rien  écrire  pour  sa  justifica- 
tion ,  et  ordonna  à  la  faculté  de  le  dé- 
pouiller du  syndicat.  On  élut  un  autre 
syndic  en  ICI 2;  et  depuis  ce  temps  ,  les 
syndics  de  la  facultéont  été  élus  de  deux 
ans  en  deux  ans,  au  lieu  qu'ils  étaient 
perpétuels  auparavant.  Richer  cessa 
d'aller  aux  assemblées  de  la  faculté ,  et  se 
renferma  dans  la  solitude  ,  uniquement 
appliqué  à  l'étude  ^rnais  on  l'accusait  de 
continuer  à  dogmatiser.  Il  fut  enlevé  et 
mis  dans  les  prisons  de  Saint-Yictor.  il 


J 


lit 

donna,  en  1620,  une  déclaration  par 
laquelle  il  prolestait  qu'il  était  prêt  k 
rendre  raison  des  propositions  de  son  livre 
De  la  puissance  ecclésiastique  et  politi- 
que. Il  en  donna  une  seconde,  oii  il  recon- 
naît l'Eglise  romaine  pour  vière  et  maî- 
tresse de  toutes  les  Eglises ,  et  déclare 
que  ce  qu'il  avait  écrit  «  était  contraire  à 
»  la  doctrine  catholique  ,  exposée  ftdèle- 
))  ment  par  les  saints  Pères  ;  faux ,  hé- 
))  rétique ,  impie  ,  et  pris  des  écrits  em- 
»  poisonnés  de  Luther  et  de  Calvin.  » 
Enfin ,.  pour  ne  laisser  aucun  doute  sur 
la  sincérité  de  ses  rétractations ,  il  en 
donna  une  troisième  en  1630.  L'historien 
du  Père  Joseph  de  Paris  et  l'abbé  Racine 
disent  qu'on  la  lui  extorqua  ;  mais  cette 
violence  avec  toutes  ses  circonstances  est 
victorieusement  prouvée  fausse  dans  le 
Journal  de  Trévoux  ,  janvier  1703.  Il 
mourut  le  29  novembre  1631.  Piicher 
était  un  homme  qui  à  l'obstination  des 
gens  de  son  état  joignait  une  inflexibi- 
lité d'esprit  particulière.  Vieilli  sur  les 
bancs,  au  milieu  de  la  chicane  ,  endurci 
dès  l'enfance  à  la  misère,  il  brava  la 
cour,  parce  qu'il  ne  lui  demandait  rien, 
et  qu'il  pouvait  se  passer  de  tout.  Nous 
avons  de  lui  un  grand  nombre  d'ouvra- 
ges, dont  les  principaux  sont  :  1"  Fin- 
diciœ  doc t rince  major um  scholœ  pari- 
siensis  contra  de fensor es  monarchiœ  et 
curiœ  romanœ ,  Cologne,  1683  ,  in-4  ; 
2°  De  potestate  Ecclesiœ  in  rébus  tcm- 
poraUbus ,  1692  ,  in-4  ;  3°  une  Apologie 
de  Gerson ,  avec  une  édition  des  OEu- 
vres  de  ce  célèbre  chancelier  de  l'uni- 
versité de  Paris  ,  où  l'éditeur  s'est  permis 
plus  d'une  sorte  d'altérations;  4°  une 
Histoire  des  conciles  généraux ,  en  latin, 
3  vol.  in-4;  5°  Y  Histoire  de  son  syndicat, 
publiée  en  17  53  ,  in-8  ;  6°  Obstetrix  ani- 
morum,  Leipsick,  1693,  in-4,  et  quel- 
ques autres  livres  de  grammaire;  1°  De 
optimo  academiœ  statu,  in-8;  8°  son  plus 
fameux  ouvrage  :  De  potestate  ecclesias- 
tica ,  avec  une  défense  de  sa  doctrine  et 
de  sa  conduite,  Cologne,  1701  ,  2  vol. 
in-4.  André  Duval ,  Pelletier,  Jean  Bou- 
cher, qui  autrefois  s'étaient  déclarés  pour 
la  Ligue,  les  Pères  Eudœmon-Jean , 
Gautier  et  Sinnond,  ont  victorieusement 


RIC  371 

réfuté  les  erreurs  contenues  dans  cet  ou- 
vrage ;  ce  qui  n'a  pas  empêché  de  Do- 
minis ,  Febronius  et  d'autres  novateurs , 
d'en  faire  la  base  de  leurs  diatribes  contre 
l'Eglise.  «  Ce  qu'il  est  bon  de  savoir,  dit 
»  un  savant  moderne  ,  c'est  que  les  jan- 
3)  sénistes  sont  devenus  panégyristes  du 
»  système  de  Ricber,  auquel  ils  ont  donné 
»  des  lettres  d'affiliation.  Le  fameux  pa- 
w  triarche  de  la  secte ,  l'abbé  de  Saint- 
>»  Cyran  ,  pensait  qu'il  y  a  de  la  témérité 
w  à  traiter  les  richéristes  d'hérétiques  ou 
w  de  schismatiques.  On  devine  ce  que , 
»  dans  le  langage  de  Saint-Cyran,  signi- 
•»  fiait  cette  orthodoxie  des  richéristes.  » 
M.  de  Sainte  Beuve  ,  qui  avait  des  rela- 
tions avec  le  parti ,  écrivant  au  fameux 
docteur  Saint-Amour ,  qui ,  comme  on 
sait,  avait  été  envoyé  à  Rome  pour  sou- 
tenir la  cause  des  cinq  propositions  , 
s'exprimait  en  ces  termes  :  «  Si  le  jansé- 
n  nisme  est  condamné  ,  ce  sera  une  des 
»  choses  lés  plus  désavantageuses  au 
)>  saint-Si^e ,  et  qui  diminuera,  dans  la 
»  plupart  dés  esprits,  le  respect  et  la  sou- 
j)  mission  qu'ils  ont  toujours  gardés  pour 
»  Rome ,  et  qui  f«ra  incliner  beaucoup 
»  d'autres  dans  les  sentimens  des  richéris- 
»  tes...  Faites,  s'il  vous  plaît,  réfletion 
»  sur  cela ,  et  souvenez-vous  que  je  vous 
»  ai  mandé,  ilya  long-temps,que  de  cette 
»  décision  dépendra  le  renouvellement 
•»  du  richérisme  en  France.  «  Les  jansé- 
nistes eux-mêmes  nous  ont  conservé  cette 
lettre,  qu'ils  ont  fait  imprimer  eu  1662. 
Pour  saisir  le  sens  de  la  confidence  de 
Sainte-Beuve  au  sujet  de  Saint-Amour  , 
il  faut  se  rappeler  qu'à  cette  époque  les 
jansénistes  pressentaient  la  condamna- 
tion des  cinq  propositions  à  Rome.  Pour 
amortir  le  coup  ,  ils  se  disposaient  à  faire 
valoir  le  richérisme  ,  qui  ne  donne  au 
pape  que  le  pouvoir  ministériel  ou  exé- 
cutif, et  qui ,  en  cette  qualité  ,  ne  peut, 
selon  Richer ,  prononcer  le  décret  sans 
un  concile  général.  C'était  d'avance  une 
contre-batterie  dont  ils  menaçaient  Inno- 
cent X  et  sa  bulle.  —  C'est  encore  une 
chose  curieuse  de  voir ,  avant  le  jansé- 
nisme, le  calvinisme  enseigner  le  dogme 
de  Richer.  Sa  doctrine  est  la  confession 
de  foi  d'Anne  du  Bourg,  qui,  comme  cal» 


37a  RIC 

viniste,  fut  condamné  à  mort  sous  Henri 
III.  A  Je  crois  ,  disait  Anne  du  Bourg ,  la 
}>  puissance  de  lier  et  de  délier ,  qu'on 
»  appelle  communément  les  clefs  de  l'E- 
»  glise ,  être  donnée  de  Dieu  ,  non  point 
y>à  un  homme  ou  deux  ,  mais  à  toute 
»  V E glise ,  c'est-fl-dire  à  tous  les  fidèles 
»  et  croyons  en  J.-C.  »  Cette  assertion , 
comme  on  s'en  aperçoit  à  la  seule  lecture, 
est  la  même  que  celle  de  Quesnel,  et  dé- 
rive de  la  maxime  de  Richer ,  que  la  juri- 
diction appartient  collectivement  à  la 
société  entière.  Ainsi  on  peut  assurer , 
avec  la  plus  exacte  vérité ,  que  le  riché- 
risme  n'est  qu'un  système  combiné  des 
maximes  des  calvinistes  et  des  jansénistes. 
(La  vie  de  Richer  a  été  imprimée  à  Ams- 
terdam ,  1715,  in-12.) 

RICHER  (Henri),  né  en  1685,  à 
Xongueil,  dans  le  pays  de  Caux,  fut  des- 
tiné ,  par  ses  parens  ,  au  barreau  ;  mais 
un  attrait  plus  puissant  le  tournait  vers 
la  littérature  et  la  poésie.  Il  alla  à  Paris, 
et  se  livra  entièrement  à  son  goût.  H  y 
mourut  en  1748,  à63  ans.  Nous  avons 
de  lui  :  1  °  Une  Traduction  en  vers  des 
Eglogues  de  Virgile  ,  1717  ,  in-12,  et 
réimprimée  en  1736,  avec  une  ^te  de 
ce  prince  des  poètes  latins',  qui  est  assez 
bien  faite.  Sa  version  est  fidèle,  mais  elle 
est  faible  et  sans  coloris.  2°  un  Recueil 
de  fables,  dont  la  dernière  édition  est  de 
1748  ,  in-12.  La  morale  n'y  est  ni  vive 
ni  frappante  ;  le  stile  en  est  froid  et  sans 
imagination ,  mais  recommandable  par 
la  simplicité  et  la  correction  du  lan- 
gage ,  par  la  variété  des  peintures  et  par 
l'agrément  des  images.  3°  Les  huit  pre- 
mières Hêroïdes  d'Ovide ,  mises  en  vers 
français,  1743,  in-12.  L'auteur  a  joint  à 
sa  version  quelques  autres  poésies.  4°  La 
Vie  de  Mécènes  en  1 746,  in-12,  avec  des 
notes.  On  y  trouve  des  recherches  et  de 
l'érudition.  — Il  ne  faut  pas  le  confondre 
avec  François  Richer  d'.\DRE ,  intendant 
de  Caen  ,  dont  nous  avons  un  livre  inti- 
tulé :  Essai  sur  les  principes  du  droit 
et  de  la  morale  ,  Paris ,  1743 ,  in-4  ,  et 
qui  mourut  à  Paris,  eu  octobre  1752 ,  à 
63  ans. 

'  RICHER  (  Adrien  ) ,  historien ,  na- 
quit à  Avranches ,  en  1 720 ,  acquit  beau- 


RIC 

coup  d'instruction  et  publia  plusieurs 
ouvrages  historiques  très  intéressans  ; 
savoir  :  1°  la  Fie  des  hommes  illustres  , 
comparés  les  uns  avec  les  autres ,  de- 
puis la  chute  de  l'empire  romain  jus- 
qu'à nos  jours,  Paris,  1756,  2  vol.  in-12. 
Il  paraît  que,  dans  cet  ouvrage ,  l'auteur 
s'est  proposé  Plutarque  pour  modèle  ;  il 
est  sans  doute  moins  philosophe  que  l'au- 
teur grec,'maisilest  plus  impartial.  Plu- 
tarque ,  en  comparant  les  Romains  avec 
les  Grecs ,  cherche  toujours  à  relever  ces 
derniers.  Richer,  au  contraire,  n'oppose 
pas  les  hommes  d'une  nation  à  ceux 
d'une  autre  ;  mais  il  compare  homme  à 
homme ,  et  il  est  aussi  juste  critique  avec 
ses  compatriotes  qu'avec  les  étrangers.  2" 
Nouvel  Abrégé  chronologique  de  Fhis- 
ioire  des  empereur s,n Si,  in-S;  ou  1769, 
2  vol.  S°  Essai  sur  les  grands  évènemens 
par  les  petites  causes,  1 7  5  7  ;  4°  Ze  Théâ- 
tredu  monde,  1776,  2  vol.  in-8  ;  1789,  4 
vol.  grand  in-8.  L'auteur  y  a  mis  en  op- 
position les  exemples ,  les  vertus  et  les 
vices.  5°  Fie  de  Rarberousse  ,  général 
des  armées  navales  de  Soliman.  Cette 
vie, et  celle  de  Jean  Barl,  du  maré- 
chal de  Tourville ,  de  Duquesne ,  de 
Ruyter ,  de  Tromp ,  de  Duguay-Trouin  , 
de  Forbin ,  etc.,  toutes  du  même  auteur, 
sont  recueillies  sous  le  titre  de  Vies  des 
plus  célèbres  marins,  1784  in-12  ;  6" 
Caprices  de  la  fortune,  ou  Vies  de  ceux 
que  la  fortune  a  comblés  de  ses  faveurs, 
et  de  ceux  qui  ont  essuyé  ses  plus  ter- 
ribles revers  dans  les  temps  anciens  et 
modernes,  1786,  1789,4  vol.  in-12; 
7°  Les  Fastes  de  la  marine  française,  ou 
les  Actions  les  plus  mémorables  des  of- 
ficiers de  ce  corps,  dont  la  Vie  ne  se 
trouve  pas  dans  celles  des  plus  célèbres 
marins,  in-12,  tom.  1",  1787,  tom.  2, 
1788,  etc.  Richer  mourut  à  Paris,  en 
1 798 ,  âgé  de  78  ans.  —  Son  frère  ,  Fran- 
çois, avocat,  né  à  Avranches  en  1718, 
mourut  dans  l'année  1798.  Il  a  aussi  laissé 
quelques  écrits,  et  entre  autres  un 
Examen  des  principes  d'après  lesquels 
on  peut  apprécier  la  déclaration  de  l'as~ 
semblée  du  clergé  de  1 760,  in-12  ;  et  De 
a  autorité  du  clergé  et  du  pouvoir  du 
magistrat    politique,    sur    V exercice 


1 


RIC 

des  fonctions  du  ministère  ecclesiatique. 
Cet  auteur  n'était  pas  favorable  au  pou- 
•voir  de  l'Eglise. 

*  RICHER-SERIZY  ,  (  N...  )  homme 
de  lettres ,  né  à  Serizy  ,  en  Normandie  , 
vers  1764  ,  vint  jeune  à  Paris ,  y  fit  ses 
études ,  et  demeura  pendant  quelque 
temps  chez  un  procureur.  Il  cultivait  la 
littérature  ,  et  se  fit  connaître  avant  la 
révolution  par  de  petits  ouvrages  en 
prose.  Il  était  lié  avec  Camille-Desmou- 
lins  ,  et  travailla  à  son  journal.  Il  con- 
tribua dans  la  suite  à  répandre  le  bruit 
du  prétendu  comité'  autrichien ,  ce  qui 
l'obligea  à  se  tenir  caché  pendant  plu- 
1  sieurs  mois.  Il  était  cependant  devenu 
suspect  à  Robespierre ,  et  ayant  osé  pa- 
raître, il  fut  arrêté  et  mis  en  prison  après 
la  mort  de  Danton  et  de  Camille-Desmou- 
lins.  Le  9  thermidor  lui  rendit  la  liberté , 
et  il  devint  un  ardent  royaliste.  Il  com- 
mença à  publier  son  journal  anti-répu- 
blicain ,  intitulé  L'Accusateur  public , 
oii  l'on  trouvait  souvent  des  passages 
pleins  d'énergie.  Arrêté  plusieurs  fois  à 
cause  de  son  journal ,  il  fut  enfin  déclaré 
innocent,  en  1796  ,  par  le  tribunal  civil 
de  Paris ,  et  ensuite  par  celui  de  Ver- 
sailles. Pendant  la  lutte  du  directoire  et 
des  conseils ,  il  avait  écrit  ses  feuilles 
avec  plus  de  vigueur ,  et  il  fut  condamné 
à  la  déportation.  Il  se  retira  à  Bâle ,  où 
l'envoyé  de  France  le  fit  arrêter  pour  être 
déporté  à  Cayenne.  Il  s'échappa  de  Ro- 
chefort ,  revint  dans  le  midi  de  la  France, 
et  publia  un  numéro  de  son  Accusateur 
public.  Il  se  rendit  ensuite  à  Madrid,  qu'il 
fut  contraint  de  quitter,  aux  sollicitations 
du  gouvernement  français  auprès  du  ca^ 
binet  espagnol.  Il  passa  alors  en  Angle- 
terre, et  mourut  à  Londres  en  1803. 

*  RICHERI  (Charles-Alexandre  de), 
archevêque  d'Aix,  né  le  31  juillet  17&9 , 
à  AlIons,château  situé  dans  la  Haute-Pro- 
■vence  ,  eut  pour  père  un  officier  de  ca- 
valerie qui  s'était  trouvé  à  la  bataille  de 
Fontenay,  et  parmi  ses  oncles  il  comp- 
tait un  prévôt  du  chapitre  de  Glandève 
et  un  chanoine  d'Amiens.  Après  avoir  ter- 
miné ses  premières  études  au  collège 
d'Aix ,  il  fit  sa  théologie  au  séminaire  de 
St.-Sulpice,  et  fut  nommé  de  bonne  heure 


RIC  373 

à  un  canonicat  de  la  métropole  d'Aix.  Sa 
piété  l'entraîna  bientôt  à  la  Trappe;  mais, 
si  les  austérités  de  cette  maison  religieuse 
n'effrayèrent  point  son  courage  ,  elles 
étaient  au  dessus  de  ses  forces.  Obligé  de 
revenir  au  séminaire ,  puis  à  Aix ,  il  de- 
vint ensuite  l'un  des  plus  grands-vicaires 
de  l'évêque  de  Senez.  Pendant  la  révo- 
lution il  se  retira  à  Rome  où  il  logea  au 
couvent  des  Olivétorins.  Durant  son  sé- 
jour dans  la  capitale  du  monde  chrétien, 
il  eut  des  relations  avec  Mesdames  de 
France,  tantes  de  Louis XVI,  et  en  1816 
il  fut  choisi ,  avec  M.  l'abbé  de  Latour , 
pour  accompagner  leurs  corps  à  Paris.  En 
1801  il  était  revenu  en  France;  mais  il 
n'avait  voulu  accepter  aucune  fonction 
sous  le  régime  de  Buonaparte.  Nommé  en 
1 81 7  à  l'évêché  de  Fréjus  ,  il  ne  fut  sacré 
qu'en  1823.  Dès  qu'il  fut  en  possession 
de  son  siège ,  on  vit  qu'il  se  dévouait  tout 
entier  au  troupeau  qui  lui  était  confié. 
Appelé  à  succéder  à  M.  de  Bausset  sur  le 
siège  archiépiscopal  d'Aix  en  1829  ,  il  ne 
fit  pour  ainsi  dire  que  paraître  au  milieu 
des  fidèles  de  ce  diocèse  ;  il  y  resta  toute- 
fois assez  long-temps  pour  y  donner  les 
preuves  de  son  inépuisable  charité,  surtout 
pendant  l'hiver  rigoureux  qui  précéda  sa 
mort.  Il  est  décédé  le  25  novembre  1830 
d'une  attaque  d'apoplexie.  Ce  fut  un  des 
prélats  les  plus  distingués  et  les  plus  ver 
tueux  du  1 9*  siècle. 

RICHIEUD.  Foyez  Mouvans. 

*RICHMO]VD  (Charles  Lennox 
duc  de),  homme  d'état,  né  en  1 735,  hérita 
en  1750  des  biens  et  des  titres  de  son 
père  ,  et  fut  reçu  à  la  chambre  des  pairs 
en  17  56.  Il  s'attacha  au  parti  "wigh,  qui 
avait  alors  pour  chef  le  premier  duc  de 
Newcastle  ;  mais  il  ne  prit  aucune  part 
active  aux  contestations  politiques  qui 
signalèrent  la  fin  du  règne  de  George  II. 
Occupé  alors  uniquement  de  la  gloire  mi- 
litaire, le  duc  de Richmond  obtint  le  com- 
mandement d'un  régiment  d'infanterie , 
vint  sur  le  continent,  et  se  distingua  en 
1759  à  la  bataille  de  Minden.  Rentré  dans 
la  carrière  civile  en  1763,  il  se  distingua 
dans  la  chambre  haute  par  la  hardiesse 
avec  laquelle  il  attaqua  l'administration 
de  lord  Bute  et  les  mesures  prises  par  ce 


374  Ric 

ministre,  ainsi  que  celle  de  George  Gren- 
ville  son  successeur.  Le  système  tory 
ayant  été  renversé  en  17G5,  le  duc  de 
Richmond  obtint  alors  la  place  de  se- 
crétaire d'état,  qu'il  remplit  avec  autant 
de  zèle  que  de  talent  sous  l'administra- 
tion du  duc  de  Rockingbam.  Mais  ce  nou- 
veau ministre  ne  jouit  pas  long-temps  de 
son  autorité  ;  il  fut  bientôt  remplacé  par 
une  administration  composée  de  wighs 
et  de  torys.  Le  duc  de  Grafton  fut  pen- 
dant quelque  temps  le  cbef  de  la  nou- 
velle administration;  il  céda  ensuite  sa 
place  à  lord  Nortb,  qui  ne  perdit  sa  po- 
pularité qu'après  avoir  attiré  sur  la 
Grande-  Bretagne  les  armes  de  la  France, 
de  l'Espagne  et  de  la  Hollande ,  perdu 
l'Amérique  et  doublé  la  dette  nationale. 
Le  duc  de  Richmond ,  pendant  ces  deux 
ministères,  ne  cessa  de  combattre  ces 
funestes  projets  ,  et  resta  constamment 
uni  au  parti  du  marquis  de  Rockingbam, 
qui  rentra  au  ministère  en  1782.  Alors  le 
duc  de  Richmond  fut  nommé  capitaine- 
général  de  l'artillerie,  et  chevalier  de 
l'ordre  de  la  Jarretière.  L'année  précé- 
dente il  avait  présenté  au  parlement  un 
projet  de  représentation  nationale ,  qui 
fut  admiré  de  tous  les  bons  esprits,  et 
soutenu  par  tous  les  efforts  de  l'élo- 
quence. Il  en  sollicita  l'exécution  jus- 
qu'en 1784,  époque  oîi  les  comités  des 
villes  et  des  comtés  cessèrent  de  s'as- 
sembler ,  et  oii  la  Convention  des  délégués 
qu'il  présidait  commença  à  se  dissoudre 
insensiblement.  Le  duc  de  Richmond  se 
démit,  en  1795,  de  la  place  de  grand- 
maître  de  l'artillerie ,  et  obtint  le  com- 
mandement du  régiment  des  gardes 
à  cheval.  11  se  retira  des  affaires  publi- 
ques en  1803.  Il  accepta  pourtant  la 
vice -royauté  d'Irlande  en  1801,  et  se 
iit  chérir  des  habitans  ;  mais  il  donna 
sa  démission  en  1812,  pour  ne  pas  met- 
tre à  exécution  les  mesures  de  rigueur 
qui  lui  avaient  été  ordonnées.  Il  mourut 
quelque  temps  après  son  retour  en  An- 
gleterre. Il  était  le  protecteur  des  beaux 
arts  ;  peu  d'hommes  l'ont  égalé  dans  la 
science  de  la  politique  et  du  gouverne- 
ment. Ses  lettres  aux  volontaires  d'Irlande 
sont  écrites  d'un  stile  clair,  mâle  et  plein 


RIC 

de  feu.  Son  mérite  militaire  n'est  pas 
aussi  bien  reconnu.  On  a  tourné  en  ridi- 
cule son  système  de  fortification. 

RICHTER  (Henri-Wenceslas),  né  à 
Prosnitz  en  Moravie  en  1663,  entra  chez 
les  jésuites  en  1668,  et  fut  envoyé  dans 
les  missions  d'Amérique  en  1684.  U  si- 
gnala son  zèle  chez  les  sauvages  qui  ha- 
bitent les  bords  du  fleuve  des  Amazones, 
jusqu'en  1696,  qu'il  fut  tué  par  quel- 
ques-uns que  ses  exhortations  irritè- 
rent. Nous  avons  de  lui  diverses  Relations 
très  curieuses  ,  pleines  d'observations 
savrantes,  recueillies  dans  le  Wellboleàc 
Stœcklein.  Le  Père  Emmanuel  de  Boye  a 
écrit  sa  Fie,  Prague,  1782,  in-8. 

RICflTER  (  Christian),  médecin  saxon 
du  18^  siècle,  a  pratiqué  son  art  avec 
une  réputation  distinguée,  et  a  donné  au 
public  des  ouvrages  parmi  lesquels  on 
distingue  Erkenniniss  des  Menschen, 
ou  Connaissance  de  l'homme  ,  un  vol. 
in-8,  plein  de  bonnes  observations  phy- 
siques et  morales.  Il  faut  voir  surtout  ce 
qu'il  dit ,  chap.  17,  n°  36,  sur  l'effet  de 
la  vertu ,  de  la  piété,  et  des  impressions 
spirituelles  sur  le  corps ,  la  santé  ,  et  la 
physionomie  de  l'homme;  conformé- 
ment à  ces  paroles  de  l'Ecclésiastique  ; 
Timor  Domini  dans  sanitatem  et  vitam 
et  benedictionem.  On  a ,  relativement  au 
même  objet,  un  discours  de  M.  Boers , 
docteur  et  professeur  en  théologie  dans 
l'université  de  Leyde,  De  religione  prce- 
claro  sanitatis  subsidio  ,  1785;  et  en 
sens  contraire  ,  mais  toujours  en  preuve 
de  la  même  thèse,  un  traité  en  allemand 
de  Daniel  Langshans,  sur  les  vices  dont 
t  homme  est  puni  par  laper  ti:  de  la  santé', 
Berne,  1774.  Voyez  On  an,  Rivault. 

'  RICHTER  (  Auguste-Gottlob),  chir- 
urgien allemand,  né  en  1742  à  Zoerbig 
dans  la  Saxe ,  étudia  la  médecine  à 
Goettingue,  fut  reçu  docteur  à  22  ans  en 
France ,  en  Angleterre  et  en  Hollande. 
A  son  retour  il  fut  pourvu  de  la  chaire  de 
chirurgie  qu'il  occupa  avec  distinction 
jusqu'à  l'époque  de  sa  mort  arrivée  à 
Goettingue  en  1812.  Il  a  publié,  en  alle- 
mand ou  en  latin ,  plusieurs  ouvrages  <î 
l'usage  des  jeunes  médecins  et  chirur- 
giens qui  jouissent  en  Allemagne  d'une 


RIC 

grande  réputation.  Les  principaux  sont  : 
\°Observationiim  chirurgicarum  fasci- 
cuUIII,  Goettingue,  1770,  1780,  3  par- 
ties in- 8  ;  2°  Bibliothèque  chirurgicale, 
en  allemand,  1771-97,  15  vol.  in-8  ; 
3°  Mémoires  sur  les  fractures,  Goettin- 
gue, 177  7-85,  3  vol.  in-8  ,  trad.  en  fran- 
çais par  Rougemont,  Bonn  ,  1788,  in-4  ; 
■4»  Elémens  de  chirurgie,  Goettingue, 
1782,  1804,  7  et  8  ;  5»  Observations 
médicales  et  chirurgicales,  Goettingue, 
1790,  1 8 1 3 ,  3  vol .  in-8  ;  6"  Thérapeuti- 
que spéciale,  Berlin,  1813,  1821,  9  vol. 
in-8,  ouvrage  posthume  publié  par  son 
fils. —  Il  y  a  plusieurs  autres  médecins 
du  même  nom ,  notamment  Jérémie  Ben- 
jamin, mort  à  Berlin  en  1807,  qui  est 
auteur  d'un  nouveau  Journal  de  chimie, 
de  plusieurs  autres  ouvrages  sur  cette 
science,  et  coniinxidiicvix Au. Dictionnaire 
de  chimie  de  Bourguet;  et  Guillaume- 
Michel,  professeur  cniérite  de  l'univer- 
sité de  Moscou,  conseiller-d'état,  che- 
valier de  plusieurs  ordres,  mort  dans 
cette  ville  au  commencement  d'août 
1822.  On  doit  à  ce  dernier  une  Histoire 
de  la  médecine  en  Russie  qui  atteste 
les  connaissances  les  plus  étendues  en  cet 
art. 

"  RICHTER  (  Otto ,  ou  Charles-Frédé- 
ric ),  voyageirt-  russe ,  né  à  Dorpat ,  en 
1792,  se  livra  de  bonne  heure  à  l'étude 
des  langues  orientales  et  des  antiquités. 
11  voyagea  en  Allemagne,  en  Suisse  et  en 
Italie,  .se  rendit  ensuite  à  Constantinople 
d'où  il  passa  en  Egypte  avec  M.  Lidmann , 
secrétaire  de  l'ambassade  suédoise. 
Tous  deux  pénétrèrent  jusqu'en  Nubie. 
S'étant  ensuite  embarqué  pour  Jaffa, 
ilsallèrent  à  Jérusalem.  M.  Lidmann  ayant 
été  rappelé  à  Constantinople,  Richter 
parcourut  seul  la  Palestine ,  la  Syrie  et 
l'Asie  mineure.  Lorsqu'il  fut  de  retour  à 
Constantinople ,  il  apprit  que  l'empereur 
de  Russie  l'avait  attaché  à  son  ambassade 
de  Perse.  Il  s'embarqua  de  nouveau  pour 
l'Asie,  mais  il  ne  put  supporter  les  fati- 
gues de  ce  voyage,  et  il  mourut  en  1816, 
âgé  à  peine  de  24  ans.  Ses  Collections 
^  ses  manuscrits  sont  très  précieux  :  ils 
9pt  été  envoyés  à  M.  Ewers,  son  ancien 
9^ître,  qui  a  publié  l'ouvrage  suivant  : 


RIC  375 

Otto  Friedrich  Fon  Richter  s,  WàUfahr- 
ien  im  Morgenlande,  Berlin ,  1 822 , 1  vol. 
in-8,  avec  un  atlas  in-fol. 

*  RICHTER  (  Guillaume -Michel  de  ), 
professeur  de  l'université  de  Moskow  sa 
ville  natale,  voyagea  au  sortir  de  ses 
cours  en  Allemagne ,  en  France ,  en  An- 
gleterre et  en  Hollande  (1786).  Reçu 
docteur  en  1788,  à  l'université  d'Erlan- 
gen ,  il  fut  attaché  deux  ans  après  à  l'u- 
niversité de  Moskow,  dans  laquelle  il 
enseigna  jusqu'en  1819  les  sciences  phy- 
sico-médicales. Sa  mauvaise  santé  l'ayant 
forcé  de  se  retirer,  il  passa  les  trois  der- 
nières années  de  sa  vie  dans  un  cruel  état 
de  maladie,  et  mourut  en  1 822,  à  l'âge  de 
74  ans.  Il  était  professeur  émérite,  pré- 
sident de  la  société  des  sciences  physico- 
médicales, membre  de  plusieurs  sociétés 
savantes,  médecin  de  l'empereur,  con- 
seiller d'état  :  il  était  décoré  aussi  de 
plusieurs  ordres.  Le  plus  remarquable  de 
ses  ouvrages  est  une  Histoire  de  la  mé- 
decine en  Russie,  écrite  en  allemand, 
1813,  1815  ,  2  tomes  en  3  volumes  in-8. 
Richter  était  surtout  très  habile  dans 
l'art  des  accouchemens. 

*  RICHTER  (Jean -Paul -Frédéric), 
littérateur  allemand,  connu  sous  les  pré- 
noms de/c««- PaM/,et  surnommé  le  .S/erne 
de  l'Allemagne,  naquit  en  1 763  à  Wunsie- 
del  dans  le  pays  deBareuth.  Il  se  distingua 
de  bonne  heurepar  son  application,  ses  fa- 
cultés brillantes,  et  aussi  par  un  penchant 
à  se  singulariser.  Il  étudia  d'abord  la 
théologie  à  l'université  deLeipsick  ;  mais 
il  y  renonça  bientôt ,  entraîné  par  son 
goût  pour  les  belles-lettres.  Il  composa 
divers  écrits  qui  font  encore  les  délices 
d'une  grande  partie  de  la  nation  alle- 
mande, et  qui  lui  ont  valu  des  pensions 
de  la  part  du  prince  Primat  et  du  roi  de 
Bavière,  et  le  titre  de  conseiller  de  léga- 
tion du  duc  de  Saxe-Hildbourghausen. 
W'ieland ,  en  lisant  ses  premiers  ouvrages, 
disait  ;  «  S'il  pouvait  s'assujettir  aux  règles 
»  du  goût,  il  nous  efEacerait  tous.  »  Mais 
il  n'a  jamais  voulu  s'assujettir  à  aucune 
règle  ;  ses  dernières  productions  comme 
les  premières  renferment  les  beautés  du 
premier  ordre  et  des  pages  ravissantes  ; 
mais  d'autres  endroits  ne  se  font  remar- 


3;6  RIC 

quer  que  par  l'enflure  de  la  diction, 
l'exagération  des  idées,  l'extravagance 
des  situations  et  des  images.  Chez  lui 
l'érudition  dégénère  souvent  en  pédan- 
terie, l'énergie  en  grossièreté ,  le  comi- 
que en  burlesque;  et  des  allusions  pro- 
diguées avec  autant  de  savoir  que  de 
mauvais  goût  font  le  tourment  du  lec- 
teur le  plus  instruit,  tant  elles  sont 
recherchées  et  souvent  obscures  ;  aussi 
Rienhold  a  publié  un  Dictionnaire  à  l'u- 
sage de  ses  lecteurs.  Mais  nous  avons  an- 
ticipé sur  les  événemens  de  sa  vie.  En 
1784  il  vint  dans  sa  famille  à  Schwartzen- 
bach,  oii  son  père  était  pasteur.  Ses  suc- 
cès le  mirent  en  relation  avec  les  person- 
nes les  plus  influentes  ;  il  épousa  à  Berlin 
M"«  Caroline  Meyer,  fille  d'un  des  princi- 
paux employés  du  gouvernement.  Il  s'é- 
tablit en  1798  àWeimar,  et  quelque  temps 
après  à  Bareuth  où  ses  instans  furent 
partagés  entre  les  plaisirs  du  travail ,  le 
commerce  de  l'amitié  et  le  bonheur  de  la 
vie  domestique.  Quelques  mois  avant  sa 
mort ,  il  devint  aveugle  ;  il  n'en  continua 
pas  moins  ses  occupations  littéraires.  Il 
s'est  éteint  le  H  novembre  1825.  Ses 
principaux  ouvrages  sont:  \°  Esquisses 
satiriques,  Berlin,  178.3  et  1784,  2  vol. 
in-8  ;  2°  Les  procès  Groenlandais ,  Ber- 
lin, 1783;  Z°  Extraits  des  papiers  du 
diable,  avec  un  avis  du  juif  Mendel, 
1 788  ;  4°  Ze  vieillard  jubilaire  ;  b°  Palin- 
génésie,  1798  ;  6°  Ses  lettreset  son  plan 
dévie  future,  1799;  1°  Ses  années  d^é- 
coliers  de  1 803  à  1 305,  et  ses  petits  voya- 
ges, 4  vol.  in-8  ;  8"  la  Loge  invisible, 
biographie  de  Jean-Paul,  2  vol.  in-8, 
Berlin,  1793  ;  9°  Hespcrus  ou  \b  jours  de 
la  peste  aux  chiens,  Berlin,  1795,  in-8, 
2* édition  1798,  une  de  ses  productions 
les  plus  spirituelles;  10"  P^ie  de  Quintus 
Fixlein,  Bareuth,  1796,  in-8,  édition 
augmentée ,  Berlin ,  1 800 ;  \\°la  Vallée 
campanienne  ou  de  VImmortalité  de 
tâme,  Erfurt,  1797,  in-8;  2»  édition, 
1801;  n"  Titan,  de  1800  à  1813,  6  vol. 
in-8 ,  Berlin ,  1 800,  un  des  ouvrages  où 
Jean-Paul  a  montré  le  plus  d'originalité; 
1 3°  Levana  ou  Science  de  Péducation, 
Brunswick,  1807,  2  vol.  in-8.  Il  a  publié 
en  1804  son  premier  ouvrage  d'un  genre 


RIC 

sérieux  :  l'Introduction  à  Visthétique  àoni 
la  seconde  édition  a  paru  en  1814.  Il 
écrivit  aussi  sur  l'histoire  politique  du 
temps  (1814),  et  composa  à  la  même  épo- 
que ses  sermons  sur  la  paix  et  réchange 
du  trône  entre  Mars  et  Phébus.  Son 
dernier  roman  est  la  comète  qui  parut  en 
1 821  ;  et  le  dernier  ouvrage  qu'il  a  publié 
à  Breslau  peu  de  temps  avant  sa  mort  est 
une  Collection  dressais  critiques.  On  a 
publié  Y  Esprit  de  Jean-Paul  ou  Choix 
des  meilleurs  morceaux  de  ses  écrits, 
Weimar,  1801, 1805,  3  vol.,  et  en  1829  on 
a  mis  au  jour  les  pensées  de  ce  littéra- 
teur, 1  vol.  in-8.  M.  de  Lucenay  lui  a 
consacré  dans  la  Revue  encyclopédique, 
tom.  29,  pag.  875,  une  Notice  intéres- 
sante et  détaillée. 

RICIMER ,  patrice  et  général  romain, 
était,  par  sa  mère,  petit-fils  de  Wallia,  roi 
des  Golhs.  Il  vivait  dans  le  5*  siècle  ;  il 
était  né  en  Souabe  et  avait  été  élevé  aux 
premières  dignités  de  l'empire.  Aucun 
particulier  n'y  avait  plus  de  crédit  et 
d'autorité  que  lui.  Il  s'en  prévalut  pour 
déposer  des  empereurs ,  qu'il  faisait  et 
défaisait  à  son  gré.  Il  ne  tenait  qu'à  lui  de 
prendre  la  pourpre  ;  mais  il  craignait  que 
la  qualité  d'étranger  ne  le  rendit  odieux. 
Après  avoir  assassiné  l'empereur  Majo- 
rien  l'an  461,  il  fit  proclamera  Ravenne 
Libius  Severus ,  sans  se  mettre  en  peine 
du  consentement  de  l'empereur  d'Orient. 
Les  Vandales  d'Afrique  qui  descendirent 
en  Sicile,  en  furent  chassés  ;  et  les  Alains, 
qui  étaient  entrés  en  Italie,  furent 
entièrement  défaits  par  Ricimer.  Libius 
Severus  mourut  l'an  464,  et  Ricimer 
continua  à  disposer  de  toutes  choses  en 
Italie,  et  la  défendit  de  son  mieux  contre 
les  Vandales.  Anthémius  ,  nouvel  empe- 
reur, lui  donna  sa  fille  eu  mariage;  mais 
Ricimer  se  brouilla  avec  lui,  le  prit  dans 
Rome  ,  et  le  fit  mourir  l'an  472.  Il  mou- 
rut lui-même  de  maladie  le  1 8  aoCit  sui- 
vant. 

RICIUS  (Paul),  médecin  et  théologien, 
Juif  converti ,  florissait  au  16*  siècle.  Il 
était  Allemand ,  et  enseigna  la  philoso- 
phie à  Pavie  avec  beaucoup  de  réputa- 
tion. L'empereur  Maximilien  Je  mit  au 
nombre  de  ses  médecins  ;  mais  ce  ne  fut 


RID 

pas  de  ce  côté-là  qu'il  se  distingua.  Il  dut 
sa  principale  gloire  à  son  érudition. 
Quoiqu'on  ait  donné  de  grands  éloges  à 
sa  politesse  et  à  sa  modération  ,  il  se 
fit  plusieurs  adversaires,  entre  autres 
Jean  Eckius.  Le  sujet  de  leur  dispute 
était  :  Si  les  deux  étaient  animés  ?  Ri- 
cius ,  qui  tenait  pour  l'affirmative , 
avança  à  ce  sujet  des  sentimens  qui  le 
tirent  passer  pour  un  esprit  singulier.  On 
a  de  lui  un  grand  nombre  d'ouvrages 
contre  les  Juifs  et  sur  d'autres  matières  : 
\'' De  cœlesti  agricuIiura,hÀ\e  ,ib^l, 
in-fol.  :  Erasme  en  parle  avec  éloge  dans 
une  de  ses  Epîtres;  2°  Talmudica  com- 
mentarinla ,  Augsbourg  ,  1519,  in-4  ;  3° 
De  LXXIII  mosaicœ  sanctipnis  edictts, 
Augsbourg,  1 5 1 5,  in-4  ;  4"  une  Hnta?tgue, 
pour  animer  les  Allemands  à  entrepren- 
dre la  guerre  cojitre  ses  anciens  confrè- 
res ;  production  indigne  d'un  savant 
chrétien. 

RICOBONI.  rnyez  VACCOBOJiu 

RIDLEY  (Nicolas),  né  en  1500  dans 
le  comté  de  Northumberland  ,  fut  élevé, 
sous  le  règne  d'Edouard  VI,  à  l'évèché 
de  Rocliester,  puis  à  celui  de  Londres. 
Mais  à  l'avènement  de  Marie  à  la  cou- 
ronne, il  fut  traduit  en  jugement  pour 
son  apostasie  et  son  attachement  aux 
nouvelles  erreurs ,  dont  il  était  un  des 
plus  fanatiques  partisans,  déposé  et  brûlé 
à  Oxford,  le  16  octobre  1 555.  On  a  de  lui 
un  traité  De  cœnadnminica,  et  quelques 
autres  livres  contre  la  religion  catholique. 

RIDLEY  (Thomas),  juri.sconsulte,  né 
à  Eli  en  Angleterre,  mort  en  1 C28,  est  au- 
teur d'une  Idée  des  lois  civiles  et  ecclé- 
siastiques :  ouvrage  savant. 

RIDOLFI  (  Charles  ),  auteur  et  pein- 
tre vénitien  du  16^  siècle  (  né  en  1602 
à  Lonigo  dans  le  territoire  de  Vicence  , 
mort  en  1660,  a  composé  à  Venise  plu- 
sieurs tableaux  estimés).  On  lui  doit  une 
Fie  en  italien  de  Jacques  Robusti ,  dit 
Tintoret.  Cet  ouvrage  est  estimé.  Nous 
avons  encore  de  lui  une  Histoire  des 
peintres  vénitiens ,  réimprimée  avec  des 
portraits,kVenise,  enl648,en2vol.  in-4  : 
c'est  la  meilleure  édition. 

RIDOLFO  FIORAVENTI.  Foyez 
Alberti. 

XI. 


RIE  377 

RIEDESEL  (  Joseph-Herman  de), 
baron  d'Eisenbach  sur-Altembourg  en 
1740,  ministre  du  roi  de  Prusse  à  la  cour 
de  Vienne,  s'est  distingué  dans  la  répu- 
blique des  lettres,  par  son  livre  intitulé  : 
f^oyage  dans  la  Sicile  et  la  Grande- 
Grèce  ,  Zurich  ,1771,  Paris  ,  1773,  avec 
V Histoire  de  la  Sieile  par  Norvairi, 
Paris,  1802,  1  vol.  in-8.  Riedesel  est  en- 
core connu  comme  ministre  plénipoten- 
tiaire au  congrès  de  la  paix  de  Teschen. 
Il  mourut  dans  sa  campagne  près  de 
Vienne  le  19  septembre  1785,  à  l'âge  de 
45  ans. 

*  RIEGELS,  gouverneur  des  pages  de 
la  cour  de  Copenhague,  a  publié  la  meil- 
leure histoire  de  Danemark  qui  soit 
connue.  Il  est  mort  en  1802,  dans  sa 
74^  année. 

*RIEGO  Y  NUNEZ  (Don  Raphaël 
del),  auteur  de  la  révolution  espagnole 
de  1820,  naquit  en  17  85,  à  Tuna,  village 
du  district  de  Tineo,  dans  les  Asturies  de 
D.  Eugène  del  Riego,  gentilhomme  connu 
par  son  goût  pour  la  poésie.  Il  s'enrôla 
en  1808  dans  les  milices  espagnoles  qui 
se  levèrent  pour  repousser  l'invasion  de 
Buonaparte,  et  fut  nommé  officier  dans 
le  régiment  des  Asturies.  Fait  prisonnier 
dans  les  premières  affaires,  il  fut  amené 
en  France ,  et  durant  une  captivité  de 
plusieurs  années,  il  étudia  la  langue  du 
pays;  et  la  lecture  des  ouvrages  de  philoso- 
phie ou  de  politique  qu'il  fit ,  pendant  sa 
captivité,  l'initia  aux  idées  libérales  dont 
il  devait  être  plus  tard  l'un  des  champions 
parmi  ses  compatriotes.  Les  évènemens 
de  1814  lui  ayant  rendu  la  liberté,  il  vou- 
lut visiter  l'Allemagne  et  la  capitale  de 
l'Angleterre  avant  de  rentrer  dans  sa  pa- 
trie. Il  y  reprit  du  service  et  obtint  le 
grade  de  lieutenant-colonel  dans  le  ré- 
giment des  Asturies.  Son  régiment  ayant 
été  dirigé  vers  Cadix  pour  faire  partie 
d'une  expédition  contre  les  colonies  d'A- 
mérique ,  il  profita  du  mécontentement 
des  officiers  et  des  soldats  pour  lever  l'é- 
tendard de  l'instirrection  ,  et  le  1*'"  jan- 
vier 1 820  il  proclama  ,  au  village  de  Las- 
Cabezas-de-San-Juan ,  oii  était  stationné 
son  bataillon,  le  rétablissement  de  la  con- 
stitution des  certes  de  Cadix  ;  plusieurs 

48. 


378  RIE 

autres  régimens  suivirent  le  mouvement 
insurrectionnel.  Enfin,  après  plusieurs  al- 
ternatives de  succès  et  de  revers,  il  se  dé- 
cida ,  pour  ne  pas  laisser  ralentir  le  pre- 
mier élan  d'enthousiasme,  à  diriger  sa 
marche  vers  l'intérieur  de  la  Péninsule. 
Il  parvint  jusqu'à  Malaga  ;  mais  atteint 
par  le  général  O'Donnel ,  il  se  vit  obligé 
d'accepter  la  bataille  ,  quoique  très  infé- 
rieur en  nombre,  et  sa  troupe  fut  com- 
plètement dispersée;  il  parvint  cepen- 
dant à  s'échapper  avec  une  poignée 
d'hommes  prêts  à  se  disperser,  lorsqu'il 
apprit  que  la  Corogne  et  Madrid  venaient 
de  proclamer  la  constitution  et  qu'elle 
avait  été  acceptée  par  le  roi.  Alors  il 
poursuivit  sa  route  avec  sa  petite  co- 
lonne ,  et  il  arriva  à  Madrid  où  il  fut  reçu 
avec  une  sorte  de  solennité  triomphale. 
Le  roi  d'Espagne  sembla  rivaliser  de 
bienveillance  pour  lui  avec  les  citoyens  : 
il  fut  créé  maréchal-de-camp ,  puis  capi- 
taine général  de  l' Aragon.  Cependant  le 
parti  constitutionnel  ne  tarda  pas  à  se  di- 
viser, et  Riego  se  trouva  bientôt  en  oppo- 
sition avec  le  ministère  qui  profita  d'un 
mouvement  démocratique  qui  eut  lieu  à 
Saragosse,  chef  lieu  de  son  gouvernement, 
pour  le  destituer  et  l'exiler  à  Lérida  ;  mais 
cette  disgrâce  augmenta  sa  popularité,  et 
son  nom  devint,  parmi  les  Comuneros, 
un  cri  de  ralliement.  Les  élections  de 
1922  le  portèrent  aux  Cortès,  et  il  en  fut 
nommé  président.  Le  régiment  qu'il  avait 
commandé  à  Cadix  eut  l'honneur  de  défi- 
ler dans  la  salle  des  séances ,  et  le  sabre 
dont  ce  général  avait  fait  hommage  à 
l'assemblée,  lui  fut  remis  afin  qu'il  s'en 
servît  contre  les  ennemis  de  la  constitu- 
tion. Lors  du  soulèvement  de  la  garde 
royale ,  le  7  juillet  1822 ,  Riego  combattit 
dans  les  rangs  des  miliciens,  et  fit  triom- 
pher le  parti  constitutionnel.  A  l'appro- 
che de  l'armée  française  il  vota ,  confor- 
mément à  un  article  de  la  constitution , 
la  suspension  provisoire  de  l'autorité 
royale,  eten  même  temps  celle  de  l'assem- 
blée des  Cortès,  qui  furent  l'une  et  l'autre 
remplacées  par  une  régence  durant  la 
translation  du  roi  et  du  gouvernement 
de  Séville  à  Cadix.  Le  général  Balesteros 
ayant  signé  une  convention  avec  les  Fraa- 


RIE 


1 


çais,  et  le  général  Zayas  ayant  perdu  la 
confiance  du  gouvernement ,  Riego  fut 
chargé  de  se  rendre  à  Malaga  par  mer 
pour  y  prendre  le  commandement  des 
troupes  qu'il  commandait,  afin  de  faire 
ensuite  sa  jonction  avec  Balesteros.  II 
enleva  d'abord  le  commandement  à  Jayas 
qu'il  fit  embarquer  pour  Cadix,  et  il  était 
parvenu  par  des  marches  rapides  à  rejoin- 
dre les  cantonnemens  du  premier  de  ces 
généraux  ;  mais  ne  doutant  pas ,  dans  une 
entrevue  qu'il  eut  avec  lui,  qu'il  trahis- 
sait les  Cortès,  il  le  fit  arrêter  par  ses  sol- 
dats. Son  état-major  qui  avait  embrassé 
ses  projets  le  délivra  et  provoqua  son 
armée  à  résister  à  Riego.  Celui-ci,  au  mo- 
ment d'être  atteint  par  les  Français ,  fut 
obligé  de  renoncer  à  son  entreprise  et  de 
se  retirer.  Mais  toujours  poursuivi  par 
divers  corps  français ,  sa  petite  troupe 
fut  entièrement  dispersée ,  et  lui-même 
blessé  à  la  jambe  se  sauva  sur  un  cheval 
qu'on  lui  avait  prêté,  le  sien  ayant  été 
tué  sous  lui  ;  enfin  il  fut  livré  par  ses  gui- 
des aux  Français ,  jeté  dans  un  cachot , 
puis  conduit  à  Madrid ,  où  il  fut  condamné 
à  perdre  la  vie  sur  un  gibet,  et  le  ju- 
gement fut  exécuté  Je  5  novembre  1823, 
au  milieu  d'un  grand  concours  de  peuple.  • 
On  a  publié  à  Paris  :  Procès  du  gênerai 
R.  del  Jtiego,  précédé  d'une  Notice  bio- 
grapliique,  1823,  in-8.  On  peut  consul- 
ter aussi  pour  plus  de  détails  :  Mem.  of 
the  lifeofD.  Rapluiël  del  Riego,  by  a 
tpanish  o/jlcer,  Londres,  1823,  in-8. 

RIENXI.  Foyez  Gabrim. 

"  RIETZ  (  M»»  ),  connue  sous  le  nom 
decomtessede  Lichtenau.  était  fille  d'un 
musicien  nommé  Henck,  et  devint  la  mai- 
tresse  de  Frédéric-Guillaume  H.  Elle 
joua  un  grand  rùlesous  son  règne,  et  eut 
l'adresse  d'attirer  chez  elle  toute  la  cour  ; 
la  famille  royale  murmura  plus  d'une 
fois  de  la  nécessité  d'obéir  à  cette  fan- 
taisie du  monarque.  Dans  les  derniers 
momens  de  sa  vie ,  elle  s'était  emparée 
exclusivement  de  l'esprit  de  ce  prince, 
et  ce  fut  avec  une  peine  infinie  que  l'on 
parvint  à  empêcher  cette  femme  de  re- 
cueillir son  dernier  soupir.  Aussitôt  après 
la  mortdu  roi,  on  la  dépouilla  de  ses  terres 
et  de  ses  effets  de  banque.  Sa  vaisselle  d'ar- 


I 


RIE 

gentet  ses  diamans  furent  affectés  à  l'ex- 
tinction de  ses  dettes  qui  étaient  nom- 
breuses. On  lui  laissa  seulement,  à  titre 
de  bienveillance,son  mobilier  et  la  jouis- 
sance d'un  revenu  viager  de  quatre  mille 
ëcus  ;  enfin ,  elle  fut  condamnée  à  être 
enfermée  dans  ja  forteresse  de  Glogau,  oîi 
elle  resta  dix-huitmois.  Elle  obtint  ensuite 
la  permission  de  se  retirer  à  Breslau. 
rius  tard ,  elle  revint  à  Berlin  ,  où  elle 
vécut  dans  l'obscurité,  et  mourut  presque 
oubliée,  le  9  juin  1 820,  après  avoir  couru 
de  nouvelles  aventures  qui  annoncèrent 
son  peu  de  délicatesse  ,  et  lui  attirèrent 
de  nouveaux  chagrins. 

RIEUX  (  Jean  de  },  maréchal  de 
France,  fit  ses  premières  armes  dans  l'ar- 
mée anglaise ,  par  le  secours  de  laquelle 
Pierre  le  Cruel ,  roi  de  Castille ,  recon- 
quit une'partie  de  son  royaume.  Il  s'atta- 
cha depuis  à  la  France,  et  servit  glorieu- 
sement sous  Charles  YI.  Nommé  maré- 
chal de  France,  en  1397,  il  défit  les 
Anglais  qui  ravageaient  la  Bretagne  en 
1404.  Des  intrigues  de  cour  le  firent  suS' 
pendre  des  fonctions  de  sa  charge  en 
1411,  sans  cependant  être  desititué , 
comme  le  disent  la  plupart  des  écrivains  ; 
mais  il  fut  rétabli  l'année  d'après.  Las 
des  vicissitudes  de  la  vie  de  courtisan, 
et  accablé  du  poids  des  années ,  il  se  dé- 
mit de  sa  dignité,  le  12  août  1417,  en 
faveur  de  son  fils ,  et  se  retira  dans  ses 
terres,  oii  il  mourut  le  7  septembre  de  la 
même  année,  âgé  de  75  ans. 

RIEUX  (  Pierre  de  ) ,  seigneur  de  Ro- 
chefort ,  fils  du  précédent,  fut  fait  maré- 
chal de  France,  en  1417,  à  la  place  de 
son  père.  Destitué  en  1418  par  la  fac- 
tion bourguignonne ,  il  se  jeta  dans  le 
parti  du  Dauphin  (depuis  Charles  VU) 
qu'il  servit  avec  succès.  Il  défendit  la 
ville  de  Saint-Denys  contre  les  Anglais, 
en  143.=»,  reprit  sur  eux  Dieppe ,  et  leur 
fit  lever  en  1 437  le  siège  de  Harfleur.  Mais 
comme  il  revenait  triomphant  de  cette 
expédition  à  Paris,  Guillaume  Flavi, 
capitaine  de  Compiègne  ,  dévoué  aux 
Anglais,  l'arrêta,  et  le  tint  dans  une  dure 
prison  en  celte  ville,  où  il  mourut  de 
misère,  l'an  1439. 

RIEUX  (Jean    de),  petit-neveu  du 


RIE  379 

précédent,  né  en  1447,  suivit  François, 
duc  de  Bretagne,  l'an  1464,  dans  la  guerre 
du  bien  public.  Il  fut  fait  maréchal  de 
Bretagne,  en  1470,  et  lieutenant-général 
des  armées  du  duché,  en  1472.  Les  favo- 
ris du  duc  François  le  forcèrent  à  se  join- 
dre aux  mécontens,  en  1484  ;  mais  étant 
rentré  dans  le  devoir,  il  fut  nommé  par 
ce  prince  tuteur  de  sa  fille  Anne  de  Bre- 
tagne. Il  suivit  Charles  VIII  dans  la  mal- 
heureuse expédition  de  Naples,  fut  nom- 
mé par  Louis  XII  commandant  en  Bous- 
sillon,  et  mourut  en  ISIS,  à  71  ans. 

*  RIFFAUT-DES- HÊTRES  (Jean- 
Réné-Denys),  physicien,  naquit  vers  1754 
à  Saumur  d'un  médecin  de  cette  ville. 
S'étant  attaché  à  la  régie  des  poudres  et 
salpêtres,  il  en  fut  nommé  commissaire  au 
Kipault  près  Tours  ,  et  contribua  à  l'a- 
mélioration et  à  la  découverte  de  divers 
procédés  de  fabrication ,  tendant  à  en  di- 
minuer les  dangers.  Le  services  importans 
et  multipliés  qu'il  a  rendus  en  cette  partie, 
l'ont  fait  nommer  l'un  des  trois  adminis- 
trateurs-généraux des  poudres  et  salpê- 
tres. La  régie  des  poudres  ayant  été 
confiée ,  après  la  restauration  ,  à  un 
directeur-général  pris  dans  le  corps  de 
l'artillerie,  Biftaut  quitta  cette  adminis- 
tration dans  laquelle  il  avait  passé  plus 
de  50  années.  Il  se  livra  dès  lors  avec 
ardeur  à  l'étude  des  sciences  chimiques, 
et  mourut  à  Paris  le  7  février  1827.  On 
lui  doit  :  1°  Manuel  du  commissaire  dês 
poudres  et  salpêtres ,  Paris  ,  an  8  ;  2" 
Système  de  chimie ,  traduit  de  l'anglais 
de  Thompson ,  enrichi  d'observations  par 
BerthoUet,  1809,  iu-8  ;  2*  édition  d'a- 
près la  5'  de  l'ouvrage  anglais ,  1818, 
4  vol.  in-8  :  avec  un  Supplément,  1822, 
contenant  les  additions  faites  par  l'au- 
teur dans  une  6*  édition  ,  publiée  à 
Londres  en  1821  ;  3°  Essai  sur  les  af- 
fections calculeuses ,  traduit  de  l'anglais 
d'Alexandre  Marcet ,  in-8  ;  4"  Traité  de 
l'art  de  fabriquer  la  poudre  à  canon , 
Paris,  1812,  1  vol.  in-4,  qu'il  a  composé 
avec  Boltée  de  Toulmont ,  et  qui  a  été 
traduit  en  plusieurs  langues  ;  5"  l'Art 
du  salpêtrier,  avec  le  même ,  1813,  in-4  ; 
6^  Traité  pratique  sur  l'usage  et  le 
mode  d'application  des  réactifs  ckimi* 


38o  RIG 

ques  fondé  sur  des  expériences  ^  traduit 
de  l'anglais  sur  la  2^  édition,  1819, in-8; 
7°  Chimie  des  gens  du  monde ,  par 
Samuel  Parke  ,  traduite  de  l'anglais  sur 
la  9"  édition,  1822^  2  vol.  in-8;  8" 
Dictionnaire  de  chimie  sur  le  plan  de 
celui  de  Nicitolson ,  par  André  Ure ,  tra- 
duit de  l'anglais  sur  la  9'  édition  ,  1822- 
1824 ,  4  vol.  in-8  ,  a\ec  14  planches  ;  9° 
Manuel  théoHque  et  pratique  du  pein- 
tre en  bâlimens ,  du  doreur  et  du  ver- 
nisseur,  1824,  in-18,  2*  édit.  182-5;  10° 
Manuel  théorique  et  pratique  du  bras- 
seury  1825,  in-18  ;  1 1"  Manuelde  chimie, 
182o,  in-18,  2*  édition  entièrement  re- 
fondue et  considérablement  augmentée 
par  A.  D.  Vergnaud ,  1827  ,  in-18;  12° 
Manuel  de  chimie  amusante  ,  ou  Nou- 
velles récréations  chim,iques ,  traduit  de 
l'anglais d'Accum,  1825,  in-18  ,  2^  édit. 
revue  par  Vergnaud,  1827;  13°  Ma- 
nuel complet  du  teinturier  et  du  dégrais- 
seur ,  1825,  in-18.  M.  C.-F.  Vergnaud- 
Romagnési  a  publié  dans  le  tome  7  des 
Annales  de  la  société  royale  des  sciences, 
belles-lettres  et  arts  d'Orléans ,  une 
Notice  détaillée  sur  Riffaut-des-Hêtres. 
On  trouvera  la  liste  complète  de  ses  ou- 
vrages dins  le  tome  1"^,  cahier  des  An- 
nales biographiques ,  faisant  suile  à 
l'Annuaire  nécrologique  de  M.  Mahul, 
1827,  in-8. 

RIGA  (Pierre  de),  poète,  natif  de 
Vendôme,  vivait  en  1160,  et  fut  d'abord 
cliauoine  et  chantre  de  la  métropole  de 
Reims  ;  il  abandonna  ces  emplois  pour  se 
faire  chanoine  régulier  de  Saint-Denys 
dans  la  même  ville ,  et  mourut  en  1209. 
(  Quelques  biographes  disent  q^i'il  mou- 
rut en  1263.)  ÎNous  avons  de  lui  un 
poème  intitulé  :  Aurora,  publié  par 
D.  George  Galopin,  moine  de  Saint-Guis- 
lain.  C'est  un  abrégé  de  la  Bible  en  vers 
élégiaques,  assez  bien  faits  pour  le  temps 
de  l'auteur. 

RIGANTI(  Jean-Baptiste),  né  à  Melfi, 
dans  le  royaume  de  Naples,  l'an  1601, 
étudia  en  droit  à  Rome,  en  1675,  et  y  fit 
tant  de  progrès,  qu'à  l'âge  de  22  ans  le 
célèbre  Bandinus  Fanciaticus,  cardinal 
prodataire,  le  prit  pour  son  auditeur,  em- 
ploi qu'il  remplit  avec  honneur  pendant 


RIG 

35  ans.  Sa  science  et  ses  vertus  lui  méri- 
tèrent l'estime  et  la  confiance  de  plu- 
sieurs cardinaux  et  des  savans,  entre  au- 
tres du  cardinal  Lambertini,  depuis  pape 
sous  le  nom  de  Benoit  XIV,  qui  houorait 
souvent  Riganti  de  ses  visites.  Ce  savant 
jurisconsulte  mourut  à  Rome  le  1 7  janvier 
1735.  Il  avait  laissé  des  Commentaires  sur 
les  règles  de  la  chancellerie  apostolique, 
qui  ont  été  publiés  avec  des  notes  par 
Nicolas  et  Jean-Baptiste  Riganti ,  ses  ne 
veux,  Rome,  1745;  Cologne,  1751,  4  vol. 
in-fol. 

RIGAUD  (Hyacinthe),  peintre,  né  à 
Perpignan,  en  1663,  a  été  nommé,  avec 
justice  ,  le  F^anDyck  de  la  France.  Au- 
cun peintre  ne  l'a  surpassé  pour  le  por- 
trait. La  ville  de  Perpignan,  sa  patrie,  qui 
jouissait  depuis  1 4  7  9  du  privilège  de  nom- 
mer tous  les  ans  un  noble  ,  voulut  don- 
ner à  son  citoyen  une  marque  éclatante 
de  son  estime,  en  le  nommant.  Louis  XV 
ajouta  à  cet  honneur,  en  lui  donnant  de 
nouvelles  lettres  de  noblesse  ,  le  cordon 
de  Saint-Michel  et  des  pensions.  Rigaud 
parvint  aussi  à  la  place  de  directeur  de 
l'académie  de  peinture ,  qui  le  perdit 
en  1743,  à  80  ans.  Ce  maître  a  composé 
quelques  tableaux  d'histoire,  mais  en 
petit  nombre.  Il  consultait  toujours  la 
nature  avec  discernement  et  avec  choix  ; 
il  a  peint  les  étoffes  avec  un  art  qui  va 
jusqu'à  séduire  le  spectateur.  Ses  couleurs 
et  ses  teintes  sont  d'une  vivacité  et  d'une 
fraîcheur  admirables;  ses  ouvrages  sont 
finis  sans  être  peines.  On  lui  reproche 
d'avoir  mis  trop  de  confusion  dans  ses 
draperies ,  ce  qui  détourne  l'attention 
due  à  la  tête  du  portrait  ;  et  l'on  remarque 
dans  plusieurs  tableaux  de  ses  dernières 
années ,  des  contours  secs ,  et  un  ton  de 
couleur  qui  tire  sur  le  violet.  On  a  beau- 
coup gravé  d'après  cet  artiste.  (Rigaud 
peignit  tous  les  souverains  et  les  plus 
illustres  personnages  de  l'Europe,  où  ses 
jt7or/raj7.y  sont  répandus.  Le  musée  de  Paris 
en  possède  plusieurs,  et  entre  autres 
ceux  de  Le  Brun,  de  Mignard  et  de  Bos- 
suet.  ) 

*  RIGAUD  (le  baron  Antoine),  maré- 
chal de  camp ,  né  en  1758  ,  entra  au  ser- 
vice au  commencement  de  la  révolution, 


RIG 

fit  toutes  les  campagnes  de  cette  ëpoque , 
devint  colonel  du  25"  régiment  de  dra- 
gons,futnommécommandant  delà  légion- 
d'honneur  après  la  bataille  d'Austerlitz , 
et  général  de  brigade  en  janvier  1809. 
A  la  restauration  il  reçut  la  croix  de  St.- 
Louis  ,  et  fut  chargé  du  commandement 
militaire  du  département  de  la  Marne  ; 
néanmoins,  lorsqu'il  apprit  le  débarque- 
ment de  Buonaparte ,  il  employa  l'argent 
qu  il  tenait  du  trésor  à  répandre  parmi 
les  troupes  des  proclamations  poxir  favo- 
riser cette  nouvelle  usurpation.  Enfin  , 
lorsqu'il  apprit  qu'il  avançait  sur  Paris  , 
il  foula  aux  pieds  les  lis  et  la  croix  de 
St. -Louis  en  présence  des  soldats  qu'il 
avait  rassemblés ,  et  leur  ordonna  de  crier 
vive  l empereur .  Craignant  toutefois  d'ê- 
tre enveloppé  par  le  maréchal  Victor, 
il  prit  la  route d'Epernay;  mais  le  même 
jour  il  revint  à  Châlons  pour  ordonner 
rarreslatiou  du  maréchal;  le  21  mars  il 
fit  publier  le  rétablissement  du  gouver- 
nement impérial ,  et  il  reprit  au  nom  de 
Buonaparte  le  commandement  du  dépar- 
tement de  la  Marne  ,  qu'il  conserva  jus- 
qu'au mois  de  juillet  1815,  qu'il  fut  at- 
taqué parle  général  russe  Czernitscheff, 
et  obligé  de  poser  les  armes  devant  des 
forces  trop  supérieures.  Conduit  prison- 
nier à  Francfort,  il  recouvra  sa  liberté 
après  la  capitulation  de  Paris  ;  mais  il  se 
garda  bien  de  rentrer  en  France.  Il  fut 
mis  en  jugement ,  au  mois  de  mai  1816, 
devant  le  2*  conseil  de  guerre  de  la  1" 
division  militaire  ,  et  condamné  à  mort 
par  contumace.  Il  s'était  d'abord  retiré  à 
Saarbruck  ,  d'oii  il  entretenait  une  cor- 
respondance coupable  avec  les  mécon- 
tens  de  l'intérieur.  Le  commandant  prus- 
sien voulut  le  faire  transporter  à  Wesel 
par  ordre  de  son  gouvernement  ;  mais  il 
prévint  cette  mesure  en  se  réfugiant  à 
Deux-Ponts ,  puis  dans  les  Pays-Bas,  et 
enfin  dans  les  Etats-Unis.  Il  est  mort  à  la 
MouTcUe  -  Orléans  au  commencement  de 
1821. 

RIGAULT,  en  latin  Rigaltius {Xico- 
las),  savant  philologue,  né  à  Paris  en  1 577 
d'un  père  médecin  ,  fit  ses  études  avec 
distinction  chez  les  jésuites  ,  et  plut  au 
jjrésident  de  Thou  par  son  Funus  para- 


RÏG 


38 1 


siticum,  pièce  satirique  contre  les  parasi- 
tes,  qu'il  composa  à  19  ans.  Casaubon, 
chargé  de  mettre  en  ordre  la  bibliothè- 
que du  roi ,  s'étant  retiré  en  Angleterre, 
Rigault,  qui  avait  eu  part  à  ses  travaux, 
le  remplaça.  Le  roi,  content  de  ses 
services,  le  nomma  procureur-général 
de  la  chambre  souveraine  de  Nancy  , 
conseiller  au  parlement  de  Metz ,  enfin 
intendant  de  cette  province.  Il  mourut  à 
Toul  en  1654,  à  77  ans.  Ses  principaux 
ouvrages  sont  :  1°  des  Editions  de  saint 
Cyprien,  1648,  in-fol.,  et  de  Tertullien  , 
1664,  in-fol,,  enrichies  d'observations  , 
de  corrections^  de  notes  qui  servent 
souvent  moins  à  éclaircir  le  texte  qu'à 
établir  les  opinions  particulières  du  sco- 
liaste.  (Ployez  Vavasseur. )  Il  prétendit 
prouver ,  dans  une  de  ses  remarques  sur 
Tertullien,  que  «  les  laïques  ont  droit  de 
»  consacrer  l'eucharistie,  en  cas  de  néces- 
3)  site,  lorsqu'ils  ne  peuvent  recourir  aux 
»  ministres  ordinaires  de  l'Eglise.  »  Le 
savant  l'Aubespine  lui  prouva  la  fausseté 
de  cette  assertion,  et  Rigault  se  rétracta. 

11  avait  d'autres  sentimens  peu  favorables 
à  la  croyance  de  l'Eglise  romaine  ,  et  il 
remarquait  avec  plus  de  soin  que  de  ju- 
gement dans  les  anciens  ce  qui  lui  pa- 
raissait contraire  à  cette  croyance. 
2°  Quelques  Traductions  d'auteurs  grecs, 
sans  élégance  et  sans  correction.  Ces  au- 
teurs sont  :  Onosandre  (  De  imperatoris 
institutione),  1600,  in-4....  Artémidore 
et  Achmet  ''  De  divinatione per  somnia), 
1603,  in-4;  3°  des  Noies  et  des  Correc- 
tions sun^lasieursanleuTS  gzecs  et  latins  ; 
sur  Phèdre,  sur  Julien,  sur  les  écrivains 
De  rc  agraria  ,  Amsterdam  ,  1674,  in-4; 
4"  une  continuation  de  Y  Histoire  du  pré- 
sident de  Thou ,  en  3  livres  :  indigne  de 
cet  historien ,  du  moins  pour  l'élégance 
du  stile,  mais  trop  bien  assortie  à  ses 
préjugés  ;  5°  De  verbis  quœ  in  NovelUs 
Constitutionibus  post  Justinianuni  oc- 
currunt ,  glossarium,  en  1601  ,  in-4; 
6°  De  laprélation  et  retenue  ft'ndale,  en 
1612,  in-4  ;  7°  Diatriba  de  Satyra  Juve- 
nalis,  dans  l'édition  de  ce  poète,  donnée 
par  Piobert  Etienne,  k  Paris,  en  1616,  in- 

1 2  ;  8°  De  lege  venditionibus  dicta,  obser- 
vatio  ^liplex ,  Toul,  1643  et  1644,  in-é; 


382  RIG 

9°  Funus  parasiticum,  1601,  in- 4; 
1 0°  Auctores  finium  regundorum,  Paris, 
1614,  in  4;  11°  Observatio  ad  constitu- 
lionem  regiam  anni  1643  ;  12"  De  modo 
fœnori proposito,  en  1545;  6Z"  Observa- 
tio de  pabulis  fundis ,  etc.,  Toul,  1651, 
in-4.  (  Ou  trouve  dans  les  Hommes  illus- 
tres qui  ont  paru  en  France  pendant 
Zc  14°  siècle  une  notice  sur  Rigault,  par 
Perrault). 

'  RIGAULT  (  Hugues  ),  curé  de  Saint- 
Pierre  de  Naze,  du  diocèse  d'Auxerre, 
né  à  Paris  en  1707  ,  mort  en  1785  ,  est 
auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  Sanctœ 
autissiodorensis  ecclesiœ  fastorum  Car- 
men libri  XII,  1790,  in-8. 

*  RIGEL( Henri- Joseph),  savant  com- 
positeur allemand,  mourut  à  Paris  pres- 
que subitement  en  1799.  Maître  de  mu- 
sique du  concert  spirituel ,  et  professeur 
à  l'école  de  chant  et  au  conservatoire , 
il  contribua  beaucoup ,  dans  ce  dernier 
établissement ,  au  perfectionnement  de 
la  nomenclature  et  des  principes  de  l'har- 
monie, sur  lesquels  il  avait  des  idées 
très  nettes.  On  a  de  lui  plusieurs  sona- 
tes, duo,  quatuor  et  symphonies,  qui 
furent  exécutés  avec  succès  au  concert 
des  amateurs  et  à  l'hôtel  de  Soubise  ; 
quelques  oratorio  ,  tels  que  la  Sortie 
d'Egypte,  Jephté ,  la  Prise  de  Jéricho  ; 
plusieurs  petits  opéras,  parmi  lesquels 
on  remarque  le  Savetier  et  le  Finan- 
cier, Blanche  et  Vermeille  ,  l'Auto- 
mate, Lucas,  le  bon  Fermier.  Il  avait 
composé  pour  le  grand  opéra ,  Cora  et 
Alonzo ,  dont  il  ne  put  jamais  obtenir  la 
représentation  ;  ce  que  l'on  en  connaît 
pourtant,  fait  présumer  que  cet  ouvrage 
aurait  pu  avoir  un  grand  succès. 

RIGOLEY  deJuvigny  (Jean- Antoine), 
était  conseiller  honoraire  au  parlement 
de  Metz.  Citoyen  paisible  et  vertueux , 
savantappliquéetretirc,  honnête  homme, 
ami  sûr  et  constant ,  défenseur  des  vrais 
principes  en  matière  de  littérature  et  de 
philosophie  ,  il  n'a  cessé  de  travailler  à 
des  ouvrages  utiles  et  agréables.  Outre 
la  nouvelle  édition  des  Bibliothèques 
françaises  de  La  Croix  du  Maine  et  de 
du  Merdier  ,  enrichie  de  remarques  éru- 
dites  et  importantes ,  il  a  donné,  1  "  une 


RIG 


^Ê 


édition  des  OEuvresdePiron,'<i\A(\ufM^ 
on  ne  peut  reprocher  que  d'être  trop 
complète  ;  car  il  eût  été  à  souhaiter  que, 
constant  dans  ses  principes ,  l'éditeur  eût 
fait  uu  choix  ,  qui,  pour  être  satisfaisant 
au  jugement  des  vrais  sages  ,  supposait 
un  certain  degré  de  sévérité.  (  Voyez  Pi- 
ROK.  )  2°  Vluàienrs,  Mémoires  et  Discours 
sur  diverses  matières ,  parmi  lesquels 
on  distingue  un  Discours  sur  les  pro- 
grès des  lettres  en  France,  1  vol.  in- 12, 
et  à  la  tête  de  la  Bibliothèque  de  du 
Maine  ;  et  une  plaisanterie  ingénieuse 
sous  le  titre  de  Mémoire  pour  tâne  de 
Jacques  Fréron  de  Vanvres ,  1750, 
in-1 2  ,  plusieurs  fois  réimprimé  :  les  phi- 
losophes n'y  sont  pas  ménagés  ;  3°  De 
la  décadence  des  lettres  et  des  mœurs , 
1787,  I  vol.  in-8  et  in-1 2.  C'est  surtout 
dans  ce  dernier  ouvrage  que  l'auteur  a 
peint  son  esprit  et  son  cœur.  (  Voyez 
le  Journ.  hist.  et  littér.,  i"  juin  1787  , 
pag.  219  ;  25  juillet,  p.  393  ;  1"  août, 
pag.  482.)  Son  zèle  contre  les  erreurs  du 
temps ,  contre  la  corruption  du  goût  et 
l'oubli  des  vérités  les  plus  essentielles  , 
enflamme  son  éloquence ,  et  produit  des 
tableaux  pleins  de  vigueur,  qui  frap- 
pent et  instruisent  par  une  éloquence 
mâle,  noble,  pleine  de  dignité  et  de 
Jorce.  Le  philosophisme  du  jour  en  a  ■ 
été  atterré.  Le  petit-maître  aboyeur ,  que  1 
la  secte  a  lâché  contre  le  sage  écrivain  ,  * 
pour  opposer  des  sarcasmes  et  des  pla- 
titudes à  ses  lumineux  raisonnemens , 
n'a  fait  que  compléter  son  triomphe.  On 
a  aussi  de  lui  quelques  pièces  de  poésies 
fugitives.  Il  mourut  le  23  février  1788. 
M.  Lemaire  lui  a  fait  cette  épithaphe  : 

De  principes  «acres  uourri  des  «on  enfanc*  , 

JuTÏgny  dcPeDdit  et  l'Eglise  et  les  mirurs: 

Du  bon  goût  il  peignit  la  triste  décadence  : 

Et  de  ses  ennemis  méprisant  les  clameurs. 

Son  iclerenllaniiua  du  plus  noble  courage. 

Vous,  mortels  rertueux,  quand  Totreami  o'ast  plus  ,  '^J 

A  (es  mânes  tos  pleurs  seraient  un  fdible  hommage; 

Cette  tombe  est  l'autel  dressé  pour  ses  tertus  , 

Où  doit  brûler  toujours  le  pur  encens  du  sage. 

*  RIGNOUX  (  le  baron  Antoine  ),  ma- 
réchal de  camp  ,  né  le  17  février  1771  , 
embrassa  la  carrière  des  armes  en  1791  , 
et,  après  avoir  passé  par  tous  les  grades 
inférieurs  ,  il  fut  nommé  chef  de  batail- 
lon (lSo6}.    Il  se    signala  tellement  à 


RIG 

Eylau  qu'il  fut  nommé  sur  le  champ  de 
bataille,  colonel  du  lOS"  régiment.  Après 
avoir  fait  les  campagnes  de  Prusse  et  de 
Pologne,  il  passa  ensuite  à  l'armée  d'Espa- 
gne, et  se  distingua  à  la  bataille  d'Occana 
(18  novembre  1809).  et  au  combat  de 
Pozo-Alcon.  Dans  les  montagnes  de 
Rouda ,  il  Surprit  les  Espagnols  et  fit 
mettre  bas  les  armes  à  un  corps  nom- 
breux dont  il  ramena  600  prisonniers. 
Dans  le  mois  de  juin  1815  il  remplit  les 
fonctions  de  cherd'Etat  major  du  liui- 
tième  corps  de  l'armée  des  Pyrénées. 
Mis  ensuite  à  la  demi-solde,  puis  à  lare- 
traite  ,  il  se  retira  dans  ses  propriétés  à 
Villenave-d'Ormon  à  une  lieue  de  Bor- 
deaux. C'est  là  qu'il  est  mort  le  4  sep- 
tembre 1832.  Il  avait  été  nommé  cheva- 
lier de  la  légion  d'honneur  le  14  juin  1804, 
lors  de  la  première  promotion  de  cet 
ordre  ,  officier  en  1810,  et  commandeur 
en  1813.  Louis  XVill  lui  avait  donné  aussi 
la  croix  de  St. -Louis  en  1814. 

RIGORD  ou  PiiooLD,  (en  latin  i?/grorrfM5, 
Rigoltus  ou  Bigotus,  historien,  du  moyen 
âge  },  né  dans  la  Gothie  (  aujourd'hui  le 
I^ingnedoc },  était  médecin ,  historiogra- 
phe du  roi  de  France  et  clerc  de  l'abbaye 
de  Saint-Denys  ;  car  à  la  tête  de  son  ou- 
vrage, il  s'appelle  Senti  Dionysii  clerico- 
rumminimus.  Il  mourut  le  17  novembre, 
1207.  Il  a  écrit  en  latin  la  Vie  de  Phi- 
lippe-Auguste ,  dont  il  fut  médecin.  (Ce 
fut  lui  qui  le  premier  lui  donna  le  titre 
àî Auguste.)  Ce  livre,  qui  comprend  l'in- 
tervalle de  1 169  à  1209  ,  sous  ce  titre  : 
Gesfa  Phiïippi  Augusti  Francorum  ré- 
gis ,  se  trouve  dans  la  collection  de  Du- 
chesne  ,  tome  3.  Il  est  estimé ,  parce  que 
l'auteur  a  été  témoin  de  la  plupart  des 
faits  qu'il  raconte.  Le  stile  en  est  assez 
clair,  et  le  latin  n'en  est  pas  mauvais.  Il 
y  a  des  particularités  curieuses,  mais 
trop  de  louanges  ;  et  quoique  commu- 
nément les  médecins  ne  soient  pas  cré- 
dules ,  il  ne  laisse  pas  d'y  avoir  dans 
l'ouvrage  de  celui-ci,  parmi  bien  des 
cl^oses  vraies  et  décrites  exactement ,  des 
coDtes  dignes  du  peuple.  Il  dit,  par  exem- 
ple ,  que  «  depuis  que  la  vraie  croix  eut 
»  été  prise  par  les  Turcs,  les  enfans  n'a- 
»  vaient  plus  que  20  ou  23  dents ,  au  lieu 


Rm 


383 


i)  qu'ils  en  avaient  30  ou  32  auparavant.  )> 
(L'histoire  de  Rigord  a  été  continuée  par 
Guillaume  le  Breton.  On  la  trouve  dans 
les  Historiie  Francorum  scriptores ,  de 
Pithou ,  Francfort ,  1 596,  in-fol  ;  dans  la 
rollection  de  Duchesne,  t.  2  des  Scrip- 
tores coœtanei,  dans  le  Recueil  des  histo- 
riens de  France  ,  par  D.  Brial ,  t.  1 7  :  le 
tom.  11*  de  la  Collection  des  mémoires 
relatifs  à  Vhist.  de  France  par  Guizot , 
renferme  la  traduction  française  de  cette 
histoire.  Enfin  le  tom.  8  du  Recueil  de 
F  académie  des  Inscriptions  contientun 
mémoire  sur  la  vie  de  Rigord,  par  Sainte- 
Palaye). 

*  RIGORD  (  N.  },  jésuite,  né  vers 
1 660 ,  fut  un  littérateur  très  estimé  ;  mais 
on  ne  connaît  de  lui  qu'un  ouvrage  im- 
primé après  sa  mort ,  et  qui  a  pour  titre  : 
Connaissance  de  la  mythologie  par 
demandes  et:  réponses ,  augmentée  de 
traits  d^histoire  qui  ont  servi  de  fonde- 
ment à  tout  le  système  de  la  Fable  , 
1739.  Les  additions  et  les  corrections  de 
ce  livre  sont  attribuées  à  l'abbé  d'Allain- 
val  et  à  C. -Franc.  Simon.  La  troisième  édi- 
tion avec  de  nouvelles  corrections  fut 
publiée  par  Alletz  en  1748.  Elle  a  servi 
de  modèle  aux  autres  éditions  ,  qui  sont 
en  grand  nombre. 

*'  RINCON  (  Antonio  del  ) ,  peintre 
espagnol ,  naquit  à  Guadalaxara  en  1446. 
Il  était  un  des  meilleurs  artistes  de  son 
siècle,  et  réussit  également  et  dans  l'his- 
toire et  dans  le  portrait.  Il  était  encore 
jeune  lorsque  les  rois  catholiques ,  Fer- 
dinand et  Isabelle ,  le  nommèrent  peintre 
de  leur  chambre.  Rincon  fit  lexirs  por- 
traits ,  qui  se  conservent  à  Madrid  dans 
le  palais  du  roi,  oii  l'on  trouve  d'autres 
ouvrages  estimés  du  même  peintre.  Il  a 
aussi  peint  plusieurs  tableaux  sur  des 
sujets  sacrés  ,  comme  celui  du  maître- 
hôtel  de  l'église  de  Robledo  de  Chab,ela, 
près  de  Tolède  ,  et  celui  de  Saint-Jean 
de  los  Reyes  dans  cette  dernière  ville.  Il 
avait  un  dessin  correct ,  beaucoup  de 
sagesse  et  d'ensemble  dans  la  composi- 
tion ,  et  une  grâce  particulière  pour  les 
draperies.  Il  mourut  en  1500.  On  re- 
garde Rincon  comme  le  fondateur  ou  ré- 
formateur de  l'école  espagnole.  Plusieurs 


^ 


348  RIN 

de  ses  tableaux  périrent  dans  l'incendie 
du  palais  du  Pardo. 

*  RINGHIERI  (  Le  Père  François- 
Ulysse  ) ,  poète  tragique  italien  ,  né  à 
Bologne ,  d'une  famille  noble  d'Imola , 
fit  ses  études  dans  la  première  de  ces 
villes ,  et  à  l'âge  de  1 6  ans  il  entra  chez 
les  religieux  du  Mont-Olivet.  Il  remplit 
la  chaire  de  belles-lettres  dans  divers 
couvens  de  son  ordre,  et  cultiva  avec 
succès  la  poésie.  Ses  tragédies  eurent 
beaucoup  de  vogue;  elles  sont  en  grand 
nombre ,  écrites  d'un  bon  stile  et  pleines 
d'érudition.  Cependant,  excepté  quel- 
ques scènes  assez  bien  touchées ,  la  plu- 
part manquent  d'intérêt  et  d'action.  Elles 
sont  presque  toutes  tirées  de  l'Ecriture 
sainte ,  comme  Salomon  ,  Atlialie,  Es- 
ther ,  David,  etc.,  composées  comme 
les  autres,  depuis  1746  à  1783.  Elles  fu- 
rent jouées  dans  tous  les  collèges  d'Italie 
et  dans  quelques  théâtres  publics.  On  en 
a  recueilli  quinze  ,  qu'on  a  imprimées  à 
Bergame  en  1778,  4  vol.  in-8.  On  les  a 
réunies  à  celles  qu'il  a  faites  depuis  cette 
époque ,  et  elles  ont  eu  plusieurs  éditions 
à  Bologne,  Rome,  Florence,  etc.  Le 
Père  Ringhieri,  membre  de  l'académie 
de  Rome  et  de  plusieurs  autres  sociétés 
savantes  d'Italie ,  est  mort  à  Imola  le 
7  octobre  1787. 

RIINUCCIM  (  Otlavio  ) ,  poète  ita- 
lien de  Florence,  vint  en  France  à  la 
suite  de  la  reine  Marie  de  Médicis.  Il  est 
l'inventeur  des  Opéras ,  c'est-à-dire  de  la 
manière  de  représenter  en  musique ,  avec 
toutes  sortes  de  machines  et  de  décora- 
tions, des  sujets  tragiques  et  comiques. 
D'autresécrivainsattribuent  cet  établisse- 
ment à  un  gentilhomme  romain ,  nommé 
Emilio  del  Cavalero ,  qui  avait  donné 
un  opéra  dès  1590-  Quoi  qu'il  en  soit , 
il  est  certain  que  l'opéra  ne  tient  en  rien 
à  la  bonne  littérature  et  n'est  d'aucun 
genre.* C'est  un  ensemble  monstrueux, 
une  espèce  de  farce  parée ,  fruit  de  la  dé- 
cadence, du  goût.  (  Voyez  Quixault.  ) 
(Plusieurs  auteurs  assurent  que  nos  opé- 
ras modernes  sont  des  Drames  lyriques 
des  anciens.  Il  est  néanmoins  prouvé  que 
l'on  chantait  en  déclamant  dans  certaines 
tragédies  grecques  et  latines.   La  pre- 


RIO 

mière  pièce  que  donna  Rinuccini  fut 
Daphné ,  puis  Eurydice,  dont  la  mu- 
sique était  des  maîtres  Péri  et  Caccini  ; 
la  première  fut  représentée  à  Florence 
en  1.594  ,  et  l'on  crut  avoir  renouvelé  la 
Mélopée  des  Grecs  ).  Rinuccini  mourut 
en  1621,  à  Florence;  et  se%  OEm-res 
furent  publiées  en  1622,  dans  la  même 
ville ,  in-8  ,  par  Pierre-François  Rinuc- 
cini son  fils.  {Foyez  VHist.  litlér.  d'Italie 
par  Ginguené,  p.  450  et  suiv, 

*  RIOJA  (  Pierre  Soto  de  } ,  poète 
espagnol ,  né  à  Grenade  vers  1 590,  étudia 
le  droit  à  Salamanque,  où  il  reçut  le 
bonnet  de  docteur.  Pendant  quelques  an- 
nées ,  il  exerça  la  profession  d'avocat  à 
Valladolid  et  à  Madrid  ;  mais  ayant  pris 
les  ordres ,  il  quitta  le  barreau ,  et  peu  de 
temps  après  il  obtint  un  canonicat.  Il 
était  très  lié  avec  Lope  de  Vega  ,  qui  fait 
l'éloge  de  ce  poète  dans  son  Laurel  de 
À  polo  (  Le  Laurier  d'Apollon  ).  Outre 
ses  poésies  légères  et  imprimées  séparé- 
ment ,  on  a  de  Rioja  deux  ouvrages  pu- 
bliés par  les  soins  de  Lope  de  Vega  ,  et 
qui  ont  pour  titre  :  1°  Dcsenganos  de 
amor  (  Exemples  pour  fuir  l'amour  ) , 
Madrid,  1623,  in-8.  Rioja  a  mis  à  la 
tête  de  ce  recueil  un  discours  ou  traité 
.sur  la  poésie  en  général ,  et  plus  parti- 
culièrement sur  la  poésie  castillane  , 
qui  est  justement  estimé.  2"  El  Cnrrn 
de  Faelone  ,  poème ,  Le  Char  de  Phaé- 
ton  ),  ibid.,  1639,  in-8.  Ces  deux  ouvra- 
ges ont  été  réimprimés  en  Espagne,  à  An- 
vers et  à  Bruxelles.  Riojaestmort  en  1 658 . 

RIOLAN  (  Jean  ),  médecin  de  la  fa- 
culté de  Paris,  né  en  1539  à  Amiens, 
mort  le  18  octobre  1605,  fut  un  des 
plus  zélés  défenseurs  de  la  doctrine  d'Hip- 
pocrate  contre  les  chimistes.  On  a  de  lui 
divers  ouvrages  de  médecine  et  d'anato- 
niie  ,  recueillis  en  1610,  Paris,  in-fol. 
Ce  médecin  avait  une  vaste  littérature  ; 
il  écrivait  et  il  parlait  avec  une  facilité 
admirable.  Ses  livres  sont  encore  con- 
sultés aujourd'hui.  (  Sa  doctrine  sur  les 
fièvres  est  dans  le  Tractatus  de 
bribus  ,  imprimé  en  1640.) 

RIOLAN  (  Jean  ),  fils  du  précédent,' 
fut  aussi  docteur  de  la  faculté  de  Paris,  il 
naquit  dans  cette  ville  en  1 677  et  non  pas 


RIO 

enlSSO,  comme  le  dit  la  Biogr.  univers.: 
il  mourut  en  1657.  Ilfut  nommé  en  1613 
professeur  royal  en  anatomie  et  en  botani- 
que, et  ensuite  médecin  de  Marie  de  Médi- 
cis,  mèredel.ouisXIU.  Nous  avons  de Rio- 
lan  un  grand  nombre  d'écrits  sur  l'anato- 
mie,  science  oii  il  iit  plusieurs  découvertes 
très  utiles.  Ils  eurent  beaucoup  de  cours 
dans  leur  temps  et  sont  bien  écrits.  Rio- 
lan  possédait  les  poètes  grées  et  latins , 
et  faisait  de  leurs  vers  des  explications 
fort  heureuses.  Il  était  un  peu  trop  pré- 
venu en  faveur  des  anciens ,  et  critiqua 
amèrement  les  anatomistes  modernes. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  1°  Com- 
paratio  veteris  medicinœ  cum  nova, 
1605,  in-12  ;  il  s'y  déclare  contre  les 
chimistes;  2"  Schola  anatomica  ,  1604  , 
in-8.  Il  l'augmenta  et  le  publia  à  Paris, 
1610,  in-fol.,  sous  le  titre  d'^«a/o/7ie 
corporis  humani  ;  3°  Gigantomachie  , 
1613  ,  in-8.  Il  écrivit  contre  Habicot  au/ 
sujet  de  la  découverte  des  os  du  prétendu 
géant  Teutobochus  ;  ce  livre  ayant  été 
attaqué ,  il  répondit  et  publia  :  4°  V Im- 
posture découverte  des  os  humains  sup- 
pose's  et  faussement  attribués  au  roi 
Teutobochus  y  Paris  ,  1614  ;  5°  Giganto- 
logie  ,  ou  Discours  sur  la  grandeur  des 
géans ,  1618,  in-8.  Ces  ouvrages,  avec 
ceux  de  Hans  Sioane,  n'ont  pas  peu  con- 
tribué à  corriger  les  idées  populaires  sur 
celte  matière. 

*  RIOS  (  Charlotte-Marie  de  los  )  na- 
quit à  .\nvers  en  1728.  Elle  était  d'une 
famille  d'origine  espagnole  ,  qui  lui 
donna  une  très  bonne  éducation  ;  mais , 
privée  des  biens  de  la  fortune ,  Charlotte 
se  vit  contrainte ,  pour  exister,  de  se 
faire  institutrice  dans  sa  patrie  ,  et  s'y 
distingua  par  ses  bonnes  moeurs  et  par 
ses  connaissances.  Elle  a  écrit  plusieurs 
livres  sur  l'éducation  des  enfans ,  parmi 
lesquels  on  remarque  :  1°  Magasin  des 
enfans  ,  17*4,  in-8  ;  2°  Abrégé  de  toutes 
les  sciences ,  1 7  7  6  ,  in-1 2  ;  3°  Encyclo- 
pédie enfantine,  1780,  in-8.  Tous  ces 
ouvrages  sont  écrits  d'un  stile  pur,  mais 
simple ,  et  à  portée  de  l'intelligence  des 
êtres  intéressans  pour  lesquels  ils  ont  été 
composés.  \] Encyclopédie  a  été  tra- 
duite en  anglais  ,  Londres ,  1781.  Made- 
XI. 


RIO  385 

moiselle  de  los  Rios  est  morte  dans  sa  pa* 
trîe  en  juillet  1802. 

*  RIOUFFE  (  Honoré  ),  né  en  1764  , 
à  Rouen ,  vint  au  monde  à  six  mois.  A. 
l'époque  de  la  révolution  ,  il  embrassa  le 
parti  de  la  Gironde,  fut  poursuivi  ett 
1793  après  la  journée  du  31  mai^  quitta 
Paris  et  se  réfugia  à  Bordeaux.  Dénoncé 
comme  fédéraliste,  il  fut  arrêté  et  envoyé 
à  la  conciergerie  ;  pendant  le  trajet  de 
200  lieues  qu'il  fit  de  Bordeaux  à  Paris , 
il  fut  traité  avec  la  plus  grande  barbarie 
par  les  agens  des  terroristes.  Oublié  dans 
le  cachot  oîi  il  avait  été  jeté  ,  il  recouvra 
la  liberté  après  la  chute  du  parti  de  Ro- 
bespierre. Il  publia  ensuite  Mémoire 
dun  détenu  pour  servir  à  l'histoire  de  la 
tyrannie  de  Robespierre,  an  7  ,  in-8. 
Après  la  révolution  du  18  brumaire  dont 
il  fut  président  et  secrétaire ,  il  devint 
membre  du  tribunal  où  il  fit  quelques 
discours  en  faveur  de  Buonaparte  qui  le 
noinma préfet  delà  Côte-d'Or.  Une  courte 
disgrâce  dont  nous  igfnorons  lés  motifs 
lui  fit  perdre  sa  place  ;  mais  peu  après  il 
fut  replacé  et  obtint  la  préfecture  de  la 
Meurthe.  Sur  la  fin  de  1813  les  hôpitaux 
militaires  furent  remplis  des  nombreuses 
victimes  des  dernières  campagnes  :  le 
typhus  se  manifesta  dans  celui  de  Nancy; 
et  Riouffe  périt  victime  de  son  dévoue- 
ment. Atteint  de  la  maladie  qu'il  avait 
gagnée  ,  en  allant  porter  des  consolations 
aux  soldats  ,  que  le  fléau  avait  frappés ,  il 
mourut  le  30  décembre  1 8 1 3 .  Outre  l'ou- 
vrage que  nous  avons  cité ,  on  a  de  lui 
Poème  sur  la  mort  du  duc  de  Brunswich, 
1 7  87  ;  in-8,  quelques  chapitres,  1 7  95,in-8, 
Oraison  funèbre  de  Jean-Baptiste  Lou- 
vel,  dans  lequel  il  semontrezélé  partisan 
de  la  république ,  1798,  in-4.  Il  a  encore 
laissé  en  manuscrit  quelques  fragmens 
de  traductions  de  Platon  et  de  Pope  ,  un 
Commentaire  sur  le  Ferther  de  Gœthe , 
des  notes  sur  Aristote  et  Xénoplion,  et 
quelques /Kemoire.y  particuliers.  M.  Berr 
a  donné  une  notice  sur  le  baron  Riouffe  .- 
on  en  trouve  aussi  un  de  M.  Pariset  dans 
la  Collection  des  mémoires  relatifs  à  la 
révolution  française  en  tète  des  Mé- 
moires dun  détenu  qui'  font  partie  de 
cette  collection. 

49- 


RIP 

RTPAMONTE  (  Joseph  ) ,  ne  à  Ti- 
gnone ,  dans  l^état  de  Milan  ,  nommé 
historiographe  du  roi  d'Espagne  ,  fut 
prêtre  du  collège  Amhrosien.  Son  ou- 
vrage le  plus  connu  est  une  Histoire  de 
V E glise  de  Milan  ^  1617  ,  etsuiv. ,  4  vol. 
in-4  ,  en  latin ,  qui  est  estimée  à  cause 
des  recherches ,  quoiqu'elle  manque  quel- 
quefois de  critique.  L'auteur  mourut  vers 
le  milieu  du  17"  siècle. 

*  RIPAULT  (Louis-Madelaine) ,  sa- 
vant philologue  et  antiquaire ,  né  à  Or- 
léans le  29  octobre  1775,  était  neveu  de 
l'académicien  Ripault-Désormeaux.  Il  fut 
pourvu  à  1 5  ans  dun  bénéfice  ;  mais  la 
révolution  le  ht  renoncer  à  l'état  ecclé- 
siastique pour  se  livrer  au  commerce  de 
la  librairie.  Il  vint  à  Paris  oii  ses  rela- 
tions avec  les  gens  de  lettres  le  détermi- 
nèrent bientôt  à  suivre  leur  carrière.  Il 
travailla  d'abord  à  la  Gazette  de  France, 
qui  était  dirigée  à  cette  époque  par  Fié- 
vée,  et  dont  le  18  fructidor  vint  inter- 
rompre la  publication;  ensuite  il  fut  pré- 
senté par  Pougens  pour  faire  partie  de  la 
commission  des  sciences  de  l'expédition 
d'Egypte,  A  son  retour,  il  devint  biblio- 
thécaire particulier  de  Buonaparte,  et  il 
s'acquitta  de  son  emploi  avec  beaucoup 
de  zèle.  L'abbé  Denida  lui  ayant  été  ad- 
joint ,  il  se  dégoûta  de  ses  fonctions,  et  il 
y  renonça  volontairement  eu  1 807  poui' 
s'occuper  de  l'étude  des  langues.  Il  eut 
pour  successeur  M.  A,-A.  Barbier  dont 
nous  avons  eu  occasion  d'indiquer  sou- 
vent les  travaux  bibliographiques.  Voyez 
d'ailleurs  son  article,  tome  second  de 
cette  édition.  Ripault  se  retira  au  sein  de 
sa  famille  à  La  Ghapelle-Saint-Mesnin  , 
près  d'Orléans.  Il  y  est  mort  le  12  juillet 
1823.  On  a  de  lui  :  l"  Description  abré- 
gée des  principaux  monumens  delà  Hau- 
te-Egypte ,  1800,  in-8,  traduite  en  al- 
lemand, Coblentz,  1801  ;  2"  Marc-Aurèle^ 
ou  Histoire  philosophique  de  l'empereur 
Marc-Antonin^  ouvrage  où  Ton  pre'sente 
dans  leur  entier,  et  selon  un  ordre  nou- 
veau ,  les  maximes  de  ce  prince ,  qui  ont 
pour  titre  -.  Pensées  de  Marc-Aurèle ,  de 
lui-même  à  lui-même,  en  les  rapportant 
aux  actes  de  sa  vie  publique  et  privée , 
Paris,  1820,  4  vol.  in-8;  3°  Tite  Antonin 


RIP 

U  Pieux ,  résumé  historique  ;  Marc- Au- 
rèle-Antonin,  sommaire  historique,  etc., 
Paris,  1823,  in-8.  C'est  un  résumé  de  l'ou- 
vrage précédent.  Il  a  encore  publié ,  en 
1721  ,  3  cartes  dessinées  pour  l'histoire 
de  Marc- Antonin.  Il  avait  annoncé  ,  sous 
le  titre  de  Monumens  de  V histoire  auré- 
lienne ,  une  collection  de  1 20  planches 
en  1 2  livraisons ,  qui  devaient  former 
2  vol.  in-folio.  Ripault  a  laissé  des  ma- 
tériaux considérables  qu'il  avait  recueillis 
dans  le  but  d'arriver  à  la  solution  des 
problèmes  hiéroglyphiques-,  pour  les- 
quels il  avait  étudié  les  langues  sémiti- 
ques ,  l'arabe ,  l'éthiopien  ,  le  cophte , 
le  syriaque,  et  les  différens  dialectes  de 
l'hébreu. 

RIPERT  DE  MoNCLAR  (  Jean-Pierre- 
François  ,  marquis  de  )  ,  procureur-gé- 
néral au  parlement  d'Aix ,  est  né  dans 
cette  ville  en  1711.  Il  est  connu  par  un 
MémoireaniX  prétend  établir  la  souverai- 
neté du  roi  de  France  à  Avignon  et  dans 
le  comtat  Venaissin ,  et  par  plusieurs 
Plaidoyers  contre  les  jésuites.  C'est  un 
des  suppôts  de  la  robe  qui  ont  le  plus 
fait  valoir  les  petites  chicanes  du  bar- 
reau contre  les  décrets,  la  croyance 
et  les  droits  de  l'Eglise  :  V appel  comme 
d'abus  était  toujours  un  de  ses  grands 
moyens.  Il  prétendait ,  à  l'imitation 
de  tous  les  parlementaires  jansénistes , 
concilier  une  opposition  formelle ,  dé- 
guisée par  un  mot  illusoire ,  avec  le  res- 
pect dû  à  la  religion  et  à  ses  pontifes. 
«  C'est  en  vérité  dommage ,  dit  un  au- 
»  leur  bien  raisonnable  ,que  l'empereur 
•>  Julien  ,  à  qui  on  ne  reproche  pas  d'être 
j>  un  empereur  Claude ,  ne  se  soit  pas 
»  avisé  de  cette  excellente  ressource. 
u  Affectant  un  profond  respect  pour 
>'  J.  C. ,  et  plutôt  que  d'injurier  Luc  et 
»  Matthieu,  il  se  serait  contenté  de 
»  rendre  le  sénat  appelant  comme  d'abus 
)'  del'exécution  de  l'Evangile,  et  il  aurait 
Il  très  décemment  aboli  le  christianisme, 
»  sans  essayer  de  se  faire  débaptiser. 
»  Mais  Julien  n'avait  pas  le  mérite  d'un 
I)  Montclar  ni  d'tm  Camus.  >>  Ripert  re- 
vint de  ses  erreurs,  et  mourut  en  i77'î 
dans  de  grands  sentimens  de  piété ,  après 
avoir  rétracté  tout  ce  qu'il  avait  dit  con- 


i 


RIP 

tre  le  saint-Siëge  et  les  jésuites  :  rétrac- 
tation qui,  selon  ce  qu'il  avait  désiré  , 
fut  publiée  en  chaire  par  le  vicaire  de  sa 
paroisse.  C'est  en  vain  que  Voltaire  a 
essayé  de  répandre  des  nuages  sur  un 
événement  qui  ne  peut  qu'honorer  la 
mémoire  du  célèbre  magistrat.  M.  de  la 
Merlière  ,  évêque  d'Apt ,  en  fit  dresser 
un  procès-verbal ,  qu'il  envoya  au  pape 
Clément  XIV. 

RIPPERDA  (  Jean-Guillaume  ,  duc 
de),  célèbre  aventurier,  d'une  famille 
noble  de  la  province  de  Groningue ,  et 
d'origine  espagnole ,  servit  quelque 
temps  les  états-généraux  en  qualité  de 
colonel  d'infanterie.  Il  était  revêtu  de  ce 
grade,  lorsqu'il  fut  nommé ,  en  1715, 
ambassadeur  de  Hollande  à  la  cour  d'Es- 
pagne. Son  esprit  adroit  et  insinuant 
ayant  plu  à  Philippe  V  ,  il  se  fixa  à  la 
cour  de  Madrid  en  1718,  et  y  parvint 
bientôt  au  faîte  de  la  grandeur.  On  lui 
confia  le  détail  de  la  guerre ,  de  la  ma- 
rine ,  des  finances.  Enfin  ,  il  eut  le  pou- 
voir de  premier  ministre  sans  en  avoir 
le  titre.  Disgracié  en  1726  ,  il  fut  ren- 
fermé au  château  de  Ségovie.  Il  y  resta 
jusqu'au  2  septembre  1728,  qu'il  trouva 
le  moyen  de  s'évader  en  Portugal.  De  là 
il  passa  en  Angleterre  et  ensuite  en  Hol- 
lande, oii  il  connut  l'ambassadeur  de 
Maroc ,  qui  l'engagea  de  se  rendre  auprès 
de  Muley  Abdallah  ,  son  souverain.  Il  se 
fit  circoncire ,  prit  le  nom  d'Osman,  et 
affecta  un  grand  zèle  pour  la  religion 
mahométane.  Cependant  il  méditait  un 
nouveau  système  de  religion,  qu'il  comp- 
tait faire  goûter  au  peuple.  Il  prétendait 
que  les  chrétiens ,  les  mahométans  et  le.s 
Juifs  avaient  été  jusqu'alors  dans  une 
erreur  presque  égale  ;  les  premiers  en 
attribuant  trop  à  Jésus-Christ,  les  se- 
conds à  Mahomet,  et  les  derniers  en 
n'attribuant  rien  à  l'un  nia  l'autre.  Selon 
son  système ,  le  Messie  est  encore  à  venir. 
Voilà  dumoins  ce  que  raconte  l'abbé  Pré- 
vôt, dansletome  \"  Aeson  Pour  et  contre. 
Bipperda  fat  obligé  de  quitter  Maroc  en 
1734  ,  également  méprisé  des  mahomé- 
tans et  des  chrétiens.  Il  mourut  de  cha- 
grin à  Tétuan  en  1737.  (La  f^ie  deRip> 
perda  a  été  publiée  en  français  ,  en  es- 


RIQ 


387 


pagnol  et  en  anglais ,  par  trois  différens 
auteurs.  ) 

RIQUET  ou  RiQUETi  (Pierre-Paul de), 
baron  de  Bon-Repos  ,  né  à  Béziers  en 
1604  d'une  ancienne  famille  originaire 
de  Florence  ,  établie  en  Provence  ,  et  di- 
visée eu  deux  branches  ,  forma  l'utile 
projet  du  grand  canal  de  Languedoc  pour 
la  communication  des  deux  mers ,  et  il 
eut  la  gloire  de  l'exécuter  avec  succès. 
Mais  il  n'en  vit  pas  faire  le  premier  essai; 
car  il  mourut  à  Toulouse  en  1680.  Cet 
essai  ne  se  fit  qu'au  mois  de  mai  de  l'an- 
née suivante  ,  par  les  soins  de  ses  deux 
fils ,  Jean-3ïathias  de  Biquet ,  mort  pré- 
sident à  mortier  au  parlement  de  Tou- 
louse en  1714,  Pierre-Paul  de  Riquet , 
comte  de  Caraman  ,  mort  lieutenant  gé- 
néral des  armées  du  roi,  le25  mars  1730. 
Ce  canal ,  par  lequel  la  Méditerranée 
communique  avec  l'Océan  ,  ne  fut  ache- 
vé que  sous  Louis  XIV.  La  révolution  de 
1789  ,  qui  a  porté  la  hache  dans  tant  de 
beaux  ouvrages  ,  n'a  pas  épargné  celqi- 
ci.  Ployez  Asdrkossy. 

RIQUETI  ou  RiQUKTTi  (Victor  de) , 
marquis  de  Mirabeau,  comte  de  Beau- 
mont  ,  vicomte  de  Saint  -  Matthieu  , 
né  à  Perthuis ,  le  5  octobre  1715,  d'une 
famille  originaire  de  Florence ,  et  qui 
s'était  réfugiée  en  France  par  suite 
des  troubles  civils  du  14*  siècle,  se 
lança  de  bonne  heuref  dans  la  canière 
des  sciences  et  des  lettres.  Fixé  à  Paris , 
il  se  lia  avec  le  docteur  Quesnay  chef 
de  la  secte  des  économistes  ,  et  se  montra 
bientôt  l'un  des  plus  zélés  propagateurs 
de  cette  doctrine  dont  il  réunissait  chez 
lui  tous  les  mardis  les  principaux  parti- 
sans. Il  se  fit  connaître  d'abord  par  deux 
Mémoires  sur  les  états  provinciaux  ; 
par  la  Théorie  de  Timpôt ,  les  JElémens 
de  philosophie  rurale,  et  autres  écrits 
dont  l'utilité  publique  fait  l'objet  :  mais 
celui  qui  lui  procura  le  plus  de  célébrité 
est  son  Ami  des  hommes ,  ouvrage  plein 
de  vues  utiles ,  de  réflexions  solidement 
pTiilosophiques ,  de  calculs  politiques, 
agronomiques,  qui  remplissent  la  signi- 
fication de  son  titre  ;  bien  éloigné  de 
l'esprit  d'innovation  et  de  destruction 
qui  agite  ce  siècle.  Il  est  vrai  qu'il  y  a  quel- 


m 


m. 


RIQ 


ques  vues  qui  ne  semblent  pas  exactes , 
et  dont  l'exécution  ne  produirait  aucun 
bien  ;  mais  elles  sont  rachetées  par  tant 
de  bonnes  choses ,  que  la  critique  semble 
avoir  pris  à  tâche  de  les  dissimuler  ainsi 
que  les  défauts  du  stile.  <t  VAmi  des 
»  hommes ,  dit  l'auteur  des  Trois  Siècles, 
»  trouvera  toujours  grâce  aux  yeux  de  la 
»  sévère  littérature ,  par  le  bon  usage 
»  qu'il  a  fait  de  ses  talens.  Qu'importe 
»  que  son  stile  soit  quelquefois  diffus , 
»  nëologique,  incorrect,  peu  assujetti 
»  aux  règles  strictes  de  l'élocution  ?  Ne 
))  suffit-il  pas  qu'il  offre  souvent  des 
»  traits  d'éloquence ,  de  chaleur  et  d'élé- 
»  vation ,  qui  feraient  honneur  à  nos 
»  écrivains  les  plus  exacts  ?  Quiconque 
»  peut  s'assurer  comme  lui  que  le  zèle  du 
»  bien  public  a  dirigé  sa  plume,  doit  sacri- 
M  fier  sans  peine  le  faible  honneur  d'être 
»  proposé  pour  modèle  aux  puristes , 
»  pourvu  qu'il  puisse  être  cité  comme 
)>  celui  des  bons  citoyens.  »  La  secte  des 
économistes  lui  inspira  quelquefois  des 
idées  gigantesques  et  fausses  ,  et  un  lan- 
gage boursouflé ,  qui  ne  fut  jamais  celui 
de  la  vérité  et  de  la  raison.  Dans  l'E- 
loge de  François  Quesnay ,  ou  croit 
voir  plutôt  un  enthousiaste  qu'un  homme 
solide.  Il  mourut  à  Argenteuil ,  le  13 
Juillet  1789. — (Après  cet  article  sur  le 
marquis  de  Mirabeau ,  que  l'abbé  de  Fel- 
1er  n'a  loué  que  syr  le  témoignage  de 
l'abbé  Sabatier ,  et  parce  que  dans  un 
pays  étranger  il  ne  pouvait  avoir  tous 
les  documens  ,  nous  croyons  devoir  en 
donner  iin  autre  qui  le  fasse,  connaître 
tel  qu'il  a  été  jugé  par  ses  contemporains 
et  par  la  postérité.  Laharpe  ,  dans  son 
fragment  sur  les  économistes,  en  parle 
en  ces  termes  :  «  Ce  Mirabeau  l'écono- 
»  miste  n'avait  de  l'imagination  méridio- 
»  nale  que  le  degré  d'exaltation  qui  tou- 

V  che  à  la  folie ,  et  prit  de  la  folie  du 

V  temps  l'orgueilleux  entêtement  dçs 
v  opinions  et  une  soif  de  renommée  qu'il 
}>  crut  acquérir  en  popularisant  sa  no- 
]>  blesse  par  des  écrits  sur  la  science  ru- 
»  traie.  Il  en  possédait  assez  pour  dé- 
»  grader  de  très  belles  terres  par  des  ex- 
»  périences  de  culture,  et  déranger  une 

V  grande  fortune  par  des  entreprises  sys- 


RIQ 

»  tématiques  et  des  constructions  de  fa- 
»  taisie.  Il  se  faisait  l'avocat  du  paysan 
»  dans  ses  livres  et  le  tourmentait  dans 
»  ses  domaines.  »  Les  Mémoires  du 
temps  rapportent  une  foule  d'anecdotes 
sur  ses  prétentions  seigneuriales.  11  écri- 
vait à  sa  femme  :  Dites  au  cure'  du  Bi- 
gnon  (  l'une  de  ses  terres  )  de  me  prépa^ 
rer  une  harangue  ,  et  que  sans  cela  je 
ne  verrai  plus  d^ habit  noir  ;  et  il  exi- 
gea dans  une  autre  circonstance  que  le 
curé  de  Roquelaure  publiât  en  chaire 
qu'il  fallait  remercier  la  Providence  d'a- 
voir donné  à  la  contrée  un  maître  doux 
et  dune  race  faite  pour  commander  aux 
autres  hommes.  Il  fut  accusé  d'une  ja- 
lousie excessive  des  talens  de  son  fils , 
dont  il  haïssait  la  supériorité  bien  plus 
que  les  vices ,  et  dont  il  aigrit  le  carac- 
tère et  précipita  la  violence  par  des  per- 
sécutions continuelles.  Il  obtint  contre 
sa  famille  cinquante-quatre  lettres  de 
cachet,  et  fatigua  les  tribunaux  de  ses 
scandaleux  procès  avec  elle.  Son  livre 
(  VAmi  des  hommes  )  est  un  ramas  in- 
digeste de  choses  bonnes  et  mauvaises  , 
bonnes  quand  elles  sont  à  tout  le  monde, 
mauvaises  quand  elles  sont  à  lui  ;  sans 
plan  ni  méthode  ,  le  tout  écrit  en  stile 
bizarre ,  avec  une  incroyable  profusion 
de  mots  qu'il  appelle  sa  chère  et  native 
exubérance.  Ses  OEuvres,  qu'on  a  jus- 
tement appelées  V Apocalypse  de  l'éco- 
nomie politique ,  forment  plus  de  20  vo- 
lumes. Nous  nous  bornerons  à  citer  sa 
Théorie  de  l'Impôt ,  déjà  citée ,  qu'il  ap- 
pelle son  chef-d'œuvre  ,  et  qui  lui  valut 
les  honneurs  de  la  Bastille  ;  l'Examen 
des  poésies  sacrées  de  Le  Franc  de 
Pompignan ,  fastidieux  et  ridicule  pa- 
négyrique ,  que  Pompignan  eut  la  mala- 
dresse d'insérer  dans  son  édition  in-4.  Ja- 
mais la  louange  ne  fut  plus  hyperboli- 
que et  plus  risible.  On  en  jugera  par  un 
seul  trait.  A  propos  de  quelques  vers 
d'une  ode,  il  assure  que  quiconque  ne 
pleure  pas  de  ces  vers  ne  pleurera  que 
d'un  coup  de  poing.  Enfin  nous  citerons 
l'Eloge  du  Maître  de  la  Science  (  l'éco- 
nomiste Quesnay  ) ,  éloge  d'un  ridicule  si 
rare ,  que  les  curieux  le  conservent 
comme  un  modèle   de  gaimatias  et  de 


i 


RIQ 

stile  amphigourique.  Nous  ajouterons 
que  ses  ouvrages  sont  écrits  d'un  stile 
emphatique,  obscur  ,  bizarre  et  rempli 
d'un  charlatanisme  philanthropique  qu'il 
croyait  propre  à  influencer  l'opinion  pu- 
blique. Outre  les  ouvrages  que  nous 
avons  cités  ,  nous  dirons  que  le  marquis 
de  Mirabeau  fut  un  des  rédacteurs  du 
Journal  de  V Agriculture  ,  du  commerce 
et  des  finances  et  des  éphéméridts  du 
citoyen  avec  l'abbé  Baudeau.  Le  marquis 
de  Mirabeau  qui  prêchait  si  hautement 
en  faveur  des  libertés  publiques,  qui 
étalait  dans  ses  écrits  les  principes  les 
plus  sévères  de  morale  et  de  vertu ,  fut , 
au  témoignage  de  tous  ceux  qui  l'ont 
connu  ,  mauvais  citoyen  ,  mauvais  époux 
et  mauvais  père. 

*RIQUETI  (Gabriel-Honoré),  comte  de 
Mirabeau  ,  fils  du  précédent,  naquit  le  9 
mars  1749  .auBignon  ,  prèsde  Nemours. 
Soit  que  son  éducation  eût  été  négligée, 
et  que  YAmi  des  hommes  ne  l'eût  pas 
été  assez  de  son  propre  sang  pour  le 
former  à  la  vertu  ;  soit  que  son  naturel 
ardent,  farouche  et  indocile,  ait  rendu 
inutiles  les  leçons  de  son  père ,  il  se  livra 
de  bonne  heure  à  toutes  les  fougues  d'une 
jeunesse  indomptée.  Jeté  tardivement 
dans  un  pensionnat  militaire,  il  était  à 
l'âge  de  17  ans  volontaire  dans  un  régi- 
ment de  cavalerie.  Renfermé  dans  l'île  de 
Rhé  sur  la  demande  de  son  père  après 
une  aventure  amoureuse ,  il  rechercha 
dès  l'âge  de  20  ans  la  main  ou  plutôt  la 
dot  d'une  demoiselle  de  Marignone, 
riche  héritière  dont  il  dissipa  ,  en  peu 
de  temps ,  et  même  fort  au  delà ,  tous 
les  biens  disponibles.  Son  père  le  fit 
alors  interdire  et  confiner  sur  ses  terres. 
Là  le  jeune  comte  trouva  dans  de  sérieu- 
ses études  un  aliment  pour  sa  bouillante 
activité;  mais  une  affaire  d'honneur 
pour  laquelle  il  rompit  son  ban ,  le  con- 
duisit bientôt  de  prison  en  prison  à  la 
plus  scandaleuse  de  ses  aventures.  L'Eu- 
rope a  retenti  de  la  liaison  qu'il  contracta 
pendant  sa  détention  peu  sévère  au  châ- 
teau de  Joux  près  de  Pontarlier ,  avec 
'.  Sophie  Ruft'ey  ,  épouse  jeune  et  aimable 
du  vieux  marquis  de  Monnier.  Tandis 
qu'il  fuyait  avec  elle  eo  Suisse,  puis  en 


RIQ  389 

Hollande ,  le  parlement  de  Besançon  ,  à 
la  requête  des  familles  Mirabeau ,  Ruffey 
et  Monnier,  le  déclarait  coupable  de  rapt 
et  le  faisait  brûler  en  effigie.  Mirabeau 
mit  sa  plume  à  contribution  pour  subsis- 
ter ;  mais  l'extradition  de  ces  deux  amans 
ayant  été  obtenue  ,  on  les  enleva  d'Am- 
sterdam pour  les  conduire ,  Sophie  alors 
enceinte,  dans  une  maison  de  surveillance 
à  Paris,  et  son  séducteur  au  donjon  de 
Vincennes  oii  il  passa  42  mois.  C'est  de 
cette  époque  que  date  leur  correspon- 
dance que  facilita  M.  Lenoir,  et  qui  fut 
trouvée  plus  tard  au  secrétariat  de  cette 
administration  par  Manuel,  officier  mu- 
nicipal, qui  la  mit  au  jour.  Devenu  libre 
le  comte  de  Mirabeau  purgea  sa  contu- 
mace ;  il  obtint  même  que  les  procédures 
relatives  à  sa  co- accusée  fussent  mises 
au  néant.  Voulant  ensuite ,  comme  il  le 
disait  lui-même ,  se  re'investir  de  60,000 
livres  de  rentes,  il  requit  juridiquement  sa 
femme  de  se  rapprocher  de  lui  ;  mais  un 
arrêt  de  séparation  intervint  et  lui  ôta 
toutes  ses  espérances.  Il  publia  une  bro- 
chure intitulée  :  Des  lettres  de  cachets 
et  des  prisons  d'état ,  ouvrage  rempli 
d'impostures  et  de  fureur ,  quoiqu'il  y 
ait  des  détails  intéressans  pour  ceux  qui 
ne  savent  pas  qu'ils  sont  absolument  ro- 
manesques. L'auteur,  ennemi  forcené  de 
la  religion  ,  etconséquemment  de  l'ordre 
public  et  de  tous  les  biens  qui  en  décou- 
lent, prouve  assez  par  cette  brochure 
combien  il  a  mérité  d'être  séquestré,  et 
combien  on  a  mal  fait  de  ne  pas  lui  ren- 
dre plus  long-temps  justice.  «  Quelle 
»  gauche  et  étourdie  politique ,  dit  un 
»  écrivain ,  que  celle  de  l'auteur  de 
»  cette  production  !  En  écoutant  'ses 
»  plaintes  ,  et  considérant  précisément 
»  le  tableau  de  ses  malheurs  ,  on  eût  pu 
«  le  croire  innocent;  mais  lorsqu'on 
»  l'entend  déclamer  contre  des  persua- 
»  sions  qui  font  le  fondement  de  toutes 
j)  les  vertus  et  de  tout  genre  d'innocence, 
))  on  ne  peut  que  le  considérer  comme 
)>  un  scélérat  échappé  à  une  peine  illé- 
»  gitime  peut-être ,  parce  qu'elle  était 
))  trop  au  dessous  de  ses  délits.  »  En  1 7  84 
il  fit  un  voyage  en  Angleterre  pour  y 
étudier  les  institutions  de  ce  pays.  Il 


390  RIQ 

donna,  en  178â,  des  Doutes  sur  la 
liberté  de  V Escaut  réclamée  par  l'em- 
pereur, ouvrage  modéré  et  sensément 
écrit.  Le  Mémoire  sur  les  actions  des 
eaux ,  publié  la  même  année  contre 
Beaumarchais  ,  contient  des  vues  justes 
parmi  d'autres  qui  prêtent  à  la  critique. 
Un  pamphlet  contre  la  banque  de  Saint- 
Charles  lui  attira  ,  en  1 7  8^  ,  cette  vive 
apostrophe  du  marquis  d'Astorga ,  l'un 
des  directeurs  de  la  banque  :  «  11  est  cer- 
»  tain  qu'on  a  soudoyé,  pour  attaquer  la 
}>  banque ,  un  de  ces  gens  dont  la   vie 

V  n'offre  qu'une  alternative  de  délits  et 
i>  de  cbàtimens  ,  et  qui  emploient  à  dire 

V  du  mal  les  instans  oii  ils  n'en  font 
3>  pas.  »  La  Monarchie  prussienne ,  qui 
parut  en  1788  ,  8  vol.  in-8 ,  avec  un  vol. 
in-fol.  de  plans  et  de  cartes  ^  est  un  ou- 
vrage oîi,  parmi  d'excellentes  remarques, 
parmi  des  critiques  justes,  solides,  coura- 
geuses ,  on  trouve  des  erreurs  de  tous  les 
genres.  Les  coopérateurs  que  Mirabeau 
a  choisis  parmi  les  protestaus  ont  donné 
à  leur  haine  contre  l'Eglise  catholique 
un  essor  auquel  on  ne  se  fût  point  at- 
tendu dans  ces  temps  d'indifférence  pour 
toute  religion ,  si  on  ne  savait  que  celle- 
ci  a  toujours  été  distinguée  par  la  haine 
du  monde ,  conformément  aux  oracles  de 
son  divin  fondateur.  Le  matérialisme  le 
plus  absolu  y  est  déployé  avec  une  au- 
dace dont  il  y  a  peu  d'exemples.  Le  dé- 
lire y  est  poussé  jusqu'à  attribuer  les 
malheurs  de  l'homme  à  la  croyance  de  son 
immortalité.  La  CorrcspotuLance  secrète 
de  la  cour  de  Berlin ,  1789,  2  vol.  in-8 , 
provoqua  des  plaintes  trèsvives,  des  cri- 
tiques et  des  réfutations.  L'auteur  en  fit 
une  espèce  de  désaveu,  au  moins  quant 
à. la  publicité  et  à  la  forme,  paraissant 
toujours  tenir  au  fond  des  choses.  Après 
avoir  publié  ces  ouvrages  et  d'autres 
brochures  politiques  ,  il  se  présenta  à  la 
noblesse  de  son  pays  pour  la  députation 
aux  états -généraux  :  la  noblesse  fut  assez 
aveugle  pour  laisser  cet  athlète  au  peuple, 
et  le  comte  de  Mirabeau  fut  nommé  à  la 
fois  par  le  tiers-état  d'Aixetde  Marseille. 
11  opta  pour  la  première  de  ces  villes  et 
se  rendit  aussitôt  à  Paris  oii  il  contribua  à 
la  publication  du  Journal  des  Etats- 


RIQ 

Généraux  qui  survécut ,  sous  la  dénomi- 
nation de  Courrier  de  France,  à  la  sen- 
tence de  suppression  prononcée  par  le 
conseil  d'état.  L'assemblée  nationale , 
qui  eut  lieu  la  même  année,  lui  donna 
occasion  d'étaler  sans  gêne  toutes  les 
maximes  philosophiques  sur  les  rois,  les 
lois ,  l'autorité  et  la  liberté.  Mais  ses  ef- 
forts se  tournèrent  particulièrement 
contre  la  religion  et  le  clergé.  Il  s'es- 
crima vivement  dans  cette  carrière  si 
conforme  à  son  goût ,  et  se  distingua 
avec  les  Chapellier ,  les  Voidel ,  les  Rew  - 
bel ,  les  Camus ,  les  Pélion ,  etc. ,  daus  la 
guerre  déclarée  à  toutes  les  notions  mo- 
rales, politiques ,  juridiques ,  religieuses. 
On  a  remarqué  les  circonstances  princi- 
pales dans  lesquelles  il  a  pris  la  parole  : 
c'est  lorsqu'il  présenta  le  tableau  d'une 
banqueroute  générale  ,  et  fit  adopter  le 
plan  de  finance  proposé  par  Kecker; 
lorsqu'il  répondit  à  l'abbé  Maury  sur  les 
bons  ecclésiastiques  et  qu'il  donna  son 
opinion  sur  la  constitution  civile  du 
clergé  (  la  doctrine  qu'il  professait  dans 
ces  deux  cas  était  entièrement  erronée). 
On  a  remarqué  son  discours  sur  le  pacte 
de  famille,  ses  deux  discours  sur  la  sanc- 
tion royale  ,  deux  autres  sur  le  droit  de 
faire  la  paix  et  la  guerre  qu'il  voulait 
qu'on  dévolût  au  roi,  etc.  Le  16  janvier 
1791  il  fut  nommé  membre  de  l'admi- 
nistration départementale  de  Paris,  et  le 
31  du  même  mois  président  de  l'assemblée 
nationale.  Au  moment  oîi  il  triomphait 
de  voir  la  grande  œuvre  achevée  et  l'Eglise 
catholique  écrasée  en  France,  une  ma-, 
ladie  assez  courte  ,  accompagnée  de  vio- 
lentes convulsions ,  l'enleva  à  l'assemblée 
nationale  et  au  monde,  le  2  avril  1791  , 
à  l'âge  de  quarante-deux  ans.  Ses  funé- 
railles furent  une  espèce  d'apothéose  ; 
deux  ans  plus  tard  ses  restes  furent  exhu- 
més du  Panthéon  par  la  multitude  qui  les 
dispersa.  Cette  mort  inattendue  et  arrivée 
précisément  dans  ces  circonstances,  a 
fait  faire  à  bien  des  gens  quelque  retour 
sur  le  Transivi,  et  ecce  non  erat.  Psal. 
36.  D'autres  se  sont  rappelé  la /à/a/<<e' 
des  sacrilèges,  dont  le  prolestant  Spel- 
man  nous  a  laissé  une  si  terrible  his- 
toire.  On  assure  que   depuis  quelques 


RIQ 

jours  il  travaillait  à  rétablir  l'autorité  du 
roi ,  et  l'on  prétend  même  qu'il  avait 
donné  parole  à  une  cour  étrangère  ,  que 
dès  que  l'Eglise  serait  détruite  ,  il  tour- 
nerait toutes  ses  vues  sur  la  restauration 
du  trône.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  asser- 
tions ,  l'on  ne  peut  nier  que  la  haine  du 
club  des  jacobins  ,  qu'il  avait  encourue 
depuis  quelque  temps ,  et  qui  a  même 
occasioné  des  bruits  d'empoisonnement 
et  de  projets  d'assassinat ,  ne  leur  don- 
nât quelque  vraisemblance  ;  mais  l'ou- 
verture de  son  corps  a  fait  connaître  que 
l'excès  des  plaisirs  et  la  fatigue  d'une  vie 
agitée  avaient  abrégé  sa  carrière.  Ce  qui 
fit  dire  à  un  journaliste  :  Cet  homme 
était  si  méchant,  qu'il  a  choisi  pour 
mourir  le  seul  instant  où  il  sai>ait  qu  il 
serait  regretté.  En  etfet,  on  découvrit, 
en  1793  ,  ses  intelligences  secrètes  avec 
la   cour ,   et  la  populace    dispersa  ses 

restes On  a  cité  à  ce  sujet  les  paroles 

qu'il  dit  à  un  de  ses  amis  peu  de  temps 
avant  sa  mort  :  J'emporte  avec  moi  le 
deuil  de  la  monarchie  ;  les  factieux 
vont  s'en  partager  les  lambeaux.  Il  pa- 
rait néanmoins  qu'il  se  flattait  vainement 
d'opérer  une  telle  révolution.  Indépen- 
damment des  arrangemens  de  celui  qui , 
en  de  telles  matières ,  fait  d'autres 
calculs  que  les  hommes  ,  il  est  apparent 
que  cette  tentative  en  faveur  du  roi  l'au- 
raitperdu  lui-même.  Mirabeau  s'exagérait 
ses  forces,  et  surtout  les  effets  de  sa 
bruyante  éloquence.  On  rapporte  qu'il 
dit  en  1789  à  un  médecin  de  ses  amis, 
en  se  touchant  le  front  -.  F'oilà  de  ces 
têtes  oii  il  y  a  de  quoi  réformer  les  em- 
pires. Dans  une  autre  occasion ,  il  dit  à 
M.  Suleau  :  La  Fayette  a  une  armée  ; 
mais ,  croyez-moi ,  ma  tête  est  aussi  une 
puissance.  Propos  d'une  vanité  ridicule, 
qui  supposent  une  faiblesse  d'esprit  peu 
commune  ,  et  un  égoïsme  poussé  jus- 
qu'au délire.  De  ses  discours  les  plus 
j  brillans ,  aucun  ne  soutient  tes  regards 
d'une  logique  exacte  ;  en  mettant  4es 
mots  à  part ,  l'homme  judicieux  n'y 
trouve  rien  de  solide  à  recueillir,  rien 
qui  puisse  fonder  la  conviction.  «  Son 
»  éloquence,  dit  un  écrivain  qui  était 
»  d'ailleurs  du  nombre  de  ses  admira- 


RIQ 


391 


I 


))  leurs ,  était  animée  et  pressante  ;  mais 
u  les  principes  étaient  asservis  à  ses 
»  passions.  Il  se  faisait  redouter  de  tous 
»  les  partis,  même  de  celui  qu'il  servait, 
"  parce  qu'on  ne  pouvait  compter  sur 
»  son  opinion  ,  et  qu'on  connaît  cette 
»  maxime  de  la  Rochefoucauld  :  Il  y  a 
»  dans  le  cœur  humain  une  génération 
»  perpétuelle  de  passions  ,  en  .sorte  que 
»  la  ruine  de  l'une  est  presque  toujours 
n  V établissement  d'une  autre  qui  lui  est 
»  souvent  contraire.  »  On  sait  combien 
cette  tête  érigée  ea puissance  était  faible 
quand  on  l'obligeait  de  raisonner  juste , 
et  qu'on  mettait  ses  erreurs  au  jour  avec 
dignité  et  avec  courage.  Le  modeste  si- 
lence que  celui  de  Mirabeau,  lorsque 
dans  la  séance  du  27  novembre  1790 
l'abbé  Maury,  après  l'avoir  poursuivi  dans 
tous  ces  détours ,  lui  dit  :  «  Remerciez 
»  à  présent  les  tribunes  des  applaudis- 
)>  semens  flatteurs  qu'elles  vous  ont  pro- 
»  digues  ,  lorsque  vous  avez  eula charité 
»  de  me  dénoncer  à  leur  savante  impro- 
»  bation ,  par  votre  désaveu.  Si  vous 
»  êtes  tenté  de  répliquer,  parlez  :  je  vous 
»  cède  la  parole...  Vous  ne  dites  rien?... 
))  Cherchez  tranquillement  quelque  sub- 
»  tilité  dont  je  puisse  faire  aussitôt  une 

»  justice  exemplaire Vous  ne  dites 

»  plus  rien  ?....  Je  poursuis  donc,  et 
»  après  vous  avoir  restitué  ces  mêmes 
»  paroles  que  vous  avez  trouvées  si 
)>  concluantes  dans  votre  bouche  et  si  ri- 
»  dicules  dans  la  mienne ,  j'attaque  di- 
n  rectement  votre  argument.  »  Les 
OEuvres  de  Voltaire ,  Helvétius ,  Rous- 
seau, l'Encyclopédie,  cette  foule  innom- 
brable de  brochures  impies  ou  obscènes, 
preque  tous  les  ouvrages  périodiques  de- 
venus depuis  long-temps  les  trompettes 
du  philosophisme  ;  la  peinture ,  la  .sculp- 
ture ,  la  gravure  ,  tous  les  arts  asservis  à 
la  scélératesse  et  à  la  luxure,  avaient 
préparé  la  France  à  la  révolution,  dont 
Mirabeau,  semblable. -i  la  mouche  de  La 
Fontaine,  s'attribuait  l'honneur.  Quel- 
ques mois  avant  sa  mort ,  on  avait  publié 
sa  P^ie  publique  et  privée.  Pour  donner 
une  idée  du  caractère  et  du  stile  de  l'ou- 
vrage ,  nous  citerons  un  passage  de  la 
page  93 ,  où  il  est  dit  en  forme  de  résu- 


39& 


RÎQ 


mé  :  «  Kiqueti  ne  se  justifiera  sur  rien , 
»  et  il  restera  prouvé  que  dès  le  berceau 
»  il  fut  un  méchant  homme  :  que  la  na- 
»  ture  ne  réprouva  jamais  un  fils  plus 
»  ingrat;  que  l'hymen  n'alluma  jamais 
))  son  flambeau  pour  un  époux  aussi  fé- 
»  roce  ;  que  la  vertu  n'eut  jamais  déplus 
»  grand  ennemi ,  la  patrie  de  citoyen 
»  plus  dangereux ,  les  lettres  de  plus  vil 
'>  écrivain ,  la  noblesse  d'apostat  plus 
»  corrompu ,  la  société  d'hypocrite  plus 
'>  insidieux,  l'amour  de  plus  lâche  ser- 
«  viteur,  l'amitié  de  fripon  plus  rui- 
»  neux ,  le  sentiment  de  moqueur  plus 
u  effronté ,  le  libertinage  de  fauteur  plus 
»  cynique ,  les  lois  divines  de  contemp- 
»  teur  plus  impie ,  les  lois  humaines  de 
»  violateur  plus  déterminé  ,  les  empires 
»  de  plus  hardi  séditieux  à  proscrire.  » 
ai.  Burke ,  cet  illustre  et  éloquent  mem- 
bre du  parlement  d'Angleterre,  dans 
une  lettre  à  M.  Woofort ,  aide-major  de 
S.  M.  britannique ,  en  date  du  1 1  février 
1791  ,  n'en  donne  pas  une  idée  plus  fa- 
vorable. ((  Un  de  mes  amis ,  dit  M.  Burke, 
»  arrivé  nouvellement  de  Paris  ,  m'a  dit 
u  qu'il  était  présent  à  l'assemblée  lorsque 
»  le  comte  de  Mirabeau  (je  lui  demande 
»  pardon  ) ,  M.  Riqueti ,  voulut  bien  l'é- 
»  gay^r  en  manifestant  l'opinion  qu'il  a 
»  de  moi.  Je  ne  lui  ferai  point  d'autre 
)>  réponse  qu'en  lui  opposant  simplement 
»  l'opinion  qu'a  de  lui  l'Europe  entière, 
»  et  sur  laquelle  je  m'en  rapporte  à  lui- 
»  même.  J'ai  le  bonheur  de  n'avoir  ja- 
»  mais  démérité  de  mon  souverain  ;  je 
■»  puis  braver  l'indignation  de  Riqueti , 
j>  premier  du  nom ,  qui  est  le  roi  des 
»  Français.  Je  suis  sous  la  protection  des 
»  lois  anglaises.  Je  ne  veux  m'exposer  ni 
»  à  son  comité  d'inquisition ,  ni  surtout 
u  àsa  lanterne,  qui  me  parait  infiniment 
»  plus  dangereuse  aux  honnêtes  gens 
n  que  la  Bastille  ne  l'a  jamais  été.  Si  j'a- 
j»  vais  à  vivre  en  France ,  j'aimerais  in- 
»  finiment  mieux  le  gouvernement  de 
Il  Louis  XVI ,  et  je  le  croirais  beaucoup 
»  plus  favorable  à  ma  liberté  que  celui 
«  de  Riqueti  premier.  Je  trouve  pour- 
»  tant  qu'après  avoir  été  sujet  si  peu  fi- 
«  dèle,  il  vient  de  se  montrer  envers 
"  moi  un  monarque  très  gracieux ,  lors- 


RIQ 

»  qu'en  disant  tant  de  mal  de  moi ,  il  en 
"  a  parlé  de  la  seule  manière  qui  pût 
u  contribuer  à  ma  satisfaction  et  h  ma 
»  réputation.  Etre  l'objet  des  invectives 
»  de  M.  Riqueti ,  c'est  un  honneur  auquel 
»  il  est  difficile  de  rien  ajouter.  Mirabeau 
»  à  Bicêtre  m'inspirerait  de  la  pitié  ;  Mi- 
»  rabeau  sur  son  trône,  sur  ce  trône 
»  que  les  jeux  de  la  fortune  destinent 
»  quelquefois  pour  récompense  à  cer- 
»  taines  actions  qui  conduisent  commu- 
'I  nément  à  un  autre  terme  que  je  ne 
»  veux  pas  nommer,  n'est  plus  pour  moi 
Il  qu'un  objet  de  mépris  ;  car  le  vice 
'>  n'est  jamais  plus  odieux  et  ne  se  montre 
Il  jamais  plus  vil  aux  yeux  de  la  raison , 
»  que  lorsqu'il  usure  et  souille  la  place 
Il  naturelle  de  la  vertu.  «  Par  une  bizar- 
rerie digne  de  l'inconséquente  philoso- 
phie, il  laissa  un  testament,  après  avoir 
remis  à  l'assemblée  nationale  un  écrit 
contre  les  testamens ,  désapprouvant , 
dans  son  langage  exalté  et  empirique , 
que  r homme ,  sortant ,  pour  ainsi  dircy 
des  bornes  de  la  nature ,  voulût  laisser 
une  volonté  lorsqu'il  n'en  avait  plus , 
exister  lorsqu' il  n  était  plus  qu'un  vain 
nom ,  et  transmettre  au  néant  les  droits 
de  Vexistence  :  comme  s'il  n'était  pas 
plus  absurde  et  cruel  de  refuser  à 
l'homme  la  liberté  de  disposer  de  ."^on 
bien  ;  de  réprouver  le  respect  que  toutes 
les  nations,  par  un  instinct  aussi  naturel 
que  religieux  ,  ont  toujours  eu  pour  la 
volonté  sacrée  des  mourans  ;  d'encou- 
rager l'indocilité  et  l'ingratitude  des  en- 
fans  en  mettant  les  parens  hors  d'état  de 
les  contenir  ou  de  les  punir  ;  d'inviter 
les  collatéraux  et  héritiers  quelconques 
ab  intestat  à  des  empoisonnemens,  des 
assassinats;  d'obliger  le  propriétaire  ,  le 
cultivateur  ,  à  remettre  le  fruit  de  son 
économie  et  de  son  travail  à  des  gens 
méprisables  et  odieux  ;  projet  digne  de 
ce  siècle  et  complètement  assorti  à  ses 
autres  ouvrages.  «  Ceux  qui  souhai 
n  ront  d'autres  détails  sur  Mirabeau  , 
Il  un  journaliste  parisien  ,  doivent  coi 
»  sulter  le  testament  de  son  père ,  co 
Il  puiser  les  registres  criminels ,  dé- 
>i  pouiller  les  archives  des  prisons ,  en 
1)  tendre  les  dépositions  de  tous  ceux 


ses 

tniiH 


RIQ 

»  ont  quelque  connaissance  des  faits  et 
»  gestes  de  ce  premier  saint  de  la  lé- 
»  gende constitutionnelle.  «Unpoètelui 
a  fait  une  espèce  d'épitaphe  en  forme 
d'apologue ,  qui  contient  des  idées 
tout-à-fait  extraordinaires  : 

I.'Elcrnel  falipué  des  rrimes  de  re  monde, 
El  Toulant  le  punir  par  un  cruel  fléau , 
Becueillit  un  instant  ta  sagpsw  profonde  . 
Puis  dit  à  Lurirpr:  Engtndre  Uirabean. 

Le  Diable  alors  le  lit  à  son  image. 
D'une  peau  dégoOtante  enveloppa  ses  Irait* , 
Dans  son  esprit  mit  l'infemale  rage  . 
Et  dans  son  cœur  tous  les  forfaits. 
Mais,  par  les  charmes  do  langage , 
Sur  les  mortels  il  piit  tant  de  poutoir , 
Que  le  démon,  dont  il  passa  l'espoir. 
Devint  jaloux  de  son  outrage  , 
Et  ne  fil  plus  en  lui  qu'un  rival  odieux 
Dont  il  crut  devoir  se  défaire. 
Il  eut  raison  ;  re  monstre  audarieui 
Aurait  fini  par  détrôner  son  père, 
EoTabir  les  temples  des  dienx. 
El  plarer  l'eufersur  la  terrt. 

Nous  nous  abstiendrons  d'énum«»rer  les 
titres  de  toutes  ses  productions;  leur 
liste  en  offrirait  plusieurs  désavoués  par 
la  d»!cence.  La  collection  des  OEiunes  de 
Mirabeau  forme  plus  de  40  volumes  ;  mais 
ou  nereclierche  quesesrfwcoM7'.y,  presque 
tout  le  reste  est  tombé  dans  le  mépris  et 
l'oubli  qui  lui  était  dû.  Ses  discours  ont 
été  réimprimés  plusieurs  fois ,  avec  plus 
on  moins  d'étendue.  On  a  publié,  Chefs- 
iCœuvreoraloires de  Mirabeau  ou  Choix, 
etc. ,  Paris,  1 822  ,  1 82S,  2  vol.  in-8  :  il  a 
paru  en  1 826  quatre  éditions  du  discours 
de  Mirabeau  sur  Véqalité  des  partages 
dans  les  successions  en  ligne  directe  , 
lu  à  l'assemblée  nationale  le  jour  de  sa 
mort  par  M.  de  Talleyrand  ,  Paris,  in-8, 
et  in-ii2.  En  1819  on  a  donné  ;  OEuvres 
oratoires  de  Mirabeau  contenant  tous  les 
discours,  opinions  et  répliques,  etc. ,  pre'- 
ce'de's  d'une  notice  historique  sur  sa  vie 
par  M.  Barthe  ,  avocat,  etc. ,  et  de  l'o- 
raison funèbre  prononcée  par  Ce'rutti 
lors  de  ses  funérailles ,  d'un  parallèle 
entre  Mirabeau  et  le  cardinal  de  Retz  , 
par  M.  le  comte  de  Boissy  d'Anglas ,  et 
des  jugemens  portés  sur  Mirabeau  par 
M.  le  comte  Garât  et  Chénier,  trois  vo- 
lumes grand  in-8.  M.  Mérilhou;a  donné 
une  édition  des  OEuvres  de  Mirabeau 
précédée  £une  notice  sur  sa  vie  et  ses 
ouvrages ,  V&Tis ,  1855-1827,9  volumes 
XI. 


Mo 


SgS 


in-8.  Enfin  M.  Chaussard  a  publié  l'ev- 
prit  de  Mirabeau  précédé  aussi  d'une 
Notice,  Paris,  1796  et  1804,  2  vol. in-8. 
Laharpe  a  porté  sur  les  talens  oratoires 
de  Mirabeau  un  jugement  exagéré  :  il 
l'appelle  le  Démosthènes  français.  Cet 
enthousiasme  pour  un  orateur  qui  ne 
raisonne  qu'avec  des  sophismes ,  n'eut 
d'ardeur  que  celle  des  passions ,  ne  sera 
pas  partagé  par  la  postérité. 

*  RIQÙETI  (  Boniface  ) ,  vicomte  de 
Mirabeau  ,  frère  du  précédent ,  né  au 
Bignon  ,  en  1754  ,  fut  député  aux  états- 
généraux  en  même  temps  que  le  fameu.i 
Mirabeau.  Il  était  entré  de  bonne  heure 
dans  le  service  militaire,  avait  fait  plu- 
sieurs campagnes  en  Amérique  pendant 
la  guerre  des  Etats-Unis  contre  l'Angle- 
terre, et  était  parvenu  an  grade  de  co- 
lonel du  régiment  de  Touraine.  Ce  fut 
la  noblesse  de  la  Sénéchaussée  de  Limoges 
qui  l'envoya  aux  états-généraux.  Le  vi- 
comte de  Mirabeau  partageait  les  vices 
de  son  frère  ;  mais  ,  en  politique ,  il  sui- 
vit une  route  tout  opposée.  .Vvec  moins 
de  profondeur  dans  l'esprit  et  moins 
d'instruction  que  le  comte,  il  avait  comme 
lui  l'art  du  sarcasme  et  les  saillies  les 
plus  vives,  et  il  en  donna  plus  d'une 
fois  des  preuves  dans  les  discussions  de 
la  tribune.  Il  yparaissart  rarement  ;  mais 
il  décochait  de  sa  place  des  phrases  pi- 
quantes et  qui  renfermaient  souvent  un 
grand  sens.  Le  comte  de  Mirabeau  parlant, 
dans  une  discussion  ,  de  laSainl-Barlhé- 
lemi ,  son  frère  ne  lui  dit  que  ce  peu  de 
paroles  :  Si  Voti  abusa  de  la  religion  pour 
opérer  les  meurtres  de  la  Saint-Barthé- 
lemi ,  des  scélérats  ont  abusé  du  nom  de 
la  liberté  pour  violer  la  demeure  des 
rois.  Il  défendit  constamment  l'autorité 
royale  ,  s'opposa  à  toutesles  innovations, 
et  lorsque  Louis  XVI  vint  à  l'assemblée 
promettre  fidélité  à  la  constitution,  il 
sortit,  et  brisant  son  épée,  il  dit: 
Puisqu'un  roi  de  France  ne  veut  plus 
rêtre  ,  un  gentilhomme  n'a  plus  besoin 
de  son  épée  pour  le  défendre.  Toujours 
en  opposition  avec  le  parti  dominant  de 
l'assemblée  ,  il  attaqua  avec  énergie  les 
mesures  qu'elle  prenait  pour  détruire  le 
clergé.  Comme  il  se  livrait  contre  les 
5o. 


394  RIQ 

anarchistes  à  des  sorties  violentes,  ne 
pouvant  parvenir  dans  une  discussion  à 
se  faire  entendre ,  il  s'écria  :  T emploie- 
rai dans  cette  discussion  la  logique  des 
poumons,  puisqu'elle  n'est  pas  moins 
nécessaire  dans  cette  assemblée  que 
celle  du  raisonnement.  Le  vicomte  aimait 
beaucoup  la  bonne  chère  et  le  bon  vin , 
ce  qui  lui  causa  un  embonpoint  extraor- 
dinaire ,  qui  le  At  surnommer  Mirabeau 
Tonneau.  Il  paraissait  quelquefois  à  l'as- 
semblée dans  un  état  voisin  de  l'ivresse  ; 
et  son  frère  voulant  lui  faire  quelques  re- 
présentations ,  il  répondit  :  De  quoi  vous 
plaignez-vous  ?  De  tous  les  vices  de  la 
famille  vous  ne  m'avez  laissé  que  celui- 
là.  Paroles  qui  s'accordent  parfaitement 
avec  celles  qu'on  lui  prête  dans  une  autre 
circonstance  ,  oîi  il  disait  :  Dans  toute 
autre  famille ,  je  passerais  pour  un  mau- 
vais sujet  et  pour  un  Iwmme  d'esprit  ; 
dans  lamienne,  on  me  tient  pour  un  sol, 
mais  pour  un  homme  rangé.  Le  régi- 
ment deTouraine,  dont  il  était  colonel , 
s'étant  insurgé  à  Perpignan  en  1790,  il 
s'y  rendit  ;  mais  n'ayant  pu  y  rétablir 
la  discipline  ,  il  repartit,  emportant  avec 
lui  les  cravattes  des  drapeaux.  Arrêté 
pendant  quelques  jours  pour  cette  dé- 
marche hardie  ,  il  fut  relâché  ,  et  sortit 
de  France.  A  peine  arrivé  aux  froutières, 
il  envoya  sa  démission  à  l'assemblée, 
protestant  contre  tout  ce  qu'elle  avait 
fait  et  tout  ce  qu'elle  ferait ,  et  leva  une 
légion  qui  acquit  une  grande  réputation 
de  bravoure  :  cette  légion  fut  réunie 
plus  tard  à  l'armée  de  Condé.  Le  vicomte 
de  Mirabeau  fut  compris  dans  le  décret 
rendu  le  deux  janvier  1792  contre  les 
princes  frères  du  roi  et  d'autres  person- 
nages marquans.  Bon  royaliste  et  excel- 
lent militaire ,  le  vicomte  de  Mirabeau 
aurait  pu  rendre  de  grands  services  à  la 
cause  qu'il  défendait  ;  mais  ses  excès , 
autant  peut-être  qu'une  fluxion  de  poi- 
trine dont  il  fut  atteint,  abrégèrent  ses 
jours.  Il  mourut  vers  la  fin  de  1792,  à 
Fribourg  en  Brisgaw.  Il  cultiva  avec 
((uelques  succès  la  poésie  légère ,  et  don- 
na des  chansons  et  des  satires  ,  où  il  ri- 
diculisait les  innovations  du  temps.  On 
a  eucore  de  lui  une  brochure  qui  a  pour 


RIS 

titre,  Foyage  national  de  Mirabeau 
cadet ,  1 790  :  il  raconte  les  excès  révolu- 
tionnaires ,  dont  il  faillit  être  la  victime 
pendant  son  voyage  de  Perpignan  ,  et  il 
le  fait  avec  beaucoup  de  verve  et  de 
gaieté. 

RISBECH  ou  Riesbeck  (Gaspard), 
né  en  1750  àHoechst  près  de  Francfort  , 
eut  pour  père  un  négociant  assez  riche  , 
qui  l'envoya  dans  cette  dernière  ville 
pour  s'y  appliquer  au  droit  :  mais  une 
imagination  brûlante  et  un  caractère  im-  | 
pétueux  rendirent  le  jeune  Risbeck  peu  f 
propre  à  l'étude  des  lois.  A  cette  époque 
régnait  en  Allemagne  une  secte  dont  les 
principes  dangereux  n'ont  formé  que  trop 
de  prosélytes  :  elle  s'appelait  la  Secte 
des  génies  par  excellence  (  Cep  Geuie 
Vesen  }.  Ses  principes  fondamentaux 
étaient  le  mépris  souverain  des  conve- 
nances sociales,  l'éloignement  pour 
toute  affaire  quelconque.  Ses  partisans 
regardaient  comme  au  dessous  d'eux  les 
emplois ,  les  engagemens  politiques ,  les 
fonctions  qui  exigent  un  travail  suivi  ; 
enfin  la  liberté  était  l'idole  chimérique 
qu'ils  encensaient,  et  à  laquelle  ils  sacri- 
fiaient toutesles  réalités  ;  espèce  Atsans- 
culottisme  qui  préludait  à  celui  de 
France.  Kisbeck  ne  fut  point  des  derniers 
a  se  rendre  auprès  de  ces  nouveaux  Dio- 
gènes  ;  mais  il  dissipa  en  peu  de  temps 
le  bien  dont  il  avait  hérité ,  et  se  vit  ré- 
duit ,  pour  subsister ,  à  se  mettre  aux  ga  - 
ges  des  libraires.  Il  écrivit  des  Lettres 
sur  les  moines  ,  telles  qu'un  homme  pas- 
sionné et  fanatique  pouvait  en  écrire  ;  il  .  . 
répandit  les  mêmes  fureurs  contre  les 
prêtres  et  les  catholiques  en  général, 
dans  son  Foyage  d' Allemagne ,  traduit 
en  français ,  Paris ,  1788,  3  vol.  in-8. 
'(  Qu'on  se  représente  ,  dit  un  bibliogra- 
»  phe ,  un  jeune  homme  empreint  de 
u  tous  les  délires  du  philosophisme ,  et , 
>>  de  plus,  d'une  forte  dose  de  préjugés 
>  protestans,  qui  parcourt  l'.Vllemagne 
»  à  pied ,  dans  un  état  à  ne  pouvoir  guère 
"  fréquenter  que  les  dernières  classes  de 
»  la  société,  et  qui  dans  sa  course  pro- 
)'  nonce  définitivement  sur  la  politique., 
yi  la  religion ,  les  mœurs ,  les  cours  et 
»  les  princes  ;  et  l'on  aura  une  idée  juste 


k 


RIS 

«  de  ce  voyageur.  Sa  grande  règle  est  de 
"  trouver  affreus  tout  ce  qui  est  catholi- 
)i  que  et  déporter  jusqu'aux  nues  tout  ce 
«  qui  tient  ou  à  l'esprit  de  secte  ou  à 
n  l'impiété  dominante  du  siècle,  j^  Il  a 
consigné  les  mêmes  écarts  dans  une 
prétendue  Histoire  (t Allemagne,  qu'il 
laissa  manuscrite.  Réduit  à  la  misère ,  il 
s'isola  dans  le  village  d'Arau  en  Suisse  , 
oii  il  ne  connut  plus  d'autre  société  que 
celle  des  cabarets ,  et  où  il  mourut  le  5 
lévrier  1786.  Dans  ses  ouvrages,  il  a  pris, 
ou  les  éditeurs  lui  ont  donné ,  le  titre  de 
baron  ;  mais  il  est  certain  qu'il  n'était  ni 
baron  ni  noble.  Voyez  \eJourn.  hist.  et 
litt.,  1" avril  1788,  pag.  478.  (Le prince 
Boris  de  Galitzin  a  publié,  dans  le  Mer- 
cure d'août  1788,  une  Notice  fort  inté- 
ressante sur  cet  auteur.) 

*  RISCALTA  (Pierre  ] ,  historien ,  na- 
quit à  Pavie  vers  1310,  et  fut  un  des 
hommes  les  plus  éclairés  de  son  temps. 
11  occupa  plusieurs  places ,  soit  à  Milan, 
soit  dans  d'autres  villes  de  la  Lombardie, 
et  mourut  en  1374.  On  lui  doit  une  Hii- 
toire  de  Pavie  jusqu'à  l'année  de  la  mort 
de  l'auteur ,  publiéepar  Christophe  Pog- 
giali,  en  1577,  12  vol.  in-4',  avec  un 
grand  nombre  d'additions  faites  par  Jac- 
ques de  Mois. 

RISIUS  (  SergiusJ ,  savant  maronite  , 
archevêque  de  Damas ,  florissait  dans  le 
17*  siècle.  C'est  par  ses  soins,  par  ceux  de 
Guadagnoli  et  de  Pierre  Golius  qu'a  été 
publiée  la  Bible  arabe ^  Rome,  1671. 
Voyez  GoLius  Pierre. 

RIST  (  Jean),  né  à  Pinnebergen  1607, 
fut  pasteur  à  Wedel  sur  rElbe,comte  pa- 
latin impérial  et  conseiller  ecclésiasti- 
que du  duc  de  Meckelbourg ,  et  mourut 
en  1667 ,  après  avoir  fondé  la  société  du 
Cigne.  Ses  principales  OEuvres  sont  :  1" 
Hortus  poeticus  ;  2°  Theatrum  poeti- 
cum;  Z°  Parnassus poeticus  ;  4°  Vindi- 
ciœ  Unguœ  germanicœ  ;  5°  Musa  teu 
tonica;  6°  un  poème  allemand,  intitulé  ; 
Galate'e  et  Florabelle,  etc. 

*  RISTEAU  (  François } ,  négociant  de 
Bordeaux ,  où  il  naquit  en  1714,  fut 
directeur  de  la  compagnie  des  Indes. 
Le  roi  le  chargea  en  1771  de  négocia- 
tions importantes  auprès  du  gouverne- 


RIS  395 

ment  anglais ,  et  il  s'en  acquitta  avec 
honneur.  Ami  intime  de  .Montesquieu ,  il 
ne  put  endurer  avec  patience  les  criti- 
ques assez  sévères  qu'on  publia  contre  ce 
dernier  au  sujet  de  l'ouvrage  auquel  il 
doit  principalement  sa  réputation.  Ris- 
teau  fit  paraître  à  son  tour  une  défense 
énergique  qui  a  pour  titre  ;  Réponse  aux 
observations  sur  l'Esprit  des  lois ,  175», 
in-12.  On  trouve  dans  cet  écrit  des  pen- 
sées justes,  de  l'éloquence  et  une  logique 
pressante ,  qui  parfois  persuade  et  acca- 
ble les  adversaires  de  Montesquieu;  mais 
il  n'est  pas  partout  victorieux.  Risteau 
mourut  en  1784. 

*  RITCHIE  (  Joseph  )  ,  wyageur  an- 
glais ,  né  en  1790  à  Otley  dans  le  York- 
shire,  était  secrétaire  du  consulat  anglais 
à  Paris  ,  lorsqu'il  apprit  que  son  gouver- 
nement ,  sur  l'invitation  du  dey  de  Tri- 
poli ,  se  proposait  d'envoyer  un  agent 
dans  l'intérieur  de  l'Afrique.  Passionné 
pour  les  voyages  lointains  ,  il  sollicita 
cet  emploi ,  fut  accepté  et  s'embarqua  à 
la  fin  de  1818  ,  avec  un  jeune  Française 
fort  habile  dans  l'art  de  préparer  et  de 
conserver  les  objets  d'histoire  naturelle. 
Ils  s'étaient  revêtus  du  costume  maure 
pour  pénétrer  plus  facilement  dans  le 
pays;  mais  Ritchie  se  ressentit  bientôt 
de  l'influence  maligne  du  climat  ,  et 
après  plusieurs  mois  de  souffrance  ,  il 
succomba  le  20  novembre  1819.  Le  capi- 
taine Lyon,  officier  de  marine  avec  lequel 
il  s'était  embarqué  à  Malte  ,  et  qui  lui- 
même  avait  été  fort  incommodé  de  ce 
voyage  ,  revint  en  Europe  ,  et  publia  k 
Londres  en  1821 ,  in-4  ,  le  récit  de  cette 
expédition  ,  qui  a  servi  à  mieux  faire 
connaître  le  Fezzan.  Cette"  relation  a  été 
traduite  en  français ,  mais  beaucoup  abré- 
gée par  Edme  Gaultier ,  Paris,  1821  ,  2 
vol.  in-18.  On  y  trouve  des  détails  in- 
téressans  sur  les  aventures  du  voyage  et 
sur  les  contrées  qniont  été  visitées. 

RITHOYIUS.  Voyez  Balduin. 

*  RITSON  (  Joseph  ,  jurisconsulte  et 
écrivain  anglais ,  naquit  à  Stocktoni^r- 
Tees  en  1752.  Il  étudia  les  lois,  î^SÊ^ 
taire  au  collège  de  justice  de  Gray.  Il 
acheta  en  1 785  la  chargedc  bailli  des  im- 
munités de  Savoie ,  et  dans  l'un  et  l'au- 


396  aiT 

tre  emploi  il  se  fit  peu  aimer  par  son 
caractère  caustique  et  turbulent.  Outre 
cette  liumeur  irascible  et  peu  eudurante, 
c'était  un  homme  des  plus  faux  et  des 
plus  dissimulés.  Il  avait  cependant  une 
instruction  peu   commune,    cultiva  la 
poésie  avec  assez  de  succès ,  et  se  distin- 
gua surtout  par  une  critique  parfois  mor- 
dante ,  mais  profonde.  Il  a   laissé  plu- 
sieurs ouvrages  ,  paimi  lesquels  nous  ci- 
terons lessuivans,  savoir  :  1°  Observa- 
I  iioris  sur  Johnson ,  et  sur  la  septième 
édition   de  Shakespeare:   2°   Examen 
rapide  de  l'édition  de  Shakespeare  ,de 
Malone  ;  3°  Observations  sur  V Histoire 
de  la  poésig   anglaise  de  tVarton;  -i" 
Décadence  de  la  couronne  d^ Angleterre; 
i>°  Manuel  lacédémonien  ;  6"  Antholo- 
gie anglaise  ;  7°  Bibliographie  poétique. 
Ces  ouvrages  sont  fort  bons ,  et  les  meil- 
leurs qui  soient  sortis  de  la   plume  de 
Kitson.  8°  Recueil  de  chansons  anglai- 
ses,  3  vol.  j  9°  Recueil   de   cliansons 
écossaises ,  2  vol.  ;  10°  Jîemances,  3  vol.; 
11°    Traité  de  V abstinence  de  la  chair 
des  animaux.  Ritsou  écrivait  d'un  stile 
assez  pur ,  mais  souvent  trop  concis ,  et 
on  trouve  parfois  dans  ses  productions 
des  idées  bizarres  et  dignes  de  son  carac- 
tère   difficile  et  original.  Il  avait   entre 
autres  singularités  celle  de  vouloir  corri- 
ger l'ortbographe  anglaise,  en  retranchant 
plusieurs  diphthongues  très  nombreuses 
dans  cette  langue  ,  mais  sans  lesquelles 
elle  deviendrait  inintelligible;  mais  heu- 
reusement sa  méthode  n'a  pus  été  adop- 
tée. Il  mourut  en  1703. 

RITTANGELIUS  (  Jean-Etienne  ),  de 
Forcheim ,  au  diocèse  de  Bamberg ,  de 
catholique  romain  était  devenu  juif,  et 
de  juif  il  se  fit  luthérien ,  suivant  quel- 
ques auteurs.  On  a  de  lui  des  Notes  sur 
le  livre  intitulé  Jezirach  [  voyez  Abra- 
ham ) ,  où.  il  soutient  que  la  Paraphrase 
chaldaïque  fournit  des  argumens  contre 
lesJuifsetcontre  les  antitrinitaires.  Cette 
proposition  fut  attaquée  parun  socinien , 
Guillaume-Henri  Vorstius,  qui  se  cacha 
s<m|^  nom  d'Ironopolita.  Biltangelius 
sè'H^ndit  par  un  traité  qu'il  intitula 
Libra  veritatis ,  1698  ,  et  qu'il  dédia  à 
Jean  Casimir  ,  roi  de  Pologne.  Il  mourut 


RIT 

ver$  16  52,  professeur  en  langues  orien- 
tales dans  l'académie  de  Kœnigsberg. 
Nous  avons  de  lui  :  1"  un  traité  de  Ve- 
ritate  religionis  christianœ,  Franeker  , 
1699  ;  2°  des  Lettres;  3°  une  Traduc- 
tion allemande  des  prières  que  les  Juifs 
font  dans  leurs  synagogues  le  premier 
jour  de  chaque  année ,  et  d'autres  écrits. 

*  RITTEINHOUSE  (  David  ) ,  fameux 
mathématicien,  etmécanicien,  né  enl  7  32 
à  Germantown  dans  la  Persylvanie ,  mort 
en  1 796,  dans  la  6à  '  année  de  son  âge,  a 
succédé  à  Francklin  dans  la  présidence  de 
la  société  américaine;  et  depuis  l'indépen- 
dance del'Amérique  il  exerça  la  charge  de 
trésorier  de  l'état.  Il  a  imaginé  un  plani- 
sphère qui  représentait  les  révolutions  des 
corps  célestes,  plus  complètement  et  plus 
exactement  qu'aucun  autre  n'avait  fait 
jusqu'alors.  Ses  instrumensde  mathéma- 
tiques étaient  regardés  comme  supérieurs 
à  tous  ceux  qu'on  apportait  de  l'Europe. 
Il  fut  chargé  en  1769  d'observer  dans 
la  ville  de  Norton  uu  passage  de  Vénus , 
annoncé  pour  le  3  juin  1769.  Il  constata 
aussi  le  passage  de  Mercure  le  9  novem- 
bre suivant ,  et  fut  nommé  en  1775  l'un 
des  commissaires  pour  juger  la  dispute 
élevée  entre  la  Pensylvanie  et  la  Virginie, 
à  l'occasion  de  la  fixation  des  limites.  Les 
travaux  de  ce  savant  sont  insérés  dans  les 
transactions  de  la  société  américaine  . 
son  Eloge  a  été  publié  par  Ruscb,  Phila- 
delphie, 1797,  in-8. 

RITTER  ou  RicHTKR  (Jean -Guil- 
laume), physicien  allemand,  né  en  1776 
à  Samitz  enSilésie,  d'une  famille  obscure 
et  peu  riche  ,  se  consacra  néanmoins  à 
l'étude  avec  une  ardeur  peu  commune  , 
et  malgré  son  peu  de  moyens  pécuniaires, 
parvint  à  se  faire  recevoir  médecin  à  léna; 
mais  il  s'occupa  spécialement  des  phéno- 
mènes dits  galvaniques,  et  de  l'électricité 
développée  par  le  contact  des  métaux  et 
d'autres  substances  ;  il  a  fait  à  ce  sujet 
plusieurs  expériences  ingénieuses  ,  qui 
lui  ont  ouvert  eu  1 804  les  portes  de  l'a- 
cadémie de  Munich.  Sa  mort  prématurée, 
arrivée  le  23  janvier  1810  ,  fut  attribuée 
à  son  intempérance.  Il  ne  faut  pas  toujours 
s'en  rapporter  aux  conséquences  qu'il 
déduisait  de  ses  expériences  ;  car  la  viva- 


RIU 

cité  de  son  imagination  le  portait  souvent 
à  conclure  bien  au  delà  de  ce  que  les 
faits  prouvaient  réellement.  Ritter  a  pu- 
blié les  ouvrages  siiivans  :  \°  Preuve  que 
Vaction  de  la  vie  est  toujours  accompa- 
gnée de  galvanisme,  Weimar ,  1798; 
2°  Contributions  pour  la  connaissance 
plus  particulière  du  galvanisme  ,  léna  , 
J 801,  2  vol.  in-8  ;  3°  Mémoiies physico- 
chimiques, Leipsick  ,  1806  ,  3  vol.  in-8  ; 
4"  Fragment  tire's  de  la  succession  d'un 
jeune  physicien  ,  Heidelberg ,  1810,  2 
vol.  in-8  ,  et  un  grand  nombre  de  Me'- 
moires  ,  Dissertations  ,  etc.  ,  dans  le 
Magasin  d'histoire  naturelle  de  Voigt , 
dans  les  Annales  de  physique  de  Gilbert, 
dans  le  Journal  de  physique  et  de  chimie 
de  Gehlen  ,  et  autres  ouvrages  périodi- 
ques. —  Il  y  a  un  autre  médecin  et  chi- 
miste allemand  (  Jérémie-Benjamin  )  , 
né  aussi  en  Silésie ,  à  Hirschberg  ,  en 
1762,  mort  en  1 807 ,  qui  fut  directeur  de 
la  société  pharmaceutique  de  Berlin  ,  et 
attaché  à  la  manufacture  de  porcelaine 
de  cette  ville.  Celui-ci  a  public  :  1°  Sur 
les  nouveaux  objets  de  la  chimie  ,  Bres- 
lau,  1791-1802,  2  cahiersin-8  ;  2°  Elé- 
mens  de  la  stœchpomttrie  ,  ou  Art  de 
mesurer  les  élcmens  clUmiques  ,  Breslau, 
1792-94  ,  3  vol.  in-8.  Il  a  aus.si  rédigé 
les  tomes  3  et  G  ,  et  le  Supplément  du 
Dictionnaire  de  chimie ,  commencé  par 
Bourguet ,  et  il  a  coopéré  à  plusieurs 
journaux  de  physique  et  de  chimie. 

RITTERSHUYS  (Conrad)  ,  Ritter- 
shusius ,  jurisconsulte  de  Brunswick, 
est  auteur  et  éditeur  d*..a  çrand  nombre 
d'ouvrages  dans  lesquels  in  remarque 
beaucoup  de  critique  et  d'érudition.  -Il 
mourut  à  Altorf,  l'an  1613  ,  où  il  était 
professeur  en  droit.  "Son  fils ,  Nicolas 
BiTTEBsnuYS  ,  né  à  Altorf,  en  1 597  ,  s'ap- 
pliqua à  l'élude  de  l'histoire  des  généa- 
logies ,  des  mathématiques ,  de  la  Littéra- 
ture grecque  et  latine,  et  mourut  eu 
1670,  professeur  de  droit  féodal.  On  a 
de  lui  un  ouvrage  intitulé  :  Genealogiœ 
imperatorum ,  regum ,  ducum ,  comi- 
tum,  etc.  Tubiugen,  1664,  7  tomes 
in-fol. 

RlUPÉROUX  (  Théodore  de  ) ,  né  à 
Hontauban,  en  1664,  d'un  avocat  du  roi 


RIV  397 

de  cette  ville ,  porta  d'abord  le  petit 
collet  et  obtint  un  canonicat  à  Forcal- 
quier.  11  quitta  ensuite  l'état  ecclésiasti- 
que ,  et  obtint  une  charge  de  commis- 
saire des  guerres.  Il  mourut  à  Paris ,  en 
1706  ,  à  42  aas,  laissant  quatre  Tragé- 
dies ,  dont  les  vers  sont  faciles  et  cou- 
lans,  mais  sans  force  et  sans  chaleur. 
On  a  aussi  de  Riupéroux  quelques  petites 
pièces  de  vers,  telles  qu'une  Epitre,  le 
Portrait  du  sage  ,  etc. ,  répandues  dans 
différens  recueils.  Il  était  secrétaire  du 
marquis  de  Créqui.  Ce  seigneur,  devant 
jouer  avec  le  roi,  avait  conservé  1,000 
louis  pour  cette  occasion ,  qu'il  mit  en 
dépôt  entre  les  mains  de  son  secrétaire , 
afin  de  n'être  point  tenté  de  les  dissiper 
ailleurs.  Riupéroux  les  alla  jouer ,  et  les 
perdit.  C'était  cependant  l'homme  qui 
avait  fait  le  Portrait  du  sage. 

*RIVALS  (Jean-Pierre),  peintre  et  ar- 
chitecte ,  né  à  la  Bastide  d'Anjou ,  en 
1626  ,  fut  élève  d'Ambroise Frédeau  ,  re- 
ligieux domicilié  à  Toulouse.  Après  la 
mort  de  ce  maître ,  il  passa  en  Italie,  fixa 
son  séjour  à  Rome  ,  oîi  il  étudia  les  bons 
modèles,  et  revint  à  Toulouse  au  bout 
de  neuf  ans.  Il  y  fut  nommé  peintre  et 
architecte  de  l'hôtel-de-ville ,  dans  le- 
quel il  travailla  plusieurs  années  ;  mais 
on  n'y  trouve  plus  de  ses  ouvrages.  Ils 
ont  été  presque  tous  détruits  par  les 
Vandales  de  1793.  Rivais  fut  nommé  par 
le  roi  surintendant  des  chemin» ,  ponts 
et  chaussées  de  la  province.  Il  enrichit 
de  plusieurs  de  ses  productions,  alors 
assez  estimées ,  différens  cabinets  de  la 
ville  de  Toulouse ,  où  l'ou  remarque  sur- 
tout de  cet  artiste  le  beau  palais  de  Malte, 
où  résidait  le  grand-prieur  de  Toulouse. 
11  est  mort  en  1706;  son  fils  Antoine  , 
La  Fage ,  Marc  Arcis ,  furent  ses  élèves. 

*  RIVALS  (  Antoine  ),  peintre,  mortà 
Toulouse,  en  1733,  âgé  de*  68  ans  ,  eut 
pour  maître  son  père,  Jean-Pierre  {voyez 
l'article  précédent  ) ,  de  Toulouse.  An- 
toine vint  à  Paris,  et  partit  ensuite 
pour  l'Italie.  Il  remporta  le  premier 
prix  de  peinture  de  l'académie  de 
Saint-Luc  ,  à  Rome  ,  et  le  cardinal  Al- 
baai,  depuis  Clément  XI,  le  couronna. 
Ce  maître  fut  appelé  à  Toulouse ,  où  U 


BgS  RIV 

remplit  avec  distinction  les  places  de 
son  père.  Il  avait  une  touche  ferme,  un 
pinceau  vigoureux  ;  son  dessin  est  cor- 
rect ,  ses  compositions  ingénieuses.  (Il  a 
laissé  plusieurs  tableaux  estimés ,  la  plu- 
part relatifs  à  l'histoire  de  Toulouse.  Il 
a  aussi  gravé  plusieurs  planches  avec  ta- 
lent, et  il  est  mort  le  7  décembre  1736. 
11  y  a  eu  plusieurs  autres  graveurs  esti- 
més du  même  nom  et  de  la  même  famille.) 

RIVARD  (Dominique-François },  ma- 
thématicien ,  né  à  Neufchâteau  en  Lor- 
raine, en  1697,  fit  ses  études  à  Paris, 
et  y  obtint  une  chaire  de  pftlosophie  au 
collège  de  Beauvais,  qu'il  quitta  en  1749 
à  la  mort  de  Coffin ,  principal  de  ce  col- 
lège. Rivard  mourut  en  J7,78.  On  voit 
par  ses  ouvrages  qu'il  s'était  entièrement 
dévoué  à  sa  profession  ;  tels  sont:  1" 
Institutiones philosophie œ ,  1778  ,  4  vol. 
in-12  ;  2°  Elémens  de  mathématiques  , 
in-i  ;  3°  Elémens  de  géométrie ,  in-4;  4" 
Traité  de  la  sphère  ,  in- 8  ;  5"  une  Gno- 
monique,  in-8;  6°  Table  des  sinus, in-S;  1" 
Trigonométrie  rectiligne ,  in-8 .  Ces  ou- 
vrages sont  écrits  avec  clarté  ,  quoiqu'un 
peu  diffus. 

*  RIVAROL  (  Antoine  ,  comte  de }  , 
écrivain  spirituel  ,  naquit  le  17  avril 
1757  d'une  famille  pauvre  et  obscure , 
à  Bagnols  ,  en  Languedoc.  Son  père,  ne 
trouvant  d'autres  moyens  d'existence  , 
se  fit  aubergiste.  Le  jeune  Rivarol ,  des- 
tiné à  l'état  ecclésiastique  ,  fut  envoyé  à 
Avignon  ,  et  plus  tard  au  collège  de  Sain- 
te-Barbe ;  mais  son  caractère  ,  naturelle- 
ment inquiet,  léger  et  satirique,  ne  pou- 
vait guère  s'accommoder  d'éludés  sérieu- 
ses ,  ni  d'un  état  si  peu  fait  pour  ses  in- 
clinations. Il  quitta  la  soutane,  vint  vers 
1775  à  Versailles,  et  fut  pendant  quelque 
temps  précepteur  des  enfans  de  M.  Hono- 
rât!. Il  avait  la  manie  des  grandeurs  ;  et , 
pour  faire  oublier  ou  cacher  son  origine, 
il  se  faisait  appeler  l'abbé  de  Parcieux  , 
cl  cherchait  à  faire  croire  qu'il  était  de  la 
famille  du  célèbre  savant  de  ce  nom  , 
mort  en  1766  ;  mais  un  neveu  deoelui-ci 
le  força  bientôt  à  reprendre  son  véritable 
nom.  Il  vint  à  Paris  en  1784.  Plusieurs 
Lettres  ({w'W  publia  sur  les  aérostats. 
les  têtes  parlantes  de  l'abbé  Mical ,  etc., 


RfV 

lui  acquirent  de  la  réputation  et  le  por- 
tèrent à  la  rédaction  du  Mercure.  Son 
Discours  sur  l'univermlité  de  la  langue 
française  fut  couronné,   en  1785  ,  par 
l'académie   de  Berlin  ,    oîi   il  fut  reçu 
comme   membre  quelque  temps   après. 
C'est  à  cette  occasion  qu'il  publia  son 
Epître  au  roi  de  Prusse  ,  épître  qui  ob- 
tint beaucoup  de  succès.  Se  livrant  en- 
suite ù  son  goût  naturel  pour  la  satire  , 
il   fit  la   guerre   aux   écrivains   de  son 
temps  ,  dans  un  ouvrage  intitulé  :    Le 
petit  almanach  de  nos  grands  hommes  , 
1788  ,  in-12  :  ce  livre  fut  plusieurs  fois 
réimprimé  et  toujours  avec  un  nouveau 
succès.  Il  n'épargnait  dans  ses  paroles  , 
comme  dans  ses  écrits  ,  ni  ses  collègues, 
ni  même  ses  amis  les  plus  intimes.  Il  s'a- 
visa de  ridiculiser  Garât ,    avec  lequel  il 
travaillait  au  Journal  de  Panckoucke  ; 
Garât  fut  le  plus  fort  ,  et  parvint  à  faire 
chasser  son  satirique  adversaire.  Rivarol 
s'amusa  à  faire  une  critique  sur  le  poème 
des  Jardins  de  l'abbé  Delille  ,  qu'il  pu- 
blia sous  la  forme  d'un  dialogue  entre  un 
chou  et  un  navet.  En  France  ,  et  à  Paris 
surtout,  on  aime  à  rire,  et  quelque  éloge 
qu'eût  mérité  le  poème  de  Delille  ,   le 
Dialogue  du  chou  et  du  navet  fut  trouvé 
assez  plaisant ,  et  eut  une  vogue  prodi- 
gieuse.  L'humeur  mordante  de  Rivarol 
lui  avait  fait  beaucoup  d'ennemis  ;  il  ne 
pouvait  vivre  en  paix  avec  personne.  Il 
s'ennuya  bientôt  de  sa  femme,  fille  d'un 
AnglaisétabliàParis.  Celte  union  n'avait 
pas  été  heureuse  ,  et  Rivarol  s'en  dédom- 
magea en  se  déchaînant  contre  l'hymen. 
Il  fut  cependant  attaché  aux  bons  prin- 
cipes ;  lors  de  la  révolution,  il  se  déclara 
hautement  pour  la  monarchie,  et  rédigea, 
conjointement  avec  Peltier  et  autres  ,  le 
journal  intitulé  :  Les  Actes  des  apôtres. 
On  crut  d'abord  que  ce  dévouement  de 
sa  part  n'était  pas   désintéressé  ;    mais 
l'expérience  prouva  dans  la  suite  la  faus- 
seté de  cette  opinion.  Trouvant  le  sol  de 
la  France  trop  dangereux  pour  ceux  qui 
ne  suivaient  pas  les  maximes  du  jour  ,  il 
essaya  d'émigrer  ;  mais  il  fut  arrêté  à  Ab- 
beville  par  la  garde  nationale.  Il  publia 
alors  une  Relation  assez  piquante  de  son 
voyage  ,  dans  laquelle  il  lançait  plusieurs 


à 


RIV 

Iraits  contre  la  révolution  ,  contre  diffé- 
rens  démagogues  qui  y  figuraient,  et 
surtout  contre  M .  de  La  Fayette.  Il  fut  plus 
heureux  dans  sa  fuite  en  1  "92  ,  et  se  ré- 
fugia à  Hambourg,  où  il  fut  contraint  de 
se  mettre  aux  gages  d'un  libraire  ,  qui 
le  reçut  chez  lui  et  pourvut  à  toutes  ses 
dépenses.  Il  eut  de  Rivarol  la  promesse 
solennelle  qu'il  s'acquitterait  envers  lui 
par  des  ouvrages  dont  sa  réputation  assu- 
rerait le  succès.  Mais  le  libraire  voyant 
qu'il  ne  remplissait  pas  cette  promesse , 
lui  fit  connaître  son  mécontentement. 
Rivarol  partit,  et  lui  laissa  pour  paiement 
quelques  ouvrages  ébauchés  qui  peut-être 
ne  verront  jamais  le  jour.  De  là  il  se  ren- 
dit à  Berlin  ,  et  fut  bien  accueilli  du 
monarque  et  du  prince  Henri.  11  vivait 
dans  cette  capitale,  sinon  au  milieu  des 
richesses  ,  au  moins  dans  une  honnête 
aisance.  Il  regrettait  cependant  sa  patrie, 
et  il  écrivait  à  un  de  sesamis  :  «La vraie 
)'  terre  promise  est  en  effet  la  terre  où 
»  vous  êtes  ;  je  la  vois  de  loin  ,  je  désire 
!)  y  revenir ,  et  je  n'y  rentrerai  peut-être 
»  jamais.  »  Sa  prédiction  s'accomplit ,  il 
mourut  à  Berlin  le  II  avril  1801  ,  et  a 
laissé:  i"  Discours  sur  V  universalité  de 
la  langue  française.  Si  l'auteur  ,  dans 
cet  ouvrage,' s'était  contenté  de  prouver 
l'universalité  de  celte  langue  par  les 
chefs-d'œuvre  que  la  littérature  a  pro- 
duits, et  par  le  juste  éloge  des  écrivains 
illustres  qui  l'ont  répandue  par  leurs  ta- 
lens  dans  toute  l'Europe  ,  on  n'aurait 
trouvé  dans  l'opinion  de  Bivarol  rien  qui 
ne  fût  vrai  el  fondé  sur  1  avis  général  de 
toutes  les  nations  policées  ;  mais  il  a 
voulu  critiquer  les  littératures  des  na- 
tions étrangères ,  qu'il  ne  possédait  pas 
assez  ,  il  n'en  parle  par  conséquent  que 
d'une  manière  très  superficielle  ;  il  fonde 
en  outre  le  mérite  de  la  langue  française 
sur  les  défauts  des  autres  langues  ,  qu'il 
ne  connaissait  pas  non  plus  (  l'italienne 
exceptée  ).  L'immense  variété  de  la  lan- 
gue allemande  ,  la  concision  énergique 
de  l'anglaise ,  la  majesté  de  l'espagnole  , 
la  vigueur  ,  la  douceur  et  l'harmonie  de 
l'italienne  ,  sont  des  qualités  qui  dispa- 
raissaient à  ses  yeux  pour  n'y  trouver 
que  des  raisons  de  critique  ,  ainsi  que 


RIV  399 

sur  les  noms  justement  célèbres  de  Klop- 
stock  ,  Hume ,  Kobertson  ,  Milton ,  Ma- 
riana  ,  Ferreras  ,  Escilla  ,  Machiavel , 
Guicciardini,  Davila,  l'Arioste,  le  Tasse, 
etc.  Excepté  cette  prévention  souvent 
injuste  de  la  part  de  Bivarol ,  le  reste  de 
son  ouvrage  prouve  en  lui  l'homme  de 
goût  ,  doué  d'un  talent  peu  ordinaire. 
2°  V Enfer  ,  imité  du  Dante  ,  Londres 
(  Paris  ),  17.80  ,  in-8.  Il  faut  une  connais- 
sance très  approfondie  de  la  langue  ita- 
lienne pour  traduire  fa  poésie  dans  un 
autre  idiome  ,  et  encore  davantage  pour 
comprendre  plusieurs  passages  du  poète 
toscan  ;  les  divers  commentaires  qu'on 
trouve  dans  les  éditions  multipliées  de 
ce  poème  ne  suffisent  pas  toujours  pour 
les  éclaircir.  Il  n'est  donc  pas  étonnant 
que  Rivarol  ,  même  dans  une  simple  imi- 
tation, ait  commis  plusieurs  contre-sens, 
et  ait  altéré  parfois  le  véritable  esprit  du 
poème  italien .  Quant  à  l'ouvrage  français, 
nous  le  jugeons  bien  écrit  et  digne  de  la 
plume  facile  de  Rivarol ,  qui  sait  peindre 
et  intéresser.  3°  Lettre  à  M.  Neckersur 
Vimportatice  des  opinions  religieuses  , 
Berlin  ,  1787.  Cette  petite  brochure  fait 
honneur  aux  principes  de  l'auteur.  4° 
Lettre  à. M.  Nccker  sur  la  morale,  etc., 
même  année.  Ces  deux  Lettres  ont  été 
réimprimées  dans  le  tome  2  des  Chefs- 
d'œuvre  littéraires  et  politiques  de  la  fin 
du  18*  siècle  ,  1788  ,  3  vol.  in-8  ;  5°  Pe- 
tit almanach  des  grands  hommes  ,  1 788, 
in-12.  C'est  une  satire  violente,  et  trop 
longue  pour  qu'elle  puisse  amuser  ,  con-; 
treles  poètes  médiocres  de  cette  époque. 
Ceux-ci  s'en  vengèrent  surRivai'ol  ,  non 
seulement ,  dit-on  ,  par  des  injures  ,  mais 
par  des  voies  de  fait ,  qui  n'empêchèrent 
cependant  pas  que  son  almanach  n'eût 
un  grand  nombre  d'éditions.  6"  Lettre 
à  la  noble f se  française,  1792,  in-8  , 
dans  laquelle  l'auteur  se  montre  un  par- 
fait royaliste  ;  7°  Fie  politique  de  M.  de 
La  Fayette ,  1792  :  8"  Prospectus  d^un 
nouveau  dictionnaire  de  la  langue  fran- 
çaise ,  suivi  d'un  discours  sur  les  facul- 
tés intellectuelles  et  morales  des  hom- 
mes,  Hambourg,  1797,  in-8.  Cet  ou- 
vrage, chargé  de  métaphores  et  d'images  . 
souvent  peu  justes  ,   finit  par    fatiguer  , 


4oo  RIV 

le  lecteur  ,  ainsi  qu'il  arrive  dans  bien 
d'autres  productions  de  Rivarol  ,  qui  ont 
ces  mêmes  défauts.  On  raconte  que  le 
libraire  aux  gages  duquel  il  était ,  pour 
l'obliger  à  finir  cet  ouvrage  ,  l'enferma 
chez  lui  et  mit  des  sentinelles  à  sa  porte. 
9»  Lettre  à  M.  le  président  de  ...  sur  le 
globe  aérostatique,  sur  les  têtes  parlan- 
tes et  sur  l'état  présent  de  l'opinion  pu- 
blique à  Paris  ,  Londres  et  Paris ,  1 783  , 
in-8  ;  1 0"  Parodie  du  songe  d'Athalie  , 
1787  ,  in-8  ,  qui  a  eu  plusieurs  éditions, 
et  dont  l'une  porte  le  nom  supposé  de 
M.  Grimod  delaReynière,  conjointement 
avec  son  désaveu  également  supposé. 
L'ouvrage  en  lui-même  ,  quoique  fort 
bien  versifié  ,  ses  notes  et  ce  même  dés- 
aveu sont  tous  ensemble  une  violente  sa- 
tire ,  oii  l'on  remarque  cependant  des 
traits  bien  dirigés.  Mesdames  de  Genlis 
et  de  Staël  ,  MM.  de  la  Reynière ,  Con- 
dorcet ,  d'Alembert ,  Buftbn  et  ses  conti- 
nuateurs ,  Vicq-d'Azyr  ,  Gaillard,  Bailly, 
d'Aguesseau,  Beauzée,  Suard,  Lemierre 
et  toute  l'académie  ,  y  sont  en  butte  aux 
sarcasmes  amers  de  l'auteur.  11°  Des 
Poésies  ,  qui  ne  manquent  ni  de  verve 
ni  de  grâce.  Rivarol  était ,  en  général , 
plutôt  un  homme  d'esprit  qu'un  homme 
à  talens  ;  et  son  esprit  était  même  trop 
épigrammatique  pour  que  sa  conversation 
et  ses  ouvrages  pussent  plaire  long  temps. 
Une  grande  opinion  de  lui-même ,  des 
saillies  mordantes  ,  une  verbosité  infati- 
gable ,  et  le  titre  de  comte  que  Rivarol 
prit  gratuitement  en  se  faisant  à  lui  seul 
sa  généalogie  ,  lui  donnèrent  d'abord 
entrée  dans  les  principales  maisons  de 
Paris  ,  où  il  se  fit  des  protecteurs ,  mais 
oîi  son  humeur  caustique  lui  fit  beaucoup 
d'ennemis,  et  où  il  ne  reçut  pas  toujours 
un  bon  accueil.  La  même  impartialité 
qui  nous  porte  à  rappeler  ses  défauts  , 
nous  oblige  en  même  temps  à  rendre  jus- 
tice aux  opinions  qu'il  montra  dans  nos 
désordres  politiques  ,  et  qui  ne  peuvent 
que  faire  honneur  à  sa  mémoire.  On  pu- 
blia sa  Fie,  à  Paris ,  1 802 ,  2  vol.  in-1 2. 
Ses  différens  ouvrages  ont  été  recueillis 
en  1808  ,  5  vol.  in-8  ;  ils  sont  précédés 
d'une  Notice  peu  exacte  sur  la  vie  de 
l'auteur.  On  a  publié  récemment  le  recueil 


RIY 

d'une  Correspondance  que  Rivarol  en- 
tretenait avec  Louis  XVl,  par  l'inter- 
médiaire de  M.  de  Laporte ,  intendant 
de  la  liste  civile.  Les  Mémoires  de  Riva- 
rol ,  insérés  en  1824  dans  la  Collection 
des  mémoires  sur  la  révolution ,  ne  sont 
que  la  réimpression  du  Tableau  de  ras- 
semblée constituante  que  cet  écrivain 
avait  publié  en  1798.  On  a  donné  en  1808 
l'Esprit  de  Rivarol ,  2  vol.  in-1 2  ,  avec 
son  portrait.  Ce  livre  avait  déjà  paru  en 
1 802  sous  le  titre  de  Fie  philosophique, 
politique  et  littéraire  de  Rivarol ,  même 
format  et  même  nombre  de  volumes.  En 
lisant  les  différens  écrits  de  Rivarol  ,  on 
est  porté  à  prononcer  sur  lui  le  jugement 
qu'a  émis  Dussault  dans  les  Annales  lit' 
téraires  ;  Rivarol  n'eut  peut-être  un 
-vrai  talent  dans  aucun  genre  ;  mais  son 
esprit  actif  et  flexible  se  pliait  à  tous  les 
genres. 

mVAULT  (David),  sieur  de  Flu- 
rance ,  né  à  Laval  vers  1 57 1  ,  fut  élevé 
auprès  de  Guy ,  comte  de  Laval.  (  Après 
avoir  voyagé  en  Italie,  il  accompagna  en 
Hongrie  le  comte  de  Laval  qui  fut  tué 
par  les  Turcs.  Il  revint  en  France ,  fut 
nommé  gentilhomme  du  roi,  sous-pré- 
cepteur ,  puis  précepteur  de  Louis  XIII), 
et  mourut  à  Tours  en  1610,  à  45  ans. 
.Malherbe  et  plusieurs  autres  écrivains 
célèbres  ont  parlé  de  Rivault  avec  esti- 
me, et  cela  n'est  pas  étonnant,  il  était 
bien  à  la  cour.  Il  nous  reste  de  lui  quel- 
ques ouvrages ,  qui  ne  justifient  que  fai- 
blementleurs  éloges.  Les  principaux  sont: 
1  "  des  Ëlémens  d'artillerie ,  1 608 ,  in-8  , 
qui  sont  rares  et  assez  curieux  ;  2°  les 
Etats,  ès-quels  il  est  discouru  du  prince,  ' 
du  noble  et  du  tiers-état ,  conformément 
à  notre  temps,  1596,  in-1 2;  3°  une 
Édition  d'Archimède,  in-4;  A°  L'Art 
d'embellir ,  tiré  du  sens  de  ce  sacré  pa- 
radoxe :  La  sagesse  de  la  personne  em- 
bellit sa  face  (  Sapientia  hominis  lucet 
in  Fultu  ejus ,  et  potentissimus  faciem 
illius  commutabit  (Eccles.  8)  ;  étendu  à 
toutes  sortes  de  beautés ,  et  es  moyens 
de  faire  que  le  corps  retire  en  effet  son 
embellissement  des  belles  qualités  de 
l'âme,  1608,  in-12.  Cet  art  n'est  pas 
une  chimère,  il  est  même  le  fondement 


RIV 

vrai  de  la  science  physiognostique.  «  On 
croit ,  »  dit  un  philosophe  (  J.-J.  Rous- 
seau), que  la  physionomie  n'est  qu'un 
»  simple  développement  des  traits  déjà 
«  marqués  par  la  nature.  Pour  moi ,  je 
»  penserais  qu'outre  ce  développement , 
>'  les  traits  du  visage  d'un  homme  vien- 
j>  nent  insensiblement  se  former  et  pren- 
»  dre  de  la  physionomie ,  par  l'impres- 
"  sion  fréquente  et  habituelle  de  certai- 
»  nés  affections  de  l'àme.  Ces  affections 
»  se  marquent  sur  le  visage ,  lûen  n'est 
;>  plus  certain  ;  et  quand  elles  tournent 
»  en  habitude,  elles  y  doivent  laisser 
»  des  impressions  durables.  «  L'auteur 
des  Etudes  de  la  nature  appuie  ces  ob- 
servations et  les  porte  même  beaucoup 
plus  loin,  sans  qu'on  paisse  dire  que 
l'expérience  lui  soit  contraire.  Après 
avoir  parlé  de  la  variété  extrême  et  de  la 
configuration  très  bigarrée  des  physiono- 
mies, il  ajoute  :  «  Au  reste ,  ceux  qui  ont 
>)  été  défigurés  par  les  atteintes  vicieuses 
»  de  nos  éducations  et  de  nos  habitudes 
»  peuvent  réformer  lein\s  traits  ;  et  je  dis 
)'  ceci  surtout  pour  nos  femmes  qui , 
»  pour  en  venir  à  bout ,  mettent  du  blanc 
»  et  du  rouge ,  et  se  font  des  physiono- 
»  mies  de  poupées ,  sans  caractère.  Au 
»  fond,  elles  ont  raison:  car  il  vaut 
)i  mieux  le  cacher  que  de  montrer  celui 
»  des  passions  cruelles  qui  souvent  les 
ji  dévorent.  Elles  ont  un  moyen  sûr  de 
»  devenir  des  beautés  d'une  expression 
»  touchante.  C'est  d'être  intérieurement 
i>  bonnes,  douces,  compatissantes,  sen- 
»  sibles,  bieufai-santes  et  pieuses.  Ces 
»  affections  d'une  âme  vertueuse  impri- 
»  meront  dans  leurs  traits  des  caractères 
»  célestes  ,  qui  seront  beaux  jusque  dans 
"  l'extrême  vieillesse.  »  Voyez  Richter. 
RIVAZ  (  Pierre-Joseph  de  ) ,  né  à 
Saint  Gingoulph  dans  le  Valais  ,  en  1711, 
eut  un  goût  et  un  talent  décidés  pour  la 
mécanique.  On  lui  doit  plusieurs  inven- 
tions utiles  dans  l'horlogerie,  l'hydrauli- 
que ,  etc.  Il  discuta  aussi  avec  sagacité 
quelques  points  d'histoire  ,  entre  antres 
le  Martyre  de  la  le'gion  ihtbc'enne ,  sur 
lequel  il  donna  des  B clair cissemens  , 
Paris ,  1779,  in-8.  (  Voy.  Maurice  saint.) 
On  a  encore  de   hii  VArttiquité  de  la 

XI. 


RIV  4oï 

maison  de  Savoie.  Il  mourut  à  Moutiers 
en  1772. 

*  RIVE  (  Jean-Joseph  ),  savant  biblio- 
graphe, né  à  Apt,  en  Provence,  le  19 
janvier  1 730  ,  d'un  orfèvre  de  celte  ville. 
Il  embrassa  l'élat  ecclésiastique,  pro- 
fessa la  philosophie  au  collège  de  Saint- 
Charles  d'Avignon ,  et  obtint  la  cure  de 
MoUèze  près  d'Arles.  On  dit  qu'il  en  rem- 
plit les  fonctions  d'une  manière  édifiante. 
Quoi  qu'il  en  soit ,  il  quitta  sa  cure  en 
1767  ,  et  vint  à  Paris,  oii  le  duc  de  La 
Vallière  lui  confia  sa  riche  bibliothèque, 
que  Rive  augmenta  de  plusieurs  livres 
précieux.  Il  s'était  donné  le  surnom  de 
Bibliognosie,  et  son  caractère ,  d'ailleurs 
plein  d'araour-propre ,  était  si  irascible 
et  si  contrariant ,  que  le  duc ,  quand  des 
savans  disputaient  sur  des  matières  his- 
toriques ou  bibliographiques ,  les  mena- 
çait ,  pour  les  mettre  d'accord ,  de  leur 
lâcher  son  dogue ,  qui  n'était  jamais  de 
l'avis  de  personne.  A  la  mort  de  M.  de 
La  Vallière,  la  bibliothèque  tomba  eu 
héritage  à  la  duchesse  de  Châtillon  ,  la- 
quelle chargea  MM.  Debure  et  Vanpraet 
d'en  dresser  le  catalogue,  ce  qui  blessa 
fortement  Rive.  Il  s'en  vengea  par  de 
mordantes  critiques  contre  ces  deux  sa- 
vans ;  mais  ces  critiques  ne  méritèrent 
que  le  mépris  des  gens  impartiaux.  Le 
marquis  de  Méjanès  ayant  légué  aux  états 
de  Provence  une  bibliothèque  considé- 
rable, M.  de  Boisgelin,  archevêque  d'Aix, 
proposa  à  Rive  ,  au  nom  de  ses  compa- 
triotes les  Provençaux ,  d'être  leur  biblio- 
thécaire. Rive  accepta  cette  place;  ses 
prétentions  exorbitantes  donnèrent  lieu 
à  d'interminables  disputes ,  que  sa  pré- 
sence à  Aix  ,  oïl  il  s'était  transporté ,  ren- 
dait encore  plus  difficiles  à  terminer.  Sur 
ces  entrefaites,  la  révolution  éclata  ;  et, 
quoique  intérieurement  il  n'en  approu- 
vât peut-être  pas  les  maximes,  il  se  mon- 
tra un  des  plus  ardens  démagogues.  Il  se 
déchaîna  contre  l'archevêque,  qu'il  appe- 
lait le  me'trophore  BohgeUn ,  compromit 
plusieurs  citoyens  estimables ,  poui-suivit 
l'avocat  Pascalis  ,  dont  on  l'accuse  même 
d'avoir  causé  la  mort.  Lancé  dans  cette 
sanglante  carrière ,  on  ne  sait  pas  quand 
il  se  serait  arrêté ,  si  une  attaque  d'apo- 
5i. 


4o2  RIV 

plexie  ,  dont  il  avait  déjà  été  frappé  trois 
ans  auparavant,  ne  l'eût  conduit  au 
tombeau  ,  en  1792  ,  à  l'âge  de  soixante- 
deux  ans.  Rive  a  écrit  un  grand  nombre 
d'ouvrages,  savoir  :  1 4  imprimés,  7  prêts 
à  être  livrés  à  l'impression ,  et  39  qu'il 
se  proposait  de  publier.  Nous  nous  bor- 
nerons à  citer  les  suivans  :  1  °  un  Dic- 
tionnaire sphalmatographique ,  ou  des 
Erreurs  littéraires  ;  2°  un  Dictionnaire 
des  Troubadours ,  oîi  il  critique  Cres- 
cimbeni ,  Quadrio ,  Foncemagne ,  Vais- 
sette ,  Sainte-Palaye ,  Millot  et  Papon  ;  3° 
des  Bibliothèques  française  ,  italienne , 
cométographique ,  sotadique ,  ou  perno- 
graphique,  pédagogique,  etc.;  4°  Eclair- 
cissement sur  les  cartes  à  jouer,  Paris, 
1780,  in-12;  ouvrage  dans  lequel  il  attri- 
bue l'invention  des  cartes  aux  Espagnols. 
frayez  le  journal  des  Sai^ans,  août  1780, 
où  Dupuy  démontre  le  contraire.  5°  Des 
Mémoires  sur  l'imprimerie,  la  tachygra- 
phie,  la  sténographie,  la  calligraphie,  etc. 
RIVERI  (Cl.-Fr.  Félix  boulanger  de). 

Voyez  BOUtANGKR. 

RIVET  (  André  j,  ministre  calviniste, 
né  à  Saint-Maixent  en  Poitou,  l'an  1572, 
s'acquit  une  grande  réputation  dans  le 
parti  des  calvinistes,  fut  chargé  de  leurs 
affaires  les  plus  importantes,  et  présida  à 
plusieurs  de  leurs  synodes.  Il  devint  pro- 
fesseur de  théologie  dans  l'université  de 
Leyde,  et  mourut  à  Bréda  en  1651,  à  78 
ans.  On  a  de  lui  :  \^  un  traité  intitulé  : 
Criticus  sacer,  Dordrecht ,  ICI 9,  in-8; 
2°  Commentaires  sur  plusieurs  livres  de 
l'Ecriture  ;  3°  Instruction  chrétienne 
touchant  les  spectacles  publics ,  les  co- 
médies et  tragédies ,  où  est  décidée  la 
question  s^ils  doivent  être  permis  par  les 
magistrats j  etc.,  La  Haye,  1639,  in-12  : 
livre  curieux  et  rare  ;  4"  divers  Traités  de 
controverse, et  d'autres'ouvrages,  recueil- 
lis en  3  vol.  in-fol. — Son  frère,  Guil- 
laume Rivet  ,  fut  comme  lui  ministre  en 
France.  Il  est  auteur  d'un  Traité  de  la 
justification ,  et  d'un  autre  de  la  liberté 
ecclésiastique  contre  l'autorité  du  pape, 
Genève,  1625 ,  in-8  :  livres,  qui  n'ont  eu 
cours  que  chez  les  protestans. 

RIYET  DE  LA  Grange  (Dom  Antoine), 
de  la  même  famille  que  les  précédens , 


RIV 

mais  d'une  branche  catholique,  naquit  à 
Confolens,  petite  ville  du  Poitou,  en  1683. 
Il  prit  l'habit  de  bénédictin  à  Marmoutier 
en  1704,  et  y  fit  ses  vœux  en  1705.  Ses 
supérieurs  l'appelèrent  à  Paris  l'année 
suivante  ,  pour  travailler  avec  quelques 
autres  religieux  à  l'Histoire  des  hommes 
illustres  de  Saint-Benoit.  Il  ramassa  une 
grande  quantité  de  matériaux  relatifs  à 
cet  objet  ;  mais  celle  entreprise  échoua. 
Il  se  livra  entièrement  à  l'Histoire  litté- 
raire de  la  France ,  dont  il  avait  déjà 
conçu  le  dessein,  et  qui  l'a  occupé  toute 
sa  vie.  Il  s'associa  dans  ce  travail  trois  de 
ses  confrères ,  dom  Joseph  Duclou ,  dom 
Maurice  Poucet  et  dora  Jean  Colomb.  La 
tranquillité  de  sa  vie  fut  troublée  par  son 
attachement  à  la  mémoire  et  à  la  cause 
d'Arnault  et  de  Quesnel.  Il  fit  imprimer, 
en  1728,  à  Amsterdam  ,  in- 4,  le  Nécro- 
loge de  Port-Boy al-des-Champs.  La  pu- 
blication de  cet  ouvrage,  jointe  à  la  viva- 
cité de  son  opposition  à  la  bulle  Unige- 
nitus  ,  dont  il  avait  appelé ,  indisposa  ses 
supérieurs.  Oni'obligea  de  se  retirer  dans 
l'abbaye  de  Saint-Vincent  du  Mans.  Il  y 
travailla  pendant  plus  de  30  ans  à  l'His- 
toire littéraire  de  la  France.  Il  en  fit  pa- 
raître le  1*'  volume  in-4  en  1733,  et 
finissait  le  9*,  qui  renferme  les  premières 
années  du  12*  siècle,  lorsqu'il  mourut  en 
1749,  à  66  ans.  Dom  Taillandier,  son  con- 
frère, a  fait  son  éloge  à  la  tête  du  9*  vo- 
lume de  l'Histoire  littéraire ,  qui  a  été 
poussé  jusqu'au  12^.  On  souhaiterait  que 
les  auteurs  eussent  mis  plus  d'élégance , 
plus  decorrection  et  plus  de  légèreté  dans 
le  stile  ;  qu'ils  se  fussent  moins  appesantis 
sur  les  écrivains  inconnus,  et  qu'ils  eus- 
sent rendu  plus  de  justice  à  ceux  qui, 
sur  certaines  matières ,  ne  pensaient  pas 
comme  eux. 

RIVET,  ^oy es  Papillon. 

RIVIÈRE  (Lazare),  professeur  de 
médecine  dans  l'université  de  Montpel- 
lier, sa  patrie,  obtint  cette  place  en  1622, 
et  mourut  vers  1655,  âgé  de  66  ans.  Nous 
avons  de  lui  :  1  °  une  Pratique  de  médecine 
[Praxis  medica  )  ,  Lyon,  1657,  in-fol., 
souvent  consultée.  Il  suit  Sennert  pas  à  pas, 
et  souvent  il  en  transcrit  des  pages  entières 
sans  le  citer;  mais  ce  qu'il  écrit  de  lui- 


RIV 

même  prouve  qu'il  pouvait  se  passer  de 
secours  étrangers.  2"  Observationes  me- 
dicce  et  curationes  insignes,  Paris,  1646, 
in-4. 

RIVIÈRE  (  Henri-François  de  la },  fils 
d'un  gentilhomme  ordinaire  de  la  cham- 
bre du  roi,  naquit  à  Paris,  et  prit  le  parti 
des  armes.  Il  se  trouva  en  1664,  au  siège 
de  Gigeri  en  Barbarie ,  avec  le  duc  de 
Beaufort ,  dont  il  était  aide-de-camp. 
Après  s'être  distingué  en  plusieurs  occa- 
sions, il  se  retira  dans  une  terre  qu'il 
avait  auprès  de  celle  qu'habitait  lé  comte 
de  Bussi-Rabutiu.  Ce  comte  avait  avec  lui 
Françoise-Louise  de  Rabutiu ,  sa  fille , 
veuve  du  marquis  de  Coligni-Langeac. 
La  Rivière  sut  lui  plaire,  et  l'épousa  à 
l'iusu  de  son  père  en  1681.  Le  comte, 
devenu  furieux  à  cette  nouvelle  ,  songea 
à  faire  rompre  le  mariage ,  et  engagea  sa 
fille  à  se  déclarer  elle-même  contre  son 
époux.  Malgré  l'arrêt  en  faveur  de  La  Ri- 
vière, la  marquise  de  Rabutin  ne  voulut 
pas  habiter  avec  lui.  La  Rivière  tâcha  de 
la  ramener  ;  mais  n'ayant  pu  y  réussir,  il 
se  retira  à  l'institution  de  l'oratoire  à 
Paris ,  oii  il  mena  une  vie  exemplaire  et 
édifiante,  et  oii  il  mourut  en  1734,  à  94 
ans.  Ses  principaux  ouvrages  sont:  l°des 
Lettres,  en  2  vol.  in-12,  à  Paris,  en  1762; 
avec  un  Abrégé  de  lavie  de  l'auteur,  et  la 
Relation  de  son  procès.  Ces  lettres  sont 
écrites  avec  la  légèreté  et  la  délicatesse 
d'un  homme  qui  a  fréquenté  le  grand 
monde  ;  mais  on  y  sent  aussi  le  bel-esprit 
précieux  et  maniéré,  et  l'on  n'y  apprend 
presque  rien.  2"  Vie  du  chevalier  Rey- 
nel,  1706,  in-8;  3"  Vie  de  M.  Courville  , 
1719, in-8. 

*  RIVIÈRE  (  Mathias  Poncet  de  la  ) , 
é vèque  de  Troyes,  naquit  à  Paris  en  1 7  07 . 
Il  essuya  dans  son  diocèse  divers  dés- 
agrémens  qui  le  décidèrent  à  donner  sa 
démission.  Il  était  doyen  de  Saint-Marcel, 
lorsqu'il  mourut  en  1780.  Ou  a  de  lui  , 
outre  ses  Lettres  pastorales  ,  et  un  Dis- 
cours sur  le  beau  ,  qui  est  inséré  dans 
les  Recueils  de  l'académie  de  Nancy  dont 
il  était  membre  ,  les  Oraisons  funèbres 
de  la  reine  de  Pologne,  1742,  de  madame 
Anne-Henriette  de  France  ,  1752  ,  rfe 
madame  Louise-Elisabeth  duchesse  de 


RIV  4o3 

Parme  ,  1760  ,  de  la  reine  de  France  y 
Marie-Leczinska,  1768,  et  du  roi  Louis 
XV ;  un  Sermon  prononcé  pour  la  prise 
d'habit  de  madame  Louise  aux  carmélites 
de  Saint-Denis  ,  estimé  et  traduit  en  es- 
pagnol. 

"RIVIÈRE  (N.  Mercier  de  la),  célèbre 
économiste,  né  vers  17-20  d'une  famille 
attachée  à  la  finance,  acquit  en  1747  la 
charge  de  conseiller  au  parlement  de 
Paris  ,  et  fut  nommé  peu  après  intendant 
delà  Martinique.  Asonretour,  il  embrassa 
avec  ardeur  les  opinions  de  Quesnay.  Il 
fut  l'un  des  rédacteurs  du  Journal  d'a- 
griculture. Il  fut  témoin  des  malheurs 
de  la  révolution  qu'il  avait  prédite  ,  en 
indiquant  les  moyens  qu'il  croyait  pro- 
pres à  la  prévenir  ;  mais  il  eut  le  bonheur 
d'échapper  aux  proscriptions,  et  mourut 
vers  1794.  On  a  de  lui  :  1°  L'ordre  na- 
turel et  essentiel  des  sociétés  publiques, 
Paris  ,  1767  ,  in-4  ,  ou  2  vol.  in-12.  C'est 
l'exposé  des  principes  des  économistes. 
2°  Vintértt  général  de  l'état ,  ou  la  Li- 
berté du  commerce  des  blés ,  démontrée 
conforme  au  droit  naturel ,  etc.  ,  avec 
la  réfutation  d'un  nouveau  système,  pu- 
blié en  forme  de  Dialogues  sur  le  com- 
merce des  blés,  1770,  in-12  ;  Z'' De  l'in- 
struction publique  ,  ou  Considérations 
morales  et  politiques ,  sur  la  nécessité, 
la  nature  et  la  source  de  cette  instruc- 
tion ,  Paris,  17  75  ,  in-8  ;  4°  Lettres  sur 
les  économistes,  in-12,  sans  date,  1787, 
in-8 .  C'est  une  apologie  de  leurs  princi- 
pes. 5°  Lettre  à  MM.  les  députés  com- 
posant le  comité  des  finances  dans  Vas" 
semblée  nationale,  1789,  in-8;  il  y 
adopte  les  principes  de  Necker  ;  6"  Essai 
sur  les  maximes  et  les  lois  fondamenta- 
les de  la  monarchie  française  ,  ou  Can- 
nevas  d'un  code  constitutionnel  pour 
servir  de  suite  à  l'ouvrage  intitulé:  Les 
voeux  d^  un  Français  ,  1789,  in-8;  7° 
Palladium  de  la  constitution  politique , 
ou  Régénération  morale  de  la  France  , 
1790  ,  in-8  ;  8°  L'heureuse  nation  ,  ou 
Relation  du  gouvernement  des  Féliciens, 
peuple  souverainement  libre  et  heureux 
sous  l'empire  absolu  des  lois  ,  1792  ,  2 
vol.  in-8.  Ces  deux  derniers  ouvrages  ont 
été  quelquefois  attribués  par  erreur  à  M. 


4o4  RIV 

Henri  de  la  Rivière ,  ainsi  que  la  lettre  à 
MM.  les  députés. 

*  RIVIÈRE  (  Claude-Etienne),  grand- 
vicaire  du  diocèse  de  Besançon ,  né  en 
J752,  fut  long-temps  employé  au  minis- 
tère dans  les  campagnes.  Pendant  plus 
de  30  ans  il  travailla  dans  la  paroisse  de 
Desnes  près  de  Lons  -  le  -  Saunier ,  d'a- 
bord comme  vicaire  ,  puis  comme  curé. 
Il  y  forma  une  communauté  d'Ursulines 
qui  a  pris  de  grands  accroissemeus.  La 
révolution  avait  interrompu  ses  travaux  : 
il  les  reprit  en  revenant  de  l'exil.  En  1 81 8 
il  fut  appelé  à  Besançon  pour  y  être  curé 
de  l'église  métropolitaine ,  et  à  la  mort 
de  M.  Durand  il  fut  choisi  par  M.  de 
Pressigny  pour  le  remplacer  dans  les 
fonctions  de  vicaire-général.  Ce  fut  lui 
qui  prononça  l'Oraùo/i  funèbre  de  M.  de 
Fillefranéon  auquel  il  devait  survivre 
peu  de  temps  j  il  est  mort  le  1 1  juin  1828. 
Pendant  l'exil  il  avait  traduit  en  français 
un  Catéchisme  composé  par  un  curé 
allemand,  que  quelques  personnes  trou- 
vent un  peu  familier ,  mais  dont  beau- 
coup d'autres  font  cas,  à  cause  de  la 
manière  simple  et  claire  dont  les  vérités 
de  la  religion  sont  exposées  aux  enfans  ; 
il  est  connu  sous  le  nom  de  Catéchisme 
de  Constance ,  parce  qu'il  avait  été  im- 
primé danscette  ville  en  quatre  volumes. 
L'abbé  Rivière  portait  un  grand  intérêt  à 
l'institution  de  la  Sainte-famille  où  l'on 
élève  des  enfans  pauvres,  et  où  l'on  forme 
des  maîtresses  d'école  pour  les  campa- 
gnes. Les  services  qu'il  avait  rendus  au 
diocèse  de  Saint-Claude  lui  avaient  mé. 
rite  le  titre  honorifique  de  vicaire- 
général  de  cet  évêché. 

*  RIVIÈRE  (  Charles-François ,  mar- 
quis, puis  duc  de  ),  lieutenant-général  et 
pair  de  France  ,  né  à  la  Ferté-snr-Cher, 
en  1765  ,  embrassa  de  bonne  heure  l'état 
militaire.  Il  était  officier  dans  les  gardes 
françaises  ,  lorsque  ,  par  suite  de  la  révo- 
lution ,  il  passa  à  l'armée  du  prince  de 
Condé.  Bientôt  il  s'attacha  à  la  fortune 
du  comte  d'Artois  (depuis  Charles  X), 
et  remplit  pour  lui  différentes  missions 
importantes ,  surtout  dans  la  Vendée  : 
eu  1796  il  accompagna  ce  prince  dans 
8on  expédition  de  l'Ile-Dieu  ;  ayant  re- 


RIV 

joint  Charelte ,  il  resta  avec  ce  général 
jusqu'au  mois  de  novembre  de  la  même 
année,  et  retourna  en  Angleterre,  chargé 
de  dépêches  importantes.  En  un  mot,  il 
s'associa  à  toutes  les  entreprises  tentées 
alors  contre  la  France  républicaine,  puis 
contre  le  chef  du  gouvernement  consu- 
laire. Arrêté  en  1804  avec  Pichegru, 
Georges  Cadoudal  ,  les  deux  frères  Poli- 
gnac  et  d'autres  encore ,  il  fut  mis  en 
jugement  et  condamné  à  mort  le  10  juin 
de  la  même  année  par  le  tribunal  criminel 
du  département  de  la  Seine  ;  mais  sa  fa- 
mille trouva  le  moyen  d'intéresser  en  sa 
faveur  la  femme  et  quelques  proches  pa- 
rens  du  I"^  consul,  et  elle  obtint,  non  sans 
difficulté,  une  commutation  de  peine. 
Après  avoir  subi  une  détention  de  4  ans 
au  fort  de  Joux  près  de  Pontarlier ,  il  fut 
déporté.  Le  marquis  de  Rivière  ne  rentra 
en  France  qu'en  1814.  Alors  il  fut  nommé 
par  Louis  XVIII  maréchal  de  camp  et  am- 
bassadeur à  Constantinople.  Il  était  dans 
le  port  de  Marseille  où  les  vents  le  rete- 
naient, lorsqu'il  apprit  le  débarquement 
de  Buouapartequi  revenait  de  l'île  d'Elbe. 
Après  avoir  tenté  vainement  de  soulever 
la  population  du  midi,  il  partit  pour 
l'Espagne ,  et  arriva  à  Barcelonne  le  1 6 
avril  1815.  Il  resta  dans  cette  ville  avec 
le  duc  d'Angoulême  jusqu'au  mois  de 
juillet  :  alors  il  monta  sur  l'escadre  de 
lord  Exmouth  et  débarqua  à  Marseille  , 
après  la  nouvelle  du  désastre  de  Water- 
loo. Nommé  gouverneur  de  la  8*  divi- 
sion militaire ,  il  fit  arborer  le  drapeau 
blanc  dès  le  24  du  même  mois ,  et  se 
rendit  ensuite  à  Toulon  où  le  maréchal 
Brune  fit  sa  soumission.  Le  marquis  de 
Rivière  revint  à  Paris  dans  le  mois  d'août, 
et  fut  aussitôt  créé  pair  de  France  ,  lieu- 
tenant-général ,  et  commandant  de  l'île 
de  Corse.  Arrivé  dans  cette  île ,  il  fut 
obligé  de  mettre  fin  aux  troubles  qui  la 
désolaient;  des  mesures  sagement  prises 
la  firent  promptement  réussir  dans  cette 
pacification  difficile.  Informé  que  Murât, 
fugitif  de  la  Provence,  cherchait  un  asile 
dans  les  environs  d'Ajaccio  ,  il  fit  faire 
des  recherches  si  actives  que  cet  ancien 
roi ,  partout  proscrit ,  quitta  la  Corse  et 
alla  tenter  contre  Naples  la  folle  expëdi- 


i.  RIV 

tiojidans  laquelle  il  perdit  la  vie.  Rem- 
placé en  1816  dans  sou  commandement 
de  l'ile  de  Corse  ,  le  marquis  de  Rivière 
partit  pour  l'ambassade  de  Constanti- 
nople.  Le  commerce  de  Marseille  se  plai- 
gnit de  ce  que  le  nouvel  ambassadeur 
avait  soucrit  un  tarif  qui  assujettissait  les 
négocians  français  dans  les  Echelles  du 
Levant  à  des  droits  deux  fois  et  demi  plus 
forts  que  ne  les  payaient  les  autres  na- 
tions. Dénoncé  dans  la  séance  du  19  juin, 
à  la  chambre  des  pairs,  pour  ce  fait  de  né- 
gligence ou  d'incapacité  ,  il  fut  mandé  à 
Paris  par  le  général  Dessoles,  alors  minis- 
tre des  affaires  étrangères  ;  mais  il  n'eut 
pas  besoin  de  se  justifier  :  ses  anciens 
[  services  expliquaient  la  droiture  de  ses 
intentions.  Le  marquis  de  Rivière  re- 
tourna à  Constantinople  ;  mais  il  fut  rap- 
pelé en  1820.  Quelque  temps  après  il 
fut  mis  à  la  tête  de  la  compagnie  des 
gardes  du  corps  Se  Monsieur,  et  il  en 
conserva  le  commandement  ,  lorsqu'elle 
fut  devenue,  par  la  mort  de  Louis  XVIII, 
la  5'  compagnie  des  gardes  du  corps  du 
roi.  Il  avait  été  créé  duc  et  gouverneur 
du  duc  de  Bordeaux  ,  lorsqu'il  mourut  en 
1828.  C'était  un  homme  vertueux  et  fi- 
dèle. On  a  publié  des  Mémoires  pos- 
thumes toucluint  la  vie  et  la  mort  de. 
G.-F.  duc  de  Rivière,  Paris,  1829,  in-8. 
Ils  sont  attribués  à  M.  de  Naylies,  alors 
officier  supérieur  des  gardes  du  corps  du 
roi.  M.  le  comte  de  Marcellus  a  donné 
dans  FAmi  de  la  religion  du  30  avril  1 828 
une  Notice  éloquente  sur  le  duc  de  Ri- 
vière, torne  56,  p.  366. 

*  RIYIÈRE  (Pierre-François-Toussaint 
La),  ecclésiastique  et  professeur,  naquit 
à  Séez  (Orne),  le  13  octobre  1762,  était 
en  1*90  vicaire-général.  Il  se  livra  à 
l'enseignement  et  se  distingua  à  l'école 
centrale  du  Calvados.  Cependant  il  ne  fut 
point  employé  dans  l'université  à  l'épo- 
que de  sa  réorganisation  :  il  ne  rentra 
dans  ce  corps  qu'en  1818  où  il  eut  une 
chaire  de  philosophie  à  Clermont.  Appelé 
ensuite  à  Paris  pour  y  remplacer  M.  delà 
Rominière,  il  devint  plus  lard  proviseur 
du  collège  royal  d'Orléans.  Après  avoir 
rempli  cette  place  pendant  sept  ans,  il  fut 
nommé  en  1827  inspecteur  de  l'académie 


RIV 

de  Strasbourg.  Il  est  mort  à  Montargîs  (e 
30  octobre  1829.  Il  avait  été  pendant 
14  ans  secrétaire  de  l'académie  des  Scien- 
ces et  belles-lettres  de  Caen,  et  a  publié 
en  cette  qualité ,  3  vol.  des  Mémoires 
de  cette  société.  On  a  encore  de  lui  :  1  " 
une  Grammaire  élémentaire  latine-fran- 
çaise ;  2°  une  Nouvelle  logique  classique. 
Le  Licée  et  la  Revue  encyclopédique  lui 
ont  consacré  une  Notice. 

RIVIÈRE  (  L'abbé  de  La  ).  Foyez  Bar- 
bier (Louis). 

RIVIÈRE  (La).  Foyez  Bailli. 

RIVINUS  (André  ,)  dont  le  vrai  nom 
éiAit  Rachmann,  né  à  Hall  en  Saxe,  en 
1 600,  fut  médecin,  professeur  de  poésie  et 
de  physiologie  à  Leipsick,  et  mourut  le  4 
avril  1656.  Il  s'est  fait  une  réputation  par 
ses  Remarques  sur  les  anciens  poètes 
chrétiens ,  par  des  Dissertations  sur  di- 
verses matières  de  littérature ,  et  sur  l'o- 
rigine de  l'imprimerie ,  publiées  à  Leip- 
sick ,  sous  le  titre  de  Philo-Physiologica, 
1656,  in-4;  et  par  des  éditions  de  quel- 
ques auteurs  anciens,  qu'il  a  accompa- 
gnées de  notes.  Son  Commentaire  sur  le 
Pervigilium  Feneris ,  qu'on  trouve  dans 
l'édition  de  La  Haye,  1 7 1 2,  iu-8,  ne  faitpas 
l'éloge  de  ses  mœurs.  On  a  encore  de  lui  ; 
1"  Fêter um  bonorum  scriptorum  de  me- 
dicina  collectanea,  1654,  in-8;  2°  Myste- 
ria  medicophysica,  1681,  in-12. 

RIVINUS  (  Augustus  Quirinus  ),  fils 
du  précédent,  né  à  Leipsick,  professeur 
de  médecine  et  de  botanique  en  1652, 
mourut  en  1723  dans  sa  patrie,  avec  la 
réputation  d'un  médecin  habile  et  d'un 
botaniste  distingué.  On  lui  doit  la  décou- 
verte d'un  conduit  salivaire,  ainsi  que 
l'invention  d'une  nouvelle  méthode  bota- 
nique. On  a  de  lui  :  1  °  Introductio  in  rem 
herbariam,  Leipsick,  1690-99,  3  parties, 
in-fol.,  avec  fig.;  ouvrage  estimé  dont  les 
exemplaires  sont  peu  connus;  2"  Ordo 
plantarum  quœ  sunt  flore  irregulari  mo- 
nopetalo,  1690....;  Tetrapctalo,l69i...  ; 
Pentapetalo,  1 699,  in-fol.,  avec  des  figures 
qui  rendent  fidèlement  les  plantes  :  c'est 
dommage  qu'il  se  soit  borné  à  en  faire  gra- 
ver les  sommets  ;  3°  Censura  medicamen- 
torum  officinalium,  1701,  in-4  :  c'est  une 
critique  des  boutiques  des  apothicaires  qui 


4o6  RIY 

sont  toujours  surchargées  de  drogues  inu- 
tiles;  4°  Dissertationes  medicœ,  1710, 
in-4  :  c'est  le  recueil  de  ses  thèses;  5°  Ma- 
nuductio  ad  chimiam  pharmaceuticam  , 
Nuremberg,  1718,  in-8 -,  6°  Notifia 
morborum. 

RIVIUS  (Jean),  luthérien  allemand  , 
natif  d'Altedorf,  fut  conseiller  de  Georges, 
duc  de  Saxe  ,  puis  précepteur  d'Auguste, 
qui  fut  dans  la  suite  électeur.  Il  mourut 
étant  recteur  du  collège  de  Meissen,  en 
1 563,  à  53  ans.  On  a  de  lui  des  ouvrages 
de  controverse,  et  un  traité  de  morale  sous 
ce  titre  :  De  stultitia  inortalium  in  pro- 
crastina  correctione  vitœ,  à  Bâle,  1547, 
in-8,  plein  de  réflexions  judicieuses,  mais 
communes.  — Il  ne  faut  pas  le  confondre 
avec  Rivius  ,  médecin  allemand,  dont  on 
a  \ine  Introduction  aux  sciences  néces- 
saires à  un  architecte,  Nuremberg,  1 547  ; 
une  Traduction  de  Vitnive ,  avec  des 
Commentaires,  Nuremberg,  1548,  et 
plusieurs  ouvrages  de  médecine. 

RIVIUS  (Jean),  religieux  augustin, 
né  à  Louvain  en  1699,  fils  de  l'imprimeur 
Gérard  Rivius ,  fut  prieur  et  provincial 
dans  son  ordre  ,  et  mourut  à  Ratisbonne 
le  l"  novembre  1665.  On  a  de  lui  : 
1  "  une  yie  de  saint  Augustin ,  qui  a 
beaucoup  servi  à  Tillemont.  Rivius  l'a 
puisée  dans  les  écrits  de  ce  Père  et  dans 
les  auteurs  contemporains.  Ou  le  blâme 
cependant  de  ce  qu'il  a  osé  traiter 
(p.  519)  de semi-pélagiens les  théologiens 
qui  admettent  en  Dieu ,  depuis  la  chute 
d'Adam,  un  décret  de  donner  à  tout 
homme  des  secours  suffisans  pour  faire 
son  salut.  V Index ,  d'accord  avec  la  rai- 
son et  la  bonne  théologie ,  désigne  cette 
assertion  comme  devant  être  retranchée. 
On  doute  aussi  très  fort  qu'il  ait  réussi  à 
prouver  que  saint  Augustin  savait  le  grec 
et  l'hébreu.  Les  ouvrages  de  ce  saint 
docteur  déposent  contre  cette  assertion  ; 
on  y  voit  qu'il  n'avait  qu'une  connais- 
sance médiocre  du  grec  et  aucune  de 
l'hébreu.  2°  Rerum  Francicarum  déca- 
des quatuor,  imperii  Belgarum  exor- 
dium ,  progressus  ad  annum  1 500  , 
Louvain,  1651,  iu-4.  Il  n'y  flatte  point 
les  Français.  3"  Poemata ,  Anvers , 
1629;  4"  Diarium  obsidionis  lovanien' 


RIZ 

sis^  anno  1635,  Louvain,  1635,  in-4,  etc. 

RIVO  (Raoul  a)  ou  du  Ruisseau,  né  k 
Brée ,  petite  ville  de  la  principauté  de 
Liège,  dans  le  1 3*  siècle,  alla  étudier  les 
langues  savantes  à  Rome.  Sa  science  et 
ses  vertus  rélevèrent  à  la  dignité  de 
doyen  de  l'église  collégiale  de  Tongres. 
Il  fonda  le  monastère  de  Corsendonc  ,  et 
donna  aux  religieux  de  cette  maison  une 
règle  conforme  aux  anciens  canons.  Il 
mourut  l'an  1 403.  On  a  de  lui  :  \°  Traite 
de  Vobservation  des  canons  ,  Cologne  , 
1568,  Rome,  1590,  dans  la  Bibliothèque 
des  Pères ,  tome  6*,  édition  de  Paris  ,  et 
tome  14*,  édition  de  Cologne  ;  i"  Histoire 
des  évêques  de  Liège,  depuis  l'an  1347, 
jusqu'à  l'an  1389,  dans  la  collection  de 
Chapeauville  ;  3"  Calendrier  ecclésiasti- 
que ,  Louvain ,  1 568  ;  4°  Martyrologe  en 
vers. 

*  RIVOIRE  (  Antoine),  savant  jésuite, 
né  à  Lyon  le  13  mars  VîOO,  remplit  dans 
son  ordre  les  chaires  de  physique  et 
d'histoire  naturelle ,  et  a  laissé  les  ou- 
vrage suivans  :  1°  Traité  des  aimans 
artificiels,  1752,in-12;  %°  Nouveaux 
principes  de  la  perspective  linéaire ,  tra- 
duit de  l'anglais,  17  55;  Z°  Histoire  métal- 
lique de  r Europe  ,  1767,  in-8;  4°  Vie  de 
saint  Castor,  1768,  in-12.  Après  la  sup- 
pression des  Pères  de  la  compagnie,  il  se 
fixa  à  Lyon, où  il  mourut  vers  1789.  M 
Jars  a  fait  son  Eloge. 

RIZZIO  ou  Riccio  (  David  ),  né  à  Tu- 
rin en  Piémont ,  vers  1 520,  était  fils  d'un 
joueur  d'instrumens ,  qui  lui  apprit  la 
musique ,  et  lui  donna  une  éducation  au- 
dessus  de  son  état.  Il  plut  au  comte  de 
Moretto ,  nommé  ambassadeur  de  Savoie 
en  Ecosse,  qui  le  mena  avec  lui.  Marie 
Stuart  régnait  alors  dans  ce  royaume. 
(  Moretto  le  lui  présenta  comme  un  ex- 
cellent musicien,  et  la  reine  fut  charmée 
de  son  jeu  et  de  son  chant.  Rizzio  avait 
reçu  une  bonne  éducation.)  Il  servit  Ma- 
rie Stuart  par  ses  talens ,  qui  ne  se  bor- 
naient pas  à  celui  de  la  musique  ;  il  en- 
tendait les  afi'aires,  et  les  conduisait 
avec  beaucoup  de  prudence.  Elle  l'em- 
ploya dans  les  négociationslesplus  impor- 
tantes.Henri  Stuart-Darnlei,  ayant  épouse 
Marie  Stuart  sa  cousine ,  voulut  se  faire 


RJE 

déclarer  roi,  comme  mari  de  la  reine. 
Cette  princesse,  éclairée  par  les  bons  avis 
de  Rizzio,  vit  bien  qu'on  voulait  lui  enle- 
ver l'autorité ,  et  que  son  mari ,  homme 
violent  et  ambitieux ,  étant  déclaré  roi , 
ne  lui  laisserait  que  le  nom  de  reine  ;  elle 
s'opposa  à  cette  prétention.  Darnlei,  irrité 
contre  Rizzio,  résolut  de  s'en  défaire.  Il 
communiqua  son  dessein  à  quelques-uns 
de  ses  amis,  alléguant  des  prétextes  in- 
jurieux à  la  reine,  que  l'âge  et  la  figure  de 
Rizzo  mettaient  hors  de  tout  soupçon. 
Quelques  jours  après,  la  reine  étant  à 
souper  dans  son  cabinet ,  n'avait  auprès 
d'elle  que  la  comtesse  d'Argilleet  Rizzio, 
qui  lui  parlait  de  quelque  affaire  ;  le  duc 
de  Rolhsai  y  entra  avec  Retwein  ,  armé , 
et  suivi  de  cinq  personnes.  Piizzio  reçut 
plusieurs  coups  d'épée  devant  Marie  elle- 
même,  et  ayant  été  entraîné  par  les  conju- 
rés dans  la  chambre  voisine ,  y  fut  tué,  en 
1566.  La  reine  vengea  cette  mort  sur 
quelques-uns  des  assassins,  qui  furent 
exécutés  publiquement.  (  Quand  cet  évé- 
nement tragique  arriva  ,  la  reine  était 
enceinte  de  Jacques  1^',  et  son  imagina- 
tion en  fut  si  frappée,  que  ce  monarque 
neputjamaisvoirune  épéenue,  sans  pâlir 
et  trembler.  ) 

'  RJEVOUSKY  (le  comte  Adam;, 
diplomate  russe,  né  le  10  août  1760  à 
Nesvige  ,  ville  du  gouvernement  de 
Minsk  ,  eut  pour  instituteur  l'évéque 
Karouchevitch  ,  historien  et  poète  polo- 
nais. En  1782,  1785  et  1786,  le  comte 
Rjevousky  fut  député  aux  Diètes  polo- 
naises où  il  se  distingua  surtout  par  son 
éloquence.  En  1788  il  fut  nommé  ambas- 
sadeur extraordinaire  et  ministre  pléni- 
potentiaire du  Y-oi  de  Pologne  près  la 
cour  de  Danemark.  En  1790  il  siégea 
aussi  dans  le  sénat  de  Pologne.  ÎVous 
ignorons  ce  qu'il  fit  depuis  la  dissolu- 
tion de  ce  pays  jusqu'en  1817  ,  époque 
oii  il  fit  partie  du  sénat  de  Russie.  Nous 
connaissons  un  peu  mieux  sa  vie  litté- 
raire :  il  écrivit  dans  sa  jeunesse  en  po- 
lonais et  en  français  quelques  ouvrages 
politiques ,  et  il  a  laissé  inédits  un 
grand  nombre  d  ouvrages  parmi  lesquels 
on  remarque  des  Mémoires  sur  le  roi 
Stanislas  Auguste  ;  c'est  une  production 


ROA  407 

précieuse  ,  parce  que  l'auteur  qui  occu- 
pait des  fonctions  importantes  dans  l'é- 
tat, était  à  même  de  connaître  plusieurs 
circonstances  dérobées  à  la  connaissance 
des  autres  historiens.  Son  manuscrit  in- 
titulé :  Rectification  des  erreurs  dans 
l ouvrage  du  général  D umouriez ,  sur  la 
confédération  de  Bar^  est  du  plus  haut 
intérêt,  il  a  laissé  en  outre  des  Remar- 
ques sur  les  lois  de  Pologne ,  des  Dialo- 
gues des  morts  ,  des  traductions  en  vers 
polonais  des  deux  tragédies,  Polyeucte 
et  la  mort  de  tésar ,  des  Géorgiques  po- 
lonaises ,  une  Traduction  des  Elégies  de 
TibuUe ,  et  un  grand  nombre  d'autres 
poésies.  Le  comte  Rjevousky  est  mort  le 
24  janvier  1826  dans  les  environs  de  la 
ville  de  Lipovetz. 

*  ROA  (  Martin  de  ; ,  né  à  Cordoue  en 
1563,  entra  à  l'âge  de  15  ans  dans  la 
compagnie  de  Jésus  et  fit  de  grands 
progrès  dans  les  études.  Il  professa  suc- 
cessivement, dans  le  collège  de  Cordoue, 
la  rhétorique  et  les  saintes  Ecritures  ,  et 
remplit  avec  distinction  les  principaux 
emplois  de  son  ordre.  11  fut  recteur  de 
difterens  collèges ,  provincial  à  Séville , 
et  procureur-général  à  Rome.  De  retour 
en  Espagne  ,  il  se  démit  de  tous  ses  em- 
plois ,  et  ne  s'occupa  plus  que  de  l'étude 
de  l'histoire  et  des  antiquités.  Il  mourut  à 
Montillo  ,  le  5  avril  1657  ,âgé  de  57  ans. 
Il  a  laissé  :  1  °  Singularium  locorum  et 
rerumS.  Scripturœlibri  VI.,  in  duas par- 
tes distincti  •  item,  de  dienatali  sacroet 
profano.,  liber  unus,  Lyon,  1667,  in-8, 
édit.  recherchée  ;  2"  De  acceniuetreciâ 
in  grtecis,  latinis ,  barbaris  pronuntia- 
tione  ;  3°  De  Cordubœ  principatu ,  et  de 
auctoritate  et  antiquitnte  sanctorum 
martyrum  cordubensium ,  ac  de  cordu- 
bensi  breviario ,  Lyon,  1617,  in-4  :  cet 
ouvrage  fut  traduit  en  espagnol  par  l'au- 
teur. 4°  Santos  Honorio,  Eusticho ,  Es- 
tevan ,  patrones  de  Xérès  de  la  Fron- 
tera,  nombre  ,  sitio  ,  antiguedad  de  la 
ciudad  y  valor  de  los  ciudadanos ,  Sé- 
ville, 1617  ,  in-4  ;  5°  De  Festado,  etc. , 
ou  de  Fétat  des  âmes  du  purgatoire  d'a- 
près le  livre  des  Machabées^  ibid.  ,1624, 
traduit  en  latin  et  en  italien  ;  6°  Mala- 
ga  ,  su  fundacion ,  su  antiguedad ,  etc. 


4o8  ROB 

Malaga,  1617  ,  in-4  ;  5"  Historia  de  la 
muy  noble  y  antigua  ciudad  de  Ecija , 
Séville,  1629  ,  in-4.  —  La  liste  de  tous 
les  ouvrages  du  Père  Boa  est  dans  la  Bi- 
bliothèque de  Southevel. 

ROALDES  (  François  ) ,  d'une  noble 
famille  de  la  petite  ville  de  Marsillac  en 
Rouergue ,  professa  le  droit  avec  une 
grande  réputation  à  Cahors  et  à  Valence, 
devint  ensuite  professeur  en  droit  à  Tou- 
louse, où  il  mourut  en  1589  ,  à  70  ans. 
On  a  de  Roaldes  :  1  "  Annotationes  in 
tiotitiam  utranique ,  tiim  Orieniis  tuni 
Occidentis  ;  2°  un  Discours  des  choses 
mémorables  de  la  ville  de  Caliors. 

ROBBE  (  Jacques  ) ,  ingénieur  et 
géographe  du  roi  de  France,  né  à  Sois- 
sons  en  1643  ,  fut  maire  perpétuel  de 
Saint-Denys  en  France  ,  avocat  au  parle- 
ment de  Paris,  et  mourut  à  Soissons  en 
1721.  C'était  un  homme  d'un  esprit  cul- 
tivé ,  et  savant  dans  les  langues.  On  a  de 
lui  :  \°  Méthode  pour  apprendre  facile- 
ment la  géographie  ,  en  2  vol.  in-12  :  as- 
sez bon  ouvrage  ;  il  j  a  des  jugemens 
vrais  et  impartiaux  sur  les  caractères  des 
peuples,  et  autres  objets  sur  lesquels 
l'esprit  national  égare  souvent  les  géo- 
graphes comme  les  historiens.  On  y 
trouve  cette  assertion  aussi  exactement 
vraie  qu'honorable  aux  babitans  de  la 
Belgique  :  «C'est  assurément  l'endroit  de 
/<  toute  l'Europe  où  la  religion  catboli- 
n  que  soit  professée  avec  plus  de  pureté 
}>  et  de  sincérité  :  »  observation  que  l'é- 
vénement confirma  en  1792  ,  par  l'invin- 
cible résistance  que  ces  peuples  opposè- 
rent à  l'impiété  des  démocrates  français, 
devenus  les  maîtres  de  leur  pays  ;  pré- 
servant ainsi  par  leur  exemple ,  par  une 
conduite  ferme  et  conséquente ,  l'Europe 
d'une  subversion  qui  eût  pu  devenir  gé- 
nérale. 2"  Emblèmes  sur  la  paix ,  pré- 
sentés au  roi  le  29  mars  1679.  L'allégorie 
de  cet  emblème  est  ingénieuse. 

*  ROBBÉ  DE  BEAUVESET  (  Pierre- 
Honoré  ) ,  poète  satirique  et  licencieux, 
né  à  Vendôme ,  en  17  14  ,  d'un  marchand 
gantier,  fit  de  bonnes  étudeschezlesora- 
toriensdesa  ville  natale ,  et  s'abandonna 
dès  sa  jeunesseàson  goût  pour  la  satireet 
la  poésie  erotique.  Des  vers  mordans  qu'il 


ROB 

avait  faits  contre  le  marquis  de  Rocham- 
beau,  gouverneur  de  la  province,  lui  at- 
tirèrent quelques  coups  de  bâton  :  d'au- 
tres inconséquences  de  sa  part  l'obligèrent 
de  quitter  son  pays  natal  ;  il  vint  à  Paris, 
oii  il  eut  des  démêlés  avec  Piron,  au  sujet 
d'un  trait  piquant  que  celui-ci  lança  con- 
tre Robbé  dans  la  préface  de  sa  Métro- 
manie.  La  muse  caustique  de  Robbé  n'é- 
pargna pas  Louis  \V;  mais  il  eut  le  temps 
de  remplacer  sa  satire  parunéapologie; 
ce  qui  fit  croire  à  ce  prince  qu'on  avait 
calomnié  le  poète.  Au  lieu  de  le  faire 
mettre  à  la  Bastille,  il  lui  donna  une 
pension.  On  dit  qu'il  se  jeta  dans  \t  jan- 
sénisme, et  même  dans  la  secte  des  con- 
vulsionnaires  :  il  leur  adressa  néanmoins 
quelques  épigrammes.  On  dit  encore 
qu'il  se  repentit  de  sa  mauvaise  conduite, 
et  cependant  il  aimait  à  réciter  des  vers 
licencieux  devant  madame  duBarry ,  qui 
le  protégeait.  Une  autre  dame,  la  duches- 
se d'Olone,  que  .ses  vers  avaient  égale- 
ment amusée,  lui  laissa  un  legs  de  1 5,000 
francs.  Robbé ,  méprisé  de  tous  les  gens 
honnêtes ,  mourut  à  Saint-Germain  ,  en 
1794,  âgé  de  quatre-vingts  ans.  Il  a  laissé 
les  ouvrages  suivans,  dont  la  plupart  sont 
écrits  d'un  stile  dur  et  barbare;  X"  Le 
Débauché  converti ,  satire,  1736,  in-1 2  ; 
2°  Epitrc  du  sieur  Rabot,  maître  d'é- 
cole de  Fontenoi  {  sur  cette  mémorable 
bataille  j  ,  1745  ,  in-8  ;  3"  Satire  sur  le 
goût ,  17  52 ,  in-8  ;  4"  Mon  Odyssée,  ou 
Journal  de  mon  retour  en  Saintonge , 
poème  en  quatre  chants,  1767,  in-12;  5" 
Satire  au  Comte  de...  (  Bissy  ] ,  1766  , 
où  il  se  déchaîne  contre  Piron  ,  Palissot, 
Voltaire,  Sabattier  ,  etc.  ;  B" Les  victi- 
mes du  despotisme  épiscopal,  poème 
en  six  chants,  1792  ,  in-8.  Ces  victimes 
sont  des  religieuses  de  Sainte-Claire  d'Or- 
léans, qui  ne  voulurent  par  accepter  la 
liulle  Unigenitus.  '!'>  OEuvres  badines 
{  ou  plutôt  ordurières  ),  Paris,  2  vol. 
in-l8,  contenant  des  contes,  des  épi- 
grammes,  des  satires,  des  épîtres,  etc. 
8'  des  Odes,  des  Epîtres  diverses ,  pu-  , 
bliées  à  différentes  époques.  ^H 

"ROBERJOT  (Claude), convention^ 
nel ,  né  àMâcon  en  1753  ,  embrassa  l'état 
ecclésiastique,  et  devint  curé  de  sa  ville 


natale,  où  il  se  montra  l'ami  des  pauvres 
et  le  consolateur  des  malheureux  ;  mais 
aussitôt  que  la  révolution  eut  éclaté  ,  il 
(fuitta  l'habit  ecclésiastique,  se  maria, 
et  montra  beaucoup  de  zèle  à  propager 
les  maximes  du  jour.  Pendant  l'assemblée 
constituante,  il  fut  nommé  président  de 
l'administration  de  son  département,  et 
élu  ensuite  député  suppléant  du  dépar- 
tement de  Saône-et-Loire  à  la  Conven- 
tion nationale,  oii  il  ne  prit  séance  qu'a- 
près la  mort  de  Louis  XVI.  Peu  de  temps 
après,  il  fut  envoyé  en  mission  auprès 
delarmée  de  Sa mbre-el-Meuse comman- 
dée parPichegru  :  il  veilla  à  ses  besoins, 
échauffa  son  zèle,  et  après  la  conquête 
de  la  Belgique,  il  y  organisa  les  autorités 
publiques  ,  rappela  dans  leurs  domiciles 
les  manufacturiers  fugitifs,  et  chercha  à 
y  ranimer  le  travail  par  la  confiance.  A 
son  retour,  il  fit  plusieurs  rapports  sur 
l'utilité  et  la  nécessité  de  reculer  les  fron- 
tières de  la  France  jusqu'au  P»hin  ,  ce  qui 
le  fit  considérer  comme  un  diplomate. 
Après  la  session  ,  il  passa  au  conseil  des 
cinq  cents,  d'oii  îî sortit  le  20  mai  1797. 
Il  fut  alors  nommé  minisire  plénipoten- 
tiaire de  la  république  à  Hambourg,  oii 
il  rédigea  ses  mémoires  sur  lesétablisse- 
aiens  de  charité  de  cette  ville,  qui  fu- 
rent imprimés  par  ordre  du  ministre  de 
l'intérieur  de  Hambourg.  On  l'envoya 
comme  ambassadeur  auprès  de  la  répu- 
blique batave.  et  enfin  à  Rastadt,  où  il 
lut  assassiné  avec  Bonnier  et  Jean  Debry, 
le  28  avril  1799.  On  a  de  Roberjot  des 
lettres  sur  l'agriculture  imprimées  dans 
diiïérens  recueils. 

ROBERT  (  Saint  ,  premier  abbé  de 
la  Chaise-Dieu  ,  dans  le  diocèse  de  Cler- 
mont,  était  fils  de  Géraud  ,  descendant 
de  saint  Géraud,  baron  d'Aurillac.  Ayant 
fait  un  voyage  à  Rome  ,  dans  des  vues  de 
religion  et  de  piété,  il  se  retira  avec 
deux  compagnons  dans  une  solitude  où 
il  releva  les  ruines  d'une  église  ,  et  fonda 
un  monastère  avec  l'approbation  de  l'é- 
vêque  et  du  pape  Léon  IX.  En  peu  de 
temps  il  fut  chef  de  plus  de  300  religieux 
d'une  ferveur  extrême,  qu'il  gouverna 
avec  la  prudence  des  saints,  et  mourut  le 
2't avril  1067  ou  1068.  —  Il  ne  faut  pas 
XI. 


ftÔB  409 

le  confondre  avec  saint  Robert  ,  abbé  de 
Molesme ,  de  l'ordre  de  Cîteaux,  mort  en 
1108  ou  1110,  qui  fut  canonisé  par  le 
pape  Honorius  \\\. 

ROBERT,  deuxième  fils  de  Richard  III, 
duc  de  Normandie,  eut  en  apanage ,  l'an 
989  ,  le  comté  d'Evreux.  Promu  en  même 
temps  à  l'archevêché  de  Rouen  ,  dans  cet 
âge  où  les  passions  ont  plus  d'empire, 
il  se  livra  sans  retenue  Ji  la  dissolution. 
Il  ne  rougit  pas  d'épouser,  en  sa  qualité 
de  comte  ,  une  femme  nommée  Herlève, 
dont  il  eut  trois  fils.  Ce  fut  lui  qui  bap- 
tisa, en  1004,  Olaùs  ,  roi  de  Norvvége , 
appelé  au  secours  du  duc  Richard  II,  con- 
tre la  France.  Ce  comte-archevêque , 
daus  sa  vieillesse,  revint  de  ses  égare- 
mens ,  et  mourut  en  bon  pasteur  l'an 
1037.  Sa  postérité  conserva  le  comté 
d'Evreux  jusqu'à  Amauri  V,  qui  le  céda 
en  1200  à  Philippe-Auguste.  Le  roi  Phi- 
lippe III,  dit  le  Hardi,  le  donna  à  son 
fils  puîné  Louis,  mort  en  1.'{I9.  Celui-ci 
fut  père  de  Philippe  ,  qui  devint  roi  de 
Navarre  par  sa  femme  Jeanne,  fille  de 
Louis  X,  et  mounil  en  1-3'j3.  De  leur 
union  sortit  Charles  II,  roi  de  Navarre, 
dont  le  fils  Charles  III  mourut  sans  po.s- 
térlté  masculine  eu  142.S.  L'an  1404,  il 
avait  cédé  ce  comté  au  roi  de  France 
Charle  s  VI.  Il  servit  d'apanage  à  François, 
duc  d'Alençon  ,  fils  de  Henri  II ,  en  1 569. 
Mais  ce  prince  étant  mort  sanscnfansen 
1584,  le  comté  d'Evreux  fut  réuni  à  la 
couronne.  Enfin ,  il  a  été  donné  à  la  mai- 
son de  Bouillon  en  échange  de  Sedan. 
F  oyez  Y  Histoire  (jénéàlogique  de  France 
par  le  Père  Anselme ,  et  V Abrégé  chro- 
nologique des  grands  fie fs ,  in-8. 

ROBERT ,  roi  de  France  ,  surnommé 
le  Sage  etfc  Dévot,  parvint  à  la  couronne 
en  990  ,  après  la  mort  de  Hugues  Capet 
.son  père.  Il  fut  sacré  à  Orléans ,  où  il 
était  né,  puisa  Reims ,  après  l'emprison- 
nement de  Charles  de  Lorraine.  Il  avait 
épousé  Berthe  sa  cousine,  veuve  d'Eu- 
des I"" ,  comte  de  Blois  ;  Grégoire  V  dé- 
clara nul  ce  mariage,  et  excommunia  le 
monarque.  Si  nous  en  croyons  le  cardi- 
nal Pierre  Damieu  ,  cet  analhème  fit  en 
France  tant  d'effet,  que  tous  les  courti- 
sans du  roi  et  ses  propres  domestiques  se 

52. 


4io  ROB 

séparèrent  de  lui.  Il  ne  lui  en  resta  que 
deux,  qui ,  pleins  d'horreur  pour  tout  ce 
qu'il  avait  touché,  passaientpar  le  feu  jus- 
qu'aux plats  oii  il  avait  mangé  ,  et  jus- 
qu'aux vases  où  il  avait  bu.  Le  même  car- 
dinal rapporte  qu'en  punition  de  cet  in- 
ceste, la  reine  accoucha  d'un  monstre,qui 
avait  la  tête  et  le  cou  d'un  canard.  (  D'au- 
tres auteurs  assurent  que  la  reine  étant  ac- 
couchée d'un  enfant  mort,  on  répandit  le 
bruit  qu'elle  avait  mis  un  monstre  au 
inonde.  }  On  ajoute  que  Robert  fut  si 
frappé  de  cette  espèce  de  prodige,  qu'il  se 
sépara  de  sa  femme.  Robert  contracta  un 
second  mariage  avec  Constance,  fille  de 
Guillaume,  comte  d'Arles  de  Provence; 
mais  l'humeur  altière  de  cette  princesse 
aurait  bouleversé  le  royaume ,  si  la  sa- 
gesse du  roi  ne  l'eût  empêchée  de  se  mê- 
ler du  gouvernement  de  l'état.  Henri , 
duc  de  Bourgogne  ,  frère  de  Hugues  Ca- 
pet,  mourut  en  1002  sans  enfans  légiti- 
mes. (  H  avait  laissé  son  duché  à  un  fils 
que  sa  femme  avait  eu  d'un  premier  ma- 
riage. Robert,  assisté  de  Richard,  duc 
de  Normandie  ,  déclara  la  guerre  aux  sei- 
gneurs bourguignons  qui  voulaient  sou- 
tenir ce  choix.  Elle  dura  six  ans,  et  Ro- 
bert se  vit  enfin  tranquille  possesseur 
de  la  Bourgogne.  H  investit  de  ce  du- 
ché Henri ,  son  second  fils  ,  qui  depuis, 
étant  devenu  roi  ,  le  céda  à  Robert  son 
cadet.  (  P'oycz  Henri  I*'  ,  roi  de  Fran- 
ce. )  Le  duc  Robert  fut  chef  de  la  pre- 
mière branche  royale  des  ducs  de  Bour- 
gogne ,  qui  dura  jusqu'en  1 361 .  Ce  du- 
ché fut  alors  réuni  à  la  couronne  par  le 
roi^Jean,  qui  le  donna  à  son  quatrième  fils 
Philippe  le  Hardi ,  chef  de  la  deuxième 
maison  de  Bourgogne ,  qui  finit  en  la 
personne  de  Charles  le  Téméraire,  tué 
en  1477.  (  Le  roi  Robert  termina  par 
.sa  médiation  les  longues  querelles  qui 
existaient  entre  le  comte  de  Chartres  et 
le  duc  de  Normandie.  Ce  dernier  avail 
appelé  à  son  secours  deux  de  ces  rois  du 
Nord  (  Normands  païens),  quidévastaient 
alors  l'Angleterre.  Le  roi  Robert  conclut 
ta  paix  entre  les  deux  adversaires,  paya 
de  ses  propres  deniers  le  départ  des  deux 
rois  normands  ,  avant  qu'ils  ne  renouve- 
lassent en  France  les  scènes  de  destruc- 


ROB 

lion  présentées  deux  siècles  auparavant 
par  cette  nation  barbare.  ]  Ce  prince 
mérita  par  sa  sagesse  qu'on  lui  offrît  l'em- 
pire et  le  royaume  d'Italie  ;  mais  il  les 
refasa ,  et  après  avoir  fait  couronner  à 
Reims  son  second  fils  Henri  I"",  il  mou- 
rut à  Meluu  en  1031  ,  âgé  de  60  ans. 
Robert  bâtit  un  grand  nombre  d'églises , 
et  fit  restituer  au  clergé  les  dîmes  et  les 
biens  dont  les  seigneurs  laïques  s'étaient 
emparés.  La  déprédation  était  telle  ,  que 
les  séculiers  possédaient  les  biens  ecclé- 
siastiques à  titre  héréditaire  ;  ilsles  par- 
tageaient à  leurs  enfans  ;  ils  donnaient 
même  les  cures  pour  la  dot  de  leurs  filles, 
ou  la  légitime  de  leurs  fils.  Robert  cul- 
tiva les  sciences,  et  les  protégea.  On  a 
de  lui  plusieurs  Hymnes  que  l'on  chante 
encore|dans  l'Eglise  ;  «ton  lui  a  attribué 
l'hymne  P^cni ,  sanctc  Spiritus.  Son  rè- 
gne fut  heureu.v;  et  tranquille.  C'est  sous 
ce  même  règne  que  la  France  éprouva  en 
1010  une  famine  de  quatre  ans,  suivie 
d'une  peste  qui  parut  luie  seconde  fois 
eu  1030,  jusqu'en  1033.  Robert  régna 
trente-cinq  ans ,  et  pondant  près  de 
trente  ans  la  France  jouit  d'une  tranquil- 
lité parfaite. 

ROBERT  I",  dit  le  Magnifique,  dur 
de  Normandie ,  deuxième  fils  de  Richard 
H  ,  succéda  l'an  1028  à  son  frère  Richard 
liI,mort,  dit-on,  du  poison  qu'il  lui 
avait  fait  donner.  H  eut  à  réprimer  ,  dans 
les  commencemens,  les  fréquentes  ré- 
voltes de  plusieurs  de  ses  grands  va.ssaux. 
Il  rétablit  dans  ses  états  Baudouin  IV  . 
comte  de  Flandre  ,  que  son  propre  fils  en 
avait  injustement  dépouillé.  Il  força  Ca- 
nut, roi  de  Danemark,  qui  s'était  em- 
paré de  ceux  d'Angleterre,  à  lesparL-iger 
avec  ses  cousins  Alfred  et  Edouard. 
L'an  103.'j  il  entreprit  nu-pieds  le  voyage 
de  la  Terre-Sainte.  Les  mous  et  délicats 
philosophes,  qui  traitent  les  croisades  de 
fanatisme,  ne  peuvent  au  moins  se  dispen- 
ser d'admirer  une  si  endurante  et  écla- 
tante piété,  dans  un  grand  prince,  qu'on 
ne  s'est  jamais  avisé  de  traiter  d'esprit  fai- 
ble. A  son  retour,  il  mourut  empoisonné  ù 
Nicée  en  Bithynie,  laissant  pour  succes- 
seur Guillaume  ,  son  fils  naturel ,  depuis 
roi  d'Angleterre ,  et  qu'il  avait  fait  rc- 


I 


ROB 

conbaitre  avant  son  départ  dans  nne  as- 
semblée des  états  de  Normandie. 

ROBERT,  dit  Courte-Cuisse,  fils  aîné 
de  Guillaume  le  Conquérant ,  fut  établi 
l'an  1087  duc  de  Normandie  par  son 
père,  qui  donna  la  couronne  d'Angle- 
terre à  son  autre  fils  Guillaume  le  Roux 
'  voyez  ce  nom  ).  Ce  fut  un  des  plus  vajl- 
lans  princes  de  son  siècle  dans  les  com- 
bats ,  et  un  des  plus  faibles  hommes  dans 
la  conduite.  A  la  croisade  de  1096  ,  il  fit 
des  prodiges  de  valeur  ;  l'armée  chré- 
tienne lui  dut ,  en  grande  partie ,  les  ba- 
tailles qu'elle  gagna  sur  les  infidèles,  no 
tamment  celle  qui  suivit  la  prise  d'An- 
tioche  l'an  1098  ,  oîi  ils  perdirent,  dit- 
on  ,  cent  mille  cavaliers.  Après  la  prise 
de  Jérusalem ,  à  l'assaut  de  laquelle  il 
monta  un  des  premiers, suivi  de  ses  sei- 
gneurs ,  il  revint  en  Europe ,  trouva  le 
trône  d'.\ngleterre  occupé  par  Henri  son 
jeune  frère ,  après  la  mort  de  Guillaume 
le  Roux ,  et  tenta  en  vain  de  le  recou- 
vrer. Livré  à  l'indolence  et  aux  plaisirs,  il 
se  laissa  gouverner  par  ses  courtisans  ,  et 
perdit  le  duché  de  Normandie  avec  la  li- 
berté ,  ayant  été  pris,  l'an  1106  ,  à  la 
bataille  de  Tinchebrai  par  son  frère 
Henri ,  qui  l'enferma  dans  une  prison  en 
Angleterre,  où  il  mourut  en  li34. 

\  ROBERI^  DE  LUZARCHES ,  ar- 
chitecte, né  en  Normandie  vers  l'an  1180. 
fut  un  de  ceux  qui  firent  adopter  en 
France  le  goût  de  l'architecture  gothi- 
que. II  eut  la  principale  part  à  la  construc- 
tion de  la  belle  cathédrale  d'Amiens , 
commencée  en  1220,  et  achevée  en  1288 
par  Renault.  Nous  croyons  devoir  trans- 
crire ici  l'inscription  suivante ,  que  cet 
artiste  fit  graver  sur  le  pavé  de  la  nef . 
et  qui  atteste  un  fait  historique  : 

En  l'an  de  grâce  mil  deux  cent 
El  «iiigl,  fut  l'œuTre  de  Chétni. 
Preiniércinenl  eiicommcncié. 
Adont  iest  de  chest  éiéehié 
^«rar<L  .  évëque  bénif, 
El  le  roi  de  France  Lojs , 
Qui  fuit  fils  de  Philippe  le  Snge. 
Chil  qui  maiitre  était  de  l'ouTra^e 
Maittr*  Robert  était  nommé 
Et  de  Luzarcbes  suruoramé. 
iiaiftre  Thumas  fut  après  lui 
De  CormOD,  et  après  cestui, 
SoD  eu  maitlre  Renault,  qui  meile 
Fit  i  cb««t  point-ebi  crn«  lettre 


ROB 


4x1 


Que  riDcarnation  râlait 
Treiceceots  ans,  douze  en   fallait 


ROBERT  ,  né  à  Thorigni  en  Norman- 
die, et  pour  cela  appelé  Robe) tus aTo- 
rineo  ,  abbé  du  mont  Saint-Michel  au 
diocèse  d'Avranches  ,  fut  employé  dans 
plusieurs  afiaires  importantes  par  Henri 
H ,  roi  d'.\ngleterre.  Ses  occupations  ne 
l'empêchèrent  pas  de  composer  un  giand 
nombre  d'ouvrages,  dont  il  ne  nous 
reste  que  la  Continuation  de  la  Chroni^ 
que  de  Sigebert ,  et  un  Traite'  des  Ab- 
bayes de  Normandie  ,  que  D.  d'Acheri 
a  donné  à  la  fin  des  OBuvres  de  Gnilbert 
(le  Nogent.  Il  mourut  l'an  1186. 

'  ROBERT  d'Auxerre  ou  de  Saiote- 
Marie  (  Kobertus  nutissiodorensis  ],  cha- 
noine régulier  de  l'ordre  de  Prémontré  , 
oublié  par  presque  tous  les  biographes 
modernes  (  l  i ,  a  pourtant  des  droits  à  la 
célébrité.  Son  nom  de  famille  était  Abo 
lant  ou  Abolanz.  Il  tlorissait  à  la  fin  du 
12*  et  au  commencement  du  13*  siècle. 
Il  étaitchanoine  de  la  cathédrale  d'Auxer- 
re ,  sous  l'épiscopat  de  Hugues  Des- 
noyers ,  et  revêtu  du  personnat  {  2  ) ,  de 
lecteur ,  comme  le  prouvent  plusieurs 
titres  qui  finissent  par  ces  mots  ;  Dat. 
per  manum  Roberti  lectoris.  Pendant 
qu'il  possédait  cette  charge  ,  il  fit  écrire 
deux  volumes  A'Aetes  des  saints  ,  dont 
un  seul  reste  ,  lequel  était  conservé  à 
labbaye  de  Saint-Germain  d'.\uxerre. 
Robert  était  passionné  pour  les  livres,  et 
lié  d'intimité  avec  Milon  ,  abbé  de  Saint- 
Marieii ,  ordre  de  Prémontré  ,  qui  parta- 
geait ce  goût  et  s'était  formé  une  belle 
bibliothèque  :  Insiynem  bibliothecam 
quœsitis  undequaque  voluminibus  cumu- 
latam.  Robert ,  à  la  sollicitation  de  cet 
abbé  ,  fit  une  compilation  des  Chroni- 
ques de  Sigebert  et  autres  écrivains.  Il 
y  inséra  tout  ce  qu'il  put  trouver  défaits 
intéressans  dans  les  archives  de  l'Eglise 
de  Sens,  et  ce  que  put  lui  fournir  le  livre 
intitulé  Gesta  pontificum  autissiodoren- 
sium.  Avec  ces  matériaux  ,  il  conduisit 
d'abord  son  ouvrage  jusqu'à  l'an  1205. 
H  parait  que  c'est  vers  ce  temps  qu'il 
prit  l'habit  de  l'ordre  de  Prémontré  dans 

(i!  Moréri  néanmoins  en  a  donut  un  article 
a!  C'était  une  dignité  capitulaire  a  laquelle  était  attaché 
!e  soin  des  manuscrits  et  des  archi'cs. 


4ia  ROB 

l'abbaye  de  Saint-Marien  ,  qu'il  y  conti- 
nua sa  chronique  jusqu'en  1212  ,  et  qu'il 
mourut  la  même  année.  Ce  qui  en  effet 
complète  les  sept  ans  qu'il  est  dit  avoir 
passes  à  Saint-Marien.  Son  continuateur, 
que  Casimir  Oudin  croit  être  un  nommé 
Hugues ,  aussi  chanoine  régulier  de  Saint- 
Marien,  reprit  le  travail  de  Robert,  et  le 
poussa  jusqu'à  l'an  1 227 .  Cette  chronique 
est  l'une  des  plus  estimées ,  et  «  d'un 
)'  meilleur  goiit  que  tant  d'autres,  >»  di- 
sent les  auteurs  de  V Histoire  littéraire 
de  France,  tome  9 ,  page  127.  Quoi- 
qu'elle ne  soit  point  entièrement  exemp- 
te de  fautes ,  on  la  consulte  avec  con- 
fiance. Robert  était  homme  de  mérite  , 
et  très  instruit  dans  l'histoire  pour  son 
temps.  Les  règles  d'une  critique  sage,  si 
peu  connues  dans  ces  siècles  reculés,  ne 
lui  étaient  pas  étrangères,  et  il  en  trace  de 
fort  judicieuses  pour  les  légendes.  Mco- 
las  Camusat,  savant  chanoinede  Troyes , 
fit  imprimer  la  chronique  de  Robert 
sous  ce  titre  :  Chronologia  ab  orbis  ori- 
gine ad  annuni  Christi  1220,  cum  ap- 
pendice ad  annum  1223,  l608,in-4. 
L'ordi-e  de  Prémontré  se  proposait  d'eu 
donner  une  2«  édition,  et  le  manuscrit 
en  avait  été  communiqué  à  de  savans  rc- 
lig  ieux  de  cet  ordre  en  Lorraine.  M.  Le 
Venier ,  pénitencier  d'Auxerre  ,  mort  eu 
1CG9,  avait  eu  le  même  projet;  mais  ni 
l'un  ni  l'autre  ne  furent  exécutés.  On 
peut  voir  à  cet  égard  les  Mémoires  de 
l'abbé  Le  Bœuf ,  concernant  V Histoire 
ecclésiastique  et  civile  d'Auxerre,  tome 
2  ,  p.  490.  On  y  trouve  aux  preuves  , 
page  36 ,  le  testament  que  fit  Robert 
avant  d'embrasser  l'ordre  de  Prémontré. 
Il  y  a  un  autre  Robert  d'Auxerre ,  con- 
temporain du  précédent ,  aussi  de  l'or- 
dre de  Prémontré  et  proies  de  Saint- 
Marien.  Il  (ut  prieur  de  Nolre-Dame-là- 
d'bors ,  cure  de  cette  abbaye.  Il  est  au- 
teur d  un  ouvrage  intitulé  :  Tradition  de 
l'église  d'Auxerre ,  imprimé  en  1719. 
ROBERT  DE  CouRTENAi ,  cmpcreur 
français  d'Orient,  succéda  à  son  père 
Pierre  de  Courtenai  sur  la  fin  de  l'an 
1219  ,  et  fut  couronne  à  Sainte-Sophie  , 
le  25  mars  1221.  Il  s'adressa  au  pape 
poar  prêcher  une  croisade  contre  Vatace, 


ROB 

qui,  après  s'être  fait  déclarer  empereur 
à  IVicée  ,  avait  fait  de  rapides  conquête^ 
sur  les  Français,  et  resserré  leur  empi 
jusque  dans  le  territoire  de  Constantin 
pie.  Lepape  arma  plusieurschrétienspo 
son  secours.  Ils  passent  en  Orient ,  souS 
la  conduite  de  Guillaume  de  Monlferral; 
mais,  ce  général  étant  mort,  ils  retournè- 
rent en  Europe,  et  Robert  fut  obligé  de 
demander  la  paix  à  Yatace.  Robert  épousa 
la  fille  d'un  chevalier  d'Artois;  elle  avait 
été  promise  à  un   gentilhomme  bourgui- 
gnon ,  qui ,  outré  de  voir  qu'on  lui  pré- 
férât un  empereur,  enleva  rimpéralricc;^J 
et  sa  mère ,  fit  jeter  celle-ci  dans  la  mer  s^^J 
coupa  le  nez  et  les  lèvres  à  la  fille  ,  et  la 
laissa  sur  le  rivage.  Robert  en  mourut  de 
douleur,  l'an  1228.  Ce   prince  n'avait       1 
aucun  talent  militaire  :  les  divisions  de       \ 
ses  enuemis  l'appelaient  aux  conquêtes; 
mais  sou  indolence  et  son  goût  pour  les 
plaisirs  le  retinrent  toujours.  Il  donna 
lieu,  par  sa  négligence,  à  l'étaltlissement 
de  deux  nouveaux  empires ,  outre  l'em- 
pire de  IVicée,  celui  de  Trébisonde  et  ce- 
lui de  Thessalonique.   (  Foyez  Courte- 
nai. }  Les  seigneurs  français  appelèrent 
après  sa  mort  Jean  de  Brienne ,  dépouillé 
de  son  royaume  de  Jérusalem  ,  pourgou 
verner  l'empire  pendant  la  minorité  de 
Baudouin  II.  (On  Irouvela vie  dece  prince 
par  Ducauge  dans  la  3"  partie  de  VUisl. 
de  Constaiitinople.) 

ROBERT  Grosse-Tkste  ,  en  latin  Ga- 
pito,  naquit  en  Angleterre,dansle  pays  de 
Suffolk,  de  parens  pauvres.  Ses  talens  lui 
méritèrent  l'archidiaconé  de  Leicester , 
et  en  1 235  l'évêché  de  Lincoln.  Il  eut  de 
grands  différends  avec  les  moines  ,  et  un 
démêlé  considérable  avec  Innocent  IV  , 
sur  une  dispense  que  ce  pape  avait  acco  r- 
dée  pour  un  canouicat  de  l'église  de 
Lincoln.  Il  mourut  en  1253.  Outre  son 
Abrégé  de  la  sphère,  ses  Commentaires 
sur  les  Analytiques  d'Aristote  ,  et  quel- 
ques Lettres  renfermées  dans  le  recueil 
de  Brown ,  intitulé  Fasciculus  reruni 
expetendarum  ,  nous  citerons  ses  ouvra 
ges  :  de  Cessatione  legaliuni ,  Londres  , 
1652;  Commentarius  in  Pseudo-Dio 
nysii  areopagilœ  theologiam  mysticam, 
Strasbourg,  1502;  et  sou  Tcslamentuni 


ROB 

XH  paii'iarcharum ,  fiUorum  Jacob, 
Hagucnan,  1632,  in-8,  très-rare  :  ouvrage 
apocryphe ,  dont  il  n'est  que  l'éditeur 
ouïe  traducteur  du  grec  en  laliu.  A  l'au- 
theuticité  près,  il  a  ce  qu'il  faut  pour 
être  un  livre  utile.  On  y  trouve  les  mystè- 
res chrétiens  si  formellement  exprimés  , 
que  les  douze  patriarches  n'ont  pu  en 
parler  de  la  sorte  sans  anachronisme,  ou 
bans  des  révélations  qu'on  n'est  pas  fondé 
A  supposer.  Quelques  critiques  préten- 
dent que  ces  Tcsiamcnta  sont  de  la  com- 
position de  Grosse-Teste,  et  que  l'origi- 
nal hébreu,  ni  même  la  traduction  grec- 
que n'ont  jamais  existé.  Dans  ses  autres 
écrits  ,  il  reprend  avec  liberté  ,  et  peut- 
être  avec  trop  d'amertume  ,  les  vices  et 
les  déréglemens  des  ecclésiastiques  de 
son  temps.  Il  y  a  une  édition  de  plu- 
sieurs de  ses  ouvrages  faite  à  Venise  en 
161  i. 

ROBERT  DE  FRAXcE,né  en  1216, 
surnommé  le  Bon,  le  Vaillant ,  troisiè- 
me fils  de  Louis  VIII  ,  et  frère  de  saint 
Louis ,  qui  érigea  en  sa  faveur  l'Artois  en 
comté-pairie ,  l'an  1237.  C'était  dans  le 
temps  de  la  funeste  querelle  entre  le 
pape  Grégoire  IX  et  l'empereur  Frédéric 
II.  Grégoire  offrit  à  saint  Louis  l'empire 
pour  Robert  ;  mais  sur  l'avis  des  sei- 
gneurs français ,  assemblés  pour  délibé- 
rer sur  cette  proposition ,  elle  ne  fut  pas 
acceptée  :  exemple  rare,  car  les  princes 
profitaient  volontiers  de  la  jurisprudence 
établie  dans  ce  temps-là  ,  qui  donnait  au 
pape  le  droit  dcdcposer  les  rois.  (Voyez 
Martin  IV.)  Robert  suivit  saint  Louis  en 
Egypte  ,  et  ce  fut  lui  qui  engagea,  avec 
plus  de  bravoure  que  de  prudence  ,  la 
bataille  delà  Massoure,  leO  février  1250. 
Comme  il  poursuivait  les  fuyards  à  tra- 
vers cette  petite  ville  ,  il  y  fut  assommé 
de  pierres ,  bûches ,  et  autres  choses 
que  l'on  jetait  par  les  fenêtres.  C'était  un 
prince  intrépide  ,  mais  fougueux  et  opi- 
niâtre. 

ROBERT  II',  comte  d'Artois,  fils  du 
précédent,  surnommé  le  Bon  elle  Noble, 
fut  de  l'expédition  d'Afrique  en  1270.  Il 
châtia  les  rebelles  de  Navarre  en  1276. 
Après  les  Vêpres  siciliennes  ,  il  mena  un 
puissant  secours  à  Charles  I"^ ,  roi  de 


ROB  4i3 

Naples ,  et  fut  régent  de  ce  royaume 
pendant  la  captivité  de  CharlesII.  Il  défit 
les  Aragonais  en  Sicilel'au  1289,  les  An- 
glais près  de  Rayonne  eu  1296  ,  les  Fla- 
mands à  Furnes  en  1298.  Mais  l'an  1302, 
ayant  voulu  imprudemment  forcer  les 
mêmes  Flamands  retranches  près  de 
Courtrai  ,  il  reçut  trente  coups  de  pique , 
et  perdit  la  vie.  Homme  vaillant,  et  grand 
capitaine,  mais  emporté  et  violent ,  il 
n'était  bon  que  pour  un  coup  de  main. 
Mahaud  ,  sa  fille ,  hérita  du  comté  d'Ar- 
tois ,  et  le  porta  en  mariage  à  Othon  , 
comte  de  Bourgogne,  dont  elle  eut  deux 
filles  :  Jeanne,  femme  de  Philippe  le 
Long ,  et  Blanche ,  femme  de  Charles  le 
Bel.  Cependant  Philippe  ,  fils  de  Robert 
Il ,  avait  un  fils ,  Robert  IH  ,  qui  disputa 
le  comté  d'Artois  à  sa  tante  Mahaud. 
Mais  il  perdit  son  procès  ,  par  deux  ar- 
rêts rendus  en  1302  et  1318.  Il  voulut 
faire  revivre  ce  procès  en  1329,  sous 
Philippe  de  Valois ,  à  la  faveur  de  pré- 
tendus nouveaux  titres  qui  se  trouvèrent 
faux.  Robert  fut  condamné  pour  la  troi- 
sième lois,  et  banni  du  royaume  en  1331 . 
Ayant  trouvé  un  asile  auprès  d'Edouard 
IH,  roi  d'Angleterre,  il  l'engagea  à  se 
déclarer  roi  de  France  :  source  des  guer- 
res longues  éternelles  qui  affligèrent  ce 
royaume.  Robert  fut  blessé  au  siège  de 
Vannes  en  1342  ,  et  mourut  de  sa  bles- 
sure en  Angleterre.  Jean,  fils  de  Robert, 
eut  le  comté  d  Eu,  fut  fait  prisonnier  à 
la  bataille  de  Poitiers  en  1 356 ,  et  termi- 
na sa  carrière  en  1 387 .  Son  fils  Philippe  Jf 
fut  connétable  de  France ,  fit  la  guerre 
en  Afrique  et  eu  Hongrie  ,  et  mourut 
prisonnier  des  Turcs  en  1397.  Il  eut  un 
fils  nomme  Charles,  vaotl  en  1472  ,  sans 
postérité. 

ROBERT  Beuce,  roi  d'Ecosse,  monta 
sur  le  trône  en  1 306,  après  l'expulsion  de 
Jean  Bailleul,  ou  Baillot,  qui  avait  usurpé 
la  couronne  d'Ecosse,  par  le  secours 
d'Edouard  l"  ,  roi  d'Angleterre.  (  Robert 
se  trouvait  prisonnier  à  Londres  ,  tandis 
que  Comyn ,  l'ennemi  implacable  du 
nialheiyeux  et  noble  Wallace,  gouvernait 
l'Ecosse  au  nom  d'Edouard.  Voyant  la 
position  critique  de  Bruce,  un  seigneur 
anglaisi  nommé  Glower ,  ami  de   sa  fa-* 


4i4  ROB 

mille ,  lui  envoya  une  paire  d'éperons  et 
une  bourse  d'or.  Robert  comprit  ce  lan- 
gage ,  fit  ferrer  trois  chevaux  en  sens 
contraire ,  de  manière  à  marquer  les  tra- 
ces d'une  arrivée  ,  au  lieu  de  celles  d'un 
départ.  Il  se  fit  suivre  de  deux  amis  sûrs, 
arriva  en  Ecosse  ,  réunit  ses  partisans,  fit 
mettre  à  mort  Comyn ,  et  fut  couronne 
roi  à  Scône).  Il  secoua  le  joug  des  An- 
glais ,  les  cbassa  ,  et  rendit  l'Ecosse  très 
puissante  et  très  florissante.  C'était  un 
prince  chéri  de  son  peuple,  quoiqu'il  ai- 
mât la  guerre  ;  mais  il  ne  la  fit  que  pour 
tirer  sa  nation  de  l'esclavage ,  et  pour  la 
rendre  heureuse.  Il  mourut  en  1329,  à 
5.5  ans.  Etant  près  d'expirer ,  il  conjura 
Jacques  Douglas  ,  un  de  ses  courtisans  , 
de  porter  son  cœur  dans  la  Terre-Sainte  : 
preuve  attendrissante  du  motif  religieux 
qui  animait  les  braves  de  ce  temps-là  à 
arracher  ce  pays  ,  si  intéressant  pour  les 
chrétiens  ,aux  barbares  qui  l'avaient  en- 
vahi. Il  laissa  pour  successeur  David  II, 
âgé  de  5  ans ,  et  une  fille  qui  porta  le 
sceptre  d'Ecosse  dans  la  maison  de 
Stuart. 

ROBERT  d'Anjoi  ,  dit  le  Sage,  troisiè- 
me fils  de  Charles  le  Boiteux  ,  succéda  à 
son  père,  dans  le  royaume  de  Naples,  en 
1309,  par  la  protection  des  papes  et  par 
le  désir  des  peuples ,  à  l'exclusion  de 
Charobert ,  fils  de  son  frère  aine.  Il  fut 
un  grand  roi,  juste  ,  sage ,  vaillant.  Il  ré- 
gna 33  ans  8  mois ,  et  mourut  le  19  jan- 
vier 1343  âgé  de  64  ans.  Philippe  de 
Valois  s'abstint  de  livrer  bataille,  en  i339, 
sur  les  avis  réitérés  que  lui  donna  ce 
prince,  grand  ami  de  la  France  ,  par  in- 
clination et  par  intérêt,  et  qui  d'ailleurs 
détestait  la  guerre  entre  les  princes  chré- 
tiens. 

ROBERT  rV,  comte  d'Âlençon,est  peu 
connu  dans  l'histoire  ;  mais  il  tient  une 
place  dans  celle  de  France  ,  parce  qu'en 
lui  finit  la  postérité  masculine  des  com- 
tes d'Alençon .  Après  sa  mort ,  arrivée  en 
1319,  sa  sœur  Alix  donna  le  comté  à  Phi- 
lippe-Auguste ,  en  1320.  Il  a  passé  en- 
suite à  diflférens  princes  qui  en  ont  porté 
le  nom.  Voyez  François  de  France. 

ROBERT  ou  RupERT,  dit  le  Brefeï  le 
Débonnaire ,   électeur   palatin ,  fils  de 


RGB 

Robert  le  Tenace,  naquit  en  1352,  et  fut 
élu  empereur  d'Allemagne  en  1400,  après 
la  déposition  du  barbare  Wenceslas.  Pour 
gagner  les  Allemands  ,  il  voulut  rendre  à 
l'empire  le  Milanais ,  que  Wenceslas  eu 
avait  détaché  ;  mais  ses  efforts  furent 
inutiles.  Il  ne  fut  pas  plus  heureux  en 
tâchant ,  durant  le  grand  schisme  d'Oc- 
cident ,  d'empêcher  qu'on  ne  reconnût 
Alexandre  V  pour  pape  dans  l'Allemagne, 
et  de  ramener  les  princes  à  Grégoire  XII. 
Il  mourut  à  Oppenheim  ,  en  1410,  après 
avoir  partagé  ses  états  entre  ses  quatre 
fils  ,  qui  sont  les  tiges  des  différentes 
branches  de  la  maison  palatine.  Robert 
acheva  d'établir  la  souveraineté  des  prin- 
ces d'Allemagne.  Les  empereurs  avaient 
conservé  le  droit  de  haute  justice  dans 
les  terres  de  plusieurs  seigneurs  ;  mais  il 
leur  céda  ce  droit  par  des  privilèges.  Il 
est  fondateur  de  l'université  de  Heidel- 
berg. 

ROBERT  (Claude),  né  à  Bar-sur- 
Aube  ,  vers  1564,  ou  suivant  Moréri ,  à 
Cheslai ,  près  de  Bar-sur-Seine ,  devint 
précepteur  d'André  Fremiot ,  depuis  ar- 
chevêque de  Bourges,  avec  lequel  il  voya- 
gea eu  Italie ,  en  Allemagne  et  dans  les 
Pays-Bas.  Les  cardinaux  Baronius,  d'Os- 
sat  et  Bellarmin  lui  donnèrent  des  mar- 
ques de  leur  estime.  De  retour  en  France, 
\\  fut  nommé  archidiacre  et  grand  vicaire 
de  Chàlons-sur- Saône.  Ce  savant  mourut 
en  163G.  Le  plus  important  de  ses  ouvra- 
ges est  le  grand  recueil  intitulé  Gallia 
chrlstiana,  qu'il  publia  en  1 625,  en  1  vol. 
in-i'ol.  MM.  de  Sainte-Marthe  augmentè- 
rent ,  dans  la  suite  ,  cet  ouvrage  utile, 
dont  les  bénédictins  de  la  congrégation 
de  Saint-Maur  ont  donné  une  nouvelle 
édition,  qui  est  eu  12  vol.  in-foL,  ctqui 
n'est  pas  achevée. 

ROBERT  DE  Bavière,  prince  palatin 
du  Rhin,  duc  de  Cumberland,  fils  de  Fré- 
déric, prince  électeur  palatin  du  Rhin,  et 
d'Elisabeth,  fille  de  Jacques  I"',  roi  d'An- 
gleterre et  d'Ecosse ,  se  signala  d'abord 
en  Hollande,  puis  passa  en  Angleterre 
l'an  1642.  Le  roi  Charles  I*%  son  oncle, 
le  fit  chevalier  de  la  Jarretière,  et  lui 
donna  le  commandement  de  son  arm 
Le  prince  Robert  remporta  d'abord 


ROB 

grands  avantages  sur  les  parlementaires; 
mais  il  fut  ensuite  obligé  de  se  retirer  en 
France.  Charles  H ,  étant  remonté  sur  le 
trône  de  ses  pères ,  le  ftt  membre  de  son 
conseil  privé,  en  1662,  et  lui  donna  le 
commandement  de  sa  flotte  contre  les 
Hollandais,  en  1664.  Le  prince  Robert 
défit ,  l'année  suivante ,  la  flotte  hollan- 
daise, et  fut  fait  amiral  d'Angleterre,  en 
1675.  Il  se  montra  digne  de  cet  emploi 
par  son  intelligence  et  par  sa  valeur,  et 
mourut  en  1682. 

ROBERT  (  Nicolas),  peintre  d'Orléans 
au  17*  siècle,  excellent  dessinateur  d'ani- 
maux et  d'insectes,  fit  pour  Gaston  de 
France ,  en  ce  genre ,  une  belle  suite  de 
miniatures ,  qu'on  voit  au  cabinet  des  es- 
lampes  du  roi.  Il  travailla  aussi  aiu  319 
planches  de  plantes  de  l'académie  des 
Sciences  de  Paris  :  recueil  parfaitement 
exécuté,  et  dont  on  recherche  les  ancien- 
nes épreuves.  M.  Anis.son  y  a  joint,  vers 
17  80,  un  frontispice,  un  avertissement  et 
une  table  en  20  pages,  qu'il  est  bon  de 
joindre  aux  exemplaires.  G.  Audraa  a 
publié  ;  Recueil  d'oiseaux  les  plus  rares, 
tires  de  la  ménagerie  royale,  dessines  et 
grave'spar  N.Robert,  Paris,  1G76,  in-fol. 
On  a  du  même  artiste  Divers  oiseaux 
dessinés  d'après  le  naturel,  Paris,  17  7  3, 
in-fol. Il  mourut  en  1684,  à  74  ans. 

•  ROBERT  (  de  Valuondv  Gillesj,  géo- 
graphe, naquit  à  Paris  en  1 688,  futnommé 
géographe  ordinaire  du  roi  Louis  XV,  et 
mourut  dans  sa  patrie  en  1766.  Peu  de 
savans  ont  autant  contribué  que  lui  aux 
progrès  de  la  géographie  en  France.  Indé- 
pendamment d'une  Géographie  sacrée  et 
historique  de  l'ancien  et  du  nouveau 
Testament,  Paris,  1 7  47, 3  tom.  en  2  vol. 
in-12  ,  dont  le  fonds  est  de  l'avocat  Fé- 
rieux  ,  où  Robert  a  inséré  plusieurs  dis- 
sertations de  îNicolas  Samson  son  aïeul, 
on  a  de  lui  son  petit  Atlas  contenant 
203  cartes,  1748,  2  vol.  in-8 ,  Atlas  por- 
tatif. in-4,  oblong  ;  de  ."ii  cartes,  son 
grand  Atlas  universel,  1758,  in-fol., 
contenant  108  cartes,  parmi  lesquelles  on 
cite  surtout  celle  de  Bretagne.  Les  anciens 
exemplaires  de  cet  ouvrage  sont  préférés 
aux  derniers.  On  cite  encore  de  ce  géo- 
graphe ,  Atlas  complet  des  révolutions 


ROB  4i5 

du  globe ,  offrant  en  66  cartes  les  distri- 
butions géographiques  du  monde  civilisé 
à  autant  d^époques  différentes  .-  la  der- 
nière répond  à  l'an  1640  :  cet  ouvrage 
n'a  pas  été  publié,  et  les  planches  n'exis- 
taient plus  en  1773.  On  n'en  connaît 
qu'un  exemplaire  ;  mais  on  croit  que  cet 
Atlas  a  servi  de  modèle  ù  Picault  de 
-Nantes  pour  ses  révolutions  de  l'univers, 
publiées  en  1763.  —  Robekt  de  Vau- 
liOKDv  (N... } ,  né  à  Paris  en  1 723,  mort  en 
1786  ,  suivit  avec  honneur  les  traces  de 
son  père.  Ilobtintau.ssila  place  degéogra- 
phe  ordinaire  du  roi ,  reçut  le  même  titre 
deStanislas  roide  Pologne  quile  fitadmel- 
tre  à  l'académie  de  Nancy ,  fut  nommé 
censeur  royal ,  et  obtint  une  pension  sur 
la  cassette.  Outre  plusieurs  Me/«oire.y  lus 
à  l'académie  des  Sciences  sur  diverses 
questions  géographiques  ,  deux  grands 
globes,  l'un  céleste  et  l'autre  terrestre , 
sur  lesquels  il  ajouta  successivement ,  de 
'764  à  1774,  les  découvertes  les  plus 
récentes  des  navigateurs ,  et  diverses 
cartes  pouv l'histoire  naturelle  de  Bufl'on, 
l'esprit  des  lois ,  la  Bible  de  ^■ence , 
l'histoire  des  terres  australes  du  prési- 
dent de  Brosses,  le  Mémoire  sur  le 
voyage  de  Ilanrwn  par  Bougainville ,  Je 
Tacite  de  Brolier,  etc.,  on  cite  de  lui  : 
Essais  sur  l'histoire  de  la  géographie , 
Paris,  1755,  in-12  :  c'est  la  préface  du 
grand  Atlas  universel  publié  par  .son 
père,  auquel  il  eut  beaucoup  de  part; 
Tablettes  Parisiennes,  contenant  le  plan 
de  la  ville  et  des  faubourgs  de  Paris,  pré- 
cédées d'une  description  abrégée  et  his- 
torique ,  ib.  1701  ,  in-8  ;  Cosmographie 
ou  description  du  ciel  eji  deux  hémisphè- 
res calculée  et  construits  pour  1767, 
ib.  1764,  in-4  ;  Institutions  géographi- 
ques, ib.,  1766,  in-8  ;  Descriptions  de 
la  sphère  armillairc,  suivant  le  système 
de  Copernic  ,  1771,  in-4  ;  Mémoires  sur 
les  pays  de  l'Asie  et  de  l'Amérique  situés 
au  nord  de  la  mer  du  sud,  ibid.,  1775  , 
in-4,  dont  Bonne  a  publié  l'Examen  en 
1777;  enfin  nne  Géographie  ancienne. 
•ROBERT  (Hubert),  peintre  d'ar- 
chitecture et  de  paysage ,  naquit  à  Paris, 
eu  1733.  Il  fit  ses  études  au  collège  de 
Navarre ,  et  montra  d'heureuses  disposi-' 


m 


4i6  KOB 

tions  pour  l'art  qu'il  embrassa.  On  le 
voyait  toujours  un  crayon  à  la  main  re- 
produire les  objets  qui  le  frappaient  da- 
vantage. Un  jour,  tandis  que  ses  condis- 
ciples répétaient  leurs  leçons,  il  fit  un 
dessin  sur  le  dos  de  la  copie  d'une  com- 
position en  grec.  L'abbé  le  Batteux,  son 
professeur,  en  fut  si  étonné,  qu'il  s'écria  : 
«  Robert ,  tu  seras  peintre  !  »  Il  obtint  le 
prix  de  sa  composition  en  grec ,  et  fit  ses 
éludes  avec  succès.  I.'abbé  I.e  Batteux 
garda  le  dessin ,  le  fit  encadrer  ,  et  ne  le 
renvoya  à  son  élève  qi«e  le  jour  où  celui- 
ci  fut  reçu  à  l'académie  de  peinture. 
Quand  il  sortit  du  collège  ,  il  s'appliqua 
exclusivement  au  dessin,  et  en  175.')  il  se 
rendit  à  Rome,  où  il  demeura  douze  ans. 
il  en  dessina  tous  les  monumens,  les 
ruines,  et  cette  riche  collection  lui  servit 
beaucoup  dans  la  composition  de  ses 
tableaux.  Il  était  déjà  favorablement 
connu  à  Rome  lorsqu'il  revint  dans  sa 
patrie  en  17fiT  .H  composa  en  peu  de  temps 
un  tableau,  le  présenta  à  l'académie, 
mérita  tous  les  suft'rages,  et  presque  aus- 
sitôt ,  et  contre  l'usage  ordinaire ,  il  fut 
admis  dans  cette  société.  Panini  et  autres 
peintres  italiens  et  flamands  avaient  déjà 
traité  le  genre  de  Robert;  mais  ce  genre 
était  nouveau  en  France,  et  cet  artiste  y 
réussit  complètement.  Kn  effet,  il  faut 
tout  l'art  du  pinceau  et  la  magie  des  cou- 
leurs pour  intéresser  par  des  murs  déla- 
brés, des  ruines  entassées,  des  statues 
brisées,  etc.  Robert  fut  nommé  garde  des 
tableaux  du  roi,  et  occupa  cette  place 
jusqu'à  la  révolution.  Knfermé  alors  à 
Ste. -Pélagie,  ce  fut  pendant  son  .séjour 
dans  cette  prison  qu'il  dessina  le  portrait 
de  Roucher  que  cet  infortuné  poète  en- 
voya à  sa  femme  avant  d'être  traîné  à 
l'échafaud.  Rendu  à  la  liberté  après  six 
mois  de  détention,  il  reprit  ses  pinceaux. 
Il  a  composé  un  grand  nombre  de  ta- 
bi«i)ux  ,  où  l'on  remarque  ,  outre  la  ma- 
jesté et  la  variété  des  sites  ,  des  groupes 
de  figures  parfaitement  dessinées,  toutes 
portant  les  costumes  des  différentes  épo- 
qjies  que  représentent  ces  tableaux.  Par- 
mi ceux-ci  on  dislingue  une  f^ne  dupant 
du  Gard,  le  Tombeau  de  Marius,  le 
Temple  de  Fcnus  ,  hi  Maison  carrée  de 


ROB 

Nîmes  ,  V Incendie  de  l  Hôtel-Dieu  de 
Paris,  YEscalier  de  Bernin  au  Vatican, 
les  Catacombes  de  Rome ,  les  Ruines  du 
château  de  Meudon ,  des  Bains  publics,  • 
etc.  Nommé,  en  1800,  conservateur  du  i 
musée,  il  projeta  la  réunion  des  galeries 
du  Louvre  aux  Tuileries ,  et  reproduisit 
cette  idée  dans  un  tableau.  Son  imagina- 
tion se  transportant  à  des  siècles  plus 
reculés,  il  présenta  dans  un  autre  tableau 
les  ruines  de  ce  monument,  où,  au  mi- 
lieu des  débris  d'édifices  et  d'arcs  renver- 
sés, le  seul  Apollon  du  Belvédère,  actuel 
lement  rendu  au  musée  du  Vatican,  était 
conservé  tout  entier,  comme  si  le  peintre 
eût  voulu  indiquer  par-là  que  le  temps 
n'avait  pas  d'empire  sur  ce  magnifique 
chef-d'œuvre  des  arts.  Robert  était  d'un 
caractère  doux  et  modeste  ;  sa  vie  fut 
heureuse  et  paisible,  et  il  la  termina  à 
Paris,  le  l.'i  avril  1808,  à  l'Age  de  7  5  ans. 
*  ROBERT  (François),  ingénieur-géo- 
graphe, né  en  17.17  à  la  Charmèle  près 
de  Châlons-sur-Saône ,  .se  fit  connaître 
par  quelques  ouvrages  utiles.  Il  embrassa 
ensuite  la  cause  de  la  révolution ,  et 
après  le  -31  mai,  il  devint  maire  de  la  com- 
mune de  Besnote,  administrateur  du  dé- 
partement de  la  Côte-d'Or,  député  au 
conseil  des  cinq-cents  en  mars  1797. 
I.e  3  juin  il  publia  une  motion  d'ordre  sur 
la  nécessité  de  rétablir  la  morale  et  la 
religion.  Le  29  juillet  il  combattit  l'alié- 
nation des  presbytères,  en  .soutenant 
qu'ils  appartenaient  aux  communes,  et 
que  l'idée  de  les  vendre  portail  fotis  les 
caractères  du  prestige  révolutionnaire.  I 
.Son  élection  fut  annulée  le  1 8  fructidor  :  | 
mais  il  ne  fut  point  compris  parmi  les 
déportés  de  celte  journée.  Il  est  mort  à 
Heilgenstadt  en  Saxe  le  3  mai  1819  à  8?  ] 
ans.  On  a  de  lui  :  1"  Gcngraphie  natu- 
relle, historique ,  politique  et  raisonne'e, 
17 77,  3  vol.  in-8;  2° Géographie  e'ie'men- 
taire  à  V usage  des  colle'ges ,  avec  un 
pre'cis  de  la  sphère  et  des  cartes ,  S*" 
édition,  1817  ,  in-12  ;  3*  la  Partie  géo- 
graphique de  V Encyclopédie  méthodique 
par  ordre  de  matières,  3  vol.  in-i,  à 
l'exception  de  quelques  articles  fournis 
par  Masson  ;  4"  Description  historique , 
physique  et  géographique  de  la  France, 


É 


I 


ROB 

1 790,  in-4  ;  5°  Traité  de  la  sphère  avec 
l'exposition  des  différens  systèmes  as- 
tronomiques du  monde  et  unprécis  du  sys- 
tème physique  de  Descartes  et  de  New- 
ton, 2"  édition,  1801,  in-12;  6"  Voyage 
dans  les  treize  cantons  Suisses,les  Gri- 
sons, le  Valais ,  1 789,  2  vol.  in-8;  7°  Mé- 
langes sur  différens  sujets  d'économie 
politique,  in-8;  8°  Dictionnaire  géogra- 
phique, d'après  le  traité  de  Paris  du  20 
novembre  1815,  2  vol.  in-8;  Paris,  1818, 
S*- édition,  1820. 

*  ROBERT  (  Pierre  François-Joseph  )  , 
conventionnel,  né  à  Gimnée  près  de  Gi- 
vet ,  était  épicier  à  Paris  avant  la  révolu- 
tion ,  et  il  en  embrassa  les  principes  avec 
chaleur  :  il  se  fit  connaître  par  un  jour- 
nal intitulé  :  Le  Mercure  national,  qu'il 
rédigea  en  commun  avec  sa  femme ,  ma- 
demoiselle de  Keralio,  morte  à  Bruxelles 
en  1821.  FoyesRERALio  (Louise-Félicité 
GuiNEMENT  de).  Robert,  d'abord  secré- 
taire de  Danton,  et  poussé  par  ce  pro- 
tecteur, entra  au  corps  électoral ,  et  fut 
nommé  député  à  laConvention  nationale, 
où  il  vota  la  mort  de  Louis  XVI  sans  ap- 
pel et  sans  sursis ,  en  regrettant  qu'il  ne 
fût  pas  en  son  pouvoir  de  prononcer  celle 
de  tous  les  souverains.  Il  est  difficile  d'i- 
maginer rien  de  plus  épouvantable  que 
le  discours  qu'il  prononça  en  celte  occa- 
sion. Robert  faisait  encore  le  commerce 
d'épicerie  en  gros  ,  cl  il  fut  dénoncé 
comme  accapareur  à  la  populace  qui  pilla 
sa  maison  et  s'empara  de  plusieurs  ton- 
neaux de  rhum.  Depuis  ce  temps  ,  on 
l'accabla  de  sarcasmes  ,  et  il  ne  fut  plus 
appelé  que  Robert  Rhum.  En  1795  ,  il 
fut  envoyé  en  mission  à  Liège  ;  mais  il 
fut  rappelé  presque  aussitôt  ,  comme  en- 
travant les  opérations  de  l'administration 
de  la  FiClgique.  A  la  fin  de  la  session  il 
ne  rentra  pas  dans  le  corps  législatif  ,  et 
ne  s/occupa  plus  que  d'opérations  com- 
merciales. Il  avait  fixé  sa  résidence  à 
Bruxelles,  oîi  il  est  mort  en  182C.  En- 
tr'autres  ouvrages  il  a  publié  :  Recon- 
naissance publique,  ode,  1787,  in-8; 
2"  Mémoires  sur  le  projet  de  rétablisse- 
ment d'une  société  de  jurisprudence  ,  de 
17  00,  in-8  ;  Z°  Le  républicanisme  adopté 
à  la  France ,  1790  ,  in-8  ;  4"  Le  droit  de 
XI 


ROB  4i7 

faire  la  paix  et  la  guerre  appartient  in- 
contestablement à  lanatioJï,  1790,  in-8; 
5"  Opinion  concernant  le  jugement  de 
Louis  XVI ,  1792  ,  in-8. 

ROBERT  DE  Genève.  Voyez  Genève. 

ROBERT  GUISCARD.  Voyez  Guis- 

CARD. 

ROBERT     SORBON.    Voyez    Sok- 

BOSNE. 

*ROBERTI  (Michel),  historien,  na- 
quit à  Florence  en  1382,  occupa  plu- 
sieurs places  dans  cette  république,  et  fut 
lié  avec  les  plus  grands  hommes  de  son 
temps.  On  a  de  lui  une  Histoire  générale 
qui  s'étend  depuis  la  création  du  monde 
jusqu'à  l'année  1430.  Elle  fut  imprimée 
après  sa  mort,  arrivée  vers  1 4  50,  et  le  ma- 
nuscrit est  conservé  àFlorence  à  labiblio- 
Ihèque  Magliabecchiana.  Dans  cette  his- 
toire ,  écrite  en  toscan  très  pur ,  Roberti 
prouve  avec  beaucoup  de'sagacité,  et  par 
des  raisons  qui  semblent  convaincantes, 
que  tous  les  changemens,  ainsi  que  la 
décadence  et  la  chute  des  royaumes  ont 
été  le  résultat  inévitable  des  fautes  des 
gouvernans. 

ROBERTI  (  Jean),  jésuite,  né  à  Sainl- 
Hubert  en  Ardennes,  l'an  1569,  enseigna 
la  théologie  et  l'Ecriture  sainte  à  Douai, 
Trêves,  à  Wùrtzbourg ,  à  Mayence,  et 
mourut  à  Namur  le  14  février  1G51.  Ses 
ouvrages  prouvent  qu'il  était  versé  dans 
les  belles-lettres,  la  théologie,  la  contro- 
verse et  dans  l'histoire  ecclésiastique. 
Les  principaux  sont  :  1"  Dissertatio  de 
superstitione,  1 G 1 4  ;  2"^  Quatuor  Evangc' 
lia ,  historiarum  et  tcmporum  série  vin- 
culata,  grœce  et  latine ,  Mayence,  1G15, 
in-fol.;  3°  Tractatus de  magneticavulne- 
rum  curât ione ,  Louvain,  1616.  Le  Père 
Roberti  y  démontre  les  impostures  de 
Goclenius,  qui  prétendait  guérir  toutes 
les  maladies  avec  l'aimant.  (Voyez  Go- 
clenius.) Il  fit  suivre  cette  Dissertation  de 
quatre  ou  cinq  autres  aussi  .solides  que  la 
première. 4*"  Une  Dissertation  pour  prou- 
ver que  saint  Barthélemi  était  le  même 
que  Nalhanaël.  Douai,  1619,  in-4;  b"  His~ 
toria  sancti  Huberti,  Luxembourg,  1621, 
in-4.  Cette  histoire  est  très  curieuse,  et 
renferme  plusieurs  dissertations;  la  plus 
importante  est  celle  où  il  parle  des  gué- 
53. 


4i8  ROB 

risoDS  qui  se  font  journellement  à  Saint- 
Hubert.  Il  y  examine  ,  d'après  les  règles 
de  la  plus  sévère  critique ,  si  les  céré- 
monies qui   s'y    observent    renferment 
quelque  chose  de  superstitieux,  et  il  dé- 
cide qu'elles  ne  contiennent  rien  de  sem- 
blable. Ces  cérémonies,  traitées  de  prati- 
ques superstitieuses    par    Gerson ,    par 
quelques  docteurs  en  théologie  de  Paris 
et  les  médecins  de  la  même    université 
l'an  1671,  par  M.  Gillot,  docteur  de  Sor- 
bonne ,  par  le  Père  Pierre  Le  Brun,  dans 
son  Histoire  des  pratiques  superstitieu- 
ses ,  ont  été  défendues ,  non  seulement 
par  le  Père  Roberti  ,  mais  encore  par  le 
Père  Marchant ,  par  Jacques  Boudart ,  et 
par  un  religieux  de   Saint-Hubert.  (On 
trouve  l'explication  de  ces  cérémonies 
par  ce  religieux,  dans  V Histoire  des  pra- 
tiques superstitieuses  du  Père  Le  Brun . } 
Les  docteurs  de  Louvain ,  entre  lesquels 
était  Martin  Steyaerts ,  les  approuvèrent 
par  une  déclaration  du  6  septembre,!  G90, 
et  les  docteurs  en  médecine  de  la  même 
université,   le   17  juin  1691.  Elles  ont 
encore   été  approuvées  en  1690  par  les 
examinateurs  synodaux  de  Liège ,  et  par 
Jean-Louis    d'Elderen ,    évêque    de    la 
même  ville.  M.  Collet  a  remis  sur  le  tapis 
cette  question  dans  le  3*  volume  de  son 
Traité  des  dispenses,  où  ,  après  avoir 
répondu  aux  plus  fortes  objectioi)s,  et 
observé  que  les  docteurs  de  Louvain  ne 
sont  pas  gens  à  tolérer  des  usages  super- 
stitieux, il  conclut  en  ces  termes  :  «  Voilà 
»  tout  ce  que  je  puis  dire  au  sujet  de  la 
»  neuvaine  de  Saint-Hubert  ;  pour  moi , 
»  je  n'aurais  point  de  peine  à  la  faire. 
»  Son  adversaire  le  plus  déclaré,  Gillot, 
j)  et  tous  ses   Gillotins  avouent  qu'elle 
»  n'est  pas  évidemment  mauvaise  :  Aperta 
»  corruptela    vacat.    Il    dit    de    plus, 
»  qu'au  moyen  de  la  bonne  foi  et  de  la 
3)  piété  avec  laquelle  on  la  fait ,  on  peut 
3)  obtenir  (il  aurait  pu  ajouter,  et  l'on 
j»  obtient  tous  les  jours  de  Dieu  ,  par  les 
3)  mérites   de   son   saint)  le  préservatif 
■»  qu'on  va  lui  demander.   »  Il  est  vrai 
cependant  qu'on  attache  à  ce  qu'on  ap- 
pelle le  re'pit  (  ou  le  délai  qu'accordent 
ceux  qui  ont  été  taillés  )  des  effets  dé- 
mentis   par    des    exemples    récens    et 


ROB 

incontestables,  et  qu'on  ne  saurait 
trop  louer  la  prudence  des  religieux 
de  Saint-Hubert ,  qui ,  dans  ces  der- 
nières années ,  ont  simplifié  ou  réformé 
plusieurs  observances,  dont  l'explication 
n'était  pas  sans  difficulté.  Rien  de  plus 
sensé  que  ce  qu'on  lit  à  ce  sujet  dans  l'ex- 
cellent recueil  des  Vies  des  Pères.,  des 
martyrs ,  etc.,  tom.  10,  pag.  603.  «  On 
))  doit  implorer  le  secours  du  Ciel  contre 
j)  la  rage,  avec  d'autant  plus  d'ardeur 
■»  qu'on  ne  peut  avoir  guère  de  confiance 
»  dans  les  bains  de  mer  et  dans  les  autres 
))  remèdes  ordinaires.  Le  nouveau  secret 
»  qu'on  a  trouvé  contre  ce  mal  redouta- 
»  ble  a  réussi  quelquefois  ;  mais  ce  n'est 
»  rien  moins  qu'un  remède  infaillible. 
3)  Cependant ,  comme  la  superstition  se 
3)  glisse  facilement  dans  les  pratiques  les 
»  plus  respectables  par  leur  objet,  il  est 
»  du  zèle  des  pasteurs  de  veiller  avec  le 
33  plus  grand  soin  sur  les  pèlerinages  à 
3)  Saint-Hubert,  et  sur  les  autres  dévo- 
3)  lions  semblables.  »  6"  Sanctorum 
quinquagintajurisperitorum  elogia,  con- 
tra populare  commentum  de  solo  Ivone, 
publicata,  Liège,  1632.  On  est  surpris  d'y 
trouver  au  nombre  des  saints  avocats 
plusieurs  patriarches  de  l'ancien  Testa- 
ment, des  rois,  des  papes  ,  des  docteurs 
de  l'Eglise  ,  etc.  7°  VitasanctiLambcrti, 
episcopitunffrensis,etc.,  ex  antiquis  nuc- 
toribus  et  chartis  collecta  et  édita,  Liège, 
1633,  in-12,  peu  commun. 

ROBERTSON  (  Guillaume) ,  théolo- 
gien anglais,  dont  on  a  un  Dictionnaire 
hébreu,  Londres,  1680;  et  un  Lexicon 
grec,  Cambridge,  1695.  Ces  deux  ou- 
vrages sont  in-4 ,  et  jouissent  de  l'estime 
des  savans.  U  est  mort  en  1 G86. 

*  ROBERTSON  (  William  ) ,  historien 
anglais ,  né  en  17  2 1  à  Borlwick  en  Ecosse , 
embrassa  la  carrière  ecclésiastique  au 
sortir  de  l'université  d'Edimbourg ,  et  se 
distingua  comme  prédicateur.  Après  avoir 
été  long-temps  dans  la  gêne  oii  l'avaient 
placé  son  peu  de  ressource  et  sa  nom- 
breuse famille,  il  fut  nommé  .successi- 
vement chapelain  ordinaire  du  roi,  prin- 
cipal du  collège  d'Edimbourg  et  histo- 
riographe d'Ecosse.  Il  est  mort  en  1793, 
après   avoir  publié:  l''une  Histoire  de 


ROB 

Charles-Quint,  Londres,  1769,  13  vol. 
ia-4,  où  il  y  a  des  choses  vraies  et  judi- 
cieusement dites  ,  mêlées  avec   d'autres 
qui  sentent  la  passion  et  les  préjugés.  Cet 
ouvrage  a  été  traduit  en  français  par  M. 
Suard,  Paris,  1771  ,  2  vol.  in-4  ;  1778, 
6  vol.  in-12;1822  et  1828,  4'^  édition, 
4  vol.  in-4.  2°  Voe Histoire  d'Amérique, 
Londres,  17  77, 2  vol. in-4,  rempliede  faus- 
setés et  contenant  les  erreurs  de  la  philo- 
sophie anti-chrétienne.  Cet  ouvrage  a  été 
traduit  en  français  par  MM.  Suard  et  Jan- 
sen,  Paris,  1768,  2  vol.  in-4,  réimprimé 
en  1827  ,  avec  des  Notes  de  MM.  Hum- 
boldtet  de  laRochette.  3°  Des  Recherches 
sur  l'Inde,  il  90,  1799,  in-4;  c'est  le  fruit 
d'une  crédulité  puérile  et  fanatique.  F",  le 
Journ.  hist.  et  litte'r.,  l«'"juin  17  92,  page 
163.  Il  a  été  traduit  en  français,  Paris, 
1 7  92,  in-8.  4°  Histoire  d'Ecosse  sous  les 
règnes  de  Marie  Stuart  et  Jacques  VI, 
publiée  pour  la  première  fois  à  Londres, 
1759,  in-4.  Cette  histoire,  plus  recher- 
chée en  Angleterre  qu'en  France  ,  a  été 
traduite  en  français  par  Bosset  de  la  Cha- 
pelle, Paris,  1772,  1784,3  vol.in-12,  et 
parM.Campenon,ibid.,1821,3  vol. in-8. 
•ROBERTSON  (Joseph  ),  littérateur 
anglais  ,  né  à  Knipe  ,  dans  le  comté    de 
Westmoreland ,  en  1726,  embrassa  l'état 
ecclésiastique,  reçut  le  bonnet  de  doc- 
teur en  théologie  ,  et  fut  nommé  au  vi- 
cariat de  Herscard  au  compté  d'Hamp. 
Roberlson  était  très  versé  dans  les  scien- 
ces sacrées  ;  il  étudia  les  antiquités ,  et 
cultiva  avec  honneur  les  belles-lettres.  Il 
vint  à  Londres  ,  où  il  travailla  (  depuis 
1764  à  1786)  au  journal  intitulé  Critical 
Review.  Il  devint  en  1770  recteur  de 
Sulton,  dans  le  comté  d'Essex,  et  en  1793 
vicaire  de  Horn-castle,  au  comté  de  Lin- 
coln ,  et  y  mourut  en  1802.  lia  laissé  plu- 
sieurs ouvrages,  dont  les  principaux  sont  : 
1°  Introduction  à  l'étude  de  la  belle  litté- 
rature, 17  82,  in-12  :  ouvrage  peu  volu- 
mineux, mais  très  utile  et  fort  bien  écrit; 
2°  E  ssaisur  la  ponctuation,  1782,  in-12, 
qui  fut  très  bien  accueilli  ;  3°  Disserta- 
tion sur  la    chronique  de  Paras ,  1788. 
On  ne  connut  que  quelques  années  après 
le  mérite  de  celle  dissertation.  4"  Télé- 
maque,  nouvelle  traduction  du  français, 


ROB  4ï9 

avec  des  notes  et  la  vie  de  l'auteur,  1795, 
3  vol.  in-8;  5°  Essai  sur  la  nature  de  la 
poésie  anglaise  ,  1798.  Cet  essai  est  ua 
des  meilleurs  ouvrages  de  Roberlson  ;  il 
s'y  montre  littérateur  profond  et  sage 
critique. 

ROBERVAL  (  Gilles  Persose,  sieur 
de  )  naquit  en  1602  àRoberval,  paroisse 
du  diocèse  de  Beauvais.  Il  devint  profes- 
seur de  mathématiques  au  collège  de 
Maître-Gervais  à  Paris;  il  disputa  ensuite 
la  chaire  de  Ramus  et  l'emporta.  La  con- 
formité des  goûts  le  lia  avec  Gassendi  et 
Morin.  Il  succéda  k  ce  dernier  dans  la 
chaire  de  mathématiques  au  Collège  royal, 
sans  quitter  néanmoins  celle  de  Ramus. 
Il  fit  des  expériences  sur  le  vide,  inventa 
deux  nouvelles  sortes  de  balances  ,  dont 
l'une  est  propre  à  peser  l'air ,  et  lui  mé- 
rita d'être  de  l'académie  des  Sciences. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  -.  1°  un 
Traité  de  mécanique  dans  l'Harmonie  du 
Père  Marsenne  ;  2°  une  Edition  d'Aris- 
tarcus  Samius,  etc.  Ils  furent  recherchés 
dans  leur  temps.  Ce  savant  estimable 
mourut  en  1675,  à  73  ans.  Il  eutquelques 
disputes  avec  Descartes  ,  lui  contesta  la 
gloire  de  ses  inventions  analytiques,  et 
même  son  savoir  géométrique. 

*  ROBESPIERRE  (Maximilien-Joseph- 
Isidore  de  ),  l'un  des  personnages  triste- 
ment fameux  de  la  révolution  française  , 
naquit  à  Arras  en  17  59  d'un  avocat  au 
conseil  supérieur  de  l'Artois,  qui ,  après 
avoir  dissipe  sa  fortune  et  même  contracté 
des  dettes  ,  prit  le  parti  de  quitter  la 
France  et  se  rendit  à  Cologne  ,  où  il  éta- 
blit une  école.  Le  père  de  Robespierre 
se  rendit  ensuite  en  Angleterre,  et  de  là 
en  Amérique,  où  il  parut  avoir  entière- 
ment oublié  sa  famille.  Si  l'on  en  croit  une 
biographie  (  celle  des  Contemporains  ) , 
il  mourut  à  Munich.  Il  laissait  deux  filles 
et  deux  fils  (  Maximilien  et  Augustin  ) , 
sans  secours  et  sans  appui ,  et  dans  un 
âge  bien  tendre  ils  avaient  aussi  perdu 
leur  mère,  fille  d'un  brasseur  de  bière 
d'Arras ,  remplie  de  vertus  et  de  qualités. 
M.deCouzié,  évêque  d'Arras,  les  prit  sous 
sa  protection, et  leur  fit  obtenir  une  bourse 
au  collège  de  Louis  le  Grand.  Maximilien 
montra  d'abord  ce  caractère  sombre  et 


420  ROB 

dissimulé  qu'il  conserva  foute  sa  vie  ,  et 
fît  paraître  en  même  temps  un  amour 
pour  l'indépendance  qui  régla  ensuite 
toutes  ses  actions.  On  prétend  que  M.  Hé- 
rivaux,  l'un  de  ses  professeurs,  contribua 
à  développer  en  lui  son  penchant  pour 
l'égalité  et  le  républicanisme  ,  en  exci- 
tant son  admiration  pour  les  héros  de 
la  Grèce  et  de  Rome  ,  dont  Robespierre 
devint  un  des  plus  grands  enthousiastes. 
Le  jeune  Maximilien  était  très  laborieux; 
il  lit  de  bonnes  études,  et  donna  des  es- 
pérances qu'il  ne  réalisa  pas  entièrement. 
L'abbé  Proyart ,  sous-principal  à  Louis- 
le-Grand ,  était  le  dispensateur  des  se- 
cours que  le  charitable  M.  de  Couzié  con- 
tinuait à  envoyer  aux  deux  frères ,  et  au 
sortir  du  collège,  l'abbé  Aimé,  chanoine 
de  Paris,  les  admit  à  sa  table,  et  leur  pro- 
cura des  connaissances  utiles.  Maximi- 
lien, en  récompense  de  ces  faveurs  ,  fut 
dans  la  suite  son  ennemi  le  plus  acharné. 
Après  avoir  terminé  ses  cours  de  droit , 
il  devint  avocat  au  conseil  d'Artois  ;  et, 
commença  à  se  faire  connaître  par  plu- 
sieurs Mémoires  contre  les  magistrats 
de  Saint-Omer,  qui  avaient  prohibé  dans 
leur  ville  l'usage  du/>flra/o««erre,  comme 
étant,  disaient-ils,  une  invention  inutile 
et  dangereuse.  Robespierre,  en  plaidant 
cette  cause,  la  gagna,  et  obtint  du  tribu- 
nal d'Arras  la  permission  de  rétablir  le 
paratonnerre  qui  avait  été  abattu  dans 
sa  maison.  Dans  le  Me'moire  qu'il  fit  à 
cette  occasion  (  1783  ),  on  lit  un  grand 
éloge  de  Louis  XVI,  que  dix  ans  après  il 
conduisit  à  l'échafaud.  Il  remporta  en 
17  85  le  prix  pour  un  discours  présenté  à 
l'académie  de  Metz,  et  publié  dans  cette 
même  année,  dont  le  sujet  proposé  était 
de  déterminer  Vorigine  de  Vopinion  qui 
étendait  sur  tous  les  individus  d'une 
même  famille  une  partie  de  la  honte 
attachée  aux  peines  infamantes  subies 
par  un  coupable.  Quelque  temps  après,  il 
fut  reçudans  l'académie  d'Arras.  Partisan 
du  pbilosophisme  ,  ami  des  innovations, 
affectant  une  morale  austère,  il  avait 
ainsi  toutes  les  qualités  requises  pour  se 
distinguer  dans  la  révolution.  Au  com- 
mencement des  troubles,  il  ne  manqua 
pas  de  se  concilier,  dans  sa  ville  natale. 


ROB 

la  faveur  du  peuple  et  des  innovateurs , 
en  affichant  le  plus  ardent  patriotisme  ; 
il  fut,  en  conséquence,  nommé  par  le  tiers 
du  bailliage  d'Arras  député  aux  états-gé- 
néraux, et  commença  sa  carrière  politi- 
que, le  27  juillet  1789,  par  un  discours 
sur  le  secret  des  lettres,  où  l'on  remar- 
que, entre  autres  choses  :  «  La  première 
»  de  toutes  les  lois  est  le  salut  du  peuple. 
»  Obligé  par  le  plus  impérieux  de  tous 
»  les  devoirs  de  venger  l'attentat  projeté 
»  contre  les  représentans  de  la  nation  , 
))  on  doit  ^e  servir  de  tous  les  moyens 
w  possibles.  Le  secret  des  lettres  est  in- 
»  violable,  mais  il  est  des  circonstances 
»  ohVon  doitle  violer.  Qu'on  ne  cite  pas 
)>  l'exemple  de  Pompée  qui  brûla  les 
«  lettres  adressées  à  Sertorius  ;  Pompée 
))  était  un  tyran  ennemi  de  la  liberté  pu- 
»  blique  ,  et  nous  ,  nous  en  sommes  les 
»  restaurateurs.  »  Mirabeau  jouissait 
alors  d'une  grande  popularité.  Robes- 
pierre devint  un  de  ses  plus  assidus 
courtisans;  mais  comme  Mirabeau  le  mé- 
prisait, et  ne  cachait  pas  son  mépris,  Ro- 
bespierre commença  peu  à  peu  à  s'en  éloi- 
gner. Robespierre  avait  exercé  pendant 
cettesession  très  peu  d'influence  sur  cette 
assemblée  ;  il  ne  s'y  fit  guère  remarquer 
que  par  le  discours  sur  l'inviolabilité  des 
lettres  dont  nous  avons  parlé.  Il  sup- 
planta Mirabeau  dans  la  faveur  populaire, 
et  devint  l'oracle  des  démagogues  qui 
lui  décernèrent  le  titre  d'incorruptible, 
comme  à  Péthion  celui  de  vertueux. 
Après  la  session  il  ne  parut  point  dans 
les  divers  mouvemens  populaires  ,  quoi- 
qu'il fût  en  intelligence  avec  les  moteurs 
de  ces  désordres.  Pendant  les  séances  de 
l'assemblée  nationale  ,  il  se  mêla  dans 
toutes  les  discussions,  et  prononça  plu- 
sieurs discours  ,  plus  fougueux  qu'élo- 
quens  ,  sur  la  liberté  de  la  presse ,  sur 
les  conspirations  supposées  du  gouver- 
nement, sur  le  droit  qu'avait ,  selon  lui  , 
tout  homme  non  propriétaire  d'entrer 
dans  les  assemblées  publiques,  etc.  Ce- 
pendant, il  soutint  toujours  jusqu'à  la 
lin  des  sessions  «  que  le  régime  moniir- 
»  chique  était  le  seul  qui  convint  à  un 
)j  empire  aussi  grand  que  la  France.  »  Il 
n'était  pas  moins,  malgré  ce  principe. 


ROB 
attaché  aux  jacobins ,  et  s'opposa  à  ce 
qu'on  donnât  au  monarque  le  droit  de 
paix  et  de  guerre  ,  et  à  ce  qu'on  déclarât 
sa  personne  inviolable.  Il  parla  ensuite 
des  prêtres  et  des  émigrés  avec  une  mo- 
dération dont  on  ne  le  croyait  pas  capa- 
ble ,et,  lorsqu'on  discuta  le  Code  crimi- 
nel ,  il  demanda  avec  énergie  l'abolition 
de  la  peine  de  mort ,  comme  injuste  et 
contraire  à  la  nature  :  ainsi ,  il  n'excluait 
dans  celte  abolition  ni  les  parricides  ni 
les  traîtres  à  la  patrie.  Deux  ans  après , 
il  changea  de  langage  ,  et  envoya  à  l'é- 
chafaud  ,  non  de  grands  coupables ,  mais 
des  milliers  d'innocens.  Pendant  cette 
seconde  session,  Robespierre  n'avait  au- 
cun système  arrêté  :  il  caressait  les  ja- 
cobins et  défendait  le  prince  de  Condé.' 
D'autres  l'ont  accusé  de  n'avoir  été  qu'un 
tartuffe  en  politique  :  ils  prétendaientque 
l'éloge  de  la  monarchie  qui  se  trouva 
dans  sa  bouche  ,  que  la  demande  qu'il  fit 
de  l'abolition  de  la  peine  de  mort ,  que 
la  modération  avec  laquelle  il  parla  des 
prêtres  et  des  émigrés ,  n'étaient  que  de 
pures  jongleries.  L'histoire  n'a  pas  en- 
core définitivement  prononcé  son  arrêt 
fatal  sur  Robespierre,  et  l'on  ne  peut  as- 
surer, ce  nous  semble,  si  le  langage  de  ce 
révolutionnaire  était  celui  de  l'hypocrisie 
ou  de  l'incertitude  ,  si  sa  conduite  à 
l'assemblée  nationale  fut  celle  d'un 
homme  déjà  perverti ,  ou  bien  rappelé 
encore  au  devoir  par  le  souvenir  d'une 
éducation  religieuse.  Ce  qu'il  y 'a  de 
certain ,  c'est  que  le  crédit  de  Robes- 
pierre n'augmenta  pas  dans  l'assemblée  ; 
mais  en  revanche  ,  il  en  acquérait  un 
immense  sur  le  peuple  dont  il  savait  à 
propos  flatter  les  passions.  Applaudi 
avec  transport  par  une  mullilude  égarée 
et  corrompue  ,  il  s'établit  son  apologiste, 
encouragea  ses  révoltes  et  prépara  ainsi 
les  scènes  sanglantes  qui  allaient  bientôt 
remplir  la  France  de  deuil  et  de  terreur. 
Dans  le  mois  de  mars  17  91,  il  parla  sur 
la  le'gislatinn  des  colonies  et  combattit 
Barnave  qui  proposait  de  laisser  l'initia- 
tive aux  Colons  :  ce  fut  à  celte  occasion 
qu'il  fil  entendre  cette  funeste  exclama- 
tion :  Périssent  les  colonies  plutôt  qi/un 
principe'.  Lorsque  la  famille  royale  fut 


ROB  421 

arrêtée  à  Varennes,  Robespierre,  qui 
avait  entièrement  jeté  le  masque  ,  de- 
manda des  couronnes  civiques  pour  ceux 
qui  avaient  empêché  la  fuite  de  l'infor- 
tuné monarque  ,  et  soutint  qu'il  devait 
être  soumis ,  ainsi  que  la  reine ,  aux 
formes  ordinaires  delà  justice  :  la  reine, 
comme  simple  citoyenne,  le  roi  comme 
fonctionnaire  responsable  envers  la  na- 
tion. Il  demanda  en  outre  que  Monsieur, 
frère  du  roi ,  fût  poursuivi,  et  essaya  dès 
lors ,  mais  sans  succès  ,  de  faire  adopter 
cette  monstrueuse  maxime  ,  que  tout  ci- 
toyen peut  être  mis  en  accusation  sans 
preuve  et  sur  de  simples  indices.  Il  se 
prononça  ensuite  contre  l'inviolabilité 
du  roi  qu'il  présenta  comme  un  traître 
et  un  tyran.  Une  pareille  conduite  lui 
■valut  les  honneurs  d'une  espèce  de 
triomphe  ,  et  une  troupe  de  forcenés  qui 
le  portaient  dans  les  rues  l'appelaient 
l'ami  du  peuple ,  le  défenseur  de  la  li- 
berté. Nommé  accusateur  public  près 
le  tribunal  criminel  de  la  Seine,  il  fut 
puissamment  secondé  parPéthion  ,  maire 
de  Paris,  et  par  Danton,  substitut  du  pro- 
cureur de  la  commune  :  ce  fut  ce  trium- 
virat qui  !  égna  réellement ,  et  qui  remplit 
Paris  d'une  foule  de  gens  sans  aveu  qui 
devinrent  ensuite  les  assassins  stipendiés 
des  révolutionnaires  qui  gouvernèrent  la 
France.  La  lutte  entre  la  révolte  et  la 
royauté  était  ouverte.  Robespierre  n'é- 
tait pas  assuré  du  résultat  :  il  redoutait  les 
conséquences  de  la  guerre. Il  montra  donc 
une  espèce  de  modération ,  et  exprima 
même  des  opinions  presque  sages  dans 
un  journal  qu'il  établit  sous  le  titre  de 
Défenseur  de  la  constitution.  Il  ne  prit 
aucune  part  active  à  la  journée  du  10 
août  1792,  et  se  tint  à  l'écart  pendant  les 
massacres  de  septembre.  Elu  1"  député 
de  Paris  à  la  Convention,  il  ne  tarda  pas 
à  la  dominer  ;  et  voyant  Louis  XVI  au 
pouvoir  de  ses  ennemis  ,  il  ne  dissimula 
plus  sa  haine,  et  contre  ce  prince  et  contre 
la  monarchie.  Cependant  ses  projets  ne 
pouvaientéchapperauxyeuxpénétransde 
plusieurs  députés  de  la  Gironde,  parmi 
lesquels  on  comptait  de  grands  orateurs 
et  des  talens  distingués.  Unis  à  Louvet  et 
au  ministre  Roland  ,  ils  le  dénoncèrent 


422  ROB 

le  25  septembre,  comme  voulant  s'élever 
à  la  dictature  :  il  s'engagea  alors  entre 
Robespierre  et  ceux  de  ce  parti  une 
lutte  terrible  qui  donna  lieu  à  plusieurs 
séances  orageuses  ;  mais  le  premier , 
secondé  par  les  jacobins,  l'emporta  en- 
fin sur  ses  redoutables  adversaires.  Il  ne 
cessa  de  poursuivre  le  nialbeureux  Louis 
XVI  avec  une  incroyable  activité.  Ce  fut 
lui  qui ,  s'apercevaut  que  les  Girondins 
cherchaient  à  sauver  la  vie  de  ce  monar- 
que, parvint,  avec  Danton  ,  à  les  inti- 
mider par  les  cris  et  les  menaces  de  ceux 
de  son  parti;  il  se  déclara  contre  l'appel 
au  peuple  et  le  sursis ,  et  dit ,  avec  une 
ironie  féroce ,  «  que  c'était  une  cruauté 
■a  que  de  vouloir  prolonger  l'agonie  de 

w  Louis  Capel »  Il  reprit  ensuite,  se 

tournant  vers  les  Girondins  :  «  Vous  ne 
»  demandez  un  sursis  que  pour  le  sau- 
»  ver...  «  Il  est  inutile  d'ajouter  qu'il  vota 
la  mort  de  ce  monarque.  Après  ce  cruel 
assassinat ,  une  nouvelle  lutte  recom- 
mença entre  lui  et  les  Girondins  :  secondé 
puissamment  par  Daulou  et  par  la  com- 
mune de  Paris  ,  il  amena  les  journées 
des31  mai  et  2juin  lldZ,  elles  Girondins 
furent  proscrits.  Les  résultats  de  ces  deux 
journées  furent  attribués  à  Danton  ;  mais 
ce  fut  Robespierre  qui  en  tira  tous  les 
avantages  ;  dès  lors  il  se  rendit  maître  de 
la  Convention  nationale ,  et  fonda  ce 
régime  sanguinaire  qui  ne  finit  qu'a- 
vec sa  vie.  Il  était  encore,  ou,  pour 
mieux  dire ,  il  feignait  d'être  l'ami  de 
Danton  ;  aussi  s'unit-il  à  lui  pour  pro- 
scrire les  fêtes  ridicules  et  impies  dites 
de  la  Raison,  inventées  parCbaumette, 
qu'il  envoya  à  l'échafaud,  ainsi  qu'Hé- 
bert ,  chef  des  athées ,  et  plusieurs  de  ses 
partisans.  Sa  puissance  augmentait  de 
jour  en  jour  en  s'élevant  sur  les  ruines  des 
partis  différens  qu'il  terrassait.  Danton  , 
qui  craignait  que  sou  tour  n'arrivât,  di- 
sait :  n  Tout  ira  bien  tant  qu'on  diraRo- 
»  bespierre  et  Danton;  mais  malheur  à  moi 
M  si  l'on  dit  Danton  et  Robespierre  !  » 
L'un  et  l'autre  commencèrent  enfin  à  se 
regarder  avec  mcftance  ;  on  chercha  aies 
réunir,  mais  leur  entrevue  ne  fitqu'accé- 
lérer  leur  rupture.  Danton  lui  ayant  re- 
présenté que ,  dans  les  nombreuses  pro- 


ROB 

scriplions  qui  désolaient  la  France,  il  ne 
fallait  punir  que  les  coupables  :  «  Qui 
»  vous  a  dit ,   lui  répondit  Robespierre 
))  en  fronçant  le  sourcil ,  qu'on   ait  lait 
»  périr  un  innocent  ?  »  Ce  fut  comme 
son  dernier  arrêt  contre  son  ancien  col- 
lègue. Lesami  s  de  celui-ci  lui  conseillè- 
rent de  frapper  le  grand  coup  ;  mais  Dan- 
ton temporisa  et  fut   la  victime  de  son 
adversaire.  Robespierre,  délivré  de  Marat, 
d'Hébert  et  de  Danton ,  se  trouva  maître 
absolu.   Ayant  sous  ses  ordres  l'affreux 
comité  de  salut  public ,   il   couvrit  la 
France  de  dénonciations ,  de  proscrip- 
tions,  de  tribunaux  assassins,  et  enfin 
il  répandit  une  terreur  si  générale  ,  que 
tout  Français  craignait   de  se  confier  à 
son  ami,  à  son  parent,  à  son  voisin  ,  ne 
voyant  autour  de  lui  que  des  massacres 
et  des  échafauds.  Ses  proconsuls.  Carrier, 
Couthon,  CoUot-d'Herbois,  etc.,  allaient 
par  ses  ordres  inonder  de  sang  les  prin- 
cipales villes  de  chaque  département  ; 
la  Vendée  surtout  fut  le  théâtre  de  leurs 
horribles  expéditions.  C'est  alors  queRo- 
bespierre  s'écria  dans  l'assemblée ,  qu'il 
appelait  sa  machine  à  décrets,  «  que  la 
»  republique  s'était  glissée  en  France  au 
»  milieu  des  cadavres  et  à  l'insu  des  par- 
»  tis.  »  Sûr  de  la  terreur   qu'il  avait  in- 
spirée à  la  France  entière ,  on  l'entendit , 
au  club  des  jacobins ,  et  même  dans  l'as- 
semblée ,  dire  sans  cesse  ce  mot  absolu  : 
Je   veux.    Souvent  il    semblait    parler 
comme  par  inspiration  ,  et  prenait  le  ton 
d'un  illuminé.  Sous  son  régime  tyranni- 
que,  il  poursuivit  avec  un  cruel  acharne- 
ment les  émigrés  et  les  prêtres  ,  que  jadis 
il  avait  feint   de  ménager.   Cependant , 
pour  mieux  parvenir  à  un  pouvoir  peut- 
être  plus  absolu  encore,  il  voulut  deve- 
nir chef  d'une  religion  ,   et  fit   établira 
cet  effet  unefêle  en  l'honneur  de  VEtre 
suprême  ,  auquel  il  daigna   donner  un 
brevet  d!  existence ,  en   le  reconnaissant 
par  un  décret,  et  dont  il  se  déclara  le 
pontife.  Le  discours  qu'il  prononça  passe 
pour  être  de   Rernardin   de  St. -Pierre. 
Une  fête  fut  célébrée  au  jardin  des  Tui- 
leries; Robespierre  la  présida  :   il   avait 
un  habit  bleu-violet,  costume  de  deuil 
des  rois  de  France,  tandis  que  tous   les 


V 


ROB 

membres  de  la  Convention  portaient  des 
habits  d'un  bleu  dit  de  roi.  On  afficha  en 
même  temps  sur  les  portes  de  tous  les 
temples  cette  inscription  assez  singu- 
lière :  Les  Français  croient  en  Dieu. 
Après  cette  cérémonie,  plus  politique 
que  religieuse ,  Robespierre  prit  la  con- 
tenance d'un  souverain.  Suivant  la  re- 
marque d'un  historien,  la  France  qui 
avait  gémi  sous  les  luttes  des  différentes 
factions,  sembla  applaudir  un  instant  au 
coup  que  leur  porta  Robespierre ,  espé- 
rant être  moins  malheureuse  sous  un  seul 
tyran.  Mais,  soupçonneux,  lâche  et  per- 
fide, craignant  encercles  restes  du  parti 
de  Danton  ,  il  voulut  continuer  à  répan- 
dre du  sang  ou  à  proscrire.  Il  consigna 
dans  sa  funeste  liste  le  nom  de  plusieurs 
de  ses  collègues ,  ce  qui  donna  occasion 
à  une  dispute  très  violente  entre  lui  et 
Billaud,  qui  avait  quelque  influence  dans 
la  Convention,  et  qui  cette  fois  ne  voulut 
pas  lui  abandonner  des  victimes.  La  me- 
nace d'un  péril  imminent  donna  du  cou- 
rage aux  plus  timides.  Les  mécontens  se 
réunirent  aux  partisans  de  Danton,  et 
ceux  qui,  fatigués  de  tant  de  discordes , 
se  seraient  peut-être  bornés  à  comman- 
der sous  Robespierre ,  voulant  se  sous- 
traire à  ses  nouvelles  pei^écutions  ,  for- 
mèrent contre  lui  un  complot  qui  éclata 
dans  une  discussion  inattendue  le  9  ther- 
midor de  l'an  11  (  27  juillet  1794),  et 
ôla  à  Robespierre  et  à  ses  afTidés ,  Cou- 
thon  et  Saint-Just ,  tout  moyen  de  dé- 
fense. Le  premier  monta  à  la  tribune  ; 
mais  .sa  voix  étouffée  par  mille  autres  qui 
criaient  A  bas  le  tyran  !  ne  put  parve- 
nir à  se  faire  entendre,  a  Un  mot ,  disait- 
«  il  écumant  de  rage ,  un  mot,  président 
»  des  assassins  !...  —  C'est  le  sang  de 
»  Danton  qui  l'étouffé ,  »  cria  encore  une 
autre  voix.  Décrété  d'accusation  ,  on  le 
fit  passer  à  la  barre  avec  Sainl-Just, 
Coulhon,  Robespierre  le  Jeune  et  Le  Bas. 
Robespierre  fut  d'abord  conduit  à  la  Con- 
ciergerie; mais  la  terreur  qu'inspirait 
encore  son  nom  était  telle  ,  que  le  con- 
cierge refusa  de  l'y  recevoir.  Il  put  se 
sauver  à  l'Hôtel-de-Ville.  Pendant  ce 
temps,  et  aussitôt  que  les  membres  delà 
commune  de  Paris  eurent  appris  que  leur 


ROB  4^3 

protecteur  était  arrêté  ,  ils  ordonnèrent 
de  sonner  le  tocsin ,  ramassèrent  dans 
les  rues  tous  ceux  qu'ils  trouvèrent  parmi 
les  amis  du  tyran  :  un  de  ses  satellites 
courut  à  bride  abattue  faire  fermer  les 
portes  de  la  ville.  Henriot ,  commandant 
de  la  garde  nationale ,  et  qui  était  dans 
un  état  complet  d'ivresse  ,  réunit  quel- 
ques canonniers  pour  les  opposer  aux 
sections  ;  mais  ils  refusèrent  de  faire  feu. 
On  dit  que  Robespierre,  a.ssis  sur  un  fau- 
teuil dans  la  salle  de  l'Hôtel- de- Ville,  et 
entouré  de  ses  adhérens ,  refusa  de  mar- 
cher contre  la  Convention ,  pour  ne  pas 
être,  disait-il,  considéré  comme  un  tyran, 
par  l'obligation  où  il  se  serait  trouvé  de 
dissoudre  ce  corps  avec  la  force  armée. 
Cependant  il  n'avait  pas  écouté  ces  con- 
sidérations au  31  mai  1793,  et  en  d'au- 
tres circonstances.  La  Convention  ayant 
mis  hors  la  loi  ses  partisans ,  ceux-ci  se 
découragèrent.  Un  détachement  des  trou- 
pes de  la  Convention  pénétra  dans  l'Hô- 
tel-de-Ville  ;  Robespierre  se  cacha  dans 
un  coin  obscur  ;  ses  amis  firent  encore 
leurs  derniers  efforts  pour  le  défendre  ; 
mais  un  gendarme  courageux,  Charles 
Méda  ,  assailli  par  les  municipaux,  le  dé- 
couvrit ,  et ,  au  moment  oîi  il  allait  se 
suicider,  lui  tira  un  coup  de  pistolet  qui 
lui  fracassala mâchoire  inférieure.  Trans- 
porté au  comité  de  salut  public  de  la 
Convention ,  il  montra  un  courage  dont 
on  ne  le  croyait  pas  capable.  Etendu  sur 
une  table,  il  souffrit  sans  se  plaindre, 
sans  proférer  un  seul  mot ,  les  interroga- 
toires de  ses  juges,  la  douleur  de  ses  bles- 
sures ,  la  fièvre  qui  le  dévorait ,  et  les 
injuresde  ceux  qui  voyaient  ses  souffran- 
ces avec  plaisir.  Le  lendemain,  10  ther- 
midor (  28  juillet  1704  ),  à  quatre  heures 
du  soir,  il  fut  conduit  à  l'échafaud  avec 
vingt-deux  de  ses  complices.  Son  visage 
était  méconnaissable,  ses  yeux  entière- 
ment fermés ,  et  ses  mâchoires  soutenues 
par  un  bandeau.  Le  peuple  fit  arrêter  la 
charrette  vis-à-vis  la  maison  qu'il  occu- 
pait ;  une  femme  se  mit  à  danser  autour 
de  la  voiture ,  en  s'écriant  ;  «  Ta  mort 
m'enivre  de  joie  ;  descends  aux  enfersavec 
les  malédictions  de  toutes  les  épouses  et 
de  toutes  les  mères.  »  Il  fut  exécuté  k 


424  ROB 

rage  de  trente-cinq  ans.  Ses  vainqueurs 
prirent  depuis  lors  le  surnom  de  thermido~ 
riens.  On  lui  &t  l'épitaphe  suivante  : 

Passant,  ne  pleure  point  sou  sort , 
Car  s'il  vivait,  tu  serais  mon. 

Il  ne  sera  pas  inutile  de  donner  quelques 
détails  sur  la  figure ,  le  caractère  et  la 
politique  de  cet  homme  horriblement  cé- 
lèbre. Il  était  maigre ,  et  d'une  taille  de 
cinq  pieds  deux  pouces.  Sa  démarche 
était  vive ,  ses  yeux  morues  et  éteints , 
et  il  portait  souvent  des  conserves.  Par 
une  espèce  de  contraction  nerveuse ,  il 
crispait  souvent  ses  mains  ,  et  celle  con- 
traction se  faisait  sentir  dans  ses  épaules 
et  dans  son  cou  ;  ses  manières  étaient 
brusques,  son  teint  livide,  sa  voix  faible, 
aigre  et  criarde;  son  regard  farouche  dé- 
signait, comme  celui  de  Catilina,  les 
victimes  qu'il  voulait  immoler.  Il  avait 
un  grand  soin  de  sa  parure,  et  était  so- 
bre ,  non  par  vertu ,  mais  par  politique 
ou  par  tempérament.  Orateur  médiocre, 
il  s'élevait  parfois  dans  les  occasions  im- 
portantes ,  et  alors  sa  logique  était  plus 
adroite  qu'éloquente  ;  sa  diction ,  rem- 
plie d'antithèses,  d'ironies,  de  lieux  com- 
muns ,  était  âpre ,  sans  ordre  et  souvent 
obscure  et  triviale.  Il  sut  apprécier  la 
puissance  de  la  multitude,  profiter  des 
talens  et  des  crimes  des  autres  ,  les  flat- 
ter pour  les  asservir,  et  les  sacrifier  quand 
ils  voulaient  s'attirer  la  faveur  du  peuple, 
dont  il  prétendait  jouir  exclusivement. 
Lié  aux  partis  qui  avaient  fait  écrouler  le 
trône,  il  en  devint  l'ennemi  quand  ils 
voulurent  remporter  leprixdeleur  triom- 
phe ;  c'est  oe  qui  amena  la  proscription 
des  députés  de  la  Gironde ,  la  mort  de 
Danton  ,  d'Hébert  et  de  leurs  satellites. 
A  l'égard  des  siens ,  il  les  ménagea ,  les 
défendit  tant  qu'il  eut  besoin  de  leurs 
services,  et  il  les  immola  quand  ils  paru- 
rent réclamer  une  récompense.  Frofon- 
dément  dissimulé ,  et  froidement  cruel, 
il  n'eut  aucun  confident  de  ses  arrière- 
pensées,  et  son  âme  vivait  solitaire  et 
inébranlable  au  milieu  de  tontes  les  fac- 
tions, et  de  tout  le  sang  qu'il  répandait. 
Maître  de  la  municipalité  de  Paris  ,  il  en 
dirigeait  les  opérations  ,  commandait 
aux  conununes  des  départemens ,  et  avec 


ROB 

ces  secours,  il 'parvint  à  exterminer  les 
chefs  de  partis.  C'est  ainsi  que ,  scélérat 
lui-même ,  il  put  décourager  l'ambition 
,de  tous  les  scélérats  ,  quil  les  fit  périr  , 
ou  les  contraignit  à  se  tenir  au  second 
rang ,  et  à  n'être  que  des  valets  assassins 
ou  incendiaires,  prêts  à  frapper  à  son 
moindre  signal.  Doué  d'une  grande  pré- 
somption, il  méprisait  Pilt ,  et  prenait 
presque  pour  des  éloges  les  sarcasmes 
piquans  du  duc  d'York.  Il  fut  au  comble 
de  la  joie  lorsqu'il  apprit  que  les  jour- 
naux anglais  appelaient  les  armées  fran- 
çaises ,  les  troupes  de  Robespierre .  Tour 
à  tour  il  protégea  et  opprima  la  Conven- 
tion. Si  un  des  membres  faisait  lUie  pro- 
position qui  lui  déplaisait,  il  le  regardait 
d'un  air  menaçant ,  et  souvent  par  ce  re- 
gard il  le  condamnait  au  silence.  Il  ne 
s'environna  que  de  gens  nourris  dans  le 
crime,  soumis  aveuglément  à  ses  volon- 
tés ,  parce  que ,  d'un  seul  mot ,  il  pou- 
vait les  livrer  à  l'échafaud.  Faible  et  vin 
dicatif,  sombre  et  audacieux,  il  trans- 
forma les  erreurs  en  crimes.  Il  sut  profi- 
ter des  circonstances,  et  non  pas  les 
créer;  aussi  il  en  devint  la  victime.  Il 
avait  une  loge  distinguée  au  Théâtre- 
Français  ,  et  une  autre,  profonde  et  gril- 
lée, à  l'Opéra.  Soit  au  spectacle,  soit  dans 
quelque  autre  endroit  piibl-j  où  il  se 
trouvât ,  on  n'osait  parler  m  rire  dans 
son  voisinage  :  «  Paix,  paix!  disait-on  , 
le  voilà.  »  On  cita  dans  le  temps  une 
correspondance  de  Robespierre  avec  l'é- 
tranger, d'après  laquelle  on  disait  qu'il 
aspiraità  la  dictature;  on  ajoutait  même 
qu'il  avait  un  parti  à  Londres  disposé  à 
reconnaître  sa  puissance  absolue ,  à  cer- 
taines conditions;  on  dit  aussi  que  cette 
correspondance  fut  découverte  par  deux 
Genevois,  nommés  Comte  et  Videl,  qui 
la  dénoncèrent  à  Soulavie,  résident  de 
France,  et  ennemi  de  Robespierre.  Celui-  . 
ci  s'étant  emparé  des  lellres,  les  remit  au 
député  Meaullc ,  alors  en  mission  à  Ge- 
nève, qui  les  expédia  au  comité  de  sû- 
reté générale;  mais  Robespierre  en  ayant 
été  averti ,  fit  fusiller  à  Genève  Comte  et 
Videl ,  les  désignant  comme  deux  con-  'i 
spirateurs;  le  résident  Soulavie  fut  ar-  I 
rêté  ,  et  un  Allemand  qui  portait  ce  mê- 


ROB 

me  nom  fut  guillotiné  le  5  thermidor. 
Quoiqu'il  en  soit  de  ces  assertions,  il  pa- 
raît certain  que  le  représentant  Yadier, 
devenu  possesseur  de  ces  lettres,  les 
montra  aux  ennemis  de  Robespierre  ,  et 
qu'elles  accélérèrent  sa  chute  et  préparè- 
rent au  9  thermidor  les  cris  :  A  bas  le 
tyran  1  CoUot-d'Herbois  tenta ,  avec  ces 
mêmes  lettres ,  'de  surprendre  la  con- 
fiance des  jacobins.  Parmi  les  reproches 
qu'on  fit  à  Robespierre  le  9  thermidor, 
ceux  des  chefs  thermidoriens  sont  aussi 
extraordinaires  que  remarquables  ;  ils  ne 
lui  reprochèrent  pas  d'avoir  tyrannisé  sa 
patrie,  mais  l'un,  d'avoir  méprise' son 
rapport  sur  les  agens  de  Pitt  ;  l'autre, 
d'avoir  dénigre'  ses  travaux  ;  celui-ci , 
d'avoir  garde'  dans  sa  poche  ,  pendant 
six  semaines  ,  son  projet  de  gouverne- 
ment re'volutionnaire ,  et  de  l'avoir  ren- 
du inutile  en  disant  que  c'était  une  arme 
à  deux  tranchans  ;  celui-là  ,  de  l'avoir 
fait  rappeler  de  Bordeaux  ;  un  autre  , 
de  l'avoir  empêché  d'achever  la  destruc- 
tion de  Lyon  ,  etc. ,  etc.  Mais  des  repro- 
ches plus  justes  retentissaient  d'un  bout 
à  l'autre  de  la  France ,  et  partaient  du 
cœur  ulcéré  des  pères  ,  des  épouses,  des 
mères  ,  des  nombreuses  familles  ,  enfin  , 
qu'il  avait  couvertes  de  deuil.  Et  quand 
même  Robespierre  n'eût  pu  imaginer  les 
petits  détails  de  cruauté  dans  lesquels  se 
signalèrent  Dumas ,  Coliol-d'Herbois  , 
Biilaud,  Carrier,  etc.,  fût-il  encore  vrai, 
comme  le  prétend  un  écrivain,  que  ce 
fut  pendant  qu'il  s'absenta  des  comités 
que  la  terreur  fut  portée  à  son  comble, 
il  n'est  pas  moins  vrai  qu'on  lui  dut 
la  création  de  cet  affreux  système,  et 
que,  lorsque  le  sang  devenait  utile  à  ses 
projets,  il  le  répandait  à  grands  flots. 
Outre  une  foule  de  pamphlets  publiés 
sur  Robespierre  après  sa  mort ,  on  cite 
1°  Conjuration  de  Robespierre  par 
Montjoie  ,  1794,  in- 8;  2°  Mémoire 
d'un  détenu  pour  servir  à  Fhistoire  de 
la  tyrannie  de  Robespierre  ,parRiouûe, 
1795,  in-8;  3°  La  vie  et  les  crimes  de 
Robespierre,  par  Desessards,  1798,  2  vol. 
in- 12  ;  4°  Rapport  de  V examen  des  pa- 
piers ,  trouvés  chez  Robespierre  et  ses 
complices  par  Courtois  ,  2  vol .  in-8  (  le 
XI, 


ROB  425 

Dictionnaire  des  Anonymes,  numéro  1 5, 
289,  attribue  cet  ouvrage  à  M.  Laya  ).  5" 
Papiers  inédits  trouvés  chez  Robes- 
pierre,  supprimes  eu  omis  par  Cour- 
tois ,  précédés  du  rapport  de  ce  député 
à  la  Convention  nationale.  On  trouve 
aussi  dans  le  Mémorial  de  Sainte-Hé- 
lène, 1830,  4  vol.  in-8,  et  dans  la  Rela- 
tion du  docteur  Oméara  ,  des  détails  cu- 
rieux sur  ce  personnage  si  tristement 
célèbre.  Serieys  a  composé  en  1801  une 
tragédie  de  Robespierre  en  3  actes  et  en 
vers.  Parmi  les  écrits  de  Robespierre  ,  on 
cite  1"  Plaidoyers  pour  le  sieur  P^issery 
(  pour  les  paralonnères  )  :  on  remarque 
dans  ce  discours  l'éloge  du  malheureux 
prince  qu'il  envoya  à  l'échafaud,  1783  , 
in-8  ;  2°  Discours  sur  les  peines  infa- 
mantes, couronné  par  la  société  royale  de 
Metz,  1785,  in-8  ;  3°  Eloge  de  Gresset , 
discours  qui  a  concouru  pour  le  prix 
proposé  par  l'académie  d'Amiens  en 
1785,  Londres  (  Paris),  1785,  in-8  ;  on  y 
trouve  les  plus  sages  principes  ,  l'amour 
du  roi,  de  la  monarchie  et  de  la  religion; 
i°  Eloge  de  M.  Dupaty ,  président  au 
parlement  de  Bordeaux  ,  1789  ,  in-8  ; 
6°  Le  défenseur  de  la  Constitution, 
journal  qui  parait  depuis  le  mois  d'avril 
1792,  jusqu'en  1793  ;  7°  Des  Discours  , 
rapports  et  opinions  insérés  dans  les 
journaux  du  temps. 

*  ROBESPIERRE  le  Jeune  (  Augus- 
tin Benoît-Joseph  ) ,  frère  du  précédent, 
naquità  Arras  en  1700  ,  fut  élevé  au  col- 
lège de  I-ouis-le-Grand,  suivitle  barreau, 
et  était  avocat  dans  sa  patrie  au  commen- 
cement de  la  révolution.  Nommé  pro- 
cureurdesa  commune,  et  ensuite  député 
à  la  Convention  nationale,  il  ne  s'y  fit 
guère  remarquer,  sice  n'est  en  secondant 
tous  les  projets  de  son  frère,  qui  l'appe- 
lait cependant  une  bête.  Il  partagea  sa 
haine  contre  Louis  XVI ,  dont  il  vota  la 
mort;  il  la  partagea  également  contre 
les  Girondins.  Il  fut  un  des  séides  du  ty- 
ran ,  sans  pouvoir  devenir  un  de  ses 
principaux  satellites.  Il  dénonça  plusieurs 
fois  le  ministre  Roland  et  les  députés  de 
la  Gironde ,  et ,  le  6  avril  1 793 ,  il  fit  ar- 
rêter Laclos  et  Bonne-Carrère  ,  comme 
agens  de  ce  parti.  Quand  la  commune  de 
54. 


426  ROB 

Paris ,  aidée  par  les  section§  ,  accusa  les 
52  députés  de  la  Gironde,  il  proposa  de 
décréter  qu'elle  avait  bien  mérité  de  la 
patrie.  Il  fut  envoyé  à  l'armée  que  Car- 
taux  commanda  contre  les  Marseillais ,  et 
passa  ensuite  à  Nice  et  à  Toulon  ,  avec 
Fréron  et  Barras ,  pour  y  faire  exécuter 
des  mesures  révolutionnaires.  A  son  re- 
tour dans  la  capitale,  soit  par  les  intri- 
gues de  Fouché,  soit  par  les  plaintes  de 
I.ebon ,  qu'il  accusait  de  cruauté  ,  il  se 
brouilla  avec  son  frère  ;  il  s'était  récon- 
cilié avec  lui  peu  de  jours  avant  leur 
chute  commune.  Le  2T  juillet  1794, 
quand  il  le  vit  décrété  d' occusation,  il  de- 
manda à  partager  son  sort  comme  il  avait 
partagé  sesvertus  ;  cette  demande  lui  fut 
accordée,  et  il  fut  mis  à  la  barre  avec  son 
frère  et  ses  autres  complices.  La  Conven- 
tion ayent  appris  que  ceux-ci  étaient 
maîtres  de  l'Hôtel-de-Ville ,  et  en  état 
d'insurrection ,  les  mit  hors  la  loi.  Ro- 
bespierre le  Jeune,  voyantla  force  armée 
pénétrer  dans  l'enceinte,  et  son  frère  bles- 
sé, s'élança  par  une  fenêtre  sur  la  place 
de  Grève.  Il  avait  voulu,  par  cet  acte  de 
désespoir ,  échapper  à  l'échafaud  ;  mais 
il  ne  se  cassa  qu'une  jambe ,  et  périt  le 
lendemain  avecsonfrère  et  les  autres  co- 
accusés. Il  avait  34  ans.  Son  admiration 
pour  son  frère  aîné  tenait  delà  stupidité 
et  du  délire 

•  ROBILLARD  (  N.  ) ,  ne  à  Metz  en 
1722  d'un  professeur  de  l'école  d'artil- 
lerie ,est  célèbre  par  ses  talens  précoces. 
A  l'âge  de  14  ans,  il  avait  étudié  le  latin, 
les  humanités,  la  philosophie  et  une 
grande  partie  des  mathématiques.  A 
peine  avait-il  atteint  sa  seizième  année, 
qu'il  adressa  à  l'académie  des  Sciences 
un  Traite  sur  Vapplication  de  la  géo- 
métrie ordinaire  et  des  calculs  différen- 
tiel et  intégral  à  la  résolution  de  plu- 
sieurs problèmes  .-  cette  académie  en  fit 
réloge  dans  ses  Mémoires  de  l'année 
1740  ,  et  l'ouvrage  de  Robillard  fut  im- 
primé à  Paris  en  17  53,  avec  30  plan- 
ches. Ce  jeune  savant ,  né  avec  une  santé 
fragile  et  affaiblie  par  l'étude ,  mourut 
en  17  42  ,  à  l'âge  de  20  ans, 

'  ROBIN  (  Jean  ) ,  le  plus  célèbre  des 
botanistes  de  son  temps ,  suivant  TouT' 


ROB 

nefort, naquit  vers  1563.  Il  cultiva  les 
sciences  naturelles ,  et  fut  botaniste  de 
Henri  IV.  Il  établit  à  ses  frais  un  jardin 
dans  lequel  il  élevait  des  plantes  rares 
pour  procurer  des  modèles  nouveaux  aux 
brodeuses  de  la  Cour.  Il  enrichit  de  quel- 
ques plantes  le  jardin  des  Tuileries ,  fut 
le  premier  qui  introduisit  en  France  la 
keturie  ou  grande  mauve  ,  plante  qui  a 
les  couleurs  vives  et  très  variées  ;  il  na- 
turalisa ,  en  1 600  ,  le  faux  acacia ,  des 
graines  qu'on  lui  avait  envoyées  du  Ca- 
nada. Linnée ,  en  mémoire  de  ce  bota- 
niste ,  a  donné  à  cet  arbre  le  nom  de 
robinia  pseudo-acacia.  On  a  de  Robin 
l'ouvrage  suivant  :  Description  du  jar- 
din des  Tuileries  ,  1608  ,  in-fol.  H  mou- 
rut vers  1630. 

*  ROBIN  (  Vincent  ),  médecin  du  roi, 
naquit  à  Dijon ,  et  vivait  en  1633.  Il  ac- 
quit beaucoup  de  réputation  dans  son 
art ,  et  cultiva  aussi  avec  succès  la  poésie. 
Il  a  laissé  deux  ouvrages  fort  estimés  dans 
le  temps  ,  savoir  :  1°  Avis  sur  la  peste 
reconnue  en  quelques  endroits  de  Bour- 
gogne ,  avec  choix  de  remèdes  propres 
pour  la  préservation  et  guérison  de  cette 
maladie,  Dijon,  1628,  in-12;  1°  Syn- 
opsis rationum  Fieni  et  adversario- 
rum  ,  de  tertia  fœtus  a/iimatione ,  ex 
quibus  clare  constabit  celebratam  anti- 
quitate  opinionem  de  fœtus  formationc 
deserendam ,  Fieni  vero  novam  com- 
plectendam ,  Dijon  ,  1632  ,  in-4. 

ROBINET  (  Urbain  ) ,  pieux  et  savant 
docteur  de  Sorbonne,  chanoine  et  grand- 
vicaire  de  Paris,  abbé  de  Bellozane,  né 
en  Bretagne  ,  mort  le  29  septembre  1 7  58, 
âgé  de  75  ans.  Il  est  le  rédacteur  du  Bré- 
viaire de  Rouen ,  qui  (  si  on  excepte  la 
mutilation  des  Psaumes  )  est  un  chef- 
d'œuvre  en  ce  genre ,  Rouen  ,  1736.11 
publia  en  1744  :  Breviarium  ecclesias- 
ticum  clero  propositum  ;  ce  bréviaire  a 
été  adopté  par  les  évêques  de  Cahors  et 
du  Mans ,  et  quelques  autres.  (  ployez 
QoiGNOGNES.  )  On  lui  attribue  les  belles 
Préfaces  pour  la  messe  des  morts ,  celle 
du  Saint-Sacrement ,  de  la  dédicace  de 
l'Eglise,  de  l'Avent,  delà  Toussaint,  etc., 
qu'on  chante  dans  la  plupart  des  églises 
de  France.  (  Foyez  le  Journal  historique 


ROB 

et  littéraire,  1"  août  1786,  page  490.  ) 
'ROBINET  (  Jean-Baptiste-René), 
écrivain,  né  à  Rennes,  le  23  juin  1735, 
mort  dans  sa  patrie,   le  24  mars  1820, 
embrassa  d'abord  la  vie  religieuse  chez 
les  jésuites  ;  mais  ayant  bientôt  regretté 
sa  liberté,  il  rentra   dans  le  monde,  se 
livra  avec  ardeur  à  la  culture  des  lettres, 
et  alla  ensuite  en  Hollande  faire  impri- 
mer l'un  de  ses  ouvrages  qui  a  pour  ti- 
tre Delà  nature,  et  qui  est  rempli  d'opi- 
nions singulières.  De  retour  à  Paris  en 
1778,  Robinet  fut  nommé  censeur  royal 
et  secrétaire  particulier  du  ministre  Ame- 
lot.  Il  se  retira  ensuite  dans  son  lieu  na- 
tal. Il  avait  été  un  des  disciples  des  ency- 
clopédistes, et  s'était  attaché ,  pendant 
la  révolution  ,  aux  principes  de  l'Eglise 
conslilulionnelle.  Il  eutle  bonheur  d'être 
ramené  à  la  religion  ,  et  signa  ,  avant  sa 
mort,  une  rétractation  de  ses  erreurs. 
Robinet  a  laissé  un  assez  grand  nombre 
d'ouvrages,  dont  on  trouve  la  liste  dans 
Y  Annuaire  nécrologique  de  1820.  Nous 
citerons  seulement  :  1°  De  la  nature, 
1761,   in-4,    176G-68,   4  vol.  in-8.  Une 
mauvaise  physique,  une  métaphysique 
plus  mauvaise  encore  ,  forment  le  fonds 
de  ce  livre,  rempli  de  paradoxes  sur  Dieu 
et  ses  attributs,  sur  l'âme,  sur  la  ma- 
tière, sur  les  sensations,  etc.  Peu  d'ac- 
cord avec  lui-même,  il  nie  dans  un  en- 
droit ce  qu'il  accorde  dans  l'autre,  et 
accumule  les   contradictions,  les  hypo- 
thèses et  les  assertions  les  plus  hardies. 
Le  Père  Richard ,   dominicain  ,   publia 
contre  Robinet  :  La  nature  en  contraste 
avec  la  religion  et  la  raison ,  in-8  ,  1773; 
et  l'abbé  Barruel  a  consacré  plu.sieurs 
passages  des   Helviennes  à  réfuter  les 
systèmes  du  livre  de  la  nature.  2"  Essai 
de  morale,  ou  Recherches  sur  les  prin- 
cipes de,  la  morale  ,  traduit  de  l'anglais, 
de  David  Hume,    1761,   in- 12.   Ce  vo- 
lume fait  partie  de  la  collection  des  OEu- 
fre5 philosophiques  de  Hume,  traduites 
par  Mérian.  3"  Parallèle  des  conditions 
et  de  la  faculté  de  l'homme  avec  la  con- 
dition elles  facultés  des  autres  animaux, 
1769,  in  12  ;  4°  Paradoxes  moraux  et 
littéraires,  1769,in-12;  b°  Considéra- 
tions philosophiques  sur  la  gradation 


ROB  427 

naturelle  des  formes  de  Vêtre  ;  6»  Dic- 
tionnaire universel  des  sciences  morales, 
économiques,  etc.,  1783,  3  vol.  in-8; 
7°  Grammaire  française,  extraite  des 
meilleurs  grammairiens,  1762,  3  vol. 
in  8  ;  8°  L'homme  d'état,  traduit  de  l'i- 
talien ,  in-4  ,  ou  3  vol.  in-12.  Robinet  a 
aussi  travaillé  à  divers  recueils  ,  et  a  tra- 
duit des  romans  et  des  livres  anglais, 
Foyez  V Annuaire  nécrolog.  de  M.^Mahul, 
tom.  premier,  et  surtout  l'.(^mirfe  te  iîeZi- 
gion,  tom.  24,  p.  367. 

*  ROBINS  (  Benjamin  ) ,  savant  ma- 
thématicien   anglais  ,  naquit  à  Bath  en 
1707  deparensqui  étaient  de  la  secte  des 
quakers.  Leur  croyance  ,  qui  leur  inter- 
dit l'étude  des  sciences  profanes ,  ainsi 
que  leur  peu  de  fortune,  ne  leur  permi- 
rent pas  de  donner  au  jeune  Robins  une 
éducation  soignée;  mais  il  sut  se  la  pro- 
curer lui-même,  et,  sans  aide  et  sans 
secours,  il  acquit  de  vastes  connais.san- 
ces.  Il  cultiva  plus  particulièrement  les 
maihématiques  ;  et  ses  amis,  surtout  le 
docteur  Pemberlon  ,  lui  donnèrent  plu- 
sieurs problèmes  qu'il  parvint  à  résoudre 
avec  succès.  Ces  mêmes  amis  l'engagè- 
rent à  venir  à  Londres.  En  même  temps 
qu'il  s'instruisait  dans  les  langues  mo- 
dernes, il  développait  ses  connaissances 
par  la  lecture  des  ouvrages  d'Archimède, 
d'Apollonius,   de  Fermât,  d'Huyghens, 
de  Witt,  de  Husius,  de  J.  Gregory  ,  des 
docteurs  Barrow,  Taylor,  et  de  Newton. 
Il  se  fit  connaître  dès  l'âge  de  20  ans  par 
une  Démonstration  de  la  dernière  pro- 
position  du   traité  de  Newton   sur  les 
quadratures    qui  fut  insérée  dans  les 
Transactions  philosophiques  de  1727  , 
n"  397,  et  qui  lui  mérita  son  admission 
à  la  société  royale.  Robins  concourutpour 
le  prix  proposé  par  l'académie  des  Scien- 
ces de  Paris,  sur  les  lois  du  mouvement 
dani  ie  choc  des  corps  ;  mais  le  prix  fut 
remporté  par  Jean  Bernoulli.  Robins  en 
appel.1  au  public  en  s'appuyant  toujours 
sur  l'opinion  de  Leibnitz,  relative  à  la 
force  des  corps  en  mouvement  calculée 
d'après  les  effets  de  leur  choc  contre  des 
substances  élastiques.  Sa  réponse,  in- 
sérée dans  les  journaux  du  temps,  parut 
si  convaincante ,  que   personne  ne  s'a- 


428  ROB 

visa  d'y  répliquer,  Robins,  se  v  o  yant  en 
état  d'enseigner,  prit  des  élèves,  renonça 
à  son  habit  et  à  sa  profession  de  quaker, 
soumit  à  son  examen  tous  les  arts  qui 
pouvaient  avoir  rapport  aux  mathéma- 
tiques et  devenir  l'objet  de  quelque  amé- 
lioration. Il  porta  successivement  ses 
vues  sur  la  manière  de  construire  les 
ponts ,  les  moulins ,  sur  le  dessèchement 
des  marais ,  l'art  de  rendre  les  rivières 
navigables  et  de  creuser  les  ports.  Per- 
suadé que  la  résistance  de  l'air  a  beau- 
coup plus  d'influence  qu'on  ne  le  croit 
communément  sur  la  vitesse  des  projec- 
tiles ,  il  fit  plusieurs  expériences  sur  ce 
sujet.  Il  dirigea  son  attention  sur  la  for- 
tification des  places,  et  vint  plusieurs 
fois  visiter  les  villes  fortes  de  la  Flandre 
française.  De  retour  dans  sa  patrie ,  il 
prit  part  à  une  discussion  sur  la  Méthode 
des  fluxions  de  Newton,  et  défendit 
cette  méthode  avec  succès.  Robins  était 
bon  publiciste,  et  fut ,  en  cette  qualité, 
employé  en  plusieurs  affaires  importan- 
tes. Il  devait  venir  à  Paris  comme  l'un 
des  commissaires  nommés  pour  la  fixa- 
tion des  limites  de  l'Acadie  ;  mais  il 
aima  mieux  se  rendre  aux  Indes  avec  le  ti- 
tre d'ingénieur  de  la  compagnie  des  Indes 
orientales.  Son  but  était  d'y  rétablir  les 
.forts  à  demi-ruinés.  S'étant  embarqué  en 
décembre  1749  ,  il  y  arriva  le  3  juillet 
1760.  Son  premier  soin  fut  déformer 
des  plans  pour  les  réparations  de  Ma- 
dras et  du  fort  Saint-David  ;  mais  il  ne 
put  les  voir  exécuter.  Le  changement  de 
climat  l'ayant  fait  tomber  malade ,  il 
languit  encore  quelques  mois ,  et  mou- 
rut le  29  juillet  1751 ,  âgé  de  44  ans.  On 
a  de  lui  différens  ouvrages  très  estimés, 
savoir  :  1°  trois  Ecrits  sur  des  matières 
politiques,  publiés  à  Londres  en  1739; 
2"  Nou\/eaux principes  d'artillerie,  1742, 
qui  renfermeut  le  fruit  de  ses  expériences 
(  répétées  en  1747  devant  la  société 
royale ,  qui  le  gratifia  d'une  médaille 
d'or  ] ,  et  oii  il  constate  la  force  de  la 
poudre  à  canon  et  la  résistance  de  l'air  , 
relativement  à  la  force  et  à  la  vitesse 
des  projectiles.  Cet  ouvrage  a  été  tra- 
duit dans  presque  toutes  les  langues  :  il 
l'a  été  par  Euler  lui  même  ,  qui  l'a  en- 


ROB 

richi  d'un  commentaire  très  étendu,  Ber- 
lin ,  1740.  Nous  en  avons  trois  traduc- 
tions en  français ,  celle  de  Le  Roi  ;  la 
seconde,  de  Dupuy,  Grenoble,  1771  ; 
la  troisième,  de  Lombard,  Auxonne, 
1783,  in-8.  3*  Voyage  delordAnson 
autour  du  monde ,  1748,  un  vol.  in-8. 
Quoique  ce  livre  porte  le  nom  de  Walter, 
la  rédaction  n'en  est  pas  moins  de  Ro- 
bins, auquel  Walter,  chapelain  du  vais- 
seau le  Centurion ,  ne  remit  qu'une  tran- 
scription littéraire  du  journal  de  navi- 
gation. Le  Voyage  de  lord  Anson  fut 
traduit  en  différentes  langues ,  et  eut  un 
succès  prodigieux  ;  la  5*  édition  ,  revue 
et  corrigée  par  Robins,  parut  à  Londres 
en  1749.  D'après  une  lettre  que  lord  An- 
son  écrivit  à  Robins ,  de  Bath ,  le  22  oc- 
tobre de  cette  même  année  ,  il  parait  que 
le  premier  se  disposait  à  ajouter  un  se- 
cond volume  à  cette  relation  ;  mais  il  en 
fut  empêché  par  son  voyage  aux  Indes. 
Martin  Folkey ,  président  de  la  société 
royale  ,  et  Jacques  Wilson ,  suivant  les 
dernières  volontés  de  Robins  ,  publièrent 
ses  Ouvrages  mathématiques  à  Londres, 
1761  ,  2  vol.  in-8,  précédés  d'une  Notice 
sur  sa  vie  par  le  D.  Wilson. 

"ROBINSON  (Marie  Dabby  ),  comé- 
dienne et  auteur ,  surnommée  la  Sapho 
anglaise  ,  naquit  à  Bristol  près  de  Lon- 
dres eu  1742,  d'une  famille  honnête, 
mais  pauvre.  A  l'âge  de  1  ô  ans ,  elle  épou- 
sa M.  Robinson  ,  qui  faisait  ses  études  au 
collège  de  Lincoln.  Leur  union  ne  fut  pas 
heureuse  :  le  jeune  Robinson  ,  ayant  une 
conduite  peu  régulière ,  fut  déshérité 
par  un  oncle  dont  il  attendait  toute  sa 
fortune.  On  assure  aussi  qu'elle  contribua 
elle-même  à  le  ruiner  par  ses  dépenses 
frivoles.  Ce  contre-temps  la  força  à  pren- 
dre l'état  de  comédienne ,  et  elle  réussit 
dans  les  grands  rôles  tragiques ,  comme 
dans  ceux  de  Pcrdita  ,  de  Rosalinda ,  de 
Macbeth,  de  Juliette,  etc.  Elle  attira, 
dans  le  premier  de  ces  rôles ,  les  regards 
du  prince  de  Galles ,  et  quitta  le  théâtre  ; 
mais  se  voyant  délaissée  au  bout  d'un 
an  ,  mistriss  Robinson  se  rendit  en  1783 
sur  le  continent.  Elle  demeura  long- 
temps à  Paris;  et,  s'il  faut  en  croire  ses 
Ménoirts ,  sa    maison  fut    fréquentée 


ROB 

par  les  personnes  les  plus  remarquables 
de  cette  capitale  ,  où  sa  beauté  et  la  re- 
nommée de  ses  grâces  et  de  son  esprit 
lui  captivèrent  l'amitié  de  la  reine,  qui 
lui  envoya,  par  le  duc  de  Biron,une 
pièce  de  broderie  qu'elle  avait  faite  elle- 
même.  Au  commencement  de  nos  trou- 
bles, et  après  cinq  ans  d'absence,  mistriss 
Robinsoa  retourna  dans  sa  patrie  ,  et  se 
livra  entièrement  aux  lettres ,  qu'elle 
avait  cultivées  dès  sa  première  jeunesse, 
cl  qui  lui  valurent  des  succès  plus  dura- 
bles que  ceux  qu'elle  avait  dus  à  sa  beauté. 
Elle  mourut  dans  le  comté  de  Suray  en 
1800,  à  l'âge  de  60  ans.  Elle  a  laissé  : 
1°  des  Poésies  en  2  vol.  qui  ne  manquent 
pas  de  chaleur  et  de  facilité  ,  mais  qui 
pèchent  parfois  du  côté  du  goût.  L'ou- 
vrage suivant  est  exempt  de  ce  reproche, 
savoir  :  2°  Sapho  et  Phaon  :  c'est  un  re- 
cueil de  sonnets,  où  l'on  voit  les  écarts 
d'uneimagination  très  enflammée  ;  3°  huit 
iîomrtw*,  dont  les  plus  répandus  sont  ^m- 
cenza,  La  Feuve ,  Anrjelina  ;  ils  ont  été 
traduits  en  français  ,  sous  le  titre  de  Me'- 
moires  de  mistriss  Robinson ,  écrits  par 
elle-même ,  qui  peuvent  passer  pour  un 
roman  assez  ingénieux  et  bien  écrit.  — 
Elle  a  laissé  une  fille  qui  s'occupe  aussi 
de  romans ,  et  qui  a  donné  entre  autres 
Le  Sanctuaire  de  Bertlie. 

ROBINSON  CRUSOÉ.  F  oyez  Fob  et 
Van-Effkn. 

*  ROBISON  (  John  ) ,  mathématicien 
écossais ,  né  en  1739  à  Bogball  ,  dans  le 
comté  de  Stirling  ,  s'appliqua  de  bonne 
heure  à  l'étude  des  sciences.  A  l'âge  de 
19  ans  ,  il  s'embarqua  pour  Québec  , 
comme  professeur  des  mathématiques  du 
fils  aîné  de  l'amiral  Knowles  ,  suivit  son 
élève  sur  le  Royal  William  ,  et  bientôt  il 
fut  nommé  aspirant  de  marine.  Il  rendit 
des  services  importans  pendant  le  siège 
de  Québec.  Il  acquit  des  connaissances  si 
étendues  dans  l'art  de  la  navigation  qu'il 
put  ensuite  traiter  cette  partie  dans 
\ Encyclopédie  britannique.  Après  d'uti- 
les et  importantes  observations  sur  les 
mouvemens  de  l'aiguille  magnétique  , 
qu'il  constata  pendant  l'apparition  d'une 
aurore  boréale  ,  il  fit  de  nouvelles  cour- 
ses dans  riatérêt  des  sciences.  Ainsi ,  ea 


ROB  4'i9 

1762,  il  entreprit,  toujours  avec  sou 
élève  ,  le  voyage  de  la  Jamaïque,  pour 
faire  l'essai  des  montres  maritimes  d'Har- 
rison.  Bientôt  dégoûté  de  la  carrière  qu'il 
avait  embrassée,  par  suite  du  chagrin  que 
lui  causa  la  mort  du  fils  aîné  de  l'amiral 
Knowles  ,  qui  avait  péri  sur  le  vaisseau 
le  Peregrin,  il  renonça  au  service  de  mer. 
De  retour  dans  sa  patrie  en  1767  ,  il  ac- 
cepta la  chaire  de  chimie  à  l'université 
de  Glasgow,  et  en  1770  il  suivit  sir 
Charles  Knowles  en  Russie  ,  en  qualité 
de  secrétaire  ;  il  y  obtint ,  par  ses  talens, 
l'emploi  d'inspecteur-général  du  corps 
des  cadets.  Quelques  dégoûts  qu'il  éprou- 
va dans  sa  position  l'engagèrent  de  reve- 
nir à  Edimbourg,  après  4  ans  d'exercice, 
pour  y  occuper  la  chaire  de  philosophie 
qui  lui  avait  été  offerte  par  les  magistrats 
de  la  ville.  Il  la  remplit  avec  distinction 
jusqu'à  sa  mort  ,  arrivée  en  1806.  Outre 
ses  articles  de  marine,  insérés  dans  V En- 
cyclopédie britannique ,  il  a  publié  ceux 
de  mathématiques  et  de  philosophie  qui 
ont  été  imprimés  dans  la  3*  édition  du 
même  ouvrage  ,  et  publiés  séparément 
sous  le  titre  de  System  of  mecliamcal 
philosophy ,  nouv.  édition,  1822,  4  vol. 
grand  in-8  ,  ou  petit  in-4.  On  a  encore 
de  lui  un  ouvrage  contre  la  franc-ma- 
çonnerie ,  qui  a  eu  plusieurs  éditions  ,  et 
dont  l'abbé  Barruel  a  tiré  parti  pour  ses 
Mémoires  sur  le  jacobinisme.  Il  a  aussi 
donné,  en  1803,  une  édition  des  £'/eme«s 
de  chimie  ,  de  Black  ,  2  vol.  in-4. 

ROBOAM  ,  roi  de  Juda  ,  succéda  à 
Salomon  son  père,  l'an  975avant  J.-C.  A 
peine  fut  il  monté  sur  le  trône,  que  Jéro- 
boam, à  la  tète  du  peuple,  alla  le  prier  de 
décharger  ses  sujets  des  impôts  dont  son 
père  les  avait  accablés  dans  les  dernières 
années  de  son  règne.  Roboam  demanda 
trois  jours  pour  lui  faire  réponse.  Pendant 
ce  temps,  les  plus  anciens  de  son  conseil 
furent  d'avis  de  soulager  le  peuple  ;  mais 
il  préféra  l'avis  des  jeunes  seigneurs  avec 
lesquels  il  avait  été  élevé ,  et  he  répondit 
qu'en  menaçant  le  peuple  d'un  traite- 
ment encore  plus  fâcheux.  «  Conduite , 
»  dit  un  politique ,  que  les  souverains 
»  imprudens  et  orgueilleux  ne  cessent 
»  d'imiter ,  et  qui  a  toujours  le  même 


1 


43o  ROB 

»  effet.  »  Celte  dureté  fit  soulever  dix 
tribus,  qui  se  séparèrent  de  Roboam , 
et  choisirent  Jéroboam  pour  leur  roi. 
Telle  fut  l'origine  du  royaume  d'Israël. 
Koboam  fit  construire  des  forteresses 
pour  conserver  les  deux  tribus  qui  lui 
restaient  ;  et  quand  il  se  crut  à  l'abri  des 
entreprises  de  Jéroboam  ,  il  abandonna 
la  loi  du  Seigneur  pour  suivre  les  pen- 
chans  de  son  cœur  corrompu.  Il  adora 
des  idoles ,  el  le  peuple  ne  tarda  pas  à 
suivre  les  traces  du  maître.  Sésac  ,  roi 
d'Egypte,  suivi  d'une  armée  innombra- 
ble, entra  dans  le  pays,  et  prit  en  peu 
de  temps  toutes  les  places  de  défense. 
Jérusalem ,  oti  le  roi  s'était  retiré  avec 
les  principaux  de  sa  cour,  allait  être  as- 
siégée. Pour  leur  ôler  toute  espérance  , 
Dieu  envoya  le  prophète  Séméias,  qui 
leur  déclara  de  sa  part  que  ,  puisqu'ils 
l'avaient  abandonné,  il  les  abandonnait 
aussi  au  pouvoir  de  Sésac.  Celle  menace 
les  toucha;  ils  s'humilièrent  sous  la  main 
de  Dieu,  el  reconnurent  la  justice  de  ses 
jugemens.  Le  Seigneur,  fléchi  par  cette 
humiliation,  adoucit  la  rigueur  de l'ar- 
rêl  porté  par  sa  justice.  Sésac  se  relira  de 
Jérusalem  ,  après  avoir  enlevé  les  trésors 
du  temple  du  Seigneur  et  ceux  du  palais 
du  roi.  Roboam  continua  à  vivre  dans 
l'iniquité.  Il  mourut  l'an  992  avant  J.-C. , 
après  avoir  régné  17  ans,  laissant  le 
royaume  à  Abias ,  un  de  ses  fils. 

ROBOREUS.  /^oyezRovÈRE. 

ROBORTELLO  (François),  né  en 
1516  à  Udine,  dans  le  Frioul ,  enseigna 
avec  répulation  la  rhétorique  et  la  phi- 
losophie morale  à  Lucques ,  à  Pise,  à  Po- 
logne et  à  Padoue;  il  y  remplit  aussi  les 
chaires  des  langues  grecque  et  laline,  et 
mourut  à  Padoue  en  lô67.  (  Robortello 
avait  un  grand  savoir;  mais  il  était  d'un 
caractère  irascible  et  envieux  :  il  eut  des 
querelles  avec  presque  tous  les  savans,  et 
notamment  avec  Sigonius.  )  On  a  de  lui  : 
1°  un  Traité  d' histoire  (  de  hisiorica  fa- 
culiale),  Florence,  1548  ,  in-8,  très  su- 
perficiel, recueil  devenu  rare;  2°  des 
Editions ,  avec  des  Commentaires ,  de 
plusieurs  poètes  grecs  et  latins  ;  3°  De 
vita  et  victu  populi  romani  sub  impera- 
ioribus  Cces.  Augustis.,  1 559 ,  Bologne , 


ROC 

in-fol.  ;  4°  un  grand  nombre  d'autres 
écrits ,  dans  lesquels  il  y  a  quelquefois 
une  critique  trop  âpre.  On  raconte  que 
Jean-Baptiste Egnace  fut  si  irrité  de  celle 
qui  regardait  un  de  ses  ouvrages ,  qu'il 
le  blessa  d'un  coup  de  poignard. 

ROBUSÏI.  Foyez  Tintoret. 

ROGABERTI  (  Jean-Thomas  de  ) ,  né 
vers  1624  ,  à  Pérelada,  sur  les  frontiè.es 
du  Roussillon  et  de  la  Catalogne,  d'une 
maison  illustre  ,  entra  jeune  dans  l'ordre 
de  Saint-Dominique.  Il  devint  provincial 
d'Aragon  en  1666,  général  de  son  ordre 
en  1670,  archevêque  de  Valence  en  1676, 
et  grand  inquisiteur  de  la  foi  en  1695. 
Il  s'acquit  l'estime  du  roi  catholique,  qui 
le  fit  deux  fois  vice-roi  de  Valence.  Il 
employa  le  temps  que  lui  laissaient  ces 
places  à  composer  plusieurs  ouvrages. 
Les  principaux  sont  :  1°  un  traité  estimé, 
De  romani  pnntificis  auctoritate  ,  en  3 
vol.  in-  fol.  ;  ouvrage  condamné  par  arrêté 
du  parlement  de  Paris  le  20  décembre 
1695.2°  Bibliotlieca  pontificia  maxima  : 
c'est  un  recueil  de  tous  les  traités  com- 
posés par  différens  auteurs ,  en  faveur 
de  l'autorité  et  de  l'infaillibilité  pontifi- 
cale, imprimé  à  Rome  en  1700  et  années 
suivantes  en  21  vol.  in-fol.;  3°  un  livre 
intitulé  :  Aliment  spirituel,  etc.  Il  mou- 
rut à  Madrid  en  1699. 

ROCCA  (  Ange  ) ,  né  enl  545  à  Rocca- 
Contrata  ,  dans  la  Marche  d'Ancône,  er- 
mite de  Saint-Augustin,  fut  fait  docteur 
en  théologie  à  Padoue  en  1577,  secrétaire 
de  son  ordre  pendant  6  ans,  président 
de  l'imprimerie  du  Vatican  en  1585  ,  sa- 
cristain de  Clément  VIII  en  1 595,  et  enfin 
évêque  de  Tagaste  en  1605.  Il  mourut  à 
Rome  le  8  avril  1620.  Il  a  fait  diverses 
remarques  sur  l'Ecriture  sainte  et  sur 
les  Pères;  mais  on  ne  lit  plus  ses  com- 
mentaires. Il  s'y  sert  indift'érement  des 
bons  et  des  mauvais  auteurs,  de  mo- 
numens  authentiques  et  de  pièces  dou- 
teuses. Il  écrit  nettement ,  mais  sans  élé- 
vation. Ses  différens  ouvrages  parurent  à 
Rome  en  1719,2  vol.  in-fol.  Les  littéra- 
teurs font  quelque  cas  de  la  Bibliotlieca 
vaticana  illustrata  de  cet  auteur,  quoi- 
que fort  inexacte.  Son  Thésaurus  ponti- 
ficiarum  antiquitatum ,  necnon  rituum 


I 


ROC 

ac  cœremoniarum,  2  vol.  in-fol. ,  Rome, 
1746  ,  est  un  recueil  curieux.  On  estime 
aussi  son  traité  De  campants ,  Rome  , 
1612  ,  in-4.  On  le  trouve  dans  le  2*  vol. 
du  Thésaurus  antiquitatum  romanarum 
de  Sallengre.  (  Le  Père  Nicéron  ,  dans  le 
t.  2  de  ses  Mémoires ,  a  donné  les  titres 
de  41  de  ses  ouvrages.  ) 

ROCH  (Saint),  né  en  1295  à  Montpel- 
lier, d'une  famille  noble ,  portait  en 
venant  au  monde  une  croix  couleur  de 
pourpre  sur  la  poitrine.  Ayant  perdu  son 
père  et  sa  mère  à  l'âge  de  20  ans,  il  alla 
à  Rome  en  pèlerinage,  y  guérit  un  grand 
nombre  de  personnes  affligées  de  la  peste, 
et,  à  son  retour ,  il  s'arrêta  à  Plaisance  , 
infectée  de  cette  maladie.  Roch  en  fut 
frappé  lui-même,  et,  contraint  de  sortir 
de  la  ville,  pour  ne  pas  infecter  les  au- 
tres ,  il  se  retira  dans  une  forêt  où  le 
chien  d'un  genlibomme  voisin,  nommé 
Gotluird  ,\m  apportait  tous  les  jours  un 
pain.  Guéri  de  la  contagion  ,  il  retourna 
à  Montpellier.  Sa  patrie  était  alors  en 
proie  aux  fureurs  de  la  guerre  :  pris  pour 
un  espion,  il  fut  jeté  dans  un  cachot  oii  il 
jnourut  le  16  août  1327.  Cet  article  est 
composé  d'après  les  traditions  populaires, 
et  sur  des  légendes  de  peu  d'autorité  ; 
mais  l'incertitude  des  actes  d'un  saint  ne 
conclut  point  contre  son  existence  ,  ni 
contre  l'idée  générale  de  ses  vertus  et  de 
ses  miracles.  (  Voyez  Catherine.  )  Les 
altérateurs  des  légendes  n'ont  choisi  que 
de  vrais  actes  ,  de  vraies  histoires  pour 
les  embellir  ;  ils  eussent  regardé  comme 
une  impiété ,  l'audace  d'en  supposer 
pour  le  fond  ,  et  ils  n'auraient  pas  réussi 
à  les  faire  recevoir  ;  ce  n'est  qu'en  faveur 
des  monumens  et  du  culte  déjà  établi 
que  ces  impostures,  qu'ils  ont  crues  mé- 
ritoires; ont  pris  faveur.  Une  excuse  plus 
recevable  est  que ,  durant  les  dévasta- 
tions des  barbares,  un  grand  nombre 
d'actes  de  martyrs,  d'histoires  édifiantes, 
etc.,  ont  péri,  et  que  la  piété  des  moines 
a  cru  devoir  les  remplacer  par  d'autres , 
rédigés  sur  la  tradition  ou  sur  le  souvenir 
qu'ils  en  avaient  conservé  ;  et  comme 
ces  sources  n'étaient  ni  fort  sûres  ni 
suffisantes  pour  fournir  à  de  grands 
détails,  les  nouvelles  histoires  ont  été  peu 


ROC  43  L 

exactes  et  dirigées  en  partie  sur  les  mé- 
moires de  l'imagination.  On  a  une  vie  de 
saint  Roch  par  F.  Diedo.  Quelques-uns 
préfèrent  sa  légende  publiée  en  latin  au 
commencement  du  16"=  siècle  par  J.  D. 
Pins,  évêque  de  Rieux.  Ployez  aussi  le 
Recueil  des  Bollandistes  et  les  Vies  des 
saints  de  Butler  et  Baillet.  ) 

*  ROCHAMBEAU  (Jean-Baptiste-Do- 
natien DE  ViMEUR,  comte  de),  maréchal 
de  France  sous  Louis  XV[  ,  naquit  le  1®' 
juillet  1725  d'une  famille  distinguée.  A 
l'âge  de  16  ans,  il  entra  comme  cornette 
dans  le  régiment  de  cavalerie  de  Saint- 
Simon,  fit  les  campagnes  de  Bohême  et 
de  Bavière  ,  aux  ordres  du  maréchal  de 
Broglie  ;  dans  celles  d'Alsace  ,  il  était  à 
la  tête  d'une  compagnie  :  il  se  distingua 
à  l'attaque  des  lignes  de  Weissembourg 
et  au  siège  de  Fribourg.  Peu  de  temps 
après  ,  il  devint  aide-de-camp  du  duc 
d'Orléans  et  du  comte  de  Clermont ,  et 
se  trouva  avec  ce  dernier  aux  sièges  d'An- 
vers ,  de  Namur,  et  à  la  bataille  de  Rocou. 
A  22  ans  ,  il  fut  nommé  colonel  du  régi- 
ment de  la  Marche-infanterie  ,  et  servit 
en  cette  qualité  à  la  bataille  de  Laufeldt  : 
alors  il  fit  plusieurs  charges  à  la  tête  de 
son  corps,  et  reçut  deux  blessures  sous 
les  yeux  de  Louis  XV.  Ce  monarque  l'éleva 
au  grade  de  brigadier  d'infanterie.  Ro- 
chambeau  se  trouva  au  siège  de  Maës- 
tricht ,  et  fut  cliargé  avec  quatorze  com- 
pagnies de  grenadiers  qu'il  commandait 
d'investir  celte  place  sur  la  rive  gauche 
de  la  Meuse  ;  après  cette  expédition  ,  il 
obtint  la  croix  de  Saint-Louis.  Il  fit  le 
siège  de  Mahon  sous  le  maréchal  de  Ri- 
chelieu ,  et  donna  une  nouvelle  preuve 
de  sa  bravoure  en  descendant  dans  les 
fossés  malgré  le  feu  des  Anglais.  En  1757 
il  fut  envoyé  avec  4000  hommes  dans  le 
pays  d'Alberskardt ,  s'empara  de  la  for- 
teresse de  Ragenstein,  où  il  prit  quatorze 
canons  ,  et  fit  prisonnière  la  garnison 
prussienne.  A  la  bataille  de  Crevelt ,  il 
résista  avec  sa  brigade  et  deux  autres  de 
l'armée  française  à  toutes  les  forces  du 
prince  Ferdinand.  Il  se  couvrit  de  nou- 
veaux lauriers  dans  les  campagnes  de 
1758  ,  1759  et  1760.  Il  était  colonel  du 
régiment  d'Auvergne ,  lorsqu'à  la  tète  des 


432  ROC 

grenadiers  de  l'armce,  il  força  le  général 
Luckner  à  se  retirer  dans  les  gorges  de 
Salmunster.  Après  avoir  serré  l'arrière- 
garde  du  prince  Ferdinand ,  lors  de  sa 
retraite  de  Saxenhausen  à  Cassel  ,  il  re- 
joignit le  corps  de  M.  Stainville.  Par  une 
attaque  sagement  combinée  ,  il  battit  le 
général  comte  de  Fersen,  détruisit  son  ar- 
mée de  10,000  hommes,  s'empara  de  leur 
artillerie  ,  et  contribua  ensuite  à  la  vic- 
toire de  Clostercamp.  Ces  exploits  lui  mé- 
ritèrent le  grade  de  maréchal-de-carap 
et  d'inspecteur -général  d'infanterie.  En 
1761  ,  il  tint  en  échec  le  prince  Ferdi- 
nand ,  et,  à  la  bataille  de  Filenghausen, 
où  il  commandait  la  droite  de  l'armée,  il 
fit  sa  retraite  en  bon  ordre ,  et  put  tenir 
tête ,  pendant  toute  cette  campagne  ,  à 
l'ennemi,  qui  était  supérieur  en  nombre. 
Nommé  lieutenant  général,  il  fut  envoyé 
en  1780 dans  l'Amérique  septentrionale, 
et  débarqua  avec  6000  hommes  à  Rhod- 
Island  ,  et  ,  ayant  pris  une  position  favo- 
rable ,  il  força  le  général  Clinton  à  la 
respecter  ;  mais  il  ne  pouvait  effectuer 
aucune  opération  sans  les  recrues  qxi'il 
attendait  de  France.  Quand  elles  furent 
arrivées,  il  rejoignit  le  général  Washing- 
ton devant  New-York,  et  l'aida  puis- 
samment à  s'emparer  de  cette  ville  et  de 
celle  deGlocester.  Secondé  par  les  alliés, 
il  obligea  une  armée  de  8200  Anglais 
à  mettre  bas  les  armes,  et  leur  prit 
214  pièces  de  canon  et  22  drapeaux. 
Cette  journée  accéléra  l'indépendance 
des  Etats-Unis ,  et  amena  la  paix  qui 
fut  signée  le  1^"^  juin  1783.  Le  congrès 
américain  témoigna  sa  reconnaissance  à 
Rocfaambeau  en  lui  donnant  deux  des 
pièces  prises  sur  l'armée  anglaise.  A  son 
retour  en  France ,  Louis  XVI  le  nomma 
commandant  de  Picardie,  et  lui  conféra  le 
titre  de  chevalier  de  ses  ordres.  Lorsque 
l'Alsace  fut  agitée  en  1789  par  les  trou- 
bles populaires ,  le  roi  l'envoya  dans 
cette  province  ;  Rochambeau  y  rétablit 
le  calme,  et  mit  les  villes  à  l'abri  du  pil- 
lage des  insurgés.  Il  obtint  en  1790  1e 
commandement  de  l'armée  du  Nord, 
rétablit  toutes  les  fortifications  de  cette 
frontière  ,  et  forma  à  Dunkerque ,  à 
Maubeuge,à  Sedan,  trois  camps  retran- 


ROC 

chés  qui  tinrent  en  respect  l'ennemi. 
Louis  XVI  réleva  au  grade  de  maréchal 
de  France.  Le  comte  de  Rochambeau  re- 
fusa en  1791  le  ministère  de  la  guerre 
que  lui  offrait ,  au  nom  de  Louis  XVI , 
M.  de  Montmorin.  Après  le  départ  du  roi 
et  son  arrestation  à  Varennes ,  croyant  la 
monarchie  déjà  détruite  ,  il  se  présenta 
à  la  barre  de  l'assemblée  nationale  pour 
y  prêter  son  serment  d'obéissance.  La 
guerre  contre  l'Allemagne  ayant  éclaté  , 
le  maréchal  deRochambeau  présenta  ses 
plans  pour  ouvrir  la  campagne  ;  mais  ils 
furent  désapprouvés  en  grande  partie , 
et  ou  le  contraignit  de  se  soumettre  à 
d'autres  plans  qu'il  jugea  aussi  absurdes 
que  dangereux.  Pendant  ce  temps  ,  Du- 
raouriez  était  parvenu  au  ministère  ;  et 
comme  il  n'était  pas  ami  du  maréchal , 
il  trouva  le  moyen  de  le  laisser  à  Lille , 
tandis  qu'il  employait  des  généraux 
moins  habiles  et  moins  anciens.  Ce  vieux 
et  illustre  guerrier  se  démit  du  comman- 
dement, et,  après  hO  ans  de  service,  il  se 
retira  dans  sa  terre  natale.  Emprisonné 
sous  le  règne  de  !a  terreur  et  mis  sur  la 
liste  des  condamnés ,  il  allait  monter  dans 
la  fatale  charrette  qui  conduisait  Ma- 
lesherbes  à  l'échafaud,  lorsque  le  bour- 
reau ,  trouvant,  dit-on,  qu'elle  était  trop 
chargée  ,  le  repoussa  en  lui  disant  que 
son  tour  viendrait  plus  tard.  La  chute  de 
Robespierre  au  9  thermidor  sauva  Ro- 
chambeau qui  fut  mis  en  liberté,  et  qui 
alla  achever  tranquillement  dans  ses 
foyers  son  honorable  carrière.  Il  mourut 
en  1807.  En  1803  il  avait  été  honorable- 
ment accueilli  par  Buonaparte  qui  le 
nomma  grand-oificier  de  la  légion  d'hon- 
neur et  lui  fit  une  pension  comme  an- 
cien maréchal.  Dans  les  dernières  années 
de  sa  vie  il  s'était  occupé  de  la  rédaction 
de  ses  Mémoires  qui  ont  paru  en  1809  , 
2  vol.  in-S,  avec  une  pre'face  de  Luce 
deLancival.  On  trouve  des  détails  curieux 
sur  la  campagne  de  Rochambeau  aux 
Etats-Unis  dans  un  Voyage  dam  l'Amé- 
rique septentrionale  par  l'abbé  Robin , 
Paris,  1782  ,  in-8. 

*  ROCHAMBEAU  (Donatien -Marie- 
Joseph  de  ViMKUR,  Vicomte  de),  fils  du 
précédent,  né  en  1750  au  château  du 


ROC 

mcme  nom,  embrassa  l'état  militaire  dès 
l'â^e  de  12  ans,  fut  nommé  en  1779  co- 
lonel du  régiment  royal-Auvergne  (infan- 
terie), suivit  son  père  en  Amérique  et 
eut  part  aux  succès  de  l'expédition.  En 
1791  il  devint  maréchal  de  camp,  et  ce 
fut  en  celte  qualité  qu'il  fit  la  campa- 
gne de  1793,  sous  Biron.  Après  l'attaque 
sur  Mons ,  il  montra  beaucoup  de  bra  • 
voure  et  d'intelligence  dans  la  retraite 
du  23  avril.  Vers  la  fin  de  cette  même 
année  ,  il  passa  en  Amérique  ,  et  en  fé- 
vrier 1794  il  défendit  la  Martinique  con- 
tre les  Anglais.  Il  revint  en  France  l'année 
suivante  ,  et  en  1796  il  fut  nommé  gou- 
verneur général  de  Saint-Domingue ,  et 
arriva  dans  cette  île  avec  400  hommes. 
11  y  trouva  le  Nord  en  insurrection ,  et  eut 
à  souffrir  des  contrariétés  ,  soit  de  la  part 
de  ses  généraux  ,  soit  de  celle  des  com- 
missaires civils.  Le  baron  de  Rochambeau 
ayant  mis  dans  ses  discussions  un  peu 
trop.d'aigreur  et  de  dureté,  il  fut  desti- 
lilué  par  ceux-là  même  qu'il  voulait 
dominer  en  France  :  il  arriva  à  Bordeaux 
en  septembre  1796,  et  fut  enfermé  au 
château  de  Ham.  Mais  il  avait  de  puis- 
sans  amis  dans  le  directoire,  qui  or- 
donna sa  mise  en  liberté ,  en  même 
temps  qu'il  lui  enjoignit  de  se  rendre  à 
Paris.  A  l'aide  de  ses  protecteurs ,  il  put 
se  justifier  tant  bien  que  mal  ;  mais  il 
resta  presque  dans  l'oubli  jusqu'à  la  ré- 
volution du  18  brumaire,  dont  il  se 
montra  un  des  adhérens.  En  1802,  il  fut 
employé  dans  l'expédition  contre  Saint- 
Domingue  ,  et  contribua  aux  succès  du 
général  Leclerc  ;  il  mit  en  déroule  com- 
plète Toussaint-Louverlure  dans  la  ra- 
vine à  couleuvres.  Il  s'empara  du  Port- 
au-Prince,  du  fort  Dauphin,  et  prit  aux 
Noirs  toute  leur  artillerie.  Après  la  mort 
de  Leclerc  ,  il  lui  succéda  dans  le 
commandement  -,  et  ne  pouvant ,  avec 
une  armée  épuisée ,  faire  lèle  à  Dessali- 
iies ,  il  finit  par  lui  abandonner  l'île  en 
1 803 ,  après  y  avoir  commis  ,  dit-on  , 
beaucoup  de  déprédations  et  de  cruautés. 
Pris  par  les  Anglais  dans  sa  traversée ,  et 
conduit  en  Angleterre  en  février  1804, 
il  s'éleva  contre  lui  sur  sa  conduite  à 
.  Saint- Domins.ue,4ps  f^cusations  assez 

XI. 


JROG  433 

graves  ,  qu'il  parvint  à  dissiper.  Il  resta 
cependant ,  et  pour  la  seconde  fois , 
sans  service  plus  de  huit  ans,  et  il  ne 
fut  employé  qu'après  la  désastreuse  cam- 
pagne de  Moscou.  Il  obtint  alors  le 
commandement  d'une  division  dans  le 
5*  corps ,  sous  les  ordres  du  général 
comte  de  Lauriston.  Il  se  distingua  à  la 
bataille  de  Bautzen ,  et  il  se  surpassa  à 
celle  de  Leipsick ,  oii  il  fut  tué  les  armes 
à  la  main  (18  octobre  1813). 

ROCJHE  (  Jean  de  la  ),  né  dans  le  dio- 
cèse de  Nantes  ,  entra  dans  la  congréga- 
tion de  l'Oratoire.  Son  talent  pour  la 
prédication  se  manifesta  de  bonne  heure. 
Il  remplit  avec  succès  les  principales 
chaires  de  la  province  et  de  la  capitale. 
Cet  orateur  mourut  en  1711,  dans  sa  56* 
année.  On  a  de  lui  un  Avent,  un  Carême, 
et  des  Mystères  ,  en  6  vol.  in  12  ;  et  2 
vol.  in-12  de  Panégyriques.  C'est  princi- 
palement dans  ce  dernier  genre  qu'il  ex- 
cellait. S&&  Panégyriques  de  saint  Augus- 
tin et  de  saint  Louis  furent  applaudis , 
lorsqu'il  les  débita ,  et  plaisent  encore 
lorsqu'on  les  lit.  Ses  Sermons  sont  soli- 
des, et  l'Evangile  n'y  est  pas  défiguré  par 
le  vernis  de  nos  orateurs  à  la  mode.  Ils 
sont  écrits  avec  noblesse  et  avec  élé- 
gance. 

ROCHE  (Antoine-Martin),  ex-orato- 
rien,  né  dans  le  diocèse  de  Meaux,  quitta 
l'Oratoire  à  raison  de  son  opposition  aux 
décrets  de  l'Eglise,  et  mourut  à  Paris  en 
1755,  avant  la  50*  année  de  son  âge.  On 
a  de  lui  un  Traité  de  la  nature  de  l'âme 
et  de  l'origine  de  ses  connaissances ,  con- 
tre le  système  de  Locke  et  de  ses  parti- 
sans, en  2  gros  vol.  in-12,  qui  ont  paru 
en  1759.  Cet  ouvrage  solide  et  bien  écrit 
mérite  d'être  lu. 

ROCHK  (Jacques  Fontaine  de  la  ),  prê- 
tre du  diocèse  de  Poitiers ,  grand  parti- 
san des  convulsions,  mort  en  1761,  vécut 
à  Paris  dans  une  obscurité  prudente.  Il 
eut,  depuis  173 tj  la  principale  part  aux 
feuilles  qui  paraissaient  toutes  les  semai- 
nes, sous  le  titre  de  Nouvelles  ecclésias- 
tiques. Il  avait  été  pourvu  d'une  cure 
dans  le  diocèse  de  Tours;  mais  il  quitta 
la  houlette  pastorale  en  1728,  pour  pren- 
dre la  plume  satirique  et  fanatique  d'un 
55. 


^ 


434  ROC 

scélérat  obscur^  selon  l'expression  d'un 
auteur  très  connu.  Comme  ce  libelle  a 
été  continué,  et  qu'il  a  été  long-temps  la 
trompette  du  mensonge  et  de  la  calom- 
nie, il  ne  sera  pas  inutile  de  l'apprécier. 
En  comparant  les  témoignages  des  jésui- 
tes, des  jansénistes,  et  de  ceux  qui  se 
moquent  des  uns  et  des  autres ,  il  sera 
aisé  de  déterminer  au  juste  le  mérite  de 
la  gazette  et  du  gazetier.  Si  l'on  pouvait 
s'en  rapporter  aux  jésuites,  le  nouvel- 
liste réunit  tous  les  vices,  n  II  est  impie 
M  dans  sa  morale ,  hérétique  dans  sa 
»  doctrine,  calomniateur  dans  ses  impu- 
}>  tations ,  séditieux  dans  ses  plaintes , 
M  imposteur  dans  ses  écrits,  ridicule  dans 
»  ses  déclamations ,  forcené  dans  ses  in- 
»  vectives,  téméraire  dans  ses  soupçons, 
»  absurde  dans  ses  raisonnemens ,  faus- 
:»  saire  dans  ses  citations ,  furieux  dans 
}>  ses  satires ,  fade  dans  ses  éloges,  insi- 
»  pide  dans  ses  plaisanteries...  Son  libelle 
»  périodique  est  un  trésor  de  mensonges 
j)  grossiers  ,  de  blasphèmes  horribles, 
3i  d'impostures  atroces  ,  de  falsifications 
M  palpables,  de  contradictions  sans  nom> 
})  bre,  de  platitudes  pitoyables..  C'est  là 
»  que  des  convulsions  diaboliques  sont 
»  mises  sur  le  comte  du  Tout-Puissant,  et 
»  qu'on  vomit  contre  les  vicaires  de 
«  J.  C.  et  leurs  décisions,  contre  les  pre- 
)>  miers  pasteurs  et  leurs  instructions , 
»  contre  les  gens  de  bien  et  leur  soumis- 
»  sion  à  l'Eglise ,  les  calomnies  les  plus 
■»  atroces ,  assaisonnées  de  toutes  les  ex- 
»  pressions  indécentes  que  peuvent  sug- 
»  gérer  la  rage  et  la  fureur  à  un  frénéti- 
}>  que  qui  n'a  ni  âme  ni  éducation.  L'in- 
»  fernat  gazetier,  dans  sa  retraite  obscure, 
»  se  nourrit  de  sou  infamie,  il  s'envC' 
j)  loppe  de  sa  noirceur,  il  s'applaudit  de 
j>  sa  méchanceté.  Il  ne  s'humanise  que 
>»  lorsqu'il  faut  faire  l'oraison  funèbre  de 
»  quelque  maître  d'école ,  de  quelque 
■»  servante,  qui  auront  eu  le  bonheur  de 
j)  mourir  en  disant  des  injures  au  pape, 
»  en  faisant  décréter  leur  pasteur ,  en  se 
»  faisant  porter  leur  jugement  et  leur 
»  condamnation  en  vertu  d'un  exploit, 
»  et  sous  l'escorte  des  huissiers.  »  En  un 
nfct,  si  l'on  en  croit  les  jésuites,  la  Ga- 
zette ecclésiastique  est  contraire  aux  pre- 


ROC 

Biiers  principes  de  la  foi,  de  la  raison,  de 
la  charité  et  de  la  probité.  Si  l'on  s'en  rap- 
porte aux  écrivains  qui  ne  sont  ni  jésuites , 
ni  jansénistes,  en  particulier  à  M.  d'Alem- 
bert,  «le  gazetier  est  un  scélérat  obscur, 
»  qui  se  rend  tous  les  huit  jours  criminel 
•n  de  lèse-majesté,  par  des  libelles  mépri- 
^'  ses,  qui  est  tombé  dans  un  excès  d'avi- 
»  lissement  auprès  des  gens  sensés,  en 
}>  donnant  le  nom  de  miracles  à  des  tours 
»  de  passe-passe  dont  les  charlatans  de 
■»  la  foire  rougiraient  ;  en  faisant  l'éloge 
>>  de  ces  hlles  séduites  que  des  impos- 
■»  teurs  ont  dressées  dès  l'enfance  pour 
j>  jouer,  à  prix  d'argent ,  cette  farce  abo- 
5)  minable.  C'est  un  blasphémateur  qui 
»  calomnie  le  vicaire  de  J.  C.  en  citant 
)>  l'Evangile  ;  qui  ne  parle  que  de  la  cha- 
»  rite  dont  11  viole  toutes  les  lois  ;  qui 
»  vend  toutes  les  semaines  un  libelle  qui 
■»  dégoûte  aujourd'hui  les  lecteurs  les  plus 
»  avides  de  satires  ;  qui  ne  respecte  ni  les 
a  oints  du  Seigneur,  ni  les  premiers  pas- 
»  teurs  de  l'Eglise ,  ni  les  ministres  des 
}>  souverains  ;  qui  distille,  en  un  mot,  son 
î>  venin  sur  les  talens  et  les  vertus  qui 
»  honorent  la  religion,  et  que  la  religion 
)>  consacre.  »  Si  l'on  consulte  enfin  les 
jansénistes,  dont  il  est  le  secrétaire  et 
l'entrepôt,  ils  n'en  font  point  un  por- 
trait plus  flatteur.  Le  célèbre  et  modéré 
M.  Duguet  dit  que  l'auteur  inconnu  des 
Nouvelles  ecclésiastiques  se  rend  coupa- 
ble d'un  attentat  énorme.  M.  Petitpied, 
appelant,  le  caractérise  ainsi  :  «  L'auteur 
w  insensé  des  Nouvelles  ecclésiastiques^ 
»  abandonnant  les  voies  de  la  charité,  n'a 
J)  point  trouvé  celles  de  la  vérité.  C'est 
»  un  imprudent...  qui  n'a  aucun  discerne- 
V  ment.  C'est  un  historien  partial...  indi- 
»  gne  de  toute  créance...  C'est  un  in- 
»  grat....  c'est  un  indocile....  c'est  un 
»  rebelle....  L'esprit  de  vertige  s'est  saisi 
»  de  lui...  C'est  un  furieux  qui  attaque 
»  toutes  les  puissances  ecclésiastiques  et 
»  séculières,  tous  les  corps  et  tous  les 
»  particuliers.  Abbés,  évêques,  archevê-  ] 
»  ques  ,  cardinaux,  papes,  ordres  reli- 
»  gieux  ,  magistrats ,  ministres  ,  princes, 
»  rois,  rien  n'est  épargné  par  ce  frénéti- 
»  que  ;  le  fiel  coule  de  sa  plume  ,  le  noir 
»  sang  qui  bout  dans  ses  veines  se  ré-    | 


ROC 

»  pand...  sur  les  personnes  de  tout  état, 
5)  de  tout  sexe,  de  toute  condition.  C'est 
V  un  convulsionniste...  fanatique.  En  un 
«  mot,  c'est  un  enragé,  qui  déchire  à 
»  belles  dents  depuis  le  simple  clerc  jus- 
»  qu'au  souverain  pontife,  depuis  Neute- 
»  let  jusqu'à  Louis  XV,  et  tout  ce  qui  est 
»  entre  ces  deux  extrêmes.  »  De  ces  trois 
portraits,  on  pourra  choisir  celui  qui  pa- 
raîtra le  plus  ressemblant  et  le  plus  flat- 
teur. En  voici  un  quatrième ,  tracé  par 
une  main  respectable  à  tous  égards,  par 
un  des  plus  grands  prélats  qu'il  y  ait  eu 
en  France.  M.  de  Montillet,  archevêque 
d'Auch ,  dans  son  Instruction  vraiment 
pastorale  du  24  janvier  1764,  apprend 
ainsi  à  ses  diocésains  à  se  former  une  juste 
idée  du  gazetier  ecclésiastique  :  «  C'est 
»  un  écrivain  caché,  inconnu  :  on  ne  sait 
})  oii  il  habite  ;  cependant,  du  fond  de  son 
»  repaire  il  lance  incessamment  les  traits 
»  les  plus  envenimés  contre  tout  ce  qui  lui 
»  déplaît  ;  monstre  déguisé  sous  les  de- 
»  hors  d'un  défenseur  du  grand  précepte 
i>  de  la  charité,  il  en  viole  toutes  les  rè- 
»  gles  ;  c'est  un  fourbe,  un  imposteur,  un 
i>  calomniateur  décidé  :  vertu,  mérite, 
»  puissance,  autorité,  tout  est  en  proie  k 
»  la  malignité  de  sa  plume  ;  vrai  ou  faux, 
3)  tout  lui  est  égal ,  pourvu  qu'il  nuise, 
»  qu'il  déchire  ,  qu'il  mette  en  pièces  ; 
M  rien  ne  le  décide  que  l'intérêt  de  la 
»  cause  à  qui  il  a  vendu  sa  plume,  son 
»  honneur  et  son  âme  ;  il  est  connu  par 
»  les  siens  mêmes  sous  ce  caractère  :  mais 
»  on  a  besoin  d'un  tel  homme ,  on  le 
»  paie,  on  le  méprise  et  on  s'en  sert.  « 
Ecoutons  encore  M.  d'Alembert  {Dict. 
encycl..  art.  Nouvelles  ecclésisast.  ) 
«  Nouvelles  ecclésiastiques  est  le  titre 
w  très  impropre  d'une  feuille  ou  plutôt 
u  d'un  libelle  périodique,  sans  esprit, 
-j  sans  vérité ,  sans  charité  et  sans  aveu, 
«  qui  s'imprime  clandestinement  depuis 
))  1728,  et  qui  paraît  régulièrement  tou- 
»  tes  les  semaines.  L'auteur  anonyme  de 
M  cet  ouvrage,  qui  vraisemblablement 
M  pourrait  se  nommer  sans  être  plus 
»  connu ,  instruit  le  public  ,  quatre  fois 
})  par  mois ,  des  aventures  de  quelques 
u  clercs  tonsurés,  de  quelques  sœurs  con- 
M  verses,  de  quelques  prêtres  de  paroisse^ 


ROC  435 

j>  de  quelques  moines  ,  de  quelques  con- 
j)  vulsionnaires ,  appelans  et  réappelans  ; 
»  de  quelques  petites  fièvres  guéries  par 
«  l'intercession  de  M.  Paris  ;  de  quelques^ 
»  malades  qui  se  sont  crus  soulagés  eu 
»  avalant  de  la  terre  de  son  tom.oeau , 
))  parce  que  cette  terre  ne  les  a  pas  étouf- 
))  fés,  comme  bien  d'autres.  Quelques 
»  personnes  paraissent  surprises  que  le 
3>  gouvernement  qui  réprime  les  faiseurs 
>j  de  libelles ,  et  les  magistrats  qui  sont 
i>  exempts  de  partialité  comme  les  lois, 
»  ne  sévissent  pas  efficacement  contre  ce 
»  ramas  insipide  et  scandaleux  d'absurdi- 
1)  tés  et  de  mensonges.  Un  profond  mé- 
»  pris  est  sans  doute  la  seule  cause  de 
i>  cette  indulgence  :  ce  qui  confirme  cette 
>»  idée,  c'est  que  l'auteur  du  libelle  pé- 
M  riodique  dont  il  s'agit  est  si  malheu- 
»  reux,  qu'on  n'entend  jamais  citer  aucun 
»  de  ses  traits  :  humiliation  la  plus 
5)  grande  qu'un  écrivain  satirique  puisse 
i>  recevoir,  puisqu'elle  suppose  ea  lui  la 
w  plus  grande  ineptie  dans  le  genre  d'é- 
»  crire  le  plus  facile  de  tous.  »  Après  ces 
portraits  divers,  tracés  par  des  mains  non 
suspectes,  ceux  qui  sont  condamnés  et 
calomniés  dans  ce  libelle  peuvent  dire 
avecTertuUien  :  Talidedicatoredamna- 
tionis  nostrœ  eiiam  gloriamur,  Apolog., 
c.  5.  (Après  avoir  fait  connaître  l'ouvrage, 
nous  allons  faire  connaître  l'auteur. 
Chassé  de  sa  cure,  il  vint  à  Paris  en  1728, 
et  fut  accueilli  par  les  frères Desessarts, 
dont  la  maison  était  ouverte  à  tous  les 
appelans.  Ils  avaient  commencé  à  en- 
voyer dans  les  provinces  des  bulletins  en 
faveur  de  l'appel  ;  ils  s'adjoignirent  vers 
cetteépoque  Fontaine,  les  frères  Boucher, 
Troya,  et  quelques  autres  ,  qui  travaillè- 
rent à  ces  bulletins  ;  mais  Fontaine  en 
deii\eura  bientôt  seul  chargé.  Il  se  con- 
damiiâ,pour  cet  effet  à  une  profonde  re- 
traité. Une  dame  Théodon ,  à  ce  que  l'on 
cro^t ,  avait  formé  l'imprimerie  secrète 
d'oif  partaient  les  écrits  du  parti,  et  c'é- 
tait dans  sa  maison,  près  de  la  rue  de  la 
Parcheminerie ,  que  s'imprimaient  les 
Nouvelles ,  que  le  lieutenant  de  police 
de  cette  époque  ne  put  jamais  parvenir  k 
arrêter.  Fontaine  mourut  eu  1761  ;  mais 
sa  mort  ne  fit  point  cesser  le  journal. 


436  ROC 

'Guénin ,  dit  de  Saint-Marc  ,  lui  succéda 
et  continua  les  iVbuce//e.;  jusqu'en  1793. 
Il  avait  d'abord  eu  comme  réviseurs, 
Gourlin,  Mey,  Maultrot,  et  dans  les  der- 
niers temps,  il  était  secondé  par  Larrière 
et  Hautefage.  Depuis  1793,  les  Nouvelles 
furent  continuées  à  Utrecbt  par  Jean- 
Baptiste-Sylvain  Mouton ,  prêtre,  né  à  la 
Charité-sur-Loire.  Elles  ne  paraissaient 
plus  que  tous  les  quinze  jours ,  et  elles 
cessèrent  totalement  en  1 803 ,  l'abbé 
Mouton  étant  mort  le  13  juin  delà  même 
année.) 

*  ROCHE  (Jean-Baptiste-Louis  de  la), 
docteur  de  Sorbonne  et  prédicateur  du 
roi,  vivait  dans  le  18''  siècle.  Il  est  auteur 
d'un  grand  nombre  d'ouvrages  qui  sup- 
posent un  homme  instruit,  et  un  ecclésias- 
tique pieux.  Uapubtié:  1°  Les  Psaumes 
de  David ,  distribués  pour  tous  les  jours 
du  mois,  1725,  in-12;  2°  Oj^ce  de  saint 
Côme  et  de  saint  Damien,  1728,  iu-12  ; 
3°  OEuvres  mêlées,  avec  un  discours  sur 
le  but  que  s'est  proposé  Virgile  dans  la 
composition  de  ses  Bucoliques ,  et  une 
traduction  en  vers  français  de  ses  Eglo- 
gues,  «  version  faible  et  languissante,  » 
au  jugement  d'un  critique   (1),  1733, 
in-12  ;  4°  Pane'gyrique  de  sainte  Gene- 
viève, 1737,  in-4;  5°  Pensées  ,  maximes 
et  réflexions  morales  de  La  Rochefou- 
cauld, avec  des  remarques,  1737,  in-12; 
6°  La  belle  vieillesse,  ou  les  anciens  qua- 
trains des  sieurs  de  Pibrac ,  Dufour  et 
Matthieu,  sur  la  vie,  la  mort,  et  la  con- 
duite  des   choses  humaines,   nouvelle 
édition  augmentée  de  remarques  ,  1746, 
in-12  ;  7°  Eloge  funèbre  de  M.  le  duc 
d'Orléans,  17 53, in-4;  S" Règles  de  ïavie 
chrétienne,  1 753,  3  vol.  in-12;  9°  Cosmo- 
graphie  pratique ,  in-i2  ;    10°    ^nnée 
dominicale ,  îi  vol.  in-12;  11°  Heures, 
nouvelles,  in-12;  \V  Lettres  littéraires' 
sur  divers  sujets,  2  vol.  in-12;  là"Me^ 
moires  historiques  et  curieux ,  2^ ^o\. 
in-1 2;  1 4°  Les  OEuvres  de  la  chair  et 
les  fruits  de  V esprit ,  in- 1 2;  1 5°  Bréviaire 
de  Cîteaux ,  à  l'usage  des  religieux  de 
la   Trappe,    in-12;    16°  Mélanges   de 
maximes ,  de  réflexions  et  de  sentences 
chrétiennes,  politiques  et  morales,  sur  la 
religion,  la  morale  et  la  nature,  iT  69, 


ROC 

in-12  ;  1 7°  Entretiens  sur  V orthographe 
française  et  autres  sujets  analogues , 
Nantes,  1778  ,  in-8.  Voyez  'sur  quelques 
ouvrages  qu'on  lui  attribue  le  Diction- 
naire des  Anonymes ,  2"  édition.  L'abbé 
de  la  Roche  est  mort  à  Paris  en  1780. 

*  ROCHE  (  Sophie  Gottkrmann  , 
épouse  LiCHTENFELs  ,  plus  counuc  sous 
le  nom  de  la),  dame  auteur,  née  en  1730, 
à  Kaufbeuzen  en  Souabe  d'un  médecin 
allemand  ,  nommé  Guttermaun  ,  reçut 
une  éducation  très  soignée  et  cultiva  de 
bonne  heure  la  littérature.  Elle  épousa 
un  conseiller  de  l'électeur  de  Mayence, 
nommé  Franck  Lichtenfels  ,  dont  le  nom 
fut  transformé  en  celui  de  la  Roche.  Elle 
continua  à  se  livrer  à  son  goût  pour  les 
lettres  :  elle  s'est  fait  une  grande  réputa- 
tion par  quelques  Romans.  On  remarque 
suïioaiMademoiselle  deSternheim,  Leip- 
sick,  1771,  2  vol.  in-8,  traduit  de  l'alle- 
mand en  français  par  Mad.  de  Laffite, 
1773,  2  vol.  in-12  ;  quelques  relations  de 
voyages ,  et  plusieurs  autres  écrits  litté- 
raires, au  nombre  de  16,  tant  en  prose 
qu'en  vers ,  en  allemand. 

ROCHEBLAVE  (Henri  de) ,  prédica- 
teur de  la  religion  prétendue  réformée, 
né  en  1665,  fut  ministre  à  Schaffouse 
en  Suisse,  dès  l'âge  de  20  ans.  Il  passa 
ensuite  en  Irlande,  et  devint  ministre 
de  l'église  française  de  Dublin ,  oîi  il 
mourut  en  1709.  On  a  de  lui  un  volume 
de  Sermons. 

ROCHEBLOND  (Charles  Hotman , 
dit  La  ) ,  bourgeois  de  Paris ,  fut  l'auteur 
de  la  faction  connue  sous  le  nom  des 
Seize  ,  parce  qu'ils  avaient  distribué  k 
seize  d'entre  eux  les  1 6  quartiers  de  Paris. 
Elle  se  forma  en  1 589 ,  pendant  la  ligue , 
à  laquelle  elle  se  joignit;  mais  elle  eut 
aussi  ses  intérêts  particuliers,  et  ne  se- 
conda pas  toujours  les  intentions  du  duc 
de  Guise  ,  ni  celles  du  duc  de  Mayenne  ; 
ses  procédés  étaient  en  général  moins 
réfléchis  :  c'était  une  espèce  de  démo- 
cratie qui  tenait  aux  défauts  de  ce  genre 
de  gouvernement. 

ROCHECHANDIEU.    Voyez   Coan 

DIEU. 

ROCHECHOUAÏIT  (René  de ),  baron 
de  Mortemart  et  seigneur  de  Vivoonc, 


IROC 
était  d'une  des  plus  anciennes  familles 
du  royaume,  à  laquelle  la  terre  de  Roche- 
chouart,  en  Poitou,  avait  douné  son 
nom.  Il  servit  dès  l'âge  de  15  ans  au 
siège  de  Perpignan ,  et  s'y  signala  par  sa 

»     valeur.  Il  se  trouva  à  la  défense  de  Metz, 
en  1 552,  et,  après  avoir  acquis  beaucoup 
de  gloire  dans  diverses  occasions  impor- 
tantes, il  mourut  en   1587,  à  61    ans, 
laissant   plusieurs  enfans   de  Jeanne  de 
Saulx,  fille  dumaréchal  de  Tavannes. 
L'aîné  ,  Gabriel  de  Rochechouart ,  mort 
en  1643  ,  à  68  ans,  fut  le  père  de  Gabriel 
de  Rochechouart ,  duc  de  Morlemart , 
If      pail-  de  France ,  et  premier  gentilhomme 
m      de  la  chambre  ,  qui  mourut  en  1675. 
''  ROCHECHOUART    (François  de), 

chevalier  de  Jars.  Voyez  Jars. 

ROCHECHOUART  (Louis- Victor  de), 
duc  de  Mortemart  et  de  Vivonne ,  prince 
de  Tonnay-Charente ,  fils  de  Gabriel  duc 
de  Mortemart,  né  en  1636 ,  servit  de  raa- 
it  réchal  de  camp  à  la  prise  de  Gigeri  en 
«  Afrique,  l'an  1664  ;  à  celle  de  Douai  en 
■  Flandre,  en  1667,  et  au  siège  de  Lille 
i  l'année  d'après.  Sa  valeur  le  fit  choisir 
pour  conduire  les  galères  du  roi  au  se- 
cours de  Candie ,  oîi  il  fut  en  qualité  de 
général  de  la  sainte  Eglise  ,  titre  dont 
le  pape  Clément  IX  l'honora.  Ce  pontife, 
pénétré  de  reconnaissance  pour  les  ser- 
vices qu'il  avait  rendus  à  cette  occasion  , 
lui  permit  de  porter  dans  l'écusson  de 
ses  armes,  lui  et  sa  postérité,  le  gon- 
falon  de  l'Eglise.  Il  ne  se  distingua  pas 
moins  dans  la  guerre  de  Hollande ,  1672, 
cil  il  reçut  une  blessure  dangereuse.  Le 
bâton  de  maréchal  de  France ,  le  gou- 
vernement de  Champagne  et  de  Rrie , 
et  la  place  de  général  des  galères,  furent 
les  récompenses  de  son  courage ,  et  le 
fruit  de  la  faveur  de  la  marquise  de  Mon- 
tespan  ,  sa  sœur.  Il  mourut  en  1688. 

ROCHECHOUART  (  Françoise- Athc- 
naïs  de ,  )  marquise  de  Montespan ,  sœur 
du  président ,  fut  d'abord  connue  sous 
le  nom  de  mademoiselle  de  Tonnay-Cha= 
rente.  Sa  beauté  la  rendit  moins  célèbre 
que  le  caractère  de  son  esprit ,  plaisant , 
agréable  et  naturel.  Recherchée  par  les 
plus  grands  seigneurs,  elle  fut  mariée  au 
niarquis  de  Montespan ,  qui  lai  sacrifia 


ROC  437 

des  partis  considérables ,  et  qui  ne  fit 
qu'une  ingrate.  La  duchesse  de  la  Val- 
lière ,  maîtresse  de  Louis  XIV ,  l'admit 
dans  sa  société ,  et  le  roi  ne  la  regarda 
d'abord  que  comme  une  aimable  étour- 
die. Elle  agaçait  sanscesse  ce  monarque  , 
qui  disait,  en  se  moquant ,  à  madame  de 
la  Vallière  :  «  Elle  voudrait  bien  que  je 
)>  l'aimasse  ,  mais  je  n'en  ferai  rien.  »  Il 
ne  tint  pas  parole ,  et  il  fut  bientôt 
épris  de  ses  charmes.  La  marquise  de 
Montespan  régna  avec  empire.  Ses  fan- 
taisies engagèrent  ce  prince  dans  des 
dépenses  excessives  et  inutiles.  Elle  avait 
supplanté  madame  de  la  Vallière ,  et  elle 
fut  supplantée  à  son  tour ,  d'abord  par 
la  duchesse  de  Fontanges ,  puis  par  la 
marquise  de  Maintenon.  Louis  XIV  lui 
ordonna  de  quitter  la  cour  vers  1680  ,  et 
elle  mourut  en  1707,  âgée  de  66  ans, 
à  Bourbonne  ,  où  elle  avait  été  prendre 
les  bains.  A  la  fin  de  sa  vie  ,  elle  se  si^ 
gnala  par  de  grandes  aumônes  ,  et  tâcha 
de  réparer  les  scandales  qu'elle  avait 
donnés.  Elle  fit  plusieurs  présens  à  l'E- 
glise ,  surtout  à  No  tre-Dame  des  Ardil- 
liers  de  Saumur ,  oîi  l'on  voit  encore 
des  traces  de  sa  munificence.  «Peu  à  peu,  >• 
dit  le  duc  de  Saint  -  Simon  dans  ses 
Mémoires  ,  "  elle  vint  à  donner  tout  ce 
»  qu'elle  avait  aux  pauvres.  Elle  travail- 
»  lait  pour  eux,  plusieurs  heures  par 
3)  jour  ,  à  des  ouvrages  bas  et  grossiers, 
))  comme  des  chemises  et  d'autres  choses 
»  semblables ,  et  y  faisait  travailler  ce 
»  qui  l'environnait  ;  sa  table  ,  qu'elle 
«  avait  aimée  avec  excès,  devint  la  pins 
»  frugale  ;  ses  jeûnes  furent  fort  multi- 
))  plies  ;  sa  prière  interrompait  sa  com- 
»  pagnie ,  et  le  plus  petit  jeu  auquel  elle 
î)  s'amusait  i  et ,  à  toutes  les  heures  du 
))  jour,  elle  quittait  tout  pour  aller  prier 
»  Dieu  dans  son  cabinet.  Ses  macéra- 
»  tions  étaient  continuelles  ;  ses  chemises 
»  et  ses  draps  étaient  de  toile  jaune,  la 
))  plus  dure  et  la  plus  grossière ,  mais 
»  cachés  sous  les  draps  et  une  chemise 
3)  ordinaire.  Elle  portait  sans  cesse  des 
3)  bracelets ,  des  jarretières  et  une  cein- 
3)  ture  à  pointes  de  fer  ,  qui  lui  faisaient 
}>  souvent  des  plaies  ;  et  sa  langue ,  autre- 
»  fois  si  à  craindre ,  avait  aussi  sa  péni- 


438  ROC 

»  tence,  »  Ce  qui  a  pu  lui  mériter  ces 
grâces ,  c'est  que  dans  le  temps  même  de 
ses  égaremens,  «  elle  n'avait  jamais, 
»  dit  le  même  écrivain,  perdu  de  vue  la 
»  religion  ;  rien  ne  lui  aurait  fait  rompre 
»  aucun  jeûne  ni  un  jour  maigre  ;  elle 
»  fit  tous  les  carêmes ,  et  avec  austérité; 
»  quant  aux  jeûnes ,  lorsqu'elle  était  à  la 
»  cour,  elle  y  ajoutait  des  aumônes  abon- 
»  dantes  ;  jamais  rien  qui  approchât  du 
»  doute  et  de  l'impiété  ;  mais  impérieuse, 
«  altière  ,  dominante ,  moqueuse ,  ei  tout 
M  ce  que  la  beauté  et  la  toute-puissance 
»  qu'eUe  en  tirait ,  entraîne  après  soi.  » 
La  France  parut  lui  pardonner  ses  torts , 
pour  avoir  introduit  à  la  cour  le  grand 
Bossuet ,  le  duc  de  Montausier  et  madame 
de  Maintenon. 

*  ROCHECHOUART  (  le  comte  db), 
né  à  Paris,  d'une  famille  illustre,  vers 
1765 ,  embrassa  la  carrière  des  armes,  et 

/se  trouvait  déjà  maréchal  de  camp, 
lorsqu'il  fut  élu  en  1789  député  de  la 
noblesse  de  la  capitale  aux  états-géné- 
raux. Dès  les  premièies  séances  il  se 
prononça  pour  le  parti  révolutionnaire , 
et  fut  un  des  sept  membres  de  la  noblesse 
qui  abandonnèrent  les  premiers  leur  or- 
dre ,  pour  se  réunir  au  tiers-état.  Il  mar- 
qua néanmoins  très-peu  pendant  le  cours 
de  cette  session ,  et  mourut  dans  les  pre- 
miers jours  de  juillet  1791 . 

*  ROGHECOTTE  (  Fortuné-Guyon  , 
comte  de)  ,  général  royaliste  ,  né  en 
1769  au  château  de  Rochecotte  ,  près  de 
Langeais  ,  dans  la  Basse-Touraine  ,  d'un 
officier  au  régiment  d'Orléans-cavalerie, 
fut  élevé  à  l'école  militaire  de  Paris,  en- 
tra en  1786  comme  officier  dans  le  régi- 
ment du  Roi-infanterie  ,  et  fut  témoin  , 
en  1790  ,  des  troubles  de  Nancy.  Son  ré- 
giment ayant  été  licencié  ,  ilémigra ,  joi- 
gnit l'armée  de  Condé  ,  et  fit  les  campa- 
gnes de  1792,  93  et  94  en  qualité  de 
garde-noble  à  cheval.  Il  revint  en  France 
en  1795  avec  le  comte  de  Bourmont  qui 
allait  se  réunir  aux  royalistes  de  Breta- 
gne. Il  prit  de  son  côté  la  route  de  Poi- 
tiers, afin  de  joindre  Charette  ;  mais  ayant 
appris  que  ce  chef  royaliste  venait  d'en- 
trer en  accommodement  avec  le  gouverne- 
ment républicain ,   il  se  rendit  dans  le 


ROC 

Maine  pour  y  former  une  nouvelle  in- 
surrection ;  et  à  cet  effet  il  fit  un  voyage 
à  Paris  ,  où  il  eut  une  entrevue  avec 
quelques  agens  du  roi.  Sur  ces  entrefaites 
la  trêve  fut  rompue  entre  les  royalistes  "^ 
insurgés  et  les  républicains  ;  alors  il  re-*^^' 
vint  dans  le  Maine,  et  alla  rejoindre  Cha- 
rette en  1796.  Peu  après  il  reçut  une 
commission  pour  commander  en  chef 
dans  le  Maine  ,  et ,  malgré  l'opposition 
de  quelques  chefs  qui  ne  tenaient  que 
d'eux-mêmes  leur  autorité ,  il  nomma  ses 
officiers  et  organisa  une  troupe  ,  avec  la- 
quelle il  tenta  une  diversion  en  faveur 
des  Vendéens  ;  mais  il  échoua  et  se  jeta 
dans  le  Perche.  Lors  de  la  pacification  de 
la  Vendée  ,  par  le  général  Hoche  ,  il  re  - 
fusa  de  déposer  les  armes  ,  à  l'exemple 
des  autres  chefs  ,  et  il  reçut  du  roi  un 
brevet  de  commandant  en  chef  des  pro- 
vinces du  Alaine ,  du  Perche  et  du  pays 
Chartrain.  Il  s'occupa  alors  avec  beau- 
coup d'activité  de  relever  le  parti  roya- 
liste ;  et,  pour  y  parvenir  plus  sûrement, 
il  entreprit  d'établir  une  chaîne  de  cor- 
respondance dans  les  différens  pays  qui 
venaient  de  lui  être  assignés  ;  il  fit  aussi 
plusieurs  voyages  à  Paris  pour  se  concer- 
ter avec  les  agens  du  roi.  Il  se  rendit  aussi 
auprès  de  Louis  XVIII  qui  était  alors  à 
Blankenbourg  ,  en  Allemagne  ,  et  revint 
en  France.  Dans  un  de  ses  voyages,  il 
contribua  à  l'évasion  du  commodore  Sid- 
ney  Smith  ,  alors  détenu  au  Temple. 
Malgré  toutes  les  précautions  qu'il  pre- 
nait pour  dérouter  la  police  sur  ses  dé- 
marches ,  il  fut  découvert  et  dénoncé 
dans  son  dernier  séjour  à  Paris  par  un 
traître  qu'il  avait  comblé  de  bienfaits  , 
et  qu'il  venait  d'admettre  au  nombre  de 
ses  officiers.  Des  agens  apostés  l'entourè- 
rent sur  le  pont  Royal  le  29  juin  1798. 
Armé  d'un  poignard  il  en  tua  un  ,  en 
blessa  deux  autres  ,  et  allait  s'échapper , 
lorsque  d'autres  émissaires  criant  à  l'as- 
sassin fondirent  sur  lui  de  nouveau  ,  le 
blessèrent  et  parvinrent  à  l'arrêter  dans 
la  rue  du  Bac.  Conduit  à  l'état-major  ,  il 
refusa  de  répondre  aux  interrogatoires , 
et  fut  livré  à  une  commission  militaire 
qui  le  condamna  à  mort.  On  le  fusilla  peu 
de  jours  après  derrière  le  mur  d'enceinte 


1 


ROC 

de  Paris  ,  près  du  Champ-de-Mars.  Al- 
phonse de  Beauchamp  ,  auteur  d'une 
Histoire  de  la  Vendée  ,  a  publié  les  Mé- 
moires du  comte  F.  Guyon  de  Roche- 
cotte  ,  rédigés  sur  ses  papiers  et  sur  les 
notes  de  quelques-uns  de  ses  officiers  , 
Paris,  1819,  in-8.  On  en  trouve  une  ana- 
lyse dans  l'ouvrage  intitulé  :  Victoires 
et  conquêtes  des  Français,  publiée  chez 
Panckoucke ,  de  1817  à  1824. 

ROCHE-FLAVIN  (  Bernard  de  la  ),  né 
en  1552  à  Saint-Cernin  en  Rouergue,  fut 
d'abord  conseiller  à  Toulouse ,  puis  au 
parlement  de  Paris.  Son  savoir  lui  pro- 
cura la  place  de  premier  président  en 
la  chambre  des  requêtes  au  parlement 
de  Toulouse ,  puis  celle  de  conseiller 
d'état.  11  mourut  en  1727,  à  76  ans. 
On  a  de  lui  un  excellent  Recueil  des  ar- 
rêts notables  du  parlement  de  Toulouse , 
imprimé  en  cette  ville,  1720,  in-4. 
On  y  trouve  :  1°  un  Traité  des  droits 
seigneuriaux ,  très  consulté  ;  2°  un 
Traité  des  parlemens,  1617  ,  in- fol.  etc 
plein  de  recherches  et  peu  commun. 

ROCHEFORT.  Voye-z  Montlhéri 
ethiEvx. 

ROCHEFORT  (Gui  de) ,  seigneur  de 
Pleuvant,  d'une  maison  originaire  du 
comté  de  Bourgogne ,  près  de  Dôle , 
s'appliqua  à  l'étude  des  belles-lettres , 
et  se  distingua  à  la  guerre  dans  le  con- 
seil de  Charles ,  duc  de  Bourgogne ,  qui 
le  fit  son  conseiller  et  son  chambel- 
lan ;  mais  sa  faveur  ne  dura  pas,  soit  qu'il 
eût  mérité  de  la  perdre,  soit  qu'il  n'ait  été 
qu'une  nouvelle  preuve  de  l'inconstance 
de  l'amitié  des  grands.  Louis  XI  lui  ayant 
fait  des  offres  avantageuses,  il  vint  servir 
ce  monarque  ,  qui  le  fit  premier  prési- 
dent au  parlement  de  Dijon  en  1482. 
Charles  VIII  ,  son  fils ,  l'appela  auprès 
de  sa  personne  ,  et  l'honora  de  la  charge 
de  chancelier  en  1497.  Il  mourut  en 
i  507  ,  après  avoir  soutenu  la  dignité  de 
la  couronne  d'une  manière  qui  rend  sa 
mémoire  immortelle.  C'est  lui  qui  fit 
créer  le  grand  conseil  en  1497. (On  trouve 
à  la  suite  du  recueil  des  lettres  de  Fauste 
Andrelin,  un  petit  poème  latin,  à  la 
louange  de  Gui  de  Rochefort)  .--Guillaume 
de  Rochefort  ,  son  frère  ,  chancelier  de 


ROC  439 

France  comme  lui ,  mais  moins  célèbre  , 
était  mort  en  1492.  Il  détourna  Charles 
VIII  de  dépouiller  Anne  de  Bretagne ,  et 
lui  persuada  de  l'épouser ,  pour  réunir 
plus  sûrement,  plus  honorablement  cette 
province  à  la  couronne.  (  On  a  les  dis- 
cours qu'il  a  tenus  aux  états  de  Tours.) 

ROCHEFORT  (  Henri-Louis  d'Aloi-" 
GNi  DE  ),  se  signala  dans  la  guerre  contre 
les  Espagnols,  et,  après  la  paix  des 
Pyrénées ,  il  suivit  La  Feuillade  en  Hon- 
grie ,  et  n'y  montra  pas  moins  de  valeur. 
De  retour  en  France  ,  il  servit  avec  dis- 
tinction  ,  et  parvint  à  la  dignité  de  ma- 
réchal de  France  en  1676.  Il  mourut  la 
même  année. 

ROCHEFORT  (Guillaume  de),  mem- 
bre de  l'académie  des  Inscriptions  et 
belles-lettres,  naquit  à  Lyon  en  1731,  et 
mourut  à  Paris  en  17  88.  Il  est  connu 
avantageusement  dans  la  littéi-ature  par 
une  traduction  en  vers  de  V Iliade  et  de 
rOrfy^^ee d'Homère,  une  Histoire  criti- 
que des  opinions  des  anciens  et  des  systè- 
mes des  philosophes  sur  le  bonheur,  des 
Poésies  diverses  contre  le  système  des 
matérialistes ,  un  Poème  sur  la  mort  de 
V impératrice  Marie-Thérèse ,  deux  tra- 
gédies ,  Electre  et  Pénélope.  Il  réunis- 
sait plus  d'un  genre  d'érudition.  A  la 
connaissance  du  grec  et  du  latin  il  joi- 
gnait celle  de  l'italien  et  de  l'anglais.  En 
général ,  il  était  plus  disposé  à  estimer 
les  beautés  des  anciens  que  celles  des 
modernes.  Il  écrivait  avec  plus  de  pureté 
que  de  chaleur,  et  plus  de  facilité  que 
de  force.  Son  stile  en  prose  a  de  la  cor- 
rection et  même  de  l'élégance;  mais  ses 
vers  manquent  souvent  de  vigueur. 
C'est  à  ce  défaut  peut-être  qu'on  doit 
attribuer  la  sévérité  avec  laquelle  sa  tra- 
duction d'Homère  a  été  jugée  par  quelques 
lecteurs  qui  n'ont  pas  réfléchi,  sans  doute, 
à  la  prodigieuse  difficulté  d'une  telle  en- 
treprise, et  au  courage  constant  et  soutenu 
qu'elle  demande.  Une  autre  raison  de 
celte  sévérité ,  qui  fait  beaucoup  d'hon- 
neur au  traducteur  ,  c'est  qu'il  s'est  tou- 
jours tenu  fort  éloigné  de  la  secte  philo- 
sophique ,  et  qu'il  en  a  combattu  les 
erreurs  avec  autant  de  force  que  de  con- 
stance. De  là  les  éloges  très  flatteurs  qu'il 


44o  ROC 

a  reçus  des  critiques  qui  n'étaient  pas 
enrôlés  dans  ce  parti.  Il  est  certain  que 
sa  version  est  supérieure  à  celle  de  Bou- 
dard de  la  Motte ,  le  seul  qui  ait  fait  la 
même  tentative  ;  encore  s'est-il  })orné  à 
Y  Iliade. 

*  ROCHEFORT(  F.  ) ,  né  à  Toulouse 
en  1747  d'une  famille  qui  s'était  distin- 
guée dans  le  barreau ,  suivit  la  même 
carrière,  et,  après  avoir  fait  son  droit,  fut 
pourvu  d'une  charge  de  conseiller  au 
parlement  de  cette  ville.  Ennemi  déclaré 
de  la  révolution  ,  il  osa  en  1790  protes- 
ter contre  les  opérations  politiques  de 
l'assemblée  constituante.  Aussi  pendant 
le  régime  de  la  terreur  fut-il  arrêté 
comme  suspect ,  conduit  à  Paris,  et  livré 
au  tribunal  révolutionnaire ,  qui  le  con- 
damna à  mort ,  comme  conspirateur ,  le 
14juinl794. 

ROCHEFOUCAULD  (François, 
comte  DE  LA  ) ,  d'une  maison  illustre,  fut 
chambellan  des  rois  Charles  VIII  et  Louis 
XII.  Il  fil  admirer  à  la  cour  son  caractère 
bienfaisant,  généreux  ,  droit  et  sincère. 
11  tint  en  1494  sur  les  fonts  baptimaux 
François  I^'.  Ce  prince  ,  ayant  obtenu  le 
sceptre  ,  conserva  beaucoup  de  consi- 
dération pour  son  parrain.  Il  le  fit  son 
chambellan  ordinaire  ;  il  érigea  en  1 5 1 5  la 
baronnie  de  la  Rochefoucauld  en  comté. 
Le  comte  de  la  Rochefoucauld  mourut  en 
1617  ,  laissant  une  mémoire  illustre  et 
un  nom  respecté.  C'est  depuis  lui  que 
tous  les  aînés  de  sa  famille  ont  pris  le 
nom  de  François. 

ROCHEFOUCAULD  (François  de  la  ), 
évêquede  Senlis  et  cardinal,  né  en  1558, 
de  Charles  de  la  Rochefoucauld  ,  de  la 
même  famille  que  le  précédent ,  se  fit  con- 
naître très  avantageusement  dès  son  en- 
fance. Le  roi  Henri  III  l'éleva,  en  1585, 
à  l'évêché  de  Clermont ,  qu'il  gouverna 
avec  beaucoup  de  sagesse .  Le  pape  Paul  V, 
instruit  de  son  zèle  pour  faire  recevoir 
le  concile  de  Trente  en  France ,  et  pour 
détruire  l'hérésie,  lui  envoya  le  chapeau 
de  cardinal  en  1607.  Louis  XIII,  voulant 
l'avoir  plus  près  de  sa  personne  ,  lui  fit 
quitter  l'évêché  de  Clermont  pour  celui 
de  Senlis,  en  ICI 3.  Ce  prélat  travailla 
tteaucoup  pour  la  réforme  4es  ordres  de 


ROC 


^ 


Saint-.\ugustin  et  de  Saint-Benoît ,  et  il 
eut  le  bonheur  d'introduire  la  réforme 
dans  son  abbaye  de  Sainte-Geneviève-du- 
Mont.  En  1625,  on  fit  courir  en  France 
un  petit  livre  qui  avait  pour  litre  :  Juge- 
ment des  cardinaux,  archevêques  elévê- 
ques  sur  les  libelles  diffamatoires  (  ces 
libelles  étaient  deux  ouvrages  où  le  car- 
dinal de  Richelieu  était  offensé).  Le  Par- 
lement fit  défense  de  publier  aucun  autre 
écrit  contre  ces  libelles ,  parce  que  peut- 
être  il  supposait  que  c'était  la  véritable 
censure  des  prélats ,  comme  M.  Du  Pin 
l'a  soutenu  dans  son  Histoire  ecclésias- 
tique ;  mais  les  prélats  assemblés  dés- 
avouèrent, le  27  février  1626,  cet  ou- 
vrage ,  comme  n'ayant  été'  lu  ni  vu  par 
aucun  des  nommés  au  titre  qu'il  porte. 
Le  cardinal  de  la  Rochefoucauld  justifia 
leur  conduite  dans  un  assez  gros  ouvrage 
intitulé  :  Raison  pour  le  désaveu  fait 
par  lesévêques,  etc.,  et  l'adressa  au  roi. 
11  y  montra  que  le  livre  désavoué  est 
marqué  au  sceau  du  schisme.  Il  y  a  beau- 
coup d'érudition  dans  cet  ouvrage.  Il 
mourut  en  1645  ,  à  87  ans.  Les  vertus  de 
cet  homme  illustre  ,  sa  piété  et  l'inno- 
cence de  ses  mœurs  ne  l'ont  pas  mis  à 
l'abri  des  reproches  et  des  injures  des 
jansénistes  ,  et  surtout  de  l'abbé  de 
Saint-Cyran  ;  ils  lui  ont  fait  un  crime  , 
d'avoir  fait  du  bien  aux  jésuites,  et  d'a- 
voir agi  avec  zèle  dans  les  querelles  exci- 
tées par  le  docteur  Richer(  voyez  sa  Fie, 
1646,  in-4,  par  le  Père  La  Morinière, 
chanoine  régulier,  ou  celle  en  latin  du 
Père  Rouvière  jésuite).  Il  était  frère 
d'Alexandre  delà  Rochefoucauld.  Foyez 
Brossieb. 

ROCHEFOUCAULD  (  François ,  duc 
DE  LA  ) ,  prince  de  Marsillac ,  fils  de  Fran- 
çois l" ,  duc  de  la  Rochefoucauld,  naquit 
en  1613.  Sa  valeur  et  sou  esprit  le  mi- 
rent au  premier  rang  des  seigneurs  de  la 
cour  qui  mêlaient  les  lauriers  de  Mars  à 
ceux  d'Apollon.  Il  fut  lié  avec  la  fameuse 
duchesse  de  Longueville  ;  et  ce  fut  en 
partie  par  l'instigation  de  cette  princesse 
qu'il  entra"aans  les  querelles  delà  Fronde. 
Il  se  signala  dans  celte  guerre  ,  et  sur- 
tout au  combat  de  Saint-Antoine ,  oii  il 
reçut  un  coup  de  mousquet,  qui  luiJ&t 


ROC 

perdre  quelque  temps  la  vue.  Après  que 
ces  querelles  furent  assoupies  ,  le  duc  de 
la  Rochefoucauld  ne  songea  plus   qu'à 
jouir  des  doux  plaisirs  de  l'amitié  et  de  la 
littérature.  Sa  maison  était  le     rendez- 
vous  de  tout  ce  que  Paris  et  Versailles 
avaient  d'ingénieux.  Les  Racine ,  les  Boi- 
leau  ,  les  Sévigné  ,  les  La  Fayette ,  trou- 
vaient dans  sa  conversation  des  agrémens 
qu'ils  cherchaient  vainement  ailleurs.  La 
goutte  le  tourmenta   sur  la   fin  de  ses 
jours.  Il  supporta  les  douleurs  de  cette 
maladie  cruelle  avec  constance ,  et  mou- 
rut à  Paris  en  1680,  à  C8  ans,  avec  les 
sentimens    d'un  bon  chrétien.  Quoique 
dans  ses  Maximes  il  ait  représenté  la 
mort  comme  le  plus  grand  de  tous  les 
maux ,  quoiqu'il  assure  qu'on  ne  peut  la 
voir  telle  qu'elle  est  sans  trouver  que  c'est 
une  chose  épouvantable,  il  fit  cependant 
paraître ,  dans  ses  derniers  momens,  une 
fermeté  et  un  courage  héroïques,  't  Je 
))  crains  bien  ,  dit  madame  de  Sévigné , 
»  que  nous  ne  perdions  cette  fois  M.  de 
))  la  Rochefoucauld;  la  fièvre  a  continué; 
i>  il  reçut  hier  Notre-Seigneur  ;  mais  son 
»  état  est  une  chose  digne  d'admiration. 
»  Il  est  fort  bien  disposé;  pour  sa  con- 
Msience,   voilà  qui  est  fait  :  du  reste, 
)»  c'est  la  maladie  et  la  mort  de  son  voi- 
»  sin  dont  il  est  question  ;  il  n'en  est  pas 
j>  effleuré ,  il  n'en  est  pas  troublé.  Il  en- 
»  tend  plaider  devant  lui  la  cause  des 
»  médecins ,  du  frère  Ange  et  de  l'An- 
u  glais,  sansdaignerquasi  dire  son  avis... 
»  Croyez-moi ,  ma  fille  ,  ce  n'est  pas  inu- 
»  tilemeutqu'il  afaitdes  réflexions  toute 
w  sa'vie  ;  il  s'est  approché  de  telle  sorte  ces 
)>  derniers  momens ,  qu'ils  n'ont  rien  de 
»  nouveau  ni  d'étranger  pour  lui.  »  On  a 
de  lui  :  l'des  Mémoires  de   la  régence 
d'Anne  d'Autriche,  1662,  Amsterdam 
(Trévoux),  1713,2  vol.  in-1 2,  écrits  avec 
l'énergie  de  Tacite  ;  c'est  un   tableau 
fidèle  de  ces  temps  orageux ,  peint  par 
un  peintre  qui  avait  été  lui-même  ac- 
teur ;  (cet  ouvrage  a  été  souvent  réim- 
primé; la  F^partiequi  sert  d'introduction 
a  paru  pour  la  première  fois  dans  l'édi- 
tion  publiée  par  M.  Renouard ,  Paris , 
1 8 1 7 . 2°  Des  Réflexions  et  des  Maximes, 
reimprimées  plusieurs  fois.  Elles  roulent 

XI. 


ROC  44i 

sur  un   système  qui  en  rend  plusieurs 
fausses ,  et  quelques  autres  outrées.  Selon 
lui,  l'amour-propre  est  le    mobile  uni- 
versel de  toutes  les  actions  de  l'homme. 
S'il  entendait  par  amour-propre  l'amour 
de  nous-mêmes  ,  qui  ne  saurait  être  vi- 
cieux tant  qu'il  est  éclairé  par  de  saines 
lumières  et  retenu  dans  de  justes  bornes, 
son  principe  ne  serait  pas  défectueux  ; 
mais  ce  n'est   pas  ainsi  qu'il  l'entend. 
L'amour-propre  sur  lequel  il  établit  tout, 
est  la  vanité  ou  l'orgueil  ;  poison ,  selon 
lui ,  si  universellement  répandu  sur  toute 
l'humanité ,  que  l'homme  ne  peut  le  dé- 
truire ,  malgré  tous  les  efforts  de  sa  rai- 
son. '(  Quand  on  ne  saurait  pas  ,  dit  un 
j>  critique  judicieux,  que  ce  petit  livre 
»  est  d'un  homme  de  cour ,  on  le  devi- 
»  nerait  sans  peine  en  le  lisant.  L'auteur 
»  juge  le  cœur  humain  d'après  celui  des 
»  courtisans.  Il  croyait  apparemment  que 
"  la  nature  n'avait  fait  l'homme  que  pour 
»  être  grand   seigneur  ou  esclave    des 
■»  grands  ;  il  a  pris  l'ouvrage  de  toutes  les 
»  passions    combinées    dans   la  société 
>•  corrompue,  pour  l'ouvrage  delà  nature. 
»  Son  livret,  qui  peut   être  bon   pour 
j'  connaître  l'esprit  du  monde ,  ne  sau- 
»  rait  plaire  aux  grandes  âmes ,  et  n'iu- 
»  spirera  jamais  une  belle  action.  ~»  Le 
)>  reproche  que  lui  a  fait  l'abbé  Trublet , 
de  fatiguer  par  le  changement  des  ma- 
tières ,  par  le  peu  d'ordre  qui  règne  dans 
ses  réflexions,    et  par   l'uniformité   du 
slile ,  paraît  également  fondé.  Une  bonne 
édition  de  cet^uvrage  est  celle  que  nous 
en  a  donnéfeT  l'abbé  Gabriel  Brotier,  avec 
des  Observations   intéressantes ,  Paris  , 
1789,  1  vol.  in-8.  Cette  édition  doit  être 
d'autant  plus  précieuse  aux  amateurs  de 
la  littérature ,  que  l'ouvrage  de  la  Roche- 
foucauld a  été  étrangement  maltraité  par 
les  éditeurs  précédens.  Les  uns ,  sous  le 
vain  prétexte  d'un  rapprochement  com- 
mode ,  ont  fait  de  ce  livre  un  triste  et 
ennuyeux  dictionnaire  de  morale.  D'au- 
tres, plus  téméraires  ,  ont  cité  la  Roche- 
foucauld à  leur  tribunal;  ilsjont  rejeté  plu- 
sieurs Maximes  de  la  Rochefoucauld ,  et 
leur  en  ont  susbtitué  d'autresque  l'auteur 
lui-même  avait  rejetées.  Ce  désordre  a 
commencé  en  1778,  dans  l'édition  de 

56. 


U2.  ROC 

M.  Suard,  et  s'est  renouvelé  dans  toutes 
les  éditions  suivantes. (Pour  rendre  à  cette 
production  célèbre  son  ancien  état ,  il  a 
fallu  que  M.  l'abbé  Brotier  déterrât ,  par 
le  plus  heureux  hasard ,  dans  des  cabi- 
nets particuliers  ,  la  première  et  la  der- 
nière édition  publiées  par  La  Rochefou- 
cauld lui-même  ,  et  qui  ne  se  trouvaient 
pas  dans  les  plus  grandes  bibliothèques, 
même  dans  celle  du  roi.  M.  Âimé-Martin 
a  aussi  publié  dans  ces  derniers  temps  une 
édition  des  Maximes  de  la  Rochefou- 
cauld, avec  des  notes  et  une  introduc- 
tion écrite  dans  les  principes  les  plus 
purs.  Les  OEuvres  de  La  Rochefouclauld 
ont  été  publiées  chez  Belin  en  1818  avec 
une  notice  sur  sa  vie  et  ses  ouvrages  par 
M.  Depping;  on  adonné  depuis  ses  OEu- 
vres complètes  précédées  d'une  notice 
biogr.  et  litte'r.  par  M.  Le  comte  Gaétan 
de  La  Rochefoucauld,  1825,  1  vol.  in-8.) 
ROCHEFOUCAULD  (  Frédéric  Jé- 
rôme de  RoYE  DE  la)  ,  de  l'illustre 
maison  des  comtes  de  Rouci-Rochefou- 
cauld ,  était  fils  de  François  de  Roye  de 
la  Rochefoucauld,  second  du  nom ,  lieu- 
tenant-général et  commandant  de  la 
gendarmerie  de  France.  Un  naturel  heu- 
reux ,  un  caractère  doux  ,  un  esprit  con- 
ciliant ,  un  grand  sens  ,  telles  furent  les 
qualités  qui  distinguèrent  de  bonne 
heure  l'abbé  de  la  Rochefoucauld ,  et  qui 
lui  méritèrent  l'archevêché  de  Bourges 
en  1729.  Il  se  montra  dans  ce  poste  tout 
ce  qu'il  avait  paru  dès  sa  plus  tendre 
jeunesse,  ami  de  la  vertu,  de  la  paix ,  et 
surtout  des  indigens  qui  avaient  besoin 
de  sa  générosité.  Elu  coadjuteur  de  l'ab- 
baye de  Cluny,  en  1738,  il  en  devint 
abbé  titulaire  par  la  mort  du  cardinal 
d'Auvergne,  en  1747.  Ce  fut  cette  même 
année  qu'il  fut  honoré  de  la  pourpre  ro- 
maine. Il  fut  envoyé  l'année  d'après  am- 
bassadeur de  France  à  Rome.  De  retour  à 
Paris,  il  y  fut  accueilli  comme  il  le  méri- 
tait. Le  roi  le  nomma  à  l'abbaye  de  Saint- 
Yandrille  en  17ôô,et  le  chargea  en  même 
temps  du  ministère  de  la  feuille  des  bé- 
néfices. Il  présida  aux  assemblées  du  cler- 
gé de  1 7  50  et  de  1765,  et  se  servit  de  sa 
droiture  et  de  ses  lumières  pour  rétablir 
la  paix  dans  l'Eglise  gallicane.  Louis  XV 


ROC 

réleva  en  1756  à  la  place  de  son  grand- 
aumônier.  Il  n'en  jouit  pas  long-temps; 
une  fluxion  de  poitrine  l'enleva  à  l'Eglise 
et  à  la  patrie  en  1757.  Les  malheureux 
dont  il  était  le  consolateur  ,  et  les  indi- 
gens dont  il  était  le  père  ,  le  pleurèrent 
amèrement.  Son  cœur  généreux  et  bien- 
faisant s'ouvrait  de  lui-même  à  la  pitié  , 
et  les  libéralités  abondantes  suivaient  à 
rinstant  les  sentimens  de  compassion 
que  l'indigence  lui  inspirait. 

ROCHEFOUCAULD  (Alexandre-Ni- 
colas DE  LA  ) ,  marquis  de  Surgères  ,  né 
en  1 709  ,  mort  le  29  avril  1760.  Il  prit  le 
parti  des  armes,  et  cultiva  en  même 
temps  les  lettres.  On  a  de  lui:  1°  une 
comédie  intitulée  :  Ecole  du  monde  ; 
2"  un  abrégé  de  Cassandre ,  roman  en- 
nuyeux, qu'il  a  tâché  de  rendre  agréable, 
3  vol.  in-12;  3°  un  abrégé  de  Phara- 
mond ,  4  vol.  in-1 2,  dans  le  goût  du  pré- 
cédent. M.  Sérieys  a  publié ,  en  1 804  , 
OEuvres  de'la  Rochefoucauld ,  marquis 
de  Surgères  ,  contenant  ses  traités  sur 
la  guerre ,  sur  le  gouvernement ,  sur  la 
morale  ,  f«tc. ,  1  vol.  in-8. 

*  ROCHEFOUCAULD  (Louis  Alexan- 
dre DE  LA  ),  duc  de  la  Roche-Guyon, 
pair  de  France,  né  à  Paris  vers  1709,  du 
duc  d'Enville,  se  montra  de  bonne  heure 
le  protecteur  des  savans  et  des  artistes  , 
auxquels  sa  maison  fut  constamment  ou- 
verte. Il  servit  avec  distinction  dans  les 
armées,  jusqu'au  commencement  de  la 
révolution  :  nommé  alors  successivement 
à  l'assemblée  des  notables  (  en  1787  ),  et 
député  de  la  noblesse  de  la  capitale  (  en 
1789  )  aux  états-généraux,  il  fut  un  des 
sept  premiers  membres  de  son  ordre  qui 
se  réunirent  le  25  juin  au  tiers-état.  Le 
27  juin  de  la  même  année,  il  demanda 
qu'on  s'occupât  de  la  question  sur  la  li- 
berté des  Noirs.  Quand  il  s'agit  de  la  for- 
mation du  corps  législatif ,  il  proposa  un 
amendement  pour  tempérer  la  trop  gran- 
de autorité  d'une  assemblée  unique ,  et 
qui  consistait  dans  l'établissement  d'un 
conseil  examinateur ,  qui  aurait  le  seul 
droit  d'observation ,  et,  en  cas  de  veto , 
de  faire  décider  la  question  par  de  nou- 
veaux députés  (  ce  qui  aurait  rendu  les 
discussions  et  plus  longues  et  plus  em- 


ROC 

barrassantes  ).  Il  provoqua ,  le  30  octo- 
bre, le  décret  contre  les  biens  du  clergé, 
et  le  25  novembre  il  fit  un  rapport  sur 
l'adresse  des  amis  de  la  liberté  h  liOndres; 
il  demanda  alors  qu'on  chargeât  le  présl 
dent  d'écrire  au  lord  Stanhope ,  pour  lui 
témoigner  la  reconnaissance  de  l'assem- 
blée. Le  26  janvier  1790,  il  s'éleva  con- 
tre la  proposition  qui  excluait  les  dépur 
tés  des  places  du  gouvernement.  Il  vota 
ensuite  l'abolition  des  ordres  religieux  , 
et  appuya  la  proposition  de  dom  Gerle , 
tendant  à  déclarer  nationale  la  religion 
catholique.  Quelques  jours  après,  il  de- 
manda que  l'assemblée  approuvât  la  con- 
duite du  général  Bouille  dans  l'insurrec- 
tion de  Nancy.  Dans  le  courant  de  l'an- 
née 1791,  il  lut  plusieurs  rapports  sur  les 
comités  de  contribution,  elfit  rendre  sur 
cette  matière  un  grand  nombre  de  décrets. 
Il  fut  un  de  ceux  qui  réclamèrent  avec 
plus  d'instance  la  liberté  indéfinie  de  la 
presse;  et,  dans  la  discussion  relative  au 
cas  oii  le  roi  serait  censé  avoir  abdiqué , 
il  proposa  qu'un  délai  serait  fixé  ,  dans 
lequel  le  monarque  serait  tenu  de  rentrer 
en  France  s'il  s'en  absentait.  Devenu, 
après  la  session ,  membre  et  président 
du  département  de  Paris,  il  se  présenta 
le  7  octobre  à  la  barre  de  l'assemblée 
législative,  et  lui  adressa  un  discours  de 
félicitation.  En  novembre  17  91 ,  il  signa 
l'arrêté  du  déparlement  par lequelle  roi 
était  privé  d'apposer  son  veto  au  décret 
rendu  contre  les  prêtres.  Le  6  juillet 
1792,  il  signa  celui  qui  suspendait  de 
leurs  fonctions  Péthion  et  Manuel,  maire 
et  procureur  de  la  commune  ,  pour  avoir 
souffert  ou  autorisé  les  attentats  commis 
contre  le  roi  dans  la  journée  du  20  juin. 
Si  la  première  démarche  lui  avait  attiré 
la  faveur  de  la  populace,  excitée  par  les 
meneurs,  la  dernière  le  rendit  l'objet  de 
la  haine  et  des  persécutions  de  ce  même 
peuple  ,  auquel  se  joignirent  les  sections 
et  les  clubs  de  la  capitale.  Il  crut ,  mais 
en  vain,  conjurer  l'orage  en  donnant  sa 
démission.  A  l'époque  du  10  août  1792  la 
Rochefoucauld  quitta  la  capitale  dans  le 
but  d'aller  aux  eaux  de  Forges.  Un  des  dé- 
putés de  Paris  avait  averti  madame  de  la 
Rochefoucauld  que  son  époux  serait  as- 


ROC  443 

sassiné  en  route,  et  qu'il  ne  pouvait  sau- 
ver sa  vie  que  moyennantune  somme  de 
25,000  francs.  Cette  somme  avait  été 
donnée;  mais  il  ne  fut  pas  moins  arrêté  à 
Gisors,  où  la  populace  l'ayant  fait  descen- 
dre de  son  cabriolet ,  le  tua  à  coups  de 
pierres  ,  peu  de  jours  après  les  horribles 
journées  des  2  et  3  septembre  1792;  il 
avait  alors  quatre-vingt-trois  ans;  c'était 
le  14  septembre  1792. 

*  ROCHEFOUCAULD  (Dominique  dk 
LA  )  cardinal  et  archevêque  de  Rouen  , 
naquit  à  Saint-Elpis ,  près  de  Mende  ,  en 
1713.  11  était  d'une  branche  pauvre  et 
ignorée  de  la  maison  illustre  dont  il  por- 
tait le  nom ,  et  dut  à  une  circonstance 
heureuse  son  changement  de  fortune. 
M.  de  Choiseul ,  évêque  de  Mende ,  en 
faisant  la  visite  de  son  diocèse  ,  découvrit 
cette  famille ,  en  parla  à  l'archevêque  de 
Bourges,  M.  Frédéric-Guillaume  de  La 
Rochefoucauld,  qui  la  reconnut,  la  com- 
bla de  bienfaits ,  et  appela  auprès  de  lui 
le  jeune  Dominique.  Après  qu'il  lui  eut 
fait  faire  ses  éludes  au  séminaire  de 
Saint-Sulpice,  il  le  nomma  son  grand- 
vicaire.  M,  l'abbé  de  La  Rochefoucauld 
en  exerça  les  fonctions  pendant  plusieurs 
années  ,  jusqu'à  sa  nomination,  en  1747, 
à  l'archevêché  d'Albi.  Il  fut  membre  des 
assemblées  du  clergé  de  1750  et  1755, 
où  il  soutint  les  privilèges  de  son  corps; 
et ,.  dans  la  seconde  de  ces  assemblées , 
il  fit  adopter  ,  dans  les  questions  qu'on 
discutait  alors  sur  l'Eglise  de  France,  des 
mesures  conciliatrices.  En  1757  ,  il  eut 
la  riche  abbaye  de  Cluni,  et  passa,  en. 
1759,  au  siège  de  Rouen.  M.  de  La  Ro- 
chefoucauld fut  le  premier  qui  adhéra 
aux  actes  de  l'assemblée  du  clergé  de 
1765,  et  il  présida  celles  de  1780  et  1782. 
Il  avait  été  promu  au  cardinalat  le  1  *•■  juin 
1778.  La  Collection  des  Traite's de  théolor 
g'jedeMM.  Baston  etTuvache  fut  publiée 
sous  ses  auspices.  Député  aux  états-gé- 
néraux de  1789,  il  présida  la  chambre 
du  clergé,  et  vota, ainsi  que  la  majorité 
de  son  corps,  pour  la  séparation  des 
trois  ordres  ,  et  ce  ne  fut  qu'à  l'invita- 
tion expresse  de  Louis  XVI  qu'il  se  réunit 
au  tiers-état.  Il  déposa  cependant  sur  le 
bureau  une  protestation  pour  la  défense 


444  ROC 

des  droits  de  son  corps.  Il  concourut  à 
toutes  les  mesures  que  le  clergé  adopta , 
et  présida  les  réunions  tenues  pour  défen- 
dre ces  mêmes  droits ,  et  dont  le  résul- 
tat fut  l'écrit  intitulé  Exposition  des 
principes,,  etc.  Les  maximes  subversives 
de  la  révolution  ne  pouvaient  qu'indi- 
gner et  affliger  ce  vertueux  prélat ,  et  il 
le  témoignait  dans  les  lettres  qu'il  écri- 
vait à  un  de  ses  plus  intimes  amis.  On 
intercepta  uàe  de  ces  lettres,  dans  la- 
quelle il  s'élevait  contre  les  innovations  , 
et  il  fut  dénoncé  en  pleine  assemblée  ;  ce 
qui  donna  lieu  à  un  grand  tumulte.  Mais 
M.  de  La  Rochefoucauld  n'en  fut  point 
intimidé.  Use  leva,  et  dit,  avec  une  fer- 
meté calme «    Oui,  Messieurs,  j'ai 

»  écrit  la  lettre  qu'on  vous  dénonce,  et 
;)  j'ai  dû  l'écrire  ;  elle  renferme  mes  vé- 
»  ritables  sentimens.  »  Le  tumulte  devint 
alors  plus  grand  ;  il  n'en  résulta  cepen- 
dant rien  de  fâcheux  pour  le  courageux 
prélat.  Il  refusa  de  prêter  le  serment  ci- 
vique ,  et  on  le  remplaça  suivant  les  for- 
mes constitutionnelles,  quoiqu'il  écrivît 
aux  électeurs  ,  le  23  janvier  1791,  pour 
eur  représenter  combien  leur  opération 
était  irrégulière,  etqu'il  publiât,  le  20  fé- 
vrier ,  une  Instruction  pastorale  contre 
la  constitution  civile  du  clergé.  Il  se 
montra  constamment  à  l'assemblée,  et  se 
soumit  sans  murmure  aux  privations  que 
lui  imposait  la  perte  de  ses  revenus.  M.  le 
cardinal  de  La  Rochefoucauld  fut  un  des 
derniers  à  quitter  la  France.  Il  se  rendit 
dans  les  Pays-Bas,  en  septembre  1792, 
et  demeura  successivement  à  Maêstricht , 
à  Bruxelles  et  à  Munster ,  et  bien  qu'il 
refusât,  assure-t-on,  les  oifres  de  sa  fa- 
mille et  celle  de  Pie  VI ,  il  trouvait  les 
moyens  d'être  utile  aux  malheureux.  A- 
près  avoir  parcouru  une  longue  carrière , 
il  mourut  à  Munster  le  23.  septembre 
1800,  à  l'âge  de  quatre-vingt-neuf  ans. 
L'abbé  Jarry  a  prononcé  son  Oraison  fu- 
nèbre ,  où  il  a  détaillé  avec  talent  les 
vertus  du  cardinal ,  dont  on  trouve  l'c- 
pitaphe  à  la  fin  de  VOraison. 

ROCHEFOUCAULD  -  MOMONT 
(  François-Joseph  de  la  )  et  Rochefou- 
CAOLD  BAYERS  (Pierre- Louis  DE  i,a  ),  tous 
deux  frères ,  tous  deux  évêques ,  éprou- 


ROC 

vèrent  tous  deux  le  même  sort.  François- 
Joseph  naquit  à  Angoulême  en  1735.  Il 
embrassa  l'état  ecclésiastique  ,  et  portait 
le  nom  d'abbé  de  Momont.  Après  ses 
premières  études  il  entra  au  séminaire 
de  Saint-Sulpice ,  fit  sa  licence  de  1762 
à  1763,  et  s'attacha  à  la  maison  de  Na- 
varre. En  1772  il  fut  nommé  évêque- 
comte  de  Beauvais,  et  sacré  le  22  juin  de 
la  même  année.  Elu  député  aux  états-gé- 
néraux en  1789  par  le  clergé  du  bail- 
liage de  Clermonten  Beauvoisis,  il  siégea 
dans  l'assemblée  constituante ,  n'y  parla 
pas^  mais  vota  constamment  avec  le  côté 
droit ,  et  resta  attaché  aux  intérêts  de  la 
monarchie  et  de  son  ordre.  Il  fut,  ainsi 
que  son  frère  ,  du  petit  nombre  des  évê- 
ques qui  n'émigrèrent  point.  Ayant  été 
enfermé  aux  carmes  après  le  1 0  août  1 792, 
il  y  fut  massacré  avec  son  frèrâ. — Pierre- 
Louis  de  la  Rochefoucauld- Bayers 
était  né  dans  le  diocèse  de  Périgueux  le 
13  octobre  1744,  avait  aussi  embrasse 
l'état  ecclésiastique,  et  été  élevé  à  Saint- 
Sulpice.  Il  s'était ,  comme  son  frère  ,  at- 
taché à  la  maison  de  Navarre.  Pendant 
son  cours  de  licence ,  qui  eut  lieu  de 
1768  à  1770,  (il  fut  pourvu  du  prieuré 
commandataire  de  Nanteuil ,  sur  la  nomi- 
nation de  M.  le  cardinal  de  la  Rochefou- 
cauld ,  en  sa  qualité  d'abbé  de  Cluny. 
Nommé  à  l'agence  du  clergé  en  1775,  il 
fit,  pendant  les  cinq  années  que  dura 
cette  commission,  divers  rapports  au 
conseil  d'état,  et  la  termina  honorable- 
ment en  1780.  L'année  précédente  il  avait 
obtenu  l'abbaye  de  Vauluisant.  Il  était 
d'usage  que  l'agence  finie ,  les  agens  du 
clergé  passassent  à  un  évêché.  L'abbé  de 
la  Rochefoucauld  eut  celui  de  Saintes,  et 
fut  sacré  le  6  janvier  1782.  Il  gouverna 
sagement  son  diocèse  et  s'y  fit  aimer. 
Vers  la  fin  de  l'assemblée  constituante , 
il  vint  à  Paris  pour  y  concerter  avec  ses 
collègues  les  mesures  à  prendre  relative- 
ment aux  affaires  de  l'Eglise  de  France. 
En  1792,  dans  la  séance  de  l'assemblée 
législative  du  4  juin  ,  l'évêque  de  Beau- 
vais fut  dénoncé  par  le  capucin  Chabot , 
comme  prenant  part  au  prétendu  comité 
autrichien.  Cette'  réunion  ,  qu'on  a  tou- 
jours regardée  comme  imaginaire  ,  eût- 


ROC 

elle  eu  quelque  réalité ,  ceux  qui  ont 
connu  l'évêque  de  Beauvais  savent  que 
personne  n'était  moins  propre  à  de  pa- 
reilles affaires ,  et  moins  disposé  à  y  en- 
trer. Néanmoins  ,  pour  donner  moins  de 
prise  à  la  malveillance  ,  les  deux  frères 
résolurent  de  quitter  Paris  ,  et  se  retirè- 
rent à  Soissons  chez  leur  sœur,  abbesse 
de  Notre-Dame.  Un  détachement  de  sol- 
dats révolutionnaires  étant  arrivé  dans 
cette  ville,  ils  surent  que  deux  évêques 
étaient  dans  le  couvent.  Ils  s'y  présentè- 
rent en  force ,  et  demandèrent  qu'on  les 
leur  livrât.  On  parvint  à  dissiper  cet  at- 
troupement; mais  la  nuit ,  MM.  de  la  Ro- 
chefoucauld, pour  ne  point  compromet- 
tre leur  sœur  et  ses  religieuses ,  quittè- 
rent Soissons  et  revinrent  à  Paris.  L'évê- 
que de  Beauvais  ayant  été  arrêté,  son 
frère  demanda  à  partager  sa  prison,  et  ils 
furent  conduits  aux  Carmes.  Dans  les  der- 
niers jours  d'août ,  le  valet-de-chambre 
de  l'évêque  de  Saintes  parvint  à  s'intro- 
duire dans  cette  maison,  et  annonça  à  son 
maître  qu'il  avait  le  moyen  de  l'en  faire 
sortir,  déguisé  avec  des  habits  qu'il  ap- 
portait. L'évêque  de  Saintes  lui  demanda 
s'il  pouvait  aussi  sauver  son  frère.  Lui 
ayant  été  répondu  que  non,  il  refusa 
d'en  faire  usage.  Tous  deux  furent  mas- 
sacrés le  2  septembre  1792,  etfirentpar- 
tie  des  victimes  de  celte  horrible  journée. 
«C'est,  dit  Malhon  de  la  Varenne,  un 
tailleur  d'habits ,  nommé  Berthelot ,  qui 
tua  les  évêques  La  Rochefoucauld,  et 
Martin  Froment  se  fit  un  atroce  plaisir  de 
mutiler  leurs  cadavres ,  en  leur  coupant 
le  nezet  les  oreilles,  » 

*  ROCHEFOUCAULD  (  Marie- Char- 
lotte DE  LA  ),  sœur  des  précédens,  naquit 
en  1732.  Elle  se  voua  de  bonne  heure  à 
la  vie  religieuse  et  devint  abbesse  du  Pa- 
raclet.  Madame  de  la  Rochefoucauld  gou- 
verna ce  monastère  pendant  dix  ans.  En 
1778,  elle  passa  à  l'abbaye  de  Notre-Dame 
de  Soissons,  l'une  des  premières  de 
France  par  son  ancienneté ,  sa  riche  do- 
tation et  la  haute  naissance  de  ses  abbes- 
ses.  Elle  y  faisait  tout  le  bien  que  peu- 
vent inspirer  la  religion  et  la  charité 
chrétienne  à  un  cœur  naturelleinent  gé- 
néreux. Il  n'était  à  Soissons  aucune  fa- 


ROC  445 

mille  qu'elle  n'eût  obligée,  aucun  indi- 
gent qu'elle  n'eût  soulagé.  Elle  n'en  eut 
pas  moins  sa  part  des  persécutions  dont 
les  personnes  de  son  état  et  de  son  rang 
furent  l'objet.  On  a  vu  qu'on  vint  chez 
elle  à  main  armée  pour  en  arracher  ses 
frères.  On  fit  des  visites  et  des  perquisi- 
tions dans  son  couvent.  Une  petite  im- 
primerie portative  qu'on  y  trouva ,  dont 
s'amusait  l'évêque  de  Beauvais  ,  et  avec 
laquelle  il  avait  imprimé  quelques  orai- 
sons pour  les  religieuses,  fut  transformée 
par  la  société  populaire  en  un  instrument 
au  moyen  duquel  on  répandait  des  libel- 
les. Madame  de  la  Rochefoucauld ,  sortie 
de  son  abbaye  avec  une  sœur  infirme  à 
sa  charge,  devenue  elle-même  aveugle, 
sans  ressources,  et  livrée  à  des  .besoins 
de  tout  genre,  fut  un  modèle  de  courage, 
de  patience  ,  de  résignation  chrétienne. 
Elle  mourut  le  27  mai  1806  ,  âgée  de  74 
ans,  après  plus  de  quinze  ans  d'une  pé- 
nible existence  ,  dans  le  lieu  même  où 
elle  avait  fait  un  si  saint  et  si  noble  usage 
de  la  richesse  quela  Providence  avait  mise 
entre  ses  mains. 

*  ROCHEFOUCAULD-LIAN- 
COURT  ( François-Alexandre-Frédéric, 
duc  DE  LA  ) ,  long-temps  connu  sous  le 
nom  de  duc  de  Liancourt  ,  naquit  le  1 1 
janvier  1747.  Il  était  fils  du  duc  d'Es- 
tissac,  auquel  il  succéda  dans  la  charge 
de  grand-maître  de  la  garde-robe  du 
roi ,  et  remplit  ces  fonctions  auprès  de 
Louis  XV  et  de  Louis  XVI.  Député  par  la 
noblesse  du  bailliage  de  Clermont  en 
Beauvoisis  aux  états-généraux ,  il  y  parut 
assez  enclin  à  adopter  les  principes  du 
jour  ;  cependant  il  s'opposa  à  des  me- 
sures trop  violentes  ,  et  il  ne  fut  point 
du  nombre  des  nobles  qui  se  réunirent 
au  tiers-état,  avant  l'ordre  exprès  de 
Louis  XVI  'f  il  n'avait  même  accepté  le 
titre  de  député  qu'avec  l'agrément  du 
roi.  Leduc  de  Liancourt  conseilla  aurOi 
de  rappeler  Neckerau  ministère,  et  de 
venir  à  l'assemblée  annoncer  cette  con- 
cession qu'il  faisait  à  l'opinion  des  no- 
vateurs :nons  ne  pouvons  croire  et  nous 
ne  saurions  même  soupçonner  de  per- 
fides intentions  ;  car  dans  un  grand 
nombre  d'occasions ,  le  duc  de  Liancourt 


446  ROC 

avait  prouvé  son  attachement  au  roi  ; 
plus  d'une  fois  il  se  tint  à  ses  côtés  dans 
des  momens  difficiles.  Il  crut  sans  doute 
que  cet  acte  de  condescendance  de  la  part 
du  monarque,  satisferait  les  exigences 
du  parti  dominant,  et  que  l'orage  qui 
grondait  de  toutes  part  n'éclaterait  pas 
sur  notre  malheureux  pays.  Le  duc  de 
Liancourt  se  trompa  :  son  erreur  fut  une 
faute  immense.  Ce  seigneur  de  haute 
noblesse  s'était  laissé  séduire  par  quel- 
ques-uns des  principes  de  la  philosophie 
moderne  ;  il  crut  à  la  possibilité  d'une 
égalité  sociale  qui  ne  fut  jamais  qu'une 
chimère.  Selon  les  bruits  qui  circulèrent 
à  cette  époque ,  ce  fut  dans  un  dîner  que 
le  duc  de  Liancourt  donna  aux  membres 
les  plus  influens  de  l'assemblée  natio- 
nale ,  que  l'on  décida  l'abolition  de  tous 
les  privilèges  de  la  noblesse ,  abolition 
qui  fut  décrétée  dans  la  mémorable  nuit 
du  4  août  ;  quelques  jour  après,  le  même 
duc  proposa  de  frapper  une  médaille  en 
souvenir  de  cette  trop  fameuse  séance  : 
-  en  même  temps ,  il  renvoya  au  roi  son 
cordon  bleu.  Il  esta  croire  que  le  duc  de 
Liancourt,  en  agissant  ainsi,  croyait 
calmer  l'effervescence  populaire  ,  et  éloi- 
gner de  plus  grands  dangers  ;  mais  hé- 
las !  les  factieux  ne  voulaient ,  par  toutes 
ces  concessions,  que  se  frayer  un  chemin 
pour  arriver  jusqu'au  trône  et  l'ébranler 
plus  facilement.  Le  duc  de  Liancourt 
parut  enfin  s'en  apercevoir,  lorsque, 
dans  un  discours  éloquent  qu'il  pro- 
nonça dans  l'assemblée  ,1e  1*'  septembre 
de  la  même  année ,  il  réclama  le  veto 
absolu  du  roi  à  tous  les  actes  législatifs 
que  le  monarque  jugerait  contraires  au 
bien  de  ses  peuples  ou  à  la  sûreté'de  ses 
états  :  il  voulait,  en  un  mot ,  l'ancienne 
constitution  améliorée,  mais  non  ren- 
versée totalement.  Le  24  octobre  suivant, 
il  fît  passer  à  l'ordre  du  jour  la  demande 
d'un  député  tendant  à  savoir  les  motifs 
du  soudain  départ  du  duc  d'Orléans  pour 
l'Angleterre.  Il  défendit  avec  Mallouet 
(le  16  janvier  1790  )  le  chef  d'escadre 
Albert ,  contre  lequel  le  peuple  de  Tou- 
lon s'était  soulevé  ,  à  cause  de  sa  qualité 
de  pur  royaliste.  Il  combattit,  le  28 
juin,  les  discours  de  MM.  de  Noailles  et 


ROC 

de  Lameth,  et  soutint  avec  force  que  les 
militaires  en  activité  devaient  être  exclus 
des  clubs  qui  s'étaient  répandus  dans 
toutes  les  villes  de  la  France.  Le  journal 
des  Actes  des  apôtres  annonça  à  cette 
même  époque  que  le  duc  de  Liancourt 
avait  été  le  provocateur  de  la  ridicule 
députation  du  genre  humain ,  à  l'assem- 
blée nationale ,  et  dont  le  prussien  Clootz 
était  l'orateur  ;  mais  cette  assertion  n'é- 
tait qu'une  calomnie.  Depuis  ce  mo- 
ment ,  le  duc  de  Liancourt  ne  s'occupa 
plus  que  de  lois  militaires  et  d'objets 
philanthropiques.  Dans  l'année  1791,  il 
fut  nommé  président  du  comité  de  men- 
dicité ,  et  on  lui  confia  la  surveillance 
des  hôpitaux.  Il  remplit  sa  mission  avec 
un  honorable  succès,  et  fit  décréter, 
entre  autres  choses,  que  l'entretien  des 
enfans-trouvés  et  des  dépôts  de  men- 
dicité ne  serait  plus  aux  frais  des  villes  , 
mais  à  ceux  du  trésor  public.  D'après 
ces  sages  réformes,  les  pauvres  et  les 
enfans  abandonnés  ne  s'en  trouvèrent 
que  mieux.  Le  duc  de  Liancourt  fut  un 
de  ceux  qui  s'opposèrent,  quoique  inuti- 
lement ,  à  la  réunion  d'Avignon  et  du 
comtat  à  la  France.  Mirabeau,  raccom- 
modé avec  la  cour,  avait  dit  devant  l'as- 
semblée ,  peu  de  jours  avant  de  mourir, 
qu'j7  combattrait  les  factieux  de  toutes 
les  couleurs  -.  c'est  sur  cette  déclaration 
(  un  peu  tardive  )  que  le  duc  de  Lian- 
court demanda ,  au  mois  d'avril ,  que 
l'assemblée  assistât  aux  funérailles  de  cet 
orateur  célèbre.  Le  3  juin ,  il  demanda 
qu'on  supprimât  le  supplice  de  la  corde; 
et  le  23 ,  il  réclama  contre  l'insertion  de 
son  nom  parmi  les  signatures  d'une  dé- 
claration de  fidélité  aux  principaux  ar- 
ticles de  la  constitution ,  k  et  déclara 
»  qu'il  avait  fait  serment  de  la  maintenir 
»  dans  son  intégralité  entière,  v  Péthion 
ayant  proposé,  le  14  juillet,  d'établir 
une  distinction  entre  V inviolabilité  con^ 
stitutionnelle  et  F  inviolabilité' de  la  per- 
sonne du  roi ,  le  duc  de  Liancourt  la 
combattit  victorieusement  ;  mais  elle  fut 
quelque  temps  après  reproduite  par  Con- 
dorcet.  Il  défendit  encore  le  roi ,  lors  de 
son  départ  pour  Montmédi ,  et  il  s'écria 
dans    son    discours...    «  Disons  la   vé- 


ROC 

»  rite  :  le  roi  n'est  bravé  que  par  les  fac- 
»  tieux  ;  c'est  à  la  royauté  qu'on  en  veut; 
»  c'est  le  trône  qu'on  veut  renverser...» 
Il  n'avait  pas  été  mis  dans  la  confidence 
du  voyage.  Ce  fut  le  duc  de  Liancourt 
qui  proposa  de  remplacer  les  anciennes 
académies  par  un  Institut,  tel  qu'on  l'é- 
tablit en  1795.  Il  voyait  de  jour  en  jour 
la  sûreté  du  roi  plus  que  jamais  com- 
promise,  et  l'attentat  du  20  juin  1792 
ne  lui  laissant  plus  de  doute  sur  l'inten- 
tion des  jacobins  ,  il  conseilla  au  mo- 
narque de  se  retirer  en  Normandie,  dans 
le  château  de   Guillon ,  appartenant  au 
cardinal  de  la  Rochefoucauld  ,  son  oncle, 
et  dépasser ,  si  le  cas  l'exigeait,  à  Rouen, 
où  il  y  avait  encore  un  grand  nombre 
de    royalistes  ;    le   duc   s'engageait  en 
même  temps   d'assurer  cette    retraite. 
Alors  le  duc  de  Liancourt  était  comman- 
dant militaire  de  Rouen.  Ce  conseil  ne 
fut  pas  agréé;  le  10  août  arriva,  et  avec  lui 
la  chute  du  trône ,  et  la  perte  inévitable 
du  meilleur  des  rois.  Le  duc  de  Lian- 
court étant  parvenu  à  s'embarquer  au 
Havre,  passa  en  Angleterre,  oii  il  séjourna 
pendant  1 8  mois ,  dans  la  petite  ville  de 
Bury ,  et  se  rendit  ensuite  aux  Etats-Unis 
de  l'Amérique.  Il  s'y  occupa  exclusive- 
ment des  arts,  de  l'agriculture  et  surtout 
du  commerce ,  et  ne  revint  en  Europe 
qu'en  1798.  Il  parcourut  dans  ce  même 
but  la  Hollande ,  le  nord  de  l'Allemagne 
et  le  Danemark.  Il  avait  toujours  pro- 
tégé et  favorisé  l'industrie.  Dès  l'année 
i  780 ,  il  avait  fondé  dans  sa  propriété  de 
Liancourt  une  petite  école  des  arts  et 
métiers  qui  devint  le  noyeaude  celle  qui 
fut  établie  plus  tard,  et  qui  a  été  trans- 
férée successivement  à  Compiègne  et  à 
Châlons ,  avec  une  succursale  à  Angers , 
puis  à  Toulouse  ,   et  qui  a  été  si  floris- 
sante sous  sa  direction.  Le  duc  de  Lian- 
court rentra  en  France  en  1799,  après 
le  1 8  brumaire  ,  époque  où  Buonaparte 
se  déclara  premier  consul.  Ses  propriétés 
étaient  presque  toutes  vendues;   mais 
son  épouse ,   M"""    de   Liancourt ,   née 
Launion  ,  avait  pu  sauver  les  siennes  , 
en  simulant  un  divorce.  Ne  voulant  point 
avilir  sou  nom  dans  les  antichambres  et 
les  écuries  de  Buonaparte ,  il  établit  avec 


KOC  447 

les  débris  de  sa  fortune  ,  dans  la  partie 
non  détruite  de  son  château  de  Lian- 
court ,  une  fabrique  et  une  filature  de 
coton  qui  répandit  l'aisance  dans  le  dé- 
partement de  l'Oise.  Il  employait  dans 
la  manufacture ,  non  seulement  un  grand 
nombre  d'ouvriers  sans  pain  ,  mais  des 
pauvres  et  même  des  enfans  trouvés , 
qu'il  allait  lui-même  chercher  dans  les 
hôpitaux.  On  lui  doit  encore  le  bienfait 
de  l'introduction  de  la  vaccine ,  et  c'est 
de  son  château  qu'elle  se  répandit  dans 
toute  la  France.  On  croit  qu'à  cette  occa- 
sion Napoléon  obligea  presque  le  duc  de 
Liancourt  d'accepter  la  croix  de  la  lé- 
gion-d'honneur. Lors  de  la  restaura- 
tion ,  il  revint  à  Paris ,  et  Louis  XVIH 
le  nomma  pair  du  royaume ,  le  6  juin 
1814.  C'est  aussi  à  cette  époque  qu'il 
prit  le  nom  de  duc  de  la  Rochefoucauld , 
qu'avait  laissé  vacant  la  mort  de 
son  cousin  le  duc  de  la  Rochefoucauld 
d'Enville ,  assassiné  à  Gisors,  en  1792. 
Dans  les  Cent-jours ,  et  au  retour  de 
Buonaparte  de  l'île  d'Elbe ,  il  accepta 
les  fonctions  de  membre  de  la  chambre 
des  représentans  pour  le  collège  d'ar- 
rondissement de  Clermont.  A  la  seconde 
restauration  ,  il  rentra  dans  la  chambre 
des  pairs ,  où ,  en  1816,  il  vola  contre 
la  majorité  de  la  chambre,  et  en  1816  , 
il  se  réunit  à  cette  même  majorité ,  d'a- 
près la  confiance  qu'il  avait  dans  les  mi- 
nistres. L'année  suivante,  il  combattit 
le  projet  de  loi  sur  les  journaux.  Le  duc 
de  la  Rochefoucauld  a  été  un  des  pro- 
tecteurs de  la  méthode  d'enseignement 
mutuel ,  dont  il  a  fondé  à  Liancourt  une 
école.  Il  faisait  aussi  partie  de  la  société 
d'instruction  élémentaire ,  et  il  était  di- 
recteur de  l'établissement  des  arts  et 
métiers  de  Châlons.  Il  y  introduisit  d'u- 
tiles réformes ,  et  les  élèves  le  considé- 
raient ,  à  juste  titre ,  comme  leur  meil- 
leur ami ,  leur  père  et  leur  bienfaiteur. 
Le  duc  de  la  Rochefoucauld  aimait  à 
faire  le  bien,  et  toutes  ses  idées  avaient, en 
général ,  un  but  philanthropique ,  ainsi 
que  le  prouvent  ses  ouvrages,  dont  voici 
la  liste  :  1°  Plan  du  travail  du  comité 
pour  V extinction  de  la  mendicité,  pré- 
senté à  rassemblée  nationale,  en  con- 


44B  ROC 

forniitt  de  son  décret  du  21  janvier 
1790,  in-4  ;  2"  Travail  au  comité'  de 
mendicité',  1790  ,  in-8  ;  3"  Les  prisons 
de  Philadelphie,  17  96  ,  in-S  ;  4"  Foj/a- 
.  ges  dans  les  Etats-Unis  d' Ame'rique  , 
faits  en  1796-96-99,  8  vol.  in-8;  5° 
Etat  des  pauvres,  ou  Histoire  des  classes 
travaillantes  de  la  société,  en  Angle- 
terre ,  depuis  la  conquête  jusqità  Vé- 
poque  actuelle  ;  extrait  de  l'ouvrage 
de  Maton  Eden ,  publié  en  1800;  C 
JSfote  sur  f impôt  territorial  d'Angle- 
terre, 1801 ,  in-8  ;  7°  Notes  sur  la  lé- 
gislation anglaise  des  chemins,  1801, 
in-8  ;  8"  il  a  coopéré  au  Recueil  des  mé- 
moires sur  les  établissemens  d'humanité, 
traduit  de  l'anglais,  39  numéros,  in-8. 
Entr'autres  fonctions  gratuites  qu'il  avait 
acceptées,  était  celle  de  membre  du  con- 
seil  spécial  des  prisons  ;  en;  1 8  2  3  le  minis- 
tère ayant  été  choqué  de  l'indépendance 
des  représentations  des  membres  de  ce 
conseil ,  lui  donna  une  nouvelle  or- 
ganisation d'où  l'ut  exclu  la  Rochefou- 
cauld. A  cette  occasion  laRochefoucauld 
publia  dans  les  journaux  de  Paris  une 
lettre  qu'il  avait  adressée  au  préfet  de 
police.  A  la  suite  de  cette  publication,  il 
fut  destitué  de  ses  places  également  gra- 
tuites d'inspecteur-général  du  conserva- 
toire des  arts  et  métiers ,  de  membre  du 
conseil  général  des  manufactures,  du 
conseil  d'agriculture ,  du  conseil  général 
des  hospices  de  Paris ,  du  conseil  général 
du  département  de  l'Oise,  et  du  comité 
établi  pour  la  propagation  delà  vaccine. 
Cette  disgrâce  ,  lancée  ab  irato,  popu- 
larisa le  duc  de  la  Rochefoucauld ,  qui 
devint  en  quelque  sorte  le  patriarche  du 
libéralisme.  Il  est  mort  à  Paris  le  27 
mars  1827 ,  à  l'âge  de  80  ans,  au  regret 
de  tous  ceux  qui  ont  eu  part  à  ses  bien- 
faits, et  qui  ont  su  apprécier  ses  qualités 
estimables.  Ses  funérailles  ont  été  faites 
avec  une  grande  pompe  ;  et,  comme  cer- 
tains journaux  ont  crié  à  \a  profanation , 
au  scandale ,  sur  un  malheureux  incident 
arrivé  à  cette  occasion  ,  nous  croyons 
devoir  rétablir  les  faits,  qui  sont  de  no- 
toriété publique,  et  que  d'ailleurs  nous 
avons  extraits  de  L'Ami  de  la  Religion  et 
du  roi  (  mois  d'avril  ) ,  a&u  de  leur  don- 


KOC 

ner  plus  d'authenticité.  Les  parens  et  les 
amis  du  défunt  étaient  convenus  avec 
l'autorité  compétente  de  porter  le  cer- 
cueil à  bras,  depuis  l'hôtel  du  duc  jus- 
qu'à l'église  de  l'Assomption.  Tout  se 
passa  dans  le  plus  grand  ordre  ;  mais  au 
sortir  de  l'église  ,  après  l'office  divin  , 
une  foule  de  jeunes  gens  arrachent  le 
cercueil  des  mains  des  porteurs  qui  al- 
laient le  placer  sur  le  char  ,  et  s'obsti- 
nent à  vouloir  le  Dorter  à  bras  jusqu'au 
lieu  de  la  sépulture.  La  loi  le  défendait  : 
elle  veut  que  le  riche  et  le  pauvre ,  le 
noble  et  le  roturier  soient  conduits  de  la 
même  manière  au  dernier  asile ,  oii  tous 
les  rangs  et  les  états  disparaissent  devant 
la  faux  de  la  mort.  En  vain  les  commis- 
saires veulent  faire  entendre  raison  aux 
perturbateurs;  ils  persistent.  En  atten- 
dant, et  pour  éviter  un  plus  grand 
tumulte,  les  parens  du  décédé  et  les 
commissaires  tiennent  une  espèce  de 
conseil  dans  la  sacristie  ;  et  on  y  décide 
que ,  en  se  conformant  à  la  loi,  et  attendu 
que  le  temps  était  pluvieux ,  on  suivra 
le  convoi  en  voiture.  A  cette  décision, 
l'obstination  des  mutins  redoubla  :  la 
force  armée  accourt  ;  elle  est  repoussée , 
et  dans  ces  débats ,  le  cercueil  tombe 
dans  la  rue  ,  dans  le  ruisseau.  Enhn  des 
soldats  arrivent  ;  ils  dissipent  la  foule  , 
et  le  cercueil  est  placé  sur  le  char.  La 
pairie  des  ducs  de  la  Rochefoucauld  a 
passé  à  M.  le  duc  d'Estissac  ,  son  fils 
aîné.  Un  de  ses  autres  fils,  M.  le  comte 
Frédéric  Gaétan  de  la  Rochefoucauld , 
siège  à  la  chambre  des  députés  :  ce  der- 
nier a  publié  en  1 827  une  F'ie  du  duc  de 
la  Rochefoucauld-Liancourt ,  un  v.  in-8. 
ROCHEJAQUELEIN.  Foyez  la  Ro- 

CHEJAQUELBIN. 

ROCHEMAILLET  (  Gabriel  Michel 
DE  LA  ) ,  avocat  de  Paris ,  né  à  Angers  en 
1562  ,  et  mort  en  1642,  adonné  de  bon- 
nes éditions  de  Fontanon  ,  du  Coutu- 
mier  général,  etc.  et  a  fait  un  Théâtre 
géographique  de  la  France,  Paris,  1632, 
in-fol. 

*  ROCHER  (Pierre- Jérôme),  confes- 
seur de  Louis  XVIII ,  né  à  Chinon  ,  le 
31  septembre  1761 ,  fut  de  bonne  heure 
orphelin.   Après  avoir  reçu  les  soins  de 


ROC 

-deux  ecclésiasliques,  il  entra  au  colU-ge 
de  sa.  ville  natale  ,  d'où  il  passa  au  petit 
séminaire  d'Angers  ,  et  ensuite  au  grand 
séminaire  de  Saint -Sulpice.  Ordonne 
prêtre  en  1776,  il  fut  successivement 
■vicaire  dans  deux  paroisses  de  Tours  , 
puis  à  Chinon  ,  où  il  devint  chanoine  de 
St.-Mexmes.  En  même  temps  il  était  su- 
périeur des  communautés  religieuses  de 
cette  ville.  Le  24  avril  1790,  il  prit  pos- 
session de  la  cure  de  Loches  à  laquelle 
l'enleva  la  révolution  ;  car  il  avait  refusé 
le  serment.  Néanmoins  il  resta  dans  son 
diocèse,  fut  incarcéré  avec  les  autres 
prêtres  insermentés  ,  et  ,  lorsque  ie  dé- 
cret de  déportation  eut  été  rendu  ,  il  se 
retira  dans  l'île  de  Jersey  ,  où  beaucoup 
d'autres  prêtres  et  d'émigrés  s'étaient 
réunis.  Après  avoir  séjourné  environ  qua- 
tre ans  dans  cette  île  ,  il  se  rendit  à  Lon- 
dres où  il  resta  environ  un  an.  Dans  te 
mois  d'août  17  97,  l'évêque  de  Saiut-Poi- 
de-Léon  l'envoya  à  Yaxey  ,  pour  y  servir 
d'aumônier  aux  prisonniers  de  guerre 
français,  réunis  au  nombre  de  six  à  sept 
mille  dans  les  prisons  de  Normancross. 
Aiirès  y  avoir  passé  environ  huit  mois  , 
l'abbé  Rocher  revint  à  Londres  ,  et  fut 
secrétaire  de  l'évêque  de  Saint-Pol-de- 
Léon.  En  1808  l'abbé  Rocher  fut  choisi 
par  Louis  XVIII  pour  être  son  confesseur. 
Ces  fonctions  furent  reprises  par  M.  Asse- 
line  et  M.  l'évêque  de  Boulogne  ;  mais  il 
n'en  était  pas  moins  appelé  de  temps  en 
temps  auprès  du  roi  qu'il  accompagna 
lors  de  son  retour  en  France.  Pendant  les 
Cent-jours  il  se  rendit  à  Gand ,  et  conti- 
nua sous  la  seconde  restauration  à  avoir 
ia  confiance  de  Louis  XVIII  ;  c'est  lui  qui 
assista  ce  prince  dans  ses  derniers  mo- 
mens.  Après  sa  mort  il  se  retira  sur  la  pa- 
roisse de  Saint-Roch.  Il  est  mort  le  1  ^"^ 
décembre  1828  à  l'âge  de  77  ans.  L'abbé 
Rocher  avait  été  aussi  confesseur  de  ma- 
dame la  Dauphine. 

*  ROCHES  (François  de),  ministre'pro- 
testant,  né  à  Genève  en  1701  ,  était  en 
1731  pasteur  de  l'Eglise  de  cette  ville, 
€t  y  professait  la  théologie  en  1749.  C'é- 
tait un  homme  instruit ,  et,  dit-on,  d'un 
mérite  distingué.  Aux  connaissances  théo- 
logiques  il  joignait  beaucoup  d'autres 

XI. 


ROC  44() 

talens.  Il  était  laborieux,  éloquent,  et 
avait  le  don  de  la  parole.  Ses  mœurs 
étaient  douces  ,  et  son  caractère  noble  et 
sociable.  On  i  de  lui  :  1"  Défense  du 
vhrislianisme  ,  ou  Préservatif  contre 
un  livre  intitulé  .-  Lettres  sur  la  reli- 
gion essentielle  à  V homme ,  imprimé  en 
1739,  4  parties  in-1 2.  Ces  lettres  sont  de 
Marie  Hubert,  protestante  genevoise  :  on 
y  enseigne  le  pur  déisme.  2°  Une  édi- 
tion du  Catéchisme  d'Osterwald,  avec 
des  notes ,  1 7  62  ;  3°  une  Re'ponsc  à  Mé- 
lines^AMFle'chier, sur  son  changement  de 
religion,  17  53  ;  4°  deux  Sermons  à  l'oc- 
casion des  divisions  politiques  de  Ge- 
nève, 1737.  Il  mourut  en  17G9. 

ROCHES  (  Jean  des  ) ,    membre  de 
l'académie  des  Sciences  de  Bruxelles,  a 
donné   une   Grammaire  et  un  Diction- 
naire flamand  et  français ,  qui  sont  es- 
timés. H  avait  commencé  une  Histoire 
des  Pays-Bas  ,   qu'il   ne  put  achever , 
étant  mort  en  17  87  ,  peu  de  temps  après 
que  le  premier  tome  en  eut  paru.  Si  ou 
en  juge  par  ce  commencement,  la  suite 
de  l'ouvrage  n'est  pas  à  regretter  :  on 
voit  que  l'auteur  écrivait  à  la  hâte ,  et 
n'avait    ni   les  connaissances  ni    l'im- 
partialité nécessaires  pour  bien  écrire 
les  Annales  belgiques.  Il  y  a  quelques- 
uns  de  ses  Mémoires  dans  le  Recueil  de 
ceux  de  l'académie  de  Bruxelles,  où  l'on 
peut   trouver    quelques    assertions   qni 
prêtent  à  la  critique;  on  y  voit  entre  au- 
tres choses  ,  qu'il  ne  rendait  pas  assez  de 
justice  à  ces  zélés  religieux  d'Angleterre 
d'Irlande,  qui  ont  converti  à  la  foi  une 
])artie  de  la  Belgique  et  des  régions  voi'- 
sines. 
ROCHES.  Voyez  Animer  des  Roches. 
ROCHESTER  (  Jean  Wilmot,  comte 
de),  poète  anglais,  né   dans  le  comté 
d'Oxford  en  1648  ,  (  était  fils  de  ce  comte 
de  Rochester,  qui,  toujours  fidèle  à  la 
cause  desStuarls,  assura  la  fuite  de  Char- 
les II ,  après  la  mort  de  Charles  F""  et 
la  perte  delà  bataille  de  Worcesler,  et 
qui  mourut  avant  la  restauration  en  1 C60.) 
Un  gouverneur  habile  cultiva  les  talens 
du  jeune  Rochester  avec   tant  de  suc- 
cès, que  ce  seigneur,  à  l'âge  de  12  ans, 
célébra  envers  le  rétablissement dtChar- 
57. 


^ 


46o  ROC 

les  H.  Il  voyagea  en  France  cl  en  Italie , 
prit  le  pnrli  désarmes,  et  servit  sa  patrie 
avec  distinction.  Eniîn,  il  s'adonna  tont 
entier  à  son  {joût  pour  les  plaisirs  et 
pour  l'étude.  Cette  alternative  fatigante 
ruina  sa  santé,  et  le  fit  mourir  à  la  fleur 
de  son  âge  ,  en  1C80  ,  (  voyez  la  lîela- 
iion  de  sa  mort  par  Burnet ,  traduite  en 
français  ,  in-8  ).  Le  comte  de  Rochester 
s'était  attiré  les  faveurs  de  son  roi  par 
son  zèle;  il  mérita  son  indignation  par  ses 
Satires,  publiées  à  Londres  en  1714, 
in-12.  C'est  le  genre  dans  lequel  il  a 
principalement  travîiillé.  Les  passions  y 
donnent  souvent  le  ton  ,  plus  que  le  goût 
et  le  génie.  Ses  poésies  sont  la  plupart 
d'une  obscénité  dégoûtante  ;  cependant, 
dans  ce  tas  d'ordures,  il  y  a  quelques 
traits  sublimes ,  quelques  pensées  fortes 
et  hardies.  Plusieurs  de  ses  Satires  ont 
été  traduites  en  français.  (  La  plupart 
étaient  dirigées  contre  ce  même  monar- 
que dont  il  avait  chanté  la  restauration.) 
ROCHESTER  (  L'évêquc  de  }.  Voyez 

■  A.XTKRBURY         • 

•  ROCIÏON  DE  CHABANNES  (  Marc- 
Antoine-Jacques  ) ,  auteur  comique,  né 
en  1 7  30  ,  mort  à  Paris  le  1 5  mai  1 800 , 
débuta  à  la  comédie  italienne  par  le 
Deuil  anglais  ,  et  à  l'opéra  comique  par 
une  pièce  intitulée  Les  filles,  qui  n'eut 
aucun  succès.  Il  fut  plus  heureux  aux 
Français  dans  la  petite  pièce  intitulée 
Heureusement ,  jouée  en  17G2.  Le  dia- 
logue en  est  agréable  et  l'une  des  situa- 
tions piquante.  Il  fit  ensuite  paraître  suc- 
cessivement la  Manie  des  arts,  les  Va- 
lets maîtres ,  les  Amans  cjmcreux ,  le 
Jaloux ,  comédie  en  cinq  actes,  dont  le 
dénoûment  ne  vaut  rien,  et  dont  les  scè- 
nes sont  presque  toutes  sans  action  ;  le 
Seigneur  bienfaisant,  Alindor ,  et  les 
Prétendus  ,  que  l'excellente  musique  de 
Le  Moine  faittoujours  entendre  avec  plai- 
sir. Le  Théâtre  de  Rochon  a  été  impri- 
mé en  178G  ,  en  2  vol.  in-8.  Laharpe  a 
porté  sur  cet  auteur  un  jugement  très 
sévère.  Voy.  le  Cours  de  littérature,  t.  2. 

'ROCHON  (Alexis-Marie  ),  astronome 
et  navigateur,  naquit  en  1741  au  château 
de  Brest,  dont  son  père  était  aide-major. 
Son  frère  aîné  avant  embrassé  la  carrière 


ROC 

des  armes  ,  il  fut  destiné  à  l'élat  eccléï 
siastique  ,  et  il  obtint  un  bénéfice  ;  mais 
entraîné  par  son  goût  pour  les  sciences 
et  les  voyages  ,  il  resta  clerc  tonsuré  ,  et 
fut  nommé  ,  en  1766  ,  bibliothécaire  de 
Tacadémie  royale  de  marine  établie  à 
Brest,  et  l'année  suivante,  il  obtint  le 
titre  d'astronome  de  la  marine.  Ce  fut  eu 
cette  qualité  qu'il  s'embarqua  ,  en  17G7  , 
sur  un  vaisseau  qui  transportait  à  Maroc 
le  général  Breugnon  ,  ambassadeur  ex- 
traordinaire auprès  de  l'empereur,  ainsi 
que  le  consul  Chénier,  qui  allait  y  résider 
coriime  agent-général  du  gouvernement 
français.  Dans  ce  voyage ,  il  détermina 
plusieurs  longitudes,  et  il  observa  les 
distances  d'éloiles  à  la  lune  par  de  nou- 
veaux moyens  qu'il  avait  proposés.  En 
17G8il  fut  chargé  par  le  gouvernement 
d'aller  reconnaître  les  îles  et  les  écueils 
qui  séparent  les  côtes  de  l'Inde  des  îles 
de  France  et  de  Bourbon  ,  et  il  s'acquitta 
de  celte  mission  avec  succès.  Après  avoir 
reconnu  l'île  de  Madagascar  ,  il  explora 
les  rescifs  ,  les  écueils  et  les  îies  au  nord 
de  l'île  de  France  ,  traversa  les  Maldives  , 
prolongea  la  côte  de  Malabar ,  et  ,  lors- 
qu'il se  trouva  dans  les  parages  de  Cey- 
lan  ,  il  prévint  la  perte  de  la  corvette  sur 
laquelle  il  était  embarqué  ,  en  indiquant 
au  pilote  la  position  àclA pctite'basse. 
En  revenant  en  France,  Rochon  s'arrêta 
à  la  Corogne  oii  le  capitaine-général  de 
la  Galice  lui  donna  un  grand  lingot  ^e 
platine  ;  ce  qui  le  mit  plus  tard  dans  le 
cas  d'étudier  ce  métal ,  et  de  s'en  servir 
pour  les  miroirs.  Enfin  il  accompagna  , 
en  1771  ,  M.  de  Kerguclen,  qui  avait  été 
chargé  d'examiner  le  projet  d'une  roule 
directe  de  l'île  de  France  à  la  côte  de  Co- 
romandel  ;  mais  pou  satisfait  des  procédés 
de  ce  commandant  à  son  égard ,  il  n'alla 
pas  au  delà  de  l'île  de  France.  De  retour 
à  Brest ,  il  obtint ,  en  1 772  ,  la  place  de 
garde  du  cabinet  de  physique  et  d'opti- 
que du  roi,  établi  au  château  de  la  Muette, 
près  de  Paris  ;  et ,  dans  ce  poste  tran- 
quille ,  il  dirigea  ses  recherches  sur  les 
instrumens  d'optique.  L'étendue  de  ses 
connaissances  lui  fit  confier  de  nouvelle» 
missions  en  Bretagne ,  dans  le  Berri  et 
le  Nivernois.  En  1787  ,  il  fut  nommé  à  U 


KOC 

place  d'aslronoine-opticien  delà  marine. 
Envoyé  en  1790  à  Londres  au  sujet  des 
nouveaux  syslèmcs  des  poids  et  mesures 
qu'on  voulait  introduire  eu  France,  il  fut 
cliargé,  en  1792,  d'examiner  les  différons 
projets  pour  le  dessèchement  des  eaux 
sla(];nanles  de  la  commune  de  Neuilly. 
Privé  de  ses  places  à  celte  époque  ,  il  se 
retira  dans  sa  ville  natale,  et  consacra 
tousses  niomcns  à  des  travaux  d'utilité 
publique.  La  marine  ne  pouvait  se  pro- 
curer pour  la  construction  des  fanaux  les 
feuilles  de  corne  à  lanlerne  qu'on  tirait 
d'Irlande;il  inventa  des  gazes  métalliques, 
faites  avec  des  matières  qu'il  était  facile 
d'obtenir  à  bon  marché ,  et  qui  réunis- 
saient a  l'avantage  d'être  incombustibles 
celui  de  donner  une  clarté  double,  et  de 
pouvoir  être  employées  au  vitrage  des 
vaisseaux.  Il  forma  aussi  en  1795  àRrej't 
un  atelier  pour  la  fabrication  des  lunet- 
tes nécessaires  à  la  marine.  Lors  de  la 
création  de  l'Institut ,  il  fut  compris  au 
nombre  de  ses  membres  ,  et  il  ne  passa 
pas  une  année  sans  adresser  à  ce  corps 
des  mémoires  sur  l'optique  ,  la  science 
nautique  et  autres  objets  d'utililé  publi- 
que. Il  mourut  à  Paris  en  1817.  On  a  de 
lui  :  1"  Opuscules  matlicnintiques,  Brest, 
1768,  in-8  ;  2°  lîecueil  de  mémoires 
sur  la  mécanique  et  sur  la  pJnjsique  , 
178.3  ,  in-8  ;  3°  Nouveau  vmjnge  à  la 
mer  du  sud ,  rédigé  d'après  les  plans  et 
JesjournauxdeM.Croset,  1783;  kToi/a- 
gcs  à  Madagascar  et  aux  Indes  Orien- 
tales ,  1791  ,  iii-8  ;  3«  édition,  1802  ,  3 
vol.  in-8,  nouvelle  édition,  sous  le  titre 
de  Voyaxjes  aux  Indes-Orientales  et  en 
Afrique  ....  avec  une  Dissertation  sur 
les  lies  de  Salomon  ,  1 807  ,  oii  Ton  a  re- 
tranchû  tout  ce  qui  concerne  l'île  de  Ma- 
dagascar. Ces  voyages  ont  été  traduits  en 
allemand  et  en  anglais.  5"  Essais  sur  les 
monnaies  anciennes  et  modernes ,  17  92, 
in-8  ,  et  plusieurs  autres  brochures  et 
mémoires,  publiés  à  Paris  de  1800  à  1812. 
M.  Delambre  a  lu  dans  la  Séance  publique 
de  l'académie  des  Sciences  du  16  mars 
1818  nnc  Notice  sur  Rochon. 

*  ROCHOW  (  Frcdéric-Everard  de  ) , 
chanoine  et  dignitaire  du  grand  chapi- 
tre de  Habberetadt ,  né  à  Berlin  le  17  oc- 


ROC 


45i 


tobre  1734  ,  suivit  d'abord  la  carrière 
militaire.  Il  entra  en  1749  dans  la  ca- 
valerie prussienne  ,  et  fit  en  qualité 
d'officier  les  deux  premières  campagnes  de 
la  guerre  de  Sept  ans  ;  mais  des  blessures 
l'obligèrent  de  quitter  le  service  en  1 7  à7  : 
alors  il  se  retira  dans  ses  terres  ,  et  il  se 
livra  à  l'élude  qu'il  avait  négligée  dans 
sa  jeunesse.  Il  apprit  sans  maître  non 
seulement  le  latin  et  plusieurs  langues 
modernes,  mais  encore  l'économie  poli- 
tique et  morale  ,  l'histoire  naturelle,  et 
il  s'occupa  conslamment  du  bonheur  do 
ses  vassaux.  Il  chercha  à  améliorer  leur 
sort  en  les  éclairant ,  et  il  fonda  dans  ses 
ferres  de  nouvelles  écoles.  Il  mourut 
d'une  hydropisie  de  poitrine  à  heckau  , 
près  de  Posldam  ,  le  IG  mai  1805,  et  il 
légua  une  somme  de  12,000  fr.  pouf 
l'entretien  de  ses  écoles.  Lui-même  en  a 
Y^vihWil' Histoire ,  SlesMig,  1795,  in-S. 
Rieman  en  a  aussi  donné  une  Descrip- 
tion ,  4*  édition ,  1 809  ,  dans  laquelle  il 
a  détaillé  le  mode  d'instruction  qu'il  em- 
ployait, et  l'a  comparé  avec  celui  de 
Pcstalozzi.  Rochow  a  eiicore  publié 
Essai  d'un  livre  d  école  pour  les  en  fans 
des  paysans,  ou  Instructions  pour  les 
maîtres  des  classes  inférieures.  Il  a  com- 
posé plusieurs  autres  traités  élémentai- 
res ,  parmi  lesquels  on  distingue  Y  Ami 
desenfans,  traduit  dans  presque  toutes 
les  langues.  Il  a  aussi  écrit  plusieurs  ou- 
vrages sur  les  pauvres  ,  le  crédit ,  le  ca-. 
raclère  national,  etc. 

ROCHYSAjNA.  roi/cz  Roquesanne. 

ROCOLES  (Jean-Baptiste  de),  his- 
torien français  au  dessous  du  médiocre, 
quoique  décoré  du  nom  pompeux  d'his- 
toriographe de  France  et  de  Brandebourg, 
Pié  à  Béziers,  vers  l'an  1 G30,  fut  chanoine 
à  Paris,  protestant  à  Genève,  de  nou- 
veau catholique  en  France ,  derechef 
prolestant  en  Hollande,  enfin  il  mourut 
catholique  eu  France  en  1C96.  On  a  de 
1  u  i  :  1  °  Description  des  empires  du  monda 
par  Z'rtt'/Vz  ,  augmentée  d'un  vol.,  Paris, 
IGGO  ,  G  vol.  in-fol.  ;  ce  volume  n'a  fait 
qu'augmenter  les  fautes  dont  cet  ouvrage 
fourmille  ;  2"  Introduction  générale  à 
l'Histoire,  16C4;3°  Abrégé  de  l'his- 
toire de  V empire  d^ Allemagne ,  Cologne,.. 


45a  ROD 

1679.  C'est  une  mauvaise  traduction  du 
Nucleus  Ilist.  Gcrm.  de  Larcher.  A" 
Les  imposteurs  insignes  qui  ont  usurpe 
laqualite  d'empereurs ,  Cruxelles,  1729, 
en  2  vol.  in- 8  ;  6°  Histoire  ve'iilabledu 
calvinisme  ,  opposée  à  l'Histoire  de  M. 
JMnimbourg .,  Amsterdam,  168-3;  ou- 
vrage dont  les  proteslans ,  et  en  parlicu- 
Jier  Bayle,  ont  clé  peu  conlcns,  quoique 
l'auteur  ait  eu  envie  de  leur  plaire. 

RODERIQUE  (  Jean -Ignace  de  ),  né 
à  Malmédy  en  1G97  ,  entra  chez  les  jé- 
suites, qu'il  quitta  au  bout  de  huit  ans, 
et  alla  s'établir  à  Cologne;  il  sedistiiigua 
par  son  amour  pour  les  lettres,  et  par 
les  secours  qu'il  procura  à  ceux  qui  les 
cultivaient,  llrédigea  long-temps  la  Ga- 
zette de  Cologne  avec  un  succès  qui  le 
rendit  célèbre  dans  toute  l'Europe,  et 
qui  tira  pour  quelque  temps  cette  feuille 
de  la  foule  des  ouvrages  périodiques.  Ce 
n'était  qu'un  amusement  pour  lui.  Ses 
vues  portaient  sur  des  objets  plus  gra- 
ves :  il  fut  employé  et  consulté  par  diffé- 
rent princes  dans  des  aiXaires  importan- 
tes, publia  plusieurs  Dissertations  sa- 
vantes, et  mourut  à  Cologne  le  6  avril 
1768.  On  voit  à  Malmédy  une  très  belle 
chapelle  dont  il  ordonna  la  construc- 
tion ,  et  où  l'on  a  placé  un  monument , 
avec  sou  épitapbe  très  bien  rédigée  eu 
latia. 

RODIVEY  (  Georges  BniDGE),  cheva- 
lier de  l'ordre  du  Bain,  amiral  de  l'es- 
cadre blanche,  né  à  Londres  en  1717, 
mort  dans  la  même  ville  le  24  mai  1792, 
dans  la  71'=  année  de  son  âge ,  fut  un  des 
plus  habites  marins  d'Angleterre.  Le  16 
janvier  1780,  il  défit  entièrement  la 
flotte  espagnole  à  la  hauteur  de  Cadix  ; 
Langara  ,  qui  la  commandait,  y  fut  pris 
avec  cinq  vaisseaux  de  ligne.  Les  15,17 
et  1 9- avril  delà  même  année,  il  combattit 
la  flotte  française ,  commandée  par  le 
comte  deGuioben:  dans  ces  trois  actions, 
la  victoire  fut  balancée;  mais  le  12  avril 
1782  elle  se  déclara  ouvertement  pour 
liodney  aux  Antilles,  à  la  hauteur  de  la 
Martinique,  oii  la  flotte  française,  sous 
les  ordres  du  comte  de  Grasse  ,  fut  dé- 
faite avec  perte  de  plusieurs  vaisseaux  de 
içne ,  paimi,  lesquels  La  Fille  de  Paris ^ 


ROD 

de  100  pièces  de  canon  ,  montée  par  l'a- 
miral ,  qui  fut  fait  prisonnier.  Le  vain- 
queur continua  à  servir  avec  gloire  jus- 
qu'à la  paix  conclue  l'année  suivante.  On 
l'uppela  V heureux  Rodncy. 

*RODOERIO  (Jean-Léonard),  célè- 
bre jurisconsulte  ,  né  à  Montecorvino , 
dans  le  royaume  deNaples,en  1620, 
occupa  plusieurs  places  distinguées  dans 
la  magistrature  ,  et  a  laissé  :  1°  Observa- 
tiones  singulares  cum  addilionibus  ad 
quotidianuni  libruin  resolutionu^m  Do~ 
nati  Antonii  de  Mariais  ,  Naples  ,  1 6C6, 
in-fol.  2°  Consiliorum,  sivejuris  respon- 
sorum  cum  novissimis  decisionibus ,  Na- 
ples, 1G74,  1  vol.  in-fol. 

RODOGUNEo»  Rhouogune,  fille  de 
Phraates,  roi  des  Parthcs,  fut  mariée  à 
Démétrius  Nicanor  ,  que  Phraates  tenait 
prisonnier  ,  ce  qui  causa  de  grands  mal- 
heurs, par  la  jalousie  de  Cléopàtre  (  T'ny. 
ce  nom).  Il  y  a  eu  d'autres  princesses 
de  ce  nom.  Voyez  la  pièce  de  P.  Cor- 
neille qui  porte  ce  titre. 

RODOLPHE,  comte  de  Rheinsfeld  , 
duc  de  Souabe ,  époux  de  Mathilde ,  sœur 
de  l'empereur  Henri  IV,  fut  élu  roi  de 
Germanie  l'an  1077  par  les  Allemands, 
soulevés  contre  l'empereur  son  beau- 
frère.  La  fortune  fut  douteuse  pendant 
quelque  temps,  se  déclarant  tantôt  pour 
un  parti ,  et  tantôt  pour  un  autre.  Mais, 
elle  abandonna  totalement  Rodolphe , 
l'an  1080  ,  à  la  bataille  de  Wolcksheim  , 
oîi  il  périt.  Il  ne  laissa  qu'une  fille ,  qjii 
épousa  Berthold,  duc  de  Zcringhen. 

PiODOLPIlE  1"  DE  Habsbourg,  empe- 
reur d'Allemagne,  surnommé  Ze  Clcmcnt, 
était  fils  d'Albert  le  Sage,  comte  de  Habs- 
bourg, château  situé  entre  Bàle  et  Zu- 
rich. (Né  en  1218  ,  il  fut  élevé  dans  les 
camps  de  l'empereur  Frédéric  H  dont  il 
était  le  parent.  Son  père  étant  mort  en 
1240,  il  hérita  seul,  comme  l'aîné,  du 
Landgraviat  de  la  Haute-Alsace,  du  Bour 
graviatde Rheinsfeld,  et,  concurremment 
avec  ses  deux  frères,  de  quelques  domai- 
nes dans  la  Souabe  et  le  Brisgau,  et  du 
comté  de  Habsbourg.  Ce  riche  héritage 
le  mita  même  de  lever  un  corps  d'aven- 
turiers avec  lesquels  il  fit  la  guerre  à 
plusieurs  seigneurs  ses  voisins.  Il  servit, 


ROD 

CDSuif  c  sous  Cttocare  roi  de  Bohême  ,  et 
fut  engafjé  dans  d'autres  hostilités  tant  en 
Suisse  qu'en  Alsace.  Plus  tardics  cantons 
d'Uii,  d'Undenvald  et  de  Sclnvilz  le 
choisirent  pour  protecteur  et  pour  chef. 
La  répulalion  qu'il  s'était  acquise  fixa  le 
choix  des  électeurs  de  l'empire  germani- 
que.} Il  fut  élu  empereur  le  29  septembre 
i  273  ,  après  un  long  interrègne  et  par  dé- 
cision de  la  diète  de  Francfort.  Rodolphe 
ne  voulut  pas  aller  à  Rome  pour  se  faire 
couronner  ;  mais  il  fit  un  traité  en  127  8 
avec  le  pape  Nicolas  III ,  par  lequel  il 
s'engagea  à  défendre  les  biens  et  les  pri- 
vilèges de  l'Eglise  romaine.  Son  règne  fut 
troublé  parla  guerre  contre  Ottocare, 
roi  de  Bohême,  sur  lequel  il  remporta 
une  victoire  signalée.  Le  vaincu  fut  obli- 
gé de  céder  au  vainqueur  l'Autriche  ,  la 
Slyrie  et  la  Carniole.  Il  consentit  à  faire 
un  hommage-lige  à  l'empereur  dans  une 
île  au  milieu  du  Danube,  sousun  pavil- 
lon dont  les  rideaux  devaient  être  fermés, 
pour  lui  épargner  une  mortification  pu- 
blique. Oltoc  are  s'y  rendit  couvert  d'or 
et  de  pierreries.  Rodolphe,  par  un  faste 
supérieur  ,  le  reçut  avec  l'habit  le  plus 
simple.  Au  milieu  de  la  cérémonie,  les 
rideaux  du  pavillon  tombent ,  et  font  voir 
aux  yeux  du  peuple  et  des  armées  qui  bor- 
daient le  Danube,  le  superbe  Oltocare 
à  genoux,  tenant  ses  mains  jointes  entre 
les  mains  de  son  vainqueur.  Quelques 
écrivains  ont  traité  cela  de  conte;  mais 
cefait  est  accrédité.  La  femme  d'Ottocare, 
indignée  de  cet  hommage,  engagea  son 
époux  à  recommencer  la  guerre.  L'empe- 
reur marcha  contre  lui;  la  bataille  se  don- 
na à  Marckfeld,  près  de  Vienne,  le  26 
août  1278,  et  Oltocare  la  perdit  avec  la 
vie.  Rodolphe  vendit  la  liberté  aux  villes 
d'Italie  qui  voulurent  bien  l'acheter.  Flo- 
rence donna  40,000  ducats  d'or,  Lucques 
12,000,  Gênes  et  Bologne  6.,000.  Cette 
liberté  consistait  dans  le  droit  de  nom- 
merdes  magistrats ,  de  se  gouverner  sui- 
vant leurs  lois  municipales,  débattre 
monnaie,  d'entretenir  des  troupes.  Rodol- 
phe mourut  à  Gcmersheim,  près  de 
Spire  ,  en  1 291  à  73  ans ,  avec  la  répula- 
tign  d'un  des  plus  braves  guerriers  et 
des  plus  grands  politiques  de  son  siècle. 


ROD  453 

On  rapporte  qu'étant  encore  comte  de 
Habsbourg,  il  rencontra ,  étant  à  la  chas- 
se ,  un  prêtre  portant  péniblement  à  tra- 
vers les  montagnes  le  viatique  à  un  ma- 
lade :  il  descendit  de  cheval,  y  fit  mon- 
ter le  prêtre  ,  l'accompagna  chez  Je  ma- 
lade ,  et  ne  voulut  plus  rt  prendre  le  che- 
val. Quelques  jours  après,  un  pieux 
ermite  lui  prédit  son  élévation  au  trône 
impérial.  C'est  à  cette  occasion  qu'on 
cite  une  espèce  de  prophétie  consignée 
dans  V Histoire  de  la  décadence  de  l  Em- 
pire ,  par  Maimbourg  ,  tom.  2  ,  p.  266. 
"  Grand  exemple  (  celui  de  Rodolphe  de 
))  Habsbourg  )  ,  qui  doit  apprendre  aux 
»  princes  de  celte  maison  ,  que  comme 
»  les  choses  ne  se  conservent  que  par 
»  les-mêmes  principes  qui  leur  ont  donné 
»  l'être,  aussi  la  grandeur  à  laquelle  il  a 
»  plu  à  Dieu  de  les  élever  en  ce  monde 
»  en  récompense  de  la  piété  de  l'empe- 
»  reur  Rodolphe  leur  chef,  ne  durera 
»  que  tandis  qu'ils  auront  un  vrai  zèle 
»  pour  la  religion  ;  et  que  s'ils  le  per- 
j)  dent  par  une  fausse  politique  ,  pour  ne 
)>  songer  qu'à  leur  agrandissement  tem- 
»  porel  et  à  leur  intérêt,  en  abandon- 
M  nant  celui  de  J.  C,  ils  périront.  «  (  Ro- 
dolphe s'était  marié  deux  fois ,  et  il  est ,. 
suivant-  l'opinion  du  jésuile  Barre,  Jour- 
nal dcs^  savans ,  mars  1752,  la  tige  de 
t  outes  les  maisons  souveraines  de  l'Eu- 
rope, existantes  au  milieu  du  IB*'  siècle.) 
Il  y  a  un  Recueil  de  140  lettres  de  cet 
empereur.  On  conserve  précieusement 
ce  manuscrit  dans  la  bibliothèque  impé- 
riale à  Vienne.  (L'histoire  de  cet  empereu  r 
a  été  bien  éclairciedansle Recueil  publié 
par  l'abbé  de  Saint-Biaise,  Gerbert,  sous 
ce  titre  :  De  translatis  Habspurgo  aus- 
triacorum  principum  ,  etc.  Saint-Biaise,. 
1772,  in-4.  Il  existe  un  poème  héroïque 
intitulé  Rodolphe  de  Habsbourg,  dont  P. 
Mogenigo  a  donné  l'explication,  Padoue,. 
1827.)  Adolphe  de  Nassau  fut  élu  empe- 
reur après  lui. 

RODOLPHE  II,  né  à  Vienne  en  1  hb2\. 
roi  de  Hongrie  en  1 572,  roi  de  Bohème  ei> 
1575,  élu  roi  des  Romains  à  Ratisbonue 
le  27  octobre  de  la  même  année  ,  élail 
fils  de  Maximilien  II  et  de  Marie  d'Au- 
triche fille  de  Charlcs-Quint.  Il  prit  les  rô- 


454  ROD 

lies  de  l'empire  en  1676  ,  après  la  mort 
de  son  père,  elles  tint  d'une  main  faible. 
La  Hongrie  presque  entière  fut  envahie 
par  les  Turcs  eu   1.098,  sans  qu'on  pût 
les  en    empêcher.  Les  revenus  publics 
étaient  si  mal  administrés,  qu'on  fut  obli- 
gé d'établir  des  troncs  à  toutes  les  portes 
des  églises,  non  pour  faire  la  guerre 
(  comme  le  dit  Voltaire  ),  mais  pour  se- 
courir dans  les  hôpitaux  les  malades  et 
les  blessés  qui  l'avaient  faite.  Rodolphe 
envoj'a  en  Hongrie  une  armée  qui  n'ar- 
riva qu'après  la  prise  d'Agria  et  de  plu- 
sieurs autres  places  importantes.  Celle 
armée,  ainsi  que  toutes  celles  qui  à  celle 
époque  combattirent  les  Turcs,  que  la 
seule  maison  d' Autriche  d'Allemagne  n'é- 
tait pas  en   état  de  repousser ,  était  un 
compose  de   toutes   sortes  de  nations , 
sans  discipline  et  sans  subordination  ,  et 
dont  par  conséquent  les  défaites  n'ont 
rien  de  merveilleux.  Barlhclemi  Georgie- 
■witz,  dans  un  discours  inséré  par  Loni- 
cer  dans  sa  Chronique  turque ,  en  parle 
de  cette  sorte  :  Lalrocinatur  Ifungnrus, 
prœdaiur  Ilispnnus  ,  potat  Germnnus , 
s  ter  tu  Soliemus,  libidinatur  Ilalus,  Gai- 
lus  cnntat ,   Anglus    lucratur ,  Scotus 
helluatuv;  militem  quimoribus  miles  sit, 
vix  ullum  reperias.  Le  duc  de  JMefcœur  , 
accompagne  d'un  grand  nombre  de  Fran- 
çais, rétablit  un  peu  les  affaires  de  ce 
royaume  en  ICOO.  L'empereur  eut  d'au- 
tres chagrins  à  essuyer.  Son  frère  Mathias 
s'élant  révollé  ,  il  fut  obligé  de  lui  céder 
les  royaum  esde  Hongrie  et  de  Rohème. 
Les  divisions  de  sa  maison  ,  jointes  au 
vif  ressentiment  que  lui  causèrent  les 
électeurs  par  la  demande  qu'ils  lui  firent 
de  choisir  un  succesenr  à  l'empire,  tout 
cela  hâta  sa  mort ,  arrivée  en  1  fi  1 2  ,  à  60 
ans.  Tycho-Brahé  ,  qui  se  mêlait  de  pré- 
dire, lui  avait  conseillé  de  se  méfier  de 
ses  plus  proches  parens  :  conseil  que  la 
révolte  de  Mathias  justifia,  et  que  Rodol- 
phe ne  suivit  que  trop,  ne  laissant  pas 
approcher  ses  parens  de  sa  personne.  H 
est  vrai  qu'il  en  usait  à  peu  près  de  même 
envers  les  étrangers  :  ceux  qui  voulaient 
le  voir  étaient  obligés  de  se  déguiser  en 
palefreniers,  pour  l'atlend redans  son  écu- 
rie ,  quand  il  venait  voir  ses  chevaux , 


ROD 

dont  il  était  fort  curieux,  et  qu'il  entre'' 
tenait  en  grand  nombre  et  d'un  grand 
choix.  C'était  d'ailleurs  un  bon  prince , 
ennemi  du  faste  et  de  toule  ostenlalion  , 
juste ,  chaste  ,  pieux  ,  qui  protégeait  les 
savanset  cullivailhii-mêmeles  sciences, 
parliculièrement  la  physique  ,  l'astrono- 
mie et  la  chimie.  Il  ne  voulut  jamais  se 
marier.  l\  devait  épouser  Isabelle,  fille 
de  Philippe  II;  mais  sa  répugnance  pour 
le  mariage  fit  manquer  ce  projet,  ainsi 
que  cinq  autres.  (L'histoire  de  Rodolphe 
a  élé  publiée  par  le  Père  Rrachel  sous  le 
titre  de  Famaaustriaca,  Cologne,  1G27, 
in-fol.  et  par  G.  Londorp  dans  sa  conti- 
nuation deSlcidan.) 

RODON  (  David  de)  ,  calviniste  du 
Dauphiné ,  enseigna  la  philosophie  à 
Die  ,  puis  à  Orange  et  à  Nîmes  ,  fut  banni 
du  royaume  en  1663,  et  mourut  à  Genève 
vers  1670.  C'était  un  homme  turbulent, 
plein  de  subtilités  et  d'idées  bizarres.  On 
a  de  lui  :  1°  un  ouvrage  rare,  qn'il  pu- 
blia sous  ce  titre  :  V imposture  de  la  pré- 
tendue confession  de  foi  de  saint  Cyrille, 
Paris,  1G29,  in-8  ;  T  un  livre  peu  com- 
mun, intitulé  :  De  supposito,  Amsterdam, 
1682,  in-1 2,  dans  lequel  il  entreprend 
de  justifier  Nestorius^  et  accuse  saint 
Cyrille  de  confondre  les  deux  natures 
en  J.  C.  ;  3° un  Traité  de  controverse, 
intitulé  :  Le  Tombeau  de  la  messe , 
Francforat,  1655,  in-8:  c'est  ce  traité 
qui  le  fit  bannir;  4°  Disputatio de  liber- 
tate  et  atomis ,  Nîmes ,  1 662 ,  in-8  ,  assez 
rare;  5"  divers  autres  ouvrages  imprimés 
en  partie  à  Genève,  1668,  2  vol.  in-4. 
Quoique  ce  recueil  ne  soit  pas  commun  ,, 
il  n'est  pas  beaucoup  recherché. 

*  RODRIGUE  (  Franrois-Ambroise), 
évêque  constitutionnel  de  la  Vendée , 
naquit  à  Nantes,  vers  1730,  acheva  ses 
études  dans  celle  ville,  et  se  fit  remarquer 
de  bonne  heure  par  la  vivacité  de  son 
esprit  et  en  même  temps  par  un  juge- 
ment faux.  Ses  opinions  singulières  lui 
fermèrent  les  portes  d'une  congrégation 
respectable  dans  laquelle  il  avait  mani- 
festé le  désir  d'entrer.  Rodrigue  se  rendit 
dans  le  diocèse  de  Luron  où  on  lui  donna 
la  petite  cure  de  laCrosnière,  surte  bord 
de  In  mer,  entre  Beauvais  et  Noirmou- 


tiers ,  puis  celle  de  Fougère  près  de  Ma- 
roeil.ll  occupait  celte  dernièreplace,  lors- 
qu'il prêta  serment  et  qu'ensuite  il  fut 
promu  évêque  de  son  département.  Ou 
ignore  quel  motif  lui  valut  cette  distinc- 
tion, et  l'on  ne  peut  attribuer  ce  choix 
qu'à  l'embarras  où  étaient  les  électeurs 
de  trouver  un  ecclésiastique  qui  voulut 
accepter  l'épiscopat  constitutionnel.  La 
première  fois  que  Rodrigue  parut  à  Fon- 
tenay  comme  évoque,  il  crut  qu'il  res- 
semblerait à  un  apôtre  en  portant  des 
sabots  et  en  s'habillant  mal.  Du  reste, 
pendant  la  courte  durée  de  son  adminis- 
tration, il  se  montra  tranchant,  entêté, 
fantasque.  Pendant  la  teneur U  renonça 
à  ses  fonctions,  et  refusa  ensuite  de  les 
reprendre  malgré  les  instances  de  ses 
confrères  les  constitutionnels.  Plus  tard 
il  obtint  une  place  de  juge  à  Monlaigu, 
et ,  lorsque  le  tribunal  de  celte  ville  fut 
transféré  à  Bouibon-Yendée,  il  ne  le 
suivit  point  dans  cette  nouvelle  rési- 
dence :  il  se  relira  à  Nantes  oii  il  est  mort 
le  18  décembre  1813.  Sur  la  fin  de  sa  vie 
il  était  très  solitaire,  avait  un  costume 
singulier  et  ne  se  montrait  point  à  sa  pa- 
roisse. Ses  derniers  moniens  n'amenè- 
rent en  lui  aucun  changement  religieux, 
et  il  a  persévéré  jusqu'au  bout  dans  l'im- 
piété et  dans  le  schisme. 

RODRIGUE.  Fo7jez  Sascio. 

RODRIGUEZ  (Simon  ) ,  jésuite  ,  né 
à  Vousselia  dans  l'évêché  de  Yiséo  en 
Portugal,  fut  disciple  de  saint  Ignace  de 
Loyola  ,  et  refusa  l'évêché  de  Coïmbre. 
U  fut  fait  précepteur.de  don  Juan  ,  alla 
prêcher  la  foi  aux  sauvages  du  Brésil , 
et  devint  provincial  des  jésuites  portu- 
gais. Il  fut  aussi  provincial  d'Aragon  ,  et 
mourut  à  Lisbonne  en  1579,  avec  de 
grands  senlimens  de  religion. 

RODRIGUEZ  (Alphonse),  jésuite, 
né  à  Valladolid  en  1 62G  ,  enseigna  long- 
temps la  théologie  morale,  et  fut  ensuite 
recteur  de  Monte-Rey  en  Galice,  et  in- 
stituteur des  novices,  parmi  lesquels  il 
eut  l'honneur  de  compter  le  savant  Père 
Suarez.  Il  mourut  à  Sévillc ,  le  Jl  février 
1 6 1 G ,  à  90  ans ,  en  odeur  de  sainteté.  Ce 
pieux  jésuite  est  principalement  connu 
par  son  /'/•m'/e' intitulé.  Pratique  de  la 


IlOI)  4.')5 

perfection  chrétienne,  Séville,  1614, 
in-4  ,  ouvrage  profond  ,  qui  décèle  un 
homme  supéiieurement  versé  dans  la 
connaissance  du  cœur  humain ,  et  des 
moyens  de  l'épurer,  de  le  sanctifier  et 
de  le  rendre  digne  de  son  auteur.  Le 
Père  Rodrigucz  fait  un  admirable  usage 
de  l'Ecriture  sainte  et  des  Pères  ,  et  c'est 
ce  qui  donne  à  son  ouvrage  un  ton  d'au- 
torité et  d'onction  qu'on  trouve  dans 
peu  de  livres  spirituels  ,  au  même  degré. 
Ce  Traité  a  été  traduit  en  français  par 
les  solitaires  de  Port-Royal  ,  en  2  vol. 
in-4  ,  et  par  l'abbé  Rcgnier-Dcsmarais,  3 
vol.  in  4  ,  4  in-8  et  G  in-12.  La  première 
de  ces  versions  est  très  peu  fidèle,  cl  les 
traducteurs  n'ont  pas  fuit  dillïcullé  d'at- 
tribuer à  l'auteur  espagnol  leurs  senli- 
mens parliculicrs.  Celle  version  devient 
très  rare.  On  en  avait  conservé  un  esem- 
plaire  au  collège  de  Louis  le  Grand  ,  avec 
des  notes  de  M.  Regnier-Desmarais  , 
Paris  ,  1G74  ,  2  vol.  Jn-4.  Cet  exemplair.' 
fut  enlevé  pour  5  livres  ,  quoique  des 
curieux  eussent  donné  commission  de 
l'acheter  à  tout  prix.  Il  en  existe  quatre 
autres  versions  françaises  moins  bonnes. 
L'ouvrage  de  Rodrigucz,  excellent  en  son 
genre,  serait  encore  meilleur,  si  l'au- 
teur ne  l'eût  rempli  de  plusieurs  his- 
toires qui  ne  paraissent  pas  trop  Lien 
appuyées.  L'iibbé  Tricalet  en  a  donné  un 
abrégé  en  2  vol.  in-12.  Cet  abrégé  est 
trop  resserré  ;  l'on  n'y  trouve  ni  les 
lumières  ni  l'onction  de  l'ouvrage  de 
Rodrigucz. — Il  ne  faut  pas  le  confondre 
avec  un  autre  Alphonse  Rodriguez  ,  aussi 
jésuite ,  né  à  Ségovie ,  et  mort  à  Major- 
que, le  31  octobre  lGI7,àrâge  de  87 
ans,  considéré  comme  un  homme  apo- 
stolique, plein  d'œuvres  et  de  mérites, 
et  dont  des  écrivains  contemporains  ont 
parlé  comme  d'un  thaumaturge. 

*  RODRIGUEZ  (Alphon.se,  le  bien- 
heureux), né  à  Séville,  le  26  juillet 
1  531,  était  fils  d'un  marchand  ,  et  exerça 
lui-même  le  négoce.  Des  malheurs  de 
tout  genre  vinrent  l'accabler  :  il  perdit 
son  épouse  et  ses  deux  enfans ,  et  des 
revers  de  fortune  l'obligèrent  à  quitter 
le  commerce.  Dès  lors  il  se  donna  'tout 
cnlier  à  la  piélé  cl  entra  en  177 1  comme 


45ti  ROD 

frère  ou  coailjuleur  temporel  dans  la 
compagnie  de  Jésus.  Après  avoir  fait  son 
noviciat  à  Yalence,  il  fut  envoyé  dans 
l'île  de  Majorque  oii  il  résida  jusqu'à  sa 
mort  qui  eut  lieu  le  31  octobre  1017. 
Pendant  son  séjour  dans  ce  lieu,  il  donna 
l'exemple  des  plus  hautes  vertus  :  sa  fer- 
veur ,  son  humilité ,  son  esprit  de  pau- 
Trelé  et  de  mortification  se  signalèrent 
dans  un  grand  nombre  de  circonstances, 
et  lui  donnèrent  une  juste  réputation  de 
sainteté  que  des  miracles  sont  venus 
confirmer  depuis.  Après  plusieurs  pro- 
cédures et  plusieurs  minutieuses  infor- 
mations, deux  décrets  furent  donnés 
l'un  par  Clément  XIII ,  le  20  mai  1700, 
qui  déclare  l'héroïsme  des  vertus  d'Al- 
phonse; l'autre  de  Léon  XII  du  31  juillet 
1824  ,  qui  reconnaît  l'existence  de  deux 
rairaclesopérés  par  ce  religieux.  Enfin  il  a 
été  procédé  à  la  béatification  le  12  juin 
1825.  Plusieurs  écrivains  ont  publié  la 
vie  d'Alphonse  Rodriguez  ;  nous  citerons 
celle  du  Père  de  Boissieu ,  publiée  à 
Lyon  ;  celle  du  Père  Janin,  publiée  aussi 
à  Lyon  en  1 048  (  en  latin)  ;  enfin  du  Père 
Archangeli ,  réimprimée  à  Rome  en  1 825. 
En  1828  il  en  a  paru  une  nouvelle,  sous 
le  litre  de  f^ie  du  Bienheureux  Alphonse 
Jlodriguez,  béatifié  en  1825,  Paris  et 
Lyon,  1828,  in-12.  L'Ami  de  la  Religion 
dans  son  N"  14G0  (G  août  1828),  en  a 
rendu  un  compte  avantageux. 

RODRIGUEZ  (Emmanuel) ,  religieux 
franciscain  ,  d'Estremos  en  Portugal , 
mourut  à  Salamanque  en  1019  ,  à  08  ans. 
On  a  de  lui  :  1°  une  Somme  des  cas  de 
conscience ,  1595  ,  2  vol.  in-4  ;  2°  Ques- 
tions régulières  et  canoniques ,  1009,  4 
vol.  in-fol.  ;  3"  un  Recueil  des  Privilèges 
des  réguliers ,  Anvers,  1023  ,  in-fol.  ,  et 
d'autres  ouvragesquin'ontpUis  de  cours. 

RODULPHE,  né  à  Munster,  sur  la 
fin  du  11«  siècle,  se  fit  religieux  dans 
l'abbaye  de  Saint-ïron  au  pays  de  Liège. 
Il  en  devint  abbé  ;  mais  il  eut  la  douleur 
de  voir  piîlcret  brûler  son  monastère 
par  Gislebert,  comte  de  Duras ,  ce  qui  le 
contraignit  de  se  retirer  à  Cologne ,  oîx 
l'archevêque  le  fit  abbé  du  monastère  de 
Saint-Panlaléon.  U  rentra  ensuite  dans 
son  abbnve  de  .Saint-Tron ,  cl  y  mourut 


ROE 

l'un  113S.  Nous  avons  de  lui  :  1"  une 
Chronique  de  ce  monastère,  de|)uis  sa 
fondation  jusqu'à  l'an  1130;  2°  l^ie  de 
saint  Libert,  évêque  de  Cambrai  :  ce.s 
deux  ouvrages  se  trouvent  dans  le  tome  7* 
du  Spicilége  de  dora  d'Achéry;  3"  un 
Traité  contre  la  simonie  ^  en  7  liv. ,  que 
dom  Mabilion  a  trouvé  dans  la  bibliothè- 
que du  monastère  de  Gemblours. 

ROE  (Thomas)  et  non  Rhoe,  ou  Rowk, 
voyageur  et  diplomate  anglais  ,  né  vers 
1500  à  Low-Leyton  dans  le  comté  d'Es 
sex,  fut  envoyé  par  la  compagnie  anglaise 
des  Indes  (en  101 4)  en  ambassade  auprès 
du  Grand -Mogol.  (  De  retour  en  Angle- 
terre, il  fut  élu  membre  du  parlement, 
et  Jacques  1*"^  le  nomma  ambassadeur  à 
Conslanlinople  en  1020.  )  U  rapporta  de 
ce  voyage  plusieurs  manuscrits  grecs  , 
qu'il  donna  à  la  bibliothèque  Bodleyenne 
à  Oxford.  Il  fut  envoyé  ensuite  pour  mé- 
nager la  paix  entre  la  Pologne  et  la  Suède, 
et  profila  de  celte  occasion  pour  animer 
Gustave  Adolphe  à  dévaster  l'empire  pour 
soutenir  les  proleslans.  Il  mourut  en 
1 0  4  4 .  On  a  ses  Négociations  à  la  Porte  de- 
puis 1G20  jusqu'en  1028,  Londres,  1740, 
iu-fol.,  en  anglais,  (et  la  relation  de  sa 
mission  près  du  Grand-Mogol,  dans  le 
tome  l*^""  du  Recueil  dePurchas  :Thevenot 
en  a  inséré  la  traduction  dans  le  l'^'vol. 
de  sa  collection.) 

*  ROEDERER  (  Jean-George  ),  célèbre 
médecin,  né  à  Strasbourg  en  1720,  acquit 
une  grande  réputation  dans  son  art,  et  se 
consacra  plus  spécialement  ù  la  partie 
relative  aux  accouchemens,  sur  laquelle 
il  a  publié  les  ouvrages  suivans  :  1°  Ora- 
iio  de  artis  obstetriciœ  prœstantia,  Got- 
tingue,  1752;  2° Elcmentaartis  obstetri- 
ciœ in  usum  prœlectionum  academica- 
/•w/n,  Gollingue  ,  1753-1759,  in-8;  Colo- 
gne, 1703,  in-8,  traduit  en  français,  Paris, 
1705,  in-8  ;  Z°Opuscula  medica ,  spar- 
sim  prias  édita,  nunc  demum  collecta, 
aucla  et  recensa,  GolUtiQue,  1704,  in-4, 
etc.,  etc.  Roederer  fut  pendant  plusieurs 
années  professeur  de  médecine  à  Gollin- 
gue,  et  çtait  membre  des  académies  de 
Pétersbourg,  et  de  chirurgie  de  Paris, 
d'Upsal  et  de  Gollingue.  Il  mourut  à 
Strasbourg  en  1703. 


ROE 

ROELL  (  Herman-Alexandre  ),  né  en 
1653  dans  la  terre  de  Doëlberg ,  dont  son 
père  était  seigneur,  dans  le  comté  de  la 
Marck  en  Westphalie,  devint  en  1704 
professeur  de  théologie  à  Utrecht  ,  et 
mourut  à  Amsterdam  en  1718,  à  66  ans. 
Il  possédait  les  langues,  la  philosophie  et 
la  théologie.  On  a  de  lui  :  1°  un  Discours 
et  de  savantes  Dissertations  philosophi- 
ques sur  la  religion  naturelle  et  les  ide'es 
innées,  Franeker,  1700,  in-8;  2"  des 
Thèses,  1689,  in- 4;  et  plusieurs  autres 
ouvrages  peu  connus. 

ROEMER  (Olaiis),  astronome  danois, 
né  à  Copenhague,  en  1644,  se  rendit  très 
habile  dans  les  mathématiques ,  l'algèbre 
et  l'astronomie.  Picard,  de  l'académie  des 
Sciences  de  Paris,  ayant  été  envoyé  en 
1671  par  Louis  XIV,  pour  faire  des  obser- 
vations dans  le  Nord ,  conçut  tant  d'es- 
time pour  le  jeune  astronome,  qu'il  l'en- 
gagea à  venir  avec  lui  en  France.  Roë- 
mer  fut  présenté  au  roi ,  qui  le  chargea 
d'enseigner  les  mathématiques  au  grand 
Dauphin  ,  et  lui  donna  une  pension.  L'a- 
cadémie des  Sciences  se  l'associa  en  1672, 
et  n'eut  qu'à  se  féliciter  d'avoir  un  tel 
membre.  Pendant  dix  ans  qu'il  demeura 
à  Paris,  et  qu'il  travailla  aux  observations 
astronomiques  avec  Picard  et  Cassini ,  il 
fit  des  découvertes  dans  les  différentes 
parties  des  mathématiques.  De  retour  en 
Danemark  ,  il  devint  mathématicien  du 
roi  Christiern  V,  et  professeur  d'aslrono- 
mie ,  avec  des  appointemens  considéra- 
bles. Ce  prince  le  chargea  aussi  de  per- 
fectionner la  monnaie  et  l'architecture , 
de  régler  les  poids  et  les  mesures,  et  de 
mesurer  les  grands  chemins  dans  toute 
l'étendue  du  Danemark.  Roëraer  s'ac- 
quitta de  ces  commissions  avec  autant 
d'intelligence  que  de  zèle.  Ses  services 
lui  méritèrent  les  places  de  conseiller  de 
la  chancellerie,  et  d'assesseur  du  tribu- 
nal suprême  de  la  justice.  Il  lut  nommé 
bourguemestre  de  Copenhague  ,  conseil- 
ler d'état  sous  le  roi  Frédéric  IV,  et  mou- 
rut en  1710.  C'était  un  homme  sage,  un 
savant  modeste ,  un  observateur  attentif 
et  appliqué.  Harrebow,  son  disciple,  mais 
qui  n'avait  pas  toutes  les  qualités  de  son 
maitr^,  beaucoup  plus  léger  et  plus  pré- 

XI. 


ROE  457 

somptueux  que  lui ,  fit  imprimer  à  Co- 
penhague en  1735,  in-4,  diverses  obser- 
vations de  Roëmer ,  avec  la  méthode 
d'observer,  du  même,sous  le  titre  de  Basis 
astronomiœ.  (Condorcet  a  publié  l'Eloge 
de  Roëmer  dans  le  recueil  de  ceux  des 
membres  de  l'académie  des  Sciences,  lom. 
l",p.  167-177.) 

•ROEiNTGEN  (David),  célèbre  ébé- 
niste et  mécanicien  allemand  ,  naquit  à 
Hernhut  en  1745  d'une  famille  morave , 
et  s'établît  à Neuwied.  Sa  réputation  le  fit 
appeler  en  Russie  par  Catherine  II,  et  on 
voit  encore,  soit  au  palais  impérial  de 
Pétersbourg,  soit  à  la  maison  de  plaisance 
de  l'Ermitage,  plusieurs  meubles  et  pen- 
dules de  cet  artiste.  Par  une  invention 
particulière,  il  préparait  et  endurcissait 
les  bois  qu'il  employait  dans  ses  ouvra- 
ges, de  manière  qu'ils  duraient  un  grand 
nombre  d'années  ;  l'œil  le  plus  fin  ne 
pouvait  y  apercevoir  le  moindre  assem- 
blage ,  et  ils  étaient  d'un  poli  si  parfait , 
qu'ils  produisaient  le  même  effet  que  les 
glaces  les  plus  unies.  Son  che*'-i'œuvre 
d'après  le  rapport  de  M.  Castéra ,  est  un 
bureau  dont  Catherine  II  fit  présent  à 
l'académie  des  Sciences  de  Pétersbourg. 
En  l'ouvrant,  on  voit  d'abord  un  groupe 
en  bronze ,  qui ,  lorsqu'on  presse  légère- 
ment un  ressort,  disparaît,  et  une  superbe 
écritoire  le  remplace,  où  sont  incrustées 
des  pierres  précieuses.  Le  dessus  de  l'é- 
critoire  est  destiné  à  renfermer  des  pa- 
piers ou  de  l'argent.  La  main  téméraire 
qui  voudrait  se  porter  en  cet  endroit  se 
trahirait  bientôt  elle-même  ;  car ,  au 
moindre  mouvement ,  un  orgue  caché 
sous  le  pupitre  fait  entendre  une  musi- 
que douce  et  plaintive,  qui  décèle  l'agres- 
seur. Par  le  moyen  d'une  planche  qui 
sort  en  haut,  on  peut  changer  la  table  à 
écrire  en  un  pupitre  fort  élégant  et  très 
commode  pour  lire.  L'artiste  ne  deman- 
dait pour  ce  meuble  précieux  que  20,000 
roubles  ;  l'impératrice  y  ajouta  un  pré- 
sent de  5,000  roubles.  Roentgen  amassa 
beaucoup  de  fortune,  et  revint  à  Neuwied 
oii  il  mourut  en  1807,  et  non  en  1 805,  à 
Pétersbourg ,  comme  le  dit  le  Dictionnai- 
re de  Prudlwmme  ;  ou  en  1796,  comme  on 
le  voit  dans  la  7''  édition  de  Feller.  Plu» 
58. 


458  ROG 

sieurs  seigneurs  possèdent  à  Pétersbourg 
diffërens  ouvrages  de  cet  artiste. 

B.OGAT  (Rogatus),  évêque  donatiste 
dVifrique,  se  fit  chef  d?un  nouveau  parti 
dans  la  Mauritanie  césarienne,  aujour- 
d'hui le  royaume  d'Alger,  vers  l'an  372. 
Il  donna  à  ceux  qui  le  suivirent  le  nom 
de  Rogatistes.  Ils  étaient  autant  opposés 
aux  autres  donatistes  qu'aux  catholiques  ; 
et  les  donatistes  n'avaient  pas  moins  de 
haine  contre  eux  que  contre  les  catholi- 
ques même.  Ils  les  firent  persécuter  par 
Firmus  Maurus,  roi  de  Mauritanie.  L'évê- 
que  de  Césarée  ,  qui  était  rogatiste ,  lui 
livra  lui-même  sa  ville.  On  a  accusé  Rogat 
d'avoir  suivi  les  sentimens  particuliers  de 
Dohat  de  Carthage ,  touchant  l'inégalité 
des  trois  personnes  divines.  Sa  secte  dura 
quelque  temps  en  Afrique ,  et  il  eut  pour 
successeur  Vincent  Victor. 

ROGER  II,  comte  et  premier  roi  de 
Sicile,  né  l'an  1 097,  était  fils  de  Roger  dit 
le  grand  Comte,  conquérant  de  la  Sicile, 
et  neveu  du  fameux  Roger  Guiscard, 
petit-fils  de  Tancrède  de  Hauteville  en 
Normandie.  Le  comte  Roger  son  père  le 
laissa  en  mourant  sous  la  tutelle  d'Adé- 
laïde sa  mère.  Dès  que  ce  prince  fut  en 
âge  de  gouverner  ses  états ,  il  ne  songea 
plus  qu'à  étendre  les  bornes  du  comté  de 
Sicile,  dont  il  avait  hérité  de  son  père.  Il 
s'empara  de  la  Fouille ,  après  la  mort  du 
duc  Guillaume  son  oncle.  Le  pape  Hono- 
rius  II,  effrayé  de  ses  progrès,  tenta  de 
l'arrêter  :  Roger  dissipa  les  troupes  qu'on 
lui  opposait ,  contraignit  le  pape  à  lui 
donner  l'investiture  de  la  Fouille,  de  la 
Calabre  et  de  Naples ,  et  obligea  Robert , 
comte  de  Padoue ,  de  se  reconnaître  son 
vassal.  L'an  1 130,  il  embrassa  le  parti  de 
l'antipape  Anaclet  ;  et  celui-ci ,  en  recon- 
naissance ,  lui  accorda  le  titre  de  roi  de 
Sicile ,  avec  la  suzeraineté  sur  la  princi- 
pauté de  Capoue  et  du  duché  de  Naples. 
Les  princes  ses  voisins  appelèrent  à  leur 
secours  l'empereur  Lothaire ,  qui  enleva 
à  ce  nouveau  roi  une  partie  de  ses  con- 
quêtes ;  mais  «  peine  eut-il  repris  le  che- 
min de  l'Allemagne,  que  Roger  s'en  res- 
saisit avec  la  même  facilité  qu'elles  lui 
avaient  été  ôlées.  Il  fit  prisonnier  Inno- 
cent II  avec  toute  sa  suite,  et  ce  pape 


ROG 

n'obtint  sa  liberté  qu'en  accerdant  au  roi 
et  à  ses  descendans  le  royaume  de  Sicile , 
le  duché  de  la  Fouille,  et  la  principauté 
de  Capoue ,  comme  fiefs-liges  du  saint- 
Siége.  L'an  1 1 46,  il  tourna  ses  armes  con- 
tre Manuel,  empereur  des  Grecs,  prit 
Corfou,  pilla  Céphalonie ,  Négrepont, 
Corinthe,  Athènes,  s'avança  jusqu'aux  fau- 
bourgs de  Constantinopl e,  et  revi nt chargé 
d'un  immense  butin.  Ces  expéditions  fu- 
rent suivies  de  la  prise  de  Tripoli  et  d'au- 
tres places  sur  les  côtes  d'Afrique ,  et  de 
la  défaite  d'une  partie  de  la  flotte  de 
l'empereur  grec.  Enfin,  après  avoir  assuré 
la  paix  dans  ses  étas,  s'être  fait  respecter 
de  ses  sujets  et  craindre  de  ses  ennemis, 
ce  prince  illustre  mourut  l'an  1154,  âgé 
de  67  ans.  Il  avait  fait  graver  ce  vers  sur 
son  épée  : 

Apulus  et  Calaber,  SiculuB  mihi  sertit  et  Afer. 

*  ROGER-DUCOS  (  N. ,  le  comte  )  , 
sénateur  du  règne  de  Ruonaparte,  naquit 
près  de  Bordeaux  en  17 60.  Il  était  avocat, 
lorsque  le  département  des  Landes  le  dé- 
puta à  la  Convention.  Il  s'y  montra  l'un 
des  ennemis  les  plus  acharnés  de  Louis 
XVI,  et,  à  l'époque  de  son  procès,  il  vola 
pour  la  mort.  Peu  après  il  fut  envoyé 
dans  la  Belgique  en  qualité  de  commis- 
saire :  ce  voyage  ne  fit  qu'exaspérer  en- 
core ses  sentimens  ,  et  à  son  tetour  il  se 
prononça  contre  les  Girondins  :  en  même 
temps  il  présida  le  club  des  jacobins. 
Après  la  session  ,  il  entra  au  conseil  des 
anciens  ,  et  vota  contre  l'admission  de 
Job  Aymé  ;  ■  il  défendit  la  loi  du  3  bru- 
maire ,  qui  excluait  les  parens  d'émigrés 
du  corps  législatif ,  et  présida  plusieurs 
fois  ce  conseil,  dont  il  occupait  le  fauteuil 
le  18  fructidor  an  5  (  1797  )  ;  il  l'assem- 
bla en  minorité  à  l'école  de  médecine  , 
et  décréta  la  déportation  d'une  partie  de 
ses  collègues.  Peu  de  temps  après,  étant 
sorti  de  ce  corps  ,  il  y  fut  réélu  par  l'as- 
semblée électorale  de  Paris  ;  mais  sa  no- 
mination fut  aussitôt  annulée  ,  et  il  se 
retira  dans  son  département,  où  il  obtint 
la  place  de  juge  de  paix,  qu'il  exerçait 
lorsqu'il  fut  nommé  membre  du  directoire 
dans  la  séance  du  19  juin  1799.  Le  jour 
du  18  brumaire,  il  entra  dans  la  salle  du 
directoire,  où  se  trouvaient  réunis  Bar- 


-  ROG 

I  '  ras  ,  Gohier  et  Moulin  ,  auprès  desquels 
il  s'informa  si  les  bruits  qu'on  répandait 
avaient  quelque  fondement.  Ne  pouvant 
recevoir  de  réponse  positive,  il  se  rendit 
à  la  salle  des  inspecteurs  du  conseil  des 
anciens  ,  oii  il  trouva  Sieyes  et  Buona- 
parte.  Il  est  à  croire  que  Roger- Ducos 
avait  adhéré  d'avance  à  cette  révolution, 
quoiqu'il  eût  feint  d'en  ignorer  le  véri- 
table but ,  puisque  aussitôt  qu'il  parut 
dans  la  salle  des  inspecteurs  ,  il  reçut  le 
titre  de  troisième  consul.  Il  ne  fit  rien  de 
remarquable  dans  cette  place ,  et  passa 
ensuite  au  sénat  conservateur  ,  dont  il 
devint ,  après  Sieyes  ,  le  second  prési- 
dent. En  1804,  on  lui  donna  la  sénatore- 
rie  d'Orléans  ,  a,vec  le  titre  de  grand-of- 
ficier de  la  légion  d'honneur.  Il  fut 
nommé  ensuite  grand'croix  de  la  légion- 
d'honneur.  En  1814,  il  vota,  le  1"  avril, 
la  création  d'un  gouvernement  provisoire 
et  l'expulsion  de  Buonaparte  ;  il  resta 
cependant  sans  emploi.  Après  le  débar- 
quement de  N'apoléon  à  Cannes  ,  il  se 
rangea  de  son  parti,  et  fut,  le 2  juin  1815, 
nommé  à  la  chambre  des  pairs.  Il  fut  exilé 
par  l'ordonnance  du  12  janvier  1816,  et 
s'était  retiré  près  d'Ulm.  Dans  le  mois  de 
mars  1816,  il  fut  tué  près  de  cette  ville, 
en  se  précipitant  en  bas  de  sa  voiture  au 
moment  où  elle  versait.  Roger-Ducos  ne 
manquait  pas  de  talens  ,  et  surtout  de 
dissimulation  et  d'adresse.  C'est  par  ces 
derniers  moyens  qu'il  surpassa  plusieurs 
de  ses  collègues ,  qui  croyaient  le  diriger 
en  se  fiant  à  son  apparente  bonhomie. 

*  ROGER  (Michel  ),  dit  Loiseau,  né  à 
Toulen  1770,  émigra  au  commencement 
de  la  révolution,  et  servit  d'abord  dans 
l'armée  des  princes ,  ensuite  dans  l'armée 
autrichienne.  Il  se  rendit  dans  la  Vendée, 
et  George  Cadoudal  lui  donna  le  com- 
mandement de  sa  cavalerie.  Après  la 
pacification  ,  il  retourna  en  Angleterre  ; 
mais  peu  de  temps  après  il  revint  en 
France ,  et  ne  fut  pas  étranger ,  dit-on,  à 
l'affaire  de  la  machine  infernale  dirigée 
contre  le  premier  consul.  Il  s'enfuit  alors 
en  Bretagne  ;  il  se  disposait  même  à  pas- 
ser en  Amérique ,  lorsque  Cadoudal  l'en- 
gagea à  rester  à  Londres,  et  le  ramena 
avec  lui  en  France  en  1804.  Il  y  fut  ar- 


ROG  459 

rêté ,  mis  en  jugement,  condamné  à  mort 
et  exécuté  le  24  juin  de  la  même  ïnnée  à 
l'âge  de  33  ans. 

ROGER.  Ployez  Schabol. 

*  ROGERS  (Jean),  ministre  anglican, 
et  docteur  en  théologie,  naquit  en  1679 
à  Ensham,  dans  le  comté  d'Oxford  ,  et  fit 
ses  études  au  collège  de  Corpus  Christi, 
dont  il  devint  agrégé.  Il  prit  part  à  la 
controverse  de  Bangor  contre  Hoadly, 
fut  vicaire  de  Saint-Gilles,  à  Crippelegate, 
devint  ensuite  chanoine  et  sous-doyen 
de  Wells,  et  enfin  chapelain  du  prince  de 
Galles.  On  a  de  lui  :  1°  Défense  de  l'e'ta- 
blissement  civil  de  la  religion ,  contre 
l'Examen  des  prophéties  littérales  de  Col- 
lins  (voyez  ce  nom);  2°  La  nécessité d^ une 
révélation  divine  ,  et  la  vérité  de  la  reli- 
gion chrétienne  démontrée  ;  3°  Discours 
sur  r Eglise  visible  et  invisible  du  Christ, 
dans  lequel  on  montre  que  les  pouvoirs  que 
réclament  les  ministres  de  T Eglise  visible 
ne  sont  incompatibles  ni  avec  la  supré' 
matie  du  Christ  comme  chef,  ni  avec  les 
droits  et  la  liberté  des  chrétiens  comme 
membres  de  l'Eglise  invisible ,  1719, 
ia-8.  Cet  ouvrage  acquit,  dit-on,  une 
grande  réputation  à  son  auteur.  4°  Des 
Sermons,  4  vol.,  qui  ne  furent  imprimés 
qu'après  la  mort  de  Rogers,  arrivée  le  1*'' 
mai  1729. 

*  ROGET  DK  BKLtOQUET  (  le  baron 
Mansuy-Dominique  )  ,  lieutenant-géné- 
ral ,  né  le  20  octobre  1760  ,  embrassa  la 
carrière  militaire  à  l'âge  de  1 7  ans.  La 
révolution  favorisa  son  avancement  :  il 
fut  en  effet  nommé  adjudant-général  le  , 
15  janvier  1795,  général  de  brigade  le 

7  mai  1799,  et  général  de  division  le  30 
décembre  1806.  Il  avait  servi  dans  les 
dragons  depuis  1777  jusqu'en  1793;  il 
fit  ensuite  toutes  les  campagnes  de  la  ré- 
publique et  de  l'empire  ,  et  prit  en  1808 
le  commandement  de  la  3*  division  mili- 
taire (Metz).  Il  occupa  ce  poste  jusqu'en 
1814  ,  époque  où  il  fut  mis  à  la  retraite, 
comptant  plus  de  40  ans  de  service.  Il 
est  mort  près  de  Sarguemines  dans  le 
département  de  la  Moselle  à  l'âge  de 
.yoixante-douze  ans.  Il  était  comman- 
deur de  la  légion-d'honneur  depuis  I9 
création  en  1804- 


46o  ROR 

ROHAN  (Anne  «^Catherine  de.)  Voyez 
Pahthbnay, 

ROHAN  (Pierre  de  ),  chevalier  de  Gié 
et  maréchal  de  France  ,  pics  connu  sous 
e  nom  de  maréàhal  de  Gié^  était  fils  de 
Louis  de  Rohan,  d'une  des  plm  anciennes 
et  des  plus  illustres  maisons  duroyaume, 
originaire  de  Bretagne.  Louis  XI  récom- 
pensa sa  valeur  par  le  bâton  de  maréchal 
de  France,  en  1475  ;  il  fut  un  des  quatre 
seigneurs  qui  gouvernèrent  Tétatpendant 
la  maladie  de  ce  prince  à  Chinon,  en 
1484.  Deux  ans  après,  il  s'opposa  aux  en- 
treprises de  l'archiduc  d'Autriche  sur  la 
Picardie.  Il  commanda  l'avant-garde  à  la 
bataille  de  Fornoue,  en  1495  ,  où  il  se 
signala.  Sa  faveur  se  soutint  sous  Louis 
XII ,  qui  le  fit  chef  de  son  conseil ,  et  gé- 
néral de  son  armée  en  Italie.  Mais  ayant 
encouru  la  disgrâce  de  la  reine  Anne  de 
Bretagne,  il  fut  exilé  de  la  cour  et  privé 
des  fonctions  de  sa  chargé  pendant  5  ans. 
Il  mourut  en  1513,  entièrement  désabusé 
des  grands  et  de  la  grandeur. 

ROHAN  (  Henri ,  duc  de  ) ,  pair  de 
France ,  prince  de  Léon ,  naquit  au  châ- 
teau de  Blein,  en  Bretagne,  l'an  1579, 
de  René  II,  vicomte  de  Rohan.  Henri 
IV ,  sous  les  yeux  duquel  il  donna  des 
marques  distinguées  de  bravoure  au 
siège  d'Amiens ,  à  l'âge  de  16  ans  ,  l'aima 
avec  tendresse.  Après  la  mort  de  ce  mo- 
narque, il  devint  chef  des  calvinistes  en 
France  ,  et  chef  aussi  redoutable  par  son 
génie  que  par  son  épée.  Il  soutint,  au 
nom  de  ce  parti ,  trois  guerres  contre 
Louis  XIII.  La  première  s'alluma  lorsque 
ce  prince  voulut  rétablir  la  religion  ca- 
tholique daus  le  Béarn  ;  la  deuxième  à 
l'occasion  du  blocus  que  l'armée  royale 
mit  devant  La  Rochelle  ;  et  la  troisième , 
lorsque  cette  place  fut  assiégée  pour  la 
seconde  fois.  (  Voyez  les  articles  de  Louis 
XIII  et  de  Plkssis  Richelieu  ).  Le  duc  de 
Rohan  s'apercevant ,  après  la  prise  de 
cette  place,  que  les  villes  de  son  parti 
cherchaient  à  faire  des  accommodemens 
avec  la  cour ,  réussit  à  leur  procurer 
une  paix  générale  en  1629,  à  des  condi- 
tions plus  avantageuses.  Le  seul  sacrifice 
un  peu  considérable  que  les  huguenots 
furent  obligés  de  faire,  fut  celai  de  leurs 


ROH 

fortifications  ;  ce  qui  les  mit  hors  d'état 
de  recommencer  la  guerre.  Celte  paix 
ayant  éteint  le  feu  de  la  guerre  civile, 
le  duc  de  Rohan ,  inutile  à  son  parti ,  et 
désagréable  à  la  cour,  se  retira  à  Venise. 
Cette  république  le  choisit  pour  son  gé- 
néralissime contre  les  impériaux.  Louis 
XIII  l'enleva  aux  Vénitiens  pour  l'en- 
voyer ambassadeur  en  Suisse  et  chez  les 
Grisons.  Sous  prétexte  d'aider  ces  peu- 
ples à  soumettre  les  habitans  de  la  Valte- 
line  ,  protégés  par  les  Espagnols  et  les 
Impériaux ,  Rohan  espérait  de  s'y  former 
un  petit  état  ;  mais  ce  chimérique  espoir 
ayant  été  déjoué ,  il  se  retira  à  Genève , 
d'oii  il  alla  rejoindre  le  duc  de  Saxe- 
Weimar.  S'étant  mis  à  la  tête  du  régi- 
ment de  Nassau,  il  enfonça  les  ennemis  ; 
mais  il  fut  blessé  le  28  février  1638  ,  et 
mourut  de  ses  blessures ,  le  1 3  avril  sui- 
vant ,  dans  sa  59*  année.  U  fut  enterré 
le  27  mai  dans  l'église  de  Saint-Pierre  k 
Genève. — Sa  femme,  Marguerite  de  Bé- 
thune ,  fille  de  Sully,  qu'il  avait  épousée 
en  1605  (  et  dont  il  ne  laissa  qu'une 
fille  mariée  à  Henri  Chabot ,  qui  prit  le 
nom  de  Rohan  ) ,  était  protestante  comme 
lui ,  et  se  rendit  fameuse  par  son  cou- 
rage ,  quoique  mal  employé  :  elle  défen- 
dit Castres  contre  le  maréchal  de  Thé- 
mines,  en  1625,  et  partagea  les  fatigues 
d'un  époux  dont  elle  captiva  tous  les 
sentimens.  Elle  mourut  à  Paris ,  le  22 
octobre  1660.  Le  duc  de  Rohan  fut  un 
des  plus  grands  capitaines  de  son  siècle; 
mais  son  esprit  exalté  et  romanesque, 
joint  au  fanatisme  de  secte ,  rendit  ses 
talens  militaires  inutiles  ou  dangereux. 
Il  avait  eu  dessein  d'acheter  l'île  de 
Chypre,  pour  y  introduire  les  familles 
protestantes  de  France  et  d'Allemagne. 
Le  grand-seigneur  devait  la  lui  céder 
moyennant  200,000  écus ,  et  un  tribut 
annuel  de  60,000  livres;  mais  la  mort 
du  patriarche  Cyrille ,  favorable  aux  pro- 
testans,  auquel  il  avait  confié  cette  af- 
faire, la  fit  échouer.  Nous  avons  de  lui 
plusieurs  ouvrages  :  1  "  Les  intérêts  des 
princes,  livre  imprimé  à  Cologne,  en 
1666,  in-12,  dans  lequel  il  apprécie  à 
sa  manière  les  intérêts  publics  de  toutes 
les  cours  de  l'Europe;  2°  Le  parfait  ca- 


ROH 

pitaine  ,  ou  V Abrège  des  guerres  des 
Commentaires  de  César,  in-ï2  :  il  fait 
voir  que  la  tactique  des  anciens  peut 
fournir  beaucoup  de  lumières  pour  celle 
des  modernes  ;  3°  un  Traité  de  la  cor- 
ruption de  la  milice  ancienne;  4°  un 
Traité  du  gouvernement  des  13  Can~ 
tons;  5°  des  Mémoires,  dont  les  plus 
amples  éditions  sont  en  deux  vol.  in-12. 
Ils  contiennent  ce  qui  s'est  passé  en 
France  depuis  1612  jusqu'en  1629.  On 
pense  bien  que  tout  y  prend  le  ton  de 
son  âme  aigrie  et  vindicative.  6°  Re- 
cueil de  quelques  Discours  politiques 
sur  les  affaires  d'état ,  depuis  1612  jus- 
qu'en 1629,  in-8  ,  Paris,  1644-1693- 
1 755  ,  avec  les  Mémoires  et  Lettres  de 
Henri,  duc  de  Rohan  ,  sur  la  guerre 
de  la  Falteline,  3  vol.  iu-1 2,  Genève 
(  Paris  ),  1757.  C'est  la  première  édition 
qu'on  ait  donnée  de  ces  Mémoires.  M.  le 
baron  de  Zurlauben  les  a  tirés  de  diffé- 
rens  manuscrits  authentiques.  Il  a  orné 
cette  édition  de  notes  géographiques , 
historiques  et  généalogiques,  et  d'une 
Préface ,  qui  contient  une  Vie  abrégée 
du  duc  de  Rohan.  Nous  avons  la  J^ie  du 
même  duc,  composée  par  l'abbé  Pérau, 
continuateur  de  d'Auvigny.  Elle  occupe 
les  tom.  21  et  22  de  l'Histoire  des  hom- 
mes illustres  de  France. 

ROHAN  (  Benjamin  de  ) ,  seigneur  de 
Soubise ,  frère  du  précédent ,  porta  les 
armes  en  Hollande  sous  le  prince  Mau- 
rice de  Nassau ,  et  soutint  le  siège  de 
Saint-Jean -d'Angely ,  1621 ,  contre  l'ar- 
mée que  Louis  XIII  commandait  en  per- 
sonne. Cette  place  se  rendit.  Rohan  pro- 
mit d'être  fidèle,  et  il  reprit  les  armes 
six  mois  après.  Il  s'empara  de  tout  leBas- 
iPoitou  en  1622,  et,  après  différens  suc- 
cès ,  il  fut  chassé ,  en  1626  ,  de  l'île  de 
Ré ,  dont  il  s'était  emparé ,  ensuite  de 
celle  d'Oléron  ,  et  fut  contraint  de  se  re- 
tirer en  Angleterre.  Il  négocia  avec  cha- 
leur ,  pour  obtenir  des  secours  aux  Ro- 
chelois;  et  ,  lorsque  ,  malgré  ces  se- 
cours ,  cette  ville  eut  été  soumise,  il  ne 
voulut  pas  revenir  en  France.  Il  se  fixa 
en  Angleterre  ,  oii  il  mourut  sans  posté- 
rité en  1641. 

ROHAN  (  Marie-Eléonore  de),  fille 


ROH  46i 

de  Hercule  et  de  Rohan-Guémenée ,  duc 
de  Montbazon  ,  prit  l'habit  de  religieuse 
de  l'ordre  de  Saint-Benoît ,  dans  le  cou- 
vent de  Montargis,  en  1645.  Elle  devint 
ensuite  abbesse  de  la  Trinité  de  Caen , 
puis  de  Malnoue ,  près  de  Paris.  Les  reli- 
gieuses du  monastère  de  Saint-Joseph , 
à  Paris,  ayant  adopté,  en  1669,  l'office 
et  la  règle  de  Saint-Benoit ,  madame  de 
Rohan  se  chargea  de  la  conduite  de  cette 
maison.  Elle  y  donna  des  Constitutions, 
qui  sont  un  excellent  Commentaire  de  la 
règle  de  Saint-Benoît.  Cette  illustre  ab- 
besse mourut  dans  ce  monastère  en  1 6  8 1 , 
à  53  ans.  La  religion ,  la  droite  raison  , 
la  douceur ,  formaient  son  caractère.  On 
a  d'elle  quelques  ouvrages  estimables. 
Les  principaux  sont  :  1°  la  Morale  du 
Sage,  in-12;  c'est  une  paraphrase  des 
Proverbes ,  de  l'Ecclésiastique  et  de  la 
Sagesse  ;  2°  Paraphrase  des  Psaumes  de 
la  pénitence  ,  imprimée  plusieurs  fois 
avec  l'ouvrage  précédent  ;  3°  plusieurs 
Exiwrtations  aux  vêtures  et  aux  profes- 
sions des  filles  qu'elle  recevait  ;  4°  des 
Portraits  écrits  avec  assez  de  délicatesse. 
ROHAN  (  Armand-Gaston  de  ) ,  né  en 
1674  ,  docteur  de  Sorbonne,  évêque  de 
Strasbourg ,  obtint  le  chapeau  de  car- 
dinal en  1712.  Il  fut  ensuite  grand-au- 
mônier de  France  en  1 7 1 3  ,  commandeur 
de  l'ordre  du  Saint-Esprit,  et  proviseur 
de  Sorbonne.  Il  eut  part  à  toutes  les  af- 
faires ecclésiastiques  de  son  temps ,  et 
fit  paraître  beaucoup  de  zèle  pour  l'u- 
nion de  l'Eglise  et  la  soumission  à  ses 
jugemens.  L'académie  française  et  celle 
des  Sciences  se  l'associèrent ,  et  le  per- 
dirent en  1749.  C'était  un  prélat  ma- 
gnifique ,  et  il  ne  se  signala  pas  moins 
par  sa  générosité  que  par  la  douceur  de 
son  caractère ,  par  son  affabilité ,  et  par 
les  autres  qualités  qui  rendent  les  hommes 
aimables  dans  la  société.  On  a  sous  son 
nom  des  Lettres  ,  des  Mandemens ,  des 
Instructions  pastorales ,  et  le  Rituel  de 
Strasbourg. — Armand  de  Rohan  ,  son 
petit-neveu,  né  en  1717  ,  connu  sous  le 
nom  d'abbé  de  Ventadour  et  de  cardinal 
Soubise ,  fut  prieur  et  docteur  de  Sor- 
bonne ,  recteur  de  l'université  de  Paris, 
évêque  de  Strasbourg ,  abbé  de  la  Chaise* 


46ft 


ROH 


Dieu  ,  grand-aumônier  de  France ,  car- 
dinal ,  commandeur  des  ordres  du  roi , 
et  l'un  des  quarante  de  l'académie  fran- 
çaise. Il  mourut  à  Saverne,  en  1756, 
après  s'être  distingué  par  sa  charité ,  son 
zèle ,  des  mœurs  douces  et  pures.  Il  avait 
fait  d'excellentes  études  en  Sorbonne , 
et  profité  de  ses  lumières  pour  sa  con- 
duite personnelle  et  celle  de  ses  ouailles. 
Il  marquait  la  plus  grande  considération 
aux  ecclésiastiques  qui  remplissaient  leur 
devoir,  et  c'est  ce  qui  n'a  pas  peu  con- 
tribué à  multiplier  les  bons  pasteurs  dans 
son  diocèse. — Armand  Jules  de  Rohan  , 
cousin  du  cardinal  Armand-Gaston,  né  en 
1695,  fut  nommé  archevêque  de  Rheims 
en  1722,  sacra  Louis  XY  le  25  octobre 
de  la  même  année  ,  reçut  le  chapeau  de 
cardinal,  et  mourut  en  1762. — Louis- 
Constantin  de  Rohan,  frère  du  précédent, 
fut  d'abord  chevalier  de  Malte ,  puis  ca- 
pitaine de  vaisseau  (1720).  Ayant  em- 
brassé l'état  ecclésiastique ,  il  devint  au- 
mônier du  roi ,  évêque  de  Strasbourg  et 
cardiaal  (1761).  Il  mourut  à  Paris  en 
1779. 

ROHAN  (  Marie  de  ) ,  duchesse  de 
Chevreuse.  Foyez  Chevreuse. 

ROHAN  (  Le  chevalier  Louis  de  ). 
Voyez  Truaumont. 

*  ROHAN  (N...  le  prince  de),  général 
et  pair  de  France,  suivit  d'abord  le  parti 
de  la  révolution  et  devint  aide-de-camp 
de  La  Fayette.  Mais  bientôt  il  reconnut 
son  erreur  :  les  projets  des  fougueux  dé- 
magogues lui  furent  révélés.  Dès  lors  il 
mit  de  côté  tous  ses  plans  de  réforme 
politique,  ne  songea  qu'au  salut  de  la 
monarchie  et  à  la  conservation  des  jours 
du  monarque  auquel  il  n'avait  pas  cessé 
de  rester  attaché.  Revenu  donc  à  ses  pre- 
miers principes,  on  le  vit,  le  10  août 
1792,  voler  auprès  de  Louis  XVI,  se  ren- 
dre avec  lui  à  l'assemblée,  et  demeurer 
en  faction  à  sa  porte  le  1 1  et  le  1 2  jus- 
qu'à ce  que  ce  malheureux  monarque  fut 
transféré  aux  prisons  du  Temple  avec  sa 
famille.  Si  sa  rétractation  de  principes 
révolutionnaires  l'avait  déjà  signalé  com- 
me suspect  aux  innovateurs ,  son  atta- 
chement pour  son  roi  ne  pouvait  échap- 
per à  leur  vengeance.  Arrêté  sans  motif 


ROH 

plausible ,  il  fut  enfermé  à  l'Abbaye,  où 
il  fut  massacré  dans  l'affreuse  journée 
du  2  septembre  suivant,  21  jours  après 
l'arrestation  du  roi. 

*  ROHAN -GuÉMKNÉ  (  Louis -René- 
Edouard,  prince  de),  cardinal-évêque 
de  Strasbourg ,  naquit  le  27  septembre 
1734,  et  fut  d'abord  connu  sous  le  nom 
de  prince  Louis.  Destiné  par  sa  famille  à 
l'état  ecclésiastique,  il  devint  en  1760 
coadjuteur  de  son  oncle,  Louis-Constan- 
tin de  Rohan ,  évêque  de  Strasbourg,  et 
reçut  dans  la  même  année  le  titre  d'évè- 
que  de  Canope  inpartibus.  Sa  naissance, 
ses  talens,  une  belle  figure,  un  esprit  fa- 
cile et  des  manières  aimables,  le  firent 
réussir  à  la  cour.  Nommé  ambassadeur  à 
Vienne,  il  fut  froidement  accueilli  par 
Marie-Thérèse  ;  mais  il  crut  effacer  l'im- 
pression de  celte  défaveur  par  un  luxe 
extraordinaire  :  ce  vain  éclat,  pour  le 
soutien  duquel  il  contracta  des  dettes 
énormes,  ne  fit  point  changer  l'impéra- 
trice sur  son  compte  ;  elle  demanda  mê- 
me son  rappel  ;  toutefois  ce  ne  fut  qu'a- 
près la  mort  de  Louis  XV  que  Rohan  re- 
vint à  Paris.  Nommé  successivement 
grand-aumônier  de  France  ,  abbé  de 
Saint-Waast  (  bénéfice  qui  rapportait 
1,  600,000  fr.  de  revenu  ),  proviseur  de 
Sorbonne  et  administrateur  de  l'hôpital 
des  Quinze-Vingts,  il  obtint  à  la  même 
époque  sur  la  demande  du  roi  de  Pologne, 
Stanislas  Poniatowski,  le  chapeau  de 
cardinal.  Le  prince  de  Rohan  eut  le  mal- 
heur de  figurer  dans  la  scandaleuse  af- 
faire du  collier,  qui  compromit,  quoique 
momentanément ,  sa  réputation.  Le  jour 
de  la  fête  delà  reine,  le  15  août  1785, 
cette  princesse  vit  se  présenter  chez  elle 
deux  joailliers,- qui  lui  demandèrent 
1 6,000,000  livres,  prix ,  disaient-ils ,  con- 
venu avec  elle  pour  un  collier  de  diamans 
qui  avait  dû  lui  être  remis  par  une  dame 
de  la  Motte.  Marie-Antoinette ,  justement 
surprise  de  celte  demande ,  assura  non- 
lement  n'avoir  pas  vu  ce  collier,  mais 
n'avoir  jamais  songé  à  en  faire  l'acquisi- 
tion. (  ^oyes  Marie-Antoinette.  )  S.  M. 
alla  aussitôt  porter  ses  plaintes  au  roi ,  et 
lui  demander  justice  surl'abusqu'on  fai- 
sait de  son  nom  dans  une  circonstance 


ROH 

aussi  délicate.  Louis  XVI,  d'après  l'avis 
du  garde  des  sceaux  et  de  M.  de  Breteuil, 
Ordonna  d'arrêter  le  cardinal,  qui  se 
tqpivait  alors  à  Versailles  exerçant  sa 
charge  de  grand-aumônier.  La  reine 
obtint  qu'elle  pût  l'interroger  aupara- 
vant, et  l'ayant  admis  en  sa  présence  : 
«  Avouez,  lui  dit-elle,  si  ce  n'est  pas, 
V  depuis  quatre  ans ,  la  première  fois  que 
»  je  vous  parle,  w  Le  cardinal  répondit 
affirmativement,  et  convint  qu'il  avait 
été  trompé  par  une  intrigante  appelée  la 
Motte.  En  sortant  du  cabinet  du  roi ,  il 
fut  arrêté  et  conduit  à  la  Bastille.  Le  pu- 
blic, ou  plutôt  les  malveillans,  ayant 
appris  cette  détention ,  répandirent  aus- 
sitôt que  le  cardinal  avait  adressé  à  l'em- 
pereur (  Joseph  II  )  K^s  moyens  de  faire 
une  invasion  subite  en  Lorraine  ;  mais 
cette  fausse  alarme  ne  fut  pas  de  longue 
durée ,  et  le  public  ne  tarda  pas  à  se  dé- 
tromper. Le  roi  fit  dire  au  cardinal  qu'il 
prononçât  lui-même  son  sort  :  celui-ci 
demanda  à  être  jugé  par  le  parlement. 
La  femme  la  Motte  fut  également  arrê- 
tée :  elle  prenait  le  surnom  de  Falois,  et 
prétendait  descendre  d'un  fils  naturel  de 
Henri  II.  On  la  confronta  avec  le  cardi- 
nal de  Rohan  ;  et,  dans  les  interrogatoires 
qu'on  lui  fit  subir,  elle  avoua  n'avoir  ja- 
mais été  présentée  à  la  reine.  Voilà  ce 
qu'on  put  tirer  de  positif  du  fait  dont 
on  l'accusait  :  elle  avait  séduit  une  fem- 
me nommée  d'Oliva ,  qui  avait  quel- 
que ressemblance  avec  la  reine,  et  qui, 
d'après  ses  instigations,  en  avait  joué  le 
personnage  en  paraissant  à  minuit  dans 
le  parc  de  Versailles.  Là,  cette  même  d'O- 
liva avait  fait  appeler  le  cardinal ,  auquel 
elle  aurait  donné  la  commission  de  lui 
procurer  le  collier.  On  prouva  que  le 
mari  de  la  femme  la  Motte  était  subite- 
ment passé  de  l'indigence  à  un  luxe  ex- 
trême ,  et  qu'il  avait  vendu  à  Londres 
des  diamans  pour  des  sommes  considéra- 
bles. Le  parlement  déchargea  le  cardinal 
de  toute  accusation ,  mit  hors  de  cour  la 
d'Oliva,  et  condamna  la  femme  la  Motte 
à  la  marque  et  à  une  détention  perpé- 
tuelle à  la  Salpêtrière  :  son  mari  fut  en- 
voyé aux  galères.  Quoique  l'innocence 
du  cardinal  fût  prouvée  par  ce  jugement, 


ROH  463 

sa  présence  ne  pouvait  plus  être  agréable 
à  la  cour  ni  auprès  du  roi  et  de  la  reine, 
qui  dès  lors  se  trouva  en  butte  aux  traits 
envenimés  des  méchans.  Le  prélat  fut 
privé  de  sa  dignité  de  grand-aumônier 
et  de  sa  décoration  du  St. -Esprit.  Exilé 
dans  l'abbaye  de  la  Chaise  Dieu ,  en  Au- 
vergne ,  et  ensuite  à  son  évêché  de  Stras- 
bourg,  il  y  resta  jusqu'en  1789,  époque 
où  le  bailliage  de  Haguenau  et  de  Weis- 
sembourg  le  nomma  député  du  clergé  aux 
états-généraux ,  par  l'influeuce  des  chefs 
du  parti  populaire.  Il  n'accepta  pas  d'a- 
bord; mais,  l'assemblée  nationale  ayant 
fait  lever  son  exil,  il  parut  à  la  séance 
du  12  septembre,  et  l'assemblée  le  féli- 
cita sur  ses  travaux.  Les  intrigans  se  flat- 
taient qu'il  se  jetterait  dans  leur  parti 
par  un  esprit  de  vengeance  contre  la 
cour,  et  surtout  contre  la  reine  ;  sa  mo- 
dération déjoua  tous  leurs  projets,  et  ou 
ne  put  lui  reprocher  que  son  adhésion  à 
prêter  le  serment  civique,  comme  mem- 
bre du  clergé.  Depuis  ce  moment ,  il  s'é- 
loigna à  jamais  de  l'assemblée  et  se  retira 
à  sa  principauté ,  dans  la  partie  située 
sur  la  rive  droite  du  Rhin.  Il  y  accueillit 
tous  les  malheureux  qui  eurent  recours 
à  sa  bienfaisance,  et  répandit  ses  secours 
même  sur  ceux  dont  il  avait  à  se  plain- 
dre. Il  vécut  long-temps  tranquille  et 
oublié  dans  sa  retraite,  se  démit  de  son 
évêché  en  1801  ,  et  mourut  à  Ettenheim 
le  17  février  1802.  Il  avait  du  goût  pour 
les  plaisirs  ;  mais  il  ne  s'y  s'abandonna 
pas,  et  sut  respecter  sa  dignité  et  étendre 
ses  connaissances.  Son  abord  était  très 
prévenant ,  son  air  noble ,  sa  conver- 
sation spirituelle  et  animée  ;  il  parlait 
avec  grâce ,  même  avec  éloquence.  Un 
grand  nombre  d'ouvrages  ont  été  compo- 
sés sur  ce  prélat.  On  peut  consulter  les 
Mémoires  de  Besenvat,  ceux  de  Madame 
Campan^  et  ceux  de  Vabbt  Georgel  ;  on 
peut  Wx^V Histoire  du  li'"^  siècle  par 
Lacretelle  ;  on  a  le  Recueil  des  pièces 
concernant  la  fameuse  affaire  du  col- 
lier. 

*  ROHAN-CHABOT  (  Louis-François- 
AugustC  de),  duc  de  Rohan ,  prince  de 
Léon  ,  cardinal  du  titre  de  la  sainle  Tri- 
nité au  Mont-Pincius,  (titre  qu'avait  porté 


464  ROH 

l'abbé  Maurj),  archevêque  de  Besançon , 
naquit  à  Paris  le  29  février  1788  d'une 
des  plus  anciennes  familles  de  France.  Il 
eut  pour  père  Alexandre-Louis-Auguste 
de  Rohan-Chabot  :  sa  mère  était  une 
Montmorency.  La  révolution,  qui  éclata 
peu  après  sa  naissance,  obligea  ses  parens 
à  se  retirer  en  Angleterre.  Ils  rentrèrent 
de  bonne  heure  eu  France.  Quoique  élevé 
dans  une  époque  d'impiété  ,  le  jeune 
de  Rohan  eut  une  éducation  toute 
chrétienne,  que  dirigea  M.  Laperche; 
et ,  lorsque  le  soldat  heureux ,  qui 
gouverna  la  France  pendant  quelques 
années ,  appela  les  anciennes  famil- 
les autour  de  son  trône,  le  jeune  duc 
de  Rohan  ne  fut  point  oublié.  Après 
avoir  été  attaché  à  la  princesse  Borghèse, 
il  devint  successivement  chambellan  de 
la  reine  de  Naples  et  de  l'empereur.  Dans 
cette  cour ,  où  la  religion  n'était  guère 
en  honneur,  il  ne  craignit  pas  de  se 
montrer  franchement  pieux.  Il  alla  en 
1812  à  Fontainebleau  pour  y  recevoir  la 
bénédiction  de  Pie  VU  ,  alors  prisonnier 
de  Buonaparte.  Il  se  rendit  ensuite  en 
Italie  d'où  il  ne  revint  qu'en  1814.  Sous  la 
Restauration  il  entra  dans  lescompagnies 
rouges,  et,  quand  ce  corps  fut  dissous  peu 
de  temps  après,  il  obtint  le  grade  de  co- 
lonel. Le  duc  de  Rohan  était  un  des  plus 
élégansseigneurs'delacourdeLouisXVIII; 
il  en  était  aussi  l'un  des  plus  vertueux.  La 
perte  d'une  femme  chérie  (  M''*  de  Sé- 
rent  ),  enlevée  au  milieu  des  flammes  du 
foyer  domestique,  le  rapprocha  encore , 
s'il  était  possible,  de  la  religion  qui 
seule  lui  donna  les  consolations  que  dé- 
sirait son  âme  chrétienne.  A  l'époque 
des  Cent-jours  le  prince  de  Léon  (car 
M.  de  Rohan  avait  pris  depuis  la  res- 
tauration le  titre  des  aînés  de  sa  famille  ) 
suivit  le  duc  d'Angoulême  dans  le  Midi , 
puis  en  Espagne.  De  retour  en  France  , 
il  perdit  son  père,  le  duc  de  Rohan-Cha- 
bot ,  premier  gentilhomme  de  la  cham- 
bre (  8  février  1 8 1 6  )  ;  il  lui  succéda  dans 
son  titre  de  duc  et  de  pair.  Pressé  par 
sa  famille  de  contracter  de  nouveaux 
liens ,  et  même  par  le  roi  Louis  XVIH  qui 
lui  offrait  pour  épouse  une  princesse  de 
Saxe,  il  refusa  toutes  ces  offres  brillantes  : 


ROH 

il  sentait  en  lui  qu'il  avait  une  autre  car- 
rière à  fournir.  Il  se  voua  donc  au  service 
des  autels.  Le  Séminaire  de  St.-Sulpice  le 
compta  parmi  les  élèves  les  plus  assii^^s 
et  les  plus  pieux  (  29  mai  1819  ),  et,  au 
bout  du  temps  nécessaire  pour  l'accom- 
plissement des  études  théologiques,  il 
reçut  la  prêtrise  (  1""  juin  1822).  Nommé 
peu  après  grand  vicaire  de  Paris,  puis 
archevêque  d'Auch  (  1828  ),  il  fut  élevé 
au  siège  archiépiscopal  de  Besançon 
eu  1829.  Le  duc  de  Rohan  ne  quitta  son 
diocèse  que  pour  aller  à  la  chambre  des 
pairs  en  1 829  et  en  1 830.  Il  était  déjà  dé- 
coré du  Fallium ,  lorsqu'il  fut  promu 
au  cardinalat  dans  le  consistoire  du  5  juil- 
let 1830.  Il  se  trouvait  à  Paris  à  l'époque 
des  glorieuses  journées.  Obligé  de  pren-i 
dre  la  fuite,  il  fut  arrêté  et  maltraité  à 
Vaugirard.  Ce  n'est  qu'avec  peine  qu'il 
put  continuer  sa  route.  Il  se  rendit  d'a- 
bord à  Fribourg  ,  puis  à  Rome  où  il  resta 
jusqu'au  moment  où  le  choléra-morbus  , 
menaçant  d'envahir  son  diocèse  ,  il  for> 
ma  le  projet  de  venir  partager  les  dangers 
des  fidèles  confiés  à  ses  soins.  A  peine  ar- 
rivé à  Besançon ,  il  fut  pendant  trois 
jours  en  butte  aux  outrages  et  aux  insul- 
tes de  tout  genre  que  lui  distribuèrent 
quelques  jeunes  gens  du  juste-milieu  et 
de  la  république.  L'autorité,  silencieuse 
d'abord ,  fut  obligée  de  déployer  la  force 
armée  pour  mettre  fin  à  ce  désordre  qui 
faillit  avoir  les  suites  les  plus  fâcheuses. 
Le  cardinal  de  Rohan  ne  put  être  in- 
sensible aux  outrages  dont  il  avait  été 
accablé  ;  il  chercha  à  s'en  distraire  en 
visitant  quelques  institutions  pieuses  , 
les  hôpitaux  et  les  prisons.  Déjà  en  1829 
il  avait  parcouru  une  partie  de  son  dio- 
cèse ;  il  en  visita  alors  une  autre  partie. 
C'est  en  exerçant  son  saint  ministère  qu'il 
a  été  atteint  du  mal  qui  l'a  conduit  au 
tombeau  :  il  avait  voulu  terminer  la 
mission  de  Chenecey  (  village  près  de 
Besançon).  La  foule  était  trop  nombreuse 
pour  qu'il  pût  faire  entendre  sa  voix  dans 
la  petite  église  du  lieu  ;  malgré  la  cha- 
leur qu'il  ressentait,  il  eut  l'imprudence 
d'aller  au  dehors  et  d'adresser  un  dis- 
cours plein  d'une  pieuse  éloquence  à  la 
multitude  de  fidèles  qui  l'environnaient. 


ROH 

Un  frisson  le  saisit  ;  il  fut  le  prélude  d'un 
rhumatisme  aigu  qui  a  été  suivi  d'une 
fièvre  nerveuse.  Le  cardinal  de  Rohan, 
après  trois  semaines  de  souffrances ,  est 
mort  le  8  février  1833.  Tous  leshabitans 
de  Besançon  ,  même  les  plus  impies ,  ont 
admiré  la  lin  toute  chrétienne  de  ce 
vertueux  prélat  qui,  dans  les  momens  oii 
la  douleur  aurait  pu  lui  arracher  quel- 
ques accens  d'impatience  ,  montrait  le 
courage  sublime  du  chrétien  ;  et ,  lors- 
qu'il sentit  que  la  vie  allait  lui  échapper, 
il  se  prépara  à  cette  grande  terminaison 
de  nos  destinées  terrestres  par  la  prière  , 
la  résignation  et  l'humilité  :  Non ,  a  dit  à 
plusieurs  reprises  le  cardinal  duc  de 
Rohan,  non  ,  je  ne  suis  rien ,  rien,  moins' 
que  rien ,  non  moins  que  rien.  Dès  le 
6  du  mois  de  février ,  il  avait  convoqué 
son  clergé  autour  de  son  lit  de  mort,  et, 
après  avoir  reçu  les  derniers  sacremens 
avec  une  dévotion  dont  il  donna  tant  de 
preuves  ,  il  ût  la  plus  touchante  allocu- 
tion :  ce  furent  ses  adieux.  Le  duc  de 
Rohan  n'a  laissé  d'autres  écrits  que  ses 
Mandernens  et  ses  lettres  pastorales  ; 
pendant  sa  dernière  maladie  il  en  com- 
posa un  pour  le  carême  de  1833.  lia 
publié  eu  outre  aussi  un  livre  de  prières 
sous  le  titre  de  Manuel  qui  est  un  véri- 
table chef-d'œuvre  de  piété,  d'onction  et 
de  sagesse.  Il  a  été  répandu  avec  profu- 
sion après  sa  mort.  Le  duc  de  Rohan  a 
exercé  une  grande  influence  sur  le  dio- 
cèse de  Besançon  :  non  seulement  il 
édifiait  les  fidèles  par  sa  piété ,  et  les  at- 
tirait dans  la  maison  de  Dieu  par  la 
pompe  des  cérémonies,  mais,  lorsqu'ils 
étaient  ainsi  réunis,  il  les  touchait  encore 
par  l'onction  de  ses  discours.  Les  embel- 
lissemens  qu'il  a  faits  à  sa  cathédrale,  et 
ceux  qu'il  préparait  encore,  attestent  son 
goût  et  son  amour  pour  les  beaux-arts. 
Son  testament  n'est  pas  seulement  un 
œuvre  de  bienfaisance  ;  c'est  encore  un 
acte  religieux  :  la  fabrique  de  St. -Jean  , 
l'école  des  enfans  de  chœur ,  ses  succes- 
seurs ,  le  séminaire  ,  les  pauvres  ,  per- 
sonne n'a  été  oublié  dans  ses  legs  d'une 
munificence  presque  royale.  Quoi  qu'on 
en  ait  dit ,  le  cardinal  de  Rohan  resta 
étranger  à  la  politique  :  ce  n'est  pas 
XI. 


ROH 


465 


nous  qui  lui  ferions  un  crime  de  ses  re- 
grets pour  des  parens  exilés  :  il  avait  reçu 
trop  de  bienfaits  de  la  branche  aînée  des 
Bourbons  ;  il  lui  était  allié  par  tant  de 
nœuds  qu'il  y  eîkt  eu  de  sa  part  ingrati- 
tude à  ne  pas  répandre  des  larmes 
sur  leurs  malheurs  ,  et  ce  fut  dans  le 
sein  de  Dieu  seul  qu'il  cohfia  ses 
espérances  ou  ses  désirs.  Avant  tout  il 
prêchait  la  paix  et  l'ordre.  A  l'époque 
de  sa  mort  il  a  paru  une  Notice  nécro- 
logique sur  le  duc  de  Rohan  ,  Besançon , 
in-12  et  in-18  ;  elle  a  eu  plusieurs  édi- 
tions et  a  été  tirée  à  un  grand  nombre 
d'exemplaires.  Plus  tard  M.  le  Chanoine 
de  Marguerye  a  célébré  les  vertus  de  ce 
prélat  dans  un  Panégyrique  prononcé  à 
la  Cathédrale,  à  la  messe  de  quarantaine,  * 
Besançon  ,  1833,  in-8.  Enfin  VAmi  de  la 
Religion  du  12  février  1833  a  consacré 
un  article  à  la  mémoire  de  ce  cardinal, 
et  a  donné  une  Notice  plus  complète 
dans  son  n°J2103  (  18  mai  1833). 

'ROHAN-MONTBAZON  (C.-A.-C, 
prince  de  )  vice-amiral  des  armées  nava- 
les de  France,  naquit  à  Paris  en  1730. 
Il  entra  fort  jeune  au  service  dans  la  ma- 
rine ,  et ,  de  grade  en  grade,  il  parvint  à 
celui  de  vice-amiral.  Attaché  à  ses  an- 
ciens principes,  il  se  déclara  contre  la 
révolution,  et  fut  en  conséquence  privé  de 
son  emploi.  11  put  cependant  vivre  ignoré 
jusqu'au  régime  de  la  terreur ,  époque 
où  il  fut  arrêté  comme  suspect  et  renfer- 
mé dans  la  maison  des  Carmes.  Au  bout 
de  quelques  jours,  on  l'impliqua  dans  le 
complot  supposé  des  prisons,  et  il  fut 
traduit  devant  le  tribunal  révolution- 
naire ,*qui  le  condamna  à  la  mort  le  23 
juillet  1794.  Il  périt  quatre  jours  avant  le 
supplice  de  Robespierre ,  à  l'âge  de  64 
ans. 

•  ROHAN-ROCHEFORT  (  La  prin- 
cesse de  ) ,  née  à  Paris  en  1750,  fut  accu- 
sée d'avoir  tramé  une  conspiration  avec 
Bertrand  de  Molleville  et  décrétée  le  9 
novembre  1792.  Cette  accusation  était 
d'autant  plus  mal  fondée  que  madame  de 
Rohan  avait  des  aliénations  mentales  pen- 
dant une  grande  partie  de  l'année.  Tal- 
lien  et  Chabot  lui-même  réclamèrent  en 
sa  faveur  d'aftrès  cette  maladie;  mais  elle 

59- 


466  ROL 

fut  néanmoins  mise  en  jugeaient.  Les  ju- 
ges s'étant  aperçus  de  l'impossibilité  phy- 
sique oii  elle  se  trouvait  de  conspirer 
contre  la  république,  la  renvoyèrent  ab- 
soute en  1793  ;  m^As  l'année  suivante  on 
l'accusa  de  nouveau  commecomplicede 
Ladmirai,ass9ssindeCollotd'Herbois.  Tra- 
duite devarjt  le  tribunal  révolutionnaire, 
elle  yfu^  condamnée  à  mort  le  14  juin 
1794;  «lie  périt  trois  jours  après  avec  un 
de  se;s  fils,  âgé  de  vingt-quatre  ans,  égale- 
mç  nt  accusé  de  conspiration  et  de  l'as- 
sassinat    de  Collot-d'Herbois  ;  il  fut, 
■ainsi  que  sa  mère ,  conduit  à  l'échafaud 
avec  une  chemise  rouge.  Son  autre  fils , 
qui  avait  émigré  au  commencement  de 
nos  troubles ,  entra  imprudemment  en 
France ,  et  fut  arrêté  eu  1 794  à  Grenoble, 
où  il  fut  livré  à  une    commission  mili- 
taire, qui  le  condamna  à  être  fusillé. 
ROHAULT  (  Jacques  ) ,  physicien , 
né  en  1620  d'un  marchand  d'Amiens, 
fut  envoyé  à  Paris  pour  y  faire  sa  philo- 
sophie ,  et  s'attacha  aux  opinions  de  Des- 
cartes. Il  enseigna  la  physique  lO  ou  12 
ans  à  Paris ,  et  mourut  en  1 67  5,  à  55  ans. 
Rohault  était  tout  à  lui-même  et  à  ses  li- 
vres. Il  ne  sépara  jamais  la  philosophie  de 
la  religion,  etconcilial'uneetl'autredans 
ses  écrits  et  dans  ses  mœurs.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  sont  :  1  "  un  Traite  de 
physique  ,  1671  ,  in-4  ,  ou  1682  ,  2  vol. 
in- 12  :  il  y  fait  entrer  une  foule  de  ques- 
tions physico- mathématiques  et  physico- 
anatomiques  ;  2°  des  Elémens  de  mathé- 
matiques; 3°  un  Traittde  mécaniques^ 
dans  ses    OEuvres  posthumes,    1682, 
2  vol.  in  -  12  ;  4"  des  Entreliens  sur  la 
philosophie,  1671, 1673-1675,  etti'autres 
ouvrages  qui  ont  été  utiles  autrefois. 

'  ROISSARD  (  N...  L'abbé  },  prédi- 
cateur du  roi ,  a  publié  un  bon  ouvrage 
intitulé  :  La  consolation  du  chrétien,  ou 
Motifs  de  confiance  en  Dieu  dans  les  di- 
verses circonstances  de  la  vie,  2  vol. 
in-l2,  imprimé  pour  la  première  fois  en 
1775,  et  depuis  très  souvent  réimprimé 
en  1  et  en  2  vol.  in-12. 

•  ROLAND  DE  LA  PLATIÈRE  (  Jean- 
Marie),  ministre  de  l'intérieur  sous  Louis 
XVI  et  sous  la  république,  naquit  en 
1732  à  Villefranche  près  de  Lyon,  d'une 


ROL 

famille  distinguée  dans  la  magistrature , 
mais  peu  favorisée  par  la  fortune.  Des- 
tiné à  l'état  ecclésiastique  pour  lequel 
il  n'avait  aucun  goût ,  il  saisit  avec  em- 
pressement la  première  occasion  qui  se 
présenta   d'éviter  cette    carrière.    Son 
père  étant  mort,  il  quitta  ses  parens  : 
âgé  de  19  ans,  seul,  sans  protecteurs, 
il  parcourut  plusieurs  villes  de  France  , 
et  se  rendit  à  Orléans  dans  l'intention  de 
passer  aux  Indes,  afin  d'y  chercher  for- 
tune. Roland  était  d'une  santé  faible ,  et 
un  armateur  qui  l'avait  employé  dans 
ses  vaisseaux ,  lui  voyant  cracher  le  sang, 
le   détourna    de  ce  voyage.    Il   passa  à 
Rouen,  et  parvint  à  entrer  dans  l'admi- 
nistration des  manufactures ,  oîi  son  assi- 
duité au  travail,  son  intelligence  et  ses 
vues  économiques  lui  méritèrent  l'estime 
de  ses  chefs  ;   il  fut  récompensé  par  la 
place  d'inspecteur  général  à  Amiens  et 
puis  à  Lyon.  Roland  se  mit  à  voyager  en 
Italie ,  dans  la  Suisse  ,  l'Allemagne  ,  et 
sur  les  frontières  de  l'Espagne.  H  acquit 
ainsi  d'utiles  connaissances  sur  les  arts 
et  les  différentes  branches  d'industrie, 
et  il  sut  en   profiter  en  écrivant  divers 
ouvrages  qui  le  firent  admettre  dans  plu- 
sieurs sociétés  savantes.  Sur  ces  entre- 
faites ,  la  révolution  éclata  :  Roland ,  qui 
avait  une  imagination  extrêmement  vive, 
un  enthousiasme  exagéré  pour  les  Grecs 
et  les  Romains,  et  un  grand  mépris  pour 
son  siècle ,   ne  tarda  pas  à  se  ranger  du 
parti  des  innovateurs.  Ce  fut  en  1789 
qu'il  fut  porté  à  la  municipalité  de  Lyon, 
où  il  fonda  un  club  qu'il  associa  à  celui 
des  jacobins  de  Paris.   Il  fut  envoyé  en 
1790  par  la  première  de  ces  villes  aux 
états-généraux,  pour  solliciter  un  secours 
de  40  millions  qu'elle  devait.  Arrivé  dans 
la  capitale,  il  y  fit,  par  le  moyen  de  sa 
femme  (  voyez  l'article  suivant),   con- 
naissance deBrissot,  deBarbaroux,  etc., 
dont  il  embrassa  les  projets  et  les  opi- 
nions. De  retour  à  Lyon  après  un  séjour 
de  sept  mois  pendant  lequel  il  avait  ob- 
tenu ce  qu'il  était  allé  demander ,  il  con 
tinua  de  diriger  le  club  de    cette  ville. 
Bientôt  il  retourna  à  Paris  pour  y  faire 
valoir  ses  droits  à  une  retraite,  et  tra- 
vailler à  la  continuation  du  Dictionnaire 


ROL 

des  manufactures ,  ouvrage  qui  faisait 
partie  de  la  Nouvelle  Encyclopédie  de 
Panckcuke.  Les  manœuvres  de  ses  amis 
l€  firent  nommer  ministre  de  l'intérieur 
en  mars  1792,  et  il  osa  paratre  à  la 
cour  le  premier  avec  des  cheveux  sans 
poudre ,  des  souliers  sans  boucles ,  et  un 
chapeau  rond.  Ce  costume  alors  sinistre 
et  ses  maximes  républicaines  déplurent 
justement  à  Louis  XVI ,  et  effrayèrent 
toute  la  cour.  Son  ton  ,  ses  manières  peu 
respectueuses  ,  sa  conduite  presque  des- 
potique à  l'égard  du  monarque ,  et  l'am- 
bition deDumouriez,  le  firent  congédier 
dans  le  mois  de  juin  1792  ,  n'ayant  gardé 
le  portefeuille  que  trois  mois.  Depuis 
lors,  il  se  consacra  entièrement  à  servir 
les  jacobins,  et  devint  un  des  membres 
les  plus  actifs  de  leur  comité  de  corres- 
pondance. Roland  nourrissait  la  haine  la 
plus  profonde  contre  la  cour  ,  et  surtout 
contre  le  malheureux  Louis  XVI  ;  aussi , 
en  secondant  tantôt  les  projets  des  Gi- 
rondins ,  tantôt  ceux  de  Danton ,  il  fut 
un  des  principaux  provocateurs  des  jour- 
nées du  20  juin  et  du  10  août  1792. 
Après  cette  terrible  journée  ,  l'assemblée 
législative  le  réintégra  dans  le  ministère 
de  l'intérieur ,  et  il  devint  en  consé- 
quence membre  du  conseil  exécutif  pro- 
visoire. Il  se  fit  alors  remarquer  par  des 
innovations  dont  peut-être  il  ne  prévit 
pas  tous  les  résultats  ;  mais  ni  ses  lettres 
aux  départemens,  ni  des  mesures  trop 
tardives ,  ne  purent  plus  arrêter  le  sang 
qui  coula  les  2  et  3  septembre  ,  ni  répri- 
mer une  populace  livrée  aux  fureurs  des 
agitations  politiques.  Il  demanda  la  des- 
titution de  la  commune  de  Paris,  qui 
avait  immolé  tant  de  victimes  innocentes; 
mais  cette  demande  le  brouilla  à  jamais 
avec  \es  jacobins  ses  anciens  confrères. 
Entrainé  par  Péthion,  Brissot,  etc. ,  il  se 
jeta  dans  la  faction  de  la  Gironde ,  et 
devint  l'objet  des  accusations  des  Mon- 
tagnards. Il  fut  néanmoins  élu  par  le  dé- 
partement de  la  Somme  député  à  la  Con- 
vention ,  et  parut  d'abord  vouloir  s'éloi- 
gner du  ministère  :  mais  cette  assemblée 
l'engagea  à  ne  pas  quitter  le  portefeuille. 
Cependant  il  avait  perdu  la  faveur  po- 
pulaire ;  et ,  pour  la  reconquérir,  il  an- 


ROL  467 

nonça  la  découverte  de  la  fameuse  ar- 
moire de  fer  dans  un  mur  d'une  des 
chambres  du  roi  au  ch  âteau  des  Tuile- 
ries, et  d'un  grand  nombre  de  lettres 
relatives  à  plusieurs  intrigues  secrètes 
de  la  cour.  On  dit  que  Roland  en  avait 
soustrait  celles  qui  pouvaient  compro- 
mettre Louis  XVI  ;  mais  quoique  dans 
ces  pièces  on  ne  trouvât  rien  qui  pût 
élever  des  soupçons  contre  la  con- 
duite de  ce  prince ,  elles  servirent  de  pré- 
texte pour  le  conduire  à  l'échafaud,  et 
Roland  eut  à  se  reprocher  d'être  un  des 
principaux  complices  de  cet  assassinat  ; 
il  n'en  obtint  qu'une  récompense  bien 
funeste.  Devenu  odieux  à  Robespierre  et 
à  la  montagne,  les  pamphlets  et  les  dé- 
nonciations s'amoncelèrent  sur  lui.  Pour 
conjurerl'orage  ,  il  s'empressa  de  donner 
sa  démission  ;  mais  cette  démarche  tar- 
dive ne  put  le  sauver  de  la  persécution 
de  ses  ennemis  ,  qui  l'enveloppèrent  dans 
la  proscription  des  députés  de  la  Gironde. 
Le  31  mai ,  jour  de  la  chute  de  ce  parti , 
des  émissaires  vinrent,  pendant  la  nuit, 
pour  l'arrêter  dans  sa  maison  :  il  trouva 
le  moyen  de  s'évader ,  et  se  retira  à 
Rouen  auprès  d'un  ami  qui  consentit  à 
le  cacher.  Mais  ayantapprisque  sa  femme 
avait  péri  sur  l'échafaud ,  il  résolut  de  ne 
pas  lui  survivre.  Il  assembla  ses  amis  , 
et ,  d'après  ce  qu'en  dit  un  écrivain , 
Roland  discuta  avec  eux  sur  le  genre  de 
mort  qu'il  devait  choisir  ;  savoir ,  s'il  de- 
vait se  rendre  à  Paris  ,  se  présenter  à  la 
Convention,  lui  faire  entendre  des  vérités 
utiles,  et  lui  demander  ensuite  de  le 
faire  périr  sur  la  place  où  l'on  venait 
d'assassiner  son  épouse.  L'autre  projet 
était  de  s'éloigner  de  quelques  lieues  de 
Rouen ,  et  de  se  suicider.  Roland ,  con- 
sidérant que  son  supplice  entraînerait 
la  confiscation  de  ses  biens ,  et  réduirait 
sa  fille  à  la  misère ,  choisit  le  second  de 
ces  deux  projets.  Il  quitta  donc  son  asile 
le  16  novembre  1793,  à  six  heures  du 
soir  ,  suivit  la  route  de  Paris  jusqu'au 
bourg  de  Beaudouin ,  entra  dans  une 
avenue  qui  conduit  à  une  maison  appar- 
tenant à  M.  Lenormand,  s'assit  contre  un 
arbre,  et  se  perça  avec  une  épée  à  canne 
dont  il  s'était  pourvu.  On  trouva  sur  lui 


468  ROL 

le  billet  suivant  :  «  Qui  que  tu  sois  qui 
M  me  trouves  gisant ,  respecte  mes  restes; 
))  ce  sont  ceux  d'un  homme  qui  consacra 
»  toute  sa  vie  à  être  utile ,   et  qui  est 
»  mort  comme  il  a  vécu ,  vertueux  et 
»  honnête.    Fuissent    mes    concitoyens 
■a  prendre  des  sentimens  plus  doux  et  plus 
»  humains  !  L'indignation  me  dicte  cet 
»  avis:  le  sangqui  coule  par  torrens  dans 
»  ma  patrie  en  indique  assez  la  nécessité  : 
)>  je  n'ai  pas  voulu  rester  plus  long-temps 
))  sur  une  terre  souillée  de  crimes.  »  Ro- 
land avait  fait  de  bonnes  études ,  était 
très  instruit,  possédait  plusieurs  langues 
modernes ,  était  obligeant  avec  ses  amis; 
mais  un  caractère  romanesque,  opiniâtre 
et  ambitieux,  lui  fit  commettre  plus  que 
des  fautes  :  il  contribua  puissamment  à 
la  mort  de  son  souverain  ,  et  donna  ,  par 
des  innovations  dangereuses,  l'impul- 
sion à  de  nouveaux  crimes.  On  l'a  pré- 
senté comme  Janus  ,  à  double  visage  ;  et, 
en  effet,  on  le  vit  tantôt  employer  tous 
ses  moyens  pour  ébranler  la  monarchie , 
tantôt  faire  de  vains  efforts  pour  contenir 
la  trop  grande  puissance  des  jacobins. 
Brissot   l'appelait  un    Caton  ;    mais  un 
Caton  de  la  façon  de  Brissot  peut  bien 
n'avoir  été  qu'un  pauvre  homme,  n'ayant 
ni  assez  de  force^  ni  assez  de  génie  pour 
consolider  la  monarchie ,  ni  assez  de  ca- 
ractère pour  établir  la  république.  Ses  ou- 
vrages méritent  bien  plus  d'éloges  que  ses 
opérations  ministérielles  et  que  sa  con- 
duite politique.  En  voici  la  liste  :  !<>  Mé- 
moire sur  V e'ducation  des  troupeaux  et  la 
culture  des  laines  ,    1779  ,  1783  ,    in-4  ; 
2°  VArt  des  imprimeurs  d'étoffes  en 
laine ,  du  fabricant  de  velours ,  de  co- 
ton,  du  tourbier,  1780-1783  -.cet  ou- 
vrage recommandable  fait  partie  du  Be- 
cueildes  arts  et  métiers  publié  par  l'a- 
cadémie des  Sciences  ;  3°  Lettres  écrites 
de  Suisse,    d'Italie,   de  Sicile  et    de 
Malte,    1782,  1800,6  vol.  in-12.  Ces 
lettres  auraient  un   double  mérite,    si 
elles  n'étaient  pas  remplies  d'une  érudi- 
tion souvent  déplacée ,  et  de  citations 
sans  nombre   de  poètes  italiens.  Elles 
contiennent  cependant  des  vues  et  des 
notions  intéressantes  sur  les  manufactu- 
res des  divers  pays  que  l'auteur  avait 


ROL 

visités.  Il  les  adressa  à  mademoiselle 
ptiilipon  ,  qu'il  épousa  peu  de  temps 
après.  i°  Dictionnaire  des  manufactures 
et  des  arts  qui  en  dépendent,  3vol. 
in-8  :  il  renferme  plusieurs  détails  curieux 
et  des  procédés  nouveaux  très  utiles  pour 
l'industrie ,  et  on  l'a  inséré  dans  V En- 
cyclopédie méthodique.  5°  Plusieurs 
lettres ,  opuscules  ,  rapports  ,  etc.  Tous 
ces  ouvrages,  écrits  d'un  assez  bon 
stile,  font  honneur  aux  connaissances 
de  l'auteur ,  et  il  aurait  mieux  valu  pour 
lui  qu'il  s'en  fût  tenu  à  la  réputation 
qu'ils  lui  avaient  acquise  ,  que  de  se  mê- 
ler de  discussions  politiques ,  et  de  bri- 
guer des  emplois  trop  au  dessus  de  ses 
talens. — Roland  (Dominique) ,  frère  du 
précédent ,  chanoine  et  membre  de  l'a- 
cadémie de  Yillefranche ,  sa  patrie  , 
était ,  dit  l'auteur  des  Martyrs  de  la  foi , 
aussi  bon  prêtre  que  son  frère  était  im- 
jpie.  Il  fut  guillotiné  le  23  novembre 
1793.  Quoiqu'on  présume  qu'il  ait  été 
condamné  en  haine  de  la  religion , 
ayant  refusé  le  serment,  l'arrêt  porte 
comme  contre-révolutionnaire  et  fédé- 
raliste. Nous  parlons  du  chanoine  pour 
faire  sentir  que  i'ex-ministre  était  un  de 
ces  philosophes  égoïstes ,  sans  religion 
et  sans  sentiment.  Quoiqu'il  eût  quatre 
frères  dans  l'état  ecclésiastique ,  il  ne 
poursuivit  pas  avec  moins  d'ardeur  ceux 
qui  se  montraient  rebelles  à  la  constitu- 
tion civile  du  clergé  ;  et  dans  une  lettre 
écrite  d'un  stile  de  club ,  qu'il  adressa  à 
Louis  XVI ,  il  lui  reproche  de  se  servir 
d'un  aumônier  insermenté. 

*  ROLAND  (  Marie-Josèphe  Philipon, 
dame  ) ,  femme  du  précédent ,  devenue 
fameuse  par  ses  ouvrages  et  surtout  par  ses 
opinions,  naquit  à  Paris  en  17  54  d'un  gra- 
veur en  taillc-Jouce.  Elle  reçutune  éduca- 
tion soignée  et  fit  des  progrès  rapides  dans 
l'histoire  et  les  beaux-arts.  Elevée  au  mi- 
lieu des  tableaux,  des  livres  et  de  la  musi- 
que ,  elle  aspira  dès  son  jeune  âge  à  un 
rang  que  sa  condition  et  son  peu  de  for- 
tune semblaient  lui  refuser.  Une  imagi- 
nation vive  et  un  cœur  ardent  donnèrent 
d'ailleurs  à  son  caractère  une  tournure 
singulière,  tandis  que  son  esprit,  nourri 
des  lectures  les  plus  propres  à  l'euflam- 


BOL 

mer,  la  porta  à  cet  amour  pour  la 
philosophie  et  pour  l'indépendance  qui 
ne  furent  pas  l'une  des  moindres  causes 
de  sa  perte  et  de  celle  de  son  époux.  Elle 
se  vante  d'avoir  voulu ,  dès  l'âge  de  9  ans, 
analyser  Plutarque,  et  à  16  ans  elle  avait, 
dit-elle ,  une  érudition  assez  étendue , 
se  connaissait  en  peinture  ,  et  était  une 
excellente  musicienne.  Des  idées  répu- 
blicaines avaient  d'abord  fermenté  dans 
son  âme  ardente  :  des  idées  religieuses  la 
dominèrent  ensuite;  et  elle  entra  chez  les 
dames  de  la  congrégation  au  faubourg 
Saint-JJarceau.  De  retour  dans  la  maison 
paternelle  ,  elle  reprit  ses  premières  opi- 
nions et  ses  premières  habitudes.  Ayant 
perdu  sa  mère ,  elle  se  chargea  à  l'âge  de 
21  ans  de  tous  les  détails  du  ménage  de 
son  père,  partageant  son  temps  entre  ces 
soins  domestiques  et  la  lecture  des  phi- 
losophes. P.olandde  laPlatière,  ayant  fait 
sa  connaissance ,  fut  enchanté  de  son  es- 
prit ,  lui  adressa  ses  Lettres  sur  la  Suisse, 
l'Italie,  etc.,  et  l'épousa  en  1780  :  il 
était  alors  inspecteur  des  manufactures. 
Sa  femme  le  suivit  à  Amiens ,  oii  elle 
cultiva  la  botanique ,  et  composa  un  her- 
bier des  plantes  de  la  Picardie.  Madame 
Roland  fit  ensuite  des  voyages  en  Suisse 
et  en  Angleterre  ,  porta  son  attention  sur 
ces  deux  gouvernemens ,  en  analysa  res7 
prit ,  et  se  passionna  dès  lors  pour  les 
principes  de  liberté  qui  en  formaient  la 
base.  La  révolution  arriva ,  et  madame 
Roland  crut  y  voir  un  moyen  d'introduire 
en  France  ces  mêmes  principes  qu'elle 
avait  tant  admirés.  Elle  ne  tarda  pas  à 
faire  partager  ses  opinions  à  son  époux , 
sur  lequel  elle  avait  un  empire  absolu. 
Ils  se  trouvaient  alors  à  Lyon.  Elle  prit 
part  avec  lui  à  la  rédaction  du  Courrier 
de  Lyon,  et  y  donna  entr'autres  articles, 
la  Description  de  la  fédération  lyon- 
naise du  30  mai  1 7  90.  Il  fit  vendre  à  plus 
de  60 ,000  exemplaires  le  n°  où  elle  se 
trouvait  insérée.  Quoique  madame  Ro- 
land ne  pût  pas  se  dissimuler  que  les  ta- 
lens  de  son  mari  ne  pouvaient  guère 
s'étendre  au  delà  de  ce  qui  concernait 
l'industrie  commerciale ,  elle  sut  lui  per- 
suader qu'il  pouvait  prétendre  à  une 
place  plus  éminente  dans  la  société  ;  et 


ROL  469 

lui-même  crut  agir  par  ses  propres 
moyens ,  tandis  qu'il  n'agissait  qu'en  se- 
cond ,  et  par  l'impulsion  et  les  conseils 
de  sa  femme.  Elle  parvint  à  le  faire 
nommer  en  1791  par  la  ville  de  Lyon 
député  extraordinaire  aux  états-géné- 
raux ,  afin  d'obtenir  un  secours  pour  le 
paiement  des  dettes  de  cette  ville. 
Transportée  sur  le  grand  théâtre  de  la 
capitale  ,  madame  Roland  s'empressa  d'y 
jouer  le  rôle  auquel  elle  aspirait  depuis 
long-temps.  Aussi  reçut-elle  dans  sa 
maison  tous  les  chefs  du  parti  populaire, 
et  les  députés  de  la  Gironde  les  plus  en 
crédit ,  comme  Brissot ,  Barbaroux  ,  Lou- 
vet,  Clavière,  Vergniaud,  etc.  Ces  lé- 
gislateurs orgueilleux  ,  cédant  à  l'empire 
d'une  femme ,  écoutaient  avec  déférence 
les  avis  de  madame  Roland ,  qui  devint 
l'âme  de  leurs  délibérations.  Elle  était  le 
principal  ressort  qui  les  dirigeait,  et  la 
puissance  secrète  d'où  émanaient  les 
innovations  qui  préparèrent  tant  de 
maux  à  la  France.  Avec  de  tels  amis ,  elle 
n'eut  pas  de  peine  à  faire  nommer  son 
époux  au  ministère  de  l'intérieur  ;  mais 
elle  trouva  là  un  écueil  où  échouèrent 
ses  talens  ,  qui  n'étaient  pas  ceux  de  di- 
plomate et  de  publiciste.  Roland,  con- 
duit par  les  conseils  de  sa  femme,  ne 
fit  que  des  fautes  :  tout  en  humiliant  la 
cour,  il  indisposa  les  jacobins,  dont  il 
avait  été  le  collègue  ,  et  ne  fit  rien  de 
remarquable  pour  le  parti  de  la  Gironde. 
Il  était  connu  que  madame  Roland  con- 
tribuait beaucoup  à  la  rédaction  de  tous 
les  actes  et  projets  de  ce  ministre.  Elle 
ne  le  dissimula  pas  dans  ses  Mémoires  .- 
«  S'il  eût  fait  des  homélies,  disait-elle, 
))  j'en  aurais  composé.  »  Quand  il  fut 
rappelé  au  ministère  par  l'assemblée  lé- 
gislative, Danton  s'écria  :  «  Si  l'on  fait 
v  une  invitation  à  monsieur ,  il  en  faut 

V  faire  aussi  une  à   madame Nous 

»  avons  besoin  d'hommes  qui  voient 
w  autrement  que  par  les  yeux  de  leurs 
))  femmes.  »  Son  époux  étant  devenu  mi- 
nistre une  seconde  fois ,  madame  Roland 
s'attacha  exclusivement  au  parti  des  Gi- 
rondins,  et  ht  commelire  à  cet  époux 
imprudent  et  docile  de  nouvelles  fautes 
que  ses  eunemis  ne  tardèrent  pas  à  rele- 


470  ROL 

Ter.  Dans  les  libelles  qu'on  lançait  sur 
lui ,  on  n'épargnait  pas  sa  femme  :  elle 
fut  même  l'objet  d'une  dénonciation  qui 
lui  procura  l'occasion  de  faire  briller 
son  éloquence.  Elle  parut  à  la  barre  de 
la  Convention  le  7  décembre  1792  ,  pro- 
nonça un  long  discours ,  et  parvint  à  dé- 
jouer les  projets  de  ses  accusateurs.  Ce- 
pendant le  parti  que  madame  Roland 
suivait  fut  écrasé  par  les  jacobins  ;  et 
son  mari ,  impliqué  dans  la  proscription 
des  députés  delà  Gironde,  le  31  mai 
1793,  fut  contraint  de  se  sauver  en 
Normandie.  Elle  crut  pouvoir  rester  dans 
la  capitale,  quoiqu'elle  ne  dût  pas  igno- 
rer que  ses  liaisons  avec  les  Girondins , 
son  influence  sur  les  députés ,  et  plus 
particulièrement  encore  celle  qu'elle 
exerçait  sur  son  mari ,  étaient  publique- 
ment connues.  Son  imprudence  lui  de- 
vint funeste.  Arrêtée  et  enfermée  à  Sainte- 
Pélagie  ,  madame  Roland  réclama  inu- 
tilement contre  cet  acte.  Après  cinq 
mois  de  captivité ,  elle  fut  transférée  à 
la  Conciergerie,  le  jour  même  de  l'exé- 
cution de  Brissot  et  des  autres  députés 
de  la  Gironde  (1"  octobre  1793).  Un 
avocat,  M.  Chauveau-la-Garde ,  étant 
venu  pour  se  concerter  avec  elle  sur  sa 
défense ,  elle  lui  présenta  un  anneau  en 
lui  disant  :  «  Ne  venez  pas  demain  ,  ce 
>.  serait  vous  perdre  sans  me  sauver  :  ac- 
»  ceptez  ce  seul  gage  que  ma  reconnais- 

»  sance  puisse  vous  offrir demain  je 

»  n'existerai  plus.  ^  Traduite  devant  le 
tribunal  révolutionnaire ,  elle  fut  con- 
damnée à  mort ,  commt  ayant  conspiré 
contre  Vanité  et  V indivisibilité  de  la  ré- 
publique. Elle  subit  son  interrogatoire  et 
entendit  son  arrêt  avec  un  courage  stoï- 
que.  Ne  voulant  pas  mourir  comme  une 
femme  ordinaire ,  elle  marcha  à  la  mort 
avec  l'ironie  et  le  dédain  sur  les  lèvres. 
Arrivée  à  la  place  Louis  XV ,  elle  s'in- 
clina devant  la  statue  de  la  liberté ,  et 
s'écria  :  «  O  liberté ,  que  de  crimes  on 
»  commet  en  ton  nom  !  »  Sa  gaieté  sem- 
bla s'animer  à  la  vue  de  son  suppliée,  et 
lit  même  sourire  une  victime  assise  à  ses 
côtés.  Avant  de  recevoir  le  coup  fatal , 
elle  annonça  que  son  mari  ne  pourrait 
pas  lui  survivre  (  voyez  l'article  précé- 


ROL 

dent).  Elle  fut  exécutée  le  18  novembre 
1793  ,  à  l'âge  de  39  ans.  Madame  Roland, 
quoiqu'elle  eîit  renoncé  atout  sentiment 
de  religion ,  comme  elle  s'en  vante  dans 
ses  Mémoires ,  passait  pour  avoir  des 
mœurs  pures;  elle  parle  souvent  de  l'in- 
nocence de  sa  vie.  Sa  conversation  était 
spirituelle,  son  caractère  insinuant.  Elle 
avait  beaucoup  de  sagacité  dans  l'esprit, 
un  goût  déterminé  pour  le  sarcasme  et 
la  satire ,  et  portait  ses  idées  d'indépen- 
dance jusqu'à  l'exagération.  Elle  voulut 
être  à  la  fois  écrivain,  philosophe  et 
publiciste  ;  et  son  ambition  la  perdit, 
en  perdant  son  époux ,  qui  jouissait  d'ail- 
leurs d'une  réputation  bien  acquise , 
dans  une  sphère  plus  étroite,  mais 
moins  dangereuse.  Elle  se  jeta  dans  les 
partis ,  et  ne  vit  dans  les  députés  de  la 
Gironde  qu'autant  de  héros  et  d'hom- 
mes supérieurs  dignes  seuls  de  régénérer 
la  France.  On  dit  que  madame  Roland 
avait  un  cœur  sensible  ;  nous  ne  réfute- 
rons pas  cette  opinion  :  cependant  les 
malheurs  de  la  famille  royale ,  et  de 
tant  de  victimes  que  fit  la  Gironde ,  la 
laissèrent  indifférente.  Il  n'y  a  pas  un 
mot  dans  ses  Mémoires  sur  le  sort  fu- 
neste de  Louis  XVI ,  et  elle  ne  se  plaignit 
que  quand  son  parti  commença  à  devenir 
victime  de  ses  déplorables  innovations. 
Madame  Roland,  sans  être  belle,  avait 
une  figure  douce  et  pleine  d'expression  ; 
de  grands  yeux  noirs  animaient  une 
physionomie  peu  régulière ,  mais  agréa- 
ble ;  sa  voix  était  sonore  et  flexible ,  et 
elle  en  parle  avec  complaisance  dans  ses 
Mémoires.  Elle  a  laisse  plusieurs  écrits  : 
1°  des  Opuscules  sur  la  mélancolie  ,  sur 
l'âme  ,  la  morale ,  la  vieillesse,  l'amitie\ 
l'amour,  la  retraite,  et  sur  Socrate ; 
2°  Voyages  en  Angleterre  et  en  Suisse. 
Ces  ouvrages  ont  été  réunis  à  ses  Mé- 
moires ,  qu'elle  écrivit  en  prison ,  et  qui 
traitent  de  sa  vie  privée ,  du  ministère 
de  son  mari  et  de  son  arrestation ,  etc.  : 
ils  furent  publiés  d'abord  par  M.  Bosc , 
après  la  terreur ,  sous  le  titre  d'appel  à 
V impartiale  postérité yVdtrh,  1795,  in- 8. 
et  ensuite  par  M.  Champagneux,  Paris  , 
1800,  Svol.in-S. En  général,  lestilede ma- 
dame Roland  est  incorrect,  quelquefois 


ROL 

éloquent ,  souvent  diffus ,  mais  presque 
toujours  énergique.  Ses  Mémoires  sont 
peut-être  son  ouvrage  le  moins  bien 
écrit ,  à  cause  de  la  position  difficile  où 
elle  se  trouvait  dans  ce  moment.  Elle  y 
parle  en  politique  avec  un  ton  bien  plus 
décidé  que  ne  le  faisaient  Pitt ,  Fox , 
Burke  et  Mirabeau,  et  se  plait  surtout  à 
parler  d'elle-même ,  et  à  faire  l'éloge  au- 
tant de  ses  opinions  que  de  son  courage. 
Quoiqu'ils  soient  curieux  et  intéressans  , 
ils  laissent  néanmoins  une  impression 
pénible  par  le  ton  quiyrègne,  l'exagéra- 
tion des  sentimens ,  et  l'absence  de  cette 
délicatesse  et  de  cette  réserve  qu'une 
femme  ne  méprise  pas  impunément.  Ses 
mémoires  font  partie  de  la  Collection 
publiée  par  les  frères  Baudoin  :  on  trouve 
en  tête  de  cette  édition  une  Notice  sur 
madame  Roland ,  par  F.  Barrière  qui  re- 
connaît dans  sa  préface  devoir  à  la  bien 
veillance  éclairée  de  MM.  Van-Praet  et 
A. -A.  Barbier  plusieurs  documens  his- 
toriques sur  celte  dame  ,  ainsi  que  les 
Mémoires,  rapports  et  discours  de  son 
mari  réimprimés  à  la  suite  de  ses  Mé- 
moires. 

*ROLAND  (  Philippe-Laurent),  sculp 
leur,  naquit  le  H  août  1746,  à  Marcy 
en  Parèle ,  près  de  Lille  en  Flandre ,  d'un 
négociant  estimé.  Son  goût  pour  les  arts 
l'empêcha  de  suivre  le  commerce.  Il  vint  à 
Paris  étudier  le  dessin,  et  il  y  fit  de  grands 
progrés.  Ses  maîtres,  reconnaissant  en 
lui  beaucoup  d'adresse  pour  modeler, 
lui  conseillèrent  de  se  livrer  uniquement 
à  la  sculpture.  Alors  il  entra  dans  l'ate- 
lier du  célèbre  Pajou,  où  il  fut  bientôt 
considéré  comme  le  plus  habile  élève  de 
ce  maître  :  il  fut  employé  alors  dans  les 
travaux  d'ornement  du  Palais-Royal  et 
de  la  salle  de  spectacle  de  Versailles.  Ro- 
land fit  ensuite  un  voyage  à  Rome,  pour 
étudier  les  chefs-d'œuvre  de  cette  capitale 
des  beaux-arts;  et,  à  .son  retour,  il  exécuta 
deux  belles  statues  (  Galon  d'Utique  et 
Samson  ) ,  qui  lui  méritèrent  l'honneur 
d'être  reçu  à  l'académie  royale  de  pein- 
ture et  de  sculpture,  d'abord  en  qualité 
-d'agrfgé  (  1779) ,  ensuite  comme  acadé- 
micien en  titre  (  1781  ).  Vers  cette  même 
époque,  il  fut  chargé  par  le  directeur  gé- 


ROL  471 

néral ,  M.  D' Angivilliers,  de  la  statae  du 
grand  Condé,  et  s'occupa  ensuite  de  plu- 
sieurs autres  travaux  qui  lui  firent  beau- 
coup d'honneur.  En  1792,  Roland  exé- 
cuta le  modèle  colossal  en  plâtre  de  la 
statue  de  la  Loi  qui  fut  placé  sous  le  pé- 
ristyle du  Panthéon.  Lors  de  la  création  de 
l'Institut  ,  il  en  fut  nommé  membre  et 
chevalier  de  la  légion-d'honneur.  Il  venait 
d'être  compris  par  le  roi  dans  l'organi- 
sation de  l'académie  royale  des  beaux- 
arts,  lorsqu'un  catarrhe  pulmonaire  l'en- 
leva presque  subitement  le  11  juillet 
1816.  Ses  principaux  ouvrages  sont  la  sta- 
tue en  marbre  du  grand  Condé,  ouvrage 
plein  de  feu  ;  celles  d'Homère  chantant 
sur  sa  lyre  (  c'est  son  chef-d'œuvre  ) ,  de 
Solon  ,  de  Tronchet ,  le  buste  de  Pajou , 
et  plusieurs  autres  portraits ,  où  il  avait 
eu  l'art  d'unir  la  noblesse  du  stile  à  la 
ressemblance  la  plus  frappante.  Il  était 
professeur  de  l'académie  royale  de  pein- 
ture et  de  sculpture. 

*  ROLAND  ou  Rolland  D'ERCE- 
VILLE  (  Barthélemi-Gabriel  ) ,  naquit  à 
Paris  en  1730.  Il  était  issu  d'une  famille 
distinguée  dans  la  magistrature ,  suivit 
la  même  carrière,  et  fut  successivement 
conseiller ,  et  président  au  parlement  de 
Paris.  Il  cultiva  en  même  temps  la  litté- 
rature, et  publia  plusieurs  écrits  sur 
différentes  matières.  Lors  de  nos  troubles 
politiques  ,  il  ne  put  les  envisager  sans 
en  témoigner  son  indignation.  En  1790, 
il  protesta ,  comme  plusieurs  autres  de 
ses  collègues  au  parlement,  contre  les 
opérations  de  l'assemblée.  Sa  démarche 
n'eut  d'abord  aucun  funeste  résultat 
pour  lui  ;  mais  les  factieux ,  qui  avaient 
désigné  d'avance  leurs  victimes ,  le  dé- 
noncèrent ,  pendant  le  règne  de  la  /er- 
reur, comme  suspect  et  contre-révolu- 
tionnaire. Il  fut  arrêté ,  traduit  devant 
le  tribunal  révolutionnaire,  condamné 
à  mort,  et  exécuté  le  20  avril  1794,  à 
l'âge  de  64  ans.  On  a  de  lui  :  1°  Lettre 
à  l'abbé  Velly  sur  l'aifiorité  des  états 
en  France,  1 7  56,  in-1 2;  2°  Compte  rendu 
des  interrogatoires  subis  par  devant 
M.  d'Argenson,  au  commencement 
du  18*  siècle,  par  divers  prisonniers 
détenus  à  la  Bastille  ou  à  Vincennes 


47i  IIOL 

et  notamment  de  l'Histoire  de  Pabbtî 
Blache,  trouvée  dans  la  Bibliothèque 
des  jésuites,  1766,  in-4  ;  3°  Lettre  à  M. 
V abbé  de  MajainviUe,  etc.  ,  1788.  Le 
sujet  de  celte  lettre  nous  force  à  remon- 
ter à  la  cause  qui  la  fit  écrire.  Roland 
avait  joué  un  rôle  très  actif  dans  l'expul- 
sion des  jésuites,  et  en  1762  il  fut  char- 
gé par  le  parlement  de  l'exécution  des 
arrêts  concernant  la  suppression  de  cet 
ordre ,  ainsi  que  d'installer  l'université 
dans  le  collège  de  Louis  le  Grand.  Sur 
ces  entrefaites,  un  M.  Rouillé  de  Fille- 
tiëres  mourut,  priva  de  ses  biens  ses 
parens,  et  les  laissa  à  plusieurs  léga- 
taires, parmi  lesquels  se  trouvait  un  ex- 
jésuite. Les  parens  portèrent  leurs  plain- 
tes au  parlement;  un  d'eux  était  Roland 
d'Erceville,  neveu  de  M.  de  Filletières  , 
et  c'est  à  cette  occasion  qu'il  rédigea  la 
lettre  ci-dessus  indiquée.  Il  y  dit  que  le 
testament  lui  fait  tort  de  deux  cent  mille 
livres;  que  l'affaire  seule  des  jésuites 
et  des  collèges  lui  coûtaitde  son  argent 
plus  de  60 ,  000  livres-,  et  qu'en  effet  les 
travaux  qu'il  avait  faits ,  et  surtout  re- 
lativement aux  jésuites ,  qui  n'auraient 
pas  été  éteints  s'il  n'eût  consacré  à  cette 
œuvre  son  temps,  sa  santé  et  son  ar^ 
gent ,  ne  devaient  pas  lui  attirer  une 
exliérédation  de  son  oncle.  Si  ce  qu'il 
avance  est  vrai ,  il  pouvait  justement 
se  vanter  d'avoir  eu ,  en  grande  partie , 
le  misérable  honneur  d'expulser  un  ordre 
aussi  utile  à  la  religion  qu'à  l'instruc- 
tion publique.  Il  joignit  à  sa  lettre  les 
pièces  du  procès ,  que  l'abbé  de  Majain- 
viUe ,  principal  légataire ,  gagna  autant 
par  la  bonté  de  sa  cause  que  par  le  ta- 
lent de  son  avocat ,  le  célèbre  Gerbier. 
Roland  d'Erceville  fit  paraître  un  Mé' 
moire  en  sa  faveur,  signé  Constant,  Do- 
rival  et  Jadeau,  procureur,  imprimé 
en  1781 ,  et  oii  il  s'explique  contre  sa 
partie  adverse  avec  assez  de  modération  ; 
ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  perdre  sa 
causé,  h"  Dissertation  si  les  inscriptions 
doiveht  être  rédigées  en  français  ou  en 
latin,  1782,  in-8  :  l'auteur  se  prononce 
pour'la  seconde  de  ces  langues;  ^"Bêcher- 
ches  sur  les  prérogatives  des  femmes 
ckét  les'Gaidoiif ,  ttc.  1787  j  in-12;  6* 


ROL 

Discours  prononcé  à  l académie  d'Or- 
léans ,  1788,  in-4  ;  et  un  grand  nombre 
de  comptes  rendus  au  parlement  sur 
l'afiEtiire  des  jésuites. 

*  ROLDAN  (Louise),  dame  artiste, 
naquit  à  Séville  en  1654,  et  était  fille 
d'un  sculpteur  distingué  dans  son  art.  Elle 
suivit  la  profession  de  son  père ,  et  fit 
de  si  étonnans  progrès ,  que  le  roi  Phi- 
lippe IV  l'appela  à  sa  cour  et  lui  accorda 
une  pension.  Louise  ne  traita  que  des 
sujets  religieux  :  l'on  cite  parmi  ses  ou- 
vrages un  superbe  crucifix ,  que  les  con- 
naisseurs admirent  encore ,  et  qu'on  voit 
à  Sisante ,  petite  ville  de  la  Manche,  et 
une  statue  de  la  Vierge  éplorée  à  la  vue 
de  son  fils  crucifié ,  morceau  digne  de» 
plus  habiles  maîtres.  Louise  Roldan 
mourut  à  Madrid  en  1704,  âgée  de  SO 
ans. 

ROLEWINCK  (Werner),  nommé 
quelquefois  Lacrius  ou  Larensis ,  parce 
qu'il  est  né  en  1425  àLaer,  bourg  du 
diocèse  de  Munster,  se  fit  chartreux  k 
Cologne  en  1447  ,  et  se  distingua  par  sa 
science  et  par  sa  régularité.  Le  grand 
nombre  d'ouvrages  qu'on  a  de  lui ,  im- 
primés et  en  manuscrits,  prouvent  son 
assiduité  au  travail.  Il  mourut  l'an  1402, 
victime  de  sa  charité  envers  des  re- 
ligieux de  son  ordre  ,  infectés  de  la 
peste.  Entre  tous  ses  ouvrages  on 
distingue  :  1°  Fasciculus  temporum, 
Cologne,  1474,  1475,  Louvain,  1486, 
traduit  en  français,  par  Pierre'  Sur- 
get ,  de  l'ordre  de  Saint  -  Augustin  , 
1483,  sous  le  titre  àc  fleurs  des  temps 
passés  C'est  une  chronique  qui  va  ,  dans 
l'édition  de  Louvain  ,  jusqu'en  1480  ,  et  I 
qui  a  été  continuée  par  Jean-Lin turiss  " 
jusqu'en  1514.  Il  y  a  des  éditions  où  l'on 
ne  trouve  pas  l'histoire  de  la  résurrec 
tion  du  chanoine  qu'on  dit  avoir  occa- 
sioné  la  conversion  de  saint  Bruno. 
{Voyez  DiocRE.)  2°  Libellas  de  vene- 
rabili  Sacramento,  Paris,  1513  ;  3"  De 
regimine  principum ,  Munster,  in-4;  4* 
Vita  et  miracula  sancti  Servàtii ,  Colo- 
gne, 1472  ;  5"  Vita  sancti  Hugonis  ;  6" 
ifissertationes  de  martyrologio  pas- 
chalique  luna,  1472  ,  in-4  ;  7°  des  Ser- 
mons, des  Commentaires  sur  quelque^ 


ROL 
livres  de  l'Écriture,  etc.  (Quatre  seule- 
ment des  ouvrages  de  ce  savant  reli- 
gieux subsistent  dans  nos  bibliolbèques  , 
savoir.-  Paradisus  conscientiœ ,  Quces- 
tinnes  tlieologices  duodecim.  De  Inude 
Wcstphnliœ^  sivede  moribuset  situ  anti- 
quorum  Saxonum  ,  libri  III ,  et  Fnsci- 
culus  temporum.  Ce  dernier  ouvrage 
eut  vingt-sept  éditions  avant  l'an  1501  : 
la  première  est  celle  de  Cologne,  1474  , 
déjà  indiquée.) 

ROLLA]\D.  FoTjez  Roland. 

ROLLE  (Micbel)  ,  né  à  Ambert  en 
Auvergne,  l'an  1652,  mourut  à  Paris 
en  1719.  Son  inclination  pour  les  malbé- 
matiques  l'attira  dans  cette  ville ,  oîi  il 
fut  associé  à  l'académie  des  Sciences. 
Son  mérite  ,  sa  conduite  paisible  et  ré- 
gulière ,  la  douceur  de  sa  société  et  sa 
probité  exacte,  furent  ses  seuls  sollici- 
teurs, il  a  laissé  un  Traité  d  algèbre, 
1690,  in-4 ,  qui  mérita  l'attention  des 
mathématiciens;  et  une  Méthode  pour 
résoudre  les  questions  indéterminées  de 
l'alficbre,  1699. 

ROLLEINHAGEN,  Allemand,  né  en 
1542,  mort  en  1C09,  est  auteur  d'un 
petit  poème  épique  dans  le  goût  de  la 
liatrachomyomachie  d'Homère.  Il  a  aussi 
laissé  quelques  Homélies  et  Trage  - 
dies  ,  etc. 

ROLLER  (Joseph) ,  né  à  Hohenstadt 
en  Moravie,  en  1704,  entra  chez  les 
jésuites  en  1720,  et  se  distingua  dans 
l'étude  des  belles-lettres.  L'éloquence  de 
la  chaire  l'occupa  surtout;  il  l'enseigna 
pendant  9  ans  avec  un  succès  extraordi- 
naire ;  il  donna  ensuite  pendant  un  an 
des  leçons  sur  l'éloquence  profane.  A  la 
sollicitation  de  ses  auditeurs  ,  il  publia 
son  traité,  Eloquentia  sacra  et  profana 
in  geminos  tractatus  distributn,  Olmutz, 
1752,  in-8.  C'est  une  excellente  rhé- 
torique, contenant  les  meilleurs  prin- 
cipes et  un  bon  choix  d'exemples.  L'au- 
teur mourut  à  Waporzan  en  1767. 

ROLLI  (Paul-Antoine) ,  poète  renom- 
mé ,  né  à  Todi ,  dans  l'Ombrie ,  en  1 687  , 
d'un  architecte,  fut  disciple  de  Gravina, 
qui  lui  inspira  le  goût  des  lettres  et  de 
la  poésie.  Un  seigneur  anglais  (  le  lord 
Sembuck  )  l'ayant  emmené  à  Londres , 

XI. 


ROL  4  7  3 

l'attacha  à  la  famille  royale  en  qualité  de 
maitre  de  langue  toscane.  Rolli  demeura 
en  Angleterre  jusqu'à  la  mort  de  la  reine 
Caroline,  sa  prolectrice.  Il  revint  l'an 
1747  en  Italie,  se  fixa  à  Rome  et  y  mourut 
en  17G7,  laissant  un  cabiaet  très  cu- 
rieux, et  une  bibliothèque  riche  et  bien 
choisie.  Ses  principales  productions 
poétiques  virent  le  jour  à  Londres  en 
1735,  in-8.  Ce  sont  des  Odes  non  rimécs, 
des  Elégies ,  des  Clinnsons ,  et  des  Hcn- 
décasyllabcs  dans  la  manière  de  Catulle. 
On  a  encore  de  lui  un  recueil  à! Epi- 
grammes  ^  imprimé  à  Florence  en  17  76, 
in-8,  et  précédé  de  sa  Fie,  par  l'abbé 
Fondini  ;  et  le  Paradis  perdu  de  Millou 
en  vers  italiens  ,  Londres,  17  35,  in-fol.  ; 
les  Odes  d'Anacréon ,  aussi  en  vers  ita- 
liens, Londres,  17  39  ,  in-8.  (  Il  a  donne 
plusieurs  Editions  des  poètes  classiques 
italiens.) 

ROLLIN.  Voyez  Raulin. 

ROLLIN  (Charles)  ,  historien  et  rec- 
teur de  l'université  de  Paris,  où  il  naquit 
le  30  janvier  1G61  ,  était  fils  d'un  coute- 
lier, et  l'ut  reçu  maître  dans  la  même 
profession  dès  son  enfance.  Un  béné- 
dictin de  la  maison  des  Blancs-Manteaux, 
dont  il  servait  la  messe,  ayant  reconnu 
dans  ce  jeune  homme  des  dispositions 
heureuses ,  lui  obtint  une  bourse  pour 
faire  ses  études  au  collège  du  Plessis. 
Charles  Gobinet  en  était  principal  ;  il 
devint  le  protecteur  de  Piollin,  qui  sut 
gagner  l'amitié  de  son  bienfaiteur  par 
son  caractère  ,  et  mériter  son  estime  par 
ses  talens.  Après  avoir  fait  ses  humanités 
et  sa  philosophie  au  collège  du  Plessis,  il 
fit  trois  années  de  théologie  en  Sorbonne  ; 
mais  il  ne  poussa  pas  plus  loin  cette 
étude,  et  il  n'a  jamais  été  que  tonsuré. 
Le  célèbre  Hersan,  son  professeur  d'hu- 
manités, lui  destinait  sa  place.  Rollin  lui 
succéda  effectivement  eu  seconde  en 
1683,  en  rhétorique  en  1687,  et  à  la 
chaire  d'éloquence  au  Collège  royal  en 
1 688.  A  la  fin  de  1 694,  il  fut  fait  recteur, 
place  qu'on  lui  laissa  pendant  deux  ans 
pour  honorer  son  mérite.  L'université 
prit  alors  une  nouvelle  face  :  Rollin  y 
ranima  l'étude  du  grec  ;  il  substitua  les 
exercices. académiques  .aux  tragédies;  il 
6o 


474  ROL 

introduisit  l'usage,  toujours  observé  de- 
puis ,  de  faire  apprendre  par  cœur  une 
partie  de  l'Ecriture  sainte  aux  écoliers. 
L'abbé  Vitteineut,  coadjuleur  de  la  prin- 
cipauté du  collège  de  Beauvais,  ayant 
été  appelé  à  la  cour,  fit  donner  cette 
place  à  Rollin ,  qui  gouverna  ce  collège 
jusqu'en  1712.  Ce  fut  dans  cette  année 
qu'il  se  relira  ,  pour  se  consacrer  k  la 
composition  des  ouvrages  qui  ont  illustré 
sa  mémoire.  L'université  le  choisit  une 
seconde  fois  pour  recteur  en  1720.  L'a- 
cadémie des  belles-lettres  le  possédait 
depuis  1701.  (RoUinfut  lié  avec  les  plus 
grands  génies  de  son  époque,  tels  que 
d'Aguesseau ,  Pelletier ,  Lortrail,  Mesine, 
le  Nain  de  Tillemont,  Asfeld,  Cochin , 
Boileau,  Racine,  qui,  en  mourant,  lui 
confia  l'éducation  de  son  plus  jeune  fils, 
depuis  auteur  du  poème  de  la  Religion.  ) 
Rollin  mourut  à  Paris  en  1741-.  Il  était 
principalement  estimable  par  la  douceur 
de  son  caractère ,-  par  la  simplicité  de  ses 
mœurs.  Au  lieu  de  rougir  de  sa  naissance, 
il  était  le  premier  à  en  parler.  C'est  de 
l'antre  des  Cyclopes^  disait-il  dans  une 
épigramme  latine  à  un  de  ses  amis,  eu  lui 
envoyant  un  couteau,  que  j'ai  pris  mon 
vol  vers  le  Parnasse.  Ce  n'est  pas  qu'il 
n"eût  en  même  temps  une  sorte  de  vani- 
té, surtout  par  rapport  à  ses  ouvrages 
dont  les  éloges  emphatiques  de  ses  par- 
tisans lui  avaient  donné  une  haute  opi- 
nion. Il  disait  naïvement  ce  qu'il  en  pen- 
sait ;  et  ses  jugemens,  quoique  trop  favo- 
rables ,  étaient  moins  l'effet  de  la  pré- 
fomplion  que  de  la  franchise  de  son 
caractère.  C'était  un  de  ces  hommes  qui 
sont  vains  sans  orgueil.  Rollin  parlait 
bien  ;  mais  il  avait  plus  de  facilité  à  écrire 
qu'à  parler,  et  on  trouvait  plus  de  plaisir 
à  le  lire  qu'à  l'entendre.  Son  nom  passa 
dans  tous  les  pays  de  l'Europe.  Plusieurs 
princes  cherchèrent  à  avoir  des  relations 
avec  lui.  Frédéric  l^"',  roi  de  Prusse,  étant 
encore  prince-royal,  entretenait  une  cor- 
respondance avec  lui. [Quand  il  fut  monté 
sur  le  trône,  il  lui  écrivit  pour  lui  annon- 
cer son  avènement.  Rollin  lui  répondit 
par  une  longue  lettre  bien  édifiante,  où 
il  lui  détaillait  les  devoirs  d'un  roi  chré- 
tien. La  réponse  de  Frédéric  commençait 


ROL 

à  peu  près  ainsi:  M.  Rollin, je  trouve 
dans  votre  lettre  les  conseils  d'un  sage., 
la  tendresse  d'une  nourrice,  et  l'empres- 
sement d'un  bon  ami.  Plus  bas  il  disait  ; 
Fos  avis,  mon  cher  et  vénérable  Rollin, 
me  sont  beaucoup  plus  utiles  que  les 
compUmens  faux  et  souvent  insipides 
des  flatteurs.  Cette  phrase  dorait  un  peu 
la  pilule;  mais  Rollin  ne  put  digérer  la 
tendresse  d' une  nourrice .  Il  rompit  toute 
correspondance  avec  le  roi,  et  lui  écrivit 
que,  comme  il  respectait  ses  occupation.^ 
importantes ,  il  n'aurait  plus  l'honneur 
de  lui  écrire.  Quant  au  mérite  littéraire 
de  cet  auteur,  on  l'a  trop  eialté  de  son 
temps,  et  on  le  déprécie  trop  aujourd'hui. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  \°  une 
Edition  de  Quintillicn,  en  2  vol.  in-12  , 
1715,  à  l'usage  des  écoles,  avec  des  no- 
tes ,  et  une  préface  très  instructive  sur 
l'uliiilé  de  ce  livre,  tant  pour  former 
l'orateur  querhonnèle  homme.  L'éditeur 
a  eu  l'attention  de  retrancher  de  son 
ouvrage  quantité  d'endroits  qu'il  a  trou- 
vés obscurs  et  inutiles.  2°  Traité  de  la 
manière  d'enseigner  et  d'étudier  les  bel- 
les-lettres par  rapport  à  l'esprit  et  au 
cœur ,  1726,  en  4  vol.  in-12,  plusieurs 
fois  réimprimé.  Cet  ouvrage  est  recom- 
mandable  par  les  sentiraens  de  religion 
qu'il  respire ,  parle  zèle  du  bien  public, 
par  le  choix  des  plus  beaux  traits  des 
écrivains  grecs  et  latins,  par  la  noblesse 
et  l'élégance  du  stile  :  il  ne  peut  être  que 
très  utile  aux  instituteurs,  et  servir  à  for- 
mer d'excellens  élèves  :  déjà  par  lui- 
même  une  bonne  réfutation  delà  pédago- 
gie moderne,  il  l'est  davantage  encore 
parlesfruis  qu'il  a  produits  et  qu'il  pro- 
duira toujours  quand  on  le  prendra  pour 
guide.  3"  Vllisloire  anciene  des  Egyp- 
tiens, des  Carthaginois  ,  des  Assyriens, 
des  Babyloniens  ,  etc.,  en  13  vol.  in-12, 
publiés  depuis  1730  jusqu'en  17  38.  Peu 
d'auteurs  ont  travaillé  lesannaies  du  genre 
humain  avec  de»  intentions  pins  pures  et 
plus  sages,  avec  une  dose  plus  marquée  de 
celte  simplicité  et  de  celle  bonhomie 
précieuse  infiniment  plus  attachante  que 
l'amphigourisme  du  bel-esprit.  Si  l'au- 
teur a  eu  le  malheur  d'êlre  surpris  par 
une  faction  insidieuse,  par   d'imposans 


ROL 

dehors,  du  moirs  i[  a  su  se  défendre  dans 
Ja  composition  de  ses  ouvrages  histori- 
ques des  impressions  de  l'erreur.  On  s'est 
plaint  cependant  avec  raison  que  la 
chronologie  n'est  ni.  exacte  ,  ni  suivie  ; 
qu'il  y  a  beaucoup  d'inexactitudes  dans 
les  faits  ;  que  l'auteur  n'a  pas  assez  exa- 
miné les  exagérations  des  anciens  histo- 
riens ;  que  son  stile  n'est  pas  égal,  et  celte 
inégalité  vient  de  ce  que  l'auteur  a  em- 
prunté dans  des  ouvrages  modernes  des 
20  et  30  pages  de  siiile.  Rien  de  plus  no- 
ble et  de  plus  épuré  que  ses  réflexions, 
mais  elles  sont  répandues  avec  trop  peu 
d'économie  (1).  i"  V Histoire  romaine, 
depuis  la  fondation  de  Home  jusqu'à  la 
bataille  dÂctlum.  La  mort  l'empêcha 
d'achever  cet  ouvrage,  queCrevier,  son 
disciple,  a  continué  depuis  le  9=  volume. 
(  Voyez  Crevier.  }  V Histoire  romaine  eut 
moins  de  succès  que  l'Histoire  ancienne. 
On  trouva  que  c'était  plutôt  un  discours 
moral  et  historique  qu'une  histoire  en 
forme.  L'auteur  ne  fait  qu'indiquer  plu- 
sieurs évènemens  considérables,  tandis 
qu'il  s'étend  avec  une  sorte  de  prolixité 
sur  ceux  qui  lui  fournissent  un  champ 
libre  pour  moraliser.  6°  La  Traduction 
latine  de  plusieurs  écrits  théologiques  sur 
(es  querelles  du  temps.  L'auteur  était  un 
des  pins  zélés  partisans  du  diacre  Paris  ; 
il  ne  rougissait  pas  de  faire  en  son  hon- 
neur un  personnage  parmi  lesconvulsion- 
naires  sur  le  cimetière  de  Saint-Médard. 
Il  se  glorifie  lui-même  de  cette  dévotion 
dans  ses  lettres.  Il  laissa  par  son  testa- 
ment 3,000  florins  à  la  caisse  destinée  aux 
entreprises  et  à  la  dépense  du  parti. 
(  Voyez  Nicole.) 6"  Opuscules,  contenant 
diverses  lettres  ,  harangues  ,  discours , 
complimens ,  etc.,  Paris,  1771,2  vol. 
in-i2;  recueil  peu  intéressant,  et  qui 
aurait  eu  besoin  de  plus  de  choix  ;  il  a  été 

il)  L'auteur  <1u  Génie  du  clirUtlanhme  ,  qui  a  consané 
un  rhapitre  de  son  outrage  à  la  gloire  de  Bollin ,  le  ter- 
iniue  par  cet  paroles:  «  Rolliii  tatlé  l-'énéinii  de  riii>toire, 
H  roniinr  lui  il  enibrilil  l'Egjple  el  la  Grèce.  Les  premiers 
volumes  de  l'Biitjire  anrienne  abondent  du  génie  de 
l'antiquilé.  La  narration  du  vertueux  rerlaur  est  pleine, 
simple  et  tranquille  ;  et  le  rlirislianisrae  .  attendrissant  sa 
plume  .  lui  a  donné  quelque  chose  qui  remue  les  en- 
trailles. Ses  éi-ril»  respirent  tous  cet  homme  de  bien,  dont 
le  cceur  est  une  fêle  continuelle,  selon  l'cipression  mer- 
veilleuse de  l'Ëcrilure.  Xous  pe  connaissons  pa.s  d'uutrage 
qui  remue  plut  douremi  nt  \'imr.  > 


ROL  475 

fait  par  Robert  Etienne.  L'abbé  Tailhié  a 
donné  un  abrégé  de  VHistoire  ancienne  , 
imprimé  avec  des  figures  à  Latisanne  et  à 
Genève  en  5  vol.  in-12.  VHistoire  an- 
cienne, VHistoire  romaine,  et  le  Traité 
des  études,  ont  été  réimprimés  en  16 
vol.  in-4,174  5.  En  1782  ,  Bassompierre, 
imprimeur  de  Liège,  a  donné  au  public 
une  très  belle  édition  de  VHistoire  ro- 
maine, avec  la  continuation,  IG  vol.  in-8. 
{Voyez  Belle.n'ger.)  (M.  Lelronne  a  donné 
une  nouvelle  édition  des  OEuvres  de  Roi- 
lin,  accompagnée  de  notes  et  d'observa- 
tions historiques ,  1821,30  vol.  in-8,  avec 
atlas.  M.  Lequien  a  aussi  publié  de  1  820 
à  1827,  en  30  volumes  in-8  ,  avec  des 
notes  sur  les  principale  époques,  l'his- 
toire romaine  et  l'histoire  ancienne 
par  M.  Guizot.  En  1818  l'académie  fran- 
çaise a  donné  à  31.  l'avocat  Berville  le 
prix  qu'elle  avait  proposé  pour  V éloge  de 
Rollin  ;  cet  éloge  se  trouve  à  la  tête  de 
l'édition  de  M.  Letronne. 

ROLLON,  PiOLL,  RoLF,  Rou,  Raoul  ou 
Hakocl,  ou  Robert,  I"',  duc  de  Norman- 
die, était  un  des  principaux  chefs  de  ces 
Danois  ou  Normands  qui  firent  tant  de 
courses  el  de  ravages  en  France  dans  les 
9«  et  lO^siècles.  (Il  était  fils  de  Rogvald, 
prince  établi  dans  la  NorAvége  septentrio- 
nale. Après  plusieurs  courses  dans  la  Bal- 
tique, en  Angleterre  et  en  Fiance,  il  s'em- 
para de  Rouen,  dont  il  fit  rebâtir  les  mu- 
railles, puis  entra  dans  Paris.  Il  vole  en- 
suite en  Angleterre  secourir  son  ami,  le 
roi  Alfred,  forme  une  puissante  armée, 
revient  en  France,  et  partout  oîi  il  passe 
il  laisse  la  morl  et  l'incendie. }  Le  roi 
Charles  le  Simple,  pour  avoir  la  paix  avec 
lui  ,  conclut  à  Saint-Clair-sur-Eple,  en 
912,  un  traité  par  lequel  il  donna  à  Rol- 
lon  sa  fille  Gisie  ou  Giselle  en  mariage, 
avec  la  partie  de  la  Neustrie  appelée  de- 
puis de  leur  nom  Normandie,  à  condition 
qu'il  en  ferait  hommage,  et  qu'il  embras- 
serait la  religion  chrétienne.  Rollon  y 
consentit ,  fut  baptisé,  et  prit  le  nom  de 
Robert ,  parce  que ,  dans  la  cérémonie  , 
Robert,  duc  de  France  et  de  Paris,  lui 
servit  de  parrain.  ÎMais  lorsqu'il  fallut 
rendre  l'hommage ,  dont  une  des  forma- 
lités était  de  baiser  le  pied  du  roi,  Je  fier 


47Ô  ROM 

Rotloa  dédaigna  de  le  faire  en  personne. 
L'officier  qui  le  fit  pour  lui  leva  si  haut 
le  pied  du  monarque,  qu'il  le  lU  tomber 
en  arrière.  La  France  était  alors  dans  une 
si  triste  situation  qu'on  feignit  ue  pren- 
dre cette  insolence  pour  une  maladresse 
dont  il  ne  fallait  que  rire.  Le  nouveau 
duc  de  Normandie  montra  autant  d'é- 
quité sur  le  trône  qu'il  avait  fait  éclater  de 
courage  dans  les  combats.  Son  nom  seul 
prononcé  faisait  la  loi ,  et  obligeait  de  se 
présenter  devant  les  juges.  C'est ,  selon 
quelques-uns,  l'origine  du  fameux  cri  de 
Haro,  qui  était  encore  en  usage  dans  la 
Normandie  avant  la  révolution,  et  dont  il 
est  fait  mention  dans  tous  les  édils  et 
déclarations  des  rois  de  France.  Il  est 
cependant  des  savans  qui  dérivent  le  mot 
de  haro  du  mot  tudesque  har.  qui  signifie 
cri  ou  clameur,  et  qui  annonçait  en  géné- 
ral la  réclamation  et  le  mécontentement 
des  peuples  contre  quelque  nouvelle  loi. 
Mais  lesdeux  sentimens  se  concilient,  en 
disant  que  ce  cri  populaire  prenait  une 
force  et  une  considération  particulières, 
lorsqu'il  avait  le  suffrage  du  duc  Piollon. 
On  rapporte  aussi  à  ce  prince  l'institution 
de  ['échiquier,  ou  parlement  ambulatoire, 
qui  fut  rendu  sédentaire  à  Rouen  l'an 
14D9.  Epuisé  de  fatigues  et  d'années, 
Rollon  abdiqua  en  927  enfaveur  de  Guil- 
laume son  fils,  et  vécut  encore  5  ans 
après ,  suivant  Guillaume  de  Jumicge. 
C'est  donc  une  erreur  manifeste  dansOr- 
deric  Yilal ,  de  placer  sa  mort,  comme  il 
fait,  dans  le  courant  de  l'année  917. 
ROLLWINCK   (Wernerus).     Foyez 

ROLEWINK. 

ROMAIN  (Saint),  diacre  de  l'église 
de  Césarée,  né  dans  la  Palestine  ,  souffrit 
le  martyre  sous  l'empereur  Dioclétien. 
Comme  il  reprenait  publiquement  les 
chrétiens  qui ,  pour  éviter  la  rage  des 
bourreaux,  allaientdans  les  temples  ado- 
ver  les  faux  dieux,  il  fut  pris  et  mené  de- 
vant le  juge ,  qui  le  condamna  à  être 
brûlé.  Etant  sur  le  bûcher,  attaché  au 
poteau,  et  voyant  que  les  bourreaux  at- 
tendaient que  l'empereur  ordonnât  d'y 
mettre  le  feu ,  il  les  pressa  et  leur  de- 
manda hardiment  où  était  le  feu.  L'em- 
pereur, en  étant  averti,  le  fit  ramener 


ROM 

devant  lui  pour  le  condamner  k  souffrir 
un  autre  supplice,  et  il  ordonna  qu'on  lui 
coupât  la  langue,  qu'il  donna  généreu- 
sement ;  il  fut  ensuite  mené  en  prison  et 
étranglé  quelque  temps  après.  —  Il  ne 
faut  pas  le  confondre  avec  saint  Romain 
qui  fut  décapité  à  Rome ,  la  veille  du 
m  n  tyre  de  saint  Laurent ,  qui  l'avait  in  - 
struilet baptisé  ;  niavec  deuxaulres  mar- 
tyrs du  même  nom. 

*  ROMAIN  (  Saint)  ,  en  latin  Roma- 
rins ,  l'un  des  fondateurs  de  l'abbaye  de 
Saint-Claude ,  dans  le  Jura ,  naquit  à 
Icrnore  dans  leBugey  ,  au  commence- 
ment du  5^  siècle.  Après  avoir  séjourné 
long-temps  dans  le  monastère  d'Ainay  , 
à  Lyon  ,  dans  lequel  il  était  entré  de 
bonne  heure  ,  il  obtint  la  permission  de 
se  retirer  dans  un  désert  placé  au  milieu 
des  gorges  du  mont  Jura.  Il  y  construisit 
une  cellule,  défricha  et  cultiva  un  petit 
terrain,  et  appela  auprès  de  lui  son  frère 
Lupicin.  La  réputation  de  sainteté  dont 
furent  bientôt  entourés  ces  deux  soli- 
taires ,  leur  attira  en  peu  de  temps  un 
•  grand  nombre  de  disciples  ,  et  les  força 
de  construire  quelques  nouvelles  cellules 
qui  devinrent  ainsi  l'origine  de  la  ville 
actuelle  de  Saint-Claude.  Les  deux  frères 
gouvernèrent  ensemble  ces  divers  éta- 
blissemens  religieux.  Romain  mourut 
vers  l'an  460,  et  fut  enterré  au  monastère 
de  La  Baume  qui  était  un  couvent  de  fem- 
mes, où  l'on  observait  la  clôture  la  plus 
exacte  ,  et  qui  devait  aussi  son  origine  à 
ces  pieux  solitaires.  Le  Martyrologe  ro- 
main place  la  fête  de  saint  Romain  au  28 
février. 

ROMAIN  (Saint),  issu  de  la  race  des 
rois  de  France,  fut  nommé  à  l'archevêché 
de  Roupn  en  626.  Sa  vertu  et  sa  naissance 
lui  acquirent  l'estime  des  peuples.  Il 
mourut  en  G39,  L'église  de  Rouen  était 
dans  l'usage  de  délivrer  tous  les  ans  un 
criminel  lejourde  l'Ascension.  Ce  droit, 
dont  elle  jouissait  de  temps  immémorial, 
est  fondé,  dit-on,  sur  le  privilège  qui  lui 
fut  accordé  par  un  des  rois  de  France  , 
en  mémoire  de  ce  que  saint  Romain  avait 
délivré  les  environs  de  Rouen  d'un  hor- 
rible dragon  qui  dévorait  les  hommes  et 
les  bestiaux.  On  sait   que  ces  dragons 


ROM 

tut's  sont  souvent  le  symbole  cl  l'expres- 
sion des  fléaux  et  des  maux  publics  arrê- 
tes par  le  courage,  Tinduslrie  ou  la  sain- 
teté de  quelque  bienfaiteur  de  l'humanité. 

ROMAIN,  pape  après  Etienne  VI,  en 
897,  cassa  la  procédure  de  son  prédé- 
cesseur contre  Formose,  et  mourut  vers 
la  fin  de  la  même  année  où  il  avait  été 
élu.  On  a  de  lui  une  Epître.  (Il  fut  rem- 
placé par  Théodore  II,} 

ROMAIN  P"^,  surnommé  Lécapène  , 
empereur  d'Orient,  né  en  Arménie  d'une 
famille  peu  distinguée  ,  porta  les  armes 
avec  succès  et  sauva  la  vie  à  l'empereur 
Basile  dans  une  bataille  contre  les  Sarra- 
sins. Ce  fut  là  l'origine  de  son  avancement 
rapide.  (Il  devint  premier  ministre  de 
Constantin  Porphyrogénète,  successeur 
de  Léon  le  philosophe,  qui  avait  succédé 
à  Basile.  Romain  fit  épouser  à  Constan- 
tin sa  fille  Hélène.  )  Ce  prince  le  déclara 
son  collègue  à  l'empire  en  919.  Bientôt 
Romain  eut  tout  le  pouvoir,  et  Constan- 
tin n'eut  que  le  second  rang.  Né  avec  de 
grands  talens,  il  cimenta  la  paix  avec 
les  Bulgares,  tailla  en  pièces  les  ftîoscovi- 
tes,  qui  s'étaient  jetés  sur  la  Thrace,  et 
q^ligea  les  Turcs  à  laisser  l'empire  en 
repos.  A  ces  qualités  guerrières  il  joignit 
l'humanité,  il  soulagea  ses  peuples,  et 
dans  un  temps  de  disette  il  eut  toujours 
quelques  pauvres  à  sa  table.  Romain 
voulut  rendre,  par  son  testament,  à  Con- 
stantin X,  son  beau-père,  le  premier 
rang,  dont  il  l'avait  privé  :  Etienne,  l'un 
des  fils  de  Romain,  fâché  de  cet  arrange- 
ment, le  fit  arrêter  et  conduire  dans  un 
monastère  où  il  finit  ses  jours,  en  94  8. 

ROMAIN  II,  dit  le  Jeune  ,  fils  de  Con- 
stantin Porphyrogénète, petil-iils du  pré- 
cédent, naquit  en  939.  Il  succéda  en  969  à 
son  père,  après  l'avoir,  dit-on,  empoi- 
sonné. Il  chassa  du  palais  sa  mère  Hélè- 
ne ,  et  ses  sœurs,  qui  se  prostituèrent 
pour  trouver  de  quoi  vivre.  Les  Sarrasins 
menaçant  de  tous  côtés  l'empire,  Nicé- 
phorePhocas,  grand  capitaine,  fut  en- 
voyé contre  ceux  de  l'ile  de  Crète  en  9G I , 
et  il  se  serait  rendu  maître  de  toute  l'île, 
s'il  n'avait  été  obligé  d'aller  descendre  à 
Lep  contre  d'autres  barbares  de  la  même 
ualion.  Il  'es  vainquit  dans  doux  Journées 


ROM  477 

consécutives,  tandis  que  le  lâche  Ro- 
main se  livrait  à  des  débauches  dont  il 
mourut  en  963  ,  après  un  règne  de  3  ans 
et  quelques  mois. 

ROMAIN  III,  surnommé  Argire^îiX^ 
de  Léon  ,  général  des  armées  impériales, 
parvint  à  l'empire  par  son  mariage  avec 
Zoé  ,  fille  de  Constantin  le  Jeune.  Il  com- 
mença de  régner  en  novembre  1028.  Il 
déshonora  le  trône  par  son  indolence,  et 
vit  tranquillement  les  Sarrasins  s'empa- 
rer de  la  Syrie.  Zoé  profita  de  sa  noncha- 
lance. Devenue  amoureuse  de  Michel , 
nommé  le  Paphlagonien  ,  trésorier  de 
l'empire,  elle  résolut  de  lui  mettre  sur  la 
tête  la  couronne  impériale.  Elle  empoi- 
sonna Romain;  et  comme  le  poison  était 
trop  lent,  elle  le  fit  étrangler  dans  un 
bain  en  avril  1034,  après  un  règne  de 
cinq  ans  et  quelques  mois. 

ROMAIN  IV ,  dit  Viogène  ,  était  un 
des  plus  braves  officiers  et  l'homme  le 
mieux  fait  de  l'empire.  Il  régna  en  1068, 
après  Constantin  Ducas,  qui  laissa  trois 
lils  sous  la  tutelle  de  l'impératrice  Eu- 
doxie.  Cetle  princesse  lui  avait  promis 
de  ne  pas  se  remarier  ;  mais  elle  viola  sa 
parole,  et  donna  sa  main  à  Romain  IV. 
Les  Sarrasins  faisaient  des  ravages  sur  les 
terres  de  l'empire  ;  il  marcha  contre 
eux,  et  les  vainquit.  Mais  en  1071  ,  il 
tomba  entre'  les  mains  d'Asan  ,  chef  des 
infidèles,  Ce  général  lui  ayant  demandé 
comment  il  l'aurait  traité  s'il  avait  été 
son  prisonnier ,  Romain  lui  répondit  :  Je 
vous  aurais  fait  percer  de  coups.  Je  n'i- 
miterais point,  répliqua  Asan  ,  plus  hu- 
main que  ne  l'étaient  pour  l'ordinaire 
ces  chefs  de  brigands  arabes  ou  turco- 
mans,  une  cruauté  si  contraire  et  ce  que 
J.  C. ,  votre  législateur  ,  vous  ordonne  ; 
el  il  le  renvoya  avec  beaucoup  d'honnê- 
teté. A  son  retour  à  Constantinople  ,  il 
lui  fallut  disputer  son  trône  contre  Mi- 
chel, vfils  de  Constantin  Ducas,  lequel 
avait  été  reconnu  empereur  pendant  sa 
captivité.  On  en  vint  aux  armes  :  Romain 
fut  vaincu ,  et  on  lui  creva  les  yeux.  Il 
mourut  des  suites  de  ce  supplice  en  octo- 
bre 107 1 ,  après  3  ans  et  8  mojs  de  règne. 
ROMAIN  (Le  cardinal  ).  rayez  Blas- 
ciiK  et  Lovis  IX. 


478  ROM 

ROMAIN  (  Jules  ) ,  peiuUe,  dont  le 
nom  de  famille  était  Giulo  Pippi ,  né  à 
Home  en  1492,  était  le  disciple  bien-aimé 
de  Raphaël ,  qui  le  fit  son  héritier.  Jules 
Romain  fut  long-temps  occupé  à  peindre 
d'après  les  dessins  de  son  illustre  maître, 
qu'il  rendait  avec  beaucoup  de  précision 
et  d'élégance  Tant  que  Jules  ne  fut 
qu'imitateur,  il  se  montra  un  peintre 
sage  ,  doux ,  gracieux  ;  mais  se  livrant 
tout  à  coup  à  l'essor  de  son  génie,  il 
étonna  par  la  hardiesse  de  sonstile,  par 
son  grand  goût  de  dessin,  par  le  feu  de 
ses  compositions,  par  la  grandeur  de  ses 
pensées  poétiques,  par  la  fierté  et  le  ter- 
rible de  ses  expressions.  On  lui  reproche 
^  d'avoir  trop  négligé  l'élude  de  la  nature 
pour  se  livrer  à  celle  de  l'antique  ,  de  ne 
point  entendre  le  jet  des  draperies,  de 
ne  pas  varier  ses  airs  de  tête  ,  d'avoir  un 
coloris  qui  donne  dans  la  brique  et  dans 
le  noir,  sans  intelligence  du  clair-ob- 
scur :  mais  aucun  maître  ne  mit  dans  ses 
tableaux  plus  d'esprit ,  de  génie  et  d'éru- 
dition. Jules  était  encore  excellent  ar- 
chitecte ;  plusieurs  palais ,  qu'on  admire 
en  Italie  ,  turent  élevés  suivant  les  plans 
qu'il  en  donna.  Ce  célèbre  artiste  fut  fort 
occupé  par  le  duc  Frédéric  Gonzague  de 
Manloue.  Ce  prince  le  combla  de  bien- 
faits ,  et  sa  protection  lui  fut  très  utile 
contre  les  recherches  qu'on  faisait  de  lui 
pour  les  vingt  dessins  qu'il  avait  com- 
posés d'un  pareil  nombre  d'estampes  très 
dissolues  que  grava  Marc-Antoine  Rai- 
mondi ,  et  que  Pierre  Arétin  accompagna 
de  sonnets  non  moins  abominables.  Tout 
l'orage  tomba  sur  e  graveur,  qui,  sans 
la  protection  du  cardinal  de  Médicis,  au- 
rait perdu  la  vie  dans  un  temps  oîi  les 
mœurs  étaient  regardées  comme  la  sau- 
ve garde  d  e  l'état  et  le  gage  du  bonheur 
public.  Jules  Romain  mourut  à  Mantoue 
en  1546. 

ROMAIN  DE  HooouE.  Foyez  Hooguk. 

ROMAIN  (François)  ou  le  Frère 
Romain ,  architecte.  Foyez  François 
Romain. 

*  ROMAN  (L'abbé  Jean -Joseph- 
Thérèse)  ,  littérateur,  naquit  à  Avignon  en 
172(5.  Il  vint  à  l'aris  à  l'âge  de  25  ans, 
fut  attaché  comme  desservant  à  la  paroisse 


ROM 

deSaint-Méri,  et  cultiva  les  lettresavec 
assez  de  succès.  Nommé  vicaire-général 
du  diocèse  de  Vence,  il  demeura  près  de 
la  fontaine  de  Vaucluse  où  il  continua 
ses  travaux  littéraires.  Il  entreprit  avec 
lord  Fitz-VV'illiam  différens  voyages  en 
Italie  ,  en  Allemagne ,  en  Suède  et  en  Da- 
nemark, etc. ,  et  fut  agrégé  à  plusieurs 
sociétés  savantes.  Il  mourut  dans  sa  pa- 
trie en  17  87  ,  et  a  laissé  :  1°  Essai  sur 
l'art  de  traduire  ;  2°  La  mort  d'Adam  y 
tragédie ,  traduite  de  l'allemand  de  Klo- 
pstock  ,  avec  un  discours  pri'liminaire, 
Paris,  1762,in-12;  3"  V Inoculation , 
poème  en  4  chants  ,  Paris,  1773,  in-8  , 
oîi  l'on  remarque  de  la  grâce  et  de  la  fa- 
cilité j  4"  Le  Génie  de  Pétrarque,  ou 
Imitation  en  vers  français  de  ses  plus 
belles  poésies,  précédées  de  la  Vie  de  cet 
homme,  dont  les  actions  et  les  écrits 
sont  une  des  plus  singulières  époques  de 
l'histoire  et  de  la  littérature  moderne , 
Parme  et  Paris,  1778,  in-8.  Cette  édition 
a  été  contrefaite  à  Avignon ,  dans  la 
même  année,  in-12.  La  FieAe  Pétrarque 
qui  est  à  la  tête  de  cet  ouvrage  ,  avec  la 
traduction  de  la  lettre  de  ce  poète  à  la 
postérité,  par  Tissot  de  Mornas,  ont  été 
imprimées  à  Avignon  eu  1804,  in-12,  par 
le5  soins  de  M.  Fortia  d'Urban ,  et  sous 
les  auspices  de  l'athénée  de  Vaucluse.  5° 
Les  Echec <t ,  poème  en  quatre  chants  , 
Paris  ,  1807  ,  1  vol.  in-S.  Ce  poème  est 
considéré  comme  supérieur  à  ceux  com- 
posés sur  le  même  sujet  par  Vida  ,  en 
latin  ;  par  Duschi ,  en  italien  ;  et  par 
Cérutti  en  français.  Les  vers  de  l'abbé 
Romain  ont  peut-être  moins  d'élégance 
que  ceux  des  auteurs  ci-dessus  énoncés  ;  I 
mais  il  a  sur  eux  le  mérite  d'avoir  traité  ^ 
cette  matière  avec  plus  de  précision  et  de 
clarté.  M.  Aug.  Courret  a  fait  précéder  l'é- 
dition qu'ila  donnée  decetouvragede/?e- 
rherches  historiques  sur  le  jeu  d'échecs. 
Il  a  en  outre  laissé  un  autre  manuscrit, 
qui,  ainsi  que  le  précédent,  fut  imprimé 
après  sa  mort,  et  qui  a  pour  titre  :  6" 
Mémoires  historiques  et  inédits  sur  les 
révolutions  arrivées  en  Danemark  et 
en  Suède  pendant  les  années  1770,  17  71 
et  17  72,  suivis  d'anecdotes  sur  le  pape 
Gnngnnelli  et  le  conclave  tenu  après  sa 


1 


ROM 

mort ,  et  d'un  récit  historique  sur  l'ab- 
dication de  f^ictor-Aintclée  ,  roi  de  Sar- 
daigne  ,  par  feu  Vabbé  Romain,  témoin 
oculaire,  et  imprimé  sur  ses  manuscrits 
autographes,  ornés  du  portrait  de  Gus- 
tave, 1807  ,  in-8.  Quoique  l'auteur  n'ait 
pas  été  témoin  oculaire  de  ces  évéïie- 
mer>s,  ainsi  que  l'annonce  le  litre,  comme 
il  arriva  ,  trois  ou  quatre  ans  après,  dans 
les  contrées  où  les  événemens  eurent  lieu, 
il  put  se  procurer  de  bons  renseignemens 
sur  les  révolutions  qu'il  a  décrites,  au- 
près des  personnes  qui  en  avaient  été 
témoins,  et  des  acteurs  eux-inèmes.  Cet 
ouvrage  est  très  curieux  ;  mais  l'auteur 
s'arrête  un  peu  trop  à  peindre  les  scanda- 
les domestiques  qui  déshonorent  quel- 
quefois les  palais  des  grands.  La  première 
de  ces  révolutions  est  celle  qui,  depuis 
1770  jusqu'en  1772,  éleva  presque  au 
rang  suprême  ,  en  Danemark  ,  le  méde- 
cin Strueusée ,  qui  périt  ensuite  sur  un 
échafaud,  et  qui  était  le  favori  de  Caro- 
line-Mathilde ,  sœur  de  George  III ,  roi 
d'Angleterre ,  et  femme  de  Christian  VII, 
prince  livré  aux  plaisirs  ,  dont  l'abus  le 
rendit  incapable  de  gouverner  ses  peu- 
ples. L'autre  révolution  est  celle  de 
Suède ,  où  Gustave  III ,  secondé  par  la 
France,  parvint,  sansrépandre  une  goutte 
de  sang ,  à  se  saisir  du  pouvoir  que  le  sé- 
nat avait  usurpé  depuisla  mort  de  Char- 
les XII,  et  pendant  le  règne  d'Ulrique, 
sœur  de  ce  monarque.  (Ce  même  sujet 
avait  été  traité  par  l'abbé  Micchelesi 
Sberidan ,  et  le  comte  de  Hordt.  )  L'abbé 
Romain  parle  ensuite  de  l'abdication  de 
Victor-Amédée ,  roi  de  Sardaigne.  Ces 
Mémoires &oni  écrits,  d'un  stiie  concis, 
rapide  et  plein  de  chaleur.  Les  anecdotes 
sur  le  pape  Ganganelli  n'offrent  pas  beau- 
coup d'intérêt,  et  semblent  même  dépla- 
cées dans  cet  ouvrage.  L'abbé  Romain  a 
écrit  aussi  :  7°  plusieurs  Discours  sur  la 
littérature,  des  Poésies  fugitives  pour 
les  journaux  etl'almanach  des  Muses.  Son 
caractère  était  doux ,  et  il  eut  le  bonheur 
de  se  faire ,  par  sa  conduite  et  par  ses 
ouvrages,  beaucoup  de  partisans  et 
presque  aucun  ennemi. 

*  ROMANA  (  Don  Pedro  Caro  y  Su- 
»KDA  ,  marquis  delà )  ,  fameux  général 


ROM  479 

espagnol  ,  naquit  le  3  octobre  1761  à 
Palma  dans  l'île  Majorque,  d'une  famille 
illustre  de  cette  île  ,  et  d'un  père  qui 
était  né  dans  le  même  lieu  ,  et  qui  avait 
obtenu  un  rang  élevé  dans  les  troupes  es- 
pagnoles ,  lorsqu'il  mourut  en  1775  dans 
la  guerre  contre  Alger.  Dès  l'âge  de  10 
ans,  il  fut  envoyé  au  collège  de  l'Oratoire 
à  Lyon  pour  y  faire  ses  premières  éludes 
qu'il  alla  continuer  à  l'université  de  Sa- 
lamanque  ,  et  ensuite  au  séminaire  des 
nobles  à  Madrid.  En  177  5  ,  il  entra  dans 
le  corps  royal  des  gardes-marines  ,  et 
dès  l'année  1778  il  fit  ses  cours  de  nau- 
tique à  Carthagène ,  où  se  trouve  une  de 
leurs  académies.  Nomméoflicier  en  1  779, 
il  devint,  l'année  suivante ,  adjudant  ou 
aide-de-camp  du  général  don  Ventura 
Moreno.  Lors  du  siège  de  Gibraltar  ,  en 
1782  ,  il  se  distingua  sur  les  chaloupes 
canonnières  et  sur  les  batteries  flottantes, 
et  ne  retourna  à  Valence  qu'en  1783  , 
lorsque  la  paix  fut  conclue.  Il  se  lia  d'a- 
mitié avec  le  comte  de  Lumiarès,  et  ils  se 
livrèrent  ensemble  à  l'étude  des  langues 
modernes,  de  l'histoire  et  des  antiquités. 
Le  marquis  de  la  Roniana  forma  chez  lui 
une  riche  bibliothèque  et  un  cabinet 
d'instrumens  de  physique  ,  par  le  moyen 
desquels  il  faisait  ,  de  concert ,  avec 
Lumiarès  ,  diverses  expériences  devant 
plusieurs  de  leurs  amis.  Le  marquis  , 
doué  d'une  mémoire  prodigieuse  ,  avait 
parcouru  ou  au  moins  effleuré  presque 
toutes  les  sciences  et  les  littératures  de 
l'Europe,  dont  il  parlait  les  langues  avec 
facilité.  Il  parcourut,  en  1785,  la  France, 
l'Italie,  l'Allemagne,  et  s'arrêta  quelques 
mois  à  Berlin  pour  acquérir  de  nouvelles 
connaissances  dans  l'art  militaire.  De  re- 
tour en  Espagne,  il  servit  sous  l'amiial 
Gravina ,  et  ,  en  1790  ,  il  fut  nommé  ca- 
pitaine de  frégate  ;  mais  il  n'aimait  pas  , 
comme  il  le  disait  lui-même  ,  le  service 
de  la  marine,  dans  lequel  il  n'était  entré 
que  pour  obéir  aux  ordres  de  son  père. 
Aussi  ,  lorsque  l'Espagne  eut  déclaré  la 
guerre  à  la  France  (en  1793),  il  demanda 
el  obtint  d'être  employé  dans  les  armées 
de  terre  ,  sous  les  ordres  de  son  oncle  , 
don  Ventura  Caro,  qui  commandait  l'ar- 
mée du  Nord.  Ce  général  le  mit  à  la  tête 


48o  -  ROM 

d'un  corps  de  2000  hommes  ,  avec  le- 
quel La  Romana  contribua  ,  le  30  avril , 
à  la  prise  de  Sare  ,  et  se  distingua  à  la 
bataille  de  Chàteaii-Pignon  ,  où  l'on  fit 
prisonnier  le  général  français  La  Gène- 
tière.  Muller ,  ayant  remplacé  celui-ci  , 
battit  les  Espagnols  ,  et  menaçait  Pampe- 
lunc.  Caro  réunit  sur  la  Biilassoa  12,000 
hommes  ,  partagés  en  quatre  colonnes  , 
dont  la  deuxième  était  commandée  par  La 
Bomana,  qui  chassa  les  Français  dûment 
Diamant  et  du  mont  Vert ,  et  s'y  établit  ; 
mais  deux  de  ces  colonnes,  ayant  été  re- 
poussées  ,  se  replièrent  sur  celles  de 
La  Uomana  et  d'Escalante,  qui  comman- 
dait la  première  avec  un  succès  égal  à 
celui  de  La  Romana.  Le  désordre  s'étant 
mis  dans  toute  l'armée ,  les  Espagnols 
repassèrent  la  Bidassoa  ,  furent  défaits  à 
Saint-Martial,  elles  Français  s'emparèrent 
de  Fonlarahie.  Caro  fut  rappelé  ,  et  La 
Romana  passa  à  l'armée  de  Catalogne  , 
sous  les  ordres  du  com  le  de  l'Union. 
Malgré  des  prodiges  de  valeur,  La  Romana 
ne  put  empêcher  la  déroute  des  Espa- 
gnols à  .Monte-^egro  ;  son  corps  cepen- 
dant couvrit  leur  retraite  ,  et  fut  le  seul 
qui  se  retira  en  bon  ordre.  L'Union  ayant 
trouvé  la  mort  dans  la  mêlée,  le  marquis 
des  Amarillas  lui  succéda  ,  par  intérim  , 
jusqu'à  ce  que  don  Josef  Urrutia  vint  le 
remplacer.  La  Romana  avait  été  élevé  au 
grade  de  maréchal -de -camp.  Urrutia 
trouva  une  entière  désorganisation  dans 
l'armée  ,  et  le  fort  de  Figuières  au  pou- 
■voir  des  Français.  Il  ne  se  découragea 
pas  ,  établit  une  discipline  sévère ,  et 
forma  le  projet  de  surprendre  l'ennemi. 
La  Romana  se  porta  ,  d'après  les  ordres 
d'Urrutia  ,  au  delà  de  Crispia,  attaqua 
vivement  les  Français  ,  et  les  culbuta. 
Mais  l'imprudence  d'un  caporal  ,  qui 
avait  ciié  Qui  vive  ?  avait  déjà  donné 
l'alarme  dans  le  camp  des  Français  ,  qui 
se  rallièrent,  et  La  Romana  se  replia  en 
bon  ordre  vers  Besalès;  Alix  combats  san- 
glansdes28  mars  et  5  mai,  dont  les  deux 
armées  s'attribuèrent  la  ■victoire  ,  il  dé- 
ploya la  même  intelligence  et  la  même 
valeur.  La  Romana  contribua  à  l'occupa- 
tion de  la  Cerdagne  française  ,  exécutée 
par  Urrutia  ;  mais  celle  expédition  ne  fut 


ROM 

pas  poussée  plus  loin  ,  la  paix  ayant  été 
conclue  à  Râle  ,  le  22  juillel  1795  ,  entre 
la  république  française  et  l'Espagne. 
(  Voyez  CiODOY  et  Chaiiles  IV.  )  La  Ro- 
mana se  retira  à  Alicante  avec  le  grade 
de  lieutenant-général.  Les  Anglais  s'élant 
emparés  de  l'île  Minorque  en  1798,  il  fut 
chargé  de  la  reprendre  ;  mais  celle  ex- 
pédition n'eut  point  lieu  par  suite  de  la 
défaite  éprouvée  par  la  flolte  espagnole, 
à  la  hauteur  du  cap  Trafalgar.  En  1800  , 
il  fut  nommé  par  intérim  capitaine  géné- 
ral de  la  Catalogne  ,  où  il  se  fit  aimer  et 
respecter  à  la  fois.  11  était  membre  du 
conseil  suprême  de  la  guerre,  lorsqu'on 
lui  donna  le  commandement  en  chef 
d'une  armée  de  là, 000  hommes  ,  que  le 
roi  d'Espagne  envoyait  ,  à  'la  demande 
de  Buonaparle  ,  dans  le  Hanovre,  pour 
fermer  aux  Anglais  les  embouchures  du 
Weser  et  de  l'Elbe  (  1807  ).  5000  Espa- 
gnols ,  que  Charles  IV  avait  accordés  à 
sa  fille  Marie-Louise  (  voyez  ce  nom  ) , 
reine  d'Etrurie  ,  partirent  de  Toscane  , 
pour  rejoindre  les  autres  troupes  desti- 
nées pour  le  ^■ord.  Elles  devancèrent 
celles-ci  ,  et  montrèrent  un  grand  cou- 
rage à  la  prise  deStralsund.  La  meilleure 
intelligence  régna  d'abord  entre  Berna- 
dotte  (actuellement  roi  de  Suède)  ,  gé-  . 
néral  en  chef  des  armées  françaises  et 
espagnoles,  et  le  marquis  de  La  Romana. 
Celui-ci  agit  de  concert  avec  ie  général 
français  dans  l'attaque  contre  la  Pomé- 
ranie  suédoise  ,  oii  ses  troupes  se  distin- 
guèrent par  leur  courage  et  leur  disci- 
pline. Après  la  paix  deTilsitt ,  en  juillet 
1807  ,  époque  à  laquelle  la  Grande-Bre- 
tagne était  eu  guerre  avec  le  Danemark, 
Napoléon  ayant  résolu  d'envahir  la  Suède, 
les  troupes  espagnoles  ,  qui  devaient  for- 
mer l'avant-gai  de  de  BerrtBdotle  ,  furent 
cantonnées  dans  le  Jutland  ,  et  les  îles 
de  Seelande  et  de  Fionie.  La  Romana  se 
trouvait  dans  cette  dernière  île  ,  lorsque 
le  général  français  lui  intima  l'ordre  de 
prêter  serment  à  Joseph  Buonaparle , 
que  Napoléon  avait  placé  sur  le  trône  de 
Charles  IV,  après  en  avoir  chassé  ce  mo- 
narque et  sa  famille.  La  Romana  se  trou- 
vait dans  une  position  délicatt  qui  le  for- 
çait de  dissimuler:  .-ans  se  soumettre  po- 


ROM 

sitivement  à  l'ordre  de  Bernadotte,   il 
l'éluda  en  quelque  sorte ,   en  protestant 
qu'il  suivrait  ,  dans  cette  circonstance  , 
les  vœux  de  sa  nation.  Sur  ces  entrefaites, 
■un  ecclésiastique  espagnol  étant  parvenu 
jusqu'à  lui,  lui  lit  connaître  la  véritable 
situation  de  l'Espagne.  Peu  après  ,  il  re- 
çut des  détails  plus  circonstanciés.    D. 
Vincente  Lobo  ,   officier  envoyé  par  la 
junte  deSéville,  et  une  lettre  du  général 
Moria ,  l'instruisirent  de  l'invasion  des 
Français  et  de  l'insurrection  des  Espa- 
gnols contre  Buonaparte  ,  qui  leur  avait 
imposé  un  roi  par  la  force.  En  attendant, 
La  Romana  répondait  évasivement  aux 
reproches  que  lui  faisait  Bernadotte  de 
n'avoir  prêté  qu'un  serment  condition- 
nel ,    et  adressait  en  secret  aux  divers 
chefs  des  corps  espagnols  une  circulaire 
énergique  ,  par  laquelle  ,  leur  dévoilant 
l'état  véritable  de  l'Espagne  ,  il  les  invi- 
tait tous  à  se  réunir  dans  les  îles  de  Fionie 
et  de  Langeland.  Une  flotte  anglaise,  sur 
laquelle  était  D.  Vincente  Lobo,  croisait 
dans  la  Baltique  ;  La  Romaua,  après  s'être 
entendu  avec  le  contre-amiral  Keals,  vit 
avec  plaisir  arriver  au  rendez-vous  indi- 
qué les  troupes  lidèles.   Il  manquait  ce- 
pendant près  de  4000  hommes  stationnés 
à  Boeskilde  et  les  environs  ,  et  apparte- 
nant aux  régimens  des  Âsturies  et  de 
Guadalajara  ,  et  deux  escadrons  de  celui 
d'Almanza  ,   cantonnés  dans  le  Jutland. 
Ils  avaient  refusé  obstinément  de  prêter 
serment  à  Joseph  Buonaparte,  et  s'étaient 
mis  en  insurrection.  Contraints  de  céder 
au  nombre,  ils  furent  désarmés  et  renfer- 
més dans  l'arsenal  de  Copenhague.  Pour 
écarter  tous  les  obstacles,    La  Romana  , 
supposant  un  ordre  de  Bernadotte  ,   fit 
retirer   trois   compagnies   danoises  qui 
étaient  à  Niborg  ,   dans  l'île  de  Fionie , 
et  l'occupa  malgré  la  résistance  du  gou- 
verneur danois.  H  fit  embarquer  dans  les 
chaloupes  canonnières  et  les  bâtimens  ca- 
boteurs danois  qui  se  trouvaient  à  Niborg 
et  à  Langeland  ,  ses  troupes  ,  montant  à 
10,000  hommes  ,   et  les  plaça  sous   les 
ordres  de  M.  de  San-Roman.  Il  les  rejoi- 
gnit à  Gothenbourg ,  d'où  elles  passèrent 
sur  des  vaisseaux  anglais  ,  qui  les  rame- 
nèrent en  Espagne.  La  Romana  se  rendit 


ROM 


481 


à  Londres  pour  réclamer  des  secours  ,  et 
arriva  en  Espagne  après  la  bataille  d'Es- 
piuosa  (  1 1  novembre  ,1808  ),  perdue  par 
le  général  Blake.  Il  fui  nommé  comman- 
dant eu  chef  de  la  btt^a^e  ,  de  la  Galice 
et  des  Asturies.  Il  obtint  ,  en  1809  ,  des 
succès  à  Villa-Franca ,  Vigo,  Lugo  ,  San- 
lago  ,  San-Payo  ,  et  força  les  armées  de 
Aey  et  de  Soult  d'évacuer  les  provinces 
septentrionales  de  l'Espagne.  Croyant  ne 
pas  voir  dans  la  junte  des  Asturies  assez 
de  zèle  pour  la  défense  du  pays  ,  il  la 
remplaça  par  une  autre.  Cet  acte  d'auto- 
rité déplut  à  la  junte  suprême,  qui  lui 
ordonna  de  se  rendre  auprès  d'elle.  La  Ro- 
mana obéit  pour  éviter  la  guerre  civile. 
Il  se  déclara  contre  le  système  démocra- 
tique ,  que  paraissait  suivre  la  junte  jus- 
qu'à la  réunion  des  cortès ,  et  proposa 
de  créer  un  conseil  de  régence,  composé 
de  trois  ou  cinq  personnes  ;  mais  on  n'eut 
point  égard  à  cet  avis.  Après  la  défaite 
de  Baiiesleros  ,  à  Alba-des-Tormes,  il  fut 
mis  ,  en  1810  ,  à  la  tête  de  25,000  hom- 
mes. Dans  la  crainte  que  Badajoz  ne  fût 
attaquée  ,  il  se  porta  sur  l'Estramadure  ; 
mais ,    au  moment  qu'il   espérait  d'en 
chasser  les  Français  ,  le  duc  de  Welling- 
ton l'appela  en  Portugal ,  pour  agir  de 
concert  avec  lui  contre  les  Français  com- 
mandés par  Masséna.   Arrivé  à  Cartajo  , 
en  juillet  1811  ,  il  y  tomba   dangereuse- 
ment malade  ,  et  mourut  le  23  du  même 
mois  à  l'âge  de  52  ans.  Le  plus  bel  éloge 
qu'on  puisse  faire  de  ce  général  se  trouve 
dans  le  passage  suivant  de  la   dépêche 
que  lord  Wellington  adressa  au  comte  de 
Liverpool ,  le  26  janvier  1811.  «  Ses  ver- 
»  tus  (  dit-il  en  parlant  de  La  Romana  } , 
u  sestalensetson  patriotisme  étaient  très 
»  connus  du  gouvernement  de  Sa  Majesté 
»  britannique.  En  lui,  l'armée  espagnole 
»  a  perdu  son  plus  bel  ornement  ;    son 
»  pays,  le  patriotisme  le  plus  pur;  et  le 
»  monde  ,  le  plus  brave  et  le  plus  zélé 
»  défenseur  de  la   cause  pour   laquelle 
»  nous  combattons.  Je  reconnaîtrai  tou- 
»  jours  avec    gratitude  l'assistance  que 
»  j'en  ai  reçue  ,  tant  par  ses  opérations 
»  que  par  ses  conseils ,   depuis  qu'il  a 
»  joint  cette  armée.  »  On  trouve  dans  la 
Colleclion  complémentaire  des  mémoires 
61. 


48a  ROM 

relatifs  à  la  révolution ,  Paris,  1824, 
3*  livraison  ,  [Sme  2  ,  in-8  ,  le  Journal 
de  La  Romana  jusqu'au  ô  septembre 
1808  ,  et  la  Correspondance  officielle  du 
contre-amirarWÈ*,'»'"àYec  La  Romana  et 
d'autres  généraux  espagnols. 

ROMAIN ELLl  (  Jean  François  ) ,  pein- 
tre, né  à  Vilerbe  en  1617,  entra  dans 
l'école  de  Pielro  de  Corlone.  Les  cardi- 
naux Barberin  et  Filomarino  le  recom- 
mandèrent au  pape  ,  qui  l'employa  à 
plusieurs  ouvrages  considérables.  Roma- 
ueili  fut  élu  prince  de  l'académie  de 
Saint-Luc.  Le  cardinal  Barberin,  ayant 
été  obligé  de  se  retirer  en  France ,  pro- 
posa ce  peintre  au  cardinal  Mazarin , 
qui  le  fit  aussitôt  venir ,  et  lui  donna 
occasion  de  faire  éclater  ses  talens.  Le 
roi  le  créa  chevalier  de  Saint-Michel , 
et  lui  fit  de  grands  présens.  L'amour  de 
sa  patrie  ,  et  les  sollicitations  de  sa  fa- 
mille avaient  rappelé  Romanelli  deux 
fois  à  Viterbe ,  lieu  de  sa  naissance  ; 
enfin  il  se  préparait  à  revenir  en  France, 
lorsque  la  mort  l'enleva  à  la  fleur  de  son 
âge,  en  1662.  Il  était  grand  dessinateur, 
bon  coloriste  ;  il  avait  des  pensées  no- 
bles et  élevées  ,  qu'il  rendait  avec  une 
touche  facile  -,  ses  airs  de  tête  sont  gra- 
cieux ;  il  ne  lui  a  manqué  que  plus  de 
feu  dans  ses  compositions.  Le  Musée  de 
Paris  possède  plusieurs  tableaux  de  ce 
grand  peintre. 

*  ROMANOWITSCH  (  Gabriel-Der- 
javin) ,  l'un  des  meilleurs  poètes  russes  , 
avait  d'abord  suivi  la  carrière  militaire  , 
où  il  s'était  distingué  :  il  la  quitta  pour 
entrer  dans  l'administration  ,  et  devint 
ministre  de  la  justice  sous  Catherine  II  ; 
mais  il  ne  resta  pas  long-temps  dans  ce 
poste  difficile,  dont  il  donna  sa  démission 
pour  se  livrer  entièrement  à  la  culture 
des  lettres.  Nous  ne  connaissons  point 
toutes  ses  Poésies  :  nous  savons  qu'il  en 
a  paru  en  1808  un  Recueil  en  4  vol.  , 
traduit  en  anglais.  Son  ode^^  Dieu  a  été 
traduite  en  latin  ;  elle  l'a  été  aussi  en  chi- 
nois par  ordre  de  l'empereur  de  la  Chine, 
qui  a  fait  imprimer  cette  pièce  en  lettres 
d'or  sur  une  étoffe  de  soie  qui  est  placée 
dans  une  des  salles  de  son  palais.  Roma- 
nov/ilsch  est  mort  dans  les  premiers  jours 


ROM 

du  mois  de  juillet  1832  ,  dans  ses  terres 
près  de  Novogorod. 

*  ROMAIN  ZOW  (  Pierre-Alexandro- 
Witsch,  comte  de),  célèbre  général  russe, 
né  à  St.-Pélersbourg  vers  1730,  d'une 
ancienne  et  illustre  maison ,  embrassa 
de  bonne  heure  la  carrière  des  armes,  et 
se  distingua  dès  l'année  1761  par  la 
prise  de  Colberg.  Après  avoir  eu  ensuite 
plusieurs  armées  sous  ses  ordres ,  il  com- 
mandait en  1770  celle  de  l'Ukraine, 
lorsqu'il  reçut  l'ordre  d'aller  s'opposer 
aux  Turcs  ,  qui  venaient  de  remporter 
plusieurs  avantages  sur  les  Russes.  Il  les 
rencontra  sur  les  rives  du  Pruth  ,  là  où 
Pierre  le  Grand  fut  sur  le  point  de  per- 
dre la  liberté ,  et  l'aurait  peut-être  per- 
due ,  ainsi  que  l'empire ,  sans  la  pré- 
sence d'esprit  de  son  épouse  Catherine  I. 
Romanzow  leur  livra  bataille  ,  et  quoi- 
que les  Turcs,  commandés  par  le  kaa 
de  Crimée,  fussent  au  nombre  de  80,000 
hommes,  il  les  battit,  et  les  força  à  se 
replier  sur  le  Danube.  Il  les  poursuivit 
jusqu'à  Kagoul  ;  mais  ,  s'étant  trop  avan- 
cé ,  il  se  vit  enveloppé  par  leur  armée  , 
forte  de  1 50,  000  hommes.  Quoiqu'il 
n'eût  que  18,000  combatlans ,  il  ne  se 
découragea  pas  :  comptant  sur  sa  bonne 
tactique,  il  les  attaqua  avec  intrépidité, 
malgré  le  feu  de  leur  nombreuse  ar- 
tillerie. La  baïonnette  et  l'exacte  disci- 
pline triomphèrent  du  nombre  ,  et  les 
Turcs ,  à  leur  tour ,  pressés  de  toutes  parts 
par  les  bataillons  carrés  des  Russes,  aban- 
donnèrent leur  camp.  Catherine  II  con- 
sacra le  souvenir  de  celte  mémorable 
victoire,  par  un  obélisque  en  marbre 
qu'elle  fit  élever  à  Tzarko-Zélo.  La  red- 
dition de  Bcnder  et  d'autres  places  im- 
. portantes ,  ainsi  que  la  possession  de  la 
route  sur  la  rive  gauche  du  Danube,  fu- 
rent les  résullatsde  la  journée  de  Kagoul. 
L'année  suivante,  Romanzow  assiégea  et 
prit  Giurgewo.  Les  hostilités  furent  sus- 
pendues en  17  72  et  pendant  les  trois 
premiers  mois  de  1 7  7  3. Pendant  ce  temps- 
là  on  entama  des  négociations  ,  et  Ro- 
manzow eut  plusieurs  conférences  avec 
le  grand  visir  Musseim  Ogiou.  Mais  les 
prétentions  de  l'impératrice  étant  trop 
onéreuses  pour  la  Porte,  les  hostilités 


ROM 

recomtneucèrent  avec  un  égal  acLarne- 
nient  de  part  et  d'autre.  Après  quelques 
léfjers  succès  ,  les  Turcs  furent  conti- 
nuellement battus  par  Romanzow,  qui , 
ayant  passe  le  Danube ,  s'avança  vers 
Schumïa,  où  il  trouva  le  grand  visir  sé- 
pare du  gros  de  son  armée ,  et  dans  une 
position  désavantageuse.  Il  lui  coupa  la 
communication  avec  ses  magasins  et  les 
restes  de  ses  troupes  ,  et  le  contraignit 
ainsi  à  demander  la  paix.  Les  prélimi- 
naires furent  signés  sur  un  tambour  dans 
}a  tente  même  de  Romanzow  ,  le  21  juil- 
let 1774  :  la  Porte  ottomane  accorda  à 
la  Piussie  l'indépendance  delà  Crimée, 
la  possession  d'Azof ,  la  libre  navigation 
sur  la  mer  Noire ,  et  le  passage  par  le 
canal  des  Dardanelles.  Catherine  II  invila 
Romanzow  à  partager  avec  elle  les  hon- 
neurs d'une  entrée  triomphante  qu'on 
avait  préparée  à  Moscou  ;  mais  le  modeste 
général  se  borna  à  se  présenter  devant 
l'impératrice  en  habit  de  simple  soldat , 
pour  lui  rendre  compte  des  opérations 
de  ses  brillantes  campagnes.  La  czarine 
lui  fit  don  d'une  épaulette  dediamans, 
et  de  l'ordre  de  Saint-George  ,  avec  un 
chapeau  portant  une  branche  de  laurier 
en  pierres  précieuses,  évaluées  à  30,000 
roubles,  en  outre  d'une  terre  contenant 
5,000  paysans,  et  elle  voulut  qu'il  prît 
le  surnom  de  Zadonaïskoï ,  Transda- 
uubien.  Après  cette  entrevue,  Romanzow 
partit  pour  son  gouvernement  d'Ukraine. 
11  n'y  demeura  pas  long-temps  ;  Cathe- 
rine II  le  fit  revenir  pour  accompagner 
à  Rcriin  le  grand-duc  Paul  Pcirowitz 
(  depuis  Paul  \"  ) ,  qui  allait  épouser  la 
princesse  deVVurlemberg.  Elle  lui  adressa 
à  cette  occasion  la  lettre  la  plus  flatteuse  : 
<f  Ce  n'est,  lui  écrtvait-elle,  qu'au  zèle 
»  du  plus  illustre  appui  de  mon  trône 
»  que  je  puis  me  résoudre  à  confier  mon 
»  fils.  1)  En  Prusse ,  Romanzow  reçut  les 
honneurs  les  plus  distingués.  Lorsque 
Frédéric  II  aperçut  le  maréchal ,  il  s'a- 
vança vers  lui,  et  lui  dit  du  ton  le  plus 
affable  :  «  Vainqueur  des  Ottomans  , 
«  soyez  le  bien-venu  :  je  suis  charmé  de 
»  voir  celui  dont  le  nom  doit  passer  à  la 
»  postérité  la  plus  reculée.  »  Dans  les 
fêles  données  au  grand-duc,  le  roi  d€ 


ROM  483 

Prusse  n'oublia  pas  Romanzow  ;  et,  dans 
la  manœuvre  de  la  garnison  de  Postdam, 
il  fit  ranger  ses  soldats  en  bataillons  car- 
rés ,  à  l'imitation  des  Russes  dans  la  ba- 
taille de  Kagoul.  Cependant  son  influence 
auprès  de  la  czarine  sembla  diminuer , 
ainsi  que  la  reconnaissance  de  cette  prin- 
cesse, lorsqu'elle  accorda  sa  faveur  tout 
entière  à  Potemkin  ;  c'était  au  commen- 
cement d'une  nouvelle  guerre  avec  1^ 
Turcs  (1787).  On  osa  offrir  à  leur  vain- 
queur ,  couvert  de  lauriers  et  de  cica- 
trices ,  de  commander  en  second  sous 
le  favori,  plus  expérimenté  alors  dans 
les  intrigues  de  cour  que  dans  l'art  mili- 
taire. Romanzow  .s'excusa  sur  son  âg-e, 
et  demanda  en  même  temps  sa  retraite, 
qu'on  lui  accorda  aussitôt.  Il  mourut 
en  1790.  Paul  l*"'  fit  élever  une  pyra- 
mide en  son  honneur,  sur  la  place  du 
palais  de  marbre  à  St.-Pétersbourg ,  et 
l'empereur  Alexandre  lui  a  fait  ériger  une 
statue,  avec  cette  inscription  ,  aux  vic- 
toires de  Romanzow.  On  trouve  des  dé- 
tails intéressans  sur  cet  illustre  maré- 
chal, dans  les  Mémoires  secrets  sur  la 
Russie  par  Charles -François -Philippe 
Masson.  Romanzow  fut  un  des  plus  grands 
généraux  de  son  siècle  :  il  obtint  l'a- 
mour et  le  respect  de  ses  compatriotes 
et.de  ses  soldats,  et  l'estime  de  tous  les 
souverains  de  l'Europe. 

ROMBOUTS  (  Théodore  )  ,  peintre, 
né  à  Anvers  en  1597,  possédait  très  bien 
la  partie  du  coloris;  mais  trop  prévenu 
en  sa  faveur,  il  opposa  toujours  ses  ou- 
vrages à  ceux  du  célèbre  Rubens,  son 
contemporain  et  son  compatriote.  Ce 
parallèle  qu'il  aurait  dû  prudemment 
éviter,  ne  pouvait  pas  être  à  son  avan- 
tage. (Il  fit  le  voyage  de  Rome  ,  oii  il  fut 
bientôt  connu  avantageusement.  Appelé 
par  le  grand-duc  de  Toscane ,  il  passa  à 
Florence,  oîi  il  peignit  plusieurs  tableaux 
bistoriques.)  Après  avoir  peint  des  sujets 
graves  et  majestueux ,  il  se  délassait  à  re- 
présenter des  assemblées  de  charlatans  , 
de  buveurs ,  de  musiciens ,  etc.  Il  mourut 
à  Anvers  en  1037  ou  1G40,  selon  Weyer- 
mans.  (  Ses  tableaux  les  plus  remarqua- 
bles sont  :  Saint  François  recevant  les 
stigmates  y  Le   Sacrifice  d^ Abraham  , 


484  ROM 

et  Themis  avec  ses  attributs ,  qui  est 
dans  la  salle  de  justice  de  Land ,  et 
qui  frappa  d'admiration  Rubens  lui- 
même.) 

ROME  (  Esprit-Jean  de  } ,  sieur  b'Ab- 
SENK ,  né  à  Marseille  en  1687  ,  fit  ses  pre- 
mières études  à  Nancy,  et  après  un  assez 
long  séjour  à  Paris,  il  retourna  dans  sa 
patrie  ,  où  il  mourut  en  1748.  On  a  pu- 
blié en  1767  ses  OEuvres posthumes  ^ 
en  4  vol.  petit  in- 12  ,  parmi  lesquelles 
on  doit  distinguer  ses  FaôZej ,  et  le  Dis- 
cours judicieux  dont  il  les  a  accompa- 
gnées. S'il  n'a  pas  la  naïveté  de  La  Fon- 
taine, on  ne  peut  lui  refuser  beaucoup 
d'aménité  ,  des  images  riantes ,  un  goût 
de  philosophie  champêtre ,  et  des  ta- 
bleaux agréables  de  la  nature.  On  trouve 
encore  dans  ce  recueil  des  Discours  et 
des  Odes  qui  furent  couronnés  par  di- 
verses académies.  11  était  membre  de 
celle  de  Marseille.  La  plupart  des  autres 
pièces  de  ce  recueil  auraient  pu  rester 
dans  le  portefeuille  de  l'éditeur. 

ROME  DE  L'JSLE  (  Jean  Baptiste- 
Louis  ),  physicien  et  minéralogiste,  né 
à  Gray  en  Franche-Comté  ,  le  26  août 
1736,  mourut  à  Paris  le  10  mars  1790.  Il 
montra  de  bonne  heure  un  goût  décidé 
pour  les  observations  et  les  recherches  , 
et  s'appliqua  particulièrement  à  la  miné- 
ralogie. (Après  avoir  fait  ses  études  à  Pa- 
ris ,  il  partit  pour  les  Indes,  et  fut  fait  pri- 
sonnier à  Pondicheri  par  les  Anglais.  De 
retour  en  France  en  1764,  il  étudia  sous 
M.  Sage  l'histoire  naturelle,  et  donna 
même  un  cours  de  minéralogie.)  II  publia 
sur  celle  science  un  grand  nombre  d'Es- 
sais et  de  Mémoires  qui  furent  suivis 
en  1 7  83  de  la  Cristallographie  ,  ou  Des- 
cription des  formes  propres  à  tous  les 
corps  du  règne  minerai,  dans  Ve'tatde 
combinaison  saline ,  pierreuse  et  métal- 
lique, avec  figures  et  tableaux  synopti- 
ques de  tous  les  cristaux  connus ,  Pa- 
ris, 4  vol.  in-8.  Ce  grand  ouvrage  aug- 
menta beaucoup  sa  réputation  cl  attira 
r;tltenlion  des  physiciens.  H  y  prétend 
que  la  cristnllisnlion  cstreffet  d'une  pro- 
priété commune  à  tous  les  corps  du  rè- 
gne minéral  ,  d'affccicr  une  figure  po- 
lyèdre ,  constante   cl    déterminée  dans 


ROM 

chaque  espèce;  que  c'est  un  des  plus 
curieux  phénomènes  de  la  nature ,  et 
l'un  de  ceux  dont  on  peut  dire  que  la 
découverte  semble  ne  pouvoir  plus  être 
contestée ,  à  raison  du  grand  nombre 
d'observations  qui  viennent  à  son  appui. 
Il  la  définit  ainsi  :  Une  loi  fondamen- 
tale de  la  nature ,  en  vertu  de  laquelle 
les  parties  intégrantes  ou  similaires 
d'un  corps  ,  atténuées ,  dissoutes  et  sé- 
parées les  unes  des  autres  par  l'interpo- 
sition d'un  fluide  ,  sont  déterminées  à 
se  rejoindre  et  à  former  des  masses  so- 
lides d'une  figure  polyèdre^  régulière 
et  constante.  Le  quatrième  volume  est 
formé  de  planches  où  sont  plus  de  500 
figures  :  tous  les  genres  de  cristaux  y 
sont  classés  par  le  nombre  et  la  disposi- 
tion de  leurs  angles.  Rien  ne  prouve 
mieux  que  cet  aspect  les  recherches  im- 
menses et  pénibles  de  l'auteur,  son  as- 
siduité et  sa  patience  à  observer,  à  sui- 
vre la  nature  dans  ses  plus  petits  et  plus 
secrets  détails.  On  peut  dire  que  c'est 
là  que  son  grand  principe ,  touchant  la 
forme  déterminée  et  invariable  des  cris- 
taux ,  reçoit  en  quelque  façon  la  sanction 
des  sens  et  des  yeux ,  plus  propres  à 
convaincre,  surtout  en  physique ,  que 
les  raisonnemens  les  plus  lumineux.  Ce- 
pendant, et  l'auteur  ne  se  le  dissimule  pas, 
son  système,  ou  ,  si  l'on  veut,  sa  décou- 
verte ,  est  combattu  par  de  grands  adver- 
saires, et  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarqua- 
ble ,  par  des  naturalistes  célèbres  ,  qui 
prétendent  s'être  convaincus  par  leurs 
propres  yeux  d'un  état  de  choses  tout 
contraire  à  celui  que  croit  avoir  vu  Rome 
de  l'Isle.  2"  L'année  suivante,  il  donna 
son  traité  Des  caractères  extérieurs  des 
minéraux,  Paris,  17  84,  1  vol.  in-8: 
espèce  de  supplément  à  l'ouvrage  précé- 
dent. '  Voyez  le  Journ.  hist.  et  litt., 
\"  juillet  1786,  p.  349  ).  On  a  encore 
de  lui  :  3"  Métrologie  ou  Table  pour 
servir  à  t intelligence  des  poids  et  me- 
sures des  anciens  ^  et  principalement  à 
déterminer  la  valeur  des  monnaies  grec- 
ques et  romaines ,  d'après  leur  rapport 
avec  les  poids  i  (4"  Lettre  à  M.  Bertrand 
sur  les  polype  t  d'eau  douce,  1 766 ,  in  12; 
.■>"  l'Action  du  feu  central  bannie  de  la 


RUM 

surface  du  globe,  et  le  soleil  rétabli 
dans  ses  droits,  1779.1781  ,  in-8.  L'au- 
teur s'écarte  dans  cet  ouvrage  de  l'opi- 
nion de  Buffon  relativement  au  feu  ccip- 
tral.  Il  appuie  la  sienne  sur  des  faits  in- 
contestables, sans  cependant  manquer 
au  respect  qu'on  doit  aux  grands  hom- 
mes :  il  combat  Buffon ,  mais  il  ne  lui 
refuse  pas  la  justice  dont  ses  talens  sont 
dignes.  6°  Différens  Catalogues  raison- 
nes de  plusieurs  riches  collections  de 
minéraux,  de  cristallisations  et  de  ma- 
drépores ,  parmi  lesquels  on  distingue 
celui  du  cabinet  de  Davila  ;  le  tout  3 
vol.  in-8.  )  C'était  un  de  ces  savans  mo- 
destes et  appliqués,  pour  lesquels  l'étude 
a  plus  d'attraits  que  le  bruit  de  la  célé- 
brité. 

R031ILL0N  (  Elisabeth  ) ,  deLisleau 
comtat  Venaissin  ,  perdit  son  mari  et 
ses  enfans  dans  un  âge  peu  avancé.  Il  ne 
lui  resta  de  son  mariage  qu'une  fille  nom- 
mée Françoise,  née  en  1573,  qui  se 
joignit  à  elle  pour  établir  des  religieuses, 
sous  la  règle  du  tiers-ordre  de  Saint-Fran- 
çois. Elle  mourut  en  1619,  sans  avoir  eu 
la  consolatibn  de  voir  perfectionner  cet 
établissement.  Sa  fille,  Françoise  de  Bar- 
thelier,  y  mit  la  dernière  main.  Elle 
donna  des  constitutions  à  ses  filles,  et 
les  nomma  Religieuses  de  Sainte-Elisa- 
beth. Après  avoir  fondé  plusieurs  cou- 
vens  de  son  ordre,  elle  retourna  à  celui 
de  Paris,  où  elle  mourut  en  odeur  de 
sainteté  l'an  1G45. 

ROMILLY  (  Jean-Edme  ),  pasteur,  né 
en  1738  à  Genève,  mort  dans  la  petite 
paroisse  de  Sacconai  le  29  octobre  1779, 
âgé  de  4 1  ans  ,  a  fourni  divers  articles 
à  la  compilation  enci/clope'dique ,  entre 
autres  les  articles  tolérance  et  vertu. 
Jl  a  aussi  publié  des  Sermons  sur  divers 
textes  de  l'Ecriture  sainte.  Les  grandes 
vérités  y  sont  solidement  établies.  Nous 
ne  sommes  cependant  pas  de  l'avis  de 
l'éditeur,  qui  prétend  en  faire  le  ma- 
nuel des  catholiques  :  1°  parce  que  nous 
avons  en  ce  genre  des  discours  très  su- 
périeurs ,  discours  faits  par  les  plus 
grands  orateurs  du  siècle  pass^  et  de 
celui-ci  ;  discours  où  la  morale  est  unie 
au  dogme  qui  lui  donne  la  sanction  ,  et 


ROM  485 

parfaitement  d'accord  avec  lui  ;  2°  parce 
que ,  se  prévenant  pour  un  auteur  d'une 
manière  quelconque ,  ne  fût-ce  que  pour 
le  stile,on  se  prévient  aisément  pour 
la  généralité  de  ses  sentimens,  même 
pour  ceux  que  nous  faisons  profession 
d'ailleurs  de  rejeter.  Cependant  l'en- 
chantement du  stile  de  M.  Romilly  n'ira 
pas  jusque  là.  Sa  manière  négligée  et 
froide  présente  en  même  temps ,  par  un 
contraste  assez  singulier,  des  expressions 
recherchées  et  des  prétentions  au  bel- 
esprit. 

*  ROMILLY  (Sir-Samuel),  juriscon- 
sulte anglais,  né  à  Londres  vers  1758  , 
descendait  d'une  famille  protestante  sor- 
tie de  France  à  la  révocation  de  l'édit 
de  Nantes  et  retirée  i»  Genève  en  Suisse. 
Le  père  de  Samuel  se  fixa  en  Angleterre 
vers  17  40  et  y  exerça  la  profession  de 
joaillier.  Le  jeune  Samuel  acheva  ses  étu- 
des à  Londres  et  se  fit  recevoir  avocat. 
11  s'était  acquis  par  ses  talens  une  nom- 
breuse clientelle.  Sa  faible  santé  le  força 
de  voyager  sur  le  continent  ;  il  se  trou- 
vait en  France  dans  le  commencement 
de  la  révolution ,  et  fut  en  relation  avec 
Mirabeau.  Après  avoir  parcouru  laSuisse, 
il  revint  en  Angleterre ,  pour  reprendre 
ses  occupations  de  jurisconsulte.  Bientôt 
il  se  fit  connaître  par  ses  opinions  poli- 
tiques, et  il  s'attacha  avec  ardeur  aux 
principes  des  whigs.  Lorsque  Fox  et  le 
lord  Grenville  furent  mis  en  1806  à  la 
tête  du  ministère,  Romilly  fut  choisi  pour 
occuper  le  poste  de  Sollicitor  ou  d'avo- 
cat général  de  la  commune,  puis  nommé 
membre  de  la  chambre  des  communes  et 
créé  peu  après  chevalier.  Mais  la  mort  de 
Fox,  arrivée  la  même  année,  entraîna  la 
dissolution  de  ce  ministère  :  Romilly 
perdit  sa  charge,  et  se  plaça  dans  les 
rangs  de  l'opposition.  Il  s'occupa  sur- 
tout de  la  réforme  du  code  des  lois  cri- 
minelles, et  dans  la  session  de  1808,  il 
proposa  quelques  changemens  dans  les 
dispositions  relatives  aux  vols  ordinai- 
res :  il  demanda  aussi  qu'on  prît  de 
nouvelles  mesures  pour  améliorer  le  sort 
des  accusés  qui  ne  sont  que  prévenus. 
Depuis  cette  époque,  il  parla  dans  un 
grand  nombre  de  circonstances,  notain-> 


486  ROx\I 

ment  dans  les  débals  qui  eurent  lieu  sur 
la  question  de  l'émancipation  des  catho- 
liques d'Irlande ,  dans  les  diverses  occa- 
sions où  le  ministère  a  demandé  la  sus- 
pension de  Vffabeas  Corpus  ou  VAlien- 
bill\,  lorsqu'il  s'agit  des  malheureux  Noirs 
pour  lesquels  il  sollicitait  une  législation 
moins  dure.  H  publia  en  1 8 1 0  un  ouvrage 
sur  les  lois  criminelles  de  l'Angleterre , 
qui  fit  une  vive  sensation.  En  1815,  lors 
des  troubles  qui  eurent  lieu  à  Nîmes , 
Romilly  prononça  plusieurs  discours 
dans  la  chambre  des  communes  pour  en- 
gager le  gouvernement  anglais  à  inter- 
venir en  faveur  des  protestans  du  midi 
de  la  France  ;  mais  ces  motions  furent 
écartées  par  la  majorité.  En  1818  il  per- 
dit sa  femme  à  laquelle  il  était  très  atta- 
ché :  trois  jours  après  il  se  donna  la  mort. 
Sir  Samuel  Romilly  a  publié  :  1°  Observa- 
tions sur  les  lois  criminelles  en  ce  qui 
concerne  les  peines  capitales,  Londres  , 
Ï810,  in-8  ;  2°  Objections  au  projet  de 
créer  un  vice- chancelier  d'Angleterre  , 
ibid. ,  1812,  in-8  (sans  nom  d'auteur); 
3"  Discours  à  la  chambre  des^ommu- 
nes  sur  V article  du  traite'  de  paix  rela- 
tif au  commerce  des  esclaves,  ibid.  1814, 
in-8.  M.  Benjamin  Constant ,  dont  les 
opinions  politiques  ressemblaient  beau- 
coup à  celles  de  Sir  Samuel  Romilly  ,  a 
fait  son  éloge  ,  1819,  in-8. 

*  ROMME  (  Charles) ,  géomètre  ,  né 
à  Riom  vers  1744  ,  termina  ses  études  à 
Paris  ,  et  reçut  des  leçons  d'astronomie 
de  Lalande.  En  1771  il  imagina  une 
méthode  pour  mesurer  les  longitudes  en 
mer.  Les  observations  intéressantes  qu'il 
fit ,  lui  méritèrent  les  suffrages  de  l'aca- 
démie des  Sciences  qui  le  nomma  en  1778 
son  correspondant  ;  plus  tard  il  devint 
membre  associé  de  l'Institut  et  membre 
de  la  légion  d'honneur.  Il  mourut 
en  1805  à  Rochefort  oii  Lalande  lui  avait 
fait  obtenir  la  place  de  professeur  de  na- 
vigation. Il  débuta  avec  succès  par  l'ou- 
vrage suivant:  1°  Me'thode  pour  trouver 
les  longitudes  en  mer,  1771  ,  in-8. 
Il  donna  ensuite  et  successivement  : 
2"  L'Art  de  la  mâture  des  vaisseaux , 
avec  Terrin,  1778 ,  in-fol.,  inséré  dans  la 
Description  des  arts  et  métiers;  3"  VArt 


ROM 

de  la  voilure,  1781,  in-fol.  ;  V  L'Art  de 
la  marine  ,  ou  Principes  et  préceptes  gé- 
néraux de  l'art  de  construire  ,  d'armer, 
de  manœuvrer  et  de  conduire  les  vais- 
seaux, La  Rochelle  ,  1787  ,  in-4,avec 
figures  ;  5°  Recherches  faites  par  ordre 
de  S.  M.  britannique  ,  en  il 6 1)  et  1771, 
pour  rectifier  les  cartes  et  perfectionner 
la  navigation  du  canal  de  Bahama ,  tra- 
duites de  l'anglais  de  Guillaume  Cil. 
Brahm  ,  1 787  ;  G"  Dictionnaire  de  la  ma- 
rine française  ,  La  hochelle,  ^192,  in-8,  J 
Paris,  181 3,  même  format;  7°  Diction-  1 
naire  de  la  marine  anglaise,  Paris,  1804, 
2  vol.  in-8  ;  8°  Tableaux  des  vents  ,  des 
TO«reé^  ,  etc.,  Paris  ,  1805,  2  vol.  in-8. 
Ces  trois  ouvragesfirent  beaucoup  d'hon- 
neur à  Romme ,  ainsi  que  son  Modèle 
des  calculs  pour  trouver  en  mer  la  lon- 
gitude et  la  latitude,  1800,  in-4.  Il 
combat  la  latitude  établie  par  Borda  , 
et  en  prouve  les  inconvéniens  dans  plu- 
sieurs circonstances.  Delambre  ,  dans 
son  ouvrage  de  la  Connaissance  des 
temps  de  l'an  12  (1804),  se  range  de 
l'avis  de  Romme  ,  en  prouvant  que  dif- 
férens  auteurs  se  trompaient  en  calcu- 
lant que  la  somme  des  deux  hauteurs  et 
de  la  distance  surpasse  180  degrés. 
Romme  fit,  en  1787,  des  expériences 
sur  la  résistance  de  l'eau,  si  nécessaire 
aux  constructeurs.  On  en  trouve  le  ré- 
sultat dans  ïllistoire  des  mathématiques 
de  Montucla  ,  tom.  4,  page  454. 

*  ROMME  (  Gilbert),  frère  du  précé- 
dent, naquit  à  Riom  en  1750.  Il  s'appli- 
qua d'abord  à  l'étude  des  mathématiques. 
Après  avoir  professé  pendant  plusieurs 
années  et  avoir  été  instituteur  dans  la 
maison  du  comte  Strogonoff,  il  revint 
en  France.  Il  s'était  retiré  à  Gineaux,  oii 
il  s'occupait  à  faire  valoir  ses  terres ,  lors- 
que nos  troubles  politiques  éveillèrent 
son  ambition.  Il  se  déclara  en  faveur  des 
innovations ,  et  devint  un  des  jaco- 
bins les  plus  ardens.  En  1791  ,  il  fut  élu 
par  le  déparlement  dn  Puy-de-Dôme  dé- 
puté à  la  législature  et  puisa  la  Conven- 
tion nationale.  Dans  ces  deux  assem-  j 
blées  ,  il  se  montra  l'ennemi  déclaré  des  1 
prêtres  et  de  la  monarchie  ,  vota  la  mort 
de  Louis  XYI,  et  n'épargna   rien    pour 


ROM 

défendre  et  propager  les  principes  de  la 
montagne.  Sa  \oix  rude,  sa  figure  ,  ses 
formes  grossières ,  ses  manières  brus- 
ques ,  le  firent  appeler  par  Mercier  (  dans 
son  Nouveau  Paris)  le  Mulet  d^ Auver- 
gne. Le  19  mai  1792,  il  dénonça  le  juge 
de  paix  Larivière  ,  qui ,  au  sujet  du  comi- 
té' autrichien  ,  avait  ordonné  l'arresta- 
tion de  Bazire,  Merlin  et  Chabot,  accu- 
sateurs de  ce  comité  imaginaire.  Le  31 
mai  1793  ,  il  se  prononça  contre  les  Gi- 
rondins ,  et  fut  envoyé  à  Cherbourg 
pour  les  surveiller  ;  mais  ils  l'arrêtèrent 
en  juin,  et  le  firent  enfermer  à  Caen 
comme  otage  des  députés  frappés  de 
proscription  le  2  de  ce  même  mois.  Son 
parti  triomphant  lui  rendit  la  liberté ,  et 
en  septembre  il  présenta  et  fit  adopter  le 
calendrier  républicain ,  qu'il  avait  ré- 
digé d'après  le  plan  de  l'astronome  La- 
lande  et  avec  Fabre  d'Egiantine.  Ce  fut 
lui  qui  fit  supprimer  la  place  de  direc- 
teur de  l'académie  de  France  à  Rome,  et 
la  maison  d'éducation  de  Saint-Cyr.  Au 
mois  de  novembre  ,  il  présida  la  Con- 
vention et  y  fit  plusieurs  rapports  sur 
l'instruction  publique.  Romme  provoqua 
la  dissolution  de  l'école  normale  ,  qu'il 
accusa  de  charlatanisme.  La  chute  de 
Robespierre ,  le  9  thermidor  (  27  juil- 
let 1794  ),  et  celle  de  la  montagne,  l'ob- 
ligèrent à  cacher  pendant  quelque  temps 
ses  véritables  opinions  ;  mais  dans  l'af- 
faire de  Carrier  ,  il  ne  put  les  dissimuler 
davantage  :  il  essaya  d'entreprendre  la 
défense  de  cet  homme  sanguinaire,  et  se 
prononça  contre  le  système  de  réaction 
qui  dominait  alors  en  France.  Il  avait  été 
nommé  en  novembre  un  des  vingt-un 
membres  chargés  d'eiaminerla  conduite 
de  Carrier ,  et  dans  le  rapport  qu'il  en 
fit ,  il  pencha  en  sa  faveur  ,  et  tâcha 
même  d'excuser  ses  «rimes.  La  Conven- 
tion l'envoya  parcourir  les  ports  de  Nor- 
mandie ,  pour  visiter  les  marchandises 
étrangères  qu'on  y  avait  confisquées.  De 
retour  à  Paris,  il  se  rattacha  smx  jaco- 
bins, appuya  leurs  projets  contre  la  Con- 
vention ,  et  se  montra  à  la  tête  des  fau- 
bourgs insurgés  qui  allèrent  l'attaquer 
le  1"  prairial  an  3  (20  mai  1796).  Son 
parti  ayant  succombé  pour  la  seconde 


ROM  487 

fois,  il  fut  le  même  jour  décrété  d'arres- 
tation ;  il  fut  livré  à  une  commission  mi- 
litaire ,  qui  le  condamna  à  mort.  Lors- 
qu'on lui  lut  son  jugement,  il  se  poi- 
gnarda :  ses  cinq  compagnons  en  firent 
autant  :  trois  seulement  périrent  sur-le- 
champ  :  Romme  fut  de  ce  nombre  ;  les 
trois  autres  furent  traînés  tout  san- 
glansà  l'échafaud.  C'était  le  18  juin  1795. 
On  connaît  de  Gilbert  Romme  VAn- 
nuaire  du  cultivateur  ,  Paris  ,  an  3 , 
(1795,  in-8). 

*  ROMNEY  (  George  )  ,  célèbre  pein- 
tre anglais ,  naquit  en  1734,  dans  le 
comté  de  Lancastre  d'un  fermier  peu  aisé. 
Il  eut  pour  maître  un  peintre  ambulant  ; 
mais  il  dut  plus  à  ses  dispositions  na- 
turelles qu'aux  leçons  de  son  professeur. 
Ayant  composé  ,  fort  jeune ,  un  tableau 
représentant  la  mort  du  général  ïVolfy 
il  vint  à  Londres ,  se  présenta  à  l'aca- 
démie de  peinture ,  et  obtint  le  second 
prix.  Il  vendit  ce  tableau  très  cher ,  et 
en  consacra  le  prix  à  faire  des  voyages 
en  Italie  :  il  résida  plus  particulièrement 
à  Florence  et  à  Rome  ,  oii  il  étudia  les 
grands  modèles  et  se  perfectionna  dans 
son  art.  De  retour  à  Londres,  il  se  distin- 
gna  dans  les  portraits  ,  et  surtout  dans 
ceux  qu'il  fit  pour  miss  Hart,  depuis 
lady  Hamilton.  (  Foyez  ce  nom.  )  Lors- 
qu'elle parut  en  déesse  de  la  santé  sur 
les  tréteaux  du  charlatan  Graham,Rom- 
ney  l'en  retira,  et  elle  l'abandonna  en- 
suite pour  le  neveu  du  lord  Hamiltdn. 
Outre  un  grand  nombre  de  portraits, 
on  cite  encore  de  cet  artiste  plusieurs 
tableaux  d'histoire  très  estimés  des  con- 
naisseurs. (  On  cite  avec  éloge  son  nau" 
frage  tiré  de  la  tempête  de  Shakes- 
peare, Cassandre  d'après  le  Troïlus ,  et 
Cressida  du  même  poète,  etc.  Romney 
avait  montré  dès  son  enfance  un  grand  ta- 
lent pour  les  arts  industriels  :  il  imitait 
tousles  objets  qui  tombaientsous  sa  main; 
c'est  ainsi  qu'il  fabriqua  un  violon  qu'il 
garda  toute  sa  vie. }  Il  mourut  à  Kendel 
en  1802. 

ROMUALD  (  Saint  ) ,  fondateur  et 
premier  abbé  de  l'ordre  des  camaldules, 
naquit  à  Ravenne  vers  952  ,  de  la  famille 
ducale  des  Honesti.  Séduit  par  les  attraits 


488  ROM 

de  la  volupté  ,  il  se  livra  à  tous  les  char- 
mes trompeurs  du  monde.  La  grâce  le 
toucha  enfin  ,  et  il  se  renferma  dans  le 
monastère  de  Classe ,  près  de  Ravenne  , 
où  quelques  moines  peu  réguliers,  gênés 
par  sa  vertu  ,  voulurent  le  précipiter  du 
haut  d'une  terrasse.  Il  fut  obligé  de  se  re- 
tirer auprès  d'un  ermite,  nommé  Marin, 
qui  demeurait  aux  environs  de  Venise. 
Ce  solitaire  récitait  tous  les  jours  le  Psau- 
tier ;  et  comme  Romuald  savait  à  peine 
lire ,  Marin  ,  pour  le    rendre  attentif  et 
hâter  les  fruits  des  leçons,  peut-être  plus 
encore  pour  éprouver  sa  constance ,  lui 
donnait  des  coups  de  baguette  sur  la  tête, 
du  côté  gauche.  Le  jeune  solitaire,  après 
l'avoir  long -temps  souffert,  lui  dit  enfin 
de  le  frapper  du  côte  droit ,  parce  qu'il 
n'entendait  presque  plus  de  l'oreille  gau- 
che. Le  vieillard  admira  sa  patience ,  et 
le  traita  avec  plus  de  douceur.  Romuald 
bâtit  plusieurs  monastères,   et  envoya 
des  religieux  prêcher  l'Evangile  aux  in- 
fidèles de  Hongrie.   Il  partit  lui  même 
pour  cette  mission  ;  mais  il  fut  arrêté  en 
chemin  par  une  langueur  qui  l'empêcha 
d'aller  plus  loin.  Saint  Romuald  fonda  , 
l'an  1012 ,  le  monastère  de  Camaldoli  en 
Toscane  :  c'est  de  là  que  son  ordre  a  pris 
le  nom  de  camaldule.  Le  saint  fondateur 
rendit  son  âme  à  Dieu  en  1027,  à  75  ans, 
près  de  Val-de-Castro.   Ses   vertus   lui 
avaient  acquis  une  grande  considération. 
L'empereur  Henri  H  l'appela  à  sa  cour 
en  1022;  mais  le  pieux  solitaire  ,  faprès 
lui  avoir  donné  de  sages  conseils ,  re- 
tourna dans  sa  chère  retraite.  Les  cen- 
seurs du  christianisme  demandent  si, 
pour  se  sanctifier ,  il  est  nécessaire  de  se 
retirer  dans  les  déserts?  Non,  sans  doute; 
«  mais  ce  goût,  dit  un  auteur  sage  et  équi- 
»  table  ,  que  Dieu  a  inspiré  à  des  person- 
»  nages  très  vertueux,  n'a  pas  été  inutile 
»  au  monde.  Ils  ont   défriché   et  rendu 
u  habitables  des  lieux  qui  étaient  sau- 
»  vages  ;  la  renommée  de  leurs  vertus  a 
»  souvent  tiré  du  désordre  des  hommes 
»  qui  seraient  morts  impénitens  ;  la  so- 
»  litude  est  nécessaire  à  ceux  pour  les- 
u  quels  le  monde  est  un  séjour  dangereux, 
«  et  il  y  aurait  de  l'injustice  à  gêner  leur 
»  inclination.  »  Le  D.  Pierre   Damien  a 


ROM 

tkîrit  sa  f^ie.  Jean-Iienoit  Mitlarclli  et 
Anselme  Constadini,  religieux  camal- 
dules ,  ont  donné  les  Annales  de  cet 
ordre  en  9  vol.  in-fol. ,  Venise,  ilSh — 
1773.  On  voità  la  tête  le  plan  du  monas- 
tère de  Camaldoli  dans  une  situation 
sauvage  et  pittoresque  au  haut  de  l'A- 
pennin. 

ROMULTJS  ,  fondateur  et  premier  roi 
de  Rome ,  était  frère  de  Rémus ,  et  fils  de 
Bhéa  Sylvia,  fille  de  Numitor,  roi  d'Albe. 
Ce  dernier  prince  ayant  été  détrôné  par 
son  frère  AmuHus,  sa  fille  fut  mise  au 
nombre  des  Vestales.  On  croyait   l'em- 
pêcher d'avoir  des  enfans  ;  mais  elle  se 
trouva  bientôt  enceinte  ,  et  pour  couvrir 
son  déshonneur,  lorsqu'elle  eut  accouché 
de    deux   jumeaux ,  elle   publia  qu'ils 
étaient  le  fruit  d'un  comm«rce  avec  le 
dieu  Mars.  Amulius  les  fit  exposer  sur  le 
Tibre ,  oii  Faustulc  ,  intendant  des  ber- 
gers du  roi ,  les  trouva ,  et  les  fit  élever 
par  Laurentia  son    épouse.  C'était  une 
femme  à  qui  sa  lubricité  avait  mérité  le 
nom  de  Louve.  De  là  la  fable  qu'ils  avaient 
été  allaités  par  l'animal  qui  porte  ce  nom. 
Dès  que  les  deux  frères  se  virent  eu  état 
de    combattre ,  ils    rassemblèrent    des 
voleurs  et  des  brigands,  tuèrent  Amu- 
lius,   et    rétablirent  Numitor    dans  le 
royaume  d'Albe.  Romulus  fonda  ensuite 
la  ville   de  Rome,  vers  l'an  7  52  avant 
J.-C.  Comme  ses  sujets   manquaient  de 
femmes ,  il  célébra  des  jeux ,  pendant 
lesquels  il  fit  enlever  les  filles  des  Sabins 
et  de  plusieurs  autres  peuples.  Les  na- 
tions voisines  coururent  aux  armes  pour 
se  venger  de  cette  insulte  ;  mais  elles  fu- 
rent vaincues  et  contraintes  de  faire  la 
paix.  Romulus  établit  ensuite  un  sénat, 
fit  des  lois,  et  disparut  en  faisant  larevue 
de  son  armée ,  près  du  marais  de  Caprée, 
pendant  un   grand  orage ,  soit  qu'il  eût 
été  tué  par  le  tonnerre,  soit  que  les  séna- 
teurs ,  qui  commençaient  à  haïr  et  à  re- 
douter  sa    puissance ,   l'eussent  mis  à 
mort  :  c'était  vers  l'an  715  avant  J.-C. 
Le  fondateur  de  Rome  avait  fait  faire  le 
dénombrement  de  tous  les  citoyens  de 
cette  ville ,  quelque   temps  auparavant. 
Il  ne  s'y  trouva   que  3000  hommes  de 
pied,  et  environ  300  cavaliers.  Tel  fut  le 


RON 

berceau  de  l'empire  romain  Jacques  Gro- 
novius  publia  en  IG84  une  Dissertation 
dans  laquelle  il  entreprend  de  prouver 
que  l'origine  de  Romulus  ,  sa  naissance  , 
son  éducation  et  l'enlèvement  des  Sa- 
hines  ,  ne  sont  qu'un  pur  roman  ,  inventé 
par  un  Grec  nommé  Dindes.  Cette  opi- 
nion parait  assez  vraisemblable.  Les  fa- 
bles embellissent ,  ou  plulôt  déshono- 
rent ;  et  quoiqu'un  historien  sage  ne  les 
croie  pas ,  il  est  obligé  de  les  rap- 
porter, parce  qu'il  est  jugé  très  souvent 
par  les  sols.  Romulus  eut  les  bonneurs 
divins  après  sa  mort.  On  l'appelle  aussi 
Quirinus,  comme  fondateur  des  Romaius, 
qu'il  appela  Qiiirites.  (On  peut  consulter 
sur  Romulus  l'Histoire  grecque  de  Hull- 
mann  et  son  traité  de  Consualibus , 
l'Histoire  de  la  république  romaine  par 
Fergusson  ;  l'Histoire  romaine  de  Nie- 
buhr,  traduite  en  français  par  M.  deGol- 
bery  ;  la  Chronologie  des  anciens  royau- 
mes corrigée  par  ÎVewton  ;  Discours  et 
reflexions  critiques  sur  l'histoire  et  le 
gouvernement  de  l'ancienne  Rome  par 
M.  Hooke,  traduits  et  publiés  en  fran- 
çais par  son  fils,  sous  la  fausse  initiale  G. 
Les  f^ies  de  Romulus  et  de  Numa , 
de  Plutarque,  V Essai  sur  la  durée  des 
règnes  des  rois  de  Rome  par  Argarotti  ; 
l' Incertitude  des  cinq  premiers  siècles  de 
l'histoire  Romaine  par  L.  de  Reaufort.) 

RONDEL  (  Jacques  de  ) ,  écrivain  pro- 
testant ,  enseigna  long-lemps  les  belles- 
lettres  à  Sedan,  oii  il  se  lia  d'amitié  avec 
le  fameux  Rayle,qui  faisait  cas  de  son 
savoir  ,  et  qui  lui  adressa  le  projet  de  son 
Dictionnaire.  L'académie  de  celte  ville 
ayant  été  détruite  en  IG81  ,  il  se  retira  à 
Maëstricbt,  où  il  mourut  fort  âge,  en 
17 15.  On  a  de  lui  :  l"une  f^ie  d'Fpicure, 
Paris,  l679,in-12-,  2°  un  Discours  sur 
le  chapitre  de  Théophraste ,  qui  traite 
de  la  superstition,  Amsterdam,  168.5, 
in-12  ,  etc. ,  etc.  ;  deux  ouvrages  oîiily 
a  peu  d'utile  à  recueillir. 

RONDELET  (Guillaume),  né  à  Mont- 
pellier en  1507  ,  y  professa  la  médecine 
avec  réputation.  C'est  à  sa  sollicitation 
que  le  roi  Henri  II  fit  bâtir  le  théâtre 
anatomique  de  sa  patrie.  Il  s'appliquait 
à  i'anatomie  avec  tant  d'ardeur  ou  de 
XI. 


RON 


4^9 


fureur,  qu'il  fit  lui-même  l'ouverture  du 
corps  d'un  de  ses  enfans  :  opération 
digne  d'un  cannibale,  et  qui  porterait  à 
croire  que  I'anatomie  peut  quelquefois 
rendre  inhumain,  surtout  si  l'on  combine 
cette  scène  avec  d'autres  plus  atroces 
encore ,  exercées  dans  le  cours  de  ce 
siècle  soi-disant  philosophique,  sur  des 
enfans  en  vie  ,  des  pauvres  et  des  étran- 
gers. Ce  père  dénaturé  mourut  à  Réal- 
mont  ,  dans  l'Albigeois,  en  1566  ,  pour 
avoir  trop  mangé  de  figues.  On  a  de  lui  : 
1°  une  H.  nire  des  poissons ,  en  latin, 
1554,  2  vol.  in-fol.,eten  français,  1558, 
in-fol. Le  président  deThou  dit  qu'il  a  tiré 
cette  histoire  des  Commentaires  sur 
Pline  de  Guillaume  Pélicier,  évêque  de 
Montpellier,  qui  n'ont  jamais  vu  le  jour. 
2°  Plusieurs  ouvrages  de  médecine.  Ils  ne 
répondent  point  à  la  réputation  qu'il 
s'était  acquise.  C'est  lui  que  Rabelais  a 
joué  sous  le  nom  de  Rondibilis.  Sa  P^ie 
se  trouve  dnns  les  OEuvres  de  Laurent 
Joubert  son  élève. 

*  ROINDELET  (Jean),  architecte  , né 
à  Lyon  en  1743,  fit  ses  éludes  au  collège 
des  jésuites  de  sa  ville  natale.  Les  leçons 
de  M  Loyer  développèrent  en  lui  legoût 
de  l'arcbilecture ,  et  il  devint  ensuite 
l'un  des  élèves  les  plus  distingués  du  cé- 
lèbre Soufflot.  Chargé  d'abord  de  l'in- 
spection des  Ira  vaux  de  l'église  Sainte-Ge- 
neviève ,  il  fut  ensuite  désigné  par  son 
maître  pour  les  continuer  :  Soufflot  n'a- 
vait pu  faire  construire  que  le  portail,  la 
nef,  les  bas  côtés  et  les  tours  de  cet  édi- 
fice :  après  sa  mort  qui  eut  lieu  en  1780, 
Rondelet  commença  le  dôme.  Les  criti- 
ques du  temps  avaient  décidé  que  l'exé- 
cution en  élait  impossible  Rondelet  mit 
le  comble  à  la  gloire  de  Soufflot  en  dé- 
montrant le  contraire  parla  construction 
elle-même  ,  et  l'on  vit  s'élever  par  ses 
soins  la  double  colonnade  et  la  triple 
coupole  qui  couronnentsi  élégamment  ce 
monument  qui  avait  été  consacré  primi- 
tivement à  être  la  basilique  delà  patronne 
de  Paris,  et  qui  est  redevenu  ce  qu'il  fut 
sous  la  république  une  espèce  de  temple 
païen  oîi  l'on  doit  déposer  ceux  qu'une 
loi  aura  déclarés  grands  hommes.  En  1 7  83, 
Rondelet  fit  sous  les  auspices  du  gouver- 
62. 


490  HON 

nement  un  voyage  en  Italie  dans  le  but  de 
faire  des  recherches  dans  la  partie  de  son 
art  relatives  à  la  construction.  Les  obser- 
vations qu'il  ht  pendant  les  deux  ans  que 
dura  ce  voyage  ,  et  sa  pratique  longue 
et  savante  servirent  à  la  composition 
d'un  Traité  théorique  et  pratique  de 
Pari  de  bâtir.  Il  publia  ensuite  divers 
Mémoires  sur  la  reconstruction  de  la 
coupole  de  la  halle  aux  blés,  sur  la  ma- 
rine des  anciens  ,  ses  commentaires  sur 
Trouiin  et  son  ouvrage  sur  les  aqueducs 
de  Rome.  Il  remplissait  en  même  temps 
plusieurs  fonctions  importantes  :  ainsi  il 
participa  à  la  direction  de  tout  ce  qui 
s'exécutait  en  France  sous  la  surveillance 
de  la  commission  des  travaux  publiés 
en  1794  et  1796  :  à  cette  époque  il  con- 
tribua à  la  formation  de  l'école  poly- 
technique, et  particulièrement  à  l'organi- 
sation de  toute  la  partie  relative  aux  tra- 
vaux civils  et  aux  écoles  d'application.  Il 
était  professeur  à  l'école  royale  des  beaux- 
arts  et  membre  de  l'Institut.  Rondelet  est 
mort  à  Paris,  le  25  septembre  1829  : 
MM.  Vaudoyer  et  Baitard  ont  prononcé 
des  discours  sur  sa  tombe.  On  trouve  dans 
VEncyclopédie  méthodique  un  grand 
nombre  d'articles  de  cet  architecte. 

'  RONDELLI  (  Geminiano } ,  célèbre 
mathématicien  ,  naquit  le  2  août  1652, 
dans  un  village  près  de  Modène.  il  fit  ses 
études  dans  l'université  de  Bologne  ,  oîi 
il  occupa  les  chaires  de  mathématiques 
et  de  philosophie ,  fit  d'excellens  élèves  , 
qui  furent  ensuite  maîtres,  de  Zanotti , 
Canlerzani,  Halcani,  etc.  On  a  de  lui 
différens  ouvrages  dont  on  cite  les  sui- 
vans  :  1  °  Aquarum  fluentium  mensura , 
nova  methodo  inquisita ,  Bologne,  1691, 
in- 4. 2°  Planorum  et  solidorum  Euclidis 
elementa  facilioribus  demonstrationibus 
explicata,  ibid. ,  1693;  3°  Universale 
trigonometria  lineare  ologartimica , 
ibid.,  1705  ,  in-4.  Il  est  mort  en  1735  , 
âgé  de  83  ans. 

RONDET  (Laurent-Etienne),  fils 
d'un  imprimeur  de  Paris  et  petit-fils  de 
Jean  Boudot ,  dont  nous  avons  un  dic- 
tionnaire latin-français  très  connu ,  na- 
quit le  6  mai  1717,  et  mourut  le  l^'avril 
nSS.  Il  s'est  distingué  particulièrement 


RÔN 

dans  l'étude  de  la  langue  hébraïque  ,  et 
a  donné  une  édition  de  la  Grammaire 
hébraïque  de  Fleury  ,  professeur  royal , 
sous  le  titre  de  Grammaticœ  hebraicce 
compendiosum  exemplar ,  1724  ,  in-fol. 
(  Rondet  est   principalement  connu  par 
l'édition  de  la  Bible  ,  qu'il  publia  sous  le 
titre  de  Sainte  Bible,  en  latin  et  en  fran- 
çais ,  avec  des  notes,  des  préfaces  et  des 
dissertations,  Paris,  1748-  50,  l4vol. 
in-4 ,    et  qui   est  vulgairement  connue 
sous  le  nom  de  Bible  de  l'abbé  de  Vence, 
quoiqu'il  n'y  ait  eu  aucune  part,  et  que 
l'éditeur  n'ait  pris  dans  les  ouvrages  de 
ce  savant  docteur  qu'un  très  petit  nom- 
bre de  dissertations.  Le  plus  grand  nom- 
bre des  préfaces  et  des  dissertations  sont 
de  dom  Calmet  ;  elles  sont  conservées 
entièrement,  mais  revues,  corrigées,  et 
quelquefois  plus  développées.  La  traduc- 
tion, avec  une  paraphrase  littérale  ,  en 
caractères  italiques,  intercalée   dans  la 
traduction  ,  est ,  à  peu  de  chose  près  ,  la 
même  que   celle  du  Père  de  Carrières. 
Rondet  donna  une  nouvelle  édition   de 
cette   Bible,   Avignon  ,  1767 -74  ,  en  17 
vol.  in-4  ;  il  la  revit  avec  un    nouveau 
soin  ,  conféra  ses  notes  avec  celles   du 
Père  Houbigaut ,  et  ajouta  beaucoup  de 
dissertations  ,  qui   sont  le   fruit  de  son 
travail.  Cette  édition  a  été  réimprimée  à 
Nîmes  en  1 7  vol.  in-8.  Enfin  ,  une  4^  édi- 
tion, en  25  vol.  in-8  ,  avec  atlas   in-4,  a 
paru  à  Paris  (  1828  ) ,  chez  Méquignon- 
Havard.  Elle  offre  des  changemens  ,  des 
améliorations  ,  et  est  exécutée  avec  beau- 
coup de  soin.  3°  Rondet  a  publié  le  pre- 
mier volume  d'un  Dictionnaire  historique 
et  critique  de  la  Bible.  (  4"  Il  a  encore 
publié  une  seconde  édition  de  la  Bible 
traduite  sur   les  textes    originaux    par 
l'abbé  Le  Gros,  1756,   5  vol.  in-12;5<' 
une  autre  édition  du  nouveau  Testament 
traduit  par  Mésenguy  ,  1754  ,  in-12  ;  6° 
deux  éditions  de  la  Bible  traduite  par  de 
Sacy  ,  1758  et  1776  ;  7"  des  éditions  du 
Bréviaire  de  Carcassonne  ,  du  Bréviaire 
de  Cahors  ,   du  Bréviaire  du  Mans ,  du 
Rituel  de  Soissons,  etc.  Toutes  ces  édi- 
tions et  les  notes  qui  les  accompagnent 
prouvent  l'application,  les  recherches  et 
le  goût  de  Rondet  pour  les  sciences  ec-^ 


RON 

clësiasliques  ;  il  est  fâcheux  que ,  dans 
plus  d'un  endroit ,  on  découvre  des  vues 
de  parti ,  et  des  traces  de  ses  liaisons 
avec  les  agens  d'une  secte  qui  porte  le 
trouble  dans  la  science  théologique,  en 
même  temps  qu'elle  essaie  de  détruire  la 
hiérarchie  et  l'union  catholique.  8"  Un 
grand  nombre  de  Dissertations ,  où  l'au- 
teur adopte  presque  toujours  l'opinion 
la  moins  suivie  ,  et  la  plus  propre  à 
nourrir  des  impressions  désavantageuses 
au  texte  sacré.  Celle  qu'il  a  donnée  sur 
les  sauterelles  de  V Apocalypse  est  le 
fruit  du  fanatisme  le  plus  forcené ,  d'une 
fureur  de  haine ,  indigne  d'un  chré- 
tien et  même  d'un  homme  sensé.  Nous 
n'avons  pas  trouvé  celte  dissertation 
dans  la  Bibleàe^onàei.{P^oyez  leJourn. 
hist.  etlitt.,  1"  juin  1784  ,  p.  173.  }  On 
l'a  refondae  dans  Les  Sept  âges  de  VE- 
glise,  ou  Conjectures  sur  le  i prédictions 
de  l'Apocalypse  de  saint  Jean,  17  83, 
2  vol.  in-12.  9"  On  marque  le  même 
esprit  dans  la  suite  qu'il  a  dounée  à  la 
Continuation  de  f  Histoire  ecclésiastique 
de  Fîeury,  par  Fabre.  (  f^oyez  ce  mot.  ) 
(  Nous  ne  connaissons  pas  cette  conti- 
nuation :  l'abbé  de  Feiler  s'est  peut- 
être  trompé  en  l'attribuant  à  Rondet  :  la 
table  des  matières  de  cette  Histoire  est  en 
4  volumes  :  elle  est  de  Rondet.  Cette  con- 
tinuation n'est  d'ailleurs  qu'une  esquisse 
informe  qui  n'est  bonne  à  rien.  10"  Son 
Précis  de  {'Histoire  ecclésiastique  est  peu 
estimé.  Rondet  a  donné  encore,  11°  la 
f^ie  de  AI.  Besogne ,  panégyrique  d'un 
homme  de  parti ,  fait  par  un  homme  du 
même  parti.  (  On  peut  consulter  «sur  les 
ouvrages  qu'il  a  publiés  le  Journal  ec- 
clésiastique de  1786,  laFrance  littéraire 
d'Ersch ,  et  le  Dictionnaire  des  Ano- 
nymes,  tom.  4.  p.  460.  ) 

RONSARD  (  Pierre  de) ,  poète  fran- 
çais ,  né  au  château  de  la  Poissonnière , 
dans  le  Venddmois ,  en  1624,  d'une 
famille  noble ,  fut  élevé  à  Paris  au  col- 
lège de  Navarre.  Les  sciences  ne  lui  of- 
frant que  des  épines,  il  quitta  ce  collège, 
et  devint  page  du  duc  d'Orléans,  hls  de 
François  I*',  qui  le  donna  à  Jacques 
Stuart ,  roi  d'Ecosse ,  qui  était  venu 
épouser  en  Fr^mce  Marie  de  Lorraine. 


RON  491 

Ronsard  demeura  en  Ecosse  ,  auprès  de 
ce  prince,  plus  de  deux  ans,  et  revint 
ensuite  en  France  ,  où  il  fut  employé  par 
le  duc  d'Orléans  dans  diverses  négocia- 
tions. Il  accompagna  Lazare  Baïf  à  la 
diète  de  Spire.  Ce  savant  lui  ayant  inspiré 
du  goût  pour  les  belles-lettres ,  il  apprit 
le  grec  sous  Daurat  avec  le  fils  de  Baïf, 
et  cultiva  les  Muses  avec  un  tel  succès, 
qu'on  l'appela  le  Prince  des  poètes  de 
son  temps.  (  P^.  Saint-Gklais.  )  Henri  H, 
François  U ,  Charles  IX  et  Henri  III  le 
comblèrent  de  bienfaits  et  de  faveurs. 
Ronsard  ayant  mérité  le  premier  prix 
des  jeux  floraux  ,  on  regarda  la  récom- 
pense qui  était  promise  comme  au  des- 
sous du  mérite  de  l'ouvrage  et  de  la  ré- 
putation du  poète.  La  ville  de  Toulouse 
fit  donc  faire  une  Minerve  d'argent  massif, 
et  d'un  prix  considérable ,  qu'elle  lui 
envoya.  Le  présent  fut  accompagné  d'un 
décret,  qui  déclarait  Ronsard /e  Poète 
français  par  excellence.  Marie  Stuart  , 
reine  d'Ecosse  ,  aussi  sensible  à  son 
mérite  que  les  Toulousains ,  lui  donna  un 
buffet  fort  riche  ,  où  il  y  avait  un  vase 
en  forme  de  rosier,  représentant  le  Par- 
nasse ,  au  haut  duquel  était  un  Pégase 
avec  cette  inscription  : 

A  Boudard,  l'Apolloo  de  U  source  des  Muses. 

On  peut  juger,  par  ces  deux  traits,  de 
la  réputation  dont  ce  poète  a  joui ,  et 
qu'il  soutint  jusqu'au  temps  de  Malherbe. 
Il  y  a  de  l'invention  et  du  génie  dans  ses 
ouvrages  ;  mais  son  affectation  à  mettre 
partout  de  l'érudition  ,  et  à  former  des 
mots  tirés  du  grec ,  du  latin ,  des  diffé- 
rens  patois  de  France ,  a  rendu  sa  ver- 
sification dure ,  et  souvent  iniatelligible, 
u  Ronsard ,  dit  Boileau  , 

Par  une  aulre  méthode  , 
Bé|;lant  tout,  brouilla  tout,  fit  uo  art  à  >a  mode; 
£1  toutefois  long  temps  eut  un  heureux  destin. 
Hais  sa  muse  en  français  parlant  grec  et  latin , 
Vit  dans  l'âge  suivant ,  par  un  retour  grotes(|ue. 
Tomber  de  ses  grands  mots  le  faste  pédantesque. 

Ce  poète  a  fait  des  Hymnes,  des  Odes , 
un  poème  intitulé  la  Franciade,  des 
Eglogues  ,  des  Epigrammes ,  des  Son- 
nets,  etc.  Il  mourut  au  prieuré  Saint- 
Cosme-lez-Tours  ,  l'un  de  ses  bénéfices , 
en  1585,  à  61  ans.  U  était  singulièrement 
vain,  ne  parlait  que  de  sa  maison ,  de  ses 


49^ 


RON 


prétendues  alliances  avec  des  tètes  cou- 
ronnées. Il  était  né  l'anni'e  que  François 
I*''  fut  défait  devant  Pavie  ;  comme  si  le 
cteZ,  disait-il,  avait  voulu  par-là  dédom- 
mager la  France  de  ses  pertes.  Les 
Poésies  de  Ronsard  partirent  en  1 567  ,  à 
Paris,  en  6  vol.  in-4,et  en  1604,  10  vol. 
in-12.  (Elles  ont  été  réimprimées  à  Paris, 
1609  - 1623  ,  2  vol.  in-fol.  ;  1629-1630  , 
10  tom.  ou  5  vol.  in-12.  De  tous  ses  vers 
les  auteurs  des  Annales  poétiques  n'ont 
pu  recueilir  que  trois  petites  pièces  oii  il 
aurait  encore  à  retrancher.) 

*ROJNSlN  (Charles-Philippe),  géné- 
ral républicain,  né  en  1152  à  Soissons, 
vint  à  Paris  de  bonne  heure,  et  cultiva  la 
littérature  dont  il  n'avait  presque  aucune 
étude  préliminaire.  Dans  les  premières 
années  de  la  révolution  dont  il  se  montra 
l'un  desplus  fougueux  partisans,  il  donna 
plusieurs  Tragédies  qui  étaient  com- 
posées dans  l'esprit  du  temps,  et  qui  n'eu- 
rent qu'un  succès  éphémère,  dû  aux  prin- 
cipes politiques  qu'il  y  proclama:  ce  sont 
Louis  XII,  la  Ligue  des  fanatiques  et  des 
tyrans  ,  Aréonpiiyle  ou  la  révolution  de 
Cyrène.  On  en  cite  encore  quelques  vers 
que  l'on  ne  retient  que  parce  qu'ils  sont 
ridicules.  Dès  l'année  1791  il  se  lia  avec 
Danton ,  Marat  et  autres  chefs  du  parti 
populaire ,  dont  il  seconda  les  projets. 
Après  le  10  août  1792  ,  les  protestans  le 
firent  nommer  commissaire  ordonnateur 
à  l'armée  des  Pays  Bas.  Quoiqu'il  s'acquit- 
tât fort  mal  de  cette  mission,  il  fut  néan- 
moins sous  Boucholte  adjoint  au  minis- 
tère de  la  guerre ,  où  il  montra  la  même 
incapacité,  il  avait  embrassé  l'état  mili- 
taire ,  dans  lequel  il  n'avait  pour  tout  ta- 
lent que  de  l'audace  et  de  la  férocité. 
Elevé  en  moins  de  deux  ans  au  grade  de 
général  de  l'armée  révolutionnaire ,  il  se 
rendit  à  Meaux ,  et  présida  en  quelque 
sorte  aux  massacres  des  prisons.  Oa  l'en- 
voya ensuite  à  Lyon ,  lors  du  siège  de 
cette  ville,  d'où  il  écrivit  au  club  des 
cordeliers  :  «  Nous  allons  employer  des 
»  moyens  prompts  pour  nous  débarrasser 
j»  en  masse  des  contre-révolutionnaires  ; 
»  et  le  Rhône ,  teint  de  leur  sang ,  ira 
»  annoncer  aux  fédéralistes  du  midi  leur 
»  destruction.  »  U  fut  peu  de  temps 


RON 

après  employé  dans  la  guerre  de  la  Ven- 
dée ,  où  il  se  montra  aussi  habile  général 
qu'il  avait  été  bon  poète  et  sage  admi- 
nistrateur. Pendant  tout  le  temps  qu'il  y 
commanda ,  il  ne  compta  que  des  dé- 
roules ,  fit  la  guerre  en  bourreau ,  et 
son  nom  le  rendit  digne  de  figurer 
à  côté  de  ceux  de  Weslermann  et  de 
Rossignol.  Quelqu'un  lui  ayant  porté  des 
plaintes  contre  les  vexations  de  son  état- 
major  et  de  son  armée  ,  qui  ravageaient 
le  pays ,  pillaieat  les  habitans  et  les 
massacraient  ensuite  ,  il  répondit  :  «  Que 
j)  voulez-vous  que  j'y  fasse  ?  je  sais 
))  comme  vous  que  c'est  un  ramas  de 
i>  brigands;  mais  il  me  faut  de  ces  co- 
3>  quios-là  pour  mon  armée  :  trouvez- 
»  moi  des  honnêtes  gens  qui  veuillent 
i>  faire  ce  métier.  »  Cependant  c'était  le 
métier  qu'il  faisait  lui-même',  et  où  il 
donnait  le  premier  l'exemple  du  brigan- 
dage. Revenu  à  Paris  ,  il  vint  rendre 
compte  de  sa  mission  à  la  barre  de 
la  Convention  :  alors  il  déclara  que 
depuis  que  cette  assemblée  avait  mis  la 
terreur  à  l'ordre  du  jour ,  le  peuple  s'é- 
tait élevé  à  la  hauteur  de  la  révolution , 
et  en  même  temps  il  fit  un  récit  succinct 
des  horreurs  qu'il  avait  ordonnées  lui- 
même.  Ces  relations  ne  lui  furent  point 
favorables  :  mis  en  arrestation  avec  Vin- 
cent ,  autre  adjoint  du  ministre  de  la 
guerre,  il  ne  recouvra  la  liberté  que 
quelque  temps  après ,  sur  la  demande  de 
ses  amis.  U  se  détacha  du  parti  de  Dan- 
ton ,  et  se  fit  un  des  chefs  des  hébertistes, 
qu'il  voulait  élever  au  dessus  de  la  com- 
muneetdela  Convention  elle-même.  i£u 
agissant  ainsi,  il  pensait  favoriser  ses 
vues  particulières  plutôt  que  cette  fac- 
tion d'athées.  Privé  de  tous  les  moyens 
qui  font  aspirer  aux  grandes  places, 
Ronsin  avait  une  ambition  démesurée  , 
et  avait  pris,  dit-on,  pour  modèle  Crom- 
wel ,  dont  il  imitait  l'audace  et  se  pro- 
posait d'égaler  la  fortune.  Mais  d'autres 
factieux  plus  adroits  surent  déjouer  ses 
projets  ;  Robespierre  le  fit  arrêter  de  nou- 
veau sur  l'accusation  qu'il  avait  voulu 
donner  un  tyran  à  ta  France.  Traduit 
devant  le  tribunal  révolutionnaire  ,  et 
livré  au  farouche  Fouquier-Tainville ,  il 


ROO 

fut  condamné  à  mort  et  exécaté  le  24  mars 
1794,  à  J'àge  de  42  ans.  Plusieurs  des 
pièces  dramatiques  de  Ronsin  ont  été 
réunj|es  sous  le  titre  de  Théâtre  de  Ron- 
sin, Paris,  n96,in-12;  M.  A.-A.  Barbier 
lui  attribue  encore  la  traduction  de  la 
Chute  de  Rufin,  1780,  in-8  ;  voyez  son 
Dictionnaire  des  Anonymes. 

*  ROOKE  (  Laurent  ) ,    astronome  et 
["     géomètre  anglais,    naquit  à  Deptford, 

dans  le  comte  de  Kent,  en  1613.  Il  fit 

»ses  cours  à  Cambridge  et  étudia  l'astro- 
nomie à  Oxford ,  dans  le  collège  de 
Wadham  ,  où  il  eut  pour  maître  M.  Steh- 
ward,  auquel  il  fut  adjoint  pendant  quel- 
que  temps.  Il  avait  aussi  cultivé  la  chimie, 

et  il  aida  M.  Boyle  dans  ses  expériences. 
Il  obtint  en  16à2  la  chaire  d'astronomie 
au  collège  de  Gresham  ;  il  la  changea 
contre  celle  de  géométrie.  Laurent  Rooke 
se  donna  un  soin  particulier  pour  perfec- 
tionner les  statuts  de  la  société  royale  de 
Londres,  dont  il  forma  le  premier  noyau 
en  16G0.  Il  était  un  des  hommes  les  plus 
silencieux  de  l'Angleterre  ;  il  évitait  les 
discussions  et  les  conversations  un  peu 
K  longues  :  afin  ne  pas  trop  parler,  il  ne 
voulut  pas  même  faire  son  testament  par 
écrit,  et  fit  son  légataire  universel  le 
docteur  Ward,  évéque  d'pxester,  en  lui 
disant  devant  un  notaire  et  des  témoins 
ce  peu  de  mots  :  «  Je  vous  laisse  tout  ce 
»  que  j'ai.  »  Il  mourut  en  1 662  à  l'âge  de 
49  ans.  On  a  de  lui  :  1°  Description  d'une 
Expérience  ,  consistant  en  un  tube 
rempli  d'huile,  et  où  ce  liquide  baisse 
lorsque  le  soleil  est  dans  toute  sa  force , 
et  monte  lorsqu'il  est  obscurci  par  quel- 
que nuage  ou  qu'il  incline  vers  son  cou- 
chant ;  2°  Avis  aux  gens  de  mer  qui  vont 
aux  Indes  orientales  et  occidentales  ; 
3"  Observations  sur  la  comète  de  1662  ; 
4°  Méthode  pour  observer  les  éclipses 
de  lune  ;  5°  Observations  sur  les  éclipses 
des  satellites  du  soleil ,  etc. 

*  ROOKE  (  Sir  Georges  ) ,  vice-amiral 
anglais,  né  en  1650  à  Kent,  était  très 
jeune  lorsqu'il  entra  dans  la  marine  ;  il 
ne  tarda  pas  à  s'y  distinguer  par  son  ha- 
bileté autant  que  par  sa  valeur.  Il  vécut 
sous  les  règnes  de  Guillaume  et  d'Anne , 
et  fut  chargé  de  plusieurs  expéditions  où 


ROP  493 

il  donna  des  preuves  de  courage  et  d'in- 
telligence. Il  était  Commodore  lorsqu'il 
conduisit  en  Irlande  l'escadre  destinée  à 
soumettre  celte  Î4e.  La  flotte  de  Smyrne 
étant  tombée  au  pouvoir  des  Français,  il 
parvint  à  leur  en  enlever  une  partie  après 
un  combat  sanglant.  Dans  les  guerres  de 
la  succession  du  trône  d'Espagne ,  il  se 
trouva  à  la  prise  ,  ou  plutôt  à  l'occupa- 
tion de  Gibraltar,  que  le  commandant 
de  cette  place  livra  aux  Anglais  moyen- 
nant une  forte  somme.  A  la  bataille  de 
la  Hogue  et  à  celle  de  Malaga ,  il  se  fit 
remarquer  par  une  intrépidité  peu  com- 
mune. La  ville  de  Portsmouth  l'appela 
au  parlement  ;  mais  né  d'un  caractère 
indépendant,  il  ne  pouvait  plaire  aux  mi- 
nistres :  ceux-ci  cherchèrent  à  le  desser- 
vir auprès  du  roi  Guillaume,  et  on  insi- 
nua à  ce  prince  de  l'éloigner  du  bureau 
de  l'amirauté  ;  mais  il  leur  répondit  : 
«  Je  ne  le  ferai  jamais  ;  Rooke  m'a  servi 
»  sur  mer  avec  fidélité  ;  je  ne  le  déplace- 
))  rai  pas,  pour  agir  d'après  ses  propres 
■n  lumières  en  faveur  de  son  pays  dans  la 
)>  chambre  des  communes.  »  Ayant  voté 
en  1701  pour  l'admission  de  M.  Harley 
aux  fonctions  d'orateur  de  la  chambre ,  il 
s'attira  l'inimitié  du  parti  des  whigs , 
qui ,  à  force  de  persécutions ,  parvinrent 
à  le  forcer  de  quitter  le  service.  Telle 
fut  la  récompense  qu'obtint  ce  brave  of- 
ficier après  ses  longs  services.  Il  termina 
sa  carrière  dans  la  retraite  le  24  août 
1708  ,  âgé  de  58  ans.  On  ne  lui  trouva 
qu'une  très  modique  fortune.  «  Je  laisse 
M  peu,  disait-il  à  ceux  de  ses  amis  qui 
})  avaient  assisté  à  son  testament,  je  laisse 
3)  peu  ;  mais  le  peu  que  j'ai  n'a  coûté  ni 
»  une  larme  à  mes  matelots,  ni  un  denier 
»  à  mon  pays.  «  Ces  sentimens  étaient 
dignes  de  son  caractère  ,  dont  la  probité 
ne  se  démentit  jamais.  Il  avait  été  marié 
trois  fois  ;  mais  il  n'eut  qu'un  seul  fils  que 
lui  donna  sa  seconde  femme. 

*  ROPER  (  iMarguerite  More  ,  dame  ) , 
fille  de  Thomas  More  ou  Morus,  naquit 
en  1508.  Elle  épousa  William  Roper  , 
avocat-g^énéral  du  roi  Henri  VIII ,  qui  a 
écrit  la  f^ie  de  son  beau-père.  Elle  s'était 
livrée  de  bonne  heure  à  l'étude,  et  avait 
acquis  de  bonne  heure  des  connaissances 


494         '    ROP 

étendues  dans  les  langues  latine  et  grec- 
que. Elle  savait  en  outre  la  rhétorique  , 
la  logique,  la  philosophie,  la  g(^ométrie, 
l'algèbre,  l'histoire,  la  musique  ,  etc. 
L'étendue  de  ses  connaissances  la  fit  re- 
garder rorame  un  prodige.  Ses  occupa- 
tions littéraires  ne  la  détournèrent  pas 
de  ses  devoirs  domestiques.  Mistriss  Ko- 
per  était  bonne  épouse  ;  elle  fut  aussi  ten- 
dre fille,  et,  lorsque  son  père  fut  enfermé 
dans  la  tour  de  I^ondres,  elle  mit  tout  en 
usage  pour  le  déterminer  à  prêter  le  ser- 
ment que  le  roi  eiiigeait  de  lui  ;  mais 
Thomas  Morus  s'y  refusa  constamment. 
Bientôt  on  lui  ôla  tout  moyen  de  corres- 
pondance ,  et  il  lui  écrivit  avec  du  char- 
bon. Sa  fille  l'attendit  dans  les  rues  pu- 
bliques au  moment  ou  on  le  conduisait 
au  supplice ,  se  fraya  un  passage  parmi 
la  foule,  et  le  tint  long-temps  serré  dans 
ses  bras.  Thomas  lui  adressa  quelques 
mots,  la  regarda  en  pleurant,  sans  ce- 
pendant perdre  de  sa  fermeté ,  et  lui 
donna  enfin  le  dernier  adieu.  Elle  fit  in- 
humer le  corps  de  son  père  ;  mais  sa  tète 
devant  rester  quinze  jours  exposée  sur  le 
pont  de  Londres  ,  sa  fille  l'acheta  du 
bourreau.  Mandée  devant  le  conseil  à  ce 
sujet,  elle  dit  qu'elle  avait  acheté  la  tète 
de  son  père,  pour  qu'elle  ne  fût  pas dé- 
•yorée  par  les  poissons.  Arrêtée  et  mise 
en  prison,  elle  recouvra  sa  liberté  aux 
instances  de  son  mari,  qui  put  désarmer 
la  colère  du  roi.  La  mort  de  son  père  lui 
avait  causé  la  plus  profonde  douleur  et 
miné  sa  santé.  Elleen  gardait  la  tête  dans 
une  boîte  de  plomb ,  qu'elle  visitait  plu- 
sieurs fois  par  jour.  Celte  vue  et  ses  tris- 
tes souvenirs  la  conduisirent  bientôt  au 
tombeau  ,  et  elle  mourut  en  l.')44  ,  âgée 
de  36  ans.  Elle  fut  enterrée  ,  d'après  ses 
dernières  dispositions  ,  tenant  dans  ses 
bras  la  tête  de  son  père.  Mistriss  Roper  a 
laissé  les  ouvrages  suivans  en  latin  :  1° 
E pitre;  2°  Discours  et  poèmes  ;  3°  Dis- 
cours en  réponse  à  celui  où  Quintilien 
accuse  un  riche  d'avoir  empoisonné  les 
abeilles  d'un  pauvre  avec  des  fleurs  vc- 
ne'neuses  plantées  dans  son  jardin  ;  4* 
Histoire  ecclésiastique  d'Eusèbe  ,  tra- 
duite du  grec  ;  5°  Traité  des  quatre  der- 
nières heures  de  V homme.  Thomas  Morus 


ROQ 

avait  entrepris  d'écrire  sur  le  même  su- 
jet, qu'il  abandonna,  lorsque  ayant  vu  le 
traité  de  sa  fille  ,  il  le  trouva  supérieur 
au  sien.  Tous  les  ouvrages  de  mistriss 
Roper  sont  écrits  avec  profondeur  ,  et 
d'un   stile  énergique  et  correct. 

ROQUE  (Gilles  André  de  la)  ,  sieur 
de  la  Lontière,  gentilhomme  normand, 
savant  herald iste, né  eni597  danslevillage 
de  Cormelles,  prèsdeCaen  ,  mortà  Paris, 
en  1687  ,  à  90  ans,  s'est  fait  un  nom  par 
plusieurs  ouvrages  sur  les  généalogies  et 
sur  le  blason.  Les  principaux  sont:  fun 
Traité  curieux  de  la  noblesse ,  et  ses 
diverses  espèces ,  in-  4  ,  houen  ,  n  64  ;  2° 
Traité  du  ban ,  in- 12,  qui  est  bon  ;  3"  la 
Généalogie  de  la  maison  d'Harcuurt , 
in-fol.,  4  vol.,  1662,  curieuse  par  le 
grand  nombre  de  titres  qu'il  rapporte;  4** 
Traité  des  noms  et  surnoms,  in-I2,  su- 
perficiel ;  5°  Histoire  généalogique  des 
maisons  nobles  de  Normandie,  Caen, 
1654  ,  in-fol.  L'auteur  avait  une  mémoire 
prodigieuse;  il  connaissait  toutes  les  frau- 
des généalogiques  dont  on  s'était  servi 
pour  illustrer  certaines  familles,  et  il  se 
faisait  un  plaisir  de  les  dévoiler. 

ROQUE  (  Antoine  de  la)  ,  poète  fran- 
çais, né  à  Marseille  ,  en  1672,  mort  à 
Paris  ,  en  1744  ^chevalier  de  l'ordre  mi- 
litaire de  Saint-Louis ,  fut  chargé  ,  durant 
23  années,  delà  composition  du  Mercure. 
Jean  de  la  I\oque  ,  son  frère  ,  membre  de 
l'académie  des  belles-lettres  de  Marseille, 
mort  à  Paris,  en  1745,  à  84  ans,  avait 
fait  plusieurs  voyages  dans  le  Levant.  Il 
travailla  au  Mercure  avec  son  frère,  dont 
il  partageait  le  goût  et  les  talens.  L'un  et 
l'autre  sont  connus  par  des  o.uvrages.  On 
a  du  premier  les  paroles  de  deux  opéras, 
Médée  etJason  ,  et  Théonoré,  tragédie, 
dont  la  musique  est  de  Salomon;  et  du 
second  :  1°  P'oyage  de  l'Arabie  Heu- 
reuse, in-1 2  ;  2°  Voyage  de  la  Palestine, 
in-1 2  ;  3°  Voyage  de  Syrie  et  du  Mont- 
Liban  ,  avec  un  Abrégé  de  la  vie  de  du 
Chasteuil,  in-1 2. 

ROQUE.  Voyez  Roqurs. 

ROQUE.   Voyez  Larroquk. 

ROQUELAURE(  Antoine,  baron  de), 
né  d'une  maison  noble  et  ancienne  en  Ar- 
magnac, connue  dans  l'histoire  depuis  le 


ROQ 

Ï2«  siècle,  fut  destiné  à  l'élat  ecclésias- 
tique , qu'il  quitta  pour  prendre  l'état  mi- 
litaire, lors  de  la  mort  de  l'aîné  de  ses  deux 
frères.  Jeanne  d'Albert,  reine  de  Navarre, 
l'engagea  dans  le  parti  du  prince  son 
fils,  qui  le  fit  lieutenant  de  la  compagnie 

tde  ses  gardes.  (Roquelaurefulun  de  ceux 
qui  déterminèrent  Henri  IV  à  se  faire  ca- 
tholique, et  qui  lui  conseillèrent  de  se 
séparer  de  Gabrielle  d'Estrées.J  Le  roi  de 
Navarre,  devenu  roi  de  France  sous  le 
nom  de  Henri  If^ ,  récompensa  ses  ser- 
vices et  sa  fidélité  par  la  place  de  grand- 
maître  de  sa  garde-robe  en  1689  ,  par  le 
collier  du  Saint-Esprit ,  en  1695,  et  par 
divers  gouvernemens ,  dont  le  plus  consi- 
dérable était  celui  de  la  Guyenne.  Il  se 
trouvait  dans  le  carrosse  du  roi  quand  ce 
grand  prince  fut  assassiné  par  Ravaillac. 
.'  Louis  XIII  ajouta  à  ces  bienfaits  le  bâton 
de  maréchal  de  France,  en  1615.  Roque- 
laure  ne  s'endormit  pas  sur  ses  lauriers, 
remit  dans  le  devoir  Kérac,  Clairac,  et 

»~  quelques  autres  places.  Il  mourut  subite- 
ment à  Lectoure,  en  1625,  dans  sa  82* 
année. 

ROQUELAURE  (  Gaston- Jean  -  Bap- 
tiste ,  marquis ,  puis  duc  de  ) ,  fils  du 
précédent,  né  en  1617,  se  signala  dans 
divers  sièges  et  combats ,  fui  blessé  et 
fait  prisonnier  au  combat  de  la  Marfée 
en  1641 ,  et  à  la  bataille  de  Honnecourt 
en  1642.  Il  servit  de  maréchal-de-camp 
au  siège  de  Gravelines,  en  1644,  et  à 
celui  de  Courtrai ,  en  1646.  Il  devint 
ensuite  lieutenant-général  des  armées  du 
roi,  et  fut  blessé  au  siège  de  Bordeaux. 
Le  roi ,  aussi  content  de  ses  services  que 
charmé  de  ses  plaisanteries ,  le  fit  duc  et 
pair  de  France  en  1652,  chevalier  de 
ses  ordres  en  1661  ,  et  gouverneur  de 
la  Guienne  en  1676.  (  11  avait  épousé 
une  des  favorites  du  roi  :  ce  qui  contri- 
bua beaucoup  à  sa  fortune.  )  Ce  seigneur 
mourut  en  1686,  à  68  ans.  C'est  à  lui 
que  le  peuple  attribue  une  foule  de  bons 
mots  et  de  boufonneries  aussi  plates  que 
ridicules.  On  en  a  fait  un  recueil ,  sous 
le  titre  de  Momus  français,  Cologne  , 
1727,  in-16,  qui  est  merveilleux  pour 
amuser  les  laquais.  —  Son  fils ,  Antoine 
Gaston  ;  duc  de  Roquelauke,  mort  à  Pa- 


ROQ  495 

ris  en  1738,  à  82  ans ,  commanda  en 
chef  en  Languedoc ,  et  fut  élevé  à  la  di- 
gnité de  maréchal  de  France  ,  en  1724. 
Sa  maison  fut  éteinte  par  sa  mort,  n'ayant 
laissé  que  deux  filles,  la  princesse  de 
Pons  et  la  princesse  de  Léon. 

*  ROQUELAURE  (  Jean-Armand  de 
Bessuejols  de  ) ,  archevêque  de  Malines, 
né  à  Roquelaure  près  de  Paris  en  1721, 
n'appartient  point  à  la  famille  des  Ro- 
quelaure d'Armagnac  (  voyez  les  ar- 
ticles précédens  ),  mais  à  une  maison  no- 
ble du  Rouergue  qui  possédait  une  sei- 
gneurie dans  cette  province.  Destiné  à  l'é- 
tat ecclésiastique,  il  fut  reçu  docteur  en 
théologie  en  1744  ;  il  fut  ensuite  nommé 
évêque  de  Senlis  en  1 754  ,  et  sacré  le  26 
juin  de  la  même  année.  La  charge  de  pre- 
mier aumônier  du  roi  ayant  vaqué,  ses 
amis  lui  conseillaient  de  l'acheter.  Elle 
lui  convenait  ;  mais  la  finance  était  de 
100,000  écus,  qu'il  n'avait  pas.  Louis  XV 
ayant  été  informé  des  motifs  qui  l'empê- 
chaient de  la  rechercher,  lui  fit  donner 
100,000  francs,  en  Ini  conseillant  de  trai- 
ter, et  ajoutant  qu'il  trouverait  bien  le 
reste  dans  la  bourse  de  ses  amis;  il  fut 
revêtu  de  cette  charge  en  1764.Unecom- 
mission  pour  la  réforme  des  ordres  reli- 
gieux ayant  été  formée  en  1767,  M.  l'é- 
vêque  de  Senlis  en  fut  nommé  membre , 
et  eut  dans  ses  attributions  l'ordre  de 
Cîteaux.  Il  assista  au  chapitre  général 
tenu  à  cette  occasion.  Les  supérieurs  et 
membres  de  cet  ordre  se  louaient  beau- 
coup de  la  bienveillance  avec  laquelle  il 
s'y  était  comporté  à  leur  égard.  Peu  de 
temps  après ,  il  fut  appelé  au  conseil  d'é- 
tat en  qualité  de  conseiller  ordinaire 
(  1767  ).  L'académie  française  se  l'asso- 
cia en  1770  ,  à  la  place  de  Moncrif ,  et  le 
roi  le  nomma  commandeur  de  l'ordre  du 
Saint-Esprit  en  1779.  Il  était  resté  le  seul 
prélat  commandeur  de  l'ordre,  reçu  sui- 
vant les  formes  anciennes.  A  la  révolu- 
tion ,  il  refusa  le  serment  avec  la  presque 
totalité  des  évêques  ses  collègues.  Il  fut 
cependant  du  petit  nombre  de  ceux  qui 
ne  quittèrent  point  la  France.  On  ignore 
quels  motifs  le  portèrent  à  y  rester  ;  mais 
il  y  eut  de  grands  dangers  à  courir.  Il 
s'était  retiré  à  Arras,  patrie  de  l'abbc 


4^6 


ROQ 


Bertoud,  son  grand-vicaire,  ancien  jé- 
suite, et  le  compagnon  fidèle  de  sa  bonne 
et  de  sa  mauvaise  fortune.  Il  y  fut  mis  en 
arrestation  par  Joseph  Lebon,  et  destiné 
par  ce  révolutionnaire  à  être  une  des 
victimes  des  fureurs  de  cette  désastreuse 
époque.  En  attendant,  il  était  chaque 
jour  amené  devant  le  féroce  proconsul , 
qui  publiquement  le  chargeait  d'outra- 
ges. La  réaction  qui  eut  lieu  à  la  mort  de 
Robespierre  arracha  Roquelaure  à  une 
mort  certaine.  Rendu  à  la  liberté ,  il  vint 
s'établir  à  Crépy  en  Valois,  petite  ville 
de  son  diocèse.  Il  y  vivait  dans  une  pro- 
fonde retraite  avec  une  nièce  et  un  petit- 
neveu,  qu'il  prenait  lui-même  la  peine 
d'instruire.  En  1797  ,  il  fit  un  voyagea 
Senlis  ,  y  officia  et  y  donna  la  confirma- 
tion. Le  4  septembre  1801  ,  il  envoya  la 
démission  de  son  siège,  et  fut  nommé 
en  1802  archevêque  de  Malines.  Il  s'ap- 
pliqua à  rétablir  l'ordre  et  la  discipline 
ecclésiastique  dans  ce  diocèse,  et  le  gou- 
verna jusqu'en  1808,  époque  où  il  fut 
remplacé  par  M.  l'abbé  de  Pradt.  Nom- 
mé vers  cette  époque  chanoine  de  Saint- 
Denys,  il  vécut  à  Paris  avec  l'abbé  Ber- 
toud, jusqu'à  ce  que  celui-ci,  qui  ne 
l'avait  jamais  quitté  ,  vint  à  mourir.  Ro- 
quelaure fréquentait  assidûment  l'aca- 
démie ,  jusque  dans  ses  dernières  années, 
quoiqu'il  fût  devenu  extrêmement  sourd. 
Sa  vue  aussi  avait  baissé  au  point  de  re- 
connaître difficilement  les  personnes 
avec  lesquelles  il  avait  eu  des  relations. 
Il  mourut  sans  maladie  ni  douleur ,  com- 
me on  s'endort ,  le  24  avril  1818,  à  l'âge 
de  97  ans  accomplis.  Ses  obsèques  eu- 
rent lieu  le  27  du  même  mois  à  Saint- 
Sulpice.  Sa  dépouille  mortelle  fut  portée 
à  Senlis,  oii  il  avait  désiré  d'être  inhu- 
mé. Il  avait  gouverné  ce  diocèse  pendant 
47  ans,  et  comptait  à  sa  mort  64  ans 
d'épiscopat.  On  a  de  Roquelaure  :  1° 
Oraison  funèbre  de  la  reine  (C E spagne^ 
1761 ,  in-4  ;  2°  Sermon  pour  la  profes- 
sion de  madame  Louise  aux  Carmélites 
deSaint-Denys,  1774  ,  in-4;  3"  Oraison 
funèbre  de  Louis  Xf^ ,  prononcée  à  Saint- 
Denys,  1774  ,  in-4  ;  4"  Discours  de  ré- 
ception à  l'académie  française.  Il  y  a  en 
outre  de  lui^  étant  archevêque  de  Mali- 


ROQ 

nés,  une  lettres  son  clergé,  par  laquelle 
il  ordonnait  la  signature  d'une  formule 
conforme  au\  termes  d'un  rescrit  da  sou- 
verain pontife  ,  au  sujet  du  serment  de 
haine  à  la  royauté.  Ce  rescrit  comman- 
dait à  ceux  qui  l'avaient  prêté  de  se  sou- 
mettre au  jugement  du  saint-Siége,  qui 
condamnait  ce  serment  et  blâmait  ceux 
qui ,  ne  l'ayant  pas  prêté,  regardaient  les 
premiers  comme  schismatiques.  {Le  Dis- 
cours prononcé  à  ses  funérailles  par  M. 
Daru  ,  chancelier  de  l'académie  française, 
est  inséré  dans  les  Annales  encyclopédi- 
ques de  juin  1818  ,  tom.  3,  pag.  327.) 

ROQUES  (  Pierre  ) ,  théologien  pro- 
testant, né  à  laCaune,  petite  ville  du 
Haut-Languedoc  ,  en  1 685 ,  de  parens  cal- 
vinistes, devint  en  1710  ministre  de  l'E- 
glise française  à  Bàle,  où  il  s'acquit  l'es- 
time des  honnêtes  gens  par  sa  probité  et 
par  ses  écrits.  Il  y  mourut  en  1748.  On 
a  de  lui  un  très  grand  nombre  d'ouvrages 
faits  avec  ordre ,  et  pleins  d'une  érudi- 
tion profonde  ,  mais  écrits  d'un  stile  un 
peu  négligé;  les  principaux  sont:  1° 
Le  Tableau  de  la  conduite  du  chrétien  ; 
2"  Le  Pasteur  évangélique  ,  in-4  ,  ou- 
vrage estimé  des  pioteslans,  et  traduit 
en  diverses  langues  ;  3"  Les  élémens  des 
vérités  historiques ,  dogmatiques  et  mo- 
rales ,  que  les  éc>  ils  sacrés  renferment  ; 
4"  Le  vrai  piétisme  .-  5"  des  Sermons 
pleins  d'une  morale  exacte,  mais  dont 
l'éloquence  est  peu  pathétique  et  ne  se 
ressent  pas  de  cette  chaleur  pénétrante, 
de  cette  onction  douce  qui  semblent  être 
exclusivement  attachées  au  langage  de 
la  vérité  tout  entière  (  voyez  Kempis  )  ; 
6°  Les  Devoirs  des  sujets  ;  7°  Traité 
des  tribunaux  de  judicature  ,  8"  une  édi- 
tion augmentée  du  Dictionnaire  de  Mo- 
reW,  Bàle,  1731,6  vol.  in-fol.  ;  9"  la 
première  Continuation  des  Discours  de 
Saurin  sur  la  Bible,  10"  la  nouvelle  édi- 
tion de  la  ^jWe  de  Martin,  en  2  vol.  in-4; 
1 1"  diverses  pièces  dans  le  Journal  hel- 
vétique et  dans  la  Bibliothèque  germani- 
que. Si  on  excepte  ce  qui ,  dans  ces  di- 
vers ouvrages,  tient  aux  erreurs  de  Ja 
secte  de  Calvin  ,  on  ne  peut  qu'en  faire 
J'éloge.  (Savie  a  été  écrite  par  Frey,  Bàlei 
17  84,  in-4.) 


ROR 

ROQUESAJNE  (  Jean  ),  ou  plutôt 
Rockysana,  sectateur  des  hussites  et  chef 
des  caUxtins,  fut  député  en  1432  ,  avec 
plusieurs  de  ses  disciples,  au  concile  de 
Bâie,  où  l'on  condamna  les  erreurs  de 
Jean  Hus.U  montra  de  la  docilité  aux  dé^ 
cisions  du  concile,  souscrivit  et  fit  sous- 
crire ses  compagnons  aiix  décrets  de  cette 
assemblée ,  sous  la  condition  qu'on  leur 
permettrait  la  communion  sous  les  deux 
espèces  ;  le  concile  y  consentit,  et  le  ré- 
compensa en  le  désignant  pour  archevê- 
que de  Prague.  De  retour  dans  cette  ville, 
il  aÛecta  tant  de  vanité  et  de  précipita- 
tion à  exercer  les  prérogatives  de  sa  di- 
gnité, que  l'empereur,  qui  en  fut  choqué, 
lui  fil  refuser  les  bulles  [du  saint-Siége.  Il 
s'exila  lui-même  de  dépit,  et  recommen- 
ça à  semer  le  trouble  et  ses  erreurs  dans  la 
Bohême  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  vers  1471. 

RORARIO  (  Jérôme),  littérateur, 
né  en  1485,  à  Pordenonc,dansleFrioul, 
nonce  du  pape  Clément  VII  à  la  cour 
de  Ferdinand  ,  roi  de  Hongrie ,  s'est  fait 
un  nom  par  un  traité  ,  intitulé  :  Quod 
nnirnalia  bruta  ratione  iitantur  melius 
/io//ziwe ,  Amsterdam  ,  ICGG,  in-l2.  On 
peut  l'envisager  en  quelque  sorte  com- 
me un  paradoxe  moral,  qui  reproche 
aux  hommes  l'abus  de  la  raison,  tandis 
que  les  brutes  remplissent  leur  destina- 
tion sans  s'écarter  de  la  route  que  le  Créa- 
teur leur  a  tracée.  Il  est  vrai  encore 
que  l'iuslinct  des  bêles  est  plus  sûr  et 
plus  infaillible  dans  les  opérations  phy- 
siques que  la  raison  de  l'homme.  Mais 
si  les  assertions  de  P>orario  se  prenaient 
à  la  lettre,  elles  seraient  d'une  absurdité 
repoussante;  elles  prouveraient  que  les 
astres,  qui  circulent  avec  une  régularité 
si  géométrique  et  si  constante  ;  que  les 
plantes,  qui  s'arrangent  avec  tant  de  sy 
métrie ,  qui  poussent  des  fleurs  et  des 
fruits  si  agréables  et  si  utiles ,  sont  rem- 
plis d'intelligence.  Son  livre,  du  reste, 
n'est  pas  mal  écrit ,  et  l'on  y  trouve  plu- 
sieurs faits  singuliers  sur  l'industrie  des 
bêles  et  la  malice  des  hommes.  Il  avait 
composé  auparavant  un  Plaidoyer  sur 
les  rats ,  imprimé  dans  le  pays  des  Gri- 
sons ,  en  1648.  On  pouvait  l'appeler 
Y  Avocat  des  bêtes. 


ROS  497 

ROSA  Alba  (  Carriera  ).  F'oyez  Cab- 

RtEHA. 

*ROSA  (Salvator  ),  peintre,  graveur 
et  poète,  né  en  1615,  à  l'Arenella,  près 
de  Naples ,  eut  pour  père  un  pauvre  ar- 
penteur qui  le  destina  cependantà  la 
carrière  du  barreau.  Placé  chez  les  Pères 
Somasques  pour  y  acquérir  les  premiers 
élémens  de  l'instruction,  il  manifesta 
bientôt  un  goût  irrésistible  pour  la  pein- 
ture. La  mort  de  son  père  l'ayant  entiè- 
rement privé  de  ressources,  il  connut  la 
misère  :  toutefois  il  suivit  sa  vocation  , 
mais  sous  les  plus  fâcheux  auspices.  Il 
n'avait  reçu  que  quelques  leçons  d'un 
oncle  maternel,  nommé  Gréco,  assez  mau- 
vais artiste  ;  il  fut  employé  ensuite  par 
Fr.  Fracanzani  et  Aniello  Falcone,  et  re- 
çut d'ulilesconseils  de  L'Espagnolet.  De- 
puis quelque  temps,  il  travaillait  pour  les 
brocanteurs  de  Naples  -.  le  besoin  l'avait 
réduit  à  exposer  ses  tableaux  dans  les 
places  publiques.  Laufranc ,  qui  remar- 
qua du  talent  dans  ses  ouvrages,  en 
acheta  plusieurs,  et  l'encouragea.  Sal- 
vator ,  flatté  du  suffrage  de  ce  grand 
maître,  se  porta  avec  plus  d'ardeur  à  l'é- 
tude. D'après  les  conseils  de  Lanfranc , 
Salvator  vint  à  P»ome  en  16-35;  mais  les 
fatigues  qu'il  avait  essuyées  elles  priva- 
lions  auxquelles  il  fut  contraint  de  se  con- 
damner pour  satisfaire  sa  curiosité  ,  lui 
firent  contracter  une  maladiequi  l'obligea 
de  revenir  dans  sa  patrie  pour  y  respirer 
l'air  natal.  Quelques  années  se  passèrent 
avant  qu'il  pût  retourner  dans  la  capitale 
des  beaux^arts  :  il  employa  tout  ce  temps 
à  peindre  des  batailles,  genre  de  compo- 
sition qu'il  préférait,  et  qui  convenait  à 
son  imagination  ardente  et  chagrine. 
Une  place  lui  ayant  été  promise  dans  la 
maison  du  cardinal  Braucaccio,il  se  ren- 
dit à  Rome,  et,  lorsque  son  patron  fut  ap- 
pelé au  siège  épiscopal  de  "Viterbe ,  il  le 
suivit  dans  celte  ville  oîi,  entre  autres  ou- 
vrages ,  il  exécula  pour  l'église  de  la  mort 
le  tableau  de  saint  Thomas  mettant  le 
doigt  dans  les  plaies  du  Sauveur.  Bien- 
tôt fatigué  de  sa  condition  trop  dépen- 
dante, il  reparut  à  Naples ,  puis  s'achemi- 
na vers  Rome.  Salvator  était  sans  nom  : 
ne  pouvant  allirersur  lui  les  suffrages  du 
63. 


49^  ROS 

public  occupé  eiclusivenieut  par  LeDo- 
miniquin,  Le  Guide,  L'Albanc,il  résolut 
délirer  parti  des  divertissemcns  ducai- 
navaipourse  faire  connaître,  llprilledc- 
guisement  d'un  charlatan  et  parcourut 
les  divers  quartiers  de  Rome  sous  le  nom 
de  Formica  cl  &OUS  le  masque  de  Coviello, 
distribuant  aux  curieux,  constamment  at- 
troupés autour  de  lui  pour  entendre  ses 
lazzis, les diiférens remèdes  contre  îes  in- 
firmités de  tout  genre.  Il  ne  s'arrêta  pas 
en  si  beau  chemin  :  ayant  réuni  quelques 
jeunes  gens ,  il  débuta  avec  eux  sur  un 
petit  théâtre  de  société,  et  en  peu  de  temps 
ses  représentations  attirèrent  ce  qu'il  y 
avait  de  mieux  dans  Rome.  Lorsqu'il  put 
être  assuré  des  suffrages  du  public,  il  osa, 
dans  un  prologue  qu'il  avait  composé 
pour  une  de  ses  meilleurse  pièces ,  mêler  à 
de  sages  critiques  sur  le  mauvais  goût  de 
la  scène  italienne  de  ce  temps,  quelques 
sorties  acerbes  contre  de  mauvaises  farces 
représentées  au  Vatican ,  sous  la  direc- 
tion de  Bernen ,  alors  le  régulateur  su- 
prême des  beaux-arts  à  Rome.  Salvator 
Rosa  s'était  exposé  à  de  grands  périls  :  il 
dut  à  ses  admirateurs  les  moyens  d'y 
échapper;  mais  en  même  temps  il  s'était 
fait  connaître  comme  poète,  musicien, 
ccleur  :  on  sut  aussi  qu'il  était  pein- 
tre. Dès  lors  il  fut  recherché  de  toutes 
parts,  et  sa  fortune  ne  resta  pas  en  arrière 
de  sa  réputation.  Bientôt ,  il  lui  prit  le 
bizarre  caprice  d'aller  étaler  son  opulence 
dans  la  ville  oii  naguère  ,  obscur  associé 
aux  travaux  de  Falcone,  il  lui  restait  à 
peine ,  après  avoir  vendu  un  tableau  , 
de  quoi  acheter  une  nouvelle  toile.  C'est 
pendant  son  séjour  à  Naples  qu'éclata 
l'insurrection  populaire  par.  laquelle  le 
pêcheur  Masanieilo  fut  porté  au  pouvoir 
suprême.  La  chute  de  ce  roi  d'un  jour 
força  Salvator  qui  avait  été  l'un  de  ses 
chauds  partisans,  à  retourner  à  Rome, 
puisa  Florence.  Cependant  il  revint  quel-  ■ 
que  temps  après  à  Rome  oîi  il  mourut  en 
1673.  U  a  principalement  excellé  à  pein- 
dre des  combats  ,  des  marines ,  des  pay- 
sages ,  des  sujets  de  caprice,  des  ani- 
maux et  des  ligures  de  soldats.  Sa  touche 
est  facile  et  très  spirituelle;  son  paysage, 
et  surtout  le  feuiller  de  ses  arbres  est 


ROS 

d'un  goût  exquis.  Il  peignait  avec  une 
telle  rapidité,  que  souvent  il  commen- 
çait et  finissait  un  tableau  en  un  jour. 
On  remarque  dans  ses  ouvrages  un  génie 
bizarre,  un  talent  qu'il  s'était  créé  lui- 
même  ,  des  figures  gigantesques,  et  quel- 
ques incorrections.  On  a  plusieurs  mor- 
ceaux gravés  de  sa  main  ,  qui  sont  d'une 
touche  admirable;  C.  Antonin  en  a  gravé 
une  autre  collection,  Rome,  1780.  Sal- 
vator unissait  le  talent  de  la  poésie  à  celui 
de  la  peinture.  U  a  composé  des  Satires 
(Amsterdam,  1719,  in-8  ,  et  1770,  aussi 
iu-8  ),  dans  lesquelles  il  y  a  de  la  Anesse  et 
des  saillies  très  spirituelles.  Parmi  ses  sa- 
tires, on  distingue  celles  sur  la  Musique , 
la  Peinture,  la  Poe'sie  et  la  Guerre.  Elles 
ont  été  souvent  réimprimées,  ainsi  que 
son  beau  poème  sur  V Envie.  )  Un 
grand  nombre  de  biogr.iphes  italiens  ont 
consacré  des  Notices  à  Salvator.  On  peut 
consulter  en  outre  Fie  et  siècle  de  Sal- 
vator Rosa  par  lady  Morgan,  1 824,  2  vol. 
in-8  ,  traduit  en  français  par  M"*  So- 
bry  ,  Paris,  1825,  2  volumes  in-8  ou 
in-i2.  L'auteur  a  placé  à  la  fin  de  son 
livre  des  lettres  familières  de  ce  grand 
peintre. 

ROSALIE  (  Ange  de  Sainte-).  Foyez 
Ange. 

ROSAMONDE.  Foyez  Rosemonde. 

ROSCELIN  DE  CoMPiÈGisE,  ainsi  nom- 
mé, parce  qu'il  était  chanoine  de  Saint- 
Corneille  d«  cette  ville  (  le  Dictionnaire 
des  hérésies  l'appelle  simplement  clerc 
de  Compiègne ,  quoique  Breton  de  nais- 
sance ) ,  était  un  des  docteurs  les  plus  re- 
nommés de  son  temps,  mais  beaucoup 
plus  versé  dans  la  dialectique  que  dans  la 
théologie.  Il  fut  un  grand  partisan,  et,  se- 
lon quelques  auteurs,  un  chef  zélé  de  la 
secte  des  nominaux  ,  combattus  par 
les  réalistes  avec  une  chaleur  qui  al- 
lait jusqu'à  l'animosité.  Saint  Anselme, 
malgré  sa  modération  naturelle ,  disait 
qu'ils  étaient  moins  des  philosophes  que 
des  hérétiques  en  matière  de  philoso- 
phie. Roscelin,  voulant  appliquer  les  sub- 
tilités de  son  école  aux  matières  sublimes 
de  la  religion,  donna  véritablement  dans 
l'erreur ,  ou  du  moins  dans  cette  nou- 
veauté profane  d'expressions  qui  produit 


ROS 
d'une  manière  nouvelle  el  inadmissible 
le  mystère  da  la  sainte  Trinité.  Con- 
damné au  concile  deSoissons  vers  1093, 
il  se  relira  en  Angleterre,  revint  en 
France  ,  habita  Paris ,  et  dogmatisa  de 
nouveau.  Ramené  à  la  foi  catholique  ,  à 
ce  qu'il  paraît ,  par  la  charité  d  Yves  de 
Chartres,  il  mourut  vers  1107  cha- 
noine de  Saint-Martin  de  Tours.  C'est  du 
moins  ce  que  semblent  croire  les  béné- 
dictins auteurs  de  l'Histoire  littéraire  de 
France,  tora.  9. 

ROSCIUS  (Quintus),  Gaulois  de  na- 
tion, né  dans  le  territoire  de  Lanuvium, 
vers  l'an  de  Rome  625,  fut  le  plus  célèbre 
acteur  de  son  siècle  pour  la  comédie.  Ci- 
céron  a  parlé  de  ses  talens  avec  enthou- 
siasme. Cet  orateur  dit  »  qu'il  plaisait 
»  tant  sur  le  théâtre,  qu'il  n'aurait  ja- 
»  mais  dû  en  descendre  ;  et  qu'il  avait  tant 
»'  de  vertu  et  de  probité ,  qu'il  n'aurait 
M  jamais  dû  y  monter.  »  Il  prit  sa  défense 
contre  Fannius  Chéréa  ,  et  c'est  à  cette 
occasion  qu'il  fit  son  beau  discours  pro 
Boscio.  La  république  lui  faisait  une  pen- 
sion de  20  ,000  écus,  et  quoiqu'on  fût 
dix  ans  de  suite  sans  la  lui  payer,  il  ne 
cessa  pas  de  représenter.  Le  comédien 
Esopus  ,  son  contemporain ,  avait  selon 
Pline  un  revenu  annuel  qui  équivaut  à 
environ  150,000  livres.  Roscius  aurait 
pu  se  procurer  un  bien  autre  revenu , 
s'il  eût  voulu  tirer  parti  de  son  talent, 
puisque  Cicéron  dit  formellement  dans  sa 
harangue  pour  cet  acteur ,  qu'il  pouvait 
gagner  tous  les  ans  près  d'un  million 
650 ,  000  liu.  ;  anecdote  qui  seule  prouve 
jusqu'où  la  fureur  des  spectacles,  l'oisi- 
veté el  la  frivolité  étaient  montées  chez 
les  derniers  Romains.  «  Les  histrions  et 
»  autresbaladins,  dit  un  auteur  moderne, 
u  prétendaient  partager  la  gloire  des  em- 
»  pereurs.  Tout  le  monde  sait  l'aventure 
»  du  ùùleur  Princeps  ,  qui ,  s'appliquant 
»  les  éloges  donnés  à  Auguste,  en  remer- 
w  ciait  le  parterre  avec  des  protestations 
M  dignes  de  la  plus  profonde  modestie. 
»  {f^oyez  Phèdre,  liv.  6,  fab.  7.)  Une 
«>  espèce  de  frénésie  incompréhensible  , 
»  mais  dont  la  reproduction  se  prépare, 
»  transportait  dans  les  coulisses  les  matro- 
)i  nés  les  plus  graves  pour  y  baiser,  dans 


ROS  499 

»  l'ivresse  d'une  luxurieuse  folie  ,  les 
»  masques  et  les  habits  des  farceurs.  Ce 
»  paroxisme  d'une  passion  peu  différente 
»  d'une  rage  décidée  ne  se  calma  que 
j)  lorsque  le  christianisme  étendit  sur  la 
»  terre  l'empire  de  l'innocence  et  des 
))  mœurs.  »  [F'oyez  Baron  ,  Fresne,  Eso- 
pus, Garrick.  )  C'est  à  tortqu'on  a  avancé 
que  Roscius  était  le  premier  qui  se  fût 
servi  du  masque  :  il  est  vrai  qu'il  avait  les 
yeux  un  peu  de  travers  ;  mais  cette  dif- 
formité ne  l'empêchait  pas  d'avoir  bonne 
grâce  en  déclamant.  Ce  comédien  mou- 
rut vers  l'an  61  avant  J.  C.  Il  avait  com- 
posé un  Parallèle  des  mouvemens  da 
théâtre  et  de  ceux  de  l éloquence  ;  cet 
ouvrage  n'est  point  parvenu  jusqu'à 
nous.  (  f^oyez  au  tome  4  des  Mémoires 
de  l'académie  des  Inscriptions  les  re- 
cherches qu'a  faites  l'abbé  Fraguier 
sur  la  /'i'e  de  Roscius.)  —  Il  ne  faut 
pas  le  confondre  avec  Sextus  Roscius 
Amerinus,  accusé  de  parricide,  dont 
Cicéron  prit  la  défense,  et  pour  qui  il 
fit  la  belle  harangue  pro  Sexto  Koscio 
Amcrino. 

ROSCOMMON  (  Wentworth  Dillon  , 
comte  de)  ,  d'une  ancienne  et  illustre 
maison  d'Irlande  ,  où  il  naquit  vers  1 G33 . 
(Pendant  les  troubles  d'Angleterre  qui  pré- 
cédèrent la  mort  du  comte  de  Stalford, 
il  vint  en  France,  et  fit  une  partie  de  ses 
études  à  Caeu  ,  sous  la  direction  du  sa- 
vant Gochart.  De  retour  en  Angleterre,  il 
passa  plusieurs  années  à  la  cour  ;  mais 
une  discussion  d'intérêt  qu'il  eut  avec  le 
lord  du  sceau  privé  l'obligea  de  se  reti- 
rer en  Irlande.  Le  duc  d'Ormond ,  vice- 
roi  du  pays ,  le  fit  capitaine  de  ses  gar- 
des. Il  devint  ensuite  écuyer  de  la  du- 
chesse d'York  ,  qui  lui  fit  épouser  la  fille 
du  comte  de  Burlington.  Les  charmes  de 
son  esprit  et  de  son  caractère  lui  conci- 
lièrent l'amitié  de  Dryden  et  des  autres 
hommes  lettrés  d'Angleterre.  Il  mourut 
en  1684.  Ses  ouvrages  sont  :  1°  une  Tra- 
duction ,  en  vers  anglais  ,  de  l'Art  poéti- 
que d'Horace  ;  2°  un  poème  intitulé  : 
Essai  sur  la  manière  de  traduire  en 
vers.  Ces  deux  ouvrages  ont  été  impri- 
més avec  le«  Poésies  de  Rochester  , 
Londres,  1731  ,  in- 12.  Pope,  dans  son 


5oo  nos 

Essai  sur  la  critique,  parle  àe  lui  avec 
cMoge  : 

Ici  éuit  Roai-oiiiiiinn  .  auteur  ilonl  la   ukiMinc* 
Egalait  la  bonté  ,  l'etpril  et  la  Kieiirr. 
l>ea  Greca  cl  des  Latins  partisan  dériaré, 
llainiaii  leurs  écrits,  mais  en  juge  éclairé. 
Injuste  pour  lui  seul,  pour  tout  aune  équitable  , 
Toujours  au  vraituérite  on  le  vit  fatorable. 

ROSE  (  Sainte  ) ,  née  à  Vilerbe ,  fut 
célèbre  dans  le  1 3"  siècle  par  ses  vertus  et 
par  les  grâces  dont  le  ciel  la  combla.  Elle 
entra  dans  le  tiers-ordre  de  Saint-Fran- 
çois ,  et  y  passa  sa  vie  dans  la  prière  et 
les  austérités  de  la  pénitence.  Elle  mou- 
rut en  1 2G 1 .  La  ville  de  Viterbe  conserve 
un  vif  souvenir  de  sa  sainte  vie  et  un 
grand  respect  pour  sa  mémoire.  On  voit 
'    sa  statue  sur  une  des  portes  de  la  ville. 

ROSE  (Sainte),  religieuse  du  tiers- 
ordre  de  Suint-Dominique,  née  en  1586 
à  Lima  dans  le  Pérou,  fut  la  sainte  Thé- 
rèse du  Nouveau-Monde.  Elle  fut  tantôt 
consolée  par  des  ravissemens,  tantôt 
éprouvée  par  des  peines  intérieures.  Sa 
mortification  fut  extrême;  elle  répandait 
du  fiel  ou  de  l'absinthe  sur  ce  qu'elle  man- 
geait :  sa  douceur  ,  son  humilité,  sa  cha- 
rité ,  et  ses  autres  vertus  ne  laissèrent 
aucun  doute  sur  l'esprit  qui  la  dirigeait 
dans  ses  austérités.  Elle  mourut  le  24  août 
1617  ,  âgée  de  31  ans,  et  fut  canonisée 
Vn  1671.  Sa  F'ie  a  été  écrite  par  le  Père 
Hausen,  dominicain.  (Le  Père  Paul  Olivier 
proTionça  son  panégyrique  à  l'occasion 
de  sa  canonisation  préconisée  par  Clé- 
ment X.) 

ROSE  (  Guillaume  )  ,  prédicateur  de 
Henri  III,  évêque  de  Senlis  et  le  plus  fa- 
meux ligueur  qui  fût  en  France  ,  (naquit 
en  lô42à  Chaumont  en  Bassigny  d'une 
famille  noble.  Ses  succès  dans  la  chaire 
lui  ayant  valu  les  places  de  prédicateur 
et  d'aumônier  de  Henri  HI ,  il  adressait 
souvent  à  ce  prince,  surtout  dans  les  so- 
lennités publiques,  des  réprimandes  amè- 
res ,  et  faisait  contre  lui  les  sorties  les  plus 
hardies.  Lors  du  carême  de  1583  ,  Henri 
ne  répondit  que  par  un  présent  de  300 
écus  aux  attaques  dont  il  avait  été  l'objet 
cette  même  année.  Rose  fut  nommé  grand 
maître  du  collège  de  Navarre,  et  l'année 
suivante  évêque  de  Senlis.  Nous  ne  re- 
produirons point  les  injures  et  les  calom- 


ROS 

nic6  dont  les  ennemis  de  la  Ligue  ont 
chargé  sa  mémoire;  tel  est  l'effet  des  divi- 
sions sociales,  que  départ  et  d'autre  on 
cherche  à  se  noircir  aux  yeux  des  con- 
temporains et  de  la  postérité.  Nous  dirons 
cependant  que  Rose  contribua  à  mainte- 
nir la  population  de  Paris  dans  la  haine 
qu'elle  avait  vouée  à  Henri  IV  :  aussi  fut- 
il  du  nombre  de  ceux  auxquels  ce  prince 
fit  enjoindre  l'ordre  de  sortir  de  cette  ca- 
pitale. Rose  chercha  à  ranimer  la  Ligue: 
ses  nouvelles  menées  provoquèrent  con- 
tre lui  une  enquête  juridique,  par  suite 
de  laquelle  il  fut  condamné.)  On  lui  fit 
faire  amende  honorable,  le  25  septembre 
1598  ,  à  la  grand'chambre,  avec  ses  ha- 
bits épiscopaux,  qu'il  ne  voulut  pas  quit- 
ter. On  lui  attribue  :  Dejusta  reipublicœ 
christianœ  in  reges  impios  auctorilate  , 
Paris,  1590,  in-8.  C'est  ce  prélat  que  les 
auteurs  de  la  Satire  Mùiippee  mirent  à 
la  tôle  de  la  prétendue  procession  de  la 
Ligue.  Il  mourut  en  1602. 

*  ROSE  (  Louis  ) ,  littérateur  ,  né  à 
Lille  en  1704 ,  et  mort  dans  ce  pays  en 
1776  ,  a  laissé  deux  ouvrages  intitulés  : 
Le  Bon  Fermier ,  ou  l'Ami  des  labou- 
reurs,  in-12.  La  France  littéraire, qui  le 
désigne  comme  ancien  échevin  de  Bé- 
thune ,  lui  attribue  aussi  La  bonne  Fer- 
mière ,  ou  Elémens  économiques  ;  V 
Eraste,  ou  V  ami  delà  jeunesse  {d^\&z'?\- 
lassier),  in-8.  Ce  dernier  ouvrage  fait 
honneur  aux  talens  des  auteurs  ;  le  stile 
est  pur,  élégant,  clair,  et  la  partie  qui 
concerne  l'histoire  de  France  est  fort  bien 
rédigée. 

*  ROSE  DE  QuiNGEY  (  Jean-Baptiste  ) , 
ecclésiastique  et  littérateur  ,  né  en  17 14 
àQuingey,  petite  ville  de  Franche-Comté, 
se  livra  à  l'étude  de  la  théologie  ,  et  fut 
reçu  docteur.  Il  embrassa  en  outre  dans 
ses  études  l'histoire ,  la  minéralogie  ,  les 
mathématiques  et  l'astronomie.  Tout  en- 
tier à  la  science  et  à  son  état ,  il  ne  s'oc- 
cupa point  des  débats  politiques  de  son 
époque,  et  il  traversa  la  révolution 
comme  si  c'eût  été  une  époque  de  calme 
et  de  tranquillité.  En  1766  il  avait  rem- 
porté le  prix  proposé  par  l'académie  de 
Dijon  sur  un  Traité  élémentaire  de  mxy 
raie  qu'il  a  fait  ensuite  imprimer,  1767, 


ROS 

5  vol.  in-12.  Dom  Grappin  ,  chanoine 
de  Besançon,  a  fait  eu  1810  à  l'académie 
de  cette  ville  VEloge  de  l'Abbé  Rose,  qui 
est  mort  à  Quingcy  la  même  année.  On  a 
de  lui  1  °Ln  morale évangcUque  comparée 
à  celle  des  différentes  sortes  de  religion 
et  de  philosophie,  1772,  2  vol.  ;  2"  Traité 
sur  la  providence  ;  Z°  Esprit  des  Pères, 
comparé  aux  plus  célèbres  écrivains  sur 
les  matières  intéressantes  de  la  philoso- 
phie et  de  la  religion,  1791  ,  3  vol.  ;  4° 
Opuscule  sur  l'organisation  du  clergé , 
même  année  ;  6°  Mémoire  sur  les  états 
généraux  des  Francs  et  Bourguignons 
sous  les  différentes  races  de  leurs  sou- 
verains, 1789,  sans  nom  de  ville  ni  d'im- 
primeur ;  6°  Mémoire  sur  une  courbe  à 
double  courbure ,  Besançon  ,  1 779  ,  in-4. 
On  dit  que  l'abbé  Rose  était  attaché  aux 
sentimens  de  Port-Royal  :  il  prêta  le  ser- 
ment à  la  constitution  civile  du  clergé. 

*ROSELLI  (Côme),  religieux  domini- 
cain ,  né  à  Florence  vers  1540,  fut ,  après 
l'Espagnol  Ponce,  le  premier,  parmi  les 
modernes ,  qui  fixa  des  règles  à  l'art  de 
parler  par  le  moyen  des  doigts ,  ce  que 
les  Romains  appelaient  digitatio.  Il 
acquit  en  Italie  beaucoup  de  réputation 
pour  celte  découverte,  dont  il  parle  fort 
au  long  dans  son  ouvrage  intitulé  :  Thé- 
saurus artificiosœ  memoriœ ,  Venise , 
1579,  in-4.  Ce  livre  est  très  rare,  et  on 
ne  le  trouve  que  dans  les  principales 
Libliotlièques  d'Italie.  La  méthode  qu'il 
y  donne  pour  exercer  la  mémoire  est 
claire  et  ingénieuse.  Fabricius  a  oublié 
cet  auteur  dans  le  Catalogue  qu'il  donne 
de  ceux  qui  ont  traité  ce  sujet. 

*  ROSELLI  (Joseph) ,  aventurier  na- 
politain, naquit  en  1652  de  parens 
pauvres  et  obscurs.  Un  oncle  maternel 
eut  soin  de  son  éducation,  lui  fit  faire 
des  études;  et  comme  il  voulait  l'at- 
tacher à  son  couvent,  il  lui  fit  appren- 
dre les  sciences  sacrées  ;  mais  les  incli- 
nations de  Rosclli  étaient  bien  loin  de 
celles  que  désirait  son  bienfaiteur.  Il 
s'enfuit  du  couvent,  parcourut  l'Europe, 
où  il  fit  tous  les  métiers,  s'agrégea  aux 
principales  loges  maçonniques ,  et  fut 
élevé  aux  premiers  grades  de  l'ordre  ;  et 
c'est  avec  sa  patente  de  franc-maçon 


ROS  5oi 

qu'il  voyagea  aux  dépens  de  ses  confrè- 
res. Il  avait  l'audace  et  l'éloquence  ver- 
beuse que  montra  ensuite  le  fameux  Ga- 
giiostro.  Ainsi  que  l'aventurier  de  Pa- 
lerme ,  le  Napolitain  se  vantait  de  possé- 
der des  secrets  merveilleux  ,  tous  appar- 
tenant à  la  science  maçonnique  ;  mais  il 
n'eut  et  ne  chercha  que  peu  d'occasions 
pour  en  donner  des  expériences,  aimant 
mieux  passer  pour  savant  et  pour  un 
homme  qui  avait  couru  des  aventures 
extraordinaires.  Après  avoir  mené  une 
vie  errante  pendant  plusieurs  années , 
il  se  rendit  en  Hollande  ,  se  fixa  à  La 
Haye  ,  où  il  demanda  aux  magistrats  une 
chaire  de  langues  orientales  et  occiden- 
tales mortes  et  vivantes ,  ou  celles  d'his- 
toire ,  de  philosophie  et  de  théologie , 
ou  bien  la  permission  d'ouvrir  un  café. 
Cette  dernière  demande  lui  fut  accordée, 
et  il  vit  sou  établissement  fréquenté  par 
des  pratiques  sans  nombre  et  des  per- 
sonnages distingués,  soit  par  leurs  em- 
plois ,  soit  par  leurs  talens.  Ceux-ci 
voulant  connaître  jusqu'où  allait  le 
savoir  que  Roselli  affichait ,  eurent 
avec  lui  plusieurs  discussions  savantes , 
dont  il  se  tirait  presque  toujours  avec 
honneur.  Il  était  curieux  de  voir  ce 
même  homme  qui  servait  la  tasse  de  café, 
l'orgeat  et  la  limonade ,  disputer  en 
même  temps  sur  une  thèse  de  philoso- 
phie, sur  un  problème,  et  sur  un  passage 
des  Epîlres  de  saint  Paul.  Il  conserva 
son  goût  pour  les  choses  bizarres  jus- 
que dans  son  lit  de  mort.  Il  ordonna  par 
son  testament  qu'on  enfermerait  sou 
corps  dans  un  cercueil  de  plomb ,  cou- 
vert de  planches  de  chêne  ;  qu'on  le  por- 
terait à  18  lieues  en  mer,  entre  la  Hol 
lande  et  l'Angleterre ,  et  que  là  on  le 
précipiterait  dans  les  flots.  Cette  dispo- 
sition semble  prouver  que  Roselli ,  quoi- 
que catholique ,  ne  tenait  à  aucune  re- 
ligion; c'est  qu'il  était  pythagoricien, 
et  croyait  à  la  métempsycose  ;  il  espé- 
rait ressusciter ,  au  bout  de  quelques  an- 
nées ,  transformé  en  poisson  ,  oiseau 
marin  ,  ou  sous  toute  autre  forme  quel- 
conque. Il  mourut  en  1719  à  La  Haye, 
où  il  avait  amassé  dans  son  cale  beau- 
coup de  richesses,  quoiqu'il  se  plût  à  les 


^ 


ÊI02 


ROS 


ROS 


attribuer  à  ses  secrets  maçonniques.  On  a 
de  lui  Los  fortunato  Napoletano  ,  l'in- 
fortuné Napolitain,  1722,  4  vol.  in-12. 
Le  titre  de  cet  ouvrage ,  qui  a  eu  un 
grand  nombre  d'éditions ,  est  faux  com- 
me la  plupart  des  aventures  qu'il  y  ra- 
conte. Un  homme  qui  pendant  toute  sa 
vie  a  contenté  toutes  ses  passions,  qui 
a  existé  aux  frais  des  bonnes  gens ,  qui 
savait  soutenir  le  rôle  desavant ,  et  celui 
d'un  être  extraordinaire ,  et  qui  esl  mort 
laissant  beaucoup  de  richesses ,  n'est 
certainement  pas  infortuné.  Sou  histoire 
romanesque  est  écrite  d'un  stile  parfois 
éloquent ,  mais  plus  souvent  afiecté  et 
monotone  ;  les  mœurs  n'y  sont  guère  res- 
pectées, et  l'auteur  n'a  même  aucun 
égard  ,  sous  ce  rapport ,  pour  ses  parens 
les  plus  proches ,  et  il  y  représente  sa 
sœur  (Rosalie)  vivant  dans  un  lieu  de 
prostitution  et  livrée  au  public. 

*  ROSEMONDE  ou  Rosamonde  ou 
RosMONDE,  reine  des  Lombards,  était  fille 
de  Cunimond  ,  roi  des  Gépides,  et  avait 
reçu  le  jour  vers  l'an  560.  Son  père  ayant 
été  défait  par  Alboin  ,  et  mis  à  mort  par 
ordre  de  ce  monarque,  elle  fut  élevée 
dans  le  palais  du  vainqueur.  Àlboin  l'é- 
pousa malgré  la  résistance  qu'elle  apporta 
long-temps  à  cette  union.  Elle  ne  pouvait 
oublier  les  malheurs  ni  la  lin  tragique 
de  son  père  ;  Àlboin  s'en  aperçut  ,  et 
voulut  l'en  punir  d'une  manière  digne 
de  son  cœur  farouche.  Il  donnait  un  jour 
à  Vérone  une  fête  magnifique  à  ses  offi- 
ciers ,  lorsqu'il  fit  apporter  un  crâne , 
qu'il  dit  à  Rosemonde  être  celui  de  son 
père,  et  la  força  de  boire  dans  cette  hor- 
rible coupe.  Ce  trait  d'atrocité  inouïe  ré- 
veilla la  vengeance  de  Rosemonde  ,  qui 
résolut  d'ôter  la  vie  à  son  époux.  A  cet 
effet ,  elle  fixa  les  yeux  sur  Helmige , 
premier  écuyer  du  roi,  auquel  elle  pro- 
mit ,  en  récompense  de  ce  funeste  ser- 
vice ,  sa  main  et  la  couronne  des  Lom- 
bards, dont  elle  était  l'héritière  légitime. 
Après  bien  des  instances,  Helmige  céda 
enfin  ;  mais  il  demanda  un  complice 
pour  assurer  le  coup.  Rosemonde  lui 
donna  Péridée,  seigneur  lombard,  qu'elle 
gagna  d'une  manière  aussi  bizarre  qu'ou- 
trageante pour  son  propre  honneur.  Cette 


princesse  sachant  que  Péridée  obtenait 
les  faveurs  d'uiic  dame  de  sa  cour  ,  peu 
scrupuleuse ,  s'oublia  jusqu'à  prendre  , 
pendant  lu  nuit,  la  place  de  celle-ci  ,  et 
ne  se  découvrit  à  Péridée  que  lorsqu'il 
avait  tout  à  craindre  de  la  fureur  jalouse 
du  roi.  Forcé  d'opter  pour  Rosemonde, 
il  consentit  à  tout  ce  qu'elle  exigea  de 
lui.  Un  jour  qn'Alboin  dormait  dans  ses 
appartemens  après  son  repas  ,  Helmige 
et  Péridée  envoyèrent  des  assassins  pré- 
venus d'avance  ,  qui ,  introduits  par  la 
reine  auprès  de  son  époux ,  le  poignar- 
dèrent. Rosemonde  donna  aussitôt  sa 
main  à  Helmige,  et,  après  s'être  emparée 
des  trésors  d'Alboin  ,  s'enfuit  à  Ravenne 
avec  sa  fille  Albisvinde  et  son  nouveau 
mari.  Soit  qu'Helmige  voulût  régner  en 
maître  absolu  ,  soit  que  la  reine  ne  l'eût 
jamais  considéré  que  comme  l'instrument 
de  sa  vengeance  ,  elle  écouta  les  offres 
de  Longin  ,  gouverneur  romain  ,  qui  à 
son  tour  promit  de  l'épouser  si  elle  trou- 
vait le  moyen  de  faire  périr  Helmige. 
L'exarcat  de  Ravenne  ,  qui  venait  d'être 
créé  en  faveur  de  Longin  ,  flattait  la  va- 
nité de  Rosemonde.  L'ambition  ,  jointe 
au  dégoût  qu'elle  avait  conçu  pour  Hel- 
mige ,  la  décida  à  s'en  défaire  le  plus  tôt 
possible  :  elle  avait  commis  un  premier 
crime  ,  le  second  ne  pouvait  plus  l'arrê- 
ter. Elle  prépara  du  poison  ,  et  le  donna 
elle-même  à  Helmige  lorsqu'il  sortait  du 
bain.  Ce  breuvage  eut  un  eflfet  trop  subit 
pour  qu'il  n'y  reconnût  pas  une  nouvelle 
trahison  de  la  part  de  Rosemonde  j  mais 
il  voulut  qu'elle  l'accompagnât  au  tom- 
beau. Il  s'élança  sur  elle,  et  lui  appuyant 
son  épée  sur  le  cœur ,  il  la  força  à  avaler 
ce  qui  restait  du  poison,  et  tous  les  deux 
expirèrent  quelques  momens  après  en 
673.  Les  trésors  du  roi  d'Italie  avec  la 
princesse  Albisvinde  et  Péridée  furent 
envoyés  à  Constantinople  par  Longin. 
Quelques  biographes  appellent  le  com- 
plice de  Rosemonde,  non  Helmige,  ràais 
Almachilde.  Ces  faits  ont  été  plusieurs 
fois  reproduits  sur  la  scène  tragique,  no- 
tamment par  Alfieri, et  chez  nous  par  Baro, 
par  Chrét.  Descroix,  par  Taconnet,  et 
plus  récemment  par  M.  Ampère  fils. 
ROSEN  (Conrad  de) ,  comte  de  Roi- 


ROS 

weiller  en  Alsace  ,  d'une  aiicienne  mai- 
son originaire  de  Livonie,  après  avoir 
été  3  ans  cadet  dans  les  gardes  de  la  reine 
Christine,  passa  incognito  en  France,  et 
servit  d'abord  comme  simple  cavalier 
dans  le  régiment  de  Brinon.  Son  mérite 
et  sa  naissance  ayant  élé  bientôt  connus, 
il  fut  éievc  de  grade  eu  grade  .  et  obtint 
le  bâton  de  maréchal  de  France  en  n03. 
Jacques  II  le  fit  général  de  ses  troupes. 
H  mourut  en  1 7 1 5  ,  à  87  ans ,  aprè  ;  s'èlre 
distingué  dans  toutes  les  guerres  oii  il 
fut  employé.  C'était  nn  homme  de  tête  et 
d'une  bravoure  reconnue. 

*  ROSEN  DE  RosESSTEiN  (Nicoias)  , 
médecin  suédois ,  né  en  1706  près  de 
Golhenbourg,  fut  destiné  d'abord  àl'élat 
ecclésiastique  ;  mais  il  étudia  la  médecine 
àLund,  puisa  Upsal.  Après  avoir  voyagé 
en  Allemagne,  en  France  et  en  Hollande, 
il  reçut  le  grade  de  docteur  à  Horder- 
wych.  Adjoint  à  la  faculté  de  médecine 
d'Upsal,en  1731,  il  obtint  trois  ans  après 
le  litre  de  médecin  du  roi ,  et  devint 
professeur  d'anatomie  en  1740.  les  hon- 
neurs s'accumulèrent  sur  lui.  Le  roi  de 
Suède  lui  accorda  ,  en  1762  ,  des  lettres 
de  noblesse  ,  le  nomma  archidiacre  de  sa 
chapelle  et  chevalier  de  l'Etoile-Polaire  ; 
il  devint  membre  des  académies  d'Upsal, 
de  Stockholm  et  autres  sociétés  savantes, 
et  mourut  dans  la  première  de  ces  villes 
en  1773.  On  a  de  lui  :  1»  Pharmacie  dn- 
mesliqiie ,  Stockholm,  17C5,  in-8,  qu'il 
composa  par  ordre  de  la  reine  veuve  ;  2° 
Manuel  d'anatomie,  1736;  3"  Traité 
des  maladies  des  en  fans  ,  Stockholm  , 
1764  ,  1771  ,  iu-8  ,  traduit  dans  presque 
toutes  les  langues  de  l'Europe;  il  l'a  été 
en  français  par  J.  B.  Lefèvre  de  Yille- 
brune,  Paris,  1780,  in-8.  Rosen  contribua 
à  populariser  en  Suède  l'inoculation. 

•ROSEN  (  le  baron  Grégoire  ) ,  lieu- 
tenant-général russe,  issu  d'une  famille 
d'origine  suédoise  ,  entra  au  service  en 
qualité  de  sous-officier  le  6  mars  1789. 
Après  avoir  passé  par  tous  les  grades  ,  il 
devint  enfin  capitaine  en  1803.  Il  se  dis- 
tingua tellement  à  la  bataille  d'Austerlitz, 
qu'il  reçut  une  épée  d'or.  Nommé  colo- 
nel en  1806  et  général  en  1807,  il  se 
battit  pendant  celte  dernière  année  avec 


ROS  5o3 

unevaleur  qui  fut  récompensée  à  plusieurs 
reprises.  En  1 808  il  passa  dans  la  Fin- 
lande et  livra  plusieurs  combats  aux  Sué- 
dois. Elevé  au  grade  de  général-major  , 
puis  de  chef  de  brigade,  il  fit  les  campa- 
gnes de  1811  et  1812.  En  1813  il  pénétra 
dans  le  duché  de  Varsovie,  dans  la  Prusse 
et  la  Saxe.  Nommé  le  1 9  avril  de  la  même 
année  chef  de  la  première  division  des 
gardes ,  il  se  trouva  à  la  tète  de  ce  corps 
aux  batailles  de  Lutzen  et  Bautzen.  Il  se 
distingua  ensuite  à  Pirna  et  à  Cul  m  ,  et 
fut  alors  nommé  lieutenant-général.  Il 
prit  part  à  la  bataille  de  Leipsick  et  fit 
les  deux  campagnes  de  France.  En  1831, 
ce  général  commandait  le  6'  corps  d'ar- 
mée russe  dans  la  campagne  de  Pologne  : 
il  se  battit  dans  les  journées  des  19  et  20 
février  ,  et  ,  pendant  le  mois  de  mars , 
il  garda  la  route  de  Pragu  pour  assurer 
les  communications  avec  la  Russie  ;  mais 
il  fut  mis  en  déroute  le  31  du  même  mois 
à  Groschow.  Ce  général  est  mort  dans 
les  premiers  jours  du  mois  de  février 
1832,  dans  un  âge  peu  avancé. 

*  ROSER  (Mathias  Barthélemi),  pein- 
tre ,  né  le  24  août  1737  ,  à  Heidelberg 
dans  le  palatinat  du  Rhin ,  eut  pour 
maître  le  célèbre  Loulehrbourg  -.  s'étant 
ensuite  rendu  à  Rome ,  il  y  apprit  l'art  de 
restaurer  les  tableaux,  art  déjà  connu  en 
Italie  dès  le  commencement  du  18"  siè- 
cle. De  retour  dans  sa  patrie  où  il  sé- 
journa peu  de  temps  ,  il  vint  à  Paris 
en  1765,  et  s'y  occupa  exclusivement  de 
la  restauration  des  peintures  endomma- 
gées. Il  était  si  habile  qu'il  a  souvent 
ajouté  à  des  tableaux  de  grands  maîtres 
des  portions  entières  que  l'on  aurait  dit 
appartenir  à  l'original  :  c'est  ce  qu'il  fit 
pour  plusieurs  grandes  compositions  du 
Corrége,  duTitien,  etc.  C'est  au  Muséum 
que  l'on  admire  lestalens  de  Roser  dans 
ce  genre  ,  et  qu'il  a  exercés  avec  tant  de 
bonheur  dans  les  tableaux  de  la  Trans- 
figuration ,  delà  f^ierge  dite  dcFnligno, 
de  Raphaël.  Il  excellait  également  dans 
les  copies,  et  il  en  a  fait  de  plusieurs  maî- 
tres ,  comme  de  David  Teniers  ,  et  Phi- 
lippe Wauwermans,  etc.,  qui  ont  circu- 
lé ,  comme  tableaux  originaux  ,  sans  ce- 
pendant que  Roser  y  eût  adhéré.    Ce^ 


5o4  ROS 

artiste  est  mort  à  Paris  le  6  avril   1 8o4 , 
âgé  de  67  ans. 

*  ROSILY  -MESROS  (le  comte Fran- 
çois-Elienne  de),  vice-amirai  ,  ué  le  13 
janvier  1748  à  Brest  d'un  père  qui  com- 
mandait dans  ce  port  en  qualité  de  chef 
d'escadre  ,  embrassa  de  bonne  heure  la 
carrière  de  la  marine.  Entré  à  l'âge  de 
14  ans  dans  le  corps  des  gardes,  il  devint 
successsivcmeut    et  en   peu   de    temps 
enseigne,  lieutenant  et  capitaine.  Nommé 
contre-amiral  le  1  *'  janvier  1793,  il  devint 
vice-amiral  le  22  septembre  179G.  Tous 
ces   grades  avaient  été  mérités  par  de 
grands  services,  ou  des  actions  d'éclat; 
son  premier  fait  d'armes  remonte  à  17  7 1 . 
Alors  il  s'embarqua  pour  l'île  de  Ceyian 
avec  une  division  navale  aux  ordres  de 
M.  de  Kerquelen  ;  abandonné  en  pleine 
mer  pendant  le  trajet,  par  suite  d'un 
coup  de  vent  qui  avait  éloigné  de  la  fré- 
gate la  chaloupe  avec  laquelle  il  était 
allé  à  la  découverte,  il  parvint  non  sans 
peine,  mais  avec  ses  propres  ressources , 
à  gagner  les  côtes  de  la  Nouvelle-Hol- 
lande. Après  un  voyage  qu'il  fit  à  l'âge 
de  25  ans  vers  la  Notasie  et  dans  les  mers 
Australes  sur  la  corvette  V Ambition  dont 
il  avait  le  commandement,   il  visita  les 
ports  d'Angleterre,  d'Ecosse  et  d'Irlande, 
et  en  rapporta  plusieurs  procédés  utiles , 
entre  autres  les  Pompes  à  chaînes  desti- 
nées à  prévenir  la  submersion  des  bâ- 
timens    en  cas  de  voie    d'eau  (1774J. 
Quatre  ans  après  ,    pendant  la   guerre 
d'Amérique ,  il  se  distingua  par  un  fait 
d'armes  qui  suffirait  seul  pour  placer  son 
nom  avec  honneur  parmi  ceux  des  offi- 
ciers qui  illustrèrent  le  plus  alors  la  ma- 
rine française  ,  lorsque  M.  de  la  Cloche- 
lerie  commandant  la  frégate  ,  la  Belle- 
Poule,  soutint  contre  la  frégate  anglaise, 
V Arélhuse ,  le  mémorable  combat  qui 
fut    le    commencement    des    hostilités. 
Rosily-Mesros  commandait  sous  ses  ordres 
le  lougre  le  Coureur ,  armé  seulement  de 
huit  pierriers  de  deux.   Avec  une  aussi 
faible  embarcation  il  n'hésita  pas  à  atta- 
quer le  cutter  anglais  V Alerte  ,  armé  de 
14  canons  de  six,  qui  allait  se  joindre  à 
VArethuse  pour  accabler  la  Z^cZ/e-Pou/c. 
Malgré  l'iué^alié  des  forces ,  il  attaque 


ROS 

son  ennemi  à  l'abordage  ,  l'arrête,  et  par 
cet  acte  de  dévouement  sauve  la  Belle- 
Poule  des  dangers  d'une  double  lutte  à 
laquelle  elle  eût  certainement  succom- 
bé. Cette  action  vraiment  héroïque  le 
couvrit  de  gloire  et  lui  valut,  quoique 
jeune  encore,  la  croix  de  St. -Louis  '177  9). 
Rosily  prit  ensuite  le  commandement  de 
la  frégate  la  Lively ,  et  en  1 792  celui  de 
la  Cleopâlre ,  à  l'Ile  de  France ,  vers  la 
fin  de  1782  ,  et  alla  se  réunir  à  l'armée , 
commandée  par  M.  deSuffrenqui,  à  cette 
époque  ,  porta  si  haut  la  réputation  de 
la  marine  française.  Ce  guerrier,  juste 
appréciateur  du  mérite  militaire  ,  plaça 
Rosily   au  poste  difficile  d'éclaireur  de 
l'armée ,  dans  lequel  il  le  maintint  jus- 
qu'à la  paix  (1784  )  :  il  lui  avait  donné 
le  commandement  d'une  escadre.  Rosily 
revint  alors  eu  France  avec  M.  de  Suffren  ; 
mais  désirant  de  faire  tourner  les  loisirs 
delà  paixauprofit  des  sciences,  il  ne  tarda 
pas  à  prendre  le  commandement  de  la  fré- 
gate la  Fénus,  avec  laquelle  il  alla  ex- 
plorer les  côtes  de  la  mer  des  Indes.  Il 
avait  pour    principal    but,    dans  cette 
expédition ,    de   corriger  les  caries  de 
Neptune  oriental,  sur  lesquelles  il  avait 
été  plus  que  personne  à  même  de  recon- 
naître  de  graves  erreurs.    Ce  fut  peu 
dant ce  voyage,  qui  dura  sept  années, 
que  ce  marin  infatigable  accueillit  les 
précieux  matériaux   d'après    lesquels  il 
rédigea  l'ouvrage  qu'il  livra  plus  lard  au 
public ,  sous  le  titre  de  Supplément  au 
Neptune    oriental.    Cet   ouvrage    n'est 
pas  parfait  sans  doute  ;  mais  nous  de- 
vons dire  qu'il  est  très  remarquable  pour 
l'époque  à  laquelle  il  a  été  exécuté ,  et 
que  son  auteur  mérite  la  reconnai.<;sance 
de  tous  les  navigateurs.  Dans  le  cours  de 
ce  travail  Rosily  a  fait  un  emploi  fort  ju- 
dicieux des  Horloges  marines  de  Ferdi- 
nand  Rerthoud,    pour  déterminer    les 
longitudes  des   principaux    points    des 
côtes  de  la  mer  des  Indes  et  de  la  Chine  ; 
et  il  a  prouvé  que  si  les  méthodes,  em- 
ployées aujourd'hui  dans  les  travaux  de 
ce  genre ,  avaient  été  connues  de  son 
temps ,  il  aurait  fourni  les  documens  les 
plus  complets  sur  les  côtes  qu'il  a  par- 
courues. Lorsque  les  premières  nouvelles 


ROS 

des  évènemcns  delà  révolution  française 
arrivèrent  dans  l'Inde  ,  Rosily  eut  besoin 
de  tout  l'ascendant  qu'il  avait  acquis  sur 
son  équipage  par  son  intrépidité  et  sa 
bouté  inaltérable,  pour  maintenir  la  dis- 
cipline à  son  bord;  il  revint  dans  sa 
patrie  avec  la  ftégate  la  Méduse ,  qu'il 
commandait  alors ,  et  enrichit  le  dépôt 
de  la  marine  des  documens  hydriogra- 
pïiiques  qu'il  rapportait  de  son  expédi- 
tion. En  1795  Rosily  fut  nommé  directeur 
du  dépôt  général  de  la  marine  ,  et  il  rem- 
plit sans  inteiTuption  les  fonctions  de 
cette  place  importante  jusqu'en  1827  , 
époque  à  laquelle  il  demanda  à  être  rem- 
placé par  M.  de  Rossel.  C'est  à  lui  qu'est 
due  l'organisation  définitive  du  corps 
des  ingénieurs  hydrographes  de  la  ma- 
rine ,  et  ce  fut  sur  sa  proposition  que 
l'on  fit  commencer  en  1819  ,  par  les  in- 
génieurs de  ce  corps ,  la  reconnaissance 
des  côtes  de  France ,  vaste  travail  dont 
le  Pilote  français  doit  être  le  princi- 
pal résultat.  Rosily  a  rempli,  depuis  1795 
jusqu'au  moment  oîi  il  quitta  la  direc- 
tion du  dépôt  général  de  la  marine,  plu- 
sieurs missions  d'une  grande  importance. 
Nous  nous  contenterons,  pour  ne  pas 
dépasser  les  limites  d'une  notice ,  de 
rappeler  ici  qu'il  fut  choisi  en  1805 
par  Buonaparte  pour  aller  prendre  à 
Cadix  le  commandement  de  la  flotte 
combinée  de  France  et  d'Espagne.  Celle 
belle  armée  était  composée  de  33  vais- 
seaux de  ligne ,  lorsqu'il  en  reçut  le 
commandement  ;  arrivé  à  Cadix  il  la 
trouva  réduite  ,  par  le  désastre  de  Tra- 
falgar,  à  cinq  vaisseaux  français.  Ces 
faibles  débris  ,  que  Rosily  était  parvenu 
à  réunir,  tombèrent  au  pouvoir  des  Es- 
pagnols le  H  juin  1808;  mais,  avant  de 
succomber,  ils  avaient  essuyé  pendant 
trois  jours  le  fendes  nombreuses  batteries 
de  terre  et  de  mer  dont  ils  étaient  en- 
tourés. La  conduite  courageuse  que 
tint  dans  cette  circonstance  l'amiral  Ro- 
sily fut  hautement  approuvée  par  Buona- 
parte ,  et  lui  mérita  après  sa  glorieuse  ré- 
sistance les  hommages  de  la  population 
entière  de  Cadix.  En  1812,  Rosily  présida 
le  conseil  de  guerre  qui  condamna  le  ca- 
pitaine St.-Cricq  à  3  ans  de  détention  ,  et 

XI. 


RÔS  5o5 

le  S  février  1813  il  fut  nommé  préside  rit 
du  conseil  des  constructions  navales.  En 
1814,  il  donna  son  adhésion  aux  actes  du 
gouvernement  provisoire.  Et ,  lors  de  la 
restauration  ,  il  devint  un  des  membres 
de  la  commission  créée  par  l'ordonnance 
du  mois  de  mai  1814,  pour  vérifier  les  ti- 
tres des  anciens  officiers  de  marine  qui 
demandaient  de  l'emploi  ou  des  pensions. 
En  1816  11  fut  nommé  associé  libre  de 
l'académie  des  Sciences.  Les  récompenses 
les  plus  élevées  avaient  été  accordées  à  cet 
illustre  marin  :  chevalier  de  St. -Louis 
enl 779, commandeur  delà  légion  d'hon- 
neur en  1804,  grand-croix  du  même  or- 
dre en  IS14,  cordon-rouge  en  1818, 
grand-croix  de  l'ordre  de  Danebroch  en 
1 820 ,  grand-croix  de  St.-Louis  en  1 822  : 
telles  avaient  été  ses  décorations.  Mis  au 
cadre  de  réserve  ,  le  1  "  mai  1831,  et  à  la 
retraite  le  1  "  mai  1 832,  il  est  mort  à  Paris 
d'une  apoplexie  foudroyante  le  13  no- 
vembre de  la  même  année,  à  l'âge  d'en- 
viron 85  ans.  Il  comptait  près  de  70  an- 
nées de  service  sans  interruption. 

ROSIN  (Jean) ,  en  allemand  Roszfeld, 
antiquaire ,  né  à  Eisenach  eu  Thuringe, 
en  1551,  fut  ministre  à  Naumbourg, 
et  mourut  de  la  peste  à  Aschersleben , 
en  1626.  Il  est  connu  par  son  Traité  des 
Antiquités  romaines^  en  latin.  La  pre- 
mière édition  parut  à  Ratisbonne  en 
1581.  Cet  ouvrage  reparut  à  Paris, 
1GI3,  in-fol. ,  avec  des  additions  de 
Thomas  Dempster.  En  1645,  le  Père 
André  Scholt  en  donna  une  nouvelle 
édition  à  Cologne  encore  augmentée  ; 
enfin,  la  meilleure  édition  de  ce  savant 
ouvrage  est  celle  de  1701,  in-4 ,  à 
Utrecht.  C'est  une  source  abondante, 
dans  laquelle  plusieurs  auteurs  ont  puisé 
sans  le  dire.  (Rosin  donna  en  outre  des 
éditions  des  Opuscules  de  Luther ,  de  la 
Chronique  de  Yolfgtreschler.  La  Fie  de 
Rosin  a  été  écrite  en  allemand  par  J.-G. 
Fischer  à  la  suite  de  celle  de  J.  Avenarius, 
Naumbourg  ,  1 708,  in-8.  ) 

ROSMONDE  Foyez  Rosemonde. 

*  ROSMINI  (  Jean-Charles  Jules,  che- 
valier de),  littérateur  religieux,  né  le 
2 8  octobre  17  58  à  Rovérédo  dans  le  Tyrol 
sur  les  confins  de  l'état  Vénitien,  d'une  fa- 

64- 


5o6  ROS 

mille  noble,  At  ses  études  soit  à  Inspruck, 
soit  dans  la  maison  paternelle  où  ses 
parens  lui  inspirèrent  des  sentimens  de 
religion  que  l'âge  et  la  réflexion  dévelop- 
pèrent dans  la  suite  de  plus  en  plus.  Dès 
sa  première  jeunesse  il  se  lia  avec  son 
compatriote  Vannetti  qui  lui  donna  le 
goût  des  lettres.  Dès  l'âge  de  1 5  ans,  il 
écrivit  sur  l'opéra  de  Rezzonico  intitulé: 
Alessandro  e  Timoleo,  une  lettre  dans 
laquelle  il  fit  preuve  de  grandes  connais- 
sances sur  la  musique  ancienne  et  mo- 
derne. En  1786  il  publia  à  Rovérédo  des 
Considérations  sur  deux  opuscules  de 
d' Alembert  relatives  à  la  poésie,  et  ces 
Considérations,  quoiqu'elles  fussent  d'un 
jeune  homme,  annonçaient  une  profon- 
deur de  pensées  qui  donnait  les  plus 
grandes  espérances  :  le  goût  et  l'exacti- 
tude qu'il  montra  dans  ses  premiers  ou- 
vrages lui  firent  en  Italie  une  réputation 
méritée.  Les  troubles  qui  divisèrent  ce 
pays  à  la  suite  de  la  révolution  française, 
et  les  progrès  de  nos  armées  qui  péné- 
trèrent dans  les  états  de  Venise  et  dans 
le  Tyrol  ,  interrompirent  ses  travaux  ; 
mais  il  les  reprit,  dès  que  les  temps  fu- 
rent devenus  plus  calmes.  En  1803  il 
quitta  Rovérédo  et  alla  se  fixer  à  Milan 
où  il  trouvait  plus  de  ressources  pour 
ses  recherches  historiques.  Les  évène- 
nens  de  1814  réjouirent  son  âme  :  c'est 
en  se  consacrant  à  la  piété  et  aux  lettres 
qu'il  a  continué  de  vivre,  soit  à  la  cam- 
pagne, soit  à  la  ville.  Il  est  mort  le  9  juin 
1826  à  l'âge  de  68  ans.  Outre  les  ouvra- 
ges que  nous  avons  indiqués,  nous  ci- 
terons   encore  la    Fie   d'Ovide,    1789, 

2  vol.  in-8 ,  réimprimée  en  1821;  la  Fie 
de  Sénèque,  1793,  in-8;  les  Fies  de 
Guarini  de  Férone  et  de  ses  disciples, 
1805,  3  vol.  in-8  ;  Idée  d'un  bon  précep- 
teur dans  la  vie  et  les  principes  de  Fie- 
iorin  de  Feltre  et  de  ses  disciples,  1 801 , 
in-8  ;  Fie  de  Philelphed'Olentenoi,  1 808, 

3  vol.  in-8;  Les  entreprises  militaires 
et  la  vie  de  J.  J.  Trivulce  dit  le  Grand, 
1 8 1 5  ,  2  vol.  in- 4  ;  Fie  de  Guidobald  duc 
d'Urbin,  1821,  2  vol.  in-8;  Histoire  de 
Milan,  1820,  4  vol.  in-4.  Il  a  aussi  pu- 
blié, sous  le  voile  de  l'anonyme,  La  vie 
et  la  mort  exemplaire  de  Marie-Joseph 


ROS 

Repetté,  Venise,  1815.  Tous  ces  ouvra- 
ges sont  pleins  de  recherches,  de  criti- 
que, de  jugement  et  de  sagesse,  et, 
quand  l'auteur  a  l'occasion  de  parler  de 
la  religion ,  c'est  toujours  dans  des  ter- 
mes dignes  d'un  écrivain  qui  se  faisait 
gloire  de  la  révérer  et  de  la  pratiquer. 
M.  l'abbé  Baraldi  a  inséré  dans  les  Mé- 
moires de  la  religion  qui  s'impriment  k 
Modène ,  une  Notice  intéressante  sur  le 
chevalier  Rosmini.  L'Ami  de  la  Religion 
en  a  donné  un  extrait,  tome,62,  page  68. 
Le  savant  Labus  a  donné  aussi  la  vie  de 
Rosmini. 

'ROSNY  (Antoine-Joseph-Nicolas  de), 
romancier  et  auteur  dramatique  ,  né  à 
Paris  en  1771,  commença  ses  études  à 
l'école  militaire  de  Rebais,  et  suivit  en- 
suite pendant  quelque  temps  la  carrière 
des  armes.  Retiré  jeune  encore  avec  le 
grade  de  capitaine ,  il  obtint  une  place 
dans  les  bureaux  du  ministère  de  l'inté- 
rieur. Il  composa  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages dont  il  a  donné  lui-même  la  Notice 
etdonton  trouve  le  catalogue,  au  nombre 
de  80  volumes,  dans  la  France  littéraire 
d'Ersch.  Rosny  ne  fut  point  riche,  quoi- 
qu'il se  fil  libraire  pour  vendre  ses  livres, 
et  qu'il  devînt  directeur  d'un  théâtre  de 
boulevard  pour  faire  jouer  ses  pièces. 
Nous  nous  bornerons  à  citer  les  Infortu- 
nes de  la  Galetièrc  pendant  le  régime 
décemviral,  Paris,  1796,  4*  édit.  1800, 
2  vol.  in-8  ;  Fie  de  Florian,  1 797,  in-8;/e 
tribunal  d'Apollon,  an  8  (  1800  ),  2  vol. 
in-1 8  ,  ouvrage  faiblement  calqué  sur  le 
Petit  almanach  des  grands  homme  i  de 
Rivarol  ;  le  Bonheur  ruralou  Tableau  de 
la  vie  champêtre  en  12  liv.  1801,  in-8  ; 
Histoire  de  la  ville  d'Autan,  Autun,  1802, 
in-4  ,  avec  8  planches  in-4  ;  Tableau  lit- 
téraire de  la  France  pendant  le  \  3'  siè- 
cle, Paris,  1809  ,  in-8.  Rosny  mourut  en 
1 814  ;  il  était  membre  de  plusieurs  aca- 
démies et  sociétés  littéraires. 

ROSNY.  Foyez  Sully. 

ROSELLI  (  Matthieu  ou  Mattko), 
peintre,  naquit  à  Florence  en  1578  ,  et 
mourut  dans  la  mètJ^  ville  en  1650.  Ili^  , 
s'est  particulièrement  attaché  à  la  pein- 
ture à  fresque,  genre  dans  lequel  un  tra- 
vail raisonné ,  beaucoup  de  patience , 


ROS 

un  dessin  pur,  et  un  coloris  d'une 
grande  fraîcheur,  l'ont  fait  exceller.  Ses 
ouvrages  se  ressentent ,  pour  l'ordinaire, 
de  son  caractère  tranquille.  Ses  couleurs 
locales  ne  sont  pas  dans  le  vrai  ton  de 
la  nature  ;  mais  il  y  a  mis  un  accord  qui 
plaît ,  et  ses  compositions  gagnent  à 
être  détaillées.  (La  Naissance  de  J.  C.  , 
que  possède  l'église  de  Saint-Gaétan, 
passe  pour  son  chef-d'œuvre.  Le  musée 
du  Louvre  possède  plusieurs  de  ses  ta- 
bleaux. } 

ROSSET  (  François  de) ,  poète  et  ro- 
mancier, né  eu  1570,  en  Provence, 
d'une  famille  noble.  (  Presque  au  sortir 
>de  l'enfance  ,  il  composa  des  Sonnets  et 
autres  poésies,  en  l'honneur  d'une  dame 
qu'il  nommait  Philis.  Il  vint  ensuite  à 
Paris ,  oii  il  ne  fut  guère  remarqué,  et  y 
chercha  en  vain  l'amitié  de  Malherbe.  ) 
Rosset  se  servit  des  connaissances  qu'il 
avait  dans  les  langues  italienne  et  es- 
pagnole pour  faire  passer  dans  la  fran- 
çaise quelques  ouvrages  écrits  dans  les 
premières  ;  entre  autres ,  Roland  le  fu- 
rieux et  Don  Quichotte  ;  mais  les  ver- 
sions qui  sont  venues  après  ont  e£facé 
les  siennes.  Ses  Histoires  tragiques  arri- 
vées de  notre  temps  ont  long-temps  fait 
la  lecture  d'un  certain  genre  de  curieux. 
Parmi  ses  romans  on  distingue  :  1°  Les 
Chevaliers  de  la  gloire,  Paris,  1613, 
in-4  ;  2°  L'Admirable  histoire  du  che- 
valier du  Soleil,  traduite  du  castillan 
par  cet  auteur  et  par  Louis  Douel ,  im- 
primée  à  Paris  en  1620  et  années  sui- 
vantes ,  en  8  vol.  in-8.  (  Il  faut  lire  l'ar- 
ticle Rosset  dans  le  Manuel  du  libraire  , 
de  Brunet.  ) 

ROSSET  DU  Pont  (Joseph),  sculp- 
teur, né  en  1706  à  Saint- Claude,  en 
Franche-Comté  ,  est  mort  le  3  décembre 
1786,  k  près  de  80  ans.  Elève  de  la  na- 
ture ,  il  a  prouvé  que  le  génie  seul ,  aidé 
d'une  étude  constante  et  d'un  travail 
opiniâtre,  peut  atteindre  à  ce  qu'il  v  a 
de  plus  grand,  et  produire  des  chefs- 
d'œuvre.  Quelques  bas-reliefs,  quelques 
copies  de  bons  molèles  qu'il  avait  su  se 
procurer,  échauffaient  son  imagination, 
et  lui  faisaient  deviner  toutes  les  mer- 
veilles de  l'antique.  Ses  ouvrages  fins  et 


ROS        '         5o7 

gracieux  sont  remplis  d'expression.  Avec 
tous  les  avantages  qui  peuvent  donner 
la  célébrité  ,  il  ne  lui  était  jamais  venu 
dans  l'esprit  de  penser  à  la  gloire  et  aux 
académies.  Il  eût  cru  flétrir  le  génie  des 
arts,  en  le  mettant  en  ostentation.  Il  a 
traité  beaucoup  de  sujets  religieux ,  parce 
qu'on  les  lui  demandait  de  toutes  parts. 
11  imprimait  un  si  beau  caractère  à  ses 
têtes  de  Vierges ,  qu'elles  inspirent  la 
dévotion.  Frédéric  II,  roi  de  Prusse,  di- 
sait :  «  Il  n'y  a  personne  qui  sache  don- 
})  ner  la  vie  à  un  buste  comme  le  sculp- 
«  teur  de  Franche-Comté.  »  Falconet , 
admirant  un  saint  Jérôme  sorti  de  ses 
mains ,  faisait  observer  que  l'auteur 
avait  certainement  fait  son  tour  d'Italie, 
et  qu'il  avait  étudié  au  moins  dix  ans  les 
grands  maîtres  :  il  ne  voulut  jamais 
croire  qu'il  n'était  pas  sorti  de  sa  petite 
ville.  Rosset  maniait  avec  la  même  dexté- 
rité le  bois ,  le  marbre ,  l'albâtre  ;  l'ivoire, 
si  cassant  et  si  dur ,  devenait  entre  ses 
mainsune  pâte  amollie  à  sa  volonté.  (M. 
de  Villette  a  consacré  à  cet  artiste  une 
Notice  que  l'on  trouve  dans  le  Journal 
fifePamdu  5  janvier  1787.) 

'  ROSSET  (  Pierre-Fulcrande) ,  juris- 
consulte, naquit  à  Montpellier  en  1722  , 
et  cultiva  la  poésie  avec  assez  de  succès. 
On  a  de  lui  un  poème  sur  V Agriculture, 
1744-1783  ,  en  deux  parties  in-4  ,dont  la 
première  est  fort  estimée.  Il  a  été  réim- 
primé. L'auteur  y  décrit  toutes  les  opé- 
rations champêtres  ;  et  quoique  ce  tra- 
vail difficile  et  monotone  par  lui-même 
fournisse  peu  à  la  poésie,  on  trouve 
dans  ce  poème  des  vers  heureux ,  comme, 
par  exemple ,  les  deux  suivans  ,  relatifs 
à  l'application  de  l'astronomie  à  l'agri- 
culture : 

Le  cieldeTÏnt  un  lirre  où  la  terre  étODoée 
Lut,  CD  lettres  de -feu,  l'histoire  de  l'anoée. 

Un  des  plus  beaux  chants  est  celui  sur 
la  vigne,  qui  commence  par  la  descrip- 
tion du  déluge,  et  finit  par  le  carnaval. 
Le  stile  de  Rosset  est  correct ,  mais  ses 
vers  manquent  parfois  d'élégance  et 
d'harmonie.  En  général ,  il  a  su  embellir 
son  sujet  par  des  images  neuves  et  bril- 
lantes ;  mais  dans  la  plus  grande  partie 
de  son  poème;  sa  verve  semble  être  ëpui' 


5o8  ROS 

sée.  Rossel  y  imite  un  peu  trop  le  Père 
Vanière  ,  et  il  s'arrête  la  plupart  du 
temps  à  de  simples  nomenclatures  qu'on 
ne  saurait  lire  sans  ennui.  Aussi  son  ou- 
vrage est-il  tombé  dans  l'oubli.  Après  un 
séjour  de  quelques  années  à  Paris ,  il  est 
mort  dans  cette  ville  en  1788. 

*  ROSSETTl  (  Dominique  )  ,'graveur , 
né  à  Venise  vers  1630,  mérita  par  ses 
succès  d'être  nommé  directeur  des  coins 
des  monnaies  de  la  république.  Il  était 
aussi  très  habile  dans  la  gravure  en  taille- 
douce  sur  le  cuivre  et  sur  le  bois  ;  l'é- 
lecteur palatin  le  retint  à  son  service 
pendant  douze  ans,  et  ce  fut  d'après  les 
ordres  de  ce  prince  qu'il  grava  les  vic- 
toires d'Alexandre  le  Grand ,  en  douze 
feuilles.  Plus  tard  il  grava  pour  l'histoire 
de  l'ancien  et  du  nouveau  Testament 
35  planches  en  cuivre  représentant  les 
principaux  évènemens  des  annales  sa- 
crées ;  cet  ouvrage  a  été  traduit  en  fran- 
çais,Venise,  1676.  Cet  artiste  s'occupait 
aussi  d'architecture  ;  il  donna  plusieurs 
dessins  pour  des  bâtimens,  et  chacun 
loua  l'entente  de  ses  diverses  composi- 
tions. Il  mourut  à  Venise  en  1697. 

*  ROSSETTl  (Donat),  mathématicien, 
né  à  Livourne  en  1G34  ,  fut  successive- 
ment professeur  de  philosophie  à  l'uni- 
versité de  Pise ,  et  de  mathématiques  à 
l'académie  de  Piémont.  Il  a  donné  ^un 
grand  nombre  de  plans  de  fortihcations 
pour  l'hydraulique,  et  se  fit  remarquer 
autant  par  ses  talens  que  par  ses  disputes 
avec  Géminiano  Montanari ,  auteur  de 
l'ouvrage  intitulé  Pensées  physico-ma- 
ihe'matiques  [Bologne ,  1667  ).  Rossetti, 
qui ,  malgré  ses  connaissances ,  s'était 
toujours  montré  partisan  des  idées  les 
plus  nouvelles  et  souvent  même  les  plus 
bizarres  ,  combattit  les  opinions  sages  de 
Montanarit  dans  son  Antignome  fisico- 
matlemaiico ,  con  il  nuovo  orbe  c  sis- 
tenta  terrestre,  Pise,  1 668  ,  oiil'on  trouve 
beaucoup  de  profondeur ,  mais  oîi  Ros- 
setti se  livre  parfois  à  une  imagination 
trop  vive,  et  qui  nuit  à  ses  savantes  ob- 
servations. Il  mourut  à  Pise  vers  1680. 

''ROSSETTl (  Jean-Baptiste ),  artiste 
distingué,  né  à  Padoue  en  1697,  fut 
dès  sa  première  jeunesse  attaché  à  l'im- 


ROS 

primerie  du  séminaire  de  celte  ville.  Il 
y  exerça  pendant  plusieurs  années  l'em- 
ploi de  compositeur ,  se  livra  ensuite  à 
l'étude  du  dessin  et  de  la  gravure  au 
burin ,  et  laissa  plusieurs  ouvrages  assez 
estimés.  Rossetti  avait  le  goût  des  beaux- 
arts  et  acquit  des  connaissances  très 
étendues  dans  l'architecture ,  la  sculp- 
ture et  la  peinture,  ainsi  qu'il  le  prouve 
dans  son  ouvrage  qui  a  pour  titre  Bes- 
crizzione  délie  pitture  ,  sculture  cd  ar- 
chitetture  di  Padova,  con  alcunc  osser- 
vazioni  inlorno  ad  esse,  edaltrecuriose 
nodzie,  Padoue,  1776;  ouvrage  quia 
eu  plusieurs  éditions ,  et  que  Lalande 
cite  avec  éloge  dans  son  Voyage  en 
Italie.  Rossetti  est  mort  dans  sa  patrie , 
en  17  80,  âgé  de  83  ans. 

*R0SS1  (Jean  Baptiste),  général  de 
l'ordre  des  carmes,  naquit  à  Ravenne  le 
4  octobre  1507  ,  de  la  noble  famille  des 
Rossi  de  Parme.  Il  avait  été  baptisé  sous 
le  nom  de  Barthélemi;  il  le  changea,  à 
sa  profession,  pour  celui  de  Jean  Bap- 
tiste. Son  éducation  fut  soignée  ;  et ,  dans 
ses  études  faites  avec  succès  ,  il  ne  né- 
gligeant les  saintes  lettres  ni  les  sciences 
profanes.  Le  Père  Rossi  embrassa  la  car- 
rière de  la  prédication,  et  il  s'y  fit  une 
grande  célébrité.  Paul  III  qui  occupait 
alors  le  trône  pontifical ,  et  qui  s'était 
fait  souvent  un  plaisir  d'aller  entendre 
le  Père  Rossi,  le  nomma  en  1564  pro- 
fesseur à  l'archigymuase  de  la  Sa- 
pience.  Le  Père  Nicolas  Audeltî,  gé- 
néral des  carmes ,  étant  mort  en  1 5C4  , 
le  Père  Rossi  fut  élu  pour  le  remplacer. 
Il  résolut  dès  lors  de  faire  la  visite  de 
tous  les  couvens  de  son  ordre.  H  com- 
menta par  l'Italie,  d'où  il  se  rendit  en 
Espagne.  Il  y  vit  sainte  Thérèse  ,  et  eut 
avec  elle  plusieurs  entretiens.  Elle  mé- 
ditait la  réforme  des  religieuses  carmé- 
lites, et  fil  part  au  Père  Rossi  de  son 
projet ,  pour  faire  refleurir ,  parmi  ces 
pieuses  filles ,  la  rigueur  de  la  première 
observance.  Ces  deux  illustres  person- 
nages se  quittèrent  avec  regret ,  et  pleins 
d'estime  l'un  pour  l'autre.  Le  Père  Rossi 
passa  en  Portugal  ,et»eçut  du  souverain, 
ainsi  que  de  la  première  noblesse  de  ce 
royaume ,  l'accueil  le  plus  distingué.  Il 


^ 


ROS 

était  de  retour  à  Rome  en  mai  1568.  Pie 
V ,  qui  régnait  alors,  l'adjoignit  aux  car- 
dinaux Jean  Morone ,  Marc-Antoine  Aniu- 
lio  et  Guillaume  Sirleti ,  chargé  de  revoir 
etdeconfronlerla  Vulgateavec  les  textes 
originaux  hébraïques  et  grecs ,  pour  en 
faire ,  s'il  y  avait  lieu ,  disparaître  toute 
altération  ,  et  en  assurer  la  pureté.  Cet 
ouvrage  fini ,  Grégoire  XIII  envoya  le 
PèreRossi  au  duc  de  Ferrare,  en  qualité 
de  nonce.  Il  s'acquitta  de  cete  mission  à 
la  satisfaction  du  pontife.  Ce  célèbre  re- 
ligieux mourut  à  Rome  en  1578  ,  âgé  de 
7I  ans.  Il  avait  vécu  sous  douze  papes  , 
dont  la  plupart  l'avaient  honoré  de  leur 
bienveillance.  Il  est  auteur  de  plusieurs 
ouvrages ,  parmi  lesquels  on  distingue  : 
1°  Thomœ  waldensis  doctrinale  cum 
schoUis ,  Venise,  1571  ,  3  vol.  in-fol.  ; 
2°  Compendium  constitutionum  B.  Ma- 
riée de  Monte  Carmelo  ,  Venise ,  1568  ; 
3°  Brcviarium  Carmelitarum ,  etc.  , 
Venise,  1568. 

ROSSl  (Jean-Victor),  Janus  Nikius 
Erithrœus ,  nohle  Romain  ,  né  en  1577  , 
mort  en  1647  ,  septuagénaire,  avait  été 
gentilhomme  du  cardinal  Perelti.  Après  la 
inort  de  ce  prélat ,  il  se  consacra  tout 
entier  à  l'étude ,  mettant  son  unique 
plaisir  à  converser  avecles  gens  de  lettres. 
On  a  de  lui  un  grand  nombre  d'écrits  ; 
les  plus  considérables  sont  :  1°  Pianco- 
theca  imaginum  illustrium  virorum  ; 
ouvrage  plusieurs  fois  réimprimé  in-8  , 
et  dans  lequel  on  trouve  bien  des  singu- 
larités. On  lui  reproche  de  n'y  pas  dis- 
tribuer avec  discernement  la  louange  et 
le  blâme.  2"  Epistolœ ,  in-8  ;  3°  Dialogi, 
ïn-8  ;  4°  Exempta  virtutum  et  viiiorum, 
in-8.  Ce  recueil  eut  les  suffrages  du  pu- 
blic. Le  nom  de  Nikius  Erithrœus ,  que 
l'auteur  avait  pris ,  signifie  en  grec 
la  même  chose  que  Vittorio  Rossi  en 
italien.  Cet  écrivain  avait  des  sentimens 
d'honneur  et  de  bonne  philosophie  ;  mais 
il  se  prévenait  facilement  pour  ou  contre; 
sa  bile  s'enflammait  contre  le  vice  et  le 
ridicule. 

ROSSI  ou  RuBKH^  ou  de  Rubeis  (Jé- 
rôme), né  en  1539  à  Ravenne,  fut  mé- 
decin du  pape  Clément  VIII ,  et  mourut 
les  septembre  1607.  C'était  un  homme 


KOS  599 

d'une  profonde  érudition,  comme  il 
paraît  par  son  Histoire  de  Ravenne  ^ 
en  onze  livres,  Venise,  Aide,  1572, 
in-fol.  Elle  est  bien  écrite  en  latin. 
On  a  encore  de  lui  :  1°  De  distilla- 
tione  liquorum ,  Venise,  1604,  in-4  ; 
2°  De  Melanibus ,  1607  ,  in-4  ;  3°  An- 
notationes  in  libres  octo  Cornelii  Celsi , 
de  re  medica  ,  1616,  in-4. — Il  ne  faut  pas 
le  confondre  avec  Jean-Antoine  Rossi  ou 
RuBEus ,  né  à  Alexandrie  de  la  Paille , 
mort  à  Padoue  ,  où  il  était  professeur  de 
droit  en  1 544  ,  à  56  ans ,  laissant  divers 
ouvrages  de  jurisprudence. 

ROSSI.  Voyez  Salviati  (Françoisde) 
et  Propertia. 

*  ROSSI  (  Jean-Antoine  ) ,  célèbre  ar- 
chitecte ,  né  à  Rome  en  1616,  excella 
dans  son  art  et  rivalisa  d'une  manière 
heureuse  avec  les  plus  habiles  maîtres  de 
son  temps  ;  cependant  il  n'avait  jamais 
appris  le  dessin.  Il  acquit  une  si  grande 
célébrité  que  tous  ses  ouvrages  étaient 
mis  à  un  haut  prix  et  qu'en  peu  de  temps 
il  se  fit  une  fortune  considérable  :  il  la 
consacra  à  des  œuvres  de  piété ,  dota 
des  églises,  des  monastères  et  des  hôpi- 
taux. Parmi  les  nombreux  monumens 
qu'a  laissés  cet  artiste,  on  cite  à  Rome 
le  palais  Altieri ,  et  celui  de  Rinuccini. 
Un  goût  noble  et  mâle  règne  dans  son 
architecture ,  sans  qu'elle  manque  pour 
cela  de  grâce  et  d'élégance.  Il  mourut  en 
1695 ,  à  l'âge  de  79  ans. — Il  y  a  eu  plu- 
sieurs artistes  de  ce  nom,  comme  Angelo 
de  Rossi,  sculpteur  génois ,  né  en  1671, 
mort  à  Rome  en  1715,  qui  fut  chargé  par 
le  cardinal  Ottoboni  de  la  sculpture  du 
magnifique  tombeau  d'Alexandre  VIII , 
dans  l'église  de  Saint-Pierre.  Il  exécuta 
ensuite  les  bas-reliefs  du  maître-autel  de 
l'église  de  Saint-Ignace,  et  qui  repré- 
sentent la  vie  de  J.  C.  — Jérôme  Rossi , 
peintre  et  graveur,  né  à  Bologne  en 
1649.  Ses  ouvrages  les  plus  estimés  sont 
plusieurs  planches  gravées  à  l'eau-forte, 
d'après  les  dessins  du  Guerchin  ,  de  Car- 
rache  et  des  plus  fameux  peintres  de 
Bologne.  Jérôme  a  laissé  également  de 
petits  tableaux,  oîi  il  n'y  a  de  remarquable 
que  la  pureté  du  dessin. 

*  ROSSI  (ISicolas),  savant    biblio- 


5io  ROS 

graphe,  né  en  17 1 1  à  Florence ,  d'une  fa- 
mille ancienne  et  estimée ,  vint  à  Rome 
à  l'âge  de  vingt  ans  et  s'attacha  au  car- 
dinal Falconieri  qui  lui  fit  embrasser  l'é- 
tat ecclésiastique.  Pourvu  ensuite  d'une 
riche  chapelle  qui  était  à  la  nomination 
de  la  famille  Corsini,  il  se  plaça  sous  le  pa- 
tronage de  cette  maison  puissante.  L'abbé 
Nicolas  possédait  les  langues  anciennes, 
et  il  avait  acquis  de  vastes  connaissances 
qui  lui  méritèrent  d'occuper  à  la  cour 
de  Rome  plusieurs  places  importantes. 
Il  en  employa  les  revenus  et  une  grande 
partie  de  sa  fortune  à  réunir  une  biblio- 
thèque riche  de  livres  rares  et  de  manus- 
crits précieux.  Après  sa  mort  survenue  en 

1785,  celte  bibliothèque  fut  achetée  par 
le  duc  Barthélemi  Corsini  pour  la  somme 
de  13  ,000  écus  romains  :  il  la  réunit  à 
celle  du  cardinal  Neré  son  oncle,  et  il  en 
fit  jouir  le  public.  L'abbé  Ro.ssi  a  laissé 
un  Recueil  de  Poésies  contenant  des 
sonnets  ,  des  tercets ,  des  e'ie'gics,  etc. , 
remarquables  par  la  correction  du  stile , 
la  grâce  et  l'harmonie  des  vers.  Huit  de 
ses  e'/e^y/ej  furent  imprimées  séparément 
à  Rome  en  1780.  On  lui  doit  encore  une 
bonne  édition  des  OEuvres  de  Jean  de  la 
Casa,  ^ome,  17  59-63,  2 volumes  in-8  , 
avec  deuxpréfaces  et  diverse  s  pièces  jus- 
que-là inédites;  il  avait  aussi  préparé  des 
matériaux  pour  unee'dition  de  Vjîminte 
du  Tasse.  Il  était  membre  de  différentes 
académies ,  entre  autres  des  Appatisli 
de  Florence  ,  des  Arcades  de  Rome ,  etc. 
La  vie  de  l'abbé  Rossi  se  trouve  en  tête 
du  Catalogue  de  sa  bibliothèque  qu'a 
publiée  ,  en  latin  ,  P.  Palearini ,  Rome, 

1786,  in-8. 

*  ROSSI  (Vincent),  avocat  célèbre,  né 
en  1 7  55  à  Palmi  près  de  JVaples ,  d'une 
famille  pauvre  et  obscure,  dut  à  ses  ta- 
lens  et  à  son  travail  la  place  distinguée 
qu'il  occupa  dans  le  barreau  napolitain. 
Ses  succès  ne  lui  avaient  pas  mérité  seu- 
lement une  grande  réputation ,  ils  lui 
avaient  encore  procuré  une  fortune  con- 
sidérable dont  il  usa  noblement.  Sous 
tous  les  rapports ,  l'avocat  Rossi  jouis- 
sait de  la  plus  haute  considération.  La 
révolution  française  dont  il  se  montra 
l'un  des  plus  chauds  partisans,  vint  l'arrê- 


ROS 

ter  au  milieu  delà  carrière  qu'il  avait  par- 
courue jusqu'alors  avec  tant  d'honneur. 
Après  l'entrée  des  Français  à  Naples  ,  il 
fut  un  des  premiers  moteurs  de  la  révolte 
qui  s'opéra  dans  cette  ville.  Il  haranguait 
le  peuple  dans  les  rues  et  les  places  pu- 
bliques ,  réunissait  chez  lui  les  hommes 
les  plus  exaltés,  pour  délibérer,  disait- 
il  ,  sur  la  liberté  de  la  patrie.  Rossi  fut 
nommé  membre  du  corps  législatif,  dans 
lequel  il  figura  comme  le  plus  zélé  dé- 
fenseur du  nouvel  ordre  de  choses.  Il 
affecta  des  vertus  républicaines  ,  quitta 
sa  maison  et  se  confina  dans  une  chélive 
retraite  ,  abandonna  la  toge  et  parut  sous 
l'habit  d'un  simple  soldat.  On  le  voyait 
manger  dans  les  rues  un  morceau  de 
pain  ,  se  mêler  parmi  le  peuple ,  et  par- 
tager ses  jeux  et  ses  amusemens.  Quand 
le  cardinal  Ruffo,  ayant  battu  les  Fran- 
çais ,  s'approcha  de  Naples ,  Rossi  fit 
tous  ses  efforts  pour  disposer  ses  conci- 
toyens à  une  vigoureuse  défense.  Mais 
le  cardinal  ayant  repris  celle  capitale  , 
tous  les  révolutionnaires  furent  frappés 
de  proscription.  Arrêté  et  mis  en  prison 
avec  plusieurs  de  ses  adhérens,  il  fut 
condamné  à  mort.  Lorsqu'on  le  conduisit 
au  supplice,  on  l'entendit  plaisanter 
avec  ses  compagnons  d'infortune ,  et 
même  avec  l'ecclésiastique  qui  était 
chargé  de  l'accompagner  dans  ses  der- 
niers momens.  Avant  de  mourir  ,  il  s'a- 
dressa aux  nombreux  spectateurs,  et 
leur  dit  d'une  voix  forle  :  «  Citoyens, 
■»  vengez-moi ,  je  meurs  pour  la  pairie  !  « 
La  populace,  dont  il  avait  été  l'idole, 
se  jeta  sur  son  cadavre ,  et  le  déchira  en 
mille  morceaux.  Il  fut  exécuté  en  1799  ,  * 
à  l'âge  de  quarante-quatre  ans.  La  fin  de  ■ 
Rossi  est  un  nouvel  exemple  du  funeste  { 
effet  des  révolutions  politiques  :  si  elles  ! 
mettent  le  désordre  dans  la  société, 
elles  ne  le  mettent  pas  moins  dans  le  ca- 
ractère des  individus.  Rossi,  plein  d'hon- 
neur et  de  religion  pendant  la  première 
partie  de  sa  vie,  eut  à  peine  touché  les 
révolutionnaires  qu'à  l'instant,  comme 
s'il  eût  été  atteint  par  la  peste ,  il  aban-  \ 
donna  son  honorable  profession  ,  prêcha 
la  révolte  et  insulta  à  la  religion. 

*  ROSSI  (  Jean-Bapliste) ,  ecclésias- 


I 


ROS 

liqae  italien,  célèbre  par  sa  piété  et  la 
sainteté  de  sa  vie,  était  chanoine  de 
Sainte-Marie  in  Cosmedin,  à  Rome,  où 
il  pratiquait  avec  une  grande  édification 
toutes  les  \erlus  de  son  état.  Il  ne  se  pré- 
sentait aucune  œuvre  de  charité  à  faire 
qu'il  n'en  saisît  l'occasion  a\ec  empres- 
sement. C'est  à  ses  sollicitations  que 
l'hospice  de  saint-Louis  de  Gonzague 
fut  ouvert  aux  enfans  abandonnés.  Il 
mourut  àRome  le  23  mai  1764,  en  odeur 
de  sainteté  ;  et  déjà  l'on  a  fait  des  infor- 
mations pour  sa  béatification. 

*  ROSSI  (  Ignace  de  ),  jésuite ,  né  à 
Viterbe  le  3  février  1740,  entra  dans  la 
société  de  Jésus  en  17  53.  Il  enseigna  d'a- 
bord les  humanités  et  la  rhétorique  à 
Spolette ,  à  Macerata  et  à  Florence ,  jus- 
qu'à la  suppression  de  ce  corps.  Il  se 
rendit  ensuite  à  Rome,  où  il  fut  nommé 
professeur  d'hébreu  dans  l'université  gré- 
gorienne où  il  resta  30  ans ,  et  il  conti- 
nua à  s'occuper  de  travaux  littéraires,  et 
surtout  de  la  langue  cophte.  Lors  du  ré- 
tablissement des  jésuites  par  le  pape 
Pie  VII,  il  s'empressa  de  se  réunir  à  ses 
confrères,  et  il  est  mort  au  milieu  d'eux 
le  25  novembre  1824,  au  collège  ro- 
main. Ou  lui  doit  :  i"  Commentationes 
Laerlianœ,  Rome ,  1788,  in-8  ;  2°  Ely- 
mologiœ  Egyptiacœ,  Rome,  1808  ,  in-4, 
et  beaucoup  de  petites  pièces  en  vers  et 
en  prose.  Il  a  laissé  en  manuscrit  des 
corrections  et  éclairci&semens  sur  la 
Préparation  c'vangclique  d'Eusèbe,  sur 
des  inscriptions  antiques,  sur  beaucoup 
d'auteurs  anciens  grecs  et  latins,  et  une 
interprétation  latine  d'un  manuscrit  en 
langue  cophte,  tiré  de  la  bibliothèque 
angélique  à  Rome,  contenant  les  petits 
prophètes,  à  laquelle  il  a  ajouté  des 
fragmens  de  ces  mêmes  prophètes,  en 
dialectes  hébraïques,  qu'il  traduisit  en 
latin  et  enrichit  de  notes.  On  trouve  sur 
lui  une  Notice  détaillée  au  tome  ^43  , 
page  309  de  VAmi  de  la  religion  et  du 
roi. 

ROSSI  (Adélaïde-Hélène  Sophie-Char- 
lotte Celliez,  comtesse  de).  ^oj/.Celliez. 

ROSSIGNOL  (  Antoine  ) ,  maître  des 
comptes,  naquit  à  Alby  le  l^'jour  de 
l'année   1590,  fit  dès  son  enfance  de 


ROS  5ii 

grands  progrès  dans  les  mathématiques , 
et  se  distingua  par  les  connaissances  des 
chiffres ,  qu'il  devinait  avec  une  rare  fa- 
cilité. En  1626  ,  au  siège  de  Réalmont, 
ville  de  Languedoc ,  occupée  par  les  pro- 
testans ,  il  déchiffra  sur-le-champ  la 
lettre  qu'écrivaient  les  assiégés  à  leurs 
frères  de  Moi\tauban ,  pour  leur  deman- 
der de  la  poudre.  Cette  découverte  ayant 
été  communiquée  à  la  ville ,  elle  se  ren- 
dit le  jour  même.  Le  cardinal  de  Riche- 
lieu, instruit  de  son  talent,  l'appela  au 
siège  de  la  Rochelle ,  où  il  servit  de  ma- 
nière à  mériter  les  plus  grandes  récom- 
penses. Louis  XIII  et  Louis  XIV  répan- 
dirent leurs  bienfaits  sur  ce  citoyen  utile. 
Le  premier  le  recommanda  en  mourant 
à  la  reine;  et  le  second  lui  fit  une  pen- 
sion considérable,  et  lui  donna  des 
marques  de  l'estime  la  plus  particulière. 
Ce  vieillard  respectable  mourut  peu  de 
temps  après,  à  83  ans,  après  avoir  servi 
l'état  pendant  56  années  avec  un  zèle 
ardent  et  une  fidélité  inviolable. 

ROSSIGNOL,  fameux  maître  écrivain 
de  Paris,  mort  d'un  excès  de  travail , 
dans  un  âge  peu  avancé,  en  1736,  fut 
employé,  du  temps  de  la  régence,  à 
écrire  les  billets  de  banque.  On  a  gravé 
d'après  cecalligraphe,  un  des  premiers 
et  peut-être  le  premier  de  son  art.  Il  a 
été  du  moins  le  plus  grand  peintre  en 
écriture  qu'il  y  ait  eu  en  France.  Maître 
de  ses  moindres  mouvemens  ,  sa  marche 
était  toujours  réglée  ;  ses  exemples 
étaient  d'une  sagesse  ,  d'une  simplicité , 
d'une  grâce  ,  qu'il  est  plus  aisé  de  sentir 
que  de  décrire.  Les  Anglais  ont  enlevé 
une  grande  partie  des  pièces  de  Rossi- 
gnol ,  pour  lesquelles  les  Français ,  trop 
indifférens  pour  le  bel  art  d'écrire ,  ne 
marquaient  pas  assez  d'empressement. 

ROSSIGNOL  (  Jean -Joseph),  jé- 
suite ,  né  en  1726 ,  à  Val-Louise ,  diocèse 
d'Embrun ,  se  distingua  par  des  con- 
naissances profondes  et  variées ,  un  ju- 
gement solide,  un  esprit  pénétrant, 
quoique  quelquefois  un  peu  trop  subtil. 
(  Il  enseigna  successivement  à  Marseille ,  à 
NViIna ,  à  Milan,  à  Turin.  Il  revint  occuper 
pendant  quelque  temps  l'observatoite  de 
Wilna ,  ville  où  il  aida  le  Père  RoscovicU 


dra  ROS 

dans  la  publication  de  ses  OEuvres.  A 
l'époque  de  la  suppression  des  jésuites 
il  se  reoditenAllemagne.jJeuue  encore, 
il  soutint  à  Varsovie ,  où  il  se  rendit 
après  la  destruction  des  jésuites  en  France, 
dés  thèses  de  omni  sctbi/i,  avec  un  ap- 
plaudissement extraordinaire  :  mais  il 
n'en  fut  pas  plus  vain  ,  convenant  que 
ces  sortes  d'essais  n'étaient  jamais  sans 
quelque  charlatannerie,  et  ne  s'y  étant 
déterminé  que  sur  les  plus  importunes 
instances  de  quelques  illustres  Polonais , 
étonnés  de  son  savoir.  (Ployez  Pic.)  (Il  se 
rendit  plus  tard  à  Milan,  et  il  y  professa 
pendant  dix  ans  les  mathématiques  et  la 
physique  au  collège  des  nobles.  Il  quitta 
cette  ville  pour  revenir  dans  sa  patrie  ; 
mais  la  vive  opposition  qu'il  montra 
contre  la  constitution  civile  du  clergé  le 
força  de  quitter  de  nouveau  la  France  ; 
revenu  en  Italie  il  y  trouva  un  généreux 
protecteur  dans  le  comte  de  Melzi  son 
ancien  élève,  depuis  vice-président  de 
la  république  italienne.  L'abbé  Rossignol 
vécut  dès  lors  tranquille  jusqu'à  sa  mort 
arrivée  à  Embrun  en  1807  :1e  nombre  de 
ses  écrits  s'élevait  à  plus  de  100.)  On  a  de 
lui  un  petit  Traite  de  botanique  ,  estimé, 
et  réimprimé  à  Liège  en  1784  ,  chez  Le- 
marié;  des  P^ues  sur  i Eucharistie  ,  oii  il 
propose  diverses  manières  de  combattre 
des  objections  puisées  dans  de  fausses 
notions  de  physique  ;  des  f^ues  sur  le 
mouvement ,-  un  Traite'  de  l'Usure,  etc. 
"ROSSIGNOL  (Jean-Antoine),  gé- 
néral des  armées  de  la  république  fran- 
çaise, naquit  à  Paris  en  17  59.  Il  y  était 
ouvrier  orfèvre  avant  la  révolution.  Il 
n'avait  aucune  espèce  d'instruction;  mais 
entraîné  par  les  passions  fougueuses  qui 
le  dévoraient,  il  parut  dans  les  rassem- 
blemens  populaires,  et  c'est  là  qu'il  fit 
entendre  son  éloquence  démagogique.  Il 
se  donna  quelque  importance  parmi  les 
insurgés  des  faubourgs ,  en  se  proclamant 
l'un  des  vainqueurs  de  la  BastiUe  où  il 
n'avait  figuré  qu'après  que  celte  forte- 
resse eut  été  envahie.  Livré  entièrement 
à  la  faction  des  jacobins,  il  figura  dans 
tous  les  clubs  et  était  à  la  tête  de  toutes 
les  émeutes.  Il  fut  porté  aux  grades  su- 
périeurs de  l'armée,  sans  jamais  avoir 


ROS 
servi  ;  et ,  malgré  son  incapacité  recqn- 
nue,  sa  cruauté  et  ses  atroces  briganda- 
ges, il  fut  maintenu  par  la  protection  de 
ses  amis  les  cordeliers.  Il  est  de  notoriété 
publique  qu'il  fut  un  des  massacreurs 
des  2  et  3  septembre  1792,  et  qu'il  si- 
gnala plus  particulièrement  sa  rage  con- 
tre les  prêtres  enfermés  dans  l'église  des 
Carmes:  ses  exploits  ne  tardèrent  pas  à 
être  récompensés.  En  1793  il  fut  nommé 
lieutenant -colonel  delà  33"  division  de 
la  gendarmerie.  Envoyé  contre  la  Ven- 
dée, il  y  commit  tant  de  concussions  et 
d'atrocités,  que  le  général  Biron,  com- 
mandant en  chef  de  l'armée  républicaine, 
le  fit  incarcérer  à  Niort,  en  juin  1793. 
Biron  ne  tarda  pas  à  expier  cet  acte  de 
rigueur  envers  un  homme  qui  était  placé 
si  haut  dans  la  faveur  des  plus  forcenés 
démagogues.  {Voyez  Biron.)  Les  protec- 
teurs de  Rossignol,  les  jacobins,  lui  ob- 
tinrent la  liberté ,  la  direction  de  l'armée 
républicaine ,  et  le  commandement  d'une 
division  ,  qui  portait  le  nom  à'arme'e  des 
côtes  de  La  Rochelle.  Ses  rapines,  ses 
vexations,  et  la  crapule  dégoûtante  à  la- 
quelle il  s'abandonnait,  éveillèrent  con- 
tre lui  l'animadversion  même  des  com- 
missaires de  la  Convention ,  qui  le  desti- 
tuèrent; mais  les  jacobins  le  firent  réin- 
tégrer. Il  reprit  le  commandement,  et 
continua  la  guerre  de  la  Vendée,  où  il  se 
signala  par  des  massacres  plutôt  que  par 
des  victoires.  Presque  constamment  battu 
parles  royalistes,  il  fut  défait  en  dernier 
lieu  à  3Iarligné(le  10  septembre  1793) 
par  La  Rochejaquelein.  Il  s'en  vengea 
d'une  manière  digne  de  lui,  en  portant 
le  fer  et  la  flamme  partout  où  il  passait. 
Malgré  tous  ces  échecs  et  son  impéritie 
reconnue,  il  obtint  à  la  fin  de  septembre 
le  commandement  en  chef  de  l'armée  des 
côtes  de  Brest  ;  alors  sa  cruauté  ne  connut 
plus  de  bornes,  et  surpassa  même  celle 
des  généraux  Westermann  et  Ronsin,  ses 
collègues.  Il  poussa  la  barbarie  à  un  tel 
point,  qu'il  fit  mettre  à  l'ordre  du  jour 
«  qu'il  paierait  10  francs  par  chaque 
»  paire  d'oreilles  de  chouans  qu'on  lui 
X  apporterait.  »  Rien  n'était  sacré  pour 
lui,  ni  les  paisibles  cabanes,  ni  les  vil- 
lages où  Ton  ne  se  défendait   pas,  ni 


I 


ROS 

les  ëglîses,  ni  leurs  ministres,  auxquels 
il  avait  juré  une  haine  implacable  et  for- 
cenée. Ses  mesures  barbares,  dignes 
de  son  incapacité,  le  rendaient  méprisa- 
ble à  son  armée ,  tandis  que  ses  vols  et 
ses  profanations  irritaient  les  républi- 
cains eux-mêmes,  si  l'on  en  excepte  les 
jacobins  les  plus  acharnés.  Tant  de  ré- 
clamations s'élevèrent  contre  lui,  qu'il  fut 
enfin  contraint  de  quitter  le  commande- 
ment après  le  9  thermidor,  jour  de  la 
chute  du  parti  qui  le  soutenait.  De  retour 
9  Paris ,  il  prit  une  pari  très  active  à 
l'insurrection  du  12  germinal  an  3  (pre- 
mier avril  1795),  et  fut  en  conséquence 
décrété  d'accusation  et  incarcéré.  Peu  de 
jours  avant  le  1 3  vendémiaire  (  5  octobre 
1795),  il  obtint  son  élargissement,  et 
combattit  en  faveur  de  la  Convention 
contre  les  sections  de  Paris.  Passant  d'un 
complot  à  un  autre ,  mais  tenant  tou- 
jours au  parti  auquel  il  devait  son  éléva- 
tion ,  il  se  jeta  en  1796  dans  la  faction 
de  Babeuf  et  de  Drouet.  Arrêté  dans  la 
nuit  du  1 1  au  1 2  mai ,  dans  le  lieu  oii  se 
rassemblaient  les  conjurés,  il  put  encore 
échapper  à  l'échafaud ,  quoique  Grisel , 
dans  ses  dépositions,  l'eût  désigné  comme 
le  plus  sanguinaire  de  ces  conspirateurs. 
Il  figura  ensuite  au  18  fructidor  an  5 
(  septembre  1797  )  à  la  tête  des  troupes 
chargées  d'arrêter  Pichegru  et  les  autres 
membres  proscrits  des  deux  conseils.  Ja- 
cobin ardent ,  il  se  déclara  contre  la  ré- 
volution du  18  brumaire  (  9  novembre 
1 799  ),  et  fut  désigné  dans  la  liste  de  pro- 
scription qui  parut  à  la  suite  de  cette 
journée.  Comme  un  mauvais  génie  sem- 
blait le  défendre  contre  toutes  les  puni- 
tions lancées  sur  lui ,  et  par  la  justice  et 
par  la  politique ,  il  put  de  nouveau  jouir 
de  sa  liberté.  Enfin ,  il  ne  fut  arrêté  qu'a- 
près l'explosion  de  la  machine  infernale 
dont  on  le  crut  sans  fondement  l'un  des 
complices.  Compris  dans  le  décret  de 
déportation  qui  fut  lancé  par  le  consul , 
il  fut  transporté  d'abord  aux  îles  Séchel- 
les ,  puis  à  l'île  d'Anjouan ,  oîi  il  mourut 
en  1802,  en  dérobant  ainsi  à  la  justice 
des  hommes  sa  tête  qui  avait  été  tant  de 
fois  digne  de  tomber  sous  le  glaive  du 
bourreau.  Il  se  faisait  gloire  de  sa  féro- 

XI. 


ROS  5i3 

cité,  et  un  jour  dans  un  souper  à  Sau- 
mur,  on  l'entendit  dire  :  Regardez  ce 
bras,  il  a  e'gorge'GZ  prêtres  aux  Carmes 
de  Paris.  Un  autre  jour  en  donnant  ses 
instructions  à  Grignon,  général  employé 
sous  ses  ordres  :  Ah  ca  !  général  de  bri- 
gade, lui  dit-il ,  te  v' la  prêt  à  passer  la 
Loire  ;  tue  tout  ce  que  tu  rencontreras  ; 
c'est  comme  ca  qu'on  fait  une  révolution. 
(On  trouve  ces  faits  et  autres  semblables 
dans  les  Mémoires  du  général  Danican.  ) 
Dans  la  conjuration  de  Babeuf,  et  seloa 
le  rapport  de  Grisel ,  son  accusateur,  il 
avait  dit  dans  le  comité  des  conspira- 
teurs :  Je  ne  veux  point  me  mêler  de 
votre  insurrection,  si  les  têtes  ne  tom- 
bent comme  la  grêle,  si  le  pavé  n'est  pas 
rougi  de  sang,  et  enfin  si  nous  n'impri- 
mons pas  une  terreur  qui  fasse  frémir 
l'univers  entier.  Ce  seul  trait  peut  ache- 
ver le  portrait  de  Rossignol ,  un  des 
monstres  les  plus  sanguinaires  qu'ait  en- 
fantés la  révolution.  Rossignol  était  sans 
talent,  sans  esprit,  des  mœurs  dépra- 
vées, brutal ,  grossier  dans  son  langage, 
dépourvu  même  de  la  première  qualité 
requise  dans  un  soldat ,  de  tout  courage 
personnel  ;  il  ne  montrait  d'audace  que 
dans  les  groupes  populaires.On  assure  que 
pendant  la  guerre  qu'il  fit  dans  la  Vendée 
il  montra  une  lâcheté  à  peine  croyable  ; 
quand  les  insurgés  pouvaient  être  atteints 
ou  quand  un  combat  allait  s'engager,  il 
montait  sur  quelque  arbre  touffu ,  ordi- 
nairement hors  de  la  portée  du  feu  ,  et 
criait  à  ceux  quijl'entouraient  :  En  avant ^ 
battez- vous  bien,  le  Rossignol  va  chan- 
ter. Dans  les  nombreuses  retraites  qu'il 
fut  obligé  de  faire,  il  avait  aussi  l'habi- 
tude de  mettre  le  premier  sa  personne  à 
couvert. 

ROSSIGNOLI  (  Bernardin  ),  jésuite 
piémontais,  mort  en  1613,  s'appliqua  à 
la  critique  sacrée.  On  a  de  lui  plusieurs 
ouvrages  ,  entre  autres  :  Historia  diSan 
Maurizio.  Il  y  prouve  jusqu'à  l'évidence 
l'histoire  du  martyre  de  ce  chef  de  la  lé- 
gion Ihébéenne.  Voyez  Maurice. 

*  ROSSIGNOLI  (Charles-Grégoire), 

jésuite,  né  à  Borgo-Manero ,  en  1631,^ 

dans  le  diocèse  de  Novare,   mort  le  5 

janvier  1707,  est  particulièrement  connu 

65. 


5i4  ROS 

par  son  ouvrage  du  Choix  édun  état  de 
vie  ,  traduit  de  l'italien  sur  la  8*  édition 
publiée  à  Venise  en  17  51 .  Il  a  aussi  com- 
posé une  Instruction  pratique  pour  les 
nouveaux  confesseurs ,  divisée  en  deux 
parties  ,  ne  formant  qu'un  volume  ,  et 
plusieurs  autres  Ouvrages  ascc'tiques 
réunis  par  Baglioni  en  un  recueil,  pré- 
cédé de  la  Fie  de  l'auteur,  et  publié  à 
Venise,  1723,  3  vol.  in-4. 

*  ROSSLYN  (Alexandre  Weddkrburnk, 
comte  de  )  ,  jurisconsulte  écossais  et 
grand  chancelier  d'Angleterre,  naquit  en 
1733  à  Edimbourg  d'une  ancienne  fa- 
mille qui  lui  donna  une  excellente  édu- 
cation. Après  avoir  étudié  les  lois  dans 
sa  patrie ,  il  fut  reçu  avocat  en  1 7  52  ,  et 
\int  à  Londres  oii  il  parut  avec  éclat  au 
barreau  dès  l'année  1757.  Six  ans  après 
il  fut  admis  au  conseil  du  roi.  Rosslyn 
avait  des  connaissances  aussi  profondes 
qu'étendues ,  était  d'une  application  in- 
fatigable, et  devint  un  des  plus  beaux 
ornemens  du  parlement  anglais,  auquel 
il  fut  nommé  par  le  comté  de  Bichemont. 
Ancien  ami  de  M.  George  Greenneville, 
il  se  rangea  avec  lui  du  parti  de  l'oppo- 
sition ,  auquel  il  fut  d'une  grande  utilité, 
et  par  son  éloquence  et  par  son  zèle  à  en 
soutenir  la  cause.  Après  avoir  figuré  pen- 
dant cinq  ans  dans  les  rangs  de  l'oppo- 
sition ,  il  se  décida  ensuite  à  embrasser 
la  cause  du  ministère,  et  accepta  en  1771 
la  place  d'avocat-général.  Il  fut  ensuite, 
et  successivement ,  nommé  procureur- 
général  (1778),  premier  juge  des  plaids 
communs  (1780),  baron  de  Longborough, 
et  président  de  la  commission  pour  le 
procès  des  insurgés  à  Soutwartk.  On 
l'accusa ,  peut-être  avec  assez  de  justice, 
d'avoir  impliqué  dans  ce  procès  plusieurs 
persones  qui  y  étaient  étrangères,  mais 
qui  figuraient  dans  le  parti  anti-minis- 
tériel. Rosslyn  sembla  presque  toujours 
balancer  entre  deux  opinions ,  et  les  fa- 
veurs du  monarque  étaient  souvent  d'un 
grand  poids  pour  sa  conduite.  A  la  cour 
des  plaids  communs,  il  se  montra  par 
'  fois  l'ami  du  peuple,  et  surtout  des  ma- 
rins qui  avaient  à  se  plaindre  de  leurs 
officiers  ;  il  favorisa  l'administration  de 
lord  iVorth  et  de  Fox ,  vota  avec  eux  dans 


ROS 

l'opposition  ;  mais  ayant  été  appelé  à  la 
place  de  chancelier,  il  s'éloigna  de  Fox , 
se  déclara  contre  ses  avis  sur  la  révolu- 
tion française.  En  1793,  il  soutint  vi- 
goureusement les  ministres  et  tous  les       | 
opinans  pour  la  guerre  contre  la  France.       | 
Il  fut  crée,  en  1801  ,  comte  de  Rosslyn  : 
ayant  eu  à  souffrir  quelques  désagrémens 
de  la  part  de  plusieurs  membres  du  parti 
de  l'opposition,  il  se  démit,  dans  cette 
même  année ,  de  sa  charge  de  chancelier. 
Il  vécut  depuis  lors  dans  la  retraite,  et 
mourut  subitement  en  1805  ,  à  l'âge  de 
72  ans.  On  cite  de  lui  des  Observations 
sur  Ve'tat  des  prisons  d' Angleterre  et 
sur  les  moyens  de  l'ame'liorer.  Quoiqu'il 
soit  assez  peu  ménagé  dans  les  Lettres  de 
Junius,  il  est  un  de  ceux  auxquels  on  a      ■ 
attribué  ce  fameux  pamphlet.  1 

ROSSO  (Rosso  del),  nommé  ordi- 
nairement Maître  Roux ,  peintre  ,  na- 
quit à  Florence  en  1496.  Son  génie  et  l'é- 
tude des  ouvrages  de  Michel-Ange  et  du 
Parmesan ,  lui  tinrent  lieu  de  maître. 
C'est  en  France  qu'est  la  plus  grande  par- 
tie de  ses  ouvrages.  François  P"^,  qui  l'a- 
vait appelé  auprès  de  lui,  le  nomma  sur- 
intendant des  ouvrages  de  Fontaine-  J 
bleau.  La  grande  galerie  de  ce  château  a  * 
été  construite  sur  ses  dessins ,  et  embel- 
lie par  les  morceaux  de  peinture ,  par  les  , 
frises  et  les  riches  ornemens  de  stucqu'il 
y  fit.  Le  roi ,  charmé  de  ses  ouvrages  ,  le 
combla  de  bienfaits,  et  lui  donna  un  ca- 
nonicat  de  la  Sainte-Chapelle.  Ce  pein- 
tre ayant  accusé  injustement  Pellegrin  , 
son  ami ,  de  lui  avoir  volé  une  grande 
somme  d'argent,  et  ayant  été  cause  des 
tourmens  qu'il  avait  soufferts  à  la  ques- 
tion ,  ne  put  supporter  le  chagrin  que  cet 
événement  lui  causa;  et  poursuivi  d'ail- 
leurs en  réparation  par  l'accusé,  il  prit 
un  poison  violent  qui  le  fit  mourir  le  mê- 
me jour  ,à  Fontainebleau,  en  1541.  Maî- 
tre Roux  mettait  beaucoup  de  génie  dans 
ses  compositions,  réussissait  parfaite- 
ment à  exprimer  les  passions  de  l'àme, 
et  donnait  un  beau  caractère  à  ses  têtes 
de  vieillards,  et  beaucoup  d'agrémens 
aux  figures  des  femmes  qu'il  représen- 
tait ;  il  possédait  bien  le  clair-obscur. 
Mais  sa  façon  de  dessiner  ,  quoique  sa- 


r 


ROS 


vante  ,  avait  quelque  chose  de  sauvage  : 
il  travaillait  de  caprice,  consultait  peu 
la  nature,  paraissait  aimer  ce  qui  avait 
un  caractère  bizarre  et  extraordinaire. 
Vasari  a  écrit  sa  Fie.  (Le  musée  de  Paris 
conserve  de  ce  peintre  un  excellent  ta- 
bleau représentant  la  Fierge  qui  reçoit 
les  hommages  de  sainte  Elisabeth.) 

"  ROSTAING  (  Juste-Autoiue-Henri- 
Marie Germain  ,  marquis  de),  lieutenant- 
général  des  armées  du  roi,  né  en  17  40  au 
château  de  Vauchette ,  près  de  Montbri- 
son ,  fit  ses  premières  armes  en  qualité 
de  cornette  dans  le  régiment  de  Caraman, 
sous  les  ordres  du  maréchal  de  Broglie , 
pendant  la  campagne  de  1760  en  Alle- 
magne. En  1769,  il  entra  comme  aide- 
major  dans  la  première  compagnie  des 
mousquetaires.  Nommé,  en  177  8,  colo- 
nel du  régiment  de  Gatinois  ou  Royal- 
Auvergne  ,  il  avait  dû  ce  grade  à  la  ma- 
nière brillante  avec  laquelle  il  s'était 
signalé  ,  quelques  années  auparavant,  à 
la  prise  de  la  Martinique  et  à  l'attaque 
de  Sainte-Lucie.  Il  fit  ensuite  les  campa- 
gnes d'Amérique,  et  obtint  le  titre  de 
maréchal-de-camp ,  en  récompense  de  sa 
belle  conduite  à  la  prise  d'York.  De  re- 
tour en  France ,  le  marquis  de  Rostaing 
fut  nommé  député  du  Forey  à  l'assemblée 
constituante.  Il  fut,  peu  de  temps  après, 
promu  au  rang  de  lieutenant-général. 
Dégoûté  bientôt  de  la  révolution  et  des  ré- 
volutionnaires, il  se  retira  dans  ses  terres 
où  il  s'est  occupé  dès  lors ,  jusqu'à  la  fin 
de  sa  vie ,  à  soulager  les  malheureux  dont 
il  a  emporté  les  regrets  au  tombeau.  Il 
est  mort  dans  le  mois  de  septembre  1 826, 
dans  son  lieu  natal. 

*  ROSTOPCHIN  (le comte  Théodore 
ouFédor),  gouverneur  de  Moskow  ,  na- 
quit en  1763  à  Livna  dans  le  gouverne- 
ment d'Orel ,  d'une  famille  ancienne  qui 
cependant  n'avait  rempli  avant  lui  au- 
cune place  marquante.  Il  prit  de  bonne 
heure  le  parti  des  armes,  et  à  21  ans  il 
était  parvenu  au  grade  de  lieutenant  de 
la  garde  impériale,  lorsqu'il  quitta  le 
service  pour  voyager.  Il  séjourna  quel- 
que temps  à  Berlin  où  il  se  concilia  l'af- 
fection du  comte  Romanzoff.  Ce  fut  sans 
doute  à  la  protection  de  ce  seigneur  qu'il 


ROS  5i5 

dut  la  haute  faveur  dont  il  jouit ,  au 
commencement  du  règne  de  Paul  I*'. 
Les  intrigues  de  la  cour  l'atteignirent 
quelquefois,  et  il  subit  des  disgrâces 
de  courte  durée,  à  cause  de  la  hardiesse 
avec  laquelle  il  ne  craignait  pas  d'émet- 
tre ses  opinions.  Depuis  l'avènement 
d'Alexandre  ,  il  fut  tout-à-fait  exilé  dans 
ses  terres.  Cependant  à  l'époque  de  l'in- 
vasion des  Français  en  1812,  il  vint  à 
Moskow  et  fut  nommé  commandant  de 
cette  ville.  Chacun  sait  que  cette  ca- 
pitale fut  brûlée,  lorsque  les  Français 
étaient  sur  le  point  de  s'en  emparer; 
mais  ce  que  l'on  ignore,  ce  sont  les  détails 
qui  se  rattachent  à  l'exécution  de  ce  plan. 
Le  comte  Rostopchin  suggéra  ce  moyen 
comme  unique  voie  de  salut  :  le  1 1  sep- 
tembre 1812  ,  il  adressa  aux  Moskowites 
une  proclamation  dans  laquelle  il  les 
engageait  au  nom  de  la  religion  et  de  la 
patrie  à  prendre  du  pain  pour  trois  jours, 
à  quitter  cette  ville  et  à  se  réunir  sur  les  • 
trois  montagnes.  Le  lendemain  12,  le 
gouverneur  quitta  Moskow,  et  deux  jours 
après  les  Français  entrèrent  dans  celte 
citéquelesflammesavaientpresque  entiè- 
rement détruite.  Le  comte  Rostopchin  se 
démit  de  ses  fonctions  en  1814.  Dès  lors 
il  ne  prit  aucune  part  aux  affaires  publi- 
ques. En  1817,  il  vint  à  Paris,  et  huit  ans 
après  il  retourna  à  Moskow ,  et  c'est  là 
qu'il  est  mort  le  12  février  1826.  Dans 
l'écrit  qu'il  a  publié  en  1823,  et  qui  a  pour 
titre  :  Lavérité sur  l'incendie  de  Moskow, 
Paris,  in-8  ,  il  a  répudié  la  gloire  d'avoir 
sauvé  sa  patrie,  et  rejeté  sur  des  soldats 
ivres  l'incendie  qui  arrêta  l'armée  fran- 
çaise. 

ROSWEIDE  (  Héribert  ) ,  jésuite,  né 
àUtrecht,  en  1569  ,  enseigna  la  philoso- 
phie et  la  théologie  à  Douai  et  à  Anvers 
avec  réputation ,  et  mourut  dans  cette 
dernière  ville  en  1629.  La  connaissance 
des  antiquités  ecclésiastiques  brille  dans 
tout  ce  que  nous  avons  de  lui.  Ses  ouvra- 
ges sont  :  l°unejE'rftïw«  de  saint  Paulin, 
avec  des  notes,  1621  ;  2°  une  Histoire 
des  vies  des  Pères  du  désert ,  Anvers , 
1628  ,  in-fol. ,  estimée  ;  3"  une  édition  du 
Martyrologe  d'Adon  ,  avec  des  notes  sur 
l'ancien  Martyrologe  romain,  Anvers, 


5i6  ROT 

1613,  in-fol. ,  estimée  ;  4°  F  asti  sancto- 
rum  ,  Anvers,  1607,  in-8  :  c'est  la  publi- 
cation des  vies  des  saints  dont  il  a  trouvé 
les  manuscrits  aux  Pays-Bas.  L'auteur  y 
donne  le  projet  de  l'immense  compila- 
tion des  bollandistes.  (  Voyez  Bollan- 
DUS.  )  5°  Une  Edition  de  l'Imitation  de 
J.  C,  avec  la  Vie  de  Thomas  a  Kempis ^ 
et  les  raisons  invincibles  qui  doivent  faire 
attribuer  cet  inestimable  ouvrage  à  cet 
auteur,  etc.  Anvers,  1617  ;  6°  Dispulor 
tio  de  fide  hœreticis  servanda,  1610, 
in-8  ;  7"  une  Edition  du  Pré  spirituel  de 
Jean  Moschus,  avec  des  notes,  1615, 
in-fol.  Il  a  aussi  publié  quelques  ouvra- 
ges en  flamand,  entre  autres  :  1°  Vies 
des  saints,  Anvers,  1641,  2  vol.  ;  2°  His- 
toire eccle'siastiquejusqu'à  Urbain  VIII, 
et  Histoire  de  F  Eglise  belge,  1623, 
2  vol.  in-fol.  ;  3°  Vies  des  saintes  filles 
qui  ont  vécu  dans  le  siècle  ,  1642,  in-8. 
Voyez  Zyp>eus. 

ROSWITA  DE  Gandesheim,  ainsi 
nommé  parce  qu'elleétait  religieuse  dans 
lé  monastère  de  ce  nom,  ordre  de  Saint- 
Benoît  ,  près  de  Hildesheim,  se  distingua 
par  son  goût  pour  les  belles-lettres.  On  a 
d'elle:  1°  six  Drames  en -çro^e ,  sur  des 
sujets  pieux  ;  2°  Poème  héroïque  sur  la 
•vie  de  l'empereur  Otlion  I";  3°  deux 
Poèmes  à  la  louange  de  la  Mère  de  Dieu  ; 
4°  des  Elégies  sur  le  martyre  de  sainte 
Agnès,  de  saint  Denys,  de  saint  Pelage 
deCordoue,  etc.  Ces  ouvrages,  écrits  en 
latin ,  ont  été  publiés  par  Conrad  Celtes, 
l'an  1501,  et  par  Henri  Schurfleisch, 
Wittembérg,  1707,  in-8.  Roswita  floris- 
sait  vers  l'an  070. 

*  ROTA  (  Martin  ) ,  graveur  célèbre 
du  16^  siècle,  naquit  à  Sabénico  en  Dal- 
matie,  vers  l'an  1520  ,  vint  à  Venise,  y 
étudia  son  art,  et,  jeune  encore,  il  y 
acquit  une  réputation  méritée.  11  a  laissé 
un  grand  nombre  d'ouvrages  très  estimés 
encore  de  nos  jours,  et  qui  figurent  dans 
les  collections  les  mieux  choisies.  Les 
principaux  sont  :  le  Jugement  dernier , 
d'après  Michel-Ange  ,  chef-d'œuvre  ad- 
mirable qui  fut  copié  depuis  par  Michel 
Gaultier.  L'une  et  l'autre  gravure  sont  or- 
nées du  portrait  de  Michel-Ange;  on  peut 
néanmoins  aisément  les  distinguer ,  soit 


ROT 

par  la  différence  du  mérite,  soit  parce 
que  dans  la  première  on  voit  le  visage  du 
portrait  tourné  vers  la  gauche  du  specta- 
teur, et  dans  celle  de  Gaultier,  vers  la 
droite.  Deux  autres  Jugemens  derniers , 
l'un  ,  dédié  à  l'empereur  Rodolphe,  est 
tout  entier  de  Rola  ;  le  second ,  terminé 
par  Anselme  de  Boodt,  est  inférieur  au 
premier,  mais  cependant  remarquable 
par  deux  figures  de  femmes  qui  se  tien- 
nent embrassées ,  et  qui  sont  du  fini  le 
plus  fparfait.  La  Madeleine  pénitente  ; 
Le  Martyre  de  saint  Pierre  ,  d'après  le 
Titien;  Prométhée  déchiré  par  le  vau- 
tour ;  dififérens  morceaux  d'après  Ra-  ■ 
phaël,  Jules-Romain,  etc.  Rota  mourut  a 
Venise  vers  l'an  1560. 

*  ROTA  (  L'abbé  Joseph  )  naquit  à 
Bassano  le  7  mai  1720.  Il  embrassa  l'état 
ecclésiastique,  et  en  1760  il  obtint  la 
cure  de  Saint-Sauveur  à  Bergame ,  ville 
dont  il  était  originaire.  Il  était  très  versé 
dans  les  sciences  sacrées ,  se  distingua 
dans  la  prédication  ,  et  cultiva  en  même 
temps  et  avec  succès  la  littérature.  Indé-i 
pendamment  de  plusieurs  lettres  critir 
ques ,  Ae poésies  fugitives,  de  différens 
discours  académiques ,  et  de  quelques 
ouyrages  de  controverse  ,  on  a  de  lui; 
\°  Poetica  d'Orazio ,  esposta  in  ottava  v 
rima,  Bergame,  1752,  in-8.  Cette  traduc: 
tion  est  très  estimée,  autant  parla  beauté^ 
du  stile  que  par  la  fidélité  avec  laquelle 
l'auteur  a  su  rendre  le  texte  original. 
2"  Adamo,  poema  in  canti  VI,  Bergame 
1778  ,  qui  pourrait  servir  de  pendant  à 
La  Mort  d'Abel  de  Gessner.  Le  poème 
de  l'abbé  Rota  est  écrit  en  octaves  de  vers 
de  onze  syllabes,  mètre  usité  par  les  Ita- 
liens dans  la  poésie  épique.  Cet  ouvrage 
qui  établit  à  jamais  la  réputation  de  l'au- 
teur comme  bon  poète ,  est  rempli  d'i-^ 
mages  neuves  ,  de  belles  pensées  ,  d'un 
intérêt  toujours  croissant,  de  sentiment 
tendres  et  profonds ,  et  il  est  en  outre; 
écrit  d'un  stile  aussi  élégant  que  correct. 
L'abbé  Rota  fut  estimé  par  ses  vertus 
comme  par  ses  talens  ,  et  mourut  à  Ber- 
game le  5  mai  1792,  âgé  de  72  ans. 

*  ROTARUS  ou  RoTARio,  en  latin  Ito- 
tarius  (  Sébastien  ),  médecin,  naquit  à 
Vérone  en  1G78«  eut  beaucoup  de  bon- 


R0T 

heur  dans,  ses  cures ,  dans  lesquelles  il 
adopta  la  méthode  la  plus  simple.  Il  se 
déclara  contre  l'usage  de  la  saignée,  et 
fut  un  de  ceux  qui  introduisirent  celui 
du  mercure  dans  le  traitement  de  pres- 
que toutes  les  maladies.  La  plupart  de 
ses  ouvrages ,  qui  trouvèrent  beaucoup 
de  partisans,  roulent  sur  ces  deux  ob- 
jets. Les  plus  remarquables  sont  :  1°  Il 
MedLco  padre,  Vérone,  1719-1720,  in-4, 
où  il  est  parlé  particulièrement  de  la 
pleurésie  ;  2°  Rimedio  di  non  ispregiare 
hel  mal  caduco ,  Vérone,  1722,  in-8. 
Rotarus  cherche  à  prouver  dans  ce  livre 
l'utilité  des  frictions  mercurielles  dans 
la  cure  del'épilepsie.  Il  mourut  en  1742, 
et  tous  ses  ouvrages  furent  imprimés 
in-fol.  deux  ans  après. 

ROTGANS  (  Luc  ) ,  né  à  Amsterdam 
en  1645,  se  livra  à  la  poésie  hollandaise, 
dans  laquelle  il  surpassa  tous  les  poètes 
qui  l'avaient  précédé.  Il  prit  le  parti  des 
armes  dans  la  guerre  de  Hollande,  en 
1 6 7  2  ;  mais  après  deux  ans  de  service ,  il 
se  retira  dans  une  belle  maison  de  cam- 
pagne qu'il  avait  sur  le  Vight,  oii  il  goûta 
les  charmes  de  la  poésie.  Ce  littérateur 
mourut  de  la  petite-vérole  ,  en  1710,  à 
65  ans.  On  a  de  lui  :  1°  la  Fie  de  Guil- 
laume III,  roi  d'Angleterre,  poème 
épique  en  huit  livres ,  estimé  des  Hollan- 
pais;  mais  qui  ne  sera  jamais  mis,  par 
les  autres  nations ,  au  rang  des  ouvrages 
d'Homère,  de  Virgile,  ni  même  de  Lu- 
cain  ;  2°  d'autres  Poésies  hollandaises, 
imprimées  à  Leuwarden  en  1715,  in-4. 

ROTH  (  Michel ,  né  en  1 7 2 1 ,  à  lUuxta, 
bourg  de  Courlande  ,  entra  chez  les  jé- 
suites en  1737  ,  exerça  le  ministère  de  la 
prédication  à  Dunebourg,  et  ht  ensuite 
des  missions  dans  la  Lithuanie  et  la  Li- 
vonie  polonaise,  aujourd'hui  russe.  Après 
de  loDgs  travaux  couronnés  d'éclatans 
succès,  il  huit  sa  vie  laborieuse  dans  le 
village  de  Dagda  ,  le  3  décembre  1785  , 
jour  de  saint  François-Xavier ,  dont  il 
avait  constamment  tâché  d'imiter  les  ver- 
tus apostoliques.  Peu  de  missionnaires 
ont  instruit  le  peuple  d'une  manière  plus 
suivie  et  plus  solide  :  il  n'admettait  per- 
sonne ,  pas  même  parmi  les  grands  du 
royaume ,  à  la  confession  pascale ,  qu'il 


ROT  517. 

n'eût  assisté  à  toutes  les  exhortations 
qu'il  faisait  pendant  le  carême.  Les  éta- 
blisscmens  utiles  qu'il  forma,  les  prati- 
ques religieuses  qu'il  introduisit,  les 
bons  ouvrages  qu'il  publia,  surtout  pour 
l'instruction  du  peuple ,  sont  en  très 
grand  nombre,  et  sont  devenus  une 
source  abondante  des  fruits  subsistans  que 
les  provinces  qu'il  arrosa  de  ses  sueurs 
continuent  à  recueillir. 

ROTHARIS,  roi  des  Lombards,  mort 
en  652,  âgé  de  47  ans  ,  régna  depuis  636. 
Il  donna  le  premier  des  lois  écrites  à  ses 
sujets,  en  643.  Ses  successeurs  l'imitè- 
rent, et  de  leurs édits  se  forma  insensible- 
ment un  volume  qu'on  appela  les  Lois 
lombardes.  Ces  lois,  publiées  par  Lin- 
denbrog ,  devinrent  célèbres  dans  toute 
l'Europe ,  par  leur  équité ,  leur  clarté 
et  leur  précision.  Rotharis  était  arien; 
mais  il  aimait  la  justice,  et  la  rendait! 
avec  soin. 

ROTHELIN  (  Charles  d'Orléans  de  ) , 
ecclésiastique,  né  à  Paris  en   1691  ,  de 
Henri  d'Orléans  ,  marquis  de  Rothelin  , 
descendant  du  brave  Dunois.  Charles  ac- 
compagnale cardinal  dePolignacà  Rome, 
et  visiita  les  principales  villes  d'Italie. 
Son  goût  pour  les  antiquités  et  pour  la  <■ 
littérature  lui  fit  rassembler  un  riche  ca- 
binet de  médailles  antiques,  et  formen 
une  nombreuse  bibliothèque.  Il  sacrifia  > 
tout,  même  les  prélatures  qui  lui  furent- 
offertes,  au  plaisir  de  cultiver  les  lettres  . 
en  paix.  Les  langues  vivantes  et  les  lan- 
gues mortes  lui  étaient  familières.  Cet 
illustre  littérateur  nourut  en  1744  ,  dans  t 
sa  53^  année.  Il  était  de  l'académie  fran- 
çaise ,  et  membre  honoraire  de  celle  des 
Inscriptions.  Le  cardinal  de  Polignac  lui  ; 
ayant  laissé  en  mourant  son  Anti-Lu- 
crèce encore  imparfait ,  l'abbé  de  Rothe- 
lin le  mit  dans  l'état  oîi  nous  le  voyons , 
etle  fit  paraître  avec  une  préface  d'une 
latinité  riche  et  harmonieuse ,  digne  de 
l'ouvrage  auquel  elle  sert  d'introduction. 
Le  Catalogue  de  sa  riche  bibliothèque  , 
dressé  par  Gabriel  Martin,  est  un  des  plus 
recherchés  par  les  bibliographes.  (  Il  a 
laissé  plusieurs  manuscrits  sur  la  théolo- 
gie, et  a  publié  :  Observations  et  détails  . 
sur  la  Collection  des  grands  et  petits 


5i8  ROT 

voyages,  Paris,  1742  et  1768.  VEloge 
de  Rothelin  par  Frérot  se  trouve  dans  le 
recueil  de  l'académie  des  Inscriptions.  ) 

ROTHMANN  (  Christophe  ) ,  célèbre 
astronome  de  Wilhelm ,  landgrave  de 
Hessc,  mort  en  1592.  On  a  de  lui  un 
Traité  sur  les  comètes,  et  quelques  Let- 
tres écrites  à  Tycho,  qu'on  voit  dans  le 
tome  1  *■"  des  E pitres  astronomiques  de 
ce  dernier.  Rothmann,  en  défendant  l'hy- 
pothèse de  Copernic  ,  et  en  l'employant 
pour  expliquer  les  phénomènes  célestes, 
disait  que  le  défaut  de  parallaxe  annuelle 
ne  permettait  pas  de  la  regarder  comme 
réalisée  dans  le  fait.  Voy.  Tïcho. 

*R0T1GNI  (  Dom  Constantin  ) ,  sa- 
vant béiiédictiu  ,  né  d'une  famille  noble 
à  Trescore  ,  dans  le  pays  de  Bergame  ,  le 
23  mars  1696,  après  avoir  fait  ses  études 
dans  cette  dernière  ville ,  prit  l'habit  re- 
ligieux dans  le  monastère  de  Sainte-Jus- 
tine à  Padoue ,  congrégation  du  Mont- 
Cassin  ,  et  y  fit  profession.  Il  avait  l'es- 
prit vif,  et  d'heureuses  dispositions  pour 
réussir  dans  les  sciences.  Il  s'appliqua 
aux  saintes  lettres,  sous  la  direction  du 
célèbre  Père  Benoît  Bacchini ,  de  la  mê- 
me congrégation  ,  alors  abbé  du  monas- 
tère de  Reggio.  Le  Père  Rotigni  devint 
un  savant  du  premier  ordre.  D'abord  il 
enseigna  la  philosophie  au  monastère 
de  Sainte-Justine,  et  ensuite  à  Averse  et 
à  Florence.  Il  professa  ensuite  le  droit 
canon  à  Ravenne  et  à  Rome  ,  fut  chargé 
du  soin  des  novices  dans  divers  monas- 
tères ,  et  nommé  à  différentes  supériori- 
tés ,  jusqu'à  ce  qu'enfin  ,  en  1762  ,  il  fut 
fait  abbé  et  visiteur-général  des  provin- 
ces cisalpines.  C'était  le  temps  où  s'agi- 
tait avec  feu  la  question  du  probabilis- 
me.  Dom  Rottigni  intervint  dans  cette 
dispute ,  et  s'y  distingua  par  sa  science 
et  son  zèle  contre  la  morale  relâchée.  On 
a  delui  :  i"  De  canonibus  vulgo  aposto- 
Ucis...'  epistola  critica  ad  reverendum 
p.  Raymondum  Missorium,  Venise, 
1734;  2*  Lo  Spirito  délia  Chiesa  nelV  usa 
dé  salmi,  o  ampia  parafrasi  di  essi ,  in 
forma d'orazione  e  di  esortazione,  2-vol. 
in-12,  plusieurs  éditions;  la  4%  Padoue, 
1760,  revue  et  améliorée.  On  a  prétendu 
que  l'auteur  dans  cet  ouvrage   n'avait 


ROT 

point  évité  les  répéfitions  ;  mais  il  écri- 
vait pour  lesgens  simples  et  sans  lettres, 
à  qui  il  fuut  de  longues  explications. 
3°  Trattato  délia  conjîdenza  cliristiana 
e  delV  uso  légitima  délia  vérité  che  ri- 
guardano  la  grazia  di  Giesu  Christo, 
etc. ,  Venise  ,1751:  c'est  le  Traité  de  la 
con^ance  de  Fourquevaux;  4°  Parafrasi 
dé  cantici ,  colla  spiegazione  dcl  Pater 
nosler,  Padoue,  1766;  5°  Parafrasi 
degl'  Inni  seconda  la  loro  letterale  ,  mis- 
ticae  morale  intelligenza,  etc.,  Padoue, 
1752;  6°  Bella  nécessita  delV  amor  di 
Dio  per  essere  con  lui  riconciliati  nel  sa- 
cramento  délia  penltenza ,  ete  ,  Rove- 
redo,  1750.  Ce  livre  essuya  une  critique 
de  la  part  du  Père  Zaccaria,  jésuite.  Dom 
Rotigni  y  répondit.  7°  La  Concordia 
délia  passione  diN.  S.  con  annotazioni, 
Brescia  ,  1756.  Ce  savant  bénédictin  est 
auteur  de  beaucoup  d'autres  ouvrages  , 
ou  imprimés  ou  restés  inédits.  Il  a  écrit 
contre  le  Père  Berruyer  ;  il  a  traduit  la 
Genèse  de  Duguet ,  et  V  Instruction  pas- 
torale de  l'archevêque  de  Tours ,  sur  la 
justice  chrétienne  ;  il  a  donné  un  recueil 
d'opuscules  spirituels,  etc.  Dom  Rotigni 
eut  le  malheur  d'embrasser  la  doctrine  de 
Port-Royal ,  et  de  ternir  ses  rares  quali- 
tés par  l'esprit  de  secte.  On  ne  peut  lui 
refuser  beaucoup  de  science ,  le  mérite 
d'une  vie  austère ,  les  qualités  d'un  bon 
religieux.  Le  bruit  courut  qu'avant  de 
mourir  il  avait  rétracté  quelques-unes  de 
ses  opinions  ,  en  présence  de  son  supé- 
rieur, qu'il  pria  d'en  instruire  son  évê- 
que;on  en  publia  même  une  relation. 
Quoi  qu'il  en  soit ,  il  est  certain  que  ses 
derniers  momens  furent  ceux  d'un  reli- 
gieux édifiant  et  rempli  de  la  piété  la 
plus  exemplaire.  Il  expira  dans  ces  senti- 
mens,  le  20  avril  1776,  âgé  de  80  ans.  Il 
avait  un  frère  (  Joseph  Rotigni  ) ,  cha- 
noine, non  moins  savant  théologien  et 
canoniste  que  prédicateur  distingué.  Il 
fut  vicaire-général  de  l'évéque  de  Berga- 
me ,  et  mourut  vers  1 780. 

ROTROU  (Jean  de),  poète  dra- 
matique, un  des  créateurs  du  théâtre 
français  régulier,  naquit  à  Dreux  eu 
1609  (d'une  ancienne  et  honorable  famille 
de  Normandie).  Il  acheta  la  charge  de 


ROU 

lieutenant   particulier  au  bailliage    de 
cette  viile,  qu'il  exerça  jusqu'à  sa  mort , 
arrivée  le  27  juillet  1650.  (A  19  ans  il 
avait    obtenu  deux  succès  sur  la  scène 
dramatique  ;  mais  ses  deux  pièces  sont  ou- 
bliées aujourd'hui.  Le  cardinal  de  Riche- 
lieu ayant  eu  l'occasion  de  connaître  le 
talent  naissant  de  ce  jeune  poète  ,  voulut 
associer  Rotrou  aux  écrivains  qui  étaient 
chargés  de  sa  gloire  littéraire  :  Corneille 
faisait  partie  de  cette  société  ;  le  poète  de 
Drfeux  ne  tarda  pas  à  reconnaître  sa  su- 
périorité. A  l'époque  où  parut /e  Cid, 
Rotrou  était   déjà   connu  par  quelques 
pièces  imitées  de  l'espagnol ,    par  une 
tragédie  imitée  de  Sophocle  ,  et  par  trois 
Come'dies  imitées  de   Plante.  Corneille 
éminemment  modeste,  né  trois  ans  avant 
Rotrou,  l'appelait  son  père;  et  cependant 
les  chefs-d'œuvre  de  ce  dernier,  Chosroès 
et  Fenceslas  furent  précédés    par  les 
représentations  du  Cid,  à.' Horace,   de 
Cinna  ,  d'He'raclius    et   de  Rodogune. 
Rotrou  plus  noble  que  le  poète  Mairet 
eut  le  courage  de  proclamer  ,  sur  la  scène 
même  de  ses  triomphes ,  toute  la  supé- 
riorité de  Corneille  ;  il   le  fit  dans  une 
tirade  e'pisodique  et  de  hors-d'œuvre  dans 
sa  tragédie  de  Saint-Genest.  Rotrou  s'é- 
tait proposé  dans  ses  pièces  un  but  mo- 
ral qu'il  n'atteignit  point  dans  l'exécu- 
tion :  il  voulait  purger   le  théâtre   des 
situations  hasardées,  des  facéties  par  trop 
grivoises  ,  de  la  licence  des   mœurs  qui 
régnait  alors  dans  toutes  les  compositions 
dramatiques  ;    mais    sans  le  vouloir  et 
presque  sans  le  savoir ,  il  se  laissa  entraî- 
ner sur  les  erremens  de  ses  devanciers  : 
car  il  donnâtes  imbroglios  du  théâtre  es- 
pagnol. )  Cependant  il  se  distingua  de  la 
foule  des  rimailleurs  de   son  temps,  par 
son  génie  véritablement  tragique,    par 
l'élévation  de  ses  sentimens ,  par  l'heu- 
reux  contraste    des  caractères ,   par  la 
force  du  stile.  il  ne  lui  manquait  que  la 
correction  du  langage  et  la  régularité  des 
plans.  (Lesgrandes  études  lui  manquaient; 
mais  il  avait  deviné  quelques-uns  de  ces 
mystères  de  l'art  que   Corneille  savait 
mettre  dans  ses  ouvrages).  Rotrou  a  com- 
posé trente-six  pièces  de  théâtre ,  tragé- 
dies ou  comédies.  Une  seule  est  demeurée 


ROU  5i9 

au  théâtre  ,  c'est  Venceslas.  Marmontel 
et  Colardeau  ont  pris  soin  de  rajeunir 
cette  tragédie  ;  mais  le  premier  a  eu  tort 
de  remplacer  le  dévouement  par  un  autre 
qui  est  loin  d'être  dramatique.  On  se  pro- 
cure difi&cilement  toutes  les  productions 
de  Rotrou,  qui  n'ont  jamais  été  réimpri- 
mées en  collection.  Quelques-unes  dé 
ses  pièces  se  trouvent  dans  le  Théâtre, 
français,  Paris,  1737,  12  vol.  in-12. 
Rotrou  mourut  victime  de  son  devoir. 
Une  épidémie  terril  de  afQigeait  la  viile 
de  Dreux  ;  en  sa  qualité  de  magistrat,  il 
y  crut  sa  présence  nécessaire  ;  et ,  mal- 
gré les  instances  de  ses  amis  ,  il  se  rendit 
à  Dreux ,  oîi  quatre  jours  après  il  cessa 
de  vivre  ,  à  l'âge  de  41  ans.  (Il  n'existe 
qu'une  édition  in-8  des  OEuvres  de  Ro- 
trou ,  Paris  ,  1820-1822,  5  vol.  On  re- 
grette que  M.  Violet-Leduc ,  de  qui  sont 
les  Notices  historiques  et  littéraires  pla- 
cées en  tête  de  chaque  pièce  dans  cette 
édition  ,  ait  supprimé  les  argumens  de 
l'auteur  ainsi  que  les  Epîtres  dédicatoi- 
res ,  et  qu'il  n'ait  pas  toujours  respecté 
le  texte  de  l'auteur.  En  18il  l'Institut  a 
décerné  à  Millevoye  le  prix  de  poésie 
pour  une  ode  qui  a  pour  titre,  la  Mortdc 
Rotrou  ) . 

RDUAULT.  Foyez  Gamachk. 

*  RODAI  RIE  ou  mieux  Rouabie 
(  Armand-SAFFiN ,  marquis  de  la),  gen- 
tilhomme Breton,  né  en  1756  au  château 
de  la  Rouarie  en  Bretagne  d'une  famille 
distinguée  de  cette  province,  entra  au 
service  en  qualité  d'officier  dans  les  gar- 
des françaises  d'oîi  quelques  désordres  de 
jeunesse  le  firent  renvoyer.  Après  s'être 
retiré  au  monastère  de  la  Trappe ,  il  en 
sortit  pour  reprendre  les  armes  :  il  fit 
avec  distinction  la  guerre  d'Amérique  , 
sous  le  général  Rochambeau.  De  retour 
en  France  ,  au  commencement  de  la  ré- 
volution ,  il  se  déclara  contre  toute  es- 
pèce d'innovations  ,  et  en  faveur  de  la 
monarchie  :  il  fut  nommé  parmi  les  douze 
députés  bretons  qui  vinrent  auprès  de 
Louis  XVI  en  1788,  pour  demander  la 
conservation  des  privilèges  de  la  pro- 
vince. Sa  résistance  aux  décisions  du  mi- 
nistère le  fit  mettre  à  la  Bastille,  d'oii  il 
sortit  cependant  quelques  jours  après. 


520  ROU 

L'année  suivante  il  se  mit  à  ia  tête  de  la 
noblesse  bretonne ,  et  fut  le  premier  qui 
s'opposa  à  la  double  représentation  du 
tiers-état  aux  états  généraux.  Il  prévoyait 
d'avance  la  destruction  de  la  monarchie, 
par  les  innovations  qu'on  projetait.  Il 
résolut  en  conséquence  de  lâcher  d'op- 
poser une  digue  au  torrent  qui  allait 
déborder-,  il  ne  trouva  d'autre  moyen 
qu'une  contre-révolution.  Il  se  rendit 
à  Coblentz  en  1791  ,  et  communiqua 
ses  projets  aux  princes ,  frères  de  Louis 
XVI ,  qui  les  approuvèrent.  De  retour 
en  Bretagne  ,  il  conçut  l'idée  de  se 
rendre  maître  des  deux  rives  de  la 
Loire ,  en  insurgeant  la  Bretagne ,  l'An- 
jou et  le  Poitou.  Le  marquis  de  la 
Rouairie  se  fit  bientôt  an  grand  nombre 
de  partisans  ,  et  devint  le  chef  de  la 
confédération  bretonne.  Après  avoir  fait 
des  réglemens  militaires  et  civils  ,  il 
réunit  ses  partisans  dans  son  château , 
leur  fit  part  de  ses  plans,  et  distribua 
parmi  eux  les  différentes  commissions 
des  princes.  Les  alliés  ayant  attaqué  les 
frontières  du  nord  de  la  France,  la  Rouai- 
rie crut  ce  moment  favorable  pour  faire 
éclater  la  contre-révolution  ;  mais  ses 
démarches  avaient  été  épiées  et  dévoilées 
au  comité  de  sûreté  générale,  et  il  fut 
contraint  de  se  dérober  aux  poursuites 
de  ses  ennemis.  Il  erra  long-temps  de 
village  en  village  ,  et  de  château  en  châ- 
teau ,  faisant  partout  de  nouveaux  pro- 
sélytes. Mais  la  funeste  journée  du  10 
août ,  les  mauvais  succès  des  troupes 
alliées,  vinrent  encore  déranger  ses  pro- 
jets. La  Rouairie,  ne  se  laissant  pas  abat- 
tre, se  décida  à  les  ajourner.  Il  passa 
l'hiver  dans  l'inaction,  et  errant  de  nou- 
veau d'asile  en  asile ,  la  fatigue  l'obligea 
enfin  de  se  réfugier  au  château  de  la 
Gyomarais  ,  oii  il  fut  attaqué  d'une  grave 
maladie,  qui ,  en  quatorze  jours ,  le  con- 
duisit au  tombeau ,  le  30  janvier  1793. 
Le  commissaire  Morillon  ,  qui  avait  été 
envoyé  en  Bretagne  pour  arrêter  la  Rouai- 
rie ,  lit  exhumer  son  cadavre  pour  s'as- 
surer si  la  nouvelle  de  sa  mort  était 
vraie  :  peu  de  temps  après ,  il  découvrit 
dans  le  jardin  de  la  Fosse-Engant  tous 
les  papiers  de  ce  chef,  enfermés  et  en- 


ftÔtJ 

sevelis  dans  un  vase  de  terre.  Cette  dé- 
couverte donna  lieu  à  plusieurs  arresta- 
tions. Cependant  les  travaux  de  la  Rouairie 
ne  furent  pas  perdus ,  et  dans  le  mois 
de  mars  de  la  même  année  éclata  la  con- 
tre-révolution qu'il  avait  préparée  avec 
tant  de  zèle  et  de  sagesse.  (  Voy.  les  arti- 
cles Charette,  La  ROCHEJAQUELEIN,  CtC.  ) 
On  peut  consulter,  sur  la  conjuration  de 
la  Rouairie ,  V Histoire  de  la  guerre  de  la 
f^ende'e,  par  M.  Alph.  Beauchamp ,  tom. 
1",  liv.  2,  4«  édition. 

*  ROUBAUD  (Pierre-Joseph-André), 
littérateur  et  ecclésiastique  ,  né  à  Avi- 
gnon en  1730,  débuta  à  Paris  dans  la 
carrière  littéraire  par  l'ouvrage  intitulé  : 
Nouveaux  synonymes  français,  1786, 

4  vol.  in-8  ,  et  qui  n'est  pas  inférieur  à 
celui  sur  le  même  sujet ,  que  publia 
l'abbé  Girard.  On  blâme  cependant  dans 
l'ouvrage  de  Roubaud  quelques  rappro- 
chemens  un  peu  forcés,  et  des  explica- 
tions parfois  obscures.  Il  a  publié  avec 
le  Camus  Journal  du  commerce  depuis 
1769  jusqu'à  la  fin  de  1762,  Bruxelles  , 

24  volumes  in-1 2;  et  avec  Dupont  de  Ne- ^^ 
mours ,  Quesnay ,  le  marquis  de  Mira- 
beau et  autres,  le  Journal  de  V Agricul- 
ture ,  du  commerce  et  des  finances , 
depuis  1764  jusqu'en  177  4,  et  il  le  reprit 
avec  Ameilhon  sous  le  titre  de  Journal 
d^ Agriculture ,  comm.erce ,  arts  et  fi- 
nances,  de  1779  jusqu'à  la  fin  de  1783. 
On  lui  doit  en  outre  le  Politique  indien 
ou  Considérations  sur  les  colonies  des 
Indes  Occidentales ,  1768  ,  in-8  ;  Repré- 
sentations aux  magistrats  sur  la  liberté 
du  commerce  des  grains,  1769,  in-8; 
Récréations  économiques  ou  Lettres  au 
chevalier  Zanobi,  1770,  in-8  ;  c'est  une 
réfutation  du  Dialogue  sur  le  commerce 
des  ble'i  p&r  l'abbé  Galiani;  Histoire  de, 
l'Asie,  de  l'Afrique  et  de  l'Amérique , 
Paris,  1770  à  1775,  16  vol.  in-12,  ou 

5  vol.  in- 4.  Ses  Synonymes  français 
qui  parurent  en  1785,  4  vol.  in-8  ,  ob- 
tinrent l'année  suivante  le  prix  d'utilité 
fondé  à  l'académie  française.  Ils  ont  été 
depuis  plusieurs  fois  réimprimés.  D'a- 
près la  liste  de  ses  ouvrages  on  voit  que 
Roubaud  ne  s'occupait  pas  seulement  de 
littérature  :  il  était  attaché  au  système 


ROU 

des  économistes ,  et  devint  l'un  des  chefs 
les  plus  zélés  de  cette  secte  politique 
dont  il  partagea  les  succès  et  les  disgrâ- 
ces. Recherché  et  repoussé  tour  à  tour 
par  le  gouvernement,  il  fut  exilé  en 
1775  avec  l'abbé  Bandeau.  Rappelé  l'an- 
née suivante ,  il  obtint  une  pension  de 
trois  mille  livres  sur  les  économats.  Après 
s'être  livré  depuis  cette  époque  à  plu- 
sieurs travaux  littéraires  et  économi- 
ques, il  mourut  à  Paris  en  1792. 

*ROUBO  (Jacques  André  ),  savant  et 
habile  menuisier,  né  à  Paris  en  1739,  étu- 
dia avec  succès  le  dessin  et  la  géométrie 
qu'il  sut  appliquer  utilement  à  l'art  qu'il 
avait  embrassé,  et  que  professait  aussi 
son  père.  En  1769  il  présenta  h  l'académie 
des  Sciences  un  Traite  de.  l'art  du  me- 
nuisier ;  et,  sur  le  rapport  des  commis- 
saires chargés  d'examiner  cet  ouvrage  , 
l'académie  décida  qu'il  ferait  partie  du, 
recueil  de  la  Description  des  arts  et  mé- 
tiers. A  l'époque  de  la  formation  de  la 
garde  nationale,  houbo  fut  nommé  lieu- 
tenant ;  mais  sa  faible  santé  ne  put  sup- 
porter les  fatigues  du  camp  de  la  fédé- 
ration (juillet  17  90).  Il  mourut  dans  le 
mois  de  mars  1792  à  l'âge  de  ûl  ans.  Un 
décret  de  la  Convention  du  4  septembre 
lî95  accorda  à  sa  veuve  un  secours  de 
3  ,000  francs.  Les  ouvrages  les  plus  re- 
marquables de  Roubo  sont  la  coupole  de 
la  halle  aux  blés  ,  le  berceau  qui  sert  de 
couverture  à  la  halle  aux  draps,  et  le 
grand  escalier  de  l'hôtel  de  Marbœuf  ;  ils 
sont  exécutés  avec  autant  de  précision 
que  de  délicatesse.  Outre  Vart  du  me- 
nuisier, 1769-76, 4  vol.  in-folio ,  précédé 
à'e'lémens  de  géome'trie  mis  à  la  portée 
des  ouvriers  et  accompagné  de  planches 
d'après  les  dessins  de  l'auteur ,  on  a  en- 
core de  lui  un  Traite' de  la  construction 
des  théâtres  et  des  machines  théâtrales, 
Paris,  1777,  in-folio  de  67  pages  et  10 
planches;  eiVart  dulayetier,  ibid.  1782, 
in-folio ,  avec  sept  planches  dessinées  et 
gravées  par  l'auteur. 

"ROUCHER  (  Jean-Antoine  ) ,  poète , 
né  à  Montpellier  le  22  lévrier  1745  ,  fit 
868  études  chez  les  jésuites  ,  et  songea 
pendant  quelque  temps  à  embrasser 
Vétat  ecclésiastique.  Il  vint  à  Paris  pou; 
XI. 


ROU  521 

suivre  les  cours  de  la  Sorbonne  ;  mais 
le  goût  de  la  poésie ,  l'amour  de  l'indé- 
pendance et  les  séductions  du  monde  le 
firent  renoncer  à  ce  projet.  II  se  lia  avec 
plusieurs  littérateurs,  Berquin ,  Dussieux, 
Imbert ,  etc.  et  se  fit  connaître  par  quel- 
ques pièces  fugitives  qui  eurent  du  suc- 
cès. A  l'époque  du  mariage  du  Dauphin 
(  depuis  Louis  XVIjavecMarie-Antoinette 
archiduchesse  d'Autriche,  ilfitunj^oème 
qui  lui  valut  la  protection  du  ministre 
Turgot;  ilobtint  uneplace  de  receveur  des 
gabelles  à  Montfort  l'Amaury.  Roucber 
employa  les  loisirs  que  lui  laissait  cette 
charge  à  la  composition  de  quelques  ou- 
vrages littéraires.  A  l'époque  de  la  révo- 
lution, Boucher  en  adopta  d'abord  lés 
principes  ;  mais  bientôt  il  ne  put  voir 
sans  indignation  les  excès  de  1792  et  de 
1793,  et  il  n'hésita  point  à  exprimer  hau- 
tement ses  opinions.  Persécuté, obligé  de 
se  cacher  sous  le  régime  de  la  terreur, 
il  fut  arrêté  une  première  fois;  mais  un 
de  ses  amis  obtint  son  élargissement. Plus 
tard  son  domicile  fut  violé  pendant  la 
nuit  par  les  agens  des  jacobins.  Roucher 
aurait  pu  s'enfuir;  mais,  en  fuyant,  il 
aurait  compromis  celui  qui  avait  ré- 
pondu de  lui  :  il  resta  donc  et  fut  con- 
duit à  Sainte-Pélagie  où  il  fut  détenu 
pendant  plus  de  sept  mois.  Il  conserva 
toujours  le  même  calme  sous  les  verroux, 
et  continua  à  travailler  à  une  nouvelle 
édition  de  sa  Traduction  de  l'ouvrage 
d'A.  Smith  intitulé  :  De  la  j'ichesse  des 
nations  qu'il  avait  publié  en  1790.  Le  6 
août  1794  il  apprit  que  son  nom  était 
inscrit  sur  les  rôles  du  tribunal  révolu- 
tionnaire, et  qu'il  allait  passer  en  juge- 
ment, comme  impliqué  dans  la  préten- 
due conspiration  des  prisons  :  ce  jour-' 
là  même  il  fit  faire,  par  un  artiste  qui  était 
détenu  comme  lui,  son  portrait  au  bas 
duquel  il  écrivit  ces  vers ,  en  l'adressant 
à  sa  femme  et  à  ses  enfans  : 

Ne  touf  étonne»  pas ,  objets  cbarmans  et  doux , 
Si  quelque  air  de  triatesae  obscurcit  mon  tisage  : 
Quand  un  savant  crayon  dessinait  cette  image. 
On  dressait  l'échafaud ,  et  je  pensais  à  tous. 

Condamné  à  mort  il  fut  exécuté  avec  40 
autres  personnes  le  lendemain  ;  37  reçu- 
rent le  coup  fatal  avant  lui  :  il  avait  alors 
66 


57a  ROU 

49  ans.  On  a  de  lui  :  1°  Les  Mois ,  poème 
en  douzechants,  1779,  2  vol.  in-4,  et  4  vol. 
in-8.  Cet  ouvrage,  prôné  avec  enthou- 
siasme quand  il  était  encore  en  manu- 
scrit, subit,  lors  de  sa  publication  ,  les 
critiques  les  plus  sévères.  Laharpe  y 
trouve  tous  les  défauts  qui  peuvent  ca- 
ractériser le  livre  le  plus  mal  fait.  Il  n'a, 
selon  lui ,  ni  sujet ,  ni  marche,  ni  in- 
térêt ;  l'auteur  est  dénué  d'idées  et  de 
goût;  les  vers  sont  prosaïques,  remplis 
de  soléci.smes  et  d'une  enflure  mono- 
tone. Tout  en  déférant  à  l'avis  de  ce  cri- 
tique ,  on  remarque  cependant  dans  ce 
poème  de  belles  descriptions  ,  des  images 
bien  tracées  ,  soit  sur  les  plaisirs  cham- 
pêtres ,  soit  sur  les  phénomènes  de  la  na- 
ture, etc.  Les  morceaux  sur  le  chant  du 
rossignol ,  le  voyage  de  la  peste ,  la  veil- 
lée de  village,  le  dégel ,  elc. ,  seraient 
dignes  delà  plume  la  plus  habile  ;  mais  ces 
beautés  ne  peuvent ,  il  est  vrai ,  racheter 
les  principaux  défauts,  qui  consistent  dans 
une  longueur  excessive ,  que  rend  plus 
ennuyeuse  encore  la  monotomie  du 
sujet ,  dans  un  mélange  confus  de  poly- 
théisme ,  de  mythologie,  de  philosophie 
irréligieuse  ,  d'érudition  allégorique,  et 
dans  un  vide  de  pensées  et  de  sentimens. 
On  a  donné  une  nouvelle  édition  des 
Mois  en  1826 ,  avec  une  Notice  par  M. 
Brissot  Thivars,  2  vol.  in-1 2 ,  et  en  1 827  , 
2  vol.  in-32;  les  lacunes  qui  se  trouvaient 
dans  les  anciennes  éditions  sont  en  partie 
remplies  dans  les  nouvelles,  f^oy.  la  note 
du  n°  1  n  4  de  la  Bibliographie  de  France, 
année  1 827.  2°  Recherches  sur  la  nature 
et  les  causes  de  la  richesse  des  nations , 
traduites  de  l'anglais  de  Smith  :  cette  tra- 
duction ,  peu  estimée ,  a  eu  plusieurs 
éditions;  la  4"  parut  en  1794  ,  en  4  vol. 
in-8  ,  dont  un  de  notes ,  par  Condorcet  ; 
3°  Poésies  fugitives  et  letti-es ,  1797, 
2  V.  in-8.  Roucher  a  laissé,  en  manuscrit, 
plusieuis  chants  d'un  poème  dont  le  su- 
jet est  Gustave  fTasa.  En  général ,  Rou- 
cher avait  plus  de  facilité  que  d'inspira- 
tion ,  et  toutes  ses  compositions  poéti- 
ques ,  trop  diffuses ,  manquent  d'ordre 
et  de  chaleur.  On  trouve  une  Notice 
sur  Roucher  dans  la  Décade pliilosophiquc 
et  dans  le   Bulletin   de  la  société  des 


ROU 

sciences,  arts  et  lettres  de  Montpellier , 
par  M.  Carrion  de  Msas. 

ROUELLE (  Guillaume-François  ),  né 
en  nos  à  Matthieu  près  de  Caen  ,  lieu 
natal  du  père  du  fameux  Marot,  mourut  . 
à  Paris  en  1770.  Il  était  apothicaire  « 
dans  cette  capitale,  démopstrateur  en 
chimie  au  jardin  royal  des  plantes,  mem- 
bre de  plusieurs  académies  étrangères  et 
de  celle  des  Sciences  de  Paris.  Il  forma 
divers  élèves  en  chimie  ,  science  dont  il 
étendit  les  bornes ,  et  qu'il  aimait  avec 
passion.  Les  Me'moires  de  V académie  des 
Sciences  renferment  divers  écrits  de  lui  ; 
et  il  a  laissé  en  manuscrit  des  Leçons  de 
chimie.  Sa  société  était  douce  et  agréable, 
et  son  caractère  franc  et  décidé.  —  Son 
frère  puîné,  Hilaire-Marin  Rouelle,  s'est 
aussi  distingué  par  ses  connaissances  ,  et 
succéda  à  son  aîné  dans  la  place  de  dé- 
monstrateur en  chimie  au  jardin  du  roi. 
Il  mourut  le  1*»^  avril  1779. 

*  ROUGANE  (  L'abbé  ) ,  ancien  curé 
d'Auvergne ,  se  retira  au  Mont  Valérien  , 
et  fut  une  des  victimes  des  massacres  de 
septembre  1792.  Il  a  laissé  plusieurs 
écrits  contre  les  mesures  prises ,  lors  de 
la  révolution  ,  sur  les  matières  ecclésias- 
tiques ,  tels  que  :  1  "  Observations  réflé- 
chies sur  différentes  motions  de  M.  d'Au- 
tun  et  ses  confrères  ;  2°  Le  Décret  du 
13  avril  mal  justifié  par  l' évêque  d^Au- 
tun  ,  dans  sa  réponse  au  chapitre  ;  3°  Le 
Masque  levé  contre  le  rapport  de  Du- 
rand de  Mailtane ,  sur  les  empêchemens 
et  les  mariages ,  23  pages  in-8  ;  4»  Bé- 
flexions  sur  le  Rapport  de  Massieu , 
touchant  les  congrégations  séculières , 
8  pages  in-8  ;  6°  Lettre  à  M.  de  Con- 
dorcet, écrite  par  son  ordre,  48  pages 
in-8  :  elle  a  rapport  à  son  Adresse  aux 
Français,  et  au  Rapport  de  M.  de  Neuf 
château  contre  les/;re/rc,î,  en  novembre 
1701  ;  6°  Difficultés  proposées  à  MM. 
Barruel  et  Fontenay  ,  24  pages  in-8. 
Ces  écrits  sont  signés  Bougane ,  ancien 
curé  d'Auvergne.  On  en  cite  d'autres , 
publiés  pour  établir  son  opinion,  que  les 
intrus  n'étaient  pas  schismatiques ,  et 
que  l'on  pouvait  communiquer  avec  eux. 
Rougane  a  écrit  aussi  le  livre  intitulé  : 
Les  nouveaux  patrons  de  l'usure  réfutés. 


ROU 

y  compris  le  dernier  défenseur  de  Calvin 
sur  le  même  sujet,  dédié  aux  états-géné- 
raux, Paris,  17  89,  in-12  ,  de  66  pages. 
L'auleur  répond  à  La  Forêt ,  à  Rulié,  à 
Ruel ,  à  Beurrey.  La  réfutation  de  l'écrit 
de  Beurrey  avait  déjà  paru  en  1787  ; 
Rougane  la  publia  de  nouveau  ,  en  1789, 
avec  une  réponse  à  des  reproches  qu'on 
lui  avait  adressés.  L'abbé  Rougane  eut 
le  courage,  même  après  le  10  août,  de 
ne  pas  vouloir  quitter  son  habit  ecclé- 
siastique. Il  avait  de  la  vivacité,  du 
zèle  ;  mais  on  remarque  dans  ses  ouvra- 
ges un  stile  souvent  incorrect. 

ROUGEMOJNT  (  François  ) ,  né  à 
Maëstricht  en  1624,  se  fit  jésuite  ,  alla 
travailler  au  salut  des  âmes  à  la  Chine , 
où  il  aborda  l'an  1659.  Pendant  la  cruelle 
persécution  de  1664  ,  il  fut  conduit  à 
Pékin  ,  chargé  de  chaînes ,  et  de  là  à 
Canton  ,  oii  il  fut  détenu  dans  une  hor- 
rible prison  ,  avec  la  plupart  des  mission- 
naires ,  jusque  sur  la  fin  de  l'année  1671. 
Il  mourut  usé  de  travaui  l'an  1676.  Ce 
missionnaire ,  animé  d'un  saint  zèle  ar- 
dent pour  la  propagation  de  la  foi ,  s'é- 
tait concilié  l'affection  des  personnes  les 
plus  distinguées  de  la  Chine  par  ses  ma- 
nières douces  et  persuasives.  Il  composa 
dans  sa  prison  de  Canton  :  Historia  tar- 
iarico-sinica,  complectens  ab  anno  1660 
aulicam  beUicamque  inter  Sinas  disci- 
plinam  ;  christianœ  religionis  prospéra 
adversaque  ,  etc.,  Louvain ,  1673 ,  in-12. 
Cette  Histoire ,  qui  va  jusqu'à  l'an  1668, 
est  écrite  avec  beaucoup  de  sincérité  : 
c'est  un  des  meilleurs  morceaux  de  l'his- 
toire chinoise  :  il  vaut  seul  plus  que 
toutes  les  chimériques  chroniques  de 
cette  vaine  nation  ;  il  a  été  traduit  en 
portugais  par  le  Père  Sébastien  Magalhaes 
sur  une  copie  manuscrite,  Lisbonne, 
1672  ,  in-4.  (Le  Père  Rougemont  a  com- 
posé en  outre  deux  ouvrages  moraux  et 
religieux  en  langue  chinoise,  et  a  eu  part 
à  la  Paraphrase  latine  des  ouvrages  de 
morale  de  Conl'ucius,  publiée  par  le  Père 
Couplet.  ) 

*  ROUGNON  (  Nicolas-François),  mé- 
decin distingué,  né  en  1727  à  Morteau, 
dans  la  Franche-Comté,  prit  ses  degrés  à 
l'université  de  Besancon,  et  se  rendit  en- 


ROU 


523 


suite  a  Paris  où  il  suivit  les  cours  des  pro- 
fesseurs les  plus  habiles.  Son  application 
et  ses  soins  lui  méritèrent  d'être  admis 
parmi  les  élèves  de  l'Hôtel-Dieu.  Après 
avoir  terminé  ses  études  d'une  manière 
brillante ,  il  alla  exercer  pendant  quel- 
que temps  la  médecine  à  Noyon.  Il  re- 
vint à  Besançon  en  1752  :  s'étant  fait 
recevoir  docteur,  il  obtint  une  des  chaires 
de  la  faculté ,  et  quelque  temps  après, 
la  place  de  médecin  en  chef  des  hôpi- 
taux. Sa  réputation  comme  professeur  et 
comme  praticien  se  répandit  en  peu  de 
temps  en  Allemagne  et  jusqu'en  Angle- 
terre. L'estime  générale  ne  put  le  mettre 
à  l'abri  des  révolutionnaires  :  privé  de  la 
chaire  qu'il  avait  honorée  pendant  plus 
de  30  ans,  il  fut  même  destitué  de  sa  place 
de  médecin  des  hôpitaux.  Cependant, 
après  le  9  thermidor,  il  fut  réintégré  dans 
ses  fonctions.  Quelque  temps  après  ,  il 
mourut  d'une  fièvre  contagieuse,  le  13 
juin  1799  ,  à  l'âge  de  73  ans.  Outre  plu- 
sieurs Mémoires  que  l'on  conserve  dans 
les  Recueils  de  V académie  de  Besancon, 
on  a  de  lui  une  Lettre  au  docteur  Lorry, 
Besançon,  1768  ,  in-8  ;  Codex physiolo- 
gicus,  ibid.,  1776,  in  8  ;  Considerationes 
pathologico-semeioticce  de  omnibus  cor- 
poris  humani  functionibus  ,  ibid.,  1786- 
87  ,  2  vol.  in-4  ;  Observations  sur  les 
divers  avantages  que  Von  peut  tirer  de 
la  pomme  de  terre,  ibid.,  17  91  ,  in-8  ; 
Médecine  préservative  et  curative  géné- 
rale et  particulière  ou  traité  d'hygiène 
et  de  médecine  pratique  ,  ibid.  1799, 
2  vol.  in-8.  M.  le  docteur  Marchant  de 
Besançon  a  publié  sur  lui  une  Notice 
historique  ;  elle  est  insérée  dans  le 
tome  7  des  Mémoires  de  médecine  mi' 
litaire. 

ROUILLÉ  (  Guillaume  Le), juriscon- 
sulte célèbre,  naquit  à  Alençonen  1494, 
de  Louis  Le  Rouillé,  seigneur  de  Hertré  et 
de  Rozé.  Il  exerça  pendant  quelque  temps 
la  profession  d'avocat  dans  sa  patrie.  Son 
mérite  l'ayant  fait  connaître  avantageu- 
sement de  Fr.  d'Alençon  ,  duchesse  de 
Vendôme,  cette  princesse  lui  donna  la 
place  de  lieutenant-général  de  Beaumont- 
le-Vicomte  ,  petite  ville  de  son  apanage. 
Le  roi  et  la  reine  de  Navarre  (  Charles 


524  ROU 

d'Albret  et  Marguerite  de  Valois  )  le  gra- 
tifièrent par  la  suite  d'une  charge  de 
conseiller  à  l'échiquier  d'Alençon  ;  ils 
lui  donnèrent  aussi  une  place  dans  leur 
conseil.  Nous  ignorons  l'année  de  sa  mort. 
Le  Rouillé  est  auteur  de  plusieurs  ou- 
vrages de  jurisprudence  qui  ont  eu  au- 
trefois beaucoup  de  réputation  ;  il  pu- 
blia entre  autres  un  Commentaire  sur  la 
Coutume  de  Normandie,  en  1 634,  in-fol., 
et  réimprimé  en  1539  ,  qui  fut  si  bien 
accueilli ,  et  qui  donna  une  si  haute  idée 
de  l'auteur ,  que  le  parlement  de  Nor- 
mandie voulut  le  voir,  et  le  fit  prier  de 
venir  à  Rouen  :  invitation  honorable  ,  à 
laquelle  il  ne  manqua  pas  de  se  rendre. 
Ou  a  encore  de  lui  un  ouvrage  d'un 
autre  genre ,  intitulé  :  Recueil  de  l'an- 
tique pre'excellence  de  la  Gaule  et  des 
Gaulois,  imprimé  à  Poitiers,  1546, 
in-8,  réimprimé  à  Paris,  en  1651;  et 
une  pièce  de  vers,  qui  a  pour  titre  :  Les 
Rossignols  du  parc  d'Alençon  ,  à  l'oc- 
casion de  l'arrivée  de  la  reine  de  Na- 
varre en  cette  ville,  Tan  1644. 

ROUILLÉ  (  Pierre-Julien  ) ,  jésuite, 
né  à  Tours  en  1681 ,  professa  successi- 
vement la  théologie,  les  humanités,  la 
philosophie,  et  montra  un  génie  propre 
à  plusieurs  sciences.  Ses  supérieurs  l'as- 
socièrent k  la  composition  de  l'Histoire 
romaine  du  Père  Catrou,  en  21  vol. 
in-4  ,  à  laquelle  le  Père  Rouillé  ne  con- 
tribua que  pour  les  Dissertations  et  les 
bonnes  Notes  dont  cet  ouvrage  est  rem- 
pli (  voyez  Catbou  ).  Il  eut  aussi  part, 
avec  le  Père  Brumoi ,  k  la  révision  et  k 
la  continuation  des  Révolutions  d' Es- 
pagne, que  le  Père  d'Orléans  avait  lais- 
sées imparfaites.  Il  avait  travaillé  au 
journal  de  Trévoux,  depuis  1733  jus- 
qu'en 1737.  La  2'  lettre  de  L'Examen 
du  Poème  de  Racine  sur  la  Grâce  est 
de  lui.  Ce  savant  jésuite  mourut  k  Paris 
en  17^0,  âgé  de  59  ans,  aimé  et  es- 
timé 

ROXJLLET  (  Jean-Louis  ) ,  graveur  , 
né  en  1646  k  Arles  en  Provence  ,  fit  le 
voyage  d'Italie,  oii  ses  talens  lui  donnè- 
rent accès  auprès  des  artistes  et  des  cu- 
rieux. Ciro-Ferri,  peintre  célèbre,  s'at- 
tacha à  cet  illustre  graveur  ,  et  lui  pro- 


ROU 

cura  plusieurs  occasions  de  se  signaler. 
Roullet  quitta  Rome  pour  parcourir  les 
plus  grandes  villes  d'Italie ,  et  partout 
il  trouva  k  exercer  son  burin.  L'amour 
de  la  patrie  le  fit  revenir  en  France,  ou 
ses  talens  ne  furent  point  oisifs  et  sans 
récompense.  On  estime  ses  ouvrages, 
surtout  pour  la  correction  du  dessin, 
pour  la  pureté  et  l'élégance  de  son  burin. 
Il  mourut  k  Paris  en  1699.  (On  voit  au 
musée  du  Louvre  une  gravure  de  cet  ar- 
tiste ,  Les  trois  Maries  au  tombeau  de 
J.  C.  ;  elle  est  copsidérée  comme  son 
chef-d'œuvre.) 

ROULLIARD  (  Sébastien  ) ,  avocat 
de  Paris ,  fut  plus  connu  dans  la  répu- 
blique des  lettres  que  dans  le  barreau. 
On  a  de  lui  quelques  écrits  mal  digérés , 
mais  savans  et  singuliers.  Les  principaux 
sont:  1°  Traite  de  la  virilité  d' un  homme 
ne'  sans  testicules ,  1600  ,  in-8  ;  2°  His- 
toire de  r église  de  Chartres ,  in-8  ;  3° 
La  Magnifique  doxologie  du  fétu  ,  in-8  ; 
4"  Les  Gymnopodes ,  ou  de  la  Nudité 
des  pieds  ,  in-4  ;  6°  Li  Bungs  en  San- 
terre,  in-4;  6°  Histoire  de  Mclun,  in-4; 
7°  Privilèges  de  la  Sainte-Chapelle  de 
Paris,  in-8  ;  8°  Le  Lumbrisage  de  Ni- 
codème  Aubier,  scribe  ,  soi-disant  le 
cinquième  évangéliste  et  noble  de  quatre 
races;  9°  des  Poésies  assez  plates.  Roul- 
liard  mourut  k  Paris  en  1639. 

ROUSSEAU  (  Jacques  ) ,  peintre ,  né 
k  Paris  en  1630,  se  distingua  par  son 
art  k  peindre  l'architecture ,  et  k  trom- 
per la  vue  par  l'illusion  de  la  perspec- 
tive. Louis  XIV ,  informé  de  ses  rares 
talens,  sut  les  mettre  k  profit.  Ce  mo- 
narque le  chargea  des  décorations  de  la 
salle  des  machines  k  Saint-Germain-en- 
Laye,  où  l'on  représentait  les  opéras  du 
célèbre  Lulli.  Cet  excellent  artiste  fut 
encore  employé  dans  plusieurs  maisons 
royales ,  et  l'on  voit  ses  ouvrages  dans 
quelques  maisons  de  riches  particuliers; 
mais  ses  perspectives ,  destinées  pour 
l'ordinaire  k  décorer  une  cour,  un  jardin, 
ont  beaucoup  souffert  de  l'injure  de  l'air; 
cependant  ce  qui  a  été  conservé  suffit 
pour  faire  admirer  la  beauté  de  son  gé- 
nie, l'éclat,  l'intelligence  de  son  coloris. 
Ce  maître  a  aussi  excellé  'k  toucher  le 


ROU 

paysage.  Il  mourut  à  Londres  en  1693. 
ROUSSEAU    (  Jean  Baptiste  )  ,    le 
premier  de  nos  poètes  lyriques  ,  fils  d'un 
cordonnier  de  Paris,  naquit  dans   cette 
ville  le  6  avril  1670.  Son  père  lui  pro- 
cura une  excellente  éducation  dans  les 
meilleurs  collèges   de    la   capitale.   Le 
jeune  Rousseau  s'y  fit  un  nom  par  de 
petites  pièces  de  poésie,  pleines  d'esprit 
et  d'imagination.  H  avait  à  peine  20  ans, 
qu'il  était  déjà  recherché  par  des  per- 
sonnes du  plus  haut  rang  et  du  goût  le 
plus  délicat.  Dès  1688  il  fut  reçu  en  qua- 
lité de  page  chez  Bonrepaux,  ambassadeur 
de  France   en  Danemark.  Le  maréchal 
de  Tallard  le  choisit  pour  son  secrétaire, 
lorsqu'il  passa   en  Angleterre.  Ce   fut  à 
Londres  qu'il  lia  une  amitié  étroite  avec 
Saint-Evremont,  qui  sentit  tout  le  mé- 
rite du  jeune  poète.  Rouillé,  directeur 
des  finances,  le  prit  auprès  de  lui.  Une 
affaire    fâcheuse    le  précipita  dans  les 
inquiétudes  les  plus  cuisantes.  Le  café 
de  la  Laurent  était  alors  le  rendez-vous 
littéraire  et  politique  des  oisifs  de  Paris. 
La  Motlé  et  Rousseau  étaient  les  chefs  de 
ce  Parnasse  ,  lorsque  l'opéra  d'Hesione 
de  Danchet  vit  le  jour  en  1708.  Il  parut, 
sur  un  air  du  prologue  de  cet  opéra , 
cinq  couplets  contre  les  auteurs  des  pa- 
roles de  la  musique  et  du  ballet.  Ces 
premiers  couplets,  qu'on  croyait  être 
de  Rousseau,  furent  suivis  d'une  foule 
d'autres ,  oii  tout  ce  que  le  talent  inspiré 
par  la  haine ,  par  la  vengeance  et  par  la 
débauche,  peut  enfanter  de  plus  mon- 
strueux, se  trouve  réuni. Yersailles,  Paris, 
furent  inondés  de  ces  horreurs.  Les  tri- 
bunaux ,  fatigués  par   les   plaintes  des 
personnes  outragées,  recherchèrent  l'au- 
teur de  ces  infamies.  Il  y  eut  de  grandes 
présomptions  contre  Rousseau  ;  cepen- 
dant ce  poète  n'eût  jamais  été  condamné, 
s'il  se  fût  borné  à  nier  qu'il  fût  l'auteur 
des  couplets.  Mais,  non  content  de  vou- 
loir paraître  innocent ,  il  voulut  que  le 
géomètre  Saurin  fût  coupable  du  crime 
dont  on  l'accusait.  Guillaume  Arnould, 
jeune  savetier,  esprit  faible ,  fut ,  dit-on, 
l'instrument  que  Rousseau  mit  en  oeuvre 
pour  accabler  son  ennemi.  Ce  misérable 
déposa  que  Saurin  lui  avait  remis  les 


ROU  5^5 

couplets ,  et  les  avait  donnés  à  un  petit 
décroteur  pour  les  faire  passer  en  d'au- 
tres mains.  Le  procès  porté  au  Châtelet 
passa  au  parlement ,  et  le  coup  dont 
Rousseau  voulait  accabler  le  géomètre 
retomba  sur  sa  tète.  Saurin  fit  valoir  le 
contraste  de  ses  mœurs  et  de  celles  de 
son  ennemi.  11  l'attaqua  comme  subor- 
neur de  témoins,  en  particulier  de  ce 
Guillaume  Arnould,  auquel  il  avait  donné 
de  l'argent.  Les  preuves  de  cette  subor- 
nation parurent  évidentes  ;  et  le  subor- 
neur fut  banni  à  perpétuité  du  royaume. 
Cet  arrêt,  rendu  le  7  avril.  1712,  fut 
affiché  à  la  Grève.  Rousseau  se  retira  en 
Suisse ,  où  le  comte  de  Luc ,  ambassadeur 
de  France  auprès  du  corps  helvétique , 
lui  rendit  la  vie  douce  et  agréable.  A  la 
paix  de  Bade,  conclue  en  1714,  le 
prince  Eugène  demanda  Rousseau  au 
comte  ,  qui  l'avait  mené  avec  lui ,  et  ce 
seigneur  n'osa  pas  le  lui  refuser.  Le 
poète  français  passa  à  Vienne  avec  le 
prince ,  auprès  duquel  il  demeura  près 
de  trois  ans.  Enveloppé  dans  l'affaire  du 
comte  de  Bonneval ,  et  obligé  de  quitter 
la  cour  de  Vienne ,  il  se  retira  à  Bruxel- . 
les.  Ce  fut  dans  cette  ville  que  commen- 
cèrent ses  brouilleries  avec  Voltaire.  : 
Rousseau  avait  connu  ce  poète  naissant  " 
au  collège  de  Louis  le  Grand ,  et  avait 
admiré  sa  facilité  pour  la  poésie.  Le 
jeune  Arouet  cultiva  une  connaissance 
qui  pouvait  lui  être  si  utile  ;  il  lui  fai- 
sait hommage  de  ses  ouvrages,  ne  cessa 
de  le  consulter  sur  ses  essais,  et  leur 
amitié  fut  de  jour  en  jour  plus  vive.  Ils 
se  vojTiient  souvent  à  Bruxelles  ;  Arouet 
lut  à  Rousseau  son  Epître  à  Julie  ,  au- 
jourd'hui à  Uranie.  Cet  ouvrage  fit  hor- 
reur à  celui-ci ,  qui  lui  en  marqua  son  , 
indignation.  Le  jeune  homme  ,  piqué  de 
ces  reproches,  tint  des  discours  affreux 
contre  celui  qui  les  lui  avait  faits.  Dans 
quelque  considération  que  Rousseau  fût 
à  Bruxelles,  il  ne  pouvait  oublier  Paris. 
Le  duc  d'Orléans,  régent  du  royaume, 
sollicité  par  le  granft-prieur  de  Vendôme 
et  le  baron  de  Breteuil ,  lui  accorda  des 
lettres  de  rappel.  Mais  le  poète,  avant 
que  d'en  profiter ,  demanda  qu'on  revît 
son  procès;  il  voulait  être  rappelé  non 


526  ROU 

à  litre  de  grâce,  mais  par  un  jugement 
solennel.  Sa  demande  fut  rejetée.  Pour 
se  consoler  de  cette  nouvelle  disgrâce  , 
il  se  mit  à  voyager.  En  1721 ,  il  passa  en 
Angleterre  ,  où  il  fit  imprimer  à  Londres 
le  Recueil  de  ses  OEuvres  ,  en  2  vol. 
in-4.  Cette  édition  ,  publiée  en  1723, 
lui  valut  environ  dix  mille  écus.  Il  les 
plaça  sur  la  compagnie  d'Ostende  ;  mais 
les  affaires  de  cette  compagnie  s'étant 
dérangées  ,  les  actionnaires  perdirent 
leurs  fonds.  Il  trouva  une  ressource  dans 
le  duc  d'Aremberg,  qui  lui  donna  sa 
table  à  Bruxelles.  Ce  seigneur  ayant  été 
obligé  en  1733  d'aller  à  l'armée  en  Alle- 
magne ,  lui  assura  une  pension  de  lôOO 
livres  ;  mais  Rousseau  eut  encore  le  mal- 
heur de  perdre  les  bonnes  grâces  de  son 
bienfaiteur.  Il  eut  l'imprudence  de  pu- 
blier, dans  un  journal ,  que  Voltaire  l'a- 
vait accusé ,  auprès  du  duc  d'Aremberg , 
d'être  l'auteur  des  Couplets  pour  les- 
quels il  avait  été  banni  de  France.  Vol- 
taire ,  qui  aurait  dû  dédaigner  cette  im- 
putation ,  aima  mieux  s'en  plaindre  à  ce 
seigneur  ,  qui  priva  Rousseau  de  ses 
bienfaits.  La  ville  de  Bruxelles  devint 
pour  lui,  aprè^  cette  disgrâce,  un  séjour 
insupportable.  Le  comte  de  Luc  et  M.  de 
Sénozan,  receveur  général  du  clergé, 
instruit  de  ses  chagrins ,  le  firent  venir 
secrètement  à  Paris,  dans  l'espérance 
d'avancer  la  fin  de  son  bannissement. 
Rousseau  y  fit  un  séjour  de  trois  mois  ; 
mais  ses  protecteurs  n'ayant  pu  obtenir 
un  sauf-conduit  pour  un  an  ,  il  retourna 
à  Bruxelles ,  et  mourut  à  Guette  (  hameau 
entre  Mons  et  Bruxelles  ) ,  le  17  mars 
1741  ,  dans  de  grands  sentimens  de  re- 
ligion. Avant  que  de  recevoir  le  saint  via- 
tique, il  protesta  qu'il  n'étaitpas  l'auteur 
des  Couplets  qui  avaient  empoisonné  sa 
vie.  Cette  protestation  a  paru  aux  hommes 
impartiaux  une  démonstration  com  - 
plète  de  son  innocence.  Est-il  probable , 
disent-ils ,  que  Rousseau  en  ait  voulu  im- 
poser dans  ces  derniers  momens  où  la 
vérité  se  fait  jour  ?  Piron  a  fait  cette  épi- 
taphe  k  l'Horace  français  : 

Ci-gît  l'illustre  et  mallieoreux  Rouueau. 
Le  Brabant  Tut  aa  tombe  et  Paris  son  berceau. 
.     Toici  rabrégé  de  ta  vie  , 
Qui  (ut  trop  longue  moitié  : 


ROU 

nfut  trente  ans  digne  d'entic , 
Et  trente  ans  digue  de  pitié. 

Il  est  plus  facile  de  peindre  dans  Rous- 
seau le  poète  que  l'homme.  Quelques  per- 
sonnes l'ont  représenté  comme  inquiet, 
capricieux,  impudent,  vindicatif,  en- 
vieux, flatteur,  satirique.  D'autres  l'ont 
peint  comme  un  homme  plein  de  can- 
deur et  de  franchise,  comme  un  ami  fi- 
dèle et  reconnaissant  ,  comme  un  chré- 
tien pénétré  de  sa  religion.  Il  est  difficile 
de  se  décider  entre  deux  portraits  si  dif- 
férens.  Il  paraît  que  Roussieau  ne  peut 
être  lavé  sur  l'accusation  intentée  contre 
lui,  d'avoir  attaqué  ses  bienfaiteurs.  On 
peut  le  justifier  plus  facilement  contre 
ceux  qui  l'accusèrent  d'avoir  renié  son 
père.  La  plus  grande  noblesse  d'un  poète 
est  de  descendre  d'Homère ,  de  Pindare , 
de  Virgile.  Et  quel  besoin  aurait  eu  Rous- 
seau de  cacher  l'obscurité  de  sa  nais- 
sance ?  elle  relevait  son  mérite ,  et  il 
avait  trop  de  solidité  d'esprit  pour  ne 
pas  le  comprendre.  M.  Séguy  a  donné 
une  belle  édition  de  ses  OEuvres ,  con- 
formément aux  intentions  que  le  poète 
lui  avait  marquées.  Cette  édition,  publiée 
en  1743,  à  Paris,  en  3  vol.  in-4,  et  en 
4  vol.  in-12,  ne  contient  que  ce  que 
l'auteur  a  avoué  ;  elle  renferme  1°  qua- 
tre livres  d'Odes ,  dont  le  premier  est 
d'Odes  sacrées  ,  tirées  des  Psaumes. 
«  Rousseau,  dit  Fréron,  sait  retracer  à 
M  propos  le  beau  désordre  de  Pindare, 
»  les  grâces  d'Anacréon  ,  la  saine  raison 
»  d'Horace  et  la  pompeuse  majesté  de 
w  Malherbe.  »  Quel  feu  !  quel  génie  !  quels 
éclairs  d'imagination  !  quelle  rapidité  de  ^ 
pinceau  !  quelle  abondance  de  traits 
frappans!  quelle  foule  de  brillantes  com- 
paraisons !  quelle  richesse  de  rimes  ! 
quelle  heureuse  versification  !  mais  sur- 
tout quelle  expression  inimitable  !  Il  y  a 
des  négligences ,  des  mots  impropres , 
des  phrases  incorrectes  ;  mais  l'enthou- 
siasme du  poète ,  qui  passe  dans  l'âme 
du  lecteur ,  fait  qu'on  ne  les  remarque 
guère. — 2°  Deux  livres  à'Epîires  en 
vers.  Quoiqu'elles  ne  manquent  pas  de 
beautés ,  il  y  règne  un  fond  de  misan- 
thropie qui  les  dépare.  Rousseau  parle 
trop    souvent  de   ses   ennemis   et    de 


ROU 

ses  malheurs  j  il  y  étale  des  principes 
qui  portent  moins  sur  la  vérité  que 
sur  les  différentes  passions  qui  rani- 
maient. La  colère  le  jette  dans  le  para- 
doie.  3°  Des  Cantates.  Il  est  le  créa- 
teur de  ce  poème,  dans  lequel  il  n'a  point 
eu  d'égal.  Les  siennes  respirent  celte 
poésie  d'expression  ,  ce  stile  pittoresque, 
ces  tours  heureux  ,  ces  grâces  légères  , 
qui  forment  le  véritable  caractère  de  ce 
genre.  11  est  tantôt  vif  et  impétueux, 
tantôt  doux  et  touchant,  suivant  les  pas- 
sions qui  animent  les  personnages  qu'il 
fait  parler.  4°  Des  Allégories ,  dontîplu- 
sieurs  sont  heureuses ,  mais  dont  quel- 
ques-unes paraissent  forcées  ;  h°  des  Epi- 
grammes  qui  l'ont  mis  au  dessus  de  Mar- 
tial et  de  Marot.  On  a  eu  soin  de  retran- 
cher de  cette  édition  celles  que  la  li- 
cence et  la  débauche  lui  avaient  inspi- 
rées. L'auteur  en  a  témoigné  dans  la 
suite  de  vifs  regrets.  6°  Un  livre  de  Poé- 
sies diverses ,  qui  manquent  quelquefois 
de  légèreté  et  de  délicatesse;  7"  quatre 
Combles  en  vers  ,  et  deux  en  prose. 
Le  théâtre  n'était  pas  son  talent  prin- 
cipal. Cependant,  sa  comédie  intitulée 
Le  Café  fut  représentée  neuf  lois  ;  une 
autre ,  le  Flatteur,  fut  jouée  dix  fois  en 
1696,«et  a  été  reprise  avec  succès.  8° 
un  recueil  de  Lettres  en  prose.  On  n'a 
choisi  dans  cette  édition  que  les  plus 
intéressantes.  Il  y  en  a  en  h  vol.  un  re- 
cueil plus  considérable  ,  qui  a  fait  tout  à 
la  fois  tort  et  honneur  à  sa  mémoire. 
Rousseau  y  dit  le  pour  et  le  contre  sur 
les  mêmes  personnes.  Il  parait  trop 
porté  à  déchirer  ceux  qui  lui  déplaisent. 
A  cela  près,  on  voit  en  lui  un  homme 
d'un  caractère  ferme  et  d'une  âme  éle- 
vée ,  qui  ne  veut  devoir  son  retour  dans 
sa  patrie  qu'à  sa  pleine  justification.  On 
y  trouve  quelques  anecdotes  ,  et  des  ju- 
gemens  exacts  sur  plusieurs  écrivains. 
Un  libraire  de  Hollande  a  publié  un  ou- 
vrage qui  lui  ferait  plus  de  tort ,  si  les 
auteurs  devaient  répondre  des  sottises 
qu'on  met  sous  leur  nom  :  c'est  son  Por- 
tefeuille. Il  y  a  ,  à  la  vérité  ,  dans  ce  mi- 
sérable recueil ,  plusieurs  pièces  qui  sont 
de  Rousseau  ;  mais  il  faut  moins  l'en  blâ- 
mer que  ceux  qui  ont  tiré  ces  ouvrages 


ROU  527 

de  l'oubli  auquel  ce  grand  poète  les  avait 
condamnés.  On  a  donné ,  en  1741 ,  à  Pa- 
ris, une  fort  jolie  édition  de  ses  OEu- 
vres  choisies,  en  1  vol.  in-12,  petit 
format.  Ce  sont  ses  Odes  et  son  éminente 
supériorité  dans  la  poésie  lyrique  qui  lui 
ont  mérité  le  nom  de  grand  Rousseau , 
quoiqu'il  soit  à  présumer  qu'on  le  lui  a 
donné  pour  le  distinguer  des  autres 
écrivains  du  même  nom.  (Les  OEuvres 
choisies  de  J.  B.  Rousseau  accompagnées 
des  notes  de  Fontanes  et  de  Lebrun,  et 
publiées  par  Boucharlat  avec  de  nou- 
velles observations  littéraires,  ont  été 
rangées  parmi  les  livres  classiques  par  l'u- 
niversité (  25  juillet  1830  ).  Ecouchard- 
Lebrun  a  tâché  de  rabaisser  la  réputation 
de  Rousseau ,  dans  l'édition  qu'il  a  don- 
née de  ce  poète  ;  Laharpe  nous  semble 
l'avoir  jugé  avec  beaucoup  d'impartia- 
lité. On  peut  consulter  sur  le  mérite  de 
cet  écrivain  Jtousseau  vengé ,  par  l'abbé 
de  Courcy,  Paris,  1772.  La  première 
édition  avouée  par  l'auteur  est  celle  de 
Soleure,  1712,  1  vol.  in-12.  Les  Odes, 
Cantates  et  Poésies  diverses  ont  été  pu- 
bliées par  M.  Didot  l'aîné,  pour  l'usage 
du  Dauphin,  1790,  grand  in-4.  Les  40 
et  4 1  volumes  de  la  Collection  des  meil- 
leurs écrivains  français ,  par  le  même 
éditeur,  comprennent  les  OEuvres  choi- 
sies de  J.  B.  Rousseau,  Paris,  1818, 
2  vol.  in-8.  Les  OEuvres  choisies  du 
même  poète  ont  paru  en  1808  avec  des 
Notes  du  poète  Lebrun.  M.  Amar  a  pu- 
blié en  1820  les  OEuvres  complètes  de 
Jean-Baptiste  Rousseau  avec  un  com- 
mentaire historique  et  littéraire  précédé 
d'un  nouvel  essai  sur  la  vie  et  les  écrits 
de  l'auteur,  Paris,  5  vol.  in-8;  cette 
édition  renferme  une  partie  de  la  Cor- 
respondance de  Rousseau.  Le  même  cri- 
tique a  donné  les  OEuvres  poétiques  de 
J.  B.  Rousseau  avec  un  Commentaire  y 
Paris,  1824,  2  vol.  in-8.  Cc\Xe  Collection 
fait  partie  de  la  Collection  des  classi- 
ques  français ,  publiés  chez  Lefèvre).  — 
Un  des  frères  utérins  de  Jean-Baptiste 
Rousseau  ,  carme  déchaussé,  sous  le  nom 
de  Père  Léon  de  Saint- Joseph ,  s'acquit 
de  la  réputation  dans  le  ministère  de  la 
chaire,  et  mourut  à  Paris  en  17à0. 


528  ROU 

ROUSSEAU  (Jean-Jacques),  né  à 
Genève  le  28  juin  1721  d'un  horloger , 
coûta  en  naissant  la  vie  à  sa  mère.  (  Son 
enfance  fut  environnée  des  plus  tendres 
soins  :  son  père ,  homme  simple  et  bon  , 
songea  moins  à  cultiver  les  dispositions 
dont  il  le  voyait  doué,  qu'à  lui  épargner 
les  contrariétés  de  son  âge.  Rousseau  ne 
se  rappelait  pas  comment  il  avait  appris  à 
lire  ;  mais  il  savait  que  ses  premières 
lectures  avaient  été  des  Romans ,  il  lut 
ensuite  quelques  bons  livres,  tels  que  les 
Vies  de  Plutarque  ;  mais  dans  les  uns  et 
les  autres  il  prit  des  idées  fausses  du 
monde.  Son  père,  obligé  de  quitter  Ge- 
nève ,  le  mit  en  pension  à  Bossy ,  chez  le 
ministre  Lambercier ,  d'oii  il  sortit  au 
bout  de  deux  ans  à  peu  près  aussi  igno- 
rant qu'il  y  était  entré.  Alors  un  de  ses 
oncles  maternels  qui  s'était  chargé  de 
lui ,  l'envoya  copier  des  actes  chez  un 
greffier  de  Genève.  Le  peu  de  succès  qu'il 
obtint  l'ayant  fait  passer  pour  inepte  et 
bon  tout  au  plus  pour  pousser  la  lime,  il 
fut  placé  dans  l'atelier  d'un  graveur  qui 
le  maltraita  et  d'où  il  sortit  bientôt.  Il 
alla  chercher  un  asile  chez  l'abbé  de 
Pontverre ,  curé  de  Confignon ,  en  Sa- 
voie :  cet  ecclésiastique  l'envoya  à  An- 
necy où  il  vit  pour  la  première  fois 
madame  de  Warens  qui  devint  sa  bien- 
faitrice, et  dont  il  paya  les  bienfaits  par 
l'ingratitude  la  plus  noire.  Ce  fut  par  la 
médiation  de  cette  dame  et  aux  frais  de 
l'évêque  d'Annecy  que  Rousseau  fut  en- 
voyé à  Turin  pour  y  être  instruit  dans  la 
religion  catholique.  Après  deux  mois  de 
séjour  dans  la  maison  des  catéchumènes, 
il  abjura  le  protestantisme.  N'ayant  retiré 
de  sa  prétendue  conversion  que  20  francs, 
il  entra  chez  la  comtesse  de  Yercelles,  en 
qualité  de  laquais  :  il  commit  alors  une 
faute  honteuse,  en  volant  un  ruban  et  en 
chargeant  de  ce  vol  une  jeune  servante 
qui  fut  renvoyée  ainsi  que  lui.  Bientôt  il 
trouva  une  nouvelle  place  :  il  devint  se- 
crétaire du  comte  de  Gouvon ,  premier 
ëcuyer  de  la  reine  deSardaigne;  son  in- 
constance naturelle  l'éloigna  peu  de 
temps  après  de  cette  maison.  Il  alla  trou- 
ver madame  de  Warens  qui  réveilla  d«ns 
son  âme  quelques  sentimens  honnêtes. 


ROU 

D'après  ses  conseils  il  entra  au  séminaire, 
avec  le  désir  de  se  faire  prêtre  ;  mais  il 
fut  renvoyé  comme  n'étant  propre  à  rien  : 
toutefois  sa  bienfaitrice  lui  donna  quel- 
ques soins  ;  elle  dirigea  ses  lectures  et 
lui  fit  apprendre  la  musique.  Séparé  en- 
suite de  sa  seconde  mère  ,  il  parcourut  la 
Suisse  avec  un  prétendu  évêque  grec 
qui  faisait  des  collectes  pour  le  St.-Sé- 
pulcre,  et  auquel  il  servait  d'interprète  ; 
mais  ils  furent  arrêtés  tous  deu\  à  So- 
leure.  L'ambassadeur  de  France  à  qui  il 
raconta  sa  position  lui  donna  les  moyens 
d'aller  à  Paris  où  était  alors  sa  chère 
maman.  Arrivé  dans  la  Capitale  ,  il  ap- 
prit que  madame  de  Warens  était  partie  : 
aussitôt  il  se  rendit  à  Lyon  oîi  il  sentit 
toutes  les  horreurs  de  la  misère  ;  enfin  il 
rejoignit  sa  bienfaitrice.  Son  séjour  près 
d'elle  fut  consacré  à  des  lectures  sérieu- 
ses ;  mais  obligé  d'aller  à  Montpellier 
pour  cause  de  maladie ,  il  trouva  à  son 
retour  madame  de  Warens  engagée  dans 
des  liens  indignes  d'elle.  Il  alla  prendre 
à  Lyon  une  place  de  percepteur  chez 
M.  de  Mably,  grand-prevôt  de  cette  ville. 
Après  avoir  fait  ce  métier  pendant  un 
an  ,  il  retourna  à  Paris  où  il  arriva  dans 
l'automne  de  1741,  avec  16  louis  et  l'es- 
poir d'une  rapide  fortune  fondée  sur  une 
nouvelle  méthode  de  noter  la  musique. 
Cette  méthode  n'ayant  pas  réussi ,  il  accep- 
ta l'emploi  de  secrétaire  de  M.  de  Montai-' 
gne,  ambassadeur  à  "Venise.  Pendant  son 
séjour  en  Italie ,  il  se  fortifia  dans  la  mu- 
sique. Il  était  de  retour  à  Paris ,  lorsque, 
dans  l'été  de  1749,  il  allait  visiter  Diderot 
détenu  à  Vincennes  à  cause  de  sa  Lettre 
sur  les  aveugles.  Il  avait  emporté  avec 
lui  le  Mercure  de  France  ;  en  le  lisant, 
pour  se  distraire  pendant  la  route,  il  ap 
prit  que  l'académie  de  Dijon  proposait  un 
prix  sur  cette  question  :  Si  le  rétablisse- 
ment des  sciences  et  des  arts  a  contribue' 
à  épurer  les  mœurs?  Il  concourut,  et  son 
discours ,  qui  soutenait  la  négative  ,  fut 
couronné  en  1750,  et  il  devait  l'être, 
non  seulement  à  raison  de  l'éloquence 
forte  et  mâle  dont  l'auteur  soutenait  son 
assertion ,  mais  parce  que  réellement ,  en 
prenant  la  chose  dans  sa  généralité,il  avait 
lavéritépourlui,quoiqu'iLrexagère  alors, 


t\ 


ROU 

comme  il  le  fait  si  souvent,  Plusieurs 
adversaires  se  présentèrent  pour  l'atta- 
quer :  Rousseau  se  défendit;  il  avait  de 
son  côté  l'eipérience  des  siècles ,  et  les 
lumières  de  l'histoire.  L'état  de  notre 
littérature  ne  tarda  point  à  venir  à  son 
appui  ).  «  S'il  est  faux  ,  dit  un  critique 
«judicieux,  que  les  lettres,    cultivées 

V  selon  les  règles  et  les  précautions  que 
»  le  bien  commun  exige ,  soient  capa- 
u  bles  de  nuire  à  la  société ,  il  est  du 
»  moins  très  certain  qu'à  en  juger  par  les 
«  désordres  qui  régnent  aujourd'hui 
»  parmi  les  littérateurs ,  elles  sont  sujet- 
j>  les  à  de  grands  inconvéniens.  Quelle 
»  idée  avantageuse  peut-on  s'en  former, 
M  quels  fruits  peut-on  s'en  promettre 
)>  pour  la  culture  de  l'esprit  et  la  per- 
»  fection  des  mœurs,  quand  on  voit  les 
»  vrais  principes  attaqués  ,  les  règles  mé- 
»  connues,  les  bienséances  violées,  l'an- 
»  arcbie  et  la  confusion  établies  sur  les 
})  débris  du  goût  et  de  la  raison  ;  quand 
»  la  religion ,  la  morale ,  les  devoirs ,  la 
»  vertu ,  deviennent  la  proie  d'une  phi- 
»  losophie  extravagante ,  qui  outrage 
»  l'une,  corrompt  l'autre  ,  prononce  sur 
i>  ceux-ci,  et  défigure  celle-là  au  gré  de 
>i  ses  caprices  ou  de  ses  intérêts  ?  Quelle 
i>  estime  peul-on  avoir  pour  les  littéra- 
»  teurs  ,  à  la  vue  des  divisions  qui  les  ai- 
»  grissent  et  les  déshonorent  ?  Est-ce  en 
»  les  voyant  se  déchirer ,  se  calomnier, 
»  se  décrier  les  uns  les  autres  ,  intriguer 

V  dans  les  sociétés ,  pour  persécuter  leurs 
»  rivaux  ou  prôner  leurs  admirateurs  et 
«leurs  disciples;  employer,  pour  se 
»  faire  une  réputation  ,  un  temps  et  des 
»  soins  qui  seraient  plus  utikment  con- 
«  sacrés  à  perfectionner  leurs  ouvrages  ; 
»  se  révolter  contre  les  critiques,  et  né- 
w  gliger  des  avis  utiles  ;  repaître  leur  va- 
}>  nité  de  suffrages  mendiés  ,  sans  s'oc- 
»  cuper  à  en  mériter  de  plus  justes  et  de 
»  plus  solides  ;  substituer  à  l'élévation 
)>  des  sentimens  qui  devraient  être  leur 
»  partage ,  les  bassesses  de  l'artifice  et 
»  de  la  flatterie  ,  pour  donner  des  ap- 
»  puis  à  leur  vanité  ?  Est-ce  enfin  au 
»  milieu  d'une  dégradation  sensible  et 
»  journalière,  qu'ils  pourront  prétendre 
p  au  respect  et  à  la  gloire  destinés  à 

TU. 


ROU  529 

»  payer  les  travaux  du  génie  et  des  ta- 
«  lens  ?  Il  n'est  donc  que  trop  tristement 
»  démontré  par  l'expérience,  que  l'abus 
»  des  connaissances  littéraires  est  le  plus 
»  dangereux  de  tous  les  maux  qu'un  état 
»  puisse  éprouver.  Depuis  ces  prétendues 
»  lumières  qu'on  se  vante  de  nous  avoir 
i)  communiquées  ,  la  société  est-elle  de- 
»  venue  plus  heureuse  et  mieux  réglée  ? 
»  La  mauvaise  foi ,  les  perfidies ,  les  hai- 
X  nés,  Its  mensonges ,  les  calomnies  ,  les 
»  atrocités,  les  crimes,  ont-ils  disparu 
M  parmi  nous?  Y  a-t-on  vu  renaître  la 
»  franchise,  la  droiture,  la  générosité, 
»  le  bonheur  et  la  paix  ;  ou  plutôt ,  mal- 
»  gré  ces  cris  hypocrites  A'humanité,  de 
M  bienfaisance ,  les  cœurs  ne  paraissent- 
»  ils  pas  s'être  rétrécis,  desséchés,  et 
»  avoir  perdu  leur  énergie  ?  Tout  ce  que 
»  nous  avons  gagné  en  devenant  plus 
»  instruits,  c'est  d'avoir  appris  à  être 
»  méchans  avec  art ,  et  à  conserver 
»  dans  le  mal  une  sorte  de  décence  qui 
»  le  rend  plus  épidémique  et  plus  dan- 
»  gereux.  S'il  est  vrai  que  les  hommes 
X  aient  été  méchans  dans  tous  les  siè- 
«  clés,  on  ne  peut  nier  qu'ils  n'aient 
M  plus  de  facilité  à  l'être  dans  les  siècles 
»  éclairés.  Les  ressources  de  l'esprit  se 
j)  tournent  alors  du  côté  de  l'intérêt  des 
))  passions.  Plus  un  méchant  a  de  lumiè- 
»  res  ,  plus  il  est  habile  à  mal  faire  avec 
»  impunité.  »  (  Ployez  Frédéric -Guil- 
laume II ,  roi  de  Prusse  ,  Giraldi  Lilio 
Gregorio.  )  Ce  premier  succès  l'enivra  et 
fixa  sa  destinée  :  il  résolut  d'être  libre , 
de  briser  les  fers  de  l'opinion  ;  et,  pour 
préluder  à  ce  nouveau  rôle ,  il  retran- 
cha de  sa  table  et  de  sa  mise  le  peu  de 
luxe  qu'il  s'était  permis  jusque  là.  Re- 
nonçant à  l'emploi  de  caissier  qu'il  avait 
obtenu  chez  M.  Francueil,  fils  de  M. 
Dupin,  parce  que  la  garde  d'un  tré- 
sor troublerait  son  sommeil,  il  se  fit 
annoncer  comme  copiste  de  musique  à 
dix  sous  la  page.  Son  Discours  sur  les 
causes  de  V inégalité  parmi  les  hommes 
et  sur  l'origine  des  socie'tés ,  plein  de 
maximes  fausses  et  d'idées  bizarres,  fut 
fait  pour  prouver  que  les  hommes  sont 
égaux  ;  qu'ils  étaient  nés  pour  vivre  iso- 
lés ,  et  qu'ils  ont  perverti  l'ordre  de  la 
67. 


53o 


ROU 


nature  en  se  rassemblant.  L'auteur  ,  pa- 
négyriste éternel  de  l'homme  sauvage, 
déprime  l'homme  social;  s'efiforçant , 
contre  son  intime  conviction  ,  de  substi- 
tuer au  bonheur  de  la  vertu  ,  de  la  reli- 
gion ,  d'une  civilisation  horinèle  et  rai- 
sonnable, l'état  de  la  dégradation  la  plus 
humiliante  pour  l'humanité.  Car  qu'est- 
ce  qu'un  sauvage  tel  que  ceux  de  l'Amé- 
rique ,  et  en  général  ceux  que  nous  con- 
naissons sur  ce  globe ?(f  C'est,  »  répond 
l'auteur  du  Système  social,  qui  mêle  aussi 
de  grandes  vérités  à  de  grandes  erreurs, 

■  «  c'est  un  enfant  vigoureux,  privé  de 
»  ressources,  d'expérience ,  de  raison , 
»  d'industrie;  qui  souflfre  continuelle- 
»  ment  la  faim  et  la  misère ,  qui  se  voit  à 

•»  chaque  instant  forcé  de  lutter  contre  les 
»  bêles  ,  qui  d'ailleurs  ne  connaît  d'au- 
3)  très  lois  que  son  caprice ,  d'autres  rè- 
»  gles  que  les  passions  du  moment*  d'au- 
»  tre  droit  que  la  force,  d'autre  vertu  que 
3>  la  témérité  ;  c'est  un  être  fougueux  , 
»  inconsidéré,  cruel, vindicatif,  injuste, 
9)  qui  ne  veut  point  de  frein,  qui  ne  pré- 
3>  voit  pas  le  lendemain  ,  qui  est  à  tout 
»  moment  exposé  à  devenir  la  victime , 
»  ou  de  sa  propre  folie  ,  ou  de  la  férocité 

■  »  des  stupides  qui  lui  ressemblent.  La  vie 
j)  du  sauvage  à  laquelle  des  spécula- 
»  leurs  chagrins  ont  voulu  ramener  les 
V  hommes,  l'âge  d'or  si  vanté  par  les  poè- 
»  tes  ,  ne  sont  dans  le  vrai  que  des  états 

•  »  de  misère,  d'imbécillité,  de  déraison.  » 
Sa  Lettre  à  M.  cCAlembert  sur  le  projet 
d'établir  un  théâtre  à  Genève ,  publiée 
en  1757  ,  renferme  ,  à  côté  de  quelques 
paradoxes,  les  vérités  les  plus  importantes 
et  les  mieux  développées.  Cette  lettre,  si 
intéressante  pour  les  mœurs  en  général 
et  pour  la  république  de  Genève  en  par- 
ticulier ,  fut  la  première  source  de  la 
haine  que  Voltaire  lui  voua  ,  et  des  inju- 
res dont  il  ne  cessa  de  l'accabler.  Ce 
qu'on  trouvait  de  singulier,  c'est  que  cet 
ennemi  des  spectacles  avait  fait  imprimer 
une  comédie ,  et  qu'il  avait  donné  au 
théâtre  une  pastorale ,  le  Devin  du  vil- 
lage ,  qui  certainement  n'était  pas  faite 
pour  produire  des  impressions  de  vertus. 
Il  en  fit  lui-même  la  musique  :  car  il 
avait  cultivé  cet  art  dès  sou  enfance.  Sou 


ROU 

Dictionnaire  de  musique,  à  quelques 
inexactitudes  près ,  est  un  des  meilleurs 
ouvrages  que  nous  possédions  en  ce  gen- 
re; mais  on  s'aperçoit  facilement  qu'il  a 
profité  de  celui  de  l'abbé  Brossard  :  on 
est  fâché  seulement  qu'il  ne  le  dise  pas  ; 
et  cette  réticence  fait  croire  qu'il  n'était 
point  en  ce  genre  aussi  riche  de  son  pro- 
pre fonds  qu'on  le  croyaitcommunément. 
Ja  Nouvelle  Héloïse,  1761,  6  parties  in- 
12  ,  est  un  roman  épistolaire  ,dont  l'in- 
trigue est  mal  conduite  et  l'ordonnance 
mauvaise  ;  il  est ,  comme  toutes  les  pro- 
ductions de  l'auteur ,  plein  de  beautés 
et  de  défauts.  Il  en  parle  lui-même  avec 
des  éloges  révoltans ,  et  toute  la  ten- 
dresse d'une  aveugle  paternité  :  on  a  de  la 
peine  à  comprendre  qu'il  n'en  ait  pas 
aperçu  les  contradictions  saillantes,  ainsi 
que  la  morale  fausse  et  inconséquente. 
Quelques-unes  de  ces  lettres  sont  admira- 
bles par  la  force ,  par  la  chaleur  de  l'ex- 
pression ;  mais  l'auteur  ne  tarde  pas  à  se 
livrer  au  goût  des  sophismes  et  à  la  ma- 
nie d'ergoter  contre  les  notions  reçues  : 
delà  ces  froides  digressions,  ces  critiques 
insipides ,  et  ces  paradoxes  révoUans. 
C'est  dans  cet  ouvrage  qu'il  s'est  le  plus 
souvent  abandonné  à  sa  manie  d'exposer 
le  pour  et  le  contre ,  de  répandre  de  l'in  - 
certitude  sur  tous  les  principes.  Emile  fit 
encore  plus  de  bruit  que  la  Nouvelle 
Héloïse.  On  sait  que  ce  roman  moral , 
publié  en  1762,  en  4  v.  in-12,  roule  prin- 
cipalement sur  l'éducation.  Rousseau 
veut  qu'on  suive  en  tout  la  nature,  et 
qu'on  laisse  germer  et  prévaloir  les  pas- 
sions sans  leur  opposer ,  sinon  lorsqu'il 
n'en  sera  plus  temps,  l'impression  des  1 
vérités  religieuses ,  de  la  loi  et  de  la  '| 
crainte  de  Dieu.  Tout  ce  qu'il  dit  contre  J 
les  spectacles  ,  contre  les  vices  et  les  pré-  ] 
jugés  de  son  siècle  ,  est  digne  tout  à  la  \ 
fois  de  Platon  et  de  Tacite.  Il  semble  \ 
même  en  avoir  la  manière  et  le  stile.  Mais  j 
ce  qu'il  est  bon  de  savoir,  pour  apprécier 
les  hommes  et  les  moyens  qui  fondent 
leur  célébrité ,  c'est  que  le  stile  de  Rous- 
seau n'était  ni  dans  son  cœur  ni  dans  son 
génie,  et  que,  tandis  que  l'honnête 
homme  ,  médiocrement  lettré ,  parle  et 
écrit  avec  énergie  et  un  enthousiasme 


il 


ROU 

cloquent  des  droits  de  la  justice  et  de  la 
vertu  ,  Rousseau  ne  pouvait  former  une 
ligne  sans  se  mettre  l'esprit  à  la  torture. 
j)  Je   méditais ,    dit-il    lui-même ,  dans 
»  mon  lit ,  les  yeux  fermés,  et  je  tournais 
M  et  retournais  dans  ma  pensée  mes  pé- 
))  riodes   avec   des  peines  incroyables  : 
»  puis  quand  j'étais  parvenu  à  en  être 
»  content ,  je  les  déposais  dans  ma  mé-  , 
»  moire,  jusqu'à  ce  que  je  pusse  les  met- 
j)  tre  sur  le  papier.    Souvent  j'oubliais 
V  tout  en  m'habillant.  Les  quatre  lettres 
»  à  M.  de  Malesherbes  sont  peut-être  la 
»  seule  chose  que  j'aie  écrite  avec  facilité 
)>  dans  toute  ma  vie.  »  Voilà,  sans  doute, 
pourquoi  ceux  qui  jugeaient  de  la  ft0e  de 
l'âme  de  Rousseau  par  celle  de  ses  expres- 
sions, sont  si  bien  de  leur  compte;  et  puis, 
la  sublime  philosophie  qui  acheté  par  de 
telles  contorsions  la  réputation  de  beau 
parleur  !  Quoi  qu'il  en  soit  du  stile ,  le 
fond  de  l'ouvrage  est  une  source  de  cor- 
ruption. Le  3*  tome  est  rempli  d'objec- 
tions contre  le  christianisme.  Il  fait,  à  la 
vérité ,  un  éloge  sublime  de  l'Évangile,  et 
un  portrait  touchant  de  son  divin  auteur; 
mais  les  miracles ,  les  prophéties  ,  qui 
établissent  sa  mission ,  sont  attaqués  sans 
ménagement.  C'est  un  traité  d'éducation 
le  plus  chimérique  qu'un  homme  ait  pu 
concevoir,  un  assemblage  continuel   de 
sublime  et  de  subtilités,  de  raison  et  d'ex- 
travagance ,  d'esprit  et   de  puérilité  ,  de 
religion  et  d'impiété,  de  philanthropie  et 
de  causticité.  Il  habitait  depuis  1766  une 
petite  maison  de  campagne  près  Mont- 
morency, connue  sous  le  nom  de  l'ermi- 
tage ;  solitude  qu'il  devait  à  la  générosité 
d'un  fermier-général.    Sans   adopter  en 
tout  la  façon  de  vivre  trop  dure  des  an- 
ciens cyniques ,  il  s'était  retranché  tout 
ce  que  peut  fournir  ce  luxe  l'echerché  qui 
est  la  suite  des  richesses  et  qui  en  per- 
vertit l'usage.  Il  aurait  été  heureux  dans 
cette  retraite,  s'il   avait  pu  oublier  ce 
public  qu'il  affectait  de  dédaigner;  mais 
le  désir  d'une  grande  réputation   aiguil- . 
lonnait  son  amour-propre,  et  c'est  ce  dé- 
sir qui  lui  fit  glisser  dans  son  Emile  tant 
de  choses  condamnables ,  et  qu'il  a  lui- 
même  plus  d'une  fois  réfutées  avec  force. , 
Le  parlement  de  Paris  condamna  ce  Urrç;, 


ROU  53 1 

en    1762,  et  poursuivit  criminellement 
l'auteur ,  qui  fut  obligé  de  prendre  la 
fuite  à  la  hâte.  Il  dirigea  ses  pas  vers  sa 
patrie ,  qui  lui  ferma  ses  portes.  Proscrit 
dans  la  ville  qui  lui  avait  donné  le  jour, 
il  chercha  un  asile  en  Suisse,  et  le  trouva 
à  Motiers ,  dans  la  principauté  de  Neiif- 
châtel.  Son  premier  soin  fut  de  défendre 
son     Emile   contre  le  Mandement  de 
M.  l'archevêque  de  Paris ,  qui  avait  ana- 
thématisé  ce  livre.  Il  publia  en  1763  une 
Lettre  oîi  toutes  ses  erreurs  sont  repro- 
duites avec  la  parure  de  l'éloquence  et 
une  espèce  de  morgue  cynique.  Les  Let- 
tres delà  Montagne  virent  le  jour  bien- 
tôt après  ;  mais  ce  livre,  bien  moins  élo-  , 
quent,  et  surchargé  de  discussions  en- 
nuyeuses sur  les   magistrats  et  les  pas- 
teurs   de  Genève ,  irrita    les    ministres 
protestans,  sans  le  réconcilier  avec  les 
ministres  de  l'Eglise  romaine.  Rousseau 
avait    abandonné    solennellement  cette 
dernière  religion  dans  un  voyage  qu'il 
avait  fait  à  Genève  en  1753  ;  ce  qu'il  y  a 
d'étrange  ,  c'est  qu'il  était  résolu  d'aller  , 
vivre  en  France  dans  un  pays  catholique. 
Les  pasteurs   protestans  ne    lui   surent 
aucun  gré  de  ce  changement  ;  et  la  pro- 
tection du  roi  de  Prusse  ,  à  qui  appartient 
la  principauté  de  Neufchâtel ,  ne  put  le 
soustraire  aux  tracasseries  que  lui  sus- 
cita le  pasteur  de  Motiers- Travers ,  villa- 
ge où  il  s'était  retiré.  (Il  alla  chercher   un  ; 
nouvel  asile  dans  l'île  de  Saint-Pierre  ,  , 
située  au  milieu  du  lac  de  Bienne  ;  mais ,  , 
au  bout  de  quelques  semaines,  un  ordre 
du  sénat  de   Berne  le   força   de  quitter 
cette  charmante  retraite.)  Il  prit  le  parti 
de  passer  en  Angleterre  ,  et  il  se  troubla 
avec  le  fameux  Hume,  qui  l'avait  amené 
avec  lui  dans  cette  île.  Nous  n'entrerons 
pas  dans  le    détail    de  cette  bruyante 
querelle  ;  elle  prouve ,  ainsi  que   mille 
autres  anecdotes ,  que  ces  gens  qui  se  di- 
sent nés  pour  instruire  ,  pacifier  ,  rendre 
heureux  tous  les  hommes,  ne  sauraient 
vivre  deux  jours    ensemble   sans   faire 
éclater  des   passions  que   le  plus  froid 
chrétien  auraithontcde  ne  pas  réprimer. 
Hume  appela  Rousseau   un   serpent  ré- 
chauffé dans  le  sein  de  t  amitié  ;  celui- 
ci  DÇ  manqua  pas  de  termes  pour  lui  x\-. 


53a  ROU 

poster.  Le  philosophe  de  Genève  retourna 
en  France,  en  1767.  En  passant  à  Amiens, 
il  vit  Gresset ,  qui  le  sonda  sur  ses  mal- 
heurs et  sur  ses  disputes  ;  il  se  contenta 
de  lui  répondre  :  «Vous  avez  eu  l'art  de 
i>  faire  parler  un  perroquet  ;  mais  vous  ne 
))  sauriez  faire  parler  un  jours.  »  (  Après 
avoir  habité  quelque  temps  le  château  de 
Trye  près  de  Gisois,  il  alla,  sous  le  nom 
de  Renou  ,  herboriser  dans  les  environs 
de  Lyon,  de  Grenoble,  de  Chambery,  et  pa- 
rut vouloir  se  fixera  Monquin  près  de  Bour- 
goin ,  où  il  épousa  sa  Thérèse  en  1768. 
Ses  protecteurs  obtinrent  en  1770  qu'il 
demeurerait  à  Paris,  à  condition  qu'il  n'é- 
crirait ni  sur  les  matières  de  religion  ni 
sur  celles  du  gouvernement  :  il  tint  pa- 
role ,  il  n'écrivit  plus.  Il  se  contenta  de 
vivre  dans  la  société  de  quelques  amis  , 
paraissant  détrompé  ,  sans  pourtant  l'ê- 
tre, de  ses  illusions.  Il  mourut  à  Erme- 
nonville ,  terre  de  M.  le  marquis  de  Gi- 
rardin,  à  10  lieues  de  Paris,  le  3  juillet 
1778  ,  non  sans  soupçon  d'avoir  avancé 
ses  jours  en  prenant  du  poison.  Un  de  ses 
amis  ,  Corancez ,  a  donné  à  cet  égard  des 
renseignemens  qui  semblent  exacts.  Sa 
brochure  est  curieuse ,  et  démontre  l'é- 
tat d'aliénation  dans  lequel  le  sage  tom- 
bait parfois.   La  relation    que   MM.  de 
Presle  et  Magellan  ont  donnée  de  sa  mort 
pour  dissiper  ce  soupçon ,  n'a  fait  que  le 
fortifier  :  ils  conviennent  que  la  vie  lui 
était  à    charge ,  et  rapportent  diverses 
circonstances,    qui    annoncent    que  le 
philosophe  ,  sans  aucun  mal  apparent , 
V        était  instruit  de  sa  fin   prochaine.   Tout 
cela  est  confirmé  dans  les  Lettres  sur  les 
ouvrages  et  le  caractère  de  J.  J.  Rous- 
seau ,  publiées  en  1789  par  madame  la 
baronne  de    Staël.  <f  On  sera  peut-être 
3)  étonné  ,  dit-elle  ,  de  ce  que  je  regarde 
•»  comme    certain    que    Rousseau   s'est 
3>  donné  la  mort.  Mais  le  même  Genevois 
3)  dont  j'ai  déjà  parlé  reçut  une  lettre  de 
»  lui  quelque  temps  avant  sa  mort ,  qui 
»  semblait  annoncer  ce  dessein.  Depuis , 
»  s'étant  informé  avec  un  soin  extrême  de 
•n  ses  derniers  momens ,  il  a  su  que  le 
M  matin  du  jour  oii  Rousseau  mourut ,  il 
»  se  leva  en  parfaite  santé ,  mais  dît  ce- 
»  pendant  qu'il  allait  voir  le  soleil  pour 


ROU 

»  la  dernière  fois ,  et  prit ,  avant  de  sor- 
»  tir,  du  café  qu'il  fit  lui-même.  Il  rentra 
)>  quelques  heures  après, et  commençant 
»  alors  à  souffrir  horriblement  ,  il  défen- 
»  dit  constamment  qu'on  appelât  du  se- 
»  cours  et  qu'on  avertit  personne.  Peu  de 
»  jours  avant  ce  triste  jour  ,  il  s'était 
»  aperçu  des  viles  inclinations  de  sa 
»  femme  pour  un  homme  de  l'état  le  plus 
»  bas  ;  il  parut  accablé  de  cette  décou- 
»  verte ,  et  resta  huit  heures  de  suite  isur 
»  le  bord  de  l'eau,  dans  une  méditation 
u  profonde.  Il  me  semble  que  si  l'on  réu- 
M  nitces  détails  à  sa  tristesse  habituelle, 
»  à  l'accroissement  extraordinaire  de  ses 
»  terr^Rrs  et  de  ses  défiances,  il  n'est 
»  plus  permis  de  douter  que  ce  malheu- 
»  reux  homme  n'ait  terminé  volontaire- 
»  ment  sa  vie.  »  Et  dans  une  réponse  à 
madame  de  Vassy,  elle  ajoute  :  «  Un  Ge- 
»  nevois,  secrétaire  de  mon  père  (  M.  IVec- 
■»  ker } ,  et  qui  a  passé  la  plus  grande 
3j  partie  de  sa  vie  avec  Rousseau  ;  un  au- 
»  tre ,  nommé  Mouton,  homme  de  beau- 
j>  coup  d'esprit ,  et  confident  de  ses  der- 
3)  nieres  pensées,  m'ont  assuré  ce  que  j'ai 
3)  écrit;  et  des  lettres  que  j'ai  vues  de 
3J  lui ,  peu  de  temps  avant  sa  mort,  an- 
»  nonçaient  le  dessein  de  terminer  sa 
»  vie.  »  On  voit  par-là ,  comme  par  bien 
d'autres  anecdotes  de  ce  fameux  égoïste, 
ce  que  c'est  que  la  prétendue  force  d'es- 
prit dont  font  parade  les  hommes  dont 
l'idole  est  l'opinion  publique ,  et  qui 
n'ont  point  dans  eux-mêmes  de  quoi  com- 
battre les  disgrâces  les  plus  légères ,  sou- 
vent même  parfaitement  imaginaires.  Le 
caractère  de  Rousseau,  ainsi  que  ses  opi- 
nions ,  était  certainement  original  ;  mais 
la  nature  ne  lui  en  avait  donné  que  le 
germe ,  et  l'art  avait  beaucoup  contribué 
à  le  rendre  encore  plus  singulier.  Il  n'ai- 
mait à  ressembler  à  personne  ;  et  comme 
cette  façon  de  penser  et  de  vivre  extraor- 
dinaire lui  avait  fait  un  nom  ,  il  mani- 
festa beaucoup  de  bizarrerie  ,  soit  dans 
sa  conduite ,  soit  dans  ses  écrits.  Tout  est 
devenu  problématique  sous  sa  plume. 
De  là  ces  raisonnemcns  pour  et  contre 
le  duel ,  l'apologie  du  suicide  et  la  con- 
damnation de  cette  frénésie  ;  la  facilité  à 
pallier  le  crime  de  l'adultère ,  et  les  rai- 


ROU 

s«ns  les  plas  fortes  pour  en  faire  sentir 
l'horreur.  De  là  l'existence  de  Dieu  atta- 
quée par  des  sophismes ,  et  les  athées 
confondus  par  des  argumens  invincibles, 
la  religion  chrétienne  combattue  par  des 
objections  spécieuses,  et  célébrée  par  les 
plus  sublimes  éloges.  Il  tâchait  de  se  ren- 
dre intéressant  par  la  peinture  de  ses  mal- 
heurs et  de  sa  pauvreté,  quoique  ses  in- 
fortunes fussent  moins  grandes  qu'il  ne 
le  disait  et  ne  le  sentait ,  et  quoiqu'il  eût 
des  ressources  assurées  contre  l'indi- 
gence. Il  était  charitable,  bienfaisant, 
sobre  ,  se  contentant  du  pur  nécessaire, 
et  refusant  les  moyens  qui  lui  auraient 
procuré  ou  des  richesses  ou  des  places. 
Quoiqu'il  affichât  la  philosophie ,  il  n'ai- 
mait pas  les  philosophes;  prévenu  d'a- 
bord pour  eux  par  l'emphase  de  ce  nom 
illusoire ,  il  les  détesta  dès  qu'il  les  con- 
nut. «  Je  regardais,  dit-il,  tous  ces  gra- 
»  ves  écrivains  comme  des  hommes  rao- 
)>  destes ,  sages ,  vertueux ,  irréprocha- 
j)  blés.  Je  me  formais  de  leur  commerce 
M  des  idées  angéliques ,  et  je  n'aurais  ap- 
»  proche  de  la  maison  de  l'un  d'eux  que 
»  comme  d'un  sanctuaire.  Enfin  je  les  ai 
3)  vus  ;  ce  préjugé  puéril  s'est  dissipé,  et 
•»  c'est  la  seule  erreur  dont  ils  m'aient 
«  guéri.  »  —  «  Fuyez ,  dit-il  ailleurs,  ceux 
)>  qui ,  sous  prétexte  d'expliquer  la  na- 
»  ture ,  sèment  dans  le  cœur  des  hommes 
)>  de  désolantes  doctrines,  et  dont  le  scep- 
j)  ticisme  apparent  est  cent  fois  plus 
j>  affirmatif  et  plus  dogmatique  que  le  ton 
i>  décidé  de  leurs  adversaires.  Sous  le 
))  hautain  prétexte  qu'eux  seuls  sont  éclai- 
»  rés,  vrais ,  de  bonne  foi,  ils  nous  sou- 
j)  mettent  impérieusement  à  leurs  déci- 
}>  sions  tranchantes  ,  et  prétendent  nous 
j>  donner ,  pour  les  vrais  principes  des 
}>  choses,  les  inintelligibles  systèmes  qu'ils 
»  ont  bâtis  dans  leur  imagination.  Du 
■»  reste ,  renversant ,  détruisant ,  foulant 
u  aux  pieds  tout  ce  que  les  hommes  res- 
M  pectent ,  ils  ôtent  aux  afQigés  la  der- 
»  nière  consolation  de  leur  misère ,  aux 
»  puissans  et  aux  riches  le  seul  frein  de 
»  leurs  passions  j  ils  arrachent  du  fond 
«  des  cœurs  les  remords  du  crime ,  l'es- 
»  poir  de  la  vertu  ,  et  se  vantent  encore 
»  d'être  les  bienfaiteurs  du  genre  hu- 


ROU  533 

»  main.  Jamais ,  disent-ils,  la  vérité  n'est 
»  nuisible  aux  hommes  ;  je  le  crois  comme 
3)  eux  ;  et  c'est,  à  mon  avis ,  une  preuve 
»  que  ce  qu'ils  enseignent  n'est  pas  la 
»  vérité.  «  (  Voyez  Lucien.)  On  ne  peut 
l'accuser ,  comme  tant  d'autres  sophistes, 
d'avoir  souvent  répété  avec  une  emphase 
étudiée  le  mot  de  vertu  ,  sans  en  inspirer 
le  sentiment.  Quand  il  parle  des  devoirs 
de  l'homme ,  des  principes  essentiels  à 
notre  bonheur  ,  du  respect  que  nous  nous 
devons  à  nous-mêmes  et  à  nos  sembla- 
bles ;  c'est  avec  une  abondance,  un  char- 
me, une  force  qui  semble  ne  pouvoir 
venir  que  du  cœur.  Mais  tout  cela  est  mêlé 
d'assertions  si  contradictoires  dans  leurs 
principes  ou  dans  leurs  conséquences,  que 
si  elles  pouvaient  êtres  vraies ,  toute  idée 
de  devoir  serait  anéantie.  Ses  idées  sur  la 
politique  étaient  presque  aussi  extraor- 
dinaires que  ses  paradoxes  sur  la  religion. 
Son  Contrat  social,  que  Voltaire  appe- 
lait le  Contrat  insocial  de  Vinsociable 
J.  J.  Rousseau ,  est  plein  de  sophismes, 
d'erreurs  et  de  traits  dignes  d'un  pinceau 
cynique;  il  est  d'ailleurs  obscur,  mal  di- 
géré ,  et  tellement  rempli  de  contradic- 
tions, que  les  auteurs  de  la  nouvelle 
constitution  de  la  France  en  ont  fait  la 
base  de  leurs  opérations ,  en  même  temps 
qu'elles  y  sont  condamnées  en  cent  en- 
droits différens.  On  a  encore  de  lui  quel- 
ques autres  petits  ouvrages,  qu'on  trouve 
dans  le  recueil  de  ses  OEuvres ,  publié 
tant  de  fois  et  en  tant  de  formats.  On  a 
rassemblé  les  vérités  lesplus  utiles  et  les 
plus  importantes  de  cette  collection  dans 
ses  Pensées ,  1  vol.  in-12  ,  oii  l'on  a  fait 
disparaître  le  sophiste  hardi  et  l'auteur 
impie ,  pour  n'offrir  que  l'écrivain  élo- 
quent et  le  moraliste  penseur.  M,  le 
comte  de  Barruel-Beauvert  a  donné  sa 
Vie  en  1789,  amphigouri  philosophique, 
rempli  de  faits  romanesques ,  dont  quel- 
ques-uns ne  peuvent  avoir  été  imaginés 
que  par  l'auteur.  Il  convient  cependant 
que  le  philosophe  s'est  donné  la  mort 
lui-même.  Rousseau  avait  laissé  dans  son 
portefeuille  des  Mémoires  de  sa  vie, 
dont  on  a  publié  une  partie  en  1782,  sous 
le  titre  de  Confessions.  C'est  le  détail  le 
plus  circonstancié ,  non  seulement   des 


534 


ROU 


plus  petits  évènenaens  de  sa  vie ,  mais 
encore  de  ses  crimes  et  de  ses  bassesses. 
Extravagance  inouïe ,  où  là  manie  de 
faire  parler  de  soi  a  conduit  cet  homme 
de  génie  ,  devenu  ,  selon  l'expression  de 
saint  Paul,  réellement  fou,  en  se  croyant 
parfaitement  sagç.  Il  était  parvenu  à  se 
persuader  que  les  moindres  détails  de  sa 
vie  étaient  des  choses  importantes  et  bien 
dignes  d'occuper  les  regards  de  la  posté- 
rité. Heureux  si ,  au  lieu  de  vivre  un  mo- 
ment dans  la  pensée  et  les  discours  des 
hommes ,  il  avait  su  se  renfermer  dans  ce 
sentiment  précieux  que  produit  la  vertu , 
jouir  en  lui-même  desfruitsde  la  sagesse, 
faire  le  bien  sans  ostentation,  l'enseigner 
sans  prétention  ,  substituer  à  une  philo- 
sophie arbitraire  et  contradictoire  l'inva- 
riable lumière  de  la  religion  !  Beaucoup 
d'écrivains  se  sont  attachés  à  réfuter  les 
paradoxes  de  Rousseau.  Nous  nous  con- 
tenterons de  citer  Bergier ,  le  cardinal 
Gerdil ,  l'analyse  des  principaux  ouvra- 
ges de  Jean-Jacques ,  par  M.  de  Barante  , 
dans  son  OMsva^^t  de  la  Littérature  fran- 
çaise au  18"  siècle  y  trois  articles  de  M.  de 
Boulogne  ,  insérés  dans  les  Mélanges  de 
philosophie  ,  etc.  (  Kous  n'indiquerons 
point  les  nombreuses  éditions  de  Rous- 
seau :  un  des  caractères  dul  9*  siècle  sera  la 
reproduction  si  multipliée  de  ses  ouvrages 
contre  lesquels  M.  l'archevêque  de  Paris 
s'est  récrié  dans  plusieurs  Mandemens. 
Les  restes  de  J.  J.  Rousseau  furent  trans- 
portés au  Panthéon  le  1 1  octobre  17  94,  et 
ils  y  sont  encore.) 

*  ROUSSEAU  (Pierre)  ,  écrivain  mé- 
diocre naquit  à  Toulouse  en  1725,  prit 
d'abord  le  petit  collet  qu'il  quitta  pour 
cultiver  la  littérature.  Il  vint  à  Paris,  où 
il  donna  à  différens  théâtres  les  pièces 
suivantes ,  dont  la  plupart  n'eurent  qu'un 
succès  éphémère.  Les  plus  connues  sont 
le  Berceau  ,  le  Faux  pas ,  la  Coquette 
sans  le  saroir ,  V Etourdi  corrigé,  V Es- 
prit du  jour ,  la  mort  de  Bucéphale ,  tra- 
gédie burlesque,  etc.  En  17  56  ,  il  établit 
le  Journal  encyclopédique  ,  qui  se  ré- 
pandit dans  toute  la  France ,  et  par  lequel 
il  put  amasser  une  grande  fortune.  Rous- 
seau mourut  à  Paris  en  novembre  1785  , 
âgé  de  65  ans. 


ROU 

*  ROUSSEAU  (Jean-Françojs-Xavier), 
diplomate  français,  né  en  17  38  à  Ispa- 
han ,  de  Jacques  Rousseau ,  joaillier  ge- 
nevois ,  cousin-germain  de  Jean-Jacques 
Rousseau.  Jacques  Rousseau,  père  de 
celui  auquel  nous  consacrons  cet  article, 
était  allé  en  Asie,  en  1705,  à  la  suite 
de  l'ambassade  française,  et  était  devenu 
chef  des  joailliers  de  la  couronne  de 
Perse.  Elevé  dans  la  religion  catholique  j 
par  les  jésuites  d'Ispahan,  le  jeune  Rous-  | 
seau  fit  d'excellentes  études.  De  bonne  \ 
heure  il  se  familiarisa  avec  les  diverses 
langues  de  l'Orient ,  et  apprit  également 
la  plupart  de  celles  de  l'Europe.  Après 
s'être  livré  à  de  grandes  opérations  de 
commerce,  il  quitta  sa  ville  natale  pour 
aller  à  Bassora,  et  pour  s'y  attacher  au 
service  de  la  nation  française,  en  qualité 
de  .sous-chef  du  comptoir  de  la  compa- 
gnie des  Indes.  Ses  connaissances  variées 
et  le  crédit  dont  il  jouissait  dans  l'Orient, 
lui  donnèrent  de  nombreux  moyens  d'ê- 
tre utile.  Chargé  ,  en  1773,  des  affaires 
de  France  en  Perse  et  dans  le  Pachalik  de 
Bagdad ,  Rousseau  paya  les  dettes  de  Py- 
rault,  son  prédécesseur,  secourut  les 
malheureux  Français  venus  de  l'Inde , 
envoya,  à  ses  propres  frais,  des  vivres  à 
la  colonie  de  Mahé ,  rendit  des  services 
immenses  aux  missions  d'Ispahan ,  de 
Bassora  et  de  Bagdad ,  et  fut  créé ,  en  ré- 
compense de  sa  belle  conduite,  par  le 
pape  Clément  XIV,  chevalier  de  l'épe- 
ron-d'or.  Lorsque  Bassora  tomba  au  pou- 
voir de  Sadek-kan  ,  frère  du  régent  de 
Perse,  Rousseau  parvint,  par  son  crédit 
et  par  les  présens  qu'il  offrit  à  propos  au 
vainqueur,  à  maintenir  la  tranquillité 
des  Français,  à  protéger  également  la 
liberté  des  hahitans  et  à  sauver  la  vie  au 
gouverneur  turc.  Mais  obligé  enfin  de 
quitter  une  ville  qui  était  livrée  successi- 
vement à  tous  les  fléaux ,  il  se  détermina 
à  passer  en  France  où  il  arriva  dans  le 
mois  de  décembre  1780  ,  et  où  il  fut  ac- 
cueilli avec  la  plus  grande  distinction. 
Sa  parenté  avec  le  philosophe  de  Genève, 
et  le  costume  oriental,  qu'il  portait  ainsi 
que  sa  femme,  fixèrent  sur  lui  l'attention 
générale,  et  le  firent  rechercher  dans 
toutes  les  sociétés.  Eq  178?,  U  repartit 


ROU 

pour  l'Asie  :  il  était  chargé  des  consulats 
réunis  de  Bassora  et  de  Bagdad.  Dans  ces 
doubles  fonctions  que  la  révolution  fran- 
çaise n'interrompit  point ,  il  donna  de 
nouvelles  preuves  de  zèle  ,  et  fit  respec- 
ter la  France  et  le  commerce  français 
dans  les  plages  lointaines.  L'invasion  de 
l'Egypte  ayant  allumé  la  guerre,  en  1798, 
entre  la  Porte-Ottomane  et  la  France, 
Rousseau  fut  retenu  pendant  onze  mois 
dans  la  plus  dure  captivité.  Lorsqu'il  fut 
rendu  à  la  liberté  ,  le  gouvernement  con- 
sulaire le  nomma  agent-général  et  diplo- 
mate à  Bagdad  (  1802).  En  1804,  il  ou- 
vrit des  communications  avec  la  Perse , 
et  prépara  à  la  cour  de  Téhéran  la  mis- 
sion deMM.  Jaubert  et  Romieu.  Rousseau 
était  le  doyen  des  consuls  au  Levant , 
lorsqu'il  mourut  en  1808.  On  lui  doit 
divers  Mémoires  sur  le  commerce  du 
golfe  Persique  et  de  Bassora-,  sur  la 
peste  de  cette  ville  ;  sur  sa  prise  par  les 
Persans;  SUT  les  révolutions  de  Perse; 
sur  le  Wahabis,  etc.  On  a  de  lui  plusieurs 
Lettres  adressées  à  M.  A.-A.  Barbier. 
Voyez  la  Revue  encyclop.^  1828,  t.  2, 
n°  515.  Son  fils,  qui  a  embrassé  la  même 
carrière  que  son  père ,  a  fait  son  éloge 
historique,  1810,in-8.Il  cite  dix-sept 
ouvrages  que  Rousseau  a  laissés  manu- 
scrits. Dans  cette  liste,  on  remarque  une 
Traduction  en  arménien  des  chefs-d'œu- 
vre de  Racine. 

*  ROUSSEAU  (Jean,  comte),  séna- 
teur sous  le  gouvernement  impérial,  fils 
d'un  riche  cultivateur  de  vignobles  en 
Champagne,  reçut  une  éducation  très 
soignée.  En  1792  ,  il  fut  élu  député  sup- 
pléant de  Paris  ;  mais  il  ne  prit  i^ance 
qu'après  le  procès  de  Louis  XVI.  Il  parut 
en  général  éviter  de  se  mettre  en  évi- 
dence ;  néanmoins ,  le  25  octobre  1795 , 
il  s'opposa  à  la  mise  en  liberté  de  Ros- 
signol etdeDaubigney,  que  réclamait  Le- 
gendre.  Aprèsla  session  de  la  Convention, 
il  passa  au  conseil  des  Cinq-cents,  fit 
plusieurs  rapports  sur  les  finances,  et  fut 
chargé,  en  qualité  de  commissaire,  de 
surveiller  la  comptabilité  nationale . 
Nommé  secrétaire  de  cette  assemblée ,  le 
21  novembre  1796  ,  il  combattit  les  élec- 
tions de  Saint-Domingue  qu'il  fit  annu- 


ROU 


535 


1er.  Le  27  novembre  de  l'année  suivante, 
il  appuya  les  motions  contre  les  nobles 
et  les  anoblis,  et  fit  insérer  dans  le  Mo- 
niteur une  Lettre  oîi  il  prétendait  dé- 
montrer l'intelligence  qui  avait  existé 
entre  quelques  chefs  de  l'émigration  et 
les  révolutionnaires.  Sorti  du  conseil  au 
mois  de  mai  1798,  il  y  fut  réélu  la  même 
année  par  les  électeurs  de  Paris.  Il  se 
prononça  pour  la  révolution  du  1 8  bru- 
maire, et  devint  successivement  sénateur, 
comte  et  commandant  de  la  légion-d'hon- 
neur. Il  est  mort  en  1813,  à  l'âge  de  73 
ans,  à  Chàfillon  près  de  Paris. 

ROUSSEAU,  rog.  Parisièrk. 

ROUSSEL  (Guillaume),  bénédictin 
de  la  congrégation  de  Saint-Maur,  de 
Couches  en  Normandie,  fit  profession  en 
1C80.  Il  alla  à  Paris,  et  son  talent  pour 
1^  chaire  lui  promettait  des  succès  dans 
cette  capitale;  mais  quelques  raisons  l'em- 
pêchèrent d'y  demeurer  :  il  se  retira  à 
Reims,  et  mourut  à  Argenteuil  en  1717, 
à  59  ans.  On  a  de  lui  :  1"  une  bonne  Tra- 
duction française  des  Lettres  de  saint 
Jérôme,  réimprimée  en  1713  ,  en  3  vol. 
in-8;  2°  un  Eloge  du  Père  Mabillon  ;  3°  il 
avait  entrepris  VHistoire  littéraire  de 
France;  mais  à  peine  en  avait-il  tracé 
le  plan,  et  recueilli  quelques  Mémoires 
à  ce  sujet,  que  la  mort  l'enleva  à  ce  tra- 
vail. Son  projet  fnt  rempli  par  dom 
Rivet. 

*  ROUSSEL  (Pierre),  écrivain  dis- 
tingué, naquit  à  Dax  ou  plutôt  Aqs  dans 
les  Landes  en  1742.  Il  étudia  la  médecine 
à  Montpellier ,  prit  le  bonnet  en  1770, 
et  vint  peu  de  temps  après  à  Paris,  où 
il  se  livra  à  la  théorie  de  son  art.  Sa  mo- 
destie était  extrême.  On  disait  de  lui 
qu'il  tremblait  autant  d'être  illustre  que 
les  autres  de  rester  obscurs  ;  on  lui  en- 
tendait souvent  répéter  ces  mots  :  «  Deux 
3)  siècles  de  renommée  ne  valent  pas  deux 
»  jours  de  repos.  »  Il  fut  comparé  à  La 
Fontaine  dont  il  avait  l'ingénuité  ,  la 
bonhomie,  la  grâce,la  paresse,  les  distrac- 
tions et  l'innocente  malice.  Il  s'était  re- 
tiré depuis  quelque  temps  à  Châteaudun , 
oii  il  est  mort  en  1 802  ,  âgé  de  60  ans.  On 
a  de  lui  :  1°  Eloge  de  Bordeu,  1772,  et 
réimprimé  h  la  tête  de  l'ouvrage  de  ce 


536  ROU 

médecin  célèbre  ;  2"  différeas  Mémoires 
insérés  dans  les  journaux  littéraires  ;  S" 
Sy  stème  physique  et  moral  de  la  femme ^ 
1777,  in-12,  ouvrage  qui  a  établi  la  ré- 
putation de  Pierre  Roussel.  Il  prouve 
que  le  tempérament  des  femmes  a  beau- 
coup d'analogie  avec  celui  des  enfans  ; 
d'oiiil  s'ensuit  qu'ils  ont  les  uns  et  les  au- 
tres la  même  inquiétude,  la  même  viva- 
cité ,  et  la  même  inconstance  dans  les 
goûts ,  dans  l'humeur ,  et  la  même  promp- 
titude à  s'affliger  et  à  se  consoler ,  à  dé- 
sirer et  à  se  dégoûter.  Voici  ce  que  dit 
Labarpe  de  ce  livre  dans  sa  Correspon- 
dance littéraire  :  «  L'auteur  (  Roussel } 
»  écrit  avec  élégance  et  intérêt ,  sans 
»  déclamation  et  sans  fausse  cbaleur.  Ses 
»  observations  sont  profondes ,  et  son 
»  stile  est  à  la  fois  celui  d'un  écrivain 
X  sage  et  d'nn  homme  paisible.  Quoique 
»  le  fond  de  son  ouvrage  soit  nécessaire- 
V  ment  un  peu  scientiiique ,  il  se  fait  lire 
»  partout  avec  agrément.»  On  assure  qu'il 
a  laissé  en  manuscrit  un  Système  phy- 
sique et  moral  de  Vhomme ,  lequel 
n'est  pas  inférieur  à  l'ouvrage  que  nous 
-venons  deciter.  La  révolution  l'ayant  rui- 
né, le  ministre  Chaptal  lui  obtint  une 
modique  pension  de  800  francs.  Rlin  de 
Sinmore  a  consacré  une  épître  à  l'éloge 
deRousself  qui  avait  délivré  son  épouse 
d'une  maladie  grave.  M.  Alibert  a  fait 
son^'tofl'equi  se  trouve  en  tête  de  pres- 
que toutes  les  éditionsde  ses  OEuvres. 

*  ROUSSEL  (  Pierre  Joseph- Alexis  ) , 
avocat  et  littérateur ,  né  à  Epinal  vers 
1740,  vint  de  bonne  heure  à  Paris  oii  il 
suivit  le  barreau  pendant  plusieurs  an- 
nées: plus  tard  il  embrassa  les  principes  de 
la  révolution  ;  mais  il  ne  paraît  pas  qu'il 
y  ait  joué  un  rôle  important.  Il  fut  de- 
puis commis  principal  de  la  grande 
chancellerie  de  la  légion  d'honneur.  Il  a 
laissé  deux  ouvrages  :  1°  Politique  de  tous 
les  cabinets  de  V Europe  pendant  les 
règnes  de  Louis  XF  et  de  Louis  XFI, 
Paris,  1793,  2  vol.  in-8.  Cet  ouvrage  est 
assez  bien  écrit;  mais  le  sujet  qu'il  traite 
est  au  dessus  des  talens  de  l'auteur,  et  la 
politique  dont  il  parle  est  moins  celle 
que  pouvaient  avoir  alors  les  cabinets 
de  l'Europe  à  l'égard  de  la  France ,  que 


ROU 

celle  qu'il  croyait  la  plus  convenable 
pour  autoriser  les  opinions  de  ces  temps 
calamiteux.  2°  Correspondance  de  Fa- 
bre  d^Eglantine  avec  un  Précis  histori- 
que sur  ce  poète  révolutionaire ,  sur  ses 
ouvrages  dramatiques ,  et  un  fiagment 
de  sa  vie  écrite  par  lui-même,  auquel 
l'auteur  a  joint  une  Satire  sur  les  spec- 
tacles de  Lyon ,  etc. ,  Paris ,  1 796  ,  3  vol. 
in-12  ;  3°  Correspondance  du  duc  d'Or- 
léans, ihid.  1800,  in-8,  qui  serait  inté- 
ressante ,  si  plusieurs  lettres  n'étaient 
pas  apocryphes;  4°  Le  Château  des  Tui- 
leries, ibid.  1800,  1802, 1804;  5°  Corres- 
pondance secrète  de  plusieurs  grands 
personnages  illustres  à  la  fin  du  18^ 
siècle,  1802,  in-8;  6°  avec  Plancher, 
Annales  du  crime  et  de  l'innocence ,  ou 
Choix  des  causes  célèbres,  anciennes 
et  modernes ,  réduites  aux  faits  histo- 
riques, 1813  ,  20  vol.  in-12.  Il  a  laissé 
plusieurs  manuscrits ,  parmi  lesquels  on 
cite  des  Mémoires  de  Louis  Xf^I ,  qui 
pourraient  former  8  vol.  in-8.  Roussel  est 
mort  à  Paris  en  1815.  Plusieurs  biogra- 
phies, entre  autres  la  7^  édition  de  Feller, 
lui  donnent  pourprénom  les  lettres  L.  C  ; 
lui-même  explique  dans  une  lettre  in- 
sérée dans  le  Journal  de  l'empire  du 
28  septembre  1812  que  ces  initiales  veu- 
lent dire  le  Citoyen. 

*  ROUSSEL  DE  BÉRARDIÈRE 
(  J.-H.  ) ,  jurisconsulte ,  naquit  à  Saint- 
Bomer ,  fut  professeur  en  droit  à  l'univer- 
sité de  Caen ,  mourut  dans  sa  terre  de 
la  Bérardière  en  décembre  1801,  et  a 
laissé  :  1°.  sur  les  crimes  et  les  moyens 
de  les  détruire ,  une  Dissertation  qui 
renujorta  le  prix  à  l'académie  de  Caen 
en  1773  ;  sur  quelques  questions  propo" 
sées  par  t impératrice  de  Russie  (  Ca- 
therine II)  :  cette  dissertation  ,  avec  trois 
autres  sur  le  même  sujet ,  fut  imprimée 
l'année  suivante  en  italien  et  en  hollan- 
dais; 2°  Institution  au  droit  de  Nor- 
mandie, 1782;  3°  Plan  de  législation 
criminelle,  1 7  88,  qui  eut  un  succès  méri- 
té. Roussel  de  Bérardière  a  laissé  en  ma- 
nuscrit :  Institution  généra  le  au  droit 
français ,  et  en  particulier  au  droit  de 
Normandie-,  2°  Traduction  du  Traité 
de  la  vieillesse  de  Cicéron  ;  3°  Traduc- 


ROU 

tion  des  Epigrammes  de  Jean  0\rero  ; 
4"  Plusieui-s  Dissertations  sur  divers 
sujets,  lues  à  l'académie  de  Caen  ,  dont 
il  était  membre. 

*  ROUSSELET  (  François) ,  médecin 
du  16*  siècle  ,  né  à  Vesoiil ,  y  exerça  son 
art  avec  honneur;  mais  il  s'appliqua  plus 
particulièrement  à  l'alchimie,  et  a  laissé 
l'ouvrage  suivant,  qui  est  devenu  très 
rare,  Chrysospagyrie  om.  de  V Usage  et 
vertu  de  l'or,  Lyon  ,  1582,  iu-8.  Len- 
glet  du  Fresnoy  fait  mention  de  cet  ou- 
vrage dans  la  Bibliothèque  des  alchimistes 
Lacroix  du  Maine  et  Leverdier  le  citent 
aussi  avec  éloge.  «  L'or,  dit  Rousselet 
M  dans  son  livre,  est  un  corps  doué  de 
»  toute  perfection  ,  composé  d'une  éga- 
»  litc  de  substance ,  proportionnément 
»  mélangé ,  compris  sur  un  tempéra- 
j)  ment  égal ,  recevant  l'union  et  l'admi- 
»  rable  texture  de  toutes  les  vertus  tant 
»  supérieures  qu'inférieures  ,  auquel  nul 
«  mixte  ne  peut  être  comparé.  » 

*  ROUSSELET  (Gilles),  graveur  re- 
nommé, né  à  Paris  vers  l'an  1G40,  fut' 
un  des  premiers  qui  commencèrent  à 
établir  le  bon  goût  et  l'exactitude  dans 
la  gravure  ;  il  se  distingua  dans  les  dra- 
peries ,  et  a  laissé  un  grand  nombre  d'es- 
tampes. Nous  en  citerons  les  plus  remar- 
quables ,  comme  .-  La  Sainte  Famille  , 
La  Victoire  de  saint  Michel  sur  Satan , 
d'après  Raphaël  ;  Eliézer  abordant  Re- 
becca;  Moïse  échappé  a  la  mort,  d'après 
le  Poussin  ;  l'udnnon dation  ;  Quatre  tra- 
vaux d'Hercule ,  David  terrassant  Go- 
liath, sur  les  dessins  de  Guide  ;  Le  Christ 
au  tombeau  ,  d'après  le  Titien;  un  autre 
Christ,  d'après  Lebrun,  et  différens 
morceaux  excellens  d'après  les  plus  fa- 
meux peintres  anciens  et  modernes.  Hu- 
bert et  Hast  dans  leur  Manuel  des  ama- 
teurs de  l'art  ont  donné  une  liste  des  ou- 
vrages les  plus  remarquables  de  Rousse- 
let dont  on  fait  monter  l'OËuvre  à  plus 
de  334  pièces.  Cet  artiste  est  mort  en 
1686. 

'  ROUSSET  DE  MissY  (Léon)  publiciste, 
historien  et  compilateur  ,  né  à  Laon  le 
26  août  1686,  partagea  dans  son  enfance 
les  malheurs  de  sa  famille  atteinte  par  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes.  Il  comr 


ROU  637 

menea  ses  études  à  Laon,  et  les  continua 
à  Paris  au  collège  du  Plessis,  où  il  eut 
pour  maîtres  Viel ,  Billet  et  Montempuis. 
Son  père  s'étant  remarié ,  quelques  dés- 
agrémens  qu'il  eut  à  essuyer  de  sa  belle- 
mère  lui  firent  prendre  la  détermination 
de  passer  en  Hollande.  W  entra  dans  la 
compagnie  des  cadets  français,  à  la  suite 
des  régimens  des  gardes  des  états-géné- 
raux. Rousset  servit  avec  honneur,  se 
trouva  à  plusieurs  batailles,  et  après 
celle  de  Malplaquet  l'amour  de  l'étude  lui 
fit  quitter  la  carrière  des  armes.  H  établit 
à  La  Haje  pour  la  jeune  noblesse  une 
pension,  qu'il  tint  près  de  15  ans,  et 
compta  parmi  ses  élèves  plus  de  cin- 
quante seigneurs,  qui  occupèrent  ensuite 
des  emplois  distingués.  En  17  23,  il  ferma 
sa  pension  et  se  livra  à  l'étude  de  l'his- 
toire et  de  la  politique.  Il  rédigea  quel- 
que temps  après  plusieurs  journaux  litté- 
raires, entre  autres  \e  Mercure  historique 
et  politique,  se  faisant  aidel:  de  préférence 
dans  .ses  travaux  par  des  Français,  aux- 
quels il  accordait  toujours  un  parfait 
accueil  dans  sa  maison.  Il  donna  aussi,  et 
pendant  plusieurs  mois,  asile  à  La  Barre 
de  Beaumarchais,  qui  le  paya  d'ingra- 
titude. Cet  auteur  eut  la  lâcheté  d'in- 
sulter son  bienfaiteur  dans  ses  Lettres  sé- 
rieuses et  badines ,  qu'il  ne  publia  même 
qu'à  cet  effet.  Rousset  avait  parfois  un 
esprit  piquant  et  satirique.  Naturalisé  en 
Hollande  et  voulant  prendre  part  aux 
affaires  publiques,  il  se  déclara  pour  le 
prince  d'Orange,  et  publia  plusieurs  pam- 
phlets contre  les  magistrats  hollandais , 
qui  le  firent  arrêter  à  Amsterdam  et  trans- 
férer à  La  Haye,  oîi  il  fut  incarcéré.  Il 
avait  subi  quelques  jours  de  détention , 
lorsque  le  prince  d'Orange,  ayant  été  pro- 
clamé stathouder,  lui  fit  obtenir  sa  li- 
berté,  le  nomma  conseiller  ordinaire, 
et  son  historiographe.  Mais  Rousset  était 
naturellement  d'un  caractère  inquiet  et 
turbulent;  à  peine  fut-il  rentré  à  Ams- 
terdam ,  en  1748,  qu'il  se  mita  la  tête 
d'une  association  appelée  des  doelisten  , 
de  Doele ,  nom  d'un  hôtel  garni  oii  ils 
s'assemblaient.  Cette  même  association 
était  aussi  nommée  achtenvertigcrs  on 
gens  de  48.  Us  causèrent . dans  la  ville  et 
68. 


538  RGIJ 

les  provinces  quelques  Irotibles,  par  le 
moyen  desquels  ils  parvinrent  à  obtenir 
ce  qu'ils  demandaient.  Mais  quoique  le 
slalhouder  désirât,  pour  rétablir  le  cal- 
me ,  rémijr  tous  les  partis ,  celui  des  doe- 
lislen  était  si  odieux  à  tous  les  gens  sages, 
qu'il  ôla  l'année  suivante  à  Rousset  tou- 
tes ses  charges  et  pensions.  Il  venait  de 
publier  un  ouvrage  contre  la  France  :  cet 
ouvrage  fut  défendu,  et  l'auteur  décrété 
d'arrestation.  Ayant  été  averti  à  temps, 
PiOHsset  s'enfuit  à  Bruxelles  ,oii  sa  plume 
fut  sa  principale  ressource.  Il  mourut  en 
1 7G2,à  l'âge  de  soixante-seize  ans.  On  a  de 
lui  un  grand  nombre  d'ouvrages ,  dont  les 
principaux  sont  :  1"  Description  gcb- 
graphique,  historique  et  politique  du 
royaume  de  Sardaigne  ,  Cologne  ,  1718, 
in-12;  2"  Histoire  du  cardinal  Alberoni, 
depuis  sa  naissance  jusqu'en  1716,  tra- 
duit de  l'espagnol,  La  Haye,  in-12,  17  20; 
édilion  augmentée  ,  17  20,  2  vol.  in-12; 
3"  Mercure  historique  et  politique ,  de- 
puis le  mois  d'août  1724  jusqu'en  juillet 
1 749  ,  15  vol.  ;  4°  Histoire  du  prince  Eu- 
gène, du  duc  de  Mnrlborouh,  et  du  prince 
d'Orange,  La  Haye,  1729,  1747,  3  vol. 
in-fol. ,  le  premier  volume,  publié  en 
17  25,  est  de  J.  Dumont  :  cet  ouvrage  n'a 
pas  un  grand  mérite,  et  il  n'est  recherché 
que  pour  les  plans  et  les  estampes,  5° 
Supplément  au  corps  diplomatique  de 
J.  Dumont,  continué  par  Rousset, et  con- 
tenant en  outre  le  Cérémonial  des  cours 
de  t Europe ,  ou  Collection  d'actes ,  de 
mémoires  et  relations,  recueillis  en  partie 
par  Dumont,  mis  en  ordre  et  augmentés 
parRou-sset,  Amsterdam  et  La  Haye,  1739, 
5  vol.  in-fol.  Dans  le  Traité  sur  le  céré- 
monial Rousset  n'a  fait  qu'augmenter  de 
plusieurs  morceaux  les  traités  déjà  con- 
nus de  Marcelli,  de  Théod.  Godefroy  , 
et  de  Chr.  Lunig,  etc.  ,  dont  il  n'ofifre 
qu'un  extrait.  G°  Intérêt  des  puissances 
de  l'Europe ,  d'après  le  traité  conclu  de- 
puis le  traité  d'Ulrecht  (1713),  La  Haye, 
1733,2  Tol.  in-4  ;  1734  ,  9  vol.  in-12, 
nouvelle  édition,  augmentée,  1733,  3 
vol.  in-4  ;  Trévoux,  1736,  14  vol.  in-12, 
avec  des  mutilations;  1°  Recueil  histori-' 
que  d'actes  et  de  négociations  depuis  la 
paiv  d'Utrecht,  La  Haye,  1728  ;  Amsler- 


ROU 

dam,  1756,  21  vol.  in-i2;on  le  trouve 
en  25  vol.  Les  quatre  premiers  volumes 
contiennent  les  ouvrages  suivans,  du 
même  auteur  ;  savoir  :  1°  Histoire  de  la 
succession  de  Clèves,  Berg ,  Juliers,  etc.  ; 
2"  Procès  entre  la  Grande  Bretagne  et 
T  Espagne;  3°  Recherches  sur  les  allian- 
ces entre  la  France  et  la  Suède  ;  4"  Mé- 
moires instructifs  sur  la  vacance  du 
trône  impérial ,  sur  les  droits  des  élec- 
teurs ,  sous   le  nom   supposé  du  baron 

de  D :  cet  ouvrage  (ainsi  que  les  trois 

autres)  avait  été  imprimé  séparément  à 
Amsterdam,  1741,  l  vol.  in-8  ;  1740,  2 
petits  vol.  in-8  ;  8°  Histoire  des  guerres 
entre  les  maisons  de  France  et  d'Autri- 
che, avec  remarques,  Amsterdam,  1742, 
2  vol.;  nouvelle  édition  augmentée,  1748, 
6  vol.  iu-12  ;  ^"Mémoires  sur  les  rangs 
et  la  préséance  entre  les  souverains  de 
l'Europe ,  et  de  leurs  ministres ,  leurs 
différens  caractères,  etc.,  17  47,  in-4; 
10°  Mémoires  du  règne  de  Pierre  le 
Grand,  empereur  de  Russie,  sous  le  nom 
du  baron  Iwan  Nesterusanoi.  Ces  mémoi- 
res ont  eu  plusieurs  éditions;  la  plus  re- 
cherchée est  celle  d'Amsterdam  (Paris), 
1740,4  vol.  in-12;  elle  est  augmentée 
des  Mémoires  de  Catherine  I'^  ;  11"  Re- 
lation historique  de  la  grande  révolution 
arrivée  dans  la  république  des  Provinces- 
Unies  en  1747,  avec  une  généalogie  des 
diverses  branches  de  la  maison  de  Nas- 
sau ,  Amsterdam  (sans  date).  Rousset  a 
été  éditeur  d'un  grand  nombre  d'ouvra- 
ges qu'il  serait  trop  long  de  citer.  Il  se 
vantait  d'être  un  homme  impartial,  mais 
il  détruit  lui-même  celte  opinion  dans  ses 
écrits;  il  ne  garde  aucune  mesure,  ni 
envers  la  France,  ni  envers  ceux  qui  ne 
sont  pas  de  sa  religion.  Rousset  naquit  et 
mourut  dans  le  protestantisme.  11  ne  se 
piquait,  comme  auteur,  d'aucune  loyauté 
littéraire,  faisait  imprimer  les  mêmes 
morceaux  dans  plusieurs  compilations, 
et  devenait  ainsi  son  propre  plagiaire  aux 
dépens  des  libraires  et  du  public.  Il  avait 
des  connaissances  très  variées  ;  mais  son 
humeur  turbulente  et  sa  fécondité  nnisi- 
tent  également  à  sa  forturae  et  à  sa  gloire. 
*  ROUSSIER  (  Pierre-Joseph  ) ,  cha- 
noine d'Ecouisen  Normandie,  et  corres- 


ROU 

pondant del'académie  royale  deslnscrip- 
tioiis  ,  ué  à  Marseille  en  17 1 G ,  et  mort  vers 
1790  ,  à  Ecouis,  est  connu  par  un  Mé- 
moire surla  musique  des  anciens  ,  1776, 
plein  d'érudition  et  de  rechercLes  satis- 
faisantes. On  a  encore  de  lui  :  Nouvelle 
manière  de  chiffrer  la  basse  continue , 
1 7  56  ;  Traité  des  accords  et  de  leur  suc- 
cession selon  le  système  de  la  basse  fon- 
damentale ,  1764,  in-8  ;  Observations 
sur  différens points  d'harmonie  ,  17  65, 
in-8  ,  deux  lettres  à  L'auteur  du  Journal 
des  beaux  arts  ,  touchant  la  division  du 
zodiaque  et  l institution  de  la  semaine 
planétaire ,  in-12  ;  Harmonie  pratique  , 
1776  ,  in- 4  ;  Mémoires  sur  la  nouvelle 
harpe  de  M.  Cousineau ,  1782,  in-8; 
Notes  et  observations  sur  le  mémoire  de 
M.  Âmiot ,  sur  la  musique  des  Chinois 
et  sur  les  pierres  sonores  de  la  Chine. 

"ROUSTAN  (Antoine-Jacques),  mi- 
nistre protestant ,  né  à  Genève  en  1734, 
mort  dans  la  même  ville  en  1 808  ,  fut  suc- 
cessivement régent  d'une  des  premières 
classes  du  collège  de  celle  ville ,  et  pas- 
teur de  l'église  helvétique  à  Londres.  Il 
a  publié  un  Abrégé  de  l'Histoire  univer- 
selle ancienne  et  moderne,  1776,  9  vol. 
in-12,  qui  n'a  pas  eu  de  succès  ;  Défense 
du  christianisme  considéré  du  côté  poli- 
tique, oîi  il  réfuie  quelques-uns  des  nom- 
breux paradoxes  Aei.  J.Rousseau.  Dis- 
cours sur  les  moyens  de  réformer  les 
mœurs  ;  Examen  des  quatre  beaux 
siècles  de  f^oltaire,  Dialogues  entre  Bru- 
ius  et  César  aux  Champs- E Usées  -.  ces 
4  opuscules  furent  réunis  en  1764  ,  sous 
le  titre  d'offrande  aux  autels  et  à  la  pa- 
trie ;  Examen  critique  de  la  2^  partie  de 
la  profession  de  foi  du  vicaire  savoyard, 
ouvrage  publié  en  1776  :  ce  fut  surtout  à 
c^iuse  de  cet  examen  que  Rousseau  fut 
persiflé  par  Voltaire  dans  ses  Remon- 
trances du  pasteur  du  Gévaudan  ,  etc. 

ROUTH  (  Bernard  )  ,  jésuile  irlan- 
dais, né  le  11  février  1696,  s'est  distin- 
f^uépar  les  ouvrages  suivans  ;  F'ers  sur 
le  mariage  du  roi;  Lettres  sur  les  Voya- 
ges de  Cyrus  ;  Lettres  sur  le  Paradis 
perdu  ;  Lettres  à  l'abbé  Terrasson  sur 
FHistoire  de  Sétlios  ;  Recherches  sur  la 
manière  d'inhumer  chez  les  anciens.  Il 


ROU  539 

a  travaillé  aux  Mémoires  de  Trévoux 
pendant  les  années  1739-1743,  eta  donné 
un  volume  de  l'Histoire  romaine  ,  après 
la  mort  des  Pères  Catrou  et  Rouillé. 
Comme  prêtre  et  directeur  des  âmes,  il 
jouissait  de  la  confiance  de  beaucoup  de 
monde  ;  Montesquieu  et  d'autres  hommes 
célèbres  sont  morts  entre  ses  bras.  Après 
la  destruction  de  la  société  en  France , 
en  1762  ,  il  se  relira  à  Mons,  où  il  mou- 
rut confesseur  de  la  princesse  Charlolle 
de  Lorraine,  le  1  8  janvier  1768. 

*  ROU\  1ÈRE  (  Armand) ,  avocat  au 
parlement  d'Aix  ,  où  il  naquit  en  16G9  , 
se  distingua  par  son  savoir  et  son  élo- 
quence ,  et  donna  les  ouvrages  suivans  : 
1"  Traité  sur  la  révocation  des  dona- 
tions, par  la  naissance  ou  survenance 
des  en  fans ,  etc.,  Paris,  1737,1  vol. 
in-fol.  ;  2"  Traité  du  droit  de  retour, 
etc. ,  Paris,  1737,  2  vol.  in-t2,  dédié  à 
M.  de  Thou ,  premier  président  du  par- 
lement ,  etc.  ;  3"  De  la  révocation  des 
donations  ,  legs  ,  etc.,  par  V ingratitude 
et  l'incapacité  des  légataires  ,  dédié  au 
duc  de  Villars,  gouverneurde  Provence, 
Toulouse,  1738,  1  vol.  in-4.  Cet  ouvrage 
a  euplusieurs  éditions.  Rouvière  a  lais.sé 
en  manuscrit  un  Traité  delà  simonie  et 
de  la  confidence ,  de  l'aliénation  des 
biens  de  l'Eglise  ,  etc.  Il  est  mort  en 
1742  ,  à  l'âge  de  73ans. 

'  ROUVIÈRE  (  N...  Audin  ),  mort  à 
Chaillot  le  23  avril  1832  dans  la  68*'  an- 
née de  son  âge  du  choléra-morbus.  Sou 
nom  rappelle  les  grains  de  santé,  que 
Grimod  de  la  Rcjnière  vanlc  comme  le 
meilleur  et  le  plus  aimable  des  purga- 
tifs. Ils  ont  fait  la  fortune  du  débitant 
qui ,  pendant  la  campagne  de  Marengo, 
en  avait  acheté  le  secret  du  docteur 
Franck  à  Milan.  Il  rappelle  encore  aux 
libraires,  aux  hommes  de  tous  les  états, 
aux  gens  qui  ont  la  manie  de  se  soigner 
eux-mêmes,  et  à  ceux  qui  blâment  celte 
manie,  la  médecine  sans  le  médecin,  ou- 
vrage dont  les  éditions  multipliées  (  la 
1 3^  a  paru  en  1 832  )  ont  va^i  tant  d'ar- 
gent à  l'auteur,  et  lui  ont  suscité  tant 
d'ennemis  parmi  les  membres  des  facul  lés 
et  des  académies  de  médecine.  Aprèsavoir 
végété  la  moitié  de  sa  vie,  malgré  ses  cours 


54o  1\0U 

d'iiygiùue  à  l'ulhënée  des  étrangers  el 
ailleurs,  devenu  riche  enfin  par  le  cumul 
ou  les  professions  réunies  de  médecin  con- 
sultant et  de  pharmacopole,  le  docteur 
Audin-Rouvière,  qui  pourtant  n'a  jamais 
été  reçu  docteur,  a  fait  pendant  25  ans  un 
bon  usage  de  sa  fortune  :  il  a  rendu  splen- 
didement les  dîners  modestes  auxquels  il 
venait  jadis  prendre  part  sans  être  prié, 
et  l'on  peut  dire  de  lui  qu'à  l'inverse  des 
gens  qui  suivent  plus  littéralement  le 
proverbe,  il  donnait  un  ôœw/'pourun 
œuf.  Aussi  est-il  cité  dans  V Abnanach 
des  gourmands  de  18i  1 ,  comme  un  des 
premiers  ampbytrions  de  la  capitale.  Sa 
brochure,  P/us  de  sangsues,  lui  attira 
deux  procès  contre  un  des  élèves  d'un 
célèbre  partisan  de  la  saignée.  Défen- 
deur dans  le  l*'  procès  ,  il  ne  fut  con- 
damné qu'aux  dépens;  demandeur  dans 
le  2*,  il  fit  condamner  son  adversaire  à 
l'amende ,  comme  diffamateur.  Outre  les 
ouvrages  que  nous  avons  cités,  il  est  au- 
teur d'un  Essai  sur  la  Topographie 
physique  et  médicale  de  Paris,  Paris , 
1794,  imprimé  aux  frais  de  la  Conven- 
tion ;  De  Voracle  de  la  santé',  et  surtout 
d'un  Discours  textuellement  rapporté 
dans  VAlmanach  des  gourmands,  et  que 
l'auteur  prononça  lorsqu'il  fut  reçu  mem- 
bre de  ce  juri  législateur  du  bon  goût. 

ROUVRE,  royez  Rovère. 

ROUX.  Foyez  Rosso. 

ROUX  (Augustin) ,  de  l'académie  de 
Bordeaux,  sa  patrie,  docteur  en  méde- 
cine dans  l'université  de  cette  ville,  doc- 
teur régent  à  Paris  ,  naquit  en  1726,  et 
mourut  en  1776.  Son  caractère  doux  et 
honnête  lui  avait  fait  des  amis  ,  et  ses 
connaissances  en  médecine  et  en  littéra- 
ture lui  procurèrent  des  protecteurs.  II 
continua  le  Journal  de  médecine  ,  com- 
mencé par  \ander  Monde,  depuis  le 
mois  de  juillet  1754  jusqu'en  juin  1776. 
On  a  encore  de  lui  :  1°  Recherches  sur 
les  moyens  de  refroidir  les  liqueurs, 
1758,  in-12  ;  2'' la  Traduction  dcl'Kssai 
sur  l'eau  d«  chaux  de  Whytt,  pour  la 
guérison  de  la  pierre,  1767  ,  in-12; 
3"  Annales  typographiques,  depuis 
1757  jusqu'en  1762  :  ce  journal  était  bien 
fait  et  utile  ;  4°  Traite  de  la  culture  et 


ROU 

de  la  plantation  des  arbres  à  ouvrer , 
Paris,  17  50,  in-12;  5°  Encyclopédie 
portative,  1776,  2  vol.  in-12.  ;  6°  Mé- 
moire de  chimie,  extrait  de  ceuxd'Up- 
sal  ,  1704  ,  2  vol.  in-12.  Jl  avait  entre- 
pris une  histoire  des  troi."!  règnes  de  la 
nature,  qui  n'était  pas  achevée  à  sa  mort  ; 
on  n'a  publié  queles/?te;7-e^  et  les  mi- 
néraux, 1781,  in-i.  L'éloge  de  Roux 
par  Darces  parut  dans  le  Journal  de  mé- 
decine, cahier  de janv. 177  7. 

*  ROUX  (Jacques),  membre  de  la  com- 
mune de  Paris,  était,  avant  la  révolution, 
prêtre  el  capucin,  et  fréquentait  la  pa- 
roisse Saint- Nicolas,  il  fut  l'un  des  pre- 
miers à  apostasier,  et  s'intilula\Iui-même 
le  prédicateur  des  sans-culottes .  Nom- 
mé officier  de  la  commune  ,  il  se  distin- 
gua ,  parmi  ses  confrères,  par  sa  haine 
el  sa  fureur  contre  la  cour  et  les  prêtres 
insermentés.  Il  fut  un  des  commissaires 
chargés  de  la  police  du  Temple  ,  et  en 
cette  qualité  il  lit  souffrir  à  Louis  XVI  et 
à  sa  famille  toutes  sortes  de  vexations. 
Un  jour  ce  monarque,  qui  éprouvait  un 
grand  mal  de  dents,  le  pria  de  lui  faire 
venir  un  dentiste  :  Ce  n  est  pas  la  peine , 
lui  répondit  Roux,  en  lui  faisant  un  geste 
qui  indiquait  la  guillotine,  dans  peu 
vos  dents  seront  réparées.  Louis  ayant 
ajouté  :  Monsieur,  si  vous  éprouviezlcs 
douleurs  que  je  ressens ,  vous  me  plain- 
driez. Bah  !  bah  !  reprit  le  farouche  mu- 
nicipal ,  il  faut  s'accoutumer  à  tout. 
Ayant  été  choisi,  quelque  temps  après, 
sur  sa  demande ,  pour  conduire  le  roi  au 
supplice,  ce  prince  le  pria  de  remettre 
une  bague  à  la  reine;  mais  Roux  ,  avec 
sa  férocité  ordinaire:  Je  ne  suis  chargé, 
répondit-il ,  que  de  vous  conduire  à  la 
mort  ;  et  il  vint  ensuite  se  vanter  à  la 
Convention  de  n' avoir  pas  quitté  Capet 
des  yeu.r  jusqu'à  ce  qu'il  eût  vu  tomber 
sa  tète.  Marat ,  pour  gagner  de  plus  eu 
plus  la  faveur  du  peuple  ,  l'avait  excité  à 
piller  les  épiciers  de  Paris,  le  25  février 
1793.  Roux  applaudit  aux  excès  de  cette 
journée  ,  se  vanta  d'être  le  Marat  de  la 
municipalité  ;  et  comme  digne  prédica- 
teur des  sans-culottes ,  il  prêchait  le  li- 
bertinage et  le  vol,  qui  étaient  déjà  de- 
venus les  vertus  démagogiques  du  jour. 


ROU 

La  section  des  Picques  lui  retira  sa  con- 
Aance,  et  engagea  celle  des  Gravilliers, 
dont  il  était  membre ,  à  censurer  sa  con- 
duite. Cependant  Roux  parut  encore  à  la 
barre  de  la  Convention,  pour  y  déclamer, 
au  nom  delà  section  des  Gravilliers,  un 
discours  rempli  des  principes  les  plus 
odieux,  et  des  préceptes  de  l'anarchie  la 
plus  complète.  Il  fut  désapprouvé  par  les 
autres  membres  de  ladcputalion  ;  Robes- 
pierre lui  même  sembla  être  indigné  du 
discours  de  Roux  ,  et  cet  orateur  infâme 
fut  chassé  de  la  barre.  Ce  forcené  révolu- 
tionnaire ,  tout  en  prêchant  le  désordre, 
n'oublia  pas  sa  fortune ,  qu'il  augmentait 
tous  les  jours  par  des  vexations  et  des  fri- 
ponneries. Ses  collègues  le  dénoncèrent; 
n'ayant  pu  prouver  son  innocence ,  il 
fut  expulsé  de  la  commune  le  9  septem- 
bre 1793.  Chacun  alors  se  déchaîna  con- 
tre lui ,  et  il  devint  odieux  à  toutes  les 
factions.  Accusé  de  nouveau  d'avoir 
commis  d'autres  crimes,  il  fut  traduit  le 
25  janvier  1794  devant  le  tribunal  de  po- 
lice correctionnelle  ;  mais  les  juges  dé- 
clarèrent que  les  délits  de  l'accusé  pas- 
saient leur  compétence  ,  et  le  renvoyè- 
rent au  tribunal  révolutionnaire.  A  peine 
Roux  eut-il  entendu  cette  décision  ,  que 
ne  pouvant  pas  ignorer  le  sort  qui  l'at- 
tendait ,  il  se  frappa  de  cinq  coups  de 
couteau.  On  le  ramena  aux  prisons  de 
Bicêlre ,  oii  il  mourut  quelques  jours 
après. 

*  ROUX  (  Louis  ),  députe  de  la  Haute- 
Marne  à  la  Convention,  naquit  en  Cham- 
pagne en  1753,  prit  l'état  ecclésiastique, 
et  fut  curé  dans  le  diocèse  de  Langres. 
Ayant  embrassé  les  principes  de  la  révo- 
lution d  prêté  le  serment  civique  ,  il 
devint  vicaire  épiscopal  du  département 
de  la  Haute-Marne  ,  qui  le  nomma  député 
à  la  Convention  nationale.  Il  y  vota  la 
mort  de  Louis  XVI ,  sans  appel  et  sans 
.sursis,  quitta  ses  habits  ecclésiastiques, 
et ,  pour  compléter  son  apostasie,  il  se 
maria.  Zélé  jacobin  ,  il  travailla  aux  di- 
vers comités  établis  à  cette  époque,  et 
notamment  à  celui  de  la  constitution ,  et 
défendit  avec  énergie  l'atroce  comité  dit 
de  salut  public.  Il  fit  décréter,  le  31 
mai  17  93  ,  les  articles  couslilutionnels, 


ROU  541 

et  le  15  septembre  il  provoqua  la  desti- 
tution et  l'arrestation  de  Lecoulteux-Ou- 
vrayeetde  deux  autres  administrateurs 
de  l'Oise.  Il  les  accusait  de  s'opposera  la 
réquisition  des  grains.  Envoyé  peu  de 
temps  après  dans  ce  département,  il  y 
fit  exécuter  les  lois  sur  les  subsistances. 
8a  mission  embrassant  aussi  le  départe- 
ment des  Ardennes,  il  voulut  entraver 
les  opérations  de  son  collègue  Massieu. 
C'est  dans  ce  département ,  et  à  Sedan 
surtout,  qu'il  se  signala  par  sa  haine 
contre  la  religion.  Tour  à  tour  dénoncé 
et  défendu  par  les  jacobins  dans  ses  dis- 
cussions avec  Massieu,  elles  se  terminè- 
rent le  9  thermidor  avec  la  chute  de  Ro- 
bespierre. Changeant  de  parti  suivant  les 
circonstances,  il  se  rangea  du  côtéde  ce- 
lui des  Thermidoriens,  et,  parvenu  aux 
comités  du  gouvernement ,  il  songea  à  se 
venger  de  Massieu  et  de  ses  partisans. 
Après  le  l*'  prairial  (  4  mars  17  95  ), 
jour  où  les  jacobins  conjurés  avaient  es- 
sayé de  reprendre  leur  prépondérance  , 
Roux  fit  décréter  Massieu  d'arrestation  , 
et  traduire  ses  partisans  au  tribunal  cri- 
minel des  Ardennes  ,  qui  les  condamna  à 
mort.  Cependant,  comme  les  sections  de 
la  capitale  semblaient  pencher  vers  le 
royalisme,  il  changea  encore  d'avis  et  se 
rangea  du  coté  des  Montagnards.  Le  13 
vendémiaire  arriva ,  et  les  sections  fu- 
rent vaincues.  Roux  fut  après  cette  épo- 
que nommé  membre  de  la  commission  des 
cinq.  Elle  avait  été  formée  pour  présen- 
ter des  moyens  propres  à  assurer  la  tran- 
quillité publique  :  il  fut  souvent  rappor- 
teur de  celte  commission,  que  ïbibau- 
deau  fit  dissoudre.  Roux  passa  au  conseil 
des  Cinq-cents ,  et  se  dévoua  au  direc- 
toire. Ici  se  termina  sa  puissance  reVoZM- 
tionnaive,  et  lorsqu'il  sortit  du  conseil , 
le  20  mars  1797,  il  obtint,  par  grâce 
spéciale,  un  emploi  de  sous-chef  au  mi- 
nistère de  l'intérieur  ,  sous  Quinette  ; 
mais  celui-ci  ayant  été  destitué  ,  Roux 
demeura  quelque  temps  sans  place.  Em- 
ployé à  la  commission  des  émigrés,  il 
passa  aux  archives  du  ministère  de  la 
police ,  oii  la  démission  de  Fouché  en- 
traîna la  sienne.  Il  ne  rcparutqu'à  l'épo- 
que du  champ  de  mai  (  en  1815  )  ,  et  fut 


54a 


ROU 


compris  ,  la  inème  année ,  dans  la  loi 
contre  les  régicides.  Il  se  relira  à  Huy  , 
près  de  Namur.  Etant  tombé  malade,  une 
femmequi  avait  soin  de  lui  fit  venir  un 
ecclésiastique ,  qui  l'exhorta  à  recourir 
aux  secours  de  la  religion....  «  Ah  1  Mon- 
«  sieur,  répondit  le  malade,  je  m'en 
M  occupe  plus  qu'on  ne  pense.  »  Le  re- 
pentir se  faisant  sentir  dans  son  cœur  , 
Roux  témoigna  le  désir  de  revoir  l'ecclé- 
siastique, qui,  loin  de  se  rebuter  quand 
il  apprit  ce  qu'était  Roux  ,  redoubla  au 
contraire  de  zèle.  Enfin  le  pécheur  con- 
verti se  confessa ,  et ,  avant  que  les  der- 
niers sacremens  lui  fussent  administrés, 
il  demanda  ,  d'après  l'exhortation  de  son 
confesseur ,  pardon  des  scandales  qu'il 
avait  donnés.  Il  mourut  en  chrétien  le 
22  septembre  1817  ,  âgé  de  C4  ans.  La 
rétractation  de  ses  crimes  a  été  rendue 
publique. 

'  ROUX-FAZILLAC  (Pierre),  em- 
brassa d'abord  ia  carrière  des  armes  ;  il 
était  chevalier  de  Saint-Louis  avant  la 
révolution.  Nommé  alors  administrateur 
du  département  de  ,1a  Dordognc,  il  fut 
ensuite  élu  à  l'assemblée  législative  et  à  la 
Convention.  Dans  l'une  et  l'autre  de  ces 
assemblées,  il  fit  plusieurs  rapports  sur 
l'éducation  ,  sur  les  postes  et  sur  l'état 
des  armées.  Dans  le  procès  de  Louis  XVI, 
il  vota  pour  la  mort.  Envoyé  en  mission 
dans  son  département,  il  en  devint  admi- 
nistrateur sous  le  gouvernement  directo- 
rial. Destitué  en  l'an  G  ,  il  devint  plus  tard 
chef  de  division  au  ministère  de  l'inté- 
rieur. Il  se  relira  ensuite  des  affaires  et 
vécut  à  Périgueux  dans  l'obscurité  jus- 
qu'en 1816,  où  il  fut  atteint  par  la  loi 
contre  les  régicides.  Il  se  réfugia  en 
Suisse  et  ne  rentra  en  France  qu'après  la 
révolution  de  juillet.  Il  est  mort  à  Nan- 
terre  près  de  Paris  dans  le  mois  de  février 
J833.  Roux-Fazillac  a  publié  les  deux  ou- 
vrages suivans  :  i"  Recherches  histori- 
ques sur  l'homme  au  masque  de  fer  rf'où 
résultent  des  notions  certaines  sur  cepri' 
sonnier,  1801;  2°  Hittoire  de  la  guerre 
d^ Allemagne  pendant  les  années  1  756  et 
suivantes,  entre  le  roi  de  Prusse  et  l'im' 
pe'ratrice  d'Allemagne  et  ses  allies, 
1803,  2  vol.  in-8.  Cet  ouvrage  a  été  en 


ROU 
partie  traduit  de  l'anglais,  et  en  partie 
composé  sur  la  correspondance  des  offi- 
ciers français  qui  ont  fait  la  guerre  de  la 
succession.  « 

RODXEL.  roijez  Grancet.  ' 

*  ROUZET  DE  FoLMON  (  Jacques-Ma-  ' 
rie),  né  à  Toulouse  eu  1743,  exerça 
long-temps  avec  distinction  l'état  d'a- 
vocat dans  sa  ville  natale.  Nommé  à  l'as- 
semblée législative,  il  s'y  montra  modé- 
ré ,  et  chercha  même,  par  des  voies  con- 
ciliatrices, à  calmer  l'effervescence  des 
esprits.  Il  était  alors  commandant  de  la 
garde  nationale  de  trente-deux  déparle- 
mens.  Sa  modération  lui  ayant  fait  des 
ennemis,  on  lui  retira  son  commande- 
ment ;  mais  on  respecta  sa  personne.  Elu 
député  à  la  Convention,  il  se  prononça 
toujours  contre  les  mesures  tyranniques 
que  les  démagogues  y  décrétaient.  I^ors 
du  procès  de  Louis  XYI,  il  parut  vouloir 
défendre  ce  monarque,  et,  quoiqu'il  se 
vît  comme  entraîné  à  dire  que  Louis  Ca- 
pet  lui  paraissait  bien  coupable ,  il  sou- 
tint cependant  «  que  les  principes  con- 
»  stitutionneis  plaçaient  Louis  XVI  hors 
»  de  la  justice  ordinaire,  et  que  la  Con- 
w  vention  n'avait  pas  le  droit  de  le  pu-  | 
»  nir.  «  Conséquent,  autant  qu'il  le  pou-  i 
vait,  avec  lui-même,  quand  on  allait  pro- 
noncer le  jugement  du  roi,  il  vota  pour 
l'appel  au  peuple  ,  le  sursis  et  la  déten- 
tion. Etranger  aux  violences  révolution- 
naires, Rouzet  osa  s'établir  le  défenseur 
de  ceux  qu'on  proscrivait  ;  il  arracha  plu- 
sieurs victimes  à  l'échafaud.  Lauvergne 
de-Champ-Louvier,  commandant  de  Lon- 
gwi,  ayant  été  mis  en  arrestation  ,  com- 
meaccusé  d'avoir  mal  défenducetteplace, 
Rouzet ,  dans  le  rapport  qu'il  fitsur  cette 
affaire  f  le  21  février  17D3  ),  prit  sa  dé- 
fense ,  et  conclut  à  la  mise  en  liberté  de 
Lauvergne.  Cet  officier  resta  néanmoins 
en  prison ,  d'oii  il  ne  sortit  que  pour  être 
conduit  à  l'échafaud ,  avec  sa  malheu- 
reuse femme,  le  24  juillet  1794,  trois 
jours  avant  la  chute  de  Robespierre  (  le  9 
thermidor  27  juillet).  Rouzet  fut  charge, 
avec  le  maître  des  postes  Drouel  (  celui 
qui  avait  reconnu  et  fait  arrêter  le  roi  à 
Sainle-Ménehould,  lors  du  voyage  de 
Varennes),  d'aller  recevoir  les  déclara- 


ROU 

lions  du  général  polonais  Miaczinski , 
détenu  en  prison,  pour  ses  rapports  avec 
Gensonné,  Dumouricz  et  Pélhion.  Ce  fut 
Bouzet  qui  dressa ,  sur  les  réponses  de 
Miaczinski ,  le  procès-verbal  et  le  lut  à 
la  Convention.  Les  Montagnards  étaient 
enfin  parvenus  à  faire  proscrire,  le  3 1  mai 
1793,  les  Girondins.  Houzet  protesta  , 
avec  d'autres  députés,  le  6  juin,  contre 
cette  journée ,  fut  arrêté  avec  eux,  et  en- 
fermé au  Luxembourg,  où  il  connut  ma- 
dame la  duchesse  d'Orléans  (  voyez  ce 
nom  ) ,  à  laquelle  il  rendit  ensuite  d'im- 
portansservices.  Après  le  9  tliermidor  (27 
juillet  1794},  il  obtint  que  cette  prin- 
cesse fût  transférée  dans  une  maison  de 
santé.  Rappelé  à  la  Convention  en  1795  , 
il  fil  lever  le  séquestre  sur  tous  les  biens 
meubles  des  condamnés  par  le  tribunal 
révolutionnaire  ,  et  ils  furent  rendus  aux 
héritiers.  Lors  de  la  punilion  h  infligera 
Barrère,  Collot  d'Herbois,  etc.,  il  se 
déclara  pour  un  exil  de  cinq  ans  ,  sans 
qu'on  les  privât  néanmoins  (  ni  tous 
ceux  quiseruient  bannis  )  de  la  jouissance 
de  leurs  propriétés.  On  rejeta  cette  de- 
mande, parce  qu'elle  aurait  mis  un  terme 
aux  spoliations  des  gens  avides,  qui  ache- 
taient les  biens  nationaux  à  terme ,  et  ne 
les  payaient  qu'avec  des  assignais  ,  les- 
quels n'avaient  presque  plus  de  valeur. 
Rouzet  demanda ,  en  outre  ,  qu'on  mît 
en  réserve  une  partie  de  ces  biens  dont  les 
intérêts  seraient  au  profit  du  domaine 
public.  La  déclaration  des  droitsde  l'hom- 
me ,  publiée  parl'assemblée  constituante, 
et  que  Mirabeau  lui-même  avait  repous- 
«ée ,  fut  encore  reproduite  et  adoptée 
maigre  les  efforts  de  Rouzet ,  qui ,  dans 
un  discours!  éloquent,  développa  les  maux 
qu'elle  avait  causés.  En  1797  ,  il  fut  élu 
membre  du  conseil  des  Cinq-cents,  où 
ilseranga  du  parti  royaliste.  Cecorpslé- 
gislatifayant  été  vaincu  par  le  directoire 
dans  la  journée  du  1 8  fructidor  (  4  septem- 
bre 1797),  Rouzet  eut  le  bonheur  de  n'ê- 
tre point  compris  dans  les  listes  de  pro- 
scription. Par  suite  de  cette  révolution  , 
tous  les  membres  de  la  maison  de  Bour- 
bon furent  exilés  :  madame  la  duchesse 
d'Orléans  fut  de  ce  nombre.  Elle  partit 
pour  l'Espagne,  où  Rouzet,  qui   avait 


ROV  543 

toute  la  confiance  de  la  princesse,  et  qui 
était  devenu  son  chancelier,  s'empressa 
d'aller  la  joindre.  Ayant  élé  arrêté  dans  le 
département  des  Pyrénées-Orientales,  une 
lettre  du  président  du  conseil  des  Cinq- 
cents,  qu'il  produisit,  lui  fit  obtenir  sa 
liberté.  Il  trouva  madame  la  duchesse 
d'Orléans  à  Barcelone ,  et  ne  s'en  sépara 
plus.  Revenu  en  France  avec  la  prin- 
cesse, en  1815,  il  continua  à  régir  ses 
biens,  et  mourut  à  Paris,  le  25  octobre 
1 820,  âgé  de  7  7  ans.  Madame  la  ducliesse 
fit  transporter  son  corps  à  Dreux,  et 
on  le  déposa  dans  l'église  qu'elle  avait 
fait  bâtir  pour  la  sépulture  de  son  père, 
ainsi  que  de  toute  sa  famille.  On  a  de 
Rouzet  :  1°  un  ouvrage  sur  les  domaines 
de  la  couronne  17  87  ;  2°  explication  de 
l'énigme  du  roman  intitulé  :  Histoire 
de  la  Conjuration  de  L.  P.J.  d'Orléans, 
"Veredisthael,  sans  dale,  4  vol.  in-8,  en  ré- 
ponse à  l'ouvrage  de  Monljoie  :  cet  ou- 
vrage très  rareaélé  imprimé  aux  frais  de 
M™"  la  duchesse  d'Orléans  ;  mais  il  n'a 
pas  élé  mis  en  circulation  ni  en  vente; 
3"  Analyse  de  la  conduite  d'un  des  mem- 
bres de  la  célèbre  Convention  nationale, 
Paris,  1814,  brochure  de  12  pages.  Ce 
membre  de  la  Convention  est  Rouzet  lui- 
môme.  Sur  la  fin  de  sa  vie  Rouzel  portait 
le  titre  de  comte  que  lui  avait  donné  le 
roi  d'Espagne. 

ROYÈRE  (Jérôme  delà),  archevêque 
et  cardinal,  ou  du  Rouvre,  en  latin /JwiJfi- 
reus,o\x  Jioboreus,  était  de  la  famille  de  la 
RovèrcdeTurin.oîiilélaitné.llfutévêque 
de  Toulon  en  1559  ,  ensuite  archevêque 
de  Turin ,  et  enfin  il  obtint  la  pourpre 
romaine  ,  en  1564.  Il  n'avait  que  10  ans 
lorsqu'on  imprima  à  Pavie,  en  1 540  ,  un 
recueil  de  ses  Poésies  latines ,  qui ,  étant 
devenu  fort  rare ,  fut  réimprimé  à  Ratis- 
bonne  en  1083  ,  in-S.  Ses  vers  respirent 
la  facilité  cl  l'imagination  d'un  homme 
heureusement  né  pour  la  poésie.  On  ne 
peut  lui  passer  quelques  pièces  de  galan- 
terie qu'en  faveur  de  son  exlrême  jeu- 
nesse. Il  mourut  au  conclave  où  Clément 
VIII  fut  élu  pape,  le  26  février  1592  ,  à 
62  ans. 

•  ROVER  E  (Joseph-Stanislas),  membre 
de  la  Convention,  né  vers  1748  à  Bon- 


5^4  Rov 

nieux  dans  le  comtat  venaissin  ,   était 
fils  d'un  riche  aubergiste  qui  lui  fil  don- 
ner une  bonne  éducation.  On  «ssureque 
son  nom  primitif  était  Royères  dont  il 
fit ,  en  coupant  la  queue  de  l'y ,  Roitcve^ 
et  ensuite  Rovère  en  changeant  1'/*  en  v  .- 
il  se  prélendit  alors  issu  de  la  famille 
des  Rouère  ou  Rovère  qui  avait  donné 
un  pape  à  l'Eglise.  H  prit  aussi  le  titre 
de   marquis  de  Fofwielle  qu'il  tira  du 
nom  d'un  pré  oii  son  aïeul  faisait  paître 
ses  moulons.    C'est  ainsi   qu'il    vint  à 
Aix  où   il  acheta  la  charge  de  capitaine 
des  garde-suisses   du  vice-légat    d'Avi- 
gnon ;  mais  il  fut  obligé  de  la  vendre 
bientôt   après  pour  payer  ses  délies.  Il 
était   complètement  ruiné,  lorsque    la 
révolution    française  éclata.   D'abord  il 
chercha  à  se  faire  nommer  député  de  la 
noblesse    de  Provence  aux  états-géné  - 
raux  ;  repoussé   par  les  seigneurs  de  ce 
pays,  il  alla   mendier  ailleurs  des  suf- 
frages.   Nommé  lieutenant   de   Jourdan 
qui    commandait   l'armée  vauclusienne 
occupée  à  faire  le  siège  de  Carpentras  , 
il  exerça  ces  fonctions  jusqu'au  moment 
de  la  paix  provoquée  par  la  France  qui 
s'était  portée  comme  médiatrice  entre 
les   deux    partis  -.  il  concourut  alors  à 
toutes  les  horreurs  qui  dévastèrent  le  mal- 
heureux  pays  d'Avignon.   Etant  venu  à 
Paris  en  17  91,  il  parut  à  la  barre  de  l'as- 
semblée législative  les  26  et  28  novembre, 
et  il  y  fit  l'apologie  dumassacredela  Gla- 
cière :  ce  fut  à  ces  démarches  que  les  assas- 
sins durent  l'amnistie  qui  leur  fut  accor- 
dée. Le  marquis  deFouvielle  ayant  re- 
noncé à  ses  titres  de  noblesse  ,  se  fil  nom- 
mer député  à  la  Convention  nationale  par 
le  département  des  Bouches-du-P.hône  :  il 
siégea  constamment  dans  cette  assemblée 
à  côté  de  Marat.  Dans  le  procès  de  Louis 
XVI ,  il  vola  contre  l'appel  au  peuple  , 
pour  la  mort  et  contre  le  sursis.  Nommé 
ensuite  membre  du  comité  dç  sûreté  gé- 
nérale ,  il  se  prononça  vivement  contre 
les  Girondins  et  prit  part  à  la  révolution 
du  31  mai.  Envoyé  en   mission  à  Lyon, 
puis  à  Vaucluse  et  à  Nîmes  ,  il  organisa 
révolutionnairement  le  tribunal  criminel 
de  ces  villes.  Une  centaine  de  Marseillais 
ayant  été  faits  prisonniers  par  les  troupes 


ROW 

républicaines,  Rovère  s'efforça  de  les 
faire  condamner;  mais  n'ayant  pu  y  par- 
venir, il  ordonna  l'arrestation  de  M. 
Moureau  leur  défenseur,  et  l'envoya  à 
Parispoury  être  traduitdevant  le  tribunal 
révolutionnaire.  Jusque  là  ,  Rovère  avait 
été  le  partisan  de  Robespierre  ;  lorsqu'il 
vit  tomber  cet  idole  des  montagnards , 
il  se  rangea  du  côté  des  vainqueurs. 
Nommé  successivement  secrétaire  et 
président  de  la  Convention  ,  il  passa  en- 
suite au  conseil  des  Anciens,  se  montra 
toujours  en  opposition  avec  le  directoire, 
et  fut  dénoncé  comme  provocateur  des 
réactions  qui  avaient  eu  lieu  dans  le 
midi.  Accusé  ensuite  de  s'être  vendu 
aux  puissances  étrangères ,  il  fut  compris 
sous  ce  prétexte  dans  les  proscriptions 
du  18  fructidor,  et  déporté  àlaG.uianne 
française.  Il  mourut  en  17  98  dans  les 
dé.serts  de  Sinamari.  Rovère  avait  un  es- 
prit souple  ,  adroit  et  ambitieux  ;  il  fut 
le  transfuge  de  tous  les  partis.  Divorcé, 
il  épousa  une  femme  divorcée ,  et  ruina 
les  enfans  du  premier  lit  :  ce  fut  l'un 
des  êtres  les  plus  immoraux  de  la  révo- 
lution.— Son  frère  François-Régis  Rovèrr 
qu'il  avait  fait  nommer  évèque  constitu- 
tionnel d'Avignon  est  mort  en  1820  dans 
un  état  complet  de  démence. 

ROWE  (  Nicolas  ),  poète  anglais,  né 
l'an  lG73àListleI>edford,  d'une  ancienne 
famille  de  Devonshire,  fut  créé  poète 
lauréat  à  l'avènement  de  George  1*' ,  et 
quelque  temps  après  secrétaire  du  conseil 
du  prince  de  Galles.  Il  est  mort  à  Londres 
en  1718  après  avoir  donné  une  Traduc- 
tinn  de  Lucain,  des  Comédies  ti  des  Tra- 
gédies assez  estimées  eu  Angleterre.  Ses 
OE livres  parurent  à  Londres,  en  17  33, 
3  vol.in-12. — RowE Thomas,  delà  même 
famille  que  le  précédent ,  né  à  Londres 
en  1087,  mort  en  17  1 5  ,  qui  s'acquit  de 
la  réputation  par  ses  Poésies  anglaises, 
avait  entrepris  de  donner  la  yie  des 
grands  hommes  de  l'antiquité  ,  omis  par 
Plutarque  ,  et  en  avait  déjà  composé  huit 
lorsqu'il  mourut.  L'abbé  Bellanger  les  a 
traduites  de  l'anglais  en  français  ,  et  les 
a  fait  imprimer  en  17  34  ,  à  la  suite  de  la 
nouvelle  édition  des  Fies  de  Plutarque 
par  Dacier.   (  Rowe  avait  «jouté  celles 


ROX 

d'Enée  ,  de  TuUus-Hostilius  ,  d'Aristo- 
mène ,  de  Tarquin  l'Ancien ,  de  L.  Ju- 
nius  Brutus ,  de  Gélon  ,  de  Cyrus  et  de 
Jason,  publiées  à  Londres  en  1728,  Jn-8.  ) 
—  Elisabeth  Rowe  ,  sa  femme ,  fille  aînée 
de  Gaultier  Singer,  gentilhomme  anglais, 
née  à  Ilchester  ,  dans  la  province  de  Som- 
merset,  en  1674,  et  morte  à  Frome  en 
1737  ,  réussissait  dans  la  musique  et  dans 
le  dessin;  mais  l'étude  des  langues  et  de 
la  poésie  eut  pour  elle  plus  d'attraits.  Il 
y  a  dans  ses  écrits  des  images  fortes,  des 
sentimens  nobles,  une  imagination  bril- 
lante, et  surtout  beaucoup  d'amour  pour 
la  vertu.  On  a  d'elle  :  1"  l'Histoire  de 
Joseph ,  en  vers  anglais  ;  2°  L'amitit 
après  la  mort  ;  3°  des  Lettres  morales 
et  amusantes  ,  et  d'autres  ouvrages  mê- 
lés de  prose  et  de  vei-s. 

*ROWIN  (  Jean  ),  célèbre  vieillard  , 
né  à  Zodova  dans  le  district  de  Karaucébès 
en  Hongrie,  fut  appelé  à  la  cour  de  l'em- 
pereur Charles  VI  ,  et  mourut  en  che- 
min. Il  était  âgé  de  1 72  ans,  et  sa  femme 
Sara  qui  mourut  dans  le  même  voyage, 
avait  164.  Ilyavaitlil  ans  qu'ils  étaient 
mariés.  Celaient  de  pauvres  paysans  qui 
s'étaient  presque  toujours  nourris  ôecu~ 
curutz,  oublé  de  Turquie.  Rovvin  est  peut- 
être  le  seul  homme  qui  depuis  les  temps 
voisins  du  déluge  ait  atteint  un  si  grand 
âge.  Valmont  de  Bomare  parled'un  Pierre 
Zorleii,  paysan  dumêmepays  ,âgé  de  185 
ans  ;  mais  ce  fait  est  moins  bien  con- 
staté que  le  premier.  Nauclérus ,  Cramer 
et  d'autres  écrivains  font  mention  d'un 
soldat  de  Charlemagne ,  nommé  Jean , 
mort  sous  Lothaire  en  1 128  ,  âgé  de  361 
ans  ;  mais  la  plupart  des  critiques  rejet- 
tent ce  trait  d'histoire.  Le  nommé  Dra- 
chenberg  est  mort  à  Aarhus  en  Jutland  en 
17  72  ,  âgé  de  146  ans. 

ROXANE,  fille  d'Oxyarte,  prince  per- 
san, était  un  prodige  de  beauté.  Alexan- 
dre l'épousa  après  la  défaite  de  Darius, 
et  en  mourant  la  laissa  enceinte  d'un  fils, 
qn'on  nomma  le  jeune  Alexandre.  Cas- 
sandre  fit  mourir  l'enfant  et  la  mère.  (Ro- 
xane  est  le  sujet  d'une  tragi-come'die  , 
imprimée  sous  le  nom  de  Desmarets  de 
Saint-Sorlin,  et  que  l'on  croit  être  pres- 
que en  entier  du  cardinal  de  Richelieu.) 
XI. 


ROX  545 

*  ROXBURGH  (  William  ) ,  surinten- 
dant du  jardin  botanique  de  la  compa- 
gnie des  Indes  orientales  au  Bengale , 
naquit  à  Underwood  en  Ecosse,  le  29  juin 
1759,  et  mourut  à  Edimbourg  le  1 0  avril 
1815.  On  lui  doit  une  Description  des 
plantes  de  Coromandel,  en  anglais,  Lon- 
dres ,  1795  et  années  suivantes,  3  vol. 
grand  in-folio,  figures  coloriées,  ouvra- 
ge parfaitement  exécuté;  Description  bo- 
tanique d'une  nouvelle  espèce  de  Swic- 
tenia  ou  Mahogany  dont  l'écorce  peut 
remplacer  le  quinquina  comme  fébrifuge, 
1797,  in-4  ;  Essai  sur  l'ordre  naturel  des 
Scitamincœ ,  Calcula  ,  in-4.  Alexandre 
Beatson  a  inséré  dans  sa  Description  de 
l'île  Sainte-Hélène  une  liste  alphabétique 
des  plantes  trouvées  sur  cette  île  par  Rox- 
burgh. 

ROXELANE,  sultane  favorite  de  So- 
liman II,  empereur  des  Turcs,  était  Russe 
d'origine ,  et  joignit  à  une  grande  beauté 
beaucoup  d'esprit  et  encore  plus  d'am- 
bition. Soliman  avait  pour  fils  aîné  Mus- 
tapha,né  d'uneautre  femme  queRoxelane, 
qui  était  mère  deBajazet  et  de  plusieurs 
autres  enfans.  C'était  un  obstacle  au  désir 
qu'avait  celle  femme  ambitieus?  d'élever 
ses  fils  sur  le  trône.  Elle  feignit  une  pas- 
sion extrême  de  bâtir  une  mosquée  et  un 
hôpital  pour  les  étrangers.  Le  sultan 
était  trop  épris  d'elle  pour  lui  refuser  son 
consente'ment  ;  mais  le  mufti ,  gagné  à 
force  de  présens ,  ayant  déclaré  que  ce 
dessein  ne  pouvait  être  exécuté  par  la 
sultane  tant  qu'elle  serait  eschive ,  elle 
affecta  une  si  grande  mélancolie,  que 
Soliman,  craignant  de  la  perdre,  l'affran- 
chit et  l'épousa  dans  les  formes.  Alors  l'a- 
droite Roxelane  ,  devenue  femme  de  ce 
prince ,  agit  avec  tant  d'artifice  qu'elle 
fit  périr  Mustapha,  l'an  1 553,  et  ouvrit  par 
cet  attentat  le  chemin  dutrpneà  Bajazet, 
son  fils  aîné.  (  Elle  avait  déjà  fait  périr 
Bosphorane,  mère  de  Mustapha  ,  en  l'ac- 
cusant d'avoir  des  intelligences  avec  les 
Perses.  )  Elle  avait  contribué,  en  1646, 
à  la  mort  du  grand- visir  Ibrahim  ;  mais 
elle  ne  put  jamais  parvenir  à  faire  dis- 
gracier l'inflexible  Achmet ,  successeur 
d'Ibrahim.  Roxelane  mourut  en  1557. 
ROY  (  Pierre-Charles  ) ,  Parisien ,  né 

69 


Ï46 


ROY 


en  1683,  employa  sod  talentpour  la  poé- 
sie à  faire  des  Opéras ,  et  tVavaiila  en 
concurrence  avec  LaMothe  etDanchet.  Il 
a  composé  ainsi  un  grand  nombre  de  ces 
Brevets  de  calotte  dont  il  existe  une  col- 
lection qu'on  ne  lit  plus.  Ce  poète,  non 
content  d'avoir  attaqué  plusieurs  mem- 
bres de  l'académie  française  en  particu- 
lier, attaqua  le  corps  entier  par  une  allé- 
gorie satirique ,  connue  sous  le  nom  de 
Coche.  Ce  corps,  qui  a  effectivement 
beaucoup  dégénéré ,  et  qui  depuis  s'est 
écarté  absolument  de  l'esprit  et  du  but 
de  son  institution ,  s'en  vengea  à  sa  ma- 
nière ordinaire  ,  en  fermant  pour  tou- 
jours ses  portes  à  l'auteur.  Le  célèbre 
Rameau  préférait  aux  poèmes  de  Roy  ceux 
de  Cahuzac,  dont  les  talents  étaient  in- 
férieurs ,  mais  qni  avait  peut-être  plus 
de  docilité  pour  se  prêter  aux  caprices 
du  musicien.  Cette  préférence  anima  la 
verve  du  poète  Roy  contre  Rameau.  Il 
enfanta  celle  allégorie  sanglante  où  l'Or- 
pbée  de  la  musique  française  est  désigné 
sous  le  nom  de  Marsyns.  Cet  écrivain 
fut  conseiller  au  Châteiet,  élève  de  l'a- 
cadémie des  Inscriptions  ;  trésorier  de  la 
chancellerie  de  la  cour  des  aides  de  Cler- 
mont ,  et  chevalier  de  l'ordre  de  Saint- 
Michel.  Il  mourut  en  1763.  Outre  ses 
Opéras,  on  a  encore  de  lui  un  Recueilde 
poésies  ,  et  d'autres  ouvrages,  en  2  vol. 
in-8.  Tout  n'y  est  pas  bon  ;  mais  il  y  a  de 
temps  en  temps  des  vers  heureux  et  des 
pensées  tournées  avec  délicatesse.  On 
connaît  son  poème  sur  la  maladie  du  roi 
de  France ,  qui  fit  naître  cette  jolie  épi- 
gramme  : 

Noire  monarque  ,  après  ta  maladie  , 

Etait  à  Mrti  attaqué  d'inaomnie  : 

Ab  I  que  de  gens  l'auraient  guéri  d'abord  I 

Roy ,  le  poète ,  i  Pari»  rersifie. 

La  pièce  arrire ,  on  la  lit,  le  roi  dort... . 

De  SainuHicbel  la  muse  soit  bénie. 

(  Roy  composa  en  outre  deux  comédies  : 
les  Captifs,  imitée  de  Piaule,  et  Les  Ano- 
nymes,  qui  eurent  du  succès.  Parmi  ses 
opéras  ,  Labarpe  loue  beaucoup  Callir" 
rlioë  et  Sémiramis.  Le  recueil  de  ses 
OEuvres  a  été  publié  à  Paris  en  1727  , 
2  vol.  grand  in-8.  L^ Nécrologe  de  1766 
contient  V Eloge  de  Roy  par  Palissot.) 
ROY  (Louis  Le } ,  Regius ,  né  à  Cou- 


ROY 

tances  en  Normandie,  mort  en  1 577,  avait 
succédé  en  1670  au  célèbre  Lambin 
dans  la  chaire  de  professer  en  langue 
grecque  au  collège  royal  à  Paris.  C'était 
un  homme  d'une  impétuosité  de  carac- 
tère insupportable.  Il  écrivait  assez  bien 
en  latin.  Ses  ouvrages  sont  :  1°  la  Fie  de 
Guillaume  Budé,  en  latin  élégant,  Paris, 
1577,  in-4  ;  2°  la  Traduction  française 
du  Timée  de  Platon,  in-4,  et  de  plusieurs 
autres  ouvrages  grecs;  3°  des  Lettres, 
1560,  in-4,  etc. 

ROY  (Pierre  Le  ),  aumônier  du  jeune 
cardinal  de  Rourbon ,  et  chanoine  de 
Rouen ,  publia,  en  1593,  La  vertu  du  ca- 
tholicon  d'Espagne.  Cet  écrit  passa,  assez 
mal  à  propos,  pour  ingénieux  lorsqu'il 
parut  ;  sans  le  discrédit  où  tomba  la 
ligue  ,  on  ne  l'eût  jamais  considéré  que 
comme  une  platitude.  Il  fit  naître  l'idée 
des  autres  écrits  qui  composent  la  Satire 
Ménippée  ,  en  3  vol.  in-8.  (  Foyez  Chré- 
tien (Florent),  Duchat,  Gillot  (Jacques), 
Rapin  (Nicolas),  Pithou  (Pierre.) 

ROY   (Le).   Voyez    Gomberville    et 

LOBINEAU. 

ROY  (Guillaume  Le),  né  à  Caen ,  en 
Normandie,  l'an  1610,  fut  envoyé  de 
bonne  heure  à  Paris ,  où  il  fit  ses  éludes. 
Il  embrassa  l'état  ecclésiastique ,  et  fut 
élevé  au  sacerdoce.  Ayant  permuté  son 
canonicat  de  Notre-Dame  de  Paris  avec 
l'abbaye  de  Haute-Fontaine ,  il  y  vécut 
jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  en  1684,  à  74 
ans.  11  était  ami  des  Arnauld,  des  Nicole, 
des  POnt-Château.  On  a  de  lui  :  1°  des 
Instructions  recueillies  des  Sermons  de 
saint  Augustin  sur  les  Psaumes ,  en  7 
vol.  in-12;  2»  La  Solitude  chrétienne,  ' 
en  3  vol.  in-12;  3°  un  grand  nombre  de 
Lettres,  de  Traductions  et  d'autres  ou- 
vrages. 

ROY  (Jacques  Le),  baron  du  Saint-Em- 
pire, né  à  Rruxelles,  mourut  à  Lierre  en 
1719,  à  86  ans.  Il  s'est  beaucoup  occupé 
de  l'histoire  de  son  pays,  et  ses  travaux 
nous  ont  procuré  les  ouvrages  suivans  .- 
i°Notitia  marchionatus  Sanctilmperii, 
1078 ,  in-fol.,  avec  fig.  (Abvers  et  son 
district);  2°  Topographia  Brabantiœ, 
1692,  in-fol.;  3°  Castella  et  prœtoria 
nobilium,  1696,  in-fol.;  4*'  le  Théâtre 


ROY 

profane  du  Brabant,  1 730, 2  vol.  in-fol., 
avec  fig. 

ROY  (  Julien  Le  ),  né  à  Tours  en  1 686, 
fit  paraître  dès  son  enfance  tant  de  goût 
pour  la  mécanique,  que,  dès  l'âge  de  13 
ans,  il  faisait  de  petits  ouvrages  d'horlo- 
gerie. A  l'âge  de  17  ans,  il  se  rendit  à 
Paris ,  où  son  talent  fut  employé,  et  oii 
il  fut  admis  dans  le  corps  des  horlogers, 
en  1713.  ,Les  Anglais  excellaient  alors 
dans  ce  bel  art  :  Julien  Le  Roy  les  égala 
bientôt  par  ses  inventions  et  par  la  per- 
fection oîi  il  porta  les  montres.  Graham, 
le  plus  fameux  horloger  d'Angleterre, 
rendit  justice  à  l'horloger  français.  Cet 
artiste  mourut  à  Paris  ,  en  1769. —  Son 
fils  aîné  s'est  distingué  dans  l'horlogerie, 
et  a  donné,  dans  les  Etrennes  chrono- 
me'triques  ^ouT  l'année  1760,1e  détail 
des  inventions  de  son  père.  Il  mourut  k 
Paris,  le  25  août  1785,  à  l'âge  de  68  ans. 
— Son  autre  fils,  Charles  Le  Roy,  se 
distingua  dans  la  médecine,  prit  le  bon- 
net de  docteur  à  Montpellier,  s'y  établit, 
et  y  mourut  en  1779,  après  avoir  publié 
divers  ouvrages  :  1°  Mélanges  de  phy- 
sique et  de  me'decine,  1771,  in-8  :  c'est 
le  recueil  des  Mémoires  qu'il  avait  don- 
nés à  l'académie  des  sciences  ;  2°  Usage 
et  effet  deVécorce  du  garou,  1767,  iu- 
1 2  ;  3°  De  aquarum  mineralium  natura 
et  usu  ,  1762,  in-8. — *  Jean-David  Le 
Roy  ,  frère  des  précédens ,  se  livra  à  l'ar- 
chitecture et  contribua  à  en  faire  dispa- 
raître le  mauvais  goût.  On  lui  doit  :  t" 
Les  ruines  des  plus  beaux  monumens  de 
laGrèce,  Paris,  1758,  2  tomes  en  un  vol. 
in-folio  ;  2*  édition,  1770,  contenant  des 
changemens  et  des  augmentations  consi- 
dérables ;  2°  Histoire  de  la  disposition  et 
des  formes  différentes  que  les  chrétiens 
ont  données  à  leurs  temples,  1764,  in-8; 
3"  Observations  sur  les  édifices  des  an- 
ciens peuples  ,  1767,  in-8;  4°Za  marine 
des  anciens  peuples  expliquée  et  considé- 
rée par  rapport  aux  lumières  qu'onpeut 
en  tirer  pour  perfectionner  la  marine 
moderne,  1777,  in-8;  5°  Les  navires  des 
anciens  considérés  par  rapport  à  leurs 
voiles  et  à  l'usage  qu'on  pourrait  en  faire 
dans  notre  marine,  1783,  in-8  ;  6"  Re- 
cherches sur  lesvaisseaux  longs  des  an- 


ROY  547 

ciens ,  sur  les  voiles  latines  et  sur  les 
moyens  de  diminuer  les  dangers  que 
courent  les  navigateurs ,  1785,  in-8;  7° 
Mémoire  sur  les  travaux  qui  ont  rap- 
port à  l'exploitation  de  la  nature  dans 
les  Pyrénées  ,  1773,  in-4;  8°  Canaux  de 
la  Manche  à  Paris  pour  ouvrir  deux  dé' 
bouchés  à  la  mer,  et  faire  de  la  capitale 
une  ville  maritime,  1791,  in-8  ;  9°  Nou- 
velle voilure  proposée  pour  lesvaisseaux 
de  toute  grandeur ,  et  particulièrement 
pour  ceux  qui  seraient  employés  au  com- 
merce, 1800,  in-8;  10°  plusieurs  Me/not- 
re^ insérés  dans  ceux  de  l'Institut.  Jean- 
David  Le  Roy  mourut  à  Paris  le  28  jan- 
viers 1803. 

*  ROY  (Nicolas)  naquit  le  12  mars 
Ï726  du  mariage  de  Claude  Roy,  avocat 
à  Langres,  et  depuis  conseiller  du  roi, 
juge  garde  delà  juridiction  des  monnaies 
en  Rourgogne ,  avec  M^'*  Marguerite 
Tardy.  Le  jeune  Roy  fut,  pendant  le  cours 
de  ses  études,  un  modèle  de  piété  et  d'ap- 
plication. Il  était  continuellement  do- 
miné par  la  pensée  que  Dieu  le  destinait 
à  porter  le  flambeau  de  la  foi  aux  nations  *^ 
infidèles.  C'est  dans  celte  vue  qu'il  entra 
dans  la  compagnie  de  Jésus,  en  l'année 
1743.  Il  s'y  concilia  du  premier  abord  le 
respect,  l'estime,  l'amour  et  la  confiance. 
«  Il  avait,  dit  un  de  ses  panégyristes,  un 
))  esprit  excellent ,  capable  de  toutes  les 
»  sciences ,  aisé  ,  pénétrant  et  étendu , 
>i  un  cœur  droit,  généreux  et  compatis- 
»  sant.  Des  manières  douces  etengageaù' 
3)  tes ,  un  air  de  politesse  simple  et  natu- 
»  rel ,  un  abord  gracieux ,  un  maintien 
V  tout  angélique ,  prévenaient  aisément 
»  et  gagnaient  à  l'instant  tous  ceux  qui 
3)  l'abordaient.  Avait-il  un  moment  au 
»  milieu  des  affaires  et  des  conversations , 
3)  on  le  voyait  aussitôt  recueilli,  jouir 
3J  dans  une  paix  profonde  de  ses  entre- 
3)  tiens  avec  Dieu.  Aussi  pesait-il  dans  le 
3>  sanctuaire  de  la  divinité  les  réponses 
3)  qu'il  rendait  si  à  propos,  les  avis  et  les 
3)  conseils  salutaires  qu'il  donnait  avec 
3)  tant  de  sagesse,  qu'on  les  regardait  avec 
3)  raison  comme  des  oracles  dictés  par 
3)  l'esprit  de  Dieu.  Quel  discernement 
3)  plus  exquis  que  le  sien  pour  pénétrer 
»  jusqu'au  lond  des  conscieuces ,  pour 


548  ROY 

»  discerner  les  divers  niouvemens  de  la 
»  grâce  dans  ceux  qu'il  conduisait  !  Car 
j)  devenu  maître  presqu'en  même  temps 
»  qu'il  fut  disciple ,  la  Providence  lui 
»  adressa  des  âmes  de  choix  éprouvées 
i>  en  diverses  manières,  à  qui  il  rendit  des 
«  services  qui  ne  pouvaient  venir  que 
3)  d'un  directeur  liès-expériraenté.  D'au- 
»  très  déjà  à  derai-gagnés  par  les  exem- 
3)  pies  frappaus  de  modestie ,  de  régula- 
»  rite  et  de  recueillement  qui  paraissaient 
»  jusque  sur  sou  visage  tout  augélique, 
j>  vinrent  avec  empressement  se  livrer  à 
}>  sa  conduite  ;  et  quel  avantage  n'en 
»  ont-ils  pas  retiré  !  »  Le  Père  Roy  s'em- 
barqua pour  la  Chine  le  29  décembre 
1753.  Il  passa  14  ans  dans  les  fonctions 
les  plus  périlleuses  et  les  plus  pénibles  de 
l'apostolat ,  et  y  termina  sa  vie  le  8  jan- 
vier 1767  ,  à  l'âge  de  41  ans  et  10  mois. 
Les  Lettres  de  ce  pieux  jésuite  ont  été 
imprimées  pour  la  première  fois  à  Lyon 
en  1822  chez  Périsse  frères,  2  vol.  in-12. 
Jusque-là  elles  étaient  demeurées  en  ma- 
nuscrit entre  les  mains  des  parens  du  saint 
missionnaire.  La  publication  de  ces  pré- 
cieuses lettres  est  un  vrai  service  rendu 
à  la  piété.  Aussi  ont-elles  été  accueillies 
avec  une  sorte  d'enthousiasme  par  les 
personnes  qui  aspirent  à  la  perfection. 
Tout  y  respire    l'amour    le  plus    pur 
envers  Dieu,  le  zèle  le  plus  héroïque 
pour  le  salut  du  prochain  et  l'abnégation 
la  plus  entière  et  la  plus  parfaite  à  l'égard 
de  soi-même.  Ces  lettres  écrites  à  difle- 
rentes  personnes  rendent  l'ouvrage  in- 
téressant à  toutes  les  conditions ,  à  tous 
les  sexes,  et  même  à  tous  les  âges. 

'  ROY  (  Alphonse-Vincent-Louis  Le  ), 
professeur  d'accouchement  à  la  faculté 
de  Paris,  né  à  Rouen,  le  23  août  17  41,  ob- 
tint beaucoup  de  succès  dans  le  traitemen  t 
des  maladies  des  femmes  et  des  enfaus  ; 
néanmoins  il  y  avait  dans  ses  idées 
quelque  chose  de  paradoxal,  qui  se  fait 
trop  apercevoir  dans  les  nombreuses 
productions  de  sa  plume.  Les  principales 
sont  :  1**  Maladie  des  femmes  et  des 
enfans ,  1768,2  v.  in-8;  2°  Rechercfies 
sur  les  habillemems  des  femmes  et  des 
enfans  ,  1772,  in-12;  3°  La  pratique  de 
Fart  des  accouc/iemens  y  1776,  in-8}  4' 


ROY 

Essai  sur  l'histoire  naturelle  de  la  gros- 
sesse et  de  l'accouchement,  1787,  in-8; 
b°  Leçons  sur  les  pertes  de  sang  pen- 
dant la  grossesse  ,  1801-1803,  in-8;  6° 
Manuel  des  goutteux,  1803  ,  in-18;  2" 
édition,  augmentée,  1806,  in-8;  7"  Mé- 
decine maternelle,  ou  FJrt  (T élever  ei  de 
conserver  les  enfans,  1803,  in-8;  8"  Ma- 
nuel de  la  saignée,  1807,  in-12;  9"  De  la 
conservation  des  femmes,  1801,  in-8. 
Alphonse  Le  Roy  fut  assassiné  dans  son 
logement  le  16  janvier  1816.    • 

*  ROYARAN  (N.  de),  né  d'une  famille 
noble  du  Poitou ,  fut  un  des  premiers 
chefs  vendéens.  Dès  le  mois  de  mars  1793 
il  forma  l'armée  insurrectionnelle  du 
centre ,  et  se  réunit  ensuite  à  d'Elbée, 
général  en  chef.  Il  contribua  à  la  victoire 
de  Fontenay,  et  fut  nommé  après  l'expé- 
dition de  Nantes  membre  du  conseil  mi- 
litaire. Au  commencement  d'août  il  diri- 
gea la  première  attaque  contre  la  ville  de 
Lucon  ;  mais  les  Vendéens  furent  repous- 
sés. Il  se  signala  à  Mortagne,  à  Cholet, 
et  dans  toutes  les  batailles  qui  eurent 
lieu  pendant  cette  guerre  malheureuse. 
A  la  déroute  du  Mans,  il  périt  les  armes 
à  la  main  ,  après  avoir  reçu  plusieurs 
blessures. 

ROYE  (Guy  de),  archevêque  de 
Reims,  fils  de  Matthieu,  seigneur  de 
Roye,  grand  maître  des  arbalétriers  de 
France ,  d'une  illustre  maison  originaire 
de  Picardie,  fut  chanoine  de  Noyon,  puis 
doyen  de  Saint-Quentin  ,  et  vécut  à  la 
cour  des  papes  d'Avignon  avec  beaucoup 
d'agrément.  Il  s'attacha  au  parti  de  Clé- 
ment VII  et  de  Pierre  de  Lune,  autrement 
Benoît  XII.  Ce  fut  par  leur  crédit  qu'il 
devint  successivement  évêque  de  Verdun, 
de  Castres  et  de  Dol,  archevêque  de 
Tours,  puis  de  Sens,  et  enfin  archevêque 
de  Reims,  en  1391.11  fonda  le  col- 
lège de  Reims  à  Paris  en  1399,  tint 
un  concile  provincial  en  1407,  et  partit 
deux  ans  après  pour  se  trouver  au  concile 
de  Pise.  Arrivé  à  Voltri,  bourg  à  5  lieues 
de  Gênes,  un  homme  de  sa  suite  prit 
querelle  avec  un  habitant  de  ce  bourg,  et 
le  tua.  Ce  meurtre  excita  une  sédition. 
Roye  voulut  descendre  de  sa  chambre 
pour  apaiser  ce  tumulte  ;  mais  en  des- 


ROY 
cendant  il  fut  frappé  d'un  trait  d'arba- 
lète par  un  des  habitans ,  et  mourut  de 
cette  blessure,  le  8  juin  1409.  Il  laissa  un 
livre  intitulé  :  Doctrinale-  sapientiœ , 
traduit  par  un  religieux  de  Cluni,  sous  le 
titre  de  Doctrinal  de  la  sapience,  in-4, 
en  lettres  gothiques.  Le  traducteur  y  a 
ajouté  des  exemples  et  des  historiettes 
contées  avec  naïveté.  Le  nom  de  Guy  de 
Roye  doit  rester  dans  la  mémoire  des 
hommes  qui  chérissent  les  vertus  épisco- 
pales.  (Il  laissa  sa  riche  bibliothèque  à 
son  chapitre  de  Reims.  Ce  prélat  fut  un 
constant  protecteur  des  savans.  ) 

ROYE  (François  de),  professeur  de 
jurisprudence  à  Angers,  sa  patrie,  mou- 
rut en  1686.  Son  li\te  De  jurepatrona- 
/w^,  Angers,  1667,  in-i,  el  celai  De  missis 
dominicis  eorumque  officio  et potestate  , 
Angers,  1672,  in-4,  Leipsick,  1744,  Ye- 
nise  ,  1772,  in-8,  prouvent  beaucoup  de 
recherches  et  de  savoir.  Non  seulement 
Roye  se  distingua  comme  écrivain,  mais 
il  contribua  encore  par  son  zèle  à  faire 
fleurir  l'université  d'Angers. 

ROYER  (  Joseph -Mcolas-Pancrace  ) , 
musicien  célèbre ,  né  en  Savoie,  en  1 705. 
Il  était  âls  d'une  gentilhomme,  capitaine 
d'artillerie  de  la  régente  de  Savoie.  Il 
alla  s'établir  à  Paris  vers  l'an  1726,  s'y 
acquit  beaucoup  de  réputation  par  son 
goût  pour  le  chant  et  par  son  habileté  à 
toucher  dé  l'orgue  et  du  clavecin.  (En 
1753,  Louis  XY  l'avait  nommé  inspecteur 
général  de  l'Opéra  :  il  était  eu  même 
temps  chef  de  l'orchestre  ;  il  établit  à 
Paris  les  Concerts  spirituels,  pendant  le 
carême.)  Il  mourut  dans  cette  capitale, 
le  11  janvier  1755,  dans  la  cinquantième 
année  de  son  âge.  Il  est  auteur  d'un 
grand  nombre  de  pièces  de  clavecin  esti- 
mées ;  on  n'en  a  gravé  jusqu'à  présent 
qu'un  livre  :  il  a  laissé  en  manuscrit  de 
quoi  eu  former  un  second ,  et  même  un 
troisième. 

*  ROYER  (N.),  curé  de  Chavannes  à 
l'époque  de  la  révolution,  fut  élu  en 
1781)  député-suppléant  du  clergé  du  bail- 
liage d'Arras  aux  états-généraux.  Il  y  sui- 
vit le  parti  révolutionnaire ,  prêta  le 
serment  civique,  et  devint  peu  de  temps 
après  évêque  conslitutionuei  du  déparle- 


ROY  54g 

ment  de  l'Ain.  Elu  par  ce  département 
député  à  la  Convention  nationale,  il  y 
vota  la  détention  de  Louis  XYI  pendant 
la  guerre ,  et  son  bannissement  à  la  paix. 
Il  signa  aussi  la  protestation  du  6  juin 
1793  contre  les  évènemens  du  31  mai, 
et  fut  un  des  73  députés  qui  furent  mis 
eu  arrestation  sous  Robespierre  ,  et  réin- 
tégrés après  la  chute  de  ce  tyran.  Il  passa 
au  conseil  des  Cinq-cents,  et  dénonça  un 
mouvement  royaliste  dans  la  Haute-Loire. 
Il  invoqua  aussi  la  liberté  des  cultes ,  et 
sortit  du  conseil  le  21  mai  1798.  Il  fut 
alors  nommé  évêque  constitutionnel  de 
Paris ,  et  il  en  exerça  les  fonctions  jus- 
qu'au concordat  de  1802.  Il  mourut  quel- 
ques années  après. 

*  ROYER- COLLARD  (Antoine-Atha- 
nase  ),  professeur  à  la  faculté  de  médecine 
de  Paris,  naquit  en  1768  à  Sompuis , 
près  de  Yitry-le-Français.  Après  avoir  ter- 
miné ses  études  au  grand  collège  de 
Lyon  ,  il  entra  dans  la  congrégation  de 
l'oratoire ,  et  y  professa  les  humanités 
jusqu'en  1792.  En  1791  et  1792  il  pu- 
blia à  Lyon  un  journal  politique  intitulé 
le  Surveillant  :  le  but  de  cette  feuille, 
qui  eut  un  très  gi-and  succès  ,  était  de 
combattre  les  excès  de  la  révolution.  A 
l'époque  oîi  les  massacres  de  septembre 
furent  répétés  à  Lyon,  Royer-CoUard  , 
dont  la  tête  était  menacée  par  les  déma- 
gogues, se  réfugia  à  l'armée  des  Alpes  oîi 
il  fut  employé  dans  l'administration  des 
vivres  :  en  1797  il  quitta  cet  emploi.  Il 
avait  29  ans,  et  il  était  déjà  père  de  fa- 
mille :  ce  fut  seulement  alors  qu'il  se 
décida  à  suivre  les  cours  de  médecine  de 
l'école  de  Paris,  et  en  1802  il  fut  reçu 
docteur.  On  remarqua  la  thèse  qu'il  lit 
pourrecevoir  cegrade.  En  1803, il  fonda, 
sous  le  titre  de  Bibliothèque  médicale , 
un  journal  qui  fut ,  au  jugement  de  tous 
les  médecins ,  le  meilleur  journal  de  mé- 
decine, tant  qu'il  y  fournit  des  articles. 
Dans  le  mois  de  janvier  1 806,  il  fut  nommé 
médecin  en  chef  de  la  maison  des  aliénés 
de  Charenton  :  chacun  sait  quelles  no- 
tables améliorations  il  fit  à  cet  établisse- 
ment qui ,  sous  sa  direction ,  est  devenu 
le  plus  beau  et  le  plus  utile  qui  existe 
dans  ce  genre.  En  1808  Royer-CoUaid 


ô5o  ROY 

fut  nommé  inspecteur-général  de  l'uni- 
versité,  et  en  cette  qualité  il  fut  chargé 
de  plusieurs  missions  importantes  et  dif- 
ficiles, toutes  relatives  à  l'enseignement 
de  la  médecine  en  France.  En  1816  il 
fut  appelé  par  le  vœu  unanime  des  pro- 
fesseurs de  la  faculté  de  médecine  de 
Paris  à  la  chaire  de  médecine  légale,  et  il 
fit  ce  cours  pendant  trois  ans.  Eu  1819 
il  fut  chargé  d'un  cours  de  médecine 
mentale  considérée  principalement  dans 
ses  rapports  avec  les  établissemens  pu- 
blics consacrés  à  l'aliénation.  Il  ne  fit  ce 
dernier  cours  que  pendant  fort  peu  de 
temps  ,  ayant  été  empêché  de  continuer 
ses  leçons  par  suite  de  la  suppression  de 
la  faculté  de  médecine;  mais  celles  qu'il 
donna  furent  suivies  avec  empressement; 
elles  avaient  un  but  extrêmement  utiles  -. 
c'était  de  considérer  la  psychologie  dans 
ses  rapports  avec  la  physiologie ,  de 
substituer  les  notions  d'une  saine  philo- 
sophie à  la  philosophie  mensongère 
qui  avait  régné  jusqu'alors,  et  d'attaquer 
le  matérialisme  jusque  dans  ses  fonde- 
mens.  Par  suite  de  la  nouvelle  organi- 
sation de  la  faculté  de  médecine,  Royer- 
Collard  fut  privé  de  sa  place  d'inspec- 
teur-général de  l'université  qu'il  occupait 
depuis  plus  de  14  ans.  Cet  habile  profes- 
seur est  mort  à  Paris  le  27  novembre 
1825.  Outre  les  deux  Journaux  qu'il 
créa  et  la  Thèse  inaugurale  qui  fut  impri- 
mé sous  le  titre  d'Essai  sut\l'ame'norrhéèy 
1802 ,  in-8 ,  il  a  donné  un  grand  nombre 
d'articles  dans  le  bulletin  de  V Athene'e\de 
médecine  de  Paris,  dans  le  grandDiction- 
naire  des  sciences  médicales  et  dans  le 
Journal  des  DeTiats.  On  i  encore  de  lui 
un  rapport  au  ministère  de  l'intérieur 
sur  les  ouvrages  envoyés  au  concours 
sur  le  Croup ,  Paris ,  18fô  ,  in-4 ,  réim- 
primé dans  leprécis  analytique  du  Croup 
par  le  docteur  Bricheteau,  Paris ,  1 825 , 
in-8  ;  et  traduit  en  allemand ,  par  le  doc- 
teur Albert  de  Brème,  l'un  des  auteurs'qui 
partagèrent  le  prix  de  douze  mille  francs 
au  concours  ouvert  par  le  gouvernement 
impérial,  à  l'occasion  de  la  mort  du  fils  de 
Louis  Buonaparte  qui  fut  enlevé  par  le 
croup  en  1 807.  Le  Journal  des  Débats  du 
6  décembre  1825  a  donné  une  Notice  né- 


ROY 

crologique  sur  Royer-Collard.  La  vie  et 
les  services  de  ce  médecin  ont  été  exposés 
avec  vérité  dans  les  dilTérens  discours 
qui  ont  été  prononcés  sur  sa  tombe  par 
MM.  de  Lens ,  Adelon  et  Jolly.  Le  docteur 
Royer-Collard  était  le  frère  de  Pierre- 
Paul  Royer-Collard  connu  comme  profes- 
seur de  philosophie,  comme  chef  de  l'in- 
struction publique  et  surtout  comme  dé- 
puté. 

*  ROYÈRE  (  Jean-Marc  de),  évêquede 
Castres,  né  le  premier  octobre  1727  ,  au 
château  de  Badefol ,  en  Périgord ,  était 
d'une  famille  noble  ,  mais  peu  favorisée 
des  biens  de  la  fortune.  Ce  fut  l'abbé  de 
Bonneguise,  grand-vicaire  de  Cambrai  et 
aumônier  de  la  Dauphine  ,  qui  se  chargea 
de  son  éducation  et  qui  dirigea  ses  pre- 
miers pas  dans  la  carrière  ecclésiastique 
qu'il  embrassa.  Lorsqu'il  fut  nommé 
évêqne  de  Cambrai  en  17  52  ,  il  emmena 
le  jeune  de  Royère  avec  lui ,  le  fit  grand- 
vicaire  et  ensuite  archidiacre.  En  1766 
l'abbé  de  Royère  fut  nommé  évêque  de 
Tréguier  où  il  se  concilia  l'estime  pu- 
blique par  son  zèle  et  par  sa  piété.  Il  éta- 
blit dans  son  diocèse  la  dévotion  au  sa- 
cré Cœur  de  Jésus,  fit  un  nouveau  Propre, 
des  saints,  et  fut  ensuite  transféré  sur  le 
siège  de  Castres  vacant  en  1773  par  la 
mort  de  M.  de  Barrai.  Nous  ne  redirons 
pas  les  travaux  nombreux  auxquels  il  se 
livra  dans  l'intérêt  de  son  nouveau  dio- 
cèse, ni  les  actes  de  charité  qu'il  fil,  soit 
aux  jeunes  élèves  du  séminaire,  soit  aux 
pauvres.  Il  fut  membre  des  assemblées 
du  clergé  de  1772  et  de  1780,  et  dans  la 
première  ce  fut  lui  qui  prononça  le  dis- 
cours d'ouverture  dans  lequel  il  traita  de 
l'union  de  l'Eglise  avec  l'autorité  civile. 
Député  aux  états -généraux  par  son  cler- 
gé ,  il  fut  bientôt  dégoûté  de  cette  as- 
semblée tumultueuse  ,  signa  les  actes  de 
la  minorité  ,  et  revint  à  Casties  où  il  fut 
chassé  de  son  palais;  bientôt  même  il  fut 
obligé  de  quitter  cette  ville.  Après  deux 
mois  de  séjour  à  Ax,  il  reçut  un  mandat 
d'amener ,  et  treize  gendarmes  se  présen- 
tèrent pour  l'exécuter.  Un  de  ses  amis  le 
sauva.  Ce  prélat  se  rendit  à  Urgel ,  puis 
à  Vich  ;  deux  ans  après  il  fut  contraint  de 
quitter  ce  séjour  àl'approche  des  troupes 


ROY 

françaises  ;  il  alla  jusqu'à  Lisbonne , 
et  résida  dans  l'abbaye  d'Alcobaça  oii  il 
mourut  le  24  mai  1802,  après  avoir  en- 
voyé au  pape  sa  démission  qui  lui  avait 
été  demandée.  On  trouve  dans  VAmi  de 
la  religion  et  du  roi,  t.  60,  p.  125  ,  une 
Notice  sur  ce  prélat^  qui  est  due  à  M. 
Gaurel  supérieur  du  séminaire  de  Castres. 
ROYOU  (Thomas-Marie  ) ,  chapelain 
de  l'ordre  de  Saint-Lazare ,  né  à  Quim- 
per ,  vers  17  41,  professa  pendant  plus 
de  20  ans  la  philosophie  au  collège  de 
Louis  le  Grand.  Après  la  mort  de  Fréron, 
il  fournit  plusieurs  articles  à  V Année  lit- 
téraire ,  et ,  en  1778,  il  dirigea  le  Jour- 
nal de  Monsieur,  qu'on  parvint  à  faire 
supprimer  en  1783.  Dès  l'origine  de  la 
révolution,  il  se  montra  l'adversaire  des 
changemens  et  des  innovations ,  et  com- 
mença, en  1790,  le  journal  l'Ami  du  roi. 
Un  décret;  du  corps  législatif,  du  3  mai 
1792,  supprima  le  journal,  et  ordonna 
que  les  auteurs  seraient  traduits  à  la 
haute  cour  d'Orléans.  L'abbé  Royou, 
atteint  d'une  maladie  mortelle,  se  cacha 
chez  un  de  ses  amis  ,  oîi  il  mourut  le  21 
juin  de  la  même  année.  Outre  ces  jour- 
naux auxquels  il  a  travaillé ,  nous  con- 
naissons de  l'abbé  Royou  :  i°  Le  monde 
de  verre  réduit  en  poudre,  1780,  in-12. 
C'est  une  critique  ingénieuse  de  l'hypo- 
thèse de  Buffon.  2°  Mémoire  pour  ma- 
dame de  Falory ,  1783.  Cette  dame  plai- 
dait contre  l'avocat  Courtin,  et  n'avait 
trouvé  aucun  défenseur  contre  un  adver- 
saire si  renommé.  L'abbé  Royou  la  dé- 
fendit avec  chaleur.  3°  Etrennes  aux 
beaux-esprits,  n8b,\n-i2. 

*  ROYOU  (  Jacques  Corentin  ),  avo- 
cat et  littérateur  ,  frère  du  célèbre  abbé 
et  journaliste  de  ce  nom  (  Foyez  l'article 
précédmt),  naquit  à  Quimper  vers  1745. 
Attiré  à  Paris  par  son  frère,  il  y  vint 
en  1791  pour  coopérer  à  la  rédaction  de 
V Ami  du  roi,  journal  qui  avait  du  suc- 
cès. Il  avait  avec  son  frère  une  telle  con- 
formité de  stile  et  de  façon  de  penser 
que  le  public  ne  s'aperçut  pas  de 
cette  coopération  ;  aussi  il  ne  fut 
point  poursuivi  et  il  échappa  aux  pro- 
scriptions révolutionnaires.  En  1796,  il 
^t  paraître  un  autre  journal  intitulé  : 


ROY  55 1 

le  Véridique ,  puis  l'Invariable  ,  qui  fut 
proscrit  au  1 8  fructidor ,  et  le  fit  dépor- 
ter à  l'île  de  Ré.  Rendu  à  la  liberté  par 
le  directoire ,  il  se  fit  recevoir  avocat 
en  1798  ,  remplit  avec  zèle  ses  fonctions 
de  jurisconsulte ,  et  contribua  à  la  dé- 
fense de  Brolhier  et  de  Lavilleheurnois  : 
c'est  lui  qui  fit  les  deux  péroraisons  si 
touchantes,  prononcées  par  Lebon  , 
qui  tirèrent  des  larmes  de  tout  l'audi- 
toire, et  sauvèrent  les  accusés  de  la  mort 
qui  les  menaçait.  A  la  restauration  ,  il  fut 
nommé  censeur  dramatique ,  et  obtint  en 
1821  une  pension  du  roi.  Il  est  mort 
le  1"  décembre  1828.  Onadelui  :  iTré- 
cis  de  l'Histoire  ancienne ,  d'après  RoU 
lin,  1802,  4vol.  in-8,  3*  édition,  1826; 
2*^  Histoire  romaine  depuis  la  fondation 
de  Rome  jusqu  a  Auguste  ,  1806,  4  vol. 
in-8  ;  V  édition  ,  1 826  ;  3°  Histoire  des 
empereurs  romains,  depuis  Auguste 
jusqu'à  Constance-Chlore  ,  père  de  Con-, 
stantin  ,  1808  ,  4  vol.  in-8  ;  2"  édition  , 
1 824  ;  4°  Histoire  du  Ras-Empire,  1 803, 
4  vol.  in-8;  2*  édition,  I8I4,  écrite 
dans  un  mauvais  esprit.  Sous  prétexte 
d'abréger  Lebeau ,  il  le  rend  méconnais- 
sable ;  il  se  moque  de  l'apparition  de  la 
croix  à  Constantin  ,  et  de  son  invention 
par  sainte  Hélène.  On  dirait  qu'il  en  veut 
à  Constantin  d'avoir  embrassé  le  christia- 
nisme ,  et  partout  il  s'attache  à  faire  dis- 
paraître la  couleur  religieuse  que  Lebeau 
avait  mise  à  son  ouvrage.  Voyez  les  Mé- 
langes de  philosophie  ,  suite  des  Anna- 
les catholiques ,  t.  6,  p.  289.  6°  Histoire 
de  France  depuis  Pharamondjusqu' à  la 
25"  année  du  règne  de  Louis  XFIH , 
1819,  6  vol.  in-8.  Cette  histoire,  dit 
l'Ami  de  la  religion  et  du  roi  (  voyez 
les  n°'  536  ,  1 380  et  1485),  n'est  propre 
qu'à  donner  de  fausses  impressions  aux 
jeunes  gens  sur  la  religion  et  le  clergé. 
Royou  ne  laisse  passer  aucune  occasion 
de  grossir  les  abus  qui  avaient  pu  s'in- 
troduire dans  le  clergé.  Tous  les  évène- 
raens  qui  ont  trait  à  la  religion  ,  son  culte, 
ses  miracles,  ses  pratiques ,  ses  saints  les 
plus  révérés ,  ses  ministres  les  plus  re- 
commandables ,  tout  est  pour  l'historien 
l'objet  de  remarques  aigres  ,  de  censures 
déplacées  ,  d'expressions  méprisantes  ou 


SS'i  ROZ 

satiriques;  il  se  plaît  à  signaler  les  torts 
des  papes  ,  des  évêques  et  des  prêtres  : 
la  justice  exigeait  qu'en  disant  le  mal  il 
racontât  aussi  le  bien,  et  c'est  ce  qu'il  ne 
fait  guère  ;  il  ne  dit  rien  des  grandes 
vertus  de  saint  Bernard,  et  des  services 
qu'il  rendit  à  son  siècle.  Sous  le  rapport 
littéraire  ,  les  faits  de  cette  histoire  sont 
présentés  sans  ordre  et  racontés  d'une 
manière  sèclie.  L'auteur  ne  paraît  pas  s'ê- 
tre occupé  de  mettre  de  l'intérêt  et  de  la 
variété  dans  ses  récits  ;  il  est  fort  négligé 
dans  son  slile.  Il  y  a  des  expressions  et 
des  tournures  familières  jusqu'à  l'excès  ; 
enfin  ,  il  est  habituellement  dépourvu  de 
grâce,  d'ornement,  d'élégance  et  de 
mouvement.  6°  Phocion  ,  tragédie  repré 
sentée  avec  quelque  succès  en  1817  sur 
le  Théâtre-Français  ;  7"  le  Frondeur,  co- 
médie en  1  acte  et  en  vers ,  représentée 
sur  le  Théâtre-Français  ;  8"  Développe- 
ment des  principales  causes  et  des  prin- 
cipaux e'vènemens  de  la  révolution,  pou- 
vant servir  de  suite  et  d^ additions  à  l'His- 
toire de  France  ,  préce'dé  d' un  choix  des 
apophthegm.es  des  anciens ^  etc.,  1823, 
in-8  ;  9°  la  mort  de  Ce'sar ,  tragédie  en 
5  actes,  représentée  sur  le  théâtre  de 
l'Odéon  en  1825,  qui  fut  très  mal  ac- 
cueillie. Royou  a  encore  travaillé  à  l'Ob- 
servateur des  colonies  ,  journal  publié 
en  1819  et  1830,  et  qui  parut  d'abord 
sous  le  titre  de  Défenseur  des  Colonies. 
La  Biographie  universelle  et  portative 
des  contemporains  dit  qu'il  se  distin- 
gue des  écrivains  qui ,  comme  lui ,  se 
sont  consacrés  à  la  défense  des  doctrines 
du  pouvoir  absolu ,  par  sa  haine  pour 
toute  suprématie  sacerdotale. 

*  ROZIER  (François  ou  Jean),  agro- 
nome distingué  ,  né  à  Lyon  le  24  janvier 
1734  ,  embrassa  l'état-ecclésiaslique  qu'il 
sembla  négliger  d'abord ,  pour  étudier 
les  dififérentes  branches  de  l'agriculture. 
La  protection  du  roi  de  Pologne  Stanislas 
lui  valut  un  riche  prieuré.  L'abbé  Rozier 
dut  la  célébrité  dont  il  jouit  à  ses  éludes 
agronomiques.  11  avait  étudié  les  ouvrages 
de  Columelle ,  de  Varron  et  d'Olivier  de 
Serres,  et  il  avait  pris  pour  guide  La  Tou- 
rette,  son  compatriote  et  son  ami.  H  s'ap- 
pliquaàla  botanique,  etpublia,deconcert 


ROZ 

avec  ce  dernier ,  les  Démonstrations  élé- 
mentaires de  botanique,  à  V usage  des  éco- 
les vétérinaires, V.'^on,  1 766,  2  v.  in-8,  ou- 
vragequi  a  eu  un  grand  nombre  d'éditions. 
Il  le  destinait  à  l'instruction  des  élèves  de 
l'école  vétérinaire  fondée  par  Bourgelat , 
et  où  il  venait  d'être  nommé  professeur  en 
remplacement  dçce  savant.  L'abbé  Rozier 
fît  ensuite  un  voyage  à  Paris,  et  il  devint 
propriétaire  d'un  journal  intitulé  :  Obser- 
vations sur  la  physique,  sur  l'histoire  na- 
turelle et  sur  les  arts,  ouvrage  qui  obtint 
un  grand  succès.  C'est  dans  son  prieuré 
de  Nanteuil-le-Haudain  qu'il  s'occupa  du 
projet  de  donner  un  cours  complet  sur 
les  travaux  champêtres ,  qu'il  publia  sous 
le  titre  de  Cours  d'agriculture,  1781- 
1796  ,  eu  10  volumes  in-4 ,  dont  le  der- 
jiier  a  paru  après  la  mort  de  l'auteur, 
1798.  On  pourrait  considérer  ce  livre 
'  comme  cLissique ,  s'il  était  moins  diffus 
et  moins  surchargé  de  détails  qui  n'ont 
pas  de  rapport  avec  le  sujet  principal. 
Don  Juan  Alvares  Guetra  en  a  fait  un  ex- 
trait en  espagnol.  En  1788,  Rozier  re- 
vint dans  sa  patrie ,  et  le  gouvernement 
lui  accorda  la  direction  de  la  pépinière 
de  la  généralité  :  l'académie  de  Lyon 
l'admit  dans  son  sein  l'année  suivante. 
Outre  les  deux  ouvrages  déjà  cités,  on  a 
de  lui  :  1"  Mémoire  sur  la  manière  de  se 
procurer  les  différentes  espèces  d'ani- 
maux ,  et  de  les  envoyer  des  pays  que 
parcourent  les  voyageurs ,  Paris,  1774  , 
in-4  ;  2°  JVouvelle  Table  des  articles 
contenus  dans  les  Mémoires  de  l'aca- 
démie des  sciences  de  Paris,  depuis 
iG6G  jusqu'en  1770,  1775,  ctillti,  \ 
vol.  in-4"  ;  3°  Manuel  du  jardinier,  mis 
en  pratique  pour  chaque  jour  de  Fan- 
née  ,  1795,  2  vol.  in-18;  et  plusieurs 
autres  Mémoires  ^uv  la  manière  de  brû- 
ler et  de  distiller  les  vins  ,  sur  la  culture 
de  la  navette  et  du  colza,  sur  les  moulins 
et  les  pressoirs  d'huile  d'olive.  Dans  tous 
ces  ouvrages,  le  principal  but  de  l'au- 
teur est  d'offrir  la  manière  la  plus  promp- 
te et  la  plus  économique  des  procédés. 
Dans  tout  le  cours  de  sa  vie ,  il  avait  mon- 
tré des  principes  sages  ;  mais  la  révolu- 
tion les  lui  fit  oublier  ainsi  que  les  de- 
voirs de  son  état  ;  et,  à  l'âge  de  &C  ans , 


ROZ 

il  devint  révolutionnaire,  et  fut  nommé 
curé  constitutionnel  de  la  paroisse  des 
Feuillans.  Sa  fin  fut  des  plus  malheureu- 
ses :  pendant  le  siège  de  Lyon ,  une  bombe 
tomba  sur  son  lit  lorsqu'il  dormait ,  mit 
en  laihbeauv  son  corps ,  qu'on  trouva 
dispersé  dans  les  débris  de  son  apparte- 
ment, le  29  septembre  1793. 

*R0Z1ÈRE  (Louis-François  Carlet, 
marquis  de  la),  né  le  10  octobre  1733, 
au  Pont-de-l'Arche ,  près  de  Cbarleville  , 
était  issu  d'une  illustre  famille  originaire 
de  Piémont.  A  l'âge  de  1 4  ans ,  il  embrassa 
la  carrière  des  armes;  en  1748  ,  il  était 
lieutenant  au  régiment  de  Touraine  (in- 
fanterie) :  il  fit  ses  premières  armes  en  Ita- 
lie et  en  Flandre,  et  se  trouva  au  siège 
de  Maëstricbt.  Il  quitta  le  régiment  de 
Conti ,  où  il  était  entré  ponr  passer  à 
l'école  du  génie  de  Mézières  ,  en  qualité 
d'officier  supérieur.  Le  marquis  de  la  Ro- 
zière  était  tjès  instruit  dans  les  sciences, 
et  en  17  52  il  accompagna  l'abbé  La  Caille 
aux  Indes  orientales  ,  comme  ingénieur 
d-ms  la  brigade  destinée  pour  ces  colo- 
nies. Nommé  à  son  retour  aide-de-camp 
du  comte  de  Revel,  puis  aide-maréchal- 
des-logis  à  son  retour  en  France ,  il  suivit 
l'armée  en  Bohême  en  1757;  il  commença 
la  guerre  de  Sept-Ans ,  et  se  fit  remar- 
quer par  ses  talens  et  son  courage ,  dont 
il  donna  des  preuves  non  équivoques  à  la 
malheureuse  bataille  de  Rosbach  .En  1761, 
il  fut  décoré  de  la  croix  de  Saint-Louis  et 
élevé  au  grade  de  lieutenant-colonel  au 
régiment  du  roi ,  fut  ensuite  fait  pri- 
sonnier dans  une  reconnaissance  par 
les  Ecossais  dans  la  forêt  de  Sababovel. 
Ayant  été  conduit  devant  le  roi  de  Prusse, 
ce  prince  lui  dit  :  «  Je  désirerais  vous 
envoyer  à  l'armée  française  ;  mais  lors- 
qu'on a  pris  un  officier  aussi  distingué 
que  vous  ,  on  le  garde  le  plus  long-temps 
possible  :  j'ai  des  raisons  pour  que  vous 
ne  soyez  pas  échangé  dans  les  circon- 
stances présentes;  ainsi  vous  resterez  avec 
nous  sur  votre  parole.  »  Pendant  trois 
semaines  que  le  marquis  de  la  Rozicre 
resta  au  quartier  de  Frédéric  II ,  il  reçut, 
et  de  ce  monarque  et  du  prince  Ferdi- 
nand de  Brunswick ,  des  témoignages  de 
leur  bonté  et  de  leur  estime.  Ce  dernier 

XI. 


ROZ  553 

dit  un  jour,  en  le  montrant  et  rappelant 
l'attaque  de  Frauenberg ,  oii  il  manqua 
d'être  fait  prisonnier  :  «  Voilà  le  Français 
qui  m'a  fait  le  plus  de  peur  de  ma  vie ,  et 
même  je  crois  la  lui  devoir.  »  Il  fut 
échangé  en  1762,  et  l'année  suivante  il 
fut  employé  dans  le  ministère  secret  du 
comte  de  Broglie.  D'après  les  ordres  de 
Louis  XV,  il  alla  en  1765  et  17G6  recon- 
naître les  côtes  de  l'Angleterre  et  de  la 
France;  mission  qu'il  remplit  avec  autant 
de  zèle  que  de  talent ,  et  dont  le  résultat 
fut  le  projetdebâtir  un  port  à  Cherbourg, 
et  un  plan  de  défense  pour  celui  de  Ro- 
chefort  et  le  pays  d'Aunis.  Ce  plan  ne  fut 
exécuté  que  25  ans  après,  c'est-à-dire  au 
mois  de  mai  1791.  En  1778  ,  il  dressa  un 
plan  de  descente  en  Angleterre ,  et  fut 
promu  au  grade  de  maréchal  de  cainp 
en  1781.  Dès  le  moment  où  éclata  la  ré- 
volution ,  il  se  prononça  contre  les  prin- 
cipes qu'elle  proclamait,  etilémigraavec 
son  fils  aîné  ,  qui  était  capitaine  de  dra- 
gons. S'étant  rendu  à  Coblentz,  les  princes 
frères  de  Louis  XVI  lui  donnèrent  la  di- 
rection des  bureaux  de  la  guerre ,  qu'ils 
avaient  établis  dans  celte  ville.  Ils  lui 
conservèrent,  en  1792,  le  grade  de  ma- 
réchal général  des  logis  de  l'armée  royale, 
et  il  fut  nommé  dans  la  même  année 
commandeur  de  l'ordre  militaire  de 
Saint-Louis.  M.  le  comte  d'Artois  (de- 
puis Charles  X  ),  alors  résidant  à  Péters- 
bourg ,  le  fit  passer  en  Angleterre  ,  d'où 
il  se  rendit  bientôt  après  à  Dusseldorf, 
où  l'appelait  le  maréchal  de  Broglie. 
Dans  l'expédition  aux  îles  de  Noirmou- 
tier  et  d'Yeu  ,  il  était  quartier-maître  gé- 
néral des  émigrés  et  des  troupes  anglai- 
ses; mais  cette  malheureuse  expédition 
fut  comme  le  prélude  de  celle  de  Quibe- 
ron.  Lors  de  la  dissolution  de  l'armée 
royaliste ,  il  entra  au  service  de  la  Russie, 
en  qualité  de  maréchal  de  camp  ;  il  quitta 
ce  pays  pour  se  rendre  en  Portugal ,  où 
il  servit  avec  le  grade  de  quartier-maître 
général  et  de  lieutenant  général.  Il  fut 
nommé  commandeur  de  l'ordre  du  Christ 
et  inspecteur  général  des  frontières  et 
côtes  du  royaume.  Il  resta  en  Portugal 
depuis  1797  jusqu'en  1807  ,  époque  à 
laquelle  l'armée  française  y  entra.  On  as- 
70. 


554  RUB 

sure  qu'il  se  proposait  de  revenir  en 
Francie,  lorsqu'une  maladie  subite  le  con- 
duisit au  tombeau  le  17  avril  1808.  Il 
a  laissé  :  1"  Stratagèmes  de  guerre^ 
Paris ,  1766,  in-12 ,  faible  ouvrage  de  sa 
jeunesse  ;  2°  Campagnes  du  maréchal 
de  Cre'qui  en  Lorraine  et  en  Alsace ,  en 
1677,  Paris,  1764,  in-12  ;  3°  Campagnes 
de  Louis,  prince  de  Conde',  en  Flandre, 
en  1674,  ibid.,  1766,  in-12}  4°  Campa- 
gnes du  maréchal  de  Villars  et  de  Maxi- 
milien-Emmanuel ,  électeur  de  Bavière, 
en  Allemagne,  en  1703,  Paris,  1766, 
in-12  ;  6°  Campagnes  du  duc  de  Rolian 
dans  la  Falteline  en  1635,  précédées 
dun  discours  sur  la  guerre  des  monta- 
gnes, avec  une  carte;  6°  Traité  des  ar- 
mes en  général,  ibid.,  1764,  1  vol.  in-12. 
On  a  encore  de  La  Rozière  trois  cartes 
très  estimées;  savoir,  1°  de  la  Hesse, 
2°  des  Pays-Bas  catholiques ,  3"  de  la  ba- 
taille de  Senef.  Plusieurs  de  ses  manu- 
j  scrits  sont  au  dépôt  de  la  guerre;  ils 
contiennent  des  Notices  très  intéressan- 
tes sur  l'art  militaire. 

RUAR  (  Martin  ) ,  socinien  ,  né  à 
Krempen ,  dans  le  duché  de  Holstein  , 
vers  l'an  1676,  aima  mieux  perdre  son 
patrimoine  que  de  renoncer  à  sa  secte. 
Il  s'établit  à  Racovie ,  petite  ville  de  Po- 
logne ,  au  palatinat  deSandomir,  où  les 
sociniens  avaient  leur  plus  célèbre  école; 
il  y  fut  recteur  de  ce  collège ,  passa  de 
là  à  Strassin ,  près  de  Dantzick ,  oii  il 
fut  ministre  des  unitaires,  c'est-à-dire 
des  sociniens  ou  ariens  (  car  c'est  en  vain 
qu'un  M.  Schwartz  a  voulu  mettre  des 
distinctions  essentielles  entre  ces  noms). 
Chassé  de  là ,  il  se  retira  à  Amsterdam  , 
cil  il  mourut  en  1 657.  On  a  de  lui  :  1  °  des 
Notes  sur  le  catéchisme  des  églises  so- 
•ciniennes  de  Pologne ,  imprimées  avec  ce 
catéchisme,  1666  et  1680;  2°  un  volume 
de  Lettres ,  publié  et  imprimé  par  David 
Ruarns  son  fils  ,  Amsterdam  ,  1681  ,  in-8. 
Joachim  et  David  ,  ses  fils ,  imbus  des 
sentimens  de  leur  père ,  ont  publié  un 
JRccueil  de  lettres  des  chefs  de  leur  parti, 
Amsterdam  ,  1677. 

•RUBBI  (André) ,  jésuite,  né  en  1739 

à  "Venise ,  professa  les  belles-lettres  au 

-  collège  des  nobles  à  Brescia ,  et,  après  Ja 


RUB 

suppression  de  son  ordre,  se  retira  dans 
sa  patrie,  où  il  s'occupa  de  travaux  litté- 
raires, et  où  il  mourut  en  1810.  On  a  de 
lui  :  1°  Interpretatio  et  iUustratio  epita- 
phii  grceci  ^avennœ  reperti,  Rome,l  765, 
in-4  ;  2°  Rodi  presa,  Venise ,  1 7  7  3 ,  in-8 , 
tragédie  qui  fut  jouée  par  ses  élèves  à 
Brescia;  3°  Elogi  italiani,  Venise,  1781, 
etann.  suiv.,  12  vol.  in-8.  C'est  un  choix 
d'éloges  de  di£férens  auteurs  modernes , 
parmi  lesquels  il  y  en  a  six  de  lui  :  ceux 
de  Pétrarque,  Léonard  de  Vinci,  Gali- 
lée, Castiglione,  Métastase  et  Ginanni; 
4»  Ugolino,  tragédie,  insérée  sans  nom 
d'auteur  dans  le  tome  5  du  Teatro  ita- 
liano  del  secolo  XFIIP,  Florence,  1 7 84  ; 
b°  Parnaso  italiano,  \enise,  1784-91, 
66  vol.  in-8.  C'est  un  choix  des  poètes 
italiens  les  plus  célèbres  depuis  la  re- 
naissance des  lettres  jusqu'au  commen- 
cement du  18*  siècle,  auquel  il  a  ajouté 
des  notices  critiques  sûr  le  caractère  de 
chaque  ouvrage,  et  un  Précis  de  la  vie 
de  l'auteur.  On  reproche  à  cette  collec- 
tion de  manquer  de  proportion  dans  les 
diflférens  genres ,  et  à  ses  Notices  d'être 
écrites  d'un  stile  si  coupé ,  que  la  lec- 
ture en  est  pénible  ;  ce  qui  lui  a  valu  le 
sobriquet  de  Stile  a  singldozzo  (stile  à 
hoquet  );  6°  Parnaso  dé  poeti  classici 
d'ogni  nazione  tradotti  in  italiano,  1796 
et  suiv.  41  vol.  in-S.  Cette  seconde  col- 
lection contient  un  recueil  des  poètes 
anciens,  traduits  en  italien,  avec  des 
Notices  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 
chaque  auteur  dont  le  stile  a  le  même 
défaut  que  dans  l'ouvrage  précédent. 
7°  IfGenio  notico  e  militare,  canti  due, 
in-4  ,  petit  poème  composé  à  l'occasion 
de  la  mort  d'Angelo  Emo ,  célèbre  amiral 
vénitien  qui  bombarda  Tunis  en  1774; 
8°  la  f^ainiglia,  poemetto  latino,  in-4  , 
et  quelques  autres  ouvrages.  Compilateur 
infatigable ,  il  a  publié  eu  outre  quel- 
ques Dissertations  sur  des  questions 
d'antiquité.  On  lui  doit  aussi  un  Journal 
d'antiquités  sacrées  et  profanes,  en  ita- 
lien, 1793,  in-8;  un  recueil  périodique 
sous  le  titre  suivant  :  Il  genio  lett.  £Eu- 
ropa  ;  un  Epistolario  ou  Choix  de  lettres 
inédites  de  divers  auteurs,  1796-96, 
2  vol  in-4,  Rubbi  a  surveillé  des  éditions 


RUB 

des  OEuvres  de  Muratori  et  de  Maffei, 
publiées  à  Venise.  On  peut  consulter , 
pour  plus  de  détails ,  Je  Supplément  à 
la  bibliothèque  des  écrivains  de  la  so- 
ciété' de  Jésus,  du  Père  Caballero;  Litte- 
ratura  Veneziana  del  Secolo  XFIII,  et 
le  tome  56  du  Parnaso  italiano ,  deBuggi 
011  il  a  lui-même  consigné  les  renseigne- 
mens  qui  le  concernent. 

*  RUBEIS  (  Jean-Bernard-Marie  ),  cé- 
lèbre dominicain,  né  vers  1686  d'une 
famille  distinguée  de  Cividal-del-Friuli , 
entra  à  l'âge  de  16  ans  dans  la  congréga- 
tion des  frères  prêcheurs  dite  de  Salo- 
moni.  Il  vint  étudier  au  couvent  de  San- 
Miniato  eu  Toscane  la  philosophie  qu'il 
alla  ensuite  professer  à  Venise  au  monas- 
tère des  Zattere  oii  il  fit  d'illustres  élè- 
ves. Il  suivit  peu  après,  en  qualité  de 
théologien,  une  mission  extraordinaire 
près  de  la  cour  de  France.  De  retour  à 
Vienne  il  reprit  ses  éludes.  Il  passa  dès 
lors  le  reste  de  sa  vie  à  enseigner  et  à  tra- 
vailler sur  des  objets  d'érudition.  Il  avait 
en  outre  la  direction  de  la  rare  et  nom- 
breuse bibliothèque  de  cette  maison,  que 
lui-même  enrichit  encore.  Il  n'était  guère 
de  sciences  qu'il  ne  cultivât,  et  dans  les- 
quelles il  n'eût  fait  de  grands  progrès. 
On  lui  doit  la  découverte  de  manuscrits 
précieux,  de  diplômes,  de  médailles  et 
autres  monumens  historiques  importans. 
Il  était  en  correspondance  avec  les  savans 
les  plus  renommés  de  l'Italie,  tels  que 
Lami,  Muratori ,  Mafifei,  etc.  Le  Père  de 
RuLeis  pratiquait  en  même  temps  toutes 
les  vertus  de  son  état.  Il  eût  pu  aspirer 
aux  hautes  dignités  de  l'Eglise  :  il  leur 
préféra  son  cloître,  son  humble  cellule, 
ses  livres,  la  tranquillité  de  la  retraite. 
Ayant  été  désigné  par  le  cardinal  Delfino, 
poui-  aller  soutenir  à  Rome  les  droits  du 
patriarchat  d'Aquilée  que  l'on  voulait 
abolir,  le  Père  Rubeis  ne  put  consentir  à 
s'arracher  à  sa  douce  solitude.  C'est  à 
Venise  qu'il  termina  sa  longue  vie  le  2  fé- 
vrier 1776  ;  il  était  âgé  de  88  ans ,  dont  il 
en  avait  passé  72  en  religion.  Outre  ses  ou- 
vrages restés  manuscrits,  ceux  qu'il  a  pu- 
bliés se  montent  au  moins  à  40  volumes. 
Les  principaux  sont  :  1°  De  fabula  mona- 
chatus  benedictini  divi  Thomœ  Aquina- 


RUB 


555 


tis,  Venise  ,1724;  une  2*  édition  augmen- 
tée, Venise,  1726  ;  2"  De  una  sententia 
damnationis  in  Acacium  episcopum  con- 
staniinopolitanum,  lata  in  synodo  ro- 
mana  FelicispapœlII,  dissertatio-,  etc., 
Venise,  1 729  ;  3°  /?e  schismate  Ecclesiœ 
aquileiensis  dissertatio  historica  ;  accé- 
dant acta  synodi  mantuanœ,  pro  causa 
sanctœ  aquileiensis  Ecclesiœ ,  etc. ,  Ve- 
nise, 1732;  i" Monumenta  ecclesiœ  aqui- 
leiensis, commentario  historico-chrono- 
logico  ~  critico  iUustrata,  etc.  ,  Stras- 
bourg (  Venise },  1740  ;  6°  Divi  Thomœ 
Aquinatis  opéra  theologica,  etc. ,  28  vol. 
in-4,  Venise,  depuis  1745  jusqu'en  1760; 
6°  De  nummis  patriarcharum  aquileien- 
sis Ecclesiœ,  Venise,  1747  et  1749;  7° 
De  sectis  et  scriptis  ac  doctrina  sancti 
Thomœ  Aquinatis  dissertationes  criticœ 
et  apologeticœ,  Venise,  1750;  8°  De 
rébus  congregationis  sub  titulo  B.  Ja- 
cobi  Salomonii,  commentarius  histori- 
eus,  Venise,  1751;  d°  Georgii  seu  Gre- 
gorii  Cyprii,  patriarchœ  constantinopo- 
litani,  vila,  etc.  ;  accédant  dissertationes 
duœ  historicœ,  cum  biais  epistolis  ejus- 
dem  Cyprii,  etc.,  Venise,  17  53;  10°i?e 
Theophylacti  Bulgariœ  archiescopi  ges- 
tis,  scriptis  et  doctrina,  etc. ,  dans  le 
1  "  tome  des  OEuvres  de  cet  archevêque, 
Venise,  1754;  \\°  De  peccato  originali 
ejusque  natura,  etc. ,  tractatus  theolo*- 
gfjcuf,  etc. ,  Venise ,  1757;  12°  Disserta- 
tiones variœ  eruditionis,  etc.  .Venise, 
1762  ;  \Z°  De  charitate,  virtute  theolo- 
gica,  ejusque  natura,  yenise  ,  1758;  14° 
p^ita  beatœ  Benvenutœ Bojanœ,  de  civi- 
tate  Austria,  inproi'inciaForijuîii,  etc., 
Venise,  1757.  Monsignor  Fabrioni  a  pu- 
blié la  P^ie  du  Père  de  Rubeis ,  et  l'a  in- 
sérée dans  le  tome  2  des  P^itœ  Italorum, 
page  99,  avec  une  nomenclature  exacte 
de  tous  ses  ouvrages.  Voyez  aussi  le 
Giornale  de'  Letterati  d'Italia,  Modène, 
1776. 

RU  BEN,  fils  aîné  de  Jacob  et  de 
Lia.  Pendant  que  Jacob  était  dans  la 
terre  de  Chanaan,  auprès  de  la  tour 
du  troupeau  ,  Ruben  déshonora  son  lit , 
et  abusa  de  Bala  sa  concubine  ;  ce  qui  le 
priva  du  droit  d'aînesse,  lequel  fut  trans- 
porté à  Juda.  Lorsque  ses  frèrçs  résolu- 


556  fRUB 

rent  de  se  défaire  de  Joseph  ,  Ruben  , 
touché  de  compassion  ,  les  en  détourna  , 
en  leur  persuadant  de  le  jeter  plutôt  dans 
une  citerne  :  il  avait  dessein  de  l'en  tirer 
secrètementi  pour  le  rendre  à  son  père. 
Jacob ,  au  lit  de  la  mort ,  adressant  la 
parole  à  Ruben  son  hls  aîné  ,  lui  reprocha 
son  crime  ,  et  lui  dit  que  parce  qu'il 
j>  avait  souillé  le  lit  de  son  père  ,  il  ne 
)>  croîtrait  pas  en  autorité.  »  La  tribu  de 
Ruben  éprouva  les  suites  de  celte  impré- 
cation. Elle  ne  fut  jamais  considérable 
ni  nombreuse  dans  Israël.  Elle  eut  son 
partage  au  delà  du  Jourdain  ,  entre  les 
torrens  d'Arnon  et  de  Jazer  ,  les  monts 
Galaad  et  le  Jourdain.  Ruben  mourut 
l'an  1 626  avant  J.  C. ,  à  1 24  ans. 

RDBEWS  (  Philippe),  originaire  d'An- 
vers ,né  à  Cologne  en  1574  d'une  famille 
noble,  devint  secrétaire  et  bibliothécaire 
du  cardinal  Ascagne  Colonne  ,  puis  se- 
crétaire de  la  ville  d'Anvers ,  où  il  mou- 
rut en  1611 ,  à  37  ans.  Il  est  connu,  1° 
par  des  Poésies  en  latin,  adressées  à 
Juste-Lipse  ;  2°  Electorum  libri  II  in 
quels  ritus  et  censurœ  ;  3°  B.  Asterii , 
Amasiœ  episcopi ,  Homeliœ  ;  c'est  une 
version  latine,  Anvers,  1615,  in-4. 

RUBEJNS  (  Pierre-PAUL  ) ,  frère  du 
précédent ,  naquit  à  Cologne  le  29  juin 
J577.  Son  père  le  mit  [page  chez  la  com- 
tesse de  Lalain  ;  mais  son  goût  le  porta  à 
la  peinture  :  il  partit  pour  l'Italie,  après 
avoir  pris  des  leçons  d'Othon  van  Veen. 
(  Voyez  Vknius.  )  Le  [duc  de  Mantoue  , 
informé  de  son  rare  mérite ,  lui  donna 
un  logement  dans  son  palais.  Ce  fut  là 
que  Rubens  ht  une  étude  particulière 
des  ouvrages  de  Jules  Romain.  Les  ta- 
bleaux du  Titien,  de  Paul  Véronèse  et  du 
Tintoret  l'appelèrent  à  Venise.  L'étude 
qu'il  fit  des  chefs-d'œuvre  de  ces  grands 
maîtres  changea  son  goût ,  qui  tenait 
de  celui  du  Caravage ,  pour  en  prendre 
un  qui  lui  fût  propre.  Ce  célèbre  artiste 
se  rendit  ensuite  à  Rome ,  et  de  là  à 
Gènes.  Enfin  il  fut  rappelé  en  Flandre 
par  la  nouvelle  qu'il  reçut  que  sa  mère 
était  dangereusement  malade.  Ce  fut 
vers  ce  temps-là  que  Marie  de  Médicis  le 
fît  venir  à  Paris  pour  peindre  la  galerie 
de  son  palais  du  Luxembourg.  Rubens  fit 


RUB 

les  tableaux  à  Anvers  ,  et  alla  à  Paris  en 
1625  pour  les  mettre  en  place.  Il  devait 
y  avoir  une  galerie  parallèle,  représentant 
l'histoire  de  Henri  IV  :  Rubens  en  avait 
même  déjà  commencé  plusieurs  tableaux; 
mais  la  disgrâce  de  la  reine  en  empêcha 
l'exécution.  Rubens  avait  plus  d'une 
sorte  de  mérite  qui  le  faisait  rechercher 
des  grands  lorsqu'ils  avaient  besoin  de 
ses  talens.  Le  duc  de  Buckingham,  lui 
ayant  fait  connaître  tout  le  chagrin  que 
lui  causait  la  mésintelligence  des  cou- 
ronnes d'Espagne  et  d'Angleterre ,  le 
chargea  de  communiquer  ses  desseins  à 
l'infante  Isabelle ,  veuve  de  l'archiduc 
Albert.  Rubens  montra  en  cette  occasion 
qu'il  y  a  des  génies  qui  ne  sont  jamais 
déplacés.  Il  fut  un  excellent  négociateur, 
et  la  princesse  crut  devoir  l'envoyer  au 
roi  d'Espagne ,  Philippe  IV ,  avec  com- 
mission de  proposer  des  moyens  de  paix 
et  de  recevoir  ses  instructions.  Le  roi  fut 
frappé  de  son  mérite ,  le  fit  chevalier ,  et 
lui  donna  la  charge  de  secrétaire  de  son 
conseil  privé.  Rubens  revint  à  Bruxelles 
rendre  compte  à  l'infante  de  ce  qu'il  avait 
fait  ;  il  passa  ensuite  en  Angleterre,  avec 
les  commissions  du  roi  catholique;  enfin 
la  paix  fut  conclue  ,  au  désir  des  deux 
puissances.  Le  roi  d'Angleterre ,  Charles 
I" ,  le  fit  aussi  chevalier  ;  il  illustra  ses 
armes  en  y  ajoutant  un  canton  chargé 
d'un  lion ,  et  tira  en  plein  parlement 
l'épée  qu'il  avait  à  son  côté  pour  la  don- 
ner à  Rubens  ;  il  lui  fit  encore  présent 
du  diamant  qu'il  avait  à  son  doigt ,  et 
d'un  cordon  aussi  enrichi  de  diamans. 
Rubens  retourna  de  nouveau  en  Espagne, 
où  il  fut  honoré  de  la  clef  d'or,  créé 
gentilhomme  de  la  chambre  du  roi , 
nommé  secrétaire  du  conseil  d'état  dans 
les  Pays-Bas.  Enfin,  combléd'honneurs  et 
de  biens,  il  revint  à  Anvers,  où  il  épousa 
Hélène  Forment,  célèbre  par  l'éclat  de 
sa  beauté.  Il  partageait  son  temps  entre 
les  afifaires  et  la  peinture.  Il  mourut  à 
Anvers  le  30  mai  1640.  Ce  peintre  vécut 
toujours  comme  une  personne  de  la  pre- 
mière considération  ;il  réunissait  en  lui 
tous  les  avantages  qui  peuvent  rendre 
recommandable.  Sa  figure  et  ses  ma- 
nières étalent  nobles,  sa  conversation 


RUB 

brillante,  son  logement  magnifique  et 
eurichi  de  ce  que  l'art  ofifre  de  plus  pré- 
cieux en  tout  genre.  Il  reçut  la  visite  de 
plusieurs  souverains,  et  les  étrangers 
venaient  le  voir  comme  un  homme  rare. 
Son  génie  le  rendait  également  propre 
pour  tout  ce  qui  peut  entrer  dans  la 
composition  d'un  tableau.  Il  inventait 
facilement;  et  s'il  fallait  recommencer 
un  même  sujet  plusieurs  fois ,  son  ima- 
gination lui  fournissait  aussitôt  des  or- 
donnances d'une  nouvelle  magnificence. 
Ses  attitudes  sont  naturelles  et  variées , 
ses  airs  de  tête  sont  d'une  beauté  sin- 
gulière. Il  y  a  dans  ses  idées  une  abon- 
dance ,  et  dans  ses  expressions  une  viva- 
cité surprenante. On  ne  peut  trop  admirer 
son  intelligence  du  clair-obscur  ;  aucun 
peintre  n'a  mis  autant  d'éclat  dans  ses 
tableaux  ,  et  ne  leur  a  donné  en  même 
temps  plus  de  force  ,  plus  d'harmonie  et 
de  vérité.  Son  pinceau  est  moelleux , 
ses  touches  faciles  et  légères ,  ses  carna- 
tions fraîches,  et  sesjdraperies  jetées  avec 
beaucoup  d'art.  Il  s'était  fait  des  prin- 
cipes certains  et  lumineux  qui  l'ont  guidé 
dans  tous  ses  ouvrages.  On  lui  a  reproché 
de  n'avoir  pas  assez  connu  ou  consulté 
le  costume,  d'avoir  quelquefois  un  goût 
de  dessin  lourd  et  quelques  incorrec- 
tions dans  ses  figures.  L'étonnante  rapi- 
dité avec  laquelle  il  peignait  peut  l'avoir 
fait  tomber  dans  ce  dernier  défaut ,  qui 
ne  se  rencontre  point  dans  les  ouvrages 
qu'il  a  travaillés  avec  soin.  Ses  dessins 
sont  d'un  grand  goût,  d'une  touche 
savante  ;  la  belle  couleur  et  l'intelligence 
de  tout  l'ensemble  s'y  font  remarquer. 
Ses  peintures  sont  en  grand  nombre  ;  les 
principales  sont  à  Bruxelles  ,  à  Anvers , 
à  Gand ,  en  Espagne ,  à  Londres ,  à  Paris. 
On  a  beaucoup  gravé  d'après  ce  maître. 
On  a  de  lui  un  Traité  de  la  peinture^  An- 
vers, 1622  ;  et  \ Architecture  italienne, 
Amsterdam,  1154,  in-fol.  Il  avait  donné 
aux  jésuites  d'Anvers  son  portrait  fait  à 
la  plume  par  lui-même  :  on  le  voyait 
encore  dans  la  bibliothèque  de  la  maison 
professe  en  1773  (  nous  ignorons  ce  qu'il 
est  devenu).  On  lisait  au  bas  ce  distique  : 

Hcc  Peiri  Pauli  piclori»  imigo  RubeDÏ  eit , 
Ejitf  que  proprio  facU  (uit  calamo. 


RUB  557 

(Le  musée  du  Louvre  possède  de  ce  grand 
maître  17  Tableaux  et  9  Dessins  -.  ces 
derniers  se  trouvent  dans  la  galerie  d'A- 
pollon. La  vie  de  Rubens  a  été  écrite  par 
J.-F.-M.  Michel,  Bruxelles,  1771  ,'in-8.) 

RUBENS  (Albert),  savant  archéo- 
logue ,  l'un  des  fils  du  précédent ,  né  à 
Anvers,  en  1614,  jouit  de  l'estime  de 
l'archiduc  Léopold  Guillaume  ,  gouver- 
neur des  Pays-Bas  ;  il  la  mérita  par  ses 
connaissances ,  et  plus  encore  par  ses 
belles  qualités.  Jamais  il  ne  brigua  les 
honneurs,  et  se  contenta  toujours  d'une 
fortune  médiocre.  Il  mourut  l'an  1657, 
après  avoir  perdu  son  fils  unique  et  en- 
suite sa  femme.  On  a  de  lui  :  1°  De  rêves- 
tiaria  veterum,  prœcipue  de  lato  clavOy 
libri  II,A.n\eis,  1665,  publié  par  Graevius; 
2°  Diatribœ  de  gemma  tiberiana ,...de 
gemma  augustœa-, . .  de  urbibusNeocoris. . 
de  nataU  die  Cœsaris  Augusti ,  etc.  ; 
ces  dissertations  se  trouvent  dans  le 
Trésor  des  antiquités  romaines  de  Gros 
novius,  lom.  6  et  1 1  ;  3°  Regum  et  im- 
peratorum  romanorum  numi^mata , 
Anvers,  1654,  in-fol.;  c'est  une  descrip- 
tion enrichie  de  notes  du  cabinet  de  mé- 
dailles du  duc  d'Arschot,  publiée  par 
Gaspard  Gevart ,  et  ensuite  à  Berlin  en 
1700 ,  avec  de  nouvelles  notes  par  Lau- 
rent Béger;  4°  De  vita  Flavii  Manlii 
Theodori,  Utiecht ,  1694  ,  in-12. 

RUBEUS  (Jean-Baptiste) ,  né  à  Ravenne 
d'une  famille  noble,  se  fit  carme,  et  se  si- 
gnala tellement  par  sa  science, que  Paul  III 
le  nomma  professeur  en  théologie  au  col- 
lège delà  Sapience  à  Rome.  Pie  IV  le  char- 
gea dediverses  commissions  importantes. 
Il  fut  fait  vicaire-général  l'an  1562  ,  et 
prieurgénérall'an  1564.Etant  allé  visiter 
les'couvens  de  son  ordre  en  Portugal  et  en 
Espagne,  il  vit  saint  Thérèse  à  Avila ,  ap- 
prouva la  réforme  qu'elle  avait  commencé 
à  introduire  dans  son  monastère,  et  en- 
tretint ensuite  un  commerce  de  lettres 
avec  elle.  Il  fit  difficulté  de  laisser  intro- 
duire la  même  réforme  dans  les  couvens 
d'hommes,  et  n'accorda  celte  permission 
que  pour  deux  couvens.  Pie  V  et  Gré- 
goire XIII  ne  lui  donnèrent  pas  moins  de 
marques  d'estime  que  leurs  prédéces- 
seurs. 11  mourut  à  Rome  le  5  septembre 


558  RUB 

1578.  On  a  de  lui  des  Sermons,  des 
Commentaires  sur  lesOEuvresàe  Thomas 
Waldensis,  Venise,  1571,  3  v.  in-fol.,  etc. 

RUBEUS.  Foyez  Rossi. 

"RUBINI  (Pierre),  médecin",  né  en 
1760  à  Parme,  était  destiné  à  l'état  de 
forgeron  qu'exerçait  son  père.  Ce  fut  en 
lui  désobéissant  que  le  jeune  Rubini 
étudia  la  médecine.  Reçu  docteur  h  l'u- 
niversité de  sa  ville  natale ,  il  continua 
à  s'exercer  dans  le  traitement  des  malades 
en  fréquentant  le  grand  hôpital ,  et  fut 
quelque  temps  après  médecin  pensionné 
d'un  petit  village  nommé  Combiano.  Le 
duc  de  Parme,  ayant  entendu  parler  avec 
avantage  des  talens  de  Rubini,  le  chargea 
d'aller  visiter  aux  frais  de  son  gouverne- 
ment les  principales  universités  de 
l'Europe.  Rubini  se  rendit  d'abord  à  Pavie 
où.  il  suivit  les  leçons  du  célèbre  Frank , 
passa  ensuite  à  Montpellier ,  à  Lyon  ,  à 
Paris ,  à  Edimbourg ,  et  se  mit  en  rela- 
tion avec  les  plus  savans  professeurs  de 
cette  époque.  Nommé ,  à  son  retour,  pro- 
fesseur de  clinique  médicale  à  l'univer- 
sité de  Parme,  il  concourut  puissamment 
en  1804  à  la  fondation  de  la  société  de 
médecine  et  de  chirurgie  instituée  dans 
cette  ville  sur  le  plan  de  celle  d'Edim- 
bourg. L'enseignement  de  ce  professeur 
était  basé  sur  les  systèmes  modifiés  de 
Brown  et  de  Rasori.  Nous  empruntons  à 
une  biographie  moderne  la  courte  analyse 
de  la  doctrine  de  Rubini.  Il  considérait 
les  altérations  des  humeurs  comme  un 
effet  de  l'altération  des  solides  ou  bien 
même  de  l'excitation  :  il  admettait  aussi 
les  deux  diathèses ,  sthénique  et  asthé- 
nique,  qui  sont  les  bases  principales  de  la 
doctrine  moderne  italienne  ,  et  un  état 
morbique  d'irritation  dont  il  faisait  une 
troisième  diathèse.  Nous  ne  pousserons 
pas  plus  loin  l'exposition  de  ce  système 
qu'il  sera  facile  d'étudier  dans  ses  ou- 
vrages. Outre  ceux  qui  se  trouvent  dans 
les  Mémoires  de  la  société  italienne , 
nous  citerons  ses  Reflessioni  sulla  febbri 
chiamate  giaUe  e  su'contagj  in  gencre, 
Parme,  1805,  in-8  ;  Reflessioni  sulla  ma- 
lattia  communemente  denominata  crup , 
1813,  in-8  ;  Discours  sur  les  progrès  de 
la  vaccine  dans  le  département  du  TarOy 


RUC 

en  1812,  inséré  dans  la  Notice  sur  les 
progrès  de  la  vaccine  ,  1813,  in-8.  Ru- 
bini a  laissé  aussi  plusieurs  ouvrages 
manuscrits.  H  mourut  d'uneinflammation 
aux  poumons,  le  15  mai  1819.  11  était 
membre  de  plusieurs  sociétés  savantes, 
et  en  1816  l'archiduchesse  Marie-Louise 
l'avait  nommé  son  médecin  consultant  et 
archiâtre  de  Parme.  U Eloge  historique 
de  Rubini  par  M.  Pezzana,  bibliothécaire 
à  Parme  ,  1 822  ,  in-8  ,  se  trouve  dans  le 
tome  19^1  des  Mémoires  de  la  société  ita- 
lienne des  sciences. 

RUBRDQUIS  (  Guillaume  de  Ruys- 
BROECK ,  dit  )  ,  cordelier  du  1 3*  siècle , 
dont  on  ignore  la  patrie  -.  les  uns  le  font 
Anglais,  les  autres  Brabançon.  Il  fut 
envoyé  en  Tartarie  l'an  1253  par  saint 
Louis ,  pour  travailler  à  la  conversion  de 
ces  peuples,  et  parcourut  toutes  les 
cours  des  différens  princes  de  ees  con- 
trées ,  mais  sans  y  faire  beaucoup  de 
fruit.  Il  donna  en  latin  une  Relation  de 
son  voyage ,  et  l'envoya  à  saint  Louis.  Il 
y  en  a  différentes  copies  manuscrites. 
Richard  Hakluyt  en  a  publié  une  partie 
dans  son  Recueil  des  navigations  des 
Anglais.  Pierre  Bergeron  l'a  donnée  en 
français  sur  deux  manuscrits  latins,  Paris, 
1634  ;  et  dans  les  Foyages  faits  princi- 
palement en  Asie ,  La  Haye ,  1735,  2  vol. 
in- 4. 

RUBUS.  Voyez  Buisson. 

RUCCELLAI  (  Bernard  ) ,  en  latin 
Oriccellarius ,  né  à  Florence  en  1449, 
était  allié  des  Médicis ,  et  fut  élevé  aux 
plus  belles  charges  de  sa  patrie.  U 
connaissait  parfaitement  les  finesses  de 
la  langue  latine ,  et  l'écrivait  avec  une 
grande  pureté  ;  mais  personne,  pas  même 
Erasme,  ne  put  jamais  l'engager  à  la  par- 
ler. Le  Père  Mabillon  Taccuse  d'avoir 
écrit  avec  trop  de  partialité  sur  l'expé- 
dition du  roi  Charles  VIII  en  Italie ,  dans 
son  De  Bello  italico,  Londres,  1724, 
in-4.  Mais  peut-être  ce  reproche  est- il 
lui-même  le  fruit  de  la  partialité  ;  car 
celte  guerre  était  peu  susceptible  d'une 
relation  avantageuse. 

RUCCELLAI  (  Jean  ) ,  appartenait  à 
l'une  des  premières  familles  de  Florence. 
U  naquit  dans  cette  ville  en  1475.11  était 


RUC 

neveu,  du  côté  de  sa  mère,  de  Laurent  de 
Médicis  dit  le  Magnifique  ;  il  embrassa  de 
bonne  heure  l'état  ecclésiastique  ,  parut 
avec  distinction  à  la  cour  de  Rome,  et 
lut  envoyé  nonce  en  France  par  Léon  X  , 
son  parent.  François  P''  lui  marqua  beau- 
coup de  bienveillance  ;  mais  le  pape  s'é- 
tant  ligué  avec  l'empereur  Charles-Quint 
contre  ce  prince  ,  Pvucceiai  fut  obligé  de 
retourner  en  Italie.  Clément  VII  le  nomma 
protonotaire  apostolique ,  gouverneur 
du  château  Saint-Ange.  On  s'attendait  à 
le  voir  honoré  de  la  pourpre ,  lorsqu'il 
mourut  d'une  fièvre  ardente  en  1635. 
Ruccellai  cultiva  avec  succès  les  Muses 
italiennes.  On  a  de  lui  :  1°  la  Rosemonde, 
in-8  ,  1525,  tragédie  représentée  con- 
jointement avec  la  Sophonisbe  du  Trissin 
devant  le  pape  Léon  X.  Lorsqu'il  passa 
en  1512  à  Florence,  ce  pape  visita  l'au- 
teur dans  sa  maison  de  campagne.  Cette 
tragédie  a  été  plusieurs  fois  réimprimée, 
et  on  y  trouve  des  beautés  qui  doivent 
faire  pardonner  quelques  imperfections. 
2"  Les  Abeilles  ,  1 539 ,  in-8  ,  poème  en 
vers  non  rimes ,  qui  prouve  de  l'imagi- 
nation et  du  stile ,  Florence ,  1 590 ,  in-8  ; 
3°  Oreste,  tragédie  long- temps  manu- 
scrite, et  publiée  parle  marquis Scipion 
Maffei  dans  le  1"^^  volume  du  Théâtre 
iialien  ,  Vérone ,   1723,  in-8. 

RUCHAT  (  Abraham  ) ,  né  dans  le 
canton  de  Berne,  vers  1680  ,  a  été  long- 
temps professeur  de  théologie  à  Lausanne, 
oii  il  mourut  en  17  50.  On  a  de  lui:  \°  De- 
lices  de  la  Suisse  ,  Leyde,  1714  ,  4  vol. 
in-12  ,  sous  le  nom  Gottlieb  Kypseler  ; 
ouvrage  curieux  à  raison  du  pays  qui  en 
fait  l'objet ,  mais  mal  rédigé ,  sans  juge- 
ment et  sans  goût  :  tout  plein  des  pré- 
jugés les  plus  grossiers  de  sa  secte,  l'au- 
teur oublie  les  délices  de  son  pays  pour  en 
raconter  les  sottises.  2°  Histoire  de  la  ré- 
formation  en  5ume,  Genève,  1727,  6 
vol.  in-1 2.  Il  a  pu  y  donner  mieux  l'essor 
à  son  fanatisme  que  dans  l'ouvrage  pré- 
cédent ;  avantage  dont  il  a  joui  aussi  dans 
V Abrégé  de  t histoire  ecclésiastique  du 
pays  de  Vaud^  Berne,  1707,  in-8.  Sa 
Grammaire  hébraïque  et  sa  Géographie, 
publiées  sous  le  nom  à' Abraham  Dubois, 
sont  de  pauvres  compilations.  On  trouve 


RUD  559 

dans  le  journaKhelvétique,  mai  1751,  un 
Eloge  de  Buchat ,  par  J.  Alph.  Rosset, 
recteur  de  l'académie  de  Lausanne,  avec 
une  notice  incomplète  de'ses  ouvrages. 

*RUCHS  (N.)  historiographe  du  roi 
de  Prusse,  né  en  1790  à  Greifswald  dans 
la  Poméranie  suédoise,  mort  en  1820  à 
Livourne ,  oii  il  était  allé  pour  rétablir 
sa  santé.  Il  fut  long-temps  professeur 
d'histoire  à  l'université  de  Berlin  et  il 
était  membre  de  l'académie  de  cette  ville. 
Il  est  particulièrement  connu  par  sou 
Histoire  de  Suède  ,  4  vol.  in-8 ,  publiée  à 
Greifswald ,  et  qui  a  fondé  sa  réputation 
comme  historien.  On  a  encore  de  lui  : 
Essai  d'une  histoire  de  la  religion ,  du 
gouvernement  et  de  la  civilisation  de 
l'ancienne  Scandinavie ,  1801;  de  la 
Finlande  et  de  ses  habitans  ,  1 809  ;  des 
Lettres  sur  la  Suède  ,  1814.  A  l'époque 
de  sa  mort,  il  travaillait  à  une  Histoire 
de  Bysance ,  d'après  les  anciens  auteurs 
bysantins. 

RUDBECK  (  Olaûs)  ,  né  à  Arosen  , 
dans  le  Westermanland,  en  1630,  d'une 
famille  noble,  fut  professeur  d'anatomie 
et  de  botanique  à  Upsal  ,  oii  il  mourut 
en  1702  ,  dans  sa  73^  année.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  sont  :  1°  Exercitatio 
anatomica ,  Leyde,  i654,  in-8.  Il  y 
publie  la  découverte  anatomique  des 
vaisseaux  lymphatiques.  Il  prétend  que 
cette  découverte  lui  appartient ,  et  que 
Thomas Bartolin  l'a  luia  dérobée.  Ce  qu'il 
y  a  de  sûr ,  c'est  que  le  docteur  Jolise 
avait  aperçu  ces  vaisseaux  en  Angleterre. 
Il  y  a  apparence  que  la  gloire  de  cette 
découverte  leur  appartient  à  chacun  en 
particulier.  2°  Atlantica  vera  Japheti 
posterorum  sedes  ac patria,  1679, 1689 
et  1698,  3  vol.  in-fol.  Il  devait  y  avoir 
un  4«  tome,  qui  est  resté  manuscrit.  On  y 
joint  pour  4<'  iomeun  Atlas  de  43  cartes, 
avec  deux  tables  chronologiques  ;  le  por- 
trait de  Rudbeck  est  à  la  tête.  L'auteur 
prétend  que  la  Suède  ,  sa  pak-ie ,  a  été  la 
demeure  des  descendans  de  Japhet  ; 
qu'elle  est  la  véritable  Atlantide  de 
Platon  ,  et  que  c'est  de  la  Suède  que  les 
Grecs ,  les  Romains  et  autres  peuples  sont 
sortis.  Un  de  ses  compatriotes  ,  M.  Baer, 
dans  son  Essai  historique  et  critique  sur 


56o  RUD 

les  Atlantides,  a  mieux  prouvé  que  l'At- 
lantide était  la  Palestine.  Du  reste ,  il  y 
a  dans  l'ouvrage  de  Rudbek  beaucoup 
d'érudition ,  et  des  observations  qui  ne 
sont  pas  à  négliger.  Il  prouve  assez  bien 
que  les  anciens  peuples  du  Nord  avaient 
mieux  conservé  la  tradition  primitive 
que  les  Grecs  et  les  Romains,  que  ceux- 
ci  en  ont  pris  beaucoup  de  notions  et  de 
mots.  [Voyez  Goropius,  Stevin.  )  3° 
Leges  ïVast-Golhicce  ,  Upsal,  in-fol. , 
rare;  4"  une  Description  des  plantes , 
gravées  en  bois,  1701  et  1702,  2  vol. 
in-fol.  ;  il  devait  y  en  avoir  12  ;  5*  un 
Traité  sur  la  Comète  rfe  1667  ;  &°La- 
ponia  illustrata  et  iter  per  Uplandiam  , 
Upsal,  1701  ,  in-4.  Il  n'y  donne  que  la 
description  de  l'Uplande  ;  c'est  probable- 
ment le  commencement  d'un  ouvrage 
qu'il  n'a  point  achevé.  Quelques-uns  at- 
tribuent cet  ouvrage  à  son  fils;  mais  il  y 
a  beaucoup  d'apparence  qu'il  n'en  est  que 
l'éditeur.  7'  Dissertation  sur  l'oiseau 
Salaï  de  la  Bible,  1705,  in-4  ,  ouvrage 
que  quelques  auteurs  attribuent  au  fils. 
—  Son  fils  ,  Olaûs  Rudbeck  ,  a  donné: 
1"  Disscrtatio  de  hedera  ,  1716  ;  2"  Ca- 
talogue des  plantes  de  la  Laponie  ,  ob- 
servées ,  en  1 695 ,  dans  les  Actes  de  l'a- 
cadémie de  Suède  de  l'an  1720,  etc.; 
5°  Spécimen  linguœ  gothicce,  1717, 
in-4. 

RUDIUS  (  Eustache  ) ,  médecin  cé- 
lèbre dans  le  16*  siècle  ,  né  dans  la  I)al- 
matic  ,  professa  son  art  à  Venise  et  puis 
à  Padoue ,  où  il  fit  des  cures  merveil- 
leuses. Consulté  dans  les  cas  graves  par 
les  habiles  médecins  de  l'Italie ,  il  ne  se 
trompait  jamais,  dit-on,  sur  le  genre 
des  maladies ,  quelque  compliqués  qu  en 
fussent  les  symptômes  ,  et  son  pronostic 
était  toujours  certain  ;  ce  qui  fit  naître 
le  proverbe  :  «  Dieu  te  garde  du  pro- 
»  nostic  de  Rudius.  »  Il  publia  un  grand 
nombre  d'ouvrages ,  dont  "Van  der  Lind- 
den  a  donné  le  catalogue.  Le  premier 
qu'il  fit  paraître  est  un  traité  de  Firtu- 
tibui  et  vitiis  cordis  ,\cnise  ,  1 587-1600, 
in-4.  Rudius  mourut  en  1612. 

•RUDNAY  (Alexandre  de),  archevêque 
de  Strigonie,  naquit  le  4  octobre  1 760  ,  à 
SzentRetestz  ou  Sainte-Croix,  dans  le  dio- 


RUE 

cèsede  Strigonie.  Il  fut  fait  en  1816  évê- 
que  de  Transylvanie  ou  Weissembourg  ; 
en  1819  il  fut  transféré  à  l'archevêché  de 
Gran  ou  Strigonie,auquel  sont  attachés  les 
titres  de  légat  dusaint-Siégeet  de  primat 
de  Hongrie.  Il  tint  à  Presbourg ,  en  1 822, 
un  concile  national  de  Hongrie,  où  l'on 
fit  des  règlemens  sur  la  discipline ,  sur 
l'éducation  dans  les  séminaires  et  sur 
divers  autres  points.  Voyez  VAmi  de  la 
religion,  n"'  853  et  902  où  sont  cités  des 
extraits  des  discours  prononcés  par  le 
primat  à  l'ouverture  et  à  la  fin  du  con- 
cile. Le  concile  demanda  le  rétablisse- 
ment des  jésuites.  M.  de  Rudnav  fut  fait 
cardinal  in  petto  par  Léon  XII ,  le  2  oc- 
tobre 1 826  ;  mais  il  ne  fut  déclaré  que  le 
15  décembre  1828.  Il  n'assista  point  au 
conclave  de  1829  et  de  \%2i.  ha  Gazette 
d^Ausbourg  nous  apprend  qu'il  avait 
fait  commencer  à  Gran  la  construction 
d'une  magnifique  cathédrale,  et  qu'il  n'a 
pas  eu  le  temps  de  l'achever.  M.  deRud- 
nay  prenait  les  titres  de  chancelier,  de 
conseiller  d'état  et  de  président  delà 
commission  ecclésiastique.  Son  zèle  pour 
la  tenue  du  concile  et  la  sagesse  avec 
laquelle  il  le  présida ,  doivent  rendre  sa 
mémoire  précieuse  au  clergé  de  Hongrie. 
Il  est  mort  à  Strigonie  le  1 3  septembre 
1831. 

RUE  (  Charles  de  la  ) ,  né  à  Paris  en 
1643  ,  entra  chez  les  jésuites  ,  et  y  de- 
vint professeur  d'humanités  et  de  rhé- 
torique. Son  talent  pour  la  poésie  brilla 
avec  éclat  dès  sa  jeunesse.  Il  se  signala 
en  1 667  par  un  Poème  latin  sur  les  con- 
quêtes de  Louis  XIV,  que  le  grand  Cor- 
neille mit  en  vers  français.  L'auteur  du 
Cid ,  en  présentant  la  traduction  au  roi , 
fit  de  l'original  et  du  jeune  poète  un 
éloge ,  qui  inspira  beaucoup  d'estime  à 
ce  monarque.  Le  Père  de  la  Rue  de- 
manda instamment  la  permission  d'aller 
prêcher  l'Evangile  dans  les  missions  du 
Canada  ;  mais  il  fut  refusé.  Ses  supé- 
rieurs le  destinaient  à  la  chaire  ;  il  rem- 
plit avec  applaudissement  celles  de  la 
capitale  et  de  la  cour.  H  aurait  peut- 
être  donné  dans  l'esprit ,  sans  le  propos 
que  lui  tint  un  courtisan  :  «  Mon  Père , 
»  lui  dit- il ,  continuez  à  prêcher  comme 


RUE 

u  vous  faites  ;  nous  vous  écouterons 
»  toujours  avec  plaisir ,  tant  que  vous 
»  nous  présenterez  la  raison,  mais  point 
»  d'esprit.  Tel  de  nous  en  mettra  plus 
M  dans  un  couplet  de  chanson ,  que  la 
»  plupart  des  prédicateurs  dans  tout  un 
»  carême.  «  Le  Père  de  la  Rue  était  le 
prédicateur  de  son  siècle  qui  débitait  le 
mieux;  cependant,  avec  un  talent  si  dis- 
tingué pour  la  déclamation  ,  il  fut  d'avis 
d'aflfranchir  les  prédicateurs  de  l'escla- 
vage d'apprendre  par  cœur.  Il  pensait 
qu'il  valait  autant  lire  un  sermon  que 
de  le  prêcher.  (  Ployez  Massillon.  }  Cet 
illustre  jésuite  fut  employé  dans  les  mis- 
sions des  Cévennes.  H  eut  le  bonheur  de 
faire  embrasser  la  religion  catholique  à 
plusieurs  proteslans  ,  et  de  la  faire  res- 
pecter aux  autres.  U  mourut  à  Paris  en 
1725  ,  à  82  ans.  Le  Père  de  la  Rue  était 
aussi  aimable  dans  la  société  qu'effrayant 
dans  la  chaire.  Sa  conversation  était 
belle,  riche,  féconde.  Son  goût  pour 
tous  les  arts  lui  donnait  la  facilité  de 
parler  de  tout  à  propos.  Il  plaisait  aux 
grands  par  son  esprit,  et  aux  petits  par 
son  affabilité.  Au  milieu  du  tumulte  du 
monde,  il  savait  se  préparer  à  la  soli- 
tude du  cabinet  et  à  la  retraite  du  cloî- 
tre. On  a  de  lui  :  1°  des  Panégyriques 
et  des  Oraisons  funèbres  ,  3  vol.  in-12j 
4  vol.  in-8,  et  des  Sermons  de  morale, 
qui  forment  un  Avent  et  un  Carême,  en  4 
vol.  in-^  ,  Paris  :  on  les  a  réimprimés  en 
4  vol.  in-12.  L'ingénieuse  distribution  , 
le  juste  rapport  des  différentes  parties, 
la  véhémence  du  stile  et  les  grâces  de 
]a  facilité,  brillent  dans  ses  ouvrages.  Il 
anime  tout  ;  mais  son  imagination  le 
rend  quelquefois  plus  poète  que  prédi- 
cateur. Ce  défaut  se  fait  moins  sentir 
dans  son  Avent  que  dans  son  Carême. 
Son  chef-d'œuvre  est  le  Sermon  des  Ca- 
lamite's  publiques.  Parmi  ses  Oraisons 
funèbres ,  celles  du  maréchal  de  Luxem- 
bourg et  de  Bossuet  sont  ce  qu'il  a  fait 
de  plus  beau.  2"  Des  pièces  de  théâtre. 
Ses  tragédies  latines  intitulées  Lysima- 
chus  et  Cyrus ,  et  celles  de  Lysimachus 
et  de  Sylla ,  en  vers  français ,  méritèrent 
l'approbation  de  P.  Corneille.  Les  co- 
médiens de  l'hôtel  de  Bourgogne  se  pré- 
XI. 


RUE  56i 

paraient  secrètement  à  jouer  cette  der- 
nière pièce  ;  mais  le  Père  de  la  Rue, 
en  étant  informé,  les  arrêta  par  son  cré- 
dit ,  ne  voulant  pas  que  des  pièces  com- 
posées pour  l'exercice  des  écoliers ,  dans 
des  vues  de  zèle  pour  la  bonne  institu- 
tion de  la  jeunesse  ,  parussent  avoir  été 
destinées  à  un  théâtre  lubrique  et  cor- 
rompu. (  On  est  encore  persuadé  que 
l'Andrienne  ,  imitée  de  Plaute  ,  et 
V Homme  à  bonne  fortune  que  Baron  s'at- 
tribuait ,  étaitnt  du  Père  de  la  Rue.)  3" 
Quatre  livres  de  Poésies  latines ,  Paris, 
1668,  1680,  in-12  ,  et  Anvers,  1693  :  ces 
poésies  sont  pleines  de  délicatesse  et  de 
sentiment ,  et  l'auteur  mérite  un  rang 
distingué  sur  le  Parnasse  latin  ;  4°  une 
édition  de  f^irgile ,  avec  des  notes  claires 
et  précices,  à  l'usage  du  Dauphin,  1682, 
en  1  vol.  in-4,  et  en  4,  in-12  ;  et  une 
édition  d' Horace  avec  des  notes  et  une 
interprétation.  On  s'en  servait  pour  l'or- 
dinaire dans  les  collèges  des  jésuites. 

RUE  (  D.  Charles  de  la  ) ,  bénédictin 
de  la  congrégation  de  Saint-Maur  ,  né  à 
Corbie  en  Picardie,  l'an  1684,  fut  l'é- 
lève du  célèbre  Monlfaucon,  et  son  rival 
pour  la  littérature  grecque.  U  se  fit  uu 
nom  par  sa  nouvelle  édition  d'Origène. 
Il  en  donna  les  deux  premiers  volumes, 
et  il  était  prêt  à  publier  le  3* ,  lorsqu'il 
mourut  à  Paris  en  1739,  à  56  ans. — Dom 
Vincent  de  la  Rue,  sou  neveu,  béné- 
dictin de  la  même  congrégation  ,  acheva, 
en  1752,  cette  édition  ,  qui  est  en  4  vol. 
in-fol.  Il  avait  partagé  les  travaux  de  son 
oncle,  et  mérité  son  estime,  Fl  mourut 
en  1762,  après  avoir  publié  l'ancienne 
Version  latine  de  la  Bible  que  l'on 
nomme  italique,  Reims  ,  1743-49  ,  3 
vol.  în-fol. 

RUELLE  (Jean  de  Soissons,  chanoine 
de  l'Eglise  de  Paris  ,  et  médecin  de  Fran- 
çois I*' ,  mort  en  1 537  ,  à  63  ans ,  signala 
son  savoir  par  deux  ouvrages  peu  re- 
cherchés :  1  °  De  nalura  stirpium ,  Paris, 
1536  ,  in-fol.  :  ce  n'est  qu'une  compila- 
tion ;  2°  Veterinariœ  medicinœ  scrip- 
iores  grceci,  Paris,  1530,  in-fol. 

*  RUELLE  (  Joseph-Réné  ) ,  habile  te- 
neur de  livres  ,  né  à  Lyon  en  17  42,  fut 
admis  en  1801  dans  l'athénée  de  com- 

71- 


562  RUF 

merce,  et  forma  un  grand  nombre  d'é- 
lèves  qui  excellèrent  dans  cet  art.  Il  mou- 
rut en  1803.  On  a  de  lui  les  ouvrages 
suivons  :  1°  Traite  des  arbitrages  en 
France,  1769,  in-8 ,  1792-,  2"  Nou- 
velle méthode  pour  opérer  les  changes 
de  France  avec  toutes  les  places  de  la 
correspondance ,  1777  ,  in-8;  3°  L'art 
de  tenir  les  livres  en  parties  doubles , 
1798,  in-4. 

RUEUS  (  François  )  ,  mcdecin ,  natif 
de  Lille,  mort  en  1685,  est  connu  par 
un  traité  intitulé  :  De  gemmis,  iis  prtv- 
sertim  quarum  D.  Joannes  in  Apoca- 
lypsi  meminit ,  etc. ,  Paris,  1547  ;  on  le 
trouve  aussi  avec  le  traité  :  De  ocultis 
naturœ  miraculis  de  Lemnius.  On  voit 
par  cet  ouvrage  qu'il  avait  fait  une  élude 
particulière  de  l'histoire  naturelle ,  et 
qu'il  était  versé  dans  les  belles-lpttres. 

RUF  (  Saint  ) ,  Romain  de  naissance, 
florissail  dans  le  troisième  siècle  ,  et  fut 
le  premier  évêque  d'Avignon.  Le  détail 
de  ses  actions  est  peu  connu  ;  mais  l'idée 
générale  de  ses  vertus  s'est  conservée 
parmi  les  chrétiens.  Il  est  pommé  ,  sous 
le  12  novembre,  dans  le  Martyrologe  de 
Bède,  d'Adon,  d'Usuard  ,  et  dans  le  ro- 
main. On  garde  ses  reliques  dans  la  ca- 
thédrale d'Avignon.  Une  célèbre  congré- 
gation de  chanoines  réguliers  a  porté 
son  nom  ;  mais  dans  ces  dernières  an- 
nées, n'ayant  plus  le  nombre  suffisant 
de  sujets  pour  soutenir  la  conventualité, 
elle  a  été  supprimée. 

RUFFI  (  Antoine  de),  conseiller  dans 
la  sénéchaussée  de  Marseille,  où  il  na- 
quit en  1607,  s'acquitta  de  sa  charge 
avec  une  grande  intégrité.  Ses  vertus,  au- 
tantque  son  savoir,  lui  obtinrent  une  place 
de  conseiller  d'état  en  1654.  Il  mourut 
en  1689 ,  à  82  ans.  On  a  de  lui  :  Une  His- 
toire de  Marseille,  1642 ,  1  vol.  in-fol.  ; 
(son  fils  en  a  publié  une  deuxième  édition, 
revue  et  augmentée,  et  enrichie  d'inscrip- 
tions, sceaux  et  monnaies,  1G96  ,  2  vol. 
in-fol. )2°  La  fie  de  Gaspard  de  Simiane, 
connu  sous  le  nom  de  chevalier  de  la 
Coste,  Aix  ,  1655,  in-12;  Z"  Histoire 
curieuse  des  généraux  des  galères,  dans 
le  Père  Anselme  ;  4°  une  Histoire  des 
comtes  de  Provence ,  in-fol. ,  1656  :  ou- 


RUF 

vrage  aussi  exact  que  savant;  5°  His- 
toire de  saint  Louis ,  évêque  de  Tou- 
louse. Le  stile  n'e.st  pas  le  plus  grand 
mérite  de  ses  ouvrages  ;  il  est  sec  et  dé- 
charné. 

*RUFFIN  (Pierre-Jean-Marie),  diplo- 
mate français ,  né  en  17  42  h  Salonique  oii 
son  père  exerçait  les  fonctions  de  pre- 
mier drogman  de  la  nation  française , 
vint  de  bonne  heure  à  Paris  oii  il  étudia 
les  langues  orientales  sous  Petis  de  la 
Croix,  Cardonne  ,  Legrand,  etc.  Envoyé 
à  Constantinople  en  1758,  il  y  gagna 
bientôt  l'estime  du  comte  de  Vengennes, 
alors  ambassadeur ,  qui  le  recommanda 
vivement  au  ministère.  Ruffin  fut  placé 
en  qualité  d'interprète  à  la  suite  du  baron 
de  Toit,  chargé  d'une  mission  auprès  du 
Khan  de  Crimée,  Crym-Gueraï.  Ce 
prince  tartare  étant  mort  en  1770,  Toit 
laissa  la  direction  des  affaires  à  son  in- 
terprète qui  suivit  le  nouveau  Khan  dans 
son  expédition  contre  la  Russie.  Ruffin, 
ayant  été  fait  prisonnier,  fut  détenu 
pendant  quelque  temps  à  la  citadelle  de 
Saint-Pétersbourg.  Renvoyé  après  son 
élargissement  à  Constantinople  avec  le 
litre  d'interprète  du  roi  auprès  de  la 
Porte,  il  fut  appelé  ensuite  à  Paris  en 
17  74  pour  y  remplir  les  fonctions  de  se- 
crétaire interprète  du  roipour  les  langues 
orientales,  etjusqu'en  1779  il  fut  chargé 
de  toute  la  correspondance  avec  la  Tur- 
quie, les  régences  de  Barbarie  et  les 
puissances  de  l'Inde.  La  chaire  de  turc 
et  de  persan  qui  lui  fut  accordée  au  col- 
lège royal  en  17  84,  et  des  lettres  d'a- 
noblissement qui  lui  furent  données  en 
1787,  furent  la  récompense  de  sesimpor- 
tans  services.  En  1794  il  retourna  à  Con- 
stantinople comme  premier  secrétaire 
d'ambassade  et  premier  secrétaire  inter- 
prète. En  l'an  6,  il  avait  le  titre  de  chargé 
d'affaires.  L'Egypteayantété  envahie  par 
les  armées  françaises,  il  fut  mis  au  sept- 
tours  par  ordre  du  divan,  et  ne  recouvra 
sa  liberté  qu'en  1801.  Quoiqu'il  restât  sans 
caractère  public  jusqu'en  1804  ,  il  rendit 
de  grands  services  à  ses  compatriotes 
qu'il  parvint  à  protéger  par  son  seul  cré- 
dit ;  il  fut  même  utile  au  colonel  Sébas- 
tian! et  au  général  Brune  dans  les  négo^ 


RUF 

ciatioDsqui  amenèrent  le  rétablissement 
delà  bonne  intelligence  entre  la  Porte  et 
la  France.  Ruffin  fut  nommé  en  1804 
conseiller  d'ambassade,  et  en  1805  pre- 
mier secrétaire  de  légation  :  il  contribua 
à  obtenir  du  Reis-Eflfendi  que  les  titres 
de  Padischon  et  à' imperator  fussent 
employés  par  le  divan  à  l'égard  de  Buo- 
naparte  ;  il  défendit  dans  toutes  les  cir- 
constances avec  beaucoup  d'ardeur  les 
intérêts  de  la  France.  Ruffin  n'avait  pas 
cessé  d'être  attaché  à  l'ambassade  de 
France  sous  les  divers  ministres  envoyés 
à  Constantinople  par  le  gouvernement 
impérial.  Il  se  trouvait  chargé  d'affaires 
en  l'absence  de  l'ambassadeur  ,  lorsque 
Buonaparte  revint  de  l'île  d'Elbe  ;  il  fit 
arborer  le  drapeau  tricolore  à  l'hôtel  de 
l'ambassade.  Cet  oubli  de  son  dernier 
serment  fut  la  cause  de  sa  disgrâce  qui 
dura  jusqu'en  1818,  époque  oîi  ses  an- 
ciens titres  lui  furent  rendus.  Pendant  le 
temps  qu'il  avait  été  éloigné  des  af- 
faires, il  était  resté  à  Constantinople. 
Il  mourut  dans  cette  ville  en  1824  ,  après 
66  ans  de  services  diplomatiques.  Pour 
avoir  une  idée  complète  de  ses  travaux , 
il  faudrait  passer  en  revue  toutes  les  af- 
faires que  la  France  eut  à  traiter  avec  la 
Turquie  pendant  plus  d'un  demi-siècle. 
On  ne  connaît  de  lui  qu'une  Traduction 
en  arabe  d'une  adresse  de  la  Conven- 
tion au  peuple  français  du  \%  vendé- 
miaire an  3,  Paris,  1796,  in-folio,  de 24 
pages  :  on  sait  néanmoins  qu'il  existe  de 
lui  au  dépôt  des  affaires  étrangères  plu- 
sieurs MeVwo/re^  sur  des  sujets  importans. 
M.  Branche  a  publié  une  Notice  Iiis- 
torique  sur  M.  Ruffin, Paris,  1825,  in-8, 
de  trois  feuilles  et  demie. 

*  RUFFINI  (  Paul  ) ,  médecin  et  ma- 
thématicien ,  né  en  1765  à  Valentano 
dans  le  duché  de  Castro,  oîi  son  père 
exerçait  la  profession  de  médecin.  Lui- 
même  s'adonna  à  la  médecine ,  et  fit  ses 
cours  à  Modène  où  il  reçut  le  grade  de 
docteur.  L'étude  de  la  médecine  ne  l'em- 
pêcha pas  de  s'appliquer  aux  sciences 
exactes,  auxquelles  il  dut  principalement 
sa  célébrité.  Lorsque  son  maître,  Cas- 
siane,  affaibli  par  l'âge ,  eut  besoin  d'un 
suppléant ,  ce  fut  Ruffini  que  l'on  choi- 


RUF  563 

sit.  On  lui  confia  ensuite  les  chaires  d'a- 
nalyse et  de  géométrie.  En  1797  ,  lors  de 
l'invasion  des  Français  en  Italie,  il  refusa 
de  faire  partie  du  conseil  des  juniori,  et 
même    de    prêter    le    serment    civique 
qui  répugnait  à    ses  opinions  et  à  ses 
sentimens  religieux.  Ayant  été  renvoyé 
de  l'université ,  il  ne  reprit  ses  places 
qu'en    1799,  au  retour  des  Autrichiens. 
Il  les  garda  à   la   rentrée   des  Français 
en    Italie.    En    1806  ,    il    devint    pro- 
fesseur des  mathématiques  appliquées , 
à  l'école  militaire  ;  et  quand  le  duc  de 
Modène   recouvra   ses    états,   il  nomma 
recteur  de   l'université  Ruffini,  qui  oc- 
cupa en  même  temps  les  chaires  de  cli- 
nique médicale ,  de  médecine  pratique  , 
et  de  mathématiques  spéciales.  Médecin 
de  la  cour,  président  de  la  socie'te'  ita- 
lienne des  sciences ,  il  fut  en  outre  asso- 
cié  à  presque  toutes  les  académies  sa- 
vantes et  littéraires  de  l'Italie,  et  autres 
pays  de  l'Europe.  Le  typhus  ,  qui  se  ré- 
pandit en  Italie,  et  notamment  à   Mo- 
dène, mit  à  l'épreuve  le  zèle  de  Ruffini. 
Bravant  tous  les  dangers,  il  semblait  se 
multiplier  pour  voler  au  secours  des  ma- 
lades ;  mais    atteint   lui-même  de  cette 
horrible   maladie  ,    il   n'en   guérit  que 
pour  traîner  quelque  temps  encore  une 
pénible  existence,  et  mourut  dans  des 
sentimens  vraiment  chrétiens  ,  le  10  mai 
1822  ,  âgé  de  57  ans.  Ses  travaux  sur  la 
théorie  générale  des   équations ,   sur  la 
nouvelle  méthode  qu'il  a  inventée  pour 
les  résoudre ,   sur  la    manière  d'extrai- 
re les  racines    numériques   d'un  degré 
quelconque  ,   sur  l'impossibilité  de  ré- 
soudre les  équations   numériques   d'un 
degré  au  dessus  du  quatrième  ,  sur  l'in- 
solubilité du  problème  de  la  quadrature 
du  cercle ,  sur  la  classification  des  cour- 
bes simples  de  tous  les  ordres,  etc.,  fu- 
rent accueillis  par  des  applaudissemens 
unanimes,  et  lui  méritèrent  deux  couron- 
nes académiques.  On  a  de  lui  (  en  italien }, 
i"  Théorie  générale  des  équations,  où 
Von  démontre  l'impossibilité  de  la  solution 
algébrique   des  équations  générales  au 
dessus  du  quatrième   degré,  Bologne, 
1798  ,  2  vol.  in-8  ;  2°  Delà  solution  des 
équations    algébriques  déterminées  ^  ef 


564  RUF 

au    dessus  du    quatrième  degré'  :  ce 
mémoire  remporta  le  prix  proposé  par 
l'Institut  de  Milan  ;  3°  Réflexion  sur  la 
rectification  de  la  quadrature  du  cercle  ; 
4"  De  l'insolubilité'  des  e'quations  algé- 
briques générales  au  dessus  du  qua- 
trième degré,  en  réponse  aux  objections 
faites  par  le  comte  Abati  au  premier  ou- 
vrage de  l'auteur  ;  5°  Mémoires  sur  la 
détermination  des  racines  dans  les  équa- 
tions    numériques     des    équations    de 
tous    les  degrés,   Modène,    1804,    in- 
4 ,    couronné   par  l'Institut    de  Milan  ; 
6°  Réponse  aux   doutes  proposés  par 
Malfatti  sur  t  insolubilité  algébrique  des 
équations  au  dessus  du  quatrième  de- 
gré ;  7°  Réflexions  sur  la  méthode  pro- 
posée par  Malfatti  pour  la  solution  des 
équations   du  cinquième  degré  ;   8°  De 
T  immatérialité  de  l'âme  ,  Modène,  1806, 
in-8.  Dans  cet  ouvrage,  recommandable 
sous  tous  les  rapports,  l'auteur  prouve 
mathématiquement     l'immatérialité    de 
l'âme  ,  et  combat  le  système  métaphysi- 
quede Darwin.  Ill'adressaà  l'académie  de 
\^  Religion  catholique ,  à  Rome ,  et  le  dé- 
dia à  Pie  VII ,  qui  fit  présent  à  l'auteur 
d'une  médaille  d'or.  9°  Réponse  à  lamé- 
thode  générale  ,  proposée  par  M.  Wrons- 
ki ,  pour  résoudre  les  équations  de  tous 
les  degrés  ;  1 0°  Mémoires  sur  le  typhus 
contagieux  ,11"  Deux  opuscules  sur  la 
classification  des  courbes  algébriques  a 
simples  courbures  ;  1 2°  Reflexions  cri- 
tiques sur  V Essai   philosophique    des 
probabilités ,  par  M.  La  Place ,  Modè- 
ne, 1821 ,  in-8.  Ce  livre  est  partagé  en 
quatre  parties  :  dans  la  première,  l'auteur 
examine  les  principes  que  M.  de  La  Place 
établit  pour  le  calcul  des  probabilités, 
tant  par  rapport  aux  actions  morales  et 
volontaires  ,  que  par  rapport  aux  phéno- 
mènes physiques  ;  dans  la    seconde ,   il 
parle  des  loisdeprobabilitéproposées  par 
M.  La  Place  sur  les  rapports  des  causes  et 
des  effets  ;  dans  la  troisième  partie ,  il 
discute  son  système  sur  l'origine  des  pla- 
nètes et  des  comètes;   et  enfin  dans  la 
quatrième ,   il  réfute  les  principes  sur 
les  probabilités  des  témoignages.  Ruffini 
n'oublie  pas  de  combattre  en  passant, 
M.  La  Croix ,  auteur  du  Traité  élcmen- 


RUF 

taire  du  calcul  des  probabilités  , 
non  moins  contraire  à  la  religion  que 
celui  de  M.  La  Place.  Une  grande  partie 
des  écrits  de  Ruffiui  sur  les  sciences  exac- 
tes ont  été  insérés  dans  les  Mémoires  de 
l'Institut  de  Milan.  11  a  laissé  plusieurs 
ouvrages  inédits,  qui  méritent  autant 
que  les  autres  d'être  mis  au  jour. 

*  RUFFO  (  Fabrice  ) ,  cardinal ,  sur- 
nommé en  Italie  le  Général-cardinal,  na- 
quit à  Naples  le  1 6  septembre  1 7  4  4  d'une 
famille  ancienne  dont  le  chef  porte  le 
titre  de  Baranello.  Destiné,  comme  ca- 
det ,  à  l'état  ecclésiastique,  il  se  rendit  à 
Rome,  plut  à  Pie  VI  qui  le  nomma  son 
trésorier-général ,  et  s'occupa  avec  suc- 
cès de  plusieurs  parties  de  l'administra- 
tion. Devenu  cardinal- diacre  de  Sainte- 
Marie  in  Cosmedino  le  21  février  1784  , 
il  retourna  à  Naples,  et  le  roi  lui  donna 
l'intendance  du  château  de  Caserta.  Il 
s'y  livra  d'abord  à  l'agriculture  ;  mais 
l'armée  française  s'étant  emparée  des 
états  du  pape,  et  ayant  forcé  le  roi  de  Na- 
ples à  se  retirer  en  Sicile,  le  cardinal  l'y 
suivit.  Il  s'était  opposé  à  la  guerre  ,  et 
les  désastres  de  l'armée  napolitaine 
avaient  justifié  ses  craintes.  Âcton,  alors 
premier  ministre,  craignant  qu'il  ne  s'em- 
parât de  l'esprit  de  la  reine  et  du  roi, 
chercha  à  l'éloigner,  et  le  proposa  comme 
propre  à  déterminer  une  insurrection  en 
Calabre,  préparée  depuis  quelque  temps 
par  le  parti  royaliste ,  afin  de  forcer  les 
Français  à  évacuer  le  royaume  de  Naples. 
Le  cardinal  ne  fut  point  la  dupe  de  l'in- 
trigant Acton  ;  mais  ,  doué  de  beaucoup 
d'énergie  et  d'un  caractère  belliqueux,  il 
osa  se  charger  de  celte  périlleuse  mis- 
sion ,  dans  l'espoir  de  rétablir  le  roi  son 
maître  sur  le  trône  de  ses  ancêtres.  Muni 
de  pleins  pouvoirs,  il  partit  avec  cinq 
hommes  d'escorte,  bientôt  il  en  eut  cent; 
enfin ,  il  parvint  à  former  une  armée  de 
25,000  hommes  bien  déterminés,  avec 
lesquels  il  se  porta  d'abord  sur  Monte- 
leone ,  où  s'étaient  enfermés  les  répu- 
blicains des  contrées  environnantes.Cette 
ville  fut  attaquée  avec  vigueur  et  défen- 
due avec  courage  ;  néanmoins  elle  fut 
forcée  de  se  rendre  à  discrétion  et  livrée 
au  pillage.  Cet  exemple  de  sévérité  rem- 


RUF 

plit  de  lerrenr  tout  le  pays,  et  le  cardi- 
nal ne  marcha  plus  que  de  victoire  en 
victoire  jusqu'aux  portes  deNaples,  où. 
il  pénétra  avec  le  secours  des  Russes , 
après  avoir  couru  les  plus  grands  dan- 
gers ,  et  conclu  avec  la  junte  napolitaine 
une  capitulation  ,  d'après  laquelle  les 
patriotes  devaient  être  embarqués  et  en- 
voyés à  Marseille;  il  écrivit  à  la  courpour 
l'engager  à  des  senlimens  de  modération 
envers  des  ennemis  qui  n'étaient  plus  à 
craindre  ;  mais  on  l'accusa  de  trop  d'in- 
dulgence pour  les  républicains ,  et  même 
d'avoir  déployé  peu  de  zèle  pour  re- 
lever la  couronne.  La  capitulation  ne 
fut  point  observée  par  les  Anglais  dé- 
barqués avec  le  général  Nelson,  et  il  périt 
un  grand  nombre  de  personnes,  victimes 
de  la  vengance  et  de  haines  politiques.  Le 
cardinal  voulut  vainement  s'opposer  à 
ces  exécutions  ;  il  tomba  dans  la  dis- 
grâce, et  Ferdinand  lui  donna  un  succes- 
seur. Cependant ,  ce  prince  revint  bien- 
tôt de  son  erreur,  et  nomma  RuflFo  mi- 
nistre plénipotentiaire  à  la  cour  de  Rome. 
Après  l'enlèvement  du  Saint-Père  ,  Buo- 
naparte  le  lit  venir  à  Paris  ,  lui  donna  la 
croix-d'honneur  ,  et  sembla  le  distinguer 
des  autres  cardinaux.  Ne  s'étant  pas  mon- 
tré assez  docile  aux  volontés  du  despote, 
j1  fut  exilé  à  Bagneux,  près  de  Sceaux; 
il  assista  néanmoins  au  mariage  de  l'em- 
pereur, et  ne  partagea  point  les  nouvelles 
rigueurs  dont  furent  frappés  les  cardi- 
naux. A  la  restauration  de  1814,  il  re- 
tourna à  Rome ,  et  Pie  YII  l'accueillit 
avec  bienveillance  ;  il  revint  ensuite  à 
Naples ,  oii  il  fut  mal  reçu  du  roi  qui  lui 
devait  sa  couronne.  Le  cardinal  Ruifo 
rentra  dans  ses  possessions ,  s'y  livra  à 
des  plantations  et  autres  opérations  agri- 
coles, et  ne  rentra  au  conseil  qu'en  1821, 
après  le  rétablissement  du  pouvoir  absolu 
à  Naples.  Il  est  mort  dans  cette  ville  le  13 
décembre  1827  ,  avec  la  réputation  d'un 
homme  habile  et  plein  d'énergie.  Il  était 
très-instruit,  et  sa  conversation  était  ai- 
itiable  et  spirituelle.  Il  ne  fut  toujours  que 
cardinal-clerc,  et  jamais  il  ne  reçut  l'or- 
dre de  prêtrise.  On  lui  a  reproché  des 
exécutions  cruelles  dans  sa  conquête  du 
royaume  de  Naples;  mais  il  faut  plutôt  les 


RUF  565 

attribuer  à  la  horde  de  brigands  qu'il 
avait  été  obligé  d'admettre  dans  son  ar- 
mée; ce  qui  le  prouve,  c'est  que  depuis 
il  s'est  toujours  fait  remarquer  par  la  mo- 
dération de  ses  opinions.  On  a  de  lui  plu- 
sieurs ouvrages  en  italien  sur  les  ma- 
nœuvres des  troupes  et  les  e'quipemens 
de  la  cavalerie;  sur  les  fontaines,  les 
canaux ,  et  sur  les  mœurs  de  différentes 
sortes  de  pigeons. 

*  RUFFO-SCILLA  (Louis) ,  cardinal- 
archevêque  de  Naples,  né  à  Sainl-Onu- 
phre  dans  le  diocèse  de  Milet ,  le  25  aoiit 
1750,  fut  créé  cardinal-prêtre,  le  25  fé- 
vrier 1801  ,  par  le  Pape  Pie  VII  ,  qui  le 
nomma  le  9  août  1802  archevêque  de 
Naples.  Il  a  occupé  celte  dignité  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  à  Rome  le  17  novembre 
1832.  Il  était  le  doyen  des  cardinaux 
prêtres.  En  1816  le  roi  de  Naples  lui  avait 
accordé  la  décoration  de  Tordre  Saint - 
Janvier. 

RUFIN,  ministre  des  empereurs  Théo- 
dose et  Arcadius ,  né  de  parens  obscurs , 
vers  le  milieu  du  4"  siècle ,  à  Eluse  (  au- 
jourd'hui Eause  ) ,  capitale  de  l'Arma- 
gnac (  l'ancienne  Novempopulanie  )  , 
reçut  de  la  nature  un  esprit  rusé ,  simple, 
poli ,  propre  à  se  faire  aimer  des  princes. 
Il  se  rendit  à  Constantinople,  à  la  cour 
de  Théodose,  et  il  lui  plut.  Il  ménagea 
si  bien  ce  commencement  de  fortune, 
qu'il  parvint  en  peu  de  temps  à  des  em- 
plois considérables.  L'empereur  lui  donna 
la  charge  de  grand  maître  de  son  palais , 
le  fit  entrer  dans  ses  conseils,  l'honora 
de  son  amitié  et  de  sa  confiance ,  et  le  fit 
enfin  consul  avec  son  propre  fils  Arca- 
dius, à  l'amitié  duquel  Rufin  devait  sa 
fortune.  Cet  adroit  courtisan  se  maintint 
comme  il  s'était  avancé  ,  par  son  adresse 
plutôt  que  par  sa  vertu.  C'était  assez, 
pour  être  son  ennemi,  d'avoir  un  mé- 
rite extraordinaire.  Il  s'enrichit  des  dé- 
pouilles de  ceux  qu'il  avait  opprimés  par 
ses  calomnies,  et  se  fit  baptiser  avec  un 
grand  faste,  eu  394.  Après  la  mort  de 
Théodose  ,  ce  ministre  ambitieux ,  ja- 
loux du  crédit  de  Slilicon  ,  supérieur  au 
sien  ,  résolut  de  se  mettre  sur  le  trône. 
Il  appela  les  Goths  et  autres  barbares 
dans  l'empire ,  afin  que  ,  pendant  celte 


566  RUF 

désolation,  il  pût  s'en  saisir  ou  le  par- 
tager avec  eux  ;  mais  il  fut  puni  de  sa 
perfidie.  L'armée,  excitée  par  un  capi- 
taine golh,  nommé  Gaynas,  que  Sti- 
licon  avait  gagné,  tua  Uufin  en  397.  Sa 
tête  fut  portée  au  bout  d'une  lance  , 
pour  l'exposer  aux  opprobres  de  la  po- 
pulace irritée  contre  ce  ministre  lâche, 
avare  et  insolent.  Un  soldat  ayant  coupé 
une  de  ses  mains ,  et  voyant  que  les 
nerfs  qui  font  mouvoir  les  articles  des 
doigts  étaient  jtendans  ,  s'avisa  d'aller 
demander  l'aumône  au  nom  de  Ruiin  , 
ouvrant  et  fermant  cette  main  sanglante, 
selon  ce  qu'on  lui  donnait.  Le  poète 
Claudien  se  signala  contre  ce  malheu- 
reux ministre  par  une  invective  remplie 
de  traits  fort  piquans;  mais  il  attendit, 
en  bon  politique ,  qu'il  eût  été  la  vic- 
time de  sa  perhdie  et  de  sa  révolte.  (On 
peut  consulter  sur  Rufin  les  lettres  de 
Symmaque  et  de  saint  Ambroise,  Suidas, 
le  livre  de  Zosime  ,  le  livre  15  deNicé- 
phore ,  etc.) 

RUFIJN  (  Tyrannius  )  ,  prêtre  d'A- 
quilée,  né  vers  le  milieu  du  14«  siècle ,  à 
Concorde ,  petite  ville  d'Italie.  Il  cultiva 
son  esprit  par  l'étude  des  belles-lettres 
et  surtout  de  l'éloquence.  Le  désir  de  s'y 
rendre  habile  le  fit  venir  à  Aquilée,  ville 
si  célèbre  alors,  qu'on  l'appelait  commu- 
nément la  seconde  Rome.  Après  s'être 
rendu  habile  dans  les  lettres  humaines , 
il  pensa  aux  moyens  d'acquérir  la  science 
des  saints,  et  se  retira  dans  un  monastère 
de  celte  ville.  Saint  Jérôme  revenant  de 
Rome  passa  par  Aquilée,  et  se  lia  par 
une  amitié  étroite  avec  Rufin  ;  mais  il  lui 
dit  adieu  pour  parcourir  les  provinces  de 
France  et  d'Allemagne,  d'où  il  se  retira 
en  Orient.  Rufin,  inconsolable  de  l'éloi- 
gnement  de  son  ami ,  résolut  de  quitter 
Aquilée  pour  l'aller  chercher.  Il  s'em- 
barqua pour  l'Egypte  ,  et  visita  les  soli- 
taires qui  en  habitaient  les  déserts.  Ayant 
entendu  parler  de  la  vertu  et  de  la  cha- 
rité de  sainte  Mélanie  l'ancienne ,  il  eut 
la  consolation  de  lu  voir  à  Alexandrie , 
où  il  alla  pour  écouter  le  célèbre  Didyme. 
La  piété  que  Mélanie  remarqua  dans  Ru- 
fin ,  l'engagea  à  lui  donner  sa  confiance, 
qu'elle  lui  continua  pendant  tout  le  temps 


RUF 

qu'ils  restèrent  eu  Orient ,  c'est-à-dire 
environ  30  ans.  Les  ariens  ,  qui  domi- 
naient sous  le  règne  de  Valens,  firent 
souffrir  à  Rufin  une  cruelle  persécution. 
Il  fut  mis  dans  un  cachot  ,  chargé  de 
chaînes,  tourmenté  par  la  faim  et  par  la 
soif,  et  relégué  dans  les  lieux  les  plus 
affreux  de  la  Palestine.  Mélanie ,  qui  em- 
ployait ses  richesses  à  soulager  les  con- 
fesseurs qui  étaient  ou  en  prison  ou  exi- 
lés ,  racheta  Rufin  avec  plusieurs  autres , 
et  se  retira  avec  lui  en  Palestine.  Saint 
Jérôme,  croyant  que  Rufin  irait  aussitôt 
après  à  Jérusalem,  écrivit  à  un  de  ses 
amis  qui  y  demeurait,  pour  le  féliciter 
du  bonheur  qu'il  allait  avoir  de  posséder 
un  homme  d'un  si  grand  mérite.  «  Vous 
«  verrez  dit-il ,  briller  en  la  personne 
»  de  Rufin  des  caractères  de  sainteté ,  au 
»  lieu  que  je  ne  suis  que  poussière.  C'est 
»  assez  pour  moi  de  soutenir  avec  mes 
»  faibles  yeux  l'éclat  de  ses  vertus.  Il 
>»  vient  de  se  purifier  encore  dans  le 
»  creuset  de  la  persécution  ,  et  il  est 
»  maintenant  plus  blanc  que  la  neige, 
»  tandis  que  je  suis  souillé  de  toutes 
»  sortes  de  péchés.  »  Rufin ,  étant  arrivé 
en  Palestine,  employa  son  bien  à  bâtir 
un  monastère  sur  le  Mont  des  Oliviers, 
où  il  assembla  en  peu  de  temps  un  grand 
nombre  de  solitaires.  Il  les  animait  à  la 
vertu  par  ses  exhortations  ;  et  outre  ce 
travail ,  il  était  encore  souvent  appelé 
par  les  premiers  pasteurs  pour  instruire 
les  peuples  ;  car  il  avait  été  élevé  au  sa- 
cerdoce par  Jean  ,  évêque  de  Jérusalem, 
vers  l'an  388.  Il  convertit  un  grand 
nombre  de  pécheurs ,  réunit  à  l'Eglise 
plus  de  400  solitaires  qui  avaient  pris 
part  au  schisme  d'Antioche  ,  et  engagea 
plusieurs  macédoniens  et  plusieurs  ariens 
à  renoncer  à  leurs  erreurs.  Son  séjour  en 
Egypte  lui  ayant  donné  la  facilité  d'ap- 
prendre la  langue  grecque  ,  il  traduisit 
de  cette  langue  en  latin  divers  ouvrages. 
Son  attachement  au  parti  d'Origène  le 
brouilla  avec  saint  Jérôme  ,  qui  non 
seulement  rétracta  les  éloges  qu'il  lu^ 
avait  donnés,  mais  l'accabla  de  repro- 
ches. Leurs  divisions  furent  un  grand 
scandale  pour  les  faibles.  Théophile  , 
ami  de  Tua  et  de  l'autre  ,  les  raccom- 


RUF 

moda  ;  mais  cette  réconciliation  ne  fut 
pas  de  longue  durée.  Rufin,  ayant  publié 
à  Rome  une  traduction  des  Principes 
d'Origène  ,  fut  cilé  parle  pape  Anastase  ; 
mais  il  allégua  quelques  prétextes  pour 
se  dispenser  de  paraître  ,  et  se  contenta 
d'envoyer,  en  400,  à  Anastase  son  Apo- 
logie, oii  il  s'expliquait  d'une  manière 
orthodoxe  sur  les  erreurs  que  l'on  repro- 
chait à  Origène.  Saint  Jérôme  écrivit 
contre  la  traduction  des  Principes ,  ei 
Rufin  fit  une  Apologie  éloquente ,  dans 
laquelle  il  déclara  qu'il  n'avait  pré- 
tendu être  que  simple  traducteur  d'Ori- 
gène, sans  être  le  garant  de  ses  erreurs. 
Saint  CUromace  d'Aquilée  et  saint  Au- 
gustin écrivirent  à  saint  Jérôme  pour 
l'exhorter  à  la  paix ,  que  la  conduite  in- 
discrète deRufiu  avait  troublée,  en  pa- 
raissant favoriser  des  erreurs.  La  plupart 
des  historiens  ecclésiastiques  disent  que 
Rufin  a  été  excommunié  par  le  pape 
Anastase;  mais  dom  Ceillièr,dom  Con- 
stantetFontanini  paraissent  avoir  prouvé 
le  contraire.  Il  est  vrai  qu'il  est  fait  men- 
tion de  l'excommunication  de  Rufin  dans 
quelques  éditions  ,de  la  Lettre  du  pape 
Anasta.se  à  Jean ,  évêque  de  Jérusalem  ; 
mais  il  est  visible  que  c'est  une  interpo- 
lation :  ce  passage  contredit  le  reste  de 
la  Lettre  où  Anastase  déclare  qu'il  laisse 
à  Dieu  à  juger  de  l'intention  du  traduc- 
teur. En  407,  Rufin  retourna  à  Rome; 
mais  l'année  suivante  ,  celte  ville  ayant 
été  menacée  par  Alaric  ,  il  passa  en  Si- 
cile ,  où  il  mourut  vers  la  fin  de  l'an 
410.  On  a  de  lui  1°  une  Traduction  des 
O.É'ui're^  de  l'historien  Josèphe;  2"  celle 
de  plusieurs  écrits  d'Origène  ;  3°  une 
Version  latine  de  dix  Discours  de  saint 
Grégoire  de  Nazianze  et  de  huit  de  saint 
Basile.  Quand  on  compare  sa  traduction 
avec  le  texte  grec  ,  on  voit  combien  il 
se  donnait  de  liberté  en  traduisant.  4° 
Saint  Chromace  d'Aquilée  l'avait  en- 
gagé à  traduire  VHistoire  ecclésiastique 
d'Eusèbe,  Utrecht,  1474,  in-fol,  édition 
princeps,  Rome,  1746,  in-fol.  Ce  tra- 
vail fut  achevé  en  moins  de  deux  ans.  Il 
fit  plusieurs  additions  dans  le  corps  de 
l'ouvrage  d'Eusèbe,  et  le  continua  depuis 
la  20«  année  de  Constantin ,  jusqu'à  la 


RUG  567 

mort  du  grand  Théodose.  Il  y  a  plusieurs 
endroits  qui  paraissent  écrits  avec  peu 
de  soin ,  et  des  faits  que  Rufin  semble 
n'avoir  rapportés  que  sur  des  bruits  po- 
pulaires :  il  en  a  omis  d'autres  très  im- 
portans  ;  mais  on  doit  lui  savoir  gré  d'a- 
voir le  premier  composé  l'Histoire  suivie 
d'un  temps  où  il  s'était  passé  tant  de 
choses  remarqualiles.  5°  Un  Ecrit  pour 
la  défense  d'Origène;. 6°  deux  Jpologies 
contre  saint  Jérôme  ;  7"  des  Commen- 
taires sur  les  be'ne'dictions  de  Jacob,  sur 
Osée,  Joël  et  Amos,  8°  plusieurs  Vies  des 
Pères  du  désert  :  elles  forment  le  second 
et  le  troisième  l ivre  des  ^?e.î  des  Pères  du 
désert,  publiées  par  Roswelde;  9°  une 
Explication  du  Symbole  :  c'est  de  tous 
les  ouvrages  que  Rufin  adonnés,  celui 
qui  lui  a  fait  le  plus  d'honneur,  et  qui  a 
été  le  plus  utile  à  l'Eglise.  Ses  ouvrages 
ont  été  imprimés  à  Paris ,  en  1 580,  in  f  j1., 
par  les  soins  de  Laurent  de  la  Barre 
(  voyez  sa  Vie  et  son  Apologie  en  2  vol. 
in-1 2  ,  par  dom  Gervais ,  Paris  ,  1724). 
Dom  Ceillier,  le  cardinal  Noris,  Fonta- 
nini  dans  son  Histoire  littéraire  d^  A  qui- 
tte ,  et  Cave,  ont  peint  Rufin  d'une  ma- 
nière fort  intéressante. — Il  ne  faut  pas  le 
confondre  avec  Rufin,  qui,  étant  venu  de 
la  Palestine  à  Rome  en  399 ,  inspira  ses 
erreurs  sur  la  grâce  à  Pelage  et  à  Céles- 
tius.  Ce  Rufin  ,  né  en  Syrie  ,  survécut  à 
Rufin  d'Aquilée.  On  trouve  sa  Profession 
de  foi  dans  les  dissertations  du  Père  Gar- 
nier  Marius  Mercator.  Il  avait  été  dis- 
«ciple  de  Théodore  de  Mopsueste  ,  re- 
gardé comme  le  premier  père  du  péia- 
gianisme. 

RUFUS,  d'Éphèse,  médecin  deCIéo- 
pâtre  suivant  Tzetzès  ,  ou  contemporain 
de  Trajan ,  selon  Suidas  se  fit  une  haute 
réputation  par  ses  talens.  Du  grand 
nombre  de  ses  écrits  cités  par  Suidas , 
il  ne  nous  reste  qu'un  petit  Traité 
des  noms  grecs  des  parties  du  corps , 
Venise,  1552,  in-4  ;  un  autre rf^.y  mala- 
dies des  reins  et  de  la  vessie,  Paris,  1 554, 
in-8  ;  et  Fragmens  sur  les  médicamens 
purgatifs.  GuillaumeRinch  lésa  recueillis 
et  commentés,  Londres,  1726,  in-4. 

*  RUGENDAS  (  George-Philippe  ),  cé- 
lèbre peintre  et  graveur,  né  à  Âugsbourg^ 


568  RUG 

en  1666,  est  considéré  comme  un 
des  meilleurs  peintres  de  batailles  qui 
aient  paru  jusqu'à  nos  jours.  L'amour 
pour  son  art  lui  faisait  braver  tous  les 
périls  ;  et,  pendant  le  siège  de  sa  ville 
natale ,  il  manqua  plusieurs  fois  de  per- 
dre la  vie  pour  aller  examiner  les  effets 
du  feu  de  l'artillerie  et  de  la  mousque- 
terie ,  la  confusion  d'un  assaut ,  et  les 
horreurs  du  carnage,  ëes  tableaux  sont 
très  estimés,  ainsi  que  ses  gravures,  dont 
la  plupart  représentent  des  marches,  des 
escarmouches  et  des  bivouacs  ,  où  on 
trouve  beaucoup  de  variété  et  de  cha- 
leur. Il  mourut  en  1742. 

RUGGERI  (Côme),  astrologue  flo- 
rentin, se  rendit  en  France  dans  le  temps 
que  Catherine  de  Médicis  y  gouvernait. 
Ses  horoscopes  et  ses  intrigues  lui  obtin- 
rent l'abbaye  de  Saint-Mahé  en  Basse- 
Bretagne.  Accusé  en  157  4  d'avoir  con- 
spiré contre  la  vie  du  roi  Charles  IX ,  il 
fut  condamné  aux  galères,  d'où  la  reine- 
mère  le  tira  peu  de  temps  après.  Il  com- 
mença à  publier  des  Almanachs  en  1604, 
espèce  d'ouvrage  qui  s'est  étrangement 
multiplié  en  France.  Cet  astrologue  mou- 
rut en  1615.  Son  corps  fut  traîné  à  la 
voirie  ,  parce  qu'il  avait  eu  l'impiété' de 
déclarer  qu'il  mourait  en  athée.  (On 
publia  ,  en  l'an  1515,  \' Histoire  épouvan- 
table de  deux  magiciens  étranglés  par  le 
Diable.  Ruggieri  était  le  premier  ,  et  un 
nommé  César  le  second.  ) 

*  RUHL  (  Philippe  -  Jacques  ) ,  con- 
ventionnel, né  dans  le  département  du 
Bas-Rhin ,  étudia  la  théologie  à  Stras- 
bourg, et  occupa  une  place  de  recteur  à 
Durckheim.  Ayant  eu  l'occasion  de  faire 
un  travail  utile  pour  le  comte-régnant  de 
Linange  (  Leiningen  Dachsbourg  ) ,  il  de- 
vint conseiller  aulique,  fut  chargé  de 
l'administration  de  ses  finances  et  mis  à 
la  tête  de  sa  chancellerie  ;  mais  c'était  un 
trop  petM  théâtre  pour  son  ambition ,  et , 
lorsque  la  révolution  éclata ,  il  en  em- 
brassa la  cause  avec  chaleur,  et  devint  en 
1790  administrateur  de  son  département. 
Il  fut  ensuite  député  à  l'assemblée  légis- 
lative ,  puisa  la  Convention  ,  et  il  figura 
dans  ces  deux  assemblées  parmi  les  jaco- 
bins les  plus  exaltés.  S'il  ne  vota  pas  la 


RUH 

mort  de  Louis  XVI,  c'est  qu'il  se  trouvait 
en  mission  à  l'époque  du  scrutin.  Il  y  fut 
envoyé  à  diverses  reprises,  et  partout  il 
se  conduisit  de  la  manière  la  plus  révolu- 
tionnaire, commettant  toutes  sortes  d'im- 
piétés. A  Reims  ,  il  brisa  la  sainte  am- 
poule, destinée  au  sacre  des  rois,  et  en 
envoya  lesdébris  à  la  Convention.  De  re- 
tour à  Paris,  il  se  mit  à  la  tète  de  l'in- 
surrection du  1  *■■  prairial  (20  mai  1795), 
fut  décrété  d'arrestation ,  et  se  poignar- 
da pour  ne  pas  périr  sur  l'échafaud. 

*RDH]\KE]\   ou  ROHNCKEN  ou    RUflN- 

KENius  (  David) ,  érudit  et  critique  alle- 
mand, né  le  2  janvier  1723,  à  Stolpe, 
dans  Ja  Poméranie  prussienne  ,  se  con- 
sacra à  des  études  sérieuses  dès  l'âge  de 
sept  ans  :  il  fréquenta  d'abord  l'univer- 
sité de  Wittembergoù  il  apprit  ledroit, 
l'histoire  ,  les  antiquités  et  l'éloquence , 
puis  celle  de  Leyde  où  il  se  fortifia  dans 
la  langue  grecque  sous  le  célèbre  Tibère 
Hemsierhuis  ,  l'un  des  meilleurs  philo- 
logues qui  ait  paru  depuis  la  renaissance 
des  lettres.  Devenu  l'ami  de  son  maître, 
il  fut  appelé  à  le  remplacer  dans  sa  chaire 
de  grec.  Ruhnken  voyageait  alors  dans 
le  but  de  visiter  les  principales  biblio- 
thèques de  l'Europe ,  d'en  examiner  et 
collationner  les  manuscrits  :  il  s'empressa 
de  reprendre  le  chemin  de  la  Hollande,  et 
ouvrit  son  cours  en  1757  ;  il  le  continua 
pendant  quatre  ans  avec  le  plus  grand  suc- 
cès. Après  la  mort  d'Oudendorp  surve- 
nue en  1761  ,  il  fut  élu  à  sa  place  pro- 
fesseur d'éloquence  et  d'histoire.  Nommé 
bibliothécaire  de  l'université  en  17  74,  il 
réunit  à  ses  frais  une  collection  complète 
des  auteurs  classiques  et  antiquaires  ,  et 
un  grand  nombre  de  manuscrits  précieux, 
dans  lesquels  on  espérait  trouver  les  co- 
pies de  différens  ouvrages  consumés  dans 
le  dernier  incendie  de  Saint  Ger-maindes- 
Prés ,  à  Paris.  Ruhnken  mourut  à  Leyde 
en  1798,  âgé  de  75  ans,  après  avoir 
rempli  pendant  plus  de  41  ans  plusieurs 
chaires  dans  la  même  université.  Il  avait 
dépensé  toute  sa  fortune  dans  l'acquisi- 
tion de  sa  riche  bibliothèque  ;  aussi  il 
laissa  une  fille  et  une  nièce  dans  l'indi- 
gence ,  et  toutes  les  deux  aveugles.  La 
république  batave  vint  à  leur  secours , 


RUH 

en  achetant  la  bibliothèque  de  Ruhnken, 
pour  une  pension  viagère  à  leur  profit. 
La  Vie  de  ce  savant  a  été  écrite  par  le 
professeur  Wittenbach,  Leyde,  1799, 
in-8  ,  de  295  pages  :  on  y  trouve ,  entre 
autres  choses ,  une  Notice  exacte  de  tous 
les  ouvrages  qu'il  a  publiés,  et  des  édi- 
tions qu'il  a  données.  Parmi  les  premiers, 
on  cite  lessuivans  :  1°  Epistolœ  criticœ 
in  Homcridarum,  hymnos ,  Hesiodum  , 
CaUimachum  et  Apollonium  RJiodium, 
dont  la  première  édition  parut  en  1749  , 
et  la  seconde  en  1 78 1  ;  elles  furent  réim- 
primées peu  d'années  après  ;  2°  Timœi 
sophistœ  Lexicon  vocum platonicarum^ 
Leyde,  1754,  in  8  ;  Lyon,  1789,  en- 
richi de  nouvelles  notes.  Le  chanoine 
Henri  Gallis  ,  Anglais ,  procura  à  l'auteur 
une  copie  faite  par  Jean  Capperonier , 
du  manuscrit  de  ce  lexique ,  qui  appar- 
tenait alors  à  la  bibliothèque  de  Saint- 
Germain-des-Prés.  3°  De  Grœcia  artium 
ac  doctrinarum  inventrice,  1757  :  il 
prononça  ce  discours  le  16  mai  de  la 
même  année  ,  et  lors  de  son  installation 
comme  professeur  à  l'université  de  Leyde. 
Il  y  rend  hommage  à  son  illustre  maître 
H  emsterh  uis  1  en  écrivit  ensuite  l'éloge. 
'k°Elogium  Tiberii Hemsterhusii  ,  1 768 , 
in-8.  Il  a  aussi  donné  plusieurs  éditions 
d'auteurs  classiques  ,  savoir  :  \° Rutilius 
Lupus,  defiguris  sententiarumet  electio- 
nii ,  suivi  des  petits  traités  d'Jquila  Ro- 
manus ,  et  de  Julius  Rufinianus ,  sur  le 
même  sujet,  Leyde,  1768,  in-8,  avec 
dififérens  morceaux  de  Ruhnken  ;  2°  His- 
toria  critica  oratorum  grcecorum ,  1  v. 
in-8  ;  3°  Notes  sur  Callimaque ,  jointes 
à  l'édition  d'Erneste ,  1782  ,  in-8  ;  i°Ho- 
meri  hymnus  in  Cererem ,  1782  ,  in-8  ; 
b"  De  vit  a  et  scriptis  Longini,  in-8  ; 
6°  Velleius  Paterculus ,  etc.;  7°  le  l"' 
vol.  des  OEuvres  d'Apulée,  et  qui  con- 
tient les  onze  livres  des  Métamorphoses , 
Leyde,  1788,  in- 4.  La  révolution  fran- 
I  çaise  ayant  ébranlé  toute  l'Europe  ,  les 
lettres  en  souffrirent ,  et  Ruhnken  ne 
put  continuer  les  OEuvres  d'Apulée, 
sur  lesquelles  le  savant  Oudendorp  avait 
fait  un  travail  de  trente  ans,  et  il 
mourut  sans  avoir  trouvé  un  libraire  qui 
voulût  se  charger  de  l'impression. 

XI. 


ROI  569 

RUINART  (Dom  Thierry),  savant 
bénédictin,  né  à  Reims  le  10 juin  1657  , 
entra  fort  jeune  dans  la  congrégation 
deSaint-Maur  ,  et  fit  profession  en  1675. 
Il  s'appliqua  avec  tant  de  succès  à  l'é- 
tude des  Pères  et  des  auteurs  ecclésias- 
tiques ,  qu'en  1682  le  Père  Mabillon  le 
choisit  pour  l'aider  dans  ses  travaux. 
Dom  Ruinart  fut  un  digne  élève  d'un  tel 
maître.  Il  avait  le  même  caractère  de 
simplicité  et  de  modestie  ,  le  même  es- 
prit de  régularité  ,  un  grand  jugement , 
une  exactitude  scrupuleuse,  une  critique 
saine ,  un  stile  net.  De  là  les  avantages 
qui  ont  distingué  ses  ouvrages  de  tant 
d'autres  compilations.  Les  principaux 
sont  :  1"  Acta  primorum  Martyrum. 
sincera  et  selecta  ,  Paris  ,  in-4  ,  1 689  ; 
Amsterdam,  1713,  in-fol.  ;  Vérone,  1731, 
in-fol.  Il  a  enrichi  ce  livre  de  remarques 
savantes  et  d'une  préface  judicieuse.  Il 
s'y  attache  particulièrement  à  réfuter 
Dodwel ,  qui  avait  avancé  dans  une  de 
ses  dissertations  sur  saint  Cyprien ,  qu'il 
n'y  avait  que  peu  de  martyrs  dans  l'E- 
glise ,  voulant  anéantir  la  preuve  de 
fait  que  forme ,  en  faveur  du  christia- 
nisme ,  cette  nuée  de  témoins.  Indépen- 
damment du  grand  nombre  des  actes  au- 
thentiques que  dom  Ruinart  oppose  au 
sophiste  anglais  ,  un  coup  d'œil  sur  l'his- 
toire ecclésiastique  suffit  pour  le  confon- 
de. Les  auteurs  païens  et  chrétiens  des 
trois  premiers  siècles  ne  parlent  que  des 
efforts  que  fit  l'idolâtrie,  soutenue  de 
toute  la  puissance  des  empereurs  ,  pour 
anéantir  la  religion  de  J.  C. ,  et  pour  la 
noyer  dans  le  sang  de  ses  sectateurs.  Si 
sous  Trajan ,  prince  d'un  caractère  assez 
doux ,  sous  Antonin  ,  sous  Marc-Aurèle , 
les  chrétiens  furent  indistinctement  mis 
à  mort ,  il  est  aisé  de  penser  de  quelle 
manière  ils  étaient  traités  sous  les  Néron, 
les  Domitien  ,  les  Valétien  ,  Jes  Dioclé- 
tien ,  les  Maximin  ,  etc.  Les  rues  et  les 
places  publiques  étaient  quelquefois 
toutes  remplies  d'écbafauds  sanglans, 
couverts  de  victimes  et  de  cadavres.  Eu- 
sèbe  de  Césarée  nous  dit  qu'il  a  vu  lui- 
même  des  trente,  quarante  et  jusqu'à 
cent  chrétiens  tourmentés  en  même 
temps  ;  et  ces  cruelles  boucheries  durè- 
7a 


5^0  RUI 

rent  plusieurs  aunéesde  suite  sans inter» 
ruption  ;  il  cite  une  ville  d'Asie,  où  tout 
étant  chrétien  ,  noblesse  ,  peuple ,  ma- 
gistrats, on  abrégea  l'exécution  en  faisant 
brûler  la  ville  avec  tous  ses  babitaus  ;  il 
rapporte  une  lettre  de  Maximin  aux  ma- 
gistrats  de  Tyr  -,  par  laquelle  il  les  féli- 
cite d'avoir  exterminé  tous  les  chrétiens 
de  leurs  murs  et  de  leur  territoire.  Les 
édits  de  Dioclélien  et  de  ses  prédéces- 
seurs sont  des  pièces  qu'on  ne  peut  sus- 
pecter de  supposition.  Tacite ,  Suétone , 
Sénèque ,  Juvénal ,  ont  parlé  des  chré- 
tiens qui  soufifrirent  sous  Néron.  Tacite 
dit  que  le  nombre  en  était  prodigieux 
(  multitudo  ingens  )  ;  qu'ils  soufifrirent  les 
supplices  les  plus  cruels  et  les  plus  re- 
cherchés ( quœsitissimis  tornientis),  etc. 
Si  à  la  multitude  des  martyrs  on  ajoute 
leurs  qualités  j  si  on  considère  qu'il  y 
avait  parmi  eux  des  sages ,  des  philoso- 
phes, des  magistrats,  la  plupart  élevés 
dans  les  préjugés  les  plus  contraires  au 
christianisme  ;  que  les  premiers  martyrs 
étaient  témoins  oculaires  des  faits  pour 
lesquels  ils  mouraient,  etc.,  on  convien- 
dra que  ce  tableau  présente  une  preuve 
que  les  chrétiens  seuls  peuvent  réclamer 
en  faveur  de  leur  foi.  Les  Acta  ont  été  tra- 
duits en  français  avec  la  préface  par  l'abbé 
Drouet  de  Maupertuy,  et  publiés  pour  la 
V  fois  en  1708,  à  Paris,  en  2  vol.  in-8; 
1739,  2  vol.  in-12,  et  1825,  3  vol.  in-8. 
2°  L'Histoire  de  la  persécution  des  Van- 
dales ,  composée  en  latin  par  Victor,  évê- 
que  de  Vitte  en  Afrique,  1694,  in-4.  Dom 
Ruinart  a  orné  cette  édition  d'un  com- 
mentaire historique  latin,  d'un  grand 
nombre  de  remarques  aussi  savantes  que 
solides ,  et  de  quelques  monumens  qui 
ont  rapport  à  cette  histoire.  3°  Une  nou- 
velle Edition  des  ouvrages  de  saint  Gré- 
goire de  Tours ,  avec  une  excellente  Pré- 
face, 1699  ,  in-fol.  ;  4°  Abrégé  àe  la  Fie 
du  Père  Ma*billon,  1709,  in-12  ;  5°  une 
longue  Vie  latine  du  pape  Urbain  II, 
imprimée  dans  les  OEuvres  posthumes 
de  Mabillon  et  de  dom  Ruinart ,  publiées 
par  dom  Vincent  Thuillier  ,3  vol.  in-4  ; 
6°  une  Dissertation  sur  le  pallium ,  en 
latin  ;  7°  Iter  Utterarium  in  Alsatiam  et 
Lotharingiam  ;  8°  un  ouvrage  contre  le 


RUL 

pèreGermon,  pour  prouver  la  sincérité  des 
diplômes  de  dom  Mabillon ,  qu'il  intitula 
fort  mal  à  propos  :  Ecclesia  parisiensis 
vindicata  ,  et  dans  lequel  il  parait  avoir 
eu  tort  autant  pour  la  forme  que  pour  le 
fond  des  choses  :  ce  qu'il  y  a  de  positif, 
c'est  que  des  juges  impartiaux  ont  donné 
gain  de  cause  à  son  adversaire,  (^oy es 
Germon  et  Raguet.  )Dom  Ruinart  mourut 
en  1709,  dans  l'abbaye  de  Haut-Villiers 
en  Champagne. 

RUISCH.  Voyez  Ruysch. 

RUISDAEL  ou  Ruisdaal  (Jacques), 
peintre ,  né  à  Harlem  en  1636,  mort  dans 
la  même  ville  en  16Sl,est  mis  au  rang  des 
plus  célèbres  paysagistes.  Ses  tableaux 
sont  d'un  efifet  piquant.  Il  a  représenté, 
dans  la  plupart ,  de  belles  fabriques ,  des 
marines ,  des  chutes  d'eau  ou  des  tem- 
pêtes. Ses  sites  sont  agréables,  sa  touche 
légère  ,  son  colox-is  vigoureux  ;  les  con- 
naisseurs font  aussi  beaucoup  de  cas  de 
ses  dessins.  Cet  artiste  avait  coutume  de 
faire  peindre  ses  figures  par  Van  Ostade  , 
Van  Velde,  ou  Wauvermans.  (Le  Musée  du 
Louvre  conserve  de  ce  peintre  quatre 
tableaux  :  un  Coup  de  soleil ,  un  Village 
situé  près  d'un  bois ,  une  Forêt  coupée 
par  une  rivière,  une  Tempête.  Salomon, 
son  frère ,  mort  à  Harlem  en  1670  ,  s'est 
pareillement  distingué  par  ses  paysages.) 

*  RULHIÈRE  (Claude  Carloman  de), 
historien  et  poète ,  naquit  à  Bondi ,  près 
de  Paris,  en  1735,  d'une  famille  dis- 
tinguée. Au  sortir  du  collège  il  entra  au 
service  et  fut  quelque  tempsaide-de-camp 
du  maréchal  de  Richelieu  en  Guienne. 
En  même  temps  il  s'adonua  à  l'étude  de 
la  diplomatie,  et  accompagna  en  1760 
à  Pétersbourg  le  baron  de  Breteuil  comme 
secrétaire  d'ambassade-  Témoin  de  la  ré- 
volution (1762)  qui  arracha  le  sceptre  à 
Pierre  HI  (  étranglé  ensuite  dans  sa  pri- 
son par  Orlofif),  et  qui  plaça  Catherine 
sur  le  trône ,  il  écrivit  en  peu  de  pages, 
et  dans  un  stile  digne  de  Salluste,  VHis- 
ioire  de  cette  sanglante  catastrophe. 
Catherine  H  n'y  est  nullement  flattée, 
et  elle  ne  méritait  pas  de  l'être.  Rulhière 
n'osa  pas  publier  son  ouvrage ,  qxii  ne 
parut  qu'après  sa  mort,  en  1797.  Il  avait 
été  déposé  entre  les  mains  de  la  com- 


RUL 

tésse   d*EgTnonl,  fille  du  maréchal   de 
Richelieu.  Quoique   inédite ,  celle  his- 
toire fui    connue  :  elle   alarma  l'impé- 
ralrice  qui  ne  put  obtenir ,  ni  par  les 
séductions  ,  ni  par  les  menaces ,  la  sup- 
pression de  ce  livre  donl  elle  redoutait 
la  publication.  En  1768  on  le  chargea 
d'écrire  pour  l'inslruction  du  Dauphin 
(  depuis  Louis  XVI  ) ,  l'histoire  des  trou- 
bles qui  agitaient  la  république  de  Polo- 
gne ,  et  en  1771  on  attacha  à  ce  travail 
une  pension  de  6000  francs  dont  il  a  joui 
jusqu'à  sa  mort.  Il  parcourut  plusieurs 
cours  de  l'Europe ,  et  accompagna  le  ma- 
réchal de  Richelieu  dans  son  gouverne- 
ment. Rulhière  débuta  à  celte  époque  dans 
la  carrière  de   la  littérature,  par  deux 
Epîtres  qui  établirent    sa   réputation. 
En  1787  il  fut  reçu  à    l'académie  fran- 
çaise ,   quoiqu'il  n'eût  publié  aucun  ou- 
vrage important.  Son  discours  de  ré- 
ception  fut    très    applaudi  ,   et    parut 
justifier  le  choix  de  l'académie.  Rulhière 
était  imbu  de  principes  philosophiques  ; 
mais  il  tenait  beaucoup  aussi  aux  faveurs 
des  grands.    Lors  de  la   révolution  ,   il 
sembla  se  déclarer  pour  son  parti,  sans 
adopter  néanmoins  les  mesures  du  nou- 
veau régime  :   c'est-à-dire  qu'il  aimait 
la  révolution  comme  philosophe  ,  et  les 
grands  comme  ambitieux.  Il  mourut  le 
30  janvier  1791.   Voici  le  portrait  que 
fait  de  lui  son  ami  Champfort  :  «  Rulhière 
)>  cachait  un  esprit   très   délié  sous  un 
j)  extérieur  assez  épais ,  très   malicieux 
»  avec  le  ton  de  l'aménité,  très  intrî- 
))  gant  sous  le  masque  de  l'insouciance 
»  et  du    désintéressement.     Réunissant 
»  toutes  les  prétentions  de  l'homme  du 
»  monde  et  du  bel-esprit,  il  faisait  ser- 
n  vir  ses  galanteries  à  ses  bonnes  fortunes 
»  littéraires,  et  les  lectures  mystérieuses 
n  de  ses  productions  à  s'introduire  chez 
»  les  belles  dames.  Fort  circonspect  avec 
j)  les  hommes  qui  pouvaient  l'apprécier, 
j)  il  était  extrêmement   hardi  ,   à   tous 
»  égards ,  auprès  des  femmes ,  qui  ne 
»  doutaient  point  de  son  mérite.  Tout 
»  dévoué  à   la    faveur  et  aux  gens  en 
»  place,  il  n'évitait  dans  son  manège 
»  que  la  bassesse,  qui  l'aurait  empêché 
))  de  se  faire  valoir  ;  souple  et  réservé  , 


RUL  571 

»  adroit  avec  mesure ,  faux  avec  épan- 
»  chement,  fourbe  avec  délices,  haineux 
j)  et  jaloux ,  il  n'était  jamais  plus  doux 
s  et  plus  mielleux  que  pour  exprimer 
»  sa  haine  et  ses  prétentions.  Superficiel- 
»  lement  instruit ,  détaché  de  tous  prin- 
))  cipes ,  l'erreur  lui  était  aussi  bonne 
»  que  la  vérité ,  quand  elle  pouvait  faire 
»  briller  la  frivolité  de  son  esprit.  Il 
M  n'envisageait  les  grandes  choses  que 
»  sous  les  petits  rapports,  n'aimait  que 
»  les  tracasseries  de  la  politique  ,  n'était 
»  éclairé  que  par  des  étincelles ,  et  ne 
V  voyait  dans  l'histoire  que  ce  qu'il 
j)  avait  vu  dans  les  petites  sociétés,  etc.  » 
Si  ce  portrait  est  véritable ,  ainsi  que 
tout  le  fait  croire  ,  il  ne  semble  cepen- 
dant pas  fait  par  la  plume  d'un  ami. 
On  a  de  Rulhière  :  1°  Eclaircissemens 
historiques  sur  les  causes  de  la  révo- 
cation de  l'e'dit  de  Nantes ,  et  sur  Ve'- 
tat  des  protestons  en  France ,  depuis  le 
commencement  du  règne  de  Louis  XIV , 
Paris,  1788  ,  2  vol.  in-8.  Cet  ouvrage, 
où  se  laissent  facilement  remarquer  les 
principes  philosophiques  de  l'auteur , 
est  parfois  écrit  d'un  stile  assez  clair 
et  rapide.  Il  y  embrasse  ouvertement  la 
défense  des  proleslans  et  ne  ménage  pas 
les  catholiques.  Il  possédait  le  manu- 
scrit de  l'abbé  de  Mably  sur  VHistoire  de 
France,  qu'il  termina  ;  il  en  rédigea  en 
entier  la  seconde  partie.  2°  Epîtresur  les 
disputes  ;  3°  Epître  sur  le  renversement 
de  ma  fortune;  4°  Histoire  de  la  révolu- 
tionde  Russieen  1762,  Paris  ,  1 797,  in-8  ; 
5°  Histoire  deï  anarchie  de  Pologne  et  du 
démembrement  de  cette  république ,  sui- 
vie d'anecdotes  sur  la  révolution  de  Bus- 
sie  ,  Paris,  1808  ,  4.  vol.  in-8.  Cette  his- 
toire ne  contient  que  le  premier  partage 
de  la  Pologne,  Rulhière  étant  mort  avant 
l'entier  démembrement  de  ce  royaume.En 
même  temps  qu'il  peint  les  malheurs  du 
roi  Poniatowski ,  et  la  courageuse  quoi- 
que inutile  défense  des  Polonais  ,  il  met 
en  usage  tous  les  moyens  pour  exciter  la 
haine  de  ses  lecteurs  contre  cette  injuste 
oppression  ,  et  notamment  contre  l'am- 
bitieuse Catherine  II.  Il  tâche  en  outre 
de  dévoiler  les  vices  et  les  désordres  du 
gouvernement  de  Louis  XV  ,  et  semble 


572  RUL        '""^ 

pronostiquer  l'anarchie  qui  désola  la 
France  quelques  années  après.  Le  stile 
est  correct  et  élégant;  mais  on  y  re- 
connût toujours  la  plume  d'un  philo- 
sophe du  18*  siècle.  6°  Les  Jeux  de 
mains,  poème  en  trois  chants,  avec  1'^- 
pîire  sur  les  disputes ,  V A-propos,  des 
Epigrammes ,  etc.,  Paris,  1808,  1  vol. 
in-8.  On  a  publié  les  OEuvres posthumes 
de  Ruihière  en  1791 ,  in-12  ,  où  l'on  ne 
reconnaît  cependant  le  stile  de  cet  au- 
teur que  dans  les  anecdotes  du  maréchal 
de  Richelieu.  Ruihière  avait  du  talent 
poétique  ;  et  quand  son  Epître  sur  les 
disputes  parut.  Voltaire  dit  à  ses  amis  : 
«  Lisez  cela ,  c'est  du  bon  temps.  »  Et 
Laharpe ,  en  parlant  de  lui ,  s'est  expri- 
mé en  ces  termes  :  ((Bon  plaisant  dans  les 
:»  vers,  il  était  loin  d'être  gai  dans  la  so- 
3)  ciété  ;  il  y  était  au  contraire  lourd  et  im- 
3>  portant.  »  On  a  réimprimé  en  1819  les 
OEuvres  diverses  de  Rulljière  en  2  vol. 
in-8,  et  sous  le  titre  d'OEuvi  es  posthu- 
mes, l'Histoire  de  l'anarchie  de  Pologne 
et  des  Anecdoctcs  sur  la  révolution  de 
Russie.  M.Daunou  a  fait  précéder  une  des 
éditions  de  Ruihière  d'une  Notice  sur 
cet  auteur. 

*  RULHIÈRE  (A.-J.-A.),  frère  du  pré- 
cédent, et  officier  de  la  gendarmerie  na- 
tionale de  Paris.  Il  commandait  ce  corps 
au  10  août  1792,  et  voulut  l'employer  à 
défendre  le  malheureux  Louis  XVI  ;  mais 
ses  soldats  s'y  refusèrent  .  il  se  vit  con- 
traint de  se  retirer  avant  l'attaque  du 
château.  Ses  bonnes  dispositions  en  faveur 
du  roi  ne  purent  pas  être  ignorées  des 
factieux,  qui  le  firent  arrêter  et  enfermer 
dans  les  prisons  de  l'Abbaye  ,  où  il  périt 
dans  les  massacres  des  2  et  3  septembre. 

RULLAND  ou  Ritland  (Martin  ) ,  mé- 
decin de  Freisingen  en  Bavière ,  fut  pro- 
fesseur de  médecine  à  Lawingen  en 
Souabe,  et  médecin  de  l'empereur  Rodol- 
phe IL  On  a  de  lui  :  1°  Medicina  prac- 
/tca ,  Francfort ,  1625,  in-12.  C'est  un 
dictionnaire  des  maladies,  avec  des 
remèdes.  2"  Un  petit  livre  de  la  scarifi- 
cation et  des  ventouses,  et  des  maladies 
qu'on  peut  guérir  par  leur  moyen ,  Bâle, 
1 596,  in-8  ;  3°  Appendix  de  dosibus  scu 
justa  ^uantitate  et  proportione  medica- 


RUM 

mentorum  ;  4"  Curationum  empiricarum 
et  historicarum  centurite  X  ;  5°  Thé- 
saurus rulandinus,  Rouen,  1650.  C'est 
une  collection  de  quelques-uns  de  ses 
ouvrages.  6°  Lexicon  alchymiœ,  Nurem- 
berg, 1671 ,  in-4;  1°  Hydriatica ,  Dillin- 
gen,  1568,  in-8  :  c'est  un  traité  des  eaux 
minérales.  La  plupart  des  ouvrages  de  ce 
médecin  sont  calqués  sur  les  principes  de 
chimie.  Il  mourut  à  Prague  en  1602,  à 
10  ans. 

RULLAND  (Martin),  fils  du  précé- 
dent, né  à  Lawingen  en  1569,  médecin 
de  l'empereur ,  mourut  à  Prague  l'an 
161 1.  Il  a  donné  :  \°  Histoire  d'une  dent 
d'or,  1595.  Il  prétend  prouver  qu'il  était 
venu  une  dent  d'or  à  un  enfant  de  Silé- 
sie,  âgé  de  sept  ans  ;  mais  il  n'a  réussi 
qu'à  prouver  sa  crédulité.  2°  De  perni- 
ciosœ  luis  hungaricœ  tecmarsi  et  cura- 
tione,  Francfort,  1600,  in-8j  3°  Propug- 
naculum  chymiatriœ ,  Leipsick ,  1 608 , 
in-4. 

*  RUxMFORT  ou  Rumford  (  sir  Ben- 
jamin Thompson  ,  comte  de  ) ,  physicien 
célèbre,  naquit  en  1735  dans  un  petit  can- 
ton des  Etats-Unis  d'Amérique  ,  nommé 
autrefois  Rumfort  et  mainteoantConcord, 
dans  l'état  de  New-Hampshire.  Il  mani- 
festa de  bonne  heure  de  grandes  dispo- 
sitions pour  les  sciences  exactes  ;  mais 
sa  famille  était  pauvre,  et  la  carrière  pour 
laquelle  il  avait  tant  de  vocation  était 
alors  bien  stérile  en  Amérique.  Cepen- 
dant il  put  suivre  ses  goûts ,  après  le 
mariagequ'il  fit  à  l'âge  de  1 9  ans  avec  une 
riche  veuve.  La  guerre  de  l'indépendance 
vint  interrompre  ses  travaux  :  obligé  de 
prendre  un  parti ,  il  se  déclara  pour  la 
métropole.  Nommé  en  1772  major  de  la 
milice  du  district  qu'il  habitait,  il  par- 
tagea les  revers  de  l'armée  anglaise  et  se 
retira  avec  elle  à  Boston ,  et ,  lorsque 
cette  ville  assiégée  par  les  indépendans 
fut  évacuée  dans  le  mois  de  mars  1776  , 
Thompson  fut  chargé  d'aller  porter  à 
Londres  cette  désastreuse  nouvelle.  Lord 
George  Germain  lui  donna  une  place 
dans  ses  bureaux,  et  en  1780,  les 
fonctions  de  secrétaire  d'état  lui  furent 
confiées.  Cependant  il  reprit  en  1782  du 
service  dans  l'armée ,  obtint  le  grade  de 


RUM 

chef  d'escadron,  et  fut  chargé  d'une  réor- 
ganisation' de  la  cavalerie  britannique. 
Après  avoir  rempli  cette  mission  avec 
zèle ,  il  repartit  pour  l'Amérique  où  il  mé- 
rita par  sa  valeur  le  grade  de  colonel.  La 
paix  le  rendit  à  la  vie  civile  ;  mais,  avant 
de  reprendre  ses  occupations  scientifi- 
ques', il  résolut  d'aller  offrir  ses  services 
à  l'empereur  d'Allemagne ,  alors  occupé 
de  la  guerre  contre  les  Turcs.  A  son  pas- 
sage à  Munich,  il  alla  voir  l'électeur  ré- 
gnant ,  Charles-Théodore ,  qui  le  retint 
auprès  de  lui ,  l'éleva  par  degré  au  rang 
de  conseiller  d'état ,  de  lieutenant-géné- 
ral dans  ses  armées ,  de  ministre  de  la 
guerre  et  de  directeur  de  la  police. 
Thompson  introduisit  d'utiles  réformes 
dans  l'armée  ;  mais  ce  qui  a  rendu  son 
nom  à  jamais  recommandable,  c'est  le 
noble  usage  qu'il  a  fait  de  la  science. 
Rumfort  s'occupa  d'œuvres  philantropi- 
ques  et  d'économie  domestique.  Il  éta- 
blit des  manufactures  pour  des  enfans 
pauvres ,  fit  interdire  la  mendicité  ,  in- 
troduisit la  culture  de  la  pomme  de  terre, 
et  fit  exécuter  des  cheminées  propres  à 
accroître  l'intensité  de  la  chaleur  et  à  di- 
minuer la  consommation  du  bois.  Il  mul- 
tiplia aussi  les  soupes  économiques ,  qui 
depuis  ont  porté  son  nom.  L'électeur 
de  Bavière  ne  fut  point  ingrat  ;  il  le 
nomma  comte  de  Rumfort ,  et  son  am- 
bassadeur à  la  cour  de  Londres.  D'ctnciens 
usages  dont  le  ministère  anglais  ne  vou- 
lut point  se  déporter,  ne  permirent  pas 
à  Rumfort  d'occuper  le  poste  qu'il  avait 
ambitionné  ;  mais  pendant  son  séjour  à 
Londres,  il  fit  part  de  ses  inventions  éco- 
nomiques ,  contribua  à  fonder  l'institu- 
tion royale  de  cette  ville  et  fit  les  fonds  de 
deux  prix ,  l'un  en  Angleterre ,  l'autre  en 
Amérique,  pour  encourager  de  nouvel- 
les recherches  sur  la  chaleur.  A  la  mort 
de  l'électeur  de  Ba\  ière ,  il  retourna  à 
Munich  pour  rendre  compte  de  son  ad- 
ministration, puis  il  vint  en  1799  se  fixer 
en  France ,  où  il  épousa  la  veuve  de  La- 
voisier.  Il  y  a  demeuré  usqu'à  sa  mort,  ar- 
rivée à  Anteuil  le  22  août  1814.  Il  avait 
publié  le  résultat  de  ses  travaux  et  de  ses 
recherches  dans  un  ouvrage  très  répandu, 
intitulé  Essais  et  expériences  politiques. 


RUM  573 

économiques  et  philosophiques,  Genève , 
1798,  2  vol.  in-8  avec  fig.  Ce  recueil 
contient  neuf  Mémoires  ou  Essais  ;  on 
y  en  ajoute  un  dixième  publié  en  1799 
et  cinq  autres  qui  ont  paru  en  1806.  Les 
découvertes  de  Rumfort,  publiées  en  an- 
glais soit  séparément  soit  dans  les  trans- 
actions philosophiques ,  ont  été  pour  la 
plupart  traduites  en  français  par  Pictet 
dans  la  Bibliothèque  britannique.  On  a  en- 
core de  Rumfort  :  Mémoire  sur  la  cha- 
leur ,  Paris  ,1804,  in-8.  Une  des  prome- 
nades de  Munich  est  ornée  d'un  monument 
à  la  mémoire  de  Rumfort. 

RULMAN  (Aulne),  Foyez  l'article 
Fléchier. 

*  RUMOLD  (Saint),  communément 
saint  Rombaud ,  Rumoldus ,  patron  de 
l'église  de  Malines ,  est  un  de  ces  zélés 
religieux  anglo-saxons,'établis  en  Angle- 
terre et  en  Irlande,  qui,  dans  le  8''  siècle, 
quittèrent  leur  solitude  pour  porter  la 
lumière  de  la  foi  à  diverses  nations  d'Eu- 
rope. Il  s'associa  aux  travaux  apostoliques 
de  saint  Willibrord,  et  fut  sacré  évêque 
re'gionnaire,  c'est-à-dire  sans  avoir  de 
siège  fi^xe.  11  convertit  une  multitude 
d'infidèles  aux  environs  de  Malines ,  de 
Lierre  et  d'Anvers,  et  mourut  martyr 
de  son  zèle,  pour  s'être  élevé  contre  les 
scandaleux  désordres  d'un  habitant  du 
pays,  le  24  juin  1775.  Son  corps,  jeté  dans 
l'eau,  ffft  découvert  miraculeusement,  et 
enterré  parlas  soins  du  comte Adon.  Les 
principales  actions  de  sa  vie  sont  repré- 
sentées par  de  beaux  tableaux  dans  l'église 
cathédrale  de  Malines. 

RUMPFouRuMPHius(George-Everard), 
né  en  1626  àSolm  en  Allemagne,  docteur 
en  médecine  dans  l'université  de  Hanau, 
devint  consul,  puis  marchand  à  Amboine, 
l'une  des  îles  Moluques  ,  où  il  était  allé 
s'établir.  La  botanique  eut  pour  lui  un 
attrait  singulier,  et  quoiqu'il  n'eût  jamais 
pris  de  leçons  dans  cette  science ,  il  s'y 
rendit  très  habile  par  ses  propres  recher- 
ches. Une  chose  étonnante,  c'est  que, 
malgré  le  malheur  qu'il  eut  de  devenir 
aveugle  à  l'âge  de  43  ans,  il  savait  par- 
faitement distinguer  au  goût  et  au  tou- 
cher la  nature  et  la  forme  d'une  plante 
d'avec  une  autre.  Il  réunit  en  12  livres 


574  RUN 

ce  qu'il  avait  ramassé  de  plantes ,  et  les 
dédia,  en  1690,  au  conseil  de  la  compa- 
gnie des  Indes.  Ce  recueil  parut  avec  un 
Supplément ,  par  les  soins  de  Jean  Bur- 
man ,  en  6  vol.  in-fol. ,  sous  le  titre 
d'Herbarium amboïnense,  en  1755.  On  a 
encore  de  lui  :  Imagines  piscium  testa- 
ceorum,  Ley de  ,  1711,  La  Haye,  1739, 
in-fol.  :  la  première  édition  est  recher- 
chée pour  les  figures.  Rumpf  avait 
composé  une  Histoire  politique  cCAm- 
boine  ,  qui  n'a  pas  été  mise  au  jour  :  on 
en  conserve  deux  exemplaires  ,  l'un  dans 
cette  île  d'Asie  ,  l'autre  au  dépôt  de  la 
compagnie  des  Indes  à  Amsterdam. 
Rumpf  est  mort  en  1693. 

RUIVGIUS  ( David),  luthérien ,  né  en 
Poméranie,  l'an  1564,  mort  en  16o4,  pro- 
fessa la  théologie  à  Wittemberg  avec 
beaucoup  de  réputation ,  et  assista  au  col- 
loque de  Ratisbonne  en  1601 .  On  a  de  lui 
des  Commentaires  sur  la  Genèse ,  l'Exo- 
de, le  Lévitique ,  les  deux  Epîtres  aux 
Corinthiens ,  l'Epître  de  saint  Jacques , 
etc. 

RUNGIUS  (Jean -Conrad),  savant 
littérateur  protestant,  né  à  Cappel,  dans 
le  comté  de  la  Lippe ,  en  Westphalie,  le 
22  janvier  1686,  fit  ses  premières  éludes 
dans  la  maison  paternelle,  où  il  apprit  les 
élémens  des  langues  latine,  grecque,  hé- 
braïque ,  etc.  Il  s'appliqua  aux  hautes 
sciences ,  en  conservant  toujours  un 
grand  penchant  pour  les  belles-lettres 
En  1714,  on  lui  confiala  chaire  d'histoire, 
d'éloquence  et  de  littérature  grecque  et 
latine  dans  l'université  de  Harderwick  ; 
et  en  1722,  celle  d'éloquence  et  d'histoire 
à  Franeker  :  il  y  mourut  le  17  janvier 
1723,  à  36  ans.  Il  a  donné  une  édition  du 
Rationarium  temporum  du  Père  Petau, 
avec  une  Continuation  depuis  1633  jus- 
qu'à l'an  1710,  et  des  tables  généalogi- 
ques, Leyde,  1710,  in-8.  On  a  encore  de 
lui  plusieurs  Oraisons  académiques, 
imprimées  séparément.  Il  y  en  aune  entre 
autres  pleine  d'une  excellente  morale, 
d'une  saine  politique,  et  resplendissante 
des  lumières  de  l'histoire  :  Oralio  de 
Romanorum  luxuria  et  corruptissimis 
moribus,  quibus  rempublicam  ,  liberta- 
(em  et  ampUssimum  imperium  corrupue- 


RUN 

runt  et  pessumdcderunt ,  Harderwick , 
1718, in-4. 

RUPELMONDE  (N.  comtesse  de  ) , 
carmélite  de  la  rue  de  Grenelle  à  Paris, 
sous  le  nom  de  sœur  Marie-The'rèse- 
Thàis-F élicite  de  la  Mise'ricorde,  donna 
l'exemple  de  toutes  les  vertus ,  qui  pren- 
nent naturellement  leur  essor  dans  Pâme 
des  grands  du  monde ,  convaincus  de  la 
frivolité  des  jouissances  terrestres.  Elle 
fut  un  modèle  de  piété,  de  charité  et  de 
pénitence,  et  mourut  Je  11  novembre 
1784.  On  a  présenté  à  l'édification  des 
chrétiens  le  tableau  de  sa  F'ie  dans  une 
lettre  imprimée  à  Paris  en  1787,  in-12. 
Voyez  le  Journ.  hist.  et  litt.,  15  sep- 
tembre 1787,  p.  103. 

RUPERT  (Saint),  évêque  de  Worms, 
d'une  famille  illustre ,  alliée  à  la  maison 
royale  de  France ,  prêcha  la  foi  dans  la 
Bavière,  sur  la  fin  du  7*  siècle,  et  y  con- 
vertit Théodon ,  duc  de  Bavière ,  qu'il 
baptisa  avec  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes. Il  annonça  particulièrement  l'E- 
vangile à  Lorch  et  à  Juvave,  et  établit 
son  siège  dans  cette  dernière  ville,  qui, 
presque  ruinée,  se  releva  par  la  religion 
qui  vivifie  tout  ;  elle  prit  le  nom  de  Saltz- 
bourg.  Il  mourut  le  25  mars  718.  En 
Autriche  et  en  Bavière ,  on  fait  sa  fête  le 
25  de  septembre,  jour  de  la  translation 
de  ses  reliques  ,  que  l'on  honore  à  Saltz- 
bourg,  dans  l'église  qui  porte  son  nom. 

RUPERT, né  dans  le  territoire  d' Ypres, 
embrassa  la  règle  de  Saint-Benoît  dans 
l'abbaye  de  Saint-Laurent,  près  de  Liège. 
Il  passa  de  là  drtns  l'abbaye  de  Saint- 
Laurent  d'Oosbourg,  près  d'Utrecht,  et 
n'épargna  ni  veilles  ni  application  pour  | 
s'avancer  dans  l'intelligence  de  l'Ecriture 
sainte.  Son  savoir  et  sa  piété  lui  acqui- 
rent une  si  grande  réputation ,  que  Fré- 
déric, archevêque  de  Cologne,  le  tira  de 
son  cloître  de  Liège,  où  il  était  retourné, 
pour  le  faire  abbé  de  Deutz,  vis-à-vis  de 
Cologne,  en  1113.  Il  mourut  en  1135. 
Tous  ses  ouvrages  ont  été  imprimés  à 
Paris  en  1638,  en  2  vol.  in-fol.,  et  à 
Venise,  7  vol.  in-folio],  1748  à  17A2. 
On  y  trouve  :  i"  des  Commentaires 
sur  la  plupart  des  livres  de  l'Ecriture 
sainte ,  dans  lesquels  il  se  propose  de 


RUR 

rapporter  tout  ce  qu'ils  renferment  aux 
œuvres  des  trois  Personnes  de  la  Trinité. 
On  lui  reproche  d'avoir  donné  dans  des 
allégories  bizarres ,  et  d'avoir  parlé  peu 
correctement  de  l'Eucharistie  dans  un 
endroit  de  cet  ouvrage  ;  mais  dans  plu- 
sieurs autres ,  et  en  particulier  dans  ses 
Lettres ,  il  s'explique  sur  ce  mystère  de 
la  manière  la  plus  orthodoxe  et  la  plus 
exacte.  2°  Un  Traité  des  offices  divins^ 
où  il  traite  des  cérémonies  de  l'Eglise, 
et  en  rend  des  raisons  mystiques  ;  3°  un 
de  la  Trinité,  et  plusieurs  autres  ;  4"  des 
Lettres;  5"  Histoire  de  l'incendie  de 
Deutz  ;  6°  La  Fie  de  saint  Héribert,  etc. 
Ce  qu'il  a  écrit  touchant  l'histoire  des 
évêques  de  Liège  et  des  abbés  du  monas- 
tère de  Saint-Laurent  a  été  inséré  dans 
Y  Amplis  sima  Collectio  des  bénédictins 
de  Saint-Maur,  tomes  4  et  9. 

RUPERT  (Christophe-Adam),  né  à 
Altorf  en  1610,  y  fut  pendant  neuf  ans 
professeur  en  histoire ,  et  y  mourut  en 
1647.  On  a  de  lui  :  1"  des  Commentaires 
surFlorus,  Velleius-Paterculus,  Salluste, 
Valère-Maxime ,  etc.  ;  2"  Mercurius  epi- 
stolicus  et  oralorius  ;  Z°  Orator  histori- 
cus,  etc. 

RUPERT.  Voyez  Robert  ef  Robert  de 
Bavière. 

»  RUREMONDE  (Jean-Guillaume 
de),  fanatique  allemand,  né  vers  1540  , 
se  crut  inspiré  de  Dieu  pour  renouveler 
dans  Munster ,  sa  patrie ,  la  pure  doc- 
trine ,  en  rétablissant  l'anabaptisme,  dont 
il  appelait  les  sectaires  le  peuple  de  Dieu. 
Il  commença  à  prêcher  ses  fausses  opi- 
nions en  1 580  ,  et  assurait ,  entre  autres 
choses  extravagantes,  que  le  royaume  de  la 
nouvelle  Jérusalem  serait  bientôt  fondé,  et 
que  les  anabaptistes  s'empareraient  des 
pays  de  ceux  qui  ne  partageraient  pas 
leurs  opinions  sur  la  divinité ,  comme 
autrefois  les  Israélites  s'étaient  rendus 
maîtres  des  terres  des  Chananéens.  Il  com- 
posa un  livre  dans  lequel  il  s'efforçait 
de  prouver  «  qu'à  l'exemple  de  Maho- 
»  met,  on  devait  accorder  la  pluralité 
»  des  femmes  ;  et ,  afin  qu'on  pût  les 
»  nourrir ,  il  permettait  les  vols  et  les 
M  larcins,  s'appuyant  sur  ce  que  tous  les 
M  biens  de  la  terre  appartenaient  à  J.  C. 


RUS  575 

»  et  à  ses  disciples  ;  que  c'était  lui  que 
M  Dieu  avait  envoyé  pour  en  faire  une 
M  répartition  égale,  et  qu'il  lui  avait 
))  confié  pour  cela  l'épée  de  Gédéon.  » 
Cette  morale  relâchée  et  ces  principes 
de  brigandage  ne  manquèrent  pas  de  lui 
attirer  beaucoup  de  prosélytes ,  qui  pil- 
lèrent ,  sous  ses  ordres ,  les  maisons  des 
nobles  et  d<l  riches,  etdevinrent  si  nom- 
breux et  si  terribles ,  qu'ils  portèrent  la 
terreur  dans  plusieurs  parties  de  l'Alle- 
magne, dont  les  princes  parliculiers 
n'eurent  pas  assez  de  résolution  ou  de 
force  pour  arrêter  leurs  désordres,  qui 
durèrent  plus  de  cinq  ans.  Enfin  on  mit 
des  troupes  à  la  poursuite  de  Rure- 
monde ,  qui ,  se  trouvant  un  jour  avec  ses 
femmes ,  écarté  des  siens ,  fut  pris  et  en- 
fermé dans  la  forteresse  de  Durren  au 
pays  de  Juliers.  Il  avait  amassé,  par  ses 
vols ,  de  grandes  richesses  dont  il  por- 
tait toujours  sur  lui  la  plus  grande  partie. 
Il  put  donc  ,  à  force  de  présens ,  corrom- 
pre ses  gardes,  qui  lui  permirent  de 
communiquer  avec  ses  femmes,  et  il 
vécut  pendant  long-temps  dans  le  vice 
et  l'abondance.  Le  duc  de  Clèves  (  Guil- 
laume), l'ayant  a'ppris ,  fit  resserrer  plus 
étroitement  Ruremonde ,  et  ordonna 
qu'on  instruisît  son  procès  :  il  fut  con- 
damné au  dernier  supplice;  Selon  l'usage 
de  ces  temps ,  il  fut  brûlé  à  petit  feu 
comme  hérétique,  et  ses  cendres  dis- 
persées au  vent.  Il  ne  donna  aucune 
marque  de  repentir  ;  deux  de  ses  femmes 
subirent  le  même  sort  :  les  autres  abjurè- 
rent leurs  erreurs  et  obtinrent  leur  par- 
don. Peu  à  peu  on  \int  à  bout  d'extermi- 
ner ou  de  disperser  les  partisans  de  ce 
fanatique ,  qui  était  plutôt  chef  de  vo- 
leurs et  d'assassins,  qu'il  ne  l'était  d'une 
secte. 

RUSBROCH  ou  Rusbroech  (Jean), 
né  vers  l'an  1294,  dans  le  lieu  dont  il 
porte  le  nom,  et  qui  est  placé  entre  Bru- 
xelles et  Halle  ,  fut  le  premier  prieur  des 
chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin, 
au  monastère  de  Grunendal  [vallis  viri- 
dis) ,  dans  la  forêt  de  Soignies,  près  de 
Bruxelles ,  et  y  mourut  en  1381  ,  honoré 
des  titres  de  très  excellent  contemplatif 
et  de  docteur  divin.  Sa  réputation  attira 


S-jS  RUS 

chez  lui ,  avec  plusieurs  personnes  de 
marque  de  l'un  et  de  l'autre  sexe ,  une 
foule  de  docteurs,  entre  lesquels  on 
compte  Jean  Taulère.  Ce  pieux  et  savant 
dominicain  l'avait  en  grande  vénération; 
et ,  quoiqu'il  fût  bien  plus  grand  théolo- 
gien que  Rusbroch ,  il  disait  avoir  beau- 
coup avancé  auprès  de  lui  dans  la  science 
de  la  vie  contemplative.  <%  garde  les 
OEuvres  de  Rusbroch  au  monastère  de 
Grunandal,  en  manuscrit,  3  vol.,  sur 
vélin.  Surius  les  a  traduites  du  flamand  en 
latin.  La  meilleure  édition  est  celle  de 
Cologne,  1C92,  in-4.  On  y  trouve  sa 
Vie ,  composée  par  Henri  de  Pomère.  Ces 
OEuvres  ont  été  critiquées  par  Jean 
Gerson ,  Bossuet  et  Fleury  ;  mais  Denys 
le  Chartreux ,  Sixte  de  Sienne ,  Lessius 
et  plusieurs  autres  en  ont  fait  l'apologie. 
Surius  dit  que  Gerson  n'a  vu  qu'une 
mauvaise  copie.  Si  l'on  joint  à  la  lecture 
de  ces  ouvrages,  et  d'autres  de  ce  genre, 
le  Traité  de  Bossuet ,  Mystici  in  tuto  , 
on  ne  sera  point  exposé  à  s'abandonner 
à  une  spiritualité  trop  subtile  ou  trop  ex- 
traordinaire ,  pour  que  Dieu  y  appelle 
beaucoup  d'âmes.  On  pput  croire  cepen- 
dant que  si  d'un  côté  le  langage  des  mys- 
tiques a  quelquefois  besoin  d'une  expli- 
cation favorable,  de  l'autre  le  savant 
prélat  veut  le  réduire  à  une  exactitude 
qui  semble  exclure  les  voies  particuliè- 
res par  lesquelles  Dieu  conduit  quelque- 
fois les  hommes ,  en  dérogeant  aux  rè- 
gles ordinaires.  Gerson  disait  lui-même 
qu'il  ne  fallait  pas  toujours  exiger  dan  s  ces 
sortes  d'ouvrages  la  précision  rigoureuse 
du  langage ,  ni  même  des  notions  com- 
munes de  la  morale.  Il  assure  que  ceux 
qui  tC  ont  pas  ï  expérience  delà  vie  mys- 
tique n'enpeuvent  nonplus  juger  qu'un 
aveugle  des  couleurs.  Voyez  Akmkllk, 
Jean  de  la  Croix,  Fé«élon,  Malaval, 
Taolkre  ,  etc. 

RUSCA  (Nicolas),  natif  de  Bedano  , 
fut  élevé  dans  le  collège  des  jésuites  à 
Milan ,  aux  frais  du  cardinal  Borromée  , 
et  fit  des  progrès  si  rapides  dans  ses  étu- 
des, qu'en  1589  il  fut  nommé  principal 
de  l'église  de  Sondrio  ,  quoiqu'il  ne  fût 
encore  que  dans  la  24('  année  de  son  âge. 
Il  se  signala  aussitôt  par  son  zèle  con- 


RUS 

tre  les  erreurs  de  Calvin  et  de  Zuingle , 
et  fut  un  de  ceux  qui  défendirent  la  foi 
catholique  contre  les  ministres  protes- 
tans ,  dans  deux  conférences  publiques 
tenues  à  Tirano,  en  1595  et  1596.  Les 
sectaires  désespérant  de  dominer  dans  la 
Valteline ,  tandis  que  Rusca  y  combat- 
trait leurs  erreurs,  l'accusèrent  d'être  en 
correspondance  avec  l'Espagne  et  d'au- 
tres crimes  imaginaires,  et  le  firent 
mourir  à  Tunis  en  1618  ,  dans  des  tour- 
mens  affreux.  Le  protestant  Agrippa , 
dans  son  Histoire  de  la  prétendue  ré- 
forme de  l'Eglise  des  Grisons,  parle 
avec  horreur  de  cet  assassinat,  et  rend 
justice  à  l'innocence  de  Rusca.  Ses  com- 
patriotes ,  irrités  de  la  tyrannie  des  Gri- 
sons, secouèrent  leur  joug,  chassèrent 
les  protestans ,  et  ont  constamment  con- 
servé depuis  la  religion  catholique. 

RUSCA  (Antoine),  théologal  de  Mi- 
lan, mort  en  1645,  fut  placé  par  son  mé- 
rite ,  avec  Collius  ,  Fisconti  et  Ferrari, 
dans  la  bibliothèque  ambrosienne,  par  le 
fondateur  de  ce  monument  célèbre,  Fré- 
déric Borromée.  Dans  la  distribution  des 
matières  que  ce  cardinal  donna  à  traiter 
aux  divers  savans  qu'il  occupait ,  celle 
de  l'enfer  tomba  à  Rusca.  Il  remplit  sa 
tâche  avec  beaucoup  d'érudition  dans  un 
vol.  in-4,  divisé  en  5  livres.  Ce  volume, 
imprimé  à  Milan  en  ICI  1  ,  sous  ce  titre  : 
De  inferno ,  et  statu  dœmonum ,  ante 
mundi  exitium ,  est  savant ,  curieux  et 
peu  commun. 

*  RUSCA  (F,-Dominique),  général  au 
service  de  France ,  né  en  1761  à  Dolce- 
Acqua  dans  les  états  du  roi  de  Sardaigne, 
où  il  était  propriétaire  et  tnédecin ,  se 
déclara  hautement  en  faveur  de  la  révo- 
lution française,  et  fut  bientôt  banni  de 
son  pays.  Il  se  réfugia  alors  en  France, 
oii  il  obtint  du  service,  et  parvint  bientôt 
par  son  courage  et  son  intelligence  aa 
prade  de  général.  Il  se  signala  particuliè- 
rement dans  l'aifaire  qui  eut  lieu  en  Es- 
pagne sur  les  bords  de  la  Fluvia,le  l4 
juin  1795,  et  par  la  prise  de  la  redoute 
de  St.-Jean  de  Muriatte,  à  l'ouverture  de 
la  campagne  d'Italie,  en  1796.  On  lui 
donna  en  1 802  le  gouvernement  de  l'île 
d'Elbe,  d'où  il  fut  rappelé  en  1805.  Il 


RUS 

resta  quelques  années  sans  destination, 
commanda  ensuite  dans  l'intérieur,  et  fut 
tué  en  1 8 1 4  en  défendant  la  ville  de  Sois- 
sons  contre  les  alliés. 

RUSCONI  (Jean-Anloine),  célèbre 
architecte  du  1 6"  siècle,  né  en  Lombardie. 
On  a  de  lui  un  ouvrage  1res  estimé,  et  qui 
a  pour  titre  :  liegole  di architettura,  libri 
dieci,  Venise,  1590-1660,  in-fol.  L'auteur 
suit  dans  cet  ouvrage  les  principes  de  Vi- 
truve ,  et  il  s'y  montre  très  instruit  dans 
la  théorie  de  son  art.  Plusieurs  biographes 
italiens  assurent  qu'il  donnâtes  planspour 
un  grand  nombre  d'édifices,  qu'il  dirigea 
la  construction  de  plusieurs  autres,  mais 
ils  ne  les  détaillent  pas;  cependant  le 
nom  de  Rusconi  est  encore  cité  avec  éloge 
parmi  les  artistes  italiens. 

'  RUSCONI  (  Camille  ) ,  sculpteur , 
naquit  à  Milan  vers  1670  :  il  se  rendit  dès 
sa  première  jeunesse  à  Rome  ,  où  il  eut 
pour  maîtres  Hercule  Ferrala  et  Charles 
Maratte.  Rusconi  ne  négligea  pas  l'étude 
de  l'antique,  qui  lui  donna  ce  stile  sévère, 
expressif  et  délicat  qu'on  remarque  dans 
ses  ouvrages.  Lesprincipaux  sont  le  Tom- 
beau de  Gre'goire  XIII,  dans  l'église 
de  Saint-  Pierre  ;  celui  de  Sobieski,  aux 
Capucins  ;  Les  Anges  de  la  chapelle  de 
Saint-Ignace,  dans  l'église  de  Jésus,  etc. 
Le  pape  Clément  XI  faisait  beaucoup  de 
cas  de  cet  artiste  et  le  combla  de  bien- 
faits. Il  mourut  à  Rome  en  1728. 

RDSHWORTH  (  Jean),  compilateur, 
d'une  bonne  famille  de  Northumberland, 
né  vers  l'an  1607  ,  devint  en  1643  se- 
crétaire de  Thomas  Fairfax,  général  des 
troupes  du  parlement,  et  eut  divers  autres 
emplois  ;  mais ,  après  la  dissolution  du 
dernier  parlement,  il  vécut  obscurément 
à  Westminster,  et  mourut  en  1690,  à  83 
ans,  en  prison,  oii  il  avait  été  renfermé 
pour  ses  dettes.  On  a  de  lui  des  Hecueils 
historiques  de  tout  ce  qui  se  passa  dans  le 
parlement,  depuis  1618  jusqu'en  1644, 
en  6  volumes  in-folio. 

RUSSEL  (  Jean  ),  comte  de  Bedfort , 
entra  fort  avant  dans  la  faveur  de  Henri 
VIII,  par  son  courage  dans  les  armes ,  et 
par  son  habileté  dans  les  affaires.  Il  ac- 
compagna ce  roi  à  la  prise  de  Thérouanne 
et  de  Tournai ,  contribua  à  celle  de  Mor- 

XI. 


RUS  577 

laix  en  Bretagne,  et  combattit  à  la  bataille 
de  Pavie  pour  Charles-Quint.  Il  fut  em- 
ployé dans  diverses  négociations  auprès 
de  cet  empereur  ,  en  France ,  à  Rome  et 
en  Lorraine.  Henri  VIII  le  nomma  cheva- 
lier de  l'ordre  de  la  Jarretière,  et  conseil- 
ler du  prince  son  fils.  Edouard  VI  étant 
monté  sur  le  trône,  envoya  Russel  contre 
les  rebelles  de  Devon ,  qu'il  défit  au  pont 
de  Fennyton;  il  secourut  Excester,  et 
mérita  par  ses  services  d'être  créé  comte 
de  Bedfort.  11  mourut  l'an  1665.  — Il  y  a 
eu  un  Russel,  évêque  de  Lincoln,  mort 
vers  1484,  qui  a  laissé  plusieurs  ouvrages, 
dont  les  plus  considérables  sont  :  In  Can- 
tica  Canticorum  ;De  potestate pontificis 
et  imperatoris . — Russel,  célèbre  amiral 
anglais,  se  distingua  par  plusieurs  actions 
d'éclat,  et  surtout  par  la  victoire  signalée 
remportée  à  La  Hogue  en  1692,  sur  la 
flotte  de  France  ,  commandée  par  M.  de 
Tourville. 

RUST  (  George  )  fut  élevé  au  collège 
de  Christ  à  Cambridge,  et  devint  ensuite 
doyen  de  Connor ,  puis  évêque  de  Dro- 
niore  en  Irlande,  et  mourut  jeune  l'an 
1670.  On  a  de  lui  quelques  ouvrages  sur 
des  matières  ecclésiastiques,  traitées  sui- 
vant les  maximes  anglicanes  ;  un  Traite 
sur  la  préexistence  des  âmes,  et  un  autre 
de  la  vérité,  qu'il  méconnaissait  cepen- 
dant lui-même,  Londres,  1682,  iu-8. 

RUSTICI  (Jean-François),  sculpteur 
florentin,  vint  en  1528  à  Paris,  oii  Fran- 
çois V^  l'employa  à  des  ouvrages  consi- 
dérables. André  Verrochio  lui  montra  les 
principes  de  son  art.  Léonard  de  Vinci , 
qui  était  alors  dans  la  même  école ,  lui 
donna  une  vive  émulation  ,  ce  qui  con- 
tribua beaucoup  à  perfectionner  ses  ta- 
lens.  Ses  statues  sont  la  plupart  en  bronze. 
(On  croit  qu'il  est  mort  à  Paris  vers  1 540.) 

RUSTIQUE  (  Saint  ),  Rusticus ,  célè- 
bre évêque  de  Narbonne  dans  le  cinquiè- 
me siècle ,  fut  en  correspondance  avec 
saint  Jérôme,  qui  lui  écrivit  une  belle 
Lettre  sur  les  devoirs  de  la  profession 
monastique  que  Rustique  avait  embras- 
sée. Tiré  de  son  monastère  par  son  évê- 
que, qui  l'ordonna  prêtre,  il  fut  placé  sur 
le  siège  de  Narbonne  vei*s  427.  U  consulta 
le  pape  Léon  sur  diverses  difficultés ,  et 


578  RUT 

ce  pontife  satisfit  à  ses  doutes  dans  une 
lettre  où  il  le  dissuade  en  même  temps  de 
quitter  son  évêché,  comme  il  avait  résolu 
de  le  faire  par  humilité  et  par  amour  de  la 
solitude.  Il  mourut  en  462.  —  Il  ne  faut 
pas  le  confondre  avec  saint  Rustique, 
évêque  d'Auvergne  ,  en  423,  qui  mourut 
vers  la  fin  du  règne  de  Yalentinien  III. 

RUTGERS  (  Janus),  littérateur,  né  à 
Dordrecht  en  1689,  mort  à  La  Haye  en 
1625,  est  connu  :  i°  par  des  Poésies  la- 
tines, imprimées  avec  celles  d'Heinsius 
son  neveu,  Elzevir,  1653,  in-12,et  1618, 
in-8  ;  2°  par  les  Notes  dont  il  a  éclairci 
plusieurs  auteurs  anciens,  tels  qu'Horace, 
Martial ,  Apulée  ,  Quinte-Curce ,  etc.  ;  3° 
par  ses  Fariœ  leciiones ,  1628,  in-4; 
4°  par  sa  Fie  écrite  par  lui-même,  publiée 
par  Guillaume  Goes  ,  Leyde,  1646,  in-4. 
Il  avait  été  conseiller  de  Gustave-Adol- 
phe, roi  de  Suède. 

RUTH ,  femme  moabite ,  qui  épousa 
Mahalon,  un  des  enfans  de  Koémi  et  d'E- 
limélecb,  et  ensuite  Booz,  vers  l'an  1254 
avant  J.  G.  Elle  fut  mère  d'Obed  ,  père 
d'Isaï  et    aïeul  de  David.   Le  livre  de 
Rulh ,  qui  contient  l'histoire  de   celte 
pieuse  femme,  est  placé  entre  le  livre  des 
Juges  et  le  premier  des  Eois ,  comme 
une  suite  de  celui-là,  et  une  introduction 
à  celui-ci.  Il  n'est  particulièrement  inté- 
ressant qu'autant  qu'il  concourt  à  établir 
la  généalogie  de  Jésus-Christ,  sur  laquelle 
l'origine  de  Ruth,  qui  était  étrangère, 
aurait  pu  jeter  quelque  obscurité.  Il  sert 
encore  à  prouver  que  le  Seigneur,  en 
faisant  des  Juifs  son  peuple  choisi,  n'a 
pas  rejeté  les  autres  nations.  On  ne  sait 
pas  précisément  en  quel  temps  est  arrivée 
cette  histoire  ;  elle  ne  peut  avoir  été 
écrite  que  sous  David,  dont  l'auteur  parle 
à  la  fin  de  son  livre,  et  il  y  a  apparence 
qu'elle  est  du  même  qui  a  écrit  le  premier 
livre  des  Rois.  (On  n'est  pas  d'accord  non 
plus  sur  l'auteur  de  ce  livre  qui  est  la 
peinture  la  plus  fidèle  des  mœurs  cham- 
pêtres de  ces  temps|reculés.  {Voyez  Janh, 
dans  son  Introduct.  ad  lib.  sacr.  vet. 
fœd.  p.  238  ;  et  Richard  Bernard  dans  son 
traité  curieux,  intitulé  :  la  Récompense 
de  Jiuth ,  Londres ,  1628  ,  in-12.  M.  L'ab- 
bé La  Bouderie  a  fait  imprimer  à  Paris, 


RUT 

en  1824 ,  in-8  ,  une  traduction  en  patois 
auvergnat  du  livre  de  Ruth ,  avec  le 
texte  hébreu  en  regard.)  A  ne  considérer 
que  le  stile  dont  ce  morceau  est  écrit ,  il 
peut  passer  pour  un  des  plus  beaux  dans 
ce  genre  de  narration.  Les  actions,  les 
sentimens  ,  les  mœurs,  tout  y  est  peint 
au  naturel,  et  avec  une  simplicité  si  naïve, 
qu'on  ne  peut  le  lire  sans  en  être  touché. 
M.  de  Florian  a  donné  en  1784,  Ruth, 
églogue  sainte,  qui  a  remporté  le  prix  de 
poésie   de  l'académie  française.   Voyez 

NoÉMl. 

RUTH  D'ANS  (Paul-Ernest),  ecclé- 
siastique, né  à  Verviers,  ville  du  pays  de 
Liège,  en  1653,  d'une  famille  ancienne, 
se  rendit  à  Paris ,  et  s'attacha  à  Arnauld, 
qui  fut  depuis  son  conseil  et  son  ami.  Il 
assista  à  la  mort  de  ce  docteur  en  1694, 
et  apporta  son  cœur  à  Port-Royal-des- 
Champs.  Ruth  d'Ans  ayant  été  exilé  par 
une  lettre  de  cachet,  en  1704,  se  retira 
dans  les  Pays-Bas.  Précipiano ,  archevê- 
que de  Malines,  toujours  zélé  pour  l'or- 
thodoxie ,  connaissant  le  tort  qu'il  pou- 
vait faire  à  ses  ouailles  ,  tâcha  de  l'éloi- 
gner. Ruth  eut  ordre  de  sortir  des  Pays-Bas 
catholiques.  Il  alla  à  Rome,  où  il  eut  l'a- 
dresse de  déguiser  ses  sentimens ,  et  fut 
assez  bien  reçu  du  pape  Innocent  XII  ; 
mais  Clément  XI  l'ayant  mieux   connu 
le  déclara,  par  un  bref  spécial,  inhabile  à 
posséder  des  bénéfices   et  des  dignités 
ecclésiastiques.  Il    parvint   cependant, 
à  force  d'intrigues,  à  être  chanoine  de 
Sainte-Gudule,   à  Bruxelles,   en    1728, 
envahit  la  dignité  de  doyen  de  l'église  de 
Tournai ,  par  la  protection  des  Hollan- 
dais, alors  maîtres  de  cette  ville.  Le  cha- 
pitre ,  qui  refusa  de  le  reconnaître  et  de 
l'admettre ,  fut  l'objet  de  sa  haine  et  de 
ses  persécutions  :  l'illustre  Fénélon  prit 
part  à  la  douleur  des  chanoines  de  Tour- 
nai ;  la  lettre  que  ce  grand  prélat  écrivit 
à  ce  sujet,  est  rapportée  dans  l'Histoire 
de  Tournai,  in-4,  par  Poutrain.    Ruth 
étant  tombé  malade  à  Bruxelles,  le  cardi- 
nal d'Alsace,  archevêque  de  Malines,  n'en 
fut  pas  plus  tôt  informé ,  qu'il  s'y  trans- 
porta pour  ramener  au  bercail  cette  brebis 
égarée  ;  il  sollicita  pendant  ime  heure  à 
la  porte  l'entrée  de  la  maison ,  et  ne  put 


RUT 

l'obtenir.  Rulh  mourut  en  1728,  sans  avoir 
reçu  les  sacremens  de  l'Eglise.  Son  cada- 
vre fat  enlevé  furtivement  pendant  la 
nuit.  C'est  lui  qui  a  composé  le  dixième 
et  le  onzième  volume  de  V Année  chré- 
tienne de  Le  Tourneux.  Il  est  encore  au- 
teur de  quelques  autres  ouvrages  au- 
jourd'hui oubliés.  Nous  avons  puisé  les 
principales  circonstances  de  sa  vie  dans 
un  écrit  imprimé  sur  les  lieux  ,  avec  ap- 
probation ,  l'année  même  de  sa  mort. 
Voyez  aussi  Flandria  illustrata  de  San- 
derus ,  dernière  édition,  où  il  est  parlé 
des  doyens  de  Tournai. 

RUïHERFORTH  (Thomas),  minis- 
tre anglais  ,  né  en  17 1 2  à  Papworth-Eve- 
rard,  dansle  comté  de  Cambridge,fut  élevé 
au  collège  de  Saint-Jean  à  Cambridge, 
et  ayant  embrass.-  l'état  ecclésiastique,  il 
devint  recteur  de  Schenfield,  en  Essex, 
et  de  Barley ,  dans  le  comté  d'Herlford  : 
il  s'était  occupé  de  philosophie,  de  théo- 
logie, et  même  de  mathématiques,  et 
avait  beaucoup  d'instruction.  On  a  de 
Rutherforth  :  1"  Essai  sur  la  vertu,  sa 
nature,  et  les  obligations  qu^elle  impose, 
etc.,  1744,  in-8  ;  2°  Système  de  philoso- 
phie naturelle,  1748,  2  vol.  in-4;  Z°  Let- 
tres à  Middleton,  en  faveur  de  Scherlnk, 
sur  les  Prophéties,  17  50,  in-8;  4°  Dis- 
cours sur  les  miracles,  1761,  in-8;  6° 
Adresse  au  clergé  d'Essex  ;  G°  deux 
Lettres  à  Kennicolt  ;  7"  Preuve  du  droit 
des  Eglises  protestantes ,  d^exiger  du 
clergé  une  profession  de  foi  et  de  doc- 
trine ;  8°  Lettre  à  Blackburne ,  sur  le 
même  sujet  ;  9°  des  Sermons.  Il  est  au- 
teur d'une  correction  curieuse  d'un  pas- 
sage de  Plutarque,  où  cet  écrivain  décrit 
les  instrumens  mis  en  usage  pour  renou- 
veler le  feu  de  la  déesse  Vesta.  Ruther- 
forth mourut  en  1771. 

RDTILIUS  RUFUS  (Publius) ,  con- 
sul romain  ,  l'an  105  avant  J.  C,  s'attira 
l'inimitié  des  chevaliers  romains ,  par  son 
amour  pour  la  justice.  Ayant  été  accusé 
de  péculat,  et  banni  de  Rome,  il  se  retira 
en  Asie ,  et  demeura  presque  toujours  à 
Smyrne.  Sur  son  passage  d'Italie  en  Asie, 
toutes  les  villes  s'empressèrent  à  l'envi 
delui  dépêcher  desambassadeurs,chargés 
de  lui  offrir  une  retraite  sûre  et  honora- 


RUT  579 

ble.  Sylla  voulut  le  rappeler  ;  mais  Ruti- 
lius  refusa  de  revenir  dans  son  iqgrate 
patrie.  Il  employa  le  temps  de  son  exil 
à  l'étude.  Il  composa  VHistoire  de  Rome, 
en  grec,  celle  de  sa  Vie  en  latin,  et  plu- 
sieurs autres  ouvrages.  C'était  un  homme 
laborieux  ,  savant,  d'une  conversation 
agréable ,  et  habile  jurisconsulte  :  c'est 
ainsi  que  le  peint  Cicéron.  Il  se  piquait 
d'une  probité  exacte.  Ayant  refusé  d'ac- 
corder une  chose  injuste  à  un  de  ses  amis, 
celui-ci  lui  dit  avec  indignation  :  cf  Qu'ai- 
j)  je  besoin  de  ton  amitié,  si  tu  ne  veux 
j)  point  faire  ce  que  je  te  demande?  — 
«  Et,  répondit  Rutilius  ,  qu'ai-je  besoin 
»  de  la  tienne,  s'il  faut  que  je  fasse  quel- 
»  que  chose  contre  l'honnêteté  pour  l'a- 
»  mnur  de  toi  ?  » 

RUTILIUS-NDMATIANUS  (  Clau- 
dius),  iils  de  Lachanius,  né  à  Toulouse 
ou  à  Poitiers,  à  ce  qu'on  croit ,  florissait 
dans  le  5"  siècle.  11  parvint  aux  premières 
dignités  de  Rome;  mais  il  quitta  cette 
capitale  pour  voler,  en  416,  au  secours 
de  sa  patrie  affligée,  et  tâcha  de  réparer, 
par  sa  présence ,  son  crédit  et  son  auto- 
rité, les  maux  que  les  Barbares  venaient 
d'y  causer.  Il  était  païen ,  et  ennemi  ar- 
dent des  chrétiens.  On  a  de  lui ,  en  vers 
élégiaques  ,  un  Itinéraire  qui  ne  donne 
que  des  lumières  médiocres  sur  la  géo- 
graphie ,  mais  qui  ne  laisse  pas  d'être 
une  pièce  intéressante ,  et  où  il  y  a  des 
choses  curieuses.  On  y  remarque  l'aveu 
que  fait  l'auteur  de  la  multiplication 
prodigieuse  des  chrétiens,  durant  les  per- 
sécutions affreuses  qu'ils  avaient  eu  à 
souffrir  ;  il  parle  aussi  des  austérités  des 
pieux  solitaires  de  l'île  de  Capraia  et  de 
celle  de  Gorgone,  lesquelles  il  condamne 
en  bon  épicurien.  Cet  Itinéraire,  qui  est 
de  l'an  4 1 6,  a  été  imprimé  à  Bologne,  1 520, 
à  Amsterdam,  en  1687,  in-12,  aveclesno- 
tes  de  plusieurs  savans  ;  et  dans  les  Poetce 
latini  minores,  Leyde,  1731,  2vol. in-12. 
(On cite  encore  les  éditions  de  Brande- 
bourg 1770,  d'Erlang  17  86,  de  Nuremberg 
1 804.)  M.  Le  Franc  l'a  traduit  en  français, 
avec  des  notes. 

*  RUTLIGE  ou  RuTLÉGE  (Le  chevalier 
James  de),  Anglais,  né  vers  1750,  fut 
élevé  à  Paris ,  et  possédait  le  français 


58o  RUT 

comme  sa  propre  langue.  Il  cultiva  la 
littérature  avec  assez  de  succès  ,  et  était 
lié  avec  les  plus  beaux  esprits  de  la  capi- 
tale.  Rempli  d'idées  philosophiques,  il 
embrassa  les  principes  de  la  révolution  , 
et    figura    parmi     les   démagogues    les 
plus   exaltés.    Son    occupation    favorite 
était  de  parcourir  les  rues  et  les  places 
publiques,  de  rassembler  le  peuple,  et  de 
le  haranguer.  On  le  voyait  presque  tou- 
jours au  milieu  des  groupes  séditieux.  Il 
était    ennemi    déclare    du    générai    La 
Fayette  ,  et  ne  l'épargnait  pns  dans  ses 
discours.  Ce  général,    ayant  ordonné  un 
jour  de  dissiper  un   rassemblement  où 
Rnllige   se    trouvait,    lui   demanda   son 
nom.  Celui-ci  répondit  :  «  Je  m'appelle 
»  moitié  l'un  et  moitié  l'autre,  »  faisant 
allusion  au  nom  du  premier,  qui  s'appelle 
Motliers  la  Fayette.  H  fut  arrêté,  mais 
il     obtint    son   olargisseroent.  Poursuivi 
sous    le    règne    de   la   terreur,    comme 
ayant  pris  part  à  un  complot    contre  la 
Convention,  il  fut  incarcéré  en  1795,  et 
mourut    dans   les  prisons  l'année     sui- 
vante.   On  a  de  lui   un   grand   nombre 
d'ouvrages,    savoir   :    \'^  Le  Retour  du 
philosophe .,  ou  Le  f^illage  abandonné., 
poème  imité  de  l'anglais,  d'Oliviers  Golds- 
mith  ,  Bruxelles  ,  1772  ,  in-8  ;  2"   Essai 
sur  le  caractère  et  les  mœurs  des  Fran- 
çais ,  comparés   à  ceux   des  Anglais  , 
Londres,  1776,  in-12  ;  3°  La  Quinzaine 
anglaise  à  Paris ,  ou  VArt  de  s'y  ruiner 
en  peu  de  temps,  traduit  de  Sterne,  Lon- 
dres, 1776,  in-12  ;  4"  E s sai politique  sur 
l'élat  de  quelques  puissances ,  Londres  , 
Genève,  1777,  in-8;  5°  Premier  et  second 
Voyage  de  mylord  de  ***  àParis,  conte- 
nant la  Quinzaine  anglaise ,  Yverdun , 
1777,  2  vol.  in-12;  Londres,  1787,2  vol. 
in-8  ;  6°  Supplément  à  la  Quinzaine  an- 
glaise, ou  Mémoire  de  M.  de  Provence. 
Cet  ouvrage  a  eu  plusieurs  éditions  ;  nous 
citerons  celle  de  Paris,  1787,  2  vol.  in-12; 
1°  Le  Babillard ,  journal  littéraire  com- 
mencé en  janvier  1778,  jusqu'au  30  août 
de  la  même  année, Paris,  4  vol.  in-8  :  on 
y  trouve  quelques  bons  morceaux  ;  8°  Le 
Vice  et  la  Faiblesse ,  ou  Mémoire  de 
deux  provinciales,  Lausanne  et  Paris, 
1 7  85, 2  vol.  in-1 2;  9"  Alphonsine,  ou  Les 


RUT 

Dangers  du  grand  monde ,  Paris ,  1 789, 
2  vol.  in-12  ;  10"  La  Vie  de  M.  Necker, 
directeur  général  des  finances,  ib.,  1789, 
in-8  ;  1 1°  Aventurer  de  mylord  Johnson., 
ou.  Les  Dangers  de  Paris,  17  98,  2  vol. 
in-12,  etc.  Rutlige  a  donné  en  outre 
deux  comédies  ,  Xe  Bureau  de.iprit ,  en 
cinq  actes,  Londres,  1777,  in-8  ;  jCcj 
Comédiens ,  ou  Le  Foyer,  en  un  acte, 
représentée  à  Paris.  Cet  auteur  ne  man- 
quait pas  d'instruction  ;  ses  ouvrages  sont 
bien  écrits,  et  l'on  s'étonne  parfois  d'y 
trouver  des  idées  saines  et  «ne  morale 
assez  pure  ;  on  ne  peut  cependant  pas 
dire  la  même  chose  de  qut'lques-nns  de 
ses  romans.  V Essai  sur  le  caractère  des 
Français  et  des  Anglais,  quelques  Essais 
politiques ,  etc. ,  et  la  Vie  de  Necker , 
sont  ses  meilleurs  ouvrages. 

*R1jTY  (  Charles  -  Etienne-  François, 
comte),  lieutenant  général  d'artillerie, 
né  à  Besançon  ,  le  2  novembre  1774  ,  fit 
d'excellentes  éludes  dans  sa  ville  nntale  et 
embrassa  de  bonne  heure  le  parti  des  ar- 
mes :  il  entra  à  l'école  d'artillerie  à  Châ- 
lons,d'oii  il  sortit  iieulenant.  S'étant 
distingué  en  plusieurs  occasions  dans  les 
campagnes  de  la  révolution ,  il  partit 
avec  le  grade  de  chef  de  bataillon  pour 
l'expédition  d'Egypte.  11  fut  ensuite  em- 
ployé à  l'armée  du  Nord,  puis  à  celle 
d'Espagne ,  et  mérita ,  par  sa  bravoure  et 
sestalens,  un  avancement  rapide.  Il  s'est 
particulièrement  signalé  au  siège  de  Citt- 
dad-Rodrigo,  dont  il  dirigea  l'artillerie, 
et  aux  affaires  de  Santa-Marta  et  deVil- 
lalba.  C'est  dans  cette  expédition  qu'il 
donna  l'idée  d'un  nouveau  genre  d'o- 
busiers,  qui  fut  employé  avec  succès  dans 
la  guerre  de  montagnes,  et  qui  a  été  dé- 
signé sous  le  nom  à'obusier-Rufy.  A  la 
restauration ,  il  fit  partie  du  comité  de 
la  guerre  ,  et  l'année  suivante  ,  il  eut  le 
commandement  de  l'artillerie  destinée, 
sous  les  ordres  du  duc  de  Bcrri ,  à  arrê- 
ter Buonaparte  dans  sa  marche  sur  Paris. 
En  1 8 1 6  ,  il  fit  partie  du  conseil  de  guerre 
chargé  de  juger  le  général  Grouchy  ,  et 
depuis  il  a  été  nommé  successivement 
inspecteur  général  d'artillerie  sur  les 
côtes  de  l'Océan  ,  directeur-général  des 
poudres  et  salpêtres ,  membre  du  conseil 


RUY 

d'état,  et  enfin  pair  de  France  le  9  mars 
1819.  Son  aptitude  pour  les  afifairesle  fit 
souvent  appeler  dans  le  sein  des  commis- 
sions administratives.  Il  est  mort  à  Paris 
le2&avril  1828. 

RUVIGNY  (  Henri,  marquis  de  ), 
gentilhomme  français,  né  en  1647,  était 
agent  général  de  la  noblesse  protestante 
en  France,  lorsqu'à  la  révocation  de  l'é- 
dit  de  Nantes  il  passa  eu  Angleterre,  où 
il  se  fit  naturaliser,  et  prit  le  litre  de 
comte  de  Gallowai,  qu'il  porta  depuis. 
Après  la  moit  du  maréchal  de  Schom- 
berg,  il  fut  fait  colonel  du  régiment  de 
cavalerie  légère  qui  n'avait  été  composé 
que  de  religionnaires  français  sous  le  rè- 
gne du  roi  Guillaume.  Ce  prince  lui 
donna  le  commandement  des  troupes 
anglaises  en  Piémont,  avec  le  caractère 
d'ambassadeur  plénipotentiaire  auprès 
du  duc  de  Savoie,  avant  qu'il  eût  fait  sa 
paix  particulière  en  1696.  La  reine  Anne 
le  fil  aussi  généralissime  de  ses  troupes 
en  Portuga  ,  pendant  la  guerre  de  la 
succession  d'flspagne.  Il  perdit  l'an  1707 
la  bataille  d'Aimanza  en  Espagne,  et 
l'an  1  709  celle  de  h  Gudiana  en  Portugal. 
Ces  mauvais  succès  le  firent  rappeler  en 
Angleterre,  et  on  le  priva  de  la  qualité 
de  vice-roi  d'Irlande.  Il  fut  pourtant  éta- 
bli depuis  lord  justicier  de  ce  royaume 
avec  le  lord  Gras  où  il  mourut  eu  1720, 
à  73  ans. 

RUYSBROCK.  Voyez  Rusbroch. 

RUYSCH  f  Frédéric  },  célèbre  anato- 
misle,  né  à  La  Haye  en  1638  ,  pratiqua 
la  médecine  avec  beaucoup  de  succès. 
C'est  à  lui  que  l'on  doit  l'art  de  conser- 
ver les  corps  par  le  moyen  des  injections. 
11  faisait  entrer  une  liqueur  colorée  jus- 
que dans  les  ramifications  des  artères  et 
des  veines  les  plus  petites.  Il  préparait 
les  plantes  avec  le  même  succès  que  les 
cadavres.  Lorsque  le  czar  Pierre  passa  en 
Hollande  pour  la  première  fois  en  1698,  il 
rendit  visite  à  Ruysch,et  fut  étonné  autant 
qu'enchanté  en  voyant  le  cabinet  de  cet 
illustre  physicien.  A  son  second  voyage 
en  1 7 1 7 ,  il  acheta  le  cabinet,  et  l'envoya  à 
Pétersbourg.  Dès  l'an  1065,  Ruysch  avait 
été  professeur  de  médecine  et  d'anatomie 
à  Amsterdam.  L'académie  des  sciences 


RUT 


58 1 


de  Paris  choisit  Ruysch,  en  1727,  pour 
être  un  de  ses  associés  étrangers.  Il  était 
aussi  de  la  société  royale  d'Angleterre. 
Il  mourut  le  22  février  1731  ,  âgé  de  près 
de  93  ans  ,  et  n'ayant  eu  dans  une  si  lon- 
gue carrière  qu'environ  un  mois  d'infir- 
mités. Outre  l'édition  de  la  Description 
du  jardin  des  plantes  d^ Amsterdam^ 
par  Commerlin  ,  1697  et  1701,  2  vol. 
in-fol. ,  on  a  de  lui  divers  ouvrages  re- 
cueillis à  Amsterdam,  1737,  en  4  vol. 
in-4.  Les  principaux  sont  :  1"  Dilucida- 
tio  valvularum  in  vasis  lymphaticis  et 
lacteis  ,  2°  Observai ionum  anatomico- 
chirurgicarum  centuria ,  Amsterdam, 
1691  ,  in-4  ,  avec  figures  j  3°  Epistolœ 
problematicœ  sexdecim  ,  4°  Responsio 
ad  Godefredi  Bibdloï  libellum  vindicia- 
rum  advcrsariarum  anatomico-medico 
chirurgicarum  ,  décades  très  ,  Amster- 
dam ,  1717,  in-4  ;  5"  Thésaurus  anima- 
lium  primus  ;  6"  Thesauri  anatomici 
de  cent  ;  1°  Musœum  anatnmicum  ; 
8°  Curce  pnileriores  ,  seu  Thésaurus 
omniummaximiis;  9"  Responsio  de  glan- 
dulis  ad  Cl.  Boërhaave  ;  1 0°  De  mus- 
culo  in  fundo  uteiiobseivato  ,  et  a  ne- 
mine  antehac  detecio,  Amsterdam,  17  28, 
in-4.  Plusieurs  médecins  ont  combattu 
l'existence  de  ce  muscle.  —  Son  fils, 
Henri  Ruysch  ,  se  distingua  aussi  dans 
l'histoire  naturelle,  dans  l'anatomie  et 
dans  ta  botanique,  et  a  donné  une  édi- 
tion des  traités  de  Jean  Jonston  ,  sur  les 
poissons  ,  les  oiseaux  ,  etc. ,  avec  des 
augmentations  sous  le  titre  de  Theatrum 
animalium  ,  1728  ,  2  vol.  in-fol.  Il  mou- 
rut en  1717. 

RDYTER  (  Michel-Adrien  ) ,  célèbre 
amiral  hollandais,  né  en  1607  à  Flessin- 
gue,  ville  de  Zélande  ,  n'avait  que  onze 
ans  lorsqu'il  commença  à  fréquenter  la 
mer.  Il  s'y  signala  dans  divers  emplois 
qu'il  y  exerça  successivement.  Après 
avoir  été  matelot ,  contre-maître  et  pi- 
lote ,  il  devint  capitaine  de  vaisseau.  Il 
repoussa  les  Irlandais  qui  voulaient  se 
rendre  maître  de  Dublin  et  en  chasser 
les  Anglais.  Huit  voyages  dans  les  Indes 
occidentales  ,  et  deux  dans  le  Brésil,  lui 
méritèrent  en  1641  la  place  de  contre- 
amiral.  Ce  fut  alors  qu'il  fut  euvoyé  aii 


582 


RUY 


secours  des  Portugais  contre  les  Espa- 
gnols. Il  s'avança  jusqu'au  milieu  des 
ennemis  dans  le  conibal,  etdonnatantde 
preuves  de  bravoure,  que  le  roi  de  Por- 
tugal ne  put  lui  refuser  les  plus  grands 
éloges.  Il  acquit  encore  plus  de  gloire 
devant  Salé,  ville  de  Barbarie.  Malgré 
cinq  vais.seaux  corsaires  d'Alger  ,  il  passa 
seni  à  liiradede  cette  place.  Les  Maures 
de  Salé ,  spectateurs  de  celle  belle  ac- 
tion ,  voulurent  que  Ruyter  entrât  en 
triomphe  dans  la  ville,  monté  sur  un 
cheval  superbe  ,  et  suivi  des  capitaines 
corsaires  qui  marchaient  à  pied.  Une 
escadre  de  70  vaisseaux  fut  envoyé  l'an 
1CÔ3  ,  contre  les  Anglais,  sous  le  com- 
mandement de  l'amiral  Tromp.  Ruyter 
seconda  habilement  ce  général  dans  trois 
combats  qui  furent  livrés  aux  ennemis. 
Il  alla  ensuite  dans  la  Méditerranée  vers 
la  fin  de  1665,  et  y  prit  quantité  de  vais- 
seaux turcs ,  parmi  lesquels  se  trouva  le 
fameux  renégat  Amand  de  Dias,  qu'il  fit 
pendre.  Envoyé  en  1G59  au  secours  du 
roi  de  Danemark  contre  les  Suédois,  il 
soutint  son  ancienne  gloire  et  en  acquit 
une  nouvelle.  Le  monarque  danois  l'ano- 
blit lui  et  sa  famille,  et  lui  donna  une 
pension.  En  16G1 ,  il  fil  échouer  un  vais- 
seau de  Tunis,  rompit  les  fers  de  qua- 
rante esclaves  chrétiens ,  fit  un  traité 
avec  les  Tunisiens,  et  mit  à  la  raison  les 
corsaires  d'Alger.  Les  pi ï ces  de  vice- 
amiral  et  de  lieutenant  amiral-général 
furent  la  récompense  de  ses  exploits.  Il 
mérita  cette  dernière  dignité ,  la  plus 
haute  à  laquelle  il  pût  aspirer ,  par  une 
victoire  signalée,  qu'il  remporta  en  1672 
contre  les  flottes  de  la  France  et  de  l'An- 
gleterre. La  puissance  réunie  des  deux 
rois  n'avait  pu  mettre  en  mer  une  armée 
navale  plus  forte  que  celle  de  la  répu- 
blique. Après  cette  journée  ,  il  fit  entrer 
dans  le  Texel  la  flotte  marchande  des  In- 
des, dont  les  ennemis  s'étaient  flattés 
de  s'emparer.  Il  y  eut  trois  batailles  na- 
vales l'année  suivante ,  entre  la  flotte 
hollandaise  elles  flottes  françaises  et  an- 
glaises. L'amiral  Ruyter  fut  plus  admiré 
que  jamais  dans  ces  trois  actions.  D'Es- 
trées,  vice-amiral  des  vaisseaux  français, 
écrivit  à  Colbert  :  «  Je  voudrais  avoir 


RYC 

»  payé  de  ma  vie  la  gloire  que  Ruyter 
V  vient  d'acquérir.  »  Ruyler  n'en  jouit 
pas  longtemps  :  il  fut  blessé  devant  la 
ville  d'Agousse  en  Sicile,  dans  un  com- 
bat qu'il  livra  aux  Français,  et  mourut 
dix  jours  après ,  à  Syracuse ,  le  26  avril 
1676.  Son  corps  fut  porté  à  Amsterdam 
dans  la  grande  église ,  où  les  états-géné- 
raux lui  élevèrent  un  monument  digne 
de  la  reconnaissance  publique;  mais  ce 
qui  n'est  pas  également  louable,  c'est 
que  ce  monument  occupe  le  fond  du 
chœur  ,  la  place  de  l'autel  où  les  catho- 
liques offraient  à  Dieu  le  sacrifice  éter- 
nel. ((  Ce  qui  n'a  cependant  rien  d'é- 
»  tonnant,  dit  un  voyageur  ,  pour  ceux 
»  qui  ont  vu  à  Schevelinge  une  télé  de 
»  baleine  ,  et  à  Sardam  le  tableau  d'une 
»  femme  qui  s'accouche  ,  occuper  la  mê- 
»  me  place,  pour  vérifier  sans  doute  le 
j)  mol  de  Saumaise  :  Nosfri  resecuerunt 
»  religionem  usque  ad  vivum.  » 

KUZA]NTE(Le).  l^oyez  Beolco. 

RDZÉ.  Foyez  Effiat. 

RYCKEL.  ^oyezDENVs  LE  Chartreux. 

RYCKIUS  (Théodore),  philologue, 
né  en  1640  à  Arnheim,  capitale  de  la 
Gueldre,  fut  avocat  à  La  Haye,  puis  pro- 
fesseur d'histoire  à  Leyde.  Il  a  donné  : 
1°  une  Edition  de  Tacite,  Leyde,  1087, 
2  vol.  iu-I2,  très  estimée;  2°....  de  Ste- 
phanus  Byzanlinus,  1684,  in-fol.  On 
trouve  dans  ce  livre  sa  Dissertation  De 
primis  Italice  colonis,  pleine  de  recher- 
ches qui  ont  été  utiles  aux  historiens  et 
aux  géographes.  Il  mourut  en  1690. 

RYCKE  ou  Rycquius  (Just),  né  à 
Gand  en  1587  ,  s'appliqua  avec  succès 
aux  belles-lettres  et  à  l'étude  des  anli 
quités.  Il  voyagea  en  Italie,  et  s'arrêta  à 
Rome  pendant  plusieurs  années.  De 
retour  dans  son  pays,  il  devint  chanoine 
de  Gand.  Les  ouvrages  qu'il  y  publia  lui 
procurèrent  le  titre  de  citoyen  romain, 
et  l'y  firent  rappeler  en  1624.  Le  pape 
Urbain  YIII  lui  donna  une  chaire  d'élo- 
quence à  Bologne,  où  il  mourut  en  1 627. 
Il  a  publié  un  grand  nombre  de  poésies 
qui  sont  estimées.  Son  ouvrage  II  Capi- 
tolio  romano,  Gand,  1617,  in-4,  montre 
qu'il  était  très  versé  dans  les  antiquités 
profanes.  Jacques  Gronovius  en  a  donné 


RYE 

une  édition  à  Leyde  en  1696,  avec  des 
noies. 

*  RYE  (Ferdinand  de  Longwi  ,  plus 
connu  sous  le  nom  de),  archevêque  de 
Besançon,  né  en  155fi,  descendait- d'une 
ancienne  maison  de  Bourgogne.  Il  em- 
brassa d'abord  la  carrière  militaire  et  ser- 
vit quelque  temps  dans  les  Pays-Bas. 
Bientôt  il  quitta  la  profession  des  armes  , 
entra  dans  l'état  ecclésiastique,  se  rendit 
à  Rome  et  reçut  de  Sixle-Quint  l'archevê- 
ché de  Besançon.  Le  diocèse  lui  dut  un 
grand  nombre  d'établissemens  utiles. 
Chargé  de  gouverner,  avec  le  parlement 
de  Dôle,  le  comté  de  Bourgogne,  il 
contribua  à  la  défense  de  cette  ville  as- 
siégée en  1636  par  le  prince  de  Condé, 
et  mourut  le  2  août  de  la  même  année, 
épuisé  par  les  fatigues  qu'il  avait  éprou- 
vées pendant  ce  siège. 

RYER  (André  du),  sieur  de  Malezais, 
ué  à  Marcigny,  dans  le  Maçonnais ,  gen- 
tilhomme ordinaire  de  la  chambre  du  roi, 
et  chevalier  du  Saint-Sépulcre,  séjourna 
long-temps  à  Constantinople,  où  le  roi 
de  France  l'avait  envoyé.  Il  fut  consul  de 
la  nation  française  en  Egypte,  et  mourut 
en  France  vers  le  milieu  du  17®  siècle.  Il 
possédait  parfaitement  les  langues  orien- 
tales. On  a  de  lui  :  1°  une  Grammaire 
turque ,  Paris  ,  1636  ,  in-4  ;  3°  une  Tra- 
duction française  de  l'Alcoran  ,  Elzevir  , 
1649,in-12;  Amsterdam,   1770,  2  vol. 
in-12  ;  quoique  négligée  et  d'un  langage 
qui  vieillit,  elle  est  préférée  par  les  vrais 
connaisseurs  à  celles  de  Sale  et  de  Savari 
(voyez  ces  noms),  parce  que  duRyer  ne 
cherche  qu'à  traduire,  et  non  pas  à  don- 
ner de  belles  idées  de  l'original.  On  lui  a 
faussement  reproché  d'avoir  surchargé  le 
tableau  de  la  croyance  ou  des  rêveries 
mahométanes,  en  ajoutant  à  l'Alcoran  les 
idées    des    commentateurs.    M.  Porter , 
homme  profondément  instruit  de  cette 
matière,  en  convient  :  «  La  version  de 
»  du  Ryer  ,  dit-il,  est  peut-être  infidèle 
»  quant  à  l'idiome  ;  mais  elle  est  assez 
»  exacte  quant  à  la  doctrine.  »  Observa- 
tions sur  les  Turcs ,  t.  l,p.  125.  3°  Une 
Version  française  du  Gulistan ,  ou  l'em- 
pire des  roses,  composé  par  Sadi,  prince 
des  poètes  turcs  et  persans,  Paris,  1634, 


RYM  583 

in-8,  Gentius  a  traduit  le  même  livre  en 
latin  sous  le  titre  de  Bo^arium poUticum. 
Cette  dernière  traduclita  est  préférée  à 
celle  de  du  Ryer. 

RYER  (  Pierre  du),  histtriographe  de 
France  ,  né  à  Paris  l'an  160{.,  reçu  à  l'a- 
cadémie françaiseen  1646,  moilen  1658, 
fut  secrétaire  du  roi ,  puis  de  César  duc 
de  Vendôme.  Un  mariage  peu  avantageux 
dérangea  sa  fortune,  et  il  voulut  la  répa- 
rer par  son  esprit.  Il  travailla  à  la  hâte, 
pour  faire  subsister  sa  famille  du  produit 
de  ses  ouvrages.  On  rapporte  que  le 
libraire  Sommanville  lui  donnait  un  écu 
par  feuille  de  ses  traductions,  qui  sont 
en  très  grand  nombre.  Le  cent  des 
grands  vers  lui  était  payé  quatre  francs, 
et  le  cent  des  petits  quarante  sous.  C'est 
ce  qui  fait  qu'où  a  de  lui  une  multitude 
d'ouvrages,  mais  tous  négligés  ;  et  l'on 
peut  dire  de  lui  :  MagLs  fami  quam 
famœ  inser^iebat.  Il  a  composé  1 8  piè- 
ces de  théâtre.  Celles  qui  lui  ont  fait 
le  plus  d'honneur  sont  les  tragédies 
à'Alcyonée ,  de  Saïil  et  de  Sce'vole.  La 
tragédie  de  Sce'vole  paraît  emporter  le 
prix  sur  les  autres.  (Nous  ne  parlerons 
pas  de  ses  comédies ,  toutes  médiocres, 
ni  de  ses  Traductions  nombreuses  du 
grec  et  du  latin  :  la  liste  en  serait  trop 
longue.  )  Le  stile  de  du  Ryer  est  assez 
coulant  ;  il  écrivait  avec  facilité  en  vers 
et  en  prose  ;  mais  la  nécessité  de  fournir 
aux  dépenses  de  sa  maison  ne  lui  laissait 
pas  le  temps  de  mettre  la  dernière  main 
à  ses  ouvrages.  Son  père  Isaac  du  Ryer, 
mort  vers  1631,  avait  fait  quelques  Poé- 
sies pastorales ,  peu  connues. 

RYMER  (Thomas),  savant  anglais 
du  17*  siècle,  né  vers  1650  au  nord  de 
l'Angleterre,  s'appliqua  à  l'étude  du  droit 
public  et  de  l'histoire.  Nous  devons  à 
son  travail  le  commencement  d'une  col- 
lection curieuse  et  d'un  grand  prix ,  par 
la  quantité  de  volumes  et  la  beauté  de 
l'exécution.  Il  la  mit  au  jour  par  les  ordres 
de  la  reine  Anne  ,  sa  souveraine ,  et  elle 
fut  continuée  par  Robert  Sanderson.  Elle 
contient  tous  les  actes  publics ,  traités , 
conventions ,  et  lettres  missives  des  rois 
d'Angleterre  à  l'égard  de  tous  les  autres 
souverains ,  sous  ce  titre  :  Fœdera ,  con- 


584  RYS 

ventionesy  et  cujuscunigue  generis  acta 
publica,  etc.  ,  Lo«dres,  1704  et  années 
suivantes,  en  P  vol.  in-fol.  Sandersoii 
l'augmenta  de  frois  autres  vol.  en  1726. 
Ce  vaste  et  uftle  recueil  fut  réimprimé 
l'année  d'aptes  à  Londres  en  20  vol.  in- 
fol.  ,  et  contrefait  avec  des  augmenta- 
tions à  I«  Haye,  1739,  10  vol.  in-fol., 
d'un  plus  petit  caractère  que  l'édition 
original.  On  en  a  donné  un  abrégé  sous 
le  titre  à' Abrège  historique  de  20  volu- 
mes des  Actes  de  Rymer ,  1  vol.  in-fol., 
sans  nom  d'imprimeur  ni  date. 

RYSSEN  (Léonard) ,  théologien  bol- 
landais  du  1 7*  siècle,  se  servit  des  lumiè- 
res qu'il  avait  puisées  dans  l'étude  de 
la  théologie ,  pour  donner  divers  Trai- 
te's  sur  les  matières  qui  la  concernent. 
Le  meilleur  que  l'on  connaisse  de  lui 
est  contre  celui  de  Béverland  :  Depecca- 
io  originali.  Ce  traité  de  Ryssen  n'est 
pas  commun ,  il  est  intitulé  :  Justa  de- 
testatio  libelli  B ev er lundi ,  de  peccato 
originali,  in-8 ,  1680.  C'est  une  bonne 
réfutation  de  l'indécent  et  absurde  para- 
doxe que  Béverland  avait  répété  d'après 
Corneille  Agrippa  ,  contraire  non  seule- 
ment, comme  nous  l'avons  observé,  à 
l'ordre  établi  pour  la  reproduction  et 
la  perpétuité  de  l'espèce  humaine  {voy. 
Agrippa  Henri -Corneille  )  ,  mais  à  la 
croyance  constante  de  l'Eglise  catholique, 
qui  a  toujours  pris  dans  le  sens  littéral 
ce  que  la  Genèse  nous  apprend  de  la 


RZA 

prévarication  du  premier  homme  ;  com- 
me elle  s'en  explique  dans  toute  sa  litur- 
gie, et  particulièrement  dans  la  messe 
de  la  Passion  :  Saluiem  humani  generis 
in  Ugno  crucis  constituisti;  ut  unde 
mors  oriebatur ,  inde  vita  resurgeret  ; 
et  qui  in  Ugno  vincebat ,  in  Ugno  quo- 
que  vînceretur. 

*RZAC1INSKI  (Gabriel),  historien 
polonais  du  1 8*  siècle ,  et  que  ses  compa- 
triotes considèrent  comme  leur  Pline, 
était  issu  d'une  noble  famille,  et  est  au- 
teur d'une  Histoire  naturelle  de  la  Po- 
logne, écrite  en  latin  et  estimée,  San- 
domir,  1721  ,  in-4.  Il  donna  une  addi- 
tion à  son  ouvrage,  sous  le  titre  d.'Auc- 
tuarium  historiée  naturalis  regni  Polo- 
mœ,Gedanie,  1738,  1742  ,  in-4.  Son  his- 
toire renferme  des  détails  très  curieux.  H  y 
appelle  sa  patrie  le  grenier  de  P Europe , 
et  elle  mérite  ce  nom  d'après  les  faits 
suivans.  La  Pologne  fournit  en  1392  du 
blé  à  trois  cents  navires  de  France  et 
d'Angleterre;  en  141.5  elle  en  approvi- 
sionna les  états  d'Allemagne;  en  1491 
elle  nourrit  Gènes ,  Rome  et  la  Toscane  ; 
enfin  ,  en  1626,  l'ambassadeur  d'Espa- 
gne s'offrit  à  acheter  tout  l'excédant  des 
grains  nécessaires  à  la  Pologne.  Les  ré- 
volutions, les  partis,  les  guerres,  l'in- 
vasion des  puissances  alliées,  et  surtout 
le  démembrement  de  ce  royaume  en  1 793, 
ont  beaucoup  nui  à  sa  fertilité  et  au  pro- 
grès de  son  agriculture. 


FIN    DU  TOME  ONZIEME. 


I 


CT  m5  .F^5   1832  v.ll  SMC 
Fellçr,  Francagis  Xavier  de. 
Dictionnaire  historique  8e 
éd.  -- 


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