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University of Ottawa
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DICTIONNAIRE
HISTORIQUE,
on
HISTOIRE ABREGEE
DES BOHMES QVl SE SONT FAIT DK NOUS PAR LEUR GENIE, LEDHS TAIiENS,
LEURS VERTUS, LEURS ERREURS OU LEURS CRIMES,
DEPUIS LE COMMENCEMENT DU MONDE JUSQU'A NOS JOUBS;
AUGHERTÉE DE PtTJS DE 2000 ARTICLES INTERCALES PAR ORDRE AlPHABÉtlQrE.
TOME ONZIÈME.
BESANÇON.
OUTHENIN CHALANDRE FILS, IMPRIMEUR- ÉDITEUR,
grahd'&ite, h' 6o.
PARIS,
CHEZ GAUME FRÈRES, LIBRAIRES.
n
DICTIONIVAIRE
HISTORIQUE
DE FELLER.
POL
POL
POL (Le comte de Saint-). Voyez
Luxembourg et Fbançois.
POLALLION ( Marie LuMAGNK, veuve
de François), ayant perdu son mari , qui
était résident de France à ftaguse, s'ap-
pliqua dans Paris à l'établissement de
plusieurs communautés de Ailes. Dès l'an
1630, elle commença à se retirer du
monde, et à faire subsister de pauvres
filles dont la chasteté était en danger. Ce
ne fut pas sans trouver beaucoup d'op-
positions, et sans même essuyer de gran-
des humiliations, qu'elle soutint cet em-
ploi de charité. Dès qu'elle fut veuve,
elle se trouva chargée de plus de cent de
ces filles. La reine Anne d'Autriche lui
donna une maison pour les loger , et
elles furent alors nommées les Filles de
la Providence. Leur premier établisse-
ment fut à Fonteiiai, près de Paris , d'où
elles furent transférées à Charonne , puis
au faubourg Saint-Marcel. De cet établis-
sement sortit celui des filles appelées
Nouvelles Converties , que cette dame
plaça à Paris dans la rue Sainte-Anne,
près la porte Richelieu ; et elle eut la
consolation de voir établir, dans Metz, une
maison pareille à celle de ses Filles de
la Providence. Cette pieuse fondatrice
mourut en 16ô7 , en odeur de sainteté.
On a sa Vie par l'abbé Colliti , vicaire de
Sainl-Martin-des-Champs , Paris , 1744,
in-8.
POLAN (Armand), théologien de la
religion prétendue réformée, né à Oppaw
en Silésie, l'an 1661, devint professeur
de théologie à Bâie, et y mourut en 1 6 1 0 ,
à 49 ans. On a de lui : 1° des Commen-
taires latins sur Ezéchiel , sur Daniel , et
XI.
sur Osée ; 2° des Dissertations ; 3° des
Thèses; 4" des Ecrits de coolroverse
contre Bellarmin , etc.
POLEMBODRG ( Corneille ), peintre,
né à Utrecht en 1 586, mort dans la même
ville en 1660, fit un voyage en Italie pour
se perfectionner. Il forma son pinceau
d'après les meilleurs tableaux qui em-
bellissent la ville de Rome. Son goût le
portait à travailler en petit ; les tableaux
qu'il n'a point faits dans une petite for-
me ne sont pas aussi précieux. Le grand-
duc de Florence voulut avoir de ses ou*
vrages; le roi d'Angleterre, Charles I"",
le fit venir à Londres ; Rubens l'estimait
beaucoup , et lui commanda plusieurs ta-
bleaux. Po embourg a fait des paysages
très agréables ; il rendait la nature avec
beaucoup de vérité. Ses sites sont bien
choisis, et ses fonds souvent ornés de
belles fabriques et des ruines de l'an-
cienne Rome. Sa louche est légère, et
son pinceau doux et moelleux. Le trans-
parent de son coloris se fait singulière-
ment remarquer dans ses ciels. Varrege
est, parmi ses élèves , celui qui a le plus
approché de sa manière.
POLÉMON , né à Octe, dans le terri-
toire d'Athènes , se livra à la débauche
en sa jeunesse. Un jour il se rendit à l'a-
cadémie encore tout fumant d'ivresse , la
tète couronnée de fleurs , et les yeux ap-
pesantis par le vin ; il y fut si frappé
d'un discours que fil Xénocrate sur les
suites humiliantes de l'intempérance,
que, par un excès contraire, il aâicha
une austérité de parade. Telle était la
vertu inconsistante des anciens philoso-
phes > qu'elle ne pouvait se tenir dans cet
1,
5 POL
heureux milieu qui feit sa place nalU'
relie, et hors duquel elle devient vice.
Polémon remplit la chaire de Xénocrate,
sou maître , et mourut fort âgé , vers l'an
272 avant J. C Voyez Collics , Lucien ,
ZENON , etc.
POLÉMON I" , roi de Pont , obtint
ce royaume du triumvir Marc-Antoine ,
dont il était l'ami. Il le servit de toutes
ses forces dans la guerre contre les Par-
thes , qui le firent prisonnier. A peine
avait-il obtenu sa liberté , que la guerre
civile s'étant allumée entre Octave et
Marc-Antoine , il fit marcher des troupes
au secours de son protecteur. Mais la
bataille d'Aclium ayant décidé du sort
et de la vie d'Antoine , Polémon se ré-
concilia avec Octave , qui admira sa fi-
délité , et lui donna la souveraineté du
Bosphore, qu'il conserva jusqu'à sa mort,
arrivée vers l'an 37 de J. C.
POLÉMON II, fils du précédent,
fut, par l'empereur Caligula, reconnu
souverain des états de son père , dès qu'il
fut mort. Claude lui céda , trois ans
après , la Cilicie én^échange du Bosphore
Cimmérien , qu'il donna à un descen-
dant de Mitbridate. Polémon II embrassa
le judaïsme, pour épouser la reine Béré-
nice , fameuse par ses amours avec Ti-
tus ; mais cette princesse s'étant séparée
de lui , il abandonna le culte auquel il
s'était soumis. Sur la fin de ses jours ,
il céda le royaume de-Pont aux Romains,
et l'on en fit une province , qui porta
long-temps le nom de Polémoniaque.
POLÉMON , orateur qui florissait sous
le règne de Trajan, vers l'an 100 de
J. C, laissa des Harangues y Toulouse,
16.37 , in-8, en grec et en latin. — Il y a
eu un philosophe Polémon , ami d'Attale
H , roi de Pergame ; et un autre Polémon,
aussi philosophe , homme très insolent ,
qui chassa de sa maison l'empereur Au-
tonin, alors proconsul. Voyez Antonin.
POLENI ( Le marquis Giovani ), né à
Padoue en 1683, et mort en la même
-ville en 1761 , y avait occupé avec beau-
coup de distinction les chaires de pro-
fesseur d'astronomie et de mathémati-
ques. Après avoir remporté trois prix au
jugement de l'académie royale des Scien-
POL
ces de Paris , il fut agrégé à cette com-
pagnie en 1739. Comme il excellait dans
l'architecture hydraulique , il fut chargé
par la république de Venise de veiller
sur les eaux de cette seigneuriCv D'au-
tres puissances le consultèrent sur le
même objet. Il travailla aussi dans toutes
les parties qui concernent l'architecture
civile ; et quand Rome ouvrit les yeux
sur l'état périlleux où se trouvait la ba-
silique de Saint-Pierre , le pape Benoît
XIV appela le marquis Poleni pour en-
tendre son avis. Après les examens con-
venables , il dressa un excellent Me'nioire
sur les dommages qu'avait souflferls cet
édifice , et sur les réparations qu'il était
à propos d'y faire. C'était un homme
doux , afiable , modeste , toujours prêt à
dire du bien de tout le monde. Il avait
l'esprit pénétrant , profond , et la mé-
moire excellente. Son âme était grande,
forte , pleine de constance , de sincérité,
de probité : sa charité était sans bornes.
Le marquis Poleni ne se borna pas aux
mathématiques ; il s'adonna quelque-
fois aux antiquités , et l'on a de lui des
Supplémens aux grands recueils deGrœ-
vius et de Gronovius, Venise, 1737, 5
vol. in-fol. (Ses avXxei ouvrages roulent
sur les baromètres , thermomètres , hor-
loges, etc. sur les tourbillons , sur les r»-
vières, sur les aqueducs de Rome , etc.
POLI ( Matthieu ). Voyez Poolk.
POLI ( Martin ), né à Lucquesen 1662,
alla à Rome à l'âge de 1 8 ans , pour se
perfectionner dans la connaissance des
métaux. Il y inventa plusieurs expériences
nouvelles , et y eut un laboratoire pu-
blic de chimie , qui fut très fréquenté.
Poli ayant trouvé un secret concernant
la guerre , il vint l'offrir à Louis XIV.
Ce prince loua , dit-on , l'invention ,
donna une pension à l'auteur et le titre
de son ingénieur ; mais il ne voulut
point se servir du secret , préférant l'in-
térêt du genre humain au sien propre.
Anecdote qui a été contestée , et qui peut-
être n'est pas plus vraie que tant d'au-
tres que l'on rapporte dans le même
genre, en particulier celle qui regarde
un certain Dupré , qu'on prétend avoir
offert à Louis XV de mettre le feu à une
POL
flotte entière de loin. « Pourquoi, dit
3> un homme d'esprit , n'aurait-on pas
)i adopté ce secret ? Ceux qui en font
» honneur à des principes d'humanité
i> sont bien honnêtes ; mais quand j'exa-
u mine la manière dont les choses vont ,
») j'ai bien de la peine à le croire. Si
» l'humanité avait quelque influence
» dans l'esprit des héros, sur le choix des
V matières pour détruire les hommes, la
i> poudre à canon aurait-elle jamais été
)) adoptée ?... Les mines, les bombes,
ij ne sont-elles pas ce que la lâcheté ,
» jointe à la cruauté , a jamais imaginé
u de plus furieux ?... Pour moi, en
» voyant le canon balayer la surface
» de la terre ^ les mines en déchirer les
w entrailles, et l'air lui-même chargé
)> d'une pluie homicide , j'ai quelques
u soupçons que les grandes âmes qui
h ont diversifié avec tant de sang-froid
» les manières de couper les hommes ,
u de les percer , de les hacher , de les
» rôtir , de les bouillir , n'ont jamais pu
" être arrêtées par le scrupule d'en intro-
V duire une de plus. » Poli , de retour
en Italie en 1704 , fut employé par Clé-
ment XI , et par le prince Cibo , duc de
, Massa. Il revint en France en 1713, et
obtint une place d'associé étranger à
l'académie des Sciences. Louis XIV lui
ordonna de faire venir en France toute
sa famille. A peine était-elle arrivée , que
Poli , attaqué d'une grosse fièvre, expira
le 29 juillet 1 7 1 4. On a de lui une apolo-
gie des acides , sous ce titre ; Il Trionfo
degli acidi. Le Lut de cet ouvrage est
de prouver que les acides sont très in-
justement accusés d'être la cause d'une
infinité de maladies , et qu'au contraire
ils en sont le remède souveraiii. Ce livre
parut à Rome en 1706.
* POLI ( Joseph ), savant physicien ,
ué en 1746 à Molletta , dans la Pouille ,
mort à tapies le 7 avril 1825 , fit ses
études à Padoue sous la direction du cé-
lèbre Morgagni. Après avoir terminé son
éducation à Londres et à Paris , il revint
dans sa patrie où il rapporta des con-
naissances profondes : il s'était surtout
mis au courant des découvertes impor-
tantes dont les sciences physiques ve-
POL J
uaient d'être enrichies par la France et
l'Angleterre. De retour à JN'aples, il fut
chargé de donner un cours de physique
à l'université de cette ville , et un de
géographie et d'histoire à l'école mili-
taire. Plus tard sou mérite le fit nom-
mer précepteur du prince royal de Na-
ples , depuis François I". Dès lors il ne
s'est plus séparé de son élève qu'il a suivi
en Sicile , dans les deux voyages que la
Cour de tapies y a faits pour se mettre à
l'abri des invasions françaises. Poli avait
formé un laboratoire et un cabinet d'his-
toire naturelle qu'il ouvrit à ses com-
patriotes. Il publia des Institutions de
physique expérimentale , 5 vol. in-8,
qui furent adoptées comme le meilleur
cours élémentaire dans la plupart des
écoles d'Italie. L'un des plus beaux titres
de Poli à l'estime des savans est un ou-
vrage intitulé : Testacea utriusque Si-
ciliœ , auquel la mort ne lui a pas per-
mis de mettre la dernière main. Il avait
fait plusieurs autres livres sur les scien-
ces , et même des Essais de poésie dans
lesquels il a exposé le système céleste
( viaggio ce/este , 2 vol. in-8. en ottava
rima ) , et les phénomènes intérieurs de
la terre ( viaggio soterraneo .• ce dernier
poème n'a pas été achevé). C'est aux
soins éclairés de Poli qu'on doit la (gn-^
dation d'une chaire de minéralogie , le
1" essai d'un jardin botanique , l'intro-
duction de la machine pour vider les
canons , d'une trombe hydraulique à va-
peur pour élever les eaux du Volturne ,
et de deux grands cylindres en acier
pour laminer les planches de cuivre à
l'usage de la marine. Poli , après avoir
été quelque temps à la tête de l'académie
militaire, fut chargé de l'école des Sages
et du cabinet minéralogique de tapies.
POLIDORE - CALDARA , peintre ,
né en 1496 , à Caravaggio , bourg du Mi-
lanais , d'oii il prit le nom de Caravage^
fut obligé de faire le métier de manœu-
vre jusqu'à l'âge de 18 ans. Mais ayant
été employé à porter aux disciples de Ra-
phaël le mortier dont ils avaient besoin
pour la peinture à fresque , il résolut de
s'adonner entièrement à la peinture. Les
élèves de Raphaël le secondèrent dans
4 POL
son entreprise. Ce grand peintre le prit
sous sa discipline , et Pofidore fut même
celui qui eut le plus de part à l'exécution
des loges de ce maître. I( se signala sur-
tout à Messine , où il eut la conduite des
arcs de triomphe qui furent dressés à
l'empereur Cbarles-Quint, après son ex-
pédition de Tunis. Polidore songeait à
revenir à Rome, quand son valet lui
vola une somme considérabie,qu'il venait
de recevoir , et l'assassina dans son lit ,
en 1643. La plus grande partie de ses
ouvrages est peinte à fresque. Il a aussi
beaucoup travaille dans un genre de pein-
ture qu'on appelle sgra/fitto ou manière
égratignée. Ce célèbre artiste avait un
goût de dessin très grand et correct. On
remarque beaucoup de fierté , de no-
blesse et d'expression dans ses airs de tête.
Ses draperies sont bien jetées. Son pin-
ceau est moelleux. Ses paysages sont par-
ticulièrement très estimés. Il a été com-
paré au célèbre Jules Romain ; et si Po-
lidore avait moins d'enthousiasme, il
mettait plus d'art dans ses compositions.
On a beaucoup gravé d'après lui. (Le
musée de Paris conserve plusieurs ta-
bleaux de cet habile artiste. )
* POLIER ( Antoine-Louis-Henri de ) ,
colonel dans l'Inde , né à Lausanne en
1741 d'une famille noble de France,
réfugiée et naturalisée depuis long-
temps en Suisse , passa dans l'Inde en
1757 comme cadet au service de la com-
pagnie anglaise. Ses connaissances en
* mathématiques lui valurent bientôt la
place d'ingénieur , et peu de temps
après celle d'ingénieur en chef. Mais cet
emploi lui fut enlevé par suite d'une in-
iuslice : ce qui ne l'empêcha pas de res-
ter au service de la compagnie ; mais
ayant eu de nouveaux sujets de plaintes,
il accepta la place d'architecte et d'in-
génieur en chef de Souja-Oul-Doula ,
devenu l'allié des Anglais ; il se fixa à
Feizabad où il étudia à fond la religion
et l'histoire des Indous. En revenant en
Europe il rapporta de nombreux manu-
scrits d'où l'on a tiré l'ouvrage intitulé :
Mythologie des Induits, Paris, 1809,
2 vol. in-8. 11 s'était fixé , en 1792 ,
dans une propriété qu'il avait achetée
POL
aux environs d'Avignon : il fut assassiné
le 9 février 17 9â par des brigands qui
dévalisèrent sa maison ; mais la riche
collection de peintures indiennes et de
manuscrits orientaux , qu'il avait formée
dans l'Inde , échappa heureusement au
pillage. Sa collection de peintures fut
vendue à M. Beckford, Anglais. Ses ma-
nuscrits , au nombre de 42 , ont été cé-
dés par son fils à la bibliothèque du roi ;
l'un des plus précieux , celui des Insti-
tutes de l'empereur jikbar , avait été
remis par suite d'échange à M. Langlès ,
par Polier lui-même qui avait envoyé
d'autres manuscrits , contenant la copie
complète des Védas , en 1 1 vol. in-folio,
à sir Joseph Ranks , pour être déposés
au Muséum britannique.
POLIGNAC ( Melchior de ) , cardinal,
vit le jour au Puy en Velay, l'an 1661 ,
d'une des plus illustres maisons de Lan-
guedoc. Six mois après qu'il fut venu
au monde , il fut exposé à un grand mal-
heur. Il était nourri à la campagne. Sa
nourrice, qui était fille , et qu'une pre-
mière faute n'avait pas rendue plus sage,
en fit une seconde. Dans cet état , qu'elle
ne put long-temps cacher, frappée de
tout ce qu'elle avait à craindre, elle s'en-
fuit vers la fin du jour, et disparut, après
avoir porté l'enfant sur un fumier , où il
passa toute la nuit. Heureusement c'était
dans une belle saison; on le trouva le
lendemain , sans qu'il lui fût arrivé au-
cun accident. Le jeune Polignac fut
amené de bonne heure à Paris par son
père, qui le destinait à l'état ecclésias-
tique. Il fit ses humanités au collège de
Louis le Grand , et sa philosophie à ce-
lui d'Harcourt. Aristote régnait toujours
dans les écoles. Polignac l'éludia par
déférence pour ses maîtres ; mais il se
livra en même temps à la lecture de Des-
cartes. Instruit de ces deux philosophie»
si différentes, il soutint l'une et l'autre
dans deux thèses publiques, et en deux
jours consécutifs , et réunit les suffrages
des partisans des rêveries anciennes, et
de ceux des chimères modernes. Les
thèses qu'il soutint en Sorbonne, vers
l'an 1C83 , ne lui firent pas moins d'hon-
neur. Le cardinal de Bouillon , enchanté
POL
des agrémens de son esprit et de son ca-
ractère, le prit avec lui, lorsqu'il se
rendit à Rome , après la mort d'Innocent
XI. H l'employa uon seulement à l'élec-
tion du nouveau pape, Alexandre VIII,
mais encore dans l' accommodement qu'on
traitait entre la France et la cour de
Rome. L'abbé de Polignac eut occasion
de parler plusieurs fois au pontife , qui
lui dit, dans une des dernières confé-
rences : « Vous paraissez toujours être
5) de mon avis , et à la fin c'est le vôtre
)) qui l'emporte. « Les différends entre le
saint-Siége et la cour de France étant
heureusement terminés , le jeune négo-
ciateur vint en rendre compte à Louis
XIV. C'est à celte occasion que ce mo-
narque dit de lui : « Je viens d'entretenir
M un homme et un jeune homme , qui
» m'a toujours contredit et qui m'a tou-
» jours plu. uSes talens parurent décidés
pour les négociations. Le roi l'envoya
ambassadeur en Pologne, en 1693. Il
s'agissait d'empêcher qu'à la mort de
Jean Sobieski , près de descendre au
tombeau , un prince dévoué aux ennemis
de la France n'obtînt la couronne de Po-
logne, et il fallait la faire donner à un
de la maison de France. Le prince de
Conti fut élu par ses soins, en 1696;
mais diverses circonstances ayant re-
tardé l'arrivée de ce prince en Pologne ,
il trouva tout changé lorsqu'il parut, et
fut obligé de s'embarquer à Dantzick.
L'abbé de Polignac, contraint de se re-
tirer, fut exilé dans son abbaye de Bon-
Port. Après y avoir fait un séjour de 3
ans, uniquement occupé des belles-let-
tres , des sciences et de l'histoire , il re-
parut à la cour avec plus d'éclat que ja-
mais ( n02 ). Il fut envoyé à Rome, en
qualité d'auditeur de rote ( 1706 ), et
il n'y plut pas moins à Clément XI, qu'il
avait plu à Alexandre VIII. De retour en
France, en 1709, il fut nommé pléni-
potentiaire, avec le maréchal d'Uxelles,
pour les conférences de la paix , ouvertes
à Gertruidemberg ( 1710 ). Ces deux né-
gociateurs en auraient fait une avanta-
geuse, si elle avait été possible. La fran-
chise du maréchal était tempérée par la
douceur et la dextérité de l'abbé, le
POL S
premier homme de son siècle dans l' art
de négocier et de bien dire. Tout l'art
des négociateurs fut inutile : les alliés ,
les Hollandais surtout, se souvenaient
des hauteurs et des prétentions exorbi-
tantes de Louis XIV ; ils usèrent de re-
présailles , et prescrivirent au monarque
vaincu des conditions trop dures. L'abbé
de Polignac fut plus heureux au congrès
d'Utrecht, en 1712; mais les plénipo-
tentiaires de Hollande s'apercevantqu'on
leur cachait quelques-unes des condi-
tions du traité de paix, déclarèrent aux
ministres du roi qu'ils pouvaient se pré-
parer à sortir de leur pays. L'abbé , qui
n'avait pas oublié le ton avec lequel ils
lui avaient parlé aux conférences de
Gertruidemberg , leur dit : » Non, mes-
■» sieurs , nous ne sortirons pas d'ici ;
j< nous traiterons chez vous, et nous
i> traiterons de vous , et nous traiterons
" sans vous. » Ce fut la même année
1712, qu'il obtint le chapeau de cardi-
nal , qui fut accompagné, l'année d'après,
de la charge de maître de la chapelle du
roi. Après la mort de Louis XIV , il se
lia avec les ennemis du duc d'Orléans,
et ces liaisons lui valurent une disgrâce
éclatante. Il fut exilé , en 17 1 8 , dans son
abbaye d'Anchin , d'où il ne fut rappelé
qu'en 1721. Innocent XIII étant mort,
en 1724, le cardinal de Polignac se ren-
dit à Rome , pour l'élection de Benoît
XIII, et y demeura 8 ans, chargé des
affaires de France. Nommé à l'archevê-
ché d'Auch , en 1726 , et à une place de
commandeur de l'ordre du Saint-Esprit ,
en 17 32, il reparut cette année en France,
et y fut reçu comme un grand homme.
Il mourut à Paris, en 17 41, à 80 ans,
avec une réputation immortelle. Le car-
dinal de Polignac était un de ces esprits
vastes et lumineux , qui embrassent tout,
et qui saisissent tout. Les sciences et les
arts, les savans et les artistes lui étaient
chers. Sa conversation était douce , amu-
sante et infiniment instructive, comme
on peut le juger par tout ce qu'il avait
vu dans le monde et les différentes cours
de l'Europe. Le son de sa voix , et la
grâce avec laquelle il parlait et pronon-
çait , achevaient de mettre dans son en-
6 POL
tretien une espèce de charme qui allait
presque jusqu'à la séduction. L'univer-
salité de ses connaissances s'y montrait,
mais sans dessein ni de briller ni de faire
sentir sa supériorité. Il était plein d'é-
gards et de politesse pour ceux qui l'é-
coutaient ; et s'il aimait à se faire écouter,
on se plaisait encore plus à l'entendre.
Sa mémoire ne le laissa jamais hésiter
sur un mot , sur un nom propre ou sur
une date, sur un passage d'auteur ou
sur un fait , quelque éloigné ou détourné
qu'il pût être ; elle le servait constam-
ment , et avec tout l'ordre que la médi-
tation peut mettre dans le discours. Quoi-
que le cardinal de Polignac aimât les
bons mots , et qu'il en dit souvent , il ne
pouvait souffrir la médisance. Un sei-
gneur étranger , attaché au service d'An-
gleterre , et qui vivait à Borne sous la
protection de la France , eut un jour
l'imprudence de tenir à sa table des pro-
pos peu mesurés sur la religion et sur la
personne du roi Jacques. Le cardinal lui
dit, avec un sérieux mêlé de douceur :
H J'ai ordre , monsieur , de protéger
» votre personne , mais non pas vos diss
» cours, u Nous avons de lui un poème
sous ce titre : Anti-Lucretius , seu de
Deo et natura, libri IX, publié en
1747, iu-8 et in-12, par M. l'abbé de
Bothelin ; traduit en italien par le Père
Ricci, bénédictin , Vérone , 1 767, 3 vol.
in-4, et élégamment en français par Bou-
gainville, 2 vol. in-8. « Ouvrage » ( pour
parler avec ce dernier ) « qui a hié tous
» les suffrages et vaincu tous les obstacles
X que lui opposait un siècle oii la langne
» de l'ancienne Rome est peu cultivée ,
M oii l'irréligion triomphe , où l'abus de
)> l'esprit est appelé raison , où les bons
» mots sont devenus des décisions , et
» les paradoxes des principes. » L'objet
de cet ouvrage est de réfuter Lucrèce ,
et de déterminer , contre ce précepteur
du crime et ce destructeur de la Divinité,
en quoi consiste le souverain bien , quelle
est la nature de l'âme , ce que l'on doit
penser des atomes , du mouvement , du
vide. L'auteur en conçut le plan en Hol-
lande, oii il s'était arrêté à son retour
de Pologne. Le fameux Bayle y était
POL
alors; l'abbé de Polignac le vit (1), et
en admirant son esprit , il résolut de ré-
futer ses erreurs. Il commença à y tra-
vailler durant son premier exil , et il ne
cessa depuis d'ajouter de nouveaux orne-
mens à ce vaste et brillant édifice. On
ne saurait trop s'étonner qu'au milieu des
dissipations du monde et des épines des
affaires , il ait pu mettre la dernière main
à un si long ouvrage en vers, écrit dans
une langue étrangère , lui qui avait à
peine fait quatre bons vers dans sa propre
langue. Il est étonnant qu'il ait pu ex-
primer d'une manière si claire , si natu-
relle et si aisée , des phénomènes ou des
systèmes hérissés de détails qui , en prose
même , ne sont pas sans obscurité. Ceux
qui ont trouvé ces détails peu agréables,
et qui par- là ont tâché de mettre l'au-
teur au dessous de Lucrèce , auraient dû
nous prouver que lorsque celui-là nous
parle de ces atomes et de leurs proprié-
tés, il est plus coulant et plus harmo-
nieux que son adversaire , en expliquant
la règle de Kepler , les progressions , sta-
tions, rétrogradations des planètes, etc.
Si on veut mettre de côté le préjugé qui
parle en faveur des anciens, on trou-
vera qu'avec l'aisance et la facilité de
Lucrèce , il n'a ni sa négligence , ni son |
incorrection ( royez lucrèce ), et qu'on 1
ne doit attribuer qu'à sa modestie ce
qu'il dit de son ouvrage : Eloquio victi,
re vincimus ipsa. « A l'égard de la phy-
)i sique de ce poème , dit Voltaire , il
» me Iparaît que l'auteur a perdu beau-
» coup de temps et de vers à réfuter la
» déclinaison des atomes , et les autres
» absurdités dont le poème de Lucrèce
}> fourmille ; c'est employer de l'artillerie
» pour détruire une chaumière. » Vol- '
taire ne songeait pas que , dans ce siècle,
des absurdités aussi révoltantes que celles
de Lucrèce avaient eu plus d'un défen-
seur. Témoin le Système de la Nature ,
qui n'est qu'une paraphrase de celui de
Lucrèce. Il n'est donc point du tout inu-.
^i) Dans une coDTenation avec le IlnHandait. l'abbé de
Polifinac lui ayant demandé s'il était rérUemHiit protestant:
Oui, monsieur, répondit Bavie, et ai bien proteslani, que
je protrste contre tout ce qui te dit et ce qui se fait. Ou
prétend que c'est à cette réponse Irèt frappanle , surtout
d*D> 1« bouche de BajrU, que noua devouirAuti-Lucrèce.
POL
tile de foudroyer ces extravagances , et
on peut dire que Polignac l'a fait supé-
rieurement. Sans blesser la modestie , il
chante lui-même son triomphe , c'est-à-
dire celui de la religion et de la raison.
Nous citerons ce morceau , capable seul
d'embarrasser étrangement ceux qui osent
lui préférer le poème de Lucrèce , pour
les expressions , les idées et les images .
Nuiiiine calcato sed nuim spoliisque saperbus ,
Quam plenis cantabat oïaos sua sernina buccis!
Quam tumide Diagni relebrabat Inanis hoDorem
Jamque immortale^ Epicuri ad leinpla ferebat
£tu«ias, «iridi redîmitus teinpora lauio
Viclor , ob ereplum Superis et Manibus orbem ,
Atque incantatas praclaro carminé gcntes.
MoMla sequebatur iuaiiibu« posl terga ret iuctis
Relligio, slipata choro lugente priorum :
VictUna sarnlrgum cultro mactanda profane.
Xum sailli alque joris pubes iiisana niicare ,
Spargere purpureos flores myrtumque Tirentem ;
Nec deerant , Veneris lectissima lurba , puellae,
Quee calatbis ferrent uias et Adouidis hortos.
Jam duce tu gradiens Katione , quid ille creparei
VidUtI : fragiles nugas et >ana Iropsa ,
?Jon sine despeelu quodam tacitoque pudore
Miratus tenues dilabi prorsus in auras :
Nec persouatte sieteruut meudacia Mus».
On a encore blâmé l'auteur d'avoir com-
battu les idées de Newton , pour mettre
à leur place les rêveries de Descartes ; il
est vrai qu'il eût mieux fait de s'en tenir
à des notions sûres et avouées , et de
n'adopter aucun système : celui de Des-
cartes ne se soutient plus nulle part , au
moins dans sa totalité, et celui de New-
ton reçoit tous les jours de grandes at-
teintes ( voy. son article ). Mais il est si
difficile de n'avoir pas quelque prédilec-
tion pour certaines opinions que la vo-
gue et le nationalisme ont en quelque
sorte consacrées, qu'on ne doit pas ju-
ger sévèrement l'illustre auteur à cet
égard. D'ailleurs, la réflexion principale,
et en quelque sorte générale , qu'il op-
pose aux hypothèses de Newton , savoir
qu'une chose n^est pas démontrée pour
être exactement calculée, et que le faux
peut être supputé comme le vrai , reste
toujours incontestable , indépendam-
ment de tout ce que l'auteur raisonne
sur les systèmes Sa Fie, par le Père
Fauchet, Paris, 1777 , 2 vol. in-12 , est
prolixe, et assez faiblement écrite , mais
exacte , pleine de faits intéressans et de
bonnes observations. ( Voltaire lui-même
POL 7
a prodigué ses éloges k Polignac ; et ,
dans le Temple du goût, il l'appelle le
Cardinal oracle de la France ... Réunis-
sant Virgile avec Platon , vengeur du
ciel et vengeur de Lucrèce, Polignac
aimait les antiquités , et il coopéra à la
découverte de la maison de campagne
de Marius , près de Frasenti ; on y trou-
va entre autres un magnifique salon,
orné de statues et de superbes peintures.
Il aida aussi à la découverte du palais des
Césars, sur le Mont -Palatin. Il aurait dé-
siré qu'on détournât le cours du Tibre,
dans certains endroits, pour en retirer
les statues et les trophées qu'on y avait
jetés dans les temps des factions. (Les hon-
neurs littéraires s'étaient accumulés sur
sa tête ; après avoir remplacé Bossuet à
l'académie française en 1704 , il fut nom-
mé membre de l'académie des Sciences en
1717. Son Eloge a été composé par M.
de Boze, et inséré dans le Recueil de l'a-
cadémie des Inscripitions -. M. de Mairan
l'a fait aussi dans l'académie des Sciences.
POLIN( Le capitaine ). Foye% Gabde
(La). ,
P0LIN1ERE( Pierre), physicien, né
à Coulonce, près de Yire, en 1671 , fit
son cours de philosophie au collège
d'Harcourt à Paris , et reçut le bonnet de
docteur en médecine. Un attrait puis-
sant l'entraîuait à l'étude des mathémati-
ques , de la physique , de l'histoire natu-
relle , de la géographie et delà chimie. Il
fut choisi le premier pour démontrer les
expériences de physique dans les collèges
ile Paris, et il en fit un cours en présence
du roi. Il mourut subitement dans sa
maison de campagne à Coulonce, en 1 734,
à 6.3 ans. Polinière était un homme ap-
pliqué , qui ne connaissait queses machi-
nes et ses livres. Il cherchait plus, dans
l'explication de ses expériences, la clarté
que l'élégance : car quoique des physi-
ciens distingués vinssent profiter de ses
leçons , il n'oubliait point qu'elles étaient
destinées pour des écoliers. Ses ouvrages
sont : 1" des Elémens de mathémati-
ques , peu consultés ; 2° un Traité de.
physique expérimentale , qui a eu beau-
coup de vogue avant les Leçons de l'ab-
bé NoUet. Il est intitulé Expérience dç
8 POL
physique. La dernière édition est de 1 7 4 i ,
2 vol. in-12.
POLIPHILE. Foyez Colosnk.
* POLITl (Alexandre) , clerc régulier
des écoles pies, et l'un des savans les
plus distingués que produisit cet ordre,
naquit à Florence le 10 juillet 1679, et
y prit l'habit de clerc régulier le 6 fé-
vrier 1696, n'ayant pas encore 16 ans
accomplis. Il avait fait ses humanités
chez les jésuites d'une manière brillante.
Il donna dès son noviciat des preuves de
ce qu'il deviendrait un jour, en rédi-
geant des notes savantes et judicieuses
sur d'anciens auteurs. Il en fit présenter
le recueil à son provincial, lequel, char-
mé d'un si beau talent, protégea depuis
avec une bienveillance singulière le jeu-
ne religieux qui donnait de telles espé-
rances. Il fit sa philosophie et sa théo-
logie , partie à Florence, et partie à
Borne, et y fournit avec éclat cette
double carrière. Le chapitre général était
assemblé dans celle dernière ville, en
1700, lorsque Politi terminait ses cours;
il y soutint des thèses publiques, oîi il fit
admirer son savoir. De retour en Toscane,
il enseigna successivement la rhétorique
et la philosophie à Florence , puis la théo-
logie à Gênes pendant près de 20 ans, et
enfin les belles-lettres et l'éloquence dans
l'université de Pise , qui crut ne pouvoir
donner au fameux Benoît Averani, pro-
fesseur de belles-lettres, un successeur
plus digne de le remplacer. Frappé d'apo-
plexie le 18 juillet 1752, il expira le 23 à
l'âge de 7 3 ans et quelques jours. Il a laissé
un grand nombre d'ouvrages, dont hs
principaux : sont i° Philnsnphia peripale-
tica , ex mente sancti Thnmœ Aquina-^
Us, Florence, in-12; 2° Selecta chris-
tianœ thenlngiœ capita , ibid. , in-4 ; 3"
De patria in cnndendis tettamenfis po-
iestate, Florence, 1712, in-12. On en
trouve un bon extrait dans le Giornale
de* letterati d'Italia, tome 10, art. 9, p.
447 etsuiv. A" Spécimen Eustathii nunc
primum latine versi. C'est un essai et
comme un prélude sur le grand ouvrage
qui suit. 5° Cnmmentaria in Iliadem Ho-
meri. Ces commentaires d'Eustathe, évê-
que de Thessaloaique , au 12* siècle,
POL
n'existaient qu'en grec. Le Père Politi ,
aidé du Père Salvini , les traduisit en la<
tin pour la première fois, et les enrichit
dénotes savantes. L'ouvrage est en 3 vol.
in-fol. , dont le premier, dédié au grand-
duc Jean Gaston , parut en 17 30 ; le deu-
xième, dédié au pape Clément XII, eu
1732, et le troisième, dédié à Louis XV
en 1735. Il devait en paraître un qua-
trième, et on commençait à l'imprimer
lorsque le Père Polili mourut. ( Foyez
EusTATHE. ) Cet ouvrage est le plus con-
sidérable de ceux du Père Politi. 6° Fila
délia serva di Dio suor Maria Ange la
Gini, Florence , in-4; 1° Martyrologium
romanum castigatum ac commentarUs
illustratum, Florence, 1751 ,in-foI.; 8"
des Harangues , des Pane'gyriquef, et
d'autres Opuscules, etc. On trouve dans la
Storia letteraria d'Italia, tome G, pag.
733, une bonne iVo//ce sur lePère Politi,
avec une exacte nomenclature de ses ou-
vrages , trop nombreux pour être tous
rappelés ici.
. POLITI. Foyez Catharinus.
POLITIEN ou PoLiziANo ( Ange },
naquit à Monte-Pulciano en Toscane l'an
1454. C'est du nom de cette ville, appe-
lée en latin Mons Politianus , qu'il for-
ma le sien; car il s'appelait auparavant
Cino ou Cini, abréviation d'Ambrngini.
Andronic de Thessaloniqne fut son mai -
tre , et le disciple valut bientôt plus que
lui. Un poème , dans lequel il célébra
unejoûtc dont Laurent et Julien de Mé-
dicis donnaient le spectacle au peuple,
le fit connaître avantageusement de ces
illustres protecteurs des lettres. Ils lui fi-
rent obtenir un canonicat à Florence, et
Laurent le chargea ensuite de l'éducation
de ses enfans, entre autres de Jean deMé-
dicis, depuis pape sous le nom de Léon
X. Picde laMirandole, qui était alors à
Florence, lui donna une place dans son
cœur, et l'associa aux travaux de son es-
prit. Les talens de Politien lui méritèrent
la chaire de professeur des langues latine
et grecque. On lui envoya des disciples de
toutes les parties de l'Europe. Ses succès
le rendirent altier et querelleur. Il eut
des disputes fort vives avec plusieurs sa-
vans , entre autres avec Mérula , qu'il
POL
avait attaqué mal à propos, et qui eut la
générosité de ne pas publier une satire
très piquantequ'ii avait faite en réponse.
Polilieu mourut en 1494. Sa mort est
rapportée différemment. On prétendit
qu'il s'était cassé la tête contre une mu-
rai le, désespéré de n'avoir pu gagner le
cœur d'une dame qu'il aimait. Paul-Jove,
Scaliger et d'autres, ont adopté ce récit.
Varillas, dans st% Anecdotes de Florence,
lui est encore moins favorable, et donne
une autre cause plus infâme de sa mort.
Ce n'a pas été assez d'attaquer ses mœurs,
on a écrit qu'il disait « qu'il n'avait lu
') qu'une seule fois l'Ecriture sainte, et se
w repentait d'avoir si mal employé son
» temps. » Propos d'un homme qui, mê-
me en fait de littérature et de sciences,
n'aurait ni goût ni sentiment , puisqu'il
est de fait que ce livre contient de gran-
des beautés et de grandes lumières , in-
dépendamment de l'inspiration (1). Ces
diverses imputations ont été niées par
les défenseurs de sa mémoire , ainsi que
dans sa Fie, publiée par Mencke en 1736,
in-4. Si elles sont fausses, elles prouvent
que Politien avait beaucoup d'ennemis ;
et on ne doit pas cacher qu'il les dut
moins à ses talens qu'à son caractère cau-
stique. Parmi ses ouvrages, on compte:
1° l'Histoire latine de la conjuration
des Pazzi , écrite avec plus d'élégance
que de vérité; 2° une Traduction latine
d' He'rodien , qu'il entreprit par ordre du
pape : elle est aussi pure que fidèle ; 3°
un livre A'Epigrammes grecques ; 4" la
Traduction latine de plusieurs poètes et
historiens grecs; 5° deuxViwes à' Fpîtres
latines; G" quelques petits Traites de
philosophie , superficiels; 7" un Traite'
de la colère; 8° quatre Poèmes bucoli-
ques, et d'autres ouvrages latins. Sa dic-
tion est pleine de douceur et de facilité.
9° Canzoni a Ballo con quelle diLorenzo
Medici, Florence, 1568, in-4; 1537,
in-1 2 ; n 59 , in-8 , et d'autres ouvrages
li; On peut consulter >nr reiujct une excellente D!sser
talion de M. Ancillon , en riponse à la qucsiion : Queit
sont, outre t'impiration , Ut earaelirei ijui asiarent aux
lÀtret laiiiU la tupérioriU tur lea livret prirfanes. Fnjezle
Journ. hitt. et Un., i5 juillet et i" août 1785 An.
I?uou, Datid, HiBAccc, Istie, Joi, Loin, Lcc, Moïse,
p4Ci, elc.
XI.
POL 9
en italien. Le recueil desOEuvresàefo-
litien , Bologne , 1 494 , in-4 ; et Venise ,
1498 , in-fol. , est au nombre des livres
rares, ainsi que l'édition que Gryphe en
donna en 1 550 , en 3 vol. in-8. Cette col-
lection fut réimprimée à Bâle en 1553,
in-fol., avec des augmentations.
POLLIO. Voyez Trkbellius.
POLLION. Voyez Asinius.
POLLION ( Védius) engraissait des
lamproies de sang humain. Auguste sou-
pant un jour chez lui , un de ses esclaves
brisa un verre de cristal. Védius le fit
prendre sur-le-champ, et donna ordre
qu'on le jetât dans un grand réservoir , à
la merci des lamproies : genre de mort
dont il firisàit punir ses gens lorsqu'ils,
tombaient dans quelque faute. Le jeune
esclave s'échappa , et courut se jeter aux
pieds d'Auguste , le suppliant d'empêcher
qu'il ne devînt la proie des poissons.
L'empereur fit relâcher l'esclave, briser
en sa présence tous les verres de cristal,
et en fit remplir le réservoir. Il est con-
stant cependant que cette inhumanité
était assez commune chez les Romains,
surtout à l'égard des vieux esclaves dont
on ne tirait plus de service.
POLLUX (Julius), grammairien de
Naucrate en Egypte , né vers l'an 180
de J. C. , fut élève d'Adrien de Tyr à
Rome , puis instituteur du jeune Com-
mode. Il devint ensuite professeur de
rhétorique à Athènes, oii il mourut à l'âge
de 58 ans. Suidas nous a transmis les ti-
tres de ses ouvrages. On a de lui un Ono~
masticon , ou dictionnaire grec , en 1 0
livres, Venise, 1502 , et Florence, 1520,
in-fol. La meilleure édition est celle
d'Amsterdam, en 1706 , 2 vol. in-fol. ,
en grec et en latin , avec des notes de
Jungerman et de divers autres savans.
POLTROT DE MÉRÉ [ Jean ) , gentil-
homme de l'Angoumois , né vers 1525,
passa sa jeunesse en Espagne , où il avait
suivi le baron d'Aubeterre. De retour
dans son pays, il embrassa la religion
protestante , et devint un de ses plus fa-
natiques partisans. Irrité des succès du
duc de Guise , il prit la résolution de le
tuer. Pendant que ce prince assiégeait
Orléans en .1563 , Poltrot épia fé moment
0.
lo POL
où il était peu accompagné , et lui tira un
coup de pistolet , dont il mourut 6 jours
après. Ayant été arrêté, il avoua à la
question «. Qu'il avait été attiré et in-
» duit à cela par la persuasion du minis-
j> trc Théodore de Bèze , lequel lui avait
» persuadé qu'il serait le plus heureux
» de ce monde , s'il voulait exécuter cette
» entreprise, parce qu'il ôterait de ce
» monde un tyran ennemi juré du saint
» Evangile, pour lequel acte il aurait
j> paradis , et s'en irait avec les bienheu-
» reux, s'il mourait pour une si juste
j) querelle. » Le ciel pour prix d'un par-
ricide ! Telle est la morale horrible que
les sectaires de tous les temps ont appe-
lée au secours de leurs erreui:». Ce scélé-
rat fut condamné par arrêt du parlement
à être déchiré avec des tenailles arden-
tes, tiré à quatre chevaux, et écartelé.
f^oyez François de LorraiiSE.
POLUS, PoLK ou Pool (Renaud),
cardinal et archevêque de Cantorbéry, né
en 1 500, à Stowerton-Castle dans le comté
de Stafford , était proche parent des rois
Henri \II et Edouard IV. Il fut élevé dans
l'uni versité d'Oxford , et parcourut ensuite
lesplus célèbres académiesdel'Europe. Sa
probité, son érudition , sa modestie et son
désintéressement lui iirentdes amis illus-
tres, entre autres Bembo et Sadolet,qui
le regardaient comme un des hommes
les plus éloquens de son siècle. Henri
VIII , qui faisait beaucoup de cas de ses
talens , eut pour lui une amitié et une
estime distinguées. Mais Polus n'ayant
pas voulu flatter sa passion pour Anne de
Ëoulen , et ayant écrit contre son chan-
gement de religion , ce prince mit sa
tète à prix. Le pape Paul III, qui l'avait
fait cardinal en 1636 , lui donna des gar-
des. Après la mort de ce pontife , il eut
beaucoup de voix pour lui succéder ; il
fut exclu par la brigue des vieux cardi-
naux , sans que cette exclusion lui causât
des regrets. Après avoir été employé dans
diverses légations , et avoir présidé au
concile de Trente, il retourna en Angle-
terre sou» le règne de la reine Marie. Cette
princesse le lit archevêque de Cantorbéry
et président du conseil royal. L'empe-
reur Charles-Quint s'était opposé à son
POL
retour en Angleterre, craignant qu'il ne
s'opposât lui-même au mariage de son fils
Philippe. Mais il ne s'occupa qu'à ramener
les protestans dans le sein de l'Église, à
remettre le calme dans l'état , et à rendre
la liberté h ceux qui étaient opprimés. En-
nemi des violences dans les affaires de reli-
gion , il n'employa jamais que la patience
et la douceur. Sa mort, coup fatal et pour
la relig^n et pour le royaume , arriva à
Londres, le 25 novembre 1658. Tous les
auteurs, même les protestans, donnent de
grands éloges à son esprit, à son savoir , à
sa prudence, à sa modération , à son désin-
téressement et à sa charité. On lui avait ap
pris, peu auparavant, la mort de la reine :
il en fut tellement touché, qu'il demanda
son crucifix, l'embrassa dévotement et s'é-
cria : Domine, salira nos, peiimus ; Sal-
vator mundi , salva Ecclesiam tuam. A
peine eut-il prononcé ces paroles , qu'il
tomba dans l'agonie, et mourut 1 5 heures
après, âgé de 58 ans', avec la réputation
d'avoir été un des plusillustresprélats que
l'Angleterre eût produits. Son corps fut
porté à Cantorbéry, et mis dans la chapelle
de Saint-Thomas , qu'il avait fait bâtir ,
avec cette simple épitaphe : Depositum
cardinaUs Poli. On a de lui plusieurs
Traités -. 1° celui De unitate ecclesias-
tica , Rome , infol. ; 2" De o/jlcio et po- I
iestate summi pontifiais , Louvain , 1 569, '
in-fol. ; 3" De concilio iridenlino ; 4 ° un
Recueil des statuts , qu'il fit étant légat
en Angleterre ; 5 une Lettre à Crammer
sur la présence réelle ; 6 un Discours
contre les faux évangéliques , adressé à
Charles-Quint ; 7 plusieurs Lettres , Bres-
cia, 1744 et 1748, 4 vol. in-4 , pour ra-
mener dans le sein de l'Eglise ceux qui
s'en étaient séparés. Ces ouvrages sont
savans ; mais le stile n'en est ni pur ni
élégant. Sa P^ie a été écrite en italien
par Beccatelli, archevêque de Raguse, et
elle a été traduite en latin par André Du-
dith ; ils étaient l'un et l'autre secrétai-
res de cet illustre prélat. Le cardinal
Ange-Marie Quirini a donné sa P^ie avec
ses Lettres ; mais ces ouvrages sont infé- ^
rieurs à l'excellente Histoire de cecardi^M
nal , écrite en anglais par Thomas Philips.S^
Foy. ce nom.
POL
POLUS( Matthieu }. Voyez Poole.
POLYBÈ , né à Mégalopolis , ville du
Péloponèsc, dansl'Arcadie, vint au monde
entre l'an 210 et l'an 200 avant J.C. Son
père Lycortas était illustre par la fermeté
avec laquelle il soutint les intérêts de
^ la république des Achéens , pendant
• qu'il la gouvernait. Il donna à son fils les
premières leçons de la politique , etPhi-
lopœmen , un des plus intrépides capi-
taines de l'antiquité, fut son maître dans
l'art de la guerre. Le jeune Polybe se si-
gnala dans plusieurs expéditions , pen-
dant la guerre des Romains contre Per-
sée. Ce monarque ayant été vaincu, il fut
du nombre de ces Acbéens emmenés à
Rome, pour les punir du zèle avec lequel
ils avaient défendu leur liberté. Son es-
prit et sa valeur l'avaient déjà fait con-
naître. Scipion et Fabius, fils de Paul-
Emile , lui accordèrent leur amitié , et se
crurent trop heureux d'être à portée de
prendre ses leçons. Polybe suivit Scipion
au siège de Carthage. Sa patrie était ré-
duite en province romaine ; il eut la dou-
leur de la voir en cet état, et la c onsolation
d'adoucir les maux de ses concitoyens
par son crédit , et de fermer une pai-tie
de leurs plaies. Il se trouva au siège de
Numance avec son illustre bienfaiteur ,
qu'il perdit peu de teçips après. Sa mort
lui rendit le séjour de Rome insupporta-
ble, (il recouvra sa liberté avec trois cents
autres Achéens, les seuls qui restaient
des mille qu'on avait amenés à Rome.
Après avoir parcouru en observateur les
Gaules, l'Espagne et l'Afrique , Polybe ne
songea plus qu'à mettre en ordre ses ou-
vrages.) Il retourna dans sa patrie, où il
jouit, jusqu'à ses derniers jours , de l'es-
time, de l'amitié et de la reconnaissance
de ses concitoyens , et mourut à 80 ans ,
l'an 120 avant J. C. , d'une blessure qu'il
se fit en tombant de cheval. De tous ses
ouvrages , ( Vhistoire de Numance , la
vie de Philopœmen, Commentaires sur
la Tactique , un Traite' de l'habitation
sous l'Equateur , et une Histoire géné-
rale ) , nous ne possédons qu'une partie
de cete dernière qui s'étendait depuis le
commencement des guerres puniques
jusqu'à la fin de celle de Macédoine. Elle
POL 1 1
fut écrite à Rome, mais en grec. Elle
était renfermée en 40 livres, dont il
ne reste que les cinq premiers, qui
sont tels que Polybe les avait laissés.
Nous avons des f.agmens assez considé-
rables des douze livres suivans , avec les
ambassades , et les exemples des vertus et
des vices , que Constantin Porphyrogé-
nète avait fait extraire de l'Histoire de
Polybe qui n'était point encore perdue.
On trouve ces extraits dans le recueil de
Henri de Valois . Polybe est , de tous les
écrivains de l'antiquité, celui qui est le
plus utile pour connaître les grandes
opérations de la guerre qui étaient en
usage chez les anciens. Brutus en faisait
tant de cas^ qu'il le lisait au milieu de
ses plus grandes affaires. Il en fit un
abrégé pour son usage, lorsqu'il faisait
la guerre à Antoine et à Auguste. Les
hommes d'état et les militaires ne sau-
raient trop le lire , les uns , pour y pui-
ser des leçons de politique , et les autres,
les préceptes de l'art funeste , mais né-
cessaire , de la guerre. Cet historien leur
plaira plus qu'aux grammairiens et aux
gens de goût. S'il raisonne bien , il narre
mal , et il dit désagréablement de bonnes
choses. Le chevalier de Folard, qui nous a
donné un excellent Commentaire sur cet
auteur, en 6 vol. in-4, 1727-1730, avec
une traduction par domThuillier, a le
même défaut. Il est négligé et prolixe dans
sonstile , trop long dans ses réflexions, et
manque de liaison dans ses idées. On y a
ajouté en Hollande un 7* volume. La pre-
mière édition de Polybe est de Rome ,
1473, in-fol. ( Les meilleures sont celles
de Casaubon, in-fol. , Paris, 1600; et
celle d'Amsterdam , 1670, cum notis va-
riorum, 3 vol. in-8. ibid. 1753 et 74 , 7
vol. in-4 , fig. , qui contiennent un sup-
plément que l'on joint quelquefois à l'é-
dition de Paris. Il y en a un abrégé, Pa-
ris, 1754,4 vol. in-4. On cite encore
l'édition de Leipsick, 1763, 3 vol. iu-8,
et celle donnée dans le même lieu par
M. Schweghaeuser père , 9 vol. in-8, 1789-
95, 8 tomes en 9 vol. in-8. L'un des prin-
cipaux écrivains qui soignent cette 8"
édit. du Dictionnaire de Feller a fait pa-
raître comme thèse inaugurale pour le
12 POL
doctorat-èsfleltres , une dissertation qui
a pour titre : Polybe considéré comme
historien latin y ou Examen des évé-
nemensde l'histoire romaine qu'il a pas-
sés sous silence ou qu'il a racontés au-
trement que lés historiens romains,
Strasbourg, 1829, 1 vol. in-4. — Polvbe,
médecin et gendre d'Hippocrate, a lais-
sé quelques ouvrages de médecine qui
sont parvenus jusqu'à nous. On les
trouve dansles OÈuvres d'Hippocrate.Un
autre Polybe fut affranchi de l'empereur
Claude. Sénèque lui adressa un de ses
ouvrages, dans lequel il le loue beaucoup.
POLYCARPE (Saint), évêque de
Smyrne , disciple de saint Jean l'évan-
gélisle, prenait soin de toutes les Eglises
d'Asie. 11 s'était converti vers l'an 80, et
fut'ordonné évêque de Smyrne en 96. Il,fit
un voyage à Rome , vers l'an 1 58 ou 1 60 ,
pour conférer avec le pape Anicet sur le
jour de la célébration de la pâque : ques-
tion qui fut agitée depuis avec beaucoup
de chaleur sous le pape Victor. Son zèle
pour la pureté de la foi était si ardent ,
que lorsqu'il entendait proférer quelque
erreur, il s'enfuyait en criant : n Ah !
)i grand Dieu , à quel temps m'avez-vous
» réservé! u On dit qu'ayant rencontré
Marcion à Rome , cet hérésiarque lui de-
manda s'il le connaissait ? Oui , répondit
le saint évêque, saisi d'horreur : /e te
reconnais pour h fils aine de Satan. Une
autre fois, ayant vu Cérinthe entrer dans
un bain : Fuyons , s'écria-t-il , de peur
que le bain ne tombe sur nous. « Grande
» leçon pour les fidèles, dit un moraliste,
u relativement à la conduite à tenir en-
« vers les hérétiques. Si ce saint et savant
» évêque , disciple des apôtres , si près
» de la lumière évangélique , n'a osé
» communiquer avec des sectaires, crai-
M gnant lesouffle impur des faux docteurs,
» que penser de la témérité ou de la
» coupable indifférence des simples Adè-
» les qui fréquentent leur société , lisent
M leurslivres, ou écoutentleurs discours? »
De retour en Asie , il scella l'Evangilfrde
son sang , et fut condamné à être brûlé
vif; maisles flammes l'épargnant, le bour-
reau le poignarda vers l'an 169, sous
l'empire de Marc-Aurèle, dont on nous
POL
raconte tant de choses doucereuses. Son
martyre est rapporté d'une manière très
élégante dans la lettre de l'église de
Smyrne aux églises de Pont : lettre dont
Eusèbe a donné l'abrégé dans le chapitre
1 4 du liv. 4 de son Histoire ; lettre singu-
lièrement estimée des anciens , et que l'on
doit regarder comme un des plus précieux
monumens de l'antiquité ecclésiastique.
Il ne nous reste de saint Polycarpequ'une
seule E pitre , écrite aux Pbilippiens. Ou
la trouve dans les anciens monnmens des
Pères par Cotelier; dansles f^aria sacra,
par le Moine; et avec cellesde saint Igna-
ce, par Ussérius, Londres, 1644 et 1647 ,
2 tom, in-4. Saint Pothiu, premier évêque
de Lyon , et saint Irénée , son successeur,
étaient disciples de cet illustre martyr.
POLYCLÉTE, sculpteur de Sicyone,
ville du Péloponèse , vivait vers l'an 432
avant J. C. , et passait parmi les anciens
pour avoir porté la sculpture à sa perfec-
tion. Il avait composé une figure qui re-
présentait un garde dos rois de Perse ,
où toutes les proportions du corps humain
étaient si heureusement observées, qu'on
venait la consulter de tous les côtés
comme un parfait modèle: cequi la fit ap-
peler par tous les connaisseurs la Règle.
{ Polyclète accrut sa| réputation par plu-
sieurs autres statues, comme un Athlète,
un Mercure , un *uerrier , un Hercule
terrassant l'Hydre , etc. Il était supé-
rieur à Calamis et à Myron, ses contem-
porains , mais inférietir à l'inimitable
Phidias. )
POLYCRATE, tyran de Samos, vers
l'an 532 avant J. C. , régna d'abord avec
un bonheur extraordinaire. Amasis, roi
d'Egypte, son ami et son allié, effrayé
d'une prospérité si constante, lui écrivit
de se procurer quelque malheur , pour
prévenir ceux que la fortune volage pou-
vait lui réserver. Le tyran mit cet avis à
profit , et jeta une bague d'un grand prix
dans la mer. Quelqu&t jours après, le
sort la lui lit retrouver dans lecorps d'un
poisson que des pêcheurs lui apportèrent.
Le malheur qu'Amasis craignait pour son
ami ne tarda pas à arriver. Oronte , l'un
des satrapes de Cambyse , et qui com-
mandait pour lui à Sardes, résolut de
POL
s'emparer de Samos. Il attira chez lui le
tyran , sous prétexte de lui céder une
partie de ses trésors , aftn de le soutenir
dans une révolte contre le roi de Perse.
L'avide Polycrale, amorcé par cette pro-
messe, se rendit à Sardes ; niais à peine y
fut-ilarrivé, qu'Oronte le fit mourir en
croix, l'an 524 avant J. C. Ce récit est
d'Hérodote. Polycrate protégeait les let-
tres, foyez Anacréon.
'POLYCRATE, évêque d'Ephèse, n'est
connu que par une lettre au pape Victor
sur la pàque. Cette lettre, regardée long-
temps comme authentique, a été vive-
ment attaquée dans une Dissertation du
Père Molkedbuhr , publiée à Munster en
1795 , in-4. Il est certain que la plupart
des raisons que le savant critique allègue
pour prouver la supposition , sont de
nature à faire une grande impression sur
j des lecteurs non prévenus ; elles semblent
\ même répandre des doutes fondés sur
l'existence de ce Polycrate, et dès lors
il faut supposer que le passage oîiEusèbe
parle de cet évêque , est une interpola-
tion. Voyez le Journal hist. et litt. ,
! l^"^ décembre 1193, page 503; 1" février
1794, page 178.
POLYDORE-VIRGILE ou Vergile ,
né vers 1470, à Urbin en Italie, passa
en Angleterre pour y recevoir le dener
de saint Pierre, tribut qu'on payait alors
au saint-Siége. Henri VIII , charmé de
son esprit , l'y arrêta, et lui procura l'ar-
chidiaconé de Wels. Le climat froid d'An-
gleterre étant contraire à sa santé, il alla
respirer un air plus chaud en Italie. Il
mourut en 1555, après avoir publié plu-
sieurs ouvrages, purement écrits en la-
tin. Les principaux sont : 1° une Histoire
d' Angleterre , qu'il dédia à Henri VIII ,
et qui va jusqu'à la fin du règne de Henri
VII. On en a une édition publiée à Bâle
en 1534, in-fol. Cet historien narre
assez bien ; mais il est quelquefois peu
exact, et souvent superficiel. Elevé sous
une domination étrangère, il n'a pas
assez connu l'état des affaires d'Angle-
terre , ni la police de ce royaume. 2° De
inventoribus rerum, en huit livres, Ams-
terdam, 1671, in-12. Il y a beaucoup
de recherches , mais peu d'exactitude ;
POL i3
ce qui a donné lieu à ce distique latin :
Yirgilii duo (unt. alu^r Maro, tu Polydore
Aller; tu niendax, ille Poeta luit.
3° Un Traite' des prodiges , Bâle , 1 534 ,
in-fol., peu judicieux ; 4° des Corrections
sur Gildas ; 5° un Recueil d'adages ou
de proverbes. { On cite aussi de lui trois
opuscules : 6"^ Depatientia et ejus fruc-
tu libri H ; De vitaperfecta lib. I ,De
veritate et mendacio lib. I. ; imprimés
avec le Traite des ouvrages, Bâle, 1545.)
POLYUORE. FoyezPoLiDORK Cal-
DARA. /
POLYEN, Polycenus, écri\aia de Ma-
cédoine , s'est fait un nom célèbre par un
Recueil de stratagèmes , qu'il dédia aux
empereurs Anlonin et Vérus, dans le
temps qu'ils faisaient la guerre aux Par-
thes. On a plusieurs éditions de cet ou-
vrage , qui est distribué en 8 livres. La
meilleure est celle de Masvicius , Leyde,
in-8, 1691 , avec des notes; (celle de M. Co-
ray, Paris, 1809, in-8 , est maintenant
préférée.) Ce livre a été traduiten français
sous ce titre : Les Ruses de guerre de
Polyen , 1739 , en deux vol. in-12 , par
dom Lobineau.
POLYEUCTE( Saint), célèbre mar-
tyr de Mélitine en Arménie , dans le 3*
siècle. Néarque , son ami , a écrit les Ac-
tes de son martyre. (Voy. Tillemont,
tome 3 , p. 424. ) Pierre Corneille a fait
du martyre de ce saint le sujet d'une de
ses tragédies, et l'on peut dire que c'est
un chef-d'œuvre dans le genre dramati-
que. Mais cela n'a pas empêché les per-
sonnes pieuses d'être choquées de la li-
berté que le poète s'est donnée de faire
monter les saints sur le théâtre habituel-
lement consacré à un histrionisme pro-
fane et licencieux, et de mêler la ten-
dresse de l'amour humain à l'héroïsme de
l'amour divin.
POLYEUCTE. F. Epiphane, moine.
POLYGNOÏE, peintre grec deTha-
SOS, île septentrionale de la mer Egée, flo-
rissaitvers la 90* Olympiade. Il s'est rendu
célèbre par les peintures dont il orna un
portique d'Athènes. Ses tableaux étaient
une suite qui renfermait les principaux
événemensde Troie; ils étaient, dit-on,
précieux par les grâces , et surtout par
i4 POM
l'expression que ce peintre sut donner à
ses figures. On voulut reconnaître ses
peines par un prix considérable , mais il
le refusa pénéreusement. Cette conduite
lui attira de la part des Àmphictyons, qui
composaient le conseil de la Grèce , un
décret solennel pour le remercier. Il fut
en même temps ordonné que, dans tou-
tes les villes où cet artiste célèbre passe-
rait, il serait logé et défrayé aux dépens
du public. Polygnole florissait vers l'an
400 avant J. C. (On dut à ce peintre plu-
sieurs améliorations dans son art. Il in-
venta entre autres choses, pour les figu-
res des femmes , des vêtemens différens
et des figures de couleurs diverses. Au
temps de Pline , on voyait à Home , dans
le portique de Pompée , un tableau où
Polygnote avait représenté un soldat cou-
vert de son bouclier et dans l'action de
monter ou de descendre les escaliers, ce
qu'on ne pouvait décider. Il avait un
grand talent pour exprimer le caractère
moral , pour les tableaux de bataille ,
d'histoire , comme celui d'Hélène entou-
rée de Troyens qui lui reprochent leurs
blessures , et des Grecs qui admirent sa
beauté; tandis que Cassandre attirait
l'attention de ces vainqueurs par la di-
gnité de son regard , et que , plus loin ,
les cadavres de Priam et des principaux
chefs troyens inspiraient l'horreur et la
pitié; au milieu de cette terrible scène ,
un enfant , saisi d'effroi et porté par un
vieil esclave , se cachait les yeux pour
ne point voir cet affreux spectacle.)
POLYHISTOR. Foyez Alexandrk-
POLYHISTOfi.
POMBAL ( Sébastien-Joseph Carva-
lhomelho-Melho , comte d'OEVRAS, puis
marquis de ), né en 1 699 d'Emmanuel de
Carvalbo, pauvre gentilhomme de Soura,
bourg de Portugal dans le territoire de
Coïmbre. Il fut envoyé dans l'université
de cette ville pour y faire son cours de
droit; maisennemi delà gène et de l'ap-
plication , et entraîné par des passions
vives, il se dégoûta bientôt de l'étude ,
et prit le parti des armes. Une taille avan-
tageuse et presque gigantesque , une fi-
gure distinguée et une force extraordi-
naire le rendaient propre à ce nouve
POiM
état ; mais dégoûté encore de cette pro-
fession , soit par inconstance , soit parce
qu'il n'avait pas été compris dans une
promotion, soit, comme on l'a écrit,
qu'il ait été obligé de quitter son régi-
ment pour des écarts de jeunesse , il se
retira à Soura. Il avait su captiver le
cœur d'une jeune dame de la première no-
blesse du royaume , nommée dona Thé-
resa deNoronha-Almada, et vint à bout
de l'épouser, malgré l'opposition des pa-
rens de cette dame. Il la perdit le 7 jan-
vier 17 39. A force d'intrigues et de sol-
licitations, il fut envoyé, en 1745, à
Vienne pour une commission secrète ,
sans être revêtu d'aucun caractère pu-
blic. S'il n'y déploya pas de grands la-
lens pour les négociations , s'il manqua
l'objet très simple et facile de sa mission,
il montra qu'il savait très bien réussir
en galanterie. Il sut plaire à la jeune com-
tesse de Daun ,• parente du célèbre ma-
réchal de ce nom , et éprouva encore des
difficultés plus grandes qu'en Portugal ,
pour contracter cette deuxième union :
il en vint cependant à bout. Après s'être
acquitté tout aussi mal d'une autre com-
mission à Londres, il retourna à Lisbonne,
où il resta sans emploi, parce que la con-
duite qu'il avait tenue à Vienne avait dé-
goûté Don Juan V de ses services. La
reine ( Marie-Anne d'Autriche}, qui avait
pris en affection l'épouse de Carvalho ,
s'intéressa vivement en faveur de l'époux
auprès du roi , sans qu'elle pût obtenir
le moindre emploi. Mais cette princesse
réussit mieux auprès de son fils , après la
mort de D.Juan V, arrivée le 30 juillet
1750. Le nouveau roi ne put se refuser
aux désirs de sa mère, et nomma d'abord
Carvalho secrétaire des affaires étrangè-
res. Il s'empara insensiblement de toute
la confiance du roi, et crut son crédit
assez bien établi pour oser s'opposer au
mariage de la princesse héritière pré-
somptive de la couronne , avec don Pè-
dre , frère du roi , quoique don Juan V
eût demandé les dispenses nécessaires à
Rome ; il voulut ensuite la marier au duc
deCumberland, malgré les lois fonda-
mentales du royaume, touchant la suc-
cession à la couronne, qui excluent tout
POM
prince étranger, surtout s'il n'est pas ca-
tholique ( voyez les Révolutions de Por-
tugal par Yerlot, pag. 8); en sorte que
le mariage prémédité par Don Juan ne
fut conclu qu'en 1760. ( On peut consul-
ter sur ces faits divers les Mémoires du
marquis de Pombal, 1783, 4 vol. in-12 ;
et les Anecdotes du ministère de Sé-
bastien Joseph Carvalho, Varsovie,
1783, avecl'épigraphe: Quo magis so-
cordiam illorum irridere libet qui pres-
senti potentia credunt extingui passe
etiam sequentis œvi memoriam. ( Tac. ,
Annal. , livr. 4. ) Tant que la reine-mère
fut en vie , Carvalho fit quelques efforts
pour cacher son caractère ; mais après
kmort de cette vertueuse princesse , ar-
rivée le 14 août 17 54, il crut pouvoir
tout entreprendre, et ne mit plus de bor-
nes à son orgueil et à son avarice. L'illus-
tre famille de Tavora ayant refusé l'al-
liance de son fils, il résolut de l'exter-
miner avec la principale noblesse de
Portugal. Il fit construire un grand nom-
bre de prisons qui furent bientôt remplies
de tous ceux qui pouvaient lui porter
ombrage. Pendant que la noblesse et le
peuple tremblaient à l'aspect de ces hor-
reurs , le roi de son côté était dans des
crises continuelles au récit des préten-
dues conjurations dont Carvalho ne ces-
sait de lui figurer la réalité. Sans parler
des plus illustres personnages du royaume
qui périrent sur l'échafaud , une multi-
tude incroyable de personnes de tout
état et de tout âge furent saisies , enfer-
mées dans des cachots ou envoyées en
exil, comme autant de complices d'un
crime qui n'eut jamais d'existence que
dans la tète du ministre. « Plaisante con-
» spiration » ( dit un auteur qui a écrit
impartialement sur cette matière } ,
'< unique à coup sûr dans l'histoire de
» tous les siècles ! ourdie tout à la fois
» par des capucins, des marchands , des
» nobles, des militaires, des évêques,
*) des jésuites existansà Goa , au Brésil ,
» à Lisbonne -, des Allemands , des Hon-
w grois, des Polonais, des Italiens, des
» Portugais , etc. S'il ne fut jamais de
» mensonge plus atroce et plus ensan-
>' glanté , il n'en fut pas non plus de
POM i5
» plus grossier et de plus ridicule. »
( F'oyez Avkiro , Tavoba , Michel dell'
Annunciata , Malagrida, etc. ) Pour
mieux cimenter son gouvernement, Car
valho abolit le tribunal qu'on nommait le
Jugement delà Couronne royale, com-
posé de vingt-quatre juges auxquels
étaient attribuées les causes des grands
du royaume, et lui substitua celui de
V Inconfidence , qui n'était composé que
de six sénateurs choisis par le ministre ,
devenu quelque temps après comte
d'Oeyras, grand-maître de la cour et mar-
quis de Pombal. Sa puissance était telle,
que toute plainte, toute réclamation était
étoufiëe par le sentiment de la terreur.
« Qui croirait » ( dit l'abbé Garnier ,
dans V Oraison funèbre du roi, prononcée
à Lisbonne en 1777 ), « qu'un seul hom-
» me, en abusant de la confiance et de
» l'autorité d'un bon roi, pût, durant
» l'espace de vingt ans, enchaîner toutes
» les langues, fermer toutes les bouches,
» resserrer tous les cœurs, tenir la vérité
» captive, mener le mensonge en triom-
» phe, effacer tous les traits de la jus-
« tice , faire respecter l'iniquité et la bar-
» barie, dominerl'opinion publique d'un
» bout de l'Europe à l'autre ? Hélas ! que
» les ressources du crime sont redouta-
» blés , et son pouvoir étendu ! » Tandis
que tout le royaume était en deuil , le
ministre déployait un faste et une opu-
lence qui contrastaient étrangement ,
non seulement avec la situation de ce
qu'il y avait de plus grand dans le royau-
me, mais encore avec celle des affaires
publiques. Quoique tous les biens de ceux
qu'il fit condamner fussent confisqués,
l'état était obéré , les troupes mal entre-
tenues et mal payées. Les Espagnols se
seraient emparés facilement de tout le
Portugal pendant la guerre de 1762 , s'ils
ne s'étaient pas amusés aux sièges de Mi-
randa et de Bragance. Ils prirent ces p la-*
ces, et Alméida, qui était d'une plus
grande importance , parce qu'elle leur
ouvrait le chemin de Lisbonne; mais sur
ces entrefaites , la paix se fit. Carvalho
la fit servira de nouvelles vues d'ambition
et de vengeance : « Le règne de ce mi-
)> nistre ( dit un voyageur philosophe )
i6 POM
» dura trop pour une nation opprimée ,
» qui traînait avec douleurun joug de fer.
» Les années qui suivirent ressemblèrent
» toutes à celles qui avaient précédé : il
» ne se départit jamais de ce despotisme
» odieux dont il s'était fait un système.
» Ce fut toujours le même mépris
» pour la noblesse ; et ce qui ne paraît
» pas croyable , c'est qu'il ne lui était pas
«permis d'entrer au service. Celte permis-
» sion, constamment refusée aux ])erson-
» nés de condilion,n'est accordée qu'aux
V flatteurs ou aux amis du ministre : ses
» créatures et les étrangers obtiennent
» seuls les distinctions militaires. Si le
» peuple jouit de quelque apparence de
« liberté, c'est qu'il sait concentrer sa
» douleur et qu'il se tait. Sur lespluslé-
» gers indices , sur les moindres soup-
» çons, plus souvent encore sans soup-
ȍons, saus indices, par humeur, par
M antipathie, lesproscriptions continuent
» et frappent les têtes les plus respecta-
» blés. Le Portugal est couvert de deuil
» et en proie à la désolation. Les prisons
u ne suffisent plus ; les personnes que la
» force comdamne à être privées de leur
M liberté , iront en Afrique ou dans les
» Indes en pleurer la perte , etc. » ( Dis-
cours sur l'Histoire , etc. , par le comte
d'Albon. ) Le moment de la mort du roi ,
arrivée en 1777 , fut celui de la chute du
ministre , et cette chute, trop lente pour
le bonheur des peuples , leva le voile
qu'une faction assez, connue avait jeté
sur tant d'excès pour en cacher la réalité.
Le discours que les ordres de l'état adres-
sèrent en 177 7 à la reine, et que cette prin-
cesse envoya elle-même au pape Pie VI ,
imprime le sceau de la vérité sur ce que
nous avons rapporté dans cet article.
« La Providence ( y est-il dit entre autres
» choses) avait destiné Y. M. à être la
» rédemptrice de ce royaume, en l'or-
i> nant de toutes les qualités nécessaires
» pour remplir les devoirs d'une dignité
» si élevée; le sang dégoutte encore de
)) ces plaies profondes qu'un despotisme
» aveugle et sans bornes a faites au cœur
» du Portugal. Ce qui nous console , c'est
» que nous en sommes actuellement dé-
» livrés. C'était ce despotisme affreux ,
POM
» qui était par système reonemi de
» l'humanité , de la religion , de la li-
» berté , du mérite et de la vertu. Il peu-
» pla les prisons, il les remplit de la fleur
» du royaume; il désespéra le peuple par
)> ses vexations , en le réduisant à la mi>
» sère. C'est lui qui fît perdre de vue
» le respect dû à l'autorité du souverain
» pontife et à celle des évêques. Il oppri-
» ma la noblesse, il infecta les mœurs, il
» renversa la législation , et gouverna
w l'état avec un sceptre de fer. Jamais le
» monde ne vit une façon de gouverner si
» lourde et si cruelle. Eh ! que fait la Pro-
» vidence?Elle fait disparaître l'illusion
» qui tendit des pièges à la piété du roi
» défunt, et oppose au grand nombre de
» ces désordres exécrables les vertus de
» V. M C'est de cette source que dé-
» riventles dispositions sérieuses du gou-
» vernement actuel;... l'élargissement
» des prisonniers, la justification des
» innocens , la réintégration des dépo-
)) ses et des exilés. C'est cette mêmePro-
» vidence qui préserva miraculeusemnnt
» V. M. contre les chocs réitérés qui ré-
» duisirent le Portugal à la consternation
)) la plus déplorable. Son bras tout-puis-
« sant anéantit de puissans stratagèmes ,
» afin que V. M. eût pour époux l'auguste
» monarque qui nous gouverne actuel le-
» ment.... Enfin la Providence préserva
w V. M. de plusieursattentatset d'infâmes
» machinations formées contre la légiti-
» mité de son droit. Pour faire le coup
j» d'état qui produisit notre bonheur,
» nous n'avions d'autres armes que les
» prières des gens de bien et celles du
» royaume, qui fléchirent enfin le ciel
» en notre faveur, etc., etc. » A celte
heureuse époque, les fatales prisons s'ou-
vrirent. On vit sortir de dessous terre, et
reparaître parmi les vivans, huit cents
personnes qui avaient disparu , et que
l'on croyait mortes depuis long-temps.
C'était le reste d'environ neuf mille, que
le ministre avait enlevées à l'état. Elles
furent accueillies avec des transports de
joie , qu'on sent mieux qu'on ne peut les
exprimer. Le procès des prisonniers et des
suppliciés fut revu par ordre de la reine,
et discuté long-temps avec toute la ri-
POM
gueur possible. Le conseil d'état et les ju-
ges députés pour cet examen , s'étant
assemblés le T avril 1781 ( les Mémoires
disent la nuit du 3 au i ; peut-être ce 4
est-il devenu un 7. Voyez le Journ. Hist.
et lut. 15 octobre 1784, p. 268 ), au
palais royal pour la dernière fois , et
après avoir fait jusqu'à trois heures du
matin la plus longue et la plus sérieuse
discussion de celte affaire , décidèrent
« unanimement , et déclarèrent que
» les personnes , tant vivantes que mor-
» tes , qui furent justiciées ou exilées,
» ou emprisonnées en vertu de la sen-
» tence du 12 janvier 1759 , étaient tou-
» tes innocentes du crime dont on les
» avait accusées. « On s'étonnera sans
doute qu'on ait laissé vivre un tyran qui
avait si long-temps opprimé la nation,
et qu'on ne l'ait pas sacrifié à la vengeance
publique; mais on doit se souvenir de
l'ascendant qu'il avait eu sur l'esprit du
roi son maître. On ne peut douter qu'il
n'ait eu la précaution de se munir de
toutes les pièces capables de le justifier,
et de faire retomber sur la personne de
son souverain les cruautés dont il ne pré-
tendait être que l'instrument et l'exécu-
teur. Non content de menacer qu'il se jus-
tifierait à ses dépens, il osa le faire en effet
dansunMémoirecivil,qui fut aussitôtsup-
primé. Ce n'est donc pas sans raison que
par respect pour la mémoire du roi son
père,',la reine a abandonné le scélérat à ses
remords, et l'a laissé tranquillement des-
cendre dans le tombeau. A cette consi-
dération il faut joindre les efforts du parti
philosophique et ceux d'un autre parti
également intrigant et puissant, pour
intéresser en faveur du niinistre dis-
gracié une cour voisine, a qui, du moins
alors, l'excès de ses forfaits n'était pas
sufiSsamment connu , ou qui , par des rai-
sons politiques , croyait devoir empêcher
l'éclat de sa punition. Il mourut à sa
terre , le 8mai 1782, dans sa 86* année,
près de neuf mois après le décret défini-
tif donné contre lui par la reine régnante,
le 16 août 1781 , qui portait, « qu'a-
» près avoir usé de clémence à son égard,
» elle ne se serait pas attendue qu'il eût
» osé, dans un procès civil entamé contre
XI.
POM 17
» lui , produire au grand jour une dé-
» fense de sa conduite durant le cours
i> de son ministère ; que l'ayant fait in-
■» terroger et entendre sur différens
)) chefs d'accusation , loin de s'en purger,
» il les avait tellement aggravés, qu'a-
» près un mûr examen , les juges décidè-
» rent qu'il était criminel , et méritait
M une punition exemplaire. Que cepen-
» dant, ayant égard à son âge fort avancé,
M son bon plaisir royal était de l'exemp-
« ter de la punition corporelle qui lui de-
» vait être infligée, et de lui ordonner
» de se tenir éloigné de vingt milles de la
» cour, laissant néanmoins dans leur en-
j) tier toutes les prétentions légales et jus-
» tes contre la maison dudit marquis,
» soit durant sa vie , soit après son dé-
» ces. » Quoi qu'il en soit des causes hu-
maines qui ont concouru à laisser mourir
Carvalho dans son lit, on ne peut qu'a-
dorer celles de la Providence, qui punit
quelquefois avec éclat des coupables or-
dinaires , tandis qu'elle tarde à frapper
les monstres , et qui souvent à des peines
manifestes substitue des tourmens secrets
d'une impression plus longue et plus vi-
ve. CromAvel teint du sang de son roi,
n'est-il pas mort au faîte de sa puissance?
mais ignore-t-on quel enfer il porta avec
soi ? ( Voyez son article. ) Et Carvalho
put-il goûter au milieu des emprisonne-
mens et des massacres qui désolaient la
capitale et les provinces , un moment de
sécurité et de paix ? Le glaive de la ven-
geance divine et humaine n'était-il pas
sans cesse présent à ses yeux et suspen-
du sur sa tête? Ceux même qui, au mo-
ment de sa disgrâce, le dévouaient à la
mort, conviennent que son supplice a
été mieux assorti k ses délits. Que le fer
termine les excès d'un scélérat ordinaire;
pour un tyran glorieux l'humiliation est
le comble du châtiment. Aman sentit
plus vivement que la mort l'obligation
de promener Mardochce en triomphe par-
mi les rues de la capitale de l'empire de
Perse... Qu'on juge de l'agitation de cette
âme altière et féroce , en voyant ses en-
nemis écrasés , reparaître , par une es-
pèce de résurrection , dans toute la gloi:
re de l'innocence et de la considération
3.
i8 POM
publique; publier les arrêts prononcés
en leur faveur, qui étaient autant de ma-
nifestations de ses iniquités ; sortir de ses
mains les sommes immenses que sa rapa-
cité avait amassées par les voies les plus
iniques , et dont la justice ordonna la res -
titulion(l); un peuple entier s'achar-
ner à l'abolition de son médaillon , le
charger d'ordure , et enfin le détruire
avec tous les transports qu'inspire la dé-
livrance après la plus morgante oppres-
sion. Ce genre de tourment, suivi de
l'exil et d'une longue infirmité , d'une
lèpre humiliante et dégoûtante, est bien
propre à absoudre la Providence des repro-
chesquedes hommes inconsidérés font à
la lenteur et au secret de ses opérations,
et à rappeler à l'esprit du lecteur philo-
sophe ces beaux vers de Claudien :
Scpe milii dubium traxit sentnntia mentcm ,
Curarent Supcri terras , an duIIus inesset
Bi'ctor , et incerlo fluerent morlalia casii.
Abstulit hune tandem RuGni poena tuinullum ,
AbsoUitque Dcos.
Quelques-uns ont cru que dans son exil ,
et durant l'espace qui s'écoula entre sa
disgrâce et sa mort, ce tyran avait tâché
d'expier ses crimes par le repentir. Ce
qu'il y a de certain , c'est que lorsque
l'évoque de Coïmbre, Michel dell' Annun-
ciata (voyez ce nom ), alla le voira sa
terre de Pombal , il le trouva à genoux
avec sa. famille au milieu de la cour , lui
demandant pardon etsa bénédiction . L'on
ne peut douter aussi qu'il n'ait été que
l'instrument de la secte philosophique et
jansénistique , qui le crut propre à pré-
luder aux opérations depuis long-temps
projetées, et dont les premières sont ex-
pliquées par les dernières. ( Il y a plu-
sieurs ouvrages sur la vie et le minis-
tère de Pombal , et entre autres celui in-
titulé : Anecdotes du ministère deSêbas-
tienJosephe-Cnrvalho comte d'Ocijras,
marquis de Pombal, 1784; un autre
ayant pour litre : Administration de dom
Sébastien- Joseph Carvalho, etc. 4 vol.
in-12, 1788, n'est qu'une apologie. )
(>) Ellet ne ie retrourérent pas toutai, s'il eat vrai,
comme il en c(t convenu lui-même, qu'il arait dépenié
800,000 ducat» pour la dettruction dm jénuites , aomnie
que d'autrn portent i 1.100,000. [VojeiXt Journ. hiil. tt
lUl., iç) juin 1739, p. sCo.J
POM
"POMER ANCEou Pomerancio ( Chris-
tophe RoNCALu), dit le chevalier dalle,
peintre italien, né à Pomérance en Tos-
cane, en 1 561 . Ayant acquis de la réputa-
tion , il fut appelé à Rome , où il peignit
au Vatican la chapelle Clémentine, et y
représenta la Punition d'Ananie et de
Sapliire. Il fit aussi des cartons pour des
mosaïques. On voit encore dans l'église
de Saint-Philippe de Néri de Naples un de
ses tableaux sur la naf/Viïe'rfe/. C. oii rè-
gne un bon ton de couleur, et où l'on re-
marque surtout la tête de la \'ierge,qui est
peinte de main de maître. Pomerancio
voyagea dans différentes parties de l'Eu-
rope. Il avait un beau coloris, une touche
légère , de l'harmonie et du clair-obscur ;
mais on lui reproche en même temps un
génie trop libre , des attitudes outrées ,
des cheveux peu naturels. Malgré ces dé-
fauts, son génie est pittoresque, et il a
mérité justement une place parmi les bons
artistes. Il mourut à Rome en 1G2G.
POMERE (Julien) Pomerius, né dans
la Mauritanie, passa dans les Gaules, et
fut ordonné prêtre , après y avoir ensei-
gné la rhétorique. Il vivait encore en 496.
C'est lui qui est auteur du livre De la vie
contemplative , ou des vertus et des vi-
ces, ouvrage qu'on a long-temps attri-
bué à saint Prosper, et qui se trouve dans
ses OEuvrcs. Saint Julien de Tolède ayant
aussi porté le nom de Pomère , quelques
écrivains l'ont confondu, mais très mal à
propos , avec Julien Pomère. Pomère de
Mauritanie vivait au 5* siècle , et l'autre
ne parut que 200 ans après,
POMET (Pierre), né à Paris en 1658,
acquit autant de réputation que de ri-
chesses dans la profession de marchand
droguiste, qu'il y exerça long-temps. Il
rassembla à grands frais, de tous les pays,
les drogues de toute espèce. Il fil les
démonstrations de son droguier au
jardin du roi , et donna le Catalogue de
toutes les drogues contenues dans son
magasin, Paris, 1695 et 1709, Il se pro-
posait de publier la description de tou-
tes les raretés de son cabinet; mais il n'en
eut pas le temps , étant mort à Paris en
1699, le jour même qu'on lui expédia
le brevet d'une pension que Louis XIV
POM
lui accorda. On a de lui un excellent ou-
vrage que Joseph Pomet, son fils, a fait
réimprimer en 1735, en 2 vol. iu-4 , sous
le titre d'Histoire gAierale des drogues.
Il avait déjà paru à Paris en 1694 , in-fol.
et les figures de celte première édition
sont plus belles que celies de la seconde.
Il a été traduit en allemand , Leipsick ,
1717, in-fol. , et en anglais, Londres,
1726, in-4.
POMEY ( François ) , jésuite , né dans
le comlat Venaissiu en 1618, fut long-
temps préfet des basses classes à Lyon ,
où il mourut en 1673. C'est .un de ces
hommes qui semblent faits pour instruire
la jeunesse parleur zèle, leur patience,
leur méthode et leurs talcns. Ses prin-
cipaux ouvrages sont : 1 " un Dictionnaire
français latin, ia-i ydonton ne se sert plus
dans les classes , depuis qu'on en a fait
de meilleurs; 2° Flos latinitatis. C'est un
bon abrégé du Dictionnaire de Robert
Etienne ; 3" Indiculus universalis , en
français-latin, Lyon, in-12, imprimé
plusieurs fois. Georges-Matthias Koning
en a donné une édition en quatre lan-
gues, Nuremberg, 1698. On en a donné
aussi une édition avec l'italien, Venise ,
1682. L'abbé Dinouart en a publié une
nouvelle édition française-latine, cor-
ripée , augmentée , et selon quelques-
uns gâtée et bouleversée, Paris, 17 56,
in-12; 4° Des Colloques scolastiques et
moraux ; b° Libitina ou Traité des funé-
railles des anciens en latin ; 6° un
Traité des particules , en français ; 7°
Paniheum mysticum , scu Fabularum
historia; Ulrecht, 1697, in-8 , avec
figures. C'est une mythologie assez
bonne , qui a été traduite en français par
M. du Manant, Paris , 1715. ^° Novus
rhetoricœ candidatus , dont le Père
Jouvenci donna en 1712 une nouvelle
édition , corrigée et augmentée, à l'usage
des rhéloriciens du collège des jésuites
de Paris.
POMIS ( David de ). Voyez David.
POMMERAYE ( Dom Jean-François ),
bénédictin de la congrégation de Saint-
Maur, né à Rouen en 1617, renonça
à toutes les charges de son ordre ,
pour se livrer entièrement à l'étude. Il
VOM 19
mourut d'apoplexie dans la maison du
savant Bulteau , auquel il était allé ren-
dre visite, en 1687, à 70 ans. L'amour
de l'étude et celui de son état étaient ses
plus grandes passions. On a de lui plu-
sieurs ouvrages pesamment écrits, mais
pleins de recherches laborieuses. Les
principaux sont : 1° V Histoire de l'ab-
baye de Saint-Ouen de Rouen , et celles
de Saint- Atnand , de Sainte-Catherine,
de la même ville , in-fol., 1 662 ; 2° 1'//^-
toire des archevêques de Rouen , in-fol.,
1667. C'est le meilleur de ses ouvrages.
3° V Histoire de la cathédrale de Rouen,
in-4 ; 4° un Recueil des conciles et sy-
nodes de Rouen , in-4, 1677/ On pré-
fère la collection des mêmes conciles
donnée par le Père Bessin. 5" Pratique
journalière de V aumône , in-12. C'est
une exhortation de donner à ceux qui
ont la charité de quêter en faveur des
pauvres.
* POMMEREUL (François Réné-Jean,
Baron de ) , officier-général et adminis-
trateur , né à Fougères le 12 décembre
1745 , d'une famille noble , entra en
1765 dans le corps de l'artillerie fen qua-
lité d'officier. Après avoir été employé au
siège de Corfou , il parvint au rang de
capitaine dans la même arme. Il était
pourvu de ce grade à l'époque oii éclata
la révolution. Partisan de toutes les in-
novations irréligieuses et politiques pro-
clamées alors , il mérita les faveurs du
nouveau gouvernement , et en 1790 il
fut envoyé à Naples pour y organiser
l'artilleriesur le mêmepiedqu'en France,
etcefutlà qu'il obtint successivement les
grades de colonel , de brigadier et de
maréchal de camp. Lorsque le gouver-
nement napolitain entra dans la coali-
tion des puissances étrangères contre la
république française en 1793 , Pomme-
reul sollicita ses passeports pour revenir
en France ; mais ils lui furent refusés ,
sous le prétexte assez plausible qu'il
connaissait l'état des forces napolitai-
nes. Mais , pendant ce temps-là , il fut
inscrit en France sur la liste des émigrés;
ses biens furent vendus , et sa famille in-
carcérée. Dès qu'il en eut la nouvelle , il
s'empressa de réclamer de nouveau , et
20 POM
dans le mois de juin 17 96 , il obtint en-
fin ses passeports. Il se rendit aussitôt
auprès du ministre de France à Florence
pour obtenir la radiation de son nom de
la liste des émigrés : ce qui lui fut ac-
cordé seulement dans le mois d'avril
1796. De retour en France il reprit du
service, et,'quoiqu'il n'ait fait aucune ac-
tion d'éclat , il parvint au grade de gé-
néral de division. Alors dégoûté de la
carrière militaire , dans laquelle il n'a-
vait pas brillé , il entra dans l'adminis-
tration, et devint préfet d'Indre-et-Loire.
Ce fut dans cette place qu'afifectant avec
la dernière inconvenance sa baine pour
tout sentiment religieux , il fit publier
ofiftciellement un almanach dans lequel
les noms des saints étaient remplacés par
ceux des pbilosopbes. Cette publication
causa un grand scandale , et , pour l'en
punir , le gouvernement le transféra
dans une des plus importantes préfec-
tures. Il passa à LilleJ, et administra ce
département jusqu'en 1810 , oii il fut
nommé conseiller d'état et peu de temps
après , lors de la disgrâce de M. Portails ,
Buonaparte lui confia la direction géné-
rale de l'imprimerie et de la librairie.
Pommereul se déshonora dansson admi-
nistration par toutes les bassesses et les
turpitudes d'une âme vile et mercenaire.
Il se vantait de n'avoir été élevé aux
fonctions qu'il occupait , que pour per-
sécuter le pape , et il s'acquitta de sa
commission avec une fidélité dont on dut
être satisfait. Privé de son emploi à la
rentrée du roi , il resta sans fonction
jusqu'au 20 mars 1815, époque à laquelle
il rentra au conseil d'état. Au second
retour du roi , il fut compris dans l'or-
donnance du 1 4 juillet , qui le força à
quitter la France : il se réfugia à Bruxel-
les , d'oii il reçut ordre de s'éloigner en
août 181G, après avoir été arrêté et gardé
à vue pendant plusieurs jours. Il obtint
dans la suite de rentrer en France , et il
est mort k Paris en 1822. Parmi les ou-
vrages qui nous restent de lui , on dis-
tingue : 1° Histoire de l'île de Corse ,
1779. L'éloge qu'il faisait dans cet ou-
vrage de la famille de Buonaparte , alors
peu illustre, a beaucoup contribué à la
POM
faveur dont il a joui constamment. 2' Re-
cherches sur l'origine de l'esclavagere-
ligieux et politique du peuple en France,
1781 ; 3° Des chemins et des moyens les
moins onéreux au peuple et à l'e'tat de
les construire et de les entretenir, 1781 ;
4° Manuel d'Epictète , pre'ce'de' des ré-
flexions sur ce philosophe et sur la mo-
rale des stoïciens , 17 83 ; 5" Réflexions
sur V Histoire des Russes , par M. Lé-
vesque , 1783 ; G" Etrennes au clergé
de France, ou. Explication d'un des plus
grands mystères de l'Eglise , 1786 :
ouvrage dans lequel le clergé est traité
avec le dernier mépris ; 7° Essais miné-
ralogiques sur la solfatare de Pouzoles ,
traduit de l'italien , 1792; i° Observa-
tions sur le droit dépasse, proposé pour
subvenir à la confection des chemins ,
1796 ; 9" Fues générales sur V Italie et
Malte , dans leurs rapports politiques
avec la république française , et sur les
limites de la France à la rive gauche du
Rhin, 1797 ; 10° Campagne du général
Ruonaparte en'Italie , 1797 ; 1 1° L'Art
de voir dans les beaux arts , traduit de
l'italien ; 12° f^oyage physique et litho-
logique dans la Campante , par Scipion
Breislak , traduit de l'italien ; i 3'* Mé-
moire sur les funérailles et les sépultu-
res ,1801. Il a aussi coopéré à l'Art de
vérifier les dates , au Dictionnaire géo-
graphique et historique de Bretagne ,
à V Encyclopédie , etc. Lalande l'avait
placé dans son Dictionnaire des athées,
et il était bien digne de cet honneur.
Pommereul joua un grand rôle dans
l'organisation du culte théophilantro-
pique.
POMPADOUR( Jeanne-Antoinette
Poisson, marquise de), était fille d'un
fermier de la Ferlé-sous-Jouare , ou ,
selon d'autres, d'un boucher des Inva-
lides, qui fut accusé de malversations,
condamné et obligé de prendre la fuite.
Kéeenl722,ellereçutde sa mère une édu-
cation soignée ; elle était mariée à ftl. Le-
normand l'Elioles , quand elle succéda ,
auprès de Louis XV , à la faveur de ma-
dame de Chàteauroux. Elle fut créée mar-
quise de Pompadour en 1746, et jouit
d'un grand crédit. Elle mourut , en 17G4,
POM
à 44 ans, après avoir vu sa faveur en
durer 20. On a publié après sa mort : 1°
ses Mémoires, 2 vol. in-8 , 1765. Dans
ce livre, on la fait l'arbitre de la guerre
et de la paix, et le mobile de la dis-
grâce ou de la faveur des ministres et
des généraux. Il est certain qu'elle avait
dans tout cela une très grande influence.
(Mais cet ouvrage est apocryphe. Les
Mémoires historiques et anecdotes de la
coiir de France pendant la faveur de
la marquise de Pompadour, ouvrage
conservé dans le portefeuille de la ma-
réchale d'Estrées, Paris , 1802 , in-8, pu-
blié par Soulavie , paraissent tirés d'une
source plus authentique.) 2° Des Ze^fre^,
3 brochures in-8 , beaucoup mieux écri-
tes que ses Mémoires , mais qui ne sont
pas plus d'elle que ce dernier ouvrage.
L'auteur des lettres l'a peinte assez au
naturel. On la voit ennuyée et malheu-
reuse au sein de la grandeur. Voyez Cré-
BiLLON (Claude-Prosper ). (M. A. A. Bar-
bier, Dictionnaire des anonymes, 2* édi-
tion , attribue cet ouvrage à M. de
Barbé-Marbois. M. Crawfurd a livré au
public \e journal d'une femme de cham-
bre { madame du Hausset)de madame la
marquise de Pompadour dans ses mé-
langes ^histoire et de littérature, Paris,
1809, in-4. Ce journal a été réimprimé
dans la collection des mémoires sur la
Révolution chez les frères Baudoin . On y
a trouvé beaucoup de détails sur cette fa-
vorite et sur la vie privée de Louis XV : M.
Crawfurd tenait le manuscrit original de
M. Senax deMeithan, lequel le devait lui-
même à un ami du marquis de Marigny. )
POMPÉE LE Grand ( Cneïus Pompeïus
Magnus), fils de Pompée Strabon et de
Lucilia, d'une famille noble , naquit l'an
106 avant J. C, la même année que Ci-
céron. 11 apprit le métier de la guerre
sous son père, un des plus habiles capi-
taines de son temps. Dès l'âge de 23 ans,
il leva de son chef trois légions, qu'il
mena à Sylla. Trois ans après , il reprit
la Sicile et l'Afrique sur les proscrits,
et mérita les honneurs du triomphe , l'an
81 avant J. C. Après la mort de Sylla ,
il obligea Lépidus à sortir de Rome, et
porta la guerre en Espagne contre Ser-
POM 2ï
torius. Cette guerre étant heureusement
terminée , il triompha une deuxième fois,
l'an 73 avant J. C, n'étant encore que
simple chevalier romain. Pompée fut élu
consul quelques jours après. Il rétablit ,
pendant son consulat , la puissance des
tribuns , extermina les pirates , remporta
de grands avantages contre Tigrane et
contre Mithridate , pénétra, par ses vic-
toires, dans la Médie , dans l'Albanie et
dans l'Ibérie ; soumit les Colques , les
Achéens et les Juifs, et retourna en Ita-
lie avec plus de puissance et de gran-
deur que les Romains ni lui-même n'au-
raient osé l'espérer. Ayant congédié ses
troupes , il rentra dans Rome en homme
privé et en simple citoyen. Cette mo-
destie , après la victoire , lui gagna tous
les cœurs. Il triompha pendant trois jours
avec une magnificence qui le flatta moins
que les acclamations du peuple. Sa gloire
lui fit des ennemis et des jaloux. Pour les
repousser , il s'unit à Crassus et à Cé-
sar. Tous les trois jurèrent de se servir
mutuellement. Julie, fille de César , que
Pompée épousa , fut le lien de cette
union. Ces deux grands hommes , unis
par le sang et par la politique, et sou-
tenus par Crassus , formèrent ce que les
historiens appellent le premier triurnvi-
rat , vers l'an 60 avant J. C. Ce fut la
première époque de la destruction du
pouvoir consulaire et populaire , qui
fléchit bientôt sous une autorité que le
génie , le crédit et les richesses rendaient
inébranlable. Calon vit porter ce coup
et ne put le parer ; Nous avons des
maîtres , s'écria-t-il , et c'en est fait de
la république. Pompée ayant été élu
consul avec Crassus , on voulut donner la
préture à Caton , poar contre-balancer
leur pouvoir ; mais Pompée feignit qu'il
avait paru des signes au ciel, qui de-
vaient l'empêcher d'avoir cette charge.
Ses prétentions ne s'arrêtèrent pas là ; il
voulut tenir tout de la reconnaissance
de ses concitoyens. Il avait presque triplé
les revenus de la république, et telle-
ment recalé les frontières de l'empire ,
que l'Asie mineure , qui , avant ses vic-
toires, était la dernière des provinces
du peuple romain , en occupait alors le
aa POM
centre. Cependant Pompée , par une con-
duite imprudente , se donnait un rival
redoutable , ou plutôt un maître dans la
personne de César. Il s'en aperçut, et
travailla à l'abattre. Le sénat l'ayant
nommé gouverneur d'Afrique et d'Espa-
gne, il se contenta de gouverner ces
provinces par ses lieutenans , quoique la
chose fût sans exemple , pendant qu'il
s'occupait à Rome à captiver la bienveil-
lance du peuple par des jeux et des spec-
tacles. Il en donna de si magnifiques . à
l'occasion de la dédicace d'un théâtre
qu'il avait fait construire, et dont les
ruines existent encore , qu'au rapport de
Cicéron , la pompe de l'appareil en fit en-
tièrement disparaître la gaieté. Ce théâ-
tre , le premier qui ait été bâti d'une
manière permanente, était assez vaste
pour contenir 40,000 personnes. L'an
52 avant J. C, il fut créé seul consul,
élection sans exemple , autorisée par
Caton et par le sénat , mais qui brouilla
Pompée avec César. Ils n'étaient plus
liés depuis quelque temps par les mêmes
nœuds qu'autrefois. Julie était morte,
et Pompée venait d'épouser Cornélia,
fille de Métellus Scipion, qu'il associa
à son consulat. César, pour se rendre
maître de la république, voulait en même
temps garder le gouvernement des Gau-
les, et obtenir le consulat. Le sénat, à
la sollicitation de Pompée , rendit un dé-
cret par lequel il devait être regardé
comme ennemi de la patrie , s'il ne quit-
tait son armée dans trois mois. Tel fut
le premier acte d'hostilité entre ces deux
rivaux de gloire et de puissance. Pompée
ne l'aurait peut-être jamais fait, sans
l'occasion qu'il eut de reconnaître com-
bien la plupart des Romains lui étaient
attachés. Réchappé d'une maladie , con-
tre toute espérance , il eut le plaisir de
voir toute l'Italie entière célébrer sa con-
valescence par des fêtes. Cet événement
le rendit présomptueux, et quelqu'un
lui ayant dit que si César marchait contre
Rome , on ne voyait rien qui pût l'arrê-
ter : (c En quelque lieu de l'Italie , ré-
» pondit-il , que je frappe la terre de
» mon pied , il en sortira des légions. »
César se présenta bientôt pour le com-
POM
battre ; ce Pompée , qui devait faire sor-
tir des légions par un seul mouvement
du pied, se relira de Rome avec les con-
suls , et se renferma dans Brindes , d'oîi
il passa bientôt dans la Grèce. H eut le
bonheur de mettre l'Orient dans ses in-
térêts , et forma deux grandes armées ,
une de terre et l'autre de mer. César l'y
suivit ; mais Pompée évita soigneusement
d'en venir aune action décisive. Son ad-
versaire, sentantqu'il ne pouvait l'y con-
traindre, prit la résolution de l'enfermer
dans des lignes , et en vint k bout , quoi-
qu'il eût un tiers moins de troupe». Pom-
pée , menacé des dernières extrémités ,
attaque les lignes et les force. La dé-
route de ses ennemis fut si complète,
qu'on ne doute point que la fortune ne
se fût entièrement déclarée pour lui, s'il
eût marché droit au camp de César. Ce
dernier en convenait lui-même , et disait,
en parlant de cette journée , que la vic-
toire était aux ennemis , si leur chef
avait su vaincre. Il y eut bientôt une
nouvelle bataille à Pharsale, l'an 48
avant Jésus-Christ. Dans cette journée,
à jamais mémorable , la cavalerie de
Pompée prit lâchement la fuite. (Elle
était composée de la plus brillante jeu-
nesse romaine. César connaissait sa mol-
lesse, et le soin qu'un jeune Romain
prenait de sa personne : il donna ordre
à ses soldats de les frapper à la figure.
Aux premiers coups , celte jeunesse ef-
féminée se dispersa. ) Les soldats de Cé-
sar attaquèrent Le camp du général en-
nemi, qui, découragé par la déroute
de ses troupes , se réfugia sur des hau-
teurs , d'oîi il s'enfuit par mer en Egypte,
auprès de Ptolémée. Ce monarque , à qui
il demanda une retraite dans ses états ,
chargea deux de ses officiers de l'aller
recevoir ,et de le poignarder à l'instant.
Le grand et malheureux Pompée passe,
accompagné de peu de soldats et de do-
mestiques , dans la chaloupe qui devait
le porter à terre. Mais aussitôt Achillaset
Septimius , c'étaient les noms des deux
officiers, le tuèrent, à la vue de sa
femme , qui le conduisait des yeux , du
vaisseau oîi ill'avait laissé. Son corps de-
meura quelque temps sans sépulture sur
POM
le bord de la mer. Un de ses affranchis et
un de ses anciens soldats le brûlèrent, sui-
vant l'usage des anciens, et couvrirent
ses cendres d'un petit monceau de terre.
Tel fut le tombeau du grand Pompée. Cé-
sar, h qui on porta sa tête , versa des lar-
mes sur son sort, et lui fit élever un tom-
beau plus digne de lui. Mais il y a lieu de
douter que ces larmes aient été sincères.
(Ployez CÉSAR.) On a remarqué que la
fortune de Pompée et sa longue chaînede
victoires finirent après la démarche im-
prudente qu'il fit d'entrer dans le temple
de Jérusalem , de se faire montrer le
trésor et ouvrir le Sancta Sanctorum.
( Voyez Crassus. )La sainteté du temple,
» dit Flave Josèphe, fut violée d'une
» étrange sorte ; car au lieu que jusqu'a-
)) lors les profanes, non seulement n'a-
}> vaient jamais mis le pied dans le sanc-
j) tuaire , mais ne l'avaient jamais vu ,
» Pompée y entra avec plusieurs de sa
» suite. » Cependant, il faut rendre jus-
tice au généreux Romain; ces trésors
qui tentèrent Crassus , Pompée les vit et
ne toucha à rien : exemple qui doit faire
rougir plus d'un prince chrétien , qu'une
philosophie impie a travestis en spolia-
teurs des lieux saints. S'il fut digne d'en-
trer en concurrence pour la valeur avec
César , il lui fut toujours supérieur par la
pureté des mœurs et la modération des
sentimens. César voulut être le maître du
monde , et Pompée ne voulut en être
que le premier citoyen. Il fut ami con-
stant , ennemi modéré , citoyen paisible ,
tant qu'il ne craignit point de rival. Sa
vie privée offre plusieurs traits dignes
d'un sage. Son médecin lui ayant or-
donné , dans une maladie, démanger de
la grive , ses valets lui dirent qu'en été on
ne pouvait trouver cet oiseau nulle part
que chez Lucullus, qui en engraissait
chez lui. Pompée nevoulutpointqu'on al-
lât lui en demander, et dit à son médecin :
» Quoi ! Pompée serait donc un homme
» mort , si Lucuilus n'était un monstre
» perdu de mollesse et de luxure ? » Il
commanda en même temps qu'on lui ser-
vît un autre oiseau qui ne fut pas si diffi-
cile à trouver. Salluste l'a durement jugé
par cette courte sentence .- Oris probi,
POM
23
animo inverecundo. Il se peut, sans
doute, que les paroles et les dehors de
Pompée n'aient pas toujours été d'accord
avec son cœur , et qu'il n'ait pas assez
aimé la vertu pour lui sacrifier en secret;
mais il serait difficile de trouver un de
ces anciens héros qui lui eût sacrifié de
la sorte. Cicéron en parle avec plus de
justice dans la belle oraison Pro lege
Manilia. Moline a donné l'Histoire du
grand Pompée, ^aris, 1777,2 vol. in-12.
POMPÉE ( Cneïus et Sextus),fils du
précédent , avaient mis une puissante ar-
mée en campagne , lorsque leur illustre
père leur fut enlevé. Jules-César les
poursuivit en Espagne , et les défit à la
bataille de Murcie, l'an 45 avant J. C.
Cneïus y fut tué. Sextus, son cadet, se
rendit maître de La Sicile, où sa domina-
tion ne fut pas de longue durée. Il perdit
dans un grand combat sur mer la puis-
sante flotte dont il était le maître, et fut
entièrement défait par Octave et Lépi-
dus. Il passa en Asie avec sept vaisseaux
seulement , lui qui auparavant en avait
eu jusqu'à 350. L'impuissance oxi il était
de soutenir la guerre l'obligea de se re-
tirer en Arménie, où Antoine lui fit don-
ner la mort, l'an 35 avant J.C.
POMPÉE. royezlKOGVs.
POMPEI (Le comte Alexandre) , ar-
chitecte , naquità Vérone en janvier 1 705
ou 1706, étudia à Naples chez les jésui-
tes : revenu dans sa patrie, lise consacra
entièrement à l'architecture, et y montra
beaucoup de talent. Plusieurs des palais
qui décorent Vérone furent élevés sous sa
direction ; on y remarque les principes
du goût alliés à ceux de l'art. Pompei
mourut en 1772 ; il a laissé : Li cinque
ordinidé'llarchitettura M. San-micheli
descriti e pubblicati,\éroae, 1 7 55, in- fol.
* POMPEI (Jérôme ) , de la même fa-
mille que le précédent, gentilhomme de
Vérone, où il naquit le 18 avril 1 73 f, em-
brassa plusieurs études à la fois, et de-
vint en peu de temps un des hommes les
plus instruits de l'Italie. Orateur , philo-
sophe, théologien et poète , il acquit une
grande réputation. Il cultiva néanmoins
plus particulièrement la poésie, et mou-
rut le 4 février 1788. On cite de lui les
24 POM
ouvrages suivans: i° Canzoni pastorali,
con alcuni IdilUi di Teocrito e di Mosco,
tradotti in ver si italiani , Vérone , 1764,
in-8 , dédiées au cardinal Albani ; 2°
Nuove Canzoni pastorali , odi,sonetti,
traduzzioni , etc. , Vérone , 1 7 7 9 ; 3° Les
vies des hommes illustres de Plutarquc,
traduites en italien, ibid. , 1773 , 4 vol.
in-4, Naples, 1784 ; \° Ipermenesira , tra-
gédie, 1767; CaZZiWioe, tragédie, 1769,
etc. (La vie de Pompéi a été écrite en la-
tin parle Père Fontana, Vérone, 1790 ,
et insérée dans le tom. 6 du Fitœ Italo-
rum de Fabroni. Son Eloge en italien
par H. Pindemonte se trouve dans le Jour-
nal de Pise, tom. 7, p. 272.)
POMPÉI A-, troisième femme de Ju-
les-César , fille de Q. Pompée , fut mariée
à ce héros après la mort de Cornélie ;
jnais son époux la répudia bientôt après.
11 la soupçonnait d'avoir eu commerce
avec Clodius , qui s'était glissé en habit
de femme, pendant les cérémoniespubli-
ques de la fête de la Bonne-Déesse. On
voulait engager César de déposer contre
elle; il le refusa, en disant quHl ne la
croyait point coupable ; cependant , par
une inconséquence digne de ces temps
ténébreux , il la renvoya, sous le ridicule
prétexte que la femme de César (le plus
luxurieux des Romains {ne devait pas seu-
lement être exempte de crimes, mais
même de soupçon.
POMPÉIEN. Foyez Lucillk.
* POMPEIOLEOINIS, célèbre sculp-
teur itulien, naquit en là38, et après
avoir acquis un renom dans l'Italie , vint
en Espagne, où l'appela Philippe II.
Pompeio orna le maître-autel de l'église
de l'Escurial de quinze statues et d'un
cruct/îx qui font l'admiration de tous les
connaisseurs : ce sont ses plus beaux
ouvrages. Il mourut vers 1605.
''POMPIGNAN( Jean -Georges de).
VoyezfVkKVC (Le) dePompignan. VAmi
de la religion nous a indiqué dans sou
n" 2088, page 468, où il rend le compte
le plus avantageux de notre édition , une
inexactitude commise par Feller : nous
ne l'avons point réparée, car elle nous
avait échappée. Nous nous empressons
de répondre à son désir et au besoin que
POM
nous avons de rendre notre édition aussi
bonne que possible. L'article de Feller
reproduit un jugement âpre et injuste de
l'abbé Barruel sur ce prélat : nous indi-
querons la réponse que l'abbé Emery a
faite à l'abbé Barruel ; elle se trouve dans
la préface des Lettres à un e'vêque par
M. de Pompignan. Ce savant et pieux
ecclésiastique repousse les reproches qui
avaient été adressés à ce prélat. Voici le
plus grave. La constitution civile du
clergé menaçait la France d'un schisme.
Le 10 juillet 1 790 le pape Pie VI envoya
à l'ancien archevêque de Vienne une bulle
où il blâmait les nouveaux décrets pt où
il l'engageait à détourner le roi d'y don-
ner la .sanction : le même jour il avait
écrit dans le même sens à M. deCicé,
archevêque de Bordeaux, et à Louis XVI.
Cependant le roi sanctionna la constitu-
tion civile du clergé le 24 août. Ce n'est
pas seulement l'abbé Barruel qui a blâmé
la conduite que tint dans celte circon-
stance M. de Pompignan • l'évêque de
Blois, M. de Thémine dans son ordon-
nance de 1791, et M. l'abbé N.-S. Guillon
dans sa collection des brefs du St. Siège,
tome l*"", page 38, parlent de ce prélat
avec sévérité. Nous renvoyons ceux qui
voudront étudier cette question, à la
Notice qu'a donnée M. l'abbé Emery à la
tète des Lettres à un êvêque par M. de
Pompignan. Ce qu'il y a de certain, c'est
que c'est le 24 aoiit que fut apposée la •
signature du roi au bas de la constitution,
et que, dès le 17 du même mois , M. de >
Pompignan n'assistait plus au conseil , j
retenu chez lui par la maladie qui le
conduisit au tombeau ; c'est que M. de
Pompignan répondit au pape et lui promit
de faire ce qui était en lui pour secon-
der ses vues. Le bref de Pie VI ne fut pas
publié : faut-il l'attribuer à une rései-ve
commandée par les circonstances , ou aux
ordres même du roi ? c'est ce que nous ne
nous permettrons pas de décider. Foyez
une Notice sur ce prélat dans les Mémoi-
res pour servir à P histoire ecclésiastique
pendant le 1 8* siècle. VAmi de la reli-
gion-parle d'une Notice plus étendue;
mais elle est encore inédite. Nous don-
nons ici la liste dés ouvrages de M. de
POM
Pompignan : 1° Une Instruction pasto-
rale aux nouveaux convertis de son dio-
cèse, Montauban, 17. M; c'est un ouvrage
de controverse , court , mais solide ; 2°
Questions sur V incre'dulité, 1 7 53 , in- 1 2;
l'auteur y traite cinq questions. Cet ou-
vrage, un des premiers qui parurent
contre la philosophie naissante, est plein
de sens et de modération. 3" Le ve'rita-
ble usage de V autorité séculière dans les
matières qui concernent la religion,
17.53, in-12. C'est une défense des droits
de l'Eglise contre les entreprises du par-
lement. 4° La dévotion réconciliée avec
Fesprit, 1754, 7 vol. in-12, souvent ré-
imprimé ; 5° Controverse politique sur
l'autorité de l'Eglise, ou Lettres de M.
D. C. à M. Vévêque du Puy, avec les
réponses de ce prélat, 1757, in-12.
Cette controverse fut provoquée par les
Questions sur l'incrédulité. H y a deux
lettres sous le nom d'un ministre pro-
testant , avec les deux réponses du pré-
lat. Grillet nous apprend que l'ouvrage
est du chanoine Favre d'Anncci , sous le
nom du ministre des Certolz. 6° Vincré-
dulité convaincue par les prophéties,
1759, 3 vol. in-12; 1° Instruction pas-
torale sur la prétendue philosophie des
incrédules modernes, 1764 , 2 vol. in-12;
8° Instruction pastorale sur l'hérésie,
17G6 , in-4. 11 y eut une Lettre à l'évê-
que du Puy sur cette instruction ; cette
Lettre, 17tJ6, 80 pages in-12, est une ré-
clamation en faveur des appelans; 9°
Défense des actes du clergé, concernant
la religion, 17 69; c'est une réponse au
réquisitoire violent de M. de Castillon ,
avocat-général à Aix; 10° La religion
vengée de V incrédulité par l'incrédulité
elle-même, 1772 , in-12 ; 11° les Lettres
à un évêque sur divers points de morale
et de discipline, 1802, 2 vol. in-8 ; cet
ouvrage posthume a été publié par le
sage abbé Emery, qui y a joint la Notice
dont nous avons parlé sur la vie du pré-
lat. L'éditeur annonce qu'il existe, en
manuscrit, un Traité dogmatique et mo-
ral sur le jugement dernier et la résur-
rection des morts, et un assez grand
ouvrage sur les jésuites. M. de Pompi-
gnan avait écrit au roi , le 16 avril 1762,
POM 25
une lettre en faveur de ces religieux. On
pourrait joindre des Z^àcour.y prononcés
en différentes occasions : par exemple, les
Oraisons funèbres de la Dauphine en
1747, et de la reine Marie Leczinska,
en 1768 ; des Mandemens, et des Rap-
ports faits dans les assemblées du clergé.
POMPOINACE ou POMPON Azzi (Pierre),
en latin Pomponatius, né dans la ville de
Mantoue en 1 462, était de si petite taille,
qu'il ne s'en fallait guères qu'il ne fût
un nain. Mais la nature avait réparé
ce défaut en lui accordant beaucoup d'es-
prit. Il enseigna la philosophie à Padoue
et en plusieurs autres villes d'Italie, avec
une réputation extraordinaire. Son livre
De immortalitate animée , en 1534, in-
12, dans lequel il soutient qu'Aristote ne
la croit point, et que l'on ne peut la
prouver que par l'Ecriture sainte et par
l'autorité de l'Eglise, fui vivement atta-
qué. La première assertion pouvait être
vraie, et l'on comprend que l'autorité du
pédagogue grec est peu de chose en cette
matière {voy. Orégius ) : mais la seconde
est dangereuse et fausse ; car quand tout%
autre preuve philosophique manquerait à
ce dogme , les notions de morale, 1 idée
ineffaçable du vice et de la vertu, en for-
meraient une démonstration complète.
Cependant le cardinal Bembo , qu'on prit
pour arbitre dans cette affaire , tâcha de
lui donner un tour favorable, et Pompo-
nace obtint une nouvelle permission de
publier son livre. Il trouva alors des apo-
logistes ; mais il lui resta encore beau-
coup d'adversaires. Théophile Raynaud
prétend que son ouvrage deV immortalité
de l'âme fut jngé digne du feu par les Vé-
nitiens , et qu'il fut désavoué par son pro-
pre père. Le cinquième concile de Latran
le condamna. Il paraît que , non content
de rejeter les preuves naturelles d'uue
vérité aussi consolante que parfaitement
assortie à toutes les notions humaines,
Pomponace voulait mettre une espèce
d'opposition entre la foi et la raison,
deux choses qui, dans un bon esprit, sont
toujours d'accord. Un auteur protestant
a depuis renouvelé cette erreur. {Voyez
HoFFMAN Daniel. ) Son livre des enchan-
temens n'excita pas moins de rumeur. On
4-
5.6 POM
le mil à Vindex. L'auteur veut y prou-
ver que ce qu'on dit de la magie et des
sortilèges ne doit aucunement être attri-
bué au démon. Mais, en même temps
qu'il combat la magie , il donne un pou-
voir fort étrange aux astres ; il leur attri-
bue tous les effets miraculeux , et en fait
dépendre les lois et la religion. Telle est
l'inconséquence de l'esprit humain aban-
donné à lui-même, que rejetant des vé-
rités reconnues , il les remplace par les
fruits d'une imagination inquiète et éga-
rée. On place la mort de Pomponace en
1525 , à 63 ans. Elle fut causée par une
rétention d'urine. Il s'était fait cette épi-
taphe , qui marque assez bien son esprit
flottant, bizarre et capricieux : Hic se^
pultusjaceo. Quare ? nescio , nec si scis,
aut nescis, euro. Si vales , bene est .- vi-
vens valut. Fartasse nunc valeo ; si, aut
non, dicere nequeo. Quoiqu'une foule d'é-
crivains catholiflues et protestans l'aient
accusé d'irréligion, on assure qu'il fit une
fin très chrétienne, son incrédulité étant,
comme chez beaucoup d'autres, plus
^ans sa bouche et dans sa plume que dans
son esprit. Les ouvrages philosophiques
de Fomponace furent recueillis à Venise,
en 1625, in-fol., sous ce titre : Pétri
Pomponatii opéra omnia philosophica.
Cette édition est rare.
POMPONE. Foyez Arnauld.
POMPONIUS-ATTICDS. Foyez
Atticus.
POMPONIUS-MELA , géographe de
Mellaria, dans le royaume de Grenade,
est auteur d'une géographie intitulée 2?e
situ orbis , en trois livres. Cet ouvrage
est exact et méthodique. L'auteur a su le
rendre agréable par plusieurs traits d'his-
toire. Plusieurs savans, entre autres Vos-
sius et Gronovius , l'ont enrichi de notes.
La première édition est de 1 47 1 , in-4. Les
meilleures sont celles de Lcyde, 164G,
in- 12 ;de Gronovius, 1722 , in-8 , qui se
joint aux éditions cum notis variorum.
On en a encore une de Leyde, 1748 , 2
vol. in-8 , et une de 1761 , in-4. (E. P.
Fadim en a donné une autre fidèle et
qui ne manque pas d'élégance. Il y a
joint des notes qui forment une géogra-
phie comparée des temps anciens et mo-
POM
dernes. ) Ce géographe florissait dans le
premier siècle de l'Eglise. ,
POMPONIUS L^TUS ( Julius) ,
nommé mal à propos Pierre de Calabve ,
naquit , en 1 435 , à AmenDolara , dans la
haute Calabre. Il vint de bonne heure à
Rome, où ses talens le firent distinguer;
mais ayant été accusé avec d'autres sa-
vans d'avoir conjuré contre le pape Paul
II , il se retira à Venise. Après la mort du
pontife , il revint à Rome. Il eut dans
cette ville un grand nombre de disciples,
et ses leçons étaient tellement suivies,
qu'elles commençaient au point du jour ;
on venait souvent à minuit pour retenir
une place. Sixte IV et Innocent VIII ap-
préciaient ses talens. Cependant on l'ac-
cusait de vivre en philosophe suspect
d'impi^'té et d'athéisme. Il était enthou-
siaste de l'ancienne Rome. Une lisait que
les auteurs de la plus pure latinité, dédai-
gnant l'Ecriture et les Pères. Il célébrait
la fête de la fondation de Rome , et avait
dressé des autels à Romulus. Dans la cha-
leur de son zèle pour le paganisme , il
disait que la religion chrétienne n'était
faite que pour des barbares. « Cela était
» vrai , dit un auteur, dans le sens qu'elle
» a instruit tous les barbares de la terre ,
» qu'elle les a soumis à ses lois , et rendus
» heureux par des mœurs douces et par les ,
» consolations de la foi. » Les lumières de
la grâce ayant dissipé les ténèbres de sa
philosophie, il mourut chrétiennement,
en 1495, à 70 ans , à l'hôpital, où son
indigence l'avait fait porter dans sa der-
nière maladie. On lui donne aussi le nom
de Julius Pomponius Sabinus, et de
Pompitius Fortunatus. On a de lui : 1°
un Abrégé de la vie des Césars , depuis
la mort des Gordien jusqu'à Justinien
III, 1588, in-fol. ; 2° un livre De exortu
Mahumedis , dans un recueil sur ce su-
jet , Râle , 1 533 , in-fol , ; 3° un autre Des
magistrats romains, in-4 ; 4" De sacer-
dotiis , de legibus , ad M. Pantagathum ,
in-4 ; 5° De Romance urbis vetustate ,
Rome ,1515, in-4 ; 6° P^ita Statii poetce
et palris ejus ; De arte grammatica^
Venise, 1 484, in 4 ; 7° des éditions de Sal-
luste, de Pline le Jeune, et de quelques
écrits de Cicéron ; 8° des Commentaire^
PON
sur Quintilien, sur Columelle et sur Vir-
gile, etc. Sabeliius, son disciple, a écrit
sa Fie.
PONA (Jean-Baptiste), mort à Vé-
rone sa patrie en 1588 , à la fleur de son
âge, est auteur P d'un ouvrage criti-
que qui a pour titre : Diatribe de rébus
philosophicis , Venise , 1 590 ; 2" de Poé-
sies latines ; 3° d'une pastorale intitulée
il Terrino , etc. — 11 ne faut pas le con-
fondre avec Jean PoKA, son frère, habile
botaniste , apothicaire de Vérone, dont
on a : 1" Plantée quce in Baldo monte
et in via a Ferona ad Baldum reperiun-
fur, Vérone, 1595, in-4;et dans l'His-
toria rarioruni stirpiuni de Charles de
l'Ecluse, Anvers, 1901, in-fol. Cet ouvrage
a été traduit en italien , et a paru sous le
titre de Monte Baldo descritto , Venise,
1617, iu-4 ; 2° Del vero balsamo degli
antichi , Venise , 1 623 , in-4.
POJNA ( François } , né à Vérone en
1594 , y exerça la médeciDe , et mourut
vers 1652. Ou a de lui : 1° Medicina
animée, 1629, in-4; 2° La Lucerna di
Eureta Misoscolo , 1627, in-4. C'est un
entretien qu'il a avec sa lampe , laquelle,
suivant les principes des pythagoriciens,
était animée d'une âme qui avait passé
par plusieurs corps. 3° Saturnalia ,1632,
in-8 ; 4" VHormondo, 1635 , in-4 : c'est
un roman ; 5° La Messalina , in- 4 ,
autre roman; 6° des Tragédies et des
Comédies ; 7° La Galleria délie donne
celebri, 1641, in-12; 8° V Adamo, poema,
1664, in-16 ; 9" Dclla contraria forza
di due begli occhi, in-4, etc.
POJNCE DE Lazare, gentilhomme du
diocèse de Lodève, dans le 12^ siècle,
fut long-temps le fléau de sa province
par ses brigandages et ses violences.
Touché de la grâce , il prit la résolution
de faire une pénitence aussi éclatante que
ses crimes avaient été publics. Sa femme,
charmée de son dessein , lui en facilita
l'exécution en entrant dans un monas-
tère. Après avoir vendu tous ses biens et
ses meubles , payé ses créanciers et tous
ceux à qui il avait fait tort , et donné des
exemples siuguliers d'humilité et de pé-
nitence , il alla à Saint-Jacques en Ga-
lice , avec six compagnons de ses débau-
PON 27
ches qu'il avait gagnés à Dieu , et fit ,
selon la coutume de ce temps-là , divers
autres pèlerinages. Il s'arrêta ensuite,
avec ses compagnons, dans un lieu ap-
pelé Salvanes, qu'Arnauld du Pont, sei-
gneur de cet endroit, lui donna. Ils y
bâtirent des cabanes , et le nombre des
disciples de Ponce s'étant augmenté , ils
embrassèrent la règle de Cîteaux en 1 136.
Pierre , abbé de Mazan , leur donna l'ha-
bit, et choisit Adémare, l'un d'entre
eux , pour leur abbé. Ponce ne voulut
d'autre rang que celui de frère convers ,
et mourut quelque temps après eu odeur
de sainteté.
PONCE DE LA FuENTE ( Coustuntiu ) ,
Poiitius Foniius, chanoine de Se ville,
et docteur en théologie de la faculté de
cette ville, fut prédicateur de l'empereur
Charles-Quint ; mais s'étant laissé fas-
ciner par les nouveautés du protestan-
tisme , il apostasia et embrassa ce parti ,
dont il devint un des plus ardens secta-
teurs. Il fut arrêté par ordre du saint-
office , et n'échappa au supplice que par
la mort, qu'il fut même accusé de s'être
procurée en 1559 : son effigie fut livrée
aux flammes. Ponce avait composé en
latin des Commentaire s sur l'Ecclésia&le,
les Proverbes , le Cantique des Canti-
ques, et d'autres ouvrages.
* PONCE (Pierre) bénédictin espagnol ,
né vers 1520 à Valladolid, est le premier
inventeur connu de l'art d'instruire et
de faire parler les sourds-muets. Voici à
quelle occasion lui vint l'idée de s'occu-
per de ce soin. Un certain Gaspard Bur-
gos n'ayant pu entrer dans un couvent
qu'en qualité de frère convers , parce
qu'il était sourd -muet, Pierre Ponce se
chargea de l'instruire, trouva le secret
de le faire parler , en sorte que le frère
put se confesser, et d'après l'assertion
d'Ambroise Morales (Description de l'Es-
pagne , page 38 j , il devint habile dans
les lettres , et composa plusieurs ouvra-
ges. Le même historien Morales raconte
en outre qu'il avait instruit les deux frè-
res et une sœur du connétable , ainsi
qu'un fils du grand juge d'Arragon , tous
quatre sourds-muets de naissance , et il
dit que ces élèves écrivaient non seule-
a8 PON
meut très bien une lettre ou toute autre
chose , mais qu'ils répondaient de \ive
voix aux questions que leur instituteur
leur adressait par signes ou par écrit. Ce
phénomène , qui a laissé plusieurs incré-
dules , est renouvelé maintenant en Al-
lemagne et en Suisse. M. Désiré Ordi-
naire , ancien recteur de l'académie de
Strasbourg , est parvenu au même résultat
dans l'Institut de Besançon, auquel il a
donné des soins en 1 S31 -32 : depuis celte
époque il applique sa méthode à l'Insti-
tut des sourds-muets de Paris oiisa scien-
ce, ses vertus et son zèle en font un des
pi us dignes successeurs de l'abbé del'Epée
et de l'abbé Sicard. Le père Ponce est mort
en 1584 ; il n'a rien écrit sur sa méthode
d'instruire les sourds-muets. Jean-Paul
Bonnet est le premier qui ait publié un
ouvrage sur ce sujet , intitulé : Reduccion
de las letras, y arte para en senar a
hablar los mutos, 1620, in-4.
PONCE ( Paul ) , sculpteur florentin ,
se distingua en France sous les règnes
de François II et de Charles IX. Il y avait
plusieurs de ses ouvrages aux Célestins
de Paris , qui attiraient les curieux dans
cette église, qui n'existe plus, et dont
les beaux monuraens sépulcraux ont été
défaits et dispersés.
PONCE DE Lkon ( Basile ) , canoniste
et théologien de Grenade , d'une famille
illustre , prit l'habit religieux de l'ordre
des ermites de Saint- Augustin. Après
avoir brillé dans ses études , il professa
la théologie et le droit canon à Alcala et
à Salamanque, avec une grande répu-
tation. Ses principaux ouvrages sont :
1* De confirmât ione , in-4 ; 2° De ma-
trimonio , in-fol. ; 3° De impedimentis
matrimonii, in-4; 4° Diverses ques-
tions tirées de la théologie scolastique
et de la positive , en latin ; ouvrage
plein d'érudition, etc. Ce savant et pieux
religieux mourut en 1629 à Salamanque,
où il avait été chancelier de l'université.
On lui a reproché des décisions trop peu
sévères ; mais ceux qui lui ont fait ce re-
proche n'ont pas été les hommes les
plus rigides dans la pratique. F'oyez
EscoBAR Antoine,
PONCE DK LEO» ( GoDsalve-Marin ),
PON
écrivain de Séville, contemporain du
précédent, très habile dans la langue
grecque , a traduit en latin les OEuvres
de Théophane , archevêque de Nicée ; et
le Physiologue de saint Epiphane. Ses
traductions sont aussi élégantes que fi-
dèles. On a encore de lui d'autres ou-
vrages.
* PONCELIN delaRochk-Tillac (Jean
Charles), littérateur, né le 7 mai 174G à
Dissay, bourg du Poitou, fut d'abord
chanoine à Châlellerault et à Notre-Dame
de Bellay ; il devint ensuite avocat-con-
seiller à la table de marbre dont il acheta
la finance , puis procureur cl avocat du
roi. S'étant rendu à Paris , il se fit jour-
naliste et homme de lettres. Lorsque la
révolution éclata , il s'en montra le par-
tisan zélé; en conséquence il rédigea un
petityoï/rAiaZqui eut d'abord le titre d'As-
semblée nationale, et bientôt après celui
de Courrier-Français. Celte feuille sui-
vit jusqu'au 10 août la marche de la ré-
volution française ; mais alors Poncelin
fut obligé de changer le titre de son jour-
nal et de l'appeler le Courrier Républi-
cain, titre fort opposé à son esprit; car
les rédacteurs furent condamnés à la dé-
portation comme royalistes. Poncelin créa
bientôt après un autre journal intitulé
la Gazette Française pour la rédaction
de laquelle il s'était associé M. Fiévée :
l'esprit de cette feuille royaliste l'exposa
à de nouveaux dangers. Accusé d'avoir
provoqué le rétablissement de la royauté,
la guerre civile et l'assassinat des repré-
sentans du peuple , il fut condamné à
mort le 26 octobre 1795 par le conseil
militaire de la section du Théâtre Fran-
çais. Poncelin avait trouvé le moyen de
s'échapper: il ne reparut qu'en 1797 oii
il reprit la rédaction de ses journaux. Au
18 fructidor son nom fut inscrit sur la
liste des journalistes déportes; son impri-
merie fut mise en pièces et jetée dans la
rue. Il paraît, d'après le témoignage de
M. Fiévée rapporté dans la Gazette Fran-
çaise, qu'il avait été auparavant en bulle
aux poursuites acharnées du Directoire,
et que dans l'appartement même de Bar-
ras où il avait été appelé, on l'avait ou-
tragé de la manière la plus humiliante.
PON
Quoi qu'il en soit de ce traitement que
les directeurs auraient eu l'insolence de
lui donner à titre de correction, Ponce-
lin reparut dans la capitale après la ré-
volution du 18 brumaire : il continua
pendant quelque temps de gérer la mai-
son de librairie qu'il avait établie au
commencement delà révolution. De mau-
vaises affaires le forcèrent de quitter son
commerce en 1811 ; il vint habiter une
petite maison de campagne à Ouarvilie ,
commune de Lèves près de Chartres. Pon-
celin s'était marié; il vivait dans sa famille,
retiré du monde et livré tout entier à
la lecture des auteurs grecs dont il fai-
sait ses délices , lorsqu'il mourut à l'âge
de 82 ans, le 1" novembre 1828. On lui
doit comme auteur et comme libraire :
1 ° Bibliothèque politique, ecclésiastique,
physique et littéraire , de la France ,
1781, tome l*'', in-4 ; 2° Description
historique de Paris , et de ses plus beaux
monumens, tome 2 et 3, 17 81 , in-4 (le
tome 1**" est de Bequitlet) ; 3" Conférences
sur les détails concernant les faillites.,
1781, in-12 ; 4° Y Art de nager, avec les
instructions pour se baigner utilement,
1781 , iu-8 ; 5" Supplément aux lois fo-
reslières de France, précédé d'une ana-
lyse de l'ordonnance de 1 0G3, in-4, 1 781 ;
6° Tableau du commerce et des posses-
sions des Européens en Asie et en Afri-
que , selon les conditions des prélimi-
naires de paix signés le 20 janvier 1783;
7° Histoire philosophique de la nais-
sance , des progrès et de la décadence
d'un grand royaume ou Révolution de
Taïti, 1782, 2 vol. in-12; i" Tableau
politique de Vannée 1781 , in-12; d° His-
toire des enseignes et des étendards des
anciennes nations , 1782, in-1 2 ; 10° Cé-
rémonies et coutumes religieuses de
tous les peuples du monde, 1 783 , 4 vol.
in-fol. ; 11" Superstitions orientales,
1785, in-fol.; 12" Chefs-d'œuvre de
l'antiquité sur les beaux-arts , et monu-
mens précieux de la religion des Grecs
et des Romains , de leurs sciences , etc.
1784,2 vol. in-fol. ; 13° OEuvres d'O-
vide ( traduction de divers auteurs ) ,
1798, 7 vol. in-8 ; 14° Almanach amé-
ricain, asiatique et africain, 1783 et
PON ag
années suivantes, in-12; 15° Code de
commerce de terre et de mer, ou Confé-
rences sur les lois tant anciennes que
modernes, 'i^ édiiWon, 1800, 2vol. in-12.
M. Ersch lui attribue : Choix d' anecdotes
anciennes et modernes, 180Z, h\ol. in-18.
' PONCET ( Pierre ou plutôt Mauri-
ce), (1) bénédictin de l'abbaye de Saint-
Pierre de Melun, appelé vulgairement
Saint-Per, fut un des prédicateurs sédi-
tieux du temps de Henri 111, roi de
France. Il était né à Melun , et avait em-
brassé la vie monastique dans l'abbaye
de Saint-Pierre de cette ville. Il avait
fait ses cours de théologie dans l'uni-
versité de Paris , et y avait pris le bonnet
de docteur en cette faculté. Il avait du
talent pour la chaire , c'est-à-dire le ta-
lent de ce temps , qui consistait en beau-
coup de hardiesse et en une élocutioa
facile. Il déclamait avec force et véhé-
mence contre la cour de Henri III. Il se
permit un discours fougueux et indécent
à propos de la confrérie des pénitens ,
instituée par ce prince, et de la proces-
sion de celte confrérie le 25 mars 1583 ,
jour de l'Annonciation. « Pourquoi le
w roi , sans vouloir parler à lui , disant
« que c'était un vieux fou , le fit con-
» duire dans son coche , par le chevalier
» du guet , en son abbaye de Saint-Pierre
» à Melun , sans lui faire autre mal que
)) la peur qu'il eut , en y allant , qu'on le
» jelàt dans la rivière (2). » Il en fut
quitte pour demeurer quelque temps en
retraite dans ce monastère. Il devint en-
suite curé de Saint-Pierre-des-Arcis, et
n'en fut ni plus modéré ni moin sati-
rique , à quoi le portait son caractère ,
ayant la riposte prompte et piquante (3).
Il mourut de frayeur le 23 novembre
(i) Vovrzle Journal dt» rhntei mémorables advenues durant
le règne de Henri 111, roi de France et de Pologne, elc,
tom. a, pag. 3o3.
(a) Journal susdit, loin. 1, pape Go.
(3! A propos du sermon qui Tit arrêter Poncel, le due
d'Epernon voulut le Toir, et lui dit: « Monsieur nostre
» maistre, on dit qiieious faites rire les gens à foire ser-
» mon. — Monsieur, répondit Poucet, sans s'élonuer au.
» irement.je ïcux bien que tous sarhie» que je ne presche
» que la parole de Dieu, et qu'il ue vient point à mon
» sermon de gens pour rire, s'ils ne «oui méchans ou
« alliéistes; el aussi n'en ai.je autant fait rire en ma rie
a comme vous en aT» fait pleurer, i tourna/ susdit, lom.
1, pag. 6o.
3o PON
1586 , ayant appris le supplice d'un avo-
cat nommé François Le Breton , con-
damné à mort pour avoir composé une
satire contre le roi et le parlement. Il
laissa les ouvrages suivans : 1° Livre de
Voraison ecclésiastique , avec une expli-
cation de t Oraison dominicale , ^Mis ^
1568, in-8 ; 2° Remontrance à la nO'
blesse de France ^ de r utilité et repos
que le roi apporte à son peuple , et de
Vinstruction qu'il avait pour bien gou-
verner, Paris, 1572, in-8; 3° Oraison
funèbre prononcée aux funérailles d' Eus-
tache de Con flans, vicomte d'Auchy,
Paris, 1574, in-8 ; 4» Discours de Vavis
donné à Pierre de Gondi , évêque de Pa-
ris , sur la proposition qu'il fit aux théo-
logiens, touchant la traduction de la
première Bible en langue vulgaire , Pa-
ris, 1578, in-8; 5° Méditations fami-
lières sur l'histoire de l'incarnation du
Fils de Dieu , Reims, in-8; enfin Instruc-
tion pour aimer Dieu, Paris, 1584,
iu-8.
* PONCEY ( Dom Maurice ), béné-
dictin de la congrégation de Saint-Maur,
naquit vers 1690 à Limoges de parens
pieux. L'exemple de son frère qui était
entré dans celte société le détermina à
embrasser le même état. Après avoir fait
son noviciat dans l'abbaye de Marmou-
tiers , et y avoir prononcé ses vœux le
27 mai 1705 , à l'âge de 19 ans, il fut at-
taché à l'académie bénédictine établie à
Saint-Florent de Saumur, pour le per-
fectionnement de l'instruction des jeunes
religieux. Il s'y livra à l'étude de l'Ecii-
ture sainte et des antiquités ecclésiasti-
ques, recueillit beaucoup de matériaux,
et composa plusieurs Dissertations. Une
seule a été publiée par les soins de dom
François Clément, sous ce titre : Nou-
veaux éclaircissemens sur l'origine et
le Pentateuque des Samaritains , Paris,
1760 , in-8. Les journalistes de Trévoux
en ontparlé avec éloge. Dom Poncet par-
tagea le travail de Dom Rivet sur V His-
toire littéraire de France, depuis 1723
jusqu'en 1732. H fut utile aux auteurs du
nouveau Traité de diplomatie, et ce n'est
que par la reconnaissance qu'ils lui en
tiémoignèrent qu'on l'a appris. 11 est
PON
mort à l'abbaye de Coulombs, diocèse de
Chartres , le 2 décembre 1664.
PONCET DE LA Rivière ( Matthias ) ,
évêque de Troyes, né à Paris en 1707,
morten 1780, s'est distingué par son zèle,
ses vertus et ses talens oratoires. Il fut au-
mônier de Stanislas, roi de Pologne, et fut
exposé aux plusviolentess contradictions
dans un diocèse où les jansénistes avaient
long-temps dominé. Son opposition à
leur doctrine lui mérita l'exil, et le força,
eu 1758 , à donner la démission de son
siège. La lecture de ses Oraisons funè-
bres donne une haute idée de l'effet que
devait produire sa parole. Le caractère
de son éloquence, sans être du premier
genre , a un mérite qui lui est particu-
lier. « On voit , dit un critique , par cer-
» tains morceaux de ses discours pleins
» de chaleur et de dignité, que plus de so-
» briété dans l'usage de son esprit , plus
)) de retenue à sacrifier au goût des con-
i> trastes et de l'antithèse , l'auraient en-
M core plus approché de nos vrais modèles
» en ce genre. » On a encore de ce pré-
lat une Instruction pastorale sur le
schisme , et un Discours sur le goût ,
estimé pour la délicatesse des pensées
et l'élégance de l'expression.
POJNCHARD ( Julien ) , né en basse
Normandie, près la ville de Domfront ,
eut la principale direction du Journal
des savans. Habile dans l'étude de l'hé-
breu , du grec et du latin , ainsi qu'en
celle de la philosophie et de la théolo-
gie, il obtint en 1701 une place dans
l'académie des Inscriptions , et trois ans
après la chaire de professeur en grec au
collège royal. Il mourut en 1705, âgé
de 40 ans. On a de lui : 1" Discours sur
l'antiquité des Egyptiens ; 2° un autre
sur les libéralités du peuple romain,
dans les Mémoires de l'académie ; 3° His-
toire universelle , depuis la création du
monde jusqu'à la mort de Cléopfttre, en
manuscrit.
POISCHER (Etienne), fils d'un grai-
netier au grenier à sel de Tours , naquit
dans cette ville en 1446. Il fut d'abord
chanoine de Saint-Gatien et de Saint-Mar-
tin de la même ville, puis évêque de Paris
en 1 503. Son mérite lai procura les places
PON
degarde-des-sceaux en 1512 ; d'ambassa-
deur de France à la cour d'Espagne en
1517, puis à celle d'Angleterre en 1518,
avec l'amiral deBonnivet; enfin l'archevê-
ché de Sens en 151 9. Egalement ferme et
prudent, il soutint en présence de Louis
XII et de la reine son épouse, qui n'aimait
pas à être contredite, le parti des Véni-
tiens qu'on avait abandonnés; mais la pas-
sion du roi contre ces républicains et l'au-
torité de la reine l'emportèrent sur sessa-
ges conseils. Poncher était aussi recom-
mandable par son intelligence dans les
affaires que par les vertus épiscopales. Il
mourut à Lyon en 1524, à 78 ans. On a de
Ini des Constitutions synodales, publiées
en 1514 , où il entre dans un grand dé'
tail sur la manière d'administrer les sa-
cremens.
PONCHER ( François ), neveu du pré-
cédent , succéda à son oncle dans l'évê-
ché de Paris en 1519. Il se brouilla avec
la duchesse d'Angoulême , mère du roi
François F', qui le fit renfermer à Vin-
cennes, où il finit en 1532 , sans que les
délits qu'on lui attribue aient jamais été
prouvés. (On l'avait d'abord accusé de si-
monie , et ensuite d'avoir intrigué avec
l'Espagne. Il a composé des Commentai-
res sur le droit civil).
POINÇOL ( Henri-Simon-Joseph Ans-
QUER de ) , jésuite , né à Quimper-Coren-
tin en 1730, mort au château de Bardy
dans l'Orléanais, en 17 83 , a publié deux
ouvrages très bien accueillis du public :
le premier est V Analyse des traités des
bienfaits et de la Clémence de Sénèque,
précédée de la P^ie de ce philosophe ,
Paris, 1776, in-12. Cette vie est surtout
fort bien faite, remplie d'observa-
tions judicieuses et de discussions appro-
fondies. Diderot en parle lui-même avec
éloge dans son Essai sur les règnes de
Claude et de Néron. Il faut convenir ce-
pendant que le portrait de Sénèque est
flatté , et son éloge exagéré. L'autre ou-
vrage a pour titre : Code de la raison ,
Paris, 1778. C'est un recueil de senten-
ces et de faits propres à faire aimer les
mœurs et à donner de la justesse à l'es-
prit. L'auteur y a mis du choix et de l'in-
térêt j mais on ne peut s'empêcher de
PON
3i
souhaiter qu'il eût mis un peu plus d'or-
dre et de suite dans les matières. On a
encore de l'abbé de Ponçol diverses piè-
ces fugitives insérées dans les journaux.
Il a laissé quelques manuscrits considé-
rables , entre autres, une traduction de
Martial , qui mériterait d'être imprimée.
PONCY DE Neuville ( Jean-Baptiste),
né à Paris , mort en 1737, âgé de 39 ans,
prit l'habit de jésuite , qu'il quitta après
s'être distingué dans cette compagnie.
Se trouvant dans le monde sans ressour-
ces, il cultiva le talent de la chaire et
celui de la poésie. Il remporta jusqu'à
sept fois le prix à l'académie des Jeux
Floi'aux de Toulouse. Nous avons aussi de
lui plusieurs autres pièces de poésie,
imprimées la plupart dans lesMercures.
L'abbé de Poney a encore composé un
drame intitulé Damoclès, représenté au
collège des jésuites de Mâcon, où il pro-
fessait : on le trouve dans le Cours de
sciences du Père Buffier. De tous ses dis-
cours, le plus connu est le Panégyrique,
de saint Louis, prononcé en présence
de l'académie des Sciences et belles-let-
tres.
* PONIATOWSKJ( le prince Joseph),
surnommé le Bayard Polonais , descen-
dait d'une illustre famille de Pologne, et
était neveu de Stanislas, dernier-roi de ce
pays. Né à Varsovie le 7 mai 1763 , il eut
pour père André Poniatowski, général d'ar-
tillerie au service de l'impératrice Marie-
Thérèse. Le jeune Poniatowski fit ses pre-
mières armes dans l'armée autrichienne
où il obtint un avancement rapide; il fut
rappelé dans sa patrie en 1789 , et on lui
confia en 1792 une armée destinée contre
les Russes, qui avaient opéré une seconde
invasion dans ce royaume. Le prince Po-
niatowski remporta des avantages signa-
lés à Zielenca et à Dubiinska ; mais con-
trarié par les irrésolutions continuelles
du faible Stanislas, il n'eut paslieu de dé-
velopper ses talens militaires. On lui op-
posa alors le fameux Kosciusko ; mais Je
prince, ne voyant en lui qu'un défenseur
de sa patrie , continua d'aimer et d'esti-
mer son rival, et lui en donna des preuves
en plusieurs occasions. De son côté , il
faisait tous ses efforts pour arrêter les
32 PON
Busses : il dépêcha au roi son oncle trois
ofiîciers supérieurs pour le déterminer à
se mettre à la tête de ses armées, afin de
donner un nouveau courage à ses trou-
pes; mais il ne put jamais y réussir.
Ayant appris que Stanislas avait accédé
à la confédération de Targowitz , il donna
sa démission , avec tous les officiers les
plus distingués par leurs talens. Ses com-
pagnons d'armes lui offrirent avant son
départ une médaille qu'ils avaient fait
frapper à son effigie avec cette inscrip-
tion, Miles Imperatori. Lors de l'insur-
rection de 1794 , le prince alla se ranger
sous les drapeaux de Kosciusko , qui lui
donna le commandement d'une division ,
et il rendit d'importans services. Après
le parlage définitif de la Pologne , il se
retira dans ses terres et ensuite à Vienne,
d'où il refusa toutes les ofifres que Cathe-
rine II et son fils Paul l" lui firent pour
l'attacher à la cour de Russie. La paix de
Tilsitt ramena le prince sur la scène po-
litique (1806) ; et Napoléon, après l'é-
rection du duché de Varsovie , nomma
Poniatowski ministre de la guerre. Il or-
ganisa l'armée polonaise avec une habi-
leté qui mérita les éloges de tous les gé-
néraux français. Les Autrichiens ayant
attaqué la Pologne en 1809 avec 60,000
hommes, il marcha contre eux avec des
forces inférieures , eut le talent de rendre
cette guerre une guerre nationale , et
par son intelligence et ses exploits il éta-
blit sa gloire militaire. Il servit sous Na-
poléon dans les funestes campagnes de
1812 et 1813, se couvrit de nouveaux
lauriers, et fut nommé grand-cordon de
la Légion-d'Honneur et maréchal de
France, le 16 octobre, sur le champ de ba-
taille de Leipsick. Il ne jouit pas long-
temps de ces honneurs : à la suife d'une
action malheureuse pour les Français,
il se trouvait sur les bords de la Pleiss
pour couvrir leur retraite : le pont de
Lindenau ayant été détruit, il tenta de
passer cette rivière à la nage ; mais son
cheval n'en put franchir les bords , et il
périt aux yeux de toute l'armée , dont il
fut sincèrement regretté : c'était le 1 8 du
même mois. Le prince Poniatowski avait
le caractère noble et bienfaisant : on peut
PON
néanmoins lui reprocher d'avoir été trop
accessible aux séductions du plaisir. — Le
prince Stanislas Poniatowski, cousin du
précédent, est mort à Florence, le 13 fé-
vrier, à l'âge de 79 ans. Il était fils de
Casimir - Stanislas-Auguste , dernier roi
des Polonais. Il était retiré depuis long-
temps à Florence oîi il cultivait les lettres
et les arts. Ce fut lui qui affranchit le
premier les serfs de ses domaines en Po-
logne.
PONS ( Jean-François de ) , issu d'une
ancienne noblesse de Champagne, na-
quit en 1683 à Marly, près de Paris. Il
vint dans cette ville en 1C99, et y prit
des leçons de théologie en Sorbonne ;
mais la faiblessede sa santé le détermina
à renoncer nu bonnet de docteur. L'abbé
de Pons fut nommé, peu de temps après,
à un canonicatde la collégiale de Chau-
mont. Ce bénéfice lui ayant été disputé,
il composa un Mémoire ingénieux , so-
lide et bien écrit, qui lui fit gagner son
procès en 1709. Ce succès fut suivi peu
de temps après de la démission volon-
taire de son canonicat, qu'il quitta pour
se fixer à Paris. Lesliensderamiliéetles
plaisirs de la littérature le retenaient
dans la capitale. Parmi les amis qu'il se
fit , il se lia surtout avec Houdard de la
Motte , qu'il défendit contre madame
Dacier. Il traita celle savante avec la
même vivacité que celle-ci avait montrée
contre La Motte. On l'appelait le Bossu
de la Motte , sobriquet dont il ne faisait
que rire. Son tempérament était très vif
et très faible, ce qui l'épuisa bientôt. Se
sentant dépérir, il se relira à Chaumont,
dans le sein de sa famille, et y mourut
en 1733. A un esprit orné il joignait un
cœur excellent et de grands sentimens
de religion. On a imprimé à Paris, en
1738 , les OEuvres de Vabbe de Pons,
in-12. On trouve dans ce recueil , outre
le Factum dont nous avons parlé, un
nouveau Système d'éducation, et quatre
Dissertations sur les langues , et sur la
langue française en particulier. On voit
de l'esprit et du brillant dans les écrits
de l'abbé de Pons , mais un stile affecté.
PONT ( Louis du ) , jésuite espagnol,
célèbre parmi les maîtres de la vie spiri-
PON
tuelle , naquit à Valladolid , le 11 no-
vembre 1504, d'une famille noble. Il
entra dans la société en lô75 , à Tàge de
21 ans, après avoir fait son cours de
philosophie et en partie celui de théolo-
gie, il balança long-temps entre l'insti-
tut de saint Dominique et celui des jé-
suites , et crut que Dieu l'appelait à ce
dernier. 11 At son noviciat à Médina del
Campo , étudia ensuite les lettres par or-
dre de ses supérieurs , et y fit de grands
■progrès. Une faible santé ne lui ayant
pas permis de continuer l'emploi de l'en-
seignement , il se voua à la direction et
à la composition d'ouvrages pieux. Pen-
dant une peste , dans une partie de l'Es--
pagne, touché du délaissement de ceux
qui en étaient attaqués, il sollicita vive-
ment de ses supérieurs et obtint la per-
mission d'aller à leur secours, et les soi-
gna avec beaucoup de zèle et de charité.
Après une vie passée dans les bonnes
œuvres et la pénilence , il mourut à Val-
ladolid, le 16 février 1G24, âgéde 70 ans,
après en avoir passé 50 dans la société.
Sa vie a été écrite par le Père Champin ,
jésuite. Ou a de lui : \° Exposition mo-
rale du Cantique des Cantiques, en latin,
2 vol. in fol., 1622, réimprimée à Séville,
en espagnol, 1625, in-8 ; 2° Méditations
sur les mystères , Cologne, 1612 , in-8 ,
livre plein d'onction et d'instruction ;
3° Le directeur spirituel, Cologne, 1613,
in-8. L'auteur y traite en détail de tout
ce qui concerne la vie ascétique. La plus
grande partie de cet ouvrage a été tra-
duite en latin par le Père Trévinnio , jé-
suite. 4" De la perfection chre'tienne ,\
vol. , Cologne : les 2 premiers en H)16 ,
les derniers en 1G17; 5° Fie du PèreBal-
thasar ^Zpares , jésuite , ibid., ICI 4,
in-8 ; 6" Directoire spirituel pour la con-
fession , la communion et la célébration
du sacrifice de la messe, ou Du bon usage
des sacremens ; 7" Traité du sacerdoce
et de Vépiscopat. Cet ouvrage et les Mé-
ditations ont été traduits en arabe par
le Père Fromage, de la même société.
Le Père Jean Brignon, aussi jésuite, a tra-
duit les ouvrages ascétiques en français.
Celte traduction a été publiée à Paris ,
in-8, 1689, 1700, 1703. Le Père Nico-
XI.
PON 33
las Frison en a fait un Abrégé, 1712 ,
4 voji. in-12. ( frayez Fromage et Bri-
gnon ). (La vie de ce jésuite a été écrite
par le Père Cachupin ; c'est celle d'un
saint. )
* PONT ( N. le chevalier de ) maré-
chal-de-camp, l'un des conservateurs de
la bibliothèque de l'arsenal , mort , à
l'âge de 70 ans , à Paris en 1830 , avait
suivi le drapeau blanc sur les bords du
Rhin au commencement de la révolution,
et fait avec distinction les campagnes
de l'armée de Condé. En 1798 il faisait
partie de cette poignée de Français qui ,
sous les ordres de Philippeaux , et sous
le commandement immédiat de sir Sid-
ney Smith , obligea Buonaparte à lever
le siège de St.-Jean d'Acre. On sait que
le général en chef de l'armée , étonné
de l'héroïque résistance que lui opposait
la garnison, .s'écria un jour : lly a donc
des Français là-dedans. Les secours de
la religion ont consolé le chevalier de
Pont à sa dernière heure , et il est mort
en faisant les vœux les plus ardens pour
le bonheur de la France.
PONT ( Pierre du ). Voyez Pontanus.
PONT-DE-VEYLE ( Antoine de Fer-
RioL, comte de ), gouverneur de la ville
de Pont de-Veyle en Bresse , intendant-
général des classes de la marine , né en
1697 d'un président à mortier au parle-
ment de Metz , et d'une sœur du cardi-
nal deTencin, mourut à Paris en 1774.
Ses parens le destinaient à la robe; mais
il ne voulut embrasser aucun état qui
pût gêner son goût pour les plaisirs. Il
passa une partie de sa vie dans l'inaction,
et à faire quelques comédies, quelques
chansons et pièces fugitives , et se char-
gea , en quelque sorte malgré lui , de la
charge d'intendant-général des classes
delà marine, qu'il abandonnaensuite.il
était neveu de M. Ferriol, ambassadeur
à Conslantinople , qui fit peindre les fi-
gures des Levantins. Il en fit graver cent
estampes avec l'explication, 1715, in-fol.
Les tableaux originaux étaient chez le
comte de Pont-de Veyle , d'où ils passè-
rent chez le prince de Conti. Parmi les
comédies de Pont-de-Veyle , ou distin-
gue le Complaisant et le Fat puni , dont
5.
34 PON
Laharpe dit un mot dans son Cours de
littérature. (Pont-de-Veyle, dès sa pre-
mière jeunesse, avait été très intimement
lié avec madame du Deffant. Voyez ce
nom. ) Quand il mourut, leur amitié
comptait plus de cinquante-six ans; mais,
au dire de Grimm , cette amitié n'était
que pure habitude, de sorte que madame
du Deffant se montra fort indifférente à
la perte de son ancien ami. Il était da
conseil littéraire de Voltaire, avec son
frère d'Argental : ce que ce philosophe
appelait son triumvirat. Il a laissé une
riche bibliothèque en pièces de théâtre,
qui a appartenu au général Valence, mort
en 1822 , et qui est passée à M. de So-
leinne. {Voyez sur ce personnage le iVe-
crolofje des hommes célèbres de France ,
tom. 10, année 1775. )
PONTAC ( Arnaud de ) , évêque de
Bazas , natif de Bordeaux, d'une famille
illustre , fut choisi par l'assemblée du
clergé, tenue à Melun l'an 1579, pour
faire au roi Henri III des remontrances :
commission dont il s'acquitta avec di-
gnité. On les trouve dans les Mémoires
du clergé. Ce prélat mourut au château
de Joubertbes en 1 605 , ayant la réputa-
tion d'un homme qui possédait les lan-
gues orientales. Les occupations de l'é-
piscopat ne l'empêchèrent pas de se li-
vrer à sou goût pour l'étude. On a de
lui : 1° des Commentaires sur Abdias,
1 666 , in-4 ; 2° des Notes sur la Chroni-
que d'Eusèbe ; 3° un Traité contre du
Plessis-Mornai.
PONTANUS ( Octavius ), théologien
et jurisconsulte , né à Cerreto, bourg de
rOmbrie, se fit un nom par son esprit.
Pie II l'envoya en 1459 en qualité de
nonce , pour régler les différends de Fer-
dinand, roi de Piaples, et de Pandolfe
Malatesta , seigneur de Rimini. Il fut en-
suite envoyé à Bàle, et nommé à la pour-
pre ; mais il mourut dans ce voyage, sans
pouvoir profiter de cet honneur. On a de
lui un volume à'Epîtres , et un autre
Ae Réponses à des consultations de droit.
PONTAJNUS ou PoNTANO ( Joannes-
Jovianus), né à Cerreto en 1426, se
retira à Naples , oii son mérite Ini acquit
d'illustres amis. Il devint précepteur
, PON
d'Alphonse le Jeune , roi d'Aragon , du-
quel il fut ensuite secrétaire et conseiller
d'état. Ce prince s'étant révolté contre
son père , Jovianus les réconcilia. Fer-
dinand le combla d'honneurs, lui fit
épouser une héritière* fort riche , et lui
conféra deux charges très lucratives,
outre celles dont il était déjà revêtu. En
1482 , il pacifia l'Italie , que troublaient
les différends du duc de Ferrare avec
son beau-père , le roi Ferdinand. Il se
rendit en 1492 auprès du pape Innocent
VIII, et terminales discussions qui exis-
taient entre le saint-Siége et le roi de
Naples. A son retour, il fut nommé pre-
mier ministre , charge qu'il remplit au-
près d'Alphonse successeur de Ferdi-
nand. Dans sa vieillesse, il se retira dq»
affaires ; et quand Louis XII eut de nou-
veau conquis le royaume de Naples
( qu'il perdit peu de temps après ) , il
offrit à Pontanus de le rétablir dans ses
dignités; mais il préféra sa studieuse
tranquillité. Pontanus mourut en 1503.
Il ternit sa grande réputation par des
Poésies obscènes, et Cinq dialogues
contre les ecclésiastiques. Ses autres ou-
vrages sont : De Obedientia ; De Forti-
tudine ; De Liberalitate , De Splendore ,
De Aspirationé ; De Sermone, etc.
V Histoire des guerres de Ferdinand /"
et de Jean d^ Anjou , et un grand nombre
d'autres ouvrages en vers ou prose, tous
écrits en latin assez purement, et re-
cueillis à Bâie en 1556 ; ils forment 4 vol.
in-8. On a séparément ses ouvrages en
prose, à Venise , 1518 et 1519 , 3 vol.
in-4 ; et ses productions poétiques ,
recueillies dans la même ville, 1 533, in-8 .
(Les Histoires de Pontanus manquent de
fidélité , et le reste n'est que médiocre-
ment bon. Le stile, quoique élégant, est
souvent obscur et enflé. Ses Poésies sont
remplies d'expressions obscènes. Nicéron
a donné la liste de ses ouvrages, tom. 8.
Robert deSarno, oratorien, a publié la vie
de Pontanus en latin , Naples, 1761,
in-4 : M. Suard en a donné une bonne
analyse dans le tom. 1" de ses Variétés
littéraires.)
PONTANUS ou DE Pôntb( Pierre),
grammairien de Bruges, fut surnommé
PON
V Aveugle, parce qu'il perdit la vue à
l'âge de 3 ans. Celte disgrâce de la nature
ne l'empêcha 'pas de devenir savant. Il
enseigna les belles-lettres à Paris avec
réputation , et publia plusieurs écrits qui
lui firent honneur. Les principaux sont :
une Rhétorique, et un traité de VArt de
faire des vers. Il y attaque Despaulère
en quelques endroits. Il est auteur de
plusieurs poèmes qui ne montrent pas
qu'il a excellé dans ce genre. Pontanus
était un philosophe tranquille , ennemi
de la bassesse et de la flatterie , ami de
la vertu , de la franchise et de la vérité.
Il dit lui-même qu'il a toujours déclaré
la guerre aux voluptés , et recommandé
la piété et l'amour de la religion. Il floris-
sait vers le commencement du 16* siècle.
POiNTA]NUS ( Roverus), carme, né
à Bruxelles , mort en 1 567 , est connu
par un ouvrage intitulé : Rerum memo-
rabilium ab ann. 1500 ad ann. 15C0 in
republ. christiana gestarum, Ubri V,
Cologne, 1559, in-fol. Cette histoire est
en forme d'annales avec des notes. L'au-
teur paraît l'avoir entreprise pour dé-
montrer la mauvaise foi de Sleidan , qui
a défiguré toute l'histoire de son temps
pour calomnier les catholiques.
PONTA^'US ( Jacques J , jésuite de
Bohème, enseigna long-temps en Alle-
magne les belles-lettres avec un succès
distingué. Il mourut à Âugsbourg en 1626,
à 84 ans. On a de lui en latin : 1° des
Institutions poétiques , 1602, in-8; 2°
'des Commentaires sur les livres de
Ponio et les Tristes d'Ovide, lugolstadt,
1610 , in-fol. : 3" des Commentaires très
amples sur Virgile , Augsbourg, 1699,
in-fol.; 4" des Traductions At^ivtis, au-
teurs grecs, et plusieurs autres ouvrages
en prose et envers. Ceux-ci sont faibles,
et il était plus capable de commenter les
poètes que de l'être lui-même.
PO^TA^'DS (Jacques), né à Iler-
malle, village sur la Meuse entre Liège et
Maëstricht, mort en 1668, fulceuseurdes
livres à Louvain , et approuva avec beau-
coup d'éloges VAugustinus de Janséuius.
Cela lui suscita quelques difficultés ;
mais il déclara qu'il n'avait approuvé
cet ouvrage qu'à cause de la réputation
PON 35
de l'auteur et à la sollicitation des édi-
teurs, et qu'il était éloigné des senlimens
qu'il renfermait. Il donna lieu de soup-
çonner que sa déclaration n'était pas
sincère , puisqu'il approuva dans la suite
différens livres pour la défense de Jansé-
nius et la fameuse version du nouveau
Testament de Mons ; ce qui fit que l'ar-
chiduc Léopold , gouverneur des Pays-
Bas, et le nonce du pape le suspendirent
de ses fonctions. On a de lui : Laudatio
funebris Joannis Mafii, monasterii par-
censis abbatis , Louvain , 1648 , in-8.
PONTANUS ( Jean-Isaac ) , historio-
graphe du roi de Danemark et de la
province de Gueldre, était originaire de
Harlem. Il naquit en 1 57 1 , à Elseneur ,
où ses parens étoient allés pour quelques
a£faires, et mourut à Harderwick , en
1640, à 69 ans, après y avoir enseigné
la philosophie et les mathématiques. Des
différens ouvrages dont il a enrichi la
littérature , on n'estime que ceux d'éru-
dition. Il se mêlait de poésie; mais il
versifiait en dépit d'Apollon, et ses vers,
imprimés en 1634 , iul2, à Amsterdam,
n'étaient que delà prose mesurée. Il avait
fait sur un trou l'énigme suivante , qu'il
proposa aux savans :
Die milii qoid majus fiai, quo plarimademai.
Scriverius répondit sur-le-champ :
Pontano dcnias carmiiia, major rrit.
Ses écrits en prose sont : 1° Historia
urbis et rerum amstellodamensium ,
in-fol., 1611; ouvrage qui déplut à
tous les bons critiques; il y u une
infinité de hors-d'œuvre qui montrent
sa haine contre tout ce qui tient à Taii'
tique religion , qui était autrefois floris-
sante dans sa patrie ; 2° Itinerarium Gal-
liœ narbonensis, in-12, Leyde , 1606;
3" Rerum danicarum historia, una cum
chorographica ejusdem regni urbiumque
descriptione, Amsterdam, 1631, in-fol.
Cette histoire estimée va jusqu'en 1548.
M. de Westphal , chancelier dans le
Holstcin , en a fait imprimer la suite dans
le second tome de ses Monumenta inc-
dita rerum germanicarum , etc. , Leip-
sick, 1740. Cette suite de Pontanus com-
prend les règnes de Chrisliern l"' et des
36 PON
cinq rois suivans : l'éditeur rapporte
dans sa préface plusieurs traits particu-
liers de la \ie de Pontauus ; 4° Discepta-
tiones chorographicœ de Rheni divortus
atque ostiis et accolis populis adversus
Ch. Cluverum, 1617 , in-8 : livre savanl
et judicieux ; 5° Observationes in trac-
tatum de globis cœlesti et terrestri, auc-
tore Roberto ffuesio, Amsterdata, 1617,
in-4; 6° Discussiones historicœ, Ams--
terdam, 1637 , in-8. Il y traite princi-
palement de la manière qu'il faut enten-
dre ces mots , la mer libre et la mer
fermée f contre Jean Selden , Anglais ;
7° Historia geldrica , Amsterdam, 1639,
in-fol. , avec une description chorogra-
phique de cette province. Cet ouvrage
estimé a été traduit en flamand par Ar-
nold Slichtenhorste , Ainheim , 1654,
in-fol. j 8° Origines Franciœ, in-4,
pleines d'érudition ; 9° Historia ulrica ,
in-fol , exacte; 1 0° la rie de Frédéric //,
roi de Danemark et de Norwége , pu-
bliée en 1737, par Georges Kyrsing,
docteur en médecine à FJensbourg.
POINTAS ( Jean ), célèbre casuiste,
naquit à Saint-Hilaire de Harcourt, au
diocèse d'Avranches, en 1638. Il vint
achever ses études à Paris, et reçut les
ordres sacrés à Toul , en 1633. Trois ans
après , il fut reçu docteur en droit canon
et en droit civil. Péréfixe , archevêque de
Paris, instruit de son mérite , le lit vi-
caire de la paroisse de Sainte-Geneviève-
des-Ardens à Paris. Il remplit cette place
avec zèle pendant 26 ans , et fut ensuite
nommé à celle de sous-pénitencier de
l'église de Paris. Ses lumières n'éclatè-
rent pas moins dans cette place que l'ar-
deur de sa charité. Il mourut en 1728, à
90 ans. Parmi les ouvrages qui font hon-
neur à sa mémoire , on distingue : 1°
Scriptura sacra ubique sibi constans,
in-4. Il y concilie les contradictions ap-
parentes du Pentateuque. 2° Un grand
DCctionnaire des cas de conscience., dont
la plus ample édition est en 3 vol. in-fol.
11 tient un juste milieu entre le rigorisme
et le relâchement. On y trouve quelques
décisions contradictoires, que son abré-
viateur, l'abbé Collet, a tâché de conci-
lier dans VAbrégé(iv!'A en a donné, 1764
PON
et 1770 en 2 vol. in-4. On ne saurait ap-
prouver qu'un ouvrage fait pour les pas-
teurs et directeurs des âmes soit écrit
en langue vulgaire. Ce détail de péchés
et d'opinions opposées sur leuf nature
et leur grièveté ne convient pas au simple
peuple, et ne peut produire des fruits
de piété. En traitant ces matières en
français , on n'a que trop réussi à faire
de la théologie une espèce de commune
oii tout le monde , jusqu'aux femmes ,
prétend labourer , récoller , arracher et
couper. 3" Des Entretiens spirituels,
pour instruire , exhorter et consoler les
malades , pleins d'onction et bien pro-
pres à ce charitable ministère ; traduits
en flamand par Jean-Charles Dierxsens ,
curé de l'hôpital à Anvers, 1763 ; 4° un
grand nombre d'autres Livres de piété
qui prouvent qu'il était très versé dans la
lecture de l'Ecriture et des Pères.
PONTADLT DE Beaulieu. Foyez
Beauligu.
POJNTBRIAND (René-François du
Breil de ), Breton , abbé de Saint-Marien
d'Auxerre, né vers la fin du 17^ siècle ,
mort à Paris en 1 767 , avait occupé les mo -
mens de loisir que lui accordaient les de-
voirs de son état à écrire particulière-
ment contre les erreurs qui déshonorent
le 18* siècle. Il est surtout connu par son
zèle pour instruire et soulager les pauvres
Savoyards qui se trouvent à Paris. Il fit
paraître, de 1737 à 1743, quatre petits
écrits , pour engager à prendre part à
cette bonne œuvre, à laquelle il consa-
cra son temps et sa fortune, ^^ous avons
de lui : 1° l'Incrédule détrompé et le chré-
tien affermi dans la foi, 1752, gr. in-8 :
ouvrage écrit d'un stile pur et simple ,
renfermant beaucoup de témoignages en
faveur de la religion, pris dans les au-
teurs païens ; 2° Pèlerinage du Calvaire
sur le Mont Falérien, 1 751 , in-1 8, et un
journal des conférences de Loudun , La
Haye, 1720,2 petits vol. in-8. — Son
frère , abbé de Ranvaux , chanoine et
grand-chantre de Rennes, est auteur des
ouvrages suivans : 1" Nouvelles vues sur
le système de Vunivers , 1751 , in-8 ; 2*
Essai de grammaire française, 17 54,
in-8 ; 3" Poème sur l'abus de la poésie ,
I
PQN
couronné aux Jeux Floraux , en 1 7 22. —
Un troisième frère desprécédens, sacré
évêque de Québec en 1741, mourut à
Mont-Réalen 1760, pendant le siège de
celle ville par les Anglais.
PONTCHARTRAIN ( Paul Phelï-
PEAHX, seigneur de ), 4* fils de Louis Phe-
lypeaux, seigneur de la Vrillière, naquit
àBlois,en 1569. La famille de Phely-
peaux, dont l'ancienneté remonte jus-
qu'au 13" siècle, est également distin-
guée par les hommes illustres qu'elle a
produits , et par les charges dont ils ont
été revêtus. Paul Phelypeaux, dont il est
question dans cet article , joignant à la
facilité d'un heureux génie toutes les lu-
mières d'une excellente éducation, entra
dans les affaires dès 1588. Il se perfec^
tionna sous Villeroi , et fut pourvu par
Henri IV de la charge de secrétaire des
commandemens de Marie de Médicis.
Cette princesse, satisfaite de son zèle,
lui procura celle de secrétaire d'état en
1610, peu de temps avant la mort dé-
plorable de Henri IV. Dans les temps
orageux de la régence , il aida la reine à
maintenir le pouvoir du trône et la tran-
quillité des peuples. Les mouvemens des
huguenots furent réprimés par ses soins.
Enfin , le roi ayant été obligé d'armer
contre eux , il le suivit en Guienne en
1621. H tomba malade au siège de Mon-
tauban , et alla mourir à Castel-Sarrasin ,
le 21 octobre de la même année, âgé de
62 ans. Ses travaux avaient épuisé ses
forces et hâté sa mort. On a de lui des
Mémoires intéressans, La Haye, 1720,
2 vol. in-8.
POINTCHARTRAIN ( Louis Phely-
PEADX, comte de ) , petit-fils du précé-
dent , naquit en 1 643. Conseiller au par-
lement à l'âge de 17 ans en 1G61 , il fut
nommé, en 1667, premier président au
parlement de Bretagne. Ayant contribué
I ar son génie conciliant à calmer les agi-
tations de celte province , il obtint la
place de contrôleur- général en 1689,
après la retraite de Le Pellelier; devint
ministre et secrétaire d'état en 1690. On
reprocha à Pontchartrain d'avoir spé-
culé sur la vanité française , en vendant
des charges nouvelles , et des lettres de
PON 37
noblesse ; mais à cette époque toutes les
caisses étaient épuisées, il fallait subve-
nir à des besoins urgens , et il crut pré-
férable d'avoir recours aux deniers desri -
ches , en contentant leur amour-propre ,
que d'aggraver le peuple déjà par trop
surchargé. Il fut nommé chancelier en
1 699, et lorsqu'il prêta serment le 9 sep-
tembre de la même année , le roi lui dit:
M Monsieur, je voudrais avoir unechar-
» ge encore pluséminente à vous donner,
w pour vous marquer mon estime de vos
» talens , et ma reconnaissance de vos
M services. » Il protégea les sciences , et
donna une nouvelle forme aux académies
des sciences et des belles-lettres, qui
eurent en lui un protecteur zélé. Après
avoir rendu de longs services à l'étal,
il se retira en 1 7 1 4 à l'institution de l'O
raloire où il .se montra aussi grand par
ses vertus , qu'il l'avait été par ses places.
Louis XIV l'honora d'une de ses visites.
Il mourut à Pontchartrain en 1727 , à 84
ans , et fut enseveli sans pompe , comme
il l'avait désiré. ( « Il fut plus grand en-
» core , dit le président Hénault, par sa
» généreuse retraite, que par les impor-
)j tans emplois qu'il remplit avec desta-
» lens supérieurs. » ) Son petit-fils , le
comte de Madrepas, né en 1701 , est
mort sans postérité en 1781 , à l'âge de
80 ans. Il avait été élevé au ministère, et
occupa ce poste sous Louis XV. Disgra-
cié pour une épigramme contre madame
de Pompadour, il ne reparut au ministère
qu'à l'avènement de Louis XV[ au trône.
Une disgrâce de vint-cinq ans n'apporta
aucun changement dans le caractère du
comte de Maurepas; toujous léger, faible,
indolent , incapable d'une application
profonde et sérieuse , il entraîna le mo-
narque dans des démarches qui lui devin-
rent funestes. (L'abbé Guyotetle marquis
de Condorcet ont fait son éloge ; mais
ils n'ont pas loul dit. Des juges plus sévè-
res, témoins de la révolution de France,
l'ont regardé comme une des causes assez
immédiates de cette grande catastrophe.
La légèreté et l'indolence qui caractérisè-
rent son dernier ministère , les mauvais
conseils qu'il donna au jeune roi, surtout
pour le rappel des parlemens , le retour
dé PON
et le triomphe de Voltaire à Paris , la
guerre en faveur de la rébellion des co-
lonies anglaises , etc. , viennent à l'ap-
pui de ce jugement. )
PONTCHASTEAl J ( Sébastien-Joseph
du Câmbout de ) né en 1G34 d'une fa-
mille illustre et ancienne , était parent
du cardinal de Richelieu. Singlin, direc-
teur des religieuses de Port-Royal , l'at-
tira dans cette maison, mais il n'y resta
guère. Après divers voyages en Allema-
gne , en Italie et dans les différentes par-
ties de la France, et après plusieurs aven-
tures , il rentra de nouveau à Port-Royal,
et s'y chargea, en 1668 , de l'office de
jardinier , dont il fit pendant six ans tou-
tes les fonctions. Obligé de sortir de sa
retraite en 1679, il alla à Rome, où il agit
en faveur du parti. Il y demeurait sous
un nom emprunté , lorsque la cour de
France le découvrit et obtint son ex-
pulsion. Pontchasteau se retira dans l'ab-
baye de la Haute-Fontaine, en Champa-
gne , puis dans celle d'Orval, oiiii vécut
pendant cinq ans. Quelques affaires
l'ayant rappelé à Paris, il y tomba malade
et y mourut en 1690 , à 56 ans. On a de
lui : 1° La manière de cultiver les arbres
fruitiers y Paris, 1662, in-12, sous le
nom de Le Gendre ; 2° les deux premiers
volumes de la Morale pratique des je'-
suites, dont Arnauld a fait les six autres:
ouvrage que Te parlement de Paris con-
damna à être brûlé et lacéré par la main du
bourreau , et que Rome défendit , sous
peine d'excommunication, par un décret
publié le 27 mai 1687. On prétend que
Pontchasteau fit exprès, et même à pied,
le voyage d'Espagne, pour y acheter le
Teatro jesuitico. 3" Une Lettre à M. de
Pêréfixe, eu 1666 , en faveur de M. de
Saci , qui avait été mis à la Bastille ; 4°
il a traduit en français les Soliloques de
Hamon sur le Psaume CXFIll.
PONTCOURLAY. Voyez Wignkbod.
* PONTE ( Jean-François de), chevalier
napolitain , né en 1571 , sous le règne de
Philippe II, roi d'Espagne , dont il était
sujet. Il apprit les lois et fut successive-
ment avocat , conseiller , et régent du
grand conseil d'Italie. Il a publié : \° Con-
siliorum^TL vol. ; 2» Repetitiones feuda-
PON
les , juris rtsponsum super censura ve-
neta, Rome, 1607 , in-4 ; 3° Decisiones '
supremi itali concilii, regiœ cancellaricBy
et regiœ camerœ summariœ, Naples,
1612 , in-fol. ; 4° Depotestatepro régis
napolitani , et coUateralis concilii, reg-
nique regimine , ihid. 1621, in-foi. J.-
Baptiste Ton réimprima cet ouvrage avec
des additions. Ponte passait pour un ju-
risconsulte profond , et mourut dans sa
patrie en 1635.
* PONTE ( Laurent de ) , de l'ordre des
clercs mineurs , né à Naples le 24 sep-
tembre 1575 , est auteur de Commentai-
res sur le livre de la Sagesse, et d'une
Explication de l'Evangile de saint Mat-
thieu, qui devait être composée de 4 vol.;
mais il mourut après en avoir achevé
deux , et ce livre est resté incomplet. Il
a laissé néanmoins un grand nombre
d'ouvrages qui eurent de la célébrité, et
furent honorés de l'estime des savans. On
cite surtout une Vie de David, qui fut
très bien accueillie du public. Le Pèrede
Ponte mourut au collège d'Alcala le 26
octobre 1639.
PONTEDERA ( Jules ) , né à Vicence
en 1688, fut professurde botanique à Pa-
doue, au commencement du 18* siècle.
Il fit paraître : 1° Compendium tabula-
rum botanicaram , in quo plantœ 27 2 in
Ilalia nuper detectœ recensentur , 1718,
in-4 ; 2° De florum natura, 1720, in-4 ;
3° Antiquitatum latinarum grœcarum-
que enarrationes et emundationes, Pa-
doue, 1740, iu-4. (Il est mort à Padoue,
en 1757.)
PONTEVÈS. Voyez Flassans.
PONTHIEU (Adélaïde ou Adèle, com-
tesse de ) , a été célèbre dans le temps
des croisades. Injustement condamnée
par son père , arrachée à son mari, ven-
due à un Soudan , reconnue long-temps
après , elle fut ramenée triomphante dans
sa patrie. Sesaventuresoiitfourni au com-
mandeur de Vignacourt le sujet de son
roman d'Adèle de Ponlhieu, imprimé
en 1723; peut-être cette histoire même
n'était-elle , dans sa totalité , qu'un ro-
man. De la Place a fait sur ce sujet une
mauvaise Tragédie, et M. de Saint-Marc
un Opéra, représenté en 1772.
PON
PONTIEN ( Saint ), placé sur la chaire
de saint Pierre, après la mort de saint Ur-
bain I*"" , arrivée en 230, siégea cinq ans ,
selon le calendrier de Libère; il souffrit
beaucoup pour la foi deJ. C. sousl'empe-
reurMaximin,etmourut l'an 235, dans rîle
deSardaigne,oùil avait été exilé. S'il ne
termina pas sa vie par le glaive, ilnefut
pas moins martyr de la foi, en mourant de
misère et d'abandon dans le pays oii il
avait été relégué. Son corps fut rapporté
dans le cimetière de Cailixte à Rome, et
l'on croit communément que ce fut le pape
saint Fabien qui fit cette translation. On
lui attribue deuxEpîtres; mais elles sont
d'un temps postérieur à son pontificat.
•PONTIER ( Gédéon ) , naquit vers
1640.11 était proteslant;mais jeune encore
il se fit catholique, étudia les sciences sa-
crées , prit les ordres, et devint protono-
taire apostolique. Il mena toujours une vie
régulière, et mourut en 1709. On a de
lui; 1° Ze Cabinet des grands, Paris, 1680-
1689, 3 vol. in-12 ; 2° Questions de la
princesse Henriette de la Guiche , du-
chesse d' Angoulême , sur toutes sortes
de sujets, avec les réponses, Paris, 1688 ,
' in-12. Le président Coussin a fait dans le
Journal des savans des éloges , peut-
être un peu exagérés , des ouvrages de
Pontier.
PONTIS ( Louis de) , seigneur de la
terre de Pontis , dans le diocèse d'Em-
brun, naquit en 1583. Son père s'était
distingué par sa valeur , et lui-même enr
tra*jeune dans le régiment des gardes,
sous Henri IV , et s'éleva par son mérite
à divers emplois militaires. Louis XIII ,
instruit de sa valeur , lui donna une
lieutenance dans les gardes, et ensuite
une compagnie dans le régiment de
Bresse. Ce prince l'engagea à acheter la
charge de commissaire-général des Suis-
ses; mais mille obstacles s'opposèrent à
sa fortune. Pontis, las de rouler sans
cesse dans ce tourbillon , et n'ayant pas
voulu s'attacher au cardinal de Richelieu,
fut contraint de quitter la cour. Il s'en-
ferma dans Port-RoyaUdes-Champs, et
y mourut en 1670 , à 87 ans , après avoir
servi 50 ans sous trois rois, et avoir reçu
17 blessures, ffous avons sous son nom
PON 39
des Mémoires, imprimés à Paris en 1676,
en 2 vol. in-12. On y trouve les circon-
stances les plus remarquables des guerres
de son temps , des intrigues de la cour ,
et du gouvernement des princes sous
lesquels il a servi. Les mécontentemens
que l'auteur essuya à la cour rendent sa
narration suspecte, surtout lorsqu'il parle
du cardinal de Richelieu et de quelques
autres ministres. » Je suis attachée , dit
dans une de ses Lettres madame de Sévi-
gné, « à des Mémoires de M. de Pontis,
» qui conte sa vie etle temps de Louis XIII
» avec tant de vérité , de naïveté et de
» bon sens, que je ne puis m'en tirer. Ce
» livre a bien des approbateurs , et d'au-
» très qui ne le peuvent souffrir. Ou on
» l'aime , ou on le hait , il n'y a pas de
» milieu. » Le Père d'Avrigny et Vol-
taire ont cru <\\XQ ce Pontis n'a point
existé, et que c'est un être supposé. Il
est vrai néanmoins que la famille de Pon-
tis était très connue en Provence, et
qu'elle passait ordinairement l'été à la
terre de Pontis , et l'hiver à Digne. Quant
à Pontis lui-même, les solitaires de Port-
Royal ne l'ont jamais regardé comme un
personnage romanesque ; mais leur té-
moignage peut paraître suspect. C'est un
de leurs affidés , Thomas du Fossé , qui
prétend avoir recueilli ces Mémoires des
conversations de ce guerrier, source qui,
quand elle serait véritable, supposerait,
pour mériter de la confiance, une mé-
moire extraordinairement exacte et fidèle.
Ce qu'en dit madame de Sévigné marque
assez que c'est un ouvrage de parti , et
qu'elle le juge d'après celui auquel elle
fut attachée. Ce qu'il y a de sûr, c'est
que ces Mémoires sont remplis de faits
absolument faux, qui n'ont pu être rap-
portés par un auteur contemporain et
instruit.
PONTIUS. Voyez Pouce.
PONTIUS ou Dupont ( Paul } , gra-
veur des Pays-Bas , né à Anvers en 1 596 ,
mort au commencement du 17* siècle.
Cétait un dessinateur correct et savant.
On a de lui un grand nombre d'estampes,
d'après Rubens, Van Dick et Jordans.
Elles sont très estimées. ( Ce maître a
rave cinquante portraits, vingt-sept su-
4o PON
jets historiques , etc. Son chef-d'œuvre
est le Saint-Roch, de Rubens, dont l'ori- -
ginal est au musée de Paris.
PONTOPPIDAN ( Eric-ERicsoN ), doc-
teur en théologie et évêque luthérien, né
en 161Gà Biergegard, dans l'iledeFionie
en Norwége, mort en 1 C78, âgé de 62 ans,
a publié divers ouvrages, parmi lesquels,
Grammatica Unguœ danicce^ 1G66; jff«-
colica jacra, Leyde, i C4 3; Theologiœpra-
ticœ, seu Ethicœ sacrœ synopsis, 1656;
Epigrammatum latinorum centurue
varice. — Eric PoNTOPPiDAN,son petit-ne-
veu , ou fils de son neveu , Louis Pon-
toppidan , prédicateur du roi de Dane-
mark en 174 4, a donné une Histoire
de la réformation du Danemark , et
une Histoire ecclésiastique de ce pays ,
pleine des préjugés de sa communion.
Ce qui lui a fait plus d'honneur est Mar-
mora danica , seu inscriptionum per
Daniam universam sylloge,2 vol.in-fol.
Devenu évêque de Norwége, il publia
l'Histoire naturelle de cette province,
d'une ma nière très intéressante et avec
de solides réflexions. On a encore de lui
une Instruction pastorale sur les mer-
veilles de la Providence , et les bienfaits
répartis dans les climats les plus âpres
et les plus froids. Elle a été traduite et
imprimée en français en 1760.
PON TORMO î Jacques Carrucci de),
célèbre peintre , né à Florence en 1493,
mourut dans la même ville en 1568. Ses
premiers ouvrages annoncèrent un talent
supérieur; Raphaël et Michel-Ange, en les
voyant , dirent que « ce maître porte-
» rait la peinture à son plus haut degré. »
Pontormo ne remplit point toute l'éten-
due de cette prophétie ; mais on ne peut
nier qu'il n'eût d'abord un pinceau vi-
goureux , un beau coloris, et qu'il ne
mît de l'invention dans ses ouvrages. Sa
manière était grande, quoique un peu
dure. U sortit de son genre, oii il acqué-
rait beaucoup de réputation , pour pren-
dre le goût allemand. C'est à celte bizar-
rerie qu'il faut attribuer la grande diffé-
rence qui est entre ses premiers ouvra-
ges , fort estimés , et les derniers , dont
on ne fait point cas. Il voulut revenir à
sa première manière; mais ses efforts fu-
PON
rent inutiles. Ce peintre avait quelques
singularités dans sa façon de vivre : il
avait fait construire dans sa maison un
escalier de bois, qu'il retirait en haut par
une poulie lorsqu'il était monté à son ate-
lier : « Expédient, dit un auteur, que
» les gens appliqués et ennemis des con-
» versations inutiles ne feraient pas mal
» d'employer pour tromper les oisifs, et
» s'assurer du calme nécessaire à leur
'> travail. » Par la même raison, il se ser-
vait lui-même, et se délivrait de tout
l'embarras que donne la dépendance
d'un secours étranger. ( Le musée de Pa-
ris possède deux tableaux de ce peintre ,
un Portrait de Giovanni délie Corniole,
fameux graveur ; Le vœu de Florence ,
ou une Fierge assise sur les genoux de
sainte j4nne, soulevant V enfant Jésus.)
PONTUS. Foyez Gardie.
*PO]NZ ( Don Antonio ) , savant es-
pagnol, naquit à Bexix , dans le royaume
de Valence, en 1725. Sa vaste érudition
le fit appeler à Madrid , où il occupa plu-
sieurs places importantes, et fut nommé
membre des académies de Saint-Ferdi-
nand , et d'histoire de cette capitale , de
celle des' antiquités de Londres, et des
Arcades de Rome. Il voyagea dans plu-
sieurs parties de l'Europe, et demeura
long-temps à Rome et à Naples. De re-
tour à Madrid , il parcourut toute l'Es-
pagne, et publia : 1° Foyage en Espa-
gne, Madrid, 1772 etsuiv., 13 vol. in-8.
Cet ouvrage a été d'un grand secours à
M. de la Borde, dans son Itinéraire
d'Espagne, qui est le plus exact que
l'on connaisse. Jean-Joseph Diez , pro-
fesseur d'histoire à Goltingue, traduisit
en français le premier volume , imprimé
en 1775. Il a élé traduit aussi en alle-
mand et en italien; 2° Voyage hors
d'Espagne, Madrid, 1785, 2 vol. in-8.
C'est le fruit des observations de Ponz
dans ses courses chez l'étranger. On y
remarque des aperçus justes , de l'impar-
tialité, et une saine critique. Il cultiva
également la poésie avec succès, pro-
tégea les arts, dans lesquels il était un
connaisseur habile , et mourut à Madrid
en 1792. C'était aussi un peintre distin-
gué ; on a de lui des tableaux estimés.
POO
PONZETA ( Ferdinand ), né à Florence
de parens nobles et originaires de Naples,
parvint à l'office de trésorier du pape
Léon X, qui lui donna l'évêché de Melfi,
puis celui de Grosseto , et enfin le fit car-
dinal en 1 5 1 7 . Ce prélat se fit estimer par
sa prudence et par la pureté de ses moeurs,
et rendit de grands services au saint-Sié-
ge. Lors de la prise de Rome , les Alle-
mands, parmi lesquels se trouvaientbeau-
coup d'hérétiques, le traitèrent indigne-
ment, et le traînèrent par les rues de la
ville avec barbarie. Ces violences furent
cause de sa mort, qui arriva le 2 septem-
bre 1 527 , dans la 90* année de son âge.
Son corps fut enterré dans l'église de
Notre-Dame de la paix , où l'on voit son
épitaphe, que lui fit faire Jacques Pon-
zeta , évoque de Melfi , son neveu.
PONZIO ( Flamino ) , célèbre archi-
tecte, né près de Côme , dans la Lom-
bardie, vers 1666. Il étudia à Rome, et
s'y distingua dans son art. La belle cha-
pelle de la famille Borghèse , à Sainte-
Marie-Majeure , est de son exécution ,
ainsi que celle appelée Pauline , où l'on
remarque autant la richesse des pierres
que le fini de la sculpture. La sacristie
de cette basilique fut élevée sous sa di-
rection , ainsi que le bel escalier double
qui orne le palais Quirinal. Il présida à
la construction de la basilique de Saint-
Sébastien. Cependant son meilleur ou-
vrage est la superbe façade du palais de
Sciria Colonda , dont la porte principale
est d'un seul morceau et fut construite
d'après les principes de l'architecte Vi-
gnole. Ponzio mourut à Rome, Agé de
45 ans, et sous le pontificat de Paul V.
Cet artiste aimait beaucoup le grandiose,
et on remarque dans tous ses ouvrages
beaucoup de goût , et une exacte pro-
portion dans toutes les parties.
POOLE ( Renaud ). Foyez Polus.
POOLE ( Matthieu ), né à York, et selon
quelques-uns à Londres , en 1624, fut in-
corporé dans l'université d'Oxford, et lui
fit honneur par son érudition. Il devint
recteur de Sainl-Michel-le-Quern à Lon-
dres, en 1648, et proposa en 1653 pour l'é-
ducation de la jeunesse, un projet que le
parlement approuva ; mais l'auteur ayant
XI.
POP 4i
été obligé de se retirer en Hollande , ce
projet n'eut pas lieu ; et vu le peu d'effet
de tous ses plans d'éducation, il est à croire
que le public n'y perdit pas grand' chose.
Poole avait publié avant son départ plu-
sieurs ouvrages, dont le plus célèbre est
son Synopsis criticorum , Londres, 1669,
5 vol. qui se relient en 9 , in-fol. , et ré-
imprimé à Utrecht, 1684 , 6 v. in-fol. ,
avec des augmentations qui n'empêchent
pas de préférer la première édition. Cet
ouvrage est un abrégé des remarques des
plus habiles commentateurs de l'Ecriture
sainte, et sur tout de celles des protes-
tans. Il mourut à Amsterdam en 1679.
POOT (Hubert), poète hollandais, né
près de Delft en 1689 d'un paysan , n'a-
bandonna presque point la charrue, etsut
cependant trouver assez de loisir pour
exceller dans la poésie flamande, jusque
là que plusieurs l'ont appelé VHesiodr
de la Hollande. Il mourut en 1733. Se.
poésies ont été recceillies en 3 vol. in-4,
Delft, 1722-1734, avec de belles vi-
gnettes.
POPE ( Alexandre } vit le jour à Lon-
dres le 22 mai 1688. Il était d'une an-
cienne famille noble du comté d'Oxford.
Les auteurs de sa naissance, catholiques
romains , ne lui laissèrent qu'une mé-
diocre fortune. Faible de santé, mal con-
formé , bossu même , il fut l'objet des
plus tendres soins de sa mère, et reçut
dans la maison paternelle, une éduca-
tion digne des dons heureux que lui avait
faits la nature. (A 6 ans il lisait déjà les
poètes grecs et latins chez un vieux prêtre
catholique où il était en pension : depuis
il termina sespremières éludes à Londres;
là, ayant été au spectacle, il avait impro-
visé au bout de quelques jours une pièce
sur un sujet grec. Rappelé à 12 ans dans
là maison paternelle , il étudia les Eglo-
gues de Virgile avec passion. Cette étude
et l'aspect des champs l'entraînèrent
à la composition de ses Pastorales.) II dé-
buta par une Ode sur la vie champêtre.
Plus lard il composa un poème intitulé la
Forêt de fFindsor, puis une Eglogue sur
la naissance du Messie. On trouve dans
cette dernière pièce des idées sublimes et
une poésie fort élevée. V Essai sur la
6.
4?. POP
critique parut en 1 709 , et mit le jeune
poète ail rang des plus beaux génies de
l'Angleterre , quoiqu'il n'y eût pas d'or-
dre dans le plan , et que l'imagination
n'y soit pas toujours bien réglëe. L'abbé
du Resnel en a donné une traduction
estimée. Le Temple de la Renommée,
poème qui parut en 1710, offre encore
moins d'ordre que VEssai sur la cri-
tique : tout y est confus, il y a cependant
des morceaux d'une grande beauté , et
qui décèlent l'homme de génie. La Bou-
cle de cheveux enlevée , petit poème en
cinq cbants , publié en 1712. Celte ba-
gatelle ne respire que la galanterie ; mais
YEpître d'Héloïse à Abailard paraît
dictée par tout ce que l'amour le plus
violent peut inspirer. Le poète y peint
les combats de la nature et de la grâce
d'une manière où la piété et la paix des
âmes pures n'ont rien à gagner. Un tra-
vail plus considérable occupait Pope,
lorsqu'il enfanta ce'fte épître : il prépa-
rait une traduction en vers de l'Iliade
et de YOdyssée. Toute l'Angleterre sou-
scrivit pour cet ouvrage , et l'on prétend
que l'auteur, qui n'était rien moins que
désintéressé, y gagna près de cent mille
écus. Quand l'/ToOTère anglais vit le jour,
il parut fort au dessous du grec , quoi-
qu'on y trouvât de l'abondance et de la
force. Ses ennemis ou ses rivaux en pro-
fitèrent pour l'accabler de sarcasmes. Ils
allèrent jusqu'à ridiculiser sa figure et sa
taille, qui en effet n'étaient pas avanta-
geuses ; ils lui reprochèrent d'être ^«««f,
laid et bossu. Pope répondit par une sa-
tire intitulée la Dunciade, c'està-dire
YHébétiade ou la Sottisiade. Il y passait
en revue les auteurs et les libraires. Cette
satire basse et indécente respire la fu-
reur. L'auteur eut honte dans la suite
de l'avoir enfantée; il n'hésita point à
la jeter au feu, en présence du docteur
Swift, qui la relira promptement, et
lui rendit le mauvais office de la con-
server. Non contens de le traiter dans
vingt libelles ^'ignorant, de fou, de
monstre, à' homicide et (Y empoisonneur,
ses adversaires firent courir dans les rues
de Londres une relation d'une flagella-
tion ignominieuse. Cette satire, où il y
POP
avait quelques traits perçans , et qui ne
tombaient pas absolument à faux , rem-
plit d'amertume le cœur de Pope. Il ne
se contenta pas de faire écrire un Avis
au public, où il attestait qu'il n'était pas
sorti de sa maison le jour marqué par la
relation , il voulut encore ajouter de nou-
veaux traits à la Dunciade. Ses amis lui
conseillèrent de ne répondre à ses adver-
saires que par des ouvrages louables , et
il enfanta Y Essai sur V homme. L'au-
teur embellit les matières les plus sèches
par une élocution noble , facile, éner-
gique , variée avec art. Il y a pourtant
des descriptions trop étendues et des
pensées répétées ; on y trouve peu de so-
lidité dans quelques assertions , peu d'or-
dre et de liaison entre les idées, et, ce
qui fait l'objet d'une critique plus grave,
des principes favorables à l'irréligion,
une morale vague et sans autorité, une
métaphysique imaginaire et illusoire.
Il est vrai que Ramsay a tenté de faire
l'apologie de ses sentimens, dans une
lettre à Racine le fils , auquel Pope écri-
vit lui-même ; mais il est bien difficile à
quiconque a lu les ouvrages et a connu
les amis de Pope , de n'avoir pas quelques
doufes sur ses sentimens. ff Après avoir
» lu ce poème dans l'anglais , dit Ra-
» cine , loin d'en être le défenseur , je,
» reconnais qu'il ne peut être justifié que
» par des explications forcées , et que le
» système qu'il présente d'abord est ce-
» lui du déisme. » Plusieurs écrivains
l'ont traduit en français. La version de
l'abbé du Resnel , en vers , n'est pas
assez littérale , et celle de M. Silhouette,
en prose, l'est trop. L'abbé Millot en a
donné une en 17G1, qui ne vaut aucune
des deux précédentes. On trouve à la
suite de sa traduction une épître morale
de Pope sur la connaissance des hommes.
C'est un tissu de réflexions où le génie
anglais se montre dans tout son éclat et
avec tous ses défauts. Cette épître tient
par son sujet à Y Essai sur l'homme , et
on peut la regarder, comme une carte
particulière , où est tracé en détail ce
qu'une carte générale ne présente qu'en
gros. En 1783, M. de Fontanes adonné
une nouvelle traduction en versdel'Jï'.y-'
I
POP
soi sur V homme , avec des notes et un
discours rempli d'idées communes , dé-
bitées avec beaucoup d'emphase. Quel-
ques personnes préfèrent celle de l'abbé
hesnel. Si le premier traducteur manque
souvent d'élévation , de vigueur et de
coloris , il est du moins clair, naturel et
fait entendre Pope, si obscur dans la
dernière traduction ; la phrase est plus
française, plus coulante ; sa versifica-
tion moins sèche , moins dure , moins
heurtée. Pope a encore composé des
Odes, des Fables , des Epitaphes , des
Prologues et des Epilogues ; il passe
pour le poète le plus élégant et le plus
correct, et, ce qui est encore beaucoup,
le plus harmonieux qu'ait eu l'Angle-
terre. Il a réduit les sifflemens aigres de
la trompette anglaise au son doux de la
flûte. Nous ne parlerons point de ses
Lettres , dont on a un recueil assez am-
ple. S'il en a deux ou trois qui puisse.it
intéresser le public , toutes les autres ne
sont presque d'aucun pris ; et il en est
ainsi de presque toutes les collections de
ce genre. Ses dififérens ouvrages ont été
recueillis à Londres en 17 51 , 20 vol.
in-8;ibid., 1797, 9 vol. in-8 ; ibid. ,
1804, 6 vol. et à Edimbourg, U764, 6
vol. in-8. (Sa Traduction à.'liom.eïe ne
se trouve point dans cette dernière édi-
tion. Cette traduction a été réimprimée
à Londres en 1805 , 12 tomes en 6 vol.)
On a publié à Amsterdam les OEuvres
diverses de Pope , traduites de t anglais ;
nouvelle édition, augmentée deplusieurs
pièces et de la vie de l'auteur , avec des
figures en taille-douce, 1767 , 7 vol. in-
12. La plupart des traductions insérées
dans ce recueil sont lourdes , maussades,
pesantes. On a donné une nouvelle édi-
tion des OEuvres complètes de Pope ,
Paris, 1779, 8 vol. in-8, avec figures.
« Pope , dit un critique , avait plus de
M subtilité dans l'esprit , que de vérité
j> et de jugement. 11 n'a ni le génie de
» Milton , ni le goût épuré d'Addisson.
j> Son talent principal était d'imiter et
» de s'approprier les idées d'autrui ; le ta-
» lent qui lui manquait était l'invention
» et l'ordre. Il entassait beaucoup de par-
» lies brillantes , dont il ne savait pas
POP 43
» faire un tout bien proportionné. La plu-
« part de ses détails , pris séparément,
» sont bien ; mais , malgré son système,
w le tout n'est pas bien. » On a souvent
cité de lui ce morceau sur la mort , qui
est effectivement d'une grande beauté ;
« O Mort , je te bénis ! C'est toi qui frap-
» pes les tyrans , qui en purges la terre,
i> qui mets un frein à la cruauté et à l'am-
» bition. C'est toi qui confonds dans la
» poussière ceux que le monde avait flat-
M tés, et qui regardaient les hommes avec
)» mépris. Us tombent , et nous respirons.
M Sans toi , nos malheurs seraient éter-
V nels. O Mort , qui tiens en respect les
M hommes durs et heureux, qui jettes
» l'effroi dans leurs coeurs coupables ,
)) espoir des infortunés, achève d'étendre
M ton bras sur les scélérats puissans et
» respectés. » Il ne reste plus qu'à faire
connaître l'homme , après avoir fait con-
naître l'écrivain. Pope était bon pa-
rent et bon ami ; il avait de la philoso-
phie , mais surtout de celle qui est de
mode dans ce siècle, qui est beaucoup
plus dans l'esprit que dans le caractère.
Il était vain , railleur , colère, envieux ;
sacrifiant tout à sa réputation , d'une
sensibilité puérile sur la critique, et ca-
pable des plus grandes violences pour la
repousser. Il allait souvent chez son li
braire , et il y donnait de temps eu temps
des scènes de fureur , que sa figure , sa
taille et la singularité de ses mouvemens
rendaient comiques. On l'accusait aussi
d'avarice. Sa santé fut toujours chance-
lante , et l'art fut souvent appelé au se-
cours de la nature. Il mourut d'une hy-
dropisie de poitrine en 17 44 à 56 ans.
POPELirslÈRE ( Lancelot Voesi.n ,
seigneur de la ) , gentilhomme du Bas-
Poitou, né vers 1540, était calviniste. (Il
servit dans la guerre de ces sectaires
contre le gouvernement , soit à Toulouse,
soit dans la Provence. En J575, il prit
Tournai, Boutonne, fit une descente
dans l'île de Rées. Envoyé par le prince
de Condé aux états de Blois, il y rédigea
la protestation de ses corréligionnaires.
11 voulut défendre La Rochelle avec peu
de forces, et il eut une vive querelle
avec un de ses officiers , qui lui repré-
44 POP
sentait l'impossibilité de l'entreprise.
L'officier lui donna un coup d'épée au
travers du corps , qui l'empêcha de con-
tinuer la guerre. Peu de temps après, il
fit son abjuration , et mourut en 1608 ,
au faubourg St.-Germain , presque dans
la misère.) C'était un homme d'une ima-
gination yive , mais mal réglée. On a de
lui : 1° une Histoire de France, depuis
1660 jusqu'en 1677, en 4 vol. in-8.
Quoique la matière soit vaste , il pouvait
se renfermer dans des bornes plus étroi-
tes. Il narre avec assez de netteté. Il est
sincère et exact dans beaucoup d'en-
droits , et, s'il ne l'est pas en tout , c'est
par zèle pour le calvinisme. 2° Un ou-
vrage intitulé Les Trois Mondes , in-4 ;
3° l'Histoire des histoires , in-4 , etc.
Ce jffest qu'un recueil de bruits popu-
laires. 4° Histoire des derniers trou-
bles, etc., depuis 1662, Cologne, 1671;
6" V Amiral de France, 1584.
* POPHAM (sir Home Riggs ), amiral
anglais, né en 1762 à Gibraltar d'une
famille originaire d'Irlande, fut le 21^
fils de sa mère qui mourut en lui donnant
le jour. Son père , consul à Tétuan dans
le royaume de Maroc , eut 44 enfans de
ses différentes femmes. Elevé par les soins
de l'un de ses frères aînés qui était juris-
consulte à Madras , le jeune Popham
passa de l'université de Cambridge dans
le service de la marine en qualité de
simple matelot, dans l'escadre de sir
Thomson : plus tard il suivit le comodore
sur la côte d'Afrique comme intendant
maritime. Après avoir fait partie de l'ex-
pédition d'Amérique dans la guerre con-
tre les États-Unis et être devenu lieute-
nant , il montra de si grandes connais-
.«ances en topographie nautique , qu'il
fut choisi, en 1788 , pour faire partie
d'une commission envoyée pour inspec-
ter New-Harbour , qui avait été repré-
senté comme très propre à devenir un
arsenal maritime. En 1791, il comman-
dait dans l'Inde un bâtiment du pays ,
avec lequel il se rendit à Bombay ; mais
il éprouva de violentes tempêtes qui le
forcèrent de jeter l'ancre à Poulo-Pinang,
appelé maintenant l'île du prince de Gal-
les. Cet accident le conduisit à la décou-
POP
verte et à la connaissance du détroit du
Sud, dont ilfutpublié la même année une
carte , avec la permission du gouverne-
ment, qui écrivit à sir Popham une lettre
de remercîmens. Le gouverneur-général
et plusieurs capitaines des vaisseaux de
la compagnie qui sentaient l'avantage
qu'on devait tirer de sa découverte , lui
offrirent aussi des remercîmens publics
et des marques de leur reconnaissance.
La guerre ayant éclaté entre l'Angleterre
et la France, il assista comme volontaire
au siège de Nimègue fait par Pichegru en
1 794 , et il y fit preuve de beaucoup de
valeur : ce qui le fit connaître du duc
d'York , qui obtint pour lui , en avril
1795 , le grade de capitaine de vaisseau.
Ce fut alors qu'il conçut l'idée d'armer les
pêcheurs de Flandre contre les Français
pour défendre leurs propresvilles,moyen
qu'il fit ensuite adopter en grand , dans
l'Angleterre. Lorsque les succès de Piche-
gru contraignirent les Anglais à évacuer
la Hollande, il présida à l'embarquement
des troupes , et les escorta en Angleterre
avec les frégates VAmphion et le Dédale.
Il présenta ensuite au gouvernement le
plan d'organisation d'un corps de marins
destinés à résister à toute tentative d'in-
vasion de la part des Français , et il eut
en récompense le commandement d'une
de ces compagnies , qu'il conserva jus-
qu'à l'année 1 800. Pendant tout ce temps,
il déploya beaucoup d'audace et d'intel-
ligence , et il réussit , en 1798 , à brûler
et à détruire les écluses , les bassins et
les divers travaux du canal d'Ostende
à Bruges , par où le gouverneur français
faisait arriver à Dunkerque une grande
quantité de munitions de guerre. Pen-
dant l'hiver de 1 799 , il fut employé de
nouveau sur les côtes de Hollande , et il
reçut une pension de cinq cents livres
sterling , en témoignage de satisfaction
pour les services qu'il rendit alors. A la
fin de 1800 , il fut envoyé de nouveau
dans les Indes orientales avec une esca-
dre de quatre vaisseaux de ligne , et il
se concerta avec le gouverneur-général
Wellesley, aunom duquel il remplit avec
succès différentes missions diplomatiques
auprès du chérif de la Mecque et d'autres
POP
chefs de l'Arabie, De retour en Angle-
terre , il trouva le ministère changé , et
les wighs à la tête des affaires. Ce parti
censura sa conduite dans l'Inde et le
laissa sans emploi ; mais bientôt élu au
parlement par le bourg d'Yarmouth , il
proiita de sa position pour attaquer le mi-
nistère par rapport à l'administration de
la marine . Un nouveau changement ayant
eu lieu dans le cabinet en 1804 , sirPo-
pham obtint le commandement de V Anti-
lope , de 50 canons , et fut chargé de
faire l'essai d'un nouveau moyen de des-
truction des flottes. Cette première ex-
périence réussit , et deux bâtimens fran-
çais furent détruits devant Boulogne;
mais une seconde tentative plus impor-
tante trompa son attente. En 1805, il
eut le commandement de la partie ma-
ritime de l'expédition qui s'empara du
cap de Bonne-Espérance en janvier 1806 :
de là , il se porta sur Buenos-Ayres ;
mais cette entreprise, qu'il avait faite de
son chef , n'ayant pas réussi , il fut ar-
rêté par ordre du gouvernement, comme
ayant outre-passé ses pouvoirs , et mis
en jugement. Cependant il fut acquitté ;
cette rigueur n'était qu'apparente : on
ne punit réellement en lui que le défaut
de succès dans la tentative. En effet , il
fut employé de nouveaupour l'expédition
de Copenhague , puis sur les côtes du
nord de l'Espagne, et enfin pour la prise
de l'île de Walcheren , qu'il fut forcé
d'abandonner à l'approche des troupes
françaises. Durant la guerre dans la pén-
insule , il commanda le Vénérable de
74 canons , qui fut employé activement
sur la côle nord-ouest de l'Espagne à
harceler les armées françaises. Lorsque
lord Moira partit pour le gouvernement
général du Bengale , sir Popham fut
chargé de le transporter dans l'Inde sur
le Stirling-Castle ; et à son retour , il
fut nommé colonel des troupes de la ma-
rine. Le 4 juin 1814, il fut élevé au
grade de contre-amiral du pavillon blanc.
Il s'occupa d'objets relatifs à la marine ,
particulièrement de la confection d'un
télégraphe nommé Sémaphore , qui
offre , dit-on , deux mille combinaisons
au lieu de cent , et peut être démonté en
POP
45
cinq minutes et transporté sur un cha-
riot d'un endroit à un autre. Il fut adopté
par le gouvernement , et employé , en
1815 , sur la côte depuis Bridport jusqu'à
l'extrémité du comté de Cornouailles. En
1819, il eut le commandement de la
station de la Jamaïque , et peu après ,
il alla commander celle des Indes Occi-
dentales , où il fit de vains efforts pour
ménager un accommodement entre le
roi noir Christophe et le général Boyer.
Sir Popham revint en Angleterre en 1820,
et mourut le 1 1 septembre de la même
année à Cheltenbam. lia publié : 1° Ex-
posé succinct des faits relatifs au trai-
tement éprouvé par sir Home Popham ,
depuis son retour de la mer Bouge ,
1 805 , in-8 ; 2° Description de nie du
Prince de Galles et des avantages
qu'elle offre comme point maritime ,
1805 , in-S ; 3° Principes et réglemens
à observer sur les vaisseaux de Sa Ma-
jesté ^ 1805, in-4. Sir Home Popham
était membre de la société royale de
Londres, chevalier de l'ordre du bain, etc.
ce fut sans contredit l'un des meilleurs
marins anglais du 19® siècle.
POPIEL ï" , roi de Pologne , fils de
Leseko ouLechus III, et selon d'autres IV,
lui succéda vers 8 15, et mourut cinq ans
après. Son fils , Popiel II , qui lui succéda ,
est célèbre dans les annales polonaises
par sa mort tragique et extraordinaire.
Les historiens rapportent qu'il fut mangé
par des rats avec safemmeetsesenfans
vers 840. ( Voyez Othon ou Hatton. )
Piast lui succéda après un interrègne d'un
an ou deux.
POPILroS(C.), de l'illustre famille
desPopiliens, qui donna plusieurs grands
hommes à la république romaine. Il fut
député vers Antiochus , roi de Syrie ,
pour l'empêcher d'attaquer Ptolémée ,
roi d'Egypte , et allié du peuple romain.
Le monarque syrien chercha à éluder par
adresse la demande des Romains ; mais
Popilius aperçut son dessein , et traçant,
avec sa baguette , un cercle autour de
lui , il lui ordonna de n'en point sortir ,
sans lui donner une réponse décisive ou
de paix ou de guerre. Cette action inti-
mida tellement Antiochus , qu'il renonça
46 POR
à son projet , l'an 168 avant Jésus-Christ,
et évacua toutes les villes de l'Egypte où
il avait garnison. — Il uc faut pas confon-
dre C. Popilius avec un autre Popilius ,
scélérat obscur , qui tua Cicéron, quoi-
que ce grand orateur lui eût conservé la
vie par son éloquence.
POPILIUS JNÉPOTIAJNUS. Foyez
NÉPOTIEN.
POPPÉE (Poppea Sabina), fille de
Titus Ollius , qui avait été questeur , prit
le nom de son aïeul maternel Poppéus
Sabiuus , qui avait illustré sa famille
par les honneurs du triomphe. Elle fut
mariée à un chevalier romain , nommé
RufusCrispinus,et elle en avait un fils,
lorsque Othon , qui fut depuis empereur
et alors favori de Néron , l'enleva à son
mari et l'épousa. Il ne cessa de la louer
devant Néron , qui en devint amoureux ,
répudia sa femme Octavie, qui fut bien-
tôt sacrifiée à sa rivale , et épousa Pop-
pée. ( Comme Poppée n'espérait pas mon-
ter sur le trône pendant la vie d'Agrip-
pine , elle irritait sans cesse Néron contre
sa mère, qui fut enfin sacrifiée. Ce ne
fut qu'après sa mort, qu'Octavie fut ré-
pudiée.) Néron eut une fille dePoppée : la
naissance de cet enfant lui causa des
transports de joie violens. Il lui donna le
nom d'Auguste , ainsi qu'à sa mère.
Poppée ne jouit pas long-temps de sa fa-
veur, sous un prince cruel et bizarre.
Elle mourut d'un coup de pied que lui
donna Néron, lorsqu'elle était enceinte,
l'an 65 de Jésus-Christ. Elle s'était per-
mise de railler l'empereur. Il la regretta
ensuite , rendit à ses restes de grands
honneurs et prononça lui-même sou
oraison funèbre. Les soins que Poppée
prenait de sa "beauté sont célèbres .- elle
se baignait tous les jours dans du lait
d'ânesse.
POQUELIN. Foyez Molière.
POQUET. Foyez Livonièrk.
PORCACCHI (Thomas), écrivain
toscan, né vers 1530 à Castiglione-Are-
tino, mourut en 1585. Il traduisit en ita-
lien/w^/tn, Dion, Plutavquc, et d'au-
tres auteurs grecs et latins. On a de lui
d'autres ouvrages , dont le plus curieux
est intitulé : FuneraU antichi di diversi
POR
popoli e nazioni , con figure del Porto ,
Venise, 1574, in-4. Il cultiva aussi les
muses italiennes et latines; mais il eut
moins de succès en vers que dans les re-
cherches d'érudition. On cite encore son
Isole del mondo , 1620 , in- fol.
PORCAIRE ( Saint ) ou Porghaire ,
abbé de Lérinsen 731 , était à la tète de
500 moines, lorsque les Sarrasins ou
Maures d'Espagne vinrent foudre sur
cette île , au retour du siège d'Arles. Ces
barbares massacrèrent tous ces saints re-
ligieux , à l'exception de quatre , qu'ils
emmenèrent avec eux. Ceux-ci, s'étant
sauvés, revinrent à Lérins , et n'y trou-
vèrent qu'un vieillard appelé ^/eu//tère,
qui s'était caché dans une grotte pen-
dant celte horrible boucherie. Us l'élu-
rent pour abbé , après avoir fait revenir
d'Italie 36 religieux que saint Por-
caire y avait envoyés à la première nou-
velle des incursions des Sarrasins en
Provence. Les habitans de Momverdan ,
près du Lignon en Forez, croient que
saint Porcaire se retira chez eux , et
qu'il y fut depuis martyrisé par les Sar-
rasins. Mais si le saint de ce nom qu'ils
honorent est le même que l'abbé de
Lérins , ce sera quelque translation de ses
reliques , qui aura donné lieu au culte
qu'ils lui rendent .
PORCELLETS (Guillaume des ) , sei-
gneur en partie de la ville d'Arles , suivit
en 1265 Charles \", roi de Naples, dans
son royaume de Sicile. Il se signala à 1^
couqifête de Naples, et mérita le titre de
chevalier et le gouvernement de la ville
de Pouzzoles. Sa probité et sa douceur le
firent épargner seul à Palerme pendant
le massacre terrible des Vêpres sicilien-
nes.
PORCELLUS ou Pokcellics (Pierre),
écrivain de Naples, fut ainsi appelé
parce qu'il garda , à ce que l'on croit ,
les pourceaux dans sa jeunesse. On ne sait
comment il sortit de l'obscurité : ce qu'il
y a de constant , c'est qu'il se qualifie
Secrétaire du roi de Naples. Ses talens
lui procurèrent l'amitié et l'estime de
Frédéric , duc d'Urbin et célèbre géné-
ral, mort en 1482. Il se trouva en
1452 dans l'armée des Vénitiens, qui
POR
étaient en guerre contre les Milanais. Por-
cellusy était, non comme guerrier, mais
comme témoin des belles actions du
comte Jacques Piccinino , qui combattait
à ses frais pour les Vénitiens. Ce héros
l'honorait de son estime , le logeait avec
lui, et l'admettait tous les jours à sa ta-
ble. Porcellus écrivit l'histoire de ce gé-
néral , et l'adressa à Alphonse d'Aragon,
sous ce titre : Commentaire du comte
Jacques Piccinino^ appelé Scipion Emi-
lien. Ce morceau d'histoire , qui fut pu-
blié en 1731, par Muratori , dans le tome
20 de ses Ecrivains d'Italie , plaît parles
agrémens du stile. Son ouvrage est en 9
livres ; il avait fait une suite de cette his-
toire, mais elle est demeurée manuscrite.
On a encore de Porcellus des EpUjram-
mes , d'un stile simple et naturel. On les
trouve dans un Recueil de poésies italien-
nes, 1539, in-8.
'PORCHER deLinonay (Gilles) comte
de RicHEBOURG , né en 1 763 , à la Châtre,
devint subdélégué et procureur du roi
dans cette ville. Il occupait cette place
au commencement de la révolution : il
fut nommé successivement maire , com-
missaire du roi près le tribunal du dis-
trict delà même ville , suppléant du dé-
partement de l'Indre à l'assemblée légis-
lative , et enfin député à la Convention
nationale en 1 792 ; il y vota la détention
du roi et son bannissement à la paix , en
déclarant qu'il votait non comme juge ,
n'en ayant pas le droit, mais comme re-
présentant du peuple chargé de prendre
des mesures de sûreté générale ; il se
déclara aussi pour l'appel au peuple et
pour le sursis. Depuis , il se fit peu re-
marquer dans l'assemblée , et ce ne fut
qu'après le 9 thermidor qu'on le vit agir
avec beaucoup d'activité , soit au comité
de législation , au nom duquel il fit de
fréquens rapports , entr'autres celui qui
amena la suppression du tribunal révo-
lutionnaire le 26 mai 1795. Envoyé en
mission dans quelques départemens, il se
conduisit avec modération. Néanmoins ,
se trouvant aux approches de vendémiaire
dans le Calvados , il dénonça à la Con-
vention les manœuvres des royalistes ,
et il continua de se montrer républicain,
POR 47
quoiqu'il fût souvent en opposition avec
le directoire. Il fut encore nommé député
au conseil des anciens ; mais son élection
ayant été annulée , il devint membre de
la commission administrative des hospi-
ces civils de Paris. Il perdit cet emploi
en 1799 , à la suite d'un renouvellement
général ; mais il fut réélu au conseil des
anciens , et dans le mois de novembre il
se prononça en faveur de la révolution
de Saint-Cloud. Alors il fit partie de la
commission intermédiaire du conseil, et
enfin il entra au sénat conservateur. Il
en était secrétaire à l'époque de la chute
de Buonaparte ( 1 8 1 4 ) , et il signa , en
cette qualité , la création d'un gouver-
nement provisoire et la déchéance de
l'empereur. Le roi le nomma pair de
France le 4 juin. N'ayant pas été appelé
à la chambre des cent-jours , il conserva
cette dignité jusqu'à sa mort , arrivée le
12 avril 1824.
PORCHERES d'Arbaud( François de),
né à Saint-Maximin en Provence , fut un
des élèves de Malherbe , qui lui légua la
moitié de sa bibliothèque. Porchères ob-
tint une place parmi les premiers mem-
bres de l'académie française , et mourut
l'an 1640, en Bourgogne , où il s'était
marié. Ses poésies sont : 1" une Para-
phrase des psaumes graduels ; 2° des
Poésies diverses sur dilférens sujets ,
in-8, Paris, 1633; et plusieurs autres
pièces, insérées dans les recueils de son
temps ; 3° une Ode au cardinal de Riche-
lieu. On lui attribue un Sonnet sur les
yeux de la belle Gabrielle d'Estre'es ;
sonnet qui lui valut, dit-on, une pension
de I, 400 liv., de la part de Henri IV,
souvent plusgénéreuxenfait de galante-
rie, qu'économe de la richesse publique.
PORCHERON ( Dora David Placide),
bénédictin et bibliothécaire de l'abbaye
de Saint -Germain -des -Prés, naquit à
Châteauroux en Berri l'an 1652. Les lan-
gues', l'histoire , la géographie , les gé-
néalogies et les médailles entraient dans
la sphère de ses connaissances. Ce pieux
et savant religieux mourut à Paris dans
l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés , en
1694, à 42 ans. On a de lui : 1° une édi-
tion des Maximes pour Ve'ducatiort d'ui%
48 POR
jeune seigneur, laquelle il publia en
1690, après en avoir reformé le stile. Il
y ajouta une traduction des Instructions
de l'empereur Basile-le-Macédonien pour
Léon son fils , et la Vie de ces deux .
princes. 2° Une Edition de la Géogra-
phie de V Anonyme de Ravenne , qu'il
publia en 1688 , in-8 , avec des notes cu'
rieuses et savantes : ouvrage très-utile
pour la géographie du moyen âge ; 3° il
contribua à la nouvelle Edition de saint
Hilaire, et à quelques autres éditions
publiées par ses confrères.
PORCHETTI Salvagio, en latin dk
SiLVATicis , savant et pieux chartreux gé-
nois, qui vivait vers 1315, s'occupa
dans sa solitude à réfuter les Juifs dans
un livre intitulé : Victoria advevsus im-
pins Hebrœos, Paris, 1520 , in-fol. ; go-
thique, assez rare. Cet ouvrage, dont
Haimond Martin lui avait fourni Ile mo-
dèle , et qui depuis fut copié par Pierre
Galatin, renferme de fort bonnes choses,
mais aussi quelques raisonncmens peu
concluans ; son zèle paraît quelquefois
plus avantageusement que sa logique.
Voyez JusTiNiANi Augustin.
PORCIE, fille deCaton d'Utique,et
femme , en premières noces, de Bibulus,
puis de Brutus , se rendit célèbre par son
esprit et par son courage. Dans le temps
que Brutus devait exécuter contre César
la conjuration qu'on lui cachait, elle se fit
elle-même une grande blessure. Son mari
demanda la raison d'une si étrange con-
duite. <f C'est, répondit-elle, pour vous
5> faire connaître avec quelle constance
» je me donnerais la mort , si l'affaire
i> que vous allez entreprendre venait à
» échouer et causer votre perte. » Brutus
ayant perdu la vie quelques années après,
elle ne voulut point lui survivre. Sespa-
rens s'opposèrent à ce funeste dessein, et
lui ôtèrent toutes lesarmes avec lesquelles
elle pouvait se nuire ; mais elle avala des
charbons ardens , dont elle mourut l'an
42 avant Jésus-Christ. — Il y a eu une
autre Porcik , sœur de Caton d'Utique ,
de laquelle Cicéron parle avec éloge.
PORDENONE f Jean-Antoine Licinio
Rkgillo, dit le), peintre, né en 1483 au
bourg de Pordenone , dans le Frioul , à
POR
8 lieues d'Udîne, mourut à Ferrare en
1540. Ce fut dans l'école du Giorgion,
qu'il étudia les effels piquans de la na-
ture, pour les transporter dans ses ouvra-
ges. Charles-Quint combla ce peintre de
biens , et le décora du titre de chevalier.
Le Pordenone a beaucoup peint à fresque;
il y a plusieurs villes d'Italie enrichies de
ses ouvrages. Son tableau de saint Au-
gustin , et deux chapelles qu'il a peintes
à fresque à Vicence , sont particulière-
ment admirés. (Le Pordenone étaitl'émule
du Titien , avec lequel il eut plusieurs
différends.- Il est considéré comme le se-
cond maître de l'école vénitienne. — Son
neveu, Julius Lucinius le Pordenone, né
à Venise, mort à Augsbourg, en 1561, fut
son élève , et réussissait dans la peinture
à fresque. Il a peint à Venise et dans
plusieurs autres endroits de l'Italie. Les
magistrats d' Augsbourg, charmés des
ouvrages qu'il y a faits , ont cru devoir
honorer sa mémoire par une inscription
particulière. )
POREE. royetPoRSÉE.
PORÉE (Charles), jésuite, né en
1 6 7 5 à Vendes , près de Caen , entra dans
la société des jésuites en 1C92. Il pro-
fessa d'abord les humanités en province,
et se fit une grande réputation. Appelé à
Paris pour y faire sa théologie, il fut
chargé en même temps de la direction de
quelques pensionnaires. Les progrès
qu'ils firent sous un tel maître, l'idée que
SCS supérieurs avaient de ses talens, le
firent nommer, en 1708, professeur de
rhétorique au collège de Louis le Grand :
emploi qu'il n'accepta qu'à regret. Si
l'on n'eût écouté que ses inclinations et
ses instances, il se serait consacré pour
toujours aux missions chez les infidèles. Le
PèrePorée, choisi immédiatement après
le Père Jouvenci, le remplaça dignement.
Même zèle , même piété , même applica-
tion ; mais plus d'esprit, plus de génie ,
plus d'élévation dans le successeur. Une
latinité moins élégante et moins pure,
mais un stile plus vif, plus ingénieux,
un stile que Sénèque et Pline auraient
peut-être envié. On lui a reproché de
n'avoir point l'éloquence nombreuse et
périodique de Cicéron ; mais il ne voulait
POR
pas l'avoir. Le slile coupé, pressé , vif,
lui paraissait plus convenable pour des
discours académiques , tels que ceux
qu'il prononçait à l'ouverture des clas-
ses, et plus propre à aiguiser l'esprit des
jeunes gens et à exercer leur imagination.
Le Père Porée forma des élèves dignes de
lui , pendant les 33 années qu'il occupa
la place de professeur , jusqu'à sa mort ,
arrivée en 17il. Il aimait ses disciples,
et il avait l'art de s'en faire aimer. Il les
rappelait à leur devoir par la douceur,
et à la vertu par ses exemples. Occupé
uniquement de son emploi , il était pres-
que aussi solitaire au milieu de Paris que
dans un désert. Ou a de lui : 1" un Re-
cueil de harangues , publié h Paris en
173-S, eu 2 vol. in-I2. On ne peut nier
qu'il n'y ail dans ses discours un grand
nombre de tours ingénieux , de pensées
fines , d'expressions vives et saillantes ;
mais on y trouve en même temps des
jeux de mots , des anlilbèses , et en géné-
ral un tour tout difterent de celui de l'é-
loquence romaine. On raconte à ce sujet
l'anecdote suivante. Le Père Thoulier (de-
puis l'abbé d'Olivetj, lui parlaun jour de
cette diÔëreucc. Le Père Porée répondit :
Après inut,quc trouvez-vous de si beau
dans Cicéron ? Je vous promets là-dessus
le secret votre vie durant, reprit le Père
Thoulier, un des plus zélés partisans de
l'orateur de Piome. 2" Un second Recueil
de harangues, Paris, 1747, in- 12. Il y en
a quelques-unes sur des sujets pietix, dans
lesquelles il est plus simple que dans ses
discours d'apparat. Il ne pense qu'à éclai-
rer l'esprit et à toiicber le cœur , et il
réussit. 3" Six Trage'dies latines, pu-
bliées en 1725, in-12, par le Père Griffet,
qui les a ornées d'une Fie de l'auteur. Il
y a plusieurs morceaux pleins d'éléva-
tion , de noblesse et de pathétique ;mais
tout n'est pas égal. 4° Cinq Comédies la-
tines en prose , en 1749, in-12 , qui ont
TU le jour par les soins du même éditeur.
Le comique du Père Porée est gracieux
et toujours décent. Il n'ani le vis comica
de Plaute, ni l'élégante simplicité deTé-
rence ; mais on admire la flexibilité de
son esprit , et surtout l'attention d'ame-
ner une morale exacte à la portée des jeu-
POU 4y
nés gens. LePèrePorée a fait d'autres piè-
ces fugitives, telle que celle qu'il com-
posa sur la dernière maladie du Père Com-
mire , où l'on remarque beaucoup d'ima-
gination et de poésie. On a gravé son
portrait , avec ces mots au bas , qui ren-
ferment un éloge d'autant plus flatteur
qu'il est fondé sur la plus exacte vérité :
Pietate anJngenio,poesi an eloquentia ,
modestia major an fama ? L'abbé Lad- '
vocat blâme l'usage de faire représenter
aux écoliers des comédies , et prétend
qu'on devrait leur préférer les exercices
en forme de plaidoyer , dont on se sert ,
dit-il, depuis le Père Porée dans le collè-
ge Louis le Grand. Cet habile jésuiteavait
effectivement employé ce moyen , établi
par le Père Le Jay, et on convient qu'ill'a-
Yoit porté à toute la perfection dont il est
susceptible ; mais il croyait le théâtre
plus propre à corriger le ridicule des
jeunes gens , et à leur donner de la har-
diesse pour les actions publiques aux-
quelles on les destine. Ce sentiment est
incontestable et sensiblement vrai dans
ses effets ; mais le théâlre en général est
aujourd'hui si corrompu, est devenu
une source si vaste et si sûre de corrup-
tion , que dans la crainte de nuancer le
bien avec le mal , il est convenable de
sacrifier les avantages d'un théâtre hon-
nête et innocent aux dangers du théâtre
devenu l'école des vices et des abomina-
tions humaines.
PORÉE ( Charles-Gabriel ) , frère du
précédent, naquit à Caen , en 1685. Lé
dégoût que ses premiers maîtres lui fi-
rent prendre pour l'étude , dura jusqu'à
25 ans, qu'il se cassa la jambe. La lec-
ture, sa ressource contre l'ennui pen-
dant la guérison de cet accident , devint '
une passion qui ne le quitta qu'avec la
vie. Il entra dans la congrégation de l'O-
ratoire d'où son frère le fit sortir bien-
tôt après , pour le placer auprès de l'il-
lustre Fénélon , en qualité de bibliothé-'
Caire. Ensuite, il fut curé dans l'Auvergne
jusqu'en 1728, que le roi lui donna,
dans la cathédrale de Bayeux, un cano-
nicat qu'il résigna deux ans après. On le
contraignit encore d'accepter la cure de
LouvigTiy, près Caen ; il la garda 20 ans,
7-
5o POR
Retire dans celte ville au sein de sa fa-
mille, il partagea son temps entre la
prière et l'étude jusqu'au 17 juin 1770,
qu'il mourut. Il était gai , franc , chari-
table, chéri de tous les honnêtes gens.
Nous avons de lui : 1" Examen de la
prétendue possession de Landes , et Ré-
futation d'un Mémoire oiiV on s^ efforce
de l'établir. Il fit cet ouvrage conjointe-
ment avec M. Dudouet, médecin àCaen.
2° La Mandarinadc, ou Histoire du man-
darinat de l'abbé de Saint-Martin, connu
dans le 17* siècle par ses ridicules : celte
histoire en 3 vol. in-12 renferme beau-
coup d'anecdotes amusantes sur l'abbé
qui en est le héros. Ses extravagances
fournirent , dit-on , à Molière l'idée du
Bourgeois gentilhomme. 3" Quatre Let-
tres sur les sépultures dans les églises,
1745, Cet ouvrage fut attaqué; il répon-
dit par un petit écrit , sous le litre d'Ob-
servations. 4° Nouvelles littéraires de
Caen , 3 vol. in-8. Il les commença en
1742 , et les continua jusqu'à la fin de
1744. C'est un recueil de pièces, en
prose et en vers , des académiciens de
cette ville. 5" Quarante-quatre Disserta-
tions sur différens sujets , lues à l'acadé-
mie de Caen , dont M. Porée a été pen-
dant 30 années un des principaux orne-
mens. Onze de ces dissertations ont été
imprimées dans les Mémoires de cette
académie, et dans les Nouvelles littérai-
res. 6" Un grand nombre de Corrections
et à' Additions , pour une nouvelle édi-
tion du Dictionnaire de Trévoux, restées
manuscrites.
* PORION ( Pierre-Joseph ) , évêque
constitutionnel , né en 1743 à Thièvres
dans le Diocèse de Sainl-Omer , fut pro-
fesseur à la Flèche, puisa Arras. En 1780
il devint curé de Saint-Mcolas-des-Fossés
dans cette ville , et le 30 mars 1791 il
fut élu évêque du Pas-de-Calais. Sacré à
Paris le 1 0 avril 1 7 9 1 , il fut peu de temps
sur son siège : en 1793 il renonça à ses
fonctions , ainsi que la plupart des prê-
tres qu'il avait ordonnés. Il se fit défen-
seur officieux près les tribunaux , et fut
quelque temps président de l'administra-
tion municipale de Saint-Omer. Il s'était
marié à la fille d'un officier irlandais
POR
nommé Prud'hov. En 1 802 il vint se fixer
à Paris où il vécut dans l'obscurité ; il ^
composa un Commentaire de Lhomond
et publia des Corrigés de thèmes. Il fai-
sait des fer.y latins et français ; mais ils
ne lui ont pas fait grande réputation ,
quoiqu'il eût chanté successivement les
chefs des divers gouvernemens qui se
sont succédé pendant la révolution. Il
est mort à Paris le 20 mars 1830. Il n'a
vait eu de son mariage qu'une seule Jiile.
Voyez la Gazette des cultes du 8 avril
1830.
PORLIER ( Pierre ) , seigneur de Gou-
pilières en Normandie , fut maître des
comptes à Paris , et rendit un service
important à l'ordre de Malle, en 1714.
Les Turcs , sachant qu'il n'y avait point
de poudre dansl'île, résolurent d'en faire
le siège. Portier, sensible aux malheurs
dont la religion était menacée , les pré-
vint , en vendant sa vaisselle d'argent et
d'autres effets précieux, pour acheter
une grande provision de poudre , qu'il
fit passer dans cette île , et les Turcs re-
noncèrent à leur projet. Le grand maî-
tre, Perellos de Rocafull, pénétré d'esti-
me et de reconnaissance pour uneaction
aussi généreuse, envoya à Portier la croix
de l'ordre. Il mourut à Paris dans un âge
fort avancé.
■^ PORLIER (don Juan Diaz), surnom-
mé El Marquesito , maréchal de camp,
capitaine général des Asturics , né vers
1 775 à Carthagène dans l'Amérique , était
encore très jeune lorsqu'il entra au ser
vice de mer comme garde-marine. Il n'y |
avait pas long-temps qu'il avait embrassé j
celte carrière lorsqu'il assista au désas-
treux combat de Trafalgar. Porlier de-
manda ensuite de l'emploi dans un régi-
ment d'infanterie royale, lorsque lesFran-
çais envahirent la Péninsule. Sa bravoure
lui mérita en peu de temps le grade de
colonel. Autorisé à lever un corps de
partisans ou une guérilla, il se signala à
la tète dececorpsdans plusieurs occasions
importantes. La régence, voulant récom-
penser ses nombreux services, lui donna
le grade de maréchal de camp et le com-
mandement général des Asturies ; Ferdi-
nand VII , replacé sur le trône, l'accueil-
POR
lit avec distinction. Jlais Porlier avait
été séduit par les idées libérales qu'a-
vaient proclamées les Corlès dans leur
constitution : la conduite du gouverne-
ment qui ne partagea point cet élan d'in-
dépendance politique , indigna l'ànie
fière de ce soldat ; il laissa même échap-
per dans sa correspondance des plaintes
que redisaient encore plus fortement ses
entretiens, et dont la police ne tarda pas à
être instruite : une de ses lettres fut in-
terceptée, et bientôt après ( 1 0 août 1814)
il fut enfermé d;ins le château de San-
Antonio, d'oii il ne sortit qu'au bout de
plusieurs mois pour al 1er prendre les eaux
d'Arteyro. C'est là que fut ourdi le fa-
meux complot qui éclata dans la nuit du
18 au 19 septembre par la prise de Sainte-
Lucie. Après avoir installé dans cette ville
les autorités de 1 8 1 4 , il publia une pro-
clamation dans laquelle il appelait aux
armes ses concitoyens jalou\ de recon-
quérir une liberté qu'ils avaient déjà
payée , disait-il, au prix de tant d'efforts.
Une junte provinciale de Galice s'insti-
tua sous sa présidence : elle lui décerna
le litre de commandant général de l'in-
térieur du royaume. Il partit ensuite pour
Santiago oîi il croyait entrer comme à
Sainte-Lucie : il savait que les troupes
étaient favorables à son parti. Le gou-
verneur de la ville paralysa ses disposi-
tions , en payant la solde arriérée et eu
répandant d'un côté l'or à pleines mains,
et de laulre les menaces les plus terri-
bles, l'orlier s'avança jusqu'à trois lieues
de Santiago. Epuisé de fatigues , il s'é-
tait endormi, lorsque deux sous-officiers
des troupes insurgées, séduits parle gou-
verneur, donnèrent à un détachement
de l'armée royale les moyens de pren-
dre ce général. Arrêté le 25 septembre
1815, il fut condamné comme traître , et
pendu le 3 octobre suivant. Les restes de
Porlier reçurent eu 1820 une éphémère
apothéose.
PORPHYRE, philosophe platonicien,
né près de Tyr, dans le bourg de Bata-
née, l'an de J. C. 233, portait d'abord
le nom de Malchus qui signifie roi dans
la longue syriaque ; celui de Porphyre ^
Purpuraius, lui fut donné par Longin. Il
POR
5i
étudia d'abord l'éloquence et la philoso-
phie à Athènes sous ce rhéteur. De là il
passa à Rome, oii ilpritPlotin pour maître.
Après la mort de ce philosophe , il en-
seigna avec succès, et eut un grand nom-
bre de disciples. On dit qu'il épousa la
veuve d'un de ses amis , pour être plus à
portée de faire du bien à sa femme et à
ses enfans. Il paraît certain qu'il avait
embrassé le christianisme, et que, par
une inconstance très peu philosophique,
il le quitta pour un sujet foït mince. L'his-
torien Socrale dit formellement que le
platonicien de Batanée abandonna le
christianisme, pour avoir été maltraité
par quelques chrétiens deCésaréeeu Pa-
lestine. Il mourut sous le règne de Dio-
clétien, après s'être fait un grand nom
par ses talens et par sa manière de vivre.
Son génie était vif, entreprenant, pas-
sionné pour la nouveauté et les choses
extraordinaires. « On voit, dit un criti-
» que , dans tous ses ouvrages un es|)rît
u imbu de cette mystérieuse théurgie,
« qui consistait dans divers moyens de
» purifier l'âme , de la préparer à la com-
)) municalion la plus intime avec les es-
n prits , de l'élever à la connaissance dès
» plus sublimes vérités , et même , en
» quelque manière, deJa déifier. C'est
» là ce qu'il s'efforce d'expliquer, et ce
» qu'il prétend démontrer par les Fies
>' de Pythagore et de Plotin qu'il a don-
» nées, et qui sont toutes des miracles,
» des prodiges , qu'il présente comme
)) bien supérieurs à ceux des chrétiens.
» Il est vrai qu'il n'en a point d'autre ga-
» rant que la parole de Porphyre lui-
» même. Cette théurgie n'était au fond
» que la sœi^r de la magie, qu'une es-
» pèce de commerce avec les esprits sé-
H ducleurs , qu'un ramas d'illusions sub-
» tiles par lesquelles ces hommes or-
)) gueilleux et présomptueux étaient sou-
X vent aveuglés eux-mêmes, et sédui-
» saient ensuite les autres. » Le plus cé-
lèbre de ses ouvrages est celui qu'il com-
posa contre les chrétiens. Kous ne l'a-
vons plus ; mais il fallait qu'il fût bien
répandu , puisqu'il a été réfuté par saint
Méthodius , évêque de Tyr ; par Eusèbe ,
de Prœp. evang. ; par Apollinaire, saint
52 POR
Augustin, saint Jérôme; saint Cyrille et
Théodoret. Ce philosophe avait lul'Kcri-
ture sainte pour la combattre; et eu com-
parant avec les historiens profanes les
prophéties du livre de Daniel , il les trou-
va si claires, si détaillées et si conformes
à l'histoire, qu'il s'imagina que Daniel
n'en avait pu être l'auteur , mais qu'elles
avaient été composées par un écrivain
qui avait vécu depuis Antiochus Epi-
phanes , et qui avait emprunté le nom
de Daniel. On lui démontra le contraire,
en exposant la tradition constante des
Juifs et la manière dont s'est formé le
canon des livres saints. Mais cette ima-
gination de Poi-phyre est une excellente
preuve de la clarté et de l'évidence frap-
pante des prophéties. Ou vit ici les Juifs
combattre pour les chrétiens , et la reli-
gion de Jésus-Christ avoir pour défen-
seurs ses plus cruels ennemis. Théodose
le Grand fit brûler les ouvrages de Por-
phyre en 388. Ses Truites De abstinentia
ab aniinalibus necandis , et De vita Py-
thagorœ, parurent àXambridge , 1655,
in-8 , avec les notes de Luc Holstenius;
et Utrecht, 1767 , in-8. On a encore de
lui : De aniro nympharum , Utrecht ,
1765, in-4. On a imprimé sous son nom,
Porphyru Isagoge latine , Ingolsladt ,
1492 , in-fol. rare. Le Traité sur l'ab-
stinence des viandes a été traduit en
français par Maussac , Paris , 1622 , in-8,
et par M. de Burigni , 1747, in-12.
PORPHYRE ( Publius Oplatianus ) ,
poète latin , florissait sous l'empire de
Constantin le Grand. Il composa en vers le
Pane'gyrique de ce prince, vers l'an 379.
Ce poème, présenté à l'empereur, valut
à l'auteur le rappel de l'exil ou il était
alors. Il fut imprimé à Augsbourg , en
1595, in-fol., de 28 feuillets. Rien n'est
si ridicule que les difficultés que le poète
a récherchées dans la confection de cet
ouvrage. Ce sont dec :crostiches au com-
mencement et au milieu des vers , des
chiffres entrelacés , des figures de mathé-
matiques , etc. , sur chaque page.
PORPHYROGÉNETE. Voyez Cos-
STANTIN.
' PORPORATI ( Charles-Antoine ) ,
habile graveur , naquit à Turin , en 1741 .
POR
Il vint jeune à Paris, travailla long-temps
chez Beauvalet , et a laissé plusieurs es-
lampes qui décèlent un véritable talent.
Les principales soirl : Suzanne au bain ,
d'après Santerre; j^gar renvoyée, d'après
le peintre Van-Dick ; le Devoir naturel,
sur les dessins de Cignani.U retourna dans
sa patrie , en 17 80, fut pensionné de la
cour, et grava la Mort d'Jbel, Paris et
OEnone , d'après le chevalier Van der
W'erft" ; Vénus et t Amour, La Prêtresse
comptissante , Le Coucher , etc. Por-
porati fut reçu à l'académie de Paris , en
1773 : il mourutcn 1792. Sonbnrin était
léger, exact, et il donnait beaucoup de
moelleux aux chairs et de grâce aux dra-
peries.
* PORQUET (Pierre-Charles François),
ecclésiastique, né à Vire en Normandie,
le 12 janvier 1728 , de pareus fort pau-
vres , dut son éducation à des personnes
bienfaisantes qui l'aidèrent à entrer dans
la carrière ecclésiastique. L'abbé Porquet
cultiva la poésie dont il inspira le goût à
Boufilers sou élève. Après avoir |fait l'é-
ducation de ce jeune seigneur , il devint
aumônier de Stanislas, roi de Pologne.
On a de lui diverses Poésies dans plu-
sieurs recueils, dans VAlmanach des
Muses oii il signait quelquefois le petit
Vieillard, ànnsle journal de Frcron, etc. ,
On distingue entre autres une Ode sur le
bonheur , et des Stances sur V espérance,
où l'on trouve de l'élégance et beaucoup
d'expression. L'abbé Porquet a publié
son Discours de réception à l'académie
de INancy , prononcé en 1746, et des Ré-
flexions sur l'usure. Il est mort le 20
novembre 179G âgé de 68 ans. On trouve
une Notice très étendue sur cet ecclésias-
tique dans le Magasin encyclopédique ,
1807 , tomes 2 et 3. L'abbé Porquet était
d'une taille courte et d'une santé frêle ;
lui-même disait en plaisantant : Je suis >
comme empaillé dans ma peau. \
PORRÉE (Gilbert de la), né à Poi-
tiers, fut chanoine, puis évêque de celte
ville, après avoir enseigné la philosophie
et la théologie avec une réputation ex-
traordinaire. Le goût de son siècle était,
en logique et en théologie, d'analyser
tout, et de donner des noms différcns
POR
aui. différentes qualités des objets. Gil-
bert de la Forrée le suivit. Il avait com-
posé plusieurs ouvrage^ théologiques , et
avait traité les dogmes de la religion ,
plutôt selon les maximes d'Aristote que
suivant le langage de l'Ecriture et des
saints Pères. Aiusi , par esemple, en par-
lant delà Trinité, il avait examiné lu
nature des personnes divines, leurs attri-
buts , leurs propriétés. Il avait examine
quelle différence il y avait entre l'essence
des personnes et leurs propriétés , entre
la nature divine et Dieu , entre la nature
et les attributs de Dieu. Comme tous ces
objets avaient des définitions diverses ,
Gilbert jugea qu'ils étaient différens ,
que l'essence ou la nature de Dieu , sa di-
vinité, sa sagesse, sa bonté, sa grandeur,
n'étaient pas Dieu , mais la forme par la-
quelle il est Dieu. Ainsi , par une méta-
physique aussi vaine et fausse qu'hété-
rodoxe, il regardait les attributs de Dieu
et la Divinité comme déformes différen-
tes; et Dieu, ou l'Etre souverainement
parfait , comme la collection de ces for-
mes. C'est là l'erreur fondamentale de
Gilbert de la Porrée. Il en avait conclu
que les propriétésdes personnes divines
n'étaient pas ces personnes, que la nature
divine ne s'était pas incarnée. Gilbert de
la Porrée conserva tous ces principes ,
lorsqu'il fut élu évèque de Poitiers , et
les expliqua dans un discours qu'il fit à
son clergé. Arnauld et Galon, ses archi-
diacres, le déférèrent au pape Eugène III,
qui était alors à Sienne sur le point de
passer en France. Lorsqu'il y fut arrivé,
il fit examiner l'accusation qu'on avait
portée contre l'évêque de Poitiers. Gilbert
fut appelé à une assemblée qui se tint à
Paris, en 1147 , et ensuite au concile de
Reims , tenu l'année suivante, et dans
lequel on condamna lessentimens de Gil-
bert. Ce prélat rétracta ses erreurs , et
se réconcilia sincèrement avec ses dé-
nonciateurs. Il mourut en septembre
1154. Quelques-uns de ses disciples per-
sévérèrent dans leurs sentimens; mais ils
ne formèrent point un parti.
PORRETE ( Marguerite ) , femme du
Hainaut , vint à Paris , oii elle composa
un livre rempli des erreurs renouvelées
POR 53
par quelques quiétistes modernes, {f^oy.
Moi.iNoS. ) Elle y disait , entre autres cho-
ses, « qu'une personne anéantie dans
« l'amour de son Créateur peut satisfaire
M librement tous les désirs de la nature ,
« sans crainte d'offenser Dieu. « Elle
soutint opiniâtrement cette doctrine ,
qui -la fit condamner à être brûlée ,en
1310.
PORSEJNNA , roi d'Etrurie , dont la
capitale était Clusium {aM\o\xxà!\x\nChiusi
en Toscane } , alla assiéger Rome , l'an
507 avant J. C. , pour rétablir Tarquin
le Superbe. Ce siège réduisit les Romains
à la dernière extrémité ; mais le courage
de délie, d'Horatius Coclès et de Mutius
Scaevola ( voy. ces trois articles ) , obli-
gea Porsenna de le lever. Il mourut peu
de tempsaprès. ( Cet événement n'est pas
raconté de la même manière par Polybe
et d'autres écrivains.)
PORTA ( Simon ) , Portius , Napoli-
fain , fut disciple de Pomponace, dont il
embrassa les opinions. Après avoir fait
quelque bruit dans différentes villes d'I-
talie, il professa la philosophie à Pise,
et mourut à Naples en 1554, à 57 ans.
On a de lui divers Traités de philosophie,
recueillis à Florence eu 1 551 , in-4. Cette
collection renferme ses Traités De mente
humana ; An homo bonus vel malus vo- .
lensfiat , mauvais ouvrages; De dolore ,
De coloribus oculorum, etc. On a encore
de lui : 1° De rerum nnturalium princi-
piis libri duo , 1 553 , in-4, plein de vues
fausses ou hasardées ; 2° De conflagra-
iione agri puieolani ,'llorence, 1551,
in-4 ; 3" Opus physiologicum , in quo
tractatur num ars chimica verum au-
rume/ficcre queat? Messine, 1618, in-4.
— Il y a eu un Simon Portius , Romain,
auteur à'm\ Lexicon grœco-harbnrum et
grœcoUtteratum, 1635 , in-4 ; et d'une
Grammaire de la langue grecque vul-
gaire , 1G38 ,in-4.
PORTA (Joseph ) , prit le surnom de
Salviati, parce qu'il fut disciple du pein-
tre de ce nom. Il naquit àCastel-Nuovo,
dans la Garfagnana , en 1 520 , et mourut
à Venise en 1585. 11 se fit une manière
qui tenait du goût romain et du véni-
tien. Porta excellait également à peindre
54 POR
à fresque et à l'huile. Le pape Pie IV et
le sénat de Venise exercèrent longtemps
son pinceau. Cependant ses occupations
ne l'empêclièreiit point de s'attacher
aux sciences, et principalement à la chi-
mie, dont il tira plusieurs secrets pour
son art. Ce maître avait un dessin correct,
un bon goût de couleur : il inventait fa-
cilement; mais on remarque dans ses ou-
vrages trop d'affectation à exprimer les
muscles du corps humain. (Le musée du
Louvre conservç un tableau de cet ha-
bile maître : Adam c liasse du Paradis,
terrestre. On voyait son Enlèvement des
5aôi«e.ç dans la galerie du Palais-Royal. )
* PORTA ( Jacques de la ) , architecte
milanais , né vers l'an 1 520. Après avoir
travaillé quelque temps en stuc, il étudia
sous Vignole, et devint architecte de
l'église de Saint-Pierre. Sixte Quint ,
ayant donné beaucoup de soins à l'em-
bellissement de Rome , voulut , avant de
mourir, voûter la fameuse coupole de l'é-
glise de Saint-Pierre, dont Michel-Ange
avait formé le projet , et que la mort
l'empêcha d'exécuter. La Porta et Domi-
nique Fontaua furent chargés de ce
grand travail. Sis cents hommes y tra-
vaillèrent jour et nuit, et au bout de
vingt-deux mois la coupole fut voûtée.
LaPorta continua également les travaux
duCapilole d'après les dessins de Michel-
Ange, et plaça les statues sur les balustra-
des qui terminent les trois superbes pa-
lais. Il finit aussi de construire la belle
église de Jésus ( des Pères de la compa-
gnie ) selon les plans de son maître Vi-
gnole. Il entreprit ensuite d'autres tra-
vaux qui font honneur à ses talens. Il
mourut à Rome âgé de 63 ans.
PORTA ( Jean-Baptiste ) , gentilhom-
me napolitain, etphysicien célèbre, né à
Naples, vers 1545, s'adonna à l'étude
des mathématiques , de la médecine et
de l'histoire naturelle. ( Il voyagea dans
presque toute l'Europe. De retour à Na-
ples, il y établit l'académie des Oziosi ,
mais il s'ennuya bientôt de se borner à
la culture des lettres. Son penchant l'en-
traînait vers les sciences occultes. ) Il
tenait souvent chez lui des assemblées
d'hommes veràés dans l'astrologie, dans
POR
lesquelles on traitait des secrets de la ma-
gie. La cour de Rome , instruite de l'ob- »
jet qui occupait cette petite académie,
nommée dei Sccrcti , lui défendit de la
tenir. Il se consacra aux muses , et com-
posa des Tragédies et des Comédies qui
eurent quelque succès. Il mourut en 1615,
à 70 ans. On a de lui : 1" un Traité de la
magie naturelle , en latin , Amsterdam ,
1664, in-12; traduit en français par
Meissonnier, Lyon, 1688, in-12 : livre
plein d'idées chimériques et extravagan-
tes. (On assure querauteur,'qui montrait
un talent très précoce , avait composé
cet ouvrage à l'âge de quinze ans ; ce
qui peut excuser en quelque sorte les
extravagances qu'il contient. ) 2" Un au-
tre Traité de la physionomie , composé
dans le même esprit que le précédent.
L'auteur , entêté de l'astrologie judi-
ciaire, l'a rempli d'inepties. Cet ouvrage,
imprimé à Leyde en latin , 1645, in-1 2 ,
fut traduit en français parRuult, Rouen,
1665 , in-8. On l'a aussi en italien , Ve-
nise, 1652 , in-8 , édition extrêmement
rare. 3" De occultis Utterarum notis ,
réimprimé à Strasbourg en 1606, avec
des augmentations. C'est un traité sur la
manière de cacher sa pensée dans l'écri-
ture, ou de découvrir celle des autres.
Il y donne plus de 180 manières de se '
cacher ; et il en laisse encore une infinité
d'autres à deviner, qu'il est aisé d'inven-
ter sur celles qu'il propose. Ainsi il a
sui-passé de beaucoup tout ce qu'avait
fait Trithème sur ce point, particulière-
ment dans sa Polygrapliic , soit par sa |
diligence et son exactitude, soit par son 1
abondance et sa diversité, soit enfin par
sa netteté et par sa méthode. 4° Phyto-
gnomonica , seu Methodus cognoscendi j
ex inspectione vires abditas cujuscum-
que rci, Naples, 1583, in-fol. h" De
distillalionibus , Rome, 1608, in-4. C'est
à J.-B. Porta que nous devons l'invention
de la chambre obscure, perfectionnée de-
puis par s'Gravesande. Il avait conçu le
projet d'une £'«cycZo/>e'(//e, que Bacon a
proposé ensuite d'une manière plus dé-
veloppée , et qui, exécutée enfin d'une
façon pitoyable par des hommes incon-
séquens , et dirigés uniquement par l'es-
POR
prit d'intérêt , a produit une masse in-
forme , fatale à toutes les branches des
sciences. C'était du reste un esprit empi-
rique et faux , auquel on a trouvé plus
d'un trait de ressemblance avec Corneille
Agrippa , Cardan , Paracelse , et autres
partisans d'une physique occulte et con-
damnable. (M. H.-Gabr. Duchesne a pu-
blié wne notice historique. sur J. B. Porta,
Paris, 1601, in-8. Voyez sur Porta ^
Storia délia letteratura de Tiraboscbi. )
PORTAL ( Paul), chirurgien, naquit
à Montpellier vers 1G30, vint à Paris, où
il termina ses études et se distingua dans
la pratique des accoucheniens. Il a laissé :
1 " Discours nnatomiques sur le sujet
d'un enfant d'une figure extraordinaire,
Paris, 1671, in-12; 2" La pratique des
accoucheniens soutenue d'un grandnoni-
brc d'observations , Paris , 1685, in-8 ;
Amsterdam, 1C90, in-8. Portai mourut
à Paris le !"■ juillet 1703. Quoique nous
croyions qu'il répugne à la décence de
recourir à un chirurgien , excepté dans
les cas dangereux, pour assister à de
semblables opérations , on ne peut refu-
ser à Portai beaucoup d'habileté dans la
partie qu'il avait entreprise.
* PORTAL ( Antoine) , premier méde-
cin consultant de Louis XYIIl et de Char-
les X , commandant de la légion d'hon-
neur, chevalier de St.-Michel , etc. na-
quit k Gailluc le 5 janvier 1742 d'une
famille qui avait déjà fourni plusieurs
médecins distingués. Après avoir étudié
la médecine à Montpellier et y avoir été
reçu docteur , il mérita à l'âge de 20 ans
d'être correspondant de l'académie des
Sciences de celle ville où il professa l'a-
iiatomie peu de mois après. Portai vint à
Paris en 1765; il s'y fit bientôt connaître
par des écrits importans et par son habi-
leté dans la pratique de la médecine. En
même temps il étudia la chirurgie, et ne
tarda pas à être associé aux travaux scien-
tifiques de Sénac et de Lieutaud. Le pre-
mier , qui était premier médecin de Louis
XV, iechoisitpour donner une édition de
son Traite sur la structure du cœur.
Tels furent les succès de Portai, qu'il se
■vit bientôt recherché et consulté par les
personnages les plus élevés en dignité ,
POR
55
par des ministres , des princes et même
des rois. Il obtint l'amitié de Franklin ,
deBuifon,ded'Alembert. En 1769, quatre
ans après son arrivée à Paris , il fut reçu
membre de l'académie des Sciences où il
succéda à Ferrein , et où il siégea à côté
de Lagrange , de Laplace , de Bailly , etc.
et sa maison devint pour eux une seconde
académie. A peu près à la même époque ,
il fut nommé professeur d'anatomie au
collège de France, et en 177Î il dut
à l'amitié de Buffon la place de pro-
fesseur-administrateur d'anatomie hu-
maine au jardin des plantes. Portai était
sans contredit l'un des médecins les plus
célèbres de France ; jamais professeur
n'a enseigné plus long-temps et avec
une assiduité plus exemplaire. Ses ou-
vrages sont nombreux et importans; ils
ont obtenu le plus grand succès dans
sa patrie et à l'étranger , et ont été tra-
duits dans presque toutes les langues
de l'Europe. Nous citerons ; 1° Disserta-
tio mcdico-chirurgica generalis luxa-
tionumrationes coniplectens, 1764, in-4.
C'est le sujet de sa Thèse soutenue à
Montpellier. 2" ^natomie historique-pra-
tique de M. Lieutaud , augmentée d'un
grand nombre d'observations, 1767,2 vol.
in-4; 1776,2 vol. in-8; 3° Précis de
chirurgie pratique , contenant l'histoire
des maladies chirurgicales , et la manière
la plus usitée de les traiter, 1768, 2
vol. in-8 ; 4° Histoire de l'anatomie et
de la chirurgie, contenant l'origine et
les progrès de ces deux sciences , avec
un tableau chronologique des principales
découvertes, et un catalogue des ouvra-
ges d'anatomie et de chirurgie, des mé-
moires académiques, des dissertations in-
sérées dans les journaux, et de la plupart
des thèses qui ont été soutenues dans les
facultés de médecine de l'Europe, 1779.
Cet ouvrage en 6 volumes est le résultat
d'un travail immense. b° Lettre à M. Pe-
tit , 1771, in-8° ; 6° Lettre en réponse à
M. Goulin , 1771, in-8 ; 7" Rapport fait
par ordre de V académie des Sciences sur
la mort du sieur Lcmaire et de son épouse,
par la vapeur du charbon, 17 75, in-8 ;
réimprimé sous le titre de ; Observations
sur les effets des vapeurs méphitiques
56 POR
sur le corps de Vhomme , etc. 1 Î78, in-8 j
6* édition 1791, iu-8 ; el réimprimée
sous le titre de : Instruction sur le trai-
tement des asphyxies par le mc'phitisme,
etc. 1794, in- 12; la 12« édition est de
1 805 , in-8. Cet ouvrage fut distribué gra-
tuitement dans toute la France , par or-
dre du ministre Turgot. 11 a été imprimé ,
depuis plusieurs fois, notamment, en
1816, par ordre du gouvernement, et
adressé à tous les préfets par ordre du
ministre de l'intérieur. 8° Observations
sur la nature et le traitement de la rage ,
Yverdun, m 9, in-12; 9° Observations
sur la nature et le traitement de laphtlii-
sie pulmonaire , 1793, in-8, 1S09, 2 vol.
in-8 ; 10" Observations sur la nature et
le traitement du rachétisme, 1 " 97 , in-8 ;
1 1 " Mémoires sur la nature et le traite-
ment de plusieurs maladies, 1800, 2 vol.
in-8; 12° Cours d'anatomie médicale,
1804 , 5 vol. in-8. On peut lire le compte
rendu de cet ouvrage , dans les rapports
du jury sur les prix décennaux, et dans
ceux de la classe des sciences mathéma-
tiques et physiques de l'Institut , de la 56*
p. à la 66*. 1.3° Considérations sur la na-
ture et le traitement des maladies de fa-
mille et des maladies héréditaires ( lues
à l'Institut le 3 janvier 1808) , 3« édition,
i814, in-8 ; 14" Observations sur la na-
ture et le traitement des maladies du
foie , 1813, in-8 ; 1 5" Notice sur la ma-
ladie et la mort de madame la baronne
de Staël; 1817 , in-8. M. Portai a encoie
publié , dans le recueil de l'académie des
Sciences et de l'Institut , une foule de
Mémoires relatifs à l'art de guérir. Il lut
h l'Institut en 1818 un curieux mémoire
sur la dilatation des ventricules du cœtir
avec aplatissement de leurs parois ; et
un autre sur les inflammations du péri-
carde. A cette liste déjà nombreuse des
ouvrages de Portai nous ajouterons deux
Mémoires qu'il a communiques en 1 828
à l'académie royale des Sciences ; le
premier est intitulé : Considérations sur
les fièvres putrides devenues malignes; et
le second : Observations et remarques sur
la nature et le traitement des hydropi-
sies avec des palpitations de cœur , et prin-
cipalement sur le ramollissement de cet
POR
organe. Portai fut nommé en 1815 mem-
bre de la commission chargée de rendre
compte au roi de l'état de l'enseignement
dans les écoles de médecine et de chirur-
gie. Louis XVIII le nomma |)résident per-
pétuel de la société royale de médecine
à la création de laquelle il avait contri-
bué beaucoup en 1820. Portai fut étran-
ger à tous les actes de la révolution : il
pratiquait son art, et regrettait dans le
silence l'ordre déchu que l'anarchie avait
remplacé,; aussi sa mémoire est-elle res-
tée piu'e. Il avait deux frères prêtres, dont
l'un fut nommé chanoine de Noire Dame
en 1 806 , et l'autre mourut peu après.
LiM-même était lié avec plusieurs ecclé-
siastiques, et on nous a assuré qu'il pra-
tiquait la religion. Malgré son grand âge,
la mort l'a surpris : il ne se croyait pas
aussi malade; c'est ce qui explique ap-
paremment pourquoi il n'a point appelé
les secours de l'Eglise. Il est mort à 90 ans
le 25 juillet 1832 des suites d'une mala-
die calculeuse chronique ; il est le 5« pro-
fesseur du collège de France qui ait suc-
combé dans cetle année si fatale pour la
France, alors désolée par le choléra-mor-
bus : ( les quatre autres sont MM. Cham-
pollion , Cuvier, Rémusat et Thurot. }
Portai était membre des académies de
Bologne, de Turin, e(c. , et d'un grand
nombre de sociétés littéraires et savantes.
* PORTALlS (Jean-FJienne-Marie) .
ministre des cultes, naquit le 1" avril
1 746 , à Beausset en Provence , d'une fa-
mille de robe qui depuis longtemps avait
mérité l'estime générale. A l'âge de 21
ans, il fut reçu au parlement d'Aix, et
dès son début il se plaça parmi les juris-
consultes et les orateurs les plus distingués
de celle époque. Plusieurs meTTîot/'Cî con-
tribuèrent à établir sa réputation : on re-
marque surtout sa Cnnsu'tntion sur la
validité des mariages des protestans en
France, Paris, 1770, in 12. Deux causes
soutenues contre deux adversaires puis-
sans augmentèrent encore sa célébrité :
c'étaient Mirabeau et Beaumarchais : Por-
tails s'était chargée des intérêts de ma-
dame de Mirabeau, et il parvint à obtenir
une séparation utile à la conservation de
ses biens. Moins heureux en défendant
POR
le comte de la Blache contre Beaumar-
chais , il ne put gagner sa cause déjà
perdue devant le public ; mais sa défense
fut digne de son talent. Portails fut bien-
tôt placé, malgré sa jeunesse, à la tête
de l'administration de sa province, et
il justifia par sa capacité , dans les fonc-
tions admin istratives, le choix qu'on avait
fait de lui. Dès le commencement de la
révolution, il fut alarmé des troubles qui
se préparaienl ; et dès » 790 il se retira k
la campagne. Comme les provinces méri-
dionales étaient de jour en jour plus agi-
tées , il alla chercher un asile à Lyon
qu'il fut encoreobligé de quitter bientôt.
Il se rendit à Paris dans les derniers mois
de 1793 ; il ne tarda pas à y être arrêté,
et il ne recouvra sa liberléque plusieurs
mois après la chute de Piobcspierre. Nom-
mé en 1795 député du département de
la Seine au conseil des anciens, il y dé-
veloppa un caractère plein de modéra-
tion , et se montra constamment opposé
au parti directorial. Le directoire voulait
s'arroger le droit d'élection , et Portails
opina sur ce droit le 15 décembre de la
même année : « Ce serait , dit-il , com-
» promettre cette autorité que de lui
» donner la faculté proposée : en admet-
» tant le prétexte de la tranquillité pu-
» blique pour violer un article de la
jj constitution , bientôt on pourra en
» violer un autre , et ainsi tout sera livré
» à l'arbitraire. » Il fut nommé secré-
taire de l'Assemblée le 17 , et le 27 fé-
vrier 1796 il fit un rapport verbal sur la
résolution de détruire la liste des émigrés ;
il combattit en même temps le projet de
donner au directoire le pouvoir de sta-
tuer sur les radiations. 11 prouva victo-
rieusement que l'intérêt du gouverne-
ment lui-même y était opposé, et que
les tribunaux étaient les juges naturels
de ces contestations comme de toutes les
autres. Malgré la noble franchise de ses
discours, qui auraient paru blesser les
intérêts ou les prétentionsdu directoire,
il fut président le 1 9 juin 1 796 ; et le 25
aoftt il s'opposa à l'impression d'un dis-
cours deCreuzé-la-Touche contre les prê-
tres. Le lendemain , il présenta un rap-
port exact des lois rendues sur cet ordre ;
xr.
POR
6'7
" il se plaignit des sermens exigés d'eux,
'^ plus encore des peines prononcées contre
ceux qui , obéissant à leur conscience ,
avaient refusé de se parjurer. Il assimila,
avec assez de justesse, les mesures pro-
posées à leur égard à celles adoptées pen-
dant le règne de la terreur , et cita J.- J.
Rousseau, qui, philosophe lui-même,
disait « que si les philosophes avaient ja-
. » mais l'empire, ils seraient plus intolé-
» rans que les prêtres. » Il fut un de ceux
qui déclamèrent le plus vigoureusement
contre la loi du 9 floréal an 4 (28 avril
1796), qui ordonnait le partage des
biens des ascendans d'émigrés • loi qui
dépouillait de leur vivant des vieillards
innocens, et qui était en opposition avec
un des premiers principes des législa-
teurs , que les crimes sont personnels.
Il attaqua, le 30 novembre 1796, la loi
du 3 brumaire , dans ses articles concer-
nant les parens d'émigrés , comme pro-
clamant l'intolérance , poursuivant en
masse tous les citoyens, « faisant des
» privilégiés des suspects, des mécon-
-a tens et des esclaves, » Il démontra que
l'amnistie du 4 brumaire était absolue,
et dit : '( Que si elle pouvait subsister
» encore après le rejet de la résolution ,
» elle subsisterait oubliée, déshonorée,
» comme une loi de colère, comme le
» dernier acte de la vengeance d'un
» parti, et que le l*"" germinal, époque
» des élections , elle serait anéantie par
» la volonté du peuple , par cela même
» qu'elle ne serait pas offerte à l'accep-
» tatîon d'un souverain. » Dans le cou-
rant de fôvrier, il fut désigné dans le
plan de conspiration deLavilleheurnois,
comme devant remplacer Cochon dans
le ministère de la police. 11 s'opposa à
ce que les électeurs fussent astreints à
prêter le serment civique. Le 25 juillet,
il vota contre les sociétés populaires.
Bientôt après , il fut inscrit dans la liste
de déportation du 18 fructidor an 5
(4 septembre 1797), et se réfugia en Al-
lemagne. Rappelé en France après la ré-
volution du 1 8 brumaire ( 9 novembre
1799), il y arriva le 13 février 1800.
Le 3 avril, on le nomma commissaire
du gouvernement près du conseil des
8.
58
POR
prises , et il entra dans le conseil d'état
vers la An de la même année. Il présenta
différens projets de loi au corps législa-
tif, et défendit plus particulièrement
celui relatif à l'établissement des tribu-
naux spéciaux, qui éprouva une forte
opposition. Peu de temps après, il pré-
senta le projet du Code civil. Il fut char-
gé dans le mois d'août 1801 de toutes
les affaires concernant les cultes. Il lit
reconduire à Rome le corps de Pie "VI ,
resté jusque là à Valence. Il ordonna
d'efiacer les inscriptions païennes qui
souilloient le frontispice des temples. Il
rappela dans leur patrie les évêques dé-
missionnaires qui en étaient exilés de-
puis tant d'années : mesure qui ne fut
que le prélude d'un autre acte que ré-
clamaient depuis long-temps la justice et
l'humanité , le rappel des émigrés : ob-
jets si malheureux de la haine révolution-
naire, et sur lesquels la barbarie s'était
appesantie au point qu'il suffisait d'être
de cette classe proscrite , pour être en-
voyé à l'échafaud sans autre formalité.
Le 5 avril 1802 il prononça, devant le
nouveau corps législatif, que l'on venait
de convoquer pour cet effet un discours
dans lequel il exposait les motifs qui
avaient amené la convention faite entre
le saint-Siége et le gouvernement fran-
çais. Il y établit quelques principes fort
sages ; mais on croit s'apercevoir que l'o-
rateur craignait de paraître trop favora^
ble à la religion catholique et qu'il re-
doutait les sarcasmes de la philosophie,
à moins qu'on ne veuille l'excuser sur
les préventions que l'esprit révolution-
naire avait encore laissées chez beaucoup
de gens en place contre la religion ; pré-
ventions telles, que le gouvernement
pouvait craindre que le concordat ne fût
pas adopté, si on heurtait trop les opi-
nions. Le discours de Portails d'ailleurs
était grave , décent , et contrastait avec
le langage révolutionnaire, inhumain et
farouche , dont cette même tribune avait
retenti tant de fois. Il fit ensuite lecture
du concordat du 15 juillet , que le corps
législatif adopta , après quelque discus-
sion. En 1 803 , il fut élu candidat au
sénat conservateur, et en juillet dsl'an-
POR
née suivante on le nomma définitivement
ministre des cultes. Le 1 *■■ février 1 805 ,
il fut créé grand officier de la légion-
d'honneur. Portails était attaqué depuis
long-temps d'une cruelle ophthalmie ; il
se fît opérer. Le 2 janvier 180G il pronon-
ça à l'Institut , dont il était membre, riS"-
loge d' Antoine-Louis Se'guier , avocat
au parlement de Paris , et successeur de
Fonlenelle à l'académie française : cet
éloge a eu deux éditions. A son ophthal-
mie, qui le tourmentait continuellement,
se joignit enfin une infirmité assez grave
qui le conduisit au tombeau le 25 août
1807. Buonaparte ordonna qu'il serait
élevé 'à ce ministre une statue dans le
conseil d'état. Elle a été exécutée par
Desenne. En 1 820, son fils a publié un ou-
vrage posthume qui a pour titre : Traite'
sur Vouvraye et l'abus de F esprit philo-
sophique pendant le 18* siècle , précédé
d'une notice fort intéressante sur l'au-
teur, Paris, 2 volumes in-8. C'est un li-
vre très remarquable par la philosophie
religieuse qui y règne, par l'esprit de
méthode et d'analyse qui a présidé à sa
composition, et par unstile noble, ferme
et élégant.
" PORT ALLIER ( Claude-Joseph ) ,
ecclésiastique du diocèse de Belley , né
le 9 mars 1788 à Meximieux , diocèse
de Lyon, entra dans l'état ecclésiastique
après avoir obtenu l'agrément de sa fa-
mille qui était dans l'aisance et qui s'op-
posa long-temps à ses vœux. Après avoir .
exercé le ministère à Poncin , il fut em-
ployé dans les séminaires de Meximieux,
d'Alix , de l'Argentière et de Saint-lrénée
à Lyon. M. l'évêque de Belley, ayant pris
possession de son siège , chargea l'abbé
Portallier de tons les soins relatifs à la
formation du grand séminaire de son
diocèse qu'il établit à Brou. Le jeune
prêtre s'en acquitta avec zèle et intelli-
gence ; mais sa faible santé ne lui permit
pas de supporter continuellement les pé-
nibles autorités de la vie de séminaire ;
il revint donc à Bourg où il fut chargé
de diriger le noviciat des sœurs de Saint- '
Joseph , pour lesquelles il a composé
quelques ouvrages. Cette congrégation
qui se consacre à tous les genres de
POR
bonnes œuvres, tient sept hôpitaux, et a
80 établissemens dans le diocèse. Parmi
les principaux ouvrages de l'abbé Por-
tailier on distingue le Manuel des céré-
monies Lyonnaises et le Mois de Marie.
On a aussi de lui une nouvelle édition de
t Histoire de l'Eglise de Brou. M. l'é-
vêque de Bourg l'avait nommé chanoine
d'honneur de sa cathédrale. L'abbé Por-
tallier est mort le 22 juillet 1831 , dans
un âge qui permettait d'attendre de lui
une longue suite de services.
PORTE ( Maurice de la), littérateur ,
né à Paris en 1 530 d'un imprimeur, mort
en 1571 , à 40 ans, est le premier auteur
qui ait rassemblé les Epithètes françai-
ses. Le Père Daire, qui a fait un ouvrage
sous le même titre , paraît n'avoir pas
connu celui de La Porte. Il fut imprimé
à Paris en 1571 , in-8. Le but de ce com-
pilateur est de faciliter l'intelligence des
poètes. Mais ce livre n'a pu être utile qu'à
des écoliers , et ne peut servir tout au
plus aujourd'hui qu'à faire connaître que
La Porte avait beaucoup lu nos anciens
auteurs français , et que son livre est un
fruit de ses lectures.
PORTE ( Charles de la ) , duc de la
Meilleraye , s'éleva aux premiers hon-
neurs militaires par son courage , et sur-
tout par la laveur du cardinal de Riche-
lieu , son parent. Après s'être distingué
dans plusieurs sièges , il obtint le gou-
vernement de la ville et du château de
Nantes , eu 1632. Il fut fait chevalier
des ordres eu 1G33 , et grand-maître de
l'artillerie en 1634. Il servit ensuite à la
balaille d'Avent (et non pas Avein ) , dans
le pays de Liège , à 2 lieues de Huy ; aux
sièges de Louvain, deDôle, etc. ; et après
la prise d'Hesdin , il reçut des mains de
Louis XIII lebàton de maréchal de France,
sur la brèche de cette place , le 30 juin
1639. Le nouveau maréchal défit les
troupes du marquis de Fuenlès , le 2
août suivant , et contribua beaucoup à
la prise d'Arras en 1640. Il prit, les an-
nées suivantes , quelques autres places ,
et emporta Gravelines en 1644, conjoin-
tement avec Gassion. ( Voyez ce nom ).
En 1646 , il commanda l'armée en Italie,
où il prit Piombino et Porto-Longone.
POR 59
Le roi érigea en sa faveur la Meilleraye
en duché-pairie , en 1663. Ce maréchal
mourut à l'arsenal à Paris , en 1664 , âgé
de 62 ans. Il passait pour l'homme de son
temps qui entendait le mieux les sièges.
Son hls épousa Hortensc Mancini , et suc-
céda au nom de Mazarin. Voy. ce nom.
* PORTE (Pierre de la) , premier va-
let de chambre de Louis XIV, né en 1603,
entra dès l'âge de 1 8 ans au service d'Anne
d'Autriche , et obtint la charge de por-
te-manteau de la reine. Il se dévoua en-
tièrement aux intérêts et aux vues de
cette princesse , et devint l'agent de
la correspondance qu'elle entretenait
avec l'Espagne et l'Angleterre , alors en;;
nemics de la France. Par des motifs de fa-
mille , Louis XIII renvoya en 1624 un
grand nombre de serviteurs de son
épouse , parmi lesquels on comprit La
Porte. La reine le fit recevoir dans la
compagnie des gendarmes commandés
par le comte d'Estaing. Six mois après,
le roi lui permit de reprendre sa charge
à la cour. Mais étant devenu suspect , et
non sans raison , au cardinal de Riche-
lieu , ce ministre le fit arrêter en août
1637 , conduire à la Bastille , et enfer-
mer dans un cachot , naguère occupé
par un certain Dubois , qu'on venait de
mener au supplice. Il subit plusieurs in-
terrogatoires en présence du cardinal
lui-même. On força la reine à lui écrire
qu'elle avait tout avoué , et qu'elle l'en-
gageait à tout dire ; mais ce moyen , les
promesses , les menaces de la torture et
du dernier supplice, rien ne put lui arra-
cher un mot qui compromît sa souve-
raine. Cependant , La Porte était sûr
qu'on n'axirait jamais pu lui apporter des
preuves convaincantes sur le délit dont
on l'accusait. On s'était emparé de ses
papiers ; mais ceux qui pouvaient dépo-
ser contre lui étaient cachés dans un trou
de sa chambre , et ne furent pas trouvés.
Pendant ce temps , le roi , par les con-
seils de mademoiselle de Lafayette , qui
avait abandonné la cour pour embrasser
la vie religieuse , s'était rapproché de
son épouse , qui devint enceinte ; et
cet événement accrut son autorité. A sa
médiation , La Porte sortit dç la Bastille
6o POR
le 12 mai 1638 , et fut exilé à Saumur.
Le cardinal de Richelieu , tëtnoin de la
fidélité et de la discrétion peu commu-
nes de La Porte , chercha à l'attacher à
son service ; mais toutes ses démarches
furent inutiles. Après l'accouchement
de la reine , ayant obtenu la liberté de
se promener dans les environs de Sau-
mur , La Porte en profita pour faire se-
crètement plusieurs voyages en France.
Le cardinal mourut en 1642, et Louis XIII
en 1643. Anne d'Autriche , devenue ré-
gente , reprit La Porte à son service , et
en le revoyant pour la première fois :
« Voilà ce pauvre garçon ,. » dit S. M. ,
» qui a tant souffert pour moi , et à qui
j) je dois ce que je suis à présent. « Elle
lui donna la charge de premier valet de
chambre du jeune prince son fils , de-
puis Louis XIV , et le présenta au cardi-
nal Mazarin , qui jouissait d'un grand
crédit auprès de la reine. Celui de La
Porte ne dura pas long-temps. Nous ne
pourrions dire les causes qui l'éloignèrent
encore une fois de la cour : c'étaient ou
un excès de franchise ou des conseils in-
discrets, ou bien l'accusation mal fondée
d'un crime qu'il aurait commis sur la
personne du jeune roi. Anne d'Autriche
étant morte en 1666 , Louis XIV , qui
connaissait son innocence , le rappela ,
et lui fit l'accueil le plus favorable ; on
ne lui rendit cependant pas ce qu'il avait
perdu. Il mourut le 13 septembre 1680 ,
âgé de 73 ans. 11 a laissé écrits les évé-
nemens de sa vie, publiés sous le titre de
Mémoires de M . de La Porte , premier
valet de chambre de Louis Xlf^ , con-
tenant plusieurs particularite's des rè-
gnes de Louis XIII et de Louis XIV ,
Genève ,1755, petit in-1 2. Ces Mémoi-
res , réimprimés dans la 2* série de la
Collection des mémoires relatifs à l'his-
toire de France , par MM. Petitot et
Moumerqué , contiennent des détails as-
sez curieux : l'auteur s'y montre très at-
taché à ses maîtres ; mais on ne peut
louer en lui son dévouement servile pour
Anne d'Autriche , aux ordres de laquelle
il aurait tout sacrifié.
PORTE ( l'Abbé Joseph de la ) né à
Belfort en Alsace, en 1718, embrassa
POR
l'état ecclésiastique. Après avoir débuté
dans la carrière des lettres par des jour-
naux et d'autres ouvrages critiques , il
s'occupa de diverses compilations, parmi
lesquelles on a distingué le Voyageur
français , dont il a publié 24 vol. in-1 2.
Il mourut à Paris le 19 septembre 1779 ,
dans de grands sentimcns de piété et de
résignation, qu'on peut regarder comme
une rétractation de ce qu'il y a de répré-
hensible dans ses écrits ; quoiqu'on ait
de la peine à accorder cette disposition
du mourant avec les deux tomes du Voya-
geur français qui parurent immédia-
tement après sa mort , et qui sont beau-
coup plus répréhensibles que les précé-
dens. On publia , en 17 80 , dans le Mer-
cure de France , une critique amère des
ouvrages de l'abbé de la Porte. La fin
chrétienne de cet abbé lui a attiré des
sarcasmes de tout genre de la part des
philosophes , avec lesquels il avait paru
s'entendre assez bien. Mais s'il y a de
l'exagération et de l'imposture dans la
critique ou plutôt la satire insérée dans
le Mercure , il n'y en a pas moins dans
l'apologie insérée dans V Annéelitterairc,
1780 , n° 2 , p. 109 , oîi l'on n'hésite
point à élever jusqu'aux nues le Voya-
geur français , qu'on dit avoir réuni les
suffrages de tout le monde. A Dieu ne
plaise que tout le monde accorde son
suffrage à une compilation aussi informe,
aussi fausse et mal vue quant à son objet
principal , aussi remplie de contes et
d'observations lubriques , indécentes ,
irréligieuses quant à l'accessoire. L'abbé
de Fontcnai a continué cet ouvrage ; et
malgré la sagesse reconnue de ses prin-
cipes , il ne s'est peut-être pas assez
écarté des défauts de l'abbé de la Porte.
Un anonyme lui a succédé : les 33* et 34'
volumes ont paru en 1»790. ( Voyez le
Journ. hiit. et litt. , i"' août 1791 , p.
490. ) On a encore de la Porte : t° une
j4nalyse de l'esprit des lois; 2° Voyage
au séjour des ombres ; 3° le Calendrier
historique des théâtres de Paris , pen-
dant 28 ans ; h° Dictionnaire dramatique,
avec M. de Champfort , qui n'a fait que
la partie didactique ; 6° Anecdotes dra-
matiques , avec Clément > 3 vol. in-8 ;
11
I
POR
6" les Pensées de Massillon , V Esprit de
J.-J. Rousseau ; 1°[' Ecole de la littéra-
ture ; 8° Observations sur la littérature
moderne ; 9» Tableau de l'empire otto-
man ; 1 0" X Antiquaire , comédie imilée
de Goldoni.
* PORTE ( Barthélémy de la ) , prêtre
et théolosicn , né vers 1699 , était selon
le Dictionnaire des anonymes de la Cio-
tat. Il paraît quen'ayant pas voulu signer
le formulaire , il s'était attaché au dio-
cèse de Montpellier , oîi M. Colbert lui
conféra les ordres. L'auteur de l'article
qui le concerne dans la 7"'® édition de ce
Dictionnaire , semble croire que cet ec-
clésiastique fut le même qu'on accusa
d'intrigues , et qui fut exilé en 1741 à
Auxerre et en 1743 à Bordeaux. Quoi
qu'il en soit , l'abbé de la Porte mourut
en 17 86 , après avoir publié plusieurs
ouvrages qui ont tous paru sous le voile
de l'anonyme. Nous citerons : X" Le con-
ciliateur pacifique , ou Remarques suc-
cinctes d'un théologien de province sur
la lettre de l abbé Joubert au P. de Saint-
Gènes sur les indulgences , 1760 , iu-
12, à l'oecasion des écrits de Mariette sur
cette matière ; 2° Lettre d'un Bordelais
sur la vie et les mystères de la Sainte
Vierge , de Lafiteau , 1759 , in-12 , de
concert avec le Père Eyraar ; 3"^ Lettres
philosophiques et théologiques , avec la
réfutation d'une instruction pastorale
de M. de Beaumont , 17 GO ; 4" Inscrip-
tion en faux contre le texte cité sous le
iiom de Bossuet , dans la réclamation de
l'assemblée du clergé , de 1760 , 1761 ,
in-12 ; h° Principes théologiques, cano-
niques et civils sur l'usure , 1763, 3 vol.
in-12. Ils commencent par une /n/rorfwc-
tion intéressante sur les écrits pour et
contre le prêt , et finissent par six Let-
tres contre le Traité des prêts de com-
merce ; 6" Nouvelles lettres à un ami
sur les prêts usuraires de commerce ,
1769, in-12. Un quatrième volume,
ajouté aux Principes théologiques , en
1702 , est spécialement dirigé contre le
Traité des prêts de Mignot. 1° Lettre
instructive d'un théologien romain sur
la nouvelle dévotion au sacré Cœur ,
1773 (c'est la traduction d'un écrit en
POR
6i
italien , qui avait paru à Rome ) ; 8" Le
Défenseur de l'usure confondu , ou Ré-
futation de la théorie de V intérêt de l'ar-
gent, 1782, in-12 , avec un recueil d'or-
donnances, par Moltrot. Il est à regretter
que La Porte , homme d'ailleurs instruit
et régulier , ait mêlé à de fort bonnes
raisons des expressions dures contre ses
adversaires. — Un autre La Porte (Jo-
seph ) est auteur du J^oyageur français,
1765-95, 42 vol. trad. en espagnol par
M. Estala , et des Pensées de Massillon ,
1748, 1 vol. in-i2; on les joint aux
OEuvres de cet éloquent prélat. Joseph
La Porte mourut en 1779.
* PORTE-DUTHEIL ( François-Jean-
Gabriel La ) gavant littérateur , né à Pa-
ris en 1742, mort le 28 mai 1815, suivit
d'abord la carrière des armes, servit
plusieurs années avec distinction, et ob-
tint la décoration de Saint-Louis. Retiré
du service à la paix de 1763 , il se livra
tout entier à la culture des lettres qu'il
n'avait pas négligée dans les camps, et
publia plusieurs traductions d'ouvrages
grecs. En 1770 il débuta par celle de
VOrcste d'Eschyle qu'il accompagna de
notes judicieuses : ce travail le fit ad-
mettre la même année à l'académie des
Inscriptions. En 1775 il donna la Tra-
duction de Callimaque. L'année suivante
il partit avec rautori.<tation du gouverne-
ment en qualité de membre du comité
des Chartres, établi pour la recherche
des monumens historiques. Après un sé-
jour de plusieurs années en Italie, il rap-
porta en France 17 ou 18 mille pièces,
dont la plupart pouvaient jeter quelque
jour sur l'histoire de l'Europe aux 13* et
14^ siècles. Un grand nombre de ces
pièces est imprimé dans le recueil des
Chartres, actes et diplômes relatifs à
l'histoire de France , dont il a paru en
1791 3 vol. in-fol. Les deux derniers sont
entièrement dus à Dutheii . Ce savant de-
vint conservateur de la Bibliothèque
royale. On a de lui : 1" Traité de Plu-
tarque sur la manière de discerner un
flatteur d'avec un ami , en grec et en
français , 1772, in-8 ; 2° Les hymnes de
Callimaque, en grec et en français,
avec des notes ,1775, in-8 ; 3" le Théâtre
63 POR
d^ Eschyle , en grec et en français , avec
des notes, 1795 , 2 vol. in-8 ; 4» Traité
dt feux propres à détruire les ennemis ,
traduit du grec de Marcus, 1804 , in-4.
Il a été un des coopérateurs du Théâtre
des Grecs du Père Brumoy , 1786, 13
vol. in-8.
*PORTEOUSouPoRTEDs(BeiIby),lord,
évêque de Londres, né à York en 1731 ,
morteni 808, futd'abord chapelain duroi,
puis curé de Lambeth , et ensuite évêque
de Chester , d'où il passa sur le siège an-
glican de Londres , après le célèbre doc-
teur Lowth. Il se rendit célèbre par ses
talens, ses succès dans la prédication
et sesnombreux ouvrages parmi lesquels
nous citerons : 1° une édition de la
courte réfutation des erreurs de V Eglise
romaine , extraite des cinq sermons de
Thomas Secker , archevêque de Can-
iorbéry, 1782; 2° dix-huit Discours
prêches par lui ( Porteous ) à Lambeth ,
1783 , 1 vol. Il y établit l'évidence mo-
rale et naturelle d'une vie future indé-
pendamment de la révélation. A ce vo-
lume il en ajouta un second en 1794. 3°
The bénéficiai effects of christianity on
the temporal concern of mankind , pro-
ved from history and from facts , Lon-
don , 1 806 , in-8 ; traduit en français
par les soins des éditeurs du Monthhj
repertory , sous ce titre ; Heureux effet
du christianisme sur la félicité tempo-
relle du genre humain, prouvés par
l'histoire et les faits , suivis des prin-
cipales preuves de la vérité et de la di-
vine origine de la religion chrétienne ,
Paris, 1808, petit in-8. Cet ouvrage,
d'ailleurs assez court, est fait dans le
meilleur esprit , et comme l'a remarqué
un critique , « il faut que le mot de pa-
pisme ait échappé au bon et respectable
évêque , pour qu'on ait pu deviner que
l'auteur de celte production, qui an-
nonce une plume véritablement chré-
tienne , appartenait à une communion
dissidente. » Porteous cependant était
très attaché à l'Eglise établie , ce qui
rend sa modération encore plus louable.
On dit qu'il avait la confiance de Geor-
ges III , et l'on croit qu'il ne fut point
étranger aux dispositions de ce monarque
POR
envers les catholiques. Outre les ouvrages
ci-dessus mentionnés, il a laissé plusieurs
Mandemens , dont quelques-uns sur
r incrédulité. Ces différens ouvrages ont
été recueillis en 1811, et cette édition
est précédée d'une Notice sur ce prélat.
En 181Ô on a publié en anglais Beautés
du docteur Porteus, et en 1817 iSer-
mons tirés des leçons de V évêque Porteus.
PORTER ( François ) , né en Irlande
dans le comté de Meath , fut récollet et
professeur en théologie dans le couvent
de Saint-Isidore à Rome. Plusieurs car-
dinaux l'honorèrent du titre de leur
théologien , et Jacques II lui donna celui
de son historiographe. Ilmourutà Rome,
le 7 avril 1702. On a de lui : 1° Sccu-
ris evangelicaad hœresis radiées posita,
1674; 2° Palinodia religionis prcetensœ
reformatée, 1679; 3° Compendium An-
nalium ecclesiasticorum regni Hiber-
niœ , 1690, in-4; 4° Systema decreto-
rum dogmaticorum ab initio nascentis
Ecclesiœ per summos pontifices , con-
cilia generalia et particularia hue usque
editorum, 1698.
* PORTER (Miss Anna-Maria) , auteur
de plusieurs romans , appartient à une
famille anglaise qui s'est distinguée dans
les arts et dans les lettres ; sa sœur Jeanne
est connue par des ouvrages fort agréa-
bles dont Chénier a parlé dans son Ta-
bleau historique de VEtat et des pro
grès de la littérature. Son frère Robert
Ker Porter est à la fois peintre et litté-
rateur. Miss Anna-Maria s'est fait con-
naître comme romancière et comme
poète. Elle a publié : 1" Contes sans art,
1793, 2 vol. in-12 ; 2° Octavie , 1 798 , 3
vol. in-12 ; 3° le lac de Killarney , 1804,
3 vol. in-12; 4" L'amitié du marin et
l'amour du soldat, 1805 , 2 vol. in-12.
5° Les frères Hongrois, 1807, 7 vol.
in-12 , traduits en français. 6" Vom Se-
bastien ou la maison de Bragance ,
1809, 4 vol. in-12. 1° Le reclus de Nor-
wége , 1814, 4 vol. in-12, traduit en
français par M"* Elisabeth de Bourbon ,
1816, 4 vol. in-12. 8° Ballades, ro-
mances et autres poèmes , 1811, in-8.
Mis Anna-Maria Porter est morte dans le
mois de juillet 1832.
POR
PORTES ( Philippe des) , né à Char-
tres , en 1 546 , vint à Paris et s'y attacha
à un évêqufi avec lequel il alla à Rome
où il apprit la langue italienne. De retour
en France , il se livra à la poésie fran-
çaise , qu'il cultiva avec un succès dis-
tingué. Peu de poètes ont été aussi bien
payés de leurs vers. Henri III lui donna
10,000 écus pour le mettre en état de
publier ses premiers ouvrages, et Char-
les IX lui avait donné 800 écus d'or pour
son Rodomont. L'amiral de Joyeuse fit
avoir à l'abbé des Portes une abbaye
pour un sonnet. Enfin , il réunit sur sa
tête plusieurs bénéfices, qui tous en-
semble lui produisaient plus de 10,000
écus de rente. Henri III faisait aussi
l'honneur à des Portes de l'appeler dans
son conseil , et de le consulter sur les
affaires les plus importantes du royaume.
On prétend qu'il refusa plusieurs évê-
chés , et même l'archevêché de Bor-
deaux. Après la mort de Henri III, il
embrassa le parti de la ligue , et contri-
bua à enlever la Normandie à Henri IV ;
il travailla ensuite à la faire rentrer
sous son obéissance, et obtint l'amitié
et l'estime de ce monarque. Des Portes
mourut en 1G06 , à 60 ans. Nous avons
de lui : 1° des Sonnets; 2° des Stances;
3° des Elégies ; 4" des Cliansons ; 5° des
Epigrammes ; 6° des Imitations de FA-
rioste ; 7° la Traduction des Psaumes,
en vers français, 1698 , in-8 ; 8° d'autres
Poésies , qui virent le jour pour la pre-
mière fois en 1573, in-4. La muse de
des Portes a une naïveté et une simpli-
cité aimables ; il est le premier parmi les
poètes français qui ait possédé l'inutile
et souvent dangereux talent de mettre
de l'agrément et de la délicatesse dans
les vers erotiques. La plupart de ses piè-
ces en ce genre ne sont que des traduc-
tions de Tibulle , d'Ovide , de Properce ,
de Sannazar. Il possédait tous les poètes
anciens et modernes , et il les imitait
souvent. Malherbes a beaucoup critiqué
ses ouvrages. Des Portes était neveu de
Mathurin Régnier, et avait un frère,
Joachim des Portes, auteur à'vai Abrégé
de la vie du roi Charles IX.
PORTES, rayez Dksportks.
POR 63
•PORTIER DE l'Oise ( Louis ), député
à la Convention par le département dont il
prit le nom, naquit à Beauvais le t"" mai
1765. Il était clerc de procureur à Paris et
membre de la basoche , lorsque la révo-
lution éclata. Il se trouva à la prise de la
Bastille avec la plupart de ses camarades,
et reçut , comme eux , le brevet qui at-
testait sa présence dans ce premier sou-
lèvement révolutionnaire. De retour à
Beauvais avec le titre d'avocat et l'insigne
dont on avait décoré les vainqueurs delà
Bastille , il ouvrit les clubs qui s'organi-
sèrent dans son département , et , en ré-
compense de son patriotisme, il reçut les
suffrages de ses confrères , les patriotes
de sa ville natale , qui l'envoyèrent à la '
Convention continuer l'œuvred'anarchie,
commencé par les deux assemblées précé-
dentes. Il se fit d'abord connaître par sa
modération ; mais il ne tarda pas à chan-
ger de système, et il vota , dans le procès
du roi, contre l'appel au peuple, et pour
la mort et contre le sursis , quoiqu'il
eût demandé quelques jours auparavant
que le procès fût porté devant le tribunal
criminel de Paris. Après le 9 thermidor,
il prit part à toutes les mesures qui ten-
daient à réparer les excès qui avaient eu
lieu , et il fit décréter, le 8 juillet 1796,
qu'on ne ferait plus d'exécution sur la
place de Louis XV, qu'on appelait alors
la Place de la révolution. Envoyé la
même année dans la Belgique , il pressa
vivement la réunion de ce pays à la ré-
publique française. Il fut ensuite élu dé-
puté au conseil des cinq-cents , puis
membre du tribunat ; et , à la dissolution
de ce corps , il devint professeur et di-
recteur des écoles de droit de Paris ,
quoiqu'il fût hors d'état de remplir cette
place ; mais les journaux avaient prôné
un Code diplomatique qu'il avait publié,
contenant le texte de tous les traités
conclus avec la république française jus-
qu'à la paix d'Amiens , 1802-1803 , 4
vol. in-8. Ce n'était cependant qu'une
maigre et sèche compilation de diverses
pièces qu'il avait copiées dans le Moni-
teur. On a encore de lui un Essai sur
Boileau , 1804, in-8 ; un Cours de lé-
t/islation administrative f 1808, 2 vol.
64 POR
in-8 , et quelques autres écrits qui ne
valent pas mieux. Ses leçons furent sou-
vent l'objet de la critique et même de la
risée de ses élèves. Il mourut le 5 mars
1810,
PORTIUS (Grégoire) , Italien de na-
tion, s'est rendu célèbre vers l'an 1630
par son talent pour la poésie latine et
pour la poésie grecque. Il a composé
dans ces deux langues des Odes , des
Elégies, des Epigrammes. On admire
surtout la facilité et le naturel de ses
vers latins : qualités d'autant plus esti-
mables dans ce poète , que ceux de sa
nation semblent ordinairement aifecter
l'enflure et l'hyperbole , soit dans leurs
pensées, soit dans leurs expressions.
PORTIUS ou PoBZio (Luc-Antoine) ,
néà Naplesen 1639, enseigna la médecine
à Borne vers 1672 , passa de là à Venise ,
puis à Vienne en Autriche, où il exerça son
art avec succès. Il termina ses jours dans
sa patrie après l'an 1711. On a de lui : De
militis in castris sanitate iueiida,
Vienne, 1685,Leyde, 1741, in 8 ; en
français, sous le titre de Médecine mili-
taire, Paris, 1744. Ce traité est estimé.
On a encore plusieurs ouvrages du même
auteur , réunis sous ce titre : Opéra mer
dica, philosophica et mathemaiica in
unum collecta, Naples, 1736, 2 vol.
in-4.
PORTIUS (Simon). Toyes Porta.
*PORTLA]ND ( William-Henri Caven-
dish-Bentinck , troisième duc de), pair et
ministre d'état anglais , né en 17 38 d'une
famille noble et ancienne, était arrière-
petit-fils du premier comte de Portiand ,
qui fut favori deGuillaumeIII.il fut long-
temps un des membres les plus illustres
du parti de l'opposition dans la chambre
despairsoii il avait été appelé en 1762.
;Nommé successivement à plusieurs char-
ges importantes, il devint en 1783 pre-
mier lord de la trésorerie. Son ministère,
appelé le ministère de la coalition, ayant
été renversé la même année par le parti
de la cour, il retourna sur les bancs de
Topposition ; mais le 22 décembre 1792
il déclara « que dans la crise oii se trou-
» vait la Grande-Bretagne , par suite de
» la révolution française, il se croyait
POR
» obligé par devoir d'affermir le parti
M ministériel. » En effet il vota depuis
constamment en sens inverse de l'oppo-
sition, et il parla plusieurs fois pour la
continuation de la guerre avec la France.
En 1794 il fut revêlu de la place de se-
crétaire d'état au département des affai-
res intérieures ; et, ensuite nommé vice-
roi d'Irlande , il passa en 1 803 aux fonc-
tions de président du conseil-d'état du
royaume uni de la Grande-Bretagne, qu'il
garda jusqu'à la mort de Pilt, époque à
laquelle il quitta momentanément le mi-
nistère, 011 il rentra néanmoins en 1807,
comme premier lord'de la trésorerie. U
fut de nouveau remplacé en 1 809 , et
mourut à la fin de novembre de la même
année , des suites de l'opération de la
pierre. Il a été l'un des nombreux écri-
vains auxquels on a .successivement at-
tribué les Lettres de Junius : pour éta-
blir ce système on a publié un volume in-
titulé : Letters to a nohleman, proving
a late prime rninisler , the late Duke of
Portiand, to hâve been Junius. Voyez
le Monthly Review de septembre 1816 ,
pag. 111.
'PORTO- MAURIZIO (Léonard de) ,
religieux de l'institut des frères mineurs
réformés de Saint-François , naquit le
20 décembre 1776 à Port-Maurice, ville
ducale de l'état de Gênes d'où il a pris
son nom : il était de la famille de Casa-
Nuova , célèbre dans ce duché. Envoyé
à l'âge de 12 ans à Rome chez un oncle
qui prit soin de son éducation , il fut rais
d'abord sous la direction d'un prêtre
pieux qui lui enseigna les premiers élé-
mens des sciences : il fit ensuite ses hu-
manités et sa philosophie au collège ro-
main tenu par les jésuites. A l'âge de 21
ans, il résolut de quitter le monde, et
prit le 2 octobre 1697 l'habit monasti-
que chez les religieux réformés francis-
cains. Ordonné prêtre en 171 2, il se dé-
voua à l'œuvre des missions , et continua
pendant 40 ans , c'est-à-dire tout le reste j
de sa vie, l'exercice de ces fonctions pé-
nibles. Il parcourut l'état de Gênes , la
Toscane, la Corse, les Etais romains,
laissant partout des marques de zèle et
des fruits de son apostolat. A Rome, il j
1
POR
établit au Colisée , si souvent arrosé du
sang des martyrs , la pratique sainte
connue sous le nom de Chemin de la
Croix. Il mourut dans cette capitale au
couvent de Saint-Bonaventure , le 2G
novembre 1751 , à l'âge de 75 ans. Il
fut regretté de Benoît XIV , qui souvent
était allé l'entendre , et qui rendit un té-
moignage public à ses vertus. On a du
Père Léonard de Port-Maurice : 1° Ilte-
snro nascosto , ov^ero pregi ed eccel-
lenze délia sanla messa, Rome , 1737-
L'ouvrage est dédié à Clément XII. 2"
Alanuale sacro , ovi>eroraccoltà divarf
documenli spivituali per le monache,
Venise, 1734; 3" Direttorio délia con-
fessione générale y Rome, 17 39; 4° La
viadel paradiso , considerazioni sopra
le massine eterne , e sopra la passione
dcl Signore , Bergame, etc. Le Père
Léonard avoue devoir beaucoup au Père
Paul Scgncri, et avoir souvent profité
de ses ouvrages dans ses sermons et
autres compositions. On a réuni tous les
écrits du Père Léonard en 2 vol. , sous
le titre d'O^'wi^/'e^ morales, etc. , Ve-
nise, 17 42, plusieurs fois réimprimées
ailleurs. Le Père Raphaël de Rome , du
. même ordre, a écrit sa Fie, 1753.
PORTUS (François), célèbre philo-
logue , né dan? l'île de Candie en 1511.
( Il eut une chaire de grec à Modène ;
mais ses sarcasmes contre la cour de
Rome la lui firent perdre. Il se rendit à
Ferrarc, oîi la duchesse Renée de France
lui confia l'éducation de ses enfans , et
le chargea de la correspondance qu'elle
entretenait avec Calvin , dont Portus
avait embrassé la doctrine. Après la mort
de cette princesse, il passa à Genève oîi
il mourut en 1581 , à 70 ans.) On a de
lui : 1° des Additions au Dictionnaire
grec de Constantin, Genève, 1593, in-
fol. ; 2° des Commentaires sur Pindare,
sur Thucydide , sur Longin, et sur plu-
sieurs autres auteurs grecs. — Son fils,
Emilius Portus ,futhabile dans la langue
grecque, l'enseigna à Lausane et à Hei-
delberg. On a de lui : l" Dictionarium
ionicum et doricum , grœco-latinum,
Francfort, 1603, 2 vol. in-8 ; 2" une Tra-
duction de Suidas , et d'autres ouvrages.
XI.
PQR 65
PORUS , roi d'une partie des Indes ,
entre les fleuves d'Hydaspe et Acesine,
possédait un empire considérable , dont
on croit que La-Hor, autrefois Lo-Pore,
était la capitale. Alexandre, vainqueur
de Darius , le fit sommer par ses ambas-
sadeurs, l'an 328 avant J. C, de lui faire
hommage de ses états. Le monarque in-
dien , surpris d'une telle proposition ,
lui fit dire « qu'il irait sur les frontières
» de son royaume le recevoir les armes
» à la main. « Il s'approcha en effet avec
son armée des bords de l'Hydaspe, pour
en défendre le passage au conquérant
macédonien. Ce torrent était une bar-
rière en quelque sorte insurmontable.
Cependant Alexandre passa ce fleuve à
la faveur des ténèbres , et battit le fils
aîné de Porus. Ce prince livra un second
combat, oîi il fut de nouveau vaincu,
quoiqu'il eût montré dans la bataille la
conduite d'un général et la bravoure
d'un soldat. Enfin , percé de coups , il se
retirait sur son éléphant. On l'atteignit,
et Alexandre , admirateur de son cou-
rage , envoya un prince indien pour
l'engager à se rendre. « N'entends-je
» point , lui dit Porus , la voix de ce
3) traître à la patrie ? » Et il se saisit en
même temps d'un dard pour le percer.
Alexandre le fit de nouveau solliciter
par ses amis , qui le déterminèrent à se
rendre, mais non pas à rabattre de sa.
fierté. Comment , lui demanda le vaiu-
queur, veux-tu que je te traite? — En
roi, réponditle vaincu. Charmé de cette
uéponse généreuse , Alexandre ordonna
qu'on prît grand soin de sa personne ; il
lui rendit ses étals , et y ajouta de nou-
velles provinces. Porus, pénétré de re-
connaissance , suivit son bienfaiteur dans
toutes ses conquêtes , après lui avoir
juré une fidélité qu'il ne viola jamais.
POSADAS (François), dominicain,
canonisé en 1 81 8, naquit à Cordoue dans
l'Andalousie, de parens pauvres mais
vertueux ; il se signala dans son ordre
par le talent d'instruire les pauvres de
la campagne , et de ramener à une vie
exemplaire les personnes du grand
monde. Son mérite le fit nommer à ua
évêché ; mais son humilité le porta à le
9-
66 POS
refuser. Tout ce qu'il y avait de grand
en Espagne avait pour lui une considé-
ration singulière. On le consultait comme
rm oracle. Le Père Posadas mourut à
Cordoue en 1713 , après une longue vie
passée dans les bonnes œuvres et les
austérités. La voix publique l'a déjà ca-
nonisé , et on a commencé à faire les
informations pour procéder un jour à la
canonisation authentique de ce .serviteur
de Dieu, qui avait été béatifié le 20 sep-
tembre 1817. Un savant religieux de son
ordre a écrit sa Vie , et l'a publiée en 1
gros vol. in-fol. Vincent de Castro en a
donné un abrégé, Rome, 1818, in-12.
On a du Père Posadas plusieurs ouvrages
qui respirent la plus haute piété : \° Le
Triomphe de la chasteté contre les er-
reurs de Molinos, in-4 ; 2° La Vie de
saint Dominique de Guzman , in-4 ;
3° Sermons doctrinaux , 2 vol. iij-4 ;
4° Sermons de la Sainte Vierge Marie,
in-4. On a encore de lui divers Traités
de théologie mystique , qui pourraient
former 6 vol. in-4. Us sont restés ma-
nuscrits.
" POSSELT ( Ernest-Louis ), historien
et publiciste allemand , né à Bade en
1763 , d'un conseiller-antique de Dour-
lach , termina d'une manière brillante
ses études à l'université de Goettingue.
Après avoir suivi ses cours de droit à
Strasbourg et y avoir été reçu docteur ,
il retourna dans sa patrie où il s'attacha
momentanément au barreau. Bientôt dé-
goûté de cette carrière , il sollicita et
obtint la chaire de droit et d'éloquence
au gymnase de Carlsruhe , et reçut en
outre le titre de secrétaire privé du Mar-
grave. Posselt s'efforça de diriger son en-
seignement dans un sens politique , et ,
dans plusieurs de ses discours , il repro-
duisit quelques-uns de ces faits propres
à électriser un auditoire , mais capables
aussi de donner aux masses le sentiment
de leur force,et par conséquent d'inspirer
l'esprit de révolte. Cette innovation con-
tribua à le faire connaître ; et, comme il
avait entremêlé ses écrits d'hommages
adroits adressés aux princes d'Allema-
gne , il reçut de nombreuses félicita-
tions et des offres d'emplois. En 1791 il
POS
obtint une place de bailli à Gernsbacb ,
près de Rastadt , qui , lui donnant peu '
d'occupation , lui permit de fixer toute
son attention sur les grands événemens
qui se passaient en' France , et il se dé-
clara chaudement pour le parti de la ré-
volution, il écrivit en latin V Histoire des
premières guerres des Français contre
les coalisés , qu'il fit imprimer à Goet-
tingue en 1793 , et qui a été traduit en
allemand et en français. Il commença
aussi son Almanach de Vhistoire de nos
jours qu'il continua pendant 8 ans (1 7 92-
1800). S'étant lié avec le général Mo-
reau , il le suivit à Strasbourg avec le
projet de recueillir auprès de lui les dp-
cumens de l'histoire de la fameuse re-
traite de Bavière , et il la publia dans
les Annales européennes , ouvrage dont
il était le rédacteur et qui parut de 1795
à 1804. On fit à Strasbourg une traduction
française de l'histoire de cette retraite
avec des notes. Posselt eontinua depuis
à correspondre avec le général français ;
mais celui-ci , ayant été accusé de haute
trahison en 1 804 , et le Moniteur ayant
parlé de prétendues trames ourdies en
Allemagne , il craignit d'être impliqué
dans la procédure ; et frappé de terreurf,
il quitta subitement Bade , erra de ville
en ville , ne se croyant nulle part en sû-
reté ; enfin son imagination se troubla à
tel point qu'étant arrivé au mois de juin
1804 à Heidelberg , il s'élança d'un troi-
sième étage sur le pavé de la rue et expira
quelques heures après. On a encore de
cet écrivain un grand nombre d'ouvra-
ges , oîi l'on trouve de la profondeur ,
beaucoup de facilité , mais trop de pen-
chant à l'enthousiasme. Les principaux
sont : 1" Histoire des ligues des princes
allemands , Leipsick , 1 787 , ouvrage
fait à l'occasion de la ligue de la Prusse
et de petits états d'Allemagne pour proté- i
ger la Bavière contre l'Autriche ; 2° His^ 1
taire des Allemands , tome 1 et 2 , Leip- '
sick , 1 789-90. Posselt n'a pas continué
cette histoire ; mais Pœlitz y a ajouté un
3* vol. en 1805; 3° Remarques sur l'his-
toire secrète de la cour de Berlin , par
Mirabeau , Carlsruhe , 1789 , in-8 ; 4°
Archives de l'histoire , de la politique
POS
et de la géographie ancienne et moderne,
surtout de V Allemagne , tom. 1 et 2 ,
Memroingen , 1790-92 , ouvrage non
achevé ; 5" Histoire de Gustave III , roi
de Suède , Carlsruhe , 1792, nouvelle
édition, Giessen , 1805. C'est un des
meilleurs ouvrages de Posselt , et il a été
traduit en français, Genève, 1807 , in-8 ;
6° Histoire impartiale , complète et au-
thentique du procès de Louis XVI ,
Baie , tome 1 et 2. Cette édition n'ayant
pas été mise en circulation , l'ouvrage a
été réimprimé à Nuremberg en 1802 ,
mais le tome 1 a vu seul le jour ; 7" An-
nales européennes, Tubingue , 1795-
1805 , 10 années. Après la mort de Pos-
selt , ce journal a été continué par d'au-
tres rédacteurs. On y trouve des maté-
riaux sur l'histoire des guerres et autres
événemens de la révolution. 8° Diction-
naire de la révolution française ou Re-
cueil des notices biographiques, tom. 1,
Nuremberg , 1802. Tins Discours et plu-
sieurs autres écrits , sur lesquels ou peut
consulter le 4* volume du Dictionnaire
des poètes et prosateurs allemands , par
Joerdens.
POSSEVIN (Antoine), né à Man-
toue en 1534 , fut d'abord précepteur de
François et de Scipion de Gonzague,
entra ensuite dans la compagnie de Jé-
sus en 1559. Il prêcha en Italie et en
France avec un succès distingué, et fut
fait successivement recteur des collèges
d'Avignon et de Lyon. EverardMercurien,
général de son ordre , l'appela à Rome
en J572, et le fit son secrétaire. Son
génie pour les langues étrangères et pour
les négociations le fit choisir par le pape
Grégoire XIII pour être envoyé en qua-
lité de nonce à la cour de Suède; Maxi-
milien II , empereur d'Allemagne, ledé-
cora du titre d'ambassadeur. Il travailla
beaucoup en Suède pour les intérêts de la
religion catholique, el parvint à engager
le roi Jean à abjurer le luthéranisme le
16 mai 1578. Mais ce succès ne fut point
de longue durée. Il fut encore envoyé
en qualité de nonce en Pologne et en
Russie, en 1581 , rétablit la bonne in-
telligence entre Jean III , roi de Pologne,
et le czar Basilowitz , et consacra tous
POS 67
ses soins à la réunion des Russes à l'E-
glise romaine. On peut voir le succès de
cette entreprise dans son ouvrage inti-
tulé Moscovia. De retour en Italie en
1 586 , il demeura pendant quatre ans à
Padoue , oii il dirigea la conscience de
saint François de Sales. Il travailla à
Rome à la réconciliation de Henri IV
avec le saint-Siége. Ce zèle ne plut pas
aux Espagnols , qui se défiaient de la
conversion de ce prince , et qui firent
donner ordre à Possevin de sortir de
cette ville. Il mourut à Ferrare le 2G fé-
vrier 1611 , âgé de 77 ans. Nous avons
de lui divers ouvrages. Les plus impor-
tans sont : 1 ° Sa Bibliothèque choisie ,
Rome, 1593 , in-fol. , pleine d'érudition
et de recherches ; mais l'auteur ne fait
pas toujours un assez bon choix des
écrivains qu'il consulte ; il en censure
d'autres avec trop peu de ménagement :
il y a d'ailleurs des négligences et des
inexactitudes ; 2" Apparatus sacer ad
scriptores vcteris et novi Tesiamenti ,
en 3 vol. in-fol. ; ouvrage qui a eu beau-
coup de cours ; 3° Moscovia , Cologne ,
in-fol, 1587. C'est une description fort
étendue de l'état des Moscovites, de
leurs mœurs , de leur religion , etc. ;
4° Judicium de Nuce (la Noue ) , Joan-
nis Bodini , Philippi Mornœi et Nicolai
Machiavelli quibusdam scriptis , Rome,
1592 , et Lyon, 1593 : ouvrage fait par
ordre d'Innocent IX ; 5° Confutatio mi-
nistrorum Transylvaniœ et Francisci
Davidis , de Trinitate ; 6" Miles chris-
tinnus ; 1" quelques Opuscules en ita.-
lien , dont-on peut voir le titre dans le
Dictionnaire trjpographique. Le Père
Dorigny , jésuite , a donné la Vie de cet
habile négociateur, en 1712, in-12.
Elle est curieuse et intéressante. — Il ne
faut pas le confondre avec Antoine Pos-
sevin , son neveu, natif de Mantoue,
dont on a Gonzagarum Mantuœ et Mon-
iisferati ducum historia , Mantoue ,
1628,iri-4.
POSSIDIUS , élu en 397 évêque de
Calame en Numidie, et disciple de saint
Augustin , recueillit les derniers soupirs
du saint docteur en 430. On a de lui la
Vie de son maître , écrite d'un stile assez
68 POS
simple ; mais il y a beaucoup d'exacli-
tude et de vérilé dans les faits. Il y a
joint le catalogue des ouvrages de ce
Père, avec lequel il avait eu le bonheur
de vivre pendant près de 40 ans. Cette
Vie a paru à Naples , avec de savantes
notes, 1731, et à Augsbourg, 1764, avec
une dissertation critique : De variis ges-
ils , dictis ac visionibus sancto jiugus-
iino falso aut minus solide aitributis.
POSSIDOKIUS ou PosiDONius , astro-
nome et mathématicien d'Alexandrie,
naquit à Apamée en Syrie et vivait après
Eratosthèue et avant Ptolémée. Il mesura
la circonférence de la terre, et la trouva
de 30,000 stades ; mais comme les plus
habiles astronomes modernes n'ont pu
encore s'accorder sur cette mesure, il ne
faut pas s'étonner si Possidonius ne fit
pas un calcul bien juste. — Il ne faut pas
le confondre avec Possidonius d'Apamée,
célèbre philosophe stoïcien , qui tenait
son école à Rhodes. Celui-ci florissait
vers l'an 30 avant J. C. Pompée, à son
retour de Syrie , après avoir heureuse-
ment achevé la guerre contre Mithridate,
vint exprès à Rhodes pour profiter en
passant de ses leçons. On lui apprit qu'il
était fort malade d'un accès de goutte,
qui lui faisait souffrir de cruels tour-
mens. Il voulut du moins voir celui qu'il
s'était flatté d'entendre raisonner sur des
sujets philosophiques. Il alla chez lui, le
salua, et lui témoigna la peine qu'il
avait de ne pouvoir l'entendre. « Il ne
» tiendra qu'à vous , répartit-il , et il ne
» sera pas dit qu'à cause de ma maladie,
» un si grand homme soit venu me voir
» inutilement. » Il commença donc dans
son lit un long et grave discours sur ce
dogme des stoïciens : « Qu'il n'y avait
M rien de bon que ce qui est honnête : »
sentiment que les seuls épicuriens s'avi-
sent de contester. Et comme la douleur
se faisait sentir vivement , il répéta sou-
vent : « Tu ne gagneras rien, ô douleur !
» quelque incommode et violente que tu
» puisses être, je n'avouerai jamais que
» tu sois un mal. » Rravades philosophie
ques , froides et pauvres ressources con-
tre les malheurs et les soufiiances de
l'humanité.
POS
POSSIN. Voyez Poussines.
POSTEL (Guillaume), savant et cé-
lèbre visionnaire , né l'an 1 510, à la Do-
lerie, hameau delà paroisse de Barenton
en Normandie , perdit à 8 ans son père
et sa mère , qui moururent de la peste.
La misère l'ayant chassé de son village ,
il se fit maître d'école, âgé seulement
de 1-i ans, dans un autre village près de
Pontoise. Dès qu'il eut ramassé une pe-
tite somme , il vint continuer ses études
à Paris. Pour éviter la dépense, il s'asso-
cia avec quelques écoliers ; mais il ne fut
pas long-temps à s'en repentir : dès la
première nuit on lui vola son argent et
ses habits. Le froid qu'il endura lui causa
une maladie qui le réduisit à souffrir
pendant deux ans dans un hôpital. Sorti
de cet asile de la misère , il alla glaner
en Beauce. Son industrie laborieuse lui
ayant procuré un habit, il vint continuer
ses études au collège de Sainte-Barbe,
oii il s'engagea à servir quelques régens.
Ses progrès furent si rapides, qu'en peu
de temps il acquit une science univer-
selle. François \" , touché de tant de
mérite uni à tant d'indigence , l'envoya
en Orient , d'où il rapporta plusieurs
manuscrits précieux. Ce voyagelui mérita
la chaire de professeur royal de mathé-
matiques et de langues , avec des ap-
pointemens considérables. Sa façon d'en-
seigner, et surtout sa façon de vivre, lui
suscitèrent divers ennemis. La reine de
Navarre, irritée de son attachement au
chancelier Poyet, lui fit perdre ses places.
Obligé de quitter la France, il passa à
Vienne , s'en fit chasser ; se rendit à
Rome, se fit jésuite, fut exclu de l'ordre,
et mis en prison l'an 154i>, pour avoir
commencé à répandre des erreurs. Après '
une année de captivité, il se relira à ■
Venise , oii une vieille fille s'empara de \
son cœur et de son esprit. Il s'oublia y
jusqu'à soutenir que la rédemption des (
femmes n'était pas achevée, et que la |
Mère Jeanne { c'était le nom de sa Véni- i
tienne ) devait terminer ce grand ou-
vrage : c'est sur cette enthousiaste qu'il •
publia son livre extravagant ; Des très
merveilleuses victoires des femmes du j
Nouveau-Monde , et comment elles doi-
1
POS
vent par raison à tout le monde comman-
der, et même à ceux qui auront la mo-
narchie du Monde-Fieil, Paris, 1653,
in-16. Ses rêveries le firent enfermer;
mais on le relâcha ensuite comme un
insensé. De retour à Paris en 1553, il
continua à débiter ses extravagances.
Contraint de fuir en Allemagne , il se
retira à la cour de Ferdinand , qui l'ac-
cueillit assez bien, et il professa quelque
temps dans l'université de Vienne eu
Autriche. L'amour de la patrie le sollici-
tant de retourner en France , il adressa
une rétractation k la reine, qui le rétablit
dans sa chaire du Collège royal. Son
changement n'était pas sincère. Il cher-
cha à répandre ses folies, et fut relégué au
monastère de Saint-Martin-des Champs ,
où il fit pénitence , et où il mourut
en 1581, âgé de 71 ans. Postel se faisait
beaucoup plus vieux ; il attribuait sa con-
stante santé et sa longue vie à l'avantage
de n'avoir jamais approché d'aucune
femme. Il voulait persuader aussi qu'il
était ressuscité ; et, pour prouver ce mi-
racle à ceux qui l'avaient vu autrefois
avec un visage pâle, des cheveux gris et
une barbe blanche , il se fardait secrè-
tement, et se peignait la barbe et les
cheveux. C'est pourquoi, dans la plupart
de ses ouvrages , il s'appelait Postellus
Restitutus. Quelques auteurs ont écrit
qu'il a vécu cent ans , qu'à la fin de ses
jours il rajeunit, et que ses cheveux
blancs devinrent tout noirs. Postel était,
malgré ses rêveries , un des génies les
plus étendus de son siècle. Il avait une
vivacité, une pénétration, et une mémoire
qui allaient jusqu'au prodige. Il connais-
sait parfaitement les langues orientales,
une partie des langues mortes, et presque
toutes les vivantes ; il se vantait de pou-
voir faire le tour du monde sans truche-
ment. François I"" et la reine de Navarre
le regardaient comme la merveille de leur
siècle. Charles I\ l'appelait son philoso-
phe. On assure que quand il enseignait à
Paris dans le collège des Lombards , il y
avait une si grande foule d'auditeurs,
que la salle de ce collège ne pouvant les
contenir , il les faisait descendre dans la
cour et leur parlait d'uue fenêtre. On ne
POS 69
peut nier qu'il n'eût fait beaucoup d'hon-
neur aux lettres , si , à force de lire les
rabbins et de contempler les astres , il
n'avait pas perdu la tète. Ses principales
chimères étaient , que les femmes domi-
neraient un jour sur les hommes; que
toutes les sectes seraient sauvées par
J. C; que la plupart des mystères du
christianisme pouvaient se démontrer
par la raison ; que l'ange Raziel lui avait
révélé les secrets divins, et que ses écrits
étaient les écrits de J. C. même; enfin ,
que l'âme d'Adam était entrée dans son
corps. Ces folles idées étaient plus dignes
de compassion que de châtiment , et
Postel était un de ces hommes qui sont
moins méchans que fous. Dans la foule
d'écrits dont il surchargea l'univers lit-
téraire, on ne citera que les principaux ;
1'^ Clavis absconditorum a constitulione
mundi, Paris, 1547, in-lG, et Amsterdam,
1G46, in-12. Cette dernière édition est
très commune , la première est fort rare.
Quelques-uns ont comparé à cet ouvrage
extravagant celui de M. Court de Gébe-
lin, Ze Mande primitif analysé et consi-
déré dans son génie allégorique, et dans
les allégories auxquelles conduit ce génie;
mais il faut convenir que, malgré quel-
ques rapports du côté de l'imagination,
le parallèle dans sa généralité est peu
exact. 2" De ultimo judicio, sans nom de
ville ni d'imprimeur, et sans date, in-16.
C'est un des plus rares ouvrages de Pos-
tel. 3° Apologie contre les détracteurs
de la Gaule, qui renferme des choses
singulières; 4" V Unique moyen de V ac-
cord des protestans et des catholiques ;
b° les Premiers élémens d'£uclide chré-
tien., pour la raison de la divine et éter-
nelle vérité démontrée, traduits du latin,
Paris, 1579, J vol. in-16; C" la Divina
ordinazione , 1vol. in-8, 1556, ouest
compi'ise la raison de la restitution de
toutes choses ; 7° Merveilles des Indes ,
1553, 1 vol. in-16; 8° Description et
carte de la Terre-Sainte, 1553; 9° Les
Raisons de la monarchie, Paris, 1551,
1 vol.iu-8; 1 (i" Histoire des Gaulois depuis
le déluge, Paris, 1552, 1 vol. in-16; 11°
La Loi salique , 1552; 12° De Phœni-
cum lilleris , Paris, 1552, 1 vol. in-8,
70 POS
petit format ; 1 3° Liber de causis natU'
rœ, 1552, 1 vol. in- 16; 14° Z?e origini-
bus nationum, 1553 , 1 vol. in-8; 15° Le
prime nuove deW altro mondo , cioè la
f^ergine venitiana y 1555, 1 vol. in-8;
16° Traité de ï origine del'Etrurie; 17°
Epistola ad Skwenfeldium de Firgine
venitiana,\ bbQ , 1 vol. in-8; 18° Recueil
des prophéties les plus célèbres du
monde, par lequel il se voit que le roi
François /*'" doit tenir la monarc/Ue de
tout le Monde ; 1 9° Alcorani et Evange-
lii concordia, Paris, 1543, 1 vol. in-8;
20° De rationihus Spiritus sancti, idem ;
2\° De nativitate Mediatoris ultima,
1547, 1 vol. in-4; 22° Proto-Evange-
lium, 1552, 1 vol. in-8 ; 2^° De linguœ
phœnicis , seu hebraicœ exceUentia ,
Vienne en Auiriche, 1554, 1 vol. in-4,
inséré depuis dans la Bibliothèque de
Brème , très rare. Il fit aussi l'apologie
de Servet. 24° De Orbis concordia, Bâle,
1 vol. in-fol.j 1544. Le but de l'auteur est
de ramener l'univers à la religion chré-
tienne. Celte production bizarre est divi-
sée en quatre livres. Le premier contient
les preuves de la religion, le deuxième la
réfutation de la doctrine de VAlcoran, le
troisième un traité de l'origine des faus-
ses religions et de l'idolâtrie, et le qua-
trième, de la manière de ramener les
mahométans , les païens et les juifs. Ces
écrits sont aussi rares que singuliers. 11
y en a encore d'autres que les curieux
recherchent, quoique leur rareté en fasse
tout le mérite. Consultez les Nouveaux
E clair cissemens sur la vie elles ouvra-
ges de Guillaume Postel, par le Père
Desbillons , Liège , 1773. On voit par cet
ouvrage que la folie s'était emparée de
l'esprit de Foslel long-temps avant qu'il
eût la réputation d'en être atteint ; c'est
un germe qui s'étendait et qui croissait
jusqu'à la maturité de ses fruits. Il en est
ainsi de presque toutes les folies : elles
s'annoncent par des écarts isolés,qu'onne
remarque presque point, et finissent par
des délires constans et des extravagances
suivies. C'est à tort qu'on a attribué à
Postel le livre De tribus Impostoribus.
Voyez La Monwoyk et Vîmes ( Pierre
dwj.
POS
POSTEL ( Henri ) , jésuite , né le 28
mai 1707 , à Binche , petite ville du Hai-
naut, mourut à Douai le 7 novembrel788,
où il avait professé la philosophie et la
théologie pendant un grand nombre
d'années. On a remarqué dans ses leçons
une solidité , une précision , une clarté
qui eu ont fait désirer la publication. Il
en a donné une partie sous le titre de
V Incrédule conduit à la religion par la
voie de la démonstration. Tournai, 1772,
2 \ ol. in-8 , dont le premier est dirige
contre les athées, les déistes et autres
incrédules, et le second n'est qu'un pré-
cis de controverses contre les sectaires.
L'élégance et la légèreté du stile n'éga-
lent pas la force de raisonnement répan-
due dans cet ouvrage. L'auteur , en l'an-
nonçant par la voie des périodistes, a
donné le défi formel de faire voir quel-
que défaut de logique dans les divers ar-
gumens qu'il opposait aux erreurs domi-
nantes. Ce défi n'a point été accepté , et
l'ouvrage est demeuré sans réponse.
POSTHUME (Marcus-Cassius-Latinus),
l'un des 30 tyrans qui se disputèrent
l'empire sous le règne de Gallien, fut pro-
clamé empereur par une partie de l'ar-
mée , après l'assassinat de Valéricn , eu
261. ( Il commandait les Gaules, et Gal-
lien, fils de Valérien, dut à ses conseils
les victoires qu'il obtint sur les Germains.
Mais le jeune Salonius , fils de Gallien ,
que son père avait nommé gouverneur
des Gaules, ayant réclamé le butin fait
sur l'ennemi , les soldats se révoltèrent,
et élurentpourempereurPosthume(257);
Salonius et son précepteur furent tués. )
Posthume, toujours cher aux soldats,
repoussa les Germains, et sut pendant
plusieurs années se maintenir dans sa di-
gnité , quoique Gallien, fils de Valérien,
fît des efforts extraordinaires pour le dé-
truire. Posthume avait un fils qu'il asso-
cia à l'empire ; il était digne de son père
par ses grandes qualités, et lui était su-
périeur en éloquence. On lui a attribué
dix-neuf Déclamations , qui ont paru
sous le nom de Quintilien. Les deux Pos-
thume furent tués aussi par leurs soldats
en 267 , près de Mayence oii ils venaient
de vaincre le tyran Lélien-
POT
POSTHUMroS(Lucius). Il fut nom-
mé consul après la bataille de Cannes
(217 avant J.C ), et partit pour les Gau-
les avec une armée; lesBoïens, qui ha-
bitaient le Bourbonnais, le battirent com-
plètement. Posthumius, couvert de bles-
sures, expira sur le champ de bataille;
les Gaulois lui ayant coupé la tête, la por-
tèrent en triomphe dans leur temple , et
le crâne du général romain devint un vase
sacré , dans lequel ils offraient des liba-
tions à leurs dieux. Ces exemples de su-
perstition atroce étaient assez communs
parmi ces peuples barbares.
POTAMON, philosophe d'Alexan-
drie , coutemporain d'Auguste , prit un
milieu entre l'incertitude des pyrrhoniens
et la présomption des dogmatiques. Il
emprunta de chaque école de philoso-
phie ce qu'il croyait pouvoir perfection-
ner sa raison. Il ne paraît pas que ce
philosophe ait présidé une école, ni qu'il
ait donné naissance à une secte ; mais sa
manière de philosopher se répandit dans
le monde savant. Ceux qui l'embrassèrent,
soit à Alexandrie , soit à Rome , furent
nommés Eclectiques (d'eligo ou exîego),
parce qu'ils choisissaient les opinions qui
leur paraissaient les plus convenables.
POTEMKIN ( Le prince Grégoire
ÀLEXANDROviTSCH ), le Taurîque, descen-
dant d'une famille polonaise, naquit près
de Smolensken 1736. Il entra au service
de la Russie , et se distingua par sa bra-
voure et son intelligence dans l'art mili-
taire. Il remporta de grands avantages
contre les Turcs , auxquels il enleva , le
17 décembre 1788, l'importante forte-
resse d'Oczakow , qu'il prit d'assaut , à
la faveur d'un hiver très rude , qui avait
glacé Je Borysthène et la mer Noire. Il
s'empara d'autres places , occupa la Bes-
saride , la Moldavie , et réduisit les infi-
dèles à de grandes extrémités. L'impéra-
trice récompensa ses services , en accu-
mulant sur lui une multitude de dignités
lucratives et honorifiques ; elle le nomma
feld-maréchal et commandant en chef de
toute l'armée russe, chef des flottes de la
mer d'Azof , de la mer Caspienne et de la
mer Noire , sénateur et président du col-
lège de guerre , gouverneur-général de
POT 71
Catharinoslaw, de la Tauride ; adjudant-
général , chambellan de S. M. I. , in-
specteur-général de toute l'armée, colo-
nel des gardes du corps de Préobaschinki,
chef du corps des chevaliers et d'un ré-
giment de cuirassiers de son nom , chef
des dragons de Pétersbourg et des gre-
nadiers de Catharinoslaw, chef de toutes
les manufactures d'armes et de fonderies
de canons , grand-hetman des cosaques
russes et de ceuxde Catharinoslaw et des
environs de la mer Noire , chevalier de
l'oi'dre impérial russe de Saint-André,
etc. , etc. Il était sur le point , dit-on ,
de devenir prince souverain de quelques
places démembrées de la Pologne , lors-
qu'il mourut le 16 octobre 1791 , dans
la 55® année de son âge. Croyant que
l'air de Jassy , où il s'était rendu pour
entrer en conférence avec les plénipo-
tentiaires ottomans, et conclure une pa-
cification enjre la Porte et la Russie , lui
était contraire, il quitta cette ville le 1 5,
et se mit en route pour Nikolaefka sur
le Bog ;mais à peine eut-il fait 35 wers-
tes sur le chemin de Bender, qu'il se
plaignit de violentes douleurs dans le
bas-ventre , descendit de la voiture ; et
comme il n'y avait point d'habitation à
l'entour , il se coucha par terre sur le
ventre, et expira quelques minutes après.
Ainsi finit, dans un désert et un abandon
total , un homme qui avait fait tant de
bruit dans le monde, et joui de toutes
les faveurs que l'on peut recevoir des
puissances de la terre. On a prétendu de-
puis qu'il allait se soulever contre l'im-
pératrice , et que c'est elle qui s'en est
défait. Quoi qu'il en soit, quelles réfle-
xions une telle mort ne fait-elle pas faire
sur les grandeurs humaines !... Que la
vraie philosophie se fortifie et se nourrit
par de tels spectacles ! Du reste, le prince
Potemkin était aussi homme de bien
qu'on pouvait l'être au faîte des gran-
deurs , dans le sein d'une cour. Il avait
de la probité , de la religion ; les catho-
liques ont toujours trouvé en lui un pro-
tecteur ; c'est lui qui est la cause prin-
cipale de ce que certaines imitations
n'ont pas eu lieu en Russie. Potemkin
avait un goût particulier pour la théolo-
72 POT
gieet la controverse ; il avait été destiné
d'abord à l'état ecclésiastique. Le jour
( 28 juin 1762 ) oii Catherine arracha le
Irône à son époux Pierre III , Potemkin
était de garde au palais. La czarine était
à cheval et en uniforme; mais elle n'avait
pas de dragonne ( signe distinctif des
officiei's dans les pays du nord ) ; Potem-
kin lui offrit la sienne , et dès ce moment
.sa faveur commença. Il lutta contre le
pouvoir d'Orloff, et devint favori dé-
claré de la czarine , sans que cependant
Orloff perdît son influence. Celui-ci ayant
trouvé à la volage Catherine un favori de
son choix, Potemkin , par dépit, s'en-
ferma dans un monastère : la czarine l'en
fit sortir et le combla de nouvelles fa-
veurs. Ce fut à son tour de trouver à Ca-
therine des favoris qui lui étaient dé-
voués. Mais sa puissance finit par devenir
incommode à la souveraine ; les ennemis
de Potemkin lui persuadèrent de faire
continuer la guerre contre les Turcs ,
pendant l'absence du généralissime , qui
se trouvait dans la capitale. Le prince
P>epenin obéit , remporte une éclatante
victoire ; Potemkin accourt sur les lieux,
et accable son lieutenant de reproches.
C'est lorsqu'il retournait à Pétersbourg
pourfaire destituer Repenin, que la mort
le surprit en route. Ou a cru que sa mort
avait été l'effet du poison ; mais il semble
plus naturel de l'attribuer, avec les écri-
vains russes , à une décomposition de
sang, préparéepar son intempérance et
hâtée par ses derniers chagrins. Il faut
lire dans les ouvrages de quelques étran-
gers, et surtout dans les Mémoires de
M. le Comte de Se'gur , le portrait mo-
ral de Potemkin. On y trouvera un hom-
me dont le caractère offrait le mélange
d'une ardeur très martiale et de la plus
grande activité avec une excessive pa-
resse, d'une piété extrême avec beau-
coup de superstition et des mœurs déré-
glées , de l'avarice avec la prodigalité ;
fier avec seség.iux, affable avec ses infé-
rieurs , il fit peu de bien à ses amis, peu
de mal à ses ennemis, et contribua sans
contredit à la gloire du règne de Cathe-
rine et à la prospérité de la Russie. Sa f^ie
a été écrite plusieurs fois en russe et en
POT
allemand- L'une des meilleures qui ait
été donnée en russe est anonyme et impri-
mée à Saint-Pétersbourg en 1811. On en
a une en français, publiée à Paris en 1 807,
in-8. Le bulletin du Nord, avril 1829,
aunonce que les habitans de Kherson ,
lui ont élevé une statue en bronze con-
fiée au statuaire russe Martoss. )
POTER(Paul), peintre, né à En-
ckhuysen en 1626, mort à Amsterdam
en 1654 , a excellé dans la peinture en
paysage. On admire surtout l'art avec le-
quel il a rendu les différens effets que
peut faire sur la campagne l'ardeur et
l'éclat d'un soleil vif et brillant. Ses sites
ne sont pas des plus riches , n'ayant exé-
cuté que les vues de la Hollande, qui sont
plates et peu variées. Son talent n'était
point pour la figure ; aussi il n'en pei-
gnait guère plus de deux, encore avait-il
soin de les cacher ensuite. Pour les ani-
maux , on ne peut les rendre avec plus
de vérité que ce maître. Du Jardin , un
de ses élèves , a imité sa manière.
POTIiIER( Robert-loseph), célèbre
jurisconsulte , conseiller au présidial
d'Orléans sa patrie , et professeur en
droit de l'université de cette ville , na-
quit en janvier 1699 , et mourut au mois
de février 17 72, après avoir consacré
toute sa vie à la jurisprudence. Un goût, j
particulier le porta d'abord vers le droit
romain; il s'attacha ensuite au droit
français, et nous avons de lui un très
grand nombre d'ouvrages , qui prou-
vent qu'il possédait l'un et l'autre. Les
principaux sont : 1 " Pandectce Justi-
nianœ , 1748 et 1 782 , 3 vol. in-fol. ; 2°
Traité des obligations, 2 vol. in-12,
1761 , et réimprimé en 1765, avec des
augmentations; Z° Traité du contrat de
■ve/i/e, 1765, in-12; 4° Traité du con-
trat de rente, 1763, in-12 ; 5" Traité du
contrat de louage, 1764, in-1 2; 6° Traité
du contrat de société, in-1 2 ; 7° Traité
des contrats maritimes, in-12 ; 8° Traité
des contrats de bienfaisance, 1766, 2v.
in-12 ; 9° Traité du contrat de mariage,
1768, in-12. Tout n'y est pas exact;
quoiqu'il s'éloigne de l'erreur de Lau-
noy , et qu'il reconnaisse dans l'Eglise
le pouvoir de mettre des empêchemens
POT
dirimans , il n'est pas toujours d'accord
aveclesplus sages jurisconsultes, ni avec
lui-même : on [peut consulter là-dessus
l'excellent traité : Apologie du mariage
chrétien^ lAé^e , 17S8, in-12; et le
Journ. hist. et litte'r. , 15 février 1791 ,
p. 247 . {Voyez Dominis, Gerbais, Gibert,
Launoy. ) 10° Coutume du duché d! Or-
léans, 1740, 2 vol. in-12, et 1773, in-4;
1 1" Traité de la possession et de la pres-
cription , in-12, 1772, etc., etc. Ces
nombreux ouvrages ont été recueillis en
1774 et 1781 , en 4 vol. in-4, à l'excep-
tion des Pandectœ Justinianœ , et d'un
Traité des fiefs , Orléans, 1776, 2 vol.
in-12. En 1777 et 1778, ont paru 3 vol.
d'OEuvres posthumes , publiées par
M. Guyot. (Les ouvrages de Pothier sont
aussi imprimés en 28 vol. in-12 ; ils ont
élé réimprimés en 1817-1819 en 13 vol.
in-8 , y compris la table avec quelques
corrections. Cette édition est peu recher-
chée, étant mal imprimée. M. Bernardi a
publié en 1806 et années suivantes les
OEuvres de Pothier mises en rapport avec
le code civil , 23 vol. in-8. Elles ont eu
peu de succès. On n'y trouve ni le traité
de la Procédure civile , ni ceux des Fiefs
et de la Garde noble, ni la Coutume d'Or-
léans. Au reste tous les ouvrages de Po-
thier, à l'exception de ses Pandectes, se
trouvent réunis dans l'édition de M. Sif-
frein, Paris, 1821-23, 17 vol. in-8, et
dans celle de 1826 qui a pour titre OEu-
vres de Pothier revues sur les anciennes
éditions , classées dans l'ordre des ma-
tières du code civil, précédées d^une dis-
sertation sur sa vie et ses écrits, et sui-
vies d'une table de concordance, par
MM. Rogron et Firbach.) L'auteur joignait
à beaucoup de mémoire une grande faci-
lité de travail ; mais son jugement n'é-
galait pas ces avantages : il est souvent
obscur et embarrassé dans ses raisonne-
mens; ses preuves sont incohérentes,
quelquefois contradictoires , et presque
toujours d'un faible résultat. Son amour
pour la jurisprudence l'engagea à faire
chez lui des conférences de droit, qui s'y
tenaient toutes les semaines. Nommépar
le chancelier d'Aguesseau à la place de
professeur en droit français , en 1749,
XI.
POT 73
sans l'avoir demandée, il établit des prix
pour exciter l'émulation parmi les étu-
dians. C'était un homme doué de toutes
les vertus morales et chrétiennes, chari-
table , bienfaisant , utile à sa patrie par
son savoir et par son esprit de concilia-
tion. On lit dans l'épitaphe que la ville
de Paris fit mettre sur son tombeau dans
le grand cimetière , l'éloge suivant :
Vir juris peritia , sequi studio,
Spriptis, consilioque ,
An!nii pandore, simplicïtate morum ,
Vitœ sanctitate
Prœclarus.
Civibus smgulis , probis omnibus ,
Studiosse juTentuti,
Ac maxime pauperibus ,
Quorum gratiapauperipse >ixit,
iËternum eui desiderium reliquit.
POTHIN ( Saint ), 1" évêque de Lyon,
était disciple de saint Polycarpe,qui l'en-
voya dans les Gaules. Il a pu l'être aussi
de saint Jean, puisqu'il avait 15 ans
quand cet apôtre mourut. Polhin était
âgé de 90 ans , lorsqu'une persécution
cruelle s'éleva sous l'empire de ce douce-
reux Marc-Aurèle , que nos philosophis-
tes nous donnent comme un modèle de
bienfaisance , l'an 177 de Jésus-Christ. Il
fut conduit devant les magistrats de Lyon,
à la vue d'une multitude de païens qui
criaient contre lui. Le gouverneur lui
demanda alors quel était le Dieu des chré-
tiens : Vous le connaîtrez , répondit saint
Pothin , si vous en êtes digne. Cette ré-
ponse irrita le tyran. On le maltraita
cruellement, et on le traîna en prison,
où il mourut deux jours après. Saint Iré-
née fut son successeur. Voyez les Actes
de son martyre dans la Lettre des Eglises
de Vienne et de Lyon aux fidèles d'Asie et
de Phrygie , qu'on trouve en grande par-
tie dans l'Histoire ecclésiastique d'Eusè-
be, lib. 5. C'est undesplusprécieuxmo-
numens des premiers siècles de l'Eglise.
POTIER (Nicolas), seigneur de Blanc-
mesnil, président au parlement de Paris,
d'une noble et ancienne famille, naquit
eu 1541 dans cette ville. N'ayant pu sor-
tir de Paris lorsque cette capitale se dé-
clara pour la ligue catholique contre la
protestante, il fut arrêté prisonnier au
Louvre, avec ceux qui semblaient favo-
riser la première. La faction des Seize
10.
74 POT
lui fit faire son procès dans les urines ,
parce qu'il entretenait une correspon*
dance secrète avec les protestans. Il au-
rait subi le même sort que le président
Brisson, si le duc de Mayenne ne fût allé
le délivrer de sa prison. « Monseigneur,
lui dit Blancmesnil en se jetant à ses pieds,
je vous ai obligation de la vie; mais j'ose
vous demander un plus grand bienfait :
c'est de me permettre de me retirer au-
près de mon légitime roi, ne pouvant
vous servir comme mon maître. » Le duc,
touché de cette fermeté , le laissa aller
versHenri ly . Il mourut en 1 635 , âgé de
94 ans. —«•Louis Potikb, son frère puîné,
seigneur de Gesvres , secrétaire d'état,
s'acquit la confiance de Henri IIÏ , qui
\oulut l'avoir auprès de lui après la jour-
née des Barricades , en 1688. Il ne fut
pas moins attaché à Henri IV et à Louis
XIII , auxquels il rendit de grands servi»
ces durant les guerres civiles. Il mourut
en 1630 , laissant René Potier , comte de
Tresmes en Valais, capitaine des gar-
des du corps, gouverneur de Cbâlons,
etc., dont la terre de Tresmes fut érigée
en duché-pairie, l'an 1648, sous le nom
de Gesvres.
' POTOCKI (le comte Stanislas-Félix),
d'une famille illustre^ de Pologne , na-
quit à Cracovie en 1750. Il prit part auî
premiers troubles qui désolèrent son pays
à l'époque oii les trois grandes puissant
ces du nord annoncèrent leurs vues ara-
bilieuses sur le partage de ce royaume.
Après s'être ensuite exilé volontairement
dans la Galicie, et fait bâtir plusicursvil-
lages dans les déserts de l'Ukraine dont
il chercha à civiliser les habitans , il fut
rappelé par ses compatriotes et devint un
moment l'idole du peuple ; mais sa fidé-
lité ayant été, non sans motif, soupçonnée
à la cour, il la quitta de nouveau et alla
chercher un emploi dans l'armée russe ;
il seconda même les vues de la Russie ,
qui voulait tenir la Pologne dansl'abais-
sèment. En mai 1792 , Potocki publia à
Targowitz , conjointement avec Rez-
wuski et Braniski , un manifeste contre
la nouvelle constitution. Il suivit l'armée
russe , avec l'appui de laquelle il porta
le faible Stanislas à accéder lui-même
POT
au manifeste de Targowitz , qui donna
lieu à la diète de Grodno , formée par ,
l'influence de Potocki , sous les auspices
delà Russie ; on y annula la constitution
de l'année précédente , et l'on signa le
partage du pays. On avait cru que Po-
tocki n'avait réclamé ce secours de Pé-
tersbourg , que pour ravir la couronne à
Poniatowski. En 1793 , il se chargea de
plusieurs missions auprès de Catherine II,
et pendant toute cette année il exerça
une grande influence en Pologne ; mais
en 1794 Cosciusko , Kolontay , Ignace
Potocki et presque tous les Polonais ayant
pris les armes contre la Russie , on in-
struisit le procès du comte Félix ; il fut
déclaré traître à la patrie ; on confisqua
ses biens , et , comme il était absent ,
on le pendit en effigie. Potocki, qui était
en Amérique , revint aussitôt en Russie.
Il avait accepté en 1793 l'ordre de Saint-
Alexandre de Newski , et en 1795 Cathe-
rine II le nomma général en chef de ses
armées. Après le partage définitif de la
Pologne , il se retira dans ses terres , où
il vécut oublié. Il y mourut en juillet
1803. — D'autres membres de la même
famille eurent une conduite bien diffé-
rente. Nous citerons Potocki (Ignace,
comte ) , grand-maréchal de la Lithua-
nie , cousin du précédent , né en 1751. ,
Nommé membre de la commission de
l'instruction publique , il réorganisa
l'enseignement dans les collèges , et tra-
duisit lui-même en polonais la Logique
de Condillac. A l'époque de l'envahisse-
ment de la Pologne par les Russes , il fut
obligé de se réfugier en Saxe : la victoire
de Praclawice , l'emportée par Kos-
ciusko , lui permit de revenir à Varso-
vie ; il organisa un nouveau gouverne-
ment, et fut lui-même ministre des affaires
étrangères. Ce triomphe fut de courte
durée : fait prisonnier par les Russes à
l'époque du sac de Varsovie, il fut traîné
en Russie et détenu dans la forteresse de
Schlusselbourg jusqu'à la mort de l'im-
pératrice Catherine II. Après avoir vécu ,
ensuite quelque temps en Galicie dans la 1
plus grande retraite, il fut arrêté de nou- \
veau en 1 7 98, et subit alors une détention '
de quelques mois à Cracovie. Il obtint
POT
enfin la permission de retourner daiis ses
tenes , où il mourut en 1809. — IVous
citerons encore Potocki (Jean , comte),
historien polonais ; en 1805 il fit partie
de la grande ambassade russe qui fut en-
voyée à la Chine , d'oîi il a rapporté de
nombreux matériaux historiques qu'il
s'occupait de mettre en ordre , lorsqu'il
mourut dans l'Ukraine à la fin de 1815.
Ce savant avait beaucoup voyagé ; il
avait été en Egypte , et c'est lui qui a
gravé sur la pyramide du Caire ce vers
deDelille :
Leur masse iiidestriiclible a fatigué le temps.
Il a donné la Relation de son voyage. On
cite encore de lui des Recherches sur la
Sarmatie et une Histoire primitive des
peuples de la Russie. — Enfin nous cite-
rous PoTOCRi ( Stanislas , comte ) , pu-
Lliciste , littérateur et homme d'état ,
né en 17 57 à Varsovie. Il était déjà nonce
dans la diète de 1776 : il le fut encore dans
celles de nSG et de 1788. On peut le
placer parmi ceux qui contribuèrent le
plus à la constitution du 3 mai. Lorsque
Kosciusko tenta de rétablir l'indépen-
dance de la Pologne , Potocki fut arrêté
par ordre du gouvernement autrichien à
Carisbad , oii il se trouvait sous un pré-
texte de santé. Envoyé au fort de Joseph-
stadt, il subit une captivité de huit mois,
après lesquels il vécut dans la retraite ,
éloigné de tous les emplois publics. Lors-
que Varsovie fut érigée en duché , il fut
appelé aux dignités de sénateur polonais
et de chef du conseil d'état «t des minis-
tres. Plus tard il devint ministre des cul-
tes et de l'instruction publique , et fut
nommé en 1818 président du sénat. Po-
tocki est mort en 1821. C'était un ami des
sciences et des arts : il avait formé dans
son habitation de Willamow , près de
Varsovie , une magnifique collection de
tableaux , de vases étrusques , d'estam-
pes , etc. Outre un assez grand nombre
d'opuscules académiques , il a publié
une Traduction polonaise de Winkel'
man , précédée d'un Discours sur Vart
chez les anciens , en forme d'introduc-
tion. On lui doit encore un ouvrage qui
a pour titre : De l'éloquence et du stile,
POT 75
en 4 vol. ; un roman satirique , inti-
tulé : yoyagc a Ciemnogrod, en 4 vol.,
et les Eloges de quelques grands hommes
contemporains et des braves Polonais .
tue's à la bataille de Raszyn en 1809. Il
a laissé un manuscrit des ouvrages relatifs
à la politique , à l'instruction publique
et à la discipline ecclésiastique.
POTON. Foyez Saintrailles.
POTT ( Jean-Henri } , habile chi-
miste allemand, né en 1692 à Halberstadt,
recula les bornes de la science qu'il cul-
tivait. On a de lui : 1* De sulphuribus
metallorum, 1738, in-4 ; 2° Observatio-
nes circa sal, Berlin, 1739, et 1741,2
vol. in-4. Ces ouvrages sont très estimés,
à cause d'un grand nombre d'observations
nouvelles. ( C'est à lui que la Prusse doit
la découverte d'une terre , aux environs
de Berlin, propre à faire la pâte des por-
celaines. )
*POTT (Perce val), habile chirurgien
anglais, naquit à Londres en 1 7 1 3, fut élè-
ve du célèbre Nousse, chirurgien en chef
de l'hôpital de Saint-Barthélémy. (Pott
commença à exercer son art en 1736
dans ce même hôpital , et y fut attaché
toute sa vie. Il s'appliqua à écarter les
anciennes pratiques barbares, qu'il rem-
plaça par d'autres moins douloureuses ou
plus promptes, et il eut la satisfaction de
voir adopter sa nouvelle méthode. Une
chute de cheval qu'il fit , dans laquelle il
se fracassa une jambe, lui donna le loisir
de composer le plan pour son Traite' des
hernies. ) Ses leçons étaient très suivies ,
et on remarquait en lui beaucoup de pré-
cision dans les idées , de pureté dans le
stile , et de grâce dans les expressions.
La société royale de Londres l'admit par-
mi ses membres en 174G, et il mourut
en 1788, âgé de 75 ans. Ses principaux
ouvrages sont : un Mémoire sur les tu\
meurs qui ramollissent les os y dans les
Transactions philosophiques, 1741 , n"
459; 2" Traité des hernies y 1756-1763,
in-8 ; 3" Mémoire sur une espèce de
hernie particulière dans lesenfans nou-
veau-nés, qui se présente quelquefois
dans les adultes , 1756, in-8 ; 4° Obser-
vations sur la fistule lacrymale, 1758 ,
in-8 ; 5" Observations sur les blessu-
.j6 POT
res et les contusions de la tête , i 760 ;
avec des additions, 1768 ; 6° Remarques
pratiques surVhydrocèle ; 7° Méthode
pour guérir Vhydrocèle à l'aide d'un se-
lon, 1 772 , in-8 ; 8° Observations sur la
cataracte, le polype du nez, le can-
cer du scrotum , et sur différentes es-
pèces de hernie, etc. etc. Les ouvrages de
Pott ont été imprimés de son vivant , en
J vol. in-4. Sou gendre eu adonné une
édition, corrigée et augmentée, avec
la vie de l'auteur , Londres, 17 90 , 3 vol.
in-8 ; traduite en français , et publiée en
1 777 et 1 792 . 3 vol. in-8. Pott était doué
d'un jugement sain , et avait une grande
dextérité de la main. Tous ses ouvrages
sont écrits d'un slile correct et élégant,
POTTER ( Christophe ) , né en 1 591 ,
fut élevé à Oxford. Il devint chapelain du
roi Charles I" , doyen de Worcester , et
vice-chancelier de l'université d'Oxford.
Dans sa jeunesse, il fut puritain zélé.
Dans un âge plus avancé , il s'attacha au
parti du roi , et fut maltraité dans les trou-
bles qui agitaient l'Angleterre. On a de
cet auteur quelques Traités sur la pré-
destination et sur la grâce. On ne doit
point s'attendre à y trouver de la justesse
ni de l'orthodoxie. Il a aussi traduit de
l'italien en anglais, et publié l'Histoire
du différend du pape Paul V avec les
Vénitiens. Il mourut en 1646.
POTTER ( François ) , curé de Kil-
manton en Angleterre. Son goût pour la
peinture et les mécaniques allait jusqu'à
la passion. Une machine pour l'eau, qu'il
présenta à la société royale de Londres ,
lui valut l'honneur d'être admis au nom-
bre de ses membres. Potter mourut aveu-
gle en 1678. On a de lui plusieurs ouvra-
ges , parmi lesquels on distingue YifJx-
pUcation du nombre 660 de la Bête de
t Apocalypse, chap. 13. Il pousse le fa-
natisme jusqu'à prétendre trouver dans
le nombre de la bête, Rome , le pape ,
les cardinaux et toute la hiérarchie de
l'Eglise catholique. Ce livre , imprimé à
Oxford, 1642, in-4, a été traduit en latin,
Amsterdam, 167 7, in-8.
POTTER ( Jean ) , né à Wakefield ,
dans le comté d'York, en 1674, se ren-
dit très habile dans la langue grecque,
POU
fut nommé à l'archevêché de Cantorbéry
etmouruten 1745. On a delui : Archœo- ,
logia grœca , sive antiquitatum Grœ-
ciœ corpus absolutissimum -. cet ouvra-
ge , ordinairement en anglais , a été pu-
blié à Oxford 13 fois jusqu'en 1813. Les
meilleures éditions sont de 1706 , 2 vol.
in-8, en latin ; de Leyde, 1702 , in-fol.
de Venise, 1774, 2 vol. in-fol. et dans
Grouovius; 2° une Edition de saint Clé-
ment d'Alexandrie avec des annotations , A
Oxford, 1736, 2 vol. in-fol. ; 3»une^rft-^
lion de Lycophron, 1702 ; 4° des Ouvra-
ges théologiques y Oxford, 1753, 3 vol.
in-8.
* POTTER ( Robert ) , théologien an-
glican, né en 1721, fit ses études à Cam-
bridge, au collège d'Emmanuel, et y
prit le degré de maître-ès-arts. Il obtint ,
en 1788 , la cure de Loweslofl", au comté
de Suffolk , et fut ensuite nommé à un
canonicat de Norwich. Il parait qu'il s'oc-
cupa beaucoup plus de littérature que de
théologie ; du moins on ne trouve cité
de lui aucun ouvrage du dernier genre ;
mais il acquit de la célébrité par le mé-
rite de ses Traductions. Il a donné en
anglais celles de Sophocle, &' Euripide
et à! Eschyle. Il prit le parti du poète
Grai contre Johnson, et mourut eu
1804.
*PODCHARD (Julien) , naquit en 1 6 56 ,
près Domfront,en basse Normandie. Il étu-
dia la philosophie,rhistoire,les antiquités,
et possédait l'hébreu, le grec et le latin.
Il fut reçu, en 1 7 0 1 , à l'académie des Ins-
criptions et belles-lettres, et il obtint , en
1704, la chaire de langue grecque au Col-
lège royal. Il mourut l'année suivante à |
l'âge de 49 ans. On a de lui : 1° Discours
sur V antiquité des Egyptiens ; 2° un au-
tre sur les libéralités du peuple romain.
On les trouve dans les Mémoires de l'a-
cadémie. Il a laissé en manuscrit une j
Histoire nniverselle , depuis la création 1
du monde jusqu'à la mort de Cléopâtre. j
Il aurait mieux valu dire jusqu'au règne !
d'Auguste. I
*POUFFIER ( Hector-Bernard ), né j
à Dijon, en 1658, suivit le barreau, -
et fut doyen du parlement de sa ville na-
tale. 11 fonda par son testament ( imprimé
POU
cil 1736 ), l'académie de Dijon, et lui
légua des fonds nécessaires pour les prix
et les exercices. Il mourut en 1732.
POUGET ( François- Aimé ), prêtre
de l'Oratoire , docteur de Sorbonne et
abbé de Cbambon , naquit à Montpellier,
en 166G. Il fut fait vicaire de la paroisse
de Saint-Roch à Paris en 1692 , et ce fut
en cette qualité qu'il eut part à la conver-
sion du célèbre La Fontaine, dont il don-
na une relation curieuse et détaillée ,
dans une Lettre publiée par le Père Des-
molets. Pouget avait fait sa licence avec
Colbert, évêque de Montpellier , qui le
mit à la tète de son séminaire. Après avoir
rempli avec zèle les fonctions attachées
à cette place , il alla mourir à Paris dans
la maison de Saint-Magloire , en 1723, à
67 ans. (Il lit dans ce séminaire des Con-
férences publiques sur les cas de con-
science , et fut membre de la commission
chargée par le cardinal de Noailles , delà
réforme de la liturgie de Paris. ) Son prin-
cipal ouvrage est le livre connu sous le
nom de Catéchisme de Montpellier,
dont l'édition la plus recherchée est
celle de Paris, en 1702, in-4, ou 5
vol.in-1 2. Uaété traduit en italien, en es-
pagnol et en anglais. Pouget avait lui-
même traduit cet ouvrage en latin , et il
voulait le publier avec les passages entiers
qui ne sont que cités dans l'original fran-
çais ; la mort l'empêcha d'exécuter ce
dessein. Le Père Desmolets, son confrère,
acheva ce travail , et le mit au jour en
1725, sous le iilred'lnstitutionescatho-
licœ, 2 vol. in-fol. Louvain, 1774, et en
14 vol. in-8. Cet ouvrage solide peut
tenir lieu d'une théologie entière. Il y a
peu de productions de ce genre où les
dogmes de la religion , la morale chré-
tienne, les sacremens, les prières, les
cérémonies et les usages de l'Eglise,
soient exposés d'une manière plus claire
et avec une simplicité plus élégante. Il
y a cependant quelques endroits qui ont
essuyé des difficultés, et qui firent con-
damner l'ouvrage à Rome en 1 721. L'au-
teur cite toujours en preuve de ce qu'il
avance, les livres saints, les conciles et
les Pères; mais l'on remarque dans quel-
ques citatioas, non seulement une pré-
POU 77
dilection qui semble tenir à l'esprit de
parti, mais encore des applications qui
ne tiennent pas au sens littéral, ce qui
est cependant essentiel dans un caté-
chisme. Charancy, successeur de Colbert,
le fit imprimer avec des corrections qui
firent disparaître ce qui se ressentait des
préventions de l'auteur, et paraissait
favoriser les opinions condamnées par
l'Eglise ; et c'est de cette édition qu'il
faut entendre les éloges que les catholi-
ques ont fait de l'ouvrage. On doit encore
au Père Pouget : 1° Instruction chré-
tienne sur les devoirs des chevaliers de
Malte, 1712, in-12. Il ne fut guère
que l'éditeur et le réviseur de cet ou-
vrage. 2° Il a eu part au Bréviaire de
JVar bonne.
* POUJOULX ( Jean-Baptiste) , litté-
rateur médiocre et fécond , né en 1762 ,
à Saint-Macaire en Guyenne , mort à Pa-
ris le 17 avril 1821 , s'occupa toute sa
vie des lettres et des arts. Il a laissé plu-
sieurs Comédies très-faibles , dont une
partie contient la critique du salon de
peinture des années 1783, 1784, 1787.
Ses autres pièces sont : \° V Ecole des
parvenus , en trois actes et en prose ,
1787 ; 2" Philippe , ow. Les Dangers de
l'ivresse , en un acte et en prose, 17 94 ;
3° Les Modernes enrichis , en trois actes
et en vers , 1798 ; 4" U Anticélibataire ,
ou Les Mariages , en 3 actes et en vers,
1803. — Des Opéras comiques , savoir :
1° Les Noms supposés , en 2actes, 1799;
2° Le Voisinage , 1800 ; 8° Matinée de
P^oliaire, — Des ouvrages élémentaires
et autres : 1 ° le Livre du second âge ,
ou Instructions amusantes sur l'histoire
naturelle, 1800 — 1801 — -1803, 1vol.
in-8 ; 2° Paris à la fin du dix-huitième
siècle , ou Esquisse historique et morale
desmonumens et des ruines de cette ca-
pitale , de l'état des sciences , de l'art
et de l'industrie à cette époque , ainsi
que des mœurs et des ridicules de ses
habitons , 1800, in 8 ; 1801 , in-8, tra-
duit en allemand sur la première édition,
Leipsick , 1 vol. in-8 ; 3" Promenade au
jardin des plantes , à la ménagerie et
dans les galeries du musée d'histoire
naturelle, 1804, 1 vol. in-12; 4° Ze
^8 POU
Naturaliste du second âge , servant de
suite au ZtVre </u second âge , 1806 , in-
8 , traduit en polonais ; 6° Leçons de
physique à l'école polytechnique , sur
les propriétés générales des corps, 1 805,
in-8 ; 6° la Botanique des jeunes gens ,
1810 , 2 vol. in-8 ; 7° Promenade au
inarché aux fleurs , ou la Botanique du
second âge , 1811 , in-12 ; S°V Astrolo-
gue parisien , ou le Nouveau Matthieu
JLaensberg y pour les années 1812, I8i3,
1814, 1815, 1816 et 1817. Le dernier con-
tient une petite comédie, intitulée Mon-
sieur Leplat. Les six volumes de Poujoulx
portent dans le litre ces lettres : A. B. C.
D. ; celles du continuateur sont : V. X.
S. Z. — 9° Minéralogie des gens du
monde , 1813 , in-8 ; 10° Louis XFI
peint par lui-même, ou Correspondance
et autres écrits de ce monarque, précédé
d'une Notice sur la vie de ce prince ,
avec des Notes historiques sur la corres-
pondance, 1817, in-8. Cette correspon-
dance est entièrement apocryphe ; mais
au moment qu'il la publiait , Poujoulx y
.croyait de bonne foi. ( 31. Beuchot en a
donné quelques détails dans son Journal
de la librairie , 1818, pages 350 et 400 ;
et 1819, page 1813.) Cet infatigable
écrivain a été éditeur : 1° du Maître ita-
lien de Feneroni, suivi d'un Focabulaire
français-italien { avec Dupont ) , 1803,
in-8 ; 2° des OEuvres choisies de Piron,
avec une Notice historique sur la vie et
les écrits de cet auteur , 1 806 , 3 vol.
in- 18 ; 3° de la première Edition des
Mélanges de poésie et de littérature ,
par Florian , ouvrage posthume , 1806 ,
in-18 ; 4" de la première Edition de lu
jeunesse de Florian , ou les Mémoires
d'un jeune Espagnol, 1807 , in-18. Pou-
joulx a travaillé en outre au Journal de
la littérature française et étrangère
( Deux-Ponts ) ; — à V Encyclopédie des
Dames ( pour V Astronomie , Physique ,
Chimie , Histoire naturelle des miné-
raux , Musique ) ; au Journal de Paris,
à la Gazette de France , au Journal de
l'empire , à la Biographie universelle de
Michaud , à laquelle il a donné les arti-
cles des Troubadours , et ceux de Cima-
rosa et Grélry. Poujoulx avait beaucoup
POU
de connaissances , un slile assez élégant,
mais le trop grand nombre de ses ouvra-
ges a souvent nui à leur succès. Il écri-
vait , ainsi que le fameux Cubières de
Palmeseaux , avec une prodigieuse faci-
lité ; ce qui ne forme certainement pas
le principal mérite d'un auteur qui vise
à la célébrité. Au reste, Poujoulx passait
pour être un homme probe , étranger k
la politique , et seulement occupé de ses
libraires et de ses productions.
POUILLI. Voyez Lévksquk.
• FOULARD ( Thomas-Just ) , ancien
évêque de Saône- et -Loire , naquit à
Dieppe le 1"' septembre 1754. En 1772
il vint à Paris, et entra au séminaire des
Trente-trois. Nommé ensuite curé au
diocèse de Lisieux , il suivait néanmoins
à Paris la carrière de la chaire. Il pro-
nonça en. 1791 avec quelques membres
du clergé de St.-Roch le serment exigé
des ecclésiastiques. Devenu vicaire épi-
scopal de l'Orne , il donna dans tous les
excès de la révolution. U Ami de la re-
ligion du 28 mars 1833 est disposé à pen-
ser que Foulard est le même que Soul-
lard , aussi vicaire épiscopal de l'Orne
qui , suivant les procès verbaux de la
Convention , aurait abjuré à la date du
27 brumaire an 2 , et tout nous porte à
penser qu'il en est ainsi, et qu'il y a une
erreur dans la manière dont le nom est
écrit. De retour à Paris après la terreur ,
Poulard resta attaché à l'église constitu-
tionnelle, devint curé d'Aubervilliors près
de Paris , et assista au concile de 1797
comme député de la Haute-Marne. En
1800 parut une adresse de plusieurs cu-
rés constitutionnels du diocèse de Paris ,
aux autres curés, vicaires et prêtres con-
stitutionnels de France : Poulard y ap-
posa sa signature ; c'est une misérable
déclamation contre les ecclésiastiques
qui avaient refusé le serment. La même
année, lorsque le concordat allait se con-
clure , on s'avisa de faire Poulard évêque
de Saône-et-Loire ; il fut sacré le 14 juin
1800, se rendit ensuite à Chàionsety tint
un synode. Le nouvel évêque assista au
concile de 1801 , donna sa démission,
quand elle fut demandée aux évêques de
son parti , et obtint la pension qu'on leur
POU
accordait à tous. Dès lors il vécut à Paris
dans la retraite ; on n'entendit parler de
lui ni sous l'empire ni sous la restaura-
tion. Peu avant la révolution de 1830 ,
il publia un petit écrit qui avait pour ti-
tre : Moyen de nationaliser le clergé de
France. Voyez sur cet ouvrage VAmi
de la religion, tome G6 , n° 10 et 131.
Vers ce même temps , Poulard prêta son
ministère épiscopal pour les actes les
plus irréguliers et les plus condamna-
bles : ainsi , il conféra tous les ordres
à plusieurs jeunes gens sans examen, sans
préparation , sans dispense. Il en ordon-
na deux avant la révolution de juillet et
trois en 1831 ; la dernière cérémonie eut
lieu dans la chapelle de Châtel , et du
nombre des ordonnés était le sieur Auzou.
Poulard est mort le 9 mars 1833 en vrai
constitutionnel, ce sont les expressions
de son testament ; il avait refusé le minis-
tère du curé de sa paroisse qui se pré-
senta deux fois chez lui , et son corps a
été porté directement au cimetière, sans
prière , et sans que rien indiquât le ca-
ractère ecclésiastique dont il avait été
revêtu. La Biographie des vivans lui
attribue des Ephémérides religieuses
pour servir à V histoire ecclésiastique de
la fin du 1 8* siècle et du commencement
du 19* ; elle le dit aussi auteur d'un li-
vre : Sur Tétat actuel de la religion en
France. Si ces deux ouvrages ont été
publiés , ils sont restés inconnus ; mais
tout porte à croire qu'ils sont manuscrits.
"POULLAIN ou Poulain do Pakc (Au-
gustin-Marie ) , jurisconsulte , frère du
littérateur PouUain de Saint-Foix {voyez
Saint-Foix) , né à Rennes en 1710,
embrassa la carrière du barreau, comme
son père Poullain de Bélair, auteur d'une
Traduction abrégée du commentaire
d^ Argentré sur la coutume de Bretagne.
Après s'être distingué au barreau , il n'y
parut plus que pour des procès de la plus
grande importance : il se consacra à l'en-
seignement public et à la rédaction de
ses ouvrages , qui furent recherchés.
Poullain du Parc fut un des hommes les
plus profonds dans la science du droit ,
et eut le grand mérite d'éclaircir les lois
bretonnes mieux que n« l'avaient fait ses
POU 79
prédécesseurs. Il fut l'émule du célèbre
Pothier qu'il égala , au moins , comme
professeur ; mais il lui est resté inférieur
comme écrivain. Il mourut dans sa patrie
en 1782. On a de lui : 1° Commentaires
sur les coutumes de Bretagne , 1745, 3
vol. in-4. On les connaît plus générale-
ment sous le nom de Grande coutume ,
pour les distinguer de l'ouvrage suivant
du même auteur. 2° La coutume et la
jurisprudence coutumière de Bretagne
dans leur ordre naturel, 1752 ; 3° Ob-
servations sur les ouvrages de Percham-
bault de la Bigottière , 1 776 , in- 12 ; 4"
Principes du droit français suivant les
maximes de Bretagne , 12 vol. in-12 ,
etc. , etc. ,
* POULLAIN DE Gbandprky ( Joseph-
Clément) , député à la Convention, né le
23 décembre 1744 à Ligneville, près Mire-
court, avait une constitution délicate qui
força ses parens à ne lui faire commencer
ses études que fort tard : ainsi il ne com-
mença à lire et à écrire qu'à 9 ans, apprit le
latin dans la maison paternelle et termina
ses classes avec succès chez les jésuites
dePont-à-Mousson. Destiné par son père,
qui était maître des eaux et forêts , à sui-
vre la même carrière , il avait déjà acquis
quelque connaissance pratique nécessaire
à cet état , lorsqu'il le perdit à l'âge de
17 ans. Il étudia dès lors le droit , et il
exerça d'abord la profession d'avocat à
Mirecourt. Il fut pourvu en 1 7 70 de l'office
de procureur du roi près le même bail-
liage ; l'année suivante il obtint la place
de prévôt de Ligneville , et il occupait
cette place au commencement de la révo-
lution. Il embrassa la cause populaire et
fut chargé de rédiger le cahier des do-
léances du bailliage de Neuf-Châteaux ;
les députés de la Lorraine le choisirent
aussi pour la rédaction des demandes du
tiers-état de toute la province. Lors delà
première formation des administrations
populaires , il fut élu procureur-général-
syndic du département des Vosges, et il
gouverna cette contrée dans les circon-
stances difficiles oîi l'on se trouvait avec
un mélange habile de modération et de
patriotisme qui lui acquit l'estime et la
confiance des deux pa'rtis. Il présida le?
8o POU
assemblées électorales de 1791 et de
1792 , et fut nommé dans cette dernière
député à la Convention. Désigné par le
sort pour être un des commissaires char-
gés de communiquer à Louis XVI les piè-
ces trouvées dans l'armoire de fer des Tui-
leries , que l'on prétendait être à sa
charge , afin qu'il pût y répondre , il
montra pour ce malheureux prince des
égards qui déplurent àDrouetet à Legen-
dre qui firent décréter qu'il ne lui serait
plus fait de communications à l'avenir.
Dans le procès du roi , il s'opposa d'a-
bord à ce que la Convention jugeât ce
prince ; il se prononça ensuite pour la
ratification du peuple ; cependant ilvota
la mort , mais avec la réserve expresse
du sursis inséparable de son vote, ce qui
le fit comprendre dans la minorité, c'est-
à-dire , parmi ceux qui avaient voté le
bannissement ou la réclusion. Après la
promulgation de la constitution il passa
au conseil des anciens , où il se déclara
pour le parti du directoire contre celui
dit de Clichy qui formait l'opposition.
Il fut élu successivement secrétaire et
président de cette assemblée, et occupa
fréquemment la tribune. Sorti par la voie
du sort , il fut réélu au conseil des cinq-
cents , et il prit une part active aux me-
sures du 1 8 fructidor. Il eut la présidence
Je 21 août 1798 , et il s'occupa beaucoup
cette année et la suivante d'objets de fi-
nance. Fidèle au serment qu'il avait fait
à la constitution de l'an 3 , il ne favorisa
pas l'usurpation deBuonaparte au 18 bru-
maire ; et comme on connaissait son at-
tachement auxlois existantes, il fut com-
pris d'abord au nombre des députés con-
damnés à la déportation , puis à être re-
légué dans les îles du département de la
Charente. Pour se soustraire aux premiè-
res poursuites , il avait accepté un asile
chez Montgolfier ; mais il eut bientôt la
liberté de se retirer sur sa terre de Grand-
prey , et il s'y occupa d'essais agricoles ,
notamment de la culture du sainfoin qu'il
a introduit dans son département , ce
qui lui valut une médaille de la société
d'encouragement. En 1 800 il fut nommé
président du tribunal civil de Neufchâ-
teau , et en 1811 il fut envoyé à Trêves
POU
pour présider une des chambres de la
cour royale. Le traité à Paris du 30 mars '
1 8 1 4 l'obligea de revenir dans ses foyers.
Durant les cent-jours îl fut nommé dé-
puté , et à la seconde restauration, quoi-
que son vote eût été compté avec la mi-
norité dans le procès de Louis XVI, il fut
compris dans la loi contre les régicides ,
et obligé de se retirer à Trêves ; mais le
roi , informé de cette circonstance , l'au-
torisa, par une ordonnance du 13 février
1818 , à rentrer en France. Depuis Poul-
lain de Grandprey ne s'occupa plus que
d'agriculture , et i! mourut dans sa terre
près de Neufchâteau le 6 février 1826.
POULLAIN. Votjez Barre , Pullux
et Saiivt-Foix.
*POULLE (L'abbé Louis),;prédicateur
du roi et orateur célèbre , né à Avignon
le lOfévr. 1703, d'une famille noble, dis-
tinguée dans la magistrature. Ses parens
le destinèrent à cette carrière; mais d'a-
bord il se livra à son goût pour la poésie,
et fut deux fois couropné aux jeux flo-
raux. Renonçant ensuite à cette passion ,
il embrassa l'état ecclésiastique , et se
disposa à la prédication par l'étude sé-
rieuse de l'art oratoire et des Ecritures
saintes. Des succès signalèrent ses efforts,
et plusieurs panégyriques qu'il prononça
dans sa patrie révélèrent son talent pour ' f
la chaire. Il vint à Paris où l'attendaient '
de nouveaux triomphes : sa réputation
s'accrut de jour en jour. Une récompense
flatteuse lui fut accordée : le roi lui
donna , de son propre mouvement , une
pension de 1000 livres. Chargé en 1748
de prêcher le Panégyrique de Saint-
Louis devant l'académie française , il
^lut tellement à cette compagnie qu'elle
sollicita pour lui une abbaye qui lui
fut accordée. II devint abbé commanda-
taire de Notre-Dame de Nogenl. Depuis
cette époque, il ne cessa de prêcher, soit
à Paris, soit à la cour, et toujours avec les
mêmes applaudissemens , jusqu'en 1770.
Alors voulant se retirer dans sa famille, il
quitta la capitale, et fit à son auditoire ,
avant de partir , dans son sermon sur la
f^igilancc chrc'tienne , des adieux si toù-
chans que tous en furent émus, et que'plu-
sieurs d'entre les assistans allèrent Iq
POU
trouver pour lui témoigner leurs regrets
de le voir s'éloigner d'eux , et tâcher de
le 'dissuader de la résolution qu'il avait
prise. « Hélas ! » ( leur dit-il dans ce ser-
mon ) « hélas ! mes très chers frères, de-
» puis 35 ans que nous exerçons le minis-
» tère de la parole dans cette capitale ,
» nous n'avons cessé de vous annoncer
» tous les malheurs. . Sentinelle vigilante.
» du haut de la montagne où nous étions
» placés , nous avons sonné l'alarme au
j) moment où la Babylone maudite , après
» avoir préparé son poison..., nous vous
» criâmes : Arrêtez !.. Qu'allez-vous faire?
}> Loin de vos lèvres cette coupe empoi-
>j sonnée !.... \'ous buvez la mort. Que
w nous reste-t-il donc à vous prédire en
M descendant de la montagne ? Nous le
» disons en gémissant : les f^engeances
i> du ciel! Quel héritage !....» A ces der-
nières paroles , tout son auditoire parut
si consterné , qu'il y fut sensible lui-
même. Use retira en 1770 dans sa patrie
qu'il n'a cessé d'édifier par la pratique
de toutes les vertus chétiennes , jusqu'au
8 novembre 17 81, époque de sa mort. Sa
famille lui avait fait élever dans l'église
de Notre-Dame , où il repose avec les
cendres de ses ancêtres , un monument
qui fut détruit par les vandales de la ré-
volution. L'abbé Poulie n'avait jamais
écrit ses discours ; ce fut en 17 7G que ,
cédant aux instances de son neveu , vi-
caire général à Saint-Malo, il consentit à
lui dicter onze de ses sermons, conservés
dans sa mémoire depuis 40 ans : ils pa-
rurent à Paris en 17 78 , 2 vol. in-12 ; ils
furent réimprimés dans la même ville en
1781 et à Lyon en 1818. Ces sermons an-
noncent une grande connaissance des
saintes Ecritures , une érudition variée ,
et sont écrits d'un stile élégant , à la
fois , nerveux , souvent sublime , rempli
de grandes images et de nobles pensées.
M. le Baron de Sainte-Croix a fait son
Eloge , 1783 ; Laharpe , M. de Chateau-
briand, M. de Fontanes , en parlent aussi
avec distinction ; le journal de la Minerve
l'a cité comme un excellent orateur , de
même que V Encyclopédie moderne. On
a comparé l'abbé Poulie à Massillon, mais
ces deux orateurs ne se ressemblent pas ;
XI.
POU 8i
on l*a comparé aussi à M. de Boismont ,
mais c'était le placer trcjp bas.
*POULLE (L'abbé Louis de), neveu du
précédent , naquit à Avignon le 10 mai
1743. Son père , Joseph de Poulie , était
doyen du tribunal suprême de la Rote
d'Avignon et co-seigneur de Veras et de
Saint-Didier. L'abbé Louis de Poulie ,
après avoir été ordonné prêtre à l'âge de
24 ans , fut presque aussitôt nommé par
le pape , avec l'agrément du roi de
France, prévôt à la cathédrale d'Orange.
En même temps, l'évêque de Saint-Malo,
oncle de l'abbé Louis , lui envoya des
lettres de grand-vicaire de cette ville ;
et , à la demande de ce même prélat , le
roi Louis XVI lui accorda en 1781 une
pension de 3000 livres ; quelques années
après , Madame lui confia la place d'au-
mônier dans la chapelle dont il avait été
fait grand-vicaire. En 1789 , et au com-
mencement de la révolution , il fut élu
député suppléant aux états - généraux
par la principauté d'Orange. Il y rem-
plaça d'abord l'évêque de ce diocèse ,
démissionnaire ; et dans cette assemblée,
il défendit avec autant de zèle que de
courage les droits de la religion et du
trône. L'évêque d'Orange étant mort , le
pape Pie VI le nomma pour administrer
ce diocèse pendant la vacance ; mais les
troubles toujours croissans de la révolu-
tion obligèrent l'abbé Louis de Poulie à
quitter la France. S'étant rendu en Italie,
il fut accueilli favorablement de Mesda-
mes , filles de Louis XV , à Rome ; et de
Louis XVIII, à Vérone. Rentré en France
à l'époque de la restauration , il fut créé
chevalier de Malte, nommé vicaire-géné-
ral de Sainl-Flour , puis d'Avignon , et
il eût sans doute obtenu un évêché, dont
ses talens et ses vertus le rendaient digne,
si son âge avancé, ses infirmités et un
tremblement convulsif dans les mains
ne l'eussent empêché de remplir les fonc-
tions de cette place importante. Cepen-
dant le roi le nomma, le 1 0 octobre 1824,
chanoine honoraire du chapitre royal de
SaintDenys ; mais il ne jouit que peu de
jours de cet honneur , car il mourut le
23 novembre de la même année , à l'âge
de 81 ans. — Il ne faut pas le confondre
II.
82 POU
avec un certain Chrysostôme Poule ,
moine apostat^, cité par la Biographie
des Contemporains , et dont la conduite
blâmable et les principes sont tout-à-fait
opposés avec ceux de l'estimable neveu
du prédicateur abbé de ce nom.
* POULLETIER de la Salle (François-
Paul ) , médecin , né à Lyon le 30 sep-
tembre ni9 , était fils de l'intendant de
la généralité de cette ville. Envoyé à Pa-
ris pour y faire son droit, il se livra aussi
à l'étude de la médecine, sans cependant
n^liger la jurisprudence qu'il devait ap-
prendre pour obéir aux vœux de sa fa-
mille. C'était dans des vues de bienfai-
sance qu'il apprenait l'art de guérir , et
c'était dans des vues d'ambition que sa
famille voulait qu'il devînt jurisconsulte.
« Non , » dit-il , « je n'ai point assez
» médité sur des devoirs que je crois au
j) dessus de mes forces , et je n'ai point
j) assez vécu potir inspirer la confiance
j) qui est nécessaire au succès. » Par égard
cependant pour les auteurs de ses jours ,
il accepta la charge de maître des requê-
tes ; mais il exerçait en même temps la
médecine , et seulement en faveur des
pauvres. Il établit dans les faubourgs de
Paris trois hospices , oîi les malheureux
furent reçus et traités à ses dépens par les
médecins et les chirurgiens les plus ha-
biles , sous lesquels il apprit à connaître
la nature et les diverses périodes des ma-
ladies. Intime ami de Macquer , il parta-
gea ses travaux et lui fournit plusieurs
articles pour son Dictionnaire de chimie.
Uniquement occupé à faire le bien , il ne
connut d'autres délassemens que la mu-
sique , et il composa le chant de plu-
sieurs morceaux des Opéras de Métas-
tase. Cet homme bienfaisant , né avec
une constitution faible , succomba à tant
de travaux au mois de mars 1788 , re-
gretté de tous les amis des sciences et de
l'humanité. Il a laissé une bonne traduc-
tion de la Pharmacopée du collège royal
des médecins de Londres , faite sur la
seconde édition de Pemberton , Paris ,
1761-1771 , 2 vol. in-4. Vicq d'Azyr a
donné VEloge de PouUelier.
* POULLIN DK Lu M I N A ( Eli enne- Joseph),
négociant à Lyon , né à Orléans , mort
POU
en 1772 , s'est fait connaître : l"par son
Histoire de la guerre contre les Anglais,
1769, in-8 ; i" Abrégé chronologique de
V histoire de Lyon , 17G7 , in-4 ; 3° His-
toire de V Eglise de Lyon, 1770 , in-4 ;
4" Les mœurs et coutumes des Français,
2 vol. in-1 2. Ces ouvrages sont écrits d'un
stile languissant et peu propre à attacher
le lecteur. Dans son Histoire de t Eglise
de Lyon , On a cru remarquer un esprit
de parti qui lui attira des désagrémens.
* POULTIER d'Elmotte ( François-
Martin) , militaire , religieux , législa-
teur et écrivain , né à Montreuilsur mer,
le !"■ décembre 1763 , d'une famille es-
timée et considérée dans le pays , quitta
ses études pour prendre le parti des ar-
mes , servit d'abord dans la maison du
roi , puis dans le régiment de Flandre,
oii il était sous-lieutenant en 1770. Deux
ans après il renonça à l'état militaire : il
fut successivement professeur de littéra-
ture française à Londres, et commis dans
l'intendance des bureaux de Paris ; mais
s'étant servi du contre-seing de l'inten-
dant pour faire circuler des nouvelles
manuscrites , il perdit son emploi. Alors
il entra au théâtre des élèves de l'opéra ,
et il y joua les rôles de Jeannot. En quit-
tant ce théâtre, il embrassa l'état monas-
tique chez les bénédictins ; mais il ne
reçut pas , dit-on , la prêtrise , et il se
borna à porter l'habit de l'ordre , et fut
professeur au collège de Compiègne. Dès
le commencement de la révolution , il
en embrassa la cause avec chaleur : il
reprit les armes , s'enrôla comme volon-
taire , et il devint chef de bataillon. Peu
après il fut élu , par le département du
Nord , député à la Convention nationale,
et il y vota la mort du roi et son exécu-
tion dans les 24 heures. Au 9 thermidor,
il se déclara contre Robespierre, et il at-
taqua son compatriote Lebon et les jaco- ,
bins avec autant de véhémence que s'il i
n'avait jamais figuré dans leurs rangs.
Envoyé en mission dans le midi , il se
montra l'ennemi prononcé des terroris-
tes ; mais s'étant rendu dans la Hau-
te - Loire après le 1 3 vendémiaire , il
y sévit avec ardeur contre les royalistes.
Après la session , Pouitier passa au con-
POU
seil des anciens , et il se voua aux inlé-
rêls du directoire , dans un journal qu'il
publia , sous le titre A' Ami des lois ; il
y tonna aussi contre les prêtres , les pa-
ïens d'émigrés et le mode'rantisme ; ce-
pendant on doit ajouter qu'après le 1 8
fructidor il écrivit, dans le même journal,
contre le projet de Boulay de laMeurthe
qui demandait la déportation des nobles :
il contribua à faire rejeter cette atroce
mesure. Il sortit du conseil le 20 mai
1798 , et le directoire le nomma chef de
brigade de gendarmerie dans les dépar-
tcmens réunis. Réélu au conseil des cinq-
cents en 1799 , il parla en faveur de la
liberté de la presse , et se prononça eu-
suite pour la révolution de Saint-Cloud
au 18 brumaire. En 1802 , il rentra au
service avec le grade de colonel , et fut
nommé commandant de place à Mon-
Ireuil , sa patrie ; il y resta jusqu'à la
restauration de 1814. Après l'invasion de
Buonaparte , Poultier fut encore élu dé-
puté, mais il se fit peu remarquer. La loi
contre les régicides l'obligea de quitter
la France en 181G. 11 est mort à Tour-
nay , dans les Pays-Bas , en 1827. On a
de lui : Lettres sur le partage de la Po-
logne ; Galate'e , scène lyrique ; plu-
sieurs Epîtres en vers , et plusieurs
morceaux sur la métaphysique , la lo-
gique , la littérature , etc. Sous l'habit
de bénédictin il composa une Epître
adressée à Thomas et dirigée contre Vol-
taire, epître dont le premier de ces écri-
vains repoussa publiquement l'hom-
mage , pour ne pas se brouiller avec le
patriarche de la philosophie ; plus tard,
sous l'habit de soldat , il se réconcilia
avec la doctrine qu'il avait combattue.
La vie de Poultier fut agitée par des vi-
cissitudes de tout genre : il porta tour à
tour les habits les plus disparates et fit
les métiers les plus opposés ; mais ce
n'est pas le seul que la révolution ait sou-
mis à ces chaogemens de conduite comme
d'opinions : les métamorphoses n'ont ja-
mais été si communes que dans l'époque
positive , et comme on le dit , réfléchie ,
oii nous vivons.
POUPART ( François), né au Mans,
▼int de bonne heure à Paris, où ils'appli-
POU 83
qua à l'étude de la chirurgie. L'acadé-
mie des Sciences se l'associa en 1699 , et
le perdit en 1708. On a de lui : 1° une
Description de la sangsue, dans le Jour-
nal des savans ; i° un Mémoire sur les
insectes hermaphrodites ; 3° l'Histoire
du formica-leo et du forviica-pulex ; 4"
des Observations sur les m,oules, et
d'autres écrits dans les Mémoires de l'aca-
démie des Sciences. On croit aussi qu'il
lut l'éditeur du livre intitulé La Chirur-
gie complète. C'est un Recueil de plu-
sieurs Traités curieux et utiles.
POUPPÉE. Foyez Desportes.
POURBUS , ou plutôt PoRBUS (Fran-
çois), peintre , mort à Anvers en 1680,
âgé d'environ 40 ans, était fils de Pierre,
peintre habile , dont le chef-d'œuvre est
un saint Hubert, qu'on voyait dans la
grande église de Gondas. Le jeune Fran-
çois s'est attaché à peindre des animaux
et des paysages ; mais c'est dans le por-
trait qu'il a surtout excellé. Il donnait à
SCS têtes beaucoup de ressemblance , et
saisissait avec sagacité ces traits délicats
dans lesquels l'esprit et le caractère
d'une personne se font en quelque sorte
connaître. Son ton de couleur est excel-
lent ; on aurait souhaité plus de force
de dessin dans ses ouvrages. — Son fils ,
nommé François Poorbus , né à Anvers ,
mort à Paris en 1622 , a paru surpasser
son père et son maître. Il a fait beau-
coup de portraits estimés. On lui doit
aussi quelques sujets d'histoire, qui prou-
vent l'excellence de ses talens dans ce
genre. ( Le musée du Louvre possède six
exccllens Tableaux de ce maître.)
POURCHOT ( Edme ) , célèbre pro-
fesseur de philosophie, né au village de
Poilly près d'Auxerre , en 1651, de pa-
rens obscurs , vint à Paris pour y achever
ses études. Il s'y distingua, et devint
professeur de philosophie au collège des
Grassins , puis à celui de Mazarin. Il fut
sept fois recteur de l'université ; il l'eût
été encore plus souvent, si l'on eut pu
forcer davantage sa modestie. Pendant
40 ans qu'il fut syndic , il servit ce corps
avec le zèle le plus ardent , et ses mem-
bres avec l'amilié la plus agissante. Il
n'était pas seulement connu dans l'uni-
84 POU
verdté , il Tétait encore dans le monde ,
et l'était aTantageusement. Racine , Des-
préaux , Mabillon , du Pin , Raillet , Mont-
faucon, Santeuil, le recherchèrent comme
un homme dont le caractère et la con-
versation avaient des charmes. Bossuet
et Fénélon l'honoraient d'une estime par-
ticulière. Ce dernier lui o£frit plusieurs
fois d'employer son crédit, pour le met-
tre au nombre des instituteurs des en-
fans de France; mais Pourchot aima
mieux se dévouer au service de l'univer-
sité qu'à celui de la cour. Cet homme es-
timable mourut à Paris en 1734. On
trouve son caractère en peu de mots
dans ces vers faits par M. Martin , son
élève :
Ille est Purcbotius, quo le scbola principe jactat,
Spretis certa aequi dogmata quiiquiliis.
Belligionis amans, idem sopliÏKquc magister
Egrcgius, mores Tormat et iogenium.
On a de lui Institutiones philosophicœ ,
dont la 4* édition fut donnée en 1734,^
in-4, et 5 vol. in-12. Ce Cours de phi-
losophie , tt'étant pas conforme aux sys-
tèmes modernes , est moins consulté qu'il
ne l'a été; mais il est mieux rédigé et
plus plein de choses vraies et utiles que
la plupart des ouvrages qu'on écrit , ou
plutôt qu'on compile aujourd'hui dans
ce genre. Pourchot a travaillé , pour le
stile , aux Prolégomènes , et à la com-
position des Méthodes hébraïque , clial-
dàique et samaritaine de Masclef son
ami , lesquelles il contribua beaucoup à
répandre. On a encore de lui des Mé-
moires sur différens droits de l'univer-
sité. Pourchot était très lié avec Port-
Royal.
POURFOUR ( François du Petit ),
médecin de Parts sa patrie , né en 1664,
phis connu sous le nom de Petit , lit
des progrès rapides dans son art. Il s'ac-
quit une grande réputation , surtout pour
la cure des maladies des yeux. Il avait
imaginé et fait construire un ophthalmo-
mètre , instrument destiné à mesurer les
parties de l'œil , et plusieurs autres ma-
chines, pour constater ce qu'il avançait
sur toute cette matière , ou pour diriger
la main de ceux qui ont à opérer sur cet
organe délicat. Une des plus importantes
POU
était un globe de verre creux , représen-
tant au naturel un œil dont le cristallin
est. cataracte. Cet habile homme mourut
à Paris en 1741 , après avoir publié quel-
ques écrits, dont le stile est négligée!
sans aucun agrément. Renfermé dans les
faits et dans les expériences , il s'embar-
rassait fort peu des phrases. Ses écrits
ne sont que des brochures. Les princi-
pales sont : 1° Trois lettres sur un nou-
veau système du cerveau , Namur, 1710,
in-4 ; 2° une Dissertation sur une nou-
velle méthode de faire l'opération de la
cataracte, 1727, in-12; 3° Lettredans
laquelle il est démontré que le cristallin
est fort près de Vuvée, Paris, 1729,
in-4 ; 4° une autre Lettre contenant des
réflexions sur ce que Hecquet a fait im-
primer touchant la maladie des yeux ,
1729, in-4 ; 5 une troisième ZeWre con-
tenant des réflexions sur les découvertes
oculaires,nZ2 , in-4. Il a orné aussi les
Mémoires de l'académie des Sciences de
plusieurs observations curieuses. On
trouva , à sa mort , un herbier de 30
gros vol. in-fol., qui ne contenait aucune
plante qu'il n'eût desséchée lui-même,
et dont il ne connût la vertu. Il est en-
core auteur d'une Dissertation qui est
rare, où il critique quelques endroits
des Elémens de botanique de Tourne-
fort.
POUSSIN ( Nicolas le ) , peintre célè-
bre , et considéré comme le Raphaclde
la France , naquit aux Ândelys en Nor-
mandie en 1 594 , d'une famille noble ,
mais très pauvre, alla à Rome pour s'in-
struire dans l'art de la peinture , et y fit
des progrès rapides. Lorsqu'il fut de re-
tour en France , Louis XIII le nomma son
premier peintre. Un jour que cet ar-
tiste venait à Fontainebleau , le roi en-
voya ses carrosses au devant de lui , et
lui fit l'honneur d'aller jusqu'à la porte
de sa chambre pour le recevoir. On avait
chargé le Poussin de décorer la grande
galerie du Louvre ; mais ayant été tra-
versé par plusieurs envieux , il retourna
à Rome, et y resta jusqu'à sa mort, ar-
rivée en 1665, à 71 ans. Il y avait quel-
que temps qu'il était à moitié paraly-
tique. Il vécut toujours dans la médio-
POU
crité, quoique Louis XIV lui eût conservé
sa qualité el ses pensions. Sa maison était
montée sur le ton le plus modeste. Un jour
qu'il reconduisait lui-même , la lampe à
la main , l'abbé 3Iassimi , depuis cardi-
nal , ce prélat ne put s'empêcher de lui
dire : « Je vous plains beaucoup, M. Pous-
» sin , de n'avoir pas seulement un valet,
» — Et moi , répondit le Poussin , je vous
» plains beaucoup plus , monseigneur ,
» d'en avoir un si grand nombre. » La
gloire était son seul mobile. Il ne faisait
jamais de prix pour ses tableaux ; il mar-
quait derrière la somme qu'il en voulait,
et renvoyait ce qu'on lui présentait en sus
de son estimation. Il était encore dans
l'usage d'accompagner son ouvrage d'une
lettre, pour en rendre un compte détaillé
et raisonné. Le Poussin a montré un grand
jugement dans tout ce qu'il a fait : il des-
sinait avec beaucoup de correction ; sa
composition est sage , et en même temps
pleine de noblesse. On ne peut lui rien
reprocher contre l'érudition et la conve-
nance. Ses inventions sont ingénieuses ,
son stile grand et héroïque. On voit à
Rome plusieurs ouvrages du Poussin ;
mais la plus grande partie est en France,
dans la colleclion des tableaux du roi.
Celle ci offre entre autres les Sept Sa-
cremens , suite très précieuse. Le ta-
bleau du mariage est plus faible que les
autres ; ce qui fit dire plaisamment à un
poète, dans une épigramme, qu'un bon
mariage était difficile à faire même en
peinture. ( Le Poussin a peint en outre
la Rébecca , les Berg ers (ïArcadie , la
Femme adultère , Eurydice , VEcho,
Pyrame el Tliisbé, plusieurs Madones
et Saintes familles , etc. ) Le Bellori , qui
a écrit la Fie du Poussin en italien , com-
posa ces quatre vers latins en son hon-
neur :
Pdrce piis lacrj'inii , »i»it Puuiniis in uriia ,
Viicre qui drderat, netcius ipse mori;
Hic tanien ipse silet: si vis audire loquenleiu ,
Miruu est , in tabulis >ivit el eloquilur.
POUSSINES ( Pierre ), en latin Po^-
sinus , jésuite de Narbonne , né en 1 609,
demeura long-temps à Rome , oii la reine
Christine de Suède , le cardinal Barberin,
et plusieurs autres personnes illustres
POW 85
lui donnèrent des marques de l'estime
qu'ils faisaient de son mérite. Il mourut
en 168 G, à 77 ans, également recom-
mandable par son savoir et par sa piété.
On a de lui : 1° des Traductions d'un
grand nombre d'écrivains grecs avec des
notes ; 2° une Chaîne des Pères grecs
sur saint Marc , Rome, 1673, in-fol.;
3° Spicilegium evangelicum ; 4° Expia-
natio inApocalypsim; b° des Harangues,
des pièces de vers , et d'autres ouvrages
qui prouvent beaucoup en faveur de son
érudition. {L* Eloge Au. PèrePoussines par
le Père Théodore Lombard a été inséré
dans les Mémoires de Trévoux , no-
vembre 1 560, et dans le Dictionnaire de
Moréri , édition de 1739. )
POUTEAU (Claude ) , docteur en mé-
decine, commença sa carrière dans l'Hô-
tel-Dieu de Lyon ; les cures éclatantes
qu'il fit dans cet hôpital prouvèrent bien-
tôt que son génie savait s'élever au dessus
des préjugés reçus. Il mourut à la fleur
de son âge, en 1775. (Il a publié plu-
sieurs écrits très précieux pour l'art de
guérir , tels que Mélanges de chirurgie,
1760, in-8 ; Essai sur la rage, 1763,
in-8 ; La taille au niveau, 1765, in-8. )
On a trouvé en outre à sa mort une ample
collection de pièces intéressantes, qui
ont été arrangées et publiées à Paris en
1783, 3 vol. in-8, avec des notes par M.
Colombier.
PODZOL ( Marie de ) , fille illustre ,
célébrée par Pétrarque comme un pro-
dige de force , de valeur, de vertu et de
chasteté. Voyez les OEuvres de cepoète.
POVODOVIUS ( Jérôme ) , archi-
diacre de Cracovie , issu d'une famille
noble , se distingua par son érudition et
par ses talens pour la chaire. On a de
lui un Instruction des confesseurs , un
Traité de la Cène , un autre de la Ré-
surrection , et des Ecrits polémiques
contre les ariens, etc. Ils sont en latin ,
et virent le jour à Cracovie , J 6 1 0 , in-4.
Povodovius mourut 3 ans après, en 1613.
* POWEL ( Georges ), acteur et auteur
dramatique anglais , né vers 16 50, excel-
lait à rendre le haut tragique, surtout
dans les pièces de Dryden : rival heureux
du fameux Bellistou , il mérite , selon le
86 POW
poète Cibber, d'être comparé à Wilks.
Les critiques anglais le placent comme
auteur, parmi les poètes du second ordre.
Il a laissé : Alphonse, roi de JVaples, tra-
gédie, 1691, in-4; The treacher,ous Bro-
thers, ovilti Frères traîtres, tragédie,
1696 , in-4 ; A very good Vife, ou La
'véritable bonne Epouse, comédie, 1693 ;
The Imposture defeated, ou L'Imposture
dévoilée , 1698, etc. Il mourut en 1714,
après avoir mené une conduite régulière ,
qui formait un contraste bien remarqua-
ble avec celle que tenait son confrère Bel-
liston.
* POW IVAL ou PowNALL (Jean ) , an-
tiquaire anglais, né en 1725 d'une famille
distinguée, fit d'excellentes études à
l'université d'Oxford, et suivit la carrière
des affaires publiques. Nommé gouver-
neur d'une des colonies anglaises dans
l'Amérique, il resta quelque temps dans
le Nouveau-Monde. De retour en An-
gleterre , il se livra entièrement à l'é-
tude , et fut reçu à Londres dans la so-
ciété des antiquaires. Il vint en France
en 1787 , demeura quelques mois à Lyon,
où il publia une savante dissertation
sur l'arc de triomphe d'Orange. On
trouve dans V Archéologie britannique
un grand nombre de Dissertations de
cet écrivain laborieux, il a laissé en
outre un ouvrage très estimé sur les an-
tiquités anglaises. Jean Pownal est mort
en 1796 , âgé de 70 ans.
* POWNAL ou PowNALL (Thomas; ,
frère du précédent, fut comme lui un
antiquaire distingué. Né à Londres ou à
Lincoln en 1722, il fut en 1745 secré-
taire de la commission pour le commerce
elles colonies. En 1753 il fut envoyé eu
Amérique , en qualité de gouverneur de
New-Jersey , et le fut ensuite de la pro-
vince de Massachusset et de la Caroline
méridionale , oit il passa eu 1760. Pen-
dant son gouvernement, il appela l'at-
tention des ministres sur les conséquences
du congrès d'Albany qu'il prévoyait de-
voir être funeste à la mère-patrie : en
efifet cette assemblée servit en 1775 de
modèle au célèbre congrès qui déclara
l'Amérique indépendante. De retour en
Angleterre, il deviat contrôleur général
POY
des comptes de l'extraordinaire de l'ar-
mée d'Allemagne; il fut aussi membre
de trois parlemens , et il se distingua
dans ces diverses fonctions, sans pour
cela négliger les lettres , qu'il avait cul-
tivées dès sa première jeunesse. Dans uu
âge assez avancé , il quitta les affaires ,
et étant allé, pour cause de santé, aux
eaux de Bath , il y mourut le 25 février
1 805. Parmi ses nombreux ouvrages ,
nous citerons les suivans : 1° Mémoire
sur l'écoulement des eaux et sur la na-
vigation ; 2° Lettre à Adam Smith sur
plusieurs passages de son livre de la
Richesse des nations ; 3° Description
topographique d'une partie du nord de
V Amérique ; 4° Traité des antiquités ;
5" Mémorial adressé aux souverains de
V Europe ; 6" Le droit , l'intérêt et le de-
voir du gouvernement, relativement
aux araires des Indes orientales ; 7"
Notices et descriptions des antiquités
de la province romaine des Gaules ;
8° Physique , ou Médecine intelleC'
tuelle ; 9° Essai concernant la nature de
l'être ; 1 0° Traité de la vieillesse , qui
est un de ses meilleurs ouvrages , et qui,
seul , aurait suffi pour établir sa répu-
tation.
POYET ( Guillaume }, chancelier de
France, né vers 1474 , était fils de l'é-
chevin perpétuel d'Angers; il étudia
dans les plus célèbres universités du
royaume , et vint ensuite à Paris , oîi il
parut avec éclat dans le barreau. Louise
de Savoie , mère de François I*'" , le choi-
sit pour soutenir les prétentions qu'elle
avait contre le connétable de Bourbon.
Poyet ayant plaidé cette cause avec suc-
cès , la princesse lui obtint du roi la
charge d'avocat-géuéral. Ce ne fut pas
là le terme de son élévation. Il devint
président à mortier , puis chancelier de
France en 1538. Mais ayant déplu à la
reine de Navarre et à la duchesse d'E-
tampes, il fut arrêté en 1542 , privé eu
15^5, par arrêt du parlement , de toutes
ses dignités, déclaré inhabile à tenir au-
cune charge, condamné à 100,000 liv.
d'amende , et enfermé pour cinq ans
dans l'endroit que le roi ordonnerait.
Péculat , altération de jugement , faus-
POY
setés commises et protégées , concussions,
créations et dispositions d'offices , évo-
cations vexatoires, violences, abus de
pouvoir , etc., tels furent les crimes dont
on l'accusa, suivant l'auteur de VHis-
toire du procès du chancelier Poyet,
Londres, 1776, in-8 : ouvpage d'ailleurs
peu exact et plein de ftel , où l'on a moins
cherché la vérité que les allusions pro-
pres à servir l'esprit de faction. On l'en-
voya dans la grosse tour de Bourges , d'où
il ne sortit qu'après avoir cédé tous ses
biens à François 1". Poyet mourut en
1548, à 74 ans, d'une rétention d'urine.
Bien des auteurs ont paru justifier sa mé-
moire, et regarder sa condamnation
comme une intrigue de cour et une ven-
geance de femme. Il est certain que la
reine de Navarre, sœur de François I",
et la duchesse d'Etampes , maîtresse de ce
prince, eurent plus de part à sa disgrâce
que ses prévarications. Le chancelier
ayant reçu un ordre du roi de sabler des
lettres, qu'il avait d'abord rejetées, quoi-
qu'accompaguées d'une recommandation
de la duchesse , se rencontra avec la reine
de Navarre, qui lui demandait aussi une
grâce. Le chancelier lui dit d'un ton cha-
grin : K Voilà le bien que les dames font à
» la cour. \on contentes d'y exercer un
)> empire despotique, elles veulent en-
» core dominer sur les magistrats les
» plus consommés , pour leur faire vio-
}' 1er les lois les mieux établies. » La
reine de Navarre pritpour elle ces paroles,
qui ne regardaient que la duchesse. Elle
concerta avec elle le moyen de perdre le
chancelier ; et qui a jamais résisté à deiyc
femmes en crédit chez un roi faible ? ( Ce-
pendant l'imp'artialité de l'histoire nous
oblige de dire que plusieurs des accusa-
tions dirigées contre Poyet étaient fon-
dées. Afin de remplir les coffres du roi ,
il se procura de l'argent par des moyens
vexatoires. Dans les divisions qui exis-
taient entre le connétable de Montmo-
rency et l'amiral Chabot , il prit le parti
du premier ; et dans le procès de Chabot,
dont il devint l'accusateur , il présida le
tribunal , dont lui-même avait nommé les
commissaires. Comme les juges ne rendi-
rent pas l'arrêt qu'il aurait souhaité, il
POY 87
ajouta dans la copie qu'il en fit faire,
différentes dispositionsaggravanles ; mais
la falsification fut reconnue, et Poyet
puni : le roi lui-même déposa contre le
chancelier. Après avoir payé 100,000
livres d'amende, il recouvra sa liberté.
Il jouissait encore , de son aveu , de 1 5
mille livres au moins de rente. )
POYET (François), docteur de Sor-
bonne, de l'ordre de Saint- Dominique,
naquit à Angers vers le commencement
du 1 6* siècle. Il était prieur d'Angoulême,
lorsque l'amiral de Coligni s'empara de
celte ville. Les hérétiques n'ayant pu
l'entraîner dans leur parti , le mirent en
prison avec Jean Ch auveau , âgé de 7 0 ans,
qui y mourut mangé des vers. Ensuite
ayant tâché de vaincre le Père Poyet dans
la dispute et par des conférences réité-
rées, ils n'en remportèrent que la confu-
sion. Ils le tirèrent de prison , le prome-
nèrent par la ville, en lui faisant déchirer
le dos et la poitrine avec des tenailles
ardentes, l'habillèrent ensuite déballions
en forme de chasuble, lui mirent des
brides au cou et aux bras en forme d'é-
tole et de manipule, et le précipitèrent
dans la Charente , où ils achevèrent de
le tuer à coups de fusil. Tels furent les
exploits qu'exerça sur une infinité de
gens de bien, et surtout sur les ministres
du Seigneur, une secte qui a joué un si
grand rôle dans la révolution sanglante
qui avait détruit la religion en France.
* POYET ( Bernard ) , architecte, né à
Dijon le 3 mai 1742 , reçut les leçons de
Vailly , sous lequel il fit de grands pro-
grès. Ayant été envoyé en Italie comme
pensionnaire du roi , il y perfectionna
ses connaissances , et quoique très jeune
fut chargé , par l'ambassadeur de France
à Naples , de la direction des fêtes bril-
lantes qu'il exécuta de la manière la
plus ingénieuse. De retour à Paris, il
devint successivement architecte du duc
d'Orléans , de la ville de Paris et de l'ar-
chevêché , de l'université , du corps lé-
gislatif, du ministère de l'intérieur. Ses
ouvrages lui méritèrent le titre de mem-
bre de l'académie d'architecture et du
conseil des bâtimens civils. C'est lui qui
fit transporter la fontaine des Innocens
88 POY
au milieu du marché de ce nom , et c'est
à son goût et à sa persévérance que l'on
finit la démolition de toutes les maisons
construites sur les ponts. Parmi les édi-
fices construits par lui , on remarque les
écuries d'Orléans et le superbe frontis-
pice qui décore la chambre des députés;
cependant on reproche à cette œuvre
capitale de Poyet, de n'offrir qu'une
imitation commune de l'antique, et d'être
dénuée de grâce et d'effets pittoresques.
Cet architecte est un de ceux qui ont
présenté le plus de projets : il avait une
fécondité et une fougue d'imagination
étonnante ; mais en voulant paraître ori-
ginal , il donna souvent dans la bizarre-
rie , et il présenta plusieurs conceptions
empreintes du cachet d'un talent distin-
gué , mais chimériques et inexécutables.
Il est mort le 6 décembre 1 824. Il a fait
imprimer un grand nombre de projets.
Les principaux sont : 1° Mémoire sur la
nécessité de transférer et de recon-
struire V Hôtel-Dieu de Paris y 1786,
in-4. Le lieu de son choix pour cette re-
construction était l'île des Cignes. Il re-
produisit ce projet en 1807, en 1822 et
en 1824. 2° Projet pour employer dix
mille personnes , tant artistes qu^ ou-
vriers , à la construction d'une place
dédiée à la nation, avec Fexposition
des moyens de fournir à la dépense du
monument civique, 1791 , in-8 ; 3° Pro-
jet de cirque national et de fêtes an-
nuelles, 1792, in-8 ; 4° Hommage na-
tional destiné a consacrer l'époque for^
lunée du retour de Sa Majesté Louis
XFIII, et la réunion de tous les Fran-
çais autour du trône légitime , Paris ,
1816, in-4 ; 5" Mémoire sur le projet
d'un édifice à construire au centre du
grand carré des Champs-Elysées , pour
les réunions de la garde royale et de la
garde nationale , ainsi que pour servir
aux fêtes publiques , Paris , 1816, in-4 ;
6" Nouveau système de ponts en bois et
en fer forgé, inventé par M. Poyet ,
etc. ; 7° Nouveau système de ponts en
bois et en fer forgé. . . . comparé avec les
ponts ordinaires pour la durée ^ la soli-
dité et Véconomie , Paris , 1822 , in folio.
M. Mahul lui a consacré un article dans
POZ
^on Annuaire nécrologique , iom. h. La
liste des ouvrages publiés par cet artiste
se monte, selon soA biographe, à 2&.
* POYNTER (M.-Guillaume ) , vicaire
apostolique de Londres, avait été élevé
au collège anglais de Douai , et il y était
professeur au commencement de la ré-
volution. Enfermé avec plusieurs de ses
compatriotes au château de Doullens, il
ne recouvra sa liberté qu'au bout de plus
d'un an. De retour dans sa patrie, il se
fit bientôt distinguer par son mérite. En
1803 il devint coadjuteur de M. Dou-
glas , évêque et vicaire apostolique du
district de Londres , et fut sacré en qua-
lité d'évêque d'Halie. Son administration
ne fut pas sans difficulté ; il eut plusieurs
contestations, soit politiques , soit théo-
logiques, dans lesquelles il se conduisit
toujours avec une prudente réserve et
une modération dont les amis de ia paix
sauront gré. Jamais sa conduite ne fut
blâmée par le saint-Siége ; sou zèle tou-
jours tempéré par la prudence , sa capa-
cité pour les affaires , ses grandes con-
naissances, le talent qu'il avait pour la
controverse, lui donnèrent une grande
influence sur les catholiques de son pays.
Depuis la restauration , il vint à plu-
sieurs reprises en France , pour réclamer
la restitution des biens qui appartenaient
à sa mission ; il échoua dans ses efforts
par une déplorable fatalité. En 1815 il
alla à Rome, pour l'intérêt des catholi-
ques anglais : partout il se fit estimer par
ses talens et .sa sagesse. Il est mort le 26
novembre 1827 dans un âge peu avancé.
Il est auteur de plusieurs ouvrages théo-
logiques zl'un des plus remarquables est
le Christianisme , ou preuves et carac-
tères de la religion chrétienne , traduit
par M. Taillefer, inspecteur de l'académie
de Paris, 1828, 1 vol. in-12. Ses instruc-
tions ont contribué à faire rentrer dans
le sein de l'Eglise catholique un assez
grand nombre de protestans.
POZZO( André), né àTrente,en 1 642,
se fit frère jésuite à l'âge de 23 ans. Il
était peintre et architecte , et se fit sur-
tout une grande réputation dans la pein-
ture. Il maniait le pinceau avec une
vitesse et une facilité sui'prenante , et
è
PRA
s'est distingué principalement dans la
perspective. On estime beaucoup les
peintures dont il a orné la voûte de l'é-
glise de Saint-Ignace à Rome. Il ne réus-
sit pas également dans l'architecture, sur
laquelle il a composé deux gros volumes,
intitulés : Perspective des peintres et
architectes, ouvrage d'un goût bizarre et
contraire aux vrais principes de l'art. Tel
est aussi le superbe autel de saint Louis
de Gonzague , élevé sur ses dessins dans
l'église de Saint-Ignace, où la somptuo-
sité et la magnificence brillent de toutes
parts , mais ne dérobent pas aux yeux des
artistes et des connaisseurs les défauts
considérables qui régnent dans la com-
position. Frère Pozzo mourut en 706 à
Vienne, où ses talens l'avaient fait ap-
peler par l'empereur.
POZZO (Modesta). Voyez Fonte-
MODERATA.
PRADES (Jean-Martin de), prêtre,
bachelier de Sorbonne , né vers 1720 à
Castel-Sarrasin , dans le diocèse de Mon-
tauban, fit ses premières études en pro-
vince , passa de là à Paris, et demeura
dans plusieurs séminaires, entre autres
dans celui de Saint-Sulpice. Ses progrès
dans la théologie ne furent pas brillans ;
mais il sut se tirer de la foule et se faire
une réputation par une thèse qu'il sou-
tint en 1 7 .5 1 , et qui fut approuvée par le
syndic de la sacrée faculté , qui sans
doute ne l'avait pas lue. Tous les gens de
bien réclamèrent contre ce premier essai
public de la philosophie irréligieuse.
Elle contenait les propositions les plus
fausses sur l'essence de l'âme , sur les
notions du bien et du mal , sur l'ori-
gine de la société, sur la loi naturelle
et la religion révélée, sur les marques
de la véritable religion, sur la certitude
des faits historiques , sur la chronologie
et l'économie des lois de Moïse , sur la
force des miracles pour prouver la révé-
lation divine, sur le respect dû aux saints
Pères ; mais ce qui indignait surtout ,
c'était le parallèle impie des guérisons
d'Esculape et des guérisons miraculeuses
de J. C. Le parlement de Paris sévit con-
tre celte production grossière et dégoû-
tante. La Sorbonne l'imita, et publia
PRA 89
une censure le 27 janvier 1752. La thèse
fut également condamnée par l'archevê-
que de Paris et par Benoît XIV. De Pra-
des, craignant que l'on ne s'en tînt pas à
la condamnation de son livre , se relira
à Berlin , et eut quelque temps après un
canonicat de Breslau. Alors il publia une
Apologie, et fut aidé dans son travail par
Diderot, qui lui avait prêté la main pour
sa Thèse, en reconnoissance des articles
que l'abbé avait fournis à l'Encyclopédie.
Dans cette Apologie, de Prades se répan-
dit en invectives contre ses censeurs , et
les accabla d'injures; mais dès que sa
bile fut soulagée , il rougit de ses excès,
et songea à se réconcilier avec l'Eglise.
L'évêque de Breslau fut le principal mo-
teur dont se servit la Providence pour
ménager cette réconciliation. Il rendit
compte à Benoît XIV des dispositions de
Prades; et cet abbé signa une rétractation
solennelle, le 6 avril 1754, où il dit, en-
tre autres choses, « qu'il n'avait pas assez
» d'une vie pour pleurer sa conduite
» passée et pour remercier le Seigneur
» de la grâce qu'il lui accordait. « Il en
envoya des exemplaires au pape , à l'é-
vêque de Montauban et à la faculté de
Paris. Benoit XIV obtint de la Sorbonne
qu'il fût rétabli dans ses degrés. Il fut fait
ensuite archidiacre d'Oppelen, et mourut
à Glogau , en 1782, après avoir été ren-
fermé quelque temps au château de Mag-
debourg, pour des indiscrétions et des
correspondances suspectes (1). Nous
avons donné quelque étendue à cet
article, parce que la Thèse de cet abbé
fait époque dans la révolution arrivée
de nos jours à l'égard de la religion.
Avant cela , on ne l'attaquait qu'en
se couvrant du manteau de l'anonyme ,
par des moyens obscurs, par de petites
brochures clandestines : la Thèse fut
le premier signal d'une attaque ou-
verte. Depuis ce temps , l'impiété , sous
le masque de la philosophie , a marché
(i; Il était TérilaLlement entré dans une ronspiratlon .
non contre le roi de Prusse , mais conlre la monarchie
prussienne, en faveur de la France, aven laquelle il vou-
lait se réconcilier de pré ou de force. Frédéric lui par-
donna , pour ne p.is paraître inconséquent , après avoir
reçu l'abbé de l'rades , couvcrl du manteau d'une pbilo-
sopliie qui n'a jamais empêché les gens de conspirer au
besoin contre l'ordre public.
12.
90 PRA
tète levée , et ses partisans n'dnt point
rougi de mettre leurs noms à la tête des
productions les plus infâmes, et designer
leur honte avec leurs blasphèmes, l.ntre
les écrits que l'on a publiés contre l'abbé
de Prades, on distingue celui du Père
Brotier, le célèbre commentateur de Ta^
cite, intitulé : Examen de l'j4pologie de
l'abbé de Prades, avec celte épigraphe :
Bis peccat qui crimennegat, 1753. On a
remarqué , lors du système de l'égalité
établi en France en 1791, que dès l'an
17 51 l'abbé de Prades l'avait mis for-
mellement dans sa thèse : Jus illud inœ-
qualitatis barbarum , quod vocant
tequius , quia validius. Voyez le Journ.
hist. et un., 1" octobre 1791, pag. 192.
PRADO (Jérôme), jésuite espagnol,
natif de Baëça, enseigna la philosophie à
Cordoue avec un succès peu commun. Il
finit ses jours à Rome en 1595, à 48
ans. Il s'était rendu dans cette ville pour
y faire imprimer ses Commentaires sur
l'Ecriture sainte. Il travailla pendant 16
ans avec le Père Yillalpende , autre jé-
suite, par ordre de Philippe II, roi d'Es-
pagne, à expliquer les vingt-six premiers
et les trois derniers chapitres d'Ezéchiel,
qui concernent le temple. Leur produc-
tion est imprimée en trois volumes in-
fol., Rome, 1596. C'est un des livres les
plus profondément savans qu'on ait faits
sur les prophètes. On en estime surtout
la description du temple et de la ville de
Jérusalem : cette matière s'y trouve
épuisée. Les figures sont un des mérites
de cet ouvrage. On a encore de Prado
des Commentaires sur les prophètes
Isaïe, Michée , Zacharie, sur les Epîlres
de saint Paul aux Galates, aux Éphésiens,
aux Colossiens et aux Hébreux.
PRADON (Nicolas), poète français,
natif de Rouen, en 1632, mourut à Paris
au mois de janvier 1698. Les tragédies
de Pradon eurent , dans leurs premières
représentations, beaucoup d'admirateurs
et d'illustres partisans. Ce poète se mon-
tra le concurrent de Racine, en traitant
le même sujet que lui ; et en effet , sa
tragédie de Phèdre et d'Hippolyte parut
avec plus d'éclat que celle de son rival,
et sembla balancer quelque temps sa
PRA
réputation ; mais elle tomba ensuite dans
un oubli dont elle n'a pu se tirer. Des-
préaux , intime ami de Racine, n'a pas
peu contribué à ridiculiser Pradon. Ce-
pendant il faut avouer qu'il y a dans ses
tragédies des morceaux qui satisfont
l'homme judicieux. On jouait encore, il
y a quelques années, Re'gulus ; celle de
Dorât , qui porte ce nom , ne l'a pas fait
oublier. Ses autres pièces sont : La
Troade , Statira , Scipion V Africain,
Tamerlan, et Pyrame et Thisbe\ qui fut
sa première pièce. On les a recueillies à
Paris, 1744 , 2 vol. in-12. (Pradon n'a-
vait fait presque aucune étude, ainsi que
peut le prouver l'anecdote suivante. Le
prince de Conti , sortant de la première
représentation de Tamerlan , lui fit ob-
server qu'il plaçait en Europe une ville
d'Asie : « Je prie Votre Altesse, répon-
w dit-il, de m'excuser ; car je ne sais pas
» trop bien la Chronologie. » )
PRADOVENTURA (Antoine), reli-
gieux de l'ordre de la Trinité, né en 1701
dans l'Andalousie, s'éleva par sou mérite
aux premiers emplois de son ordre. Au-
cun prédicateur n'a prêché à la cour de
Madrid avec tant d'applaudissement ; et
les sermons qu'il faisait dans l'église des
trinitaires attiraient une foule d'auditeurs
de toutes les conditions, enchantés de
son éloquence. Le Père Pradoventura
mourut à Cordoue en 1753. On a de lut
plusieurs ouvrages : 1° \e Poème de saint
Raphaël, in-4; 2° Sermons des saints,
2 vol. in-4; 3° Aiserses Consultations ,
in-fol. On a d'autres ouvrages de ce sa-
vant, à qui on ne peut refuser la gloire
d'avoir été un de ceux qui ont contribué
le plus à la pureté de la langue espagnole,
et au degré de perfection où elle se
trouve aujourd'hui.
PRAGEMANN (Nicolas), docteur en
philosophie à léna , où il mourut à la
fleur de son âge, en 1719, était né à
Strade en 1690. On a de lui une bonne
dissertation De meritis Germanorum in
jurisprudentia naturali ; 2° un ouvrage
latin sur le Droit Canon, etc.
* PRAM (Christian ou Chrétien), poète
et conseiller d'état, né en NorAvége en
1765, mort à l'île de St.-Thomas dans
PRA
les Antilles en 1821 , a publié, en 1785,
un poème en 1 5 chants , intitulé : Staer-
kadder , dont le sujet est tiré de l'his-
toire fabuleuse des Scandinaves. On y
a relevé beaucoup de défauts et d'inéga-
lités ; mais il renferme aussi de très beaux
passages. Prara a composé encore 3 dra-
mes en vers , Damon et Pythias , 17 89 ;
F rode et Fingal, 1790 , et Olinde cl So-
phronie, qui se sont mieux soutenus à
la lecture qu'au théâtre. Ils sont imprimés
dans le recueil dramatique de RahLek. Il
a aussi donné plusieurs Comédies , qui
n'ont pas été imprimées , et un opéra
intitulé : Lagertha, imprimé dans la
Minerva , recueil périodique dont il fut
l'un des rédacteurs. On trouve plusieurs
de ses poésies dans les Mémoires de la
société royale des belles-lettres de Co-
penhague. La verve, la vigueur, le feu
de l'imagination , caractérisent spéciale-
ment le talent de ce poète. Il a fourni
plusieurs morceaux intéressans aux Mé-
moires de la société de littérature Scan-
dinave , dont il était membre.
PRASLIN. Foyez Choiskul.
PRAT (Antoine du), archevêque et
cardinal, né en 1465 d'une famille noble
d'Issoire en Auvergne, parut d'abord au
barreau de Paris. Il fut fait ensuite lieu-
tenant-général au bailliage de Mont^Fer-
rant, puis avocat-général au parlemet de
Toulouse. Elevé de charge en charge , il
devint premier président du parlement
de Paris en 1 507, et chancelier de France
en 1515. Pour donner plus d'activité de
promptitude à la justice , il crut devoir
suggérer au roi de créer une nouvelle
chambre au parlement de Paris. Cette
chambre, composée de vingt conseillers,
forma ce qu'on appelait la Tournelle.
François \" ayant toujours besoin d'ar-
gent, le chancelier fut obligé de se prêter
à des moyens qui répugnaient à son ca-
ractère. Les tailles furent augmentées,
et de nouveaux impôts établis sans atten-
dre l'octroi des états, contre l'ordre
ancien du royaume. Ayant suivi en Italie
François I*', il persuada à ce prince d'a-
bolir la pragmatique-sanction , et de
faire le concordat , par lequel le pape
remit au roi le droit de nommer aux bé-
PRA 91
néiices de France, et le roi accorda au
pape les anates des grands bénéfices
sur le pied du revenu courant. (Ployez
François !"■ et Léon X. } Ce concordat
finit heureusement les longues contesta-
tions qui avaient subsisté entre les papes
et les rois de France. Ayant embras.sc
l'état ecclésiastique, du Prat fut élevé
successivement aux évêchés de Meaux,
d'Albi , de Valence , de Die, de Gap ; à
l'archevêché de Sens, enfin à la pourpre
en 1527. Nommé légat à latere eu
France , il couronna la reine Eléonore
d'Autriche. Un auteur italien prétend
qu'il voulut se faire pape en 1534, après
la mort de Clément VII, et ajoute qu'il
le proposa au roi , auquel il promit de
contribuer jusqu'à 400,000 écus; mais
que ce monarque se moqua de son ambi-
tion, et retint son argent. Ce fait n'a
aucune vraisemblance : car, outre que
Paul III obtint là tiare vingt-huit jours
après la mort de Clément Vil, il n'est
point apparent que du Prat , qui élait
âgé et incommodé, songeât à quitter la
tranquillité de sa maison pour les agita-
tions du trône pontifical. Il se retira, sur
la fin de ses jours, au château de Nan-
touillet,où il mourut en 1535 , à 70 ans.
On accuse ce ministre d'avoir suggéré
au roi l'idée de vendre les charges de
judicature. M. le marquis d'Argenson ,
ministre d'état, prétend, dans ses Loisirs,
le justifier de ce reproche , et dit que ce
fut d'Amboise qui commença à rendre
les charges vénales ; mais cette assertion
paraît moins bien prouvée que la pre-
mière.— Son fils, Guillaume du Prat,
évêque de Clermont , assista au concile
de Trente, sous le pape Paul III, fonda le
collège de Clermont à Paris pour les
jésuites, et mourut en 1560, à 53 ans,
avec la réputation d'un prélat zélé et
éclairé.
* PRAT ( Alexandre) , supérieur de la
maison royale des Loges, né à Paris en
1760, mena dès sa jeunesse la vie la plus
pieuse. Il montra une vocation pour l'é-
tat ecclésiastique, auquel il se prépara
de bonne heure , par l'éloignement des
plaisirs , par les austérités et la mortifi-
cation , par une tendre affection pour les
92 PRA
pauvres et une application constante
aux éludes du sacerdoce. Après avoir été
ordonné prêtre , il fut employé dans une
des paroisses de la capitale ; mais il se
retira bientôt au .village de Sceaux-les-
Chartreux ; c'est là qu'il éprouva les pre-
mières persécutions de la révolution :
ainsi on le vit un jour pressé par une
troupe armée qui, la baïonnette et le sa-
bre sous la gorge, voulait lui faire prêter
le serment ; il refusa avec courage et ne
dut sa fuite et son salut qu'à une protec-
tien visible du ciel. Retiré d'abord à Pa-
ris , puis à Versailles, il continua d'exer-
cer son saint ministère ; mais il fut ar-
rêté et jeté au fond des cachots. Là , mal-
gré la mort dont il était menacé tous les
jours, il songeait moins à lui qu'à ses
compagnons de captivité , dont il cher-
chait à être le consolateur par son zèle
religieux. Rendu à la liberté , il reprit
ses fonctions avec un zèle tout nouveau.
Dans l'espace de 30 ans qui s'écoulèrent
depuis celte époque , jusqu'à celle de sa
mort, plusieurs cures importantes de
Paris et même le canonicat lui furent of-
ferts ; mais il préféra à tous ces avantages
sa retraite de Versailles, où il pouvait
continuer dans l'oubli et l'obscurité ses
soins aux âmes qu'il dirigeait en grand
nombre dans les voies du salut , et aux
pauvres pour qui il était le père le plus
tendre. Ce fut au milieu de ses travaux
pénibles et dans l'exercice de ses vertus
modestes , qu'il termina sa carrière après
une maladie douloureuse le 1 3 novembre
1 828. L'abbé Prat méritait une place dans
ce Dictionnaire oii nous aimons à consi-
gner tous les exemples de vertu et de
religion.
* PRAT ( N. ), membre du conseil des
Cinq-Cents, mort dans le mois de février
1833, à Ploudalniezeau dans le départe-
ment du Finistère, à l'âge de 69 ans, après
avoir refusé le ministère du prêtre que sa
famille avait fait appeler : la sépulture
ecclésiastique lui a été refusée. Un jour-
nal a cru, à cause de la similitude des
noms, que c'était M. l'abbé de Pradt qui
était mort , et lui a consacré une Notice
dans laquelle on voit que l'ancien évê-
que de Malines a fait des démarches au-
PRA
près du schismatique Auzou à Clichy ,
pour l'engager à rentrer dans le sein de ,
l'Eglise. Du reste , il n'y a rien de remar-
quable dans la vie de Prat qui resta tou-
jours dans l'obscurité.
* PRATELLl ou pratilli (François-
Marie) , chanoine de Capoue , où il na-
quit vers 1700. Il fut considéré comme
un des hommes les plus érudits de son
siècle. Il a publié : 1° Historia princi-
pum longobardorum quœ continet ali-
quot opusciila de rébus Longobardorum
beneventance olim provinciœ, quœ modo
regnumfere est neapolitanum , Naples ,
1754,5 vol. in-4. Cette même histoire
avait été publiée en 1643 par Camille
Pellegrini le jeune, de Capoue; elle
comprenait depuis 720 jusqu'en 1 137 , et
fut insérée dans les collections histori-
ques deBurmann et deMuralori. Pratelli
l'augmenta considérablement, l'enrichit
de plusieurs dissertation» et de la vie de
Pellegrini. i° De' consolari délia pro
vincia délia Campania, dissertazione ,
Naples , 17 57 ; 3° La via appia riconos-
ciuta e descritta di Roma a Brindisi,
Kaples , 1747 , in-fol. ; fig. Pratelli mou-
rut en 1786.
PRATEOLUS ( Gabriel ) , autrement
du Préau, naquit en 1511 à Marcoussi,
et mourut en 1588, docteur de Sor-
bonne. Son jugement n'égalait pas son
érudition. Il mit au jour et augmenta la
Geomance de Cattan , travail au moins
inutile. Ses traités de doctrine et d'his-
toire ecclésiastique , tels que son Elen •
chus hœrelicorum , Cologne, 1605 , in- 1
4 , firent honneur à son zèle ; mais VE- \
lenchus comprend bien des gens qui ne
doivent pas être placés parmi les héréti-
ques. Les ouvrages de du Préau peuvent
se diviser en quatre classes , théologie ,
traductions, grammaire et histoire.
Voyez dans La Croix-du-Maine.
* PRATI (Alessio), compositeur ita-
lien , né en 1 736 à Ferrare , mort dans la
même ville le 2 février 1788, est particu-
lièrementconnu par son opéra à' l/igenia,
qui fut tellement goûté , qu'après la pre-
mière représentation , l'archiduc acheta
l'ouvrage , et le retira pour en demeurer
seul possesseur; et par son Jrmida ab-
PRA
bandonala , qui obtint un succès pro di-
gieux , et lui valut la place de maître de
chapelle de l'électeuf Palatin.
PRATINAS, ancien poète tragique de
Phlionte , ville du Péloponèse, voisine de
Sicyone, florissait vers l'an 500 avait J.C.
Ce poète était contemporain d'Eschyle
et de Chérile , qui écrivit dans le même
genre , et dont il fut le concurrent. Il
composa jusqu'à 50 poèmes dramatiques,
et parmi ces 50 on comprend 32 farces
connues sous le nom de Satires. On en
trouve quelques fragmens dans le Cor-
pus poetarum grœcorum , Genève, 1 606
et 16)4 , 2 vol. in-fol.
*PRATO (Jérôme de) , prêtre de la
congrégation de l'Oratoire d'Italie, naquit
à Vérone vers 1710 ; il mourut en 17 82.
C'était un homme savant, duquel on
a : 1° De chronic. libris duobus ab Eu-
sebio cœsariensi scriptis et editis , accé-
dant grceca fragmenta ex libro primo ,
olim excerpta a Georgio Syncello, Vé-
rone , nb0;2° SulpiciiSeveri opéra ad
mss. codices emendata , notis , observa-
tionibus et dissertationibus illustrata,
Vérone , 1 754, in-fol. Le Père Prato mou-
rut en 17 82. Casimir Oudin , tome 2 ,
De scriptoribus ecclcsiasticis , pag. 568,
' d'après Barthélemi Albizzi , auteur des
Conformités de saint François., fait men-
tion d'un autre Prato ( Arlotto ), frère
mineur et élu en 1225 général de son
ordre , auquel le même Albizzi attribue
l'ouvrage intitulé , Concordantiœ biblio-
rum sacrorum , contre l'ancienne opi-
nion qui le donne à Ugo de sancto Cha-
ro, ou de sancto Theuderio,de l'ordre
de Saint-Dominique ; sur quoi on peut
consulter Echard , De Scriptoribus ordi-
nis prœdicatorum , tom. I*"', p. 203; et
Wadding , Scriptores ordinis minorum ,
p. 40, qui cite, en faveur de Prato,
Trithème et d'autres.
* PRATO VENTURA. Fogez Ven-
tura.
PRAXAGORAS d'Athènes vivait
vers l'an 345 de J. C. Il publia , âgé seu-
lement de 19 ans, V Histoire des rois
d'Athènes , et à 22 ans, la Fie de Con-
stantin le Grand. Photius nous en a con-
servé des fragmens. Quoique païen , il y
PRA 93
parle très avantageusement de ce prin-
ce : témoignage qui vaut certainement
mieux, et qui a plus d'autorité et de force
que toutes les satires des prétendus phi-
losophes du 18' siècle contre le premier
empereur chrétien, (^oyez Constantin.)
Il avait aussi écrit \ Histoire d'Alexan-
dre le Grand.
PRAXÉAS, hérésiarque du 2* siècle,
était Phrygien. Il alla à Piome du temps
du pape Eleuthère , s'y déclara contre les
montanistes , et engagea le pape à révo-
quer les lettres de communion qu'il leur
avait accordées sur de faux exposés. U
connaisait d'autant mieux leurs erreurs,
qu'il avaitquitté leur secte ; mais il tom-
ba ensuite dans une autre hérésie , ne
connaissant qu'une seule personne dans
la Trinité , et disant même que le Père
avait été crucifié comme le Fils , ce qui
fut depuis suivi par les hérétiques noë-
tiens, par les sabelliens et par les patri-
passiens. TertuUien écrivit avec une ex-
trême véhémence contre Praxéas, qui
était passé de Rome en Afrique. U revint
deux ou trois fois dans le sein de l'Église,
qui, comme une bonne mère, le reçut
avec une très grande douceur; mais il re-
tomba toujours et mourut dans l'hérésie.
PRAXILLA , dame de Sicyone , floris-
sait vers l'an 450 avant J.C. Elle inventa,
dit-on, une espèce de vers,qui de son nom
fut appelée praxilleenne. Mais tout cela
est fort incertain ; et l'on peut douter
aussi que les poésies imprimées sous son
nom avec celles de quelques autres poè-
tes lyriques, Hambourg, 1734, in-4 ,
soient effectivement de celte ancienne
muse.
PRAXITÈLE , sculpteur grec , vers
l'an 564 avantJ.C, réussissait tellement à
travailler le marbre , qu'il semblait l'a-
nimer par son art. Tous ses ouvrages
étaient, dit-on, d'une grande beauté :
on ne savait auquel donner la préférence ;
il fallait être lui-même , pour juger des
différens degrés de perfection. La fa-
meuse courtisane Phryné ayant obtenu de
Praxitèle la permission de choisir son
plus bel ouvrage , se servit d'un strata-
gème pour le conngtître. Elle fit annon-
cer à ce célèbre artiste que le feu était à
94 PRE
son atelier ; alors , tout hors de lui-
même , il s'écria ; « Je suis perdu , si les
w flammes n'ont point épargné mon
M Satyre ei mon Cupidon. «Phryné, sa-
chant le secret de Praxitèle , lui déroba
le Cupidon. Les anciens auteurs ont
beaucoup vanté une autre statue de
Vjémour faite par ce sculpteur , une
statue de Phryné, une entre autres ,
dont les habi tans de Gnide furent pos-
sesseurs , mais que Pline dit avoir été in-
férieure à celle de Scopas. ( Voyez ce
nom.) On voit que Praxitèle, ainsi que
la plupart des artistes du paganisme,
choisissait de préférence des sujets
assortis à la corruption des mœurs et au
goût d'un peuple voluptueux. L'opinion
commune est que les deux chevaux
qu'on voit au Monte-Cavallo à Rome ,
sont de Praxitèle. (Pour se former une fai-
ble idée du talent rare et peut-être uni-
que de Praxitèle , il suffit de connaître
les simples copies des ouvrages de cet
artiste , savoir : le Faune et le Cupidon
du Vatican , qu'on voyait au musée de
Paris, en 1814 , la Vénus de Gnide, au
jardin des Tuileries, sur la terrasse du
midi ; une tête de cette même Vénus , au
musée du Louvre , et que le célèbre Vis-
conti trouvait d'une beauté' divine , sans
compter d'autres copies répandues à
Rome et en d'autres musées. Les chevaux
du Capitule ont toujours formé et forme-
ront toujours un sujet d'étude pour les
artistes, comme ils exciteront toujours
l'admiration des connaisseurs. )
PRÉ (Claude duj , sieur de Vau-Plai-
saint, naquit à Lyon vers l'an 1543. Ses
ancêtres y avaient été distingués dans la
robe et dans la littérature. Un autre
Claude du Pré , mort en 1 560 , et enterré
aux Jacobins de cette ville, a composé
un Traite' des connaissances ge'ne'rales
du droit. Celui-ci fit ses études dans sa
pairie, cl prit des grades dans l'univer-
sité de Toulouse, en 1565. Quatre ans
après , il fut pourvu d'une charge de con-
seiller en la sénéchaussée et siège prési-
dial de Lyon , laquelle il exerça avec
beaucoup d'honneur. 11 a fait, en latin ,
Compendium verce originis et genealo-
gice Franco-Gallorum, et un Recueil
PRE
intitulé Praium Claudil Prati, Paris,
1614 , in-8. C'est dans ce dernier ouvra- .
ge , divisé en 4 livres , qu'il établit l'uti-
lité de la philosophie pour étudier la
jurisprudence , et (ce qu'il a moins bien
prouvé (la nécessité de traiter la philoso-
phie et les sciences en français. C'est
peut-être à cet usage qui a prévalu que
nous devons celle fourmilière de faux
savans qui dégradent les lettres en
même temps qu'ils dévastent la religion
et les mœurs. ( Voyez François I" , Fer-
NEi,.) ( Les Dictionnaires historiques con-
fondent ordinairement les deux auteurs
qui ont porté le nom de Claude du Pré,
La Biographie universelle attribue au
premier les ouvrages que Feller donne au
second , à l'exception du Traité des con-
naissances du droit, qu'elle semble don-
ner au second. )
PRÉ (Jean du ), célèbre ermite dans
le canton de Fribourg en Suisse , s'est si-
gnalé par un ouvrage unique en son
genre, qui fait l'admiration de tous les
voyageurs. C'est un monastère taillé
dans le roc , auquel il travailla avec son
valet durant 25 ans. {Voyez-en la des-
cription à Farticle Fribourg, ermitage,
dans le Dict. géog. ) Il était né à Gruyè-
res , et périt malheureusement dans la
Sane en 1708, avec des écoliers de Fri-
bourg , qui relaient venus voir le jour de
la fête de son église : il les reconduisait à
l'autre rive , dans une nacelle qui cha-
vira.
PRÉ d'Aunay (Louis du) , Parisien , né
en 1670, mourut en 1768, après avoir
été commissaire des guerres , directeur
général des vivres , et chevalier de l'or-
dre du Christ. Nous avons de lui : 1"
Lettres sur la génération des animaux-,
2° Traité des subsistances militaires ,
1744, 2 vol. in-4 ; 3° Réception du doc-
teur Hecguet aux enfers , 1748 , in- 12 ;
4° Réflexions sur la transfusion du sang,
1749, in-12. { Vogez Libavius , Denys
Jean-Baptiste et Merklin.) 5° Aventures
du faux chevalier de fVarwich, 1750 ,
2 vol.
PRÉ DE Saint Maur ( Nicola.s-François
du) , maître des comptes , à Paris , où il
était né en 1695, y mourut en 1774, a
PRE
donné : 1* la Traduction du Paradis
perdu de Milton, 3 vol. in-12 , qui com-
prennent le Paradis reconquis , traduit
par un jésuite, et les remarques d'Addis-
son sur le Paradis perdu. Cette version
oii l'on a fait disparaître les principaux
défauts de l'original, en y faisant des
changemens et des retranchemens , est
écrite d'un slile vif , énergique et bril-
lant. Cependant on reproche à Pré ou
T)upré d'avoir mutilé sans ménagement
l'ouvrage de Milton, 2° Essai sur les
monnaies de France, 1746, i n- 2 ; ou-
vrage plein de recherches curieuses, et
justement estimées ; 3° Recherches sur
la valeur des monnaies et le prix des
grains , 1761 , in-12 : estimables et uti-
les ; 4" Tables de la durées de la vie de
hommes , dans V Histoire naturelle de M.
de Buffon.
• PRÉAMENEU ( Félix - Julien - Jean
Bigot de ). Ployez Bigot.
PRÉAU (Du). Voyez Prateolus.
PRÉAUX (Des). Voyez Boilkau (x\i-
colas).
PRECIPIANO (Humbert-Guillaume,
comte de ) , l'un des plus vertueux et des
plus zélés évêques du 17* siècle, naquit
à Besançon en 1626 d'une ancienne fa-
mille originaire de Gênes, alliée aux
Doria et aux Spinola. Successivement
chanoine , archidiacre et doyen de l'é-
glise de Besançon , abbé de Bellevaux , il
brilla de^tant d'excellentes qualités dans
l'exercice de ces emplois , qu'il s'attira
l'estime et la confiance de son souverain.
Philippe IV, roi d'Espagne, le nomma
conseiller ecclésiastique de la cour sou-
veraine de Bourgogne, et en 1667 il
fut choisi pour être envoyé, de la part
des états de cette province, à la diète
d'eoipire. Son habileté dans les négocia-
tions le fit élever en 1672 à la dignité
de conseiller suprême pour les affaires
des Pays-Bas et de Bourgogne, auprès
de Charles II ; emploi qui demandait sa
présence à Madrid. Dix ans après , il fut
nommé évêque de Bruges. Sa piété et
son zèle , qui ne s'étaient point ralentis
pendant ses négociations , se manifestè-
rent avec un nouvel éclat après sa pro-
jnotion. Il consacra tous ses soins à rem-
PRE * 95
pllr les devoirs d'un pasteur vigilant, et
s'attacha surtout à démêler la zizanie
du bon grain , pour l'arracher du champ
qui lui était confié. Nommé à l'arche-
vêché de Malines , il montra beaucoup
de répugnance à quitter son troupeau ;
il fallut des ordres exprès dupape Alexan-
dre VIII pour lui faire accepter cette
nouvelle dignité. Les Pays-Bas se sou-
viennent encore du zèle qu'il déploya
pour maintenir la pureté de la foi et
l'autorité du siège de Rome ; pour sou-
tenir les décrets de cette mère Eglise , la
discipline et la juridiction ecclésiasti-
que. Sa' charité envers les pauvres, sa^
piété et la douceur de ses mœurs lui at-
tirèrent l'amour et la confiance de ses vé-
ritables ouailles ; mais il eut beaucoup à
souffrir de la part de ceux qui montraient
peu de soumission à l'autorité du saint-
Siége. Enfin, accablé sous le poids des
années et des infirmités, il mourut à
Bruxelles en 1711 , à l'âge de 85 ans.
Besançon , Bruges , Bruxelles , Malines ,
l'abbaye de Bellevaux , possèdent des
monumens et de sa munificence et de sa
piété. On voit son mausolée excellemment
exécuté dans l'église métropolitaine de
Malines , et accolé à celui de son frère
Prosper-Ambroise Precipiano , lieutenant-
général des armées d'Espagne , mort à
Bruxelles en 1707. Ce dernier monument
est hors du sanctuaire , quoiqu'il tienne
à l'autre. On y voit ces paroles : Quo-
modo in vita dilexerunt se , ita et in
morte non sunt separati.
"^ PRÉCY (Louis -François Perrein ,
comte de), général royaliste, né à Semur ,
le 15 janvier 1742, était d'une famille
originaire du Dauphinéqui fut forcée de
se retirer en Bourgogne dans le milieu
du 16* siècle par suite des guerres de
religion. Précy fut reçu, à l'âge de 20
ans , dans un régiment dont un de ses
oncles était colonel , et fit les campagnes
d'Allemagne de 17 55 à 1762. Devenu
aide-major, il fit en 1774 la campagne
de Corse ; et quand on forma les batail-
lons de chasseurs (en 1783) , il fut nommé
commandant de celui des Vosges. Il se
trouvait avec ce corps dans lemidi , dans
le commencement de la révolution : il
96 PRE
réprima par sa fermeté les perturbateurs
des villes de Collioure , de Lunel , Per-
pignan et Montpellier. Les jours du roi
lui parurent bientôt en danger ; il désira
se rapprocher de sa personne. Ce fut
dans ce but qu'il refusa le commande-
ment du régiment d'Aquitaine auquel le
roi l'avait nommé : il devint lieutenant-
colonel de la garde constitutionnelle de
Louis XVI qui fut licenciée le 19 mai
1792. Le comte de Précy contiuua de
veiller à la sûreté de Louis XVI, et, quoi-
qu'il n'eût aucune qualité apparente, il
avait su conserver à sa disposition quel-
ques-uns de ses compagnons d'armes.
Au 10 août il en réunit 1 50 avec lesquels
il combattit dans les rangs des Suisses.
En quittant pour jamais son palais , Louis
XVI aperçut le comte de Précy et s'écria. ..
« Ah ! fidèle Précy ! » ces mots de-
venus historiques font un si grand
honneur à cette illustre famille, que
Louis XVIII l'autorisa, en 1823, aies
placer pour devise dans ses armes. Un
heureux hasard sauva le comte de Précy
des massacres qui eurent lieu dans cette
journée du 10 août. Après la mort de
Louis XVI , retiré à Semur dans le sein
de sa famille , il attendait qu'il pût en-
core exposer sa vie pour la cause de la
monarchie. Les Lyonnais qui avaient ap-
pris à l'estimer pendant le temps qu'il
avait été en garnison dans leur ville
( 1787 ) , lui offrirent le commandement
de l'armée fédérative qu'ils organisaient
pour marcher contre la Convention. Le
comte de Précy accepta et alla dans cette
ville où il se hâta de se mettre en me-
sure contre les troupes nombreuses qui
venaient pour combattre les Lyonnais.
La défection des soldats de Précy le mit
dans la nécessité de se renfermer dans la
ville de Lyon; mais rien n'était prêt pour
soutenir un siège. Une perdit cependant
pas courage. Il envoya des commissaires
à l'armée de Condé, aux cantons Sui.sses
et à Turin. Le prince était dans Timpos-
sibilité de rien entreprendre ; les Suisses
se bornèrent à de grandes promesses , et
ja cour de Turin, au lieu de 10,000
hommes , envoya quelques bataillons
que Kellermann battit dans la Taren-
PRE
taise. L'armée républicaine était déjà
devant Lyon, avant même qu'on eût pu
dresser une seule batterie. Cette armée
était, forte de 40 ,000 hommes , et dans
la suite, elle s'éleva jusqu'à 100,000.
Le premier coup de canon fut tiré le 8
août 1793 , et les premières rencontres
n'ayant pas tourné à l'avantage des répu-
blicains, leurs proconsuls campés, pour
plus de sûreté, sur les hauteurs de Montes-
sui , eurent recours à la ruse. Ils envoyè-
rent dans la place , le 1 7 août , un mes-
sager porteur d'une dépêche par laquelle
ils promettaient clémence et protection
aux habitans si , dans une heure, ils ou-
vraient les portes de la ville et livraient
leurs principaux chefs. On remit la dé-
pêche au général Précy , qui la commu-
niqua aussitôt au conseil du gouverne-
ment de la cité. Après qu'on en eut fait
lecture à haute voix , le général se leva
et dit : « Messieurs, j'ai ceint l'épéed'a-
» près le vœu du peuple de Lyon ; je la
» dépose jusqu'à ce que son vœu, de
i> nouveau librement exprimé , m'engage
» à la reprendre. » Alors les trente-deux
sections ayant été convoquées quelques
heures après, ce vœu fut exprimé en fa-
veur du général par vingt mille signa-
tures, qui devinrent ensuite des arrêts
de mort. Le comte de Précy se disposa ,
avec le peu de soldats qui lui restaient ,
à la plus vigoureuse défense. Sa pre-
mière démarche fut d'adresser, en ré-
ponse aux proconsuls , un message signé
de lui et de plusieurs officiers de son état-
major, et par lequel il rendait les mem-
bres du comité de salut public respon-
sables , sur leur tête, de la sûreté de la
famille royale enfermée dans la tour du
Temple. On sait qu'à cette époque la
reine, le jeune Dauphin, et Madame
Elisabeth , vivaient encore ; on sait aussi
que dans la suite ces deux princesses
furent condamnées au supplice , que le
Dauphin périt d'une mort prématurée,
et que ce ne fut que pour effectuer un
échange que l'on épargna Madame , du-
chesse d'Angoulême, aujourd'hui Dau-
phine de France. Cependant Précy n'a-
vait que quatre mille cinq cents hommes
à opposer à l'armée de la Convention.
PRE
Vi\ liers dos faibles troupes du coiule
occupait constamment la campagne,
dans une étendue de douze lieues, et
î;ardait par pelotons plusieurs villages.
Dans l'intérieur , il fallait la surveil-
lance la plus active , soit pour réparer le
mal que faisaient les bombes , soit pour
tenir en respect vingt mille ouvriers,
tous jacobins , et prêts , à la première
occasion , à ouvrir les portes à l'ennemi.
Le siège durait depuis deux mois, et la
troupe du général Précy , par les pertes
<iu'elle avait laites dans des combats
continuels , se trouvait réduite à 1 , 500
hommes. C'est avec cette poignée de sol-
dats qu'il brave les forces imposantes
des républicains. A ces maux viennent
se joindre une cruelle diselle, et la tra-
hison , qui avait facilité aux assiégeans
le moyen de braquer leurs canons aux
portes de la ville et sur les hauteurs qui
la dominent. Les sections étaient déjà en
pourparler avec les proconsuls, aux-
quels elles devaient, pour première con-
dition, livrer le général et ses compa-
gnons d'armes. Dans celte extrémité , le
comte de Précy se détermine à faire une
sortie avec 700 hommes , qu'il divise en
trois corps : il l'exécute en plein jour,
le 9 octobre 179:». Son intention était
de passer la Saône, de gagner le Jura, la
Suisse, et d'aller avec sa petite troupe
se joindre à l'armée du prince de Condé.
Les deux premiers corps traversèrent les
lignes au milieu du feu de l'eunemi;
mais le troisième, que conduisait le
comte de Varieu , fut taillé en pièces. Le
comte de Précy échappe à ce massacre,
et, accompagné de deux soldats, les
seuls qui lui restent et lui servent de
guide , il erre plusieurs jours. Arrivé aux
montagnes du Forez , il atteignit le vil-
lage de Sainte-Agathe, où de bons culti-
vateurs lui donnèrent asile dans leur
chaumière. Il resta pendant douze jours
caché dans un souterrain , d'où il en-
tendait les voix des émissaires que le co-
mité de salut public envoyait à sa pour-
suite. Après la prise de Lyon , que l'in-
fâme CoutliOD ( voyez ce nom ) inonda
de sang et combla de ruines , le parti
modéré prit le dessus sur celui de la
XI.
Pr»E 97
Moiilugne , et Robespierre et la commune
furent renversés. Cependant le comte de
Précy ne peutquitter la France que six se-
maines après la mort de ce tyran. H se
rendit à Turin , oii le roi Victor-Amédée
l'attacha à son état-major avec le grade
de colonel d'infanterie. De concert avec
MM. d'Essoles ( voyez ce nom ) , Wick-
hams , ministre d'Angleterre , et le comte
de Maistre , il s'occupait de la levée d'un
corps franc , lorsque Louis XVIII l'appela
à Vérone. Il recul le plus honorable ac-
cueil du monarque , qui, au moment où
le comte de Précy allait s'incliner , l'en
empêcha en s'écriant... « Non, le dé-
» fenseur de Lyon doit embrasseï* son
» roi... » et il l'embrassa. Un autre
jour ayant été invité à dîner chez Sa Ma-
jesté : « M. le comte de Précy , lui dit le
» roi en entrant , vous ne trojiverez au-
» jourd'hui que du maigre ; il faut être
« observateur zélé des lois de l'Eglise ,
M pour mériter de Dieu un serviteur aussi
» lidèle que vous. » M. le comte de Précy
obtint toute la confiance de Louis XVIH,
et fit partie de la régence formée à
Augsbourg , sous les ordres immédiats
du roi , et composée de MM. Dandré , le
marquis de Vezet et l'abbé de Lamarre.
Elle était destinée à diriger les opérations
de l'Institut philantropiqiie , premier
anneau d'une chaîne d'associations roya-
listes , dont Lyon était le centre , et la-
quelle s'étendait de l'est au midi de la
France, depuis le Var jusqu'au Jura; se
liait en outre à une commission-générale
établie à Bordeaux , et pouvait faire
coïncider ces mouvemens de la partie de
l'ouest avec ceux de la Vendée , qui était
comprise dans une autre organisation , à
la tête de laquelle était le comte d'Ar-
tois (depuis Charles X). Le comte de
Précy se rendit en Angleterre en 1796,
chargé d'une mission auprèsde ce prince,
qui le mit en rapport avec le gouverne-
ment anglais, et il put ainsi devenir
utile à plusieurs émigrés fiançai.s. De
nouvelles missions le firent aller à Vienne
où il reçut un favorable accueil de la du-
chesse d'Angoulême, et de l'archiduc
Charles. De Vienne , le comte de Précy
passa en Suisse , qu'il fut contraint de
i3.
98 PRE
quitter à l'uppvoche de l'arraée du direc-
toire. Après le 18 fructidor (4 septembre
1 797 ), il se retira près d'Uberliugen , où
plusieurs proscrits , MM. de Gérando et
Camille Jordan, se réunissaient chez lui,
et formaient ensemble des plans pour
combattre la révolution. Le comte de
Précy aurait voulu seconder les désirs
du grand-écuyer Steiger pour défendre
la Suisse ; mais le général Brune l'avait
déjà envahie avec denombreuses troupes.
Les intérêts de la cause royale l'ayant
appelé à Augsbourg , il fut également
forcé de quitter cette ville après la dé-
faite des Russes. Retiré à Bareuth, sous
la protection du roi de Prusse , il s'y vit
arrêté à la demande du con.<iul Buona-
parte , et enfermé dans un château fort ,
d'où il ne sortit qu'au bout de dix -huit
mois. Le duc de Brunswick lui donna
asile dans ses états. La bataille d'Iéoa
laissant les états de Brunswick ouverts
aux troupes françaises, le comte de
Précy se rendit avec sa famille h Ham-
bourg, puis à Francfort, et, pour l'en-
tremise du général Lefèvre et le député
Tolissard , il obtint la permission de ren-
trer en France en 1810. Il demeura à
Dijon , ensuite à Marigny-sur-Loire , au
sein de sa famille , où il apprit l'heureux
événement delà restauration. Etant ve-
nu à Paris , Louis XVIII le nomma com-
mandant de la garde nationale de Lyon :
le comte d'Artois s'y trouvait , et posa
la première pierre de l'église expiatoire,
en l'honneur des victimes du siège. Ce
prince nomma le comte de Précy inspec-
teur de ce pieux monument. Au retour
de Buouaparte ( en 1 8 1 6 ) de l'île d'Elbe,
il voulait essayer encore de défendre
cette ville; maison ne put vaincre la
garnison par la force des armes , ni la
gagner par des promesses et de l'argent.
Le comte de Précy suivit le comte d'Ar-
tois à Paris. Il y^fut arrêté , et après l'en-
trée deBuonaparte dans la capitale, on
lui rendit la liberté, mais sous la sur-
veillance de la police. A la seconde res-
tauration , il reprit le commandement
des gardes nationales de Lyon , et en
1 8 1 G le roi le nomma inspecteur général
de cette milice dans le département du
PRE
Uhôue. Le comte de Précy demeurait Or-
dinairement à Marigny-sur-Loire ; il y *
fut attaqué d'une longue maladie , et y
mourut dans des sentimens de piété, le
26 août 1820, âgé de soixante-dix-buit
ans. On trouve dans son testament la
phrase suivante : Je recommande aux
bonte's du roi madame de Précy , mn
digne épouse , dont Vâge et la modique
fortune pourront paraître à S. M.
dignes de sa munificence. Les restes du
comte de Précy furent transportés à Lyon
le 2U septembre 1821 , et déposés dans
l'église expiatoire , qui était entièrement
achevée. On devait élever, dans son en-
ceinte , et en marbre de Paros , deux mo-
numens funèbres, l'un consacré au gêné-
rai, et l'autre aux soldats qui avaientpéri
dans le mémorable siège de Lyon , et
dont on est parvenu à recueillir les
restes , qu'on a mis dans un charnier. Le
comte de Précy a laissé deux écrits sur
ce même siège et sur ses suites ; sa veuve
les a confiés au secrétaire de la commis-
sion lyonnaise à Paris , et ils devaient
êlreiiisérésdans l'Histoire relative à cette
époque.
* PREGLIASCO (Jacques), architecte
italien, né vers 17 57, mort à l'âge de
68 ans le 26 décembre 182.Sà Turin, s'é-
tait distingué dans toute l'Italie par son
talent dans l'architecture théâtrale et
dans l'art de former les jardins suivant
le goût anglais. On remarque parmi ses
ouvrages le parc de la princesse de Lo-
rène Caregnano ; la restauration du grand
théâtre de la Canobiana à Milan ; la plu-
part des décorations pour les ballets my-
thologiques de Vigano et de Gioja; la
nouvelle construction du grand théâtre
de Naples et du théâtre de la cour de Mi-
lan à Monza. Nous ne pouvons citer tous
les ouvrages dans lesquels il fit preuve
d'autant d'originalité que de goût.
PRÉMOWTVAL ( André- Pierre Le
GuAY de ) , de l'académie des Sciences
de Berlin , naquit à Charenton , en 17 16.
Son goût pour les mathématiques lui
fit ouvrira Paris, en 17 40 , une école
gratuite pour celle science. La causti-
cité orgueilleuse de son caractère lui fit
beaucoup d'ennemis ; ayant été déshérité
PKE
par son père , il quilta la France. Pré-
niontval , accablé de dettes , reçut de
Fontenelle un secours de 1200 livres,
avec lesquelles il se rendit à pied à Ge-
nève, avec une demoiselle qu'il avait en-
levée. Il l'épousa à Fribourg , passa un
an ou deux à Bàle , erra dans quelques
villes d'Allemagne, et se fixa ensuite à
Berlin , où il eut des succès et des que-
relles. Ce fut alors qu'il se mit au rang
des auteurs, et il travailla pour les li-
braires. ( Sa femme obtint la place de lec-
trice de la princesse Guillelhminc de
Prusse , épouse du prince Henri. Pré-
montval fut admis à l'académie de Berlin,
et il ne tarda pas à se brouiller avec ses
confrères. Il écrivit beaucoup contre la
philosophie de Wolf. Il convoitait la
chaire de langue française, qui fut don-
née à Toussaint. Cet échec le fit tomber
dans le délire, et il mourut quelque
temps après. } Nous avons de lui -. 1° La
Monogamie , ou l' Unité dans le ma-
riage, 1751 , 3 vol. in-8 : ouvrage mau-
vais , bizarre et ennuyeux ; 2" Le Dio-
gène de d'Alcmbert, in-12. D'Alembert
souhaitait à chaque siècle , on ne sait
trop pourquoi, un Diogène, mais plus
retenu , plus sage , plus décent que
le cynique d'Athènes. D'après ce vœu ,
Prémontval a composé ce livre , où l'es-
prit d'indépendance, la haine de la so-
ciété et du christianisme forment un dé-
lire perpétuel. 3" Préservatifs contre
la corruption de la langue française en
Allemagne, 1761 , in-8 : c'est le meil-
leur de tous ses livres; 4" plusieurs Mé-
moires. Il mourut h Berlin en 17G7, avec
la réputation d'un homme savant, mais
qui faisait haïr ses connaissances par
sou caractère bizarre, difficile et em-
porté. Rien n'était moins décidé chez
lui que la religion. Dans plusieurs pas-
sages de ses écrits , il se déclare pour le
socinianisme ; dans d'autres , il affiche le
déisme : il a même donné , en faveur
des atomes d'Epicure , de creuses spécu-
lations sur les chances, solidement ré-
futées par les abbés Nonotte et Bergier ,
et même par Voltaire , dont le suffrarre
en pareille matière ne peut être suspect.
On trouve cependant dans ses ouvrages
PRE 99
des témoignages bien honorables au chris-
tianisme , et en particulier aux religieux,
qu'il regardé comme les sauveurs des
sciences, des arts et des lettres, dans
les temps d'ignorance et de barbarie.
PRENESTINUS, préteur dans l'ar-
mée de Papirius Cursor, vers l'an 320
avant J. C, n'imita point la valeur de
son général. Saisi d'une lâche frayeur ,
il mena sa troupe à un combat avec la
lenteur d'un homme qui craint la mort.
Le consul Papirius après la victoire le fit
venir , et se promenant devant sa lente ,
commanda au licteur de lever la hache.
A cet ordre, Prénestinus fut glacé d'effroi:
Cà donc , licteur , ajouta le consul , cou-
pez celte racine qui nuit au passage.
Il le renvoya ainsi , troublé par la crainte
du dernier supplice, et lui donna une
bonne leçon pour l'avenir.
PREPÔSITiVUS ( Pierre ) , théolo-
gien scolastique de l'université de Paris,
au commencement du 13^ siècle, a laissé
une Somme de théologie, qui n'a point
encore été imprimée.
* PRESEYOr (Joseph), juriscon-
sulte, naquit en 1740 à Dijon, fut avo-
cat , et ensuite président au parlement
de cette ville , où il mourut vers 1800.
On a de lui : Cours d'étude sur les lois
nouvelles, Dijon, 1790, < vol. in-8. Il
cultiva la poésie, et composa plusieurs
comédies qui ne furent pas imprimées.
PRESLES ( Raoul de ) , fils naturel
du fondateur du collège de Presles, avo-
cat-général au parlement de Paris, puis
maître des requêtes de l'hôtel du roi
Charles V, fut historien et poète de ce
prince. Ce fut par son ordre qu'il tra-
duisit en français La Cité de Dieu de
saint Augustin. Sa traduction a été im-
primée à Abbcville, en 148G, 2 vol.
in-fol. Elle est rare. Elle fut aussi im-
primée à Paris en 1 531 . C'est la première
version française de ce savant traité. Ou
a encore de Raoul un Traité des puis-
sances ecclésiastique et séculière , que
Goldasta fait imprimer dans le l*' tome
de sa Monarchie , comme favorable aux
principes protestans. C'est un abrégé du
Songe du f^ergicr, que fit de Tresles, à
la sollicitation du roi Charles V. Il y a
100 PRE
(le fortes raisons de croire qu'il a été aussi
I a II feu r du Songe du Vergicv , 1491,
iu-fol., et qu'on trouve encore dans les
Libertés de V Eglise gallicane , 1131, 4
vol. in-fol. ( Voyez Louvikrs. ) On a
encore de lui un traité intitulé Musa .,
mêlé de prose et de vers. C'est une fic-
tion contre les mœurs de son temps. La
traduction française de la Bible, qu'il a
laissée manuscrite , est une copie de
relie de Guyard des Moulins. De Presles
mourut en 1382.
* 1*RESSY (François- Joseph -Gaston
de Tartz de ) , évoque de Boulogne ,
né en 1712 au château d'Esquires , fut
un des élèves distingués de Saint Siil-
pice. Nommé évêque de noulo!][ne le 24
décembre 17 42 et sacré le l.Sscptem-
Itre de l'année suivante, il gouverna son
diocèse pendant 46 ans avec un zèle qui
ne se démentit jamais. Il y fit îles éla-
blissemens utiles, maintint la discipline
ecclésiastique parmi son clergé , l'affer-
mit par des statuts synodaux, institua
des retraites auxquelles lui-même assis-
tait, fonda un petit séminaire, veilla à
l'instruction des jeunes clercs qu'on y ad-
mettait, et ne laissa jamais manquer ses
ouailles de l'enseignement qui leur était
nécessaire. Sa cbarité n'avait point de
bornes ; non seulement les pauvres de son
diocèse se ressentaient de ses libéralités ,
elles s'étendaient au dehors et souvent
uu loin; car il fournissait des .sommes
pour la rédemption des captifs. Il entre-
tenait des catéchistes dans les mi.ssions
étrangères , et il n'était aucune bonne
œuvre à laquelle il ne s'empressât de
coopérer. En 1762, il adhéra à la lettre
de 2 1 évêques , en date du 1 1 juin , adres-
sée au roi en plainte des usurpations du
parlement sur l'autorité ecclésiastique.
II s'exprima avec énergie sur le même
sujet dans un de ses Mandcmens , que le
corps contre les prétentions duquel il
.s'exprimait ne manqua pas de supprimer.
L'évêquede Boulogne fut membre de l'as-
semblée générale du clergé de 17C0, et
partagea les efforts qu'eliefit pour arrêter
les progrès de l'incrédulité. Il publia dif-
férens mandcmens pour en préserver son
diocèse. Les principaux de ses écrils
PRE
sont: i'^ \xn Mandement pour le renouvel
lemcnt public et annuel des vœux du
baptême , 1758 ; 2° un autre sur les con-
férences ecclésiastiques f 1765; 3"un5«/'
l'obligation d'instruire , et sur la fête du
sacre Cœur , 1 7 66 ; 4" un pour l Adora-
tion perpétuelle du St.-Sacrcment, 177 5;
5" un en 1 7 7 6 , pour la pratique du souve-
nir delà mort de J. C, à quoi il faut ajou-
ter : 6" des Instructions pastorales et
des dissertations théologiques sur l'ac-
cord de la foi et de la raison dans les
mystères, considérés en général et en
particulier , 2 vol. in-4. Ces instructions
furent répandues à diverses dates : il y
est traité des Mystères en général et de
chacun en particulier , de la grâce, de
Veuchnristie , de la création, etc. Les
matières y sont discutées avec soin , et les
preuves établies d'une manière solide.
Une critique sévère pourrait trouver dans
ces écrits de la diffusion , et quelquefois
une métaphysique un peu obscure ; mais
l'un de ces défauts tient à la nature du
sujet, et l'on est quelquefois obligé d'être
diffus afin de se faire entendre, surtout
du peuple, pour qui cet excellent évê-
que écrivait. On ne peut pas aussi facile-
ment excuser quelques opinions erronées
ou inexactes, que l'auteur aurait pu se
dispenser de soutenir. Il mourut en oc-
tobre 1789, au moment où la révolution
offrait déjà un aspect sinistre. Il eut pour
successeur M. Asseline, que la persécu-
tion força bientôt d'abandonner son trou-
peau. ( Voyez son article. )
PRESTÈÏ ( Jean ) , prêtre de l'Ora-
toire , était fils d'un huissier de Cbàions
sur-Saône; il vint jeune à Paris, et en-
tra au service du PèreMalebranche , qui,
lui trouvant des dispositions pour les
sciences, lui apprit les mathématiques.
Le disciple y fit en peu de temps de si
grands progrès , qu'à l'àgc de 27 ans ,
en 1675, il donna la 2^ édition de ses
Elémens de mathématiques. La nieil-
leui'e édition de cet ouvrage est celle de
1689, en 2 vol. in-4. On y trouve un
très grand nombre de problèmes cu-
rieux , dont les jeunes mathématiciens
peuvent se servir comme d'exemples pour
s'exercer. Le Père Prestel trouve par l'art
\
PRE
lies combinaisons, que ce vers latin:
Tôt lilii itintdot», Virgo, quot sidéra cœlo.
peut être varie en 3376 manières, sans
cesser d'èlre vers : ce qui paraîtrait in-
croyable, si on ne savait pas que ces
combinaisous sont en raison du nombre
des mots, multiplié par le nombre pré-
cédent , aussi multiplié par celui qui
précède, et cela en remontant jusqu'à
l'unité, de manière que si les buit mots
de ce vers étaient absolument disponi-
bles dans tous les sens, on pourrait le
changer 40320 fois. ( Voyez Sessa ).
Lorsqu'il publia cet ouvrage , il n'était
pas encore de l'Oratoire : il y entra la
même année, et après avoir professé les
matliématiques avec distinction , surtout
à Angers, il mourut à Malines en 1G90,
laissant une mémoire clière au public et
à ses confrères.
PRESTRE( Claude Le ) , conseiller au
parlement de Paris, sur la fin du 17*
siècle, était un magistrat recomman-
dable par sa piété et par son intégrité.
On a de lui : 1° un recueil fort estimé
sous le titre de Questions de droit , avec
200 arrêts et des observations. La meil-
leure édition de ce recueil est celle de
167G, par Guéret, qui l'a enrichie de
noies et de cent autres arrêts. 2° Uh
Traité des mariages clandestins , et les
Arrêtés de la 6« chambre des enquêtes.
Ces ouvrages sont recherchés par les ju-
risconsultes.
PRESTRE C Sébastien Le ), plus
connu sous le nom de Vauban , fils d'Ur-
bain le Prestre , seigneur de Vauban , na-
quit en 1G33. Il commença à porter les
armes dès l'âge de 1 7 ans. Ses talens et
son génie extraordinaire pour les fortifi-
cations se firent aussitôt connaître , et
parurent avec éclat au siège de Sainte-
Menehould en 1652. Vauban avait servi
jusqu'alors sous le prince de Condé, gé-
néral des armées espagnoles, contre la
France. Il fut pris par un parti français,
et le cardinal Mazarin l'engagea au ser-
vice du roi. Celte même année Vauban
servit d'ingénieur au second siège de
Sainte-Menehould, qui fut reprise par
l'armée rovalc. Il fit ensuite les fonctions
PRE loi
d'ingénieur an siège de Stenay en 1664,
de Landreciesen 1655, de Valenciennes
en 1 656, et de Montmédi en 1657. L'année
d'après, il conduisit en chef les sièges
de Gravelines , d'Ypres et d'Oudenarde.
Après la paix des Pyrénées , le jeune in-
génieur s'occupa à démolir des places
ou à en construire. Quand la guerre se
ralluma en 1667, il eut la principale
conduite des sièges que le roi fit en per-
sonne. Il reçut au siège de Douai un
coup de mousquet à la joue , et continua
de servir. Il fut occupé, en 1668, à
faire des projets de fortification pour les
places de la Franche-Comté , de la Flan-
dre et de l'Artois. Le roi lui donna le
gouvernement de la citadelle de Lille,
qu'il ve^ait de construire; et ce fut le
premier gouvernement de cette nature
en France. La paix ayant été conclue à
Aix-la-Chapelle , il n'en travailla pas
moins que pendant la guerre. Il alla en
Piémont avec Louvois, donna au duc de
Savoie des dessins pour Verue , Verceil ,
Turin , et reçut de ce prince son por-
trait enrichi de diamans. La guerre de
167 2 lui fournit de nouvelles occasions
de signaler son génie. Il conduisit tous
les sièges auxquels le roi se trouva. Ce
fut à celui de Maëstricht , en 1 673 , qu'il
commença à se servir d'une méthode sin-
gulière pour l'attaque des places. Il fit
changer de face à cette terrible et im-
portante partie de la guerre. Les fa-
meuses parallèles , connues depuis le
siège de Candie en 1669, ei\es places
d'armes furent mises en exécution. De-
puis lors il ne cessa d'inventer, tantôt
les cavaliers de tranchées , tantôt ua
nouvel usage des sapes el des demi-sapes^
tantôt les batteries en ricochet ; et par
ces inventions nouvelles , il satisfit à ses^
vues principales, la conservation des
hommes. En 1677, Valenciennes fut prise
d'assaut, et l'attaque de cette place fut
faite en plein jour. Ce fut Vauban qui
donna ce conseil , pour empêcher qu'une
partie desassiègeansne tirât sur l'autre,
et que la nuit ne favorisât la pusillani-
mité des lâches. L'usage ancien ètaitque
les attaques se fissent pendant la nuit.
La paix de N'.mègue lui ôta le pénible
102 PRE
emploi de prendre des places ; mais il en
eut un plus grand nombre à fortifier. Il
fit le fameux port de Dunkerque, son
chef-d'œuvre, et par conséquent celui
de l'art. Strasbourg et Casai furent en-
suite ses travaux les plus considérables.
La guerre , qui recommença en 1 683, lui
donna l'année suivante l'occasion de
prendre Luxembourg, place forte par sa
situation , mais qui alors n'avait presque
aucun des ouvrages extérieurs qui la ren-
dent aujourd'hui si vaste et si redoutable.
En 1688, il fit, sous les ordres du Dau-
phin , les sièges dePhilisbourg , de Man-
heim et de Frankenthal. Ce prince le ré-
compensa de ses services, en lui donnant
quatre pièces de canon à son choix pour
mettre à son château de Bazoche : privi-
lège unique jusqu'alors. Une maladie
l'ayant mis hors d'état d'agir en 1690,
il répara cette oisivelé involontaire par
la prise de Mons en 1691, de Namur en
1692; par le siège de Charleroi en 1693;
par la défense de la Basse-Bretagne con-
tre les desseins des Anglais, en 1694 et
1695 ; enfin par le siège d'Alh en 1G97.
La succession d'Espagne ayant fait re-
naître la guerre, il était à Namur en
1703 lorsqu'il reçut le bâton de maré-
chal de France. Il prit à la fin de celle
année le Vieux-Brisach , et mourut en
1707, d'une fluxion de poitrine, à 74
ans , après avoir travaillé à 300 places
anciennes , et en avoir construit 33 nou-
velles ; et après s'être trouvé à 140 ac-
tions de vigueur et avoir conduit 63
sièges. Le maréchal de Vauban était un
ancien Bomain sous les traits d'un Fran-
çais. Sujet plein de fidélité et nullement
courtisan, il aimait mieux servir que
plaire. 11 méprisait celle politesse super-
ficielle, qui couvre souvent tant de du-
reté ; mais sa bonté, son .humanité, sa
libéralité , lui composaient une autre po-
litesse plus rare , qui était dans son cœur.
Dans ses voyages, il s'informait avec
soin de tous les détails de l'agriculture
et du commerce. Il avait recueilli le pro-
digieux nombre d'idées qui s'étaient pré-
sentées à son esprit pour le bien public.
De toutes ces difTèrentes vues, il avait
composé 12 gros volumes manuscrits,
PRE
qu'il intitula ses Oisivetés. Fortifica-
tions, détail des places, discipline mi-
litaire, campemens, manœuvres, cour-
ses par mer en temps de guerre, finan-
ces , culture des forêts , colonies fran-
çaises , il embrasse tout ; mais ses vues
ne sont pas toutes praticables. L'aca-
démie des Sciences se l'associa en 1699,
comme un homme qui ferait autant
d'honneur à son corps qu'il en faisait ci
la France. Outre les Oisivetés , il y a
encore plusieurs ouvrages qu'il a faits ,
ou qu'on lui attribue, ou que l'on dit
avoir été composés sur ses idées. i° Ma-
nière de fortifier , par M. de F'auban ,
mise en ordre par M. le chevalier de
Cambrai, Amsterdam, 1689 et 1692,
in- 8 et in-12 ; Paris, in-8, sous ce titre,
l'Ingénieur français... Hébert, profes-
seur de mathématiques , a joint ses notes
à cet ouvrage. Coignard le réimprima à
Paris en 1691, in-12 , avec les notes de
l'abbé du Fay. Celte édition fut contre-
faite à Amsterdam, en 1702 et 1727, eu
2 vol. in-4. 2° Nouveau Traite de Vat-
taque et de la défense des places , sui-
vant le système de M. de Vauban., par
M. Desprez de Saint-Savin, Paris, 1736,
in-8 , excellent; 3" Essais sur la forti-
fication ^jtdir M. de Vauban, Paris, 1740,
in-1 2. Ceux qui ont considéré cet homme
célèbre comme l'invenleur de la fortifi-
cation moderne ne font pas attention au
grand nombre de places antérieurement
construites selon les mêmes idées en gé-
néral. Cependant on ne peut contester à
cet habile ingénieur d'avoir construit des
places dont on respecte encore les for-
tifications, et d'y avoir ménagé une dé-
fense plus solide et plus facile que celle
qu'offraient , au moins en France , les an-
ciennes fortifications. 4" Projet d'une
dîme royale , supprimant la taille , les
aides , les décimes du clergé , et tous les
autres impôts. Projet romanesque, qui
a paru inexécutable , et contraire à plus
d'un principe, Bouen, 1707, in-4. 5"
Le Testament politique de M. de Vau-
ban, imprimé en 1708, in-12, est de
Pierre Le Pesant, sieur de Bois-Guille-
bert, lieutenant-général au bailliage de
Bouen , mort en 1714. Cet écrit avait d'à-
PRB
bord paru sous le litre d« Dt'tail de la
France.
PRESTRE ( Antoine Le ) , parent du
précédent, après s'être signalé en 1703
au siège de Brisach , et en 1 7 1 4 à celui
de Barcelone, fut fait lieutenant général,
et obtint l'érection de sa terre de Saint-
Sernin en comté , sous le nom de Vau-
ban. 11 mourut dans son gouvernement
de Béthune , en 1731, à 77 ans. Il avait
alors 58 ans de service , et s'était trouvé
à 44 sièges, et avait reçu 18 blessures
considérables.
PRÉTEXTAT( Saint ), évêque de
Rouen , craignant les suites d'un com-
merce scandaleux, maria en 676 Méro-
vée , fils de Cliildéric , avec Brunehaut sa
tanle, persuadé que le cas était assez
ptessanl pour autoriser une telle dis-
pense; mais le concile de Paris , en 577,
eujugea tout autrement , et le condamna ;
le roi l'exila dans une petite île de la
Basse-Normandie. Quelques auteurs pré-
tendent que Prétextât ne donna pas cette
dispense ; mais que le mariage s'étant
fait à Rouen , il parut être en faute. En
tout cas , la dispense était nulle , puisque
les évoques ne peuvent dispenser à vo-
lonté dans les lois de l'Eglise univer-
selle ; et c'est vainement que quelques
novateurs ont cité cet exemple pour ren-
verser les règles établies : car si la dis-
pense a été donnée, Prétextât en a été
puni, et ce n'est pas par le délit, mais
par la punition qu'il faut juger des prin-
cipes alors reçus daus l'Eglise. On peut
voir sur cette matière divers Traités pu-
bliés dans ces dernières années : f^e'ri-
table elal du différend e'ieuc entre. le
nonce apostolique résident à Cologne et
les trois électeurs ecclésiastiques , 1787;
Coup d'œil sur le congrès d'Ems, 1 7 87 ;
Béflexious sur les 73 art. du pro Me-
moria de V archevêque de Cologne, 1788.
( Voyez Collet. ) Prétextât, de retour
dans son diocèse , continua de veiller
avec soin à Id garde de son troupeau. Il
lâcha par ses exhortations d'ouvrir les
yeux à Frédégonde sur l'énormité de ses
crimes ; mais celle princesse , au lieu de
profiter de ses exhortations, le fit assas-
siner le 25 février 588.
PRE io3
PRÉTI ( Jérôme ) , natif de Toscane ,
mort à Barcelone en 1()2G, s'est fait un
nom parmi les poètes d'Italie. De toutes
les poésies de son recueil , imprimé en
1666, in-12, la pièce dont on fait le
plus de cas est l'idylle de Salinacis.
PRÉTI ( Mathias ). Foyez Cala-
BROIS.
*PRÉVILLE( Pierre-Louis Dubus
mT ) , l'un des plus grands acteurs comi-
ques qui aient paru sur la scène française,
naquit à Paris en 1721 d'une famille
honnête, et fut d'abord destiné à l'état
ecclésiastique ; mais ayant fui la maison
paternelle pour des étourderies , il fut
oblige pendant quelque temps de servir
d'aide à des maçons. Il s'engagea ensuite
dans une troupe de comédiens de cam-
pagne , et joua successivement à Stras-
bourg, à Dijon, à Rouen, à Lyon, et
devint directeur du spectacle de cette
ville. Appelé à Paris par les gentilshom-
mes de la chambre , il débuta sur le
théâtre de la comédie française le 20
septembre 1753, et fit pendant 33 ans
les délices de la. capitale. Il quitta le
théâtre en 1786, et y reparut en 1791,
dans l'intention de venir au secours de ses
camarades ruinés par les événemens poli-
tiques. Quelque temps après son esprit
s'affaiblit ; il se retira chez sa fille aînée
à Beauvais, où il mourut aveugle en
17 09. Un monument a été élevé dans
la ville à sa mémoire. Il avait épousé
M.''^Drouin, qui jouait la comédie avec
beaucoup de naturel et d'esprit. Préville
était membre associé de l'Institut, depuis
la première formation. Ses Mémoires ont
été publiés par Cahaïsse , Paris , 1812,
ln-8; 1823avecune7Vbftc'eparM. Ourry.
Celte dernière édition fait partie de la
Collection des mémoires sur Fart dama-
tique.
PREVOST D'EXMES( François
Le ) , naquit à Caen le 29 septembre
1 729. Il passa en Lorraine , et entra dans
les gardes-du-corps de Stanislas , roi de
Pologne. H cultivait les lettres avec suc-
cès, et se fit connaître à la cour de Lu-
néville par une Ode qui obtint une men-
tion honorable à l'académie de Nancy.
Il donna aussi quelques Comédies qui
io4 PRE
furent bien reçues du public. Ëncouraf'é
par SCS essais, il quitta le service mili-
taire pour se fixer à Paris , et donna aux
Italiens ie^ Thcssalicnnes. Peu de temps
après , il obtint une place qui réparait
en partie la perle de sa fortune, qu'a-
vaient engloutie plusieurs faillites. La
révolution le priva de cette seule res-
source , et le plongea dans la plus af-
freuse misère. Naturellement timide , et
n'osant confier sa détresse à ses plus
chers amis , il se vit contraint , en 1"! 93,
de se retirer à l'hospice de la Charité, à
Paris, où il mourut vers 1799. Il a laissé
1° Les trois Rivaux , opéra comique ; La
Nouvelle réconciliation , comédie en un
acte , jouée sur le théâtre de Lunéville ;
Les T/ies salienncs y comédie en 3 actes,
1752; 2" Rosel, ou l' Homme heureux.
On trouve dans cet ouvrage, d'ailleurs
très bien écrit , de sages conseils qu'un"
père donne à son fils. 3" f^ies de Lulli
et de Julicnne-lc-Roi , insérée dans le
Nécrologe des hommes de lettres ; 4°
Elénicns du Parnasse, qu'il rédigea pen-
dant plusieurs années ; 6° Trésor de la
littérature étrangère , qui eut beaucoup
de succès , et dont on aurait souhaité la
continuation. Le Prévost a travaillé au
Journal des speclacles , et a fait les pa-
roles de Oratorio pour les concerts spi-
rituels. Il a laissé manuscrite une His-
toire de la dernière guerre ( 1779) de
l'empereur d'Autriche contre les Turcs.
* PRÉVOST DE SAllNT-LUCIEN
( Roch-Henri) , né à Paris en 1740, mort
en 1808 , était avocat au parlement. Il a
composé plusieurs ouvrages utiles : 1°
Principes élémentaires de la grammaire
française , mis à la portée des cnfans
du premier âge ; 2° l Arithmétique sim-
ple démontrée en six leçons ; 3° l'Arith-
métique composée rapprochaut V an-
cienne et la nouvelle manière de compter;
4° MoT/ens d'extirper l'usure , ou projet
d'établissement d'une caisse de prêt pu-
blic sur tous les biens des hommes ; 5°
plusieurs Mémoires dans des causes im-
portantes. Il a eu part à l'y/// du peintre,
doreur et vernissenr , et a travaillé au
Journal encyclopédique.
' PRÉVOST (IsaacBéncdicl), pby-
PRE
sicicn et naturaliste, né à Genève en 1 7.S5,
devint professeur à la faculté de théolo-
gie prolestante de Montauban , cl fut l'un
des fondalcurs de l'académie des Scien-
ces de cette dernière ville. Il était aussi
membre de plusieurs sociétés savantes.
Il est mort dans celte dernière ville eu
! 8 1 9. On lui doit un ouvrage estimé , in-
titulé : Mémoire sur la cause immédiate
de la carie ou du charbon , des blés et
de plusieurs autres maladies des plantes,
Paris, 1807 , in-8 ; et nu grand nombre
de Mémoires dans divers recueils scien-
tifiques.
"PRÉVOST (Pierre), peintre célè-
bre , né en 17G4 à Montigni près de Châ-
teau d'une famille peu aisée, fut cepen-
dant envoyé à Paris par ses parens qui se
résignèrent à faire des sacrifices pour sa-
tisfaire le goût invincible qu'il avait pour
la peinture. Il avait 20 ans lorsqu'il y
arriva , et par un travail opiniâtre et les
sages conseils de Valenciennes , son maî-
tre, il parvint bieniôl à composer divers
paysages qu'il exposa au salon du Lou-
vre, et qui lui méritèrent les suftVages
des connaisseurs et des artistes. A celle
époque , l'Américain Fullon vint en
France pour y faire connaître les Pano-
ramas ou f^ucs circulaires d'une ville ou
d'unvaste site, d'un horizon, qui avaient'
élénouvellementinvenlésen Angleterre,
et par conséquent étaient encore impar-
faits. Prévost s'adonna dès lors à ce genre
de peinture, et il le porta au plus haut
degré de perfection. Il donna d'abord
cdui de Paris , dont les habitans purent
juger de la fidélité , et il fut suivi de 17
autres, qui furent exécutés d'après des
dessins pris sur les lieux par l'auleur lui-
même ; ceux qui obtinrent le plus de
succès sont : Rome, Naples, Amster-
dam , Boulogne , Tilsitt , U^agram ,
Anvers, Londres, Calais , Jérusalem ,
Athènes. Prévost , pources grandes com-
posilions.eut pour collaborateurs Boulon,
et plus tard , Cochcreau , son neveu , que
la mort lui enleva en 1817. Cette perle
empoi-sonna ses derniers jours ; une ma-
ladie de langueur l'enleva lui-même le
9 janvier 1823. Peu de peintres ont su
rendre avec autant de talent que lui les
PRE
differens aspects de la campagne , et re-
produire sur la toile , îivec une vérité
aussi frappante, la nature dans tous ses
détails et dans toutes ses formes. Prévost
a encore très bien réussi à exécuter à
l'buile des compositions dans la dimen-
sion la plus réduite, et qui sont précieu-
ses par le charme du coloris et la légèreté
du dessin. Il excellait aussi à faire la
gouache.
PREVOT ( Jean ) , fameux par ses
prestiges, dans le 14* siècle. Un abbé de
l'ordre de Cîteaux, ayant perdu une
somme considérable d'argent , il entre-
prit de la lui faire recouvrer par ses sor-
tilèges. Mais ayant été découvert dans le
temps de l'opération , il fut condamné à
être brûlé vif avec Jean Persant, qui pas-
sait pour un grand maître dans l'art des
sortilèges. Les complices, qui étaient un
moine apostat de l'ordre de Cîteaux, dis-
ciple de Persant , l'abbé deSarconcelles,
du même ordre, et quelques chanoines
réguliers, furent dégradés et condamnés
à une prison perpétuelle. Ces faits , tout
extraordinaires qu'ils paraissent, ne sont
point d'une autre nature que ceux sur
lesquels le parlement de Paris portait des
jugemens bien réfléchis à la An du 17*
siècle ( 1C88).
PRÉVÔT (Jean), Prœpositus, savant
médecin , né à Dilsberg, dans le diocèse
de Bâle , en 1585 , exerça son art avec
succès àPadoue. On a de lui : 1° Opéra
mcdica, 1G5C, in-12; 2" De morbosis
i4ten passionibus , lG6d , in-8 ; 3° De
urinis, 1667, in-12. Il mourut à Padoue
en 1631.
PRÉVÔT ( Pierre-Robert Le ) , cha-
noine de l'église de Chartres, né à Rouen,
en 1675, montra dès sa jeunesse un goût
décidé pour l'éloquence de la chaire. La
ville où il avait reçu le jour, applaudit
à ses premiers essais. Il vint à Paris, pour
s'y former sur le modèle des grands maî-
tres ; et bientôt il fut recherché avec em-
pressement, et toujours écouté avec un
nouveau plaisir. Il ne fut pas moins goûté
à la cour, où il prêcha les Avens de 1714
et de 1727, et le carême de 1721. Il mou-
rut à Pari.s 1736. On a de lui un Pane-
gyrique de saint Louis , et quatre Orai-
XI.
PRÉ io5
. sons funèbres ; la plus belle est celle du
duc de Berry. Elles ont été imprimées à
Paris, en 1765, in-12.
PRÉVÔT ( Claude- Joseph ) , avocat
au parlement de Paris, mort eu 1753, à
81 ans, se fit un nom par ses consulta-
tions et par ses livres. Nous avons de lui:
1° Règlement des scellés et inventaires^
1734 , in-4 ; 2° La manière de poursui-
vre les crimes, ou Lois criminelles, 1739,
2 vol. in-4 ; 3'^ Principes de jurispru-
dence sur les visites et rapports des mé-
decins, chirurgiens, accoucheurs et sa-
ges-femmes, 1763, in-12.
PRÉVÔT ou Prévost d'Exilés ( An-
toine-François ), écrivain fécond du 1 8*
siècle , naquit en 1697 , à Hesdin, petite
ville de l'Artois , d'un procureur du roi
au bailliage. Après avoir fait de bonnes
études chez les jésuites, il prit l'habit de
cette société , et le quitta quelques mois
après pour porter les armes. Il s'enrôla
en qualité de simple volontaire; mais
fâché de point en avancer dans cette car-
rière-, il retourna chez les jésuites , d'où
il sortit encore quelque temps après. Son
goût pour le service militaire s'étant ré-
veillé dans le cloître, il reprit les armes.
Quelques années s'écoulèrent dans les
plaisirs frivoles de la vie dissipée d'un
officier. La malheureuse fin d'un engage-
ment trop tendre le fit entrer chez les bé-
nédictinl de Saint-Maur. (Il se livra d'a-
bord à l'enseignement , et puis à la pré-
dication, où il obtint beaucoup de succès.
Envoj'é à l'abbaye de Saint-Germain-
des-Prés , il travailla à la Gallia chris-
tiana, dont il composa un volume pres-
que entier.) L'élude amortit un peu ses
passions, mais son cœur brûlait sous la
cendre. Tourmenté par le souvenir des
faux appâts du monde , il prit occasion
d'un petit mécontentement pour quitter
sa congrégation et son habit. (Il avait
obtenu de Rome d'être transféré à l'ab-
baye de Cluni; mais l'évêque d'.\miens
exigea, pour le lui permettre, de meil-
leures raisons que l'instabilité de son ca-
ractère ; Prévôt était déjà sorti de son
monastère , et ayant appris la résolution
de l'évêquc, il crut prudent de s'éloigner
delà France. } Il passa en Hollande, eu
14.
io6
PRE
1729. Se trouvant sans fortune, îl clicr-
cha des ressources dans ses talens. Il
avait comiiosé à Saint-Germain les deux
premières parties de ses Mémoires d'un
homme de qualité : il les mit au jour , et
le succès de cet ouvrage fut aussi utile à
sa bourse qu'à sa réputation. Fixe à La
Haye, il lia connaissance avec une
femme, et leur liaison donna lieu à des
Lruits désagréables. Diverses raisons
l'ayant obligé de passer en Angleterre ,
à la fm de 1733 , celte femme l'y suivit.
Londres aurait pu être pour lui un séjour
délicieux ; mais la qualité de moine apo-
stat et de littérateur vagabond était
de grandes taches. Il avait entrepris un
Journal sous le titre de Le Pour et le
Contre. Quelque soin qu'il eût de ména-
ger l'amour-propre des auteurs , il dé-
plaisait toujours à quelqu'un : on l'acca-
blait de brocards ; on rappelait ses aven-
tures , on prédisait « qu'il irait à Cou-
» slantinople se faire circoncire , et que
» de là il pourrait gagner le Japon pour
j) y fixer ses courses et sa religion. » Las
de lutter contre ses folies et celles des
autres, il sollicita son retour en France.
Ses ouvrages lui avaient fait des protec-
teurs qui lui obtinrent cette permission.
Il repassa à Paris , dans l'automne de
1734, y prit le petit-collet, et vécut
tranquillement sous la protection du
prince de Conti , qui l'honora des titres
de sou aumônier et de son secrétaire. Le
choix que le chancelier d'Aguesseaufit de
lui ,en 1745 , pour V Histoire générale
des voyages , lui donna une nouvelle
considération. Sa mort fut accompagnée
d'une circonstance tragique: Il fut frappe
le 23 octobre 1763, dans la forêt de Chan-
tilly , d'une attaque d'apoplexie , à la
C6* année de son âge. On le crut mort ,
et on le porta chez le curé du village le
plus voisin. La justice fit procéder à l'ou-
verture du corps. Un cri fit connaître au
chirurgien que l'abbé était encore en vie ;
mais c'était trop tard , le coup mortel
était porté. Accident tragique qui rap-
pelle celui du cardinal d'F.spinosa , dont
les circonstances sont exactement les
mêmes. L'abbé ne mourut cependant pas
tout de suite ; on le transporta à Paris,
PRÉ
et l'on appela le fameux chirurgien
M. Louis : c'est à cette occasion qu'on lit
dansle /o«rnaZ çe'nemZ, par M. deFon-
tenai , 1792, n° 188, cette anecdote,
digne de la philosophie du jour : r An-
» cien ami de M. l'abbé Prévôt , M. Louis
» l'abandonna , par cette .seule raison ,
» que chrétien éclairé, mais long-temps
» égaré , il avait jugé devoir consacrer à
» la religion ses derniers momeus. » Ses
ouvrages sont ; 1" Mémoires d'un homme
de qualité qui s'est retiré du monde , en
G vol. in-12, 1729. Ce roman renferme
plusieurs récits intéressaus, des réflexions
fines et délicates , et des historiettes as-
sez agréables. La morale qui y règne est
noble et utile , mais quelquefois dépla-
cée, et presque toujours trop longue.
2° Histoire de M. Cléveland, fils naturel
de Cromwel, 1732 , 6 vol. in-12. L'au-
teur s'appesantit sur les détails; il in-
vente mal ; quoique les récits soient ho-
nêtes et circonspects , l'impression gé-
nérale de l'ouvrage n'est pas en faveur
des bonnes mœurs. 3° Histoire du che-
valier des Grieux et de Manon Lescaut,
1733, in-12. Le héros de ce roman est un
jeune homme vertueux et vicieux tout
ensemble , pensant bien et agissant mal,
aimable par ses sentimens, et détestable
par ses actions : on sait que ces sortes de
tableaux ne servent guère à multiplier et
à renforcer les vertus. 4° Le Pour et le
Contre, ouvrage périodique, dans le-
quel on s'explique librement en matière
de sciences, d'arts, délivres, etc., 1733,
et années suivantes, 20 vol. in-12. Ce
journal eut moins de succès que les feuil-
les de l'abbé Desfontaines: on y trouve
cependant des morceaux intéressans et
une littérature variée. 5" Histoire uni-
verselle de M. de Thou , traduite en
français, 1733, in-4. Il n'en a paru que
le premier volume, parce que l'abbé Des-
fontaines travaillait dans le même temps
à une traduction de cette Histoire. Celle
de l'abbé Prévôt est assez négligée , et le
texte s'y trouve noyé dans un long com-
mentaire. C° Tout pour l'amour, et le
monde bien perdu, oulaMort d'Antoine
et de Cléopâtre, tragédie traduite de l'an-
glais, 1735, in-12. Le slile de cet ou-
λRÉ
vrage est vif, nombreux , élégant , sans
uft'cclalion, et la version est assez fidèle.
1° Le doyen de Killerine, histoire mo-
rale, en 6 vol.in-12, 1735 : roman ver-
beux et assez mal imaginé ; 8° Histoire
de Marguerite d'Anjou, reine d'Angle-
terre, contenant les guerres de la maison
de Lancaslre contre la maison d'York ,
1740, 2 vol. in-12. Quoique cet ouvrage
doive être rangé autant dans la classe des
romans que dans celle des histoires, on
le lut avec avidité. La narration en est
agréable et les faits singuliers. 9° His-
toire d'une Grecque moderne, 1741 ,
2 vol. in-12 : roman qui a eu du succès;
10" Campagnes philosophiques , ou Mé-
moires de M. de Montcalm , aidede-
camp de M. le maréchal de Schomberg,
contenant VHistoire de la guerre d'Ir-
lande , 1741 , 2 vol. in-12. C'est un mé-
lange de fictions et de vérités quelquefois
mal assorties, mais toujours rendues avec
beaucoup d'agrément. 11" Me'moires
pour servir à l'histoire de Malte, ou His-
toire du commandeur de***, 1742, 2 vol.
in-1 2 ; 1 2" Histoire de Guillaume le Con-
quérant, roi d'Angleterre , 1742 , 2 vol.
in-12. 11 y a trop d'intrigues de cabinet
et de galanterie , trop de ressorts de po-
litique, et pointasses de cette simplicité
noble qui est le véritable ornement de
l'histoire. 13" F'oyage du capitaine Ro-
bert Lade en différentes parties de VA-
frique, de l'Asie et de l'Amérique, conte-
nant l'histoire de sa fortune , et ses ob-
servations sur les colonies et le com-
merce des Espagnols , des Anglais , des
Hollandais, etc., ouvrage traduit de
l anglais, \m, 2 \o\. in-12 : relation
intéressante et curieuse; ii° Lettres de
Cice'ron à U rut us traduites en français,
avec des notes, 1744 , in-1 2 ; 15" His-
toire de la vie de Cice'ron , tire'e de ses
écrits et des monumens de son siècle avec
les preuves etdes éclaircisseniens , com-
posée sur l'ouvrage anglais de M. Midd-
leton, 1743 , 4 vol. in-12. Cet ouvrage ,
fait à la hâte , aurait demandé plus de
soin, de méthode, de précision et de
goût. 1 Q" Mémoire d^un honnête homme,
1745 : roman qui a peu réussi ; 17° His-
toire générale des voyages depuis le com-
PRE 107
mencement du 1 5* siècle, contenant ce
qu'il y a de plus curieux , de plus utile
et de mieux vérifié dans toutes les rela-
tions des différentes nations du monde ;
ouvrage traduit d^abord de l'anglais, et
continué depuis V interruption des pre-
miers auteurs par ordre de monseigneur
le chancelier de France, 1745, et an-
nées suivantes, 16 vol. in-4 ; et G4 vol.
in-12. La Table des matières a été com-
posée par M. Chorapré. Cette Histoire a
été continuée par M. de Querlon, et en-
suite par M. Deleyre, Paris, 1768-1770,
12 volumes in-12. M. de Laharpe en a
donné un Abrégé en 21 vol. in-8 , Paris,
1780, et un vol. de cartes, in-4. (C'est
M. l'abbé du Tems qui en a fait la plus
grande partie ). 18" Lettres de Cice'ron,
qu'on nomme vulgairement familières,
traduites en français sur les éditionsde
Grévius et de M. V abbé d' Olivet , avec
desnotes , 1746 , 5 vol. in-12. Cette ver-
sion ressemble à un excellent original
écrit en français. 19" Manuel lexique,
ou Dictionnaire portatif des mots fran-
çais dont la signification n'est pas fami-
lière à tout le monde ; ouvrage utile aux
personnes qui veulent écrire et parler
juste, 1751 , 1 vol. in-8, 1754 ; nouvelle
édition , augmentée d'un Abrégé de la
grammaire française, 2 vol. in-8. C'est
un des meilleurs dictionnaires qui aient
été donnés dans ces derniers temps. U
renferme des définitions claires et pré-
cises. M. de Boille, chanoine régulier
d'Eaucourt , en a donné une édition aug-
mentée àLicgc, 1788; mais n'ayant pu
veiller par lui-même sur l'impression , il
a vu son travail défiguré par un grand
nombre de fautes typographiques. 20°
Lettres de miss Clarisse Harlowe , en
12 parties, 1751 : ce roman est traduit
de l'anglais de Richardson; 21" Histoire
de sir Charles Grandisson , contenue
dans une suite de lettres, publiées sur les
originaux, par l'éditeur de Paméla et
de Clarisse; ouvrage traduit de l'an-
glais, 1755 , 8 parties in-12 ; 22" Mé-
moires pour servir à V histoire du cœur
humain, 1760, 4 vol. in-12; 2Z° His-
toire de la maison de Stuart sur le trône
d! Angleterre, traduite de Vanglais de
[o8
PRE
M. Hume, I7fi0 , 3 vol. in-4 , ou 6 vol.
in-12. L'original esl, comme l'on sait, le
fruit de l'esprit protestant et philoso-
phique; à ce défaut , la traduction joint
un air étranger, un stile souvent epibar-
rassé, semé d'anglicismes , d'expressions
peu françaises, de tours durs, de phra-
ses louches et mal construites. 24" Me-
moires pour servir à l'histoire de la
vertu , 1762 , 4 vol. in-12; 2b°Almeran
et Carnet, 1762,2 vol. in-12; 26" Let-
tres de Mentor à un jeune seigneur, 1764,
in-12. Ces trois ouvrages, dont le der-
nier est posthume, ont été traduits de
l'anglais. L'abbé Prévôt était un écrivain
d'une imagination belle et riche. On doit
déplorer qu'un homme capable des pro-
ductions les plus utiles ait consacré la
moitié de sa vie à un genre pernicieux,
recueil de la vertu, l'opprobre de la rai-
son , et le délire de l'imagination. Ce
n'est pas qu'on veuille proscrire les l'o-
mans qui ne blessent point l'honnêteté
des mœurs , qui ne roulent point sur
une fade galanterie, et qui mènent à la
vertu par l'agrément. Il faudrait être de
bien mauvaise humeur pour désapprou-
ver Têle'maque, Se'thos, et quelques
autres ouvrages qui ne sont, pour ainsi
dire, que des cours de morale ; mais il
faudrait être aussi bien indulgent pour ne
pas condamner ces écrits frivoles , qui,
par la vivacité des situations , la ten-
dresse des sentimens , amollissent l'âme
et lui inspirent les passions les plus fu-
nestes. Ceux de l'abbé Prévôt, qui ont
été réunis en 54 vol. , sont presque tous
dans ce dernier genre. Il est vrai que la
morale suit partout ses héros , et jusque
dans les plaisirs ; mais la vertu n'y est
qu'eu maximes , et le vice y est mis en ac-
tion ; et s'ils parlent comme Sénèque, ils
agissent comme Pétrone. On a donné en
1764, in-12, \es Pensées de M. l'abbé
Prévôt, et en 1783 , ses OEuvres choi-
sies.
PREYSIUS ( Christophe ) , né en
Hongrie, professa la philosophie dans l'u-
niversité de Francfort. Mclanchthon loue
sa science, son érudition, sa sagacité et
son attachement à ce qu'il appelait la vé-
rité, c'est-à-dire aux erreurs de son temps,
PRI
que Preysius soutint avec opiniâtreté ;
il lui donne , suitaut l'usage de son siè-
cle, le nom de Christophorus Pannonius.
Preysius a fait eu latin une Fie de Cicé-
ran que l'on estime. Il y entre dans le
détail des études et des actions de cet
excellent orateur ; détail puisé dans ses
écrits , ou dans ceux des auteurs contem-
porains. Cette Histoire de Cicéron parut
à Bàle en 1555, in-8 , avec un Traité ou
Discours , De imitatione Ciceroniana ,
qui est aussi de Christophe Preysius,
Gaspard Peucer estimait beaucoup ces
deux ouvrages.
PRICE( Jean), Pricœus, né à Londres
en 1600 , se relira à Florence , oîiil em-
brassa la religion catholique , et mourut
à Rome en 168G. Il embrassait le sacré et
le profane, et joignait à beaucoup de
mémoirele jugement qui ne l'accompa-
gne pas toujours. On a de lui: 1° des
Notes sur les Psaumes , sur saint Mat-
thieu, sur les Actes des apôtres , et sur
quelques autres livres. On les trouve
dans les Critici sacri de Pearson. On lui
attribue encore un Traité des hérésies.
Tous ces écrits sont savans.
PRICE( Charles), aventurier anglais,
fils d'un fripier, naquit à Londres en
1723, et mourut en 17 87. Jeune encore,
il fit mourir son père de chagrin. Déjà
trop connu dans sa patrie , il prit le parti
de voyager incognito sous le nom de
Johnson. Revenu en Angleterre , il fut
mis en prison. Le désir de recouvrer sa
liberté le rendit auteur. Il composa un
pamphlet pour la sœur du roi contre ce-
lui de Danemark. Le livre va jusqu'au
roi , et Priée sort de prison , plus fripon
que jamais. Il se fit buraliste, et contrefit
des billets. Après avoir fait une multi-
tude de dupes , il est condamné à être
pendu; et, dès que sa destinée lui est
connue, il se détruit lui-même. Six édi-
tions faites en Angleterre, et une traduc-
tion française de la vie d'un escroc, sous
le titre d'Histoire de Charles Price , Pa-
ris, 1787,2 vol. in-12j sufiBsent pour
faire juger du goût et des graves occupa-
tions de ce siècle. Il est vrai que Cartou-
che et Mandrin ont eu aussi leurs histo-
riens; mais leurs vies étaient remplies de
PRI
traits singuliers, et avaient un air roma-
nesque, qui semblait justiBer l'empres-
sement de la curiosité; au lieu que celle
de Price ne présente guère que des scè-
nes d'une scélératesse ordinaire , mais
féconde en fourberies et en malice.
* PRICE (Richard), ministre dissident
et écrivain politique , né en 17 23 à ïyn-
lou dans le pays de Galles , fut admis en
1 7G4 dans la société royale de Londres, et
reçut en 1 770 le grade de docteur en théo-
logie. Il publia en 1772 son Appel au
public sur la dette nationale , et en 177 3
et 1774 il devint le champion des dis-
sidens , contre l'acte sur le Test. Pen-
dant plusieurs années il exerça son mi-
nistère dans la congrégation des dissi-
dens de Newington-Green , et dans celle
d'Hackney. Il publia en 177G ses excel-
lentes Observations sur le gouvernement
civil, qui lui méritèrent du conseil des
communes delà ville de Londres des re-
mercîmens et une tabatière d'or : son
ouvrage renferme les principes sur les-
quels est établie l'autorité législative de
la Grande-Bretagne sur ses colonies. On
a encore de lui un grand nombre d'ou-
vrages , dont les principaux sont : 1°
Revue des principales questions en mo-
rale , Londres , 1758 , in-8 ; 2" Quatre
dissertations sur la providence , la
prière , l'attente dune meilleure vie et
V importance du christianisme , ibid. ,
1762 ; 3" Observations sur la nature de
la liberté civile , les principes du gou
vernement et la justice de la guerre con-
tre t Amérique , 1776 , in-8 ; 4° Corres-
pondance avec le docteur Priestley sur
la doctrine du matérialisme, ibid., 17 78,
iu-8 ; 5" Essai sur l'état présent de la
population en Angleterre et dans le pays
de Galles , ibid. , 17 79 , in-8 ; 6" Etat
des finances et de la dette publique , à
la signature des préliminaires de la paix,
ibid. , 17 83 ; 7" Sur V importance de la
révolution de l'Amérique, et les moyens
de la rendre utile au monde , ibidem ,
1785 , in-8 , etc. Price est mort en 1791.
Les Mémoires de sa vie ont été publiés
en 1815 , Londres, in-8 , par son neveu,
William Morgan.
PRIDEAUX ( Jean) , né en 1578 , à
PRI log
Stafford en Angleterre , obtint la chaire
de théologie et le rectorat du collège
d'Exon. Il s'acquit dans ces places beau-
coup de réputation , et fit paraître un
grand zèle pour les intérêts du roi et de
l'église anglicane. Ce zèle lui mérita l'é-
vêché de Winchester en 1641. Il mourut
en 1650 , à 72 ans. On a de lui : 1" une
Apologie pour Casaubon , contre Eudae-
mon Jean, en latin , 1614, in-8 ;2''des
Leçons de théologie, Oxford , 1648, in-
fol. , et d'autres ouvrages inconnus au-
jourd'hui.
PRIDEAUX ( Humphrey ) , naquit k
Padstow dans le comté de Cornouailles ,
en 1648, d'une bonne famille. Il fit ses
éludes à Westminster , ensuite à Oxford ,
et se signala dans ces deux endroits par
l'étendue de sa mémoire. La mort d'E-
douard Pocock ayant fait vaquer la chaire
d'hébreu , on l'offrit à Prideaux , qui la
refusa. Il fut pourvu du doyenné de Nor-
wich en 1 704 , et mourut dans cette ville
en 172'i. Ses mœurs étaient celles d'un
savant , toujours enfermé dans son cabi-
net. Il n'avait pas les dehors imposans de
cette politesse légère de nos littcrateiirs
français ; mais il se distinguait par un
grand fonds de franchise et de vertu. Nous
avons de lui plusieurs ouvrages pleins de
recherches , dont le principal regarde les
marbres d'Arundel {voy. ce mot), et est
intitulé : 1° Marniora oxoniensia , ex
grundelianis , Seldenianis , aliisque con-
flata , cum Grœcorum versione latina ,
et lacunis suppletis , ac figuris œneis ,
Oxford , 1676 , in-fol. Selden avait en-
trepris cet ouvrage , et en avait fait im-
primer une partie en 1627 ; mais il n'a-
vait expliqué que vingt-neuf inscriptions
grecques et dix latines ; Prideaux a ex-
pliqué les deux cent soixante autres. De-
puis quelque temps , les marbres (appe-
lés de Paros ou d'Arundel ) ont perdu
beaucoup de leur considération : de sa-
vans critiques sont parvenus à les rendre
suspects et à les faire considérer comme
une chronique postiche et d'un temps
infiniment postérieur à celui dont elle
prétend tracer les événemens. ( Foyez
PAnos Aawsia Diction, géogr.) Il adonné
aussi la Fie de Mahomet , en anglais.
110 Pfil
Elle a été traduite en français , et impri-
mée à Amsterdam en 1698 , in-8. M. Sa-
vary , dans une f^ie de Mahomet , qui est
à la têle de la traduction du Coran (Paris,
1782, 2 vol. in-8 ), attaque Prideaus sur
ce qu'il a dit du moine Sergius, et il faut
convenir que Prideanx ne s'est pas ex-
primé avec assez d'exactitude sur ce su-
jet; mais il n'en est pas moins incontes-
table que Mahomet a eu de longues con-
férences avec Sergius, moine du Hauran,
et que c'estauprès de lui qu'il a étudié les
Livres saints, d'où est emprunté ce qu'il
y a de beautés dans le Coran (1). Savary ,
en contredisant ce fait , cherchait moins
la vérité que la gloire de Mahomet , dont
il voudrait faire un homme de génie.
2° L'ancien et le nouveau Tesiamcns
nccordés avec l'histoire des juifs , en
anglais, 2 vol. in-fol. , Londres , 1720;
3° Histoire des Juifs et des peuples voi-
sins , depuis la décadence des royaumes
d'Israël et de Juda jusqu'à la mort de
Je'sus-Christ. Ce savant ouvrage , écrit
en anglais , a eu un succès extraordi-
naire. On en a fait beaucoup d'éditions.
A la place des cartes de l'édition de Hol-
lande , qui étaient simplement des copies
de Cellarius , peu estimées des connais-
seurs , on en a fait graver de nouvelles ,
qui ont été dessinées sur celles de de
Lisle. Quant au corps de l'ouvrage de
Prideaux , on n'y a fait aucun change-
ment ; le peu de relranchemens qu'il y a
roulent uniquement sur quelques expres-
sions peu mesurées , que l'on a cru de-
voir adoucir, et quel'auteur n'aurait pas
dû se permettre , pour son propre hon-
neur. A cela près , on a laissé l'ouvrage
tel qu'il était. On aurait tort de vouloir
que Prideaux parlât en catholique sur le
canon de l'Ecriture , par exemple ; on
s'est donc contenté d'ajouter des disser-
tations sur les points oîi il s'écarte de la
vérité. Le PèreTournemine les a fournies;
elles serviront de préservatif, et l'on ne
(i) Cil fait cili flaii» l'Iiisloire des Sarraaiiii vient à l'ap-
|iui de ce que l'on iiiiDceiri: Ëparf^nez 1ei kommea du
Trèa-Haut ( les moines ), cl frappt-z sans pitié sur les gens
â tpnsuro ( les prêtres séruliers ) , tell« était la derise des
premiers musulmans. Même eucore aujourd'hui . les moi-
nesurecsel laliusjoulueulparmi les Turcs d'une sorlcde
coosidcration.
PRÎ
1
doit pas craindre que ce que dit Prideaux ,
sur ces articles puisse induire personne
en erreur. (Deux écrivains anonymes ,
Brulel de la Rivière et Du Soûl , suivant
M. A.-A. Barbier , Dictionnaire des ano-
nymes , n" 22,623 , ont donné une tra-
duction française de cette histoire, .Ams-
terdam , 1722, 5 vol. in-12. )
PRIERIO. ^oyesMozzoLiNo.
* PRIESTLEY (Jean ou Joseph), mi-
nistre imitai re et physicien, né en 1733
ou 1734 à Fieldhead, près dcLeeds, s'est
rendu célèbre par ses opinions religieu-
ses et politiques , ainsi que par ses dé-
couvertes. Il composa un grand nombre
d'ouvrages où le savoir ne manque poin^,
mais qui ne sont pas toujours d'accord les
uns avec les autres. Zélé pour Vunitaria-
nisme, il rejetait les dogmes et les mystè-
res qui sont opposés à ce système. Ainsi ,
pour lui, il n'y avait ni Trinité, ni Incar-
nation, ni par conséquent divinité de Jé-
sus-Christ. Il voulait néanmoins un culte,
des prières , une liturgie , et il donna
tout cela de sa façon au petit troupeau
qu'il gouvernait. Il eut des démêlés avec
presque tous les écrivains de son temps ,
avec les docteurs Horsley , au sujet de la
Trinité et de la divinité de Jésus-Christ;
avec l'archevêque de Newcome , sur la ,
durée du ministère du Sauveur ; avec
Witaker , avec Packhurst , avec le Juif
David Levi , avec W'akefields , etc. ; il
s'éleva aussi contre les incrédules du jour,
contre Gibbon , contre les disciples du
rêveur suédois Swedenborgh , contre
Thomas Payne et son j4ge de raison ,
contre Volney et ses écrits , etc. Son en-
thousiasme pour la révolution française
tenait du délire : il lui valut d'un côté le
titre de citoyen français et le fit nommer
député à la Convention nationale ; mais
il ne put accepter ces fonctions ; d'un
autre côté , il lui occasiona de fâcheux
désagrémeus. On pilla sa maison et sa bi-
bliothèque. Il prit le parti de se retirer
aux Etats-Unis, et mourut à ^'orthuml)er-
land le h février 1804. On a de lui : l»
Histoire des corruptions du christia-
nisme, 1682. Il y expose les altérations
qu'il prétend avoir été faites à la doctrine
primitive. 2° Lettres à un philosophe in-
crédule, et beaucoup d'autres écrits, etc.
Il rédigeait un journal intitulé Maga-
sin théologique. Homme instruit , mais
bizarre et inconséquent , bâtissant d'un
côté ,puis détruisant l'édifice qu'il avait
élevé, rarement d'accox-d avec Te bon
sens , et plus rarement encore avec lui-
même, faisant abus de son talent , et ne
sachant le plus souvent ni oti il voulait
aller , ni oîi il fallait s'arrêter. Après l'a-
voir envisagé comme théologien et comme
politique , voyons -le comme savant. Il
ne méritera ici que nos éloges. Seslaleus
comme physicien et comme chimiste ont
si puissamment contribué aux progrès de
la science, qu'ils l'ont placé au i-ang des
premiers hommes de l'Europe. Permises
ouvrages scientifiques , nous citerons :
1" \ Histoire de l'électricité, 1767 , tra-
duit en français par Brisson, 1771, 3 vol.
in-12 ; 2" V Histoire et l'état actuel des
découvertes relatives à la vision , à la
lumière et aux couleurs , 17 72 , in-4 ;
^^Expériences sur les différentes espèces
d'air , 3 vol. in-8, traduites en français
par Gibelin , Paris, 1777 , 9 vol. in-12 ;
4° Essai sur le phlogistique , traduit en
français par .\dels , Paris , 1798 , in-8 ,
etc. La collection de ses OEuvrcs forme
70 vol. in-8. On a publié en 1826 en
anglais les Mémoires du D"^ Priestley ,
2 vol. in-8, continués jusqu'à sa mort
par son fils Joseph Priestley , et des Ob-
servations sur sesécrits, parTh.Cooper
et Wm. Christie. Sa Fie par J. Corry a
paru en 1805, in-8, et son Eloge a été lu
la même année à l'Institut par M. Cuvier.
PRIEUR (Philippe Le), Priorius ,
né à Saint-Vaapert de Normandie , pro-
fessa avec un succès peu ordinaire les
belles-lettres dans l'université de Paris,
et mourut en 1680. On a de lui : 1° une
Edition de TertuUien , 1G64, in-fol. ,
qu'il accompagna de notes , tant de son
propre fonds que de celles qu'il avait
compilées, particulièrement de l'édition
de Rigaud. 2° Il donna dans le même
goût une Edition de saint Cyprien , de
Minutius-Félix , d'Arnobc , de Firmicus-
Maternus et de Commodianus-Gazœus ,
1666, in-fol.; 3" une Edition d'Optat de
Milève, 1679; 4° un bon Traité des for-
PRI m
mules des lettres ecclésiastiques, sous ce
titre : Dissertatio de litteris canonicis,
cum appendice de tractoriis et synodicis,
in-8; 5° un Traité latin, sous le nom à.'Eu-
sèbcromain, contre le livre despréadami-
tes de la Peyrère. Ce Traité est intitulé :
Animadversioncs in librum prœadami-
taruni , in quibus confutatur nuperus
scriptor, et primuni omnium hominum
fuisse Adamum de fenditur, Paris, 1656,
in-8 ; 6° Epistola gratulatoria ad Pey-
rerium de ejus conversione ad romanam
fîdem, 1658, in-8. Foyez Peyrère Isaac.
* PRIEUR DE LA Marne ( N. ) , ainsi
surnommé pour le distinguer d'un autre
Prieur , que l'on appela pour le même
motif Prieur de la Côte-d'Or {voyez l'ar-
ticle suivant), fut membre de la Conven-
tion. Né vers 1760 dans le département
dont il portaitle nom, il était, avant la ré-
volution , avocat à Châlons-sui'-Marne. Le
tiers-état de cette ville l'élut député aux
étals-généraux. Dès les premières séan-
ces, il se fit remarquer parmi les membres
les plus exagérés du côté gauche. Il parut
souvent à la tribune , non pour y pro-
noncer des discours suivis , mais pour y
attaquer , par quelques phrases courtes
et violentes , les modérés , les aristocra-
tes et les ennemis de la révolution. En-
tr'autres mesures il provoqua la destruc-
tion des emblèmes de servitude qui dé-
coraient lepiedestal de la statue de Louis
XIV sur la place des Victoires. En l 790,
il se prononça pour le séquestre des
biens du clergé ; et, lorsque les évêques
offrirent , au nom de cet ordre , de rem-
plir un emprunt de cent millions, il ob-
serva que , ne possédant rien, ils ne pou-
vaient rien oflrir. Ce fut^ aussi lui qui
provoqua , le 29 mai 1791, une loi con-
tre les émigrans. Après le départ du roi
pour Varennes , il accusa ce prince de
perfidie , et commença à attaquer son in-,
violabilité. A celte époque il fut envoyé
dans le Finistère , pour y contenir les
mécontens qui commençaient à remuer
à l'occasion de cet événement , el, à son
retour, il continua de se montrer parti-
san des mesures extrêmes. A la fin de la
session , il fut élu vice-président du tri-
bunal criminel du déparlement de Paris,
lia PRI
puis député à la Convention natiotialc.
Dès le commencement de la session , il
fut envoyé comme commissaire à l'armée
campée en Champagne. Rentré au sein
de l'assemblée , il vota la mort du roi
sans appel et sans sursis. Il sollicita en-
suite vivement le rapport du décret con-
tre les auteurs des massacres des prisons
aux 2 et 3 septembre , et devint , peu de
temps après , membre du comité de dé-
fense générale , et ensuite de celui de
salut public. Envoyé en mission aux ar-
mées du Nord , des Ardennes , de la Mo-
selle et du Rhin , puis dans celle de la
Vendée , il lit exécuter , contre les habi-
tans de ce malheureux pays , les décrets
dç la Convention. Prieur rentra au comité
de salut public le 6 octobre 1794 , et le
22 du même mois , il fut nommé prési-
dent de la Convention. Lors de l'insur-
rection du 1"^ avril 1795 , il fit diverses
propositions favorables aux révoltés , et
demanda entr'aulres la liberté des patrio-
tes détenus depuis le 9 thermidor. An-
dré Damont l'ayant accusé de complicité
dans cette émeute , il expliqua , avec
beaucoup d'adresse , les expressions dont
il s'était servi , et vint à bout de conjurer
cet orage ; mais le 20 mai suivant , il
prit une part plus active à la nouvelle
insurrection qui éclata contre la majorité
delà Convention , et il lut nommé mem-
bre de la commission extraordinaire ,
créée pour remplacer le comité de salut
public. Lorsque la force armée se pré-
senta pour s'emparer de la salle, presque
évacuée par les insurgés , il s'écria : A
moi, sans-culottes , ce qui le fit décréter
d'arrestation le même jour. Il parvint à
s'évader, et profita del'amnisticdel796.
Depuis ce temps , Prieur reprit sa pro-
fession d'avocat , et n'eut plus aucune
partaux affaires publiques. Banni en 1810
de la France , comme régicide , il se re-
tira dans les Pays-Bas , et mourut dans
un état voisin de l'indigence à Bruxelles
en 1827. 11 a publié : Rapport sur l'éta-
blissement des sourds-muets fait à ras-
semblée nationale , 1791 , in-'i,
* PRIEUR-DuvERNOis , dit Prieuk de
lA Côtk-d'Or ( C. a. ) , officier du génie
etconve.ilionnel , naquit le 22 décembre
PRt
176â àAuxonne d'un receveur des ânait-^
ces de cette ville. H entra de bonne heure '
dans l'arme du génie, dans laquelle il fit
preuve de connaissances étendues. En
1791 , il fut député à l'assemblée législa-
tive par le département delà Côtc-d'Or.
Il ne se fit nullement remarquer pendant
cette session. Après le 10 août , journée
de déplorable mémoire , dans laquelle
tomba la vieille monarchie française , il
fut chargé de se rendre à l'armée pour y
proclamer leschangemens que l'anarchie
avait amenés. Pendant qu'il remplissait
celle mission , le même département le
nomma membre de la Convention. Dans
le procès de Louis XVI , Prieur vota avec
la majorité pour la mort , sans appel et
sans sursis. A l'époque des troubles que
suscita la lutte des Montagnards et des
Girondins, ceux-ci , vaincus au .31 mai ,
s'étaient réfugiés dans plusieurs départe-
mens de la Normandie. Prieur fut envoyé
pour les poursuivre et pour rallier au
parti de la Convention les habitans du
pays ; mais il ne put réussir dans sa ten-
tative , et il fut arrêté , ainsi que son col-
lègue, Romme , et retenu prisonnier à
Caen jusqu'à la déroute qu'éprouva à
Vernon l'armée départementale qui s'é-
tait déclarée contre la Convention. De re-
tour à l'assemblée , Prieur évita de mon-'
ter à la tribune , et il ne joua aucun rôle
jusqu'au 14 août 1793 , où il fut nommé
membre du comité de salut public , avec
Carnot dont il était l'ami. L'histoire a
déjà dit le rôle infâme que joua ce comité
présidé par Robespierre. Prieur participa
à tous les forfaits qui furent commis au
nom de celte sanglante association , dans
laquelle il avait pour collègues Couthon
et S.- Jusf. Lui-même , avec Carnot , dé-
fendit après le 9 thermidor ces monstres ,
et assuma sur lui laresponsabililé de tous
les actes de cq^comilé. Il est vrai de dire
qu'il se chargea particulièrement du ma-
tériel de 14 armées que la France avait
alors sur pied ; il avait aussi dans ses at-
tributions spéciales la fabrication des
poudres et salpêtres, pour laquelle il sut
inventer des procédés ingénieux qui pu-
rent fournir des produits suflisans pour
les grands besoins de cette époque. Elu
Pftî
président de la Convention le 1 " plairial
an 2 ( 20 mai 1794) , il sortit du comité
de salut public le 9 thermidor an 2 (27
juillet 1 794 ). Plus tard il proposa l'usage
du calcul décimal et de l'unité des poids
et mesures ; ce que cette assemblée
adopta dans cette même session. Prieur
passa au conseil des Cinq-Cents, d'où il
sortit en 1798. Dès lors il n'a plus reparu
sur la scène politique. Quelques biogra-
phes lui font hommage de la première
idée de l'école polytechnique que d'au-
tres altribuenl à Caruot ou à Fourcroy.
On dit encore que c'est à Prieur qu'est dû
en partie le 1 " établissement de l'Institut
fondé dans les derniers jours de la Con-
vention. H fonda une manufacture de
papiers peints et réussit dans ce com-
merce. 11 est mort à Dijon le 11 août
1832 ; il n'avait pas été atteint par la loi
de 181G contre les régicides. On lui doit
les ouvrages suivans : 1" Mémoire sur la
nécessite' et les moyens de rendre uni-
formes dans le royaume toutes les me-
sures d'étendue et de pesanteur , 1790 ,
in-8 ; 2° Instruction sur le calcul déci-
mal , 1795 , in-8 ; 3° Rapport sur la loi
du \% germinal an 4 , 1795 , in-8 ; 4°
Rapport sur les moyens préparés pour
-établir l'uniformité des poids et mesu-
res , 179G, in-8 ; 5° plusieurs il-ie/nozVe.y,
rapports et instructions dans \e Journal
de l'école polytechnique et dans les An-
nales de chimie.
PRIÉZAC ( Daniel de ) , né au châ-
teau de Priézac en Limousin, en 1590,
mort à Paris , en 1062 , prit le bonnet de
docteur en droit à Bordeaux , y fréquen-
ta le barreau , s'y maria , et y enseigna
pendant dix ans la jurisprudence avec
distinction. Le chancelier Séguier, pro-
tecteur des gens de mérite, le fit venir à
Paris. Il y devint, peu de temps après,
conseiller d'état ordinaire, et membre
de l'académie française en 1 G 39. Ses prin-
cipaux ouvrages sont : 1" Findiciœ yaU
licœ advèrsus Alexandrum palricium
armachanum, Paris, 1638 , in-8 , tradui-
tes en français par Baudoin , 1639, in-8.
C'est une réponse qu'il fit par ordre de la
cour au Marsgallicus du fameux Jansé-
nius. 2° Discours politiques, assez mal
SI.
PRl îi3
écrits, 2 vol. in-4 ; deui livrés de Me-
langes eu latin , in-4; 4" une Paraphrase
de cinq Psaumes ; 5° les Privilèges de la
Vierge Marie, 6° le Chemin de la Gloire,
et àGs Poésies, 1650, in-8. — Salomon
de Priézac, son fils, a fait une Disserta^
tionsur le Nil, in-8, 1 66 4, et V Histoire
des éléphans , 1650, in 12.
PR13IASE, évêque d'Adrumète en
Afrique, se trouva, l'an 553, au 5* synode
général tenu à Constantinople, où il
s'opposa à la condamnation des trois cha-
pitres. ( Voyez Vigile, pape. ) Nous
avons de lui dans la Bibliothèque des
Pères des Commentaires sur les Epîtres
de saint Paul et sur l'Apocalypse. C'est
un recueil des passages de saint Augus-
tin et des autres Pères sur les livres. Ils
ont été imprimés à Lyon en 1 543. On lui
a attribué aussi un Traité des hérésies.
PRIMATICE ou Pbimaticcio, (François
Le ) , peintre et architecte, né à Boulogne
en 1490, fut employé à Mantoue dans le
château du T. Les beaux ouvrages de stuc
qu'il y fit donnaient une haute idée de
ses talens, lorsqu'il fut appelé en France
par François I". Le roi le chargea, en
1540 , d'acheter en Italie des figures an-
tiques , et de faire faire les moules des
plus fameuses figures, qui furent jetées
en bronze et placées à Fontainebleau. Le
Primalice a embelli ce château par ses
peintures. Il a aussi donné le plan du
château de Meudon , et le dessin du tom-
beau de François I" à Saint-Denys. (D'au-
tres biographes prétendent que les
dessins de ce tombeau furent de Lorme.
Primatice mérita la bienveillance des suc-
cesseurs de ce roi , Henri II et François II.
Ce dernier le nomma commissaire géné-
ral des bàtimens du royaume Le Prima-
tice était très envieux : il fit Aaltreplu
sieurs constructions de le Bosso ou Maî-
tre-Roux, qui l'avait précédé en France.)
Il mourut à Paris, en 1570. Cet artiste
était bon coloriste, il composait avec es-
prit : les attitudes de ses figures sont d'un
beau choix; mais on lui reproche d'avoir
pressé l'ouvrage, et d'avoir peint de pra-
tique. On a beaucoup gravé d'après, ce
maître. Son meilleur élève fut Nicolo de
Modène.
i5.
îi4 PRI
•PRlMAtJDIE ( Pierre, seigfûeur delà),
naquit en 1 546. Il possédait la seigneurie
de Barrée en Anjou; il embrassa de bonne
heure la carrière des armes, et cultiva
en même temps l'étude de la morale et
des antiquités. Son courage et sestalens
lui captivèrent la bienveillance de Henri
III, qui le nomma gentilhomme ordinaire
de sa chambre. Il composa un ouvrage
assez volumineux, qu'il dédia au roi, et
qui a pour litre : Académie française ,
en laquelle est traité de l'institution des
mœurs et de ce qui concerne le bien et
heureusement vivre en tous états. Ce
livre eut beaucoup de succès, fut impri-
mé en 1577-1579 , augmenté d'un vo-
lume , 1581-1613, in-4. Quoique l'ou-
vrage de Primaudie manque et de la pro-
fondeur et de l'énergie qui forment le
principal mérite des Essais de Montai-
gne , on y trouve de bons principes de
morale et de politique, sagement appli-
qués , et appuyés par plusieurs traits his-
toriques. Indépendamment de ces quali-
tés, on y remarque de la facilité dans le
stile et beaucoup d'érudition.
PRIMEROSE ( Gilbert ) , naquit en
Ecosse vers la fin du 1 6* siècle , et fut
ministre de l'église française à Londres.
Par la suite , il devint chapelain du roi
et chanoine de Windsor. Il est auteur de
plusieurs ouvrages théologiques , parmi
lesquels on distingue \°Le Vœu de Jacob,
ou Opposition aux vœux des moines et
religieux , 4 vol. in-4 , en français; 2° la
Trompette de Sion. C'est un recueil de 1 8
sermons. 3° D'autres Opuscules, etc. Il
mourut en 1642.
PRIMEROSE ( Jacques ), médecin
de Paris dans le 17* siècle, natif de Bor-
deaux , el^elon quelques-uns , de Saint-
Jean-d'Angely en Saintonge, fils d'un
ministre écossais, exerça son art avec
distinction en Angleterre. On a de lui :
VDemulierummorbis, Rotterdam, 1655,
in-4 ;2° Academia monspeliensis descrip-
ta, Oxford, 1631 ; 3° Enchiridion medi-
co'practicum, Xmsterdaim, 1654;in-8; 4°
Ars pharmaceutica, ibid. , 1651 , in-8 ;
6» Devulgierroribus inmediclna, Leyde,
1664 , in-8 , et en français par de Ros-
tagny, Lyon, 1689; 6° De morbis puc"
PRI
rorum partes duce, Rotterdam , 1669 ; 7°
plusieurs Z?mer/rtfto«.î pleines de raison-
nemens captieux , qu'il opposa à la dé-
monstration que Harvée venait de faire
de la circulation du sang.
' PRINCE ( Thomas-Nicolas Le ) , né
à Paris en 1750 , et mort à Ligny le 31
décembre 1818, a publié : 1" Essai his-
torique sur la bibliothèque du roi, 1782,
petit in-12 ; 2" avec Nougaret , .^^nec-
dotes des beaux-arts ; 3° avec Beau-
drais , Petite bibliothèque des théâtres ,
1783, et années suivantes, 80 vol.
in-18, avec des Notices sur la vie des
auteurs, et des catalogues très détaillés
de leurs voyages. Ce recueil a reparu en
1791, sous le titre de Chefs-d'œuvre dra-
matiques, 100 vol. petit in-18 ; mais cette
seconde collection ne contient guère
que 70 vol. de la première. On a donné
depuis une suite en 1 1 volumes.
PRINGLE ( Jean ) , chevalier baron-
• net , médecin du roi Georges III et de la
reine d'Angleterre, né,en 1 707 , à Hilchel-
House, dans le comté de Koxburg. Il se dis»
tingua par ses connaissances médicales,
et par le zèle qu'il eut pour les soldats
malades et blessés, auxquels il doana
les plus grands soins durant la guerre de
1741 , étant à la suite des armées d'An-
gleterre en Allemagne, jusqu'en 1745 ;
il fut alors nommé médecin en chef des
armées britanniques , place qu'il remplit
près des troupes destinées à combattre
le prince Edouard. C'est durant ces tra-
vaux qu'il prépara un ouvrage sur les ma-
ladies des armées , qui a été très bien ac-
cueilli et traduit en plusieurs langues; en-
tre autres en français sous ce titre : Obser-
vations sur les maladies des armées dans
les camps et dans les garnisons , Paris,
1 755,1 77 1 , 2 vol. in-1 2;la seconde édition
est augmentée de sept Mémoires sur les
substances septiques et antiseptiques, ({xie
Pringle avait présentés à la société royale
de Londres depuis 17500 jusqu'en 1752, '
et qui ont été récompensés par des médail- ,
les.U servit encore dans les armées d'Alle-
magne durant les trois premières cam-
pagnes de la guerre de 1755, et se fixa
à Londres en 1758, partageant son temps
entre la pratique de la médecine et la so-
1
PRI
ci«5lé royale , dont il était président de-
puis 17 72 ; place qu'il quitta en 1778,
chagriné d'une espèce de schisme que
l'usage des conducteurs électriques avait
occasioné dans cette savante compagnie.
Il vit avec peine que la méthode de Fran-
klin avait perdu de son crédit , en con-
séquence de plusieurs accidens qui en
étaient résultés. Ami de Franklin , il sou-
tint d'abord sa cause avec chaleur ; mais
il résolut ensuite de préférer sa tranquil-
lité à ces contestations : son esprit juste
et calme lui aura sans doute persuadé
que, dansdesempirismes de cette nature,
tous les systèmes sont également vains et
dangereux, et que ce n'est pas tant dans
la manière que dans la chose même qu'on
s'égare. Voyez Kirciiman. Il quitta Lon-
dres pour aller finir ses jours à Edim-
bourg i mais la rigueur du climat le força
de revenir à Londres, oîi il mourut le 18
janvier 1782. Outre les ouvrages dont
nous avons parlé, on a de lui : 1" Obser-
vations sur la nature et le traitement
des fièvres des hôpitaux et des prisons,
adressées à M. Méad, 1750, in-8 , en an-
glais ; 2° une Dissertation sur les diffé-
rentes espèces d'airs , prononcée à la
société royale en 1 774 , et d'autres écrits
où il y a d'excellentes choses, et quelque-
fois des idées systématiques et hasardées;
en médecine cependant il ne voulait
rien de ce genre. Il était ennemi des mé-
thodes fondées sur la théorie , qu'il re-
gardait comme trop vague et trop peu
avancée. Il paraissait envisager l'empi-
risme, c'est-à-dire la pratique appuyée
sur la seule observation , comme la meil-
leure méthode. // faut du moins que
cet empirisme snit raisonné , lui disait
un de ses confrères. — Le moins qu'il se
pourra, répondit Pringle, c'est en rai-
sonnant que nous avons tout gâté.
PRIOLO ouPbioli [ Benjamin ) , né à
Saint- Jean-d'Angely, en 1602 , descen-
dait de l'illustre famille des Priuli ou
Prioli , qui a donné quelques doges à la
république de Venise. Après avoir étu-
dié sous Heinsius et sous Vossius, il s'ap-
pliqua à Leyde , pendant trois ans , à l'é-
tude des postes et des historiens grecs et
latins. De là il vint à Paris , pour voir et
PRI
ii5
pour consulter Grotius. Il passa ensuite
à Padoue , pour apprendre à fond , sous
Crémonius et sous Licétus, les sentimens
des philosophes de l'antiquité. Quelque
temps après , il s'attacha au duc de Ro-
han , et en devint le plus intime confi-
dent. Après la mort de ce général en
1038, Priolo se retira dans une terre qu'il
avait achetée près de Genève , d'oîi le duc
de Longueville , qui allait à Munster en
qualité de plénipotentiaire pour la paix,
lui proposa de le suivre; ce qu'il accepta.
Au retour de Munster , Priolo alla à Ge-
nève , dans le dessein de conduire sa fa-
mille à Paris , pour s'y établir. Quand il
passa par Lyon, le cardinal François Bar-
berin eut la consolation de le convain-
cre de la vérité de la religion catholique,
et de recevoir son abjuration et celle de
toute sa famille et de ses domestiques. Il
mourut à Lyon en 1G67 , comme il allait
à Venise, par ordre de la cour de France,
pour une affaire secrète. On a de lui une
Histoire de France , en Latin , depuis la
mort de Louis XIII jusqu'en 1664 , dont
la meilleure édition est de 1686, in-4.
Elle est dédiée au doge et au sénat de
Venise , qui le reconnurent pour noble
chevalier vénitien.
PRIOR (Matthieu), poète et diplo-
mate anglais , naquit à Londres en 1664
d'un menuisier qui, en mourant, le laissa
sous la conduite d'un oncle, lequel était
cabaretier. Prior fit ses études avec suc-
cès dans l'école de Westminsler. Le comte
de Dorset fut si charmé de sa conversa-
tion sur Horace, qu'il le prit sous sa pi'O-
tection, et l'envoya au collège de Saint-
Jean à Cambridge. Prior y fulfaitbache-
lieren 168G , et fut mis ensuite au nom-
bre des associés. Ce fut pendant son sé-
jour dans cette université qu'il lia une
amitié intime avec Charles de Montagii ,
depuis comte de Halifax. Guillaume d'O-
range ayant usurpé le trône de sonbeau-
père , Prior fut conduit à la cour par le
comte de Dorset, et fut nommé en 1690
secrétaire du comte de Berkley , pléni-
potentiaire à La Haye. Il eut le même
emploi auprès des ambassadeurs et des
plénipotentiaires au traité de Ryswicq en
1697 . U accompagna , l'année suivante ,
n6 PRI
le comte de Portlaud dans son ambassade
à la cour de France. Il y retourna de
nouveau en 1711 en qualité de plénipo-
tentiaire, et présenta en 1714 un écrit à
la cour pour la démolition du canal de
Mardick. Ce fut à lui, et non pas à rai-
lord Stairs, comme ledit le président
Hénault, que Louis XIV répondit : « J'ai
» toujours été maître chez moi, quelque-
» fois chez les autres ; ne m'en faites pas
» souvenir. » Prior , de retour dans sa
patrie, y trouva des ennemis qui le per-
dirent à la cour d'Angleterre. On lui in-
tenta un procès criminel , à la poursuite
du chevalier VValpole. Il se justiAa, et la
liberté lui fut rendue en 1717. Il mourut
à Wimpole en 1721, et fut enterré à l'ab-
baye de Westminster , où on lui dressa
un monument. On a de lui un grand
nombre de Poésies anglaises, 1733 ,
2 vol. in-12, dans lesquelles on remar-
que de l'esprit et de l'imagination. Ses
Odes ont été traduites en fi'ançais par
M. l'abbé Yart. ( Parmi les ouvrages de
ce poète , on cite les poèmes de La Di-
vinité', Emma, ['Histoire de l'âme ; son
chef-d'œuvre est Salomonoxila Vanité
du monde. Prior était contemporain du
célèbre Dryden.
PRIORIUS. Toyez Prieur.
PRISGIEN, Priscianiis, était gram-
mairien deCésarée au 6* siècle; on a de lui
divers ouvrages imprimés à Venise par
Aide Manuce en 1476 , in-fol., et à Paris
par Badius en 1517, in-fol. On les trouve
aussi dans le Recueil des grammairiens
latins, Hanau, 1605, in-4. (Une édition
complète de Priscien a été publiée par les
soinsde M. Krehl sous le litre de Prisciani
Ccesariensis opéra , Leipsick , 1819-20 ,
2 vol. in-8).
PRISCILLE ou Prisque , Priscilla ,
Prisca, chrétienne, femme d'Aquila, est
fort connue par les Actes des apôtres et
par les Epilres de saint Paul. Le zèle de
ces deux époux pour le progrès de l'E-
vangile les rendit célèbres : ils s'établi-
rent d'abord à Rome; mais redit de ban-
nissementquel'empereur Claudien porta
contre les juifs les obligea de se retirer à
Corintbe, où ils exercèrent l'art de faire
des tapisseries ,ct où ils curent l'un et
PRI
l'autre l'avantage de recevoir saint Paul
chez eux. Ils risquèrent leur vie pour
sauver celle de l'Apôtre , qu'ils conduisi-
rent jusqu'à Ephèse, quand il fut obligé
de quitterCorinthe ; c'est le témoignage
que ce grand homme leur rend lui-mê-
me : Qui pro anima mea suos cervices
supposucrunt. De là ils retournèrent à
Rome , où ils étaient lorsque saint Paul
écrivit son Epîtreaux Romains, l'an 58
deJ. C. Ils revinrent ensuite à Ephèse
quelque temps après ; ils y demeuraient
lorsque saint Paul écrivit la seconde Epî-
tre à Timothée. Les Grecs et les Latins
célébraient leurs fêtes. [Foyez Aquila.)
La tradition de Rome est que saint Pierre
a consacré un autel dans la maison de
sainte Prisque. Ces paroles du 10* chap.
de l'Epître aux Romains , Salutate Pris-
cam et Aquilam et domesticam ccclc-
siam eorum, viennent à l'appui de cette
tradition.
PRISCILLIEN, hérésiarque du 4« siè-
cle, né en Espagne, était un homme con-
sidérable par sa fortune , par sa naissance
et par son mérite. A une grande facilité
de parler il joignait un extérieur hum-
ble, un visage compose, des mœurs aus-
tères et un grand désintéressement. Ces
qualités étaient ternies par une curiosité
téméraire , par un caractère ardent et
inquiet, qui le jetèrent d'abord dans les
folles et vaines recherches de la magie,
et ensuite dansles erreurs desgnostiques
et des manichéens. Son hérésie com-
mença à éclater en 379, et se répandit
rapidement dans l'Espagne sa patrie. U
confondait , comme Sabellius , les trois
personnes de la Trinité, et s'exprimait
sur ce sujet en termes nouveaux et extra-
ordinaires. Il enseignait que Dieu avait
plusieurs fils , que J. C. n'avait pris la
nature humaine, n'était né et n'avait
souffert qu'en apparence. Il condamnait
le mariage et en rompait les liens ; il au-
torisait les plus grandes obscénités; Aux
livres du nouveau Testament ses disci-
ples joignaient de. faux actes et deux ou-
vrages remplis de blasphèmes, l'un inti-
tulé : Memoria apostolorum , écrit par
Pri^cillien ; l'autre appelé Ziôra , attri-
bué à Dictinius. Les priscillianisles for-
PRI
nièrent un parti considérable en Espagne.
Hygin, évêque de Cordoue, et Itbace ,
évêque d'Ossobona , les poursuivirent
avec beaucoup d? vivacité ; mais Hygin
se laissa depuis gagner, et fut lui-même
excommunié. Après plusieurs disputes ,
lesévèques d'Kspagne et d'Aquitaine tin-
vent un concile à Saragosse en 381 , où
les nouvelles erreurs furent anathémati-
sées. Istance et Salvien, deux évêques
priscillianistes , loin de se soumettre au
jugement du concile, ordonnèrent Pris-
cillien évêque. Celle ordination souleva
tout l'épiscopat contre lui. L'empereur
Gratien ordonna de les bannir. Priscil-
lien , Istance et Salvien s'adressèrent au
pape Damase , qui refusa de les voir.
Salvien mourut à Rome ; les deux autres
se relirèreutà Milan , où saint Ambroise
refusa de communiquer avec eux. On as-
sembla un concile à Bordeaux en 384;
mais Priscillien ne voulut point répon-
dre devant les évêques. Il en appela à
Maxime , usurpateur de l'empire. Les
évêques Ithace et Idacc l'accusèrent de-
vant le prince , malgré les sollicitations
de saint 3Iarlin de Tours , qui , dans la
crainte qu'on n'usât de trop de rigueur,
cojijura ces évêques de se désister de leur
accusation ; il pria également Maxime
de laisser la vie aux coupables, alléguant
1 our raison qu'il suffisait qu'ils eussent
été déclarés hérétiques et excommuniés
par les évêques. L'empereur fit attention
aux remontrances de saint Martin, et
promit jnèrae que les personnes accusées
ne seraient point condamnées à mort.
Mais il peine saint Martin était il parti de
Trêves, que Maxime, instruit que Pris-
cillien était convaincu , de son propre
aveu, de plusieurs crimes contraires à
l'ordre public , le condamna ;i mort avec
ceux qui l'accompagnaient. Le suppiicejde
Priscillien rendit lUiace et Idace odieux.
Ou voit l'impression que leur conduite
fit sur les esprits, par le panégyrique de
Théodose, que Pacatus prononça à Rome
lan 389, en présence même defhéodose,
et un an après la mort de Maxime. Mais
il ne faut pas prendre à la lettre ce que
dit l'orateur, qui voudrait faire croire à
l'innocence de ces hérétiques, qui, dans
PRI 117
le fond , étaient très coupables. L'auto-
rité de la justice, et la protection de
l'empereur, empêchèrent qu'on ne pour-
suivît ceux qui avaient traité les priscil-
lianistes avec tant de rigueur, et qu'on
appela illiaciens. Saint Ambroise et
plusieurs autres prélats se séparèrent de
leur communion ; parce que , quoique
ces hérétiques eussent été punis juste-
ment et selon les lois, il était révoltant
que leur sang eût été répandu à la solli-
citation des évêques. Saint Martin refusa
d'abord de communiquer avec eux; mais
il s'y détermina ensuite, pour sauver la
vie à quelques priscillianistes et à quel-
ques partisans de l'empereur Gratien.
Honorius porta des lois sévères contre les
priscillianistes d'Espagne. Cette secte
fut en grande partie détruite par le zèle
de saint Léon, pape, f^oyez saint Augus-
tin, Epist. 237, n°Z; — Dissertatio
crilica de priscUManistis, eorumque fac-
lis , doctrinis et moribus , par Simouis
de Uries, Ulrecht, 1745, in-4 ; — His-
toria priscillianistarum , par François
Girvesius , évêque d'Urgel, Rome, 1749 ,
iu-8.
PRISCUS, fameux ingénieur, qui
florissant après iemilieu du secondsiècle
de l'Eglise, sous l'empire de Septime-
Sévère. Il était très habile dans son art ;
et ce prince respecta son mérite, lors-
qu'en l'an 1 96 de J. C. la ville de Byzauce,
la plus considérable de la Thrace, eut
été prise. On fu mourir , par ordre de
Sévère, tous les magistrats et tous les sol-
dats. La ville fut ruinée , ses murailles
furent rasées, ses théâtres, ses bains ettous
ses ornemens furent abattus. On vendit
ensuite tous les biens des habit ans , et
Byzance , privée de la liberté , fut sou-
mise, comme un simple bourg , à la ville
de Périnthe. Priscus seul fut épargné ,
dans sa personne, dans sa liberté et dans
ses biens. L'empereur Sévère lui donna
même des marques d'affection, et se servit
très avantageusement de lui dans la suite.
PRJSCUS , frère de l'empereur Phi-
lippe , gouverneur de Syrie , puis de Ma-
cédoine, s'attira la haine des peuples
par ses exactions. Cela ne l'empêcha pas
de prendre la pourpre dans cette der-
n8 PRO
nière province, l'an 249, à la nouvelle
de la mort de son frère ; mais il en fut
bientôt privé , ainsi que de la vie , par
Dèce , le meurtrier et le successeur de
Philippe.
PRITZ ( Jean-Georges ), en latin
Pritzius ou Pritius , célèbre théologien
de la confession d'Augsbourg , naquit à
Leipsick en 1 662 , et se dévoua au minis-
tère évangélique. Il avait du savoir et du
talent. Son mérite le fit choisir en 1707
pour professer la théologie à GripsAvald.
Il y remplissait en même temps les fonc-
tions de conseiller ecclésiastique et de
pasteur. En 17 11 il fut appelé à Francfort
pour y exercer la surintendance du minis-
tère ecclésiastique. Il est auteur d'un as-
sez grand nombre d'ouvrages; on lui doit:
1° des Sermons en allemand ; 2° une In-
troduction latine à la lecture du nouveau
Testament , laquelle eut plusieurs édi-
tions ; la meilleure est celle de 1 724, in-8 ;
3° De immortalitate hominis, contre As-
gil, avocat anglais, qui avait fait un li-
vre dans lequel il établissait qu'un hom-
me pouvait, sans passer par la mort, être
transféré de cette vie mortelle à la vie
éternelle ( voyez Asgill , ) ; 4° ime
édition des OEuvres de saint Macaire,
grec et latin , Leipsick, 1098 et 1699 ,
2 vol. in-8 ; 5° une édition du nouveau
Testament grec , avec les diverses le-
çons, et des caries géographiques, Leip-
sick, in-1 2, 1702, 1709 et 1724; 6° une
édition des Lettres de Milton ; 7° De
statu religionis christianœ in regno si-
nensi ; 8° De usurationis ; 9° De causis
ftnalibus, inrcrum esscntiis cxplicandiSy
attendendis ; 10" De amorc Dei puro
in causa Fenelonii, etc. Prilz fut un des
auteurs du Journal de Leipsick , depuis
1687 jusqu'en 1698. Il mourut le 24 août
1732.
PROBA-FALCONIA, femme d'Ani-
cius Probus au 4« siècle , mérita les élo-
ges de saint Jérôme , de saint Augustin
et de saint Jean-Chrysostôme. ( Foy.
Amcius Probus. ) On lui attribue la Fie
de Jésus-Christ , composée de divers
fragmens de Virgile , assemblés en cen-
ioDB, Francfort, 1546 ; mais cet ouvrage
est de la femme du proconsul Adelphius.
PRO
PROBUS ( M. Aurélius -Valérius ),
empereur romain, naquit à Sirmium dans
l'Illyrie , pays qui donna le jour aux em-
pereurs Claude II et A^félien. Probus fut
élevé dès sa jeunesse aux premières digni-
tés militaires. Son père avait été jardinier;
mais s'étant mis dans la milice, il parvint
au grade de tribun. Son fils obtint de
l'empereur Valérieu le même titre dès
l'âge de vingt-deux ans. Plus il s'éloignait
de sa jeunesse, plus son mérite augmen-
tait. (Après avoir vaincu les Sarmates, il
se signala sur le Rhin , près du Danube ,
du Nil , de l'Euphrate : il conquit l'E-
gypte, et Tacite lui confia le commande-
ment de l'Orient. ) Enfin , il parvint , de
dignité endignité, jusqu'au trône. Après
la mort de l'empereur Tacite, eu 276 ,
Florence son frère voulut se saisir du scep-
tre impérial ; mais lestroupesd'Orientle
donnèrent à Probus , comme le prix de
sa valeur , de son intégrité et de sa clé-
mence. Reconnu par le sénat et par les
provinces de l'empire , il marcha vers
les Gaules, oii les Francs, les Bourgui-
gnons , les Goths et les Vandales exer-
çaient les plus cruels brigandages. Il les
défit dans plusieurs batailles, leur tua
plus de 400, 000 hommes , et les força
à demander la paix et à payer un tribut.
Vainqueur des Gaulois, il passa en Illyrie
contre les Sarmates et leur enleva tout ce
qu'ils avaient usurpé. Il défit ensuite les
Blemmys, peuple féroce dans le voisi-
nage de l'Egypte. La victoire qu'il rem-
porta sur eux épouvanta tellement Vara-
nane II , roi de Perse , qu'il lui envoya
des ambassadeurs avec des présens, pour
lui demander la paix. Ces ambassadeurs
le rencontrèrent sur de hautes monta-
gnes proche de la Perse, au milieu de ses
soldats , mangeant des pois cuits depuis
long-temps et du porc salé. Probus, sans
se détourner , dit aux envoyés du roi de |
Perse, que « si leurmaitrene faisait une
M entière satisfaction aux Romains , il
» rendrait les campagnes ^e la Perse
» aussi rares que sa tête l'était. » Il ôta
en même temps son bonnet, pour leur
montrer une tête parfaitement chauve.
11 les invita ensuite à manger avec lui
s'ils avaient faim , sinon de se retirer.
PRO
Varanane , toujours plus épouvanté, vint
lui-même trouver Probus , qui lui ac-
corda tout ce qu'il voulut. Les ennemis
du dehors vaincus , il s'en éleva au de-
dans. Jules Saturnin, Proculus et Bonose
se firent tous les trois proclamer empe-
reurs, l'un à Alexandrie, l'autre à Colo-
gne , et le troisième dans les Gaules ;
mais leur révolte n'eut point de suite.
L'empire romain jouit d'une paix géné-
rale. Ce fut pendant cette paix que Pro-
bus orna ou rebâtit plus de soixante-dix
villes. Il occupa ses soldats à divers tra-
vaux utiles, et donna une permission gé-
nérale de planter des vignes dans les
Gaules et dans l'Illyrie ; ce qui n'avait
point été permis universellement , de-
puis que Domitien avait marqué .les en-
droits où il accordait d'en planter. Cre-
vier le regarde comme le fondateur des
vignes de Tokai , de Champagne , de
Bourgogne, et ajoute: « Ce prince eût
)> été sans doute célébré par les buveurs,
» si les buveurs étaient savans. w Probus
faisait des préparatifs de guerre contre
les Perses qui avaient repris les armes ,
lorsqu'il fut massacré par ses soldats, las
des travaux qu'il leur faisait entrepren-
dre àSirmich , en 282 , à 50 ans , après
avoir régné 6 ans et 4 mois. Le seul dé-
faut de Probus fut de n'avoir pas su mê-
ler prudemment la fermeté avec la dou-
ceur. Sa mort inspira des regrets par tout
l'empire. « Grands Dieux, disait le peuple,
« que vous a fait la république romaine ,
» pour lui enlever un si bon prince ! »
PROBUS ( M. Valérius ), grammairien
latin, dans le 2* siècle, composa plu-
sieurs ouvrages, dont il ne nous reste
que des fragmens , publiés dans le Corps
des anciens grammairiens de Putschius,
J605, in-4.
PROGACCINI ( Camille }, peintre,
né à Bologne en 1520, mort à Milan en
1 591 , entra dans l'école de Carrache, oîi
il trouva des rivaux qui piquèrent son
émulation , et des modèles qui perfec-
tionnèrent ses talens. Ce peintre avait un
beau génie : il peignait avec une liberté
surprenante. Ses draperies sont bien je-
tées, ses airs de tête sont admirables. Il
donnait beaucoup d'expression et de
PRO 1 19
mouvement à ses figures ; son coloris est
frais. Ses principaux ouvrages sont à Bo-
logne , à Reggio et à îVIilan. — Son frère,
Jules-César Procaccini , né à Bologne en
1548 , et mort à Milan en 1626, avait un
coloris vigoureux , un goût de dessin
sévère et très correct. Son génie était
grand , vif et facile; il étudiait la nature.
Sa réputation le fit nommer chef de l'a-
cadémie de peinture à Milan. Il eut une
école nombreuse , et acquit une fortune
considérable. — Carlo-Antonio , son frè-
re , plus jeune que lui , quitta la musique
pour la peinture. Son talent était le
paysage ; il réussissait principalement à
peindre les fleurs et les fruits , et laissa
un fils, Ercole-Juniore , mort en 1676,
âgé de 80 ans , qui s'adonna aussi à pein-
dre des fleurs; mais Jules-César, son
oncle, lui donna des leçons et étendit
ses talens. Il fit beaucoup de tableaux
d'histoire pour la ville de Turin.
PROCHIÏA ou Prociba ( Jean de ) ,
principal auteur des Vêpres Siciliennes,
ainsi nommé parce qu'il était seigneur de
l'île de Prochita ( Procita ou Procida ),
dans le royaume de Naples , (naquit vers
l'an 1225 et s'adonna à la médecine. Les
succès qu'il obtint lui valurent la faveur
de l'empereur Frédéric II et celle de son
fils Conrad IV). Il eut beaucoup d'autorité
dans la Sicile, sous le règne de Mainfroi,
porta les armes en faveur de Conradin ,
compétiteur de Charles d'Anjou, et fut
dépouillé de ses biens et de ses charges
par ce prince devenu roi de Sicile, qui
abusa, dit-on, de la femme de Procita.
« Les Français , ajoute M. de Lalande,
M {Voyage d^ Italie, t. 6, p. 98), n'ont
» que trop souvent donné prise en ce
» genre aux plaintes des étrangers. «
Animé par l'esprit de vengeance, et pro-
fitant du mécontentement que les Fran-
çais avaient fait naître ( Voyez Charles
de France, comte d'Anjou, ef Conradin),
il intreprit de faire révolter la Sicile
contre ce prince , et de la réduire sous
la puissance de Pierre, roi d'Aragon.
Pour tramer ce comploi plus secrètement,
il se déguisa en cordelier l'an 1280, et
après avoir parcouru toute la Sicile sous
cet habit, il alla à Constautinople traiter
120 PRO
avec Michel Paléologue, et en obtint un
secours d'argent. Après avoir ourdi sa
conspiration pendant deux ans, avec des
soins infatigables, elle fut exécutée en
1282. (Procida^fut depuis le conseiller
fidèle des princes Aragouais qui se suc-
cédèrent en Sicile, et parvint à une
vieillesse avancée ). ( /^oyes Pierre d'Ara-
gon, et Philippe III ^ roi de France. ) (On
peut consulter les Eclaircissemens sur
les Vêpres Siciliennes par Bréquigny,
publié par Sainte-Croix dans le Magasin
cncycïope'dique , l" année. M. Casimir
Delavigne a fait une tragédie des Vêpres
Siciliennes, dans laquelle Procida joue le
rôle principal. )
PROCLUS (Saint), célèbre patriarche
de Constantinople, disciple de saint Jean
Chrysostômc, s'opposa avec une force
mêlée de douceur au progrès du nesto-
rianistnc, et contribua beaucoup par ses
vertus au triomphe de la vérité. Il nous
reste de lui des Homélies, des Epîtres,
entre lesquelles on distingue celle qui
est adressée aux Arméniens sur la foi;
et A'autres écrits en grec, publiés par
Riccardi, Rome, 1630, in-4. On. les
trouve aussi dans la bibliothèque des
Pères. Son sliie est semé de pointes et
d'antithèses. Cet illustre prélat mourut
en 447, après 13 ans et 3 mois d'épisco-
pat. Saint Cyrille dit « que c'était un
» homme rempli de piété, parfaitement
M versé dans la connaissance de ia disci-
j) pline ecclésiastique, et un observateur
» exact des canons. »
PROCLUS (Eutycliius), grammairien
célèbre du 2* siècle, était de Sicca en
Afrique. L'empereur Antonin, dont il
avait été précepteur, le fit procon-sul.
Trébellius PoUion cite un livre de Proclus
sur ce qu'il y avait de plus curieux dans
les pays étrangers ; mais cet ouvrage est
perdu.
PROCLUS DIADOCUS , philosophe
platonicien du 6* siècle , était natif
de Lycie , ou, selon d'autres , de Con-
stantinople. H eut beaucoup de part
à l'estime et à l'amitié de l'empereur
Anastase. On dit que dans le temps que
Vitalien assiégeait Constantinople , Pro-
clus brûla ses vaisseaux avec de grands
PRO
miroirs d'airain : c'est une fable sahs fon*
dément. Ploclus mourut à Athènes vers
l'an 487. Chacun sait qu'il écrivit contre
la religion chrétienne. Il nous reste de lui
des Commentaires &ur (\\ie\(\iies livres de
Platon, et plusieurs autres ouvrages écrits
en grec. Ils ont été imprimés à la suite de
l'édition de Jamblique, Venise, 1497, in-
fol . Allatius a donné : Proclus in Ptolemœi
Tetrabilos, grec et latin, Leyde, 1C36 ,
in-8. On trouve ses Hymnes dans le re-
cueil de Maittaire. Proclus était un des
plus fanatiques partisans du paganisme ,
et en même temps un de ceux qui , parmi
les anciens philosophes , ont le plus clai-
rement reconnu la création de la ma-
tière; il dit que la matière, qui est
le sujet de toutes choses , est elle-
même produite par Fauteur de toutes
choses. Il attribue le même sentiment h
Platon , qui s'en explique en effet fort
distinctement; et dans son commentaire
sur Timée , Proclus appelle Dieu V Au-
teur ineffable de la matière. ( VoyezEié-
BOCLÈs. } Marinus de Naples a écrit sa vie,
(dont M. Boissonnade a donné une bonne
édilion en 1814. Les divers ouvrages de
Proclus ont été réunis par M. Victor
Cousin avec des commentaires, sous ce
titre : Procli philosophi platonici opéra
e cod. MSS. Bibliothccœ regiœ Pa- .
risiensis, etc., Paris, 1819-1823 , 5 vol.
in-8. A ces volumes il faut joindre celui
qu'on doit aux recherches de M. Bois-
sonnade, Leipsick, 1820, sous ce titre :
Extraits des scolies de Proclus sur le
Cralyie de Platon. )
PROCOPE ( Saint ) était né à Jéru-
salem ; mais il se relira àBelhsan, au-
trement appelée Scythopolis, où il fut
ordonné lecteur et exorciste. Il fut aussi
chargé d'çxpliquer la langue grecque en
syro-chaldaïque. C'était , au rapport de
l'auteur de ses actes , un homme d'une
vertu sublime , qui avait toujours vécu
dans une chasteté perpétuelle, dans la
patience et dans la pratique des plus
grandes austérités. Il possédait parfaite
ment les sciences des Grecs, mais était
encore plus versé dans la connaissance
des saintes Ecritures, dont il nourrissait,
et fortifiait son âme. Lès édits de Dkl
PRO
clétien contre ie christianisme étant ar-
rivés en Palestine au mois d'avril de l'an-
née 303 , Procope fut Je premier des fi-
dèles du pays qui versa son sang pour
Jésus-Christ. Il fut arrêté à Bethsan et
conduit à Césarée avec plusieurs autres
chrétiens, où, ayant refusé de sacrifier
aux empereurs , se disant dieux , le gou-
verneur le condamna à être décapité.
Saint Procope est honoré chez les Grecs
avec le titre de grand martyr. Eusèbe a
écrit les Actes de son martyre, et a été té-
moin oculaire de tout ce qu'il y rapporte.
PROCOPE, empereur d'Orient, d'une
famille illustre de Cilicie et parent de
l'empereur Julien , était d'un caractère
sombre, inquiet, ardent et ambitieux.
Après avoir rendu des services à l'état
sous Julien et sous Jovien , il se retira
chez les barbares de la Chersonèse Tau-
rique jusqu'au règne de Valens, époque
à laquelle il vint se cacher à Chalcédoine.
Cet empereur étant parti pour la Syrie ,
Procope se rendit à Constantinople, et
se fit déclarer empereur le 28 septembre
365. Il marcha ensuite contre Valens.
Le succès de ses armes fut si rapide, que
ce prince aurait abdiqué l'empire , si ses
amis ne l'en avaient détourné. L'année
suivante, les choses changèrent de face.
Procope fut défait dans une campagne
de Phrygie , nommée Salutaire ; et ayant
été abandonné par ses soldats , il fut
conduit à Valens , qui lui fit trancher la
tète à la fin de mai 366. Il n'était âgé
que de 32 ans.
PROCOPE , Procopius , fameux his-
torien grec, fut long-temps professeur
d'éloquence à Césarée , où il naquit au
commencement du 6' siècle. Il alla à
Constantinople , où il gagna la confiance
de Bélisaire , qui le prit pour son secré-
taire, et le mena avec lui lorsqu'il était
à la tête des troupes en Asie , en Afrique
et en Italie. Justinien l'honora du titre
d'illustre , et lui donna la place de préfet
de Constantinople. Il mourut vers la fin
du règne de ce prince. Nous avons de
lui : 1° une Histoire en huit livres. Les
deux premiers contiennent la guerre des
Perses , depuis la fin du règne d'Arcadius
jusqu'à la 33' année du règne de Justi-
XI.
PRO 121
nien. Les deux suivans décrivent la guerre
des Vandales, depuis l'irruption de ces
peuples en Afrique jusqu'à l'an 649, qu'ils
furent entièrement soumis aux Romains.
Dans les quatre derniers, il raconte les
guerres d'Italie contre les Ostrogoths,
jusqu'à la mort de Taïas, leur dernier
roi. Celte histoire est pleine de faits cu-
rieux et vrais. Le caraclère des nations
barbares qui inondèrent Tempire romain
y est bien peint. Le stile de Procope,
sans être toujours pur , ne manque pas
d'élégance. 2° Histoire secrète. Ce sont
des Anecdotes pour servir à la grande
histoire. Procope, qui avait dit dans
celle-ci tant de bien de Justinien et de Bé-
lisaire , les couvre d'opprobres dans celle-
là : c'est une satire dictée par la noir-
ceur ; et, quoique la méchanceté puisse
dire vrai , cet ouvrage renferme dts faits
si atroces , qu'il est difficile d'y ajouter
foi. L'impératrice Théodora y est surtout
traitée d'une manière si affreuse , que les
éditeurs de ces anecdotes se sont crus
obligés d'en omettre plusieurs traits. Le
Père Maltret , jésuite , qui dirigea , en
1662 et 1663 , l'édition des ouvrages de
Procope, donnée au Louvre en 2 vol.
in-folio , grec et latin , en retrancha sa-
gement une partie; mais La Monnoye la
conserva dans le i" volume du Mena-
giana. Nous avons diverses traductions
latines de l'Histoire de Procope , et une
en français parle présldeat Cousin. Pro-
cope est encore auteur d'un Traité des
édifices, qu'on trouve dàas l'édition du
Louvre. Marmontel a voulu prouver > à
la tête de son Hélisaire , que l'Histoire
secrète n'est point de Procope ; mais ses
preuves n'ont pas eu l'approbation des
savans. (jyiartin Fumée a traduit l'Histoire
de Procope et son Traité des édifices , Pa-
ris, 1686,in-fo[. On trouve aussi plusieurs
morceaux de cet historien dùns l'Histoire
de Constantinopie par le présidant Cou-
sin, Paris,1672, in-4 et in-12.j
PROCOPE de Gaza, rhéteur et so-
phiste grec , vers l'an 560 , a composé :
1 ° une Chaîne des pères grecs et latins
sur rOctateuque , c'«st-à-dire les pre-
miers livres de la Bible ; elle parut en
latin , in-fol ; 2" des Commentaires sur
i6.
122 PRO
les Livres des Rois et sur les Paralipo-
mènes , que Meursius a publiés en grec
et eu latin, Lejde, 1G20, in- 4; 3" des
Commentaires sur Isaïe , imprimés en
grec et latin , Paris , 1580 , in-fol., dans
lesquels il ne s'attache pas assez au sens
littéral, et est diffus.
PROCOPE RASE ou le Rasé. C'était
un gentilhomme bohémien qui , après
avoir voyagé en Allemagne, en France,
en Italie , en Espagne et dans la Terre-
Sainte , reçut la tonsure : ce qui lui fit
donner le nom de Rase ou de Rasé. Il
fut même ordonné prêtre ; mais, dégoûté
de l'état ecclésiastique, qu'il déshonorait
par ses vices et ses erreurs , il s'attacha
à Zisca, chef des hussites, qui eut pour
lui une confiance toute particulière. Il
succéda à cet aventurier en 1424 , fit de
grands ravages dans la Moravie , dans
l'Aulriche , dans le Brandebourg , la
Silésie et la Saxe ; se rendit maître de
plusieurs places, et d'une grande partie
de la Bohême. Sigismond , l'ayant vai-
nement combattu , crut que ses négocia-
tions seraient plus heureuses que ses
armes : il eut une entrevue avec Procope,
qui lui demanda beaucoup, et n'obtint
rien. Ce rebelle , déterminé à continuer
la guerre , écrivit une longue lettre en
mauvais latin, pour solliciter les princes
chrétiens d'envoyer au concile de Bâle,
indiqué en 1431, leurs évêques et leurs
docteurs, pour disputer avec les doc-
teurs des hussites , à condition de ne
prendre pour fondement de leurs dispu-
tes quele texte seul de l'Écriture : moyen
sûr d'engendrer et de propager toutes
sortes d'erreurs, en substituant des ex-
plications arbitraires à l'autorité de la
tradition des saints Pères et de l'Eglise
catholique. Il écrivit une autre lettre à
l'empereur Sigismond , le 22 mai 1432,
pour l'engager (à se trouver au concile
de Bâle. Procope se rendit au concile
avec ses fauteurs, au commencement
de 1433 ; mais voyant que les affaires ne
tournaient pas selon ses désirs , il en re-
partit fort irrité, et continua ses courses
et ses ravages. Procope mourut en 1434,
des blessures qu'il avait reçues dans un
combat. Ses deux Lettres se trouvent
PRO
^
dans le dernier volume de la grande Col-
lection des Pères Martenne et Durand.
— Il ne faut pas le confondre avec Pro-
cope,surnommé le Petit, chef d'une partie
de l'armée des hussites, qui accompagna
Procope le Rasé, et fut tué en 1434, dans
la même action oîi cet aventurier fut '
blessé à mort.
PROCOPE-COUTEAU (Michel, plus
connu sous le? nom de Coltellî ) , mé-
decin de Paris , sa patrie, naquiten 1684.
Il était fils de Procope Coltelli , noble pa-
lermitain , qui , se trouvant sans fortune,
vint à Paris , et fut le premier qui éta-
blit un café oii se réunissaient les nou-
vellistes et les littérateurs , lequel est en-
core connu sous le nom de Café Procope.
Michel Couteau avait été ecclésiastique
avant de se consacrer à la médecine , que
la frivolité et les plaisirs ne lui permi-
rent guères de pratiquer. Il mourut à
Chaillot eu 1733. Un esprit vif, un ca-
ractère complaisant , faisaient oublier
qu'il était petit, laid et bossu. On a de
lui beaucoup de poésies fugitives , répan-
dues dans différens recueils. Il a donné
comme médecin : 1° {'Analyse du Sy-
stème de la trituration de M. Hecquet ,
1712, in- 12 : il y attaque assez leste-
ment ce médecin célèbre , dont il n'avait
pas à beaucoup près les connaissances et
le jugement ; 2° VArt de faire des gar-
çons, in-12 ; ouvrage frivole et indigne
d'uu physicien instruit. Il a aussi écrit
des comédies ou des farces , dont la meil-
leure est la Gageure.
PROCOPIUS-ANTHÉMIUS. Foyez
ÀNTBÉMIUS.
PROGDLÉIUS , chevalier romain ,
ami de l'empereur Auguste , se signala
par sa tendresse envers ses parens. Après
la mort de son père, il avait partagé éga-
lement l'héritage avec ses deux frères ,
Munéra et Scipion ; mais ils furent tota-
lement dépouillés par la guerre civile.
Proculcius, pour les soulager dans leur
malheur , partagea une seconde fois les
biens qui lui étaient échus. Horace l'a
célébré dans sa belle Ode Nullus ar-
gento color est.
Vitet extenlo Proeuieins ITTO,
Notui in Trairct animi pateriii.
PRO
PROCULUS ( Titius-iElius ) , né à Al-
benga,ville delà côte de Gênes, homme fa-
meux par sou audace el son courage, avait
acquis de grandes richesses dans le vil mé-
tier de pirate. Il servit avec distinction
dans les conquêtes d'Aurélien et de Pro-
bus. Son ambition lui fit prendre le titre
d'empereur, l'an 280, à la sollicitation
de sa femme Yiturgie et des Lyonnais.
Le prétexte de sa révolte fut qu'on l'a-
vait salué du nom de César dans un di-
vertissement, et que Prohus ne lui par-
donnerait pas d'avoir souffert cette flat-
terie. Cet empereur marcha en effet con-
tre lui. Proculus fut trahi par les Francs,
auxquels il s'était confié , et fut livré à
l'empereur, qui lui fit subir à Cologne le
dernier supplice. Ce rebelle était adonné
aux femmes, et livré à la débauche la
plus outrée.
PRODICUS, sophiste et rhéteur de
l'île de Céos , vers 396 avant J. C. , dis-
ciple de Protagoras, fut maître d'Euri-
pide, de Socrate, de Théramène et d'I-
socrate. Il enseigna publiquement l'élo-
quence à Athènes, quoiqu'il y résidât en
qualité d'ambassadeur de sa patrie. Une
cupidité .sordide le faisait aller de ville
en ville, pour y étaler son éloquence,
et mettre à contribution ses nombreux
élèves. Ce charlatan amassa de l'argent,
et acquit de la gloire. Thèbes , Lacédé-
mone , lui rendirent des honneurs distin-
gués. Prodicus avait ses pièces d'éclat
comme les baladins de profession. Les
anciens ont beaucoup parlé de sa Haran-
gue à 50 dragmes , parce que personne
ne pouvait y assister qu'en payant cette
somme. Les Athéniens le firent mourir
comme corrupteur de la jeunesse. (H lui
communiquait son athéisme ; cependant
il put pendant quelques années échapper
à la punition ; mais Aristophane l'ayant
tourné en ridicule dans les Nuées et les
Oiseaux, il fut enfin traduit devant la
justice et condamné à boire la ciguë. )
PRODICUS, chef des hérétiques ap-
pelés AdamUes, se fit connaître dans le
1 1' siècle par ses extravagances. La prin-
cipale , et celle qui a donné le nom d'a-
damites à ses sectateurs , fut que l'homme
devait être nu , du moins dans la prière,
PRO 123
parce qu'Adam avait toujours été tel dans
le temps 'd'innocence. ( Voyez Picabd. )
L'abus que les hérétiques ont fait dans
tous les temps de la sainte Ecriture ,
quand ils ont voulu en être les seuls in-
terprètes, prouve la nécessité d'un tri-
bunal suprême pour l'expliquer , et mon-
tre de plus , contre ceux qui en conseil-
lent la lecture à tout le monde, que ce
livre divin peut devenir une source d'er-
reurs dans les esprits faibles ou corrom-
pus. Gerson remarque que c'est de là
« que sont venues les erreurs des Bé-
» guards , des pauvres de Lyon et de
» tous leurs semblables , dont il y a beau-
» coup de la'ïcs qui font une traduction
» de la Bible dans leur langue vulgaire ,
»> au grand préjudice et scandale de la
» vérité catholique. C'est ce qu'on a pro-
» posé de retrancher par le projet de ré-
M formation. j> ( Tractât, de comm. laie,
sub ulraque specie. ) « C'est, dit- il
» ailleurs, une chose trop périlleuse
» que de donner aux hommes simples
» qui ne sont pas savan"^ les livres de la
M sainte Ecriture traduits en français ,
» parce qu'ils peuvent , en les expliquant
» mal , tomber d'abord dans des erreurs ;
» ils doivent écouter cette parole dans
» la bouche des prédicateurs , autrement
V on prêcherait en vain. » ( Serm. de
Nativ. Dom. ; Il se foude &ur la ré-
flexion suivante : « Comme on peut tirer
p quelque bien d'une bonne et fidèle ver-
» sion de la Bible en français si le lecteur
» l'entend avec sobriété, au contraire il
» arrivera des erreurs et des maux innom-
» brables si elle est mal traduite ou ex-
» pliquée avec présomption , en rejetant
» les sens et les explications des saints
•» docteurs. » ( Serm. contra adulât. )
Voyez Algasie , Abundel , Eostocaium ,
Harney , Mallet , Marcelle.
PRONAPIDE d'Athènes, ancien poète
grec , qui , selon Diodore de Sicile , dit-
on , fut le maître d'Homère. Ce fut lui
qui commença à écrire de gauche à droite,
au lieu que les Grecs écrivaient avant lui
de droite à gauche , à la manière des
Orientaux. On a attribué à ce poète une
production en vers intitulée : Le premier
monde.
124 Pi^o
PROP£RCË ( Sexlu8-ÀureIius-Pro-
pertius ), poète latin, naquit l'an 52
avant J. C. , à Movania, ville d'Ombrie ,
aujourd'hui Bevagna , dans le duché de
Spolète , et mourut douze ans avant J. C.
Son père, chevalier romain, avait été
mis à mort par ordre d'Auguste , pour
avoir suivi le parti d'Antoine pendant le
triumvirat. Le fils vint à Rome , et son
talent pour la poésie lui mérita la pro-
tection de l'empereur , et l'estime de Mé-
cène et de Cornélius Gallus. Ovide , Ti-
bulle , Bassus , et les autres beaux es-
prits de son temps , se firent un honneur
et un plaisir d'être liés avee lui. Il nous
reste de Properce quatre livres d'Ele'ffies.
Une dame , appelée Hostia ou Hoslilia,
à laquelle il donne le nom de Cynthie ,
et qui possédait son cœur , est le sujet de
ses complaisances amoureuses. Ce poète
manie très heureusement la fable. Il a
su allier la pureté de l'expression à la dé-
licatesse du sentiment. Ses Elégies ac-
compagnent ordinairement celles de Ca-
tulle ( Voyez ce nom ) , et méritent le
même reproche de licence. On les a im-
primées séparément à Amsterdam, 1705,
in-4 ; et M. l'abbé de Longchamps les a
traduites en français, 1772 , in-8. (D'au-
tres traductions ont paru depuis , entre
autres celles de Denne-Baron, Paris,
1814;2*édition, 1825;etde M. Mollevaut,
Paris; 1821 , in-18.)
PROPERZIA DE Ross» florissait à Bo-
logne , sous le pontificat de Clément VU ;
elle s'adonna particulièrement à la sculp-
ture et décora la façade de l'église de
Saint-Pétrone de plusieurs statues de
marbre , qui lui méritèrent les éloges des
connaisseurs. La sculpture n'était point
son seul talent , elle possédait tous ceux
qui ont rapport au dessin : elle peignit
quelques tableaux , et grava plusieurs
morceaux sur le cuivre. ( On conserve
quelques-uns de ses ouvrages au musée
de Bologne.)
* PROPIAC (Catherine- Joseph Ferdi-
nand Gérard iir) , traducteur et compi-
lateur infatigable, né vers 1758 ou 1760
à Dijon d'une famille noble de la Bour-
gogne, entra fort jeune au service mili-
taireeu qualité d'officier. Dès sa jeunesse
PRO
il avait composé de la musique pour la ,
comédie italienne , entr'autres la parti-
tion des Déesses rivales, opéra de Piis
qui eut du succès. Il émigra en 1791 ,
servit dans l'armée des princes , habita
long-temps Hambourg, et rentra en
France après le 18 brumaire. Il obtint
peu de temps après l'emploi d'archiviste
du département de la Seine. Ces fonctions
lui laissant beaucoup de loisir , il tra-
vailla pour le théâtre de la Gaité oii pen-
dant 20 ans il fit la musique delà plupart
des mélodrames qui y furent jonés. En
même temps il travaillait aussi pour les
libraires , et donna successivement un
grand nombre de traductions de livres élé-
mentaires et d'abrégés très superficielsqui
ne sont pas toujours exempts de reproches
relativement à la morale et à la vérité de
l'histoire. Il est mort d'une attaque d'a-
poplexie foudroyante le 1*"^ novembre
1823. Il avait obtenu la croix de Saint-
Louis en 181 5. Voici le titre de ses nom-
breux ouvrages : 1° Nouveaux contes,
moraux d'Auguste Lafontaine , traduits
de l'allemand, 1802, 2 vol. in-12;2'*
Histoire de Gustave fFasa, roi de Suède,
par M. d'ArchenhoItz , traduit de l'alle-
mand, 1803, 2 vol. in-8, production
fort médiocre , toute en faveur des pro-
testans, et qui n'a obtenu aucun succès;
3° avec Dubois , Voyage d'Almuza dans
l'île de la Vérité , traduit de l'allemand,
1804, in-12; 4° PUitarque o\x Abrégé
des hommes illustres de ce célèbre écri-
vain , avec des leçons explicatives de
leurs grandes actions , 1805 , 2 vol. in-
12, 4« édition, 1823; 5° Histoire de
France à l'usage de la jeunesse , 1 807,
2 vol. in-12, fig. , 5« édition, 1822 ; 6°
Histoire d'Angleterre à Vusage de la
jeunesse, 1818, 2 vol. in-12, fig., 2»
édition, 1823; 1' les deux Fiancées,
trad.'de l'allemand d'Auguste Lafontaine,
1810, 5 vol. in 12; 8° Histoire sainte à
Vusage de la jeunesse, 1810, 2 vol.
iri-l2; 9" le Plutarque des jeunes de-
moisellesou Abrégé des vies des femmes
illustres de tous les pays , avec des le-
çons explicatives de leurs actions et de
leurs ouvrages , 1 8 1 0 , in- 1 2 , fig. , 3*
vdition , 1 821 , 2 vol. in-1 2 ; 10» Beautés
PRO
de Vhistoire sainte ou Choix des traile's
les plus remarquables et des passages
les plus e'ioquens contenus dans l'ancien
et le nouveau Testament, ouvrage propre
à inspirer l'amour de la religion à la
jeunesse et à fortifier la foi et la piété
des personnes de tout âge et de tout
sexe , Paris , 1811, avec seize jolies
gravures, troisième édition, 1825,
in-I2; 11" le Plutarque français ou
Abrégé des vies des hommes illustres
dont la France s'honore depuis le com-
mencement de la monarchie jusqu'à
nos jours , Paris, 1813, 2vol.in-12,
2« édit. orné de GO portraits, 1825; 12°
Beautés de l'histoire militaire ancienne
et moderne contenant le précis des ba-
tailles , des combats , etc. ouvrage élé-
mentaire destiné à l'instruction de la
jeunesse, Paris, 1814, in-12. Cet ou-
vrage renfermant beaucoup d'éloges de
Buouiiparte n'a pas été mis en circulation;
13° Beautés de l'histoire de la Suisse
depuis Cépoque de la confédération jus-
qu'à nos jours, Paris , 1817, in-1 2 , 2*
édit. revue et corrigée , 1823; 14" Dic-
tionnaire d' émulation à l'usage de la
jeunesse, Paris, 1820, in-12; 15° les
Merveilles du monde ou les plus beaux
ouvrages de la nature et des hommes,
répandus sur toute la surface de la
terre, ornées de 16 gravures, Paris,
1820,2 vol. in-12 v 2* édition, revue,
corrigée et augmentée, 1823. Cet ou-
vrage est traduit de l'anglais. 16" Les
f^œux de la mère Poisson, marchande
de marée à la halle de Paris , pour S .
A. R. le duc de Bordeaux , Paris, 1821,
in-8. il" petit Tableau de Paris et des
Français aux principales époques de
la monarchie , contenant une descrip-
tion des monumens les plus remarquable s
de la capitale , t indication de tous les
autres édifices, les ministères, etc., avec
une notice explicative des vciemcns ,
coiffures et armures des Français depuis
Pharnmond jusqu'à ce jour , reproduit
Tannée suivante sous le litre : Ae Beautés
historiques , chronologiques , politiques
et critiques de la ville de Paris , 1821 ,
îvol. in-12; 18° le Laharpc de la jeu-
nesse , ou rArt de raisonner , de parler
PRO 1 25
et d'écrire , extrait du cours de littéra-
ture de ce célèbre auteur , Paris , 1822 ,
4 vol. in-12; i 9° la Sœur Sainte-Camille
ou la Peste de Barcelone , roman histo-
rique, Paris, 1822, 2 vol. in-12 ; 20°
Beautés de la morale chrétienne ou
Choix de morceaux publiés par les pré-
dicateurs les plus célèbres et les philo-
sophes chrétiens les plus illustres sur
les vérités et la force morale du chris-
tianisme , ouvrage destiné à Finstruc-
tion et à F édification de la jeunesse; 21°
les Curiosités universelles faisant suite
azi.r Merveilles du monde, contenant les
plus beaux ouvrages de la nature et
des hommes, répandus sur toute la
surface de la terre , orné de gravures ,
Paris , 1823 , 2 vol. in-12 ; 22° Beautés
de l'histoire du Pérou ou Tableau des
événemens qui se sont passés dans ce
grand empire , son origine , etc. , Paris,
1825, in-12 avec 4 gravures, ouvrage
posthume. Propiac a été aussi l'éditeur
de la 4* édition des époques ou Beautés
de rhistoire de France , par Dardent ,
revue , corrigée et ' considérablement
augmentée, Paris , 1823, in-12, et il a
donné quelques articles à la Biographie
universelle , enlr'autres celui du cheva-
lier à'Eon.
PKOSPER ( Saint ) naquît' dans l'A-
quitaine au commencement du 5* siècle
(en 403). Il passa sa jeunesse dans les plai-
sirs et la débauche; mais les malheurs
dont les peuples étaient accablés par les
ravages des barbares lui firent ouvrir les
yeux. Après avoir expié les fautes de sa
vie passée , par ses larmes et par ses aus-
térités , il voulut engager les peuples à
l'imiter dans sa pénitence. Il se nourrit
des livres de saint Augustin , auquel il
s'unit pour la défense de la grâce contre
les semi-pélagiens. Lorsque ces héréti-
ques répandirent leurs erreurs dans les
Catdes, Prosper les dénonça à cet illus-
tre évêque. Après la mort du maître , le
disciple n'en fut pas moins ardent à dé-
fendre sa doctrine. Il réful» les prêtres
deMarseilleel Cassien. ( Voyez Cassikn,
Jean. ) Ses écrits ayant excité quelques
rumeurs, il alla à Rome avec uu pieux
laïque, nommé i¥iYrtt/v', pour porter de
126 PRO
concerl leurs plaintes au pape. Célestin
était sur la chaire de saint Pierre ; il
écrivit en leur faveur aux évêques des
Gaules. Saint Léon , successeur de Cé-
lestin , ne témoigna pas moins d'estime
à Prosper ; il le fit venir à Rome, le fit
son secrétaire, et se servit de lui dans
les affaires les plus importantes. Ce saint
vivait encore , selon la Chronique de
Marcellin , en 463 ; mais on ignore en
quelle année il mourut , et s'il était évê-
que , ou laïque. La plus commune opi-
nion est qu'il n'était point engagé dans
le ministère ecclésiastique. Les écrits qui
nous restent de saint Prosper sont : 1°
une Lettre à saint Augustin et une à
lîu/în ; 2° le Poème contre les ingrats.
Il donne celle dénomination aux péla-
gicns et semi-pélagiens , qu'il regarde
comme des ingrats envers la grâce de
J. C. 3° Deux Epigrammcs y contre uu
censeur de saint Augustin ; 4° cent seize
autres Epigrainmes , avec une préface;
5° la lîe'ponse aux objections de Fin-
ccnt ; 6" Je Livre sur la grâce et le libre
arbitre, contre le Collateur, c'est à-dire
Ca&sien ; 7° le Commentaire sur les
psaumes y qui n'est qu'un abrégé de ce-
lui de saint Augustin ; nous n'en avons
qu'une partie ; 8° le Recueil de 392 Sen-
tences tirées des ouvrages de saint Au-
gustin ; 9" deux Chroniques , l'une de-
puis l'origine du monde jusqu'à l'an 465,
publiée par le Père Labbe , dans sa Bi-
bliothèque des manuscrits ; l'autre nom-
mée Chronique consulaire, publiée par
Du Chesne dans le 1"^ volume des Histo-
riens de France. On a attribué à saint Pros-
per les Livres de la vocation des gentils ,
qui appartiennent avec plus de vraisem-
blance à saint Léon ( Voyez ce nom et
Anthelmi, et l'article suivant ), ainsi
que d'autres ouvrages qui ne sont pas de
lui. Cet illustre défenseur de la grâce a
réuni le rare talent d'écrire avec élégance
en vers et en prose. Ses poésies ont de
la douceur , de l'onction et du feu. La
diction en est pure et le tour aisé. S'il
n'y a point répandu certains agrémens ,
comme les poètes profanes, c'est qu'il
ne cherchait qu'à éditicr et non à plaire ;
la matière d'ailleurs neic permettait pas.
PRO
Ses ouvrages en prose sont d'un slile
concis , nerveux , naturel , sans affecta-
tion ni de termes ni de figures. Dans
l'un et dans l'autre genre d'écrire, il
traite son sujet avec beaucoup de force
et de netteté- La meilleure édition de
ses OEuvres est celle de Paris, 1711,
in-fol., par Mangeant. Jean Salinas en a
donné une édition enrichie de notes, à
Rome en 17 32, in-8. Le 3Iaistre de Sacy
a donné une traduction en vers français
d^son Poème contre les ingrats, in-12.
PROSPER ( Saint ), évêque d'Orléans,
se signala par ses vertus et ses lumières.
Il était contemporain de saint Prosper
d'Aquitaine; il succéda vers l'an 454 à
saint Aignan , sur le siège d'Orléans.
Quelques auteurs l'ont pris, mais sans
fondement, pour l'évêque de ce nom qui
assista aux conciles qui se tinrent à Via-
son et à Carpenlras dans le 6' siècle. On
ignore en quelle année il mourut. Il est
nommé dans le Martyrologe le 29 juil-
let.
PROSPER, écrivain ecclésiastique du
6^ siècle , qui , pour éviter la persécution
des Vandales , avait passé d'Afrique , sa
patrie, en Italie. Quelques critiques pré-
tendent que c'est ce Prosper qui est
auteur du Traité de la vocation des
gentils, et de VE pitre à la vierge
De'métriade, dans VAppendix augus-
tiniana, Anvers, 1703, in-fol. Quelques-
uns lui attribuent aussi l'ouvrage intitulé
De Prœdictionibus et promis sionibus
Dei, qui se trouve dans la collection des
ouvrages de saint Prosper d'Aquitaine.
C'est une explication de plusieurs pro-
phéties relatives au Sauveur , à l'Ante^
christ , etc. ; mais plusieurs savans ne
regardent pas la distinction de Prosper
l'Africain et de Prosper d'Aquitainecomme
suffisamment fondée. — Quelques-uns
distinguent un PbosperTvro, de qui on a
une Chronique appelée en latin : Chro-
nicon pithœanum , et imperatorium ,
dont Henri IN'oris a corrigé les erreurs
dans V Histoire pe'lagienne, tome 2, cha-
pitre 1 5. D'autres croient qi»e cette chro-
nique est la même que celle de saint Pros-
per d'Aquitaine, mais falsifiée par un
pélagicn.
PRO
PROSPER ALPIjNI. Foye-. Alpim.
PROSPER MARCHAIS b.roT/esMAR-
CUAAb.
* PfiOST ( Jean-Claude ) , surnommé
le capitaine Lacuson, né àLongchaumois
près de St. -Claude en Franche-Comté ,
se mit au service de l'Espagne, et de
1 C35 à 1 659 fit la guerre de partisan dans
sa province. La terreur qu'il inspira aux
liabilans de la Bresse jurassienne était si
p,rande qu'on le redoutait comme la fiè-
vre, si commune et si funeste dans cette
contrée marécageuse et mal saine , et
que dans une oraison, qui s'est perpétuée
jusqu'à nous, ils demandaient à Dieu de
les préserver de ces deux fléaux ( Lacu-
son et la fièvre). On lui attribuait les
crimes les plus atroces , et la tradition
ne l'a pas lavé de cette accusation. Plus
indulgent ou plus juste, le parlement de
Dôle, après une enquête fdite sur sa con-
duite, l'a justifié de toutes les horreurs
qu'on lui imputait. Lacuson continua de
guerroyer jusqu'à sa mort : il défendit
successivement contre les armées de Louis
XIV les principaux châteaux du premier
plateau du Jura : ce hardi aventurier alla
mourir au siège de Milan dans les rangs
espagnols. Sa principale demeure en
Franche-Comté était le manoir de St.-
Laurent-La-Roche , près de Lons-le-Sau-
nier ; les ruines de cet édifice existent
encore : c'est de là qu'il partait pour
s'emparer des convois faiblement escor-
tés, ou pour rançonner les villes environ-
nantes. La Biographe universelle de Mi-
chaud rapporte que l'on voit encore à
Cuiseaux une sculpture, sur l'un des pan-
neaux de la boiserie en chêne de l'église
paroissiale, représentant un renard dans
une chaire prêchant des poules qui ou-
vrent un large bec ; elle ajoute que ce
monument est une vengeance des habi-
tans de ce lieu , qui voulurent rappeler
par cette allégorie la conduite d'un sol-
dat de Lacuson, qui s'éait déguisé en
capucin pour entrer dans ce village et
qui introduisit ensuite ses camarades ,
pour en piller avec lui toutes les mai-
sons.
' PROST DE ROYER (Antoine-
François ), avocat et ancien lieutenaut-
PRO 197
général de police de Lyon, né dans cettr
ville en 1729, s'acquitta de celle place
avec beaucoup de zèle et d'intelligence.
H ne remplit pas avec moins d'honneur
les fonctions d'administrateur des hôpi-
taux , d'échevin , de président du tribu-
nal de commerce , de lieutenant provin-
cial des monnaies. A des talens et des
connaissances étendues qui le rendaient
propre à tous les emplois , il joignait
une âme généreuse et un cœur sensible.
Il était de son temps le seul homme à
Lyon qui connût le droit public. Après
avoir mérité l'estime de ses concitoyens
par ses vertus et son dévouement au
bien public, il mourut dans l'indigence
en 1784. On a de lui une Lettre à M.
l'archevêque de Lyon sur le prêt à inté-
rêt, in-8; un Mémoire estimable sur les
hôpitaux, et un autre sur la conservation
des enfans trouvés ; des lettres sur l'ad-
ministration de la municipalité de Lyon,
remplies de vues grandes et utiles ; un
Mémoire très-bien écrit sur l'allaitement
des enfans et l'établissement des bureaux
de nourrices. Il avoit entrepris une nou-
velle édition, entièrement refondue, du
Dictiomiaire des arrêts de Brillon, où
l'on trouve de la profondeur dans les idées
et de l'énergie dans le stile; mais il n'a
publié que les quatre premiers vol. de cet
important ouvrage. VEloge de Prost de
Royer, par Barou du Soleil, a été impri-
mé, et son portrait gravé par Boyli.
PROTAGORAS , célèbre sophiste
grec, naquit vers l'an 488 avant J. C, à
Abdère, exerça d'abord le métier decro-
cheteur. Démocrite l'ayant rencontré
chargé de fagots arrangés dans un équi-
libre géométrique , conçut une idée
avantageuse de son esprit, et le mit au
nombre de ses disciples. Protagoras, tiré
de la misère , ouvrit bientôt son cœur à
un orgueil insupportable. Il osa attaquer la
Divinité , et nia l'existence d'un YAxc
suprême, ou du mqins la mit en problè-
me. Ses écrits impies furent condamnés
aux flammes par les magistrats d'Athènes,
qui chassèrent l'auteur comme une peste
publique , persuadés qu'une bête féroce
est moins à craindre qu'un homme sans
religion. Le blasphémateur parcourut
t28 PRO
alors les îles de la Méditerranée, et mou-
rut en allant en Sicile, dans un âge très
avancé, vers l'an 400 avant Jésus-Christ.
Il fut, dit-on, le premier qui déshonora la
philosophie, en donnant ses leçons pour
de l'argent. (Il trouva un imitateur dans
Prodicus,auss isophiste, et son contempo-
rain. Protagoras avait amassé de grandes
richesses.il écrivit un Traite de la Na-
ture : le précis de la doctrine de ce phi-
losophe se trouve dans le Thée'lète de
Platon. ) Protagoras avait l'esprit moins
solide que subtil. Il raisonnait ou plutôt
il déraisonnait en dilemme. Il s'appli-
quait de préférence à fournir des argu-
mens captieux, pour faire gagner une
mauvaise cause : on lui a quelquefois
comparé Bayle, et il y a quelques rapports
entre ces deux sophistes et sceptiques.
Une de ses opinions était que Vâme n'é-
tait pas différente des sens, et que tout
ce qu'ils représentaient était véritable.
PROTAIS (Saint). Protasius. F oyez
Gkbvais.
* PROTHADE (Saint) , évêque de
Besançon dans le 7' siècle , était fils ou
proche parent de Prothade , maire du
palais de Bourgogne. S'étant consacré
de bonne heure au service des autels ,
il mérita par ses lumières et ses vertus
l'affection de l'évêque Nicet auquel il
succéda en 612 ou 613 sur le siège de
Besançon. Son administration fut sage :
il maintint la discipline, chassa les si-
moniaques et préserva les fidèles de
son diocèse des erreurs qui infestaient
Jes pays voisins. Le roi Clotaire II avait
pour ce prélat une grande vénération ,
et il se plaisait à le consulter souvent.
Pour fixer les cérémonies , Prothade com-
posa un Rituel , qui continue d'être cité
sous son nom , malgré les nombreux
changemens qui y ont été apportés de-
puis : Dunod l'a publié dans les preuves
de l'Histoire de FEglise de Besançon.
Prothade mourut en 624 , le 10 février,
jour cil l'Eglise honore sa mémoire. La
plus grande partie de ses reliques est
consei-vée dans l'église de St. -Pierre de
Besançon , oii il fut inhumé. Sa f^ie par
P.-Fr. Chifflet est insérée dans Tes Acta
Sanctorum, et dom Rivet lui a consacré
PRO
une iVb/icc dans VUist. litt. de laFrance,
t. 3, pag. 531. *
PROTHÉE. Foyez PinÉGRiN.
PROTOGÈNES, peintre de Cannes ,
ville située sur la côte méridionale de
l'île de Rhodes , florissait l'an 336 avant
J. C. Il fut réduit par son indigence à
peindre des vaisseaux. Aristote, avec qui
il était lié d'amitié, lui proposa les batail-
les d'Alexandre ; mais Prologènes crut ce
travail au dessus de ses forces. Apelles,
étant venu voir ce peintre, fut étonné de
la grandeur de son talent, vraiment rare
pour ce temps-là , et , indigné de ce que
les Rhodiens n'en connoissaient point le
prix, il offrit d'acheter ses tableaux ; mais
celte proposition s'étant répandue dans
le public, les compatriotes de ProtogèneS'
ouvrirent les yeux sur son mérite, et
payèrent ses ouvrages comme ils le mé-
ritaient. Démétrius, ayant assiégé Rhodes,
ne voulut point mettre le feu à un quar-
tier de la place , quoique ce fût le seul
moyen de s'en emparer, parce qu'il apprit
que c'était en cet endroit que Prologènes
avait son atelier. Le tableau le plus célè-
bre de ce peintre était Vlalyse , chasseur
fameux, qui passait pour être un petit-
fils du Soleil, et le fondateur de Rhodes.
Il employa sept années à ce morceau ; et
pendant tout ce temps, il prit un régime
de vie extrêmement sobre , afin d'être
plus capable de réussir. Cependant tant
de précaution pensa lui être inutile. Il
s'agissait de représenter dans ce tableau
un chien tout haletant et la gueule pleine
d'écume; depuis long-temps il y travail-
lait, et n'en était jamais content. Enfin,
de dépit il jette sur l'ouvrage l'éponge
dont il s'était servi pour l'effacer. Le ha-
sard fit, dit- on, ce que l'art n'avait pu
faire , l'écume fut représentée parfaite-
ment , et l'animal , ainsi rendu , fit l'ad-
miration desconnaisseurs. Apelles, arrivé
à Rhodes , alla chez ce peintre , et traça
chez lui quelques traits , que Protogènes
trouva si supérieurs aux siens, que, sans
s'amuser inutilement à jouter contre un
si redoutable rival , il contracta depuis
avec lui l'amitié la plus intime. On a
trouvé des fresques à Herculanum, tirés
des peintre.s grecs; on les admire encore,
PRO
et les peintres modernes se sont empressés
lie les imiter. Ou dit que quelques-uns
appartiennent à l'école ou au stile de
Protogènes, f^oyez Apelles.
PR OTO-SPATH ARIUS. Foyez
Théophile.
* PROU ( Claude ), religieux célestin,
né à Orléans, entra dans cet ordre, et y fit
profession de la vie monastique le 15
novembre 16GC. Il s'y distingua par sa
piété, sa régularité, et la composition
d'ouvrages édiftans et estimes, dont voici
les titres : I" Les Regrets d'une âme tou-
chée d'avoir abuse' long temps de la sain-
teté du Pater , Orléans, 1 69 1 , in-1 2 : livre
plein d'onction, qui fui bien accueilli
des personnes pieuses, et qu'on recher-
che encore ; 2° La Fie de saint Lye\
solitaire de Beausse,OT\é&r\s, 1694, in-8;
3° Réflexions chrétiennes sur la virgi-
nité, 1C93, in-8. Elles furent réimpri-
mées en 1700, avec une augmentation
de sept chapitres, et reparurent sous ce
titre : Réflexions importantes sur la vir-
ginité ; 4° Le Guide des pèlerins de
N.-D. de Ferdelays , Bordeaux, 1700,
in-8. Verdelays ( Firidis Lucus) est un
monastère du diocèse de Bordeaux , cé-
lèbre par son pèlerinage et la dévotion
des fidèles. 6° Dispositions nécessaires
pour le jubilé de Vannée sainte , Bor-
deaux, 1700; 6" Instructions morales
touchant ^obligation de sanctifier les di-
^ manches et les fêtes , Bordeaux , 1703,
in-8, etc. Le Père Prou mourut au monas-
tère de Verdelays, le 20 décembre 1722.
L'auteur de l'Histoire des Célestins de
France le nomme Proust ; c'est mal à
propos.
* PROUSTEAU ( Guillaume ), juris-
consulte, né à Tours le 26 mai 1 626, d'un
marchand de cette ville , fit ses premiè-
res études chez les jésuites, et les con-
tinua à la Flèche, où il remporta tous les
premiers prix. Après avoir étudié les lois
et avoir reçu le bonnet, il s'appliqua plus
particulièrement au droit romain , qu'il
regardait avec raison comme la base de
la jurisprudence et la source de toutes
les lois. Son application assidue le mit
en état d'éclaircir et de développer avec
précision et clarté le Digeste et le Code
XI.
PRO 109
romain. Pendant quatre années, il exerça
à Orléans la profession d'avocat, se voua
ensuite à l'enseignement, et mourut le 19
mars 1715, à l'âge de 89 ans. Il fonda
en 1694 la bibliothèque d'Orléans , qui
passe, après celle de Paris, pour être une
des plus riches de France. 11 dépensa de
grandes sommes pour la construction in-
térieure de la bibliothèque , et y laissa
des fonds pour l'entretien du bibliothé-
caire et pour l'achat des livres , chaque
année. Ses ouvrages sont : 1° Recitatio
ad L. XXIII, 1684, in-4 : livre qui éta-
blit justement sa réputation ; 2" Ve ver*-
borum significatione ; 3° Ve diversis
regulis juris ; 4° plusieurs Instituts du
droit canon; 5" des Commentaires sur
différens titres du Digeste et du
Code, etc.
PROVEINZALI (Jérôme), médecin
de Clément VIII , puis archevêque de
Sorrento, était de Naples. Il fit honneur
à sa patrie par ses connaissances. Il
mourut en 1612, après avoir gouverné
son diocèse avec sagesse. On a de lui un
Traité des sens, en latin, Rome, 1597,
in-4, qui dément la mauvaise idée qu'on
s'est faite de la physique de son siècle.
* PROVOST ( René ) , chanoine du
Mans et curé d'Evron , né en cette ville
le 10 octobre 1770, n'était encore que
clerc tonsuré en 1792 lorsqu'il fut obli-
gé de s'expatrier par suite de la loi ré-
volutionnaire de la déportation. Il se ren-
dit à Londres où il continua ses études
Ihéologiques au séminaire des missions
étrangères. Après 9 ans de séjour dans
cet établissement, il revint en France,
en 1801 , sa santé ne lui ayant pas per-
mis d'aller porter la parole de Dieu en
Chine. Il avait été ordonné prêtre en
1795: nommé vicaire d'Evron, il passa
dans cemodesteemploi25années, unique-
ment occupé des fonctions de son minis-
tère, et édifiant tous ceux qui le voyaient,
par la pratique exacte de ses devoirs.
Ce fut en quelque sorte , en employant
la violence, qu'on parvint à lui faire ac-
cepter en 1828 la cure d'Evron, vacante
par la mort de M. Bigot. Plus tard il fut
nommé chanoine honoraire. L'abbé Pro-
vost n'a composé aucun ouvrage qui nous
»7-
i3o PRO
soit connu ; mais ses actions rendent sa
mémoire chère h tous les fidèles : prêtre
vertueux, entièrement livré à l'exercice
de ses devoirs, homme de bon conseil,
d'une rare humilité , d'une prudence
consommée, d'une charité grande, d'une
piété aimable et du caractère le plus heu-
reux , il est mort , comme il a vécu , c'est-
à-dire en saint : c'est le 28 septembre
1831 qu'il a été enlevé au diocèse du
Mans.
*PROYART ( Liévain-Bonaventure ) ,
historien, né à Arras en 1743 , fit ses
premières éludes au collège de Saint'
Quentin en Vermandois, et les acheva
■ïu séminaire Saint-Louis à Paris. Il em-
brassa l'état ecclésiastique et se consacra
à l'éducation de la jeunesse. Appelé au
collège Louis-le-Grand quelque temps
après l'expulsion des jésuites, ils' efforça
de maintenir dans cet établissement l'es-
prit religieux qui y régnait sous les cé-
lèbres maîtres que la persécution arra-
chait à l'enseignement et à la religion.
De Louis-le-Grand, où il étail|sous-princi-
pal , l'abbé Proyart passa auPuy en Vclay
en qualité de principal du collège, et fut
chargé d'organiser cet établissement. Il
avait fait de cette maison l'une des
écoles les plus florissantes du royaume.
Plusieurs ouvrages qu'il avait fait pa-
raître augmentèrent sa réputation. Il ve-
nait d'être pourvu d'un canonicat dans
sa ville natale, lorsque la révolution
éclata. Il se réunit alors au petit nombre
d'écrivains qui restèrent fidèles aux saines
doctrines. Condamné à la déportation
pour avoir refusé le serment , il parvint
à sortir de France. Il se retira d'abord en
Flandre , oii il eut une conversation avec
le général Dumouriez , qui le sollicita
en vain de rentrer en France , et d'y ac-
cepter un évêché constitutionnel qu'il
refusa. En 1794, il harangua l'empereur
François II h Bruxelles, au nom des prêtres
français. Depuis ilse retira en Allemagne,
et fut accueilli avec une extrême bien-
veillance par le prince Hohenlohe-Bar-
tenstein , qui le fit son conseiller ecclé-
siastique. Il ne rentra en France qu'après
la signatureduConcordat, et alla s'établir
à Saint<Germain. Il publia en 1808 sur
PRO
Louis XVI un nouvel ouvrage qui le fit en -
fermer à Bicêtre. Ce livre avuitpour titre :
Louis XP^I et ses valus aux prises
avec la perversité' de son siècle. Le cha-
grin , la privation des choses les plus né-
cessaires et la rigueur du froid eurent
sur sa santé la plus funeste influence :
atteint d'une hydropisie de poitrine, il
obtint la permission d'être reconduit à
Arras sous l'escorte d'un gendarme. 11 y
mourut peu après , le 23 mars 1808, à
l'âge de 66 ans. L'abbé Proyart était un
prêtre édifiant , à qui les choses de piété
étaient familières, et un écrivain labo-
rieux, animé des intentions les plus
pures , et fortement prononcé pour le
bien ; mais on ne peut pas dire qu'il fût
toujours élégant, modéré et judicieux.
Son stile est quelquefois lâche ou diffus,
son ton vif et ses jugemens hasardés et
sévères , surtout dans ses derniers ou-
vrages. Les principaux sont : 1" Y Eco-
lier vertueux, ou Fie édifiante de De'-
calogne , écolier de F université de Paris,
f^^ édition, 1772 : petit livre très ré-
pandu dans les collèges et maisons d'é-
ducation , et très propre à inspirer le
goût de la piété et de la vertu ; 3* édi-
tion , 1 7 7 8, in-1 2 ; 2° /-e Modèle des jeu-
nes gens , ou Fie de Souzi le Pelletipr ,
aussi répandu que le précédent. On
trouve à la fin wae Notice sur le frère de
Souzi , qui fut supérieur - général de
Saint-Sulpice. 3" Histoire] de Loango ,
Kakongo et autres royaumes d'Afrique ,
de 1766 à 1773, in-12, rédigé sur les
Mémoires de plusieurs missionnaires ;
4° Fie du Dauphin, père de Louis XFI,
1777 , in-1 2 ; 6° Eloge du même prince ,
qui concourut pour le prix proposé en
son honneur ,17 7 9 5 6" De F Education
publique et des moyens d'en réaliser la
réforme, 1781 , Mémoire rédigé sur les
questions proposées sur cette matière
par les agens du clergé, d'après jles
vues de l'assemblée de 1780 ; 7° Fie du
Dauphin, père de Louis XF , 2 vol.
in-12, 1782. L'abbé Proyart fait très
bien connaître le caractère et le mérite
dii prince; il le montre à la cour, à
l'armée, dans le silence du cabinet et
dans les détails de la vie privée , tou-
I
PRO
jours égal , bon , laborieux , réglé dans
sa conduile. Cette Fie , outre l'iulérêl
tlu héros, l'élève de Fénéion, qui don-
nait de si grandes espérances, est d'ail-
leurs rédigée avec soin, et nous paraît
une des meilleures productions de l'abbé
Proyarf. 8° Histoire deS/anislas , roi de
Pologne, 1 784, in- 1 2; 9" Fie de M. de la
Mothe d^ Orléans, e'vêque d^ Amiens;
tO" Histoire de madame Louise, fille
de Louis XJ^ , carmélite à Saint-Deny s ;
1 1 " Histoire de Marie Leczinska , reine
de France ; 1 2° Histoire de Robespierre.
Ces quatre derniers écrits ont été pu
bliés en pays étrangers. I.e sujet en est
intéressant, généralement bien traité,
s'il n'y avait parfois des longueurs, 13°
Louis XFI détrôné avant d' être roi; 1 4°
Louis XVI et ses vertus aux prises
avec la perversité de son siècle, 5 vol.
Nous allons rapporter sur ces deux ou-
vrages le jugement d'un écrivain distin-
gué, n II y a dans ces livres , dit-il , des
réflexions très justes et des faits malheu-
reusement très vrais ; mais on désirerait
souvent plus de précision , de mesure et
de critique. Les digressions sont fré-
<iuentes et pas toujours assez motivées.
Il y a dans le dernier ouvrage sur Clé-
ment XIV des détails qui ne paraissent
ni exacts ni présentés avec la mesure
convenable. Ce livre renferme des anec-
dotes qui supposent beaucoup de re-
cherches ; deux volumes presque entiers
roulent sur les philosophes modernes ,
les illuminés , les francs-maçons, et sur
quelques charlatans qui firent du bruit à
Paris vers la fin du dernier siècle. L'au-
teur fait bien connaître l'esprit du
temps , et les extraits des écrits philoso-
phiques qu'il rapporte mettent à décou-
vert leurs vues et leurs projets. Si quel-
quefois les tableaux sont un peu chargés,
les expressions fortes , le ton vif, il faut
le pardonner à celui qui avait vu les si-
nistres eflfets des doctrines anti- reli-
gieuses , et dont l'imagination vive avait
été frappée du spectacle de tant d'ex-
cès et de tant de fureurs. « On attribue
aussi à l'abbé Proyart quelques bro-
chures de circonstance à l'époque de
la révolution, et une continuation
PRU
i3i
de l'Histoire abrégée de l'Eglise par
Lhomond qu'on a supprimée dans les
nouvelles éditions, et remplacée par
une autre plus conforme à l'esprit de
l'auteur , laquelle a été faite par M. l'abbé
Ganilh la Gravière. Nous n'indiquons
pas les formats et les éditions des ou-
vrages de l'abbé Proyart , parce qu'elles
sont très multipliées et très répandues.
On a publié à Paris, en 1819, les
OEuvres complètes de l'abbé Proyart ,
17 vol. in-8, et 17 vol. in-12.
PRUDENCE ( Aurelius - Prudentius-
Clemens ) , poète chrétien , né à Cala-
hora dans l'Aragon , l'an 348, fut suc-
cessivement avocat , magistrat , homme
de guerre , gouverneur de Saragossc, et
se distingua dans toutes ces professions»
Son mérite lui procura un emploi hono-^
rable à la cour d'Honorius ; mais on ne
sait rien de plus particulier sur sa vie ou
sur sa mort. On sait seulement que le
préfet Symmaque ayant demandé à Va-
lentinien II , au nom du sénat , le ré-
tablissement de l'autel de la Victoire, et
les revenus des temples païens que Gra-
tien avait confisqués, Prudence fit contre
lui deux livres qui nous restent encore.
Les meilleures éditions de ses Poésies
sontcelle d'Eizévir, in-1 2, 1 6G7, à Amster-
dam , avec les notes de Nicolas Heinsius;
et celle de 1G87 , in-4 , à Paris, adusum
Delphini , par les soins du Père Chamil-
lard, jésuite , et celle de Bodoni, Parme ,
1789 , 2 vol. in-8. La Fie de Prudence
est dans la plupart des éditions ; on l'a
omise dans celle de 1GC7 ; elle est dans
les Mémoires de Tillemont, tom. 7. Ses
poèmes sont : 1° PsTjchomathia , ou
Combat de l'esprit contre le vice; 2" Ca-
themerinon -. c'est un recueil d'hymnes
pour certains temps de la journée et quel-
ques solennités; 3° A potheosis -. c^esl
une défense de la foi contre les païens et
les hérétiques; 4" Hamartigenia , de
l'origine des péchés ; 5" Enchiridion :
c'est un abrégé de l'histoire sainte; 6*
Péri Stcphanon , ou Des couronnes des
Martyrs , composé de quatorze hymnes.
Le Clerc, fameux critique protestant, fait
sur ce livre l'observation suivante : « Il
» paraît clairement par plusieurs eu-
l32
PRU
» droits de ces hymnes , que depuis ce
» lenips-là on invoquait les martyrs, et
» qu'on croyait qu'ils avaient été établis
» dcUieu patrons de certains lieux. Qnel-
>• ques protestans,qui se sont imaginé que
» l'on doit joindre à l'Ecriture la tradition
» des quatre ou cinq premiers siècles,
» ont nié que l'on invoquât les saints
» dans le quatrième siècle ; mais ils ont
» eu tort de se former un système en idée,
u avant que d'être bien instruits des faits,
M puisqu'on peut les convaincre de celui-
» ci par divers endroits de Prudence. »
Biblinth. unh>. et hist., t. 12. Prudence
est plus estimable encore par son zèle
pour la religion que par la beauté de ses
poésies. Il y a dans ses vers des fautes de
quantité; ses phrases se ressentent de la
décadence des lettres et de la bonne la-
tinité. Mais il faut convenir qu'on ren-
contre dans ses ouvrages plusieurs mor-
ceaux où il règne du goût et de la déli-
catesse, Ses stances sur les Innocens,
Salve te, flores martyrum , sont de ce
nombre. 11 mérite , suivant Erasme , par
la sainteté et par l'érudition sacrée qui
éclatent dans ses écrits, d'avoir une place
parmi les plus grands docteurs de l'E-
glise. Des auteurs ecclésiastiques et quel-
ques agiographes lui ont donné le titre
de saint ; mais on ne lit point son nom
dans les Martyrologes.
PRUDENCE ( Saint ), surnommé le
Jeune , quitta son nom de Galindo, pour
prendre celui de Prudence^ peut être
en mémoire du précédent. Il était né en
Espagne, et passa en France pour se
soustraire à la fureurdesinfidèles. Son ra-
re méritele fit élever en840 ou 845 sur le
siège épiscopal de Troyes. Il s'y distingua
par ses lumières et son zèle, surtout dans
l'affaire de Gotescalc :il signa les articles
de la doctrine catholique, établis au con-
cile deQuerci, contre ce moine opiniâtre,
et se tint en même temps arme contre
les hérésies opposées et les illusions des
pélagiens et semi-péiagieus. Quelques
savans prétendent qu'il poussa la précau-
tion trop loin, et qu'il enveloppa la vérité
dans la proscription de l'erreur. Mais il
est à croire que c'est l'effet de la dispute ;
sa parfaite soumission à l'aulorilé de
PRU
l'Eglise prouve qu'il ne cherchait et n'ai-
mait que la croyance catholique; il tra-
vailla ensuite avec saint Loup de Fer-
rières à la réforme des monastères de
France, et mourut le 6 avril 861. On a
de lui quelques écrits , insérés dans la
Bibliothèque des Pères, t. 1 à. M. Breyer,
chanoine de Troyes, a écrit sa P^ie, 1725,
in-12.
*PRUDHOMME de laBoussihikre des
"Vallées ( Jacques-Guillaume-Réné-Fran-
çois), évêque constitutionnel, né le 16
décembre 1728 à Saint-Christophe, dans
le diocèse du Mans, fit ses études à Paris
et appartint à la société de Sorbonne oii
il fit sa licence en 17 56, et fut reçu doc-
teur en 17G0. Devenu curé du Crucifix
au Mans, il occupa cette place jusqu'à la
révolution. Le 23 mars 17 67 il prononça
dans l'église de l'hôpital de cette ville
V Eloge de M. Froulay de Lessé, dont le
cœur était transféré dans ce lieu. L'on
remarqua dans ce discours un passage
contre les jansénistes qu'il appela sans
les nommer des esprits inquiets et tur-
bulens ; ce qui valut à ce discours l'hon-
neur d'être traité de rapsodie fanatique
dans la feuille du 15 juillet 1767 des
Nouvelles ecclésiastiques. Prud homme
de la Boussinière jouissait de la considé-
ration qu'il devait à la régularité de sa
conduite, lorsque la révolution vint
changer le cours de ses idées, et à GO ans
lui donner de l'ambition. Grégoire, ayant
été nommé évêque au Mans et à Blois,
opta pour ce dernier siège : Prudhomme
se mit sur les rangs pour le remplacer;
il fut élu , et son sacre eiit lieu à Paris
le 11 mars 1791. Le 10 avril suivant il
fut installé au Mans ; il fit dans cette oc-
casion un discours dont on trouve la cri-
tique dans une brochure du temps : c'est
une lettre datée du 4 septembre 1791,
in-8 , qui a pour titre : Mon petit mot à
M. Prudhomme. Dans une Lettre pasto-
rale du 5 janvier 1 7 92, et qui est intitulée
le Catholicisme de l'assemblée consti-
tuante, de'montré par la discipline des
premiers siècles et les procès verbaux
du cierge', ou instruction pastorale dog-
matique de M. l'c'vcque de la Sari/ie sur
Us contestations qui divisent l'Eglise de
I
PRU
France, in- S , il cherche .Vjuslifier tout
ce qu'avait fail celte assemblée sur la
religion. VÀniL de la religion dans la
Notice qu'il a consacrée à cet cvêque
(n° IGGO, 7 juillet 1830) ne pense pas
que celle diatribe contre le clergé ait été
rédigée par Prudhomme; les traces de
jansénisme qu'il y a trouvées lui font
croire que quelque avocat de la secte a
tenu la plume pour lui. Quoi qu'il en
soit, il sut conserver, au milieu de la li-
cence et des apostasies, la décence de
son état : ainsi on le vit s'opposer au ma-
riage d'un bénédictin, qui était l'un de
ses grands-vicaires, et à qui un autre
bénédictin donna plus tard la bénédiction
nuptiale dans la cathédrale même du
Mans. Après avoir cessé quelque temps
ses fonctions , il les reprit , adhéra aux
deux encycliques publiées par les Réunis
en >79S , assista aux conciles dits natio-
naux de 1797 et de 1801; tint lui-même
en 1800 au Mans un synode dont les
Actes ont été imprimés, se rendit en-
* suite au comité métropolitain que Claude
Lecoz avait convoqué à Reims, et donna
sa démission en 1801. Dès lors il v-écut
en simple prêlre , jusqu'à sa mort arrivée
au Mans le 9 février 1812, à l'âge de
83 ans. Il passait la plus grande partie
de l'année à sa campagne de Baine où il
a été inhumé : l'inscription placée sur
son tombeau ne rappelle nullement son
litre épiscopal. Un chanoine l'assista dans
ses derniers momcns : rien ne prouve qu'il
ait persisté dans ses anciennes opinions
ni qu'il les ait rétractées.
•PRUDHOMME (Louis), journaliste
et écrivain révolutionnaire, né à Lyon en
1762, fut d'abord garçon de magasin
chez un libraire de cette ville; il vint
ensuile à Meaux oii il se fit relieur. Il ha-
bitait Paris depuis plusieurs années,
lors<jue la révolution éclata. Déjà il s'était
fait remarquer par la publication d'un
grand nombre d'écrits révolutionnaires;
plusieurs fois même il avait été arrêté
par suite de ses publications : lui-même a
dit que dans l'intervalle qui s'écoula entre
les premiers troubles du parlement en
1787 et le 1 i juillet 1 789, il mit au jour
plus de 1,500 pamphlets, tous destinés à
PRU i33
préparer les événemens : Ses Litanies du
tiers-état et son Avis aux gens de li-
vrées sur leurs droits politiques, furent
distribués à plus de 100,000 exemplaires
dans les rues et dans les carrefours.
Dans les commencemens de la révolu-
tion, il se fit journaliste et publia la
feuille intitulée : Les révolutions de Paris
avec cette épigraphe : Les grands ne
nous paraissent grands, que parce que
nous sommes à genoux. . . . Levons-nous.
Il fit paraître en même temps divers
pamphlets qui eurent la plus grande in-
fluence sur l'esprit du peuple, et qui ne
contribuèrent pas peu à répandre l'esprit
d'impiété et d'anarchie dans les dernières
classes de la population de Paris ; mais il
en est quelques-uns qui parurent alors»
et qu'on lui atUibua à tort : ce sont les
Crimes des Reines de France, 1 7 9 1 , in-8,
dont Déranger est l'auteur. Voyez la Biog.
univ.;\e5 Crimes des Papes, 1 792 , in-8,
dont l'auteur est la Vicomlerie ; les Cri-
mes des empereurs d'Allemagne, 1793 ,
in 8, qui sont dusà l'auteurdes Crimes des
Reines, etc. Prudhomme changea bientôt
d'opinion, et en 17 93 il fut emprisonné
comme royaliste. Cependant sa détention
dura peu. Son journal ayant cessé de
paraître, il quitta Paris avec sa famille;
il y reparut en 1797, et publia alors
l'Histoire générale des crimes commis
pendant la révolution ; c'est sans con •
tredit son meilleur ouvrage. Prudhomme
a exercé depuis la profession de libraire.
Parmi les grandes entreprises qu'il a
formées , nous ne pouvons passer sous
silence une édition de Lavater, 1809,
10 vol. in-4 et in-8 ; les Cérémonies /e-
ligieuses , par B. Picard, 1810, 13 vol.
in-fol. ( Voyez la Biographie universelle
au mot/.-i'\ Bernard, et cette édition du
Dictionnaire de Feller au mot Picard. )
Prudhomme fit d'autres ouvrages moins
importans. Il est mort à Paris le 20 avril
1830: c'était un compilateur infatigable,
mais sans discernement et sans goîit. En
1810 il avait acheté de l'abbé Chaudon
le droit de faire une édition de son Dic-
tionnaire ; il prélendit aussitôt user de
ce droit pour interdir à tout autre li-
braire la faculté de faire un dictionnaire
i34 PRU
historique quelconque -. c'était' à celte
époque que commençait à paraître la
Biographie universelle de Michaud :
rrndhomme traduisit l'éditeur de cette
entreprise devant les tribunaux, et pré-
tendit qu'un ouvrage rédige par l'élite
des littérateurs et des savans n'était
qu'une contretrefacon de son Diction-
naire historique fait par un ecclésiastique
estimable sans doute, mais étranger à
presque tous les objets dont il avait parlé.
L'éditeur de la Biographie universelle
triompha aisément de cette attaque ridi-
cule. Les principaux Ouvrages de Prud-
Iiomme sont : 1° Géographie de la répu-
blique française en 120 de'pariemens ,
1791 , in-8 ; 2° Histoire générale et im-
partiale des erreurs, des fautes et des
crimes commis pendant la révolution,
1798, G vol. in-8 ; ^"Dictionnaire uni-
versel de la France, 1805, 5 vol. in-4.
.4° Miroir de l'ancien et du nouveau
Paris, 1804,6 vol. petit in 1 2 ; 5° Voyage
descriptif et philosophique de l'ancien
et du nouveau Paris, 1814, 2 vol. in-1 8.
C" L'Europe tourmentée par la révolu-
tion en France, ébranlée par 1 8 années
de promenades meurtrières de Napo^
léon Buona parte, avec un tableau du
nombre d'hommes qui ont péri pendant
la révolution , et les milliards partagés
pour un petit nombre d'individus qui
ont prêté tous les sermens depuis 17 89,
18IG, 2 vol. in-1 2. Prudhomme professe
dans cet ouvrage le plus profond mépris
pour le gouvernement de Buonaparte, et
pour toute la noblesse de sa création ,
parmi laquelle il a reconnu un si grand
nombre de ses anciens confrères les Snns-
culottes. On lui attribue aussi les Crimes
de la Convention, avec la liste des indi-
vidus envoyés à la mort pendant la ré-
volution et particulièrement sous le ré-
gime de la Convention, 1796, 5 vol.
in-8.
• PRUDHON f Pierre-Paul ), peintre,
membre de l'Institut , né le 6 avril 1760
à Cluny , d'un maître maçon dont il était
le 13* enfant , perdit son père , étant
encore en bas âge , et fut élevé gratuite-
ment à la célèbre abbaye de sa ville na-
tale. Les heureuses dispositions qu'il
PRU
montra pour la peinture fixèrent l'atten-
tion des moines qui sollicitèrent pour lui
la protection de M. Moreau , évêque de
Mâcon. Ce prélat l'envoya à l'école de
dessin de Dijon , sous Devosges , et les
progrès du jeune Prudhon justifièrent les
espérances qu'il avait fait concevoir ;
mais aussi l'ardeur et la vivacité d'une
imagination qu'il ne chercha point à ré-
primer le précipitèrent dans des écarts
qui eurent sur le reste de sa vie une in-
fluence bien funeste , et le tinrent dans
un état de gêne qui l'empêcha de se li-
vrer à des travaux de longue haleine. A
peine âgé de 18 ans, et avant d'avoir ob-
tenu le prix de peinture fondé par les
Etats de Bourgogne, il s'était épris d'une
passion violente pour une femme qui ne
lui convenait sous aucun rapport. Cette
union mal assortie fut pour lui une source
de chagrins continuels : la dissipation et
l'inconduite de son épouse le forcèrent à
s'en séparer par un divorce. Quelque
temps après une autre femme, à laquelle
il donnait des leçons , le fit encore re- '
noncer au projet qu'il avait formé de vi-
vre dans la solitude; mais cette alliance
cfriminelle fut pour sa compagne une
cause de regrets et de remords : elle mit
fin à ses jours. Le chagrin que Prudhon
en éprouva le conduisit au tombeau le
16 février 1823. M. Voyart a publié une
Notice sur sa vie et ses ouvrages, Paris,
Didot , 1824 , in-8. Ses principales pro-
ductions sont : le plafond du musée , re-
présentant Diane implorant Jupiter ; le
crime poursuivi par la justice et In ven-
geance céleste , allégorie , où le peintr«
s'est élevé très haut , principalement
dans la partie poétique et morale de son
art. Ce tableau, exposé au salon de 1808,
a été déposé à la galerie du Luxembourg,
et a été gravé par M. Roger. VEnlève-
ment de Psyché par les zéphyrs , exposé
aussi au salon de 1808, et gravé par Mul-
ler en 1 8 1 7 ; Zéphire se balançant sur la
surface des eaux , exposé au salon de
1812. Il peignit aussi pour le salon de
1819 une Assomption de la Ficrge, qui
orne maintenant l'autel de la chapelle du
château des Tuileries. Enfin sa dernière
composition est un Christ mourant sur
PRU
la croix, qui a élé acheté par le ministre
de la maison du roi. On reproche à cet
artiste de l'incorrectiou dans le dessin et
une constante ressemblance dans les têtes
de tous ses personnages ; mais il avait
toujours une couleur suave et brillante ,
et un charme de pinceau que personne
ne peut lui contester.
PRUSIAS, fils de Prusias le Boiteux ,
et petit-fils de Ziélas , succéda à son père
dans le royaume de Bithynie. Il était sur
le point d'entrer dans la ligued'Antiochus
contre les Romains, auxquels sa politique
l'avait rendu redoutable, lorsque le sénat
l'en détacha par ses ambassadeurs. Il
tourna ses armes contre Eumène , roi de
Pergame, elle vainquit en plusieurs oc-
casions , par l'adresse et le courage d'An-
nibal , qui s'était réfugié chez lui. Il
ternit l'éclat de ses victoires par l'ingra-
titude dont il paya celui qui les avait
remportées. Les Romains lui ayant pro-
posé de leur livrer ce héros , il était près
de le faire, lorsque Annibal s'empoisonna,
lui épargnant ce crime, 1S3 ans avant
J.-C. Ce lâche monarque se renditàRome
l'an 167 , et y fut reçu magnifiquement ;
mais ce fut par des bassesses d'esclave
qu'il obtint ces honneurs. Il alla au devant
des députés envoyés pour le recevoir , la
tête rasée, avec le bonnet, l'habit et la
chaussure des affranchis. « Voici , leur
» dit-il , un de vos serviteurs, prêt à
» tout faire et à tout entreprendre pour
M vous. » Lorsqu'il parut devant le sénat
assemblé , il baisa le seuil de la porte.
De retour dans ses états, il déclara la
guerre à Altale, roi de Pergame , le vain-
quit, s'empara de la capitale de ses états,
et fut contraint par les Romains à rendre
tout et à faire des réparations au vaincu.
Cette paix conclue , l'an 3 64 avant J. C,
et l'extrême cruauté de Prusias, le ren-
dirent l'exécration et le mépris de ses
sujets. « Ce n'était, dit un historien, par
» la taille qu'une mpitié d'homme, par
» le courage qu'une femme. » Les peu-
ples révoltés mirent sur le trône son fils
Nicomède. Prusias , dès le premier mo-
ment de la révolte , avait mis son espé-
rance dans les Romains; mais , désespéré
de ce qu'ils n'envoyaient que des-ambas-
PRY i35
sadeurs au lieu de soldats , il s'enfuit à
Nicomédie , où il fut tué près de l'autel
de Jupiter, l'an 148 avant l'ère chré-
tienne : ce fut son fils lui-même , si l'on
en croit Tite-Live.
PRYNN ou pRyNNE ( Guillaume ) , ju-
risconsulte anglais, naquit en 1600 à
Swanswick dans le comté de Sommerset.
Il s'éleva avec violence contre les épisco-
paux , dans un écrit intitulé : Du viole-
ment du sabbat et de Ve'tat des e'vêques.
{ Cet écrit qui lui valut une condamna-
tion humiliante lui suscita beaucoup
d'ennemis, qui n'attendaient qu'une oc-
casion pour le perdre. Elle arriva en 1 663,
lorsqu'il publia V Histrio-mastix ou le
Fouet des Come'diefis , oîi il s'élevait
contre les femmes qui se livrent au théâ-
tre. La reine venait de jouer dans une
pièce , et devant la cour ; l'on persuada
au roi que Prynn avait voulu insulter la
reine dans son ouvrage, et il fut sur-le-
champ condamné à payer une amende
de 5000 livres, à sortir de l'université, à
être attaché au pilori en deux endroits
différens, en perdant une oreille à cha-
que station , et à une prison perpétuelle.
A la révolution de 1640 , sousCharlesP"^,
il sortit de prison. ) La persécution qu'il
avait soufferte le fit regarder par les pu-
ritains comme un martyr de la bonne
cause. On le choisit pour être un des mem-
bres de la chambre des communes , dans
le parlement assemblé contre le roi.
( Prynn insista pour qu'on acceptât les
propositions de Charles I" , et fut mis
eu prison. ) ily composa un petit livre
pour détourner le parlement de faire le
procès au roi. Il fut poursuivi sous Crom-
well, et mourut en 1609, à 09 ans. Outre
l'ouvrage dont nous avons parlé , et qui
se trouve dans le Sylloge variorum trac-
<«/««m,imprimé en 1049, on a de Prynn:
1° la Fie des rois Jean II, Henri III et
Edouard /" , in-fol., en anglais. Il y
défend le pouvoir suprême des rois,
après l'avoir attaqué long-temps. T His-
toire de Guillaume Laud, archevêque de
Cantorbéry, in-fol. en anglais; 3° ^nti-
quœ constitutioncs rcgni anglici sub
Joanne II, Ilenrico III et Eduardo I,
circa jurisdiclionem ecclesiasticam ,
i36 PSA
Londres, 1C72, 2 vol. în-fol. recueil qui
n'est pas commun; 4° plu sieurs ouvrages
de théologie et de controverse, où il y a
quelque érudition et peu de jugement.
Voltaire traite assez mal cet auteur.
PRZIBRAM .( Jean ) , pasteur de la
paroisse de Saint-Gilles de Prague, et
professeur en théologie de cette ville,
mort l'an 1447, eut un grand crédit par-
mi les hussites. Ayant abjuré leurs er-
reurs, il écrivit contre eux un Traité;
mais dans la Profession de Fot qu'il dres-
sa depuis sur la Trinité , à la tête de l'u-
niversité , il montra que, pour avoir ab-
juré le hussitisme, il n'eu était pas plus
catholique , et qu'il n'avait paru quitter
ses erreurs que pour les reprendre. On
trouve ses ouvrages dans V Histoire des
hussites, de Cochlée.
PRZIPCOYIUS ( Samuel ) , l'un des
plus ardens défenseurs du socinianisme,
fut chassé de Pologne avec les unitaires en
1658, et se réfugia chez l'élecleurdeBran -
debourg , qui le mit au rang de ses conseil-
lers. Il a laissé en faveur de sa secte un
grand nombre d'ouvrages, dont quelques-
uns ont été imprimés dansla Bibliothèque
des frères Polonais , 1 656, 9 vol. in-fol.
11 termina sa cairière en Prusse, en 1670,
à 80 ans.
PSALMANASAR (Georges ) , impos-
teur, né dans la France méridionale,
se fit passer pour Japonais converti au
christianisme, parcourut une partie de
l'Europe en mentant et trompant les cu-
rieux. Son fameux roman intitulé : Bela-
tion de l'île de Formose , partagea les
esprits pendant un temps, et on en fit des
éditions en diverses langues. Il finit par
se mettre à compiler, et se rangea parmi
les rédacteurs de ['Histoire universelle ,
en 38 vol. in-4 , ouvrage informe, qui
n'a pu être accueilli que dans un siècle
de frivolité et d'insouciance pour toutes
sortes de vérités ( voyez Journ. hist. et
litt. 15 janvier 1781 , p. ^3 ). Il mou-
rut à Londres en 1705 , âgé d'environ 65
ans; et laissa un manuscrit pour être pu-
blié après sa mort ; c'est V Histoire de sa
•vie , écrite en anglais , et imprimée à
Londres en 1764 , in-8.
PSAMMENIT fat le 479» et dernier
PSA
roi d'Egypte de la dynastie des Séiles ,
la 26* des races royales qui gouvernèrent
ce pays. Psamménit monta , dit-on , sur
le trône après Amasis, son père, vers^
l'an 526 avant J. C. Cambyse lui déclara
la guerre , et l'attaqua devant Péluse, mit
son armée en fuite, et s'empara de la ville.
Le vainqueur, profitant de la superstition
des Egyptiens, avait mis à la tête de son
arméeles animaux que ce peuple honorait
comme ses dieux ; ce qui empêcha les
Egyptiens de se défendre comme ils au-
raient pu. ( Le roi d'Egyple fut envoyé
à Suse, après avoir vu égorger sa femme
et ses enfans , et mourut ensuite empoi-
sonné par ordre de Cambyse, qui l'ac-
cusait d'avoir voulu soulever les Egyp-
tiens. ) Psamménit est le seul des an-
ciens rois d'Egyple sur lequel l'histoire
profane nous apprend quelque chose de
positif. Tout ce qui précède , dans Héro-
dote , n'est que mêlé de fables. On pré-
tend même que cet Amasis qu'on lui don-
ne pour père est le roi d'Assyrie Nabucho-
donosor ( voyez ce nom ). Après Psam-
ménit, l'Egypte est resiée aux rois de
Perse jusqu'à Alexandre le Grand.
PSAMMITIQUE, roi d'Egyple, né
à Sais, capitale de la Basse-Egypte, était
fils de Bocchoris, qui fut tué par Saba-
cos, roi d'Ethiopie, lorsque celui-ci
s'empara de l'Egypte. ( L'Egypte avait
alors douze rois ( l'an 667 avant J. C. }.
Psammilique ouvrit ses étais aux Grecs,
qui l'aidèrent à triompher de ses rivaux,
et il demeura seul souverain de l'Egyp-
te. ) Tout ce qu'on en a raconté appar-
tient aux temps fabuleux, ainsi que
l'histoire de Sabacos, par lequel ou le
fait tuer. Voyez Sabacos.
PSAPHOIN , Lybien , qui , voulant se
faire reconnaître comme dieu, amassa un
grand nombre d'oiseaux. Il leur apprit à
répéter ces mots Psaphon est un grand
dieu. Quand il les crut assez instruits, il
les lâcha sur des montagnes, qu'ils firent
retentir de ces mêmes mots. Les habitans
de la Libye, frappés de ce prétendu pro-
dige, regardèrent Psaphon comme un
dieu, et lui décernèrent les honneurs
divins.
PSEATJME ( Nicolas ) , en latin Psal-
r
PTO
meus, iîls d'un simple laboureur de Cbau-
mont-sur-Aire , village du diocèse de
Verdun , dut son éducation à un de ses
. oncles, abbé de Saint-Paul de Verdun, qui
réleva avec soin , et lui résigna son ab-
baye en 1538.Ilsefitprémontré en 1640,
et l'année d'après il fut fait docteur de
Sorbonne. Il fut pourvu de l'évèchéde
Verdun en 1548, par la résignation que
lui en fit le cardinal Jean de Lorraine.
Il assista en cette qualité au concile de
Trente , et s'y signala par son éloquence.
On a de lui : 1 ° un Journal de ce qui s'est
fait au concile de Trente : ouvrage cu-
rieux , qui a été donné au public par le
Père Hugo, prémontré, dans son recueil
intitulé : Sacrœ antiquitatis Monumen-
ta ; 2° un écrit intitulé : Préservatif con-
tre le changement de religion , Verdun ,
1563, in-8 : ouvrage qui conserva à l'E-
glise quelques-uns de ses enfans , dispo-
sés à s'en séparer. Pseaume mourut le 10
août 1675, dans sa ville épiscopale, em-
portant avec lui les regrets de ses ouail-
les.
PSELLUS ( Micbel ), auteur grec, sous
le règne de l'empereur Constantin Ducas,
qui le fit précepteur de son fils Michel Pa-
rapinace, laissa quelques ouvrages : \° De
quatuor matliematicis , Bâle, 1 556, in-8 ;
2° De Lapidum virtutibus, grec et latin ,
avec les notes de Philippe-Jacques Maus-
sac et de Jean-Etienne Bernard, Toulouse,
1615, in-8; Leyde, 1745, in-8 ; 3° Z?eo/7e-
ratione dœmonum , grec et latin , Paris,
1623, in-8 ; Kiell , 1688,in-12 ; et dans
la Bibliothèque des Pères. Ce traité a
été traduit en français par Gaulmin. 4°
De victus ratione libri duo , Bâle , 1 529 ,
in-8, traduitpar Georges Valla; 5" Synop-
sis legum versibus grœcis édita, cum
latina interpretatione Fr. Bosqueti,
Paris, 1632, in-8. Psallus fut enveloppé
dans la disgrâce de Jlichel Parapinace ,
qui fut détrôné par ^■icéphore Botoniate
en 1078. On le dépouilla de ses biens, et
on le relégua dans un monastère , oii il
mourut la même année.
PTOLÉMÉEjLAGDS ou Soter roi
d'Egypte. (Il fut le fondateur de la dynas-
tie macédonienne qui rétablit la monar-
chie égyptienne détruite par Cambyse.
PTO i37
Voyez Psamménit . ( Il naquit l'an 360
avant J.C, et étaitfils d'Ârsinoé, concu-
bine de Philippe de Macédoine. Ce prince
la maria , dès qu'elle fut enceinte , J»
Lagus , homme de basse extraction , qui
fut depuis l'un des gardes d'Alexandre le
Grand. Plolémée , élevé à la cour de ce
conquérant, devinll'un de ses plus inti-
mes favoris, et eut grande part à ses con-
quêtes. Après la mort d'Alexandre, Ptolé-
mée eut l'Egypte en partage, dans la dis-
tribution qui fut faite de ses états, l'an
325 avant J. G. Quoiqu'il ne prît point
encore le titre de roi, c'est toutefois de
ce temps qu'il faut compter les années
de l'empire des nouveaux rois d'Egypte
surnommés Lagides. Le premier soin de
Ptolémée fut de profiter des troubles de
Cyrénaïque en Libye pour s'en rendre
Maître. Perdicas , régent du royaume de
Macédoine , se préparait à marcher con-
tre lui ; mais la réputation que Ptolé-
mée s'était faite par sa douceur , son
équité , sa sagesse et sa modération, attira
beaucoup de monde dans son parti. Per-
dicas fut vaincu, et massacré par sa pro-
pre armée , qui offrit la régence de l'em-
pire à son rival. Ptolémée refusa ce titre,
qu'il regardait comme plus dangereux
qu'utile à ses intérêts. Pour s'assurer la
possession de l'Egypte par la conquête
des provinces voisines, il se rendit maître
de la Célésyrie et de la Phénicie par ses
généraux, entra dans la Judée , prit Jé-
rusalem , et emmena plus de 100, 000
captifs en Egypte , du nombre desquels
il choisit 30 , 000^ , à qui il donna la
garde des places les plus importantes de
ses états. Il invita aussi les Juifs à venir
s'établir dans Alexandrie , pour achever
de la peupler, et il leur accorda le droit
de bourgeoisie. Ptolémée passa ensuite
dans l'île de Chypre , et s'en rendit maî-
tre. De là il alla mettre le siège devant
Gaza , défendue par Démétrius , sur le-
quel il remporta une victoire signalée.
Le vainqueur , non seulement donna au
vaincu la permission de faire enterrer ses
morts , mais il ne garda aucun prison-
nier , et lui renvoya tous ses bagages sans
rançon. Cette victoire mit Plolémée en
possession de la Phénicie et de la Syrie
i8.
i38
PTO
Tyr et Sidon rentrèrent sous ton obéis-
sance. Cependant Démétriuslève/lenou-
Tclles troupes , et , de concert avec son
père Antigone, il porte la guerre en
Egypte, qu'il fui forcé d'abandonner.
Désespéré d'avoir manqué son coup , il
assiégea Rhodes, que Plolémée secourut.
Les Kbodiens, pénétrés de reconnaissance,
donnèrent à leur libérateur le surnom de
Soter ou de Sauveur. Après plusieurs au-
tres tentatives de Démétrius , Plolémée
resta paisible possesseur d'un grand nom-
bre d'états, et nomma pour son successeur
Plolémée Philadelphe , qu'il plaça lui-
même sur le trône. Il mourut quelque
tempsaprès, l'an 285 avant J. C, à 7 5 ans,
après en avoir régné 40. Ce roi avait établi
à Alexandrie une académie appelée ie mu-
sc'on; modèle ou cause occasionelle des
académies qui se sont successivement
formées en divers pays , et dont l'Europe
est aujourd'hui couverte : dans l'état de
dégradation oii sont les sciences , ce sont
autant de foyers d'ignorance et de sottise,
qui ne tendent qu'à la subversion des
idées saines. Sous le règne de ce prince,
fut élevée la fameuse tour du fanal de
l'île de Pharos, mise au nombre des sept
merveilles du monde. Cette tour était
construite de marbre blanc , ou , selon
Pline , de pierres blanches , et l'on y en-
tretenait continuellement du feu pour
servir de guide aux matelots.
PTOLÉMÉE II ou PHILADELPHE ,
fils du précédent,né dans l'île de Cos, vers
l'an 309 avant J. C. , succéda .l'an 285
avant J C, à son père , qui de son vi-
vant l'avait déjà associé à l'empire. H fut
surnommé Philadelphe , amateur de son
frère , par antiphrase ou contre-vérité ,
parce qu'il en avait fait mourir deux. Plo-
lémée chercha l'amitié des Romains, qui
lui envoyèrent des ambassadeurs pour
conclure un traité d'alliance 11 distribua
à chacun des députés une couronne d'or;
ils en ornèrent ses statues. Flatté de cette
politesse généreuse , Philadelphe leur fit
de magnifiques présens, qu'ils portèrent
au trésor public , à leur retour à Rome.
Cependant il s'élevait plusieurs rebelles
en Egypte. Mages, son frère utérin, tra-
ma une conspiration contre lui ; mais
PTO
elle fut bientôt éteinte par la mort du
coupable. Quatre mille Gaulois médi-
taient la conquête de l'Egypte. Ptolémée
sut conduire les conjurés dans une île du
Nil oîi ces barbares , investis de tous cô-
tés , périrent par leur propre fureur ou
par la faim. Tranquille après ces agita-
tions passagères, il travailla à attirer dans
son royaume le commerce maritime.
Dans ce dessein , il bâtit , sur la côte occi-
dentale de la mer Rouge , une ville à
laquelle il donna le nom de sa mère Be-
re'nice; mais ce port n'étant pas commo-
de, on se servait de celui de Myros-Hor-
mos, qui n'en était pas éloigné. C'était
là que venaient aborder les richesses de
l'Arabie , de l'Inde , de la Perse et de
l'Ethiopie ;et, pour faciliter les transports
des marchandises, on construisit un ca-
nal , depuis le Nil , dont il tirait ses eaux,
jusqu'au port de Myros-Hormos. Plolé-
mée fit équiper deux flottes, l'une dans
la mer Rouge, et l'autre dans la Mé-
diterranée , et par ce moyen , il s'assura
tout le commerce du levant et du cou-
chant. Antiochus Theos , ou le Dieu , roi
de Syrie , marcha contre Ptolémée, avec
toutes les forces de Babylone et de l'O-
rient ; mais les troubles élevés dans ses
états le forcèrent à faire la paix. Les con-
ditions du traité furent, que le roi de
Syrie répudierait Laodice , sa femme et sa
sœur ; qu'il épouserait Bérénice , fille de
Plolémée , et que déshéritant les enfans
du premier lit, il assurerait la couronne
à ceux qui naîtraient de ce mariage.
Conditions barbares et contre la nature,
qui prouvent, autant que l'assassinat de
ses frères, que Ptolémée, pour aimer les
sciences, n'en était ni plus juste ni plus
humain. L'alliance des deux rois fut
conclue à ces conditions , et Ptolémée ,
malgré son grand âge et ses infirmités ,
conduisit lui-même la princesse jusqu'à
Séleucie , port de mer proche l'embou-
chure de l'Oronte , rivière de Syrie, où
Antiochus la vint recevoir. Ptolémée, dans
le séjour qu'il fit en Syrie , fut frappé
d'admiration pour une statue de Diane ,
et l'obtint d' Antiochus ; mais à peine
cette statue fut-elle transportée à Aleian-
drie, qu'Arsinoé , femme de Ptolémée,
I
PTO
tomba malade. Cette rciue crut voir en
songe Diane elle-même, qui se plaignait
d'avoir été ainsi enlevée de son temple.
Quoi qu'il en soit de ce rêve , il est cer-
tain , par une multitude d'exemples , que
Dieu réprouve la violation des temples,
même païens , faite par ceux qui n'ont
pas d'autre culte , parce que c'est une in-
sulte fuite à la religion en général , et
l'eflet de l'impiété est partout détesta-
ble. [Voyez Brennus.) « J'ai vu, dit un
» auteur de ce siècle, des chrétiens se
» scandaliser de ces observations; comme
» si Dieu, disaient-ils , s'intéressait aux
» idoles et aux cultes superstitieux.
i> Mais il s'intéresse moins encore à une
» impiété absolue, le plus funeste com-
» me le plus punissable des crimes. Dé-
X molir des pagodes , pour élever sur
w leurs débris des temples au vrai Dieu ,
« c'est la plus sainte des œuvres : mais
» attaquer les faux cultes parce qu'on
>i n'en veut aucun , c'est la disposition
)' d'esprit la plus détestable. Aussi tou-
« tes les histoires sont-elles remplies d'é-
" vénemensqui châtient l'impiété, quel
» qu'en soit l'objet. Voyez le traité de
» Sacrilegiorum vindictis et pœnis , ex
» christianis et gentilibus historicis col-
» lectus , qui peut servir de pendant à
» celui de Spelman. » Le roi , voulant
guérir l'esprit inquiet de la reine , ren-
voya la statue en Syrie. La mort de cette
princesse, arrivée peu de temps après,
accabla Plolémée de douleur : ce monar-
que l'avait aimée constamment. ]l donna
son nom à plusieurs villes qu'il fitbâtir,
et lui rendit, après sa mort, tous les
honneurs qu'il put imaginer. Il avait,
entre autres , formé le projet d'élever à
sa mémoi,re un temple , dont la voûte
devait être revêtue de pierres d'aimant ,
pour y tenir la statue d'Arsinoé suspen-
due en l'air ; mais la mort de Dinocrate,
fameux architecte , qui avait donné le
dessin de ce temple , empêcha l'exécu-
tion de ce projet ridicule et insensé. Pto-
lémée Philadelphe ne survécut pas long-
temps à Arsinoé ; il mourut dans la 64"
année de son âge , et l'an 246 avant J. C.
Ce prince enrichit la bibliothèque d'A-
lexandrie des livres les plus rares et les
PTO 139
plus curieux qu'il put trouver dans tou-
tes les parties du monde connu. Lorsqu'il
mourut, elle était composée de 200,000
volumes , et ses successeurs l'augmen-
tèrent jusqu'au nombre de 700, 000.
[Voyez DÉMÉTRius de Phalère. ) « Il ne
"faut pas croire, au reste,» dit un
auteur moderne , « que cette fameuse
» bibliothèque surpassât celles de l'em-
)' pereur à Vienne , et du roi de France ,
« qui n'ont que 300,000 volumes, ni
» même la plupart de nos bibliothèques
» un peu considérables. Ces volumes
» étaient des rouleaux qui contenaient
» très peu de choses. Un ouvrage divisé
» en 50 livres donnait autant de rou-
j> leaux , et ces livres, comme l'on sait,
» n'avaient jamais beaucoup d'étendue;
» on en peut réduire cent et plus en un
» de nos in-folio^ Il faut observer encore
« que tous ces livres étaient écrits à la
» main , et ne pouvaient concentrer dans
» le même espace autant de choses que
u des livres imprimés , et enfin qu'ils
j> n'étaient écrits que d'un côté, comme
« encore aujourd'hui les livres chinois ;
u c'est pour cela que saint Jean parle ,
« comme d'un livre extraordinaire, de
» celui qui était scriptus intus et fo-
» ris. » On sait que c'est Ptolémée Phila-
delphe qui a fait traduire en grec les li-
vres sacrés des Juifs ; et c'est sans doute
la plus sage et la plus utile des opéra-
tions faites sous son règne. Voyez Aris-
TÉE , ÉlÉAZAR , MaSCLEF.
PTOLÉMÉE m ou ÉVERGÈTE, le
Bienfaisant , fils et successeur du précé-
dent, monta sur le trône 246 ans avant
J. C. Il entreprit de venger la mort de
Bérénice sa sœur , mariée à Antiochus le
Dieu. Il se rendit maître de la Syrie et
de la Cilicie, passa l'Euphrate et soumit
tout jusqu'au Tigre. Il était sur le point
de faire d'autres conquêtes , lorsqu'une
révolte l'obligea de revenir dans sesétats.
Le vainqueur emporta avec lui des ri-
chesses immenses, et plus de 2500 sta-
tues , dont la plus grande partie avaitété
enlevée dans les temples d'Egypte , lors-
que Cambyse en avait fait la conquête.
Les Egyptiens , charmés de revoir leurs
dieux, depuis long-temps captifs chez
i4o PTO
une nation étrangère, lui donnèrent
par reconnaissance le nom à' E vergeté ,
c'est'à-dire Bienfaisant. Il eut ensuite
un démêlé avec les Juifs. La fin du rè-
gne de Ptolémée fournit peu d'événe-
mens. Ce prince, profitant des douceurs
de la paix, s'occupa à faire fleurir les
sciences , et à augmenter la fameuse bi-
bliothèque d'Alexandrie. Il mourut l'an
221 avant J. C. après un règne de 27 ans.
Voyez On us II.
PTOLÉMÉE IV ou PHILOPATORI,
roi d'Egypte, ainsi nommé par déri-
sion , parce qu'on l'accusa d'avoir em-
poisonné Ptolémée-Evergète , son père ,
auquel il succéda l'an 221 avant J. C. ,
fut un monstre de cruauté. Il se défit de
sa mère , de son frère , de sa sœur et de
sa femme. Adonné aux passions les plus
brutales , il fit régner *' ec lui la licence
et la débauche ; ce qui lui fit donner le
surnom mérité de Tryphon. Antiochusle
Grand, roi de Syrie, lui ayant déclaré
la guerre , Ptolémée marcha contre son
agresseur à la tête d'une puissante ar-
mée , et alla camper dans les plaines de
Raphia. Théodote, officier du monarque
syrien, voulant terminer la guerre par
uncoup hardi, pénètre dans le camp des
Egyptiens , entre dans la tente de Ptolé-
mée , tue son médecin, qu'il prend pour
ce prince. Cette hardiesse hâta la ba-
taille. Antiochus fut vaincu, et obtint la
paix; mais sa défaite fit rentrer la Cc-
lésyrie et la Palestine sous la domination
de Ptolémée. Le vainqueur parcourut
alors les provinces conquises par ses ar-
mes. Il entra dans Jérusalem et alla au
temple; mais voulant pénéti'Cr jusque
dans le sanctuaire, malgré l'opposition
des Juifs, il fut arrêté par la main de
Dieu. De retour en Egypte, il voulut se
venger de cet affront. Il ordonna qu'on
exposât un grand nombre de Juifs dans
la placé destinée à la course des éléphans,
pour lesfaire écraser sous les piedsde ces
animaux , qui tournèrent leur fureur con-
tre les spectateurs. Ce prodige calma la
colère de Ptolémée, et depuis il combla la
nation juive de bienfaits. Il signala en-
suite sa magnificence envers les Rho-
dicns , désolés par un horrible tremblc-
PTO
meut de terre. Les dernières années de
son règne furent marquées par une
ambassade de la part des Athéniens , et
par le renouvellement de l'alliance avec
les Romains. Il mourut l'an 204 avant
J. C. , usé de débauches et comblé de
malédictions, après" un règne licencieux
et cruel de 17 ans. Les femmes tinrent
le sceptre pendant tout ce règne , et l'é-
tat n'en fut pas gouverné avec plus de
douceur.
PTOLÉMÉE V ou ÉPIPHANES ,
monta sur le trône d'Egypte à l'âge de 4
ans , après la mort de son père, Ptolémée-
Philopator , l'an 204 avant J. C. Il fut en
danger d'être mis à mort durant sa mino-
rité, par ceux qui avaient le soin de sa tu-
telle, etfbt redevable de sa couronne à la
fidélité de ses sujets et à la protection des
Romains; car Antiochus le Grand , vou-
lant profiter de la faiblesse de l'âge de ce
prince pour s'emparer de ses états , enva-
hit la Syrie et la Palestine , que les géné-
raux de Ptolémée reprirent quelque
temps après. Mais l'année suivante le roi
de Syrie, ayant battu l'armée des Egyp-
tiens , conquit de nouveau la Célésyrie
et la Palestine. Les Juifs, s'empressaut de
lui porter les clefs de leurs villes, l'aidé-'
rent encore à chasser les garnisons des
Egyptiens. Ils lui demeurèrent attachés, '
jusqu'à ce qu'ils retournèrent sous l'o-
béissance du roi d'Egypte, par le mariage
de ce prince- avec Cléopàtre , fille d'An-
tiochus, qui céda les deux provinces con-
testées pour la dot de la princesse. Pto-
lémée , ayant été déclaré majeur , fut
placé sur le trône avec beaucoup de ma-
gnificence , et honoré du surnom à'Epi-
phanes , c'est-à-dire Illustre , surnom
qu'il ne mérita pas I5ng-temps. Dès qu'il
fut maître , il s'abandonna aux dérégle-
mens les plus infâmes. A des rois corrom-
pus il faut des ministres qui leur res-
semblent. Aristomène , son tuteur , son
conseil et son soutien , homme d'un es-
prit éclairé , d'une âme pleine de no-
blesse , fut empoisonné par ses ordres.
L'Egypte ne fut plus qu'un chaos. L'hu-
meur féroce du roi souleva plusieurs vil-
les. Celle deLycopolis éclata la première,
et fut forcée de se rendre. Ptolémée char-
PTO
gea Poljciate , grand ministre el grand
général , de réduire les antres rebel-
les, et ee héros les eut bientôt fait
rentrer dans le devoir. Quatre des
principaux conjurés furent chargés d'al-
ler renouveler à Alexandrie leur serment
de fidélité. Le roi avait promis de leur
pardonner ; mais à peine furent-ils arri-
vés , qu'il les fit attacher nus à son char,
et après les avoir traînés dans toute la
ville , il les envoya au supplice. Ce mons-
tre ne survécut pas long-temps à cette
barbarie. Comme il avait le dessein de
faire la guerre au roi de Syrie , on lui
demanda oii il prendrait l'argent néces-
saire pour cette expédition ? il répondit
que SCS amis étaient son argent. Les
principaux de la cour conclurent , de
cette réponse ambiguë , que le roi en
voulait à leurs biens et même à leurs per-
sonnes , et ils le firent empoisonner l'an
180 avant J. C. , la 28* année de sa vie,
et la 24* de son règne.
PÏOLÉMÉE \I ou PHILOMÉTOR ,
ainsi nommé par ironie , parce qu'il dé-
testait Cléopàtre , sa mère , monta sur le
trône d'Egypte après la mort de Ptoléraée-
. Epiphanes, son père, l'an 180 avant J. C.
C'est sous le règne de ce prince que
fût bâti par Onias III , dans la préfecture
d'Héliopolis, le temple surnommé Onion.
( f^oy. Onias III. ) Ptolémée mourut entre
les mains des médecins , qui voulaient
faire sur lui l'opération du trépan , pour
le guérir d'une blessure qu'il avait reçue
à la tête , dans une bataille contre
Alexandre Bala, roi de Syrie. Il fut vain-
queur ; mais la victoire lui coûta cher.
On place sa mort l'an 1 46 avant J. C.
. PTOLÉMÉE PH Y SCON , ou le F en-
tra , avait d'abord régné quelque temps
avec son frère Philométor. Il s'empara ,
après sa mort , du trône d'Egypte , l'an
I4G avant J. C, au préjudice de la veuve
et du fils de son frère. Ceux-ci, soutenus
par une petite armée de Juifs , marchè-
rent à Alexandrie pour disputer la cou-
ronne à l'usurpateur ; mais un ambassa-
deur romain qui se trouvait à Alexandrie
amena les choses à un accommodement.
On convint que Physcon épouserait Cleo-
pâtre , veuve de son frère , dont le fils
m^o i4«
serait déclaré héritier de la couronne ,
et qu'en attendant , Physcon en jouirait
toute sa vie. Leur mariage ayant été
conclu , Physcon fut reconnu roi , et le
jour même des noces il tua le jeune prince
entre le.s bras de sa mère. Ses vices et ses
cruautés excitèrent une indignation gé-
nérale. On conspira contre lui , et il eût
été détrôné sans la prudence d'Hyéras ,
son premier ministre. Enfin, sa tyrannie
monta à un tel point , que les habitans
d'Alexandrie se réfugièrent dans les pays
étrangers , et laissèrent la ville presque
déserte. PoUr repeupler cette ville, il fal-
lut accorder de grands privilèges à ceux
qui voulurent s'y établir ; mais peu d'hom-
mes eurent ce courage. Parmi les réfu-
giés d'Alexandrie, il y eut beaucoup de
grammairiens, de philosophes , de géo-
mètres , de médecins , de musiciens et
d'artistes , qui portèrent le goût des
sciences et des beaux-arts dans l'Asie mi-
neure et dans les î'cs voisines. Les nou-
veaux habitans d'Alexandrie y brisèrent
ses statues. Ptolémée , croyant que Cleo-
pâtre , qu'il venait de répudier , était
auteur de cette action , fit tuer Memphi-
tis , son fils et le sien , jeune prince de
grande espérance ; il ordonna qu'on cou-
pât son corps en morceaux , et envoya ce
fatal présent à Cléopàtre , le jour même
de la naissance de cette princesse. Un si
affreux spectacle inspira l'horreur qu'il
méritait. On leva contre le tyran une ar-
mée , dont la reine donna le commande-
ment à Marcias ; mais elle fut vaincue.
Ptolémée , après cette victoire , voulut
assurer la couronne à l'aîné de ses fils ,
qu'il avait eu de sa dernière femme , et,
dans ce dessein , il le maria à Cléopàtre
sa fille , suivant l'infâme coutume du
pays , où le roi et la reine étaient sou-
vent frère et sœur , mari et femme. Il
mourut l'année d'après , l'an 11 G avant
J. C. , souillé de tous les vices de l'esprit
et du cœur , et surnommé Cacourgèle ,
c'est-à-dire Malfaisant ; surnom bien di-
gne d'un tyran.
PTOLÉMÉE-LATHYRE , ainsi ap-
pelé à cause d'un poireau qu'il avait au
nez, eut à peine succédé à son père Phys-
con, l'an H 6 avant J. C, que Cléopàtre
i4a PTO
ea mère , soutenue des forces d'Âlexau-
dre Jannée , roi des Juifs, le chassa
du trône pour mettre à sa place Ptolémée
son frère, et le força de se retirer à Chy-
pre. Lathyre , pour se venger du monar-
que juif , entra dans son royaume , et
après avoir emporté Azolh , il livra ba-
taille à ce prince , qu'il rencontra près
d'Azoph sur le Jourdain. La victoire fut
long-temps disputée ; mais enfin Lathyre
rompit l'armée des Juifs , et en fit un
grand carnage ; 50,000 restèrent sur la
place , et le vainqueur s'étant répandu
dans les bourgs , fit égorger les femmes
et les eufans , et les fit jeter dans des
chaudières d'eau bouillante, pour inspi-
rer plus de terreur à l'ennemi. Lathyre
ayant tenté en vain de rentrer en Egypte,
se retira dans l'ile de Chypre; mais il
fut rappelé après la mort de Ptolémée-
Alexandre , qui fut tué par un pilote ,
l'an 88 avant J. C. Il mourut environ 8
ansaprès.
PTOLÉMÉE-AULÈTES, c'est-à-dire
Joueur de flûte, fils naturel de Plolé-
mée-Lathyre, monta sur le trône d'E-
gypte, l'an 73 avant J. C. , après Alexan-
dre III. Pour s'y affermir, il donna à Cé-
sar 6000 talens; mais les levées extraor-
dinaires dont ilsurchargeait son peuple,
la lâche indifférence avec laquelle il laissa
le peuple romain s'emparer de l'île de
Chypre, ses crimes et ses débauches , ir-
ritèrent les Alexandrins à un tel point,
qu'on déclara Bérénice , l'aînée de ses en-
fans , reine à sa place. Aulèlcs aborda à
l'île de Hhodes, oii Caton était depuis
plusieurs jours. Le roi le fit avertir de son
arrivée ; mais le fier sénateur attendit
qu'il vînt le trouver; et, sans daigner se
lever , il blâma ouvertement Ptolémée
de ce qu'il abandonnait son royaume
pour devenir le client et le jouet des
grands de Rome : il lui conseilla de re-
tourner eu Egypte , et offrit de l'accom-
pagner pour être médiateur entre lui et
ses sujets. Ptolémée méprisa ces sages
conseils , et continua sa route vers Rome ,
où il comptait trouver du secours pour
rentrer dans son royaume. Les Alexan-
drins, craignant que le séjour de Ptolé-
mée auprès des Romains n'eut pour eux
PTO
des suites funestes , envoyèrent cent des
plus notables de la ville, afin de justifier '
dans le sénat leur conduite , etd'exposer
les excès et les vexations de Ptolémée.
Mais ce prince fit égorger la plus grande
partie de ces citoyens députés, et gagna
les autres par des présens. Cependant les
affaires de Ptolémée traînaient en lon-
gueur. Ses ennemis , et un prétendu ora-
cle delà Sibylle, directement contraire
à ses intérêts , lui ôtèrent l'espérance de
régner de nouveau en Egypte. Il se retira
à Ephèse , dans le temple de Diane. Bé-
rénice, sa fille, avait épousé Archélaùs,
prêtre d'une ville de Pont , avec lequel
elle partageait son trône ; mais Ptolémée,
ayant été rétabli par Gabinius, lieutenant
de Pompée , il fit mourir sa fille , et mou-
rut lui-même peu de temps après, l'an
61 avant J. C, fit un testament par le-
quel il donnait la couronne aux aînés des
deux sexes , et ordonnait le mariage en-
tre le frère et la sœur , suivant la cou-
tume incestueuse du pays ; et, comme l'un
et l'autre étaient fort jeunes , il les mit
sous la protection du sénat romain.
PTOLÉMÉE ou DEisys, surnommé
BAccnus, roi d'Egypte, succéda à son
père Aulètes, avec Cléopâtre, l'an 51
avant J. C. C'est lui qui eut la lâche
cruauté de faire mourir Pompée son bien-'
faiteur, après la bataille de Pharsaie. Il
ne fut pas plus fidèle à César, car il lui
dressa des embûches à Alexandrie ; mais
ce héros en sortit victorieux. (Ptolémée
avait eu plusieurs différends avec sa sœur
Cléopâtre, qui était son aînée. Leurs,
flottes allaient se livrer bataille lorsque •
César arriva en Egypte. Il prit le parti
de Cléopâtre, retint le roi prisonnier, et
soutint plusieurs combatscontre les Egyp-
tiens , commandés par Achillas et Arsi-
noë, sœur puînée de Cléopâtre. C'est-
pendant cette guerre qu'un incendie con-
suma la bibliothèque d'Alexandrie, qui
contenait 400,000 volumes. César, ayant '
reçu des secours de Rome, entra dans
Alexandrie , rendit la liberté à Ptolémée, .
qui recommença la guerre. César lui li-j
vra bataille; Ptolémée fut vaincu et sej
retrancha auprès du Nil. César vint l'at-
taquer, culbuta ses troupes, et, dans sa
PTO
fuite , Ptolémée se noya dans le Nil , l'an
46 avant Jésus-Christ. )
PTOLÉMÉE-MEN]\Él]S,roi deChal-
cide, vers l'an 30 avant J. C. , lît al-
liance avec Alexandre, fils d'Aristobule ,
prince des Juifs. Après la mort de son al-
lié, occasionée par Scipion , il envoya
Philippion son fils offrir à Alexandra ,
sœur du malheureux Alexandre, une re-
traite honorable dans ses états. Mais s'é-
tant aperçu que Philippion avait conçu
de l'amour pour la princesse , il le tua de
sa propre main , et força Alexandra à rece-
voir aux pieds des autels sa main fumante
encore du sang de son fils.
PTOLÉMÉE-MACRON , fils de Bo-
rymène , avait reçu de Philométor le gou-
vernement de l'île de Chypre. 11 livra en-
suite cette île à Antiochus Epiphanes ,
qui lui donna le commandement des
troupes qu'il avait dans la Phénicie et la
Célésyrie. Il se laissa corrompre par ar-
gent, et fit déclarer innocent l'impie Mé-
nélaûs par Antiochus ( II. Mach. 4 ).
Après la mort d'Epiphanes, ses ennemis
le noircirent dans l'esprit du jeune Eu-
pator, en le représentant comme le pro-
tecteur des Juifs , et ils le forcèrent de
s'empoisonner.
PTOLÉMÉE, fils d'Abobi, gendre de
Simon Machabée, gouverneur du château
de Doch et de la plaine de Jéricho, con-
çut le barbare dessein de se défaire de
son beau-père et de ses fils, pour s'em-
parer seul du gouvernement de la Judée.
Simon , qui était alors occupé à visiter
les places de son état, arriva à Jéricho,
l'an 135 avant Jésus-Christ, avec sa
femme et ses fils , Mathatias et Judas, et
alla loger chez son gendre au château
de Doch. Ptolémée leur fit un grand fes-
tin , et, au milieu du repas, des gens
qu'il avait apostés entrèrent dans la salle,
tuèrent Simon et quelques-uns des siens,
et retinrent prisonniers sa belle-mère et
ses deux fils. Aussitôt il manda à Antio-
chus Sidètes ce qu'il avait fait , et le
pria de lui envoyer du secours pour dé-
livrer le pays du joug des Machabées. 11
envoya en même temps des gens à Gazara
pour tuer Jean Hyrcan , dernier fils de
Simon , et d'autres à Jérusalem, avecor-
PTO 43
dre de se saisir de la montagne du tem-
ple; mais Dieu fit échouer les projets de
cet ambitieux. Hyrcan , averti à temps ,
se mit en défense , et se sauva à Jérusa-
lem ; il quitta ensuite cette ville , dont il
fit fermer les portes, et vint assiéger Pto-
lémée dans son château. Ce barbare lui
fit lever le siège, en faisant déchirera
coups de fouet sa mère et ses frères ; il
les fit ensuite mourir, et s'enfuit auprès
de Zenon , tyran de Philadelphie. ( I.
Mach. JG. J
PTOLÉMÉE (Claude ), mathémati-
cien de Péluse , surnommé par les Grecs
très divin et très sage , florissait à Ca-
Dope , près d'Alexandrie, sous l'empire
d'Adi-ieu et de Marc-Aurèle, vers l'an
138 de Jésus-Christ. 11 est célèbre par
son Système du monde , dans lequel il
place la terre au centre de l'univers. Sa
Géographie est un ouvrage nécessaire
pour la connaissance du monde ancien.
La l" édition est de Bologne, 1462,
in-fol. et la meilleure celle de Bertius,
1619, in-fol. On fait cas aussi de celle de
Servet, Lyon, 1535, in-fol. réimprimée
avec des changemens et des retranche-
mens en 1 541 . Outre sa Géographie ,Vio-
lémée a donné plusieurs savans ouvrages
sur l'astronomie, publiés à Bâle , 1651 ,
in fol. Les principaux sont : 1° VAlma-
gcste ou Cnmpositio magna. On trouve
dans ce livre un catalogue des étoiles
fixes , formées d'après les observations
de l'auleur et celles d'Hipparque. On y
compte 1022 étoiles, dont les longitu-
des et les latitudes sont déterminées.
( F oyez HiPPARQUE , Flamstffd. ) Enfin
cet ouvrage est singulièrement estimable,
par la démonstration que Ptolémée y
donne du mouvement des étoiles fixes
sur le centre de l'écliplique. 2" Dejudi-
ciis astrologicis ; 3" Planisphcerium ; 4°
Jlarmonicorum libri très, Oxford, 16S2,
in-4. Son système du monde a été adopte
pendantplusieurs siècles par les philoso-
phes et par les astronomes. Tycho l'a per-
fectionné et dégagé de divers embarras.
Lessavans d'aujourd'hui l'ont abandonne
pour suivre le système de Copernic : reste
à savoir si cette préférence n'aura pas le
sort général des opinions humaines.
i44 PUB
PTOLÉMÉE, dit fie Lucqiies, parce
que, selon quelques écrivains , il était
né dans celle ville au 14« siècle, et que,
selon d'autres , il y avait fait un long sé-
jour, embrassa l'ordre de Saint-Domini-
que. Il s'appliqua particulièrement à l'é-
tude de l'histoire sacrée et profane ; mais,
voulant pénétrer trop avant dans la mys-
ticité, et en dire plus que ce que nous
dit l'Ecriture sainte sur l'incarnation du
Verbe, il s'égara. Il osa avancer dans un
sermon prêché à Mantoue, que Jésus-
Cbrist avait été formé dans le cœur de
la sainte Vierge, et non dans ses entrail-
les. Une proposition aussi singulière obli-
gea ses supérieurs à lui imposer silence.
Il se tut en chaire, et il parla par ses livres,
quine valent guère mieux queses sermons.
Les principaux sont : 1" des Annales
en latin , depuis lOCO jusqu'en 1303. On
les trouve dans la Bibliothèque des Pères.
2" une Chronique des papes et des em-
pereurs dans la même langue, réimpri-
mée à Lyon en 1619 , in-4.
PÏOLOMEI ( Jean-Baptiste ) , né à
Pistoie en Toscane , entra chez les jésui-
tes, et fut fait, malgré lui, cardinal par
Clément XI. Cette dignité ne changea rien
dans sa manière de vivre. Il continua de
demeurer au Collège romain, se conten-
tant de deux petites chambres , et man-
geant à la table commune. Il mourut le
18 janvier 1726. Il passait pour un des
plus savans de l'Europe; et les ouvrages
qu'il a donnés au public soutiennent cette
opinion , surtout son Cours de philo-
sophie , où l'on découvre des vues vas-
tes et hardies, qui donnent des explica-
tions aussi neuves que simples et finies.
PUBLICI ( Aymond de ) , des comtes
de Plosasci , docteur en droit , co -sei-
gneur de Publici ( Publiciarum ), prèsde
Turin, après avoir rempli divers emplois ,
devint conseiller du grand conseil de
Charles II , duc de Savoie. Ce prince
l'envoya comme ministre en différentes
cours, k Piome et en France. Ce fut lui
qu'il chargea, en 1629, d'aller à Venise
revendiquer ses droits à la couronne de
Chypre. Il assista, avec le duc de Savoie,
à Bologne, au couronnement de Charles-
Quint; l'année suivante, il fut nommé
PUB
président du sénat de Chambéry , et il
conserva cette place jusqu'aux troubles '
de l'année 1 536 , qui l'obligèrent de se
retirer chez lui. Accusé d'être favorable
au parti du duc de Savoie , il fut arrêté
et conduit dans le châleau de Turin , en
1542. Son procès fut instruit, et il fut re-
légué à Montferrand en Auvergne. Après
y avoir fait venir sa femme, ses enfans
et sa bibliothèque, il exerça sa profe.'ssion
de jurisconsulte dans les sièges de Riom,
de Clermont et de Monferrand. Il s'ap-
pliqua particulièrement à composer une
Cofiférence du droit écrit avec les Cou-
tumes d'Auvergne, ouvrage plein d'éru-
dition , qui est peu lu aujourd'hui.
PUBLIUS SYRUS, poète mimique la-
tin, natifdeSyrie,florissaità Rome l'an 44
avant J. C. Il fut amené esclave , et tom-
ba entre les mains d'un maître qui l'éleva
avec soin et l'affranchit fort jeune. Syrus
se distingua dans la poésie mimique,
c'est-à-dire dans des satires mises en ac-
tion sur le théâtre. ( Voyez Labébius. )
On a de cet auteur des Sentences en
vers ïambes libres , rangées dans l'ordre
alphabétique. Accarias de Sérione l'a tra-
duit en français , Paris , 17 36 , in-12. Les
meilleures éditions sont celle de Tanne-
guy Le Fèvre , et celle d'Havercamp , or-
née de remarques, in-8, Leyde, 1708,'
avec les Sentences de Séuèque. ( La plus
récente et la plus complète est celle don-
née par J. C. Orellius, Leipsick, 1822 ,
in-8 , Cum notis variorum , avec la tra-
duction grecque de Scaliger.)
PUBLIUS , un des principaux habi-
tans de l'île de Malte, reçut saint Paul et
le défraya avec toute sa suite durant trois
jours. Saint Paul guérit de la fièvre le
père de Publius ( Act. 28 ). On assure
qu'il se fit chrétien , et fut le premier
évêque de cette île. Quelques auteurs
croient qu'il était gouverneur de l'île
pour les Romains , parce qu'il est nom-
mé princeps insulœ;^ mais dans l'Ecri-
ture sainte ce mot se prend souvent pour
un homme puissant et distingué.
• PUCCI ( Antoine ) , poète italien ,
né à Florence vers 1460, d'un père qui
était fondeur de cloches , exerça lui-
même cet état pendant plusieurs années.
PUC
Kn même temps qu'il travaillait avec son
père , il trouvait le moment d'aller dans
un couvent de religieux prendre des
leçons de grammaire latine et de rhéto-
rique. Quelques Poésies légères qu'il
publia lui acquirent une certaine répu-
tation littéraire. Il quitta son premier
état, et, à l'aide d'un puissant Mécène,
dont il avait su capter la bienveillance ,
il occupa plusieurs places dont les émo-
lument le mirent à portée de se livrer à
son goût pour la poésie. Il ne traita ce-
pendant que le genre badin , et fut un
des premiers qui introduisirent dans la
poésie ce ton joyeux et burlesque adopté
par d'autres poètes , et notamment par
Berni , qui le rendit plus général dans
son Orlando innamoralo , et qui fut ap-
pelé Bernesco , du nom de ce dernier.
L'Arioste , Lippi dans son Malmantile
racquistato, Tassoni dans sa Sccchia ra-
pita , Forliguerra dans le Ricciardetlo ,
portèrent ensuite ce genre au point de
perfection dont il était susceptible. On
' aurait souhaité qu'en l'adoptant ils se
fussent bornés à ridiculiser les vices et
les travers des hommes , sans tomber
dans ces expressions trop libres , dans
ces équivoques indécentes qui insultent
à la morale et souvent même à la reli-
gion. Les compositions poétiques de
Pucci se trouvent insérées dans plusieurs
recueils italiens , et notamment dans ce-
lui intitulé Scella di varie poésie, choix
de poésies diverses. Il mourut au com-
mencement du IG^ siècle.
* PUCCI ( François ) , écrivain con-
troversiste , né à Florence dans le 16*
siècle , avait à peine terminé ses études
qu'il vint à Lyon pour se livrer au com-
merce. Mais dégoûté de cette carrière
par suite des liaisons qu'il avait eues avec
quelques protestans , il embrassa une
partie de leurs opinions, et alla à Oxford
étudier la théologie. Après y avoir reçu en
167 4 le degré de maître-ès-arts , il publia
un traité : Defide in Deum, quce etqua-
Us sit , dans lequel il combattit le parti
calviniste qui dominait dans cette uni-
versité. Obligé de quitter Oxford oii ses
opinions lui avaient fait des ennemis, il
se rendit à Bâie, et s'y lia avec Faust So-^
XI.
PUC 145
cin dont il embrassa la doctrine. Malheu-
reusement pour le repos de Pucci , il
avait fait connaître ses sentimens sur la
grâce universelle : les théologiens bâiois
qui ne partageaient pas son avis le forcè-
rent à quitter leur ville. Pucci retourra
à Londres ; ses opinions manifestées avec
trop de licence le firent mettre en pri-
son. Quand il eut recouvré la liberté, il
alla en Hollande , d'où il entretint avec
Socin une correspondance active ; cepen-
dant il le combattit sur certains points
dans un traité : De immorlalitale natU"
rail primi hominis ante peccalum. Après
avoir habité ensuite Anvers etCracovie,
il se fixa quelque temps à Prague, oîi il fit
une rétractation publique de ses erreurs
en 1 595 entre les mains du nonce du pape
qui avait eu avec lui quelques conféren-
ces. Après sa rétractation, Pucci fut or-
donné prêtre et devint secrétaire du car-
dinal Pompéi d'Aragon , chez lequel il
mourut en 1 600. Il existe une dissertation
intitulée : De vita , faiis, operibus et opi-
nionibus Fr. Puccii Filidini ; elle est in-
sérée dans la Nuova raccolta Caloge-
rana, t. 30 , Venise, 1776.
PUCELLE ( L'abbé René ) naquit à
Paris , en 1655 , de Claude Pucelle, avo-
cat au parlement, et de Françoise de Câ-
linât , sœur du maréchal du même nom.
Il se consacra d'abord à l'état ecclésias-
tique ; mais , peu de temps après , le goût
des armes l'emporta sur cette première
destination. Après avoir fait quelques
campagnes en qualité de volontaire , il
voyagea en Italie et en Allemagne. De
retour à Paris , il reprit l'habit ecclésias-
tique , se fit ordonner sous-diacre , étu-
dia en droit , et fut reçu conseiller-clerc
au parlement de Paris , en 1684 , s'es-
crima, en 1713, conlreV Histoire des jé-
suites de Jouvenci , et en 1 7 1 4 il se dé-
chaîna contre la bulle Unigenitus. Après
la mort de Louis XIV , en 1715 , il eut
une place dans le conseil de conscience ,
établi par le duc d'Orléans , régent du
royaume. La vivacité avec laquelle il
continua de favoriser la cause des an-
ticonstitutionnaires le fit exiler dans
son abbaye de Saint-Léonard de Corbi-
gni, dont il avait été. pourvu en 1694.
'9-
i46 PUF
. U mourut k Paris en 1745, à 90 ans.
PUCELLE d'Orlkaus. ( roi/ez Je as s k
s' Arc. )
• PUCKERIDGE ( B. ) , Irlandais , né
en 1730, fut l'inventeur de l'harmonica.
Le son produit par le frollement d'un
doigt mouillé avec un verre à boire (en
1760} éveilla son attention. Après plu-
sieurs observations , il essaya de former
un nouvel instrument de musique , et il
y parvint en plaçant sur une table un cer-
tain nombre de verres de diverses gran-
deurs , et à moitié remplis d'eau ; il en
lira des sons variés , put jouer un mor-
ceau tout entier. Celte invention fut con-
nue par le docteur Franklin , qui la per-
fectionna , et Vharmonica devint un in-
strument à la mode dans toute l'Europe.
Fuckeridge mourut à la fleur de son âge.
Voyez le grand ouvrage de Physique de
Biot.
PUFFEINDORF (Samuel de), publi-
cisleet historien, né à Cbemnitz, village
deMisnie, en IG32, d'une famille luthé-
rienne, était fils du ministre de ce village.
Après avoir étudié à Leipsick, il devint
en 1658 gouverneur du fils de Coyet,
ambassadeur du roi de Suède à la cour
de Danemark. Il se rendit avec son élève
à Copenhague ; mais à peine y fut-il ar-
rivé, que la guerre s'étant allumée entre
le Danemark et la Suéde , il fut arrêté
avec toute la maison de l'ambassadeur.
Puffendorf , pendant sa prison, qui dura
8 mois, réfléchit sur ce qu'il avait lu dans
les ouvrages de Grolius, mit ses réflexions
en ordVe, et les publia à La Haye en 1660,
se us le titre à'Ele'mens de la Jurispru-
dence universelle. Ce premier essai lui
acquit une telle réputation, que Charles-
Louis, électeurpalatin, fonda en sa faveur
une chaire de droit naturel dans l'uni-
versité d'Heidelberg. Puffendorf demeura
dans celle ville jusqu'en 1670, que
Charles XI, roi de Suède, le fit son his-
toriographe. U s'attacha ensuite à l'élec-
teur de Brandebourg, qui le fit conseiller
d'état, et le chargea d'écrire l'histoire de
l'électeur Guillaume le Grand. Il mourut
à Berlin en 1694, à 62 ans. Parmi les ou-
vrages qui lui ont fait un nom , on dis-
tingue : 1° Histoire de Suède, depuit
PUF
Vexpe'dition de Gustave-Adolphe en
Allemagne, jusqu'à Vabdication de Chris-
tine , c'est-à-dire depuis 1628 jusqu'en
lG54,Utrecht, 1686, in-fol.; 2° Histoire
de Charles-Gustave , en 2 lomes in-fol.,
Nuremberg, 1696, en latin, et imprimée
en français dans la même ville, 1698,
in-fol.; 3° Histoire de F re'de'ric-Guil-
laume le Grand, électeur de Brande-
bourg , BerWn , 1695, 2 vol. in-fol., en
latin. Cette histoire, tirée des archives
de la maison de Brandebourg , essuya
plusieurs retranchemenspendanl le cours
de l'impression; il est rare de trouver
des exemplaires sans corrections. 4° Ele-
mentorum jurisprudentice universalis
libri duo, à La Haye , en 1660 ; à léna ,
1669, avec un appendix de Sphœra mo-
rali, qui est d'une antre main; 5° une
édition des Miscellanea laconica Joan-
nis Mrursii, Amsterdam, 1661, in-i, et
de la Grèce ancienne, de Jean Lauretr-
berg, 1661, in-4 ; 6° Scverini de Mo-
zanbano, de statu imperii gcrmanici,
Genève, 1667, in-12, souvent réimprimé
depuis, et traduit en plusieurs langues,
quoique vivement censuré par plusieurs
savans. Puffendorf, déguisé sous les noms
de Mozanbanus , veut y prouver que
l'Allemagne est un corps de république,
dont les membres mal assortis font un
tout monstrueux. La traduction française
est de Savinien d'Alquier, Amsterdam,
1669, in-12. 7" Un recueil de.disserta-
tions académiques , en latin , 1668, in-8;
5° une Description historique et poli-
tique de l'empire du pape, en allemand ,
production partiale, que les fanatiques
du parti protestant ont traduite en fla-
mand et en latin. On la trouve dans l'ou-
vrage suivant, édition de 1742. d° Intro-
duction à tHistoire des principaux
Etats qui sont aujourd'hui dans l'Eu-
rope, en allemand, 1682, avec une suite
en 168G, et une addition contre Varillas
en 1722. Ce livre fut traduit en français
par Claude Rouxel ; et en 1722, un
anonyme rectifia cette traduction,
continua l'ouvrage, l'enrichit de notes,
et publia le tout à Trévoux , sous le titre
d'Amsterdam , en 7 vol. in-i 2. { Voyez
Bbuzen de la Martinièbe. ( m. de Grâce
PUF
en a donné depuis une nouvelle édition,
considérablement augmentée , en 8 vol.
in-4. Quelque mérile qu'ait cet ouvrage,
il fjiut convenir qu'il est fort au dessous
de la réputation dont il a joui , et sur la-
quelle on revient tous les jours. « La nar-
» ration de Puffendorf, dit un critique,
» est maigre ; on n'en peut sup])orter la
» lecture sans ennui , et parlant sans
« profit pour le commun des hommes.
M Son histoire est un squelette, où il man-
w yue.commele disait Lucien, /« chnir et
» les couleurs. » 1 0° Traité du droit
naturel et des gens, imprimé, pour la
«"fois, en 1G7 2, à Leyde , en allemand.
En 1G84, il en fit faire une seconde édi-
tion à Francfort, augmentée d'un quart.
Ce traité fut traduit en français par Jean
Barbeyrac, avec des notes, et imprimé à
Amsterdam en 17 34, 2 vol. in-4. On l'a
réimprimé en latin à Francfort , 1744,
2 vol. in-4. Il publia un abrégé de cet
ouvrage sous le titre de Devoir de l'homme
et du citoyen , traduit en latin à Edim-
bourg, in-8 ; et en français, par lîarbey-
rac, 1718, 2 vol. in-8. Si Puffendorf eut
des aiiprobateurs, il ne manqua pas de
critiques, contre lesquels il n'oublia pas
aussi de se défendre. Le recueil de ce qui
fut dit de part et d'autre forme un livre,
imprimé, dès l'an 1G8C, à Francfort, sous
le titre à'Eris scandica. Quelque chose
qu'on ait dit des traités de Puffendorf , il
est cerliiin qu'il a rectifié et étendu quel-
ques principes de Grotius ; mais son pro-
testantisme est moins modéré et moins
équitable envers les catholiques que celui
du jurisconsulte hollandais. Le compila-
teur Fébronius a fort mal à propos tran-
scrit un grand nombre de passages de
Puffendorf, pour rendre l'Eglise romaine
odieuse; de tels témoignages ne prou-
veront jamais rien dans l'esprit des gens
équitables. Les éditions de Puffendorf,
publiées en France dans ces derniers
temps,doiventêtreprisesavec précaution.
Les éditeurs ont encore donné de l'exten-
sion aux principes libéraux de l'auteur,
(fi'analyse des ouvrages de Puffendorf ,
qui sontau nombre de 20, se trouve dans
V Eloge deM. Lenich (1 797), dans lesj¥e-
moiresàe l'académie deStockolm, 1802.)
PUG i47
"PUFFENDORF (Isaïe), frère de
Samuel, naquit à Fleh , en Misnie, en
1628, fit ses études avec tant de succès,
qu'avant même qu'il les eût terminées
on lui offrit des places aussi bonorables
que lucratives. Il les remplit, dès sa pre-
mière jeunesse, dans son propre pays,
fut chargé ensuite de plusieurs missions
importantes auprès de diverses cours, et
il demeura dansquelques unes en qualité^
de résident. Il est auteur d'un ouvrage
intitulé : anecdotes deSuède,o\i Histoire
secrète de Charles XI, 1716, in-8, et
d'un autre qui a pour titre Opuscula
jiivenilia, 1699, in-S, qui contiennent
différentes dissertations sur les druides,
les lois saliques , la théologie de Platon.
Puffendorf mourut à Ralisbonne en 1C90.
PUGATSCHEW ou Pocgatschew,
fameux rebelle et imposteur, se fitpas.ser
pour le fils de Pierre II, empereur de
Piussie, et excita de grands troubles dans
quelques provinces de Russie, particuliè-
rement dans celles d'Astracan et d'Orem-
bourg. H fut pris et exécuté à Moscou,
le 21 janvier 17 75. « Les progrès rapide-i
» et effrayans de celte révolte ont élé,sui-
3) vantl'observation d'unpolitique,la.sui(e
i> de la faute grossière que fit Pierre I*'
« de transférer sa résidence et de placer
» la métropole de l'empire sur lesbords de
» la Baltique. »
PUGET (Pierre), sculpteur, peintre
et architecte, né à Marseille en 1622,
mort dans la même ville en 1695, (ap-
partenait à une famille distinguée ; et
l'un de ses ancêtres, Jean Puget, fut qua-
tre fois premier consul d'Aix, de 1541 à
1570. Simon, arrière-petit-fils de Jean,
était architecte et père de celui qui forme
le sujet de cette Notice.) Pierre annonça
dès l'enfance ce qu'il devait être un jour.
Il construisit une galère, n'étant âgé que
de seize ans. Il séjourna à Florence et à
Rome. De retour dans sa patrie, à 21 ans,
il inventa , pour orner les vaisseaux , ces
belles galeries que les étrangers ont imi-
tées. Pugel se faisait aussi un grand nom
par ses tableaux; mais une maladie lui fit
abandonner cet art , pour ne plus se
livrer qu'à la sculpture. Foucquet le char-
gea d'aller choisir en Italie de beaux blocs
i4« PUG
de marbre. Ce ministre ayant clé disgra-
cié, ce fut un obstacle au retour de Puget.
Il fit plusieurs grands morceaux à Gênes,
et, pour le duc de Mantoue, ce magnifi-
que bas-relief de l'Assomption, auquel
le chevalier Bernin ne put refuser ses
éloges. Colbert le rappela, et lui fit donner
une pension de 1200 écus. Ses morceaux
de sculpture pourraient être comparés à
ceux de l'antiquité, pour le grand goût et
la correction du dessin, pour la noblesse
et l'expression de ses caractères, pour la
beauté de ses idées , et l'heureuse fécon-
dité de son génie. Puget a dessiné sur le
vélin des marines^ morceaux précieux
pour le goût et l'exécution. (Il peignit
plusieurs tableaux pour différentes villes
de Provence. V Annonciation^ X&Visi'
talion , le Sauveur du monde , le Bap-
tême de Constantin, celui de Clovis,
sont au musée de Marseille. On voit à
Versailles de belles statues de cet artiste,
comme un Milon, Anosoinède, un grand
bas-relief , représentant Alexandre et
Diogène. L'académie de Marseille a pro-
posé en 1801 son Eloge -. M. Eméric-
David a obtenu le prix en 1807).
' PCGET ou Puget - Barbantane
( Paul-François-Hilarion-Bienvenu , mar-
quis de } , né à Paris le 20 mars 17.S4 ,
embrassa la cause de la révolution qu'il
défendit par sa plume et par son épée.
En 1 7 90 il fut nommé maréchal de camp ,
et fut employé , en 1792 , dans la 8® di-
vision militaire. Dans la discussion qui
s'éleva entre les Marseillais et les soldats
du régiment suisse d'Ernest , il se déclara
pour les premiers et contribua au désar-
mement de ces militaires. Peu de temps
après il fut destitué et traduit devant un
conseil de guerre ; mais il fut acquitté.
Nommé commandant de la même divi-
sion , il fut chargé de l'organisation du
comtat d'Avignon que divers commissai-
res avaient tentée inutilement : il l'acheva
promptement , et sans qu'une goutte de
sang eût été répandue : ce qui lui valut
le grade de lieutenant-général. Ayant
obtenu le commandement d'une division
à l'armée des Pyrénées , il se distingua
dès le commencement de cette guerre ;
et , Iciwque le général Deflers fut mort ,
PLG
il eut provisoirement le commandement
en chef de l'armée. Malgré la faiblesse
des Français , attaqués par les Espagnols
plus nombreux , il sauva Perpignan par
l'activité , le zèle et l'intelligence qu'il
mit à organiser un nouveau corps d'ar-
mée à Salces. Il se distingua à Peirestorte,
contint l'ennemi , et l'empêcha de s'é-
tendre dans le midi de la France. Diffé-
rentes contrariétés qu'il éprouva , sans
doute comme ancien noble , le détermi-
nèrent à donner sa démission. Bientôt il
fut arrêté à Toulouse et conduit à Paris.
Il n'obtint sa liberté qu'après le 9 ther-
midor, et vécut dès lors dans la retraite. Il
en sortit pour prendre le commandement
successif des 2*, 9« et 8« divisions militai-r
res. Mais dégoûté du despotisme de Buo-
naparte , il donna une deuxième fois sa
démission. En 1816 il vint habiter Paris,
où il est mort le 27 mars 1 828. Il a laissé
dts Mémoires politiques que l'on dit trèa-
curieux. i
" PUGLIESE ( Guillaume ), savant ec- |
clésiastique napolitain, né vers l'an 1060,
vivait sous le fameux chevalier normand,
Robert Guiscard. Pugliese était à la
cour d'Urbain II , et fut toujours très
attaché à la famille de Guiscard. Le pon-
tife le chargea en 1092 d'écrire un Poème
latin sur ses exploits et les hauts fait^
d'armes des Normands dans la Calabre,
jusqu'à la mort de Robert, arrivée en
1086. Cet ouvrage, que l'auteur dédia à
Roger , fils de Robert , mérita les éloges |
d'Urbain et des hommes instruits de cette I
époque ; on en fil plusieurs copies que le 1
temps a fait disparaître. Ce poème fut ■
enfin trouvé dans le monastère de Bechol-
vino , par Jean Tireneo Nauteneo, avocat
du fisc de Rouen. On ignore s'il a obtenu |
les honneurs de l'impression, dont on le
jugeait digne.
"PUGLIOLA (Barthélemi de la),
historien italien, naquit à Bologne le 15
octobre 1378. A l'âge de 16 ans, il entra
dans l'ordre des mineurs conventuels, oii
il acquit de vastes connaissances en phi-
losophie et en théologie. Il professa ces
deux sciences dans le couvent de .son
pays, et en d'autres du même ordre, dans
diverses villes d'Italie. Il se distingua
PUI
aussi dans la pr, dication, nolammeiit à
Rome, et devint vicaire de sou ordre, qu'il
gouverna avec sagesse. Le Père de la
Pugiiola a écrit en outre une excellente
Chronique de Cologne. Il l'avait extraite
en partie des manuscrits de Jacques Bian-
chetli , lesquels étaient sans ordre , et
manquaient d'un grand nombre de dates
importantes. Cette chronique commence
à l'année 1362, et finit en 1407. Elle fut
continuée par d'autres écrivains jusqu'à
l'année 1 47 I , et a été publiée par Mura-
tori, qui l'avait trouvée dans la bibliothè-
que de Modène, et qui l'inséra dans son
grand ouvrage des Ecrivains d'Italie,
lome 18,pag. 230. Le Père de la Pugiiola
mourut le 10 février 1 43G, âgé de 58 ans.
• PCGNANI (Guelano ), célèbre vio-
loniste piémontais , né à Turin eu 1728,
reçut dès sa plus tendre jeunesse des
leçons de J. B. Soniir, l'un des élèves
les plus distingués de Sorelli. Après
avoir parcouru une partie de l'Eu-
rope, il revint dans sa patrie, oii il fonda
^ une école de violon, qui a produit de
très bons violonistes. Il fit aussi repré-
senter sur le théâtre royal de Turin, dont
il dirigeait l'orchestre : Issea , Thamas-
Kouli-Kan, Achille in Sciro. Démo fonte
/ c Demetrio a Rodi. Il mourut en 1798.
Peu d'artistes ont su mériter comme lui
l'admiration pour leur talent et l'estime
pour leur personne. Jamais il ne parais-
sait en public, sans être somptueusement
paré. Il conservait aussi dans son main-
tien beaucoup de dignité. Le grandiose
de son exécution répondait parfaitement
à cet extérieur qui frappait tous les yeux.
* PUIFFERRAT ( Pierre ) , grand-vi-
caire de Sens , né le 29 décembre 1744 ,
h Lavanpot , dans le diocèse de Limoges,
lit ses études au collège de Magnac-La-
▼al , et professa la rhétorique dans cet
établissement , après avoir été ordonné
prêtre en 1769. Il devint ensuite aumô-
nier de M. d'.\rgentré , évêque de Limo-
ges , et fut bientôt élevé à la dignité ,
alors très considérée , de chantre de la
collégiale de St. -Martial de cette ville. En
1786 le même prélat le choisit pour l'un
de ses grands-vicaires. L'abbé Puifferrat
suivit son évêque dans l'émigration ; il
PLI i49
ne le quitta qu'en 1801 , pour faire u»
petit voyage en France et revoir sa fa-
mille ; mais il retourna bientôt auprès de
son protecteur qui mourut en 1808 dans
le pays de Munster. L'abbé Puifferrat re-
vint alors se fixer dans son pays natal.
Un sentiment de délicatesse l'empêcha
d'accepter le titre de vicaire-général que
lui offrait M. Du Bourg, alors évêque de
Limoges : il crut, qu'après avoir été si
long-temps attaché à un évêque non dé-
missionnaire , il ne convenait pas de re-
cevoir le titre de vicaire-général d'un
prélat qui avait accepté le siège de M.
d'Argentré ; du reste aucune idée de
schisme ou d'opposition n'entrait dans
son refus. Nommé chanoine honoraire de
Limoges, il consentit à prendre trois ans
après la cure de Magnac Laval qu'il oc-
cupa jusqu'en 1819. M.deCosnac, ayant
été nommé évêque de Noyon, s'empressa
d'offrir à l'abbé Puifferrat la place de
grand-vicaire, qu'il accepta pour se réunir
à un ami et à un compagnon d'exil. Ce
fut à Mcaux et en 1819 qu'eut lieu cette
réunion. L'abbé Puifferrat suivit M. de
Cosnac à Sens : c'est dans cette ville qu'il
est mort le 8 décembre 1 831 . Sa foi vive,
ses grandes vertus, la droiture de son es-
prit et la franchise de son caractère , son
obligeance et l'agrément de son com-
merce étaient des qualités rares dans le
siècle où nous vivons. Personne ne sau-
rait dire le bien qu'il fit dans les diocèses
de Limoges , de Meaux et de Sens.
* PUISAYE (Joseph, comte de) , lieute-
nant-général des armées royales , né à
Mortagne d'une bonne famille du Perche
fut destiné dans sa jeunesse à l'état ec-
clésiastique , et fit en conséquence quel-
ques études à St.-Sulpice; mais son goût
l'entraîna vers la carrière des armes qu'il
embrassa et dans laquelle il se distingua
par sa valeur et ses talens. Cependant ,
après avoir été sous-lieutenant dans le
régiment de Conti ( cavalerie ) , et en-
suite capitaine dans les dragons de La-
nan , il se retira dans sa famille , mécon-
tent qu'il était de ne s'être pas élevé au
gré de ses désirs. Son père étant mort, il
recueillit la part de sa succession et acheta
une charge dans les Cent-Suisses de la
i5o PUI
maison du roi ; ce qui lui donna le rang
de colonel. En 17 89 il fut nommé député
de la noblesse du Perche aux élats-géué-
raux; sa conduite fut dirigée dans ces cir-
constances orageuses par les principes de
iidélilc monarchique , et par conséquent
il vota avec la minorité. Il signa la protes-
tation du 24 juin 1790 contre le décret
du 19 du même mois qui portait l'aboli-
tion de la noblesse ; du reste il se fit
peu remarquer : en général on le regar-
dait comme un partisan de la constitution
anglaise. Après la session, il se retira en
Normandie; en 1T9I il fui élevé au grade
de maréchal-de camp et de commandant
de la garde nationale d'Evreux ; en 1793
il fut adjoint au général \\ impfen , en
qualité de chef de son état major , €t com-
manda , au mois de juin , l'avant garde
de l'armée de l'Eure qui marcha contre
la Convention. Battu à Pacy-sur-Eure,
il se relira en Bretagne : sa tête fut mise
à prix. Puisaye, bravant dès lors une mul-
titude de dangers, rallia et réorganisa
dans le déparlement d'Ille-et-Villaine
les débris du parti de la chouannerie au-
quel les frères Cliouans avaient donné
leur nom : il se mit en rapport avec
d'autres chefs royalistes , créa un con-
seil militaire, mit en circulation du pa-
pier-monnaie , envoya des émissaires à
F^ondres , reçut des secours du cabi-
net anglais et des pouvoirs du comte
d'Artois. Il publia des proclamations, et
devint en quelque sorte le centre et l'âme
de la confédération vendéenne. Dans
toutes ces circonstances, il déploya beau-
coup d'activité etde talent. Couvaincuque
les royalistes ne pourraient réussir dans
leurs tentatives , .sans être fortement ap-
puyésparles Anglais, il subordonna tou-
tes ses opérations aux volontés du gouver-
nement britannique. Plus d'un Vendéen
rougit de cette humiliation à laquelle il
condamnait son parti , et il y en avait qui
allaient jusqu'à regarder le comte de Pui-
saye comme un faux-frère. Ce qu'il y a de
bien certain, c'est que le gouvernement
anglais fut un auxiliaire perBde, et,que, si
des fautes furent commises par les roya-
listes, on doit moins leur attribuer le
mauvais succès des armées vendéennes
PUI
qu'aux pièges que leur tendirent des al-
liés qui ne voulaient que la perte des
Français et non le triomphe des Bourbons.
Quoi qu'il en soit, le comte de Puisaye ,
passa en Angleterre dans le mois de sep-
tembre 17 94; il s'aboucha avec les mi-
nistres, auxquels il proposa le plan d'une
descente dans la Bretagne. Telle fut l'o-
rigine de la malheureuse expédition de
Quibéron, qui échoua d'une manière si dé-
plorable. La division entre les chefs roya-
listes (le comte de Puisaye commandait
les troupes de l'intérieur, et M. d'Hervilly
élait à la têle des émigrés ) , et l'incroya*
ble activité des généraux républicains,
surtout de Hoche, furent sans contredit
les principales causes de ces désastres ;
mais on rendit le comte de Puisaye res-
ponsable de l'issue malheureuse de cette
expédition qu'il avait provoquée, et il y
eut contre lui un concert de plaintes et
de reproches tant des royalistes du de-
dans que des émigrés. I.e comte de Pui-
saye qui élait parvenu à s'échapper de
Quibéron fut regardé par les uns comme
un traître, par d'autres comme un lâche.
Cependant il rentra en Bretagne; mais,
mal vu de tous ceux avec lesquels il avait
combattu, il lui fut plus facile de se ga-
rantir des embûches que lui tendaient
les républicains que de l'animadversion'
des royalistes; il eut des démêlés fort
désagréables aveclesagens du roi, et sur-
tout avec M. d'Avaray , ministre de Louis
XVin ; enfin dégoûté d'une carrière si
périlleuse et si agitée , il retourna en An-
gleterre. Il obtint des ministres anglais
un établissement dans le Canada avec
une somme d'argent pour son exploita-
tion ; il se rendit donc en Amérique oii il
fut suivi d'une partie des officiers qui lui
étaient restés attachés. A l'époque du
traité d'Amiens, il retourna à Londres où
il trouva les mêmes préventions; elles
furent augmentées encore par la publi-
cation de ses Mémoires qui parurent en
6to1. de 1803 à 1808. Celle justification
un peu volumineuse, dans laquelle il trai-
tait avec beaucoup de hauteur et de du-
reté plusieurs royalistes distingués , fut
réfutée à Londres dans les feuilles pério-
diques et dans plusieurs brochures. S»
i
PUJ
disgrâce fut complète. Fort sensible à
l'opinion qu'avaient conçue de lut les
princes, il s'était fait naturaliser en An-
gleterre où il avait obtenu une pension.
U ne rentra point en France à la restau-
ration; il est mort le 13 octobre 1827 à
Hammersmith près de Londres où il ré-
sidait : il avait reçu les secours de la re-
ligion, des mains d'un pieux prélat,
M. Weld, évêque d'Amiclée. Le comte
de Puisaj e se plaignait souvent de l'in-
gratitude des hommes ; il est à regretter
qu'il ait mis dans sa défense une amer-
tume qui n'a pu qu'accroître les préven-
tions formées contre lui. Ses Mémoires
contiennent du reste des faits curieux et
sont nécessaires pour quiconque veut
connaître l'Histoire du parti royaliste
pendant la révolution. Voyez l'Histoire
de la Vendée parBeauchamp , les lettres
sur la Chouannerie et les autres écrits
relatifs à cette époque.
PtriSlEUX ( Philippe-Florent de ), né
à Meaux en 1713, mort à Paris en 1772,
était avocat au parlement de Paris. Il
cultiva moins la jurisprudence que la
littérature. Nous avons de lui un grand
nombre de traductions de livres anglais,
dont quelques-unes sont utiles. Telles
sont celles de la Grammaire géographi-
que de Gordon, in-8; de l'Histoire navale
d'Angleterre, en 3 vol. in-4; de la Gram-
maire des Sciences philosophiques, des
£lémens des sciences et des arts, etc., etc.
Il a aussi traduit quelques romans et quel-
ques autres brochures anglaises , dont la
plupart ne méritaient pas de passer la
mer.
PUISIEUX. Voyez Brulart.
PUJOS (André), né à Toulouse en
1730, et peintre de l'académie de cette
ville, se distingua dans le dessin et la
peinture en miniature, puis s'attacha aux
portraits, genre où il excella. Il peignit
presque tous les hommes qui avaient quel-
que célébrité en France.
• * PUJOL (Alexandre-Denys-Joseph de),
député à l'assemblée des notables, né en
1737, mort le 30 août 1816, avait été pré-
vôt, puis chef de la ville de Valenciennes.
Il était, avant la révolution, commissaire
principal des guerres en Hainaut. Il est
PUL i6t
auteur de la Galerie historique univer-
selle, dont il a publié 18 livraisons. Il a
en outre laissé en manuscrit le Manuel
de r homme de bien.
• PUJOULX ( Jean-Baptiste ) , littéra-
teur, né à St.-Macaire, département de la
Gironde en 17G2, mort à Paris le 17 avril
1 821 , se fit connaître d'abord par des arti-
cles de journaux qui annonçaient du goût,
de la facilité et des connaissances : ainsi,
il a travaillé au Journal de la littérature
française et étrangère , à la Gazette de
France, au Journal de Paris, et au
Journal de l'Empire. Il a publié : 1° le
Livre du second âge, ou Instructions
amusantes sur l'Histoire naturelle des
animaux , 1800, in-8; 3* édition , 1803;
2" Paris à la fin du 18^ siècle, ou Es-
quisse historique et morale des monu-
mens et des ruines de cette capitale , de
l'état des sciences, des arts et de l'in-
dustrie à cette époque , ainsi que des
mœurs et des ridicules de ses habitans ,
1800 et 1801 , in-8; 3° Promenades au
Jardin des Plantes, à la Ménagerie et
dans les galeries du muséum, d'histoire
naturelle, 1804,2 vol. in 18; 4° Le na-
turaliste du second âge, destiné à servir
de suite et de complément au Livre du
second âge, 1805, in-8; S" Leçons de
physique à l'école polytechnique sur les
propriétés générales des corps, précédées
d'une introduction, 1805, in-8; 6° La
Botanique des jeunes gens, 1810, 2 vol.
in-8 ; 7° Promenades au marché aux
fleurs, ou la Botanique du second âge,
1811, in-12; 8° l'Astrologue parisien,
ou le Nouveau Matthieu Laensberg ,
année 1812 jusqu'à 1 8 1 7 ; 9° Minéralo-
gie à l'usage des gens du monde, 1813,
in-8; IQ"^ Louis XVIpcint par lui-même,
ou Correspondance et autres écrits de ce
monarque, 1817, in-8. Lorsque Pujoulx
composa cet ouvrage, il croyait authen-
tique la Correspondance apocryphe de
Louis XVI. 11° Plusieurs comédies et
opéras,(\ni ont eu peu de succès. Pujoulx
a fourni aussi quelques articles à la Bio-
graphie universelle de Michaud. Voyez
Mahui, annuaire nécrolog. tom. 2, p. 266.
PULCHÉRIE (^lia-PulcheriaAugusta ,
Sainte), impératrice, fille de l'empereur
iÔ2 PUL
Arcadius, el soeur de Théodose ic Jeune,
naquit l'an 399 à Constanlinopte, et fut
créée Auguste en 414, et parlar^ea avec
son frère la puissance impériale. Après la
mort de Théodose, arrivée en 450, sainte
Pulchérie fit élire Marcien, et l'épousa ,
plutôt pour avoir 4in soutien qui l'aidât
à porter le poids de la couronne, que
pour avoir un époux. Elle lui fit promet-
tre qu'il garderait la continence avec elle.
Le concile de Chalcédoine assemblé en
457, par Marcien, à la prière de saint
Léon, la combla d'éloges. Elle les méri-
tait par sa p été et par son zèle. Cette
princesse aimait les lettres et les cultivait.
Elle mourut en 454, à 55 ans. Voltaire
ménage peu cette princesse dans la pré-
face du commentaire sur la Pu/c/ieWe de
Corneille.
PULCHRE ( François Le ), seigneur de
la Mothe Messemé, était originaire d'An-
gleterre , et son père avait la charge de
sur-intendant auprès de Marguerite,
reine de Navarre, qui demeurait ordinai-
rement à Mont-de-Marsan. Le Puichre y
naquit vers l'an 1540, suivit, dès sa pre-
mière jeunesse, la carrière des armes, se
trouva à la bataille de Dreux (1502 ). Il
fut envoyé par Charles IX à la reine sa
mère, Catherine de Médicis, pour appren-
dre de ses nouvelles, et celles de la paix,
dont cette princesse s'occupait dans ce
moment. Le Puichre resta toujours atta-
ché à la cour, et la suivit à Paris, à Saint-
Germain, etc. Il se distingua dans toutes
les guerres qui eurent lieu à cette époque,
et, en récompense, Charles IX le nomma
gentilhomme ordinaire de sa chambre.
Le Pulchrè mourut dans un âge très
avancé,et a laissé un ouvrage assez singu-
lier par le titre , et par la bizarrerie du
stile, mais qui contient plusieurs faits
historiques assez curieux et intéressans ;
cet ouvrage a pour titre : Les sept livres
des honnêtes plaisirs de M. de la Mothe-
Messemé, chevalier de tordre du roi, et
capitûine de cinquante hommes d^armes
de sa majesté'. Chaque livre est intitule'
du nom d'une des planètes, qui est un
discours en forme de chronologie , où
sera ve'ritablement discouru des plus no-
tables occurrenàes de nos guerres civiles
PUL
et de divers accidens de l'auteur dédie'
au roi ; plus un mélange de divers poè-
mes, d'élégies , stances et sonnets, etc.,
Paris, 1587.
PULCI ( Louis }, poète italien , né à
Florence en 1432 d'une famille noble,
et chanoine de cette ville, est auteur d'un
long poème intitulé : Morganle mag-
giore, espèce de poème épique, oii il y a
quelque imagination , mais peu de juge-
ment, encore moins de goût, et où l'au-
teur fait un mélange bizarre du sérieux
et du comique le plus bas. Il se permet
en outre des plaisanteries révoltantes sur
des matières sacrées, et même des obscé-
nités grossières. Quelques critiques ita-
liens, Varchi , entre autres, ont mis bien
arbitrairement Puici au dessus de l'A-
rioste. (Il n'a de commun avec ce grand
poète qu'une licence très répréhensible
dans quelques images. L'académie de la
Crusca a mis le Morgantc parmi les ou-
vrages classiques, non quant à la com-
position , mais sous le rapport du stile,
qui est le plus pur toscan. Pulci fut l'in-
venteur du poème héroï-comique. Il pu-
blia en outrele Credo et la confession àla
Vierge, petits poèmes en tercets ; le der-
nier est suivi de quelques poésies pieuses,
dedeux comédies etdepIusieurs5o«nc/j.)
On ignore l'année de sa mort. Zilioli, au-
teur d'une histoire manuscrite des Vies
des poètes italiens, a dit, mais sans preu-
ves, que ce poète était mort à Padoue, et
qu'on lui avait refusé la sépulture comme
à un excommunié. — Luc et Bernard
PuLci, frères de Louis, se distinguèrent
aussi dans la poésie. Le premier est prin-
cipalement connu par deux poèmes : //
Ciriffo calvaneo , dont la meilleure édi-
tion est celle de Venise, 1518, iu-8;//
Driadeo, Florence, 1479, in-4. Le second
a composé un Poème sur la passion de
J. G., et une Traduction en vers des £{
coliques de Virgile.
* PULGAR ( Ferdinand de ) , cél
écrivain , surnommé par ses compatrio-
tes le Plutarque espagnol, naquit àPul-
gar près de Tolède, en 1436. Il était d'une
ancienne et illustre famille , et son père
fut attaché à la cour de Jean II et de Henri
IV ; le jeune Pulgar y futëleTé, et reçut
Icbr^
PtlL
«ne éducation «lifyne de sa naissance îi
itneépoque où les lettres reflorlssaient en
Espagne , par les soins et la protection du
premier de ces monarques. Dans lesdiftc-
rends qui eurent lieu entre Henri IV et sa
sœur Isabelle de Castille, Ferdinand de
Pulgar suivit le parti de cette princesse;
et quand, après la mort de Henri IV, elle
s'assit sur le trône avec Ferdinand le Ca-
tholique, roi d'Aragon, les deux augus-
tes époux appelèrent auprès d'eux le fi-
dèle Pulgar, et le nommèrent leur secré-
laireintime. Peu de temps après, Pulgar
remplit une mission difficile auprès de la
cour de France, et il s'en acquitta avec
honneur. A son retour, il fut créé con-
seiller d'état, et résida plusieurs années
à la cour. Pour mieux se livrer à l'éludé ,
qui était sa passion favorite , il se retira
dans sa patrie ; la reine Isabelle le rap-
pela en 1482, et le fit nommer historio-
graphe des rois catholiques. Il les suivit
dans leurs voyages , leurs expéditions, et
fut témoin oculaire des faits qu'il raconte
dans sa Chronique de ce règne si glorieux
pour l'Espagne ( Cronica de los reyes don
Fernando y Dnna Isabel, Saragosse,
15G7 , in -loi. ) Elle fut imprimée pour
la première fois en J488, in-4; mais elle
ne portait pas le nom de Pulgar. Le stile
en est simple, mais noble ; et il est sur-
faut remarquable par la concision et
l'exactitude des faits. On cite parmi ses
autres ouvrages Les grands hommes de
la Castille , Se ville , 1 500 ; Lettres à la
l'eine Isabelle , Alcala , 1628, Madrid,
17 76, in-8. « Ces deux ouvrages, dit le
» savant Capmani , apprennent plus à
V connaître les hommes que la plus
» grande partie des histoires. » Ferdi-
nand de Pulgar mourut vers 1479,
PULLUS ou PouLLAiN ( Robert), théo-
logien anglais , fit ses études à Paris avec
distinction. A son retour en Angleterre,
vers 1 1 30 , il rétablit l'académie d'Ox-
ford , et fut pourvu de l'archidiaconé de
Rochester. Quelque temps aprè.s, le pape
Innocent II l'appela à Rome, oii il fut
fait cardinal par le pape Célestin II, en
1144, et chancelier de l'Eglise romaine
par Luce II. LePèreMathou, bénédictin,
publia en 16ôi>ses trois livres des Sen-
XI.
PtL
i53
trnci's , in-fol. 1.1 est cucorc aulCHr de
Commentaires sur les Psaumes et sur l'A-
pocalypse, et d'autres ouvrages. Il mou-
rut vers 1160.
PULMAINN ( plus connu sous le nom
de Théodore Poelmann ) , né à Cra-
nenbourg, dans le duché de Clèves , vers
1610. Quoique d'une condition obscure»
et obligé de vivre du travail de ses mains,
il se rendit habile dans les belles-lettres
et dans la critique grammaticale.. Sou
application principale fut de corriger les
poètes latins sur d'anciens manuscrits,
et d'en donner de bonnes éditions chez
Plantin, à Anvers; il y servit de correc-
teur d'imprimerie pendant IG ans. On a
de lui des éditions d'Arator, de saint
Paulin, de f^irgile , de Lucain , de Jii-
vénal ^ d'Horace » d'Ausone, de Claw-
dien, d'Esope^ de Tcrcnce, de Suétoncy
etc. Il mourut à Salamanque en Espagne.
*PULTENEY (William), comte de
Bath , né en 1G82 d'une ancienne fa-
mille du comté de Leicester, fut appelé
jeune encore à la chambre des communes,
sous le règne de la reine Anne : il se
prononça fortement contre le ministère
que cette princesse avait choisi en 1710
parmi les torys. Il se montra ensuite un
des partisans de Georges P' , à sou avè-
nement au trône , et ce monarque le
nomma secrétaire de la guerre en 1714 ,
et ensuite trésorier de l'épargne. Forcé
par ces deux places de communiquer
souvent avec lord Walpole , premier mi^
nistre , pendant quelque temps ils pa^
rurent l'un et l'autre vivre en parfaite
harmonie ; mais celte harmonie ne dura
pas long temps. Pulteney , que ses ta-
lens rendaient orgueilleux , ne tarda pas
à censurer toutes les mesures et les pro-
positions du ministre avec une opposi-
tion si tenace et un tel acharnement ,
que le roi lui-même eflaca en juillet
1731 son nom de la liste des conseillers
privés , et le dépouilla de ses charges.
Pulteney prononça à cette occasion ,
dans la chambre des communes , ce fa-
meux discours oii , entre autres choses ,
« il compare le ministère anglais à ua
empirique, qui traite la nation comme
un malade , et ne sait , parmi les diffc-
20.
i54 ruL
rens remèdes qu'il lui propose , en trou-
ver de réellement efficaces. » Sa disgrâce
ne iîl qu'accroître sa popularité , qui le
maintint de plus en plus dans son in-
flexible Opposition. Le ministre Walpole
avait bien raison dédire « qu'il craignait
plus sa langue qu'une épée acérée dont
il serait menacé. » Pullenej l'emporta
enfin , et lord Walpole fut contraint de
résigner sa place. Son adversaire fut
rapf»elé au conseil privé , et nommé pair
avec le titre de comte de Balh. L'in-
fluence dont il jouit le reste de sa vie à la
cour le dédommagea , sans doule à ses
yeux, des applaudissemens populaires
qu'il ne pouvait plus obtenir et qu'il
affeclatt de dédaigner. Il mourut le 8
juin 1704, à l'âge de 82 ans , emportant
la réputation d'un homme habile , mais
non désintéressé. Il avait publié plusieurs
pamphlets politiques , et dans ce genre
de composition , aucun écrivain de son
temps ne put l'égaler. Il eut aussi beau-
coup de part à la rédaction du journal
The Crafstmnn (l'Artisan). On a aussi
de lui des Poésies assez estimées.
* PULTENEY (-Richard) .médecin et
botaniste anglais, naquit en nSOàLongh-
borough dans le comté de Leicester.
Il fut d'abord apprenti chez un apothi-
caire, et étudia ensuite la médecine.
Reçu docteur à Edimbourg en 1764, il
exerça cet art à Leicester. S'étant livré
avec ardeur à l'étude de la botanique ,
il composa sur cette science beaucoup de
Mémoires , qui se trouvent dans Gent-
leman's Magazine , avec d'autres , du
même auteur , sur les antiquités. Après
avoir été pendant quelque temps le mé-
decin du comte de Bath dont il était pa-
rent , il se fixa à Blanford , canton de
Dorset , où il acquit une grande réputa-
tion , et mourut en 1801. On a encore
de lui : 1° Revue générale des écrits de
Linnée, 1782, in-8; 2" Essais histo-
riques et biographiques sur les progrès
de la botanique en Angleterre, 1790,
2 vol. iu-8. Ces deux ouvrages ont été
traduits en français chacun en 2 vol.
in-8 , le premier par Millin, 1789 , et le
deuxième par Boulard , 1809. Il a beau-
coap enrichi par ses recherches VHis-
PUN
toire de Leicester, par Nichol , et celle
du comté de Dorset , par Huteching ,
édition dcGough. Pultency était membre
de la société royale de Londres , et de
plusieurs académies étrangères.
* PUiNT ( Jean ) , graveur, acteur et
peintre hollandais, naquit à Amsterdam
en 1711. Il s'était déjà fait connaître
avantageusement dans la gravure, lors-
que , s'étant marié en 1733 à une fa-
meuse comédienne, Anne-Marie Bruiu ,
il embrassa son art, et devint lui même
un acteur célèbre, rival de Druim ; il
excellait dans les grands rôles tragiques.
La mort prématurée de sa femme le dé-
goûta de la scène, et il reprit alors le
burin. Il s'occupa à graver les 36 plafonds
peints par Rubens pour les quatre gale-
riesde l'église d£s jésuites d'Anvers. Ja-
cob de Witt les avait dessinés six ans
avant que ce magnifique édifice fût con-
sumé par les flammes. Cédant aux in-
stances de ses amis, il reparut sur la scène
en 1753 , et deux ans après il obtint lu
place lucrative de concierge du théâtre,
équivalente à celle de directeur. Dans sa
première jeunesse, il avait pris des le-
çons de peinture : il la cultiva, et peignit
le portrait, le paysage, et même l'his-
toire, et son travail assidu contribuait à
le faire vivre dans l'aisance. Il s'était re-
marié, en 1748, avec Anne Cicot, i\^
d'un marchand de tableaux , qui avait
réveillé en lui le goût de la peinture.
Devenu veuf une seconde fois, en 1771,
il prit encore une troisième femme, Ca-
therine Fokke , tragédienne renommée.
Punt , d'un caractère modeste et doux,
avait une bonne réputation , et, lié avec
les personnes les plus distinguées, il
jouissait du bonheur domestique, quand
un accident funeste vint le troubler. La
salle de spectacle dont il était concierge
fut réduite en cendres ; il y perdit plu-
sieurs tableaux, une partie de sa fortune,
et lui et son épouse purent à peine se
sauver delà fureur des flammes. Cet ac-
cident i^iflua sur sa santé ; peu de temps
après il tomba malade , et mourut en
1779. H aurait mieux valu pour ce pein-
tre acteur den'avoir jamais recherché les
applaudissemens de la scène, et de s'être
PUR
enlièienient consacré à la peinlure, art
propre à contribuer à sa tranquillité et à
sa gloire.
PUPJEIN ( Marcus-Claudius-Maximus-
Pupienus ) , empereur romain , né vers
l'an 164 d'un forgeron, prit le parti des
armes, et parvint par son mérite aux pre-
miers emplois de l'armée et du sénat. Il
fut préteur, consul , préfet de Rome , et
gouverneur de plusieurs provinces, où
il se conduisit avec autant d'intégrité
que d'intelligence. Après la mort des
Gordiens eu 237 , le sénat le déclara Au-
guste avec Balbin , pour délivrer l'em-
pire de la tyrannie desMaximins. Il mar-
chait contre eux avec une armée formi-
dable , lorsqu'il apprit qu'ils avaient été
massacrés devant Aquilée. Il fut alors re-
connu par tout l'empire , et vint jouir à
Kome de la paix procurée parle meurtre
desMaximins. Il sç préparait à porter ses
armes victorieuses dans la Perse ; mais
les soldats du prétoire s'étant révoltés , il
fut massacré par Balbin , le 1 5 juillet
238. Ceprince, digne d'un meilleur sort,
avait la taille élevée , le maintien grave ,
la figure noble. I.a mélancolie dominait
dans son caractère ; il était sévère sans
rudesse, humain sans faiblesse, et d'une
douceur admirable. Il régna un an <'t
quelques jours, et mourut âgé de 7 4 ans.
PUUBACIi, Peurbacu ou Burbacu
( Georges ) , PurOachius , né en 1423 ,
au village de Purbach , entre la Bavière
et l'Autriche , enseigna la philosophie et
Ja théologie à Vienne. Il prit un goût
particulier pour l'astronomie , et fit plu-
sieurs voyages en Italie, afin d'acquérir
des connaissances plus étendues dans
cette science. On voulut le fixera Bolo-
gne ; mais l'empereur Frédéric III l'en-
gagea par tant de bienfaits à retourner à
Vienne, qu'il en reprit le chemin. Pur-
bach s'attacha alors uniquement à l'ob-
servation des astres ; et après avoir rec-
tifié les instrumcns des anciens astrono-
mes, il en imagina de nouveaux. Il forma
des tables astronomiques, et perfectionna
la trigonométrie et la gnomonique. Au
milieu de ses travaux, il désirait toujours
avoir une traduction fidèle de l'aima-
geste dePtolémée. Cet ouvrage était écrit
PtR i55
eu grec, et il ignorait cette langue. Le
cardinal Bessarion, Grec d'origine, étant
venu à Vienne, lui conseilla de retour-
ner en Italie pour apprendre la langue
grecque. Il travaillait à un abrégé de ce
grand ouvrage, et il en était au sixième
livre. H se.disposait cependant à suivre
le conseil de Bessarion , lorsqu'une ma^
ladie l'enleva le 8 avril, en H62, à 39 ans.
Ses ouvrages sont : 1" Thcorice novœ
planetarunt; 2" Observationes hassiacœ;
i" Tabulœ eclipsium , pour le méridien
de Vienne. Muller a publié une partie de
ces ouvrages.
PURCHAS ( Samuel }, savant anglais,
ne dans le comté d'Essex en 1577, mort
en 1628, a donné un Rccueildes voyages
faits par ceux de sa nation ; il est estimé.
Il était lui-même très habile navigateur ,
et a donné son nom à une pointe de terre,
découverte à l'extrémité du Spitzhcrg ,à
82 degrés de latitude septentrionale.
PCRE ( Michel , abbé de ) , écrivain
français du 1 7* siècle, né à Lyon en 1 C34,
est auteur de quelques pièces de théâtre,
qu'on n'a pu ni jouer ni lire. Ou a en-
core de lui des traductions , 1" des In-
slilulions de Quini'ilitn, 1663, in-4,lrès
inférieure à celle de l'abbé Gedoyn ;
2° àe l'Histoire dev Indes orientales de
Maffée, 1G65, iu-4 ; 3^de V Histoire afri-
caine, de J.-B. Birago, 1G66, in-12.Son
ouvrage le plus recherché est sa Fie du
fuaréchal de Gassion, Paris, 1G73,
4 vol. in-12. (Mais il est bien plus connu
par le ridicule dont Boilcau l'a couvert
dans ses satires que par les ouvrages
qu'il a publiés.) Il mourut à Paris en 1G80.
*PUR1CELL[ (Jean-Pierre), célèbre
érudit, né à Gallarate , dans le diocèse
de Milan, le 23 novembre 1689, fit ses
études chez les jésuites de Milan , d'où -
il passa au séminaire de cette ville. Ses
connaissances l'avaient rendu cher au
cardinal Frédéric Borromée , qui se servit
de lui dans diverses occasions, et le
chargea de commissions honorables ,
dont Puricelli s'acquitta si bien , que ,
pour l'en récompenser , ce prélat , en ^
1G29, réleva à la dignité d'archiprêtre
de l'église de Saint- Laurent. Pendant la
peste qui désola Milan en 1630, il si-
156
PUR
f;n.ila son zùlc et sa chanté : seul il se dé-
voua au service des pestiférés, et fut le
seul des chanoines que la contagion
épargna. Puriceili faisait delà recherche
des anciens monumens son occupation
principale. Il fouillait les chartriers , les
archives , les bibliothèques , pour y dé-
couvrir quelques manuscrits non encore
connus, et il A t à cet égard plusieurs
découvertes. 11 fut aussi un des premiers
qui portèrent dans les travaux de ce
genre le flambeau de la critique , exemple
qui par la suite fut suivi avec tant d'a-
vantage par Muratori, Maffei , et un
grand nombre d'écrivains de toutes les
nations. Il mourut en 1G59, à l'âge de
70 ans. Parmi les ouvrages qu'il a laissés,
on distingue : 1° Ambrosinnœ basilic ce
mnnitmentn, ouvrage important pour
riiistoirc ecclésiastique en général, et en
particulier pour celle de l'église de Mi-
lan ; 2" SnnctiSatyrict sanctorum Am-
bi'osii et Marcel inca tumulu ç suœ luci
rcstitutus , Milan , 16G'» ; 3° Sanctorum
martyriim Gervnsiiet Protasii, Nazarii
et Celsi , AriaJdi et Erlnmbaldi , dis-
xcrtatio ; 4° f^iia Laurcntii archicpi^
scopi , elc. Mais ce qu'a publié l'abbé
Puriceili ne forme qu'une très petite
partie de ses OEuvres. La bibliothèque
ambrosicnne renferme un grand nombre
de ses productions , qui n'ont pas moins
d'intérêt, et qui sont restées inédites.
On s'étonne des travaux qu'il a fallu
pour rassembler tous les monumens an-
ciens , les Chartres , les diplômes , les
inscriptions , qui forment les recueils
qu'on doit à ses veilles. On croit , et
c'est l'opinion de VArgclati , qu'on lui
doit la Storia degli umigliati. II est cer^
tain du moins qu'il a rassemblé et tiré
non seulement des archives de Milan,
mais encore de celles de plusieurs rilles
d'Italie , par le moyen des savans avec
lesquels il correspondait, une grande
quantité de pièces anciennes et modernes
et des notices concernant cet ordre , des-
quelles l'abbé Tiraboschi a profilé pour
l'ouvrage qu'il a publié sous ce litre :
frétera liiitniliatoruni mnnunienta , an-
rtolationibus et disscrtntinnibus prndn-
mis illustra la, quibus multa sacrœ , ci-
PUT
viUs ac Utterariat mcdii œvi Jiisloritf!
capita illtistrantur , fiWan , 1708, 3 v.
in-4. VArgelati, dans sa Bibliolhcca
scriplorum mcdinlanensium , a donné la
nomenclature exacte des ouvrages de
Puriceili , et la Notice de sa vie.
•PUSCLLO (Hubert ), célèbre poète
latin , né à Brescia vers l'an 14 40 , fut un
des hommes les plus instruits de son
temps. Il se distingua surtout dans la
poésie latine , et on remarque dans ses
ouvrages une connaissance profonde de
cette langue : il paraît nourri de la lec-
ture de Virgile , et souvent il offre une
imitation heureuse de son modèle. H est
auteur de deux poèmes : 1" La chute de
Constantinople , en 4 livres ; cet ouvra-
ge n'a pas été achevé ; 2" Le martyre du
jeune Simon , mis à mort par les Hé-
breux, août l&n.Pusculo fut employé
par la république vénitienne dans plu-
sieurs missions irapoitantcs.il entendait
fortbien les affaires, cl élait en outre un
excellent hcllénisle. Il mourut dans un
âge avancé , vers l'an 1 542.
WTEM^VS (Erycius), ou Henri du
Put, ou plutôt Vandh-Putte, né à Ven-
lodans la Gueidre, en 1674 , fut disciple
de Juste l.ipsc. 11 voyagea en Italie, et
obtint une chaire d'éloquence à Milan.
Sa réputation le fit choisir par Philippe
III , roi d'Espagne , pour son historio-
graphe. L'archiduc Albert, désirant le
posséder dans les Pays-Bas , lui donna
la place de professeur qu'avaitJusle-Lip-
se, le gouvernement de la citadelle de
Louvain,et une charge déconseiller d'é-
tat. Ces récompenses étaient dues au mé-
rite de Puteanus et aux qualités de sou
cœur. Il avait antant de modestie que de
savoir; c'était un philosophe chrétien ,
qui , pendant plus de 40 ans , s'appliqna
avec beaucoup de zèle à former aux bel-
les-lettres, cl encore plus à la verlu,
les élèves qui lui étaient confiés. Son
slile n'était pas celui des anciens, c'était
celui de Juste Lipsc, son maître. Il mou-
rut à Louvain , en 1G46 , à 72 ans. Ou a 1
de lui un grand nombre de traités d'his-
toire ,de rhétorique, de mathématiques,
d'antiquités romaines , des poésies. Les
principaux sont : 1 " Statcra belU ctpacis^
PUT
1433, in-4, dans lequel il veut pc;su;i-
der aux Espagnols de faire la paix. On
prétend que ses principes pacifiques , et
la façon dont il les exposa , faillirent l'ex-
poser à des aflàircs fâcheuses. 2" Histo-
ria insubrica , Leipsick , 1G7S, in-fol.
Il reçut en récompense un collier d'or de
rarchiduchessc Isabelle. 3" Thcatrum
heroicum imperatnrum aiistriacontm ,
etc. , Bruxelles, IG-ii, in-fol. : ouvrage
superficiel;'!" Cornus, seii de Lu.ru,
traduit en français par Nicolas Pelloquin,
sous le titre de Cornus , ou le Banquet
dissolu des Cimnie'riens , Paris , 1 C 1 3 ,
in-12 , et une infinité d'autres ouvrages
dont plusieurs ont trouvé place dans les
Anliquitcs romaines. Foyez Nicéron ,
tome IC.
PUTHERB^EUS. Voyez rijY-tÎKr.-
BAULT.
PUTIPHAR. Voyez Joseph.
PUTSCHIUS (I-;iie), né à Anvers,
en 1580, d'une famille originaire d'Augs-
bourg , n'avait que 21 ans lorsqu'il mit
au jour Snllusle , I.cyde , ICOl , in-12 ,
avec des fragmensel de bonnes noies. Il
donna ensuite un llccueilàa 33 anciens
grammairiens, avec des notes, Hanau ,
1C05, in-4. Ce .savant préparait d'autres
ouvrages , lorsqu'il mourut à Stade , en
IGOG , à2G ans.
PUY (P.aimond du), De Podio , 2«
grand-maîlre de l'ordre de Saint-Jean de
Jérusalem, succéda en 1120 à Gérard,
instituteur de cet ordre II était du Dau-
phiné ou peut-être du Languedoc. Beau-
coup de gontiisbommes capables de ma-
nier les armes s'élant ranges sous sa ban-
nière, ilélablit une milice pour défendre
la religion contre ses ennemis. Il assem-
bla le premier chapitre général, et y fit de
nouvelles constitutions, confinnccs en
1123 par le pape Callixte II et en 1130
par Iiuiocent II. Ayant rassemblé des
troupes, il oflrit ses services à Bau-
douin , roi de Jérusalem , qu'il accom-
pagna au siège d'Ascalon , où il signala
son courage. La ville se rendit en peu de
jours. Anastase IV, ayant appris cette
ronquèlc , accorda, l'an 1 154 , de grands
privilèges à son ordre C/est depuis cette
époque, quoi qu'en dise l'abbé de Ver-
PIJY 1 57
lot , que l'ordre fut partagé en trois cla.s-
ses : de chevaliers, de sergens d'armes,
et de chapelains. Auparavant, il n'y avait
que deux classes de frères, celle des
clercs et celle des laïques. Raimond
mourut en 1 1 GO. Quoique nous ayons dit
qu'il était le second grand-maiire de
l'ofdre, il est certain qu'il prit le pre-
mier ce titre , Gérard n'ayant eu que ce-
lui de recicur de l'hôpital de Saint-Jean
de Jérusalem. Le brave Montbrun était
de la même famille. {Voyez son article )
PUY ou "Vasde-Potte (Henri du).
Voyez VvTKAVVS.
PUY ( Claude du ), né à Paris d'un
avocat au ]iarlement, apprit les bellcs-
Jetlrcs sous Turnèbe , et le droit sous
Cujas. Après avoir fait un voyage en Ita-
lie, il fut reçu conseiller au parlement,
et employé dans plusieurs affaires impor-
tantes. Il mourut à Paris , en 1 594 , à 49
ans.
PUY (Christophe du), fils aîné du
précédent , naquit à Paris , vers 1 580 , fil
ses études à Tours , et suivit à Rome le
cardinal de Joyeuse, en ijUalité de .son
])rolonotaire. Il s'y trouva dans le temps
qu3 la congrégation de V Index voulait
mellre au nombre des livres défendus la
V partie de V Histoire du président de
Tbou, à raison de la grande inclination
que l'auteur témoigne pour les protes-
tans, et de la passion qu'il montre con-
tre les catholiques. DuPuy travailla vai-
nement h empêcher le décret , qui fut
donné le 9 novembre 1609. De retour en
Fr.mce, il se fit chartreux à Bourg-Fon-
taine , et devint procureur-général de
son ordre à Rome , où il mourut on 1 654 ,
à 74 ans, prieur de la Chartreuse de
celle ville. Pendant qu'il était aumônier
du roi , et auprès du cardinal du Perron,
il fit la Perroniana, recueil plein de
choses hasardées, imprimé in-12, en
1669, parles soins de Daiilé le fils. Ce li-
vre et quelques autres anecdotes sem-
blent prouver qu'il n'avait pas parfaite-
ment l'esprit de son état.
PUY (Pierre du ), frère du précédent,
et troisième fils de Claude du Puy, né à
Paris , en 15S2. Il travailla avec ardeur
à la recherche des droits du roi et à l'in-
i58 PL Y
ventaire du trésor des chartes. Tant de
pièces rares qui avaient passe sous ses
yeux lui donnèrent une si grande con-
naissance de toutes les parties de l'his-
toire de France , que peu de personnes
y ont fait d'aussi heureuses découvertes.
Le roi croyant avoir des droits à faire
valoir sur des dépendances des évêchés
de Metz, Toul et Verdun, du Puy lut
chargé de cette commission avec Le Brct
et de Lorme. Il en porta lui seul tout le
poids , et dressa toutes les pièces néces-
saires pour cette aftaire,qui dans le fond
fut mieux éclaircie par la puissance et
l'humeur conquérante de Louis XIV, que
par les lumières des savans. Reçu con-
seilier au parlement et garde de la bi-
bliothèque du roi, il se signala dans ces
deux charges par son amour pour les
lettres, et il mourut à Paris en 1G51, à 6D
ans. Ses principaux ouvrages sont : 1°
Traite touchant les droite du roi sur
plusieurs états et seigneuries , 1655, in-
l'ol. Le cardinal de Richelieu chargea de
cet ouvrage intéressant pour le pouvoir
et le trésor royal , Théodore Godefroy,
qui y travailla de concert avec du Puy.
2° llecherche pour montrer que plusieurs
provinces et villes du royaume sont aux
domaines du roi : livre écrit dans l'es-
prit et le but du précédent; 3° Preuves
des libertés de l'Eglise gallicane , dasis
le Traité sur les libertés , Paris, 1131 ,
4 vol. in-fol. Cet ouvrage ne déplut pas
seulement à la cour de Rome, mais vingt-
deux évêques ou archevêques de l'Eglise
gallicane le censurèrent avec autant de
force que de raison. « Il fallut, dit un
>» critique , recourir à d'autres mains
» pour le corriger ; mais la matière a été
» brouillée depuis si long-temps par les
« mains séculières, qu'on n'a pas encore
» réussi, et qu'on ne réussira vraisem-
» blablement jamais à la débrouiller par-
» faitcment. » 4° Histoire véritable de
n la condamnation de l'ordre des Tem-
u plier s , Bruxelles, 1751 , in-4 , el2 vol.
in-12 : collection très curieuse et très
intéressante. Il résulte de ce recueil, que
l'ordre méritait la suppression, quoi-
qu'on ne puisse croire toutes les hor-
reurs qu'oa lui attribue, rri approuver
PUY
le supplice horrible du grand-mailre et
de tant d'autres chevaliers, {f^oyez Clk-
MSNT. f^Oyez MOLAY, ?R\UVVf. LE Bel , et
Journal hist. et lit t. , I*"" octobre 1190,
page 163.) 5" Histoire générale du schis-
me qui a été dans F Eglise depuis 1378
jusqu'en 1428, in-4 , 1654 ; 6° Mémoire
d", la provision aux prélatures de l'E-
glise ; 7" Différends entre le saint-Siége
et les empereurs pour les investitures ;
8° Histoire du différend entre le pape
Boni face Vlïlet le roi Philippe le Bel,
in-fol. ; 9° Traité de la loi salique; 10"
Histoire des favoris , in 4 , et en 3 vol.
in-1 2 ; 11° Du concordat de Bologne en-
tre le pape Léon X et le roi François
/er . J20 Traité des régences et majori-
tés des rois de France, in-4 , ou 2 vol.
in-8 ; 1 Z° Traité des contributions que
les ecclésiastiques doivent au roi en cas
de nécessité ; 1 4" Mémoire du droit d'au-
baine ; 1 5" Traité de l'interdit ecclésias-
tique ; 1 6° Mémoire et instruction pour
servir à justifier l'innocence de messire
François-Auguste de Thou ; \1" Apo-
logie de l'Histoire de. M. le président
de Thou, etc., dans le recueil des Pièces
historiques,\)e\it, 17 17, in-1 2 : deux fruits
de i'amiliéet peut-être de la prévention.
Du Puy s'est appliqué dans presque tous
ses ouvrages à déprimer l'autorité ecclé-
siastique ; mais il faut avouer aussi que
la force de la vérité lui a arraché des té-
moignages d'autant plus précieux, qu'il
s'en était montré grand adversaire. Tel
est celui-ci : « Ce qui regarde la religion
w et les affaires de l'Eglise doit être exa-
» miné et décidé parles ecclésiastiques,
)) et non par les séculiers; ce principe est
» reco^inu des deux partis. » Il apporte
en preuve le concile de Sardique , les
paroles d'Osius à Constance ( voyez
Osius deCordoue), et les plaintes de saint
Hilaireau même empereur. Il poursuit :
« Comme il y a deux sortes d'états dans
» le monde, celui des ecclésiastiques ou
» des prêtres, et celui des séculiers, il y
« aussi deux puissances qui ont droit de
» faire des lois , et de punir ceux qui les
w violent , l'ecclésiastique et la sécu-
lière. » Libertés de l'Eglise gallicane ,
tome 1, page 13 et 21, édition , 1731)
PUY
Nicolas Rigauii, son ami, a écrit sa Fie.
PUY ( Jacques du ) , frère du précé-
dent , et cinquième iils de Claude du
Puy, devint prieur de Saint-Sauveur,
et garde de la bibliollièque du roi. Il
continua de tenir duns celte bibliothèque
les conférences qui avaient procuré
tant de gloire à son frère et tant d'a-
vantages aux gens de lettres. 11 mou-
rut en 1656, après avoir publié le plus
grand nombre des ouvrages de son frère.
PUY ( Claude-Thomas du ) , fils d'un
négociant de Paris , oii il était né , s'éleva
par son mérite. Il fut conseiller du roi ,
d'état, maître des requêtes honoraire,
intendant de la Nouvelle-France en Ca-
nada, et avocat-général au grand con-
seil pendant 12 ans. Il s'était acquis l'es-
time des savans par ses talens pour les
sciences et les beaux-arts, et surtout
pour la mécanique. Il est le premier qui
ait fait des sphères mobiles suivant le sys-
tème de Copernic. Les machines hydrau-
liques , de son invention , ont mérité l'at-
tention des savans de Taris et des étran-
gers. Il mourut en 1738 , à 58 ans.
PUY ( Jean Cochon du } , médecin de
la marine à Rochefort, ne à Niort en
Poitou, l'an 1674, mort en 1757, publia
en 1698 , une brochure curieuse, inti-
tulée : Histoire d'une enflure du bas-
ventre très particulière. C'était un
homme fort habile dans sa profession ,
qu'il a exercée longtemps avec le plus
grand zèle.
• PUY-GULLON. /^oyesPiNGOLAN.
PUY-HERBAULT ( Gabriel du ) , Pu-
tlierbœus, religieux de l'ordre de Fonte-
vrault et docteur de Sorbonne , natif de
Tourainc, fut l'un des plus célèbres pré-
dicateurs et des plus habiles conlrover-
sistes de son temps. Lesprotestans le re-
gardaient comme leur fléau. Il mourut
en 1 560 , au monastère de Notre-Dame
de Colignance, en Picardie. On a de lui
plusieurs ouvrages ; les plus connus sont
1 " Evanfjelicœ Tetranomon ; 2" Theoti-
itius , de tollendis et e.xpurgandis mnlis
libris , Paris , in-8 , 1 549.
PUYiSÉGUR ( Jacques de Chastenet,
seigneur de ) , colonel du régiment de
Piémont , et lieutenant général des ar-
PUY 15(7
mées i\\\ roi, sous les règnes de Louis
Xlll et de Louis XIV, descendait d'une
famille illustre de l'Armagnac. 11 porl»
les armes pendant 43 ans sans disconti-
nuation, et se trouva à plus de 120 siè-
ges , à plus de 30 combats , batailles ou
rencontres , et passa par tous les degrés
militaires , sans avoir été malade , ni
avoir reçu aucune blessure. Il a laissé des
Me'innires, qui s'étendent depuis 1617
jusqu'en 1G58. Ils ont vu le jour à Paris
et à Amsterdam en 1C60 , 2 vol. in-12 ,
par les soins de Duchène , historiographe
de France. (3î. Petitol les a insérés dans
sa Collection dcsme'nioires relatifs à l'his-
toire de France.) On y voit divers événe-
niens remarquables sur les campemens
où il s'est trouvé, et il y a à la fin des
instructions militaires assez utiles. L'au-
teur raconte avec hardiesse et avec un
ton de vérité.. Il mourut à l'Age de 82
ans , vers l'an 1670.
PUYSEGUR ( Jacques- François de
Chastenet , marquis de ) , fils du précé-
dent, naquit à Paris eu 1655. Il s'éleva
de grade en grade, fut du nombre de
ceux qui entrèrent au conseil de guerre
établi après la mort de Louis XIV en 1715,
et parvint- enfin à être nommé maréchal
de France. Le bâton lui fut accordé en
1734, et en 1739 il fut reçu chevalier
des ordres du roi. 11 mourut à Paris en
1743, à 88 ans, après s'être signalé par
son esprit et par son courage. (En 1703
il précéda en Espagne le maréchal de
Bcrwick; il eut une grande influence
dans les affaires politiques de ce royaume,
et contribua à raffermir le trône de Phi-
lippe V.) On a de lui un ouvrage estimé
sur VArt militaire., 1748, in-fol., et 2
vol. in-4.
* PUYSEGUR ( Jacques-François-Ma-
xime de Chastenet , marquis de ), fils du
précédent, né à Paris en 1716 . mort en
1782, se distingua dans la carrière des
armes, et parvint jeune encore au grade
de lieutenant-général. On lui doit : 1"
Etat actuel de Vart et de la science mi-
litaireàla C/ti/ie, Londres (Paris), 1773,
in-12; 2" Du droit du soui'erain sur les
biens du cierge et des moines, 1 770 ; 3*
Analyse et Abrégé du Spectacle de la na-
i6o PUT
/i/re de Pluche , Reims, 1772, I78C,
in-12, et diverses brochures de circon-
sltince.
•PUYSÉGUR (Pierre -Louis de Chas-
TKNKT , comte de ) , fils du maréchal de
France Jacques-François (î'oyes le 2* ar-
ticle des Puységur), naquit eu 1727 et
suivit comme ses ancêtres la carrière des
armes. Il était lieutenant-général, lors-
qu'il fut appelé au ministère delà guerre.
Quoiqu'il ue conservât ce poste que
jusqu'en 1789, l'assemblée constituante
déclara , au moment de sa retraite, qu'il
emportait l'estime et les regrets publics.
Son dévouementse signala à la journée du
10 août, pendant laquelle il combattit
avec sa compagnie de gentilshommes.
Après la mort de Louis XVI , il passa
en pays étrangers, revint ensuite en
France et mourut à Rabasteiusen 1807.
'PUYSÉGUR (Jean-Auguste de Chas-
TENET de) , archevêque de Bourges, né,
en 1740 , de l'illustre famille de ce nom,
fut nommé à 3 1 ans évêque de Saint-Omer,
puis^de Carcassonne, et enfin en 17 88 ar-
chevêque de Bourges. L'année suivante
il fut député aux états-généraux , signa
plusieurs protestations du côté droit, et
fut un des 36 évêques qui soiiscrivirent
YExpnsition des principes contre la
constitution civile du cierge'. Obligé de
s'expatrier, il fut aussi un des signataires
de V Instruction sur les atteintes portées
à la Religion, publiée en 1798 , par les
évoques français émigrés. En 1801 , il
donna la démission de son siège , et re-
vint en France, oii il vécut dans la re-
traite. Il est mort à Rabasteins en 1815.
• PUYSÉGUR ( Antoine -Hyacinthe-
Anne DE Chastenet de), plus counu
sous le nom de comte de Chaslenet, ca-
]iitaine de vaisseau de la marine royale,
naquit en 1762. Il était le 2* fils du ma-
réchal de Puységur. Dès ses pins jeunes
années, il annonça beaucoup de dispo-
sitions pour les sciences exactes, et se
fit remarquer dans la carrière qu'il avait
embrassée, par ses talens et ses utiles
recherches. Dans un voyage qu'il fit aux
îles Canaries en 1772, il sollicita et ob-
tint du roi d'Espagne la permission de
pénétrer dans les catacombes servant à
PUY
la sépulture des Guancbes, peuple qiri
habitait autrefois l'ile deTénérifle , mais
dont l'origine est encore ignorée. Il par-
vint, à travers mille dangers, à en ex-
traire des momies très bien conservées ,
qui enrichissent les cabinets d'histoire
naturelle de Paris et de Madrid oU on
les voit encore. Le gouvernement lui
confia, en 1774 , l'honorable mission de
dresser les cartes de tous les débarque-
mens de l'île de St.-Doraingue, pour gui-
der la navigation dans ces parages : elles
sont encore d'une grande utilité : M. de
Puységur émigra au commencement de
la révolution , servit dans l'armée de
Condé , passa ensuite à la solde de l'An-
gleterre, puis à celle du Portugal. Après
avoir obtenu le grade de contre-amiral
et la croix de l'ordre du Christ , il sauva
de Naples Ferdinand IV et sa famille, et
les conduisit en Sicile sur un vaisseau
qu'il commandait. De retour en France
en 1803, il ne reprit aucun service;
il s'occupa uniquement de l'étude. Il était
fort instruit , bienfaisant , très attaché
à la religion. Il termina sa vie le 2©
janvier 1809.
"PUYSÉGUR ( Amand-Marie-Jacques
DE Ciiastenet , marquis pe) , petit-fils du
maréchal de ce nom, naquit en 17 62,
et entra à IG ans (en 17GS) dans l'artil-
lerie , où son nom et son mérite lui va-
lurent un avancement extraordinaire. A
27 ans , il reçut le rang de colonel ,
sous la conditiou cependant, qu'avaut
d'en remplir les fonctions, il passerait
un certain nombre d'années à compléter
sou instruction dans tous les emplois et
grades intermédiaires. Il fit la campagne
d'Espagne en 1782, et remplit, au siège
de Gibraltar, les fonctions de major de
tranchée. En 1786, il fut nommé com-
mandant du régim'cnt d'artillerie de
Strasbourg. Au commencement de la ré-
volution, il eu adoptâtes principes,
mais avec modération , et devint com-
mandant de l'école d'artillerie de La
Fère , avec le grade de maréchal-de-
camp. Il donna sa démission en 17 92, et
rentra dans ses foyers; mais bientôt il
fut accusé de correspondre avec ses
frères émigrés , et détenu pendant deux
PtY
ans à Soissons avec sa t'erame et ses en-
faus. Il se retira ensuite dans sa terre de
Buzancy qui est aux environs de cette
ville, et donna asile à plusieurs proscrits
dans les carrières qu'il possédait. Il ra-
cheta aussi une portion du patrimoine
de sa famille , qu'il partagea avec ses
frères , lorsqu'ils revinrent en France._
Après le l8 brumaire , il devint maire de
Soissons ; mais il donna sa démission eu
1805. Il s'est livré depuis avec beaucoup
d'ardeur au magnétisme , dont il avait
été de bonne foi le partisan dès son ori-
gine. U a publié : 1 " Mémoire pour servir
à l'histoire et à l' établissement du ma-
gnétisme animal , Paris , 17 84, 1788,
1809 , in-8 , sous le voile de l'anonyme ;
2° Suite à ce Mémoire, 1805, in-8 ; 3"
Du magnétisme animal considéré dans
SCS rapports avec diverses branches
de la physique, 1807 1809, in-8; 4°
Recherches, expériences et observations
physiques sur l'homme , dans Vétat de
somnambulisme naturel et dans le som-
nambulisme provoqué par l'acte magné-
tique , 1811, in-8 ; 5° les Férités che-
minent , tôt ou tard elles arrivent ,
1814, in-8 ; ouvrage aussi relatif au
magnétisme. Puységur a aussi coopéré ,
de 1814 à 1825, aux recueils suivans :
Annales du magnétisme ; Archives du
magnétisme. Il est encore auteur de Vln-
térieur d'un ménage républicain , vau-
deville représenté le 1 5 nivôse an 1 1 ,
musique de Fay , et le Juge bienfaisant^
comédie qui eut du succès en 1799 au
théâtre de l'Odéon : le sujet, c'est un
beau trait de la vie de M. Angran-d'Al-
leray. Le marquis de Puységur est mort
le 1" août 1825, dans son château de
Buzancy , où il continua de rester même
sous la restauration.
* PUYVALLÉE (Philippe-Jacques
Bengy de) , député de la noblesse du Berry
aux états-généraux, naquit en 1743 à
Bourges. Il avait commencé par porter
les armes en qualité de sous-lieutenant
dans le régiment de \ieille-marine. Nom-
mé député aux états généraux , il ne s'y
fit remarquer que par un discours contre
\e projet de diviser la France par dépar-
temens. Bientôt il quitta son pays ou il
XI.
PUY
i6t
rentra en 1Î92. Contraint de passer de
nouveau à l'étrauger, il fut exposé dans
ce voyage aux plus grands dangers. Le
gouvernement consulaire ayant publié
uue amnistie , il en profita et revint 4
Bourges, où il fut, sous le gouvernement
impérial, membre de la commission ad-
ministrative des hospices de cette ville. Il
était sous la restauration membre du
conseil-général du département du Cher ,
dont il obtint cinq fois la présidence.
Puyvallée est mort à Bourges en 1823.
On lui doit un essai sur la Société reli-
gieuse en France et sur ses rapports
avec la société politique , depuis l'éta-
blissement de la monarchie jusqu'à nos
jours, Paris, 1820, in 8. M. de Villesaison
a prononcé dans la société d'agriculture «
dontPuyvallée était président , son Eloge
qui a paru par extraits dans le Moniteur
du 21 août 1824.
* PUYVERT (Bernard-Emmanuel-
Jacques, marquis de), lieutenant-géné-
ral , né dans le midi de la France vers
1 770, tut d'abord aide-^de-camp du comte
d'Artois , depuis Charles X. Sa conduite
pendant la révolution fut celle d'un
royaliste fidèle; il se dévoua tout entief
au service de la monarchie. Il était muni
des pouvoirs de Louis XVIII pour le midi
de la France lorsqu'il fut arrêté à Belle-
ville près de Paris, le 12 mars 1804. Il
était à peine sorti de prison en 1812,
lorsqu'il prit part à la conspiration de
3Iallet ; arrêté de nouveau , il fut enfermé
à Vincennes , puis transféré au château
d'Angers, où il resta jusqu'à la restaura-
tion. Nommé chevalier de St. -Louis en
1814, membre delà légion-d'honneur
en 1816, officier de cet ordre en 1821 ,
cordon-rouge en 1823, il fut élevé suc-
cessivement au grade de maréchal de
camp et de lieutenant-général. Le com-
mandement de Vincennes lui fut aussi
confié en 1 8 1 4 . Lorsque les troupes de Buo-
naparte vinrent, à l'époque du 20 mars, le
sommer de rendre le château dont le roi
lui avait donné la garde , il résista à tous
les ordres qui lui furent donnés , et ne
quitta les fonctions de commandant qu'a-
près une capitulation dont il signa lui-
même les conditions. Pendant les cent,
ai.
i62 PYR
jours, il organisa des volontaires royaux
dans les départemeiis de l'Eure, d'Eure-et-
Loire et de la Seine-Inférieure. Au retour
du roi il reprit ses fonctions de com'-
mandant de Vincenncs , et il a occupé ce
poste jusqu'à la révolution de 1830. De-
puis cette époque, il n'a plus exercé
d'emploi. Eu 1815 le département de
l'Aude l'avait nommé membre de la cham-
bre des députés : ses collègues le choisi-
rent pour questeur : le marquis de Puy-
vert abandonna la moitié du traitement
qui lui était alloué en cette qualité. Ses
opinions se rattachaient à celles de la ma-
jorité avec laquelle il vota constamment ;
il ne fut pas réélu en 181G. Cet officier
général est mort à Paris dans le mois de
janvier 1832, à la suite d'une fièvre cé-
rébrale.
PUZOS ( Nicolas ) , accoucheur , né
>\ Paris en 1686, devint en 1745 direc-
teur de l'académie de chirurgie. Il mou-
rut le 7 juin 1753. Sa charité pour les
pauvres ne se bornait pas à secourir gra-
tuitement ceux qui avaient recours à lui;
il y eu avait un grand nombre dont il
était letrésorier. 11 laissa quelques notes
sur l'art qu'il avait pratiqué. M. Morisot-
Dcslandes en forma un Traite des ac-
couchemens , 1759, in-4 , qui parut in-
férieur au nom que Puzos s'était fait,
oX qui prouve assez bien la vérité des ré-
flexions de M. Roussel sur l'espèce de
charlatanerie attachée à une opération
simple. Voyez Hecquet et Hiéropiih.e.
PYLADE , pantomime de Cilicie , pa-
rut à Rome du temps d'Auguste. 11 in-
venta une danse oii , par des gestes et
par les divers mouvemcns du corps , des
doigts et des yeux , les acteurs expri-
maient , sans parler , les sujets tragiques
ou comiques. Ces acteurs étaient propre-
ment appelés mimes , et les autres his-
trions , quoique ces deux mots se con-
fondent souvent. ( Voyez Batuille. Il
ne faut pas confondre les mimes avec les
poètes mimiques. Voyez Publius-Syrus
et Laberius.
*PYRE1CUS, peintre grec , mieux
connu de nos jours par ses tableaux dé-
couverts dans les ruines d'Herculanum.Se-
lou Pline , U ne fut pas inférieur aux plus
PYR
grands peintres de la Grèce. Il peignait
an miniature , et on remarque d'ans ses
ouvrages que sa manière se rapproche
beaucoup de l'école hollandaise, d'oii
on peut conclure que les Grecs ne man-
quaient ni de couleur ni d'exécution. Il
rendait en miniature des boutiques de
barbiers et de cordonniers , des ani-
maux , des fleurs , des légumes , objets
dont l'effet consiste principalement dans
l'exactitude et dans les diverses nuances
de couleur. Suivant ce que Pline rap-
porte, on achetait ses ouvrages beau-
coup plus cher que les plus belles pro-
ductions. Cela provenait encore de ce que
ce genre de peinture n'était pas assez com-
mun parmi les Grecs, et que peut être
Pyreicus en avait été l'inventeur. Il vivait
au premier temps de Pline, c'est-à-dire
vers l'an 70 de J. C. ( Le talent reconnu
de cet ancien artiste, et plusieurs mor-
ceaux découverts dans les fouilles en
Grèce , Rome et Naples prouvent , de
l'avis de tous les connaisseurs ( seuls ar-
bitres en cette matière ) , que les pein-
tres grecs étaient plus avancés dans leur
art que ne le prétendent quelques écri-
vains mal instruits; d'autant plus que
ce qui nous reste d'eux sert souvent de
modèle à nos peintres modernes , et Ra-
phaël lui-même n'a pas dédaigné de les
imiter, comme on le voit surtout dans
les ornemens et les fresques des galeries
du Vatican.)
PYRGOTÈLES , graveur grec sous
Alexandre le Grand , avait le droit ex-
clusif de graver ce fameux conquérant,
de même que le sculpteur Lysippe était
seul autorisé à faire ses statues. Ce pri-
vilège montre bien la vanité de l'ori-
ginal. Elisabeth, reine d'Angleterre , a
renouvelé et porté même plus loin cet
égoïsme de figure. Voyez son article.
PYRRHON , fameux philosophe grec,
né à Elis dans le Péloponèse , florissait
vers l'an 336 avant J. C. U avait exercé
la profession de peintre avant que de
s'attacher à l'étude de la philosophie.
Anaxarque fut son maître. Pyrrhon flot-
tait dans un doute éternel ; il trouvait
partout des raisons d'affirmer et des rai-
sons de nier, et après avoir bien exa-
•,k
PYR
miné le pour et le contre, il suspendait
son consentement, et se réduisait à dire :
Non liqitet, cela n'est pas évident. Ainsi
il chercha toute sa vie la vérité, et ne
voulut jamais tomber d'accord qu'il l'eût
trouvée. C'est cet art de disputer sur
toutes choses, sans prendre d'autre parti
que de suspendre son jugement, que
l'on appela le scepticisme ou le pyrrho-
nisme. Quoique Pyrrhon n'en soit pas
l'inventeur, il le mit néanmoins telle-
ment en vogue de son temps, que de-
puis il a porté son nom. Cette opinion
n'était pas la plus dangereuse de celles
qu'il avançait. Il enseignait que « l'hon-
3> ncur et l'infamie des actions, leurjus-
») tice et leur injustice, dépendent uni-
» quement des lois humaines et de la
j> coutume. » Son indifférence était si
étonnante, ou , si l'on veut , si brutale,
qu'Anaxarque son maître, étant un jour
tombé dans un fossé , il passa outre sans
daigner I\ii tendre la main. Pyrrhon sou-
tenait que vivre et mourir étaient la
même chose. Un de ses disciples , choqué
de celte extravagance, lui ayant dit:
« Pourquoi donc ne mourez- vous pas?
» — C'est précisément, répondit-il, parce
» qu'il n'y a aucune différence entre la
» mort et la vie. » Etant sur le point de
faire naufrage, il fut le seul que la tem-
pête n'étonna point, et comme il vit les
autres saisis de frayeur , il les pria d'un
air tranquille de regarder un pourceau
qui était à bord , et qui mangeait à son
ordinaire : « Voilà, leur dit-il, quelle
» doit être l'insensibilité du sage. » Il
faut convenir qu'il choisissait bien son
modèle : c'estlà effectivement où conduit
l'insensibilité et le cynisme philosophi-.
que. Quand il parlait, il se mettait peu
en peine si on l'écoutait ou si on ne l'é-
coutait pas , et il continuait ses discours ,
quoique ses auditeurs s'en allassent. 11
tenait ménage avec sa sœur, et parta-
geait avec elle les plus petits soins do^-
jnestiques. Il balayait la maison, il en-
graissait des poulets, des cochons , et al-
lait les vendre au marché. Il se fâcha un
jour contre elle pour un sujet assez lé-
ger ; et comme on lui remontra que son
chagrin ne s'accordait pas avec l'indif-
PYR i()3
férence dont il faisait profession : « Pen-
» sez-vous, répondit-il, que je veuille
j) mettre cette vertu en pratique pour une
» femme ? » On sait que les philosophes
ne tachent de paraître vertueux que dans
les occasions d'éclat. Les anciens nous
apprennent que Pyrrhon allait toujours
devant lui , sans se détourner ni reculer,
même h la rencontre d'un chariot ou d'un
précipice, et que ses amis, qui le sui-
vaient, lui sauvèrent souvent la vie. Ce
philosophe vivait du temps d'Epicure et
de Théophraste , vers l'an 300 avant J. C.
Il mourut à 90 ans , sans avoir laissé
aucun écrit. On trouve sa Vie dans Scx-
tus Jimpiriciis. Les philosophes moder-
nes, que l'irréligion a réduits à un triste
scepticisme, ont fait de grands efforts
pour réhabiliter la mémoire et la doc-
trine de Pyrrhon ; Bayle surtout s'est si-
gnalé dans ce vain et pernicieux travail ;
mais un doute perpétuel sur les plus im-
portantes et les plus consolantes vérités
est un état violent, que la nature de l'es-
prit humain ne comporte pas. « L'opi-
» nion des pyrrhoniens , dit un écrivain
» judicieux , n'a jamais subsisté que dans
» les discours , les disputes ou les écrits ,
» et personne n'en a jamais été sérieusc-
» ment persuadé. Ils prétendaient qu'on
» ne peut distinguer le sommeil de la
» veille , ni la folie du bon sens : malgré
» toutes leurs raisons , pouvaient-ils dou-
» ter qu'ils ne dormaient point , et qu'ils
w avaient l'esprit sain ? Mais s'il se trou-r
« vait quelqu'un capable de former ce
» doute, au moins personne ne saurait
» douter, comme dit saint Augustin , s'il
w est, s'il pense, s'd vit; car, soit qu'il
M dorme ou qu'il veille , soit qu'il ait l'es-
» prit sain ou malade, soit qu'il se trompé
» ou qu'il ne se trompe pas , il est cer^
)) tain au moins, puisqu'il pense , qu'il
« est et qu'il vit , étant impossible de sé-
» parer l'être et la vie de la pensée, et
3) de croire que ce flui pense n'est pas
)) et ne vit pas. « frayez* Arcésilaus.
(On peut consulter V histoire comparée
des systèmes de philosophie considérés
relativement aux principes des con-
naissances humaines, par M. Degérando.
2" édition , 1 822 , 4 vol in-8- )
^
i64 PTR
PYRRHUS, roi des Épîrotes, après que
les Molosses eurent tué son père , fut
enkvé , par quelques serviteurs fidèles,
à la fureur des révoltés qui le poursui-
vaient pour l'égorger. Cassandre, roi de
Macédoine, voulut acheter la mort de cet
enfant ; mais Glaucias, roi d'Ulyrie, à la
cour duquel il s'était retiré , eut horreur
d'une telle inhumanité : il le fit élever
comme son propre fils , et lorsqu'il eut
atteint l'âge de douze ans, il le rétablit
dans son royaume. Pyrrhus fut d'abord
obligé de le partager avec Néoptolème^qui
l'avait usurpé ; mais il se défit peu de
temps après de ce rebelle, et régna seul
en grand roi. Alexandre Balas , rqi de
Syrie, l'ayant appelé à son secours contre
pémétrius, roi de Macédoine, il lui de-
manda pour prix de ses services quelques
provinces dont il s'empara. Il s'y établis-
sait lorsque Démétrius le força de se
retirer. Ce prince ravagea l'Epire, et Pyr-
rhus se vengea sur l'Italie, où il remporta
une victoire signalée. La nouvelle d'une
maladie de Démétrius le rappela dans la
Macédoine l'année d'après, l'an 290 avant
Jésus-Christ. Tout céda à la force de ses
armes, jusqu'à ce que Démétrius, étant
un peu remis, le repoussa. Pyrrhus fit de
nouvelles tentatives, qui eurent un succès
heureux : il s'empara de la Macédoine,
et la partagea avec Lysimaque; mais il n'en
jouit pas long-temps. Les Macédoniens le
chassèrent sept mois après , et ne voulu-
rent reconnaître pour leur souverain que
son collègue. Une guerre plus impor-
tante vint bientôtl'occuper. Les Tarentins
l'ayant appelé à leur secours, il courut
à Tarente , livra bataille au consul Lavi-
nus , près d'IIéraclée, et remporta une
victoire complète. Ce prince avait amené
des éléphans armés en guerre. La vue ,
l'odeur extraordinairç , les cris de ces
monstrueux animaux , effarouchèrent les
chevaux de l'armée romaine , et causè-
rent leur déroule. Le combat fut meur-
trier , et le -nombre des morts fut à peu
près égal des deux côtés. Le vainqueur
disait après la bataille : « Hélas ! si j'en
V gagne une semblable , il faudra que je
» retourne en Épire presque «ans suite. »
Il souhaitait beaucoup la paix, et il en-
PYR
voya à Rome le philosophe Cynéas pour
la proposer. Cynéas harangua le sénat
avec beaucoup d'éloquence j mais on lui
répondit que « si Pyrrhus souhaitait l'a- •
>j mitié du peuple romain, il ne devait en !
» faire la proposition que quand il serait
V hors de l'Italie. » Il se donna une se-
conde bataille près d'Ascolis, dans la
Pouille , où la victoire fut balancée, et si
douteuse , que les historiens se contre-
disent sur ce qu'ils en racontent. Pyrrhus
continuait la guerre avec assez peu de
succès , lorsque les Siciliens l'appelèrent
dans leur île pour les délivrer du joug
des Carthaginois, et de celui de plusieurs
petits tyrans. Il y passa , gagna deu\ ba-
tailles sur les Carthaginois en 27G et 277
avant J. C, et prit Eryx avec quelques
autres places. Cependant l'insolence de
ses Iroupes et son envie de dominer com-
mencèrent à le rendre odieux aux Sici-
liens. On fut charmé de le voir partir.
Dès qu'il eut disparu , il perdit presque
toutes les villes qui avaient embrassé sori
parti. Les Tarentins le rappelèrent ; mais
sa flotte fut battue dans le détroit de
Sicile par celle des Carthaginois. De 200
galères, il n'en ramena que 12 en Italie.
Il châtia en passant les Locriens , et pilla
le trésor consacré à la déesse Proserpine.
Il y eut une nouvelle bataille à Bénévent
entre lui et les Romains. Le consul Cu-
rius Denlatus eut la gloire de le vaincre : il
n'avait que 20,000 hommes, et son adver-
saire en avait plus de 80, 000. Pyrrhus ,
Iionteux de sa défaite , retourna précipi-
tamment dans son royaume. Il implora le 1
secours d'Antiochus , roi de Syrie , et I
d'Antigone, roi de Macédoine ; mais n'en
ayant reçu que des lettres d'excuses, il
ravagea les états du dernier, .s'empara de
plusieurs places frontières et de toutes
les villes de la haute Macédoine et de la I
Thessalie. Enivré de l'orgueil de ses l(
triomphes , et oubliant ses défaites , il
affecta d'humilier les Macédoniens par
des inscriptions iiifamantes. Cléonyme,
prince du sang royal de Sparte , l'ayant
appelé à son secours , il entra dans le
Péloponèse et forma le siège de Sparte ;
mais il fut bientôt contraint de l'aban-
donner. De là il se jeta dans Argos, où il
PYT
s'était élevé une faction entre Arîslippe
et Arislias. Les Argiens lui envoyèrent
des ambassadeurs pour le prier de se
retirer. Il le promit ; mais il entra la nuit
dans leur ville, dont Aristias lui avait
fucililé l'ouverture, Pyrrhus eut l'impru-
dence d'y faire entrer ses éléphans, qui,
trop resserrés, nuisirent beaucoup à l'ac-
tion. Abandonné des siens et prêt à tom-
ber entre les mains de l'ennemi, il se fait
jour par sa valeur, après avoir quitté son
aigrette pour n'être pas reconnu. Un
Argien l'attaque, et lui porte un coup de
javeline , qui fut paré par l'épaisseur de
sa cuirasse. Le prince, plein de fureur,
était près de le. frapper, lorsque la mère
de cet Argien , qui voyait le combat de
son toit, lança une tuile sur la tête du roi
et le renversa sans connaissance. Un sol-
dat d'Antigone survint et lui coupa la
tête. C'est ainsi que mourut , l'an 272
avant J. C, ce prince, également célè-
bre par de grandes qualités et de grands
défauts. Son caractère était affable , son
accès facile. Il était reconnaissant des
services qu'on loi rendait, et prompt à
les récompenser, il pardonnait aisément
Jes fautes que l'on commettait à son
égard , et ne punissait qu'à regret. De
jeunes officiers, pris de vin, avaient fait
■de lui des plaisanteries offensantes :
l'ayant su, il les fit venir, et leur de-
manda s'il était vrai qu'ils eussent ainsi
parlé? «Oui, seigneur (répondit l'un
» d'entre eux), et nous en aurions dit
» davantage si le vin ne nous eût man-
» que. » Cette repartie le fit rire, et il les
renvoya.... Le témoignage glorieux qu'on
dit lui avoir été rendu par Annibal ,
l'homme du monde le plus capable de
juger sainement du mérite guerrier, ne
permet pas de refuser à Pyrrhus le titre
de grand capitaine. Personne, en effet,
ne savait mieux que lui prendre ses pos-
tes, ranger ses troupes , gagner le cœur
des hommes et se les attacher. On pour-
rait à quelques égards le ranger aussi
parmi les législateurs, par les sages régle-
mens qu'il fit en plus d'une occasion.
« Dès que Pjrrhus, dit un historien , eut
» été reçu dans Tarente aux acclamations
« de tout un peuple, il s'appliqua à en
PYT i65
» connaître les mœurs. Il leur trouva le
» goût du luxe et de la bagatelle, et il
» entreprit d'en réformer les désordres.
» Le théâtre était le lieu*où les gens oisifs
» allaient perdre le temps , et oîi les
» brouillons fomentaient des divisions et
» des partis ; il le fit fermer. Tous les
M jours on s'a.^semblait dans le parc et
» sous des portiques, où, en se prome- ■
j) nant, on parlait de la guerre et de la
w paix, et l'on réglait l'état selon ses ca-
» priées ; il en défendit l'entrée. Les fes-
« tins , les mascarades , les comédies ,
» occupaient , le jour et la nuit , ces
» hommes désœuvrés et voluptueux; il *
» en interdit l'usage. Le maniement des
)) armes et les exercices militaires étaient
M presque entièrement bannis de Tarente;
» il les rétablit. » Pyrrhus n'avait aucune
règle dans ses entreprises, et il s'y livrait
presque toujours par tempérament , par
passion et par impuissance de se tenir
en repos. Violent, inquiet, impétueux, ne
respectant ni les traités ni sa parole, il
fallait qu'il fût toujours en mouvement et
qu'il y mît les autres ; toujours errant, et
allant chercher de contrée en contrée un
bonheur qui le fuyait, et qu'il ne ren-
contrait nulle part. On connaît le bon
mot de Cynéas. Pyrrhus lui étalant un
jour les conquêtes qu'il avait faites en
imagination, de toute l'Italie, de la Sicile,
de Carthage et de la Grèce, ce prince
ajouta : «Ce sera alors, mon ami, que
» nous rirons , et que nous nous repose-
» rons à l'aise. » — « Mais, seigneur ( re-
V partit Cynéas), qui nous empêche de
)> le faire dès à présent ? » ( Plusieurs
écrivains font descendre Pyrrhus du hé-
ros grec de ce nom, fils d'Achille. Il
était le douzième des rois Pyrrycles dans
les listes chronologiques. Il existe une
Histoire de Pyrrhus, en français, par J.-B.
Jourdan, Amsterdam, 1749, 2vol.in-12.)
PYTHAGORE, chef et fondateur de
l'école philosophique, dite école d" Italie,
naquit à Samos, d'un sculpteur, vers l'an
600 avant J. C. Il exerça d'abord lé mé-
tier d'athlète ; mais s'étant trouvé aux
leçons de Phérécyde sur l'immortalité
de l'âme, il se consacra à la philosophie
( voyez PhÉrécydk j^ abandonna sa patrie,
i66 PYT
ses parens j SCS biens , cl parcoiirul l'E-
gyple. la Gbaldée et l'Asie mineure. De
relour à Samos, il trouva que Polycrale
avait usurpé le gouvernement de sa pa-
trie ^ cela le dclermina à aller s'établir
dans cette partie de l'Italie qui a été ap-
pelée la Grande-Grèce. Il fit sa demeure
ordinaire à Héraclée , k Tarente , et sur-
tout à Crotone, dans la maison du fameux
atiilète Milon. C'est de là que sa secle a
été appelée Italique: Sa réputation se
répandit bientôt dans toute l'Italie. On
accourait de toutes parts pour l'enten-
dre, et dans peu de temps il eut quatre
on cinq cenlsdisciples. Avant que de les
admettre à ce rang, il leur faisait
subir Un noviciat de silence, qui durait
deux ans pour les taciturnes ; et qu'il
faisait durer au moins cinq années pour
ceux qu'il jugeait les plus enclins à par-
ler. « Loi tyranniquc, dit un auteur ju-
5> dicieux : il n'élail pas possible que
» durant cet espace de temps il ne
» se format dans Tesprit de ses disci-
« pies des difficultés sur lesquelles leur
i> maître nepouvaitèlreconsullé,etqu'ils
» ne courussent le risque de ne pouvoir
» jamais les éclaircir. » II leur recomman -
dait aussi fortement de ne jamais manger
de fèves, et de tenir les oreilles toujours
attentives aux concerts des spbères cé-
lestes. On dit que, pour donner plus de
poids à ses leçons , il s'enferma dans un
lieu souterrain où il demeura pendant
un certain temps. Sa mère lui com-
muniqua en secret tout ce qui se passait
pendant son absence. Pytbagore sortit
enfin de sa caverne avec un visage pâle
et défait ; il assembla le peuple, et assura
qu'il venait des enfers. ( Voyez Collius,
Lucien, J.-j. Rousseau, Zenon , etc. )
Pytbagore forma des disciples qui devin-
rent des législateurs fameux , tels que Za-
leucus, Cbarondas et quelques autres. La
science des mœurs et des lois n'était pas
la seule que ce pbilosopbe professât ; il
était , dit-on , savant en astronomie et en
géométrie. On prétend qu'il inventa cette
fameuse démonstration du carré de Vhy~
pothc'nuse. , qui est d'un si grand usage
dans les traités de mathématiques. «. Il
■» fit lui-même , dit i^n écrivain , des dé>'
PYT
w couvertes importantes dans les niathé-
>) matiques, et leur donna une forme
w méthodique.... Outre la démonstration
« du carré de d'bypolhénuse , il déter-
)' mina les rapports mathématiques des
« intervalles musicaux. Les sons des mar-
« teaux d'un forgeron le convainquirent
» qu'ils formaient la quarle, la quinte
» et l'octave , et les poids de ces mar-
» teaux étaient dans les rapports de 3i4,
>' 2|3 et de lj2. Un grand nombre de ses
» élèves furent appelés aux plus grands
» emplois dans les villes de la Grande-
» Grèce » On ajoute qu'il en sentit
lui-même l'utilité tellement qu'il immola
à Dieu, par reconnaissance, une béca-
tombe ou sacrifice de 1 00 bœufs : sacrifice
contradictoire avec la défense qu'il lit à
ses disciples de tuer les animaux, et d'en
manger les viandes ; mais l'on se trom-
perait beaucoup , si l'on prétendait trou-
ver de la conséquence ou de la consi-
stance dans les idées des anciens sages (1).
Celte défense au reste était une suite de
son système de la métempsycose, c'est-
à-dire de la transmigration des âmes d'un
corps dans un autre. C'était le dogme
principaldesapbilosopbie ; il l'avait em-
prunté ou des Egyptiens ou des Brach-
manes. Cette chimère lui tenait si fort
au cœur, qu'il se vantait de se souvenir
dans quel corps il avait été avant que
d'être Pytbagore. Sa généalogie ne re-
montait que jusqu'au siège de Troie. Il
avait été d'abord Ethalides , fils putatif
de Mercure ; ensuite Eupborbe, le même
qui fut blessé par Ménélas. Son âme
passa du corps d'Euphorbe dans celui
d'Hermotime ; de celui-ci dans le corps
d'un pêcheur ; enfin , dans celui de Py-
tbagore. Quelques autres parties de son
système étaient moins ridicules : il ad-
mettait dans le monde une Intelligence
suprême , une force motrice , une matière
sans intelligence , sans force et sans mou-
vement. « Tous les phénomènes , selon
» Pytbagore, supposaient ces trois prin-
» cjpes; mais il avait observé dans les
» phénomènes une liaison de rapports ,
(l) On pourrait obiect»?r qoe Inreqiir Pvthajîorr offrit
en luirririce . il n'a«ait pan ennnre établi f» dortrinc. ni
• on école, cl qu'il ne »'occup«it enror» qiir de* irisnc*»
ibdraitet.
PYT
)) une fin géiicrale , et il attribuait l'en-
» cbaineineiit des phénomènes, la for-
i> luation de loules les parties du monde
» et leurs rapports à l'Intelligence siiprè-
i> me , qui seule avait pu diriger la force
u motrice, et établir des Rapports et des
>» liaisons entre toutes les parties de la
» nature ; il ne donna donc aucune part
» aux génies dans la formation du monde.
j> Pythagore avait découvert, entre les
«parties du monde, des rapports, des
» proportions. Il avait aperçu que l'har-
» monie ou la beauté était la fin que l'In-
u telligence suprême s'était proposée
» dans la formation du monde , et que
» les rapports qu'elle avait mis entre les
» parties de l'univers étaient le moyen
» qu'elle avait employé pour arriver à
» cette fin. Ces rapports s'exprimaient
n par des nombres. Parce qu'une planète
» est, par exemple, éloignée du soleil
» plus ou moins qu'une autre, un certain
» nombre de fois, Pythagore conclut que
» c'était la connaissance de ces nombres
" qui avait dirigé l'Intelligence suprême.
» L'âme de l'homme était, selon Pytha-
») gore, une portion de celte Intelligence
» suprême , que son union avec le corps
» en tenait séparée , et qui s'y réunissait
)' lorsqu'elle s'était dégagée de toute af-
}> fection aux choses corporelles. La
» mort , qui séparait l'âme du corps ^ ne
M lui ôtait point ses afteclions ; il n'ap-
» partenait qu'à la philosophie d'en
» guérir l'âme, et c'était l'objet de toute
» la morale de Pythagore. » {Mémoire
pour servir à l'histoire des e'garemens
de l'esprit humain , ou Dictionnaire des
he're'sies , Discours . préliminaire, pag.
72 et 7 3. M. Pluquet, auteur de cet ou-
vrage estimable , renvoie le lecteur à
l'Examen du fatalisme , tome 1"^ , et à
ïaP^ieAc ce philosophe parDacier.j Notre
soin principal devait être , selon Pytha-
gore, de nous rendre semblables à la
Divinité. Le seul moyen d'y parvenir
était de posséder la vérité, et pour la pos-
séder il fallait la chercher avec une âme
pure. « Il faut, disait-il souvent, ne
» faire la guerre qu'à cinq choses : aux
» maladies du corps , à l'ignorance de
j* l'esprit , aux passions du cœur , aux
PYT 16:;
V séditions des villes, et à la discorde
» des familles. Telles sont les piuq choses,
«s'écriait-il, qu'il faut combattre de
M toutes ses forces, même par le fer et
M par le feu. Il disait que le spectacle de
» ce monde ressemble à celui des jeux
)> olympiques : les uns y tiennent bou-
» tique et ne songent qu'à leurs intérêts;
u les autres y paient de leur personne et
» ne cherchent que la gloire; d'autres ne
M font que regarder tout cela , et leur
» condition n'est pas la pire. Interrogé
)) par les magistrats des villes de la
» Grande-Grèce , il leur recommanda la
M bonne foi , la justice ; leur représenta
)> l'anarchie comme le plus grand des
» maux, l'éducation des enfans comme
» le moyen le plus efiicace d'assurer un
«jour d'heureuses destinées à l'état, »
Ce philosophe se plaisait à débiter ses
préceptes sous le voile des énigmes; mais
ce voile était si épais que les interprètes
y ont trouvé une ample matière à leurs
conjectures. On ne sait rien de certain
sur le lieu et sur le temps de la mort de
ce philosophe. Les uns disent qu'il mou-
rut à Mélaponte , vers l'an 497 avant
J. C. ; d'autres le font brûlera Crotone ;
d'autres disent qu'arrêté dans un champ
de fèves , pour lesquelles il avait toujours
eu une extrême vénération, il aima
mieux se laisser tuer que de gâter ces
plantes. Sa maison fut changée en un
temple, et on l'honora comme un dieu.
Il était en si grande vénération , qu'on
lui lit faire pendant sa vie et après sa
mort une foule de prodiges. On disait
qu'il écrivait avec du sang sur un miroir
ce que bon lui semblait, et qu'opposant
ces lettres à la face de la lunequaud elle
était pleine, il voyait dans le rond de cet
astre tout ce qu'il avait écrit dans la glace
de son miroir; qu'il parut avec une
cuisse d'or aux jeux olympiques ; qu'il se
fit saluer du fleuve de Xessus ; qu'il arrêta
le vol d'un aigle, apprivoisa un ours,
fit mourir un serpent, et chassa parla
vertu de certaines paroles un bœuf qui
gâtait un champ de fèves ; qu'il se fit
voir au même jour et à la même heure
dans la ville de Crotone et dans celle de
Métapoale; qu'il avait des secrets magi-
168
PYT
ques ; qu'il prédisait les choses futures ,
fetc. Ces contes absurdes prouvent mieux
que tout le reste qu'une grande partie de
ses admirateurs étaient les plus stupides
des hommes, qui se laissaient persuader
les plus grandes extravagances à la faveur
de V autos epha [c'est lui qui Va dit).
Cette observation tenait lieu à ses dis-
ciples de tout raisonnement; après qu'on
l'avait faite, il n'était plus permis de
douter ni de ses opinions ni de ses asser-
tions quelconques. Nous avons, sous le
nom de Pytliagore, un ouvrage en grec ,
commenté par Hiéroclès , et intitulé les
Vers dorés ; mais il est constant que ce
livre n'est point de lui. On les a imprimés
à Padoue, 1474 , in-4 ; — à Rome, 1475,
in-4 ; — à Cambridge, 1709; — et à
Londres, 1742, in-8. Ces deux éditions
se joignent aux auteurs cum notis vario-
runi — Diogène Laerce , Porphyre,
Jamblique, un anonyme dont Pholius
donne l'extrait, ont écrit la Vie de ce
philosophe avec une crédulité puérile et
sans discernement ; il est certain que les
légendaires les plus décriés n'ont jamais
poussé la bonhomie à ce point. On a réuni
leurs écrits à Amsterdam, 1707, in-4.
Daciera mis plus de critique dans celle
qu'il a publiée en français, avec les Vers
dorés et le Commentaire d'Hiéroclès,
Paris, 1706 et 1771 , 2 vol. in-12. Mais
Dacier est si prévenu pour les vieilles
choses, qu'il faut toujours beaucoup ra-
battre de ce qu'il en dit. Il va jusqu'à ad-
mirer des choses extravagantes ; il se met
l'esprit à la torture pour expliquer les
énigmes de Pythagore , et il y trouve des
sens auxquels le philosophe n'a vraisem-
blablement jamais pensé. Lucien, en
parlant de Pythagore dans son dialogue
de Gallus,l'a peint au naturel. Si ce que
dit Jamblique dans sa Vie est vrai , on
ne peut s'empêcher de le mettre au nom-
bre des plus grands scélérats. On trouve
d'autres vues sur Pythagore dans \His-
ioire des temps fabuleux , par Guérin
du Rocher , et dans Hérodote , historien
du peuple hébreu sans le savoir , par
l'abbé Bonnaud. « Tous les disciples de
V Pythagore mettaient leurs biens en
» commun, avec la faculté de les re-
PYT
» prendre quand ils voudraient quitter la
» société ; ils habitaient tous enseml^le
» avec leurs familles dans un vaste édifice
» appelé Emachion -. ils y suivaient une
» règle dont l'austérité était tempérée
u parla promenade , le chant ,1a danse,
w et la lecture des poètes : le vin , la
» viande et le poisson y étaient inter-
» dits. » Voyez VHist. comparée des
systèmes de philosophie , considérés re-
lativement aux principes des connais-
sances humaines, par M. Degérando , 2*
édilionj 1822 ,4 vol. in-8.
* PYTHAGORE deReggio, sculpteur,
contemporain de Polyclète d'Argos, 432
ans avant J. C. , est , selon Pline , un des
trois fameux statuaires de ce nom, qui
vivaient a la même époque. Mais il parait
qu'il le confond avec Pylhagoras de Sa-
mos ; car Pausanias lui donne pour maî-
tre Cléarque , élève d'Enchir le Corin»
thien , qui vivait dans un temps plus
reculé. On voyait de cet artiste , à Olym-
pie , une statue qui représentait Pancra-
tiaste Léonticus , qui était d'un beau fini,
ainsi qu'un monument de bronze , re-
présentant Cratistène sur le char de la
victoire ; Europe assise sur le taureau ;
le combat d'Etéocle et de Polynice. Ces
morceaux remarquables conservaient
toute leur réputation du temps de Pau-
sanias.
PYTHEAS , philosophe contemporain
d'Aristote , naquit à Marseille, colonie
des Phocéens, et se rendit habile dans la
philosophie , l'astronomie , les mathéma-
tiques et la géographie. On conjecture
que ses concitoyens , prévenus en faveur
de ses connaissances et de ses talens , et
dans la vue d'étendre leur commerce «
lui fournirent les moyens d'aller tenter
dans le Nord de nouvelles découvertes,
tandis qu'ils employaient Euthymènes à
découvrir les pays du Sud. Pythéas par-
courut, dit-on, une partie des côtes de
l'Océan, et s'avança jusqu'à l'ile de Thulé
( l'Islande } ; il pénétra ensuite dans la
mer Baltique , jusqu'à l'embouchure d'un
fleuve qu'il nomma mal à propos Tanaïs
(car le Tanaïs se décharge dans la mer
Noire ) , et qui est peut-être la Vistule.
Il observa qu'à mesure qu'il s'avançait
QUA
vers le pôle arctique, les jours s'alon-
geaient au solstice d'été, et qu'à l'île
de Thulé le soleil se levait presque aus-
sitôt qu'il s'était couché : ce qui arrive
en Islande et dans les parties septentrio-
nales de la Norvège. La relation des
voyages de Py théas a paru fabuleuse à Po-
lybe et à Strabon ; mais Gassendi , Sanson
et Rudbekont été du sentiment d'Hippar-
queetd'Eratosthène, enprenanlladéfense
de cet ancien géographe. Strabon nous a
QUA 169
conservé une autre observation que Py
théas fit dans sa patrie au temps du sol-
stice. Ce Marseillais est le premier et le
plus ancien des écrivains gaulois <jui
nous soit connu. Le plus célèbre de ses
ouvrages était intitulé Le tour de la terre;
mais ni cet ouvrage ni aucun des autres
de Pythéasne sont parvenus jusqu'à nous,
quoique quelques-uns existassent encore à
la fin du 4" siècle. Us étaient écrilsen grec,
qui était alors la langue des Marseillais.
QUADRATUS , ou Quadrat ( Saint ),
' disciple des apôtres, et , selon quelques-
uns , l'ange de Philadelphie, à qui J.-C.
parla dans l'Apocalypse , était déjà célè-
bre dans l'Eglise du temps de Trajan , et
répandait partout la semence de la parole
évangélique. On prétend qu'il fut élevé
sur le siège d'Athènes vers l'an 126. Qua-
dratus est le premier qui ait composé une
, Apologie de la religion chrétienne, qu'il
présenta à Adrien vers l'an 131. Cet ou-
vrage , plein de raisonnemens forts et
solides , est digne d'un disciple des apô-
tres. Il paraît par un passage de Lara-
pride , dans la Fie d^ Alexandre Se'vève ,
qu'Adrien en fut frappé au point de re-
connaître la divinité de J. C. « Alexan-
» dre , » dit-il , « forma le dessein d'éle-
j) ver un temple à J. C. , et de le placer
» parmi les dieux de l'empire. Adrien
■I avait déjà conçu le même projet en or-
- donnant qu'on bâtît dans toutes les vil-
les des temples sans images. Ces lera-
' pies , qui ne sont consacrés à aucune
)' divinité particulière , se nomment
Adriannées , ou temples d'Adrien. »
iuoi qu'il en soit , l'écrit de Quadralus
:inêta le feu de la persécution , qui était
alors allumé contre les chrétiens. Il ne
nous en reste qu'un fragment conservé
par Eusèbe. On y lit, entre autres choses,
cette distinction solide des miracles de
J. C. des impostures des magiciens :
(1 Les miracles du Sauveur subsistent tou-
XI.
» jours , parce qu'ils étaient réels et vé-
)) ritables. Les malades qu'il a guéris, les
« morts qu'il a ressuscites, n'ont passeu-
» lement paru un instant ; ils sont restés
» sur la terre avec îui ; quelques-uns mê-
» me ont vécu ju.squ'à noire temps , et
J) par conséquent bien après l'ascension
» du Seigneur. »
* QLADRI (Jean-Louis) , architecte ,
peintre de perspective , graveur et mé-
canicien , naquit en 1681 à Bologne
d'une ancienne famille bourgeoise. Il
exerça ces trois arts avec succès , et on
voit en Italie et dans son pays natal plu-
sieurs de ses ouvrages qui obtiennent en-
core l'approbation des connaisseurs. Oa
a de lui : 1° Tavole ou Table-; gnomo-
niqiies pour dessiner des cadran^ solai-
res , qui indiquent les heures comme les
horloges ordinaires , et autres tables
pour la construction de ceux-ci , etc. ,
Bologne, 17 33 ; 2" Tables gnomoniques
pour régler, pendant le jour les horloges
à roue , ibid. , 1736 ; 3" Règles pour
les cinq ordres d^architecture de M. Jac-
ques Barozzi di Fignola , dernièrement
grave'es sur le premier original de Vau~
teur , ibid. , I73G ; 4° Règles pour la
perspective pratique , dessinées suivant
la seconde règle de J. Barozzi, ibid. ,
1744. Plusieurs manuscrits de Quadri se
conservent dans la bibliothèque de l'in-
stitut de Bologne [LaSpecola) ; ils pas-
sent pour être très utiles aux arts, etron
22.
170 QUA
prétend qu'ils gagneraient à ètrfî connus.
Cet artiste mourut dans sa patrie en 1748.
QUADRIO ( François-Xavier) , litté-
rateur italien , né dans la Valteline , le
1" décembre 1G95 , se fit jésuite , et se
distingua par son application ; mais sa
mélancolie et son inconstance lui firent
abandonner cet état en 1744 : il se relira
à Zurich , d'où il sollicita auprès du sou-
verain pontife la permission de rester
dans l'état de prêtre séculier. Benoît XIV,
qui avait pour lui de la bienveillance ,
acquiesça à sa demande , et lu» donna un
canonicat. Quadrio vint à Paris en 1744,
y passa trois ans , et fut bien accueilli
par le cardinal de Tencin. Après avoir
visité encore une fois Rome , il retourna
à Milan , et vers la fin de sa carrière , il
se retira chez les barnabites , où il mou-
rut le 21 novembre 1756. On a de lui :
l°Un Traite delà poésie italiemie , sous
le nom de Joseph-Marie Andrucci ; 1°
Histoire de la poésie ,1 vol. ; Z° Disser-
tations sur la Valteline , pleines d'éru-
dition , 3 vol.
* QUAGLIA , ou QuAYK ( Gian-Genè-
fio ) , religieux de l'ordre de Saint-Fran-
çois , né à Parme , et nommé aussi quel-
quefois , à cause de cela , frère Jean de
Parme , vivait au temps de Pétrarque.
11 alla faire sa théologie en Angleterre ,
d'où il revint en 1391. On l'envoya pro-
fesser la théologie à Pise ; il retourna en-
suite dans sa patrie , où il mourut , en
1398. On a de lui : 1° Liber de civitate
Christ i compilatus a magistro Joanne
Genesio Quaye de Parma, ordinis mino-
j'um j etc. Reggio , 1601 , in-4 ; réim-
primé à Rome en 1523 : l'auteur l'avait
composé à Pise ; 2° Incipit rosarium edi-
tum a fratre Joanne Quaya de Parma ,
ordinis minorum. Cet ouvrage existe en
manuscrit dans la bibliothèque Barberine
à Rome , code 246 , dans la bibliothèque
royale de Parme , dans celles de Saint-
Jean et Saint-Paul à Venise , dans celle
des Augustins de Padoue et dans quel-
ques autres. L'auteur , dans ce livre, em-
brasse toute la philosophie morale et
chrétienne. 3° De incarnatione Christi,
seu de secretis philosophiœ , ouvrage
savant, conservé dans la bibliothèque du
QUA
Vatican, sous le n" 6129. Voyez sur le
Père Quaglia le Père Affo , récollet, dans
ses Memorie degli scrittori e letterati
parmigiani , vol. 2 , pag. 97. Le Père
Wadding , histotiograpbe de l'ordre de
Saint-François , nous donne sa vie d'une
autre manière. Selon lui , Jean Genèfio
prit naissance dans l'état de Bologne ,
quoiqu'il le nomme aussi Jean de Parme;
il ne parle point de son voyage en An-
gleterre, mais|il dit qu'il professa à Paris,
et qu'Innocent IV l'ayant fait venir de.
France, ce religieux fut élu ministre gé-
néral de son ordre l'an 1247 ; qu'il futen
voyé en Orient vers l'empereur des Grecs,
et vers Manuel, patriarche de Constan-
tinople ; que s'étant démis du généralat ,
il eut pour successeur saint Bouaventure ;
qu'il se retira dans une cabane de la val-
lée de Rieti , bâtie par saint François ,
où il vécut d'une manière pénitente ; que
Jean XXI l'avait en grande estime ; que
Nicolas IV l'envoya une seconde fois vers
les Grecs, et que s'étant mis en chemin,
il mourut à Camerino , en 1289 , c'est-
à-dire au moins cent ii"s avant l'épo-
que fixée par le Père AlVo , et qu'il fut
enterré dans le couvent de Saint-François
de celte ville. Wadding lui attribue les
traités suivans : 1° /« libres Magistri
sententiarum ; 2° De conversatione re-
ligiosorum libri duo ; 3° De bencficiis
creatoris ; 4" De civitate Christi , ou-
vrage qui vraisemblablement est le mê-
me que celui du même lilre cité plus
haut ; 5° Sacrum commerçium sancti
Francisci cum domina pauperlatc ; G"
Oflicium passionis Christi , qui com-
mence par ces mots : Regem Christum
crucifixum. Wadding ajoute que quel-
ques-uns distinguent Jean-Genès de
Quaglia , de Jean de Parme ; mais il as
sure que c'est la même personne : Idem
prorsus est Joannes hic cum Joanne par-
mensi.
QUAINI ( Louis ) , peintre , né à Ra-
venne en 1643 , mort à Bologne en 1717.
Le Cignani lui apprit les élémens de son
art. Bientôt il eut tant de confiance dans
les talens de cet illustre élève , qu'il lui
remit ses principaux ouvrages , conjoin-
tement avec Franceschini , qui était de-
QUA
venu , dans la même école , son rival et
son ami. Leurspinceaux réunis semblent
n'en faire qu'un. Les parties principales
de Quaini étaient l'architecture , le pay-
sage et les autres ornemens. Francescbini
se chargeait pour l'ordinaire de peindre
les figures. Ils ont principalement tra-
vaillé à Parme et à Bologne.
* QUAINO ( Jérôme ) , religieux de
l'ordre des servîtes , florissait au 16" siè-
cle. Il était né à Padoue , oii il jouissait
de la réputation d'un savant théologien
et d'un prédicateur très distingué. Il
avait , pendant plusieurs années , pro-
fessé les saintes Ecritures dans l'univer-
sité de Padoue , et souvent la chaire y
avait retenti de ses discours éloquens. Il
a laissé de bons Commentaires sur quel-
ques livres de la Bible , et des Traites de
théologie estimés. On a de lui des Orai-
sons latines. Plusieurs de ses sermons ont
été publiés dans le recueil intitulé : Le
Prediche di diversi illustri theologi, rac-
colte da Tommaso Porcacchi , Venise ,
1566 , l'* partie, in-8. Les confrères du
Père Quaino lui firent dresser dans leur
église une statue de marbre qu'ils accom-
pagnèrent d'un éloge en son honneur :
marque de distinction qui suppose en ce-
lui à qui on l'accorde un mérite qui n'est
point ordinaire. Quaino mourut en 1 582.
* QUANZ fJean-Joachim}, musicien,
né en 1697 au village d'Oberscheden près
de Goettingue, donna des leçons de son
art au grand Frédéric. Dès sa première
jeunesse , il aima passionnément la mu-
sique , et jouait assez bien de la basse.
Destiné à l'état de son père, qui était ma-
réchal-ferrant , celui-ci céda à ses in-
stances et lui permit de se rendre chez
un oncle, musicien pensionnaire à Mers-
bourg, sous lequel Quanz apprit les pre-
miers élémensde la musique. Il se livra à
l'étude du hautbois et notamment de la
flûte , instrument dans lequel il excella.
Après avoir été employé dans les orches-
tres des cours deMersbourgetdeDresde,
il entra au service du roi de Pologne ,
en 1714 , fit avec l'ambassadeur de ce roi
le voyage de Naples, et connut dans cette
ville les célèbres Hape et Scarlatti. Quanz
parcourut ensuite la France et l'Angle-
QUA 171
terre , en donnant des concerts. De re-
tour en Allemagne , il eut l'honneur d'a-
voir pour élève Frédéric II , depuis roi
de Prusse, et alors prince royal. Ce prince
exécutait souvent avec lui et avec son fa-
vori Quincilius des duo et des trio. Quanz,
en perfectionnant la flûte , prépara les
progrès que d'autres musiciens ont faits
après lui sur cet instrument. En 1726 ,
il apprêta une languette , et en 1752 ,
il inventa le bouchon , qui sert à baisser
la flûte , en hausser le ton sans toucher
au corps de rechange. Ces procédés l'a-
menèrent à établir un atelier pour la fa-
brication de ses instrumens , lequel de-
vint très utile à sa fortune. Il composa
pour son royal élève deux cent quatre-
vingt-dix-neuf concerts , et deux cents
solo , et une Instruction pour jouer de
la flûte , Berlin, 1752, in-4 ; souvent
réimprimé et traduit en français et en
hollandais. Botermund lui attribue une
suite de Pièces à deux flûtes , publié en
1729. Quanz mourut à Berlin , o.i à Pots-
dam , le 12 juillet 1773 , âgé de 76 ans.
Frédéric avait pour lui une telle affec-
tion , qu'il le soigna pendant sa maladie,
remplaça bien souvent son médecin , et
lui fit élever après sa mort un tombeau
magnifique.
* QUARANTA (Etienne) , clerc ré-
gulier , né à Naples au commencement
du 17* siècle,' se fit remarquer dans sa
congr^ation par ses vertus et ses lumiè-
res , et devint en 1650 évêque d'Amalfi.
On ignore l'époque de sa mort. Parmi les
ouvrages qu'il a laissés, nous citerons : l"
De concilio provinciali et auctoritate
episcopi in suffraganeos, eorumque sub-
ditos in tota provincia ; 2° Summa bul-
larii omniumque summorum pontificum
constitutionum. — Il y a un autre écri-
vain du nom de Quaranta ( Orazio ) , le-
quel est auteur de divers opuscules, dont
Cinelli fait mention dans le tom. 4 , pag.
107 , de sa Bibliothèque.
QUARESME ( François ) naquit à
Lodi dans le Milanais , se fit cordelier ,
fut employé aux missions du Levant , et
mourut vers 1640. Il a laissé quelques
ouvrages théologiques , et une descrip-
tion de la Terre-Sainte ».qui contient
172 QUA
plusieurs particularités assez curieuses.
* QUARIJN ( Joseph ) , premier méde-
cin de l'empereur Joseph II , naquit à
Vienne le 13 novembre 1733 d'un méde-
cin déjà célèbre de cette ville. Il fut reçu
docteur en philosophie à l'Age de 15 ans,
et de médecine à 18 ans. Il exerça cet
état avec le plus grand succès , et se
distingtia par son zèle et par ses talens.
Il travailla surtout à la perfection de l'in-
struction médicale. En 1756 , il donna ,
à Vienne, des cours d'anatomie et de ma-
tière médicale. Il ouvrit au^si des cours
de clinique , qui ont servi de modèle à
ceux qu'on forma depuis eu France et en
Italie : il s'efforça surtout d'améliorer le
système des hôpitaux , et publia dans ce
Lut , comme dans l'intérêt de la science,
diverses Observations qui lui valurent les
plus honorables suffrages. On ne parlait
alors que de la découverte de son maître
Storck sur la vertu de la ciguë contre les
maladies cancéreu.ses. Quarin en fit des
essais dont il publia les résultats , et son
ouvrage fut favorablement accueilli. L'im-
pératrice Marie-Thérèse l'envoya en 1 7 77
à Milan , soigner son troisième fils , l'ar-
chiduc Ferdinand , gouverneur de la
Lombardie. Quarin parvint à rétablir la
santé du prince , qui était malade depuis
long-temps. L'archiduc reconnaissant le
nomma son médecin , et l'empereur Jo-
seph II lui donna le même titre , après
l'avoir nommé premier médecin d«f l'hô-
pital général. Il fut six fois recteur de
l'université ; mais ses nombreuses occu-
pations le forcèrent de se démettre de sa
place à l'hôpital général. Entre autres qua-
lités , il avait celle de ne jamais flatter
ses malades , ce qui faisait qu'ils se pré-
paraient à temps à la mort. Joseph II ,
dans sa dernière maladie , lui demanda
s'il pouvait guérir ; Quarin lui répondit,
avec une noble franchise, qu'il ne restait
à Sa Majesté que peu de jours à vivre.
L'empereur , loin de se montrer fâché de
cet avis , si terrible à entendre , le créa
baron, et lui fit un présentée mille sou-
verains d'or ( 20,000 francs ). François II,
neveu de ce monarque, fils et successeur
de Léopold II , lui conféra le titre de
comte en 1797 ; il obtint , en 1808 , le
QUA
cordon de l'ordre de Saint-Léopold , et
mourut le 1 3 mars 1 8 1 4 , âgé de 8 1 ans.
De son vivant (en 1803), on avait exéculé
son buste en marbre , que l'on plaça so- |
lennellementdansla salle de l'université. I
Quarin fut pendant 28 ans médecin des 1
frères de la charité. Il était membre des
sociétés de médecine de Copenhague , de
Londres , de Venise et de Vienne. On a
de lui : 1° Tentamina de cicuta. Vienne,
1761 , in-8 ; 2° Methodus medendarum
febrium , ibid. , 17 72 ; 3" Methodus mc-
dendi in/lammationes ,ïhid., 1774, in-8.
Les deux traités , réunis en un seul , ont
été traduits et publiés en français , 1800,
par Monnot. Ils avaient aussi été publiés
ensemble à Vienne , sous ce titre : 4° De
curandis febribus et inflarnmationibus
commentatio , 1781 ; 5" Tractatus de
morbis oculorum ; 6° De Entonnia noxa
ex utili physico-medico considerata ; 7*
(en allemand) Considérations sur les hô-
pitaux de Vienne , 1784 ; 8° Animad-
versiones practicœ, in diversos niorbos,
ibid. , 1786 , in-8 , traduit en français
par M, Sainte-Marie , sous le titre d'Ob-
servations pratiques sur les maladies
chroniques, 1807, in-8. Les ouvrages
de cet estimable médecin, dont quelques-
uns ont été traduits en français , en an-
glais et en italien , renferment des vues
pratiques très sages , mais aussi quelques
théories erronées sur les fièvres , et des
divisions peu exactes : au reste , on les
consulte toujours avec profit.
QUARRÉ ou QuARREY (Jean-Hugues),
docteur de Sorbonne , né à Poligny dans
la Franche-Comté , en 1 580. (Il fut nom-
mé chanoine-théologal dans la collégiale
de Poligny, et se démit de cette prébende
pour embrasser l'état monastique. Quarré
entra , en 1617 , dans la congrégation
alors naissante de l'Oratoire. ) Ses Ser--
mons , ses ouvrages et ses vertus lui fi-
rent une grande réputation. Il devint
prédicateur de l'infante Isabelle , gou-
vernante des Pays-Bas : il demeurait à
Bruxelles, où il était prévôt de la congré-
gation belgique de son ordre. Le Père
Quarré mourut en 1656. Ses principaux
ouvrages sont : i° La Fie de la bienheu-
reuse mère Angèle, première fondatrice
QUA
des mères de Sainte- Ursule , in-12 ; 2*
Traité de la pénitence chrétienne, in-1 2 ;
3° Trésor spirituel , contenant les ex-
cellences du christianisme et les adres'
ses pour arriver à la perfection chré-
tienne par les voies de la grâce et d'un
entier abandonnement à la conduite de
Jésu^-Christ, in-8. Il y a eu six éditions
de cet ouvrage , qu'une critique trop
subtile a vainement attaqué, i^ Direction
spirituelle pour les âmes qui veulent se
renouveler en la piété, avec des Médi-
tations, in-8. Le stile de ces ouvrages
est suranné ; mais ils respirent une piété
douce et tendre.
QUATREMAIRE (Dom Jean-Robert),
bénédictin , né à Coursereaux , au dio-
cèse de Séez , en IGll , se signala par
son ardeur contre Naudé , qui soutenait
que Gersen n'était pas l'auteur de l'Imi-
tation. Dom Quatremaire publia deux
J^crits très vifs en latin à celte occasion,
l'un et l'autre in-8 , Paris , 1649 et 1650.
( Foyez Naudé , Amort , Kem^s , Fron-
TEAC , Gersen. ) On a encore de îui : 1°
deux Dissertations pour prouver, contre
Launoy , le privilège qu'a l'abbaye de
Sain l-Germain-des- Prés, d'être immédia-
tement soumise au saint-Siége. La pre-
mière vit le jour en 1657 , in-8 ; la deu-
xième en 16C8 , in-4 ; 2° une autre Dis-
sertation •puhWée en 1659 pour autoriser
de pareils droits de l'abbaye de Saint-
Médard de Soissons. Quelques-uns lui at-
tribuent le Recueil des ouvrages sur la
grâce et la prédestination , qui a paru
sous le nom de GuilbertMauguin, 1650,
en 2 vol. in-4 ; mais l'abbé d'Olivet donne
le 2* vol. de ce recueil à l'abbé de Bour-
zéis. Ce bénédictin étaût en l'abbaye de
Ferrières en Gatinais pour y prendre les
bains , se noya dans la rivière, le 7 juil-
let 1671 , à 60 ans.
* QUATTRO FRATI ( François-Ma-
rie ) , jésuite italien , né à Modène , flo-
rissait au 17* siècle. Il avait cultivé l'art
oratoire et la poésie , et y avait obtenu
des succès. Il était membre de l'académie
de Parme , dite des innominati. Il a pu-
blié un grand nombre d'ouvrages , parmi
lesquels on distingue : 1° Relazione délie
essequie ed orazioni in morte del padre
QUE 173
Francesco Bordoni , Parme , 1671 et
1676. Bordoni était de Parme , et théolo-
gien très distingué de l'ordre de Saint-
François. 2° Discorso funèbre sopra le
virtu di monsignor Ettore Molza , ves-
covo di Modena , Modène , 1679 ; 3° Ré-
lazione délie essequie del padre Paolo
Rosini , min , conventuale , coll' ora-
zione funèbre , Parme , 1683 ; 4° Predi-
che, panegiriche, co' sermoni per le otto
feste principali di Maria Vergine , Plai-
sance, 1698 ; W Le Lamentazioni di Ge-
remia, volgarizzatc da F. M. Q. , aca-
demico innominato , Plaisance , 1701 ;
6° Prosce et carmina , Modène, 1706 ,
in-4. En outre , on a de lui des Fies
d'hommes célèbres , et quelques autres
opuscules. Le Père Quattro Frati mourut
à Plaisance , le 16 février 1704 , âgé de
58 ans. — Quattro Frati ( Nicolas ) ,
aussi de Modène , et poète latin du 15®
siècle , était lié d'intimité avec les célè-
bres poètes de son temps , le Guarini et
l'Arioste , aiixqnels il adressa quelques-
unes de ses jF/jj^/aoîTOcy. La bibliothè-
que du marquis Bevilacqua , à Ferrare ,
possédait un beau manuscrit de Poésies
latines , où il est question de Nicolas
Quattro Frati, comme auteur de plusieurs
poèmes , notamment dans une Elégie de
Henri II , ou Hylas de Prato , adressée à
une certaine Orsa , pro Nicolao çi qua-
tuor fratribus.
QDATTROMANI ( Sertorio ) , né à
Cosenza , dans le royaume de Naples ,
vers 1551 , d'une famille honnête , mou-
rut vers 1606. La littérature et la poésie
remplirent toute sa vie. Le recueil de
ses OEuvrcs publié à Naples , en 1714 ,
in-8, renferme des vers latins et italiens,
des lettres , etc. On y trouve certaines
pièces, mais en petit nombre, dignes de
quelque attention. Sannazar, son com-
patriote et presque son contemporain ,
avait été son modèle, et le copiste lui est
inférieur. Votjez la liste de ses ouvrages
dans le Dictionnaire historique et criti-
que , en 4 vol. in-8 , publié à Lyon en
1771, sous le nom de Bonnegarde ; et
dans le tome 1 1* des Mémoires de Nicé-
ron.
* QUECCIUS ( Grégoire ) , médecin ,
174
QUE
naquit à Altorf en 1 59G , fut reçu docteur
à Bâie , en 1620 , et occupa pendant plu-
sieurs années la chaire de philosophie
dans sa ville natale. Il a laissé un ou-
vrage qui établit sa réputation , et qui a
pour titre : Anatomia philologica ,■ con-
tinens discursus de nobilitate etprœstan-
tia hominis , contra iniquos condiiionis
humanœ œstimatores, imprimé en 1632,
in-4 , à Nuremberg , oii il mourut en
1632, à 36 ans.
QUELLIN ( Erasme ), Quellinus ,
peintre, né à Anvers en 1607, mort dans
cette ville l'an 1676 , s'adonna dans sa
jeunesse à l'étude des belles- lettres. Il
professa même quelque temps la philo-
sophie ; mais son goût pour la peinture
l'ayant entièrement dominé, il fréquenta
l'école de Rubens, et donna des preuves
de l'excellence de son génie. Ses com-
positions font honneur à son goût. Son
coloris se ressent des leçons de son illus-
tre maître ; sa touche est ferme et vigou-
reuse. Il y a peu de peintres qui aient
fait de plus grands tableaux ; celui du
ParaZy/j^ue, qu'on voit dans l'église de
l'abbaye de Saint-Michel à Anvers, occupe
tout le fond de la croisée. On voit aussi
deux de ses plus grandes compositions
dans le réfectoire de l'abbaye de Tonger-
loo. Son imagination vaste, hardie, gi-
gantesque et luxuriante, à force d'orne-
mens et d'jncidens, embrouillait quel-
quefois les sujets , de manière que du
premier abord il n'est pas toujours aisé
de les saisir. Il s'est beaucoup attaché à
l'architecture et aux figures d'optique.
Dans la Description des principaux ou-
vrages de peinture, sculpture, etc., de la
ville d'Anvers, imprimée à Anvers, 1774,
il est toujours nommé Quillin ; mais on
voit Quellinus écrit de sa main sur un
dessin qui exprime pittoresquement cette
vérité eucharistique : Fisus , gustus ,
tac tus in te fallitur, sed audit u solo tuto
creditur. U eut un fils, nommé Jean-
Erasme Quellin , qui n'eut point les ta-
lens de son père. On voit pourtant quel-
ques tableaux de lui dans différentes vil-
les de l'Italie , qui lui font honneur. —
Son neveu , Artus Quelun , a fait à An-
vers f sa patrie, des morceaux de sculp-
QUE
ture qui le font regarder comme un ex-
cellent artiste. C'est lui qui a exécuté les
belles sculptures de l'hôtel de ville
d'Amsterdam, gravées par Hubert Qukl-
LIN.
•QUELLMALTZ (Samuel Théodore),
savant médecin et anatomiste allemand ,
naquit à Friedberg en Misnie le 21 mai
1699. S'étant établi à Leipsick , il y fut
successivement professeur d'anatomie ,
de chirurgie , de physiologie et de pa-
thologie. On lui doit plusieurs dis: crta-
tions académiques, comme : 1° De ptya-
lismo febrili, Leipsich , 1748 ; 2° De na-
rium, eorumque septi incurvatione , ibid.
1 76o ; 3° De musculorum capitis exten-
sorum paralysi, ibid. , 1757 ; 4° Devi-
ribus electricis medicis , ibid., 1765;
6° Programma quo frigoris acrioris in
corpore humano effectus expendit,
ibid. , 1775. On trouve toutes ces disser-
tations dans le recueil intitulé , Disser-
tationes ad morborum historiam , etc. ,
par Hailer. Il est mort en 1 758.
" QUENON ( J. ) , professeur de se-
conde au collège de Louis le Grand, mort
le 28 juillet 1821 , à l'âge de 54 ans, a
publié un Dictionnaire grec-français ,
Paris, 1807 , 2 vol. in-8 , qui a obtenu
peu de succès. Il avait été aidé dans ce
travail par M. Thory, l"" employé à la
bibliothèque du roi. Il a laissé des maté-
riaux pour un Dictionnaire français-
grec, dont il s'occupait depuis plusieurs
années.
QUENSTEDT ( Jean-André ) , théo-
logien luthérien, natif de Quedlinbourg,
mort en 1688 , à 71 ans, a laissé : 1" un
Traité, en forme de dialogue, touchant
la naissance et la patrie des hommes de
fc//re^, depuis Adam jusqu'en 1 600, in-4.
Cet ouvrag'' , superficiel et inexact , pa-
rut à Witemberg en 1664 , in-4 ; 2° un
savant traité De sepultura veterum, sive
de ritibus sepulcralibus Grœcorum,
Romanorum, Judœorum et Christiano-
rum , in-8 et in-4. C'est son meilleur
écrit. 3° Un Système de la théologie de
ceux qui suivent la confession d'Augs-
bourg, en ^ yo\. in-folio, 1685. On en
diminuerait le nombre si on en ôtait ce
qu'il a écrit en pui'e perte contre les ca-
QUE
tholiques. Du reste, l'ouvrage est très
bien intitulé : dès qu'on se détache une
fois de la doctrine de l'Eglise catholique,
tout ce que l'on disserte en théologie
n'est que système , qu'un ensemble d'o-
pinions éphémères et arbitraires. 4° Plu-
sieurs autres ouvrages remplis d'érudi-
tion , mais quelquefois dénués de criti-
que , d'exactitude et de goût.
QUENTAL (Barthélemi du ), ne dans
l'île de Saint-Michel , une des Açores , en
162G, donna dès son enfance des mar-
ques d'une piété singulière. Devenu con-
fesseur de la chapelle du roi de Portugal,
et l'un de ses prédicateurs ordinaires ,
il profita de son crédit pour fonder la
congrégation de l'Oratoire du Portugal ,
l'an 1698. U refusa l'évêché de Laraego ,
et mourut saintement en 1698 à 7 2 ans.
On a de lui : 1° des Méditations sur les
mystères ; 2° des Sermons en portugais ,
qui sont pleins d'onction. Le pape Clé-
ment XI lui donna le titre de Féne'rable.
QUEJNTIN ( Saint ), martyr dans le
3' siècle, était Romain , si l'on en croit
ses Actes publiés par Surius , et descen-
dait d'une famille sénatorienne. Rempli
d'ardeur pour la propagation de l'Evan-
gile , il quitta son pays , renonça à tou-
tes les espérances qu'il avait dans le
monde , et partit pour les Gaules avec
saint Lucien. Il pénétra jusqu'à la ville
d'Amiens, qu'il choisit pour y exercer
son zèle apostolique, et ce zèle lui pro-
cura la couronne du martyre au com-
mencement du règne de Maximien-Her-
cule , que Dioclétien associa à l'empire
en 286. Après avoir souffert dans les tor-
tures tous les ralhnemens que la cruauté
peut inventer, il fut conduit par ordre
de Riccius Varus, préfet du prétoire dans
les' Gaules, d'Amiens à Augusta, capitale
du Vermandois. Il y persista généreuse-
ment dans la confession de la foi ; et,
après avoir été percé de broches et de
clous , il eut la tête tranchée le 31 octo-
bre 287. Saint Eloi , évêque de Noyon et
de Vermandois, ayant fait chercher ses
saintes reliques en 641 , on les trouva
avec les clous dont le corps du saint avait
été percé , et on les plaça dans l'église
derrière l'autel. On en fit une nouvelle
QUE
[75
translation le 25 octobre 825. Ces reliques
sont conservées chez les chanoines de
Saint-Quentin , qui prend son nom de
celui du saint martyr. Cependant quel-
ques savans prétendent que Saint-Quen-
tin n'est pas exactement V Augusta Ve-
remanduorum. Voyez le Dict. ge'og. ,
Ï793.
" QUER-Y-MARTINEZ ( Joseph } ,
chirurgien et botaniste espagnol , né ,
en 1696 , à Perpignan , étudia la méde-
cine à Valence, puis à Barcelone et à Ma-
drid , où il se fixa. U fut employé , en -
qualité de chirurgien-major, dans les ar-
mées espagnoles , et profita des diftcrens
voyages qu'il fit , avec son régiment ,
dans quelques parties de l'Espagne , sur
les côtes de l'Afrique et ailleurs , pour
recueillir un grand nombre de plantes et
de graines , dont il forma dans la suite
un jardin botanique où il réunit en peu
d'années plus de 2000 espèces. Charles lU
nomma Quer chirurgien de la cour , et
lui accorda une riche pension. Ce mo-
narque , à l'insinuation de son ministre,
le comte de Florida-Blanca , avait fait
revivre les études dans son royaume , et
avait fondé des établissemens pour l'in-
struction publique , à la tête desquels il
avait appelé les plus habiles professeurs
de l'Espagne. Cependant, parmi plusieurs
sciences qu'on y cultivait , celle de la
botanique n'avait pas encore fait des pro-
grès bien rapides : Ortega et Cabanillas
n'étaient pas encore assez connus. Quer
fut désigné pour remplir la chaire de bo-
tanique. Les succès qu'obtinrent les le-
çons de ce professeur lui méritèrent de
nouvelles pensions de la cour , et on lui
donna la direction du jardin des plantes
de Buen Retiro. Quer mourut à Madrid
en 1764. Parmi ses ouvrages, on cite les
deux suivans : 1° Dissertation physico-
botanique sur les affections néphréti-
ques , Madrid , 1765 , in-8 ; 2° Flore
espagnole, ou Histoire des plantes d'Es-
pagne , ibid. , 1762 , 4 vol. in-4, avec
une petite Carte de la péninsule et 188
planches. Ortega continua celle Flore ,
et les derniers volumes qui complètent
cet ouvrage parurent en 1784. Le 5* est
précédé de VEloge historique de Quer,
176 QUE
Ce botaniste est le premier Espagnol qui
ait publié un travail sur les plantes de
son pays.
QUERAS (Mathurin), docteur de Sor-
bonne, naquit à Sens, l'an 1614, d'une
famille obscure. M. de Goudrin , arche-
vêque de cette ville , le mit à la tête de
son séminaire, elle fit un de ses grands-
vicaires. Cet ecclésiastique avait été ex-
clu de Sorbonne pour avoir refusé de si-
gner le formulaire , et de souscrire à la
censure contre le docteur Arnauld. Il
mourut àTroyes en lG95,àgé de 81 ans.
Nous avons de lui un Eclaircissement de
cette question : « Si le concile de Trente
» a décidé ou déclaré que Vattrition ,
)) conçue par les ^.eules peines de l'enfer
» et sans amour de Dieu, soit une dispo-
3) sition sufifisanle pour recevoir la rcmis-
■» sion des pt'chés et la grâce de la justifi-
3) cation au sacrement de pénitence ? »
in-8 , 1G85. K défend la négative. Voyez
KÉERCASSEL.
* QUERBEUF ou Quebbokuf (Yves-
Mathurin-Marie de), jésuite, né à Lander-
nau le 13 janvier 172G), élait fort jeune
lorsqu'il entra dans la société de Jésus.
li s'y distingua par ses talens , et occupa
divers emplois importans. A l'époque de
la dissolution de l'ordre des jésuites , il
«e retira dans les Pays-Bas et ensuite en
Hollande. Plus tard il revint à Paris , et
babita d'abord chez la duchesse de Niver-
nois , puis chez le duc de la Vauguyon
qui lui avait confié l'éducation de son
fils. Beaucoup de personnes de distinc-
tion avaient la plus grande confiance
dans ses lumières et ses vertus , et il les
dirigeait dans le chemin du salut. La ré-
volution l'arracha à ses utiles fonctions.
Une seconde fois il quitta la France , et
se réfugia avec la comtesse de Marsan à
Brunswick, oîi il mourut en 1797. Ses
productions sont peu nombreuses , et il
n'a attaché son nom à aucun ouvrage re-
marquable : on connaît seulement de lui
xine Ode sur la naissance du duc de
Berri, et la Fie de Fcnélon, à la tète de
l'édition en 9 vol. in-4 , et VOraisnn fu-
nèbre du duc de Bourgogne , traduit du
latin duPère Willermet. Le Père de Quer-
Jjeuf a publié , comme éditeur, un grand
QUE
nombre d'ouvrages : on regrette que ses
occupations ne lui aient pas toujours per-
mis d'en soigner l'impression. Nous ci-
terons : \° Mémoires pour servir à V his-
toire de Louis , Dauphin de France, re-
cueillis par le Père Griffet , Paris , 1777,
2 vol. in-12 ; 2° Lettres édifiantes et cu-
rieuses écrites des missions étrangères
par quelques missionnaires de lacompU'
gnie de Jésus, Paris , 1780-83 , 26 vol.
in-1 2 . Les relations des divers pays étaient
placées confusément. Le Père de Quer-
bcuf les divisa par contrées , et mit dans
leur ordre les lettres qui avaient rapport
à la même mission et au même pays. Cet
ouvrage a été divisé en quatre parties dis-
tinctes , le Levant , l'Amérique , les In-
des, la Chine avec les royaumes adjacens ;
en tête de chaque partie est une pi'éface,
à la place de celles qui se trouvaient à
la tête de chaque volume de l'édition pré-
cédente. L'édition a été augmentée de
mémoires inédits , de Lettres nouvelles
et des Notes du savant Père Brotier. 3"*
OEuvres de Fénélon, 1787-92 , 9 vol.
in-4. Le clergé de France , qui fit faire
cette édition, la confia d'abord àl'abbé
Gallard ; mais il mit tant de lenteur à
s'acquitter de cet ouvrage , qu'il fallut
songer à le remplacer, et on lui substitua
le Père Querbeuf. L'abbé Gallard n'avait
préparé que très peu de matériaux, et le
Père Querbeuf , dont les occupations
étaient très multipliées , ne put apporter
h ce ti'avail les soins nécessaires. On s'a-
perçoit qu'il n'a pas coUationné les ma-
nuscrits et les différentes éditions , et
qu'il a laissé échapper des erreurs qui
disparaîtront dans la nouvelle édition des
OEuvres del'illustre évêque de Cambrai.
4" Sermons du Père Charles Frey de
Neuville, Paris, 1776 , 8 vol. in-1 3. Il
fut secondé dans cette édition par le Père
Mars , son ancien confrère. 6° Observa-
tions sur le Contrat social de J. J. Rous-
seau ; les Psaumes et Isaïe , traduits en
français , avec des notes et des réfle-
xions morales , par le Père Berthicr. Le
dernier de ces ouvrages fut publié avec
beaucoup de négligence , les fautes y
sont multipliées et les transpositions nom-
breuses. Dans une édition postérieure ,
li
QUE
on a réparé les fautes du Père Querbeuf ,
et l'ou a donné à l'ouvrage le titre qui
lui convenait , en le publiant sous celui
iMOEiivres spirituelles du Père Berthier.
Le Père Querbeuf était reconiniandable
par sa haute piété, par sa modestie et
sa simplicité : il était oncle de l'abbé
Legris-Duval.
• QUERCfA ( Jacques délia ) , sculp-
teur, né en 1358 à Sienne, était déjà
connu par quelques ouvrages qu'il avait
faits pour sa ville natale, lorsqu'il fut
chargé de la construction delà belle fontai-
ne de marbre qui orne la place Del Consi-
glio , ou hôtel de ville, dans la même cité.
Cette fontaine, représentant une vaste
coquille, conserve la ligure de Ja place
oii elle est élevée , et qui ressemble beau-
coup à un vallon creux et régulier. C'est
d'après ce monument que Quercia ne fut
plus appelé que Jacques de la Fontaine^
délia Fontana ; et en effet , son ouvrage
n'est pas inférieur à la superbe fontaine
de Palerme, ni à plusieurs de celles qui
embellissent P>ome, et qui sont, sans
contredit, les plus magnifiques de toute
l'Europe. Quercia eut ensuite la surin-
tendance des travaux de la cathédrale de
Sienne, une des plus remarquables de
l'Italie, soit par la beauté de l'ensemble,
soit par la richesse des marbres qui dé-
corent son extérieur, et encore davantage
par une superbe mosaïque qui forme le
pavé de tout l'intérieur de l'église. Elle
a été construite, à peu de différence
près, sur le modèle de la cathédrale de
Florence, quoiqu'elle n'ait pas l'étendue "
de celle-ci , qui est des plus vastes de
l'Italie. Quercia mourut dans sa patrie en
H 20.
QUERE]NGHI (Antoine), poète ita-
lien et latin, naquit à Padoue en 154G.
Il eut un talent précoce : à l'âge de 1 4 ans,
il expliquait les passages les plus diffici-
les des auteurs grecs et latins, et possé-
dait déjà plusieurs langues modernes. Il
obtint les mêmes succès dans les sciences,
et avant d'avoir atteint sa 25* année, il
savait la philosophie , la jurisprudence ,
la théologie, et avait acquis une grande
réputation comme poète. Son aptitude
pour les affaires le fit appeler à la cour
XI.
QUE lo?
de Rome, où il prit les ordres et fut secré-
taire du sacré collège , sous cinq papes ,
qui l'envoyèrent dans plusieurs missions
importantes auprès des cours de France,
d'Espagne, de la république de Veni-
se , etc. Henri IV voulut l'attirer auprès
de lui ; Querenghi préféra demeurer at-
taché au saint-Siége. Clément VIII Je fit
chanoine à Padoue. Paul V le rappela à
Rome , le nomma son camérier secret ,
référendaire de l'une et de l'autre signa-
ture, et prélat ordinaire. Grégoire XV et
Urbain VIII le conservèrent dans ces
mêmes places; et il mourut à Rome le
V septembre 1633 , âgé de 87 ans. Il a
laissé des Poésies latines, Rome, 1629,
in-8 , et italiennes, ibid-, ICI G, Jn-8. La
plupart de celles-ci sontdes sujets sacrés,
oii l'on trouve de h\ facilité et une grande
pureté de langage. Ces mêmes qualités
distinguent ses Poésies latines, qui sont
écrites avec plus de verve et de chaleur
que les premières, étant composées dans
une langue à laquelle Querenghi s'était
plus particulièrement livré. On y trouve
aussi plusieurs heureuses imitations
iyHorace.
* QUERENGHI (Flavio ), neveu d'An-
toine Querenghi , chanoine de Padoue ,
naquit dans cette ville en 1 580. 11 y com-
mença ses études et les continua à Rome,
à Parme et enfin à Pérousc. Grégoire XV
l'appela auprès de lui , et le fit son ca-
mérier d'honneur. Plus tard Querenglii
fut élu évêque de Veglia ; il refusa cette
dignité pour conserver son modeste ca-
nonicat de Padoue. Il excellait surtout
dans la philosophie morale, ce qui fit
qu'en 1624 le sénat de Venise lui en of-
frit une chaire qu'il accepta. Il mourut
dans cet emploi en 1646. Il a publié les
ouvrages suivans : V Epilome institu-
tionum nwralium; 2" De génère dicendi
philosophorum ; 3° Introductio in philo-
snphiani moraleni Aristotelis. Celte phi-
losophie était le sujet principal de ses
leçons, la destination de la chaire qu'il
occupait étant de l'expliquer. 4" De ho-
nore libri quinqiie ; 5" De cnnsiliariis
principum ; 6" Alcliimia dclle passioni
dell anima, etc.; 1" Raygionamento a
nome dello studio di Padova ad OlLa-
23.
178
QUE
viano Bon. , podesta ; 8" Discàrsi Varj,
curiosi ed eruditi.
* QUERIOLET ( Pierre de ), né le
,14 juillet 1602, dans la ville d'Auroi
en Bretagne, d'un conseiller de parle-
ment qui lui fit donner une éducation
religieuse. Au lieu de profiter des bons
conseils dont il était environné, il vécut
dans ses premières années sans aucune
retenue, n'ayant ni soumission pour ses
parens ni respect pour Dieu. En peu de
temps il devint un libertin consommé :
sa débauche l'entraîna dans d'autres cri-
mes ; il vola ses parens et quitta la maison
paternelle. Après avoir dissipé la somme
qu'il avait prise , il recourut à toute sorte
d'expédiens powr se procurer de l'argent.
Comme il savait parfaitement se servir
de l'épée, il cherchait les occasions de se
battre, et dans ses duels nombreux il fit
beaucoup de victimes. Après avoir erré
dans les pays étrangers et avoir fait le mé-
tier de chevalier d'industrie, il apprit que
son père était mort. Il forma plusieurs pro-
jets et finit par acheter une charge de
conseiller au parlement de Rennes. Cette
place honorable ne le rendit pas plus
sage , son impiété surtout s'accrut en-
core. En vain Dieu voulut-il le ramener à
lui -. la foudre qui éclata plusieurs fois
sur sa tête , qui brûla même une partie
du lit oîi il était couché, qui l'abattit de
son cheval au milieu des montagnes,
ne put le faire rentrer en lui-même. Le
nombre de ses blasphèmes ne diminua
point ; sa corruption alla si loin qu'il
mettait son bonheur à tenter de séduire
des religieuses. Bientôt une grande révo-
lution s'opéra dans de Queriolet. Une
espèce de vision qui dura cinq ou six heu-
res, et pendant laquelle il crut parcourir
l'enfer, produisit sur son esprit une forte
impression. Alors il donna quelques
.signes de conversion et entra même chez
les chartreux pour y faire pénitence.
Mais peu aprè.s il retourna au vice et fut
comme auparavant l'être le plus immoral
et le plus impie. Cependant, au milieu de
sa dépravation, il avait conservé un reste
de dévotion pour la sainte Vierge, et , lors
même qu'il blasphémait le nom de Dieu,
par un<; contradiction aussi bizarre que
OtJE
fréquenté , il [invoquait sa mère. Plus
lard il attribua sa conversion à l'inter-
cession de Marie. Elle s'opéra à Loudun
où il s'était rendu pour séduire une de-
moiselle huguenote. L'un des moyens
de séduction qu'il voulait employer était
d'abjurer le catholicisme. Mais avant
d'exécuter ce projet, il voulut être té-
moin d'une cérémonie qui le frappa :
c'était l'exorcisation de jeunes filles pos-
sédées par le démon. Alors la lumière
entra dans son esprit, et il résolut aussi-
tôt de mener une vie chrétienne. Après
avoir vendu sa charge de conseiller, il
fit un voyage à Notre-Dame de Bonne-
Kouvelle à Rennes, et là il se confirma'
dans sa résolution. Après plusieurs épreu-
ves, il se décida, de l'avis de son direc-
teur, à prendre les ordres sacrés ; il fut
ordonné le 28 mars 1637. Dès lors sa vie
ne présente qu'une suite de mortifica-
tions. Il serait trop long de détailler tous
les genres de privations qu'il s'imposa :
il prit à tâche de maltraiter son corps, et
jusqu'à sa mort ce fut une pénitence
continuelle. Sa fortune fut consacrée au
soulagement des pauvres : souvent il vi-
sitait les hospices et les prisons. Autant
ses premières années avaient donné de
scandale , autant les dernières furent
édifiantes. Il est mort le 8 octobre 1660.
Plusieurs personnes, dit-on , ont été
guéries par ses prières ou en venant vi-
siter son tombeau. Sa vie a été écrite
sous ce titre : Le grand Pt'cheur con-
verti, représente dans deux états de la
vie de M. de Queriolet, prêtre, conseil-
ler au parlement de Rennes, par le Père
Dominique de Sainte- Catherine, reli-
gieux Carme de la province de Touraine
et observance de Rennes, 3* édition,
revue, corrigée et augmentée, Paris,
1671,in-J2.
QUERK (Ignace), jésuite, né en Au-
triche, passa sa vie dans l'instruction dttj
peuple, surtout dans les campagnes, et
futregardé des grands et des petits comme
le modèle des hommes apostoliques.
Vieux et infirme , retiré dans la maison
de Sainte-Anne, qui était le noviciat des
jésuites à Vienne, il exhortait les novices
qui le servaient dans sa maladie à se pour-
QUE
voir d'une vertu ferme et résistante, parce
iju'il arriverait bientôt des temps oii ils
en auraient besoin, et leur disait souvent :
Advenient tempora magnœ tribulatio-
/lis, quibus absque solida vivtute suc-
cumbetis. Gaudebitis si quis vobis micas
de mcnsa sitppeditaverit ; sanguis a ca-
piiibus vestris de/luel . prédiction ac-
complie à l'égard de la société , et à l'é-
gard du clergé en général. Il mourut en
1743, à l'âge de 84 ans.
QUERLON ( Anne-Gabriel Mkusnikr
de), né à Nantes en 1702, mort à Paris,
le 22 avril 1780. ( Il avait été reçu avo-
cat ; mais il renonça à cette profession
pour se livrer à la littérature. L'abbé Sal-
lier l'attacha à la garde des manuscrits
de la bibliothèque du roi. Malgré cela,
il serait tombé dans la misère , si l'abbé
de Saint- Léger ne l'eût fait entrer , com-
me bibliothécaire , chez Beaujon , riche
financier , qui consacrait une grande
partie de sa fortune à protéger les lettres
et à acheter des livres. ) Querlon a donné
un grand nombre d'ouvrages , dont les
principaux sont : 1" Testament littéraire
de l'abbé des Fontaines, 1746, in-12; 2°
le Code lyrique , ou Règlement pour l'O-
péra de Paris , 1743, iu-12; 3°une Edi-
tiorc de Lucrèce, 17 44, in-12, accom-
pagnée de notes très estimées; 4° une
Edition de Phèdre, avec des notes; 5°
une Edition des poésies d'Anacréon ; 6°
Collection historique ou Mémoire pour
servir à l'histoire de la guerre terminée
par la paix d' Aix-la-Chapelle en 1748,
Paris, 17 57, in-12 ; 7° Continuation de
rHistoire des voyages de l'abbé Prévôt ;
8° des Romans, moins fades et moins en-
nuyeux que la plupart des productions
de ce genre ; 9° Traduction du poème
de la Peinture , de l'abbé de Marsy ; elle
est fidèle et élégante ; 1 0° la prélace des
Dons de Comus , ouvrage plein de gaieté
et de finesse; 11" il a rédigé, pendant
22 ans , la feuille périodique intitulée :
Annonces et Affiches, le Mercure, la
Gazette et autres journaux. Critique
éclairé, sage, profond, iî eut le mérite rare
de bien apprécier les talens, de faire va-
loir les ouvrages essentiels , de ne traiter
que légèrement les objets frivoles, d'être
QUE 1^9
ferme et invariable sur les principes du
devoir, de la décence, de la religion,
des mœurs , du bien public et du vrai
goût en matière d'art et de littérature.
Dans les douleurs de ses dernières mala-
dies , il a joui des adoucissemens que les
lettres et la religion peuvent seules pro-
curer. Heureux d'avoir su éviter , au mi-
lieu de l'égoïsme et des factions, tout es-
prit de brigue et de parti , d'avoir vécu
sans faste et sans ambition !
' QUERNO (Camille), poète, naquit
à Monopoli , dans le royaume de Naples ,
vers 1482. Sa facilité à faire des verset
son humeur enjouée lui acquirent bien-
tôt de la réputation et de puissans pro-
tecteurs, qui le recommandèrent à la
cour de Rome. Il y vint en 1514 , et re-
çut un accueil très favorble de Léon X ,
qui l'admit dans sa société intime. Quer-
no ne parlait qu'en vers. Après la mort
de ce pontife ( 1 521 ) , il retourna dans sa
patrie, et consomma en peu de temps ce
qu'il avait amassé à la cour de Rome. Ré-
duit à l'indigence et se trouvant malade,
il fut contraint de se réfugier dans un
hôpital où il mourut en 1530. Il avait
écrit un poème de 20 mille vers, intitulé
VAlexiade, qu'il récitait par cœur.
QUESNAY ( François ) , chef de la
secte des économistes, premier médecin
ordinaire de Louis XV , membre de l'a-
cadémie des Sciences de Paris et de la
société royale de Londres , né à Mercy ,
près de Monfort-l'Amaury, en 1 694 , d'un
laboureur, s'occupa des travaux de la
campagne jusqu'à 16 ans. Il apprit alors
à lire et à écrire , et fit ses délices de la
lecture de la Maison rustique. Le chirur-
gien du village d'Ecquevilli lui donna
quelque teinture de grec et de latin, et
des premiers principes de son art. Ayant
pris la maîtrise en chirurgie, il alla l'exer-
cer à Mantes. M. de la Peyronie le trou-
vant déplacé dans une petite ville , l'ap-
pela à Paris pour être secrétaire de l'aca-
démie de chirurgie, qu'il voulait établir.
Quesnay orna le premier recueil des Mé-
moires de cette compagnie d'une préface
qui donne une idée favorable de ses ta-
lens. La goutte qui le tourmentait lui fit
abandonner la chirurgie pour la méde-
iBù
QUE
cme; mais sonanciep goût pour l'écono-
mie rurale et politique se réveilla à la fin
de ses jours, et il fut regardé comme un
des patriarches de la secte des économis-
tes, qui le perdit au mois de décembre
1774. Elle fit son oraison funèbre; et bien
qu'on ne puisse en approuver l'enthou-
siasme et les exagérations, on doit cepen-
dant reconnaître à Quesnay des qualités
patriotiques et sociales, quoique son gé-
nie égaré par une imagination inquiète et
exaltée ait toujours eu quelque chose
d'exotique et de romanesque, f Voyez
BiQUETi. ) Ses ouvrages sont : 1° Observa-
tions sur les effets de la saignée , 1730,
in-12; réimprimé en 1750; 2"* Essai
physique sur l'économie animale , 1747,
3 vol. in-12 ; oii il développe , suivant sa
manière de voir, l'origine et les progrès,
les excès et les remèdes des passions. Si
on excepte les idées fausses de Quesnay,
ce n'est qu'une suite de plagiats et d'en-
droits copiés dans Boerhaave. 3° VArt
de guérir par la saignée, 1736, in-12. Ce
livre, réimprimé en 1 7 50 offre des raison-
nemens et des principes qui ont été con-
tredits avec raison. 4° Traité des fièvres
continues , 17 53, 2 volumes in-12 : bon
ouvrage ; 6° Traité de la gangrène ,
1749, in-12; 6° De la suppuration,
1749, in-12; 7» Physiocratie , ou Du
gouvernement le plus avantageux au
genre humain, 1768 , in-8 : livre dont
les idées sont aussi singulières que le
stile ridiculement recherché, ampoulé et
amphibologique; 8° divers Opuscules &uv
la science économique, où il y a quel-
ques bonnes vues , mais encore plus de
spéculations fausses, inutiles ou même
dangereuses ; 9° quelques articles de
l'Encyclopédie relatifs à la même ma-
tière. Depuis .sa mort, la secte des écono-
mistes a beaucoup perdu de son crédit :
le public , d'abord engoué des grands
mots d' humanité , de bienfaisance , d'rt-
mour des hommes, etc., a ouvert les yeux
sur cette espèce de charlatanerie, comme
sur les autres , qu'il ne conpaît pour
l'ordinaire qu'après en avoir été dupe.
Voyez TuRGOT. (L'éloge de Quesnay par
Grand-Jean de Fouchy a été inséré dans
le recueil de l'académie des Sciences. Le
QUE
marquis de Mirabeau, l'un des plus grands
admirateurs de Quesnay, et qui, dit on,
l'avait aidé dans la rédaction de quelques-
uns de ses ouvrages, a composé aussi son
éloge; mais il est d'un ridicules! rare que,
s'il faul en croire Laharpe,les curieux l'ont
conservé comme un modèle de galimatias.
Il existe un troisième Eloge de Ques-
nay par le comte d'Albon , Paris , 1775,
in-8. Il a été inséré dans le nécrologe des
hommes célèbres de France. Le portrait
de Quesnay a été gravé par Will in-8 et
in-fol. et par J. Ch. François, à la ma-
nière noire : l'un etl'autre sont également
recherchés. )
QUESNE ( Abraham , marquis du ) ,
né en Normandie en 1610 , apprit le mé-
tier de la guerre sur mer sous son père ,
capitaine habile. Eu 1637, il se trouva
à l'attaque des îles de Sainte-Marguerite,
et l'année d'après, il contribua beaucoup
à la défaite de l'armée navale d'Espagne
devant Cattari. Il se signala devant Tar-
ragone en 1641 , devant Barcelone en
1G42, et l'an 1643 dans la bataille
qui se donna au cap de Gales contre
l'armée espagnole. L'année suivante ,
1644, il alla servir en Suède , oti son , ^
nom était déjà connu avantageusemeut!f1flH
Il y fut fait major de l'armée navale, *
puis vice -amiral. Il avait ce dernier
titre dans la bataille oii les Danois furent
entièrement défaits, et il aurait fait pri-
sonnier le roi de Danemark lui-même,
si ce prince n'avait été obligé, la veille
de la bataille, par suite d'une blessure
dangereuse , de sortir du vaisseau qu'il
montait. Du Quesne , rappelé en France
en 1647 , fut destiné à commander l'es-
cadre envoyée à l'expédition de Naples.^
Comme la marine de France était fo
déchue de son premier lustre , il arma
plusieurs navires à ses dépens en 1650.
Ce fut avec sa petite flotte qu'il obligea
Bordeaux , révolté contre son roi , à se
rendre. Ce qui a le plus contribué à son
éclatante réputation , ce sont les guerres
de Sicile. Ce fut là qu'il eut à combattre
le grand Buyter , et qu'il résista dans
trois batailles, avec un succès presque
égal , aux flottes réunies de Hollande et
d'Espagne, le 8 janvier , le 22 avril et le
QUE
2 juin 1676. Le général hollandais fut
tué dans le second combat. Les vaisseaux
de Tripoli , qui étaient en guerre avec la
France, se retirèrent dans le port de
CLio. Du Quesne alla les foudroyer avec
une escadre de six vaissaux ; et après les
avoir tenus bloqués pendant long-temps,
il les obligea à demander la paix. Alger
et Gènes furent forcés de même à implo-
rer la clémence de Louis XIV. Du Quesne
mourut à Paris en 1088 , à l'âge de 78
ans, dans le calvinisme où il avait été
élevé , laissant quatre fils , dont le plus
connu est Henri , marquis du Quesne ,
qui se distingua par son habileté dans
la guerre et dans la marine. Il mourut à
Genève en 1722 , à 7 > ans. On a de lui
des Réflexions anciennes et nouvelles
sur V Eucharistie , 1718 , in-4, dont les
prolestans font un cas singulier, parce
qu'elles renferment toutes les erreurs de
la secte touchant cet auguste mystère
des chrétiens.
* QUESIVÉ (François-Alexandre), bo-
laniste-cultivaleur , né en 1742 à Rouen,
renonça au commerce qu'il avait em-
hrassé pour plaire à ses parens , et se li-
vra tout entier à la culture des plantes et
à l'élude raisonnée de la botanique. 11
acclimata dans son pays de Bois-Guil-
laume , près de Rouen, plusieurs plantes
exotiques , telles que les mélèzes , les cè-
dres du Liban , et le ginkgobiloba. Il a
publié divers Mémoires et Notices sur
la botanique , la plupart insérés dans le
Recueil de la Société d'émulation de sa
ville natale. Quesne traduisit l'excellent
Discours que M. A.-L. de Jussîeu avait
placé en tête de son Gênera plantarum ;
mais malheureusement ce dernier ou-
vrage est encore inédit. Le travail qui
fait le plus d'honneur à Quesne, comme
écrivain, est la traduction française de la
Philosophie botanique de Linnée, Rouen,
1788 , in-8 , et qui eut beaucoup de
succès. Quesne mourut dans sa patrie le
17 avril 1820 , âgé de 7 8 ans.
QUESNEL (Pasquier), né à Paris en
1034 d'une famille honnête, fit son cours
de théologie en Sorbonne avec beaucoup
de distinction. Après l'avoir achevé , il
entra dans la congrégation de l'Oratoire
QUE i8i
en 1657. Consacré tout entier à l'étude
de l'Ecriture et des Pères, il composa de
bonne heure des livres de piété , qui lui
méritèrent , dès l'âge de 28 ans, la place
de premier directeur de l'institution de
Paris. Ce fut pour l'usage des jeunes élè-
ves confiés à ses soins qu'il composa ses
Réflexions morales. Ce n'étaient d'abord
que quelques pensées sur les plus belles
maximes de l'Evangile. Le marquis de
Laigue ayant goûté cet essai , en fit un
grand éloge à Félix Vialart , évêque de
Châlons-sur-Marne, qui résolut de l'adop-
ter pour son diocèse L'oratorien, flatté
de ce suffrage, augmenta beaucoup son
livre : il fut imprimé à Paris en 1671, avec
un mandement de l'évêquc de Châlons;
et l'approbation des docteurs. Quesnel
travaillait alors à une nouvelle édition
des OEuvres de saint Léon, pape, sur un
ancien manuscrit apporté de Venise, qui
avait appartenu au cardinal de Grimani.
Elle parut à Paris en 1675, en 5 vol.
in 4, fut réimprimée à Lyon en 1700,
in-fol. ; et l'a été depuis à Rome en 3
vol. in-fol. , avec des augmentations et
des changemens. Quelque éloge qu'en
fasse M. du Pin , l'oratorien semble ne
l'avoir entreprise que pour attaquer les
prérogatives du saint-Siége : d'ailleurs il
s'est donné des peines inutilespour prou-
ver que saint Léon est auteur de la lettre
à Démétriade et du livre de la Vocation
des gentils. Le repos dont il avait joui
jusqu'alors fut troublé peu de temps
après. L'archevêque def*aris(M. deHar-
lay), instruit de son attachement aux
nouveaux disciples de saint Augustin, et
de son opposition à la bulle d'Alexandre
YII, l'obligea de quitter la capitale et de
se retirer à Orléans en 1681 ; mais il n'y
resta pas long-temps. On avait dressé
dans l'assemblée générale de l'Oratoire,
tenue à Paris en 1678, un formulaire de
doctrine qui défcndaità tous les membres
de la congrégation d'enseigner le jansé-
nisme et quelques nouvelles opinions en
philosophie, dont on se défiait alors,
parce qu'elles n'étaient pas encore bien
éclaircies. Dans l'assemblée de 1684, il
fallut quitter ce corps ou signer ce for-
mulaire. Quelques membres de la con-
i82 QUE
grégation en sortirent ; Quesnel fut de
ce nombre. Il se retira aux Pays-Bas en
1685, et alla se consoler auprès de M.
Arnauld à Bruxelles. C'est alors qu'il com-
mença à jouer un rôle. Ayant un talent
singulier pour écrire facilement , avec
onction et élégance ; jouissant d'une
santé robuste , que ni l'étude , ni les
voyages, ni les peines continuelles d'es-
prit n'altérèrent jamais; joignant à l'é-
tude le désir de diriger les consciences,
personne n'était plus en état que lui de
remplacer Arnauld. 11 en avait recueilli
les derniers soupirs. Un auteur prétend
« qu' Arnauld mourant l'avait désigné chef
» d'une faction malheureuse. Aussi les
« jansénistes, à la mort de leur pape, de
» leurpère abbé, mirent-ils Quesnel à la
» tête du parti. L'ex-oratorien méprisa
« des titres si fa.stueux , et ne porta que
)) celui de père prieur. H avait choisi
)) Bruxelles pour sa retraite. Le savant
V bénédictin Gerberon, un prêtre nommé
M Brigode, et trois ou quatre autres per-
» sonnes de conAance composaient sa
» société. Tous les ressorts qu'on peut
)) mettre en mouvement, il les faisait agir
« en digne chef du parti. Soutenir le
» courage des élus persécutés , leur con-
» server les anciens amis et protecteurs
» ou leur en faire de nouveaux , rendre
» neutres les personnes puissantes qu'il
» ne pouvait se concilier ; entretenir
» sourdement des correspondances par-
» tout, dans les cloîtres, dans le clergé,
» dans les parlemens, dans plusieurs
» cours de l'Europe : voilà quelles étaient
» ses occupations continuelles. Il eut la
» gloire de traiter par ambassadeur avec
3) Rome. Hennebel y alla, chargé des affai-
» res des jansénistes. Ils firent de leurs
» aumônes un fonds qui le mit en état
» d'y représenter. Il y figura quelque
» temps : il y parut d'égal à égal avec les
» envoyés des têtes couronnées ; mais les
» charités venant à baisser, son train
» baissa de même. Hennebel revint de
» Rome dans les Pays-Bas en vrai pèlerin
u mendiant. Quesnel eu fut au désespoir ;
M mais, réduit lui-même à vivre d'aumô-
ji nés, comment eût-il pu fournir au
» luxe de ses députés ?» Ce fut à Bru-
QUE
selles qu'il acheva ses Réflexionsmorales
iur les actes et les e'pttres des apôtres.
Il les joignit aux lie'fiexions sur les qua-
tre Evangiles, auxquelles il donna plus
d'étendue; L'ouvrage ainsi complet parut
en 1G93 et 1694. Le cardinal delVoailles,
alors évêque de Chàlons , successeur' de
Vialart , invita par un mandement , en
1695, son clergé et son peuple à le lire,
il le proposa aux fidèles comme le pain
des forts et le lait des faibles. Les jésui-
tes, voyant qu'on multipliait les éditions
de ce livre, y soupçonnèrent un poison
caché. Le signal de la guerre se donna
en 1696. Noailles, devenu archevêque de
Paris, publia une instruction pastorale
sur la prédestination , qui occasiona le
Problème ecclésiastique. (Ployez Noail-
les. ) Cette brochure roulait presque en-
tièrement sur les Réflexions morales.
Elle donna lieu à examiner ce livre. Le
cardinal de Noailles convint que la criti-
que était fondée , et fit faire des correc-
tions; l'ouvrage ainsi corrigé parut à
Paris en 1696. La retraite de Quesnel à
Bruxellesayantété découverte, Philippe V
donna un ordre pour l'arrêter : l'arche-
vêque de Malines , Humbert de Preci-
piano, le fit exécuter. On \e trouva au
refuge de Forêt, caché derrière un ton-
neau, n Comme on avait de la peine à le
«reconnaître, dit l'abbé Bérault, sous
)) l'habit séculier qu'il portait, on luide-
» manda s'il n'était pas le Père Quesnel.
» Il répondit avec simplicité qu'il s'ap-
» pelait de Rebecq. DeFresne, deRebecq,
» le Père Prieur : c'étaient là pour lui au-
» tant de noms de guerre, et de pieux
» expédiens , pour éviter les restrictions
» mentales et l'abominable équivoque, >>
On ne laissa pas de saisir de Rebecq, et
on le conduisit dans les prisons de l'ar-
chevêché , d'oii il fut tiré par une voie
inespérée, le 13 septembre 1703. Sa dé=
livrance fut l'ouvrage d'un gentilhomme
espagnol réduit à la misère , qui , plein
d'espoir en la boîte qui vaut la pierre
philosophale, perça les murs de la pri-
son et brisa ses chaînes. En l'arrêtant,
on s'était saisi de ses papiers, et de ceux
qu'il avait d'Arnauld : le jésuite Le Tel-
lier en fit des extraits , dont madame de
QUE
Maintenon lisait tous les soirs quelque
chose à Louis XIV pendant les dernières
années de sa vie. Le monarque y trouva
des motifs nouveaux de ne pas se repentir
des efforts qu'il avait faits pour abattre
cette secte naissante. Quesnel, remis en
liberté , s'enfuit en Hollande , d'oîi il dé-
cocha plusieurs brochures contre l'arche-
vêque de Malines, un des plus sages et
des plus zélés prélats qu'eût alors l'Eglise
catholique. ( Voyez son article.) Cepen-
dant, dès le 1 5 octobre de cette année,
Foresla de Cologne, évêque d'Apt, pro-
scrivit les Réflexions momies. L'année
suivante, on dénonça l'auteur au public,
comme hérétique et comme séditieux. W
était effectivement l'un et l'autre. Le
Père Quesnel se défendit ; mais ses apo-
logies n'empêchèrent pas que ses Ré-
flexions morales ne fussent condamnées
^ar un décret de Clément XI en 1708,
supprimées par un arrêt du conseil en
1711, proscrites par le cardinal de Noail-
les en 1713 , enfin solennellement ana-
' thématisées par la con.stilution Unigeni-
tus, publiée à Rome le 8 septembre de la
même année, sur les instances de Louis
XIV. Cette bulle fut acceptée, le 26 jan-
vier 1714, par les évcques assemblés à
Paris, enregistrée en Sorbonne le 5 mars,
et reçue ensuite par le corps épiscopal,
à l'exception de quelques évoques fran-
çais qui en appelèrent au futur concile.
De ce nombre était le cardinal de Noail-
les, qui dans la suite abandonna le parti
avec éclat. Quesnel survécut peu à ces
événemens. Après avoir employé sa
vieillesse à formera Amsterdam quelques
églises jansénistes, il mourut dans cette
■ville en 1*19, à 85 ans. ( Voyez Causa
quesnelliana , Bruxelles, 1704, in--! , et
Ilistoria Ecclesiœ ultrajectinœ a tem-
pore mutatœ religionis, par Hoynck Van
Papen Drecht, Malines, 1725, in-folio. }
La manière dont il s'expliqua dans ses
derniers momens est remarquable. 11
déclara dans une profession de foi : « Qu'il
j> voulait mourir comme il avait toujours
' vécu, dans le sein de l'Eglise catholi-
que ; qu'il croyait toutes les vérités
» qu'elle enseigne ; qu'il condamnait
» toutes les erreurs qu'elle condamne j
QUE ï83
» qu'il reconnaissait le souverain pontife
i> pour le premier vicaire de J. C, et le
j) siège apostolique pour le centre de
3) l'unité. » Dans le cours de la même
maladie , il rappela à une personne qui
était auprès de lui les accusations qu'on
avait formées contre lui à Louvain tou-
chant ses mœurs, etassura qu'elles étaient
mal fondées. Quelque temps auparavant,
son nCveu Pinson lui ayant demandé
conseil sur le parti à prendre dans les
disputes qui l'avaient tant occupé, il lui
recommanda de rester attaché à l'Eglise :
« Les manières outrageantes des jésuites,
» ajouta-t-il , m'ont engagé à soutenir
» avec opiniâtreté ce que je soutiens
« aujourd'hui. » Ce détail se trouve dans
une lettre de M. Pinson, sculpteur, à M.
Poncet de la Rivière , évêque d'Angers.
On a de Quesnel : 1° Lettres contre les
nudités, adressées aux religieuses qui
ont soin de l'éducation des filles., in-12,
1686 ; 2° L'Idée du sacerdoce et du sa-
crifice de Jésus-Christ , dont la seconde
partie est du Père de Ondren , deuxième
supérieur-général de l'Oratoire. On . a
plusieurs éditions de cet ouvrage, qui est
in-12. Z'^Les trois consécrations, la con-
sécration baptismale , la consécration
sacerdotale,et la consécration religieuse.,
in-12, avec l'ouvrage précédent; ^° Elé-
vations à N.S. J. C. sur sa passion et sa
mort, etc., in-16 ; 5° Jésus pénitent,
in-18 ; 6° Du bonheur de la mort chré-
tienne, in-12; 7° Prières chrétiennes,
avec des pratiques de piété, 2 vol. in-12;
8° Office de Jésus , avec des réflexions^
in-12 ; 9" Prière à N. S. J. C. au nom
des jeunes gens, et de ceux qui désirent
de lire la parole de Dieu, et surtout VE-
vangile ; brochure in-12 ; 10"= Eloge his-
torique de M. Desmahis , chanoine
d'Orléans, à la tête de Vérité de la reli-
gion catholique , etc., de ce chanoine.
Tous ces ouvrages ont été souvent réim-
primés, i l" Re'cueil de Lettres spirituel-
les sur divers sujets de morale et de
piété, in-1 2, 3 vol., Paris, 1 72 1 ; 12° Tra-
dition de l'Eglise romaine .mr la
prédestination des saints et sur la grâce
efficace, Cologne, 1687,4 vol. in-12,
sous le nom du Sr. Germain, docteur eu
i84 QUE
théologie. La matière y est traitée con-
formément aux maximes adoptées par
l'auteur. 1 3° La Discipline de l'Eglise,
tirée du nouveau Testament et de quel-
ques anciens conciles, 2 vol. in-4. Lyon,
1689. Ce ne sont que des mémoires im-
parfaits, fruits des conférences sur la
discipline qu'il avait été engagé de faire
par ses supérieurs. 1 4° Cause arnaldine,
in-8, 1699, en Hollande. On voit dans
cet ouvrage tout ce que l'esprit de parti
peut inspirer d'ardeur pour la défense
du chef. Il le fit entrer en partie dans la
Justification de M. Arnauld, 1702, 3 vol.
in- 12. 15" Entretiens sur le décret de
Rome, contre le nouveau Testament de
Châlons , accompagnés de réflexions
morales ; 16° sept Mémoires en 7 vol.
in-12, pour servir à l'examen delà con-
stitution Unigenitus ; une grande quan-
tité d'ouvrages sur les contestations dans
lesquelles il s'était engagé, dont il est
inutile de donner la liste , depuis que la
secte dont il fut le coryphée a professé
ouvertement le déisme et l'athéisme ,
comme on l'a pu voir dans la révolution
de France en 1789 et suiv.
QUESNEL (Pierre), surnommé Be-
nard, mort à La Haye vers 17 74, âgé
de 7 5 ans, est connu dans la république
des lettres par plusieurs ouvrages, et
principalement par VHistoire de la com-
pagnie de Jésus y dont les quatre pre-
miers volumes ont été imprimés à
Utrecht en 1741. Cet écrivain, qui avait
achevé, trois mois avant sa mort , cette
Histoire , à laquelle il avait employé la
plus grande partie de sa vie, s'est déter-
miné, peu d'heures avant de rendre le
dernier soupir, et à la persuasion de cer-
taines personnes qui lui en ont fait un
cas de conscience , à en faire brûler le
manuscrit , qui aurait fo'rmé 20 volumes
Jn-12. (M. Barbier croit que cet abbé
Quesnel est neveu de Pasquier; cepen-
dant on ne sait rien de positif sur ce per-
sonnage. )
QUESNOY ( François du ), connu sous
le nom du Flamand, sculpteur, natif de
Bruxelles, mort à Livourne en 1044, âgé
de 52 ans , travailla principalement en
Italie et dans les Pays-Bas. Les compo-
QUE
BÎtions de cet ingénieux artiste Sùni d'un
goût et d'une élégance admirables. Il a
fait beaucoup de petits bas-reliefs en
bronze, en marbre, en ivoire, etc., et de
petites figures en cire, qui représentent,
la plupart, des jeux d'enfans , des bac
chanales et autres sujets gais, traités
avec un art et un esprit exquis. Ils sont
fort recherchés des curieux.
QUESINOY (Jérôme du), frère du
précédent, excella comme lui dans la
sculpture. On voit les chefs-d'œuvre de
cet artiste aux Pays-Bas. On admire sur-
tout le mausolée de Triest, évêque de
Gand, dans l'église cathédrale de cette
ville. C'est un des plus beaux ouvrages
de sculpture qui soient dans ce pays ; il
est composé d'une manière grande, exé-
cuté avec correction et finesse. Jérôme ,
dont les vices égalaient les talens, fut
surpris en finissant ce mausolée dans le
crime, de pédérastie , et brûlé dans la
même ville le 24 octobre 1654. Plusieurs
de ses ouvrages se ressentent de la cor-
ruption de son cœur.
QUETIF (Jacques), né à Paris en
1618, prit l'habit de Saint-Dominique,
fut bibliothécaire du couvent des domi-
nicains de la rue Saint-Honoré, et mou-
rut le 2 mars 1698, h 80 ans. On a de
lui 1° une Edition des opuscules et des'
lettres de Pierre Morin ; 2° une nouvelle
Edition du Concile de Trente , in-12 ; 3"
une nouvelle Edition de la Somme de
saint Thomas, en 3 vol. in-fol. ; i" lés
Lettres de Savonarole, et sa fie par
Jean-François Pic de la Mirandole ; 5" il
préparait une Bibliothèque des auteurs
de son ordre , qui fut finie par le Père
Echard, son confrère. Toutes ses produc-
tions sont des témoignages avantageux
de son érudition. Sa vertu égalait son
savoir, et son savoir était très étendu.
QUEUX (Claude Le), chapelain de
li»aint-YvesàParis, mort en 17(18, a donné
des Traductions de plusieurs traités de
saint Augustin et de saint Prosper sur là
grâce et sur le petit nombre des élus. De
plus, il a composé : 1° TjCs dignes fruits
de pénitence , 1742, in-12 ; 2" Le Chré-
tien fidèle à sa vocation , 1 748 et 1761 ,
in-1 2 j 3° £e Ferbe incarné, 1 759, in-12j
QUE
A' Tableau d'un vrai chrélien, 1748,
in-12 ; 5° Mémoire justificatif de Y Ex-
position de la doctrine chrétienne de
Mesenguy ; 6° un Traité dupetit nombre
des élus , traduit du latin de Foggini. Il
a travaillé aussi avec l'abbé Le Roi', ex-
oratorien, à une édition de l'Histoire des
variations par Bossuet , 6 vol. in-12,
1772, avec la Défense, les Avertisse-
mens aux proies tans , etc. ; mais ce qni
l*a fait le plus connaître, est le Prospec-
tus de la nouvelle édition des OEuvres
de ce prélat , abandonnée ensuite à dom
de Floris et autres bénédictins : édition
proscrite par le clergé de France, et en-
treprise précisément pour corrompre les
écrits de ce grand homme , et rendre sa
foi suspecte. On raconte au sujet de l'abbé
Le Queux l'anecdote suivante , que nous
transcrirons telle qu'elle nous a été com-
muniquée. « Feu M. Riballier, syndic de
» la faculté de Paris, parlant à M. l'abbé
» Le Queux du petit ouvrage qu'avait faU;
» ce prélat sur le formulaire d'Alexandre
» VU, lui dit que sûrement il avait du
» le trouver parmises manuscrits. L'abbé
» répondit qu'effectivement il l'avait
M trouvé, mais qu'il l'avait jeté au feu.
» M. Riballier lui fit à ce sujet une répri-
>j mande convenable. » Nous pouvons
citer les personnes les plus respectables
qui vivent encore, et à qui M. Riballier a
fait part de celle anecdote. Il n'en reve-
nait pas toutes les fois qu'il racontait cette
impertinente réponse. Voyez Soardi.
QUEYEDO DE ViLLEGAs (D. François),
né à Madrid en 1680 d'une famille noble,
étudia à Alcala , où il fit de rapides pro-
grès dans toutes les sciences, sans excep-
ter la médecine, la jurisprudence et la
théologie. Il possédait en outre le latin,
le grec , l'hébreu , l'arabe , l'italien et le
français. Un duel qu'il eut en Espagne,
pour défendre xine dame , l'obligea de
passer à Palerme, où le duc d'Ossune le
nomma inspecteur général des finances.
Ce même seigneur lui ayant obtenu sa
grâce, il revint en Espagne , et fut em-
ployé à diverses négociations auprès de
plusieurs cabinets. La disgrâce du diic
d'Ossune entraîna la sienne; il fut arrêté
. en 1620 et transporté dans une de ses
QUE
i85
ferres , où on le retint trois nos. Ayant
recouvré sa liberté, il demanda les arré-
rages de sa pension, et il fut exilé. Rap-
pelé à Madrid , le duc d'Alvarès l'investit
de la charge de secrétaire du roi , et il
lui offrit l'ambassade de Gènes, qu'il ne
voulut pas accepter. Il se maria à l'âge
de 54 ans, après avoir renoncé à plusieurs
bénéfices ecclésiastiques qu'il possédait.
II fut bientôt accusé d'un libelle contre le
ministère ; ses bien furent saisis, et il se
vit jeté dans un cachot, et réduit à vivre
d'aumônes. On trouva enfin le vérifabia
auteur du libelle, et Quevedo sortit de la
prison. Il se retira dans sa terre de la
Juan Abad,où il mourut en 1645, âgé
de 65 ans. Il était chevalier de Saint-
Jacques. Cet auteur est mis au rang des
plus célèbres écrivains de sa nation. Il
s'est exercé dans plusieurs genres de poé-
sie. On a de lui : 1 " des Pièces héroïques;
2° des lyriques; 3° àt?, facétieuses. Il
publia ses différentes poésies sous le titre
de Parnasse espagnol, Madrid, 1650,
in- 4; 4" des Traductions; h^V Aventurier
Buscon : mauvais roman, traduit en fran-
çais, 1776, 3 brochures in-12; 6° les
faisions. A ces ouvrages il faut ajouter
la Politique de Dieu ; la f^ie de saint
Paul , Conte des contes , des Comédies,
des Satires, etc., etc. Ses productions
en vers et en prose ne manquent ni d'i-
magination ni d'agrémens. Ses ouvrages
ont été rectieillis à Bruxelles en 3, vol.
in-12, et traduits en français et imprimés
dans la même ville en 2 vol. ( On peut
consulter avec fruit V Histoire de la litté-
rature du Midi par M. de Sismondi , et
VHistoirc de la littérature espagnole
par 31. Bouterwéck. )
' QUEVEDO-Y-QUINSANO ( Pierre
de Alc ANTARA dc), cardinal et évêque d'O-
ranse en Galice, naquit le 12 janvier
1736àVilla-Nuova di Fresno(Viile-Neuve-
du-Frêne'), dans l'Eslramadure , d'une
famille recommandable par ses vertus et
par sa noblesse. Le jeune Quevedo fit ses
études à l'université de Salamanque où
il prit le grade de docteur. Ayant em-
brassé l'état ecclésiastique, il devint
bientôt chanoine de Salamanque et in-
quisiteur du saint-otfice. En 17 76, le roi
24.
t86 QUE
Charles lU le nomma évêque d'Orense ea
Galice. Ce n'était peint un siège riche,
ni un poste brillant; il n'eu fut que plus
cher à Qucvcdo, et son humble troupeau
n'en eut que plus de droit à son intérêt:
il prêchait assidûment, répandait d'a^
boudantes aumônes, maintenait la dis-
cipline parmi son clergé , faisait de fré-
quentes visites dans son diocèse pour s'as-
surer du bien qu'il y avait à faire, et des
abus qu'il fallait réprimer. Le cardinal
Delgado étant mort en 17 82, et ayant
laissé le siège de Séville vacant, Charles
III y nomma Quevedo. Aussi désintéressé
que modeste, l'évêque d'Orense supplia
le roi de le dispenser d'accepter celte
place, et de le laisser à sa première épouse.
Lorsque la persécution révolutionnaire
obligea les ecclésiastiques français de
quitter leur patrie, Quevedo accueillit
honorab:emeut tous ceux qui cherchèrent
un asile dans son diocèse. Il les logea
dans ses séminaires, dans sa maison de
campagne et même dans son palais. Il
fournit à tous leurs besoins. Le nombre
ne l'efliayait pas, et plus il s'en présen-
tait, plus la Providence semblait multi-
plier les ressources dans ses mains chari-
tables. Il aidait également des familles
d'émigrés retirées en Galice. On a évalué
à plus de 80,000 f. ce qu'il consacrait par
an à celte bonne œuvre, pour laquelle il
mérite la reconnaissance de toutes les
âmes généreuses. Quand Duonaparles'em-
para de l'Espagne , fidèle à son roi , il ne
voulut reconnaître ni un maître étranger,
ni le pouvoir que s'arrogeaient les corlès ,
et refusa de se prêter aux vues de ces as-
semblées. Proscrit par elles, il se relira
dans une partie de son diocèse , située en
Portugal, et y demeura jusqu'au retour
de Ferdinand Yll, en 1814. Un des pre-
miers soins de ce prince , rendu à ses
étals, fut de rappeler, l'évêque d'Orense,
et de le nommer à l'archevêché de Sé-
ville, qui se trouvait de nouveau vacant.
Quevedo, pour la Seconde fois, refusa ce
riche bénéfice. La lettre qu'il écrivit à
ce sujet au ministre secrétaire d'état est
un modèle de désintéressement et de mo-
destie. Foyez-\a. dans l'Ami de la reli-
gioftf tom. 1 , p. 831. Ferdinand voulut
QUE
bien agréer ses excuses ; et, pour lui don-
ner du moins une marque de sa considé-
ration et de son estime, il lui envoya le
grand-cordon de l'ordre de Charles III.
Quelque temps après, il le présenta au
cardinalat. Pie VII l'élcva à celte dignité
dans le consistoire du 8 mars 18IG ; mais
il ne fut déclaré que le 23 septembre
suivant. Sa modestie et ses autres verlus
apostoliques ne reçurent aucune atteinte
des honneurs dont il fut comblé malgré
lui. Le vénérable pasleur mourut presque
subitement dans son palais épiscopal, la
nuit du 27 au 28 mars 1818, regretté de i
son clergé et de son peuple. Il commen- '
çait sa 83^ année. En 1801 , les prêtres
français firent graver son portrait à Ma-
drid , avec cette inscription : Consolatus
est lufjentes inSion, eleemoiynas ejus
enarrabit omnis Eccltsia sanctorum.
* QUEYSEIN (Guillaume), homme d'é-
tat , né à Zwolle, le 31 mai 1754, suivit
d'abord avec succt*s la carrière du bar-
reau. Nommé ensuite membre du conseil
municipal de Zwolle, il fit partie, en
1775, des étals de la province, qui l'é-
lurent député des états-généraux..Membre
de la première Convention nationale de
la république batave, il s'y montra fort
modéré, déploya de grands talens ora-
toires, et fut de la commission chargée
de rédiger la nouvelle conslilulion. Il fut
réélu député à la seconde Convention,
et devint membre du comité des affaires
étrangères. Queysen se déclara toujours
contre les mesures violentes , et ne dé-
sirait qu'une sage liberté; aussi le parti
démagogiqueayant pris le dessus, Quey-
sen fut arrêté et relégué, comme pri-
sonnier d'état, à Horn , où il demeura
jusqu'au mois de juin 1798. Le parti op-
presseur ayant à son tour été vaincu,
Queysen recouvra sa liberté; mais il ne
voulait plus se mêler d'affaires politiques.
Cependant les vœux de ses concitoyens
lui firent quitter sa retraite : employé
pour la troisième fois, il fut nommé
membre du directoire exécutif de la ré-
publique batave jusqu'en 1805, époque
de la dissolution de cette assemblée. Lors-
que la Hollande fut érigée en royaume
par Buonaparte, Queysen fut nommé
QUI
conseiller d'état : le roi Louis Buona-
parte lui confia en même temps la di-
rection générale des postes, et lui donna
la croix de l'ordre de l'Union. Qucysen
était, en 1803, préfet de l'Osl-Frise,
pays ajouté au nouveau royaume. A l'é-
po(|ue de la réunion de la Hollande à
l'empire français, Buonaparle appela
Qucysen à Paris, el le nomma mcnibre'du
corps législatif. La chute de Napoléon
ramena Qucysen en Dclgique, et lors de
la création du royaume des Pays-Bas , en
faveur de la maison d'Orange , le roi
Guillaume lui conserva son titre de con-
seiller d'état, et le créa chevalier de l'or-
dre du Lion-Belgique. Ce monarque ayant
formé une commission pour vérifier les
lois fondamentales de l'éiat , Qucysen en
fit partie. 11 se prononça , en présence de
ce même souverain, pour la liberté de la
presse et la publicité des délibérations
dç la seconde chambre des états-géné-
raux ; et, malgré l'opposition la plus
vive, l'opinion de Queysen prévalut. Sa
santé s'étant visiblement altérée, Quey-
sen se retira à Zorgviiet, village près de
La Hay e , oii il mourut le 1 1 avril 1817,
âgé de 63 ans.
QUIEN DELA Neufville (Jacques Le),
né à Paris en 1647 , capitaine de cavale-
rie, d'une ancienne famille du Boulon-
nais , lit une campagne en qualité de ca-
det dans le régiment des gardes françai-
ses, et qiiiKa ensuite le service pour le
barreau. Il était sur le point d être pour-
vu de la charge d'avocat-général de la
cour des monnaies, lorsqu'une banque-
roule 'considérable faite à son père dé-
rangea ses projets, et le réduisit à cher-
cher une ressource dans la littérature.
Après avoir appris l'espagnol et le portu-
gais , il donna , en 1700 , en 2 vol. in-4,
Vliisloire géncrale de Portugal ; ouvra-
ge qui lui mérita une place à l'académie
des Inscriptions, en 1706.LeQuien n'a
conduit celle histoircque jusqu'en 1521,
à la mort d'Emmanuel P"" ; et outre que
son ouvrage n'est pas fini , il a plusieurs
autres défauts. La Clède , secrétaire du
maréchal de Coigni, qui donna, eij
1735, en 2 vol. in-4 , et en S in-12, une
Nouvelle Histoire de Portugal, conduite
QUI 187
jusqu'à nos jours , prétend que Le Quiea
a supprimé dans la sienne un grand nom
bre de faits imporlans, et a passé légère-
ment sur beaucoup d'autres : mais, mal-
gré sa critique, l'ouvrage de Le Quien
est avec raison préféré au sien. Son traité
De l'usage des postes chrz les anciens et
les modernes , Paris, 17 3 '1, in-12 , lui fit
donner la direction d'une partie de cel-
les de la Flandre française. Il alla s'éta-
blir au Quesnoy, elil y demeura jusqu'en
1713, que l'abbé de Mornay , ambassa--
deur en Portugal , l'cmmciia avec lui,
comme un homme inlelligent et un con-
fident sûr. Ce voyage lui fut aussi avan-
tageux qu'honorable. Le roi de Portugal
lui donna une pension de 1,500 livres,
payables en quelque lieu qu'il fût, et le
nomma chevalier de l'ordre du Christ.
Le Quien crut ne pouvoir mieux le re-
mercier qu'en travaillantà finir son HiS"
toire de Portugal; mais sa trop grande
application lui causa une maladie, dont
il mourut à Lisbonne, en 1728, à 81 ans,
laissant deux fils.
QUIEN (Michel Le) , dominicain , na-
quit à Boulogne en 1061 d'un mar-
chand. Etant venu achever ses études à
Paris, il s'y rendit habile dans les lan-
gues, dans la théologie et dans l'anti-
quité ecclésiastique. Il fut aimé par ses
confrères et consulté parles savans, qui
trouvaient en lui un critique habile et
un littérateur poli , toujours prêt à com-
muniquer ses lumières. Ce pieux et sa-
vant dominicain mourut à Paris, en 17 33,
à 72 ans. Ses principaux ouvrages sont :
1° la Défense du texte hébreu contre le
Père Pezron, avec une réponse au même
Père , qui avait réfuté cette Défense , in-
12. ( /^oyes MoRiN Jean et Cappel. ) 2"
Une Edition des OEuvres de saint Jean
Damascène, en grec et en latin, 3 vol.
in-fol.,ni2 ; 3" un traité contre le schis-
me des Grecs, qu'il a intitulé : Pannplia
contra schisnia Grœcorum , in-4 , sous
le nom CC Etienne de Altimura ; 4" Nul-
lité des ordinations anglicanes, contre
le Père Le Courayer, 4 vol. iii-12; 5°
plusieurs Dissertations dans les Mémoi-
res de littérature et d'histoire , recueil-
lis par le Père Desmolets ; C° Oriens
ifia. ♦ QUI
chrislianus , in quatuor palrMichatus
digestus , m quo exhibentur Ecclesiœ
patriarchce , cœierique prœsules Orien-
tis , 3 vol. jn-fol., 1740, Paris, de l'im-
primerie royale. Ouvrage qui renferme
toutes les Eglises orientales , sous les qua-
tre grands patriarcats de Conslantiuo-
ple , d'Alexandrie , d'Antioche et de Jé-
rusalem. L'auteur y donne la description
géographique de chaque diocèse des
villes cpiscopales. Il rapporte l'origine
ft l'établissement des Eglises, leur éten-
due, leur juridicliou , leurs droits, leurs
prérogatives , leurs prétentions, la suc-
cession et la suite de leurs évêques , le
gouvernement politique , les change-
uiens qui y sont arrivés , etc. La Gallia
chrisiiana àe Sainte-Marthe lui a servi
de modèle, et il t'a très bien imitée.
QUIETUS (Fulvius), second fils de Ma-
crien , se distingua dans les armes, et
fut fait tribun par Valérien. Son père
ayant été déclaré empereur en 261 par
l'armée d'Orient, lui donna le titre d'Au-
guste , et partagea son autorité avec lui
«tMacrien le jeune. Macrien le père vou-
lut aller se faire reconnaître 'în Occident
où Gallien régnait ; il laissa à Quietus le
soin de défendre l'Orient contre les Per-
ses. Quietus signala dans cette occasion
ses talens militaires. Mais son pèi'e etsoa
frère ayant été tués , Odénat , qui l'avait
très bien servi jusqu'alors , lui enleva
une partie de ses troupes, et mit le siéje
devant Emese, où l'infortuné prince s'é-
tait renfermé. Les habitans le sacrifièrent
à leur sûreté , et après lui avoir donné la
mort , ils jetèrent sou cadavre dans les
fossés de la ville. Ce fut à la fin de juillet
de l'an 262. Son règne ne fut que d'envi-
ron 1 7 mois ; mais dans un si court es-
pace , il parut très capable de bien gou-
verner un empire.
QUIGNOINEZ (François de), car-
dinal , était fils du comte de Zuma , et
naquit à Léon vers la fin du 15^ siècle.
41 fut page du cardinal Ximenès, et quitta
cet homme célèbre pour entrer chez les
eordeliers. Quignonez parvint par ses
talens à la place de général .de son or-
dre en 1522. L'empereur Charles-Quint,
qui l'aimait siutaat qu'il l'estimait , le fit
QUI
membre de son conseil de conscience.
Lorsque Clément VII eut été fait prison-
nier, en 1 627, par les troupes de ce prince,
Quignonez fut chargé par ce pontife de
négocier la paix et d'obtenir sa liberté.
Ses soins lui ayant réussi , il fut honoré
de la pourpre , envoyé légat en Espagne
et à Naples , fait évèque de Coria , et
mourut a'Varnli, eu 1640, après avoir
donné une grande idée des lumières de
son esprit et des qualités de son coeur.
Ou a de lui un Bréviaire { Breviarium
romanum sacra polissimiim Scriptura
el probatis sanctorum historiis confec-
tum), imprimé à Rome, en 1636 , au-
jourd'hui assez rare. La préface en est
belle , et mérite d'être lue. On a suivi en
partie , dans les nouveaux Bréviaires de
France , le plan proposé par ce cardinal;
et si celui de Paris était pendant toute
l'année comme il est au temps pascal , il
y serait entièrement conforme. Les Heu-
res canoniales sont réduites à trois psau-
mes , et les Slatines à trois leçons ; le
Psautier y est distribué de façon qu'on
peut le réciter en entier dans chaque se-
maine : mais les psaumes y sont morce-
lés , ce qui fait un défaut essentiel par la
confusion qu'il y a dans les idées , relati-
vement au nombre , à la nature et à l'ob-
jet de ces divins cantiques, par l'extinc-
tion de l'enthousiasme poétique qui en
a dessiné les liaisons et fixé l'ensemble
de la manière la plus inviolable. ( F'oyez
le Jour. hist.etUtt., 1«' novembre 1786,
pag. 471 , 1<^' octobre 1792 , pag. 196;
avantages de l'ancien et du nouveau
Bréviaire comparés ,ibid., 1«' septembre
1792, p. 13.) Pie r , ne voulant
d'ailleurs pas autoriser par son silence
la circulation d'un ouvrage liturgique
qui n'avait aucune sanction , le suppri-
ma. On le réimprima à Paris , in-8 , vers
l'an 1676 -. il est recherché par les savans,
surtout des liturgistes. Foyez Robi.net
Urluiin.
QUIGNONEZ (Jean de), médecia
espagnol , de la même famille que le pré-
cédent , naquit vers IGOO. Il exerçait la
médecine par goût et non par intérêt.
Ses amis , à qui il portait généreusement
du secours dans leurs maladies , éprou-
QUI
Tèrent plus d'une fois combien il était in-
struit dans l'art des guérisons. Il nous
reste de lui , sur les langoustes ou sau-
terelles , un traité écrit en espagnol , et
qui est curieux et peu commun. Il fut
imprimé à Madrid, in-4 , en 1620. Qui-
gnonez est encore auteur d'un Traité
assez recherché , imprimé à Madrid , eu
1G32, in-4, sous ce titre : ^Z monte
Fcsuvio. Il est curieux. Cet auteur, com-
me on voit, avait embrassé plus d'une
science. Outre celle de l'histoire natu-
relle , à qui nous devons les deux traités
précédons , il cultiva aussi celle des an-
tiquités. Il a laissé un Traité , en espa-
gnol , sur quelques monnaies des Ro-
mains, imprimé à Madrid , en 1620,
in-4 : il est peu commun.
QUILLARD (Pierre-Antoine), pein-
tre , né à Paris, vers 17 00 , fut élève de
Wateau , dont il suivit le stile. Son dessin
était parfait, et dès l'âge de 1 1 ans , il
donnait de si belles espérances, que le
cardinal de Fleury présenta quelques-
uns de ses ouvrages à Louis XV , et ce
monarque le gratifia d'une pension. Un
médecin suisse, attaché à la cour de Lis-
bonne , nommé Merveilleux , l'engagea à
passer en Portugal pour dessiner les pro-
ductions végétales de ce royaume, dont
il voulait composer un herbier. Lorsque
Quillard fut arrivé dans la capitale, le
roi dom Joseph lui assigna une pension
de 80 cruzados ( 400 fr. ) par mois. Après
avoir travaillé quelque temps à la Flore
du médecin Merveilleux , il peignit les
plafonds de l'appartement de la reine ,
et plusieurs tableaux , très estimés , dans
l'hôtel du duc de Cadaval. Il grava en
outre, sur ses propres dessins, toutes
les planches représentant la pompe fu-
nèbre du duc de Nunho , Olivarès Pe-
reyra , Lisbonne, 1730 , in-fol. Quillard
est mort à Lisbonne en 1733.
QUILLET ( Claude), poètç latin mo-
derne, né en 1602 à Chinon en Tou-
raine, exerça d'abord la médecine.
Il se trouva à Loudun, dans le temps
que Laubardemont fut envoyé par le
cardinal de Piichelieu dans cette ville,
pour prendre connaissance delà fameuse
alTaire d« Grandier. On sait qu'il était
QUI 189
question de sortilège. Le diable s'était
emparé des religieuses de Loudun , par
le ministère, à ce qu'on prétendait, du
malheureux curé, ( Voyez Grandier ,
Mesnardière. ) Quillet laissa échapper
quelques discours qui offensèrent le car-
dinal , et écrivit un traité où il se trouva
plusieurs assertions propres à lui causer
du désagrément. (Quillet fit paraître quel-
ques doutes sur la culpabilité de Gran-
dier; ce qui déplut à Laubardemont ,
créature et affidé de Pvichelieu.) S'étant
retiré en Italie , il y embrassa l'état ec-
clésiastique , et le maréchal d'Estrées,
ambassadeur de France à Rome , le prit
pour son secrétaire. Ce fut dans cette
Ville qu'il commença sa Callipédie , poè-
me en quatre chants, qu'il termina à Pa-
ris, où il revint après la mort de Riche-
lieu. La Callipédie fut imprimée à Leyde,
en 1655, sous ce titre : Calvidii Lceti
CalUpœdia , sive de pulchrœ prolis ha-
bendœ ratione , in-4. L'auteur le publia
sous un nom étranger, parce qu'il y
avait lancé plusieurs vers satiriques con-
tre le cardinal Mazarin. Ce ministre le
découvrit , et ne s'en vengea qu'en lui
donnant une abbaye : Apprenez , lui dit-
il, à ménager davantage vos amis. L'ab-
bé Quillet , pénétré de reconnaissance ,
donna une nouvelle édition de son poè-
me à Paris, en 1656 , in-8 , la dédia au
cardinal , et substitua l'éloge à la satire.
Cet auteur mourut quelque temps après,
à Paris , en 1661 , à 59 ans. Son poème
est intéressant par la juste distribution
des parties, par l'ingénieux emploi de la
fable , par la variété des épisodes ; mais
sa versification ne se soutient pas, la
diction n'est pas toujours correcte, et la
bonne latinité y est blessée en quelques
endroits. La matière n'y est pas traitée
avec solidité , et ne pouvait pas l'être ;
on y trouve quelques erreurs populaires :
il y débite sérieusement les extravagan-
ces de l'astrologie judiciaire. Un défaut
plus grave , c'est un grand nombre de
peintures trop libres; il est vrai que le
sujet semble les amener , mais où est la
nécessité de traiter de tels sujets? On a
publié, in-12, en 17 46, une traduction
française en prose de ce poème, par Mon-
»9o QUI
tenault d'Egly ; et en 1774, une en vers
fiançais avec le texte latin, in-8. Cail-
lai], médecin de Bordeaux, en a publié ,
en 1709, une traduction nouvelle avec
le lexle latin et une notice sur Quillet.
Ce qui est rcprébcnsible dans le latin
l'est bien davantafjc encore dans le fran-
çais. ( Quillet avait écrit un Poème sur
Henri IV ; il le laissa à Ménage avec 600
écus pour le faire imprimer ; Ménage
garda l'argentet oublia le poème quis'est
perdu.)
QUILLIN. Fnyez Quelliî^.
* QUILLOÏ ( Claude ) , ecclésiastique,
né à Arnay-le-Dùc en Bourgogne , vers
le milieu du 17* siècle , d'une famille
pauvre , fit ses premières éludes dans sa
ville natale, et les continua à Dijon, où il
entra chez un conseiller au parlement de
cette ville en qualité de précepteur de
ses enfans. Il avait de la piété : l'idée de
mener une vie pénitente lui fit prendre
la résolution de se l'aire chartreux. Il se
présenta chez ces pères , y fut admis , et
les édifia par son zèle et sa régularité ;
mais ses forces ne répondirent point à sa
bonne volonté. Il ne put soulenir l'austé-
rité de cette vie , et fut obligé de rentrer
dans le monde. L'évêque de Langres lui
conféra les ordres sacrés , l'attacha à la
paroisse de Saint-Pierre de Dijon , et lui
donna le pouvoir de confesser. Sa vie
édifiante lui eut bientôt attiré la con-
fiance des personnes les plus religieuses
de la ville. On le consultait de toutes
parts. Il devint célèbre , et celle célé-
brité , qu'il ne cherchait pas , lui fit des
jaloux. Sa piété le portait à recbercher
les ouvrages qu'il croyait les plus propres
à la nourrir. Il lut les Mystiques , et
même, dit-on, les écrits de 3Iolinos, qui
n'étaient pas encore condamnés. Il reçut
chez lui , en 1G8G , madame Guyon et le
Père Lacombe. Il n'en fallut pas davan-
tage à ses ennemis pour faire éclater leur
haine. lis le dénoncèrent comme com-
plice de Philibert Robert^ dont on pour-
suivait alors le procès pour accusation de
quiélisme. Quillot en effet fut compris
dans la sentence lancée le 17 juillet 1700,
par l'of&cial de Dijon , contre ce prêtre
et ses sectateurs. Quillot qui n'avait point
QUI
comparu fut déclaré par cette sentence ,
contumace , atteint et convaincu d'avoir
tenu des discours remplis des erreurs du
quie'tisme , d'avoir distribué des livres
qui contenaient lesdiles erreurs , etc. :
pour raison de quoi il fut condamné à
trois ans de prison dans un monastère ,
à y jeûner au pain et à l'eau Ions les ven-
dredis , et à faire certaines prières et au-
mônes : tout pouvoir d'cnlendre les con-
fessions lui élait relire. Cependant Quil-
lot s'était caché. Le parlement de Dijon ,
de son côté , prenait connaissance de
celte affaire en ce qui pouvait le concer-
ner; car plusieurs personnes avaient été
englobées dans cette sentence. Quillot y
fit parvenir différentes pièces qui prou-
vèrent son innocence ; et par arrêt du 27
août 1700 , il fut mis liors de cour. Ce
premier succès lui en fit espérer un plus
complet. Il demanda la révision du pro-
cès instruit devant l'officialilé, et se con-
stitua en prison. Une nouvelle sentence
le renvoya à pur et à plein de l'accusa-
tion formée contre lui ; il sortit de prison
le 21 avril 1701, et reprit ses fonctions,
à l'exception de celles du confession-
nal, dont les supérieurs ecclésiastiques
jugèrent qu'il devaits'abslenir. Cette jus-
tification authentique n'empêcha pas la
publication d'nn écrit calomnieux sous
le tilre <r Histoire du quillotisme, ou de
ce qui s'est passe' à Dijon au sujet du
quie'tisme , etc. , Zell , 1703 , in-4. L'au-
teur est Hubert Mauparly , procureur du
roi du bailliage et siège présidial de Lan-
gres : tout , dans celle histoire , respire
la pasiion et la haine. On veut absolu-
ment y faire croire à une nouvelle héré-
sie , dont Quillot serait l'auteur. M. de
Clermont-Tonnerre , évêque de Langres ,
ayant f.iit examiner cet ouvrage , le dé-
fendit par une Lettre pastorale du 21
avril de la même année ; et le parlement
de Dijon le condamna , le 9 juillet sui-
vant , à être lacéré et brûlé par l'exécu-
teur de la haute justice , comme calom-
nieux et blessant également le sacerdoce
et l'empire. Il est devenu très rare. On
ignore l'époque de la mort de Quillot.
• QUIN ( James ) , célèbre acteur an-
glais , né k Londres le 24 février 1693 ,
r
QUI
eut une naissance illégitime , sans qu'on
pût accuser ses parens d'aucun crime. Sa
mère avait épousé en premières noces un
négociant qui, pour raison de commerce,
passa aux Indes orientales. Il ne donna
depuis son absence aucune nouvelle à sa
femme ni à ses amis, de sorte que le bruit
de sa mort s'accrédita. Son épouse en prit
Je deuil , et écouta les propositions de
mariage d'un propriétaire appelé Quin ,
et qui jouissait d'un revenu de lOOOliv.
sterling. Le fruit de cette union fut le
jeune Quin , et il était encore dans sa
première enfance , lorsque le premier
mari de sa mère reparut à Londres , ré-
clama sa femme , et les tribunaux la lui
accordèrent. Le second époux , Quin ,
forcé de se retirer , prit soin de son fils ,
l'envoya à Dublin , où il lui fit faire ses
éludes. Etant mort ab intestat, en 1710,
il laissa le jeune Quin , alors âgé de 17
ans, sans appui et sans ressources. Forcé
par le besoin , il s'engagea dans une
troupe de comédiens qui se formait dans
la capitale de l'Irlande. S'élant rendu à
Londres , par les conseils de quelques
amis, il fut reçu dans la troupe de Dru-
ry-Lane , et fit connaître ses talens dans
la pièce de Tanierlan, où il jouait le rôle
de Bajazet. Aprèsavoir jouésurplusieurs
théâtres de l'Angleterre et de l'Irlande,
et avoir recueilli d'unanimes applau-
dissemens comme un acteur du pre-
mier mérite , il vint se mesurer avec
Garrick à Drury-Lane. Ils jouèrent en-
semble dans la Belle pénitente ; mais
Quin ne put soutenir la comparaison d'un
rival trop dangereux. II quitta brusque-
ment le tbéàtre et se retira k Balb. Ap-
pelé à Londres , pour faire une bonne
œuvre en faveur de plusieurs familles de
Cornhill , qu'un incendie affreux avait
réduites à la misère , il reparut au théâ-
tre et leurprocura une abondante recette.
A cette époque (nci) , le prince de Gal-
les fit venir auprès de lui Quin , pour
donner des leçons de déclamation à ses
enfans , auxquels il voulait faire joiier la
tragédie de Cnton d'Addisson. 11 eut pour
élève George lil (né en 1738 et proclamé
en 1760) ; et, lorsqu'il eut appris la ma-
nière gracieuse et pleine de dignité avec
QUI igi
laquelle ce prince avait prononcé son
premier discours au parlement, il s'écria
d'un ton aussi insolent que ridicule :
« Ebbien ! c'est encore moi qui ai formé
» ce jeune homme. » Il finit sa carrière
théâtrale en 1763 , et mourut à Balh le
21 janvier 17C6, à l'âge de 7 3 ans. Parmi
les défauts de son caractère, il fit paraître
quelques bonnes qualités. Il vola souvent
au secours de plusieurs gens de lettres ,
et notamment de Thompson , auteur du
poème des Quatre saisons, de Coriolan
et autres pièces dramatiques. Le célèbre
Pope lui témoigna beaucoup d'amitié ,
ce qui ajouta à sa réputation. Mais il avait
un caractère querelleur : ce qui lui attira
de fâcheuses affaires. Il existe une Vie
de Quin , 17G6 , in-8. Davies a donné de
grands détails sur cet acteur célèbre dans
la Vie de Garrick.
QUINAULT (Philippe), poète lyrique,
naquit en 1635 d'une famille honnête,
et non d'un boulanger , comme l'insinue
Furetière dans son Facium contre l'a-
cadémie. L'auteur de Mariamne , Tristan
l'Ermile, dont il avait été, dit-on, le
domestique, lui donna les premières le-
çons de poésie. 11 se fit connaître avant
l'âge de 20 ans par quelques pièces de
théâtre , et avant l'âge de 30 ans il en
donna 16 , dont plusieurs obtinrent les
suffrages du parterre. Elles furent jouées
depuis 1654 jusqu'en 1666. Quinault,
s'apercevant qu'une de ses tragédies
était mal reçue, dit à un courtisan que
la scène était en Cappadoce, qu'il fallait
se transporter dans ce pays-là ^ et entrer
dans le génie de la nation : Vous avez
raison , répondit le courtisan : franche-
ment je crois qu'elle n'est bonne qu'à
être jouée sur les lieux. Boileau lui re-
procha que dans ces pièces doucereuses,
languissantes, tout, jusqu'à je vous
hais , se disait tendrement. Il faut con-
venir que si le satirique n'épargna pas
assez le jeune poète, son tort n'est que
dans l'excès de sa critique; et, en jugeant
Quinault précisément comme poète, il
ne pouvait eu porter un jugement bien
favorable. (D'ailleurs , et il est bon d'y
faire attention, lorsque Boileau a traité
sévèrement Quinault, ce dernier n'avait
iÇ)7. QUI
point encore donné ses meilleurs opéras,
non plus que sa comédie La Mère co-
quette. ) D'Alembert lui-même , qui , à
cette occasion, a dit bien du mal de Boi-
leau , en est convenu. « La grande
» poésie , dit-il , veut des images , de
» l'énergie , une harmonie ferme et sou-.
» tenue , un faire mâle et prononcé ,
» qu'on ne trouve que rarement dans
» Quinault. Aussi dira-t-on de lui avec
» justice , que c'est un poète charmant ;
» mais personne ne dira que c'est un
» grand poète, comme on le dira de
» Despréaux, de Corneille , de Racine,
» de Rousseau. C'est à peu près ainsi
» que le maréchal de ^^illars disait du
» maréchal d'Uxelles : J'ai toujours en-
» tendu dire que c'e'tait une bonne ca-
M boche ; mais personne n'a jamais osé
» dire que ce fût une bonne tête. » Vol-
taire et Laharpe rendent plus de justice
à Quinault. Cependant Quinault, qui
avait mêlé l'étude du droit à celle de la
rime, arrangea les comptes d'un riche
marchand que ses associés inquiétaient.
Après la mort de ce marchand , qui arriva
quelque temps après , il épousa sa veuve.
Devenu riche par ce mariage, il acheta ,
en 1671, une charge d'auditeur en la
chambre des comptes. Sa nouvelle for-
tune ne l'empêcha pas de se plaindre en
jolis vers de sa médiocrité :
C'est aTec peu de bien un terrible deroir.
De BC sentir pressé d'être cinq fois beau-pire.
Quoi I cinq actes derant notaire I
Pour cinq filles qu'il faut pourvoir I
O ciell peut-on jamais avoir
Opéra plusCàcbeui à taire?
Il avait été reçu l'année d'auparavant à
l'académie française : ses Opéras lui
avaient mérité une place dans cette com-
pagnie. Lulli le préféra à tous les autres
poètes, parce qu'il trouvait en lui seul
toutes les qualités qu'il cherchait : une
oreille délicate , qui ne choisit que des
paroles harmonieuses; un goi^t tourné à
la tendresse , pour varier en cent ma-
nières les sentimens consacrés à cette
espèce de tragédie. Ce poète eut l'hon-
neur de haranguer le roi , au nom de
l'académie française, au retour de ses
campagnes de 1 67 5 et 1 67 7 . Ayant appris
la mort de Turenne au moment qu'il al-
QUI
lait parler , il At une -digression , aussi
ingénieuse que touchante, sur ce héros.
Sur la fin de sa vie , il se repentit d'avoir
consacré son temps à ses opéras , aux-
quels il a dû sa célébrité ; et ces regrets
étaient bien justes , car l'amour et la
volupté y sont parés de tous les moyens
de la séduction , et ne peuvent faire que
des impressions dangereuses sur un jeune
cœur, disons mieux, sur tous les cœur?.
« Cette musique, dit madame de Main-'
» tenon dans une de ses Lettres, qui
» fait le seul plaisir du roi , et où l'on
>) n'entend que des maximes absolument
» contraires aux mœurs, serait, ce me
» semble , bien convenable à retoucher
w ou a proscrire. Si l'on en dit un mîit,
M le roi répond aussitôt: Mais cela a
» toujours été. La reine ,'ma mère , qui
» avait de la piété, et la reine, qui
» communiait trois fois la semaine , ont
» vu tout cela comme moi. Il est vrai
» que, pour lui personnellement, cela
» ne lui fait aucune impression , qu'il
» n'est occupé que de la beauté de la
» musique, des sons, des accords, et
» qu'il chante même ses propres louanges
» comme si c'était les louanges d'un
» autre, et seulement par goût pour les
>) airs. Mais il n'en est pas de même
» pour le reste des spectateurs : il est
» impossible que , parmi tant de jeunes
» cœurs, il n'y en ait de sensibles à ces pa-
» rôles pleines d'une morale qui fait
» consister le bonheur dans le plaisir.
i> Car mettez à l'alambic tous les opéras,
» vous n'en retirerez jamais, que celte
» maxime retournée en mille façons dif-
» férentes. Le roi a pris autrefois un plai-
)) sir extrême aux beaux cantiques à'Es-
» ther et A'Athalic ; aujourd'hui il est
» presque honteux de les faire chanter ,
» parce qu'il sent qu'ils ennuient les
» courtisans , que Quinault pourtant
» n'ennuie pas moins. N'est-il pas dé-
» plorable que, parmi des chrétiens, et
» sous un roi qui ne voudrait assurément
» pas oflTenscr Dieu , on ait des principes
» si contraires à tout le système de reli-
» gion? Si le roi cependant voulait ab-
» solument qu'au lieu des maximes per-
» nicieuses semées dans les opéras , on
QVl
» ne chantât que des choses saintes, ou
)) du moins innocentes , les gens d'es-
» prit , dont la France abonde , s'empres-
» sero.enL de travailler dans ce genre.
» Mais il craint d'établir une nouveauté;
» il craint que les beaux airs n'ennuient
M dès que les paroles en sont pures; il
» craint de déplaire au public, de l'o-
» pinion duquel le prince dépend encore
î) plus que le sujet. Quelques-uns disent
» que ce que l'on entend à l'Ope'ra entre
'> par une oreille et sort par Vautre.
» Oui, mais ils oublient que le cœur est
» entre deux. » Quinault mourut dans de
grands senlimens de religion, le 26 no-
vembre 1688, Agé de 53 ans , après avoir
composé pour lui-même cette épilaphe ,
dont la simplicité est remarquable :
Panant, arrête ici pour prier un monn-nl;
C'est ce que drs vitaiu le» morts peuvent allendre :
Quand lu seras au monument,
On aura soin de le le rendre.
Quinault est aussi auteur : 1" de quel-
ques Epigrammet y dont la poésie est
faible ; 2" de la Description de la mai-
son de Sceaux , petit poème écrit avec
délicatesse; 3' de différentes pièces de
poésie, répandues dans les recueils du
temps. Ses OEuvres ont été imprimées
avec sa Vie à Paris, 1739 et 1778,5 vol.
in-12; nouvelle édition, Paris, 1824,
2 vol. in -8, avec une iVW/ce intéressante.
Quinault avait aussi le dessein de faire
un poème sur l'extinction de la religion
réformée , qui commençait par ces vers:
Je n'ai que trop rhanté les jeux cl les amours;
Sut un Ion plus «ubliine il Taut nie faire eulendre.
Je TOUS dis adieu, muse tendre,
Je TOUS dis adieu pour toujours.
(Les principaux opéras de Quinault sont
les F êtes de Bacchus , Amadis , Armide,
Cadmus , Alceste , Thésée , Atis , Isis ,
Persée, Roland, etc. )
* QUINAULT DuFRJiNE ou Du Fresnk
(Jeanne-Françoise), sœur de Quinault
Du Frêne [voyez Fresne), naquit en 1701
à Paris d'une famille dont plusieurs
membres avaient suivi la carrière théâ-
trale ( Quinault le père , Jean-Baptiste-
Maurice Quinault l'aîné , Marie-Anne et
Françoise Quinault ses sœurs). Jeanne-
Françoise Quinault suivit leur exemple,
XI.
QUI ig3
et débuta en 1718 dans la tragédie, par
le rôle de Phèdre ; mais le peu de talent
qu'elle y déploya l'engagea à renoncer
au cothurne, et elle fut reçue parmi les
comédiens français pour le rôle de sou-
brette. Elle s'essaya ensuite dans d'autres
rôles , et toujours avec un égal succès.
Cette actrice ne manquait pas d'une cer-
taine instruction , et plusieurs auteurs
lui demandaient ses conseils. Elle donna
à La Chaussée l'idée de la comédie Le
Préjugé à la mode. Ce fut à elle aussi
que Yoltaire dut le sujet de VEnfant
prodigue, ouvrage bien inférieur à
d'autres de ce poète philosophe, et qui
n'est au reste qu'une espèce de Parodie
d'une pièce tirée , peut-être mal à pro-
pos , de la parabole de la Sainte-Ecri-
ture. Mademoiselle Quinault avait voulu
d'abord confier ce sujet à Destouches ;
mais Voltaire, par jalousie, la pria de
lui donner la préférence. Elle présida
au plan de la pièce, aux corrections,
etc. Malgré ses nombreux défauts, celte
comédie parade eut du succès. Quelque
temps après elle manqua de se faire pour
toujours un ennemi de Voltaire, en bles-
sant son amour-propre, si facile à irri-
ter. II paraît, d'après ce que dit Laharpe,
que Voltaire ayant lu sa Zaïre à made-
moiselle Quinault, celle-ci, qui était
natuBellement gaie, et qui voulait s'a-
muser un peu aux dépens de l'auleur , lui
dit en éclatant de rire : « Savez-vous
» comment il faut intituler votre pièce ?
» La Procession des captifs. « Cette
plaisanterie, sans doute déplacée , arra
cha un cri d'effroi à Voltaire, qui ré-
pondit en balbutiant : « Mademoiselle,
» si vous ne me donnez votre parole
■» d'honneur de ne jamais répéter celle
>) plaisanterie, jamais Zaïre ne sera re-
j) présentée. » L'aclrice lui promit tout
ce qti'il voulut, et l'on sait le succès
qu'a obtenu celte tragédie. Dans sa mai-
son , qui était à la mode, comme celles
de M""" du Dcffant , l'Espinasse et Geof-
friu [voyez ces noms), ses contempo-
raines, M"" Quinault réunissait la so-
ciété, sinon la mieux choisie, du moins
la plus brillante de la capitale, et dont
les membres les plus assidus étaient le
25.
^
194 QUI
chevalier d'Orléans, grand-prieur; le
comte de Caylus, d'Alembert, Voltaire,
Destouches, Fagan, Duclos, Moncrif,
Crébillon fils, Pont-de-VeyIe, Voisenon,
M. de Maurepas , le marquis d'Argenson,
etc. On dînait deux fois par semaine ,
soit chez mademoiselle Quinault , soit
chez le comte de Caylus ; mais chaque
convive devait payer sa carte en esprit ,
et par des productions en prose, vers,
bons mots, saillies piquantes, petites
médisances , etc. , etc. ; ce qui formait
à la vérité une réunion fort spirituelle ,
fort gaie , mais oîi la morale ne trouvait
pas grand' chose à gagner. On ne sait pas
à quel propos on appelait ces banquets
dîners du bout du banc ; car ils n'étaient
ni sobres ni courts. Mademoiselle Qui-
nault devint l'amie intime de Duclos,
de r Alembert et du marquis d'Argenson..
Sa gaieté lui faisait parfois franchir les
convenances, ainsi que le prouve le fait
suivar^t. Lorsque le marquis d'Argenson
fut élevé au ministère, elle alla le com-
plimenter. M. d'Argenson , en l'aperce-
vant , perça la foule des solliciteurs, alla
au devant d'elle et l'embrassa en pré-
sence de cinquante témoins. Fort étonné
de ce trait d'esprit du nouveau ministre,
un des solliciteurs , chevalier de Saint-
Louis , s'étant alors approché de made-
moiselle Quinault , la pria de lui accor-
der sa protection auprès de M. d'Argen-
son. Elle lui répondit en riant : « Ah î
t» Monsieur , je ne puis mieux faire que
» de vous rendre ce que le ministre vient
» de me donner, » et elle l'embrassa,
préférant faire une plaisanterie plutôt
que de rendre un service. Mademoiselle
Quinault se retira du théâtre en 1741 , à
l'Age de 40 ans. Sa bonne humeur et ses
habitudes ne l'abandonnèrent pas dans
sa vieillesse, et elle avait passé sa quatre-
vingt-deuxième année , que l'élégance
de la toilette formait encore un de ses
principaux soins. Elle s'en occupait en-
core quand la mort vint la surprendre,
presque subitement, eu 17 83 , à l'âge de
qualre-vingt-quatreans. Elle laissa à d'A-
lembert un diamant de prix et des ma-
nuscrits. Les Mémoires de Madame
d'Epinay, Paris, 1818, 3 vol. in-8 ,
QUI
contiennent des détails curieux sur cette
actrice et sur Duclos. ^
QUINAULT. Foyez Fbesse (Du).
QUINCY (Charles Sevin, marquis de),
lieutenant général d'artillerie, né vers
IGCO , s'est distingué par son courage, et
par son amour pour les lettres. On a de
lui Y Histoire militaire du règne de Louis
Xir, Paris, 1726, 7 vol. in-12, qui se
relient en 8. Elle est très utile pour ceux
qui s'appliquent au métier de la guerre ,
et qui veulent suivre les marches , les
campemens et les autres opérations mi-
litaires.
QUINCY (Jean), médecin anglais, ■
exerçait sa profession au commencement
du 18' siècle à Londres; Il mourut dans
cette-ville en 1 723 , après avoir publié en
anglais : 1 " un Dictionnaire de physique,
1719, in-8; 2" une Pharmacopée uni-
verselle, 1721, in-8, traduite en fran-
çais par Clausier , Paris , 17 45, in-4. Ou
y trouve la critique des principales pré-
parations des apothicaires. 3" Pharma-
copée chimique, Londres, 1723, in-4.
* QUlNETÏE(i\icblas-MArie), fameux
révolutionnaire, né à Paris en 17G2, avait
reçu une éducation très négligée. Son
père luiacheta peu de tempsavant la révo-
lution une étude de procureur ou de no-
taire à Soissons. Le jeune Quinetle em-
brassa avec passion le parti des novateurs
et des démagogues : ce qui lui valut d'a-
bord la place d'administrateur du dépar-
tement de l'Aisne , et en 1G91 la nomi-
nation de député à l'assemblée législa-
tive. Alors les révolutionnaires s'empres-
saient d'établir des clubs, non seulement
dans les villes, mais jusque dans les vil-
lages, moyen sur de faire tomber le
pouvoir entre les mains d'un peuple ef-
fréné. Devenu membre de ces sociétés
turbulentes, Quinette y brilla par la force
de ses poumons , une loquacité infatiga- i
ble, et une ardeur antimonarchique qui I
lui gagnèrent beaucoup de partisans J
parmi ses obscurs auditeurs. Après avoir j
brillé dans les clubs, Quinette parut à
l'assemblée constituante ; mais il ne parla
point aux premières séances, et se rangea |
néanmoins du côlé gauche, oii siégeiient I
les plus violens révolutionnaires. Cepen- "
QUI
dant , lorsque les premières attaqxies de
celle assemblée se furent dirigées contre
les émigrés, Quinette rompit enfin le si-
lence ; et le 9 février 1792 , il demanda
que les biens des émigrés fussent séques-
trés ; la motion fut adoptée presque à
l'unanimité , et causa la ruine d'une in-
finité de familles nobles. Pour rendre
l'exécution de cette motion plus prompte,
Quinette appuya la proposition de La-
marque, qui demandait que le décret du
séquestre ne tût pas soumis à la sanction
royale. Il s'unit ensuite, le 31 mai, à
Chabot , pour demander la mise en ac-
cusation du duc de Brissac, commandant
de la garde constitutionnelle du roi. De-
puis cette motion , qui fut adoptée, jus-
qu'après le 10 août, époque de la chute
du trône , on ne parla guère de Quinette ;
et pendant l'assemblée législative , qui
succéda à la constituante, il fut membre
de la commission formée pour surveiller
le nouveau gouvernement. Lors des dis-
cussions sur le sort de Louis XVI , Qui-
nette fit décréter , au nom de la commis-
sion , que la famille royale serait logée à
l'hôtel de la chancellerie, et entourée
d'une nombreuse garde aux ordres du
maire de Paris; et que pour les dépenses
de cette famille , on lui accorderait un
fonds annuel de cinq cent mille francs,
payable par semaine, jusqu'à l'installa-
tion de la Convention nationale. On sait
que , malgré ce décret, Louis XVI et sa
famille n'eurent pour asile que la tour du
Temple. Depuis ce moment , tout devint
suspect, jusqu'aux généraux républicains,
auprès desquels on envoyait des procon-
suls pour les surveiller. Quinette fut un
des premiers chargés d'une mission pa-
reille. On l'envoya à l'armée du Xord, et,
à son retour , il fut nommé député à
la Convention, par le département de
l'Aisne. L'abbé Grégoire ( évêque consti-
tulionuel de Blois ) et Collot-d'Herbois
demandèrent, dès la première séance,
l'abolition de la royauté. On s'étonna fort
quand on entendit Quinette dire que c'é-
tait au peuple à choisir entre la royauté
et la république. Il s'aperçut bientôt de
la fâcheuse impression que cette opinion
avait faite sur l'esprit de ses collègues ,
QUI
igS
et tâcta de la faire oublier par les mo-
tions les plus anti-monarchiques. Ce fut
lui qui , le 12 décembre 1792, demanda
que Louis XVI fût traduit à la barre de
la Convention , pour être jugé sans dés-
emparer , « et que ses défenseurs ne pus-
» sent dépasser , dans leurs discours , les
5> bornes qui leur seraient prescrites. »
Lors de ce jugement inique , il vota pour
la mort y sans appel au peuple et sans
sursis. Il fit , en outre , le serment de
traiter de même tous ceux qui usurpe-
raient les droits du peuple , et pren-
draient le titre de roi. Devenu membre
du comité de salut public , il fut envoyé
avec quatre autres députés à l'armée de
Dumourier , pour arrêter ce général, re-
gardé comme suspect. Dumourier les fit
arrêter eux-mêmes et les livra aux Autri-
chiens , commandés par le prince de Co-
bourg. Ils furent échangés , après deux
ans de détention (le 25 décembre 1795) ,
contre Madame duchesse d'Angoulême,
fille de Louis XVI, et enfermée alors dans
la tour du Temple. La Convention ayant
été remplacée par le conseil des Cinq-
cents, Quinette y fut reçu avec des trans-
ports de joie et porté en triomphe jus-
qu'au fauteuil du président , tandis que
l'on déclarait à l'unanimité qu'il avait
bien mérité de la patrie. En 1 796 , il de-
vint membre de celte assemblée ; enfin ,
instruit par l'expérience , il se montra
plus modéré, et demanda même avec in-l
stance qu'on accordât des secours aux
enfans des émigrés , qu'il avait taht per-
sécutés. Avant la journée du 1 8 fructi-
dor, il sortit du conseil. Nommé minis-
tre de l'intérieur en juillet 17 99 , il ne
figura point dans la journée du 18 bru-
maire , oîi Buonaparte fut déclaré pre-
mier consul. Revenu de son délire répu-
blicain , Quinette nommé préfet de la
Somme se fit aimer de ses administrés,
qui le désignèrent pour candidat au sénat
conservateur. Mais Napoléon ne l'accepta
pas. Pour le dédommager, il le fit con-
seiller d'état, et créa pour lui la place
de directeur général de la comptabilité
des communes et des hospices. Quinette
donna sa démission à la déchéance de
Buonaparte ( le 11 avril 1814). A son re-
^
196
QUI
lourde l'île d'Elbe, celui-ci le nomma
commissaire dans les départemens de la
Somme et de la Loire, et le créa ensuite
pair. Il l'avait déjà nommé baron , et
Qiiinelle cbangea alors son nom vérita-
ble pour celui de barondeRichemontou
Rochemont. Il essaya, quoique en vain,
dans la chambre des pairs, de faire adop-
ter la motion de M. de La Fayette à la
chambre des députés, et qui avait pour
objet de faire déclarer traîtres à la patrie
et de punir sévèrement ceux qui cher-
cheraient à dissoudre la représentation
nationale. Buonaparle ayant donné sa
seconde abdication, Quinette, choisi par
Fonché , fit partie de la commission qui
gouverna quelques jours jusqu'au refour
de Louis XVIII dans sa capitale. Peu de
temps après, exilé comme régicide, il
se retira aux Etats-Unis , d'oîi il vint
deux ans après à Bruxelles avec sa fa-
mille. Il y vivait presque ignoré, lors-
qu'un jour étant allé dans sa bibliothèque
chercher quelques livres , il fut attaqué
d'une apoplexie foudroyante , et tomba
sans vie : c'était le 14 juin 1824 ; il était
âgé de soixante ans. On n'a de lui qu'un
Rapport sur la détention à l'étranger de
Camus, Bancal, Quinette, Lamarque et
Drouet, Paris, an 4 (t796j, in-8 de 206
pages.
QUINQUARBRES. Voyez Cinq-Ar-
BBES Jean.
QUlNTE-CURCEfQ. CurtiusRufus),
historien latin, probablement au premier
siècle de l'ère vulgaire, était, selon quel-
ques-uns , fils d'un gladiateur ; au moins
sa naissance était si peu illustre, que
Tacite , par égard pour un homme de-
venu très célèbre, n'a pas voulu en par-
ler. Il s'attacha dans sa jeunesse au ques-
teur d'Afrique, se fit des protecteurs , et
après avoir rempli diverses dignités , il
eut le gouvernement de l'Afrique. Tibère,
en le lui donnant , essaya de couvrir en
quelque sorte l'obscurité de sa naissance,
en disant qu'il paraissait s'être fait lui-
même. Curtius Riifus videtur mihi ex
senatus. Tacite et Pline le Jeune racon-
tent que son élévation lui fut prédite par
un spectre qui lui apparut à Adrumète ,
sous la figure d'une femme. L'idée qu«
QUI
le premier de ces auteurs donne de son
caractère n'est rien moins que flatteuse.
Quinte-Curce s'est immortalisé par son
Histoire (ï Alexandre le Grand., et il a
immortalisé ce héros. Cet ouvrage était
en dix livres , dont les deux premiers , la
fin du cinquième et le commencement
du sixième ne sont pas venus jusqu'à
nous. Son stile est noble, élégant, pur,
mais trop fleuri. Ses pensées sont bril-
lantes , ingénieuses et sensées. Le nom
d'Alexandre ne lui en impose point : il
dit le bien et le mal de ce héros, comme
il l'aurait pu dire d'un homme ordinaire.
Il est moins fidèle dans les discours qu'il
prête à ce conquérant et aux personnages
qu'il fait agir. La plupart sont trop longs,
et le bel esprit y paraît plus que l'hom-
me véritablement éloquent. On lui repro-
che encore d'avoir trop négligé la chro-
nologie, les dates, et d'avoir fait des
fautes essentielles en géographie. Les
meilleures éditions sont celles du Père
Matthieu Raderus , Cologne , 1628 , in-
fol. ;deCellarius, Leipsick, 1721; d'El-
zevir, 1633, in-12; du Père Le Tellier
ad usuni Delphini, Paris, 1677, in-4.
Les curieux recherchent aussi celle de
Venise, 1470, in fol. (Nous citerons en-
core les éditionsd'Holmstadt, 1795- 1802, ,
3 vol. in-8 , par D.-J-.T. Cunze ; de Leip-
sick, 1818, gr. in-8, par J.-C. Cokey ;
enfin l'édition la plus récente de Quin-
te-Curce est celle qui fait partie de la
Collection des poètes latins, par M. Le-
maire, Paris, 1822 , in 8. La traduction
donnée par Vaugelas,2 vol. in-12, est
estimée et mérite de l'être. Foycz Favrk
Claude, et Freinshemius. Freinshemius
a donné des supple'niens.)
QUINTIEN ( Saint ) , né en Afrique
sous la domination des Vandales, vint
en France du temps du roi Clovis, et fut
éluévêquedeRhodez ; il assista, en cette
qualité, au concile d'Agdeen 506. Chassé
de son siège par les Gothi;, il se retira en
Auvergne , oii il devint évêque , et oii il
mourut saintement en 627 , après avoir
sauvé par ses prières sa ville épiscopale,
que le roi Thierri avait jure de démolir.
• QUINTILI A de la Mirande (Lucrèce),
Italienne célèbre par ses talens dans lea
i
QUI
lettres et la peinture , naquit vers ir)20.
On lui doit, entre autres choses, une
Biographie des peintres les plus célèbres,
qui a eu plusieurs éditions. Elle composa
àts poésies o\i. l'on remarquait un stile
correct et des pensées neuves. Comme
peintre, ses tableaux sont encore estimés
en Italie , et se distinguent par l'exacti-
tude du dessin et la grâce dans les figures.
Quintilia est morte vers 1686.
QUliNTlLlEN ( Marcus-Fabius-Quin-
tilianus ) , naquit la 2* année de l'empe-
reur Claude, la 42* de Jésus-Christ. On
dispute sur le lieu de sa naissance. Plu-
sieurs le font Espagnol et de Calahorra ;
d'autres croient, avec assez de fondement,
qu'il était né à Rome. Quintilien , pour
se former à l'éloquence, se rendit le dis-
ciple des orateurs qui avaient le plus de
réputation. Domitius Afer tenait alors
parmi eux le premier rang. Quintilien ne
se contentait pas d'entendre ses plai-
doyers au barreau , il lui rendait de
fréquentes visites. Au commencement
de l'empire de Galba , Quintilien ou-
vrit à Rome une école de rhétorique.
Il fut le premier qui l'y enseigna par au-
torité publique, et aux gages de l'élat.
Il dut ce privilège à Vespasien, « qui assi-
» gna sur le fisc, dit Suétone, un revenu
» annuel aux professeurs d'éloquence
» grecque et latine. » Ce revenu était
considérable et équivalait à 20,000 livres,
monnaie de France ; mais c'était sans
doute une somme à répartir entre tous.
Quintilien remplit la chaire de rhétori-
que avec un applaudissement général. Il
exerça en même temps , et avec un pa-
reil succès, la fonction d'avocat, et se
fit un grand nom dans le barreau. Après
avoir employé 20 années à ces deux exer-
cices, il obtint de l'empereur Domitien
la permission de les quitter. Le loisir
que se procura Quintilien par sa retraite
ne fut pas un loisir de langueur et de
paresse, mais d'ardeur et d'activité. Il
commença par composer un Traité sur
les causes de la corruption de l'élo-
quence, dont on ne saurait trop repret-
ter la perte ; nous ne le connaissons que
par quelques passages et citations. Quel-
que temps après, pressé par les instau*
QUI
197
tes prières de ses amis , il commença
son grand ouvrage des Institutions ora-
toires composé de 12 livres. Il en avait
achevé les trois premiers, lorsque l'em-
pereur Domitien lui confia le soin des
deux jeunes princes ses petits-neveux ,
qu'il destinait à l'empire. Le plaisir que
lui causa la composition de ce livre fut
troublé par la perte de ses deux fils et de
sa femme ; il fut surtout sensible à la
mort de l'aîné. « La fécondité de son gé-
» nie , dit-il , n'en était pas demeurée
» aux boutons et aux fleurs ; dès l'âge de
3) dix ans il portait des fruits. » C'était
principalement pour ce cher fils , l'objet
de ses complaisances et de ses soins, qu'il
avait commencé ses Institutions ora-
toires. C'est la rhétorique la plus com-
plète que l'antiquité nous ait laissée.
Son dessein est de former un orateur par-
fait. Il le prend au berceau et le conduit
jusqu'au tombeau. Dans le premier livre,
il traite de la manière dont il faut élever
les enfans dès l'âge le plus tendre, et
prouve que c'est moins de leur propre
caractère que des exemples de leurs
précepteurs et de leurs parens , que
naissent les défauts et les vices qui en
font par la suite le fléau de la société. «
» Plût aux dieux , dit-il , que nous
» n'ayons pas à nous imputer à nous-
M mêmes les vices de nos enfans ! Nous
)> amollissons leur enfance par de dange-
}> reuses délicatesses. Celtemolle éduca-
» tion leur énerve l'esprit et le corps.
» Accoutumés à fouler la pourpre, jus-
M qu'oii ne porteront-ils pas leurs désirs,
j> à mesure qu'ils avanceront en âge ?
M S'il leur échappe quelques termes trop
» libres , nous nous en amusons ; et ce
» que nous ne souffririons pas dans la
» bouche des plus grands libertins, nous
j) le souffrons dans la bouche de nos en-
» fans, nous en rions, nous les cares-
» sons. De qui ont-ils appris ces mots
» licencieux ? Hélas! ils ne sont que les
« échos de ce qu'ils nous ont entendu
i> dire ! Nous les rendons témoins de nos
» libertés criminelles: il n'est point de
» repas qui ne retentisse de chansons
» indécentes, et où l'on n'expose à leurs
M yeux des choses qui font rougir la pu-
198
QUI
» deur: ils en contractent l'habitude ,
>» qui se change bientôt en nature, et les
» malheureux enfans sont déjà vicieux ,
)) sanssavoir ce que c'est que le vice ( 1 ). »
Dans le même livre , il traite de ce qui
regarde la grammaire. Le second expose
ce qui doit se pratiquer dans l'école
de rhétorique, et plusieurs questions
qui regardent la rhétorique même. On
trouve dans les cinq livres suivans les
préceptes de l'invention et de la dis-
position. Un des caractères parliculiers
de la rhétorique de Quintilien , est
d'être écrite avec art et élégance. On
y voit une grande richesse de pensées,
d'expressions , d'images , et surtout de
comparaisons , qu'une imagination vive
et ornée lui fournit à propos. On y
souhaiterait seulement plus de préci-
sion et plus de profondeur. Quintilien
parle ; mais il ne creuse pas assez son su-
jet. Ses Institutions demeurèrent incon-
nues jurqu'en 1415. Elles furent trouvées
par le Pogge, dans l'abbaye de Saint-
Gall, et non point dans la boutique d'un
épicier allemand, comme quelques-uns
l'ont écrit : c'est chez les moines qu'on
a trouvé , à la renaissance des lettres, les
anciens ouvrages que quelques savans
croyaient perdus ; et c'est à eux qu'on
en doit la conservation, comme celle des
sciences , dans des temps de barbarie et
d'ignorance. C'est lajusticequileuraélé
rendue par des philosophes de ce siècle,
leurs forcenés ennemis. L'abbé Gédoyn a
traduit en français les Institutions, Paris,
4 vol. in-12; excellente traduction, mais
défigurée par l'orthographe du nouvel
éditeur. On en a donné une nouvelle
édition en 1 803 , en 4 vol. in-1 2 , et les
lacunes que Gédoyn avait laissées ont été
remplies d'après un mémoire manuscrit
de Cl. Cappéronier, par M. Adry. Cette
(i) IIorâceDfail préludé à re tableau de la dégénératinn
de* nxrura , dans sa belle oàe : Dellcta majurum, ele. La
proranatioii du lit iiuplial , les danses elTéminérs apprWes
aux jennct filles, qui n'en sortaient que ponr se nourrir
le rœur de «oluplés et l'esprit do pensées eriininelles :
tout semblait déjà conspirer de son temps à amener assez
rapidement la dégradation de rrspèce, et pronietire une
géuéralion encore plus «ieieuse que la sienne :
Damnes* qiiid non imminuit dies?
jfitas parrntum, pejor avis , Iulit
Nos nequiores, mox daluros
Progeuietn \!lioiioreiu.
QUI
traduction a été réimprimée avec le teste
latin , en 1 8 1 0 , 6 vol. in-8 , et en 1 8 1 2 ,
en 6 vol. in-12. M. C.V. Ouizille a pu-
blié une nouvelle traduction des Institu-
tions Oratoires , Paris , 1829, in-8 ; elle
fait partie de la Collection des classiques
latins, de Panckoucke. Les savans re-
cherchent deux éditions àes Institutions
données à Rome , en 1 4 70, in-fol. , l'une
par Comanus , qui est la plus estimée , et
l'autre par l'évèque d'Aleria. — Il ne
faut pas confondre cet éloquent rhéteur
avec Quintilien, son aïeul. C'est de ce
dernier qu'il nous reste 145 Déclama-
tions. Ugolin de Parme publia les 136
premières dans le 15® siècle, Venise,
1481 et 1482, in-fol. Les 9 autres furent
publiées en 1563 par Pierre Âyrauld,
et ensuite par Pierre Pithou , en 1 580. Il
y a encore 19 autres Déclamations im-
primées .sous le nom de Quintilien l'ora-
teur ; mais Vossius pense qu'elles ne sont
ni de lui ni de son grand-père. Il les at-
tribue au jeune Posthume , qui prit, dit-
on , le nom de César et d'Auguste dans
les Gaules, avec Posthume son Père ,
l'an 2C0 de J. C. Elles ont été traduites
en français, in-4 , par Jean Nicole , père
de l'auteur des Essais de morale. On a
réuni les institutions du petit-fils et les
Déclamations de l'aïeul , dans l'édition
cumnotis variorum , 1665, 2 vol. in-8 ;
et dans celle du savant et prolixe com-
mentateur Burman, 1724 , 4 vol. in-4 ,
moins esliméeque l'autre.
QUINTJLIUS-VARUS. Foyez Va-
rus.
QUINTILIDS-VARUS, gouverneur
de Syrie, présida à l'assemblée qu'Hé-
rode convoqua pour juger son fils Anli-
pater, accusé de l'avoir voulu tuer. Il
conseilla de le tenir en prison jusqu'à ce
qu'Auguste en eût connaissance ; il em-
pêcha Sabinus, gouverneur de Judée ,
de s'emparer des trésors d'Hérode, et
apaisa par sa sagesse une sédition que la
méchanceté de ce gouverneur avait ex-
citée.
QUlNTILIUS(Marcus-Aurélius-Clau-
dius ), empereur romain, né vers 230,
se distingua dans la guerre contre les
Golhs. Il se fit proclamer Auguste par lei
QUI
Iroupes qu'il commandait, près d'Aqui-
Jée , afin de succéder à son frère Claude
]I ; niuis celui-ci , avant de mourir , avait
recommandé à ses généraux d'élire Au-
l'élien , comme le plus propre à porter
la couronne. Les gardes prétoriennes,
ainsi que les autres milices, qui aimaient
Aurélien, fameux par plusieurs victoires,
suivirent l'avis de Claude, et le procla-
mèrent empereur. Quintilius, se voyant
à la veille d'être abandonné de ses pro-
pres soldats, et ne pouvant lutter contre
un si puissant adversaire, quitta son
'•amp, revint à Aquilée, oii il se fit ou-
vrir les veines dans un bain, après un
règne éphémère de dix-sept jours. Au-
rélien fit rendre à son rival tous les hon-
neurs de Vapothe'ose , réservés aux em-
pereurs , et souvent accordés sans avoir
égard à leurs vices ou à leurs crimes. On
ne connaît point de médailles en argent
de Quintilius. Celles en or sont fort ra-
res; maison en trouvebeaucoup en petit
lironze.
" QUINTILU ( Jean-Paul ), célèbre
avocat, naquit à Rome le 1*' octobre
1632. Il étudia la philosophie, les belles-
lettres , le droit civil, le droit canon , et
était doué d'une si vive éloquence, que
quand il plaidait, la salle du tribunal
liait pleine de personnes les plus distin-
;;iiées, qui y accouraient pour l'entendre.
Croyant que Venise était un lieu plus
propre à y exercer ses talens oratoires ,
il s'y rendit, obtint un accueil favorable
au barreau , et se concilia l'estime géné-
rale. Rappelé à Rome pour des affaires
de famille, il fut nommé auditeur géné-
ral et secrétaire intime du prince jean-
BaplisleLouis.il mourut en 1705, et a
laissé : 1° plusieurs volumes sur la Juris-
prudence; 2° Disscrlazione, ou Disset ta-
lion médico-physique sur le décès d'une
dame qu'on croyait morte par teffet
d'un poison , Romç, 1693 ; 3° des Orato-
rio, etc.
QUINTIN ( Jean ) , né à Autun en
1500, fut chevalier servant dans l'ordre
deMalte, et accompagna le grand-maître
dans cette île en qualité de domestique.
De retour en France , il devint profes-
seur en droit canon à Paris , l'an 1 536 ,
QUI ,99
et s*y acquit beaucoup de réputation.
Quintin mourut à Paris en 1 561. On a de
lui une Description de l'île de Malte,
en latin , 1536 , in-4 , et d'autres ouvra-
ges plus volumineux qu'exacts.
QUIISÏIJN, tailleur d'habits, chef
des hérétiques qu'on nommait Liber-
tins, tient une place parmi lesrêveurset
les blasphémateurs du 16* siècle. Il sou-
tenait que Jésus-Christ était Satan , que
tout l'Evangile était faux, qu'il n'y avait
dans l'univers qu'un seul Esprit, qui est
Dieu ; qu'on ne doit pas punir les mé-
chans; qu'on peut professer toutes sortes
de religions ; enfin , qu'on peut , sans
péché, se laisser aller à toutes ses pas-
sions. Cet impie factieux etturbulentfut
brûlé à Tournai en 1 5-30 ; mais la mort
du maître n'empêcha pas les disciples de
se répandre en France , en Hollande et
dans les pays voisins.
QUINTIN. ro7/e~. Messis.
QUIIVTIINIE ( Jean de la ), auteur
agronomique, naquit à Chabanais dans
l'Angoumois , en 1026. Après son cours
de philosophie, il prit quelques leçons
de droit, et vint à Paris se faire recevoir
avocat. Quoiqu'il eOit peu de temps dont
il pîit disposer, il en trouvait suffisam-
mentpour satisfaire la passion qu'il avait
pour l'agriculture. Il lut Columelle, Var-
ron , Virgile, et tous les auteurs anciens
et modernes qui (»nt traité de cette ma-
tière. Il augmenta ses connaissances sur
le jardinage danj; un voyage qu'il fit en
Italie. De retour à Paris, la Quintiniese
livra tout entier à l'agriculture, et fit
un grand nombre d'expériences curieu-
ses et utiles. On dit communément qu'il
a prouvé le p.remier qu'un arbre trans-
plante ne prend nourriture que par les
racines qu'il a poussées depuis qu'il est
replanté, et nullement par les petites ra-
cines qu'on lui a laissées, qu'on appelle
ordinairement le chevelu; qu'ainsi, loin
de conserver ces anciennes petites raci-
nes , quaud on transplante l'arbre , com-
me on faisait autrefois avec grand soin ,
il faut l«;s couper. Cependant Roger de
Schabol a prétendu prouver le contraire,
et soutient que le chevelu est nécessaire.
La ma nière vivace dont nous voyons re-
2Ô0 QUI
prendre des plantes ( 1 ) , sans aucune de
ces petites racines , est favorable à l'as-
sertion de la Quintinie. C'est lui aussi
qui a donné la méthode de bien tailler
les arbres pour les contraindre à donner
du fruit aux endroits oîi l'on veut qu'il
vienne , et même à le répandre également
su toutes leurs branches. La Quintinie fait
de vains efforts pour détruire le sentiment
qui attribue de l'influence à la lune,
autrefois généralement reconnue , puis
rejetée comme une qualité occulte, au-
jourd'hui rétablie par les écrivains les
plus célèbres ( 2 ). Ilsedéclara aussi con-
tre la circulation de la sève dansles plan-
tes ; et ce qu'il disserte là-dessus prouve
peut-être qu'il était meilleur cultivateur
que bon physicien. La Quintinie mourut
à Paris vers 1700. Louis XIV avait créé
en sa faveur la place de directeur-général
des jardins polagerset fruitiers des mai-
sons royales. On a de lui un livre inti-
tulé: Instructions pour les jardins frui-
tiers et potagers ^Vaùs, 1725,2 vol.
in-4 : et plusieurs Lettres sur la même
matière.
QUIJNTUS CALABER. Voyez Cala-
BER.
*QUI^ZANO (JeanFranrois Conti,
connu sous le nom de ), en latin Quintia-
nus-Stoa, poète latin moderne, né dans
le Brescian, au village de Quinzano, en
1484, étudia la rhétorique à Brescia ; il
y apprit aussi la langue grecque , la philo-
sophie , les mathématiques et l'astrologie.
(i) Mêmr des bn!> <rc9 et des (ronrons d'arbres, dans
cerlaiiics espèces , tomme I olitier. Virgile a dit, et il a
dil vrai:
Quin tAiam cauUcibut tecUi, niirnUle dirlii !
TrudltuT a ticeo radix uleagina Upno.
(ïi On peut Toir dan» le DiVt. enryrlop. , art. AsnoLociE,
où les iiiflucnces sont reconnues et eipliquées autant que
la matièrr le comporte. H. de Lalande observe que si la
lune «ouléie deux fois par jour les eatix de l'Océan . elle
doit bien produire d'autres effris encore. • Je voudrais ,
* sioule-t-il , que les niéderitis consultassent au moins
> l'expérience à cet é|;ard , et qu'ils eianiinassent si les
» crises et les parniysmes des mabdics n'oiil pas quelque
.1 cprresponJance avec le» silualinnsdc la lune par rapport
> à l'èqualeur. aux ty.jgiet et aui apiides. Plusieur» mé-
» decins babiles m'en ont paru persuadés, et c'était pour
» les engager à s'en occuper, que je donnai pendant quel.
» ques années, dans la Gaieltc de mddcrine , tes détails des
H circonstances astronomiques dont nn doit tenir compte.»
Abrégé (Cattronomie, ù Paru, 1774* Derliam, dans sa Théo-
logie atlninvmi^ue. page i5o, établit les iniluenees d'une
nunière plus positive encore.
QUI
Dès sa première jeunesse, il montra une si
étonnante facilité pour les vers latins, que
ses condisciples l'appelèrent 5/oa, du mot
grec qui signifie /;o;'//ç^«(' des muses; et
sa sévérité en corrigeant leurs composi-
tions poétiques, laquelle rappelait ce
Quintilien dont parle Martial , lui fit don-
ner aussi le nom de Quintianus ; c'est
sous ce double nom de Quintianus Stoa
qu'il était connu dans les écoles et parmi
les savans. Il fit ensuite un cours de ju-
risprudence, à Padoue et s'adonna ensuite
tout entier à la poésie latine. Etant venu
en France, il fut présenté par le cardinal
d'Amboise à Louis XII, qui le choisit
pour précepteur du jeune duc d'Angou-
lême , depuis François I«% et auquel
Quinzano inspira son goût pour les let-
tres. Reçu comme professeur de belles-
lettres à l'Université de Paris, il y devint
recteur et principal. Qninziano improvi-
sait 800 et même 1,000 vers latins par
jour. Louis XII le mena avec lui lorsque
ce monarque passa en Italie pour con-
quérir le Milanais ; et à peine se fut-il
rendu maître de la capitale, qu'il posa
publiquement, de sa propre main, la cou-
ronne poétique sur la tête de Quinzano.
Lors du couronnement de Louis XII,
après avoir improvisé quelques vers à la
louange de son bienfaiteur, Quinzano lui
offrit l'histoire de la vie et des exploits de
ce monarque. Nommé par le sénat de
Milan à la chaire de bellesletlres de l'uni-
versité de Pavie , il y publia ses Epogra-
phies qu'il avait composées à l'âge de
20 ans. Lors de la retraite des Français,
en 1513, il revint à Paris, oii il fit im-
primer plusieurs ouvrages. En 1515,
après la victoire de Marignan , Quinzano
retourna à Pavie oii il reprit les fonctions |
de professeur. En 1522 , il obtint le titre
de citoyen de Brescia. Il passa ensuile à
Venise, oii le sénat lui conféra letilrede I
chevalier, et voulut le nommer président |
de l'université de Padoue, place que '
Quinzano refusa. Use relira à Villa Chiara, j
et puis à Quinzano , son pays natal , oii il
mourut le 7 octobre 1 557, âgé de 73 ans.
On lui érigea, dans l'église paroissiale
de sa patrie, un superbe mausolée. Ses
restes furent transportés en 1 580 dans le
-<!..
QUI
chœur de l'église principale deUa Pieve,
où on éleva en son honneur un tombeau
magnifique, orné des portraits de Louis
XII , de François I", de JeanetDomitien
Conti, parent de Quinzano. Quinzano
était à la fois grammairien, orateur, his-
torien, philosophe et poète. Tous les sa-
^ vans, parmi lesquels nous citerons Plane-
rius, ont fait dans leurs écrits l'éloge de ce
latiniste. Sa vie a été publiée à Brescia ,
1661 , par le Père Léonard Cozzando , et
par >ember, sous le titre de MeniorieoM
Mémoires anecdotiques et critiques sur
la vie et les écrits de Jean-François
Quinzano Stoa, etc. , Brescia, 1777. On
conserve encore à Brescia, dans la biblio-
thèque du feu comte Jean-Marie Mazzu-
chelli , le diplôme que Louis XII donna
à Quinzano lors de son couronnement
poétique. Il a écrit et publié un grand
nombre d'ouvrages dont nous citerons
quelques-uns : \° Grippi dccem de omni-
bus numeris ad imitationem ludicri au-
soniani, Milan, l.')92 ; 2° Lacernœi XX
in totidem libr. noctium ntticarum. Aulu-
Gelli, ibid. ,1731; Venise, 1542; 3° Odœ
très ad cardinalem de liouano ( d'Am-
boise, archevêque de Rouen), Paris,
1 504 ; 4° Fita divi Quintiani Avernorum
episcopi, Venise, 1519; 5" Disticha in
omnes fabulas Ovidii Metamorplio-
seon et elegia, Pavie , 1 506 ; Paris , 1 51 4 ;
Bâie, 1544 ; Brescia, 15G5; 6° Paraclesis:
ad Ludovicum Xllelegia, 1 5 1 2 ; 7° Apo-
logia pro poetis ; 8° Cleopolis : de laudi-
bus ccleberrimœ Parisiorum urbis ; sylv.
et bacchantium elelodia post interfcctum
•> Orphea, Paris, 1514; d° de Figurispoe-
ticis, 2' édition, Venise, 1597; iO° de
mnlierum dignilate. Milan, 1517; 11°
Cliristianorum meiamorphoseon, lib, 8,
Pavie, 1511 ; 12° Citationes omnium
poetarum, cum adnotamentis et scho-
liii, Milan, 1 538; 1 3" Fita Ludovici XH,
Galliarum régis, etc., etc. Des Comédies,
1. Furtivorum; 2. Lesbia-, 3. Ceranni;
4. Sorores ; Consobrini. Il perdit ces
quatre dernières pièces lors de la prise
de Pavie par les Espagnols.
QUIQUERAN de Beaujeu (Pierre
de), naquit en 1526 d'une ancienne
maison d'Arles ea Provence. Après avoir
XI.
QUI 20 1
appris la rhétorique et la poésie à Paris >
il fit un voyage en Italie, oii il s'appliqua
à la musique. De retour à Paris, il étudia
les mathématiques , l'histoire naturelle ,
la botanique et les belles-lettres. Sa nais-
sance, soutenue par la réputation que
lui avaient faite ses lalcns, lui mérita
l'évêché de Senez, à l'âge de 18 ans. Il
n'en jouit pas long-temps , étant mort
à Paris en 1 550 , à 24 ans. Quiqueran fut
le premier évêque nommé après le con-
cordat de Léon X et de françois I»'. Oii
a de lui : un Eloge de la Provence , en
vers latins , sous ce titre : De laudibus
Provinciœ. On en a une version fran-
çaise , in-8 , par Pierre de Vini de Claret,
archidiacre d'Arles; 2° nn Poème latin
sur le passage d'Annibal dans les Gaules.
Ces deux ouvrages offrent des images
heureuses et de l'esprit ; mais on voit que
son génie n'avait pas encore acquis sa
maturité. Ilsont été recueillis à Paris, eu
1551 , in-fol.
QUIQUERAN de Beaujeu (Paul-An-
toine de ) , célèbre marin de la même fa-
mille, chevalier de Malte, combattit
souvent avec succès contre les Turcs.
Mais, au mois de janvier 1660, une
tempête l'ayant obligé de relâcher dans
un fort mauvais port de l'Archipel, il y
fut investi par 30 galères de Rhodes , que
le capitan-pacha Mazamamet commandait
en personne. Il en soutint le feu pendant
un jour entier , et n'y succomba qu'après
avoir épuisé ses munitions et perdu les
trois quarts de son équipage. Il était
chargé de fers, quand une seconde tem-
pête , plus violente que la première, mit
la flotte victorieuse en tel danger , que
Mazamamet se vit réduit à implorer-'le
secours du chevalier. Quiqueran la sauva
par l'habileté de sa manœuvre. Le capi-
tan , touché de reconnaissance pour ce
service , voulut le sauver à son tour.
Pour réussir plus facilement , il le con-
fondit avec les plus vils esclaves. Mais le
grand visir , qui le reconnut au portrait
qu'on en avait fait , le fit mettre au châ-
teau des Sept-Tours, sans espérance de
rançon ni d'échange. Louis XIV le rede'-
manda en vain, et les Véniliens-ne pu-
rent le faire comprendre dans le traité de
26.
202 QUI
Candie. Il fut délivré par la hardiesse et
le zèle ingénieux de son neveu , Jacques
de Quiqueran , et mourut commandant
de Bordeaux. — Son autre neveu, Honoré
de Quiqueran de Beaujeu , frère de
Jacques, naquit à Arles en l656, entra
dans la congrégation de l'Oratoire , fut
envoyé dans les missions du Poitou et du
pays d'Âunis , après la l'évocation de
redit de Nantes, et devint évêque d'Olé-
ron en 1705 , et peu de temps après de
Castres. Louis XIV étant mort en 1715 ,
dans le temps de l'assemblée générale du
clergé , l'évêque de Castres fut choisi
pour prononcer à Saint-Denys l'Oraison
funèbre de ce monarque : il s'en acquitta
avec succès. Ce prélat mourut à Arles ,
oii il était allé voir sa famille, en 1736 ,
à 8t ans. On a un vol. in-4 des Mande-
mens, des Lettres, des Instructions pas-
torales qu'il publia sur l'établissement
de son séminaire , sur les maladies con-
tagieuses de Provence et de Languedoc ,
sur l'incendie de Castres, et sur quel-
ques objets qui décèlent son attache-
ment aux nouveaux disciples de saint
Augustin. Colbert et Soanen eurent en lui
un ami zélé.
QUIRIN ( Saint ) , évêque de Sciscia ,
ville de la Pannonie, aujourd'hui Sisseg,
souffrit la mort pour la foi à Sabaria , le
-i juin 303 ou 304. Saint Jérôme et For-
tunat en parlent avec de grands éloges :
Prudence a composé une Hymne en son
honneur. Dom Ruinart a publié les Actes
authentiques de son martyre.
QUIRINALIS (Claudius), ancien rhé-
teur , né à Arles , s'appliqua avec tant de
succès à l'étude des belles-lettres , qu'il
ne tarda pas à se trouver en état de les
enseigner aux autres et de s'acquérir
beaucoup de réputation dans cette pro-
fession. On croit qu'il commença à l'exer-
cer dans la ville de Marseille , et qu'il fut,
dans le i''' siècle de l'Eglise, un de ses
illustres rhéteurs qui contribuèrent à
rendre si célèbres les écoles de cette ville.
Mais , selon saint Jérôme , il quitta les
Gaules, et passa à Rome, où il professa
publiquement la rhétorique avec une
grande réputation.
QUIRINI ou QuKBiNi ( Ange-Marie ; ,
QUI
noble Vénitien , cardinal et littérateur ,
né en 1680 , avec un esprit vif , entra de
bonne heure dans l'ordre de saint Benoit.
Il fît profession ,1e l*^*^ janvier 1698, dans
l'abbaye des bénédictins de Florence , et
se livra aux sciences avec une applica-
tion infatigable. ( Il fut chargé de donner
des leçons de théologie et de langue hé-
braïque aux novices de son ordre. ) Ce-
pendant, en 1709, ses études furent
quelque temps traverséespar une idée im-
portune :ils'iniaginait'qu'il avait la pierre.
Il en fut détrompé par une diète sévère ,
qui , en guérissant son imagination ,
.tffaiblit excessivement ses forces : pour
les rétablir, il prit le parti de voyager
et de visiter les savans. Il parcourut
l'Allemagne, la Hollande, l'Angleterre
et la France, et fit connaissance avec
plusieurs hommes distingués. De retour
à Rome , il fut nommé en 1723 archevê-
que de Corfou, et s'attira par une con-
duite vraiment épiscopale, non seule-
ment la vénération de ses ouailles , mais
encore celle des Grecs schismatiques.
Honoré du chapeau de cardinal en 1727 ,
il répara avec magnificence l'église de
Saint-Marc , qui était son titre. L'église
cathédrale de Brescia , dont il avait été
fait évêque en 1726 , est devenue par ses
soins une des plus magnifiques d'Italie.
Toute l'Europe saitcomhien il a contribué
à la construction de l'église catholique
de Berlin. Il augmenta la bibliothèque du
Vatican par la donation de la sienne , qui
était choisie , et si nombreuse , qu'il fal-
lut, pour la placer, construire une nou-
velle salle. Il acheta un grand nombre de
livres, qu'il donna de même à la ville de
Brescia, pour en faire une bibliothèque pu-
blique, à l'entretien de laquelle il assigna
des fonds suffisans. On s'étonnera peut-
être de toutes ses libéralités ; mais il avait
de grands revenus , et peu de besoins.
Cet illustre prélat mourut subitement
d'apoplexie à Brescia en 1755, à 75 ans.
Lebeau fit en 1756 son Eloge à l'aca-
démie des Inscriptions et belles-lettres,
dont le cardinal était correspondant. Ses
principaux ouvrages sont : \" Primer dia
Corcyrœ , ex antiquissimii monumentis
illustrata ; ouvrage plein d'érudition et
QUI
de critique , dont la meilleure édition
est celle de Brescia en 1738, in-4 ;
2" Edition des ouvrages de quelques
saints évêques de Brescia , qu'il publia
en 1738 , in-folio , sous ce titre ; P^ete-
rum Brixiœ episcoporum , sancti Phi-
lastvii et sancti Qaudentii opéra .- nec
non beati Ramperti et venerabilis Alde-
mani opuscula , etc. ; 3" Spécimen va-
ries litternturœ , quœ in urbe Brixia
ejusque ditione paulo post typographies
incunabula florebat , etc. , 1739, in-4 ;
4° la Relation de ses voyages : elle ren-
ferme des anecdotes curieuses et inté-
ressantes ; 5" une Edition des livres
de l'office divin , à l'usage de l'Eglise
grecque ; 6" une de VEnchiridion Grœ-
corum ; 7° Gesta et cpistolœ Francisci
Barbari; 8° un recueil de ses Lettres ,
en dix livres; 9°la Fie du pape Paul II,
contre Platine , Rome , 1 740 , in-4 ; 10°
une Edition des lettres du cardinal
Polus ; 1 1 ° quatre Instructions pastora'
les ; 12" un Abrégé de sa Vie , jusqu'à
l'année 1740 , Brescia , 17 49 , in-8 ; 13°
étant bibliothécaire du Vatican , il pro-
cura la nouvelle Edition des OEuvres de
saint Ephrem , 1742 , 6 tomes in-fol. , en
grec, en syriaque et en latin; 14» une
Harangue ; De mosaicce historiée prœ-
stantia , pleine d'idées justes , et bien
propre à apprécier la narration de Moïse.
QUIRINUS (Publius Sulpitius) , con-
sul romain , natif de Lanuvium , rendit
de grands services à sa patrie sous l'em-
pire d'Auguste. Après son consulat, il
commanda une armée dans la Cilicie , où
il soumit les Hémoniades , et mérita, par
ses victoires sur ce peuple , l'honneur du
triomphe. Auguste envoya Quirinus pour
gouverner en Syrie, environ dix ans
après la naissance de Jésus-Christ ; ce
qui forme une difficulté dans le passage
de saint Luc, qui dit que ce fut sous Qui-
rinus ou Cyrinus , que se fit le dénom-
brement qui obligea la sainte Vierge et
Joseph d'aller à Bethléem pour s'y faire
inscrire. Il est certain cependant que
Quirinus ne fut nommé au gouverne-
ment de Syrie que dix ans après la nais-
sance de Jésus-Christ, qui vint au monde
«tt temps de ce dénombrement. Ainsi,
QUI 2o3
quelques interprètes traduisent le passage
de saint Luc : Hœc descriptio prima facta
est a prœside Syriœ Cyrino , de la ma-
nière suivante : « Ce dénombrement est
i) le premier , et s'est fait avant celui de
•» Quirinus. » D'autres croient que ce dé-
nombrement , qui avait été commencé
dans le temps de la naissance de J. C,
avant l'arrivée de Quirinus en Syrie , fut
continué et achevé par ce gouverneur,
dont il porta le nom ; d'autres enfin sup-
posent que Quirinus fit ce dénombrement
en vertu d'une commission particulière
avant d'être gouverneur de Syrie. Qui-
rinus fut ensuite gouverneur de Caïus ,
petit-fils d'Auguste. Il épousa ^milia-
Lepida, arrière-petite-fille de Sylla et de
Pompée ; mais il la répudia dans la suite,
et la fit bannir de Rome d'une manière
honteuse. Il mourut l'an 22 de J. C.
* QUIROGA (Joseph), jésuite et
missionnaire espagnol , né le 14 mars
1 707 à Lugo en Galice , d'une illustre
famille de cette province , entra dans la
société de Jésus à l'âge de 1 5 ans. Aupar-
avant il avait étudié les mathématiques
avec succès , et avait été admis à l'école
de la marine. Il fit plusieurs voyages au
Mexique et au Paraguay pour les affaires
de son ordre , remplit dans son couvent
de Mexico , pendant deux années , la
chaire de mathématiques , qu'il occupa
également à Oviédp et à Compostelle.
Pendant son séjour en Amérique, il reçut
du roi d'Espagne la commission de visi-
ter la terre dite Magellanique , à l'extré-
mité de l'Amérique du sud , de s'assurer
des ressources que le pays pouvait offrir,
et de déterminer des points convenables
à l'établissement de ports et de rades
pour les bàtimens de commerce. Le ré-
sultat de cette mission ne fut pas aussi
important qu'on était en droit de l'atten-
dre du zèle du Père Quiroga. De retour
en Europe , il se rendit à Rome pour y
exposer l'état des missions dans le Para-
guay. Lors de la suppression de son or-
dre , il se fixa à Bologne, où il se lia avec
les mathématiciens les plus renommés ,
comme Canterzani , Palcani , etc. Il y
publia un ouvrage eu italien , intitu'é :
Jrte di navîgare per ctrcolo paralUlo,
ao4 QUI
Bologne , 1784 , qui eut beaucoup de
succès. Il a laissé en outre plusieurs ma-
nuscrits , qui existaient dans l'institut de
Bologne ( la Specola ), et qui traitent des
longitudes en mer , de la boussole , des
moyens de renouveler et purifier l'air
dans un vaisseau , de l'art de construire
des barques et des ponts sur les fleuves
et les rivières les plus rapides , un traité
sur les différens climats, etc. Le PèreQui-
roga allait donner tous ces ouvrages à
l'impression , lorsque la mort le surprit
à Bologne le 23 octobre 1784 , à l'âge
de 77 ans. Il était membre de plusieurs
sociétés savantes d'Espagne et d'Italie.
Le Journal de sonvoyage, rédigé sur ses
observations et sur celles de ses compa-
gnons , par le Père Loçano , a été impri-
mé dans les Pièces justificatii>es de l'his-
toire du Paraguay, par le Père de Char-
levoix.
* QUIROS (Pedro-Fernandez de) , cé-
lèbre navigateur espagnol , naquit à BilH
bao , en 1562. Il avait fait plusieurs
voyages en Amérique, en qualité de pi-
lote, lorsque Philippe III le chargea , en
1604, de faire des découvertes dans la
mer Pacifique. Quiros partit de Lima en
décembre 1605 , s'avança à 20 degrés de
latitude et 240 de longitude, et décou-
vrit les terres australes du Saint-Esprit ,
et les îles de la Société. Il écrivit ce
Voyage , qui dans le temps fut imprimé
en espagnol , et oa l'inséra ensuite dans
le recueil des Voyages. Il a été d'une
grande utilité au fameux Cook ; et il rend
cet hommage à Quiros , dans son Voyage
autour du monde. Le navigateur espa-
gnol obtint une pension de Philippe III,
et mourut à Lima en 1630. ( Le Mé-
moire que Quiros adressa à Philippe III,
pour lui demander des secours afin de
continuer ses découvertes , fut imprimé k
Séville, en 1610; traduit en latin, Am-
sterdam, 1613 ; en français, Paris,1617;
en anglais, Londres, 1625 , dans la Col-
lection des Voyayes de Purchas. )
QUIROS ( Augustin de ) , jésuite es-
pagnol , natif d'Andujar , fut élevé aux
premières charges de sa province, en-
«uile envoyé au Mexique , où il mourut
le 13 décembre 1622, à 56 ans. On a de
QUO
lui des Commentaires sur le cantique de
Moïse, surlsaïe, Nahum, Malachie; sur
l'Epitre aux Colossiens , sur celle de
saint Jacques , etc.
QUISÏORP (Jean), théologien luthé-
rien , naquit à Rostock en 1584 , et fut
professeur de théologie dans cette ville.
Il eut ensuite la surintendance des Eglises
de sa communion. Il assista Grotiusdans
ses derniers momens. Il a composé di-
vers ouvrages, savoir : 1° Articuli for-
mulée concordiœ iUustrati; 2° Manu'
duciio ad studium theologicum ; 3° des
Notes latines sur tous les livres de la
Bible ; 4" des Commentaires sur les Epî-
tres de saint Paul ; 5° des Sermons ;
6" des Dissertations. Il mourut en 1648.
— QuisTORp ( Jean ) , fils du précédent ,
naquit en 1624, et suivit la même car-
rière que son père. Il fit ses études à
Gripswald , et visita les universités de
Copenhague et de Leyde , pour en en-
tendre les professeurs. Revenu à Rostock,
il y obtint une chaire de théologie , et
en même temps une place de pasteur.
On a de lui : 1° Catechesis antipapistica.
Il y attaque le pape et l'Eglise romaine.
2° Pia desideria; 3° Repeliiiones deca-
logi antipapisticœ ; 4° une Lettre alle-
mande à la reine Christine de Suède, sans
signature; 5" le Trésor dans le champ ;
6° Disputationes theologicœ. Dans ses
écrits, surtout dans ceux contre le pape,
le fiel est mêlé à l'érudition. Il mourut
en 1669.
* QUISTORP ( Jean-Nicolas ), théo-
logien luthérien , né à Rostock en 1651 ,
fut pasteur dans cette ville, et y mourut
le 9 août 1715. Il a laissé des Explica-
tions sur saint Jean , et plusieurs écrits
de controverse et de théologie.
QUOD-VULT-DEUS ( S. ) était
évêque de Carthage , dans le temps que
cette ville fut prise par Genseric , roi des
Vandales, l'an 439. Ces barbares le mi-
rent lui et la plupart de ses clercs dans
de vieux navires qui faisaient eau de
toutes parts, et qui étaient sans aucune
provision. Dieu fut leur pilote, et les fit
aborder heureusement à INapIcs , où ils
furent reçus comme de glorieux confes-
seurs de Jésus-Christ, f^oyes Deo-Gkatias.
râb
RÂB
3«$
R
RABACHE ( Etienne ) , docteur de
Sorbonne , de l'ordre des augustins , na-
quit à Voves , dans le diocèse de Char-
tres , en 1566. Il fit à Bourges ia ré-
forme des religieux de son ordre , et l'é-
tablissement delà congrégation de Saint-
Guillaume, en 1694. Ce pieux réforma-
teur finit sa vie à Angers, en 1616, à
60 ans.
RABAN-MAUR ( Magnence ) na-
quit à Fulde en 788 de la meilleure no-
blesse du pays. Ses parens l'offrirent, 'à
l'âge de dix ans, au monastère de Fulde,
cil il fut instruit dans la vertu et dans les
lettres. On l'envoya ensuite à Tours,
pour y étudier sous le fameux Âlcuin.
-De retour à Fulde , il en fut élu abbé en
882 , et réconcilia Louis le Débonnaire
avec ses enfans. Baban écrivit une lettre
pour consoler ce prince, que l'on avait
déposé injustement, et publia un Traité
sur le respect que doivent avoir les
enfans envers leur père, et les sujets
envers leur prince. Il est dans la Con-
cordia de Marca, édition de Baluze. (En
récompense de son zèle , il obtint de
riches possessions dont il dota diverses
maisons naissantes, entr'autres l'abbaye
d'Hirsange. Il se démit ensuite de son
titre pour aller vivre dans la solitude du
Mont-St.-Pierre. ) Devenu archevêque de
Mayence en 847 , il fit paraître beaucoup
de zèle et de charité dans le gouverne-
ment de son Eglise. Après avoir examiné
la doctrine de Cotescalc dans un concile
tenu dans sa ville épiscopale en 848 , il
la condamna et envoya Gotescalc à Hinc-
mar, archevêque de Beims, dans le dio-
cèse duquel il avait été ordonné. ( Foyez
Gotescalc. ( Une famine qui désola le dio-
cèse de Mayence en 860 , lui fournit une
occasion de montrer le zèle et la charité
dont il était animé pour son troupeau :
ses revenus furent distribués aux pau-
vres, et chaque jour il en avait 300 à
sa propre table, il présida ensuite un con-
cile tenu en 852 dans sa ville épiscopale,
et assista l'année suivante à celui de
Francfort. ) Baban mourut dans sa terre
de Winfeld, en 856 , à 68 ans. Il légua
ses livres aux abbayes de Fulde et de
Saint-Alban. On a de lui beaucoup d'ou-
vrages recueillis à Cologne en 1627,5
tomes in-fol., qui se relient en 3 vol. Ils
contiennent : 1 ° des Commentaires sur
l'Ecriture, qui ne sont presque que de
simples extraits des écrits des Pères : c'é-
tait la manière des théologiens de son
temps ; 2° un Traité de V Institution des
clercs et des Cérémonies de V Eglise ou
des Offices divins , divisé en trois livres.
C'est un de ses plus importans ouvrages :
ila eu plusieurs éditions dans le 1G« siècle.
3° Un Traité du Calendrier ecclésiastique.
Il y enseigne la manière de discerner les
années bissextiles et de marquer les in-
dictions. 4° Un Livre sur la vue de Dieu,
sur la pureté du cœur , et la manière de
faire pénitence. Ce sont des extraits que
l'auteur avait faits en lisant les Pères.
5° De universo, sive Etymologiarum
opus. Il contient la définition des noms
propres qui se trouvent dans l'Ecriture
sainte. 6° Des Homélies ; T un Marty-
rologe. Le prologue de ce martyrologe a
été publié par D. UahiUoa , ^nalect.y
pag. 419 , d'après un manuscrit de la bi-
bliothèque de Saint-Gall. 8° le Livre de
la. grammaire : ce n'est qu'un extrait de
Priscien le grammairien; 9° Traité des
ordres sacrés, des sacremens et des
habits sacerdotaux ; 1 0° Traité de la
discipline ecclésiastigue ; 1 1° un Péniten-
tiel ; 1 2" un Traité de l'invention des lan-
gues ; 1 3° Le Traité des vices et des ver-
tus, qu'on lui attribue, estd'Halilgarius,
évêque d'Orléans. On trouve dans le Thé-
saurus de Martenne, dans les Miscel-
lanea de Baluze , et dans les OËuvresdn
Père Sirmond , quelques traités qui ne
sont point dans le recueil de ses OEuvres;
Raban cultivait aussi la poésie : témoin
2o6 RAB
son Poème en l'honneur de la sainte
croix , qui est dans le recueil de ses ou-
\rages , et dont il y a une assez belle
édition particulière à Augsbourg, 1605,
in-fol. Le P. Brouwer a publié ses poésies
à la suite de celles de Forlunat. ( On y
tïouve le P^eni Creator , conservé dans
les prières de l'Eglise. ) Quoique le stile de
Raban soit en général simple, clairet
concis , cependant il y a des endroits qui
ont besoin d'explication ; il écrit moins
bien en vers qu'eu prose ; il lui échappe
même des fautes contre la prosodie , ce
qui dans ces siècles n'a rien d'étonnant.
RA BARDEAU ( Michel ), jésuite,
mort en 1649, à 77 ans, est connu par
son Optatus gallus benigna manu sec-
tus, Paris, 1041, in-4. Rabardeau , pré-
tendant réfuter le livre intitulé : Optati
gallide cavendo schismate de Charles Her-
sant, qui paraissait craindre un schisme
dans l'Eglise de France , à l'occasion du
patriarcat dont le cardinal de Richelieu
semblait vouloir se revêtir , donna , aussi-
bien que son adversaire , dans diverses
erreurs. Il avançait que la création d'un
patriarche en France n'avait rien de schis-
matique , et que le consentement de
Rome n'était pas plus nécessaire pour
cela , qu'il ne l'avait été pour établir les
patriarches de Jérusalem et de Constan-
linopie. Ce dernier article en particulier
montre combien l'auteur avait peu ré-
fléchi. Les termes seuls de sa compa-
raison auraient dû lui ouvrir les yeux.
Le pape , successeur du prince des apô-
tres et chef de l'Eglise universelle, est en
même temps patriarche de l'Occident ,
mais il ne l'est pas de l'Orient. Ainsi l'é-
rection des patriarcats de Jérusalem et
de Constantinople n'avait rien pris sur sa
juridiction patriarcale ; au lieu que la
création d'un patriarche en France lui en
ravissait une partie des plus considérables.
Elle ne pouvait donc se faire malgré lui ,
sans une injustice palpable. « Qu'elle put
)> absolument avoir lieu sans schisme,
» dit un auteur fort modéré , c'est là une
» de ces spéculations qui égarent tou-
» jours dans la pratique, qui au moius
» dans les circonstances oii on les agile
» communément, et oit Ton agitait celle-
RAB
)) ci , c'est-à-dire dans la chaleur du
}) ressentiment, et l'aveuglement du dé-
» pit , conduisent inévitablement au pré-
)) cipice , qu'on n'en sépare que par des
» précisions idéales. » Son ouvrage fut
condamné à Rome en 1643; l'assemblée
du clergé de France reçut ce décret le
19 septembre 1645 , et le fit enregistrer
dans son procès-verbal.
* RABAUT , Saint- Etienne ( Jean-
Paul ) , ministre de la religion protes-
tante , naquit à Nîmes en 1743 , d'un
père qui était lui-même pasteur dans cette
ville , et qui se signala dans plusieurs
circonstances par son zèle pour ses cor-
réligionnaires. La proscription entoura
le berceau du jeune Rabaut , et sa mère
eut besoin de chercher un asile secret
pour lui donner le jour ; car la tête de
son mari avait été mise à prix comme mi-
nistre protestant. Cette famille se retira
en Suisse où Rabaut fut admis à jouir des
fondations faites par plusieurs souverains
protestans étrangers en faveur des jeu-
nes Français qui se livraient aux études
théologiques. L'un de ses maîtres fut
Court de Gébelin. Lorsque Rabaut eut été
nommé ministre , il vint en France où
ses discours furent remarqués. Alors il
composa le vieux Cévenol , espèce de
roman historique , où il mit en action
toutes les lois rendues contre les protes-
tans depuis la révocation de l'édit de
Nantes. Plus tard il fit VEloge de M. de
Bec-de-Lièvre , évêque de Nîmes , que
sa charité avait fait aimer même des pro-
testans , et ce discours fut loué par La-
harpe. Rabaut exerçait son ministère dans
sa ville natale , lorsqu'il fut nommé par
la sénéchaussée de Nîmes député du tiers .
aux états-généraux. Sectateur ardent du I
philosophisme et des innovations politi-
ques , il avait déjà annoncé ses opinions
dans ses écrits, où il disait « que tous les
» établissemens anciens nuisaient au peu-
)) pie ; qu'il fallait renouveler les esprits,
■» changer les idées , les lois , les usages,
» les hommes , les mots ; enfin tout dé-
)) truire pour pouvoir tout recréer. » Ra-
baut se signala par son acharnement con-
tre les prêtres , qu'il persécuta sans relâ-
che , et qu'il ne ceiia d'iDiulterdani se*
RAB
discours. Dans le cours des années 1789
et 1790 , il présenta quelques projets de
loi peu essentiels en eux-mêmes , de-
manda et obtint le décret que les ouvra-
ges incendiaires seraient soumis à un jury
pour éviter l'inquisition contre la pen-
sée. Sans être orateur , il obtint une ré-
putation assez grande , soit par l'habi-
tude qu'il avait de parler en public, soit
par la facilité qu'il avait pour composer
les discours écrits qu'il venait ensuite
prononcer devant l'assemblée. Il devint
président en 1790. En 1791 , il s'éleva
avec violence contre les troubles de Nî-
mes qu'il attribua aux catholiques. Quel-
ques mois après il parla sur l'organisa-
tion des gardes nationales , et demanda
ensuite la liberté indéfinie des cultes.
Rendu à la vie privée par la dissolution de
l'assemblée constituante , il put alors ré-
fléchir sur les suites inévitables de la
crise politique dans laquelle se trouvait
la France , et , lorsque dans le mois de
septembre 1792, il se présenta à la Con-
vention comme député de l'Aube , son
ardeur révolutionnaire sembla s'être
beaucoup refroidie : il se montra l'enne-
mi déclaré de l'anarchie. Parmi plusieurs
projets qu'il présenta , on en remarque
un bien singulier : c'était celui qui avait
pour but d'adopter en France l'éducation
des Cretois, et qui fut cependant envoyé
k tous les départemens. Dans le procès
du roi , il se prononça vivement contre
l'avis de ceux qui prélendaient que la
Convention elle-même pouvait juger
Louis XVI , et dit « que la constitution
« ne l'avait pas créée cour de judicature ;
» soutint qu'il n'appartenait qu'aux tri-
» bunaux de faire un acte pareil, et qu'il
» devait même être confirmé par le peu-
» pie. » Il termina son discours par ces
paroles mémorables : « Je suis las de ma
w portion de despotisme , et je ne sou-
» pire qu'après l'instant où uu tribunal
» national nous fera perdre Zey formes
» et la contenance des tyrans ; » et il
ajouta encore , comme par prophétie ,
« que la mort de Charles 1*"^ avait amené
>j en Angleterre la domination de Crom-
» welet le retour de la royauté. » Fidèle
k ses nouveaux principes , ne pouvant
RAB 207
pas empêcher le jugement de Louis XVI
par la Convention , il se borna à voter
pour la détention de ce prince et son
bannissement à la paix. Il vota également
pour l'appel au peuple et pour le sursis.
En 1793 , il devint président de la Con-
vention , appuya l'emprunt forcé , et au
mois de mars il fut nommé membre de la
commission des douze , imaginée par les
Girondins pour surveiller les opérations
du tribunal révolutionnaire , et décou-
vrir les complots de la municipalité de
P§ris contre la Convention. Chargé de
faire un rapport sur ce sujet, sa voix fut
étouffée parles clameurs de la montagne., .
et il ne put parvenir à se faire entendre.
Ce fut le signal de l'orage dont il devait
être la victime. En effet , bientôt après
les Girondins succombèrent , et Rabaut
fut entraîné dans leur chute. Un premier
décret qu'il évita par la fuite le mit en
arrestation , un second ordonna la con-
fiscation de ses biens et lemithorsla loi.
Alors il quitta Bordeaux , oii il s'était ré-
fugié , et se retira dans la campagne ,
près de Paris , chez un ancien ami , qui
le livra , dit-on , aux jacobins. Traduit
devant le tribunal révolutionnaire, il fut
condamné à mort le 4 novembre 1793 ,
et exécuté le lendemain , à l'âge de 50
ans. Rabaut fut un des ennemis les plus
acharnés du clergé catholique; il ne lais-
sait passer aucune occasion de l'insulter
et de manifester la haine qu'il lui avait
vouée. Ses connaissances étaient variées
et assez étendues ; mais , élevé par ua
père d'un caractère ardent et passionné,
il puisa dans ses leçons un amour excessif
d'indépendance et une ambition désor-
donnée. Ses principaux écrits sont : 1"
Lettre sur la vie et les écrits de Court
de Gébelin , 17 74 , in-8 ; 2° Lettres sur
l'histoire primitive de la Grèce , 1787,
in-8. Elles sont adressées à l'astronome
Bailly , et ne sont pas dépourvues de sa-
voir et de mérite. 3" Considérations sur
les intérêts du tiers-état , 1789 ; 4" Al-
manach historique de la révolution, 1 792,
1 vol. in-18, avec 6 gravures, réimprimé
par décret de la Convention aux frais de
la république en 1794, et publié ensuite
sous le titre de Précis de l'histoire de Ict,
2o8 RAB
révolution. M. Charles de Lacretelle a
continué cet ouvrage , qui est bien loin
des saines opinions qu'il professe depuis
quelques années ; cependant sa conti-
nuation diffère de beaucoup de l'ouvrage
de Rabaut , dont nous ne citerons qu'un
passage , qui en fera connaître suffisam-
ment l'esprit : « Le clergé , » dit-il ,
« cherche encore dans une religion ,
» qu'on appelle la paix , des prétextes et
» des moyens de discorde et de guerre ;
» il brouille les familles dans l'espoir de
w diviser l'état : tant il est difficile à ce
«genre d'hommes desavoir se passer de ri-
^ chesseset de pouvoir! mais les lumières,
» en se communiquant bientôt aux der-
» nières classes des citoyens , les affran-
M chiront de la plus dangereuse de toutes
i> les servitudes , l'esclavage de la pen-
« sée ; alors , ou les prêtres seront ci-
» toyens, ou l'on ne voudra plus de prê-
» très. » Rabaut avait coopéré à la ré-
daction de la Feuille -villageoise avec
Cerutti , et au Moniteur jusqu'à la fin de
1792. Une édition de ses OEuvres, pré-
cédée d'une Notice biographique , par
M. Collin de Plancy , a été publiée en
1826 , 2 vol.in-8.
* RABATjT ( Jacques-Antoine ) , dit
Rabaut-pommier, frère du précédent, na-
quit à Nîmes le 24 octobre 17 4 4. Le surnom
de Pommier qu'il portait lui fut donné
par son père pour le soustraire à la vigi-
lance de l'autorité qui l'aurait fait élever
dans la religion catholique : la même
précaution fut prise à l'égard de ses deux
autres frères , dont l'un s'appela Saint-
Etienne et l'autre Dupuy. Après avoir
fait ses études de philosophie et de théo-
logie à Lausane , il embrassa l'état de
ministre, et vint en celte qualité en 1787
desservir successivement les églises pro-
testantes de Nîmes et de Marseille. Il
était àMontpellieràl'époque delà révolu-
tion. Il fut un des plus zélés partisans
des réformes politiques demandées par
les démagogues. En 1790 il fut nommé
membre de la municipalité de Mont-
pellier , et en 1792 le département du
Gard le députa à la Convention. Il eut
alors quelque part à l'établissement des
télégraphes. Dans le procès du roi il vota
RAB
pour la mort de cet infortuné monarque ;
mais il demanda le sursis et l'appel au
peuple : il mit tant de restrictions dans
son vote que , dans le recensement des
suffrages , le sien ne fut point compté
pour la peine de mort. Ayant signé la
protestation du 6 juin 1793 , contre la
tyrannie de la montagne , il fut un des 73
députés mis en arrestation sous Robes-
pierre et rappelés après sa chute. Il passa
après la session au conseil des anciens ,
ou il se montra assez modéré , et d'où il
sortit le 20 mai 1798. Après le 18 bru-
maire , il fut nommé sous-préfet de Vi-
gan , et lorsque l'église protestante de
Paris fut réorganisée en 1803 , il fut ap-
pelé par le consistoire pour en être l'un
des pasteurs. En 1815, on lui appliqua,
comme votant , les peines portées par la
loi d'amnistie ; nonobstant ses réclama-
tions et ses Mémoires , il fut obligé de
sortir de France. Rabaut y rentra en 1818,
et mourut à Paris le IG mars 1820. Nous
ne connaissons de lui que deux Discours,
qui confirment celte vérité , que les ré-
publicains de la révolulion avaient plus
de soif de pouvoir et d'honneurs, que le
désir de donner de bonnes institutions :
1° Napoléon libérateur , discours reli-
gieux , 1 8 1 0 ; 2° Sermon d'action de
grâces sur le retour de Louis XP^III. On
a.ssure qu'il avait eu des notions sur la
vaccine vers 1780 , avant que Jenner en
proclamât l'invention. On trouve dans
V Annuaire protestant , 1821 , un Arti-
cle sur Rabaut-Pommier. — Rabaut-Du-
puY OH Rabaut jedne ou du Vigan (N.) ,
frère des précédens , embrassa la profes-
sion de négociant. A l'époque de la ré-
volution il partagea leurs opinions , et
remplit plusieurs missions administrati-
ves. Proscrit en 1793 comma fédéraliste,
il parvint à s'enfuir ; mais alors il fut
porté sur la liste des émigrés , et cette
circonstance fttarrêterson père. Le dépar-
tement du Gard le nomma en 1 797 mem-
bre du conseil des anciens. Quoiqu'il
n'approuvât pas la conduite du direc-
toire , il parla et écrivit en su faveur. Il
se prononça à la tribune pour les émi-
grés du département du Ras-Rhin , d'A-
vignon et du comtat Venaissin. En même
I
RAB
temps il s'éleva contre les jacobins du
Midi. S'étant déclaré en faveur de la ré-
volution du 18 brumaire , il entra au
corps législatif; il le présida en 1802 , et
c'est sous sa présidence que fut voté le
consulat à vie. Envoyé en mission dans
le Midi , il eut le bonheur de sauver à
Toulouse un émigré (M. de Segny ) qui
allait être fusillé , et sa conduite fut ap-
prouvée de Buonaparte. En 1 804, il reçut
]a décoration de la légion d'honneur , et
à la cessation de ses fonctions législati-
ves , il devint conseiller de préfecture à
Nîmes , charge qu'il exerçait encore lors-
qu'il mourut , le 13 septembre 1808 ,
d'une chute de cheval. On lui doit Dé-
tails historiques et recueils de pièces sur
les divers projets de réunion, 180T {voy.
Jes Mélanges de philosophie , tome 4 ,
page 265), et d'un Jnnuaire protestant,
qui a été continué depuis.
* RABBE ( Alphonse ) , né en 1786 à
ï\iez , dans les Basses-Alpes , d'une fa-
mille ruinée par la révolution , fut élevé
à l'école centrale des Quatre-Nalions ,
dirigée par M. Dumas , et obtint en l'an
1 1 le prix d'honneur. Il entra dans l'ad-
ministralion militaire de l'armée d'Espa-
gne , resta deux ans dans ce pays dont il
étudia la langue et la littérature , et re-
vint à Paris oii il travailla à la partie his-
torique du Voyage pittoresque d'Espa-
gne , par M. de La Borde. En 1812 il
écrivit un Précis de l'histoire de Russie,
faisant partie d'un ouvrage publié par
Dumaze de Raymond , sous ce litre : Ta-
bleau historique , géographique , mili-
taire et moral de l'empire de Russie.
En 1813 Rabbe retourna en Provence ,
et en 1815 il entra dans les rangs des
royalistes dont il défendit aussi la cause
par ses écrits. S'étant chargé d'une mis-
sion difficile , il fut arrêté sur la frontière
de la Navarre ; mais il recouvra bientôt
sa liberté. Alphonse Rabbe se rendit a
Aix oîi il exerça les fonctions d'avocat.
En 1819 il alla à Marseille où il publia
une brochure intitulée -. De l utilité des
journaux politiques publiés dans les pro-
vinces , et en même temps il fit paraître
le premier n° d'un journal qu'il appela
le Phocéen. Le rédacteur n'avait plus les
RAB 209
opinions qu'il publiait en 1815 ; il s'était
rangé dans la phalange libérale , et il
n'en fut pas l'un des héros les moins har-
dis ; sa hardiesse fut toutefois punie ,
et à plusieurs reprises il fut emprisonné.
De retour à Paris eu 1822 , il a coopéré
à la rédaction de plusieurs journaux li-
béraux , et concourut au succès de V Al-
bum , des Tablettes universelles , du
Courrier dont il devint rédacteur en
chef. Alphonse Rabbe est mort à Paris le
1^"' janvier 1830. Il a ordonné que son
corps fût conduit directement au champ
du repos. Il est auteur de Trois résumés
historiques , l'un d'Espagne , l'autre de
Portugal , et le troisième de la Russie ;
on lui doit aussi une Histoire d' Alexan-
dre V^, empereur de Russie, 2 vol. in-8 ,
1826 , et une Biographie universelle et
portative, 1829, 1 vol. in-8. « Il y avait,»
dit l'Ami de la religion , p. 330 , t. 62 ,
« rivalité entre Rabbe et ses associés à
» qui serait plus hardi , plus violent ,
» plus insolent, à qui défigurerait mieux
» l'histoire , à qui dirait plus de mal des
» rois et des prêtres. »
* RABBI (Charles-Constance) , savant
religieux de l'ordre de Saint-Augustin ,
naquit à Bologne en 1678. Il parcourut
presque toutes les sciences , et fut pro-
fesseur de philosophie et de théologie k
Bologne , à Rome et dans plusieurs cou-
vens de son ordre. Il mérita H bienveil-
lance du pape Benoît XIV , et son ex-
trême modestie le tint toujours écarté
des dignités ecclésiastiques. Le Père Rabbi
mourut à Rome , le 8 septembre 1746 ,
et a laissé plusieurs ouvrages , comme :
1" De mathematicarum disciplinarum
ad t/ieologiam utilitate , ipsarumque in
ea usu dissertatio , Faïence , 1729 ; Ve-
nise , 1745; 2° Sinonimiedaggiunti ita-
liani raccoUi, con in fine un tratlato de
sinonimi , degli aggiunti e délie simili-
tudini , Bologne, 1732. Plusieurs ma-
nuscrits de ce religieux se conservaient
dans la bibliothèque de l'institut de Bo-
logne ( la Specola ) , et à Rome dans
celle du pape Benoît XIV.
RABELAIS ( François ) , naquit vers
l'an 1483 , à Chinon en Touraine, d'ua
apothicaire. ( Il le plaça dans l'abbay
37.
aïo RAB
de Souillé, puis dans un couvent d'An-
gers, où il connut du Bellay, depuis
cardinal , et son protecteur. ) Quelques
mois après, il entra chez les cordeliers
de Fontenay-le-Comle dans le Bas- Poi-
tou , et fut élevé aux ordres sacrés. Né
avec une imagination vive et une mémoire
heureuse, il se consacra à la chaire, et
y réussit. Son couvent était dépourvu de
livres : il employa les honoraires de ses
sermons à se faire une petite bibliothè-
que. Sa réputation commençait à se for-
mer, lorsqu'une aventure scandaleuse le
fit renfermer dans une prison monastique.
( Il avait ôlé l'image de saint François ,
d'une niche placée dans un lieu assez ob-
scur, l'avait remplacée par sa propre per-
sonne et s'offrit ainsi à la vénération des
paysans qui venaient apporter des offran-
des. ) Le lieutenant général Rivagneau
obtint sa liberté. Des personnes de la pre-
mière qualité , à qui son esprit enjoué
avait plu, secondèrent le penchant qui
le portait à sortir de son cloître. Clément
VlIIlui accorda, à leur sollicitation, la
permission de passer dans l'ordre de
Saint-Benoît, au monastère de Maillezais.
Rabelais, ennemi de toute sorte de joug,
quitta tout-à-fait l'habitreligieux, et alla
étudier en médecine à Montpellier , où
il prit le bonnet de docteur, et obtiut
une chaire dans cette faculté eu 1531.
( Il publia une édition latine de quel-
ques écrits d'Hippocrate. Un arrêt pro-
voqué par le chancelier Duprat avait
aboli les privilèges de la faculté de Mont-
pellier : cette faculté députa Rabelais
auprès du chancelier pour plaider sa
cause ; il réussit, et, en reconnaissance
de ce service , l'université décida que
tout médecin appelé au doctorat se revê-
tirait de la robe de Rabelais. On dit que
cet usage subsiste encore ; mais la robe
deRabelais qui a plus de 300 ans ne peut
plus'êtrequ'un lambeau. ) Rabelais quitta
bientôt Montpellier pour passer à Lyon.
Il y exerça pendant quelque temps la mé-
decine ; mais Jean du Bellay l'ayant in-
vité à le suivre dans son ambassade de
Rome , il partit pour l'Italie. Ses saillies
amusèrent beaucoup le pape et les cardi-
uaus, et il obtint une autre bulle de trans-
RAB
lulion dans l'abbaye de Saint-Maur-dcs-
Fosscs, dont on allait faire un chapitre. De
cordelierilétaitdevenubénédictin, de bé-
nédictin chanoine; de chanoine il devint
cure. On lui donna la cure de Meudon
en 1 545; mais il ne parut pas plus appelé
à cet étal qu'aux autres qu'il avait aban-
donnés. Ce fut vers ce temps-là qu'il mit
la dernière main à son Pentagruel .- sa-
tire atroce contre les moines, qui fut
censurée par la Sorbonne et condamnée
par le parlement. Dans cet extravagant
livre , il a répandu une gaieté bouffonne,
l'obscénité et l'ennui. S'il a voulu par-là
se venger de ses supérieurs qui l'avaient
mis en prison, il n'a pas rempli son but,
car rien ne prouve mieux combien il la
méritait. Il mourut en 1553, à 70 ans.
On raconte que près de mourir il deman-
da son domino ; et, comme on paraissait
étonné de celte demande, il répondit:
Beati mortui qui in Domino moriuntur.
Mais celte anecdote, où la sottise mar-
cheà côté de rinipiété,n'est probablement
pas plus vraie que tant d'autres qu'on
raconte de lui aussi extravagantes que
son histoire de Gargantua. On prétend,
par exemple , que n'ayant ni de quoi
payer son auberge, ni de quoi faire son
voyage de Paris, il fit écrire par le fils
de l'hôtesse ces étiquettes sur de petits
sachets : « Poison pour faire mourir le roi, ~
» poison pour faire mourir la reine, etc.»
11 usa, dit-on, de ce stratagème, pour
êlre conduit et nourri jusqu'à Paris sans
qu'il lui en coûtât rien, et pour faire rire
le roi ; mais une telle turlupinade , loin
de faire rire, aurait pu faire pleurer celui
qui en était l'auteur. Les OEuvres de
Rabelais, dont les EIzévirs donnèrent
une Edition sans notes en 1CG3, en 2 vol.
in- 12 , furent recueillies en Hollande en
5 vol. in-8 , 1715, avec des figures et un
commentaire par Le Duchat. En 1741 ,
Bernard , libraire à Amsterdam, en don-
na uneédition in-4, 3 vol. avec des figures
gravées par le fameux Bernard Picart. ( Les
OEuvres de Rabelais ont été réimpri-
méesà Paris, 1 823-1 825, 8 vol. in-8, édit.
Fariorum , etc. , avec un Commentaire
historique et philosophique , et ornés de
132 gravures. ) On a encore de Rabelais
I
RAB
de» Lettres in-8 , sur lesquelles M. d«
Sainte-Marlhe a fait des notes, et quelques
écrits de médecine. On a gravé 120 es-
tampes en bois, sous le titre de Songes
drolatiques de Pentagruel, 1565 , in-8.
On donna en 1752 , sous le titre à'OEu-
vres choisies de M' François Rabelais,
Gargantua, le Pentagruel, etc. dont
on a retranché les endroits licencieux et
les impiétés. On trouve à la fin une Vie
de Rabelais. Cette édition, en 3 petits vol.
in-12 , est due aux soins de l'abbé Perau.
Jean Dernier avait déjà publié : Jugement
et observations sur les OEuvres de Ra-
belais ou le véritable Rabelais réforme',
Paris, 1697 , in-12. Piabelais a fait impri-
mer à Lyon en 1 532 : Testamcntum Lu-
cii Cupidii; item, Contractus vcnditio-
nis antiquis Romanorum temporibus
initns , cum pnefalione Francisci Ra-
bclœsii. Il croyait que ces deux pièces
n'avaient jamais paru et qu'elles étaient
anciennes ; mais il se trompait sur l'un et
sur l'autre article Ce testament et ce
contrat de vente avaient été imprimés, et
c'étaient deux pièces modernes. Un curé
de Meudon , qui a publié tout ce qu'il
a pu trouver à la louange de Rabelais,
aurait pu employer son temps plus utile-
ment. M. Astruc parle fort au long de ce
médecin dans son Histoire de la faculté
de Montpellier. Rabelais publia d'autres
écrits de peu d'importance. (On a fait en
1830 un P'audeville sur Rabelais. )
* RABEINER (Théophile-Guillaume),
littérateur et moraliste allemand , né en
1714 à Warchau , village près de Leip-
sick , termina ses études à l'université de
celte ville , après les avoir commencées
au collège de Meissen. Il écrivait aussi
bien en prose qu'en vers , et réussissait
surtout dans la .ya/tre, talent qui n'est pas
toujours le plus recommandable. Il avait
obtenu, en 1735, à Dresde , l'emploi
de secrétaire de l'administration des fo-
rêts ; au siège de cette ville ( 1760) .plu-
sieurs de ses ouvrages furent brûlés dans
sa maison , qui devint la proie des flam-
mes. Son esprit satirique lui ayant sus-
cite un grand nombre d'ennemis , il ré-
solut de ne plus rien imprimer de son vi-
• Tant. En 1767 , il fut frappé d'une atta-
RAB an
que d'apoplexie , qui le fit souffrir pen-
dant quatre ans , sans qu'il perdît rien de
sa gaieté ordinaire. Il mourut en 1771 ,
à l'âge de 57 ans. On a de cet écrivain
plusieurs ouvrages en prose et en vers ;
mais il est plus particulièrement connu
par ses Satires , dont la seconde édition
est de 17 56, 4 vol. in-12. La 11" édition de
ses OEuvres complètes a paru à Leipsick
en 1 777, 6 vol. in- 8, avec la p^ie de l'au-
teur, par M. C.-R . Weisse. Elles ont été tra-
duites en totalité ou en partie dans diffé-
rentes langues. On a en français quelques-
unes des Lettres satiriques , insérées
dans le Choix de poésies allemandes ,
par Huber , tome 4 ; Satires de M. Ra-
bener , traduction libre de l'allemand
parBoispréaux (Dujardin ) , Paris, 1754,
2 vol. in-12; Mélanges amusans , ré-
créatifs et satiriques de littératures al-
lemandes, traduits librement de Rabener,
par M. N. L. F. , ibid. , 1776, 4 volume»
in-12; Osaureus, owle nouvel Abailard,
comédie , traduite d'un manuscrit alle-
mand de Rabener (par Cailleau) , terne
(Paris) , 1761 , in-12.
* RABESANO ( Livio ) , fut un des
hommes les plus éclairés de son siècle ,
et naquit près de Vienne en 1605. Il en-
tra dans l'ordre des frères mineurs de
l'observance, y remplit plusieurs emplois
importans, et fut pendant plusieurs an-
nées professeur de philosophie. On a de
lui : 1" Cursus philosophicus ad mentent
doctoris subtilis pro tyronibus scotistis,
Venise, 1665, in-4 ; 2" Cursus philoso-
phicus , etc. , continens très libros Aris-
totelis de anima, ibid., 1 665 ; 3° De cœlo
et mundo, iiiid., 1672; 4" De gêner atione
et corruptione , ibid. , 1674. Le Père Ra-
besano mourut à Vienne vers 1680.
RABIRIDS, célèbre architecte, vivait
sous l'empire de Domitien, prince cruel,
qui ne s'est pas moins rendu fameux par
ses fureurs que par sa passion extraordi-
naire pour les bàtimens. Ce fut Rabirius
qui construisit le palais de cet empereur,
dont on voit encore des restes. Ce superbe
édifice étai i d'une architecture excellente.
Il ne faut pas le confondre avec Rabibius ,
qui fit sous Auguste un Poème sur la guerre
qui éclata entre cet empereur et Marc-An-
2!a RAB
toine. Maittairo eo rapporta quelques
fragmens dans son Corpus poetarum.
* RABOTEAU ( Pierre- Paul) , littéra-
teur , né en 1766 à La Rochelle , se lit
connaître de bonne heure par quelques
compositions qui lui ouvrirent, à l'âge de
22 ans, les portes de l'académie de sa ville
natale. Il vint à Paris en 17 97 , et il y fit
plusieurs Faudevilles et d'autres écrits
qui furent favorablement accueillis. Sous
la restauration , il occupa l'emploi de
sous-chef au ministère delà police (1815-
1 820 ). Plus tard il se retira dans sa ville
natale, où il mourut le 21 octobre 1826.
Son poème des Jeux de l'enfance, 1 802,
în-8 , eut beaucoup de succès , et a été
réimprimé en 1 805. On cite encore de lui
la Prise de la Bastille, ode, 1790, in-8 ;
L^ avare et son ami , comédie en 1 acie
et en prose, mêlée de vaudevilles, 1801 ,
in-8 ( avec Radet ) ; Lasti.cnie ou une
journée d'Alcibiade , id. , 1802 , in-8
( avec Lachabeaussières ) ; La ville et le
village , divertissement , 1802 , in-8.
Dans les séances publiques de la société
philotechnique , dont il était membre , il
lutua Poème adressé aux artistes , une
Eglogue de Rabener , tirée de la Bible ,
une Epilre à l'ennemi , d'autres Poè-
mes , et surtout des Fables pleines d'es-
prit et de naturel. Il a laissé en manu-
scrit un travail sur Piaule qui est , dit-on,
très remarquable. M. Villenave lui a con-
sacré une Notice biographique dans la
Revue encycl. , 1826 , t. 1 , p. S-iG.
• RABUEL ( Claude ) , jésuite et sa-
vant mathématicien , naquit à Pont-de-
Veyle dans la Bresse, le 24 avril 16C9.
Entré dans la société à l'àgede 17 ans, il
cultiva les belles-lettres , et les enseigna;
mais un goût particulier pour les sciences
exactes lui avait fait donner à l'étude des
mathématiques une partie de son temps,
et il les possédait à un haut degré ; il les
professa pendant vingt ans dans le col-
lège de la Trinité à Lyon. L( rsque la GeV)-
métrie de Descartes parut , elle piqua
sa curiosité , et il fit sur cet ouvrage un
travail qui néanmoins ne fut pas publié
pendant sa vie. Le Père l'Rspinasse, aussi
jésuite , son disciple, le fit imprimer en
1 7 30,à Ly on, sotis le titre de Commentaire
RAB
sur la géométrie de Descartes, in 4. MM.
de Beaunie, de Wilt et de Fermât avaient
déjà éclairci quelques parties de l'ouvra-
ge du philosophe français. On a en outre
du Père Rabuel d'autres traités sur V Algè-
bre , les sections coniques , le calcul dif-
férentiel et le calcu' intégral, in-4. Ce
savant jésuite est mort à Lyon le 12 aviil
1728.
RABUSSON ( Dom Paul ) , né en 1634
àGannat, ville de Bourbonnais, entra
dans l'ordre de Cluny en 1655, et y oc-
cupa dilYérentes places. Les deux chapi-^
tresde IG'Get 1678 le chargèrent décom-
poser le fameux Bréviaire de son ordre,
qui a servi de modèle à tant d'autres. On
lui associa Claude de Vert, de l'ancien-
ne observance, qui ne se chargea que
des rubriques. D. Rabusson engagea Sau-
teuil de Saint-Yiclor à consacrer à des
poésies plus dignes d'un chrétien le ta-
lent qu'il avait pour ce genre d'écrire ; et
le poète fit, à sa sollicitation , ces belles
Hymnes , dont le Tourneux et Rabusson
lui fournissaient les pensées. Dom Rabus-
son fut élu, en 1G93 , supérieur général
de la réforme; et pendant près de dix-
huit ans qu'il gouverna de suite, il fit
régner dans Cluny la paix et toutes les
vertus religieuses. Lescardinaux de Bouil-
lon et de Noailles faisaient beaucoup de
cas de son mérite. Il mourut en 171 7 , à
83 ans.
PtABUTIN ( François de Bussi ), gen-
tilhomme de la compagnie du duc de
Nevers, d'une des plus anciennes et des
plus illustres familles de Bourgogne, est
célèbre par ses Mémoires militaires, qu'il
fit imprimer à Paris, en 1574, sous ce
titre : Commentaire sur le fait des guer-
res en la Gaule bclgiqiie, entre Henri II
et Charles-Quint , \n-%. Le stiie en est
simple, ainsi que la narration, et il y
règne un grand air de sincérité. Il vivait
sous les règnes de Henri II et de Charles
IX, qui eurent en lui un sujet fidèle et
un guerrier habile.
RABUTIN ( Roger, comte de Bus.si ),
né à Fpiri en Nivernais l'an 1618, jtctil-
fils du précédent, servit dès l'âge de 12
ans dans le régiment de son père. Sa
valeur parut avec éclat dans plusieurs
RAB
sièges et batailles. Elle lui luéritu les [>la-
ces de mcstre-de-camp de la cavalerie lé-
gère, de lieutenant général des armées
du roi , et de lieutenant général du Ki-
vernais. Etant devenu veuf en 1648 , il
conçut une violente passion pour mada-
me de Miramion ; il l'enleva , mais inu-
tilement. ( Voyez MiRAJUON. ) Reçu à
l'académie française en 16G5, il y pro-
nonça une harangue pleine d'esprit et
de fanfaronnades. 11 courait alors sous
son nom une histoire manuscrite des
amours de deux dames puissantes à la
cour ( d'Olonne et de Chàlillon ). Ce
manuscrit , intitulé Histoire amoureuse
des Gaules , faisait beaucoup de bruit.
Aux grâces du sti!e, à la délicatesse des
pensées, à la vivacité des saillies , l'au-
teur avait su joindre des portraits peints
avec autant d'art que de vérité , de plu-
sieurs personnes de la cour, et un Ion de
dépravation qui n'était pas ce qui plai-
sait le moins. Les personnes intéressées
portèrent leurs plaintes au roi , qui, déjà
mécontent de Bussi , le fit mettre à la
Bastille. Les Amours des Gaules furent
le prétexte de sa détention. Bussi avait
déjà mérité cette punition par une chan-
son indécente contre le roi , et un livre
en forme à.' Heures, où il substituait aux
images des saints quelques hommes de
la cour, dont les femmes étaient soup-
çonnées de galanteries. Une maladie oc-
casionée par sa prison lui procura la li-
berté ; mais avant de Tobleuir , il fallut
qu'il donnât la démission de sa charge,
et qu'il écrivît une lettre de satisfaction
aux victimes de sa méchanceté; il ne sor-
tit de la Ba.stille que pour aller en exil
dans ses terres. Il fatigua pendant toutes
temps-là Louis XIV par une foule de let-
tres qui décèlent , si ce n'est une âme
i;msse , au moins une âme petite et fai-
ble. Il protestait au roi une tendresse
qu'il n'avait pas , et il se donnait des
liges qu'on croyait beaucoup plus sin-
. res que les prole*tations d'attachement
«lont il excédait le monarque. Après dix-
sept ans de sollicitations , il obtint enfin
l.i permission de retourner à la cour ;
tuais le roi, évitant de le regarder, il se
relira dans ses terres, partageant sob
RAB
ai3
temps entre les plaisirs de la campagne
et ceux de la littérature. ( Voyez Riviïrb,
Henri François. ) Il mourut à Àulun en
1693, à 75 ans. Il faut avouer qu'il avait
de l'esprit, mais plus d'amour-propre
encore; et il ne se servit guère de son
esprit, que pour se faire des ennemis.
Comme courtisan , comme guerrier ,
comme écrivain , comme homme à bon-
nes fortunes, il croyait n'avoir point
d'égal. On a de lui : 1° Discours à ses en-
fans sur le bon usage des adversités , et
sur les divers éve'nemens de sa vie ,
Paris, 1694, in-12. On y trouve des ré-
flexions utiles , mais communes. 2° Ses
Mémoires, en 2 vol. in-4 , Paris , 1693 ;
réimprimés à Amsterdam, en 3 vol.
in-4, avec plusieurs pièces curieuses.
Pour quelques faits vrais et intéressans ,
on y trouve cent particularités dont on
ne se soucie pas ; le stile en fait le prin-
cipal mérite : il est léger, pur et élégant.
3" Des Lettres , en 7 volumes in-12, plu-
sieurs fois réimprimées. Elles ont eu dans
leur temps beaucoup de réputation ,
mais on y sent trop qu'elles ont été fai-
tes pour être publiques; et, quoique
écrites avec noblesse et avec correction,
elles ne plaisent guère aux personnes
d'un goût véritablement délicat, qui
préfèrent le naturel à toutes ces grâces
contraintes. 4" Histoire abrégée de Louis
le Grand, Paris, 1699, in-12. Ce n'est
presque qu'un panégyrique , et il révolte
d'autant plus que l'auteur écrivait contre
sa pensée. 5° Des Poésies, répandues dans
ses lettres et dans différens recueils ; elles
sont plutôt d'un bel eçprit que d'un
poète. On n'estime guère que ses Maximes
d'amour et ses E pigrammes imitées de
Martial. Les Amours des Gaules ont été
imprimées en Hollande avec d'autres
historiettes du temps, en 2 vol. in-12;
et à Paris, sous le titre de Hollande, en
5 petits vol. in-12. ( Bussi-Rabutin avait
une fille religieuse de la Visitation à Pa-
ris ( Diane-Charlotte ), qui, selon l'abbé
Langlet, écrivait aussi bien que son père.
C'était d'elle que mademoiselle Scudéri
disait en écrivant à ce dernier ; « Votre
» fille, que je vois souvent, a autant
» d'esprit qrfe si elle vous voyait toui
âi4 lÎAC
>• les jours ; et elle est aussi sage que si
M elle ne vous avait jamais vu. u M"* de
Bussi a donné un Abrégé de la vie dt
madame de. Chantai, et un autre de celle
de saint François de Sales. Elle eut un
frère évèque de Luçon et membre de l'a-
cadémie française, qui se signala par son
zèle pour la bulle Unigenitus. )
RACAN ( Honorât de Bueil , marquis
de }, poète français, né en Touraineà la
Rocbe-Racan , l'an 1689, d'un maréchal
de camp des armées du roi , fut l'un^des
premiers membres de l'académie fran-
çaise. ( Son éducation fut toute militaire;
il avait pris une telle aversion pour la
langue latine qu'il ne put jamais, dit-
on, retenir le Confiteor. ) A l'âge de 16
ans , il devint page de la chambre du
roi , sous Bellegarde, qui avait pris Mal-
herbe dans sa maison par l'ordre de Henri
IV. Racan , cousin-germain de madame
de Bellegarde , eut occasion de voir ce
grand maître en poésie , et il se forma
sous lui. Le jeune Racan quitta la cour
pour porter les armes ; mais il ne fit que
deux ou trois campagnes , et il revint à
Paris après le siège de Calais. Ce fut alors
qu'il consulta Malherbe sur le genre de
vie qu'il devait embrasser. Le poète ,
pour toute réponse , se contenta de lui
réciter la Fable du meunier, son fils
et râne : fable ingénieuse , inventée
par le Pogge et imitée par la Fontaine.
Le marquis de Racan continua quelque
temps encore la carrière qu'il avait em-
brassée , parvint au grade de maréchal-
de-camp , se maria et passa le reste de sa
vie au milieu des plaisirs et du culte des
muses. Ses Bergeries sont recommanda-
bles dans le genre pastoral. Celle qui
commence ainsi : Paissez , chères bre-
bis, jouissez de la joie , etc. , passe pour
son chef-d'œuvre. On a loué aussi des
Stances sur la fausseté des grandeurs
humaines. ( f^. Louis de France. ) Sa tra-
duction de la fameuse strophe d'Horace,
Pallida mors , a été souvent comparée ,
mais toujours à son détriment , à celle de
Malherbe. Voici la traduction de Racan':
I.C9 loit dt la mort «nnl faUln ,
Anwi bien aux malion* roTale»
Qu'aui taudit rourcrU <lc rot* aai.
RAC
Toui nnt jour» ioiit iujcii aui ParqiiM*
Ceux <lfi bergeri et de! moiiarquM
Sont coupéi de» mémei ciieaux.
Malherbe avait dit :
La pauTre. en la rabane , où le cbaum* la eeufra .
E.<l «ujcl à ne» lois ;
Et la ga rdr qui <rille aux barrièrea du LouTra.
N'en défend pas nos rois.
Le mérite de Racan était d'exprimer
d'une manière ingénue et touchante tou-
tes sortes d'objets , ceux même qui ap-
partenaient à la poésie sublime ; mais il
réussissait mieux dans ceux qui étaient
proprement du ressort de la poésie sim-
ple et naturelle. Il mourut à la Roche-
Racan, en 1C70, à 81 ans. Ses OEuvres
et Poésies ont été recueillies, Paris,
1660, in-8, 1724, 2 vol. in-12. Foyet
dans l'Art poétique de Boileau ce que
le législateur du Parnasse français dit de
Racan.
*R ACCAFORTE (Innocent),chanoine,
né à Palerme , vers 1640, embrassa l'état
ecclésiastique , devint chanoine delà ca>
thédrale de Catane. 11 obtint beaucoup de
réputation par ses connaissances en litté-
rature, surtout dans rhi.stoire de son
pays. Il a laissé un ouvrage très intéres-
sant, intitulé : Journal historique de la
Sicile , depuis la création du monde jus-
qu'à l'année 1700 , Palerme, 1704. On
a joint ce journal aux E claircissemens
historiques de la Sicile, par Pierre Carre«
ra, etc. Raccaforte a écrit aussi, dans ,
le patois de son pays, quelques poésies,
qu'on trouve dans plusieurs recueils de
poésies siciliennes. Ce patois est très
propre pour le stile pastoral.
RACHEL , seconde tille de Laban ,
épousa le patriarche Jacob, l'an 1753
avant J. C. Elle en eut Joseph et Benja-
min. Rachel mourut en accouchant de
celui ci. Elle fut enterrée sur le chemin
qui conduit à Epbrata , où Jacob lui
éleva un monument qui a sub.sisté pen-
dant plusieurs siècles. On montre encore
aujourd'hui sur la route d'Ephrata une
espèce de dôme soutenu sur quatre piliers
carrés , qui forment autant d'arcades , et
l'on prétend que c'est le tombeau érigé
à Racbcl par Jacob. Mais comme ce mo-
nument est encore tout entier , il est
RAC
difficile de croire que ce soit le même
que Je patriarche consacra à la mémoire
de son épouse.
RACKEL (■Joachim), né en Rassc-
Sdxe, poète allemand, recteur de l'école
de Norden, s'est attaché parliculière-
me.'it à la poésie satirique dans le 17®
siècle. Il n'a point écrit avec la même
pureté et la même délicatesse que Des-
préaux ; mais il est plus véhément, et
partout il se montre l'ennemi implacable
du vice et des ridicules. Son énergie lui
a fait donner le nom de Lucilius alle-
mand.
JRACIjNE ( Jean) , le plus beau génie
delà scène tragique chez les Français, et
peut-être chez tous les peuples modernes,
naquit à la Ferté-Milon d'une famille no-
ble, Ie21 décembre 1639, l'annéemêmeoii
Corneille âgé de 33 ans faisait représenter
Horace et Cinna. Orphelin de père et de
mère dès l'âge de 3 ans, il fut élevé d'abord
à lieauvais, puis à Paris, au collège
d'IIarcourt, et enfin à Port-Royal-des-
Champs, où Marie des Sloulins, sa grand'-
mère , s'était retirée. Son goût dominant
était pour les poètes tragiques. Il allait
souvent se perdre dans les bois de l'ab-
baye , un Euripide à la main : il cher-
chait des lors à l'imiter. Il cachait des
livres pour les dévorer à des heures in-
dues. Le sacristain Claude Lancelot, son
maître dans l'étude de la langue grec-
que, lui brûla consécutivement trois
exemplaires des Amours de The'agène et
(le Chariclee, roman grec qu'il apprit
par cœur à la troisième lecture. Après
avoir terminé sa philosophie au collège
il'Harcoirt, il débuta per une Ode sur le
mariage de Louis XIV. Cette pièce , inti-
tulée la Nymphe de la Seine , lui valut
une gratification décent louis et unepen-
bion de GOO livres. Le ministre Colbert
obtint pour lui l'une et l'autre de ces
:;iàces. ( Indépendamment de rOrfe dé-
jà citée , Racine en composa une autre
pour le rétablissement des trois acadé-
mies, intitulée la Renommée aux Muscs,
qui lui valut de nouvelles gratifications
de la part du roi. Ces succès le décidèrent
à se livrera la poésie; mais peu s'en
fallut qu'il ne renonçât à écrire pour le
RAC 2i5
théâtre. Ayant montré à Molière sa pr-
mière tragédie (non jouée ni imprimée),
The'agène et Chariclee , cet auteur célè-
bre lui témoigna sa désapprobation ; quel-
que temps après , il lut sou Alexandre
à Corneille , qui lui conseilla de ne plus
faire des tragédies. ) En vain un de ses
oncles, chanoine régulier et vicaire-gé-
néral d'Uzès , l'appela dans cette ville
pour lui résigner un riche bénéfice; la
voix du talent le rappela à Paris. Il s'y
retira vers 1GG4 , époque de sa première
pièce de théâtre , qui fut la Thébaïde
ou Les Frères ennemis , suivie à'A-
lexandre, en 16G6. Car Racine , quoi-
que élevé dans les maximes sévères de
Port-Royal , et portant l'habit ecclésias-
tique, n'en travaillait pas moins au profit
des histrions , et ce n'est pas la première
fois que l'on vitun partisan du rigorisme
s'occuper des choses que les plus lâches
probabilistes eussent cru ne s'accorder
pas avec l'esprit du christianisme. Ce
fut à peu près vers ce temps-là qu'il ob-
tint le prieuré d'Epignay ; mais il n'en
jouit pas long temps. Ce bénéfice lui fut
disputé : il n'en retira pour tout fruit
qu'un procès, que ni lui ni ses juges
n'entendirent jamais ; aussi abandonna-
t-il et le bénéfice et le procès. Il eut
bientôt un autre procès qui fit plus de
bruit. Des Marest de Saint-Sorlin écrivit
contre Nicole , qui , dans la première de
ses lettres , traita les poètes dramatiques
à' empoisonneurs , non des corps , mais
des âmes. Racine prit ce trait pour lui;
il lança d'abord une lettre contre ses an-
ciens maîtres. Nicole négligea de répon-
dre : mais Barbier d'Aucour et Dubois le
firent pour lui. Racine leur répliqua par
une lettre qui sentait l'homme piqué , et
qui à tout prix voulait avoir raison. Boi-
leau, à qui il la montra avant que de la
rendre publiqlie , l'engagea à la suppri-
mer. Alexandre fut suivi à'Andromaque,
jouée en 1C68. La comédiedes Plaideurs,
jouée la même année , eut du succès, à
raison des allusions oii l'on reconnut di-
vers personnages, et des anecdotes qui
avaient été l'objet de la conversation
des Parisiens ; ce n'était du reste qu'une
imitation des Guêpes d'Aristophane :
ai6 RAC
cette pièce se joue encore au Théâtre-
Français. Brilannicus parut en 1G70.
Bérénice , joucc l'année d'après , n'est
qu'une pastorale héroïque ; elle manque
de ce grand intérêt et de ce terrible , les
deux grands ressorts de la tragédie. Ra-
cine prit un essort plus élevé, en 1672,
dans Bajazct. Mitliridate , joué en
1G73, est plus dans le goût du grand
Corneille , quoique l'amour soit encore
le principal ressort de cet épilhalame, et
que cet amour y fasse faire des choses
peu dignes de la tragédie. Milhridate s'y
■sert d'un artifice de comédie pour sur-
prendre une jeune personne et lui faire
dire son secret. Cette fureur démettre
de l'amour partout a dégradé presque
tous les héros de Racine. Voltaire a eu
raison de dire : <c Les connaisseurs qui
» se plaisent plus à la douceur élégante
» de Racine qu'à la force de Corneille
» me paraissent ressembler à ceux qui
)) préfèrent les nudités du Corrége au
)) chaste et noble pinceau de Raphaël. «
Iphigénie ne parut que deux ans après
( en 1G75 ) , et mérita le même reproche
que les précédentes. Phèdre fut jouée
«n 1677 deux jours avant la représenta-
tion du même sujet traité par Prndon. Le
plan des deux pièces est à peu près de la
même contexture : mêmes personnages,
mêmes situations, même fonds de senti-
mens et de pensées ; mais c'est lorsque
les deux auteurs se rencontrent de plus
près, qu'on sent davantage la supériorité
du talent. Cependant Pradon , soutenu
par les ennemis de Racine , attira tout
Paris à sa pièce , tandis que celle de son
rival fut couverte de huées et de ridicule.
( La postérité a fait justice de cette cabale;
Phèdre est la pièce la plus souvent jouée ,
et toujours avec applaudissement. ) Ra-
cine, dégoûté de la carrière du théâtre ,
- semée de tant d'épines, résolut de se
faire chartreux. Son directeur, qui con-
naissait l'inconstance de son caractère,
lui conseilla de s'arracher au monde et
au théâtre , phitôt par un mariage chré-
tien que par une entière retraite. Il épou-
sa , quelques mois après , la fille du tré-
sorier de France , d'Amiens. La même
année de son mariage, en 1677 , Racine
RAC .
fut chargé d'écrire l'histoire de Louis
\IV, conjointement avec Roileau. Cette
histoire n'a jamais paru ; le manuscrit
en a péri dans l'incendie de la bibUothè-
que de M. de Valincourt. Il en a échappé.
dit-on , un fragment , qui a été publié
en 1784. ( frayez le Journ. hist. et Utt.,
1" décembre 1784, p. 602. ) Ce frag-
ment ne donne pas une grande idée de
l'ouvrage , et n'offre dans le fait qu'un
Eloge historique y titre sous lequel il a
paru. On y admire tout, on y exalte tout.
« Tant il est vrai , dit un critique , qu'on
w ne peut jamais écrire l'histoire pcn-
» dant la vie des rois, surtout lorsqu'ils
» sont venus à bout de subjuguer les es-
» prits , comme avait fait Louis XIV. On
» doit se borneralors à recueillir Icsfails
j) par ordre chronologique, et l'on n'est
» pas en droit d'en attendre davantage
» des historiographes contemporains. »
» La religion avait enlevé Racine à la
poésie ; la religion l'y ramena. Madame
de Maintenon le pria de faire une pièce
sainte, qui pût être jouée à S^int-Cyr : il
en fit deux , Esthcr et Athalie ; mais ces
tragédies , quoique d'une grande beauté ,
et vrais chefs-d'œuvre de la scène fran-
çaise , ne furent pas rerues avec le même
enthousiasme que les précédentes : nou-
velle preuve des vrais motifs qui produi-
sent l'attachement aux spectacles , tou-
jours faible lorque la corruption du cœur
ne le fortifie pas. On disait « que c'était
» un sujet de dévotion, propre à amu-
» serdesenfans.»... Racine jouissaitalors
de tous les agrémens que peut avoir un
bel-esprit à la cour. Il était gentilhomme^
ordinaire du roi , qui le traitait eu fa-j
vori , et qui le faisait coucher dans sa
chambre pendant ses maladies. Ce mo-|
narque aimait à l'entendre parler, lire,
déclamer. Tout s'animait dans sa bouche,
tout y prenait une âme, une vie. Sa fa-
veur ne dura pas, et sa disgrâce hâta sa
mort. Madame de Maintenon , touchée
delataisère du peuple, avait demandée
Racine un Mémoire sur ce sujet intéres-
sant. Le roi le vit entre les mains à%
cette dame , et , fâché de ce que son his-
torien se mêlait de son administration,
il lui défendit de le revoir, en lui disant'
i
RAC
Parce qu'il est poète , veut-il être minis-
tre? Des idées tiisles, une fièvre vio-
lente , une maladie danrjereuse , furent
la suite de ces paroles. Racine mourut
en 1 699 , à 60 ans , d'un petit abcès dans
le foie. Tant il y a de distance entre les
ornemens de l'esprit et la force de l'â-
me ; entre la culture des lettres et les
sentimens de la véritable grandeur , qui
sent si vivement son indépendance des
cours et des rois , et qui en jouit si bien !
Racine était d'une taille médiocre, sa
ligure était agréable , son air ouvert , sa
physionomie douce et vive. Il avait la
politesse d'un courtisan et les saillies
d'un bel esprit. Son caractère était aima-
ble , mais il passait pour faux ; et , avec
une douceur apparente , il était naturel-
lement très caustique. Plusieurs épi-
grammes , un grand nombre de couplets
et de vers satiriques , qu'on brîila à sa
mort , prouvent la vérité de ce que ré-
pondit Despréaux à ceux qui le trou-
vaient trop malin : Racine , disait-il ,
F est bien plus que moi. Les défauts de ce
poète furent effacés en partie par de gran-
des qualités. La religion réprima souvent
ses pencbans. n La raison , disait £oi-
» leau à ce sujet, conduit ordinairement
» les autres à la foi ; mais c'est la foi qui
» a conduit Racine à la raison. » Avec
cela, on remarquait un air de fluctuation
dans sa conduite, et comme un état de
dispute entre Dieu et le monde , entre sa
conscience et les choses qu'elle réprou-
vait. Il eut sur la fin de ses jours uoe
piété tendre , une probité austère ; il
condamna l'usage qu'il avait fuit de ses
talens en faveur d'un genre où les ver-
tus chrétiennes ont si peu à gagner.
Outre les tragédies de Racine, nous
avons de lui : 1° des Cantiques , qu'il J'it
h l'usage deSaint-Cyr. Us sont pleins
d'onction et de douceur. On en exécuta
un devant le roi , qui , à ces vers :
lion Dieu , quelle guerre rruelle !
Je trouve deux faomnies en moi :
I.'un Teut que , plein d'amour pour (ni ,
Je U toit saus cetfc lideUe i
L'autre, à (m ioIobUi rebeUf ,
Mt (oulèT* coutre ta loi.
dit à ipad^mç de Maintçnon : « Ah ! ma<
» dame, \o\ïk deux hommes que je cou-
XI.
R.\C 217
j> nais bien. » 2" l'Histoire de Port-
Royal , 1707 , 2 parties in-12. Le stile
de cet ouvrage est coulant et historique ,
mais souvent négligé ; on sent assez que
l'historien est dans le cas de faire quel-
quefois l'apologiste et quelquefois le pa-
négyriste. Clémencet nous a donné aussi
uoe Histoire de cette maison chérie du
parti. Il en a paru une nouvelle eu 17 80,
Paris , 4 vol. in-12, réunis en 2 vol.
Outre cela , nous avons encore les Mé-
moires hist. et chron. de Guilbert. Tant
d'histoires d'une maison religieuse sem-
blent dire qu'elle avait grand besoin de
gens qui en contassent du bien. ( ployez
Clémencet. ) 3° Une Idylle sur la paix ,
pleine de grandes images et de peintures
riantes; 4° quelques Epigrammes -. genre
qui n'était que trop dans son caractère,
auquel il se fût livré peut-être davantage,
si les remords n'en avaient alïaibli le goût;
5" des Lettres et quelques opuscules, pu-
bliés par son fils dans ses Mémoires de
la vie de Jean Racine , 1747, 5 vol. in-
12. On trouve les différens ouvrages de
Racine dans l'édition de ses OEuvres, pu-
bliée en 17C8, en 7 vol. in-8, par M.
Luneau de Boisjermain , qui l'a ornée de
remarques. L'abbé d'Olivet a donné des
Remarques de grammaire sur Racine ,
avec une Lettre critique sur la rime ,
adressée à M. le président Bouhier, in-
12, Paris, 1738. L'année suivante , l'ab-
bé des Fontaines opposa à cet écrit : Ra-
cine vengé ou Examen des remarques
grammaticales de M. VabbéiïOlivet sur
les OEuvresde Racine, Avignon (Paris),
in-12. Ces deux écrits méritent d'être
lus. Celui de l'abbé d'Oiivet a été réim-
primé en 17G6. /^oy« Corneille. Nous
avons encore d'autres remarques et d'au-
tres commentaires sur Racine; on doit
les lire avec précaution et se défier de
leurs louanges : les plus connus sont
ceux de Laharpe et de Geoffroi. On dit
qu'il fit perdre à Louis XIV l'habitude de
figurer dans les ballets qui se donnaient,
à la cour et sur un théâtre , par ces vers,
dans la tragédie de Rritanmcus .
> Pour toutg iimbiliao , pour terlu ainguitcre,
> Il excelle à ronduire on cliar dan» la carrière ,
• & »e douocr li»im<-mu en spectacle aux llooisint,
28. -
•>.i6 IIAC
(1^8 éditions (le son théâtre sont innombra-
bles : nous indiquerons seulement celles
de Bodoni, 1813, 3 vol. in- fol., et celle
de Pierre Didot l'aîné an 11 (1801-1805),
3 vol. io-fol. , le livre le plus magni-
fique que la typographie ait encore pro-
duit. Ses OE livres ont été reproduites en
1825, 1 vol. in-18. Les meilleures édi-
tions des OEuvres complètes de Racine
sont celle deGarnier , Paris , 1807 , 7 vol.
in-8 , avec le commentaire de Laharpe
et le portrait de l'auteur; celle d'Aimé-
Martin avec les notes de tous les com-
mentateurs, Paris, le Febvre, 1820,
1822 et 1825.
RACIJNE ( Louis) , fils du précédent ,
naquit à Paris, le G novembre 1G92.
Ayant perdu son père de bonne heure ,
il fut confié aux soins de Roliin, alors
principal du collège de Beauvais. Il de-
manda des avis à Boileau , qui lui con-
seilla de ne pas s'appliquer à la poésie ;
mais son penchant pour les muses l'en-
traîna. Il donna, en 1720, le poème de
la Grâce, écrit avec assez de pureté , et
dans lequel on trouve plusieurs vers
heureux. Il le composa chez les Pères de
l'Oratoire de N.-D. des Vertus , où il s'é-
tait retiré après avoir pris l'habit ecclé-
siastique. Les chagrins que son père
avait essuyés à la cour lui faisaient re-
douter ce séjour ; mais le chancelier d'A-
guesseau réussit pendant son exil à Fres-
nes à le réconcilier avec le monde qu'il
avait quitté. Il se fit des protecteurs, qui
contribuèrent à sa fortune. Le cardinal
de Fleury , qui avait connu son père , lui
procura un emploi dans les finances; et
il coula dès lors des jours tranquilles et
fortunés avec une épouse qui faisait son
bonheur. Un fils unique, fruit de leur
union, jeune homme qui donnait de gran-
des espérances , périt malheureusement
dans le tremblement de terre et l'inonda-
tion qui ravagèrent Cadix en 1755. Son
père , vivement affligé de cette perle, ne
traîna plus qu'une vie triste , et mourut
dans de grands sentimens de religion, en
17G3,à 71 ans. L'académie des Inscrip-
tions le comptait parmi ses membres dès
l'an 1719. Ce poètefaisait honneur à l'hu-
manité : bon citoyen , bon époux , père
RAC
tendre , fidèle à l'amitié , reconnaissant
envers ses bienfaiteurs , la candeur ré-
gnait dans son caractère , et la politesse
dans ses manières . malgré les distrac-
tions auxquelles il était sujet. Il s'était
fait peindre les OEuvres de son père à
la main , et le regard fixé sur ce vers de
Phèdre :
Et moi, nis inconnu d'un •! glorieux père....
Pénétré de la vérité du christianisme , il
en remplissait les devoirs avec exactitude.
On a de lui des OEuvres diverses , en
6 vol. in-12. On trouve dans ce recueil :
l°son poème sur la Religion, imprimé
séparément in-8 et in-12, avec d'excel-
lentes notes : cet ouvrage offre les grâces
delà vérité et delà poésie. Il n'y a point
de chant qui ne renferme des traits ex-
cellcns et un grand nombre de vers ad-
mirables; mais il ne se soutient pas , et
il y règne une monotonie qui le rend
quelquefois languissant. Dans les derniè-
res éditions on trouve des changemens
que l'auteur a cru devoir faire, surtout
dans les notes, par déférence pour cer-
taines critiques qui n'avaient pas la soli-
dité qu'il leur supposait , et cette docili-
té mal entendue prend quelquefois un air
defaiblesse et d'inconséquence. ( Laharpe
le regarde comme un des meilleurs du
deuxième ordre ; il a été réimprimé un
grand nombre de fois , et traduit en vers
anglais, en vers allemands , deux fois en
vers italiens, et plusieurs fois en vers la-
tins. Il été réimprimé en 1 82G , chez De-
bure, un vol. in-32, et fait partie de la col-
lection des classiques français.) 2° Son
poème sur la Grâce, 1722, qu'on trouve
à la suite du précédent. Il en a paru une
critique, oîil'on examine, 1° la marche et
la versification ; 2° la doctrine. Cette cri-
tique parut en 1723, sous le litre àî Exa-
men, etc. Elle est quelquefois un peu sé-
vère; mais il y a des observations rai-
sonnables. \oltaire a adressé à l'auteur
de ce poème les vers suivans :
Cher Racine, j'ai lu, dans tm Tcrs didaeliquei ,
]>e ton Janwniui les dogmes fanatiques :
Quelquefois je l'admire, et ne te crois en rien :
Si ton stile me plait, ton Dieu n'est pas le mien;
Tu m'en fais un tyrdn , je tcux qu'il soit mon père.
Si ton culle est sacré , le mien est Tolontaire :
I
RAC
r» loa sang mifui qus toi je rseoiniai» lu prii:
Tu lu jer» tu etclav», il je le icrs en liU.
t:rnit-iuoi, n'olTi-cte point une inutile audace,
Il faut comprendre Dieu pour comprendre la gric».
Soumpltoni nos esprils, présentons-lui nos rœurt,
El lovons des chrélieus, el no» pas dci docleurt.
3° Des Odes , recommandables par la ri-
chesse des rimes, Ja noblesse des pen-
sées et la justesse des expressions. Quoi-
qu'elles soient sur le vrai ton de ce genre,
on souhaiterait d'y reiiconlrer plus sou-
vent le feu de Rousseau. 4° Des Epitres
qui renferment quelques réflexions judi-
cieuses. Sa poésie est élégante; mais il
n'y a aucun trait bien frappant, et elle
manque en général de chaleur et de co-
loris. 5° Des Réflexions sur la poésie ,
qu'on a lues avec plaisir , quoiqu'il n'y
ait rien d'absolument neuf et de bien pro-
fond. 6° Des Mémoires sur la vie de Jean
Jtacine, imprimés séparément en 2 vol.
in-1 2. Us sont curieux et intéressans pour
ceux qui aiment l'histoire littéraire. S'il
y a quelques minuties , on doit les par-
donner à un fils qui parle de son père ,
et d'un père si célèbre. (> Malheur à l'âme
» froide, dit un critique équitable, qui
j» ne sera pas attendrie en assistant à
» cette procession , oîi l'auteur à'Athalie
» porte la croix , dont ses filles compo-
» sent le clergé, et que termine le jeune
» Lionval ( nom de Louis Racine dans sa
» jeunesse ) , faisant gravement les fonc-
» tions respectables de pasteur ! Il faut
» l'avouer : nos mœurs sont si Ccrrom-
» pues, notre goût si frelaté, qu'en li-
» sant ces Mémoires , nous nous croyons
» transportés , je ne dirai pas dans un
» autre siècle , mais dans un autre
» monde. Cependant il est encore des
» âmes honnêtes qui sentent tout le prix
» d'un hommage rendu à l'amour pater-
» nel par la piété filiale ; et jamais , non
» jamais , notre fastueuse philantropie ne
M vaudra cette touchante païveté. »
Kous avons encore de cet auteur deux ou-
vrages médiocres : i° Remarques sur les
tragédies de Jean Racine , en 3 vol.
in- 12. C'est une critique volumineuse :
on a reproché à l'auteur de manquer d'é-
lévation , d'usage du théâtre, et de con-
naissance du cœur humain. Il y a pour-
tant de bonnes réflexions. 2° Une Tra-
RAC îigf
duclion du Paradis perdu de Millon en
3 vol. in-8, chargée de notes. Elle est
plus fidèle que celle de M. Dupré de
8ainl-3Iaure ; mais on n'y sent point ,
comme dans celle-ci , l'enthousias-
me de l'Homère anglais. On y rencon-
tre quelquefois des alliances de mots
qui choquent , un stile heurté , des an-
glicismes ; et c'est par-là qu'elle a obtenu
eu Angleterre des suffrages qu'on lui re-
fuse en France ; car on sait que les An-
glais se servent communément de cette
traduction pour étudier la langue fran-
çaise. Les Pièces fugitives T^vihWées, sous
son nom en 1784 ont été hautement dés-
avouées par sa veuve et ses amis ; et il
est certain que c'est une imposture typo-
graphique , aujourd'hui si commune en
fait d'ouvrages posthumes, ployez la fin
de l'article Brotier. ( Les OEuvres de
Louis Racine ont été recueillies en 1747
et en 1752 , C vol. petit in-1 2. M. Lenor-
mant en a publié une nouvelle édition ,
Paris, 1808, 6 vol. in-8, précédée del'E-
loge de l'auteur par Le Beau. )
RACINE (Bonaventure ) , ecclésias-
tique , né à Chauuy en 1708, vint ache-
ver ses études à Paris, au collège Mazarin,
et s'y rendit habile dans les langues lati-
ne et grecque. La Croix-Castries, archevê-
que d'Alby,rappela en 1 729, pour rétablir
le collège de Rabasteins, dont les habitans
demandaient la restauration. Mais son zèle
pour les nouvelles opinions l'obligea de
se retirer à Montpellier auprès de Colbert,
qni le chargea de la direction du collège
de Lunel. Il en sortit secrètement peu de
temps après, pour éviter des ordres rigou-
reux. Il passa à la Chaise-Dieu, afin d'y
voir l'évêque de Senez , puis à Clermont,
oii il s'entretint avec la nièce de Pascal,
et vint à Paris. Il s'y chargea de l'éduca-
tion de quelques jeunes gens au collège
d'Harcourt. Il fut encore obligé d'en sor-
tir en 17 34, par ordre du cardinal de
Fleury. Caylus, évêque d'Auxerre, atta-
ché ainsi que lui aux intérêts du parti ,
le nomma à un canonicat de sa cathé-
drale, et lui conféra les ordres sacrés. Il
mourut à Paris, en 1755, à 47 ans. L'ab-
bé Racine fut rccommandable par se.t
connaissances , par la bonté de son ea^
220 RAC
ractère , cl dans son parti parla vivacité
de son zèle. Ardent et inflexible dans ce
qu'il croyait vrai , ou ce qu'il s'était en-
j^agc de défendre comme tel , il le sou-
tenait avec une espèce de fanatisme. On a
de lui : 1° quatre écrits sur la dispute
<{ui s'était élevée touchant la crainte et
la confiance ; 2° un Abrégé de l'histoire
ecclésiastique, 17 34, en 1 3 vol. in-1 2. Cet
ouvrage a eu le plus grand succès auprès
(les disciples de l'Augustin d'Ypres ; mais
ceux qui distinguent l'Eglise catholique
des factions diverses qui de tout temps
se.sont élevées dans son sein, n'en ont
pas porté le même jugement. « Ce n'est
» réellement, dit un critique, qu'un li-
» belle diffamatoire de tous les hommes
» illustres dont les noms ne se trouvent
» pas dans les dyptiques du parti , et un
w recueil d'éloges de tous les fanatiques
» qui en ont porté les intérêts jusqu'à la
)) démence. » ( Voyez Viscemt de Paul. )
L'auteur se proposait de pousser cet Abré-
gé aumoins jusqu'en 1750 ; mais la mort
ne lui en a pas donné le temps. On joint
à cette histoire des lettres à Morénas ,
qui font le 1 4* vol. et une suite en 2 vol.
formant les 16* et 16* vol. Les neuf pre-
miers volumes ont moins de partialité et
d'esprit de parti que les quatre suivans ,
oîi l'auteur prend un ton d'enthousias-
me indigne de l'histoire. De simples re-
ligieux appelans ou apostats occupent âO
pages, tandis que des saints reconnus
par l'Eglise, et les martyrs , les évêques,
les solitaires, qui ont illustré la religion
chrétienne dans les premiers temps, sont
traités testement et avec une sorte d'in-
différence. L'Histoire de FEglise par
l'abbé Bérault a entièrement effacé celle
de Racine dans l'esprit des gens dont le
jugement n'est asservi à aucun parti.
Nous ne dirons rien des Siècles chrétiens
de l'abbé du Creux , autre abrégé de
l'Histoire ecclésiastique , ouvrage moitié
philosophique, et qui, dans sa totalité,
ne peut être envisagé que comme le fruit
de la faiblesse et de l'inconséquence.
* RACLE ( Léonard ), habile archi-
tecte, né en 1736 à Dijon , acquit, pres-
que sans niaitre, des connaissances éten-
dues dans les mathématiques et dans les
RAC
différentes branchesde la physique. Racle
fit construire un pont de fer, le premier
qu'on ait vu en France ; mais il n'a sub-
sisté que peu d'années. On lui doit au.ssi
le secret de celte espèce d'enduit appelé
argile-marbre, parce qu'il en a le poli
et la dureté. Il est mort à Pont-de-Vaux
en 1792. Il a publié un savant Mémoire
sur la construction d'un pont de fer ou
de bois d'une seule arche de 400 pieds
d'ouverture , qui a été couronné par l'a-
cadémie de Toulouse en 1786; et des
Réflexions sur le cours de la rivière de
VAin , ouvrage plein d'idées lumineuses
sur l'art hydraulique. C'est lui qui a
bâti Ferney et le port de Versoix, et qui a
dirigé les travaux du canal de navigation
de Pont-de-Vaux. M. Amanlon lui a con-
sacré une notice biographique , Dijon ,
1810, in-8.
'RACINiTZ ( Joseph-Frédéric , baron
de ) était âgé de 17 ans , lorsqu'il entra
au service de l'électeur de Saie ; il fit les
campagnes de 1761 et 1762. A la paix
d'Huberlsbourg , il reçut en récompense
de sa belle conduite le grade depremier-
licutenantdans les grenadiers de la garde
électorale. Après avoir reçu en 1763 le
titre de gentilhomme de la chambre , il
quitta le service militaire, et devint suc-
cessivement chambellan, directeur de la
chapelle , grand-maître d'hôtel , grand-
maréchal du palais, et mourut en 1818.
Il s'est beaucoup occupé du progrès des
sciences et des arts , et il a publié : 1°
Lettres sur Carlsbad, et les productions
naturelles de SCS environs, Dresde, 1780;
2° Lettres sur la basalte , 1790 ; 3° Let-
tres sur les arts , 1792 , in-4 ; 4° His-
toire du goût chez les principaux peu-
ples , sous le rapport de l'architecture
et l'ornement intérieur des appartemens,
1798 , in-4 , avec beaucoup de planches
gravées ; S" Essai critique sur divers
tableaux de la galerie royale de Dresde,
1811, avec planches ; 6° Esquisse d'une
histoire des beaux-arts en Saxe , parti ■
culièretnent de la peinture , 181Î.
RAGONIS ( Charles-François b'Abiia
de ) , théologien, né en IS80 , au châ-
teau de Kaconis, dans le diocèse de
Chartres, professa la philosophie au col
lège du Plessis, el la llK^ologie à celui
de Navarre. La régularité de ses mœurs,
jointe au succès de ses sermons et de ses
onvrages de controverse , lui méritèrent
l'évêché de Lavaur en 1637. Il mourut
en 1C46, après avoir publié plusieurs
écrits : 1° Traité pour se trouver en
conférence avec les hérétiques, iu-i 2 ,
Paris, ICI 8; 2° Théologie latine, en
plusieurs vol. in-8 ; 3° la Fie et la mort
de madame de Luxembourg , duchesse
de Mercœur , in-1 2 , Paris , 1 C26 ; 5° Ré-
ponse à la Tradition de VEglise sur
la pénitence et la communion, d'Ar-
nauld, etc.
RADBERT. f^OyCsPASCHASE-lîATBHRT.
RADBOD II, évêque de Noyon et de
Tournai , mort l'an 1082, a écrit la Fie
de saint Médard, publiée par les bollan-
distes.
•RADCLTFFE (Jean), célèbre médecin
anglais, né en 1G50 à Wakefield, dans le
comté d'York , étudia son art dans l'uni-
versité d'Oxford. 11 y fut reçu docteur en
1675. Constamment opposé aux règles et
aux méthodes établies , il les censura
amèremenl , et prescrivit de nouveaux
principes dans la médecine. Ces innova-
tions lui suscitèrent et des critiques sé-
vères et de nombreux ennemis ; mais ,
malgré toutes leurs clameurs, il suivit la
roule qu'il s'ct:iit frayée , et acquit une
{grande réputation. Il vint s'établir à Lon-
dres en 1648 , et devint le rival du doc-
teur Lower, médecin alors fort en vogue,
n devint médecin de la princesse de
Danemark , et acquit en peu de temps
«le grandes richesses ; mais la fortune
ne lui sourit pas long-temps : ses éco-
nomies confiées à un armateur furent
prises par les Français. Il allait réparer
< '^Ue perte par un mariage avantageux ,
lorsqu'il apprit que celle qu'il devait
s'uniravait d'autres engagcraens. La mort
l'.c la reine Marie, enlevée en 1694 par la
petite vérole, lui fut attribuée, et il perdit
beaucoup dans l'opinion publique. Cepen-
'litnt leroi Guillaume, à son retour deHol-
lande , le fit appeler. Le monarque lui
montra ses chevilles excessivement gon-
flées , tandis que tout le reste de son
«•orps était d'une maigreur eilrême.
RAD i-xx
ft Que pensez-vous, » lui dits. M. , « de
M cet état ? » « Pour vos trois royaumes
X entiers, sire, » répondit l'impertinent
médecin , « je ne voudrais pas avoir vos
» deux jambes. « Cette répartie indécente
ne plut nullement au roi , qui congédia
aussitôt Radcliffc , et ne voulut plus le
revoir. La princesse Anne en fit de même,
et lorsqu'elle parvint au trône , ce fut
en vain que Je comte de Godolphin
chercha à mettre Radcliffe dans ses bon-
nes grâces. « Il me dira toujours , » lui
répondit-elle , « que tous mes maux ne
» sont que des vapeurs. » Radcliife, ayant
eu une pleurésie assez forte, la négligea,
et devint dangereusement malade. Il se
fit tirer plus de cent onces de sang ; le
28 , il fit son testament , et le 30 son mal
s'aggrava, de sorte qu'on crut qu'il allait
expirer le lendemain. Cependant , le 31
il se fait transporter à Kensington par
quatre hommes , et , au milieu du jour,
il y arrive après avoir essuyé trois éva-
nouissemens pendant sa route. Il se met
au lit , s'endort , et trois jours après il
se trouve hors de danger. La reine , en
apprenant la conduite qu'il avait tenue
dans cette occasion , « Il ne faut pas se
» plaindre , » dit-elle , « s'il traite si
» rudement ses malades , puisque lui-
» même se ménage si peu. » Son inso-
lence et son orgueil augmentaient en
proportion de sa vogue et de sa fortune.
La reine étant tombée dan.gereusement
malade, le conseil, ou plutôt un message
de lady Masham , dame d'honneur de la
princesse , fit appeler dans l'après-midi
Radclifife, qui, sans avoir égard à la gra-
vité de la circonstance , ni à la dignité
du malade, répondit brusquement « qu'il
n ne pouvait sortir , parce qu'il avait
» pris un remède ce jour-là. » La reine
mourut peu de jours après y et, comme il
avait eu le bonheur de sauver lord Gor-
ver dans une maladie pareille , tout le
inonde attribua la mort de la reine h sa
conduite bizarre. Se voyant en butte au
ressentiment de toute la ville , il se retira
au village de Carshalton , où , craignant
encore d'être assassiné par le ^leuple , il
n'osait sortir de sa maison. Cependant , \
la frayeur s'empara si fortement de lui ,
22a RAD
qu'elle altéra sa santé, et ii mourut trois
jours après la reine , le 1" novembre
1714. Il avait vécu dans une dispule con-
tinuelle avec ses collègues , qui ne le
considéraient que comme un empirique
hardi, et qui ne devait un certain talent
qu'à une extrême activité et à une longue
pratique. On ne peut cependant nier que
RadcliiTe n'ait fait de 1res bonnes cures,
dans les cas même les plus désespérés.
Les docteurs Atterbury elMead racontent
plusieurs anecdotes de cet homme sin-
gulier. « Mead , » disait-il à ce médecin,
« je vous suis attaché ; je veux vous don-
» ner un moyen sûr de faire votre for-
» lune : traitez mal le genre humain en-
M tier. » Mead , loin de suivre ce conseil,
parvint , par une roule bien différente ,
à une fortune qu'il ne pouvait pas se re-
procher. Radcliffe , ayant pris un soin
extrême d'une dame qu'il parvint à sau-
ver , se vanta qu'il n'en avait agi ainsi
« que pour contrarier son époux, qui
» ne l'aimait pas, » Au milieu des riches-
ses, il était avare dans sa maison; il l'a-
vouait lui-même , et redoutait de faire
changer une guinée. « Elle s'évapore , «
disait-il , « aussitôt qu'elle est en petite
» monnaie. » Il acquittait difficilement
ses comptes ; et un paveur , après mille
démarches infructueuses pour être payé,
l'arrêta à sa porte lorsqu'il descendait de
voiture. « Coquin , « lui dit le médecin
en colère , « tu oses me demander le
» paiement d'un pavé mal placé , et que
» tu as couvert de tc^r^ pour qu'on ne le
i> vît pas ? u « Docteur , u lui répondit
son créancier , et je ne suis pas le seul
» dont la terre cache les fautes. » Ilad-
cliffe n'ajouta pas un mot , et le paveur
fut payé. La Ricliardsoninna rapporle
de lui d'autres traits qui servent à faire
mieux connaître son caractère, l'our don-
ner une idée des grandes richesses qu'il
avait amassées , il suffira de dire qu'il lé-
gua à l'université d'Oxford 40,000 livres
sterling ( près d'un million de francs } ,
pour construire une bibliothèque, avec
un revenu annuel de 1 00 livres pour l'en-
tretenir , et 150 pour le bibliothécaire.
On a de lut : Pratical disquisitions con-
taining a complet body et prescriptions
RAD
silted for ail diseases internai and ex-
ternaly Londres, 1718 , in-8 , plusieurs
fois réimprimé et traduit en allemand.
* RADCLIFFE (Anne), romancière
célèbre, dont la vie fut aussi obscure
que la réputation de ses ouvrages a été
brillante et universelle , naquit à Lon-
dres en 1764 de parens estimables , qui
prirent un grand soin de son éducation.
Nous ne connaissons rien des principales
circonstances qui se rattachent à sa bio-
graphie : elle vécut entièrement dans
l'intimité domestique. Mariée vers l'âge
de 23 ans à William Radcliffe, gradué à
l'université d'Oxford, elle se livra dès
lors à la culture des lettres. Elle fit en
1791 un voyage sur les'bords du Rhin, et
revint ensuite habiter sa maison , où elle
continua ses travaux littéraires. L'envie,
excitée par les succès, s'est plue à lui at-
tribuer diverses productions indignes
d'elle; et l'on croit assez généralement
que c'est pour se soustraire à cette odieuse
manœuvre qu'elle cessa tout à coup d'é-
crire. On a prétendu depuis qu'elle était
sans cesse occupée des visions et des ter-
reurs qu'elle a décrites, que sa raison
s'était aliénée , et qu'elle avait terminé
ses jours dans une maison de fous. Ces
faits sont entièrement faux , et nous sa-
vons d'une manière positive qu'elle a
succombé le 7 février 1823, dans sa mai-
son à Londres, à un asthme spasmodique
qui la faisait souffrir depuis 12 ans. Ce
qu'il y a de bien certain, c'est que cet
auteur choisissait de préférence des situa-
tions terribles. On peut dire de miss Rad-
ciiffe qu'elle avait la terreur dansson es-
prit et dans son cœur : elle a su la peindre
avec toutes les couleurs qui lui sont pro-
pres. En général , ses romans peuvent in-
téresser les amateurs de ce genre de lec-
ture. Le plan en est assez bien fait, les
événemens bien conduits, et l'intérêt-
adroitement ménagé ; mais ils frappent
plutôt l'esprit qu'ils n'excitent la sensibi-
lité. Le slile est correct, et a beaucoup de
rapidité et de cbaleur. Ses descriptions se-
raient assez pittoresques, si elles n'étaient
])as trop longues cl trop prodiguées. Ses
principaux ouvrages, dont une grande-
partie a été traduite par l'abbé Morellct^
HAD
sont : 1° Les mystères d'Uilolphe, 1794,
4 vol. in-12; 2° Les Penitens noirs, 1795,
3 vol. iii-)2. Dans ce roman, l'auleur,
comme bon protestant , a la bonne foi
d'attribuer à un moine italien toutes les
borreurs dont serait capable le plus grand
scélérat. 3° Jidin oa les Souterrains du
château de Mnzzini; \° La Foret ou
V Abbaye de Saint- Clair, etc. On a
aussi de celle dame auteur, 5" un Voyage
en Hollande et sur la frontière de l'Alle-
magne, etc., Londres, 1795, in-4 ; tra-
duit en français par Cantivel , 2^édit. ,
Paris, 1799, 2 vol.in-8). Sir Waltcr Scott
a consacré un article détaillé à Anne
Radcliffe dans sa Biographie littéraire
des romanciers célèbres.
RADEGONDE ( Sainte ), fille de
Berthaire , roi de Tburinge, née en 519,
fut élevée dans le paganisme jusqu'à
l'âge de 10 ans, que le roi Clotaire \^'
l'emmena et la fit instruire dans la reli-
gion chrétienne. Elle joignait au.\ char-
mes de la vertu ceux de la figure. Clo-
taire l'épousa, et lui permit , 6 ans après,
de se faire religieuse. Elle prit le voile à
Noyon, de la main de saint Médard, et
fixa sa demeure h Poitiers, oîi elle mou-
rut saintement, le 13 août 687, à G8
ans , dans l'abbaye de Sainte-Croix qu'elle
avait fait bâtir. Nous avons son Testa-
ment dans le Recueil des conciles ; et sa
Fie, Poitiers, 1527 , in-4 , traduite du
latin par Jean Bouchet:il y en a une
plus moderne , par le Père de Monteil ,
Rodez, 1G27, in-12.
RADEMAKER ( Abraham ), peintre
hollandais, né en 1G7 5 à Amsterdam,
excella dans les paysages. Ses dessins
sont d'un effet très piquant , rares et des
plus précieux. (Le musée du Louvre pos-
sède de cet artiste un dessin à la plume,
lavé à l'encre de la Chine , représentant
l'hiver. On a aussi de lui un recueil fort
estimé de vues les plus intéressantes
des monumens de V antiquité répandus
dans les Provinces-Unies ; il est composé
de 300 estampes qu'il a dessinées et gra
vées, Amsterdam, 1731, t vol. in-4.) Il
mourut à Harlem, en 1735, âgé de GO ans.
RADERUS ou Rader ( Matthieu ) , jé-
suite , du Tyrol, né en 15C1 , mort à Mii-
RAD
223
nich en 1G34 , à 73 ans, se signala par
son savoir, ses vertus et ses ouvrages.
C'est lui qui publia , en 1 G 1 5 , la Chroni-
que d'Alexandrie , in-4. On a encore de
lui: 1° Viridnrium sanctorum, en 5
vol. in-8 , où l'on désirerait plus de cri-
tique ; 2° des Notes sur plusieurs auteurs
classiques, enlreautres surQuinle-Curce,
Cologne, 1628, in-fol., et sur Martial ;
elles sont estimées ; 3° une bonne Edi-
tion de saint Jean Climaque , in-fol.;
4" Bnvaria sancta et Bavaria pia ,
1615-24-27-28,4 vol. in-fol.
*RADET (Etienne), général de divi-
sion, né le 16 décembre 1762, en Lor-
raine, fut d'abord garde-chasse du prince
de Condé. Il entra jeune au service : nous
ignorons les détails de son premier avan-
cement militaire; nous savons qu'en
1800 il était parvenu au grade de chef
d'escadron, et qu'il commandait la gen-
darmerie à Avignon. Alors il présenta à
Buonapartequi était premier consul, un
Mémoire sur l'organisation de cette arme :
son projet fut approuvé , et il fut chargé
de l'exécuter. A cet effet il vint à Paris',
et plus tard il fut envoyé en Corse , en
Piémont et à Gènes, oiiii organisa succes-
sivement des corps de gendarmerie. Nom-
mé ensuite commandant-général de la
gendarmerie dans les Etats-Romains, il
s'y trouvait en 1809 sous les ordres du
général Miollis. C'est à Radet que fut
confiée la triste mission d'enlever le pape
Pie YII : voici comme il la remplit. Il di-
rigea en personne l'assaut qui fut livré au
palais Quirinal dans la nuit du 5 au 6
juillet. Aidé d'un millier d'hommes , gen-
darmes, conscrits ou soldais de la garde
civique de Rome, il fit appliquer des
échelles vers deux heures du malin au
palais oii le pape se tenait renfermé; et
après avoir fait enfoncer les fenêtres et
les portes intérieures, il arriva suivi de
ses hommes portant des armes et des
torches jusqu'à la pièce qui précédait
immédiatement la chambre à coucher du
pape. Celle-ci fut ouverte par ordre de
Sa Sainteté; alors le général Radet, le
chapeau à la main , se présenta devant le
Saint-Père à la tète de ses gens armés ,
et lui exposa l'objet de sa mission. Le
29.4 I^AD
pape, ayant refusé d'obéir à l'injonclion
qui luiclail faite, Radetlui déclara qu'en
ce cas il avait ordre de l'emmener avec
lui » et il ne lui donna qu'une demi-heure
pour se préparer à ce voyage , oir il n'eut
la liberté d'emmener avec lui que le car-
dinal Tacca. Il était quatre heures du
matin lorsque le pape monta dans une
voiture qui l'attendait à la porte exté-
rieure du palais , et il sortit de Piome par
la porte dcl Popolo. Le général demanda
de nouveau au Saint-Père s'il voulait re-
noncer aux Etats de l'Eglise , qu'il en
était encore temps, et sur la réponse né-
gative de Sa Sainteté, il fit prendre le
chemin de Florence. F.n route, Radet
prit toutes les précautions imaginables
pour soustraire son prisonnier à l'em-
pressement et à la curiosité publique ; il
pressa même tellement les postillons,
que la voiture oii était renfermé le saint
Pontife versa à Poggibondi. Heureuse-
ment le pape ne se fit aucun mal ; mais
le général, qui était dans le cabriolet sur
le devant de la voiture, fut jeté dans une
marc d'eau bourbeuse ; il continua néan-
moins sa route jusqu'à Florence , et là il
remit son vénérable prisonnier à un au-
tre officier de gendarmerie. Radet fut en-
core chargé par Buonaparte d'accompa-
gner le pape à Savone. Après le rétablis-
sement des Bourbons en 1814, il cessa
d'être employé activement ; mais à l'ap-
proche de Buonaparte, au mois de mars
1815, il se rangea des premiers sous ses
drapeaux , et commanda l'escorte char-
gée de conduire à Cette le duc d'Angou-
lême qui s'y embarqua pour l'Espagne.
Dans le mois de juin il reçut les titres
d'inspecteur -général de gendarmerie et
grand prévôt de l'armée. Après la dé-
route de Waterloo il se retira sur les
bords de la Loire, et fut remplacé dans ses
fonctions au mois d'août suivant. En
1810, il fut arrêté à Vincenncs, conduit
Il la citadelle de Besançon et traduit de-
vant un conseil de guerre, qui le con-
damna à neuf ans de détention pour la
part qui lui fut imputée dans les événc-
mens du mois de mars lSt5 ; mais une
ordonnance royale du mois de décembre
1818 lui rendit la liberté. Il est mort à
RAD
Varennes , déparlement de la Meuse , le
28 septembre 182.5.
RADONVILLIERS ( Claude François
LiZAROE de ) , littérateur , né à Paris en
1709 , mort dans la même ville le 20
avril 1789, a joui de la confiance de
Louis XV et de la famille royale ; il fut
sous-précepteur des enfans de France ,
conseiller d'état , membre de l'académie
française , etc. , et donna dans ces dififé-
rens emplois des preuves de ses talons
et de sa vertu. On a de lui une Idylle
sur la convalescence du roi, et une co-
médie en un acte, intitulé les Talens
inutiles, pièce ingénieuse, et si sage-
ment composée , qu'on ne fit pas de dif-
ficulté de la représenter au collège de
Louis le Grand , en 1740 ; un Traite' de
la manière d'apprendre les langues,
1708, in-12. L'abbé de Radonvilliers
avait été jésuite, et conserva toujours
les maximes qui honorent l'état religieux,
ce qui n'empêcha pas qu'il ne fût élu
membre de l'académie française ; mais il
eut plus d'une fois lieu de s'apercevoir
du mécontentement de ses confrères ,
particulièrement en 1779 , lorsque ^
comme directeur de l'académie , dans sa
réponse à M. Ducis , lors de la réception
de celui-ci , il s'exprima ainsi sur le
compte de Voltaire : « Heureux si , tenant
» dans le siècle de Louis W la place des
» beaux génies qui ont illustré le siècle
1) de Louis XIV , M. de Voltaire eût con-
» serve leurs principes et imité leurs
» exemples! Corneille, Racine.Despréaux,
» satisfaits de l'bouueur légitime que pro-
M curent les lalens, dédaignèrent cette
» triste célébrité qui s'acquiert malheu-
Hreusementparl'audaceetpar la licence :
» ils abandonnaient aux écrivains sans
)i génie ces ressources déplorables. Pour-
» quoi iM. de Voltaire a-t-il paru ne pas les
•a croire indignes de lui ? » ( Ses OEuvres
diverses ont été revues par Noël, 1807,
3 vol. in-8.0n trouve dans VEssai^ur l'é-
loquence de la chaire du cardinal Maury ,
2 vol. in-8 , un Eloge de l'abbé de Ra-
donvilliers. )
RADOSSAl\YI( Ladislas ) , né à
Neylra en Hongrie, fit ses études avec
succès à Presbourg, embrassa l'ordre de*
RAD
camaldulcs, et y remplit plusieurs char-
ges. On a de lui une Histoire des ermites
camaldulcs , en latin , Neustadt , t736 ,
in-4. Elle est pleine de recherches, et
renferme plusieurs vies , entre autres
celles de saint Romuald , de Paul Jusli-
nien , fondateur de la congrégation du
Mont- Couronné, de saint Dominique
l'Encuirassé , etc.
* RADZIWIL , nom d'une famille de
Litbuanie qui s'est distinguée dans la car-
rière des armes. Nous ne ferons connaître
que les principaux membres de cette
maison. Rabziwil ( Nicolas ) , 4*dii"iom,
palatin de Wilna , grand maréchal et
chancelier de Lithuanie, voyagea dans la
plupart des pays de l'Europe. Les grâces
de son esprit et ses talens lui acquirent
à son retour l'estime et l'amitié de Sigis-
mond -Auguste, roi de Pologne , qui le
fit capitaine de ses gardes. Il commanda
trois fois les armées polonaises dans la
Livonie , et soumit cette province à la
Pologne , après avoir remporté une vic-
toire complète sur les Allemands. L'ar-
chevêque de Riga et le grand-maître des
chevaliers de Livonie y furent faits pri-
sonniers. Quelque temps après, ayant
embrassé publiquement la religion pro-
testante, à la sollicitation de sa femme,
il fit prêcher des ministres dans son pa-
lais de Wilna , et les chargea de traduire
la Bible en langue polonaise. Radziwil
fit imprimer cette traduction à ses dé-
pens, en 1563, in-folio : elle est très
rare. En vain le nonce du pape et tout
ce qu'il y avait d'hommes respectables
dans le royaume lui reprochèrent son
apostasie ; le palatin mourut opiniâtre
dans la nouvelle hérésie en 15(>7, lais-
sant quatre fils , qui rentrèrent dans le
sein de l'Eglise catholique.
* RADZIWIL ( Nicolas-Christophe ) ,
duc d'Olica et de Nieswitz, fils aine du
précédent, naquit en 1549. Ayant abjuré
le luthéranisme, il fit vœu, pendant une
maladie grave dont il fut atteint à l'âge
de 2G ans, d'aller à Jérusalem. Il embrassa
la carrière des armes , et ne put remplir
ce voau qu'en 1582. A son retour dans sa
patrie, il fut nommé maréchal de la cour,
puis vaivede de Trozka et de Wida , et
XI.
RAD 2-^5
mourut en 1616. Il a laissé en polonais
la relation de son voyage à Jérusalem ;
Thomas Treller, custode de l'église de Wa-
ronie , en a donné une traduction latine
sous ce titre : Jerosolymitana peregri-
natio illust. Pr. N-Ch. Radziwil, etc.
Brunsberg, 1601, in-fol.,en vers, 16H,
in-fol. Ce livre offre des détails curieux
sur la Terre-Sainte , sur l'Egypte et sur
les autres contrées que l'auteur avait
parcourues.
''RADZIWIL (Charles de), palatin de
Wilna , hérita de son père d'une fortune
de cinq millions de revenus. Elevé comme
dans les temps barbares, il n'était pres-
que jamais sorti des forêts de la Lithua-
nie : étranger à tous les arts,, à toute po-
litesse, à toute éducation , il n'était re-
marquable que par la force corporelle et
par une certaine droiture d'esprit qui le
guidait toutes les fois que la passion où
le vin nel'égaraienl pas. Habituellement
il était environné de la jeune noblesse de
Lithuanie qui lui composait une espèce
de cour , et qui à son exemple se livrait
à la débauche la plus effrénée. En 1762
il fut revêtu de la première dignité de la
province (Palatin). Dès lors il combattit
pour l'indépendance de son pays toujours
menacée par la Russie. D'abord il fut assez
heureux pour le protéger ; mais, à la mort
de Frédéric-Auguste , il ne put empêcher
l'élection de Poniatovi'ski faite sous l'in-
fluence des baïonnettes russes. Néan-
moins il se battit encore ; mais il essuya
des revers qui le déterminèrent à se re-
tirer des affaires publiques. Il mourut
dans ses domaines le 29 novembre 1792 ,
laissant encore une fortune considérable,
malgré les sacrifices nombreux qu'il avait
faits pour sa patrie. — Le prince Domi-
nique Radziwil , mort pendant les guerres
de l'empire français, appartient à la
même famille. Il fut d'abord colonel d'un
régiment de lanciers , puis major dan.s
les chevau-légers polonais de la garde.
A la bataille de Hanau un boulet de ca-
non lui enleva son schakos sans lui faire
aucune blessureapparente; mais quelques
jours après il mourut subitement; il
était à peine âgé de 30 ans.
R.EV ARDUS ( Jacques ), jariscon<
29
è!^ RAF
suite , né à Lisseweghe , près de Bruges,
en 1034 , professa le droit avec distinc-
tion à Douai , et mourut dans sa patrie,
en 1568, dans un âge peu avancé. La
connaissance qu'il avait des belles-let-
tres , des antiquités grecques et romaines,
fait quece qu'il aécritsur la jurisprudence
est lu avec plus de goût et de fruit par
les antiquaires que par les jurisconsultes.
Ses OEuvres ont été réunies en 2 vol.
in-8,Lyon, 1623.
* RAFFEI ( Etienne ), philologue ,
poète et antiquaire, naquit à Orbitello ,
en Toscane, le 21 septembre 1712. 11
passa très jeune à Rome , où il entra chez
les Pères de la compagnie de Jésus au
collège romain, le 7 septembre 1733. Il
fit ses études avec le plus grand succès,
possédait plusieurs langues savantes, la
philosophie , la théologie , les antiquités,
et se distingua surtout par l'étendue de
ses connaissances. Pendant vingt ans, il
professa la rhétorique dans le collège ro-
main , et compta parmi ses élèves des
sujets distingués , qui occupèrent ensuite
des places éminentes dans la diplomatie
et l'Eglise. Après l'extinction de son or-
dre , il continua à demeurer à Rome , et
ne s'occupa plus que de ses éludes favo-
rites. Ses talens et une conduite exem-
plaire firent regretter sa mort , arrivée
en janvier 1788, à l'âge de 76 ans. Il
était de l'académie des Arcades de Rome,
et d'autres sociétés littéraires de l'Italie.
On a de lui : 1 ° Gioviani Colonna , tra-
gédie, 1763 ; 2° Flavio Clémente, ed il
Trionfo delV amicizia , ibid. 1764. Ces
deux ti;agédies furent jouées par des
élèves sur les théâtres de son collège, et
ensuite sur les théâtres publics , et elles
eurent un succès mérité ; 3° Disserta-
zione sopra il Crise di Marco Pacuvio,
Rome, 1770; 4' Dissertazione sopra
A polio Picio, ibid-, 1771 ; 5" plus de
dix autres Dissertations sur divers nio-
numens de Rome, qui toutes furent im-
primées; 6° des Poésies, comme son-
nets , odes , épilhalames , etc. , imprimés
séparément et à diverses époques. La
prose du Père RaflFei était correcte et fa-
cile , et ses vers ont beaucoup d'harmo-
nie et de concision.
RAF
• RAFFEINEL ( Claude-Denys) , jeune
écrivain, né vers 1 797dans le département
du Jura, d'un officier de marine qui fut
depuis commandante la Rochelle, fit ses .
éludes à Clermont en Auvergne. Placé S
en 1816 dans une maison de commerce, \
il ne tarda pas à en sortir pour se livrer
à des spéculations aventureuses dans les
mers du Levant. Il avait parcouru déjà
diverses contrées de l'Orient, lorsque se
trouvant dans les colonies du Sénégal à
l'époque du naufrage de la Méduse , il
fut exalté à tel point par tout ce que cet
événement avait de merveilleux et de
terrible , qu'il résolut de faire dans l'in-
térieur de l'Afrique des incursions hasar-
deuses. En effet il visita quelques parties
de ce continent; les curieux détails qu'il
donna dans la suite à ses amis, font re-
gretter qu'il n'ait pas écrit la relation de
son voyage , comme il se l'était proposé.
Nous savons que pendant plusieurs mois
il séjourna seul dans une cabane con-
struite sur la lisière d'une forêt, et qu'il
faillit y succomber à une maladie dont il
fut atteint. Il fut attaché quelque temps
à l'un des consulats de France en ces
pays, et fut témoin des premiers mouve-
mens de la révolution des Grecs. Dès lors
if se voua tout entier à leur cause. Il
fonda à Smyrne , sous le titre de V Obser-
vateur oriental, un journal écrit en
français, et qu'il voulait consacrer à l'in-
térêt du commerce des Français que celte
insurrection avait gravement compromis.
Mais , ne pouvant le soutenir seul et ne
voulant pas le confier à des écrivains
qui ne partageaient pas ses opinions, il
cessa de le faire paraître. Il passa en Mo-
rée et prit part à la première campagne
des Hellènes. Une maladie grave l'obligea
de revenir en France où il fut bien ac-
^cueilli par le général La Fayette, qui le
chargea de diriger l'éducation de ses pe-
tits-fils. Cependant, il s'embarqua en
1826 pour aller porter de nouveau les
armes sous l'étendard des Grecs, et il eut
la tête emportée d'un boulet de canon
dans le château d'Athènes le 27 janvier
1827. lia publié : 1° Histoire des Grecs
modernes depuis la prise de Constanti-
noplepar Mahomet II jusqu'à ce jour ,
RAF
Paris, 1824 , in-12 ; 2° Résumé de This-
toire de la Perse , depuis Vorigine de
l'empire des Perses jusqu'à ce jour ,
1825, in-18; 3° Histoire complète des
tvènemens de la Grèce , depuis les pre-
miers troubles jusqu'à ce jour , 2' édi-
tion, 1825, 3 vol. in-8, cartes et por-
traits ; nouvelle édition , avec quelques
correclionset changemens ; 4° Résume de
l'histoire du Bas Empire, 1826, in-18.
Raffenel n'avait pas eu le loisir d'embras-
ser assez fortement le genre d'étude au-
quel il se destinait ; mais il avait toutes
les qualités qui pouvaient faire espérer
en lui un bon écrivain.
* RAFFLES ( Sir Thomas Stamford) ,
tils d'un capitaine de marine marchande,
naquit en mer, à la hauteur de l'île
de la Jamaïque , le 5 juillet 1781. Après
avoir reçu une éducation distinguée, il
fut nommé en 1806 sous-secrétaire du
gouvernement de l'île du Prince-de-
Galles Il profita de son séjour pour ap-
prendre les langues et l'histoire du
pays. En 1811 il obtint la place de gou-
verneur de Java et revint en 1816 en
Angleterre. Il avait acquis la connais-
sance parfaite de tous les dialectes de
la langue des Malais, et, autant que
les habitans du pays, il savait toutes les
annales de cette partie de l'Asie. En
1817 il a publié son Histoire de Java ,
2 vol. , in-4 , ouvrage aussi curieux
qu'intéressant et instructif. A la fin de
la même année , il fut envoyé à Bencoo-
len, dans l'île de Sumatra, avec le titre
de gouverneur du fort Marlborough.
Après avoir formé un établissement an-
glais à Singapore , il fut contraint , par
raison de santé , de retourner en An-
gleterre. Railles avait mis à profit le
temps qu'il avait passé dans celte con-
trée ; il avait recueilli un grand nombre
de matériaux dont il se proposait de se
servir pour écrire une Histoire de
Sumatra, de Bornéo et d'autres îles
de cette mer. En se mettant en mer
le deux février 1725, le feu prit au
navire qu'il montait : l'équipage par-
vint à se sauver sur deux barques; mais
on ne put rien conserver de ce qui
était sur le vaisseau , et Raffles perdit
RAG 227
tous ses papiers. 11 mourut d'apoplexie
le 4 juillet 1826. Il avait été l'édileur de
diverses relations de voyages , eutr'aulres
de celui de Georges Finlaison. ^O^ez
la Revue encycl. , t. 29 , p. 460. Il était
membre de presque tous les corps savans
de l'Angleterre.
'RAFFRON DU TROUILLET (N.),
conventionnel, né à Paris en 1708 OU
1709 , embrassa à l'âge de 80 ans les
principes de la révolution avec l'ardeur
d'un jeune homme. Nommé membre de
la Convention par les électeurs de Paris,
il pressa vivement le procès du malheu-
reux Louis XVI , dont il vota la mort sans
appel et sans sursis. Il appuya aussi la
création de l'armée révolutionnaire , de-
manda avec instance que les nobles fus-
sent renvoyés des armées ; et, afin d'ac-
célérer la vente des biens des émigrés , il
proposa de les adjuger par petits lots.
Cependant , les jacobins ayant été vain-
cus dans la journée du 9 thermidor , il
songea à pourvoira sa sûreté persomaelle
eu se détachant de ce parti; il ïiâta
d'abord le jugement de Carrier , sor?kmi,
puis il se déclara contre Barrère , Lebon
et David. En 1795, il entra dans le con-
seil des Cinq-cents qu'il présida comme
doyen d'âge dans la première séance de
cette assemblée , et il s'éleva contre le
hue des fonctionnaires publics, les folles
dépenses et les vêtemens somptueux. Il
sortit du conseil le 20 mai 1797 , et mou
rut en 1 800.
* RAGOIS(N. Le), ecclésiastique ver-
tueux, dont nous ne connaissons ni le
lieu ni l'époque de la naissance, était ne-
veu de l'abbé Gobelin , docteur de Sor-
bonne, et confesseur de madame de
Maintenon. Il devint , par le crédit dé
cette dame célèbre, précepteur du duc
du Maine. C'est pour ce prince que l'abbé
Le Ragois composa son ouvrage sur
rfiistoire de France et sur Fhistoire ro-
maine, 1684 , un seul volume inl2, dans
lequel , en outre , on trouve des Ques~
lions sur la géographie et sur la mytho-
logie. Ce livre , en vogue dans les mai-
sons d'éducation , a été souvent réim-
primé, et les instituteurs et institutrices
le mettent encore dans les mains de leurs
228 RAG
élèves. Si on jugeait par cette œuvre des
talens de l'abbé Le Ragois, elle n'en
donnerait pas une opinion très favo-
rable. Médiocrement écrit, pauvre d'i-
dées , et d'un stilc monotone , l'ouvrage
présente tes faits sèchement et sans in-
térêt. Ceux qui ont continué l'ouvrage
ne l'ont point amélioré , et se sont traînés
sur les traces de l'auteur. M. Aloustalon
l'a totalement refondu dans l'édition
qu'il a publiée à Paris en 1820 , 2 vol. ,
in- 12 , augmentée d'uu Abrégé de géo-
graphie , de l' histoire poétique, etc., etc.
V Abrégé de l'abbé le Ragois ne vaut pas
celui du Père Loriquet (A. M. D. G. ) ni
d'autres ouvrages du même genre qui
ont paru depuis. On ignore l'époque de
la mort de ce vénérable ecclésiastique
qui aurait été entièrement oublié sans
son livre.
RAGOTZKI ou plutôt Racoczi (Fran-
çois ) , fils de George II , prince de Tran-
sylvanie , et de Sophie de Balhori , fut
éleyé.gar sa mère dans la religion catho-
lique, passa sa vie dans les eiiercices de
piét<^, mourut à Makowitz l'an 1676, et
fut enterré à Cassovie dans l'église des
jésuites, qu'il avait fait bâtir avec sa
mère. C'est ce prince qui est le véritable
auteur du livre de prières intitulé : Offl-
cium ragotzianuin , dont on fait grand
usage eu Hongrie.
RAGOTZKI ou Racoczi (François-
Léopold), prince de Transylvanie, né
en 1676 , fut élevé à la cour de Vienne
oii plus tard il réclama une partie de ses
biens. Il futmisen prisonà Neustadt , en
avril 1701 , accusé d'avoir voulu soule-
ver la Hongrie contre l'empereur. Il
trouva le moyen de se sauver , déguisé
en dragon , le 7 novembre de la même
année , à deux heures après midi. Il passa
en Pologne , et alla joindre à Varsovie
le comte de Bercheni , l'un des mécou-
tens de Hongrie. Le 29 du même mois,
on afficha dans la ville de Vienne des
placards, par lesquels ce prince était
proscrit, avec promesse de dix mille
florins à ceux qui le livreraient vivant
enC.*'e les mains des officiers de l'empe-
reur, et de six mille à ceux qui appor-
teraieM m lête. Celle proscription le ié-
RAG
termina à se faire chef des mécontens de
Hongrie. Le conseil de l'empereur le
condamna, en 1703, à avoir la tête
tranchée , le dégrada de ses titres , et le
priva de tous ses biens. Deux mois après,
il prit le fort de Katto , et passa au fil de
Fépée les Impériaux , qui n'avaient point
fait de quartier aux Hongrois. Ayant fait
la guerre avec succès , les états de Hon-
grie le déclarèrent protecteur du royau-
me , en atlendant l'élection d'un nouveau
roi , et le proclamèrent prince de Tran-
sylvanie , en août 1704. Les affaires ayant
changé de face en 17 1 3 , et la Hongrie
ayant fait sa paix avec l'empereur , Ra-
golzki vint en France, et passa de là à
Constantinople. Il y demeura toujours
depuis, estimé de la cour ottomane, et
aimé de tous ceiix qui connaissaient ses
grandes qualités. Il était retiré à Rodos-
to, lieu situé sur les bords de la mer
de Marmara, entre les Dardanelles et
Constantinople, à 25 lieues de cette
ville, lorsqu'il mourut le 8 avril 1735 ,
âgé d'environ 59 ans. Si on excepte sa
révolte , c'était un homme de bien ,
sage , réglé dans ses mœurs , et fort
pieux ; il s'était imaginé que les torts,
vrais ou prétendus , faits à sa patrie , lui
donnaient le droit de la venger. ( /^oycz
ses Mémoires , dans les Révolutions dt
Hongrie , ha Usiie, 17 39, 2 vol. in-4 , i
ou 6 vol. in-12.) On a encore donné
sous son nom, en 1751 , un ouvrage in-
titulé : Testament politique et moral du
prince de Ragotzki ; mais on doute i^vec
raison qu'il soit de lui. Lorsqu'il fut
arrêté en 1 701 , il avait dans sa chambre
un tigre qui le défendit long-temps *
contre les soldats.
RAGUEAU (François), professeur '
en droit dans l'université de Bourges,
distingué par sa science, est auteur d'un
Commentaire fort étendu sur les Cou-
tumes du Berry , 1615, in-fol. Laurière
fit réimprimer en 1 704 , en 2 vol. in-4 ,
un autre livre dumême auteur , intitulé :
Indice des droits royaux. Ragueau
mourut en 1605.
RAGDEL, père de Sara. Foyez To-
BlE
RAGUENET ( François ) , littérateur,
I
RAG
naquit à Rouen vers 1660, embrassa l'état
ecclésiastique, et s'appliqua à l'élude
des belles-lettres et de l'histoire. Il rem-
porta le prix de l'éloquence à l'académie
française, en 1687. Son Discours roulait
sur le mérite et la dignité du martyre.
Ce petit succès l'encouragea, et il com-
mença à jouer un rôle dans la république
des lettres. Il donna, en 1704, un Paral-
lèle des Italiens et des Français , en ce
qui regarde la musique et les opéras :
ce parallèle occasiona une guerre litté-
raire. La musique des Italiens est, suivant
lui, fort supérieure à la française à tous
égards : 1° par rapport à la langue, dont
tous les mots , toutes les syllabes se pro-
noncent distinctement ■,2" par rapport au
génie des compositeurs, à l'enchantement
des symphonies, à l'invention des machi-
nes. Lecerf de la Vieuville (aboyez ce nom),
garde des sceaux du parlement de Nor-
m ndie, réfuta ce parallèle que l'abbé
Raguenet défendit. La Vieuville écrivit
' de nouveau, et cette querelle finit, comme
toutes celles de ce genre, par le dégoût
des parties belligérantes et l'indififérence
du public. L'abbé Raguenet mourut en
1722, après avoir publié plusieurs ouvra-
ges. Les principaux sont : 1" Les Monu-
mens de Rome , ou Description des plus
beaux ouvrages de peinture, de sculpture
et d'architecture de Rome, avec des ob-
servations, Paris, 1700 et 1702, in-12.
Ce petit ouvrage valut à son auteur des
lettres de citoyen romain, dont il prit le
titre depuis ce temps-là. 2° L'Histoire
d^Olivier CromwelfVar'is, in-4, 1691, ou
2 vol. in-12, très supérieure, pour le
fond , au roman de Gregorio Leti : elle
est bien écrite ; il serait à souhaiter que
quelques faits que l'on y trouve fussent
mieux avérés, et que les autres fussent à
leur place ; 3° Histoire de l'ancien Tes-
tament, in-12; 4° Histoire du vicomte
de Turenne, in-12. C'est une assez froide
relation des actions militaires de ce gé-
néral, qui y est peint comme héros, et non
comme homme privé. Cet ouvrage a ce-
pendant été imprimé un grand nombre de
fois. On attribue à Raguenet le p^oyage
romanesque de Jacques Sadeur dans la
<</re^MJ^ra/e, mais il n'en est tout au plus
RAG 22g
que le traducteur. Ce livre est de Gabriel
Frogny, cordelier apostat.
RAGUET (Gilles-Bernard), né àNa-
mur en 1668, se rendit fort jeune à Paris,
où il embrassa l'état ecclésiastique, et fut
nommé directeur spirituel de la compa-
gnie des Indes. En 1722, le roi le nomma
à l'abbaye de l'Aumône, dite le Petit-
Cîteaux ,et l'année suivante au prieuré
d'Argenteuil. Il fut du nombre des gens
de lettres employés à l'éducation de
Louis XV. Les auteurs du Gallia chris-
tiana le désignent sous le titre de Régis
antescholanus. Il mourut à Paris le 20
juin 1748. Nous avons de lui : \° Histoire
des contestations sur la Diplomatique
de dom Mabillon, Paris, 1708 , in-12. Il
s'y décide en faveur des observations du
Père Germon contre le savant bénédictin.
2" Traduction de la nouvelle Atlantide
de Bacon, avec des augmentations, n02f
in-12, etc. Il a aussi travaillé au Journal
dessavans depuis 1705 jusqu'en 1721.
* RAGUSA (Jérôme), jésuite sicilien,
né à Modica en 1695, cultiva l'éloquence,
la théologie et l'histoire, surtout en cequi
concernait les antiquités et la biographie
de son pays. Il est auteur des ouvrages
suivans : 1° Elogia Siculorum, qui ve-
teri memoria litteris floruerunt, Lyon,
1 690, in-1 2; 2° Siciliœ bibliotheca vêtus,
continens elogia veterum Siculorum qui
litterarum fama claruerunt, 1 vol. in-4 ;
3° Fragmenta progymnasmatum diver-
sorum ; Venise, 1706, in-8 ; 4° Raggio-
namenti, panegirici moraliemisti , ibid.
1 7 06, in- 1 2;5"' Siciliœ bibliotheca recens,
continens elogia Siculorum qui nostra,
velnostratium memoria litterarum fama
claruerunt , ab anno 1 500 ad annum
1700 ; 6° Siciliœ bibliotheca vêtus et re-
cens, continens elogia tum veterum tum
recentiorum scriptorum, 1 vol. in-4, etc.;
7° Problemata philosophica-, 8° Disser-
tatio de quantttate ; 9° Examen meta-
physicœ ; 1 0° Paradigmata quœstionum
variarum theologico - moralium ; 11"
Quœstiones theologicœ morales de vir-
tutibus t/ieologicis, et morales de sacra-
mentis; 12° Theologia tripartita , 3vol.-
1 3° Passio Domini nostri Jesu Christi ,
cum eommentatio i 14" Paraphrcuis in
t3o RAI
Pentateiichum ; 1 5° Opuîcula tria cano-
nico-polUica , etc. Ragusa est mort en
1720.
RAGUSE. Voyez Jean de Ragusb.
RAHAB, habitante de Jéricho, reçut
chez elle et cacha les espions que Josué
envoyait pour reconnaître la ville. Josué
l'excepta, avec toute sa maison, de l'ana-
tbème qu'il prononça contre cette ville.
Rahab épousa Salmon, prince de Juda,
de qui elle eut Booz. Ce dernier fut père
d'Obed , et celui-ci d'isaï , de qui naquit
David. Ainsi J. C. a voulu descendre de
cette Chauanéenne. Le texte hébreu la
nomme Zonah qui signifie femme de
mauvaise vie, merelvix ; ou hôtelière,
hospita. Cette différente signification du
même mot a donné lieu à plusieurs in-
terprètes de justifier Rahab , et de la
regarder simplement comme une femme
qui logeait chez elle des étrangers. Ils
ajoutent d'ailleurs qu'il n'est guère pro-
bable que Salmon , prince de la tribu de
Juda, eût voulu épouser Rahab, si elle
eût été accusée d'avoir fait un métier
infâme, ni que les espions se fussent
retirés chez une courtisane, dont les
liaisons auraient dû leur inspirer de la
défiance. Mais les autres, en plus grand
nombre, se fondant sur l'autorité des
Septante, sur saint Paul et saint Jacques,
etsurla plupart des Pères, soutiennent que
le mot hébreu doit se prendre ici pour
une femme débauchée. Du reste, il n'y
a pas lieu de douter que si Rahab a
été dans ce cas, elle s'en est relevée
pour mener une vie honnête ; et cette
résipiscence date vraisemblablement de
l'acte d'hospitalité qu'elle exerça envers
les Israélites par la foi qu'elle eut en leur
Dieu : Fide Hahab meretrix non periit
cum increduUsy excipiens exploralores
cumpace. Heb. 11.
* RAIEVSKI ( André ), littérateur,
mort à Koursk en Russie, le 13 mars
1822, a laissé plusieurs ouvrages, parmi
lesquels nous citerons : 1° des Mémoires
sur les campagnes des années 1813 et
1814 (en russe], Moskow, 1822, 2 vol.
in- 8; 2" des poésies qui n'ont pas été
réunies en corps d'ouvrages et qui sont
dans différeas recueils \ Z' le l'^^ vol. des
RAI
Principes de stratégie ou Varchiduc
Charles , dont il n'a pu achever la
traduction , Saint-Pétersbourg , 1818,
in-8.
RAIMOND VI, comte de Toulouse,
dit le Vieux ^ fils de Raimond V, né en
1156 d'une famille illustre par son an-
cienneté et par sa valeur, fut dépouillé
de ses états dans la croisade contre les
albigeois. Ce prince favorisait ou verte-
ment ces hérétiques. (Leurs chefs, Pierre
de Bruis, Henri Olivier et autres, furent
toujours vaincus dans les conférences
qu'ils voulurent engager. Saint Ber-
nard et saint Dominique prêchèrent
contre eux.) Le légat du saint-Siége,
Pierre de Caslelnau, l'excommunia en
1 207 ; Raimond parut alors vouloir chan- |
ger de conduite. Il fit prier le légat de i
venir à Saint-Gilles, promettant d'accep-
ter les conditions qu'il lui proposerait.
Le prélat s'y rendit avec joie ; mais Rai-
mond, le plus fourbe et le plus cruel des
hommes, le fit assassiner par ses gens.
Les croisés s'avancèrent alors contre lui ;
craignant leur ressentiment , il fit tout
ce qu'il put pour obtenir l'absolution des
censures. Mais lorsqu'il eut échappé au
danger, il recommença ses liaisons avec
les albigeois , et fut excommunié de nou-
veau. Pierre M, roi d'Aragon, prit sa dé-
fense -, mais ils furent vaincus l'un et l'au-
tre à la bataille de Muret en 1213. L'an»
née d'après, il signala de nouveau sa
cruauté et sou irréligion, en faisant pen-
dre son frère Baudouin , comte de Tou-
louse, sans lui laisser la liberté de recevoir
les sacremens de l'Eglise, quoiqu'il ne
demandât que cette grâce. ( Baudouin
avait passé dans le parti de Montfort
(comte de Seicester), après lui avoir
livré le château de Montfort, qu'il défen-,
dait. ) Le concile de Latran de l'an 1215
joignit, en vertu du concours de la puis-
sance temporelle, aux censures ecclésias-
tiques contre Raimond, la privation des
domaines qu'il possédait. Philippe-Au-
guste, de qui relevait le comté de Tou-
louse, avait renvoyé au souverain pontife
le jugement de son vassal: ses ambassa-
deurs furent présens à ce jugement, et le
prince le ratifia lui-même, par l'investi-
I
RAI
turc qu'il donna du comté de Toulouse à
Simon de Montfort. (On assigna à Rai-
mond une pension viagère de 4,000
marcs d'argent, et à son lils, une partie
du marquisat de Provence. Le fils de
Raimond parvint à réunir une armée ,
battit Montfort, qui fut tué dans un com-
bat d'un coup de pierre. Son lils Amauri
fut également repoussé par Raimond et
son fils , qui recouvrèrent presque tous
leurs états. Raimond mourut en 1222 ; il
s'était marié deux fois , et ne laissa que
deux enfans légitimes , Raimond VU,
) et Constance , qui épousa Sanche YIII,
^ roi de Navarre. ) Comme il n'avait point
été absous de l'excommunication, son
corps resta sans sépulture. Raimond n'a-
vait rien de médiocre dans ses bonnes ni
dans ses mauvaises qualités. Il avait l'âme
noble, le génie actif; l'adversité ne l'a-
battait point. Les sièges des villes qu'il
soutint, les conquêtes qu'il fit, sont des
preuves de son courage et de son habi-
leté dans l'art de la guerre : mais ses
défauts l'emportèrent sur ses bonnes qua-
lités. Il poussa l'amour du plaisir jusqu'à
l'inceste, et la colère, comme nous ve-
nons! de le dire, jusqu'à tremper ses
mains dans le sang d'un de ses frères et
d'un légat du saint-Siége. Il comptait
pour rien la parole qu'il avait donnée.
On le vit au pied de l'autel ordonnera
ses bouffons de contrefaire les prêtres
disant la messe. C'était lui faire sa cour
que d'embrasser l'hérésie; et quelle hé-
résie ! on sait que toutes les abomina-
tions se trouvaient réunies dans celle des
albigeois. Il ruina les monastères , chan-
gea les églises en citadelles, chassa les
évêques de leurs sièges , etc. Tel est le
portrait que les historiens contemporains
font de Raimond Guillaume Catei en a
rassemblé les témoignages dans son His-
toire des comtes de Toulouse, ti le Père
Langlois dans l'Histoire des croisades
contre les albigeois. On sait que Voltaire
a fait ses efforts pour disculper ce prince,
et pour noircir Simon de Montfort ; mais
cela ne doit nullement surprendre : l'un
a constamment soutenu les droits de la
religion, et l'autre s'en est déclaré l'en-
nemi irréconciliable. L'abbé Millot,ea
RAI 23 1
fidèle disciple , a copié ce patriarche de
la philosophie.
RAIMOWD VII, comte de Toulouse,
fils du précédent , succéda à ses étals et
à ses querelles. Il combattit vivement
Amauri de Montfort, fils du célèbre Si-
mon, et le força à se retirer en France.
Cependant lacroisadesubsistaitcontre lui,
et il fut excommunié en 122G. Enfin, après
avoir soutenu une longue guerre, il fit
la paix avec les catholiques, et parut ren-
trer de bonne foi dans le sein de l'Eglise.
En 124 7, saint Louis l'engagea à se croi-
ser pour la Terre-Sainte ; mais le pape
Innocent IV, qui voulait l'opposer aux
partisans de l'empereur Frédéric II, l'em-
pêcha de faire ce voyage. Il mourut deux
aus après, en 1249, à Milfiaud en Rouer-
gue , âgé de 52 ans. Alphonse , comte
de Poitou , frère de saint Louis, ayant
épousé la fille et l'héritière de ce prince,
et n'en ayant point eu d'enfans, tous les
états de Raimond VII furent réunis à la
couronne de France en 1361, par Phi-
lippe III.
Raimond, dit pkgsaflor ou pegna-
FORT (Saint), naquit au château de
Pegnaflor en Catalogne, l'an 1175. Après
avoir fait ses études à Barcelone, il alla
les perfectionner dans l'université de
Bologne , et y enseigna le droit canon
avec réputation. De chanoine de Barce-
lone, il entra dans l'ordre de Saint-Domi«
nique, qu'il illustra par ses vertus et sou
savoir. Le pape Grégoire IX l'employa
l'an 1228 à la collection des Décre'tales ,
et voulut l'élever à l'archevêché de Tar-
ragone, qu'il refusa. Ce pontife voulait
le retenir à sa cour ; mais le saint homme
préféra sa solitude de Barcelone à tous
les avantages qu'on lui faisait espérer. Il
s'occupait, dans le silence et dans la re-
traite, à l'étude et à la prière, lorsqu'il
fut élu général de son ordre en 1238,
dignité dont il se démit deux ans après.
Il contribua beaucoup , par son zèle et
par ses conseils, à l'établissement de
l'ordre de la Mercy. Ce fut aussi par son
crédit que l'inquisition fut établie dans
le royaume d'Aragon et dans le Langue-
doc. Les papes lui permirent de pourvoir
aux offices de ce tribunal, et il le fit avec
232 RAI
beaucoup de sagesse. Raimond mourut à
Barcelone, en 1275, dans la centième
année de son âge. Le pape Clément VIII
le canonisa en 1601. On peut voir le
tableau de ses vertus dans l'Histoire des
hommes illustres de l'ordre de Saint-
Dominique , par le Père Touron , qui a
donné une vie très exacte et très circon-
stanciée de ce saint. On a de lui : 1 ° la Col-
lection des De'cre'tales , qui forme le se-
cond volume du Droit canon. Ce recueil
est en cinq livres. L'auteur a joint divers
décrets des conciles aux constitutions des
papes. 2° Une Somme des cas de con-
science, autrefois très consultée. La meil-
leure édition est celle du Père Laget,
in-fol., Lyon, 1728, avec de savantes
notes. On estime aussi celle de Vérone ,
1744, in-fol.
RAIMOND (Pierre) , Lou Prou., c'est-
à-dire le Preux et le Faillant, né à Tou-
louse, suivit l'empereur Frédéric dans
l'expédition de la Terre-Sainte , oii il se
signala par ses vers provençaux et par
ses exploits. Ce poète mourut en 1225,
pendant la guerre des comtes de Pro-
vence contre les albigeois : guerre qui
servit à faire briller son courage. Il avait
fait un Poème contre les erreurs des
Ariens, et un autre où il blâmait les rois
et les empereurs d'avoir laissé prendre
trop de pouvoir aux ecclésiastiques. Il
ne songeait pas que dans les siècles bar-
bares , ce pouvoir avait beaucoup servi
à adoucir les mœurs, à réprimer la vio-
lence des grands et des petits, et à tempé-
rer le despotisme. Tout ce qui a suivi
l'affaiblissement de leur considération
au 18* siècle, justice cette observation.
RAIMOND-LULLE. Foyez Ldlle.
RAIMOND-MARTIN. Foy. Martin.
RAIMOINDI, graveur. Foyez Marc-
Antoine Raimomdi.
*RAIMONDI (Rapbaël), surnommé
le Baphaël de Côme, jurisconsulte célè-
bre, né vers 1370 dans cette ville, fit
ses cours de droit à l'université de Pa-
doue sous le savant Castiglionc de Milan.
Cette université ayant été transportée à
Plaisance en 1 4 1 1 , il y devint professeur,
et y demeura plusieurs années. Appelé à
Padoue , à cause de la grande réputation
MI
qu'il s'était acquise , il y établit, en 1 422,
une école de droit, dont les appointe-
mens se montèrent à 700 ducats, somme
alors très considérable. La république de
Venise le lit venir dans cette ville, et le
chargea de plusieurs missions importan-
tes, dont il s'acquitta avec succès. Rai-
mondi acquit beaucoup de fortune par
son application et son savoir, et mourut
à Padoue en 1426. On a de lui des Com-
mentaires sur le Digeste. — Son fils,
Benoît, suivit l'état de son père, et s'y dis-
tingua; il occupa la chaire de jurispru-
dence à Padoue et à Bologne, où il mourut
vers 1480.
"RAlAlOIVDI (Annibal), mathémati-
cien du 16* siècle, né à Vérone en 1505,
passait de son temps pour un prodige de
savoir. Il avait étudié non seulement les
sciences mathématiques, mais encore la
physique et l'astronomie. Il jouissait de
la protection de plusieurs princes d'Ita-
lie, et il obtint une pension de la répu-
blique de Venise. On a de lui sur les dif-
férentes sciences qu'il connaissait plu-
sieurs ouvrages, dont nous citerons
les suivaus, comme: 1° Divcorso délia
trepidazione délie stelle fisse ; 2° Paterne
riprensioni, etc. , ou Remontrances pa-
ternelles adressées aux médecins rai-
sonnables. Au temps d'Anuibal Raimondi,
un grand nombre d'empiriques , sous le
titre de médecins, infestaient l'Italie; et
les médecins eux-mêmes ne suivaient pas,
selon l'avis de l'auteur, la méthode la
plus propre à la guérison des malades.
C'est aux uns et aux autres qu'il adressa
son ouvrage, dans lequel il leur con-
seillait l'usage des simples. 3° DeW an- .\
ticttf etc. , ou de Fancienne et honorable
science de Normandie ou onomancie, ^
Venise, 1549; cet ouvrage a été tra-
duit en français. 4° Trattato , etc., ou
Traité du flux et reflux de la mer, Ve-
nise, 1589. Il publia, à l'âge de 84 ans,
ce livre , qui a été aussi traduit en fran-
çais. Il mourut deux ans après à Vérone.
Georges Jodocus fait beaucoup d'éloges
de ce savant dans le second livre de l'ou-
vrage intitulé Del Benaco.
* RAIMONDI (Jean-Baptiste), orien-
taliste et philosophe italien , né à Cr<j-
RAI
mone vers l'an 1540, passa plusieurs
années en Asie où il acquit une connais-
sance approfondie de l'arabe , de l'armé-
nien , du syriaque et de l'hébreu. Il revint
ensuite en Italie où il étonna ses contem-
porains par la variété et l'étendue de ses
connaissances. Le cardinal Ferdinand de
Médicis établissait à Florence , avec une
magnificence digne de son nom , une
imprimerie de caractères orientaux qui a
été comme le berceau de celle delà Propa-
gande. Il appela en même temps auprès de
lui tous les hommes dont les talens pou-
vaient faire prospérer sa noble entreprise,
à la tête de laquelle il plaça Jean-Baptiste
Raimondi. Les premiers ouvrages qu'il
fit paraître , furent une Grammaire hé-
braïque, une Grammaire chaldêenne ,
quelques livres d'Aviçenne en arabe, et
plusieurs autres d'Euclide en grec. Les
Evangiles furent publiés peu de temps
après , avec une version latine , afin de
les répandre dans tout l'Orient, et on en
tira à cet effet 3,000 exemplaires. Après
la bible polyglotte du cardinal Ximenès,
ce sont les plus belles productions typo-
graphiques que l'on connaisse, même de
nos jours. Ces éditions se conservent à
Florence dans la bibliothèque Maglia-
becchiana. Raimondi avait formé le
projet d'imprimer la Bible dans les six
principales langues de l'Orient, savoir,
en langues arabe, syriaque, persane,
; éthiopienne, cophte et arménienne,
ayant en regard les versions grecque,
latine, hébraïque et chaldéenne , con-
jointement avec les grammaires et les
dictionnaires de ces langues. Il allait
exécuter ce projet presque gigantesque ,
sous les auspices de Grégoire XIII ; mais
la mort de ce pontife ( 1 585 ) l'obligea
d'y renoncer. Raimondi resta toujours
attaché au service des Médicis. Le grand-
duc, outre les honoraires atlachés à son
emploi de directeur de l'imprimerie des
langues orientales , l'avait gratifié d'une
pension. Raimondi vécut jusqu'à un âge
très avancé ; mais on ignore l'époque de
sa mort ; on croit cependant qu'elle doit
êtrearriv#e vers 1 592,
' RAIMUINDETTO (Raimond) , cé-
lèbre magistrat, naquit à Saint-Martin de
il.
RA[
233
Latane en 1630. Il acquit un grand re-
nom par son savoir dansla jurisprudebce,
et occupa les places les plus distinguées
dans son pays. Les rois d'Espagne, alors
maîtres des deux Siciles , et d'une por-
tion de l'Italie , l'employèrent successi-
vement dans les affaires les plus déli-
cates. Il fut président de la grande cham-
bre de Palerme, grand juge du royaume
de Sicile , et régent du conseil suprême
d'Italie. Raimundetto avait aussi étudié
le droit canon , et il publia les ouvrages
suivans : Responsum juridicum super
spoUisac fructibus viduarum Ecclcsia-
rum regni Siciliœ sacrce catholicœ ma-
jestati competentibus ; De omnibus prœ-
latis cœterisque ecclesiasticii bene/iciis
regio juri patronatui addictis ; An sci-
licet possil de iis in usus mère profanos
disponere ? Il mourut à Palerme en 1 690.
* RAINALDI ( Jérôme ), célèbre ar-
chitecte, naquit à Rome en 1570, et fut
élève de Dominique Fontana. Il devint
un des premiers artistes de son temps ;
ses ouvrages ont rendu son nom immor-
tel, et sont considérés comme des chefs-
d'œuvre. On ne saurait cesser d'admirer
le port de Fano, Ve'glise de Montalto, le
collège de Sainte-Lucie , à Bologne; le
palais du duc de Parme, le palais Pam-
phili, et la décoration de V église de Saint-
Pierre à Rome (en 1610), Ve'glise des
Carmes-Déchaussés à Capiarola , etc. Il
acheva aussi le Capitole , et exécuta
d'autres ouvrages qui lui firent également
honneur. Cet excellent artiste mourut
dans sa patrie en 1655.
*RAI]NALDI (Charles), architecte,
fils du précédent, naquit en 1611, fui
élève de son père des talens duquel il
hérita , quoiqu'il ne su vît pas toujours
comme lui les bons principes. Il donna ,
d'après les ordres d'Innocent X, le plan
pour l'église de Sainle-Agnès,que ce pape
l'avait chargé de bâtir à la place Navone.
Il travailla ensuite pour différens sou-
verains; mais son chef-d'œuvre est le
Palais ( à Rome ), d'abord possédé par les
ducs de Nevers, et destiné ensuite pour
l'instruction des artistes français. Il
est situé sur il Corso, le Cours, et
forme un des principaux ornemens de
3o.
0.34 RAI
cette belle rue. A la demande de Louis
XIV, il iit les dessins- du Louvre ; et le
monarque, pour lui témoi!>;ner sa satis-
faction de ce bel ouvrage , lui envoya
son portrait enrichi de diamants. Le car-
dinal Maurice lui fit, de la part de Char-
les-Emmanuel de Savoie, des présens
magnifiques, et en même temps ce sou-
verain le gratifia des croix de Saint-La-
zare et de Saint-Maurice. Rainaidi mou-
rut en 1G41, ayant à peine atteint sa
30* année.
RAINALDI (Oderic), vivait dans
le n* siècle. Il entra chez lesPhilippiens
ou prêtres de l'Oratoire, et s'appliqua
au même genre d'étude que son confrère
Baronius ; mais il s'en faut bien que sa
Continuation des annales Ae ce cardinal
soit aussi estimée. Il y a beaucoup de
recherches et d'érudition, une manière
de voir sage , équitable et parfaitement
orthodoxe; mais sa critique n'est pas assez
sévère et assez éclairée ; sa narration
n'est pas toujours exacte , ni en général
fort intéressante. On en a cependant im-
primé un Abre'géen 1 667,in-fol. Rainaidi
mourut vers 1670. Sa Continuation, im-
primée à Rome, in-fol., 1646-77, en 9
vol., s'étend depuis 1 199 jusqu'en 15G7.
RAINIE (Gabriel de la). Foyez Ni-
colas (Gabriel).
RAINIER , dominicain de Pise , vice-
chancelier del'Eglise romaine, et évêque
de Maguelone, mort en 1249, est auteur
d'un Dictionnaire Ihéologique , qu'il a
intitulé Pantheologia. La meilleure édi-
tion de cet ouvrage est celle de Lyon,
16.56,3 vol. in-fol., avec les additions
du Père INicoluï, dominicain.
* RAINOLDS ( Guillaume et Jean ),
deux frères anglais, que de singulières
circonstances portent à réunir dans un
même article, étaient nés tous deux à
Pinboë dans le Devonshire, savoir: Guil-
laume en 1539, et Jean en 1549. Elevés,
dit-on, séparément et hors de leur pays,
Jean le fut dans la religion catholique, et
Guillaume dans les principes de la réfor-
mation. S'étant un jour rencontrés, et fâ-
chés de se trouver de croyance dififcrente,
ils cherchèrent mutuellement à se faire
changer de sentimens, et, disputant avec
RAI
force, chacun en faveur du culte auquel il
appartenait, ils usèrent de raisons si con-
vaincantes , ou qui parurent telles à celui
à l'égard duquel on les employait, que le
protestant résolut de se faire catholique,
et le catholique protestant, dessein qu'ils
effectuèrent l'un et l'autre. C'est ce que
rapporte , sans doute d'après des autori-
tés , Bayle , qui pourtant doute du fait,
dont le bruit s'était assez accrédité pour
que l'anecdote devînt le sujet d'une
épigramme latine (l). Quoi qu'il en soit
de cette lutte singulière, et de son effet
plus extraordinaire encore , s'il mérite
qu'on y ajoute foi, il est certain que Guil-
laume Rainolds, d'abord protestant, et
qui même avait été ministre dans cette
communion , se fit catholique et abjura
à Rome l'hérésie à laquelle il avait été
attaché. Fixé en France après son retour
d'Italie, il professa à Reims l'Ecriture
sainte et l'hébreu dans le collège des
Anglais. De plusieurs ouvrages qu'il a
laissés, nous citerons : 1" un traité De
sacra Scriptura ; 2" un autre De Eccle-
sia ; 3° Colloquium inter Rainaldum et
Gentilem; 4° des Sermons sur les psau-
mes 17, 47 et 48; .5° Orationes duodecim;
6° Explanatio prophetarum Aggœi et
Abdiœ ; 1° Calvino-turcismus , id est
calvinisticœ perfidies cum mahumetana
collatio, et dilucida utriusqite sectœ con-
futatio, avec Guillaume Gifford, Anvers,
1596, et Cologne, 1603. Rainolds n'eut
pas le temps d'achever ce livre, étant
mort à Anvers, le 24 août 1594; mais
Gifford y mit la dernière main et le pu-
blia. Le protestantisme y était violem-
ment attaqué. L'ouvrage ne fut pas sans
réponse : Sutlivius, ministre protestant,
y en opposa une autre , sous ce titre :
(i) Voici cette épipramnie , rapportée. pa> le docteur
Heyieni qui fait aussi mention de ce fait singulier :
Bclla inter peminos plus quam ciTJlia fratrcs
Xraxrrat ainbif;uiis rellifiionis apex :
Illc reformatx li<lci quo parlibus inslal ,
Ille rernriiiandam dencgat rsse fidem.
Propotilis causie rationibus, aller utrinque
Conrurrere pares et crcidere pares.
QuorI fuit in Tolis , fratreni capit alter utrinque :
Quod fuit in fatis, perdit uierque fidem.
Captiii pemini , sine captirante fuerunl^
Et «ictorticli transfuga castra petit.
Quod geniis hoc pugnn est. ubi victus gaudet uterque ,
Et tameo tltrruter M superasje doleil
1
^ RAI
B De Turco-papismo, hoc est de turcarum
m et papistarum adversus Christi Eccle-
I iiam et fidem conjuratione , eor unique
in religinne et moribus consensione et
similitudine, liber unus. De pari et d'au-
tre la modération ne fut point observée,
et les injures se mêlèrent aux raisons.
8° De j'usta christianœ rcipubUcœ in
reges impios et hœreticos auctoritate ,
justissimaque catholicorum ad Henri-
cum. Navanœuni et quemcumque hœre-
ticum , a regno Galliœ npellendum ,
- co .fœderatione, Anvers, 1 592, in-8 ; dia-
tribe sédi tieuse dédiée au duc de Mayenne,
dont le but était de rendre Henri III et
Henri IV odieux , et de faire prévaloir la
ligue- Quelques-uns ont attribué ce livre
à Guillaume Rose, évêque de Senlis; d'au-
tres à Gifford, à Jean Boucher, curé de
Saint-Benoît, à un jésuile, etc.; mais il
paraît constant qu'il est de Guillaume
Bainolds, lequel dit lui-même l'avoir en-
trepris à la prière du duc et du cardinal
de Guise, depuis tués à Blois. L'opinion
de Bayle est aussi qu'il faut le donner à
l'auteur du Calvinostracismus. Quant à
Jean Rainolds, frère puîné de Guillaume,
élevé dans l'université d'Oxford, il y avait
ensuite professé la théologie. En 1598, il
était devenu doyen de Lincoln , bénéfice
qu'il résigna pour prendre la présidence
du collège de Corpus Christi. Il avait tra-
vaillé à la version de la Bible en anglais,
et à la critique de livres sacrés regardés
comme apocryphes par les prolestans. Il
est auteur d'un grand nombre de livres
de controverse contre l'Eglise romaine,
notamment d'un traité intitulé : De ido-
lolatria Ecclesiœ romanm. Il mourut en
1607, âgé de 58 ans. On dit qu'il pen-
chait vers le puritanisme.
RAI^iSSAjNT (Pierre), savant numis-
mate, né à Reims, en 1G40, fut médecin,
antiquaire et garde du cabinet des mé-
dailles de Louis XIV. On le trouva noyé
dans le parc de Versailles, le 7 juin 1689.
On a de lui : Dissertation siu douze mé-
dailles des jeux séculaires de l'empereur
Domiticn, Versailles, 1G84 ,in-4 ; ( une
autre suvl origine de la figure des /leurs
de lys, Paris, 1678, in-i,etc. roi/ez le
Journal des iavans).
L
RAL 235
* RAISS ( Arnould ), chanoioe de l'é-
glise de Saint-Pierre à Douai , et savant
agiographe, était né dans cette ville
vers 1 58 o. 11 forma le dessein de recueillir
et de publier tout ce qui pouvait avoir
rapport aux .saints des Pays-Bas, au culte
dont on les honorait et à leurs reliques.
Cette entreprise demandait du travail et
beaucoup de recherches. Il n'épargna ni
peines, ni frais , ni voyages. Il parcourut
les diverses provinces belgiques, visita les
églises et les monastères, fouilla leurs ar-
chives et les autres dépôts publics , et
en tira une foule de renseignqmens qui
servirent de matériaux à un grand nombre
d'ouvrages, dont les principaux sont :
1 ° Auctarium ad natales sanctorum Bel-
gii Joannis Molani, Douai, 1726, in-8 ;
2° Hierogazophylacium belgicum, Douai,
1628, in 8. L'auteur y traite des reliques
conservées dans les Pays-Bas ; 3" Peristro-
mata sanctorum , Douai, 1630, in-8;
4" Origines cartusiarum Bclgii, Douai,
1623, in-4 ; 5° Belgica christiana, Douai,
1634, in-4 : c'est l'histoire des évoques
et prélats des provinces flamandes, dans
le genre de Gallia christiana ; 6° f^itâ
beatœ Marice Baggiœ, Douai, 1621,
in-8. Cette sainte fille, née dans l'île de
Chic, était du tiers ordre de Saint-Domi-
nique. Sa Vie avait été écrite en espagnol
par Jean-Pierre de Saragosse, et depuis
traduite en français. Raiss la mit en la-
tin. 7° Cœnobiarchia crispiniensis ,
Douai, 1642 , in-4 : c'est l'histoire de la
vie des abbés du monastère de Crépin ,
abbaye de l'ordre de Saint-Benoît en
Hainaut; 8" Fita sancti Landclini , ab-
batis et fundatoris crispiniensis. Saint
Landelain vivait au 8" siècle, et fonda
l'abbaye de Lobes et celle de Crépin. Ce
dernier ouvrage est son histoire. 9° Fita
sancti Ayberti, crispiniensis ascetœ et
reclusi. Raiss donna en outre une nou-
velle édition avec corrections et augmen-
tations du livre intitulé : Cœnobiarchia
ogniacensis Francisci Mosschi, Dduai,
1636. Il mourut à Douai, le G septembre
|644.
RALEIGH. Voyez Rawlech.
' RALLlEll ( Louis-Anloine-Esprit ) ,
doyen des députés delà chambre de 1 827 ,
3i36 RAL
mort à Fougères sa patrie, en 1 829, à l'âge
de 80 ans, entra d'abord dans le corps
royal du génie, s'y fit remarquer par son
activité et ses connaissances, et devint
capitaine. Envoyé à St.-Domingue, il
résida dans plusieurs parties de l'île, et le
souvenir de son séjour dans cette an-
cienne colonie s'y est conservé, surtout à
cause des travaux d'art qu'il y fit exécu-
ter. Bientôt il fut appelé, dans nos assem-
blées législatives. Après avoir été succes-
sivement oliicier municipal et adminis-
trateur du district de Fougères, il fut
député en 1795 au conseil des anciens, et
devint un des inspecteurs de la salle.
Sorti de ce conseil en 1799, il fut aussitôt
réélu à celui des Cinq-cents, à la suite de
la crise du 30 Prairial. Il se montra fa-
vorable à la révolution du 18 brumaire,
et passa au corps législatif où il siégea
jusqu'au 20 mars 1815. Rallier n'accepta
aucune fonction pendant les Cent-jours.
En 1827, ses concitoyens l'ayant nommé
député, il sortit de sa retraite pour ren-
trer dans la carrière législative. En géné-
ral il parut rarement à la tribune et ne
se fit remarquer que par des opinions
modérées et pacifiques. Rallier profita
des loisirs que lui laissaient ses fonctions
pour se livrer aux sciences et aux lettres :
quelques morceaux scientifiques révèlent
son profond savoir, et dans les écrits lit-
téraires qu'il a publiés, on remarque du
talent et surtout un grand zèle pour les
intérêts de l'humanité : c'était un homme
essentiellement bienfaisant. Nous cite-
rons parmi ses ouvrages : f Jîecueil de
chants moraux et patriotiques, 1799,
in-1 2 ; 2" Epître à la rime, 1 808 , in-8 ;
3° Mémoires sur les frittes de verres de
V Ecosse, 1809 ; 4° OEuvres politiques
et morales, 1813. Il passe encore pour
être auteur de cinq Tragédies qui n'ont
pas été représentées.
' RALPK (James), historien et poêle
anglais , vit le jour, à ce que l'on croit,
dans l'Amérique septentrionale; mais on
ignore quels furent ses parens et l'année
de sa naissance. Il paraît qu'il appartenait
■A une famille pauvre et obscure, et qu'il
ne dut qu'à ses talens la considération
dont il jouit. Il fut' d'abord maître d'é-
RAM
cole à Philadelphie; m As cet état ne
convenant guère ni à son activité natu-
relle ni à sou génie, il vint s'établira
Londres au commencement du règne de
Georges II. Le premier ouvrage qu'il
publia est un poème intitulé la Nuit,
qui eut peu de succès : Pope en fait
mention dans sa Dunciade , mais ce n'est
pas pour en faire l'éloge. Il donna ensuite
quelques pièces de théâtre qui ne réus-
sirent point. Il fut plus heureux en prose.
Il écrivit dans plusieurs journaux, et ses
articles furent goûtés du public : ses
pamphlets politiques eurent aussi un
grand succès, par la justesse de sa criti-
que et la finesse des aperçus. Son Histoire
d' Angleterre a encore mieux établi sa ré-
putation. Le règne des Stuarts surtout
est comparable à ce qu'ont produit de
mieux les plus célèbres historiens mo-
dernes. La mort du prince de Galles, son
prolecteur, lui enleva toute espérance
d'avancement; accablé de chagrin, il
mourut à Londres, en 17G2.
RAMAZZINI ( Bernardin ) , médecin
italien, naquit à Carpi, dansleModenais,
en 1633. Après avoir exercé avec succès
la médecine à Rome et à Carpi, il alla la
pratiquer et la professer à Modènc, puis
à Padoue. H mourut à Venise, en 1714,
à 81 ans. (Le sénat de Venise, quoiqu'il
eût perdu la vue, le nomma à l'âge de 7 1
ans président du collège de médecine de
cette ville, premier professeur de méde-
cine-pratique. Son petit-fils lui servait de
lecteur, et il continua encore ses cours
pendant six ans. ) Son humeur était
douce ; et, quoique sérieux et réservé avec
ceux qu'il ne connai.ssait pas, il était fort
gai avec ses amis. Ses grandes lectures
rendaient sa conversation fort utile. On
a de lui : 1° uue Dissertation Vdiine sur
les maladies des artisans ; 2" un Traité
latin de la conservation de la santé des
princes , et plusieurs autres ouvrages de
médecine et de physique, dont le recueil
a été imprimé à Londres en 1716, in-4,
et à Naples en 17 39, 2 vol. in-4. Un de
ses principes était que , pour conserver
la santé, il fallait varier ses occupations
et ses exercices. Sa vie est à la tcle de
ses OEuvres.
RAM
* RAM BALDI (Jean-François ), poète
latin, né à Vérone vers 1520. Il avait de
vastes connaissances et un talent parti-
culier pour la poésie latine ; mais une
imagination trop vive et trop féconde
nuisit souvent à ses succès. Il écrivit la
plupart du temps sur des sujets scienti-
fiques, et parmi ses nombreux ouvrages
on cite : 1° Pliysiologicorum libri duo ;
2° Meteorologicorum libri duo ; 3° De
senûbus libri duo ; 4«» De universo ; 5° De
bona fortuna, etc. On ignore l'époque de
sa mort.
RAMBAM. Voyez Maimonidb.
* RAMBAUDDE VACHÈRES, trou-
badour provençal , un des plus célèbres
du 14* siècle, naquit d'une famille hon-
nête du pays d'Orange. Ses talens poéti-
ques lui donnèrent accès auprès du prince
Guillaume de Baux, dont il captiva la
bienveillance. Il eut un autre puissant
protecteur dans le marquis de Montferrat,
et, en 1304, il le suivit à laTerre-Sainle.
Le marquis l'avaitcréé chevalier, et après
avoir conquis Salonique sur les Turcs, il
en donna le gouvernement à Rambaud.
Le poète chanta cette croisade dans un
poème dont les vers respirent l'ardeur
guerrière du temps et l'enthousiasme de
la gloire. Ses autres pièces les plus con-
nues sont des sirventes, et un poème
intitulé la Caros, qu'il avait composé
pour Béatrix , sœur du marquis, dont il
était épris. Ce poète est cité par Nostrada-
mus.
* RAMBERT (Gabriel de Saint-),
naquit à Pontarlier en Franche-Comté
vers 1620. Il était, issu d'une famille no-
ble, et entra dans sa première jeunesse ,
en qualité de page , auprès du marquis
de Leganès, grand d'Espagne , et gou-
verneur du Milanais. Il quitta ce seigneur
quelque temps après, pourentrer comme
intendant chez le duc d'Orscholt, prince
d'Aremberg. On ne connaît pas d'ailleurs
les détails de la vie de cet écrivain. Ou
croit seulement qu'il était un admirateur
enthousiaste de Descaries, à en juger par
ie titre de l'ouvrage suivant, écrit dans
un assez bon stile : Conformité' de prin-
cipes de Moïse dans la création du
monde avec les principes de la philoso-
RAM 237
phie de Descartes, Utrecht, 1817 , in-12.
Rambert mourut vers 1700.
RAMBOUILLET ( Catherine de Vivon-
NE, femme de Charles d'ANGENNES, mar-
quis de), qu'elle avait épousé en 1 600, fut
une dame aussi distinguée par son esprit
que par ses vertus. Un grand nombre de
gen de lettres fréquentaient son hôtel,
qui devint une petite académie. On y ju-
geait la prose et les vers, et ce n'était pas
toujours le goût qui présidait àcesjuge-
mens. Des écrivains subalternes , proté-
gés par madame de Rambouillet , ayant
voulu être les émules des plus grands
génies, cette rivalité ne contribua pas
peu à décrier les décisions de ce tribu-
nal, d'ailleurs respectable par les quali-
tés personnelles de celle qui y présidait,
et à qui l'on ne pouvait rien reprocher
que la formation de ce tribunal même.
Elle mourut en 16C.5 , laissant trois filles
religieuses, et une quatrième, Julie-Lu-
cie d'Angennes mariée au duc de 3Ion-
tausier, et qui fut dame d'honneur de la
reine Marie-Thérèse , et gouvernante du
grand Dauphin. Elle mourut en 1671 , à
64 ans, et eut la vertu et l'esprit de sa
mère. Le marquis de Rambouillet était
mort à Paris en 1C52, chevalier des ordres
du roi, conseiller d'élat et maréchal de
camp. Il avait été envoyé l'an 1627 en
ambassade à Turin, pour conclure la paix
entre le roi d'Espagne et le duc de Sa-
voie. Voyez Sainte-Maure.
RAMBOUILLET. Voyez Angennes.
RAMBOUTS ( Théodore ) , peintre
d'Anvers, mort en 1642, excellait dans
le petit. On admire dans ses ouvrages la
légèreté et la finesse de la touche. Ses
figures sont bien dessinées et plaisantes,
lia représenté des /7rc«c«;'jrfe tabac,
des buveurs, etc.
RA3IBURES ( David, sire de ) , cham-
bellan du roi, et grand-maître des arba-
létriers de France en 1411, de l'illustre
et ancienne maison de Ramburcs en Pi-
cardie, rendit des services signalés au
roi Jean , à Charles V et à Charles \L II
fut tué à la bataille d'Azincourt, avec trois
de ses fils, en 1415.
RAMEAU ( Jean-Philippe ), célèbre
musicien français, naquit à Dijon le 25
238 RAM
septembre 1683. Après avoir appris de
son père, qui était organiste, les pre-
miers élémens de la musique , il suivit
les opéras anibulans de province. Le di-
recteur était un Italien qu'il avait connu
à Milan, où Rameau s'était rendu pour vi-
siter l'Italie. A l'âge de 17 à l8ans, il com-
mença ses essais ; et, comme ils étaient
déjà au dessus de la portée de son siècle,
ils ne réussirent pas , quoique exécutés
dans Avignon, qui était alors en réputa-
tion à cet égard. Le dépit le ftt sortir de
cette ville , et après avoir parcoutu une
partie de l'Italie et de la France, il in-
terrogea l'instrument le plus propre à
lui rendre raison de ses idées sur la mu-
sique, c'est-à-dire le clavecin. L'étude
qu'il lit de cet instrument le rendit ha-
bile dans son jeu , et presque le rival de
Marchand. Il s'arrêta quelque temps à
Dijon , sa patrie , et y loucha l'orgue de
la Sainte-Chapelle. Il demeura beaucoup
plus long-temps à Clermont, où on lui
confia celui de la cathédrale. La réputa-
tion qu'il s'y était faite y attira Marchand,
qui voulut l'entendre. « Rameau, dit ce
» célèbre musicien , a plus de main que
>' moi , mais j'ai plus de tète que lui. »
Ce discours rapporté à Rameau l'engagea
à rendre la pareille à Marchand. Il fit le
voyage de Paris dans cette vue, et n'eut
pas de peine à reconnaître la supériorité
de ce maître. Devenu son disciple , il ap-
prit sous lui les principes les plus impor-
tans de l'harmonie , et presque toute la
magie de son art. Quelque temps après ,
il concourut pourl'orgue de Saint-Paul, et
fut vaincu par le fameux Daquin. Dès ce
moment, il abandonna un genre dans le-
quel il ne pouvait pas primer, pour s'ou-
vrir une carrière nouvelle en musique.
C'est à ses méditations que nous devons
la Démonstration duprincipc de l'harmo-
nie, 2 vol. in-4 : ouvrage universelle-
ment estimé, qui porte sur un principe
simple et unique, mais très lumineux,
la basse fondamentale. Cette idée si natu-
relle , dont cet auteur a fait un grand
usage dans son Code de la musique , im-
primé au Louvre , est la preuve du génie
de Rameau. Dès que sa théorie lui eut
fait un nom , il s'attacha à la pratique,
RAM
et devint compositeur de la musique du
cabinet du roi , qui lui accorda des let-
tres de noblesse en 1764. Il était désigné
pour être décoré de l'ordre de Saint-Mi-
chel , lorsqu'il mourut le 1 2 septembre
delà même année. Quoiqu'on l'accusât
d'aimer l'argent, cette passion ne put
jamais l'engager à plier pour quelque mo-
tif que ce fût. Il n'imposa silence à ses
ennemis et à ses rivaux que par ses ta-
lens. Quinault avait dit : « qu'il fallait
i> que le musicien fût le très humble ser-
» vileur du poète. Qu'on me donne la
» gazette de Hollande, dit Rameau , et je
» la mettrai en musique. » Il disait vrai,
s'il en faut juger par certains mauvais
poèmes qu'il a mis au théâtre de l'Opéra,
et qui ont eu le plus grand succès. Quoi-
qu'il ait couru la même carrière que LuUi,
il y a beaucoup de différence entre eux.
Rameau a moins de ces beautés lâches et
molles , qui sont si fatales aux bonnes
mœurs, et est en général plus noble,
majestueux et sublime, quoiqu'il ne soit
pas exempt du reproche d'avoir aussi sa-
crifié à la licence et à la volupté. Outre
la Démonstration dont nous avons parlé,
on a de lui : Code de musique, 1760, 2
vol. in-4 ; plusieurs recueils de pièces
de clavecin , admirées pour l'harmonie,
et des opéras. On sait quel ridicule d'A-
lembert s'est donné en raisonnant froi-
dement et gauchement sur les principes
et les talens de Rameau. On peut voir là-
dessus Les be'vues , erreurs et méprises
de différens auteurs célèbres en matière
musicale, par M. Le Febvre, Paris , 1789i.
Il résulte des preuves de l'auteur , que
M. d'Alembert n'était pas en état de distin-
guer une tierce majeure d'une tierce mi-
neure ; d'où il est aisé de conclure quel
cas l'on doit faire de tout ce qu'il a écrit
sur la musique : et il ne faut pas regar-
der comme outré le jugement d'un cri-
tique, qui a dit à cette occasion : « Bien
j> des personnes ont apprécié l'immor-
)' tel secrétaire de l'académie française,
w en le considérant comme bel-esprit ,
» comme écrivain , comme philosophe :
» mais ce que bien des gens ignorent,c'est
)' que dans cette volumineuse compila-
n lion de toutes les connaissances hu-
i
RAM
» maines , dans ce fameux Dictionnairr.
» encyclopédique , où les arts et les
)i sciences dorment pêle-mêle comme au
» fond d'un vaste tombeau , la musique
» se trouve ensevelie de sa propre main. »
Rameau a commencé à travailler à Paris,
dans les opéras de la Foire-Saint-Ger-
main, composés par Piron, son compatrio-
te,qui avait remplacé LuUi dans le grand
opéra , et débuta par Hippolyte ou par
5a/K*o«. Outre plusieurs 7/2oief y et ca/2/rt-
tes , Rameau a donné à l'académie de
musique trente opéras.
* RA3IEL ( Jean-Pierre ) , maréchal
de camp , né à Cabors en 1770, entra au
service à l'Age de 1 6 ans , et après avoir
passé par tous les grades , il était chef
de bataillon à l'armée des Pyrénées lors-
que son frère Pierre officier - général
fut traîné à l'échafaud ( 1794). Jean-
Pierre faillit éprouyer le même sort ;
rendu à la liberté stores une captivité de
16 mois, il obtint le grade d'adjudant-
général , fit la campagne du Rhin sous
Moreau, et défendit vaillamment le fort de
Kehl dont il avait le commandement. En
1 797 il fut nommé commandant des gre-
nadiers de la garde du corps législatif; et
la conspiration de Brottier et Laville-
Heurnois, à laquelle il ne prit part que
pour les dénoncer , suivant la déclaration
qu'il en fit lui-même , lui valut un décret
portant qu'i7 avait bien mérité de la pa-
trie. Il se lia néanmoins peu de temps
après avec le parti accusé de royalisme,
et fut compris dans la proscription du 18
fructidor. Dans cette journée il se con-
duisit avec la dernière faiblesse, et se
laissa arrêter sans avoir fait aucun effort
pour contenir ses soldats et sans opposer
aucune résistance. Transporté à Caïenne
avec Pichegru et les autres proscrits , il
parvint à s'évader du lieu de son exil le 3
juin 1798, avec quelques-uns de ses com-
pagnons : ils s'étaient jetés la nuit dans
un frêle esquif sous la conduite d'un pi-
lote qui se dévouait à leur salut, et après
sept jours d'une navigation des plus pé-
rilleuses , pendant laquelle ils eurent à
souffrir tour à tour les horreurs delà faim
et du naufrage, ils parvinrent le 10 à
prendre terre au fort de Monte-Krick ,
RAM 9.39
dans la côUineanglaise de Surinam. Après
y avoir reçu tous les secours de la pius gé-
néreuse hospitalité , Raracl s'embarqua
pour l'Angleterre, et fit paraître un jour-
nal sur le s faits relatifs à la journée du
1 8 fructidor , sur le transport , le séjour
et l'évasion des déportés. Cet écrit q4ii
parut en 17 99 valut à Ramel de nouvelles-
persécutions; cependant après le 1 8 bru-
maire il rentra en France , oîi il vécut
ignoré jusqu'en 180G, qu'il fut employé
comme adjudant en chef de l'état-major
dans l'armée de Portugal. Il fut élevé au
grade de maréchal de camp en 1814, et
commandait à Toulouse , lorsqu'il y fut
blessé grièvement dans une émeute poi
pulaire , le 1 5 août 1815, à l'instant oîi
il venait remplir ses fonctions. Il mou-
rut deux jours après des suites de ses
blessures, sans avoir voulu nommer ses
assassins.
RAMEL DK NoGARET. Voyez Nogabet.
RAMELLI ( Augustin ), ingénieur et
machiniste italien du 16^ siècle, né vers
1531, dans te duché deMiian, allia l'étude
des beaux arts avec le bruit des armes.
(Après avoir servi avec distinction dans les
armées de Charles-Quint , il vint en
France , et fut pensionné par Henri III. )
On admire quelques-unes de ses machi-
nes, et on s'en est servi quelquefois
avec utilité ; ( mais en général elles sont
trop compliquées). Le recueil oîi il les a
rassemblées fut imprimé à Paris, en ita-
lien eten français, in-fol. 1588, sous ce ti-
tre : Le diverse ed artificiose machine
del Augustino Ramelli. Plusieurs croient
que tout n'est pas de lui, et qu'il a pro-
fité des inventions des autres. Quoi qu'il
en soit, les amateurs d'inventions méca-
niques recherchent beaucoup cet ouvrage
rare, qui est enrichi de 1 95 figures. ( Cet
habile ingénieur mourut en 1590. )
RAMESSES ou Ramesès , Ramisès ,
Ramsès , Rampsès et Ramestés, nom com-
mun à plusieurs rois des 18" et 19* dyna-
sties égyptiennes, toutes deux régnant
à Thèbes. Il paraît que celui qui régnait,
quand Jacob y alla avec sa famille, por-
tait ce nom. Plusieurs critiques le con-
fondent avec Sésostris , qui est lui-même
l'objet de beaucoup de conjectures. On
2^0
RAM
trouve dans les anciens auteurs plusieurs
autres rois d'Egypte nommés Ramessès.
C'est à l'un d'eux que l'on attribue (peut-
être mal à propos ) le magnilique obé-
lisque de 115 pieds de haut que l'empe-
reur Constantin fit transporter à Alexan-
drie en 334 , et que Constance, son fils,
fit élever à Rome 1 8 ans après. Les Goths,
saccageant cette ville l'an 409, renver-
sèrent cet obélisque, qui fut rompu en
trois morceaux, et demeura enfoncé sous
terre jusqu'au temps de Sixte V : ce pape
fit redresser ce bel ouvrage dans la place
de Saint Jean de Latran. Il est chargé de
quantité d'hiéroglyphes.
'RAMLER (Charles-Guillaume), poète
allemand, né en 1725 à Colberg enPomé-
ranie , d'une famille pauvre qui le plaça
dans la maison des Orphelins de Stettin,
d'oii il passa à celle de Halle. Il termina ses
études dans l'université de cette dernière
ville; mais, dominé par sa passion pour
la poésie, il ne s'occupa que de vers et ne
cultiva que la littérature. En 1746, il
alla se fixer à Berlin , où Gleim, qui l'a-
vait connu à Halle, lui procura une place
de précepteur. Sonméritelui valut bien-
tôt la chaire de professeur de logique et
de belles-lettres au corps royal des cadets,
et celle de membre de l'académie des
Sciences. En 1787, il fut chargé avec
Engel delà direction du théâtre; mais
Je mauvais état de sa santé l'obligea d'y
renoncer en 17 96; toutefois on lui en
conserva les appointemens , et il mourut
le 11 avril 17 98 d'une phthisie pulmo-
naire. Le Recueil des poe'sies de Ramier
a été publié par son ami Goekingk, 1800-
1801 , 2 vol. in-8 , avec une notice bio-
graphique très-intéressante sur ce poète
célèbre. Nourri de la lecture d'Horace,
qu'il imite sans cesse , il a quelquefois
sa noblesse ; mais on y chercherait en
vain sa légèreté et sa grâce ; il réussis-
sait particulièrement dans les odes et les
chansons. On remarque son Ode sur le
retour du roi; Prédiction de Glaucus;
le Triomphe; Odes à la paix , à la con-
corde, à la muse, etc. Sa traduction com-
plète des odes d'Horace fut publiée à
Berlin en 1 800. On a encore de lui : 1 " une
traduction du Cours de belles-lettres de
RAM
leBalteux , accompagnée de remarques ,
qui fut pendant long-temps le principal
ouvrage classique des Allemands , Leip-
sick, 1768, 5« édit. 1803; 2" Chansons
des Allemands et anthologie lyrique, Ber-
lin , 1700, 3 vol. in-8 ; 3° Recueil des
meilleures épigrammes des poètes alle-
mands, Riga, 1766, in-8; 4° Extraits
de Martial, en latin et en allemand,
première partie, Leipsick, 1787, in-8;
S'' Choix d'Idylles de Gcssner mises en
vers , 1787 , in-8 ; 6° Le premier navi-
gateur, du même , mis en vers , Berlin,
1789; 7° Mythologie abrégée, etc. Berlin,
1790, 2 vol. in-8, 2« édition, 1808; 8'
Recueil de Fables, Leipsick, 1790, 2
vol. in-8; 9° Epigrammes de Longau,
avec des augmentations et des remarques,
1791 , 2 vol. petit in-8 ; 10" Extrait de
Catulle , en latin et en allemand, 1793,
in-8 ; 11° Odes choisies d'Anacréon, et
les deux Odes de Sapho , avec des re-
marques par Ramier. I! s'est encore con-
sacré à revoir et à corriger les ouvrages
de plusieurs poètes de sa nation ; mais
ses corrections n'ont pas toujours été
heureuses. Ses principaux travaux en ce
genre sont relatifs aux anciennes chan-
sons des Allemands, à leurs épigrammes,
à un recueil de Fables, aux Idylles et aux
autres poèmes de Gessner.
* RAMOKD DE LA Carbonnières ( le
baron Louis François-Elisabeth), conseil-
ler d'état et membre de l'Institut , né
à Strasbourg le 4 janvier 1755 , fut d'a-
bord attaché au cardinal de Rohan , et
faisait partie de la garde du roi lorsque
la révolution éclata. Ayant adopté , à
l'exemple de beaucoup d'autres , les es-
pérances d'un meilleur ordre de choses,
il fut nommé, en 1791, député de la
ville de Paris à l'assemblée législative ,
et s'y montra l'un des plus zélés défen-
seurs de la monarchie. Il monta souvent
à la tribune , et y développa une recti-
tude de vues et une conséquence de prin-
cipes qui ne se démentirent jamais. Dans
les discussions sur les émigrés, il convint
que la confiscation devait frapper sur tous
ceux qui prendraient les armes contre la
France; mais il soutint en même temps que '
les autres devaient jouir du droit qui ap- *
RAM
parlienl à loul lioinnie tle Iransporler sa
peisounc et sa forluiio où bon lui semble.
Il parla aussi en faveur des piètres iuser-
mentés. et il insista surtout sur la nécessité
de laisser le libre eiercice des cultes, et
desalarier indistinctement tous les minis-
tres. Le 27 mars 17 92 , il fut charge par
le comité diplomatique de faire un rap-
port sur l'état des relations de la France
avec l'Espagne; et, vers la fin de mai, il
obtint un décret en faveur des prison-
niers de guerre. Dans le même mois, il
prit de nouveau la parole en faveur des
prêtres insermentés , et s'éleva avec force
contre la tyrannie que les autorités lo-
cales exerçaient sur eux ; il parla aussi
contre le projet de licencier la garde du
roi. Enfin, le 20 et le 28 juin , il com-
battit, avec un courage honorable , les
Girondins , qui préparaient déjà la chute
du pouvoir exécutif, et qui attaquaient M.
de La Fayette , parce que ce général était
■venu demander à l'assemblée justice des
attentats commis, le 20 juin, contre le
trône constitutionnel. Il proposa le dés-
armement du rassemblement qui s'était
porté à l'assemblée et aux Tuileries , et
peu après des mesures relatives à la ca-
pitulation des régimens suisses. Après la
journée du 10 août , il fut obligé de quit-
ter Paris pour échapper aus proscriptions
de 17 93. Il fit alors un voyage dans les
Pyrénées pour suivre ses études scienti-
fiques qu'il avait négligées pendant ses
fonctions législatives ; et après la mort
de Robespierre, il fut nommé professeur
d'histoire naturelle à l'école centrale du
département des Hautes-Pyrénées. Le
sénat conservateur l'appela au corps lé-
gislatif en 1800, et il y siégea jusqu'à
l'année 1806, qu'il fut nommé préfet du
département du Puy-de-Dôme. 11 en
exerça les fonctions jusqu'en 1814. Le
roi le nomma en 1815 maître des requê-
tes , et en 1318 conseiller d'état. Il est
mort à Paris le 4 mai 1 827 . Il était mem-
bre de l'Institut depuis le 24 février 1 802.
On a de lui : 1° Lettres de M. W. Coxe
à M. W. Melmoth , sur l'état politique, ,
civil et militaire de la Suisse , traduites
de l'anglais , et augmentées des observa-
tions faites par le traducteur dans le
RAM
24 1
môme pays, 1781,2 vol. in-8 ; 2° Obser-
vations faites dans les Pyréne'es , pour
servir de suite à des observations sur
les Alpes , insérées dans une traduction
des Lettres de M. Coxe sur la Suisse ,
17 89, 2 vol. in-8 ; 3" Opinion sur les
lois constitutionnelles , leurs caractères
distinctifs , leur ordre naturel, leur sta- ,
bililé relative, leur révision solennelle y
17 91, in-8 ; 4° F'oyage au Mont-Perdu ,
1801, in-8; 6° Mémoire sur la formule
barométrique de la mécanique céleste ,
1812, in-4, et plusieurs autres Mémoires,
insérés dans ceux de l'Institut. On trou-
vera aussi dans la collection des travaux
de l'Institut plusieurs Mémoires de Ra-
mond. Le Moniteur du 9 juin 1827 con-
tient les discours qui ont été prononcés
sur sa tombe. On dit que c'est Ramond
qui a donné à La Fayette le titre de fils
aîné de la liberté.
* RAMOS Ramo-Parrea , et non Perei-
RA ( Barlhélemi ), réformateur de la mu-
sique , naquit à Salamanque vers 1 535.
Il était aussi habile dans la théorie que
dans la pratique de cet art. Le pape Ni-
colas V ayant fondé à Bologne la chaire
de musique, il appela, en 1582, Parre»
pour l'occuper. Malgré les nombreux
partisans de Guido-Artino, il eut le cou-
rage de démontrer à l'Italie la fausseté
du système de celui-ci, et les erreurs qui
en étaient et en devaient être la consé-
quence. Il publia , pour le prouver , son
Traité de la musique, Bologne, sans
date, très rare, quoique réimprimé dans
la même ville en 1595; après avoir été vi-
vement combattu par les grMzrf/.y^ej, ce livre
fut généralement adopté , d'abord en Ita-
lie, et ensuite dans toute l'Europe. Par-
rea a composé plusieurs savans mor-
ceaux , comme des motets, des psaumes,
des cantiques , etc. qui se conservent
encore à Bologne : le célèbre Père Mar-
tini fit l'acquisition d'une grande partie,
qui se trouvent à la bibliothèque musi-
cale du couvent de Saint-François , àBo
logne. Parrea mourut dans cette ville
vers 1610.
* RAMOS (Don Henri), militaire et
écrivain espagnol, né à Alicante en 1 738,
entra d'abord dans l'artillerie, et ensuite
3i.
a'ia RAM
dans la garde royale espagnole, oh il
parvint au grade de capitaine , avec le
titre de colonel , et puis de brigadier,
ou général de brigade. Il servit avec dis-
tinction dans les guerresd'Alger(1772),
de Gibraltar ( 1780 ), et contre la répu-
blique française ( 1793 ). Son instruction
n'était pas moindre que sa bravoure ; et
il cultiva avec un égal succès tes scien-
ces exactes et la poésie. Il était surtout
très versé dans la géométrie , et plaçait
cette science au premier rang des con-
naissances humaines. Il mourut à Madrid
en 1801. Parmi ses nombreux ouvrages ,
nous citerons les plus connus , comme :
1° Eltmens sur V instruction et la disci-
pline de V infanterie , Madrid, 1776, in-8;
2° Elémens de géométrie à l'usage des
gardes royales , ibid. 1787 , in-4 ; 3° In-
structions pour les élèves d'artillerie,
ibid. \l%%;k° Eloge de Bayan^marquis
de Santa-Cruz, Madrid, 1780; 5° Gus-
man, tragédie en 3 actes,'Barcelone, 1780,
in-8 ; 6° Pelage, tragédie en 3 actes, Ma-
drid, 1784. Ces deux pièces obtinrent
du succès. Il y a une autre tragédie du
nom de Pelage, par M. Quintana. 1° Le
Triomphe de la vérité, poème fort bien
écrit, et plein de verve. Le stile surtout
a mérité l'éloge des littérateurs espa-
gnols.
RAMPALLE. Foyez Pierre de Saint-
André.
RAMPEN ( Henri), docteur en théo-
logie, né à Huy dans la principauté de
Liège , vers 1672 , enseigna le grec et la
philosophie à Louvain , et y donna pen-
dant plusieurs années des leçons d'Ecri-
ture sainte. Il fut président du collège de
Sainte-Anne et du grand collège. Il ter-
mina, le 4 mars 1641 , sa vie qui avait
toujours été édifiante. Nous avons de
lui un Commentaire sur les quatre
Evangiles, qui contient d'excellentes
remarques, à Louvain, 1631-33-34,3
vol. in-4,
RAMSAY (Charles-Louis ), gentilhom-
me écossais, est auteur d'un ouvrage
latin, intitulé : Tacheographia , ou Y Art
d'écrire aussi vite qu'on parle , dédié à
Louis XIV. Il a été traduit en français ,
et publié datis ces deux langues , à Pa-
RAM
ris, en 1681. L'auteur substitue aux let-
tres romaines des traits plus simples, re-
présentés en six tables. Foyez Tiron.
RAMSAY ( André-Michel de ), cheva-
lier-baronnet en Ecosse, et chevalier de
Saint-Lazare en France, docteur de l'u-
niversilé d'Oxford , naquit à Daire en
Ecosse en 1686 , d'une branche cadette
de l'ancienne maison de Ramsay. Il eut
dès sa plus tendre jeunesse un goût dé-
cidé pour les sciences, surtout pour les
mathématiques et pour la théologie. Il
aperçut bientôt la fausseté de la religion
anglicane. Après avoir long-temps hésité
entre les diverses opinions philosophi-
ques, il consulta les théologiens d'Angle-
terre et de Hollande, el ne fut pas moins
embarrassé. Il ne trouva la vérilé que
dans les lumières de l'illustre Fénélon ,
archevêque de Cambrai, qui le fixa dans
la religion catholique en 1700. Ramsay
ne tarda pas àsofaire connaître en France
el dans les pays étrangers , par des ou-
vrages qui, sans être d'une grande éten-
due, annonçaient d'heureuses disposi-
tions. On lui confia l'éducation du duc
de Château-Thierry, et ensuite celle du
prince de Turenne. Le roi d'Angleterre ,
ou le prétendant Jacques III, l'appela en
17 24 à Rome, oîi il était réfugié, pour
lui confier une partie de l'éducation des
princes ses enfans ; mais des brouilleries
de cour l'obligèrent de revenir en France.
Ramsay fit en 1730 un voyage en Angle-
terre, où il fut admis à la société royale
de Londres et reçu docteur à l'université
d'Oxford. A son retour en France il devint
intendant du prince de Turenne, depuis
duc de Bouillon , et mourut à Saint Ger-
main-en-Laye en 1743, à 57 ans. Ramsay ,
était un homme estimable; mais il prêtait }
beaucoup à la plaisanterie par sesairs em-
pesés, par son affectation à faire parade de
science et d'esprit dans la société. Ses ou-
vrages sont : Vi' Histoire de la vie et des
ouvrages de M. de Fénélon, archevêque
de Cambrai, la Haye, 1723; publiée aussi
en anglais la même année : elle fait aimer
ce digne évêque; 2° Essai philosophique
sur le gouvernement civil, Londres, 1721,
in-12; ibid. 1722, in 8; réimprimé depuis
sous le titre û' Essai politique ; 3° Le
RAM
Psychomèlre, ou Réflexions sur les diffc-
rens caractères de l'esprit; 4° les Voya-
ges de Cyrus , Paris et Londres, 1727, 2
vol.in-8; 1730, in-4,ct 2 volumes in-12 :
écrits avec assez d'élégance , mais trop
chargés d'érudition elde réflexions. L'au-
l€uryacopiéBossuet,Fénélon et d'autres
écrivains, sans les citer. Il j aà la fin un
Discours sur la mythologie des anciens,
savant et estimé ; 5° P/«/i d'e'ducation,
,par l'auteur des Voyages de Cyrus, en
anglais, Glascow, 17 49, 2 vol. in-4, pos-
.thume ; 6 " plusieurs petites pièces de
poésie, en anglais ; 7° V Histoire du maré-
chal de Ture.nne , Paris, 1735, 2 vol.
in-4, et Hollande, 4 vol. in-12. Il y a de
l'ordre , de la précision , de l'élégance
dans cet ouvrage : on y voit des por
traits bien dessinés et des parallèles in-
génieux; mais ses réflexions ont un airaf-
fecté et sont assez mal enchâssées. 8"Un
ouvrage posthume, imprimé en anglais à
Glascow, sous ce titre : Principes philo-
sophiques de la religion ruiturelle et ré-
vélée, développés et expliqués dans l'or-
dre géométrique, 1749, 2 vol. in-4. On
trouve dans cet ouvrage des opinions
pour le moins très singulières, telles que
la métempsycose, l'animation des brutes
par les démons, la fin des peines de l'en-
fer, etc. ; ce qu'il y a de plus singulier
encore, c'est que Piamsay prétend qu'en
tout cela il est parfaitement d'accord
avec la croyance de Fénélon, et même
avec les décisions de l'Eglise-, par le se-
cond de ces accords, on peut juger du
premier; il est déplus très naturel de
croire qu'un homme qui a la confiance
de préconiser de teiles opinions comme
de grandes et importantes vérités, peut
avoir celle de les attribuer à un homme
célèbre ; s'il les a trouvées dans la doc-
trine de l'Eglise, rien n'empêche qu'il
ne les ait découvertes dans celle de Fé-
nélon. Du reste , il n'est pas inutile
d'observer que quelques critiques re-
gardent cet ouvrage comme faussement
attribué à Ramsay, ou du moins comme
essentiellement altéré. La qualité de
posthume autorise ce sentiment. On .sait
que ces ouvrages servent souvent à dé-
chirer la mémoire des gens de bien , qui
RAM a43
n'ont plus de voix pour réclamer con-
tre l'imposture. C'est un des artifices
favoris de l'hérésie et de la philosophie.
( Voyez Brotier, PiACIne. ) 9° Un Dis-
cours sur le poème épique, dans lequel
l'auteur adopte le système de la Motte
sur la versification. On le trouve à la tête
du Télémaque, 1717, in-12, et plusieurs
fois depuis.
• RAMSAY ( Alain ) , poète anglais ,
naquit en 1696 à Peebles, en Ecosse. Sa
famille étant fort pauvre, il ne put rece-
voir aucune éducation. Forcé de pour-
voir à sa propre subsistance, il entra chez
un barbier, où il servit à titre de garçon
pendant quelques années. Mais comme
il avait de l'esprit naturel, plusieurs de
ses pratiques lui conseillèrent de faire
quelques éludes , et de se livrer à l'art
dramatique. Elles lui procurèrent des se-
cours, à l'aide desquels il put prendre
des leçons de grammaire et de rhétori-
que, en même temps qu'il lisait les poè-
tes classiques de sa nation. Ayant passé à
Londres , il y débuta par quelques poé-
sies légères qui furent bien reçues. Il
donna ensuite des comédies qui réussi-
rent également; la meilleureest une pas-
torale intitulée The gentel Shepherd, le
gentil berger. Il a aussi laissé un recueil
de Poésies fugitives , où l'on trouve de
la grâce et de la facilité.
RAMUS, ou LA Ramée ( Pierre ) , phi-
losophe célèbre, naquit à Cuth , village
de Vermandois , vers 1502. Ses ancêtres
étaient nobles ; mais les malheurs de la
guerre réduisirent son aïeul retiré en Pi-
cardieà faire et à vendre du charbon pour
subsister. Dans son enfance, Ramus fut
attaqué deux fois de la peste. Après avoir
été gardien de troupeaux , il vint à l'âge
de huit ans à Paris , d'où la misère le
chassa. Il y revint une seconde fois, et ce
second voyage ne fut pas plus heureux.
Enfin, dans le troisième, il fut reçu comme
domestique au collège de Navarre. Il em-
ployait le jour aux devoirs de son état ,
et la nuit à l'étude. Il acquit assez de
connaissances pour aspirer au degré de
maître-ès-arts. Il prit pour sujet de sa
thèse, que « tout ce qu'Aristote avait en-
» seigné n'était que faussetés et chi»
5.44 Ti'Alvi
« mères : » Asseiiion ridicule el plus ex-
travagante dans sa généralité que toutes
les erreurs qui se trouvent dans les écrits
d'Aristote. L'université intenta contre
Bamus un procès, el l'accusa d'énerver la
•philosophie, en décréditantlephilosophe
grec. L'aflaire fut portée au grand con-
seil, qui lui défendit d'enseigner. L'arrêt
fut rendu en 15i3, et peu s'en fallut
qu'on ne l'envoyât aux galères. Il fut ba-
foué , joué sur les trétaux , et il souffrit
tout sans murmurer. Cependant Ramus
profita l'année d'après de l'occasion de
la peste qui ravageait Paris, pour recom-
mencer ses leçons. Les collèges étaient
fermés; les écoliers allèrent l'entendre
par désœuvrement. La faculté de théolo-
gie présenta requête au parlement pour
l'exclure du collège de Presics ; mais le
jiarlement le maintint dans son emploi.
Les chaires d'éloquence et de philosophie
ayant vaqué au Collège royal ( collège
de France ), Ramus les obtint en 1551 ,
par la protection du cardinal de Lor-
raine. 11 professa tranquillement dans
celte nouvelle place, et composa une
Grammaire pour les langues latine et
française. On prononçait alors en latin
le Q, comme le K , de façon qu'on disait
Kiskis , Kankan , pour Quisqids, Quan-
quam .- il eut bien des obstacles à sur-
monter pour réformer celte prononcia-
tion. « La lettre Q , disait un mauvais
« plaisant àcesujet, faitplus deA'flwAvïn
» que toutes les autres lettres ensemble. »
Ramus était protestant, et l'était jusqu'au
fanatisme. Après l'enregistrement de l'é-
dit qui permettait le libre exercice de la
religion, il brisa les images du collégcde
Prestes , disant qu'il n'avait pas besoin
d'auditeurs sourds et muets -. action con-
traire à l'ordre public et aux droits de la
religion établie. Il déclama contre le dis-
cours de l'université opposante à l'enre-
gistrement de l'édit , el désavoua le rec-
teur. Tous ces excès le rendirent odieux.
La guerre civile l'obligea de quitter Pa-
ris ; l'université le destitua et déclara sa
place vacanle. Le roi lui donna un asile
à FO'itainebleau ; tandis qu'il s'y tenait,
les catholiques pillaient sa bibliothèque
à Paris , et dévastaient son collège. Ils le
KAM
poursuivirent dans son asile , oii il ne
cessait dintriguer en faveur de sa secte.
Il fut obligé de se sauver , et ne fut réta-
bli dans sa charge de principal du col-
lège de Presles et dans sa chaire, qu'après
la mort du duc de Guise , en 1 5C3. Ayant
pris ouvertement les armes contre l'état,
il se trouva en I5G7 à la bataille de St.-
Denys, où il manqua périr. Cependant à
la paix il fut encore rétabli dans ses fonc-
tions. Il s'absenta pendant quelque temps
pour aller visiter les universités d'Alle-
magne , et SCS honoraires lui furent con-
tinués. Il avait demandé la chaire de
théologie de Genève ; Théodore de Rèze
écrivit contre lui, et l'empêcha de rol>-
lenir. Ramus, d'un esprit toujours in-
quiet et tracassier, aussi mécontent des
profestansque des catholiques, avait pro-
jeté une réforme dans le calvinisme. De
retour à Paris, en 1571, il fut compris
dans le massacre de la St.-Barlhélemi en
1572. (Il s'était caché dans une cave; ua
de se.s ennemis l'y découvrit au bout de
deux jours. Ramus lui demande la vie;
l'autre consent à la lui vendre , et après
lui avoir pris son argent, il le livre à ses
satellites, qui regorgèrent et le jetèrent
par les fenêtres.) Les écoliers de l'univer-
sité répandirent ses entrailles dans les
rues, traînèrent son cadavre jusqu'à la
place Maubert en le frappant de verges ,
et le jetèrent dans la rivière. Il était âgé
de 69 ans. Ramus ne s'était point marié.
On a de lui: 1° trois livres d'arithme'li-
que , Paris, 1555, in-4 , et vingt-sept de
(/e'oine'lrie , fort au dessous de sa répu-
tation ; 2" un traité I)e militia Cœsaris ,
ibid., 1559, in-8 ; -3" un autre De mori-
bus vcterum Gallorum , 1559 et 1562,
in-8; 4" Grammaire grecque, 1560,
in-8 , traduit en français, par Michel de
Caslelnau ; 5" Grammaire latine , 1558,
1 559 et 1 564, in-8 ; 6" Grammaire fran-
çaise, 1571 , in-8 , et un grand nombre
d'autres ouvrages dont on trouvera les
titres dans les Mc'moires de Nicéron ,
t. 13el 20. Foyez Ossat (d'). (Theophr.
Banosius, Th. Freig, Nicol. Nancel et
Fred.Lenz, ont écrit la f^/e de Ramus.)
RAMUS ( Jean ) , littéralenr et juri.<i-
cori.«u!Ic, né à Tergoes eu Zélande , eu
RAN
1 535, er.scifjna l.i rhétorique et la langue
(grecque à Vienne en Autriche, le droit
à Louvain et à Douai, et mourut le 25
novembre 157 8 à Dôleen Franche Comté,
où il était allé pour prendre possession
d'une chHire de droit qu'on lui avait of-
ferte. On a de lui : 1*^ une Traduction
dn grec en latiîi du Bouclier dCHercule,
poème attribué à Hésiode : cette traduc-
tion est insérée dans l'édition de ce poèle,
faite à Bâle ; 2" Cnmmentarii ad régulas
jurit ufriusqite, Louvain, 1541, in-4, et
quelques autres ouvrages de littérature et
de jurisprudence. Ramus était éloquent
et méthodique. En désapprouvant l'érec-
tion des nouveaux évêchés aux Pays-Bas,
et en parlant avantageusement de la Pn-
cifîcalion de Ggiid , il a fait naître des
soupçons sur sa religion.
RAMUSIO ou Ransusio (Jean-Bap-
tiste), historien, secrétaire du conseil
des Dix de la république de Venise, sa
patrie, né en 14 85, mort à Padoue en
1557, à 72 ans, fut envoyé en France,
en Suisse et à Rome, et montra beaucoup
de prudence et de sagacité dans ces diftë-
rcntes missions. Il est auteur: 1° d'im
traité De Nili incremento : V d'un Re-
cueil devoyages maritimes , Venise, im-
primé par les Juntes en 3 vol. in-folio,
enrichis Ae pre'faccs , de dissertations et
de /7r'fe.y. Celte collection est en italien. Le
1" volume est de 1550 , le 2* de 1559,
et le 3* de 1 56G, à Venise. ( Il avait laissé
les matériaux d'un 4* volume ; mais ses
notes ont péri dans l'incendie de l'impri-
merie des Juntes en 1557. Les biographes
prétendent que pour avoir un exe.i plaire
bien complet du recueil de Ramusio, il faut
choisir le l"vol. de l'édition del5G3, le
2«del583et le 3" de 1565, en ajoutant à
ce dernier un supplémentde trois pièces,
quisontdel'édit. de 1606. La plus grande
partie des morceaux qui composent les
premiers volumes, ont été traduits en
français, et forment le Recueil de J. Tem-
. poral , intitulé : Description de VÂfri-
que, etc., f.yon, 1556,2 vol. in-fol.)
RANCÉ ( Dom Armand-Jean le Bou-
TiiU-iiER de), né à Paris en 1026, était
neveu de Claude le Bouthillier de Chavi-
gni, stcrélaire d'état, et surintendant des
RAN 245
finances. ( La famille des Bouthillier te-
nait son nom de la charge d'échanson
qu'elle avait exercée à la cour de Breta-
gne. ( Rancé fit paraître, dès son enfance, ,
de si heureuses dispositions pour les bel-
les-lettres, que, dès l'âge de 12 à 13
ans , à l'aide de son précepteur, il publia
\une nouvelle édition des Poésies d'Ana-
créon, en grec, avec des notes, 1639,
in-8. Il devint chanoine de Notre-Dame
de Paris , et obtint plusieurs abbayes. Des
belles-lettres il passa à la théologie , et
prit ses degrés eu Sorbonne avec la plus
grande distinction. Il fut reçu docteur
en 1654. Le cours de ses études fini, il
entra dans le monde , et s'y livra à toutes
ses passions, et surtout à celle de l'a-
mour. On veut même qu'elle ait occa-
sioné sa conversion. On dit que l'abbé
de Rancé , au retour d'un voyage , allant
voir sa maîtresse , dont il iguorait la
mort, monta par un escalier dérobé, et
qu'étant entré dans l'appartement , il
trouva sa tête dans un plat : on l'avait sé-
parée du corps, parce que le cercueil
de plomb qu'on avait fait faire, était trop
petit. Voyez les Véritables motifs de
la conversion de ï abbé de Rancé , par
Daniel de la Roque, Cologne, 1685,
in-12. Ce récit est essentiellement faux :
l'abbé de Piancé avait passé toute la nuit
auprès de la malade ( madame de Mont-
bazon ) , et l'avait exhortée à remplir
les devoirs de la religion. Elle mourut
de la rougeole). D'autres prétendent que
l'aversion de Rancé pour le monde fut
causée par la mort ou par les disgrâces
de quelques-uns de ses amis, nubien
par le bonheur d'être sorti sans aucun
mal de plusieurs grands périls : les balles
d'un fusil , qui devaient naturellement le
percer, donnèrent dans le fer de sa gibe-
cière. (La mort du duc d'Orléans, son pro-
tecteur , et dont il était l'aumônier , lui
causa un vif chagrin. Ce fut peu de
temps après celte perle qu'il renonça au
monde. ) Du moment qu'il projeta son
changement de vie , il ne parut plus à la
cour. Retiré dans sa terre de Veret auprès
de Tours, il consulta les évoques l'Aieth ,
de Pamicrs et de Comminges. Leurs avis
furent diflférens ; celui du dernier fut
246 RAN
qo'il embrassât l'état monastique. Le
cloître ne lui plaisait point alors; mais
après de mûres réflexions il se détermina
à y entrer. Il vendit sa terre de Veret
300 ,000 livres, pour les donner à l'Hô-
tel-Dieu de Paris, et ne conserva de tous
ses bénéfices quele prieuré de Boulogne,
de l'ordre de Grammont, et son abbaye
de la Trappe , de l'ordre de Cîteaux. Los
religieux de ce monastère n'y vivaient
pas selon leur règle primitive. L'abbé de
Rancé, tout rempli de ses projets de re-
traite, demande au roi et obtient un
brevet pour pouvoir y établir la réforme.
Il prend ensuite l'habit régulier dans l'ab-
bave de Pcrseigne , est admis au novi-
ciat en 1663, et fait profession l'année
d'après, Agé de trente-huit ans. La cour
de Rome lui ayant accordé des expédi-
tions pour rétablir la règle dans son ab-
baye , il prêcha si vivement ses religieux,
que la plupart embrassèrent la nouvelle
réforme. L'abbé de Rancé eût bien voulu
faire dans tous les monastères de l'ordre
de Cîteaux ce qu'il avait fait dans le sien ;
mais ses soins furent inutiles. N'ayant
pu étendre sa réforme, il s'appliqua à lui
faire jeter de profondes racines à la
Trappe. Ce monastère reprit en effet une
nouvelle vie. Continuellement consacrés
au travail des mains , à la prière et aux
pratiques les plus austères, les religieux
retracèrent l'image des anciens solitaires
de la Thébaïde. Le réformateur les priva
des amusemens les plus permis. L'élude
leur fut interdite ; la lecture de l'Ecriture
sainte et de quelques traités de morale ,
voilà toute la science qu'il disait leur
convenir. Pour appuyer son idée , il pu-
blia son Traité de la sainteté et des de-
voirs de Vétat monastique : ouvrage qui
causa une dispute entre l'austère réfor-
mateur et le doux et savant Mabillon.
( voy. l'article de celui-ci). Cette guerre
ayant été calmée, il fallut qu'il en soutînt
une autre avec les partisans d'Arnauld.
Il écrivit sur la mort de cet homme fa-
meux une lettre à l'abbé N'icaise, dans
laquelle il s'exprimait de cette sorte :
« Enfin , voilà M. Arnauld mort ! après
M avoir poussé sa carrière aussi loin qu'il
» a pu, il a fallu qu'elle se soit terminée.
RAW
» Quoi qu'on dise, voilà bien des ques-
» tions finies. Son érudition et son auto-
)) rite étaient d'un grand poids pour le
» parti. Heureux qui n'en a point d'autre
>> que celui de J. C! » Ces quatre lignes
produisirent vingt brochures contre lui ,
et les jansénistes ne lui pardonnèrent
jamais. La part qu'il prit aux démêlés
théologiques entre Eossuet et Fénélon,
et qui se réduit à deux lettres très courtes
adressées à l'évêque de Meaux, publiées
contre le gré de celui qui les avait écrites,
lui attirèrent des vers très piquans de la
part du duc de Nevers (l'oy. ce nom).
L'abbé de la Trappe, accablé d'infirmités,
crut devoir se démettre de son abbaye. Le
roi lui laissa le choix du sujet, et il
nomma dom Zozime , qui mourut peu de
temps après. Dom Gervaise , qui lui suc-
céda , mit le trouble dans la maison de la
Trappe. Il inspirait aux religieux un nou-
vel esprit, opposé à celui de l'ancien
abbé , qui , ayant trouvé le moyen d'ob-
tenir une démission , la fit remettre
entre les mains du roi. Le nouvel abbé ,
surpris et irrité, courut à la cour noircir
l'abbé de Rancé , l'accusa de jansénisme,
de caprice, de hauteur; mais, malgré
toutes ses manœuvres, dom Jacques
de la Cour obtint sa place. La paix ayant
été rendue à la Trappe, le pieux ré-
formateur mourut tranquille, le 26
octobre 1700. Il expira couché sur la
cendre et sur la paille, en présence de
l'évêque de Séez et de toute sa com-
munauté. L'abbé de Rancé possédait de
grandes qualités, un zèle ardent , une
piété éclairée, une facilité extrême à
s'énoncer et à écrire. Son stile est noble ,
pur, élégant ; mais il n'est pas assez pré-
cis. Il ne prend souvent que la fleur des
sujets , et ne s'arrête pas à les approfon-
dir. «Sans rien ôter à sa piété, dit un
» écrivain très impartial , ni à ses vrais
» talens, on peut dire que c'est le feu ,
» l'imagination , la facilité et l'élégance
M qui dominent dans ses écrits , et que si
» personne ne s'exprime avec plus de
» grâce, et ne tourne une pensée en
» plus de manières intéressantes, il no
» pense pas toujours aussi iiarfailcment
» qu'il s'exprime, il ne médite pas assez
I
RAN
» les choses , et ue fait souvent qu'ef-
« fleurer les matières. » Dans le temps
qu'il était lié avec les jansénistes, il
adopta plusieurs de leurs opinions sur
parole, et avança des choses qui ne peu-
vent avoir été le résultat de son jugement
propre. C'est ainsi qu'il attribuait aux
décisions des casuistes les désordres de la
plupart des pécheurs qui venaient se
jeter entre ses bras : « Comme si les con-
» sciences cautérisées, dit l'abbé Bérault,
» qui allaient chercher leur dernier
>' remède à la Trappe , s'étaient fort oc-
» cupés auparavant de la lecture des mo-
)> ralisles. « Il y a toute apparence que
l'abbé s'en était peu occupé lui-même,
ou du moins n'avait pas étudié leurs
sentimens dans les sources ( voyez Bu-
ZEMBAUM, EscoBAR, PASCAL ). L'auibition
avait été sa grande passion avant son
changement de vie; il tourna ce feu qui
le dévorait du côté de Dieu ; mais il ne
put pas se détacher entièrement de ses
anciens amis. H dirigeait un grand nom-
bre de personnes de qualité, et les lettres
qu'il écrivait continuellement en réponse
aux leurs occupèrentune partie de sa vie.
Voltaire a dit « qu'il s'était dispensé ,
» comme législateur , de la loi qui force
» ceux qui vivent dans le tombeau de la
M Trappe d'ignorer ce qui se passe sur la
» terre. » Mais on peut dire, pour
l'excuser , que sa place l'obligeait à ces
relations, et qu'il s'en servait souvent
pour ramener les personnes du monde
dans la voie du salut. On ne peut ce-
pendant s'empêcher de reconnaître
dans ses démarches les plus louables
un air d'éclat et d'ostentation , que la
sainteté chrétienne évite pour l'ordi-
naire avec tant de soin. On a de lui : 1°
une Traduction française des OEuvres
attribuées à saint Dorothée ; 2" Explica-
tion sur la règle de saint Benoit, in-12 ;
3" Abrégé des obligations des chrétiens ;
4" Réflexions morales sur les quatre
Evangiles , 4 vol. inl2; et des Con-
férences sur le même sujet , aussi en 4
vol. ; b° Instructions et maximes, in-12 ;
6° Conduite chrétienne , composée par
madame de Guise, in-12; 7° un grand
nombre de Lettres spirituelles , en 2
RAN 247
volumes in-12; 8" plusieurs Ecrits au
sujet des études monastiques ; 9° ^e/a-
tions de la vie et de la mort de quelques
religieux de la Trappe, en 4 vol. in-12,
auxquels on en a ensuite ajouté 2 ; 10*
les Constitutions et les réglemens de
l'abbaye de la Trappe, 1701 , 2 vol.
in-12 ; 11° De la sainteté des devoirs de
l'état monasligue , 1683 , 2 vol. in-4,
avec des Eclaircissemens sur ce livre y
1685, in-4.... Foyez les Fies de l'abbé
de Rancé , composées par Maup eou ^ par
MarsoUier , et par dora Le >'ain , et
le Genuinus character Patris Armandi
Joannis Bancœi , Tpar M. Inguimberti.
On peut consulter aussi V Apologie de
Rancé par dom Gervaise , contre ce
qu'en dit dom Vincent Thuillier dans
son //w^o/re de la contestation excitée au
sujet des éludes monastiques, au tome !•'
des O^'wfre^ posthumes des PP. Thierri
Ruinart et Jean Mabillon. Il y a d'excel-
lentes réflexions dans cette apologie ,
mais trop de hauteur et de vivacité. A ce
que MarsoUier écrit dans la P^ie de Rancé,
livre 4, pag. 44-60, édit. de Paris, 1703,
in-4 , pour le disculper du soupçon de
jansénisme , et la Lettre écrite à l'abbé
Nicaise, dont nous avons parlé , il faut
ajouter deux Lettres à madame de Saint-
Loup , publiées sur les originaux par le
cardinal de Bissy , à la fin de sa Réponse
aux jansénistes qui avaient attaqué son
Mandement pastoral de l'an 1703. Rancé
avait été favorable au parti, et avait con-
tribué à répandre , avant sa conversion ,
les Lettres provinciales ; mais dès qu'il
connut la secte , il s'en détacha. Cepen-
dant quelques hommes sévères auraient
voulu que, ayant connu l'erreur , il se
fût appliqué à la démasquer , et que ,
non content de la repousser lui même , il
eût averti avec plus d'activité et d'éclat
ceux qui pouvaient s'y être engagés à la
faveur de son nom. « Sa réserve, dit un
w historien très orthodoxe , ne p!u( à
» aucun des partis , ou plutôt elle les
>) choqua l'un et l'autre, et les lui mit
» presque également à dos. Tant la neu-
» tralité en matière de foi , ne fût-elle
» qu'apparente , fait de fâcheuses ira-
» pressions dans les esprits. Toujours
a4B
RAN
» elle répand sur les vertus tnéiiie les
>< plus éclatantes des ombres que les
» meilleurs apoloijisles ensuite ne réus-
3» sissent pas toujours à dissiper. » (Outre
la Vicde V abbé de /fa«ce par Marsollier,
on en a 2 autres par Pierre Le Kain, et
parMaupeou cure de Nonaucourf.)
R-dVINGHIIN ( Etienne J, ne vers 1600 ,
mort en 1583 à Montpellier, où il pro-
lessaitle droit , se fit un nom parmi les
jurisconsultes de son temps , par ses ou-
vrages sur la jurisprudence. Le principal
est Miscellanea decisionum juris , tra-
duit enfrançais,à Genève, 1709, in-fol.
RAPSCHIN (Guillaume), parent du
précédent , était avocat du roi à la cour
des aides de Toulouse. On a de lui : Ré-
vision du Concile de Trente, Toulouse,
in-8. Ce livre, imprimé en 1600 , a in-
spiré des soupçons sur sa catholicité; plu-
sieurs ont même assuré que Ranchin était
réellement prolestant. Il est certain que
l'auteur a doimé lieu à cette assertion ,
et que dans les prétendues nullités qu'il
trouve dans ce concile œcuménique , il
a emprunté le langage des novateurs de
ce temps-là. — Une faut pas le confondre
avec Henri Ranchin, conseiller à la cour
des comptes de Montpellier, de la même
famille que les précédens , auteur d'une
assez mauvaise Traduction des Psaumes
en vers français, 1G97, in-12. — Un
autre Ranchin , conseiller à la chambre
de redit, et originaire de Montpellier,
est connu par quelques Poe'sies écrites
d'un stile faible , mais facile.
RANCONKET (Aimar de), fils d'un
avocat de Bordeaux, se rendit très ha-
bile dans] le droit romain, dans les ma-
thématiques et dans les antiquités. Il
devint conseiller au parlement de Bor-
deaux, et ensuite président à celui de
Paris. Le président de Ranconnet écri-
vait bien en grec et en latin ; et , si l'on
en croit Pithou , ce fut lui qui composa
le 'Dictionnaire qui porte le nom de
Charles Etienne. Pithou ajoute que le
cardinal de Lorraine ayant fait assembler
le parlement de Paris pour avoir son avis
sur la punition des hérétiques, Ranconnet
y porta les OEuvres de Sulpice-Sévère, et
y lut l'endroit oii il e.«t parlé de Priscil-
RAN
lien dans la Fie de saint Martin de Tours,
L'application n'était pas juste: si lespris-
cillianistes avaient porté, comme \c%
protestans , e fer et le feu dans le sein
de l'état, saint Martin en eut porté un
jugement différent. Celle démarche
ayant déplu au cardinal , qui connais-
sait mieux que lui les nouvelles sectes,
Ranconnet fut renfermé à la Bastille,
où il mourut de douleur eu 1569 , âgé
de plus de 60 ans. Tous les maux à la
fois l'avaient assailli et avaient rempli
SCS jours d'amertume : la misère le ré-
duisit à être simple correcteur des
Etienne; il vit mourir sa fille sur le fu-
mier , exécuter son fils , et sa femme fut
écrasée par le tonnerre. On a de lui le
Trésor de la langue française , tant an-
cienne que moderne , qui servit beau-
coup à îs'icot et à Monel pour la composi-
tion de leurs Dictionnaires.
RANDAN. Foyez Rocuefoucauld et
Foix.
RANDOLPH (Thomas), poète an-
glais, né en 1605 dans la province de
Northamplon , mort en 1671 , est auteur
de diverses /;oe.«e.y qui lui ont mérité la
seconde ou troisième place sur le Par-
nasse britannique.
"RANDOK (Charles-Joseph, comte de
Pl'LLy) , lieutenant-général , né le 1 8 dé-
cembre 17 51 , mort à Paris le 30 avril
1832, dans la 82^ année de son âge,
était entré au service militaire au sortir
du collège. Parvenu au grade de lieute-
nant-colonel du régiment de cavalerie de
royal-cravate , il en devint colonel le .'» 1
février 1792 ; il fut nommé le 19 septem- |
bre de la même année général de brigade,
et le 8 mars 1793 général de division.
Cet avancement rapide fut l'effet des cir-
constances et de ses talens. Chacun sait
quel vide avaient laissé dans les rangs de
l'armée les officiers supérieurs qui refu-
sèrent de se .soumettre aux changemens
politiques de la révolution. Nous dirons
toutefois que le général Randon se mon-
tra digne de son élévation. Sous les or-
dres du général Beurnonville, il fit la
campagne de 1792 et contribua puissam-
ment à l'occupation des hauteurs de Wa-
ren : le 15 décembre de la même année,
RAiH
il s'empara avec 1 200 hommes de la mon-
tagne de Ham qui était hérissée de ca-
nons, et défendue par 3000 Autrichiens;
l'année suivante il eut le commandement
du corps des Vosges, et continua à se
distinguer parmi les plus braves officiers
de l'armée. Après le 1 8 brumaire il fut
nommé commandantd'une division îJ l'ar-
mée d'Italie; ce fut lui qui franchit le
Spulgen avec tant de hardiesse dans le
mois de décembre 1 800. L'année suivante
il remplaça à Storo la division du géné-
rai Rochambeau,et concourut à la prise
de Saint-Alberto. Après l'armistice, il
fut placé dans le Tyrol italien. Pen-
dant la campagne de 1805, il se dis-
tingua surtout au passage du ïaglia-
monte à la tête d'une division de cuiras-
siers. En 1809 il prit part aux brillans
succès de la campagne d'Autriche. Enfin
dans le mois d'avril 1813 , il eut le com-
mandement du premier régiment des
gardes d'honneur. Telle est la vie mili-
taire du général Randon. Mis à la re-
traite à l'époque du licenciement géné-
ral, en 1 815 , il a été replacé en dispo-
nibilité après la révolution de 1830;
mais il a été compris dans l'ordonnance
du 5 avril 1 832 qui donne la retraite aux
lieutenans-généraox âgés de plus de 65
ans. Buonaparte avait accordé en 1809 à
ce général le titre de comte d'empire,
et Louis XVIII l'avait fait en 1814 grand
officier de la légion-d'honneur.
» RAiNGONE - MACHIAVEL (Jean-
Baptiste , marquis de), ministre d'état
italien , né à Modène en décembre 1716,
entra dès l'âge de 1 2 ans dans les gardes-
du-corps du duc de Modène, et se signala
en 1731 dans la campagne contre les
Turcs en Hongrie. Il fit ensuite la guerre
de Sept ans comme colonel de la garde, et
donna les plus grandes preuves de courage
le 1 1 août 17 44 à la surprise de Vellétri.
La terreur s'était emparée des troupes : il
les rallia , attaqua le détachement autri-
chien qui s'amusait à piller, le défit com-
plètement , et sauva par-là l'armée et le
duc François III. Ce prince, en recon-
• naissance de ses services, le nomma quel-
ques années après conseiller intime d'é-
tat, ministre des eaux, ponts-el-chaus-
XI.
RAN a^'9
sées, et enfin grand-veneur. Rangone
mourut à Florence le 17 octobre 1793. Il
cultivait la poésie italienne, eta laissé un
poème burlesque et quelques pièces lé-
gères , qui n'ont point été imprimées.
RAlNNEQDIiNSuALEMjOumieuxSwALM
Reskin ( N. ) , célèbre machiniste , né à
Liège en 1G44 et non en 1648 , s'est im-
mortalisé par la fameuse machine de
Marly. (Il était fiis d'un charpentier , et
suivit lui-même cette profession pen-
dant plusieurs années, et c'est presque
par son seul génie qu'il se fit un nom.) U
s'agissait de donner de l'eau à Versailles ,
et pour cela il fallait la faire monter au.
-sommet d'une montagne élevée de 502^
pieds au dessus du lit de la rivière. C'est
à quoi parvînt Rannequin , par une ma-
chine composée de 14 roues, qui ont
toutes pour objet de faire agir deux
pompes qui forcent l'eau à se rendre sur
une tour élevée au sommet de la mon-
tagne. Cette machine donne 5258 ton-
neaux d'eau en 24 heures. On dit qu'elle
a coûté plus de 8,000 ,000. Elle avait
été commencée en 1675, et elle com-
mença à agir en 1682. L'abbé Delille l'a
célébrée dans une épître poétique ( voy.
Marly dans le Dict. géog. ) Avant d'exé-
cuter en grand cet ouvrage, il l'avait
exécuté en petit au château de Modave
dans le pays de Liège, où l'on en aper-
çoit encore des traces. Ce château ap-
partenait à M. de Ville, gentilhomme
liégeois. On a gravé le portrait de ce sei-
gneur, avec une inscription qui lui at-
tribue l'invention de la ma chine de Marly;
mais on sait, à n'en point douter, qu'il
n'en fut que l'entrepreneur , et qu'il se
servit, pour l'e-xécuter, de Rannequin,
dont il avait essayé les connaissances dans
la mécanique à Modave. (La machine de
Marly a été décrite avec le plus grand soin
dans un Mémoire publié en 1801 ; on en
voit un petit modèle au conservatoire des
arts et métiers. Cette machine merveil-
leuse pour l'époque a été détruite depuis
peu , et remplacée par une pompe à feu.
Rannequin mourut en 17 08.
RAjNS (Bertrand de ) , imposteur célè-
bre , était un ermite né dans la ville do
Reims. Il vécut long-temps fort reiigieu-
32.
25o KAN
sèment dan» la forêt de Parthcnay, et
dans celle de Glaçon , près de Tournai.
Las de sa solitude, il voulut se faire passer
pour Baudouin I", empereur de Con-
stantinople, comte de Flandre et de Hai-
iiaut. C'était environ 20 ans après la mort
de ce prince , que le roi des Bulgares
avait pris dans une bataille l'an 1205, et
qu'il avait fait mourir en prison l'année
suivante. Bertrand de Rans parut en
Flandre pour jouer son personnage.
Jeanne, tille aînée de l'empereur Bau-
douin , comtesse de Flandre et de Hai-
naut , ne voulant rien précipiter, envoya
deux personnes de confiance en Grèce ,
et s'assura pleinement de la mort de
l'empereur Baudouin. Cependant une
bonne partie de la noblesse de Flandre
reconnut l'imposteur pour son souverain,
pour son comte , et pour l'empereur
d'Orient. Jeanne fut obligée d'implorer le
secours de Louis Vill, roi de France,
contre cet usurpateur, qui fut pendu
publiquement à Lille.
RANTZAW (Josias, comte de), ma-
réchal de France , gouverneur de Dun-
kerque, lieutenant-général des armées
du roi en Flandre , était de l'illustre
maison de Rantzaw dans le duché de
Holstein. Il porta les armes avec distinc-
tion dans l'armée suédoise, vint en
1635 en France avec Oxenstieru, chan-
celier de Suède , et fut retenu par le roi
Louis XIII , qui le fit maréchal de camp,
et colonel de deux régimens. Il alla ser-
vir l'an 1636 au siège de Dôle , où il
perdit un œil d'un coup de mousquet ; et
il défendit vaillamment Saint-Jean-de-
Lône en Bourgogne , contre le général
Galas , qu'il obligea de lever le siège.
(Rantzaw fit toutes les campagnes de Flan-
dre etd'Allemagne sous le duc d'Orléans,
et puis sous le duc d'Enghien ( prince de
Condé). En 1640, il servit à celui d'Ar-
ras, y perdit une jambe et fut estropié
d'ubemain. L'année suivante, il se trouva
au siège d'Aire , et fut fait prisonnier au
combat d'Honnecourt en 1642. Sa valeur
se signala encore au siège de Gravelînes
en 1645 : il fut fait gouverneur de Dun-
kerque, et reçut le bâton de maréchal de
France le 16 juillet par la faveur du car-
RAO
dinal Mazarin. L'assurance qu'il avait
donnée d'abjurer le luthéranisme con-
tribua beaucoup à son èlévalion : il se
fit catholique la même année. Il servit les
années suivantes en Flandre, et fut arrêté
le 26 février 1649, sous quelques soup-
çons qu'on eut de sa fidélité. Mais s'en
étant justifié , il sortit de prison le 22
janvier 1650 , et mourut d'hydropisie le
4 septembre suivant, sans laisser d'en-
fans. Sa valeur était admirable dans les
grandes actions ; mais elle dédaignait ,
pour ainsi dire, les petits périls, et il
paraissait nonchalant dans les occasions
ordinaires de la guerre. 11 aimait le vin à
l'excès, et cette passion déshonorante
lui fit manquer quelques projets, et le
livra à des emporlemens qui auraient pu
lui être funestes. On dit qu'à sa mort il
n'avait plus qu'un œil , qu'une oreille,
qu'un bras , qu'une jambe , qu'un de tout
ce que les hommes ont double , par les
ravages que la guerre avait faits sur son
corps. Ce qui donna lieu de lui faire cette
èpitaphe :
Du corps du graud RA^Tz.*w tu n'as qu'une des parti:
L'autre moitié resta dans les plaines dé Han.
11 dispersa partout ses membres et sa gloire.
Tout abattu 'ju'il fut , il demeura vainqueur;
Son sang fut en cent lieux le prii de sa tictoire ,
£t Mars uelui laissa reiu d'entier que le cœur.
On a publié. Relation de ce qui s'est passe
à la mort de Josias , comte de lîantzau,
Paris, 1620 un 4.
* RAON (Jean) habile sculpteur pari-
sien , naquit en 1630, étudia d'abord
dans sa patrie, et se perfectionna à Rome,
oii quelques ouvrages qu'il fit lui acqui-
rent de la réputation. De retour à Paris,
le roi le chargea de travailler pour les
jardins de Versailles, où l'on voit encore
quelques statues de cet artiste, qui dé-
cèlent du goût et du talent. Il mourut à
Paris en 1707 , âgé de 77 ans.
RAOUL 1*', duc de Normandie. Voyez
ROLLON.
RAOUL l'Arueint, prêtre du diocèse
de Poitiers, ainsi surnommé à cause de
la vivacité de son esprit et de l'ardeur de
son zèle , suivit Guillaume IX , comte dç
Poitiers , à la croisade de 1 101. On a de'
lui des Homélies latines, 1586, in-8 ;
traduites en français, 1575, en 2 vol.
RAP
iu-8. On croit qu'il mourut daus la Pa-
lestine.
RAOUL DE Caen , surnom qu'il tient
du lieu de sa naissance en Normandie ,
est célèbre par son Histoire ou Gestes de
Tancrède , l'un des chefs de la première
croisade , et auquel il s'était attaché. Il
traite de supercherie et d'imposture la
découverte de la sainte lance que Rai-
mond d'Agiles, autre historien de cette
croisade , tâche de faire passer pour un
événement incontestable. (Cette histoire
publiée par Martène dans le 3" vol. de
ses Anecdotes , a reparu depuis dans la
grande Collection Ae Muratori. M. Guizot
l'a reproduite dans sa Collection des mé-
moires relatifs à l'Histoire de France. )
Raoul mourut vers 1115.
RAOUX ( Jean ) , peintre , né à Mont-
pellier en 1G77, mort à Paris en 1734,-
fut reçu à l'Académie en 1717. Boul-
longue lui donna les premières instruc-
tions de son art , et son séjour en Italie
le perfectionna. Il trouva, à son retour
en France, un Mécène dans le grand-
prieur de Vendôme, qui le logea dans
son palais du temple , où l'on voyait
quelques ouvrages de ce maître. Fiaoux
était bon coloriste ; il a peint avec suc-
cès le portrait, l'histoire, et souvent des
morceaux de caprice.
RAPHAËL , de SANTI ou SAJNZIO ,
l'Homère de la peinture, né à Urbia
l'an 1483, le jour du Vendredi saint,
est, de tous les peintres, celui qui a
réuni le plus départies. Son père, pein-
tre fort médiocre, l'occupa d'abord à
peindre sur la faïence , et le mit ensuite
chez le Pérugin. L'élève devint bientôt
égal au maître; il puisa la beauté et les
richesses de son art dans les chefs-d'œu-
vre des grands peintres. A Florence , il
étudia les fameux cartons de Léonard de
Vinci et de Michel-Ange, et à Rome il
sut s'introduire dans la chapelle que
Michel-Ange peignait. Celle étude lui fit
quitter la manière qu'il tenait du Péru-
gin, pour ne plus prendre que celle de
la belle nature. Le pape Jules II lit tra-
vailler Raphaël dans le Vatican , sur la
recommandation de Bramante , célèbre
architecte , et son parent- Son premier
RAP a5i
ouvrage pour le pape fut l'Ecole d'A-
thènes. Sa réputation s'accrut par les au-
tres morceaux qu'il peignit au Vatican ,
ou que ses disciples firent sur ses des-
sins. Enfin il se surpassa lui-même dans
son tableau de la Transfiguration, qu'on
regarde comme le chef-d'œuvre de ce
peintre, j'ai presque dit de la peinture.
On le voyait à Rome dans l'église de
Saint-Pierre inMontorio. Ce grand ar-
tiste mourut en 1 520 , à 37 ans , le même
jour qu'il était né , épuisé par la passion
qu'il avait pour les femmes, et mal gou-
verné par les médecins, à qui il avait celé
la cause de son mal. Un génie heureux ,
une imagination féconde, une ■composi-
tion simple, un beau choix, beaucoup
de correction dans le dessin , de grâce et
de noblesse dans les figures , de finesse
dans les pensées, de naturel et d'expres-
sion dans les attitudes : tels sont les traits
auxquels on peut reconnaître la plupart
de ses ouvrages. Michel-Ange avait plus
d'imagination et de génie que Raphaël ,
mais celui-ci avait plus de goût et d'es-
prit. Raphaël surpassait Michel-Ange en
beauté, Michel-Ange surpassait Raphaël en
énergie. Les productions de 3Iichel-Ange
ont un caractère fort, vaste et singu-
lier ; elles semblent comme jetées en
fonte dans ce génie riche et inépuisable,
qui n'avait pas besoin ou avait honte
d'emprunter aucun secours étranger.
Raphaël au contraire tirait parti de tous
les matériaux qu'il employait ; sa main y
mettait de l'ordre et de la convenance.
Les dessins de ce grand maître , qu'il
faisait la plupart au crayon rouge , sont
très recherchés pour la hardiesse de ses
traits et les contours coulans de ses figu-
res. On a beaucoup gravé d'après lui. On
compte parmi ses disciples Jules Romain,
Jean -François Penni , qu'il fit ses héré-
tiers ; Pellegrin de Modène , Perrin del
Vaga, Polydore de Caravage , etc. On
lui a fait cette épitaphe, attribuée au car-
dinal Bembo :
Hic silus e»t Raphaël, mêlait qun sotpite finri
Magna paréos rfcrum , quo nioriente niori.
Le Musée royal compte encore treize ta-
bleaux de Raphaël. CeîuiaCittadi Cas-
tello que Raphaël peignit ses premiers
25a RAP
tableaux , dont ou cite celui de san Ni-
colo da Tdlentino e gli Eremitani -. il
l'exécuta à l'âge de dix-sept ans. l.cs lo-
ges et les salles du Vatican , entre autres
celle de la segnatura , offrent de nom-
breux chefs-d'œuvre de ce peintre. Parmi
les nombreuses Madone qui sortirent de
son rare pinceau , on distingue la Ma-
dona délia seggiola qu'on voit à la gale-
rie de Florence. Le tableau de la Trans-
figuration avait été peint pour un cou-
vent de Palerme ; le vaisseau qui le por-
tait enfermé dans une caisse fit nau-
frage : tout périt , excepté la caisse, que
les flots jetèrent sur la côte de Gênes
sans que le tableau fût endommagé. Il
fallut la médiation de Léon X pour que
les Génois rendissent le tableau aux Pa-
lermitains , et cette restitution fut chè-
rement payée. Arrivé à sa destination ,
la vive sensation qu'il produisit lui fit
donner le nom de lo spasimo délia Si-
cilia (La merveille delà Sicile). Cet ou-
vrage unique passa en Espagne , d'oix on
le transporta à Paris en 1810. Il y resta
jusqu'en 1814, qu'il fut restitué à l'Es-
pagne avec d'autres tableaux de Ra-
phaël, comme la Fierge dite délia Perla.
Raphaël a peint un grand nombre de ta-
bleaux sublimes dans l'espace de 20 ans).
RAPHAËL D'AREZZO ou deReggio,
mort en 1580 , était fils d'un paysan qui
l'occupait à garder des oies ; sa forte in-
clination pour la peinture l'entraîna à
Borne , oii il se mit sous la discipline de
Frédéric Zuccharo. On fait cas de plu-
sieurs morceaux de lui, qui sont dans le
Vatican, à Sainte-Marie-Majeure , et dans
plusieurs autres lieux de Rome.
RAPHELENGIDSouRavlenghikn
(François,) savantorientaliste, né à Lanoy
près de Lille en 1539, vint de bonne
heure à Paris , oii il apprit le grec et
l'hébreu. Les' guerres civiles l'obligè-
rent de passer en Angleterre , où il en-
seigna le grec à Cambridge. De retour
dans les Pays-Bas, il épousa, en 1565,
la fille du célèbre imprimeur Christophe
Plantin. Il le servit pour la correction de
ses livres , qu'il enrichissait de notes et
de préfaces, et travailla surtout à la
fiible polyglotte d'Anvers, imprimée en
RAP
1 569-1 572 , par ordre de Philippe II , roi
d'Espagne. Raphelengius alla s'établir ,
en 1585, à Leyde, où Plantin avait une
imprimerie. H y travailla avec son assi-
duité ordinaire , et mérita par son éru-
dition d'être élu professeur en hébreu et
en arabe dans l'université de cette ville.
Ce savant mourut d'une maladie de lan-
gueur, causée par la perte de sa femme,
en 1597 , à 58 ans. Ses principaux ouvra-
ges sont : 1" des Observations et des
Corrections smtVa Paraphrase chaldaïque;
2° une Grammaire hébraïque; 3" unL-xi-
con arabe , 1613 , in-4 ; 4" un Diction-
naire chaldaïque , qu'on trouve dans
l'Apparat de la Polyglotte d Anvers , et
d'autres ouvrages. — Un de ses fils , de
même nom que lui , a aussi publié des
Notes sur les tragédies de Sénèque ; 2°
des Eloges eu vers de 5o savans avec
leurs portraits , Anvers, 1587, infol. Il
était digne de son père par son érudition.
RAPICIUS, ouRapiccio. Foyezio\ik.^
RAPIN (Nicolas), littérateur, né vers
1540 à Fontenay-le-Comte en Poitou,
fut vice-sénéchal de celte ville, et vint
ensuite à Paris, où le roi Henri III lui
donna la charge de grand-prevôt de la
connétablie. Rapin, ne voulant point en-
trer dans la ligue des catholiques contre
celle des proteslans , fut chassé de Pa-
ris. Henri IV le rétablit dans sa charge.
Il mourut à Poitiers en 1608 à 08 ans.
Rapin a tenté de bannir la rime des vers
français, et de les construire à la manière
des Grecs et des Latins, sur la seule
mesure des pieds ; mais cette singularité,
contraire au génie de la langue, n'a
point été autorisée. Ses OEuvres latines
furent imprimées en 1610, in-4. Ce sont
des épigrammes , des odes , des élégies ,
etc. Ses vers ont de l'élégance, et l'on
en trouve une bonne partie dans le 3*
tome des Délices des poètes latins de
France. On estime particulièrement ses
épigrammes , à cause de leur sel , et du
tour aisé qu'il leur a donné. Parmi ses
vers français , il y en a très peu qui mé-
ritent d'être cités. Rapin travailla à la
Satire Ménippée , et quelques auteurs
lui attribuent tous les vers de cette piè-
ce ; d'autres disent qu'il fut aidé par
é
RAP
Passerai : on ne comprend pas comment
des écrivains, se disant catholiques , s'a-
musèrent à ridiculiser et à calomnier la
ligue catholique, sans montrer la moin-
dre humeur contre la ligue huguenote ,
qui depuis long-temps portait le feu et
le fer dans toute la France , et qui ten-
dait ouvertement à renverser du même
coup le trône et l'autel. { F^oy ezHvcuAT,
Le Fèvre Antoine, Gillot, Montgail-
LARD, PiTiiou.)ll ne faut donc pas être
surpris si Rapin fut regardé par les ca-
tholiques comme un huguenot déguisé.
RAPIN ( René ) , jésuite, né à Tours
en 1G21, mort à Paris en 1C87, est cé-
lèbre par son talent pour la poésie latine.
Il s'y était consacré de bonne heure , et
il enseigna pendant neuf ans les belles-
lettres avec un succès distingué. A un
génie heureux , à un goût siîr, il joignait
une probité exacte , un cœur droit , un
caractère aimable et des mœurs douces.
Parmi ses diflerentes poésies latines , on
distingue leFoème des Jardins. C'est son
chef-d'œuvre. « Il est digne du siècle
» d'Auguste, dit l'abbé des Fontaines,
w pour l'élégance et la pureté du langage,
>» pour l'esprit et les grâces qui y rè-
M gnent. L'agrément des descriptions y
» fait disparaître la sécheresse des pré-
» ceples, et l'imagination du poète sait
w délasser le lecteur par des fables, qui ,
» quoique trop fréquentes , sont presque
» toujours riantes et bien choisies. » Plu-
sieurs critiques ont prétendu que le Père
Rapin n'était que le père adoplif de cet
ouvrage charmant, et qu'on le trouvait
dans un ancien manuscrit lombard, qu'un
prince de Naples conservait dans sa bi-
bliothèque. Mais quels garans donne- ton
d'une anecdote aussi singulière ? des ouï-
dire sans fondement , et qui sont dé-
mentis par la facilité qu'il y aurait de vé-
rifier le fait s'il était vrai.... Çn 1782,
AL Delille a donné un poème français sur
les jardins, à l'occasion duquel il cri-
tique fortement celui du Père Ilapiu.
Mais l'année suivante l'on vit paraître lin
Parallèle raisonne entre les deux poè-
mes , etc. On y fait voir que « le plan du
i> Père lîapin est grand, quoique simple ;
» la marche en est aisée , quoiqu'on s'a -
RAP 253
» rêtc un peu trop souvent pour cueillir
j> des fleurs; heureux défaut! Le stile
» est élégant , les détails pleins de déli-
» catesse et de sensibilité ; enfin , lesépi-
» sodés très heureux , quoiqu'un peu
» trop fréquens. Le poème de M. l'abbé
» Delille n'a aucun plan : tout y est dans
» le désordre et la confusion , on est
» inondé de préceptes froids et senten-
« cieux qfre rien n'égaie; le cœur y est
"d'une sécheresse qui l'attriste ; il n'y
» règne point d'ensemble ; on n'y trouve
y> que deux épisodes bien faits et qui appar-
» tiennent au poète ; et par-dessus tout
» cela , ou voit , en lisant le Père Rapin
» le premier, que M. Delille s'est ap-
)) proprié les tournures les plus heu-
» reuses, les expressions les plus poéti-
» ques de son rival ; qu'il a imité les
« plus beaux morceaux en les amaigris-
» sant par la futeur de créer un jargon
« pi'écieux, un stile maniéré qui ne soit
M qu'à lui. M Cette critique est terminée
par un dialogue en vers, intitulé le Chou
et le Navet , dans lequel on trouve des
vers fort heureux et des détails d'une
gaieté piquante et naturelle. On ne fait
pas moins de cas des églogues sacrées du
Père Rapin que de son poème. Si celui-ci
est digne des Géorgiques de Virgile,
celles-là méritent un rang distingué au-
près des Bucoliques. Quoique le Père
Rapin fût bon poète, il n'était pas en-
tête de la poésie. Du Perrier et Santeuil
parièrent un jour à qui ferait mieux des
vers latins. 3Iénage n'ayant pas voulu
être leur juge , ils convinrent de s'en
rapporter au Père Rapin. Ils le trouvèrent
qui sortait de l'églisr. Ce jésuite, après
leur avoir reproché vivement leur va-
nité, leur dit que les vers ne valaient
rien , rentra dans l'église d'où il sortait,
et jeta dans le tronc l'argent qu'ils lui
avaient consigné. On a encore du Père
Rapin des OEuvres rfiVer.ye.y , Amster-
dam , 1709, 3 vol. in-12. On y trouve :
1" des Re'/lexions sur l'éloquence , sur
la poé.sie, sur l'histoire et sur la philo-
sophie; 2" \cs, Comparaisons de Firgile
et d'Homère , de De'nioslhèncs cl de Ci-
li'ron , de Platon ctd'./ristnte , de Thu-
cydide cl de Tilc-Livc .- celk-ci et la
a54 RAP
pénullième sont moins estimées que les
premières ; 3° plusieurs ouvrages de
piété, entre aulves la Perfection duchris-
tianisme , V Importancu du salut , la
P^ie des pre'destinés , etc. On trouve dans
ces OEuvres des réflexions judicieuses,
des jugemens sains , des idées et des vues :
le slilc ne manque ni d'élégance , ni de
précision ; maison y souhaiterait plus de
variété, pj s de douceur, plus de grâce.
Ces qualités se font surtout désirer dans
les Parallèles des auteurs anciens. Le
Père Bapin publiait alternativement des
ouvrages de littérature et de piété ; cette
variation fit dire à l'abbé de la Chambre,
que ceje'suite servait Dieu et le monde
par semestre. La meilleure édition de
ses Poe'sies latines est celle de Cramoisy,
en 3 vol. in-12 , 1681. On y trouve des
églogues, les 4 livres des Jardins et les
poe'sies diverses. Les Jardins ont été tra-
duits en français par Gazon d'Oursigné,
Paris, 1 7 7 2 : mais cette traduction prolixe
et très infidèle est semée de termes indé-
cens qui ne se trouvent pas dans le poêle
latin ; toujours fidèle aux bienséances de
son état , jamais il ne chanta l'amour et
ses transports , comme la traduction
pourrait Je foire soupçonner. On a donné
une meilleure traduction avec le texte à
côté , Paris , 1782 , in-8 ; elle aurait
cependant été plus exacte et plus com-
plète si les traducteurs avaient eu sous
les yeux la belle édition de l'original
donnée par le Père Brotier avec des ad-
ditions, des notes lumineuses, et la Dis-
sertation du Père Rapin : De disciplina
hortensis culiurœ , Paris, 1780.
RAPIN-TuoYBAs ( Paul de ), historien,
né à Castres en IGGl, d'une ancienne fa-
mille originaire de Savoie , se fit rece-
voir avocat. La profession qu'il faisait
du calvinisme étant un obstacle à son
avancement dans la magistrature , il ré-
solut de suivre le métier des armes; mais
sa famille n'y voulut point consentir. La
révocation de l'édit de Nantes en 1685 ,
et la mort de son père , arrivée deux
mois auparavant , le déterminèrent à
passer en Angleterre , où il arriva en
168G. l^eu de temps après , il repassa en
jllollandc et entra dans une compagnie
RAP
de cadets français, qui était à Utrecht.
Il suivit le prince d'Orange , depuis Guil-
laume III, en Angleterre en 1688; et
l'année suivante, milord Kingston lui
donna l'enseigne colonelle de son régi-
ment, avec lequel il alla en Irlande. Il
fut ensuite lieutenant , puis capitaine
dans le môme régiment, et se trouva à
plusieurs sièges et combats où il ne fut
pas spectateur oisif. Rapin céda sa com-
pagnie, en 1693, à l'un de ses frères,
pour être gouverneur de mylord Port-
land. Il suivit ce jeune seigneur en Hol-
lande , en France, en Allemagne, en
Italie et ailleurs. Lorsqu'il eut fini l'édu-
cation du duc de Portland, il se relira à
La Haye , où il se livra tout entier à l'é-
tude des fortifications et de l'histoire. Il
se transporta en 1707, avec sa famille,
à Wesel. Ce fut alors qu'il travailla à son
Histoire d'Angleterre. L'ouvrage qu'il
publia sous ce nom a eu un grand suc-
cès, et il le mérite à bien dès égards;
mais il est rempli de faits faux ou ha-
sardés. On voit d'ailleurs clairement que
c'est en partie le chagrin, l'aigreur et la
haine qui lui ont mis la plume à la main.
Tout ce qui tient, de quelque manière
que ce soit, à la religion catholique ,
est barbouillé de toutes les couleurs dont
le fanatisme de secte a coutume de pein-
dre l'antique mère des chrétiens. A ces
défauts, fruit de la prévention ou de la
passion, il en a ajouté d'autres. Il a
avancé un grand nombre de faits sans
les vérifier. Son stile est naturel , as-!
sez net , quelquefois brillant. Sa nar-
ration est vive : ses portraits ont du co-
loris et de la force, maisilssont peu ré-
fléchis. Cet historien mourut à Wesel en
1725. Ses ouvrages sont : 1° Histoire
d'Angleterre, La Haye, 1 7 24 et 1 726,9 vol.
in-4 ; et réimprimé à Trévoux en 1728 ,
en 10 aussi in-4 ; on ajouta à cette édi-
tion des Extraits de Rymer. On y joint
ordinairement une continuation en 3
vol. in-4, par David Durand , et les re-
marques de Tindall en 2. (L'édition la
meilleure et la plus complète est celle de
Lefèvre de St. -Marc , La Haye ( Paris},
17 49, elanu. suiv., 16 vol. iu-4.0n en fit
un Abrégé tn 10 vol. in-12, La Haye,
RAP
1730; 2° Une bonne Dissertation sur les
Wighs et les Tory s, imprimée à La
Haye , en 1 7 1 7 , in-8 . Rapin-Thoyras était
arrière-pelil-fils de Philibert Rapin, maî-
tre-d'hôtel du prince de Condé, qui,
ayant été envoyé au parlement de Tou-
louse pour y porter de la part du roi l'édit
de pacification en 1 558 , y fut arrêté par
ordre de cette cour , qui lui fit son procès
en 3 jours , et le fit décapiter , le 1 3 avril
de celle année , comme un des princi-
paux auteurs de la conjuration de Tou-
louse, malgré l'amnistie que le roi lui
avait accordée. ( On trouve dans le Dic-
tionnaire de Chaufepié des détails cu-
rieux sur Rapin, l'auleur de l'Histoire
d^ Angleterre).
RAPIJNE ( Claude ) , célestin , né au
diocèse d'Auxerre , et conventuel à Paris,
fut envoyé en Italie pour réformer quel-
ques raonaslères de son ordre. Le succès
avec lequel il s'acquilta de cette commis-
sion le fit choisir par le chapitre général
pour corriger les constitutions de son"
ordre , suivant les ordonnances des cha-
pitres précédens. Ses principaux ou-
vrages sont : 1° De studiis philosophiœ ;
2° De studiis monachorum. Le Père Ma-
billon en a fait usage dans son Traite'
des études monastiques. Ce pieux et sa-
vant religieux mourut en 1493.
> * RAPP ( Jean ) , général de cavalerie
et pair de France , né à Colmar le 27
avril 1771 , entra au service le i" mai
1788 , et mérita bientôt par sa valeur
le grade d'aide-de-camp du général De-
saix , avec lequel il fit les campagnes
d'Allemagne et d'Egypte. Après la mort
de ce général à Marengo, Buonaparte l'at-
tacha à sa personne en la même qualité,
et lui confia en 1802 la mission délicate
de signifier aux Suisses l'intervention de
laFrance dans leurs troubles civils. Rapp
exécuta cet ordre avec beaucoup d'intel-
ligence , et reçut même à cette occasion
des remercîmens du sénat de Berne. Lors
de la reprise des hostilités contre l'Aulri-
che , il accompagna Buonaparte en Alle-
magne, et se signala à la bataille d'Aus-
terlitz. Il y fit prisonnier de sa propre
tnain le prince Repnin, et fut à cette oc-
casion promu au grade dégénérai de di-
I\AP 255
vision. Il ne se distingua pas moins dans
les campagnes de 180G , 1807 , 1809 et
1812 , et notamment au combat de Go-
lymin , oti il eut le bras gauche fracassé,
à la bataille de la Moscova et au combat
de Malojaroslawitz , où il fut cité pour
avoir donné des preuves d'une rare intré-
pidité et d'un courage à toute épreuve.
Après les désastres de celle campagne il
se jeta dans la place de Dantzick , oîi il
fut bientôt bloqué par les Russes , et oîi
il développa , pendant l'espace d'un an ,
toutes les ressources du génie et du cou-
rage ; enfin , obligé de capituler faute de
vivres , et après avoir perdu par la ma-
ladie les deux tiers de la garnison , il fut
conduit prisonnier à Riow en Russie. La
relation du siège de Dantzick a été pu-
bliée en 1820 , in-8. Aussitôt que- le gé-
néral Rapp apprit la déchéance de Buo-
naparte , il envoya son adhésion aux ac-
tes du sénat ; et, à son retour en France ,
le roi l'accueillit avec distinction. Il lui
confia même en mars 1815 le commande-
ment du premier corps d'armée destiné
à arrêter les progrès du prisonnier de
l'île d'Elbe, qui, appuyé par la trahison,
était parvenu à s'échapper , et venait re-
prendre possession d'un Irône qu'il n'a-
vait pas su conserver. Le général Rapp
adhéra au nouveau gouvernement, et fut
bien accueilli de son ancien chef , qui
le nomma membre de la chambre des
pairs, et lui donna bientôt après le com-
mandement en chef de l'armée du Rhin.
Après avoir soutenu quelques engage-
mens contre un ennemi bien supérieur
en force , il se replia sous le canon de
Strasbourg , et, après l'occupation de la
capitale par les troupes des puissances
coalisées , il envoya de nouveau sa sou-
mission au roi , qui le continua dans
son poste jusqu'au mois de septembre
suivant , époque à laquelle rarmée fut
licenciée. II se retira alors dans l'Argo-
vie , oii il fit l'acquisition du château de
W'ildenstein. Cependant il revint à Paris
en 1817 , fut placé sur le cadre de dispo-
nibilité, et peu après obtint la pairie. Il est
mort le 2 novembre 1821 , dans sa terre
de Rheinviller , située dans le grand-
diirhc de Bade. Il passait pour un des
^56 RAS
plus riches officiers généraux de France ,
et possédait une belle collection de ta-
bleaux précieux , statues , vases et gra-
vures, qui ont été vendus après sa mort,
et dont le catalogue a été imprimé en
1822. On a publié sous son nom des Mé-
moires , auxquels il n'a eu aucune part
directe : voyez le Dictionnaire des ano-
nymes de3I. A. -A. Barbier, n" 13,647 ; ils
paraissent avoir été rédigés par M. Bulos,
d'après des notes du général Belliard et
de quelques autres amis du général Rapp.
RASARIO ( Jean-Baptiste ), médecin ,
natif de Valdugia dans le Novarais, en
1517, enseigna avec réputation à Ve-
nise la rhétorique et la langue grecque
pendant 22 ans. Il fut de l'académie
degli j4ffidali de Padoue , et mourut
d'une Aèvre maligne en 1578 , à Tavie ,
à 61 ans. Quoiqu'il eût passé toute sa vie
dans le célibat , il ne fut jamais soup-
çonné d'avoir manqué aux bonnes mœurs.
Naturellement généreux , il traitait les
malades gratuitement et nourrissait les
nécessiteux , comme s'il eût été leur
père. On a de lui des Traductions la-
tines de Pachymère , d'Ammonius , de
Xénocrate ; des commentaires de Galien
sur quelques livres d'Hippocrate , Sara-
gosse, 1567, in-4 ; d'Oribase, 1557, in-8,
publiés de nouveau à Leyde, 1735, in-4.
RASCHI. Voyez Jarchi.
RASCHID. Voyez Aron-PvAsciud.
RASIS , Razi, ou Rhasès ( Mohamed-
Abou-Bekrse , fameux médecin arabe au
10* siècle , connu sous le nom à'Àlman-
sor ou le Grand. C'était le Galien des
Arabes. Il opérait avec fermeté, et ju-
geait avec circonspection. Il ne cessa ja-
mais de lire ou d'écrire jusqu'à un âge
avancé, qu'il devint aveugle. Il fut tué
peu de temps après, vers l'an 935. Ses
Traités sur les maladies des cnfans
sont encore estimés. Rasis est le premier
qui ait écrit sur la petite vérole, qui
peut-être n'est pas beaucoup plus an-
cienne que lui. Il est certain que les Ro-
mains ne la connaissaient pas , et qu'il
n'existe pas. de nom latin pour la dési-
gner. ( Voyez CoNDAMiisE. ) Robert Etien-
ne donna , en 1548, en grec , le traité
de ce médecin sur celte maladie funeste.
RAS
On en a fait depuis à Londres une édi-
tion en arabe et en latin, f767 , in-8.
Ses autres ouvrages se trouvent avec le
Trallien, 1548 , in-fol. Il tira son nom
de Rhases ou Arasi, de la ville de Ray
en Perse, célèbre par son académie : il
y naquit vers l'an 860. Après s'être si-
gnalé par plusieurs guérisons , il eut la
direction de divers hôpitaux , et la place
de médecin du calife Moktader Billah.
* RASK ( N. ) , savant philologue ,
mort à Copenhague dans le mois de no-
vembre 1832 , n'avait que 45 ans, lors-
qu'il a été enlevé à la science qu'il culti-
vait avec tant de succès. Quoique jeune,
il était compté depuis long-temps parmi
les hommes les plus érudits de l'Europe.
L'étude des langues , et surtout de celles
de l'Asie , avait particulièrement fixé son
attention. Il était professeur depuis plu-
sieurs années à Copenhague, et .ses cours
étaient très fréquentés. C'est dans l'inté-
rêt de la science philologique qu'il entre-
prit en 1820 un voyage au Tibet et dans
les Indes. A son retour d'Orient , cet ha-
bile et savant philologue publia des Trai-
tés sur les langues qu'on y parle. En
1819, il avait fait paraître à St.-Péters-
bourg une Grammaire de la langue sans-
crite ; ouvrage dans lequel il prétend ,
contre l'avis de beaucoup d'autres savans,
que , si cette langue a du rapport avec
les langues de l'Europe , ce rapport est
très faible. Le professeur Rask a donné
en outre un Traité sur la langue islan-
daise , ainsi qu'une Edition de l'Edda
ou Recueil littéraire de l'Islandais Sno-
gro, et une autre de VEdda de Soemon ,
ou Recueil de poésies Scandinaves.
' RASORI ( Jean ) , médecin italien,
né à Parme , en 1767 , d'un pharmacien
qui lui donna une éducation distinguée.
Après avoir étudié la médecine, aux frais
du duc de Parme, qui avait entendu par-
ler de ses talens précoces , d'abord en
Toscane, puis en Ecosse, et enfin à Paris,
il revint dans sa patrie tout imbu des
nouveaux principes démagogiques qu'il
avait puisés en France. Il avait aussi em-
brassé en Aïigleterre la doctrine médical«>
de Brown , et il chercha à la propage
avec autant d'ardeur qu'il mettait à rér|
RAS
pandre ses opinions révolutionnaires. Il
publia donc une traduction itaVienne des
ouvrages du médecin anglais avec des
notes et une préface explicative. Rasori
avait été aussi nommé professeur de pa-
thologie à Pavie : il y enseigna sa doc-
trine. Sa traduction et ses leçons firent
du bruit en Italie; le professeur \'acca-
Berlinghieri delMse publia de judicieuses
observations, par lesquelles il réfutait la
doctrine BroM-nienne. Rasori , qui avait
promis d'y répoudre , se vit obligé de
quitter sa place. Lorsque les Français en-
trèrent en Italie , en 179G , il se rendit
à Milan , où il publia un journal politi-
que qui avait pour litre : \'Ami de la li-
berté'. Nommé ensuite secrétaire général
du ministère de l'intérieur , il eut pen-
dant quelque temps le portefeuille ;
mais il n'aspirait qu'à rentrer dans l'uni-
versité de Pavie : il y retourna en 1797 ;
mais les attaques violentes qu'il dirigea
contre les médecins anciens et modernes,
excilèrciit des réclamations qui , réunies
à quelques intrigues , lui enlevèrent en-
core sa chaire de clinique, Rasori revint
à Milan , et proclama un nouveau sys-
tème de médecine qui eut des partisans,
même parmi les professeurs les plus dis-
tingués. Quand l'armée austro-russe re-
conquit le iMilanais , Rasori se retira à
Gênes oîi command.iit Hasséna. Cette ville
ayant été atteinte du typhus, il donna
ses soins aus soldats français et aux ha-
hitans avec un zèle et une activité qui
méritèrent des éloges universels ; plus
lard il publia l'histoire de cette maladie.
Api'ès la bataille de Marengo , il revint à
Milan , obtint la place de prolo-mcdico,
premier médecin ou archiàtre du gouver-
nement , celle de médecin en chef de
l'hôpital militaire et de professeur de
clinique au grand hospice de Snnta-Co-
rona ; mais plus tard il fut destitué de
tous ces emplois. Vers la fin de 1814 , il
fut arrêté comme un des membres de la
conspiration des Carbonari , et renfer-
mé dans la citadelle de Mantoue. Il ne
recouvra sa liberté qu'au bout de deux
ans. Il reprit ensuite l'exercice de sa pro-
fession , et mourut en 1824. La doctrjne
de Rasori a été exposée dansun journal in-
RAS 257
titulé Annales de médecine : elle reçut en
Italie le nom de doctrine du Contro-Sti-
/noZo. Suivant Rasori, le plus grand nom-
bre des maladies qui affligent l'espèce hu-
maine dépendent d'une cause stimulante,
et un bien petit nombre se rapportent à
une cause débilitante. Ces causes qui
produisent un état qu'on nomme dia-
ihèse sthénique ou asthénique, peuvent
avoir plusieurs degrés d'intensité. Pour
les combattre , il faut employer des
moyens contre-stimulans dans le pre-
mier cas , et stimulons dans le second.
Ainsi la matière médicale est divisée en
deux classes, d'après ce système. La doc-
trine du docteur Broussais a beaucoup
d'analogie avec celle de Rasori. Nous
connaissons de lui les ouvrages suivans :
Lettera al dottore Rubini , etc. , Pavie ,
17 93, in-8 ; Proluzione letta assumendo
la scuola di patologia , Milan , in-8 ;
Rapporto sullo stato delV universita di
Pavia , in-4 ; Compendio délia nuova
dottrina medica di Rrown , trad. dalï
inglese , 17 95-1805, 2 vol. in-8 ; Ana-
lisi del preteso genio d'ippocrate , Mi-
lan , 1709, in-8 ; Zoonomia ., ovvero
legyi délia vita organica dalprof. Dar-
^ving , trad. de l'anglais , avec des N'o-
ies , ibid. , 1803, C vol. in-8 ^ Storia
délia febre petccchiale di Genova, ibid.,
1 803 , in-8 , souvent réimprimée , et
traduite eu français par le docteur Fonta-
nelles , Paris, 1822, in-8, avec des
Notes. Rasori a traduit de l'allemand en
italien le romande M™* Pikier , intitulé :
Agalocte , les Lettres sur la mimique
d'Engcl, et quelques PoeVie.y de Schiller
et de Wieland.
* R ASPE ( Radolphe-Eric ) , savant an-
tiquaire allemand , naquit à Hanovre en
17 37, fit ses études à Goettingue et à
Leipsick, et obtint la chaire d'archéolo-
gie à Cassel. Devenu ensuite inspecteur
du cabinet des antiques et médailles , puis
conseiller et 2* bibliothécaire, il fut
chargé par le Landgrave de Hesse-Cassel
d'aller en Italie faire aux frais du gou-
vernement des recherches relatives à
l'histoire et aux antiquités. Un goût ex-
cessif pour la dépense lui fit dissiper les
fonds qu'on avait mis à sa disposition et
33.
a58 RAS
aliéner une partie des richesses du cabi-
net confié à sa garde; il fut obligé de
fuir en Angleterre où il donna des leçons
de théologie et d'histoire, et traduisit en
anglais plusieurs ouvrages allemands. Sa
conduite privée le fit mépriser : son
nom même fut rayé de la liste des mem-
bres de la société royale de Londres.
Raspe se retira en Irlande oii il mourut
en 1794. On a de lui : OEuvres philoso-
phiques latines et françaises de feu M. de
Leibnitz , tirées de ses manuscrits , qui
se conservent dans la bibliothèque
royale à Hanovre , Amsterdam et Leip-
sick, 1765, in-4; Me'moire pour servir
à la plus ancienne histoire de liesse-
Cassel, 1774, in-8; Foyage en Angle-
terre sous le rapport des manufactures ,
des arts, de l'industrie, etc. Berlin, 1785;
An account of some german volcanos
and their productions , Londres , 1 77G ;
Essai critique sur les peintures à l huile
(en anglais), Londres, in-4, 1781 ; A
descriptive catalogue of a gênerai col-
lection ofancient and modem engraved
gems cameos aswell as intaglios , etc. ,
Londres, 1791 , 2 vol. in-4, avec 57 plan-
ches. Cette explication des empreintes
faites par Tassie , a aussi été publiée en
français sous le titre de : Catalogue rai-
sonné d'une collection générale de pier-
res gravées, antiques et modernes, tirées
des plus beaux cabinets de V Europe.
Cet ouvrage est rare et recherché.
RASPONI ( Dona Felicie ) , dame ita-
lienne , célèbre par son savoir , d'une il-
lustre famille, naquit à Ravenne en 1523.
Elle apprit la langue latine, étudia la
philosophie de Platon et celle d'Aristote,
l'Ecriture, les saints Pères, et soutint
des thèses latines avec les hommes les
plus savans de son époque. Douée d'une
beauté rare et comblée des biens de la
fortune, elle ne voulut cependant ja-
mais se marier, et refusa les partis les
plus avantageux. Félicie était extrême-
ment pieuse , et , voulant fuir tous les
appâts des grandeurs, elle se retira dans
un couvent de bénédictines , dans le mo-
nastère de Saint-André. Elle y fit sa pro-
fession , y mena une vie exemplaire, et
mourut en 1579 , à l'âge de 50 ans. Elle
RAS
a laissé : 1" Délia cognizione , etc. , ou
De la connaissance de Dieu , discours ,
etc., Bologne , 1670 ,- 2° Dialogodeli ec-
cellenza , etc. , ou Dialogue sur F excel-
lence de l'étal monacal et de plusieurs
de ses exercices , Bologne, 1672.
* RAST DE MALPAS ( Jean-Louis ) ,
manufacturier et agronome , né en 1731 à .
La Voulte , petite ville du Vivarais , d'une
famille ancienne et honorable , qui a
produit plusieurs hommes distingués.
Son père, habile médecin, vint se fixer
à Lyon ; Jean-Baptiste Antoine Rast ,
l'un de ses frères , suivit la même car- i
rière, et se rendit célèbre dans l'enseigne- '
ment et la pratique médicale. Jean-Louis
Rast , qui est l'objet de cet article , em-
brassa la carrière du commerce, et voya-
gea beaucoup dans sa jeunesse , surtout
en Italie. Nalurellement porté aux scien-
ces, il employait ses loisirs à étudier
l'histoire naturelle et l'agriculture. De
retour à Lyon , il partagea son temps
entre le commerce et l'agronomie. Pen-
dant le siège de cette ville en 1793, il
eut le noble courage, quoiqu'il eût déjà
perdu une partie da sa fortune par l'effet
de la révolution , de compromettre ce
qui lui restait , en garantissant par sa si-
gnature les bons de subsistances mili
taires des Lyonnais armés contre l'anar- ■
chie. Proscrit après la reddition de la
ville, il erra d'asile en asile jusqu'au 9
thermidor, qu'il lui fut permis de ren-
trer dans sa patrie. Le suffrage de ses
concitoyens le porta bientôt au conseil-
général de son département , ainsi qu'au
conseil de commerce et manufactures de
Lvon , réorganisé sous le nom de cham-
bre de commerce. Il s'occupait en même
temps des progrès de l'agricullure. Il a
déposé dans les archives de la société
de Lyon dont il était un des membres les
plus distingués, plusieurs 7?2e/noj/'e,y pré-
cieux sur les végétaux qu'il cultivait dans
ses jardins et dans ses pépinières , que
les savans voyageurs étrangers n'ou-
bliaient jamais de visiter. En 1820 il
reçut une des médailles d'honneur que
le gouvernement décerna aux plus ha-
biles agriculteurs français. Rast de Mau-
pas est mort à Lyon le 27 mars 1821 , M.
I
RAS
Grognier , secrétaire de la société d'agri-
culture de celte ville , a publié une no-
tice sur sa vie et ses travaux, qui a été
insérée dans le Compte rendu de cette
société, 1821, in-8. Lyon doit au zèle
de Rast l'établissement connu sous le
nom de condition des soies, où par des
procédés ingénieux on parvient à don-
ner aux soies le degré convenable de des-
siccation. Le commerce , avant cette in-
vention, était sans garantie contre la cu-
pidité des marchands de soie et l'infidé-
lité d'une foule d'agens subalternes. Rast
a publié en 1800, à ce sujet, une bro-
chure intitulée Observation de Rast-
Maupas , inventeur et auteur de la Con-
dition publique des soies à Lyon , in-4.
On lui doit encore un procédé propre à
peindre et adorer l'étofte, à la manière
des Chinois ; l'invention d'une espèce de
petit bateau qui ne peut ni chavirer,
ni être chaviré ; un moulin propre à
écraser le raisin qu'on veut jeter dans la
cuve , dont on trouve la description dans
le Compte rendu de la société d'agri-
culture de 1819; et enfin l'invention
d'une nouvelle greffe qui porte son nom,
qu'on nomme par scion, c'est-à-dire
qu'elle s'effectue avec de jeunes pousses
boiseuses, telles que bourgeons .rameaux,
racines, etc. , qu'on sépare de leurs troncs
pour les placer sur un autre, afin d'y vivre
etd'y croître à ses dépens. M. Thouin, pro-
fesseur de culture au muséum d'histoire
naturelle de Paris , a décrit cette greffe
dans un ouvrage relatif à la multiplica-
tion des végétaux.
RASTIGiVAC. (FoyesCiiATOuCHAPT
DERA.sTiGNAC.)Ce Hom illustre s'est trouvé
avec mille autres dans le catalogue des
victimes de la révolution de France.
L'abbé Armand- Anne-Charles-Auguste-
Antoine-Sicaire de Chapt de Rastignac ,
aussi respecté pour ses vertus que pour
son profond savoir, constamment em-
ployé à la défense de la vérité et de la
religion , fut massacré avec IGO tant
évêques que prêtres, dans l'église des
Carmes à Paris, le 2 septembre 1792. On
trouve quelques détails sur celte exécu-
tion horrible dans le Journ. hist. et lit t.,
premier octobre 1792, pag. 217. Il était
RAT 2^9
âgé de 76 ans. Il était né dans le Péri-
gord en 1727 ; il fut docteur en Sor-
bonne , abbé de St.-Mesmin d'Orléans,
prévôt de St. -Martin de Tours , grand ar-
chidiacre et grand-vicaire d'Arles. Député
aux états-généraux en 1 789, il siégea con-
stamment au côté droitdecetteassemblée,
et composa sur les matières qui s'y agi-
taient plusieurs écrits qui font autant
d'honneur à son érudition qu'à la sa-
gesse de ses principes. Peu avant sa mort
il avait publié la Lettre synodale de Ni-
colas , patriarche de Constantinople ,
traduite du grec , avec de savantes notes,
ibid, 1" avril 1792, pag. 492. On a en-
core de lui : V Accord de la révélation
et de la raison contre le divorce , et un
autre ouvrage sur le divorce en Po-
logne.
RAT ALLER ( George ) , né d'une fa-
mille noble à Leuwarden , en 1528 , fut
fait conseiller au grand conseil de Ma-
lines, en 1575, et président du conseil
d'Utrecht, en 1569. Il y mourut le 6 oc-
tobre 1581 , avec la réputation d'un ma-
gistrat laborieux et intègre, et d'un sa-
vant littérateur. Nous avons de lui : i"
Sophoclis tragœdiœ latino carminé red-
ditce , Anvers, 1570, in-12, 1° Euri-
pidis tragœdiœ, 1581, in-12, envers
latins ; 3° Hesiodi opéra, Francfort ,
1546 , en vers latins, etc.
RATBERT. f^oy. Paschase Ratbert.
* RATER ( Antoine ) , architecte, né
à Lyon le 26 avril 1729, s'était déjà fait
connaître par ses talens pour la con-
struction , lorsque Soufflot , passant par
cette ville , y dressa le plan d'un nouveau
quai et de deux rues parallèles, depuis
la place de la Comédie jusqu'au bastion
de St.-Clair. Rater l'exécuta et fit bâtir
plusieurs maisons remarquables par l'élé-
gance de leur distribution. Ce quartier
devint un des plus beaux de Lyon ; mais
il aurait été désert et sans débouché , si
on n'y avait établi une grande roule de
communication avec la Bresse; Rater l'ou-
vrit, nivela le terrain en coupant des
montagnes, et procura à sa ville natale une
avenue très fréquentée. Il mourut le 4
août 1 794 à Mirebel , près de Lyon, oii il
s'était retiré avant le siège.
zQo RAT
RATHÈRE ou Rathiee, moine de
l'abbaye de Lobbes, suivit en Italie Hii-
duin , qui avait été dépouillé de l'évêchc
de Liège ; Rathère y obtint l'évêché de
Vérone , dont il fut dépossédé quelque
temps après. Il remonta sur son siège
cpiscopal ; mais il en fut encore chassé
par Manassès , arcbevêque de Milan , qui ,
contre toutes les lois , avait été ordonné
évêque de Vérone. Saint Brunon , arche-
vêque de Cologne , dont Rathère avait été
précepteur, le fit nommer à l'évêché de
Liège après la mort de Hilduiu ; mais il
essuya le même sort qu'en Italie. S'élant
élevé , peut-être avec trop de véhémence ,
contre les vices dominans, un parti
puissant parvint à le faire déposer. Il
repassa en Italie , et fut de nouveau rétabli
par le crédit de l'empereur Othon sur
le siège de Vérone : mais s'élant livré ,
comme à Liège, à toute l'ardeur de son
zèle contre les désordres qui y régnaient,
il en fut chassé une troisième fois ; ce qui
donna lieu à ce vers :
Veronœ prBsul ,sed l«r Ratberius exul.
Il vintalors en France , y acheta des terres,
et obtint les abbayes de Saint-Âmand,
d'Aumont et d'Aine. Selon plusieurs
auteurs , il mourut à Aine , dans l'Entre-
Sambre- et-Meuse, l'an 974 ; et son corps
fut transporté à Lobbes. On a de lui : 1°
des Apologies , des Ordonnances syno-
dales ^ des Lettres et des Sermons, qui
se trouvent dans le tome 2* du Spicilége
de dom Luc d'Achery ; 2° six livres de
Discours {Prœloquiorum}, dans le tome 9
de VAmplissirna collectio des PP. Mar-
tcnne et Durand. Pierre et Jérôme Balle-
rini, frères, ont donné une édition des
OEuvres de Rathère à Vérone, en 1765,
in-fol.
RATHSAMHAUSEN (Casimir-Fré-
déric de ), né à Strasbourg le 17 janvier
1698, dans le sein d'une famille noble,
qui venaitde rentrer au giron de l'Eglise,
fit profession de l'ordre monastique de
Saint-Benoît, le 24 avril 1718, dans la
célèbre abbaye princicre de Muibach.
D'abord grand-prieur de Lure, puis élu
coadjuleur de Murbacb le 26 août 1737 ,
il succéda le 26 juin 1756, dans la dignité
abbatiale , au cardinal François-Armand
RAT
de Rohan-Soubise. Son abbaye , trans-
férée,enl759,àGcbwiller, futsécularisée
et changée en chapitre équeslral le 1 1
août 1764 , par le pape Clément XIII.
C'est particulièrement aux soins de ce
vertueux prélat que l'église de Geb willer ,
un des plus beaux édifices de l'Alsace,
doit son existence ; elle justifie aux yeux
de tous les connaisseurs l'inscription pla-
cée au haut du frontispice : Opus nainque
grande est : neque cnim liomini prœpa-
ratur habitatio, sed Deo ( 1 Par. 29 J.
RAÏKAI ( George ) , historien, né en
1613 en Hongrie d'une famille noble,
embrassa l'état ecclésiastique, et fut fait
chanoine de l'église de 2^grab. Il y mérita
la confiance du vice-roi de la Croatie ,
Jean Draskovits , qui l'engagea à écrire
l'histoire de cette province, et lui en faci- - .
lita le moyen par le libre accès qu'il lui
donna aux archives. Les fruits de ses re-
cherches sont consignés dans Memoria
regum et regnorum Dalmatiœ, Croatiee ,
Slavoniœ , inchoata ab origine sua ns-
qucadannum 1652, Vienne, 1652, in-fol.
ouvrage qui a fixé les suffrages de ses com-
patriotes et des savans.
RATRAMWE, moine de l'abbaye de
Corbie en Picardie , florissait dans le 9*'
siècle. Il était contemporain d'Hincmar,
contre lequel il publia deux Livres sur
la prédestination y dans lesquels il mon-
tre que la doctrine de saint Augustin sur
la grâce est la seule doctrine catholique.
Ce qui doit s'entendre des assertions op-
posées aux erreurs des pélagiens, et point
de diverses questions incidentes que VE-
glise, comme Célesliu 1*' et Innocent XII
l'ont déclaré,n'a pas prétendu décider. On
les trouve dans les f^indiciœ prœdestina-
tionis de Gilbert Mauguin, 1G50, 2 vol.
in-4. On a encore de lui plusieurs autres
Traités: \° De l'enfantement de ~J C.,
dans le Spicilége de D. d'Achéry ; 2° de
VAme ; 3° un Traité contre les Grecs, en
4 livres , dans lequel il justifie les Latins :
il se trouve dans leSpicilége ; 4° un Trai-
té du corps et du sang de J.C. , contre
Paschase Ratbert. Le docteur Boileau le
publia en 1686, in-12, avec une traduc-
tion française et des notes. Le traducteur
l'orna en même temps d'une préface dans
RAT
laquelle îl démontre, contre les calvi-
nistes , que le traité de Ratranine n'est
nullement favorable à leurs opinions,
comme ils le prétendent ordinairement.
L'auteur de la Perpétuité de la foi a dé-
montré également (|ue cet ouvrage obscur
est bien plus favorable aux catholiques
qu'aux sacramentaires ; mais Mubillon a
porté cette preuve jusqu'à l'évidence dans
la préface au 14" Siècle des Bénédictins.
Ratranine entreprend d'y prouver deux
choses : la première, que le corps et le
sang de Jésus-Christ, qui sont reçus dans
l'Eglise par la bouche des fidèles, sont
des figures , si on les considère par l'appa-
rence visible et extérieure du pain et du
vin, quoiqu'ils soient véritablement le
corps et le sang de J.C. , par la puissance
du Verbe divin; la deuxième, que le corps
de J.C. dans l'Eucharistie est différent,
non en soi et quant à la substance , mais
quant à ia manière d'être du corps de J.C.
tel qu'il était sur la terre, et tel qu'il est
dans le ciel , sans voile et sans figure. Le
Traité du corps et du sang de J. C. fut im-
primé en latin avec une Défense^ en 1 7 1 2 ,
in-1 2. On trouve dans les Ecrivains ecclé-
siastiques d'Oudin, article Ratbamne,
une lettre curieuse de celui-ci sur les hom-
mes qui ont une tête de chien. Il y a toute
apparence que ces prétendus hommes
étaient des singes ; quoiqu'il soit possible
que la partie inférieure du visage, deve-
nue trop saillante, ait donné à quelques fa-
milles uneespècedephysionomie canine,
sans altérer essentiellement la figure de
l'homme, inefifaçable dans ses grand traits,
comme le remarque Buffon , la même sous
tous les climats et l'influence de toutes les
causes locales. Les monstruosités qu'elle
essuie quelquefois ne sont qu'individuel-
les, et tiennent aux règles mêmes qui
maintiennent l'uniformité générale.
* RATTE ( Etienne Hyacinthe de ) ,
mathématicien et astronome, né le l*"^
septembre 17 22, à Montpellier, se livra
de bonne beure à l'étude des sciences
dans lesquelles il fit de si grands progrès,
que l'académie de cette ville le nomma
encore jeune , son secrétaire , et il en
remplit les fonctions pendant plusieurs
années. A. l'âge de 37 ans , il se livra plus
RAU 26r
particulièrement à l'astronomie ; la co-
mète de 175D, prédite depuis long-
temps , le décida pour cette science. Il
observa différentes autres comètes , ainsi
que le passage de Vénus , en 17fil , et
d'autres phénomènes célestes. Après la
mort de son père, il se fit recevoir à la
cour des aides dans la charge de con-
seiller. La révolution interrompit ses
travaux jusqu'après le 9 thermidor 1794,
Réuni ensuite avec d'autres savans,
membres de l'ancienne société de sa ville
natale, qui avaient pu échappera la
proscription, ils la rétablirent sous le
nom de Société des sciences et belles-
lettres de Montpellier , et Ralte en fut
élu président. On doit à cette académie
plusieurs volumes intéressansdeses Mé-
moires , publiés sous le tite de Bulletins.
Lors du rétablissement des études en
France, Ratte fut reçu dans plusieurs
société savantes, ainsi qu'à l'Institut. Il
obtint, en 1804, la décoration de la lé-
gion-d'honneur, et mourut le 16 août
1805 , âgé de 83 ans. Il fournit au Dic-
tionnaire encyclopédique les articles
Froid , Glace , Gelée ; il publia en outre
deux volumes de V Histoire el des Mé-
moires de l'académie de Montpellier. M.
Flaugergues, son neveu, céièbre astro-
nome de Viers, a recueilli les Observa-
tions astronomiques de Ratte.
* RADCOURT ( Françoise-Marie- An-
toinette Saucerotte, plus connue sous le
nom de mademoiselle), actrice célèbre
duThéâtre Français,naquit en 1 756 à Nan-
cy d'un assez mauvais comédien , qui
l'exerça dans l'art dramatique. Après avoir
été applaudie en Espagne dès l'âge de 12
ans dans plusieurs rôles tragiques, elle
alla en 1770 jouer sur le théâtre de
Rouen oîi elle remplit le personnage
à'Euphémie , dans Gaston et Bayard
de Du Belloy; elle vint ensuite à Paris où
elle prit des leçons de Brizard, et débuta à
l'âge de 1 6 ans,le 23 septembre 1 772, dans
l'emploi des reines par le rôle de' ZJ/rfo/i.
Son éclatante beauté , sa taille noble et
gracieuse, ses heureuses dispositions lui
obtinrent un succès d'enthousiasme. Elle
s'est fait remarquer dans les rôles du
haut tragique, comme dans celui deJio-
262 RAU
dogune , de la pièce de ce nom , de Cor-
neille; d&ns celui à' j4 thnlie , de Racine;
de Se'miramis , de Voltaire , etc. Son jeu
était noble, et elle avait beaucoup d'en-
semble, d'énergie et d'expression. Ces
qualités étaient parfois ternies par une
voix rauque, sombre et d'une inodula-
tiou difficile. Mademoiselle Raucourt
éprouva quelques désagréniens que lui
suscita la jalousie : sifflée par le public
qui l'avait encensée d'abord, et qui lui
reprocha ensuite sans fondement la li-
cence desesmœurset des travers odieux,
elle quitta la scène en 177G, et parcourut
plusieurs cours du Nord. La protection
de la reine la fit rentrer en 1779 au Théâ-
tre-Français oii eWerecouvra son ancienne
faveur. M*""" Raucourt , attachée à la fa-
mille royale dont elle avait reçu plusieurs
bienfaits, se prononça contre la révolu-
tion : elle fut arrêtée comme suspecte en
1794; elle recouvra sa liberté au bout
de quelques mois, après la journée du 9
thermidor. Elle forma alors une troupe
des débris de l'ancien Théâtre Français ,
qui joua jusqu'en septembre 1797. Son
théâtre fut considéré comme le rendez-
vous des royalistes , et le directoire le fit
fermer. Mademoiselle Raucourt rentra
au Théâtre-Français l'année suivante
(1798), et y demeura jusqu'en 1809,
époque à laquelle elle passa à Naples, à
la tète d'une troupe qui donna des re-
présentations à Rome , Milan , Florence,
Turin et autres villes de l'Italie. Elle re-
vint à Paris, joua encore au Théâtre-Fran-
çais, et mourut en 1815, âgée à peu
près de 50 ans. Le curé de Saint-Roch
ayant refusé à sa dépouille mortelle l'en-
trée de l'église , ce juste refus donna
lieu à des scènes scandaleuses, [f^oyez
l'article Marduel.) En 1782, elle avait
donné un drame intitulé Henriette, qui
eut quelques représentations. — Son
père , réduit à la plus extrême indigence,
se jeta en 1790 par une fenêtre d'un
septième étage. On ne saurait concilier
cet acte de désespoir, auquel l'entraîna
la misère, avec une lettre tendre et res-
pectueuse de sa fille, qu'on trouva sur
lui. Il y avait aussi dans sa poche un billet
écrit de sa main , et conçu en ces termes :
RAU
» Je prie qu'on n'inquiète personne ; ma
>' moM est volontaire ; je ne puis sup-
)' porter mon horrible vie. Priez le Dieu
•» de miséricorde de me pardonner ; »
et il n'y avait pas un mot pour sa fille.
* RAUCOURT ( Louis-Marie ], dernier
abbé de Clairvaux , né à Reims le 1 0 juin
1743 d'un père qui avait été d'abord
manufacturier, puis contrôleur des guer-
res , commença ses éludes dans l'univer-
sité de sa ville natale. Un voyage qu'il
fit à Clairvaux auprès d'un de ses oncles
qui y était prieur, fixa sa vocation pour
la vie religieuse. Pendant la durée de
son noviciat, il fut envoyé à l'abbaye des
Trois-Fontaines , puis à Paris, au collège
des bernardins où il acheva ses éludes. De
retour à Clairvaux , il y enseigna la théo-
logie, devint procureur de l'abbaye en
1768, prieur eu 1773, et coadjuteur de
l'abbé en 1 7 80. Raucourt était retourné à
Paris pour y prendre ses grades en théo-
logie, et il avait été reçu docteur en 1775.
Après la mort de l'abbé Leblois, il fut dé-
signé pour lui succéder. Son administra-
tion répondit aux espérances qu'on avait
conçues desestalens. Pour ne citer qu'un
exemple de l'emploi qu'il faisait du super-
flu des revenus de l'abbaye , nous dirons
qu'il acheta pour 500,000 fr. la belle bi-
bliothèque du président Bouhier de Di-
jon, que la révolution ne permit pas de
mettre en place, et qui. forme maintenant
la bibliothèque publique de Troyes. L'ab-
bé Raucourt avait aussi conçu le pro-
jet d'élever un monument à St. Bernard ;
la statue de la charité était déjà arrivée
à Clairvaux , les marbres de Carare étaient
en route ; mais nos troubles politiques
empêchèrent l'érection de ce monument.
On dit que l'abbé Raucourt se laissa pen-
dant quelque temps séduire par des idées
d'innovation, et qu'il introduisit dans
son abbaye des changemens , tant pour
le costume des religieux que pour la disci-
pline de la maison. A l'époque de la ré-
volution, l'abbaye de Clairvaux fut enva-
hie ; son mobilier, son trésor , tout fut en-
levé , excepté quelques reliques trouvées
par l'abbé Raucourt. Obligé de quitter
cettedemeure,il se retira à une lieuede là,
au petit village de Juvancourt où il resta
RAU
jusqu'en 1804 , oublié du monde, mais
respecté des habitans qui lui en donnè-
rent des preuves non équivoques pendant
la terreur. Il se fixa ensuite à Bar-sur-
Aube où il est mort le 6 avril 1824, VA-
mi de. la religion lui a consacré u n •in-
téressa nt a/7tc/e , tome 61, pag. *8.
RAUFFIJNG (Elisabeth de), veuve
d'un gouverneur d'Arches , nommé du
Bois, s'étant retirée avec ses trois filles
en Lorraine où elle était née , y fut l'ob-
jet de l'édification publique , et devint
l'institutrice des religieuses de Notre-
Dame du Refuge. Dans l'immense va-
riété des ordres et des congrégations
établis pour assortir les moyens du sa-
lut à tous les caractères et à toutes les
dispositions, on avait oublié jusque-là ,
comme perdues sans ressources, les
femmes qui avaient trahi l'honneur le
plus irréparable de leur sexe. La pieuse
dame s'occupa de cet objet , établit un
institut que le pape Urbain VIII approuva
le 20 mars 1C54. Jean de Porcelet, évè-
que de Toul ; Erric de Lorraine, évêque
de Verdun ; le cardinal de Bérulle , et à
leur exemple quantité d'ecclésiastiques
et de laïques distingués, s'employèrent
vivement pour consommer et cimenter
cet établissement. Dès l'année 1C27, le
duc de Lorraine, Charles IV, donna ses
lettres-patentes pour le refuge de Aancy.
Deux ans après , le cardinal Nicolas-
François, de Lorraine, évêque de Toul,
dont iSaucy dépendait , établit cette mai-
son en forme de monastère , lui donna
la règle de saint Augustin , et fil dresser
les constitutions, qui, approuvées d'a-
bord par Urbain VIII , furent confirmées
•lans la suite par Alexandre VU. La fon-
datrice fut appelée en différentes villes
de France pour y établir des maisons de
son institut. De retour à sa maison de
Nancy , et épuisée d'austérités , plus en-
core que de travaux, elle y mourut en
odeur de sainteté.
Rx\ULENGmEN. Frjyez Raphflen.
RAI LIN (Jean), prédicateur, naquit
à Toulouse en 1443. Après avoir pris ses
degrés dans l'université de Paris, il prê-
cha dans cette capitale avec beaucoup
de succès. Il était entré dans l'ordre de
RAU
a63
Cluny en 1497, et il mourut à Paris en
1614 , à "1 ans. En 1.S41 , on recueillit
ses Sermons, in-8. Il se rendit autant
recommandable par sa régularité que par
les ouvrap;es ascétiques qu'il donna au
public. On a encore de lui des Lettres ,
Paris, l.'jSl , in-4, peu communes. Ses
ouvrages furent recueillis à Anvers, 1612,
en 6 vol. in-4. (La Fontaine a emprunté à
Raulin le sujet de la fable des Animaux
malades de la peste. Rabelais l'a mis
aussi à contribution ( Voyez les chap.
y et 27 de .son Pantagruel. )
RAULIN ( Jean-Facond ) , Espagnol
de nation, a donné, dans le cours du
1 8* siècle , Histoire ecclésiastique du
Malabar, impriméeà Rome, in-4. Elle
est pleine de particularités qui semblent
n'avoir d'exislenceque dans l'imagination
de l'auteur.
* RAULIN ( Joseph ) , médecin ordi-
naire du roi , censeur royal , etc. , na-
quit à Aiguotinte , près d'Auch , en 1 708.
Il exerça d'abord son art à N'érac. Son mé-
rite y fut méconnu, et il eut peu de suc-
cès. Le président de Monlesquiou , qui
le connaissait, l'enga-gea à venir se fixer
à Paris. Raulin y arriva en 17 5S, et y fut
bientôt autant recherché qu'il avait été
négligé en Gascogne. Cependant il était
plus habile pour la théorie que pour la
pratique; il se consacra à la première . Il
fut appelé il presque toutes les consulta-
lions , et se vit entouré de la considéra-
tion publique et des biens de la fortune.
Le roi le nomma son médecin ordinaire,
et peu de temps après il obtint l'em-
ploi de censeur royal. Le gouverne-
ment le chargea de composer ptusieure
Traites sur la manière d'élever les en-
fans , sur les nccouchemçns , sur les
maladies des femmes en couche, elc.
Raulin fut membre des académies de
Bordeaux , de Rotien , des ,\rcades de
Rome, etc. Il mourut à Paris le 12
avril 1784, âgé de 76 ans. Ses princi-
paux ouvrages sont : 1° Traité des ma-
ladies occasionées par les promptes
variations de V air, 1752, in-12;2'' Traité
des maladies occasionées par les excès
de chaleur, de froid , d'humidité et autres
intempéries de Vair , Paris, 1 766 , in-12j
264 RAU
3° Traité des affections vaporeuses du
sexe , ibid. , 17 59 , in- 1 2 ; 4° De la con-
servation des enfans , ou des Moyens
de les fortifier , de les pre'server et guérir
des maladies, ibid. , 1768 , 2 vol. in-12 ;
5° Traité des maladies des femmes en
couche , ibid. , 1771 , in-12 ; 6" Instruc-
tions succinctes sur les accouchement ,
1769 , in-12 ; 7° Parallèle des eaux mi-
nérales de France avec celles d'Alle-
magne, ibid. 1777, in-12; 8° Analyse
des eaux minérales de Provins; 9"
Examen de thuile regardée comme en-
grais, ib. , 1776 , in-12 ; 10« Traité de
la phlhisie pulmonaire , 1784 , in-8. Cet
ouvrage , le dernier que l'auteur écrivit,
est un des plus importans qu'il ait faits.
' RAUTENSTRAUCH ( Etienne de},
bénédictin allemand, et abbé de Braunau,
vivait vers le milieu du siècle dernier. 11
était savant en théologie, et avait pro-
fessé cette science pendant plusieurs an-
nées dans son monastère. On sait que
vers ce temps une nouvelle doctrine,
qui rabaissait l'autorité spirituelle pour
relever celle des princes , s'introduisait
en Allemagne. Dom Rautenstrauch en
avaitadoplé les principes et les enseignait
dans ses Icrons. Le consistoire archiépi-
scopal de Prague en ayant été instruit,
Rautenstrauch fut mandé pour y rendre
compte de ses opinions, filles parurent au
moins su.spectes, et il fut privé de sa
chaire; mais ses senlimcns .s'accordaient
avec ceux des théologiens qui avaient du
crédit à la cour. Dom Rautenstrauch
envoya a Ricger , l'un d'eux , son Traité
du pouvoir du pape , les Thèses qu'on
avait improuvées à Prague , et ses Dé-
fenses. Rieger les communiqua à Stock,
président de la faculté de théologie de
Vienne, et membre du conseil des élu-
des {voyez Stock), qui le fit nommer
président des études à Prague même où
il avait été condamné. Le triomphe de
Rautenstrauch ne fc borna point à ce
premier .succès. En 17 74 , l'impératrice,
abusée sur son compte, le rappela à
Vienne et lui donna la place de Stock,
qui était mort. Il se trouva ainsi prési-
dent de la faculté de théologie de Vienne,
et investi de tous les pouvoirs nécessaires
RAU
pour faire prévaloir les noavelles idées.
Il dressa un Plan de théologie dans ce
sens. En vain le cardinal Migazzi, arche-
vêque de Vienne, d'autres prélats, le
pape lui-même , auquel ce plan avait été
dfféré, firent des représentiitions au gou-
vernement impérial. Non seulement le
plan, mais encore une Introduction à la
théologie , dressée d'après les mêmes
principes par Ferdinand Sloger, profes-
seur d'histoire ecclésiastique, furent ap-
prouvés par le tribunal des éludes. Ou
n'employa plus que des professeurs im-
bus des opinions nouvelles ; chaquejour
la manie d'innover devenait plus hardie.
Pehem , l'un de ces professeurs , osa pro-
poser de se servir de la langue vulgaire
dans la célébration des offices et dans
l'administration des sacremens. Rautens-
trauch fit soutenir à Vienne une Thèse
où l'on prenait contre le pape le parli
de l'Eglise d'Utrecht, et où l'on permet-
tait une usure modérée. En 17 S.*) , il en-
treprit un voyage en Hongrie pour y
propager ces réformes ; mais il mourut à
Erlau le 30 septembre de la même année.
Il avait publié en 1 77 1 des Prolégomènes
sur le droit ecclésiastique universel , et
sur le droit ecclésiastique d'Allemagne.
RAUWOLF (Léonard), surnommé
Dasylicus, médecin , natif d'Aug.sbourg,
avait pour la botanique une forte pas-
sion , qui fit qu'il se rendit en Syrie en
1.S73. Il parcourut la Judée, l'Arabie,
la Babylonie, l'Assyrie, l'.Arménie , etc.;
amassa un grand nombre de plantes et
de curiosités naturelles , et fit de."; ob-
servations sur les mœurs des peuples de
ces contrées. Il revint dans sa patrie en
1&76; mais les troubles qui l'agitaient
l'obligèrent de se retirer en 1 JjRS à Lintz ,
où il mourut en 1606 avec le litre de
médecin des archiducs d'Autriche. Il pu-
blia la Relation de son voyage en alle^^
mand, Francfort, 1682, in-4. NicoIfli^H
Slaphrost l'atraduit en anglais, Londres;"^
1693. Le Catalogue des plantes que
RauAvolf a observées au Levant , a
été donné en latin par Jean-Frédéric
tJronovius , sous le titre de Flora oricn-
talis , Leyde , 17 66, in-8. On voit en-
core dans la bibliothèque de Leyde les
RAV
plantes sèches que Rauwolf a rapportées
en Europe.
KAVAILLAG (François) , le meurtrier
d'Henri IV , fils d'un praticien d'Angou-
lême, né en 157 8 ou J57 9, conçut l'eié-
crabie dessein d'assassiner Henri IV , et
il l'exécuta le 14 mai IGIO. Ce monstre
avait été d'abord valet de chambre d'un
conseiller , puis praticien , ensuite maître
d'école. Il fut mis en prison pour dettes,
à Angouiême; et lorsqu'il recouvra la li-
berté , il protesta qu'il avait eu d'étranges
visions dans sa prison. Dans un de ses
nombreux voyages à Paris , il prit l'ha-
bit de frère convers chez les feuillans;
mais il en fut chassé comme visionnaire.
De retour à Angouiême . il entendit
dire, chez un certain Belliard , que le
pape avait menacé d'excommunier le
roi , et que Henri IV avait répondu que
si le pape l'excommuniait il le dépose-
rait. Dès lors Uavaillac conçut le projet
d'assassiner le roi. Cependant , étant re-
venu à Paris , il se rendit au Louvre chez
la duchesse d'Angoulème, pour qu'on le
présentât au roi, ahn , disait-il, de le
prier de forcer les proteslans d'embrasser
la religion catholique ; '< car sans cela il
» avait l'intention de le tuer. » Celte as-
sertion est consignée dans son procès ,
et l'on s'étonne lU'on n'ait point arrêté
un fanatique qui témoignait de telles in-
tentions. Il retourna encore dans son
pays, y resta quelques mois, et avant
de se rendre à Paris pour la dernière
fois , il communia , fit dire une messe ;
quinze jours après être arrivé à Paris, il
■vola un couteau dans une hôlellerie ,en
aiguisa la pointe avec une pierre, et le
jour suivant, se trouvant rue de la Fer-
ronnerie, au moment où un embarras de
charrettes avait arrêté le carrosse du roi
dans celte rue , Ravaillac monte sur une
des roues de derrière, et avançant le
corps dans le carrosse au moment que ce
prince était tourné vers le duc d'Epernon
assis à son côté , pour lui parler à l'o-
reille, il lui donne dans la poitrine deux
coups de poignard. Le monstre eût pu se
sauver sans être reconnu ; mais étant
demeuré à la même place , tenant à la
maio le couteau encore dégouttant de
XI.
RAV 265
sang , le duc d'Epernon le fit arrêter. Son
procès ayant été dressé, il fut tiré à
quatre chevaux et écartelé à la place de
Grève, le 27 mai 16 lO, âgé d'environ
32 ans, après avoir constamment per-
sisté à dire dans tous ses interrogatoires,
qu'il n'avait point de complices. I^es
deux docteurs de Sorbonne qui l'assis-
tèrent à la mort, Filesac et Gamache,
ne purent rien arracher de lui , peut-être
parce qu'il n'avait rien à dire. On n'en-
trera point dans des détails et dans un
amas de circonstances que personne n'i-
gnore, sur le caraclère des personnes
auxquelles on a attribué ce déteslaV>!e
parricide ; on dira seulement qu'il est
très difficile de décider si , parmi ces
personnes , il y en eut quelqu'une qui
trempa dans cet horrible forfait. Le duc
de Sully assure que le cri public désigne
assez ceux qui ont armé le bras du
monstre. 3iais les Mémoires de ce mi-
nistre furent composés par ses secrétaires
dans le temps qu'il était disgracié par
Marie de Médicis. Il n'est pas étrange
qu'on y laisse échapper quelques soup-
çons sur cette princesse que la mort de
Henri IV rendait maîtresse du royaume,
et sur le duc d'Epernon ( 1 ) , qui avait
servi à la faire déclarer régente. Les con-
jectures odieuses que les autres historiens
ont recueillies ne sont pas plus fondées.
RAVA >EL , chef des camisards , sa-
chant que sa têle était mise à prix, eut la
hardiesse de venir trouver le maréchal de
Villars, et de lui demander les mille écus
de récompense, en se découvrant. Le
maréchal lui pardonna et lui fit comp-
ter la somme. Mais l'année suivante,
ayant été reconnu pour le chef d'une con-
spiration tramée en Languedoc, et con-
vaincu d'excès atroces, il fut brûlé vif ,
en juin 170ô. « Ravanel et Catiuat ( dit
(i)Il put «nniitant que le dur d'Epernon «'oppnM «fee
une «orle de tioli-nri- à er que le régiride fût nias-arré «r-
!e-rhamp par Ir» (•«•ii» du roi: et pour peu qu'il rOt été
complii'e , il n'aïaît qu'à laisser faire. On a»ait monté !•
tête p<-u nolidt- de Ravaillac. roiiinn' on a monlé de noi
jours e^l|pfc plus mautaiie» enrore d'uiip partie des assa»-
sinïde Louis XVI . à force de ealomiiie» . et des plusdé-
goaiant>-9. r.e malh' urriii «nvant |p peuple foudre «n
larmes ï la Irelure de l'eudi oil de sa seiileiice , où l'on re.
traçait son liorrilde ariion ronlre le bon roi , a'écri* : Abl
ùjVaiKU qu'il fût uut aiiuél
a66 RAV
» M. deUerwick dans ses excellenset Të-
■» rldiques Mémoires ) , qui avaient ëlé
» grenadiers dans les troupes , furent
» brûles vifs, à cause des sacrilèges bor-
» ribles qu'ils avaient commis. Billar et
i> Jonquet furent roués : le premier s'é-
» tait chargé d'exécuter le projet formé
» contre M. Basviile et moi; ill'avoua, et
» semblait s'en faire gloire. Le même jour
» que j'entrai dans la province, l'on prit
» un nommé Castanet, prédicant, lequel
» fut roué à Montpellier , convaincu de
» toutes sortes de crimes énormes, et non
» pour fait de religion, comme on a af-
» feclé de le publier. .. Je sais qu'en beau-
» coup de pays on a voulu noircir ce que
» nous avons fait contre ces gens-là ;
» mais je puis protester en homme d'hon-
jj neur qu'il n'y a sorte de crimes dont
]) les camisards ne fussent coupables. Ils
» joignaient à la révolte, aux sacrilèges,
» aux meurtres, aux vols et aux débo rde-
a mens,descruaulésinouïes, jusqu'à faire
» griller des prêtres, éventrer des femmes
» grosses et rôtir les enfans.» Voilà les ob-
jets des apologies philosophiques et des
déetamalions les plus forcenées contre
]^s catholiques !
RAVAUO. royez Rémi.
* RA\E!NET ( Simon-François ) , gra-
veur, naquit à Paris, en 1721 , et il y
étudia son art , passa à Londres , où l'on
croit qu'il se perfectiona sousBartolozzi.
Il se Âxa dans cette ville et grava plu-
sieurs estampes , parmi lesquelles on re-
marque V Emblème de la vie humaine ,
d'après le Titien ; lesBergers d'^rcadie,
d'après les dessins du Poussin ; Lucrèce
déplorant son sort, sur ceux de Casali ,
et un grand nombre de portraits. — Son
fils, Ravenet, se Axa à Parme, y exerça
l'art de son père, exécuta plusieurs mor-
ceaux sur les dessins du Corrége, fit
j^atailte Jupiter et A ntiope, d'après Ru-
bens.
' RAYENKE ( Marc de), célèbre gra-
veur du 16' siècle, surnommé le Raveh-
oate ou Ravegnano, naquit en 1500,
fut élève de Marc-Antoine , et travailla
pour le compte de cet artiste. On a de
lui plusieurs ouvrages estimés, d'après
les plus grands peintres, comme Ra-
RAV
phaêl , Jules Romain , Michel-Ange. Ses
estampes les plus renommées sont la Sta-
tue de Laocoon et le Massacre des In-
nocens. Il mourut vers 1570.
RAYESTEIN ( Josse}ou/urfom» Ti-
letanus, né à Tielten Flandre vers 1506,
professeur en théologie et chanoine de
Saint-Pierre à Louvain , assista au con-
cile de Trente , député de Charles-Quint, i
et au colloque de W'osr en 1 557 . Il mou- I
rut à Louvain le 7 février 1571. Ce doc- 1
teur était habile controversiste , grand '
adversaire des erreurs de Baïus , qu'il dé- i
nonçaà plusieurs évêques et universités, 1
etc. Nous avons de lui : 1° une Réfuta- ■
tion de la Confession d^ Anvers, en latin,
Louvain, 1507 ; 2° Apologie de cette Ré- ^^^
futation , 1 568 ; 3° Apologiedes décrets jiH
du concile de Trente touchant les sacre-
mens , Cologne, 1607 , in- 12.
* RAYESTEIN ( Jean Van ) , un des
meilleurs peintres de la Belgique , né à
La Haie en 1580. On remarque dans ses
compositions du jeu, de la variété, de
l'énergie et un excellent coloris. On con-
serve trois superbes tableaux de cet ar-
tiste, à La Haye, dans les salons du jar-
din de l'Arquebuse.
* RAVESTEYN ( Hubert } , peintre
en paysages, né à Dordrecht en 1647. Il
acquit de la réputation en peignant des
Vues , des Foires , des Rassemblemens
dépeuples , etc. — Ravesteyn ( Nicolas }
fut aussi peintre renommé dans l'histoire
et dans le portrait. Il était né à Bommel
en 1G61. Il travaillait avec une grande
facilité.
* RAVI (Jean ) , architecte et sculp-
teur français , né vers l'an 1280, fut
employé , pendant plusieurs années, aux
travaux de l'église Notre-Dame de Paris.
On n'a pas d'autres renseignemcnssursa
vie que ceux qu'indiquait l'inscription
suivante, placée dans cette même église,
et qui était à côté d'une petite Agure
qui représentait cet artiste : « C'est
» maître Jean Ravi , qui fut maçon de
» Notre-Dame par l'espace de 26 ans ,
)) et commença ces Nouvelles histoires.
» Priez Dieu pour l'âme de lui : et mai-
» tre Jean Le Boulelier, son neveu , les
V a parfaits , l'an 1 352. » Ou n'ignore
RAW
pas que dans ces temps on désignait les
architectes par le nom de maîtres-ma-
çon».
RAVISIUS Textor. Voyez tixier.
RAVIUS ou Rave ( Chrétien ), né à
Berlin en 1613 , voyagea en Orient, où
il apprit les langues turque, persane et
arabe, et d'où il rapporta des manuscrils
précieux. De retour en Europe, il pro-
fessa les langues orientales à Utrecht,
d'abord sans appointemens , cl ensuite
avec une pension de 600 florins que la
ville lui décerna. Raviusfutun dessavans
de la cour de la reine Christine de Suède.
Enfin il professa les langues orientales à
Kiell , puis à Francfort-sur-le-Mein , où
il mourut en 1 67 7 , à 64 ans. On a de lui : 1°
un Plan d'orthographe etd'élymologies
hébraïques ,- 2" une Grammaire hébraï-
que, chaldaïque, syriaque, arabe, sama-
ritaine et anglaise , Londres , 1640, in-8;
3° une Traduction latine de l'arabe d'A-
pollonius de Perge. — Il ne faut pas le
confondre avec Jean Ravius, son hls, bi-
bliolbécairedel'électeurde Brandebourg,
qui a laissé des Commentaires sur Cor-
nélius Népos, des Àphorismes militaires ^
et d'dutres écrits latins.
RAWLEGH ou Ralegh (Walter), d'une
famille noble et ancienne, eut beaucoup
de part aux expéditions maritimes du rè-
gne de la reine Elisabeth dont il avait ga-
gné les bonnes grâces en étendant un
beau manteau sous ses pieds dans un che-
min boueux. C'étaitun génie audacieux et
romanesque. (Il naquit vers 1 552 à Hayes,
petit village auprès de la mer, dans le
Devonshire. Il vint en France avec les
secours d'armes qu'Elisabeth envoya aux
protestans.) De retour en Angleterre ,
Rawlegh alla dans l'Amérique septen-
trionale en 1684, s'y rendit maître du
pays de Mocosa, y introduisit la pre-
mière colonie anglaise, et donna à ce
pays le nom de Virginie. Eli.sabeth le
choisit en 1 692 pour commander la flotte
destinée à s'opposer aux progrès des Es-
pagnols dans l'Amérique. Rawlegh se
mit en mer avec quinze vaisseaux de
guerre. Il causa de grandes pertes aux
Espagnols , et leur enleva une caraque
estimée 2 millions de livres sterling. La
RAW 267
reine le reçut à son retour comme ua
homme distingué, le nomma capitaine
de sa garde , et lui Al épouser une de ses
dames d'honneur. Rawlegh se rembar-
qua en 1 695 , alla attaquer les Espagnols
dans l'île de la Trinité, brûla la ville de
Saint-Joseph , et fit prisonnier le gou-
verneur. Il s'avança ensuite sur la ri-
vière d'Orénoque ; mais n'ayant pu
aborder dans la Guiane , il réduisit en
cendres la ville de Cortiana, et se con-
duisit, comme en toute occasion, avec
autant de cruauté que de courage. Sous
le lègne de Jacques I", il fut accusé
d'avoir voulu mettre sur le trône Ar-
belle Sluajd , dame du sang royal , et
condamné à perdre la tête ; mais le roi
se contenta de le faire renfermer à la
tour de Londres, où il demeura 13 ans.
Rawlegh profita de cette retraite pour
composer une Histoire du monde. Il fut
mis en liberté en 1 6 1 6 , pour aller sur la
Castille d'or et sur les côtes de la Guiane;
mais son expédition n'ayant pas été heu-
reuse, il eut la tète tranchée à Westmin-
ster l'an 1618 , en exécution de l'ancien
arrêt qui n'avait pas été annulé , et à la
sollicitation de l'ambassadeur d'Espagne,
qui se plaignit de diverses atrocités exer-
cées par Rawlegh sur les sujets de son
maître. Le fanatisme de secte , qui en-
trait pour beaucoup dans sa bravoure,
le rendait sanguinaire et cruel : l'auteur
du Plutarque anglais s'est vainement
efforcé d'en faire un homme de bien.
On a de lui : 1" son Histoire du monde,
en anglais, in-8, 1614. L'auteur ne pu-
blia que la première partie; il jeta au
feu la seconde. Cet ouvrage est confus
et peu exact; l'auteur n'avait pas la tête
assez calme pour écrire avec clarté, or-
dre et vérité. 2° Lne Relation de son
premier voyage à l'Amérique , ou la Dé-
couverte de la Guiane^ en latin , Nurem-
berg, 1699, in-4. Il y a des choses cu-
rieuses, mais toutes ne sont pas vraies.
' RAWLIJNSON ( Thomas ) . biblio-
mane anglais , né à Londres en 1681 , à
l'aide d'une immense fortune, rassembla
des milliers de livres et de manuscrils,
qui formaient la plus vaste collection
qui existât de son temps chez un particu-
a68 RAY
lier. Sa bibliothèque en ëfant encom-
brée, il remplit deceux qui restaient ses
vasles appartemens et même sa chambre,
QÙ il avait à peine laissé une place pour
son lit. Il man)];eait, dormait , s'habillait
«t recevait au milieu de cet énorme fatras
de volumes. Sa manie n'échappa point à
]a plume piquante d'Addisson ; il le dé-
signe dans le Tatler par le nom de Tont
Folio. Rawlinson avait des connaissances
étendues , et était lié avec les hommes de
lettres de son temps, et particulièrement
avec Maittaire, qui lui dédia son édi-
tion des Satires de Juve'nal. On a impri-
mé les Annales A' Aluredus Beverlacen-
sis , d'après un manuscrit que possédait
Rawlinson. Il mourut en 1725. On em-
ploya seize jours à la seule vente de ses
manuscrits.
* RAWLINSON (Richard), savant an-
tiquaire anglais, naquit vers 1G90 , élu-
da les lois à Oxford , où il reçut en 1719
Je bonnet de docteur. Il cultiva de pré-
férence les antiquités et la numismatique,
fit de riches collections pour la conti-
nuation àeV Athenœ oxonienses Ae Wood,
«t contribua à la publication de plusieurs
ouvrages sur l'histoire ancienne. Il a
^crit une Histoire d'Oxford, et a tra-
duit en anglais l'ouvrage de Lenglet-Du-
fresnoy , sur la Méthode d'étudier l'his-
toire, 2 vol. in-8. Cet homme estimable
mourut en 1755 ; son cœur fut enfermé
dans une urne de marbre , placée dans la
chapelle du collège de Saint-Jean à Ox-
ford. Il laissa , par testament , à cette uni-
versité sa bibliothèque, ses médailles et
ses manuscrits.
RAY (Jean ) ou John Wrat, en latin
Raius, savant naturaliste, né dans le
comté d'Efsex en 1628 d'un forgeron,
étudia à Cambridge , et (ut membre du
collège de la Trinité. Après avoir pris
les degrés académiques, il fut ordonné
prêtre de l'Eglise anglicane; mais son
opposition auxsentimensdes épiscopaux
l'empêcha d'obtenir des bénéfices. Il se
consola de la privation des biens ecclé-
siastiques par l'étude de la nature. Il avait
tout ce qu'il fallait pour l'approfondir:
un esprit actif, un zèle ardent , un coo-
rage iufaligabie. H parcourut J'Angle-
RAY
terre , l'Ecosse et l'Irlande , la Hollande ,
l'Allemagne, l'Italie, la France et plu-
sieurs autres pays dans lesquels il fit des
recherches laborieuses. La société royale
de Lonàres s'empressa de le posséder en
1 667 , et le perdit en 1 706. Il était pour
lors âgé de 78 ans. Ray passa sa vie en
philosophe et la finit de même. Sa mo-
destie, son affabilité, lui firent des amis
illustres. Il n'était point, comme cer-
tains savans , avare de ses recherches ; il
les communiquait avec un plaisir infini.
Il joignait aux connaissances d'un natu-
raliste celles d'un littérateur et d'un
théologien. Ses ouvrages, dans lesquels
on trouve beaucoup de solidité, de saga-
cité et d'érudition ,sont : 1° une Histoire
des plantes , en 3 vol. in-fol. 1686-1688,
1704 ; et les trois tomes ensemble, 1716,
in-fol. ; 2° une Nouvelle Méthode des
plantes, Londres, 1682, in-8; 3" un Cata-
logue des plantes d'Angleterre et des
îles adjacentes, Londres, 1677 , in-8,
avec un supplément en 1688 , et divers
autres ouvrages de botanique. Son systè-
me diffère decelui de Tournefort. Celui-ci
ne distribue les plantes qu'en 22 genres,
au lieu que Rây en compte 28 : cepen-
dant d'habiles physiciens ont cru quecette
multiplication des genres n'avait point
formé une classification plus exacte que
celle de Tournefort et de Linné, et que
les difficultés se compensaient dans ces
systèmes divers. ( f^oyez Toursefort. )
4" Un Catalogue des plantes des environs
de Cambridge, 1660, in-8 , avec un ap-
pendix de 1663, et un de 1685 ; S" Stir-
pium europœarum extra Britanniam
nascenlium sylloge, Londres, 1694 ,in-8;
6° Synopsis methodiea animalium qua-
drupedum et serpentini generis, ibid.
1724, in-%;V Synopsis methodiea avium
et pi^cium, ibid, 161 3, in-8; 8° Histo-
ria inscctorum cum Appendice Martini
Listeri de scarabœis britannicis, 1710,
in-4; 9" Dictionariorum trilingue secun-
dum locos communes, 1 0" De variis plan-
tarum methodis dissertatio , l696,iii-4.
C'est une apologie de son système. Tous
les ouvrages précédens sont en latin. Les
principaux de ceux qu'il a écrits en an<
glais sont : 1 *> V Existence et la sagesse de
RAY
Dieu, manifestées dam les œuvres de la
cre'atinn. Ce livre a élé traduit en fran-
çais , Uliechl, 17l4,in-8.1l y a beau-
coup de solidUé et d'érudition. 2" Trois
Dissertations sur le chaos et la création
du monde , le déluge et Vembrasement
futur du monde, dont la plus ample édi-
tion est celle de Londres, en 1713, in-8.
3° Une Exhortation à la piété , le seul
fondement du bonheur présent ou futur.
Ce discours est contre Bayle, qui niait
qu'une lépublique composée de chré-
tiens qui observeraient exactement les
préceptes de J. C. pût se soutenir. 4° Di-
vers Discours sur différentes matières
tbéologiques, imprimés à Londres en
1692 , io-8 ; 5" un Recueil de lettres phi-
losophiques, 1718, in-8, qui ne sont pas
dans leur totalité «n recueil précieux ; 6°
Observations topographiques , morales
et physiques , sur les pays qu'il a parcou-
rus, 1G73 et 1746, in-8. — Il ne faut
pas le confondre avec l'abbé Augustin-
Fidèle Rav , dont on a une Zoologie uni-
verselle , ou Histoire universelle de tous
les quadrupèdes , célacées et oiseaux
connus, etc. Paris, 1788, in-4; ouvrage
savant et sagement écrit. F oyez le Journ.
hist. et lit. 15 octobre 1789, pag. 243.
RAYGER ( Charles ) , né à Presbourg
en 1 64 I , étudia en médecineà Strasbourg,
à Leyde et à Montpellier, pratiquant son
art avec beaucoup de succès dans sa pa-
trie, communiqua à l'académie impériale
de Vienne un grand nombre d'observa-
tions, qui lui n:érilèrent, en 1694 , une
place dans cette société, et mourut à
Presbourg le 14 janvier 17 07. Ses 06*er-
vations sur une infinité d'objets curieux
et intéressans , qui ont rapport à la mé-
decine et à l'histoire naturelle , ont trou-
vé place dans les Miscellanea de l'aca-
démie dont il était membre. On a encore
de lui des Observations ']o\\\ics à celles
de Paul Sprindier avec des notes , Franc-
fort, 1691 , in-4.
RAYMOND. Trjycs Raimond.
• RAYMOND ( Jean-Arnaud ) , an-
cien architecte du roi , naquit le 9 avril
1742, de Pierre Raymond, entrepreneur
debàlimens, qui lui donna les premières
leçoQs d'architecture. Il vint à Paris, en
RAY 269
1760, et après avoir obtenu, en 1761,
le grand prix d'archileclure, il alla à Ro-
me. Il revint à Paris en 17 76, et quelque
temps après , on l'appela à Montpellier
pour y construire la belle place du Pé-
rou. ^'ommé ensuite architecte des états
de Languedoc , il présenta un projet de
palais de justice et de prison pour la ville
d'Aix , ainsi que pour la reconstruction
de l'église de Saint-Barthélemi de Bor-
deaux; mais ces projets ne purent s'effec-
tuer, faute de fonds. Il éleva, aux frais de
la province du Languedoc , l'église col-
légiale de l'île Jourdain , à quatre lieues
de Toulouse. En 17 84 , il vint se fixer à
Paris, oîi l'académie des beaux-arts l'a-
vait nommé parmi ses membres. L'année
suivante , il bâtit , rue du Gros-Chenet ,
pour la célèbre madame Le Brun , la belle
maison qui mérita les éloges de tous les
connaisseurs. Bientôt après il fut nommé
architecte du roi. Le ministre Calonne
avait formé le projet de restaurer entiè-
rement le cirque de Nîmes, et Raimond
devait être mis à la tête de cette entre-
prise. La révolution fit oublier ce des-
sein ; Raymond s'enferma alors dans son
cabinet , et eut le bon esprit de ne pas
figurer dans nos troubles politiques. !l
entra dans l'institut, lors de sa formation,
et on le chargea des travaux du Louvre ,
du Muséum, de la Bibliothèque, de l'O-
péra , du palais de Sainl-Cloud , et , con-
jointement avec M.Chalgrin, de la con-
struction de l'arc de l'Etoile, ouvrage qui
n'est pas encore achevé. Raymond était at-
taquédepuis 1809 d'une maladie 1res gra-
ve, à laquelle il succomba le 28 février
181 1 ,aprèsavoir mis, commeil leditlui-
même, un intervalle entre la vie et la
mort. Cei artiste était d'un caractère
doux et bienfaisant, et fut un de ceux qui
rétablirent en France le bon goût dans
l'architecture.
* RAYMONDIS ( Jean-Zacharieou Pa-
RADIS DE ), né à Bourg en Bresse, en 1746,
succéda à son père dans la charge de lieu-
tenant-général du bailliage de Bresse d5nt
sa fnible santé le força de se démettre.
Dès lors il se voua tout entier à l'agri-
culture et aux lettres. Lorsque la révolu-
tion éclata, il se retira en Italie^ et ne
270 RAY
revint en France qu'en 1797; il mourut à
Lyon le 15 décembre 1800. Il est auteur
d'un Traité élémentaire de morale et de
bonheur, 1784, 2 vol. in-18 ; d'un pam-
phlet intitulé : Des prêtres et des cultes,
Paris, 1797, in-8, brochuie qui parait
avoir été rédigée dans le sens des Théo-
philanthropes ; et de plusieurs autres ou-
vrages relatifs surtout à l'agriculture.
* RAYJNAL (Guiilaume-Thomas-Fran-
çois ) , l'un des écrivains philosophes les
plus célèbres du 18<' siècle , naquit le 11
mars 1713 àSaint-Geuiex dans leRouer-
gue. Il entra fort jeune chez les jésuites,
et obtint des succès précoces dans ses
études. Après avoir réussi , soit dans
l'enseignement, soit dans la prédication ,
il se lassa bientôt du séjour des collèges,
et surtout d'un genre dévie qui ne s'ac-
cordait nullement avec son caractère
ni avec ses opinions particulières. L'abbé
Baynal quitta donc en 1748 , à l'âge de
35 ans, la société des jésuites, et alla
s'établir dans la capitale pour y exercer
le métier d'écrivain. Cependant il s'atta-
cha à la paroisse de St.-Sulpice en qua-
lité de prêtre desservant ; puis , renon-
çant aux pratiques du saint ministère ,
il parut dans le monde et se rangea dans
la secte des philosophes. Raynal n'avait
pas de fortune ; il chercha des mo} eus
d'existence dans la culture des lettres :
quelques-uns de ses premiers ouvrages,
\e& Anecdotes littéraires et les Mémoires
de Ninon de Lenclos fournirent à ses
besoins , mais firent peu pour sa renom-
mée: ce sont des compilations qui n'ont
laissé qu'un faible souvenir. Il n'en fut
pas tout-à-fait ainsi de {'Histoire du
Statlioudérat qui , prônée par les dis-
tributeurs de la renommée littéraire, ob-
tint un succès de vogue. Ce livre est un
précis des révolutions qui ont agité la
Hollande, depuis que ce pays se dégagea
de la domination espagnole. Raynal s'é-
tait fait des amis: Diderot, d'Holbach et
les autres philosophes du temps le prirent
sous leur protection , lui firent confier
la rédaction du Mercure de France , et
l'aidèrent de leur crédit pour lui aspurer
une existence aisée et indépendante.
Raynal , que les occupations littéraires
RAY
n'enrichissaient pas , se livra , dit-on ,
aux spéculations du commerce, et il pa-
raît qu'elles furent plus utiles à sa fortune.
Ce fut au milieu de l'agiotage qu'il con-
çut et qu'il exécuta son Histoire philoso-
phique des établissemens et du commerce
des Européens dans les deux Indes. Cet
ouvrage parut en 1770 , et son succès ,
d'abord assez équivoque , ne flatta pas
l'amour propre de l'auteur; mais le parti
en releva bientôt le mérite par de pom-
peux éloges, et publia autant d'apologies
qu'il parut de critiques. H paraît que
Raynal fut aidé dans cet ouvrage par
plusieurs de ses amis. Deleyre fut chargé
de réunir les matériaux , les comtes d'A-
randa et de Souza fournirent des mémoi-
res ; le baron d'Holbach , Dubuc , Jean
de Pechmeja , et surtout Diderot , y tra-
vaillèrent, n Qui ne sait , » dit Grimm ,
« que près d'un tiers de l'Histoire philo-
» sophique appartient à Diderot ? il y
» travailla pendant deux ans , et nous lui
» en avons vu composer une bonne partie
» sous nos yeux. Lui-même était souvent
» effrayé de la hardiesse avec laquelle il
» faisait parler son ami. Mais qui , luidi-
» sait-il , osera signer cela ? Moi , lui ré-
M pondait l'abbé, moi, vous dis-je ; allez
» toujours. » { /^oj/ezle Dictionnaire des
anonymes , 2'édit. n° 8204, et le même
n° aux Corrections. ) D'après les princi-
pes de tels collaborateurs , l'esprit anti-
religieux qui règne dans tout ce livre ne
doit nullement étonner. Il fut publié en
1770 ; le gouvernement en ordonna la
suppression le 29 décembre 1772. Le
public , par ses observations , l'ayant
averti des défauts de son ouvrage , Ray-
nal se mit à voyager , et visita les princi-
pales places de commerce de la France ,
delà Hollande et de l'Angleterre. En par-
lant du commerce des deux Indes, il avait
flatté l'amourpropre des Anglais sur leurs
établissemens ; aussi il reçut à Londres
une distinction très flatteuse. Il se trou-
vait un jour dans la galerie de la chambre
des communes: l'orateur, l'ayant appris,
fit tout à coup cesser la discussion , jus-
qu'à ce qu'on eût accordé à Raynal une
place d'honneur. A son retour d'Angle-
terre, il s'arrêta à Genève , et il y publia
RAY
une nouvelle édition de son Histoire ,
1781. Elle contient des corrections utiles,
des articles et des notices plus exactes
sur la Chine , les Etats-Unis , et sur le
commerce en général ; mais , en revan-
che, sa haine contre les rois et la religion
s'y montre plus à découvert. Il se trou-
vait à Courbevoie , lorsque son ouvrage
faisait de nouveau le sujet de toutes les'
conversations dans la capitale. Des gens
bien p\ensans , attachés au service de
Louis XVI , placèrent l'Histoire philoso-
phique sur une table, dans l'appartement
de ce prince, afin qu'il pût la parcourir.
Louis XVI , naturellement pieux, en fut
indigné , et le parlement , d'après les
conclusions de l'avocat-général Séguier,
ordonna qu'il fût brûlé. La Sorbonne dé-
clara le livre abominable , et le qualifia,
non sans raison , de délire d'une âme
impie. L'auteur lui-même fut décrété de
prise de corps ; il en fut averti , et se re-
lira de Courbevoie pour se rendre aux
eaux de Spa. Il partit ensuite pour l'Al-
lemagne , et ayant prolongé son voyage
jusqu'à Berlin , il fit demander à Frédé-
ric II la permission de lui présenter ses
hommages. Le roi de Prusse lui indiqua
le jour. Ce prince était debout auprès de
son bureau : « Monsieur , » lui dit-il ,
« vous êtes vieux ainsi que moi ; sansfa-
» çon, asseyons-nous. Vous me trouvez à
» lire un de vos ouvrages , V Histoire du
i> Stathoude'rat. » La vanité de Raynal ,
qui était extrême, fut très satisfaite de cet
accueil familier ; il répondit à Frédéric
avec le ton de cette même vanité : « Celte
» histoire est un des ouvrages de ma pre-
« mière jeunesse : j'ai fait mieux que
» cela. » — << Et quel est donc cet ou-
» vrage ? » demanda le prince. — « C'est, »
ajouta Raynal , « mon Histoire philoso-
}) phique des deux Indes. » — « Je ne la
» connais pas , » lui répondit Frédéric ,
s je n'en ai jamais entendu parler. » Celte
réponse froide et inattendue déconcerta
un peu Raynal , qui s'empressa de termi-
ner la conversation. H visita plusieurs
cours , comme s'il avait voulu prome-
ner sa renommée. De retour en France ,
il demeura long-temps dans les pays
méridionaux. Il donna aux académies
RAY 271
de Marseille et de Lyon plusieurs prix ,
dont il proposa les sujets. Le plus re-
marquable est celui qui avait pour but
de déterminer si la découverte de V Amé-
rique avait été utile ou nuisible à F Eu-
rope. Mûri par l'âge , et moins dominé
par l'effervescenee des passions , il n'en-
visagea dans les nombreuses innovations
qui eurent lieu lors de la formation de
l'assemblée constituante , que des atten-
tats contre la propriété , et des eucoura-
gemens à la licence parmi le peuple. Le
31 mai n 9 1 , il adressa une longue lettre
à cette assemblée, où l'on remarque les
passages suivans : <( J'osai , » dit il ,
« parler long-temps aux rois de leurs
» devoirs ; souffrez qu'aujourd'hui je
» parle au peuple de ses erreurs. Serait-
)) il donc vrai qu'il fallût me rappeler
» avec effroi que je suis un de ceux qui,
» en éprouvant une indignation géné-
» reuse contre le pouvoir .-arbitraire , ont
M peut-être donné des armes à la II-
» cence ? Près de descendre dans le
» tombeau , que voi.s-je autour de moi ?
» des troubles religieux , des dissensions
5) civiles, la consternation des uns, l'au-
w dace des autres ; un gouvernement es-
)) clave de la tyrannie populaire , le
» sanctuaire des lois environné d'hom-
M mes effrénés , qui veulent alternative-
w ment ou les dicter , ou les braver ;
» des soldats sans discipline , des chefs
» sans autorilé , des ministres sans
» moyens , la puissance publique n'exis-
» tant plus que dans les. clubs !... Vous
» vous applaudissez de toucher au terme
» de votre carrière, et vous n'êtes entou-
u rés que de ruines , et ces ruines sont
u souillées de .sang et baignées de lar-
j> mes : des bruits sourds et vagues, une
» terre qui fume et qui tremble de toutes
» parts, annoncent encore des explosions
» nouvelles. Qui osa jamais rêver pour un
» grand peuple une constitution fondée
» sur un nivellement abstrait et chimé-
» rique ? Ma pensée va jusqu'à désirer
M que le tombeau se referme prompte-
» ment sur moi; vous recevrez d'un vieil'
» lard qui s'éteint la vérité qu'il vous
» doit. » Quand Raynal avait parlé en
philosophe , il avait trouvé un grand
27a RAY
nombre d'admirateurs ; il parlait une
fois en homme sage , et ces mêmes ad-
miraleurs méprisaient ses avis , et al-
laient jusqu'à rinsulter. On ne fit aucun
cas de sa lettre , et on le traita de vieux
radoteur. Voyant la marche horrible que
prenait la révolution , il al'a se fixer à
Passy . oii il vécut tout-à-fait ignoré , et
où il eut le temps de se convaincre , par
une juste réflexion , et comme il le mar-
que dans sa lettre à l'assemblée , qu'il
avait été un de ceux qui avaient donné
des armes à la licence. Il mourut le 6
mars n9G , dépouillé de presque tout ce
qu'il possédait. Quatre heures avant sa
mort , il avait entendu la lecture d'un
journal , sur lequel il avait fait des ob-
servations critiques. Sa fortune était si
notablement diminuée, qu'on ne trouva,
dit-on , chez lui , pour tout argent ,
qu'un assignat de 50 livres , valant alors
5 sous en numéraire. Voici la liste de ses
principaux ouvrages : 1° Histoire du
Stathoudérat, Varis, 1748, in-12; 1760,
2 vol. , réimprimé en 1819. 11 la ht im-
primer à ses frais , la vendit lui-même ,
et en débita, dit-on , GOGO exemplaires.
2" Histoire du parlement d'Angleterre ,
ibid. , 1750, 2 vol. in-12. On critiqua
justement dans ces deux ouvrages un ton
oratoire et ampoulé, peu convenable au
bon goût et à la digiiilé historique. Eu
1 820 les frères Baudoin ont fait imprimer
cet ouvrage sous le litre à' Histoire du
parlement anglais , par Louis Bonaparte
(sic), avec des iVo/e,y de Napoléon. 3"
Anecdotes littéraires , historiques , mi-
litaires et politiques de l'Europe, depuis
Vélévntion de Charles-Quint à l'empire,
jusqu'à la paix d'Aix-la-Chapelle, ibid.,
1753, 3 vol. in-12. Cet ouvrage présente
des faits assez curieux et inléiessans , et
il est écrit d'un slile naturel et mpide ,
qualités qu'on retrouve rarement dans
ses autres productions , excepté la sui-
vante , à laquelle on accorde le même
mérite. 4" Histoire du divorce de Henri
Fin, ibid., 1763, in-12 ; b° Ecole, mi-
litaire, 1762, 3 vol. in-«2; recueil in-
digeste, et où les exemples de bravoure
sont mis pêle-mêle avec ceux de bassesse
et de lâcheté ; 6° Mémoires historiques
RAY
de l'Europe, 1772 , 3 vol. in-8 , où la
critique et les faits ne sont pas toujours
exacts ; 7° Tableau et révolutions des co-
lonies anglaises dans l'Amérique sep-
tentrionale, 1781, 2 vol. in-12; 8° His-
toire philosophique et politique des éta-
blissemens et du commerce des Euro-
péens dans les deux Indes, Paris, 1770 ;
Genève , 1781 , 10 vol. in-8. Les éloges
que Labarpe fît de cet ouvrage , dès sa
première édition , sembleraient plutôt
dictés par un esprit de secte que par
l'homme impartial ; et le lecteur judi-
cieux, en parcourant l'histoire philoso-
phique , y trouve de la confusion , des
absurdités , des déclamations fatigantes
contre les lois , les usages établis , les
gouvernemens, et surtout contre les rois
et les prêtres. Le mérite qu'on remarque
dans plusieurs de ces Mémoires sur le
commerce de quelques nations est con-
tre-balancé par des erreurs, des inexacti-
tudes sans nombre, et par des récits et
des tableaux licencieux qui répugnent
également aux bonnes mœurs et aux con-
venances sociales. Ces premiers défauts
ont disparu , il est vrai , dans la seconde
édition ; mais l'auteur s'y montre encore
plusacharné contre les souverains et con-
tre la relijfion. Son stile, parfois nobleet .
élevé, prend trop souvent le ton d'un
charlatan monté sur un tréteau, pour dé-
biter à la multitude des lieux communs ,
et des imprécations menaçantes contre
le despotisme et la superstition. Rayual
en effet déclare la guerre, non seulement ■
à la révélation, mais aussi à la morale et 1
à toute autorité civile. Le Dieu des Juifs f
n'était pour lui qu'un dieu local comme
ceux des autres nation s , etrclahlis.se-
ment du christianisme n'était que l'effet
A'Mn^ mauvaise logique. Toute sa morale
se fondait sur ces deux principes : Désir
de jouir , liberté de jouir. Il s'élevait
contre le despotisme paternel , qui pro-
duit le respect extérieur et une liaine
impuissante et secrète contre les Pères.
il osait également offrir aux peuples des
remèdes contre la tyrannie. « Fuissent
» les vraies lumières , » disait-il , « faire
» rentrer dans leurs droits des êtres qui
» n'ont besoin que de les sentir pour les
RAY
» reprendre ! Sages de la terre , philoso-
» phes de toutes les nations , c'est à vous
» seuls à faire des lois , en les indiquant
» à vos concitoyens. Ayez le courage d'c-
» clairer vos frères. Faites rougir ces
» hommes soudoyés, qui sont prêts à ex-
» terminer leurs concitoyens aux ordres
» de leur maître. Soulevez dans leurs
» âmes la nature et l'humanité contre le
» renversement des lois sociales Ré-
» vélez-leur les mystères qui tiennent
» l'univers à la chaîne et dans les tcnè-
« bres , et que, s'apercevant combien ou
» se joue de leur crédulité , les peuples
» éclaires tous à la fois vengent enfin la
» gloire de l'espèce humaine. » Nous ter-
minerons cet article par rapporter les
dernières phrases du réquisitoire de l'a-
vocat général Séguier contre VHistoire
.philosophique de Raynal : « L'auteur , «
dit-il , « n'a fait qu'un code barbare , qui
» n'a d'autre but que de renverser les
» fondemens de l'ordre civil. En rappro-
» chant toutes les parties du système ré-
» pandu dans la totalité de cette histoire,
» on pourrait tracer le plan de subversion
» générale que renferme cette affreuse
» production. »( Plusieurs auteurs ont ré-
futé les assertions de Raynal. On trouve
dans les OEuvres du cardinal Gerdil un
morceau sur ce sujet. Cet écrivain, hon-
teux lui-même de seségaremens , se pro-
posait sur la fin de ses jours de donner
une nouvelle édition de ses OEuvres ,
purgées de toutcr les déclamations irré-
ligieuses et révolutionnaires de ses amis.
Sa famille , dit-on, possède ce manuscrit.
V Histoire philosophique a été réimpri-
mée en 1 820. M. A. Jay a publié unpre'cis
historique sur la vie et les écrits de
Vahbé Raynal : c'est un philosophe qui
en loue un autre. )
RAYNAU D ( Théophile ) , né à Sos-
pello , au comité de Nice , en 1 583, entra
dans la société des jésuites en 1G02 , et
y passa toute sa vie , quoique traversé
par ses confrères et sollicité d'en sortir
parles étrangers. Quelques auteurs l'ont
cru Français , parce qu'il a toujours vécu
en France. Après avoir enseigné les bel-
les-lettres et la thélogie dans différentes
maisons de sa compagnie, il mourut dans
XI.
RAY 273
celle de Lyon, en 16G3, ^ 80 ans. Cet
auteur avait l'esprit pénétrant, une ima -
gination vive et une mémoire prodi-
gieuse. Il avait embrassé tous les genres;
mais on reconnaît à sa façon d'écrire
qu'il avait trop négligé les auteurs de la
belle latinité. Imitateur de dififérens
stiles, lorsqu'il a voulu s'en faire un
propre , c'est celui de Tacite qu'il a ren-
contré. Il paraît très souvent obscur ,
parce qu'il affecte de se servir de termes
recherchés et de mots tirés du grec. Il
voulait être original dans sa diction
comme dans ses pensées. Ayant fait un
chapitre sur la bonté de J. C, il l'inti-
tula : Christus bonus, bona , bonum.
Quoiqu'il parût l'homme le plus doux
dans le commerce de la vie, il était très
mordant la plumell la main. Malgré ses
défauts , son érudition immense , et une
sorte de singularité dans les sujets qu'il
a choisis , ainsi que dans la manière de
les trailer , feront toujours rechercher ses
ouvrages. On distingue entre autres :
Erotemala de bonis et malis libris , c'est-
à dire Questions sur les bons et sur les
mauvais livres ; Symbola antoniand, Ro-
me, 1 G48, in-8, relatif aufeu Saint-Antoi-
ne; les HeterocUtaspiritualia, oîi il traite
des dévolions singulières et exotiques ,
que le goût de la solide piété semble ne
pas comporter. On trouve dans les autres
plusieurs questions qui sont d'une ori-
ginalité sans exemple. Parmi les satires
qui sont sorties de sa plume , il n'y en a
point de plus vive que celle qu'il publia
contre les dominicains , sous le nom de
Pet rus à Valle clausa. Les parleraens
d'Aix et de Toulouse condamnèrent cet
ouvrage au feu ; jugement où il y avait
autant d'humeur que de rigueur. Il avait
fait un livre en faveur du scapulaire ,
Paris, 1C53 , in-8 ; mais il désavoua en-,
suite ce traité, comme ayant été altéré
par une main étrangère depuis le com-
cement jusqu'à la fin. Les carmes ne
laissèrent pas de lui rendre des honneurs
funèbres dans tous les couvens de l'or-
dre. Toutes ses OEuvres , imprimées à
Lyon, 16G6-G9, en 20 vol. in-vol. , n'eu-
rent pas d'abord beaucoup de débit , et
Roissat, son imprimeur, mourut à l'hôpi-
35.
274 I^AZ
lal. Lapluparl des livres du Père Raynaud
avaienl déjà élé imprimés séparémeut,
et il avait eu la mortification d'en voir
mettre quelques-uns à YIndex. Ceus-ci
sont presque tous dans le tom. 20* , inti-
tulé : Apopompœus^ et imprimes avec la
souscription masquée de Craco vie. Foyez
HoRTADo Thomas. (Ou peut voir la liste
des ouvrages de Raynaud dans le 26
vol. des Me>«ojre.y de Nicéron.)
• R AYINAUD ( le Père ), pieux et mo-
deste oratorien , excellent prédicateur ,
né à Hyères , mort en 1790 , se distingua
par la simplicité , par la pureté de ses
mœurs, et par cette éloquence douce qui
parle au cœur. Un de ses plus célèbres
sermons est celui sur les spectacles.
" RAYINAULD ou RAAIN'OLD (Jean),
professeur de grec a Oxford , principal
du collège de Christ dans cette univer-
sité, doyen de Lincoln, mort le 21 mai
1607 , est principalement connu par son
livre intitulé : Censura librorwn apo-
cryphorum veteris Testamenti adver-
sus BeUarminum , 1611, 2 vol. in-4 ;
ouvrage où l'on trouve quelques bon-
nes et un plus grand nombre de mauvai-
ses critiques, à travers beaucoup d'inutili-
tés , selon Simon (Bibliol. crit. tom. 4,
p. 78-93). Il a fait encore plusieurs au-
tres ouvrages contre les catholiques ; ce
ne sont que des déclamations pleines de
fanatisme.
RAZIAS , un des principaui d'entre
les Juifs, qu'on appelait même le Père
du peuple, à cause de l'affection qu'il
lui portait , fut sollicité par Nicanor
[voyez ce mot) d'adorer les idoles. Ce
général fit entourer la maison de Razias
de cinq cents soldais. Celui-ci , voyant
que la porte allait être enfoncée , se
donna un coup d'épée pour ne point
tomber entre les mains des idolâtres , et
être l'occasion de leurs blasphèmes con-
tre le Seigneur ; mais parce qu'il n'était
point blessé à mort , il se précipita du
haut d'une muraille et tomba la tête la
première; il se releva, monta sur une
pierre escarpée, prit SCS entrailles à plei-
nes mains de son corps enlr'ouvert , et
les jeta sur le peuple , priant Dieu de le
venger etdeleressuscitcrun jour (2 Macb.
RAZ
14 ). Celte action a été diversement in-
terprétée. Quelques Pères , entre autres
saint Augustin , la condamnent ; d'au-
tres la regardent comme inspirée par le
maître de la vie et de la mort , pour qui
toutes les manières de disposer de nos
jours sont saintes et légitimes. Ce qu'il
y a de certain , c'est que , sans approu-
ver l'action , on peut louer l'intention
du courageux Israélite qui crut y voir •
un moyen d'affermir la foi et la con- ;
stancedeses compatriotes. Un judicieux |
théologien remarque qu'il ne faut pas
juger sur les règles communes de la mo-
rale chrétienne certaines actions extra-
ordinaires auxquelles les saints se sont
portés dans les transports d'une foi vive,
d'une charité ardente, ou d'une douleub
profonde à la vue de grands crimes et
d'outrages faits à Dieu. Oninia sanctorum
dicta vel fada ad accuratam nnrmam
exigenda non sunt. Ployez Apolline.
RAZILLY ( Marie de ) , morte à Paris
en 1707 , âgée de 83 ans, était d'une fa-
mille ancienne et noble de la province
de Touraine. Son goût pour les vers
alexandrins , qu'elle composait presque
toujours sur des sujets héroïques, lui fit
donner le surnom de CalUope. Parmi ses
poésies répandues dans différens re-
cueils, on dislingue son Placet au roi ,
déplus de 120 vers,enl0G7. Louis XIV
lui accorda une pension de 2 , 000 livres.
' RAZOUT(le comte Louis-Nicolas),
lieutenant-général, né à Paris en 1773,
d'une famille noble de Rourgogne, étudia
d'abord le droit , et entra ensuite comme
sous-lieutenant au régiment de la Sarre
en 1792. Il s'éleva de grade en grade, pen-
dant les campagnes de la révolution , f\it
aide de-camp du général Joubert en 1 79G,
etcolonel du 9'»* régiment en 1701. Sa
belle conduite à la bataille d'EyIau lui
valut, le 14 février 1807, le grade de
général de brigade. Employé en Espagne
en 1808 , il se distingua le 27 octobre à
l'attaque de Lerins sur la rive gauche de
l'Ebre, et fut nommé, le 31 juillet 1811,
général de division. Il commanda en cette
qualité dans la campagne de Russie, et se
distingua au combat de Valontina , à la
bataille de la Moskowa et dans latclraite
RAZ
de Moscou. Fait prisonnier à Dresde, il
se Irouvoit à Ilaab en Hongrie à l'époque
de la restauration de 1814. 11 adressa le
premier sa soumission au roi , et provo-
qua celle des officiers qui se trouvaient
avec lui. A sou retour en France, le roi
le créa chevalier de Saint-Louis. Lors de
l'invasion de Buonaparte, pendant les
Cent-j^rs il resta caché quelque temps :
cepenoantil se décida plus tarda prendre
du service, et fut chargé du commande-
ment de la 21^ division militaire à Bour-
ges, oîi il coopéra beaucoup au maintien
de l'ordre pendant le licenciement de
l'armée de la Loire. Le ministre de la
guerre lui avoit confié, en 1819, le com-
mandemant de la 3* division militaire à
Metz. Il y mourut à la suite d'une attaque
d'apoplexie le 10 janvier 1820.
* RAZZI (Sylvain), moine sous le pré-
nom de Jérôme, littérateur italien, né
eu 1527 à Marradi dans le diocèse de
Faenza , entra dans l'ordre des camal-
dules , cultiva la littérature sacrée et pro-
fane , et fut compté parmi les bons écri-
vains de son temps. Sa prose est claire
et correcte , et l'on trouve dans ses vers
du feu et de la facilité. Il eut plusieurs
désagrémens à essuyer de la part de ses
supérieurs, qui ne le voyaient pas avec
plaisir s'occuper de la composition de
pièces dramatiques , qu'on jouait sur les
théâtres de l'Italie. En effet, ces compo-
sitions ne convenaient pas trop à son
état de religieux. Dans la suite il n'écri-
vit que des ouvrages irréprochables. Il
mourut à Florence en 1611 , et a laissé :
\° La Cecca ,- La Balia , La Cnstanza ,
comédies ; La Gismonda -. Il Tancrc-
di , tragédies ; 2*> Recueil de prières à
J. C. et à la sainte Vierge , Florence,
1 .^5G ; 3" Miracles de la sainte Ficrge ,
ibid. , 1 576 ; 4" Vies de quatre hommes
illustres , les deux Uberti , ducs d'A-
thènes , Sili>estre de Mc'dicis , et Côme
de Médicislc ^/eu.T, Florence , 1580.
* RAZZI (Séraphin), célèbre domini-
cain et frère puîné du précédent , naquit
à Florence le 16 décembre 1531. 11 n'a-
vait pas encore 18 ans , lorsqu'il prit, le
28 juin lô'iO, l'habit monastique dans le
couvent de Saint-Marc de cette ville*. Il
RAZ ?75
professa pendant long-temps dans divers
couvens de son ordre, et il prêcha avec
succès. A ces avantages il joignait de la
piété, des mœurs douces, et du zèle pour
la discipline régulière. On lui confia la
supériorité de diverses maisons, la surin-
tendance des études, et, en 1587, il
était vicaire-général de sa province. H
composa divers ouvrages , dans la nom-
breuse liste de.squels nous nous borne-
rons à citer les suivans : 1° De lacis
thenlogicis prœlectiones, Pérouse, 1603,
in-4 . Le Père Razzi abrège ce qu'avait écrit
sur ce sujet Melchior Cano , docteur do-
minicain , et y rectifie ce qui pouvait
avoir échappé à ce célèbre théologien.
2" La Corona angelica , owero cinque
libri ne quali si traita in lingua vol-
gare délia sostanza degli angeli , délia
Inro intellezione, délia loro volonta, délia
loro erudizionc , e dclla loro amniinis
trazione , seguitando san Tomaso d'A-
quino ; 3° De incarnatione , coUationes
habit œ in gcnerali studio perusino, anno
1573 ; 4° Cento casi di coscienza , Flo-
rence , 1578 et 15S5, réimprimé plu-
sieurs fois à Venise et ailleurs. 5° Sum-
ma confessorum , seu sunima casuum
conscientiœ ; 6" Quattro libri sopra la
sfera del mnndo, etc. ; délia natura e
proprieta delV api , owero pecchie , da
gravi autori raccolta, etc. , imprimés à
Lucques ; 7° Lezzioni sopra Tobia , Fo-
ligno , 1 569 ; 8° des Sermons en très
grand nombre ; 9" Un libro di laudi
( senza poésie ) con la propria musica ,
Venise , 1 563 ; 1 0° /Z Rosarin délia Ma-
donna, in ottava rima , con le annota-
zioni inprosa, Florence, 1583. 1 1° L'in-
nario dominicano, con le annotazioni
in prosa , Pérouse, 1587 , in-4 ; 12° Vite
dei santi delsacro ordine de prcdicatori,
casi ominicome donne, Florence, 1577 ,
in-4; réimprimées, ibid., 1588, in-4,
avec beaucoup d'augmentations. Elles
ont été traduites en français par Jean
Blancoa de Toulouse, de l'ordre des frè-
res mineurs , sous ce titre : Vies des
saints et saintes , bienheureux et hom-
mes illustres de l'ordre sacre' de Saint-
Dominique , Paris , 1G16 , in 4. Cet ou-
vrage demandait des recherches infi-
m
37^
REA
nies. L'auteur raconte que dans le cours
seul de l'année 1572,ilfità pied plus de
900 milles d'Italie , et parcourut la mar-
che d'Ancône, la Romagne. la Lombardie,
le Piémont , pour \isiter les archives des
églises et des monastères , les bibliothè-
ques , les dépôts publics , consulter les
chroniques des lieux, et recueillir les ma-
tériaux nécessaires pour composer ces
vies. Il en publia beaucoup d'autres dont
nous nous dispensons de faire mention.
Le PèreMittarelli, dans su Letteratura fa-
ventina, en donne la nomenclature, avec
une notice de la vie de Razzi. Echard, dans
ses Scriptores ordinis prœdicntoriim ,
donne aussi une liste fort étendue de ces
mêmes écrits, à laquelle ceux qui désirent
plus de détail peuvent avoir recours. Il
n'assigne point la date de la mort du
Père Séraphin Razzi ; mais il dit qu'il
vivait encore en 1613, et il avait alors
82 ans.
* RÉ ( le comte Filippo ), célèbre pro-
fesseur d'agriculture et de ^olaniqiic ,
né en 1763 à Reggio, y mourut en 1817.
La clarté de son stile , l'assurance avec
laquelle il parlait, et les agrémens que sa
vaste érudition savait prêter aux sujets
qu'il traitait, attiraient à ses leçons un
grand nombre d'auditeurs. En 1798, il
publia à Parme ses Elemcnti de agricol-
tura, qui ont été adoptés dans toutes les
universités du royaume d'Italie. On a
encore de lui plusieurs autres ouvrages ,
parmi lesquels on cite un éloge de Pietro
Crescenzi. Les Annales encyclopédiques
du mois d'août 1817, contiennent une No-
tice sur Philippe Ré , trad. du journal
encyclopédique de Naples.
REAL (César "Vichard de Saint- ), fils
d'un conseiller au sénat de Chambéry ,
où il naquit en 1639, vint à Paris de
bonne heure^ et y prit la tonsure chez
les jésuites. Depuis, il ne fut connu que
sous le nom d'abbé de Saint-Réal. Varil-
las, auprès duquel il vécut quelque
temps, l'accusa de lui avoir enlevé quel-
ques papiers , et cette accusation n'a pas
été éclaircie. De retour dans sa patrie
en 1675, il fut chargé par Charles-Em-
manuel II d'écrire l'histoire d'Emma-
nuel l*',60u aïeul \ ou ignore s'il exé-
RÉA
enta ce projet , on croit même qu'il ne
reçut jamais celte mission. La duchesse
Mancini , nièce du cardinal Mazarin, s'é-
tant réfugiée en Savoie , goûta l'abbé de
Saint-Réal , et l'emmena avec elle en An-
gleterre , où il se lia avec le fameux
Saint-Evremond. (C'est à Londres que le
premier écrivit les Mémoires de la du-
chesse de Mazarin.)Ce voyage ayant dé-
rangé ses études, il vint à Paris et y de-
meura jusqu'en 1692, qu'il se rendit à
Chambéry , où il mourut vers la fin de
cette année. (A son second retour dans sa
patrie, en 1679, il fut nommé membre
de l'académie, fondée un au auparavant
par la duchesse douairière , Marie-Jean-
ne , qui le nomma historiographe de Sa-
voie.) Cet écrivain avait nue imagination
vive, une mémoire ornée; mais son goût
n'était pas toujours sûr. On lui reproche
d'avoir été d'une sensibilité puérile pour
la critiquc,vif et impétueux à l'excès dans
la dispute. Ses ouvrages parurent en
1745 , Paris (Nyon), 3 vol. in-4 , et 6 vol.
in-12. Les principaux sont : 1° sept Dis-
cours sur l'usage de l'Histoire , Paris ,
1671 , pleins de réflexions judicieu.ses ,
mais écrits sans précision ; 2° Histoire
de la conjuration que les Espagnols
formèrent en 1618 contre la république
de P^enise, 1618 et 1674. Ce morceau est
certainement romanesque à plusieurs
égards, et il est très vraisemblableqne le
fonds même manque de vérité. ( Voyez
CuEVA.) Il y règne un sens admirable
dans les réflexions , un coloris vigoureux
dans les portraits , et un choix heureux
dans les faits ; c'est dommage que tout
cela ne soit qu'un tableau d'imagination.
3° DonCarlos, 1672, in-12, nouvellehis-
torique , purement romanesque f voyez
Carlos don) ; 4° la Vie de Jésus-Christ ,
Paris , 1689. Il y a à la fin des remarques
qui sont estimées. 5° Discours de remer-
cîmcnt , prononcé le 13 mai 1080 à l'aca-
démie de Turin , dont il avait été reçu
membre dans un voyage qu'il fit cette
année en celte ville. 6" Relation de FA-
postasiede Genève. Cet ouvrage, curieux
et intéressant , est une nouvelle édition
du livre intitulé Levain du calvinisme ,
composé par Jeanne de Jussie, religieuse
1
REA
de Sainte Claire à Genève. L'abbé de S;iiiit-
Réal en letoucliale stile, et le publia sous
«n aulre titre. 1" Cc'snrion ou divers
Entretiens curieux ; 8" Discours sur la
valeur, adressé à l'électeur de Bavière
en IC88. Cest une des meilleures pièces
de Sainl-Réal. 9" Traite' de In critique ;
1 0" Traduction des Lettres de Cicc'ron
à Atticus, 2 vol. in 12. Celte traduction
ne contient que les deux premiers livres
des épîtresk Atlicus , avec la deuxième
Jcltre du premier livre à Quintus. 11"
Plusieurs Lettres. Les autres ouvrap^es
de cet auteur sont : La Conjuration
des Gracques, celle de Pison, des opus-
cules sur César ^ Marius ,SyUa , etc.
Son stile est plus dur que fort, et plus
élégant que correct. En 1757 , l'abbé
Pérau donna une nouvelle et jolie édi-
tion de toutes les OEuvres de cet au-
teur, en 8 petits vol. in-1 2. Ce n'est qu'une
réimpression de celle qu'il avaitdonnéeen
1745. (Ou a publié ses OEuvres choisies
précédées d'une notice sur sa vie par M.
Ch. Malo, Paris, 1819, 1 vol-in. 8. M. de
Neuville a donné l'Esprit de Saint-Réal,
in-1 2.)
REAL (Gaspard de), seigneur de
Curban et grand sénéchal de Forçai -
quier, né à Si.sterou en 1G82, et mort à
Paris en 1752 , se distingua par ses la-
lens pour la politique. On a de lui un
Traité de la Science du Gouvernement :
ouvrage de morale, de droit et de politi-
que. Aix-la-Chapelle (Paris), 17G2-G4 G3,
8 vol. in-4. Il contient les principes du
commandement et de l'obéissance, où
l'on réduit toutes les matières du gou-
vernement en un corps unique, entier
dans chacune de ses parties , et où l'on
explique les droits et les devoirs des sou-
verains , ceux des sujets, ceux de tous
les hommes en quelque situation qu'ils se
trouvent. On n'y rencontre pas les para-
doxes ni la morgue des philosophe du
temps. — REAL , abbé de Lure, neveu du
précédent, né à Sisteron en 1701 , mort
en 1774, est auteur d'un ouvrage inti-
tulé Dissertation sur le nom de la fa-
mille qui règne en France , 1762, 1 vol.
in-1 2.
' REAL ( André ) , convenlionncl, ne
REA 27;
à Grenoble eu 17 55 , était avocat avant
la révolution. L'enthousiasme avec lequel
il embrassa la cause des novateurs poli-
tiques le fit nommer président du direc-
toire du district de Grenoble. Il occupait
cette place, lorsqu'en 1792 il fut élu par
son département député à la Convention
nationale. Dans le procès du roi il vota
d'abord contre la compétence de l'assem-
blée ; mais la Convention s'étant arrogé
le droit de juger Louis XVI , il appuya la
proposition faite de n'ouvrir la discussion
que trois jours a[)rès l'impression et la
distribution de la défense de ce prince :
cette proposition ayant été rejetée , il
demanda qu'au moins la discussion fût
continuée jusqu'après l'impression. Lors-
que l'on en vint à recueillir les suffrages,
il déclara qu'il r.e votait pas comme juge.,
mais comme législateur, et se prononça,
par mesure de sûreté générale , pour la
détention provisoire , sauf commutation
en un exil dans un temps plus calme ; il
ajouta (\\i'\\ aimerait mieux que les droits
dont Louis avait été revêtu , repassas-
sent sur sa tête flétrie et humiliée que
de les voir réunis sur celle de tout autre
Bourbon. Du reste il vota pour l'appel
au peuple et pour le sursis. Plus lard il
fit plusieurs rapports au nom de comité
des liiianccs dont il était membre , fut
envoyé plusieurs fois en mission , dé-
fendit, à4'époque du 31 mai 1793, Buzot
qui passait pour être le chef des Giron-
dins , vota la suppression du maximum
et la levée du séquestre des biens des
étrangers , enfin appuya la proposition
faite de restituer les biens des condamnés.
Un journal , et , d'après ce journal , une
biographie prétendait qu'il demanda l'a-
journement de cette dernière question,
ce qui est faux. On peut assurer que
Real était un des membres les plus mo-
dérés de la Convention , et qu'il vota
contre toutes les mesures de rigueur.
Envoyé dans le mois de germinal an 3
en mission près de l'armée des Alpes et
de l'Italie , son premier soin fut de met-
tre en liberté tous les ecclésiastiques et
les religieuses qui étaient emprisonnés
pour opinion politique ; mais , lorsqu'il
fut arrivé à Nice , il signala les mouve-
278
REA
meas survenus à Toulon , à Âix el à Mar-
seille , les comprima de concert avec le
général Kellermana , et rendit compte
à la Convention des mesures qu'il avait
prises. Ce fut Real qui annonça les divers
succès remportés par l'armée des Alpes
au mont Saint-Bernard. Réélu eu l'an 4
( 1796 ) par. le département de l'Isère,
il fit partie du conseil des Cinq- cents.
C'est dans cette assemblée qu'il combat-
tit la proposition qui avait été faite de
percevoir l'impôt foncier en nature ,
démontrant que ce mode de perception
était plus dispendieux, et par conséquent
plus onéreux pour les contribuables.
Nommé secrétaire du conseil le 21 dé-
cembre 1795 , il présenta peu de temps
après un projet sur le régime hypothé-
caire , dont les principales dispositions
furent consacrées par la loi du 1 1 bru-
maire an 11. Après avoir appuyé d'au-
tres projets de loi , il sortit du conseil
par la voie du sort, dans le mois de mai
1797 . Rentré dans ses foyers, il fut nom-
mé presque aussitôt commissaire-central
du département de l'Isère; en 1801 juge
à la cour d'appel de Grenoble, et en 1812
président de chambre dans la même cour.
Le 30 novembre 1815 Real donna sa dé-
mission. Compris dans la liste des an-
ciens conventionnels qui devaient sortir
de France , en exécution de l'article 7 de
la loi du 12 janvier 1816 , Real réclama
contre cette erreur ; car il n'était point ré-
gicide, n'avait pas signé l'acte additionnel
pendant les Cent-jours, et n'avait rien ac-
cepté de ce gouvernement éphémère. Le
1 1 avril 1816, il obtint du conseil du roi
un sursis indéfini qui l'autorisait à rester
dans ses foyers , et une décision royale
du 26 septembre 1819 déclara que la loi
du 12 janvier ne lui était pas applicable.
Real a vécu dès lors dans la retraite : il
est mort à Grenoble le 19 octobre 1832
dans la 78« année de son âge. 11 était
président honoraire de la cour royale de
Grenoble.
RÉAUMUR (René-Antoine Fekchault,
sieur de), naturaliste et physicien célèbre,
né à La Rochelle en 1683 d'une famille
de robe, quitta l'étude du droit pour s'ap-
pliquer ii la physique. Use rendit à Paris
REA
en 1703 , et en 1708 il fut agrégé à l'a-
cadémie des Sciences Depuis ce momen t,
il se livra tout entier à l'étude de l'his-
toire naturelle. Ses mémoires sur la for-
mation des coquilles , sur les araignées ,
sur les filières , les moules , les puces
marines, etc. , lui firent un nom distin-
gué. Mais il se rendit surtout utile par
un ouvrage intitulé : VArt de convertir
le fer forgé en acier, et Vart d'adoucir
le fer fondu et de faire des ouvrages de
fer fondu aussi finis que le fer forge',
1 vol. in-4 , 1722. Le duc d'Orléans , ré-
gent , crut devoir récompenser ces ser-
vices rendus à l'état par une pension de
12 ,00 liv. ; Réaumur , voulant la rendre
perpétuelle, ne l'accepta qu'en deman-
dant qu'elle fût mise sous le nom de l'a-
cadémie , qui en jouirait après sa mort.
Ce fut à ses soins qu'on dut les manufac-
tures de fer-blanc établies en France ; on
le tirait autrefois de l'étranger. La patrie
lui fut encore redevable de l'art de faire
de la porcelaine. Ses premiers essais en
ce genre réussirent parfaitement. Il con-
trelitmêmela porcelaine de Saxe, et trans-
porta par ce moyen dans le royaume un
art utile et une nouvelle branche de
commerce. Un autre travail intéressant
pour la physique est la construction
d'un nouveau thermomètre , au moyen
duquel on peut conserver toujours et dans
toutes les expériences , des degrés égaux
de chaud ou de froid. Ce thermomètre
porte son nom et a fait oublier ceux de
Drebbel, d'Amontons, de La Hire, etc.
Celui de Fahrenheit, que les Allemands
ont voulu lui substituer, n'en a ni la
simplicité ni la sûreté {voyez Fahren-
heit ) ; de manière qu'on lui doit la per-
fection d'une découverte beaucoup plus
ulile etplus importante que tant d'autres
dont on a fait beaucoup plus de bruit.
« Car avant l'usage du thermomètre , dit
» un physicien célèbre , comment pou-
>» vait-on juger des différentes tcmpéra-
» turcs de l'air, de celle des lieux oii il
» nous importe qu'elle soit d'un degré
» détermine, de l'état d'un certain mé-
» lange , de certaines compositions dont
» le succès n'est sûr qu'autant qu'on y
« eolrelient telle ou telle chaleur? Con-
IIEA
» naissait-on d'autres refroidissemens
M que ceux dont on s'apercevait par le
» toucher , signe loul-à-fait équivoriue ?
» Savait-on que dans les caves profondes
» et dans les antres souterrains il ne fait
« ni plus chaud en hiver ni plus froid en
» été que dans toutes les autres saisons de
» l'année , et que s'il y a des dififérences ,
» elles sont très peu considérables? Sa-
» vait-on que l'eau qui bout longtemps
» ne devient pas plus chaude qu'après les
M premiers bouillons ? Enfin, sans lelber-
M momètre , se serait-on jamais douté
)> que dans les pays les plus chauds, sous
» la ligne équinoxiale , la plus grande
» chaleur n'excède pas celle que nous
» éprouvons quelquefois dans nos climats
» tempérés ? Aurait-on su, et l'aurait-on
» pu croire, qu'il y eut un pays habité
M par des hommes où le froid devient en
)) certaines années deux fois aussi grand,
» et même davantage, que celui qui
» causa tant de désordres en 1709 en
w France et dans plusieurs autres parties
w de l'Europe ? Le physicien , guidé par
» le thermomètre , travaille avec plus de
V certitude et de succès ; le bon citoyen
M est mieux éclairé sur les variations qui
M intéressent la santé des hommes et les
M productions de la terre ; et le particu-
» lier qui cherche à se procurer les com-
» modités de la vie est averti de ce qu'il
» doit faire pour habiter pendant toute
» l'année dans une température à peu
» près égale , et éviter d'échauffer trop
» des apparlemens , afin de ne pas s'ex-
« poser à des températures trop con-
» traires, subites et dangereuses. C'est
» en l'observant qu'on donne à la chambre
»> d'un malade, ou à une serre, la tem-
» pérature convenable. » L'illustre obser-
[irateur composa V Histoire des rivières au-
rifères de France , et donna le détail de
cet art si simple qu'on emploie à retirer
les paillettes d'or que les eaux roulent
dans leur sable. Une tentative qu'on
croyait d'abord beaucoup plus impor-
tante fut de nous donner l'art de faire
éclore et d'élever les poulets et lesoiseaux
comme il se pratique en Egypte, sans
faire couver des œufs ; mais cette tenta-
tÎTC fut infructueuse , et dans la pratique
REA 979
il n'a jamais été dédommagé de ses peines
ni de ses dépenses, l'ne collection d'oi-
seaux desséchés, qu'il avait trouvé le se-
cret de se procurer et de conserver , lui
donna lieu de faire des expériences sin-
gulières sur la manière dont les oiseaux
font la digestion de leur nourriture. Dans
le cours de ses observations , il fit des
remarques sur l'art avec lequel les dif-
férentes espèces d'oiseaux savent con-
struire leurs nids. Il en fit part à l'acadé-
mie en 1756, et ce fut le dernier ouvrage
qu'il lui communiqua. 11 mourut le 17
octobre 1757, âgé d'environ 7 5 ans, des
suites d'une chute , en sa terre delaBer-
mondière dans le Maine , où il était allé
passer les vacances. Réaumu? était un
physicien plus pratique que spéculatif;
observateur infatigable , dont tout arrê-
tait l'attention , tout excitait l'activité ,
tout appliquait l'intelligence. Ses ouvra-
ges font assez connaître l'étendue de son
esprit. I! est peut-être trop diffus ; mais
ce défaut est une nécessité dans les ou-
vrages d'observation , et il a traité sa
matière avec autant de soin que de clarté
et d'agrément. Il est vrai qu'il a quelque
fois trop généralisé le résultat et les
conséquences de ses observations, et
qu'il a trop précipitamment conclu la
fausseté de quelques anciennes opinions
fondées sur des expériences plus vraies
et plus constantes que les siennes. (Réau-
mur procura au verre une blancheur et
une opacité qui le fait ressembler , en
quelque sorte, à la porcelaine. L'incuba-
tion , ou l'art de faire pondre les œufs ,
inventée par lui, a été de nouveau essayée
avec un avantage réel. Il a indiqué lit
manière d'empêcher l'évaporation des li-
queurs par le mercure ; il a perfectionné
la suspension des voitures et l'emboîte-
ment des essieux. En 17 11 , il retrouva
un coquillage dont le suc fournit une
teinture analogue à la pourpre des an-
ciens , et a cherché à tirer parti même de
la soie des araignées. Son Mémoire à ce
sujet , de 1710 , fut traduit en mantchou
par le Père Parrennin , par ordre de l'em-
pereur de la Chine. ) Les qualités de son
cœur le rendaient encore plus estimable
que celles de son esprit. La douceur de
28o REB
son caractère, sa bonté, la pureté de ses
mœurs et son exactitude à remplir les
devoirs de la religion en faisaient un
citoyert aussi respeclalilc qu'ainiiible.
Ses ouvrages sont: l"un très grand nom-
bre de Mémoires et à' Observations sur
diflféreus points d'histoire naturelle. Ils
sont imprimés dans la collection de l'a-
cadémie. 2° L'Histoire natiirclL des
insectes ^ en 6 vol. in-4. Tout n'y est pas
exact , et quelques unes de ses assertions
ont été corrigées par des observations
plus récentes ; mais en général l'ouvrage
est curieux, intéressant , et le fruit de
beaucoup d'application.
RÉBECCA , fille de Balhuel et petite-
fille de I\»ichor, frère d' Abraham. Eliézer,
intendant de la maison de ce patriarche ,
étant allé en Mésopotamie chercher une
femme pour le iilsdc son maître, aperçut
I\ébecca qui, étant venue à la fontaine,
s'en retournait à Haran , portant sur son
épaule sa cruche pleine d'eau. Le servi-
teur d'Abraham ayant reconnu que c'é-
tait celle que le Seigneur destinait à son
maître, l'obtint de Bathuel, et l'amena
à rsaac , qui demeurait alors à Béersabée
dans la terre de Chanaan. Elle demeura
vingt ans avec son mari sans en avoir
d'enfans ; après ce temps, les prières
d'Isaac lui obtinrent la vertu de conce-
voir, et elle devint mère de deux jumeaux,
dont le premier fut surnommé Esaû et
l'autre Jacob. Rébecca eut toujours plus
d'inclination et de tendresse pour Jacob
que pour Esaii , parce que , sachant les
desseins de Dieu sur Jacob , elle réglait
ses sentimens sur ceux de la souveraine
et éterxielie justice. Comme il lui avait
été révélé que le plus jeune de ses enfans
jouirait du droit de l'aîné, sa foi la tenait
attentive à tous les événcmcns. L'ouvrage
commença par la cession que fit de ce
droit Esaû pour un plat de lentilles ;
mais il fallait faire confirmer cette ces-
sion par la bénédiction de son père , et
c'est ce que fit Rébecca dans le temps.
Quand elle sut qu'Isaac se préparait à
bénir Esaii, elle fit couvrir Jacob des
habits de ce dernier et le substitua à son
frère. Esaii , désespéré de se voir sup-
planté par son cadet , jura de se venger
REB
quand Isnac serait mort ; el Rébecca , le
craignant, engagea Isaac à envoyer Jacob
en Mésopotamie, pour y épouser une des
filles de son oncle Laban. Depuis ce
temps , l'Ecriture ne nous dit plus rien
de Rébecca, sinon qu'Isaac fut mis dans
le tombeau avec elle. Quoiqu'on np
puisse pas blâmer cette tendre et ver-
tueuse mère d'avoir assuré à son fils les
avantages de la primogénilurc que son
frère lui avait vendue, et qui dans les
vues de la Providence lui étaient dévolus,
l'on n'est pas obligé pour cela de jus-
tifier toutes les circonstances de cet évé-
nement et tous les moyens qu'elle y fit
servir. ( roy. Jéuu. ) Cependant saint
Augustin l'excuse de mensonge, parce
que son dessein ne l'ut pas de tromper
Isaac, mais de lui faire faire ce qu'il
fallait, et qu'il se fût trompé aii contraire
en donnant la première bénédiction à
Jacob. Il est vrai aussi que, quoique au-
cune espèce de mensonge ne soit per-
mise dans aucun cas, cette morale pure
et sévère n'a pas toujours été également
connue. On a pu se persuader innocem-
ment, quoijque faussement, que dans des
affaires justes et louables il était permis
de n'être pas toujours sincère. Si des
saints Pères ont cru pouvoir adopter
cette opinion avant que l'Eglise eût paru
la rejeter , il ne faut pas s'étonner que
dans les temps de la première simplicité
on l'ait regardée comme véritable.
"REBECQUE.royes Constant de Rk-
BECQUE.
REBELLUS ( Ferdinand), jésuite por-
tugais, né à Prado en 1547, mort çn
1608, est le premier des théologiens qui ,
a attaqué le probabilisme. (/^. Gonzalez
Thyrsc. ) Il enseigna long-temps la phi- j
losophie et la théologie à Evora. On a de ■
lui un ouvrage ample et érudit sur les j
obligations de justice , de religion et de j
charité. v '
* REBOLLEDO ( Le comte Bernardin !
de ) , général , diplomate et poète espa-
gnol , naquit à Léon en 1597 d'une fa-
mille illustre. A l'âge de 1 4 ans il em- l
brassa l'état militaire, et servit contre !
les Turcs dans la guerre terminée par la
bataille de I-épante, gagnée par les Ksjjf-
t
REB
gno's sous le règne de Philippe II. Re-
bolledo fut nommé commandant d'une
galère en Sicile, et se distingua à la
prise d'Aibenga, d'Onella , de Port-Mau-
rice elduchaleaudeVenlimiIia.il reprit,
en 1626, le service de terre, et acquit
une nouvelle gloire à la prise de Nice et
de Casai. Six ans après, il passa en Flan-
dre, où il obtint une compagnie de lan-
ciers. Rebolîedo possédait à la fois des
talens militaires et politiques dont Phi-
lippe IV sut profiter . il l'envoya en 1 636
en Allemagne pour solliciter des secours
des princes de l'empire et de l'empereur
Ferdinand 11. Il s'acquitta avec honneur
de cette mission difficile, et Feidinand
le nomma comte de l'empire. Rebolîedo
servit ensuite dans les guerres contre les
Français, et il se fit remarquer dans toutes
les occasions et par ses talens et par son
courage. Rappelé à Madrid , il repassa
encore en Allemagne , chargé des négo-
ciations les plus importantes. L'empereur
Ferdinand le créa alors capitaine géné-
ral de l'artillerie et gouverneur du Bas-
Palatinat. A son retour en Espagne , il
fut nommé président du conseil suprême
de Casti.le. Il s'était couvert d'honneur
dans toutes les places qu'il avait occu-
pées; mais c'est dans son ambas.sade au-
près de Frédéric III , roi de Danemark,
qu'il déploya toute l'étendue de ses ta-
lens : il demeura à Copenhague près de
•vingt ans. Chargé d'infirmités, il revint
à Madrid et y mourut en 1677 , âgé de
quatre-vingt ans. Ses différentes occupa-
tions ne l'empêchèrent pas de cultiver
la poésie, et il mérita un rang distingué
parmi les bons poètes de sa nation. Ses
vers , où il suit les traces de Boscan et de
Garcildsso, sont pleins de pensées neu-
ves , et écrits d'un slile correct et har-
monieux. Ses principaux ouvrages sont :
1 ° Mes Inisirs ; 2" Foret militaire et po-
litique, 3" Forêt danoise. C'est un poème
historique sur le Danemarck, qui con-
tient en outre les généalogies des sou-
verains de ce royaume. Il a traduit en
beaux vers les Psaumes de David , les
Lamentations de Jérémieet leZ-iVrede
Job. Ces ouvrages, tous en espagnol,
.911I été imprimés à Copenhague et à Au-
XI,
REB 281
vers, et ont eu plusieurs éditions. La meil-
leure est celle de Madrid, 177 8,4 vol. in-8.
REBOULET (Simon ), historien , né
à Avignon le 9 juin 1687 , mort dans la
même ville en 1762, fit de bonnes études
chez les jésuiles de sa patrie. Il prit du
goût pour cet état , l'embrassa , et fut
obligé de le quitter par défaut de santé.
Il tourna alors ses éludes du côté de la ju-
risprudence, se fit recevoir avocat dans
l'université d'Avignon et fréquenta assi-
dîiment le barreau. Il rempissait les
fonctions d'avocat et de juge avec ap-
plaudissement, lorsque des vomissemens
de sang réitérés l'obligèrent d'abandon-
ner l'une et l'autre. Peu de temps avant
sa mort, l'université, dont il était mem-
bre, l'honora de la charge deprimicier.
Une élude plus ou moins sérieuse l'occu-
pa toute sa vie; celle de l'histoire lui ser-
vaitde délassement. Les ouvrage que nous
avontdelui en ce genre sont t l"l Histoire
de la congrégation rfe.» Filles de V Enfan-
ce de Jésus-Christ, 1734,2vol. in-12. Ses
anciens confrères lui en fournirent les mé-
moires.(Cette congrégation, fondée à Tou-
louseen 1662parmadamedeMondonville,
fut supprimée par ordre de la cour en
1686.) Beaucoupde personnesont dit que
Reboulet n'était pas l'auteur de celle his-
toire, puisque, dil-on, le manuscrit avait
été vu à Paris avant qu'il fût imprimé. La
seconde partie de cette allégation peut
être vraie ; mais la picmière est absolu-
ment fausse. L'abbé Juliard attaqua cet
ouvrage; Reboulet fit une Réponse pour
en détendre la \C'rilé;mais le marquis de
Gardouche, neveu de madamedeMondou-
ville, jugea que l'autorité valait mieuy que
les raisons, et obtint en 1738 un arrêt au
parlement de Tou'ou.se qui condamna cet-
te Réponse et V Histoire au feu • genre de
réfulalionqui n'affaiblit pas toujours la vo
gued'un ouvrage, elqui fil rechercher da-
vaulage celui-ci, écrit avec art et d'une ma-
nière très intéressante. L'on ne peut cepen-
dant s'empêcher de croire qu'il n'y ait de
l'exagération dans quelques récits, et de
regarder les moyens employés pour dévoi-
ler les secrets de la maison comme peu con-
formes à lacandeuret à lasimplicilé chré-
tienne. En vain dirait-on qu'il est permis
3(J,
de combattre la fraudepar la fraude , de
découvrir par un mensonge utile et com-
mandé des impostures funestes et odieu-
ses ; ce peut bien être là un principe de
politique mondaine, mais ce ne sera ja-
mais la morale de l'Evangile. ( Foyeziv-
LiARD ET MoNDOSviLLB. ) 2" Mémoires du
chevalier de Forbin , 2 vol. in-12, rédi-
gés sur les manuscrits de ce célèbre ma-
rin : ils sont pleins de faits curieux dont
quelques-uns sont basardés ; 3" Histoire
de Louis XIF , Avignon, 1742-44, en
3 vol. in-4 , et en 9 vol. in-12 , écrit avec
trop de sécheresse. En beaucoup d'en-
droits, elle ressemble a une gazette ; il y
en a de plus ornés, et en général cette ,
histoire se fait lire avec plus de plai.sir
que celle de Larrai et de La Martinière.
On y trouve quelques faits altérés, parce
que l'auteur écrit souvent d'après des mé-
moires peu sûrs, mais plus encore parce
que l'esprit national a séduit l'impartia-
lité de l'auteur. Les succès des Français
sont toujours exagérés , et ceux des en-
nemis presque réduits à rien. 4° His-
toire de Clément XI, 2 vol. in 4 , sup-
primée en France à la prière du roi de
Sardaigne, dont le père ( Victor-Amédée )
y était maltraité. Ce prince avait persé-
cuté les jésuites, et l'ex-jésuite Reboulet
ne pouvait le peindre qu'avec des cou-
leurs désagréables. Celte histoire est
écrite d'ailleurs avec netteté et dans un
assez grand détail. Laiitau a traité le
même sujet, mais d'une manière moins
développée. ( On trouve des détails sur
Reboulet dans les M émof/;es de littérature
de l'abbé d'Artigny. )
REBUFFE ou Rebuffi ( Pierre), ju-
risconsulte, néàBaillargues,àdeux lieues
de Montpellier, en 1 4 S7, enseigna ledroit
avec beaucoup de réputation à .Montpel-
lier, à Toulouse, à Cahors , à Bourges,
et enfin à Paris. Son mérite engagea le
pape Paul III à lui offrir une place d'au-
diteur de rote à Rome. On voulut aussi
lui faire accepter une charge de conseil-
ler , puis de président au grand conseil ,
et successivement une de conseiller aux
parlemens de Rouen, de Toulouse, de
Bordeaux et de Paris; mais il préféra le
re^os à toutes les places, Son amour
REC
pour la vertu l'ayant engagé dans l'état
ecclésiastique en 1547 , il fut élevé au
sacerdoce i l'âge de GO ans Cet habile
homme mourut dix ans après, à Paris,
en lâ57. Il possédait le latin , le grec ,
l'hébreu. Sa modestie relevait son savoir.
On a recueilli ses ouvrages à Lyon en S
vol. in-fol.,l58G et années suivantes. Les
principaux sont : 1 ° Praxis bcneficinrum ;
2" un Traité de la bulle In cœna Domini.
( Voyez Pie V. ) 3" des Notes sur les rè-
gles de la chancellerie ; Commentaires
sur les édits et les rois de France , sur
les Pandectes , etc. Tous ces ouvrages
sont en latin , fort savans et sagement
écrits , dans les bons principes de juris-
prudence et de morale chrétienne.
RECAREDE 1", 17' roi des Visigoths
en Espagne, succéda à Leuvigiide, son
père, en 586. Il remporta quelques avan-
tages sur Contran, chef des Francs, près de
Carcassonne, abjura l'arianisme à l'exem-
ple d'Hermenigilde son frère, et fit em-
brasser la religion catholique à ses sujets.
Ce n'est pas le seul service qu'il leur ren-
dit; il en fut le bienfaiteuret le père. C'est
par ses soins que fut assemblé le 3* con-
cile de Tolède en 589 , dont il appuya les
décisions de l'autorité royale. Ce bon
prince mourut en 601. Saint Léandre
rend un beau témoignage à ses vertus et à
son zèle. ( Ce prince est le héros d'un
poème latin de P. — J. Mayre. }
RECHENBERG ( Adam ) , théologien
protestant, né à Meissen dans la Haute-
Saxe, en 1642, fut professeur en lan-
gues, en histoire, puis en théologie à
L^ipsick, où il mourut en 1721 , après
avoir été marié quatre fois. On a de lui :
1° quelques TAvres de controverse ; 2°
des £'rfi7/o/j5 d'Athénagore , des Epitres
de Roland des Marels, de VObstetrix
animarum du docteur Edmond Richer ,
Leipsick, 1708, in-12, et de VHistoriœ
nummarice scriptores , ibid., 1602,2
vol. io-4 ; Z^Fundamenta religionis pru-
dcntium, dans \e Syntagma dissertatio-
num philolngicarum , Rotterdam , 1699 ,
in-8, et 1708, in-12.
RECHENBERG (Charles-Othon), fils
du précédent, né à Leipsick en 1689,
devint professeur en droit l'an 1 71 1 , fut
RËD
décoré du titre de conseiller, et mourut
en 1751. Ses ouvrages sont : 1° Insiitu-
tiones jurispvudentiœ naturalis ; 2° In-
stitutioncs juris publici; 3° Régulée jitvis
priva a.
* RECUPERO ( Alexandre ) , savant
antiquaire italien , naquit à Catane eu
1740, d'une famille noble. Une dispute
fàcheiise qu'il eut avec un des principaux
de la ville, et qui fut suivie d'un duel,
l'obligea à quitter sa patrie. Il changea
alors son nom en celui d'Alexis Molta ,
voyagea en Italie et se fixa à Rome , où
il se livra à son élude favorite. Ou lui doit
une riche collection de médailles consu-
laires, par lesquelles, après une applica-
tion noninlerronipue pendant 30 années,
il parvint à connaître les familles romaines
et les signes qui les caractérisent. Il por-
ta surtout ses observations sur les as et
sur les divisions des as qui les distinguent.
LeMagasin encyclopédique renferme une
lettre que Recupero adressa, en l'année
1797 , à M. Saiht-Vincent d'Aix, et dans
laquelle on trouve des notions fort impor-
tantes sur le recueil de l'antiquaire ita-
lien. Il mourut à Rome en octobre 1803.
Les seules médailles romaines qu'il a
laissées furent évaluées à 6,000 écus
romaihs. Il possédait aussi un uombrc
considérable de médailles ou teisères de
plomb. Voici les titres dequelques-uns de
ses manuscrits: 1° f^era assium origo ,
natura et celas ; 2'^ Institutio stemma-
tica , sive de vera stemmatum romano-
rum natura atque differentia ; 3° Anna-
les familiarum romanaruin ; 4° Annales
gentium historico-numismaticœ , sivede
origine gentium , seu familiarum roma-
narum dissertatio ,- à" Fétus RÔmano-
rum numerandi modus , nunc primum
détectas , etc.
R£DI ( François) , savant naturaliste,
né à Arezzo en 1026 d'une famille noble,
devint premier médecin des grands-ducs
de Toscane, Ferdinand II etcômelll. Il
travailla beaucoup au Dictionnaire de
l'académie de la Crusca , dont il était
membre; mais il se signala surtout par ses
recherches dans la physique et dans l'his-
toire naturelle. Cet habile naturaliste fut
trouvé mort dans son lit, le P' marsl697,
RED 283
à 71 ans. Quoiqu'il fût sujet à plusieurs
maladies, entre autres à l'épilepsie , il
, ne voulut jamais abandonner l'étude. On
a de lui : 1" des Poésies italiennes. Son
Bacco in Toscana est un poème agréa-
hle,qu'il a accompagné de notes savantes;
2° d'excellens ouvrages de philosophie et
d'histoire naturelle. On imprima à Ve-
nise, en 1 7 1 2-17 26, le Recueil de ses OEu-
vres en 6 vol, in-8 ; et à Naples, eu 1 7 4 1 ,
6 vol. in-4 : ils sont en italien. On a im-
primé séparément ; 1° ses Expériences
sur la génération des animaux , Flo-
rence, 1668 , in-4; eu -latin, à Amster-
dam, 1688 , 2 vol. in-12. Il y combat le
faux système delà génération des insectes
par la pourriture. 2"* Observations sur les
vipères, 1664, et en latin, 1678; 3° jE'.r-
périences sur les c/ioses naturelles qu'on
apporte des Indes , 1671 , in-4 ; en la-
tin, Amsterdam , 1685. Il ne s'y montre
guère prévenu en faveur des remèdes
étrangers. Redi ne haïssait rien tant que
la multitude des médicamens dont on
accable ordinairement les malades ; sa
méthode était simple. (Indépendamment
de son talent pour la médecine , Redi est
considéré , co mme poète , parmi les clas-
siques italiens. Ses OEuvres ont été re-
cueillies à Venise en 1712, 6 vol. in-8 ,
et à Naples ,1741,6 vol. in-4.)
* REDING ( Aloys , baron de ) , célè-
bre général et landamann suisse , né
en 1755 d'une famille distinguée du can-
ton de Schwith, entra d'abord au service
d'Espagne, qu'il quitta en 1788 pour se
retirer dans sa patrie. Lors de l'irruption
des Français en Suisse , il se mit à la tête
des milices de Schwitzavec lesquelles il
fit des prodiges de valeur. Il osa même,
le deux mai 1798 , livrer bataille aux
Français , fort supérieurs en nombre ,
et il les chassa de la plaine de Morgar-
ten, déjà si fameuse par la victoire rem- ■
portée sur les Autrichiens en 1315, sous
la direction d'un de ses ancêlres Rodol-
phe Redingue de Biberegg. Si tous les
autres cantons eussent opposé la même
résistance, les troupes françaises au-'
raient été, infailliblement chassées de la
Suisse ; mais venant d'accepter la nou-
velle constitution qui leur était dictée ,
a8)î REE
Bedingue conseilla au sien d'y souscrire.
Il ne lepaïul sur la scène poliliqiiequ'a-
près le Irailé de I-uncville : el lorsque le
gouvernement central ouvrit à Berne , le
1" septembre 1801 , une dièle générale
pour lui soumcllrele plan d'une organi-
sation définitive, Reding défendit avec
énergie les anciennes libertés des petits
cantons, contre le parti révolutionnaiie
qui soutenait le principe de l'unilé ab-
solue. La proposition que fit Reding
n'ayant pas été admise , il partit à l'im-
proviste avec les députés de Schwilz,
d'Underwald etd'Uri , et détermina ain-
si une scission qui finit par obtenir la
majorité. On procéda alors à la forma-
tion du gouvernement central, qui fut
composé d'un sénat et d'un conseil exécu-
tif, dont les rênes furent remises à Re-
ding , avec la dignité de premier jaiida-
mann de l'Helvétie. Buonaparte ayant
refusé de communiquer avec cette ré-
gence, Reding se détermina à se rendre
à Paris , pour connaître enfin les vérita-
bles intentions de la France. Il obtint eu
partie ce qu'il demandait ; mais ayant
été destitué peu après son retour en Suisse
par le parti qui lui était opposé, la guerre
lecommença entre les cantons. Redingrem-
porta sureux de nouveaux avantages, et fi-
nit par être arrêté par ordre du général
français, qui le fit transférer à la forteresse
d'Arbourg, d'où on lui rendit la liberté
peu de temps après. En 1803, il futélulan-
damann du canton de Scliwitz, et il as-
sista en cette qualité, le 5 juin 1809 , à
la diète de Fribourg. Après les funestes
désastres delà France en 1812 et 1813,
il fut cboisi par les cantons pour se ren-
dre à Francfort auprès des souverains ai-
lits, afin d'obtenir une jneutralité qui
n'était qu'apparente; le passage du Rhin,
qui s'effectua peu après sur le territoire
suisse, ne laisse aucun doute à cet égard.
Reding mourut à Schwilz dans les pre-
miers jours de février 1818.
* RÉES ( Abraham), ministre anglais,
né vers 1743 dans le nord du pays de
Galles, d'un pasteur protestant, professa
les mathématiques à l'institution d'Hox-
ton près de Londres oii lui-même avait
terminé ses études. Après aToir occupé
celte chaire pendant 30 ans, il passa
comme professeur de théologie au col-
lège d'Hackney, où il demeura jusqu'en
1796. Egalement recommandable et par
ses vertus et par son savoir, il est mort
le 9 juin 1825, avec la réputation d'un
des savans les plus distingués de l'An-
gleterre. Son principHl ouvrage et le plus
connu a pour titre Tlienew encyclopedia,
or universal dictionnary nf arts, scien-
ces and littérature, Londres, 1803 et
suiv., 44 vol. grand in-4, composé sur le
plan de notre encyclopédie et du grand
dictionnaire de Cliambers. Rées était
membre de la société royale de Londres,
de la société italienne et de plusieurs
corps savans.
REESE^■^R. F'oyez Rksende.
* REEVE (Clara), romancière anglaise,
née vers l'année 1725 à Ipswich , où elle
mourut en 1803, était fille d'un ecclé-
siastique anglais, qui l'initia, dès l'en-
fance, à l'étude des langues savantes et
de l'histoire. Sa mère , étiint devenue
veuve, alla se fixer à Colchesler; Miss
Clara l'y suivit avec deux de ses sœurs.
C'est là qu'elle a traduit (1772) du latin
le roman de Barclay, intitulé -.Arg^nis^
et composé en anglais plusieurs romans,
parmi lesquels on dislingue celui qui a
pour titre le F'ieux Baron anglais. Il avait
d'abord paru sous le titre suivant: Le.
champion de vertu, histoire gothique.
Il a été souvent réimprimé. On peut voir
la liste de ses autres ouvrages dans la
Notice que lui a consacrée Sir Walter-
Schott dans le tome 3 de sa Biographie
lilte'raire des romanciers ce'lèbres.
* REEVE ( Joseph ) , prêtre catholi-
que anglais, entra fort jeune dans la so-
ciété des jésuites , et y professa les hu-
manités avec distinction. Il fut ensuite
envoyé en Angleterre pour y exercer
les fonctions de missionnaire , et de-
vint chapelain de lord Clifford dans la
famille duquel il a vécu plus de 53 ans,
partageant son temps entre l'étude et les
travaux du saint ministère ; il l'exerça
avec le plus grand zèle jusqu'à l'âge de
75 ans, qu'il perdit entièrement la vue,
et mourut le 20 mai 1820 , étant âgé de
87 ans. On lui doit : 1° un Abrège' de la
REG
Bible , en 2 vol. in-12, qui n'ëtaît qu'une
traduction libre de Vabiégé de linyau-
mont ; mais dans une seconde édition il
refondit enlièiement l'ouvrage qui de-
puis a été très souvent réimprinné; 2^ des
Sermons, 2 vol. plus recommandables
pour la solidité que pour réloculion;3° un
Tableau abrégé de l'histoire de r Eglise,
3 vol. in-12. Reeve s'est attaché parlicu-
lièremenl, dans cet ouvrage, à ce qui
regarde l'Angleterre, et à réfuter les as-
sertions inexactes des historiens protes-
tans anglais. 4° Des Poésies latines et
anglaises sur divers sujets profanes.
REGA ( Henri-Joseph ) , docteur et
professeur primaire de la faculté de mé-
decine à Louvain sa patrie, oîi il naquit
en IG90. Il s'est distingué autant par ses
vertus chrétiennes, surtout par sa grande
charité à secourir les pauvres, que par
sa science. Lorsque ses occupations ne
lui laissaient pas le loisir de visiter les
malades indigens , il y envoyait d'autres
médecins, et se faisait rendre compte de
l'état oîi ils les trouvaient. Il fut décoré
deux fois du rectorat de l'université. Sa
trop grande application le conduisit au
tombeau l'an 1764, âgé de 64 ans. L'ar-
chiduches.se Marie-Klisabelh , gouver-
nante des Pays Bas , l'avait honoré du ti-
tre de son médecin. On a de lur: 1" De
sympntliia , seu de consensu partium
corporis humani, Harlem , 1 02 1 . et Leip-
sick , 1762, in-12, ouvrage savant, et
qui lui fit une i r inde répulation ; 2° De
urinis tractatus duo, Louvain, 1732;
Francfort, 1761 , in-8 ; Z" Âccuratame-
thodus medendi per aphorismos prnpo-
sitn, Louvain, 17 37, in 4; Cologne, 1767,
in- 4 ; 4" Visser tatio medica de aquis
minernlibus fnntis marimontensis, Lou-
vain , 1740 , etc.
* REGANHAC { Géraud Valet de } ,
poète , naquit à Cahorsen 1719. Son ta-
lei.t pour les vers le fit recevoir à l'aca-
démie des jeux floraux à Toulouse, li
avait beaucoup de verve, écrivait avec
élégance et pureté , et était très versé
dans les classiques latins. On a de lui : 1°
L'esprit pliilosophique est il plus nuisi-
ble qu'utile aux belles- lettres ? 17 65,
in-8. L'auteur se prononce pour l'affirma-
REG 285
tive, et s'appuie sur de bien sages raisons.
Quoique cet ouvrage, en forme de lettres,
ne contienne que peu de pages, il fut bien
accueilli, et commença à donner de la ré-
putation à l'auteur. 2° Etudes lyriques,
d'après Horace , de Villefranche, Rouer
gue, 1775, in-8; i" les Odes d'Horace, lr&-
duites en français, précédées d'observa-
tions critiques sur la poésie lyrique,
Paris, 1781 , 2 vol. in-12. Cet une tra-
duction assez estimée. Plusieurs mor-
ceaux de cette traduction ont été cou-
ronnés par l'académie des jeux floraux
dans les années 1752, 1757 et 17.'j8.
Reganhac est mort en 1784 , à l'âge de
65 ans. La France littéraire nomme un
Reganhac fils , auquel elle attribue un
Eloge de Louis XIII, 1782. Le jeune Re-
ganhac a été couronné en 1787 par l'a-
cadémie de 3Ionlauban pour un Eloge
de ./. Le franc de Pompignan.
* REGEMORTES ( Louis de ) , ingé-
nieur et directeur des canaux de Loing
et d'Orléans , Hollandais d'origine, tra-
vailla d'abord sous Vaubun aux fortifica-
tion de New-Brisach. C'est sur ses des-
seins et sous sa direction qu'on a con-
struit le pont de Moulins, remarquable
par sa beauté , et qui lui a fait d'autant
plus d'honneur, qu'il lui a fallu vaincre
de très grandes diflScultés pour le fonder
solidement. Trois ponts de pierre et un
pont de bois avaient écroulé à Moulins
en moins de 40 ans, et aucun homme de
l'art n'osait se charger d'élever un pont
dans celte ville. Cet habile ingénieur a
fait connaître le détail des moyens ingé-
nieux qu'il a employés : il les a consignés
dans un ouvrage intitulé ; Description
d'un nouveau pont de pierre construit
sur la rii>ière d'allier à Moulins, Paris,
1771, un vol. in-folio.
RÉGILLIEN (Quintus-Nonius Regil-
lianus-AugusIus), un des tyransqui trou-
blèrent l'empire sous Gallien, était Dace
d'origine, et parent, à ce qu'on croit,
du roi Drcébale, vaincu par Trajan. Il
s'éleva sous Valérien aux premiers em-
plois militaires. Il commanda en chef
dans rillyrie, sous Gallien, et remporta
en 260 des victoires signalées dans la
Haute -Mœsie. Les peuples, mécontens
286 KÉG
de Gallien, l'élurent empereur. On pré-
tend qu'il dut en partie son élévation au
Dom qu'il portait. Ce nom, qui en latin
a des rapports avec celui de roi , parut
d'un augure favorable à des officiers qui
soupaient ensemble , et le lendemain ils
le revêtirent de la pourpre. Régillien se
préparait à marcher contre les Sarmates,
lorsqu'à la fin d'août 263 il fut tué par
ses soldats, de concert avec les peuples
d'Illyrie, qui craignaient d'éprouver de
nouveau la cruauté de Gallien. Ceprince
avait du courage et de grandes qualités.
REGILLO. f^oyez Pobdesone.
RëGIjNALD (Yalère ), jésuite, né en
1543 dans la Franche-Comté, mort le î4
mars 1623, après avoir enseigné la phi-
losophieà Bordeaux, à Pout-à-Mousson et
à Paris , et la théologie à Dôle. On a de
lui Praxis firi, Cologne, 1623. Saint
François de Sales en recommande la lec-
ture dans son Avertissement aux con-
fesseurs.
REGliS ALD ( Antoine ), dominicain ,
mort à Toulouse en 1676, se distingua
par ses ouvrages. Les principaux sout :
1° un i»etil Traite theologique sur la cé-
lèbre distinction du sens compose' et du
sens divisé; 2" un gros volume De mente
Cnncilii Tridentini, circa gratiamper se
efficacem, in-fol., 1706. Il s'y montie un
des plus ardens défenseurs de la doctrine,
qu'il regarde comme celle de saint Tho-
mas et de saint Augustin.
RÉGliNOIN, abbé de Prum, de l'ordre
de Saint-Benoit, mort l'an 915 d'ans le
monastère de Saint-Maximiu à Trêves,
comme il résulte de l'ouverture de sou
tombeau faite l'an 1581, a mérité par son
savoir que son nom fût consacré dans
les fastes de l'Eglise. On a de lui 1° une
Chronique, utile pour l'Histoire de l'Al-
lemagne, publiée pour la première fois à
Mayence en 1521. On la trouve dans les
Historiens d^ Allemagne , de Pistorius ,
tome 1", édition de Francfort, 1583. La
chronique de Reginou commence à
J. C, et finit à l'an 907 ; elle a été con-
tinuée jusqu'à l'an 972. 2° Un recueil de
canons et de réglemens ecclésiastiques ,
inlitu é : De discipli/iis ecclesinsticis, et
de rcligione christiana libri duo. 11 com-
REG
posa cet ouvrage à la sollicitation de
Batbodc, archevêque de Trêves, dans la
ville duquel il s'était retiré après avoir
été obligé de quitter son abbaye en 899
Baluze a donné en 1671, in-8, uneexcel-
lente édition de ce recueil, avec des no-
tes pleines d'érudition. On conservedans
la bibliothèque de Brème une Lettre de
Beginon à Batbode , sur l'institution du
chant ; à la suite de cette lettre il y a
une partie de l'office divin avec les note»
du chant de ce temps-là. On trouve la
vie de fiéginonam tome 6 de VHist. litter.
de France.
REGIO-MONTAN. F oyez Muller
Jean.
RÉGIS ( Saint-Jean-François ), né
d'une famille noblede Languedoc en 1597,
entra chez les jésuites. Ayant demandé
plusieurs fois inutilement la permission
de passer chez les sauvages du Canada , il
s'attacha à convertir les hérétiques , à
ramener à Dieu les pécheurs et à diriger
les âmes dans les voies du salul. Son
zèle fut couronné des plus grands fruits
dans le Languedoc et dans les provinces
voisines , oii il forma plusieurs établis-
semens de piété. Consumé de travaux
et d'austérités, il mourut à la Louvesc,
village du Dauphiné , en 1640. Clément
XII le canonisa en 1737. Sa ^te a été
écrite en français par le Père d'Auben-
ton, 1 vol. in-8. On y trouve à la fin la
copie des témoignages authentiques qui
réfutent la fable imaginée sur sa préten-
due sortie de la société des jésuites. Ou
peut consulter aussi Les saints enlevés
et restitués au.x jésuites (saint François
Xavier et saint François Bégis ), par Jean-
Joseph Petit-Didier, Luxembourg, 1738,
in-12.
REGIS ( Pierre Sylvain j, philosophe
Cartésien, né à la Salvelat de Blanque-
fort , dans le comté d'Agenois, en 1632,
vint achever ses éludes à Paris , et fut
disciple de Bohauit. Il alla ensuite à
Toulouse, où il établit des conférences
publiques sur la philosophie. Il parlait
avec facilité , et avait surtout le don de
mettre les matières abstraites à la portée
doses auditeurs. L'ancienne philosophie
fit bientôt place à la nouvelle , et les Tou-
REG
lousains, touchés des instructions et des
lumières que Régis leur avaient appor-
tées, lui firent une pension. Le marquis
de Vardcs , exilé en Languedoc , passa
de Toulouse à Montpelleir en !G71. Régis
qui avait en lui un disciple zélé , l'y ac-
compagna et y fit des conférences qui
obtinrent tous les suffrages. Régis vint
à Paris en 1680, et y eut les mêmes ap-
plaudissemens qu'à Montpellier et à Tou-
louse. Après avoir soutenu plusieurs
combats pour Descartes , il entra dans
l'académie des Sciences en 1G99 , et mou-
rut en ï'Ol , chez le duc de Rohan , qui
lui avait donné un appartemetit dans son
hôtel. Ses ouvrages sont : 1° Système
de philosophie , contenant la logique ,
ta métapliysique et la morale, 1G90,
3 vol. in-4. C'est une] compilation ju-
dicieuse de différentes idées de Des-
caries, que l'auteur a développées et
liées; mais ces idées n'étant plus à la
mode , cet ouvrage ne peut être aujour-
d'hui qued'un très petit usage. 2''Un livre
intitulé : Usage de la raison et de la
foi , in-4 ; 3" une Réponse au livre du
célèbre Huet , intitulé : Censura philo-
sophiœ cartesianœ , in-12 {voy. Huet];
4° une autre Be'pome aux Re'flexions
critiques de du Hamel ,1691 , in-12.; 5°
des Ecrits contre le Père Malebranche ,
pour montrer que la grandeur apparente
d'un objet dépend uniquement de la
grandeur de son image tracé sur la ré-
tine ; 6" une Dissertation sur cette ques-
tion : Si le plaisir nous rend actuelle-
ment heureux ? 1694 , in-4.
RÉGIS (Pierre) , né à Montpellier en
1656, docteur en médecine dans l'uni-
versilé de celte ville, se rendit de bonne
heure à Paris. Il s'y acquit l'estime de Du
Vcrney .deLémcry ,dePellisson, de Des-
préaux , de Perrault, de Ménage, etc De
retour à Montpellier, il y pratiqua la
mc'dfcine avec succès jusqu'en 1685,
que la révocalion de l'édit de Nantes
l'obligea de se retirer avec sa famille à
Amsterdam. Il y mourut d'un abcès dans
l'estomac, en 1726, à 70 ans. Ses ou-
vrages sont 1° une Edition àesOEui'res
posthumes du savant Malpighi, 1098,
in-4 ; 2** des Observations sur la peste
REG 287
de Provence, 1721 , in-12; 3" il retou-
cha tous les articles de médecine et de
botanique du Dictionnaire de Furetière ,
de l'édition de Basnage , sieur de Beau-
val. On peut voirla lisle de ses ouvrages
dans le tom. 7, pag. 8 des Mémoires de
Nicéron.
REGIUS ou Le Roy (Urbain), né à
Largenargen, sur le lac de Constance, étu-
dia à Ingolstadt et y enseigna avec succès.
Plusieurs gentilshommes lui confièrent la
conduite de leurs enfans , sans en excep-
ter le soin qui regardait la dépense ; mais
ces jeunes gens s'endettèrent. Comme Ré-
gius était leur caution , il fit une espèce
de banqueroute, et futobligé de s'enrôler.
Son professeur Eckius le dégagea et le ré-
concilia avec les Muses. Il reçut à Ingol-
stadt la couronne d'orateur et de poète,
de la main même de l'empereur Maximi-
lien ; quelque temps après, il fut fait pro-
fesseur de rhétorique et de poéfie. Son
penchant pour le luthéranisme l'obligea
de se retirer à .Augsbourg , où il fonda une
église prolestante. Il fut quelque temps
zuinglien, ensuite fougueux luthérien.
Regius s'attacha en 1 530 au duc de Bruns-
wick, qui le fit surintendant des églises
de Lunebourg. Il mourut à Zell en 1541.
Ses Ouvrages ont été imprimés en 3 vol.
in-folio. Les deux premiers sont consacrés
aux écrits latins, et le dernier aux écrits
allemands. Il y 3 de l'érudilion dans les
uns et dans les autres, mais peu de jus-
tesse et de modération.
REGIDS ou DU Roi (Henri ),né à
Utrecht en 1 598 , se rendit habile dans la
médecine et en devint professeur à Ulrecht
en 1638. Sa passion pour le carlési,i-
nisme lui suscita de fâcheuses affaires de
la part de Voëtius et des autres adversai-
res de Descaries, qui manquèrent de lui
faire perdre sa chaire. Si Regiusfut un des
premiers sectateurs du cartésianisme, il
en fut aussi l'un des premiers déserteurs.
Descaries ayant refusé d'approuver quel-
ques senlimens particuliers de son disci-
ple, celui-ci renonça aux opinions de
son maître. Regius finit sa carrièie eu
J679. Ses principaux ouvrages sont : 1»
Physiologia, Utrecht, 1641, in-4, 2^
fundamenta physica , 1646, in-4. Il en
288 REG
donna une nouvel'e t^dilion sous le litre
de PhUosnphia naluralis , en 1661 , in-
4. Cet ouvrage a été traduit en français,
Ulreclif, 1686. On accusa Regius d'avoir
dérobé à Descartes une copie de son Trai-
té des animaux, et de l'avoir ensuite pres-
que tout insérée dans cet ouvrage. 3"
Praxis medica, etc. 1657 , in-4 : c'est le
meilleur de ses écrits; 4° Explicatio men-
tis humanœ, Ulrechl, 1669, in-4 ; h" Hor-
tus academicus uUrajectinus. Tous ses
ouvrages de médecine ont été réunis et
imprimés à Ulreclit en 1668, in-i.
REGNARD (Jean-François j, poète co-
mique, naquit à Paris en 1647 , d'un
marchand qui demeurait sous les piliers
des Haile-s, et qui cependant lui laissa une
fortune asez considérable. Sa passion pour
les voyages se déclara presque dès son
enfance. Il parcourut d'abord l'Italie, y
joua , et ses gains furent si considérables
que les frais de ses voyages payés , il lui
resta encore dix mille écus. A son retour ,
il s'embarqua avec une femme nommée
Elevir à Gênes sur un bâtiment anglais
qui allait à Marseille, et qui fut pris par
deux vaisseaux algériens; l'équipage fut
conduit à Alger. Regnard avait du talent
pour la cuisine , art qu'il avait exercé pour
satisfaire son amour pour la bonne chère.
Il fut fait cuisinier du maître dont il était
devenu l'esclave. Il s'en fit aimer; mais sa
bonne mine et ses manières prévenantes
lui gagnèrent aussi le cœur des femmes fa-
vorites de son maître. Il écouta leur pas-
sion , fut découvert et livré à la justice.
Il allait être puni selon les lois , qui veu-
lent 't qu'un chrétien trouvé avec une ma-
n hométane expie son crime parle l'eu, ou
» se fasse mahométan. » Le consul de la
nation française , qui avait reçu depuis
peu une somme considérable, s'en servit
pour l'arracher au supplice et à l'escla-
•vage. Regnard . devenu libre, retourna en
France, emportant avec lui la chaîne
avec laquelle il avait été attaché. Le 26
avril 1681 , il partit de nouveau de Paris
pour visiter la Flandre et la Hollande ,
d'oii il passa en Danemark et ensuite en
Suède. Le roi de ce dernier pays lui con-
seilla de voir la l.aponie. Notre voyageur
s'embarqua à Stockholm avec deuxiiulrcs
REG
Français, et passa jusqu'à Tornëa. II re-
monta le fleuve Tornéa et pénétra jus-
qu'à la mer Glaciale. S'élant arrêté lors-
qu'il ne put aller plus loin , il grava ces
quatre vt'rs sur une pierre et sur une
pièce de bois :
Gallia no» fEriiiiit. fidil nos Afrira ; Gaiigpm
Uauiinius, Ëuropaiiiquc oculin lunIraTiuiuc oronein ;
Casibus et ïarii» ai'li ti-trài|ut- niarii|ue,
Sist!niU9 hir (aiidrni nobis ubi dtTuil orbis.
De retour à Stocklhom, il en partit le 3
octobre 1 683 pour aller en Pologne. Après
avoir visité les principales villes de ce
royaume, il passa à Vienne, d'où il re-
vint à Paris après un voyage de trois an-
nées. H y acheta une charge de trésorier
de France au bureau des tinances de
Paris, et établit au bout de la rue de
Richelieu sa demeure qui devint le ren-
dez vous des a ma leurs de la bonne chère:
il eut souvent au nombre de ses convives
les princes de Condé et de Conli. Il pos-
sédait la terre de Grillon près de Dour-
dan , à 11 lieues de Paris. C'est là que,
dans la belle saison, il s'abandonnait à
une vie sensuelle et délicate, dans la com-
pagnie de quelques épicuriens choisis ;
et à force de rechercher le plaisir, il en
éprouva le plus désespérant dégoût. Ce
philosophe voluptueux, cet homme en
apparence si gai, mourut de chagrin en
1709, à 62 ans. On prétend même qu'il
avança ses jours, et qu'il mourut d'une
médecine prise à la suite d'une indiges-
tion. I>a meilleure édition destsOËuvr's
était, avant cellede M. I.equien, 1830, 6
vol. in-8 , et celle de M. Crapelet ,avec
noteset Variante, 1822 et 1823,6 vol.iii-8,
celle de Paris , 1790, 4 vol. in-8. Le pre-
mier volume contient la relHtion de ses
voyages en Flandre, en Hollande, en
Danemark, en Suède, en Laponie , en
Pologne et en Allemagne. Il n'y a que la
relation de son voyage en Laponie qui
mérite de l'attention ; le reste est fort
peu de chose. L'auteur n'avait composé
ses relations que pour s'amuser ; il ne
comptait pas les publier. Le second volu-
me renferme les pièces suivantes-. La
Provençale' , œuvre posthume. C'est
une hi.storictle où Regnard fait le récit
des aventures qu'il eut dans le voyage sur
REG
mer où il fut pris et mené à Alger ; il
contient quelques particularités de sa
vie. On trouve ensuite ses pièces de théâ-
tre, qui l'ont mis dans la classe des meil-
leurs poètes comiques. La plus connue
de ses pièces et ia plus souvent repré-
sentée , est Le Joueur. Ce poète con-
naissait le caractère qu'il avait tracé. Il
était joueur, et joueur heureux. La gaieté
est le caractère dominant des comédies
de Regnard; il excelle dans le comique
noble ainsi que dans le familier; mais
sa versification n'est pas toujours cor-
recte ; et ce qui fait la matière d'un re-
proche plus grave, quoique commun à
presque tous les poètes comiques, c'est
que la bonne morale y est souvent bles-
sée. « J'aurais trop d'avantage , dit un
» philosophe célèbre fJ.-J. Rousseau),
» si je voulais passer de l'examen de 3Io-
» lière à celui de ses successeurs , qui
» n'ayant ni son génie, ni sa probité,
» n'en ont que mieux suivi ses vues in-
•n léressées , en s'attachant à flatter une
» jeunesse débauchée et des femmes sans
» moeurs Reguard,'plus modeste, n'en
» est pas moins dangereux. C'est une
» chose incroyable qu'avec l'agrément
» de la police , on joue publiquement au
n milieu de Paris une comédie où , dans
» l'appartement d'un oncle qu'on vient
» de voir expirer , son neveu , l'honnête
») homme de la pièce , s'occupe , avec
» son digne cortège , de soins que les lois
» paient de la corde : faux acte,
» supposition , vol , fourberie , men-
» songe , inhumanité ; tout y est , et tout
» y est applaudi Belle instruction
» pour les jeunes gens , nescii aw ce fal-
» lacis, qu'on envoie à cette école, où
» les hommes faits ont bien de la peine
»> à se défendre de la séduction du vi-
» ce ! .... Tous nos penchans y sont fa-
» vorisés, et ceux qui nous dominent y
M reçoivent un nouvel ascendant. Les
» continuelles émotions qu'on y ressent
)) nous enivrent, nous alTuiblissent , nous
» rendent plus incapables de résister à
» nos passions , détruisent l'amour du
» travail , découragent l'industrie , in-
M spirent le goût de subsister sans rien
» faire. On y apprend à ne couvrir que
XI.
REG 289
» d'un vernis de procédé la laideur du
)) vice, à tourner la sagesse en ridicule,
» à substituer un jargon de théâtre à la
>> pratique des vertus , à mettre toute la
» morale en métaphysique, à travestir
» les citoyens en beaux-esprits , les mè-
» res de famille en petites -maîtresses,
» les filles en amoureuses de comédies. »
{Foy. Molière). On publia, en 1783,
un Supplément aux OEuvres de Re-
gnard, contenant les pièces qu'il a don-
nées à r ancien théâtre italien , 2 vol.
in-ï2. Si on avait rejeté de ce recueil les
inutilités et les naiseries , il eût été ré-
duit à une quarantaine de pages. (On
assure que Regnard avait dérobé à du
Fresny sa comédie du Joueur. Ses autres
pièces sont : Le Légataire universel.
Les Méncchmes , Les Folies amoureu-
ses, Le Distrait , etc., qu'on joue en-
core au Théâtre Français , et quelques
pièces en un acte. )
' REGNAUD-LAGRELAIE, littéra-
teur , né à Dijon vers 1740, mort en 1 807,
a publié plusieurs ouvrages , dont voici
les principaux : 1° Tableau de la nature,
ouvrage propre à l'éducation et très-
agréable à lire ; 2° Soupers de P^aucluse ;
3° Les prisonniers du Temple, petit
poème écrit avec élégance et beaucoup
de sensibilité ; 4° Les Français en
Egypte, autre poème assez bien ver-
sifié.
REGNAULDIN ( Thomas ), sculp-
teur , natif de Moulins , mourut à Paris
en nOG , âgé de 79 ans. Il était de l'aca-
démie royale de peinture et de sculp-
ture. Cet illustre artiste a fait plusieurs
morceaux estitnés. On voit de lui , dans
les jardins de Versailles , V Automne et
Faustine ; et aux Tuileries , le beau
groupe représentant l'Enlèvement de
Cybèle par Saturne , sous la figure du
Temps.
REGNAULT (Noël), jésuite, né à Arras
en 1683, mourut à Paris en 1 762. L'étude
de la philosophie ancienne et moderne
remplit ses soins et sa vie, après les devoirs
de la piété. On a delui ■.\° Entretiens phij-
siques, d'abord en 3 vol. in-1 2, ensuite en
h. Les jeunes écoliers qui veulent savoir
un peu {<Ius de physique qu'on n'en ap-
3-7.
2^0 REG
prend commuDdnient dans les collèges
trouveront dans cet ouvrage de quoi se
satisfaire. Il est écrit avec beaucoup d'or-
dre, de clarté , et tout l'intérêt que les
inutièrcscomportent. 2* Origine ancienne
de la physique nouvelley 3 vol. in-12.
L'auleur, dans cet ouvrage, enlève à
plusieurs physiciens fameux la gloire de
beaucoup de découvertes physiques, fait
voir qu'elles sont plus anciennes, et
que, par une suffisance ingrate, nous
nous parons des dépouilles de nos aïeux
en les déprisant. Georges Paschius et M.
Dulens ont démontré la même chose,
l'un dans son traité De novis inventis
quorum accuratiori cultui faceni prce-
iulit antiquitas , l'autre dans ses Ee-
çkevclies sur l'origine des découvertes
attribuées aux modernes; 3" Entre-
liens mathématiques, in-12, trois vo-
lumes ,1747 ; 4° Logique en forme d'en-
tretiens, in-12, 1742. Elle n'a pas eu
autant de succès que ses Entretiens phy-
siques.
* REGNAULT ( N. ) , prèlre , est au-
teur d'une Instruction pour la première
communion , in 8 , imprimée d'abord en
1769, et depuis très souvent réimpri-
mée. On a encore de lui une Instruction
pour la confirmation , 1707 , in-ï8.
* REGNAULT , peintre à Paris , a
publié : 1 ° La botanique mise à la por-
tée de tout le monde , ou Collection des
plantes d'usage dans la médecine , dans
les alimens et dans les arts, 3 vol.
grand in-folio, Paris, 1774, ornés de 4G7
planches coloriées, et quelquefois 475;
ouvrage rarement complet et d'un prix
fort élevé ; 2" Les écarts^ de la nature ,
ou Recueil des principales monstruo-
sités que la nature produit dans le genre
animal, Vaùs,\lli>, in-folio, fig..colo-
rices, ouvrage non terminé.
* REGNAULT ( N. j , né à Paris en
1756, mort dans cette ville en 1818, a
publié uue Nouvelle grammaire renfer-
mant la solution des difficultés de la
langue française, 1808 , réimprimée en
1800, in-12.
* REGNAULT dk saint Jean-d'Angelt
( Michcl-Louis-Elienne, le comte), l'un
des courtisans de Buouaparte , naquit en
REG
nCO à Saint-Fa rgeau, ob ton père rem-
plissait les fonctions de président du
tribunal et celle de subdélégué de l'in-
tendance : ce magistrat fut le premier
instituteur de son lils. En 1771 le prési-
dent de Saint-Fargcau fut exilé dans sa
terre: il y conduisit sa famille, et c'est
là que I\egnault reçut d'un précepteur une
éducation soignée. Il termina ses études à
l'université de Paris oii son père l'avait
conduit, lorsqu'il avait été appelé dans
cette ville par le chancelier, sur le refus
qu'il avait lait d'enregistrer à son bailliage
l'édit de 17 71. Le jeune Regnault avait
obtenu au concours une place au collège
du Plessis. Sorti de cet établissement en
1 777, il fit soncours de droit et se destina
à la profession de jurisconsulte, et fut
même reçu avocat en 1781; mais l'année
suivante il fut nommé lieutenant de la
prévôté de la marine à Rochefort. Le
jeune Regnault se distingua par ses talens,
et, il faut le dire à sa louange, les reve-
nus de sa place et ceux de son cabinet de
consultations servaient à fournir aux
besoins de ses parens réduits à un état
malheureux par suite de la cécité du pré-
sident de Saint-Fargeau. Regnault ayant
embrassé le cours de la révolution avec
enthousiasme, sa ville natale le nomma
député aux étals généraux. Il apporta dan»
celte assemblée des opinions modérées
qu'il manifesta à la tribune, et plus par-
ticulièrement encore dans une feuille
quotidienne qu'il publiait à cette époque
sous le titre de Journal de Fersailles qui
eut de la vogue, mais qui lui valut des
insultes et des menaces de la part du
peuple et des Marseillais. Plus tard on le
vit s'écarter de cette modération. Ainsi
dans les premières séances de l'assemblée
nationale, en 1790, il AénowcAV adresse
des catholiques de Nîmes, et défendit
ensuite avec la même chaleur les mem-
bres de la ci-devant assemblée générale
de Saint-Domingue. Ils venaient de dé-
barquer à Brest; et on les accusait d'ex-
citer l'escadre à l'insubordination. De-
venu également ennemi de la cour et des
prêtres, il vota, le 2G janvier 1791, le
remplacement des ecclésiastiques réfrac-
taircs. Peu de temps après , il protesta
REG
contre l'insertion de son nom sur ]u liste
des membres du club monarchique. U
demanda qu'on élevât une statue à Vol-
taire, et défendit les droits des hommes
de couleur. Regnault semblait vouloir
faire oublier son pas rétrograde vers la
monarchie, par un acharnement srtns
bornes contre la cour. Il le montra dans
tout son jour lors de la fuite de Louis XVI,
époque oii il proposa les mesures les plus
violentes, dont une grande partie furent
malheureusement adoptées Tout porte à
croire qu'il se rallia ensuite de très bonne
foi à ceux qui voulaient sauver la mon-
archie. Après la session, il avait rédigé
le Journal de Paris ; mais Regnault était
républicain pur, et par conséquent atta-
ché au parti de la Gironde et ennemi des
jacobins. Après le 31 mai 1793, il entra,
pour se soustraire à leurs persécutions,
dans les charrois militaires : il fut décou-
vert et arrêté à Douai le 22 août, et mis
en prison comme suspect. Sa captivité
ne cessa qu'après la chute de Robespierre,
le 9 thermidor. Il reparut alors sur la
scène politique, et fut nommé adminis-
trateur des hôpitaux des armées, place
dans laquelle il commença à amasser des
richesses que, dans la suite, il n'oublia
pas d'augmenter. Son emploi le condui-
sant en Italie, il y connut Buonaparle,
s'attacha à lui , l'accompagna à Malte , où
il fut commissaire pendant quelques
mois. De retour à Paris, il s'y trouvait le
18 brumaire, et seconda de tout son
pouvoir les projets de ce jeune guerrier.
Celui-ci , devenu empereur , le nomma
conseiller d'état, et le fit successivement
ministre, procureur-général près de la
haute cour, grand-officier de la légion
d'honneur, grand'croix de l'ordre de la
Réunion, etc. Il s'était attiré tous ces
honneurs par son dévouement servile
envers son maître , dont il fut toujours
chargé de remplir auprès du corps légis-
latif et du sénat toutes les missions qui
avaient pour objet, soit quelque levée
d'hommes, soit des réunions de pays.
Après la funeste retraite de Moscou, et lors
de la rentrée de lUionaparte en France, le
1 Ojjanvier 1 8 1 3, le même orateur vint pro-
poser de nouveau au sénat une levée de
REG 591
150,000 hommes. Il se déchaîna dans
cette occasion contre le général prussien
d'York, et attribua à un hiver précoce
et rigoureux les désastres de l'armée
française. Le 12 novembre suivant, il
parut encore à la tribune du sénat con-
servateur pour demander la levée de
300,000 hommes. Dans le même discours
qu'il prononça à cette occasion , il appela
les Français à la défense de leur patrie et
du trône de leur maître, et leur exposa
les résultats d'une invasion qu'ils ne re-
pousseraient pas. A la création de la
garde nationale par Buonaparte, Regnault
de Saint-Jean-d'Angely en fut nommé
chef de légion ; mais il s'en fallut bien
qu'il eût sur le champ de bataille la mê-
me ardeur qu'il avait montrée à la tri-
bune du sénat : il abandonna sa troupe
au moment du danger, et ne s'occupa que
de sa sûreté personnelle. U adhéra à l'ab-
dication de Buonaparte, et le retour des
Bourbons le plongea dans une espèce
d'oubli. Il présida l'Institut pour la ré-
ception de M. Campenon, son protégé;
et, dans celte ciixonstance, il déploya
autant d'adresse que de talens : il se ré-
pandit en éloges sur Louis XVIII et son
gouvernement paternel, dont il montra
les plus sûres espérances. L'apparition de
Buonaparte en France, en mars 1815,
replaça le comte Regnault sur la scène
politique : il paraît qu'il n'avait pas été
étranger à sa fuite de l'île d'Elbe; aussi
il rentra aussitôt au conseil d'état, et lit
partie de la chambre des représentons,
convoquée à cette époque. Le 22 juin, il
parla sur la seconde abdication de Buo-
naparle, vanta beaucoup son attachement
pour lui, et assura néanmoins «qu'il avait
» osé le premier le porter à cet acte,
» que les circonsiances rendaient néces-
1) saire. » H laissa éclater à cette occasion
une douleur assez vive , et demanda
« que le bureau fût chargé de se rendre
» auprès de Napoléon pour lui exprimer
)) sa reconnaissance du sacrifice qu'il
j) avait fait à l'indépendance nationale. »
Le lendemain , il prononça un discours
énergique , afin que la chambre reconnût
Napoléon II. Lors du retour du roi dans
la capitale, il fut compris dans l'ordon-
aya REG
nance du 24 juillet, et obligé de quitter
Paris sous trois jours. II put ensuite ob-
tenir des passeports, et se rendit avec sa
famille aux Etats-Unis. Il revint depuis à
Paris, où il arriva mourant ; quelques heu-
resaprès, il expira: c'était le 10 mars 181 9;
il avait 59 ans. Regnault de Saint-Jean-
d'Angely avait de l'instruction , de l'élo-
quence , quoique souvent un peu ampou-
lée , et surtout de l'adresse et de la péné-
tration ; il connaissait fort bien le métier
de courtisai) , et l'art de faire valoir ses
éloges à l'idole dominante, et de se cap-
tiver la confiance du maître autant que
Napoléon pouvait l'accorder. Quoique ,
auprès de lui, il n'oubliât certainement
pas sa fortune , il fut cependant un de ses
serviteurs les plus dévoués , et eut pour
son bienfaiteur un attachement qui pa-
raissait sincère. Il fut bien souvent auprès
de lui le canal des grâces, et partageait
cet emploi avec le maréchal Duroc. Si
dans les chances de la révolution il
sembla balancer un moment entre deux
opinions, celle qu'il adopta en faveur de
Buonaparte , tenait trop à ses considéra-
tions personnelles pour qu'il pût jamais
la changer. C'est pourquoi on le vit , avec
un dévouement sans bornes , seconder
tous les projets de l'ambition de celui
d'oii dérivaient ses dignités et sa for-
tune.
REGNADT. V. Guisk ( Dom Claude).
REGNIER (Mathurin), poète satiri-
que français, neveu de l'abbé Desportes ,
né à Chartres, le 21 décembre 1573,
mort à Rouen le 22 octobre 1613, mon-
tra dès sa jeunesse son penchant pour la
satire. Son père le châtia plusieurs fois
pour le lui faire perdre : punitions , priè-
res , tout fut inutile. Ce malheureux ta-
lent lui fit des amis illustres. Le cardinal
François de Joyeuse le mena à Rome avec
lui, et il fit une seconde fois ce voyage
avec l'ambassadeur Philippe de Réthune.
Ses protecteurs lui procurèrent plusieurs
bénéfices, et une pension de 2,000 livres
sur l'abbaye de Vaux-Cernai. Il dévolut
en même temps un canonicat de l'église
(le Cliartres, et ne se servit de tous ces
biens sacrés que pour satisfaire son goût
effréné pour le plaisir. Vieux à 30 an.s,il
REG
mourut à 40 , entièrement usé par les
débauches. On assure que sa fin fut chré-
tienne. On trouve dans le recueil de ses
OEuvres seize Satires, trois Epîlres,
cinq Elégies, des Stances, des Odes, etc.
Ses satires sont ce qui fixe le plus l'atten-
tion dans ce recueil. Régnier verse son
fiel sur tous ceux qui lui déplaisent, et
souvent avec une licence brutale. Il a ce-
pendant quelques vers heureux et origi-
naux, quelques saillies fines, quelques
bons mots piquans, quelques expressions
naïves. Son stile est souvent incorrect,
ses plaisanteries basses ; la pudeur y est
blessée en plus d'un endroit , et c'est avec
raison que Boileau a dit :
Ileureux! si se> disrnurs, rraiii» du ciuite lecteur.
Ne se senlairni des lirux que rié<|ueiita!niil l'auteur,
Kt si du son liardi de srs rimes cyniques
Il n'alarmait souTent Ic-s oreillvs pudiquei.
( Les meilleures éditions de Régnier sont
celles publiées par M. Vio!let-le-Duc en
1821, in-8,etparM. Lequien en 1822,
in 8 , avec le Commentaire de Bros-
sette. )
* REGNIER ( Jacques ), médecin et
poète latin , naquit à Beaune le 6 janvier
1589. Outre la médecine, il possédait les
langues grecque et latine, l'histoire na-
turelle des animaux , des poissons , des
plantes et des minéraux. Il était aussi
versé dans l'histoire générale et ecclé-
siastique. Régnier avait fait ses études
dans sa ville natale, puis à Dijon , oii il
fut répétiteur chez un de ses parens. De
là il se rendit à Besançon , et ensuite à
Lyon, en vivant de son travail; les épar-
gnes qu'il fit dans cette dernière ville, où
il demeura deux ans, lui servirent pour
faire un voyage à Paris. Il y donna plu-
sieurs comédies , entre autres l'Amphi-
tryon de Plaute , qui fut joué sur le théâ-
tre de l'hôtel de Bourgogne. S'étant rendu
à Bordeaux, il y étudia sous d'habiles
professeurs la médecine théorique et pra-
tique. H quitta bientôt cette ville et alla
à Saintes , où il exerça son art avec suc-
cès. Il retourna enfin dans sa patrie ,
après 15 ans d'absence, y suivit la pro-
fession de médecin , et obtint beaucoup
de réputation. Régnier mourut en 16C3 ,
âgé de 74 ans. Il a écrit plusieurs ouvra-
,
REG
ges, comme un Poème latin à la louange
d'une (lame, plusieurs Comédies; mais
l'ouvrage qui l'a fait connaître avanta-
geusement est un recueil de fables , inti-
tulé : jépologi phœdrii ex ludicris J.
Jlegnerii, belnensis doctoris medici, jan-
vier, 1G4 3, in-12de 125 pages. Ces fables
sont divisées en deux parties ; la première
est de 40 fables , la seconde de 60 ( 1 00 ).
On trouve ces fables dans plusieurs cata-
logues des Fables de Phèdre, et notam-
ment dans le Phèdre de Coustellier, 17 47,
et dans celui du Père Brottier, 17 83 : et
cela par une erreur bien singulière; car
au lieu d'entendre par Apologi phœdrii:
« Apologues dans le genre de ceux de
» Phèdre, » on a cru que c'était une édi-
tion de Phèdre. Vers la fin de ses jours,
il composa un aulre recueil de Fables,
plus volumineux que le premier, quoi-
qu'il eût mis à la fin de celui- ci : Hic
cestus artemque repono.
REGIS 1ER -DESMARAIS ou plutôt
Desmarets (François-Séraphin), naquit
à Paris, en 1G32, d'une famille noble,
originaire de Saintonge. Il fit sa philo-
sophie avec distinction dans le collège
de Montaigu. Ce fut pendant son cours
qu'il traduisit en vers burlesques la Ba-
trachomyomachic d'Homère , ouvrage
qui parut un prodige dans un jeune
homme de là ans. Le duc de Créqui ,
charmé de son esprit , le mena avec lui
à Rome, en 1602. Le séjour de l'Italie
lui fut utile ; il apprit la langue italienne,
dans laquelle il fit des vers dignes de Pé-
trarque. L'académie de la Crusca de Flo-
rence prit une de ses odes pour une pro-
duction de l'amant de Laure, et lorsque
celle société fut désabusée, elle ne se
vengea de son erreur qu'eu accordant
une place dans son sein à celui qui l'avait
causée. (2e fut en 1667 qu'on lui fit cet
houueur, et 3 ans après l'académie fran-
çaise se l'associa. Mézerai, secrétaire de
celle compagnie, étant mort en 1684, sa
])lace fut dounée à l'abbé Uegnier. Il se
signala dans les démêlés de l'académie
conlrc Furelière, et composa tous les
Mémoires qui ont paru au nom de ce
cor]»s. L'abbé Kcgnier eut plusieurs bé-
néfices, entre autres l'abbaye de Sainl-
REG 293
Laon de Thouars. On prétend qu'il aurait
été évéque, sans sa traduction d'une
scène voluptueuse du Pastor fido. Il
mourut à Paris , en 1713, à 81 ans. Ses
talens étaient relevés par une probité,
une droiture et un amour du vrai géné-
ralement reconnus. Son amitié faisait
honneur à ceux qu'il appelait ses vrais
amis, parce qu'il ne la leur donnait que
quand il reconnaissait en eux les qualités
qui formaient son caractère. ( L'abbé Ré-
gnier avait accompagné plusieurs sei-
gneurs en différens voyages , et rempli
des missions de confiance, dont le char-
gèrent les ministres et le roi. ) Nous avons
de lui : 1° une Grammaire française im-
primée en 1676, en 2 vol. in-12. La
meilleure édition est celle del710, in-4.
On trouve dans cet ouvrage, un peu dif-
fus, le fond de ce qu'on a dit de mieux
sur la langue. 2" Une Traduction en vers
italiens des odes d'Anacréon, in-8, qu'il
dédia , en 1692 , à l'académie de la Crus-
ca : la simplicité et le naturel y sont
joints à l'élégance et à la noblesse ; 3° des
Poésies françaises, latines, italiennes et
espagnoles, réunies, en 1708, en 2 vol.
in-12. Ses vers français offrent de la va-
riété, de la gaieté, des moralités heureu-
sement exprimées; mais son stile est plus
noble que vif, et plus pur que brillant.
Ses vers italiens et espagnols ont plus de
coloris et plus de grâce. Les poésies
françaises ont étéaugmenléesdans les édi-
tions de 1716 et de 1750, 2 vol. in-12.
4° Une Traduction Ae. ]a Perfection chré-
tienne de Rodriguez, entreprise à la
jtrièic des jésuites, et plusieurs fois ré-
imprimée , en 3 vol. in-4, et en 4 in-8.
Cette version , écrite avec moins de nerf
que celle de Port-Royal , est d'un stile
plus pur et plus coulant ; elle est aussi
plus fidèle , car les traducteurs de Port-
Royal font dire souvent à l'auteur espa-
gnol toBt le contraire de ce qu'il dit en
effet. ( Ployez Rodrigciez. ) 5° Une Tra-
duction des 2 livres de la Divination de
Cicéron, 17 10, in-12 ; 6" une autre Fer-
sion des livres de cet auteur. De finibus
bonorum et malorum, avec de bonnes
remarques, in-12 ; 7" {'Histoire des dé-
mêlés de la France avec la cour de
294 Î^EG
Home , au sujet de V affaire des Corses,
1767, in-4.
• REGNIER (Claude-François), né en
Auvergne, en 1718, vint faire ses études
à Paris au séminaire de Saint-Sulpice, et
embrassa l'état ecclésiastique. Aprèsavoir
pris le bonnet de docteur en Sorbonne ,
il s'agrégea à la congrégation des sulpi-
ciens, et devint un des directeurs du
séminaire de Paris. On a de lui : \° Cer-
titude des principes de la religion contre
les nouveaux efforts des incrédules,
Paris, de 1778 à 1782, G vol. in-12 ;
2" Tractatus de Ecclesia Christi, Paris ,
1789, 2 vol. in-8. Ces ouvrages sont esti-
més. L'abbé PiCgnier mourut dans le
courant de l'année 1790. — Régnier
(Dom ), bénédictin de la congrégation
des Exempts, a publié des Sermons,
1761, 3 vol. in-12.
* REGNIER ( Claude-Ambroise ou An-
toine ), duc de Massa-Carrara, ministre de
la j iistice sousBuonaparte,naquit le 6 avril
1736 à Blaniont dans le département de la
Meurthe. Avant la révolution , il était un
des avocats les plus distingués de Nancy.
Il embrassa les principes des réforma-
teurs avec un zèle qui fut récompensé
par la nomination aux étals-généraux et
ensuite à l'assemblée nationale. Il de-
vait celle distinction aux suifrages du
bailliage de la ville de Nancy. Régnier
se rangea du côté gauche; mais il pa-
rut peu à la tribune , et s'occupa beau-
coup de judicature et d'administration.
11 s'éleva contre l'institution des jurés en
malière civile ; et, lorsque le vicomte de
Mirabeauenleva les cravates de son régi-
ment, il proposa de le mettre en accusa-
tion ; cependant il défendit la municipa-
lité de Nancy contre les reproches des
jacobins , lors de l'insurrection de cette
ville, et approuva la conduite de M. de
Bouille. La fuite du roi, 20 juin 1 7 91, ayant
causé quelque tumuUe dans jes départe-
mens du Rhin el des Vosges, on y envoya
Régnier pour les calmer, et sa conduite
ne donna lieu à aucun reproche. Il sut
vivre ignoré pendant le règne de la ter-
reur, jusqu'à ce qu'il /ut nommé par le
département de la Meurthe au conseil des
anciens. A celte époque, il s'opposa vi
REG
goureuscment à l'admission de JobAyroé,
et à la rentrée des prêlres re'fractaires.
Il devint secrétaire , puis président du
conseil , et y fut réélu eu 1799 , à l'épo-
que où devaient cesser ses fonctions. Il se
prononça plus ouvertement encore qu'il
ne l'avait fait contre les jacobins, s'op-
posa en même temps à l'impression d'une
adresse des habilans de Grenoble contre
Schérer, et combattit la permanence des
séances après le 30 prairial; il se déclara
aussi avec Courtois contre le Manège.
Régnier eut une part très active dans ta
révolution du 18 brumaire, et fut un de
ceux qui se réunirent, le 17 septembre
au malin, chez Lemercier, président du
conseil des anciens. On y arrêta les me-
sures délinitives qui pouvaient assurer le
succès de cette conspiration ; Régnier
présenta le projet de décret qui transfé-
rait les deux conseils h Saint-Cloud , et
fut nommé président de la commission
intermédiaire. Après l'établissement du
régime consulaire, Buonaparle n'oublia
pas les services de Régnier ; il le nomma
conseiller d'état dans la section des fi-
nances, le combla de dignités et de fa-
veurs, et le 15 septembre 1802, Ré-
gnier réunit, sous la dénomination de
grand-juge, les deux ministères de la
justice et de la police générale. !l se dé-
mit de celle seconde place lorsque Fou-
ché fut appelé à l'occuper : il conserva
cependant son titre de grand-juge et le
ministère de la justice ; ce fut lui qui en
1804 dirigea toutes les poursuites contre
Georges et Pichegru. Nommé grand-offi-
cier de la légion-d'honneur, il oblint ,
en février 1805 , le grand-cordon, et fut
créé duc de Massa-Carrara. En novembre (
1 8 1 3, il remit le portefeuille de la justice,
pour remplir la place de ministre d'état;
et ensuite celle de président du corps lé-
gislatif, oii il ne reçut pas un accueil
bien flatteur. Buonaparle , de retour de sa
désastreuse expédition de Moscou , avait
besoin de mettre à la tête de cette assem-
blée un homme entièrement dévoué à se»
projets : il y plaça Régnier. La dissolu-
tion du corps législatif, le 31 décembre
1813, mit un terme à la forlunc de Ré-
gnier. Lors de la première abdication , il
I
REG
ëcrÏTit, le 8 aTiil 1814, au gouverne-
ment provisoire , pour savoir s'il était
encore président du corps législatif ; il
ne reçut point de réponse. Il ne survé-
cut que deux mois et demi à sa dis-
grâce, et mourut à Paris le 24 juin 1814.
Assez bon jurisconsulte, médiocre ora-
teur et peu habile ministre, il fut,
comme le comte Regnaultde Saint-Jean-
dAngely, un des hommes les plus atta-
chés à Napoléon, et la plus souple de ses
créatures ; il parut sensiblement affecté
quand celui-ci abdiqua et se retira à l'île
d'Elbe. Son intérêt personnel était sans
doute pour quelque chose dans l'afflic-
tion que lui causait cet événement. Son
fils a élé nommé pair de France par
Louis XVIII.
*REGMER (Edme), célèbre méca-
nicien , né à Semur , en Bourgogne , le
15 juin 11 bi , commença ses études au
collège de celle ville; mais sa mère, élant
devenue veuve , fut obligée de le mettre
en apprentissage chez un arquebusier de
Dijon. Le jeune Régnier travaiUa avec tant
de succès qu'il parvint à pouvoir soutenir
sa mère, à élever et à établir ses frères
et ses sœurs. Il se fit connaître en même
temps par des inventions relatives à son
art. La première iuiuneéprouvelte pour
essayer la force des poudres de chasse ,
supérieure à toutes celles qui ont été ima-
ginées jusqu'à ce jour, et qui amena la
découverte du dynamomètre , machine
pour mesurer la force et la résistance.
C'est lui qui a construit le premier des
paratonnerres en Bourgogne, et il les a
perfectionnés : il en avait déjà placé six à
Semur et dans les environs de cette ville,
avant qu'il y en eût aucun à Paris. Il
présenta à Francklin des modèles de con-
ducteurs mobiles, par lesquels il avait
cherché à remplacer ceux que cet illus-
tre physicien avait employés dans ses
appareils, et Francklin applaudit à celle
ingénieuse amélioration. Il fit aussi pour
l'usage de sa ville natale un méridien son=
nant, dont il eut l'honneur d'offrir un mo-
dèle réduità Louis XVi, qui l'admira et ré-
compensa l'inventeur. C'est par le même
procédé que s'obtient la détonation des
canons méridiens. En 1777, il obtint le
REG 295
premier prix d'encouragement pour 1»
meilleure serrure à combinaisons , quoi-
qu'il n'eût jamais vu d'ouvrage de ce
genre. Elle est décrite dans VEncyclo-
pédie méthodique. Il l'a perfectionnée
depuis, ainsi que les cadenas à combinai-
sons qui sont maintenant fort en usage. On
lui doit encore l'invention d'une échelle
à incendie qui a remporté le premier prix,
et le sécateur, machine pour tailler les
arbres, heguier est mort à Paris le 10
juin 1825. On trouve dans une Notice
imprimée chez M™^ Huzard , la descrip-
tion de 7 5 machines différentes qu'il a
inventées. On avait publié auparavant un
Mémoire explicatif du dynamomèlre et
autres machines inventées par le citoyen
R. (Régnier), 17 98,in-4. Régnier avait
été nommé conservateur du musée cen-
tral d'artillerie qu'il créa lui-même. Ap-
pelé à Paris pendant la révolution comme
membre de l'administration des armes
portatives , il avait profilé de cette oc-
casion pour recueillir avec soin les an-
ciennes armures de nos rois qui étaient
éparses en France et qu'il classa par or-
dre chronologique : telle fut l'origine du
musée central d'artillerie qu'il sut con-
server intact pendant les invasions.
' REGJNIER - DESTOURBET ( Fran-
çois-Hippolyte), littérateur, né à Langres
en 1804, mort à Paris, âgé de 28 ans,
le 23 septembre 1832, mérite une place
dans notre Dictionnaire , soit à cause de
ses premières produclions, soit à cause
de sa fin toule chrélienne. Issu d'une fa-
mille estimable , il avait élé élevé dans
les principes de la religion , e^t même ,
pendant quelque temps , il avait songé à
embrasser l'état ecclésiastique. Ses pre-
miers travanx roulèient sur des sujets re-
latifs au clergé. Il n'avait encore que 2t
ans, lorsqu'il publia une brochure sous ce
iiire-.Des Jésuites en France, 1825,
in-8. Il y répondait aux reproches dont
ces religieux étaient l'objet; quoiqu'il
ne les considérât que par rapport à la
France, son écrit pouvait cependant
écarter bien des préventions. Son His-
toire du clergé de F rance pendant la ré-
volution, 1828, 3 vol. in-12 , fut égale-
ment conçue dans des intentions droites.
296 RtG
L'auteur qui ne s'était fait connaître que
par les initiales M. R. s'y montre attaché
aux bonnes doclrines; mais il manquait
<le beaucoup de connaissances relatives
à son sujet , et il n'avait pas fait assez de
recherches. Les trois volumes de cette
histoire parurent successivement : le pre-
mier va jusqu'à la fin de l'assemblée
constituante; le second jusqu'à la fin de
la Convention, et le dernier devait em-
brasser le règne du directoire et celui de
Buonaparte ; cette dernière partie est
encore moins soignée que les précédentes,
et sur la fin surtout, l'auteur indique les
faits plutôt qu'il ne les raconte. Vers le
même temps il composa pour la Biblio-
thèque catholique une Histoire abrégée de
la constitution civile du clergé, 1828,
in-8. Sans doute il y a des erreurs et des
omissions dans cet abrégé ; mais c'est
peut-être ce que 31. Régnier a fait de
moins négligé. On est d'ailleurs porté à
l'indulgence envers un jeune homme
qui , dans l'âge où tant d'autres sont li-
vrés à la dissipation , donnait cette di-
rection religieuse à ses études. Que n'a-
t-il toujours continué à marcher sur cette
ligne! Il avait commencé pour la Biblio-
thèque catholique une Histoire de la ré-
volution, qui n'a pas vu le jour. Ses Sep'
tcmbriseurs sont un ouvrage assez singu-
lier; l'auteur a imaginé de mettre l'his-
toire de ce temps-là sous la forme d'en-
tretiens entre les jacobins. Ils furent sui-
vis de romans, tels que Louiset, 1830 ;
un Balcliez Louis-Philippe, 1831, Char-
les H , et l'Amante espagnole, 1831 ,•
4 vol. in-12, etc. Nous ne pouvons nous
empêcher de déplorer qu'il ait publié un
de ses romans sous le nom de l'Abbé Fi-
berge. Nous ne doutons point que M. Ré-
gnier n'ait vivement regretté au lit de
la mort cette attribution mensongère
qui compromettait un corps respectable.
Il avait aussi fait des pièces de théâtre ,
te\& que Napoléon àSchoenbrunn, Char-
lotte Corday, etc Ployez pour cette der-
nière pièce la Revue E ncyclopédique ,
1 830, tome 2, pag. 1 94 . Il avait fourni des
articles à la Revue de Paris et au livre
des Cent et un. Il tomba malade vers le
comnienccment d'août , et le mal s'au-
nonça aussitôt d'une manièreinquiélanle.
Le jeune Régnier s'empressa de mettre sa
conscience eu paix : ses derniers jours
furent consacrés au repentir, et il a laissé
sa famille consolée par les nombreux té-
moignages de son retour à la religion. U
travaillait, dit on, dans les derniers temps
au Messager des Chambres et à la Mode.
Il avait fait son droit , et occupa quelque
temps la place d'auditeur au tribunal de
Chàlons-sur-Marne ; mais il s'en démit à
l'époque de la dernière révolution pour
se livrer tout entier à son goût pour
écrire.
* REGUIS, curé dans le diocèse de
Gap, a publié en 1766 la J^oix du pas-
teur, discours familiers d'un curé à ses
paroissiens , pour tous les dimanches de
l'année , 2 vol. in-1 2 , très souvent réim-
primés. Cet ouvrage, l'un des meilleurs
en ce genre , remarquable par la simpli-
cité et l'onction qui y règne , vient en-
core d'être perfectionné par un pasteur
animé du même esprit que l'abbé Reguis,
sous le titre d'Instructions familières,
imprimées d'abord en 5 vol. , puis en
6 , et enfin en 8 vol. in-l2. La 7* édition
a paru en 1821. Ces instructions courtes
et adoptées aux circonstances ne peu-
vent lasser la patience du lecteur, et sont
bien propres à ranimer le zèle trop
éteint pour les intérêts de la religion ,
à combattre l'indifférence des chrétiens
et leur lâcheté à eu observer les pré-
ceptes.
RÉGULUS ( Marcus Attilius ) , con-
sul romain avec Julius Libo , l'an 267
avant J. C. , réduisit les Salentins et se
rendit maître de Brindes leur capitale.
Consul une 2* fois avec Manlius Vulso ,
ils furent vainqueurs d'Amilcar et d'Han-
non , dans un combat naval donné près
d'Héraclée sur la côte de Sicile ; ils leur
prirent G4 galères et eu coulèrent à fond
plus de 30. Régulus , resté en Afrique
après cette victoire sur mer , gagna une
bataille sur terre , suivie de la reddition
de plus de 200 places , et surtout de
Tunis , ville à 3 ou 4 lieues de Carthage.
Les Carthaginois demandèrent la paix ;
mais Régulus ne voulut pas la leur don-
ner. Ebloui par ses succès , il oublia la
REG
vicissitude des choses humaines et l'is-
sue incertaine des combats ; il prescrivit
aux vaincus des conditions cruelles et
déraisonnables , et provoqua les ressour-
ces du désespoir. Xantippe ,ofi&cier Spar-
tiate, arrivé à Carthage avec un renfort
de troupes grecques , promit de rétablir
les affaires. Il y eut un combat entre lui
et le consul. Il tailla en pièces 30,000
Romains, fit 15,000 prisonniers, et prit
Picgulus , qui fut emmené à Carthage avec
les compagnons de son infortune. On
l'envoya bientôt à Rome , sous le ser-
ment d'un prorapt retour , pour y an-
noncer les conditions de la paix et pro-
poser l'échange des prisonniers ; mais ,
loin de le solliciter, Régulus persuada
au contraire au sénat de le rejeter avec
fermeté , et retourna dégager sa parole
et se livrer aux lortures qu'on lui pré-
parait. Les Carthaginois , irrités , inven-
tèrent pour lui de nouveaux supplices.
On lui coupa les paupières et on l'ex-
posa plusieurs jours aux ardeurs du so-
leil ; on l'enferma dans un tonneau garni
de pointes de fer, l'an 251 avant J. C.
La femme de Régulus ayant appris cet
excès de cruauté , obtint du sénat les
plus considérables prisonniers carthagi-
nois , les fit mettre dans une armoire
étroite , hérissée de pointes de clous , et
les y laissa 5 jours sans nourriture ; ils y
périrent tous, hormis un, nommé Amil-
car : vengeance aussi lâche que celle que
les Carthaginois avaient tirée de Régulus.
L'action de Régulus a été célébrée au 17^
siècle , dans une tragédie de Pradon , et
de nos jours, par Dorât : mais rien n'é-
gale la brièveté sublime avec laquelle
Horace a chanté ee général dans la belle
ode Cœlo tonantem, etc. Valère-Maxime
rapporte que Régulus , faisant la guerre
en Afrique , trouva , sur le bord du fleuve
Bagrada , un serpent d'une grandeur si
monstrueuse , qu'il fallut l'attaquer avec
les machines de guerre , comme une cita-
delle : quoiqu'il y ait peut-être de l'exa-
gération dans ce récit, la grandeur de
quelques serpens d'Amérique lui donne
de la vraisemblance. (Tous ces faits sont
rapportés par la plupart des auteurs la-
tins ; aussi Polybe et Diodore de Sicile
XI.
REI 297
n'en font aucune mention. Beaucoup de
contradictions se rattachent à ce récit de
Tite-Live : c'est ce qu'a démontré M. Bour-
gon , professeur d'histoire à la faculté des
lettres de Besançon, dans la Dissertation
qui a pour titre : De Polybe considéré
comme historien romain -. thèse inau-
gurable pour le doctorat, Strasbourg ,
1829, in-4. La mort de Régulus a été
transportée sur la scène française par
Pradon , Dorât , et plus récemment par
M. Arnault fils. Métastase l'a mise sur le
théâtre italien. )
* REICHARD ( Henri- Auguste-Otto-
care ) , directeur de l'administration de
la guerre de l'état de Saxe-Gotha, et con-
seiller intime au même département ,
naquit en 1751 à Gotha. Son éducation
fut dirigée par son beau-père, Rudolphe,
conseiller intime de régence. Après avoir
suivi des cours de jurisprudence dans les
universités de Goettinguc , de Leipsick
et d'Iena , Reichard s'attacha spéciale-
ment aux éludes littéraires, dans lesquel-
les il fit de rapides progrès sous la direc-
tion de Gotter et de Klupfel. Quelques
Poésies , insérées dans les Almanachs
des muses , et plusieurs Articles qui pa-
rurent dans divers recueils périodiques ,
lui méritèrent l'honneur d'être admis
l'un des premiers dans la société drama-
tique fondée à Gotha par Seyler. Après
un début aussi heureux, il fit représenter
plusieurs Pièces qui eurent du succès.
Nommé directeur du théâtre ducal , il
fut en même temps bibliothécaire du duc
Ernest : le théâtre de Gotha lui dut son
premier y^Z/na««cA , et il fit paraître en
même temps un Journal dramatique (\}i\
a conservé de l'importance par rapport à
l'histoire de l'art chez les Allemands. Ce
fut encore lui qui fonda la Gazette scien-
tifique de Gotha. Plus tard il s'associa
à la rédaction du recueil intitulé : OlUi
Potridœ , puis à celle du Nouveau Mer-
cure de France , du Journal de lecture
et de la Bibliothèque des Romains. Vers
le commencement du règne d'Emile-Léo-
pold-Auguste , il visita , avec sa jeune
épouse , l'intérieur de l'Allemagne , la
Suisse, l'Italie et la France. A son retour
il publia plusieurs ouvrages , parmi les-
38.
298 REI
quels nous citerons -. son Guide des voya-
geurs en Europe , dont la 5* édition a
paru à Weimar en 1 807, 3 vol. grand in-8,
avec des figures ; réimprimé l'année sui-
vante , ibid. , 4 volumes in-12 : depuis
il a eu plusieurs autres éditions ; son Pas-
sager en voyage, et les Petits voyages^
en 8 vol. , ont eu aussi une très grande
vogue. Reichard s'était affilié à diverses
sociétés secrètes , dont le duc lui-même
faisait partie , notamment à celle des
francs-maçons de Gotha, dans le sein àa
laquelle fut publié dans le mois d'octo-
bre 1825 un écrit sous] le titre de Jubilé
lie Reichard. Ce littérateur était aussi
partisan des nouvelles doctrines politi-
ques; néanmoins il était fermement atta-
ché aux intérêts et aux prérogatives mon-
archiques ; il conserva toujours les bon-
nes grâces d'Emile-Léopold-Auguste , et
fut même employé dans plusieurs af-
faires d'état sous Frédéric IV , son suc-
cesseur. Nous ne saurions donner la liste
nombreuse des ouvrages de Reichard :
elle se trouve dans V Allemagne savante
de Meusel. Reichard est mort dans le
mois d'octobre 1828. Un grand nombre
de feuilles allemandes , surtout celles de
Gotha , lui ont consacré plusieurs No-
tices intéressantes.
*RE1CHARDT ( Jean-Frédéric ) , lit-
térateur et compositeur de musique, né,
le 26 novembre 1752, à Koenigsberg ,
étudia la musique sou» Richter de l'école
de Bach , et sous Veichtner de l'école de
Benden , et la philosophie sous le pro-
fesseur Kant ( 1769—1770). Appelé à
Berlin en 1775 , il fut long-temps direc-
teur de l'opéra italien de cette ville , et
eut ensuite la direction des théâtres fran-
çais et allemand à Cassel. Il visita l'Italie
en 1782, alla donner des concerts à
Londres et à Paris, et en fit exécuter plu-
sieurs de sa composition. Il retourna en
Prusse pour composer une grande Can-
tate funèbre qui fut exécutée aux funé-
railles du roi à Postdam. Il resta long-
temps à la cour du nouveau roi Frédéric-
Guillaume II. Il est mort dans une terre
qu'il avait à Halle le 27 juin 1814. Com-
me compositeur il a donné plusieurs
opéras, parmi lesquels on distingue celui
RËI
intitulé : Ylle des esprits , qu'il fit pour
la fête du sacre de Frédéric-Guillaume II,
roi de Prusse ; Amour et fidélité , vau-
deville allemand qui eut un grand suc-
cès ; le Tamerlan de Morel et le Panthée
de Berquin. Il a publié : \° Lettres fami-
lières écrites pendant un voyage en
France en 1 792 , 2 vol. in-8 ; 2° Nou-
velles lettres familières écrites pendant
son voyage en France dans les années
1803 et 1804 , 3 vol. in-8 , ouvrage qui
eut beaucoup de succès ; 3" des Lettres
familières sur Vienne , qui furent aussi
très bien accueillies. Il a rédigea Berlin
la Gazette musicale pendant les années
1804 et 1805 , et il y a inséré plusieurs
morceaux estimés des connaisseurs.
* REICHSTADT (Napoléon-François-
Charles-Joseph BuoNAPARTK , duc de )
fils de Napoléon Buonaparte et de l'im-
pératrice Marie-Louise , archiduchesse
d'Autriche , naquit à Paris le 20 mars
1811. Sa naissance fut célébrée par de
pompeuses cérémonies et de brillantes
fêtes : on lui donna le titre àe prince im-
périal et de roi de Rome qu'il fallut
échanger à l'époque de la chute de son
père contre celui plus modeste de duc
de Reichstadt , que lui donna l'empe-
reur d'Autriche son aïeul. Emmené dans
les états autrichiens en 1814, il a con-
tinué d'y résider jusqu'à sa mort qui est
arrivée le 22 juillet 1832 dans le château
de Schoenbrunn près de Vienne. Ce
prince avait 21 ans 3 mois et 2 jours. La
maladie qui l'a enlevé était une phthisie
poulmonaire, dont il se sentait atteint
depuis long-temps. Il s'attendait lui-
même à mourir , et un jour qu'un de ses
emphatiques flatteurs , tels qu'il s'en
trouve si souvent dans les cours , lui dit
en stile oriental : fils du soleil , vous se-
rez au moins planète ou comète.... Hé ,
Monsieur, répondit-il, laissez-moi mou-
rir tranquille ; dest tout ce que je désire.
Le duc de Reichstadt était un bel homme;
il avait d'heureuses qualités. Sans doute
le mal qui l'a conduit au tombeau a di-
minué l'énergie de son âme ; mais rien
n'annonçait en lui un grand homme. Ce-
pendant il fut pendant quelque temps le
point de mire d'un parti en France : les
REI
Buonapartistes avaient rattaché leurs in-
térêts à l'élévation de ce prince. Ainsi ,
après la seconde abdication de Buona-
parte , dans le mois de juin 1815 , quel-
ques membres de la chambre des repré-
sentans demandèrent qu'on proclamât ce
prince sous le nom de Napoléon II ; mais
cette proposition ne fut pas accueillie.
Depuis on a entendu par fois prononcer
ce nom qui était devenu un cri de ral-
liement ; il s'est mêlé , depuis la ré-
volution de juillet , à celui de vive la ré-
publique. L'empereur d'Autriche lui avait
accordé peu de temps avant sa mort le
grade de colonel dans ses armées. Sa
mère Marie-Louise , duchesse de Parme ,
qui a si souvent, depuis sa chute du
trône impérial, perdu de vue ce qu'elle
fut, pour donner le scandale d'une vie
licencieuse , n'a point oublié au milieu
de ses égaremens qu'elle avait donné le
jour au fils de Buonaparte. Elle a quitté
ses états d'Italie et elle a recueilli le der-
nier soupir de ce prince. La cour d'Au-
triche a pris le deuil pour si.v semaines à
l'occasion de sa mort. Plusieurs Notices
ont paru sur ce prince ; nous remar-
quons l'ouvrage que M. de Montbel, an-
cien ministre de Charles X, lui a consacré
sous ce titre : Le duc de Reichstadt ,
Notice sur la vie et la mort de ce prince ,
par M. de Montbel, 2» édition, 1833, por-
trait et fac-similé.
* REID ( Thomas) , philosophe écos-
sais , né, le 26 avril 1710, à Shaian ,
dans le comté de Kincardine , près d'A-
berdeen , n'offre dans sa vie aucun de ces
évènemens remarquables qui excitent la
curiosité. Après avoir passé deux ans à
l'école de sa paroisse natale , il entra au
collège Maréchal d'Aberdeen où il fit sa
philosophie sous le docteur Georges
TurnbuU , connu par ses Principes de
philosophie morale et par son ouvrage
sur la peinture antique. Nommé biblio-
thécaire de l'université , il se démit de
cet emploi en 1736 , voyagea en Angle-
ttrre , visita Londres et les deux univer-
sités d'Oxford et de Cambridge , et fut à
son retour , en 1737 , promu par le col-
lège d'Aberdeen à un des bénéfices qui
était sous le patronage de l'université :
REI 299
ce fut àNew-Macherqu'ilfut envoyé pour
y exercer les fonctions du ministère ; car
Beid avait embrassé la carrière ecclésias-
tique. Le modeste ministre se contentait
de lire à ses paroissiens les sermons de
Tillotson et d'Evans : cependant il en
composa quelques-uns qui ne sont point
indignes du talent dont pi us tard il donna
des preuves. Ce fut alors qu'il fit insérer
dans les Transactions philosophiques de
la société royale de Londres pour l'année
1748 un Essai sur Papplication des ma-
thématiques à la morale : à cette époque
ily avait une espèce d'engoûmentpourles
mathématiques qu'on voulait appliquer à
tout : on les avait appliquées à la méde-
cine , et Hutcheson venait de les appli-
quera Porigine de nos idées de beauté ei
de vertu. Beid , après avoir examiné
dans son Essai la nature des méthodes .
mathématiques , et les matières auxquel-
les on les avait appliquées , prouve
qu'elles ne peuvent pas convenir à la
morale , parce que ces vérités ne se rap-
portent pas aux mêmes facultés. D'Alem-
bert a depuis traité le même sujet. Beid
fit paraître ensuite une Analyse de la
logique d'Arisiote. Les professeurs du
collège royal d'Aberdeen , en lisant les
dififérentes compositions de Beid', formè-
rent la résolution de ne point le laisser
dans son obscure retraite. En conséquence
ils le nommèrent en 1752 professeur de
philosophie dans leur établissement.
C'est pendant qu'il était à Aberdeen qu'il
publia le livre intitulé : Recherches sur
l'esprit humain, 1764. Cet ouvrage était
une première attaque dirigée contre les
conséquences du scepticisme de Hume.
Beid avait admis d'abord avec Berkeley
que rien ne peut être perçu s'il n'est pas
dans l'esprit qui le perçoit , et que nous
ne voyons pas les choses extérieures,mais
uniquement les représentations. En re-
fléchissant sur ce système , dont les con-
séquences le surprirent , il chercha sur
quoi était fondée cette doctrine ; et, com-
me il n'y vit que l'autorité de Berkeley ot
de Hume , il forma dès lors le projet de
rechercher une méthode exacte et sévère ;
il se proposa d'abord de reformer la théo-
rie des idées , telle qu'elle était admisç
m
3oo REI
dans les écoles d'Ecosse. Il adopta les
procédés adaptés aux sciences physi-
ques par les disciples de Bacon, c'est-à-
dire qu'il prit la méthode expérimentale,
qu'il soumit tout à l'obsei'vation et à l'a-
nalyse. L'université de Glasgow se hâta
de l'appeler dans son sein en 1763 , en
lui conÂantla chaire de philosophie mo-
rale , vacante par la démission d'Adam
Smith. Keid divisa son cours en quatre
parties : la métaphysique , la morale
proprement dite , la jurisprudence ou le
droit naturel , et le droit public. Il fai-
sait aussi un cours de rhétorique , oii il
exposait les principes du beau et sa théo-
rie sur l'éloquence. De tous ces cours il
ne nous reste que ses Essais sur les fa-
cultés actives de l'homme , publiés en
1788 , et son premier ouvrage Sur les
facultés intellectuelles. Dugald-Stewart,
son disciple , les a réunis en un seul vo-
lume qu'il a donné sous le titre de Phi-
losophie de Reid, avec une Notice sur la
vie et les ouvrages de son maître. C'est là
qu'est toute la doctrine de Reid , dont
Dugald-Stewart a cherché à remplir les
lacunes par les ouvrages qu'il a publiés
lui-même. Reid composa aussi quel-
ques dissertations qu'il fit insérer dans
diflférens recueils. Il est mort à Glasgow
le 7 octobre 1796. Les Recherches de
Reid sur l'entendement humain, d'après
les principes du sens commun, ont été
traduits en français, Amsterdam , 17G8 ,
2 volumes in- 12. M. Jouffroy , profes-
seur de philosophie au collège de France,
a déjà publié plusieurs volumes d'une
traduction complète des OEuvres de
Reid.
REID ANUS (Everard ), né àDeventer,
vers 1550, futbourguemestreà Arnheim ,
député des états-généraux , et mourut ù
51 ans. Il est auteur de V Origine et suite
des guerres des Pays-Bas , etc. , depuis
1566 jusqu'en 1601 , Amsterdam, 1644 ,
in-fol. , en flamand. Il y a assez d'exacti-
tude dans les faits ; mais on y souhaite-
rait plus d'impartialité. Il y en a cepen-
dant plus que dans les écrits des autres
protestans qui ont écrit sur ces événe-
ments ; il s'élève lui-même contre les
impostures de Méteren. Cette Histoire a
RËI
été traduite en latin par Denys Vossius ,
Leyde, 1633, in-folio.
REFFFEMBERG (Frédéric de) , de
l'illustre famille des barons de ce nom
dans le pays de Trêves , où il naquit en
1719, entra chez les jésuites et se fit
connaître par des pièces de littérature.
Il étudia la théologie à Rome, et de retour
en Allemagne , il s'appliqua à former les
jeunes jésuites à la bonne latinité. On a
de lui : 1° la Traduction latine de l'ou-
vrage italien du célèbre Scipion Maffei ,
sur la grâce, le libre arbitre et la pré-
destination, divise' en 16 livres; les Re'-
ponses de ce savant aux réfutations que
les jan.sénistes ont prétendu faire de son
ouvrage , et une Dissertation sur ces ma-
tières ,' que le Père de Reiifemberg y a
ajoutée , Jlayence et Francfort , 17 66, in-
fol. On trouve au commencement de cet
ouvrage la Fie de Maffei , et la liste de
ses ouvrages, dont les titres occupent
deux pages. 1° Un Recueil de poésies la-
tines de toute espèce , avec une Disser-
tation sut le stile lapidaire, 1 vol. in-8; 3"
une Apologie en allemand, iu-8, en fa-
veur des jésuites ; 4° des Préceptes latins
et grecs , et Exemples tirés des meil-
leurs auteurs anciens et modernes, pour
les collèges du Bas-Rhin et de Weslpha-
lie , 5 vol. in-8 , rédigés avec beaucoup
de méthode et de choix ; 5° Y Histoire
des jésuites de la province du Bas-Rhin
depuis 1550 jusqu'en 1626, 1 vol. in-
fol. On y désirerait plus de critique, un " 1
stile plus précis, plus noble. La mort f
qui l'enleva en 1764 , à l'âge de 46 ans,
l'empêcha de la continuer.
* REIFFENSTUEL ( Anaclet ), savant
théologien allemand, était de l'ordre des
frères mineurs réformés de Saint-Fran-
çois , et florissait au commencement du
18* siècle. Il appartenait à la province
de Bavière. Il y avait professé la théolo-
gie, exercé divers emplois. Quelques-
uns de ses ouvrages de théologie, re-
commandables non seulement par le
fond, mais encore par la clarté et la
méthode qui y régnent et la solidité du
raisonnement , eurent un grand succès
et achevèrent sa réputation. Le principal
est un traité De probabilismo , en 2 volu-
RÈI
mes in-4. Il reçut l'accueil le plus favo-
rable quand il parut , et eut plusieurs
éditions en Allemagne. Il fut réimprimé
plus de vingt fois en Italie , oîi on cher-
cha à lui donner toute la perfection pos-
sible, en le revoyant à chaque édition ,
et en l'améliorant par des corrections et
des augmentations faites avec soin. On
compte parmi ceux qui le revirent , les
Pères Maffei , Kreslinger et Dalmase
Kirch, savans théologiens du même or-
dre. Le Père Mansi , de l'ordre de Ja
Mère de Dieu , l'enrichit d'un supplé-
ment. Une nouvelle édition en avait été
donnée à Trente en 1765: l'ouvrage fut
revu de nouveau par le Père Flaviano
Ricci , mineur réformé , commis à cet
effet par le Père Pascal de Varèse, com-
missaire général de l'ordre , qui le dédia
au cardinal Léopold-Ernest di Firmiano.
Outre cet écrit, on a du Père Reiffens-
tuel : Jus canonicum universum , cum
tractatu de rcguUs juris et répertoria
generali, 6 vol. in-fol.; livre qui eut
aussi beaucoup d'éditions en Allemagne
et en Italie, que les théologiens estiment
et dont ils font beaucoup d'usage.
* REIGNY ( Louis Abel Beffroy de) ,
littérateur , connu assez généralement
sous le nom de Cousin Jacques , naquit
à Laon le 6 novembre 17 57. A l'âge de
13 ans il vint à Paris , oîi il lit ses études
avec succès. Reigny professa la rhéto-
rique elles belles-lettres dans plusieurs
collèges, dès l'âge de 18 ans. Il composa
plusieurs ouvrages, et leur donna souvent
des titres bizarres , afin d'exciler Ja cu-
riosité du public : celui intitulé Petites
maisons du Parnasse commença à lui
donner de la réputation ; elle s'accrut en
peu d'années , et il devint membre du
musée de Paris, du lycée des arts, de
l'académie de Bretagne et autres sociétés
savantes. Il mourut à Charentcn, près de
Paris , en janvier 1810. Ses principaux ou-
vrages sont : 1° Petites maisons du Par-
nasse, 1783, 1 vol. in-8. C'est un mélange
de prose et de vers dont quelques mor-
ceaux ne manquent pas de méthode, mais
qui se perdent dans un fatras de lieux
communs et de plagiats sans nombre ,
entassés sans ordre ni discernement. 2°
REr 3oi
Marlboroughy Turlututu, etc., Bouillon,
1778; Soissons, 1783, 3 vol. in-8 : le
titre indique assez quel peut être l'esprit
et l'intérêt de l'ouvrage ; 3° Les Lunes y
Paris, 1785-1787 , 24 vol. in-8 ; 4» Le
Courrier des planètes, ?aris, 1788-1790,
10 vol ; 5° Pre'cis historique de la prise de
la Bastille, ibid. , 1789; 6° Histoire de
France pendant trois mois, ibid. , 1789;
7° Les nouvelles lunes, ibid. ,1 791 , in-8 ;
8° Le Consolateur, ibid., 1792,3 vol.
in-8 ; 9" La Constitution de la lune y
ibid. , 1793 , in-8 : c'est une critique de
la conslitution nouvelle qu'on donna
dans cette même année à la France , et
dont on ne connut que le nom ; 10" Tes-
tament d'un électeur de Paris, ibid. ,
1795, in-8. Une de ses comédies , iVï-
codème dans la lune , eut un succès pro-
digieux, et fut représentée 373 fois. On
cite parmi ses nombreux opéras comi'
ques , dont , quelques-uns exceptés , il
composa la musique : L'Histoire univer-
selle, 1790-1791 : elle eut 87 représenta-
tions; Le Club des bonnes gens, 1791 ,
joué 117 fois. Son désir insatiable de
faire toujours parler de lui donna à Rei-
gny l'idée d'un Dictionnaire des hom-
mes et des choses, composition bizarre,
où il ne ménageait pas des hommes alo.s
puissans, et dont il ne parut qu'un pe-
tit nombre de cahiers, la police en ayant
empêché la continuation.
REIHING (Jacques), né à Augsbourg
en 1579 , entra chez les jésuites , et en-
seigna les humanités, la philosophie et
la théologie à Ingolstadt avec réputation.
Il combattit avec zèle, pendant plusieurs
années , les erreurs de Luther ; mais
ayant, par vanité ou par corruption du
cœur, perdu l'esprit de son état, il per-
dit encore sa foi , se retira à la cour de
Wurtemberg , se lit luthérien et se ma-
ria. On lui donna une chaire de théologie
à Tubingcn et la direction du collège. U
mourut en 1 628 , méprisé des deux partis,
qui ne voyaient en lui qu'un homme lâ-
che qui avait abandonné sa religion pour
une femme. On a de lui plusieurs ouvra-
ges de controverse, dont la doctrine est
différente , selon les différens temps
dans lesquels il les écrivit.
3o2 REI
* REIL (Jean-Chrétien), médecin alle-
mand, né le 28 février 1759 à Rhanden
dans rOst Frise , était fils d'un pasteur ,
et fut destiné lui-même par sa famille à
l'état ecclésiastique. Il commença donc
les études analogues à une profession ,
pour laquelle il ne sentait aucune voca-
tion ; enfin ses parons s'étant aperçus
de l'éloiguement qu'il avait pour la car-
rière pastorale , lui permirent de suivre
les cours de l'école de médecine , et il
futreçu docteur en 1782. Une pratique de
cinq années lui valut en 1787 la place de
professeur de thérapeutique et de direc-
teur de l'Institut clinique à l'université
de Halle. Lorsqu'on établit , en 1810,
l'université de Berlin , le roi l'appela à
cette capitale , pour lui donner une
chaire de médecine où il soutint sa ré-
putation. En 1813, on le chargea de la
direction des nombreux hôpitaux que
nécessita la bataille de Leipsick. Epuisé
par l'étude et les veilles , il succomba le
12 novembre 1813 aux attaques du ty-
phus qu'il gagna en visitant un de ses
confrères et anciens élèves attaqué de
cette maladie. Il était d'une activité peu
commune , et il a contribué plus que
personne à mettre en rapport les con-
naissances physiologiques avec celles de
la pathologie. Il s'efforça aussi d'éclairer
par ses connaissances en psychologie les
phénomènes qui se présentaient dans la
pratique. Il s'occupa encore d'une ma-
nière toute particulière des affections
morales , et il déploya toute sa vie une
activité infatigable dans cette étude dif-
ficile ; s'il s'est trompé quelquefois
dans ses systèmes , il n'en a pas moins
rendu de grands services à cette branche
de la médecine. On a de lui un grand
nombre d'ouvrages : 1" Traclalus depo-
lychoUà , Halle , 1782 , in-8 ; 2° Frag-
menta metaschematismi polychnlice ,
1783 , in-8 ; 3" Histoire de la maladie
du professeur Gold-Hagen , 1788 , in-8,
en allemand ; 4" Memorabilia clinica
viedico-practica , 1790 et 1793 , in-8 ;
5° Hygiène domestique , Brème , 1791 ,
2 vol. in-8 ; 6" Dissertatio de irritahili-
tatis notione , naturâ et morbis , 1793 ,
7° Cœnœstliesis , 1794 , in-8 ; 8° Sensus
REI
externus , in-8 ; 9° Functiones animœ
peculiares, 1794 , in-8 ; 10° Dissertatio
de semeiologia placentœ , 1794 , in-8 ;
11° archives de physiologie , ouvrage
périodique publié en allemand , 1795 à
1815, 12 vol. in-8, continuées par d'au-
tres professeurs ; 12" E xercitationum
anatomicarum fasciculus primus de
structura nervorum , 17 96, in-folio;
1 3° Sur les symptômes et les gue'risons
des fièvres , en allemand, Halle, 1797-
1815, 5 vol. in-8 ; 1 4° Programma de
pruritu senili , 1801 , in-4 ; 16° Pensées
détachées sur V explication de la mé-
thode psychologique au traitement des
aliénés, 1803, in-8 ; 16° Pépinière pour
V instruction et la formation des routi-
niers en médecine , comme besoin de l'é-
tat dans laposition actuelle, 1804, in-8,
eu allemand; 17° Plan d' une pathologie
universelle, 1815, in-8, ouvrage pos-
thume ; 1 8° un grand nombre de Mémoi-
res réunis à Vienne en 1811,2 vol. in-8 ;
et à Halle , 1817 , 1 vol. in-8.
* REINA ( François ) , né vers 1771 à
Malgrate , dans le territoire de Côme ,
mort à Cannato dans la province de Man-
toue le 12 novembre 1825 , à l'âge de 64
ans, reçut une éducation distinguée dans
le collège et l'université de Milan. 11 cul-
tiva le droit, sans négliger la littérature.
Reina avait une passion pour les livres :
il se forma dans Milan une bibliothèque
magnifique tant par le nombre que par
le choix des ouvrages. Pendant les trou-
bles de l'Italie , il .se rangea du côté des
novateurs ; mais il paya sa'faute par la
déportation. Cette leçon le détermina à
se retirer de l'administration, et dès lors il
seborna à la culture des lettres. On lui doit
les Eloges An l'abbé Denina, dcMuratorl,
de Parini , dont il publia les ouvrages.
REllVBECK (Jean-Gustave), né à
ZcU en 1 682 , mort à Berlin en 1 741 , âgé
de 58 ans , fut pasteur des églises de
Werder et de la Ville-Neuve, premier
pasteur, prévôt de Saint-Pierre , inspec-
teur du collège de Coin ( quartier de la
villede Berlin), conseiller du consistoire,
et chapelain de la reine et de la princesse
royale de Prusse. Nous avons de lui : 1°
Tractaius de redemptione y Hall , in-4 ;
REI
2° La nature du mariage et la r éjection du
concubinage , in-4 , en allemand, contre
Chr.Thomasius, qui avait eu l'imprudence
d'écrire en faveur de ce dernier état ; 3°
Considérations sur les vérités divines
contenues dans la Confession d'Augs-
bourg, en allemand, 4 vol. in-4 : ouvrage
qui ne persuada pas même ceux de sa
communion ; car ils ont bien de la peine
à croire à cette divinité de la confession
d'Augsbourg, à laquelle ils ont tant de
fois dérogé et dérogent encore tous les
jours. 5" Plusieurs volumes de Sermons,
dont quelques-uns ont été traduits en
français : on n'y remarque nirorateurélo-
quent ni l'iionime de goût ; 0° plusieurs
Traités de métaphysique sur l'optimis-
me, la nature et l'immortalité de l'âme ,
en allemand. On y trouve quelques idées
neuves.
REINECCIUS ou Reinkck (Reinier),
naquit en 1541 , à Steinhelm , dans le
diocèse de Paderborn. Il fut élève de
Mélancbthon et de Glaudarp, et enseigna
les belles-lettres dans les universités de
Francfortet de Helmstadt jusqu'à sa mort,
arrivée en 1 595 dans cette dernière ville.
On a de lui : 1° un Traité de la méthode
de lire et d'étudier l'histoire : Methodus
legendi historiam , Helmstadt, 1 583 , in-
fol. : ce n'est qu'une compilation assez mal
digérée; 2" Historia julia , 1594 , 1595
et 1597, 3v. in-fol. : ouvrage savantpour
les recbercbes des anciennes familles , et
rare , surtout de l'édition que nous ci-
tons. 3° Chronicon hierosolymitanum ,
in-4, peu commun; 4" Historia orienta-
lis , in-4 ; livre rempli d'une érudition
profonde, etc., etc. Peu d'écrivains ont
écrit aussi savamment que Reinecciussur
l'origine des anciens peuples.
REINESIUS (Thomas), ne à Gotha
en 1587, devint bourguemestre d'Alten-
bourget conseiller deTéiecleur de Saxe.
Il se relira ensuite à Leipsick , où il pra-
tiqua la médecine , et où il mourut en
Ï667 , à 80 ans. On a de lui : i" Syntag-
ma i nscriptionum antiquarum .compi-
lation utile , en 2 vol. in-fol. , Leipsick ,
^^1682 : c'est un supplément au grand re-
cueil de Gruter ; 2" six livres de diver-
ses leçons , 1640 , in-4 ; 3° des Lettres y
REI
3o3
2 vol. in-4 , 1G67-1C70, et un grand nom-
bre d'autres ouvrages en latin. Il fut un des
savans qui eurent part aux libéralités de
Louis XIV.
* REINHARD ( François-Yolkmar ) ,
prédicateur protestant , né en 1753 dans
le duché de Sulzbach , eut pour père un
ministre qui résidait au Bourg de Vo-
henstrauss , et qui dirigea ses études
jusqu'à l'âge de IG ans Envoyé alors au
gymnase de Ptatisbonne , il passa ensuite
à l'université de Wittemberg , où il de-
vint professeur de théologie et de philo-
sophie. Il fut nommé premier prédica-
teur à la cour de Saxe , conseiller ecclé-
siastique et membre du consistoire suprê-
me. Son influence dans l'administration
se manifesta par des améliorations dans
toutes les branches de l'enseignement
scolaire et religieux. Pour faciliter les
jeunes prédicateurs , il avait établi une
société honiélitique qu'il dirigeait. Rein-
hard mourut à Dresde le 6 septembre
1812. Ses principaux ouvrages sont : 1"
Système delà morale chrétienne ,1788-
1815 , 5 vol. Les deux premiers volumes
ont été réimprimés plusieurs fois. 2" Es-
sai sur lejplan formé par le fondateur de
la religion chrétienne pour le bonheur
du genre humain , ouvrage qui a obtenu
quatre éditions de 1 791 à 1 798 , et dont
l'idée fondamentale avait été déjà expri-
mée dans une dissertation latine, qu'il
avaitpubliée en 1 780, in-4, sous ce titre :
Consilium bcne merendi de universo gé-
nère humano ingenii supra hominetn elati
documentum ; 3<' Sermons , 1780-1813 ,
39 vol. in-8. Les quatre derniers n'ont
été publiés qu'après sa mort. Le docteur
Ernest Zimmermann , aidé de Reinhard
lui-même , a donné une Table de toutes
les matières traitées dans les sermons
de Reinhard,¥ nmcfort, 1812-1822, 4 vol.
in-8. J. L. Ritler a fait imprimer un
semblable extrait en 2 parties , Leipsick ,
1813 ; 4" Lettres de F. V. Reinhard ,
sur ses études et sa carrière de prédica-
teur , trad. de l'allemand par Monod ,
1810 , in-8. On trouve le catalogue rai-
sonné des ouvrages de Reinhard à la suite
de ses lettres. 5° De prœstantia religio-
nis chrisliance in consolandis miseris ,
3o4 REI
trad. en allemaud sous ce litre : Influence
du christianisme sur l'adoucissement
du malheur , par J. S. Fest , 2" édition ,
1798 ; 6° Leçons de théologie dogmati-
que, 1801 , 4« édition, 1818.
* REINHOLD ( Charles Léonard ) ,
métaphysicen , né en 1758 à Vienne en
Autriche , fit son noviciat chez les jésui-
tes au collège de Saint-Ange ; niais, avant
qu'il ne l'eût terminé, cet ordre fut sup-
primé en 1773. Il ne quitta point la car-
rière religieuse qu'il voulait embrasser ;
en conséquence il passa l'année suivante
chez les barnabites , où il fut chargé de
l'enseignement de la philosophie ; mais
bientôt il eut des liaisons nombreuses
avec les savans de Vienne , et coopé-
ra même à la rédaction d'un journal
philosophique. Ses relations avec le
monde le dégoûtèrent de la carrière ec-
clésiastique : il se rendit à Leipsick , et
ce fut sans doute pour briser plus brus-
quement les liens qui l'attachaient à sa
profession , qu'il fit paraître alors une
Apologie de la réformation. Il alla en-
suite à Weimar , où il se lia avec le célè-
bre Wieland dont il devint le gendre , et
avec lequel il travailla au Mercure. Ap-
pelé à lena pour y remplir une chaire de
philosophie, il quitta cette place en 1 794,
pour s'attacher à l'université de Kiel. Il
resta dès lors dans cette ville danoise , et
il y mourut en 1823. Parmi les produc-
tions de Reinhold, on distingue un Essai
pour concilier les discussions des phi-
losophes (en allemand), lena, 1792-94 ,
2 vol. in-8 , et des Lettres sur la philo-
sophie de Kant^ dont il était l'admirateur
enthousiaste ( aussi en allemand), Leip-
sick, 1796 , 2 vol. in-8. Son fils , profes-
seur h lena , a publié, en allemand , une
Histoire de sa vie et de ses travaux lit-
téraires, lena, 1825, in-8, ouvrage in-
téressant, .surtout parce qu'il renferme
des Lettres adressées à Reinhold par
Kant, Fichlc , Jacobi , Lavater, etc.
REINIE ( Gabriel Nicolas , seigneur
delà), né h Limoges d'une famille an-
cienne , fut envoyé à Bordeaux pour faire
ses études. Il s'y établit et devint prési-
dent au présidial de cette ville, jusqu'aux
troubles arrivés en Guieune l'an 1650.
REI
Le duc d'Epcroon, gouverneur de la pro-
vince , le présenta à Louis XIV , qui le fit
maître des requêtes en 1G61, On créa
pour lui , en 1 G67 , une charge de lieu-
tenant général de police de la ville de
Paris. C'est aux soins infatigables de ce
magistrat que la France a été redevable
des beaux réglemens de police qui ont
subsisté long-temps dans la capitale.
Louis XIV, pour le récompenser, le fit
conseiller d'état en 1 680. La Reiniemourut
en 1709, à 85 ans, universellement re-
gretté pour sa vigilance, son intégrité,
son amour pour le bon ordre , ses soins
pour la sûreté publique , et surtout pour
son équité et son désintéressement.
* REINIER (Rodolphe-Jean Joseph) ,
archiduc d'Autriche , cardinal , arche-
vêque d'Olmutz , né à Florence le 8 jan-
vier 1788, était le dernier fils du grand-
duc de Toscane , qui fut empereur. Il
embrassa l'état ecclésiastique, et fut créé
le 4 juin 1819 cardinal du titre de St.-
Pierre in Montorio, et archevêque d'Ol-
mutz , en Moravie. Il n'avait que 43 ans,
lorsqu'il est mort le 23 juillet 1831 àBa-
den en Autriche , des suites d'une atta-
que d'apoplexie , emportant les regrets
de la famille impériale et de ses diocé-
sains, auxquels il était vivement attaché.
REINOLD ou Reinhold ( Erasme),
astronome, de Saalfelddans laThuringe ,
est auteur de quelques ouvrage de ma-
thématiques. Il mourut en 1553 en pro-
nonçant le vers suivant, imité du 4* li-
vre de l'Enéide :
Vixi, et queni dederascursum niiL!, Cliristc, peregi.
Son fils , qui porta le même prénom, a
laissé comme son père des ouvrages sur ■
l'astronomie; on estime sa Géométrie sou- |
terraine.
REISK (Jean) , recteur du collège de
Wolfenbuttel , mort en 1701 , à 60 ans, a
publié un grand nombre d'ouvrages plus
savans que méthodiques, 1" sur Isicorne
d'Jmmon -, 1° sur les oracles des Sybilles
et les anciens oracles ; 3" sur X'Assuérus
d'Esthcr ; 4° sur la maladie de Job ; 5"
sur les images de J. C. et sur la langue
qu'il parlait ; Ù° siw les glossopètres ; '°
une édition du Chronicon sarracenicum
I
REI
et turcicum de Wolgang Drechter , avec
des notes et unappendix.
* REISRE (Jean-Jacques), docteur en
médecine , professeur d'arabe dans l'u-
niversité de Leipsick, né en 1716 à Zoer-
big, petite ville de Saxe , fit ses études à
Halle, puis à Leipsick. En 1738 ilpassaen
Hollande et sefixaàLeyde, où il fut obligé
de se faire correcteur d'épreuves. En mê-
me temps il suivait les leçons d'Albert
Schultens qui professait dans cette ville
les langues orientales. Son travail le mit
bientôt dans le cas de pouvoir se faire
connaître : il obtint la facilité de prendre
une connaissance exacte des manuscrit?
orientaux de la bibliothèque de Leyde ,
fut chargé de les ranger, de les numéro-
ter et d'en l'aire un nouveau catalogue
manuscrit, plus approprié au service
d'une bibliothèque publique. En 1742,
il refusa une chaire dans le collège de
Campen ; mais convaincu que la philolo-
gie ne pouvait, dans la position où il se
trouvait, lui procurer une honnête exi-
stence, il résolut d'étudier la médecine,
et fut reçu docteur en 1746. Après 8 ans
de séjour dans la Hollande , il revint à
Leipsick , où il devint l'année suivante
professeur de philosophie , puis de lan-
gue arabe. Il était depuis 1768 recteur du
collège de St. -Nicolas, lorsqu'il mourut
en 1774 à 68 ans. On a de lui les ouvra-
ges suivans : Littérature orientale : Abi
Mohammed el Kasem Basrensis vulgo
Hariri Consessus 26 rakdah seu varie-
gatus dictas cum schoUis arabicis
et versione latina, Leipsick, 1737, in-4 ;
Tharaphœ Moallakah cum schoUisNa-
lias et versione latina, Leyde , 1742 ,
in-4 ; Miscellaneœ observationes med.
ex Arabum monumentis , disputât, pro
gradu docioris , ib. , 1746 , in-4 ; réim-
primé à Halle en 1776 , in-8 ; De prin-
cipibus Mahummedanis qui aul ab eru-
ditione , aut ab amorc litterarwn et lit-
teratorum clarucrutit , Leipsick , 1747 ,
in-4 ; De Arabum epoclia vetustissima
Sailol Arem, id est, ruptura cataractes
Marebensis, ibid., 1748 ,in-A ; Abilfedœ
annales Moslemici, ib. , 1764, in-4 ;
une Traduction allemande du poème
arabe de Tograï , intitulé : Lamiat ala-
XI.
REI 3o5
rab, Friederichstadt , 1756 , in-4 ; Abil
Walidi Risalet seu epistolium arabice et
latine cum notulis, Leipsick, 1 7 65, in-4 ;
Recueil de quelques proverbes arabes ,
pris des Bâtons et des verges ( en alle-
mand ) , ibid. , 1768 , in-4 ;deActamo,
philosopho-arabico , ibid. , 1760 , in-4 ;
Morceaux de poésies arabes ( en alle-
mand ) , ib. 1765, in-4 ; Abilfedœopus
geographicum , inséré dans le Recueil
de Busching ; Marai , des sohns Jo-
sephs. . . . c'est-à-dire. Histoire des priu'
ces qui ont gouverné V Egypte , trad. de
l'arabe , de Maraï , fils de Joseph , inséré
également dans le Recueil de Busching ;
Prodidagmata ad Hagji chalifœ, librum
memorialem rerum a Mahummedanis
gestarum , etc. , inséré à la suite de la
Description de la Syrie d'Albou'Ifeda, pu-
bliée par Koehler ; /. /. Reiske Conjec-
turée in Jobum et proverbia Salomonis ,
etc. , Leipsick, 1779 , in-8 ; Lettres sur
les monnaies arabes ( en allem. } , insé-
rées dans le Repertorium, etc., de Eich-
horne.Les ouvrages de Littérature grec-
que ET LATINE sont : Constantini Por-
phyrogenitœ libri duo de Cœremoniis
aulœ Byzantince, grec et latin, Leipsick,
1751-64 , 2 vol. in-fol. ; Animadversio-
nes ad Sophoclem , ib. , 1763 , in-8 ;
Animadversiones ad Euripidem et Aris-
tophanem, ibid., 1764, in-8; Antholo-
giœ grœcœ à Constant. Cephala éditée^
lib. m, ibid. , 1754 , in-8, réimprimé
à Oxford en 1764 ; Animadversiones ad
Greecos auctores , ibid. , 17 57 , 59, 61,
63 , 66 , 5 vol. in-8 ; M: Tullii Cicero-
nis Tusculanorum disputalionum libri
F , ibid. , 17 59 , in-12 ; De Zenobia ,
sophista Antiocheno, ibid., 1769, in-4 ;
De quibusdam è Libanio repetitis argu-
mentis , etc., ibid., 1769, in-4; De
rébus ab scholam Nicolaitanam Lip-
siensem pertinentibus expositio , ibid. ,
1759 , in-4 ; De linguarum veterum
scientia , maxime necessaria , ibid.,
1759 ; Theocriti Reliquiœ cum scholiis
grœcis et commentariis iniegris , etc. ,
ib. , 1766, 2 vol. in-4 ; Oratorcs grœci,
ibid., de 1770 à 1776, 12 vol. in-8 -jAp-
paratus critici ad Demosthenem, vol.
1,2,3, etc. , ibid. , 1775, in-8 ; Indi-
39.
3o6 REJ
ces operum Demosthenis , ibid. , 1775 ,
in-8 ; Plutarchi quœ supersunt omnia,
grec-latin , ibid. , 12 vol. in 8 , de 1774
à 1782 ; Maximi Tyrii Dissertationes
e recensione DavisU, etc. , ib. , 1774-
75 , 2 vol. in-8 ; Dionysii Halicarna-
censis opéra omnia , grec-latin , etc. ,
ibid. , 6 vol. in-8 , de 1774 à 1777 ; Li-
hanii sophistce orationes et declamatio-
nes , Altenbourg , 1783 à 1787 , 4 vol.
iu-8 j Dionis Chrysostomi Orationes ,
etc. , ibid. , 1784 , 2 vol. in-8. On a en-
core de Reiske des Traductions alleman-
des, des Harangues tirées de Thucydide,
des Discours de De'mosthène et d'£s-
chine , etc. ; un grand nombre à^ Arti-
cles dans les Acta eruditorum , les Mis-
cellanea Lipsiensia, et autres recueils al-
lemands. La P^ie de Reiske , écrite par
lui-même jusqu'en 1790, et continuée
par sa veuve , a paru à Leipsick en 1783
en allemand.
REJON DE SILVA ( Don Diego An-
tonio ) , écrivain espagnol , naquit à
Lorca , dans le royaume de Murcie , en
1740, d'une famille distinguée, fit ses
éludes dans cette ville, et les termina à
Salamanque. Il fit un voyage en Italie ,
oii il prit du goût pour les arts , dans les-
quels il devint habile connaisseur, et
qu'il protégea toute sa vie. Il cultiva
aussi la poésie avec beaucoup de succès.
Ses talens l'appelèrent à diverses places
importantes, qu'il remplit avec honneur,
et il obtint de Charles III le titre de se-
crétaire d'état. Il réunit dans sa maison,
qui était le rendez-vous des artistes , une
collection de superbes tableaux des pein-
tres les plus renommés, soit espagnols,
soit flamands ou italiens. Il mourut à
Madrid en 1798 , âgé de 58 ans. On a de
lui : 1° La Peinture , poème en 3 chants,
Ségovie, 1786, in-8; 2° Dictionnaire
des Beaux-Arts , Ségovie, 1788 , in-4 ;
Z' une bonne Traduction du Traité de
la peinture de Léonard de Vinci , et des
trois livres sur le même sujet , par Al-
berti , accompagnés de notes précieuses,
et notamment sur l'anatomie , science
peu connue du temps de Vinci. Rejon
était membre de l'académie des sciences
de Madrid.
REL
RELAND ( Adrien ) , né à Ryp , vil-
lage de Nord-Hollande, en 1676, d'un
ministre de ce village, fit paraître dès
son enfance des talens extraordinaires
pour les belles-lettres et pour les scien-
ces. La chaire de philosophie de Har-
dewick ayant vaqué , il y fut nommé ,
quoiqu'il n'eût que 24 ans. Il la quitta
ensuite pour une place de professeur des
langues orientales et des antiquités ec-
clésiastiques à Utrecht. La petite-vérole
l'emporta le 5 février 1718, à 42 ans.
Ses principaux ouvrages sont : 1° une
Description de la Palestine , très sa-
vante et très exacte. L'auteur considère
cette province dans les différens états
où elle a été. Il publia cet ouvrage sous
le titre de Palœstina ex monumentis ve-
teribus iUustrata , Utrecht. 1714, 2
vol. in-4 : il a profité des observations
que M. Lub avait faites sur les lieux pen-
dant dix-sept ans; cinq Dissertations
sur les médailles des anciens Hébreux ,
Utrecht, 1709, et plusieurs autres Dis-
sertations sur différens sujets curieux et
intéressans, 1706-1708, 4 vol. in-12 :
elles décèlent une érudition profonde;
3° une Introduction à la grammaire hé-
braïque , 1710, in-8 , 4° Antiquitates sa-
crœ veterum Hebrœorum , 1717 : cet
ouvrage est écrit avec méthode , mais il
est peu solide ; on n'y trouve que les ex-
plications des talmudistes presque tou-
jours destituées de fondement; 4° /?e
religione mahumetana, traduit en fran-
çais par Durand. La seconde édition ,
qui est la plus estimée, est d'Utrecht,
1717, in-12. Cet ouvrage est divisé en
deux livres, dont le premier contient un
abrégé de la croyance des mahométans ,
traduit d'un manuscrit arabe ; et le 2%
les accusations et les reproches qu'on
leur fait , et sur lesquels il entreprend
trop légèrement de les justifier. « C'est ,
» dit un critique , une de ces apologies
» dont il est difficile de deviner le but;
» car l'auteur n'ignorait point qu'il ne
» peisuaderait pas les savans qui con-
j» naissaient l'Alcoran elle mahomctisme
» à fond ; et il semble qu'il y a de la
M mauvaise foi à vouloir persuader les
» autres. V II demande comment , si celte
REM
religion était si absurde , tant de nations
l'auraient embrassée : le mode de la pré-
dication de Mahomet et la nature de sa
doctrine répondent suffisamment à cette
question. Reland ne faisait sans doute
pas attention que sa demande justiiie tout
autrement l'idolâtrie que le mabomé-
tisme. 6^ De spoliis templi hierosolymi-
tani in arcu titiano Romœ conspicuis ,
Utrecht, 1716; 7° une édition d'Epic-
tète : pour lequel l'éditeur est beaucoup
trop prévenu; 8° Pétri Relandi fasti
consulares , Utrecht , 1715, in-8. Adrien
ne fut que l'éditeur de cet ouvrage,
composé par Pierre Reland son frère,
mort vers 1714.
REMACLE ( Saint ) , né dans l'Aqui-
taine, fut disciple de saint Sulp'ice de
Bourges , puis de saint Eloi , qui l'éta-
blit premier abbé du monastère qu'il
fonda à Solignac , près de Limoges. Il se
vit depuis obligé de prendre le gouver-
nement de l'abbaye de Cougnon. Saint
Amand ayant quitté le siège épiscopal
de Tongres , en 660 , saint Remacle fut
contraint d'accepter cette dignité, qui
donna un nouvel éclat à ses vertus. Si-
gebert , roi d'Austrasie , l'honora de
toute sa confiance , et le saint en pro-
fita pour l'engager à fonder deux monas-
tères dans les Ardennes ( Stavelo et Mal-
médy ) , oii des religieux seraient occu-
pés à adresser des vœux au Seigneur
pour la stabilité et la tranquillité du
royaume. Saint Remacle en fut fait abbé
en 662. La crainte de s'oublier lui-même
au milieu des fonctions extérieures du
ministère lui fit désirer la retraite. Il ré-
signa son évêché à saint Théodard , du
consentement de son clergé et du roi
Childeric II , et alla se renfermer à Sta-
velo en 6G0 ou 661 ( et non pas en 663 ),
comme le prouvent les boUandistes. Sur
le bruit de sa sainteté , qui se répandit
de toutes parts , un grand nombre de per-
sonnes demandèrent à vivre sous sa con-
duite : on compte parmi ses disciples ,
saint Théodard, saint Lambert , saint Hu-
bert , qui occupèrent successivement son
siège épiscopal , saint Tron et saint Ha-
delin. Il mourut l'an 675, dans un âge
très avancé.
REM 3o7
* REMARD ( Charles ) , bibliophile ,
né à Château-Thierry le 9 janvier 1766 ,
fit ses études aux collèges de Louis-le-
Grand et de Montaigu à Paris. Plus tard
il ouvrit un magasin de librairie à Fon-
tainebleau , et se livra en même temps à
l'étude des lettres. Nommé bibliothécaire
au château royal de Fontainebleau, il est
mort à Paris le 20 septembre 1828. Nous
connaissons de lui deux ouvrages : l° Le
guide du voyageur à Fontainebleau ,
1820 , 1 vol. in-12 ; 2° nous n'osons pas
dire le titre du 2* qui est un poème or-
durier , en 4 chants. Il a laissé en ma-
nuscrit , un Supple'ment nécessaire aux
œuvres de J. Delille, ou Examen géné-
ral de SCS différens poèmes originaux ,
et de ses traductions en vers , dans le-
quel on met en évidence les emprunts
innombrables qu'a faits ce poète à une
foule d'auteurs qui ont traité avant lui les
mêmes sujets. M. A.- A. Barbier en parle
avec avantage dans son Examen critique
et complémentaire des dictionnaires
historiques.
REMBRANDT (Paul, dit Van Rhin
ou Ryn ) , célèbre peintre et graveur ,
fils d'un meunier, naquit en 1606 dans
un village situé sur le bras du Rhin qui
passe à Leyde. Un petit tableau qu'il fit
pendant son apprentissage , et qu'un con-
naisseur paya cent florins , le mit en ré-
putation dans les plus grandes villes de
Hollande. Il fut surtout employé dans les
portraits ; nous en avons de lui un grand
nombre. Ses sujets d'histoire sont plus
rares. Il mettait ordinairement des fonds
noirs dans ses tableaux , pour ne point
tomber dans des défauts de perspective,
dont il ne voulut jamais se donner la
peine d'apprendre les pi-incipes. On lui
reproche aussi beaucoup d'incorrections.
Mais ces défauts ne l'empêchèrent pas
d'être compté parmi les plus célèbres
artistes. 11 est égal au Titien pour la fraî-
cheur et la vérité de ses carnations , et
possédait à un degré éminent le clair-
obscur. Ses tableaux , à les regarder de
près , sont raboteux ; mais ils font de loin
un efifet merveilleux. Toutes les couleurs
sont en harmonie , sa manière est suave ,
et ses figures semblent être de relief. Sei
3o8
REM
compositions sont très expressives ; ses
demi-figures , et surtout ses têtes de
vieillards , sont frappantes. Enfin il don-
nait aux parties du visage un caractère
de vie et de vérité qu'on ne peut trop
admirer. Les estampes , en grand nom-
bre , que Rembrandt a gravées sont dans
un goût singulier. Elles sont recherchées
des connaisseurs, et fort chères , parti-
culièrement les bonnes épreuves. La plus
considérable est la pièce de Cent francs,
ainsi appelée parce qu'il la vendait ce
prix-là ; le sujet de cette pièce est Notre-
Seigneur guérissant les malades. On a
aussi gravé d'après lui. Rembrandt a fait
quelques paysages, excellens pour l'ef-
fet. Il mourut à Amsterdam en 1668 , ou,
selon d'autres, en 1674. (Comme il était
avare, il amassa de grandes richesses,
dont hérita son fils Titus. Rembrandt a
beaucoup peint et gravé : on trouve de
ses ouvrages dans presque toutes les col-
lections d'Europe.)
REMI ( Saint ) , né dans les Gaules
vers l'an 438 ou 439, d'une famille il-
lustre dans les environs de Laon en Pi-
cardie, fut encore plus distingué par ses
lumières et ses vertus que par sa nais-
sance. Ses grandes qualités le firent
mettre sur le siège pontifical de Reims ,
à 22 ans. Il eut beau résister , il fallut
qu'il sortît de sa solitude. Ce fut lui qui
baptisa le roi Clovis , qu'il instruisit des
maximes du christianisme , conjointe-
ment avec saint Godard de Rouen et
saint Vaast. Rien n'est plus admirable
que la dignité avec laquelle il parla à ce
roi allier et victorieux , au moment qu'il
courbait la tête pour recevoir les eaux
sacrées du baptême : Adorez , dit-il , ce
que vous avez brûlé; brûlez ce que vous
avez adoré ; désignant par ce contraste
frappant la croix et les idoles. «Le nouveau
V Samuel , dit Bossuet, appelé pour sa-
» crer les rois , sacra ceux de France en
» la personne de Clovis , comme il dit
V lui-même, /?oj/r être les défenseurs de
■» V Eglise et des pauvres , qui est le
» plus digne objet de la royauté. Il les
» bénit et leurs successeurs , qu'il ap-
» pellait toujours ses enfans , et priait
» Dieu nuit et jour qu'ils persévérassent
REM
» dans la foi. Prière exaucée de Dieu ,
« avec une prérogative bien particu-
» lière , puisque la France est le seul
■» royaume de la chrétienté qui n'ait ja-
» mais vu sur le trône que des rois en-
3> fans de l'Eglise. » Il mourut en 533 ,
dans la 94^ année de son âge. Nous avons
sous son nom 4 Lettres dans la Biblio-
thèque des Pères. On a aussi deux Tes-
iamens ; mais plusieurs savans doutent
qu'ils soient de lui. Le Père Suyskens ,
dans les .(^c/a ^a/ic/orum , paraît avoir
démontré que le plus ample de ces deux
testamensest une pièce supposée. L'abbé
£ye , savant boUandiste , a fortifié les
preuves du Père Suyskens d'une disser
tation intitulée : Réponse aux Mémoires
de M. des Roches , Bruxelles , 1780,
in-8. L'abbé Ghespierre a démontré la
même chose dans les Acta sanctorum
Belgii selecta. t^oyez Oudin , in Suppl.
ad Bellarm... pag. 113. (Il existe un
grand nombre de Vies de saint Rémi ;
on en trouvera les titres dans la Biblio-
thèque littéraire de France , dans la
Gallia christiana et dans le Recueil de
Godescard. }
REMI ( Saint ) , grand-aumônier de
l'empereur Lothaire, succéda à Amolon
'dans l'archevêché de Lyon en 852. On
croit que ce fut lui qui fit , au nom de
cette Eglise , la Réponse aux trois let-
tres d'Hincmar de Reims , de Pardule
de Laon , et de Raban de Mayence. Il
présida le concile de Valence en 855 , se
trouva à celui de Langres et à celui de
Savonnières , près de Toul, en 859 , et
se signala dans toutes ces assemblées par
un zèle peu commun. Cet illustre prélat
termina sa vie glorieuse en 875, après
avoir fait diverses fondations. Ou trouve
son nom parmi ceux des saints dans le
supplément au Martyrologe romain de
Ferrari , et dans le Martyrologe de France
par du Saussay ; mais il ne paraît pas
qu'il ait jamais été honoré d'un culte pu-
blic. Outre la Réponse dont nous avons
parlé , et dans laquelle il soutient la doc-
trine de saint Augustin sur la grâce et
sur la prédestination, nous avons de lui :
Traité de la condamnation de tous les
hommes par Adam, et de la délivrance
REM
de quelques-uns par J. C. ; reslriclioa
qui ne doit s'entendrequedela délivrance
efficace et effective. On trouve ce traité ,
ainsi que la réponse , dans la Bibliothè-
que des Pères, et dans Findicice predes-
tinationis, 1650, 2 vol. in-4.
REMI d'Auxerbe, ainsi appelé parce
qu'il était moine de Saint-Germain d'Au-
xerre, fut appelé à Reims vers 882, par
Foulques , archevêque de cette ville,
pour y établir des écoles. Il mourut vers
l'an 908. Il eut pour maître Henric ou
Henri. Ses études, suivant le bon usage
de ce temps-là , embrassèrent les sciences
profanes et les sciences divines. On
croyait alors, ce que les gens sages pen-
sent encore aujourd'hui, que ces sciences
bien étudiées se prêtent de mutuels se-
cours. Il enseigna dans l'université de
Paris , et s'y acquit quelque réputation.
On a de lui : 1° une Exposition de la
messe ; 2° des Commentaires sur les pe-
tits prophètes , sur les Epîtres de saint
Paul , sur le Cantique des Cantiques,
sur l'Apocalypse ( ces deux derniers com-
mentaires ont été long-temps attribues à
Haymon d'Halbersta dt ). Il en a aussi fait
sur les P5a«/wej , Cologne , 1536, in fol.,
, et dans la Bibliothèque des Pères.
' REMI ( Abraham ) , en latin Remmius,
dont le nom véritable é\.d\i Ravaud , né
en 1600 , mort en 1C46 , professa l'élo-
quence au Collège Royal ; Rémi, village
du Beauvoisis sa patrie, lui donna son
surnom. 11 est regardé comme un des meil-
leurs poètes latins de son temps. Ses pro-
ductions virent le jour à Paris en 1645,
in-12. On y remarque de l'esprit , une
imagination vive, de l'invention , et une
facilité peu commune. Il a fait sur Louis
XIII un Poème épique divisé en quatre
livres , sous le titre de Borbonias , 1627,
in- 8. Son Mœsonium, ou Recueil de vers
sur le château de Maisons , près Saint-Ger-
main , est ce que cet auteur a fait de
mieux.
REMI (Joseph-Honoré), né à Remire-
mont, en 1738 , embrassa l'état ecclésias-
tique, fut ordonné prêtre par l'évêque
de Toul , qui voulut le fixer dans son dio-
cèse : mais, dominé par l'amour de l'in-
dépendance , et captivé par les coryphées
REM 3o9
de la secte philosophique , il préféra
le séjour de Paris , où il s'appliqua à la
littérature. Ce genre d'étude ne lui four-
nissant point de quoi subsister , il se li-
vra au droit et se fit recevoir avocat. Il
concourut pour plusieurs prix académi-
ques, et les maximes qu'il eut soin de
parer d'une éloquence verbiageuse et
antithétique lui méritèrent les applau-
dissemens de bien des gens. L'Eloge de
Fe'ne'lon fut jugé digne d'un accessit en
1771 , et celui de Michel l'Hôpital fut
couronné en 1777; mais la faculté de
théologie, offensée des paradoxes de l'au-
teur , flétrit ses lauriers par une censure
bien motivée. Il se chargea ensuite de la
rédaction de la partie de la jurisprudence
dans la nouvelle édition de VEncyclo-
pe'die par ordre de matières ; il rédigea le
premier volume , et était assez avancé
dans le second , lorsqu'il mourut Je 1 2
juillet 1782. Outre les ouvrages dont
nous avons fait mention , on a de lui : 1°
Le Cosmopolisme , 1770 ; 2° Les Jours ,
pour servir de correctif aux Nuits
d'ï'oung, 1770, où il critiqua fort mal à
propos cet ouvrage admirable , plein de
grandes idées et de scntimens profonds,
chef-d'œuvre du genre sombre; 3° le Code
des Français, 1771 , 2 vol. in-12 ; 4°
plusieurs Extraits dans le Mercure de
France , dont il a été] un des rédacteurs
depuis la fin de 1 7 7 8 . L'abbé Rémi avai t des
dispositions heureuses pour réussir dans
la culture des belles-lettres . Ses succès
n'auraient pas été douteux , sans ce mal-
heureux esprit philosophique , qui des-
sèche l'âme, qui éteint le sentiment et
l'imagination , les deux grands ressorts
de l'éloquence.
REMIGIO FiORKNTiNO, dominicain et
littérateur italien du 16*siècle,se fit con-
naître par plusieurs ouvrages , dont les
principaux sont des Traductions d'Am-
mien Marcellin , de Cornélius Népos, et
de l'Histoire de Sicile de Fazello. Il est
aussi auteur de Re'flexions sur V Histoire
de Guichardin , et sur quelques autres
Histoires , Venise , 1 582 , in-4 , assez esti-
mées ; et de Poésies italiennes fort mé-
diocres. Remigio passa presque toute sa
vie à Venise ; son nom de famille était
3io REM
Nanni. Il mourut à Florence , sa patrie ,
en 1580, à 62 ans.
* REMOND ( François ) , jésuite , na-
quit à Dijon en 15â8, de Guillaume
Remond, conseiller au parlement de Bour-
gogne , et non de Florimond Remond ,
écrivain célèbre, comme quelques-uns
l'ont avancé. Guillaume, magistrat zélé
pour le service du roi , mourut empoi-
sonné par les intrigues des ennemis de
l'état. François fit d'excellentes études ,
et jeune encore il cultivait la poésie avec
succès. Étant allé à Rome , il se mit sous
la direction du Père Jérôme Plato, jésuite,
et entra lui-même dansla société en 1 580 ,
ayant alors 22 ans. Il commença à pro-
fesser à Piome en 1586. 11 paraît qu'il
resta dans cette ville au moins jusqu'en
1596, et on voit que pendant cet espace
de temps il prononça divers discours ou
harangues , soit à l'occasion du décès de
personnages considérables , soit dans
d'autres circonstances. En 1598 et 1599,
le Père Remond était à Padoue, et à
Parme en 1600, il fut appelé par le prince
Ranuzio Farnèse, duc de Parme et de
Plaisance, pour commencer les exercices
dans l'université que ce prince venait d'y
fonder. Il revint en France , et fut pro-
fesseur de théologie scolastique à Bor-
deaux , depuis 1605 jusqu'en 1609 inclu-
sivement. Il repassa ensuite en Italie , et
enseigna les saintes lettres à Mantoue.
Cette ville ayant été surprise et pillée par
les Impériaux , le Père Remond se dévoua
au service des soldats blessés ou malades
pour leur administrer les secours spiri-
tuels. Il gagna la peste dans l'exercice de
sa charité ; rétabli peu de temps après
d'un mal aussi dangereux, il succomba
à une autre maladie le 14 novembre 1631 .
On a du Père Remond : 1 " Orationes XXIy
elegiœ F III, epigrammatum libri II ,
Lyon, 1605,in-12,Pont-à-Mousson, 1605,
in-16 ; Ingolstadt, 1607 , in-12 ; Paris,
1613 , in-8 ; 2" Epigrammata et oratio-
nes -ï//, Cologne , 1605 et 1606; An-
vers, 1607, in-1 2 ; Genève , 1607, in-8.
Une partie de ses poésies ont été insé-
rées dans les Deliciœ poetarum gal-
lorum de Gruter ; 3° Carmina et oratio-
nes novœ, Ingolstadt , 1615 , in-12 , et
REM
dans plusieurs autres lieux. Une partie
se trouve dans les Epigrammata sclecta,
Pont-à-Mousson, 1615,in-12. A° Poemata
et XXI orationes ; Epigrammat. libri II;
Elegiœ yilIdedivinisamoribus.Alexias
elegiœ septem. L'auteur , dans ce dernier ;
ouvrage, introduit l'épouse abandon- .
née de saint Alexis, exprimant ses plain- '
tes et ses douloureux regrets sur sa fuite.
Collet , père du poète du même nom ridi-
culisé par Boileau , et meilleur poète que
son fils , a traduit VAlexiade en vers ,
sous le titre de Désespoir amoureux ;
« expression trop libre , peut-être , pour
»■ une âme si dévote, » dit l'abbé de
Maroles, qui, à propos du même poème,
n'hésite point de proclamer le Père Re-
mond l'Ovide chre'tien ; b" Panegj/ricœ
orationes XF'in laudem sancti Ignatii et
sancti Francisci Xaverii, etc. ; Plai-
sance, 1626,in-4;6° Orationes infunere
Matthœi Contarelli, Constantii Sar-
nani, et Philippi GuastaviUœi, cardina-
lium dans les Orationes funèbres , Hano-
vre , 1013 , in-4.
REMOND DE Saint-Mard (Toussaint),
littérateur, né à Paris en 1682, se fit con-
naître par ses nouveaux Dialogues des
dieux, Vm'is, 1771. Il ne fait qu'effleu-
rer la surface des objets , ainsi que dans
ses autres ouvrages ; et il faut moins y'
chercher la morale évangélique que celle
d'Epicure. Ses autres ouvrages sont : 1°
Lettres galantes et philosophiques ,
accompagnées de l'Histoire de made"
moiselle de *** , remplies de paradoxes ,
de maximes fausses et licencieuses ; 2*
trois Lettres sur la naissance , les pro-
grès et la décadence du goût .- elles sont
écrites avec plus de feu que tout le reste ;
elles ont même un pétition satirique, qui
n'est pas désagréable aux esprits malins,
c'est-à-dire au plus grand nombre ; 3" dif-
férens Traités sur la poésie en général ,
et sur les différens genres de poésie,
remplis de faux jugemens ; 4"^ un petit
poème intitulé La Sagesse , et qui
devrait être intitulé La Démence, fruit
d'une philosophie très corrompue, parut
d'abord en 1712, et on le réimprima
dans un recueil en 1715, sous le nom
du marquis de la Fare , qui n'en était
REM
point l'auteur ; 6° une Lettre sur le goût
et le génie , et sur Vutilité dont peuvent
être les règles. Ces difterens écrits ont
été recueillis en 1742, à Paris, sous le
titre de La Haye , en 3 vol. in-12 ; et de-
puis en 1751 , 5 vol. in-12, petit format.
L'auteur mourut à paris en 1757, à 75
ans. Sa santé avait toujours été extrême-
ment délicate , et il était sujet à plusieurs
infirmités, fruit de sa morale spéculative
et pratique. Il parlait comme il écrivait ,
1 d'une manière précieuse. Il s'était formé
sur Fontenelle , quoiqu'il le regardât
comme le corrupteur du goût, et qu'il ne
cessât de lancer contre lui quelques traits
dans ses livres et dans sa conversation.
REMOIS D. Voyez Florihond de Re-
MOUD.
REMOND DE Sainte Albine (Pierre),
censeur royal, membre de l'académie des
Sciences et belles-lettres de Berlin , né à
Paris en 1699 , mort dans la même ville,
le 9 octobre 1778, à 80 ans, a publié: 1°
Abrégé de l'Histoire du président de
Thou, avec des remarques, 1759, 10
volumes, in-12 : livre écrit sèchement ,
et qui n'a pas eu de succès ; 2° Le Co-
médien , 1749, in-8 , où il donne des le-
çons de déclamation.
• REMONDINI (Balthasar- Marie) ,
évêque de Zante et de Céphalonie, na-
quit à Bassano, dans l'état de Venise, le
14 août 1698 d'une famille noble, et qui
s'était distinguée dans les premières pla-
ces de la magistrature. Il étudia les let-
tres grecques et latines dans le séminaire
de Padoue. Après ces études prépara-
toires , il suivit les leçons des plus célè-
bres professeurs de droits civil et canoni-
que de l'université de cette ville, et y
prit le bonnet de docteur. De là il passa à
Vicence. Le séminaire épiscopal était mal
doté et dénué de maîtres. Remondini se
chargea d'y professer gratuitement l'élo-
quence; ce qu'il fit depuis l'an 1723 jus-
qu'en 1729. Ayant été ordonné prêtre,
il retourna à Bassano, et y enseigna la
théologie à déjeunes clercs ses compa-
triotes. Le désir de se perfectionner dans
les sciences lui fit entreprendre le vo j-age
de Rome. Sa réputation l'y avait devancé.
te 26 février 1736 , Clément XII, instruit
REM 3n
de son mérite, le nomma aux sièges unis
de Zante et de Céphalonie. Il prit posses-
sion de son évêché le 8 février 1737.
Des tremblemens de terre avaient pres-
que entièrement détruit son église cathé-
drale : il la reconstruisit, l'enrichit
d'ornemens précieux , en accrut les re-
venus , rappela les chanoines que la
ruine de l'Eglise avait dispersés, et réta-
blit l'office canonial. On manquait d'un
séminaire pour la jeunesse qui se desti-
nait à l'état ecclésiastique : il y poui'vut à
ses propres frais , et avança les fonds
pour des places gratuites en faveur de
ceux qui n'avaient pas de fortune. Rien
n'échappait à sa sollicitude pastorale. En
1747 , il fit le voyage de Rome : il y fut
accueilli par Benoît XIV avec la bienveil-
lance et l'estime dues à ses services. Ce
pontife offrit à Remondini un évêché dans
les Etats romains. L'évêque de Zante ,
attaché à une église oîi il avait fait tant
de bien, n'accepta pascette offre brillante.
Après avoir passé ensuite quelques jours
dans sa patrie , il retourna à Zante , où
il continua de donner l'exemple de tou-
tes les vertus épiscopales. Il y mourut
saintement le 5 octobre 17 77, âgé de
79 ans. La multitude de ses occupations
ne l'empêchait pas de cultiver les saintes
lettres. Il avait une bibliothèque nom-
breuse, choisie et riche en manuscrits
grecs. Il en détacha quelques-uns des
plus précieux, qu'il fit passer à Rome
sous les pontificats de Clément XII et de
Benoît XIV, pour augmenter la collection
de la bibliothèque vaticane. On a de
lui : 1° Discorso, ossia istruzione cris-
tiana sopra delmufuo, nelle sue diocesiy
puhlicata l'anno 17 43, Rome, 1748,
in-8 ; 2° Invita pastorale dal vescovo
del Zante alsuo reverendissimo capitolo,
recentemente dal principe sovvenuto a
rimettere la sacra cotidiana officiatura
inquella suamoderna cattedrale, Venise,
1752, in-8 ; 3° De Zacynthi antiquitati-
bus et fortuna commentarius , Venise,
1750, in-8. Remondini avait rassemblé
des matériaux pour écrire l'histoire de
l'île , mais il n'eut pas le temps de l'ache-
ver. 4" Saneti Marci, monachi, quisœ-
culo quinto /loruit f sermones dejejunio
3i2 REM
etdeMelchisedech qui deperditiputaban-
tur , nunc primum cum latina interpre-
tatione in lucem prolali, Rome, 1748,
in-8. C'est une traduction du grec avec le
texte à côté et des notes. Bellarmin a
confondu ce Marc avec un autre cité par
Zonara, et qui vivait dans le 10« siècle,
en quoi il a été suivi par Le Mire , Labbe,
Cave^ Oudin, etc. Remondini a laissé
beaucoup d'autres ouvrages manuscrits ,
ainsi qu'une traduction du syriaque des
Homélies de saint Isaac Syro , évêque
de Ninive au 5* siècle.
RÉMUS , frère de Roraulus. Quelques-
uns prétendent que , ne pouvant s'accor-
der avec son frère , il s'exila et passa
dans les Gaules, où il fonda la ville de
Reims ; d'autres disent que son frère
le tua pour se venger de ce qu'il avait
sauté par mépris le fossé récemment tracé
des murs de Rome , ou plutôt pour ré-
gner seul : mais tous ces faits sont fort
incertains.
* RÉMUSAT (Claire-Elisabeth-Jeanne
Gbavier deVergennes, comtesse de), nièce
du comte de Vergennes , ministre sous
Louis XVI , et auteur d'un ouvrage d'é-
ducation , naquit le 5 janvier 1780, et
fut mariée en 1 7 96, à 1 6 ans, au comte Au-
guste Laurent de Rémusat qui avait été
avant la révolution avocat-général à la
cour des comtes d'Aix, et qui fut depuis
préfet du palais impérial. La comtesse de
Rémusat fut elle-même attachée, en
1 803 , à la maison de Joséphine , épouse
de Buonaparte , premier consul , et elle
lui resta attachée après le divorce de
l'empereur. Depuis la restauration, elle
-vécut auprès de son mari dans les diverses
préfectures (Haute-Garonne et Nord), oîi
il fut appelé , et elle mourut à Paris le 1 6
décembre 1821. Entre autres ouvrages
qu'elle a laissés manuscrits, se trouve
celui que son fils a publié en 1824, sous
le titre de : Essai sur l'e'ducaiion des
femmes , Paris, 1 vol. in-8, qui a eu trois
éditions. Cet ouvrage a obtenu le suffrage
de l'académie française , qui a accordé
luie médaille d'or en hommage et à la
mémoire de la comtesse de Rémusat. Cet
Essai, trop souvent superficiel , est écrit
d'une manière quelquefois très abstraite,
REM
et contient plutôt des recherches et des
discussions que des préceptes et des
moyens pour diriger l'éducation des
femmes. L'ouvrage d'ailleurs n'a pas été
achevé, et l'éditeur lui-même convient
qu'il ne renferme qu'environ la moitié
du plan que l'auteur s'était tracé. Le con-
tenu des chapitres ne répond guère au
titre j par exemple, le chapitre intitulé :
De r éducation des filles dans la première
enfance , commence par parler du ma-
riage des filles , et l'auteur se plaint qu'on
les marie trop jeunes. Ce chapitre ne
roule guères que sur les femmes , et finit
aussi en parlant des femmes. Il ne répond
donc pas à son titre. Il est vrai que dans
le cours du chapitre l'auteur dit que
Rousseau s'est occupé avec succès du
régime des enfans , et que les deux pre-
miers chapitres de son Emile semblent
propres à diriger les mères. Ainsi , il
faut avoir recours à cet ouvrage pour
remplir le but de ce chapitre; et les
mères chrétiennes qui ne veulent pas lire
cet écrivain rempli de sophismes, ne
trouvent rien pour se diriger dans cette
première enfance. Le même Rousseau est
souvent cité dans cet Essai d'éducation ,
et souvent avec éloge , ce qui n'est guère
propre à inspirer la confiance. On aime-
rait mieux y trouver les conseils d'une
femme qui a l'usage du monde, que les
rêves d'un homme qui a mis ses enfans à
l'hôpital. Le chapitre sur la religion pa-
raît aussi susceptible de beaucoup de re-
proches. On y trouve qu'on emploie la
peur pour instruire le pauvre; qu'on
n'apprend aux malheureux la religion
que par la crainte; que les instructions,
les sermons sont effrayans, et que ce qui
trouble est toujours un mauvais moyen.
On ignore où l'auteur a lu ou entendu
de pareils discours, qu'elle a soin d'ac-
compagner de réflexions ironiques. D'ail-
leurs son ouvrage n'est pas écrit pour
l'éducation des pauvres, et alors à quoi
bon censurer la méthode qu'elle prétend
qu'on emploie à leur égard. Les chapi-
tres intitulés : De la destinée des femmes
en France, et sous le règne de Louis XIP^;
les Femmes du règne de Louis XF" ; les
Femmes pendant la révolution ; de la
REN
Destinée prochaine des femmes , parais-
sent plus propres pour un Essai sur les
femmes , que pour un Essai d'éducation
qui ne contient pas 300 pages. M""* de
Rémusat a encore publié une Nouvelle ,
insérée dans le tom. 3 du Lycée français.
" REj\A(Cômede la), écrivain et
militaire, naquit à Florence vers 1630,
suivit la carrière des armes, et devint
capitaine dans les troupes de son pays.
11 était très versé dans les antiquités, et
plus particulièrement dans les antiqui-
tés étrusques. Il fut membre de l'acadé-
mie de la Crusca , et chef de celle appe-
lée fiorcntina ( de Florence ) , créée dans
celle ville sous la protection des Médicîs.
Il a laissé deux ouvrages , dont le plus
intéressant est Délia série, etc. , ou de
la Chronologie des anciens ducs et mar-
quis de Toscane, avec des notices sur
l'empire romain, sur le règne des Golbs
et des Lombards, depuis l'exil de Romu-
]us Augustulus jusqu'à la mort de l'em-
pereur Olbon III, Florence, 1690, in-
folio. 11 n'en a paru que la première
partie
REiVAU d'Eliçagaray (Bernard) , célè-
bre marin , né dans le Béarn en 16à2 ,
d'une famille ancienne de Navarre, fut
placé, dès son enfance, auprès de Col-
bert du Terron , intendant de Rocheforl.
On lui lit apprendre les malbématiques ;
il y réussit, et devint de bonne heure
l'ami intime du Père Malebranche. La
marine était .son étude favorite. Quand
il y fut assez instruit , du Terron le fit
connaître à Seignelay , qui devint son
prolecleur. 11 lui procura en 1679 une
place auprès du comte de Vermandois,
amiral de France , qui lui donna une
pension de mille écus. Louis XIV, vou-
lant réduire à des principes uniformes
Id construction des vaisseaux , fit venir
t la cour les plus habiles constructeurs,
iprès quelques discussions, on se bor-
na à deux méthodes, l'une de Renau,
et l'autre de du Quesne, qui eut la gé-
nérosité de donner la préférence it celle
Je son rival. Renau jouit de son triom-
phe en présence de Louis XIV , qui lui
ordonna d'aller à Brest et dans les autres
ports pour instruire les constructeurs. Il
REN 3i3
mit leurs enfans en état de faire, à
l'âge de 15 à 20 ans, les plus gros vais-
seaux , qui demandaient auparavant une
expérience de 20 ou 30 ans. En 1680,
Louis XIV résolut de se venger d'Alger;
Renau proposa de le bombarder. Jus-
qu'alors il n'était venu dans l'esprit de
personne, que des mortiers pussent
n'être pas placés à terre, et se passer
d'une assiette solide. Il promit de faire
des galiotes à bombes : on se moqua de
lui dans le conseil; mais Louis XIV voulut
qu'on essayât cette nouveauté funeste,
qui eut un heureux effet. Après la mort
de l'amiral (le comte de Vermandois),
il alla en Flandre trouver Vauban , qui le
mit en état de conduire les sièges de
Cadaquiers en Catalogne, de Philisbourg,
de Manheim et de Franckental. Le roi,
pour récompenser ses services, lui donna
une commission de capitaine de vais-
seau , un ordre pour avoir entrée et voix
délibéralive dans les conseils des géné-
raux, une inspection générale sur la
marine, et Taulorité d'enseigner aux
officiers toutes les nouvelles pratiques
dont il était l'inventeur, avec 12,000
livres de pension. ( Il demeura cinq ans
en Espagne, à la demande de Philippe V,
y répara les fortifications de Cadix et
d'autres places. Le roi l'honora du grade
de lieutenant général. ) Cet habile hom-
me fut demandé par le grand maître de
Malte pour défendre l'île ; mais le sit'ge
n'ayant pas eu lieu , Renau revint en
France. Il fut fait à son retour conseiller
de marine , et grand-croix de l'ordre de
Saint-Louis. Sa mort, arrivée en 1719,
fut celle d'un religieux de la Trappe.
Persuadé de la religion par sa philoso-
phie , il regardait son corps comme un
voile qui lui cachait la vérité éternelle,
et la mort comme un passage des plus
profondes ténèbres à une lumière par-
faite. La valeur, la probité, le désin-
téressement , l'envie d'êlre utile , soit
au public , soit aux particuliers, toutes
ces qualités étaient chez lui au plus haut
degré , et elles étaient soutenues par une
piété aussi tendre que constante. Il avait
été reçu membre honoraire de l'acadé-
mie des Sciences en 1699. On a de lui la
4o.
3r4 REN
Théorie de la manœuvre des vaisseaux,
1689, in-8 ; et plusieurs Lettres pour
répondre aux difficultés de Huyghens et
de Bernouilli contre sa Théorie. ( Voyez
le Journaldes Savans. On peut consulter
pour plus de détails l'Eloge de Renau
par Fontenelle, et le Dictionnaire de
CbaufTepié. )
RENAUD. Voyez Aimom.
• RENAUD ( Jean-Baptiste-Lupicin )
colonel d'artillerie , né à Montigny , dans
le Jura , le 14 mars 1777 , fut un élève
distingué de l'école polytechnique. Pen-
dant toute sa carrière militaire, il n'a
cessé de rendre des services essentiels
dans son arme. Il fit partie des armées de
Sa mbre-et -Meuse , d'Espagne , d'Allema-
gne et du Rhin : on le rencontre en
Prusse, en Pologne, en Bavière, à léna, à
Ëylau, à Dantzick, à Friedland , à Ratis-
bonne, à Essling, à Anvers, à Brienne ,
à Champaubert , à Craone. Il s'occupa
en outre de plusieurs missions impor-
tantes à Berlin et ailleurs. Depuis la res-
tauration , il fut attaché au comité con-
sultatif d'artillerie , et réunit en dernier
lieu à ses utiles fonctions l'inspection des
forges de celte arme. Il était officier de la
légion-d'honneur et chevalier de Saint-
Louis. Le colonel Renaud est mort à Pa-
ris le 29 novembre 1827. On lui doit un
livre estimé sur la fabrication de la pou-
dre, un vol. in-8.
RENAUDlE(Godefroi de Barri, sieur
de la ) , dit <2e /a F or est , chef de la con-
juration d'Amboise , et second chef de la
conjuration que les huguenots firent, en
1 660 , eoiitre le roi Henri III , était d'une
ancienne famille de Périgord. ( Ayant
altéré son titre de possession sur un bé-
néfice qu'il possédait illégitimement , il
fut poursuivi par la justice. (Condamné
au bannissement pour le crime defaux,il
passa le temps de son exil à Genève et à
Lausane , où il embrassa le calvinisme,
et s'insinua dans l'esprit de plusieurs
Français retirés en Suisse à cause de la
religion. Depuis, il forma les mêmes ca-
bales en France, où il ne fut connu d'à'
bord que de ceux de son parti. La Re-
naudie avait de l'esprit , de la hardiesse ,
et était vindicatif Jl souhaitait effacer l'ia-
REN
famie de son bannissement par quelque
action éclatante. Dans cette vue, il offrit
ses services à ceux de la conjuration for-
mée par les protestans. Il se char-
gea d'aller dans les provinces, et de
gagner par lui-même et par ses amis
ceux qu'il avait déjà connus, et leur
donna jour au I*' février pour s'assem-
bler à Nantes. L'assemblée se tint, et
on résolut d'exécuter la conjuration à
Amboise, où était la cour; mais ce des-
sein ayant été découvert par un avocat ,
nommé Pierre Avenelles, chez qui il
était logé , La Renaudie , qui s'avançait
avec des troupes, fut tué le 1 7 mars 1 560,
dans la forêt de Château-Renard, près
d'Amboise , où son corps tut porté et pen-
du sur le pont à un gibet , ayant sur le
front cette inscription • Chef des rébelles.
Un de ses domestiques, nommé La Si-
gne , qui fut pris dans la même occasion,
expliqua divers Mémoires écrits en chif-
fres, et découvrit tout le secret de la
conjuration.
RENAUDOT ( Théophraste), méde-
cin, né à Loudun en 1584, s'établit à
Paris en 1623. Il fut le premier qui com-
mença, en 1631 , à faire imprimer en
France ces nouvelles publiques, si con-
nues sous le nom de Gazettes. ( Depuis
le 1 3^ siècle, il en existait déjà en Italie et
en Espagne. } Louis XIII donna à Renau-
dot un privilège, qui fut confirmé
par Louis XIV , pour lui et pour sa fa-
mille. Ce médecin gazelier mourut à Pa-
ris, en 1653. Pour se donner une grande
réputation en qualité de médecin , il s'a-
visa d'établir chez lui un bureau public
de consultations gratuites pour les pau
vres, et obtint du cardinal de Richelieu
des lettres qui le nommaient co/n/nw.ç«jrc
général des pauvres valides et invalides
dans tout le royaume. La faculté de mé-
decine se récria contre ce privilège,
qu'elle prétendit n'être qu'un manteau
qui cachait un trafic vil et usuraire. Le
parlement lui défendit, par arrêt du 1"
mars 1644, de se servir de ce privilège.
( Renaudot administrait à ses malades
des remèdes secrets, et ce fut là le prin-
cipal motif des poursuites dirigées con-
tre lui par la faculté de médecine. )
REN
Isaac Renaudot , son fils, médecin, a pu-
blié les Pièces de ce singulier procès, 3
vol. in-4. On a de Renaudot, père, outre
ses Gazettes -. 1 " une suite du Mercure
français, depuis 1635, jusqu'en 1643.
Comme il ne donna dans ce recueil que
la seule relation des faits, sans y joindre
les pièces justificatives, ainsi qu'avaient
fait Jean et Etienne Richer, il fut obligé
de le discontinuer. Il n'a donné que les
six derniers volumes de cet ouvrage, qui
est en 26 vol.in-8. Les siens sont les moins
estimés. 2" Un Abrégé de la vie et de la
mort de Henri de Bourbon , prince de
Condé, 1 646 , in-4 ; 3° La Fie et la mort
du maréchal de Gassion , 1647, in-4; 4°
la Fie de Michel Mazarin , cardinal ,
frère du premier ministre de ce nom ,
1648 , in-4. ( Ce fut aussi Renaudot qui ,
le premier , établit à Paris , un bureau
de prêt , connu ensuite sous le nom de
Montde- Piété. )
RENAUDOT ( Eusèbe ) , petit-fils du
précédent, naquit à Paris, en 1646. Après
avoir fait ses humanités au collège des
jésuites, et sa philosophie au collège
d'Harcourt, il entra chez les Pères de
l'Oratoire, et n'y demeura que peu de
mois. Il continua cependant de porter
l'habit ecclésiastique ; mais il ne songea
point à entrer dans les ordres. Il se con-
sacra d'abord aux langues orientales, et
il en étudia ensuite plusieurs autres. Son
dessein était de faire servir ses connais-
sances à puiser dans les sources primiti-
ves les vérités de la religion. Le grand
Colbert avait conçu le dessein de réta-
blir en France les impressions en langues
orientales. Il s'adressa à l'abbé Renaudot,
comme à l'homme le plus capable de se-
conder ses vues; mais la mort de ce mi-
nistre fit abandonner ce projet. Le car-
dinal de Noailles mena l'abbé Renaudot
avec lui à Rome en 1700 , et le fit entrer
dans le conclave. Son mérite lui attira
les distinctions les plus flatteuses. Le
pape Clément XI l'honora de plusieurs
audiences particulières, et lui conféra
le prieuré de Frossay en Bretagne. Il
l'engagea à rester encore sept à huit mois
à Rome , après le départ du cardinal ,
pour jouir plus long-temps de son entre-
REN 3i5
tien. Le grand-duc de Florence, auprès
de qui il passa un mois , le logea dans
son palais , le combla de présens et lui
donna des felouques pour le ramener à
Marseille. Ce fut à son retour en France
qu'il publia la plupart des ouvrages qui
ont illustré sa plunte. Il mourut en 1720
à 74 ans, après avoir légué sa nom-
breuse bibliothèque aux bénédictins de
Saint-Germain-des-Prés. L'abbé Renau-
dot avait un esprit net, un jugement so-
lide , une mémoire prodigieuse. Homme
de cabinet et homme du monde tout en-
semble , il se livrait à l'étude par goût,
et se prêtait à la société par politesse.
Attentif à garderies bienséances , ami fi-
dèle et généreux, libéral envers les pau-
vres , insensible à tout autre plaisir qu'à
celui de converser avec les savans , il fut
le modèle de l'honnête homme et du chré-
tien. Quelque lié qu'il fût avec quelques
personnes de la petite Eglise, il ne sut pas
les imiter dans les intrigues et les mouvc-
mens de parti , et ne fit pas de manifeste
contre les décrets du saint-Siége. Ses
principaux ouvrages sont : 1° deux vol.
in-4, en 1711 et 1713, pour servir de
continuation au livre de La Perpétuité
de la Foi ; 2** Historia patriarcharum ,
alexandrinorum,jacobitarum,elc.TaiT'is,
1713, in-4 ; 3° un Recueil d'anciennes
liturgies orientales, 2 vol. in-4, Paris,
1716, avec desdissertations très savantes;
4° deux anciennes Relations des Indes et
de la Chine , avec des observations, Paris,
1718, in-8. Cet ouvrage, traduit de l'a-
rabe , renferme les voyages de deux ma-
hométans du 9* siècle. ^° Défense de la
Perpétuité de la Foi, in-8 , contre le li-
vre d'Aymon ; 6° plusieurs Dissertations
dans les Mémoires de l'académie des In-
scriptions; 7° Défense de son Histoire des
patriarches d^ Alexandrie, in-12 ; 8° une
Traduction latine de la Fie de saint
Athanase, écrite en arabe : elle a été in-
sérée dans l'édition des OEuvres de ce
Père par dom de Montfaucon, etc. ; 9"
plusieurs ouvrages manuscrits. Le stile
de ces diverses productions est assez no-
ble, mais il manque de légèreté et d'a-
grément. (Renaudot fut reçu à l'académie
française en 1689; deux ans après il rem-
3i6
REN
plaça QuinauU à celle des Inscriptions ,
et Fut nommé en 1700 associée celle
de la Crusca. )
* RENAZZI ( Philippe-Marie ), célè-
bre avocat italien, né à Rome en 1747,
fut professeur de droit dans cette ville,
où il jouit , ainsi que dans toute l'Italie,
d'une grande réputation. Les avocats les
plus renommés de son pays, de Bologne,
Padoue , etc. le consultaient sur les ma-
tières de droit les plus difficiles; et l'a-
mour pour sa patrie lui fit refuser diffé-
rentes places honorables à Florence, à
Bologne et à Venise. Il a écrit plus de 15
ouvrages, soit de jurisprudence , soit de
philologie ; le plus connu est celui inti-
tulé : Kltmens de droit criminel, Rome,
1773, 3 vol. in-8 : ils eurent cinq édi-
tions en peu d'années , et furent traduits
et commentés dans presque toutes les lan-
gues de l'Europe. Parmi «n grand nombre
de manuscrits qu'il a laissés, on cite une
Réfutation du Contrat social de J. J.
Rousseau. Il paraît qu'au moment où il
allait faire imprimer cet ouvrage , il en
parut un autre ( en 1779, in-1 2 ) , écrit
par un religieux , et qui obtint beaucoup
de succès. Renazzi mourut à Rome en
1808, âgé de 61 ans.
RElNE,comte d'Anjou et de Provence,
arrière-petit-fils du roi Jean , né à An-
gers le 16 janvier 1409 , descendait de
la seconde branche d'Anjou , appelée au
trône de Naples par la reine Jeanne l'*.
Ayant épousé en 1420 Isabelle de Lor-
raine, fille ethéritièrede Charles II, ( Re-
né d'Anjou suivit Chailes VII dans toutes
ses conquêtes contre les Anglais. Quoi-
qu'il n'eût que vingt-un ans, il se pro-
nonça souvent contre les avis de La Tre-
mouille, et en faveur de ceux de Dunois,
Jeanne d'Arc , La Hire , Polhon , etc. Il
ne put recueillir l'héritage de son beau-
père. Antoine, comte de Vaudemont,
qui le lui disputa les armes à la main , !e
chassa de Lorraine , le fit prisonnier en
1431 , et le força de donner sa fille Isa-
belle en mariage à son fils Ferri de Vau-
demont , dont les descendans régnèrent
dans cette province. Pendant sa captivité
le comte de Vaudemont lui permit de
sortir de prison pour aller se soumettre
REN
avec lui aux décisions de l'empereur Si-
gismond sur le duché de Lorraine. L'em-
pereur se prononça pour René ; mais le
comte n'accéda pas à cet arrêt, et René,
esclave de sa parole, vint reprendre ses
fers. La mort de son frère Louis III l'ap-
pelait au trône delà Provence, et en
même temps il avait été nommé par Jean-
ne au royaume de Naples. L'intercession
de plusieurs souverains et une riche
rançon lui obtinrent enfin sa liberté. Ar-
rivé à Naples et proclamé roi , il en fut
chassé par la trahison de Caidora , par-
tisan d'Alphonse d'Aragon. Par suite de
divers événemens, il céda le duché de
Lorraine à son fils Jean , frère de Mar-
guerite, reine d'Angleterre. René passa
quelque temps après en Italie au secours
des Florentins contre les Vénitiens. Il
eut plusieurs démêlés avec Louis XI, roi
de France , qui le soupçonnait de secon-
der les vœux de Charles le Téméraire.
Le comte d'Anjou, n'ayant eu que des re-
vers à la guerre , se relira en Provence ,
où il cultiva les arts de la paix. Il fit des
vers, et peignit, comme un prince pou-
vait peindre dans un siècle et dans uu
pays alors à demi-barbare. On voyait un
de ses tableaux aux Célestins d'Avignon.
Le sujet n'est pas riant , mais peut pro-
voquer des réflexions salutaires. C'est le
squelette de sa maîtresse à moitié rongé
des vers, avec lecercueild'où elle sort. Il
est le premier auteur de la fameuse pro-
cession d'Aix , où l'on voit les diables,
mêlés avec différens personnages , repré-
senter des scènes qui, aujourd'hui, ne
paraîtraient que ridicules, mais qui, chez
un peuple grossier , étaient des moralités
mises en action. Plusieurs de ces scènes
ne sont pas aisées à expliquer. On peut
consulter l'abbé Papon dans son Foyagc
de Provence, tom. 1 , pag. 61 , édit. de
1787. René mourut à Aix en 1 480. On lui a
attribué V Abusé en cour, qu'on imprima
dans un recueil d'anciennes poésies sans
date, mais fort ancien, in-fol. et depuis
àVienne, 1484, in-fol. On a encore de
lui : Les Cérémonies observées à la récep-
tion d'un chevalier . manuscrit enrichi
de belles miniatures. Jeanne de Laval ,
qu'il épousa en secondes noces , lui doo-
f
REN
na des enfans qui moururent avant lui.
(Son njanuscrit sur les Tournois & été pu-
blié en lilhographie, Paris, 1827, in-fol.
M. Boisson de la Salle a donné un précis
historique sur la vie de René d'Anjou ,
Ais, 1820, in-8, suivi d'un autre précis
par le Préfet des Bouches-du-Rhône. En
1825, ila paru une histoire de René d'An-
jou, par le vicomte de Villeneuve Bar-
gemont, 3 vol. in-8 avec planches. Sir
Walter Scott a peint la cour de René dans
Anne de Geierstein; en 1823 une statue
de marbre a été érigée à ce prince dans
la ville d'AisL : on montre encore dans
cette cité la promenade favorite du roi
René. )
RENÉ , duc de Lorraine , engagé par
le roi de France à faire la guerre à
Charles le Hardi, duc de Bourgogne,
fut d'abord malheureux et perdit son
duché; mais il le recouvra par les secours
que lui fournirent les Suisses. Charles
étant revenu avec une puissante armée
assiéger Nancy , il s'y livra une sanglante
bataille le 4 janvier 1477, dans laquelle
Charles fut défait et tué ( selon toute ap-
parence ) par Campo-Basso , un de ses
généraux , gagné par René avec plusieurs
autres. ( Ployez Charles lk Hardi. ) René
mourut en 1508.
REINEAULME ( Paul-Alexandre de ) ,
chanoine régulier de Sainte-Geneviève
de Paris, né à Blois vers 1672 d'une fa-
mil e noble, originaire de Suisse, fut
prieur de Marchenoir, et ensuite de
Theuvy , oîi il mourut d'hydropisie en
1749. C'était un homme plein de vertus
et surtout très charitable. Il connaissait
la botanique et servait de médecin aux
pauvres de son canton. Il s'était formé
une des plus belles bibliothèques qu'un
particulier puisse se procurer. En 1740,
il publia \xiï Projet de Bibliothèque uni-
verselle , pour rassembler dans un même
corps d'ouvrage , par ordre alphabétique
et chronologique , le nom de tous les au-
teurs qui ont écrit en quelque langue
que ce soit ; le titre de leurs ouvrages ,
tant manuscrits qu'imprimés, suffisam-
ment étendu pour en donner une idée
en forme d'analyse ; le nombre des édi-
tions; des traductions, etc. Une santé
REN 3i7
languissante dans les dernières années
de sa vie l'a empêché d'exécutçr cet ou-
vrage immense. Tous ses manuscrits,
ainsi que sa bibliothèque , passèrent à la
maison des chanoines réguliers de Saint-
Jean , à Chartres. — Il ne faut pas le
confondreavec Reneaulme Paul , médecin
de Blois dans le 17* siècle , de qui on a :
1" £x curationibus observationes , Pa-
ris, 1606, in-8 : il y démontre que les
remèdes chimiques sont quelquefois d'ua
grand secours ; 2° Spécimen historiée
plantarum , avec fig. , 1611 , in-4 ; 3"
La vertu de la fontaine de Médicis ,
près de Saint-Denys-Us-Blois, I6l8,
in-8.
RENÉE DE France, duchesse de Fer-
rare, née à Blois en 1510, de Louis XII
et de la reine Anne de Bretagne , avait
été accordée en 1515 à Charles d'Au-
triche , depuis empereur , et fut deman-
dée quelques années après par Henri
YIII , roi d'Angleterre. Ces projets n'eu-
rent point de suite, pour quelques rai-
sons d'état, et la princesse fut mariée,
par François l" , à Hercule d'Est , deu-
xième du nom, duc de Ferrare. C'était
une femme d'un esprit inconstant et
d'une curiosité inquiète. Calvin, ayant
été obligé de quitter la France et de pas-
ser en Italie , porta facilement l'esprit
de cette princesse à suivre ses opiuions;
et Marot, qui lui servait de secrétaire,
la confirma dans cette disposition. Après
la mort du duc son époux , en 1 559 , elle
revint en France et s'occupa à augmenter
les troubles du royaume. Elle parla pour
le prince de Condé lorsqu'il fut mis en
prison ; mais leur amitié ne dura pas.
Elle se brouilla avec lui , parce qu'elle
désapprouva la guerre des prétendus ré-
formés. Elle mourut dans l'hérésie , en
1575 , dans lechâleaude Montargis, âgée
de 65 ans. { Sa vie a été publiée par Cat-
teau , Berlin , 17 81 , in-8. )
* RENGGER (N.... ) , voyageur suisse,
né le 21 janvier 1795, fit ses études à
l'université de Lausane. Reçu docteur,
il s'embarqua le 1 " mai 1818, pour l'A-
mérique avec son ami le docteur Loa«
champs. Ils débarquèrent à Buénos-Ayres,
et arrivèrent dans le mois de juin 1819
3i8 REN
à l'Assomption. Le docteur Bengger par-
courut la plupart des contrées de TAmé-
rique méridionale , séjourna plusieurs
années au Paraguay où il sut gagner l'afifec-
tion des babitans , et échapper à la tyran-
nie du docteur Francia. Il revint en Suisse
dans le mois de mars 1826 : il continua à
se livrer à son goût pour l'histoire natu-
relle et pour les voyages. Ainsi au com-
mencement de 1 832 il était à Naples où il
tomba malade : c'est avec peine qu'il put
revenir dans sa patrie. Il est mort à Arrau
le 9 octobre 1832, n'ayant pas encore
atteint sa 38' année. Ce jeune savant a
laissé plusieurs ouvrages, notamment une
Notice sur le Paraguay et le docteur
Francia ; une histoire des mammifères
du Paraguay , et une description en-
core inédite des contrées américaines
qu'il avait parcourues.
* RENMEL C James) major anglais,
géographe célèbre, né en 1742 à Chud-
leigh dans le Devonshire , fut élevé dans
sa ville natale, et entra dans la marine
comme midshipman ou officier du til-
lac. En 1761 il s'était déjà distingué à la
prise de Pondichéry : cinq ans après il ser-
vait dans l'Inde comme officier de génie.
Il acquit de la réputation dans la guerre
sanglante qui assura aux Anglais la pos-
session de la presqu'île de l'Inde , et mé-
rita l'estime de lord Clève. Une blessure
grave le força de quitter le service : il
revint en Angleterre où il reprit ses étu-
des et s'adonna surtout à la géographie.
Le 1" ouvrage qu'il publia est une carte
du banc et du courant du lac LaguUas.
Il lui valut la place d'ingénieur-géogra-
pbe-général pour le Bengale. En 1781 il
publia V Atlas de ce pays, et une Notice
sur les cours du Gange et du Brahma-
Soutra qui parut pour la première fois
dans les Transactions philosophiques de
la société royale de Londres de la même
année. Rennel s'occupa ensuite plus spé-
cialement de la géographie comparée
desanciens eldes modernes: exactcomme
Cellarius, profond comme d'Anville, il
a rendu les services les plus grands à cette
partie de la science. Nous citerons parmi
ses travaux le Système de la géographie
d'Hérodote, 1800, 1816; les Observa-
REN
tions sur la topographie de la Troade ;
des Eclaircissemens sur l'expédition de
Cyrus le Jeune et la retraite des dix
mille. Rennel s'est acquis beaucoup de
gloire par sa Carte de tlndoustan et le
Mémoire qui l'accompagne ; par ses Re-
cherches sur {'intérieur de l'Afrique. C'est
lui qui a rédigé le F'oyagede Hornemann.
Il a donné plusieurs Notices pour com-
pléter l'ouvrage du docteur Vincent sur
le voyage de Néarche. On affirme qu'il a
a laissé en manuscrit un Traité sur les
courans de l'Océan altantique , avec des
cartes très détaillées. Ce savant est mort
à Londres dans le mois d'avril 1830 : ses
restes ont été déposés dans l'abbaye de
Westminster.
RENNEQUIN ou Rknkis. Voyez
RAîVNEQrjIN.
RENNES (Bricede), capucin, mis-
sionnaire en Palestine, fut un de ceux
qui , par ordre de la Propagande , tra-
vaillèrent à l'édition de la Bible arabe,
imprimée en 1671 pour l'usage des
églises orientales. Ce religieux a traduit
dans la même langue X'Epitome anna-
lium ecclesiasticorum cardinnlis Baro-
nii, 2 vol. in-4 , et VEpitomc annalium
■vcteris Testamenti Jacobi Saliani ab
Adamo usque ad Christum, 2 vol. in-4,
de l'imprimerie de la Propagande, 1653.
* RENNEVILLE (René-Auguste-Con-
stantin de ), écrivain plus connu par ses
malheurs que par ses ouvrages , naquit
en 1650 à Caen, et vint jeune encore à
Paris. Il passa ensuite en Hollande où il
resta pendant quelques années pour y
suivre librement la religion calviniste.
De retour en France, il eut pendant long-
temps pour protecteur M. de Cbamillart
qui lui donna plusieurs emplois lucratifs
dans les domaines. Quelques bouts rimes
qu'il fit pendant son séjour en Hollande,
ayant été remis au marquis de Torcy, fu-
rent trouvés injurieux pour la France, et
valurent à Renneville d'abord une forte
réprimande, puis son emprisonnement à
la Bastille en 1702. Après une captivité
de 11 ans, il fut exile et il alla en An-
gleterre où il mourut en 1724. On a de
lui : t° Histoire de la Bastille, 1724,
5 vol. in-I2 ; V Recueil des voyages qui
REN
ont servi à rétablissement de la compa-
gnie des Indes orientales , formée dans
les Provinces -Unies des Pays-Bas,
Amslerdam, 1702, 1708, 1730, 10 vol.
in-12.
*RENjNEVILLE (Sophie de), dame
auteur, née vers 1771, morleàParis le 15
octobre 1822, des suites de la petite vé-
role, consacra toutes ses veilles à l'in-
struction de la jeunesse. C'est dans ce
but qu'elle a travaillé seule ou avec
d'autres dames, telles que M"«» de Beau-
fort, d'Hautpoul, Dufresnoy, et elle a
coopéré à l'ouvrage qui a pour titre : des
Amusemens de Vadolescence ; elle a écrit
aussi dans VAlhe'née des dames, etc. En
général on peut dire que ses productions
sont dignes de l'honorable mission qu'elle
s'était imposée, et que , sous le rapport
littéraire , elle mérite les suffrages qu'elle
a obtenus. M"» de Renneville a publié :
1° Lettres d'Octavie, jeune pension-
naire de la maison de Saint Clair, 1806,
in-12 ; 2* édition, augmentée, Paris,
1818, in-12; 2° Stanislas, roi de Polo-
gne, roman historique, suivi d'un abrégé
de V histoire de Pologne et de Lorraine,
3* édition, 1807, 1808 et 1812,3 vol.
in-1 2 ; 3° Galerie des femmes vertueuses,
ou les Leçons de morale à tusage des
jeunes demoiselles, 1808, in-12; 3* édi-
tion, 1817, in-12 ; \° Lucile ou la bonne
fille, 1808 , 2 vol. in-12 ; b° DeVinfluence
du climat sur V homme, 1808,2vol.
in-1 2 ; 6° Fie de sainte Clotilde, reine de
France, 1809, in-12; 1° Contes à ma
petite fille, à mes petits enfans, pour
les amuser, leur former un bon cœur et
les corriger des petits défauts de leur
âge, 1811, in-12; 4« édition, 1817; 8°
La Mère gouvernante, ou Principes de
politesse fondés sur les qualités du cœur,
1812, 4 vol. in-12; 2« édition, 1817,
in-12; 9° Le Retour des vendanges,
contes moraux et imtruciifs, à la portée
des enfans de différens âges, 1 8 1 2, 4 vol .
in-1 2 ; 2* édition revue et corrigée, 1 820,
4 vol. in-1 8 ; 10" Elémens de lecture à
V usage des enfans, 1812, in-12; 11° Les
deux Educations, ou Le Pouvoir de
Vexemple, 1813, in-12; M" Zélie o\x La
bonne fille, \m,'m-n-f h* idXWon-, 18 17,
REN 3 19
in-1 8; 13° La Fée gracieuse, ou La
bonne Amie des enfans, 1813, in-1 8;
14° La Fée bienfaisante ou La Mère
ingénieuse, 1814, in-1 8; nouvelle édi-
tion, 1817, in-1 8; \b° La fille de Louis
XVI, ou Précis des évènemens les plus
remarquables qui ont eu quelque in-
fluence sur la fille de nos rois, 1814,
in-12 ; 16° Le petit Savinien ou Histoire
d'un jeune orphelin, 1814, in-12; nou-
velle édition, 1818, in-1 8; 17°les.ffe-
créationsd! Eugénie, contes, 1814, in-1 8;
18° L' Ecole chrétienne, 1816. in- 1 8 ;
1 9° Le Conteur moraliste, ou Le Bon-
heur par la vertu, contes , 1816, in-1 2 ;
2« édition, 1820; 20° Les secrets du
cœur, ou Le Cercle du château d!E~
glantine, rora;in-nouvelle, 1816,3 vol.;
tX" Miss Lovely de M actes fleld, ouïe
Domino noir, 1817, 3 vol. in-12; 22°
Correspondance de deux petites filles,
1817, in -18; 23° Les bons petits en-
fans ; portraits de mon fils et de ma fille,
contes et dialogues à la portée du jeune
âge, 1817; nouvelle édition, 1821, 2 vol.
in-1 8, avec figures; 24° £e Précepteur
des enfans, ou le Livre du second âge,
'^édition entièrement refondue, 1818,
in-12 ; 2b° Les Aventures de Télamon,
ou les Athéniens sous la monarchie,
1819, 3 vol. in-12; 26° Lettres sur
ï Amérique septentrionale, 1819, 3 vol.
in-12 ; 27° Coutumes gauloises, ou Ori-
gines curieuses et peu connues de la
plupart de nos usages, 1819, in-1 2 i
28" Galerie des jeunes vierges, oa
Modèles des vertus qui assurent le
bonheur des femmes, 1819, in-12, avec
figures; nouvelle édition, augmentée,
1 822 , in-1 2 ; 29° Contes pour les enfans
de cinq à six ans, 1820, in-1 8 , figures ;
3'^ édition, 1823; 30° Les Jeunes Per-
sonnes, nouvelles, 1820 , 2 vol. in-12,
fig. ; nouvelle édition, revue et corrigée,
1822, 2 vol. in-12 ; Z\° Beautés de l'his-
toire du jeune âge, etc., 1820, figures;
32° Nouvelle mythologie des demoiselles,
2 vol. in-12 ; 33° Charles et Eugène, ou
La Bénédiction paternelle, 1821, 2 vol.
in -18; Z^° Palmire, ou l'Education de
[expérience, 1822, 2 vol. in-12; 35° Ze
Petit Philippe, ou V Emulation excitée
320 REN
par V amour filial, 1822 , in- 18, figures;
3Q° La Dot, roman^ traduit en Prusse
par M. Marlinot. Madame de Rennevilie a
laissé uu manuscrit : Les Femmes illus-
tres de Rome et de la Grèce. Les seuls
titres des nombreux ouvrages de cette
dame prouvent les bons principes dans
lesquels ils ont été rédigés. Elle avait
fait une étude approfondie du jeune âge,
et en avait saisi les diverses nuances.
Son stile est assez correct et gracieux.
*REiNNIE (John), mécanicien et in-
génieur anglais , né au comté de Lothian,
dans l'Ecosse, le 7 juin 1761, d'un fer-
mier qui le laissa orphelin en bas âge ,
ne reçut d'abord d'autre éducation que
celle donnée par l'écoleprimaire du bourg
de Preslon-Rirch, qu'il habitait. Ayant
souvent l'occasion d'aller dans une ma-
nufacture voisine, connue par quelques
inventions, il prit dès l'enfance du goût
pour les divers travaux qu'il y vit exécu-
ter, et il eut le bonheur d'inspirer quel-
que intérêt au chef d'atelier, qui lui
donna des instructions et lui prêta des
outils. A l'âge de 10 ans, il avait déjà
construit des modèles de moulin à vent
et des machines à vapeurs et à battre les
pieux , remarquables par la perfection de
la main d'ceuvre. A 1 3 ans , il alla étudier
àDunbar, sous le professeur Gibson, les
sciences mathématiques et physiques,
dans lesquelles il fit de 1res grands pro-
grès. Pour s'y perfectionner, il voulut
encore aller suivre à Edimbourg le cours
des professeurs Robinson et Black. Le pre-
mier l'introduisit dans les ateliers ds
Watt et de Bolton , établis à Soho près
Birmingham , et il y travailla pendant un
an à exécuter diverses machines , qui ,
après 40 ans d'usage, étaient encore re-
gardées comme des modèles dans leur
genre; enfin il alla à Londres pour se
produire sur un plus grand théâtre , et il
y fut employé par les mêmes Walt et
Bolton, dans l'établissement connu sous
le nom i'jélbion mills, et il continua à y
faire preuve d'une grande habileté. Cal-
culateur et praticien , ses machines
étaient remarquables par une précision de
mouvement , une proportion , une bar*
monie entre les diverses parties, qui les
REN
faisaient regarder comme des chefs d'œu'
vre. A ces qualités il joignait le talent,
plus essentiel encore, d'employer la force
motrice avec un grand avantage. Il fit des
sciences hydrauliques l'objet de ses mé-
ditations, et il exécuta plusieurs grandes
constructions en ce genre , sous la direc-
tion du célèbre Smealon , dont il devint
bientôt l'émule, et après sa mort, il fut
jugé seul capable de le remplacer. Parmi
les nombreux travaux de Rennie , on ad-
mire particulièrement le canal de Lan-
castre, un des plus beaux raonumens de
ce genre; le canal de Crinian en Ecosse,
dont le creusement offrait les plus grandes
difficultés; les magnifiques docks ou bas-
sins d'entrepôts pour les vaisseaux mar-
chands, que Londres compte parmi ses
o.i'nemens ; la jetée ou Breakwater de
Plymoulh , l'une de ses plus belles con-
ceptions, remarquable par son étendue,
le choix des matériaux et les moyens
pour les mettre en place; le pont en fer
de Southwark, cité comme le monument
le plus remarquable en son genre, et le
premier oii l'on ait conçu l'idée hardie
d'employer le fer coulé en masses com-
pactes, d'une étendue qui surpasse celle
des massifs de pierre les plus considéra-
bles; celui du Strand ou Waterloo, exé-
cuté en pierre aussi sur la Tamise, le
plus grand, le plus régulier et le plus
hardi de tous ceux qui se trouvent dans
le royaume britannique, et enfin, les ar-
senaux royaux de Portsmoulh , Chatam et
Sheerness. L'aspect de ce dernier, dont
M. C. Dupin a publié la description dans
son Voyage de la Grande-Bretagne , oî»
il donne sur Rennie une Notice fort in-
téressante, frappe d'admiration les per-
sonnes les plus étrangères à l'architecture
hydraulique. Ce grand ingénieur a été
enlevé aux sciences eu aux arts le 16 oc-
tobre 1821. M. de Prony a aussi contri-
bué à faire connaître en France cet ha-
bile mécanicien.
* REINOU ( Antoine ), peintre et litté-,
rateur, né à Paris en 1731, fit d'excellen-
tes études, et obtint souvent des couron
nés à l'université; cependant son goût
pour le dessin le décida pour la peinture.
Après avoir étudié sous Pierre et \ien ,
REN
jI concourut pour le grand prix; mais il
l'obtint que la seconde palme. Il allait
entrer dans la lice, lorsqu'en 1760 le roi
tanislas le nomma son peintre et le fixa
la cour. Renou ne taisait pas seulement
lors des tableaux, il composait encore
is vers et jouait la comédie avec les
rands seigneurs. Ce fut pour lui l'époque
plus heureuse de sa vie. Le roiStanis-
|s étant mort, il revint à Paris. li se lit
l'abord connaître par un tableau repré-
itant Jésus parmi les docteurs, qui le
agréger à l'académie de peinture en
?66 ; il en fat reçu membre en 1781, sur
des tableaux du plafoud de la galerie
^Apollon , représentant V Aurore. L'a-
idémie ayant été supprimée à la révolu-
)n, il fit partie des écoles spéciales de
einture comme secrétaire et comme
irveillant des études. 11 mourut à Paris
1806. Ses principales productions,
lire celles déjà citées, sont : le Tableau
igrippine débarquant à Brindes, avec
trne contenant les cendres de Germa-
}icus ; une Annonciation, qui se voyait
»ns un couvent de Saint-Germain-en-
jye, et un plafond pour l'hôtel des
)unaies de Paris. Comme littérateur,
"on a de lui . Téréc et P/iilomèle, tragédie
jouée avec succès au Théâtre- l'rançais en
1773, et faite par suite d'un défi, dans
une discussion élevée sur les difficultés
de la poésie et celles de la peinture. Le-
miene soutint la suprématie de la poésie;
alors Benou ie défie de faire un tableau ,
et s'engage à faire une tragédie; il com-
posa Térée, et le tableau est encore à
venir. On a encore de Renou une IraJuc-
tien en vers du Poème latin de Dufresnoy
sur la peinture, estimé surtout pour les
notes; une traduction de la Jérusalem
délivrée, où l'on trouve de beaux vers et
la Lettre du marin, et celle de M. Bon~
nard, marcliand bonnetier, critique fort
gaie au sujet d'une exposition publique
du Louvre, aussi inslruclivc pour les
altistes que pour le public.
RE^TY ou Renti ( Gaslon-Jean-Bap-
tisle , baron de j , issu d'une ancienne
maison d'Artois, naquit en ICII au dio-
cèse de Bayeus. Il fil éclater dès sa
tendre jeunesse une piété que son corn-
ai.
REP 321
mcrce avec le monde n'éteignit jamais. Il
se proposa d'entrer chez les chartreux,
mais ses parens s'y opposèrent. Il servit
avec distinction dansées guerres de Lor-
raine, et Louis XIII l'honora de son es-
time. Il épousa , à l'âge de 22 ans , Eli-
sabeth de. Balzac, comtesse d(î Graville.
Son occupation principale fut dès lors de
remplir tous les devoirs d'un chef de fa-
mille en vrai chrétien ; il donna le spec-
tacle de toutes les vertus que la religion
peut in.spirer. Insensible aux richesses,
aux honneurs, aux plaisirs et à tous les
biens créés, il ne songea qu'à servir le
souverain maître , et à le faire servir par
ses vassaux , et surtout par ses enfons.
Il mourut à Paris le 24 avril 1G49, et fut
enterré à sa terre de Cilri , diocèse de
Soissons. Il eut part à rétablissement des
frères cordonniers. ( F'oyez Bûche. } Le
Père de Saint-Jure, jésuite, a donné sa
Fie, 1651, in-4, réimprimée très souvent
in-12.
* RENZOLI ( César } , jésuite italien ,
né dans l'état de Modèiie le 16 juillet
1627 , habita successivement les collèges
de son institut à Ancône, Macerata et
Lorrelte. Il s'y dévoua au ministère de
la prédication et à l'œuvre des missions
avec un zèle qui produisit d'heureux
fruits. Il était rare que ceux qui allaient
l'entendre n'en retirassent pas de grands
avantages spirituels , et beaucoup de
conversions furent dues à ses exhorta-
tions. On croit qu'il mourut à Pérouse au
commencement du 18* siècle. Il a pu-
blié : 1° Sermnni sopra la passione di
N. S. Gesii Christo , tom. 1, Ancône,
1687 ; tom. 2 , Macerata , 1696 ; tom. 3 ,
5 et6 , Macerata , i:02; 2° Panegirici e
discnrsi sacri, Macerata, 1698, 3 vol.;
3" Nunva scella di laudi spirituali per
uso délie missinni, Ancône, 1689.
' REPELAER-VAN-DRIEL (Okker ,
le chevalier ) , minisire d'état du royau-
me des Pays-Bas , et depuis du nouveau
royaume de Belgique, naquit à Dordrecht
en 17 59 d'une ancienne famille patri-
cienne. Nomméen 1794 commissaire-gé-
néral de radmiiiistration des vivres de
l'année hollandaise , il se distingua par
son dévouement au Stalhouder. L'année
4i.
322 REP
suivante , il fut obligé de rendre les
comptes au nouveau gouvernement éta-
bli après la révolu'/ion qui venait de
s'opérer. Malgré sp,n opposition à l'ordre
de choses qui avp.it succédé au Slathouder,
sa probité étaitjellementreconnuequ' une
indemnité "jiême lui fut accordée pour
les sommes que l'état lui devait , d'après
ses calculs. Cependant Repelaer fut ar-
rêté en 1795 , et mis en jugement : il
ét'ait prévenu de correspondance étran-
gère avec les partisans de la maison
d'Orange et le prince de cette famille.
H. van Maanen , alors ami de la révolu-
tion , depuis procureur impérial de Buo-
naparte , et ensuite ministre du roi des
Pays-Bas , requit , en sa qualité de fiscal
du gouvernement, la peine de mort con-
tre Repelaer. Le tribunal le condamna
seulement à cinq années de détention
qu'il subit. Rendu à la liberté , il n'oc-
cupa de fonctions publiques qu'après la
paix d'Amiens ( 1802), époque oii ses
concitoyens le nommèrent député au
corps législatif. Pendant le règne mo-
mentané de Louis Buonaparte , il devint
membre du conseil d'état , et c'est en
celte qualité qu'il présenta au corps lé-
gislatif les projets des nouveaux codes ,
mission dont il s'acquitta avec un talent
supérieur. Lorsque la Hollandefut réunie
à l'empire français, Repelaer se relira des
affaires. En 1813 il travailla de tous ses
efforts à la révolution qui devait rétablir
la maison d'Orange, et reçut bientôt de
son souverain les marques les plus écla-
tantes de sa reconnaissance. Nommé
d'abord directeur général du W'aterloole
(administrateur des digues, des ponts el
chaussées ) , il devint ensuite commis-
saire-général pour l'instruction publique,
les ails et les sciences. Il se démit de ces
fonctions en 1817 , et devint ministre
d'état , avec une pension de 10,000 flo-
rins. Quelque temps après il fut nommé
membre de la commission secrète d'état ,
et il occupait encore cette place en 1 824.
Nous ignorons la part qu'il a prise à la
révolution de 18.30 ; mais, si nous en ju-
geons d'après ses opinions anciennes qui
n'avaient pas cessé d'être favorables à la
maison d'Orange , nous devrons penser
REQ
qu'il resta tout au moins en dehors des
évènemens qui s'accomplirent à cette
époque avec tant de rapidité. Cependant
les journaux , qui ont annoncé sa mort ,
lui ont donné le titre de caissier-général
du royaume de Belgique. Repelaer-van-
Driel est mort le 26oclobre 1832.
• REPJNIN ( le prince .Nicolas Vasilie-
witsch ) , célèbre général russe , né en
1734 d'une famille distinguée, était fils
d'un officier de ce nom qui , sous Pierre
le Grand , commanda un corps d'armée
contre Charles XII , et neveu du comte
Panin, principal ministre deCatherine II.
Le jeune Repnin prit aussi le parti des
armes et parut sous les drapeaux français
pendant la guerre dite de Sepl-ans. En-
voyé ensuite par Pierre III à Berlin , il
fut choisi en 1764 par Catherine pour
aller en Pologne seconder l'élection de
Stanislas Poniatowski. Plus lard il dé-
ploya dans ses diverses campagnes une
valeur brillante et des talens militaires
peu communs, surtout dans la guerre
contre les Turcs , sur lesquels il remporta
divers avantages, notamment dans la
campagne de 1781 et en l'absence de
Potemkiu sous lequel il commandait. Ce-
pendant, sa marche méthodique et pru-
dente ayant déplu à Catherine , qui ne
l'aimait pas , elle le plaça sous les ordres
de Souvarrow , comme elle l'avait rois
précédemment sous ceux de Potemkio ,
quoiqu'il fîit leur ancien et leur supérieur
en talent. Elle le renvoya ensuite à Var-
sovie avec le titre de ministre pour dépo-
ser le faible Stanislas , qui signa l'acte
qu'on lui présenta el abandonna un trône
sur lequel il avait été placé 30 ans aupa-
ravant par la même princesse. Le général
Repnin fut élevé au rang de feld maré-
chal , le 20 novembre 17 96 , et alla mou-
rir à Moiicou , en 1 801 .
REQUESENS ( Louis de Zuniga Y ),
d'une famille illustre d'Espagne, com-
mandeur de l'ordre de Saint-Jacques, fut
gouverneur-général des Pays-Bas en 1 67 4,
après le départ du duc d'Alhe. Il s'empa-
ra de la ville de Ziriczée en Zélande ; mais
son administration ne fut pas heureuse.
Son caractère n'avait pas l'énergie néces-
saire pour les circouslances , et lesmé:
\
RES
contens en profilèrent. Ce qui a fait dire
que le duc d'Albe n'aurnii pas dû venir
OMX Pays-Bas, ou qu'il n'aurait pas dû en
sortir. Requesens mourut à Bruxelles en
Ïà7fi. Il avait été auparavant gouverneur
du Milanais, et s'était conduit d'une ma-
nière peu convenable à l'égard de saint
Charles Borromée, auquel il donna de cui-
sans chagrins ; ce que bien des personnes
ont regardé comme la cause de son peu de
succès dans le gouvernement des Pays-
Baset de sa mort prématurée. Cependant
il en avait fait demander pardon au saint
prélat , qui avait promis de le demander
à Dieu par ses plus ferventes prières.
RESCICS (Stanislas), chanoine de
Warmie'en Pologne, secrétaire du cardi-
nal Uosius, fut député vers Henri, duc
d'Anjou, élu roi de Pologne, et envoyé
ensuite par Etienne Batlori , en qualité
d'ambassadeur à Rome. Ce prince lui avait
donné l'abbaye d'Androw , ordre de Cî-
teaux. Nous avons de lui : 1° De rébus in
electione régis Poloniœ gestis ad disces-
sum ejus , Rome , 1 5" 3 , in-4 ; 2° f^ita D.
StanislaiHosii , Poloni, S. R. E. cardin.
majoris pœnitenliarii et episcopi war-
miensis , Rome , 1687 ; Munster , 1G90 ,
io-S ; 3° Dissidium evangelicorum ma-
gistrorurn ac ministrorum , Cologne ,
1 592 , in-8 ; 4° De atheismis et pliala-
rismis evangelicorum. Ce traité , qui
n'est pas commun, fut imprimé en 1596,
in-4 , à Naples , où l'auteur mourut 2 ans
après, en 1598.
RESEJNDE ou Réesende^ Resendius
(André ou Louis-André de ), le restaura-
teur des lettres dans le Portugal, né à Evo-
ra en 1498 , entra jeune dans l'ordre de
saint Dominique, et étudia avec succès
à Alcala , à Salamanque , à Paris et à
Louvain. Le roi de Portugal, Jean IIF, lui
contia l'éducation des princes ses frères,
et ayant obtenu du pape la permission de
lui faire quitter l'habit de religieux, il
lui donna uncanonicatd'Evora. Resende
ne fut pas moins laborieux sous l'habit de
chanoine que sous celui de dominicain.
Il ouvrit une école de littérature , cul-
tiva la musique et la poésie , et prêcha
avec applaudissement. Il mourut en
1573, à 7 5 ans. On a de lui un grand
RES 323
nombre d'ouvrages. La plupart ont été
recueillis à Cologne, l'an IGOO , en 2 v.
in-8. Les principaux sont : 1° De Anti-
quitatibus Lusitanice , Evora , 1 593 , in-
fol., curieux et rare ; 2° Deliciœ lusi-
iano-hispanicœ , 1G13 , in-8 , bon et re-
cherché; 3" un vol. in-4 de poésies la-
tines ; 4° De vita aulica, in-4 ; 5° une
grammaire", sous ce titre : De verbnrum
conjuratione , etc. Il était très versé dans
les langues grecque , latine et hébraï-
que, et dans les antiquités sacrées etpro*
fanes. Ses poésies valent moins que ses
ouvrages d'érudition. U y a un autre
Resesde (Garcias de), auteur de V His-
toire de Jean II , en portugais, 1554 et
1622, in^fol.
RESEMUS ( Pierre ) , professeur en
morale et en jurisprudence à Copenha-
gue, devint prévôt des marchands de
cette ville et conseiller d'état. Ses ouvra-
ges sont relatifs à l'histoire et au droit
public d'Allemagne. On a de lui : \°Jus
aulicum norwegicum , 1673, in-4 ; 2° un
Dictionnaire islandais, 1683 , in-4 ; 3°
deux Edda des Islandais , 1665, in-4.
M. 3Iallet en a donné la traduction dans
son Introduction à l'histoire de Dane-
mark, Copenhague , 1756 , in-4. Rese-
nius poussa sa carrière jusqu'à 63 ans ,
et mourut en 1688.
RESiNEL DU Bellay ( Jean-François
du), né à Rouen en 1692, fit voir dès sa
jeunesse beaucoup d'esprit et de talent
pour la poésie. Dès qu'il se fut montré à
Paris , il trouva des amis et il méritait
d'en avoir. On lui procura l'abbaye de
Fontaine et une place à l'académie fran-
çaise et à celles de belles-lettres. L'abbé
du Resnel a un rang marqué sur le Par-
nasse par ses traductions des Essais sur
lit critique et sur l'homme de Pope, in-1 2.
Ses versions sont précédées d'une préface
très bien écrite. ( Foyez Pope. ) Il a
prêté dans ses vers beaucoup de force et
de grâce à des sujets arides. On y trouve
de très beaux morceaux , quoiqu'il y ait
quelques vers prosaïques et languissans.
On prétend que Pope était assez mécon-
tent de son traducteur; on n'en voit pas
trop la raison; car le copiste a souvent
embelli son original L'abbé du Resuel
324 RES
s'était aussi adonné à la chaire , et nous
avons de lui un Panégyrique de saint
Louis. Il mourut à Paris en 1761 , à 69
ans. On lui doit dix Mémoires dans le
Recueil de l'académie des Inscriptions.
RESSIUS fRulger), professeur de lan-
gue grecque à Louvain, naquit à Jlaseyck,
dans la principauté de Liège , vers la fin
du 15® siècle. Erasme rend un hommage
flatteur à son érudition et à ses mœurs ,
dans une lettre qu'il écrivit à Jean Bobin,
doyen de l'église de Matines. Doctior,
dit-il , an inveniri possit nescio , certo
cUligentiorem ac moribus puriorem vix
invenias. La France lâcha de l'arracher à
cette université par les ofl'res les plus at-
trayantes, mais ce fut inutilement. Il
mourut l'an 1545 , après avoir donné des
éditions : 1 ° Des Institutions du droit des
Grecs ^ par Théophile, Louvain, 1536 ;
2° des Aphorismes d'Hippocrate , 1 533 ;
3° des Lois de Platon.
RESSOJVS (Jean-Baptiste Deschiens
de ) , né à Châlons en Champagne , vers
Ï660, d'une bonne famille , mourut à
Paris en 1735. Son goût le porta dans sa
jeunesse à prendre le parti des armes. Il
servit dans l'artillerie, et fit de si rapi-
des progrès dans les mathématiques, qu'il
fut bientôt admis dans l'académie des
Sciences, dont il a enrichi le recueil d'un
assez bon nombre de Mémoires.
RESTAUT (Pierre), grammairien fran-
çais, né à Beauvais en 1694 , d'un mar-
chand de draps de cette ville , vint de
bonne heure à Paris où il fut chargé de
quelque éducation particulière au collège
de Louis le Grand. 11 se livra ensuite à l'é-
tude de la jurisprudence , fut reçu avocat
au parlement, acheta eu 1740 une
charge d'avocat au conseil du roi , et
mourut à Paris en 1764 ,à 70 ans. Tout
le monde connaît ses Principes généraux
et raisonnes de la grammaire française^
1730, in-I2. Il y a eu une foule d'éditions
de cette grammaire. « Cet auteur, dit un
3> habile critique , n'a fait que répéter ce
» qu'avaient dit le Père Buflier , l'abbé
■» Begnier , M. de la Touche, et tous ceux
■» qui avaient écrit avant lui sur celte
» matière, qu'il a embrouillée à force
M d'exceptions aux règles qu'il établit ; »
RES
on peut ajouter, et rendue insipide par
la forme de demandes et de réponses, et
par l'étalage d'une érudition spéculative
aussi inutile que repoussante pour ceux
qui apprennent une langue. « Pourquoi ,
» continue le critique, ce livre a-t-il eu
» tant de vogue ? C'est que l'auteur était
» protégé par un parti qui le prônait. »
Restant a revu le Traité de l'orthograplie
en forme de dictionnaire, Poitiers, 17 64,
in-8. On a encore de lui un Abrégé de sa
grammaire, in-12 ; et la traduction de
\a Monarchie des Solipscs , 1721, in-12,
avec des notes contre les jésuites. Foyez
Tnchofer.
* RESTIF ou RÉTIF DE LA Bbetosne
(Nicolas-Edme) , écrivain fécond et spi-
rituel, mais cynique et bizarre par sys-
tème , naquit à Sacy en Bourgogne le 22
novembre 1734. Son père était cultiva-
teur , et le destinait à son état ; mais le
jeune Restif , qui dès son enfance avait
montré un caractère inquiet et ardent ,
ne put s'accommoder de cet honorable et
tranquille état. Il fut alors envoyé par
ses parens à Auxerre pour apprendre l'im-
primerie. Cependant une imagination
féconde et ses inclinations naturelles le
lançaient , pour ainsi dire , dans la car-
rière des lettres. Imprimeur et prote
comme le fameux Richardson , il n'en
eut pas sans doute le génie , mais il par-
tagea avec l'auteur anglais son goût pour
le genre romanesque. Richardson , ce-
pendant, écrivait comme un observateur
judicieux qui pense et qui connaît les
derniers replis des passions ; Restif com-
posait comme un homme qui effleure ce
qu'il voit , et il voit moins qu'il n'ima-
gine. Ennuyé de sa place de proie , il
revint dans son village , oii il composa
son premier ouvrage : U école de la jeu-
nesse, avec lequel il se rendit à Paris,
pouvant dire comme Bias : Omnia bona
mea mecuni porto. L'indigence et des
goûts licencieux lui firent contracter
des liaisons et des habitudes avilissantes
qu'il conserva toute sa vie , et qui pour-
tant ne l'empêchèrent pas de vouloir
s'ériger en réformateur des mœurs de
son siècle. Le bruit tumultueux delà ca-
pitale, les diffcreus objets qui frappaieat
I
RES
ses yeux , exaltèrent encore plus son
imagination , déjà assez vive , et lui fi-
rent enfanter ce nombre prodigieux d'ou-
vrages qui prouvent en lui , sinon un
grand talent , au moins une fécondité
peu commune. Restif n'était qu'un écri-
vain agréable et spirituel ; il étonnait
souvent ses lecteurs, mais il ne leur lais-
sait pasd'impression durable ; et quoique
tous ses romans paraissent avoir un but
moral, ce but se perd souvent au milieu
des senlimens exagérés , des passions ex-
traordinaires , des tableaux qui blessent
ou la pudeur , ou le bon goût , ou les
convenances. Sa vie entière oftVe elle-
même un roman trop long à décrire , et
qui participe à peu près de ces mêmes
défauts. Restif était dans le fond ce que ,
dans la société , on appelle un bon Aowz-
me; il ne pencbailpas du côté de la modes-
tie, et ne cacbait pas la grande opinion
qu'il avait de ses taiens : ainsi il di.sait que
souvent il ne prenait pas même la peine
de rédiger en entier ses ouvrages. Comme
il revenait par caprice ou par besoin à
son premier état d'imprimeur , il en
composait des passages entiers sans ma-
nuscrits, et était en même temps auteur
et ouvrier ; ses productions faites à la
casse étaient , selon lui , « les meilleu-
■» res, les mieux écrites et les plus forte-
j» ment pensées, j» Le produit de ses livres
aurait suffi à lui assurer une bonncte
existence ; mais il aimait les plaisirs , et
il se vit souvent privé du nécessaire. Il
n'étalait cependant pas de luxe dans sa
parure , qui était très négligée , et il
avait cela encore de commun avec Ri-
cbardson. Il se croyait au moins l'égal
de Voltaire et bien supérieur à BuiTon
qu'il appelle utie taupe ; il croyait pou-
voir lutter victorieusement avec J. J.
Rousseau, dont il affectait d'ailleurs tou-
tes les singularités : c'est ainsi qu'il fit
paraître en 17 72 , en opposition avec
V Emile , les Lettres d'une fille à son
père qu'il regardait comme un chef-
d'œuvre de sensibilUé , un tissu de lu-
mières et de vertus , en un mot comme
le plus beau présent qu'il pût faire à la
postérité'. Il a écrit plus de 150 volumes
de romans. Son slile était énergique ,
RES 325
rapide , mais souvent incorrect et am-
poulé. Il mourut à Paris en 1808 , âgé
de 74 ans. Nous citerons ses principaux
ouvrages , savoir : 1" L'e'cole de la jeu-
nesse , qu'il ne rendit pas meilleur en le
recomposant presque en entier , Paris ,
1771, 4vol.in-12; 2" Lettres d'une fille,
à son père , ibid. , 1772 , 5 vol. in-12 ;
3" La femme dans les trois e'tats de fille,
d'e'pouseet de mère, ibid. 1773 , 3 vol.
in-i2 ; 4° Le ménage parisien , ibid.,
1773,2 vol. in-12 ; W V école des pères,
ibid., 1776, 3 vol. in-12 ; 6" Le paysan
perverti, ibid., 1776, 4 vol. in-12. C'est
son meilleur ouvrage et le plus moral ;
il renferme des caractères fortement des-
sinés , des tableaux frappans , les vices
du peuple bien rendus, et même plusieurs
traits de génie. 1° Le Quadragénaire,
ou VAge de renoncer aux passions , ib. ,
1772 , 4 vol. in-12; 8° Les métamor-
phoses , ou Les ressorts du cœur dévoi-
lés ; 9° Le Mimographe , in-8 ; iO" Le
Pornographc , Londres, 1776, in-8;
11° Les Gymnographes , 2 vol. in-8;
1 2" L'Autographe , le Gymnographe et
le Thesmographe , 17 90 , 6 vol. in-8 ;
13° La dernière aventure d'un homme
£?e46 ans, 1782, in-12 ; 14° Les con-
temporaines , ou Aventures des plus
jolies femmes de Cage présent , Paris ,
1780, 42 vol. in-12. C'est un recueil de
plus de cent nouvelles , presque toutes
vraies , sous des noms supposés , qui of-
frent des scènes assez licencieuses. On
en fit le reproche à l'auteur , qui tâcha
inutilement de le repousser par une ré-
ponse en apparence assez sage, mais qui,
dans le fond, n'avait rien de satisfaisant ;
cependant il avoua que dans cet ouvrage
il avait souvent manqué de goût , et il
ajouta en même temps : « Ne passerez-
)) vous rien au génie ? » 1 h°La malédic-
tion paternelle , 1779 , 3 vol. in-12 ; 16°
Les Françaises , ou Trente - quatre
exemples choisis dans les mœurs actuel-
le s, ^euichklel , 1186, 4vol. in-12; 17"
Lavie de mon père ,ihid. , 1787 ,2 voL
in-12 ; 18° La prévention nationale,
3 vol. in-1 2 ; 1 9° Les Parisiennes , 4 vol.
in-12 ; 20° Tableau des mœurs d'un siè-
cle philosophe J 2 vol. in-12; 21° Les
326 RES
nuits de Paris , ou Le spectateur noc-
turne, 1788 .Londres, 4 vol. in-12; 22°
Le cœur humain dévoilé, 1799 , in-12 ,
etc. Cet écrivain avait la manie bizarre,
ou la vanité de placer à la fin de chacun
de ses ouvrages une critique de l'ouvrage
même , en y ajoutant ce qu'il pensait de
son caractère , de ses talens et de son es-
prit. Ce modeste auleur a été appelé avec
assez de raison le Rousseau du ruisseau.
RESTOUT (Jean), peintre ordinaire
du roi , des académies de Caen et de
Kouen , sa patrie , naquit en 1 G92. Fils ,
petit-fils de peintres , et neveu de Jou-
venet , il hérita de ses pères et de son
oncle le goût pour ce bel art, et la nature
y ajouta un génie plus vaste. Il mourut
à Rouen en 1768 , directeur de l'acadé-
mie de peinture , laissant , de la fille de
Halle , un fils héritier de ses lalens. Il
avait une piété éclairée et solide , des
connaissances et de l'esprit. Comme pein-
tre, il se distingua par une composition
noble et mâle. Il entendait supérieure-
ment ces balancemens et ces oppositions
que les grands maîtres font des masses,
des formes , des ombres et des lumières.
On lui a reproché un coloris un peu jaune,
défaut qu'il tenait apparemment de Jou-
venet , dont il avait été le disciple.
' RESTOUT ( Jean-Bernard ) , pein-
tre, fils du précédent, naquit à Paris vers
1740. Il reçut de son père les premières
leçons de cet art , passa ensuite à Rome ,
oii il négligea d'étudier les grands mo-
dèles et les fresques savantes de Raphaël,
de Michel-Ange et de Jules-Romain. Cette
blâmable négligence donna à son stile
une certaine imperfection dont il ne se
corrigea jamais. 11 avait néanmoins beau-
coup de talent dans la science de la per-
spective , pour les cfiels de la lumière
sur les corps , et enfin dans cette partie
de la composition qu'on nomme pittores-
que , pour la distinguer de celle qui con-
stitue la poésie d'un tableau. De retour à
Paris, il fut reçu en 1776 à l'académie
de peinture , d'après son tableau à'Ana-
créon la coupe à la main. Ses autres ou-
vrages les plus remarquables sont : Ju-
piter et Mercure a la table de Philémon
et de Baucis ; la Présentation au tem-
RET
pie , qui est son meilcur tableau. On y
voit un temple immense et des degrés
nombreux contenus dans un petit espace.
Les masses d'ombre et de lumière , sage-
meut distribuées, répandent l'air dans
toute la scène, et donnent de la saillie
aux corps qui la composent ; les plis des
draperies, sans avoir beaucoup de finesse,
lai.ssent cependant voir les membres
qu'ils recouvrent ; et un coloris , sinon
brillant, du moins grave et harmonieux,
est la partie de l'art qui distingue ce ta-
bleau , qui est le prestige de la science
de la perspective. Il fut exposé au salon
en 1777 , et fut placé depuis dans l'église
de l'abbaye de Chaillol. Cet artiste ayant
embrassé les principes ds la révolution,
ilsiéga parmi les membres de la munici-
palité qui s'installa le 10 août 1792 , fut
chargé le soir même de l'arrestation de
M. de la Porte intendant de la liste
civile, et ensuite de celle de Thierry, valet
de chambre de Louis XVI ; accusé en-
suite d'avoir pris part aux dilapidations
qui eurent lieu au garde-meuble de la
couronne, il fut renfermé à Saint-lMizare
où il subit une captivité de 15 mois. Il
mourut à Paris en 1796.
RÉTIF DE LA BRETONNE. Foyez
Restif.
RETZ (Albert de Gondi, dit le maré-
chal de } , était fils d'Antoine de Gondi ,
maltre-d'hùtel de Henri H. Sa famille,
établie à Florence, y brillait depuis les
premiers temps delà république. (Albert
était né dans celle ville en là22 ; il vint
jeune à Lyon, où son père était banquier.
Calherine de Médicis ayant nommé la
mère d'Albert gouvernante des enfans
de France , celui-ci vint à la cour , fut
placé auprès du jeune Charles IX , eut
un rapide avancement , et se battit contre
les huguenots. ) Gondi fut employé dans
les négociations et dans les armées. U
s'empara de Relle-Ue , qu'il fortifia ; fut
gouverneur de Provence, que les factions
l'ob igèrent de quitter. Charles IX le fit
maréchal de France en 1674 ; Henri III
le fit duc et pair. Il mourut en 1602,
regardé comme un courtisan habile et
un médiocre général, qui n'avait eu le
bâton que par faveur. ( Au grade de mare-
RET
chai : il réunissait d'autres disUnctions
il était chevalier du Saint-Esprit , géné-
ral des galères, duc de Belle-Ile, gou-
verneur de Provence , de >'anles et de
Mets, et enfin généralissime. Parfois il
disait des vérités au roi, son maître , qui .
avait en lui une grande confiance. Il
futlepremieràsedéclarerpourHenrilV.)
C'est lui qui avait conseilléà Henri III de
s'unir avec le roi de Navarre contre les
entreprises de la ligue. — Son frère,
Pierre deCosDi , fut évèque de Langres ,
puis de Paris. Le pape Sixte V l'éleva au
cardinalat en 1587. Il mourut à Paris le
17 février 1616, à 84 ans. — Son neveu,
le cardinal Henri de Gondi , lui succéda.
Il mourut à Béziers , où il avait suivi
Louis XllI , qui marchait par son conseil
contre les huguenots, le 3 août 1622,
et eut pour successeur Jean-François de
Gondi son frère , 1*"^ archevêque de Paris,
prélat veilueux, mort en 1654 , à70ans.
C'est à ce dernier que succéda le car-
dinal de Retz , qui suit. La postérité du
maréchal de Retz finit en son arrière-
petite-fille , Paule-Françoise-Marguerite
de Gondi , qui épousa le duc de Lesdi-
guières , dont elle resta veuve en 1681 ,
et descendit au tombeau en 1716, à 61
ans. Elle n'eut qu'un fils, qui mourut sans
postérité en 1703.
RETZ ( Jean-François-Paul de Gon^ii ,
cardinal de) , petit-neveu du précédent ,
naquit à Monlniirel en Brie, l'an 1614.
Son père , Emmanuel de Gondi , était
général des galères et chevalier des ordres
du roi. On lui donna pour précepteur le
célèbre Vincent de Paul. Il fit ses éludes
particulières avec succès et ses études
publiques avec distinction ; prit le bon-
net de docteur de Sorbonne en 1643 , et
fut nommé la même année coadjuleur de
l'archevêché de Paris. L'abbé de Gondi
sentait beaucoup de dégoût pour son
état : son génie et son goût étaient dé-
cidés pour les armes. Il se battit plusieurs
fois en duel , même en sollicitant les plus
hautes dignités de l'Eglise. Devenu coad-
juleur, il se corriger pendant quelque
temps pour se gagner le clergé et le
peuple. (Il était l'ennemi du cardinal de
Kichelieu , et entra dans la conspiration
RET 327
du comte de Boissons. Ses largesses , ses
aumônes secrètes, avaient pour but de
se créer une popularité ; mais la mort du
comte mit fin à tous ses projets. Il resta
quelque temps tranquille et se fit aimer de
ses diocésains. ) Mais dès que le cardinal
Mazarin eut été mis à la tête du minis-
tère , il se montra tel qu'il était. Il pré-
cipita le parlement dans les cabales et le
peuple dans les séditions. Il leva un régi-
ment qu'on nommait le régiment de
Corinihe , parce ^qu'il était, archevêque
titulaire de Coriuthe. On le vit prendre
séance au parlement ayant dans sa poche
un poignard, dont on apercevait la poi-
gnée. Ce fut alors qu'un plaisant dit ;
Voilà le bre'viaire de notre archevêque i
L'ambition lui fit souffler le feu de la
guerre civile ; l'ambition lui fit faire la
paix. Il se réconcilia secrètement avec la
cour, pour avoir un chapeau de cardinal.
Louis XIV le fil nommer à la pourpre en
1651. Le nouveau cardinal ne cabala pas
moins ; il fut arrêté au Louvre , conduit k
Vincennes, et de là dans le château de
Nantes , d'oii il se sauva. Après avoir erré
pendant long-temps en Italie, en Hol-
lande, en Flandre et en Angleterre , il
revint en France l'an 1661 , fit sa paix
avec la cour en se démettant de son ar-
chevêché, et obtint en dédommagement
l'abbaye de Saint-Denys. Il avait vécu
jusqu'alors avec une magnificence extra-
ordinaire. Il prit le parti de la retraite
pour payer ses dettes , ne se réservant
que 20 ,000 livres de renle*Il remboursa
à ses créanciers plus d'un million , et se
vit en état, à la fin de ses jours , de faire
des pensions à ses amis. Il mourut le 24
août 1679 , dans de grands sentimens de
piété, qu'il avait constamment manifestés
dans sa retraite , et qui prouvèrent que
les marques qu'il en avait données par in-
tervalle dans le temps de ses incartades
n'étaient pas l'effet du caprice , moins
encore de 1 hypocrisie. Cet homme auda-
cieux et bouillant devint , sur la fin de sa
vie, doux, paisible, sans intrigue, et
fut aimé de tous les honnêtes gens ;
comme si toute son ambition d'autrefois
n'avait été qu'une débauche d'esprit , et
des tours de jeunesse dont on se corrige
328 RET
avec l'âge. « Il parut sentir , dit un bis-
^«lorien, que les honneurs où il était
V parvenu ne valaient pas ce qu'il lui en
V avait coûté pour y parvenir. Réduit,
» après tant d'agitations et de troubles,
» à une situation paisible , avec un petit
V nombre d'amis , il signala les dernières
il années d'une vie très peu chrétienne ,
3j par tous les procédés et la délicatesse
» même de la vertu. Il demanda au roi
» la permission de renvoyer à Rome le
;> chapeau de cardinal. Le souverain
V pontife, à la persuasion du roi, lui or-
-) donna de le conserver ; mais on ne put
■» l'empêcher d'allerensuite se renfermer
n dans l'une de ses abbayes , pour y mé-
i) diler à loisir les grandes vérités du
» christianisme, jusque-là si neuves pour
3) lui.» (A ce portrait du cardinaldeRelz,
si diversement jugé par ses contempo-
rains et par la postérité , nous pourrions
ajouter ceux qu'en ont tracés la Roche-
foucauld, Bossuel dans l'oraison funèbre
de Le Teliier, le président Hénault et La-
harpe, si on ne les trouvait partout.) Il
nous reste de ce cardinal plusieurs ou-
vrages : ses Mémoires ( auxquels nous
renvoyons nos lecteurs pour de plus am-
ples détails) sont les plus agréables à
lire. Us virent le jour pour la première
fois en 1717 ; on les réimprima à Amster-
dam , en 1731 , en 4 vol. in-12. Cette
édition passe pourla plus belle. (On y joint
ordinairement : Mémoiies de Guy Jnly ,
Amsterdam, 1738 , 2 vol. petit in-8,et
Mémoires de la duchesse de Nemours ,
imprimés aussi à Amsterdam, 1738, petit
in-8.) « Ces Mémoires sont écrits, dit
» l'auteur du Siècle de Louis XI r, avec
» un air de grandeur, une impétuosité
1» de génie et une inégalité, qui sont
n l'image de sa conduite. » Il les composa
dans sa retraite, avec l'impartialité d'un
philosophe, mais d'un philosophe qui ne
l'a pas toujours été. Il ne s'y ménage
point, et il n'y ménage pas davantage
les autres. On y trouve les portraits de
tous ceux qui jouèrent un rôle dans les
intrigues de la Fronde. «Portraits, dit le
;« cardinal Maury , qui sont autant de
» chefs-d'œuvre , à l'exception toutefois
i> de celui d'Anne d'Autriche , que l'écri-
RET
» vain trace en homme de parti , aveuglé
»par la haine, et alors, selon l'usage,
■» privé par sa passion de toutes les forces
» de son esprit. » On a encore de lui
Conjuration du comte de Fiesque , ou-
vrage composé à l'âge de 17 ans, et tra-
duit en partie de l'italien de Mascardi.
M. MusselPatay a publié en 1807 , Ré-
cherches historiques sur le cardinal de
Retz, i'n-8. ( Peu d'hommes ont eu une vie
plus agitée que le cardinal de Retz. Chef
de mécontens , il avertit cependant la
cour de la mauvaise disposition des
esprits. Dans la journée des Barricades
il fut renverse par la foule et reçut un
coup de pierre ; mais il empêcha le pil-
lage de Paris. Il ne voulait que faire dis-
gracier Mazarin pour prendre sa place.
Lorsqu'il se présenta à la cour pour rap-
porter les vœux des séditieux , la reine
lui dit avec amertume : Allez vous re-
poser , monseigneur , vous avez assez
travaillé. C'était le considérer comme le
véritable chef de la révolte. Indigné de
ces paroles , il imagina de nouveaux com-
plots , entra dans la Fronde ( voy. Maza-
rin ) , excita le peuple, et agit de nou-
veau comme un chef de parti. Il faut
pourtanllui rendre la justice de dire qu'il
refusa les offres de l'Espagne et les pro-
messes insidieuses de Cromwell.)
RETZ ( François ) , né à Prague en
1672, entra chez les jésuites en 1689.
Devenu général en 1730, il gouverna la
société pendant 20 ans avec beaucoup de
prudence, dans un calme parfait qui
semblait annoncer des tempêtes pro-
chaines, et mourut à Rome le 19 no-
vembre 1750.
RETZ. Foyez Laval Gilles et André
* RETZIUS (Anders-.Tahanj, chimiste
suédois , né à 17 42 en Christianstadt en
Suède , mort en 1821, est connu par
plusieurs ouvrages sur l'histoire naturelle
et la chimie , enlr'autres par ses Obser-
vationes botanicœ , sex fasciculis com-
prehx-nsœ , Leipsick , 1779-91. Il était
membre de 31 sociétés savantes ; il a
fondé la société physiographique de Lun-
den , dont il fut secrétaire et ensuite pré-
sident. On trouve une Notice sur lui
dans les Mémoires de l'académie royatg.
REU
de Stockholm pour 1822. Il avait ëté
long-temps professeur d'histoire naturelle
et de chimie dans sa ville natale.
REUCHLIN ( Jean ) , connu aussi
sous le nom de Fumée et de Capnion
{ parce que Reuch ou Rauch en allemand,
et Kapnion en grec , signifient Fumée ),
naquit à Pfortzheim en Souabe,ran 1455,
et étudia en Allemagne , en Hollande,
en France et en Italie. Il brilla par la con-
naissance des langues latine , grecque
et hébraïque. Lorsqu'il était à Rome, il
connut Argyropile et étudia sous lui. Ce
savant ayant prié Reuchlin d'interpréter
un passage de Thucydide , il le fit d'une
façon si élégante el avec une prononcia-
tion si nette, qu'Argyropi le dit en soupi-
rant , Grœcia nostra exilio transvoUiPit
Alpes. Il enseigna le grec à Orléans et à
Poitiers ; puis il retourna en Allemagne,
où il s'attacha à Eberard , prince de
Souabe. Reuchlin fut nommé triumvir
de la ligue de Souabe pour l'empereur
et les électeurs, et fut envoyé quelque
temps après à Inspruck , vers l'empereur
Maximilien. Ses derniers jours furent em-
poisonnés par un démêlé qu'il eut avec
les théologiens de Cologne. Pfefifercorn
avait obtenu un édit de l'empereur pour
faire brûler tous les livres des juifs.
Ceux-ci ayant sollicité la révocation de
cet édit, Reuchlin fut consulté 6ur cette
affaire. Il distingua deux sortes de livres
chez les descendans de Jacob : les in-
dififérens , qui traitent de divers sujets,
el ceux qui sont composés directement
contre la religion chrétienne. Il fut d'avis
qu'on laissât les premiers , qui pouvaient
avoir leur utilité , et qu'on supprimât
les derniers ; mais il mêla à cet avis bien
des hors-d'œuvre et des digressions
qui parurent répréhensibles. Pfefiercorn
lui opposa un ouvrage qu'il intitula ;
Miroir manuel; Reuchlin y répondit
par le Miroir oculaire.Les théologiens de
Cologne examinèrent cette réponse , et
en tirèrent 44 propositions , qu'ils ac-
cusèrent d'erreur et d'hérésie, et qui
furent publiées en latin par Arnauld de
Tongres , avec des notes. Les théologiens
de Paris furent consultés , et 80 docteurs
rendirent, en 1514, une décision qui
XI.
lŒU 329
jugea le livre de Reuchlin digne du feu.
Rome ne fut pas plus favorable à cet ou-
vrage , il fut mis dans l'Index du con-
cile de Trente. Reuchlin se retira à In-
golstadt , où ses amis lui procurèrent une
pension de 200 écus d'or pour enseigner
le grec et l'hébreu. Ses ennemis voulu-
rent l'envelopper dans l'affaire de Luther,
mais ils n'y purent réussir. Il persista à
demeurer dans la communion catholique,
et il mourut à Hutgard en 1522 , à 67
ans , épuisé par des études pénibles et
constantes. Reuchlin avait beaucoup d'é-
rudition , et écrivait avec chaleur. L'Al-
lemagne n'avait alors que ce seul homme
qu'elle put opposer aux savans d'Italie.
On a de lui un grand nombre d'ouvrages
imprimés en Allemagne , parmi lesquels
on distingue son traité De arte cabalis-
tica , 1517 , in-fol. , et dans Artis caba-
listicœ scriptores , 1587 , in-fol. Cet
ouvrage fut attaqué avec succès par le
Père Pochstrat , qui publia Destructio
cabalœ , seu cabalisticœ perfidiee , ad~
versus Reuchlinum , Anvers , 1518, in-4.
Ou a encore de Reuchlin : De verbo mi-
rifico libri très. Ces deux ouvrages ont
été condamnés à Rome. On lui attribue
les lettres connues sous le titre de Lit-
terœ obscurorum virorum : satire amère
contre les théologiens scolastiques , mais
il n'est par sûr que cet ouvrage soit de
Reuchlin , et on l'attribue avec plus de
raison à Ulric de Hutten ; d'autres disent
qu'ils y ont travaillé en société. ( Ployez
GRATius.)La^ie de Reuchlin a été écrite
par Jean-Henri Maius (ou Mai), 1687 ,
in- 8. Voyez Contra dialogum de causa
Reuchlini, et Apologiœ contra Reuchli-
num, par le Père Hochstral.
* REUTH (Bernard) , professeur à l'u-
niversité de Kharkof, naquit à Mayence
où il reçut sa première éducation. Après
avoir fréquenté les universités d'Iéna , de
Leipsick et de Goettingue où il termina
ses études , il revint dans son pays natal
et entra dans l'administration civile, sans
abandonner cependant ses occupations
littéraires. Il quitta bientôt le département
de Mont-Tonnerre où il était employé ,
pour aller à Dorpat en Russie. Il y rem-
plit les fonctions de vice-directeur de
4a.
m
33o
REU
rinstitutpédagogique de cette ville.Ayant
été invité en 1804 par Je comte de Po-
totzky, alors curateur de l'arrondissement
universitaire de Kharkof , à aller ensei-
gner à l'université de cette ville l'his-
toire des états de l'Europe et la statisti-
que, il se rendit à cette invitation et oc-
cupa ces fonctions jusqu'à sa mortarrivée
le à janvier 1825. La liste de ses ouvrages
publiés en Allemagne et Russie atteste ses
talens et son activité : \° Historisch-Po-
litische briefe, nebst dent P^ersuche
einer Geschichte der chenaligen Reichs-
stadt Maynz ; ou Lettres historiques et
politiques, accompagnées d'un essai sur
t histoire de l'ancienne ville impériale de
Mayence, Manheim, 1789; 2° H.-K.
Davila's Geschichte der biir-gerlichen
Kriege , etc , ou Histoire de la guerre
civile en France par Davila , traduite de
l'italien en allemand avec une Histoire
de la puissance des rois et des révolu-
tions de France depuis l'origine de la
monarchie jusqu'à la ligue , Leipsick ,
1792-1796, réimprimé à Vienne en 1817,
5 vol. grand in-8; 3" Geschichte der Ko-
niglichen Macht , ou Histoire de la puis-
sance des rois et de la révolution en
France depuis la dissolution de la ligue
jusqu'à la république, Leipsick, 1796-
1797, 2 vol. in-8; 4° Gemahlde der ré-
volution in Italien, ou Tableau des ré-
volutions en Italie : le livre \" qui a seul
paru renferme l'Histoire des révolutions
de la république de Venise , Leipsick ,
1798, in-8 ; 6° Des gênerais Dumouriez,
ctc , ou Tableau historico-statistique du
Portugal par le général Dumouriez, tra-
duit du français en allemand, Leipsick,
17 9 8, in-8; G"Iieise nach Sicilien, Athen,
Constantinopel, u. s. w. , frey nach
dem EngUschen, ou Voyage en Sicile, à
Athènes, à Constantinople, etc, traduit
librement de l'anglais, Leipsick, 1798,
in-4 ; 7° Spécimen historiée Russorum
ou Essai d'histoire des Russes, première
partie, Kharkof, 1811, in-8; %" Geist
der litera rischen cultur des Orients
und Occidents , ou Esprit des produc-
tions littéraires de l'Orient et de VOcci-
dent, discours , Kharkof, 1811, in-4 ; 9*
Dir Orient j Rede, ou VOrient , discourSf
REV
Ibid. , in-4. Le professeur Reuth a pro-
noncé dans la même université deux au-
tres discours dont le premier a pour objet
la Confédération du Rhin, et l'autre le
droit public des royaumes unis de la
grande Rretagne. Plusieurs des compo-
sitions que nous n'avons point citées ont
été insérées dans divers Recueils périodi-
ques. On regarde comme ses chefs-d'œu-
vre , son Essai d'histoire russe et V his-
toire de Davila qu'il a complétée. U est
à désirer que l'on conserve avec soin les
papiers qu'il avait réunis, et particulière-
ment ceux qui ont rapport au Traité sur
les Russes qu'il se proposait de publier.
Le professeur Reuth était un homme très
instruit, un excellent critique ; on lui re-
proche cependant d'avoir admis quelque-
fois des étymologies qui ne sont pas tou-
jours fondées.
REUTER ( Jean ) , né dans la pro-
vince de Luxembourg, en 1680, se A t
jésuite à l'âge de 26 ans. Après avoir en-
seigné les humanités et la philosophie ,
il fut huit ans professeur de théologie
morale dans l'université de Trêves. On a
fait imprimer ses Leçons à Cologne en
1766 , 4 vol. in-8. Il a encore donné Neo-
confessarius pratice instructus , livre
très propre à former les jeunes ecclé-
siastiques à une sage administration du
sacrement de pénitence. Il partagea son
temps entre la prière , l'étude et les œu-
vres de charité. C'est dans ces exercices
qu'il mourut à Trêves en 1762.
* REVERCHON (Jacques), conven-
tionnel , né à Lyon dans le mois de sep -
tembre 1746 , mort en 1820 à l'âge d'en-
viron 84 ans à Nyon en Suisse, se livrait
avant la révolution au commerce du vin.
Il fut élu par le département de Saône-et
Loire, dont il était devenu administra-
teur, député à l'Assemblée législative,
puis à la Convention. Il vota la mort de
Louis XVI, contre l'appel et le sursis. On
l'envoya en mission dans les départemens
de Saône-et-Loire, du Rhône , de l'Ain et
de l'Isère : il s'était d'abord conduit avec
quelque violence; mais il reprit ensuite
des sentimens plus modérés, et ce fut
lui qui fit cesser à Lyon la terrible réac-
tion dont cette ville était la victime.
REV
En général ce député agissait selon les
circonstances : il servit d'abord, puis il
comprima les jacobins. Appelé au con-
seil des Cinq-cents , il en sortit dans le
mois de mai 1797 : il fut réélu dans le
mois de mars 1798 pour un an, et en
1799 il entra au conseil des Anciens. Il
ne prit aucune part à la révolution du
18 brumaire, époque où finit sa carrière
politique. .L'adbésion qu'il accorda au
gouvernement des Cent-jours le fit placer
sur la liste des conventionnels exilés.
* REVERS ( Louis-François ), chanoine
de Saint-Honoré à Paris , naquit à Caren-
tan, au diocèse de Coutances, vers 1728,
et vint à Paris faire ses études au collège
de Navarre. Il s'appliqua à la théologie,
et y obtint des succès. Les connaissances
qu'il y avait acquises engagèrent M. de
Juigné , cvêque de Châlons-sur-Mame ,
à l'appeler près de lui. Ce prélat se pro-
posait de faire imprimer un nouveau 7?/-
tuel pour son diocèse. Il chargea l'abbé
Revers de le rédiger , et lui donna un
canonicat dans sa cathédrale. Le Rituel
parut en 1776, 2 volumes in-4. M. de
Juigné ayant été transféré sur le siège de
Paris , en 1781 , l'abbé Revers le suivit;
il demeurait à l'archevêché , et fut dé-
dommagé par un canonicat de Saint-Ho-
noré, de celui qu'il perdait à Châlons.
Il était question de revoir et de refondre
le Rituel de Paris , et l'abbé Revers fut
encore chargé de ce travail , dans le-
quel il fut aidé par l'abbé Plunker, doc-
teur de Sorbonne , et par l'abbé Char-
lier , secrétaire et bibliothécaire de M.
de Juigné. Le Rituel parut en 1785, 3
vol. in-4, sous le titre de Pastorale
Parisiense. On accusa les auteurs d'y
avoir fait des changemens qui n'étaient
point nécessaires, d'y avoir introduit de
nouvelles formules pour l'administra-
tion des sacremens , d'avoir mis de
la recherche dans le stile , etc. Il dé-
plut surtout aux jansénistes , et bien-
tôt il fut attaqué dans une foule d'écrits
par Maultrot, Larrière et Clément, de-
puis évêque constitutionnel de Versailles.
Robert de Saint-Vincent, conseiller de
grand'chambre , déféra le Pastoral au
parlement, les chambres assemblées, le
REV 33i
19 décembre 1786 , et il ne tint pas à
lui que la distribution n'en fût arrêtée ,
séance tenante. Un avis plus modéré pré-
valut, et la dénonciation n'eut pas de
suite. ( royez Juigné , archevêque de
Paris. ) On a en outre de l'abbé Revers ,
Poème de la Religion, par Racine le
fils, traduit en vers latins (publié avec
beaucoup de changemens par l'abbé Char-
lier ) , Paris, Barbou, 1804 , in-12. Re-
vers était mort en mars 1798, et par
conséquent avant cette publication.
' REVILLON ( Claude ), médecin ,
naquit à Mâcon en 1720. Il exerça avec
honneur son état dans sa patrie , entra
ensuite comme ofl&cier de santé dans les
hôpitaux militaires , où il acquit une
grande réputation. Il était excellent mé-
decin pratique , et eut un grand bon-
heur dï\ns ses cures. Il a laissé un
ouvrage intitulé : Recherches sur les
affections hypocondriaques , appelées
communément vapeurs , ou Lettre d'un
médecin sur ces afffections, Paris, 1779,
1786, 1 vol. in-8 , augmentée de plu-
sieurs expériences. L'auteur croit que
l'hypocondrianisme n'est que l'effet de
la transpiration insensible. On a ajouté
à la seconde édition un Journal de
l'état du corps , en raison de la tempé-
rature de l'air et de la transpiration. Re-
villon mourut à Thionville en 1795 âgé
de 75 ans.
REVIUS ( Jacques ) , né à Deventer
l'an 1586, parcourut presque toute la
France , fut ministre en divers lieux de
son pays , principal du collège théolo-
gique de Leyde enl642 , et y mourut le
1 5 novembre 1658. Il assista au prétendu
synode de Dordrecht , et fut nommé ré-
viseur de la Rible qui porte le nom de
cette ville. Il était versé dans les langues
savantes , et entendait presque toutes
les langues vivantes de l'Europe. On a
de lui : 1° Belgicarum Ecclesiarum doc-
trina et or do , grec et latin , Leyde ,
1623, in-l2 ; 2° E pitres françaises des
personnages illustres et doctes à Sca-
liger ; Harderwyck , 1634 , in-12 : le
principal mérite de ce recueil est sa ra-
reté ; Z" Historiapontificum romanorum,
Amsterdam , 1632 , in-12 , qui n'est pas
33a REW
estimée même chez les protestans; 4"
Suarez repurgatus, Leyde, 1644 , in-4.
C'est la métaphysique de Suarez qu'il pré-
tend corriger ; on a beaucoup ri de cette
présomption de se mesurer avec le plus
profond métaphysicien de son siècle. Il
lui reproche des erreurs théologiques ;
mais elles consistent en ce que Suarez
n'a pas été calviniste. 5* Histoire de De-
V enter ^ en latin , 1651 , in-4, et quel-
ques ouvrages de peu d'importance.
'REWBELL (Jean-Baptiste), l'un des
membres du directoire exécutif deFrance,
naquit en 1746 à Colmar oîi il était bâ-
tonnier de l'ordre des avocats au conseil
souverain d'Alsace. A l'époque de la ré-
volution , le bailliage de Colmar et de
Schelestadt le nomma, en 1789, député
aux états-généraux. Rewbell se signala
dans l'assemblée nationale comme l'enne-
mi déclaré des riches , des nobles , des
prêtres et des monarques. Il débuta par
dénoncer des complots royalistes, et par
essayer de prouver que , pour le bien de
la nation , on ne devrait pas respecter le
secret des lettres. Dans un discours pro-
noncé le 9 octobre , il peignit les princes
étrangers qui possédaient des biens en
Alsace , comme de petits tyrans dont il
provoqua la spoliation. Il proposa en-
suite la vente des cloches, la suppres-
sion des parlemens ; s'opposa à ce qu'on
accordât au roi le droit de paix et de
guerre , et pressa , enfin , le remplace-
ment des prêtres insermentés. Il présida
l'assemblée le 5 avril 1791 , et le 16 mai
il fit des efforts inutiles pour faire dé-
clarer les membres de l'assemblée con-
stituante rééligibles à la prochaine légis-
lature. Il fut , après Robespierre , le dé-
puté qui avait laissé entrevoir le plus
clairement le désir d'arriver à une répu-
blique. Les sessions étant finies , Rewbeil
fut nommé procureur-syndic du dépar-
tement du Haut-Rhin , et entra à la Con-
vention nationale comme député de ce
département. Lorsque , par suite de la
funeste journée du 10 août, Louis XVI
fut enfermé avec sa famille à la tour du
Temple , Rewbell pressa vivement le
procès de ce monarque. Il alla ensuite en
mission à Hayence, d'oii il écrività la
REW
Convention qu'il votait pour la mort de
Louis Capet. Il s'était trouvé dans cette
ville pendant le siège qu'elle eut à essuyer
des troupes prussiennes , et fut accusé de
s'être emparé dans cette occasion de l'ar-
genterie de l'électeur. Il brava cette
inculpation , quoiqu'il ne fît rien pour la
détruire. Il reparut avec un front imper-
turbable à la Convention , dans la séance
du 4 août 1793. Comme il n'était animé
que du désir de s'enrichir , il ne s'atta-
cha positivement à aucun parti , et il
était ami ou ennemi de chacun d'eux, et
de tous , à mesure qu'ils devenaient
utiles ou nuisibles à son insatiable cupi-
dité. Il eut tous les moyens de la satis-
faire lors de la guerre de la Suisse ; et ,
pendant le règne de la terreur , il eut le
soin de se tenir à l'écart et surtout de se
faire envoyer en mission. Le 9 thermidor
arriva enfin pour le bonheur de la France
entière, et ce ne fut qu'après cette
époque que Rev^'hell osa se prononcer
hautement contre les yaco^^in^ .- il insista
pour qu'on les éloignât du gouverne-
ment , dans lequel ils voulaient s'immis-
cer, et demanda à plusieurs reprises
qu'on fermât leur club. Il devint , à cette
époque , membre du comité de sûreté
générale et de celui de salut public , et ,'
acquit une grande influence dans les
affaires. Il s'en servit pour renouveler
ses invectives contre les terroristes ^ les
royalistes, les prêtres réfractaires et
les émigrés ,- il fit décréter , le 1 7 avril
1795, la vente de leurs biens par voie _
de loterie , pour faciliter cette opéra- 1
tion. n passa en septembre au conseil f
des Cinq-cents, dont il fut nommé secré-
taire, et puis membre du directoire
exécutif. Cependant Rewbell ne possé-
dait pas de connaissances bien étendues,
ni même des talens oratoires ; mais il
savait crier, s'emporter, menacer du
geste et de la voix ses adversaires , et
l'emportait ainsi sur eux dans les discus- i
sions. Il fit expulser par de pareils |
moyens , et successivement , Letourneur,
Carnot et Barthélémy; il voulut faire
chasser aussi La Réveillère-Lépaux ; mais I
celui-ci, protégé par Barras , le seul qui ^
pouvait imposer silence à ce fougueux \
à
REY
Alsacien , et soutenu par Merlin , força
enfin son ennemi à demander sa retraite,
en 1799. Mçilgré les clameurs qui s'éle-
vaient de toutes parts contre ses dilapi-
dations , il sut si bien intriguer , qu'il
fut élu par son département au conseil
des anciens. Imperturbable au milieu
des plus graves accusations qui pesaient
sur lui , il redoublait d'audace , à pro-
portion qu'elles augmentaient ; il osa se
plaindre de la calomnie , et faire l'éloge
de sa probité. Il avait voulu jouer quel-
ques rôles dans la révolution du 1 8 bru-
maire ; mais on ne voulut point de lui ,
et on le tint à l'écart. Il tomba alors
dans une nullité absolue , et eut la juste
punition de voir dépenser par ses fils ,
en de folles profusions, la plus grande
partie des richesses qu'il avait acquises
aux dépens des malheureux. Il mourut
ignoré en 1 8 1 0 , âgé de 6 4 ans.
REY (Jean), qu'il ne faut pas con-
fondre avec le célèbre Jean Rey ou Ray
( voyez ce dernier nom ) , vivait du
temps du Père Mersenne , et correspon-
dait avec lui. Il était né , vers la fin du
16* siècle , à Bugne , petite ville du Pé-
rigord , et donna, en 1629, des Essais
sur la chimie , réimprimés en 1 782 , avec
des notes d'un M. Gobet , qui lui attri-
bue la découverte de la gravité de l'air ;
objet si peu à portée de Rey , qu'il igno-
rait même la nature de l'air , qu'il croyait
être un composé de terre et d'eau : sans
doute que dès lors il dut le croire pe-
sant , mais ce n'est pas ce qu'on appelle
une découverte. Ce n'est sur aucun des
effets de l'air que Rey en imagina la pe-
santeur , mais d'après l'absurde idée qu'il
avait de sa composition. (Il fut cepen-
dant le précurseur de la théorie actuelle
de la chimie pneumatique.)
REYD (Van). Voyez Rkidanus.
REYHER (Samuel) , né à Schleusin-
gen , dans le comté de Henneberg , le
19 avril 1635, mort en 1714,àKiel, où
il professa les mathématiques et ensuite
la jurisprudence , était conseiller du duc
de Saxe-Gotha , et membre de la société
royale des Sciences de Berlin. Il a tra-
duit en allemand les ouvrages d'Euclide.
On a encore de lui , en latin , un livre sa-
REY 333
vant intitulé : Mathesis Bihlica ; et une
Dissertation fort curieuse sur les inscrip-
tions de la croix de J. G. , et sur l'heure
de son crucifiement , etc.
REYLOF (Olivier), trésorier de la
ville de Gand , où il étaitné , vers 1C70,
mort le 13 avril 1742 , cultiva avec suc-
cès les Muses latines , et en fit un usage
fort louable. Nous avons de lui : 1" Poe-
matum libri très. Continent Effectus
mirabiles divini amoris, Querelam ani-
mes in inferis detentœ , etc. , Gand ,
1711, in -8. 2° Poematum libri très.
Continent Eclogas sacras et profanas -,
Dissertationemde piscibus et de ranis,
Gand, 1732, in-8. On a recueilli ces
différentes productions , sous le titre de
Opéra poetica , Gand, 1738. Il y a de la
vai-iété et de l'élégance , beaucoup de
clarté.
"REYMOND (Henri), évêque con-
stitutionnel de l'Isère , puis évêque de
Dijon , naquit le 21 novembre en 1737 à
Vienne en Dauphiné. Après avoir fait ses
études dans le collège de cette ville et
pris ses degrés en théologie dans l'uni-
versité de Valence , il fut , lors de l'ex-
pulsion des jésuites , professeur de phi-
losophie. Ayant quitté l'enseignement, il
devint curé à Vienne. De 1776 à 1781,
il publia divers écrits qui le mirent en
opposition avec le haut clergé. A l'é-
poque de la révolution , il embrassa les
opinions nouvelles : il fut élu second
évêque de l'Isère et sacré à Grenoble le
15 janvier 1793. Pendant la terreur, il
ne déshonora pas son caractère par l'a-
postasie , et fut même quelque temps
emprisonné à Grenoble. Rendu à la li-
berté il se joignit aux autres constitu-
tionnels pour faire revivre leur église
expirante. Quoiqu'il eût assisté au con-
cile de 1797, et signé les actes des
réunis , il s'attira cependant les repro-
ches des Annales de la religion de Des-
bois, comme peu zélé pour soutenir les
intérêts de l'Eglise. Nommé à l'évêché
de Dijon , il signa la formule de rétrac-
tation demandée par le Saint-Père. On
a prétendu cependant qu'il ne l'avait pas
fait , et sa conduite postérieure n'a pas
démenti cette assertion. Son administra-
334 REY
tion se ressentit constamment des opi-
nions qu'il professait ; et dans des temps
plus heureux, on n'eût pas souffert
qu'un évêque fît enseigner dans son sé-
minaire des doctrines condamnées, et
s'écartât de la discipline reçue de l'Eglise.
A la rentrée du roi Louis XVIII, il refusa,
malgré la délibération du conseil muni-
cipal , d'ordonner qu'il serait chanté un
Te Deum. Mais quand Buonaparle se fut
échappé de l'île d'Èlbe , il présenta , dans
une Lettre pastorale , son retour comme
un bienfait de la Providence. Le sens
de nos textes sacres, disait-il , s'applique
par la droite raison au rétablissement
inattendu de Fillustre Napoléon. Au se-
cond rétablissement des Bourbons, Rey-
mond fut mandé à Paris , où il demeura
quelque temps et où il chercha à se jus-
tifier dans un Mémoire inséré dans la
Chronique religieuse. Ses amis appelè-
rent cette conduite du gouvernement
une horrible persécution. Après quelques
mois de séjour dans la capitale , il se
rendit à Dijon , où il fit paraître le 14
décembre 1818 une circulaire, pour
permettre de faire gras tous les samedis
et même le vendredi pendant la ven-
dange. Ou se tut sur une licence et sur
un abus aussi énorme; et Reymond ,
qui avait vécu sans mériter l'estime ,
mourut sans exciter de regret , le 20 fé-
vrier 1820, frappé de mort subite. 11
s'est fait connaître par : 1" Droits des
curés et des paroisses sous leur double
rapport spirituel et temporel, Paris,
1776 , in-8, et 1791 , 3 vol. in-12. Cet
écrit fut supprimé par arrêt du parlement
de Grenoble. 2° Mémoire à consulter
pour les curés à portion congrue du
Dauphiné, 1780 ; 3° Droit des pauvres,
1781 , in-12 ; 4° Analyse des principes
constitutifs des deux puissances; 5°
Adresse aux curés; 6° Mandemens et
lettres pastorales.
REYNA (Cassidiore) , né à la fin du
16' siècle, a traduit toute la Bible en
espagnol sur les originaux. Cette traduc-
tion calviniste est devenue si rare , que
Gaffarel , qui la vendit à Carcavi pour
la bibliothèque du roi de France, lui fit
accroire que c'était une ancienne Bible
REY
des Juifs. Mais , outre que le nouveau
Testament y est traduit aussi-bien que le
Vieux , on connaît aisément , par la fi-
gure de l'ours qui est à la première page
du livre , qu'elle a été imprimée à Bâle ,
et que l'auteur a caché son nom sous ces
deux lettres G. R. , qu'on voit à la fin du
discours latin qni est au commencement.
Elle est intitulée : La biblia , que os los
sacros libres delviejo y nuevo Testa-
mento , transladada en espanol, 1569,
in-4. Il y a à la tête un long discours en es-
pagnol , pour prouver qu'on doit tra-
duire les livres sacrés en langue vulgaire,
sentiment bien opposé à celui d'un des
illustres compatriotes du traducteur (le
cardinal Ximénès), « qui croyait, dit
» M. Fléchier, que dans ces siècles si
« éloignés de la foi et de la docilité des
» premiers chrétiens rien ne convenait
» moins que de mettre indifféremment
M entre les mains de tout le monde ces
» oracles sacrés , que Dieu fait conce-
» voir aux âmes pures , et que les igno-
» rans, selon l'apôtre saint Piei're,cor-
» rompent à leur propre perte; qu'il
M était bon de publier dans la langue du
» pays des catéchismes , des prières , des
» explications solides et simples de la
)) doctrine chrétienne , des recueils
» d'exemples édifians , et autres écrits
» propres à éclairer l'esprit des peuples
» et à leur inspirer l'amour de la religion; 1
» mais que, pour plusieurs endroits de 1
» l'ancien et du nouveau Testament, qui
» demandaient beaucoup d'attention ,
» d'intelligence et de pureté de cœur et 1
» d'esprit , il valait mieux les laisser dans 1
» les trois langues que Dieu avait permis \
n qu'on eût comme consacrées sur la
)) tête de J. C. mourant ; qu'autrement
» l'ignorance en abuserait, et que ce se-
» rait un moyen de séduire les hommes
» charnels qui ne comprennent pas ce
» qui est de Dieu , et les présomptueux,
» qui croient entendre ce qu'ils ignorent.
M On eût dit qu'il prévoyait dès lors
» l'abus que les dernières hérésies de-
» valent faire des Ecritures. »
'REYNAUD (Marc-Antoine), curé
de Vaux au diocèse d'Auxerre et prêtre
appelant , naquit vers 1717, à Limoux
REY
au diocèse de Narbonne , et non à Brive-
la-Gaillarde. Il entra jeune en qualité de
novice à l'abbaye de Saint- Polycarpe,
même diocèse. Elle avait été long-temps
gouvernée par le pieux La Fite-Maria,
qui y avait établi la réforme , et l'avait
préservée de diverses tentatives faites
pour y introduire le jansénisme. Depuis
sa mort, elles avaient été réitérées avec
plus de succès ; et les choses en étaient
venues au point que la cour en avait pris
connaissance , et défendit d'y admettre
aucun novice à la profession. En consé-
quence de cet ordre , Reynaud fut obligé
de se retirer, n'étant encore que simple
clerc. M. de Caylus, évêque d'Auxerre,
l'accueillit, lui fit achever ses études
dans son séminaire , et l'ordonna prêtre.
La cure de Vaux , près d'Auxerre , à la-
quelle était unie la desserte de Champ ,
ayant vaqué en 1747, M. de Caylus y
nomma l'abbé Reynaud. Il avait du ta-
lent. Il consacra sa plume à la défense
de son parti , sans pourtant tomber dans
les excès et les absurdités de quelques-
uns, qu'au contraire il prit à tâche de
signaler et de combattre. 11 a publié :
1" Le philosophe, redressé par un curé
de campagne , ou Réfutation de l'écrit
de d'Alembert , intitulé : Sur la des-
truction des jésuites en France, 1765,
in-12 de 43 pages, qu'il ne faut pas con-
fondre avec celui de Mirasson , barna-
bite ; 2° Traité de la foi des simples ,
1770 , in-12; 3° Lettres aux auteurs du
Militaire philosophe et du Système de
la nature, 1769, in-12, 66 pages, et
1792; h'' Errata de la Philosophie de
la nature, par un R. P. Picpus ; b°
Lettres aux cordicoles ; 6° Histoire de
l abbaye de Saint Polycarpe , de l'ordre
de. Saint-Benoit, 1779 , in-12 ; celle de
dom Labat est de 1785. L'auteur y loue
beaucoup l'esprit qui régnait dans cette
maison. Est-ce l'esprit qu'y avait intro-
duit la Fite-Maria , esprit de réforme et
de régularité ? ou celui qui s'y introdui-
sit après lui , esprit d'obstination et d'or-
gueil ? 7° Cinq Lettres sur les secours
violens ou les convulsions , dont la qua-
trième, du 11 novembre 1685, est suivie
dequelques réponses de ses adversaires :
RÈY 335
ces cinq lettres , avec les pièces qui les
accompagnent, forment 621 pages. L'au-
teur y combat le secourisme, en dé-
montre l'absurdité et les dangers , et ré-
vèle les folies , les cruautés et les turpi-
tudes d'un parti qui se couvrait du man-
teau de la rigidité. Le Père Lambert en-
tra dans la controverse et chercha à ré-
futer Reynaud. Le curé de Vaux a en-
core publié sur la même matière trois
autres écrits : Le Secourisme détruit , le
Mystère d'iniquité dévoilé, et Lamen-
tations amères et derniers soupirs des
écrivains secouristes : cette dernière
brochure est du 25 septembre 1788.
L'abbé Reynaud fut bientôt entraîné dans
une controverse beaucoup plus terrible :
la révolution éclata , et quoiqu'il eût
dans les rangs de ses amis de nombreux
exemples d'une honteuse défection, il
s'opposa constamment aux innovations ,
et publia sur ces matières quatre écrits
de peu d'étendue. On le dépouilla de sa
cure , et il fut renfermé pendant deux
ans. Rendu à la liberté , il se trouva ré-
duit à une telle misère, qu'il se retira
dans un hospice : il mourut en 1796,
dans sa 7 9* année. On trouve sur cet
écrivain une notice très détaillée et
très intéressante dans VAmi de la reli-
gion, tome 35 , page 59.
RÈYJVEAU (Charles-Réné), savant ora-
torien, né à Brissac en 1656, entra dans
l'Oratoire à Paris, âgé de 20 ans. Après
avoir professé la philosophie à Toulon
et à Pézénas , il fut appelé à Angers en
1683, pour y remplir la chaire de ma-
thématiques. L'académie des Sciences de
Paris se l'associa en 1716 , et le perdit en
1728. « Sa vie, dit Fontenelle, a été la
5) plus simple et la plus uniforme. L'é-
)) tude , la prière , deux ouvrages de ma-
M thématiques et un de logique, en sont
» tous les événemens. Il se tenait fort k
» l'écart de toute affaire , encore plus de
» toute intrigue, et il comptait pour beau-
» coup cet avantage , si précieiu et si peu
)) recherché, de n'être rien, m II ne re-
cevait guère de visites que de ceux avec
qui il ne perdait pas son temps. Ses prin-
cipaux ouvrages sont : 1° Analyse dé
montrée, 1736, 2 vol. iu-4 ; 2° là Science
336
REY
du calcul, avec une suite, 1739 , 2 vol.
in- 4 : ces deux ouvrages sont très esti-
més; 3° la Logique, ou l'Art de raison-
ner juste, in-12, ne lui appartient pas;
ce petit traité est du Père Noël Kegnault.
REYNIE (La). Foyez Reinie.
* REVINIER (Jean-Louis-Ebnezer), gé-
néral de division, né à Lausane le 14
janvier 1771 , s'était adonné jeune encore
aux sciences exactes ; car son but était
d'entrer dans la partie des ponts-et-chaus-
sées. La révolution française changea en-
tièrepient ses projets : il vint à Paris et
s'enrôla comme simple canonnier. Ce fut
en celte qualité qu'il fit la campagne de
France contre lesPrussiensqui avaienten-
vahi la Champagne. LestalensdeReynier
u'étaient pas restés dans l'oubli : ils lui
valurent peu de terapsaprès l'emploi d'ad-
joint à l'état-major. En 1792 il fit la cam-
pagne de la Belgique : il s'y distingua ,
fut nommé adjudant-général, et contri-
bua aux succès des armes républicaines ,
en 1793, à Lille, Menin et Courtray. Il
se fit aussi remarquer à la conquête de la
Hollande, devint dans cette campagne
général de brigade , et montra beaucoup
de valeur et d'intelligence au passage du
Wahal. Lprs des préliminaires de la paix
avec la Prusse , il fut choisi pour fixer la
démarcation des cantonnemens , et laissa
une bonne opinion de ses connaissances,
même aux généraux prussiens. Il servit
ensuite sous Moreau, dans l'armée du
Rhin , en qualité de chef de l'état-major.
Jl mérita les éloges de ce général aux di-
vers passages du Rhin , et aux batailles
de Rastadt, de Neresheim, de Friedberg
et de Biberacb. L'intrigue ou la jalousie
l'écarta du service pendant quelque
temps : il y rentra au moment de l'expé-
dition d'Egypte dont il fit partie. Pendant
cette campagne il donna de nouvelles
preuves de courage, surtout à la bataille
des Pyramides , et dans la campagne de
la Syrie ; ce fut Reynier qui le premier
passa le désert , culbuta l'avant-garde de
l'ennemi , fit le siège d'El-Arish, et battit
complètement, peu de temps après, vingt
mille Turcs qui venaient à sa rencontre.
Il fut envoyé par Kléber pour commander
dans le Kelioubetb ; mais ce général ayant
REY
été assassiné , il revint au Kaire, où com-
mencèrent ses plaintes contre Menou.
Reynier souffrait avec impatience de ser-
vir sous ce nouveau chef, dont l'impé-
ritie était connue de toute l'armée, et
qui ne pouvait avoir, en conséquence,
la confiance des chefs subalternes ni des
soldats. Leur inimitié devint funeste à
l'armée française. L'approche des Anglo-
Turcs , le salut de l'armée , ne purent
pas les réunir, et, quoique dans la ba-
taille sanglantedu 30 ventôse (mars 1801),
Reynier montrât son intelligence et sa va-
leur accoutumées, elle fut perdue pour
les Français. Accusé d'insubordination,
il fut arrêté et envoyé en France , oii le
premier consul lui fit un fort mauvais ac-
cueil. Il resta en disgrâce pendant tout
le gouvernement consulaire , et un duel
qu'il eut, en 1 803 , au bois de Boulogne,
avec le général Destaing, qu'il mit à mort,
ne "fit qu'empirer ses affaires. Exilé de
Paris, il y revint en 1805; il fut em-
ployé de nouveau, et appelé au comman-
dement d'une partie de l'armée d'Italie,
qui s'empara de Naples : il obtint alors le
titre de grand officier de la légion-d'hon-
neur. Il commanda celte ville après le
couronnement de Joseph-Napoléon , et
fut ministre de la guerre et de la marine
jusqu'en 1809; mais n'aimantpas le repos,
il vint joindre Napoléon à Vienne , prit
du service dans l'ai'mée française , et eut
sous ses ordres le corps des Saxons à la
bataille de Wagram, où il cueillit de nou-
veaux lauriers. Il soutint sa réputation
de brave général en Espagne , d'où il fut
rappelé par Buonaparte , qui l'employa
dans la guerre de Russie. Il commandait
le 1" corps ; mais il ne put rien faire de
bien remarquable dans cette campagne :
il repoussa cependant les Prussiens à Ka-
lisch, et vint camper en avant de Dresde.
En 1813 , il se distingua à la bataille de
Bautzen, ets'empara de la ville de Gorlitz.
L'armistice ayant cessé , Reynier marcha
sur Berlin , se surpassa par sa valeur au
combat de Dennevitz, où il préserva l'ar-
mée française d'une perte totale. A la ba-
taille de Leipsick, il fut abandonné par
le corps Saxon qu'il commandait : ce fut
là le terme de sa carrière militaire. Après
REY
cette affaire désastreuse, il revint à Paris
où il mourut en 18)4, âgé à peine de 44
ans. On lui doit plusieurs ouvrages, entre
autres : 1° JDc V Egypte après la bataille
d'He'liopoUs , et considérations généra-
les sur l'organisation physique et politi-
que de ce pays, Paris, 1804, in-8 : cet ou-
vrage traduit en anglais a été réimprimé
en 1826 sous le titre de Mémoires de
Reynier , précédé d'une notice par M.
Duclos. Il a été inséré dans la seconde
série des Mémoire* de la révolution fran-
çaise. 2° Conjectures sur les anciens ha-
bitans de l'Egypte, Paris, 1804, in-8; 3°
sur les Sphinx qui accompagnent les
Pyramides, ibid. , 1805, in-8.
REYJNOLDS (sir Josué) , un des pein-
tres les plus célèbres du 18* siècle , mort
à Londres en 1792, dans la G9* année
de son âge, joignait au goût le plus
exquis, aux grâces, à une facilité heu-
reuse, au mérite de l'invention, une ri-
chesse et une harmonie de coloris qui
l'ont rendu presque l'égal des grands maî-
tres d'Italie et de Flandre. Il est regardé
comme le fondateur de l'école anglaise,
et fut enterré avec beaucoup de pompe à
Westminster, à côté duWreu.
REYRAC (François-Philippe de Saint-
Laurent ou DuLAUUENs dc) , chanoinc ré-
gulier de Chancelade , prieur-curé de
Saint-Maclou à Orléans , né au château
de Longeville en Limousin , le 29 juillet
1734, mort à Orléans le 10 décembre
1782, s'est distingué par plusieurs ou-
vrages qui respirent les bons principes ,
les bonnes mœurs et le zèle pour la reli-
gion. ( Il se fit d'abord connaître par un
Pane'gyrique de saint Louis , prononcé
dans les chaires dc Toulouse et de Bor-
deaux , et qui décelait un grand orateur.)
Le dernier de ses ouvrages, celui qui lui
a fait le plus de réputation , est une
Hymne au soleil , écrite en prose, et plu-
sieurs fois imprimée depuis 1777. « Si
» cette prose, dit un critique, sur la source
» de la lumière et du feu, est dépourvue
» de verve et de chaleur, elle ne l'est
» point de clarté, de correction, ni d'i-
a mages grandes et noblement exprimées ,
» et célèbre dignement ce bel astre, l'or-
p nement et l'àme du monde physique ,
XI.
REY 337
» appelé si justement dans l'Ecriture :
» F'as admirabile opus Excelsi. » Ce
petit ouvrage est précédé d'un discours
préliminaire qui renferme d'excellens
principes de morale et de goût. On a en-
core de lui : 1° Epître à M. le comte dé
farcilles sur le vrai bonheur de Vhomme,
1 758 ; 2° Ode sur la vertu, à M. le duc
de Mortemart , 1758 ; 3° Lettre sur ïé-
loquence de la chaire ; 4° Les charmes
de la vie privée ; 5" Za Philosophie cham-
pêtre , ode , traduite de l'italien , avec
des réflexions sur la poésie, 1762 , in-8 ;
6" Discours prononcé dans l'église de
Pompignan ; 7° Manuale clericorum ; S"
Odes sacrées, 17 57 , in-12 ; 9° Discours
sur la poésie des Hébreux, 1760; 10°
Poésies tirées des saintes Ecritures,
dédiées à madame la Dauphine, 1770. La
poésie de cet auteur est en général assez
froide; le langage sublime et figuré des
prophètes n'a que faiblement échauffé sa '
verve. L'abbé de Picyrac possédait toutes
les qualités qui pouvaient le rendre cher,
une aménité de mœurs, une politesse,
une honnêteté qu'il aurait été difficile.de
trouver réunies dans un degré plus émi-
nent. Livré par devoir et par zèle aux:
fonctions importantes de son ministère,
il faisait aimer , par' l'innocence de ses
mœurs et la douce onction de ses paroles,
la religion sainte qui seule peut donner
celte sérénité du juste empreinte sur son
front. Sa présence apportait le courage
aux pauvres, la consolation aux aUEligés,
la concorde aux familles désunies ; et l'on
ne pouvait l'approcher sans partager en
quelque sorte ce calme heureux , cette
paix inaltérable, qui formaient comme
l'essence de son caractère. Son Eloge, pu-
blié par Bérenger, parut en 1783.
* REYRE (Joseph), ecclésiastique, né
à Eyguières, en Provence, le 25 avril
1735, s'est fait de la réputation comme
prédicateur et comme écrivain . Issu d'une
honnête famille , il fut envoyé chez les
jésuites d'Avignon , pour y faire ses
études. Après avoir terminé la rhétorique,
il fit son noviciat dans cette société , et,
lorsqu'il l'eut terminé, il professa successi-
vement à Roanne , Lyon et Aix. Les pre-
miers arrêts du parlement contre les je-
43.
338 REY
suites l'ayant obligé de se retirer dans
le Comtat , il enseigna les belles-lettres à
Carpentras. Après la dissolution de la so-
ciété , il se livra à la prédication , et fit
entendre la parole sainte dans plusieurs
villes du midi. Appelé à Paris, il prècba
le carême de 1788 à Notre-Dame; mais
les troubles , qui commençaient à agiter
la capitale, l'empêchèrent d'occuper la
station suivante à Saint-Sulpice. Il se
rendit alors auprès de son confrère le Père
Pravaz , à Pontde-Voisin. Pendant les
orages de la révolution, il se cacha à SauU
près Carpentras; mais il fut arrêté sous
le régime de la terreur avec un de ses
frères, et détenu quelque temps à Saint-
Remi. Lorsque la paix eut été rendue à
l'Eglise, il résida d'abord à Lyon ; mais
l'air de cette ville n'étant pas favorable
à sa santé, il se fixa à Avignon , où il
mourut le 5 février 1812. L'abbé Reyre
était un prêtre zélé et édifiant : il était
tout rempli de l'esprit de la société dont
il avait été membre, et s'efforçait d'en
suivre les sentimens en consacrant sa
plume à l'instruction des fidèles et à l'é-
ducation de la jeunesse. Ses ouvrages sont
généralement répandus dans les bonnes
maisons d'éducation. On désirerait que
l'auteur les eût travaillés avec plus de
soin. Us annoncent de la facilité, de l'ai-
sance , une manière de s'exprimer simple
et agréable ; mais ils sont un peu super-
ficiels. Nous connaissons de cet estimable
écrivain : i° L'Ami des enfans , publié
ensuite sous le titre de Mentor des en-
fans, 1 vol. in-12; 2" L'Ecole des jeunes
demoiselles, 2 vol. in 12 ; 3" Bibliothè-
que pne'tique de la jeunesse, 2 vol. in- 12 ;
4" Fabuliste des enfans, 1 vol. in-12; 5'
Anecdotes chrétiennes , 2 vol. in-12; 6°
Prônes nouveaux, en forme d'homélies,
2 vol. in-12; 7° Le Petit carême, en
forme d'homélies. Ces deux derniers ou-
vrages ont été réunis avec les Instructions
sur Les fêtes, sous le titre <X' Année pasto-
rale, 5 vol. in-12. Les OEuvres de l'abbé
Reyre ont eu plusieurs éditions.
KEYS ( Antonio dos ), littérateur por-
tugais, né à Pernes, à trois lieues deSan-
taren , eu 1690, se fit oratorien à Lis-
bonne. Il s'y distingua par ses prédica-
REZ
tiens, et devint historiographe de sa
congrégation , qualificateur du saint-
office , consulteur de la bulle de la croi-
sade , examinateur synodal du patriarche
de Lisbonne et des trois ordres mili-
taires de Portugal , chronologiste de ce
royaume en langue latine , censeur et
académicien de l'académie d'histoire por-
tugaise. Il refusa plusieurs évêchés , et
mourut à Lisbonne en 1738. On a de lui
un grand nombre d'ouvrages , les uns
imprimés et les autres manuscrits. Les
principaux de ceux du premier genre sont,
1° des Poésies latines , élégantes : on
estime surtout ses Epigrammes , dans
lesquelles il a conservé toute la décence
de son état ; 2° la Fie de Ferdinand de
Ménèze , en latin ; 3° une Introduction
au Recueil des meilleurs poètes portugais,
in-8 ; 4° une Edition du Corpus illustrium
poetarum lusitanorum qui latine scrip-
serunt, en 7 vol. in-4 , etc. Reys avait
des connaissances très étendues. Il savait
les langues anciennes et modernes, et
sa critique était assez exacte.
• REZZAJNO ( François ) , ecclésias-
tique italien, naquit à Côme le 8 mars
1731 (1) d'honnêtes parens. Il demeura
quelque temps à Rome , où ses bonnes
qualités lui concilièrent l'estime et la
protection du cardinal Colonne qui cher-
cha à l'avancer. Malheureusement ce
prélat vint à mourir , et Rezzano retomba
dans la misère. Etant retourné en sa pa-
trie en 1 760 , il obtint de son évêque une
place dans sa maison , et fut nommé à
un canonicat qui lui procura l'aisance
convenable pour continuer ses travaux.
Il mourut à l'âge de 49 ans le 27 mai
1780, montrant de grands sentimens de
piété. Il a publié : V II libro di Giobbe,
esposto in poesia italiana con annota-
zioni, Rome, 1760, in-4 , et Nice, 1781.
Les Novelle letterarie de Florence par-
lent de cet ouvrage avec beaucoup d'é-
loges. Ce même livre de Job a depuis
été traduit en vers italiens par le comte
Camille Zampieri , Bologne , 1763 ; par
Marc-Antoine Talleoni , Osimo, 1764,
(l) Le Dietioanairt hitlorique univtritl f Prudbomme )
dit \f s décembre. On • prérérr U da(e du 8 mira, donnée
par le DisJonarin tturifo di Baraauo , qu'on nuppoie mieux
ioflruit , quaod il ett quettieu de penoDuapa iulieni.
I
REZ
et Hyacinthe Cerulti, Rome, 1773. 2" Do-
dici cantici sagri , latini e italiani ,
1772. L'auteur y joignit douze autres
cantiques , et le tout reparut à Lucques
en 17 7G sous cciiive : L' Anima médi-
tante. Le 17* cantique, sur les misères
de la vie, est une peinture de celle que
l'auteur mena pendant plusieurs années.
Z° Il Trionfo délia Chiesa , Venise, 1778.
Rezzano était lié d'intimité avec le comte
Giovio. Ce célèbre écrivain, à la mort
de Rezzano , fit l'acquisition des écrits
qu'il laissa , et honora la mémoire de
son ami d'une Notice pleine d'estime et
d'affection , insérée dans son recueil in-
titulé : Gli uomini illustri délia comasca
diœcesi, p. 208.
* REZZONICO ( Aurelio ) , jésuite ,
issu de la noble famille de ce nom , et
allié à une autre famille papale, par sa
mère , Thérèse Odescalchi, était né à
Côme le 1 G septembre 1 7 2 3 . 11 entra dans
l'institut des jésuites, le 8 juin 1740,
et s'y lia , le 1 5 août 1757, par les quatre
•vœux. H prêcha dans les principales villes
d'Italie, et recueillit partout des applau-
dissemens.ClémentXIII, qui, lorsqu'il n'é-
tait encore que cardinal et évêque de Pa-
doue, l'avait ordonné prêtre, l'appela près
de lui à son avènement au souverain pon-
tificat , et le mit à la tête du séminaire
romain. C'était un emploi difficile dans
les circonstances malheureuses oii l'on
se trouvait. Le Père Rezzonico s'y com-
porta avec toute la prudence et la sa-
gesse qu'on pouvait désirer. A la dis-
solution de la société , sous Clément
XIV, il se retira à Come sa patrie, où
il fut pourvu d'un canouicat de la ca-
thédrale , et de la dignité de péniten-
cier. Il mourut vers la fin de 177 7 , âgé
de 54 ans. On a de lui : 1° Orazione pa-
negirica in Iode di santa Caterina,
vergine e martire, Venise, 1762; 2°
Orazione detta in Cremona per i felici
successi delV armi autriache , Milan ,
1764; 3° Orazione sagra detta nella
sala delsenato diLucca, Lucques, 1769.
L'astronome de Lalande , qui avait eu oc-
casion de voir et de connaître le Père Rez-
xonico en Italie , en parle avec beaucoup
d'éloge dans la relation de son voyage
RHE 339
RHADAMISTE , fils de Pharasmanes,
roi d'ibérie , feignant d'être mal avec son
père , se retira auprès de son oncle Mi-
thridate, roi d'Arménie, dont il épousa
la fille appelée Zénobie. Dans la suite,
il leva une puissante armée contre Mi-
thridate ; l'ayant attiré à une conférence,
il lefit étouffer par trahison. Son crime
ne demeura pas impuni ; car , ayant été
vaincu par Artaban , roi des Parlhes , il
fut contraint de prendre la fuite , après
avoir poignardé lui-même sa femme
( Voyez ZÉNOBiE ) , l'an 52 de J. C. Son
père Pharasmanes le fit ensuite mourir
comme un traître. ( Crébillon a tiré de
Rhadamiste le sujet de sa plus belle tra-
gédie. )
RHASÈS. FoyezRAsis.
RHAY ( Théodore ) , né à Rées , dans
le duché de Clèves, en 1603, se fit jé-
suite en 1622, fut précepteur des jeunes
ducs de Juliers et Neubourg , ensuite rec-
teur du collège de Duren , oîi il mourut
le 10 mars 1671 , fort regretté. On a de
lui des ouvrages estimés : 1° Descriptio
regni Tliibet , Paderborn, 1658, in-4 ;
2° Relatio rerum mirabilium regni Mo-
gol, ÎN'eubourg, 1663 , iu-4 ; 3° Animes
illustres Juliœ, Cliviœ , etc., e monu-
mentis redivivœ, Neubourg, 1663 , in-4 ;
4° deux ouvrages de controverse en alle-
mand.
RHE1TA( Antoine-Marie Schtele de ),
théologien , prédicateur et mathémati-
cien , né en Bohême vers la fin du 10'
siècle , entra dans l'ordre des capucins ,
et s'appliqua , dans ses loisirs , aux ma-
thématiques et à l'astronomie. On lui est
redevable de la lunette astronomique ac-
tuelle à quatre verres convexes, et du téle-
scope binocle que Montucla croit trop né-
gligé. Il donna quelques ouvrages sur cette
dernière science, l'astronomie, oii il a mêlé
avec la théorie des astres des vues ascé-
tiques et morales , entre autres : Oculus
Enoch et Elice, sive radius s idereo-mys-
iicus, etc. Cet ouvrage fut imprimé à
Anvers , en 1045, en 2 vol, A la tête du
2° , on trouve cet autre titre : Theo-As-
tronomia , qua , consideratione visibi-
lium y per novos et jucundos coneeptus
prcedicabilesab astris desumptos , mens
34o RHE
humana in invisibilia Dei introducUur.
Ouvrage qui a quelque rapport avec la
Théologie astronomique de Derbam ,
quoique d'un stile très différent : l'au-
teur s'étend sur les réflexions et les sen-
timens qui naissent naturellement dans
l'homme à l'aspect du ciel étoile. Il a
fait plusieurs observations astronomi-
ques, qui ont fait du bruit dans le temps.
Il prélendit avoir découvert cinq nou-
veaux satellites autour de Jupiter ; ce
qui ne peut avoir été qu'une illusion de
catoptrique ou de dioptrique. On a en-
core de lui un petit Traité sur les indul-
gences. Il a vécu long-temps à Cologne.
Il mourut à Ravenne en 1660.
RHENANUS ( Beatus ) , philologue ,
naquit à Schelestadt en 1485, d'oîi il
vint à Paris , ensuite à Strasbourg , puis
à Bâle , oii il contracta une étroite ami-
tié avec Erasme, et oii il fut correcteur
de l'imprimerie de Froben. On lui a re-
proché d'avoir été luthérien dans l'âme;
mais il est constant qu'il ne professa ja-
mais ouvertement le luthéranisme. Ce
fut lui qui publia le premier les deux li-
vres de l'histoire de Velleius Paterculus.
On a encore de lui : 1° la Préface qui
est à la tête des OEuvrcs d Erasme-,
2° des Notes sur Tertullien , sur Pline
le naturaliste , sur Tite-Live et sur Ta-
cite , etc. 3° une Histoire d'Allema-
gne, sous le titre de Res gcrmanicœ, 1 693,
in-4 , qui passe pour son chef-d'œuvre ;
4° Illyrici provinciarum , utrique impe-
rù) , tum romano , tum constanlinopoli-
tano , servientis descriptio : dans la iVb-
titia dignitatum imperii romani , Paris ^
1602, in-8 : ouvrage savant, ainsi que
tous ceux qui sont sortis de sa plume.
Rhenanus mourut à Strasbourg , le 20
mai 1542, à 51 ans. (Il faut consulter sur
Rhenanus le tom. 38 des Mémoires de
ISicéron. )
RHEISFERD (Jacques), savant orien-
taliste, né à Mulheim en 1654, professa
avec réputation pendant près de 30 ans les
langues orientales et la philosophie à Fra-
neker. Il mourut dans cette ville, en 17 12,
à 58 ans. On a de lui un grand nombre
de Dissertations curieuses, imprimées à
Utrecht, en 1712, 1 vol. iu-4. Lesprin-
RHI
cipales sont : i" De antiquitate charac-
teris hodierni judaici ; 2° de stylo novi
Testamenti ; 3° Observationes ad loca l
noui Testamenti ; 4° Hcbrœa rudi- \
menta grammaticœ harfhonicœ lingua- <
rum orientalium: 5" Periculum criticum 1
in loca depravata,deperdita Eusebii cœ- i
sarœi, etc. (f^oyez les Mémoires de Ni-
céron ,tom. premier.)
* RHÉTICDS ( Georges- Joachim ) ,
savant astronome, né enl 51 4 à Feldkirch
dans le pays des Grisons , professa les
mathématiques à l'académie deWittem-
berg. Il quitta celte chaire pour s'atta-
cher à Copernic , dont il ne se sépara
qu'à la mort de ce savant. De retour à Wit-
temberg, il reprit sa chaire de mathéma-
tiques , et enseigna ensuite celle science
dans plusieurs autres villes , à Leipsick,
à Varsovie , àCassaria , en Hongrie, etc.
Rhéticus est mort en 1 576 avec la répu-
tation d'un des meilleurs mathématiciens
de son temps. Il a laissé : 1° Narratio de
libris Copernici, Dantzich , 1540 , in-4 ;
Bâle, 1541 ,in-8;réimpr. avec l'ouvrage
de Copernic , Bâle , 1 566 ; 2° des Ephé-
mérides, calculées jusqu'à l'année 1561 ,
Leipsick, 1550 , in-4 , ouvrage rare: 3"
Orationes de astronomia , geographia
et physica, Nuremberg, 1542 ; 4° Opus
palatinum de triangulis, in-fol. , réim-
primé en 161 3 sous le titre de Thaau-
rus mathematicus.
* RHIGAS ( N. ) , l'un des plusardens
promoteurs de l'insurrection grecque
dans le 18* siècle, naquit vers l'an 1753 à
Velestina enThessalie. Après s'être distin-
gué de bonne heure dans les diflerens col-
lèges de sa patrie , il se rendit à Bucha-
rest , oii il se livra à quelques opérations
commerciales. En même temps il se per-
fectionnait dans la connaissance des lan-
gues anciennes et modernes, des sciences
et de la géographie comparée ; il culti-
vait aussi la poésie et la musique. L'étude
de l'antiquité avait augmenté en lui le
goût de l'indépendance , et fortitîé sa
haine contre les Turcs , les oppresseurs
de sa patrie. Il songea à délivrer la Grèce
du joug qu'elle portait depuis si long-
temps : en conséquence il forma une
grande société secrète , dans laquelle il
RHO
fit entrer non seulement l'élite de sa na-
tion et des étrangers de distinction, mais
encore des Turcs mêmes, et entre autres
le fameux Passwan-Oglou. En attendant
l'exécution de la grande conspiration ,
formée par cetle ligue , il se rendit à
Vienne, oîi se trouvaient plusieurs riches
Grecs qui pouvaient l'aider dans son en-
treprise. Alors il publia , pour l'instruc-
tion de ses compatriotes , un Journal
grec , un Traité de tactique militaire ,
un autre Traité élémentaire à Vusage
des gens du monde ; il traduisit en grec
moderne le f^oyage du jeune Ânacharsis
en Grèce , et plusieurs autres ouvrages
français qui furent accueillis très favora-
blement. Mais ce qui renditsa réputation
populaire , ce furent ses Poésies patrio-
tiques, dont quelques-unes, par exemple
la Marseillaise , sont extraites, traduites
ou imitées de notre chansonnier révolu-
tionnaire. C'est à peu près à la même
époque que Rhigas fit une grande Carie
de la Grèce , en douze feuilles , gravée à
Vienne , dans laquelle il a désigné par
les noms modernes et les noms anciens
tous les lieux célèbres dans l'histoire :
ce travail n'est pas exempt de fautes sans
doute ; mais il atteste l'érudition de l'au-
teur , et il lui mérita une grande réputa-
tion dans l'Europe savante. Rhigas fut
dénoncé au gouvernement autrichien
comme auteur de quelques écrits sédi-
tieux. Arrêté avec huit autres Grecs , il
fut dirigé sur Constantinople ; mais ses
gardes, ayant craint que Passwan-Oglou
ne les délivrât , les jetèrent dans le Da-
nube. Tous les Journaux de V Europe
ont retenti de cet événement qui arriva
dans le mois de mai 1798. Plusieurs Opu^-
eules furent composés alors en l'honneur
de Rhigas.
* RHO ( Jacques ) , célèbre mission-
naire jésuite, naquit à Milan , d'une
fenrille noble, en 1593. Son père, sa-
vant jurisconsulte, s'était fait un nom
dans la jurisprudence. Rho entra à 20
tns chez les jésuites. Après avoit fait de
Biédiocres progrès dans ses premières
éludes, il obtint des succès étonnans
en mathématiques. Destiné aux missions
de la Chine , il vint à Rome, et y re-
RHO 34 1
eut la prêtrise des mains du cardinal
Bellarmin. Bientôt après , il partit en
1620 pour l'Orient, avec le Père Tri-
gaut , qui était venu en France chercher
du renfort , et qui retournait en Chine
avec 44 compagnons. Après avoir achevé
sa théologie à Goa, il se rendit à Macao ;
mais il ne put aller plus loin , les Hollan-
dais assiégeaient cette ville. Rho trouva
moyen d'être utile aux habitans , en leur
apprenant à faire usage du canon , et Ma-
cao fut délivré. Ce service ouvrit au Père
Rho l'entrée de la Chine. Aussitôt il mit
tous ses soins à en étudier la langue , et
l'apprit en peu de temps assez bien pour
la parler et l'écrire. Un ordre de l'em-
pereur l'appela à Pékin , pour y travail-
ler à la réforme du calendrier chinois.
Ce n'était point une tâche facile. Les Pè-
res Rho et Schall l'entreprirent, et au
bout de quelques années , l'ouvrage fut
fini à la satisfaction de l'empereur. Ce
prince, offrit en récompense aux deux
jésuites des titres et des emplois consi'
dérables ; mais ils ne voulurent accepter
qu'une pension , et une somme d'argent
pour bâtir une église. Telle était l'heu-
reuse situation de la mission de Pékin ,
lorsque le Père Rho y mourut le 27 avril
16.38 , âgé de 48 ans. On lui fit d'hono-
rables funérailles , auxquels assistèrent
beaucoup de mandarins et d'officiers de
la cour. Ou a du Père Rho : 1° un travail
immense pour la correction du calen-
drier chinois , de concert avec le Père
Schall. Alegambe l'estime à cent cin-
quante volumes. 2" Deux lettres De sua
navigatione et rébus indicis , en italien,
Milan, 1620; 3" Tabulœ motus solaris ,
lunaris et planetarum ; 4" De mensura
cœli et terrœ, en chinois; 6° divers
Traités relatifs à la religion , aussi en
chinois , savoir : du jeune , de l'aumône,
des bons conseils , des œuvres de misé-
ricorde.
"RHO ( Jean ), jésuite et frère du précé-
dent , prédicateur célèbre, né en 1 590, à
Milan, a laissé beaucoup d'écrits,soit en la-
lin, soit en italien. On a de lui entre autres:
\° Achates ad Constantinum Cajetanum
adversus ineptias et malignitatem libelli
Pseudo-constaniiani , de sancti IgnatU
34« RHO
constitutione atque excrcitiis , 1G46. Le
Père Rho , dans ce livre , réfute dom
Constantin Cajetan , bénédictin sicilien,
et abbé de Sainte-Baronte , qui , par zèle
pour la gloire de l'ordre de Saint-Benoit,
prétendait que le livre àe?, Exercices de
saint Ignace était une production béné-
dictine. ( Voyez Ignace de Loyola. ) 2"
Ad Joannem Baptist. Castaldum inter-
rogationes apologelicœ, inquibussancti
Ignatii cum B. Cajetano Theatino collo-
quentis , atque ab eo theatinorum ordi-
nem postulantis, rejicUur fabula , 1 690^
3° beaucoup d'autres ouvrages, dont Ar-
gelati et Xa Bibliothèque de la société de
Jésus donnent la liste , entre autres des
Sermons, àes Panégyriques, etc. Ce Père
mourut à Rome en 1662.
RHODES ( Alexandre de) , né à Avi-
gnon en 1 591 , entra dans la société des
jésuites à Rome en 1612 , dans le dessein
de se consacrer entièrement à l'instruction
des inûdèles. Il partit en 1618 pour Ma-
cao, oii s'étant appliqué à l'étude des lan-
gues en usage dans ces diverses contrées,
il se rendit au Tonquin, pour y répandre
la foi chrétienne : ce qu'il fit avec le plus
grand succès. Il y baptisa plus de àOOO
habitans , dont plusieurs mandarins en-
voyés en exil. Il cultiva si bien par ses caté-
chistes celte chrétienté naissante qu'en
peu de temps le nombre des fidèles ^ac-
crut jusqu'à 30,000. Il passa ensuite à
la Cochinchine , oii sa prédication pro-
duisit les mêmes fruits , et ayant été em-
prisonné , chassé du royaume , il eut la
consolation d'apprendre que son princi-
pal catéchiste , nommé André , avait
scellé ses instructions de son sang, et mé-
rité le nom de proto-martyr de la Cochin-
chine. Envoyé par ses supérieurs à Ro-
me , il demanda la permission d'établir
une nouvelle mission en Perse ; et
l'ayant obtenu, il se rendit dans ce
vaste royaume, oii, après des travaux
incroyables , il mourut en 1660. Ou
a de lui un Dictionnaire anamitique ,
langue en usage dans le Tonquin et pro-
vinces voisines, imprimé à Rome eu 1661;
un Catéchisme , en tonquinois et en la-
tin, Rome , 1652 ; Relation des progrès
lie P Evangile dans le royaume de Ton-
RHO
quin, en italien, Rome, 1650, in-4 ; en
français et en latin, Lyon, 1651 et 1652;
son Itinéraire , in-4 ; et d'autres ouvra-
ges où la piété, ainsi qu'une sage curio-
sité , trouve à se satisfaire. — Il ne faut
pas le confondre avec George de Rhodes,
dont on a une Théologie , 2 vol. in-fol.
également jésuite , né à Avignon , en
1597 , et mort à Lyon en 1661. Il était
vraisemblablement frère - ou parent du
précédent.
RHODIGINUS ( Ludovicus-Cœlius )
dont le véritable nom était Louis Ric-
chierî, vit le jour à Rovigo , dans l'Etat
de Venise, en 1450, se rendit habile dans
le latin et dans le grec. ( Il vint à Paris
perfectionner ses connaissances. De re-
tour en Italie, il eut à souffrir bien des
persécutions, et fut souvent contraint,
pour vivre , de donner des leçons parti-
culières. ) Après avoir professé à Milan ,
il alla enseigner à Padoue , où il mou-
rut en 1525, à 75 ans. Son prin-
cipal ouvrage est Antiquœ lectiones ,
Bâle, 1566 , et Francfort, 1666 , in-fol.
Jules-César Scaliger lui donne des louan-
ges qui paraîtraient moins suspectes si
Rhodiginus n'avait pas été son maître. Sa
Fie a été écrite en italien par Ch. Sil-
vestri.
RHODIUS ( Ambroise ) , né à Kem-
berg près de Witlemberg, l'an 1577,
alla en Danemark, et s'acquit l'estime
de Ticho-Brahé et de Kepler. Il exerça la
médecine à Anslo en IVorwége , et devint
professeur de physique et de mathéma-
tiques dans le collège de cette ville ; mais I
s'étant mêlé des affaires publiques , il fut I
mis en prison, où l'on croit qu'il mou-
rut en 1633. Ses ouvrages sont : l" Dis- .
putationes de scorbuto; 2" une Optique, i
avec un Traité des crépuscules , en la-
tin , Wittemberg, 1611, in-8 ; Z" De
iransmigratione animarum pythagori-
ca , quomodo eadem concipi et defandi
possit. Cet ouvrage renferme plusieurs
paradoxes.
RHODIUS ou Rhodk (Jean ) , célèbre
médecin, né à Copenhague vers l'an 1587,
se rendit à Padoue en 1614. Le séjour de
cette ville lui plut tellement, qu'il s'y
fixa. Uniquement jaloux de sa liberté ,
RIB
il lui sacrifia toutes les places. Il refusa
en 1631 une chaire de professeur en bo-
tanique à Padoue , avec la direction du
jardin des plantes , et une autre de phy-
sique à Copenhague, en 1640. Il était
boiteux ; mais ce défaut corporel était
compensé par les lumières et la sagacité
de son esprit. On a de Rhodius : 1° Notœ
et Lexicon in Scribonium Largum de
compositione medicamentorum, Padoue,
1635, in-4; 2° trois Centuries d'obser-
vations médicinale <!,Vadoue, 1657, in-8;
3° un Traite' des bains artificiels, 1659,
in-8 ; et un grand nombre d'autres ou-
vrages en latin , r^iplis d'érudition. Il
mourut à Padoue, en 1659, à 72 ans.
{yoyez les Me'moiresde ^"icéron,tom. 38,
et le tom. 72 de la Biographie médicale
publiée chez Panckoucke.)
RHOE ( Thomas ) , né dans le comté
d'Esses , mort en 1644, à 64 ans, fut
ambassadeur au Mogol , à Constantino-
ple , dans le Nord , chancelier de l'or-
dre de la Jarretière, et conseiller du con-
seil privé du roi. Il s'illustra par son pa-
triotisme et ses lumières. On a de lui :
1° un Voyage au Mogol-, dans Purchas
et Thévenot ; 2" Relation de la mort du
sultan Otman , en anglais, 1622, in-4.
RHOTENAMER ( Jean ) , peintre ,
né à Munich, en 1564. Le séjour qu'il
fit en Italie développa son goût. Il se fixa
quelque temps à Venise , où il dessina
d'après le Tintoret. Rhotenamer s'était
fait une manière qui tenait du goût fla-
mand et du goût vénitien. Il est gracieux
dans ses airs de tête; son coloris est bril-
lant , ses ouvrages sont très finis. On lui
reproche de manquer quelquefois de cor-
rection. On voit à Augsbourg plusieurs
grands morceaux de ce peintre; on y ad-
mire entre autres son tableau de tous les
saints. Nous ignorons l'année de sa
mort.
RIBADENEIRA ( Pierre ), jésuite, né
à Tolède, en 1527, fut reçu par saint
Ignace au nombre de ses disciples , en
1&40, avant même que sa compagnie
eût été confirmée par le saint-Siége. Il
▼int étudier à Paris, en 1542, passa de
là à Padoue , d'où il fut envoyé à Pa-
lerme pour y enseigner la rhétorique ,
RIB 343
et se fit partout des amis illustres.
Après avoir travaillé à la propagation de
la société dans les Pays-Bas , en France
et en Espagne , il mourut à Madrid en
1611 , à 84 ans. C'était un homme d'un
zèle infatigable, savant, mais destitué
des lumières de la critique. Il est prin-
cipalement connu par ses Fleurs des vies
de^ saints, imprimées à Madrid, en 1616,
in-fol. et traduites en français par dififé-
rens écrivains. Il y adopte sans discerne-
ment une infinité de choses douteuses,
fausses et quelquefois révoltantes. L'ou-
vrage est d'ailleurs écrit purement en espa-
gnol. Ses autres ouvragessont : l°les Fies
de saint Ignace,de saint François de Bor-
gia, des Pères Lainez et Salmeron.
Comme il avait connu beaucoup ces hom-
mes célèbres , et vécu long-temps avec
eux, ce qu'il en rapporte mérite toute la
confiance que l'onpeut donner à un auteur
contemporain , si l'on excepte certaines
choses extraordinaires qu'il rapporte sur
des ouï-dire. 2° Un Traite' du schisme
d'Angleterre, in-8, 1 594 ; 3" un autre, in-
titulé le Prince, où il traite des vertus du
prince chrétien. 11 y a quelques proposi-
tions qui ont prêté à la critique. On le
traduisit d'espagnol en latin , Anvers ,
1603, in-fol. 4° la Bibliothèque des
écrivains jésuites , in-8 , Lyon , 1 609.
Ce livre contient un dénombrement
assez curieux des provinces , des mem-
bres et des savans de la société. On y
trouve aussi une liste de ses martyrs.
( Foyez OuDiN François. ) 5° Un Traité
de la tribulatioH.
* RIBALLIER ( Ambroise ) , docteur
de Sorbonoe , et abbé commendataire
de Chambon , diocèse de Poitiers, na-
quit à Paris, en 1712, d'une bonne fa-
mille originaire de Bourgogne. Les pla-
ces principales du collège des Qualre-
rs'ations étaient affectées à des membi es
de la maison de Sorbonne. Le docteur Ri-
ballier fut nommé grand maître de ce
collège. Il était connu pour sage, modé-
ré et conciliant. Il fallait ces qualités
dans l'ecclésiastique appelé au syndicat
de la faculté de théologie. La place ayant
vaqué en 1765 , il en fut pourvu. Enfin,
lorsqu'on 17 66 un arrêt du conseil du roi.
344 RIB
du 31 juillet, créa une commission pour
la réforme des ordres religieux , l'abbé
Riballier en fut nomme membre , et
chargé de différens travaux relatifs à cet
objet. Il les entreprit; mais les vues dans
lesquelles ils étaient ordonnés ne permi-
rent pas à Riballier de faire le bien qu'il
désirait.On a de l'abbé Riballier : X" Lettre
a l'auteur du Cas de conscience sur la
réforme des réguliers, 1768, in-12; 2°
Essai historique et critique sur les pri-
vilèges et exemptions des réguliers ,
1769 , in-12 ; 3° Lettres d'un docteur à
un de ses amis au sujet de Bélisaire,
1768 , in-12. Cet ouvrage de Marmontel,
imprimé avec approbation et privilège
obtenus un peu par surprise (1), avait
paru dangereux à cause du chapitre 15,
où se trouvaient des propositions répré-
hensibles. Le 2 mars 17GT , l'abbé Ribal-
lier , en sa qualité de syndic , le dénonça
à la faculté de théologie , qui nomma
pour l'examiner une commission dont
lui-même faisait partie. Néanmoins ,
avant de procéder à la censure , on crut
devoir user de ménagemens. Il y eut chez
M. l'archevêque de Paris (deBeaumont),
des pourparlers avec l'auteur. Comme il
n'en résulta rien , la censure de la fa-
culté parut le 26 juin suivant. II n'en
fallait pas tant pour émouvoir la bile de
Voltaire. Il bafoua la censure et la Sor-
bonne dans une foule de libelles qui se
succédaient rapidement et circulaient
dans la capitale. Il s'y vengeait du syn-
dic qui avait présidé la commission , par
d'indécentes bouffonneries , par de bas-
ses allusions à son nom , par des injures
grossières dignes des halles (2). L'abbé
Riballier réponditpar des raisons. Il n'eu
fut attaqué que plus vivement. Il se tut ,
(l) Fpjtt iliwtoires de JlarmmttI, tome 3 , pages 55 et
(t1 Od «e lert 1 regret de retto expreision : mallieureu-
iemrnt vile n'ett que trop fondée. Pcrfontie n'ignore que
c'élail la manière de M. de Voltaire à l'égard de ceux qui
lui diplaiHieiit. De quèli termes oiitrageiix ne s'eit-il pat
ttni enter* l'abbé Deffonlainri ? Lesmola de ribaud, de
bouc, de euiitrt, de imlUion , de maraud, de fauuairt ,
de cof utn , d'etrroc , à'apottat , et pia eiirore , se trouvent
dana lea écrits, assoriés à des noms qui ne sont pas sani
gloire , dont la plupart avaient droit à îles égards . el dont
qu<'lques>uns mériictil du respect : tant la passioti peut dé-
grader ce qu'ont de poble un grand talent et an beau
génie.
RIB
et c'était le seul parti à prendre. Il eut
d'autres affaires à débattre. En 1768,
on soumit à son examen des Thèses
qui avaient été soutenues en pays étran-
gers; il s'y trouvait des expressions dures
et des principes qui lui parurent avoir
besoin d'être modifiés. Il s'en expliqua
dans des notes remplies de modération.
Un parti , qui voulait trouver dans ce»
thèses un appui pour ses propres opi-
nions, fut mécontent des notes, et les cri-
tiqua. Les docteurs Riballier et Le Grand
répondirent à la critique par une lettre
imprimée en 1769. Cette lettre ne de-
meura pas sans répljgue , et elle fut sui-
vie de deux autres du 1 5 janvier et du 1 2
septembre 17 70, dans lesquelles les deux
docteurs démontraient la différence qu'il
y a entre les sentimensdes augustiniens
d'Italie , et ceux des appelons français.
Un procès entre le chapitre de Cahors et
les curés de cette ville donna lieu à un
autre différend , dans lequel l'abbé Ri-
ballier se trouva impliqué. Les curés de
Cahors avaient mis en avant la préten-
tion d'être de droit divin, et d'avoir suc-
cédé dans l'ordre hiérarchique aux 72
disciples. Ils faisaient dériver de là des
prérogatives qui choquaient les chanoi-
nes. Ceux-ci traitèrent leurs prétentions
de chimériques ; les curés les soutinrent,
et rédigèrent à l'appui un Mémoire qu'ils
envoyèrent enSorbonne. Deux docteurs,.
Xaupi el Billette , donnèrent droit aux
curés. Les abbés Riballier et le Grand,
dans une autre consuUation du 14 avril
17 72, en ne refusant point de reconnaî-
tre que les curés sont de droit divin ,
trouvèrent néanmoins que leurs préten-
tions étaient exagérées. La question fut
portéeà la faculté de théologie assemblée.
Elle blâma la première consultation , et
celle des docteurs Riballier et le Grand
fut maintenue. L'abbé Riballier a eu des
ennemis. Il dut en avoir parmi les phi-
losophes du jour , parce qu'il combattait
leur doctrine , et s'opposait à sa propa-
gation. Il en eut aussi dans le parti qui
refusait de se soumettre aux décisions de
l'Eglise, parce qu'il en maintenait l'au-
torité de tout son pouvoir; mais il était
généralement estimé dans le clergé, et il
I
RIB
le méritait ; il avait du talent, du savoir
et les qualités convenables aux places
qu'il occupait ; il en remplissait les de-
voirs avec exactitude et dignité. A un
caractère dons et facile il joignait de
l'aménité dans les manières. Il était en-
nemi des voies rigoureuses et de l'éclat ,
et, autant qu'il était en lui, il les évitait.
C'était , en un mot , un homme de mé-
rite, et qui n'emprunte point, quoi qu'en
dise le Dictionnaire universel , sa célé-
brité de celle du Bélisaire. Il est mort
en 1785.
RIBAS Y Cakasquillas ( Jean de ) ,
prédicateur de l'ordre de Saint-Domi-
nique, naquit en 1612 à Cordoue , et y
mourut en 1 687 à 7 5 ans,aprês avoirensei-
gné long-temps la philosophie et la théo-
logie. C'est lui qui est auteur du fameux
livre intitulé : Theatro jesuitico, Coïm-
bre, I65i, in-4, et non pas don Ildefonse
de Saint-Thomas, dominicain et évêque
de Malaga, auquel on l'avait d'abord at-
tribué. C'est un recueil intéressant pour
les ennemis des jésuites. On a encore du
Père de Ribas plusieurs autres écrits con-
■ -ire la Société.
- RIBEIUA. Ployez Espagnolet.
KIBEIRO ( Jean-Piuto ) , juriscon-
sulte portugais, mort en 1694 , se fit un
jiom parmi ses compatriotes par sa science
dans le droit. Ses OEuvres ont été re-
cueillies et imprimées in-fol. à Lisbun-
,ne en 1729. Elles sont précieuses aux
Portugais, qui croient y voir une ample
justification delà fameuse révolution de
1540.
RIBERA ou RiBEiRA ( François de ) ,
pieux et savant jésuite, né en 1514,
à Villacastin, dans le territoire deSégo-
vie en Espagne, étudia dans l'université
de Salamanque , et y apprit les langues
et lï théologie. Il entra prêtre che^ les
jésuites , à l'âge de 33 ans. Il enseigna
avec succès à Salamanque, oii il mou-
ruten 1 591, aimé et estimé. On a de lui : 1°
de bons Commentaires sar les XII Petits
prophètes, Cologne, 1599, in-fol.; 2° —
sur V Evangile de saint Jean , Lyon ,
\^l'i,in-{o\.;Z'"s,iiv\.' E pîlreaux Hébreux,
Cologne , 1 600 , in-8 ; 4" — sur V Apoca-
lypse, Anvers, 1603, in-8 ; 5" un Traité
XI.
RIB 345
du temple de Salomon, avec le précédent;
6" la Fie de sainte Thérèse , Cologne ,
1620, in-8. Il avait été pendant quelque
temps son directeur.
RIBERA ( Anastase-Pantaléon de),
poète espagnol , naquit à Saragosse ea
1580. L'enjouemnt de son caractère et
ses saillies ingénieuses le firent aimer à
la cour du roi Philippe IV. Ses Poésies y
imprimées à Saragosse en 1640 , et à Ma-
drid, 1648, sont dans un genre burles-
que. On remarque dans plusieurs un tour
agréable et de bonnes plaisanteries. (Il
mourut en 1639 ; ce fut le Scarron de
l'Espagne. )
RIBIER Guillaume ) , président du
bailliage de Blois , député aux états en
1614, fut fait conseiller d'état, et mou-
rut à Llois en 1663. Il a paru sous son
nom : Lettres et Mémoires d^état sur les
règnes de François 1", Henri II et Fran-
çois II, Blois, 1666, 2 vol. in-fol. Comme
celte compilation n'a paru qu'après sa
mort, il s'y est glissé plurieurs fautes;
elle est cependant encore assez recher-
chée.— Il ne faut pas le confondre avec
Jacques Ribier, son frère, conseiller au
parlement de Paris en 1 591 , qui a publié :
Mémoires des chanceliers et garde-des-
sceaux , Paris, 1629, in:4, et un Dis-
cours sur le gouvernement des monar-
chies,'i6^0, in-4.
* RIBIER (César), ecclésiastique, né
à Lyon en 1762 , entra au séminaire de
Saint-Irénée de cette ville , et, lorsqu'il
ejit reçu les ordres , il fut chargé du soin
de la paroisse de Farnay, annexe de Saint-
Paul-en-Jarrest , où il se fit chérir des
habitans par sou zèle pour le salut des
Ames et son excessive charité. Ayant re-
fusé le serment ordonné par la constitu-
tion civile du clergé, il éprouva quelques
persécutions , et fut même renfermé à
Saint-Paul ; mais bientôt mis en liberté ,
il se retira à Lyon , mais il fut contraint
de s'expatrier. Pendant son exil , il cher-
cha à acquérir quelques connaissances
en médecine , espérant que celte étude
lui faciliterait les moyens , en rendant
la santé aux corps , de procurer le salut
des âmes. En 1795 il revint à Lyon, et fut
désigné pour remplir les fonctions de
M
346 RIG
secrétaire du conseil de rarclievêché ,
qui était alors gouverné par les vicaires-
généraux en l'absence de l'archevêque ,
M. de Marbeuf . Une nouvelle organisation
ayant eu lieu dans le diocèse en 1 802 ,
il devint vicaire à Sainl-Nizier. Dans les
dernières années de sa vie , M. Dévie ,
nommé évêque de Belley , qui l'honorait
d'une amitié particulière , voulut se l'at-
tacher en qualité de son premier vicaire-
général ; mais il céda aux prières de ses
paroissiens qui le regardaient comme un
père, et il resta au milieu d'eux. Ce vé-
nérable pasteur fut enlevé, le 14 mai
1826, à ses paroissiens, qui n'oublieront
jamais ses vertus. Une Notice sur sa vie
a été imprimée en 1826 , in-8. Son hu-
milité ne lui a pas permis de rien faire
imprimer pendant sa vie ; mais on a pu-
blié après sa mort : 1° Le paradis sur la
terre, ou Le chre'iien dans le ciel par
ses actions ; Me'ditations sur l'amour
de Dieu pour tous les jours de deux
mois, sur la communion, pour entendre
la sainte messe , et divers autres exerci-
ces en forme de me'ditations , précédé
d'un abrégé de sa vie , Lyon , 1827 ,
in-18 ; 2" édition , 1828 , avec son por-
trait, ouvrage quia obtenu le plus grand
succès, et qui convient à toute espèce de
personnes, parce que ce sont des sujets
détachés qui forment la matière d'am-
ples réflexions pour celui qui veut entrer
dans la vie spirituelle ; 2° Conférences
et sermons , suivis d'Avis et d'une Re-
traite de trois jours pour les premières
communions , et d'un Plan de retraite
pour les religieuses, Lyon, 1828, 1 vol.
in-12. Il a laissé, en manuscrit, un grand
nombre de Sermons et A' Instructions
familières.
RICARD ( Jean-Marie), avocat au par-
lement de Paris, né à Beauvais en 1622,
était un des premiers du palais pour la
consultation et pour les arbitrages. Il
fut choisi pour conseil par les premières
maisons du royaume, et mourut en 1678,
à 66 ans. On a de lui : 1" un Traité des
substitutions ; 2° un Commentaire sur
la Coutume de Sentis ; 3° un excellent
Traité de donation, dont la meilleure
édition est celle de 1754, en 2 vol. ia-fol.
KIC
avec le précédent. Denys Simon , con-
seiller au présidial de Beauvais , a fait
des additions aux ouvrages de cet avocat,
un de ceux qui ont le mieux écrit et qui
ont le plus mal plaidé.
* RICARD ( Dominique) , littérateur
distingué, né à Toulouse le 23 mars 1741,
entra de bonne heure dans la congréga-
tion des doctrinaires. Après avoir pro-
fessé avec distinction au collège d'Au-
xerre, il vint à Paris, oii il se chargea
de l'éducation du fils du président de
Meslay. L'abbé Ricard était très versé dans
la langue grecque ; il s'occupa pendant
son séjour dans la capitale de donner au
public une nouvelle Traduction des œu-
vres complètes de Plutarque , et il con-
sacra le reste de sa vie à ce travail. Il
mourut à Paris en 1 803 , à l'âge de C2
ans. Il a laissé les traductions, dont nous
venons de parler, savoir: 1° Fies des
hommes illustres , dont il n'a pu donner
que 4 vol. in-12 , 17 98 : la suite a été
publiée avec une Notice sur l'abbé Ri-
card, en tout 13 vol. ; 2° OEuvres mo-
rales , 17 vol. in-12 , depuis 1783 jus-
qu'en 1795 , en tout 30 vol. in-12. Il
existait déjà une Traduction de Plutar-
que par Amyot. L'abbé Ricard pensa que
lestilede l'ancien traducteur était vieilli,
et que celte traduction ue pouvait être
lue que par les gens de lettres à peu près
seuls capables de tenter encore les char-
mes de son vieux langage. Celle de l'abbé
Ricard , quoique bonne , n'a pu , et ne
pourra jamais faire oublier celle de l'in-
terprète si simple et si naïf du philosophe
de Chéronée. Nous remarquerons toute-
fois les notes qui accompagnent la nou-
velle traduction : elles sont savantes , et
seront consultées avec fruit. Cet estimable
littérateur a encore publié: 3" LaSphère,
poètne en huit chants , qui contient les
élémens des deux sphères, 1796, in-8 ,
enrichi de notes et d'une notice des poè-
mes grecs qui traitent de quelques par-
ties de l'astronomie. Mais Ricard avait
peu de talent pour la poésie didactique.
Ce fut lui qui créa en 1795 le Journal
de la religion et du culte catholique , qui
parut depuis sous le titre A' Annales phi-
losophiques , morales et littéraires. On
^ RIC
lut doit aussi la publication des Traités
sur la superstition et sur l'enthousiasme,
ouvrage posthume de l'abbé Pluquet, que
l'éditeur a fait précéder d'une Notice sur
cet auteur. Enfin l'abbé Ricard a laissé
en manuscrits plusieurs traductions en
grec et en latin , et quelques opuscules
en vers ou en prose. Il conserva dans la
capitale toute la pureté des mœurs qui
l'avaient rendu , ainsi que ses lalens ,
cher aux religieux ses confrères , et il se
fit également remarquer par sa modestie
M et sa bienfaisance.
m * RICARD ( N. de ) , ancien député ,
né à Toulouse en 1761 , avait été nommé
à la chambre par le collège départemen-
tal de la Haute-Garonne, dans le mois de
novembre 1820. Réélu l'année suivante
par le même collège , il le fut encore
dans le mois de février 1 824 par le collège
électoral du deuxième arrondissement
; de Toulouse , dont il était président.
: Pendant les huit sessions dont il a fait
partie, depuis 1820 à 1827, il a constam-
ment voté avec le côté droit, et plusieurs
fois il est monté à la tribune pour défen-
fdre les projets ministériels. M. de Ricard
fut pendant plusieurs années adjoint au
maire de Toulouse : il a reçu la croix de
la légion d'honneur en 1823. Il est mort
à Toulouse le 29 avril 1832 , dans un âge
assez avancé.
t* RiCARDO (David), économiste an-
glais , naquit à Londres , en 17C2 , d'un
juif qui exerçait l'étatlucratif de courtier
de change. En même temps que David
Ricardo se livrait au commerce , il s'a-
donnait à une étude approfondie des
finances de l'économie politique. Tou-
jours heureux dans ses spéculations , il
avait acquis une fortune immense. Il fut
nommé , en 1819 , à la chambre des com-
munes par le bourg de Portarllngton en
Irlande , et il y obtint un grand poids
par sa supériorité en matière de finances.
Il mourut à Catcomb-Park le 11 septem-
bre 1823. Il avait renoncé à la religion
de ses pères pour se faire chrétien angli-
can. On a de lui : l" Essai sur le haut
prix du lingot (Bullion) , preuve de la
dépréciation des billets de banque , 1810,
in-8 , avec ua Supplément , 1811 , 4«
RIC 347
édit. ; 2" Essai sur l'influence, du bas
prix du blé, sur les profits ou le cours des
fonds publics , 1815 , in-8 ; 3° Projet
d'un papier - monnaie économique et
sûr, 1816-1818, in-8 ; 4° Principes de
l'économie politique et de l'impôt, 1817,
jn-8, 6* édit. , 1821 ; trad. en français ,
Paris, 1819, 2 vol. in-8, avec des Notes
de M. J. B. Say ; 5° Sur les prohibitions
en agriculture , 1822 , in-8. Il a inséré
dans le supplément de l'Encyclopédie
britannique un article sur le Système
d'amortissement, et il mettait la dernière
main à un Essai sur la meilleure con~
stitution d'une banque nationale , lors-
que la mort l'a enlevé.
* RICARDOS-CARILLO ( le comte
don Antonio), célèbre général espagnol,
né le 12 septembre 1727 à Sévilie d'une
famille illustre , entra dès l'âge de 1 5 ans
dans le corps des gardes espagnols. Son
avancement fut rapide. A l'âge de 16
ans il état déjà colonel , et c'est eu cette
qualité qu'il fit la guerre contre le Por-
tugal. Déjà auparavant il s'était trouvé
aux batailles de Parme et de Tidone ,
dans lesquelles il déploya une valeur bril-
lante. Chargé plus tard d'aller organiser
le système militaire dans les possessions
espagnoles de l'Amérique, il devint à son
retourmembre d'une commission chargée
de la délimitation des frontières entre
la France et l'Espagne. C'est Ricardos
qui créa l'école de cavalerie d'Ocana,
dont l'organisation était si bien appro-
priée au but de l'établissement , que le
célèbre prince de Nassau regrettait de
n'avoir point de fils à y faire élever. Ri-
cardos fut nommé ensuite inspecteur-gé-
néral de cavalerie ; mais il n'avait pu
acquérir tant de titres et d'honneurs sans
exciter l'envie. Quelques biographes at^
tribuent à ce vil sentiment la poursuite
dont il fut l'objet pour ses opinions phi-
losophiques et irréligieuses. Quoi qu'il en
soit , l'inquisition ne lui fit subir qu'une
peine très légère. Après avoir fait lès
campagnes d'Alger et de Gibraltar (1777-
1 7 82) , il fut élevé au grade de capitaine-
général. Selon quelques-uns , ce fut un
exil ; car il fut envoyé dans la province
de Guipuscoa. Rappelé en 1793 , il fut
^
348 RIC
chargé du commandement de la Catalo-
gne. La guerre ayant alors éclaté entre la
France et l'Espagne , don Antonio Ricar-
dos réunit à la hâte une armée, se porta
à marches forcées sur les frontières , pé-
nétra sur le territoire français , et battit
les républicains. Encouragé par ce suc-
cès , il attaqua le fort des Bains , qu'il
prit après quarante-trois jours de blocus,
ainsi que celui de Bellegarde , qu'il bom-
barda pendant 33 jours , et qui demanda
à capituler. Ce fut le général Ricardos
qui , par sa valeur , fit gagner la bataille
de Trullas , en chargeant l'ennemi , à la
tête des carabiniers royaux. Arrivé jus-
qu'aux portes de Perpignan , il parut
vouloir se reposer sur ses lauriers; car il
ne fit aucune tentative pour s'emparer
de cette place , qui l'aurait rendu maître
du Roussillon. Il revint à Madrid deman-
der des renforts pour ouvrir la campagne
suivante ; il y fut reçu comme en triom-
phe , et le roi le décora de la grand'croix
de l'ordre de Charles III. Cependant le
gouvernement français avait envoyé des
forces imposantes vers les Pyrénées , et
les Espagnols , vaincus à leur tour , fu-
rent forcés de repasser les frontières. Le
peuple de Madrid , indigné de cet échec ,
l'attribua à la lenteur du général Ricar-
dos, qui persistait à ne point partir avant
d'avoir obtenu les renforts demandés.
Cette raison ne parut pas assez plausible
aux mécontens, et tous les jours, à l'heure
de son réveil et de son dîner , une foule
de femmes et de peuple , portant des
guitares et des tambours de basque, en-
combraient la porte de son hôtel , en
criant au son de leurs instrumcns : Adieu,
monsieur le général ! Bon voyage, mon-
sieur le général ! De son côté, Ri-
cardos pressait en vain un ministre tout
puissant de lui accorder des troupes ; ce
ministre favori s'y refusait , parce que
Ricardos ne lui avait pas témoigné les
égards qu'il exigeait des personnes les
plus distinguées. Poussé à bout par les
clameurs du peuple,' ce général se rendit
à son armée , et n'y arriva que pour la
voir battue sur tous les points. Sa disgrâce
était préparée d'avance par Godoy (voy.
ce nom } ; ce revers l'accéléra. Il fut
RIC
remplacé dans le commandement par le
comte de l'Union , qui fut encore plus
malheureux que lui. Au milieu d'une
déroute complète, ce général mourut sur
le champ de bataille. Le sort changea en
faveur des Espagnols , sous Urrutia , qui
succéda à l'Union ; mais au moment de
ces premiers succès , la paix fut conclue
entre l'Espagne et la France. Pendant ce
temps, don Antonio Ricardos s'était retiré
à Séville, sa patrie , oui! succomba , en
avrill798, d'une maladie occasionée par
ses longues fatigues: il était âgé de 71 ans.
Ricardos ne manquait pas de talens mili-
taires ; mais il avait lui-même causé son
honorable disgrâce, en ne se rangeant
pas parmi les flatteurs d'un ministre qui
perdit l'Espagne et ses souverains.
RICAUÏ ( Paul ) , chevalier anglais,
fut d'abord secrétaire du comte Winchel-
sea , ambassadeur extraordinaire de
Charles II auprès du sultan Mahomet IV.
Il devint ensuite consul de la nation an-
glaise à Smyrne pendant 1 1 ans ; et, dan«
ces postes différens , il fut très utile jkix
négocians de sa nation établis en Turquie.
De retour en Angleterre , le comte de
Clarendon le nomma , en i G85 , son pre-
mier secrétaire pour les provinces de
Leincester et de Connaught en Irlande.
Le roi Jacques U l'honora du titre de
conseiller privé pour l'Irlande et de juge
de l'amirauté. Après la révolution qui
chassa le monarque du trône , il fit sa
cour à Guillaume III , et obtint le carac-
tère de résident d'Angleterre dans les _
villes anséatiques de Hambourg , Lubeck, I
Brème , etc. Il retourna en Angleterre f
eu 1700 , et y mourut la même année.
Nous avons de lui : 1° Histoire de l'état
présent de l'empire ottoman , en anglais,
Londres , un des ouvrages qui nous font
le mieux connaître l'état de cet empire.
Il fut d'abord traduit en français par
Briot , dont la traduction parut à Paris
en 1750 , in-4 etiu-12. Cette version est
bonne : rin-4, qui est rare et magnifique,
est ornée de belles figures gravées par
Le Clerc. Bespier traduisit depuis le ,
même ouvrage en 2 vol. in-12 , et ac- 1
compagna sa version de remarques eu- I
rieuses qui le font rechercher. 2° Une
RIC
Histoire des Turcs dans le 1 7* siècle ,
3 vol. in-12, traduite parBriot ; ouvrage
exact ; 3" l'Etat présent des églises de
la Grèce et de l'Arme'nie , etc. en 1678,
in-12 , traduit par Rozamond. ( Ricaud a
traduit en anglais l'Histoire du Pérou ,
de Garcilasso de la Vega , et le Criticon
de Gracian. }
RICCAT1( Vincent de ) Jésuite, né ,
en 1707 , à Castel-Franco, dans le terri-
toire de Trévise , professa les mathéma-
tiques à Bologne jusqu'à la suppression
de l'ordre en 1773. A cette époque , il se
retira dans sa patrie , où il mourut d'une
colique en 17 75, à 68 ans. On a de lui
plusieurs ouvrages de mathématiques ;
le plus recherché est son Traite' du calcul
intégral, 3 vol. in-4. Il travailla long-
temps sur le cours des fleuves. La répuhli-
que de Yenise fil frapper en son honneur
en 17 74 une médaille d'or, de la valeur
de 1000 livres.
* RICCÉ ( N., vicomte de ) , député et
préfet, né vers 1757, était issu d'une
famille noble. et ancienne. Il avait em-
brassé la carrière des armes ; il émigra
au commencement de la révolution. En
1814 il reçut la croiï de Saint-Louis, et
fut nommé préfet de l'Orne. Pendant les
cent-jours il n'accepta aucun emploi ;
mais au second retour du roi il reprit
ses fonctions administratives. En 1817 il
passa de la préfecture de l'Orne à celle
de la Meuse , et en 1819 il fut transféré
dans le Loiret. Pendant plus de douze
ans, il a administré ce département qu'il
a quitté seulement le 2 novembre 1831,
époque oii il a obtenu sa retraite à cause
de son âge avancé. Il avait été élu député
du Loiret dans le mois de juillet 1 830 ; il
fit par conséquent partie de la chambre
qui se donna le pouvoir constituant ,
au moment de la révolution de juillet ,
et offrit le trône au duc d'Orléans. Pen-
dant la session de 1830-1831 , il siégea
au centre gauche. Il ne fut pas réélu aux
élections générales de 1831. Le vicomte
de Riccé est mort d'une apoplexie fou-J"
droyante dans les derniers jours du mois
de novembre 1832.
* RICCI ( Matthieu ), jésuite et fonda-
teur de Ja mission de la Chine , né à Ma»
RIC 349
cerata en 1 552 , passa aux Indes , acheva
sa théologie à Goa en 1 57 8, et y enseigna
la rhétorique. Ses supérieurs l'ayant des-
tiné aux missions de la Chine , il apprit
la langue du pays , et ne négligea point
les mathématiques , qu'il avait étudiées
à Rome sous le savant Clavius. Après
bien des traverses , il arriva à Pékin , et
y fut reçu avec distinction par l'empereur
Vanli. Ricci n'oublia rien pour le rendre
favorable k la prédication de l'Evangile.
Parmi diverses curiosités d'Europe que
le Père lui présenta , il fut si touché de •
quelques tableaux du Sauveur et de la
sainte Vierge, qu'il les fit placer dans un
lieu élevé de son palais , pour y être ho-
norés. L'empereur lui ayant demandé une
Carte géographique , il évita de choquer
les idées d'un peuple ignorant et vain ,
qui croit que la Chine est au milieu du
monde , et disposa la carte de façon que
la Chine se trouva réellement placée au
milieu. Après des peines infinies et une
longue patience , il parvint à bâtir une
église , et à jeter les fondemens d'une
chrétienté qui devint très florissante. Cet
homme illustre mourut à Pékin en 1610 ,
à 58 ans. Il laissa des Mémoires curieux
sur la Chine, dont le Père Trigault s'est
servi pour écrire son ouvrage : Dechris-
tiana expedilione apudSinas , Cologne,
1684, in-8. Le Père d'Orléans , jésuite,
qui a donné en 1G93 la Fie de Ricci,
rapporte que ce Père composa d'abord
pour les Chinois un petit Catéchisme ,
« oii il ne mit presque , » dit-il , « que
■» les points de la morale et de la religion
■» naturelle les plus conformes à la reli-
» gion chrétienne. » Les esprits étant '
ainsi favorablement disposés, il eut moins
de peine à leur faire adopter la croyance
des mystères. C'est ainsi que de tout
temps le zèle des hommes vraiment apo-
stoliques a toujours été accompagné de
prudence et d'une sainte industrie. ( Le
Père Ricci est le premier Européen qui
ait écrit des ouvrages en langue chinoise ;
ils sont au nombre de quinze , dont nous
citerons les suivans : 1° La véritable
doctrine de Dieu ; 2° Les six premiers
livres d'Euclide ; 3° Arithmétique pra-
tique , en 1 1 livres ; 4° Géométrie prati-
35o RIC
que ; 5" Explication de la sphère terres-
ire et céleste, elc.)
RICCI (Barihélemi), célèbre littéra-
teur de Lugo, dans le Ferrarais, vivait
dans le 16* siècle. On a de lui des Ha-
rangues, des E pitres, des Comédies, etc.,
iniprimëes séparément. On en a donné
une édition complète à Padoue en 1748,
3 vol. iu-8.
RICCI (Joseph) , natif de Brescia,
et clerc régulier de Somasque , est connu
par deux ouvrages médiocres , écrits en
latin, et imprimés à Venise en 1649,
in-4 , 2 vol. L'un est t Histoire de la
guerre d'Allemagne, depuis 1618 jus-
qu'en 1648 , que l'on appelle communé-
ment la Guerre de trente ans; le second
est l'Histoire des guerres d'Italie , de-
puis 1613 jusqu'en 16.53. Ces histoires
sont des compilations écrites d'une ma-
nière languissante ; mais on y trouve des
particularités curieuses. Les retranche-
mens des traits satiriques qu'on exigea
de l'auteur dans la seconde , la rendirent
moins agréable aux esprits malins.
RICCI (Michel-Ange) , cardinal, né
à Rome en 1619, aima les mathémati-
ques et y fit de grands progrès , comme
le prouve son traité. De maximis et mi-
nimis.... Innocent XIV lui donna le cha-
peau en 1681 ; mais il ne jouit pas long-
temps de sa dignité, étant mort le 21
mai 1682. Ses vertus , ses lumières , son
amour pour la vérité, et son zèle, le
rendirent digne des éloges et de l'estime
des souverains pontifes.
RICCI (Sébastien), peintre, né à
Bellune , dans les états de Venise , eu
1659, mourut à Venise eu 1734. Les
princes de l'Europe ont presque tous oc-
cupé son pinceau. Ricci fut appelé en
Angleterre par la reine; il passa par
Paris, y séjourna quelque temps, et se
fit recevoir à l'académie de peinture.
Après avoir satisfait à Londres à tout ce
qu'on exigeait de lui , il revint à Venise,
et s'y fixa. Ce peintre avait des idées
nobles et élevées ; son imagination était
vive et abondante ; son coloris est vigou-
reux, quoique souvent trop noir; ses
ordonnances sont frappantes ; sa touche
est facile. Il y a plusieurs morceaux gra-
RIC
vés d'après lui. ( Le musée de Paris con-
serve de ce peintre un tableau représen-
tant Les Amours servant la France ,
et un Génie portant le diadème. )
RiCCI ( Laurent) , jésuite , né à Flo-
rence le 2 août 1703, d'une famille dis-
tinguée, fut élu général le 21 mai 17ô8.
Le plus grand événement de son géné-
ralat fut la destruction de son ordre. Les
jésuites ayant été chassés de Portugal en
1759, le furent quelques années après
de France, d'Espagne et de Naples. Les
ministres des cours de Bourbon se réuni-
rent pour en demander l'extinction to-
tale au pape Clément XIV. Ce pontife
signa le bref qui supprimait la com-
pagnie de Jésus, eu date du 21 juillet
1773. ( Foy. Clément XIV. ) On transféra
l'ex-général Ricci , accompagné de ses
assistans et de plusieurs autres jésuites,
au château Saint-Ange, après lui avoir
fait signer une lettre circulaire à tous
les missionnaires de son ordre pour leur
en apprendre la suppression- L'explica-
tion de ces événemens , de leurs causes,
et des effets qui en résultèrent , n'appar-
tient pas à ce siècle ; la postérité verra
tout cela d'une manière plus calme et
plus sûre. Cependant un voyageur phi-
losophe, qui juge avec beaucoup d'im-
partialité, a cru pouvoir se permettre
les réflexions suivantes : » De ces siècles
» où la cour de Rome parut souvent
» abuser de son autorité , je passe à des
u temps où elle n'est plus occupée qu'à
» parer les traits qu'on lui lance. Elle
» ne commande plus; elle ne fait qu'obéir:
» Les demandes des souverains sont des
» ordres pour elle. Les sollicitations la
» font plier , les menaces l'intimident
» et l'effraient ; elle recule à pas de
» géant , tandis que son intérêt lui con-
» seille, le devoir même lui ordonna de
« se roidir contre les obstacles, et d'avan-
» cer. Si elle paraît de temps en temps
» reprendre son ancienne vigueur, ce
» n'est ordinairement que pour montrer
* n bientôt plus de faiblesse , et tomber
» avec plus d'éclat dans une situation
» qui excite la pitié : elle n'entend au-
» tour d'elle que le frémissement des
» passions les plus violentes. Fatiguée ,
RÎC
» elle prend des résolutions extrêmes,
» et qui semblent inspirées par le déses-
i> poir. Privée d'une partie de ses ressour-
j) ces, elle n'ose faire usage de l'autre,
» et se range quelquefois du côté de ceux
» qui la détestent et la combattent , tan-
» dis qu'en même temps elle repousse
» ceux qui l'aiment et qui la soutien-
w nent. Armée du glaive, elle s'avance
'> avec une contenance fière pour con-
» sommer un sacrifice qui étonne l'uni-
» vers. Sur un autel élevé par des mains
» ennemies, elle immole des victimes
)) dont elle n'ignore pas le prix , et qui
j) n'auraient jamais dû. tomber sous ses
«coups. » Discours iur l'histoire, etc.,
par C. d^Albon. Ricci mourut dans sa
prison le 24 novembre 177 5. H signa
peu de temps avant sa mort une espèce
de Mémoire , qu'on rendit public sui-
vant ses intentions. Il y protestait : 1"
que la compagnie de Jésus n'avait donné
aucun lieu à sa suppression , et qu'il le
déclarait en qualité de supérieur bien
informé de ce qui se passait dans son
corps; 2° qu'en son particulier, il ne
croyait pas avoir mérité l'emprisonne-
ment et les duretés qui avaient suivi
l'extinction de son ordre ; .3° enfin , qu'il
pardonnait sincèrement à tous ceux qui
l'avaient tourmenté et affligé , d'abord
par les affronts faits à ses confrères, et
ensuite par les atteintes portées à sa pro-
pre réputation. Un grand évêque , le plus
éloquent prédicateur qu'eut alors la
France , en prêchant peu de temps après
la suppression de cet ordre devant une
des plus illustres assemblées du monde ,
n'a pas fait difiiculté de s'exprimer en
ces termes : « Si une société fameuse
» par le crédit et la confiance dont elle
i> avait joui si long -temps auprès des
M pontifes et des rois , et par les services
3> qu'elle avait rendus à la religion et
» aux lettres ( car quelle considération
3) pourrait empêcher les âmes sensibles
» de rendre ce témoignage à des hommes
» malheureux?) ; si cette société a été
M la victime , etc. » Oraison funèbre de
Louis JTf^jparM. de Beauvais, évêque
de Senez. Caraccioli, auteur souverai-
nement fécond en brochures de tous les
RIC
35 1
genres , a donné la Fie du Père Ricci ,
froide et incohérente compilation de
gazettes.
"RICCI (Scipion), évêque de Pistoie
et de Prato , né à Florence en 1741 , fut
élevé au séminaire romain. Nommé audi-
teur du nonce à Florence , puis vicaire-
général de l'archevêquelncontri qui occu-
pait le siège delà même ville, il ne tarda
pas à être promu lui-même à l'évêché de
Pistoie en 1780. Fauteur des réformes in-
troduites dans les étals autrichiens par
l'empereur Joseph II , et par suite dans
le grand-duché de Toscane , il fut long-
temps en opposition avec le saint-Siége,
qui , autant que les circonstances le per-
mettaient , repoussait ses dangereuses
innovations. 11 devint le conseil de Léo-
pold II , grand-duc de Toscane et frère
de l'empereur. On vit dès lors le gouver-
nement se mêler des affaires ecclésiasti-
ques , vouloir régler le culte et les céré-
monies , et s'emparer de l'enseignement
spirituel. On faisait composer des caté-
chismes sans consulter les évêques ; on
établissait dans les écoles de théologie
d£s professeurs imbus des doctrines qu'on
voulait accréditer. Le 1 8 septembre 1786,
conformément aux désirs du grand-duc ,
Ricci ouvrit à Pistoie un synode pour pro-
céder régulièrement aux réformes qu'on
voulait faire. Il s'en fallait bien qu'elles
fussent du goût de la majorité de son
clergé ; mais la nouvelle théologie avait
pénétré dans l'université de Pavie. On
fit venir de cette ville Tamburini , qui
avait été privé de sa chaire par le cardi-
nal Molino , évêque de Pavie , pour une
dissertation où il établissait la doctrine
janséniste sur la grâce. Ricci le fit promo-
teur de son synode , quoiqu'il n'eût pas
même le droit d'y assister. Il y ^ua le
principal rôle , aidé d'ecclésiastiques
pensant comme lui , qu'on avait eu soin
de lui adjoindre. On y adopta toute la
doctrine des appelans français. On y
consacra le système de Baïus et de Ques-
nel sur les deux amours , sur l'efficacité
et la toute-puissance de la grâce, sur l'in-
efficacité et l'inutilité de la crainte ; en
un mot, sur des dogmes que l'Eglise re-
pousse depuis le commencement de ces
35a RlC
disputes. L'année suivante , une seconde
assemblée se tint à Florence le 23 avril
par ordre du grand-duc ; elle était com-
posée de tous les évêques de Toscane.
Elle fut loin de se terminer au gré de
Ricci , comme la première. Non seule-
ment il y trouva de l'opposition de la
part de la majorité des évêques , mais
encore il fut obligé de la dissoudre le 5
juin , après dix-neuf sessions. Pendant sa
durée , une sédition s'était élevée contre
lui dans le diocèse de Prato. On avait
renversé et brûlé son trône épiscopal et
ses armoiries , après avoir enlevé de son
palais et de son séminaire les livres et les
papiers qui s'y trouvaient. On fut obligé
d'envoyer des troupes à Prato pour y ré-
tablir l'ordre. Néanmoins , malgré ces
échecs , Ricci , soutenu par le grand-
duc , n'abandonna pas ses plans. Â son
instigation , de nouveaux édits en leur
faveur , et calqués sur ceux de Vienne ,
se succédaient. Un événement auquel on
ne s'attendait pas vint mettre iin à ces
funestes innovations. La mort de l'em-
pereur Joseph II en 1790 fit passer Léo-
pold sur le trône impérial. Il paraît que
la conduite de ce prince dans ce quHre-
tait passé tenait moins à ses propres opi-
nions qu'au désir de ne point contrarier
les projets de son frère. Après son départ
de Toscane, tout , sous le rapport reli-
gieux, y rentra dans l'ordre. Une nouvelle
émeute , qui eut lieu à Pistoie , contre
Ricci, l'obligea de fuir, elle détermina à
donner sa démission. Pie "VI , en 1794 ,
condamna par la bulle Auctorctn fidei
la doctrine établie dans le concile de
Pistoie. Cette condamnation ne suffît pas
pour ouvrir les yeux à Ricci. Plus tard,
en 17*99 , il subit un emprisonnement
pourVètre déclaré en faveur des décrets
de l'assemblée constituante et des Fran-
çais qui avaient momentanément occupé
la Toscane. Rendu à la liberté, il persista
dans ses erreurs. Ce ne fut qu'en 1805
qu'il revint sur ses pas. Pie VII passait
par Florence en revenant de France.
L'heuredu repentir étaitarrivée. L'ancien
évèque de Pistoie vit le saint Père , et
lui remit une déclaration portant qu'il
recevait les constitutions apostoliques
RIC
contre Baïtis , Jansénius et Quesnel , et
notamment la bulle Auctorem fidei, qui
condamnait son synode. Cet évèque
moui:ut le 27 janvier 1810. On a de lui
quelqiies Instructions pastorales , ten-
dant à appuyer ses prétendues réfor-
mes. Ou lit dans \e Dictionnaire universel
de Prudhomme que Ricci ne se rétracta
point, et on en fait pour lui un sujet
d'éloges. Son retour à de meilleurs sen-
timensest un fait positif, et nous croyons
le louer mieux en affirmant sa rétractation
et sa soumission aux lois de l'Eglise. En
1824 on a publié à Bruxelles un ouvrage
intitulé : Vie et mémoires de Scipion
Ricci, par De Potier, 4 vol. in- 8. Il a
été réimprimé en 1825 à Paris chez les
frèresBaudoin;maiscette édition, publiée
par l'abbé Grégoire et le comte Lanjui-
nais , a été mutilée.
RICCIARELLI , peintre. Voyez Vor.-
TERRE.
RICCIO. {Voyez Rizzio et Crinitus.)
RICCIOLI ( Jean-Baptiste ) , jésuite ,
né à Ferrare en 1 598 , professa avec
succès la théologie à Parme et à Bologne.
Il se fit un nom par ses connaissances
astronomiques et malliématiques. Ses
principaux ouvragessont A*^ Gcographiœ
ethydrographiœ libri A'//,Bologne, 1 66 1 ,
et Venise, 1672. Ce livre peut servir à
ceux qui veulent travailler à fond sur la
géographie; mais il faut prendi-e garde ,
en le lisant, aux inexactitudes, qui, dans
le temps où écrivait l'auteur, étaient
inévitables. 2° Chronologia reformata ,
Bologne, 1GC9, in-fol. : livre oîi l'on
trouve des choses communes, avec d'au-
tres utiles et savantes ; 3" Almagestum
novum , astronomiam veterem novam- i
que complectens , tribus' tomis distinc- \
tum, Bologne, 1651, in-fol. Fruit d'une j
vaste érudition, d'une étude profonde
de l'astronomie, et un des traités les
plus complets que nous ayons sur cette
science : ceux qui ont eu le plus de
succès dans ce siècle ne l'ont pas fait
oublier. Il y a des fautes et des erreurs ,
mais peut-être en plus petit nombre
que dans les ouvrages des astronomes
les plus modernes. C'est la grande ré-
putation de RiccioU et la considération
RIC
qu'avaient pour lui les savans , qui a fait
adopter généralement les dénominations
qu'il donne aux taches de la lune , et
rejeter celles qu'Helvétius a imaginées.
LePèreRiccioli fit aussi des expériences
curieuses sur la chute des corps , de con-
cert avec le Père Grimaldi, son confrère ,
qui le seconda dans tous ses travaux. Il'
mourut en 1671 . ( L'abbé Barottia inséré
une bonne notice sur la vie et les ou-
vrages du Père Riccioli dans ses Memorie
istoriche de letterati ferraresi, Ferrada,
1799, tom.2,pag. 270 et suiv.)
RICCOBANI ( Antoine ),^iccoèo/2Uf,
naquit à Rovigo en 1541. Les célèbres
Paul Manuce, Sigonius et Muret furent
ses maîtres dans l'étude des humanités.
Il professa lui-même les belles-lettres à
l'université de Padoue , pendant trente
années , et avec beaucoup d'honneur. Il
y mourut en 1699. Il a laissé : 1° Corti-
mentaircs historiques , avec des frag-
mcns des anciens historiens ; 2° Com-
mentaires sur les Oraisons et sur quel-
ques autres ouvrages de Nicéron ; 2" Rhé-
torique^ 1395, in-8 ; 4"* des Commen-
taires sur la Poétique et la Morale d'A-
ristole , in-4 ; 6° Histoire de (université
de Padoue , Paris, 1592 , in-4 , etc.
RICCOBONI (Louis), né à Modène, en
1674 ou 1 G77, se consacra au théâtre, sous
le nom de LeIto.( Il effectua une réforme
dramatique sur les théâtres de son pays,
en excluant les farces obscènes et en y
donnant des pièces régulières, et notam-
ment les traductions de Molière.) Après
avoir joué en Italie , il vint en France ,
où l'appelait le duc d'Orléans , alors
régent (1716), et où il se distingua
comme comédien. Il passa pour le meil-
leur acteur du théâtre italien de Paris
( l'hôtel de Bourgogne ), qu'il abandonna
ensuite par principe de religion. Sa mort,
arrivée en 1753 , à 79 ans, excita les re-
grets des gens de bien. Ses mœurs n'é-
taient point celles de la profession qu'il
avait embrassée , et son caractère était
aimable. On a de lui le Recueil de comé-
dies qu'il avait composées pour le théâtre
italien. Il y en a quelques-unes qui réus-
sirent dans le temps. Mais on fait beau-
coup plus de cas de ses Pensées sur la
XI.
RIC 353
déclamation , in-8 , et de son Discours
sur la réformation du théâtre, 1743,
in-1 2 ; ouvrage rempli de réflexions ju-
dicieuses. On le trouva trop sévère , et
peut-être ne l'était-il pas encore assez.
Nous avons aussi dehonnes Observations
sur la comédie , et sur le génie de Mo-
lière, 1736, in-1 2 ; des Réflexions his-
toriques et critiques sur les théâtres de.
r Europe, 1738, in-8, et l'Histoire du
théâtre italien, publiée en 1730 et 1731,
en 2 vol. in-8.
* RICCOBONI (Marie-Jeanne Laboras
DE MÉziiRKS ) , dame auteur , née à Paris
en 1714 , fut actrice dès l'âge de vingt
ans. Cet état qu'elle avait pris par néces-
sité ne lui fut point favorable : elle fut
constamment médiocre. Elle ne trouva
pas non plus de bonheur dans son union
avec Antoine-François Riccoboni, acteur
du théâtre italien et auteur de plusieurs
Comédies et de l'ouvrage intitulé : yirt
du théâtre, 17 50, in-8 : elle eut souvent
à déplorer ses égaremens nombreux, et ce
fut pour se distraire des ennuis dont elle
était abreuvée , qu'elle se livra à l'étude
des lettres, et qu'elle produisit ce grand
nombre de romans qui la placèrent dès
son début au premier rang parmi nos
meilleurs romanciers. Ses ouvrages sont
écrits d'un bon stile , et il y règne à la
fois de la décence et du goût. S'étant re-
tirée du théâtre en 1761 , elle vécut alors
du produit de ses ouvrages et d'une petite
pension que lui faisait la cour. La révo-
lution la priva de cette dernière ressource,
et elle mourut à Paris presque dans l'in-
digence , le 6 décembre 1792 , à l'âge de
78 ans. Elle a laissé les (jfivrages suivans :
1° Histoire du marquis de Cressy, 1 756,
in-1 2, réimprimée en 1 830 avec plusieurs
autres ouvrages du même auteur dans la
Collection des romans français et étran-
gers , de Dauthereau. Cette histoire eut
un succès prodigieux, et elle le méritait.
Des caractères vrais , nobles , beaucoup
d'intérêt , une marche suivie et dégagée
d'accidens extraordinaires, des réflexions
sages et fine's , de la délicatesse dans les
sentimens , de la grâce et de la pureté
dans le stile, point d'images déshonnêtes,
ni de peintures trop libres, une connais»
45.
354 RIC
sance profonde du cœur humain , voilà
les qualités qui firent réussir cet ouvrage.
On reprocha cependant à l'auteur, après
y avoir peint la marquise de Cressy aussi
intéressante et vertueuse , de la porter à
se donner la mort. Ce trait de désespoir
détruit en partie cette morale douce et
persuasive répandue dans tout l'ouvrage.
Laharpe porte le même jugement sur M"""
Kiccoboni. 2° Lettres de Fanny Buttler,
17 .S7 , in- 1 2. Ces deux ouvrages obtinrent
un tel succès que l'on douta d'abord
qu'unefemmepùtienètrerauteur.Palissot
fut un de ceux qui contribuèrent le plus à
répandre ce soupçon ( voyez sa Dun-
ciade) ; mais plus tard il se rétracta.
3° Lettre de milady Catesby , 1759 ; 4°
Amélie^ traduite de l'anglais deFieiding ;
5° MissJenny , 1764 , 4 vol.'in-12 ; G"
Lettres de la comtesse de Sancerre, 1767,
2 vol. ; 7° Ernestine -. c'est un des meil-
leurs ouvrages de l'auteur : Laharpe l'ap-
pelait le diamant de M™* Riccoboni ; 8°
Lettres de milord Rivers , 1777 , 2 vol.
in-1 2 ; 9° Recueil de pièces et d! histoires,
1 783 , 2 vol. in-12. Les OEuvres de ma-
dame Riccoboni ont été imprimées à
Neul'châtel en 10 vol. in-12 ; à Paris en
9 vol. ,«et en 14 vol. après la mort de
l'auteur , avec une Notice sur sa vie et
ses écrits. Malgré les éloges qu'on donne
à madame Riccoboni, on pourrait parfois
lui reprocher des exclamations et des
épithètes trop répétées , et quelque af-
fectation dans le stile , défaut qu'elle
partageait avec madame de Gomez et
autres romancières de son temps. Elle
passait pour avoir l'esprit très cultivé ,
et ses ouvrages n&.démentent pas cette
opinion. Malgif l'état de comédienne
qu'elle exerça près de vingt ans, ses
mœurs ne blessèrent jamais les conve-
nances.
• RICH (James-Claudius) , savant dis-
tingué , résident d'Angleterre à Bagdad,
joignait à une connaissance approfondie
des langues orientales le goût des recher-
ches d'antiquité. Il s'occupa à réunir une
belle collection de manuscrits orientaux,
de médailles précieuses, de cylindres,
de pierres gravées et d'objets antiques de
tous les genres , et particulièrement de
RIC
monumens babyloniens qu'il avait re-
cueillis lui-même dans les nombreuses
visites qu'il fit sur l'emplacement de Ba-
bylone. Il a publié ses Recherches dans
le tome 3 du Recueil des mines de l'O-
rient , publié à Vienne en 1813 , in-fol., •'
et il en a été publié une traduction fran-
çaise sous ce titre : Voyage aux ruines
de Babyltme par M. J. C. Rich, résident
à Bagdad, orné de 4 gravures, traduit
et enrichi d'observations, avec des notes
explicatives , suivies d'une dissertation
sur la situation du Pallacopas , par J.
Raymond , ancien consul a Bassora ,
1818 , in- 8. On trouve dans le même
tome 3 du recueil des mines , et dans le
tome 4 un Catalogue latin des manU'
scrits arabes, persans et turcs, recueillis
dans l'Orient par Rich, et dans le tome 4,
même recueil , une traduction anglaise
de l'Histoire , ou plutôt de la Légende
des sept dormans , écrite en arabe. Le
Journal des savans de mai 1821 et d'a-
vril 1822 renferme encore des extraits
intéressans de deux Lettres de ce résident ■
anglais à M. Sylvestre de Sacy . Rich resta I
k Bagdad de 1807 à 1821 ; néanmoins il
fit dans cet intervalle un grand nombre
de voyages , et poussa même ses recher-
ches jusque dans les cantons les plus re-
culés du Kurdistan. Il était âgé seulement ■
de 35 ans , lorsqu'il mourut , en 1821 ,
à Schiraz du choléra-morbus.
RICHARD I", roi d'Angleterre , sur-
nommé Cœur de Lion , monta sur le trône
après la mort de Henri II son père , l'an
1 1 89. Sa mère était Eléonore de Guienne ,
répudiée par Louis VII, roi de France. Ri-
chardétaitdevenul'aîné parla mort deson
frèreHenri, ditfe7e«ne,en 1 183.(Ils'était j
réuni à Henri pour faire la guerre à son j
père, qui en mourut de chagrin. Saladin
venait de prendre Jérusalem : cette .nou-
velle avait enthousiasmé le courage du
jeuiie Richard; mais les guerres qu'il
excitait contre l'autorité paternelle em-
pêchaient le départ des croisés : le légat
du pape l'excommunia. Il se repentit de
ses excès, et ne pensa plus qu'au voyage
de la Terre-Sainte. } Le désir de chasser
les mahométans des belles provinces
qu'ils avaient usurpées sur les chrétiens,
RIC
et de repousser dans l'Arabie une puis-
sance qui menaçait déjà l'Europe, ani-
mait alors tous les princes. Richard prit
part comme tous les autres à cette entre-
prise dictée par la justice , la piété et la
bonne politique , et se croisa avec Phi-
lippe-Auguste en 1190. (Le rendez-vous
des armées était à Messine : Guillaume II,
roi de Sicile, venait de mourir. Sa veuve
était sœur de Richard, qui exigea la res-
titution de la dot auprès de Tancrède ,
successeur de Guillaume. La querelle d'es
deux monarques occasiona des disputes
sanglantes entre les croisés et les Mes-
séniens. Richard s'empara de la ville;
mais Philippe-Auguste se déclara média-
leur, et fit conclure la paix entre les deux
monarques. De ce moment cessa la bonne
intelligence qui régnait entre Philippe
et Richard ) Il s'empara de l'île de Chy-
pre en 1191, et contribua beaucoup à la
prise d'Acre. C'est en ce voyage qu'il
donna à Gui de Lusignan l'île de Chypre,
en échange du litre de roi de Jérusalem.
La division s'étant mise dans les armées,
Philippe retourna en France. Richard ,
demeurant maître du champ d'honneur,
déploya le courage le plus héroïque.
Saladin , qui revenait vainqueur de la
Mésopotamie , livra bataille aux croisés
près de Césarée. Richard eut la gloire
de le désarmer et de s'emparer de plu-
sieurs places. Ayant fait une trêve de
trois ans avec Saladin, il s'en retourna à
la vérité avec plus de gloire que Philippe-
Auguste, mais d'une manière moins pru-
dente. Il partit en 1192 avec un seul vais-
seau , et ce navire ayant fait naufrage
sur les côtes de Venise, il traversa , dé-
guisé , la moitié de l'Allemagne. Il avait
offensé au siège d'Acre, par ses hauteurs,
Léopold, duc d'Autriche, sur les terres
duquel il eut l'imprudence de passer. Ce
duc le chargea de chaînes, et le livra au
barbare et lâche empereur Henri VI, qui
le ga.da en prison comme un ennemi qu'il
aurait pris en guerre. (Le pape, pressé
par les prières de la reine Eléonore, me-
naça l'archiduc et Henri de les excom-
munier s'ils ne rendaient pas la liberté à
Richard. Ils furent inexorables. Cepen-
dant le prince, traduit devant une diète,
RIC 355
et accusé du meurtre de Conrard , mar-
quis de Tyr,prouva«i bien son innocence,
qu'il intéressa en sa faveur ses accusa-
teurs. Conrard avait été assassiné parles
émissaires du Fieux de la montagne. )
L'empereur , en rendant la liberté au roi
d'Angleterre , exigea , dit-on , 250,000
marcs d'argent pour sa rançon. Richard,
de retour dans son royaume, l'an 1 194, le
trouva déchiré par la faction que Jean
son frère y avait formée : il la dissipa, et
tourna ses armes contre Philippe- Auguste;
mais les succès de cette guerre ne
furent pas décisifs. En 1199, après avoir
pillé plusieurs églises , il apprit qu'il y
avait un trésor renfermé dans Chalus,
place du Limousin ; il alla l'attaquer, et
y reçut une blessure dont il mourut le 6
avril de la même année , à 42 ans. Un
poète de ce temps a consigné cet événe-
ment dans un distique où, par un jeu de
mots, il fait allusion aux vases sacrés en-
levés et profanés par Richard :
Cfarisie; tui calicis prœdo lit pr»da Calunit:
Mre brevi rejicls qui Iulit œra crucis.
Avant de mourir , il fit donner un as-
saut général à la place assiégée , qui fut
emportée de vive force. Il fit pendre tous
les soldats qu'on avait faits prisonniers,
à la réserve de celui qui avait tiré sur
lui , qu'il destinait à un plus rigoureux
supplice ; mais il changea tout d'un
coup de sentiment, etse voyant lui-même
près de mourir, il renonçaà sa vengeance.
Etant dans cette disposition , il fit venir
l'archer, à cui il demanda avec douceur
quel mal il lui avait fait pour l'avoir ob-
ligé à luiôter la v.ie : « Vous avez, répon-
» dit-il bien fièrement, fait mourir mon
)) père et mes deux frères ; et comme je
» me suis ven^ de vous , vengez-vous
}) aussi de moi. Je m'offre avec plaisir à
» tous les supplices que vous me prépa-
)> rez, content de voir que vous ne me
» survivrez pas long-temps. — Et moi ,
■» répondit le roi , je vous pardonne , et
•» je veux que vous me surviviez pour être
» un exemple de ma clémence. « Ce
prince avait un orgueil qui lui faisait
regarder les rois ses égaux comme ses
sujets, et ses sujets comme des esclaves.
Son avarice né respectait ni la religion
356
RIC
ui la pauvreté, et sa lubricité ne connais'
sait ni bornes ni bienséances. Il fut brave,
mais féroce ; entreprenant, mais inquiet;
ferme, mais opiniâtre ; passionné pour la
gloire des armes, mais jaloux de tous ceux
qui pouvaient la lui disputer. Richard était
comte de Poitou et duc de Normandie.
Jean-Sans-Terre , son frère, lui succéda.
Sedaine et Grétry sont les auteurs du fa-
meux opéra intitulé Richard Cœur de
Lion, où il est question du dévouement
de Blondel, jadis attaché à Richard
( Les auteurs arabes célèbrent eux-mêmes
la Valeur de Richard , qui avait passé en
proverbe en Orient. Quand les enfans
pleuraient , les mères musulmanes les
faisaient taire en leur disant : Paix-là,
voici le roi Richard ! A JafiFa , avec 400
arbalétriers et dix chevaux, il attaqua et
mit en fuite 15,000 cavaliers musul-
mans. Il revint tout couvert de flèches,
semblable , dit un historien oculaire , à
une pelote remplie d'aiguilles.)
RICHARD II, roi d'Angleterre , fils
d'Edouard, prince de Galles, dit le Prince
Noir , naquit à Bordeaux en 1366 , suc-
céda à son aïeul Edouard III, en 1377.11
était encore extrêmement jeune. Après
avoir éprouvé divers troubles dans sa
minorité, il calma ces orages, pour por-
ter la guerre contre les Français et contre
les Ecossais. Il la fit aux uns et aux autres
avec assez de bonheur ; mais cette pro-
spérité ne se soutint pas. Jean , duc de
Lancastre , Edouard , duc d'York , et
Thomas , duc de Glocester , tous trois
frères de son père, étaient très mécon-
tens, de l'administration de leur neveu.
Le dernier conspira contre lui en 1397,
et périt à Calais, où il fut étranglé dans
sa prison. Le comte d'Arundel eut la tête
tranchée , et le comte ée Warwick fut
condamné à un exil perpétuel. Quelque
temps après, Henri, comte de Derby, fils
du duc de Lancastre , voulant défendre
la mémoire de son oncle, se vitbanni du
royaume , où il fut rappelé par quelques
séditieux. Le comte de Northumberland,
qui était dans ses intérêts, arrêta en 1399
le roi à Flint,.dans la principauté de
Galles, et le remit entre les mains de
Henri , depuis peu duc de Lancastre, qui
RIC
l'enferma dans une prison. La nation se
déclara pour lui. Richard II demanda
seulement qu'on lui laissât la vie et une
pension pour subsister. Un parlement
assemblé le déposa juridiquement. Ri-
chard , enfermé dans la tour , remit au
duc de Lancastre les marques de la royau-
té avec un écrit signé de sa propre main,
par lequel il se reconnaissait indigne
de régner. Il l'était en effet, puisqu'il
s'abaissait à le dire. Le parlement d'An-
gleterre ordonna que , si quelqu'un en-
treprenait de le délivrer, dès lors Ri-
chard II [serait mis à mort. Au premier
mouvement qui se fit en sa faveur, huit
scélérats allèrent l'assassiner dans sa
prison, à Pontfract, où il avait été trans-
féré de la Tour de Londres. Il défendit sa
vie mieux qu'il n'avait défendu sonjtrône;
il arracha la hache d'armes à l'un des
meurtriers, et il en tua quatre avant que
de succomber. Enfin il expira sous les
coups en 1400, à 33 ans. Ainsi périt ce
malheureux prince , qui n'eut ni les ver-
tus d'un chrétien, ni les qualités d'un
honnête homme , ni les talens d'un grand
roi. Il manqua également d'esprit , de
cœur et de mœurs. C'est sous son règne
que Wiclef commença à dogmatiser.
( Richard avait toujours vécu comme en
tutelle , sous les divers partis qu'exci-
taient les grands du royaume. Il s'en dé-
dommagea par une magnificence sans
bornes , qui ne lui captivait pas l'amour
de ses sujets. Il employait trois cents
hommes dans les cuisines, et la reine ne
comptait pas moins de femmes pour la
servir. Aussi quand il voulut emprunter
1000 livres à la ville de Londres, il en
reçut un refus tout net. La restitution
de Calais et de Cherbourg aux Français
avait excité un mécontentement général,
et il ne trouva plus de prêteurs. Jus-
qu'alors les gros bourgeois eux-mêmes
s'étaient vus contraints de prêter au roi
de l'argent qu'ils ne recouvrèrent ja-
mais. )
RICHRAd m, roi d'Angleterre, au-
paravant duc de Glocester et frère d'E-
douard IV, était né en 1462.11 se fit pro-
clamer roi en 1483, après avoir fait mou-
rir Edouard V et Richard duc d'York ,
RIC
ses neveux , héritiers légitimes du trô-
ne. Il ne jouit que deux ans et demi
de son usurpation , et pendant ce court
espace il assembla un parlement , dans
lequel il osa faire examiner son droit à
la couronne. Il y a des temps où les hom-
mes sont lâches, à proportion que leurs
maîtres sontcruels. Ce parlement déclara
que la mère de Richard III avait été
adultère; que ni Edouard IV ni ses au-
tres frères n'étaient légitimes ; que le
seul qui le fut était Richard ; qu'ainsi la
couronne lui appartenait, à l'exclusion
des deux jeunes princes (étranglés dans
la tour , mais sur la mort desquels on ne
s'expliquait pas ). Il parut bientôt un
vengeur de ces infortunés. Le duc de
Ruckingham s'éleva contre Richard III ;
mais il fut arrêté et décapité. Henri ,
comte de Richemont, le seul rejeton qui
restât de la Rose rouge, parut après lui,
et fut plus heureux. Tout le pays de Gal-
les , dont ce jeune prince était origi-
naire , arma en sa faveur. Richard III et
Richemont combattirent à Bosworth , le
22 août 1485. Richard, au fort de la ba-
taille , mit la couronne en tête , croyant
avertir par-là ses soldats qu'ils combat-
taient pour leur roi contre un rebelle ;
mais le lord Stanlay , un de ses] géné-
raux, qui voyait depuis long-temps avec
horreur cette couronne usurpée par tant
de meurtres , trahit son indigne maître ,
et passa avec un corps de troupes du
côté de Richemont. Richard, voyant la
bataille désespère , se jeta en furieux au
milieu de ses ennemis , et y reçut une
mort plus glorieuse qu'il ne méritait.
Cette journée mit hn aux désolations
dont la Rose rouge et la Rose blanche
avaient rempli l'Angleterre. Le comte de
Richemont , couronné sous le nom de
Henri VII , réunit par son mariage les
droits des maisons de Lancastre et
d'York. Richard III fut le dernier roi de
la race des princes d'York , ou Plantage-
net. (Phakespeare a fait une tragédie inti-
tulée Ric/iardIII. On doit à M. J. Reyrfej
Essais historiques et critiques sur Ri-
chard III , Paris, 1818 , 1 vol. in-8.)
RICHARD I", surnommé Sans peur ,
petit-fils de Rollon , premier duc de
RIC 357
Normandie , succéda l'an 943 à son père
Guillaume Lougife-Çpée , à l'âge de dix
ans. Echappé par l'heureuse adresse
d'Osmond son gouverneur, des mains du
roi Louis d'Outremer , qui le retenait à
Laon , il sévit à la veille d'êlre dépouillé
de ses états; mais Aigrold, roi de Da-
nemark, et Hugues le Blanc, comte de
Paris , appelés à son secours , battirent
les troupes françaises , et firent Louis IV
prisonnier. Othon I*"", roi de Germa-
nie, et Thibaut, comte de Blois , armés
contre ce jeune prince, n'eurent pas un
meilleur succès : ils furent défaits, le
pays chartrain fut pillé , sa capitale brû-
lée. Après la mort deLouis, roi de France,
le duc Richard fut un de ceux qui contri-
buèrent le plus à placer la couronne sur
la tête de Hugues Capet, son beau-frère.
Il mourut en 996àFécamp , dont il avait
fait bâtir l'église , très regretté pour la
douceur de son gouvernement.
RICHARD II, dit le Bon, fils et suc-
cesseur de Richard I*"" , duc de Norman-
die, régna jusqu'en 1027 , époque de sa
mort. Le commencement de son règne fut
troublé par le soulèvement du peuple, qui
se plaignait des prétentions de la no-
blesse. Il eut depuis à combattre plu-
sieurs princes puissans : Guillaume ,
comte de Hiesmes , son frère naturel ,
qui refusait de lui rendre hommage ; le
roi d'Angleterre, qui, étant descendu en
Normandie , ramena à peine la moitié de
ses gens dans son île ; enfin Eudes, comte
de Chartres et de Blois, jaloux de sa
puissance : celui-ci denna bientôt toute
satisfaction au duc de Normandie, à la
vue des troupes que Lagman et Olaiis ,
rois de Suède et de Danemark , avaient
amenées à son secours. Richard II eut
pour successeur Richard III son fils , qui
mourut un an après , non sans soupçon
de poison.
RICHARD DE Saint-Victob , théolo-
gien écossais, vint étudier à Paris où il
se fit chanoine régulier dans l'abbaye de
Saint- Victor. Il fut prieur de ce monas-
tère, en 1164, et y mourut en 1173, res-
pecté pour ses vertus autant que pour ses
lumières. Son tombeau, qui était dans le
cloître, portait cette courte inscription -.
3Sê' RIC
Èicquiescit B. Richat4us asancto Vic-
tore , doctor celebei*fimus ; mais on lisait
à côté un éloge un peu plusaraple. Nous
avons de lui un grand nombre d'ouvra-
ges, dans lesquels il raisonne avec jus-
tesse et avec méthode. Sa dialectique est
exacte ,sa logique vigoureuse, et sa théo-
logie parfaitement orthodoxe. Un cha-
noine de Trêves , nommé Oehms , a osé se
servir d'un de ses passages pour établi^
le paradoxe sacrilège , que dans le 1 0*
siècle l'Eglise avait commencé à varier
sur le dogme de la Trinité , et à donner
dans l'hérésie de Sabellius ; mais il fut
vigoureusement réfuté dans leJudicium
theologorum coloniensium, 17 90. Effecti-
vement , peu de théologiens ont traité ce
dogme avec autant d'exactitude dans la
doctrine et dans le langage que Richard
de Saint-Victor. La meilleure édition de
ses OEu^res est celle de 1G50, à Rouen, 2
vol. iu-fol. Ses traités théologiques sont
exacts, et ses ouvrages ascétiques sont
pleins des règles les plus sublimes de la
vie intérieure. Ses Commentaires sur
l'Ecriture sainte sont un peu diffus ,mais
remplis de bonnes et solides explications.
RICHARD b'AbiMach ou Radclfhe ,
nommé dans sa patrie Fitz Ralph, né
à Dundalke en Irlande , étudia à Oxford,
y devint professeur en théologie , et ga-
gna les bonnes grâces d'Edouard III , qui
le fit successivement doyen de Litch-
field , chancelier de l'université d'Oxford
en 1333. Il devint ensuite archevêque
d'Armah l'an 1347.11 soutint la juridic-
tion des évêques et des curés contre les
religieux mendians qui l'accusèrent
d'hérésie. Il fut cité à Avignon , où il
mourut le 16 novembre 1360 , après un
séjour de trois ans , sans avoir terminé
les affaires pour lesquelles il avait été
mandé. Il avait la réputation d'un homme
versé dans la lecture de l'Ecriture sainte
et des Pères. Ses principaux ouvrages
sont : 1" plusieurs 5ermo«f; 2" un écrit
intitulé : Defensio curatorum. adversus
mendicanies^ Paris , 1496 , in-8. H avait
déclamé ce discours à Avignon. Roger de
Conway lui opposa Defensio mendican-
iium. 3° Un autre De audientia confes-
sionum ; 4° un !rrat7e curieux, in-8 , pa-
ris , 1512, contre les erreurs des Armé-
niens. L'auteur n'en est pourtant pas
exempt lui-même : il incline quelquefois
vers celles que '^^'iclef soutenait en ce
temps.
RiaiARD (Martin ), peintre, natif
d'Anvers, mourut en 1636, âgé de 45
ans. Il se sentit du goût pour le paysage,
et fit toutes les études nécessaires pour
y réussir. On estimait ses tableaux , qu'il
ornait de belles fabriques. Le célèbre
Vau-Dyck faisait en particulier beaucoup
de cas de ce maître, et voulut en avoir un
portrait. Un jour que Richard s'approcha
des fortifications de Namur pour les des-
siner, ilVut arrêté comme espion ; mais
il se fit connaître , et obtint sa liberté.
Ce qu'il y a de singulier dans ce peintre,
c'est qu'il vint au monde avec le bras
gauche seulement. Son frère David Ri-
chard s'appliqua aussi à la peinture ,
mais avec moins de succès.
RICHARD ( Jean }, bachelier en théo-
logie, né à Paris, fut nommé à la cure de
Triel , diocèse de Rouen. Après l'avoir
occupée pendant 18 ans, il fut arrêté et
mis dans les prisons de l'officialité de
Rouen , pour avoir écrit contre la signa-
ture du Formulaire. Il mourut à Paris en
1686 , à l'âge de 65 ans. Il avait permuté
sa cure pour le pieuré d'Avoie près Che-
vreuse. On a de lui plusieurs ouvrages
qui furent lus dans le temps , mais qui
ont été effacés par d'autres meilleurs : 1°
Y Agneau pascalou Explicaticni des céré-
monies que les Juifs observent dans la
manducatioh de l'agneau de Pâques,
appliquées dans un sens spirituel à la
manducation de l'agneau divin dans
l'eucharistie, in-8 , 1686 ; 2° Pratiques
de piété pour honorer Jésus-Christ dans
Feucharistie, in-12, i6S3 iV Sentimens
d'Erasme conformes à ceux de VEglise
cat/iolique sur tous les points contro-
versés. Apologie un peu trop générale,
et qui ne s'accorde que bien difiBcilement
avec ce que l'histoire et les écrits d'E-
rasme nous en apprennent (iJoyes son ar-
ticle). A* Aphorismes de controverse, etc.
RICHARD (Jean ) , né à Verdun en
1639, se fit recevoir avocat à Orléans ;
mais ce fut moins pour en exercer les
RIC
fonctions que pour avoir un titre. Quoi-
que laïque et marié, il choisit un «genre
d'occupation que l'on prend très rare-
ment dans cet état. Il se fit auteur de ser-
mons. Il prêcha toute sa vie de son ca-
binet , ou du moins il eut le plaisir de
s'entendre prêcher. On a de lui : 1° des
Discours moraux , en 5 vol. in- 12 , en
forme de sermons, qui furent bientôt
suivis de cinq autres en forme de prônes,
et de deuji autres sur les mystères de
-A'otre-Seigneur etsur les fêtes de la Vier-
ge : ils sont solidement écrits, mais ils
manquent de chaleur et de nerf. 2", Elo-
ges historiques des saints , 1 7 1 6 , 4 vol .
in-12; 3"' Dictionnaire moral, ou La
Science universelle de la chairt , en 5
vol. in-8. On trouve dans cet ouvrage, par
ordre alphabétique , ce que les prédica-
teurs français, espagnols, italiens , alle-
mands, ont dit de plus ciu*ieux et de plus
solide sur les dififérens sujets. 4" Il est l'é-
diteur des5er/7îoAi.y deFromentières, des
Prônes de Joly, des Discours de l'a^ié
Boileau. La vieillesse ne fut pas p«ur lui
un temps de repos ;.il travailla jusqu'à sa
mort , arrivée en 1719, à 8 1 ans. .
RICHARD (René), historiographe
de France , fils d'un uotaire de Saumur,
naquit en 1G54. Il entra de bonne heure
dans la congrégation de l'Oratoire, d'où
il sortit , après avoir été employé dans
les missions faites par ordre du roi dans
les diocèses de Luçon et de La Rochelle.
Il obtint un canonicatde Saint-Opportune
à Paris , et mourut doyen de ce chapitre
en 1727. Il avait eu le titre d'historiogra-
phe de France. L'abbé Richard était un
homme singulier, et la singularité de
son caractère a passé dans ses écrits. Les
principaux sont : 1" Parallèle du cardi-
nal de Riclielicu et du cardinal Mazarin ,
Paris, 1704, in-12 ; réimprimé en 1716.
Cet ouvrage pèche en bien des endroits
contre la vérité de l'histoire. L'auteur
n'avait ni l'esprit assez profond, ni le ju-
gement assez solide , ni une assez grande
connaissance des affaires , pour faire des
parallèles justes. Il avait promis de com-
parer aussi Us deux derniers confesseurs
de Louis XIV, La Chaise et Le Tellier; les
deux archevêques de Paris, Harlai et
RIC 359
Noailles , et quelques-uns des ministres
dé Louis XIV; mais ces ouvrages n'ont
pas vu le jour. 2° Maximes chrétiennes,
et le Choix d'un bon directeur , ouvrages
composés pour les demoiselles de Saint-
Cyr ; 3° Vie de Jean- Antoine Le Vacher,
prêtre, instituteur des sœurs de l'union
chrétienne , in-1 2 ; 4° Histoire de la vie
du Père Joseph du Tremblay, capucin,
employée par Louis XIII dansjies affai-
res d'état, in-12. L'abbé Richard peint
dans cet ouvrage le Père Joseph comme
un saint, tel qu'il a dû être; mais peu
de temps après , ilen donna un portrait
contradictoire dans le livre intitulé : Le
véritable Père Joseph, capucin, conte-
nant l'histoire anecdotique du cardinal
de Richelieu, St. -Jean de Maurienne
(Rouen), 1704, in-12, réimprimé en
1750, 2 vol. in- 12. Et pour mieux se dégui-
ser, il fit une critique de cette histoire,
sous le titre de Réponse au livre intitulé :
Le véritable Père Joseph, in-12 , avec le
précédent. Si effectivement tous ces ou-
vrages opposés les uns aux autres sont de
l'abbé Richard, ils prouvent un esprit
inconstant, tortueux et faux , qui re-
cherchait moins le vrai que la très vaine
gloire de revêtir le men.songe de toutes
sortes de couleurs. 5" Dissertation sur
Findult , in-8 ; 6" Traité des pensions
royales ,in-\2.
* RICHARD ( le Père Charles -Louis),
écrivain ecclésiastique, né en 1711 à
Blainville-sur-Eau , en Lorraine , d'une
famille noble , mais pauvre, était âgé de
16 ans, lorsqu'il entra dans l'ordre de
Saint-Dominique. Après avoir fait sa pro-
fession à Nancy , il se rendit à Paris et
habita successivement les maisons rue
Saint-Dominique et rue Saint-Jacques,
que les dominicains avaient dans la ca-
pitale. Il fit ses cours de théologie et fut
reçu docteur. Dès lors il consacra sa plume
à la défense des principes religieux mena-
cés par la philosophie du 18* siècle.
Quelques écrits , dans lesquels il attaquait
un arrêt du parlement de Paris , intervenu
au sujet du mariage d'un juif converti,
lui ayant fait appréhender que cette cour
ne lui suscitât de fâcheuses affaires, il
prit le parti de se retirer à Lille en Flau^.
36o RTC
dre. Il y resta jusqu'à la révolution. Alors
il passa dans les Pays-Bas. Il était à Mons
en 1794, quand les troupes françaises
s'emparèrent de cette ville. Hors d'état
de fuir , à cause de son grand âge , il s'y
tint caché; mais il fut découvert et tra-
duit devant une commission militaire ,
qui , sans égard pour ses vieux ans , le
condamna à être fusillé. Le motif de cette
condamnation était un écrit qu'il avait
publié à Mons , sous ce litre : Parallèle
des Juifs qui ont crucifié Jésus-Christ
avec les Français qui ont tué leur Roi.
Le jugement fut exécuté le 16 août 1794.
Le Père Richard avait 84 ans. D'après le
Dictionnaire des Anonymes , tome 2 ,
pag. 571 , n" 8,346, ce serait un ouvrage
intitulé : Des droits de la maison d'Au-
triche sur la Belgique , par le Père Ri-
chard , Mons, Monjot, 1794, in-8., qui
aurait servi de prétexte à la mort de ce
religieux, fusillé, suivant ce même dic-
tionnaire , le 14 août, au lieu du 16,
date des Mémoires pour servir à l'his-
toire ecclésiastique pendant le 18* siècle.
Ce jugement fut rendu le 28 thermidor
( 1 5 août) , et exécuté le lendemain 1 6 . Le
motif de la condamnation quiyest énoncé
est le livre intitulé : Parallèle des Juifs,
etc. , duquel plusieurs passages y sont
rapportés. Il alla à la mort avec courage,
et même avec allégresse , appuyé sur le
bras du Père Sylvestre Tahon , récollet ,
son confesseur , et récitant des prières.
Il avait publié un grand nombre d'ou-
vrages, dont les titres suivent : 1° Dis-
sertation sur la possession des corps , et
l infectation des maisons , par les dé-
mons, 1746, in-8; 2° Dictionnaire uni-
versel des sciences ecclésiastiques, 1 760,
5 vol. in-folio , avec un volume de sup-
plément, par les PP. Hichard et Giraud ,
dominicains du faubourg Saint-Germain.
La France littéraire, tome 1, page 383 ,
attribue ce dictionnaire à Jean Richard,
aussi dominicain et docteur de Sorbonne,
mais il paraît constant qu'il est du Père
Charles-Louis ; 3° Examen du libelle in-
titulé : Histoire de V établissement des
moines mendions ,1767,in-12;4" Let-
tre d^un archettêque à l'auteur de la
brochure intitulée -. Du droit des souve-
RIC
rains sur les biens-fonds du clergé et des
moines, Paris , 1770 , in-8 ; 5° Disser-
tation sur les vœux, 1771, in-1 2 ; 6° Let-
tre d'un docteur de Sorbonne à Fauteur
de l'Essai historique et critique sur les
privilèges et les exemptions des régu-
liers , 1771, in-1 2 ; 7° Analyse des con-
ciles générau)c et particuliers , 1772 et
1777, 3 vol. in-4 ; 8" La nature en
contraste avec la religion et la raison ,
ou V ouvrage qui a poar titre -. De la na-
ture , condamnée au tribunal de la foi et
du bon sens, 1773, in-8 ; 9° Observations
modernes sur les pensées de d'Alembert,
1774, in-8 ; 1 0° Défense de la religion ,
*ie la- morale , de la vertu , de la société',
*1775,in-8; 11° L'accord des lois divines ,
ecclésiastiques et civiles, relativement
à l'état du clergé, 1775, in-8 ; 12°
Réponse à. la lettre écrite par un théo-
logien ( par Condorcet ) à fauteur du
Dictionnaire des trois siècles, 1775,
in-1 2 ; 13" Les Protestans déboutés de
leurs prétentions , 1776, in-1 2; 14° Les
Cent^questions d'un paroissien au curé
de'*"*, 1776, in-12, contre l'écrit de
Guidi, intitulé : Dialogue entre un
évêque et un curé, au sujet des maria-
ges des protestans (voyez Guidi) ; 15°
Réponse à la diatribe de Foliaire contre
le clergé de France, 1776 , in-8 ; 16°
Le Préservatif nécessaire à toutes les
personnes qui ont lu les lettres fausse-
ment attribuées au pape Clément XIP^,
1779, in-8 ; 17° Annales de la charité
ou de la bienfaisance chrétienne , Paris,
1785, 2 v. in-12; 18° Réfutation de
V Alambic moral ; 1 9° Foliaire de retour
des ombres , et sur le point éCy retourner
pour n'en plus revenir, à tous ceux qu'il
a trompés, Bruxelles et Paris, 1776, in-
12, attribuées au Père Richard , dans le
Dictionnaire des Anonymes, n° 1 1,036,
et mis comme douteux dans la table du
même Dictionnaire, tome i, p. 332 ; 20°
quatre volumes de Sermons, in-12;
beaucoup d'autres opuscules et plusieurs
brochures anonymes imprimées à Mons
et à Lille, toutes relatives au serment
exigé des prêtres, et à la révolution,
mais qu'il serait difficile aujourd'hui de
trouver ailleurs que dans le cabinet de
RlC
quelques curieux , les imprimeurs les
ayant brûlées , dans la crainte d'être
compromis. (Voy. Dictionnaire des Ano-
nymes, ibid.) Les écrits du Père Richard
sont jugés un peu sévèrement dans le
Nouveau Dictionnaire historique { de
Prudhorame); on lui reproche d'écrire
mal , sans chaleur , sans coloris. A ce
jugement nous en opposerons un autre ,
dont il résulte que cet estimable religieux
n'était cependant pas si dépourvu des
qualités qui constituent le bon écrivain.
Il s'agit de VAnabjse des conciles géné-
raux : « La netteté , l'ordre , la préci-
sion , ne sont pas , dit un critique , les
seules qualités qui caractérisent cet ou-
vrage ; on y trouve tout ce qui peut in-
téresser le lecteur curieux et le savant :
stile , érudition , critique , intelligence
profonde du droit ancien et moder-
ne, etc., etc. (l). » Celui qui mérite cet
éloge n'est pas , ce nous semble , un
écrivain si médiocre. Ce qu'on ne con-
teste point, c'est que lePèreRichard avait
toutes les vertus de son état , et ce mérite
en vaut bien un autre. On trouve dans les
Martyrs de la Foi un article long et in-
téressant sur le Père P»ichard. Nous avons
seulement l'emarqué que la liste des ou-
vrages diffère de celle que nous don-
nons.
' RICHARD ( JeaH-Pierre ) , prédica-
teur, né à Belfort en Alsace, le 7 fé-
vrier 1743, commença ses études dans
le collège de sa ville natale et entra en-
suite dans celui des jésuites de Colmar.
En 1760 il prit l'habit de cette société : et
lors de la suppression de cet ordre, il se
retira d'abord en Lorraine où il se plaça
sous la protection du roi Stanislas de
Pologne. Il se rendit ensuite à Liège où
il soigna l'éducation des neveux de l'évê-
que. Le Père Richard ne fut de retour
en France qu'en 1786 : dès lors il se li-
vra à la prédication, et il se fit connaître
assez avantageusement pour être chargé
trois ans après de prêcher à la cour la
Pentecôte. Interrompu dans ce pieux
exercice par les troubles de la révolution,
il ne prêta point le serment et n'émigra
(i) Jiouvell» Bibliothiijue d'un homme <te goQI , tom. 3 ,
RIC 36i
pas; il resta constamment à Paris. En
1800 il reprit ses prédications, M. le
cardinal de Belloy le nomma , en 1 805 ,
chanoine de la métropole. En 1818, il
fut chargé de la station du carême aux
Tuileries; il devait même remplir,deux ans
après, ceUedeVAuent ; mais atteint par
une violente maladie, il mourut le 29
septembre 1820, âgé de soixante-dix-sept
ans. Il a laissé un Recueil de Sermons ,
contenant vingt-neuf discours pour les
dimanches de l'avent , du carême , et
pour les principales fêtes de l'année ; ils
se font remarquer par l'ordonnance, l'es-
prit , la diction , la couleur générale , et
la profonde connaissance de l'auteur dans
les matières ecclésiastiques. Ils ont été
imprimés, Paris, Adrien Leclerc , 1822,
4 vol. in-12 , avec un portrait.
■^ RICHARD ( N. l'Abbé ), mort vers
1800 , a publié : 1° des Réflexions criti-
ques sur le livre intitulé : Les mœurs, de
Toussaint , 1748 , in-12 ; 2° Tableau his-
torique, topographique et physique de
la Bourgogne, 1763-1860, 8vol.in-24;
3° Description historique et critique de
l'Italie, Paris, 1766-70, 6 vol. in-12; 4°
Théorie des songes, 1760, in-12 ; 5°
Histoire naturelle de Vair et des mé-
téores, 1770 , 10 vol. in-12 ; 4° Histoij'e
naturelle , civile et politique du Tun-
quin, 1778, 2 vol. in-12.
" RICHARD ( Louis - Claude - Marie ) ,
savant botaniste , né à Versailles , le 20
septembre 17 54, était fils de Claude Ri-
chard , jardinier du roi à Auteuil, homme
fort instruit qui l'envoya au collège de
Vernon, pour y achever ses études, se pro-
posant de lui faire embrasser l'état ecclé-
siastique ;niais celui-ci, entraîné par son
goût pour la botanique, quitta la maison
paternelle et vint à Paris pour se livrer
sans contrainte à sa science favorite. Les
dures privations auxquelles il fut soumis
dans les premiers temps, loin d'ébranler
sa vocation , ne firent pour ainsi dire
qu'augmenter en lui l'ardeur du travail :
il donna des leçons de dessin qui lui
procurèrent les moyens de vivre et le mi-
rent même dans le cas de faire des éco-
nomies. Il poursuivit donc avec persévé-
rance l'étude des sciences naturelles. Il y
46.
362
RIC
fit de si grands progrès qu'en 1781 l'a-
cadémie des Sciences le proposa au roi
pour un voyage dans la Guiane française
et aux Antilles. Après avoir parcouru ces
pays pendant huit ans, il revint dans sa
patrie pour y réclamer la récompense due
à ses services ; mais on était alors en 1789,
et il n'y trouva que des maux à déplorer.
Ses finances étant presque épuisées , il fut
long-temps réduit à un état de gêne que
le délabrement de sa santé rendait encore
plus cruel. Cependant un ordre de choses
plus calme vint améliorer sa position :
il fut choisi pour remplir la chaire de bo-
tanique à l'école de médecine , et quel-
ques années après il fut élu membre de la
première classe de l'Institut dans la sec-
tion de zoologie et d'anatomie comparée.
Il s'acquit bientôt unegraude réputation
par ses leçons de botanique , par ses her-
borisations, et il publia plusieurs Mé-
moires qui ont puissamment contribué
aux progrès de la botanique. Il est mort
le 7 juin 1821 , honoré de l'estime des
savans les plus distingués de l'Europe. Il
était membre correspondant de la société
royale de Londres et chevalier de la lé-
gion-d'honnfiur. C'est à son zèle qu'on
doit la création du jardin de botanique
delà faculté de médecine , dans lequel il
classa toutes les plantes médicinales. Il
aimait la science pour elle-même ; toutes
ses recherches tendaient à mieux connaî-
tre l'organisation des plantes, à détermi-
ner leurs affinités , à ramener la science
de l'histoire naturelle à un petit nombre
de principes , et à créer une philosophie
botanique qui pût remplacer celle de
Linnée. A cet effet il a poussé l'art d'ob-
server la nature jusque dans les plus pe-
tits détails : la difficulté que présentait un
objet était pour lui une raison de s'en oc-
cuper ; l'organisation la plus compliquée
était celle qui l'intéressait le plus , et il
passait des mois entiers à suivre une ob-
servation, lorsqu'elle lui paraissait devoir
répandre de la lumière sur un point
obscur. Il possédait au plus haut degré
l'art du dessin, et toutes ses figures offrent
les détails les plus minutieux avec une
netteté et une exactitude admirables. On
regrette que son stile soit négligé ; mais
RIC
on trouve dans tous ses écrits des obser-
vations neuves et profondes. On lui doit :
V Dictionnaire élémentaire de botani-
que par Builiard , revu et presque entiè-
rement refondu, Paris, 17 98-, petit in-fol.,
itg. et in-8 , 1800. C'est le catalogue le
plus complet que nous ayons des termes
techniques ; 2° Démonstration botani-
que ou Analyse du fruit considéré en
général, ouvrage remarquable par son
extrême concision, les idées exactes qu'il
renferme et qui a été traduit en plusieurs
langues ; 3** Commenlatio botanica de
coniferis et cycadeis , Paris, 1826, in-4 ,
fîg., ouvrage posthume publié par son
fils. Il a aussi publié plusieurs Mémoires
dans le recueil de l'Institut, dans les An-
nales du Muséum et dans divers autres
recueils scientifiques. Il a encore fourni
quelques articles au nouveau Diction-
naire d'histoire naturelle , publié chez
Deterville , et il a rédigé la Flore de
V Amérique septentrionale , de Michaud,
en latin, 1803, 2 vol. in-8.
* RICHARD ( Gabriel ), missionnaire
français, né à Saintes le 15 octobre 17 &i,
descendait, suivant une notice que lui a
consacrée le Journal du Détroit du 26
septembre 1832, de la famille de Bossuet
par sa mère. S'étant destiné à l'état ec-
clésiastique, il fit ses études de théologie
au séminaire d'Angers , et c'est de là
qu'il vint à la Solitude à Issy , pour en-
trer dans la congrégation de St.-Sulpice.
Il paraît qu'il n'a été ordonné prêtre
qu'en 1791 : il fut envoyé l'année sui-
vante aux Etals-Unis par M. Emery. On
le destinait à professer les mathématiques
au collège naissant de Baltimore ; mais,
au bout de trois mois , M. Carrol , évêque,
qui avait sous sa juridiction tous les ca-
tholiques des Etats-Unis, l'envoya à
Kaskaskias, territoire des Illinois, oii il
avait une colonie d'anciens Canadiens
français. Richard y resta depuis le 1 4 dé-
cembre 1792 jusqu'au 22 mars 1798,
qu'il partit avec MM. Levadoux et Dilbet
pour le Détroit , la ville la plus impor-
tante du Machigan. Il y a dans cette ville
et les environs 1 800 catholiques , origi-
naires du Canada et à peu près 7000 dans
tout le Machigan , mais bien dispersés.
KIC
Richard est toujours resté depuis chargé
de cette mission , et il était en dernier
lieu grand-vicaire de M. l'évêque de
rohio pour le Machigan. L'Ami delaRe-
ligion parle plusieurs fois de ses travaux,
et on trouve des lettres de lui dans le
tome 3 des Annales de la propagation
de la foi. Il visitait de temps en temps les
catholiques du Machigan qui ont des éta-
blissemens à la prairie du Chien , à la
Baie-Verte , à Machilimakinack , à la
Rivière, aux Raisins et à la Baie-St- -Jo-
seph. La ville du Détroit essuya , le l*'^
juin 1 805 , un incendie qui consuma
l'Eglise , bâtie en 17 60 , par les soins du
Père Roque , récollet. Richard parvint à
en construire une nouvelle en pierres ,
qui a llG pieds de long sur 60 de large.
En 1 809 il se procura une presse et des
caractères , et commença un recueil pé-
riodique , en français, sous le titre d'Es-
sais du Machigan. On avait espéré que
ce recueil pourrait être utile à la religion
catholique ; mais l'éloignement des ca-
tholiques et l'irrégularité du service des
postes empêchèrent le succès de cette
publication. La presse de Richard fut
long-temps la seule dans le Machigan , et
elle servit sous sa direction pour divers
objets. Dans la guerre des Etats-Unis avec
l'Angleterre , en 1812, les Anglais firent
Richard prisonnier, et l'envoyèrent à
Sandwich dans le Haut-Canada , où son
zèle ne fut point oisif. Il y exerça son
ministère envers les catholiques du pays,
et parvint à sauver quelques prisonniers
qui étaient tombés entre les mains des
Indiens , et qui allaient périr dans les
tourmens. A son retour au Détroit , tout
était dans la confusion ; on manquait
de blé, et les autres comestibles étaient
rares. Richard trouva moyen de se procu-
rer du blé , qu'il refusa de vendre , et qu'il
distribua gratuitement aux plus nécessi-
teux. En 1817 il entreprit de bâtir une
chapelle en pierres au Détroit ; c'est la
chapelle Ste.-Anne,quele défaut de fonds
a empêché d'achever sur le premier plan.
En 1823, Richard fut élu député au
Congrès ; c'est le premier ecclésiastique
qui ait eu cet honneur. Il accepta cette
mission qui lui permettait de rendre des
RIC 363
services aux catholiques. Ses fonctions lui
donnaient un traitement et lui fournis-
saient des moyens d'achever les églises
du Détroit. Il entretenait des relations
avec différentes tribus du Machigan , et
leur envoyaient des missionnaires , lors-
qu'il ne pouvait aller les visiter lui-même.
Malheureusement le nombre des prêtres
en ce pays est beaucoup trop petit. Le
choléra ayant éclaté en 1832 au Détroit,
Richard fut victime de son zèle ; il mou-
rut le 13 septembre, après avoir édifié
par sa fin toute chrétienne les fidèles
confiés à ses soins. H Ami de la Religion
lui a consacré une Notice fort intéres-
sante dans son numéro du 22 novembre
1832. Nous ne pouvions puiser à meil-
leure source , et notre article n'est qu'un
extrait de cette notice.
RICHARDOT ( François) naquit,
en 1 607, à Morey près de Vesoul en Fran-
che-Comté , et se fit religieux augustin
dans le couvent de Champlitte. Il devint
ensuite professeur dans l'université de
Besançon et à Paris , et succéda au car-
dinal de Granvelle dans l'évêché d'Arras,
en 1561. Il préserva son diocèse des er-
l'eurs des protestans parus avec éclat au
concile de Trente, et eut beaucoup de
part à l'érection de l'université de Douai.
Sa mort, arrivée eu 1674 , à 67 ans, fut
digne des vertus qui avaient illustré sa
vie. On a de lui : 1° des Ordonnances
synodales , Anvers, 1688 ; 2° un Traité
de controverses ; 3° des Sermons en
français , traduits en latin par François
Schott , avocat de Saint-Omer, 1608,
in-4 ; i° Institution des pasteurs , A.rr&s,
1662, et d'autres ouvrages. — Jean Ri-
CHARDOT , son ncvcu , fut président du
conseil d'Arras , puis du conseil privé de
Bruxelles. Il se signala par sa fidélité et
par sa capacité dans plusieurs négocia-
tions importantes , et surtout dans l'am-
bassade que l'archiduc Albert envoya ,
au nom du roi d'Espagne , à Vervins.
Alexandre de Parme en faisait un cas
tout particulier , et l'employa dans les
occasions les plus importantes comme
les plus délicates. Quand les méconteus
demandaient à traiter avec lui , il les
renvoyait au président Richardot. Cet
364 I^IC
habile négociateur mourut en 1609.
RICHARDSOIN ( Jean ) , théologien
anglican , natif de Chester , devint évê-
que d'Armach , en Irlande , et mourut en
1653. On a de lui des Observations choi-
sies sur l'ancien Testament , in-fol., en
anglais, qui pèchent souvent contre leur
titre.
RICHARDSON f Samuel ) , né près
de Derby en Angleterre , en 1689 , mort
le 4 juin 1761, exerça long-temps la
profession d'imprimeur , et composa plu-
sieurs romans qui eurent de la vogue. Ses
principaux ouvrages sont : 1° Pame'la ,
ou La Fertu récompensée , traduit en
français, en k vol.in-12. Ce roman, qui
eut cinq éditions dans la même année ,
est le premier fondement de la réputa-
tion de Richardson ; il semble présenter
des encouragemens à la vertu, mais lui
présente réellement des écueils , et des
illusions. 2° Lettres de miss] Clarisse
ffarlowe, traduites en français par l'abbé
Prévôt, en 8 parties in -12, pleines de
cette morale factice qui , par des cou-
leurs empruntées, exalte l'imagination,
et aflfecte dangereusement le cœur. 3°
Histoire de sir Charles Grandisson ; tra-
duite encore en français par l'abbé Pré-
vôt, 8 parties in-12. C'est sur un fond
tout différent ; mais ce sont les mêmes
défauts , du moins pour ceux qui n'ai-
ment point qu'on alonge le récit des
peines , des soins , des mouvemens qui
agitent les personnages d'un roman : ce-
pendant si une saine morale est consi-
dérée pour quelque chose , on la trouve
répandue dans tout ce roman. (Il a paru,
en 1 804 , une Correspondance de Sa-
muel Richardson , précédée d'une No-
tice biographique et critique , par Mis-
triss Barbauld. La Notice de sir Walter
Scott , t. 1 *' de la Biographique litter.
des romanciers célèbres est plein^ de
détails curieux. )
• RICHAUD (Hyacinthe), ancien maire
de Versailles , et ancien député , né vers
ilhT , remplit plusieurs fonctions admi-
nistratives, pendant la révolution, sous
l'empire et sous la restauration. L'his-
toire redira les détails de la fatale jour-
née du 9 septembre 1792 , marquée par
RIC
le massacre des prisonniers d'Orléans à
Versailles. Richaud , alors maire de cette
dernière ville, instruit ofi&ciellement de
la prochaine arrivée des prisonniers , et
craignant les excès auxquels il savait qu'é-
taient disposés à se porter contr'eux 6,000
hommes réunis dans ce moment à Ver-
sailles des divers points du déparlement
pour s'organiser en bataillons de volon-
taires, conjura le ministre de donner aux
prisonniers une autre direction. N'ayant
obtenu d'autre réponse que l'ordre impé-
ratif de les recevoir, il prit de sages dis-
positions et désigna l'ancienne ménagerie
située à une demi-lieue de Versailles
comme le lieu le plus sûr et le plus propre
à les loger. En même temps il lut aux
habitans de la ville une proclamation
qu'on peut présenter comme un modèle
de prudence et d'humanité, et par la-
quelle il les engage à se maintenir dans
le calme et la modération que dans le
désordre général ils ont montrés jusqu'à
ce jour. Les prisonniers arrivent escortés
de 2,000 fédérés : les charrettes sur les-
quelles ils sont transportés traversent la
ville. Elles allaient sortir lorsqu'une foule
les arrête , demandant qu'on lui livre les
prisonniers. Richaud, à la tête du convoi
qu'il protégeait , harangue les factieux , ,
invoque la loi et l'humanité ; il n'est pas
entendu. Déjà les armes sont levées sur
ces infortunés; il monte alors sur la 1"
charrette , et se jette au devant des coups
dont ils vont être atteints. Ne pouvant ar-
rêter la fureur des factieux , il se couvre
la tête de son écharpe et se confond avec
ceux qu'il ne pouvait sauver. Un habitant
de Versailles le reconnaît , voit son dan-
ger, l'enlève et le transporte dans une
maison voisine où il s'évanouit d'hor-
reur et de fatigue : quand il reprit ses
sens, le crime était consommé. Les suites
decettejtmrnée réservaient d'autres épreuj
veà à son courage. Le soir les mêmes
hommes se portent à la prison où ils com-
mettent de nouvelles horreurs : Richaud
s'y précipite, malgré les dangers qu'il
court et qu'il brave ; il parvient à dissi-
per l'attroupement et à sauver quelques
prisonniers. Lorsque la ville de Versailles
lit plus tard célébrer une cérémonie fu-
RIC
nèbre pour les martyrs du 9 septembre ,
Richaud occupa la place d honneur. 11
était doyen du conseil de préfecture,
lorsqu'il mourut en 1827, à l'âge de 70
ans.
* RICHE (Claude-Antoine-Gaspard},
naturaliste et médecin , né à Chamelet
près de Lyon, le 22 août 17G2, était des-
tiné par ses parens à la magistrature ; il
fit même dans ce but des études prélimi-
naires. Mais son père, Riche de Prony,
étant mort , il se livra entièrement à son
goût pour les sciences. S'étant rendu à
Montpellier pour y étudier la médecine,
il fut reçu docteur en 1787. Ses succès
avaient été si brillans que l'académie de
celte ville , dérogeant à ses usages , l'a-
vait admis au nombre de ses associés cor-
respondans. Après avoir visité les monta-
gnes du Languedoc pour y augmenter ses
connaissances eu botanique et en géolo-
gie, il vint à Paris en 1788. Accueilli avec
empressement par Vicq-d'Azir , il fut as-
socié à ses travaux, et ce fut lui qui com-
posa les tableaux que l'on trouve au com-
mencement de VanatoTtiie comparée. Le
gouvernement le nomma naturaliste dans
l'expédition infructueuse destinée à la
recherche du malheureux La Peyrouse ,
et dans ce voyage il eut occasion d'enri-
chir l'histoire naturelle de découvertes
précieuses. Mais les nouvelles de la révo-
lution française , ayant partagé les opi-
nions parmi ceux qui étaient de ce voyage,
interrompirent l'expédition. Le comman-
dant fit partir pour Samarang Riche et
les autres qui semblaient avoir embrassé
les nouveaux principes. Les collections ,
les journaux , les cartes , restèrent entre
les mains du même commandant ; elles
passèrent en Angleterre, d'où on n'a ren-
voyé en France que la partie qui con-
cerne l'histoire naturelle. Riche , après
quelque séjour dans l'Ile de France , re-
vint dans sa patrie ; mais il y arriva dans
un si mauvais état de santé, qu'étant allé
prendre les eaux au Mont-d'Or, il y mou-
rut peu de temps après , le 1 6 septembre
1797. Parmi les nombreux Mémoires qu'il
a publiés , on cite ceux sur la classifica-
tion des êtres naturels par leurs parties
intérieures ; sur un système naturel de
RIC
365
larves ; ceux sur les animaux microsco-
piques et sur les coquillages pétrifiés des
environs de Paris. M. Cuvier faisait un
très grand cas de ce naturaliste: {Voyez
le supplément aux éloges de Cuvier.)
RICHEBOURG. Voyez Bourdot.
RICHELET ( César -Pierre } naquit
en 1G31 , à Cherainon en Champagne.
La langue française fut son étude prin-
cipale. L'abbé d'Aubignac l'admit dans
son académie, 1665. ( Voyez Hedelin.)
Richelet habitait la capitale depuis 1660,
et il s'y fit recevoir avocat. Il quitta en-
suite Paris, et parcourut différentes villes
de province , où son penchant pour la
satire lui fit bien des ennemis. Il mourut
à Paris , en 1693, à 67 ans. Nous avons
de lui : 1° Dictionnaire français y conte-
nant Vexplication des mots., plusieurs
nouvelles remarques sur Ut langue fran-
çaise , les expressions propres, figurées
et burlesques , etc. La première édition
de cet ouvrage est de Genève, 1680,
in-4 ( voyez Fabre ) ; et la dernière est
de Lyon, 1759 , .en 3 vol. in-fol. On la
doit à l'abbé Goujet , qui a donné en
même temps un Abrégé de ce Diction-
naire , en 1 vol. in-8 , réimprimé avec
des augmentations en 2 vol,, par Wailly,
On a beaucoup l)lâmé l'orthographe de
Richelet ; mais on a réprouvé avec en-
core plus de raison les inutilités et les
grossièretés malignes dont son ouvrage
fourmille. L'édition publiée par l'abbé
Goujet est purgée des principales. Quel-
ques curieux bizarres lui préfèrent la
K« , à cause des méchancetés qu'elle
renferme. 2° Dictionnaire des rimes.
Une bonne édition de cet ouvrage , qui
ne fera jamais un poète, est celle de M.
Berthelin , en 1760, in-8. L'éditeur l'a
augmenté , et mis dans un nouvel ordre.
3° Les plus belles lettres des meilleurs
auteurs français , avec des notes , re-
cueil très médiocre : Bruzen de la Mar-
linière en a donné une nouvelle édition
en 1 727 , 2 vol. in-1 2 ; 4" Hùstoire de la
Floride , écrite en espagnol par Garci-
Lasso de la Véga , traduite en Fi'ançais ,
plusieurs fois réimprimée. La dernière
édition est celle de Leyde, en 1731 , in-8,
en 4 vol. , avec figures.
366 RIC
RICHELIEU. ^oyc5 Piissis.
"RICHELIEU (Armand-Emmanuel So-
phie Septimonie DU PLEssiSjduc de), petit-
fils du maréchal de Richelieu , et fils du
duc de Fronsac , président du conseil des
ministres sous Louis XYIII, naquit à Paris
le 25 septembre 1767. H porta d'aboirdle
nom de comte de Cbinon , puis celui de
duc de Fronsac qu'il échangea en 1791 ,
époque de la mort de son père, contre ce-
lui de Richelieu. Entré au collège du
Plessis, fondé par le cardinal de Riche-
lieu , grand-oncle de son aïeul , il y fit
ses études avec succès. Dès sa première
jeunesse il montra les plus heureuses dis-
positions pour les langues vivantes , et
se les rendit si familières , qu'on assure
qu'il parlait purement et facilement à
chaque ministre étranger , dans la lan-
gue de la nation à laquelle il appartenait.
Pour terminer son éducation , on le fit
voyager en Italie ; mais auparavant il fut
marié , à dix-huit ans , à une riche héri-
tière de l'ancienne maison de Roche-
chouart. Après avoir visité , sous le nom
de comte de Chinon , Turin , Rome ,
Naples, Florence, et les principales
villes d'Italie, il revint en France, et
remplit les fonctions de premier gentil-
homme auprès de Louis XYI ; c'était en
1789, au commencement de nos trou-
bles politiques. Le 5 octobre , il fut un
des premiers qui vinrent avertir la fa-
mille royale qu'une troupe de forcenés ,
hommes et femmes , se dirigeaient sur
Versailles. Peu de temps après, il obtint
du roi la permission de quitter la France,
et se rendit à Vienne , oii l'empereur Jo-
seph II lui fit un accueil honorable. Lié
d'amitié avec le jeune prince de Ligne ,
il passa avec lui dans la Russie , alors en
guerre avec les Turcs. Catherine II l'em-
ploya dans ses armées, où il servit sous
les ordres du général Souwarow . Le duc
de Fronsac se distingua au siège d'Is-
maïl , prise sur les Turcs le 22 décem-
bre 1790, et sa valeur lui mérita de la
czarine une épée à poignée d'or, le grade
de général-major, l'ordre de Saint-George
de 4' classe ; et, quand il revint à Péters-
bourg, il fut reçu à la cour avec distinc-
tion. Dans la même année, 1782, Ga-
RIC
Iherine II envoya le duc de Richelieu
auprès du prince de Condé , qui , par
suite de sa malheureuse campagne, avait
demandé à cette souveraine un asile dans
ses étals pour les Français exilés. On
devait en former une colonie près de la
merd'Azofj mais ce projet ne put se
réaliser. Le prince ayant repris les armes
contre la république française , le duc
de Richelieu se rendit en Angleterre, où
se trouvait Monsieur ( depuis Louis
XVIII } , et fut nommé un des six com-
mandans des corps d'émigrés à la solde
du gouvernement britannique. Il servit
sous les ordres du prince de Condé, et se
trouva au siège de Valenciennes, en 1793.
Cette campagne ne fut pas plus heu-
reuse que la précédente : alors le duc de
Richelieu retourna en Russie, où régnait
Paul I«^ Il sut gagner la bienveillance
du grand-duc Alexandre ( depuis empe-
reur), et il obtint le commandement
d'un régiment de carabiniers : l'ayant
conduit une fois au secours d'un village
incendié sans en avoir reçu l'ordre , ce
fut pour l'emperç^r une raison ou un
prétexte de lui ôter ce régiment , et de
l'exiler de la capitale. On sait qu'à celte
époque Paul l" paraissait enthousiaste
de Buonaparte. Le duc de Richelieu quitta
la Russie , et n'y revint que lors de l'avé-
nement au trône d'Alexandre I*'. L'ami-
tié de ce monarque pour le duc de Ri-
chelieu ne s'était point ralentie :il aurait
voulu le retenir dans ses états ; mais l'a-
mour de la patrie rappela M. de Richelieu
en France, où le calme s'était un peu
rétabli après la paix de 1801. Il recueillit
les débris de sa première fortune ; mais
ce fut tout à l'avantage deses créanciers:
procédé qui fit connaître toute la loyauté
de son caractère. On dit qu'il sollicita la
radiation de son nom de la liste des émi-
grés , mais que Buonaparte y ayant mis
la condition qu'il quittât le service de la
Russie , Richelieu ne voulut point y
consentir. Il retourna dans ce pays , et
y fut nommé, en 1803, gouverneur civil
et militaire d'Odessa , capitale des pro-
vinces bornées par la mer Noire , possé-
dées autrefois par les Turcs , et devenues
désertes. C'était une colonie fondée par
KIC
Catherine II, et dont elle avait confié la
direction au prince Potemkin. On lui
accorda , comme à ce favori , une auto-
rité sans bornes , et il ne s'en servit que
pour le bonheur et la prospérité des peu-
ples qui lui étaient confiés. A son arrivée
à Odessa, cette ville ne renfermait que
quatre mille babitans; en 1805 elle en
comptait déjà plus de 20,000, et en 1815
le nombre s'élevait à 35,000. Cette cité
nouvelle fut embellie ; les rues furent ti-
rées au cordeau et ombragées par des
arbres ; des habitations tristes et mal
saines firent place à des constructions
élégantes et commodes. Par ses soins un
institut et un gymnase y furent fondés
sous la direction de l'abbé Nicole, [f^oy.
son article. ) Le commerce y eut bientôt
un port où afQuent aujourd'hui les vais-
seaux de toutes les nations, et d'oîi il est
sorti dès 1 804 , chaque année , pour plus
de 12 raillions de blé. Deux cents villages
s'élevèrent dans cette contrée déserte.
Pour juger l'importance et les heureux
résultats de l'administration du duc de
Richelieu, nous rapporterons le témoi-
gnage de l'empereur Alexandre. Depuis
long-temps il désirait visiter les provin-
ces de la Nouvelle Russie : ayant fait ce
voyage en 1 8 1 8 , il fut saisi d'étonne-
ment , lorsqu'il vit la prospérité qui ré-
gnait partout dans ses états, et sur-le-
champ il expédia un courrier au duc de
Richelieu, pour lui remettre, comme
une récompense de son administration
paternelle, les décorations de l'ordre de
Saint-André , accompagnées d'une lettre
écrite par l'empereur lui-même , et dans
laquelle ou trouve le passage suivant .
« En visitant ces pays confiés autrefois à
» vos soins , j'y ai trouvé à chaque pas ,
j> j'y ai admiré avec une satisfaction qui
j> se reportait sans cesse vers vous, le
>' fruit de vos travaux, de vos inten-
)) lions droites et pures, constamment ré-
» alisées par une vigilance infatigable. «
Richelieu rentra en France en 1814, à
l'époque de la restauration des Bourbons.
Honorablement accueilli par Louis XVIII,
il reprit auprès de ce monarque ses an-
ciennes fonctions de premier gentilhom-
me de la chambre, et fut nommé pair de
T\IC 367
France. Au retour de Napoléon de l'île
d'Elbe ( en mars 1815 ) , le duc de Ri-
chelieu suivit Louis XVIII à Gand , et
revint avec ce prince à Paris, après
la seconde abdication de Buonaparte. Le
roi confia à Richelieu le portefeuille
des affaires étrangères, et lui donna la
présidence de son conseil des mi-
nistres. Il fut investi de ces emplois
dans les circonstances les plus critiques.
Les souverains alliés paraissaient exiger
de la France d'énormes sacrifices. « Le
)) sort des armes ( dit M. le cardinal de
» Bausset dans l'Eloge historique de
» Richelieu ) venait de mettre la France
» à la merci de 7 à 800, 000 hommes
» ( 1, 230,000 hommes ) : c'était l'Eu-
» rope entière qui venait, les armes à la
» main , non pas discuter des calculs et
» des chiffres , mais commander impé-
)> rieusement toutes les interprétations
» qu'il lui plairait de donner aux articles
» du traité de 1 8 1 4 . C'est dans cettegran-
» de circonstance que M. de Richelieu ,
« se servant, pour le salut de la France,
j> de l'honorable ascendant que son oa-
» ractère lui avait donné auprès des prin-
» cipau* cabinets de l'Europe , sut em-
)) ployer dans une juste mesure la plus
» noble fermeté et une grande habileté.
» Il existe une lettre de lui au principal
» ministre d'une grande puissance , dans
» laquelle il l'invite à ne pas porter au
» désespoir une grande nation qui venait
» sans doute d'éprouver de grands re-
» vers, mais qui sentait encore ses for-
» ces, et dont les ressentimens pouvaient
» devenir terribles. Il lui déclarait en
» même temps avec franchise , qu'il se-
» rait le premier à conseiller ce noble
» désespoir à son roi et à son pays, si
» l'on ne revenait pas à un système de
» modération aussi conforme à la saine
» politiquequ'àlajusticeetà l'honneur. «
M. de Richelieu ne montra pas moins de
fermeté lors du procès du maréchal Ney
( voyez ce nom ) ; et dans le discours
qu'il prononça le 13 octobre 1815, à la
chambre des pairs , son cœur noble et
loyal exprima toute son horreur pour
une trahison qui avait compromis le sa-
lut de la France. Il déploya le même ca-
368 RIC
ractère quand il rendit compte à la cham-
bre des députés du traité conclu, le 25
du même mois, avec les ministres des
puissances alliées , et lorsque le 8 dé-
cembre il parla sur le projet de loi à'a?n-
nistie , pour ceux qui avaient adhéré au
retour de Buonaparte ou qui en étaient
les complices. On remarqua les phrases
suivantes « Il n'était ni juste ni po-
» litique , dit-il , de punir tous ceux qui
» ont pris part à cette grande rébellion.
» Il fallait se borner à désigner plusieurs
» de ceux qui s'y sont trouvés engagés ,
» et une sorte de clameur publique a
» indiqué les individus dont les noms
» sont inscrits dans l'ordonnance, etc. »
Quelques députés ayant proposé de con-
fisquer les biens des bannis et des con-
damnés , M. de Richelieu combattit avec
force cette proposition , et dit , entre au-
tres choses : K Ce sont les confiscations
y> qui rendent irréparables les maux des
)> révolutions : en punissant les enfans ,
» elles lèguent aux générations les hai-
» nés et les vengeances ; elles désolent
» la terre comme des conquérans , à la
» suite desquels elles marchent. » Il an-
nonça le 23 mars 1 8 1 G le mariage du duc
de Berri avec une princesse napolitaine ;
lut deux projets de loi relatifs à la dota-
tion des membres de la famille royale ,
et à l'état civil de la maison du roi , et
parla les jours suivanssur le budjet. Lors
de la réorganisation de l'Institut , il fut
élu membre de l'académie française, puis
de celle des beaux-arts ; et le 24 avril il
présida les séances d'installation des qua-
tre académies ; enAn le 1 3 septembre
1818 il fut nommé président de l'acadé-
mie française. S'étant rendu au congrès
d'Aix-la-Chapelle , il y trouva les souve-
rains et leurs ministres pleins d'égards et
de considération pour sa personne, mais
peu satisfaits du nouveau système qui
régnait en France. On proposait d'y ap-
porter des modifications , que la sagesse
de Richelieu ne crut pas devoir ado-
pter : aussi , à son retour à Paris , il
ne tarda pas adonner sa démission, et fut
remplacé par M. Decazes. Plusieurs ré-
compenses méritées accompagnèrent
la retraite de Richelieu. Louis XVIIl
RIC
le nomma grand-veneur, le décora du
cordon du Saint-Esprit ; et les deux
chambres, interprètes des vœux de la
nation, le gratifièrent, d'un consente-
ment unanime , à titre de recompense
nationale , d'une rente annuelle de cin-
quante mille francs. Cet acte législatif
est le plus bel éloge pour le duc de Ri-
chelieu. En ayant appris la nouvelle à
Bordeaux , où il se trouvait alors, il s'em-
pressa d'écrire aux chambres une lettre
exprimant , en substance : « Qu'il serait
i> trop fier d'un témoignage de bienveil-
» lance donné parle roi avec le concours
» des deux chambres pour le refuser;
u mais que comme il s'agissait de lui dé-
» cerner , aux frais de l'état , une ré-
» compense nationale , il ne pouvait se
» résoudre à voir ajouter, à cause de lui,
» quelque chose aux charges qui pesaient
» sur la nation. « Cependant le projet fut
adopté, et la générosité des chambres
l'emporta sur son noble désintéressement;
mais il en consacra le produit à la fon-
dation d'un hospice dans la ville de Bor-
deaux. Il voyagea ensuite dans le midi
de la France, en Suisse, en Italie, en
Allemagne. Il revint k Paris vers la fin de
1819. Peu de temps après , le roi le char-
gea d'aller en Angleterre complimenter
Georges IV sur son avènement au trône.-
Son départ était fixé pour le 1 5 février ;
mais dans la nuit du 1 4 fut commis l'hor-
rible assassinat sur la personne du duc de
Berri ( voyez ce nom ) , ce qui empêcha
le voyage de Richelieu. Cédant aux
désirs du roi , il accepta de nouveau les
fonctions de président du conseil des mi-
nistres , et il eut à parcourir une époque
extrêmement difficile. Le meurtre d'un
membre de la famille royale , duquel on
attendait les rejetons qui devaient perpé-
tuer l'auguste dynastie des Bourbons ;
l'insurrection d'Espagne qui soumit Fer-
dinand YII aux cortès ; celles de Naples
et de Piémont ; des complots à Paris ,
dans les provinces , et qui avaient des ra-
mifications dans plusieurs régimens ; uu
état d'inquiétude malveillante entretenue
par les factieux ; des séances tumultueu-
ses dans la chambre ^les députés ; des
voies de faits commis devant le palais des
RIC
députés; des altroupemens renouvelés
aux portes Saint-Martin, Saint-Denys, où
l'on faisait entendre des vociférations
séditieuses : tout cela enfin exigea que
Richelieu eût recours aux mesures les
plus énergiques. Les factieux en mur-
murèrent ; mais il sut dissiper leurs com-
plots, et les gens bien pensans l'applau-
dirent. Cependant, à l'ouverture de la
session de novembre 1821, par un hasard
très rare, les deux partis les plus oppo-
sés de la chambre se trouvèrent réunis ,
et voulaient, d'un commun avis, renver-
ser le ministère. Dans l'adresse de la
chambre , en réponse au discours de la
couronne, on lisait ce passage : « Nous
)> vous félicitons, Sire, de vos relations
') amicales avec les puissances étrangè-
» res , dans une juste confiance qu'une
» paix aussi précieuse n'est point ache-
» tée par des sacrifices incompatibles
i) avec l'honneur de la nation et avec la
» dignité de la couronne. » D'après les
prérogatives qu'accordent la Charte et
tout gouvernement représentatif, le roi
pouvait dissoudre la chambre ; mais le
duc de Richelieu n'osa donner ce conseil,
de crainte que de nouvelles élections ne
troublassent la tranquillité de la France.
Il offrit su démission , qui fut acceptée.
Richelieu ressentit cette fois un véri-
table chagrin de quitter la présidence
du conseil. Celte retraite, que les cir-
constances avaient exigée de lui , déran-
geait tous ses plans pour la prospérité de
l'état , et parmi lesquels il comptait l'ou-
verture de plusieurs canaux, qui devaient
faciliter la navigation intérieure. Il assi-
stait néanmoins , et assidûment , aux
séances de la chambre des pairs, et s'y
prononça contre le projet de donner au
gouvernement, comme mesure perma-
nente , la faculté d'établir la censure sur
la presse; faculté qu'il proposa, quoique
sans succès , de limiter à cinq ans. Quel-
que temps après , il se rendit au château
deCourleille, oii demeurait habituelle-
ment madame la duchesse son épouse ,
et où elle se faisait chérir par ses vertus.
Se sentant indisposé , il voulut revenir à
Paris ; mais, frappé d'une attaque d'apo-
plexie , il expira dans cette ville dans la
XI.
RIC 369
nuit du 1 6 mai 1 821 , à l'âge de cinquante-
quatre ans. Le[duc de Richelieu était sim-
ple dans ses goûts, généreux, noble et
affable dans ses manières; sa franchise et
l'élévation de ses vues le rendaient digne
de la considération dont l'honoraient les
souverains de l'Europe. Sa loyauté était
généralement connue ; aussi le duc de
Wellington disait de lui; La parole du
duc de Richelieu vaut un traite'. C'était
l'opinion que firent paraître à son égard
les souverains et leurs ministres au con-
grès d'Aix-la-Chapelle. En parlant de
cettemission, M. le cardinal de Bausset
s'exprime en ces termes : « Les lettres
» que M. de Richelieu écrivit au roi , et
» que S. M. fit lire dans son conseil, pas-
» sent , dans l'opinion de tous ceux qui
» en ont eu connaissance, pour des mo-
» dèles de dignité, de sagesse et de con-
» sidération profonde sur les grands inté-
» rets de l'Europe.... Toutes les lettres
» importantes adressées aux agens du roi
» dans les cours étrangères étaient écri-
>) tes de sa main , et n'offrent ni ratures ,
» ni recherches, ni efforts. Jamais aucun
» ministre d'état ne s'est moins servi de
» secrétaires. Il n'était pas un particulier
» un peu connu à qui il ne répondît de
» sa main avec empressement, franchise
» et obligeance. « Il serait à souhaiter
que sa probité et son désintéressement
trouvassent beaucoup d'imitateurs. Ce
même homme qui, pendant onze ans,
avait exercé dans la Nouvelle-Russie un
pouvoir absolu , et qui occupa deux fois
en France la place de premier ministre,
n'avait pour toute fortune qu'un revenu
de i2,Q00 francs sur Fe'tat. Son Eloge a
été prononcé à l'académie française par
M. Dacier, son successeur, et parM. Vil-
lemain qui répondit au nouvel académi-
cien. Nous avons cité plusieurs passages
de celui qu'a fait à la chambre des pairs
M. de Bausset.
RICHEMOINT ( Le connétable de }.
Voy. ARMUsle Justicier, et Charles VU.
RICHEMOINT ( Henri, comte de ;.
Voy. Henri VII , roi d'Angleterre.
RICHEOME ( Louis ) , jésuite , né à
Digne en Provence, l'an 1.544 , défendit
avec zèle la foi catholique contre les hu^
^
370 RIC
guenots. Après avoir été deux fois pro-
vincial , il devint assistant général de
France en 1598. Il mourut à Bordeaux
en 1625 , k 87 ans , avec une (j;rande ré-
putation de piété. On a de lui plusieurs
Traités de controverse, et des écrits as-
cétiques et théologiques , imprimés à
Paris en 2 vol. in-fol. , 1628. Quelques-
uns lui attribuent le Traité de l'origine
des hérésies , qui a paru avec le nom de
Florimond de Rémond.
RICHER ( Edmond } , syndic de la
faculté de théologie de Paris, né .à
Chaource , diocèse de Langres , en 1560,
vint achever ses études dans la capitale
et y fit sa licence avec distinction'. Né
avec un génie impétueux, il se distingua
beaucoup dans le parti de la Ligue. Il
eut la hardiesse , dans une de ses thèses,
soutenue au mois d'octobre 1591 , d'ap-
prouver l'action de Jacques Clément. Il
avait pris le bonnet de docteur en 1 590 ,
devint grand maître du collège du car-
dinal Le Moine , puis syndic de la faculté
de théologie de Paris , le 2 janvier 16O8.
Il s'éleva avec force , en 1611 , contre la
thèse d'un dominicain qui soutenait l'in-
faillibilité du pape et sa supériorité sur
Le concile. Il publia ia même année,
în-4 , un petit écrit intitulé : De la puis-
sance ecclésiastique et politique, ^out éta-
blir les principes sur lesquels il préten-
dait que la doctrine de l'Eglise de France
et delaSorbonne , touchant l'autorité du
concile général et du pape, était fondée.
Mais il ne se borna pas là ; il y établit
presque tous les principes de Marc-An-
toine de Dominis. ( f^oy. son article. )
Sous prétexte d'attaquer la puissance du
pape , il étalait des principes qui renver-
saient la puissance royale aussi bien que
celle du souverain pontife et des évêques.
Tel est celui-ci : « Chaque communauté a
» droit immédiatement et essentielle-
» mentde segouvernerelie-même : c'est
» à elle et non à aucun particulier que
» la puissance et la juridiction a été don-
" née. » Il ajoute : '< Ni le temps , ni les
i> lieux, ni la dignité des personnes ne
» peuventprescrire contre ce droit fondé
i' dans la loi divine et naturelle. » Ce
petit livre souleva contre lui le noçce ,
RIC
les évêques et plusieurs docteurs. On
voulut le faire déposer du syndicat , et
faire anathématiser son livre par la fa-
culté de théologie ; mais M. de Verdun ,
premier président du parlement, eut
assez de crédit pour parer ce coup. Le
cardinal du Perron , archevêque de Sens,
assembla tous les évêques de sa province,
et, après plusieurs conférences, l'ouvrage
de Richer fut condamné le 1 3 mars 1612.
Son livre , proscrit à Rome, le fut encore
par l'archevêque d'Aix et par les évêques
de sa province, le 2't mai de la même
année. On vit paraître alors de tous côtés
une foule d'écrits pour le réfuter. Le car-
dinal de Richelieu , au génie duquel rien
n'échappait , sentit le danger des prin-
cipes de Richer, et en fut alarmé. L'ha-
bile ministre crut qu'il avait eu en vue
d'attaquer les deux puissances par ses
principes généraux , et il ne .se trompa
point, (t Cet ouvrage , dit le cardinal du
«Perron, est un levain de vieille doc-
>i trine qu'il a couvée et soutenue dès
-' long-temps , en laquelle , encore qu'il
j> ait changé de procédure , pour le fait
» de l'Eglise , néanmoins il a conservé
)) les mêmes maximes qu'il tenait alors
y pour le fait de l'état. Car l'an 1 591 , au
.) mois d'octobre, il soutint publique-
)i ment , en Sorbonne , que les états du
» royaume étaient indubitablement par-
)) dessus le roi , etc. » ( Effectivement ,
lors de la révolution de 1789, on vit l'as-
semblée nationale , composée dans sa
partie dominante de richéristes , régler
sur le système du vieux syndic toutes ses
opérations , tant à l'égard de la consti-
tution civile , qu'à l'égard de la consti-
tution ecclésiastique. ) La cour défendit
à Richer de rien écrire pour sa justifica-
tion , et ordonna à la faculté de le dé-
pouiller du syndicat. On élut un autre
syndic en ICI 2; et depuis ce temps , les
syndics de la facultéont été élus de deux
ans en deux ans, au lieu qu'ils étaient
perpétuels auparavant. Richer cessa
d'aller aux assemblées de la faculté , et se
renferma dans la solitude , uniquement
appliqué à l'étude ^rnais on l'accusait de
continuer à dogmatiser. Il fut enlevé et
mis dans les prisons de Saint-Yictor. il
J
lit
donna, en 1620, une déclaration par
laquelle il prolestait qu'il était prêt k
rendre raison des propositions de son livre
De la puissance ecclésiastique et politi-
que. Il en donna une seconde, oii il recon-
naît l'Eglise romaine pour vière et maî-
tresse de toutes les Eglises , et déclare
que ce qu'il avait écrit « était contraire à
» la doctrine catholique , exposée ftdèle-
)) ment par les saints Pères ; faux , hé-
)) rétique , impie , et pris des écrits em-
» poisonnés de Luther et de Calvin. »
Enfin ,. pour ne laisser aucun doute sur
la sincérité de ses rétractations , il en
donna une troisième en 1630. L'historien
du Père Joseph de Paris et l'abbé Racine
disent qu'on la lui extorqua ; mais cette
violence avec toutes ses circonstances est
victorieusement prouvée fausse dans le
Journal de Trévoux , janvier 1703. Il
mourut le 29 novembre 1631. Piicher
était un homme qui à l'obstination des
gens de son état joignait une inflexibi-
lité d'esprit particulière. Vieilli sur les
bancs, au milieu de la chicane , endurci
dès l'enfance à la misère, il brava la
cour, parce qu'il ne lui demandait rien,
et qu'il pouvait se passer de tout. Nous
avons de lui un grand nombre d'ouvra-
ges, dont les principaux sont : 1" Fin-
diciœ doc t rince major um scholœ pari-
siensis contra de fensor es monarchiœ et
curiœ romanœ , Cologne, 1683 , in-4 ;
2° De potestate Ecclesiœ in rébus tcm-
poraUbus , 1692 , in-4 ; 3° une Apologie
de Gerson , avec une édition des OEu-
vres de ce célèbre chancelier de l'uni-
versité de Paris , où l'éditeur s'est permis
plus d'une sorte d'altérations; 4° une
Histoire des conciles généraux , en latin,
3 vol. in-4; 5° Y Histoire de son syndicat,
publiée en 17 53 , in-8 ; 6° Obstetrix ani-
morum, Leipsick, 1693, in-4, et quel-
ques autres livres de grammaire; 1° De
optimo academiœ statu, in-8; 8° son plus
fameux ouvrage : De potestate ecclesias-
tica , avec une défense de sa doctrine et
de sa conduite, Cologne, 1701 , 2 vol.
in-4. André Duval , Pelletier, Jean Bou-
cher, qui autrefois s'étaient déclarés pour
la Ligue, les Pères Eudœmon-Jean ,
Gautier et Sinnond, ont victorieusement
RIC 371
réfuté les erreurs contenues dans cet ou-
vrage ; ce qui n'a pas empêché de Do-
minis , Febronius et d'autres novateurs ,
d'en faire la base de leurs diatribes contre
l'Eglise. « Ce qu'il est bon de savoir, dit
» un savant moderne , c'est que les jan-
3) sénistes sont devenus panégyristes du
» système de Ricber, auquel ils ont donné
» des lettres d'affiliation. Le fameux pa-
w triarche de la secte , l'abbé de Saint-
>» Cyran , pensait qu'il y a de la témérité
w à traiter les richéristes d'hérétiques ou
w de schismatiques. On devine ce que ,
» dans le langage de Saint-Cyran, signi-
•» fiait cette orthodoxie des richéristes. »
M. de Sainte Beuve , qui avait des rela-
tions avec le parti , écrivant au fameux
docteur Saint-Amour , qui , comme on
sait, avait été envoyé à Rome pour sou-
tenir la cause des cinq propositions ,
s'exprimait en ces termes : « Si le jansé-
n nisme est condamné , ce sera une des
» choses lés plus désavantageuses au
)> saint-Si^e , et qui diminuera, dans la
» plupart dés esprits, le respect et la sou-
j) mission qu'ils ont toujours gardés pour
» Rome , et qui f«ra incliner beaucoup
» d'autres dans les sentimens des richéris-
» tes... Faites, s'il vous plaît, réfletion
» sur cela , et souvenez-vous que je vous
» ai mandé, ilya long-temps,que de cette
» décision dépendra le renouvellement
•» du richérisme en France. « Les jansé-
nistes eux-mêmes nous ont conservé cette
lettre, qu'ils ont fait imprimer eu 1662.
Pour saisir le sens de la confidence de
Sainte-Beuve au sujet de Saint-Amour ,
il faut se rappeler qu'à cette époque les
jansénistes pressentaient la condamna-
tion des cinq propositions à Rome. Pour
amortir le coup , ils se disposaient à faire
valoir le richérisme , qui ne donne au
pape que le pouvoir ministériel ou exé-
cutif, et qui , en cette qualité , ne peut,
selon Richer , prononcer le décret sans
un concile général. C'était d'avance une
contre-batterie dont ils menaçaient Inno-
cent X et sa bulle. — C'est encore une
chose curieuse de voir , avant le jansé-
nisme, le calvinisme enseigner le dogme
de Richer. Sa doctrine est la confession
de foi d'Anne du Bourg, qui, comme cal»
37a RIC
viniste, fut condamné à mort sous Henri
III. A Je crois , disait Anne du Bourg , la
}> puissance de lier et de délier , qu'on
» appelle communément les clefs de l'E-
» glise , être donnée de Dieu , non point
y>à un homme ou deux , mais à toute
» V E glise , c'est-fl-dire à tous les fidèles
» et croyons en J.-C. » Cette assertion ,
comme on s'en aperçoit à la seule lecture,
est la même que celle de Quesnel, et dé-
rive de la maxime de Richer , que la juri-
diction appartient collectivement à la
société entière. Ainsi on peut assurer ,
avec la plus exacte vérité , que le riché-
risme n'est qu'un système combiné des
maximes des calvinistes et des jansénistes.
(La vie de Richer a été imprimée à Ams-
terdam , 1715, in-12.)
RICHER (Henri), né en 1685, à
Xongueil, dans le pays de Caux, fut des-
tiné , par ses parens , au barreau ; mais
un attrait plus puissant le tournait vers
la littérature et la poésie. Il alla à Paris,
et se livra entièrement à son goût. H y
mourut en 1748, à63 ans. Nous avons
de lui : 1 ° Une Traduction en vers des
Eglogues de Virgile , 1717 , in-12, et
réimprimée en 1736, avec une ^te de
ce prince des poètes latins', qui est assez
bien faite. Sa version est fidèle, mais elle
est faible et sans coloris. 2° un Recueil
de fables, dont la dernière édition est de
1748 , in-12. La morale n'y est ni vive
ni frappante ; le stile en est froid et sans
imagination , mais recommandable par
la simplicité et la correction du lan-
gage , par la variété des peintures et par
l'agrément des images. 3° Les huit pre-
mières Hêroïdes d'Ovide , mises en vers
français, 1743, in-12. L'auteur a joint à
sa version quelques autres poésies. 4° La
Vie de Mécènes en 1 746, in-12, avec des
notes. On y trouve des recherches et de
l'érudition. — Il ne faut pas le confondre
avec François Richer d'.\DRE , intendant
de Caen , dont nous avons un livre inti-
tulé : Essai sur les principes du droit
et de la morale , Paris , 1743 , in-4 , et
qui mourut à Paris, eu octobre 1752 , à
63 ans.
' RICHER ( Adrien ) , historien , na-
quit à Avranches , en 1 720 , acquit beau-
RIC
coup d'instruction et publia plusieurs
ouvrages historiques très intéressans ;
savoir : 1° la Fie des hommes illustres ,
comparés les uns avec les autres , de-
puis la chute de l'empire romain jus-
qu'à nos jours, Paris, 1756, 2 vol. in-12.
Il paraît que, dans cet ouvrage , l'auteur
s'est proposé Plutarque pour modèle ; il
est sans doute moins philosophe que l'au-
teur grec,'maisilest plus impartial. Plu-
tarque , en comparant les Romains avec
les Grecs , cherche toujours à relever ces
derniers. Richer, au contraire, n'oppose
pas les hommes d'une nation à ceux
d'une autre ; mais il compare homme à
homme , et il est aussi juste critique avec
ses compatriotes qu'avec les étrangers. 2"
Nouvel Abrégé chronologique de Fhis-
ioire des empereur s,n Si, in-S; ou 1769,
2 vol. S° Essai sur les grands évènemens
par les petites causes, 1 7 5 7 ; 4° Ze Théâ-
tredu monde, 1776, 2 vol. in-8 ; 1789, 4
vol. grand in-8. L'auteur y a mis en op-
position les exemples , les vertus et les
vices. 5° Fie de Rarberousse , général
des armées navales de Soliman. Cette
vie, et celle de Jean Barl, du maré-
chal de Tourville , de Duquesne , de
Ruyter , de Tromp , de Duguay-Trouin ,
de Forbin , etc., toutes du même auteur,
sont recueillies sous le titre de Vies des
plus célèbres marins, 1784 in-12 ; 6"
Caprices de la fortune, ou Vies de ceux
que la fortune a comblés de ses faveurs,
et de ceux qui ont essuyé ses plus ter-
ribles revers dans les temps anciens et
modernes, 1786, 1789,4 vol. in-12;
7° Les Fastes de la marine française, ou
les Actions les plus mémorables des of-
ficiers de ce corps, dont la Vie ne se
trouve pas dans celles des plus célèbres
marins, in-12, tom. 1", 1787, tom. 2,
1788, etc. Richer mourut à Paris, en
1 798 , âgé de 78 ans. — Son frère , Fran-
çois, avocat, né à Avranches en 1718,
mourut dans l'année 1798. Il a aussi laissé
quelques écrits, et entre autres un
Examen des principes d'après lesquels
on peut apprécier la déclaration de l'as~
semblée du clergé de 1 760, in-12 ; et De
a autorité du clergé et du pouvoir du
magistrat politique, sur V exercice
1
RIC
des fonctions du ministère ecclesiatique.
Cet auteur n'était pas favorable au pou-
•voir de l'Eglise.
* RICHER-SERIZY , ( N... ) homme
de lettres , né à Serizy , en Normandie ,
vers 1764 , vint jeune à Paris , y fit ses
études , et demeura pendant quelque
temps chez un procureur. Il cultivait la
littérature , et se fit connaître avant la
révolution par de petits ouvrages en
prose. Il était lié avec Camille-Desmou-
lins , et travailla à son journal. Il con-
tribua dans la suite à répandre le bruit
du prétendu comité' autrichien , ce qui
l'obligea à se tenir caché pendant plu-
1 sieurs mois. Il était cependant devenu
suspect à Robespierre , et ayant osé pa-
raître, il fut arrêté et mis en prison après
la mort de Danton et de Camille-Desmou-
lins. Le 9 thermidor lui rendit la liberté ,
et il devint un ardent royaliste. Il com-
mença à publier son journal anti-répu-
blicain , intitulé L'Accusateur public ,
oii l'on trouvait souvent des passages
pleins d'énergie. Arrêté plusieurs fois à
cause de son journal , il fut enfin déclaré
innocent, en 1796 , par le tribunal civil
de Paris , et ensuite par celui de Ver-
sailles. Pendant la lutte du directoire et
des conseils , il avait écrit ses feuilles
avec plus de vigueur , et il fut condamné
à la déportation. Il se retira à Bâle , où
l'envoyé de France le fit arrêter pour être
déporté à Cayenne. Il s'échappa de Ro-
chefort , revint dans le midi de la France,
et publia un numéro de son Accusateur
public. Il se rendit ensuite à Madrid, qu'il
fut contraint de quitter, aux sollicitations
du gouvernement français auprès du ca^
binet espagnol. Il passa alors en Angle-
terre, et mourut à Londres en 1803.
* RICHERI (Charles-Alexandre de),
archevêque d'Aix, né le 31 juillet 17&9 ,
à AlIons,château situé dans la Haute-Pro-
■vence , eut pour père un officier de ca-
valerie qui s'était trouvé à la bataille de
Fontenay, et parmi ses oncles il comp-
tait un prévôt du chapitre de Glandève
et un chanoine d'Amiens. Après avoir ter-
miné ses premières études au collège
d'Aix , il fit sa théologie au séminaire de
St.-Sulpice, et fut nommé de bonne heure
RIC 373
à un canonicat de la métropole d'Aix. Sa
piété l'entraîna bientôt à la Trappe; mais,
si les austérités de cette maison religieuse
n'effrayèrent point son courage , elles
étaient au dessus de ses forces. Obligé de
revenir au séminaire , puis à Aix , il de-
vint ensuite l'un des plus grands-vicaires
de l'évêque de Senez. Pendant la révo-
lution il se retira à Rome où il logea au
couvent des Olivétorins. Durant son sé-
jour dans la capitale du monde chrétien,
il eut des relations avec Mesdames de
France, tantes de Louis XVI, et en 1816
il fut choisi , avec M. l'abbé de Latour ,
pour accompagner leurs corps à Paris. En
1801 il était revenu en France; mais il
n'avait voulu accepter aucune fonction
sous le régime de Buonaparte. Nommé en
1 81 7 à l'évêché de Fréjus , il ne fut sacré
qu'en 1823. Dès qu'il fut en possession
de son siège , on vit qu'il se dévouait tout
entier au troupeau qui lui était confié.
Appelé à succéder à M. de Bausset sur le
siège archiépiscopal d'Aix en 1829 , il ne
fit pour ainsi dire que paraître au milieu
des fidèles de ce diocèse ; il y resta toute-
fois assez long-temps pour y donner les
preuves de son inépuisable charité, surtout
pendant l'hiver rigoureux qui précéda sa
mort. Il est décédé le 25 novembre 1830
d'une attaque d'apoplexie. Ce fut un des
prélats les plus distingués et les plus ver
tueux du 1 9* siècle.
RICHIEUD. Foyez Mouvans.
*RICHMO]VD (Charles Lennox
duc de), homme d'état, né en 1 735, hérita
en 1750 des biens et des titres de son
père , et fut reçu à la chambre des pairs
en 17 56. Il s'attacha au parti "wigh, qui
avait alors pour chef le premier duc de
Newcastle ; mais il ne prit aucune part
active aux contestations politiques qui
signalèrent la fin du règne de George II.
Occupé alors uniquement de la gloire mi-
litaire, le duc de Richmond obtint le com-
mandement d'un régiment d'infanterie ,
vint sur le continent, et se distingua en
1759 à la bataille de Minden. Rentré dans
la carrière civile en 1763, il se distingua
dans la chambre haute par la hardiesse
avec laquelle il attaqua l'administration
de lord Bute et les mesures prises par ce
374 Ric
ministre, ainsi que celle de George Gren-
ville son successeur. Le système tory
ayant été renversé en 17G5, le duc de
Richmond obtint alors la place de se-
crétaire d'état, qu'il remplit avec autant
de zèle que de talent sous l'administra-
tion du duc de Rockingbam. Mais ce nou-
veau ministre ne jouit pas long-temps de
son autorité ; il fut bientôt remplacé par
une administration composée de wighs
et de torys. Le duc de Grafton fut pen-
dant quelque temps le cbef de la nou-
velle administration; il céda ensuite sa
place à lord Nortb, qui ne perdit sa po-
pularité qu'après avoir attiré sur la
Grande- Bretagne les armes de la France,
de l'Espagne et de la Hollande , perdu
l'Amérique et doublé la dette nationale.
Le duc de Richmond , pendant ces deux
ministères, ne cessa de combattre ces
funestes projets , et resta constamment
uni au parti du marquis de Rockingbam,
qui rentra au ministère en 1782. Alors le
duc de Richmond fut nommé capitaine-
général de l'artillerie, et chevalier de
l'ordre de la Jarretière. L'année précé-
dente il avait présenté au parlement un
projet de représentation nationale , qui
fut admiré de tous les bons esprits, et
soutenu par tous les efforts de l'élo-
quence. Il en sollicita l'exécution jus-
qu'en 1784, époque oîi les comités des
villes et des comtés cessèrent de s'as-
sembler , et oii la Convention des délégués
qu'il présidait commença à se dissoudre
insensiblement. Le duc de Richmond se
démit, en 1795, de la place de grand-
maître de l'artillerie , et obtint le com-
mandement du régiment des gardes
à cheval. 11 se retira des affaires publi-
ques en 1803. Il accepta pourtant la
vice -royauté d'Irlande en 1801, et se
iit chérir des habitans ; mais il donna
sa démission en 1812, pour ne pas met-
tre à exécution les mesures de rigueur
qui lui avaient été ordonnées. Il mourut
quelque temps après son retour en An-
gleterre. Il était le protecteur des beaux
arts ; peu d'hommes l'ont égalé dans la
science de la politique et du gouverne-
ment. Ses lettres aux volontaires d'Irlande
sont écrites d'un stile clair, mâle et plein
RIC
de feu. Son mérite militaire n'est pas
aussi bien reconnu. On a tourné en ridi-
cule son système de fortification.
RICHTER (Henri-Wenceslas), né à
Prosnitz en Moravie en 1663, entra chez
les jésuites en 1668, et fut envoyé dans
les missions d'Amérique en 1684. U si-
gnala son zèle chez les sauvages qui ha-
bitent les bords du fleuve des Amazones,
jusqu'en 1696, qu'il fut tué par quel-
ques-uns que ses exhortations irritè-
rent. Nous avons de lui diverses Relations
très curieuses , pleines d'observations
savrantes, recueillies dans le Wellboleàc
Stœcklein. Le Père Emmanuel de Boye a
écrit sa Fie, Prague, 1782, in-8.
RICflTER ( Christian), médecin saxon
du 18^ siècle, a pratiqué son art avec
une réputation distinguée, et a donné au
public des ouvrages parmi lesquels on
distingue Erkenniniss des Menschen,
ou Connaissance de l'homme , un vol.
in-8, plein de bonnes observations phy-
siques et morales. Il faut voir surtout ce
qu'il dit , chap. 17, n° 36, sur l'effet de
la vertu , de la piété, et des impressions
spirituelles sur le corps , la santé , et la
physionomie de l'homme; conformé-
ment à ces paroles de l'Ecclésiastique ;
Timor Domini dans sanitatem et vitam
et benedictionem. On a , relativement au
même objet, un discours de M. Boers ,
docteur et professeur en théologie dans
l'université de Leyde, De religione prce-
claro sanitatis subsidio , 1785; et en
sens contraire , mais toujours en preuve
de la même thèse, un traité en allemand
de Daniel Langshans, sur les vices dont
t homme est puni par laper ti: de la santé',
Berne, 1774. Voyez On an, Rivault.
' RICHTER ( Auguste-Gottlob), chir-
urgien allemand, né en 1742 à Zoerbig
dans la Saxe , étudia la médecine à
Goettingue, fut reçu docteur à 22 ans en
France , en Angleterre et en Hollande.
A son retour il fut pourvu de la chaire de
chirurgie qu'il occupa avec distinction
jusqu'à l'époque de sa mort arrivée à
Goettingue en 1812. Il a publié, en alle-
mand ou en latin , plusieurs ouvrages <î
l'usage des jeunes médecins et chirur-
giens qui jouissent en Allemagne d'une
RIC
grande réputation. Les principaux sont :
\°Observationiim chirurgicarum fasci-
cuUIII, Goettingue, 1770, 1780, 3 par-
ties in- 8 ; 2° Bibliothèque chirurgicale,
en allemand, 1771-97, 15 vol. in-8 ;
3° Mémoires sur les fractures, Goettin-
gue, 177 7-85, 3 vol. in-8 , trad. en fran-
çais par Rougemont, Bonn , 1788, in-4 ;
■4» Elémens de chirurgie, Goettingue,
1782, 1804, 7 et 8 ; 5» Observations
médicales et chirurgicales, Goettingue,
1790, 1 8 1 3 , 3 vol . in-8 ; 6" Thérapeuti-
que spéciale, Berlin, 1813, 1821, 9 vol.
in-8, ouvrage posthume publié par son
fils. — Il y a plusieurs autres médecins
du même nom , notamment Jérémie Ben-
jamin, mort à Berlin en 1807, qui est
auteur d'un nouveau Journal de chimie,
de plusieurs autres ouvrages sur cette
science, et coniinxidiicvix Au. Dictionnaire
de chimie de Bourguet; et Guillaume-
Michel, professeur cniérite de l'univer-
sité de Moscou, conseiller-d'état, che-
valier de plusieurs ordres, mort dans
cette ville au commencement d'août
1822. On doit à ce dernier une Histoire
de la médecine en Russie qui atteste
les connaissances les plus étendues en cet
art.
" RICHTER ( Otto , ou Charles-Frédé-
ric ), voyageirt- russe , né à Dorpat , en
1792, se livra de bonne heure à l'étude
des langues orientales et des antiquités.
11 voyagea en Allemagne, en Suisse et en
Italie, .se rendit ensuite à Constantinople
d'où il passa en Egypte avec M. Lidmann ,
secrétaire de l'ambassade suédoise.
Tous deux pénétrèrent jusqu'en Nubie.
S'étant ensuite embarqué pour Jaffa,
ilsallèrent à Jérusalem. M. Lidmann ayant
été rappelé à Constantinople, Richter
parcourut seul la Palestine , la Syrie et
l'Asie mineure. Lorsqu'il fut de retour à
Constantinople , il apprit que l'empereur
de Russie l'avait attaché à son ambassade
de Perse. Il s'embarqua de nouveau pour
l'Asie, mais il ne put supporter les fati-
gues de ce voyage, et il mourut en 1816,
âgé à peine de 24 ans. Ses Collections
^ ses manuscrits sont très précieux : ils
9pt été envoyés à M. Ewers, son ancien
9^ître, qui a publié l'ouvrage suivant :
RIC 375
Otto Friedrich Fon Richter s, WàUfahr-
ien im Morgenlande, Berlin , 1 822 , 1 vol.
in-8, avec un atlas in-fol.
* RICHTER ( Guillaume -Michel de ),
professeur de l'université de Moskow sa
ville natale, voyagea au sortir de ses
cours en Allemagne , en France , en An-
gleterre et en Hollande (1786). Reçu
docteur en 1788, à l'université d'Erlan-
gen , il fut attaché deux ans après à l'u-
niversité de Moskow, dans laquelle il
enseigna jusqu'en 1819 les sciences phy-
sico-médicales. Sa mauvaise santé l'ayant
forcé de se retirer, il passa les trois der-
nières années de sa vie dans un cruel état
de maladie, et mourut en 1 822, à l'âge de
74 ans. Il était professeur émérite, pré-
sident de la société des sciences physico-
médicales, membre de plusieurs sociétés
savantes, médecin de l'empereur, con-
seiller d'état : il était décoré aussi de
plusieurs ordres. Le plus remarquable de
ses ouvrages est une Histoire de la mé-
decine en Russie, écrite en allemand,
1813, 1815 , 2 tomes en 3 volumes in-8.
Richter était surtout très habile dans
l'art des accouchemens.
* RICHTER (Jean -Paul -Frédéric),
littérateur allemand, connu sous les pré-
noms de/c««- PaM/,et surnommé le .S/erne
de l'Allemagne, naquit en 1 763 à Wunsie-
del dans le pays deBareuth. Il se distingua
de bonne heurepar son application, ses fa-
cultés brillantes, et aussi par un penchant
à se singulariser. Il étudia d'abord la
théologie à l'université deLeipsick ; mais
il y renonça bientôt , entraîné par son
goût pour les belles-lettres. Il composa
divers écrits qui font encore les délices
d'une grande partie de la nation alle-
mande, et qui lui ont valu des pensions
de la part du prince Primat et du roi de
Bavière, et le titre de conseiller de léga-
tion du duc de Saxe-Hildbourghausen.
W'ieland , en lisant ses premiers ouvrages,
disait ; « S'il pouvait s'assujettir aux règles
» du goût, il nous efEacerait tous. » Mais
il n'a jamais voulu s'assujettir à aucune
règle ; ses dernières productions comme
les premières renferment les beautés du
premier ordre et des pages ravissantes ;
mais d'autres endroits ne se font remar-
3;6 RIC
quer que par l'enflure de la diction,
l'exagération des idées, l'extravagance
des situations et des images. Chez lui
l'érudition dégénère souvent en pédan-
terie, l'énergie en grossièreté , le comi-
que en burlesque; et des allusions pro-
diguées avec autant de savoir que de
mauvais goût font le tourment du lec-
teur le plus instruit, tant elles sont
recherchées et souvent obscures ; aussi
Rienhold a publié un Dictionnaire à l'u-
sage de ses lecteurs. Mais nous avons an-
ticipé sur les événemens de sa vie. En
1784 il vint dans sa famille à Schwartzen-
bach, oii son père était pasteur. Ses suc-
cès le mirent en relation avec les person-
nes les plus influentes ; il épousa à Berlin
M"« Caroline Meyer, fille d'un des princi-
paux employés du gouvernement. Il s'é-
tablit en 1798 àWeimar, et quelque temps
après à Bareuth où ses instans furent
partagés entre les plaisirs du travail , le
commerce de l'amitié et le bonheur de la
vie domestique. Quelques mois avant sa
mort , il devint aveugle ; il n'en continua
pas moins ses occupations littéraires. Il
s'est éteint le H novembre 1825. Ses
principaux ouvrages sont: \° Esquisses
satiriques, Berlin, 178.3 et 1784, 2 vol.
in-8 ; 2° Les procès Groenlandais , Ber-
lin, 1783; Z° Extraits des papiers du
diable, avec un avis du juif Mendel,
1 788 ; 4° Ze vieillard jubilaire ; b° Palin-
génésie, 1798 ; 6° Ses lettreset son plan
dévie future, 1799; 1° Ses années d^é-
coliers de 1 803 à 1 305, et ses petits voya-
ges, 4 vol. in-8 ; 8" la Loge invisible,
biographie de Jean-Paul, 2 vol. in-8,
Berlin, 1793 ; 9° Hespcrus ou \b jours de
la peste aux chiens, Berlin, 1795, in-8,
2* édition 1798, une de ses productions
les plus spirituelles; 10" P^ie de Quintus
Fixlein, Bareuth, 1796, in-8, édition
augmentée , Berlin , 1 800 ; \\°la Vallée
campanienne ou de VImmortalité de
tâme, Erfurt, 1797, in-8; 2» édition,
1801; n" Titan, de 1800 à 1813, 6 vol.
in-8 , Berlin , 1 800, un des ouvrages où
Jean-Paul a montré le plus d'originalité;
1 3° Levana ou Science de Péducation,
Brunswick, 1807, 2 vol. in-8. Il a publié
en 1804 son premier ouvrage d'un genre
RIC
sérieux : l'Introduction à Visthétique àoni
la seconde édition a paru en 1814. Il
écrivit aussi sur l'histoire politique du
temps (1814), et composa à la même épo-
que ses sermons sur la paix et réchange
du trône entre Mars et Phébus. Son
dernier roman est la comète qui parut en
1 821 ; et le dernier ouvrage qu'il a publié
à Breslau peu de temps avant sa mort est
une Collection dressais critiques. On a
publié Y Esprit de Jean-Paul ou Choix
des meilleurs morceaux de ses écrits,
Weimar, 1801, 1805, 3 vol., et en 1829 on
a mis au jour les pensées de ce littéra-
teur, 1 vol. in-8. M. de Lucenay lui a
consacré dans la Revue encyclopédique,
tom. 29, pag. 875, une Notice intéres-
sante et détaillée.
RICIMER , patrice et général romain,
était, par sa mère, petit-fils de Wallia, roi
des Golhs. Il vivait dans le 5* siècle ; il
était né en Souabe et avait été élevé aux
premières dignités de l'empire. Aucun
particulier n'y avait plus de crédit et
d'autorité que lui. Il s'en prévalut pour
déposer des empereurs , qu'il faisait et
défaisait à son gré. Il ne tenait qu'à lui de
prendre la pourpre ; mais il craignait que
la qualité d'étranger ne le rendit odieux.
Après avoir assassiné l'empereur Majo-
rien l'an 461, il fit proclamera Ravenne
Libius Severus , sans se mettre en peine
du consentement de l'empereur d'Orient.
Les Vandales d'Afrique qui descendirent
en Sicile, en furent chassés ; et les Alains,
qui étaient entrés en Italie, furent
entièrement défaits par Ricimer. Libius
Severus mourut l'an 464, et Ricimer
continua à disposer de toutes choses en
Italie, et la défendit de son mieux contre
les Vandales. Anthémius , nouvel empe-
reur, lui donna sa fille eu mariage; mais
Ricimer se brouilla avec lui, le prit dans
Rome , et le fit mourir l'an 472. Il mou-
rut lui-même de maladie le 1 8 aoCit sui-
vant.
RICIUS (Paul), médecin et théologien,
Juif converti , florissait au 16* siècle. Il
était Allemand , et enseigna la philoso-
phie à Pavie avec beaucoup de réputa-
tion. L'empereur Maximilien Je mit au
nombre de ses médecins ; mais ce ne fut
RID
pas de ce côté-là qu'il se distingua. Il dut
sa principale gloire à son érudition.
Quoiqu'on ait donné de grands éloges à
sa politesse et à sa modération , il se
fit plusieurs adversaires, entre autres
Jean Eckius. Le sujet de leur dispute
était : Si les deux étaient animés ? Ri-
cius , qui tenait pour l'affirmative ,
avança à ce sujet des sentimens qui le
tirent passer pour un esprit singulier. On
a de lui un grand nombre d'ouvrages
contre les Juifs et sur d'autres matières :
\'' De cœlesti agricuIiura,hÀ\e ,ib^l,
in-fol. : Erasme en parle avec éloge dans
une de ses Epîtres; 2° Talmudica com-
mentarinla , Augsbourg , 1519, in-4 ; 3°
De LXXIII mosaicœ sanctipnis edictts,
Augsbourg, 1 5 1 5, in-4 ; 4" une Hnta?tgue,
pour animer les Allemands à entrepren-
dre la guerre cojitre ses anciens confrè-
res ; production indigne d'un savant
chrétien.
RICOBONI. rnyez VACCOBOJiu
RIDLEY (Nicolas), né en 1500 dans
le comté de Northumberland , fut élevé,
sous le règne d'Edouard VI, à l'évèché
de Rocliester, puis à celui de Londres.
Mais à l'avènement de Marie à la cou-
ronne, il fut traduit en jugement pour
son apostasie et son attachement aux
nouvelles erreurs , dont il était un des
plus fanatiques partisans, déposé et brûlé
à Oxford, le 16 octobre 1 555. On a de lui
un traité De cœnadnminica, et quelques
autres livres contre la religion catholique.
RIDLEY (Thomas), juri.sconsulte, né
à Eli en Angleterre, mort en 1 C28, est au-
teur d'une Idée des lois civiles et ecclé-
siastiques : ouvrage savant.
RIDOLFI ( Charles ), auteur et pein-
tre vénitien du 16^ siècle ( né en 1602
à Lonigo dans le territoire de Vicence ,
mort en 1660, a composé à Venise plu-
sieurs tableaux estimés). On lui doit une
Fie en italien de Jacques Robusti , dit
Tintoret. Cet ouvrage est estimé. Nous
avons encore de lui une Histoire des
peintres vénitiens , réimprimée avec des
portraits,kVenise, enl648,en2vol. in-4 :
c'est la meilleure édition.
RIDOLFO FIORAVENTI. Foyez
Alberti.
XI.
RIE 377
RIEDESEL ( Joseph-Herman de),
baron d'Eisenbach sur-Altembourg en
1740, ministre du roi de Prusse à la cour
de Vienne, s'est distingué dans la répu-
blique des lettres, par son livre intitulé :
f^oyage dans la Sicile et la Grande-
Grèce , Zurich ,1771, Paris , 1773, avec
V Histoire de la Sieile par Norvairi,
Paris, 1802, 1 vol. in-8. Riedesel est en-
core connu comme ministre plénipoten-
tiaire au congrès de la paix de Teschen.
Il mourut dans sa campagne près de
Vienne le 19 septembre 1785, à l'âge de
45 ans.
* RIEGELS, gouverneur des pages de
la cour de Copenhague, a publié la meil-
leure histoire de Danemark qui soit
connue. Il est mort en 1802, dans sa
74^ année.
*RIEGO Y NUNEZ (Don Raphaël
del), auteur de la révolution espagnole
de 1820, naquit en 17 85, à Tuna, village
du district de Tineo, dans les Asturies de
D. Eugène del Riego, gentilhomme connu
par son goût pour la poésie. Il s'enrôla
en 1808 dans les milices espagnoles qui
se levèrent pour repousser l'invasion de
Buonaparte, et fut nommé officier dans
le régiment des Asturies. Fait prisonnier
dans les premières affaires, il fut amené
en France , et durant une captivité de
plusieurs années, il étudia la langue du
pays; et la lecture des ouvrages de philoso-
phie ou de politique qu'il fit , pendant sa
captivité, l'initia aux idées libérales dont
il devait être plus tard l'un des champions
parmi ses compatriotes. Les évènemens
de 1814 lui ayant rendu la liberté, il vou-
lut visiter l'Allemagne et la capitale de
l'Angleterre avant de rentrer dans sa pa-
trie. Il y reprit du service et obtint le
grade de lieutenant-colonel dans le ré-
giment des Asturies. Son régiment ayant
été dirigé vers Cadix pour faire partie
d'une expédition contre les colonies d'A-
mérique , il profita du mécontentement
des officiers et des soldats pour lever l'é-
tendard de l'instirrection , et le 1*'" jan-
vier 1 820 il proclama , au village de Las-
Cabezas-de-San-Juan , oii était stationné
son bataillon, le rétablissement de la con-
stitution des certes de Cadix ; plusieurs
48.
378 RIE
autres régimens suivirent le mouvement
insurrectionnel. Enfin, après plusieurs al-
ternatives de succès et de revers, il se dé-
cida , pour ne pas laisser ralentir le pre-
mier élan d'enthousiasme, à diriger sa
marche vers l'intérieur de la Péninsule.
Il parvint jusqu'à Malaga ; mais atteint
par le général O'Donnel , il se vit obligé
d'accepter la bataille , quoique très infé-
rieur en nombre, et sa troupe fut com-
plètement dispersée; il parvint cepen-
dant à s'échapper avec une poignée
d'hommes prêts à se disperser, lorsqu'il
apprit que la Corogne et Madrid venaient
de proclamer la constitution et qu'elle
avait été acceptée par le roi. Alors il
poursuivit sa route avec sa petite co-
lonne , et il arriva à Madrid où il fut reçu
avec une sorte de solennité triomphale.
Le roi d'Espagne sembla rivaliser de
bienveillance pour lui avec les citoyens :
il fut créé maréchal-de-camp , puis capi-
taine général de l' Aragon. Cependant le
parti constitutionnel ne tarda pas à se di-
viser, et Riego se trouva bientôt en oppo-
sition avec le ministère qui profita d'un
mouvement démocratique qui eut lieu à
Saragosse, chef lieu de son gouvernement,
pour le destituer et l'exiler à Lérida ; mais
cette disgrâce augmenta sa popularité, et
son nom devint, parmi les Comuneros,
un cri de ralliement. Les élections de
1922 le portèrent aux Cortès, et il en fut
nommé président. Le régiment qu'il avait
commandé à Cadix eut l'honneur de défi-
ler dans la salle des séances , et le sabre
dont ce général avait fait hommage à
l'assemblée, lui fut remis afin qu'il s'en
servît contre les ennemis de la constitu-
tion. Lors du soulèvement de la garde
royale , le 7 juillet 1822 , Riego combattit
dans les rangs des miliciens, et fit triom-
pher le parti constitutionnel. A l'appro-
che de l'armée française il vota , confor-
mément à un article de la constitution ,
la suspension provisoire de l'autorité
royale, eten même temps celle de l'assem-
blée des Cortès, qui furent l'une et l'autre
remplacées par une régence durant la
translation du roi et du gouvernement
de Séville à Cadix. Le général Balesteros
ayant signé une convention avec les Fraa-
RIE
1
çais, et le général Zayas ayant perdu la
confiance du gouvernement , Riego fut
chargé de se rendre à Malaga par mer
pour y prendre le commandement des
troupes qu'il commandait, afin de faire
ensuite sa jonction avec Balesteros. II
enleva d'abord le commandement à Jayas
qu'il fit embarquer pour Cadix, et il était
parvenu par des marches rapides à rejoin-
dre les cantonnemens du premier de ces
généraux ; mais ne doutant pas , dans une
entrevue qu'il eut avec lui, qu'il trahis-
sait les Cortès, il le fit arrêter par ses sol-
dats. Son état-major qui avait embrassé
ses projets le délivra et provoqua son
armée à résister à Riego. Celui-ci, au mo-
ment d'être atteint par les Français , fut
obligé de renoncer à son entreprise et de
se retirer. Mais toujours poursuivi par
divers corps français , sa petite troupe
fut entièrement dispersée , et lui-même
blessé à la jambe se sauva sur un cheval
qu'on lui avait prêté, le sien ayant été
tué sous lui ; enfin il fut livré par ses gui-
des aux Français , jeté dans un cachot ,
puis conduit à Madrid , où il fut condamné
à perdre la vie sur un gibet, et le ju-
gement fut exécuté Je 5 novembre 1823,
au milieu d'un grand concours de peuple. •
On a publié à Paris : Procès du gênerai
R. del Jtiego, précédé d'une Notice bio-
grapliique, 1823, in-8. On peut consul-
ter aussi pour plus de détails : Mem. of
the lifeofD. Rapluiël del Riego, by a
tpanish o/jlcer, Londres, 1823, in-8.
RIENXI. Foyez Gabrim.
" RIETZ ( M»» ), connue sous le nom
decomtessede Lichtenau. était fille d'un
musicien nommé Henck, et devint la mai-
tresse de Frédéric-Guillaume H. Elle
joua un grand rùlesous son règne, et eut
l'adresse d'attirer chez elle toute la cour ;
la famille royale murmura plus d'une
fois de la nécessité d'obéir à cette fan-
taisie du monarque. Dans les derniers
momens de sa vie , elle s'était emparée
exclusivement de l'esprit de ce prince,
et ce fut avec une peine infinie que l'on
parvint à empêcher cette femme de re-
cueillir son dernier soupir. Aussitôt après
la mortdu roi, on la dépouilla de ses terres
et de ses effets de banque. Sa vaisselle d'ar-
I
RIE
gentet ses diamans furent affectés à l'ex-
tinction de ses dettes qui étaient nom-
breuses. On lui laissa seulement, à titre
de bienveillance,son mobilier et la jouis-
sance d'un revenu viager de quatre mille
ëcus ; enfin , elle fut condamnée à être
enfermée dans ja forteresse de Glogau, oîi
elle resta dix-huitmois. Elle obtint ensuite
la permission de se retirer à Breslau.
rius tard , elle revint à Berlin , où elle
vécut dans l'obscurité, et mourut presque
oubliée, le 9 juin 1 820, après avoir couru
de nouvelles aventures qui annoncèrent
son peu de délicatesse , et lui attirèrent
de nouveaux chagrins.
RIEUX ( Jean de }, maréchal de
France, fit ses premières armes dans l'ar-
mée anglaise , par le secours de laquelle
Pierre le Cruel , roi de Castille , recon-
quit une'partie de son royaume. Il s'atta-
cha depuis à la France, et servit glorieu-
sement sous Charles YI. Nommé maré-
chal de France, en 1397, il défit les
Anglais qui ravageaient la Bretagne en
1404. Des intrigues de cour le firent suS'
pendre des fonctions de sa charge en
1411, sans cependant être desititué ,
comme le disent la plupart des écrivains ;
mais il fut rétabli l'année d'après. Las
des vicissitudes de la vie de courtisan,
et accablé du poids des années , il se dé-
mit de sa dignité, le 12 août 1417, en
faveur de son fils , et se retira dans ses
terres, oii il mourut le 7 septembre de la
même année, âgé de 75 ans.
RIEUX ( Pierre de ) , seigneur de Ro-
chefort , fils du précédent, fut fait maré-
chal de France, en 1417, à la place de
son père. Destitué en 1418 par la fac-
tion bourguignonne , il se jeta dans le
parti du Dauphin (depuis Charles VU)
qu'il servit avec succès. Il défendit la
ville de Saint-Denys contre les Anglais,
en 143.=», reprit sur eux Dieppe , et leur
fit lever en 1 437 le siège de Harfleur. Mais
comme il revenait triomphant de cette
expédition à Paris, Guillaume Flavi,
capitaine de Compiègne , dévoué aux
Anglais, l'arrêta, et le tint dans une dure
prison en celte ville, où il mourut de
misère, l'an 1439.
RIEUX (Jean de), petit-neveu du
RIE 379
précédent, né en 1447, suivit François,
duc de Bretagne, l'an 1464, dans la guerre
du bien public. Il fut fait maréchal de
Bretagne, en 1470, et lieutenant-général
des armées du duché, en 1472. Les favo-
ris du duc François le forcèrent à se join-
dre aux mécontens, en 1484 ; mais étant
rentré dans le devoir, il fut nommé par
ce prince tuteur de sa fille Anne de Bre-
tagne. Il suivit Charles VIII dans la mal-
heureuse expédition de Naples, fut nom-
mé par Louis XII commandant en Bous-
sillon, et mourut en ISIS, à 71 ans.
* RIFFAUT-DES- HÊTRES (Jean-
Réné-Denys), physicien, naquit vers 1754
à Saumur d'un médecin de cette ville.
S'étant attaché à la régie des poudres et
salpêtres, il en fut nommé commissaire au
Kipault près Tours , et contribua à l'a-
mélioration et à la découverte de divers
procédés de fabrication , tendant à en di-
minuer les dangers. Le services importans
et multipliés qu'il a rendus en cette partie,
l'ont fait nommer l'un des trois adminis-
trateurs-généraux des poudres et salpê-
tres. La régie des poudres ayant été
confiée , après la restauration , à un
directeur-général pris dans le corps de
l'artillerie, Biftaut quitta cette adminis-
tration dans laquelle il avait passé plus
de 50 années. Il se livra dès lors avec
ardeur à l'étude des sciences chimiques,
et mourut à Paris le 7 février 1827. On
lui doit : 1° Manuel du commissaire dês
poudres et salpêtres , Paris , an 8 ; 2"
Système de chimie , traduit de l'anglais
de Thompson , enrichi d'observations par
BerthoUet, 1809, iu-8 ; 2* édition d'a-
près la 5' de l'ouvrage anglais , 1818,
4 vol. in-8 : avec un Supplément, 1822,
contenant les additions faites par l'au-
teur dans une 6* édition , publiée à
Londres en 1821 ; 3° Essai sur les af-
fections calculeuses , traduit de l'anglais
d'Alexandre Marcet , in-8 ; 4" Traité de
l'art de fabriquer la poudre à canon ,
Paris, 1812, 1 vol. in-4, qu'il a composé
avec Boltée de Toulmont , et qui a été
traduit en plusieurs langues ; 5" l'Art
du salpêtrier, avec le même , 1813, in-4 ;
6^ Traité pratique sur l'usage et le
mode d'application des réactifs ckimi*
38o RIG
ques fondé sur des expériences ^ traduit
de l'anglais sur la 2^ édition, 1819, in-8;
7° Chimie des gens du monde , par
Samuel Parke , traduite de l'anglais sur
la 9" édition, 1822^ 2 vol. in-8; 8"
Dictionnaire de chimie sur le plan de
celui de Nicitolson , par André Ure , tra-
duit de l'anglais sur la 9' édition , 1822-
1824 , 4 vol. in-8 , a\ec 14 planches ; 9°
Manuel théoHque et pratique du pein-
tre en bâlimens , du doreur et du ver-
nisseur, 1824, in-18, 2* édit. 182-5; 10°
Manuel théorique et pratique du bras-
seury 1825, in-18 ; 1 1" Manuelde chimie,
182o, in-18, 2* édition entièrement re-
fondue et considérablement augmentée
par A. D. Vergnaud , 1827 , in-18; 12°
Manuel de chimie amusante , ou Nou-
velles récréations chim,iques , traduit de
l'anglais d'Accum, 1825, in-18 , 2^ édit.
revue par Vergnaud, 1827; 13° Ma-
nuel complet du teinturier et du dégrais-
seur , 1825, in-18. M. C.-F. Vergnaud-
Romagnési a publié dans le tome 7 des
Annales de la société royale des sciences,
belles-lettres et arts d'Orléans , une
Notice détaillée sur Riffaut-des-Hêtres.
On trouvera la liste complète de ses ou-
vrages dins le tome 1"^, cahier des An-
nales biographiques , faisant suile à
l'Annuaire nécrologique de M. Mahul,
1827, in-8.
RIGA (Pierre de), poète, natif de
Vendôme, vivait en 1160, et fut d'abord
cliauoine et chantre de la métropole de
Reims ; il abandonna ces emplois pour se
faire chanoine régulier de Saint-Denys
dans la même ville , et mourut en 1209.
( Quelques biographes disent q^i'il mou-
rut en 1263.) ÎNous avons de lui un
poème intitulé : Aurora, publié par
D. George Galopin, moine de Saint-Guis-
lain. C'est un abrégé de la Bible en vers
élégiaques, assez bien faits pour le temps
de l'auteur.
RIGANTI( Jean-Baptiste), né à Melfi,
dans le royaume de Naples, l'an 1601,
étudia en droit à Rome, en 1675, et y fit
tant de progrès, qu'à l'âge de 22 ans le
célèbre Bandinus Fanciaticus, cardinal
prodataire, le prit pour son auditeur, em-
ploi qu'il remplit avec honneur pendant
RIG
35 ans. Sa science et ses vertus lui méri-
tèrent l'estime et la confiance de plu-
sieurs cardinaux et des savans, entre au-
tres du cardinal Lambertini, depuis pape
sous le nom de Benoit XIV, qui houorait
souvent Riganti de ses visites. Ce savant
jurisconsulte mourut à Rome le 1 7 janvier
1735. Il avait laissé des Commentaires sur
les règles de la chancellerie apostolique,
qui ont été publiés avec des notes par
Nicolas et Jean-Baptiste Riganti , ses ne
veux, Rome, 1745; Cologne, 1751, 4 vol.
in-fol.
RIGAUD (Hyacinthe), peintre, né à
Perpignan, en 1663, a été nommé, avec
justice , le F^anDyck de la France. Au-
cun peintre ne l'a surpassé pour le por-
trait. La ville de Perpignan, sa patrie, qui
jouissait depuis 1 4 7 9 du privilège de nom-
mer tous les ans un noble , voulut don-
ner à son citoyen une marque éclatante
de son estime, en le nommant. Louis XV
ajouta à cet honneur, en lui donnant de
nouvelles lettres de noblesse , le cordon
de Saint-Michel et des pensions. Rigaud
parvint aussi à la place de directeur de
l'académie de peinture , qui le perdit
en 1743, à 80 ans. Ce maître a composé
quelques tableaux d'histoire, mais en
petit nombre. Il consultait toujours la
nature avec discernement et avec choix ;
il a peint les étoffes avec un art qui va
jusqu'à séduire le spectateur. Ses couleurs
et ses teintes sont d'une vivacité et d'une
fraîcheur admirables; ses ouvrages sont
finis sans être peines. On lui reproche
d'avoir mis trop de confusion dans ses
draperies , ce qui détourne l'attention
due à la tête du portrait ; et l'on remarque
dans plusieurs tableaux de ses dernières
années , des contours secs , et un ton de
couleur qui tire sur le violet. On a beau-
coup gravé d'après cet artiste. (Rigaud
peignit tous les souverains et les plus
illustres personnages de l'Europe, où ses
jt7or/raj7.y sont répandus. Le musée de Paris
en possède plusieurs, et entre autres
ceux de Le Brun, de Mignard et de Bos-
suet. )
* RIGAUD (le baron Antoine), maré-
chal de camp , né en 1758 , entra au ser-
vice au commencement de la révolution,
RIG
fit toutes les campagnes de cette ëpoque ,
devint colonel du 25" régiment de dra-
gons,futnommécommandant delà légion-
d'honneur après la bataille d'Austerlitz ,
et général de brigade en janvier 1809.
A la restauration il reçut la croix de St.-
Louis , et fut chargé du commandement
militaire du département de la Marne ;
néanmoins, lorsqu'il apprit le débarque-
ment de Buonaparte , il employa l'argent
qu il tenait du trésor à répandre parmi
les troupes des proclamations poxir favo-
riser cette nouvelle usurpation. Enfin ,
lorsqu'il apprit qu'il avançait sur Paris ,
il foula aux pieds les lis et la croix de
St. -Louis en présence des soldats qu'il
avait rassemblés , et leur ordonna de crier
vive l empereur . Craignant toutefois d'ê-
tre enveloppé par le maréchal Victor,
il prit la route d'Epernay; mais le même
jour il revint à Châlons pour ordonner
rarreslatiou du maréchal; le 21 mars il
fit publier le rétablissement du gouver-
nement impérial , et il reprit au nom de
Buonaparte le commandement du dépar-
tement de la Marne , qu'il conserva jus-
qu'au mois de juillet 1815, qu'il fut at-
taqué parle général russe Czernitscheff,
et obligé de poser les armes devant des
forces trop supérieures. Conduit prison-
nier à Francfort, il recouvra sa liberté
après la capitulation de Paris ; mais il se
garda bien de rentrer en France. Il fut
mis en jugement , au mois de mai 1816,
devant le 2* conseil de guerre de la 1"
division militaire , et condamné à mort
par contumace. Il s'était d'abord retiré à
Saarbruck , d'oii il entretenait une cor-
respondance coupable avec les mécon-
tens de l'intérieur. Le commandant prus-
sien voulut le faire transporter à Wesel
par ordre de son gouvernement ; mais il
prévint cette mesure en se réfugiant à
Deux-Ponts , puis dans les Pays-Bas, et
enfin dans les Etats-Unis. Il est mort à la
MouTcUe - Orléans au commencement de
1821.
RIGAULT, en latin Rigaltius {Xico-
las), savant philologue, né à Paris en 1 577
d'un père médecin , fit ses études avec
distinction chez les jésuites , et plut au
jjrésident de Thou par son Funus para-
RÏG
38 1
siticum, pièce satirique contre les parasi-
tes, qu'il composa à 19 ans. Casaubon,
chargé de mettre en ordre la bibliothè-
que du roi , s'étant retiré en Angleterre,
Rigault, qui avait eu part à ses travaux,
le remplaça. Le roi, content de ses
services, le nomma procureur-général
de la chambre souveraine de Nancy ,
conseiller au parlement de Metz , enfin
intendant de cette province. Il mourut à
Toul en 1654, à 77 ans. Ses principaux
ouvrages sont : 1° des Editions de saint
Cyprien, 1648, in-fol., et de Tertullien ,
1664, in-fol,, enrichies d'observations ,
de corrections^ de notes qui servent
souvent moins à éclaircir le texte qu'à
établir les opinions particulières du sco-
liaste. (Ployez Vavasseur. ) Il prétendit
prouver , dans une de ses remarques sur
Tertullien, que « les laïques ont droit de
» consacrer l'eucharistie, en cas de néces-
3) site, lorsqu'ils ne peuvent recourir aux
» ministres ordinaires de l'Eglise. » Le
savant l'Aubespine lui prouva la fausseté
de cette assertion, et Rigault se rétracta.
11 avait d'autres sentimens peu favorables
à la croyance de l'Eglise romaine , et il
remarquait avec plus de soin que de ju-
gement dans les anciens ce qui lui pa-
raissait contraire à cette croyance.
2° Quelques Traductions d'auteurs grecs,
sans élégance et sans correction. Ces au-
teurs sont : Onosandre ( De imperatoris
institutione), 1600, in-4.... Artémidore
et Achmet '' De divinatione per somnia),
1603, in-4; 3° des Noies et des Correc-
tions sun^lasieursanleuTS gzecs et latins ;
sur Phèdre, sur Julien, sur les écrivains
De rc agraria , Amsterdam , 1674, in-4;
4" une continuation de Y Histoire du pré-
sident de Thou , en 3 livres : indigne de
cet historien , du moins pour l'élégance
du stile, mais trop bien assortie à ses
préjugés ; 5° De verbis quœ in NovelUs
Constitutionibus post Justinianuni oc-
currunt , glossarium, en 1601 , in-4;
6° De laprélation et retenue ft'ndale, en
1612, in-4 ; 7° Diatriba de Satyra Juve-
nalis, dans l'édition de ce poète, donnée
par Piobert Etienne, k Paris, en 1616, in-
1 2 ; 8° De lege venditionibus dicta, obser-
vatio ^liplex , Toul, 1643 et 1644, in-é;
382 RIG
9° Funus parasiticum, 1601, in- 4;
1 0° Auctores finium regundorum, Paris,
1614, in 4; 11° Observatio ad constitu-
lionem regiam anni 1643 ; 12" De modo
fœnori proposito, en 1545; 6Z" Observa-
tio de pabulis fundis , etc., Toul, 1651,
in-4. ( Ou trouve dans les Hommes illus-
tres qui ont paru en France pendant
Zc 14° siècle une notice sur Rigault, par
Perrault).
' RIGAULT ( Hugues ), curé de Saint-
Pierre de Naze, du diocèse d'Auxerre,
né à Paris en 1707 , mort en 1785 , est
auteur d'un ouvrage intitulé : Sanctœ
autissiodorensis ecclesiœ fastorum Car-
men libri XII, 1790, in-8.
* RIGEL( Henri- Joseph), savant com-
positeur allemand, mourut à Paris pres-
que subitement en 1799. Maître de mu-
sique du concert spirituel , et professeur
à l'école de chant et au conservatoire ,
il contribua beaucoup , dans ce dernier
établissement , au perfectionnement de
la nomenclature et des principes de l'har-
monie, sur lesquels il avait des idées
très nettes. On a de lui plusieurs sona-
tes, duo, quatuor et symphonies, qui
furent exécutés avec succès au concert
des amateurs et à l'hôtel de Soubise ;
quelques oratorio , tels que la Sortie
d'Egypte, Jephté , la Prise de Jéricho ;
plusieurs petits opéras, parmi lesquels
on remarque le Savetier et le Finan-
cier, Blanche et Vermeille , l'Auto-
mate, Lucas, le bon Fermier. Il avait
composé pour le grand opéra , Cora et
Alonzo , dont il ne put jamais obtenir la
représentation ; ce que l'on en connaît
pourtant, fait présumer que cet ouvrage
aurait pu avoir un grand succès.
RIGOLEY deJuvigny (Jean- Antoine),
était conseiller honoraire au parlement
de Metz. Citoyen paisible et vertueux ,
savantappliquéetretirc, honnête homme,
ami sûr et constant , défenseur des vrais
principes en matière de littérature et de
philosophie , il n'a cessé de travailler à
des ouvrages utiles et agréables. Outre
la nouvelle édition des Bibliothèques
françaises de La Croix du Maine et de
du Merdier , enrichie de remarques éru-
dites et importantes , il a donné, 1 " une
RIG
^Ê
édition des OEuvresdePiron,'<i\A(\ufM^
on ne peut reprocher que d'être trop
complète ; car il eût été à souhaiter que,
constant dans ses principes , l'éditeur eût
fait uu choix , qui, pour être satisfaisant
au jugement des vrais sages , supposait
un certain degré de sévérité. ( Voyez Pi-
ROK. ) 2° Vluàienrs, Mémoires et Discours
sur diverses matières , parmi lesquels
on distingue un Discours sur les pro-
grès des lettres en France, 1 vol. in- 12,
et à la tête de la Bibliothèque de du
Maine ; et une plaisanterie ingénieuse
sous le titre de Mémoire pour tâne de
Jacques Fréron de Vanvres , 1750,
in-1 2 , plusieurs fois réimprimé : les phi-
losophes n'y sont pas ménagés ; 3° De
la décadence des lettres et des mœurs ,
1787, I vol. in-8 et in-1 2. C'est surtout
dans ce dernier ouvrage que l'auteur a
peint son esprit et son cœur. ( Voyez
le Journ. hist. et littér., i" juin 1787 ,
pag. 219 ; 25 juillet, p. 393 ; 1" août,
pag. 482.) Son zèle contre les erreurs du
temps , contre la corruption du goût et
l'oubli des vérités les plus essentielles ,
enflamme son éloquence , et produit des
tableaux pleins de vigueur, qui frap-
pent et instruisent par une éloquence
mâle, noble, pleine de dignité et de
Jorce. Le philosophisme du jour en a ■
été atterré. Le petit-maître aboyeur , que 1
la secte a lâché contre le sage écrivain , *
pour opposer des sarcasmes et des pla-
titudes à ses lumineux raisonnemens ,
n'a fait que compléter son triomphe. On
a aussi de lui quelques pièces de poésies
fugitives. Il mourut le 23 février 1788.
M. Lemaire lui a fait cette épithaphe :
De principes «acres uourri des «on enfanc* ,
JuTÏgny dcPeDdit et l'Eglise et les mirurs:
Du bon goût il peignit la triste décadence :
Et de ses ennemis méprisant les clameurs.
Son iclerenllaniiua du plus noble courage.
Vous, mortels rertueux, quand Totreami o'ast plus , '^J
A (es mânes tos pleurs seraient un fdible hommage;
Cette tombe est l'autel dressé pour ses tertus ,
Où doit brûler toujours le pur encens du sage.
* RIGNOUX ( le baron Antoine ), ma-
réchal de camp , né le 17 février 1771 ,
embrassa la carrière des armes en 1791 ,
et, après avoir passé par tous les grades
inférieurs , il fut nommé chef de batail-
lon (lSo6}. Il se signala tellement à
RIG
Eylau qu'il fut nommé sur le champ de
bataille, colonel du lOS" régiment. Après
avoir fait les campagnes de Prusse et de
Pologne, il passa ensuite à l'armée d'Espa-
gne, et se distingua à la bataille d'Occana
(18 novembre 1809). et au combat de
Pozo-Alcon. Dans les montagnes de
Rouda , il Surprit les Espagnols et fit
mettre bas les armes à un corps nom-
breux dont il ramena 600 prisonniers.
Dans le mois de juin 1815 il remplit les
fonctions de cherd'Etat major du liui-
tième corps de l'armée des Pyrénées.
Mis ensuite à la demi-solde, puis à lare-
traite , il se retira dans ses propriétés à
Villenave-d'Ormon à une lieue de Bor-
deaux. C'est là qu'il est mort le 4 sep-
tembre 1832. Il avait été nommé cheva-
lier de la légion d'honneur le 14 juin 1804,
lors de la première promotion de cet
ordre , officier en 1810, et commandeur
en 1813. Louis XVill lui avait donné aussi
la croix de St. -Louis en 1814.
RIGORD ou PiiooLD, (en latin i?/grorrfM5,
Rigoltus ou Bigotus, historien, du moyen
âge }, né dans la Gothie ( aujourd'hui le
I^ingnedoc }, était médecin , historiogra-
phe du roi de France et clerc de l'abbaye
de Saint-Denys ; car à la tête de son ou-
vrage, il s'appelle Senti Dionysii clerico-
rumminimus. Il mourut le 17 novembre,
1207. Il a écrit en latin la Vie de Phi-
lippe-Auguste , dont il fut médecin. (Ce
fut lui qui le premier lui donna le titre
àî Auguste.) Ce livre, qui comprend l'in-
tervalle de 1 169 à 1209 , sous ce titre :
Gesfa Phiïippi Augusti Francorum ré-
gis , se trouve dans la collection de Du-
chesne , tome 3. Il est estimé , parce que
l'auteur a été témoin de la plupart des
faits qu'il raconte. Le stile en est assez
clair, et le latin n'en est pas mauvais. Il
y a des particularités curieuses, mais
trop de louanges ; et quoique commu-
nément les médecins ne soient pas cré-
dules , il ne laisse pas d'y avoir dans
l'ouvrage de celui-ci, parmi bien des
cl^oses vraies et décrites exactement , des
coDtes dignes du peuple. Il dit, par exem-
ple , que « depuis que la vraie croix eut
» été prise par les Turcs, les enfans n'a-
» vaient plus que 20 ou 23 dents , au lieu
Rm
383
i) qu'ils en avaient 30 ou 32 auparavant. )>
(L'histoire de Rigord a été continuée par
Guillaume le Breton. On la trouve dans
les Historiie Francorum scriptores , de
Pithou , Francfort , 1 596, in-fol ; dans la
rollection de Duchesne, t. 2 des Scrip-
tores coœtanei, dans le Recueil des histo-
riens de France , par D. Brial , t. 1 7 : le
tom. 11* de la Collection des mémoires
relatifs à Vhist. de France par Guizot ,
renferme la traduction française de cette
histoire. Enfin le tom. 8 du Recueil de
F académie des Inscriptions contientun
mémoire sur la vie de Rigord, par Sainte-
Palaye).
* RIGORD ( N. }, jésuite, né vers
1 660 , fut un littérateur très estimé ; mais
on ne connaît de lui qu'un ouvrage im-
primé après sa mort , et qui a pour titre :
Connaissance de la mythologie par
demandes et: réponses , augmentée de
traits d^histoire qui ont servi de fonde-
ment à tout le système de la Fable ,
1739. Les additions et les corrections de
ce livre sont attribuées à l'abbé d'Allain-
val et à C. -Franc. Simon. La troisième édi-
tion avec de nouvelles corrections fut
publiée par Alletz en 1748. Elle a servi
de modèle aux autres éditions , qui sont
en grand nombre.
*' RINCON ( Antonio del ) , peintre
espagnol , naquit à Guadalaxara en 1446.
Il était un des meilleurs artistes de son
siècle, et réussit également et dans l'his-
toire et dans le portrait. Il était encore
jeune lorsque les rois catholiques , Fer-
dinand et Isabelle , le nommèrent peintre
de leur chambre. Rincon fit lexirs por-
traits , qui se conservent à Madrid dans
le palais du roi, oii l'on trouve d'autres
ouvrages estimés du même peintre. Il a
aussi peint plusieurs tableaux sur des
sujets sacrés , comme celui du maître-
hôtel de l'église de Robledo de Chab,ela,
près de Tolède , et celui de Saint-Jean
de los Reyes dans cette dernière ville. Il
avait un dessin correct , beaucoup de
sagesse et d'ensemble dans la composi-
tion , et une grâce particulière pour les
draperies. Il mourut en 1500. On re-
garde Rincon comme le fondateur ou ré-
formateur de l'école espagnole. Plusieurs
^
348 RIN
de ses tableaux périrent dans l'incendie
du palais du Pardo.
* RINGHIERI ( Le Père François-
Ulysse ) , poète tragique italien , né à
Bologne , d'une famille noble d'Imola ,
fit ses études dans la première de ces
villes , et à l'âge de 1 6 ans il entra chez
les religieux du Mont-Olivet. Il remplit
la chaire de belles-lettres dans divers
couvens de son ordre, et cultiva avec
succès la poésie. Ses tragédies eurent
beaucoup de vogue; elles sont en grand
nombre , écrites d'un bon stile et pleines
d'érudition. Cependant, excepté quel-
ques scènes assez bien touchées , la plu-
part manquent d'intérêt et d'action. Elles
sont presque toutes tirées de l'Ecriture
sainte , comme Salomon , Atlialie, Es-
ther , David, etc., composées comme
les autres, depuis 1746 à 1783. Elles fu-
rent jouées dans tous les collèges d'Italie
et dans quelques théâtres publics. On en
a recueilli quinze , qu'on a imprimées à
Bergame en 1778, 4 vol. in-8. On les a
réunies à celles qu'il a faites depuis cette
époque , et elles ont eu plusieurs éditions
à Bologne, Rome, Florence, etc. Le
Père Ringhieri, membre de l'académie
de Rome et de plusieurs autres sociétés
savantes d'Italie , est mort à Imola le
7 octobre 1787.
RIINUCCIM ( Otlavio ) , poète ita-
lien de Florence, vint en France à la
suite de la reine Marie de Médicis. Il est
l'inventeur des Opéras , c'est-à-dire de la
manière de représenter en musique , avec
toutes sortes de machines et de décora-
tions, des sujets tragiques et comiques.
D'autresécrivainsattribuent cet établisse-
ment à un gentilhomme romain , nommé
Emilio del Cavalero , qui avait donné
un opéra dès 1590- Quoi qu'il en soit ,
il est certain que l'opéra ne tient en rien
à la bonne littérature et n'est d'aucun
genre.* C'est un ensemble monstrueux,
une espèce de farce parée , fruit de la dé-
cadence, du goût. ( Voyez Quixault. )
(Plusieurs auteurs assurent que nos opé-
ras modernes sont des Drames lyriques
des anciens. Il est néanmoins prouvé que
l'on chantait en déclamant dans certaines
tragédies grecques et latines. La pre-
RIO
mière pièce que donna Rinuccini fut
Daphné , puis Eurydice, dont la mu-
sique était des maîtres Péri et Caccini ;
la première fut représentée à Florence
en 1.594 , et l'on crut avoir renouvelé la
Mélopée des Grecs ). Rinuccini mourut
en 1621, à Florence; et se% OEm-res
furent publiées en 1622, dans la même
ville , in-8 , par Pierre-François Rinuc-
cini son fils. {Foyez VHist. litlér. d'Italie
par Ginguené, p. 450 et suiv,
* RIOJA ( Pierre Soto de } , poète
espagnol , né à Grenade vers 1 590, étudia
le droit à Salamanque, où il reçut le
bonnet de docteur. Pendant quelques an-
nées , il exerça la profession d'avocat à
Valladolid et à Madrid ; mais ayant pris
les ordres , il quitta le barreau , et peu de
temps après il obtint un canonicat. Il
était très lié avec Lope de Vega , qui fait
l'éloge de ce poète dans son Laurel de
À polo ( Le Laurier d'Apollon ). Outre
ses poésies légères et imprimées séparé-
ment , on a de Rioja deux ouvrages pu-
bliés par les soins de Lope de Vega , et
qui ont pour titre : 1° Dcsenganos de
amor ( Exemples pour fuir l'amour ) ,
Madrid, 1623, in-8. Rioja a mis à la
tête de ce recueil un discours ou traité
.sur la poésie en général , et plus parti-
culièrement sur la poésie castillane ,
qui est justement estimé. 2" El Cnrrn
de Faelone , poème , Le Char de Phaé-
ton ), ibid., 1639, in-8. Ces deux ouvra-
ges ont été réimprimés en Espagne, à An-
vers et à Bruxelles. Riojaestmort en 1 658 .
RIOLAN ( Jean ), médecin de la fa-
culté de Paris, né en 1539 à Amiens,
mort le 18 octobre 1605, fut un des
plus zélés défenseurs de la doctrine d'Hip-
pocrate contre les chimistes. On a de lui
divers ouvrages de médecine et d'anato-
niie , recueillis en 1610, Paris, in-fol.
Ce médecin avait une vaste littérature ;
il écrivait et il parlait avec une facilité
admirable. Ses livres sont encore con-
sultés aujourd'hui. ( Sa doctrine sur les
fièvres est dans le Tractatus de
bribus , imprimé en 1640.)
RIOLAN ( Jean ), fils du précédent,'
fut aussi docteur de la faculté de Paris, il
naquit dans cette ville en 1 677 et non pas
RIO
enlSSO, comme le dit la Biogr. univers.:
il mourut en 1657. Ilfut nommé en 1613
professeur royal en anatomie et en botani-
que, et ensuite médecin de Marie de Médi-
cis, mèredel.ouisXIU. Nous avons de Rio-
lan un grand nombre d'écrits sur l'anato-
mie, science oii il iit plusieurs découvertes
très utiles. Ils eurent beaucoup de cours
dans leur temps et sont bien écrits. Rio-
lan possédait les poètes grées et latins ,
et faisait de leurs vers des explications
fort heureuses. Il était un peu trop pré-
venu en faveur des anciens , et critiqua
amèrement les anatomistes modernes.
Ses principaux ouvrages sont : 1° Com-
paratio veteris medicinœ cum nova,
1605, in-12 ; il s'y déclare contre les
chimistes; 2" Schola anatomica , 1604 ,
in-8. Il l'augmenta et le publia à Paris,
1610, in-fol., sous le titre d'^«a/o/7ie
corporis humani ; 3° Gigantomachie ,
1613 , in-8. Il écrivit contre Habicot au/
sujet de la découverte des os du prétendu
géant Teutobochus ; ce livre ayant été
attaqué , il répondit et publia : 4° V Im-
posture découverte des os humains sup-
pose's et faussement attribués au roi
Teutobochus y Paris , 1614 ; 5° Giganto-
logie , ou Discours sur la grandeur des
géans , 1618, in-8. Ces ouvrages, avec
ceux de Hans Sioane, n'ont pas peu con-
tribué à corriger les idées populaires sur
celte matière.
* RIOS ( Charlotte-Marie de los ) na-
quit à .\nvers en 1728. Elle était d'une
famille d'origine espagnole , qui lui
donna une très bonne éducation ; mais ,
privée des biens de la fortune , Charlotte
se vit contrainte , pour exister, de se
faire institutrice dans sa patrie , et s'y
distingua par ses bonnes moeurs et par
ses connaissances. Elle a écrit plusieurs
livres sur l'éducation des enfans , parmi
lesquels on remarque : 1° Magasin des
enfans , 17*4, in-8 ; 2° Abrégé de toutes
les sciences , 1 7 7 6 , in-1 2 ; 3° Encyclo-
pédie enfantine, 1780, in-8. Tous ces
ouvrages sont écrits d'un stile pur, mais
simple , et à portée de l'intelligence des
êtres intéressans pour lesquels ils ont été
composés. \] Encyclopédie a été tra-
duite en anglais , Londres , 1781. Made-
XI.
RIO 385
moiselle de los Rios est morte dans sa pa*
trîe en juillet 1802.
* RIOUFFE ( Honoré ), né en 1764 ,
à Rouen , vint au monde à six mois. A.
l'époque de la révolution , il embrassa le
parti de la Gironde, fut poursuivi ett
1793 après la journée du 31 mai^ quitta
Paris et se réfugia à Bordeaux. Dénoncé
comme fédéraliste, il fut arrêté et envoyé
à la conciergerie ; pendant le trajet de
200 lieues qu'il fit de Bordeaux à Paris ,
il fut traité avec la plus grande barbarie
par les agens des terroristes. Oublié dans
le cachot oîi il avait été jeté , il recouvra
la liberté après la chute du parti de Ro-
bespierre. Il publia ensuite Mémoire
dun détenu pour servir à l'histoire de la
tyrannie de Robespierre, an 7 , in-8.
Après la révolution du 18 brumaire dont
il fut président et secrétaire , il devint
membre du tribunal où il fit quelques
discours en faveur de Buonaparte qui le
noinma préfet delà Côte-d'Or. Une courte
disgrâce dont nous igfnorons lés motifs
lui fit perdre sa place ; mais peu après il
fut replacé et obtint la préfecture de la
Meurthe. Sur la fin de 1813 les hôpitaux
militaires furent remplis des nombreuses
victimes des dernières campagnes : le
typhus se manifesta dans celui de Nancy;
et Riouffe périt victime de son dévoue-
ment. Atteint de la maladie qu'il avait
gagnée , en allant porter des consolations
aux soldats , que le fléau avait frappés , il
mourut le 30 décembre 1 8 1 3 . Outre l'ou-
vrage que nous avons cité , on a de lui
Poème sur la mort du duc de Brunswich,
1 7 87 ; in-8, quelques chapitres, 1 7 95,in-8,
Oraison funèbre de Jean-Baptiste Lou-
vel, dans lequel il semontrezélé partisan
de la république , 1798, in-4. Il a encore
laissé en manuscrit quelques fragmens
de traductions de Platon et de Pope , un
Commentaire sur le Ferther de Gœthe ,
des notes sur Aristote et Xénoplion, et
quelques /Kemoire.y particuliers. M. Berr
a donné une notice sur le baron Riouffe .-
on en trouve aussi un de M. Pariset dans
la Collection des mémoires relatifs à la
révolution française en tète des Mé-
moires dun détenu qui' font partie de
cette collection.
49-
RIP
RTPAMONTE ( Joseph ) , ne à Ti-
gnone , dans l^état de Milan , nommé
historiographe du roi d'Espagne , fut
prêtre du collège Amhrosien. Son ou-
vrage le plus connu est une Histoire de
V E glise de Milan ^ 1617 , etsuiv. , 4 vol.
in-4 , en latin , qui est estimée à cause
des recherches , quoiqu'elle manque quel-
quefois de critique. L'auteur mourut vers
le milieu du 17" siècle.
* RIPAULT (Louis-Madelaine) , sa-
vant philologue et antiquaire , né à Or-
léans le 29 octobre 1775, était neveu de
l'académicien Ripault-Désormeaux. Il fut
pourvu à 1 5 ans dun bénéfice ; mais la
révolution le ht renoncer à l'état ecclé-
siastique pour se livrer au commerce de
la librairie. Il vint à Paris oii ses rela-
tions avec les gens de lettres le détermi-
nèrent bientôt à suivre leur carrière. Il
travailla d'abord à la Gazette de France,
qui était dirigée à cette époque par Fié-
vée, et dont le 18 fructidor vint inter-
rompre la publication; ensuite il fut pré-
senté par Pougens pour faire partie de la
commission des sciences de l'expédition
d'Egypte, A son retour, il devint biblio-
thécaire particulier de Buonaparte, et il
s'acquitta de son emploi avec beaucoup
de zèle. L'abbé Denida lui ayant été ad-
joint , il se dégoûta de ses fonctions, et il
y renonça volontairement eu 1 807 poui'
s'occuper de l'étude des langues. Il eut
pour successeur M. A,-A. Barbier dont
nous avons eu occasion d'indiquer sou-
vent les travaux bibliographiques. Voyez
d'ailleurs son article, tome second de
cette édition. Ripault se retira au sein de
sa famille à La Ghapelle-Saint-Mesnin ,
près d'Orléans. Il y est mort le 12 juillet
1823. On a de lui : l" Description abré-
gée des principaux monumens delà Hau-
te-Egypte , 1800, in-8, traduite en al-
lemand, Coblentz, 1801 ; 2" Marc-Aurèle^
ou Histoire philosophique de l'empereur
Marc-Antonin^ ouvrage où Ton pre'sente
dans leur entier, et selon un ordre nou-
veau , les maximes de ce prince , qui ont
pour titre -. Pensées de Marc-Aurèle , de
lui-même à lui-même, en les rapportant
aux actes de sa vie publique et privée ,
Paris, 1820, 4 vol. in-8; 3° Tite Antonin
RIP
U Pieux , résumé historique ; Marc- Au-
rèle-Antonin, sommaire historique, etc.,
Paris, 1823, in-8. C'est un résumé de l'ou-
vrage précédent. Il a encore publié , en
1721 , 3 cartes dessinées pour l'histoire
de Marc- Antonin. Il avait annoncé , sous
le titre de Monumens de V histoire auré-
lienne , une collection de 1 20 planches
en 1 2 livraisons , qui devaient former
2 vol. in-folio. Ripault a laissé des ma-
tériaux considérables qu'il avait recueillis
dans le but d'arriver à la solution des
problèmes hiéroglyphiques-, pour les-
quels il avait étudié les langues sémiti-
ques , l'arabe , l'éthiopien , le cophte ,
le syriaque, et les différens dialectes de
l'hébreu.
RIPERT DE MoNCLAR ( Jean-Pierre-
François , marquis de ) , procureur-gé-
néral au parlement d'Aix , est né dans
cette ville en 1711. Il est connu par un
MémoireaniX prétend établir la souverai-
neté du roi de France à Avignon et dans
le comtat Venaissin , et par plusieurs
Plaidoyers contre les jésuites. C'est un
des suppôts de la robe qui ont le plus
fait valoir les petites chicanes du bar-
reau contre les décrets, la croyance
et les droits de l'Eglise : V appel comme
d'abus était toujours un de ses grands
moyens. Il prétendait , à l'imitation
de tous les parlementaires jansénistes ,
concilier une opposition formelle , dé-
guisée par un mot illusoire , avec le res-
pect dû à la religion et à ses pontifes.
« C'est en vérité dommage , dit un au-
» leur bien raisonnable ,que l'empereur
•> Julien , à qui on ne reproche pas d'être
j> un empereur Claude , ne se soit pas
» avisé de cette excellente ressource.
u Affectant un profond respect pour
>' J. C. , et plutôt que d'injurier Luc et
» Matthieu, il se serait contenté de
» rendre le sénat appelant comme d'abus
)' del'exécution de l'Evangile, et il aurait
Il très décemment aboli le christianisme,
» sans essayer de se faire débaptiser.
» Mais Julien n'avait pas le mérite d'un
I) Montclar ni d'tm Camus. >> Ripert re-
vint de ses erreurs, et mourut en i77'î
dans de grands sentimens de piété , après
avoir rétracté tout ce qu'il avait dit con-
i
RIP
tre le saint-Siëge et les jésuites : rétrac-
tation qui, selon ce qu'il avait désiré ,
fut publiée en chaire par le vicaire de sa
paroisse. C'est en vain que Voltaire a
essayé de répandre des nuages sur un
événement qui ne peut qu'honorer la
mémoire du célèbre magistrat. M. de la
Merlière , évêque d'Apt , en fit dresser
un procès-verbal , qu'il envoya au pape
Clément XIV.
RIPPERDA ( Jean-Guillaume , duc
de), célèbre aventurier, d'une famille
noble de la province de Groningue , et
d'origine espagnole , servit quelque
temps les états-généraux en qualité de
colonel d'infanterie. Il était revêtu de ce
grade, lorsqu'il fut nommé , en 1715,
ambassadeur de Hollande à la cour d'Es-
pagne. Son esprit adroit et insinuant
ayant plu à Philippe V , il se fixa à la
cour de Madrid en 1718, et y parvint
bientôt au faîte de la grandeur. On lui
confia le détail de la guerre , de la ma-
rine , des finances. Enfin , il eut le pou-
voir de premier ministre sans en avoir
le titre. Disgracié en 1726 , il fut ren-
fermé au château de Ségovie. Il y resta
jusqu'au 2 septembre 1728, qu'il trouva
le moyen de s'évader en Portugal. De là
il passa en Angleterre et ensuite en Hol-
lande, oii il connut l'ambassadeur de
Maroc , qui l'engagea de se rendre auprès
de Muley Abdallah , son souverain. Il se
fit circoncire , prit le nom d'Osman, et
affecta un grand zèle pour la religion
mahométane. Cependant il méditait un
nouveau système de religion, qu'il comp-
tait faire goûter au peuple. Il prétendait
que les chrétiens , les mahométans et le.s
Juifs avaient été jusqu'alors dans une
erreur presque égale ; les premiers en
attribuant trop à Jésus-Christ, les se-
conds à Mahomet, et les derniers en
n'attribuant rien à l'un nia l'autre. Selon
son système , le Messie est encore à venir.
Voilà dumoins ce que raconte l'abbé Pré-
vôt, dansletome \" Aeson Pour et contre.
Bipperda fat obligé de quitter Maroc en
1734 , également méprisé des mahomé-
tans et des chrétiens. Il mourut de cha-
grin à Tétuan en 1737. (La f^ie deRip>
perda a été publiée en français , en es-
RIQ
387
pagnol et en anglais , par trois différens
auteurs. )
RIQUET ou RiQUETi (Pierre-Paul de),
baron de Bon-Repos , né à Béziers en
1604 d'une ancienne famille originaire
de Florence , établie en Provence , et di-
visée eu deux branches , forma l'utile
projet du grand canal de Languedoc pour
la communication des deux mers , et il
eut la gloire de l'exécuter avec succès.
Mais il n'en vit pas faire le premier essai;
car il mourut à Toulouse en 1680. Cet
essai ne se fit qu'au mois de mai de l'an-
née suivante , par les soins de ses deux
fils , Jean-3ïathias de Biquet , mort pré-
sident à mortier au parlement de Tou-
louse en 1714, Pierre-Paul de Riquet ,
comte de Caraman , mort lieutenant gé-
néral des armées du roi, le25 mars 1730.
Ce canal , par lequel la Méditerranée
communique avec l'Océan , ne fut ache-
vé que sous Louis XIV. La révolution de
1789 , qui a porté la hache dans tant de
beaux ouvrages , n'a pas épargné celqi-
ci. Ployez Asdrkossy.
RIQUETI ou RiQUKTTi (Victor de) ,
marquis de Mirabeau, comte de Beau-
mont , vicomte de Saint - Matthieu ,
né à Perthuis , le 5 octobre 1715, d'une
famille originaire de Florence , et qui
s'était réfugiée en France par suite
des troubles civils du 14* siècle, se
lança de bonne heuref dans la canière
des sciences et des lettres. Fixé à Paris ,
il se lia avec le docteur Quesnay chef
de la secte des économistes , et se montra
bientôt l'un des plus zélés propagateurs
de cette doctrine dont il réunissait chez
lui tous les mardis les principaux parti-
sans. Il se fit connaître d'abord par deux
Mémoires sur les états provinciaux ;
par la Théorie de Timpôt , les JElémens
de philosophie rurale, et autres écrits
dont l'utilité publique fait l'objet : mais
celui qui lui procura le plus de célébrité
est son Ami des hommes , ouvrage plein
de vues utiles , de réflexions solidement
pTiilosophiques , de calculs politiques,
agronomiques, qui remplissent la signi-
fication de son titre ; bien éloigné de
l'esprit d'innovation et de destruction
qui agite ce siècle. Il est vrai qu'il y a quel-
m
m.
RIQ
ques vues qui ne semblent pas exactes ,
et dont l'exécution ne produirait aucun
bien ; mais elles sont rachetées par tant
de bonnes choses , que la critique semble
avoir pris à tâche de les dissimuler ainsi
que les défauts du stile. <t VAmi des
» hommes , dit l'auteur des Trois Siècles,
» trouvera toujours grâce aux yeux de la
» sévère littérature , par le bon usage
» qu'il a fait de ses talens. Qu'importe
» que son stile soit quelquefois diffus ,
» nëologique, incorrect, peu assujetti
» aux règles strictes de l'élocution ? Ne
)) suffit-il pas qu'il offre souvent des
» traits d'éloquence , de chaleur et d'élé-
» vation , qui feraient honneur à nos
» écrivains les plus exacts ? Quiconque
» peut s'assurer comme lui que le zèle du
» bien public a dirigé sa plume, doit sacri-
M fier sans peine le faible honneur d'être
» proposé pour modèle aux puristes ,
» pourvu qu'il puisse être cité comme
)> celui des bons citoyens. » La secte des
économistes lui inspira quelquefois des
idées gigantesques et fausses , et un lan-
gage boursouflé , qui ne fut jamais celui
de la vérité et de la raison. Dans l'E-
loge de François Quesnay , ou croit
voir plutôt un enthousiaste qu'un homme
solide. Il mourut à Argenteuil , le 13
Juillet 1789. — (Après cet article sur le
marquis de Mirabeau , que l'abbé de Fel-
1er n'a loué que syr le témoignage de
l'abbé Sabatier , et parce que dans un
pays étranger il ne pouvait avoir tous
les documens , nous croyons devoir en
donner iin autre qui le fasse, connaître
tel qu'il a été jugé par ses contemporains
et par la postérité. Laharpe , dans son
fragment sur les économistes, en parle
en ces termes : « Ce Mirabeau l'écono-
» miste n'avait de l'imagination méridio-
» nale que le degré d'exaltation qui tou-
V che à la folie , et prit de la folie du
V temps l'orgueilleux entêtement dçs
v opinions et une soif de renommée qu'il
}> crut acquérir en popularisant sa no-
]> blesse par des écrits sur la science ru-
» traie. Il en possédait assez pour dé-
» grader de très belles terres par des ex-
» périences de culture, et déranger une
V grande fortune par des entreprises sys-
RIQ
» tématiques et des constructions de fa-
» taisie. Il se faisait l'avocat du paysan
» dans ses livres et le tourmentait dans
» ses domaines. » Les Mémoires du
temps rapportent une foule d'anecdotes
sur ses prétentions seigneuriales. 11 écri-
vait à sa femme : Dites au cure' du Bi-
gnon ( l'une de ses terres ) de me prépa^
rer une harangue , et que sans cela je
ne verrai plus d^ habit noir ; et il exi-
gea dans une autre circonstance que le
curé de Roquelaure publiât en chaire
qu'il fallait remercier la Providence d'a-
voir donné à la contrée un maître doux
et dune race faite pour commander aux
autres hommes. Il fut accusé d'une ja-
lousie excessive des talens de son fils ,
dont il haïssait la supériorité bien plus
que les vices , et dont il aigrit le carac-
tère et précipita la violence par des per-
sécutions continuelles. Il obtint contre
sa famille cinquante-quatre lettres de
cachet, et fatigua les tribunaux de ses
scandaleux procès avec elle. Son livre
( VAmi des hommes ) est un ramas in-
digeste de choses bonnes et mauvaises ,
bonnes quand elles sont à tout le monde,
mauvaises quand elles sont à lui ; sans
plan ni méthode , le tout écrit en stile
bizarre , avec une incroyable profusion
de mots qu'il appelle sa chère et native
exubérance. Ses OEuvres, qu'on a jus-
tement appelées V Apocalypse de l'éco-
nomie politique , forment plus de 20 vo-
lumes. Nous nous bornerons à citer sa
Théorie de l'Impôt , déjà citée , qu'il ap-
pelle son chef-d'œuvre , et qui lui valut
les honneurs de la Bastille ; l'Examen
des poésies sacrées de Le Franc de
Pompignan , fastidieux et ridicule pa-
négyrique , que Pompignan eut la mala-
dresse d'insérer dans son édition in-4. Ja-
mais la louange ne fut plus hyperboli-
que et plus risible. On en jugera par un
seul trait. A propos de quelques vers
d'une ode, il assure que quiconque ne
pleure pas de ces vers ne pleurera que
d'un coup de poing. Enfin nous citerons
l'Eloge du Maître de la Science ( l'éco-
nomiste Quesnay ) , éloge d'un ridicule si
rare , que les curieux le conservent
comme un modèle de gaimatias et de
i
RIQ
stile amphigourique. Nous ajouterons
que ses ouvrages sont écrits d'un stile
emphatique, obscur , bizarre et rempli
d'un charlatanisme philanthropique qu'il
croyait propre à influencer l'opinion pu-
blique. Outre les ouvrages que nous
avons cités , nous dirons que le marquis
de Mirabeau fut un des rédacteurs du
Journal de V Agriculture , du commerce
et des finances et des éphéméridts du
citoyen avec l'abbé Baudeau. Le marquis
de Mirabeau qui prêchait si hautement
en faveur des libertés publiques, qui
étalait dans ses écrits les principes les
plus sévères de morale et de vertu , fut ,
au témoignage de tous ceux qui l'ont
connu , mauvais citoyen , mauvais époux
et mauvais père.
*RIQUETI (Gabriel-Honoré), comte de
Mirabeau , fils du précédent, naquit le 9
mars 1749 .auBignon , prèsde Nemours.
Soit que son éducation eût été négligée,
et que YAmi des hommes ne l'eût pas
été assez de son propre sang pour le
former à la vertu ; soit que son naturel
ardent, farouche et indocile, ait rendu
inutiles les leçons de son père , il se livra
de bonne heure à toutes les fougues d'une
jeunesse indomptée. Jeté tardivement
dans un pensionnat militaire, il était à
l'âge de 17 ans volontaire dans un régi-
ment de cavalerie. Renfermé dans l'île de
Rhé sur la demande de son père après
une aventure amoureuse , il rechercha
dès l'âge de 20 ans la main ou plutôt la
dot d'une demoiselle de Marignone,
riche héritière dont il dissipa , en peu
de temps , et même fort au delà , tous
les biens disponibles. Son père le fit
alors interdire et confiner sur ses terres.
Là le jeune comte trouva dans de sérieu-
ses études un aliment pour sa bouillante
activité; mais une affaire d'honneur
pour laquelle il rompit son ban , le con-
duisit bientôt de prison en prison à la
plus scandaleuse de ses aventures. L'Eu-
rope a retenti de la liaison qu'il contracta
pendant sa détention peu sévère au châ-
teau de Joux près de Pontarlier , avec
'. Sophie Ruft'ey , épouse jeune et aimable
du vieux marquis de Monnier. Tandis
qu'il fuyait avec elle eo Suisse, puis en
RIQ 389
Hollande , le parlement de Besançon , à
la requête des familles Mirabeau , Ruffey
et Monnier, le déclarait coupable de rapt
et le faisait brûler en effigie. Mirabeau
mit sa plume à contribution pour subsis-
ter ; mais l'extradition de ces deux amans
ayant été obtenue , on les enleva d'Am-
sterdam pour les conduire , Sophie alors
enceinte, dans une maison de surveillance
à Paris, et son séducteur au donjon de
Vincennes oii il passa 42 mois. C'est de
cette époque que date leur correspon-
dance que facilita M. Lenoir, et qui fut
trouvée plus tard au secrétariat de cette
administration par Manuel, officier mu-
nicipal, qui la mit au jour. Devenu libre
le comte de Mirabeau purgea sa contu-
mace ; il obtint même que les procédures
relatives à sa co- accusée fussent mises
au néant. Voulant ensuite , comme il le
disait lui-même , se re'investir de 60,000
livres de rentes, il requit juridiquement sa
femme de se rapprocher de lui ; mais un
arrêt de séparation intervint et lui ôta
toutes ses espérances. Il publia une bro-
chure intitulée : Des lettres de cachets
et des prisons d'état , ouvrage rempli
d'impostures et de fureur , quoiqu'il y
ait des détails intéressans pour ceux qui
ne savent pas qu'ils sont absolument ro-
manesques. L'auteur, ennemi forcené de
la religion , etconséquemment de l'ordre
public et de tous les biens qui en décou-
lent, prouve assez par cette brochure
combien il a mérité d'être séquestré, et
combien on a mal fait de ne pas lui ren-
dre plus long-temps justice. « Quelle
» gauche et étourdie politique , dit un
» écrivain , que celle de l'auteur de
» cette production ! En écoutant 'ses
» plaintes , et considérant précisément
» le tableau de ses malheurs , on eût pu
« le croire innocent; mais lorsqu'on
» l'entend déclamer contre des persua-
» sions qui font le fondement de toutes
j) les vertus et de tout genre d'innocence,
)) on ne peut que le considérer comme
)> un scélérat échappé à une peine illé-
» gitime peut-être , parce qu'elle était
)) trop au dessous de ses délits. » En 1 7 84
il fit un voyage en Angleterre pour y
étudier les institutions de ce pays. Il
390 RIQ
donna, en 178â, des Doutes sur la
liberté de V Escaut réclamée par l'em-
pereur, ouvrage modéré et sensément
écrit. Le Mémoire sur les actions des
eaux , publié la même année contre
Beaumarchais , contient des vues justes
parmi d'autres qui prêtent à la critique.
Un pamphlet contre la banque de Saint-
Charles lui attira , en 1 7 8^ , cette vive
apostrophe du marquis d'Astorga , l'un
des directeurs de la banque : « 11 est cer-
» tain qu'on a soudoyé, pour attaquer la
}> banque , un de ces gens dont la vie
V n'offre qu'une alternative de délits et
i> de cbàtimens , et qui emploient à dire
V du mal les instans oii ils n'en font
3> pas. » La Monarchie prussienne , qui
parut en 1788 , 8 vol. in-8 , avec un vol.
in-fol. de plans et de cartes ^ est un ou-
vrage oîi, parmi d'excellentes remarques,
parmi des critiques justes, solides, coura-
geuses , on trouve des erreurs de tous les
genres. Les coopérateurs que Mirabeau
a choisis parmi les protestaus ont donné
à leur haine contre l'Eglise catholique
un essor auquel on ne se fût point at-
tendu dans ces temps d'indifférence pour
toute religion , si on ne savait que celle-
ci a toujours été distinguée par la haine
du monde , conformément aux oracles de
son divin fondateur. Le matérialisme le
plus absolu y est déployé avec une au-
dace dont il y a peu d'exemples. Le dé-
lire y est poussé jusqu'à attribuer les
malheurs de l'homme à la croyance de son
immortalité. La CorrcspotuLance secrète
de la cour de Berlin , 1789, 2 vol. in-8 ,
provoqua des plaintes trèsvives, des cri-
tiques et des réfutations. L'auteur en fit
une espèce de désaveu, au moins quant
à. la publicité et à la forme, paraissant
toujours tenir au fond des choses. Après
avoir publié ces ouvrages et d'autres
brochures politiques , il se présenta à la
noblesse de son pays pour la députation
aux états -généraux : la noblesse fut assez
aveugle pour laisser cet athlète au peuple,
et le comte de Mirabeau fut nommé à la
fois par le tiers-état d'Aixetde Marseille.
11 opta pour la première de ces villes et
se rendit aussitôt à Paris oii il contribua à
la publication du Journal des Etats-
RIQ
Généraux qui survécut , sous la dénomi-
nation de Courrier de France, à la sen-
tence de suppression prononcée par le
conseil d'état. L'assemblée nationale ,
qui eut lieu la même année, lui donna
occasion d'étaler sans gêne toutes les
maximes philosophiques sur les rois, les
lois , l'autorité et la liberté. Mais ses ef-
forts se tournèrent particulièrement
contre la religion et le clergé. Il s'es-
crima vivement dans cette carrière si
conforme à son goût , et se distingua
avec les Chapellier , les Voidel , les Rew -
bel , les Camus , les Pélion , etc. , daus la
guerre déclarée à toutes les notions mo-
rales, politiques , juridiques , religieuses.
On a remarqué les circonstances princi-
pales dans lesquelles il a pris la parole :
c'est lorsqu'il présenta le tableau d'une
banqueroute générale , et fit adopter le
plan de finance proposé par Kecker;
lorsqu'il répondit à l'abbé Maury sur les
bons ecclésiastiques et qu'il donna son
opinion sur la constitution civile du
clergé ( la doctrine qu'il professait dans
ces deux cas était entièrement erronée).
On a remarqué son discours sur le pacte
de famille, ses deux discours sur la sanc-
tion royale , deux autres sur le droit de
faire la paix et la guerre qu'il voulait
qu'on dévolût au roi, etc. Le 16 janvier
1791 il fut nommé membre de l'admi-
nistration départementale de Paris, et le
31 du même mois président de l'assemblée
nationale. Au moment oîi il triomphait
de voir la grande œuvre achevée et l'Eglise
catholique écrasée en France, une ma-,
ladie assez courte , accompagnée de vio-
lentes convulsions , l'enleva à l'assemblée
nationale et au monde, le 2 avril 1791 ,
à l'âge de quarante-deux ans. Ses funé-
railles furent une espèce d'apothéose ;
deux ans plus tard ses restes furent exhu-
més du Panthéon par la multitude qui les
dispersa. Cette mort inattendue et arrivée
précisément dans ces circonstances, a
fait faire à bien des gens quelque retour
sur le Transivi, et ecce non erat. Psal.
36. D'autres se sont rappelé la /à/a/<<e'
des sacrilèges, dont le prolestant Spel-
man nous a laissé une si terrible his-
toire. On assure que depuis quelques
RIQ
jours il travaillait à rétablir l'autorité du
roi , et l'on prétend même qu'il avait
donné parole à une cour étrangère , que
dès que l'Eglise serait détruite , il tour-
nerait toutes ses vues sur la restauration
du trône. Quoi qu'il en soit de ces asser-
tions , l'on ne peut nier que la haine du
club des jacobins , qu'il avait encourue
depuis quelque temps , et qui a même
occasioné des bruits d'empoisonnement
et de projets d'assassinat , ne leur don-
nât quelque vraisemblance ; mais l'ou-
verture de son corps a fait connaître que
l'excès des plaisirs et la fatigue d'une vie
agitée avaient abrégé sa carrière. Ce qui
fit dire à un journaliste : Cet homme
était si méchant, qu'il a choisi pour
mourir le seul instant où il sai>ait qu il
serait regretté. En etfet, on découvrit,
en 1793 , ses intelligences secrètes avec
la cour , et la populace dispersa ses
restes On a cité à ce sujet les paroles
qu'il dit à un de ses amis peu de temps
avant sa mort : J'emporte avec moi le
deuil de la monarchie ; les factieux
vont s'en partager les lambeaux. Il pa-
rait néanmoins qu'il se flattait vainement
d'opérer une telle révolution. Indépen-
damment des arrangemens de celui qui ,
en de telles matières , fait d'autres
calculs que les hommes , il est apparent
que cette tentative en faveur du roi l'au-
raitperdu lui-même. Mirabeau s'exagérait
ses forces, et surtout les effets de sa
bruyante éloquence. On rapporte qu'il
dit en 1789 à un médecin de ses amis,
en se touchant le front -. F'oilà de ces
têtes oii il y a de quoi réformer les em-
pires. Dans une autre occasion , il dit à
M. Suleau : La Fayette a une armée ;
mais , croyez-moi , ma tête est aussi une
puissance. Propos d'une vanité ridicule,
qui supposent une faiblesse d'esprit peu
commune , et un égoïsme poussé jus-
qu'au délire. De ses discours les plus
j brillans , aucun ne soutient tes regards
d'une logique exacte ; en mettant 4es
mots à part , l'homme judicieux n'y
trouve rien de solide à recueillir, rien
qui puisse fonder la conviction. « Son
» éloquence, dit un écrivain qui était
» d'ailleurs du nombre de ses admira-
RIQ
391
I
)) leurs , était animée et pressante ; mais
u les principes étaient asservis à ses
» passions. Il se faisait redouter de tous
» les partis, même de celui qu'il servait,
" parce qu'on ne pouvait compter sur
» son opinion , et qu'on connaît cette
» maxime de la Rochefoucauld : Il y a
» dans le cœur humain une génération
» perpétuelle de passions , en .sorte que
» la ruine de l'une est presque toujours
n V établissement d'une autre qui lui est
» souvent contraire. » On sait combien
cette tête érigée ea puissance était faible
quand on l'obligeait de raisonner juste ,
et qu'on mettait ses erreurs au jour avec
dignité et avec courage. Le modeste si-
lence que celui de Mirabeau, lorsque
dans la séance du 27 novembre 1790
l'abbé Maury, après l'avoir poursuivi dans
tous ces détours , lui dit : « Remerciez
» à présent les tribunes des applaudis-
)> semens flatteurs qu'elles vous ont pro-
» digues , lorsque vous avez eula charité
» de me dénoncer à leur savante impro-
» bation , par votre désaveu. Si vous
» êtes tenté de répliquer, parlez : je vous
» cède la parole... Vous ne dites rien?...
)) Cherchez tranquillement quelque sub-
» tilité dont je puisse faire aussitôt une
» justice exemplaire Vous ne dites
» plus rien ?.... Je poursuis donc, et
» après vous avoir restitué ces mêmes
» paroles que vous avez trouvées si
)> concluantes dans votre bouche et si ri-
» dicules dans la mienne , j'attaque di-
n rectement votre argument. » Les
OEuvres de Voltaire , Helvétius , Rous-
seau, l'Encyclopédie, cette foule innom-
brable de brochures impies ou obscènes,
preque tous les ouvrages périodiques de-
venus depuis long-temps les trompettes
du philosophisme ; la peinture , la .sculp-
ture , la gravure , tous les arts asservis à
la scélératesse et à la luxure, avaient
préparé la France à la révolution, dont
Mirabeau, semblable. -i la mouche de La
Fontaine, s'attribuait l'honneur. Quel-
ques mois avant sa mort , on avait publié
sa P^ie publique et privée. Pour donner
une idée du caractère et du stile de l'ou-
vrage , nous citerons un passage de la
page 93 , où il est dit en forme de résu-
39&
RÎQ
mé : « Kiqueti ne se justifiera sur rien ,
» et il restera prouvé que dès le berceau
» il fut un méchant homme : que la na-
» ture ne réprouva jamais un fils plus
» ingrat; que l'hymen n'alluma jamais
)) son flambeau pour un époux aussi fé-
» roce ; que la vertu n'eut jamais déplus
» grand ennemi , la patrie de citoyen
» plus dangereux , les lettres de plus vil
'> écrivain , la noblesse d'apostat plus
» corrompu , la société d'hypocrite plus
'> insidieux, l'amour de plus lâche ser-
« viteur, l'amitié de fripon plus rui-
» neux , le sentiment de moqueur plus
u effronté , le libertinage de fauteur plus
» cynique , les lois divines de contemp-
» teur plus impie , les lois humaines de
» violateur plus déterminé , les empires
» de plus hardi séditieux à proscrire. »
ai. Burke , cet illustre et éloquent mem-
bre du parlement d'Angleterre, dans
une lettre à M. Woofort , aide-major de
S. M. britannique , en date du 1 1 février
1791 , n'en donne pas une idée plus fa-
vorable. (( Un de mes amis , dit M. Burke,
» arrivé nouvellement de Paris , m'a dit
u qu'il était présent à l'assemblée lorsque
» le comte de Mirabeau (je lui demande
» pardon ) , M. Riqueti , voulut bien l'é-
» gay^r en manifestant l'opinion qu'il a
» de moi. Je ne lui ferai point d'autre
)> réponse qu'en lui opposant simplement
» l'opinion qu'a de lui l'Europe entière,
» et sur laquelle je m'en rapporte à lui-
» même. J'ai le bonheur de n'avoir ja-
» mais démérité de mon souverain ; je
■» puis braver l'indignation de Riqueti ,
j> premier du nom , qui est le roi des
» Français. Je suis sous la protection des
» lois anglaises. Je ne veux m'exposer ni
» à son comité d'inquisition , ni surtout
u àsa lanterne, qui me parait infiniment
» plus dangereuse aux honnêtes gens
n que la Bastille ne l'a jamais été. Si j'a-
j» vais à vivre en France , j'aimerais in-
» finiment mieux le gouvernement de
Il Louis XVI , et je le croirais beaucoup
» plus favorable à ma liberté que celui
« de Riqueti premier. Je trouve pour-
» tant qu'après avoir été sujet si peu fi-
« dèle, il vient de se montrer envers
" moi un monarque très gracieux , lors-
RIQ
» qu'en disant tant de mal de moi , il en
" a parlé de la seule manière qui pût
u contribuer à ma satisfaction et h ma
» réputation. Etre l'objet des invectives
» de M. Riqueti , c'est un honneur auquel
» il est difficile de rien ajouter. Mirabeau
» à Bicêtre m'inspirerait de la pitié ; Mi-
» rabeau sur son trône, sur ce trône
» que les jeux de la fortune destinent
» quelquefois pour récompense à cer-
» taines actions qui conduisent commu-
'I nément à un autre terme que je ne
» veux pas nommer, n'est plus pour moi
Il qu'un objet de mépris ; car le vice
'> n'est jamais plus odieux et ne se montre
Il jamais plus vil aux yeux de la raison ,
» que lorsqu'il usure et souille la place
Il naturelle de la vertu. « Par une bizar-
rerie digne de l'inconséquente philoso-
phie, il laissa un testament, après avoir
remis à l'assemblée nationale un écrit
contre les testamens , désapprouvant ,
dans son langage exalté et empirique ,
que r homme , sortant , pour ainsi dircy
des bornes de la nature , voulût laisser
une volonté lorsqu'il n'en avait plus ,
exister lorsqu' il n était plus qu'un vain
nom , et transmettre au néant les droits
de Vexistence : comme s'il n'était pas
plus absurde et cruel de refuser à
l'homme la liberté de disposer de ."^on
bien ; de réprouver le respect que toutes
les nations, par un instinct aussi naturel
que religieux , ont toujours eu pour la
volonté sacrée des mourans ; d'encou-
rager l'indocilité et l'ingratitude des en-
fans en mettant les parens hors d'état de
les contenir ou de les punir ; d'inviter
les collatéraux et héritiers quelconques
ab intestat à des empoisonnemens, des
assassinats; d'obliger le propriétaire , le
cultivateur , à remettre le fruit de son
économie et de son travail à des gens
méprisables et odieux ; projet digne de
ce siècle et complètement assorti à ses
autres ouvrages. « Ceux qui souhai
n ront d'autres détails sur Mirabeau ,
Il un journaliste parisien , doivent coi
» sulter le testament de son père , co
Il puiser les registres criminels , dé-
>i pouiller les archives des prisons , en
1) tendre les dépositions de tous ceux
ses
tniiH
RIQ
» ont quelque connaissance des faits et
» gestes de ce premier saint de la lé-
» gende constitutionnelle. «Unpoètelui
a fait une espèce d'épitaphe en forme
d'apologue , qui contient des idées
tout-à-fait extraordinaires :
I.'Elcrnel falipué des rrimes de re monde,
El Toulant le punir par un cruel fléau ,
Becueillit un instant ta sagpsw profonde .
Puis dit à Lurirpr: Engtndre Uirabean.
Le Diable alors le lit à son image.
D'une peau dégoOtante enveloppa ses Irait* ,
Dans son esprit mit l'infemale rage .
Et dans son cœur tous les forfaits.
Mais, par les charmes do langage ,
Sur les mortels il piit tant de poutoir ,
Que le démon, dont il passa l'espoir.
Devint jaloux de son outrage ,
Et ne fil plus en lui qu'un rival odieux
Dont il crut devoir se défaire.
Il eut raison ; re monstre audarieui
Aurait fini par détrôner son père,
EoTabir les temples des dienx.
El plarer l'eufersur la terrt.
Nous nous abstiendrons d'énum«»rer les
titres de toutes ses productions; leur
liste en offrirait plusieurs désavoués par
la d»!cence. La collection des OEiunes de
Mirabeau forme plus de 40 volumes ; mais
ou nereclierche quesesrfwcoM7'.y, presque
tout le reste est tombé dans le mépris et
l'oubli qui lui était dû. Ses discours ont
été réimprimés plusieurs fois , avec plus
on moins d'étendue. On a publié, Chefs-
iCœuvreoraloires de Mirabeau ou Choix,
etc. , Paris, 1 822 , 1 82S, 2 vol. in-8 : il a
paru en 1 826 quatre éditions du discours
de Mirabeau sur Véqalité des partages
dans les successions en ligne directe ,
lu à l'assemblée nationale le jour de sa
mort par M. de Talleyrand , Paris, in-8,
et in-ii2. En 1819 on a donné ; OEuvres
oratoires de Mirabeau contenant tous les
discours, opinions et répliques, etc. , pre'-
ce'de's d'une notice historique sur sa vie
par M. Barthe , avocat, etc. , et de l'o-
raison funèbre prononcée par Ce'rutti
lors de ses funérailles , d'un parallèle
entre Mirabeau et le cardinal de Retz ,
par M. le comte de Boissy d'Anglas , et
des jugemens portés sur Mirabeau par
M. le comte Garât et Chénier, trois vo-
lumes grand in-8. M. Mérilhou;a donné
une édition des OEuvres de Mirabeau
précédée £une notice sur sa vie et ses
ouvrages , V&Tis , 1855-1827,9 volumes
XI.
Mo
SgS
in-8. Enfin M. Chaussard a publié l'ev-
prit de Mirabeau précédé aussi d'une
Notice, Paris, 1796 et 1804, 2 vol. in-8.
Laharpe a porté sur les talens oratoires
de Mirabeau un jugement exagéré : il
l'appelle le Démosthènes français. Cet
enthousiasme pour un orateur qui ne
raisonne qu'avec des sophismes , n'eut
d'ardeur que celle des passions , ne sera
pas partagé par la postérité.
* RIQÙETI ( Boniface ) , vicomte de
Mirabeau , frère du précédent , né au
Bignon , en 1754 , fut député aux états-
généraux en même temps que le fameu.i
Mirabeau. Il était entré de bonne heure
dans le service militaire, avait fait plu-
sieurs campagnes en Amérique pendant
la guerre des Etats-Unis contre l'Angle-
terre, et était parvenu an grade de co-
lonel du régiment de Touraine. Ce fut
la noblesse de la Sénéchaussée de Limoges
qui l'envoya aux états-généraux. Le vi-
comte de Mirabeau partageait les vices
de son frère ; mais , en politique , il sui-
vit une route tout opposée. .Vvec moins
de profondeur dans l'esprit et moins
d'instruction que le comte, il avait comme
lui l'art du sarcasme et les saillies les
plus vives, et il en donna plus d'une
fois des preuves dans les discussions de
la tribune. Il yparaissart rarement ; mais
il décochait de sa place des phrases pi-
quantes et qui renfermaient souvent un
grand sens. Le comte de Mirabeau parlant,
dans une discussion , de laSainl-Barlhé-
lemi , son frère ne lui dit que ce peu de
paroles : Si Voti abusa de la religion pour
opérer les meurtres de la Saint-Barthé-
lemi , des scélérats ont abusé du nom de
la liberté pour violer la demeure des
rois. Il défendit constamment l'autorité
royale , s'opposa à toutesles innovations,
et lorsque Louis XVI vint à l'assemblée
promettre fidélité à la constitution, il
sortit, et brisant son épée, il dit:
Puisqu'un roi de France ne veut plus
rêtre , un gentilhomme n'a plus besoin
de son épée pour le défendre. Toujours
en opposition avec le parti dominant de
l'assemblée , il attaqua avec énergie les
mesures qu'elle prenait pour détruire le
clergé. Comme il se livrait contre les
5o.
394 RIQ
anarchistes à des sorties violentes, ne
pouvant parvenir dans une discussion à
se faire entendre , il s'écria : T emploie-
rai dans cette discussion la logique des
poumons, puisqu'elle n'est pas moins
nécessaire dans cette assemblée que
celle du raisonnement. Le vicomte aimait
beaucoup la bonne chère et le bon vin ,
ce qui lui causa un embonpoint extraor-
dinaire , qui le At surnommer Mirabeau
Tonneau. Il paraissait quelquefois à l'as-
semblée dans un état voisin de l'ivresse ;
et son frère voulant lui faire quelques re-
présentations , il répondit : De quoi vous
plaignez-vous ? De tous les vices de la
famille vous ne m'avez laissé que celui-
là. Paroles qui s'accordent parfaitement
avec celles qu'on lui prête dans une autre
circonstance , oîi il disait : Dans toute
autre famille , je passerais pour un mau-
vais sujet et pour un Iwmme d'esprit ;
dans lamienne, on me tient pour un sol,
mais pour un homme rangé. Le régi-
ment deTouraine, dont il était colonel ,
s'étant insurgé à Perpignan en 1790, il
s'y rendit ; mais n'ayant pu y rétablir
la discipline , il repartit, emportant avec
lui les cravattes des drapeaux. Arrêté
pendant quelques jours pour cette dé-
marche hardie , il fut relâché , et sortit
de France. A peine arrivé aux froutières,
il envoya sa démission à l'assemblée,
protestant contre tout ce qu'elle avait
fait et tout ce qu'elle ferait , et leva une
légion qui acquit une grande réputation
de bravoure : cette légion fut réunie
plus tard à l'armée de Condé. Le vicomte
de Mirabeau fut compris dans le décret
rendu le deux janvier 1792 contre les
princes frères du roi et d'autres person-
nages marquans. Bon royaliste et excel-
lent militaire , le vicomte de Mirabeau
aurait pu rendre de grands services à la
cause qu'il défendait ; mais ses excès ,
autant peut-être qu'une fluxion de poi-
trine dont il fut atteint, abrégèrent ses
jours. Il mourut vers la fin de 1792, à
Fribourg en Brisgaw. Il cultiva avec
((uelques succès la poésie légère , et don-
na des chansons et des satires , où il ri-
diculisait les innovations du temps. On
a eucore de lui une brochure qui a pour
RIS
titre, Foyage national de Mirabeau
cadet , 1 790 : il raconte les excès révolu-
tionnaires , dont il faillit être la victime
pendant son voyage de Perpignan , et il
le fait avec beaucoup de verve et de
gaieté.
RISBECH ou Riesbeck (Gaspard),
né en 1750 àHoechst près de Francfort ,
eut pour père un négociant assez riche ,
qui l'envoya dans cette dernière ville
pour s'y appliquer au droit : mais une
imagination brûlante et un caractère im- |
pétueux rendirent le jeune Risbeck peu f
propre à l'étude des lois. A cette époque
régnait en Allemagne une secte dont les
principes dangereux n'ont formé que trop
de prosélytes : elle s'appelait la Secte
des génies par excellence ( Cep Geuie
Vesen }. Ses principes fondamentaux
étaient le mépris souverain des conve-
nances sociales, l'éloignement pour
toute affaire quelconque. Ses partisans
regardaient comme au dessous d'eux les
emplois , les engagemens politiques , les
fonctions qui exigent un travail suivi ;
enfin la liberté était l'idole chimérique
qu'ils encensaient, et à laquelle ils sacri-
fiaient toutesles réalités ; espèce Atsans-
culottisme qui préludait à celui de
France. Kisbeck ne fut point des derniers
a se rendre auprès de ces nouveaux Dio-
gènes ; mais il dissipa en peu de temps
le bien dont il avait hérité , et se vit ré-
duit , pour subsister , à se mettre aux ga -
ges des libraires. Il écrivit des Lettres
sur les moines , telles qu'un homme pas-
sionné et fanatique pouvait en écrire ; il . .
répandit les mêmes fureurs contre les
prêtres et les catholiques en général,
dans son Foyage d' Allemagne , traduit
en français , Paris , 1788, 3 vol. in-8.
'( Qu'on se représente , dit un bibliogra-
» phe , un jeune homme empreint de
u tous les délires du philosophisme , et ,
>> de plus, d'une forte dose de préjugés
> protestans, qui parcourt l'.Vllemagne
» à pied , dans un état à ne pouvoir guère
" fréquenter que les dernières classes de
» la société, et qui dans sa course pro-
)' nonce définitivement sur la politique.,
yi la religion , les mœurs , les cours et
» les princes ; et l'on aura une idée juste
k
RIS
« de ce voyageur. Sa grande règle est de
" trouver affreus tout ce qui est catholi-
)i que et déporter jusqu'aux nues tout ce
« qui tient ou à l'esprit de secte ou à
n l'impiété dominante du siècle, j^ Il a
consigné les mêmes écarts dans une
prétendue Histoire (t Allemagne, qu'il
laissa manuscrite. Réduit à la misère , il
s'isola dans le village d'Arau en Suisse ,
oii il ne connut plus d'autre société que
celle des cabarets , et où il mourut le 5
lévrier 1786. Dans ses ouvrages, il a pris,
ou les éditeurs lui ont donné , le titre de
baron ; mais il est certain qu'il n'était ni
baron ni noble. Voyez \eJourn. hist. et
litt., 1" avril 1788, pag. 478. (Le prince
Boris de Galitzin a publié, dans le Mer-
cure d'août 1788, une Notice fort inté-
ressante sur cet auteur.)
* RISCALTA (Pierre ] , historien , na-
quit à Pavie vers 1310, et fut un des
hommes les plus éclairés de son temps.
11 occupa plusieurs places , soit à Milan,
soit dans d'autres villes de la Lombardie,
et mourut en 1374. On lui doit une Hii-
toire de Pavie jusqu'à l'année de la mort
de l'auteur , publiéepar Christophe Pog-
giali, en 1577, 12 vol. in-4', avec un
grand nombre d'additions faites par Jac-
ques de Mois.
RISIUS ( SergiusJ , savant maronite ,
archevêque de Damas , florissait dans le
17* siècle. C'est par ses soins, par ceux de
Guadagnoli et de Pierre Golius qu'a été
publiée la Bible arabe ^ Rome, 1671.
Voyez GoLius Pierre.
RIST ( Jean), né à Pinnebergen 1607,
fut pasteur à Wedel sur rElbe,comte pa-
latin impérial et conseiller ecclésiasti-
que du duc de Meckelbourg , et mourut
en 1667 , après avoir fondé la société du
Cigne. Ses principales OEuvres sont : 1"
Hortus poeticus ; 2° Theatrum poeti-
cum; Z° Parnassus poeticus ; 4° Vindi-
ciœ Unguœ germanicœ ; 5° Musa teu
tonica; 6° un poème allemand, intitulé ;
Galate'e et Florabelle, etc.
* RISTEAU ( François } , négociant de
Bordeaux , où il naquit en 1714, fut
directeur de la compagnie des Indes.
Le roi le chargea en 1771 de négocia-
tions importantes auprès du gouverne-
RIS 395
ment anglais , et il s'en acquitta avec
honneur. Ami intime de .Montesquieu , il
ne put endurer avec patience les criti-
ques assez sévères qu'on publia contre ce
dernier au sujet de l'ouvrage auquel il
doit principalement sa réputation. Ris-
teau fit paraître à son tour une défense
énergique qui a pour titre ; Réponse aux
observations sur l'Esprit des lois , 175»,
in-12. On trouve dans cet écrit des pen-
sées justes, de l'éloquence et une logique
pressante , qui parfois persuade et acca-
ble les adversaires de Montesquieu; mais
il n'est pas partout victorieux. Risteau
mourut en 1784.
* RITCHIE ( Joseph ) , wyageur an-
glais , né en 1790 à Otley dans le York-
shire, était secrétaire du consulat anglais
à Paris , lorsqu'il apprit que son gouver-
nement , sur l'invitation du dey de Tri-
poli , se proposait d'envoyer un agent
dans l'intérieur de l'Afrique. Passionné
pour les voyages lointains , il sollicita
cet emploi , fut accepté et s'embarqua à
la fin de 1818 , avec un jeune Française
fort habile dans l'art de préparer et de
conserver les objets d'histoire naturelle.
Ils s'étaient revêtus du costume maure
pour pénétrer plus facilement dans le
pays; mais Ritchie se ressentit bientôt
de l'influence maligne du climat , et
après plusieurs mois de souffrance , il
succomba le 20 novembre 1819. Le capi-
taine Lyon, officier de marine avec lequel
il s'était embarqué à Malte , et qui lui-
même avait été fort incommodé de ce
voyage , revint en Europe , et publia k
Londres en 1821 , in-4 , le récit de cette
expédition , qui a servi à mieux faire
connaître le Fezzan. Cette" relation a été
traduite en français , mais beaucoup abré-
gée par Edme Gaultier , Paris, 1821 , 2
vol. in-18. On y trouve des détails in-
téressans sur les aventures du voyage et
sur les contrées qniont été visitées.
RITHOYIUS. Voyez Balduin.
* RITSON ( Joseph , jurisconsulte et
écrivain anglais , naquit à Stocktoni^r-
Tees en 1752. Il étudia les lois, î^SÊ^
taire au collège de justice de Gray. Il
acheta en 1 785 la chargedc bailli des im-
munités de Savoie , et dans l'un et l'au-
396 aiT
tre emploi il se fit peu aimer par son
caractère caustique et turbulent. Outre
cette liumeur irascible et peu eudurante,
c'était un homme des plus faux et des
plus dissimulés. Il avait cependant une
instruction peu commune, cultiva la
poésie avec assez de succès , et se distin-
gua surtout par une critique parfois mor-
dante , mais profonde. Il a laissé plu-
sieurs ouvrages , paimi lesquels nous ci-
terons lessuivans, savoir : 1° Observa-
I iioris sur Johnson , et sur la septième
édition de Shakespeare: 2° Examen
rapide de l'édition de Shakespeare ,de
Malone ; 3° Observations sur V Histoire
de la poésig anglaise de tVarton; -i"
Décadence de la couronne d^ Angleterre;
i>° Manuel lacédémonien ; 6" Antholo-
gie anglaise ; 7° Bibliographie poétique.
Ces ouvrages sont fort bons , et les meil-
leurs qui soient sortis de la plume de
Kitson. 8° Recueil de chansons anglai-
ses, 3 vol. j 9° Recueil de cliansons
écossaises , 2 vol. ; 10° Jîemances, 3 vol.;
11° Traité de V abstinence de la chair
des animaux. Ritsou écrivait d'un stile
assez pur , mais souvent trop concis , et
on trouve parfois dans ses productions
des idées bizarres et dignes de son carac-
tère difficile et original. Il avait entre
autres singularités celle de vouloir corri-
ger l'ortbographe anglaise, en retranchant
plusieurs diphthongues très nombreuses
dans cette langue , mais sans lesquelles
elle deviendrait inintelligible; mais heu-
reusement sa méthode n'a pus été adop-
tée. Il mourut en 1703.
RITTANGELIUS ( Jean-Etienne ), de
Forcheim , au diocèse de Bamberg , de
catholique romain était devenu juif, et
de juif il se fit luthérien , suivant quel-
ques auteurs. On a de lui des Notes sur
le livre intitulé Jezirach [ voyez Abra-
ham ) , où. il soutient que la Paraphrase
chaldaïque fournit des argumens contre
lesJuifsetcontre les antitrinitaires. Cette
proposition fut attaquée parun socinien ,
Guillaume-Henri Vorstius, qui se cacha
s<m|^ nom d'Ironopolita. Biltangelius
sè'H^ndit par un traité qu'il intitula
Libra veritatis , 1698 , et qu'il dédia à
Jean Casimir , roi de Pologne. Il mourut
RIT
ver$ 16 52, professeur en langues orien-
tales dans l'académie de Kœnigsberg.
Nous avons de lui : 1" un traité de Ve-
ritate religionis christianœ, Franeker ,
1699 ; 2° des Lettres; 3° une Traduc-
tion allemande des prières que les Juifs
font dans leurs synagogues le premier
jour de chaque année , et d'autres écrits.
* RITTEINHOUSE ( David ) , fameux
mathématicien, etmécanicien, né enl 7 32
à Germantown dans la Persylvanie , mort
en 1 796, dans la 6à ' année de son âge, a
succédé à Francklin dans la présidence de
la société américaine; et depuis l'indépen-
dance del'Amérique il exerça la charge de
trésorier de l'état. Il a imaginé un plani-
sphère qui représentait les révolutions des
corps célestes, plus complètement et plus
exactement qu'aucun autre n'avait fait
jusqu'alors. Ses instrumensde mathéma-
tiques étaient regardés comme supérieurs
à tous ceux qu'on apportait de l'Europe.
Il fut chargé en 1769 d'observer dans
la ville de Norton uu passage de Vénus ,
annoncé pour le 3 juin 1769. Il constata
aussi le passage de Mercure le 9 novem-
bre suivant , et fut nommé en 1775 l'un
des commissaires pour juger la dispute
élevée entre la Pensylvanie et la Virginie,
à l'occasion de la fixation des limites. Les
travaux de ce savant sont insérés dans les
transactions de la société américaine .
son Eloge a été publié par Ruscb, Phila-
delphie, 1797, in-8.
RITTER ou RicHTKR (Jean -Guil-
laume), physicien allemand, né en 1776
à Samitz enSilésie, d'une famille obscure
et peu riche , se consacra néanmoins à
l'étude avec une ardeur peu commune ,
et malgré son peu de moyens pécuniaires,
parvint à se faire recevoir médecin à léna;
mais il s'occupa spécialement des phéno-
mènes dits galvaniques, et de l'électricité
développée par le contact des métaux et
d'autres substances ; il a fait à ce sujet
plusieurs expériences ingénieuses , qui
lui ont ouvert eu 1 804 les portes de l'a-
cadémie de Munich. Sa mort prématurée,
arrivée le 23 janvier 1810 , fut attribuée
à son intempérance. Il ne faut pas toujours
s'en rapporter aux conséquences qu'il
déduisait de ses expériences ; car la viva-
RIU
cité de son imagination le portait souvent
à conclure bien au delà de ce que les
faits prouvaient réellement. Ritter a pu-
blié les ouvrages siiivans : \° Preuve que
Vaction de la vie est toujours accompa-
gnée de galvanisme, Weimar , 1798;
2° Contributions pour la connaissance
plus particulière du galvanisme , léna ,
J 801, 2 vol. in-8 ; 3° Mémoiies physico-
chimiques, Leipsick , 1806 , 3 vol. in-8 ;
4" Fragment tire's de la succession d'un
jeune physicien , Heidelberg , 1810, 2
vol. in-8 , et un grand nombre de Me'-
moires , Dissertations , etc. , dans le
Magasin d'histoire naturelle de Voigt ,
dans les Annales de physique de Gilbert,
dans le Journal de physique et de chimie
de Gehlen , et autres ouvrages périodi-
ques. — Il y a un autre médecin et chi-
miste allemand ( Jérémie-Benjamin ) ,
né aussi en Silésie , à Hirschberg , en
1762, mort en 1 807 , qui fut directeur de
la société pharmaceutique de Berlin , et
attaché à la manufacture de porcelaine
de cette ville. Celui-ci a public : 1° Sur
les nouveaux objets de la chimie , Bres-
lau, 1791-1802, 2 cahiersin-8 ; 2° Elé-
mens de la stœchpomttrie , ou Art de
mesurer les élcmens clUmiques , Breslau,
1792-94 , 3 vol. in-8. Il a aus.si rédigé
les tomes 3 et G , et le Supplément du
Dictionnaire de chimie , commencé par
Bourguet , et il a coopéré à plusieurs
journaux de physique et de chimie.
RITTERSHUYS (Conrad) , Ritter-
shusius , jurisconsulte de Brunswick,
est auteur et éditeur d*..a çrand nombre
d'ouvrages dans lesquels in remarque
beaucoup de critique et d'érudition. -Il
mourut à Altorf, l'an 1613 , où il était
professeur en droit. "Son fils , Nicolas
BiTTEBsnuYS , né à Altorf, en 1 597 , s'ap-
pliqua à l'élude de l'histoire des généa-
logies , des mathématiques , de la Littéra-
ture grecque et latine, et mourut eu
1670, professeur de droit féodal. On a
de lui un ouvrage intitulé : Genealogiœ
imperatorum , regum , ducum , comi-
tum, etc. Tubiugen, 1664, 7 tomes
in-fol.
RlUPÉROUX ( Théodore de ) , né à
Hontauban, en 1664, d'un avocat du roi
RIV 397
de cette ville , porta d'abord le petit
collet et obtint un canonicat à Forcal-
quier. 11 quitta ensuite l'état ecclésiasti-
que , et obtint une charge de commis-
saire des guerres. Il mourut à Paris , en
1706 , à 42 aas, laissant quatre Tragé-
dies , dont les vers sont faciles et cou-
lans, mais sans force et sans chaleur.
On a aussi de Riupéroux quelques petites
pièces de vers, telles qu'une Epitre, le
Portrait du sage , etc. , répandues dans
différens recueils. Il était secrétaire du
marquis de Créqui. Ce seigneur, devant
jouer avec le roi, avait conservé 1,000
louis pour cette occasion , qu'il mit en
dépôt entre les mains de son secrétaire ,
afin de n'être point tenté de les dissiper
ailleurs. Riupéroux les alla jouer , et les
perdit. C'était cependant l'homme qui
avait fait le Portrait du sage.
*RIVALS (Jean-Pierre), peintre et ar-
chitecte , né à la Bastide d'Anjou , en
1626 , fut élève d'Ambroise Frédeau , re-
ligieux domicilié à Toulouse. Après la
mort de ce maître , il passa en Italie, fixa
son séjour à Rome , oîi il étudia les bons
modèles, et revint à Toulouse au bout
de neuf ans. Il y fut nommé peintre et
architecte de l'hôtel-de-ville , dans le-
quel il travailla plusieurs années ; mais
on n'y trouve plus de ses ouvrages. Ils
ont été presque tous détruits par les
Vandales de 1793. Rivais fut nommé par
le roi surintendant des chemin» , ponts
et chaussées de la province. Il enrichit
de plusieurs de ses productions, alors
assez estimées , différens cabinets de la
ville de Toulouse , où l'ou remarque sur-
tout de cet artiste le beau palais de Malte,
où résidait le grand-prieur de Toulouse.
11 est mort en 1706; son fils Antoine ,
La Fage , Marc Arcis , furent ses élèves.
* RIVALS ( Antoine ), peintre, mortà
Toulouse, en 1733, âgé de* 68 ans , eut
pour maître son père, Jean-Pierre {voyez
l'article précédent ) , de Toulouse. An-
toine vint à Paris, et partit ensuite
pour l'Italie. Il remporta le premier
prix de peinture de l'académie de
Saint-Luc , à Rome , et le cardinal Al-
baai, depuis Clément XI, le couronna.
Ce maître fut appelé à Toulouse , où U
BgS RIV
remplit avec distinction les places de
son père. Il avait une touche ferme, un
pinceau vigoureux ; son dessin est cor-
rect , ses compositions ingénieuses. (Il a
laissé plusieurs tableaux estimés , la plu-
part relatifs à l'histoire de Toulouse. Il
a aussi gravé plusieurs planches avec ta-
lent, et il est mort le 7 décembre 1736.
11 y a eu plusieurs autres graveurs esti-
més du même nom et de la même famille.)
RIVARD (Dominique-François }, ma-
thématicien , né à Neufchâteau en Lor-
raine, en 1697, fit ses études à Paris,
et y obtint une chaire de pftlosophie au
collège de Beauvais, qu'il quitta en 1749
à la mort de Coffin , principal de ce col-
lège. Rivard mourut en J7,78. On voit
par ses ouvrages qu'il s'était entièrement
dévoué à sa profession ; tels sont: 1"
Institutiones philosophie œ , 1778 , 4 vol.
in-12 ; 2° Elémens de mathématiques ,
in-i ; 3° Elémens de géométrie , in-4; 4"
Traité de la sphère , in- 8 ; 5" une Gno-
monique, in-8; 6° Table des sinus, in-S; 1"
Trigonométrie rectiligne , in-8 . Ces ou-
vrages sont écrits avec clarté , quoiqu'un
peu diffus.
* RIVAROL ( Antoine , comte de } ,
écrivain spirituel , naquit le 17 avril
1757 d'une famille pauvre et obscure ,
à Bagnols , en Languedoc. Son père, ne
trouvant d'autres moyens d'existence ,
se fit aubergiste. Le jeune Rivarol , des-
tiné à l'état ecclésiastique , fut envoyé à
Avignon , et plus tard au collège de Sain-
te-Barbe ; mais son caractère , naturelle-
ment inquiet, léger et satirique, ne pou-
vait guère s'accommoder d'éludés sérieu-
ses , ni d'un état si peu fait pour ses in-
clinations. Il quitta la soutane, vint vers
1775 à Versailles, et fut pendant quelque
temps précepteur des enfans de M. Hono-
rât!. Il avait la manie des grandeurs ; et ,
pour faire oublier ou cacher son origine,
il se faisait appeler l'abbé de Parcieux ,
cl cherchait à faire croire qu'il était de la
famille du célèbre savant de ce nom ,
mort en 1766 ; mais un neveu deoelui-ci
le força bientôt à reprendre son véritable
nom. Il vint à Paris en 1784. Plusieurs
Lettres ({w'W publia sur les aérostats.
les têtes parlantes de l'abbé Mical , etc.,
RfV
lui acquirent de la réputation et le por-
tèrent à la rédaction du Mercure. Son
Discours sur l'univermlité de la langue
française fut couronné, en 1785 , par
l'académie de Berlin , oîi il fut reçu
comme membre quelque temps après.
C'est à cette occasion qu'il publia son
Epître au roi de Prusse , épître qui ob-
tint beaucoup de succès. Se livrant en-
suite ù son goût naturel pour la satire ,
il fit la guerre aux écrivains de son
temps , dans un ouvrage intitulé : Le
petit almanach de nos grands hommes ,
1788 , in-12 : ce livre fut plusieurs fois
réimprimé et toujours avec un nouveau
succès. Il n'épargnait dans ses paroles ,
comme dans ses écrits , ni ses collègues,
ni même ses amis les plus intimes. Il s'a-
visa de ridiculiser Garât , avec lequel il
travaillait au Journal de Panckoucke ;
Garât fut le plus fort , et parvint à faire
chasser son satirique adversaire. Rivarol
s'amusa à faire une critique sur le poème
des Jardins de l'abbé Delille , qu'il pu-
blia sous la forme d'un dialogue entre un
chou et un navet. En France , et à Paris
surtout, on aime à rire, et quelque éloge
qu'eût mérité le poème de Delille , le
Dialogue du chou et du navet fut trouvé
assez plaisant , et eut une vogue prodi-
gieuse. L'humeur mordante de Rivarol
lui avait fait beaucoup d'ennemis ; il ne
pouvait vivre en paix avec personne. Il
s'ennuya bientôt de sa femme, fille d'un
AnglaisétabliàParis. Celte union n'avait
pas été heureuse , et Rivarol s'en dédom-
magea en se déchaînant contre l'hymen.
Il fut cependant attaché aux bons prin-
cipes ; lors de la révolution, il se déclara
hautement pour la monarchie, et rédigea,
conjointement avec Peltier et autres , le
journal intitulé : Les Actes des apôtres.
On crut d'abord que ce dévouement de
sa part n'était pas désintéressé ; mais
l'expérience prouva dans la suite la faus-
seté de cette opinion. Trouvant le sol de
la France trop dangereux pour ceux qui
ne suivaient pas les maximes du jour , il
essaya d'émigrer ; mais il fut arrêté à Ab-
beville par la garde nationale. Il publia
alors une Relation assez piquante de son
voyage , dans laquelle il lançait plusieurs
à
RIV
Iraits contre la révolution , contre diffé-
rens démagogues qui y figuraient, et
surtout contre M . de La Fayette. Il fut plus
heureux dans sa fuite en 1 "92 , et se ré-
fugia à Hambourg, où il fut contraint de
se mettre aux gages d'un libraire , qui
le reçut chez lui et pourvut à toutes ses
dépenses. Il eut de Rivarol la promesse
solennelle qu'il s'acquitterait envers lui
par des ouvrages dont sa réputation assu-
rerait le succès. Mais le libraire voyant
qu'il ne remplissait pas cette promesse ,
lui fit connaître son mécontentement.
Rivarol partit, et lui laissa pour paiement
quelques ouvrages ébauchés qui peut-être
ne verront jamais le jour. De là il se ren-
dit à Berlin , et fut bien accueilli du
monarque et du prince Henri. 11 vivait
dans cette capitale, sinon au milieu des
richesses , au moins dans une honnête
aisance. Il regrettait cependant sa patrie,
et il écrivait à un de sesamis : «La vraie
)' terre promise est en effet la terre où
» vous êtes ; je la vois de loin , je désire
!) y revenir , et je n'y rentrerai peut-être
» jamais. » Sa prédiction s'accomplit , il
mourut à Berlin le II avril 1801 , et a
laissé: i" Discours sur V universalité de
la langue française. Si l'auteur , dans
cet ouvrage,' s'était contenté de prouver
l'universalité de celte langue par les
chefs-d'œuvre que la littérature a pro-
duits, et par le juste éloge des écrivains
illustres qui l'ont répandue par leurs ta-
lens dans toute l'Europe , on n'aurait
trouvé dans l'opinion de Bivarol rien qui
ne fût vrai el fondé sur 1 avis général de
toutes les nations policées ; mais il a
voulu critiquer les littératures des na-
tions étrangères , qu'il ne possédait pas
assez , il n'en parle par conséquent que
d'une manière très superficielle ; il fonde
en outre le mérite de la langue française
sur les défauts des autres langues , qu'il
ne connaissait pas non plus ( l'italienne
exceptée ). L'immense variété de la lan-
gue allemande , la concision énergique
de l'anglaise , la majesté de l'espagnole ,
la vigueur , la douceur et l'harmonie de
l'italienne , sont des qualités qui dispa-
raissaient à ses yeux pour n'y trouver
que des raisons de critique , ainsi que
RIV 399
sur les noms justement célèbres de Klop-
stock , Hume , Kobertson , Milton , Ma-
riana , Ferreras , Escilla , Machiavel ,
Guicciardini, Davila, l'Arioste, le Tasse,
etc. Excepté cette prévention souvent
injuste de la part de Bivarol , le reste de
son ouvrage prouve en lui l'homme de
goût , doué d'un talent peu ordinaire.
2° V Enfer , imité du Dante , Londres
( Paris ), 17.80 , in-8. Il faut une connais-
sance très approfondie de la langue ita-
lienne pour traduire fa poésie dans un
autre idiome , et encore davantage pour
comprendre plusieurs passages du poète
toscan ; les divers commentaires qu'on
trouve dans les éditions multipliées de
ce poème ne suffisent pas toujours pour
les éclaircir. Il n'est donc pas étonnant
que Rivarol , même dans une simple imi-
tation, ait commis plusieurs contre-sens,
et ait altéré parfois le véritable esprit du
poème italien . Quant à l'ouvrage français,
nous le jugeons bien écrit et digne de la
plume facile de Rivarol , qui sait peindre
et intéresser. 3° Lettre à M. Neckersur
Vimportatice des opinions religieuses ,
Berlin , 1787. Cette petite brochure fait
honneur aux principes de l'auteur. 4°
Lettre à. M. Nccker sur la morale, etc.,
même année. Ces deux Lettres ont été
réimprimées dans le tome 2 des Chefs-
d'œuvre littéraires et politiques de la fin
du 18* siècle , 1788 , 3 vol. in-8 ; 5° Pe-
tit almanach des grands hommes , 1 788,
in-12. C'est une satire violente, et trop
longue pour qu'elle puisse amuser , con-;
treles poètes médiocres de cette époque.
Ceux-ci s'en vengèrent surRivai'ol , non
seulement , dit-on , par des injures , mais
par des voies de fait , qui n'empêchèrent
cependant pas que son almanach n'eût
un grand nombre d'éditions. 6" Lettre
à la noble f se française, 1792, in-8 ,
dans laquelle l'auteur se montre un par-
fait royaliste ; 7° Fie politique de M. de
La Fayette , 1792 : 8" Prospectus d^un
nouveau dictionnaire de la langue fran-
çaise , suivi d'un discours sur les facul-
tés intellectuelles et morales des hom-
mes, Hambourg, 1797, in-8. Cet ou-
vrage, chargé de métaphores et d'images .
souvent peu justes , finit par fatiguer ,
4oo RIV
le lecteur , ainsi qu'il arrive dans bien
d'autres productions de Rivarol , qui ont
ces mêmes défauts. On raconte que le
libraire aux gages duquel il était , pour
l'obliger à finir cet ouvrage , l'enferma
chez lui et mit des sentinelles à sa porte.
9» Lettre à M. le président de ... sur le
globe aérostatique, sur les têtes parlan-
tes et sur l'état présent de l'opinion pu-
blique à Paris , Londres et Paris , 1 783 ,
in-8 ; 1 0" Parodie du songe d'Athalie ,
1787 , in-8 , qui a eu plusieurs éditions,
et dont l'une porte le nom supposé de
M. Grimod delaReynière, conjointement
avec son désaveu également supposé.
L'ouvrage en lui-même , quoique fort
bien versifié , ses notes et ce même dés-
aveu sont tous ensemble une violente sa-
tire , oii l'on remarque cependant des
traits bien dirigés. Mesdames de Genlis
et de Staël , MM. de la Reynière , Con-
dorcet , d'Alembert , Buftbn et ses conti-
nuateurs , Vicq-d'Azyr , Gaillard, Bailly,
d'Aguesseau, Beauzée, Suard, Lemierre
et toute l'académie , y sont en butte aux
sarcasmes amers de l'auteur. 11° Des
Poésies , qui ne manquent ni de verve
ni de grâce. Rivarol était , en général ,
plutôt un homme d'esprit qu'un homme
à talens ; et son esprit était même trop
épigrammatique pour que sa conversation
et ses ouvrages pussent plaire long temps.
Une grande opinion de lui-même , des
saillies mordantes , une verbosité infati-
gable , et le titre de comte que Rivarol
prit gratuitement en se faisant à lui seul
sa généalogie , lui donnèrent d'abord
entrée dans les principales maisons de
Paris , où il se fit des protecteurs , mais
oîi son humeur caustique lui fit beaucoup
d'ennemis, et où il ne reçut pas toujours
un bon accueil. La même impartialité
qui nous porte à rappeler ses défauts ,
nous oblige en même temps à rendre jus-
tice aux opinions qu'il montra dans nos
désordres politiques , et qui ne peuvent
que faire honneur à sa mémoire. On pu-
blia sa Fie, à Paris , 1 802 , 2 vol. in-1 2.
Ses différens ouvrages ont été recueillis
en 1808 , 5 vol. in-8 ; ils sont précédés
d'une Notice peu exacte sur la vie de
l'auteur. On a publié récemment le recueil
RIY
d'une Correspondance que Rivarol en-
tretenait avec Louis XVl, par l'inter-
médiaire de M. de Laporte , intendant
de la liste civile. Les Mémoires de Riva-
rol , insérés en 1824 dans la Collection
des mémoires sur la révolution , ne sont
que la réimpression du Tableau de ras-
semblée constituante que cet écrivain
avait publié en 1798. On a donné en 1808
l'Esprit de Rivarol , 2 vol. in-1 2 , avec
son portrait. Ce livre avait déjà paru en
1 802 sous le titre de Fie philosophique,
politique et littéraire de Rivarol , même
format et même nombre de volumes. En
lisant les différens écrits de Rivarol , on
est porté à prononcer sur lui le jugement
qu'a émis Dussault dans les Annales lit'
téraires ; Rivarol n'eut peut-être un
-vrai talent dans aucun genre ; mais son
esprit actif et flexible se pliait à tous les
genres.
mVAULT (David), sieur de Flu-
rance , né à Laval vers 1 57 1 , fut élevé
auprès de Guy , comte de Laval. ( Après
avoir voyagé en Italie, il accompagna en
Hongrie le comte de Laval qui fut tué
par les Turcs. Il revint en France , fut
nommé gentilhomme du roi, sous-pré-
cepteur , puis précepteur de Louis XIII),
et mourut à Tours en 1610, à 45 ans.
.Malherbe et plusieurs autres écrivains
célèbres ont parlé de Rivault avec esti-
me, et cela n'est pas étonnant, il était
bien à la cour. Il nous reste de lui quel-
ques ouvrages , qui ne justifient que fai-
blementleurs éloges. Les principaux sont:
1 " des Ëlémens d'artillerie , 1 608 , in-8 ,
qui sont rares et assez curieux ; 2° les
Etats, ès-quels il est discouru du prince, '
du noble et du tiers-état , conformément
à notre temps, 1596, in-1 2; 3° une
Édition d'Archimède, in-4; A° L'Art
d'embellir , tiré du sens de ce sacré pa-
radoxe : La sagesse de la personne em-
bellit sa face ( Sapientia hominis lucet
in Fultu ejus , et potentissimus faciem
illius commutabit (Eccles. 8) ; étendu à
toutes sortes de beautés , et es moyens
de faire que le corps retire en effet son
embellissement des belles qualités de
l'âme, 1608, in-12. Cet art n'est pas
une chimère, il est même le fondement
RIV
vrai de la science physiognostique. « On
croit , » dit un philosophe ( J.-J. Rous-
seau), que la physionomie n'est qu'un
» simple développement des traits déjà
« marqués par la nature. Pour moi , je
» penserais qu'outre ce développement ,
>' les traits du visage d'un homme vien-
j> nent insensiblement se former et pren-
» dre de la physionomie , par l'impres-
" sion fréquente et habituelle de certai-
» nés affections de l'àme. Ces affections
» se marquent sur le visage , lûen n'est
;> plus certain ; et quand elles tournent
» en habitude, elles y doivent laisser
» des impressions durables. « L'auteur
des Etudes de la nature appuie ces ob-
servations et les porte même beaucoup
plus loin, sans qu'on paisse dire que
l'expérience lui soit contraire. Après
avoir parlé de la variété extrême et de la
configuration très bigarrée des physiono-
mies, il ajoute : « Au reste , ceux qui ont
>) été défigurés par les atteintes vicieuses
» de nos éducations et de nos habitudes
» peuvent réformer lein\s traits ; et je dis
)' ceci surtout pour nos femmes qui ,
» pour en venir à bout , mettent du blanc
» et du rouge , et se font des physiono-
» mies de poupées , sans caractère. Au
» fond, elles ont raison: car il vaut
)i mieux le cacher que de montrer celui
» des passions cruelles qui souvent les
ji dévorent. Elles ont un moyen sûr de
» devenir des beautés d'une expression
» touchante. C'est d'être intérieurement
i> bonnes, douces, compatissantes, sen-
» sibles, bieufai-santes et pieuses. Ces
» affections d'une âme vertueuse impri-
» meront dans leurs traits des caractères
» célestes , qui seront beaux jusque dans
" l'extrême vieillesse. » Voyez Richter.
RIVAZ ( Pierre-Joseph de ) , né à
Saint Gingoulph dans le Valais , en 1711,
eut un goût et un talent décidés pour la
mécanique. On lui doit plusieurs inven-
tions utiles dans l'horlogerie, l'hydrauli-
que , etc. Il discuta aussi avec sagacité
quelques points d'histoire , entre antres
le Martyre de la le'gion ihtbc'enne , sur
lequel il donna des B clair cissemens ,
Paris , 1779, in-8. ( Voy. Maurice saint.)
On a encore de hii VArttiquité de la
XI.
RIV 4oï
maison de Savoie. Il mourut à Moutiers
en 1772.
* RIVE ( Jean-Joseph ), savant biblio-
graphe, né à Apt, en Provence, le 19
janvier 1 730 , d'un orfèvre de celte ville.
Il embrassa l'élat ecclésiastique, pro-
fessa la philosophie au collège de Saint-
Charles d'Avignon , et obtint la cure de
MoUèze près d'Arles. On dit qu'il en rem-
plit les fonctions d'une manière édifiante.
Quoi qu'il en soit , il quitta sa cure en
1767 , et vint à Paris, oii le duc de La
Vallière lui confia sa riche bibliothèque,
que Rive augmenta de plusieurs livres
précieux. Il s'était donné le surnom de
Bibliognosie, et son caractère , d'ailleurs
plein d'araour-propre , était si irascible
et si contrariant , que le duc , quand des
savans disputaient sur des matières his-
toriques ou bibliographiques , les mena-
çait , pour les mettre d'accord , de leur
lâcher son dogue , qui n'était jamais de
l'avis de personne. A la mort de M. de
La Vallière, la bibliothèque tomba eu
héritage à la duchesse de Châtillon , la-
quelle chargea MM. Debure et Vanpraet
d'en dresser le catalogue, ce qui blessa
fortement Rive. Il s'en vengea par de
mordantes critiques contre ces deux sa-
vans ; mais ces critiques ne méritèrent
que le mépris des gens impartiaux. Le
marquis de Méjanès ayant légué aux états
de Provence une bibliothèque considé-
rable, M. de Boisgelin, archevêque d'Aix,
proposa à Rive , au nom de ses compa-
triotes les Provençaux , d'être leur biblio-
thécaire. Rive accepta cette place; ses
prétentions exorbitantes donnèrent lieu
à d'interminables disputes , que sa pré-
sence à Aix , oïl il s'était transporté , ren-
dait encore plus difficiles à terminer. Sur
ces entrefaites, la révolution éclata ; et,
quoique intérieurement il n'en approu-
vât peut-être pas les maximes, il se mon-
tra un des plus ardens démagogues. Il se
déchaîna contre l'archevêque, qu'il appe-
lait le me'trophore BohgeUn , compromit
plusieurs citoyens estimables , poui-suivit
l'avocat Pascalis , dont on l'accuse même
d'avoir causé la mort. Lancé dans cette
sanglante carrière , on ne sait pas quand
il se serait arrêté , si une attaque d'apo-
5i.
4o2 RIV
plexie , dont il avait déjà été frappé trois
ans auparavant, ne l'eût conduit au
tombeau , en 1792 , à l'âge de soixante-
deux ans. Rive a écrit un grand nombre
d'ouvrages, savoir : 1 4 imprimés, 7 prêts
à être livrés à l'impression , et 39 qu'il
se proposait de publier. Nous nous bor-
nerons à citer les suivans : 1 ° un Dic-
tionnaire sphalmatographique , ou des
Erreurs littéraires ; 2° un Dictionnaire
des Troubadours , oîi il critique Cres-
cimbeni , Quadrio , Foncemagne , Vais-
sette , Sainte-Palaye , Millot et Papon ; 3°
des Bibliothèques française , italienne ,
cométographique , sotadique , ou perno-
graphique, pédagogique, etc.; 4° Eclair-
cissement sur les cartes à jouer, Paris,
1780, in-12; ouvrage dans lequel il attri-
bue l'invention des cartes aux Espagnols.
frayez le journal des Sai^ans, août 1780,
où Dupuy démontre le contraire. 5° Des
Mémoires sur l'imprimerie, la tachygra-
phie, la sténographie, la calligraphie, etc.
RIVERI (Cl.-Fr. Félix boulanger de).
Voyez BOUtANGKR.
RIVET ( André j, ministre calviniste,
né à Saint-Maixent en Poitou, l'an 1572,
s'acquit une grande réputation dans le
parti des calvinistes, fut chargé de leurs
affaires les plus importantes, et présida à
plusieurs de leurs synodes. Il devint pro-
fesseur de théologie dans l'université de
Leyde, et mourut à Bréda en 1651, à 78
ans. On a de lui : \^ un traité intitulé :
Criticus sacer, Dordrecht , ICI 9, in-8;
2° Commentaires sur plusieurs livres de
l'Ecriture ; 3° Instruction chrétienne
touchant les spectacles publics , les co-
médies et tragédies , où est décidée la
question s^ils doivent être permis par les
magistrats j etc., La Haye, 1639, in-12 :
livre curieux et rare ; 4" divers Traités de
controverse, et d'autres'ouvrages, recueil-
lis en 3 vol. in-fol. — Son frère, Guil-
laume Rivet , fut comme lui ministre en
France. Il est auteur d'un Traité de la
justification , et d'un autre de la liberté
ecclésiastique contre l'autorité du pape,
Genève, 1625 , in-8 : livres, qui n'ont eu
cours que chez les protestans.
RIYET DE LA Grange (Dom Antoine),
de la même famille que les précédens ,
RIV
mais d'une branche catholique, naquit à
Confolens, petite ville du Poitou, en 1683.
Il prit l'habit de bénédictin à Marmoutier
en 1704, et y fit ses vœux en 1705. Ses
supérieurs l'appelèrent à Paris l'année
suivante , pour travailler avec quelques
autres religieux à l'Histoire des hommes
illustres de Saint-Benoit. Il ramassa une
grande quantité de matériaux relatifs à
cet objet ; mais celle entreprise échoua.
Il se livra entièrement à l'Histoire litté-
raire de la France , dont il avait déjà
conçu le dessein, et qui l'a occupé toute
sa vie. Il s'associa dans ce travail trois de
ses confrères , dom Joseph Duclou , dom
Maurice Poucet et dora Jean Colomb. La
tranquillité de sa vie fut troublée par son
attachement à la mémoire et à la cause
d'Arnault et de Quesnel. Il fit imprimer,
en 1728, à Amsterdam , in- 4, le Nécro-
loge de Port-Boy al-des-Champs. La pu-
blication de cet ouvrage, jointe à la viva-
cité de son opposition à la bulle Unige-
nitus , dont il avait appelé , indisposa ses
supérieurs. Oni'obligea de se retirer dans
l'abbaye de Saint-Vincent du Mans. Il y
travailla pendant plus de 30 ans à l'His-
toire littéraire de la France. Il en fit pa-
raître le 1*' volume in-4 en 1733, et
finissait le 9*, qui renferme les premières
années du 12* siècle, lorsqu'il mourut en
1749, à 66 ans. Dom Taillandier, son con-
frère, a fait son éloge à la tête du 9* vo-
lume de l'Histoire littéraire , qui a été
poussé jusqu'au 12^. On souhaiterait que
les auteurs eussent mis plus d'élégance ,
plus decorrection et plus de légèreté dans
le stile ; qu'ils se fussent moins appesantis
sur les écrivains inconnus, et qu'ils eus-
sent rendu plus de justice à ceux qui,
sur certaines matières , ne pensaient pas
comme eux.
RIVET, ^oy es Papillon.
RIVIÈRE (Lazare), professeur de
médecine dans l'université de Montpel-
lier, sa patrie, obtint cette place en 1622,
et mourut vers 1655, âgé de 66 ans. Nous
avons de lui : 1 ° une Pratique de médecine
[Praxis medica ) , Lyon, 1657, in-fol.,
souvent consultée. Il suit Sennert pas à pas,
et souvent il en transcrit des pages entières
sans le citer; mais ce qu'il écrit de lui-
RIV
même prouve qu'il pouvait se passer de
secours étrangers. 2" Observationes me-
dicce et curationes insignes, Paris, 1646,
in-4.
RIVIÈRE ( Henri-François de la }, fils
d'un gentilhomme ordinaire de la cham-
bre du roi, naquit à Paris, et prit le parti
des armes. Il se trouva en 1664, au siège
de Gigeri en Barbarie , avec le duc de
Beaufort , dont il était aide-de-camp.
Après s'être distingué en plusieurs occa-
sions, il se retira dans une terre qu'il
avait auprès de celle qu'habitait lé comte
de Bussi-Rabutiu. Ce comte avait avec lui
Françoise-Louise de Rabutiu , sa fille ,
veuve du marquis de Coligni-Langeac.
La Rivière sut lui plaire, et l'épousa à
l'iusu de son père en 1681. Le comte,
devenu furieux à cette nouvelle , songea
à faire rompre le mariage , et engagea sa
fille à se déclarer elle-même contre son
époux. Malgré l'arrêt en faveur de La Ri-
vière, la marquise de Rabutin ne voulut
pas habiter avec lui. La Rivière tâcha de
la ramener ; mais n'ayant pu y réussir, il
se retira à l'institution de l'oratoire à
Paris , oii il mena une vie exemplaire et
édifiante, et oii il mourut en 1734, à 94
ans. Ses principaux ouvrages sont: l°des
Lettres, en 2 vol. in-12, à Paris, en 1762;
avec un Abrégé de lavie de l'auteur, et la
Relation de son procès. Ces lettres sont
écrites avec la légèreté et la délicatesse
d'un homme qui a fréquenté le grand
monde ; mais on y sent aussi le bel-esprit
précieux et maniéré, et l'on n'y apprend
presque rien. 2" Vie du chevalier Rey-
nel, 1706, in-8; 3" Vie de M. Courville ,
1719, in-8.
* RIVIÈRE ( Mathias Poncet de la ) ,
é vèque de Troyes, naquit à Paris en 1 7 07 .
Il essuya dans son diocèse divers dés-
agrémens qui le décidèrent à donner sa
démission. Il était doyen de Saint-Marcel,
lorsqu'il mourut en 1780. Ou a de lui ,
outre ses Lettres pastorales , et un Dis-
cours sur le beau , qui est inséré dans
les Recueils de l'académie de Nancy dont
il était membre , les Oraisons funèbres
de la reine de Pologne, 1742, de madame
Anne-Henriette de France , 1752 , rfe
madame Louise-Elisabeth duchesse de
RIV 4o3
Parme , 1760 , de la reine de France y
Marie-Leczinska, 1768, et du roi Louis
XV ; un Sermon prononcé pour la prise
d'habit de madame Louise aux carmélites
de Saint-Denis , estimé et traduit en es-
pagnol.
"RIVIÈRE (N. Mercier de la), célèbre
économiste, né vers 17-20 d'une famille
attachée à la finance, acquit en 1747 la
charge de conseiller au parlement de
Paris , et fut nommé peu après intendant
delà Martinique. Asonretour, il embrassa
avec ardeur les opinions de Quesnay. Il
fut l'un des rédacteurs du Journal d'a-
griculture. Il fut témoin des malheurs
de la révolution qu'il avait prédite , en
indiquant les moyens qu'il croyait pro-
pres à la prévenir ; mais il eut le bonheur
d'échapper aux proscriptions, et mourut
vers 1794. On a de lui : 1° L'ordre na-
turel et essentiel des sociétés publiques,
Paris , 1767 , in-4 , ou 2 vol. in-12. C'est
l'exposé des principes des économistes.
2° Vintértt général de l'état , ou la Li-
berté du commerce des blés , démontrée
conforme au droit naturel , etc. , avec
la réfutation d'un nouveau système, pu-
blié en forme de Dialogues sur le com-
merce des blés, 1770, in-12 ; Z'' De l'in-
struction publique , ou Considérations
morales et politiques , sur la nécessité,
la nature et la source de cette instruc-
tion , Paris, 17 75 , in-8 ; 4° Lettres sur
les économistes, in-12, sans date, 1787,
in-8 . C'est une apologie de leurs princi-
pes. 5° Lettre à MM. les députés com-
posant le comité des finances dans Vas"
semblée nationale, 1789, in-8; il y
adopte les principes de Necker ; 6" Essai
sur les maximes et les lois fondamenta-
les de la monarchie française , ou Can-
nevas d'un code constitutionnel pour
servir de suite à l'ouvrage intitulé: Les
voeux d^ un Français , 1789, in-8; 7°
Palladium de la constitution politique ,
ou Régénération morale de la France ,
1790 , in-8 ; 8° L'heureuse nation , ou
Relation du gouvernement des Féliciens,
peuple souverainement libre et heureux
sous l'empire absolu des lois , 1792 , 2
vol. in-8. Ces deux derniers ouvrages ont
été quelquefois attribués par erreur à M.
4o4 RIV
Henri de la Rivière , ainsi que la lettre à
MM. les députés.
* RIVIÈRE ( Claude-Etienne), grand-
vicaire du diocèse de Besançon , né en
J752, fut long-temps employé au minis-
tère dans les campagnes. Pendant plus
de 30 ans il travailla dans la paroisse de
Desnes près de Lons - le - Saunier , d'a-
bord comme vicaire , puis comme curé.
Il y forma une communauté d'Ursulines
qui a pris de grands accroissemeus. La
révolution avait interrompu ses travaux :
il les reprit en revenant de l'exil. En 1 81 8
il fut appelé à Besançon pour y être curé
de l'église métropolitaine , et à la mort
de M. Durand il fut choisi par M. de
Pressigny pour le remplacer dans les
fonctions de vicaire-général. Ce fut lui
qui prononça l'Oraùo/i funèbre de M. de
Fillefranéon auquel il devait survivre
peu de temps j il est mort le 1 1 juin 1828.
Pendant l'exil il avait traduit en français
un Catéchisme composé par un curé
allemand, que quelques personnes trou-
vent un peu familier , mais dont beau-
coup d'autres font cas, à cause de la
manière simple et claire dont les vérités
de la religion sont exposées aux enfans ;
il est connu sous le nom de Catéchisme
de Constance , parce qu'il avait été im-
primé danscette ville en quatre volumes.
L'abbé Rivière portait un grand intérêt à
l'institution de la Sainte-famille où l'on
élève des enfans pauvres, et où l'on forme
des maîtresses d'école pour les campa-
gnes. Les services qu'il avait rendus au
diocèse de Saint-Claude lui avaient mé.
rite le titre honorifique de vicaire-
général de cet évêché.
* RIVIÈRE ( Charles-François , mar-
quis, puis duc de ), lieutenant-général et
pair de France , né à la Ferté-snr-Cher,
en 1765 , embrassa de bonne heure l'état
militaire. Il était officier dans les gardes
françaises , lorsque , par suite de la révo-
lution , il passa à l'armée du prince de
Condé. Bientôt il s'attacha à la fortune
du comte d'Artois (depuis Charles X),
et remplit pour lui différentes missions
importantes , surtout dans la Vendée :
eu 1796 il accompagna ce prince dans
8on expédition de l'Ile-Dieu ; ayant re-
RIV
joint Charelte , il resta avec ce général
jusqu'au mois de novembre de la même
année, et retourna en Angleterre, chargé
de dépêches importantes. En un mot, il
s'associa à toutes les entreprises tentées
alors contre la France républicaine, puis
contre le chef du gouvernement consu-
laire. Arrêté en 1804 avec Pichegru,
Georges Cadoudal , les deux frères Poli-
gnac et d'autres encore , il fut mis en
jugement et condamné à mort le 10 juin
de la même année par le tribunal criminel
du département de la Seine ; mais sa fa-
mille trouva le moyen d'intéresser en sa
faveur la femme et quelques proches pa-
rens du I"^ consul, et elle obtint, non sans
difficulté, une commutation de peine.
Après avoir subi une détention de 4 ans
au fort de Joux près de Pontarlier , il fut
déporté. Le marquis de Rivière ne rentra
en France qu'en 1814. Alors il fut nommé
par Louis XVIII maréchal de camp et am-
bassadeur à Constantinople. Il était dans
le port de Marseille où les vents le rete-
naient, lorsqu'il apprit le débarquement
de Buouapartequi revenait de l'île d'Elbe.
Après avoir tenté vainement de soulever
la population du midi, il partit pour
l'Espagne , et arriva à Barcelonne le 1 6
avril 1815. Il resta dans cette ville avec
le duc d'Angoulême jusqu'au mois de
juillet : alors il monta sur l'escadre de
lord Exmouth et débarqua à Marseille ,
après la nouvelle du désastre de Water-
loo. Nommé gouverneur de la 8* divi-
sion militaire , il fit arborer le drapeau
blanc dès le 24 du même mois , et se
rendit ensuite à Toulon où le maréchal
Brune fit sa soumission. Le marquis de
Rivière revint à Paris dans le mois d'août,
et fut aussitôt créé pair de France , lieu-
tenant-général , et commandant de l'île
de Corse. Arrivé dans cette île , il fut
obligé de mettre fin aux troubles qui la
désolaient; des mesures sagement prises
la firent promptement réussir dans cette
pacification difficile. Informé que Murât,
fugitif de la Provence, cherchait un asile
dans les environs d'Ajaccio , il fit faire
des recherches si actives que cet ancien
roi , partout proscrit , quitta la Corse et
alla tenter contre Naples la folle expëdi-
i. RIV
tiojidans laquelle il perdit la vie. Rem-
placé en 1816 dans sou commandement
de l'ile de Corse , le marquis de Rivière
partit pour l'ambassade de Constanti-
nople. Le commerce de Marseille se plai-
gnit de ce que le nouvel ambassadeur
avait soucrit un tarif qui assujettissait les
négocians français dans les Echelles du
Levant à des droits deux fois et demi plus
forts que ne les payaient les autres na-
tions. Dénoncé dans la séance du 19 juin,
à la chambre des pairs, pour ce fait de né-
gligence ou d'incapacité , il fut mandé à
Paris par le général Dessoles, alors minis-
tre des affaires étrangères ; mais il n'eut
pas besoin de se justifier : ses anciens
[ services expliquaient la droiture de ses
intentions. Le marquis de Rivière re-
tourna à Constantinople ; mais il fut rap-
pelé en 1820. Quelque temps après il
fut mis à la tête de la compagnie des
gardes du corps Se Monsieur, et il en
conserva le commandement , lorsqu'elle
fut devenue, par la mort de Louis XVIII,
la 5' compagnie des gardes du corps du
roi. Il avait été créé duc et gouverneur
du duc de Bordeaux , lorsqu'il mourut en
1828. C'était un homme vertueux et fi-
dèle. On a publié des Mémoires pos-
thumes toucluint la vie et la mort de.
G.-F. duc de Rivière, Paris, 1829, in-8.
Ils sont attribués à M. de Naylies, alors
officier supérieur des gardes du corps du
roi. M. le comte de Marcellus a donné
dans FAmi de la religion du 30 avril 1 828
une Notice éloquente sur le duc de Ri-
vière, torne 56, p. 366.
* RIYIÈRE (Pierre-François-Toussaint
La), ecclésiastique et professeur, naquit
à Séez (Orne), le 13 octobre 1762, était
en 1*90 vicaire-général. Il se livra à
l'enseignement et se distingua à l'école
centrale du Calvados. Cependant il ne fut
point employé dans l'université à l'épo-
que de sa réorganisation : il ne rentra
dans ce corps qu'en 1818 où il eut une
chaire de philosophie à Clermont. Appelé
ensuite à Paris pour y remplacer M. delà
Rominière, il devint plus lard proviseur
du collège royal d'Orléans. Après avoir
rempli cette place pendant sept ans, il fut
nommé en 1827 inspecteur de l'académie
RIV
de Strasbourg. Il est mort à Montargîs (e
30 octobre 1829. Il avait été pendant
14 ans secrétaire de l'académie des Scien-
ces et belles-lettres de Caen, et a publié
en cette qualité , 3 vol. des Mémoires
de cette société. On a encore de lui : 1 "
une Grammaire élémentaire latine-fran-
çaise ; 2° une Nouvelle logique classique.
Le Licée et la Revue encyclopédique lui
ont consacré une Notice.
RIVIÈRE ( L'abbé de La ). Foyez Bar-
bier (Louis).
RIVIÈRE (La). Foyez Bailli.
RIVINUS (André ,) dont le vrai nom
éiAit Rachmann, né à Hall en Saxe, en
1 600, fut médecin, professeur de poésie et
de physiologie à Leipsick, et mourut le 4
avril 1656. Il s'est fait une réputation par
ses Remarques sur les anciens poètes
chrétiens , par des Dissertations sur di-
verses matières de littérature , et sur l'o-
rigine de l'imprimerie , publiées à Leip-
sick , sous le titre de Philo-Physiologica,
1656, in-4; et par des éditions de quel-
ques auteurs anciens, qu'il a accompa-
gnées de notes. Son Commentaire sur le
Pervigilium Feneris , qu'on trouve dans
l'édition de La Haye, 1 7 1 2, iu-8, ne faitpas
l'éloge de ses mœurs. On a encore de lui ;
1" Fêter um bonorum scriptorum de me-
dicina collectanea, 1654, in-8; 2° Myste-
ria medicophysica, 1681, in-12.
RIVINUS ( Augustus Quirinus ), fils
du précédent, né à Leipsick, professeur
de médecine et de botanique en 1652,
mourut en 1723 dans sa patrie, avec la
réputation d'un médecin habile et d'un
botaniste distingué. On lui doit la décou-
verte d'un conduit salivaire, ainsi que
l'invention d'une nouvelle méthode bota-
nique. On a de lui : 1 ° Introductio in rem
herbariam, Leipsick, 1690-99, 3 parties,
in-fol., avec fig.; ouvrage estimé dont les
exemplaires sont peu connus; 2" Ordo
plantarum quœ sunt flore irregulari mo-
nopetalo, 1690....; Tetrapctalo,l69i... ;
Pentapetalo, 1 699, in-fol., avec des figures
qui rendent fidèlement les plantes : c'est
dommage qu'il se soit borné à en faire gra-
ver les sommets ; 3° Censura medicamen-
torum officinalium, 1701, in-4 : c'est une
critique des boutiques des apothicaires qui
4o6 RIY
sont toujours surchargées de drogues inu-
tiles; 4° Dissertationes medicœ, 1710,
in-4 : c'est le recueil de ses thèses; 5° Ma-
nuductio ad chimiam pharmaceuticam ,
Nuremberg, 1718, in-8 -, 6° Notifia
morborum.
RIVIUS (Jean), luthérien allemand ,
natif d'Altedorf, fut conseiller de Georges,
duc de Saxe , puis précepteur d'Auguste,
qui fut dans la suite électeur. Il mourut
étant recteur du collège de Meissen, en
1 563, à 53 ans. On a de lui des ouvrages
de controverse, et un traité de morale sous
ce titre : De stultitia inortalium in pro-
crastina correctione vitœ, à Bâle, 1547,
in-8, plein de réflexions judicieuses, mais
communes. — Il ne faut pas le confondre
avec Rivius , médecin allemand, dont on
a \ine Introduction aux sciences néces-
saires à un architecte, Nuremberg, 1 547 ;
une Traduction de Vitnive , avec des
Commentaires, Nuremberg, 1548, et
plusieurs ouvrages de médecine.
RIVIUS (Jean), religieux augustin,
né à Louvain en 1699, fils de l'imprimeur
Gérard Rivius , fut prieur et provincial
dans son ordre , et mourut à Ratisbonne
le l" novembre 1665. On a de lui :
1 " une yie de saint Augustin , qui a
beaucoup servi à Tillemont. Rivius l'a
puisée dans les écrits de ce Père et dans
les auteurs contemporains. Ou le blâme
cependant de ce qu'il a osé traiter
(p. 519) de semi-pélagiens les théologiens
qui admettent en Dieu , depuis la chute
d'Adam, un décret de donner à tout
homme des secours suffisans pour faire
son salut. V Index , d'accord avec la rai-
son et la bonne théologie , désigne cette
assertion comme devant être retranchée.
On doute aussi très fort qu'il ait réussi à
prouver que saint Augustin savait le grec
et l'hébreu. Les ouvrages de ce saint
docteur déposent contre cette assertion ;
on y voit qu'il n'avait qu'une connais-
sance médiocre du grec et aucune de
l'hébreu. 2° Rerum Francicarum déca-
des quatuor, imperii Belgarum exor-
dium , progressus ad annum 1 500 ,
Louvain, 1651, iu-4. Il n'y flatte point
les Français. 3" Poemata , Anvers ,
1629; 4" Diarium obsidionis lovanien'
RIZ
sis^ anno 1635, Louvain, 1635, in-4, etc.
RIVO (Raoul a) ou du Ruisseau, né k
Brée , petite ville de la principauté de
Liège, dans le 1 3* siècle, alla étudier les
langues savantes à Rome. Sa science et
ses vertus rélevèrent à la dignité de
doyen de l'église collégiale de Tongres.
Il fonda le monastère de Corsendonc , et
donna aux religieux de cette maison une
règle conforme aux anciens canons. Il
mourut l'an 1 403. On a de lui : \° Traite
de Vobservation des canons , Cologne ,
1568, Rome, 1590, dans la Bibliothèque
des Pères , tome 6*, édition de Paris , et
tome 14*, édition de Cologne ; i" Histoire
des évêques de Liège, depuis l'an 1347,
jusqu'à l'an 1389, dans la collection de
Chapeauville ; 3" Calendrier ecclésiasti-
que , Louvain , 1 568 ; 4° Martyrologe en
vers.
* RIVOIRE ( Antoine), savant jésuite,
né à Lyon le 13 mars VîOO, remplit dans
son ordre les chaires de physique et
d'histoire naturelle , et a laissé les ou-
vrage suivans : 1° Traité des aimans
artificiels, 1752,in-12; %° Nouveaux
principes de la perspective linéaire , tra-
duit de l'anglais, 17 55; Z° Histoire métal-
lique de r Europe , 1767, in-8; 4° Vie de
saint Castor, 1768, in-12. Après la sup-
pression des Pères de la compagnie, il se
fixa à Lyon, où il mourut vers 1789. M
Jars a fait son Eloge.
RIZZIO ou Riccio ( David ), né à Tu-
rin en Piémont , vers 1 520, était fils d'un
joueur d'instrumens , qui lui apprit la
musique , et lui donna une éducation au-
dessus de son état. Il plut au comte de
Moretto , nommé ambassadeur de Savoie
en Ecosse, qui le mena avec lui. Marie
Stuart régnait alors dans ce royaume.
( Moretto le lui présenta comme un ex-
cellent musicien, et la reine fut charmée
de son jeu et de son chant. Rizzio avait
reçu une bonne éducation.) Il servit Ma-
rie Stuart par ses talens , qui ne se bor-
naient pas à celui de la musique ; il en-
tendait les afi'aires, et les conduisait
avec beaucoup de prudence. Elle l'em-
ploya dans les négociationslesplus impor-
tantes.Henri Stuart-Darnlei, ayant épouse
Marie Stuart sa cousine , voulut se faire
RJE
déclarer roi, comme mari de la reine.
Cette princesse, éclairée par les bons avis
de Rizzio, vit bien qu'on voulait lui enle-
ver l'autorité , et que son mari , homme
violent et ambitieux , étant déclaré roi ,
ne lui laisserait que le nom de reine ; elle
s'opposa à cette prétention. Darnlei, irrité
contre Rizzio, résolut de s'en défaire. Il
communiqua son dessein à quelques-uns
de ses amis, alléguant des prétextes in-
jurieux à la reine, que l'âge et la figure de
Rizzo mettaient hors de tout soupçon.
Quelques jours après, la reine étant à
souper dans son cabinet , n'avait auprès
d'elle que la comtesse d'Argilleet Rizzio,
qui lui parlait de quelque affaire ; le duc
de Rolhsai y entra avec Retwein , armé ,
et suivi de cinq personnes. Piizzio reçut
plusieurs coups d'épée devant Marie elle-
même, et ayant été entraîné par les conju-
rés dans la chambre voisine , y fut tué, en
1566. La reine vengea cette mort sur
quelques-uns des assassins, qui furent
exécutés publiquement. ( Quand cet évé-
nement tragique arriva , la reine était
enceinte de Jacques 1^', et son imagina-
tion en fut si frappée, que ce monarque
neputjamaisvoirune épéenue, sans pâlir
et trembler. )
' RJEVOUSKY (le comte Adam;,
diplomate russe, né le 10 août 1760 à
Nesvige , ville du gouvernement de
Minsk , eut pour instituteur l'évéque
Karouchevitch , historien et poète polo-
nais. En 1782, 1785 et 1786, le comte
Rjevousky fut député aux Diètes polo-
naises où il se distingua surtout par son
éloquence. En 1788 il fut nommé ambas-
sadeur extraordinaire et ministre pléni-
potentiaire du Y-oi de Pologne près la
cour de Danemark. En 1790 il siégea
aussi dans le sénat de Pologne. ÎVous
ignorons ce qu'il fit depuis la dissolu-
tion de ce pays jusqu'en 1817 , époque
oii il fit partie du sénat de Russie. Nous
connaissons un peu mieux sa vie litté-
raire : il écrivit dans sa jeunesse en po-
lonais et en français quelques ouvrages
politiques , et il a laissé inédits un
grand nombre d ouvrages parmi lesquels
on remarque des Mémoires sur le roi
Stanislas Auguste ; c'est une production
ROA 407
précieuse , parce que l'auteur qui occu-
pait des fonctions importantes dans l'é-
tat, était à même de connaître plusieurs
circonstances dérobées à la connaissance
des autres historiens. Son manuscrit in-
titulé : Rectification des erreurs dans
l ouvrage du général D umouriez , sur la
confédération de Bar^ est du plus haut
intérêt, il a laissé en outre des Remar-
ques sur les lois de Pologne , des Dialo-
gues des morts , des traductions en vers
polonais des deux tragédies, Polyeucte
et la mort de tésar , des Géorgiques po-
lonaises , une Traduction des Elégies de
TibuUe , et un grand nombre d'autres
poésies. Le comte Rjevousky est mort le
24 janvier 1826 dans les environs de la
ville de Lipovetz.
* ROA ( Martin de ; , né à Cordoue en
1563, entra à l'âge de 15 ans dans la
compagnie de Jésus et fit de grands
progrès dans les études. Il professa suc-
cessivement, dans le collège de Cordoue,
la rhétorique et les saintes Ecritures , et
remplit avec distinction les principaux
emplois de son ordre. 11 fut recteur de
difterens collèges , provincial à Séville ,
et procureur-général à Rome. De retour
en Espagne , il se démit de tous ses em-
plois , et ne s'occupa plus que de l'étude
de l'histoire et des antiquités. Il mourut à
Montillo , le 5 avril 1657 ,âgé de 57 ans.
Il a laissé : 1 ° Singularium locorum et
rerumS. Scripturœlibri VI., in duas par-
tes distincti • item, de dienatali sacroet
profano., liber unus, Lyon, 1667, in-8,
édit. recherchée ; 2" De acceniuetreciâ
in grtecis, latinis , barbaris pronuntia-
tione ; 3° De Cordubœ principatu , et de
auctoritate et antiquitnte sanctorum
martyrum cordubensium , ac de cordu-
bensi breviario , Lyon, 1617, in-4 : cet
ouvrage fut traduit en espagnol par l'au-
teur. 4° Santos Honorio, Eusticho , Es-
tevan , patrones de Xérès de la Fron-
tera, nombre , sitio , antiguedad de la
ciudad y valor de los ciudadanos , Sé-
ville, 1617 , in-4 ; 5° De Festado, etc. ,
ou de Fétat des âmes du purgatoire d'a-
près le livre des Machabées^ ibid. ,1624,
traduit en latin et en italien ; 6° Mala-
ga , su fundacion , su antiguedad , etc.
4o8 ROB
Malaga, 1617 , in-4 ; 5" Historia de la
muy noble y antigua ciudad de Ecija ,
Séville, 1629 , in-4. — La liste de tous
les ouvrages du Père Boa est dans la Bi-
bliothèque de Southevel.
ROALDES ( François ) , d'une noble
famille de la petite ville de Marsillac en
Rouergue , professa le droit avec une
grande réputation à Cahors et à Valence,
devint ensuite professeur en droit à Tou-
louse, où il mourut en 1589 , à 70 ans.
On a de Roaldes : 1 " Annotationes in
tiotitiam utranique , tiim Orieniis tuni
Occidentis ; 2° un Discours des choses
mémorables de la ville de Caliors.
ROBBE ( Jacques ) , ingénieur et
géographe du roi de France, né à Sois-
sons en 1643 , fut maire perpétuel de
Saint-Denys en France , avocat au parle-
ment de Paris, et mourut à Soissons en
1721. C'était un homme d'un esprit cul-
tivé , et savant dans les langues. On a de
lui : \° Méthode pour apprendre facile-
ment la géographie , en 2 vol. in-12 : as-
sez bon ouvrage ; il j a des jugemens
vrais et impartiaux sur les caractères des
peuples, et autres objets sur lesquels
l'esprit national égare souvent les géo-
graphes comme les historiens. On y
trouve cette assertion aussi exactement
vraie qu'honorable aux babitans de la
Belgique : «C'est assurément l'endroit de
/< toute l'Europe où la religion catboli-
n que soit professée avec plus de pureté
}> et de sincérité : » observation que l'é-
vénement confirma en 1792 , par l'invin-
cible résistance que ces peuples opposè-
rent à l'impiété des démocrates français,
devenus les maîtres de leur pays ; pré-
servant ainsi par leur exemple , par une
conduite ferme et conséquente , l'Europe
d'une subversion qui eût pu devenir gé-
nérale. 2" Emblèmes sur la paix , pré-
sentés au roi le 29 mars 1679. L'allégorie
de cet emblème est ingénieuse.
* ROBBÉ DE BEAUVESET ( Pierre-
Honoré ) , poète satirique et licencieux,
né à Vendôme , en 17 14 , d'un marchand
gantier, fit de bonnes étudeschezlesora-
toriensdesa ville natale , et s'abandonna
dès sa jeunesseàson goût pour la satireet
la poésie erotique. Des vers mordans qu'il
ROB
avait faits contre le marquis de Rocham-
beau, gouverneur de la province, lui at-
tirèrent quelques coups de bâton : d'au-
tres inconséquences de sa part l'obligèrent
de quitter son pays natal ; il vint à Paris,
oii il eut des démêlés avec Piron, au sujet
d'un trait piquant que celui-ci lança con-
tre Robbé dans la préface de sa Métro-
manie. La muse caustique de Robbé n'é-
pargna pas Louis \V; mais il eut le temps
de remplacer sa satire parunéapologie;
ce qui fit croire à ce prince qu'on avait
calomnié le poète. Au lieu de le faire
mettre à la Bastille, il lui donna une
pension. On dit qu'il se jeta dans \t jan-
sénisme, et même dans la secte des con-
vulsionnaires : il leur adressa néanmoins
quelques épigrammes. On dit encore
qu'il se repentit de sa mauvaise conduite,
et cependant il aimait à réciter des vers
licencieux devant madame duBarry , qui
le protégeait. Une autre dame, la duches-
se d'Olone, que .ses vers avaient égale-
ment amusée, lui laissa un legs de 1 5,000
francs. Robbé , méprisé de tous les gens
honnêtes , mourut à Saint-Germain , en
1794, âgé de quatre-vingts ans. Il a laissé
les ouvrages suivans, dont la plupart sont
écrits d'un stile dur et barbare; X" Le
Débauché converti , satire, 1736, in-1 2 ;
2° Epitrc du sieur Rabot, maître d'é-
cole de Fontenoi { sur cette mémorable
bataille j , 1745 , in-8 ; 3" Satire sur le
goût , 17 52 , in-8 ; 4" Mon Odyssée, ou
Journal de mon retour en Saintonge ,
poème en quatre chants, 1767, in-12; 5"
Satire au Comte de... ( Bissy ] , 1766 ,
où il se déchaîne contre Piron , Palissot,
Voltaire, Sabattier , etc. ; B" Les victi-
mes du despotisme épiscopal, poème
en six chants, 1792 , in-8. Ces victimes
sont des religieuses de Sainte-Claire d'Or-
léans, qui ne voulurent par accepter la
liulle Unigenitus. '!'> OEuvres badines
{ ou plutôt ordurières ), Paris, 2 vol.
in-l8, contenant des contes, des épi-
grammes, des satires, des épîtres, etc.
8' des Odes, des Epîtres diverses , pu- ,
bliées à différentes époques. ^H
"ROBERJOT (Claude), convention^
nel , né àMâcon en 1753 , embrassa l'état
ecclésiastique, et devint curé de sa ville
natale, où il se montra l'ami des pauvres
et le consolateur des malheureux ; mais
aussitôt que la révolution eut éclaté , il
(fuitta l'habit ecclésiastique, se maria,
et montra beaucoup de zèle à propager
les maximes du jour. Pendant l'assemblée
constituante, il fut nommé président de
l'administration de son département, et
élu ensuite député suppléant du dépar-
tement de Saône-et-Loire à la Conven-
tion nationale, oii il ne prit séance qu'a-
près la mort de Louis XVI. Peu de temps
après, il fut envoyé en mission auprès
delarmée de Sa mbre-el-Meuse comman-
dée parPichegru : il veilla à ses besoins,
échauffa son zèle, et après la conquête
de la Belgique, il y organisa les autorités
publiques , rappela dans leurs domiciles
les manufacturiers fugitifs, et chercha à
y ranimer le travail par la confiance. A
son retour, il fit plusieurs rapports sur
l'utilité et la nécessité de reculer les fron-
tières de la France jusqu'au P»hin , ce qui
le fit considérer comme un diplomate.
Après la session , il passa au conseil des
cinq cents, d'oii îî sortit le 20 mai 1797.
Il fut alors nommé minisire plénipoten-
tiaire de la république à Hambourg, oii
il rédigea ses mémoires sur lesétablisse-
aiens de charité de cette ville, qui fu-
rent imprimés par ordre du ministre de
l'intérieur de Hambourg. On l'envoya
comme ambassadeur auprès de la répu-
blique batave. et enfin à Rastadt, où il
lut assassiné avec Bonnier et Jean Debry,
le 28 avril 1799. On a de Roberjot des
lettres sur l'agriculture imprimées dans
diiïérens recueils.
ROBERT ( Saint , premier abbé de
la Chaise-Dieu , dans le diocèse de Cler-
mont, était fils de Géraud , descendant
de saint Géraud, baron d'Aurillac. Ayant
fait un voyage à Rome , dans des vues de
religion et de piété, il se retira avec
deux compagnons dans une solitude où
il releva les ruines d'une église , et fonda
un monastère avec l'approbation de l'é-
vêque et du pape Léon IX. En peu de
temps il fut chef de plus de 300 religieux
d'une ferveur extrême, qu'il gouverna
avec la prudence des saints, et mourut le
2't avril 1067 ou 1068. — Il ne faut pas
XI.
ftÔB 409
le confondre avec saint Robert , abbé de
Molesme , de l'ordre de Cîteaux, mort en
1108 ou 1110, qui fut canonisé par le
pape Honorius \\\.
ROBERT, deuxième fils de Richard III,
duc de Normandie, eut en apanage , l'an
989 , le comté d'Evreux. Promu en même
temps à l'archevêché de Rouen , dans cet
âge où les passions ont plus d'empire,
il se livra sans retenue Ji la dissolution.
Il ne rougit pas d'épouser, en sa qualité
de comte , une femme nommée Herlève,
dont il eut trois fils. Ce fut lui qui bap-
tisa, en 1004, Olaùs , roi de Norvvége ,
appelé au secours du duc Richard II, con-
tre la France. Ce comte-archevêque ,
daus sa vieillesse, revint de ses égare-
mens , et mourut en bon pasteur l'an
1037. Sa postérité conserva le comté
d'Evreux jusqu'à Amauri V, qui le céda
en 1200 à Philippe-Auguste. Le roi Phi-
lippe III, dit le Hardi, le donna à son
fils puîné Louis, mort en 1.'{I9. Celui-ci
fut père de Philippe , qui devint roi de
Navarre par sa femme Jeanne, fille de
Louis X, et mounil en 1-3'j3. De leur
union sortit Charles II, roi de Navarre,
dont le fils Charles III mourut sans po.s-
térlté masculine eu 142.S. L'an 1404, il
avait cédé ce comté au roi de France
Charle s VI. Il servit d'apanage à François,
duc d'Alençon , fils de Henri II , en 1 569.
Mais ce prince étant mort sanscnfansen
1584, le comté d'Evreux fut réuni à la
couronne. Enfin , il a été donné à la mai-
son de Bouillon en échange de Sedan.
F oyez Y Histoire (jénéàlogique de France
par le Père Anselme , et V Abrégé chro-
nologique des grands fie fs , in-8.
ROBERT , roi de France , surnommé
le Sage etfc Dévot, parvint à la couronne
en 990 , après la mort de Hugues Capet
.son père. Il fut sacré à Orléans , où il
était né, puisa Reims , après l'emprison-
nement de Charles de Lorraine. Il avait
épousé Berthe sa cousine, veuve d'Eu-
des I"" , comte de Blois ; Grégoire V dé-
clara nul ce mariage, et excommunia le
monarque. Si nous en croyons le cardi-
nal Pierre Damieu , cet analhème fit en
France tant d'effet, que tous les courti-
sans du roi et ses propres domestiques se
52.
4io ROB
séparèrent de lui. Il ne lui en resta que
deux, qui , pleins d'horreur pour tout ce
qu'il avait touché, passaientpar le feu jus-
qu'aux plats oii il avait mangé , et jus-
qu'aux vases où il avait bu. Le même car-
dinal rapporte qu'en punition de cet in-
ceste, la reine accoucha d'un monstre,qui
avait la tête et le cou d'un canard. ( D'au-
tres auteurs assurent que la reine étant ac-
couchée d'un enfant mort, on répandit le
bruit qu'elle avait mis un monstre au
inonde. } On ajoute que Robert fut si
frappé de cette espèce de prodige, qu'il se
sépara de sa femme. Robert contracta un
second mariage avec Constance, fille de
Guillaume, comte d'Arles de Provence;
mais l'humeur altière de cette princesse
aurait bouleversé le royaume , si la sa-
gesse du roi ne l'eût empêchée de se mê-
ler du gouvernement de l'état. Henri ,
duc de Bourgogne , frère de Hugues Ca-
pet, mourut en 1002 sans enfans légiti-
mes. ( H avait laissé son duché à un fils
que sa femme avait eu d'un premier ma-
riage. Robert, assisté de Richard, duc
de Normandie , déclara la guerre aux sei-
gneurs bourguignons qui voulaient sou-
tenir ce choix. Elle dura six ans, et Ro-
bert se vit enfin tranquille possesseur
de la Bourgogne. H investit de ce du-
ché Henri , son second fils , qui depuis,
étant devenu roi , le céda à Robert son
cadet. ( P'oycz Henri I*' , roi de Fran-
ce. ) Le duc Robert fut chef de la pre-
mière branche royale des ducs de Bour-
gogne , qui dura jusqu'en 1 361 . Ce du-
ché fut alors réuni à la couronne par le
roi^Jean, qui le donna à son quatrième fils
Philippe le Hardi , chef de la deuxième
maison de Bourgogne , qui finit en la
personne de Charles le Téméraire, tué
en 1477. ( Le roi Robert termina par
.sa médiation les longues querelles qui
existaient entre le comte de Chartres et
le duc de Normandie. Ce dernier avail
appelé à son secours deux de ces rois du
Nord ( Normands païens), quidévastaient
alors l'Angleterre. Le roi Robert conclut
ta paix entre les deux adversaires, paya
de ses propres deniers le départ des deux
rois normands , avant qu'ils ne renouve-
lassent en France les scènes de destruc-
ROB
lion présentées deux siècles auparavant
par cette nation barbare. ] Ce prince
mérita par sa sagesse qu'on lui offrît l'em-
pire et le royaume d'Italie ; mais il les
refasa , et après avoir fait couronner à
Reims son second fils Henri I"", il mou-
rut à Meluu en 1031 , âgé de 60 ans.
Robert bâtit un grand nombre d'églises ,
et fit restituer au clergé les dîmes et les
biens dont les seigneurs laïques s'étaient
emparés. La déprédation était telle , que
les séculiers possédaient les biens ecclé-
siastiques à titre héréditaire ; ilsles par-
tageaient à leurs enfans ; ils donnaient
même les cures pour la dot de leurs filles,
ou la légitime de leurs fils. Robert cul-
tiva les sciences, et les protégea. On a
de lui plusieurs Hymnes que l'on chante
encore|dans l'Eglise ; «ton lui a attribué
l'hymne P^cni , sanctc Spiritus. Son rè-
gne fut heureu.v; et tranquille. C'est sous
ce même règne que la France éprouva en
1010 une famine de quatre ans, suivie
d'une peste qui parut luie seconde fois
eu 1030, jusqu'en 1033. Robert régna
trente-cinq ans , et pondant près de
trente ans la France jouit d'une tranquil-
lité parfaite.
ROBERT I", dit le Magnifique, dur
de Normandie , deuxième fils de Richard
H , succéda l'an 1028 à son frère Richard
liI,mort, dit-on, du poison qu'il lui
avait fait donner. H eut à réprimer , dans
les commencemens, les fréquentes ré-
voltes de plusieurs de ses grands va.ssaux.
Il rétablit dans ses états Baudouin IV .
comte de Flandre , que son propre fils en
avait injustement dépouillé. Il força Ca-
nut, roi de Danemark, qui s'était em-
paré de ceux d'Angleterre, à lesparL-iger
avec ses cousins Alfred et Edouard.
L'an 103.'j il entreprit nu-pieds le voyage
de la Terre-Sainte. Les mous et délicats
philosophes, qui traitent les croisades de
fanatisme, ne peuvent au moins se dispen-
ser d'admirer une si endurante et écla-
tante piété, dans un grand prince, qu'on
ne s'est jamais avisé de traiter d'esprit fai-
ble. A son retour, il mourut empoisonné ù
Nicée en Bithynie, laissant pour succes-
seur Guillaume , son fils naturel , depuis
roi d'Angleterre , et qu'il avait fait rc-
I
ROB
conbaitre avant son départ dans nne as-
semblée des états de Normandie.
ROBERT, dit Courte-Cuisse, fils aîné
de Guillaume le Conquérant , fut établi
l'an 1087 duc de Normandie par son
père, qui donna la couronne d'Angle-
terre à son autre fils Guillaume le Roux
' voyez ce nom ). Ce fut un des plus vajl-
lans princes de son siècle dans les com-
bats , et un des plus faibles hommes dans
la conduite. A la croisade de 1096 , il fit
des prodiges de valeur ; l'armée chré-
tienne lui dut , en grande partie , les ba-
tailles qu'elle gagna sur les infidèles, no
tamment celle qui suivit la prise d'An-
tioche l'an 1098 , oîi ils perdirent, dit-
on , cent mille cavaliers. Après la prise
de Jérusalem , à l'assaut de laquelle il
monta un des premiers, suivi de ses sei-
gneurs , il revint en Europe , trouva le
trône d'.\ngleterre occupé par Henri son
jeune frère , après la mort de Guillaume
le Roux , et tenta en vain de le recou-
vrer. Livré à l'indolence et aux plaisirs, il
se laissa gouverner par ses courtisans , et
perdit le duché de Normandie avec la li-
berté , ayant été pris, l'an 1106 , à la
bataille de Tinchebrai par son frère
Henri , qui l'enferma dans une prison en
Angleterre, où il mourut en li34.
\ ROBERI^ DE LUZARCHES , ar-
chitecte, né en Normandie vers l'an 1180.
fut un de ceux qui firent adopter en
France le goût de l'architecture gothi-
que. II eut la principale part à la construc-
tion de la belle cathédrale d'Amiens ,
commencée en 1220, et achevée en 1288
par Renault. Nous croyons devoir trans-
crire ici l'inscription suivante , que cet
artiste fit graver sur le pavé de la nef .
et qui atteste un fait historique :
En l'an de grâce mil deux cent
El «iiigl, fut l'œuTre de Chétni.
Preiniércinenl eiicommcncié.
Adont iest de chest éiéehié
^«rar<L . évëque bénif,
El le roi de France Lojs ,
Qui fuit fils de Philippe le Snge.
Chil qui maiitre était de l'ouTra^e
Maittr* Robert était nommé
Et de Luzarcbes suruoramé.
iiaiftre Thumas fut après lui
De CormOD, et après cestui,
SoD eu maitlre Renault, qui meile
Fit i cb««t point-ebi crn« lettre
ROB
4x1
Que riDcarnation râlait
Treiceceots ans, douze en fallait
ROBERT , né à Thorigni en Norman-
die, et pour cela appelé Robe) tus aTo-
rineo , abbé du mont Saint-Michel au
diocèse d'Avranches , fut employé dans
plusieurs afiaires importantes par Henri
H , roi d'.\ngleterre. Ses occupations ne
l'empêchèrent pas de composer un giand
nombre d'ouvrages, dont il ne nous
reste que la Continuation de la Chroni^
que de Sigebert , et un Traite' des Ab-
bayes de Normandie , que D. d'Acheri
a donné à la fin des OBuvres de Gnilbert
(le Nogent. Il mourut l'an 1186.
' ROBERT d'Auxerre ou de Saiote-
Marie ( Kobertus nutissiodorensis ], cha-
noine régulier de l'ordre de Prémontré ,
oublié par presque tous les biographes
modernes ( l i , a pourtant des droits à la
célébrité. Son nom de famille était Abo
lant ou Abolanz. Il tlorissait à la fin du
12* et au commencement du 13* siècle.
Il étaitchanoine de la cathédrale d'Auxer-
re , sous l'épiscopat de Hugues Des-
noyers , et revêtu du personnat { 2 ) , de
lecteur , comme le prouvent plusieurs
titres qui finissent par ces mots ; Dat.
per manum Roberti lectoris. Pendant
qu'il possédait cette charge , il fit écrire
deux volumes A'Aetes des saints , dont
un seul reste , lequel était conservé à
labbaye de Saint-Germain d'.\uxerre.
Robert était passionné pour les livres, et
lié d'intimité avec Milon , abbé de Saint-
Marieii , ordre de Prémontré , qui parta-
geait ce goût et s'était formé une belle
bibliothèque : Insiynem bibliothecam
quœsitis undequaque voluminibus cumu-
latam. Robert , à la sollicitation de cet
abbé , fit une compilation des Chroni-
ques de Sigebert et autres écrivains. Il
y inséra tout ce qu'il put trouver défaits
intéressans dans les archives de l'Eglise
de Sens, et ce que put lui fournir le livre
intitulé Gesta pontificum autissiodoren-
sium. Avec ces matériaux , il conduisit
d'abord son ouvrage jusqu'à l'an 1205.
H parait que c'est vers ce temps qu'il
prit l'habit de l'ordre de Prémontré dans
(i! Moréri néanmoins en a donut un article
a! C'était une dignité capitulaire a laquelle était attaché
!e soin des manuscrits et des archi'cs.
4ia ROB
l'abbaye de Saint-Marien , qu'il y conti-
nua sa chronique jusqu'en 1212 , et qu'il
mourut la même année. Ce qui en effet
complète les sept ans qu'il est dit avoir
passes à Saint-Marien. Son continuateur,
que Casimir Oudin croit être un nommé
Hugues , aussi chanoine régulier de Saint-
Marien, reprit le travail de Robert, et le
poussa jusqu'à l'an 1 227 . Cette chronique
est l'une des plus estimées , et « d'un
)' meilleur goiit que tant d'autres, >» di-
sent les auteurs de V Histoire littéraire
de France, tome 9 , page 127. Quoi-
qu'elle ne soit point entièrement exemp-
te de fautes , on la consulte avec con-
fiance. Robert était homme de mérite ,
et très instruit dans l'histoire pour son
temps. Les règles d'une critique sage, si
peu connues dans ces siècles reculés, ne
lui étaient pas étrangères, et il en trace de
fort judicieuses pour les légendes. Mco-
las Camusat, savant chanoinede Troyes ,
fit imprimer la chronique de Robert
sous ce titre : Chronologia ab orbis ori-
gine ad annuni Christi 1220, cum ap-
pendice ad annum 1223, l608,in-4.
L'ordi-e de Prémontré se proposait d'eu
donner une 2« édition, et le manuscrit
en avait été communiqué à de savans rc-
lig ieux de cet ordre en Lorraine. M. Le
Venier , pénitencier d'Auxerre , mort eu
1CG9, avait eu le même projet; mais ni
l'un ni l'autre ne furent exécutés. On
peut voir à cet égard les Mémoires de
l'abbé Le Bœuf , concernant V Histoire
ecclésiastique et civile d'Auxerre, tome
2 , p. 490. On y trouve aux preuves ,
page 36 , le testament que fit Robert
avant d'embrasser l'ordre de Prémontré.
Il y a un autre Robert d'Auxerre , con-
temporain du précédent , aussi de l'or-
dre de Prémontré et proies de Saint-
Marien. Il (ut prieur de Nolre-Dame-là-
d'bors , cure de cette abbaye. Il est au-
teur d un ouvrage intitulé : Tradition de
l'église d'Auxerre , imprimé en 1719.
ROBERT DE CouRTENAi , cmpcreur
français d'Orient, succéda à son père
Pierre de Courtenai sur la fin de l'an
1219 , et fut couronne à Sainte-Sophie ,
le 25 mars 1221. Il s'adressa au pape
poar prêcher une croisade contre Vatace,
ROB
qui, après s'être fait déclarer empereur
à IVicée , avait fait de rapides conquête^
sur les Français, et resserré leur empi
jusque dans le territoire de Constantin
pie. Lepape arma plusieurschrétienspo
son secours. Ils passent en Orient , souS
la conduite de Guillaume de Monlferral;
mais, ce général étant mort, ils retournè-
rent en Europe, et Robert fut obligé de
demander la paix à Yatace. Robert épousa
la fille d'un chevalier d'Artois; elle avait
été promise à un gentilhomme bourgui-
gnon , qui , outré de voir qu'on lui pré-
férât un empereur, enleva rimpéralricc;^J
et sa mère , fit jeter celle-ci dans la mer s^^J
coupa le nez et les lèvres à la fille , et la
laissa sur le rivage. Robert en mourut de
douleur, l'an 1228. Ce prince n'avait 1
aucun talent militaire : les divisions de \
ses enuemis l'appelaient aux conquêtes;
mais sou indolence et son goût pour les
plaisirs le retinrent toujours. Il donna
lieu, par sa négligence, à l'étaltlissement
de deux nouveaux empires , outre l'em-
pire de IVicée, celui de Trébisonde et ce-
lui de Thessalonique. ( Foyez Courte-
nai. } Les seigneurs français appelèrent
après sa mort Jean de Brienne , dépouillé
de son royaume de Jérusalem , pourgou
verner l'empire pendant la minorité de
Baudouin II. (On Irouvela vie dece prince
par Ducauge dans la 3" partie de VUisl.
de Constaiitinople.)
ROBERT Grosse-Tkste , en latin Ga-
pito, naquit en Angleterre,dansle pays de
Suffolk, de parens pauvres. Ses talens lui
méritèrent l'archidiaconé de Leicester ,
et en 1 235 l'évêché de Lincoln. Il eut de
grands différends avec les moines , et un
démêlé considérable avec Innocent IV ,
sur une dispense que ce pape avait acco r-
dée pour un canouicat de l'église de
Lincoln. Il mourut en 1253. Outre son
Abrégé de la sphère, ses Commentaires
sur les Analytiques d'Aristote , et quel-
ques Lettres renfermées dans le recueil
de Brown , intitulé Fasciculus reruni
expetendarum , nous citerons ses ouvra
ges : de Cessatione legaliuni , Londres ,
1652; Commentarius in Pseudo-Dio
nysii areopagilœ theologiam mysticam,
Strasbourg, 1502; et sou Tcslamentuni
ROB
XH paii'iarcharum , fiUorum Jacob,
Hagucnan, 1632, in-8, très-rare : ouvrage
apocryphe , dont il n'est que l'éditeur
ouïe traducteur du grec en laliu. A l'au-
theuticité près, il a ce qu'il faut pour
être un livre utile. On y trouve les mystè-
res chrétiens si formellement exprimés ,
que les douze patriarches n'ont pu en
parler de la sorte sans anachronisme, ou
bans des révélations qu'on n'est pas fondé
A supposer. Quelques critiques préten-
dent que ces Tcsiamcnta sont de la com-
position de Grosse-Teste, et que l'origi-
nal hébreu, ni même la traduction grec-
que n'ont jamais existé. Dans ses autres
écrits , il reprend avec liberté , et peut-
être avec trop d'amertume , les vices et
les déréglemens des ecclésiastiques de
son temps. Il y a une édition de plu-
sieurs de ses ouvrages faite à Venise en
161 i.
ROBERT DE FRAXcE,né en 1216,
surnommé le Bon, le Vaillant , troisiè-
me fils de Louis VIII , et frère de saint
Louis , qui érigea en sa faveur l'Artois en
comté-pairie , l'an 1237. C'était dans le
temps de la funeste querelle entre le
pape Grégoire IX et l'empereur Frédéric
II. Grégoire offrit à saint Louis l'empire
pour Robert ; mais sur l'avis des sei-
gneurs français , assemblés pour délibé-
rer sur cette proposition , elle ne fut pas
acceptée : exemple rare, car les princes
profitaient volontiers de la jurisprudence
établie dans ce temps-là , qui donnait au
pape le droit dcdcposer les rois. (Voyez
Martin IV.) Robert suivit saint Louis en
Egypte , et ce fut lui qui engagea, avec
plus de bravoure que de prudence , la
bataille delà Massoure, leO février 1250.
Comme il poursuivait les fuyards à tra-
vers cette petite ville , il y fut assommé
de pierres , bûches , et autres choses
que l'on jetait par les fenêtres. C'était un
prince intrépide , mais fougueux et opi-
niâtre.
ROBERT II', comte d'Artois, fils du
précédent, surnommé le Bon elle Noble,
fut de l'expédition d'Afrique en 1270. Il
châtia les rebelles de Navarre en 1276.
Après les Vêpres siciliennes , il mena un
puissant secours à Charles I"^ , roi de
ROB 4i3
Naples , et fut régent de ce royaume
pendant la captivité de CharlesII. Il défit
les Aragonais en Sicilel'au 1289, les An-
glais près de Rayonne eu 1296 , les Fla-
mands à Furnes en 1298. Mais l'an 1302,
ayant voulu imprudemment forcer les
mêmes Flamands retranches près de
Courtrai , il reçut trente coups de pique ,
et perdit la vie. Homme vaillant, et grand
capitaine, mais emporté et violent , il
n'était bon que pour un coup de main.
Mahaud , sa fille , hérita du comté d'Ar-
tois , et le porta en mariage à Othon ,
comte de Bourgogne, dont elle eut deux
filles : Jeanne, femme de Philippe le
Long , et Blanche , femme de Charles le
Bel. Cependant Philippe , fils de Robert
Il , avait un fils , Robert IH , qui disputa
le comté d'Artois à sa tante Mahaud.
Mais il perdit son procès , par deux ar-
rêts rendus en 1302 et 1318. Il voulut
faire revivre ce procès en 1329, sous
Philippe de Valois , à la faveur de pré-
tendus nouveaux titres qui se trouvèrent
faux. Robert fut condamné pour la troi-
sième lois, et banni du royaume en 1331 .
Ayant trouvé un asile auprès d'Edouard
IH, roi d'Angleterre, il l'engagea à se
déclarer roi de France : source des guer-
res longues éternelles qui affligèrent ce
royaume. Robert fut blessé au siège de
Vannes en 1342 , et mourut de sa bles-
sure en Angleterre. Jean, fils de Robert,
eut le comté d Eu, fut fait prisonnier à
la bataille de Poitiers en 1 356 , et termi-
na sa carrière en 1 387 . Son fils Philippe Jf
fut connétable de France , fit la guerre
en Afrique et eu Hongrie , et mourut
prisonnier des Turcs en 1397. Il eut un
fils nomme Charles, vaotl en 1472 , sans
postérité.
ROBERT Beuce, roi d'Ecosse, monta
sur le trône en 1 306, après l'expulsion de
Jean Bailleul, ou Baillot, qui avait usurpé
la couronne d'Ecosse, par le secours
d'Edouard l" , roi d'Angleterre. ( Robert
se trouvait prisonnier à Londres , tandis
que Comyn , l'ennemi implacable du
nialheiyeux et noble Wallace, gouvernait
l'Ecosse au nom d'Edouard. Voyant la
position critique de Bruce, un seigneur
anglaisi nommé Glower , ami de sa fa-*
4i4 ROB
mille , lui envoya une paire d'éperons et
une bourse d'or. Robert comprit ce lan-
gage , fit ferrer trois chevaux en sens
contraire , de manière à marquer les tra-
ces d'une arrivée , au lieu de celles d'un
départ. Il se fit suivre de deux amis sûrs,
arriva en Ecosse , réunit ses partisans, fit
mettre à mort Comyn , et fut couronne
roi à Scône). Il secoua le joug des An-
glais , les cbassa , et rendit l'Ecosse très
puissante et très florissante. C'était un
prince chéri de son peuple, quoiqu'il ai-
mât la guerre ; mais il ne la fit que pour
tirer sa nation de l'esclavage , et pour la
rendre heureuse. Il mourut en 1329, à
5.5 ans. Etant près d'expirer , il conjura
Jacques Douglas , un de ses courtisans ,
de porter son cœur dans la Terre-Sainte :
preuve attendrissante du motif religieux
qui animait les braves de ce temps-là à
arracher ce pays , si intéressant pour les
chrétiens ,aux barbares qui l'avaient en-
vahi. Il laissa pour successeur David II,
âgé de 5 ans , et une fille qui porta le
sceptre d'Ecosse dans la maison de
Stuart.
ROBERT d'Anjoi , dit le Sage, troisiè-
me fils de Charles le Boiteux , succéda à
son père, dans le royaume de Naples, en
1309, par la protection des papes et par
le désir des peuples , à l'exclusion de
Charobert , fils de son frère aine. Il fut
un grand roi, juste , sage , vaillant. Il ré-
gna 33 ans 8 mois , et mourut le 19 jan-
vier 1343 âgé de 64 ans. Philippe de
Valois s'abstint de livrer bataille, en i339,
sur les avis réitérés que lui donna ce
prince, grand ami de la France , par in-
clination et par intérêt, et qui d'ailleurs
détestait la guerre entre les princes chré-
tiens.
ROBERT rV, comte d'Âlençon,est peu
connu dans l'histoire ; mais il tient une
place dans celle de France , parce qu'en
lui finit la postérité masculine des com-
tes d'Alençon . Après sa mort , arrivée en
1319, sa sœur Alix donna le comté à Phi-
lippe-Auguste , en 1320. Il a passé en-
suite à diflférens princes qui en ont porté
le nom. Voyez François de France.
ROBERT ou RupERT, dit le Brefeï le
Débonnaire , électeur palatin , fils de
RGB
Robert le Tenace, naquit en 1352, et fut
élu empereur d'Allemagne en 1400, après
la déposition du barbare Wenceslas. Pour
gagner les Allemands , il voulut rendre à
l'empire le Milanais , que Wenceslas eu
avait détaché ; mais ses efforts furent
inutiles. Il ne fut pas plus heureux en
tâchant , durant le grand schisme d'Oc-
cident , d'empêcher qu'on ne reconnût
Alexandre V pour pape dans l'Allemagne,
et de ramener les princes à Grégoire XII.
Il mourut à Oppenheim , en 1410, après
avoir partagé ses états entre ses quatre
fils , qui sont les tiges des différentes
branches de la maison palatine. Robert
acheva d'établir la souveraineté des prin-
ces d'Allemagne. Les empereurs avaient
conservé le droit de haute justice dans
les terres de plusieurs seigneurs ; mais il
leur céda ce droit par des privilèges. Il
est fondateur de l'université de Heidel-
berg.
ROBERT (Claude), né à Bar-sur-
Aube , vers 1564, ou suivant Moréri , à
Cheslai , près de Bar-sur-Seine , devint
précepteur d'André Fremiot , depuis ar-
chevêque de Bourges, avec lequel il voya-
gea eu Italie , en Allemagne et dans les
Pays-Bas. Les cardinaux Baronius, d'Os-
sat et Bellarmin lui donnèrent des mar-
ques de leur estime. De retour en France,
\\ fut nommé archidiacre et grand vicaire
de Chàlons-sur- Saône. Ce savant mourut
en 163G. Le plus important de ses ouvra-
ges est le grand recueil intitulé Gallia
chrlstiana, qu'il publia en 1 625, en 1 vol.
in-i'ol. MM. de Sainte-Marthe augmentè-
rent , dans la suite , cet ouvrage utile,
dont les bénédictins de la congrégation
de Saint-Maur ont donné une nouvelle
édition, qui est eu 12 vol. in-foL, ctqui
n'est pas achevée.
ROBERT DE Bavière, prince palatin
du Rhin, duc de Cumberland, fils de Fré-
déric, prince électeur palatin du Rhin, et
d'Elisabeth, fille de Jacques I"', roi d'An-
gleterre et d'Ecosse , se signala d'abord
en Hollande, puis passa en Angleterre
l'an 1642. Le roi Charles I*% son oncle,
le fit chevalier de la Jarretière, et lui
donna le commandement de son arm
Le prince Robert remporta d'abord
ROB
grands avantages sur les parlementaires;
mais il fut ensuite obligé de se retirer en
France. Charles H , étant remonté sur le
trône de ses pères , le ftt membre de son
conseil privé, en 1662, et lui donna le
commandement de sa flotte contre les
Hollandais, en 1664. Le prince Robert
défit , l'année suivante , la flotte hollan-
daise, et fut fait amiral d'Angleterre, en
1675. Il se montra digne de cet emploi
par son intelligence et par sa valeur, et
mourut en 1682.
ROBERT ( Nicolas), peintre d'Orléans
au 17* siècle, excellent dessinateur d'ani-
maux et d'insectes, fit pour Gaston de
France , en ce genre , une belle suite de
miniatures , qu'on voit au cabinet des es-
lampes du roi. Il travailla aussi aiu 319
planches de plantes de l'académie des
Sciences de Paris : recueil parfaitement
exécuté, et dont on recherche les ancien-
nes épreuves. M. Anis.son y a joint, vers
17 80, un frontispice, un avertissement et
une table en 20 pages, qu'il est bon de
joindre aux exemplaires. G. Audraa a
publié ; Recueil d'oiseaux les plus rares,
tires de la ménagerie royale, dessines et
grave'spar N.Robert, Paris, 1G76, in-fol.
On a du même artiste Divers oiseaux
dessinés d'après le naturel, Paris, 17 7 3,
in-fol. Il mourut en 1684, à 74 ans.
• ROBERT ( de Valuondv Gillesj, géo-
graphe, naquit à Paris en 1 688, futnommé
géographe ordinaire du roi Louis XV, et
mourut dans sa patrie en 1766. Peu de
savans ont autant contribué que lui aux
progrès de la géographie en France. Indé-
pendamment d'une Géographie sacrée et
historique de l'ancien et du nouveau
Testament, Paris, 1 7 47, 3 tom. en 2 vol.
in-12 , dont le fonds est de l'avocat Fé-
rieux , où Robert a inséré plusieurs dis-
sertations de îNicolas Samson son aïeul,
on a de lui son petit Atlas contenant
203 cartes, 1748, 2 vol. in-8 , Atlas por-
tatif. in-4, oblong ; de ."ii cartes, son
grand Atlas universel, 1758, in-fol.,
contenant 108 cartes, parmi lesquelles on
cite surtout celle de Bretagne. Les anciens
exemplaires de cet ouvrage sont préférés
aux derniers. On cite encore de ce géo-
graphe , Atlas complet des révolutions
ROB 4i5
du globe , offrant en 66 cartes les distri-
butions géographiques du monde civilisé
à autant d^époques différentes .- la der-
nière répond à l'an 1640 : cet ouvrage
n'a pas été publié, et les planches n'exis-
taient plus en 1773. On n'en connaît
qu'un exemplaire ; mais on croit que cet
Atlas a servi de modèle ù Picault de
-Nantes pour ses révolutions de l'univers,
publiées en 1763. — Robekt de Vau-
liOKDv (N... } , né à Paris en 1 723, mort en
1786 , suivit avec honneur les traces de
son père. Ilobtintau.ssila place degéogra-
phe ordinaire du roi , reçut le même titre
deStanislas roide Pologne quile fitadmel-
tre à l'académie de Nancy , fut nommé
censeur royal , et obtint une pension sur
la cassette. Outre plusieurs Me/«oire.y lus
à l'académie des Sciences sur diverses
questions géographiques , deux grands
globes, l'un céleste et l'autre terrestre ,
sur lesquels il ajouta successivement , de
'764 à 1774, les découvertes les plus
récentes des navigateurs , et diverses
cartes pouv l'histoire naturelle de Bufl'on,
l'esprit des lois , la Bible de ^■ence ,
l'histoire des terres australes du prési-
dent de Brosses, le Mémoire sur le
voyage de Ilanrwn par Bougainville , Je
Tacite de Brolier, etc., on cite de lui :
Essais sur l'histoire de la géographie ,
Paris, 1755, in-12 : c'est la préface du
grand Atlas universel publié par .son
père, auquel il eut beaucoup de part;
Tablettes Parisiennes, contenant le plan
de la ville et des faubourgs de Paris, pré-
cédées d'une description abrégée et his-
torique , ib. 1701 , in-8 ; Cosmographie
ou description du ciel eji deux hémisphè-
res calculée et construits pour 1767,
ib. 1764, in-4 ; Institutions géographi-
ques, ib., 1766, in-8 ; Descriptions de
la sphère armillairc, suivant le système
de Copernic , 1771, in-4 ; Mémoires sur
les pays de l'Asie et de l'Amérique situés
au nord de la mer du sud, ibid., 1775 ,
in-4, dont Bonne a publié l'Examen en
1777; enfin nne Géographie ancienne.
•ROBERT (Hubert), peintre d'ar-
chitecture et de paysage , naquit à Paris,
eu 1733. Il fit ses études au collège de
Navarre , et montra d'heureuses disposi-'
m
4i6 KOB
tions pour l'art qu'il embrassa. On le
voyait toujours un crayon à la main re-
produire les objets qui le frappaient da-
vantage. Un jour, tandis que ses condis-
ciples répétaient leurs leçons, il fit un
dessin sur le dos de la copie d'une com-
position en grec. L'abbé le Batteux, son
professeur, en fut si étonné, qu'il s'écria :
« Robert , tu seras peintre ! » Il obtint le
prix de sa composition en grec , et fit ses
éludes avec succès. I.'abbé I.e Batteux
garda le dessin , le fit encadrer , et ne le
renvoya à son élève qi«e le jour où celui-
ci fut reçu à l'académie de peinture.
Quand il sortit du collège , il s'appliqua
exclusivement au dessin, et en 175.') il se
rendit à Rome, où il demeura douze ans.
il en dessina tous les monumens, les
ruines, et cette riche collection lui servit
beaucoup dans la composition de ses
tableaux. Il était déjà favorablement
connu à Rome lorsqu'il revint dans sa
patrie en 17fiT .H composa en peu de temps
un tableau, le présenta à l'académie,
mérita tous les suft'rages, et presque aus-
sitôt , et contre l'usage ordinaire , il fut
admis dans cette société. Panini et autres
peintres italiens et flamands avaient déjà
traité le genre de Robert; mais ce genre
était nouveau en France, et cet artiste y
réussit complètement. Kn effet, il faut
tout l'art du pinceau et la magie des cou-
leurs pour intéresser par des murs déla-
brés, des ruines entassées, des statues
brisées, etc. Robert fut nommé garde des
tableaux du roi, et occupa cette place
jusqu'à la révolution. Knfermé alors à
Ste. -Pélagie, ce fut pendant son .séjour
dans cette prison qu'il dessina le portrait
de Roucher que cet infortuné poète en-
voya à sa femme avant d'être traîné à
l'échafaud. Rendu à la liberté après six
mois de détention, il reprit ses pinceaux.
Il a composé un grand nombre de ta-
bi«i)ux , où l'on remarque , outre la ma-
jesté et la variété des sites , des groupes
de figures parfaitement dessinées, toutes
portant les costumes des différentes épo-
qjies que représentent ces tableaux. Par-
mi ceux-ci on dislingue une f^ne dupant
du Gard, le Tombeau de Marius, le
Temple de Fcnus , hi Maison carrée de
ROB
Nîmes , V Incendie de l Hôtel-Dieu de
Paris, YEscalier de Bernin au Vatican,
les Catacombes de Rome , les Ruines du
château de Meudon , des Bains publics, •
etc. Nommé, en 1800, conservateur du i
musée, il projeta la réunion des galeries
du Louvre aux Tuileries , et reproduisit
cette idée dans un tableau. Son imagina-
tion se transportant à des siècles plus
reculés, il présenta dans un autre tableau
les ruines de ce monument, où, au mi-
lieu des débris d'édifices et d'arcs renver-
sés, le seul Apollon du Belvédère, actuel
lement rendu au musée du Vatican, était
conservé tout entier, comme si le peintre
eût voulu indiquer par-là que le temps
n'avait pas d'empire sur ce magnifique
chef-d'œuvre des arts. Robert était d'un
caractère doux et modeste ; sa vie fut
heureuse et paisible, et il la termina à
Paris, le l.'i avril 1808, à l'Age de 7 5 ans.
* ROBERT (François), ingénieur-géo-
graphe, né en 17.17 à la Charmèle près
de Châlons-sur-Saône , .se fit connaître
par quelques ouvrages utiles. Il embrassa
ensuite la cause de la révolution , et
après le -31 mai, il devint maire de la com-
mune de Besnote, administrateur du dé-
partement de la Côte-d'Or, député au
conseil des cinq-cents en mars 1797.
I.e 3 juin il publia une motion d'ordre sur
la nécessité de rétablir la morale et la
religion. Le 29 juillet il combattit l'alié-
nation des presbytères, en .soutenant
qu'ils appartenaient aux communes, et
que l'idée de les vendre portail fotis les
caractères du prestige révolutionnaire. I
.Son élection fut annulée le 1 8 fructidor : |
mais il ne fut point compris parmi les
déportés de celte journée. Il est mort à
Heilgenstadt en Saxe le 3 mai 1819 à 8? ]
ans. On a de lui : 1" Gcngraphie natu-
relle, historique , politique et raisonne'e,
17 77, 3 vol. in-8; 2° Géographie e'ie'men-
taire à V usage des colle'ges , avec un
pre'cis de la sphère et des cartes , S*"
édition, 1817 , in-12 ; 3* la Partie géo-
graphique de V Encyclopédie méthodique
par ordre de matières, 3 vol. in-i, à
l'exception de quelques articles fournis
par Masson ; 4" Description historique ,
physique et géographique de la France,
É
I
ROB
1 790, in-4 ; 5° Traité de la sphère avec
l'exposition des différens systèmes as-
tronomiques du monde et unprécis du sys-
tème physique de Descartes et de New-
ton, 2" édition, 1801, in-12; 6" Voyage
dans les treize cantons Suisses,les Gri-
sons, le Valais , 1 789, 2 vol. in-8; 7° Mé-
langes sur différens sujets d'économie
politique, in-8; 8° Dictionnaire géogra-
phique, d'après le traité de Paris du 20
novembre 1815, 2 vol. in-8; Paris, 1818,
S*- édition, 1820.
* ROBERT ( Pierre François-Joseph ) ,
conventionnel, né à Gimnée près de Gi-
vet , était épicier à Paris avant la révolu-
tion , et il en embrassa les principes avec
chaleur : il se fit connaître par un jour-
nal intitulé : Le Mercure national, qu'il
rédigea en commun avec sa femme , ma-
demoiselle de Keralio, morte à Bruxelles
en 1821. FoyesRERALio (Louise-Félicité
GuiNEMENT de). Robert, d'abord secré-
taire de Danton, et poussé par ce pro-
tecteur, entra au corps électoral , et fut
nommé député à laConvention nationale,
où il vota la mort de Louis XVI sans ap-
pel et sans sursis , en regrettant qu'il ne
fût pas en son pouvoir de prononcer celle
de tous les souverains. Il est difficile d'i-
maginer rien de plus épouvantable que
le discours qu'il prononça en celte occa-
sion. Robert faisait encore le commerce
d'épicerie en gros , cl il fut dénoncé
comme accapareur à la populace qui pilla
sa maison et s'empara de plusieurs ton-
neaux de rhum. Depuis ce temps , on
l'accabla de sarcasmes , et il ne fut plus
appelé que Robert Rhum. En 1795 , il
fut envoyé en mission à Liège ; mais il
fut rappelé presque aussitôt , comme en-
travant les opérations de l'administration
de la FiClgique. A la fin de la session il
ne rentra pas dans le corps législatif , et
ne s/occupa plus que d'opérations com-
merciales. Il avait fixé sa résidence à
Bruxelles, oîi il est mort en 182C. En-
tr'autres ouvrages il a publié : Recon-
naissance publique, ode, 1787, in-8;
2" Mémoires sur le projet de rétablisse-
ment d'une société de jurisprudence , de
17 00, in-8 ; Z° Le républicanisme adopté
à la France , 1790 , in-8 ; 4" Le droit de
XI
ROB 4i7
faire la paix et la guerre appartient in-
contestablement à lanatioJï, 1790, in-8;
5" Opinion concernant le jugement de
Louis XVI , 1792 , in-8.
ROBERT DE Genève. Voyez Genève.
ROBERT GUISCARD. Voyez Guis-
CARD.
ROBERT SORBON. Voyez Sok-
BOSNE.
*ROBERTI (Michel), historien, na-
quit à Florence en 1382, occupa plu-
sieurs places dans cette république, et fut
lié avec les plus grands hommes de son
temps. On a de lui une Histoire générale
qui s'étend depuis la création du monde
jusqu'à l'année 1430. Elle fut imprimée
après sa mort, arrivée vers 1 4 50, et le ma-
nuscrit est conservé àFlorence à labiblio-
Ihèque Magliabecchiana. Dans cette his-
toire , écrite en toscan très pur , Roberti
prouve avec beaucoup de'sagacité, et par
des raisons qui semblent convaincantes,
que tous les changemens, ainsi que la
décadence et la chute des royaumes ont
été le résultat inévitable des fautes des
gouvernans.
ROBERTI ( Jean), jésuite, né à Sainl-
Hubert en Ardennes, l'an 1569, enseigna
la théologie et l'Ecriture sainte à Douai,
Trêves, à Wùrtzbourg , à Mayence, et
mourut à Namur le 14 février 1G51. Ses
ouvrages prouvent qu'il était versé dans
les belles-lettres, la théologie, la contro-
verse et dans l'histoire ecclésiastique.
Les principaux sont : 1" Dissertatio de
superstitione, 1 G 1 4 ; 2"^ Quatuor Evangc'
lia , historiarum et tcmporum série vin-
culata, grœce et latine , Mayence, 1G15,
in-fol.; 3° Tractatus de magneticavulne-
rum curât ione , Louvain, 1616. Le Père
Roberti y démontre les impostures de
Goclenius, qui prétendait guérir toutes
les maladies avec l'aimant. (Voyez Go-
clenius.) Il fit suivre cette Dissertation de
quatre ou cinq autres aussi .solides que la
première. 4*" Une Dissertation pour prou-
ver que saint Barthélemi était le même
que Nalhanaël. Douai, 1619, in-4; b" His~
toria sancti Huberti, Luxembourg, 1621,
in-4. Cette histoire est très curieuse, et
renferme plusieurs dissertations; la plus
importante est celle où il parle des gué-
53.
4i8 ROB
risoDS qui se font journellement à Saint-
Hubert. Il y examine , d'après les règles
de la plus sévère critique , si les céré-
monies qui s'y observent renferment
quelque chose de superstitieux, et il dé-
cide qu'elles ne contiennent rien de sem-
blable. Ces cérémonies, traitées de prati-
ques superstitieuses par Gerson , par
quelques docteurs en théologie de Paris
et les médecins de la même université
l'an 1671, par M. Gillot, docteur de Sor-
bonne , par le Père Pierre Le Brun, dans
son Histoire des pratiques superstitieu-
ses , ont été défendues , non seulement
par le Père Roberti , mais encore par le
Père Marchant , par Jacques Boudart , et
par un religieux de Saint-Hubert. (On
trouve l'explication de ces cérémonies
par ce religieux, dans V Histoire des pra-
tiques superstitieuses du Père Le Brun . }
Les docteurs de Louvain , entre lesquels
était Martin Steyaerts , les approuvèrent
par une déclaration du 6 septembre,! G90,
et les docteurs en médecine de la même
université, le 17 juin 1691. Elles ont
encore été approuvées en 1690 par les
examinateurs synodaux de Liège , et par
Jean-Louis d'Elderen , évêque de la
même ville. M. Collet a remis sur le tapis
cette question dans le 3* volume de son
Traité des dispenses, où , après avoir
répondu aux plus fortes objectioi)s, et
observé que les docteurs de Louvain ne
sont pas gens à tolérer des usages super-
stitieux, il conclut en ces termes : « Voilà
» tout ce que je puis dire au sujet de la
» neuvaine de Saint-Hubert ; pour moi ,
» je n'aurais point de peine à la faire.
» Son adversaire le plus déclaré, Gillot,
j) et tous ses Gillotins avouent qu'elle
» n'est pas évidemment mauvaise : Aperta
» corruptela vacat. Il dit de plus,
» qu'au moyen de la bonne foi et de la
3) piété avec laquelle on la fait , on peut
3) obtenir (il aurait pu ajouter, et l'on
j» obtient tous les jours de Dieu , par les
3) mérites de son saint) le préservatif
■» qu'on va lui demander. » Il est vrai
cependant qu'on attache à ce qu'on ap-
pelle le re'pit ( ou le délai qu'accordent
ceux qui ont été taillés ) des effets dé-
mentis par des exemples récens et
ROB
incontestables, et qu'on ne saurait
trop louer la prudence des religieux
de Saint-Hubert , qui , dans ces der-
nières années , ont simplifié ou réformé
plusieurs observances, dont l'explication
n'était pas sans difficulté. Rien de plus
sensé que ce qu'on lit à ce sujet dans l'ex-
cellent recueil des Vies des Pères., des
martyrs , etc., tom. 10, pag. 603. « On
)) doit implorer le secours du Ciel contre
j) la rage, avec d'autant plus d'ardeur
■» qu'on ne peut avoir guère de confiance
» dans les bains de mer et dans les autres
)) remèdes ordinaires. Le nouveau secret
» qu'on a trouvé contre ce mal redouta-
» ble a réussi quelquefois ; mais ce n'est
» rien moins qu'un remède infaillible.
3) Cependant , comme la superstition se
3) glisse facilement dans les pratiques les
» plus respectables par leur objet, il est
» du zèle des pasteurs de veiller avec le
33 plus grand soin sur les pèlerinages à
3) Saint-Hubert, et sur les autres dévo-
3) lions semblables. » 6" Sanctorum
quinquagintajurisperitorum elogia, con-
tra populare commentum de solo Ivone,
publicata, Liège, 1632. On est surpris d'y
trouver au nombre des saints avocats
plusieurs patriarches de l'ancien Testa-
ment, des rois, des papes , des docteurs
de l'Eglise , etc. 7° VitasanctiLambcrti,
episcopitunffrensis,etc., ex antiquis nuc-
toribus et chartis collecta et édita, Liège,
1633, in-12, peu commun.
ROBERTSON ( Guillaume) , théolo-
gien anglais, dont on a un Dictionnaire
hébreu, Londres, 1680; et un Lexicon
grec, Cambridge, 1695. Ces deux ou-
vrages sont in-4 , et jouissent de l'estime
des savans. U est mort en 1 G86.
* ROBERTSON ( William ) , historien
anglais , né en 17 2 1 à Borlwick en Ecosse ,
embrassa la carrière ecclésiastique au
sortir de l'université d'Edimbourg , et se
distingua comme prédicateur. Après avoir
été long-temps dans la gêne oii l'avaient
placé son peu de ressource et sa nom-
breuse famille, il fut nommé .successi-
vement chapelain ordinaire du roi, prin-
cipal du collège d'Edimbourg et histo-
riographe d'Ecosse. Il est mort en 1793,
après avoir publié: l''une Histoire de
ROB
Charles-Quint, Londres, 1769, 13 vol.
ia-4, où il y a des choses vraies et judi-
cieusement dites , mêlées avec d'autres
qui sentent la passion et les préjugés. Cet
ouvrage a été traduit en français par M.
Suard, Paris, 1771 , 2 vol. in-4 ; 1778,
6 vol. in-12;1822 et 1828, 4'^ édition,
4 vol. in-4. 2° Voe Histoire d'Amérique,
Londres, 17 77, 2 vol. in-4, rempliede faus-
setés et contenant les erreurs de la philo-
sophie anti-chrétienne. Cet ouvrage a été
traduit en français par MM. Suard et Jan-
sen, Paris, 1768, 2 vol. in-4, réimprimé
en 1827 , avec des Notes de MM. Hum-
boldtet de laRochette. 3° Des Recherches
sur l'Inde, il 90, 1799, in-4; c'est le fruit
d'une crédulité puérile et fanatique. F", le
Journ. hist. et litte'r., l«'"juin 17 92, page
163. Il a été traduit en français, Paris,
1 7 92, in-8. 4° Histoire d'Ecosse sous les
règnes de Marie Stuart et Jacques VI,
publiée pour la première fois à Londres,
1759, in-4. Cette histoire, plus recher-
chée en Angleterre qu'en France , a été
traduite en français par Bosset de la Cha-
pelle, Paris, 1772, 1784,3 vol.in-12, et
parM.Campenon,ibid.,1821,3 vol. in-8.
•ROBERTSON (Joseph ), littérateur
anglais , né à Knipe , dans le comté de
Westmoreland , en 1726, embrassa l'état
ecclésiastique, reçut le bonnet de doc-
teur en théologie , et fut nommé au vi-
cariat de Herscard au compté d'Hamp.
Roberlson était très versé dans les scien-
ces sacrées ; il étudia les antiquités , et
cultiva avec honneur les belles-lettres. Il
vint à Londres , où il travailla ( depuis
1764 à 1786) au journal intitulé Critical
Review. Il devint en 1770 recteur de
Sulton, dans le comté d'Essex, et en 1793
vicaire de Horn-castle, au comté de Lin-
coln , et y mourut en 1802. lia laissé plu-
sieurs ouvrages, dont les principaux sont :
1° Introduction à l'étude de la belle litté-
rature, 17 82, in-12 : ouvrage peu volu-
mineux, mais très utile et fort bien écrit;
2° E ssaisur la ponctuation, 1782, in-12,
qui fut très bien accueilli ; 3° Disserta-
tion sur la chronique de Paras , 1788.
On ne connut que quelques années après
le mérite de celle dissertation. 4" Télé-
maque, nouvelle traduction du français,
ROB 4ï9
avec des notes et la vie de l'auteur, 1795,
3 vol. in-8; 5° Essai sur la nature de la
poésie anglaise , 1798. Cet essai est ua
des meilleurs ouvrages de Roberlson ; il
s'y montre littérateur profond et sage
critique.
ROBERVAL ( Gilles Persose, sieur
de ) naquit en 1602 àRoberval, paroisse
du diocèse de Beauvais. Il devint profes-
seur de mathématiques au collège de
Maître-Gervais à Paris; il disputa ensuite
la chaire de Ramus et l'emporta. La con-
formité des goûts le lia avec Gassendi et
Morin. Il succéda k ce dernier dans la
chaire de mathématiques au Collège royal,
sans quitter néanmoins celle de Ramus.
Il fit des expériences sur le vide, inventa
deux nouvelles sortes de balances , dont
l'une est propre à peser l'air , et lui mé-
rita d'être de l'académie des Sciences.
Ses principaux ouvrages sont -. 1° un
Traité de mécanique dans l'Harmonie du
Père Marsenne ; 2° une Edition d'Aris-
tarcus Samius, etc. Ils furent recherchés
dans leur temps. Ce savant estimable
mourut en 1675, à 73 ans. Il eutquelques
disputes avec Descartes , lui contesta la
gloire de ses inventions analytiques, et
même son savoir géométrique.
* ROBESPIERRE (Maximilien-Joseph-
Isidore de ), l'un des personnages triste-
ment fameux de la révolution française ,
naquit à Arras en 17 59 d'un avocat au
conseil supérieur de l'Artois, qui , après
avoir dissipe sa fortune et même contracté
des dettes , prit le parti de quitter la
France et se rendit à Cologne , où il éta-
blit une école. Le père de Robespierre
se rendit ensuite en Angleterre, et de là
en Amérique, où il parut avoir entière-
ment oublié sa famille. Si l'on en croit une
biographie ( celle des Contemporains ) ,
il mourut à Munich. Il laissait deux filles
et deux fils ( Maximilien et Augustin ) ,
sans secours et sans appui , et dans un
âge bien tendre ils avaient aussi perdu
leur mère, fille d'un brasseur de bière
d'Arras , remplie de vertus et de qualités.
M.deCouzié, évêque d'Arras, les prit sous
sa protection, et leur fit obtenir une bourse
au collège de Louis le Grand. Maximilien
montra d'abord ce caractère sombre et
420 ROB
dissimulé qu'il conserva foute sa vie , et
fît paraître en même temps un amour
pour l'indépendance qui régla ensuite
toutes ses actions. On prétend que M. Hé-
rivaux, l'un de ses professeurs, contribua
à développer en lui son penchant pour
l'égalité et le républicanisme , en exci-
tant son admiration pour les héros de
la Grèce et de Rome , dont Robespierre
devint un des plus grands enthousiastes.
Le jeune Maximilien était très laborieux;
il lit de bonnes études, et donna des es-
pérances qu'il ne réalisa pas entièrement.
L'abbé Proyart , sous-principal à Louis-
le-Grand , était le dispensateur des se-
cours que le charitable M. de Couzié con-
tinuait à envoyer aux deux frères , et au
sortir du collège, l'abbé Aimé, chanoine
de Paris, les admit à sa table, et leur pro-
cura des connaissances utiles. Maximi-
lien, en récompense de ces faveurs , fut
dans la suite son ennemi le plus acharné.
Après avoir terminé ses cours de droit ,
il devint avocat au conseil d'Artois ; et,
commença à se faire connaître par plu-
sieurs Mémoires contre les magistrats
de Saint-Omer, qui avaient prohibé dans
leur ville l'usage du/>flra/o««erre, comme
étant, disaient-ils, une invention inutile
et dangereuse. Robespierre, en plaidant
cette cause, la gagna, et obtint du tribu-
nal d'Arras la permission de rétablir le
paratonnerre qui avait été abattu dans
sa maison. Dans le Me'moire qu'il fit à
cette occasion ( 1783 ), on lit un grand
éloge de Louis XVI, que dix ans après il
conduisit à l'échafaud. Il remporta en
17 85 le prix pour un discours présenté à
l'académie de Metz, et publié dans cette
même année, dont le sujet proposé était
de déterminer Vorigine de Vopinion qui
étendait sur tous les individus d'une
même famille une partie de la honte
attachée aux peines infamantes subies
par un coupable. Quelque temps après, il
fut reçudans l'académie d'Arras. Partisan
du pbilosophisme , ami des innovations,
affectant une morale austère, il avait
ainsi toutes les qualités requises pour se
distinguer dans la révolution. Au com-
mencement des troubles, il ne manqua
pas de se concilier, dans sa ville natale.
ROB
la faveur du peuple et des innovateurs ,
en affichant le plus ardent patriotisme ;
il fut, en conséquence, nommé par le tiers
du bailliage d'Arras député aux états-gé-
néraux, et commença sa carrière politi-
que, le 27 juillet 1789, par un discours
sur le secret des lettres, où l'on remar-
que, entre autres choses : « La première
» de toutes les lois est le salut du peuple.
» Obligé par le plus impérieux de tous
» les devoirs de venger l'attentat projeté
» contre les représentans de la nation ,
)) on doit ^e servir de tous les moyens
w possibles. Le secret des lettres est in-
» violable, mais il est des circonstances
» ohVon doitle violer. Qu'on ne cite pas
)> l'exemple de Pompée qui brûla les
« lettres adressées à Sertorius ; Pompée
)) était un tyran ennemi de la liberté pu-
» blique , et nous , nous en sommes les
» restaurateurs. » Mirabeau jouissait
alors d'une grande popularité. Robes-
pierre devint un de ses plus assidus
courtisans; mais comme Mirabeau le mé-
prisait, et ne cachait pas son mépris, Ro-
bespierre commença peu à peu à s'en éloi-
gner. Robespierre avait exercé pendant
cettesession très peu d'influence sur cette
assemblée ; il ne s'y fit guère remarquer
que par le discours sur l'inviolabilité des
lettres dont nous avons parlé. Il sup-
planta Mirabeau dans la faveur populaire,
et devint l'oracle des démagogues qui
lui décernèrent le titre d'incorruptible,
comme à Péthion celui de vertueux.
Après la session il ne parut point dans
les divers mouvemens populaires , quoi-
qu'il fût en intelligence avec les moteurs
de ces désordres. Pendant les séances de
l'assemblée nationale , il se mêla dans
toutes les discussions, et prononça plu-
sieurs discours , plus fougueux qu'élo-
quens , sur la liberté de la presse , sur
les conspirations supposées du gouver-
nement, sur le droit qu'avait , selon lui ,
tout homme non propriétaire d'entrer
dans les assemblées publiques, etc. Ce-
pendant, il soutint toujours jusqu'à la
lin des sessions « que le régime moniir-
» chique était le seul qui convint à un
)j empire aussi grand que la France. » Il
n'était pas moins, malgré ce principe.
ROB
attaché aux jacobins , et s'opposa à ce
qu'on donnât au monarque le droit de
paix et de guerre , et à ce qu'on déclarât
sa personne inviolable. Il parla ensuite
des prêtres et des émigrés avec une mo-
dération dont on ne le croyait pas capa-
ble ,et, lorsqu'on discuta le Code crimi-
nel , il demanda avec énergie l'abolition
de la peine de mort , comme injuste et
contraire à la nature : ainsi , il n'excluait
dans celte abolition ni les parricides ni
les traîtres à la patrie. Deux ans après ,
il changea de langage , et envoya à l'é-
chafaud , non de grands coupables , mais
des milliers d'innocens. Pendant cette
seconde session, Robespierre n'avait au-
cun système arrêté : il caressait les ja-
cobins et défendait le prince de Condé.'
D'autres l'ont accusé de n'avoir été qu'un
tartuffe en politique : ils prétendaientque
l'éloge de la monarchie qui se trouva
dans sa bouche , que la demande qu'il fit
de l'abolition de la peine de mort , que
la modération avec laquelle il parla des
prêtres et des émigrés , n'étaient que de
pures jongleries. L'histoire n'a pas en-
core définitivement prononcé son arrêt
fatal sur Robespierre, et l'on ne peut as-
surer, ce nous semble, si le langage de ce
révolutionnaire était celui de l'hypocrisie
ou de l'incertitude , si sa conduite à
l'assemblée nationale fut celle d'un
homme déjà perverti , ou bien rappelé
encore au devoir par le souvenir d'une
éducation religieuse. Ce qu'il y 'a de
certain , c'est que le crédit de Robes-
pierre n'augmenta pas dans l'assemblée ;
mais en revanche , il en acquérait un
immense sur le peuple dont il savait à
propos flatter les passions. Applaudi
avec transport par une mullilude égarée
et corrompue , il s'établit son apologiste,
encouragea ses révoltes et prépara ainsi
les scènes sanglantes qui allaient bientôt
remplir la France de deuil et de terreur.
Dans le mois de mars 17 91, il parla sur
la le'gislatinn des colonies et combattit
Barnave qui proposait de laisser l'initia-
tive aux Colons : ce fut à celte occasion
qu'il fil entendre cette funeste exclama-
tion : Périssent les colonies plutôt qi/un
principe'. Lorsque la famille royale fut
ROB 421
arrêtée à Varennes, Robespierre, qui
avait entièrement jeté le masque , de-
manda des couronnes civiques pour ceux
qui avaient empêché la fuite de l'infor-
tuné monarque , et soutint qu'il devait
être soumis , ainsi que la reine , aux
formes ordinaires delà justice : la reine,
comme simple citoyenne, le roi comme
fonctionnaire responsable envers la na-
tion. Il demanda en outre que Monsieur,
frère du roi , fût poursuivi, et essaya dès
lors , mais sans succès , de faire adopter
cette monstrueuse maxime , que tout ci-
toyen peut être mis en accusation sans
preuve et sur de simples indices. Il se
prononça ensuite contre l'inviolabilité
du roi qu'il présenta comme un traître
et un tyran. Une pareille conduite lui
■valut les honneurs d'une espèce de
triomphe , et une troupe de forcenés qui
le portaient dans les rues l'appelaient
l'ami du peuple , le défenseur de la li-
berté. Nommé accusateur public près
le tribunal criminel de la Seine, il fut
puissamment secondé parPéthion , maire
de Paris, et par Danton, substitut du pro-
cureur de la commune : ce fut ce trium-
virat qui ! égna réellement , et qui remplit
Paris d'une foule de gens sans aveu qui
devinrent ensuite les assassins stipendiés
des révolutionnaires qui gouvernèrent la
France. La lutte entre la révolte et la
royauté était ouverte. Robespierre n'é-
tait pas assuré du résultat : il redoutait les
conséquences de la guerre. Il montra donc
une espèce de modération , et exprima
même des opinions presque sages dans
un journal qu'il établit sous le titre de
Défenseur de la constitution. Il ne prit
aucune part active à la journée du 10
août 1792, et se tint à l'écart pendant les
massacres de septembre. Elu 1" député
de Paris à la Convention, il ne tarda pas
à la dominer ; et voyant Louis XVI au
pouvoir de ses ennemis , il ne dissimula
plus sa haine, et contre ce prince et contre
la monarchie. Cependant ses projets ne
pouvaientéchapperauxyeuxpénétransde
plusieurs députés de la Gironde, parmi
lesquels on comptait de grands orateurs
et des talens distingués. Unis à Louvet et
au ministre Roland , ils le dénoncèrent
422 ROB
le 25 septembre, comme voulant s'élever
à la dictature : il s'engagea alors entre
Robespierre et ceux de ce parti une
lutte terrible qui donna lieu à plusieurs
séances orageuses ; mais le premier ,
secondé par les jacobins, l'emporta en-
fin sur ses redoutables adversaires. Il ne
cessa de poursuivre le nialbeureux Louis
XVI avec une incroyable activité. Ce fut
lui qui , s'apercevaut que les Girondins
cherchaient à sauver la vie de ce monar-
que, parvint, avec Danton , à les inti-
mider par les cris et les menaces de ceux
de son parti; il se déclara contre l'appel
au peuple et le sursis , et dit , avec une
ironie féroce , « que c'était une cruauté
■a que de vouloir prolonger l'agonie de
w Louis Capel » Il reprit ensuite, se
tournant vers les Girondins : « Vous ne
» demandez un sursis que pour le sau-
» ver... « Il est inutile d'ajouter qu'il vota
la mort de ce monarque. Après ce cruel
assassinat , une nouvelle lutte recom-
mença entre lui et les Girondins : secondé
puissamment par Daulou et par la com-
mune de Paris , il amena les journées
des31 mai et 2juin lldZ, elles Girondins
furent proscrits. Les résultats de ces deux
journées furent attribués à Danton ; mais
ce fut Robespierre qui en tira tous les
avantages ; dès lors il se rendit maître de
la Convention nationale , et fonda ce
régime sanguinaire qui ne finit qu'a-
vec sa vie. Il était encore, ou, pour
mieux dire , il feignait d'être l'ami de
Danton ; aussi s'unit-il à lui pour pro-
scrire les fêtes ridicules et impies dites
de la Raison, inventées parCbaumette,
qu'il envoya à l'échafaud, ainsi qu'Hé-
bert , chef des athées , et plusieurs de ses
partisans. Sa puissance augmentait de
jour en jour en s'élevant sur les ruines des
partis différens qu'il terrassait. Danton ,
qui craignait que sou tour n'arrivât, di-
sait : n Tout ira bien tant qu'on diraRo-
» bespierre et Danton; mais malheur à moi
M si l'on dit Danton et Robespierre ! »
L'un et l'autre commencèrent enfin à se
regarder avec mcftance ; on chercha aies
réunir, mais leur entrevue ne fitqu'accé-
lérer leur rupture. Danton lui ayant re-
présenté que , dans les nombreuses pro-
ROB
scriplions qui désolaient la France, il ne
fallait punir que les coupables : « Qui
» vous a dit , lui répondit Robespierre
)) en fronçant le sourcil , qu'on ait lait
» périr un innocent ? » Ce fut comme
son dernier arrêt contre son ancien col-
lègue. Lesami s de celui-ci lui conseillè-
rent de frapper le grand coup ; mais Dan-
ton temporisa et fut la victime de son
adversaire. Robespierre, délivré de Marat,
d'Hébert et de Danton , se trouva maître
absolu. Ayant sous ses ordres l'affreux
comité de salut public , il couvrit la
France de dénonciations , de proscrip-
tions, de tribunaux assassins, et enfin
il répandit une terreur si générale , que
tout Français craignait de se confier à
son ami, à son parent, à son voisin , ne
voyant autour de lui que des massacres
et des échafauds. Ses proconsuls. Carrier,
Couthon, CoUot-d'Herbois, etc., allaient
par ses ordres inonder de sang les prin-
cipales villes de chaque département ;
la Vendée surtout fut le théâtre de leurs
horribles expéditions. C'est alors queRo-
bespierre s'écria dans l'assemblée , qu'il
appelait sa machine à décrets, « que la
» republique s'était glissée en France au
» milieu des cadavres et à l'insu des par-
» tis. » Sûr de la terreur qu'il avait in-
spirée à la France entière , on l'entendit ,
au club des jacobins , et même dans l'as-
semblée , dire sans cesse ce mot absolu :
Je veux. Souvent il semblait parler
comme par inspiration , et prenait le ton
d'un illuminé. Sous son régime tyranni-
que, il poursuivit avec un cruel acharne-
ment les émigrés et les prêtres , que jadis
il avait feint de ménager. Cependant ,
pour mieux parvenir à un pouvoir peut-
être plus absolu encore, il voulut deve-
nir chef d'une religion , et fit établira
cet effet unefêle en l'honneur de VEtre
suprême , auquel il daigna donner un
brevet d! existence , en le reconnaissant
par un décret, et dont il se déclara le
pontife. Le discours qu'il prononça passe
pour être de Rernardin de St. -Pierre.
Une fête fut célébrée au jardin des Tui-
leries; Robespierre la présida : il avait
un habit bleu-violet, costume de deuil
des rois de France, tandis que tous les
V
ROB
membres de la Convention portaient des
habits d'un bleu dit de roi. On afficha en
même temps sur les portes de tous les
temples cette inscription assez singu-
lière : Les Français croient en Dieu.
Après cette cérémonie, plus politique
que religieuse , Robespierre prit la con-
tenance d'un souverain. Suivant la re-
marque d'un historien, la France qui
avait gémi sous les luttes des différentes
factions, sembla applaudir un instant au
coup que leur porta Robespierre , espé-
rant être moins malheureuse sous un seul
tyran. Mais, soupçonneux, lâche et per-
fide, craignant encercles restes du parti
de Danton , il voulut continuer à répan-
dre du sang ou à proscrire. Il consigna
dans sa funeste liste le nom de plusieurs
de ses collègues , ce qui donna occasion
à une dispute très violente entre lui et
Billaud, qui avait quelque influence dans
la Convention, et qui cette fois ne voulut
pas lui abandonner des victimes. La me-
nace d'un péril imminent donna du cou-
rage aux plus timides. Les mécontens se
réunirent aux partisans de Danton, et
ceux qui, fatigués de tant de discordes ,
se seraient peut-être bornés à comman-
der sous Robespierre , voulant se sous-
traire à ses nouvelles pei^écutions , for-
mèrent contre lui un complot qui éclata
dans une discussion inattendue le 9 ther-
midor de l'an 11 ( 27 juillet 1794), et
ôla à Robespierre et à ses afTidés , Cou-
thon et Saint-Just , tout moyen de dé-
fense. Le premier monta à la tribune ;
mais .sa voix étouffée par mille autres qui
criaient A bas le tyran ! ne put parve-
nir à se faire entendre, a Un mot , disait-
« il écumant de rage , un mot, président
» des assassins !... — C'est le sang de
» Danton qui l'étouffé , » cria encore une
autre voix. Décrété d'accusation , on le
fit passer à la barre avec Sainl-Just,
Coulhon, Robespierre le Jeune et Le Bas.
Robespierre fut d'abord conduit à la Con-
ciergerie; mais la terreur qu'inspirait
encore son nom était telle , que le con-
cierge refusa de l'y recevoir. Il put se
sauver à l'Hôtel-de-Ville. Pendant ce
temps, et aussitôt que les membres delà
commune de Paris eurent appris que leur
ROB 4^3
protecteur était arrêté , ils ordonnèrent
de sonner le tocsin , ramassèrent dans
les rues tous ceux qu'ils trouvèrent parmi
les amis du tyran : un de ses satellites
courut à bride abattue faire fermer les
portes de la ville. Henriot , commandant
de la garde nationale , et qui était dans
un état complet d'ivresse , réunit quel-
ques canonniers pour les opposer aux
sections ; mais ils refusèrent de faire feu.
On dit que Robespierre, a.ssis sur un fau-
teuil dans la salle de l'Hôtel- de- Ville, et
entouré de ses adhérens , refusa de mar-
cher contre la Convention , pour ne pas
être, disait-il, considéré comme un tyran,
par l'obligation où il se serait trouvé de
dissoudre ce corps avec la force armée.
Cependant il n'avait pas écouté ces con-
sidérations au 31 mai 1793, et en d'au-
tres circonstances. La Convention ayant
mis hors la loi ses partisans , ceux-ci se
découragèrent. Un détachement des trou-
pes de la Convention pénétra dans l'Hô-
tel-de-Ville ; Robespierre se cacha dans
un coin obscur ; ses amis firent encore
leurs derniers efforts pour le défendre ;
mais un gendarme courageux, Charles
Méda , assailli par les municipaux, le dé-
couvrit , et , au moment oîi il allait se
suicider, lui tira un coup de pistolet qui
lui fracassala mâchoire inférieure. Trans-
porté au comité de salut public de la
Convention , il montra un courage dont
on ne le croyait pas capable. Etendu sur
une table, il souffrit sans se plaindre,
sans proférer un seul mot , les interroga-
toires de ses juges, la douleur de ses bles-
sures , la fièvre qui le dévorait , et les
injuresde ceux qui voyaient ses souffran-
ces avec plaisir. Le lendemain, 10 ther-
midor ( 28 juillet 1704 ), à quatre heures
du soir, il fut conduit à l'échafaud avec
vingt-deux de ses complices. Son visage
était méconnaissable, ses yeux entière-
ment fermés , et ses mâchoires soutenues
par un bandeau. Le peuple fit arrêter la
charrette vis-à-vis la maison qu'il occu-
pait ; une femme se mit à danser autour
de la voiture , en s'écriant ; « Ta mort
m'enivre de joie ; descends aux enfersavec
les malédictions de toutes les épouses et
de toutes les mères. » Il fut exécuté k
424 ROB
rage de trente-cinq ans. Ses vainqueurs
prirent depuis lors le surnom de thermido~
riens. On lui &t l'épitaphe suivante :
Passant, ne pleure point sou sort ,
Car s'il vivait, tu serais mon.
Il ne sera pas inutile de donner quelques
détails sur la figure , le caractère et la
politique de cet homme horriblement cé-
lèbre. Il était maigre , et d'une taille de
cinq pieds deux pouces. Sa démarche
était vive , ses yeux morues et éteints ,
et il portait souvent des conserves. Par
une espèce de contraction nerveuse , il
crispait souvent ses mains , et celle con-
traction se faisait sentir dans ses épaules
et dans son cou ; ses manières étaient
brusques, son teint livide, sa voix faible,
aigre et criarde; son regard farouche dé-
signait, comme celui de Catilina, les
victimes qu'il voulait immoler. Il avait
un grand soin de sa parure, et était so-
bre , non par vertu , mais par politique
ou par tempérament. Orateur médiocre,
il s'élevait parfois dans les occasions im-
portantes , et alors sa logique était plus
adroite qu'éloquente ; sa diction , rem-
plie d'antithèses, d'ironies, de lieux com-
muns , était âpre , sans ordre et souvent
obscure et triviale. Il sut apprécier la
puissance de la multitude, profiter des
talens et des crimes des autres , les flat-
ter pour les asservir, et les sacrifier quand
ils voulaient s'attirer la faveur du peuple,
dont il prétendait jouir exclusivement.
Lié aux partis qui avaient fait écrouler le
trône, il en devint l'ennemi quand ils
voulurent remporter leprixdeleur triom-
phe ; c'est oe qui amena la proscription
des députés de la Gironde , la mort de
Danton , d'Hébert et de leurs satellites.
A l'égard des siens , il les ménagea , les
défendit tant qu'il eut besoin de leurs
services, et il les immola quand ils paru-
rent réclamer une récompense. Frofon-
dément dissimulé , et froidement cruel,
il n'eut aucun confident de ses arrière-
pensées, et son âme vivait solitaire et
inébranlable au milieu de tontes les fac-
tions, et de tout le sang qu'il répandait.
Maître de la municipalité de Paris , il en
dirigeait les opérations , commandait
aux conununes des départemens , et avec
ROB
ces secours, il 'parvint à exterminer les
chefs de partis. C'est ainsi que , scélérat
lui-même , il put décourager l'ambition
,de tous les scélérats , quil les fit périr ,
ou les contraignit à se tenir au second
rang , et à n'être que des valets assassins
ou incendiaires, prêts à frapper à son
moindre signal. Doué d'une grande pré-
somption, il méprisait Pilt , et prenait
presque pour des éloges les sarcasmes
piquans du duc d'York. Il fut au comble
de la joie lorsqu'il apprit que les jour-
naux anglais appelaient les armées fran-
çaises , les troupes de Robespierre . Tour
à tour il protégea et opprima la Conven-
tion. Si un des membres faisait lUie pro-
position qui lui déplaisait, il le regardait
d'un air menaçant , et souvent par ce re-
gard il le condamnait au silence. Il ne
s'environna que de gens nourris dans le
crime, soumis aveuglément à ses volon-
tés , parce que , d'un seul mot , il pou-
vait les livrer à l'échafaud. Faible et vin
dicatif, sombre et audacieux, il trans-
forma les erreurs en crimes. Il sut profi-
ter des circonstances, et non pas les
créer; aussi il en devint la victime. Il
avait une loge distinguée au Théâtre-
Français , et une autre, profonde et gril-
lée, à l'Opéra. Soit au spectacle, soit dans
quelque autre endroit piibl-j où il se
trouvât , on n'osait parler m rire dans
son voisinage : « Paix, paix! disait-on ,
le voilà. » On cita dans le temps une
correspondance de Robespierre avec l'é-
tranger, d'après laquelle on disait qu'il
aspiraità la dictature; on ajoutait même
qu'il avait un parti à Londres disposé à
reconnaître sa puissance absolue , à cer-
taines conditions; on dit aussi que cette
correspondance fut découverte par deux
Genevois, nommés Comte et Videl, qui
la dénoncèrent à Soulavie, résident de
France, et ennemi de Robespierre. Celui- .
ci s'étant emparé des lellres, les remit au
député Meaullc , alors en mission à Ge-
nève, qui les expédia au comité de sû-
reté générale; mais Robespierre en ayant
été averti , fit fusiller à Genève Comte et
Videl , les désignant comme deux con- 'i
spirateurs; le résident Soulavie fut ar- I
rêté , et un Allemand qui portait ce mê-
ROB
me nom fut guillotiné le 5 thermidor.
Quoiqu'il en soit de ces assertions, il pa-
raît certain que le représentant Yadier,
devenu possesseur de ces lettres, les
montra aux ennemis de Robespierre , et
qu'elles accélérèrent sa chute et préparè-
rent au 9 thermidor les cris : A bas le
tyran 1 CoUot-d'Herbois tenta , avec ces
mêmes lettres , 'de surprendre la con-
fiance des jacobins. Parmi les reproches
qu'on fit à Robespierre le 9 thermidor,
ceux des chefs thermidoriens sont aussi
extraordinaires que remarquables ; ils ne
lui reprochèrent pas d'avoir tyrannisé sa
patrie, mais l'un, d'avoir méprise' son
rapport sur les agens de Pitt ; l'autre,
d'avoir dénigre' ses travaux ; celui-ci ,
d'avoir garde' dans sa poche , pendant
six semaines , son projet de gouverne-
ment re'volutionnaire , et de l'avoir ren-
du inutile en disant que c'était une arme
à deux tranchans ; celui-là , de l'avoir
fait rappeler de Bordeaux ; un autre ,
de l'avoir empêché d'achever la destruc-
tion de Lyon , etc. , etc. Mais des repro-
ches plus justes retentissaient d'un bout
à l'autre de la France , et partaient du
cœur ulcéré des pères , des épouses, des
mères , des nombreuses familles , enfin ,
qu'il avait couvertes de deuil. Et quand
même Robespierre n'eût pu imaginer les
petits détails de cruauté dans lesquels se
signalèrent Dumas , Coliol-d'Herbois ,
Biilaud, Carrier, etc., fût-il encore vrai,
comme le prétend un écrivain, que ce
fut pendant qu'il s'absenta des comités
que la terreur fut portée à son comble,
il n'est pas moins vrai qu'on lui dut
la création de cet affreux système, et
que, lorsque le sang devenait utile à ses
projets, il le répandait à grands flots.
Outre une foule de pamphlets publiés
sur Robespierre après sa mort , on cite
1° Conjuration de Robespierre par
Montjoie , 1794, in- 8; 2° Mémoire
d'un détenu pour servir à Fhistoire de
la tyrannie de Robespierre ,parRiouûe,
1795, in-8; 3° La vie et les crimes de
Robespierre, par Desessards, 1798, 2 vol.
in- 12 ; 4° Rapport de V examen des pa-
piers , trouvés chez Robespierre et ses
complices par Courtois , 2 vol . in-8 ( le
XI,
ROB 425
Dictionnaire des Anonymes, numéro 1 5,
289, attribue cet ouvrage à M. Laya ). 5"
Papiers inédits trouvés chez Robes-
pierre, supprimes eu omis par Cour-
tois , précédés du rapport de ce député
à la Convention nationale. On trouve
aussi dans le Mémorial de Sainte-Hé-
lène, 1830, 4 vol. in-8, et dans la Rela-
tion du docteur Oméara , des détails cu-
rieux sur ce personnage si tristement
célèbre. Serieys a composé en 1801 une
tragédie de Robespierre en 3 actes et en
vers. Parmi les écrits de Robespierre , on
cite 1" Plaidoyers pour le sieur P^issery
( pour les paralonnères ) : on remarque
dans ce discours l'éloge du malheureux
prince qu'il envoya à l'échafaud, 1783 ,
in-8 ; 2° Discours sur les peines infa-
mantes, couronné par la société royale de
Metz, 1785, in-8 ; 3° Eloge de Gresset ,
discours qui a concouru pour le prix
proposé par l'académie d'Amiens en
1785, Londres ( Paris), 1785, in-8 ; on y
trouve les plus sages principes , l'amour
du roi, de la monarchie et de la religion;
i° Eloge de M. Dupaty , président au
parlement de Bordeaux , 1789 , in-8 ;
6° Le défenseur de la Constitution,
journal qui parait depuis le mois d'avril
1792, jusqu'en 1793 ; 7° Des Discours ,
rapports et opinions insérés dans les
journaux du temps.
* ROBESPIERRE le Jeune ( Augus-
tin Benoît-Joseph ) , frère du précédent,
naquità Arras en 1700 , fut élevé au col-
lège de I-ouis-le-Grand, suivitle barreau,
et était avocat dans sa patrie au commen-
cement de la révolution. Nommé pro-
cureurdesa commune, et ensuite député
à la Convention nationale, il ne s'y fit
guère remarquer, sice n'est en secondant
tous les projets de son frère, qui l'appe-
lait cependant une bête. Il partagea sa
haine contre Louis XVI , dont il vota la
mort; il la partagea également contre
les Girondins. Il fut un des séides du ty-
ran , sans pouvoir devenir un de ses
principaux satellites. Il dénonça plusieurs
fois le ministre Roland et les députés de
la Gironde , et , le 6 avril 1 793 , il fit ar-
rêter Laclos et Bonne-Carrère , comme
agens de ce parti. Quand la commune de
54.
426 ROB
Paris , aidée par les section§ , accusa les
52 députés de la Gironde, il proposa de
décréter qu'elle avait bien mérité de la
patrie. Il fut envoyé à l'armée que Car-
taux commanda contre les Marseillais , et
passa ensuite à Nice et à Toulon , avec
Fréron et Barras , pour y faire exécuter
des mesures révolutionnaires. A son re-
tour dans la capitale, soit par les intri-
gues de Fouché, soit par les plaintes de
I.ebon , qu'il accusait de cruauté , il se
brouilla avec son frère ; il s'était récon-
cilié avec lui peu de jours avant leur
chute commune. Le 2T juillet 1794,
quand il le vit décrété d' occusation, il de-
manda à partager son sort comme il avait
partagé sesvertus ; cette demande lui fut
accordée, et il fut mis à la barre avec son
frère et ses autres complices. La Conven-
tion ayent appris que ceux-ci étaient
maîtres de l'Hôtel-de-Ville , et en état
d'insurrection , les mit hors la loi. Ro-
bespierre le Jeune, voyantla force armée
pénétrer dans l'enceinte, et son frère bles-
sé, s'élança par une fenêtre sur la place
de Grève. Il avait voulu, par cet acte de
désespoir , échapper à l'échafaud ; mais
il ne se cassa qu'une jambe , et périt le
lendemain avecsonfrère et les autres co-
accusés. Il avait 34 ans. Son admiration
pour son frère aîné tenait delà stupidité
et du délire
• ROBILLARD ( N. ) , ne à Metz en
1722 d'un professeur de l'école d'artil-
lerie ,est célèbre par ses talens précoces.
A l'âge de 14 ans, il avait étudié le latin,
les humanités, la philosophie et une
grande partie des mathématiques. A
peine avait-il atteint sa seizième année,
qu'il adressa à l'académie des Sciences
un Traite sur Vapplication de la géo-
métrie ordinaire et des calculs différen-
tiel et intégral à la résolution de plu-
sieurs problèmes .- cette académie en fit
réloge dans ses Mémoires de l'année
1740 , et l'ouvrage de Robillard fut im-
primé à Paris en 17 53, avec 30 plan-
ches. Ce jeune savant , né avec une santé
fragile et affaiblie par l'étude , mourut
en 17 42 , à l'âge de 20 ans,
' ROBIN ( Jean ) , le plus célèbre des
botanistes de son temps , suivant TouT'
ROB
nefort, naquit vers 1563. Il cultiva les
sciences naturelles , et fut botaniste de
Henri IV. Il établit à ses frais un jardin
dans lequel il élevait des plantes rares
pour procurer des modèles nouveaux aux
brodeuses de la Cour. Il enrichit de quel-
ques plantes le jardin des Tuileries , fut
le premier qui introduisit en France la
keturie ou grande mauve , plante qui a
les couleurs vives et très variées ; il na-
turalisa , en 1 600 , le faux acacia , des
graines qu'on lui avait envoyées du Ca-
nada. Linnée , en mémoire de ce bota-
niste , a donné à cet arbre le nom de
robinia pseudo-acacia. On a de Robin
l'ouvrage suivant : Description du jar-
din des Tuileries , 1608 , in-fol. H mou-
rut vers 1630.
* ROBIN ( Vincent ), médecin du roi,
naquit à Dijon , et vivait en 1633. Il ac-
quit beaucoup de réputation dans son
art , et cultiva aussi avec succès la poésie.
Il a laissé deux ouvrages fort estimés dans
le temps , savoir : 1° Avis sur la peste
reconnue en quelques endroits de Bour-
gogne , avec choix de remèdes propres
pour la préservation et guérison de cette
maladie, Dijon, 1628, in-12; 1° Syn-
opsis rationum Fieni et adversario-
rum , de tertia fœtus a/iimatione , ex
quibus clare constabit celebratam anti-
quitate opinionem de fœtus formationc
deserendam , Fieni vero novam com-
plectendam , Dijon , 1632 , in-4.
ROBINET ( Urbain ) , pieux et savant
docteur de Sorbonne, chanoine et grand-
vicaire de Paris, abbé de Bellozane, né
en Bretagne , mort le 29 septembre 1 7 58,
âgé de 75 ans. Il est le rédacteur du Bré-
viaire de Rouen , qui ( si on excepte la
mutilation des Psaumes ) est un chef-
d'œuvre en ce genre , Rouen , 1736.11
publia en 1744 : Breviarium ecclesias-
ticum clero propositum ; ce bréviaire a
été adopté par les évêques de Cahors et
du Mans , et quelques autres. ( ployez
QoiGNOGNES. ) On lui attribue les belles
Préfaces pour la messe des morts , celle
du Saint-Sacrement , de la dédicace de
l'Eglise, de l'Avent, delà Toussaint, etc.,
qu'on chante dans la plupart des églises
de France. ( Foyez le Journal historique
ROB
et littéraire, 1" août 1786, page 490. )
'ROBINET ( Jean-Baptiste-René),
écrivain, né à Rennes, le 23 juin 1735,
mort dans sa patrie, le 24 mars 1820,
embrassa d'abord la vie religieuse chez
les jésuites ; mais ayant bientôt regretté
sa liberté, il rentra dans le monde, se
livra avec ardeur à la culture des lettres,
et alla ensuite en Hollande faire impri-
mer l'un de ses ouvrages qui a pour ti-
tre Delà nature, et qui est rempli d'opi-
nions singulières. De retour à Paris en
1778, Robinet fut nommé censeur royal
et secrétaire particulier du ministre Ame-
lot. Il se retira ensuite dans son lieu na-
tal. Il avait été un des disciples des ency-
clopédistes, et s'était attaché , pendant
la révolution , aux principes de l'Eglise
conslilulionnelle. Il eutle bonheur d'être
ramené à la religion , et signa , avant sa
mort, une rétractation de ses erreurs.
Robinet a laissé un assez grand nombre
d'ouvrages, dont on trouve la liste dans
Y Annuaire nécrologique de 1820. Nous
citerons seulement : 1° De la nature,
1761, in-4, 176G-68, 4 vol. in-8. Une
mauvaise physique, une métaphysique
plus mauvaise encore , forment le fonds
de ce livre, rempli de paradoxes sur Dieu
et ses attributs, sur l'âme, sur la ma-
tière, sur les sensations, etc. Peu d'ac-
cord avec lui-même, il nie dans un en-
droit ce qu'il accorde dans l'autre, et
accumule les contradictions, les hypo-
thèses et les assertions les plus hardies.
Le Père Richard , dominicain , publia
contre Robinet : La nature en contraste
avec la religion et la raison , in-8 , 1773;
et l'abbé Barruel a consacré plu.sieurs
passages des Helviennes à réfuter les
systèmes du livre de la nature. 2" Essai
de morale, ou Recherches sur les prin-
cipes de, la morale , traduit de l'anglais,
de David Hume, 1761, in- 12. Ce vo-
lume fait partie de la collection des OEu-
fre5 philosophiques de Hume, traduites
par Mérian. 3" Parallèle des conditions
et de la faculté de l'homme avec la con-
dition elles facultés des autres animaux,
1769, in 12 ; 4° Paradoxes moraux et
littéraires, 1769,in-12; b° Considéra-
tions philosophiques sur la gradation
ROB 427
naturelle des formes de Vêtre ; 6» Dic-
tionnaire universel des sciences morales,
économiques, etc., 1783, 3 vol. in-8;
7° Grammaire française, extraite des
meilleurs grammairiens, 1762, 3 vol.
in 8 ; 8° L'homme d'état, traduit de l'i-
talien , in-4 , ou 3 vol. in-12. Robinet a
aussi travaillé à divers recueils , et a tra-
duit des romans et des livres anglais,
Foyez V Annuaire nécrolog. de M.^Mahul,
tom. premier, et surtout l'.(^mirfe te iîeZi-
gion, tom. 24, p. 367.
* ROBINS ( Benjamin ) , savant ma-
thématicien anglais , naquit à Bath en
1707 deparensqui étaient de la secte des
quakers. Leur croyance , qui leur inter-
dit l'étude des sciences profanes , ainsi
que leur peu de fortune, ne leur permi-
rent pas de donner au jeune Robins une
éducation soignée; mais il sut se la pro-
curer lui-même, et, sans aide et sans
secours, il acquit de vastes connais.san-
ces. Il cultiva plus particulièrement les
maihématiques ; et ses amis, surtout le
docteur Pemberlon , lui donnèrent plu-
sieurs problèmes qu'il parvint à résoudre
avec succès. Ces mêmes amis l'engagè-
rent à venir à Londres. En même temps
qu'il s'instruisait dans les langues mo-
dernes, il développait ses connaissances
par la lecture des ouvrages d'Archimède,
d'Apollonius, de Fermât, d'Huyghens,
de Witt, de Husius, de J. Gregory , des
docteurs Barrow, Taylor, et de Newton.
Il se fit connaître dès l'âge de 20 ans par
une Démonstration de la dernière pro-
position du traité de Newton sur les
quadratures qui fut insérée dans les
Transactions philosophiques de 1727 ,
n" 397, et qui lui mérita son admission
à la société royale. Robins concourutpour
le prix proposé par l'académie des Scien-
ces de Paris, sur les lois du mouvement
dani ie choc des corps ; mais le prix fut
remporté par Jean Bernoulli. Robins en
appel.1 au public en s'appuyant toujours
sur l'opinion de Leibnitz, relative à la
force des corps en mouvement calculée
d'après les effets de leur choc contre des
substances élastiques. Sa réponse, in-
sérée dans les journaux du temps, parut
si convaincante , que personne ne s'a-
428 ROB
visa d'y répliquer, Robins, se v o yant en
état d'enseigner, prit des élèves, renonça
à son habit et à sa profession de quaker,
soumit à son examen tous les arts qui
pouvaient avoir rapport aux mathéma-
tiques et devenir l'objet de quelque amé-
lioration. Il porta successivement ses
vues sur la manière de construire les
ponts , les moulins , sur le dessèchement
des marais , l'art de rendre les rivières
navigables et de creuser les ports. Per-
suadé que la résistance de l'air a beau-
coup plus d'influence qu'on ne le croit
communément sur la vitesse des projec-
tiles , il fit plusieurs expériences sur ce
sujet. Il dirigea son attention sur la for-
tification des places, et vint plusieurs
fois visiter les villes fortes de la Flandre
française. De retour dans sa patrie , il
prit part à une discussion sur la Méthode
des fluxions de Newton, et défendit
cette méthode avec succès. Robins était
bon publiciste, et fut , en cette qualité,
employé en plusieurs affaires importan-
tes. Il devait venir à Paris comme l'un
des commissaires nommés pour la fixa-
tion des limites de l'Acadie ; mais il
aima mieux se rendre aux Indes avec le ti-
tre d'ingénieur de la compagnie des Indes
orientales. Son but était d'y rétablir les
.forts à demi-ruinés. S'étant embarqué en
décembre 1749 , il y arriva le 3 juillet
1760. Son premier soin fut déformer
des plans pour les réparations de Ma-
dras et du fort Saint-David ; mais il ne
put les voir exécuter. Le changement de
climat l'ayant fait tomber malade , il
languit encore quelques mois , et mou-
rut le 29 juillet 1751 , âgé de 44 ans. On
a de lui différens ouvrages très estimés,
savoir : 1° trois Ecrits sur des matières
politiques, publiés à Londres en 1739;
2" Nou\/eaux principes d'artillerie, 1742,
qui renfermeut le fruit de ses expériences
( répétées en 1747 devant la société
royale , qui le gratifia d'une médaille
d'or ] , et oii il constate la force de la
poudre à canon et la résistance de l'air ,
relativement à la force et à la vitesse
des projectiles. Cet ouvrage a été tra-
duit dans presque toutes les langues : il
l'a été par Euler lui même , qui l'a en-
ROB
richi d'un commentaire très étendu, Ber-
lin , 1740. Nous en avons trois traduc-
tions en français , celle de Le Roi ; la
seconde, de Dupuy, Grenoble, 1771 ;
la troisième, de Lombard, Auxonne,
1783, in-8. 3* Voyage delordAnson
autour du monde , 1748, un vol. in-8.
Quoique ce livre porte le nom de Walter,
la rédaction n'en est pas moins de Ro-
bins, auquel Walter, chapelain du vais-
seau le Centurion , ne remit qu'une tran-
scription littéraire du journal de navi-
gation. Le Voyage de lord Anson fut
traduit en différentes langues , et eut un
succès prodigieux ; la 5* édition , revue
et corrigée par Robins, parut à Londres
en 1749. D'après une lettre que lord An-
son écrivit à Robins , de Bath , le 22 oc-
tobre de cette même année , il parait que
le premier se disposait à ajouter un se-
cond volume à cette relation ; mais il en
fut empêché par son voyage aux Indes.
Martin Folkey , président de la société
royale , et Jacques Wilson , suivant les
dernières volontés de Robins , publièrent
ses Ouvrages mathématiques à Londres,
1761 , 2 vol. in-8, précédés d'une Notice
sur sa vie par le D. Wilson.
"ROBINSON (Marie Dabby ), comé-
dienne et auteur , surnommée la Sapho
anglaise , naquit à Bristol près de Lon-
dres eu 1742, d'une famille honnête,
mais pauvre. A l'âge de 1 ô ans , elle épou-
sa M. Robinson , qui faisait ses études au
collège de Lincoln. Leur union ne fut pas
heureuse : le jeune Robinson , ayant une
conduite peu régulière , fut déshérité
par un oncle dont il attendait toute sa
fortune. On assure aussi qu'elle contribua
elle-même à le ruiner par ses dépenses
frivoles. Ce contre-temps la força à pren-
dre l'état de comédienne , et elle réussit
dans les grands rôles tragiques , comme
dans ceux de Pcrdita , de Rosalinda , de
Macbeth, de Juliette, etc. Elle attira,
dans le premier de ces rôles , les regards
du prince de Galles , et quitta le théâtre ;
mais se voyant délaissée au bout d'un
an , mistriss Robinson se rendit en 1783
sur le continent. Elle demeura long-
temps à Paris; et, s'il faut en croire ses
Ménoirts , sa maison fut fréquentée
ROB
par les personnes les plus remarquables
de cette capitale , où sa beauté et la re-
nommée de ses grâces et de son esprit
lui captivèrent l'amitié de la reine, qui
lui envoya, par le duc de Biron,une
pièce de broderie qu'elle avait faite elle-
même. Au commencement de nos trou-
bles, et après cinq ans d'absence, mistriss
Robinsoa retourna dans sa patrie , et se
livra entièrement aux lettres , qu'elle
avait cultivées dès sa première jeunesse,
cl qui lui valurent des succès plus dura-
bles que ceux qu'elle avait dus à sa beauté.
Elle mourut dans le comté de Suray en
1800, à l'âge de 60 ans. Elle a laissé :
1° des Poésies en 2 vol. qui ne manquent
pas de chaleur et de facilité , mais qui
pèchent parfois du côté du goût. L'ou-
vrage suivant est exempt de ce reproche,
savoir : 2° Sapho et Phaon : c'est un re-
cueil de sonnets, où l'on voit les écarts
d'uneimagination très enflammée ; 3° huit
iîomrtw*, dont les plus répandus sont ^m-
cenza, La Feuve , Anrjelina ; ils ont été
traduits en français , sous le titre de Me'-
moires de mistriss Robinson , écrits par
elle-même , qui peuvent passer pour un
roman assez ingénieux et bien écrit. —
Elle a laissé une fille qui s'occupe aussi
de romans , et qui a donné entre autres
Le Sanctuaire de Bertlie.
ROBINSON CRUSOÉ. F oyez Fob et
Van-Effkn.
* ROBISON ( John ) , mathématicien
écossais , né en 1739 à Bogball , dans le
comté de Stirling , s'appliqua de bonne
heure à l'étude des sciences. A l'âge de
19 ans , il s'embarqua pour Québec ,
comme professeur des mathématiques du
fils aîné de l'amiral Knowles , suivit son
élève sur le Royal William , et bientôt il
fut nommé aspirant de marine. Il rendit
des services importans pendant le siège
de Québec. Il acquit des connaissances si
étendues dans l'art de la navigation qu'il
put ensuite traiter cette partie dans
\ Encyclopédie britannique. Après d'uti-
les et importantes observations sur les
mouvemens de l'aiguille magnétique ,
qu'il constata pendant l'apparition d'une
aurore boréale , il fit de nouvelles cour-
ses dans riatérêt des sciences. Ainsi , ea
ROB 4'i9
1762, il entreprit, toujours avec sou
élève , le voyage de la Jamaïque, pour
faire l'essai des montres maritimes d'Har-
rison. Bientôt dégoûté de la carrière qu'il
avait embrassée, par suite du chagrin que
lui causa la mort du fils aîné de l'amiral
Knowles , qui avait péri sur le vaisseau
le Peregrin, il renonça au service de mer.
De retour dans sa patrie en 1767 , il ac-
cepta la chaire de chimie à l'université
de Glasgow, et en 1770 il suivit sir
Charles Knowles en Russie , en qualité
de secrétaire ; il y obtint , par ses talens,
l'emploi d'inspecteur-général du corps
des cadets. Quelques dégoûts qu'il éprou-
va dans sa position l'engagèrent de reve-
nir à Edimbourg, après 4 ans d'exercice,
pour y occuper la chaire de philosophie
qui lui avait été offerte par les magistrats
de la ville. Il la remplit avec distinction
jusqu'à sa mort , arrivée en 1806. Outre
ses articles de marine, insérés dans V En-
cyclopédie britannique , il a publié ceux
de mathématiques et de philosophie qui
ont été imprimés dans la 3* édition du
même ouvrage , et publiés séparément
sous le titre de System of mecliamcal
philosophy , nouv. édition, 1822, 4 vol.
grand in-8 , ou petit in-4. On a encore
de lui un ouvrage contre la franc-ma-
çonnerie , qui a eu plusieurs éditions , et
dont l'abbé Barruel a tiré parti pour ses
Mémoires sur le jacobinisme. Il a aussi
donné, en 1803, une édition des £'/eme«s
de chimie , de Black , 2 vol. in-4.
ROBOAM , roi de Juda , succéda à
Salomon son père, l'an 975avant J.-C. A
peine fut il monté sur le trône, que Jéro-
boam, à la tète du peuple, alla le prier de
décharger ses sujets des impôts dont son
père les avait accablés dans les dernières
années de son règne. Roboam demanda
trois jours pour lui faire réponse. Pendant
ce temps, les plus anciens de son conseil
furent d'avis de soulager le peuple ; mais
il préféra l'avis des jeunes seigneurs avec
lesquels il avait été élevé , et he répondit
qu'en menaçant le peuple d'un traite-
ment encore plus fâcheux. « Conduite ,
» dit un politique , que les souverains
» imprudens et orgueilleux ne cessent
» d'imiter , et qui a toujours le même
1
43o ROB
» effet. » Celte dureté fit soulever dix
tribus, qui se séparèrent de Roboam ,
et choisirent Jéroboam pour leur roi.
Telle fut l'origine du royaume d'Israël.
Koboam fit construire des forteresses
pour conserver les deux tribus qui lui
restaient ; et quand il se crut à l'abri des
entreprises de Jéroboam , il abandonna
la loi du Seigneur pour suivre les pen-
chans de son cœur corrompu. Il adora
des idoles , el le peuple ne tarda pas à
suivre les traces du maître. Sésac , roi
d'Egypte, suivi d'une armée innombra-
ble, entra dans le pays, et prit en peu
de temps toutes les places de défense.
Jérusalem , oti le roi s'était retiré avec
les principaux de sa cour, allait être as-
siégée. Pour leur ôler toute espérance ,
Dieu envoya le prophète Séméias, qui
leur déclara de sa part que , puisqu'ils
l'avaient abandonné, il les abandonnait
aussi au pouvoir de Sésac. Celle menace
les toucha; ils s'humilièrent sous la main
de Dieu, el reconnurent la justice de ses
jugemens. Le Seigneur, fléchi par cette
humiliation, adoucit la rigueur de l'ar-
rêl porté par sa justice. Sésac se relira de
Jérusalem , après avoir enlevé les trésors
du temple du Seigneur et ceux du palais
du roi. Roboam continua à vivre dans
l'iniquité. Il mourut l'an 992 avant J.-C. ,
après avoir régné 17 ans, laissant le
royaume à Abias , un de ses fils.
ROBOREUS. /^oyezRovÈRE.
ROBORTELLO (François), né en
1516 à Udine, dans le Frioul , enseigna
avec répulation la rhétorique et la phi-
losophie morale à Lucques , à Pise, à Po-
logne et à Padoue; il y remplit aussi les
chaires des langues grecque et laline, et
mourut à Padoue en lô67. ( Robortello
avait un grand savoir; mais il était d'un
caractère irascible et envieux : il eut des
querelles avec presque tous les savans, et
notamment avec Sigonius. ) On a de lui :
1° un Traité d' histoire ( de hisiorica fa-
culiale), Florence, 1548 , in-8, très su-
perficiel, recueil devenu rare; 2° des
Editions , avec des Commentaires , de
plusieurs poètes grecs et latins ; 3° De
vita et victu populi romani sub impera-
ioribus Cces. Augustis., 1 559 , Bologne ,
ROC
in-fol. ; 4° un grand nombre d'autres
écrits , dans lesquels il y a quelquefois
une critique trop âpre. On raconte que
Jean-Baptiste Egnace fut si irrité de celle
qui regardait un de ses ouvrages , qu'il
le blessa d'un coup de poignard.
ROBUSÏI. Foyez Tintoret.
ROGABERTI ( Jean-Thomas de ) , né
vers 1624 , à Pérelada, sur les frontiè.es
du Roussillon et de la Catalogne, d'une
maison illustre , entra jeune dans l'ordre
de Saint-Dominique. Il devint provincial
d'Aragon en 1666, général de son ordre
en 1670, archevêque de Valence en 1676,
et grand inquisiteur de la foi en 1695.
Il s'acquit l'estime du roi catholique, qui
le fit deux fois vice-roi de Valence. Il
employa le temps que lui laissaient ces
places à composer plusieurs ouvrages.
Les principaux sont : 1° un traité estimé,
De romani pnntificis auctoritate , en 3
vol. in- fol. ; ouvrage condamné par arrêté
du parlement de Paris le 20 décembre
1695.2° Bibliotlieca pontificia maxima :
c'est un recueil de tous les traités com-
posés par différens auteurs , en faveur
de l'autorité et de l'infaillibilité pontifi-
cale, imprimé à Rome en 1700 et années
suivantes en 21 vol. in-fol.; 3° un livre
intitulé : Aliment spirituel, etc. Il mou-
rut à Madrid en 1699.
ROCCA ( Ange ) , né enl 545 à Rocca-
Contrata , dans la Marche d'Ancône, er-
mite de Saint-Augustin, fut fait docteur
en théologie à Padoue en 1577, secrétaire
de son ordre pendant 6 ans, président
de l'imprimerie du Vatican en 1585 , sa-
cristain de Clément VIII en 1 595, et enfin
évêque de Tagaste en 1605. Il mourut à
Rome le 8 avril 1620. Il a fait diverses
remarques sur l'Ecriture sainte et sur
les Pères; mais on ne lit plus ses com-
mentaires. Il s'y sert indift'érement des
bons et des mauvais auteurs, de mo-
numens authentiques et de pièces dou-
teuses. Il écrit nettement , mais sans élé-
vation. Ses différens ouvrages parurent à
Rome en 1719,2 vol. in-fol. Les littéra-
teurs font quelque cas de la Bibliotlieca
vaticana illustrata de cet auteur, quoi-
que fort inexacte. Son Thésaurus ponti-
ficiarum antiquitatum , necnon rituum
I
ROC
ac cœremoniarum, 2 vol. in-fol. , Rome,
1746 , est un recueil curieux. On estime
aussi son traité De campants , Rome ,
1612 , in-4. On le trouve dans le 2* vol.
du Thésaurus antiquitatum romanarum
de Sallengre. ( Le Père Nicéron , dans le
t. 2 de ses Mémoires , a donné les titres
de 41 de ses ouvrages. )
ROCH (Saint), né en 1295 à Montpel-
lier, d'une famille noble , portait en
venant au monde une croix couleur de
pourpre sur la poitrine. Ayant perdu son
père et sa mère à l'âge de 20 ans, il alla
à Rome en pèlerinage, y guérit un grand
nombre de personnes affligées de la peste,
et, à son retour , il s'arrêta à Plaisance ,
infectée de cette maladie. Roch en fut
frappé lui-même, et, contraint de sortir
de la ville, pour ne pas infecter les au-
tres , il se retira dans une forêt où le
chien d'un genlibomme voisin, nommé
Gotluird ,\m apportait tous les jours un
pain. Guéri de la contagion , il retourna
à Montpellier. Sa patrie était alors en
proie aux fureurs de la guerre : pris pour
un espion, il fut jeté dans un cachot oii il
jnourut le 16 août 1327. Cet article est
composé d'après les traditions populaires,
et sur des légendes de peu d'autorité ;
mais l'incertitude des actes d'un saint ne
conclut point contre son existence , ni
contre l'idée générale de ses vertus et de
ses miracles. ( Voyez Catherine. ) Les
altérateurs des légendes n'ont choisi que
de vrais actes , de vraies histoires pour
les embellir ; ils eussent regardé comme
une impiété , l'audace d'en supposer
pour le fond , et ils n'auraient pas réussi
à les faire recevoir ; ce n'est qu'en faveur
des monumens et du culte déjà établi
que ces impostures, qu'ils ont crues mé-
ritoires; ont pris faveur. Une excuse plus
recevable est que , durant les dévasta-
tions des barbares, un grand nombre
d'actes de martyrs, d'histoires édifiantes,
etc., ont péri, et que la piété des moines
a cru devoir les remplacer par d'autres ,
rédigés sur la tradition ou sur le souvenir
qu'ils en avaient conservé ; et comme
ces sources n'étaient ni fort sûres ni
suffisantes pour fournir à de grands
détails, les nouvelles histoires ont été peu
ROC 43 L
exactes et dirigées en partie sur les mé-
moires de l'imagination. On a une vie de
saint Roch par F. Diedo. Quelques-uns
préfèrent sa légende publiée en latin au
commencement du 16"= siècle par J. D.
Pins, évêque de Rieux. Ployez aussi le
Recueil des Bollandistes et les Vies des
saints de Butler et Baillet. )
* ROCHAMBEAU (Jean-Baptiste-Do-
natien DE ViMEUR, comte de), maréchal
de France sous Louis XV[ , naquit le 1®'
juillet 1725 d'une famille distinguée. A
l'âge de 16 ans, il entra comme cornette
dans le régiment de cavalerie de Saint-
Simon, fit les campagnes de Bohême et
de Bavière , aux ordres du maréchal de
Broglie ; dans celles d'Alsace , il était à
la tête d'une compagnie : il se distingua
à l'attaque des lignes de Weissembourg
et au siège de Fribourg. Peu de temps
après , il devint aide-de-camp du duc
d'Orléans et du comte de Clermont , et
se trouva avec ce dernier aux sièges d'An-
vers , de Namur, et à la bataille de Rocou.
A 22 ans , il fut nommé colonel du régi-
ment de la Marche-infanterie , et servit
en cette qualité à la bataille de Laufeldt :
alors il fit plusieurs charges à la tête de
son corps, et reçut deux blessures sous
les yeux de Louis XV. Ce monarque l'éleva
au grade de brigadier d'infanterie. Ro-
chambeau se trouva au siège de Maës-
tricht , et fut cliargé avec quatorze com-
pagnies de grenadiers qu'il commandait
d'investir celte place sur la rive gauche
de la Meuse ; après cette expédition , il
obtint la croix de Saint-Louis. Il fit le
siège de Mahon sous le maréchal de Ri-
chelieu , et donna une nouvelle preuve
de sa bravoure en descendant dans les
fossés malgré le feu des Anglais. En 1757
il fut envoyé avec 4000 hommes dans le
pays d'Alberskardt , s'empara de la for-
teresse de Ragenstein, où il prit quatorze
canons , et fit prisonnière la garnison
prussienne. A la bataille de Crevelt , il
résista avec sa brigade et deux autres de
l'armée française à toutes les forces du
prince Ferdinand. Il se couvrit de nou-
veaux lauriers dans les campagnes de
1758 , 1759 et 1760. Il était colonel du
régiment d'Auvergne , lorsqu'à la tète des
432 ROC
grenadiers de l'armce, il força le général
Luckner à se retirer dans les gorges de
Salmunster. Après avoir serré l'arrière-
garde du prince Ferdinand , lors de sa
retraite de Saxenhausen à Cassel , il re-
joignit le corps de M. Stainville. Par une
attaque sagement combinée , il battit le
général comte de Fersen, détruisit son ar-
mée de 10,000 hommes, s'empara de leur
artillerie , et contribua ensuite à la vic-
toire de Clostercamp. Ces exploits lui mé-
ritèrent le grade de maréchal-de-carap
et d'inspecteur -général d'infanterie. En
1761 , il tint en échec le prince Ferdi-
nand , et, à la bataille de Filenghausen,
où il commandait la droite de l'armée, il
fit sa retraite en bon ordre , et put tenir
tête , pendant toute cette campagne , à
l'ennemi, qui était supérieur en nombre.
Nommé lieutenant général, il fut envoyé
en 1780 dans l'Amérique septentrionale,
et débarqua avec 6000 hommes à Rhod-
Island , et , ayant pris une position favo-
rable , il força le général Clinton à la
respecter ; mais il ne pouvait effectuer
aucune opération sans les recrues qxi'il
attendait de France. Quand elles furent
arrivées, il rejoignit le général Washing-
ton devant New-York, et l'aida puis-
samment à s'emparer de cette ville et de
celle deGlocester. Secondé par les alliés,
il obligea une armée de 8200 Anglais
à mettre bas les armes, et leur prit
214 pièces de canon et 22 drapeaux.
Cette journée accéléra l'indépendance
des Etats-Unis , et amena la paix qui
fut signée le 1^"^ juin 1783. Le congrès
américain témoigna sa reconnaissance à
Rocfaambeau en lui donnant deux des
pièces prises sur l'armée anglaise. A son
retour en France , Louis XVI le nomma
commandant de Picardie, et lui conféra le
titre de chevalier de ses ordres. Lorsque
l'Alsace fut agitée en 1789 par les trou-
bles populaires , le roi l'envoya dans
cette province ; Rochambeau y rétablit
le calme, et mit les villes à l'abri du pil-
lage des insurgés. Il obtint en 1790 1e
commandement de l'armée du Nord,
rétablit toutes les fortifications de cette
frontière , et forma à Dunkerque , à
Maubeuge,à Sedan, trois camps retran-
ROC
chés qui tinrent en respect l'ennemi.
Louis XVI réleva au grade de maréchal
de France. Le comte de Rochambeau re-
fusa en 1791 le ministère de la guerre
que lui offrait , au nom de Louis XVI ,
M. de Montmorin. Après le départ du roi
et son arrestation à Varennes , croyant la
monarchie déjà détruite , il se présenta
à la barre de l'assemblée nationale pour
y prêter son serment d'obéissance. La
guerre contre l'Allemagne ayant éclaté ,
le maréchal deRochambeau présenta ses
plans pour ouvrir la campagne ; mais ils
furent désapprouvés en grande partie ,
et ou le contraignit de se soumettre à
d'autres plans qu'il jugea aussi absurdes
que dangereux. Pendant ce temps , Du-
raouriez était parvenu au ministère ; et
comme il n'était pas ami du maréchal ,
il trouva le moyen de le laisser à Lille ,
tandis qu'il employait des généraux
moins habiles et moins anciens. Ce vieux
et illustre guerrier se démit du comman-
dement, et, après hO ans de service, il se
retira dans sa terre natale. Emprisonné
sous le règne de !a terreur et mis sur la
liste des condamnés , il allait monter dans
la fatale charrette qui conduisait Ma-
lesherbes à l'échafaud, lorsque le bour-
reau , trouvant, dit-on, qu'elle était trop
chargée , le repoussa en lui disant que
son tour viendrait plus tard. La chute de
Robespierre au 9 thermidor sauva Ro-
chambeau qui fut mis en liberté, et qui
alla achever tranquillement dans ses
foyers son honorable carrière. Il mourut
en 1807. En 1803 il avait été honorable-
ment accueilli par Buonaparte qui le
nomma grand-oificier de la légion d'hon-
neur et lui fit une pension comme an-
cien maréchal. Dans les dernières années
de sa vie il s'était occupé de la rédaction
de ses Mémoires qui ont paru en 1809 ,
2 vol. in-S, avec une pre'face de Luce
deLancival. On trouve des détails curieux
sur la campagne de Rochambeau aux
Etats-Unis dans un Voyage dam l'Amé-
rique septentrionale par l'abbé Robin ,
Paris, 1782 , in-8.
* ROCHAMBEAU (Donatien -Marie-
Joseph de ViMKUR, Vicomte de), fils du
précédent, né en 1750 au château du
ROC
mcme nom, embrassa l'état militaire dès
l'â^e de 12 ans, fut nommé en 1779 co-
lonel du régiment royal-Auvergne (infan-
terie), suivit son père en Amérique et
eut part aux succès de l'expédition. En
1791 il devint maréchal de camp, et ce
fut en celte qualité qu'il fit la campa-
gne de 1793, sous Biron. Après l'attaque
sur Mons , il montra beaucoup de bra •
voure et d'intelligence dans la retraite
du 23 avril. Vers la fin de cette même
année , il passa en Amérique , et en fé-
vrier 1794 il défendit la Martinique con-
tre les Anglais. Il revint en France l'année
suivante , et en 1796 il fut nommé gou-
verneur général de Saint-Domingue , et
arriva dans cette île avec 400 hommes.
11 y trouva le Nord en insurrection , et eut
à souffrir des contrariétés , soit de la part
de ses généraux , soit de celle des com-
missaires civils. Le baron de Rochambeau
ayant mis dans ses discussions un peu
trop.d'aigreur et de dureté, il fut desti-
lilué par ceux-là même qu'il voulait
dominer en France : il arriva à Bordeaux
en septembre 1796, et fut enfermé au
château de Ham. Mais il avait de puis-
sans amis dans le directoire, qui or-
donna sa mise en liberté , en même
temps qu'il lui enjoignit de se rendre à
Paris. A l'aide de ses protecteurs , il put
se justifier tant bien que mal ; mais il
resta presque dans l'oubli jusqu'à la ré-
volution du 18 brumaire, dont il se
montra un des adhérens. En 1802, il fut
employé dans l'expédition contre Saint-
Domingue , et contribua aux succès du
général Leclerc ; il mit en déroule com-
plète Toussaint-Louverlure dans la ra-
vine à couleuvres. Il s'empara du Port-
au-Prince, du fort Dauphin, et prit aux
Noirs toute leur artillerie. Après la mort
de Leclerc , il lui succéda dans le
commandement -, et ne pouvant , avec
une armée épuisée , faire lèle à Dessali-
iies , il finit par lui abandonner l'île en
1 803 , après y avoir commis , dit-on ,
beaucoup de déprédations et de cruautés.
Pris par les Anglais dans sa traversée , et
conduit en Angleterre en février 1804,
il s'éleva contre lui sur sa conduite à
. Saint- Domins.ue,4ps f^cusations assez
XI.
JROG 433
graves , qu'il parvint à dissiper. Il resta
cependant , et pour la seconde fois ,
sans service plus de huit ans, et il ne
fut employé qu'après la désastreuse cam-
pagne de Moscou. Il obtint alors le
commandement d'une division dans le
5* corps , sous les ordres du général
comte de Lauriston. Il se distingua à la
bataille de Bautzen , et il se surpassa à
celle de Leipsick , oii il fut tué les armes
à la main (18 octobre 1813).
ROCJHE ( Jean de la ), né dans le dio-
cèse de Nantes , entra dans la congréga-
tion de l'Oratoire. Son talent pour la
prédication se manifesta de bonne heure.
Il remplit avec succès les principales
chaires de la province et de la capitale.
Cet orateur mourut en 1711, dans sa 56*
année. On a de lui un Avent, un Carême,
et des Mystères , en 6 vol. in 12 ; et 2
vol. in-12 de Panégyriques. C'est princi-
palement dans ce dernier genre qu'il ex-
cellait. S&& Panégyriques de saint Augus-
tin et de saint Louis furent applaudis ,
lorsqu'il les débita , et plaisent encore
lorsqu'on les lit. Ses Sermons sont soli-
des, et l'Evangile n'y est pas défiguré par
le vernis de nos orateurs à la mode. Ils
sont écrits avec noblesse et avec élé-
gance.
ROCHE (Antoine-Martin), ex-orato-
rien, né dans le diocèse de Meaux, quitta
l'Oratoire à raison de son opposition aux
décrets de l'Eglise, et mourut à Paris en
1755, avant la 50* année de son âge. On
a de lui un Traité de la nature de l'âme
et de l'origine de ses connaissances , con-
tre le système de Locke et de ses parti-
sans, en 2 gros vol. in-12, qui ont paru
en 1759. Cet ouvrage solide et bien écrit
mérite d'être lu.
ROCHK (Jacques Fontaine de la ), prê-
tre du diocèse de Poitiers , grand parti-
san des convulsions, mort en 1761, vécut
à Paris dans une obscurité prudente. Il
eut, depuis 173 tj la principale part aux
feuilles qui paraissaient toutes les semai-
nes, sous le titre de Nouvelles ecclésias-
tiques. Il avait été pourvu d'une cure
dans le diocèse de Tours; mais il quitta
la houlette pastorale en 1728, pour pren-
dre la plume satirique et fanatique d'un
55.
^
434 ROC
scélérat obscur^ selon l'expression d'un
auteur très connu. Comme ce libelle a
été continué, et qu'il a été long-temps la
trompette du mensonge et de la calom-
nie, il ne sera pas inutile de l'apprécier.
En comparant les témoignages des jésui-
tes, des jansénistes, et de ceux qui se
moquent des uns et des autres , il sera
aisé de déterminer au juste le mérite de
la gazette et du gazetier. Si l'on pouvait
s'en rapporter aux jésuites, le nouvel-
liste réunit tous les vices, n II est impie
M dans sa morale , hérétique dans sa
» doctrine, calomniateur dans ses impu-
}> tations , séditieux dans ses plaintes ,
M imposteur dans ses écrits, ridicule dans
» ses déclamations , forcené dans ses in-
» vectives, téméraire dans ses soupçons,
» absurde dans ses raisonnemens , faus-
:» saire dans ses citations , furieux dans
}> ses satires , fade dans ses éloges, insi-
» pide dans ses plaisanteries... Son libelle
» périodique est un trésor de mensonges
j) grossiers , de blasphèmes horribles,
3i d'impostures atroces , de falsifications
M palpables, de contradictions sans nom>
}) bre, de platitudes pitoyables.. C'est là
» que des convulsions diaboliques sont
» mises sur le comte du Tout-Puissant, et
» qu'on vomit contre les vicaires de
« J. C. et leurs décisions, contre les pre-
)> miers pasteurs et leurs instructions ,
» contre les gens de bien et leur soumis-
» sion à l'Eglise , les calomnies les plus
■» atroces , assaisonnées de toutes les ex-
» pressions indécentes que peuvent sug-
» gérer la rage et la fureur à un frénéti-
}> que qui n'a ni âme ni éducation. L'in-
» fernat gazetier, dans sa retraite obscure,
» se nourrit de sou infamie, il s'envC'
j) loppe de sa noirceur, il s'applaudit de
j> sa méchanceté. Il ne s'humanise que
>» lorsqu'il faut faire l'oraison funèbre de
» quelque maître d'école , de quelque
■» servante, qui auront eu le bonheur de
j) mourir en disant des injures au pape,
» en faisant décréter leur pasteur , en se
» faisant porter leur jugement et leur
» condamnation en vertu d'un exploit,
» et sous l'escorte des huissiers. » En un
nfct, si l'on en croit les jésuites, la Ga-
zette ecclésiastique est contraire aux pre-
ROC
Biiers principes de la foi, de la raison, de
la charité et de la probité. Si l'on s'en rap-
porte aux écrivains qui ne sont ni jésuites ,
ni jansénistes, en particulier à M. d'Alem-
bert, «le gazetier est un scélérat obscur,
» qui se rend tous les huit jours criminel
•n de lèse-majesté, par des libelles mépri-
^' ses, qui est tombé dans un excès d'avi-
» lissement auprès des gens sensés, en
}> donnant le nom de miracles à des tours
» de passe-passe dont les charlatans de
■» la foire rougiraient ; en faisant l'éloge
>> de ces hlles séduites que des impos-
■» teurs ont dressées dès l'enfance pour
j> jouer, à prix d'argent , cette farce abo-
5) minable. C'est un blasphémateur qui
» calomnie le vicaire de J. C. en citant
)> l'Evangile ; qui ne parle que de la cha-
» rite dont 11 viole toutes les lois ; qui
» vend toutes les semaines un libelle qui
■» dégoûte aujourd'hui les lecteurs les plus
» avides de satires ; qui ne respecte ni les
a oints du Seigneur, ni les premiers pas-
» teurs de l'Eglise , ni les ministres des
}> souverains ; qui distille, en un mot, son
î> venin sur les talens et les vertus qui
» honorent la religion, et que la religion
)> consacre. » Si l'on consulte enfin les
jansénistes, dont il est le secrétaire et
l'entrepôt, ils n'en font point un por-
trait plus flatteur. Le célèbre et modéré
M. Duguet dit que l'auteur inconnu des
Nouvelles ecclésiastiques se rend coupa-
ble d'un attentat énorme. M. Petitpied,
appelant, le caractérise ainsi : « L'auteur
w insensé des Nouvelles ecclésiastiques^
» abandonnant les voies de la charité, n'a
J) point trouvé celles de la vérité. C'est
» un imprudent... qui n'a aucun discerne-
V ment. C'est un historien partial... indi-
» gne de toute créance... C'est un in-
» grat.... c'est un indocile.... c'est un
» rebelle.... L'esprit de vertige s'est saisi
» de lui... C'est un furieux qui attaque
» toutes les puissances ecclésiastiques et
» séculières, tous les corps et tous les
» particuliers. Abbés, évêques, archevê- ]
» ques , cardinaux, papes, ordres reli-
» gieux , magistrats , ministres , princes,
» rois, rien n'est épargné par ce frénéti-
» que ; le fiel coule de sa plume , le noir
» sang qui bout dans ses veines se ré- |
ROC
» pand... sur les personnes de tout état,
5) de tout sexe, de toute condition. C'est
V un convulsionniste... fanatique. En un
« mot, c'est un enragé, qui déchire à
» belles dents depuis le simple clerc jus-
» qu'au souverain pontife, depuis Neute-
» let jusqu'à Louis XV, et tout ce qui est
» entre ces deux extrêmes. » De ces trois
portraits, on pourra choisir celui qui pa-
raîtra le plus ressemblant et le plus flat-
teur. En voici un quatrième , tracé par
une main respectable à tous égards, par
un des plus grands prélats qu'il y ait eu
en France. M. de Montillet, archevêque
d'Auch , dans son Instruction vraiment
pastorale du 24 janvier 1764, apprend
ainsi à ses diocésains à se former une juste
idée du gazetier ecclésiastique : « C'est
» un écrivain caché, inconnu : on ne sait
}) oii il habite ; cependant, du fond de son
» repaire il lance incessamment les traits
» les plus envenimés contre tout ce qui lui
» déplaît ; monstre déguisé sous les de-
» hors d'un défenseur du grand précepte
i> de la charité, il en viole toutes les rè-
» gles ; c'est un fourbe, un imposteur, un
i> calomniateur décidé : vertu, mérite,
» puissance, autorité, tout est en proie k
» la malignité de sa plume ; vrai ou faux,
3) tout lui est égal , pourvu qu'il nuise,
» qu'il déchire , qu'il mette en pièces ;
M rien ne le décide que l'intérêt de la
» cause à qui il a vendu sa plume, son
» honneur et son âme ; il est connu par
» les siens mêmes sous ce caractère : mais
» on a besoin d'un tel homme , on le
» paie, on le méprise et on s'en sert. «
Ecoutons encore M. d'Alembert {Dict.
encycl.. art. Nouvelles ecclésisast. )
« Nouvelles ecclésiastiques est le titre
w très impropre d'une feuille ou plutôt
u d'un libelle périodique, sans esprit,
-j sans vérité , sans charité et sans aveu,
« qui s'imprime clandestinement depuis
)) 1728, et qui paraît régulièrement tou-
» tes les semaines. L'auteur anonyme de
M cet ouvrage, qui vraisemblablement
M pourrait se nommer sans être plus
» connu , instruit le public , quatre fois
}) par mois , des aventures de quelques
u clercs tonsurés, de quelques sœurs con-
M verses, de quelques prêtres de paroisse^
ROC 435
j> de quelques moines , de quelques con-
j) vulsionnaires , appelans et réappelans ;
» de quelques petites fièvres guéries par
« l'intercession de M. Paris ; de quelques^
» malades qui se sont crus soulagés eu
» avalant de la terre de son tom.oeau ,
)) parce que cette terre ne les a pas étouf-
)) fés, comme bien d'autres. Quelques
» personnes paraissent surprises que le
3> gouvernement qui réprime les faiseurs
>j de libelles , et les magistrats qui sont
i> exempts de partialité comme les lois,
» ne sévissent pas efficacement contre ce
» ramas insipide et scandaleux d'absurdi-
1) tés et de mensonges. Un profond mé-
» pris est sans doute la seule cause de
i> cette indulgence : ce qui confirme cette
>» idée, c'est que l'auteur du libelle pé-
M riodique dont il s'agit est si malheu-
» reux, qu'on n'entend jamais citer aucun
» de ses traits : humiliation la plus
5) grande qu'un écrivain satirique puisse
i> recevoir, puisqu'elle suppose ea lui la
w plus grande ineptie dans le genre d'é-
» crire le plus facile de tous. » Après ces
portraits divers, tracés par des mains non
suspectes, ceux qui sont condamnés et
calomniés dans ce libelle peuvent dire
avecTertuUien : Talidedicatoredamna-
tionis nostrœ eiiam gloriamur, Apolog.,
c. 5. (Après avoir fait connaître l'ouvrage,
nous allons faire connaître l'auteur.
Chassé de sa cure, il vint à Paris en 1728,
et fut accueilli par les frères Desessarts,
dont la maison était ouverte à tous les
appelans. Ils avaient commencé à en-
voyer dans les provinces des bulletins en
faveur de l'appel ; ils s'adjoignirent vers
cetteépoque Fontaine, les frères Boucher,
Troya, et quelques autres , qui travaillè-
rent à ces bulletins ; mais Fontaine en
deii\eura bientôt seul chargé. Il se con-
damiiâ,pour cet effet à une profonde re-
traité. Une dame Théodon , à ce que l'on
cro^t , avait formé l'imprimerie secrète
d'oif partaient les écrits du parti, et c'é-
tait dans sa maison, près de la rue de la
Parcheminerie , que s'imprimaient les
Nouvelles , que le lieutenant de police
de cette époque ne put jamais parvenir k
arrêter. Fontaine mourut eu 1761 ; mais
sa mort ne fit point cesser le journal.
436 ROC
'Guénin , dit de Saint-Marc , lui succéda
et continua les iVbuce//e.; jusqu'en 1793.
Il avait d'abord eu comme réviseurs,
Gourlin, Mey, Maultrot, et dans les der-
niers temps, il était secondé par Larrière
et Hautefage. Depuis 1793, les Nouvelles
furent continuées à Utrecbt par Jean-
Baptiste-Sylvain Mouton , prêtre, né à la
Charité-sur-Loire. Elles ne paraissaient
plus que tous les quinze jours , et elles
cessèrent totalement en 1 803 , l'abbé
Mouton étant mort le 13 juin delà même
année.)
* ROCHE (Jean-Baptiste-Louis de la),
docteur de Sorbonne et prédicateur du
roi, vivait dans le 18'' siècle. Il est auteur
d'un grand nombre d'ouvrages qui sup-
posent un homme instruit, et un ecclésias-
tique pieux. Uapubtié: 1° Les Psaumes
de David , distribués pour tous les jours
du mois, 1725, in-12; 2° Oj^ce de saint
Côme et de saint Damien, 1728, iu-12 ;
3° OEuvres mêlées, avec un discours sur
le but que s'est proposé Virgile dans la
composition de ses Bucoliques , et une
traduction en vers français de ses Eglo-
gues, « version faible et languissante, »
au jugement d'un critique (1), 1733,
in-12 ; 4° Pane'gyrique de sainte Gene-
viève, 1737, in-4; 5° Pensées , maximes
et réflexions morales de La Rochefou-
cauld, avec des remarques, 1737, in-12;
6° La belle vieillesse, ou les anciens qua-
trains des sieurs de Pibrac , Dufour et
Matthieu, sur la vie, la mort, et la con-
duite des choses humaines, nouvelle
édition augmentée de remarques , 1746,
in-12 ; 7° Eloge funèbre de M. le duc
d'Orléans, 17 53, in-4; S" Règles de ïavie
chrétienne, 1 753, 3 vol. in-12; 9° Cosmo-
graphie pratique , in-i2 ; 10° ^nnée
dominicale , îi vol. in-12; 11° Heures,
nouvelles, in-12; \V Lettres littéraires'
sur divers sujets, 2 vol. in-12; là"Me^
moires historiques et curieux , 2^ ^o\.
in-1 2; 1 4° Les OEuvres de la chair et
les fruits de V esprit , in- 1 2; 1 5° Bréviaire
de Cîteaux , à l'usage des religieux de
la Trappe, in-12; 16° Mélanges de
maximes , de réflexions et de sentences
chrétiennes, politiques et morales, sur la
religion, la morale et la nature, iT 69,
ROC
in-12 ; 1 7° Entretiens sur V orthographe
française et autres sujets analogues ,
Nantes, 1778 , in-8. Voyez 'sur quelques
ouvrages qu'on lui attribue le Diction-
naire des Anonymes , 2" édition. L'abbé
de la Roche est mort à Paris en 1780.
* ROCHE ( Sophie Gottkrmann ,
épouse LiCHTENFELs , plus counuc sous
le nom de la), dame auteur, née en 1730,
à Kaufbeuzen en Souabe d'un médecin
allemand , nommé Guttermaun , reçut
une éducation très soignée et cultiva de
bonne heure la littérature. Elle épousa
un conseiller de l'électeur de Mayence,
nommé Franck Lichtenfels , dont le nom
fut transformé en celui de la Roche. Elle
continua à se livrer à son goût pour les
lettres : elle s'est fait une grande réputa-
tion par quelques Romans. On remarque
suïioaiMademoiselle deSternheim, Leip-
sick, 1771, 2 vol. in-8, traduit de l'alle-
mand en français par Mad. de Laffite,
1773, 2 vol. in-12 ; quelques relations de
voyages , et plusieurs autres écrits litté-
raires, au nombre de 16, tant en prose
qu'en vers , en allemand.
ROCHEBLAVE (Henri de) , prédica-
teur de la religion prétendue réformée,
né en 1665, fut ministre à Schaffouse
en Suisse, dès l'âge de 20 ans. Il passa
ensuite en Irlande, et devint ministre
de l'église française de Dublin , oîi il
mourut en 1709. On a de lui un volume
de Sermons.
ROCHEBLOND (Charles Hotman ,
dit La ) , bourgeois de Paris , fut l'auteur
de la faction connue sous le nom des
Seize , parce qu'ils avaient distribué k
seize d'entre eux les 1 6 quartiers de Paris.
Elle se forma en 1 589 , pendant la ligue ,
à laquelle elle se joignit; mais elle eut
aussi ses intérêts particuliers, et ne se-
conda pas toujours les intentions du duc
de Guise , ni celles du duc de Mayenne ;
ses procédés étaient en général moins
réfléchis : c'était une espèce de démo-
cratie qui tenait aux défauts de ce genre
de gouvernement.
ROCHECHANDIEU. Voyez Coan
DIEU.
ROCHECHOUAÏIT (René de ), baron
de Mortemart et seigneur de Vivoonc,
IROC
était d'une des plus anciennes familles
du royaume, à laquelle la terre de Roche-
chouart, en Poitou, avait douné son
nom. Il servit dès l'âge de 15 ans au
siège de Perpignan , et s'y signala par sa
» valeur. Il se trouva à la défense de Metz,
en 1 552, et, après avoir acquis beaucoup
de gloire dans diverses occasions impor-
tantes, il mourut en 1587, à 61 ans,
laissant plusieurs enfans de Jeanne de
Saulx, fille dumaréchal de Tavannes.
L'aîné , Gabriel de Rochechouart , mort
en 1643 , à 68 ans, fut le père de Gabriel
de Rochechouart , duc de Morlemart ,
If pail- de France , et premier gentilhomme
m de la chambre , qui mourut en 1675.
'' ROCHECHOUART (François de),
chevalier de Jars. Voyez Jars.
ROCHECHOUART (Louis- Victor de),
duc de Mortemart et de Vivonne , prince
de Tonnay-Charente , fils de Gabriel duc
de Mortemart, né en 1636 , servit de raa-
it réchal de camp à la prise de Gigeri en
« Afrique, l'an 1664 ; à celle de Douai en
■ Flandre, en 1667, et au siège de Lille
i l'année d'après. Sa valeur le fit choisir
pour conduire les galères du roi au se-
cours de Candie , oîi il fut en qualité de
général de la sainte Eglise , titre dont
le pape Clément IX l'honora. Ce pontife,
pénétré de reconnaissance pour les ser-
vices qu'il avait rendus à cette occasion ,
lui permit de porter dans l'écusson de
ses armes, lui et sa postérité, le gon-
falon de l'Eglise. Il ne se distingua pas
moins dans la guerre de Hollande , 1672,
cil il reçut une blessure dangereuse. Le
bâton de maréchal de France , le gou-
vernement de Champagne et de Rrie ,
et la place de général des galères, furent
les récompenses de son courage , et le
fruit de la faveur de la marquise de Mon-
tespan , sa sœur. Il mourut en 1688.
ROCHECHOUART ( Françoise- Athc-
naïs de , ) marquise de Montespan , sœur
du président , fut d'abord connue sous
le nom de mademoiselle de Tonnay-Cha=
rente. Sa beauté la rendit moins célèbre
que le caractère de son esprit , plaisant ,
agréable et naturel. Recherchée par les
plus grands seigneurs, elle fut mariée au
niarquis de Montespan , qui lai sacrifia
ROC 437
des partis considérables , et qui ne fit
qu'une ingrate. La duchesse de la Val-
lière , maîtresse de Louis XIV , l'admit
dans sa société , et le roi ne la regarda
d'abord que comme une aimable étour-
die. Elle agaçait sanscesse ce monarque ,
qui disait, en se moquant , à madame de
la Vallière : « Elle voudrait bien que je
)> l'aimasse , mais je n'en ferai rien. » Il
ne tint pas parole , et il fut bientôt
épris de ses charmes. La marquise de
Montespan régna avec empire. Ses fan-
taisies engagèrent ce prince dans des
dépenses excessives et inutiles. Elle avait
supplanté madame de la Vallière , et elle
fut supplantée à son tour , d'abord par
la duchesse de Fontanges , puis par la
marquise de Maintenon. Louis XIV lui
ordonna de quitter la cour vers 1680 , et
elle mourut en 1707, âgée de 66 ans,
à Bourbonne , où elle avait été prendre
les bains. A la fin de sa vie , elle se si^
gnala par de grandes aumônes , et tâcha
de réparer les scandales qu'elle avait
donnés. Elle fit plusieurs présens à l'E-
glise , surtout à No tre-Dame des Ardil-
liers de Saumur , oîi l'on voit encore
des traces de sa munificence. «Peu à peu, >•
dit le duc de Saint - Simon dans ses
Mémoires , " elle vint à donner tout ce
» qu'elle avait aux pauvres. Elle travail-
» lait pour eux, plusieurs heures par
3) jour , à des ouvrages bas et grossiers,
)) comme des chemises et d'autres choses
» semblables , et y faisait travailler ce
» qui l'environnait ; sa table , qu'elle
« avait aimée avec excès, devint la pins
» frugale ; ses jeûnes furent fort multi-
)) plies ; sa prière interrompait sa com-
» pagnie , et le plus petit jeu auquel elle
î) s'amusait i et , à toutes les heures du
)) jour, elle quittait tout pour aller prier
» Dieu dans son cabinet. Ses macéra-
» tions étaient continuelles ; ses chemises
» et ses draps étaient de toile jaune, la
)) plus dure et la plus grossière , mais
» cachés sous les draps et une chemise
3) ordinaire. Elle portait sans cesse des
3) bracelets , des jarretières et une cein-
3) ture à pointes de fer , qui lui faisaient
}> souvent des plaies ; et sa langue , autre-
» fois si à craindre , avait aussi sa péni-
438 ROC
» tence, » Ce qui a pu lui mériter ces
grâces , c'est que dans le temps même de
ses égaremens, « elle n'avait jamais,
» dit le même écrivain, perdu de vue la
» religion ; rien ne lui aurait fait rompre
» aucun jeûne ni un jour maigre ; elle
» fit tous les carêmes , et avec austérité;
» quant aux jeûnes , lorsqu'elle était à la
» cour, elle y ajoutait des aumônes abon-
» dantes ; jamais rien qui approchât du
» doute et de l'impiété ; mais impérieuse,
« altière , dominante , moqueuse , ei tout
M ce que la beauté et la toute-puissance
» qu'eUe en tirait , entraîne après soi. »
La France parut lui pardonner ses torts ,
pour avoir introduit à la cour le grand
Bossuet , le duc de Montausier et madame
de Maintenon.
* ROCHECHOUART ( le comte db),
né à Paris, d'une famille illustre, vers
1765 , embrassa la carrière des armes, et
/se trouvait déjà maréchal de camp,
lorsqu'il fut élu en 1789 député de la
noblesse de la capitale aux états-géné-
raux. Dès les premièies séances il se
prononça pour le parti révolutionnaire ,
et fut un des sept membres de la noblesse
qui abandonnèrent les premiers leur or-
dre , pour se réunir au tiers-état. Il mar-
qua néanmoins très-peu pendant le cours
de cette session , et mourut dans les pre-
miers jours de juillet 1791 .
* ROGHECOTTE ( Fortuné-Guyon ,
comte de) , général royaliste , né en
1769 au château de Rochecotte , près de
Langeais , dans la Basse-Touraine , d'un
officier au régiment d'Orléans-cavalerie,
fut élevé à l'école militaire de Paris, en-
tra en 1786 comme officier dans le régi-
ment du Roi-infanterie , et fut témoin ,
en 1790 , des troubles de Nancy. Son ré-
giment ayant été licencié , ilémigra , joi-
gnit l'armée de Condé , et fit les campa-
gnes de 1792, 93 et 94 en qualité de
garde-noble à cheval. Il revint en France
en 1795 avec le comte de Bourmont qui
allait se réunir aux royalistes de Breta-
gne. Il prit de son côté la route de Poi-
tiers, afin de joindre Charette ; mais ayant
appris que ce chef royaliste venait d'en-
trer en accommodement avec le gouverne-
ment républicain , il se rendit dans le
ROC
Maine pour y former une nouvelle in-
surrection ; et à cet effet il fit un voyage
à Paris , où il eut une entrevue avec
quelques agens du roi. Sur ces entrefaites
la trêve fut rompue entre les royalistes "^
insurgés et les républicains ; alors il re-*^^'
vint dans le Maine, et alla rejoindre Cha-
rette en 1796. Peu après il reçut une
commission pour commander en chef
dans le Maine , et , malgré l'opposition
de quelques chefs qui ne tenaient que
d'eux-mêmes leur autorité , il nomma ses
officiers et organisa une troupe , avec la-
quelle il tenta une diversion en faveur
des Vendéens ; mais il échoua et se jeta
dans le Perche. Lors de la pacification de
la Vendée , par le général Hoche , il re -
fusa de déposer les armes , à l'exemple
des autres chefs , et il reçut du roi un
brevet de commandant en chef des pro-
vinces du Alaine , du Perche et du pays
Chartrain. Il s'occupa alors avec beau-
coup d'activité de relever le parti roya-
liste ; et, pour y parvenir plus sûrement,
il entreprit d'établir une chaîne de cor-
respondance dans les différens pays qui
venaient de lui être assignés ; il fit aussi
plusieurs voyages à Paris pour se concer-
ter avec les agens du roi. Il se rendit aussi
auprès de Louis XVIII qui était alors à
Blankenbourg , en Allemagne , et revint
en France. Dans un de ses voyages, il
contribua à l'évasion du commodore Sid-
ney Smith , alors détenu au Temple.
Malgré toutes les précautions qu'il pre-
nait pour dérouter la police sur ses dé-
marches , il fut découvert et dénoncé
dans son dernier séjour à Paris par un
traître qu'il avait comblé de bienfaits ,
et qu'il venait d'admettre au nombre de
ses officiers. Des agens apostés l'entourè-
rent sur le pont Royal le 29 juin 1798.
Armé d'un poignard il en tua un , en
blessa deux autres , et allait s'échapper ,
lorsque d'autres émissaires criant à l'as-
sassin fondirent sur lui de nouveau , le
blessèrent et parvinrent à l'arrêter dans
la rue du Bac. Conduit à l'état-major , il
refusa de répondre aux interrogatoires ,
et fut livré à une commission militaire
qui le condamna à mort. On le fusilla peu
de jours après derrière le mur d'enceinte
1
ROC
de Paris , près du Champ-de-Mars. Al-
phonse de Beauchamp , auteur d'une
Histoire de la Vendée , a publié les Mé-
moires du comte F. Guyon de Roche-
cotte , rédigés sur ses papiers et sur les
notes de quelques-uns de ses officiers ,
Paris, 1819, in-8. On en trouve une ana-
lyse dans l'ouvrage intitulé : Victoires
et conquêtes des Français, publiée chez
Panckoucke , de 1817 à 1824.
ROCHE-FLAVIN ( Bernard de la ), né
en 1552 à Saint-Cernin en Rouergue, fut
d'abord conseiller à Toulouse , puis au
parlement de Paris. Son savoir lui pro-
cura la place de premier président en
la chambre des requêtes au parlement
de Toulouse , puis celle de conseiller
d'état. 11 mourut en 1727, à 76 ans.
On a de lui un excellent Recueil des ar-
rêts notables du parlement de Toulouse ,
imprimé en cette ville, 1720, in-4.
On y trouve : 1° un Traité des droits
seigneuriaux , très consulté ; 2° un
Traité des parlemens, 1617 , in- fol. etc
plein de recherches et peu commun.
ROCHEFORT. Voye-z Montlhéri
ethiEvx.
ROCHEFORT (Gui de) , seigneur de
Pleuvant, d'une maison originaire du
comté de Bourgogne , près de Dôle ,
s'appliqua à l'étude des belles-lettres ,
et se distingua à la guerre dans le con-
seil de Charles , duc de Bourgogne , qui
le fit son conseiller et son chambel-
lan ; mais sa faveur ne dura pas, soit qu'il
eût mérité de la perdre, soit qu'il n'ait été
qu'une nouvelle preuve de l'inconstance
de l'amitié des grands. Louis XI lui ayant
fait des offres avantageuses, il vint servir
ce monarque , qui le fit premier prési-
dent au parlement de Dijon en 1482.
Charles VIII , son fils , l'appela auprès
de sa personne , et l'honora de la charge
de chancelier en 1497. Il mourut en
i 507 , après avoir soutenu la dignité de
la couronne d'une manière qui rend sa
mémoire immortelle. C'est lui qui fit
créer le grand conseil en 1497. (On trouve
à la suite du recueil des lettres de Fauste
Andrelin, un petit poème latin, à la
louange de Gui de Rochefort) .--Guillaume
de Rochefort , son frère , chancelier de
ROC 439
France comme lui , mais moins célèbre ,
était mort en 1492. Il détourna Charles
VIII de dépouiller Anne de Bretagne , et
lui persuada de l'épouser , pour réunir
plus sûrement, plus honorablement cette
province à la couronne. ( On a les dis-
cours qu'il a tenus aux états de Tours.)
ROCHEFORT ( Henri-Louis d'Aloi-"
GNi DE ), se signala dans la guerre contre
les Espagnols, et, après la paix des
Pyrénées , il suivit La Feuillade en Hon-
grie , et n'y montra pas moins de valeur.
De retour en France , il servit avec dis-
tinction , et parvint à la dignité de ma-
réchal de France en 1676. Il mourut la
même année.
ROCHEFORT (Guillaume de), mem-
bre de l'académie des Inscriptions et
belles-lettres, naquit à Lyon en 1731, et
mourut à Paris en 17 88. Il est connu
avantageusement dans la littéi-ature par
une traduction en vers de V Iliade et de
rOrfy^^ee d'Homère, une Histoire criti-
que des opinions des anciens et des systè-
mes des philosophes sur le bonheur, des
Poésies diverses contre le système des
matérialistes , un Poème sur la mort de
V impératrice Marie-Thérèse , deux tra-
gédies , Electre et Pénélope. Il réunis-
sait plus d'un genre d'érudition. A la
connaissance du grec et du latin il joi-
gnait celle de l'italien et de l'anglais. En
général , il était plus disposé à estimer
les beautés des anciens que celles des
modernes. Il écrivait avec plus de pureté
que de chaleur, et plus de facilité que
de force. Son stile en prose a de la cor-
rection et même de l'élégance; mais ses
vers manquent souvent de vigueur.
C'est à ce défaut peut-être qu'on doit
attribuer la sévérité avec laquelle sa tra-
duction d'Homère a été jugée par quelques
lecteurs qui n'ont pas réfléchi, sans doute,
à la prodigieuse difficulté d'une telle en-
treprise, et au courage constant et soutenu
qu'elle demande. Une autre raison de
celte sévérité , qui fait beaucoup d'hon-
neur au traducteur , c'est qu'il s'est tou-
jours tenu fort éloigné de la secte philo-
sophique , et qu'il en a combattu les
erreurs avec autant de force que de con-
stance. De là les éloges très flatteurs qu'il
44o ROC
a reçus des critiques qui n'étaient pas
enrôlés dans ce parti. Il est certain que
sa version est supérieure à celle de Bou-
dard de la Motte , le seul qui ait fait la
même tentative ; encore s'est-il })orné à
Y Iliade.
* ROCHEFORT( F. ) , né à Toulouse
en 1747 d'une famille qui s'était distin-
guée dans le barreau , suivit la même
carrière, et, après avoir fait son droit, fut
pourvu d'une charge de conseiller au
parlement de cette ville. Ennemi déclaré
de la révolution , il osa en 1790 protes-
ter contre les opérations politiques de
l'assemblée constituante. Aussi pendant
le régime de la terreur fut-il arrêté
comme suspect , conduit à Paris, et livré
au tribunal révolutionnaire , qui le con-
damna à mort , comme conspirateur , le
14juinl794.
ROCHEFOUCAULD (François,
comte DE LA ) , d'une maison illustre, fut
chambellan des rois Charles VIII et Louis
XII. Il fil admirer à la cour son caractère
bienfaisant, généreux , droit et sincère.
11 tint en 1494 sur les fonts baptimaux
François I^'. Ce prince , ayant obtenu le
sceptre , conserva beaucoup de consi-
dération pour son parrain. Il le fit son
chambellan ordinaire ; il érigea en 1 5 1 5 la
baronnie de la Rochefoucauld en comté.
Le comte de la Rochefoucauld mourut en
1617 , laissant une mémoire illustre et
un nom respecté. C'est depuis lui que
tous les aînés de sa famille ont pris le
nom de François.
ROCHEFOUCAULD (François de la ),
évêquede Senlis et cardinal, né en 1558,
de Charles de la Rochefoucauld , de la
même famille que le précédent , se fit con-
naître très avantageusement dès son en-
fance. Le roi Henri III l'éleva, en 1585,
à l'évêché de Clermont , qu'il gouverna
avec beaucoup de sagesse . Le pape Paul V,
instruit de son zèle pour faire recevoir
le concile de Trente en France , et pour
détruire l'hérésie, lui envoya le chapeau
de cardinal en 1607. Louis XIII, voulant
l'avoir plus près de sa personne , lui fit
quitter l'évêché de Clermont pour celui
de Senlis, en ICI 3. Ce prélat travailla
tteaucoup pour la réforme 4es ordres de
ROC
^
Saint-.\ugustin et de Saint-Benoît , et il
eut le bonheur d'introduire la réforme
dans son abbaye de Sainte-Geneviève-du-
Mont. En 1625, on fit courir en France
un petit livre qui avait pour litre : Juge-
ment des cardinaux, archevêques elévê-
ques sur les libelles diffamatoires ( ces
libelles étaient deux ouvrages où le car-
dinal de Richelieu était offensé). Le Par-
lement fit défense de publier aucun autre
écrit contre ces libelles , parce que peut-
être il supposait que c'était la véritable
censure des prélats , comme M. Du Pin
l'a soutenu dans son Histoire ecclésias-
tique ; mais les prélats assemblés dés-
avouèrent, le 27 février 1626, cet ou-
vrage , comme n'ayant été' lu ni vu par
aucun des nommés au titre qu'il porte.
Le cardinal de la Rochefoucauld justifia
leur conduite dans un assez gros ouvrage
intitulé : Raison pour le désaveu fait
par lesévêques, etc., et l'adressa au roi.
11 y montra que le livre désavoué est
marqué au sceau du schisme. Il y a beau-
coup d'érudition dans cet ouvrage. Il
mourut en 1645 , à 87 ans. Les vertus de
cet homme illustre , sa piété et l'inno-
cence de ses mœurs ne l'ont pas mis à
l'abri des reproches et des injures des
jansénistes , et surtout de l'abbé de
Saint-Cyran ; ils lui ont fait un crime ,
d'avoir fait du bien aux jésuites, et d'a-
voir agi avec zèle dans les querelles exci-
tées par le docteur Richer( voyez sa Fie,
1646, in-4, par le Père La Morinière,
chanoine régulier, ou celle en latin du
Père Rouvière jésuite). Il était frère
d'Alexandre delà Rochefoucauld. Foyez
Brossieb.
ROCHEFOUCAULD ( François , duc
DE LA ) , prince de Marsillac , fils de Fran-
çois l" , duc de la Rochefoucauld, naquit
en 1613. Sa valeur et sou esprit le mi-
rent au premier rang des seigneurs de la
cour qui mêlaient les lauriers de Mars à
ceux d'Apollon. Il fut lié avec la fameuse
duchesse de Longueville ; et ce fut en
partie par l'instigation de cette princesse
qu'il entra"aans les querelles delà Fronde.
Il se signala dans celte guerre , et sur-
tout au combat de Saint-Antoine , oii il
reçut un coup de mousquet, qui luiJ&t
ROC
perdre quelque temps la vue. Après que
ces querelles furent assoupies , le duc de
la Rochefoucauld ne songea plus qu'à
jouir des doux plaisirs de l'amitié et de la
littérature. Sa maison était le rendez-
vous de tout ce que Paris et Versailles
avaient d'ingénieux. Les Racine , les Boi-
leau , les Sévigné , les La Fayette , trou-
vaient dans sa conversation des agrémens
qu'ils cherchaient vainement ailleurs. La
goutte le tourmenta sur la fin de ses
jours. Il supporta les douleurs de cette
maladie cruelle avec constance , et mou-
rut à Paris en 1680, à C8 ans, avec les
sentimens d'un bon chrétien. Quoique
dans ses Maximes il ait représenté la
mort comme le plus grand de tous les
maux , quoiqu'il assure qu'on ne peut la
voir telle qu'elle est sans trouver que c'est
une chose épouvantable, il fit cependant
paraître , dans ses derniers momens, une
fermeté et un courage héroïques, 't Je
)) crains bien , dit madame de Sévigné ,
» que nous ne perdions cette fois M. de
)) la Rochefoucauld; la fièvre a continué;
i> il reçut hier Notre-Seigneur ; mais son
» état est une chose digne d'admiration.
» Il est fort bien disposé; pour sa con-
Msience, voilà qui est fait : du reste,
)» c'est la maladie et la mort de son voi-
» sin dont il est question ; il n'en est pas
j> effleuré , il n'en est pas troublé. Il en-
» tend plaider devant lui la cause des
» médecins , du frère Ange et de l'An-
u glais, sansdaignerquasi dire son avis...
» Croyez-moi , ma fille , ce n'est pas inu-
» tilemeutqu'il afaitdes réflexions toute
w sa'vie ; il s'est approché de telle sorte ces
)> derniers momens , qu'ils n'ont rien de
» nouveau ni d'étranger pour lui. » On a
de lui : l'des Mémoires de la régence
d'Anne d'Autriche, 1662, Amsterdam
(Trévoux), 1713,2 vol. in-1 2, écrits avec
l'énergie de Tacite ; c'est un tableau
fidèle de ces temps orageux , peint par
un peintre qui avait été lui-même ac-
teur ; (cet ouvrage a été souvent réim-
primé; la F^partiequi sert d'introduction
a paru pour la première fois dans l'édi-
tion publiée par M. Renouard , Paris ,
1 8 1 7 . 2° Des Réflexions et des Maximes,
reimprimées plusieurs fois. Elles roulent
XI.
ROC 44i
sur un système qui en rend plusieurs
fausses , et quelques autres outrées. Selon
lui, l'amour-propre est le mobile uni-
versel de toutes les actions de l'homme.
S'il entendait par amour-propre l'amour
de nous-mêmes , qui ne saurait être vi-
cieux tant qu'il est éclairé par de saines
lumières et retenu dans de justes bornes,
son principe ne serait pas défectueux ;
mais ce n'est pas ainsi qu'il l'entend.
L'amour-propre sur lequel il établit tout,
est la vanité ou l'orgueil ; poison , selon
lui , si universellement répandu sur toute
l'humanité , que l'homme ne peut le dé-
truire , malgré tous les efforts de sa rai-
son. '( Quand on ne saurait pas , dit un
j> critique judicieux, que ce petit livre
» est d'un homme de cour , on le devi-
» nerait sans peine en le lisant. L'auteur
» juge le cœur humain d'après celui des
» courtisans. Il croyait apparemment que
" la nature n'avait fait l'homme que pour
» être grand seigneur ou esclave des
■» grands ; il a pris l'ouvrage de toutes les
» passions combinées dans la société
>• corrompue, pour l'ouvrage delà nature.
» Son livret, qui peut être bon pour
j' connaître l'esprit du monde , ne sau-
» rait plaire aux grandes âmes , et n'iu-
» spirera jamais une belle action. ~» Le
)> reproche que lui a fait l'abbé Trublet ,
de fatiguer par le changement des ma-
tières , par le peu d'ordre qui règne dans
ses réflexions, et par l'uniformité du
slile , paraît également fondé. Une bonne
édition de cet^uvrage est celle que nous
en a donnéfeT l'abbé Gabriel Brotier, avec
des Observations intéressantes , Paris ,
1789, 1 vol. in-8. Cette édition doit être
d'autant plus précieuse aux amateurs de
la littérature , que l'ouvrage de la Roche-
foucauld a été étrangement maltraité par
les éditeurs précédens. Les uns , sous le
vain prétexte d'un rapprochement com-
mode , ont fait de ce livre un triste et
ennuyeux dictionnaire de morale. D'au-
tres, plus téméraires , ont cité la Roche-
foucauld à leur tribunal; ilsjont rejeté plu-
sieurs Maximes de la Rochefoucauld , et
leur en ont susbtitué d'autresque l'auteur
lui-même avait rejetées. Ce désordre a
commencé en 1778, dans l'édition de
56.
U2. ROC
M. Suard, et s'est renouvelé dans toutes
les éditions suivantes. (Pour rendre à cette
production célèbre son ancien état , il a
fallu que M. l'abbé Brotier déterrât , par
le plus heureux hasard , dans des cabi-
nets particuliers , la première et la der-
nière édition publiées par La Rochefou-
cauld lui-même , et qui ne se trouvaient
pas dans les plus grandes bibliothèques,
même dans celle du roi. M. Âimé-Martin
a aussi publié dans ces derniers temps une
édition des Maximes de la Rochefou-
cauld, avec des notes et une introduc-
tion écrite dans les principes les plus
purs. Les OEuvres de La Rochefouclauld
ont été publiées chez Belin en 1818 avec
une notice sur sa vie et ses ouvrages par
M. Depping; on adonné depuis ses OEu-
vres complètes précédées d'une notice
biogr. et litte'r. par M. Le comte Gaétan
de La Rochefoucauld, 1825, 1 vol. in-8.)
ROCHEFOUCAULD ( Frédéric Jé-
rôme de RoYE DE la) , de l'illustre
maison des comtes de Rouci-Rochefou-
cauld , était fils de François de Roye de
la Rochefoucauld, second du nom , lieu-
tenant-général et commandant de la
gendarmerie de France. Un naturel heu-
reux , un caractère doux , un esprit con-
ciliant , un grand sens , telles furent les
qualités qui distinguèrent de bonne
heure l'abbé de la Rochefoucauld , et qui
lui méritèrent l'archevêché de Bourges
en 1729. Il se montra dans ce poste tout
ce qu'il avait paru dès sa plus tendre
jeunesse, ami de la vertu, de la paix , et
surtout des indigens qui avaient besoin
de sa générosité. Elu coadjuteur de l'ab-
baye de Cluny, en 1738, il en devint
abbé titulaire par la mort du cardinal
d'Auvergne, en 1747. Ce fut cette même
année qu'il fut honoré de la pourpre ro-
maine. Il fut envoyé l'année d'après am-
bassadeur de France à Rome. De retour à
Paris, il y fut accueilli comme il le méri-
tait. Le roi le nomma à l'abbaye de Saint-
Yandrille en 17ôô,et le chargea en même
temps du ministère de la feuille des bé-
néfices. Il présida aux assemblées du cler-
gé de 1 7 50 et de 1765, et se servit de sa
droiture et de ses lumières pour rétablir
la paix dans l'Eglise gallicane. Louis XV
ROC
réleva en 1756 à la place de son grand-
aumônier. Il n'en jouit pas long-temps;
une fluxion de poitrine l'enleva à l'Eglise
et à la patrie en 1757. Les malheureux
dont il était le consolateur , et les indi-
gens dont il était le père , le pleurèrent
amèrement. Son cœur généreux et bien-
faisant s'ouvrait de lui-même à la pitié ,
et les libéralités abondantes suivaient à
rinstant les sentimens de compassion
que l'indigence lui inspirait.
ROCHEFOUCAULD (Alexandre-Ni-
colas DE LA ) , marquis de Surgères , né
en 1 709 , mort le 29 avril 1760. Il prit le
parti des armes, et cultiva en même
temps les lettres. On a de lui: 1° une
comédie intitulée : Ecole du monde ;
2" un abrégé de Cassandre , roman en-
nuyeux, qu'il a tâché de rendre agréable,
3 vol. in-12; 3° un abrégé de Phara-
mond , 4 vol. in-1 2, dans le goût du pré-
cédent. M. Sérieys a publié , en 1 804 ,
OEuvres de'la Rochefoucauld , marquis
de Surgères , contenant ses traités sur
la guerre , sur le gouvernement , sur la
morale , f«tc. , 1 vol. in-8.
* ROCHEFOUCAULD (Louis Alexan-
dre DE LA ), duc de la Roche-Guyon,
pair de France, né à Paris vers 1709, du
duc d'Enville, se montra de bonne heure
le protecteur des savans et des artistes ,
auxquels sa maison fut constamment ou-
verte. Il servit avec distinction dans les
armées, jusqu'au commencement de la
révolution : nommé alors successivement
à l'assemblée des notables ( en 1787 ), et
député de la noblesse de la capitale ( en
1789 ) aux états-généraux, il fut un des
sept premiers membres de son ordre qui
se réunirent le 25 juin au tiers-état. Le
27 juin de la même année, il demanda
qu'on s'occupât de la question sur la li-
berté des Noirs. Quand il s'agit de la for-
mation du corps législatif , il proposa un
amendement pour tempérer la trop gran-
de autorité d'une assemblée unique , et
qui consistait dans l'établissement d'un
conseil examinateur , qui aurait le seul
droit d'observation , et, en cas de veto ,
de faire décider la question par de nou-
veaux députés ( ce qui aurait rendu les
discussions et plus longues et plus em-
ROC
barrassantes ). Il provoqua , le 30 octo-
bre, le décret contre les biens du clergé,
et le 25 novembre il fit un rapport sur
l'adresse des amis de la liberté h liOndres;
il demanda alors qu'on chargeât le présl
dent d'écrire au lord Stanhope , pour lui
témoigner la reconnaissance de l'assem-
blée. Le 26 janvier 1790, il s'éleva con-
tre la proposition qui excluait les dépur
tés des places du gouvernement. Il vota
ensuite l'abolition des ordres religieux ,
et appuya la proposition de dom Gerle ,
tendant à déclarer nationale la religion
catholique. Quelques jours après, il de-
manda que l'assemblée approuvât la con-
duite du général Bouille dans l'insurrec-
tion de Nancy. Dans le courant de l'an-
née 1791, il lut plusieurs rapports sur les
comités de contribution, elfit rendre sur
cette matière un grand nombre de décrets.
Il fut un de ceux qui réclamèrent avec
plus d'instance la liberté indéfinie de la
presse; et, dans la discussion relative au
cas oii le roi serait censé avoir abdiqué ,
il proposa qu'un délai serait fixé , dans
lequel le monarque serait tenu de rentrer
en France s'il s'en absentait. Devenu,
après la session , membre et président
du département de Paris, il se présenta
le 7 octobre à la barre de l'assemblée
législative, et lui adressa un discours de
félicitation. En novembre 17 91 , il signa
l'arrêté du déparlement par lequelle roi
était privé d'apposer son veto au décret
rendu contre les prêtres. Le 6 juillet
1792, il signa celui qui suspendait de
leurs fonctions Péthion et Manuel, maire
et procureur de la commune , pour avoir
souffert ou autorisé les attentats commis
contre le roi dans la journée du 20 juin.
Si la première démarche lui avait attiré
la faveur de la populace, excitée par les
meneurs, la dernière le rendit l'objet de
la haine et des persécutions de ce même
peuple , auquel se joignirent les sections
et les clubs de la capitale. Il crut , mais
en vain, conjurer l'orage en donnant sa
démission. A l'époque du 10 août 1792 la
Rochefoucauld quitta la capitale dans le
but d'aller aux eaux de Forges. Un des dé-
putés de Paris avait averti madame de la
Rochefoucauld que son époux serait as-
ROC 443
sassiné en route, et qu'il ne pouvait sau-
ver sa vie que moyennantune somme de
25,000 francs. Cette somme avait été
donnée; mais il ne fut pas moins arrêté à
Gisors, où la populace l'ayant fait descen-
dre de son cabriolet , le tua à coups de
pierres , peu de jours après les horribles
journées des 2 et 3 septembre 1792; il
avait alors quatre-vingt-trois ans; c'était
le 14 septembre 1792.
* ROCHEFOUCAULD (Dominique dk
LA ) cardinal et archevêque de Rouen ,
naquit à Saint-Elpis , près de Mende , en
1713. 11 était d'une branche pauvre et
ignorée de la maison illustre dont il por-
tait le nom , et dut à une circonstance
heureuse son changement de fortune.
M. de Choiseul , évêque de Mende , en
faisant la visite de son diocèse , découvrit
cette famille , en parla à l'archevêque de
Bourges, M. Frédéric-Guillaume de La
Rochefoucauld, qui la reconnut, la com-
bla de bienfaits , et appela auprès de lui
le jeune Dominique. Après qu'il lui eut
fait faire ses éludes au séminaire de
Saint-Sulpice, il le nomma son grand-
vicaire. M, l'abbé de La Rochefoucauld
en exerça les fonctions pendant plusieurs
années , jusqu'à sa nomination, en 1747,
à l'archevêché d'Albi. Il fut membre des
assemblées du clergé de 1750 et 1755,
où il soutint les privilèges de son corps;
et ,. dans la seconde de ces assemblées ,
il fit adopter , dans les questions qu'on
discutait alors sur l'Eglise de France, des
mesures conciliatrices. En 1757 , il eut
la riche abbaye de Cluni, et passa, en.
1759, au siège de Rouen. M. de La Ro-
chefoucauld fut le premier qui adhéra
aux actes de l'assemblée du clergé de
1765, et il présida celles de 1780 et 1782.
Il avait été promu au cardinalat le 1 *•■ juin
1778. La Collection des Traite's de théolor
g'jedeMM. Baston etTuvache fut publiée
sous ses auspices. Député aux états-gé-
néraux de 1789, il présida la chambre
du clergé, et vota, ainsi que la majorité
de son corps, pour la séparation des
trois ordres , et ce ne fut qu'à l'invita-
tion expresse de Louis XVI qu'il se réunit
au tiers-état. Il déposa cependant sur le
bureau une protestation pour la défense
444 ROC
des droits de son corps. Il concourut à
toutes les mesures que le clergé adopta ,
et présida les réunions tenues pour défen-
dre ces mêmes droits , et dont le résul-
tat fut l'écrit intitulé Exposition des
principes,, etc. Les maximes subversives
de la révolution ne pouvaient qu'indi-
gner et affliger ce vertueux prélat , et il
le témoignait dans les lettres qu'il écri-
vait à un de ses plus intimes amis. On
intercepta uàe de ces lettres, dans la-
quelle il s'élevait contre les innovations ,
et il fut dénoncé en pleine assemblée ; ce
qui donna lieu à un grand tumulte. Mais
M. de La Rochefoucauld n'en fut point
intimidé. Use leva, et dit, avec une fer-
meté calme « Oui, Messieurs, j'ai
» écrit la lettre qu'on vous dénonce, et
;) j'ai dû l'écrire ; elle renferme mes vé-
» ritables sentimens. » Le tumulte devint
alors plus grand ; il n'en résulta cepen-
dant rien de fâcheux pour le courageux
prélat. Il refusa de prêter le serment ci-
vique , et on le remplaça suivant les for-
mes constitutionnelles, quoiqu'il écrivît
aux électeurs , le 23 janvier 1791, pour
eur représenter combien leur opération
était irrégulière, etqu'il publiât, le 20 fé-
vrier , une Instruction pastorale contre
la constitution civile du clergé. Il se
montra constamment à l'assemblée, et se
soumit sans murmure aux privations que
lui imposait la perte de ses revenus. M. le
cardinal de La Rochefoucauld fut un des
derniers à quitter la France. Il se rendit
dans les Pays-Bas, en septembre 1792,
et demeura successivement à Maêstricht ,
à Bruxelles et à Munster , et bien qu'il
refusât, assure-t-on, les oifres de sa fa-
mille et celle de Pie VI , il trouvait les
moyens d'être utile aux malheureux. A-
près avoir parcouru une longue carrière ,
il mourut à Munster le 23. septembre
1800, à l'âge de quatre-vingt-neuf ans.
L'abbé Jarry a prononcé son Oraison fu-
nèbre , où il a détaillé avec talent les
vertus du cardinal , dont on trouve l'c-
pitaphe à la fin de VOraison.
ROCHEFOUCAULD - MOMONT
( François-Joseph de la ) et Rochefou-
CAOLD BAYERS (Pierre- Louis DE i,a ), tous
deux frères , tous deux évêques , éprou-
ROC
vèrent tous deux le même sort. François-
Joseph naquit à Angoulême en 1735. Il
embrassa l'état ecclésiastique , et portait
le nom d'abbé de Momont. Après ses
premières études il entra au séminaire
de Saint-Sulpice , fit sa licence de 1762
à 1763, et s'attacha à la maison de Na-
varre. En 1772 il fut nommé évêque-
comte de Beauvais, et sacré le 22 juin de
la même année. Elu député aux états-gé-
néraux en 1789 par le clergé du bail-
liage de Clermonten Beauvoisis, il siégea
dans l'assemblée constituante , n'y parla
pas^ mais vota constamment avec le côté
droit , et resta attaché aux intérêts de la
monarchie et de son ordre. Il fut, ainsi
que son frère , du petit nombre des évê-
ques qui n'émigrèrent point. Ayant été
enfermé aux carmes après le 1 0 août 1 792,
il y fut massacré avec son frèrâ. — Pierre-
Louis de la Rochefoucauld- Bayers
était né dans le diocèse de Périgueux le
13 octobre 1744, avait aussi embrasse
l'état ecclésiastique, et été élevé à Saint-
Sulpice. Il s'était , comme son frère , at-
taché à la maison de Navarre. Pendant
son cours de licence , qui eut lieu de
1768 à 1770, (il fut pourvu du prieuré
commandataire de Nanteuil , sur la nomi-
nation de M. le cardinal de la Rochefou-
cauld , en sa qualité d'abbé de Cluny.
Nommé à l'agence du clergé en 1775, il
fit, pendant les cinq années que dura
cette commission, divers rapports au
conseil d'état, et la termina honorable-
ment en 1780. L'année précédente il avait
obtenu l'abbaye de Vauluisant. Il était
d'usage que l'agence finie , les agens du
clergé passassent à un évêché. L'abbé de
la Rochefoucauld eut celui de Saintes, et
fut sacré le 6 janvier 1782. Il gouverna
sagement son diocèse et s'y fit aimer.
Vers la fin de l'assemblée constituante ,
il vint à Paris pour y concerter avec ses
collègues les mesures à prendre relative-
ment aux affaires de l'Eglise de France.
En 1792, dans la séance de l'assemblée
législative du 4 juin , l'évêque de Beau-
vais fut dénoncé par le capucin Chabot ,
comme prenant part au prétendu comité
autrichien. Cette' réunion , qu'on a tou-
jours regardée comme imaginaire , eût-
ROC
elle eu quelque réalité , ceux qui ont
connu l'évêque de Beauvais savent que
personne n'était moins propre à de pa-
reilles affaires , et moins disposé à y en-
trer. Néanmoins , pour donner moins de
prise à la malveillance , les deux frères
résolurent de quitter Paris , et se retirè-
rent à Soissons chez leur sœur, abbesse
de Notre-Dame. Un détachement de sol-
dats révolutionnaires étant arrivé dans
cette ville, ils surent que deux évêques
étaient dans le couvent. Ils s'y présentè-
rent en force , et demandèrent qu'on les
leur livrât. On parvint à dissiper cet at-
troupement; mais la nuit , MM. de la Ro-
chefoucauld, pour ne point compromet-
tre leur sœur et ses religieuses , quittè-
rent Soissons et revinrent à Paris. L'évê-
que de Beauvais ayant été arrêté, son
frère demanda à partager sa prison, et ils
furent conduits aux Carmes. Dans les der-
niers jours d'août , le valet-de-chambre
de l'évêque de Saintes parvint à s'intro-
duire dans cette maison, et annonça à son
maître qu'il avait le moyen de l'en faire
sortir, déguisé avec des habits qu'il ap-
portait. L'évêque de Saintes lui demanda
s'il pouvait aussi sauver son frère. Lui
ayant été répondu que non, il refusa
d'en faire usage. Tous deux furent mas-
sacrés le 2 septembre 1792, etfirentpar-
tie des victimes de celte horrible journée.
«C'est, dit Malhon de la Varenne, un
tailleur d'habits , nommé Berthelot , qui
tua les évêques La Rochefoucauld, et
Martin Froment se fit un atroce plaisir de
mutiler leurs cadavres , en leur coupant
le nezet les oreilles, »
* ROCHEFOUCAULD ( Marie- Char-
lotte DE LA ), sœur des précédens, naquit
en 1732. Elle se voua de bonne heure à
la vie religieuse et devint abbesse du Pa-
raclet. Madame de la Rochefoucauld gou-
verna ce monastère pendant dix ans. En
1778, elle passa à l'abbaye de Notre-Dame
de Soissons, l'une des premières de
France par son ancienneté , sa riche do-
tation et la haute naissance de ses abbes-
ses. Elle y faisait tout le bien que peu-
vent inspirer la religion et la charité
chrétienne à un cœur naturelleinent gé-
néreux. Il n'était à Soissons aucune fa-
ROC 445
mille qu'elle n'eût obligée, aucun indi-
gent qu'elle n'eût soulagé. Elle n'en eut
pas moins sa part des persécutions dont
les personnes de son état et de son rang
furent l'objet. On a vu qu'on vint chez
elle à main armée pour en arracher ses
frères. On fit des visites et des perquisi-
tions dans son couvent. Une petite im-
primerie portative qu'on y trouva , dont
s'amusait l'évêque de Beauvais , et avec
laquelle il avait imprimé quelques orai-
sons pour les religieuses, fut transformée
par la société populaire en un instrument
au moyen duquel on répandait des libel-
les. Madame de la Rochefoucauld , sortie
de son abbaye avec une sœur infirme à
sa charge, devenue elle-même aveugle,
sans ressources, et livrée à des .besoins
de tout genre, fut un modèle de courage,
de patience , de résignation chrétienne.
Elle mourut le 27 mai 1806 , âgée de 74
ans, après plus de quinze ans d'une pé-
nible existence , dans le lieu même où
elle avait fait un si saint et si noble usage
de la richesse quela Providence avait mise
entre ses mains.
* ROCHEFOUCAULD-LIAN-
COURT ( François-Alexandre-Frédéric,
duc DE LA ) , long-temps connu sous le
nom de duc de Liancourt , naquit le 1 1
janvier 1747. Il était fils du duc d'Es-
tissac, auquel il succéda dans la charge
de grand-maître de la garde-robe du
roi , et remplit ces fonctions auprès de
Louis XV et de Louis XVI. Député par la
noblesse du bailliage de Clermont en
Beauvoisis aux états-généraux , il y parut
assez enclin à adopter les principes du
jour ; cependant il s'opposa à des me-
sures trop violentes , et il ne fut point
du nombre des nobles qui se réunirent
au tiers-état, avant l'ordre exprès de
Louis XVI 'f il n'avait même accepté le
titre de député qu'avec l'agrément du
roi. Leduc de Liancourt conseilla aurOi
de rappeler Neckerau ministère, et de
venir à l'assemblée annoncer cette con-
cession qu'il faisait à l'opinion des no-
vateurs :nons ne pouvons croire et nous
ne saurions même soupçonner de per-
fides intentions ; car dans un grand
nombre d'occasions , le duc de Liancourt
446 ROC
avait prouvé son attachement au roi ;
plus d'une fois il se tint à ses côtés dans
des momens difficiles. Il crut sans doute
que cet acte de condescendance de la part
du monarque, satisferait les exigences
du parti dominant, et que l'orage qui
grondait de toutes part n'éclaterait pas
sur notre malheureux pays. Le duc de
Liancourt se trompa : son erreur fut une
faute immense. Ce seigneur de haute
noblesse s'était laissé séduire par quel-
ques-uns des principes de la philosophie
moderne ; il crut à la possibilité d'une
égalité sociale qui ne fut jamais qu'une
chimère. Selon les bruits qui circulèrent
à cette époque , ce fut dans un dîner que
le duc de Liancourt donna aux membres
les plus influens de l'assemblée natio-
nale , que l'on décida l'abolition de tous
les privilèges de la noblesse , abolition
qui fut décrétée dans la mémorable nuit
du 4 août ; quelques jour après, le même
duc proposa de frapper une médaille en
souvenir de cette trop fameuse séance :
- en même temps , il renvoya au roi son
cordon bleu. Il esta croire que le duc de
Liancourt, en agissant ainsi, croyait
calmer l'effervescence populaire , et éloi-
gner de plus grands dangers ; mais hé-
las ! les factieux ne voulaient , par toutes
ces concessions, que se frayer un chemin
pour arriver jusqu'au trône et l'ébranler
plus facilement. Le duc de Liancourt
parut enfin s'en apercevoir, lorsque,
dans un discours éloquent qu'il pro-
nonça dans l'assemblée ,1e 1*' septembre
de la même année , il réclama le veto
absolu du roi à tous les actes législatifs
que le monarque jugerait contraires au
bien de ses peuples ou à la sûreté'de ses
états : il voulait, en un mot , l'ancienne
constitution améliorée, mais non ren-
versée totalement. Le 24 octobre suivant,
il fît passer à l'ordre du jour la demande
d'un député tendant à savoir les motifs
du soudain départ du duc d'Orléans pour
l'Angleterre. Il défendit avec Mallouet
(le 16 janvier 1790 ) le chef d'escadre
Albert , contre lequel le peuple de Tou-
lon s'était soulevé , à cause de sa qualité
de pur royaliste. Il combattit, le 28
juin, les discours de MM. de Noailles et
ROC
de Lameth, et soutint avec force que les
militaires en activité devaient être exclus
des clubs qui s'étaient répandus dans
toutes les villes de la France. Le journal
des Actes des apôtres annonça à cette
même époque que le duc de Liancourt
avait été le provocateur de la ridicule
députation du genre humain , à l'assem-
blée nationale , et dont le prussien Clootz
était l'orateur ; mais cette assertion n'é-
tait qu'une calomnie. Depuis ce mo-
ment , le duc de Liancourt ne s'occupa
plus que de lois militaires et d'objets
philanthropiques. Dans l'année 1791, il
fut nommé président du comité de men-
dicité , et on lui confia la surveillance
des hôpitaux. Il remplit sa mission avec
un honorable succès, et fit décréter,
entre autres choses, que l'entretien des
enfans-trouvés et des dépôts de men-
dicité ne serait plus aux frais des villes ,
mais à ceux du trésor public. D'après
ces sages réformes, les pauvres et les
enfans abandonnés ne s'en trouvèrent
que mieux. Le duc de Liancourt fut un
de ceux qui s'opposèrent, quoique inuti-
lement , à la réunion d'Avignon et du
comtat à la France. Mirabeau, raccom-
modé avec la cour, avait dit devant l'as-
semblée , peu de jours avant de mourir,
qu'j7 combattrait les factieux de toutes
les couleurs -. c'est sur cette déclaration
( un peu tardive ) que le duc de Lian-
court demanda , au mois d'avril , que
l'assemblée assistât aux funérailles de cet
orateur célèbre. Le 3 juin , il demanda
qu'on supprimât le supplice de la corde;
et le 23 , il réclama contre l'insertion de
son nom parmi les signatures d'une dé-
claration de fidélité aux principaux ar-
ticles de la constitution , k et déclara
» qu'il avait fait serment de la maintenir
» dans son intégralité entière, v Péthion
ayant proposé, le 14 juillet, d'établir
une distinction entre V inviolabilité con^
stitutionnelle et F inviolabilité' de la per-
sonne du roi , le duc de Liancourt la
combattit victorieusement ; mais elle fut
quelque temps après reproduite par Con-
dorcet. Il défendit encore le roi , lors de
son départ pour Montmédi , et il s'écria
dans son discours... « Disons la vé-
ROC
» rite : le roi n'est bravé que par les fac-
» tieux ; c'est à la royauté qu'on en veut;
» c'est le trône qu'on veut renverser...»
Il n'avait pas été mis dans la confidence
du voyage. Ce fut le duc de Liancourt
qui proposa de remplacer les anciennes
académies par un Institut, tel qu'on l'é-
tablit en 1795. Il voyait de jour en jour
la sûreté du roi plus que jamais com-
promise, et l'attentat du 20 juin 1792
ne lui laissant plus de doute sur l'inten-
tion des jacobins , il conseilla au mo-
narque de se retirer en Normandie, dans
le château de Guillon , appartenant au
cardinal de la Rochefoucauld , son oncle,
et dépasser , si le cas l'exigeait, à Rouen,
où il y avait encore un grand nombre
de royalistes ; le duc s'engageait en
même temps d'assurer cette retraite.
Alors le duc de Liancourt était comman-
dant militaire de Rouen. Ce conseil ne
fut pas agréé; le 10 août arriva, et avec lui
la chute du trône , et la perte inévitable
du meilleur des rois. Le duc de Lian-
court étant parvenu à s'embarquer au
Havre, passa en Angleterre, oii il séjourna
pendant 1 8 mois , dans la petite ville de
Bury , et se rendit ensuite aux Etats-Unis
de l'Amérique. Il s'y occupa exclusive-
ment des arts, de l'agriculture et surtout
du commerce , et ne revint en Europe
qu'en 1798. Il parcourut dans ce même
but la Hollande , le nord de l'Allemagne
et le Danemark. Il avait toujours pro-
tégé et favorisé l'industrie. Dès l'année
i 780 , il avait fondé dans sa propriété de
Liancourt une petite école des arts et
métiers qui devint le noyeaude celle qui
fut établie plus tard, et qui a été trans-
férée successivement à Compiègne et à
Châlons , avec une succursale à Angers ,
puis à Toulouse , et qui a été si floris-
sante sous sa direction. Le duc de Lian-
court rentra en France en 1799, après
le 1 8 brumaire , époque où Buonaparte
se déclara premier consul. Ses propriétés
étaient presque toutes vendues; mais
son épouse , M""" de Liancourt , née
Launion , avait pu sauver les siennes ,
en simulant un divorce. Ne voulant point
avilir sou nom dans les antichambres et
les écuries de Buonaparte , il établit avec
KOC 447
les débris de sa fortune , dans la partie
non détruite de son château de Lian-
court , une fabrique et une filature de
coton qui répandit l'aisance dans le dé-
partement de l'Oise. Il employait dans
la manufacture , non seulement un grand
nombre d'ouvriers sans pain , mais des
pauvres et même des enfans trouvés ,
qu'il allait lui-même chercher dans les
hôpitaux. On lui doit encore le bienfait
de l'introduction de la vaccine , et c'est
de son château qu'elle se répandit dans
toute la France. On croit qu'à cette occa-
sion Napoléon obligea presque le duc de
Liancourt d'accepter la croix de la lé-
gion-d'honneur. Lors de la restaura-
tion , il revint à Paris , et Louis XVIH
le nomma pair du royaume , le 6 juin
1814. C'est aussi à cette époque qu'il
prit le nom de duc de la Rochefoucauld ,
qu'avait laissé vacant la mort de
son cousin le duc de la Rochefoucauld
d'Enville , assassiné à Gisors, en 1792.
Dans les Cent-jours , et au retour de
Buonaparte de l'île d'Elbe , il accepta
les fonctions de membre de la chambre
des représentans pour le collège d'ar-
rondissement de Clermont. A la seconde
restauration , il rentra dans la chambre
des pairs , où , en 1816, il vola contre
la majorité de la chambre, et en 1816 ,
il se réunit à cette même majorité , d'a-
près la confiance qu'il avait dans les mi-
nistres. L'année suivante, il combattit
le projet de loi sur les journaux. Le duc
de la Rochefoucauld a été un des pro-
tecteurs de la méthode d'enseignement
mutuel , dont il a fondé à Liancourt une
école. Il faisait aussi partie de la société
d'instruction élémentaire , et il était di-
recteur de l'établissement des arts et
métiers de Châlons. Il y introduisit d'u-
tiles réformes , et les élèves le considé-
raient , à juste titre , comme leur meil-
leur ami , leur père et leur bienfaiteur.
Le duc de la Rochefoucauld aimait à
faire le bien, et toutes ses idées avaient, en
général , un but philanthropique , ainsi
que le prouvent ses ouvrages, dont voici
la liste : 1° Plan du travail du comité
pour V extinction de la mendicité, pré-
senté à rassemblée nationale, en con-
44B ROC
forniitt de son décret du 21 janvier
1790, in-4 ; 2" Travail au comité' de
mendicité', 1790 , in-8 ; 3" Les prisons
de Philadelphie, 17 96 , in-S ; 4" Foj/a-
. ges dans les Etats-Unis d' Ame'rique ,
faits en 1796-96-99, 8 vol. in-8; 5°
Etat des pauvres, ou Histoire des classes
travaillantes de la société, en Angle-
terre , depuis la conquête jusqità Vé-
poque actuelle ; extrait de l'ouvrage
de Maton Eden , publié en 1800; C
JSfote sur f impôt territorial d'Angle-
terre, 1801 , in-8 ; 7° Notes sur la lé-
gislation anglaise des chemins, 1801,
in-8 ; 8" il a coopéré au Recueil des mé-
moires sur les établissemens d'humanité,
traduit de l'anglais, 39 numéros, in-8.
Entr'autres fonctions gratuites qu'il avait
acceptées, était celle de membre du con-
seil spécial des prisons ; en; 1 8 2 3 le minis-
tère ayant été choqué de l'indépendance
des représentations des membres de ce
conseil , lui donna une nouvelle or-
ganisation d'où l'ut exclu la Rochefou-
cauld. A cette occasion laRochefoucauld
publia dans les journaux de Paris une
lettre qu'il avait adressée au préfet de
police. A la suite de cette publication, il
fut destitué de ses places également gra-
tuites d'inspecteur-général du conserva-
toire des arts et métiers , de membre du
conseil général des manufactures, du
conseil d'agriculture , du conseil général
des hospices de Paris , du conseil général
du département de l'Oise, et du comité
établi pour la propagation delà vaccine.
Cette disgrâce , lancée ab irato, popu-
larisa le duc de la Rochefoucauld , qui
devint en quelque sorte le patriarche du
libéralisme. Il est mort à Paris le 27
mars 1827 , à l'âge de 80 ans, au regret
de tous ceux qui ont eu part à ses bien-
faits, et qui ont su apprécier ses qualités
estimables. Ses funérailles ont été faites
avec une grande pompe ; et, comme cer-
tains journaux ont crié à \a profanation ,
au scandale , sur un malheureux incident
arrivé à cette occasion , nous croyons
devoir rétablir les faits, qui sont de no-
toriété publique, et que d'ailleurs nous
avons extraits de L'Ami de la Religion et
du roi ( mois d'avril ) , a&u de leur don-
KOC
ner plus d'authenticité. Les parens et les
amis du défunt étaient convenus avec
l'autorité compétente de porter le cer-
cueil à bras, depuis l'hôtel du duc jus-
qu'à l'église de l'Assomption. Tout se
passa dans le plus grand ordre ; mais au
sortir de l'église , après l'office divin ,
une foule de jeunes gens arrachent le
cercueil des mains des porteurs qui al-
laient le placer sur le char , et s'obsti-
nent à vouloir le Dorter à bras jusqu'au
lieu de la sépulture. La loi le défendait :
elle veut que le riche et le pauvre , le
noble et le roturier soient conduits de la
même manière au dernier asile , oii tous
les rangs et les états disparaissent devant
la faux de la mort. En vain les commis-
saires veulent faire entendre raison aux
perturbateurs; ils persistent. En atten-
dant, et pour éviter un plus grand
tumulte, les parens du décédé et les
commissaires tiennent une espèce de
conseil dans la sacristie ; et on y décide
que , en se conformant à la loi, et attendu
que le temps était pluvieux , on suivra
le convoi en voiture. A cette décision,
l'obstination des mutins redoubla : la
force armée accourt ; elle est repoussée ,
et dans ces débats , le cercueil tombe
dans la rue , dans le ruisseau. Enhn des
soldats arrivent ; ils dissipent la foule ,
et le cercueil est placé sur le char. La
pairie des ducs de la Rochefoucauld a
passé à M. le duc d'Estissac , son fils
aîné. Un de ses autres fils, M. le comte
Frédéric Gaétan de la Rochefoucauld ,
siège à la chambre des députés : ce der-
nier a publié en 1 827 une F'ie du duc de
la Rochefoucauld-Liancourt , un v. in-8.
ROCHEJAQUELEIN. Foyez la Ro-
CHEJAQUELBIN.
ROCHEMAILLET ( Gabriel Michel
DE LA ) , avocat de Paris , né à Angers en
1562 , et mort en 1642, adonné de bon-
nes éditions de Fontanon , du Coutu-
mier général, etc. et a fait un Théâtre
géographique de la France, Paris, 1632,
in-fol.
* ROCHER (Pierre- Jérôme), confes-
seur de Louis XVIII , né à Chinon , le
31 septembre 1761 , fut de bonne heure
orphelin. Après avoir reçu les soins de
ROC
-deux ecclésiasliques, il entra au colU-ge
de sa. ville natale , d'où il passa au petit
séminaire d'Angers , et ensuite au grand
séminaire de Saint -Sulpice. Ordonne
prêtre en 1776, il fut successivement
■vicaire dans deux paroisses de Tours ,
puis à Chinon , où il devint chanoine de
St.-Mexmes. En même temps il était su-
périeur des communautés religieuses de
cette ville. Le 24 avril 1790, il prit pos-
session de la cure de Loches à laquelle
l'enleva la révolution ; car il avait refusé
le serment. Néanmoins il resta dans son
diocèse, fut incarcéré avec les autres
prêtres insermentés , et , lorsque ie dé-
cret de déportation eut été rendu , il se
retira dans l'île de Jersey , où beaucoup
d'autres prêtres et d'émigrés s'étaient
réunis. Après avoir séjourné environ qua-
tre ans dans cette île , il se rendit à Lon-
dres où il resta environ un an. Dans te
mois d'août 17 97, l'évêque de Saiut-Poi-
de-Léon l'envoya à Yaxey , pour y servir
d'aumônier aux prisonniers de guerre
français, réunis au nombre de six à sept
mille dans les prisons de Normancross.
Aiirès y avoir passé environ huit mois ,
l'abbé Rocher revint à Londres , et fut
secrétaire de l'évêque de Saint-Pol-de-
Léon. En 1808 l'abbé Rocher fut choisi
par Louis XVIII pour être son confesseur.
Ces fonctions furent reprises par M. Asse-
line et M. l'évêque de Boulogne ; mais il
n'en était pas moins appelé de temps en
temps auprès du roi qu'il accompagna
lors de son retour en France. Pendant les
Cent-jours il se rendit à Gand , et conti-
nua sous la seconde restauration à avoir
ia confiance de Louis XVIII ; c'est lui qui
assista ce prince dans ses derniers mo-
mens. Après sa mort il se retira sur la pa-
roisse de Saint-Roch. Il est mort le 1 ^"^
décembre 1828 à l'âge de 77 ans. L'abbé
Rocher avait été aussi confesseur de ma-
dame la Dauphine.
* ROCHES (François de), ministre'pro-
testant, né à Genève en 1701 , était en
1731 pasteur de l'Eglise de cette ville,
€t y professait la théologie en 1749. C'é-
tait un homme instruit , et, dit-on, d'un
mérite distingué. Aux connaissances théo-
logiques il joignait beaucoup d'autres
XI.
ROC 44()
talens. Il était laborieux, éloquent, et
avait le don de la parole. Ses mœurs
étaient douces , et son caractère noble et
sociable. On i de lui : 1" Défense du
vhrislianisme , ou Préservatif contre
un livre intitulé .- Lettres sur la reli-
gion essentielle à V homme , imprimé en
1739, 4 parties in-1 2. Ces lettres sont de
Marie Hubert, protestante genevoise : on
y enseigne le pur déisme. 2° Une édi-
tion du Catéchisme d'Osterwald, avec
des notes , 1 7 62 ; 3° une Re'ponsc à Mé-
lines^AMFle'chier, sur son changement de
religion, 17 53 ; 4° deux Sermons à l'oc-
casion des divisions politiques de Ge-
nève, 1737. Il mourut en 17G9.
ROCHES ( Jean des ) , membre de
l'académie des Sciences de Bruxelles, a
donné une Grammaire et un Diction-
naire flamand et français , qui sont es-
timés. H avait commencé une Histoire
des Pays-Bas , qu'il ne put achever ,
étant mort en 17 87 , peu de temps après
que le premier tome en eut paru. Si ou
en juge par ce commencement, la suite
de l'ouvrage n'est pas à regretter : on
voit que l'auteur écrivait à la hâte , et
n'avait ni les connaissances ni l'im-
partialité nécessaires pour bien écrire
les Annales belgiques. Il y a quelques-
uns de ses Mémoires dans le Recueil de
ceux de l'académie de Bruxelles, où l'on
peut trouver quelques assertions qni
prêtent à la critique; on y voit entre au-
tres choses , qu'il ne rendait pas assez de
justice à ces zélés religieux d'Angleterre
d'Irlande, qui ont converti à la foi une
])artie de la Belgique et des régions voi'-
sines.
ROCHES. Voyez Animer des Roches.
ROCHESTER ( Jean Wilmot, comte
de), poète anglais, né dans le comté
d'Oxford en 1648 , ( était fils de ce comte
de Rochester, qui, toujours fidèle à la
cause desStuarls, assura la fuite de Char-
les II , après la mort de Charles F"" et
la perte delà bataille de Worcesler, et
qui mourut avant la restauration en 1 C60.)
Un gouverneur habile cultiva les talens
du jeune Rochester avec tant de suc-
cès, que ce seigneur, à l'âge de 12 ans,
célébra envers le rétablissement dtChar-
57.
^
46o ROC
les H. Il voyagea en France cl en Italie ,
prit le pnrli désarmes, et servit sa patrie
avec distinction. Eniîn, il s'adonna tont
entier à son {joût pour les plaisirs et
pour l'étude. Cette alternative fatigante
ruina sa santé, et le fit mourir à la fleur
de son âge , en 1C80 , ( voyez la lîela-
iion de sa mort par Burnet , traduite en
français , in-8 ). Le comte de Rochester
s'était attiré les faveurs de son roi par
son zèle; il mérita son indignation par ses
Satires, publiées à Londres en 1714,
in-12. C'est le genre dans lequel il a
principalement travîiillé. Les passions y
donnent souvent le ton , plus que le goût
et le génie. Ses poésies sont la plupart
d'une obscénité dégoûtante ; cependant,
dans ce tas d'ordures, il y a quelques
traits sublimes , quelques pensées fortes
et hardies. Plusieurs de ses Satires ont
été traduites en français. ( La plupart
étaient dirigées contre ce même monar-
que dont il avait chanté la restauration.)
ROCHESTER ( L'évêquc de }. Voyez
■ A.XTKRBURY •
• ROCIÏON DE CHABANNES ( Marc-
Antoine-Jacques ) , auteur comique, né
en 1 7 30 , mort à Paris le 1 5 mai 1 800 ,
débuta à la comédie italienne par le
Deuil anglais , et à l'opéra comique par
une pièce intitulée Les filles, qui n'eut
aucun succès. Il fut plus heureux aux
Français dans la petite pièce intitulée
Heureusement , jouée en 17G2. Le dia-
logue en est agréable et l'une des situa-
tions piquante. Il fit ensuite paraître suc-
cessivement la Manie des arts, les Va-
lets maîtres , les Amans cjmcreux , le
Jaloux , comédie en cinq actes, dont le
dénoûment ne vaut rien, et dont les scè-
nes sont presque toutes sans action ; le
Seigneur bienfaisant, Alindor , et les
Prétendus , que l'excellente musique de
Le Moine faittoujours entendre avec plai-
sir. Le Théâtre de Rochon a été impri-
mé en 178G , en 2 vol. in-8. Laharpe a
porté sur cet auteur un jugement très
sévère. Voy. le Cours de littérature, t. 2.
'ROCHON (Alexis-Marie ), astronome
et navigateur, naquit en 1741 au château
de Brest, dont son père était aide-major.
Son frère aîné avant embrassé la carrière
ROC
des armes , il fut destiné à l'élat eccléï
siastique , et il obtint un bénéfice ; mais
entraîné par son goût pour les sciences
et les voyages , il resta clerc tonsuré , et
fut nommé , en 1766 , bibliothécaire de
Tacadémie royale de marine établie à
Brest, et l'année suivante, il obtint le
titre d'astronome de la marine. Ce fut eu
cette qualité qu'il s'embarqua , en 17G7 ,
sur un vaisseau qui transportait à Maroc
le général Breugnon , ambassadeur ex-
traordinaire auprès de l'empereur, ainsi
que le consul Chénier, qui allait y résider
coriime agent-général du gouvernement
français. Dans ce voyage , il détermina
plusieurs longitudes, et il observa les
distances d'éloiles à la lune par de nou-
veaux moyens qu'il avait proposés. En
17G8il fut chargé par le gouvernement
d'aller reconnaître les îles et les écueils
qui séparent les côtes de l'Inde des îles
de France et de Bourbon , et il s'acquitta
de celte mission avec succès. Après avoir
reconnu l'île de Madagascar , il explora
les rescifs , les écueils et les îies au nord
de l'île de France , traversa les Maldives ,
prolongea la côte de Malabar , et , lors-
qu'il se trouva dans les parages de Cey-
lan , il prévint la perte de la corvette sur
laquelle il était embarqué , en indiquant
au pilote la position àclA pctite'basse.
En revenant en France, Rochon s'arrêta
à la Corogne oii le capitaine-général de
la Galice lui donna un grand lingot ^e
platine ; ce qui le mit plus tard dans le
cas d'étudier ce métal , et de s'en servir
pour les miroirs. Enfin il accompagna ,
en 1771 , M. de Kerguclen, qui avait été
chargé d'examiner le projet d'une roule
directe de l'île de France à la côte de Co-
romandel ; mais pou satisfait des procédés
de ce commandant à son égard , il n'alla
pas au delà de l'île de France. De retour
à Brest , il obtint , en 1 772 , la place de
garde du cabinet de physique et d'opti-
que du roi, établi au château de la Muette,
près de Paris ; et , dans ce poste tran-
quille , il dirigea ses recherches sur les
instrumens d'optique. L'étendue de ses
connaissances lui fit confier de nouvelle»
missions en Bretagne , dans le Berri et
le Nivernois. En 1787 , il fut nommé à U
KOC
place d'aslronoine-opticien delà marine.
Envoyé en 1790 à Londres au sujet des
nouveaux syslèmcs des poids et mesures
qu'on voulait introduire eu France, il fut
cliargé, en 1792, d'examiner les différons
projets pour le dessèchement des eaux
sla(];nanles de la commune de Neuilly.
Privé de ses places à celte époque , il se
retira dans sa ville natale, et consacra
tousses niomcns à des travaux d'utilité
publique. La marine ne pouvait se pro-
curer pour la construction des fanaux les
feuilles de corne à lanlerne qu'on tirait
d'Irlande;il inventa des gazes métalliques,
faites avec des matières qu'il était facile
d'obtenir à bon marché , et qui réunis-
saient a l'avantage d'être incombustibles
celui de donner une clarté double, et de
pouvoir être employées au vitrage des
vaisseaux. Il forma aussi en 1795 àRrej't
un atelier pour la fabrication des lunet-
tes nécessaires à la marine. Lors de la
création de l'Institut , il fut compris au
nombre de ses membres , et il ne passa
pas une année sans adresser à ce corps
des mémoires sur l'optique , la science
nautique et autres objets d'utililé publi-
que. Il mourut à Paris en 1817. On a de
lui : 1" Opuscules matlicnintiques, Brest,
1768, in-8 ; 2° lîecueil de mémoires
sur la mécanique et sur la pJnjsique ,
178.3 , in-8 ; 3° Nouveau vmjnge à la
mer du sud , rédigé d'après les plans et
JesjournauxdeM.Croset, 1783; kToi/a-
gcs à Madagascar et aux Indes Orien-
tales , 1791 , iii-8 ; 3« édition, 1802 , 3
vol. in-8, nouvelle édition, sous le titre
de Voyaxjes aux Indes-Orientales et en
Afrique .... avec une Dissertation sur
les lies de Salomon , 1 807 , oii Ton a re-
tranchû tout ce qui concerne l'île de Ma-
dagascar. Ces voyages ont été traduits en
allemand et en anglais. 5" Essais sur les
monnaies anciennes et modernes , 17 92,
in-8 , et plusieurs autres brochures et
mémoires, publiés à Paris de 1800 à 1812.
M. Delambre a lu dans la Séance publique
de l'académie des Sciences du 16 mars
1818 nnc Notice sur Rochon.
* ROCHOW ( Frcdéric-Everard de ) ,
chanoine et dignitaire du grand chapi-
tre de Habberetadt , né à Berlin le 17 oc-
ROC
45i
tobre 1734 , suivit d'abord la carrière
militaire. Il entra en 1749 dans la ca-
valerie prussienne , et fit en qualité
d'officier les deux premières campagnes de
la guerre de Sept ans ; mais des blessures
l'obligèrent de quitter le service en 1 7 à7 :
alors il se retira dans ses terres , et il se
livra à l'élude qu'il avait négligée dans
sa jeunesse. Il apprit sans maître non
seulement le latin et plusieurs langues
modernes, mais encore l'économie poli-
tique et morale , l'histoire naturelle, et
il s'occupa conslamment du bonheur do
ses vassaux. Il chercha à améliorer leur
sort en les éclairant , et il fonda dans ses
ferres de nouvelles écoles. Il mourut
d'une hydropisie de poitrine à heckau ,
près de Posldam , le IG mai 1805, et il
légua une somme de 12,000 fr. pouf
l'entretien de ses écoles. Lui-même en a
Y^vihWil' Histoire , SlesMig, 1795, in-S.
Rieman en a aussi donné une Descrip-
tion , 4* édition , 1 809 , dans laquelle il
a détaillé le mode d'instruction qu'il em-
ployait, et l'a comparé avec celui de
Pcstalozzi. Rochow a eiicore publié
Essai d'un livre d école pour les en fans
des paysans, ou Instructions pour les
maîtres des classes inférieures. Il a com-
posé plusieurs autres traités élémentai-
res , parmi lesquels on distingue Y Ami
desenfans, traduit dans presque toutes
les langues. Il a aussi écrit plusieurs ou-
vrages sur les pauvres , le crédit , le ca-.
raclère national, etc.
ROCHYSAjNA. roi/cz Roquesanne.
ROCOLES (Jean-Baptiste de), his-
torien français au dessous du médiocre,
quoique décoré du nom pompeux d'his-
toriographe de France et de Brandebourg,
Pié à Béziers, vers l'an 1 G30, fut chanoine
à Paris, protestant à Genève, de nou-
veau catholique en France , derechef
prolestant en Hollande, enfin il mourut
catholique eu France en 1C96. On a de
1 u i : 1 ° Description des empires du monda
par Z'rtt'/Vz , augmentée d'un vol., Paris,
IGGO , G vol. in-fol. ; ce volume n'a fait
qu'augmenter les fautes dont cet ouvrage
fourmille ; 2" Introduction générale à
l'Histoire, 16C4;3° Abrégé de l'his-
toire de V empire d^ Allemagne , Cologne,..
45a ROD
1679. C'est une mauvaise traduction du
Nucleus Ilist. Gcrm. de Larcher. A"
Les imposteurs insignes qui ont usurpe
laqualite d'empereurs , Cruxelles, 1729,
en 2 vol. in- 8 ; 6° Histoire ve'iilabledu
calvinisme , opposée à l'Histoire de M.
JMnimbourg ., Amsterdam, 168-3; ou-
vrage dont les proteslans , et en parlicu-
Jier Bayle, ont clé peu conlcns, quoique
l'auteur ait eu envie de leur plaire.
RODERIQUE ( Jean -Ignace de ), né
à Malmédy en 1G97 , entra chez les jé-
suites, qu'il quitta au bout de huit ans,
et alla s'établir à Cologne; il sedistiiigua
par son amour pour les lettres, et par
les secours qu'il procura à ceux qui les
cultivaient, llrédigea long-temps la Ga-
zette de Cologne avec un succès qui le
rendit célèbre dans toute l'Europe, et
qui tira pour quelque temps cette feuille
de la foule des ouvrages périodiques. Ce
n'était qu'un amusement pour lui. Ses
vues portaient sur des objets plus gra-
ves : il fut employé et consulté par diffé-
rent princes dans des aiXaires importan-
tes, publia plusieurs Dissertations sa-
vantes, et mourut à Cologne le 6 avril
1768. On voit à Malmédy une très belle
chapelle dont il ordonna la construc-
tion , et où l'on a placé un monument ,
avec sou épitapbe très bien rédigée eu
latia.
RODIVEY ( Georges BniDGE), cheva-
lier de l'ordre du Bain, amiral de l'es-
cadre blanche, né à Londres en 1717,
mort dans la même ville le 24 mai 1792,
dans la 71'= année de son âge , fut un des
plus habites marins d'Angleterre. Le 16
janvier 1780, il défit entièrement la
flotte espagnole à la hauteur de Cadix ;
Langara , qui la commandait, y fut pris
avec cinq vaisseaux de ligne. Les 15,17
et 1 9- avril delà même année, il combattit
la flotte française , commandée par le
comte deGuioben: dans ces trois actions,
la victoire fut balancée; mais le 12 avril
1782 elle se déclara ouvertement pour
liodney aux Antilles, à la hauteur de la
Martinique, oii la flotte française, sous
les ordres du comte de Grasse , fut dé-
faite avec perte de plusieurs vaisseaux de
içne , paimi, lesquels La Fille de Paris ^
ROD
de 100 pièces de canon , montée par l'a-
miral , qui fut fait prisonnier. Le vain-
queur continua à servir avec gloire jus-
qu'à la paix conclue l'année suivante. On
l'uppela V heureux Rodncy.
*RODOERIO (Jean-Léonard), célè-
bre jurisconsulte , né à Montecorvino ,
dans le royaume deNaples,en 1620,
occupa plusieurs places distinguées dans
la magistrature , et a laissé : 1° Observa-
tiones singulares cum addilionibus ad
quotidianuni libruin resolutionu^m Do~
nati Antonii de Mariais , Naples , 1 6C6,
in-fol. 2° Consiliorum, sivejuris respon-
sorum cum novissimis decisionibus , Na-
ples, 1G74, 1 vol. in-fol.
RODOGUNEo» Rhouogune, fille de
Phraates, roi des Parthcs, fut mariée à
Démétrius Nicanor , que Phraates tenait
prisonnier , ce qui causa de grands mal-
heurs, par la jalousie de Cléopàtre ( T'ny.
ce nom). Il y a eu d'autres princesses
de ce nom. Voyez la pièce de P. Cor-
neille qui porte ce titre.
RODOLPHE, comte de Rheinsfeld ,
duc de Souabe , époux de Mathilde , sœur
de l'empereur Henri IV, fut élu roi de
Germanie l'an 1077 par les Allemands,
soulevés contre l'empereur son beau-
frère. La fortune fut douteuse pendant
quelque temps, se déclarant tantôt pour
un parti , et tantôt pour un autre. Mais,
elle abandonna totalement Rodolphe ,
l'an 1080 , à la bataille de Wolcksheim ,
oîi il périt. Il ne laissa qu'une fille , qjii
épousa Berthold, duc de Zcringhen.
PiODOLPIlE 1" DE Habsbourg, empe-
reur d'Allemagne, surnommé Ze Clcmcnt,
était fils d'Albert le Sage, comte de Habs-
bourg, château situé entre Bàle et Zu-
rich. (Né en 1218 , il fut élevé dans les
camps de l'empereur Frédéric H dont il
était le parent. Son père étant mort en
1240, il hérita seul, comme l'aîné, du
Landgraviat de la Haute-Alsace, du Bour
graviatde Rheinsfeld, et, concurremment
avec ses deux frères, de quelques domai-
nes dans la Souabe et le Brisgau, et du
comté de Habsbourg. Ce riche héritage
le mita même de lever un corps d'aven-
turiers avec lesquels il fit la guerre à
plusieurs seigneurs ses voisins. Il servit,
ROD
CDSuif c sous Cttocare roi de Bohême , et
fut engafjé dans d'autres hostilités tant en
Suisse qu'en Alsace. Plus tardics cantons
d'Uii, d'Undenvald et de Sclnvilz le
choisirent pour protecteur et pour chef.
La répulalion qu'il s'était acquise fixa le
choix des électeurs de l'empire germani-
que.} Il fut élu empereur le 29 septembre
i 273 , après un long interrègne et par dé-
cision de la diète de Francfort. Rodolphe
ne voulut pas aller à Rome pour se faire
couronner ; mais il fit un traité en 127 8
avec le pape Nicolas III , par lequel il
s'engagea à défendre les biens et les pri-
vilèges de l'Eglise romaine. Son règne fut
troublé parla guerre contre Ottocare,
roi de Bohême, sur lequel il remporta
une victoire signalée. Le vaincu fut obli-
gé de céder au vainqueur l'Autriche , la
Slyrie et la Carniole. Il consentit à faire
un hommage-lige à l'empereur dans une
île au milieu du Danube, sousun pavil-
lon dont les rideaux devaient être fermés,
pour lui épargner une mortification pu-
blique. Oltoc are s'y rendit couvert d'or
et de pierreries. Rodolphe, par un faste
supérieur , le reçut avec l'habit le plus
simple. Au milieu de la cérémonie, les
rideaux du pavillon tombent , et font voir
aux yeux du peuple et des armées qui bor-
daient le Danube, le superbe Oltocare
à genoux, tenant ses mains jointes entre
les mains de son vainqueur. Quelques
écrivains ont traité cela de conte; mais
cefait est accrédité. La femme d'Ottocare,
indignée de cet hommage, engagea son
époux à recommencer la guerre. L'empe-
reur marcha contre lui; la bataille se don-
na à Marckfeld, près de Vienne, le 26
août 1278, et Oltocare la perdit avec la
vie. Rodolphe vendit la liberté aux villes
d'Italie qui voulurent bien l'acheter. Flo-
rence donna 40,000 ducats d'or, Lucques
12,000, Gênes et Bologne 6.,000. Cette
liberté consistait dans le droit de nom-
merdes magistrats , de se gouverner sui-
vant leurs lois municipales, débattre
monnaie, d'entretenir des troupes. Rodol-
phe mourut à Gcmersheim, près de
Spire , en 1 291 à 73 ans , avec la répula-
tign d'un des plus braves guerriers et
des plus grands politiques de son siècle.
ROD 453
On rapporte qu'étant encore comte de
Habsbourg, il rencontra , étant à la chas-
se , un prêtre portant péniblement à tra-
vers les montagnes le viatique à un ma-
lade : il descendit de cheval, y fit mon-
ter le prêtre , l'accompagna chez Je ma-
lade , et ne voulut plus rt prendre le che-
val. Quelques jours après, un pieux
ermite lui prédit son élévation au trône
impérial. C'est à cette occasion qu'on
cite une espèce de prophétie consignée
dans V Histoire de la décadence de l Em-
pire , par Maimbourg , tom. 2 , p. 266.
" Grand exemple ( celui de Rodolphe de
)) Habsbourg ) , qui doit apprendre aux
» princes de celte maison , que comme
» les choses ne se conservent que par
» les-mêmes principes qui leur ont donné
» l'être, aussi la grandeur à laquelle il a
» plu à Dieu de les élever en ce monde
» en récompense de la piété de l'empe-
» reur Rodolphe leur chef, ne durera
» que tandis qu'ils auront un vrai zèle
» pour la religion ; et que s'ils le per-
j) dent par une fausse politique , pour ne
)> songer qu'à leur agrandissement tem-
» porel et à leur intérêt, en abandon-
M nant celui de J. C, ils périront. « ( Ro-
dolphe s'était marié deux fois , et il est ,.
suivant- l'opinion du jésuile Barre, Jour-
nal dcs^ savans , mars 1752, la tige de
t outes les maisons souveraines de l'Eu-
rope, existantes au milieu du IB*' siècle.)
Il y a un Recueil de 140 lettres de cet
empereur. On conserve précieusement
ce manuscrit dans la bibliothèque impé-
riale à Vienne. (L'histoire de cet empereu r
a été bien éclairciedansle Recueil publié
par l'abbé de Saint-Biaise, Gerbert, sous
ce titre : De translatis Habspurgo aus-
triacorum principum , etc. Saint-Biaise,.
1772, in-4. Il existe un poème héroïque
intitulé Rodolphe de Habsbourg, dont P.
Mogenigo a donné l'explication, Padoue,.
1827.) Adolphe de Nassau fut élu empe-
reur après lui.
RODOLPHE II, né à Vienne en 1 hb2\.
roi de Hongrie en 1 572, roi de Bohème ei>
1575, élu roi des Romains à Ratisbonue
le 27 octobre de la même année , élail
fils de Maximilien II et de Marie d'Au-
triche fille de Charlcs-Quint. Il prit les rô-
454 ROD
lies de l'empire en 1676 , après la mort
de son père, elles tint d'une main faible.
La Hongrie presque entière fut envahie
par les Turcs eu 1.098, sans qu'on pût
les en empêcher. Les revenus publics
étaient si mal administrés, qu'on fut obli-
gé d'établir des troncs à toutes les portes
des églises, non pour faire la guerre
( comme le dit Voltaire ), mais pour se-
courir dans les hôpitaux les malades et
les blessés qui l'avaient faite. Rodolphe
envoj'a en Hongrie une armée qui n'ar-
riva qu'après la prise d'Agria et de plu-
sieurs autres places importantes. Celle
armée, ainsi que toutes celles qui à celle
époque combattirent les Turcs, que la
seule maison d' Autriche d'Allemagne n'é-
tait pas en état de repousser , était un
compose de toutes sortes de nations ,
sans discipline et sans subordination , et
dont par conséquent les défaites n'ont
rien de merveilleux. Barlhclemi Georgie-
■witz, dans un discours inséré par Loni-
cer dans sa Chronique turque , en parle
de cette sorte : Lalrocinatur Ifungnrus,
prœdaiur Ilispnnus , potat Germnnus ,
s ter tu Soliemus, libidinatur Ilalus, Gai-
lus cnntat , Anglus lucratur , Scotus
helluatuv; militem quimoribus miles sit,
vix ullum reperias. Le duc de JMefcœur ,
accompagne d'un grand nombre de Fran-
çais, rétablit un peu les affaires de ce
royaume en ICOO. L'empereur eut d'au-
tres chagrins à essuyer. Son frère Mathias
s'élant révollé , il fut obligé de lui céder
les royaum esde Hongrie et de Rohème.
Les divisions de sa maison , jointes au
vif ressentiment que lui causèrent les
électeurs par la demande qu'ils lui firent
de choisir un succesenr à l'empire, tout
cela hâta sa mort , arrivée en 1 fi 1 2 , à 60
ans. Tycho-Brahé , qui se mêlait de pré-
dire, lui avait conseillé de se méfier de
ses plus proches parens : conseil que la
révolte de Mathias justifia, et que Rodol-
phe ne suivit que trop, ne laissant pas
approcher ses parens de sa personne. H
est vrai qu'il en usait à peu près de même
envers les étrangers : ceux qui voulaient
le voir étaient obligés de se déguiser en
palefreniers, pour l'atlend redans son écu-
rie , quand il venait voir ses chevaux ,
ROD
dont il était fort curieux, et qu'il entre''
tenait en grand nombre et d'un grand
choix. C'était d'ailleurs un bon prince ,
ennemi du faste et de toule ostenlalion ,
juste , chaste , pieux , qui protégeait les
savanset cullivailhii-mêmeles sciences,
parliculièrement la physique , l'astrono-
mie et la chimie. Il ne voulut jamais se
marier. l\ devait épouser Isabelle, fille
de Philippe II; mais sa répugnance pour
le mariage fit manquer ce projet, ainsi
que cinq autres. (L'histoire de Rodolphe
a élé publiée par le Père Rrachel sous le
titre de Famaaustriaca, Cologne, 1G27,
in-fol. et par G. Londorp dans sa conti-
nuation deSlcidan.)
RODON ( David de) , calviniste du
Dauphiné , enseigna la philosophie à
Die , puis à Orange et à Nîmes , fut banni
du royaume en 1663, et mourut à Genève
vers 1670. C'était un homme turbulent,
plein de subtilités et d'idées bizarres. On
a de lui : 1° un ouvrage rare, qn'il pu-
blia sous ce titre : V imposture de la pré-
tendue confession de foi de saint Cyrille,
Paris, 1G29, in-8 ; T un livre peu com-
mun, intitulé : De supposito, Amsterdam,
1682, in-1 2, dans lequel il entreprend
de justifier Nestorius^ et accuse saint
Cyrille de confondre les deux natures
en J. C. ; 3° un Traité de controverse,
intitulé : Le Tombeau de la messe ,
Francforat, 1655, in-8: c'est ce traité
qui le fit bannir; 4° Disputatio de liber-
tate et atomis , Nîmes , 1 662 , in-8 , assez
rare; 5" divers autres ouvrages imprimés
en partie à Genève, 1668, 2 vol. in-4.
Quoique ce recueil ne soit pas commun ,,
il n'est pas beaucoup recherché.
* RODRIGUE ( Franrois-Ambroise),
évêque constitutionnel de la Vendée ,
naquit à Nantes, vers 1730, acheva ses
études dans celle ville, et se fit remarquer
de bonne heure par la vivacité de son
esprit et en même temps par un juge-
ment faux. Ses opinions singulières lui
fermèrent les portes d'une congrégation
respectable dans laquelle il avait mani-
festé le désir d'entrer. Rodrigue se rendit
dans le diocèse de Luron où on lui donna
la petite cure de laCrosnière, surte bord
de In mer, entre Beauvais et Noirmou-
tiers , puis celle de Fougère près de Ma-
roeil.ll occupait celte dernièreplace, lors-
qu'il prêta serment et qu'ensuite il fut
promu évêque de son département. Ou
ignore quel motif lui valut cette distinc-
tion, et l'on ne peut attribuer ce choix
qu'à l'embarras où étaient les électeurs
de trouver un ecclésiastique qui voulut
accepter l'épiscopat constitutionnel. La
première fois que Rodrigue parut à Fon-
tenay comme évoque, il crut qu'il res-
semblerait à un apôtre en portant des
sabots et en s'habillant mal. Du reste,
pendant la courte durée de son adminis-
tration, il se montra tranchant, entêté,
fantasque. Pendant la teneur U renonça
à ses fonctions, et refusa ensuite de les
reprendre malgré les instances de ses
confrères les constitutionnels. Plus tard
il obtint une place de juge à Monlaigu,
et , lorsque le tribunal de celte ville fut
transféré à Bouibon-Yendée, il ne le
suivit point dans cette nouvelle rési-
dence : il se relira à Nantes oii il est mort
le 18 décembre 1813. Sur la fin de sa vie
il était très solitaire, avait un costume
singulier et ne se montrait point à sa pa-
roisse. Ses derniers moniens n'amenè-
rent en lui aucun changement religieux,
et il a persévéré jusqu'au bout dans l'im-
piété et dans le schisme.
RODRIGUE. Fo7jez Sascio.
RODRIGUEZ (Simon ) , jésuite , né
à Vousselia dans l'évêché de Yiséo en
Portugal, fut disciple de saint Ignace de
Loyola , et refusa l'évêché de Coïmbre.
U fut fait précepteur.de don Juan , alla
prêcher la foi aux sauvages du Brésil ,
et devint provincial des jésuites portu-
gais. Il fut aussi provincial d'Aragon , et
mourut à Lisbonne en 1579, avec de
grands senlimens de religion.
RODRIGUEZ (Alphonse), jésuite,
né à Valladolid en 1 62G , enseigna long-
temps la théologie morale, et fut ensuite
recteur de Monte-Rey en Galice, et in-
stituteur des novices, parmi lesquels il
eut l'honneur de compter le savant Père
Suarez. Il mourut à Sévillc , le Jl février
1 6 1 G , à 90 ans , en odeur de sainteté. Ce
pieux jésuite est principalement connu
par son /'/•m'/e' intitulé. Pratique de la
IlOI) 4.')5
perfection chrétienne, Séville, 1614,
in-4 , ouvrage profond , qui décèle un
homme supéiieurement versé dans la
connaissance du cœur humain , et des
moyens de l'épurer, de le sanctifier et
de le rendre digne de son auteur. Le
Père Rodrigucz fait un admirable usage
de l'Ecriture sainte et des Pères , et c'est
ce qui donne à son ouvrage un ton d'au-
torité et d'onction qu'on trouve dans
peu de livres spirituels , au même degré.
Ce Traité a été traduit en français par
les solitaires de Port-Royal , en 2 vol.
in-4 , et par l'abbé Rcgnier-Dcsmarais, 3
vol. in 4 , 4 in-8 et G in-12. La première
de ces versions est très peu fidèle, cl les
traducteurs n'ont pas fuit dillïcullé d'at-
tribuer à l'auteur espagnol leurs senli-
mens parliculicrs. Celle version devient
très rare. On en avait conservé un esem-
plaire au collège de Louis le Grand , avec
des notes de M. Regnier-Desmarais ,
Paris , 1G74 , 2 vol. Jn-4. Cet exemplair.'
fut enlevé pour 5 livres , quoique des
curieux eussent donné commission de
l'acheter à tout prix. Il en existe quatre
autres versions françaises moins bonnes.
L'ouvrage de Rodrigucz, excellent en son
genre, serait encore meilleur, si l'au-
teur ne l'eût rempli de plusieurs his-
toires qui ne paraissent pas trop Lien
appuyées. L'iibbé Tricalet en a donné un
abrégé en 2 vol. in-12. Cet abrégé est
trop resserré ; l'on n'y trouve ni les
lumières ni l'onction de l'ouvrage de
Rodrigucz. — Il ne faut pas le confondre
avec un autre Alphonse Rodriguez , aussi
jésuite , né à Ségovie , et mort à Major-
que, le 31 octobre lGI7,àrâge de 87
ans, considéré comme un homme apo-
stolique, plein d'œuvres et de mérites,
et dont des écrivains contemporains ont
parlé comme d'un thaumaturge.
* RODRIGUEZ (Alphon.se, le bien-
heureux), né à Séville, le 26 juillet
1 531, était fils d'un marchand , et exerça
lui-même le négoce. Des malheurs de
tout genre vinrent l'accabler : il perdit
son épouse et ses deux enfans , et des
revers de fortune l'obligèrent à quitter
le commerce. Dès lors il se donna 'tout
cnlier à la piélé cl entra en 177 1 comme
45ti ROD
frère ou coailjuleur temporel dans la
compagnie de Jésus. Après avoir fait son
noviciat à Yalence, il fut envoyé dans
l'île de Majorque oii il résida jusqu'à sa
mort qui eut lieu le 31 octobre 1017.
Pendant son séjour dans ce lieu, il donna
l'exemple des plus hautes vertus : sa fer-
veur , son humilité , son esprit de pau-
Trelé et de mortification se signalèrent
dans un grand nombre de circonstances,
et lui donnèrent une juste réputation de
sainteté que des miracles sont venus
confirmer depuis. Après plusieurs pro-
cédures et plusieurs minutieuses infor-
mations, deux décrets furent donnés
l'un par Clément XIII , le 20 mai 1700,
qui déclare l'héroïsme des vertus d'Al-
phonse; l'autre de Léon XII du 31 juillet
1824 , qui reconnaît l'existence de deux
rairaclesopérés par ce religieux. Enfin il a
été procédé à la béatification le 12 juin
1825. Plusieurs écrivains ont publié la
vie d'Alphonse Rodriguez ; nous citerons
celle du Père de Boissieu , publiée à
Lyon ; celle du Père Janin, publiée aussi
à Lyon en 1 048 ( en latin) ; enfin du Père
Archangeli , réimprimée à Rome en 1 825.
En 1828 il en a paru une nouvelle, sous
le litre de f^ie du Bienheureux Alphonse
Jlodriguez, béatifié en 1825, Paris et
Lyon, 1828, in-12. L'Ami de la Religion
dans son N" 14G0 (G août 1828), en a
rendu un compte avantageux.
RODRIGUEZ (Emmanuel) , religieux
franciscain , d'Estremos en Portugal ,
mourut à Salamanque en 1019 , à 08 ans.
On a de lui : 1° une Somme des cas de
conscience , 1595 , 2 vol. in-4 ; 2° Ques-
tions régulières et canoniques , 1009, 4
vol. in-fol. ; 3" un Recueil des Privilèges
des réguliers , Anvers, 1023 , in-fol. , et
d'autres ouvragesquin'ontpUis de cours.
RODULPHE, né à Munster, sur la
fin du 11« siècle, se fit religieux dans
l'abbaye de Saint-ïron au pays de Liège.
Il en devint abbé ; mais il eut la douleur
de voir piîlcret brûler son monastère
par Gislebert, comte de Duras , ce qui le
contraignit de se retirer à Cologne , oîx
l'archevêque le fit abbé du monastère de
Saint-Panlaléon. U rentra ensuite dans
son abbnve de .Saint-Tron , cl y mourut
ROE
l'un 113S. Nous avons de lui : 1" une
Chronique de ce monastère, de|)uis sa
fondation jusqu'à l'an 1130; 2° l^ie de
saint Libert, évêque de Cambrai : ce.s
deux ouvrages se trouvent dans le tome 7*
du Spicilége de dora d'Achéry; 3" un
Traité contre la simonie ^ en 7 liv. , que
dom Mabilion a trouvé dans la bibliothè-
que du monastère de Gemblours.
ROE (Thomas) et non Rhoe, ou Rowk,
voyageur et diplomate anglais , né vers
1500 à Low-Leyton dans le comté d'Es
sex, fut envoyé par la compagnie anglaise
des Indes (en 101 4) en ambassade auprès
du Grand -Mogol. ( De retour en Angle-
terre, il fut élu membre du parlement,
et Jacques 1*"^ le nomma ambassadeur à
Conslanlinople en 1020. ) U rapporta de
ce voyage plusieurs manuscrits grecs ,
qu'il donna à la bibliothèque Bodleyenne
à Oxford. Il fut envoyé ensuite pour mé-
nager la paix entre la Pologne et la Suède,
et profila de celte occasion pour animer
Gustave Adolphe à dévaster l'empire pour
soutenir les proleslans. Il mourut en
1 0 4 4 . On a ses Négociations à la Porte de-
puis 1G20 jusqu'en 1028, Londres, 1740,
iu-fol., en anglais, (et la relation de sa
mission près du Grand-Mogol, dans le
tome l*^"" du Recueil dePurchas :Thevenot
en a inséré la traduction dans le l'^'vol.
de sa collection.)
* ROEDERER ( Jean-George ), célèbre
médecin, né à Strasbourg en 1720, acquit
une grande réputation dans son art, et se
consacra plus spécialement ù la partie
relative aux accouchemens, sur laquelle
il a publié les ouvrages suivans : 1° Ora-
iio de artis obstetriciœ prœstantia, Got-
tingue, 1752; 2° Elcmentaartis obstetri-
ciœ in usum prœlectionum academica-
/•w/n, Gollingue , 1753-1759, in-8; Colo-
gne, 1703, in-8, traduit en français, Paris,
1705, in-8 ; Z°Opuscula medica , spar-
sim prias édita, nunc demum collecta,
aucla et recensa, GolUtiQue, 1704, in-4,
etc., etc. Roederer fut pendant plusieurs
années professeur de médecine à Gollin-
gue, et çtait membre des académies de
Pétersbourg, et de chirurgie de Paris,
d'Upsal et de Gollingue. Il mourut à
Strasbourg en 1703.
ROE
ROELL ( Herman-Alexandre ), né en
1653 dans la terre de Doëlberg , dont son
père était seigneur, dans le comté de la
Marck en Westphalie, devint en 1704
professeur de théologie à Utrecht , et
mourut à Amsterdam en 1718, à 66 ans.
Il possédait les langues, la philosophie et
la théologie. On a de lui : 1° un Discours
et de savantes Dissertations philosophi-
ques sur la religion naturelle et les ide'es
innées, Franeker, 1700, in-8; 2" des
Thèses, 1689, in- 4; et plusieurs autres
ouvrages peu connus.
ROEMER (Olaiis), astronome danois,
né à Copenhague, en 1644, se rendit très
habile dans les mathématiques , l'algèbre
et l'astronomie. Picard, de l'académie des
Sciences de Paris, ayant été envoyé en
1671 par Louis XIV, pour faire des obser-
vations dans le Nord , conçut tant d'es-
time pour le jeune astronome, qu'il l'en-
gagea à venir avec lui en France. Roë-
mer fut présenté au roi , qui le chargea
d'enseigner les mathématiques au grand
Dauphin , et lui donna une pension. L'a-
cadémie des Sciences se l'associa en 1672,
et n'eut qu'à se féliciter d'avoir un tel
membre. Pendant dix ans qu'il demeura
à Paris, et qu'il travailla aux observations
astronomiques avec Picard et Cassini , il
fit des découvertes dans les différentes
parties des mathématiques. De retour en
Danemark , il devint mathématicien du
roi Christiern V, et professeur d'aslrono-
mie , avec des appointemens considéra-
bles. Ce prince le chargea aussi de per-
fectionner la monnaie et l'architecture ,
de régler les poids et les mesures, et de
mesurer les grands chemins dans toute
l'étendue du Danemark. Roëraer s'ac-
quitta de ces commissions avec autant
d'intelligence que de zèle. Ses services
lui méritèrent les places de conseiller de
la chancellerie, et d'assesseur du tribu-
nal suprême de la justice. Il lut nommé
bourguemestre de Copenhague , conseil-
ler d'état sous le roi Frédéric IV, et mou-
rut en 1710. C'était un homme sage, un
savant modeste , un observateur attentif
et appliqué. Harrebow, son disciple, mais
qui n'avait pas toutes les qualités de son
maitr^, beaucoup plus léger et plus pré-
XI.
ROE 457
somptueux que lui , fit imprimer à Co-
penhague en 1735, in-4, diverses obser-
vations de Roëmer , avec la méthode
d'observer, du même,sous le titre de Basis
astronomiœ. (Condorcet a publié l'Eloge
de Roëmer dans le recueil de ceux des
membres de l'académie des Sciences, lom.
l",p. 167-177.)
•ROEiNTGEN (David), célèbre ébé-
niste et mécanicien allemand , naquit à
Hernhut en 1745 d'une famille morave ,
et s'établît à Neuwied. Sa réputation le fit
appeler en Russie par Catherine II, et on
voit encore, soit au palais impérial de
Pétersbourg, soit à la maison de plaisance
de l'Ermitage, plusieurs meubles et pen-
dules de cet artiste. Par une invention
particulière, il préparait et endurcissait
les bois qu'il employait dans ses ouvra-
ges, de manière qu'ils duraient un grand
nombre d'années ; l'œil le plus fin ne
pouvait y apercevoir le moindre assem-
blage , et ils étaient d'un poli si parfait ,
qu'ils produisaient le même effet que les
glaces les plus unies. Son che*'-i'œuvre
d'après le rapport de M. Castéra , est un
bureau dont Catherine II fit présent à
l'académie des Sciences de Pétersbourg.
En l'ouvrant, on voit d'abord un groupe
en bronze , qui , lorsqu'on presse légère-
ment un ressort, disparaît, et une superbe
écritoire le remplace, où sont incrustées
des pierres précieuses. Le dessus de l'é-
critoire est destiné à renfermer des pa-
piers ou de l'argent. La main téméraire
qui voudrait se porter en cet endroit se
trahirait bientôt elle-même ; car , au
moindre mouvement , un orgue caché
sous le pupitre fait entendre une musi-
que douce et plaintive, qui décèle l'agres-
seur. Par le moyen d'une planche qui
sort en haut, on peut changer la table à
écrire en un pupitre fort élégant et très
commode pour lire. L'artiste ne deman-
dait pour ce meuble précieux que 20,000
roubles ; l'impératrice y ajouta un pré-
sent de 5,000 roubles. Roentgen amassa
beaucoup de fortune, et revint à Neuwied
oii il mourut en 1807, et non en 1 805, à
Pétersbourg , comme le dit le Dictionnai-
re de Prudlwmme ; ou en 1796, comme on
le voit dans la 7'' édition de Feller. Plu»
58.
458 ROG
sieurs seigneurs possèdent à Pétersbourg
diffërens ouvrages de cet artiste.
B.OGAT (Rogatus), évêque donatiste
dVifrique, se fit chef d?un nouveau parti
dans la Mauritanie césarienne, aujour-
d'hui le royaume d'Alger, vers l'an 372.
Il donna à ceux qui le suivirent le nom
de Rogatistes. Ils étaient autant opposés
aux autres donatistes qu'aux catholiques ;
et les donatistes n'avaient pas moins de
haine contre eux que contre les catholi-
ques même. Ils les firent persécuter par
Firmus Maurus, roi de Mauritanie. L'évê-
que de Césarée , qui était rogatiste , lui
livra lui-même sa ville. On a accusé Rogat
d'avoir suivi les sentimens particuliers de
Dohat de Carthage , touchant l'inégalité
des trois personnes divines. Sa secte dura
quelque temps en Afrique , et il eut pour
successeur Vincent Victor.
ROGER II, comte et premier roi de
Sicile, né l'an 1 097, était fils de Roger dit
le grand Comte, conquérant de la Sicile,
et neveu du fameux Roger Guiscard,
petit-fils de Tancrède de Hauteville en
Normandie. Le comte Roger son père le
laissa en mourant sous la tutelle d'Adé-
laïde sa mère. Dès que ce prince fut en
âge de gouverner ses états , il ne songea
plus qu'à étendre les bornes du comté de
Sicile, dont il avait hérité de son père. Il
s'empara de la Fouille , après la mort du
duc Guillaume son oncle. Le pape Hono-
rius II, effrayé de ses progrès, tenta de
l'arrêter : Roger dissipa les troupes qu'on
lui opposait , contraignit le pape à lui
donner l'investiture de la Fouille, de la
Calabre et de Naples , et obligea Robert ,
comte de Padoue , de se reconnaître son
vassal. L'an 1 130, il embrassa le parti de
l'antipape Anaclet ; et celui-ci , en recon-
naissance , lui accorda le titre de roi de
Sicile , avec la suzeraineté sur la princi-
pauté de Capoue et du duché de Naples.
Les princes ses voisins appelèrent à leur
secours l'empereur Lothaire , qui enleva
à ce nouveau roi une partie de ses con-
quêtes ; mais « peine eut-il repris le che-
min de l'Allemagne, que Roger s'en res-
saisit avec la même facilité qu'elles lui
avaient été ôlées. Il fit prisonnier Inno-
cent II avec toute sa suite, et ce pape
ROG
n'obtint sa liberté qu'en accerdant au roi
et à ses descendans le royaume de Sicile ,
le duché de la Fouille, et la principauté
de Capoue , comme fiefs-liges du saint-
Siége. L'an 1 1 46, il tourna ses armes con-
tre Manuel, empereur des Grecs, prit
Corfou, pilla Céphalonie , Négrepont,
Corinthe, Athènes, s'avança jusqu'aux fau-
bourgs de Constantinopl e, et revi nt chargé
d'un immense butin. Ces expéditions fu-
rent suivies de la prise de Tripoli et d'au-
tres places sur les côtes d'Afrique , et de
la défaite d'une partie de la flotte de
l'empereur grec. Enfin, après avoir assuré
la paix dans ses étas, s'être fait respecter
de ses sujets et craindre de ses ennemis,
ce prince illustre mourut l'an 1154, âgé
de 67 ans. Il avait fait graver ce vers sur
son épée :
Apulus et Calaber, SiculuB mihi sertit et Afer.
* ROGER-DUCOS ( N. , le comte ) ,
sénateur du règne de Ruonaparte, naquit
près de Bordeaux en 17 60. Il était avocat,
lorsque le département des Landes le dé-
puta à la Convention. Il s'y montra l'un
des ennemis les plus acharnés de Louis
XVI, et, à l'époque de son procès, il vola
pour la mort. Peu après il fut envoyé
dans la Belgique en qualité de commis-
saire : ce voyage ne fit qu'exaspérer en-
core ses sentimens , et à son tetour il se
prononça contre les Girondins : en même
temps il présida le club des jacobins.
Après la session , il entra au conseil des
anciens , et vota contre l'admission de
Job Aymé ; ■ il défendit la loi du 3 bru-
maire , qui excluait les parens d'émigrés
du corps législatif , et présida plusieurs
fois ce conseil, dont il occupait le fauteuil
le 18 fructidor an 5 ( 1797 ) ; il l'assem-
bla en minorité à l'école de médecine ,
et décréta la déportation d'une partie de
ses collègues. Peu de temps après, étant
sorti de ce corps , il y fut réélu par l'as-
semblée électorale de Paris ; mais sa no-
mination fut aussitôt annulée , et il se
retira dans son département, où il obtint
la place de juge de paix, qu'il exerçait
lorsqu'il fut nommé membre du directoire
dans la séance du 19 juin 1799. Le jour
du 18 brumaire, il entra dans la salle du
directoire, où se trouvaient réunis Bar-
- ROG
I ' ras , Gohier et Moulin , auprès desquels
il s'informa si les bruits qu'on répandait
avaient quelque fondement. Ne pouvant
recevoir de réponse positive, il se rendit
à la salle des inspecteurs du conseil des
anciens , oii il trouva Sieyes et Buona-
parte. Il est à croire que Roger- Ducos
avait adhéré d'avance à cette révolution,
quoiqu'il eût feint d'en ignorer le véri-
table but , puisque aussitôt qu'il parut
dans la salle des inspecteurs , il reçut le
titre de troisième consul. Il ne fit rien de
remarquable dans cette place , et passa
ensuite au sénat conservateur , dont il
devint , après Sieyes , le second prési-
dent. En 1804, on lui donna la sénatore-
rie d'Orléans , a,vec le titre de grand-of-
ficier de la légion d'honneur. Il fut
nommé ensuite grand'croix de la légion-
d'honneur. En 1814, il vota, le 1" avril,
la création d'un gouvernement provisoire
et l'expulsion de Buonaparte ; il resta
cependant sans emploi. Après le débar-
quement de N'apoléon à Cannes , il se
rangea de son parti, et fut, le 2 juin 1815,
nommé à la chambre des pairs. Il fut exilé
par l'ordonnance du 12 janvier 1816, et
s'était retiré près d'Ulm. Dans le mois de
mars 1816, il fut tué près de cette ville,
en se précipitant en bas de sa voiture au
moment où elle versait. Roger-Ducos ne
manquait pas de talens , et surtout de
dissimulation et d'adresse. C'est par ces
derniers moyens qu'il surpassa plusieurs
de ses collègues , qui croyaient le diriger
en se fiant à son apparente bonhomie.
* ROGER (Michel ), dit Loiseau, né à
Toulen 1770, émigra au commencement
de la révolution, et servit d'abord dans
l'armée des princes , ensuite dans l'armée
autrichienne. Il se rendit dans la Vendée,
et George Cadoudal lui donna le com-
mandement de sa cavalerie. Après la
pacification , il retourna en Angleterre ;
mais peu de temps après il revint en
France , et ne fut pas étranger , dit-on, à
l'affaire de la machine infernale dirigée
contre le premier consul. Il s'enfuit alors
en Bretagne ; il se disposait même à pas-
ser en Amérique , lorsque Cadoudal l'en-
gagea à rester à Londres, et le ramena
avec lui en France en 1804. Il y fut ar-
ROG 459
rêté , mis en jugement, condamné à mort
et exécuté le 24 juin de la même ïnnée à
l'âge de 33 ans.
ROGER. Ployez Schabol.
* ROGERS (Jean), ministre anglican,
et docteur en théologie, naquit en 1679
à Ensham, dans le comté d'Oxford , et fit
ses études au collège de Corpus Christi,
dont il devint agrégé. Il prit part à la
controverse de Bangor contre Hoadly,
fut vicaire de Saint-Gilles, à Crippelegate,
devint ensuite chanoine et sous-doyen
de Wells, et enfin chapelain du prince de
Galles. On a de lui : 1° Défense de l'e'ta-
blissement civil de la religion , contre
l'Examen des prophéties littérales de Col-
lins (voyez ce nom); 2° La nécessité d^ une
révélation divine , et la vérité de la reli-
gion chrétienne démontrée ; 3° Discours
sur r Eglise visible et invisible du Christ,
dans lequel on montre que les pouvoirs que
réclament les ministres de T Eglise visible
ne sont incompatibles ni avec la supré'
matie du Christ comme chef, ni avec les
droits et la liberté des chrétiens comme
membres de l'Eglise invisible , 1719,
ia-8. Cet ouvrage acquit, dit-on, une
grande réputation à son auteur. 4° Des
Sermons, 4 vol., qui ne furent imprimés
qu'après la mort de Rogers, arrivée le 1*''
mai 1729.
* ROGET DK BKLtOQUET ( le baron
Mansuy-Dominique ) , lieutenant-géné-
ral , né le 20 octobre 1760 , embrassa la
carrière militaire à l'âge de 1 7 ans. La
révolution favorisa son avancement : il
fut en effet nommé adjudant-général le ,
15 janvier 1795, général de brigade le
7 mai 1799, et général de division le 30
décembre 1806. Il avait servi dans les
dragons depuis 1777 jusqu'en 1793; il
fit ensuite toutes les campagnes de la ré-
publique et de l'empire , et prit en 1808
le commandement de la 3* division mili-
taire (Metz). Il occupa ce poste jusqu'en
1814 , époque où il fut mis à la retraite,
comptant plus de 40 ans de service. Il
est mort près de Sarguemines dans le
département de la Moselle à l'âge de
.yoixante-douze ans. Il était comman-
deur de la légion-d'honneur depuis I9
création en 1804-
46o ROR
ROHAN (Anne «^Catherine de.) Voyez
Pahthbnay,
ROHAN (Pierre de ), chevalier de Gié
et maréchal de France , pics connu sous
e nom de maréàhal de Gié^ était fils de
Louis de Rohan, d'une des plm anciennes
et des plus illustres maisons duroyaume,
originaire de Bretagne. Louis XI récom-
pensa sa valeur par le bâton de maréchal
de France, en 1475 ; il fut un des quatre
seigneurs qui gouvernèrent Tétatpendant
la maladie de ce prince à Chinon, en
1484. Deux ans après, il s'opposa aux en-
treprises de l'archiduc d'Autriche sur la
Picardie. Il commanda l'avant-garde à la
bataille de Fornoue, en 1495 , où il se
signala. Sa faveur se soutint sous Louis
XII , qui le fit chef de son conseil , et gé-
néral de son armée en Italie. Mais ayant
encouru la disgrâce de la reine Anne de
Bretagne, il fut exilé de la cour et privé
des fonctions de sa chargé pendant 5 ans.
Il mourut en 1513, entièrement désabusé
des grands et de la grandeur.
ROHAN ( Henri , duc de ) , pair de
France , prince de Léon , naquit au châ-
teau de Blein, en Bretagne, l'an 1579,
de René II, vicomte de Rohan. Henri
IV , sous les yeux duquel il donna des
marques distinguées de bravoure au
siège d'Amiens , à l'âge de 16 ans , l'aima
avec tendresse. Après la mort de ce mo-
narque, il devint chef des calvinistes en
France , et chef aussi redoutable par son
génie que par son épée. Il soutint, au
nom de ce parti , trois guerres contre
Louis XIII. La première s'alluma lorsque
ce prince voulut rétablir la religion ca-
tholique daus le Béarn ; la deuxième à
l'occasion du blocus que l'armée royale
mit devant La Rochelle ; et la troisième ,
lorsque cette place fut assiégée pour la
seconde fois. ( Voyez les articles de Louis
XIII et de Plkssis Richelieu ). Le duc de
Rohan s'apercevant , après la prise de
cette place, que les villes de son parti
cherchaient à faire des accommodemens
avec la cour , réussit à leur procurer
une paix générale en 1629, à des condi-
tions plus avantageuses. Le seul sacrifice
un peu considérable que les huguenots
furent obligés de faire, fut celai de leurs
ROH
fortifications ; ce qui les mit hors d'état
de recommencer la guerre. Celte paix
ayant éteint le feu de la guerre civile,
le duc de Rohan , inutile à son parti , et
désagréable à la cour, se retira à Venise.
Cette république le choisit pour son gé-
néralissime contre les impériaux. Louis
XIII l'enleva aux Vénitiens pour l'en-
voyer ambassadeur en Suisse et chez les
Grisons. Sous prétexte d'aider ces peu-
ples à soumettre les habitans de la Valte-
line , protégés par les Espagnols et les
Impériaux , Rohan espérait de s'y former
un petit état ; mais ce chimérique espoir
ayant été déjoué , il se retira à Genève ,
d'oii il alla rejoindre le duc de Saxe-
Weimar. S'étant mis à la tête du régi-
ment de Nassau, il enfonça les ennemis ;
mais il fut blessé le 28 février 1638 , et
mourut de ses blessures , le 1 3 avril sui-
vant , dans sa 59* année. U fut enterré
le 27 mai dans l'église de Saint-Pierre k
Genève. — Sa femme, Marguerite de Bé-
thune , fille de Sully, qu'il avait épousée
en 1605 ( et dont il ne laissa qu'une
fille mariée à Henri Chabot , qui prit le
nom de Rohan ) , était protestante comme
lui , et se rendit fameuse par son cou-
rage , quoique mal employé : elle défen-
dit Castres contre le maréchal de Thé-
mines, en 1625, et partagea les fatigues
d'un époux dont elle captiva tous les
sentimens. Elle mourut à Paris , le 22
octobre 1660. Le duc de Rohan fut un
des plus grands capitaines de son siècle;
mais son esprit exalté et romanesque,
joint au fanatisme de secte , rendit ses
talens militaires inutiles ou dangereux.
Il avait eu dessein d'acheter l'île de
Chypre, pour y introduire les familles
protestantes de France et d'Allemagne.
Le grand-seigneur devait la lui céder
moyennant 200,000 écus , et un tribut
annuel de 60,000 livres; mais la mort
du patriarche Cyrille , favorable aux pro-
testans, auquel il avait confié cette af-
faire, la fit échouer. Nous avons de lui
plusieurs ouvrages : 1 " Les intérêts des
princes, livre imprimé à Cologne, en
1666, in-12, dans lequel il apprécie à
sa manière les intérêts publics de toutes
les cours de l'Europe; 2° Le parfait ca-
ROH
pitaine , ou V Abrège des guerres des
Commentaires de César, in-ï2 : il fait
voir que la tactique des anciens peut
fournir beaucoup de lumières pour celle
des modernes ; 3° un Traité de la cor-
ruption de la milice ancienne; 4° un
Traité du gouvernement des 13 Can~
tons; 5° des Mémoires, dont les plus
amples éditions sont en deux vol. in-12.
Ils contiennent ce qui s'est passé en
France depuis 1612 jusqu'en 1629. On
pense bien que tout y prend le ton de
son âme aigrie et vindicative. 6° Re-
cueil de quelques Discours politiques
sur les affaires d'état , depuis 1612 jus-
qu'en 1629, in-8 , Paris, 1644-1693-
1 755 , avec les Mémoires et Lettres de
Henri, duc de Rohan , sur la guerre
de la Falteline, 3 vol. iu-1 2, Genève
( Paris ), 1757. C'est la première édition
qu'on ait donnée de ces Mémoires. M. le
baron de Zurlauben les a tirés de diffé-
rens manuscrits authentiques. Il a orné
cette édition de notes géographiques ,
historiques et généalogiques, et d'une
Préface , qui contient une Vie abrégée
du duc de Rohan. Nous avons la J^ie du
même duc, composée par l'abbé Pérau,
continuateur de d'Auvigny. Elle occupe
les tom. 21 et 22 de l'Histoire des hom-
mes illustres de France.
ROHAN ( Benjamin de ) , seigneur de
Soubise , frère du précédent , porta les
armes en Hollande sous le prince Mau-
rice de Nassau , et soutint le siège de
Saint-Jean -d'Angely , 1621 , contre l'ar-
mée que Louis XIII commandait en per-
sonne. Cette place se rendit. Rohan pro-
mit d'être fidèle, et il reprit les armes
six mois après. Il s'empara de tout leBas-
iPoitou en 1622, et, après différens suc-
cès , il fut chassé , en 1626 , de l'île de
Ré , dont il s'était emparé , ensuite de
celle d'Oléron , et fut contraint de se re-
tirer en Angleterre. Il négocia avec cha-
leur , pour obtenir des secours aux Ro-
chelois; et , lorsque , malgré ces se-
cours , cette ville eut été soumise, il ne
voulut pas revenir en France. Il se fixa
en Angleterre , oii il mourut sans posté-
rité en 1641.
ROHAN ( Marie-Eléonore de), fille
ROH 46i
de Hercule et de Rohan-Guémenée , duc
de Montbazon , prit l'habit de religieuse
de l'ordre de Saint-Benoît , dans le cou-
vent de Montargis, en 1645. Elle devint
ensuite abbesse de la Trinité de Caen ,
puis de Malnoue , près de Paris. Les reli-
gieuses du monastère de Saint-Joseph ,
à Paris, ayant adopté, en 1669, l'office
et la règle de Saint-Benoit , madame de
Rohan se chargea de la conduite de cette
maison. Elle y donna des Constitutions,
qui sont un excellent Commentaire de la
règle de Saint-Benoît. Cette illustre ab-
besse mourut dans ce monastère en 1 6 8 1 ,
à 53 ans. La religion , la droite raison ,
la douceur , formaient son caractère. On
a d'elle quelques ouvrages estimables.
Les principaux sont : 1° la Morale du
Sage, in-12; c'est une paraphrase des
Proverbes , de l'Ecclésiastique et de la
Sagesse ; 2° Paraphrase des Psaumes de
la pénitence , imprimée plusieurs fois
avec l'ouvrage précédent ; 3° plusieurs
Exiwrtations aux vêtures et aux profes-
sions des filles qu'elle recevait ; 4° des
Portraits écrits avec assez de délicatesse.
ROHAN ( Armand-Gaston de ) , né en
1674 , docteur de Sorbonne, évêque de
Strasbourg , obtint le chapeau de car-
dinal en 1712. Il fut ensuite grand-au-
mônier de France en 1 7 1 3 , commandeur
de l'ordre du Saint-Esprit, et proviseur
de Sorbonne. Il eut part à toutes les af-
faires ecclésiastiques de son temps , et
fit paraître beaucoup de zèle pour l'u-
nion de l'Eglise et la soumission à ses
jugemens. L'académie française et celle
des Sciences se l'associèrent , et le per-
dirent en 1749. C'était un prélat ma-
gnifique , et il ne se signala pas moins
par sa générosité que par la douceur de
son caractère , par son affabilité , et par
les autres qualités qui rendent les hommes
aimables dans la société. On a sous son
nom des Lettres , des Mandemens , des
Instructions pastorales , et le Rituel de
Strasbourg. — Armand de Rohan , son
petit-neveu, né en 1717 , connu sous le
nom d'abbé de Ventadour et de cardinal
Soubise , fut prieur et docteur de Sor-
bonne , recteur de l'université de Paris,
évêque de Strasbourg , abbé de la Chaise*
46ft
ROH
Dieu , grand-aumônier de France , car-
dinal , commandeur des ordres du roi ,
et l'un des quarante de l'académie fran-
çaise. Il mourut à Saverne, en 1756,
après s'être distingué par sa charité , son
zèle , des mœurs douces et pures. Il avait
fait d'excellentes études en Sorbonne ,
et profité de ses lumières pour sa con-
duite personnelle et celle de ses ouailles.
Il marquait la plus grande considération
aux ecclésiastiques qui remplissaient leur
devoir, et c'est ce qui n'a pas peu con-
tribué à multiplier les bons pasteurs dans
son diocèse. — Armand Jules de Rohan ,
cousin du cardinal Armand-Gaston, né en
1695, fut nommé archevêque de Rheims
en 1722, sacra Louis XY le 25 octobre
de la même année , reçut le chapeau de
cardinal, et mourut en 1762. — Louis-
Constantin de Rohan, frère du précédent,
fut d'abord chevalier de Malte , puis ca-
pitaine de vaisseau (1720). Ayant em-
brassé l'état ecclésiastique , il devint au-
mônier du roi , évêque de Strasbourg et
cardiaal (1761). Il mourut à Paris en
1779.
ROHAN ( Marie de ) , duchesse de
Chevreuse. Foyez Chevreuse.
ROHAN ( Le chevalier Louis de ).
Voyez Truaumont.
* ROHAN (N... le prince de), général
et pair de France, suivit d'abord le parti
de la révolution et devint aide-de-camp
de La Fayette. Mais bientôt il reconnut
son erreur : les projets des fougueux dé-
magogues lui furent révélés. Dès lors il
mit de côté tous ses plans de réforme
politique, ne songea qu'au salut de la
monarchie et à la conservation des jours
du monarque auquel il n'avait pas cessé
de rester attaché. Revenu donc à ses pre-
miers principes, on le vit, le 10 août
1792, voler auprès de Louis XVI, se ren-
dre avec lui à l'assemblée, et demeurer
en faction à sa porte le 1 1 et le 1 2 jus-
qu'à ce que ce malheureux monarque fut
transféré aux prisons du Temple avec sa
famille. Si sa rétractation de principes
révolutionnaires l'avait déjà signalé com-
me suspect aux innovateurs , son atta-
chement pour son roi ne pouvait échap-
per à leur vengeance. Arrêté sans motif
ROH
plausible , il fut enfermé à l'Abbaye, où
il fut massacré dans l'affreuse journée
du 2 septembre suivant, 21 jours après
l'arrestation du roi.
* ROHAN -GuÉMKNÉ ( Louis -René-
Edouard, prince de), cardinal-évêque
de Strasbourg , naquit le 27 septembre
1734, et fut d'abord connu sous le nom
de prince Louis. Destiné par sa famille à
l'état ecclésiastique, il devint en 1760
coadjuteur de son oncle, Louis-Constan-
tin de Rohan , évêque de Strasbourg, et
reçut dans la même année le titre d'évè-
que de Canope inpartibus. Sa naissance,
ses talens, une belle figure, un esprit fa-
cile et des manières aimables, le firent
réussir à la cour. Nommé ambassadeur à
Vienne, il fut froidement accueilli par
Marie-Thérèse ; mais il crut effacer l'im-
pression de celte défaveur par un luxe
extraordinaire : ce vain éclat, pour le
soutien duquel il contracta des dettes
énormes, ne fit point changer l'impéra-
trice sur son compte ; elle demanda mê-
me son rappel ; toutefois ce ne fut qu'a-
près la mort de Louis XV que Rohan re-
vint à Paris. Nommé successivement
grand-aumônier de France , abbé de
Saint-Waast ( bénéfice qui rapportait
1, 600,000 fr. de revenu ), proviseur de
Sorbonne et administrateur de l'hôpital
des Quinze-Vingts, il obtint à la même
époque sur la demande du roi de Pologne,
Stanislas Poniatowski, le chapeau de
cardinal. Le prince de Rohan eut le mal-
heur de figurer dans la scandaleuse af-
faire du collier, qui compromit, quoique
momentanément , sa réputation. Le jour
de la fête delà reine, le 15 août 1785,
cette princesse vit se présenter chez elle
deux joailliers,- qui lui demandèrent
1 6,000,000 livres, prix , disaient-ils , con-
venu avec elle pour un collier de diamans
qui avait dû lui être remis par une dame
de la Motte. Marie-Antoinette , justement
surprise de celte demande , assura non-
lement n'avoir pas vu ce collier, mais
n'avoir jamais songé à en faire l'acquisi-
tion. ( ^oyes Marie-Antoinette. ) S. M.
alla aussitôt porter ses plaintes au roi , et
lui demander justice surl'abusqu'on fai-
sait de son nom dans une circonstance
ROH
aussi délicate. Louis XVI, d'après l'avis
du garde des sceaux et de M. de Breteuil,
Ordonna d'arrêter le cardinal, qui se
tqpivait alors à Versailles exerçant sa
charge de grand-aumônier. La reine
obtint qu'elle pût l'interroger aupara-
vant, et l'ayant admis en sa présence :
« Avouez, lui dit-elle, si ce n'est pas,
V depuis quatre ans , la première fois que
» je vous parle, w Le cardinal répondit
affirmativement, et convint qu'il avait
été trompé par une intrigante appelée la
Motte. En sortant du cabinet du roi , il
fut arrêté et conduit à la Bastille. Le pu-
blic, ou plutôt les malveillans, ayant
appris cette détention , répandirent aus-
sitôt que le cardinal avait adressé à l'em-
pereur ( Joseph II ) K^s moyens de faire
une invasion subite en Lorraine ; mais
cette fausse alarme ne fut pas de longue
durée , et le public ne tarda pas à se dé-
tromper. Le roi fit dire au cardinal qu'il
prononçât lui-même son sort : celui-ci
demanda à être jugé par le parlement.
La femme la Motte fut également arrê-
tée : elle prenait le surnom de Falois, et
prétendait descendre d'un fils naturel de
Henri II. On la confronta avec le cardi-
nal de Rohan ; et, dans les interrogatoires
qu'on lui fit subir, elle avoua n'avoir ja-
mais été présentée à la reine. Voilà ce
qu'on put tirer de positif du fait dont
on l'accusait : elle avait séduit une fem-
me nommée d'Oliva , qui avait quel-
que ressemblance avec la reine, et qui,
d'après ses instigations, en avait joué le
personnage en paraissant à minuit dans
le parc de Versailles. Là, cette même d'O-
liva avait fait appeler le cardinal , auquel
elle aurait donné la commission de lui
procurer le collier. On prouva que le
mari de la femme la Motte était subite-
ment passé de l'indigence à un luxe ex-
trême , et qu'il avait vendu à Londres
des diamans pour des sommes considéra-
bles. Le parlement déchargea le cardinal
de toute accusation , mit hors de cour la
d'Oliva, et condamna la femme la Motte
à la marque et à une détention perpé-
tuelle à la Salpêtrière : son mari fut en-
voyé aux galères. Quoique l'innocence
du cardinal fût prouvée par ce jugement,
ROH 463
sa présence ne pouvait plus être agréable
à la cour ni auprès du roi et de la reine,
qui dès lors se trouva en butte aux traits
envenimés des méchans. Le prélat fut
privé de sa dignité de grand-aumônier
et de sa décoration du St. -Esprit. Exilé
dans l'abbaye de la Chaise Dieu , en Au-
vergne , et ensuite à son évêché de Stras-
bourg, il y resta jusqu'en 1789, époque
où le bailliage de Haguenau et de Weis-
sembourg le nomma député du clergé aux
états-généraux , par l'influeuce des chefs
du parti populaire. Il n'accepta pas d'a-
bord; mais, l'assemblée nationale ayant
fait lever son exil, il parut à la séance
du 12 septembre, et l'assemblée le féli-
cita sur ses travaux. Les intrigans se flat-
taient qu'il se jetterait dans leur parti
par un esprit de vengeance contre la
cour, et surtout contre la reine ; sa mo-
dération déjoua tous leurs projets, et ou
ne put lui reprocher que son adhésion à
prêter le serment civique, comme mem-
bre du clergé. Depuis ce moment , il s'é-
loigna à jamais de l'assemblée et se retira
à sa principauté , dans la partie située
sur la rive droite du Rhin. Il y accueillit
tous les malheureux qui eurent recours
à sa bienfaisance, et répandit ses secours
même sur ceux dont il avait à se plain-
dre. Il vécut long-temps tranquille et
oublié dans sa retraite, se démit de son
évêché en 1801 , et mourut à Ettenheim
le 17 février 1802. Il avait du goût pour
les plaisirs ; mais il ne s'y s'abandonna
pas, et sut respecter sa dignité et étendre
ses connaissances. Son abord était très
prévenant , son air noble , sa conver-
sation spirituelle et animée ; il parlait
avec grâce , même avec éloquence. Un
grand nombre d'ouvrages ont été compo-
sés sur ce prélat. On peut consulter les
Mémoires de Besenvat, ceux de Madame
Campan^ et ceux de Vabbt Georgel ; on
peut Wx^V Histoire du li'"^ siècle par
Lacretelle ; on a le Recueil des pièces
concernant la fameuse affaire du col-
lier.
* ROHAN-CHABOT ( Louis-François-
AugustC de), duc de Rohan , prince de
Léon , cardinal du titre de la sainle Tri-
nité au Mont-Pincius, (titre qu'avait porté
464 ROH
l'abbé Maurj), archevêque de Besançon ,
naquit à Paris le 29 février 1788 d'une
des plus anciennes familles de France. Il
eut pour père Alexandre-Louis-Auguste
de Rohan-Chabot : sa mère était une
Montmorency. La révolution, qui éclata
peu après sa naissance, obligea ses parens
à se retirer en Angleterre. Ils rentrèrent
de bonne heure eu France. Quoique élevé
dans une époque d'impiété , le jeune
de Rohan eut une éducation toute
chrétienne, que dirigea M. Laperche;
et , lorsque le soldat heureux , qui
gouverna la France pendant quelques
années , appela les anciennes famil-
les autour de son trône, le jeune duc
de Rohan ne fut point oublié. Après
avoir été attaché à la princesse Borghèse,
il devint successivement chambellan de
la reine de Naples et de l'empereur. Dans
cette cour , où la religion n'était guère
en honneur, il ne craignit pas de se
montrer franchement pieux. Il alla en
1812 à Fontainebleau pour y recevoir la
bénédiction de Pie VU , alors prisonnier
de Buonaparte. Il se rendit ensuite en
Italie d'où il ne revint qu'en 1814. Sous la
Restauration il entra dans lescompagnies
rouges, et, quand ce corps fut dissous peu
de temps après, il obtint le grade de co-
lonel. Le duc de Rohan était un des plus
élégansseigneurs'delacourdeLouisXVIII;
il en était aussi l'un des plus vertueux. La
perte d'une femme chérie ( M''* de Sé-
rent ), enlevée au milieu des flammes du
foyer domestique, le rapprocha encore ,
s'il était possible, de la religion qui
seule lui donna les consolations que dé-
sirait son âme chrétienne. A l'époque
des Cent-jours le prince de Léon (car
M. de Rohan avait pris depuis la res-
tauration le titre des aînés de sa famille )
suivit le duc d'Angoulême dans le Midi ,
puis en Espagne. De retour en France ,
il perdit son père, le duc de Rohan-Cha-
bot , premier gentilhomme de la cham-
bre ( 8 février 1 8 1 6 ) ; il lui succéda dans
son titre de duc et de pair. Pressé par
sa famille de contracter de nouveaux
liens , et même par le roi Louis XVIH qui
lui offrait pour épouse une princesse de
Saxe, il refusa toutes ces offres brillantes :
ROH
il sentait en lui qu'il avait une autre car-
rière à fournir. Il se voua donc au service
des autels. Le Séminaire de St.-Sulpice le
compta parmi les élèves les plus assii^^s
et les plus pieux ( 29 mai 1819 ), et, au
bout du temps nécessaire pour l'accom-
plissement des études théologiques, il
reçut la prêtrise ( 1"" juin 1822). Nommé
peu après grand vicaire de Paris, puis
archevêque d'Auch ( 1828 ), il fut élevé
au siège archiépiscopal de Besançon
eu 1829. Le duc de Rohan ne quitta son
diocèse que pour aller à la chambre des
pairs en 1 829 et en 1 830. Il était déjà dé-
coré du Fallium , lorsqu'il fut promu
au cardinalat dans le consistoire du 5 juil-
let 1830. Il se trouvait à Paris à l'époque
des glorieuses journées. Obligé de pren-i
dre la fuite, il fut arrêté et maltraité à
Vaugirard. Ce n'est qu'avec peine qu'il
put continuer sa route. Il se rendit d'a-
bord à Fribourg , puis à Rome où il resta
jusqu'au moment où le choléra-morbus ,
menaçant d'envahir son diocèse , il for>
ma le projet de venir partager les dangers
des fidèles confiés à ses soins. A peine ar-
rivé à Besançon , il fut pendant trois
jours en butte aux outrages et aux insul-
tes de tout genre que lui distribuèrent
quelques jeunes gens du juste-milieu et
de la république. L'autorité, silencieuse
d'abord , fut obligée de déployer la force
armée pour mettre fin à ce désordre qui
faillit avoir les suites les plus fâcheuses.
Le cardinal de Rohan ne put être in-
sensible aux outrages dont il avait été
accablé ; il chercha à s'en distraire en
visitant quelques institutions pieuses ,
les hôpitaux et les prisons. Déjà en 1829
il avait parcouru une partie de son dio-
cèse ; il en visita alors une autre partie.
C'est en exerçant son saint ministère qu'il
a été atteint du mal qui l'a conduit au
tombeau : il avait voulu terminer la
mission de Chenecey ( village près de
Besançon). La foule était trop nombreuse
pour qu'il pût faire entendre sa voix dans
la petite église du lieu ; malgré la cha-
leur qu'il ressentait, il eut l'imprudence
d'aller au dehors et d'adresser un dis-
cours plein d'une pieuse éloquence à la
multitude de fidèles qui l'environnaient.
ROH
Un frisson le saisit ; il fut le prélude d'un
rhumatisme aigu qui a été suivi d'une
fièvre nerveuse. Le cardinal de Rohan,
après trois semaines de souffrances , est
mort le 8 février 1833. Tous leshabitans
de Besançon , même les plus impies , ont
admiré la lin toute chrétienne de ce
vertueux prélat qui, dans les momens oii
la douleur aurait pu lui arracher quel-
ques accens d'impatience , montrait le
courage sublime du chrétien ; et , lors-
qu'il sentit que la vie allait lui échapper,
il se prépara à cette grande terminaison
de nos destinées terrestres par la prière ,
la résignation et l'humilité : Non , a dit à
plusieurs reprises le cardinal duc de
Rohan, non , je ne suis rien , rien, moins'
que rien , non moins que rien. Dès le
6 du mois de février , il avait convoqué
son clergé autour de son lit de mort, et,
après avoir reçu les derniers sacremens
avec une dévotion dont il donna tant de
preuves , il ût la plus touchante allocu-
tion : ce furent ses adieux. Le duc de
Rohan n'a laissé d'autres écrits que ses
Mandernens et ses lettres pastorales ;
pendant sa dernière maladie il en com-
posa un pour le carême de 1833. lia
publié eu outre aussi un livre de prières
sous le titre de Manuel qui est un véri-
table chef-d'œuvre de piété, d'onction et
de sagesse. Il a été répandu avec profu-
sion après sa mort. Le duc de Rohan a
exercé une grande influence sur le dio-
cèse de Besançon : non seulement il
édifiait les fidèles par sa piété , et les at-
tirait dans la maison de Dieu par la
pompe des cérémonies, mais, lorsqu'ils
étaient ainsi réunis, il les touchait encore
par l'onction de ses discours. Les embel-
lissemens qu'il a faits à sa cathédrale, et
ceux qu'il préparait encore, attestent son
goût et son amour pour les beaux-arts.
Son testament n'est pas seulement un
œuvre de bienfaisance ; c'est encore un
acte religieux : la fabrique de St. -Jean ,
l'école des enfans de chœur , ses succes-
seurs , le séminaire , les pauvres , per-
sonne n'a été oublié dans ses legs d'une
munificence presque royale. Quoi qu'on
en ait dit , le cardinal de Rohan resta
étranger à la politique : ce n'est pas
XI.
ROH
465
nous qui lui ferions un crime de ses re-
grets pour des parens exilés : il avait reçu
trop de bienfaits de la branche aînée des
Bourbons ; il lui était allié par tant de
nœuds qu'il y eîkt eu de sa part ingrati-
tude à ne pas répandre des larmes
sur leurs malheurs , et ce fut dans le
sein de Dieu seul qu'il cohfia ses
espérances ou ses désirs. Avant tout il
prêchait la paix et l'ordre. A l'époque
de sa mort il a paru une Notice nécro-
logique sur le duc de Rohan , Besançon ,
in-12 et in-18 ; elle a eu plusieurs édi-
tions et a été tirée à un grand nombre
d'exemplaires. Plus tard M. le Chanoine
de Marguerye a célébré les vertus de ce
prélat dans un Panégyrique prononcé à
la Cathédrale, à la messe de quarantaine, *
Besançon , 1833, in-8. Enfin VAmi de la
Religion du 12 février 1833 a consacré
un article à la mémoire de ce cardinal,
et a donné une Notice plus complète
dans son n°J2103 ( 18 mai 1833).
'ROHAN-MONTBAZON (C.-A.-C,
prince de ) vice-amiral des armées nava-
les de France, naquit à Paris en 1730.
Il entra fort jeune au service dans la ma-
rine , et , de grade en grade, il parvint à
celui de vice-amiral. Attaché à ses an-
ciens principes, il se déclara contre la
révolution, et fut en conséquence privé de
son emploi. 11 put cependant vivre ignoré
jusqu'au régime de la terreur , époque
où il fut arrêté comme suspect et renfer-
mé dans la maison des Carmes. Au bout
de quelques jours, on l'impliqua dans le
complot supposé des prisons, et il fut
traduit devant le tribunal révolution-
naire ,*qui le condamna à la mort le 23
juillet 1794. Il périt quatre jours avant le
supplice de Robespierre , à l'âge de 64
ans.
• ROHAN-ROCHEFORT ( La prin-
cesse de ) , née à Paris en 1750, fut accu-
sée d'avoir tramé une conspiration avec
Bertrand de Molleville et décrétée le 9
novembre 1792. Cette accusation était
d'autant plus mal fondée que madame de
Rohan avait des aliénations mentales pen-
dant une grande partie de l'année. Tal-
lien et Chabot lui-même réclamèrent en
sa faveur d'aftrès cette maladie; mais elle
59-
466 ROL
fut néanmoins mise en jugeaient. Les ju-
ges s'étant aperçus de l'impossibilité phy-
sique oii elle se trouvait de conspirer
contre la république, la renvoyèrent ab-
soute en 1793 ; m^As l'année suivante on
l'accusa de nouveau commecomplicede
Ladmirai,ass9ssindeCollotd'Herbois. Tra-
duite devarjt le tribunal révolutionnaire,
elle yfu^ condamnée à mort le 14 juin
1794; «lie périt trois jours après avec un
de se;s fils, âgé de vingt-quatre ans, égale-
mç nt accusé de conspiration et de l'as-
sassinat de Collot-d'Herbois ; il fut,
■ainsi que sa mère , conduit à l'échafaud
avec une chemise rouge. Son autre fils ,
qui avait émigré au commencement de
nos troubles , entra imprudemment en
France , et fut arrêté eu 1 794 à Grenoble,
où il fut livré à une commission mili-
taire, qui le condamna à être fusillé.
ROHAULT ( Jacques ) , physicien ,
né en 1620 d'un marchand d'Amiens,
fut envoyé à Paris pour y faire sa philo-
sophie , et s'attacha aux opinions de Des-
cartes. Il enseigna la physique lO ou 12
ans à Paris , et mourut en 1 67 5, à 55 ans.
Rohault était tout à lui-même et à ses li-
vres. Il ne sépara jamais la philosophie de
la religion, etconcilial'uneetl'autredans
ses écrits et dans ses mœurs. Ses prin-
cipaux ouvrages sont : 1 " un Traite de
physique , 1671 , in-4 , ou 1682 , 2 vol.
in- 12 : il y fait entrer une foule de ques-
tions physico- mathématiques et physico-
anatomiques ; 2° des Elémens de mathé-
matiques; 3° un Traittde mécaniques^
dans ses OEuvres posthumes, 1682,
2 vol. in - 12 ; 4" des Entreliens sur la
philosophie, 1671, 1673-1675, etti'autres
ouvrages qui ont été utiles autrefois.
' ROISSARD ( N... L'abbé }, prédi-
cateur du roi , a publié un bon ouvrage
intitulé : La consolation du chrétien, ou
Motifs de confiance en Dieu dans les di-
verses circonstances de la vie, 2 vol.
in-l2, imprimé pour la première fois en
1775, et depuis très souvent réimprimé
en 1 et en 2 vol. in-12.
• ROLAND DE LA PLATIÈRE ( Jean-
Marie), ministre de l'intérieur sous Louis
XVI et sous la république, naquit en
1732 à Villefranche près de Lyon, d'une
ROL
famille distinguée dans la magistrature ,
mais peu favorisée par la fortune. Des-
tiné à l'état ecclésiastique pour lequel
il n'avait aucun goût , il saisit avec em-
pressement la première occasion qui se
présenta d'éviter cette carrière. Son
père étant mort, il quitta ses parens :
âgé de 19 ans, seul, sans protecteurs,
il parcourut plusieurs villes de France ,
et se rendit à Orléans dans l'intention de
passer aux Indes, afin d'y chercher for-
tune. Roland était d'une santé faible , et
un armateur qui l'avait employé dans
ses vaisseaux , lui voyant cracher le sang,
le détourna de ce voyage. Il passa à
Rouen, et parvint à entrer dans l'admi-
nistration des manufactures , oîi son assi-
duité au travail, son intelligence et ses
vues économiques lui méritèrent l'estime
de ses chefs ; il fut récompensé par la
place d'inspecteur général à Amiens et
puis à Lyon. Roland se mit à voyager en
Italie , dans la Suisse , l'Allemagne , et
sur les frontières de l'Espagne. H acquit
ainsi d'utiles connaissances sur les arts
et les différentes branches d'industrie,
et il sut en profiter en écrivant divers
ouvrages qui le firent admettre dans plu-
sieurs sociétés savantes. Sur ces entre-
faites , la révolution éclata : Roland , qui
avait une imagination extrêmement vive,
un enthousiasme exagéré pour les Grecs
et les Romains, et un grand mépris pour
son siècle , ne tarda pas à se ranger du
parti des innovateurs. Ce fut en 1789
qu'il fut porté à la municipalité de Lyon,
où il fonda un club qu'il associa à celui
des jacobins de Paris. Il fut envoyé en
1790 par la première de ces villes aux
états-généraux, pour solliciter un secours
de 40 millions qu'elle devait. Arrivé dans
la capitale, il y fit, par le moyen de sa
femme ( voyez l'article suivant), con-
naissance deBrissot, deBarbaroux, etc.,
dont il embrassa les projets et les opi-
nions. De retour à Lyon après un séjour
de sept mois pendant lequel il avait ob-
tenu ce qu'il était allé demander , il con
tinua de diriger le club de cette ville.
Bientôt il retourna à Paris pour y faire
valoir ses droits à une retraite, et tra-
vailler à la continuation du Dictionnaire
ROL
des manufactures , ouvrage qui faisait
partie de la Nouvelle Encyclopédie de
Panckcuke. Les manœuvres de ses amis
l€ firent nommer ministre de l'intérieur
en mars 1792, et il osa paratre à la
cour le premier avec des cheveux sans
poudre , des souliers sans boucles , et un
chapeau rond. Ce costume alors sinistre
et ses maximes républicaines déplurent
justement à Louis XVI , et effrayèrent
toute la cour. Son ton , ses manières peu
respectueuses , sa conduite presque des-
potique à l'égard du monarque , et l'am-
bition deDumouriez, le firent congédier
dans le mois de juin 1792 , n'ayant gardé
le portefeuille que trois mois. Depuis
lors, il se consacra entièrement à servir
les jacobins, et devint un des membres
les plus actifs de leur comité de corres-
pondance. Roland nourrissait la haine la
plus profonde contre la cour , et surtout
contre le malheureux Louis XVI ; aussi ,
en secondant tantôt les projets des Gi-
rondins , tantôt ceux de Danton , il fut
un des principaux provocateurs des jour-
nées du 20 juin et du 10 août 1792.
Après cette terrible journée , l'assemblée
législative le réintégra dans le ministère
de l'intérieur , et il devint en consé-
quence membre du conseil exécutif pro-
visoire. Il se fit alors remarquer par des
innovations dont peut-être il ne prévit
pas tous les résultats ; mais ni ses lettres
aux départemens, ni des mesures trop
tardives , ne purent plus arrêter le sang
qui coula les 2 et 3 septembre , ni répri-
mer une populace livrée aux fureurs des
agitations politiques. Il demanda la des-
titution de la commune de Paris, qui
avait immolé tant de victimes innocentes;
mais cette demande le brouilla à jamais
avec \es jacobins ses anciens confrères.
Entrainé par Péthion, Brissot, etc. , il se
jeta dans la faction de la Gironde , et
devint l'objet des accusations des Mon-
tagnards. Il fut néanmoins élu par le dé-
partement de la Somme député à la Con-
vention , et parut d'abord vouloir s'éloi-
gner du ministère : mais cette assemblée
l'engagea à ne pas quitter le portefeuille.
Cependant il avait perdu la faveur po-
pulaire ; et , pour la reconquérir, il an-
ROL 467
nonça la découverte de la fameuse ar-
moire de fer dans un mur d'une des
chambres du roi au ch âteau des Tuile-
ries, et d'un grand nombre de lettres
relatives à plusieurs intrigues secrètes
de la cour. On dit que Roland en avait
soustrait celles qui pouvaient compro-
mettre Louis XVI ; mais quoique dans
ces pièces on ne trouvât rien qui pût
élever des soupçons contre la con-
duite de ce prince , elles servirent de pré-
texte pour le conduire à l'échafaud, et
Roland eut à se reprocher d'être un des
principaux complices de cet assassinat ;
il n'en obtint qu'une récompense bien
funeste. Devenu odieux à Robespierre et
à la montagne, les pamphlets et les dé-
nonciations s'amoncelèrent sur lui. Pour
conjurerl'orage , il s'empressa de donner
sa démission ; mais cette démarche tar-
dive ne put le sauver de la persécution
de ses ennemis , qui l'enveloppèrent dans
la proscription des députés de la Gironde.
Le 31 mai , jour de la chute de ce parti ,
des émissaires vinrent, pendant la nuit,
pour l'arrêter dans sa maison : il trouva
le moyen de s'évader , et se retira à
Rouen auprès d'un ami qui consentit à
le cacher. Mais ayantapprisque sa femme
avait péri sur l'échafaud , il résolut de ne
pas lui survivre. Il assembla ses amis ,
et , d'après ce qu'en dit un écrivain ,
Roland discuta avec eux sur le genre de
mort qu'il devait choisir ; savoir , s'il de-
vait se rendre à Paris , se présenter à la
Convention, lui faire entendre des vérités
utiles, et lui demander ensuite de le
faire périr sur la place où l'on venait
d'assassiner son épouse. L'autre projet
était de s'éloigner de quelques lieues de
Rouen , et de se suicider. Roland , con-
sidérant que son supplice entraînerait
la confiscation de ses biens , et réduirait
sa fille à la misère , choisit le second de
ces deux projets. Il quitta donc son asile
le 16 novembre 1793, à six heures du
soir , suivit la route de Paris jusqu'au
bourg de Beaudouin , entra dans une
avenue qui conduit à une maison appar-
tenant à M. Lenormand, s'assit contre un
arbre, et se perça avec une épée à canne
dont il s'était pourvu. On trouva sur lui
468 ROL
le billet suivant : « Qui que tu sois qui
M me trouves gisant , respecte mes restes;
)) ce sont ceux d'un homme qui consacra
» toute sa vie à être utile , et qui est
» mort comme il a vécu , vertueux et
» honnête. Fuissent mes concitoyens
■a prendre des sentimens plus doux et plus
» humains ! L'indignation me dicte cet
» avis: le sangqui coule par torrens dans
» ma patrie en indique assez la nécessité :
)> je n'ai pas voulu rester plus long-temps
)) sur une terre souillée de crimes. » Ro-
land avait fait de bonnes études , était
très instruit, possédait plusieurs langues
modernes , était obligeant avec ses amis;
mais un caractère romanesque, opiniâtre
et ambitieux, lui fit commettre plus que
des fautes : il contribua puissamment à
la mort de son souverain , et donna , par
des innovations dangereuses, l'impul-
sion à de nouveaux crimes. On l'a pré-
senté comme Janus , à double visage ; et,
en effet, on le vit tantôt employer tous
ses moyens pour ébranler la monarchie ,
tantôt faire de vains efforts pour contenir
la trop grande puissance des jacobins.
Brissot l'appelait un Caton ; mais un
Caton de la façon de Brissot peut bien
n'avoir été qu'un pauvre homme, n'ayant
ni assez de force^ ni assez de génie pour
consolider la monarchie , ni assez de ca-
ractère pour établir la république. Ses ou-
vrages méritent bien plus d'éloges que ses
opérations ministérielles et que sa con-
duite politique. En voici la liste : !<> Mé-
moire sur V e'ducation des troupeaux et la
culture des laines , 1779 , 1783 , in-4 ;
2° VArt des imprimeurs d'étoffes en
laine , du fabricant de velours , de co-
ton, du tourbier, 1780-1783 -.cet ou-
vrage recommandable fait partie du Be-
cueildes arts et métiers publié par l'a-
cadémie des Sciences ; 3° Lettres écrites
de Suisse, d'Italie, de Sicile et de
Malte, 1782, 1800,6 vol. in-12. Ces
lettres auraient un double mérite, si
elles n'étaient pas remplies d'une érudi-
tion souvent déplacée , et de citations
sans nombre de poètes italiens. Elles
contiennent cependant des vues et des
notions intéressantes sur les manufactu-
res des divers pays que l'auteur avait
ROL
visités. Il les adressa à mademoiselle
ptiilipon , qu'il épousa peu de temps
après. i° Dictionnaire des manufactures
et des arts qui en dépendent, 3vol.
in-8 : il renferme plusieurs détails curieux
et des procédés nouveaux très utiles pour
l'industrie , et on l'a inséré dans V En-
cyclopédie méthodique. 5° Plusieurs
lettres , opuscules , rapports , etc. Tous
ces ouvrages, écrits d'un assez bon
stile, font honneur aux connaissances
de l'auteur , et il aurait mieux valu pour
lui qu'il s'en fût tenu à la réputation
qu'ils lui avaient acquise , que de se mê-
ler de discussions politiques , et de bri-
guer des emplois trop au dessus de ses
talens. — Roland (Dominique) , frère du
précédent , chanoine et membre de l'a-
cadémie de Yillefranche , sa patrie ,
était , dit l'auteur des Martyrs de la foi ,
aussi bon prêtre que son frère était im-
jpie. Il fut guillotiné le 23 novembre
1793. Quoiqu'on présume qu'il ait été
condamné en haine de la religion ,
ayant refusé le serment, l'arrêt porte
comme contre-révolutionnaire et fédé-
raliste. Nous parlons du chanoine pour
faire sentir que i'ex-ministre était un de
ces philosophes égoïstes , sans religion
et sans sentiment. Quoiqu'il eût quatre
frères dans l'état ecclésiastique , il ne
poursuivit pas avec moins d'ardeur ceux
qui se montraient rebelles à la constitu-
tion civile du clergé ; et dans une lettre
écrite d'un stile de club , qu'il adressa à
Louis XVI , il lui reproche de se servir
d'un aumônier insermenté.
* ROLAND ( Marie-Josèphe Philipon,
dame ) , femme du précédent , devenue
fameuse par ses ouvrages et surtout par ses
opinions, naquit à Paris en 17 54 d'un gra-
veur en taillc-Jouce. Elle reçutune éduca-
tion soignée et fit des progrès rapides dans
l'histoire et les beaux-arts. Elevée au mi-
lieu des tableaux, des livres et de la musi-
que , elle aspira dès son jeune âge à un
rang que sa condition et son peu de for-
tune semblaient lui refuser. Une imagi-
nation vive et un cœur ardent donnèrent
d'ailleurs à son caractère une tournure
singulière, tandis que son esprit, nourri
des lectures les plus propres à l'euflam-
BOL
mer, la porta à cet amour pour la
philosophie et pour l'indépendance qui
ne furent pas l'une des moindres causes
de sa perte et de celle de son époux. Elle
se vante d'avoir voulu , dès l'âge de 9 ans,
analyser Plutarque, et à 16 ans elle avait,
dit-elle , une érudition assez étendue ,
se connaissait en peinture , et était une
excellente musicienne. Des idées répu-
blicaines avaient d'abord fermenté dans
son âme ardente : des idées religieuses la
dominèrent ensuite; et elle entra chez les
dames de la congrégation au faubourg
Saint-JJarceau. De retour dans la maison
paternelle , elle reprit ses premières opi-
nions et ses premières habitudes. Ayant
perdu sa mère , elle se chargea à l'âge de
21 ans de tous les détails du ménage de
son père, partageant son temps entre ces
soins domestiques et la lecture des phi-
losophes. P.olandde laPlatière, ayant fait
sa connaissance , fut enchanté de son es-
prit , lui adressa ses Lettres sur la Suisse,
l'Italie, etc., et l'épousa en 1780 : il
était alors inspecteur des manufactures.
Sa femme le suivit à Amiens , oii elle
cultiva la botanique , et composa un her-
bier des plantes de la Picardie. Madame
Roland fit ensuite des voyages en Suisse
et en Angleterre , porta son attention sur
ces deux gouvernemens , en analysa res7
prit , et se passionna dès lors pour les
principes de liberté qui en formaient la
base. La révolution arriva , et madame
Roland crut y voir un moyen d'introduire
en France ces mêmes principes qu'elle
avait tant admirés. Elle ne tarda pas à
faire partager ses opinions à son époux ,
sur lequel elle avait un empire absolu.
Ils se trouvaient alors à Lyon. Elle prit
part avec lui à la rédaction du Courrier
de Lyon, et y donna entr'autres articles,
la Description de la fédération lyon-
naise du 30 mai 1 7 90. Il fit vendre à plus
de 60 ,000 exemplaires le n° où elle se
trouvait insérée. Quoique madame Ro-
land ne pût pas se dissimuler que les ta-
lens de son mari ne pouvaient guère
s'étendre au delà de ce qui concernait
l'industrie commerciale , elle sut lui per-
suader qu'il pouvait prétendre à une
place plus éminente dans la société ; et
ROL 469
lui-même crut agir par ses propres
moyens , tandis qu'il n'agissait qu'en se-
cond , et par l'impulsion et les conseils
de sa femme. Elle parvint à le faire
nommer en 1791 par la ville de Lyon
député extraordinaire aux états-géné-
raux , afin d'obtenir un secours pour le
paiement des dettes de cette ville.
Transportée sur le grand théâtre de la
capitale , madame Roland s'empressa d'y
jouer le rôle auquel elle aspirait depuis
long-temps. Aussi reçut-elle dans sa
maison tous les chefs du parti populaire,
et les députés de la Gironde les plus en
crédit , comme Brissot , Barbaroux , Lou-
vet, Clavière, Vergniaud, etc. Ces lé-
gislateurs orgueilleux , cédant à l'empire
d'une femme , écoutaient avec déférence
les avis de madame Roland , qui devint
l'âme de leurs délibérations. Elle était le
principal ressort qui les dirigeait, et la
puissance secrète d'où émanaient les
innovations qui préparèrent tant de
maux à la France. Avec de tels amis , elle
n'eut pas de peine à faire nommer son
époux au ministère de l'intérieur ; mais
elle trouva là un écueil où échouèrent
ses talens , qui n'étaient pas ceux de di-
plomate et de publiciste. Roland, con-
duit par les conseils de sa femme, ne
fit que des fautes : tout en humiliant la
cour, il indisposa les jacobins, dont il
avait été le collègue , et ne fit rien de
remarquable pour le parti de la Gironde.
Il était connu que madame Roland con-
tribuait beaucoup à la rédaction de tous
les actes et projets de ce ministre. Elle
ne le dissimula pas dans ses Mémoires .-
« S'il eût fait des homélies, disait-elle,
)) j'en aurais composé. » Quand il fut
rappelé au ministère par l'assemblée lé-
gislative, Danton s'écria : « Si l'on fait
v une invitation à monsieur , il en faut
V faire aussi une à madame Nous
» avons besoin d'hommes qui voient
w autrement que par les yeux de leurs
)) femmes. » Son époux étant devenu mi-
nistre une seconde fois , madame Roland
s'attacha exclusivement au parti des Gi-
rondins, et ht commelire à cet époux
imprudent et docile de nouvelles fautes
que ses eunemis ne tardèrent pas à rele-
470 ROL
Ter. Dans les libelles qu'on lançait sur
lui , on n'épargnait pas sa femme : elle
fut même l'objet d'une dénonciation qui
lui procura l'occasion de faire briller
son éloquence. Elle parut à la barre de
la Convention le 7 décembre 1792 , pro-
nonça un long discours , et parvint à dé-
jouer les projets de ses accusateurs. Ce-
pendant le parti que madame Roland
suivait fut écrasé par les jacobins ; et
son mari , impliqué dans la proscription
des députés delà Gironde, le 31 mai
1793, fut contraint de se sauver en
Normandie. Elle crut pouvoir rester dans
la capitale, quoiqu'elle ne dût pas igno-
rer que ses liaisons avec les Girondins ,
son influence sur les députés , et plus
particulièrement encore celle qu'elle
exerçait sur son mari , étaient publique-
ment connues. Son imprudence lui de-
vint funeste. Arrêtée et enfermée à Sainte-
Pélagie , madame Roland réclama inu-
tilement contre cet acte. Après cinq
mois de captivité , elle fut transférée à
la Conciergerie, le jour même de l'exé-
cution de Brissot et des autres députés
de la Gironde (1" octobre 1793). Un
avocat, M. Chauveau-la-Garde , étant
venu pour se concerter avec elle sur sa
défense , elle lui présenta un anneau en
lui disant : « Ne venez pas demain , ce
>. serait vous perdre sans me sauver : ac-
» ceptez ce seul gage que ma reconnais-
» sance puisse vous offrir demain je
» n'existerai plus. ^ Traduite devant le
tribunal révolutionnaire , elle fut con-
damnée à mort , commt ayant conspiré
contre Vanité et V indivisibilité de la ré-
publique. Elle subit son interrogatoire et
entendit son arrêt avec un courage stoï-
que. Ne voulant pas mourir comme une
femme ordinaire , elle marcha à la mort
avec l'ironie et le dédain sur les lèvres.
Arrivée à la place Louis XV , elle s'in-
clina devant la statue de la liberté , et
s'écria : « O liberté , que de crimes on
» commet en ton nom ! » Sa gaieté sem-
bla s'animer à la vue de son suppliée, et
lit même sourire une victime assise à ses
côtés. Avant de recevoir le coup fatal ,
elle annonça que son mari ne pourrait
pas lui survivre ( voyez l'article précé-
ROL
dent). Elle fut exécutée le 18 novembre
1793 , à l'âge de 39 ans. Madame Roland,
quoiqu'elle eîit renoncé atout sentiment
de religion , comme elle s'en vante dans
ses Mémoires , passait pour avoir des
mœurs pures; elle parle souvent de l'in-
nocence de sa vie. Sa conversation était
spirituelle, son caractère insinuant. Elle
avait beaucoup de sagacité dans l'esprit,
un goût déterminé pour le sarcasme et
la satire , et portait ses idées d'indépen-
dance jusqu'à l'exagération. Elle voulut
être à la fois écrivain, philosophe et
publiciste ; et son ambition la perdit,
en perdant son époux , qui jouissait d'ail-
leurs d'une réputation bien acquise ,
dans une sphère plus étroite, mais
moins dangereuse. Elle se jeta dans les
partis , et ne vit dans les députés de la
Gironde qu'autant de héros et d'hom-
mes supérieurs dignes seuls de régénérer
la France. On dit que madame Roland
avait un cœur sensible ; nous ne réfute-
rons pas cette opinion : cependant les
malheurs de la famille royale , et de
tant de victimes que fit la Gironde , la
laissèrent indifférente. Il n'y a pas un
mot dans ses Mémoires sur le sort fu-
neste de Louis XVI , et elle ne se plaignit
que quand son parti commença à devenir
victime de ses déplorables innovations.
Madame Roland, sans être belle, avait
une figure douce et pleine d'expression ;
de grands yeux noirs animaient une
physionomie peu régulière , mais agréa-
ble ; sa voix était sonore et flexible , et
elle en parle avec complaisance dans ses
Mémoires. Elle a laisse plusieurs écrits :
1° des Opuscules sur la mélancolie , sur
l'âme , la morale , la vieillesse, l'amitie\
l'amour, la retraite, et sur Socrate ;
2° Voyages en Angleterre et en Suisse.
Ces ouvrages ont été réunis à ses Mé-
moires , qu'elle écrivit en prison , et qui
traitent de sa vie privée , du ministère
de son mari et de son arrestation , etc. :
ils furent publiés d'abord par M. Bosc ,
après la terreur , sous le titre d'appel à
V impartiale postérité yVdtrh, 1795, in- 8.
et ensuite par M. Champagneux, Paris ,
1800, Svol.in-S. En général, lestilede ma-
dame Roland est incorrect, quelquefois
ROL
éloquent , souvent diffus , mais presque
toujours énergique. Ses Mémoires sont
peut-être son ouvrage le moins bien
écrit , à cause de la position difficile où
elle se trouvait dans ce moment. Elle y
parle en politique avec un ton bien plus
décidé que ne le faisaient Pitt , Fox ,
Burke et Mirabeau, et se plait surtout à
parler d'elle-même , et à faire l'éloge au-
tant de ses opinions que de son courage.
Quoiqu'ils soient curieux et intéressans ,
ils laissent néanmoins une impression
pénible par le ton quiyrègne, l'exagéra-
tion des sentimens , et l'absence de cette
délicatesse et de cette réserve qu'une
femme ne méprise pas impunément. Ses
mémoires font partie de la Collection
publiée par les frères Baudoin : on trouve
en tête de cette édition une Notice sur
madame Roland , par F. Barrière qui re-
connaît dans sa préface devoir à la bien
veillance éclairée de MM. Van-Praet et
A. -A. Barbier plusieurs documens his-
toriques sur celte dame , ainsi que les
Mémoires, rapports et discours de son
mari réimprimés à la suite de ses Mé-
moires.
*ROLAND ( Philippe-Laurent), sculp
leur, naquit le H août 1746, à Marcy
en Parèle , près de Lille en Flandre , d'un
négociant estimé. Son goût pour les arts
l'empêcha de suivre le commerce. Il vint à
Paris étudier le dessin, et il y fit de grands
progrés. Ses maîtres, reconnaissant en
lui beaucoup d'adresse pour modeler,
lui conseillèrent de se livrer uniquement
à la sculpture. Alors il entra dans l'ate-
lier du célèbre Pajou, où il fut bientôt
considéré comme le plus habile élève de
ce maître : il fut employé alors dans les
travaux d'ornement du Palais-Royal et
de la salle de spectacle de Versailles. Ro-
land fit ensuite un voyage à Rome, pour
étudier les chefs-d'œuvre de cette capitale
des beaux-arts; et, à .son retour, il exécuta
deux belles statues ( Galon d'Utique et
Samson ) , qui lui méritèrent l'honneur
d'être reçu à l'académie royale de pein-
ture et de sculpture, d'abord en qualité
-d'agrfgé ( 1779) , ensuite comme acadé-
micien en titre ( 1781 ). Vers cette même
époque, il fut chargé par le directeur gé-
ROL 471
néral , M. D' Angivilliers, de la statae du
grand Condé, et s'occupa ensuite de plu-
sieurs autres travaux qui lui firent beau-
coup d'honneur. En 1792, Roland exé-
cuta le modèle colossal en plâtre de la
statue de la Loi qui fut placé sous le pé-
ristyle du Panthéon. Lors de la création de
l'Institut , il en fut nommé membre et
chevalier de la légion-d'honneur. Il venait
d'être compris par le roi dans l'organi-
sation de l'académie royale des beaux-
arts, lorsqu'un catarrhe pulmonaire l'en-
leva presque subitement le 11 juillet
1816. Ses principaux ouvrages sont la sta-
tue en marbre du grand Condé, ouvrage
plein de feu ; celles d'Homère chantant
sur sa lyre ( c'est son chef-d'œuvre ) , de
Solon , de Tronchet , le buste de Pajou ,
et plusieurs autres portraits , où il avait
eu l'art d'unir la noblesse du stile à la
ressemblance la plus frappante. Il était
professeur de l'académie royale de pein-
ture et de sculpture.
* ROLAND ou Rolland D'ERCE-
VILLE ( Barthélemi-Gabriel ) , naquit à
Paris en 1730. Il était issu d'une famille
distinguée dans la magistrature , suivit
la même carrière, et fut successivement
conseiller , et président au parlement de
Paris. Il cultiva en même temps la litté-
rature, et publia plusieurs écrits sur
différentes matières. Lors de nos troubles
politiques , il ne put les envisager sans
en témoigner son indignation. En 1790,
il protesta , comme plusieurs autres de
ses collègues au parlement, contre les
opérations de l'assemblée. Sa démarche
n'eut d'abord aucun funeste résultat
pour lui ; mais les factieux , qui avaient
désigné d'avance leurs victimes , le dé-
noncèrent , pendant le règne de la /er-
reur, comme suspect et contre-révolu-
tionnaire. Il fut arrêté , traduit devant
le tribunal révolutionnaire, condamné
à mort, et exécuté le 20 avril 1794, à
l'âge de 64 ans. On a de lui : 1° Lettre
à l'abbé Velly sur l'aifiorité des états
en France, 1 7 56, in-1 2; 2° Compte rendu
des interrogatoires subis par devant
M. d'Argenson, au commencement
du 18* siècle, par divers prisonniers
détenus à la Bastille ou à Vincennes
47i IIOL
et notamment de l'Histoire de Pabbtî
Blache, trouvée dans la Bibliothèque
des jésuites, 1766, in-4 ; 3° Lettre à M.
V abbé de MajainviUe, etc. , 1788. Le
sujet de celte lettre nous force à remon-
ter à la cause qui la fit écrire. Roland
avait joué un rôle très actif dans l'expul-
sion des jésuites, et en 1762 il fut char-
gé par le parlement de l'exécution des
arrêts concernant la suppression de cet
ordre , ainsi que d'installer l'université
dans le collège de Louis le Grand. Sur
ces entrefaites, un M. Rouillé de Fille-
tiëres mourut, priva de ses biens ses
parens, et les laissa à plusieurs léga-
taires, parmi lesquels se trouvait un ex-
jésuite. Les parens portèrent leurs plain-
tes au parlement; un d'eux était Roland
d'Erceville, neveu de M. de Filletières ,
et c'est à cette occasion qu'il rédigea la
lettre ci-dessus indiquée. Il y dit que le
testament lui fait tort de deux cent mille
livres; que l'affaire seule des jésuites
et des collèges lui coûtaitde son argent
plus de 60 , 000 livres-, et qu'en effet les
travaux qu'il avait faits , et surtout re-
lativement aux jésuites , qui n'auraient
pas été éteints s'il n'eût consacré à cette
œuvre son temps, sa santé et son ar^
gent , ne devaient pas lui attirer une
exliérédation de son oncle. Si ce qu'il
avance est vrai , il pouvait justement
se vanter d'avoir eu , en grande partie ,
le misérable honneur d'expulser un ordre
aussi utile à la religion qu'à l'instruc-
tion publique. Il joignit à sa lettre les
pièces du procès , que l'abbé de Majain-
viUe , principal légataire , gagna autant
par la bonté de sa cause que par le ta-
lent de son avocat , le célèbre Gerbier.
Roland d'Erceville fit paraître un Mé'
moire en sa faveur, signé Constant, Do-
rival et Jadeau, procureur, imprimé
en 1781 , et oii il s'explique contre sa
partie adverse avec assez de modération ;
ce qui ne l'empêcha pas de perdre sa
causé, h" Dissertation si les inscriptions
doiveht être rédigées en français ou en
latin, 1782, in-8 : l'auteur se prononce
pour'la seconde de ces langues; ^"Bêcher-
ches sur les prérogatives des femmes
ckét les'Gaidoiif , ttc. 1787 j in-12; 6*
ROL
Discours prononcé à l académie d'Or-
léans , 1788, in-4 ; et un grand nombre
de comptes rendus au parlement sur
l'afiEtiire des jésuites.
* ROLDAN (Louise), dame artiste,
naquit à Séville en 1654, et était fille
d'un sculpteur distingué dans son art. Elle
suivit la profession de son père , et fit
de si étonnans progrès , que le roi Phi-
lippe IV l'appela à sa cour et lui accorda
une pension. Louise ne traita que des
sujets religieux : l'on cite parmi ses ou-
vrages un superbe crucifix , que les con-
naisseurs admirent encore , et qu'on voit
à Sisante , petite ville de la Manche, et
une statue de la Vierge éplorée à la vue
de son fils crucifié , morceau digne de»
plus habiles maîtres. Louise Roldan
mourut à Madrid en 1704, âgée de SO
ans.
ROLEWINCK (Werner), nommé
quelquefois Lacrius ou Larensis , parce
qu'il est né en 1425 àLaer, bourg du
diocèse de Munster, se fit chartreux k
Cologne en 1447 , et se distingua par sa
science et par sa régularité. Le grand
nombre d'ouvrages qu'on a de lui , im-
primés et en manuscrits, prouvent son
assiduité au travail. Il mourut l'an 1402,
victime de sa charité envers des re-
ligieux de son ordre , infectés de la
peste. Entre tous ses ouvrages on
distingue : 1° Fasciculus temporum,
Cologne, 1474, 1475, Louvain, 1486,
traduit en français, par Pierre' Sur-
get , de l'ordre de Saint - Augustin ,
1483, sous le titre àc fleurs des temps
passés C'est une chronique qui va , dans
l'édition de Louvain , jusqu'en 1480 , et I
qui a été continuée par Jean-Lin turiss "
jusqu'en 1514. Il y a des éditions où l'on
ne trouve pas l'histoire de la résurrec
tion du chanoine qu'on dit avoir occa-
sioné la conversion de saint Bruno.
{Voyez DiocRE.) 2° Libellas de vene-
rabili Sacramento, Paris, 1513 ; 3" De
regimine principum , Munster, in-4; 4*
Vita et miracula sancti Servàtii , Colo-
gne, 1472 ; 5" Vita sancti Hugonis ; 6"
ifissertationes de martyrologio pas-
chalique luna, 1472 , in-4 ; 7° des Ser-
mons, des Commentaires sur quelque^
ROL
livres de l'Écriture, etc. (Quatre seule-
ment des ouvrages de ce savant reli-
gieux subsistent dans nos bibliolbèques ,
savoir.- Paradisus conscientiœ , Quces-
tinnes tlieologices duodecim. De Inude
Wcstphnliœ^ sivede moribuset situ anti-
quorum Saxonum , libri III , et Fnsci-
culus temporum. Ce dernier ouvrage
eut vingt-sept éditions avant l'an 1501 :
la première est celle de Cologne, 1474 ,
déjà indiquée.)
ROLLA]\D. FoTjez Roland.
ROLLE (Micbel) , né à Ambert en
Auvergne, l'an 1652, mourut à Paris
en 1719. Son inclination pour les malbé-
matiques l'attira dans cette ville , oîi il
fut associé à l'académie des Sciences.
Son mérite , sa conduite paisible et ré-
gulière , la douceur de sa société et sa
probité exacte, furent ses seuls sollici-
teurs, il a laissé un Traité d algèbre,
1690, in-4 , qui mérita l'attention des
mathématiciens; et une Méthode pour
résoudre les questions indéterminées de
l'alficbre, 1699.
ROLLEINHAGEN, Allemand, né en
1542, mort en 1C09, est auteur d'un
petit poème épique dans le goût de la
liatrachomyomachie d'Homère. Il a aussi
laissé quelques Homélies et Trage -
dies , etc.
ROLLER (Joseph) , né à Hohenstadt
en Moravie, en 1704, entra chez les
jésuites en 1720, et se distingua dans
l'étude des belles-lettres. L'éloquence de
la chaire l'occupa surtout; il l'enseigna
pendant 9 ans avec un succès extraordi-
naire ; il donna ensuite pendant un an
des leçons sur l'éloquence profane. A la
sollicitation de ses auditeurs , il publia
son traité, Eloquentia sacra et profana
in geminos tractatus distributn, Olmutz,
1752, in-8. C'est une excellente rhé-
torique, contenant les meilleurs prin-
cipes et un bon choix d'exemples. L'au-
teur mourut à Waporzan en 1767.
ROLLI (Paul-Antoine) , poète renom-
mé , né à Todi , dans l'Ombrie , en 1 687 ,
d'un architecte, fut disciple de Gravina,
qui lui inspira le goût des lettres et de
la poésie. Un seigneur anglais ( le lord
Sembuck ) l'ayant emmené à Londres ,
XI.
ROL 4 7 3
l'attacha à la famille royale en qualité de
maitre de langue toscane. Rolli demeura
en Angleterre jusqu'à la mort de la reine
Caroline, sa prolectrice. Il revint l'an
1747 en Italie, se fixa à Rome et y mourut
en 17G7, laissant un cabiaet très cu-
rieux, et une bibliothèque riche et bien
choisie. Ses principales productions
poétiques virent le jour à Londres en
1735, in-8. Ce sont des Odes non rimécs,
des Elégies , des Clinnsons , et des Hcn-
décasyllabcs dans la manière de Catulle.
On a encore de lui un recueil à! Epi-
grammes ^ imprimé à Florence en 17 76,
in-8, et précédé de sa Fie, par l'abbé
Fondini ; et le Paradis perdu de Millou
en vers italiens , Londres, 17 35, in-fol. ;
les Odes d'Anacréon , aussi en vers ita-
liens, Londres, 17 39 , in-8. ( Il a donne
plusieurs Editions des poètes classiques
italiens.)
ROLLIN. Voyez Raulin.
ROLLIN (Charles) , historien et rec-
teur de l'université de Paris, où il naquit
le 30 janvier 1G61 , était fils d'un coute-
lier, et l'ut reçu maître dans la même
profession dès son enfance. Un béné-
dictin de la maison des Blancs-Manteaux,
dont il servait la messe, ayant reconnu
dans ce jeune homme des dispositions
heureuses , lui obtint une bourse pour
faire ses études au collège du Plessis.
Charles Gobinet en était principal ; il
devint le protecteur de Piollin, qui sut
gagner l'amitié de son bienfaiteur par
son caractère , et mériter son estime par
ses talens. Après avoir fait ses humanités
et sa philosophie au collège du Plessis, il
fit trois années de théologie en Sorbonne ;
mais il ne poussa pas plus loin cette
étude, et il n'a jamais été que tonsuré.
Le célèbre Hersan, son professeur d'hu-
manités, lui destinait sa place. Rollin lui
succéda effectivement eu seconde en
1683, en rhétorique en 1687, et à la
chaire d'éloquence au Collège royal en
1 688. A la fin de 1 694, il fut fait recteur,
place qu'on lui laissa pendant deux ans
pour honorer son mérite. L'université
prit alors une nouvelle face : Rollin y
ranima l'étude du grec ; il substitua les
exercices. académiques .aux tragédies; il
6o
474 ROL
introduisit l'usage, toujours observé de-
puis , de faire apprendre par cœur une
partie de l'Ecriture sainte aux écoliers.
L'abbé Vitteineut, coadjuleur de la prin-
cipauté du collège de Beauvais, ayant
été appelé à la cour, fit donner cette
place à Rollin , qui gouverna ce collège
jusqu'en 1712. Ce fut dans cette année
qu'il se relira , pour se consacrer k la
composition des ouvrages qui ont illustré
sa mémoire. L'université le choisit une
seconde fois pour recteur en 1720. L'a-
cadémie des belles-lettres le possédait
depuis 1701. (RoUinfut lié avec les plus
grands génies de son époque, tels que
d'Aguesseau , Pelletier , Lortrail, Mesine,
le Nain de Tillemont, Asfeld, Cochin ,
Boileau, Racine, qui, en mourant, lui
confia l'éducation de son plus jeune fils,
depuis auteur du poème de la Religion. )
Rollin mourut à Paris en 1741-. Il était
principalement estimable par la douceur
de son caractère ,- par la simplicité de ses
mœurs. Au lieu de rougir de sa naissance,
il était le premier à en parler. C'est de
l'antre des Cyclopes^ disait-il dans une
épigramme latine à un de ses amis, eu lui
envoyant un couteau, que j'ai pris mon
vol vers le Parnasse. Ce n'est pas qu'il
n"eût en même temps une sorte de vani-
té, surtout par rapport à ses ouvrages
dont les éloges emphatiques de ses par-
tisans lui avaient donné une haute opi-
nion. Il disait naïvement ce qu'il en pen-
sait ; et ses jugemens, quoique trop favo-
rables , étaient moins l'effet de la pré-
fomplion que de la franchise de son
caractère. C'était un de ces hommes qui
sont vains sans orgueil. Rollin parlait
bien ; mais il avait plus de facilité à écrire
qu'à parler, et on trouvait plus de plaisir
à le lire qu'à l'entendre. Son nom passa
dans tous les pays de l'Europe. Plusieurs
princes cherchèrent à avoir des relations
avec lui. Frédéric l^"', roi de Prusse, étant
encore prince-royal, entretenait une cor-
respondance avec lui. [Quand il fut monté
sur le trône, il lui écrivit pour lui annon-
cer son avènement. Rollin lui répondit
par une longue lettre bien édifiante, où
il lui détaillait les devoirs d'un roi chré-
tien. La réponse de Frédéric commençait
ROL
à peu près ainsi: M. Rollin, je trouve
dans votre lettre les conseils d'un sage.,
la tendresse d'une nourrice, et l'empres-
sement d'un bon ami. Plus bas il disait ;
Fos avis, mon cher et vénérable Rollin,
me sont beaucoup plus utiles que les
compUmens faux et souvent insipides
des flatteurs. Cette phrase dorait un peu
la pilule; mais Rollin ne put digérer la
tendresse d' une nourrice . Il rompit toute
correspondance avec le roi, et lui écrivit
que, comme il respectait ses occupation.^
importantes , il n'aurait plus l'honneur
de lui écrire. Quant au mérite littéraire
de cet auteur, on l'a trop eialté de son
temps, et on le déprécie trop aujourd'hui.
Ses principaux ouvrages sont : \° une
Edition de Quintillicn, en 2 vol. in-12 ,
1715, à l'usage des écoles, avec des no-
tes , et une préface très instructive sur
l'uliiilé de ce livre, tant pour former
l'orateur querhonnèle homme. L'éditeur
a eu l'attention de retrancher de son
ouvrage quantité d'endroits qu'il a trou-
vés obscurs et inutiles. 2° Traité de la
manière d'enseigner et d'étudier les bel-
les-lettres par rapport à l'esprit et au
cœur , 1726, en 4 vol. in-12, plusieurs
fois réimprimé. Cet ouvrage est recom-
mandable par les sentiraens de religion
qu'il respire , parle zèle du bien public,
par le choix des plus beaux traits des
écrivains grecs et latins, par la noblesse
et l'élégance du stile : il ne peut être que
très utile aux instituteurs, et servir à for-
mer d'excellens élèves : déjà par lui-
même une bonne réfutation delà pédago-
gie moderne, il l'est davantage encore
parlesfruis qu'il a produits et qu'il pro-
duira toujours quand on le prendra pour
guide. 3" Vllisloire anciene des Egyp-
tiens, des Carthaginois , des Assyriens,
des Babyloniens , etc., en 13 vol. in-12,
publiés depuis 1730 jusqu'en 17 38. Peu
d'auteurs ont travaillé lesannaies du genre
humain avec de» intentions pins pures et
plus sages, avec une dose plus marquée de
celte simplicité et de celle bonhomie
précieuse infiniment plus attachante que
l'amphigourisme du bel-esprit. Si l'au-
teur a eu le malheur d'êlre surpris par
une faction insidieuse, par d'imposans
ROL
dehors, du moirs i[ a su se défendre dans
Ja composition de ses ouvrages histori-
ques des impressions de l'erreur. On s'est
plaint cependant avec raison que la
chronologie n'est ni. exacte , ni suivie ;
qu'il y a beaucoup d'inexactitudes dans
les faits ; que l'auteur n'a pas assez exa-
miné les exagérations des anciens histo-
riens ; que son stile n'est pas égal, et celte
inégalité vient de ce que l'auteur a em-
prunté dans des ouvrages modernes des
20 et 30 pages de siiile. Rien de plus no-
ble et de plus épuré que ses réflexions,
mais elles sont répandues avec trop peu
d'économie (1). i" V Histoire romaine,
depuis la fondation de Home jusqu'à la
bataille dÂctlum. La mort l'empêcha
d'achever cet ouvrage, queCrevier, son
disciple, a continué depuis le 9= volume.
( Voyez Crevier. } V Histoire romaine eut
moins de succès que l'Histoire ancienne.
On trouva que c'était plutôt un discours
moral et historique qu'une histoire en
forme. L'auteur ne fait qu'indiquer plu-
sieurs évènemens considérables, tandis
qu'il s'étend avec une sorte de prolixité
sur ceux qui lui fournissent un champ
libre pour moraliser. 6° La Traduction
latine de plusieurs écrits théologiques sur
(es querelles du temps. L'auteur était un
des pins zélés partisans du diacre Paris ;
il ne rougissait pas de faire en son hon-
neur un personnage parmi lesconvulsion-
naires sur le cimetière de Saint-Médard.
Il se glorifie lui-même de cette dévotion
dans ses lettres. Il laissa par son testa-
ment 3,000 florins à la caisse destinée aux
entreprises et à la dépense du parti.
( Voyez Nicole.) 6" Opuscules, contenant
diverses lettres , harangues , discours ,
complimens , etc., Paris, 1771,2 vol.
in-i2; recueil peu intéressant, et qui
aurait eu besoin de plus de choix ; il a été
il) L'auteur <1u Génie du clirUtlanhme , qui a consané
un rhapitre de son outrage à la gloire de Bollin , le ter-
iniue par cet paroles: « Rolliii tatlé l-'énéinii de riii>toire,
H roniinr lui il enibrilil l'Egjple el la Grèce. Les premiers
volumes de l'Biitjire anrienne abondent du génie de
l'antiquilé. La narration du vertueux rerlaur est pleine,
simple et tranquille ; et le rlirislianisrae . attendrissant sa
plume . lui a donné quelque chose qui remue les en-
trailles. Ses éi-ril» respirent tous cet homme de bien, dont
le cceur est une fêle continuelle, selon l'cipression mer-
veilleuse de l'Ëcrilure. Xous pe connaissons pa.s d'uutrage
qui remue plut douremi nt \'imr. >
ROL 475
fait par Robert Etienne. L'abbé Tailhié a
donné un abrégé de VHistoire ancienne ,
imprimé avec des figures à Latisanne et à
Genève en 5 vol. in-12. VHistoire an-
cienne, VHistoire romaine, et le Traité
des études, ont été réimprimés en 16
vol. in-4,174 5. En 1782 , Bassompierre,
imprimeur de Liège, a donné au public
une très belle édition de VHistoire ro-
maine, avec la continuation, IG vol. in-8.
{Voyez Belle.n'ger.) (M. Lelronne a donné
une nouvelle édition des OEuvres de Roi-
lin, accompagnée de notes et d'observa-
tions historiques , 1821,30 vol. in-8, avec
atlas. M. Lequien a aussi publié de 1 820
à 1827, en 30 volumes in-8 , avec des
notes sur les principale époques, l'his-
toire romaine et l'histoire ancienne
par M. Guizot. En 1818 l'académie fran-
çaise a donné à 31. l'avocat Berville le
prix qu'elle avait proposé pour V éloge de
Rollin ; cet éloge se trouve à la tête de
l'édition de M. Letronne.
ROLLON, PiOLL, RoLF, Rou, Raoul ou
Hakocl, ou Robert, I"', duc de Norman-
die, était un des principaux chefs de ces
Danois ou Normands qui firent tant de
courses el de ravages en France dans les
9« et lO^siècles. (Il était fils de Rogvald,
prince établi dans la NorAvége septentrio-
nale. Après plusieurs courses dans la Bal-
tique, en Angleterre et en Fiance, il s'em-
para de Rouen, dont il fit rebâtir les mu-
railles, puis entra dans Paris. Il vole en-
suite en Angleterre secourir son ami, le
roi Alfred, forme une puissante armée,
revient en France, et partout oîi il passe
il laisse la morl et l'incendie. } Le roi
Charles le Simple, pour avoir la paix avec
lui , conclut à Saint-Clair-sur-Eple, en
912, un traité par lequel il donna à Rol-
lon sa fille Gisie ou Giselle en mariage,
avec la partie de la Neustrie appelée de-
puis de leur nom Normandie, à condition
qu'il en ferait hommage, et qu'il embras-
serait la religion chrétienne. Rollon y
consentit , fut baptisé, et prit le nom de
Robert , parce que , dans la cérémonie ,
Robert, duc de France et de Paris, lui
servit de parrain. ÎMais lorsqu'il fallut
rendre l'hommage , dont une des forma-
lités était de baiser le pied du roi, Je fier
47Ô ROM
Rotloa dédaigna de le faire en personne.
L'officier qui le fit pour lui leva si haut
le pied du monarque, qu'il le lU tomber
en arrière. La France était alors dans une
si triste situation qu'on feignit ue pren-
dre cette insolence pour une maladresse
dont il ne fallait que rire. Le nouveau
duc de Normandie montra autant d'é-
quité sur le trône qu'il avait fait éclater de
courage dans les combats. Son nom seul
prononcé faisait la loi , et obligeait de se
présenter devant les juges. C'est , selon
quelques-uns, l'origine du fameux cri de
Haro, qui était encore en usage dans la
Normandie avant la révolution, et dont il
est fait mention dans tous les édils et
déclarations des rois de France. Il est
cependant des savans qui dérivent le mot
de haro du mot tudesque har. qui signifie
cri ou clameur, et qui annonçait en géné-
ral la réclamation et le mécontentement
des peuples contre quelque nouvelle loi.
Mais lesdeux sentimens se concilient, en
disant que ce cri populaire prenait une
force et une considération particulières,
lorsqu'il avait le suffrage du duc Piollon.
On rapporte aussi à ce prince l'institution
de ['échiquier, ou parlement ambulatoire,
qui fut rendu sédentaire à Rouen l'an
14D9. Epuisé de fatigues et d'années,
Rollon abdiqua en 927 enfaveur de Guil-
laume son fils, et vécut encore 5 ans
après , suivant Guillaume de Jumicge.
C'est donc une erreur manifeste dansOr-
deric Yilal , de placer sa mort, comme il
fait, dans le courant de l'année 917.
ROLLWINCK (Wernerus). Foyez
ROLEWINK.
ROMAIN (Saint), diacre de l'église
de Césarée, né dans la Palestine , souffrit
le martyre sous l'empereur Dioclétien.
Comme il reprenait publiquement les
chrétiens qui , pour éviter la rage des
bourreaux, allaientdans les temples ado-
ver les faux dieux, il fut pris et mené de-
vant le juge , qui le condamna à être
brûlé. Etant sur le bûcher, attaché au
poteau, et voyant que les bourreaux at-
tendaient que l'empereur ordonnât d'y
mettre le feu , il les pressa et leur de-
manda hardiment où était le feu. L'em-
pereur, en étant averti, le fit ramener
ROM
devant lui pour le condamner k souffrir
un autre supplice, et il ordonna qu'on lui
coupât la langue, qu'il donna généreu-
sement ; il fut ensuite mené en prison et
étranglé quelque temps après. — Il ne
faut pas le confondre avec saint Romain
qui fut décapité à Rome , la veille du
m n tyre de saint Laurent , qui l'avait in -
struilet baptisé ; niavec deuxaulres mar-
tyrs du même nom.
* ROMAIN ( Saint) , en latin Roma-
rins , l'un des fondateurs de l'abbaye de
Saint-Claude , dans le Jura , naquit à
Icrnore dans leBugey , au commence-
ment du 5^ siècle. Après avoir séjourné
long-temps dans le monastère d'Ainay ,
à Lyon , dans lequel il était entré de
bonne heure , il obtint la permission de
se retirer dans un désert placé au milieu
des gorges du mont Jura. Il y construisit
une cellule, défricha et cultiva un petit
terrain, et appela auprès de lui son frère
Lupicin. La réputation de sainteté dont
furent bientôt entourés ces deux soli-
taires , leur attira en peu de temps un
• grand nombre de disciples , et les força
de construire quelques nouvelles cellules
qui devinrent ainsi l'origine de la ville
actuelle de Saint-Claude. Les deux frères
gouvernèrent ensemble ces divers éta-
blissemens religieux. Romain mourut
vers l'an 460, et fut enterré au monastère
de La Baume qui était un couvent de fem-
mes, où l'on observait la clôture la plus
exacte , et qui devait aussi son origine à
ces pieux solitaires. Le Martyrologe ro-
main place la fête de saint Romain au 28
février.
ROMAIN (Saint), issu de la race des
rois de France, fut nommé à l'archevêché
de Roupn en 626. Sa vertu et sa naissance
lui acquirent l'estime des peuples. Il
mourut en G39, L'église de Rouen était
dans l'usage de délivrer tous les ans un
criminel lejourde l'Ascension. Ce droit,
dont elle jouissait de temps immémorial,
est fondé, dit-on, sur le privilège qui lui
fut accordé par un des rois de France ,
en mémoire de ce que saint Romain avait
délivré les environs de Rouen d'un hor-
rible dragon qui dévorait les hommes et
les bestiaux. On sait que ces dragons
ROM
tut's sont souvent le symbole cl l'expres-
sion des fléaux et des maux publics arrê-
tes par le courage, Tinduslrie ou la sain-
teté de quelque bienfaiteur de l'humanité.
ROMAIN, pape après Etienne VI, en
897, cassa la procédure de son prédé-
cesseur contre Formose, et mourut vers
la fin de la même année où il avait été
élu. On a de lui une Epître. (Il fut rem-
placé par Théodore II,}
ROMAIN P"^, surnommé Lécapène ,
empereur d'Orient, né en Arménie d'une
famille peu distinguée , porta les armes
avec succès et sauva la vie à l'empereur
Basile dans une bataille contre les Sarra-
sins. Ce fut là l'origine de son avancement
rapide. (Il devint premier ministre de
Constantin Porphyrogénète, successeur
de Léon le philosophe, qui avait succédé
à Basile. Romain fit épouser à Constan-
tin sa fille Hélène. ) Ce prince le déclara
son collègue à l'empire en 919. Bientôt
Romain eut tout le pouvoir, et Constan-
tin n'eut que le second rang. Né avec de
grands talens, il cimenta la paix avec
les Bulgares, tailla en pièces les ftîoscovi-
tes, qui s'étaient jetés sur la Thrace, et
q^ligea les Turcs à laisser l'empire en
repos. A ces qualités guerrières il joignit
l'humanité, il soulagea ses peuples, et
dans un temps de disette il eut toujours
quelques pauvres à sa table. Romain
voulut rendre, par son testament, à Con-
stantin X, son beau-père, le premier
rang, dont il l'avait privé : Etienne, l'un
des fils de Romain, fâché de cet arrange-
ment, le fit arrêter et conduire dans un
monastère où il finit ses jours, en 94 8.
ROMAIN II, dit le Jeune , fils de Con-
stantin Porphyrogénète, petil-iils du pré-
cédent, naquit en 939. Il succéda en 969 à
son père, après l'avoir, dit-on, empoi-
sonné. Il chassa du palais sa mère Hélè-
ne , et ses sœurs, qui se prostituèrent
pour trouver de quoi vivre. Les Sarrasins
menaçant de tous côtés l'empire, Nicé-
phorePhocas, grand capitaine, fut en-
voyé contre ceux de l'ile de Crète en 9G I ,
et il se serait rendu maître de toute l'île,
s'il n'avait été obligé d'aller descendre à
Lep contre d'autres barbares de la même
ualion. Il 'es vainquit dans doux Journées
ROM 477
consécutives, tandis que le lâche Ro-
main se livrait à des débauches dont il
mourut en 963 , après un règne de 3 ans
et quelques mois.
ROMAIN III, surnommé Argire^îiX^
de Léon , général des armées impériales,
parvint à l'empire par son mariage avec
Zoé , fille de Constantin le Jeune. Il com-
mença de régner en novembre 1028. Il
déshonora le trône par son indolence, et
vit tranquillement les Sarrasins s'empa-
rer de la Syrie. Zoé profita de sa noncha-
lance. Devenue amoureuse de Michel ,
nommé le Paphlagonien , trésorier de
l'empire, elle résolut de lui mettre sur la
tête la couronne impériale. Elle empoi-
sonna Romain; et comme le poison était
trop lent, elle le fit étrangler dans un
bain en avril 1034, après un règne de
cinq ans et quelques mois.
ROMAIN IV , dit Viogène , était un
des plus braves officiers et l'homme le
mieux fait de l'empire. Il régna en 1068,
après Constantin Ducas, qui laissa trois
lils sous la tutelle de l'impératrice Eu-
doxie. Cetle princesse lui avait promis
de ne pas se remarier ; mais elle viola sa
parole, et donna sa main à Romain IV.
Les Sarrasins faisaient des ravages sur les
terres de l'empire ; il marcha contre
eux, et les vainquit. Mais en 1071 , il
tomba entre' les mains d'Asan , chef des
infidèles, Ce général lui ayant demandé
comment il l'aurait traité s'il avait été
son prisonnier , Romain lui répondit : Je
vous aurais fait percer de coups. Je n'i-
miterais point, répliqua Asan , plus hu-
main que ne l'étaient pour l'ordinaire
ces chefs de brigands arabes ou turco-
mans, une cruauté si contraire et ce que
J. C. , votre législateur , vous ordonne ;
el il le renvoya avec beaucoup d'honnê-
teté. A son retour à Constantinople , il
lui fallut disputer son trône contre Mi-
chel, vfils de Constantin Ducas, lequel
avait été reconnu empereur pendant sa
captivité. On en vint aux armes : Romain
fut vaincu , et on lui creva les yeux. Il
mourut des suites de ce supplice en octo-
bre 107 1 , après 3 ans et 8 mojs de règne.
ROMAIN (Le cardinal ). rayez Blas-
ciiK et Lovis IX.
478 ROM
ROMAIN ( Jules ) , peiuUe, dont le
nom de famille était Giulo Pippi , né à
Home en 1492, était le disciple bien-aimé
de Raphaël , qui le fit son héritier. Jules
Romain fut long-temps occupé à peindre
d'après les dessins de son illustre maître,
qu'il rendait avec beaucoup de précision
et d'élégance Tant que Jules ne fut
qu'imitateur, il se montra un peintre
sage , doux , gracieux ; mais se livrant
tout à coup à l'essor de son génie, il
étonna par la hardiesse de sonstile, par
son grand goût de dessin, par le feu de
ses compositions, par la grandeur de ses
pensées poétiques, par la fierté et le ter-
rible de ses expressions. On lui reproche
^ d'avoir trop négligé l'élude de la nature
pour se livrer à celle de l'antique , de ne
point entendre le jet des draperies, de
ne pas varier ses airs de tête , d'avoir un
coloris qui donne dans la brique et dans
le noir, sans intelligence du clair-ob-
scur : mais aucun maître ne mit dans ses
tableaux plus d'esprit , de génie et d'éru-
dition. Jules était encore excellent ar-
chitecte ; plusieurs palais , qu'on admire
en Italie , turent élevés suivant les plans
qu'il en donna. Ce célèbre artiste fut fort
occupé par le duc Frédéric Gonzague de
Manloue. Ce prince le combla de bien-
faits , et sa protection lui fut très utile
contre les recherches qu'on faisait de lui
pour les vingt dessins qu'il avait com-
posés d'un pareil nombre d'estampes très
dissolues que grava Marc-Antoine Rai-
mondi , et que Pierre Arétin accompagna
de sonnets non moins abominables. Tout
l'orage tomba sur e graveur, qui, sans
la protection du cardinal de Médicis, au-
rait perdu la vie dans un temps oîi les
mœurs étaient regardées comme la sau-
ve garde d e l'état et le gage du bonheur
public. Jules Romain mourut à Mantoue
en 1546.
ROMAIN DE HooouE. Foyez Hooguk.
ROMAIN (François) ou le Frère
Romain , architecte. Foyez François
Romain.
* ROMAN (L'abbé Jean -Joseph-
Thérèse) , littérateur, naquit à Avignon en
172(5. Il vint à l'aris à l'âge de 25 ans,
fut attaché comme desservant à la paroisse
ROM
deSaint-Méri, et cultiva les lettresavec
assez de succès. Nommé vicaire-général
du diocèse de Vence, il demeura près de
la fontaine de Vaucluse où il continua
ses travaux littéraires. Il entreprit avec
lord Fitz-VV'illiam différens voyages en
Italie , en Allemagne , en Suède et en Da-
nemark, etc. , et fut agrégé à plusieurs
sociétés savantes. Il mourut dans sa pa-
trie en 17 87 , et a laissé : 1° Essai sur
l'art de traduire ; 2° La mort d'Adam y
tragédie , traduite de l'allemand de Klo-
pstock , avec un discours pri'liminaire,
Paris, 1762,in-12; 3" V Inoculation ,
poème en 4 chants , Paris, 1773, in-8 ,
oîi l'on remarque de la grâce et de la fa-
cilité j 4" Le Génie de Pétrarque, ou
Imitation en vers français de ses plus
belles poésies, précédées de la Vie de cet
homme, dont les actions et les écrits
sont une des plus singulières époques de
l'histoire et de la littérature moderne ,
Parme et Paris, 1778, in-8. Cette édition
a été contrefaite à Avignon , dans la
même année, in-12. La FieAe Pétrarque
qui est à la tête de cet ouvrage , avec la
traduction de la lettre de ce poète à la
postérité, par Tissot de Mornas, ont été
imprimées à Avignon eu 1804, in-12, par
le5 soins de M. Fortia d'Urban , et sous
les auspices de l'athénée de Vaucluse. 5°
Les Echec <t , poème en quatre chants ,
Paris , 1807 , 1 vol. in-S. Ce poème est
considéré comme supérieur à ceux com-
posés sur le même sujet par Vida , en
latin ; par Duschi , en italien ; et par
Cérutti en français. Les vers de l'abbé
Romain ont peut-être moins d'élégance
que ceux des auteurs ci-dessus énoncés ; I
mais il a sur eux le mérite d'avoir traité ^
cette matière avec plus de précision et de
clarté. M. Aug. Courret a fait précéder l'é-
dition qu'ila donnée decetouvragede/?e-
rherches historiques sur le jeu d'échecs.
Il a en outre laissé un autre manuscrit,
qui, ainsi que le précédent, fut imprimé
après sa mort, et qui a pour titre : 6"
Mémoires historiques et inédits sur les
révolutions arrivées en Danemark et
en Suède pendant les années 1770, 17 71
et 17 72, suivis d'anecdotes sur le pape
Gnngnnelli et le conclave tenu après sa
1
ROM
mort , et d'un récit historique sur l'ab-
dication de f^ictor-Aintclée , roi de Sar-
daigne , par feu Vabbé Romain, témoin
oculaire, et imprimé sur ses manuscrits
autographes, ornés du portrait de Gus-
tave, 1807 , in-8. Quoique l'auteur n'ait
pas été témoin oculaire de ces évéïie-
mer>s, ainsi que l'annonce le litre, comme
il arriva , trois ou quatre ans après, dans
les contrées où les événemens eurent lieu,
il put se procurer de bons renseignemens
sur les révolutions qu'il a décrites, au-
près des personnes qui en avaient été
témoins, et des acteurs eux-inèmes. Cet
ouvrage est très curieux ; mais l'auteur
s'arrête un peu trop à peindre les scanda-
les domestiques qui déshonorent quel-
quefois les palais des grands. La première
de ces révolutions est celle qui, depuis
1770 jusqu'en 1772, éleva presque au
rang suprême , en Danemark , le méde-
cin Strueusée , qui périt ensuite sur un
échafaud, et qui était le favori de Caro-
line-Mathilde , sœur de George III , roi
d'Angleterre , et femme de Christian VII,
prince livré aux plaisirs , dont l'abus le
rendit incapable de gouverner ses peu-
ples. L'autre révolution est celle de
Suède , où Gustave III , secondé par la
France, parvint, sansrépandre une goutte
de sang , à se saisir du pouvoir que le sé-
nat avait usurpé depuisla mort de Char-
les XII, et pendant le règne d'Ulrique,
sœur de ce monarque. (Ce même sujet
avait été traité par l'abbé Micchelesi
Sberidan , et le comte de Hordt. ) L'abbé
Romain parle ensuite de l'abdication de
Victor-Amédée , roi de Sardaigne. Ces
Mémoires &oni écrits, d'un stiie concis,
rapide et plein de chaleur. Les anecdotes
sur le pape Ganganelli n'offrent pas beau-
coup d'intérêt, et semblent même dépla-
cées dans cet ouvrage. L'abbé Romain a
écrit aussi : 7° plusieurs Discours sur la
littérature, des Poésies fugitives pour
les journaux etl'almanach des Muses. Son
caractère était doux , et il eut le bonheur
de se faire , par sa conduite et par ses
ouvrages, beaucoup de partisans et
presque aucun ennemi.
* ROMANA ( Don Pedro Caro y Su-
»KDA , marquis delà ) , fameux général
ROM 479
espagnol , naquit le 3 octobre 1761 à
Palma dans l'île Majorque, d'une famille
illustre de cette île , et d'un père qui
était né dans le même lieu , et qui avait
obtenu un rang élevé dans les troupes es-
pagnoles , lorsqu'il mourut en 1775 dans
la guerre contre Alger. Dès l'âge de 10
ans, il fut envoyé au collège de l'Oratoire
à Lyon pour y faire ses premières éludes
qu'il alla continuer à l'université de Sa-
lamanque , et ensuite au séminaire des
nobles à Madrid. En 177 5 , il entra dans
le corps royal des gardes-marines , et
dès l'année 1778 il fit ses cours de nau-
tique à Carthagène , où se trouve une de
leurs académies. Nomméoflicier en 1 779,
il devint, l'année suivante , adjudant ou
aide-de-camp du général don Ventura
Moreno. Lors du siège de Gibraltar , en
1782 , il se distingua sur les chaloupes
canonnières et sur les batteries flottantes,
et ne retourna à Valence qu'en 1783 ,
lorsque la paix fut conclue. Il se lia d'a-
mitié avec le comte de Lumiarès, et ils se
livrèrent ensemble à l'étude des langues
modernes, de l'histoire et des antiquités.
Le marquis de la Roniana forma chez lui
une riche bibliothèque et un cabinet
d'instrumens de physique , par le moyen
desquels il faisait , de concert , avec
Lumiarès , diverses expériences devant
plusieurs de leurs amis. Le marquis ,
doué d'une mémoire prodigieuse , avait
parcouru ou au moins effleuré presque
toutes les sciences et les littératures de
l'Europe, dont il parlait les langues avec
facilité. Il parcourut, en 1785, la France,
l'Italie, l'Allemagne, et s'arrêta quelques
mois à Berlin pour acquérir de nouvelles
connaissances dans l'art militaire. De re-
tour en Espagne, il servit sous l'amiial
Gravina , et , en 1790 , il fut nommé ca-
pitaine de frégate ; mais il n'aimait pas ,
comme il le disait lui-même , le service
de la marine, dans lequel il n'était entré
que pour obéir aux ordres de son père.
Aussi , lorsque l'Espagne eut déclaré la
guerre à la France (en 1793), il demanda
el obtint d'être employé dans les armées
de terre , sous les ordres de son oncle ,
don Ventura Caro, qui commandait l'ar-
mée du Nord. Ce général le mit à la tête
48o - ROM
d'un corps de 2000 hommes , avec le-
quel La Romana contribua , le 30 avril ,
à la prise de Sare , et se distingua à la
bataille de Chàteaii-Pignon , où l'on fit
prisonnier le général français La Gène-
tière. Muller , ayant remplacé celui-ci ,
battit les Espagnols , et menaçait Pampe-
lunc. Caro réunit sur la Biilassoa 12,000
hommes , partagés en quatre colonnes ,
dont la deuxième était commandée par La
Bomana, qui chassa les Français dûment
Diamant et du mont Vert , et s'y établit ;
mais deux de ces colonnes, ayant été re-
poussées , se replièrent sur celles de
La Uomana et d'Escalante, qui comman-
dait la première avec un succès égal à
celui de La Romana. Le désordre s'étant
mis dans toute l'armée , les Espagnols
repassèrent la Bidassoa , furent défaits à
Saint-Martial, elles Français s'emparèrent
de Fonlarahie. Caro fut rappelé , et La
Romana passa à l'armée de Catalogne ,
sous les ordres du com le de l'Union.
Malgré des prodiges de valeur, La Romana
ne put empêcher la déroute des Espa-
gnols à .Monte-^egro ; son corps cepen-
dant couvrit leur retraite , et fut le seul
qui se retira en bon ordre. L'Union ayant
trouvé la mort dans la mêlée, le marquis
des Amarillas lui succéda , par intérim ,
jusqu'à ce que don Josef Urrutia vint le
remplacer. La Romana avait été élevé au
grade de maréchal -de -camp. Urrutia
trouva une entière désorganisation dans
l'armée , et le fort de Figuières au pou-
■voir des Français. Il ne se découragea
pas , établit une discipline sévère , et
forma le projet de surprendre l'ennemi.
La Romana se porta , d'après les ordres
d'Urrutia , au delà de Crispia, attaqua
vivement les Français , et les culbuta.
Mais l'imprudence d'un caporal , qui
avait ciié Qui vive ? avait déjà donné
l'alarme dans le camp des Français , qui
se rallièrent, et La Romana se replia en
bon ordre vers Besalès; Alix combats san-
glansdes28 mars et 5 mai, dont les deux
armées s'attribuèrent la ■victoire , il dé-
ploya la même intelligence et la même
valeur. La Romana contribua à l'occupa-
tion de la Cerdagne française , exécutée
par Urrutia ; mais celle expédition ne fut
ROM
pas poussée plus loin , la paix ayant été
conclue à Râle , le 22 juillel 1795 , entre
la république française et l'Espagne.
( Voyez CiODOY et Chaiiles IV. ) La Ro-
mana se retira à Alicante avec le grade
de lieutenant-général. Les Anglais s'élant
emparés de l'île Minorque en 1798, il fut
chargé de la reprendre ; mais celle ex-
pédition n'eut point lieu par suite de la
défaite éprouvée par la flolte espagnole,
à la hauteur du cap Trafalgar. En 1800 ,
il fut nommé par intérim capitaine géné-
ral de la Catalogne , où il se fit aimer et
respecter à la fois. 11 était membre du
conseil suprême de la guerre, lorsqu'on
lui donna le commandement en chef
d'une armée de là, 000 hommes , que le
roi d'Espagne envoyait , à 'la demande
de Buonaparle , dans le Hanovre, pour
fermer aux Anglais les embouchures du
Weser et de l'Elbe ( 1807 ). 5000 Espa-
gnols , que Charles IV avait accordés à
sa fille Marie-Louise ( voyez ce nom ) ,
reine d'Etrurie , partirent de Toscane ,
pour rejoindre les autres troupes desti-
nées pour le ^■ord. Elles devancèrent
celles-ci , et montrèrent un grand cou-
rage à la prise deStralsund. La meilleure
intelligence régna d'abord entre Berna-
dotte (actuellement roi de Suède) , gé- .
néral en chef des armées françaises et
espagnoles, et le marquis de La Romana.
Celui-ci agit de concert avec ie général
français dans l'attaque contre la Pomé-
ranie suédoise , oii ses troupes se distin-
guèrent par leur courage et leur disci-
pline. Après la paix deTilsitt , en juillet
1807 , époque à laquelle la Grande-Bre-
tagne était eu guerre avec le Danemark,
Napoléon ayant résolu d'envahir la Suède,
les troupes espagnoles , qui devaient for-
mer l'avant-gai de de BerrtBdotle , furent
cantonnées dans le Jutland , et les îles
de Seelande et de Fionie. La Romana se
trouvait dans cette dernière île , lorsque
le général français lui intima l'ordre de
prêter serment à Joseph Buonaparle ,
que Napoléon avait placé sur le trône de
Charles IV, après en avoir chassé ce mo-
narque et sa famille. La Romana se trou-
vait dans une position délicatt qui le for-
çait de dissimuler: .-ans se soumettre po-
ROM
sitivement à l'ordre de Bernadotte, il
l'éluda en quelque sorte , en protestant
qu'il suivrait , dans cette circonstance ,
les vœux de sa nation. Sur ces entrefaites,
■un ecclésiastique espagnol étant parvenu
jusqu'à lui, lui lit connaître la véritable
situation de l'Espagne. Peu après , il re-
çut des détails plus circonstanciés. D.
Vincente Lobo , officier envoyé par la
junte deSéville, et une lettre du général
Moria , l'instruisirent de l'invasion des
Français et de l'insurrection des Espa-
gnols contre Buonaparte , qui leur avait
imposé un roi par la force. En attendant,
La Romana répondait évasivement aux
reproches que lui faisait Bernadotte de
n'avoir prêté qu'un serment condition-
nel , et adressait en secret aux divers
chefs des corps espagnols une circulaire
énergique , par laquelle , leur dévoilant
l'état véritable de l'Espagne , il les invi-
tait tous à se réunir dans les îles de Fionie
et de Langeland. Une flotte anglaise, sur
laquelle était D. Vincente Lobo, croisait
dans la Baltique ; La Romaua, après s'être
entendu avec le contre-amiral Keals, vit
avec plaisir arriver au rendez-vous indi-
qué les troupes lidèles. Il manquait ce-
pendant près de 4000 hommes stationnés
à Boeskilde et les environs , et apparte-
nant aux régimens des Âsturies et de
Guadalajara , et deux escadrons de celui
d'Almanza , cantonnés dans le Jutland.
Ils avaient refusé obstinément de prêter
serment à Joseph Buonaparte, et s'étaient
mis en insurrection. Contraints de céder
au nombre, ils furent désarmés et renfer-
més dans l'arsenal de Copenhague. Pour
écarter tous les obstacles, La Romana ,
supposant un ordre de Bernadotte , fit
retirer trois compagnies danoises qui
étaient à Niborg , dans l'île de Fionie ,
et l'occupa malgré la résistance du gou-
verneur danois. H fit embarquer dans les
chaloupes canonnières et les bâtimens ca-
boteurs danois qui se trouvaient à Niborg
et à Langeland , ses troupes , montant à
10,000 hommes , et les plaça sous les
ordres de M. de San-Roman. Il les rejoi-
gnit à Gothenbourg , d'où elles passèrent
sur des vaisseaux anglais , qui les rame-
nèrent en Espagne. La Romana se rendit
ROM
481
à Londres pour réclamer des secours , et
arriva en Espagne après la bataille d'Es-
piuosa ( 1 1 novembre ,1808 ), perdue par
le général Blake. Il fui nommé comman-
dant eu chef de la btt^a^e , de la Galice
et des Asturies. Il obtint , en 1809 , des
succès à Villa-Franca , Vigo, Lugo , San-
lago , San-Payo , et força les armées de
Aey et de Soult d'évacuer les provinces
septentrionales de l'Espagne. Croyant ne
pas voir dans la junte des Asturies assez
de zèle pour la défense du pays , il la
remplaça par une autre. Cet acte d'auto-
rité déplut à la junte suprême, qui lui
ordonna de se rendre auprès d'elle. La Ro-
mana obéit pour éviter la guerre civile.
Il se déclara contre le système démocra-
tique , que paraissait suivre la junte jus-
qu'à la réunion des cortès , et proposa
de créer un conseil de régence, composé
de trois ou cinq personnes ; mais on n'eut
point égard à cet avis. Après la défaite
de Baiiesleros , à Alba-des-Tormes, il fut
mis , en 1810 , à la tête de 25,000 hom-
mes. Dans la crainte que Badajoz ne fût
attaquée , il se porta sur l'Estramadure ;
mais , au moment qu'il espérait d'en
chasser les Français , le duc de Welling-
ton l'appela en Portugal , pour agir de
concert avec lui contre les Français com-
mandés par Masséna. Arrivé à Cartajo ,
en juillet 1811 , il y tomba dangereuse-
ment malade , et mourut le 23 du même
mois à l'âge de 52 ans. Le plus bel éloge
qu'on puisse faire de ce général se trouve
dans le passage suivant de la dépêche
que lord Wellington adressa au comte de
Liverpool , le 26 janvier 1811. « Ses ver-
» tus ( dit-il en parlant de La Romana } ,
u sestalensetson patriotisme étaient très
» connus du gouvernement de Sa Majesté
» britannique. En lui, l'armée espagnole
» a perdu son plus bel ornement ; son
» pays, le patriotisme le plus pur; et le
» monde , le plus brave et le plus zélé
» défenseur de la cause pour laquelle
» nous combattons. Je reconnaîtrai tou-
» jours avec gratitude l'assistance que
» j'en ai reçue , tant par ses opérations
» que par ses conseils , depuis qu'il a
» joint cette armée. » On trouve dans la
Colleclion complémentaire des mémoires
61.
48a ROM
relatifs à la révolution , Paris, 1824,
3* livraison , [Sme 2 , in-8 , le Journal
de La Romana jusqu'au ô septembre
1808 , et la Correspondance officielle du
contre-amirarWÈ*,'»'"àYec La Romana et
d'autres généraux espagnols.
ROMAIN ELLl ( Jean François ) , pein-
tre, né à Vilerbe en 1617, entra dans
l'école de Pielro de Corlone. Les cardi-
naux Barberin et Filomarino le recom-
mandèrent au pape , qui l'employa à
plusieurs ouvrages considérables. Roma-
ueili fut élu prince de l'académie de
Saint-Luc. Le cardinal Barberin, ayant
été obligé de se retirer en France , pro-
posa ce peintre au cardinal Mazarin ,
qui le fit aussitôt venir , et lui donna
occasion de faire éclater ses talens. Le
roi le créa chevalier de Saint-Michel ,
et lui fit de grands présens. L'amour de
sa patrie , et les sollicitations de sa fa-
mille avaient rappelé Romanelli deux
fois à Viterbe , lieu de sa naissance ;
enfin il se préparait à revenir en France,
lorsque la mort l'enleva à la fleur de son
âge, en 1662. Il était grand dessinateur,
bon coloriste ; il avait des pensées no-
bles et élevées , qu'il rendait avec une
touche facile -, ses airs de tête sont gra-
cieux ; il ne lui a manqué que plus de
feu dans ses compositions. Le Musée de
Paris possède plusieurs tableaux de ce
grand peintre.
* ROMANOWITSCH ( Gabriel-Der-
javin) , l'un des meilleurs poètes russes ,
avait d'abord suivi la carrière militaire ,
où il s'était distingué : il la quitta pour
entrer dans l'administration , et devint
ministre de la justice sous Catherine II ;
mais il ne resta pas long-temps dans ce
poste difficile, dont il donna sa démission
pour se livrer entièrement à la culture
des lettres. Nous ne connaissons point
toutes ses Poésies : nous savons qu'il en
a paru en 1808 un Recueil en 4 vol. ,
traduit en anglais. Son ode^^ Dieu a été
traduite en latin ; elle l'a été aussi en chi-
nois par ordre de l'empereur de la Chine,
qui a fait imprimer cette pièce en lettres
d'or sur une étoffe de soie qui est placée
dans une des salles de son palais. Roma-
nov/ilsch est mort dans les premiers jours
ROM
du mois de juillet 1832 , dans ses terres
près de Novogorod.
* ROMAIN ZOW ( Pierre-Alexandro-
Witsch, comte de), célèbre général russe,
né à St.-Pélersbourg vers 1730, d'une
ancienne et illustre maison , embrassa
de bonne heure la carrière des armes, et
se distingua dès l'année 1761 par la
prise de Colberg. Après avoir eu ensuite
plusieurs armées sous ses ordres , il com-
mandait en 1770 celle de l'Ukraine,
lorsqu'il reçut l'ordre d'aller s'opposer
aux Turcs , qui venaient de remporter
plusieurs avantages sur les Russes. Il les
rencontra sur les rives du Pruth , là où
Pierre le Grand fut sur le point de per-
dre la liberté , et l'aurait peut-être per-
due , ainsi que l'empire , sans la pré-
sence d'esprit de son épouse Catherine I.
Romanzow leur livra bataille , et quoi-
que les Turcs, commandés par le kaa
de Crimée, fussent au nombre de 80,000
hommes, il les battit, et les força à se
replier sur le Danube. Il les poursuivit
jusqu'à Kagoul ; mais , s'étant trop avan-
cé , il se vit enveloppé par leur armée ,
forte de 1 50, 000 hommes. Quoiqu'il
n'eût que 18,000 combatlans , il ne se
découragea pas : comptant sur sa bonne
tactique, il les attaqua avec intrépidité,
malgré le feu de leur nombreuse ar-
tillerie. La baïonnette et l'exacte disci-
pline triomphèrent du nombre , et les
Turcs , à leur tour , pressés de toutes parts
par les bataillons carrés des Russes, aban-
donnèrent leur camp. Catherine II con-
sacra le souvenir de celte mémorable
victoire, par un obélisque en marbre
qu'elle fit élever à Tzarko-Zélo. La red-
dition de Bcnder et d'autres places im-
. portantes , ainsi que la possession de la
route sur la rive gauche du Danube, fu-
rent les résullatsde la journée de Kagoul.
L'année suivante, Romanzow assiégea et
prit Giurgewo. Les hostilités furent sus-
pendues en 17 72 et pendant les trois
premiers mois de 1 7 7 3. Pendant ce temps-
là on entama des négociations , et Ro-
manzow eut plusieurs conférences avec
le grand visir Musseim Ogiou. Mais les
prétentions de l'impératrice étant trop
onéreuses pour la Porte, les hostilités
ROM
recomtneucèrent avec un égal acLarne-
nient de part et d'autre. Après quelques
léfjers succès , les Turcs furent conti-
nuellement battus par Romanzow, qui ,
ayant passe le Danube , s'avança vers
Schumïa, où il trouva le grand visir sé-
pare du gros de son armée , et dans une
position désavantageuse. Il lui coupa la
communication avec ses magasins et les
restes de ses troupes , et le contraignit
ainsi à demander la paix. Les prélimi-
naires furent signés sur un tambour dans
}a tente même de Romanzow , le 21 juil-
let 1774 : la Porte ottomane accorda à
la Piussie l'indépendance delà Crimée,
la possession d'Azof , la libre navigation
sur la mer Noire , et le passage par le
canal des Dardanelles. Catherine II invila
Romanzow à partager avec elle les hon-
neurs d'une entrée triomphante qu'on
avait préparée à Moscou ; mais le modeste
général se borna à se présenter devant
l'impératrice en habit de simple soldat ,
pour lui rendre compte des opérations
de ses brillantes campagnes. La czarine
lui fit don d'une épaulette dediamans,
et de l'ordre de Saint-George , avec un
chapeau portant une branche de laurier
en pierres précieuses, évaluées à 30,000
roubles, en outre d'une terre contenant
5,000 paysans, et elle voulut qu'il prît
le surnom de Zadonaïskoï , Transda-
uubien. Après cette entrevue, Romanzow
partit pour son gouvernement d'Ukraine.
11 n'y demeura pas long-temps ; Cathe-
rine II le fit revenir pour accompagner
à Rcriin le grand-duc Paul Pcirowitz
( depuis Paul \" ) , qui allait épouser la
princesse deVVurlemberg. Elle lui adressa
à cette occasion la lettre la plus flatteuse :
<f Ce n'est, lui écrtvait-elle, qu'au zèle
» du plus illustre appui de mon trône
» que je puis me résoudre à confier mon
» fils. 1) En Prusse , Romanzow reçut les
honneurs les plus distingués. Lorsque
Frédéric II aperçut le maréchal , il s'a-
vança vers lui, et lui dit du ton le plus
affable : « Vainqueur des Ottomans ,
« soyez le bien-venu : je suis charmé de
» voir celui dont le nom doit passer à la
» postérité la plus reculée. » Dans les
fêles données au grand-duc, le roi d€
ROM 483
Prusse n'oublia pas Romanzow ; et, dans
la manœuvre de la garnison de Postdam,
il fit ranger ses soldats en bataillons car-
rés , à l'imitation des Russes dans la ba-
taille de Kagoul. Cependant son influence
auprès de la czarine sembla diminuer ,
ainsi que la reconnaissance de cette prin-
cesse, lorsqu'elle accorda sa faveur tout
entière à Potemkin ; c'était au commen-
cement d'une nouvelle guerre avec 1^
Turcs (1787). On osa offrir à leur vain-
queur , couvert de lauriers et de cica-
trices , de commander en second sous
le favori, plus expérimenté alors dans
les intrigues de cour que dans l'art mili-
taire. Romanzow .s'excusa sur son âg-e,
et demanda en même temps sa retraite,
qu'on lui accorda aussitôt. Il mourut
en 1790. Paul l*"' fit élever une pyra-
mide en son honneur, sur la place du
palais de marbre à St.-Pétersbourg , et
l'empereur Alexandre lui a fait ériger une
statue, avec cette inscription , aux vic-
toires de Romanzow. On trouve des dé-
tails intéressans sur cet illustre maré-
chal, dans les Mémoires secrets sur la
Russie par Charles -François -Philippe
Masson. Romanzow fut un des plus grands
généraux de son siècle : il obtint l'a-
mour et le respect de ses compatriotes
et.de ses soldats, et l'estime de tous les
souverains de l'Europe.
ROMBOUTS ( Théodore ) , peintre,
né à Anvers en 1597, possédait très bien
la partie du coloris; mais trop prévenu
en sa faveur, il opposa toujours ses ou-
vrages à ceux du célèbre Rubens, son
contemporain et son compatriote. Ce
parallèle qu'il aurait dû prudemment
éviter, ne pouvait pas être à son avan-
tage. (Il fit le voyage de Rome , oii il fut
bientôt connu avantageusement. Appelé
par le grand-duc de Toscane , il passa à
Florence, oîi il peignit plusieurs tableaux
bistoriques.) Après avoir peint des sujets
graves et majestueux , il se délassait à re-
présenter des assemblées de charlatans ,
de buveurs , de musiciens , etc. Il mourut
à Anvers en 1037 ou 1G40, selon Weyer-
mans. ( Ses tableaux les plus remarqua-
bles sont : Saint François recevant les
stigmates y Le Sacrifice d^ Abraham ,
484 ROM
et Themis avec ses attributs , qui est
dans la salle de justice de Land , et
qui frappa d'admiration Rubens lui-
même.)
ROME ( Esprit-Jean de } , sieur b'Ab-
SENK , né à Marseille en 1687 , fit ses pre-
mières études à Nancy, et après un assez
long séjour à Paris, il retourna dans sa
patrie , où il mourut en 1748. On a pu-
blié en 1767 ses OEuvres posthumes ^
en 4 vol. petit in- 12 , parmi lesquelles
on doit distinguer ses FaôZej , et le Dis-
cours judicieux dont il les a accompa-
gnées. S'il n'a pas la naïveté de La Fon-
taine, on ne peut lui refuser beaucoup
d'aménité , des images riantes , un goût
de philosophie champêtre , et des ta-
bleaux agréables de la nature. On trouve
encore dans ce recueil des Discours et
des Odes qui furent couronnés par di-
verses académies. 11 était membre de
celle de Marseille. La plupart des autres
pièces de ce recueil auraient pu rester
dans le portefeuille de l'éditeur.
ROME DE L'JSLE ( Jean Baptiste-
Louis ), physicien et minéralogiste, né
à Gray en Franche-Comté , le 26 août
1736, mourut à Paris le 10 mars 1790. Il
montra de bonne heure un goût décidé
pour les observations et les recherches ,
et s'appliqua particulièrement à la miné-
ralogie. (Après avoir fait ses études à Pa-
ris , il partit pour les Indes, et fut fait pri-
sonnier à Pondicheri par les Anglais. De
retour en France en 1764, il étudia sous
M. Sage l'histoire naturelle, et donna
même un cours de minéralogie.) II publia
sur celle science un grand nombre d'Es-
sais et de Mémoires qui furent suivis
en 1 7 83 de la Cristallographie , ou Des-
cription des formes propres à tous les
corps du règne minerai, dans Ve'tatde
combinaison saline , pierreuse et métal-
lique, avec figures et tableaux synopti-
ques de tous les cristaux connus , Pa-
ris, 4 vol. in-8. Ce grand ouvrage aug-
menta beaucoup sa réputation cl attira
r;tltenlion des physiciens. H y prétend
que la cristnllisnlion cstreffet d'une pro-
priété commune à tous les corps du rè-
gne minéral , d'affccicr une figure po-
lyèdre , constante cl déterminée dans
ROM
chaque espèce; que c'est un des plus
curieux phénomènes de la nature , et
l'un de ceux dont on peut dire que la
découverte semble ne pouvoir plus être
contestée , à raison du grand nombre
d'observations qui viennent à son appui.
Il la définit ainsi : Une loi fondamen-
tale de la nature , en vertu de laquelle
les parties intégrantes ou similaires
d'un corps , atténuées , dissoutes et sé-
parées les unes des autres par l'interpo-
sition d'un fluide , sont déterminées à
se rejoindre et à former des masses so-
lides d'une figure polyèdre^ régulière
et constante. Le quatrième volume est
formé de planches où sont plus de 500
figures : tous les genres de cristaux y
sont classés par le nombre et la disposi-
tion de leurs angles. Rien ne prouve
mieux que cet aspect les recherches im-
menses et pénibles de l'auteur, son as-
siduité et sa patience à observer, à sui-
vre la nature dans ses plus petits et plus
secrets détails. On peut dire que c'est
là que son grand principe , touchant la
forme déterminée et invariable des cris-
taux , reçoit en quelque façon la sanction
des sens et des yeux , plus propres à
convaincre, surtout en physique , que
les raisonnemens les plus lumineux. Ce-
pendant, et l'auteur ne se le dissimule pas,
son système, ou , si l'on veut, sa décou-
verte , est combattu par de grands adver-
saires, et ce qu'il y a de plus remarqua-
ble , par des naturalistes célèbres , qui
prétendent s'être convaincus par leurs
propres yeux d'un état de choses tout
contraire à celui que croit avoir vu Rome
de l'Isle. 2" L'année suivante, il donna
son traité Des caractères extérieurs des
minéraux, Paris, 17 84, 1 vol. in-8:
espèce de supplément à l'ouvrage précé-
dent. ' Voyez le Journ. hist. et litt.,
\" juillet 1786, p. 349 ). On a encore
de lui : 3" Métrologie ou Table pour
servir à t intelligence des poids et me-
sures des anciens ^ et principalement à
déterminer la valeur des monnaies grec-
ques et romaines , d'après leur rapport
avec les poids i (4" Lettre à M. Bertrand
sur les polype t d'eau douce, 1 766 , in 12;
.■>" l'Action du feu central bannie de la
RUM
surface du globe, et le soleil rétabli
dans ses droits, 1779.1781 , in-8. L'au-
teur s'écarte dans cet ouvrage de l'opi-
nion de Buffon relativement au feu ccip-
tral. Il appuie la sienne sur des faits in-
contestables, sans cependant manquer
au respect qu'on doit aux grands hom-
mes : il combat Buffon , mais il ne lui
refuse pas la justice dont ses talens sont
dignes. 6° Différens Catalogues raison-
nes de plusieurs riches collections de
minéraux, de cristallisations et de ma-
drépores , parmi lesquels on distingue
celui du cabinet de Davila ; le tout 3
vol. in-8. ) C'était un de ces savans mo-
destes et appliqués, pour lesquels l'étude
a plus d'attraits que le bruit de la célé-
brité.
R031ILL0N ( Elisabeth ) , deLisleau
comtat Venaissin , perdit son mari et
ses enfans dans un âge peu avancé. Il ne
lui resta de son mariage qu'une fille nom-
mée Françoise, née en 1573, qui se
joignit à elle pour établir des religieuses,
sous la règle du tiers-ordre de Saint-Fran-
çois. Elle mourut en 1619, sans avoir eu
la consolatibn de voir perfectionner cet
établissement. Sa fille, Françoise de Bar-
thelier, y mit la dernière main. Elle
donna des constitutions à ses filles, et
les nomma Religieuses de Sainte-Elisa-
beth. Après avoir fondé plusieurs cou-
vens de son ordre, elle retourna à celui
de Paris, où elle mourut en odeur de
sainteté l'an 1G45.
ROMILLY ( Jean-Edme ), pasteur, né
en 1738 à Genève, mort dans la petite
paroisse de Sacconai le 29 octobre 1779,
âgé de 4 1 ans , a fourni divers articles
à la compilation enci/clope'dique , entre
autres les articles tolérance et vertu.
Jl a aussi publié des Sermons sur divers
textes de l'Ecriture sainte. Les grandes
vérités y sont solidement établies. Nous
ne sommes cependant pas de l'avis de
l'éditeur, qui prétend en faire le ma-
nuel des catholiques : 1° parce que nous
avons en ce genre des discours très su-
périeurs , discours faits par les plus
grands orateurs du siècle pass^ et de
celui-ci ; discours où la morale est unie
au dogme qui lui donne la sanction , et
ROM 485
parfaitement d'accord avec lui ; 2° parce
que , se prévenant pour un auteur d'une
manière quelconque , ne fût-ce que pour
le stile,on se prévient aisément pour
la généralité de ses sentimens, même
pour ceux que nous faisons profession
d'ailleurs de rejeter. Cependant l'en-
chantement du stile de M. Romilly n'ira
pas jusque là. Sa manière négligée et
froide présente en même temps , par un
contraste assez singulier, des expressions
recherchées et des prétentions au bel-
esprit.
* ROMILLY (Sir-Samuel), juriscon-
sulte anglais, né à Londres vers 1758 ,
descendait d'une famille protestante sor-
tie de France à la révocation de l'édit
de Nantes et retirée i» Genève en Suisse.
Le père de Samuel se fixa en Angleterre
vers 17 40 et y exerça la profession de
joaillier. Le jeune Samuel acheva ses étu-
des à Londres et se fit recevoir avocat.
11 s'était acquis par ses talens une nom-
breuse clientelle. Sa faible santé le força
de voyager sur le continent ; il se trou-
vait en France dans le commencement
de la révolution , et fut en relation avec
Mirabeau. Après avoir parcouru laSuisse,
il revint en Angleterre , pour reprendre
ses occupations de jurisconsulte. Bientôt
il se fit connaître par ses opinions poli-
tiques, et il s'attacha avec ardeur aux
principes des whigs. Lorsque Fox et le
lord Grenville furent mis en 1806 à la
tête du ministère, Romilly fut choisi pour
occuper le poste de Sollicitor ou d'avo-
cat général de la commune, puis nommé
membre de la chambre des communes et
créé peu après chevalier. Mais la mort de
Fox, arrivée la même année, entraîna la
dissolution de ce ministère : Romilly
perdit sa charge, et se plaça dans les
rangs de l'opposition. Il s'occupa sur-
tout de la réforme du code des lois cri-
minelles, et dans la session de 1808, il
proposa quelques changemens dans les
dispositions relatives aux vols ordinai-
res : il demanda aussi qu'on prît de
nouvelles mesures pour améliorer le sort
des accusés qui ne sont que prévenus.
Depuis cette époque, il parla dans un
grand nombre de circonstances, notain->
486 ROx\I
ment dans les débals qui eurent lieu sur
la question de l'émancipation des catho-
liques d'Irlande , dans les diverses occa-
sions où le ministère a demandé la sus-
pension de Vffabeas Corpus ou VAlien-
bill\, lorsqu'il s'agit des malheureux Noirs
pour lesquels il sollicitait une législation
moins dure. H publia en 1 8 1 0 un ouvrage
sur les lois criminelles de l'Angleterre ,
qui fit une vive sensation. En 1815, lors
des troubles qui eurent lieu à Nîmes ,
Romilly prononça plusieurs discours
dans la chambre des communes pour en-
gager le gouvernement anglais à inter-
venir en faveur des protestans du midi
de la France ; mais ces motions furent
écartées par la majorité. En 1818 il per-
dit sa femme à laquelle il était très atta-
ché : trois jours après il se donna la mort.
Sir Samuel Romilly a publié : 1° Observa-
tions sur les lois criminelles en ce qui
concerne les peines capitales, Londres ,
Ï810, in-8 ; 2° Objections au projet de
créer un vice- chancelier d'Angleterre ,
ibid. , 1812, in-8 (sans nom d'auteur);
3" Discours à la chambre des^ommu-
nes sur V article du traite' de paix rela-
tif au commerce des esclaves, ibid. 1814,
in-8. M. Benjamin Constant , dont les
opinions politiques ressemblaient beau-
coup à celles de Sir Samuel Romilly , a
fait son éloge , 1819, in-8.
* ROMME ( Charles) , géomètre , né
à Riom vers 1744 , termina ses études à
Paris , et reçut des leçons d'astronomie
de Lalande. En 1771 il imagina une
méthode pour mesurer les longitudes en
mer. Les observations intéressantes qu'il
fit , lui méritèrent les suffrages de l'aca-
démie des Sciences qui le nomma en 1778
son correspondant ; plus tard il devint
membre associé de l'Institut et membre
de la légion d'honneur. Il mourut
en 1805 à Rochefort oii Lalande lui avait
fait obtenir la place de professeur de na-
vigation. Il débuta avec succès par l'ou-
vrage suivant: 1° Me'thode pour trouver
les longitudes en mer, 1771 , in-8.
Il donna ensuite et successivement :
2" L'Art de la mâture des vaisseaux ,
avec Terrin, 1778 , in-fol., inséré dans la
Description des arts et métiers; 3" VArt
ROM
de la voilure, 1781, in-fol. ; V L'Art de
la marine , ou Principes et préceptes gé-
néraux de l'art de construire , d'armer,
de manœuvrer et de conduire les vais-
seaux, La Rochelle , 1787 , in-4,avec
figures ; 5° Recherches faites par ordre
de S. M. britannique , en il 6 1) et 1771,
pour rectifier les cartes et perfectionner
la navigation du canal de Bahama , tra-
duites de l'anglais de Guillaume Cil.
Brahm , 1 787 ; G" Dictionnaire de la ma-
rine française , La hochelle, ^192, in-8, J
Paris, 181 3, même format; 7° Diction- 1
naire de la marine anglaise, Paris, 1804,
2 vol. in-8 ; 8° Tableaux des vents , des
TO«reé^ , etc., Paris , 1805, 2 vol. in-8.
Ces trois ouvragesfirent beaucoup d'hon-
neur à Romme , ainsi que son Modèle
des calculs pour trouver en mer la lon-
gitude et la latitude, 1800, in-4. Il
combat la latitude établie par Borda ,
et en prouve les inconvéniens dans plu-
sieurs circonstances. Delambre , dans
son ouvrage de la Connaissance des
temps de l'an 12 (1804), se range de
l'avis de Romme , en prouvant que dif-
férens auteurs se trompaient en calcu-
lant que la somme des deux hauteurs et
de la distance surpasse 180 degrés.
Romme fit, en 1787, des expériences
sur la résistance de l'eau, si nécessaire
aux constructeurs. On en trouve le ré-
sultat dans ïllistoire des mathématiques
de Montucla , tom. 4, page 454.
* ROMME ( Gilbert), frère du précé-
dent, naquit à Riom en 1750. Il s'appli-
qua d'abord à l'étude des mathématiques.
Après avoir professé pendant plusieurs
années et avoir été instituteur dans la
maison du comte Strogonoff, il revint
en France. Il s'était retiré à Gineaux, oii
il s'occupait à faire valoir ses terres , lors-
que nos troubles politiques éveillèrent
son ambition. Il se déclara en faveur des
innovations , et devint un des jaco-
bins les plus ardens. En 1791 , il fut élu
par le déparlement dn Puy-de-Dôme dé-
puté à la législature et puisa la Conven-
tion nationale. Dans ces deux assem- j
blées , il se montra l'ennemi déclaré des 1
prêtres et de la monarchie , vota la mort
de Louis XYI, et n'épargna rien pour
ROM
défendre et propager les principes de la
montagne. Sa \oix rude, sa figure , ses
formes grossières , ses manières brus-
ques , le firent appeler par Mercier ( dans
son Nouveau Paris) le Mulet d^ Auver-
gne. Le 19 mai 1792, il dénonça le juge
de paix Larivière , qui , au sujet du comi-
té' autrichien , avait ordonné l'arresta-
tion de Bazire, Merlin et Chabot, accu-
sateurs de ce comité imaginaire. Le 31
mai 1793 , il se prononça contre les Gi-
rondins , et fut envoyé à Cherbourg
pour les surveiller ; mais ils l'arrêtèrent
en juin, et le firent enfermer à Caen
comme otage des députés frappés de
proscription le 2 de ce même mois. Son
parti triomphant lui rendit la liberté , et
en septembre il présenta et fit adopter le
calendrier républicain , qu'il avait ré-
digé d'après le plan de l'astronome La-
lande et avec Fabre d'Egiantine. Ce fut
lui qui fit supprimer la place de direc-
teur de l'académie de France à Rome, et
la maison d'éducation de Saint-Cyr. Au
mois de novembre , il présida la Con-
vention et y fit plusieurs rapports sur
l'instruction publique. Romme provoqua
la dissolution de l'école normale , qu'il
accusa de charlatanisme. La chute de
Robespierre , le 9 thermidor ( 27 juil-
let 1794 ), et celle de la montagne, l'ob-
ligèrent à cacher pendant quelque temps
ses véritables opinions ; mais dans l'af-
faire de Carrier , il ne put les dissimuler
davantage : il essaya d'entreprendre la
défense de cet homme sanguinaire, et se
prononça contre le système de réaction
qui dominait alors en France. Il avait été
nommé en novembre un des vingt-un
membres chargés d'eiaminerla conduite
de Carrier , et dans le rapport qu'il en
fit , il pencha en sa faveur , et tâcha
même d'excuser ses «rimes. La Conven-
tion l'envoya parcourir les ports de Nor-
mandie , pour visiter les marchandises
étrangères qu'on y avait confisquées. De
retour à Paris, il se rattacha smx jaco-
bins, appuya leurs projets contre la Con-
vention , et se montra à la tête des fau-
bourgs insurgés qui allèrent l'attaquer
le 1" prairial an 3 (20 mai 1796). Son
parti ayant succombé pour la seconde
ROM 487
fois, il fut le même jour décrété d'arres-
tation ; il fut livré à une commission mi-
litaire , qui le condamna à mort. Lors-
qu'on lui lut son jugement, il se poi-
gnarda : ses cinq compagnons en firent
autant : trois seulement périrent sur-le-
champ : Romme fut de ce nombre ; les
trois autres furent traînés tout san-
glansà l'échafaud. C'était le 18 juin 1795.
On connaît de Gilbert Romme VAn-
nuaire du cultivateur , Paris , an 3 ,
(1795, in-8).
* ROMNEY ( George ) , célèbre pein-
tre anglais , naquit en 1734, dans le
comté de Lancastre d'un fermier peu aisé.
Il eut pour maître un peintre ambulant ;
mais il dut plus à ses dispositions na-
turelles qu'aux leçons de son professeur.
Ayant composé , fort jeune , un tableau
représentant la mort du général ïVolfy
il vint à Londres , se présenta à l'aca-
démie de peinture , et obtint le second
prix. Il vendit ce tableau très cher , et
en consacra le prix à faire des voyages
en Italie : il résida plus particulièrement
à Florence et à Rome , oii il étudia les
grands modèles et se perfectionna dans
son art. De retour à Londres, il se distin-
gna dans les portraits , et surtout dans
ceux qu'il fit pour miss Hart, depuis
lady Hamilton. ( Foyez ce nom. ) Lors-
qu'elle parut en déesse de la santé sur
les tréteaux du charlatan Graham,Rom-
ney l'en retira, et elle l'abandonna en-
suite pour le neveu du lord Hamiltdn.
Outre un grand nombre de portraits,
on cite encore de cet artiste plusieurs
tableaux d'histoire très estimés des con-
naisseurs. ( On cite avec éloge son nau"
frage tiré de la tempête de Shakes-
peare, Cassandre d'après le Troïlus , et
Cressida du même poète, etc. Romney
avait montré dès son enfance un grand ta-
lent pour les arts industriels : il imitait
tousles objets qui tombaientsous sa main;
c'est ainsi qu'il fabriqua un violon qu'il
garda toute sa vie. } Il mourut à Kendel
en 1802.
ROMUALD ( Saint ) , fondateur et
premier abbé de l'ordre des camaldules,
naquit à Ravenne vers 952 , de la famille
ducale des Honesti. Séduit par les attraits
488 ROM
de la volupté , il se livra à tous les char-
mes trompeurs du monde. La grâce le
toucha enfin , et il se renferma dans le
monastère de Classe , près de Ravenne ,
où quelques moines peu réguliers, gênés
par sa vertu , voulurent le précipiter du
haut d'une terrasse. Il fut obligé de se re-
tirer auprès d'un ermite, nommé Marin,
qui demeurait aux environs de Venise.
Ce solitaire récitait tous les jours le Psau-
tier ; et comme Romuald savait à peine
lire , Marin , pour le rendre attentif et
hâter les fruits des leçons, peut-être plus
encore pour éprouver sa constance , lui
donnait des coups de baguette sur la tête,
du côté gauche. Le jeune solitaire, après
l'avoir long -temps souffert, lui dit enfin
de le frapper du côte droit , parce qu'il
n'entendait presque plus de l'oreille gau-
che. Le vieillard admira sa patience , et
le traita avec plus de douceur. Romuald
bâtit plusieurs monastères, et envoya
des religieux prêcher l'Evangile aux in-
fidèles de Hongrie. Il partit lui même
pour cette mission ; mais il fut arrêté en
chemin par une langueur qui l'empêcha
d'aller plus loin. Saint Romuald fonda ,
l'an 1012 , le monastère de Camaldoli en
Toscane : c'est de là que son ordre a pris
le nom de camaldule. Le saint fondateur
rendit son âme à Dieu en 1027, à 75 ans,
près de Val-de-Castro. Ses vertus lui
avaient acquis une grande considération.
L'empereur Henri H l'appela à sa cour
en 1022; mais le pieux solitaire , faprès
lui avoir donné de sages conseils , re-
tourna dans sa chère retraite. Les cen-
seurs du christianisme demandent si,
pour se sanctifier , il est nécessaire de se
retirer dans les déserts? Non, sans doute;
« mais ce goût, dit un auteur sage et équi-
» table , que Dieu a inspiré à des person-
» nages très vertueux, n'a pas été inutile
» au monde. Ils ont défriché et rendu
u habitables des lieux qui étaient sau-
» vages ; la renommée de leurs vertus a
» souvent tiré du désordre des hommes
» qui seraient morts impénitens ; la so-
» litude est nécessaire à ceux pour les-
u quels le monde est un séjour dangereux,
« et il y aurait de l'injustice à gêner leur
» inclination. » Le D. Pierre Damien a
ROM
tkîrit sa f^ie. Jean-Iienoit Mitlarclli et
Anselme Constadini, religieux camal-
dules , ont donné les Annales de cet
ordre en 9 vol. in-fol. , Venise, ilSh —
1773. On voità la tête le plan du monas-
tère de Camaldoli dans une situation
sauvage et pittoresque au haut de l'A-
pennin.
ROMULTJS , fondateur et premier roi
de Rome , était frère de Rémus , et fils de
Bhéa Sylvia, fille de Numitor, roi d'Albe.
Ce dernier prince ayant été détrôné par
son frère AmuHus, sa fille fut mise au
nombre des Vestales. On croyait l'em-
pêcher d'avoir des enfans ; mais elle se
trouva bientôt enceinte , et pour couvrir
son déshonneur, lorsqu'elle eut accouché
de deux jumeaux , elle publia qu'ils
étaient le fruit d'un comm«rce avec le
dieu Mars. Amulius les fit exposer sur le
Tibre , oii Faustulc , intendant des ber-
gers du roi , les trouva , et les fit élever
par Laurentia son épouse. C'était une
femme à qui sa lubricité avait mérité le
nom de Louve. De là la fable qu'ils avaient
été allaités par l'animal qui porte ce nom.
Dès que les deux frères se virent eu état
de combattre , ils rassemblèrent des
voleurs et des brigands, tuèrent Amu-
lius, et rétablirent Numitor dans le
royaume d'Albe. Romulus fonda ensuite
la ville de Rome, vers l'an 7 52 avant
J.-C. Comme ses sujets manquaient de
femmes , il célébra des jeux , pendant
lesquels il fit enlever les filles des Sabins
et de plusieurs autres peuples. Les na-
tions voisines coururent aux armes pour
se venger de cette insulte ; mais elles fu-
rent vaincues et contraintes de faire la
paix. Romulus établit ensuite un sénat,
fit des lois, et disparut en faisant larevue
de son armée , près du marais de Caprée,
pendant un grand orage , soit qu'il eût
été tué par le tonnerre, soit que les séna-
teurs , qui commençaient à haïr et à re-
douter sa puissance , l'eussent mis à
mort : c'était vers l'an 715 avant J.-C.
Le fondateur de Rome avait fait faire le
dénombrement de tous les citoyens de
cette ville , quelque temps auparavant.
Il ne s'y trouva que 3000 hommes de
pied, et environ 300 cavaliers. Tel fut le
RON
berceau de l'empire romain Jacques Gro-
novius publia en IG84 une Dissertation
dans laquelle il entreprend de prouver
que l'origine de Romulus , sa naissance ,
son éducation et l'enlèvement des Sa-
hines , ne sont qu'un pur roman , inventé
par un Grec nommé Dindes. Cette opi-
nion parait assez vraisemblable. Les fa-
bles embellissent , ou plulôt déshono-
rent ; et quoiqu'un historien sage ne les
croie pas , il est obligé de les rap-
porter, parce qu'il est jugé très souvent
par les sols. Romulus eut les bonneurs
divins après sa mort. On l'appelle aussi
Quirinus, comme fondateur des Romaius,
qu'il appela Qiiirites. (On peut consulter
sur Romulus l'Histoire grecque de Hull-
mann et son traité de Consualibus ,
l'Histoire de la république romaine par
Fergusson ; l'Histoire romaine de Nie-
buhr, traduite en français par M. deGol-
bery ; la Chronologie des anciens royau-
mes corrigée par ÎVewton ; Discours et
reflexions critiques sur l'histoire et le
gouvernement de l'ancienne Rome par
M. Hooke, traduits et publiés en fran-
çais par son fils, sous la fausse initiale G.
Les f^ies de Romulus et de Numa ,
de Plutarque, V Essai sur la durée des
règnes des rois de Rome par Argarotti ;
l' Incertitude des cinq premiers siècles de
l'histoire Romaine par L. de Reaufort.)
RONDEL ( Jacques de ) , écrivain pro-
testant , enseigna long-lemps les belles-
lettres à Sedan, oii il se lia d'amitié avec
le fameux Rayle,qui faisait cas de son
savoir , et qui lui adressa le projet de son
Dictionnaire. L'académie de celte ville
ayant été détruite en IG81 , il se retira à
Maëstricbt, où il mourut fort âge, en
17 15. On a de lui : l"une f^ie d'Fpicure,
Paris, l679,in-12-, 2° un Discours sur
le chapitre de Théophraste , qui traite
de la superstition, Amsterdam, 168.5,
in-12 , etc. , etc. ; deux ouvrages oîiily
a peu d'utile à recueillir.
RONDELET (Guillaume), né à Mont-
pellier en 1507 , y professa la médecine
avec réputation. C'est à sa sollicitation
que le roi Henri II fit bâtir le théâtre
anatomique de sa patrie. Il s'appliquait
à i'anatomie avec tant d'ardeur ou de
XI.
RON
4^9
fureur, qu'il fit lui-même l'ouverture du
corps d'un de ses enfans : opération
digne d'un cannibale, et qui porterait à
croire que I'anatomie peut quelquefois
rendre inhumain, surtout si l'on combine
cette scène avec d'autres plus atroces
encore , exercées dans le cours de ce
siècle soi-disant philosophique, sur des
enfans en vie , des pauvres et des étran-
gers. Ce père dénaturé mourut à Réal-
mont , dans l'Albigeois, en 1566 , pour
avoir trop mangé de figues. On a de lui :
1° une H. nire des poissons , en latin,
1554, 2 vol. in-fol.,eten français, 1558,
in-fol. Le président deThou dit qu'il a tiré
cette histoire des Commentaires sur
Pline de Guillaume Pélicier, évêque de
Montpellier, qui n'ont jamais vu le jour.
2° Plusieurs ouvrages de médecine. Ils ne
répondent point à la réputation qu'il
s'était acquise. C'est lui que Rabelais a
joué sous le nom de Rondibilis. Sa P^ie
se trouve dnns les OEuvres de Laurent
Joubert son élève.
* ROINDELET (Jean), architecte , né
à Lyon en 1743, fit ses éludes au collège
des jésuites de sa ville natale. Les leçons
de M Loyer développèrent en lui legoût
de l'arcbilecture , et il devint ensuite
l'un des élèves les plus distingués du cé-
lèbre Soufflot. Chargé d'abord de l'in-
spection des Ira vaux de l'église Sainte-Ge-
neviève , il fut ensuite désigné par son
maître pour les continuer : Soufflot n'a-
vait pu faire construire que le portail, la
nef, les bas côtés et les tours de cet édi-
fice : après sa mort qui eut lieu en 1780,
Rondelet commença le dôme. Les criti-
ques du temps avaient décidé que l'exé-
cution en élait impossible Rondelet mit
le comble à la gloire de Soufflot en dé-
montrant le contraire parla construction
elle-même , et l'on vit s'élever par ses
soins la double colonnade et la triple
coupole qui couronnentsi élégamment ce
monument qui avait été consacré primi-
tivement à être la basilique delà patronne
de Paris, et qui est redevenu ce qu'il fut
sous la république une espèce de temple
païen oîi l'on doit déposer ceux qu'une
loi aura déclarés grands hommes. En 1 7 83,
Rondelet fit sous les auspices du gouver-
62.
490 HON
nement un voyage en Italie dans le but de
faire des recherches dans la partie de son
art relatives à la construction. Les obser-
vations qu'il ht pendant les deux ans que
dura ce voyage , et sa pratique longue
et savante servirent à la composition
d'un Traité théorique et pratique de
Pari de bâtir. Il publia ensuite divers
Mémoires sur la reconstruction de la
coupole de la halle aux blés, sur la ma-
rine des anciens , ses commentaires sur
Trouiin et son ouvrage sur les aqueducs
de Rome. Il remplissait en même temps
plusieurs fonctions importantes : ainsi il
participa à la direction de tout ce qui
s'exécutait en France sous la surveillance
de la commission des travaux publiés
en 1794 et 1796 : à cette époque il con-
tribua à la formation de l'école poly-
technique, et particulièrement à l'organi-
sation de toute la partie relative aux tra-
vaux civils et aux écoles d'application. Il
était professeur à l'école royale des beaux-
arts et membre de l'Institut. Rondelet est
mort à Paris, le 25 septembre 1829 :
MM. Vaudoyer et Baitard ont prononcé
des discours sur sa tombe. On trouve dans
VEncyclopédie méthodique un grand
nombre d'articles de cet architecte.
' RONDELLI ( Geminiano } , célèbre
mathématicien , naquit le 2 août 1652,
dans un village près de Modène. il fit ses
études dans l'université de Bologne , oîi
il occupa les chaires de mathématiques
et de philosophie , fit d'excellens élèves ,
qui furent ensuite maîtres, de Zanotti ,
Canlerzani, Halcani, etc. On a de lui
différens ouvrages dont on cite les sui-
vans : 1 ° Aquarum fluentium mensura ,
nova methodo inquisita , Bologne, 1691,
in- 4. 2° Planorum et solidorum Euclidis
elementa facilioribus demonstrationibus
explicata, ibid. , 1693; 3° Universale
trigonometria lineare ologartimica ,
ibid., 1705 , in-4. Il est mort en 1735 ,
âgé de 83 ans.
RONDET (Laurent-Etienne), fils
d'un imprimeur de Paris et petit-fils de
Jean Boudot , dont nous avons un dic-
tionnaire latin-français très connu , na-
quit le 6 mai 1717, et mourut le l^'avril
nSS. Il s'est distingué particulièrement
RÔN
dans l'étude de la langue hébraïque , et
a donné une édition de la Grammaire
hébraïque de Fleury , professeur royal ,
sous le titre de Grammaticœ hebraicce
compendiosum exemplar , 1724 , in-fol.
( Rondet est principalement connu par
l'édition de la Bible , qu'il publia sous le
titre de Sainte Bible, en latin et en fran-
çais , avec des notes, des préfaces et des
dissertations, Paris, 1748- 50, l4vol.
in-4 , et qui est vulgairement connue
sous le nom de Bible de l'abbé de Vence,
quoiqu'il n'y ait eu aucune part, et que
l'éditeur n'ait pris dans les ouvrages de
ce savant docteur qu'un très petit nom-
bre de dissertations. Le plus grand nom-
bre des préfaces et des dissertations sont
de dom Calmet ; elles sont conservées
entièrement, mais revues, corrigées, et
quelquefois plus développées. La traduc-
tion, avec une paraphrase littérale , en
caractères italiques, intercalée dans la
traduction , est , à peu de chose près , la
même que celle du Père de Carrières.
Rondet donna une nouvelle édition de
cette Bible, Avignon , 1767 -74 , en 17
vol. in-4 ; il la revit avec un nouveau
soin , conféra ses notes avec celles du
Père Houbigaut , et ajouta beaucoup de
dissertations , qui sont le fruit de son
travail. Cette édition a été réimprimée à
Nîmes en 1 7 vol. in-8. Enfin , une 4^ édi-
tion, en 25 vol. in-8 , avec atlas in-4, a
paru à Paris ( 1828 ) , chez Méquignon-
Havard. Elle offre des changemens , des
améliorations , et est exécutée avec beau-
coup de soin. 3° Rondet a publié le pre-
mier volume d'un Dictionnaire historique
et critique de la Bible. ( 4" Il a encore
publié une seconde édition de la Bible
traduite sur les textes originaux par
l'abbé Le Gros, 1756, 5 vol. in-12;5<'
une autre édition du nouveau Testament
traduit par Mésenguy , 1754 , in-12 ; 6°
deux éditions de la Bible traduite par de
Sacy , 1758 et 1776 ; 7" des éditions du
Bréviaire de Carcassonne , du Bréviaire
de Cahors , du Bréviaire du Mans , du
Rituel de Soissons, etc. Toutes ces édi-
tions et les notes qui les accompagnent
prouvent l'application, les recherches et
le goût de Rondet pour les sciences ec-^
RON
clësiasliques ; il est fâcheux que , dans
plus d'un endroit , on découvre des vues
de parti , et des traces de ses liaisons
avec les agens d'une secte qui porte le
trouble dans la science théologique, en
même temps qu'elle essaie de détruire la
hiérarchie et l'union catholique. 8" Un
grand nombre de Dissertations , où l'au-
teur adopte presque toujours l'opinion
la moins suivie , et la plus propre à
nourrir des impressions désavantageuses
au texte sacré. Celle qu'il a donnée sur
les sauterelles de V Apocalypse est le
fruit du fanatisme le plus forcené , d'une
fureur de haine , indigne d'un chré-
tien et même d'un homme sensé. Nous
n'avons pas trouvé celte dissertation
dans la Bibleàe^onàei.{P^oyez leJourn.
hist. etlitt., 1" juin 1784 , p. 173. } On
l'a refondae dans Les Sept âges de VE-
glise, ou Conjectures sur le i prédictions
de l'Apocalypse de saint Jean, 17 83,
2 vol. in-12. 9" On marque le même
esprit dans la suite qu'il a dounée à la
Continuation de f Histoire ecclésiastique
de Fîeury, par Fabre. ( f^oyez ce mot. )
( Nous ne connaissons pas cette conti-
nuation : l'abbé de Feiler s'est peut-
être trompé en l'attribuant à Rondet : la
table des matières de cette Histoire est en
4 volumes : elle est de Rondet. Cette con-
tinuation n'est d'ailleurs qu'une esquisse
informe qui n'est bonne à rien. 10" Son
Précis de {'Histoire ecclésiastique est peu
estimé. Rondet a donné encore, 11° la
f^ie de AI. Besogne , panégyrique d'un
homme de parti , fait par un homme du
même parti. ( On peut consulter «sur les
ouvrages qu'il a publiés le Journal ec-
clésiastique de 1786, laFrance littéraire
d'Ersch , et le Dictionnaire des Ano-
nymes, tom. 4. p. 460. )
RONSARD ( Pierre de) , poète fran-
çais , né au château de la Poissonnière ,
dans le Venddmois , en 1624, d'une
famille noble , fut élevé à Paris au col-
lège de Navarre. Les sciences ne lui of-
frant que des épines, il quitta ce collège,
et devint page du duc d'Orléans, hls de
François I*', qui le donna à Jacques
Stuart , roi d'Ecosse , qui était venu
épouser en Fr^mce Marie de Lorraine.
RON 491
Ronsard demeura en Ecosse , auprès de
ce prince, plus de deux ans, et revint
ensuite en France , où il fut employé par
le duc d'Orléans dans diverses négocia-
tions. Il accompagna Lazare Baïf à la
diète de Spire. Ce savant lui ayant inspiré
du goût pour les belles-lettres , il apprit
le grec sous Daurat avec le fils de Baïf,
et cultiva les Muses avec un tel succès,
qu'on l'appela le Prince des poètes de
son temps. ( P^. Saint-Gklais. ) Henri H,
François U , Charles IX et Henri III le
comblèrent de bienfaits et de faveurs.
Ronsard ayant mérité le premier prix
des jeux floraux , on regarda la récom-
pense qui était promise comme au des-
sous du mérite de l'ouvrage et de la ré-
putation du poète. La ville de Toulouse
fit donc faire une Minerve d'argent massif,
et d'un prix considérable , qu'elle lui
envoya. Le présent fut accompagné d'un
décret, qui déclarait Ronsard /e Poète
français par excellence. Marie Stuart ,
reine d'Ecosse , aussi sensible à son
mérite que les Toulousains , lui donna un
buffet fort riche , où il y avait un vase
en forme de rosier, représentant le Par-
nasse , au haut duquel était un Pégase
avec cette inscription :
A Boudard, l'Apolloo de U source des Muses.
On peut juger, par ces deux traits, de
la réputation dont ce poète a joui , et
qu'il soutint jusqu'au temps de Malherbe.
Il y a de l'invention et du génie dans ses
ouvrages ; mais son affectation à mettre
partout de l'érudition , et à former des
mots tirés du grec , du latin , des diffé-
rens patois de France , a rendu sa ver-
sification dure , et souvent iniatelligible,
u Ronsard , dit Boileau ,
Par une aulre méthode ,
Bé|;lant tout, brouilla tout, fit uo art à >a mode;
£1 toutefois long temps eut un heureux destin.
Hais sa muse en français parlant grec et latin ,
Vit dans l'âge suivant , par un retour grotes(|ue.
Tomber de ses grands mots le faste pédantesque.
Ce poète a fait des Hymnes, des Odes ,
un poème intitulé la Franciade, des
Eglogues , des Epigrammes , des Son-
nets, etc. Il mourut au prieuré Saint-
Cosme-lez-Tours , l'un de ses bénéfices ,
en 1585, à 61 ans. U était singulièrement
vain, ne parlait que de sa maison , de ses
49^
RON
prétendues alliances avec des tètes cou-
ronnées. Il était né l'anni'e que François
I*'' fut défait devant Pavie ; comme si le
cteZ, disait-il, avait voulu par-là dédom-
mager la France de ses pertes. Les
Poésies de Ronsard partirent en 1 567 , à
Paris, en 6 vol. in-4,et en 1604, 10 vol.
in-12. (Elles ont été réimprimées à Paris,
1609 - 1623 , 2 vol. in-fol. ; 1629-1630 ,
10 tom. ou 5 vol. in-12. De tous ses vers
les auteurs des Annales poétiques n'ont
pu recueilir que trois petites pièces oii il
aurait encore à retrancher.)
*ROJNSlN (Charles-Philippe), géné-
ral républicain, né en 1152 à Soissons,
vint à Paris de bonne heure, et cultiva la
littérature dont il n'avait presque aucune
étude préliminaire. Dans les premières
années de la révolution dont il se montra
l'un desplus fougueux partisans, il donna
plusieurs Tragédies qui étaient com-
posées dans l'esprit du temps, et qui n'eu-
rent qu'un succès éphémère, dû aux prin-
cipes politiques qu'il y proclama: ce sont
Louis XII, la Ligue des fanatiques et des
tyrans , Aréonpiiyle ou la révolution de
Cyrène. On en cite encore quelques vers
que l'on ne retient que parce qu'ils sont
ridicules. Dès l'année 1791 il se lia avec
Danton , Marat et autres chefs du parti
populaire , dont il seconda les projets.
Après le 10 août 1792 , les protestans le
firent nommer commissaire ordonnateur
à l'armée des Pays Bas. Quoiqu'il s'acquit-
tât fort mal de cette mission, il fut néan-
moins sous Boucholte adjoint au minis-
tère de la guerre , où il montra la même
incapacité, il avait embrassé l'état mili-
taire , dans lequel il n'avait pour tout ta-
lent que de l'audace et de la férocité.
Elevé en moins de deux ans au grade de
général de l'armée révolutionnaire , il se
rendit à Meaux , et présida en quelque
sorte aux massacres des prisons. Oa l'en-
voya ensuite à Lyon , lors du siège de
cette ville, d'où il écrivit au club des
cordeliers : « Nous allons employer des
» moyens prompts pour nous débarrasser
j» en masse des contre-révolutionnaires ;
» et le Rhône , teint de leur sang , ira
» annoncer aux fédéralistes du midi leur
» destruction. » U fut peu de temps
RON
après employé dans la guerre de la Ven-
dée , où il se montra aussi habile général
qu'il avait été bon poète et sage admi-
nistrateur. Pendant tout le temps qu'il y
commanda , il ne compta que des dé-
roules , fit la guerre en bourreau , et
son nom le rendit digne de figurer
à côté de ceux de Weslermann et de
Rossignol. Quelqu'un lui ayant porté des
plaintes contre les vexations de son état-
major et de son armée , qui ravageaient
le pays , pillaieat les habitans et les
massacraient ensuite , il répondit : « Que
j) voulez-vous que j'y fasse ? je sais
)) comme vous que c'est un ramas de
i> brigands; mais il me faut de ces co-
3> quios-là pour mon armée : trouvez-
» moi des honnêtes gens qui veuillent
i> faire ce métier. » Cependant c'était le
métier qu'il faisait lui-même', et où il
donnait le premier l'exemple du brigan-
dage. Revenu à Paris , il vint rendre
compte de sa mission à la barre de
la Convention : alors il déclara que
depuis que cette assemblée avait mis la
terreur à l'ordre du jour , le peuple s'é-
tait élevé à la hauteur de la révolution ,
et en même temps il fit un récit succinct
des horreurs qu'il avait ordonnées lui-
même. Ces relations ne lui furent point
favorables : mis en arrestation avec Vin-
cent , autre adjoint du ministre de la
guerre, il ne recouvra la liberté que
quelque temps après , sur la demande de
ses amis. U se détacha du parti de Dan-
ton , et se fit un des chefs des hébertistes,
qu'il voulait élever au dessus de la com-
muneetdela Convention elle-même. i£u
agissant ainsi, il pensait favoriser ses
vues particulières plutôt que cette fac-
tion d'athées. Privé de tous les moyens
qui font aspirer aux grandes places,
Ronsin avait une ambition démesurée ,
et avait pris, dit-on, pour modèle Crom-
wel , dont il imitait l'audace et se pro-
posait d'égaler la fortune. Mais d'autres
factieux plus adroits surent déjouer ses
projets ; Robespierre le fit arrêter de nou-
veau sur l'accusation qu'il avait voulu
donner un tyran à ta France. Traduit
devant le tribunal révolutionnaire , et
livré au farouche Fouquier-Tainville , il
ROO
fut condamné à mort et exécaté le 24 mars
1794, à J'àge de 42 ans. Plusieurs des
pièces dramatiques de Ronsin ont été
réunj|es sous le titre de Théâtre de Ron-
sin, Paris, n96,in-12; M. A.-A. Barbier
lui attribue encore la traduction de la
Chute de Rufin, 1780, in-8 ; voyez son
Dictionnaire des Anonymes.
* ROOKE ( Laurent ) , astronome et
[" géomètre anglais, naquit à Deptford,
dans le comte de Kent, en 1613. Il fit
»ses cours à Cambridge et étudia l'astro-
nomie à Oxford , dans le collège de
Wadham , où il eut pour maître M. Steh-
ward, auquel il fut adjoint pendant quel-
que temps. Il avait aussi cultivé la chimie,
et il aida M. Boyle dans ses expériences.
Il obtint en 16à2 la chaire d'astronomie
au collège de Gresham ; il la changea
contre celle de géométrie. Laurent Rooke
se donna un soin particulier pour perfec-
tionner les statuts de la société royale de
Londres, dont il forma le premier noyau
en 16G0. Il était un des hommes les plus
silencieux de l'Angleterre ; il évitait les
discussions et les conversations un peu
K longues : afin ne pas trop parler, il ne
voulut pas même faire son testament par
écrit, et fit son légataire universel le
docteur Ward, évéque d'pxester, en lui
disant devant un notaire et des témoins
ce peu de mots : « Je vous laisse tout ce
» que j'ai. » Il mourut en 1 662 à l'âge de
49 ans. On a de lui : 1° Description d'une
Expérience , consistant en un tube
rempli d'huile, et où ce liquide baisse
lorsque le soleil est dans toute sa force ,
et monte lorsqu'il est obscurci par quel-
que nuage ou qu'il incline vers son cou-
chant ; 2° Avis aux gens de mer qui vont
aux Indes orientales et occidentales ;
3" Observations sur la comète de 1662 ;
4° Méthode pour observer les éclipses
de lune ; 5° Observations sur les éclipses
des satellites du soleil , etc.
* ROOKE ( Sir Georges ) , vice-amiral
anglais, né en 1650 à Kent, était très
jeune lorsqu'il entra dans la marine ; il
ne tarda pas à s'y distinguer par son ha-
bileté autant que par sa valeur. Il vécut
sous les règnes de Guillaume et d'Anne ,
et fut chargé de plusieurs expéditions où
ROP 493
il donna des preuves de courage et d'in-
telligence. Il était Commodore lorsqu'il
conduisit en Irlande l'escadre destinée à
soumettre celte Î4e. La flotte de Smyrne
étant tombée au pouvoir des Français, il
parvint à leur en enlever une partie après
un combat sanglant. Dans les guerres de
la succession du trône d'Espagne , il se
trouva à la prise , ou plutôt à l'occupa-
tion de Gibraltar, que le commandant
de cette place livra aux Anglais moyen-
nant une forte somme. A la bataille de
la Hogue et à celle de Malaga , il se fit
remarquer par une intrépidité peu com-
mune. La ville de Portsmouth l'appela
au parlement ; mais né d'un caractère
indépendant, il ne pouvait plaire aux mi-
nistres : ceux-ci cherchèrent à le desser-
vir auprès du roi Guillaume, et on insi-
nua à ce prince de l'éloigner du bureau
de l'amirauté ; mais il leur répondit :
« Je ne le ferai jamais ; Rooke m'a servi
» sur mer avec fidélité ; je ne le déplace-
)) rai pas, pour agir d'après ses propres
■n lumières en faveur de son pays dans la
)> chambre des communes. » Ayant voté
en 1701 pour l'admission de M. Harley
aux fonctions d'orateur de la chambre , il
s'attira l'inimitié du parti des whigs ,
qui , à force de persécutions , parvinrent
à le forcer de quitter le service. Telle
fut la récompense qu'obtint ce brave of-
ficier après ses longs services. Il termina
sa carrière dans la retraite le 24 août
1708 , âgé de 58 ans. On ne lui trouva
qu'une très modique fortune. « Je laisse
M peu, disait-il à ceux de ses amis qui
}) avaient assisté à son testament, je laisse
3) peu ; mais le peu que j'ai n'a coûté ni
» une larme à mes matelots, ni un denier
» à mon pays. « Ces sentimens étaient
dignes de son caractère , dont la probité
ne se démentit jamais. Il avait été marié
trois fois ; mais il n'eut qu'un seul fils que
lui donna sa seconde femme.
* ROPER ( iMarguerite More , dame ) ,
fille de Thomas More ou Morus, naquit
en 1508. Elle épousa William Roper ,
avocat-g^énéral du roi Henri VIII , qui a
écrit la f^ie de son beau-père. Elle s'était
livrée de bonne heure à l'étude, et avait
acquis de bonne heure des connaissances
494 ' ROP
étendues dans les langues latine et grec-
que. Elle savait en outre la rhétorique ,
la logique, la philosophie, la g(^ométrie,
l'algèbre, l'histoire, la musique , etc.
L'étendue de ses connaissances la fit re-
garder rorame un prodige. Ses occupa-
tions littéraires ne la détournèrent pas
de ses devoirs domestiques. Mistriss Ko-
per était bonne épouse ; elle fut aussi ten-
dre fille, et, lorsque son père fut enfermé
dans la tour de I^ondres, elle mit tout en
usage pour le déterminer à prêter le ser-
ment que le roi eiiigeait de lui ; mais
Thomas Morus s'y refusa constamment.
Bientôt on lui ôla tout moyen de corres-
pondance , et il lui écrivit avec du char-
bon. Sa fille l'attendit dans les rues pu-
bliques au moment ou on le conduisait
au supplice , se fraya un passage parmi
la foule, et le tint long-temps serré dans
ses bras. Thomas lui adressa quelques
mots, la regarda en pleurant, sans ce-
pendant perdre de sa fermeté , et lui
donna enfin le dernier adieu. Elle fit in-
humer le corps de son père ; mais sa tète
devant rester quinze jours exposée sur le
pont de Londres , sa fille l'acheta du
bourreau. Mandée devant le conseil à ce
sujet, elle dit qu'elle avait acheté la tète
de son père, pour qu'elle ne fût pas dé-
•yorée par les poissons. Arrêtée et mise
en prison, elle recouvra sa liberté aux
instances de son mari, qui put désarmer
la colère du roi. La mort de son père lui
avait causé la plus profonde douleur et
miné sa santé. Elleen gardait la tête dans
une boîte de plomb , qu'elle visitait plu-
sieurs fois par jour. Celte vue et ses tris-
tes souvenirs la conduisirent bientôt au
tombeau , et elle mourut en l.')44 , âgée
de 36 ans. Elle fut enterrée , d'après ses
dernières dispositions , tenant dans ses
bras la tête de son père. Mistriss Roper a
laissé les ouvrages suivans en latin : 1°
E pitre; 2° Discours et poèmes ; 3° Dis-
cours en réponse à celui où Quintilien
accuse un riche d'avoir empoisonné les
abeilles d'un pauvre avec des fleurs vc-
ne'neuses plantées dans son jardin ; 4*
Histoire ecclésiastique d'Eusèbe , tra-
duite du grec ; 5° Traité des quatre der-
nières heures de V homme. Thomas Morus
ROQ
avait entrepris d'écrire sur le même su-
jet, qu'il abandonna, lorsque ayant vu le
traité de sa fille , il le trouva supérieur
au sien. Tous les ouvrages de mistriss
Roper sont écrits avec profondeur , et
d'un stile énergique et correct.
ROQUE (Gilles André de la) , sieur
de la Lontière, gentilhomme normand,
savant herald iste, né eni597 danslevillage
de Cormelles, prèsdeCaen , mortà Paris,
en 1687 , à 90 ans, s'est fait un nom par
plusieurs ouvrages sur les généalogies et
sur le blason. Les principaux sont: fun
Traité curieux de la noblesse , et ses
diverses espèces , in- 4 , houen , n 64 ; 2°
Traité du ban , in- 12, qui est bon ; 3" la
Généalogie de la maison d'Harcuurt ,
in-fol., 4 vol., 1662, curieuse par le
grand nombre de titres qu'il rapporte; 4**
Traité des noms et surnoms, in-I2, su-
perficiel ; 5° Histoire généalogique des
maisons nobles de Normandie, Caen,
1654 , in-fol. L'auteur avait une mémoire
prodigieuse; il connaissait toutes les frau-
des généalogiques dont on s'était servi
pour illustrer certaines familles, et il se
faisait un plaisir de les dévoiler.
ROQUE ( Antoine de la) , poète fran-
çais, né à Marseille , en 1672, mort à
Paris , en 1744 ^chevalier de l'ordre mi-
litaire de Saint-Louis , fut chargé , durant
23 années, delà composition du Mercure.
Jean de la I\oque , son frère , membre de
l'académie des belles-lettres de Marseille,
mort à Paris, en 1745, à 84 ans, avait
fait plusieurs voyages dans le Levant. Il
travailla au Mercure avec son frère, dont
il partageait le goût et les talens. L'un et
l'autre sont connus par des o.uvrages. On
a du premier les paroles de deux opéras,
Médée etJason , et Théonoré, tragédie,
dont la musique est de Salomon; et du
second : 1° P'oyage de l'Arabie Heu-
reuse, in-1 2 ; 2° Voyage de la Palestine,
in-1 2 ; 3° Voyage de Syrie et du Mont-
Liban , avec un Abrégé de la vie de du
Chasteuil, in-1 2.
ROQUE. Voyez Roqurs.
ROQUE. Voyez Larroquk.
ROQUELAURE( Antoine, baron de),
né d'une maison noble et ancienne en Ar-
magnac, connue dans l'histoire depuis le
ROQ
Ï2« siècle, fut destiné à l'élat ecclésias-
tique , qu'il quitta pour prendre l'état mi-
litaire, lors de la mort de l'aîné de ses deux
frères. Jeanne d'Albert, reine de Navarre,
l'engagea dans le parti du prince son
fils, qui le fit lieutenant de la compagnie
tde ses gardes. (Roquelaurefulun de ceux
qui déterminèrent Henri IV à se faire ca-
tholique, et qui lui conseillèrent de se
séparer de Gabrielle d'Estrées.J Le roi de
Navarre, devenu roi de France sous le
nom de Henri If^ , récompensa ses ser-
vices et sa fidélité par la place de grand-
maître de sa garde-robe en 1689 , par le
collier du Saint-Esprit , en 1695, et par
divers gouvernemens , dont le plus consi-
dérable était celui de la Guyenne. Il se
trouvait dans le carrosse du roi quand ce
grand prince fut assassiné par Ravaillac.
.' Louis XIII ajouta à ces bienfaits le bâton
de maréchal de France, en 1615. Roque-
laure ne s'endormit pas sur ses lauriers,
remit dans le devoir Kérac, Clairac, et
»~ quelques autres places. Il mourut subite-
ment à Lectoure, en 1625, dans sa 82*
année.
ROQUELAURE ( Gaston- Jean - Bap-
tiste , marquis , puis duc de ) , fils du
précédent, né en 1617, se signala dans
divers sièges et combats , fui blessé et
fait prisonnier au combat de la Marfée
en 1641 , et à la bataille de Honnecourt
en 1642. Il servit de maréchal-de-camp
au siège de Gravelines, en 1644, et à
celui de Courtrai , en 1646. Il devint
ensuite lieutenant-général des armées du
roi, et fut blessé au siège de Bordeaux.
Le roi , aussi content de ses services que
charmé de ses plaisanteries , le fit duc et
pair de France en 1652, chevalier de
ses ordres en 1661 , et gouverneur de
la Guienne en 1676. ( 11 avait épousé
une des favorites du roi : ce qui contri-
bua beaucoup à sa fortune. ) Ce seigneur
mourut en 1686, à 68 ans. C'est à lui
que le peuple attribue une foule de bons
mots et de boufonneries aussi plates que
ridicules. On en a fait un recueil , sous
le titre de Momus français, Cologne ,
1727, in-16, qui est merveilleux pour
amuser les laquais. — Son fils , Antoine
Gaston ; duc de Roquelauke, mort à Pa-
ROQ 495
ris en 1738, à 82 ans , commanda en
chef en Languedoc , et fut élevé à la di-
gnité de maréchal de France , en 1724.
Sa maison fut éteinte par sa mort, n'ayant
laissé que deux filles, la princesse de
Pons et la princesse de Léon.
* ROQUELAURE ( Jean-Armand de
Bessuejols de ) , archevêque de Malines,
né à Roquelaure près de Paris en 1721,
n'appartient point à la famille des Ro-
quelaure d'Armagnac ( voyez les ar-
ticles précédens ), mais à une maison no-
ble du Rouergue qui possédait une sei-
gneurie dans cette province. Destiné à l'é-
tat ecclésiastique, il fut reçu docteur en
théologie en 1744 ; il fut ensuite nommé
évêque de Senlis en 1 754 , et sacré le 26
juin de la même année. La charge de pre-
mier aumônier du roi ayant vaqué, ses
amis lui conseillaient de l'acheter. Elle
lui convenait ; mais la finance était de
100,000 écus, qu'il n'avait pas. Louis XV
ayant été informé des motifs qui l'empê-
chaient de la rechercher, lui fit donner
100,000 francs, en Ini conseillant de trai-
ter, et ajoutant qu'il trouverait bien le
reste dans la bourse de ses amis; il fut
revêtu de cette charge en 1764.Unecom-
mission pour la réforme des ordres reli-
gieux ayant été formée en 1767, M. l'é-
vêque de Senlis en fut nommé membre ,
et eut dans ses attributions l'ordre de
Cîteaux. Il assista au chapitre général
tenu à cette occasion. Les supérieurs et
membres de cet ordre se louaient beau-
coup de la bienveillance avec laquelle il
s'y était comporté à leur égard. Peu de
temps après , il fut appelé au conseil d'é-
tat en qualité de conseiller ordinaire
( 1767 ). L'académie française se l'asso-
cia en 1770 , à la place de Moncrif , et le
roi le nomma commandeur de l'ordre du
Saint-Esprit en 1779. Il était resté le seul
prélat commandeur de l'ordre, reçu sui-
vant les formes anciennes. A la révolu-
tion , il refusa le serment avec la presque
totalité des évêques ses collègues. Il fut
cependant du petit nombre de ceux qui
ne quittèrent point la France. On ignore
quels motifs le portèrent à y rester ; mais
il y eut de grands dangers à courir. Il
s'était retiré à Arras, patrie de l'abbc
4^6
ROQ
Bertoud, son grand-vicaire, ancien jé-
suite, et le compagnon fidèle de sa bonne
et de sa mauvaise fortune. Il y fut mis en
arrestation par Joseph Lebon, et destiné
par ce révolutionnaire à être une des
victimes des fureurs de cette désastreuse
époque. En attendant, il était chaque
jour amené devant le féroce proconsul ,
qui publiquement le chargeait d'outra-
ges. La réaction qui eut lieu à la mort de
Robespierre arracha Roquelaure à une
mort certaine. Rendu à la liberté , il vint
s'établir à Crépy en Valois, petite ville
de son diocèse. Il y vivait dans une pro-
fonde retraite avec une nièce et un petit-
neveu, qu'il prenait lui-même la peine
d'instruire. En 1797 , il fit un voyagea
Senlis , y officia et y donna la confirma-
tion. Le 4 septembre 1801 , il envoya la
démission de son siège, et fut nommé
en 1802 archevêque de Malines. Il s'ap-
pliqua à rétablir l'ordre et la discipline
ecclésiastique dans ce diocèse, et le gou-
verna jusqu'en 1808, époque où il fut
remplacé par M. l'abbé de Pradt. Nom-
mé vers cette époque chanoine de Saint-
Denys, il vécut à Paris avec l'abbé Ber-
toud, jusqu'à ce que celui-ci, qui ne
l'avait jamais quitté , vint à mourir. Ro-
quelaure fréquentait assidûment l'aca-
démie , jusque dans ses dernières années,
quoiqu'il fût devenu extrêmement sourd.
Sa vue aussi avait baissé au point de re-
connaître difficilement les personnes
avec lesquelles il avait eu des relations.
Il mourut sans maladie ni douleur , com-
me on s'endort , le 24 avril 1818, à l'âge
de 97 ans accomplis. Ses obsèques eu-
rent lieu le 27 du même mois à Saint-
Sulpice. Sa dépouille mortelle fut portée
à Senlis, oii il avait désiré d'être inhu-
mé. Il avait gouverné ce diocèse pendant
47 ans, et comptait à sa mort 64 ans
d'épiscopat. On a de Roquelaure : 1°
Oraison funèbre de la reine (C E spagne^
1761 , in-4 ; 2° Sermon pour la profes-
sion de madame Louise aux Carmélites
deSaint-Denys, 1774 , in-4; 3" Oraison
funèbre de Louis Xf^ , prononcée à Saint-
Denys, 1774 , in-4 ; 4" Discours de ré-
ception à l'académie française. Il y a en
outre de lui^ étant archevêque de Mali-
ROQ
nés, une lettres son clergé, par laquelle
il ordonnait la signature d'une formule
conforme au\ termes d'un rescrit da sou-
verain pontife , au sujet du serment de
haine à la royauté. Ce rescrit comman-
dait à ceux qui l'avaient prêté de se sou-
mettre au jugement du saint-Siége, qui
condamnait ce serment et blâmait ceux
qui , ne l'ayant pas prêté, regardaient les
premiers comme schismatiques. {Le Dis-
cours prononcé à ses funérailles par M.
Daru , chancelier de l'académie française,
est inséré dans les Annales encyclopédi-
ques de juin 1818 , tom. 3, pag. 327.)
ROQUES ( Pierre ) , théologien pro-
testant, né à laCaune, petite ville du
Haut-Languedoc , en 1 685 , de parens cal-
vinistes, devint en 1710 ministre de l'E-
glise française à Bàle, où il s'acquit l'es-
time des honnêtes gens par sa probité et
par ses écrits. Il y mourut en 1748. On
a de lui un très grand nombre d'ouvrages
faits avec ordre , et pleins d'une érudi-
tion profonde , mais écrits d'un stile un
peu négligé; les principaux sont: 1°
Le Tableau de la conduite du chrétien ;
2" Le Pasteur évangélique , in-4 , ou-
vrage estimé des pioteslans, et traduit
en diverses langues ; 3" Les élémens des
vérités historiques , dogmatiques et mo-
rales , que les éc> ils sacrés renferment ;
4" Le vrai piétisme .- 5" des Sermons
pleins d'une morale exacte, mais dont
l'éloquence est peu pathétique et ne se
ressent pas de cette chaleur pénétrante,
de cette onction douce qui semblent être
exclusivement attachées au langage de
la vérité tout entière ( voyez Kempis ) ;
6° Les Devoirs des sujets ; 7° Traité
des tribunaux de judicature , 8" une édi-
tion augmentée du Dictionnaire de Mo-
reW, Bàle, 1731,6 vol. in-fol. ; 9" la
première Continuation des Discours de
Saurin sur la Bible, 10" la nouvelle édi-
tion de la ^jWe de Martin, en 2 vol. in-4;
1 1" diverses pièces dans le Journal hel-
vétique et dans la Bibliothèque germani-
que. Si on excepte ce qui , dans ces di-
vers ouvrages, tient aux erreurs de Ja
secte de Calvin , on ne peut qu'en faire
J'éloge. (Savie a été écrite par Frey, Bàlei
17 84, in-4.)
ROR
ROQUESAJNE ( Jean ), ou plutôt
Rockysana, sectateur des hussites et chef
des caUxtins, fut député en 1432 , avec
plusieurs de ses disciples, au concile de
Bâie, où l'on condamna les erreurs de
Jean Hus.U montra de la docilité aux dé^
cisions du concile, souscrivit et fit sous-
crire ses compagnons aiix décrets de cette
assemblée , sous la condition qu'on leur
permettrait la communion sous les deux
espèces ; le concile y consentit, et le ré-
compensa en le désignant pour archevê-
que de Prague. De retour dans cette ville,
il aÛecta tant de vanité et de précipita-
tion à exercer les prérogatives de sa di-
gnité, que l'empereur, qui en fut choqué,
lui fil refuser les bulles [du saint-Siége. Il
s'exila lui-même de dépit, et recommen-
ça à semer le trouble et ses erreurs dans la
Bohême jusqu'à sa mort, arrivée vers 1471.
RORARIO ( Jérôme), littérateur,
né en 1485, à Pordenonc,dansleFrioul,
nonce du pape Clément VII à la cour
de Ferdinand , roi de Hongrie , s'est fait
un nom par un traité , intitulé : Quod
nnirnalia bruta ratione iitantur melius
/io//ziwe , Amsterdam , ICGG, in-l2. On
peut l'envisager en quelque sorte com-
me un paradoxe moral, qui reproche
aux hommes l'abus de la raison, tandis
que les brutes remplissent leur destina-
tion sans s'écarter de la route que le Créa-
teur leur a tracée. Il est vrai encore
que l'iuslinct des bêles est plus sûr et
plus infaillible dans les opérations phy-
siques que la raison de l'homme. Mais
si les assertions de P>orario se prenaient
à la lettre, elles seraient d'une absurdité
repoussante; elles prouveraient que les
astres, qui circulent avec une régularité
si géométrique et si constante ; que les
plantes, qui s'arrangent avec tant de sy
métrie , qui poussent des fleurs et des
fruits si agréables et si utiles , sont rem-
plis d'intelligence. Son livre, du reste,
n'est pas mal écrit , et l'on y trouve plu-
sieurs faits singuliers sur l'industrie des
bêles et la malice des hommes. Il avait
composé auparavant un Plaidoyer sur
les rats , imprimé dans le pays des Gri-
sons , en 1648. On pouvait l'appeler
Y Avocat des bêtes.
ROS 497
ROSA Alba ( Carriera ). F'oyez Cab-
RtEHA.
*ROSA (Salvator ), peintre, graveur
et poète, né en 1615, à l'Arenella, près
de Naples , eut pour père un pauvre ar-
penteur qui le destina cependantà la
carrière du barreau. Placé chez les Pères
Somasques pour y acquérir les premiers
élémens de l'instruction, il manifesta
bientôt un goût irrésistible pour la pein-
ture. La mort de son père l'ayant entiè-
rement privé de ressources, il connut la
misère : toutefois il suivit sa vocation ,
mais sous les plus fâcheux auspices. Il
n'avait reçu que quelques leçons d'un
oncle maternel, nommé Gréco, assez mau-
vais artiste ; il fut employé ensuite par
Fr. Fracanzani et Aniello Falcone, et re-
çut d'ulilesconseils de L'Espagnolet. De-
puis quelque temps, il travaillait pour les
brocanteurs de Naples -. le besoin l'avait
réduit à exposer ses tableaux dans les
places publiques. Laufranc , qui remar-
qua du talent dans ses ouvrages, en
acheta plusieurs, et l'encouragea. Sal-
vator , flatté du suffrage de ce grand
maître, se porta avec plus d'ardeur à l'é-
tude. D'après les conseils de Lanfranc ,
Salvator vint à P»ome en 16-35; mais les
fatigues qu'il avait essuyées elles priva-
lions auxquelles il fut contraint de se con-
damner pour satisfaire sa curiosité , lui
firent contracter une maladiequi l'obligea
de revenir dans sa patrie pour y respirer
l'air natal. Quelques années se passèrent
avant qu'il pût retourner dans la capitale
des beaux^arts : il employa tout ce temps
à peindre des batailles, genre de compo-
sition qu'il préférait, et qui convenait à
son imagination ardente et chagrine.
Une place lui ayant été promise dans la
maison du cardinal Braucaccio,il se ren-
dit à Rome, et, lorsque son patron fut ap-
pelé au siège épiscopal de "Viterbe , il le
suivit dans celte ville oîi, entre autres ou-
vrages , il exécula pour l'église de la mort
le tableau de saint Thomas mettant le
doigt dans les plaies du Sauveur. Bien-
tôt fatigué de sa condition trop dépen-
dante, il reparut à Naples , puis s'achemi-
na vers Rome. Salvator était sans nom :
ne pouvant allirersur lui les suffrages du
63.
49^ ROS
public occupé eiclusivenieut par LeDo-
miniquin, Le Guide, L'Albanc,il résolut
délirer parti des divertissemcns ducai-
navaipourse faire connaître, llprilledc-
guisement d'un charlatan et parcourut
les divers quartiers de Rome sous le nom
de Formica cl &OUS le masque de Coviello,
distribuant aux curieux, constamment at-
troupés autour de lui pour entendre ses
lazzis, les diiférens remèdes contre îes in-
firmités de tout genre. Il ne s'arrêta pas
en si beau chemin : ayant réuni quelques
jeunes gens , il débuta avec eux sur un
petit théâtre de société, et en peu de temps
ses représentations attirèrent ce qu'il y
avait de mieux dans Rome. Lorsqu'il put
être assuré des suffrages du public, il osa,
dans un prologue qu'il avait composé
pour une de ses meilleurse pièces , mêler à
de sages critiques sur le mauvais goût de
la scène italienne de ce temps, quelques
sorties acerbes contre de mauvaises farces
représentées au Vatican , sous la direc-
tion de Bernen , alors le régulateur su-
prême des beaux-arts à Rome. Salvator
Rosa s'était exposé à de grands périls : il
dut à ses admirateurs les moyens d'y
échapper; mais en même temps il s'était
fait connaître comme poète, musicien,
ccleur : on sut aussi qu'il était pein-
tre. Dès lors il fut recherché de toutes
parts, et sa fortune ne resta pas en arrière
de sa réputation. Bientôt , il lui prit le
bizarre caprice d'aller étaler son opulence
dans la ville oii naguère , obscur associé
aux travaux de Falcone, il lui restait à
peine , après avoir vendu un tableau ,
de quoi acheter une nouvelle toile. C'est
pendant son séjour à Naples qu'éclata
l'insurrection populaire par. laquelle le
pêcheur Masanieilo fut porté au pouvoir
suprême. La chute de ce roi d'un jour
força Salvator qui avait été l'un de ses
chauds partisans, à retourner à Rome,
puisa Florence. Cependant il revint quel- ■
que temps après à Rome oîi il mourut en
1673. U a principalement excellé à pein-
dre des combats , des marines , des pay-
sages , des sujets de caprice, des ani-
maux et des ligures de soldats. Sa touche
est facile et très spirituelle; son paysage,
et surtout le feuiller de ses arbres est
ROS
d'un goût exquis. Il peignait avec une
telle rapidité, que souvent il commen-
çait et finissait un tableau en un jour.
On remarque dans ses ouvrages un génie
bizarre, un talent qu'il s'était créé lui-
même , des figures gigantesques, et quel-
ques incorrections. On a plusieurs mor-
ceaux gravés de sa main , qui sont d'une
touche admirable; C. Antonin en a gravé
une autre collection, Rome, 1780. Sal-
vator unissait le talent de la poésie à celui
de la peinture. U a composé des Satires
(Amsterdam, 1719, in-8 , et 1770, aussi
iu-8 ), dans lesquelles il y a de la Anesse et
des saillies très spirituelles. Parmi ses sa-
tires, on distingue celles sur la Musique ,
la Peinture, la Poe'sie et la Guerre. Elles
ont été souvent réimprimées, ainsi que
son beau poème sur V Envie. ) Un
grand nombre de biogr.iphes italiens ont
consacré des Notices à Salvator. On peut
consulter en outre Fie et siècle de Sal-
vator Rosa par lady Morgan, 1 824, 2 vol.
in-8 , traduit en français par M"* So-
bry , Paris, 1825, 2 volumes in-8 ou
in-i2. L'auteur a placé à la fin de son
livre des lettres familières de ce grand
peintre.
ROSALIE ( Ange de Sainte-). Foyez
Ange.
ROSAMONDE. Foyez Rosemonde.
ROSCELIN DE CoMPiÈGisE, ainsi nom-
mé, parce qu'il était chanoine de Saint-
Corneille d« cette ville ( le Dictionnaire
des hérésies l'appelle simplement clerc
de Compiègne , quoique Breton de nais-
sance ) , était un des docteurs les plus re-
nommés de son temps, mais beaucoup
plus versé dans la dialectique que dans la
théologie. Il fut un grand partisan, et, se-
lon quelques auteurs, un chef zélé de la
secte des nominaux , combattus par
les réalistes avec une chaleur qui al-
lait jusqu'à l'animosité. Saint Anselme,
malgré sa modération naturelle , disait
qu'ils étaient moins des philosophes que
des hérétiques en matière de philoso-
phie. Roscelin, voulant appliquer les sub-
tilités de son école aux matières sublimes
de la religion, donna véritablement dans
l'erreur , ou du moins dans cette nou-
veauté profane d'expressions qui produit
ROS
d'une manière nouvelle el inadmissible
le mystère da la sainte Trinité. Con-
damné au concile deSoissons vers 1093,
il se relira en Angleterre, revint en
France , habita Paris , et dogmatisa de
nouveau. Ramené à la foi catholique , à
ce qu'il paraît , par la charité d Yves de
Chartres, il mourut vers 1107 cha-
noine de Saint-Martin de Tours. C'est du
moins ce que semblent croire les béné-
dictins auteurs de l'Histoire littéraire de
France, tora. 9.
ROSCIUS (Quintus), Gaulois de na-
tion, né dans le territoire de Lanuvium,
vers l'an de Rome 625, fut le plus célèbre
acteur de son siècle pour la comédie. Ci-
céron a parlé de ses talens avec enthou-
siasme. Cet orateur dit » qu'il plaisait
» tant sur le théâtre, qu'il n'aurait ja-
» mais dû en descendre ; et qu'il avait tant
»' de vertu et de probité , qu'il n'aurait
M jamais dû y monter. » Il prit sa défense
contre Fannius Chéréa , et c'est à cette
occasion qu'il fit son beau discours pro
Boscio. La république lui faisait une pen-
sion de 20 ,000 écus, et quoiqu'on fût
dix ans de suite sans la lui payer, il ne
cessa pas de représenter. Le comédien
Esopus , son contemporain , avait selon
Pline un revenu annuel qui équivaut à
environ 150,000 livres. Roscius aurait
pu se procurer un bien autre revenu ,
s'il eût voulu tirer parti de son talent,
puisque Cicéron dit formellement dans sa
harangue pour cet acteur , qu'il pouvait
gagner tous les ans près d'un million
650 , 000 liu. ; anecdote qui seule prouve
jusqu'où la fureur des spectacles, l'oisi-
veté el la frivolité étaient montées chez
les derniers Romains. « Les histrions et
» autresbaladins, dit un auteur moderne,
u prétendaient partager la gloire des em-
» pereurs. Tout le monde sait l'aventure
» du ùùleur Princeps , qui , s'appliquant
» les éloges donnés à Auguste, en remer-
w ciait le parterre avec des protestations
M dignes de la plus profonde modestie.
» {f^oyez Phèdre, liv. 6, fab. 7.) Une
«> espèce de frénésie incompréhensible ,
» mais dont la reproduction se prépare,
» transportait dans les coulisses les matro-
)i nés les plus graves pour y baiser, dans
ROS 499
» l'ivresse d'une luxurieuse folie , les
» masques et les habits des farceurs. Ce
» paroxisme d'une passion peu différente
» d'une rage décidée ne se calma que
j) lorsque le christianisme étendit sur la
» terre l'empire de l'innocence et des
)) mœurs. » [F'oyez Baron , Fresne, Eso-
pus, Garrick. ) C'est à tortqu'on a avancé
que Roscius était le premier qui se fût
servi du masque : il est vrai qu'il avait les
yeux un peu de travers ; mais cette dif-
formité ne l'empêchait pas d'avoir bonne
grâce en déclamant. Ce comédien mou-
rut vers l'an 61 avant J. C. Il avait com-
posé un Parallèle des mouvemens da
théâtre et de ceux de l éloquence ; cet
ouvrage n'est point parvenu jusqu'à
nous. ( f^oyez au tome 4 des Mémoires
de l'académie des Inscriptions les re-
cherches qu'a faites l'abbé Fraguier
sur la /'i'e de Roscius.) — Il ne faut
pas le confondre avec Sextus Roscius
Amerinus, accusé de parricide, dont
Cicéron prit la défense, et pour qui il
fit la belle harangue pro Sexto Koscio
Amcrino.
ROSCOMMON ( Wentworth Dillon ,
comte de) , d'une ancienne et illustre
maison d'Irlande , où il naquit vers 1 G33 .
(Pendant les troubles d'Angleterre qui pré-
cédèrent la mort du comte de Stalford,
il vint en France, et fit une partie de ses
études à Caeu , sous la direction du sa-
vant Gochart. De retour en Angleterre, il
passa plusieurs années à la cour ; mais
une discussion d'intérêt qu'il eut avec le
lord du sceau privé l'obligea de se reti-
rer en Irlande. Le duc d'Ormond , vice-
roi du pays , le fit capitaine de ses gar-
des. Il devint ensuite écuyer de la du-
chesse d'York , qui lui fit épouser la fille
du comte de Burlington. Les charmes de
son esprit et de son caractère lui conci-
lièrent l'amitié de Dryden et des autres
hommes lettrés d'Angleterre. Il mourut
en 1684. Ses ouvrages sont : 1° une Tra-
duction , en vers anglais , de l'Art poéti-
que d'Horace ; 2° un poème intitulé :
Essai sur la manière de traduire en
vers. Ces deux ouvrages ont été impri-
més avec le« Poésies de Rochester ,
Londres, 1731 , in- 12. Pope, dans son
5oo nos
Essai sur la critique, parle àe lui avec
cMoge :
Ici éuit Roai-oiiiiiinn . auteur ilonl la ukiMinc*
Egalait la bonté , l'etpril et la Kieiirr.
l>ea Greca cl des Latins partisan dériaré,
llainiaii leurs écrits, mais en juge éclairé.
Injuste pour lui seul, pour tout aune équitable ,
Toujours au vraituérite on le vit fatorable.
ROSE ( Sainte ) , née à Vilerbe , fut
célèbre dans le 1 3" siècle par ses vertus et
par les grâces dont le ciel la combla. Elle
entra dans le tiers-ordre de Saint-Fran-
çois , et y passa sa vie dans la prière et
les austérités de la pénitence. Elle mou-
rut en 1 2G 1 . La ville de Viterbe conserve
un vif souvenir de sa sainte vie et un
grand respect pour sa mémoire. On voit
' sa statue sur une des portes de la ville.
ROSE (Sainte), religieuse du tiers-
ordre de Suint-Dominique, née en 1586
à Lima dans le Pérou, fut la sainte Thé-
rèse du Nouveau-Monde. Elle fut tantôt
consolée par des ravissemens, tantôt
éprouvée par des peines intérieures. Sa
mortification fut extrême; elle répandait
du fiel ou de l'absinthe sur ce qu'elle man-
geait : sa douceur , son humilité, sa cha-
rité , et ses autres vertus ne laissèrent
aucun doute sur l'esprit qui la dirigeait
dans ses austérités. Elle mourut le 24 août
1617 , âgée de 31 ans, et fut canonisée
Vn 1671. Sa F'ie a été écrite par le Père
Hausen, dominicain. (Le Père Paul Olivier
proTionça son panégyrique à l'occasion
de sa canonisation préconisée par Clé-
ment X.)
ROSE ( Guillaume ) , prédicateur de
Henri III, évêque de Senlis et le plus fa-
meux ligueur qui fût en France , (naquit
en lô42à Chaumont en Bassigny d'une
famille noble. Ses succès dans la chaire
lui ayant valu les places de prédicateur
et d'aumônier de Henri HI , il adressait
souvent à ce prince, surtout dans les so-
lennités publiques, des réprimandes amè-
res , et faisait contre lui les sorties les plus
hardies. Lors du carême de 1583 , Henri
ne répondit que par un présent de 300
écus aux attaques dont il avait été l'objet
cette même année. Rose fut nommé grand
maître du collège de Navarre, et l'année
suivante évêque de Senlis. Nous ne re-
produirons point les injures et les calom-
ROS
nic6 dont les ennemis de la Ligue ont
chargé sa mémoire; tel est l'effet des divi-
sions sociales, que départ et d'autre on
cherche à se noircir aux yeux des con-
temporains et de la postérité. Nous dirons
cependant que Rose contribua à mainte-
nir la population de Paris dans la haine
qu'elle avait vouée à Henri IV : aussi fut-
il du nombre de ceux auxquels ce prince
fit enjoindre l'ordre de sortir de cette ca-
pitale. Rose chercha à ranimer la Ligue:
ses nouvelles menées provoquèrent con-
tre lui une enquête juridique, par suite
de laquelle il fut condamné.) On lui fit
faire amende honorable, le 25 septembre
1598 , à la grand'chambre, avec ses ha-
bits épiscopaux, qu'il ne voulut pas quit-
ter. On lui attribue : Dejusta reipublicœ
christianœ in reges impios auctorilate ,
Paris, 1590, in-8. C'est ce prélat que les
auteurs de la Satire Mùiippee mirent à
la tôle de la prétendue procession de la
Ligue. Il mourut en 1602.
* ROSE ( Louis ) , littérateur , né à
Lille en 1704 , et mort dans ce pays en
1776 , a laissé deux ouvrages intitulés :
Le Bon Fermier , ou l'Ami des labou-
reurs, in-12. La France littéraire, qui le
désigne comme ancien échevin de Bé-
thune , lui attribue aussi La bonne Fer-
mière , ou Elémens économiques ; V
Eraste, ou V ami delà jeunesse {d^\&z'?\-
lassier), in-8. Ce dernier ouvrage fait
honneur aux talens des auteurs ; le stile
est pur, élégant, clair, et la partie qui
concerne l'histoire de France est fort bien
rédigée.
* ROSE DE QuiNGEY ( Jean-Baptiste ) ,
ecclésiastique et littérateur , né en 17 14
àQuingey, petite ville de Franche-Comté,
se livra à l'étude de la théologie , et fut
reçu docteur. Il embrassa en outre dans
ses études l'histoire , la minéralogie , les
mathématiques et l'astronomie. Tout en-
tier à la science et à son état , il ne s'oc-
cupa point des débats politiques de son
époque, et il traversa la révolution
comme si c'eût été une époque de calme
et de tranquillité. En 1766 il avait rem-
porté le prix proposé par l'académie de
Dijon sur un Traité élémentaire de mxy
raie qu'il a fait ensuite imprimer, 1767,
ROS
5 vol. in-12. Dom Grappin , chanoine
de Besançon, a fait eu 1810 à l'académie
de cette ville VEloge de l'Abbé Rose, qui
est mort à Quingcy la même année. On a
de lui 1 °Ln morale évangcUque comparée
à celle des différentes sortes de religion
et de philosophie, 1772, 2 vol. ; 2" Traité
sur la providence ; Z° Esprit des Pères,
comparé aux plus célèbres écrivains sur
les matières intéressantes de la philoso-
phie et de la religion, 1791 , 3 vol. ; 4°
Opuscule sur l'organisation du clergé ,
même année ; 6° Mémoire sur les états
généraux des Francs et Bourguignons
sous les différentes races de leurs sou-
verains, 1789, sans nom de ville ni d'im-
primeur ; 6° Mémoire sur une courbe à
double courbure , Besançon , 1 779 , in-4.
On dit que l'abbé Rose était attaché aux
sentimens de Port-Royal : il prêta le ser-
ment à la constitution civile du clergé.
*ROSELLI (Côme), religieux domini-
cain , né à Florence vers 1540, fut , après
l'Espagnol Ponce, le premier, parmi les
modernes , qui fixa des règles à l'art de
parler par le moyen des doigts , ce que
les Romains appelaient digitatio. Il
acquit en Italie beaucoup de réputation
pour celte découverte, dont il parle fort
au long dans son ouvrage intitulé : Thé-
saurus artificiosœ memoriœ , Venise ,
1579, in-4. Ce livre est très rare, et on
ne le trouve que dans les principales
Libliotlièques d'Italie. La méthode qu'il
y donne pour exercer la mémoire est
claire et ingénieuse. Fabricius a oublié
cet auteur dans le Catalogue qu'il donne
de ceux qui ont traité ce sujet.
* ROSELLI (Joseph) , aventurier na-
politain, naquit en 1652 de parens
pauvres et obscurs. Un oncle maternel
eut soin de son éducation, lui fit faire
des études; et comme il voulait l'at-
tacher à son couvent, il lui fit appren-
dre les sciences sacrées ; mais les incli-
nations de Rosclli étaient bien loin de
celles que désirait son bienfaiteur. Il
s'enfuit du couvent, parcourut l'Europe,
où il fit tous les métiers, s'agrégea aux
principales loges maçonniques , et fut
élevé aux premiers grades de l'ordre ; et
c'est avec sa patente de franc-maçon
ROS 5oi
qu'il voyagea aux dépens de ses confrè-
res. Il avait l'audace et l'éloquence ver-
beuse que montra ensuite le fameux Ga-
giiostro. Ainsi que l'aventurier de Pa-
lerme , le Napolitain se vantait de possé-
der des secrets merveilleux , tous appar-
tenant à la science maçonnique ; mais il
n'eut et ne chercha que peu d'occasions
pour en donner des expériences, aimant
mieux passer pour savant et pour un
homme qui avait couru des aventures
extraordinaires. Après avoir mené une
vie errante pendant plusieurs années ,
il se rendit en Hollande , se fixa à La
Haye , où il demanda aux magistrats une
chaire de langues orientales et occiden-
tales mortes et vivantes , ou celles d'his-
toire , de philosophie et de théologie ,
ou bien la permission d'ouvrir un café.
Cette dernière demande lui fut accordée,
et il vit sou établissement fréquenté par
des pratiques sans nombre et des per-
sonnages distingués, soit par leurs em-
plois , soit par leurs talens. Ceux-ci
voulant connaître jusqu'où allait le
savoir que Roselli affichait , eurent
avec lui plusieurs discussions savantes ,
dont il se tirait presque toujours avec
honneur. Il était curieux de voir ce
même homme qui servait la tasse de café,
l'orgeat et la limonade , disputer en
même temps sur une thèse de philoso-
phie, sur un problème, et sur un passage
des Epîlres de saint Paul. Il conserva
son goût pour les choses bizarres jus-
que dans son lit de mort. Il ordonna par
son testament qu'on enfermerait sou
corps dans un cercueil de plomb , cou-
vert de planches de chêne ; qu'on le por-
terait à 18 lieues en mer, entre la Hol
lande et l'Angleterre , et que là on le
précipiterait dans les flots. Cette dispo-
sition semble prouver que Roselli , quoi-
que catholique , ne tenait à aucune re-
ligion; c'est qu'il était pythagoricien,
et croyait à la métempsycose ; il espé-
rait ressusciter , au bout de quelques an-
nées , transformé en poisson , oiseau
marin , ou sous toute autre forme quel-
conque. Il mourut en 1719 à La Haye,
où il avait amassé dans son cale beau-
coup de richesses, quoiqu'il se plût à les
^
ÊI02
ROS
ROS
attribuer à ses secrets maçonniques. On a
de lui Los fortunato Napoletano , l'in-
fortuné Napolitain, 1722, 4 vol. in-12.
Le titre de cet ouvrage , qui a eu un
grand nombre d'éditions , est faux com-
me la plupart des aventures qu'il y ra-
conte. Un homme qui pendant toute sa
vie a contenté toutes ses passions, qui
a existé aux frais des bonnes gens , qui
savait soutenir le rôle desavant , et celui
d'un être extraordinaire , et qui esl mort
laissant beaucoup de richesses , n'est
certainement pas infortuné. Sou histoire
romanesque est écrite d'un stile parfois
éloquent , mais plus souvent afiecté et
monotone ; les mœurs n'y sont guère res-
pectées, et l'auteur n'a même aucun
égard , sous ce rapport , pour ses parens
les plus proches , et il y représente sa
sœur (Rosalie) vivant dans un lieu de
prostitution et livrée au public.
* ROSEMONDE ou Rosamonde ou
RosMONDE, reine des Lombards, était fille
de Cunimond , roi des Gépides, et avait
reçu le jour vers l'an 560. Son père ayant
été défait par Alboin , et mis à mort par
ordre de ce monarque, elle fut élevée
dans le palais du vainqueur. Àlboin l'é-
pousa malgré la résistance qu'elle apporta
long-temps à cette union. Elle ne pouvait
oublier les malheurs ni la lin tragique
de son père ; Àlboin s'en aperçut , et
voulut l'en punir d'une manière digne
de son cœur farouche. Il donnait un jour
à Vérone une fête magnifique à ses offi-
ciers , lorsqu'il fit apporter un crâne ,
qu'il dit à Rosemonde être celui de son
père, et la força de boire dans cette hor-
rible coupe. Ce trait d'atrocité inouïe ré-
veilla la vengeance de Rosemonde , qui
résolut d'ôter la vie à son époux. A cet
effet , elle fixa les yeux sur Helmige ,
premier écuyer du roi, auquel elle pro-
mit , en récompense de ce funeste ser-
vice , sa main et la couronne des Lom-
bards, dont elle était l'héritière légitime.
Après bien des instances, Helmige céda
enfin ; mais il demanda un complice
pour assurer le coup. Rosemonde lui
donna Péridée, seigneur lombard, qu'elle
gagna d'une manière aussi bizarre qu'ou-
trageante pour son propre honneur. Cette
princesse sachant que Péridée obtenait
les faveurs d'uiic dame de sa cour , peu
scrupuleuse , s'oublia jusqu'à prendre ,
pendant lu nuit, la place de celle-ci , et
ne se découvrit à Péridée que lorsqu'il
avait tout à craindre de la fureur jalouse
du roi. Forcé d'opter pour Rosemonde,
il consentit à tout ce qu'elle exigea de
lui. Un jour qn'Alboin dormait dans ses
appartemens après son repas , Helmige
et Péridée envoyèrent des assassins pré-
venus d'avance , qui , introduits par la
reine auprès de son époux , le poignar-
dèrent. Rosemonde donna aussitôt sa
main à Helmige, et, après s'être emparée
des trésors d'Alboin , s'enfuit à Ravenne
avec sa fille Albisvinde et son nouveau
mari. Soit qu'Helmige voulût régner en
maître absolu , soit que la reine ne l'eût
jamais considéré que comme l'instrument
de sa vengeance , elle écouta les offres
de Longin , gouverneur romain , qui à
son tour promit de l'épouser si elle trou-
vait le moyen de faire périr Helmige.
L'exarcat de Ravenne , qui venait d'être
créé en faveur de Longin , flattait la va-
nité de Rosemonde. L'ambition , jointe
au dégoût qu'elle avait conçu pour Hel-
mige , la décida à s'en défaire le plus tôt
possible : elle avait commis un premier
crime , le second ne pouvait plus l'arrê-
ter. Elle prépara du poison , et le donna
elle-même à Helmige lorsqu'il sortait du
bain. Ce breuvage eut un eflfet trop subit
pour qu'il n'y reconnût pas une nouvelle
trahison de la part de Rosemonde j mais
il voulut qu'elle l'accompagnât au tom-
beau. Il s'élança sur elle, et lui appuyant
son épée sur le cœur , il la força à avaler
ce qui restait du poison, et tous les deux
expirèrent quelques momens après en
673. Les trésors du roi d'Italie avec la
princesse Albisvinde et Péridée furent
envoyés à Constantinople par Longin.
Quelques biographes appellent le com-
plice de Rosemonde, non Helmige, ràais
Almachilde. Ces faits ont été plusieurs
fois reproduits sur la scène tragique, no-
tamment par Alfieri, et chez nous par Baro,
par Chrét. Descroix, par Taconnet, et
plus récemment par M. Ampère fils.
ROSEN (Conrad de) , comte de Roi-
ROS
weiller en Alsace , d'une aiicienne mai-
son originaire de Livonie, après avoir
été 3 ans cadet dans les gardes de la reine
Christine, passa incognito en France, et
servit d'abord comme simple cavalier
dans le régiment de Brinon. Son mérite
et sa naissance ayant élé bientôt connus,
il fut éievc de grade eu grade . et obtint
le bâton de maréchal de France en n03.
Jacques II le fit général de ses troupes.
H mourut en 1 7 1 5 , à 87 ans , aprè ; s'èlre
distingué dans toutes les guerres oii il
fut employé. C'était nn homme de tête et
d'une bravoure reconnue.
* ROSEN DE RosESSTEiN (Nicoias) ,
médecin suédois , né en 1706 près de
Golhenbourg, fut destiné d'abord àl'élat
ecclésiastique ; mais il étudia la médecine
àLund, puisa Upsal. Après avoir voyagé
en Allemagne, en France et en Hollande,
il reçut le grade de docteur à Horder-
wych. Adjoint à la faculté de médecine
d'Upsal,en 1731, il obtint trois ans après
le litre de médecin du roi , et devint
professeur d'anatomie en 1740. les hon-
neurs s'accumulèrent sur lui. Le roi de
Suède lui accorda , en 1762 , des lettres
de noblesse , le nomma archidiacre de sa
chapelle et chevalier de l'Etoile-Polaire ;
il devint membre des académies d'Upsal,
de Stockholm et autres sociétés savantes,
et mourut dans la première de ces villes
en 1773. On a de lui : 1» Pharmacie dn-
mesliqiie , Stockholm, 17C5, in-8, qu'il
composa par ordre de la reine veuve ; 2°
Manuel d'anatomie, 1736; 3" Traité
des maladies des en fans , Stockholm ,
1764 , 1771 , iu-8 , traduit dans presque
toutes les langues de l'Europe; il l'a été
en français par J. B. Lefèvre de Yille-
brune, Paris, 1780, in-8. Rosen contribua
à populariser en Suède l'inoculation.
•ROSEN ( le baron Grégoire ) , lieu-
tenant-général russe, issu d'une famille
d'origine suédoise , entra au service en
qualité de sous-officier le 6 mars 1789.
Après avoir passé par tous les grades , il
devint enfin capitaine en 1803. Il se dis-
tingua tellement à la bataille d'Austerlitz,
qu'il reçut une épée d'or. Nommé colo-
nel en 1806 et général en 1807, il se
battit pendant celte dernière année avec
ROS 5o3
unevaleur qui fut récompensée à plusieurs
reprises. En 1 808 il passa dans la Fin-
lande et livra plusieurs combats aux Sué-
dois. Elevé au grade de général-major ,
puis de chef de brigade, il fit les campa-
gnes de 1811 et 1812. En 1813 il pénétra
dans le duché de Varsovie, dans la Prusse
et la Saxe. Nommé le 1 9 avril de la même
année chef de la première division des
gardes , il se trouva à la tète de ce corps
aux batailles de Lutzen et Bautzen. Il se
distingua ensuite à Pirna et à Cul m , et
fut alors nommé lieutenant-général. Il
prit part à la bataille de Leipsick et fit
les deux campagnes de France. En 1831,
ce général commandait le 6' corps d'ar-
mée russe dans la campagne de Pologne :
il se battit dans les journées des 19 et 20
février , et , pendant le mois de mars ,
il garda la route de Pragu pour assurer
les communications avec la Russie ; mais
il fut mis en déroute le 31 du même mois
à Groschow. Ce général est mort dans
les premiers jours du mois de février
1832, dans un âge peu avancé.
* ROSER (Mathias Barthélemi), pein-
tre , né le 24 août 1737 , à Heidelberg
dans le palatinat du Rhin , eut pour
maître le célèbre Loulehrbourg -. s'étant
ensuite rendu à Rome , il y apprit l'art de
restaurer les tableaux, art déjà connu en
Italie dès le commencement du 18" siè-
cle. De retour dans sa patrie où il sé-
journa peu de temps , il vint à Paris
en 1765, et s'y occupa exclusivement de
la restauration des peintures endomma-
gées. Il était si habile qu'il a souvent
ajouté à des tableaux de grands maîtres
des portions entières que l'on aurait dit
appartenir à l'original : c'est ce qu'il fit
pour plusieurs grandes compositions du
Corrége, duTitien, etc. C'est au Muséum
que l'on admire lestalens de Roser dans
ce genre , et qu'il a exercés avec tant de
bonheur dans les tableaux de la Trans-
figuration , delà f^ierge dite dcFnligno,
de Raphaël. Il excellait également dans
les copies, et il en a fait de plusieurs maî-
tres , comme de David Teniers , et Phi-
lippe Wauwermans, etc., qui ont circu-
lé , comme tableaux originaux , sans ce-
pendant que Roser y eût adhéré. Ce^
5o4 ROS
artiste est mort à Paris le 6 avril 1 8o4 ,
âgé de 67 ans.
* ROSILY -MESROS (le comte Fran-
çois-Elienne de), vice-amirai , ué le 13
janvier 1748 à Brest d'un père qui com-
mandait dans ce port en qualité de chef
d'escadre , embrassa de bonne heure la
carrière de la marine. Entré à l'âge de
14 ans dans le corps des gardes, il devint
successsivcmeut et en peu de temps
enseigne, lieutenant et capitaine. Nommé
contre-amiral le 1 *' janvier 1793, il devint
vice-amiral le 22 septembre 179G. Tous
ces grades avaient été mérités par de
grands services, ou des actions d'éclat;
son premier fait d'armes remonte à 17 7 1 .
Alors il s'embarqua pour l'île de Ceyian
avec une division navale aux ordres de
M. de Kerquelen ; abandonné en pleine
mer pendant le trajet, par suite d'un
coup de vent qui avait éloigné de la fré-
gate la chaloupe avec laquelle il était
allé à la découverte, il parvint non sans
peine, mais avec ses propres ressources ,
à gagner les côtes de la Nouvelle-Hol-
lande. Après un voyage qu'il fit à l'âge
de 25 ans vers la Notasie et dans les mers
Australes sur la corvette V Ambition dont
il avait le commandement, il visita les
ports d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande,
et en rapporta plusieurs procédés utiles ,
entre autres les Pompes à chaînes desti-
nées à prévenir la submersion des bâ-
timens en cas de voie d'eau (1774J.
Quatre ans après , pendant la guerre
d'Amérique , il se distingua par un fait
d'armes qui suffirait seul pour placer son
nom avec honneur parmi ceux des offi-
ciers qui illustrèrent le plus alors la ma-
rine française , lorsque M. de la Cloche-
lerie commandant la frégate , la Belle-
Poule, soutint contre la frégate anglaise,
V Arélhuse , le mémorable combat qui
fut le commencement des hostilités.
Rosily-Mesros commandait sous ses ordres
le lougre le Coureur , armé seulement de
huit pierriers de deux. Avec une aussi
faible embarcation il n'hésita pas à atta-
quer le cutter anglais V Alerte , armé de
14 canons de six, qui allait se joindre à
VArethuse pour accabler la Z^cZ/e-Pou/c.
Malgré l'iué^alié des forces , il attaque
ROS
son ennemi à l'abordage , l'arrête, et par
cet acte de dévouement sauve la Belle-
Poule des dangers d'une double lutte à
laquelle elle eût certainement succom-
bé. Cette action vraiment héroïque le
couvrit de gloire et lui valut, quoique
jeune encore, la croix de St. -Louis '177 9).
Rosily prit ensuite le commandement de
la frégate la Lively , et en 1 792 celui de
la Cleopâlre , à l'Ile de France , vers la
fin de 1782 , et alla se réunir à l'armée ,
commandée par M. deSuffrenqui, à cette
époque , porta si haut la réputation de
la marine française. Ce guerrier, juste
appréciateur du mérite militaire , plaça
Rosily au poste difficile d'éclaireur de
l'armée , dans lequel il le maintint jus-
qu'à la paix (1784 ) : il lui avait donné
le commandement d'une escadre. Rosily
revint alors eu France avec M. de Suffren ;
mais désirant de faire tourner les loisirs
delà paixauprofit des sciences, il ne tarda
pas à prendre le commandement de la fré-
gate la Fénus, avec laquelle il alla ex-
plorer les côtes de la mer des Indes. Il
avait pour principal but, dans cette
expédition , de corriger les caries de
Neptune oriental, sur lesquelles il avait
été plus que personne à même de recon-
naître de graves erreurs. Ce fut peu
dant ce voyage, qui dura sept années,
que ce marin infatigable accueillit les
précieux matériaux d'après lesquels il
rédigea l'ouvrage qu'il livra plus lard au
public , sous le titre de Supplément au
Neptune oriental. Cet ouvrage n'est
pas parfait sans doute ; mais nous de-
vons dire qu'il est très remarquable pour
l'époque à laquelle il a été exécuté , et
que son auteur mérite la reconnai.<;sance
de tous les navigateurs. Dans le cours de
ce travail Rosily a fait un emploi fort ju-
dicieux des Horloges marines de Ferdi-
nand Rerthoud, pour déterminer les
longitudes des principaux points des
côtes de la mer des Indes et de la Chine ;
et il a prouvé que si les méthodes, em-
ployées aujourd'hui dans les travaux de
ce genre , avaient été connues de son
temps , il aurait fourni les documens les
plus complets sur les côtes qu'il a par-
courues. Lorsque les premières nouvelles
ROS
des évènemcns delà révolution française
arrivèrent dans l'Inde , Rosily eut besoin
de tout l'ascendant qu'il avait acquis sur
son équipage par son intrépidité et sa
bouté inaltérable, pour maintenir la dis-
cipline à son bord; il revint dans sa
patrie avec la ftégate la Méduse , qu'il
commandait alors , et enrichit le dépôt
de la marine des documens hydriogra-
pïiiques qu'il rapportait de son expédi-
tion. En 1795 Rosily fut nommé directeur
du dépôt général de la marine , et il rem-
plit sans inteiTuption les fonctions de
cette place importante jusqu'en 1827 ,
époque à laquelle il demanda à être rem-
placé par M. de Rossel. C'est à lui qu'est
due l'organisation définitive du corps
des ingénieurs hydrographes de la ma-
rine , et ce fut sur sa proposition que
l'on fit commencer en 1819 , par les in-
génieurs de ce corps , la reconnaissance
des côtes de France , vaste travail dont
le Pilote français doit être le princi-
pal résultat. Rosily a rempli, depuis 1795
jusqu'au moment oîi il quitta la direc-
tion du dépôt général de la marine, plu-
sieurs missions d'une grande importance.
Nous nous contenterons, pour ne pas
dépasser les limites d'une notice , de
rappeler ici qu'il fut choisi en 1805
par Buonaparte pour aller prendre à
Cadix le commandement de la flotte
combinée de France et d'Espagne. Celle
belle armée était composée de 33 vais-
seaux de ligne , lorsqu'il en reçut le
commandement ; arrivé à Cadix il la
trouva réduite , par le désastre de Tra-
falgar, à cinq vaisseaux français. Ces
faibles débris , que Rosily était parvenu
à réunir, tombèrent au pouvoir des Es-
pagnols le H juin 1808; mais, avant de
succomber, ils avaient essuyé pendant
trois jours le fendes nombreuses batteries
de terre et de mer dont ils étaient en-
tourés. La conduite courageuse que
tint dans cette circonstance l'amiral Ro-
sily fut hautement approuvée par Buona-
parte , et lui mérita après sa glorieuse ré-
sistance les hommages de la population
entière de Cadix. En 1812, Rosily présida
le conseil de guerre qui condamna le ca-
pitaine St.-Cricq à 3 ans de détention , et
XI.
RÔS 5o5
le S février 1813 il fut nommé préside rit
du conseil des constructions navales. En
1814, il donna son adhésion aux actes du
gouvernement provisoire. Et , lors de la
restauration , il devint un des membres
de la commission créée par l'ordonnance
du mois de mai 1814, pour vérifier les ti-
tres des anciens officiers de marine qui
demandaient de l'emploi ou des pensions.
En 1816 11 fut nommé associé libre de
l'académie des Sciences. Les récompenses
les plus élevées avaient été accordées à cet
illustre marin : chevalier de St. -Louis
enl 779, commandeur delà légion d'hon-
neur en 1804, grand-croix du même or-
dre en IS14, cordon-rouge en 1818,
grand-croix de l'ordre de Danebroch en
1 820 , grand-croix de St.-Louis en 1 822 :
telles avaient été ses décorations. Mis au
cadre de réserve , le 1 " mai 1831, et à la
retraite le 1 " mai 1 832, il est mort à Paris
d'une apoplexie foudroyante le 13 no-
vembre de la même année, à l'âge d'en-
viron 85 ans. Il comptait près de 70 an-
nées de service sans interruption.
ROSIN (Jean) , en allemand Roszfeld,
antiquaire , né à Eisenach eu Thuringe,
en 1551, fut ministre à Naumbourg,
et mourut de la peste à Aschersleben ,
en 1626. Il est connu par son Traité des
Antiquités romaines^ en latin. La pre-
mière édition parut à Ratisbonne en
1581. Cet ouvrage reparut à Paris,
1GI3, in-fol. , avec des additions de
Thomas Dempster. En 1645, le Père
André Scholt en donna une nouvelle
édition à Cologne encore augmentée ;
enfin, la meilleure édition de ce savant
ouvrage est celle de 1701, in-4 , à
Utrecht. C'est une source abondante,
dans laquelle plusieurs auteurs ont puisé
sans le dire. (Rosin donna en outre des
éditions des Opuscules de Luther , de la
Chronique de Yolfgtreschler. La Fie de
Rosin a été écrite en allemand par J.-G.
Fischer à la suite de celle de J. Avenarius,
Naumbourg , 1 708, in-8. )
ROSMONDE Foyez Rosemonde.
* ROSMINI ( Jean-Charles Jules, che-
valier de), littérateur religieux, né le
2 8 octobre 17 58 à Rovérédo dans le Tyrol
sur les confins de l'état Vénitien, d'une fa-
64-
5o6 ROS
mille noble, At ses études soit à Inspruck,
soit dans la maison paternelle où ses
parens lui inspirèrent des sentimens de
religion que l'âge et la réflexion dévelop-
pèrent dans la suite de plus en plus. Dès
sa première jeunesse il se lia avec son
compatriote Vannetti qui lui donna le
goût des lettres. Dès l'âge de 1 5 ans, il
écrivit sur l'opéra de Rezzonico intitulé:
Alessandro e Timoleo, une lettre dans
laquelle il fit preuve de grandes connais-
sances sur la musique ancienne et mo-
derne. En 1786 il publia à Rovérédo des
Considérations sur deux opuscules de
d' Alembert relatives à la poésie, et ces
Considérations, quoiqu'elles fussent d'un
jeune homme, annonçaient une profon-
deur de pensées qui donnait les plus
grandes espérances : le goût et l'exacti-
tude qu'il montra dans ses premiers ou-
vrages lui firent en Italie une réputation
méritée. Les troubles qui divisèrent ce
pays à la suite de la révolution française,
et les progrès de nos armées qui péné-
trèrent dans les états de Venise et dans
le Tyrol , interrompirent ses travaux ;
mais il les reprit, dès que les temps fu-
rent devenus plus calmes. En 1803 il
quitta Rovérédo et alla se fixer à Milan
où il trouvait plus de ressources pour
ses recherches historiques. Les évène-
nens de 1814 réjouirent son âme : c'est
en se consacrant à la piété et aux lettres
qu'il a continué de vivre, soit à la cam-
pagne, soit à la ville. Il est mort le 9 juin
1826 à l'âge de 68 ans. Outre les ouvra-
ges que nous avons indiqués, nous ci-
terons encore la Fie d'Ovide, 1789,
2 vol. in-8 , réimprimée en 1821; la Fie
de Sénèque, 1793, in-8; les Fies de
Guarini de Férone et de ses disciples,
1805, 3 vol. in-8 ; Idée d'un bon précep-
teur dans la vie et les principes de Fie-
iorin de Feltre et de ses disciples, 1 801 ,
in-8 ; Fie de Philelphed'Olentenoi, 1 808,
3 vol. in-8; Les entreprises militaires
et la vie de J. J. Trivulce dit le Grand,
1 8 1 5 , 2 vol. in- 4 ; Fie de Guidobald duc
d'Urbin, 1821, 2 vol. in-8; Histoire de
Milan, 1820, 4 vol. in-4. Il a aussi pu-
blié, sous le voile de l'anonyme, La vie
et la mort exemplaire de Marie-Joseph
ROS
Repetté, Venise, 1815. Tous ces ouvra-
ges sont pleins de recherches, de criti-
que, de jugement et de sagesse, et,
quand l'auteur a l'occasion de parler de
la religion , c'est toujours dans des ter-
mes dignes d'un écrivain qui se faisait
gloire de la révérer et de la pratiquer.
M. l'abbé Baraldi a inséré dans les Mé-
moires de la religion qui s'impriment k
Modène , une Notice intéressante sur le
chevalier Rosmini. L'Ami de la Religion
en a donné un extrait, tome,62, page 68.
Le savant Labus a donné aussi la vie de
Rosmini.
'ROSNY (Antoine-Joseph-Nicolas de),
romancier et auteur dramatique , né à
Paris en 1771, commença ses études à
l'école militaire de Rebais, et suivit en-
suite pendant quelque temps la carrière
des armes. Retiré jeune encore avec le
grade de capitaine , il obtint une place
dans les bureaux du ministère de l'inté-
rieur. Il composa un grand nombre d'ou-
vrages dont il a donné lui-même la Notice
etdonton trouve le catalogue, au nombre
de 80 volumes, dans la France littéraire
d'Ersch. Rosny ne fut point riche, quoi-
qu'il se fil libraire pour vendre ses livres,
et qu'il devînt directeur d'un théâtre de
boulevard pour faire jouer ses pièces.
Nous nous bornerons à citer les Infortu-
nes de la Galetièrc pendant le régime
décemviral, Paris, 1796, 4* édit. 1800,
2 vol. in-8 ; Fie de Florian, 1 797, in-8;/e
tribunal d'Apollon, an 8 ( 1800 ), 2 vol.
in-1 8 , ouvrage faiblement calqué sur le
Petit almanach des grands homme i de
Rivarol ; le Bonheur ruralou Tableau de
la vie champêtre en 12 liv. 1801, in-8 ;
Histoire de la ville d'Autan, Autun, 1802,
in-4 , avec 8 planches in-4 ; Tableau lit-
téraire de la France pendant le \ 3' siè-
cle, Paris, 1809 , in-8. Rosny mourut en
1 814 ; il était membre de plusieurs aca-
démies et sociétés littéraires.
ROSNY. Foyez Sully.
ROSELLI ( Matthieu ou Mattko),
peintre, naquit à Florence en 1578 , et
mourut dans la mètJ^ ville en 1650. Ili^ ,
s'est particulièrement attaché à la pein-
ture à fresque, genre dans lequel un tra-
vail raisonné , beaucoup de patience ,
ROS
un dessin pur, et un coloris d'une
grande fraîcheur, l'ont fait exceller. Ses
ouvrages se ressentent , pour l'ordinaire,
de son caractère tranquille. Ses couleurs
locales ne sont pas dans le vrai ton de
la nature ; mais il y a mis un accord qui
plaît , et ses compositions gagnent à
être détaillées. (La Naissance de J. C. ,
que possède l'église de Saint-Gaétan,
passe pour son chef-d'œuvre. Le musée
du Louvre possède plusieurs de ses ta-
bleaux. }
ROSSET ( François de) , poète et ro-
mancier, né eu 1570, en Provence,
d'une famille noble. ( Presque au sortir
>de l'enfance , il composa des Sonnets et
autres poésies, en l'honneur d'une dame
qu'il nommait Philis. Il vint ensuite à
Paris , oii il ne fut guère remarqué, et y
chercha en vain l'amitié de Malherbe. )
Rosset se servit des connaissances qu'il
avait dans les langues italienne et es-
pagnole pour faire passer dans la fran-
çaise quelques ouvrages écrits dans les
premières ; entre autres , Roland le fu-
rieux et Don Quichotte ; mais les ver-
sions qui sont venues après ont e£facé
les siennes. Ses Histoires tragiques arri-
vées de notre temps ont long-temps fait
la lecture d'un certain genre de curieux.
Parmi ses romans on distingue : 1° Les
Chevaliers de la gloire, Paris, 1613,
in-4 ; 2° L'Admirable histoire du che-
valier du Soleil, traduite du castillan
par cet auteur et par Louis Douel , im-
primée à Paris en 1620 et années sui-
vantes , en 8 vol. in-8. ( Il faut lire l'ar-
ticle Rosset dans le Manuel du libraire ,
de Brunet. )
ROSSET DU Pont (Joseph), sculp-
teur, né en 1706 à Saint- Claude, en
Franche-Comté , est mort le 3 décembre
1786, k près de 80 ans. Elève de la na-
ture , il a prouvé que le génie seul , aidé
d'une étude constante et d'un travail
opiniâtre, peut atteindre à ce qu'il v a
de plus grand, et produire des chefs-
d'œuvre. Quelques bas-reliefs, quelques
copies de bons molèles qu'il avait su se
procurer, échauffaient son imagination,
et lui faisaient deviner toutes les mer-
veilles de l'antique. Ses ouvrages fins et
ROS ' 5o7
gracieux sont remplis d'expression. Avec
tous les avantages qui peuvent donner
la célébrité , il ne lui était jamais venu
dans l'esprit de penser à la gloire et aux
académies. Il eût cru flétrir le génie des
arts, en le mettant en ostentation. Il a
traité beaucoup de sujets religieux , parce
qu'on les lui demandait de toutes parts.
11 imprimait un si beau caractère à ses
têtes de Vierges , qu'elles inspirent la
dévotion. Frédéric II, roi de Prusse, di-
sait : « Il n'y a personne qui sache don-
}) ner la vie à un buste comme le sculp-
« teur de Franche-Comté. » Falconet ,
admirant un saint Jérôme sorti de ses
mains , faisait observer que l'auteur
avait certainement fait son tour d'Italie,
et qu'il avait étudié au moins dix ans les
grands maîtres : il ne voulut jamais
croire qu'il n'était pas sorti de sa petite
ville. Rosset maniait avec la même dexté-
rité le bois , le marbre , l'albâtre ; l'ivoire,
si cassant et si dur , devenait entre ses
mainsune pâte amollie à sa volonté. (M.
de Villette a consacré à cet artiste une
Notice que l'on trouve dans le Journal
fifePamdu 5 janvier 1787.)
' ROSSET ( Pierre-Fulcrande) , juris-
consulte, naquit à Montpellier en 1722 ,
et cultiva la poésie avec assez de succès.
On a de lui un poème sur V Agriculture,
1744-1783 , en deux parties in-4 ,dont la
première est fort estimée. Il a été réim-
primé. L'auteur y décrit toutes les opé-
rations champêtres ; et quoique ce tra-
vail difficile et monotone par lui-même
fournisse peu à la poésie, on trouve
dans ce poème des vers heureux , comme,
par exemple , les deux suivans , relatifs
à l'application de l'astronomie à l'agri-
culture :
Le cieldeTÏnt un lirre où la terre étODoée
Lut, CD lettres de -feu, l'histoire de l'anoée.
Un des plus beaux chants est celui sur
la vigne, qui commence par la descrip-
tion du déluge, et finit par le carnaval.
Le stile de Rosset est correct , mais ses
vers manquent parfois d'élégance et
d'harmonie. En général , il a su embellir
son sujet par des images neuves et bril-
lantes ; mais dans la plus grande partie
de son poème; sa verve semble être ëpui'
5o8 ROS
sée. Rossel y imite un peu trop le Père
Vanière , et il s'arrête la plupart du
temps à de simples nomenclatures qu'on
ne saurait lire sans ennui. Aussi son ou-
vrage est-il tombé dans l'oubli. Après un
séjour de quelques années à Paris , il est
mort dans cette ville en 1788.
* ROSSETTl ( Dominique ) ,'graveur ,
né à Venise vers 1630, mérita par ses
succès d'être nommé directeur des coins
des monnaies de la république. Il était
aussi très habile dans la gravure en taille-
douce sur le cuivre et sur le bois ; l'é-
lecteur palatin le retint à son service
pendant douze ans, et ce fut d'après les
ordres de ce prince qu'il grava les vic-
toires d'Alexandre le Grand , en douze
feuilles. Plus tard il grava pour l'histoire
de l'ancien et du nouveau Testament
35 planches en cuivre représentant les
principaux évènemens des annales sa-
crées ; cet ouvrage a été traduit en fran-
çais,Venise, 1676. Cet artiste s'occupait
aussi d'architecture ; il donna plusieurs
dessins pour des bâtimens, et chacun
loua l'entente de ses diverses composi-
tions. Il mourut à Venise en 1697.
* ROSSETTl (Donat), mathématicien,
né à Livourne en 1G34 , fut successive-
ment professeur de philosophie à l'uni-
versité de Pise , et de mathématiques à
l'académie de Piémont. Il a donné ^un
grand nombre de plans de fortihcations
pour l'hydraulique, et se fit remarquer
autant par ses talens que par ses disputes
avec Géminiano Montanari , auteur de
l'ouvrage intitulé Pensées physico-ma-
ihe'matiques [Bologne , 1667 ). Rossetti,
qui , malgré ses connaissances , s'était
toujours montré partisan des idées les
plus nouvelles et souvent même les plus
bizarres , combattit les opinions sages de
Montanarit dans son Antignome fisico-
matlemaiico , con il nuovo orbe c sis-
tenta terrestre, Pise, 1 668 , oiil'on trouve
beaucoup de profondeur , mais oîi Ros-
setti se livre parfois à une imagination
trop vive, et qui nuit à ses savantes ob-
servations. Il mourut à Pise vers 1680.
''ROSSETTl ( Jean-Baptiste ), artiste
distingué, né à Padoue en 1697, fut
dès sa première jeunesse attaché à l'im-
ROS
primerie du séminaire de celte ville. Il
y exerça pendant plusieurs années l'em-
ploi de compositeur , se livra ensuite à
l'étude du dessin et de la gravure au
burin , et laissa plusieurs ouvrages assez
estimés. Rossetti avait le goût des beaux-
arts et acquit des connaissances très
étendues dans l'architecture , la sculp-
ture et la peinture, ainsi qu'il le prouve
dans son ouvrage qui a pour titre Bes-
crizzione délie pitture , sculture cd ar-
chitetture di Padova, con alcunc osser-
vazioni inlorno ad esse, edaltrecuriose
nodzie, Padoue, 1776; ouvrage quia
eu plusieurs éditions , et que Lalande
cite avec éloge dans son Voyage en
Italie. Rossetti est mort dans sa patrie ,
en 17 80, âgé de 83 ans.
*R0SS1 (Jean Baptiste), général de
l'ordre des carmes, naquit à Ravenne le
4 octobre 1507 , de la noble famille des
Rossi de Parme. Il avait été baptisé sous
le nom de Barthélemi; il le changea, à
sa profession, pour celui de Jean Bap-
tiste. Son éducation fut soignée ; et , dans
ses études faites avec succès , il ne né-
gligeant les saintes lettres ni les sciences
profanes. Le Père Rossi embrassa la car-
rière de la prédication, et il s'y fit une
grande célébrité. Paul III qui occupait
alors le trône pontifical , et qui s'était
fait souvent un plaisir d'aller entendre
le Père Rossi, le nomma en 1564 pro-
fesseur à l'archigymuase de la Sa-
pience. Le Père Nicolas Audeltî, gé-
néral des carmes , étant mort en 1 5C4 ,
le Père Rossi fut élu pour le remplacer.
Il résolut dès lors de faire la visite de
tous les couvens de son ordre. H com-
menta par l'Italie, d'où il se rendit en
Espagne. Il y vit sainte Thérèse , et eut
avec elle plusieurs entretiens. Elle mé-
ditait la réforme des religieuses carmé-
lites, et fil part au Père Rossi de son
projet , pour faire refleurir , parmi ces
pieuses filles , la rigueur de la première
observance. Ces deux illustres person-
nages se quittèrent avec regret , et pleins
d'estime l'un pour l'autre. Le Père Rossi
passa en Portugal ,et»eçut du souverain,
ainsi que de la première noblesse de ce
royaume , l'accueil le plus distingué. Il
^
ROS
était de retour à Rome en mai 1568. Pie
V , qui régnait alors, l'adjoignit aux car-
dinaux Jean Morone , Marc-Antoine Aniu-
lio et Guillaume Sirleti , chargé de revoir
etdeconfronlerla Vulgateavec les textes
originaux hébraïques et grecs , pour en
faire , s'il y avait lieu , disparaître toute
altération , et en assurer la pureté. Cet
ouvrage fini , Grégoire XIII envoya le
PèreRossi au duc de Ferrare, en qualité
de nonce. Il s'acquitta de cete mission à
la satisfaction du pontife. Ce célèbre re-
ligieux mourut à Rome en 1578 , âgé de
7I ans. Il avait vécu sous douze papes ,
dont la plupart l'avaient honoré de leur
bienveillance. Il est auteur de plusieurs
ouvrages , parmi lesquels on distingue :
1° Thomœ waldensis doctrinale cum
schoUis , Venise, 1571 , 3 vol. in-fol. ;
2° Compendium constitutionum B. Ma-
riée de Monte Carmelo , Venise , 1568 ;
3° Brcviarium Carmelitarum , etc. ,
Venise, 1568.
ROSSl (Jean-Victor), Janus Nikius
Erithrœus , nohle Romain , né en 1577 ,
mort en 1647 , septuagénaire, avait été
gentilhomme du cardinal Perelti. Après la
inort de ce prélat , il se consacra tout
entier à l'étude , mettant son unique
plaisir à converser avecles gens de lettres.
On a de lui un grand nombre d'écrits ;
les plus considérables sont : 1° Pianco-
theca imaginum illustrium virorum ;
ouvrage plusieurs fois réimprimé in-8 ,
et dans lequel on trouve bien des singu-
larités. On lui reproche de n'y pas dis-
tribuer avec discernement la louange et
le blâme. 2" Epistolœ , in-8 ; 3° Dialogi,
ïn-8 ; 4° Exempta virtutum et viiiorum,
in-8. Ce recueil eut les suffrages du pu-
blic. Le nom de Nikius Erithrœus , que
l'auteur avait pris , signifie en grec
la même chose que Vittorio Rossi en
italien. Cet écrivain avait des sentimens
d'honneur et de bonne philosophie ; mais
il se prévenait facilement pour ou contre;
sa bile s'enflammait contre le vice et le
ridicule.
ROSSI ou RuBKH^ ou de Rubeis (Jé-
rôme), né en 1539 à Ravenne, fut mé-
decin du pape Clément VIII , et mourut
les septembre 1607. C'était un homme
KOS 599
d'une profonde érudition, comme il
paraît par son Histoire de Ravenne ^
en onze livres, Venise, Aide, 1572,
in-fol. Elle est bien écrite en latin.
On a encore de lui : 1° De distilla-
tione liquorum , Venise, 1604, in-4 ;
2° De Melanibus , 1607 , in-4 ; 3° An-
notationes in libres octo Cornelii Celsi ,
de re medica , 1616, in-4. — Il ne faut pas
le confondre avec Jean-Antoine Rossi ou
RuBEus , né à Alexandrie de la Paille ,
mort à Padoue , où il était professeur de
droit en 1 544 , à 56 ans , laissant divers
ouvrages de jurisprudence.
ROSSI. Voyez Salviati (Françoisde)
et Propertia.
* ROSSI ( Jean-Antoine ) , célèbre ar-
chitecte , né à Rome en 1616, excella
dans son art et rivalisa d'une manière
heureuse avec les plus habiles maîtres de
son temps ; cependant il n'avait jamais
appris le dessin. Il acquit une si grande
célébrité que tous ses ouvrages étaient
mis à un haut prix et qu'en peu de temps
il se fit une fortune considérable : il la
consacra à des œuvres de piété , dota
des églises, des monastères et des hôpi-
taux. Parmi les nombreux monumens
qu'a laissés cet artiste, on cite à Rome
le palais Altieri , et celui de Rinuccini.
Un goût noble et mâle règne dans son
architecture , sans qu'elle manque pour
cela de grâce et d'élégance. Il mourut en
1695 , à l'âge de 79 ans. — Il y a eu plu-
sieurs artistes de ce nom, comme Angelo
de Rossi, sculpteur génois , né en 1671,
mort à Rome en 1715, qui fut chargé par
le cardinal Ottoboni de la sculpture du
magnifique tombeau d'Alexandre VIII ,
dans l'église de Saint-Pierre. Il exécuta
ensuite les bas-reliefs du maître-autel de
l'église de Saint-Ignace, et qui repré-
sentent la vie de J. C. — Jérôme Rossi ,
peintre et graveur, né à Bologne en
1649. Ses ouvrages les plus estimés sont
plusieurs planches gravées à l'eau-forte,
d'après les dessins du Guerchin , de Car-
rache et des plus fameux peintres de
Bologne. Jérôme a laissé également de
petits tableaux, oîi il n'y a de remarquable
que la pureté du dessin.
* ROSSI (ISicolas), savant biblio-
5io ROS
graphe, né en 17 1 1 à Florence , d'une fa-
mille ancienne et estimée , vint à Rome
à l'âge de vingt ans et s'attacha au car-
dinal Falconieri qui lui fit embrasser l'é-
tat ecclésiastique. Pourvu ensuite d'une
riche chapelle qui était à la nomination
de la famille Corsini, il se plaça sous le pa-
tronage de cette maison puissante. L'abbé
Nicolas possédait les langues anciennes,
et il avait acquis de vastes connaissances
qui lui méritèrent d'occuper à la cour
de Rome plusieurs places importantes.
Il en employa les revenus et une grande
partie de sa fortune à réunir une biblio-
thèque riche de livres rares et de manus-
crits précieux. Après sa mort survenue en
1785, celte bibliothèque fut achetée par
le duc Barthélemi Corsini pour la somme
de 13 ,000 écus romains : il la réunit à
celle du cardinal Neré son oncle, et il en
fit jouir le public. L'abbé Ro.ssi a laissé
un Recueil de Poésies contenant des
sonnets , des tercets , des e'ie'gics, etc. ,
remarquables par la correction du stile ,
la grâce et l'harmonie des vers. Huit de
ses e'/e^y/ej furent imprimées séparément
à Rome en 1780. On lui doit encore une
bonne édition des OEuvres de Jean de la
Casa, ^ome, 17 59-63, 2 volumes in-8 ,
avec deuxpréfaces et diverse s pièces jus-
que-là inédites; il avait aussi préparé des
matériaux pour unee'dition de Vjîminte
du Tasse. Il était membre de différentes
académies , entre autres des Appatisli
de Florence , des Arcades de Rome , etc.
La vie de l'abbé Rossi se trouve en tête
du Catalogue de sa bibliothèque qu'a
publiée , en latin , P. Palearini , Rome,
1786, in-8.
* ROSSI (Vincent), avocat célèbre, né
en 1 7 55 à Palmi près de JVaples , d'une
famille pauvre et obscure, dut à ses ta-
lens et à son travail la place distinguée
qu'il occupa dans le barreau napolitain.
Ses succès ne lui avaient pas mérité seu-
lement une grande réputation , ils lui
avaient encore procuré une fortune con-
sidérable dont il usa noblement. Sous
tous les rapports , l'avocat Rossi jouis-
sait de la plus haute considération. La
révolution française dont il se montra
l'un des plus chauds partisans, vint l'arrê-
ROS
ter au milieu delà carrière qu'il avait par-
courue jusqu'alors avec tant d'honneur.
Après l'entrée des Français à Naples , il
fut un des premiers moteurs de la révolte
qui s'opéra dans cette ville. Il haranguait
le peuple dans les rues et les places pu-
bliques , réunissait chez lui les hommes
les plus exaltés, pour délibérer, disait-
il , sur la liberté de la patrie. Rossi fut
nommé membre du corps législatif, dans
lequel il figura comme le plus zélé dé-
fenseur du nouvel ordre de choses. Il
affecta des vertus républicaines , quitta
sa maison et se confina dans une chélive
retraite , abandonna la toge et parut sous
l'habit d'un simple soldat. On le voyait
manger dans les rues un morceau de
pain , se mêler parmi le peuple , et par-
tager ses jeux et ses amusemens. Quand
le cardinal Ruffo, ayant battu les Fran-
çais , s'approcha de Naples , Rossi fit
tous ses efforts pour disposer ses conci-
toyens à une vigoureuse défense. Mais
le cardinal ayant repris celle capitale ,
tous les révolutionnaires furent frappés
de proscription. Arrêté et mis en prison
avec plusieurs de ses adhérens, il fut
condamné à mort. Lorsqu'on le conduisit
au supplice, on l'entendit plaisanter
avec ses compagnons d'infortune , et
même avec l'ecclésiastique qui était
chargé de l'accompagner dans ses der-
niers momens. Avant de mourir , il s'a-
dressa aux nombreux spectateurs, et
leur dit d'une voix forle : « Citoyens,
■» vengez-moi , je meurs pour la pairie ! «
La populace, dont il avait été l'idole,
se jeta sur son cadavre , et le déchira en
mille morceaux. Il fut exécuté en 1799 , *
à l'âge de quarante-quatre ans. La fin de ■
Rossi est un nouvel exemple du funeste {
effet des révolutions politiques : si elles !
mettent le désordre dans la société,
elles ne le mettent pas moins dans le ca-
ractère des individus. Rossi, plein d'hon-
neur et de religion pendant la première
partie de sa vie, eut à peine touché les
révolutionnaires qu'à l'instant, comme
s'il eût été atteint par la peste , il aban- \
donna son honorable profession , prêcha
la révolte et insulta à la religion.
* ROSSI ( Jean-Bapliste) , ecclésias-
I
ROS
liqae italien, célèbre par sa piété et la
sainteté de sa vie, était chanoine de
Sainte-Marie in Cosmedin, à Rome, où
il pratiquait avec une grande édification
toutes les \erlus de son état. Il ne se pré-
sentait aucune œuvre de charité à faire
qu'il n'en saisît l'occasion a\ec empres-
sement. C'est à ses sollicitations que
l'hospice de saint-Louis de Gonzague
fut ouvert aux enfans abandonnés. Il
mourut àRome le 23 mai 1764, en odeur
de sainteté ; et déjà l'on a fait des infor-
mations pour sa béatification.
* ROSSI ( Ignace de ), jésuite , né à
Viterbe le 3 février 1740, entra dans la
société de Jésus en 17 53. Il enseigna d'a-
bord les humanités et la rhétorique à
Spolette , à Macerata et à Florence , jus-
qu'à la suppression de ce corps. Il se
rendit ensuite à Rome, où il fut nommé
professeur d'hébreu dans l'université gré-
gorienne où il resta 30 ans , et il conti-
nua à s'occuper de travaux littéraires, et
surtout de la langue cophte. Lors du ré-
tablissement des jésuites par le pape
Pie VII, il s'empressa de se réunir à ses
confrères, et il est mort au milieu d'eux
le 25 novembre 1824, au collège ro-
main. Ou lui doit : i" Commentationes
Laerlianœ, Rome , 1788, in-8 ; 2° Ely-
mologiœ Egyptiacœ, Rome, 1808 , in-4,
et beaucoup de petites pièces en vers et
en prose. Il a laissé en manuscrit des
corrections et éclairci&semens sur la
Préparation c'vangclique d'Eusèbe, sur
des inscriptions antiques, sur beaucoup
d'auteurs anciens grecs et latins, et une
interprétation latine d'un manuscrit en
langue cophte, tiré de la bibliothèque
angélique à Rome, contenant les petits
prophètes, à laquelle il a ajouté des
fragmens de ces mêmes prophètes, en
dialectes hébraïques, qu'il traduisit en
latin et enrichit de notes. On trouve sur
lui une Notice détaillée au tome ^43 ,
page 309 de VAmi de la religion et du
roi.
ROSSI (Adélaïde-Hélène Sophie-Char-
lotte Celliez, comtesse de). ^oj/.Celliez.
ROSSIGNOL ( Antoine ) , maître des
comptes, naquit à Alby le l^'jour de
l'année 1590, fit dès son enfance de
ROS 5ii
grands progrès dans les mathématiques ,
et se distingua par les connaissances des
chiffres , qu'il devinait avec une rare fa-
cilité. En 1626 , au siège de Réalmont,
ville de Languedoc , occupée par les pro-
testans , il déchiffra sur-le-champ la
lettre qu'écrivaient les assiégés à leurs
frères de Moi\tauban , pour leur deman-
der de la poudre. Cette découverte ayant
été communiquée à la ville , elle se ren-
dit le jour même. Le cardinal de Riche-
lieu, instruit de son talent, l'appela au
siège de la Rochelle , où il servit de ma-
nière à mériter les plus grandes récom-
penses. Louis XIII et Louis XIV répan-
dirent leurs bienfaits sur ce citoyen utile.
Le premier le recommanda en mourant
à la reine; et le second lui fit une pen-
sion considérable, et lui donna des
marques de l'estime la plus particulière.
Ce vieillard respectable mourut peu de
temps après, à 83 ans, après avoir servi
l'état pendant 56 années avec un zèle
ardent et une fidélité inviolable.
ROSSIGNOL, fameux maître écrivain
de Paris, mort d'un excès de travail ,
dans un âge peu avancé, en 1736, fut
employé, du temps de la régence, à
écrire les billets de banque. On a gravé
d'après cecalligraphe, un des premiers
et peut-être le premier de son art. Il a
été du moins le plus grand peintre en
écriture qu'il y ait eu en France. Maître
de ses moindres mouvemens , sa marche
était toujours réglée ; ses exemples
étaient d'une sagesse , d'une simplicité ,
d'une grâce , qu'il est plus aisé de sentir
que de décrire. Les Anglais ont enlevé
une grande partie des pièces de Rossi-
gnol , pour lesquelles les Français , trop
indifférens pour le bel art d'écrire , ne
marquaient pas assez d'empressement.
ROSSIGNOL ( Jean -Joseph), jé-
suite , né en 1726 , à Val-Louise , diocèse
d'Embrun , se distingua par des con-
naissances profondes et variées , un ju-
gement solide, un esprit pénétrant,
quoique quelquefois un peu trop subtil.
( Il enseigna successivement à Marseille , à
NViIna , à Milan, à Turin. Il revint occuper
pendant quelque temps l'observatoite de
Wilna , ville où il aida le Père RoscovicU
dra ROS
dans la publication de ses OEuvres. A
l'époque de la suppression des jésuites
il se reoditenAllemagne.jJeuue encore,
il soutint à Varsovie , où il se rendit
après la destruction des jésuites en France,
dés thèses de omni sctbi/i, avec un ap-
plaudissement extraordinaire : mais il
n'en fut pas plus vain , convenant que
ces sortes d'essais n'étaient jamais sans
quelque charlatannerie, et ne s'y étant
déterminé que sur les plus importunes
instances de quelques illustres Polonais ,
étonnés de son savoir. (Ployez Pic.) (Il se
rendit plus tard à Milan, et il y professa
pendant dix ans les mathématiques et la
physique au collège des nobles. Il quitta
cette ville pour revenir dans sa patrie ;
mais la vive opposition qu'il montra
contre la constitution civile du clergé le
força de quitter de nouveau la France ;
revenu en Italie il y trouva un généreux
protecteur dans le comte de Melzi son
ancien élève, depuis vice-président de
la république italienne. L'abbé Rossignol
vécut dès lors tranquille jusqu'à sa mort
arrivée à Embrun en 1807 :1e nombre de
ses écrits s'élevait à plus de 100.) On a de
lui un petit Traite de botanique , estimé,
et réimprimé à Liège en 1784 , chez Le-
marié; des P^ues sur i Eucharistie , oii il
propose diverses manières de combattre
des objections puisées dans de fausses
notions de physique ; des f^ues sur le
mouvement ,- un Traite' de l'Usure, etc.
"ROSSIGNOL (Jean-Antoine), gé-
néral des armées de la république fran-
çaise, naquit à Paris en 17 59. Il y était
ouvrier orfèvre avant la révolution. Il
n'avait aucune espèce d'instruction; mais
entraîné par les passions fougueuses qui
le dévoraient, il parut dans les rassem-
blemens populaires, et c'est là qu'il fit
entendre son éloquence démagogique. Il
se donna quelque importance parmi les
insurgés des faubourgs , en se proclamant
l'un des vainqueurs de la BastiUe où il
n'avait figuré qu'après que celte forte-
resse eut été envahie. Livré entièrement
à la faction des jacobins, il figura dans
tous les clubs et était à la tête de toutes
les émeutes. Il fut porté aux grades su-
périeurs de l'armée, sans jamais avoir
ROS
servi ; et , malgré son incapacité recqn-
nue, sa cruauté et ses atroces briganda-
ges, il fut maintenu par la protection de
ses amis les cordeliers. Il est de notoriété
publique qu'il fut un des massacreurs
des 2 et 3 septembre 1792, et qu'il si-
gnala plus particulièrement sa rage con-
tre les prêtres enfermés dans l'église des
Carmes: ses exploits ne tardèrent pas à
être récompensés. En 1793 il fut nommé
lieutenant -colonel delà 33" division de
la gendarmerie. Envoyé contre la Ven-
dée, il y commit tant de concussions et
d'atrocités, que le général Biron, com-
mandant en chef de l'armée républicaine,
le fit incarcérer à Niort, en juin 1793.
Biron ne tarda pas à expier cet acte de
rigueur envers un homme qui était placé
si haut dans la faveur des plus forcenés
démagogues. {Voyez Biron.) Les protec-
teurs de Rossignol, les jacobins, lui ob-
tinrent la liberté , la direction de l'armée
républicaine , et le commandement d'une
division , qui portait le nom à'arme'e des
côtes de La Rochelle. Ses rapines, ses
vexations, et la crapule dégoûtante à la-
quelle il s'abandonnait, éveillèrent con-
tre lui l'animadversion même des com-
missaires de la Convention , qui le desti-
tuèrent; mais les jacobins le firent réin-
tégrer. Il reprit le commandement, et
continua la guerre de la Vendée, où il se
signala par des massacres plutôt que par
des victoires. Presque constamment battu
parles royalistes, il fut défait en dernier
lieu à 3Iarligné(le 10 septembre 1793)
par La Rochejaquelein. Il s'en vengea
d'une manière digne de lui, en portant
le fer et la flamme partout où il passait.
Malgré tous ces échecs et son impéritie
reconnue, il obtint à la fin de septembre
le commandement en chef de l'armée des
côtes de Brest ; alors sa cruauté ne connut
plus de bornes, et surpassa même celle
des généraux Westermann et Ronsin, ses
collègues. Il poussa la barbarie à un tel
point, qu'il fit mettre à l'ordre du jour
« qu'il paierait 10 francs par chaque
» paire d'oreilles de chouans qu'on lui
X apporterait. » Rien n'était sacré pour
lui, ni les paisibles cabanes, ni les vil-
lages où Ton ne se défendait pas, ni
I
ROS
les ëglîses, ni leurs ministres, auxquels
il avait juré une haine implacable et for-
cenée. Ses mesures barbares, dignes
de son incapacité, le rendaient méprisa-
ble à son armée , tandis que ses vols et
ses profanations irritaient les républi-
cains eux-mêmes, si l'on en excepte les
jacobins les plus acharnés. Tant de ré-
clamations s'élevèrent contre lui, qu'il fut
enfin contraint de quitter le commande-
ment après le 9 thermidor, jour de la
chute du parti qui le soutenait. De retour
9 Paris , il prit une pari très active à
l'insurrection du 12 germinal an 3 (pre-
mier avril 1795), et fut en conséquence
décrété d'accusation et incarcéré. Peu de
jours avant le 1 3 vendémiaire ( 5 octobre
1795), il obtint son élargissement, et
combattit en faveur de la Convention
contre les sections de Paris. Passant d'un
complot à un autre , mais tenant tou-
jours au parti auquel il devait son éléva-
tion , il se jeta en 1796 dans la faction
de Babeuf et de Drouet. Arrêté dans la
nuit du 1 1 au 1 2 mai , dans le lieu oii se
rassemblaient les conjurés, il put encore
échapper à l'échafaud , quoique Grisel ,
dans ses dépositions, l'eût désigné comme
le plus sanguinaire de ces conspirateurs.
Il figura ensuite au 18 fructidor an 5
( septembre 1797 ) à la tête des troupes
chargées d'arrêter Pichegru et les autres
membres proscrits des deux conseils. Ja-
cobin ardent , il se déclara contre la ré-
volution du 18 brumaire ( 9 novembre
1 799 ), et fut désigné dans la liste de pro-
scription qui parut à la suite de cette
journée. Comme un mauvais génie sem-
blait le défendre contre toutes les puni-
tions lancées sur lui , et par la justice et
par la politique , il put de nouveau jouir
de sa liberté. Enfin , il ne fut arrêté qu'a-
près l'explosion de la machine infernale
dont on le crut sans fondement l'un des
complices. Compris dans le décret de
déportation qui fut lancé par le consul ,
il fut transporté d'abord aux îles Séchel-
les , puis à l'île d'Anjouan , oîi il mourut
en 1802, en dérobant ainsi à la justice
des hommes sa tête qui avait été tant de
fois digne de tomber sous le glaive du
bourreau. Il se faisait gloire de sa féro-
XI.
ROS 5i3
cité, et un jour dans un souper à Sau-
mur, on l'entendit dire : Regardez ce
bras, il a e'gorge'GZ prêtres aux Carmes
de Paris. Un autre jour en donnant ses
instructions à Grignon, général employé
sous ses ordres : Ah ca ! général de bri-
gade, lui dit-il , te v' la prêt à passer la
Loire ; tue tout ce que tu rencontreras ;
c'est comme ca qu'on fait une révolution.
(On trouve ces faits et autres semblables
dans les Mémoires du général Danican. )
Dans la conjuration de Babeuf, et seloa
le rapport de Grisel , son accusateur, il
avait dit dans le comité des conspira-
teurs : Je ne veux point me mêler de
votre insurrection, si les têtes ne tom-
bent comme la grêle, si le pavé n'est pas
rougi de sang, et enfin si nous n'impri-
mons pas une terreur qui fasse frémir
l'univers entier. Ce seul trait peut ache-
ver le portrait de Rossignol , un des
monstres les plus sanguinaires qu'ait en-
fantés la révolution. Rossignol était sans
talent, sans esprit, des mœurs dépra-
vées, brutal , grossier dans son langage,
dépourvu même de la première qualité
requise dans un soldat , de tout courage
personnel ; il ne montrait d'audace que
dans les groupes populaires.On assure que
pendant la guerre qu'il fit dans la Vendée
il montra une lâcheté à peine croyable ;
quand les insurgés pouvaient être atteints
ou quand un combat allait s'engager, il
montait sur quelque arbre touffu , ordi-
nairement hors de la portée du feu , et
criait à ceux quijl'entouraient : En avant ^
battez- vous bien, le Rossignol va chan-
ter. Dans les nombreuses retraites qu'il
fut obligé de faire, il avait aussi l'habi-
tude de mettre le premier sa personne à
couvert.
ROSSIGNOLI ( Bernardin ), jésuite
piémontais, mort en 1613, s'appliqua à
la critique sacrée. On a de lui plusieurs
ouvrages , entre autres : Historia diSan
Maurizio. Il y prouve jusqu'à l'évidence
l'histoire du martyre de ce chef de la lé-
gion Ihébéenne. Voyez Maurice.
* ROSSIGNOLI (Charles-Grégoire),
jésuite, né à Borgo-Manero , en 1631,^
dans le diocèse de Novare, mort le 5
janvier 1707, est particulièrement connu
65.
5i4 ROS
par son ouvrage du Choix édun état de
vie , traduit de l'italien sur la 8* édition
publiée à Venise en 17 51 . Il a aussi com-
posé une Instruction pratique pour les
nouveaux confesseurs , divisée en deux
parties , ne formant qu'un volume , et
plusieurs autres Ouvrages ascc'tiques
réunis par Baglioni en un recueil, pré-
cédé de la Fie de l'auteur, et publié à
Venise, 1723, 3 vol. in-4.
* ROSSLYN (Alexandre Weddkrburnk,
comte de ) , jurisconsulte écossais et
grand chancelier d'Angleterre, naquit en
1733 à Edimbourg d'une ancienne fa-
mille qui lui donna une excellente édu-
cation. Après avoir étudié les lois dans
sa patrie , il fut reçu avocat en 1 7 52 , et
\int à Londres oii il parut avec éclat au
barreau dès l'année 1757. Six ans après
il fut admis au conseil du roi. Rosslyn
avait des connaissances aussi profondes
qu'étendues , était d'une application in-
fatigable, et devint un des plus beaux
ornemens du parlement anglais, auquel
il fut nommé par le comté de Bichemont.
Ancien ami de M. George Greenneville,
il se rangea avec lui du parti de l'oppo-
sition , auquel il fut d'une grande utilité,
et par son éloquence et par son zèle à en
soutenir la cause. Après avoir figuré pen-
dant cinq ans dans les rangs de l'oppo-
sition , il se décida ensuite à embrasser
la cause du ministère, et accepta en 1771
la place d'avocat-général. Il fut ensuite,
et successivement , nommé procureur-
général (1778), premier juge des plaids
communs (1780), baron de Longborough,
et président de la commission pour le
procès des insurgés à Soutwartk. On
l'accusa , peut-être avec assez de justice,
d'avoir impliqué dans ce procès plusieurs
persones qui y étaient étrangères, mais
qui figuraient dans le parti anti-minis-
tériel. Rosslyn sembla presque toujours
balancer entre deux opinions , et les fa-
veurs du monarque étaient souvent d'un
grand poids pour sa conduite. A la cour
des plaids communs, il se montra par
' fois l'ami du peuple, et surtout des ma-
rins qui avaient à se plaindre de leurs
officiers ; il favorisa l'administration de
lord iVorth et de Fox , vota avec eux dans
ROS
l'opposition ; mais ayant été appelé à la
place de chancelier, il s'éloigna de Fox ,
se déclara contre ses avis sur la révolu-
tion française. En 1793, il soutint vi-
goureusement les ministres et tous les |
opinans pour la guerre contre la France. |
Il fut crée, en 1801 , comte de Rosslyn :
ayant eu à souffrir quelques désagrémens
de la part de plusieurs membres du parti
de l'opposition, il se démit, dans cette
même année , de sa charge de chancelier.
Il vécut depuis lors dans la retraite, et
mourut subitement en 1805 , à l'âge de
72 ans. On cite de lui des Observations
sur Ve'tat des prisons d' Angleterre et
sur les moyens de l'ame'liorer. Quoiqu'il
soit assez peu ménagé dans les Lettres de
Junius, il est un de ceux auxquels on a ■
attribué ce fameux pamphlet. 1
ROSSO (Rosso del), nommé ordi-
nairement Maître Roux , peintre , na-
quit à Florence en 1496. Son génie et l'é-
tude des ouvrages de Michel-Ange et du
Parmesan , lui tinrent lieu de maître.
C'est en France qu'est la plus grande par-
tie de ses ouvrages. François P"^, qui l'a-
vait appelé auprès de lui, le nomma sur-
intendant des ouvrages de Fontaine- J
bleau. La grande galerie de ce château a *
été construite sur ses dessins , et embel-
lie par les morceaux de peinture , par les ,
frises et les riches ornemens de stucqu'il
y fit. Le roi , charmé de ses ouvrages , le
combla de bienfaits, et lui donna un ca-
nonicat de la Sainte-Chapelle. Ce pein-
tre ayant accusé injustement Pellegrin ,
son ami , de lui avoir volé une grande
somme d'argent, et ayant été cause des
tourmens qu'il avait soufferts à la ques-
tion , ne put supporter le chagrin que cet
événement lui causa; et poursuivi d'ail-
leurs en réparation par l'accusé, il prit
un poison violent qui le fit mourir le mê-
me jour ,à Fontainebleau, en 1541. Maî-
tre Roux mettait beaucoup de génie dans
ses compositions, réussissait parfaite-
ment à exprimer les passions de l'àme,
et donnait un beau caractère à ses têtes
de vieillards, et beaucoup d'agrémens
aux figures des femmes qu'il représen-
tait ; il possédait bien le clair-obscur.
Mais sa façon de dessiner , quoique sa-
r
ROS
vante , avait quelque chose de sauvage :
il travaillait de caprice, consultait peu
la nature, paraissait aimer ce qui avait
un caractère bizarre et extraordinaire.
Vasari a écrit sa Fie. (Le musée de Paris
conserve de ce peintre un excellent ta-
bleau représentant la Fierge qui reçoit
les hommages de sainte Elisabeth.)
" ROSTAING ( Juste-Autoiue-Henri-
Marie Germain , marquis de), lieutenant-
général des armées du roi, né en 17 40 au
château de Vauchette , près de Montbri-
son , fit ses premières armes en qualité
de cornette dans le régiment de Caraman,
sous les ordres du maréchal de Broglie ,
pendant la campagne de 1760 en Alle-
magne. En 1769, il entra comme aide-
major dans la première compagnie des
mousquetaires. Nommé, en 177 8, colo-
nel du régiment de Gatinois ou Royal-
Auvergne , il avait dû ce grade à la ma-
nière brillante avec laquelle il s'était
signalé , quelques années auparavant, à
la prise de la Martinique et à l'attaque
de Sainte-Lucie. Il fit ensuite les campa-
gnes d'Amérique, et obtint le titre de
maréchal-de-camp , en récompense de sa
belle conduite à la prise d'York. De re-
tour en France , le marquis de Rostaing
fut nommé député du Forey à l'assemblée
constituante. Il fut, peu de temps après,
promu au rang de lieutenant-général.
Dégoûté bientôt de la révolution et des ré-
volutionnaires, il se retira dans ses terres
où il s'est occupé dès lors , jusqu'à la fin
de sa vie , à soulager les malheureux dont
il a emporté les regrets au tombeau. Il
est mort dans le mois de septembre 1 826,
dans son lieu natal.
* ROSTOPCHIN (le comte Théodore
ouFédor), gouverneur de Moskow , na-
quit en 1763 à Livna dans le gouverne-
ment d'Orel , d'une famille ancienne qui
cependant n'avait rempli avant lui au-
cune place marquante. Il prit de bonne
heure le parti des armes, et à 21 ans il
était parvenu au grade de lieutenant de
la garde impériale, lorsqu'il quitta le
service pour voyager. Il séjourna quel-
que temps à Berlin où il se concilia l'af-
fection du comte Romanzoff. Ce fut sans
doute à la protection de ce seigneur qu'il
ROS 5i5
dut la haute faveur dont il jouit , au
commencement du règne de Paul I*'.
Les intrigues de la cour l'atteignirent
quelquefois, et il subit des disgrâces
de courte durée, à cause de la hardiesse
avec laquelle il ne craignait pas d'émet-
tre ses opinions. Depuis l'avènement
d'Alexandre , il fut tout-à-fait exilé dans
ses terres. Cependant à l'époque de l'in-
vasion des Français en 1812, il vint à
Moskow et fut nommé commandant de
cette ville. Chacun sait que cette ca-
pitale fut brûlée, lorsque les Français
étaient sur le point de s'en emparer;
mais ce que l'on ignore, ce sont les détails
qui se rattachent à l'exécution de ce plan.
Le comte Rostopchin suggéra ce moyen
comme unique voie de salut : le 1 1 sep-
tembre 1812 , il adressa aux Moskowites
une proclamation dans laquelle il les
engageait au nom de la religion et de la
patrie à prendre du pain pour trois jours,
à quitter cette ville et à se réunir sur les •
trois montagnes. Le lendemain 12, le
gouverneur quitta Moskow, et deux jours
après les Français entrèrent dans celte
citéquelesflammesavaientpresque entiè-
rement détruite. Le comte Rostopchin se
démit de ses fonctions en 1814. Dès lors
il ne prit aucune part aux affaires publi-
ques. En 1817, il vint à Paris, et huit ans
après il retourna à Moskow , et c'est là
qu'il est mort le 12 février 1826. Dans
l'écrit qu'il a publié en 1823, et qui a pour
titre : Lavérité sur l'incendie de Moskow,
Paris, in-8 , il a répudié la gloire d'avoir
sauvé sa patrie, et rejeté sur des soldats
ivres l'incendie qui arrêta l'armée fran-
çaise.
ROSWEIDE ( Héribert ) , jésuite, né
àUtrecht, en 1569 , enseigna la philoso-
phie et la théologie à Douai et à Anvers
avec réputation , et mourut dans cette
dernière ville en 1629. La connaissance
des antiquités ecclésiastiques brille dans
tout ce que nous avons de lui. Ses ouvra-
ges sont : l°unejE'rftïw« de saint Paulin,
avec des notes, 1621 ; 2° une Histoire
des vies des Pères du désert , Anvers ,
1628 , in-fol. , estimée ; 3" une édition du
Martyrologe d'Adon , avec des notes sur
l'ancien Martyrologe romain, Anvers,
5i6 ROT
1613, in-fol. , estimée ; 4° F asti sancto-
rum , Anvers, 1607, in-8 : c'est la publi-
cation des vies des saints dont il a trouvé
les manuscrits aux Pays-Bas. L'auteur y
donne le projet de l'immense compila-
tion des bollandistes. ( Voyez Bollan-
DUS. ) 5° Une Edition de l'Imitation de
J. C, avec la Vie de Thomas a Kempis ^
et les raisons invincibles qui doivent faire
attribuer cet inestimable ouvrage à cet
auteur, etc. Anvers, 1617 ; 6° Dispulor
tio de fide hœreticis servanda, 1610,
in-8 ; 7" une Edition du Pré spirituel de
Jean Moschus, avec des notes, 1615,
in-fol. Il a aussi publié quelques ouvra-
ges en flamand, entre autres : 1° Vies
des saints, Anvers, 1641, 2 vol. ; 2° His-
toire eccle'siastiquejusqu'à Urbain VIII,
et Histoire de F Eglise belge, 1623,
2 vol. in-fol. ; 3° Vies des saintes filles
qui ont vécu dans le siècle , 1642, in-8.
Voyez Zyp>eus.
ROSWITA DE Gandesheim, ainsi
nommé parce qu'elleétait religieuse dans
lé monastère de ce nom, ordre de Saint-
Benoît , près de Hildesheim, se distingua
par son goût pour les belles-lettres. On a
d'elle: 1° six Drames en -çro^e , sur des
sujets pieux ; 2° Poème héroïque sur la
•vie de l'empereur Otlion I"; 3° deux
Poèmes à la louange de la Mère de Dieu ;
4° des Elégies sur le martyre de sainte
Agnès, de saint Denys, de saint Pelage
deCordoue, etc. Ces ouvrages, écrits en
latin , ont été publiés par Conrad Celtes,
l'an 1501, et par Henri Schurfleisch,
Wittembérg, 1707, in-8. Roswita floris-
sait vers l'an 070.
* ROTA ( Martin ) , graveur célèbre
du 16^ siècle, naquit à Sabénico en Dal-
matie, vers l'an 1520 , vint à Venise, y
étudia son art, et, jeune encore, il y
acquit une réputation méritée. 11 a laissé
un grand nombre d'ouvrages très estimés
encore de nos jours, et qui figurent dans
les collections les mieux choisies. Les
principaux sont : le Jugement dernier ,
d'après Michel-Ange , chef-d'œuvre ad-
mirable qui fut copié depuis par Michel
Gaultier. L'une et l'autre gravure sont or-
nées du portrait de Michel-Ange; on peut
néanmoins aisément les distinguer , soit
ROT
par la différence du mérite, soit parce
que dans la première on voit le visage du
portrait tourné vers la gauche du specta-
teur, et dans celle de Gaultier, vers la
droite. Deux autres Jugemens derniers ,
l'un , dédié à l'empereur Rodolphe, est
tout entier de Rola ; le second , terminé
par Anselme de Boodt, est inférieur au
premier, mais cependant remarquable
par deux figures de femmes qui se tien-
nent embrassées , et qui sont du fini le
plus fparfait. La Madeleine pénitente ;
Le Martyre de saint Pierre , d'après le
Titien; Prométhée déchiré par le vau-
tour ; dififérens morceaux d'après Ra- ■
phaël, Jules-Romain, etc. Rota mourut a
Venise vers l'an 1560.
* ROTA ( L'abbé Joseph ) naquit à
Bassano le 7 mai 1720. Il embrassa l'état
ecclésiastique, et en 1760 il obtint la
cure de Saint-Sauveur à Bergame , ville
dont il était originaire. Il était très versé
dans les sciences sacrées , se distingua
dans la prédication , et cultiva en même
temps et avec succès la littérature. Indé-i
pendamment de plusieurs lettres critir
ques , Ae poésies fugitives, de différens
discours académiques , et de quelques
ouyrages de controverse , on a de lui;
\° Poetica d'Orazio , esposta in ottava v
rima, Bergame, 1752, in-8. Cette traduc:
tion est très estimée, autant parla beauté^
du stile que par la fidélité avec laquelle
l'auteur a su rendre le texte original.
2" Adamo, poema in canti VI, Bergame
1778 , qui pourrait servir de pendant à
La Mort d'Abel de Gessner. Le poème
de l'abbé Rota est écrit en octaves de vers
de onze syllabes, mètre usité par les Ita-
liens dans la poésie épique. Cet ouvrage
qui établit à jamais la réputation de l'au-
teur comme bon poète , est rempli d'i-^
mages neuves , de belles pensées , d'un
intérêt toujours croissant, de sentiment
tendres et profonds , et il est en outre;
écrit d'un stile aussi élégant que correct.
L'abbé Rota fut estimé par ses vertus
comme par ses talens , et mourut à Ber-
game le 5 mai 1792, âgé de 72 ans.
* ROTARUS ou RoTARio, en latin Ito-
tarius ( Sébastien ), médecin, naquit à
Vérone en 1G78« eut beaucoup de bon-
R0T
heur dans, ses cures , dans lesquelles il
adopta la méthode la plus simple. Il se
déclara contre l'usage de la saignée, et
fut un de ceux qui introduisirent celui
du mercure dans le traitement de pres-
que toutes les maladies. La plupart de
ses ouvrages , qui trouvèrent beaucoup
de partisans, roulent sur ces deux ob-
jets. Les plus remarquables sont : 1° Il
MedLco padre, Vérone, 1719-1720, in-4,
où il est parlé particulièrement de la
pleurésie ; 2° Rimedio di non ispregiare
hel mal caduco , Vérone, 1722, in-8.
Rotarus cherche à prouver dans ce livre
l'utilité des frictions mercurielles dans
la cure del'épilepsie. Il mourut en 1742,
et tous ses ouvrages furent imprimés
in-fol. deux ans après.
ROTGANS ( Luc ) , né à Amsterdam
en 1645, se livra à la poésie hollandaise,
dans laquelle il surpassa tous les poètes
qui l'avaient précédé. Il prit le parti des
armes dans la guerre de Hollande, en
1 6 7 2 ; mais après deux ans de service , il
se retira dans une belle maison de cam-
pagne qu'il avait sur le Vight, oii il goûta
les charmes de la poésie. Ce littérateur
mourut de la petite-vérole , en 1710, à
65 ans. On a de lui : 1° la Fie de Guil-
laume III, roi d'Angleterre, poème
épique en huit livres , estimé des Hollan-
pais; mais qui ne sera jamais mis, par
les autres nations , au rang des ouvrages
d'Homère, de Virgile, ni même de Lu-
cain ; 2° d'autres Poésies hollandaises,
imprimées à Leuwarden en 1715, in-4.
ROTH ( Michel , né en 1 7 2 1 , à lUuxta,
bourg de Courlande , entra chez les jé-
suites en 1737 , exerça le ministère de la
prédication à Dunebourg, et ht ensuite
des missions dans la Lithuanie et la Li-
vonie polonaise, aujourd'hui russe. Après
de loDgs travaux couronnés d'éclatans
succès, il huit sa vie laborieuse dans le
village de Dagda , le 3 décembre 1785 ,
jour de saint François-Xavier , dont il
avait constamment tâché d'imiter les ver-
tus apostoliques. Peu de missionnaires
ont instruit le peuple d'une manière plus
suivie et plus solide : il n'admettait per-
sonne , pas même parmi les grands du
royaume , à la confession pascale , qu'il
ROT 517.
n'eût assisté à toutes les exhortations
qu'il faisait pendant le carême. Les éta-
blisscmens utiles qu'il forma, les prati-
ques religieuses qu'il introduisit, les
bons ouvrages qu'il publia, surtout pour
l'instruction du peuple , sont en très
grand nombre, et sont devenus une
source abondante des fruits subsistans que
les provinces qu'il arrosa de ses sueurs
continuent à recueillir.
ROTHARIS, roi des Lombards, mort
en 652, âgé de 47 ans , régna depuis 636.
Il donna le premier des lois écrites à ses
sujets, en 643. Ses successeurs l'imitè-
rent, et de leurs édits se forma insensible-
ment un volume qu'on appela les Lois
lombardes. Ces lois, publiées par Lin-
denbrog , devinrent célèbres dans toute
l'Europe , par leur équité , leur clarté
et leur précision. Rotharis était arien;
mais il aimait la justice, et la rendait!
avec soin.
ROTHELIN ( Charles d'Orléans de ) ,
ecclésiastique, né à Paris en 1691 , de
Henri d'Orléans , marquis de Rothelin ,
descendant du brave Dunois. Charles ac-
compagnale cardinal dePolignacà Rome,
et visiita les principales villes d'Italie.
Son goût pour les antiquités et pour la <■
littérature lui fit rassembler un riche ca-
binet de médailles antiques, et formen
une nombreuse bibliothèque. Il sacrifia >
tout, même les prélatures qui lui furent-
offertes, au plaisir de cultiver les lettres .
en paix. Les langues vivantes et les lan-
gues mortes lui étaient familières. Cet
illustre littérateur nourut en 1744 , dans t
sa 53^ année. Il était de l'académie fran-
çaise , et membre honoraire de celle des
Inscriptions. Le cardinal de Polignac lui ;
ayant laissé en mourant son Anti-Lu-
crèce encore imparfait , l'abbé de Rothe-
lin le mit dans l'état oîi nous le voyons ,
etle fit paraître avec une préface d'une
latinité riche et harmonieuse , digne de
l'ouvrage auquel elle sert d'introduction.
Le Catalogue de sa riche bibliothèque ,
dressé par Gabriel Martin, est un des plus
recherchés par les bibliographes. ( Il a
laissé plusieurs manuscrits sur la théolo-
gie, et a publié : Observations et détails .
sur la Collection des grands et petits
5i8 ROT
voyages, Paris, 1742 et 1768. VEloge
de Rothelin par Frérot se trouve dans le
recueil de l'académie des Inscriptions. )
ROTHMANN ( Christophe ) , célèbre
astronome de Wilhelm , landgrave de
Hessc, mort en 1592. On a de lui un
Traité sur les comètes, et quelques Let-
tres écrites à Tycho, qu'on voit dans le
tome 1 *■" des E pitres astronomiques de
ce dernier. Rothmann, en défendant l'hy-
pothèse de Copernic , et en l'employant
pour expliquer les phénomènes célestes,
disait que le défaut de parallaxe annuelle
ne permettait pas de la regarder comme
réalisée dans le fait. Voy. Tïcho.
*R0T1GNI ( Dom Constantin ) , sa-
vant béiiédictiu , né d'une famille noble
à Trescore , dans le pays de Bergame , le
23 mars 1696, après avoir fait ses études
dans cette dernière ville , prit l'habit re-
ligieux dans le monastère de Sainte-Jus-
tine à Padoue , congrégation du Mont-
Cassin , et y fit profession. Il avait l'es-
prit vif, et d'heureuses dispositions pour
réussir dans les sciences. Il s'appliqua
aux saintes lettres, sous la direction du
célèbre Père Benoît Bacchini , de la mê-
me congrégation , alors abbé du monas-
tère de Reggio. Le Père Rotigni devint
un savant du premier ordre. D'abord il
enseigna la philosophie au monastère
de Sainte-Justine, et ensuite à Averse et
à Florence. Il professa ensuite le droit
canon à Ravenne et à Rome , fut chargé
du soin des novices dans divers monas-
tères , et nommé à différentes supériori-
tés , jusqu'à ce qu'enfin , en 1762 , il fut
fait abbé et visiteur-général des provin-
ces cisalpines. C'était le temps où s'agi-
tait avec feu la question du probabilis-
me. Dom Rottigni intervint dans cette
dispute , et s'y distingua par sa science
et son zèle contre la morale relâchée. On
a delui : i" De canonibus vulgo aposto-
Ucis...' epistola critica ad reverendum
p. Raymondum Missorium, Venise,
1734; 2* Lo Spirito délia Chiesa nelV usa
dé salmi, o ampia parafrasi di essi , in
forma d'orazione e di esortazione, 2-vol.
in-12, plusieurs éditions; la 4% Padoue,
1760, revue et améliorée. On a prétendu
que l'auteur dans cet ouvrage n'avait
ROT
point évité les répéfitions ; mais il écri-
vait pour lesgens simples et sans lettres,
à qui il fuut de longues explications.
3° Trattato délia conjîdenza cliristiana
e delV uso légitima délia vérité che ri-
guardano la grazia di Giesu Christo,
etc. , Venise ,1751: c'est le Traité de la
con^ance de Fourquevaux; 4° Parafrasi
dé cantici , colla spiegazione dcl Pater
nosler, Padoue, 1766; 5° Parafrasi
degl' Inni seconda la loro letterale , mis-
ticae morale intelligenza, etc., Padoue,
1752; 6° Bella nécessita delV amor di
Dio per essere con lui riconciliati nel sa-
cramento délia penltenza , ete , Rove-
redo, 1750. Ce livre essuya une critique
de la part du Père Zaccaria, jésuite. Dom
Rotigni y répondit. 7° La Concordia
délia passione diN. S. con annotazioni,
Brescia , 1756. Ce savant bénédictin est
auteur de beaucoup d'autres ouvrages ,
ou imprimés ou restés inédits. Il a écrit
contre le Père Berruyer ; il a traduit la
Genèse de Duguet , et V Instruction pas-
torale de l'archevêque de Tours , sur la
justice chrétienne ; il a donné un recueil
d'opuscules spirituels, etc. Dom Rotigni
eut le malheur d'embrasser la doctrine de
Port-Royal , et de ternir ses rares quali-
tés par l'esprit de secte. On ne peut lui
refuser beaucoup de science , le mérite
d'une vie austère , les qualités d'un bon
religieux. Le bruit courut qu'avant de
mourir il avait rétracté quelques-unes de
ses opinions , en présence de son supé-
rieur, qu'il pria d'en instruire son évê-
que;on en publia même une relation.
Quoi qu'il en soit , il est certain que ses
derniers momens furent ceux d'un reli-
gieux édifiant et rempli de la piété la
plus exemplaire. Il expira dans ces senti-
mens, le 20 avril 1776, âgé de 80 ans. Il
avait un frère ( Joseph Rotigni ) , cha-
noine, non moins savant théologien et
canoniste que prédicateur distingué. Il
fut vicaire-général de l'évéque de Berga-
me , et mourut vers 1 780.
ROTROU (Jean de), poète dra-
matique, un des créateurs du théâtre
français régulier, naquit à Dreux eu
1609 (d'une ancienne et honorable famille
de Normandie). Il acheta la charge de
ROU
lieutenant particulier au bailliage de
cette viile, qu'il exerça jusqu'à sa mort ,
arrivée le 27 juillet 1650. (A 19 ans il
avait obtenu deux succès sur la scène
dramatique ; mais ses deux pièces sont ou-
bliées aujourd'hui. Le cardinal de Riche-
lieu ayant eu l'occasion de connaître le
talent naissant de ce jeune poète , voulut
associer Rotrou aux écrivains qui étaient
chargés de sa gloire littéraire : Corneille
faisait partie de cette société ; le poète de
Drfeux ne tarda pas à reconnaître sa su-
périorité. A l'époque où parut /e Cid,
Rotrou était déjà connu par quelques
pièces imitées de l'espagnol , par une
tragédie imitée de Sophocle , et par trois
Come'dies imitées de Plante. Corneille
éminemment modeste, né trois ans avant
Rotrou, l'appelait son père; et cependant
les chefs-d'œuvre de ce dernier, Chosroès
et Fenceslas furent précédés par les
représentations du Cid, à.' Horace, de
Cinna , d'He'raclius et de Rodogune.
Rotrou plus noble que le poète Mairet
eut le courage de proclamer , sur la scène
même de ses triomphes , toute la supé-
riorité de Corneille ; il le fit dans une
tirade e'pisodique et de hors-d'œuvre dans
sa tragédie de Saint-Genest. Rotrou s'é-
tait proposé dans ses pièces un but mo-
ral qu'il n'atteignit point dans l'exécu-
tion : il voulait purger le théâtre des
situations hasardées, des facéties par trop
grivoises , de la licence des mœurs qui
régnait alors dans toutes les compositions
dramatiques ; mais sans le vouloir et
presque sans le savoir , il se laissa entraî-
ner sur les erremens de ses devanciers :
car il donnâtes imbroglios du théâtre es-
pagnol. ) Cependant il se distingua de la
foule des rimailleurs de son temps, par
son génie véritablement tragique, par
l'élévation de ses sentimens , par l'heu-
reux contraste des caractères , par la
force du stile. il ne lui manquait que la
correction du langage et la régularité des
plans. (Lesgrandes études lui manquaient;
mais il avait deviné quelques-uns de ces
mystères de l'art que Corneille savait
mettre dans ses ouvrages). Rotrou a com-
posé trente-six pièces de théâtre , tragé-
dies ou comédies. Une seule est demeurée
ROU 5i9
au théâtre , c'est Venceslas. Marmontel
et Colardeau ont pris soin de rajeunir
cette tragédie ; mais le premier a eu tort
de remplacer le dévouement par un autre
qui est loin d'être dramatique. On se pro-
cure difi&cilement toutes les productions
de Rotrou, qui n'ont jamais été réimpri-
mées en collection. Quelques-unes dé
ses pièces se trouvent dans le Théâtre,
français, Paris, 1737, 12 vol. in-12.
Rotrou mourut victime de son devoir.
Une épidémie terril de afQigeait la viile
de Dreux ; en sa qualité de magistrat, il
y crut sa présence nécessaire ; et , mal-
gré les instances de ses amis , il se rendit
à Dreux , oîi quatre jours après il cessa
de vivre , à l'âge de 41 ans. (Il n'existe
qu'une édition in-8 des OEuvres de Ro-
trou , Paris , 1820-1822, 5 vol. On re-
grette que M. Violet-Leduc , de qui sont
les Notices historiques et littéraires pla-
cées en tête de chaque pièce dans cette
édition , ait supprimé les argumens de
l'auteur ainsi que les Epîtres dédicatoi-
res , et qu'il n'ait pas toujours respecté
le texte de l'auteur. En 18il l'Institut a
décerné à Millevoye le prix de poésie
pour une ode qui a pour titre, la Mortdc
Rotrou ) .
RDUAULT. Foyez Gamachk.
* RODAI RIE ou mieux Rouabie
( Armand-SAFFiN , marquis de la), gen-
tilhomme Breton, né en 1756 au château
de la Rouarie en Bretagne d'une famille
distinguée de cette province, entra au
service en qualité d'officier dans les gar-
des françaises d'oîi quelques désordres de
jeunesse le firent renvoyer. Après s'être
retiré au monastère de la Trappe , il en
sortit pour reprendre les armes : il fit
avec distinction la guerre d'Amérique ,
sous le général Rochambeau. De retour
en France , au commencement de la ré-
volution , il se déclara contre toute es-
pèce d'innovations , et en faveur de la
monarchie : il fut nommé parmi les douze
députés bretons qui vinrent auprès de
Louis XVI en 1788, pour demander la
conservation des privilèges de la pro-
vince. Sa résistance aux décisions du mi-
nistère le fit mettre à la Bastille, d'oii il
sortit cependant quelques jours après.
520 ROU
L'année suivante il se mit à ia tête de la
noblesse bretonne , et fut le premier qui
s'opposa à la double représentation du
tiers-état aux états généraux. Il prévoyait
d'avance la destruction de la monarchie,
par les innovations qu'on projetait. Il
résolut en conséquence de lâcher d'op-
poser une digue au torrent qui allait
déborder-, il ne trouva d'autre moyen
qu'une contre-révolution. Il se rendit
à Coblentz en 1791 , et communiqua
ses projets aux princes , frères de Louis
XVI , qui les approuvèrent. De retour
en Bretagne , il conçut l'idée de se
rendre maître des deux rives de la
Loire , en insurgeant la Bretagne , l'An-
jou et le Poitou. Le marquis de la
Rouairie se fit bientôt an grand nombre
de partisans , et devint le chef de la
confédération bretonne. Après avoir fait
des réglemens militaires et civils , il
réunit ses partisans dans son château ,
leur fit part de ses plans, et distribua
parmi eux les différentes commissions
des princes. Les alliés ayant attaqué les
frontières du nord de la France, la Rouai-
rie crut ce moment favorable pour faire
éclater la contre-révolution ; mais ses
démarches avaient été épiées et dévoilées
au comité de sûreté générale, et il fut
contraint de se dérober aux poursuites
de ses ennemis. Il erra long-temps de
village en village , et de château en châ-
teau , faisant partout de nouveaux pro-
sélytes. Mais la funeste journée du 10
août , les mauvais succès des troupes
alliées, vinrent encore déranger ses pro-
jets. La Rouairie, ne se laissant pas abat-
tre, se décida à les ajourner. Il passa
l'hiver dans l'inaction, et errant de nou-
veau d'asile en asile , la fatigue l'obligea
enfin de se réfugier au château de la
Gyomarais , oii il fut attaqué d'une grave
maladie, qui , en quatorze jours , le con-
duisit au tombeau , le 30 janvier 1793.
Le commissaire Morillon , qui avait été
envoyé en Bretagne pour arrêter la Rouai-
rie , lit exhumer son cadavre pour s'as-
surer si la nouvelle de sa mort était
vraie : peu de temps après , il découvrit
dans le jardin de la Fosse-Engant tous
les papiers de ce chef, enfermés et en-
ftÔtJ
sevelis dans un vase de terre. Cette dé-
couverte donna lieu à plusieurs arresta-
tions. Cependant les travaux de la Rouairie
ne furent pas perdus , et dans le mois
de mars de la même année éclata la con-
tre-révolution qu'il avait préparée avec
tant de zèle et de sagesse. ( Voy. les arti-
cles Charette, La ROCHEJAQUELEIN, CtC. )
On peut consulter, sur la conjuration de
la Rouairie , V Histoire de la guerre de la
f^ende'e, par M. Alph. Beauchamp , tom.
1", liv. 2, 4« édition.
* ROUBAUD (Pierre-Joseph-André),
littérateur et ecclésiastique , né à Avi-
gnon en 1730, débuta à Paris dans la
carrière littéraire par l'ouvrage intitulé :
Nouveaux synonymes français, 1786,
4 vol. in-8 , et qui n'est pas inférieur à
celui sur le même sujet , que publia
l'abbé Girard. On blâme cependant dans
l'ouvrage de Roubaud quelques rappro-
chemens un peu forcés, et des explica-
tions parfois obscures. Il a publié avec
le Camus Journal du commerce depuis
1769 jusqu'à la fin de 1762, Bruxelles ,
24 volumes in-1 2; et avec Dupont de Ne- ^^
mours , Quesnay , le marquis de Mira-
beau et autres, le Journal de V Agricul-
ture , du commerce et des finances ,
depuis 1764 jusqu'en 177 4, et il le reprit
avec Ameilhon sous le titre de Journal
d^ Agriculture , comm.erce , arts et fi-
nances, de 1779 jusqu'à la fin de 1783.
On lui doit en outre le Politique indien
ou Considérations sur les colonies des
Indes Occidentales , 1768 , in-8 ; Repré-
sentations aux magistrats sur la liberté
du commerce des grains, 1769, in-8;
Récréations économiques ou Lettres au
chevalier Zanobi, 1770, in-8 ; c'est une
réfutation du Dialogue sur le commerce
des ble'i p&r l'abbé Galiani; Histoire de,
l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique ,
Paris, 1770 à 1775, 16 vol. in-12, ou
5 vol. in- 4. Ses Synonymes français
qui parurent en 1785, 4 vol. in-8 , ob-
tinrent l'année suivante le prix d'utilité
fondé à l'académie française. Ils ont été
depuis plusieurs fois réimprimés. D'a-
près la liste de ses ouvrages on voit que
Roubaud ne s'occupait pas seulement de
littérature : il était attaché au système
ROU
des économistes , et devint l'un des chefs
les plus zélés de cette secte politique
dont il partagea les succès et les disgrâ-
ces. Recherché et repoussé tour à tour
par le gouvernement, il fut exilé en
1775 avec l'abbé Bandeau. Rappelé l'an-
née suivante , il obtint une pension de
trois mille livres sur les économats. Après
s'être livré depuis cette époque à plu-
sieurs travaux littéraires et économi-
ques, il mourut à Paris en 1792.
*ROUBO (Jacques André ), savant et
habile menuisier, né à Paris en 1739, étu-
dia avec succès le dessin et la géométrie
qu'il sut appliquer utilement à l'art qu'il
avait embrassé, et que professait aussi
son père. En 1769 il présenta h l'académie
des Sciences un Traite de. l'art du me-
nuisier ; et, sur le rapport des commis-
saires chargés d'examiner cet ouvrage ,
l'académie décida qu'il ferait partie du,
recueil de la Description des arts et mé-
tiers. A l'époque de la formation de la
garde nationale, houbo fut nommé lieu-
tenant ; mais sa faible santé ne put sup-
porter les fatigues du camp de la fédé-
ration (juillet 17 90). Il mourut dans le
mois de mars 1792 à l'âge de ûl ans. Un
décret de la Convention du 4 septembre
lî95 accorda à sa veuve un secours de
3 ,000 francs. Les ouvrages les plus re-
marquables de Roubo sont la coupole de
la halle aux blés , le berceau qui sert de
couverture à la halle aux draps, et le
grand escalier de l'hôtel de Marbœuf ; ils
sont exécutés avec autant de précision
que de délicatesse. Outre Vart du me-
nuisier, 1769-76, 4 vol. in-folio , précédé
à'e'lémens de géome'trie mis à la portée
des ouvriers et accompagné de planches
d'après les dessins de l'auteur , on a en-
core de lui un Traite' de la construction
des théâtres et des machines théâtrales,
Paris, 1777, in-folio de 67 pages et 10
planches; eiVart dulayetier, ibid. 1782,
in-folio , avec sept planches dessinées et
gravées par l'auteur.
"ROUCHER ( Jean-Antoine ) , poète ,
né à Montpellier le 22 lévrier 1745 , fit
868 études chez les jésuites , et songea
pendant quelque temps à embrasser
Vétat ecclésiastique. Il vint à Paris pou;
XI.
ROU 521
suivre les cours de la Sorbonne ; mais
le goût de la poésie , l'amour de l'indé-
pendance et les séductions du monde le
firent renoncer à ce projet. II se lia avec
plusieurs littérateurs, Berquin , Dussieux,
Imbert , etc. et se fit connaître par quel-
ques pièces fugitives qui eurent du suc-
cès. A l'époque du mariage du Dauphin
( depuis Louis XVIjavecMarie-Antoinette
archiduchesse d'Autriche, ilfitunj^oème
qui lui valut la protection du ministre
Turgot; ilobtint uneplace de receveur des
gabelles à Montfort l'Amaury. Roucber
employa les loisirs que lui laissait cette
charge à la composition de quelques ou-
vrages littéraires. A l'époque de la révo-
lution, Boucher en adopta d'abord lés
principes ; mais bientôt il ne put voir
sans indignation les excès de 1792 et de
1793, et il n'hésita point à exprimer hau-
tement ses opinions. Persécuté, obligé de
se cacher sous le régime de la terreur,
il fut arrêté une première fois; mais un
de ses amis obtint son élargissement. Plus
tard son domicile fut violé pendant la
nuit par les agens des jacobins. Roucher
aurait pu s'enfuir; mais, en fuyant, il
aurait compromis celui qui avait ré-
pondu de lui : il resta donc et fut con-
duit à Sainte-Pélagie où il fut détenu
pendant plus de sept mois. Il conserva
toujours le même calme sous les verroux,
et continua à travailler à une nouvelle
édition de sa Traduction de l'ouvrage
d'A. Smith intitulé : De la j'ichesse des
nations qu'il avait publié en 1790. Le 6
août 1794 il apprit que son nom était
inscrit sur les rôles du tribunal révolu-
tionnaire, et qu'il allait passer en juge-
ment, comme impliqué dans la préten-
due conspiration des prisons : ce jour-'
là même il fit faire, par un artiste qui était
détenu comme lui, son portrait au bas
duquel il écrivit ces vers , en l'adressant
à sa femme et à ses enfans :
Ne touf étonne» pas , objets cbarmans et doux ,
Si quelque air de triatesae obscurcit mon tisage :
Quand un savant crayon dessinait cette image.
On dressait l'échafaud , et je pensais à tous.
Condamné à mort il fut exécuté avec 40
autres personnes le lendemain ; 37 reçu-
rent le coup fatal avant lui : il avait alors
66
57a ROU
49 ans. On a de lui : 1° Les Mois , poème
en douzechants, 1779, 2 vol. in-4, et 4 vol.
in-8. Cet ouvrage, prôné avec enthou-
siasme quand il était encore en manu-
scrit, subit, lors de sa publication , les
critiques les plus sévères. Laharpe y
trouve tous les défauts qui peuvent ca-
ractériser le livre le plus mal fait. Il n'a,
selon lui , ni sujet , ni marche, ni in-
térêt ; l'auteur est dénué d'idées et de
goût; les vers sont prosaïques, remplis
de soléci.smes et d'une enflure mono-
tone. Tout en déférant à l'avis de ce cri-
tique , on remarque cependant dans ce
poème de belles descriptions , des images
bien tracées , soit sur les plaisirs cham-
pêtres , soit sur les phénomènes de la na-
ture, etc. Les morceaux sur le chant du
rossignol , le voyage de la peste , la veil-
lée de village, le dégel , elc. , seraient
dignes delà plume la plus habile ; mais ces
beautés ne peuvent , il est vrai , racheter
les principaux défauts, qui consistent dans
une longueur excessive , que rend plus
ennuyeuse encore la monotomie du
sujet , dans un mélange confus de poly-
théisme , de mythologie, de philosophie
irréligieuse , d'érudition allégorique, et
dans un vide de pensées et de sentimens.
On a donné une nouvelle édition des
Mois en 1826 , avec une Notice par M.
Brissot Thivars, 2 vol. in-1 2 , et en 1 827 ,
2 vol. in-32; les lacunes qui se trouvaient
dans les anciennes éditions sont en partie
remplies dans les nouvelles, f^oy. la note
du n° 1 n 4 de la Bibliographie de France,
année 1 827. 2° Recherches sur la nature
et les causes de la richesse des nations ,
traduites de l'anglais de Smith : cette tra-
duction , peu estimée , a eu plusieurs
éditions; la 4" parut en 1794 , en 4 vol.
in-8 , dont un de notes , par Condorcet ;
3° Poésies fugitives et letti-es , 1797,
2 V. in-8. Roucher a laissé, en manuscrit,
plusieuis chants d'un poème dont le su-
jet est Gustave fTasa. En général , Rou-
cher avait plus de facilité que d'inspira-
tion , et toutes ses compositions poéti-
ques , trop diffuses , manquent d'ordre
et de chaleur. On trouve une Notice
sur Roucher dans la Décade pliilosophiquc
et dans le Bulletin de la société des
ROU
sciences, arts et lettres de Montpellier ,
par M. Carrion de Msas.
ROUELLE ( Guillaume-François ), né
en nos à Matthieu près de Caen , lieu
natal du père du fameux Marot, mourut .
à Paris en 1770. Il était apothicaire «
dans cette capitale, démopstrateur en
chimie au jardin royal des plantes, mem-
bre de plusieurs académies étrangères et
de celle des Sciences de Paris. Il forma
divers élèves en chimie , science dont il
étendit les bornes , et qu'il aimait avec
passion. Les Me'moires de V académie des
Sciences renferment divers écrits de lui ;
et il a laissé en manuscrit des Leçons de
chimie. Sa société était douce et agréable,
et son caractère franc et décidé. — Son
frère puîné, Hilaire-Marin Rouelle, s'est
aussi distingué par ses connaissances , et
succéda à son aîné dans la place de dé-
monstrateur en chimie au jardin du roi.
Il mourut le 1*»^ avril 1779.
* ROUGANE ( L'abbé ) , ancien curé
d'Auvergne , se retira au Mont Valérien ,
et fut une des victimes des massacres de
septembre 1792. Il a laissé plusieurs
écrits contre les mesures prises , lors de
la révolution , sur les matières ecclésias-
tiques , tels que : 1 " Observations réflé-
chies sur différentes motions de M. d'Au-
tun et ses confrères ; 2° Le Décret du
13 avril mal justifié par l' évêque d^Au-
tun , dans sa réponse au chapitre ; 3° Le
Masque levé contre le rapport de Du-
rand de Mailtane , sur les empêchemens
et les mariages , 23 pages in-8 ; 4» Bé-
flexions sur le Rapport de Massieu ,
touchant les congrégations séculières ,
8 pages in-8 ; 6° Lettre à M. de Con-
dorcet, écrite par son ordre, 48 pages
in-8 : elle a rapport à son Adresse aux
Français, et au Rapport de M. de Neuf
château contre les/;re/rc,î, en novembre
1701 ; 6° Difficultés proposées à MM.
Barruel et Fontenay , 24 pages in-8.
Ces écrits sont signés Bougane , ancien
curé d'Auvergne. On en cite d'autres ,
publiés pour établir son opinion, que les
intrus n'étaient pas schismatiques , et
que l'on pouvait communiquer avec eux.
Rougane a écrit aussi le livre intitulé :
Les nouveaux patrons de l'usure réfutés.
ROU
y compris le dernier défenseur de Calvin
sur le même sujet, dédié aux états-géné-
raux, Paris, 17 89, in-12 , de 66 pages.
L'auleur répond à La Forêt , à Rulié, à
Ruel , à Beurrey. La réfutation de l'écrit
de Beurrey avait déjà paru en 1787 ;
Rougane la publia de nouveau , en 1789,
avec une réponse à des reproches qu'on
lui avait adressés. L'abbé Rougane eut
le courage, même après le 10 août, de
ne pas vouloir quitter son habit ecclé-
siastique. Il avait de la vivacité, du
zèle ; mais on remarque dans ses ouvra-
ges un stile souvent incorrect.
ROUGEMOJNT ( François ) , né à
Maëstricht en 1624, se fit jésuite , alla
travailler au salut des âmes à la Chine ,
où il aborda l'an 1659. Pendant la cruelle
persécution de 1664 , il fut conduit à
Pékin , chargé de chaînes , et de là à
Canton , oii il fut détenu dans une hor-
rible prison , avec la plupart des mission-
naires , jusque sur la fin de l'année 1671.
Il mourut usé de travaui l'an 1676. Ce
missionnaire , animé d'un saint zèle ar-
dent pour la propagation de la foi , s'é-
tait concilié l'affection des personnes les
plus distinguées de la Chine par ses ma-
nières douces et persuasives. Il composa
dans sa prison de Canton : Historia tar-
iarico-sinica, complectens ab anno 1660
aulicam beUicamque inter Sinas disci-
plinam ; christianœ religionis prospéra
adversaque , etc., Louvain , 1673 , in-12.
Cette Histoire , qui va jusqu'à l'an 1668,
est écrite avec beaucoup de sincérité :
c'est un des meilleurs morceaux de l'his-
toire chinoise : il vaut seul plus que
toutes les chimériques chroniques de
cette vaine nation ; il a été traduit en
portugais par le Père Sébastien Magalhaes
sur une copie manuscrite, Lisbonne,
1672 , in-4. (Le Père Rougemont a com-
posé en outre deux ouvrages moraux et
religieux en langue chinoise, et a eu part
à la Paraphrase latine des ouvrages de
morale de Conl'ucius, publiée par le Père
Couplet. )
* ROUGNON ( Nicolas-François), mé-
decin distingué, né en 1727 à Morteau,
dans la Franche-Comté, prit ses degrés à
l'université de Besancon, et se rendit en-
ROU
523
suite a Paris où il suivit les cours des pro-
fesseurs les plus habiles. Son application
et ses soins lui méritèrent d'être admis
parmi les élèves de l'Hôtel-Dieu. Après
avoir terminé ses études d'une manière
brillante , il alla exercer pendant quel-
que temps la médecine à Noyon. Il re-
vint à Besançon en 1752 : s'étant fait
recevoir docteur, il obtint une des chaires
de la faculté , et quelque temps après,
la place de médecin en chef des hôpi-
taux. Sa réputation comme professeur et
comme praticien se répandit en peu de
temps en Allemagne et jusqu'en Angle-
terre. L'estime générale ne put le mettre
à l'abri des révolutionnaires : privé de la
chaire qu'il avait honorée pendant plus
de 30 ans, il fut même destitué de sa place
de médecin des hôpitaux. Cependant,
après le 9 thermidor, il fut réintégré dans
ses fonctions. Quelque temps après , il
mourut d'une fièvre contagieuse, le 13
juin 1799 , à l'âge de 73 ans. Outre plu-
sieurs Mémoires que l'on conserve dans
les Recueils de V académie de Besancon,
on a de lui une Lettre au docteur Lorry,
Besançon, 1768 , in-8 ; Codex physiolo-
gicus, ibid., 1776, in 8 ; Considerationes
pathologico-semeioticce de omnibus cor-
poris humani functionibus , ibid., 1786-
87 , 2 vol. in-4 ; Observations sur les
divers avantages que Von peut tirer de
la pomme de terre, ibid., 17 91 , in-8 ;
Médecine préservative et curative géné-
rale et particulière ou traité d'hygiène
et de médecine pratique , ibid. 1799,
2 vol. in-8. M. le docteur Marchant de
Besançon a publié sur lui une Notice
historique ; elle est insérée dans le
tome 7 des Mémoires de médecine mi'
litaire.
ROUILLÉ ( Guillaume Le), juriscon-
sulte célèbre, naquit à Alençonen 1494,
de Louis Le Rouillé, seigneur de Hertré et
de Rozé. Il exerça pendant quelque temps
la profession d'avocat dans sa patrie. Son
mérite l'ayant fait connaître avantageu-
sement de Fr. d'Alençon , duchesse de
Vendôme, cette princesse lui donna la
place de lieutenant-général de Beaumont-
le-Vicomte , petite ville de son apanage.
Le roi et la reine de Navarre ( Charles
524 ROU
d'Albret et Marguerite de Valois ) le gra-
tifièrent par la suite d'une charge de
conseiller à l'échiquier d'Alençon ; ils
lui donnèrent aussi une place dans leur
conseil. Nous ignorons l'année de sa mort.
Le Rouillé est auteur de plusieurs ou-
vrages de jurisprudence qui ont eu au-
trefois beaucoup de réputation ; il pu-
blia entre autres un Commentaire sur la
Coutume de Normandie, en 1 634, in-fol.,
et réimprimé en 1539 , qui fut si bien
accueilli , et qui donna une si haute idée
de l'auteur , que le parlement de Nor-
mandie voulut le voir, et le fit prier de
venir à Rouen : invitation honorable , à
laquelle il ne manqua pas de se rendre.
Ou a encore de lui un ouvrage d'un
autre genre , intitulé : Recueil de l'an-
tique pre'excellence de la Gaule et des
Gaulois, imprimé à Poitiers, 1546,
in-8, réimprimé à Paris, en 1651; et
une pièce de vers, qui a pour titre : Les
Rossignols du parc d'Alençon , à l'oc-
casion de l'arrivée de la reine de Na-
varre en cette ville, Tan 1644.
ROUILLÉ ( Pierre-Julien ) , jésuite,
né à Tours en 1681 , professa successi-
vement la théologie, les humanités, la
philosophie, et montra un génie propre
à plusieurs sciences. Ses supérieurs l'as-
socièrent k la composition de l'Histoire
romaine du Père Catrou, en 21 vol.
in-4 , à laquelle le Père Rouillé ne con-
tribua que pour les Dissertations et les
bonnes Notes dont cet ouvrage est rem-
pli ( voyez Catbou ). Il eut aussi part,
avec le Père Brumoi , k la révision et k
la continuation des Révolutions d' Es-
pagne, que le Père d'Orléans avait lais-
sées imparfaites. Il avait travaillé au
journal de Trévoux, depuis 1733 jus-
qu'en 1737. La 2' lettre de L'Examen
du Poème de Racine sur la Grâce est
de lui. Ce savant jésuite mourut k Paris
en 17^0, âgé de 59 ans, aimé et es-
timé
ROXJLLET ( Jean-Louis ) , graveur ,
né en 1646 k Arles en Provence , fit le
voyage d'Italie, oii ses talens lui donnè-
rent accès auprès des artistes et des cu-
rieux. Ciro-Ferri, peintre célèbre, s'at-
tacha à cet illustre graveur , et lui pro-
ROU
cura plusieurs occasions de se signaler.
Roullet quitta Rome pour parcourir les
plus grandes villes d'Italie , et partout
il trouva k exercer son burin. L'amour
de la patrie le fit revenir en France, ou
ses talens ne furent point oisifs et sans
récompense. On estime ses ouvrages,
surtout pour la correction du dessin,
pour la pureté et l'élégance de son burin.
Il mourut k Paris en 1699. (On voit au
musée du Louvre une gravure de cet ar-
tiste , Les trois Maries au tombeau de
J. C. ; elle est copsidérée comme son
chef-d'œuvre.)
ROULLIARD ( Sébastien ) , avocat
de Paris , fut plus connu dans la répu-
blique des lettres que dans le barreau.
On a de lui quelques écrits mal digérés ,
mais savans et singuliers. Les principaux
sont: 1° Traite de la virilité d' un homme
ne' sans testicules , 1600 , in-8 ; 2° His-
toire de r église de Chartres , in-8 ; 3°
La Magnifique doxologie du fétu , in-8 ;
4" Les Gymnopodes , ou de la Nudité
des pieds , in-4 ; 6° Li Bungs en San-
terre, in-4; 6° Histoire de Mclun, in-4;
7° Privilèges de la Sainte-Chapelle de
Paris, in-8 ; 8° Le Lumbrisage de Ni-
codème Aubier, scribe , soi-disant le
cinquième évangéliste et noble de quatre
races; 9° des Poésies assez plates. Roul-
liard mourut k Paris en 1639.
ROUSSEAU ( Jacques ) , peintre , né
k Paris en 1630, se distingua par son
art k peindre l'architecture , et k trom-
per la vue par l'illusion de la perspec-
tive. Louis XIV , informé de ses rares
talens, sut les mettre k profit. Ce mo-
narque le chargea des décorations de la
salle des machines k Saint-Germain-en-
Laye, où l'on représentait les opéras du
célèbre Lulli. Cet excellent artiste fut
encore employé dans plusieurs maisons
royales , et l'on voit ses ouvrages dans
quelques maisons de riches particuliers;
mais ses perspectives , destinées pour
l'ordinaire k décorer une cour, un jardin,
ont beaucoup souffert de l'injure de l'air;
cependant ce qui a été conservé suffit
pour faire admirer la beauté de son gé-
nie, l'éclat, l'intelligence de son coloris.
Ce maître a aussi excellé 'k toucher le
ROU
paysage. Il mourut à Londres en 1693.
ROUSSEAU ( Jean Baptiste ) , le
premier de nos poètes lyriques , fils d'un
cordonnier de Paris, naquit dans cette
ville le 6 avril 1670. Son père lui pro-
cura une excellente éducation dans les
meilleurs collèges de la capitale. Le
jeune Rousseau s'y fit un nom par de
petites pièces de poésie, pleines d'esprit
et d'imagination. H avait à peine 20 ans,
qu'il était déjà recherché par des per-
sonnes du plus haut rang et du goût le
plus délicat. Dès 1688 il fut reçu en qua-
lité de page chez Bonrepaux, ambassadeur
de France en Danemark. Le maréchal
de Tallard le choisit pour son secrétaire,
lorsqu'il passa en Angleterre. Ce fut à
Londres qu'il lia une amitié étroite avec
Saint-Evremont, qui sentit tout le mé-
rite du jeune poète. Rouillé, directeur
des finances, le prit auprès de lui. Une
affaire fâcheuse le précipita dans les
inquiétudes les plus cuisantes. Le café
de la Laurent était alors le rendez-vous
littéraire et politique des oisifs de Paris.
La Motlé et Rousseau étaient les chefs de
ce Parnasse , lorsque l'opéra d'Hesione
de Danchet vit le jour en 1708. Il parut,
sur un air du prologue de cet opéra ,
cinq couplets contre les auteurs des pa-
roles de la musique et du ballet. Ces
premiers couplets, qu'on croyait être
de Rousseau, furent suivis d'une foule
d'autres , oii tout ce que le talent inspiré
par la haine , par la vengeance et par la
débauche, peut enfanter de plus mon-
strueux, se trouve réuni. Yersailles, Paris,
furent inondés de ces horreurs. Les tri-
bunaux , fatigués par les plaintes des
personnes outragées, recherchèrent l'au-
teur de ces infamies. Il y eut de grandes
présomptions contre Rousseau ; cepen-
dant ce poète n'eût jamais été condamné,
s'il se fût borné à nier qu'il fût l'auteur
des couplets. Mais, non content de vou-
loir paraître innocent , il voulut que le
géomètre Saurin fût coupable du crime
dont on l'accusait. Guillaume Arnould,
jeune savetier, esprit faible , fut , dit-on,
l'instrument que Rousseau mit en oeuvre
pour accabler son ennemi. Ce misérable
déposa que Saurin lui avait remis les
ROU 5^5
couplets , et les avait donnés à un petit
décroteur pour les faire passer en d'au-
tres mains. Le procès porté au Châtelet
passa au parlement , et le coup dont
Rousseau voulait accabler le géomètre
retomba sur sa tète. Saurin fit valoir le
contraste de ses mœurs et de celles de
son ennemi. 11 l'attaqua comme subor-
neur de témoins, en particulier de ce
Guillaume Arnould, auquel il avait donné
de l'argent. Les preuves de cette subor-
nation parurent évidentes ; et le subor-
neur fut banni à perpétuité du royaume.
Cet arrêt, rendu le 7 avril. 1712, fut
affiché à la Grève. Rousseau se retira en
Suisse , où le comte de Luc , ambassadeur
de France auprès du corps helvétique ,
lui rendit la vie douce et agréable. A la
paix de Bade, conclue en 1714, le
prince Eugène demanda Rousseau au
comte , qui l'avait mené avec lui , et ce
seigneur n'osa pas le lui refuser. Le
poète français passa à Vienne avec le
prince , auprès duquel il demeura près
de trois ans. Enveloppé dans l'affaire du
comte de Bonneval , et obligé de quitter
la cour de Vienne , il se retira à Bruxel- .
les. Ce fut dans cette ville que commen-
cèrent ses brouilleries avec Voltaire. :
Rousseau avait connu ce poète naissant "
au collège de Louis le Grand , et avait
admiré sa facilité pour la poésie. Le
jeune Arouet cultiva une connaissance
qui pouvait lui être si utile ; il lui fai-
sait hommage de ses ouvrages, ne cessa
de le consulter sur ses essais, et leur
amitié fut de jour en jour plus vive. Ils
se vojTiient souvent à Bruxelles ; Arouet
lut à Rousseau son Epître à Julie , au-
jourd'hui à Uranie. Cet ouvrage fit hor-
reur à celui-ci , qui lui en marqua son ,
indignation. Le jeune homme , piqué de
ces reproches, tint des discours affreux
contre celui qui les lui avait faits. Dans
quelque considération que Rousseau fût
à Bruxelles, il ne pouvait oublier Paris.
Le duc d'Orléans, régent du royaume,
sollicité par le granft-prieur de Vendôme
et le baron de Breteuil , lui accorda des
lettres de rappel. Mais le poète, avant
que d'en profiter , demanda qu'on revît
son procès; il voulait être rappelé non
526 ROU
à litre de grâce, mais par un jugement
solennel. Sa demande fut rejetée. Pour
se consoler de cette nouvelle disgrâce ,
il se mit à voyager. En 1721 , il passa en
Angleterre , où il fit imprimer à Londres
le Recueil de ses OEuvres , en 2 vol.
in-4. Cette édition , publiée en 1723,
lui valut environ dix mille écus. Il les
plaça sur la compagnie d'Ostende ; mais
les affaires de cette compagnie s'étant
dérangées , les actionnaires perdirent
leurs fonds. Il trouva une ressource dans
le duc d'Aremberg, qui lui donna sa
table à Bruxelles. Ce seigneur ayant été
obligé en 1733 d'aller à l'armée en Alle-
magne , lui assura une pension de lôOO
livres ; mais Rousseau eut encore le mal-
heur de perdre les bonnes grâces de son
bienfaiteur. Il eut l'imprudence de pu-
blier, dans un journal , que Voltaire l'a-
vait accusé , auprès du duc d'Aremberg ,
d'être l'auteur des Couplets pour les-
quels il avait été banni de France. Vol-
taire , qui aurait dû dédaigner cette im-
putation , aima mieux s'en plaindre à ce
seigneur , qui priva Rousseau de ses
bienfaits. La ville de Bruxelles devint
pour lui, aprè^ cette disgrâce, un séjour
insupportable. Le comte de Luc et M. de
Sénozan, receveur général du clergé,
instruit de ses chagrins , le firent venir
secrètement à Paris, dans l'espérance
d'avancer la fin de son bannissement.
Rousseau y fit un séjour de trois mois ;
mais ses protecteurs n'ayant pu obtenir
un sauf-conduit pour un an , il retourna
à Bruxelles , et mourut à Guette ( hameau
entre Mons et Bruxelles ) , le 17 mars
1741 , dans de grands sentimens de re-
ligion. Avant que de recevoir le saint via-
tique, il protesta qu'il n'étaitpas l'auteur
des Couplets qui avaient empoisonné sa
vie. Cette protestation a paru aux hommes
impartiaux une démonstration com -
plète de son innocence. Est-il probable ,
disent-ils , que Rousseau en ait voulu im-
poser dans ces derniers momens où la
vérité se fait jour ? Piron a fait cette épi-
taphe k l'Horace français :
Ci-gît l'illustre et mallieoreux Rouueau.
Le Brabant Tut aa tombe et Paris son berceau.
. Toici rabrégé de ta vie ,
Qui (ut trop longue moitié :
ROU
nfut trente ans digne d'entic ,
Et trente ans digue de pitié.
Il est plus facile de peindre dans Rous-
seau le poète que l'homme. Quelques per-
sonnes l'ont représenté comme inquiet,
capricieux, impudent, vindicatif, en-
vieux, flatteur, satirique. D'autres l'ont
peint comme un homme plein de can-
deur et de franchise, comme un ami fi-
dèle et reconnaissant , comme un chré-
tien pénétré de sa religion. Il est difficile
de se décider entre deux portraits si dif-
férens. Il paraît que Roussieau ne peut
être lavé sur l'accusation intentée contre
lui, d'avoir attaqué ses bienfaiteurs. On
peut le justifier plus facilement contre
ceux qui l'accusèrent d'avoir renié son
père. La plus grande noblesse d'un poète
est de descendre d'Homère , de Pindare ,
de Virgile. Et quel besoin aurait eu Rous-
seau de cacher l'obscurité de sa nais-
sance ? elle relevait son mérite , et il
avait trop de solidité d'esprit pour ne
pas le comprendre. M. Séguy a donné
une belle édition de ses OEuvres , con-
formément aux intentions que le poète
lui avait marquées. Cette édition, publiée
en 1743, à Paris, en 3 vol. in-4, et en
4 vol. in-12, ne contient que ce que
l'auteur a avoué ; elle renferme 1° qua-
tre livres d'Odes , dont le premier est
d'Odes sacrées , tirées des Psaumes.
« Rousseau, dit Fréron, sait retracer à
M propos le beau désordre de Pindare,
» les grâces d'Anacréon , la saine raison
» d'Horace et la pompeuse majesté de
w Malherbe. » Quel feu ! quel génie ! quels
éclairs d'imagination ! quelle rapidité de ^
pinceau ! quelle abondance de traits
frappans! quelle foule de brillantes com-
paraisons ! quelle richesse de rimes !
quelle heureuse versification ! mais sur-
tout quelle expression inimitable ! Il y a
des négligences , des mots impropres ,
des phrases incorrectes ; mais l'enthou-
siasme du poète , qui passe dans l'âme
du lecteur , fait qu'on ne les remarque
guère. — 2° Deux livres à'Epîires en
vers. Quoiqu'elles ne manquent pas de
beautés , il y règne un fond de misan-
thropie qui les dépare. Rousseau parle
trop souvent de ses ennemis et de
ROU
ses malheurs j il y étale des principes
qui portent moins sur la vérité que
sur les différentes passions qui rani-
maient. La colère le jette dans le para-
doie. 3° Des Cantates. Il est le créa-
teur de ce poème, dans lequel il n'a point
eu d'égal. Les siennes respirent celte
poésie d'expression , ce stile pittoresque,
ces tours heureux , ces grâces légères ,
qui forment le véritable caractère de ce
genre. 11 est tantôt vif et impétueux,
tantôt doux et touchant, suivant les pas-
sions qui animent les personnages qu'il
fait parler. 4° Des Allégories , dontîplu-
sieurs sont heureuses , mais dont quel-
ques-unes paraissent forcées ; h° des Epi-
grammes qui l'ont mis au dessus de Mar-
tial et de Marot. On a eu soin de retran-
cher de cette édition celles que la li-
cence et la débauche lui avaient inspi-
rées. L'auteur en a témoigné dans la
suite de vifs regrets. 6° Un livre de Poé-
sies diverses , qui manquent quelquefois
de légèreté et de délicatesse; 7" quatre
Combles en vers , et deux en prose.
Le théâtre n'était pas son talent prin-
cipal. Cependant, sa comédie intitulée
Le Café fut représentée neuf lois ; une
autre , le Flatteur, fut jouée dix fois en
1696,«et a été reprise avec succès. 8°
un recueil de Lettres en prose. On n'a
choisi dans cette édition que les plus
intéressantes. Il y en a en h vol. un re-
cueil plus considérable , qui a fait tout à
la fois tort et honneur à sa mémoire.
Rousseau y dit le pour et le contre sur
les mêmes personnes. Il parait trop
porté à déchirer ceux qui lui déplaisent.
A cela près, on voit en lui un homme
d'un caractère ferme et d'une âme éle-
vée , qui ne veut devoir son retour dans
sa patrie qu'à sa pleine justification. On
y trouve quelques anecdotes , et des ju-
gemens exacts sur plusieurs écrivains.
Un libraire de Hollande a publié un ou-
vrage qui lui ferait plus de tort , si les
auteurs devaient répondre des sottises
qu'on met sous leur nom : c'est son Por-
tefeuille. Il y a , à la vérité , dans ce mi-
sérable recueil , plusieurs pièces qui sont
de Rousseau ; mais il faut moins l'en blâ-
mer que ceux qui ont tiré ces ouvrages
ROU 527
de l'oubli auquel ce grand poète les avait
condamnés. On a donné , en 1741 , à Pa-
ris, une fort jolie édition de ses OEu-
vres choisies, en 1 vol. in-12, petit
format. Ce sont ses Odes et son éminente
supériorité dans la poésie lyrique qui lui
ont mérité le nom de grand Rousseau ,
quoiqu'il soit à présumer qu'on le lui a
donné pour le distinguer des autres
écrivains du même nom. (Les OEuvres
choisies de J. B. Rousseau accompagnées
des notes de Fontanes et de Lebrun, et
publiées par Boucharlat avec de nou-
velles observations littéraires, ont été
rangées parmi les livres classiques par l'u-
niversité ( 25 juillet 1830 ). Ecouchard-
Lebrun a tâché de rabaisser la réputation
de Rousseau , dans l'édition qu'il a don-
née de ce poète ; Laharpe nous semble
l'avoir jugé avec beaucoup d'impartia-
lité. On peut consulter sur le mérite de
cet écrivain Jtousseau vengé , par l'abbé
de Courcy, Paris, 1772. La première
édition avouée par l'auteur est celle de
Soleure, 1712, 1 vol. in-12. Les Odes,
Cantates et Poésies diverses ont été pu-
bliées par M. Didot l'aîné, pour l'usage
du Dauphin, 1790, grand in-4. Les 40
et 4 1 volumes de la Collection des meil-
leurs écrivains français , par le même
éditeur, comprennent les OEuvres choi-
sies de J. B. Rousseau, Paris, 1818,
2 vol. in-8. Les OEuvres choisies du
même poète ont paru en 1808 avec des
Notes du poète Lebrun. M. Amar a pu-
blié en 1820 les OEuvres complètes de
Jean-Baptiste Rousseau avec un com-
mentaire historique et littéraire précédé
d'un nouvel essai sur la vie et les écrits
de l'auteur, Paris, 5 vol. in-8; cette
édition renferme une partie de la Cor-
respondance de Rousseau. Le même cri-
tique a donné les OEuvres poétiques de
J. B. Rousseau avec un Commentaire y
Paris, 1824, 2 vol. in-8. Cc\Xe Collection
fait partie de la Collection des classi-
ques français , publiés chez Lefèvre). —
Un des frères utérins de Jean-Baptiste
Rousseau , carme déchaussé, sous le nom
de Père Léon de Saint- Joseph , s'acquit
de la réputation dans le ministère de la
chaire, et mourut à Paris en 17à0.
528 ROU
ROUSSEAU (Jean-Jacques), né à
Genève le 28 juin 1721 d'un horloger ,
coûta en naissant la vie à sa mère. ( Son
enfance fut environnée des plus tendres
soins : son père , homme simple et bon ,
songea moins à cultiver les dispositions
dont il le voyait doué, qu'à lui épargner
les contrariétés de son âge. Rousseau ne
se rappelait pas comment il avait appris à
lire ; mais il savait que ses premières
lectures avaient été des Romans , il lut
ensuite quelques bons livres, tels que les
Vies de Plutarque ; mais dans les uns et
les autres il prit des idées fausses du
monde. Son père, obligé de quitter Ge-
nève , le mit en pension à Bossy , chez le
ministre Lambercier , d'oii il sortit au
bout de deux ans à peu près aussi igno-
rant qu'il y était entré. Alors un de ses
oncles maternels qui s'était chargé de
lui , l'envoya copier des actes chez un
greffier de Genève. Le peu de succès qu'il
obtint l'ayant fait passer pour inepte et
bon tout au plus pour pousser la lime, il
fut placé dans l'atelier d'un graveur qui
le maltraita et d'où il sortit bientôt. Il
alla chercher un asile chez l'abbé de
Pontverre , curé de Confignon , en Sa-
voie : cet ecclésiastique l'envoya à An-
necy où il vit pour la première fois
madame de Warens qui devint sa bien-
faitrice, et dont il paya les bienfaits par
l'ingratitude la plus noire. Ce fut par la
médiation de cette dame et aux frais de
l'évêque d'Annecy que Rousseau fut en-
voyé à Turin pour y être instruit dans la
religion catholique. Après deux mois de
séjour dans la maison des catéchumènes,
il abjura le protestantisme. N'ayant retiré
de sa prétendue conversion que 20 francs,
il entra chez la comtesse de Yercelles, en
qualité de laquais : il commit alors une
faute honteuse, en volant un ruban et en
chargeant de ce vol une jeune servante
qui fut renvoyée ainsi que lui. Bientôt il
trouva une nouvelle place : il devint se-
crétaire du comte de Gouvon , premier
ëcuyer de la reine deSardaigne; son in-
constance naturelle l'éloigna peu de
temps après de cette maison. Il alla trou-
ver madame de Warens qui réveilla d«ns
son âme quelques sentimens honnêtes.
ROU
D'après ses conseils il entra au séminaire,
avec le désir de se faire prêtre ; mais il
fut renvoyé comme n'étant propre à rien :
toutefois sa bienfaitrice lui donna quel-
ques soins ; elle dirigea ses lectures et
lui fit apprendre la musique. Séparé en-
suite de sa seconde mère , il parcourut la
Suisse avec un prétendu évêque grec
qui faisait des collectes pour le St.-Sé-
pulcre, et auquel il servait d'interprète ;
mais ils furent arrêtés tous deu\ à So-
leure. L'ambassadeur de France à qui il
raconta sa position lui donna les moyens
d'aller à Paris où était alors sa chère
maman. Arrivé dans la Capitale , il ap-
prit que madame de Warens était partie :
aussitôt il se rendit à Lyon oîi il sentit
toutes les horreurs de la misère ; enfin il
rejoignit sa bienfaitrice. Son séjour près
d'elle fut consacré à des lectures sérieu-
ses ; mais obligé d'aller à Montpellier
pour cause de maladie , il trouva à son
retour madame de Warens engagée dans
des liens indignes d'elle. Il alla prendre
à Lyon une place de percepteur chez
M. de Mably, grand-prevôt de cette ville.
Après avoir fait ce métier pendant un
an , il retourna à Paris où il arriva dans
l'automne de 1741, avec 16 louis et l'es-
poir d'une rapide fortune fondée sur une
nouvelle méthode de noter la musique.
Cette méthode n'ayant pas réussi , il accep-
ta l'emploi de secrétaire de M. de Montai-'
gne, ambassadeur à "Venise. Pendant son
séjour en Italie , il se fortifia dans la mu-
sique. Il était de retour à Paris , lorsque,
dans l'été de 1749, il allait visiter Diderot
détenu à Vincennes à cause de sa Lettre
sur les aveugles. Il avait emporté avec
lui le Mercure de France ; en le lisant,
pour se distraire pendant la route, il ap
prit que l'académie de Dijon proposait un
prix sur cette question : Si le rétablisse-
ment des sciences et des arts a contribue'
à épurer les mœurs? Il concourut, et son
discours , qui soutenait la négative , fut
couronné en 1750, et il devait l'être,
non seulement à raison de l'éloquence
forte et mâle dont l'auteur soutenait son
assertion , mais parce que réellement , en
prenant la chose dans sa généralité,il avait
lavéritépourlui,quoiqu'iLrexagère alors,
t\
ROU
comme il le fait si souvent, Plusieurs
adversaires se présentèrent pour l'atta-
quer : Rousseau se défendit; il avait de
son côté l'eipérience des siècles , et les
lumières de l'histoire. L'état de notre
littérature ne tarda point à venir à son
appui ). « S'il est faux , dit un critique
«judicieux, que les lettres, cultivées
V selon les règles et les précautions que
» le bien commun exige , soient capa-
u bles de nuire à la société , il est du
» moins très certain qu'à en juger par les
« désordres qui régnent aujourd'hui
» parmi les littérateurs , elles sont sujet-
j> les à de grands inconvéniens. Quelle
» idée avantageuse peut-on s'en former,
M quels fruits peut-on s'en promettre
)> pour la culture de l'esprit et la per-
» fection des mœurs, quand on voit les
» vrais principes attaqués , les règles mé-
» connues, les bienséances violées, l'an-
» arcbie et la confusion établies sur les
}) débris du goût et de la raison ; quand
» la religion , la morale , les devoirs , la
» vertu , deviennent la proie d'une phi-
» losophie extravagante , qui outrage
» l'une, corrompt l'autre , prononce sur
i> ceux-ci, et défigure celle-là au gré de
>i ses caprices ou de ses intérêts ? Quelle
i> estime peul-on avoir pour les littéra-
» teurs , à la vue des divisions qui les ai-
» grissent et les déshonorent ? Est-ce en
» les voyant se déchirer , se calomnier,
» se décrier les uns les autres , intriguer
V dans les sociétés , pour persécuter leurs
» rivaux ou prôner leurs admirateurs et
«leurs disciples; employer, pour se
» faire une réputation , un temps et des
» soins qui seraient plus utikment con-
« sacrés à perfectionner leurs ouvrages ;
» se révolter contre les critiques, et né-
w gliger des avis utiles ; repaître leur va-
}> nité de suffrages mendiés , sans s'oc-
» cuper à en mériter de plus justes et de
» plus solides ; substituer à l'élévation
)> des sentimens qui devraient être leur
» partage , les bassesses de l'artifice et
» de la flatterie , pour donner des ap-
» puis à leur vanité ? Est-ce enfin au
» milieu d'une dégradation sensible et
» journalière, qu'ils pourront prétendre
p au respect et à la gloire destinés à
TU.
ROU 529
» payer les travaux du génie et des ta-
« lens ? Il n'est donc que trop tristement
» démontré par l'expérience, que l'abus
» des connaissances littéraires est le plus
» dangereux de tous les maux qu'un état
» puisse éprouver. Depuis ces prétendues
» lumières qu'on se vante de nous avoir
i) communiquées , la société est-elle de-
» venue plus heureuse et mieux réglée ?
» La mauvaise foi , les perfidies , les hai-
X nés, Its mensonges , les calomnies , les
» atrocités, les crimes, ont-ils disparu
M parmi nous? Y a-t-on vu renaître la
» franchise, la droiture, la générosité,
» le bonheur et la paix ; ou plutôt , mal-
» gré ces cris hypocrites A'humanité, de
M bienfaisance , les cœurs ne paraissent-
» ils pas s'être rétrécis, desséchés, et
» avoir perdu leur énergie ? Tout ce que
» nous avons gagné en devenant plus
» instruits, c'est d'avoir appris à être
» méchans avec art , et à conserver
» dans le mal une sorte de décence qui
» le rend plus épidémique et plus dan-
» gereux. S'il est vrai que les hommes
X aient été méchans dans tous les siè-
« clés, on ne peut nier qu'ils n'aient
M plus de facilité à l'être dans les siècles
» éclairés. Les ressources de l'esprit se
j) tournent alors du côté de l'intérêt des
)) passions. Plus un méchant a de lumiè-
» res , plus il est habile à mal faire avec
» impunité. » ( Ployez Frédéric -Guil-
laume II , roi de Prusse , Giraldi Lilio
Gregorio. ) Ce premier succès l'enivra et
fixa sa destinée : il résolut d'être libre ,
de briser les fers de l'opinion ; et, pour
préluder à ce nouveau rôle , il retran-
cha de sa table et de sa mise le peu de
luxe qu'il s'était permis jusque là. Re-
nonçant à l'emploi de caissier qu'il avait
obtenu chez M. Francueil, fils de M.
Dupin, parce que la garde d'un tré-
sor troublerait son sommeil, il se fit
annoncer comme copiste de musique à
dix sous la page. Son Discours sur les
causes de V inégalité parmi les hommes
et sur l'origine des socie'tés , plein de
maximes fausses et d'idées bizarres, fut
fait pour prouver que les hommes sont
égaux ; qu'ils étaient nés pour vivre iso-
lés , et qu'ils ont perverti l'ordre de la
67.
53o
ROU
nature en se rassemblant. L'auteur , pa-
négyriste éternel de l'homme sauvage,
déprime l'homme social; s'efiforçant ,
contre son intime conviction , de substi-
tuer au bonheur de la vertu , de la reli-
gion , d'une civilisation horinèle et rai-
sonnable, l'état de la dégradation la plus
humiliante pour l'humanité. Car qu'est-
ce qu'un sauvage tel que ceux de l'Amé-
rique , et en général ceux que nous con-
naissons sur ce globe ?(f C'est, » répond
l'auteur du Système social, qui mêle aussi
de grandes vérités à de grandes erreurs,
■ « c'est un enfant vigoureux, privé de
» ressources, d'expérience , de raison ,
» d'industrie; qui souflfre continuelle-
» ment la faim et la misère , qui se voit à
•» chaque instant forcé de lutter contre les
» bêles , qui d'ailleurs ne connaît d'au-
3) très lois que son caprice , d'autres rè-
» gles que les passions du moment* d'au-
» tre droit que la force, d'autre vertu que
3> la témérité ; c'est un être fougueux ,
» inconsidéré, cruel, vindicatif, injuste,
9) qui ne veut point de frein, qui ne pré-
3> voit pas le lendemain , qui est à tout
» moment exposé à devenir la victime ,
» ou de sa propre folie , ou de la férocité
■ » des stupides qui lui ressemblent. La vie
j) du sauvage à laquelle des spécula-
» leurs chagrins ont voulu ramener les
V hommes, l'âge d'or si vanté par les poè-
» tes , ne sont dans le vrai que des états
• » de misère, d'imbécillité, de déraison. »
Sa Lettre à M. cCAlembert sur le projet
d'établir un théâtre à Genève , publiée
en 1757 , renferme , à côté de quelques
paradoxes, les vérités les plus importantes
et les mieux développées. Cette lettre, si
intéressante pour les mœurs en général
et pour la république de Genève en par-
ticulier , fut la première source de la
haine que Voltaire lui voua , et des inju-
res dont il ne cessa de l'accabler. Ce
qu'on trouvait de singulier, c'est que cet
ennemi des spectacles avait fait imprimer
une comédie , et qu'il avait donné au
théâtre une pastorale , le Devin du vil-
lage , qui certainement n'était pas faite
pour produire des impressions de vertus.
Il en fit lui-même la musique : car il
avait cultivé cet art dès sou enfance. Sou
ROU
Dictionnaire de musique, à quelques
inexactitudes près , est un des meilleurs
ouvrages que nous possédions en ce gen-
re; mais on s'aperçoit facilement qu'il a
profité de celui de l'abbé Brossard : on
est fâché seulement qu'il ne le dise pas ;
et cette réticence fait croire qu'il n'était
point en ce genre aussi riche de son pro-
pre fonds qu'on le croyaitcommunément.
Ja Nouvelle Héloïse, 1761, 6 parties in-
12 , est un roman épistolaire ,dont l'in-
trigue est mal conduite et l'ordonnance
mauvaise ; il est , comme toutes les pro-
ductions de l'auteur , plein de beautés
et de défauts. Il en parle lui-même avec
des éloges révoltans , et toute la ten-
dresse d'une aveugle paternité : on a de la
peine à comprendre qu'il n'en ait pas
aperçu les contradictions saillantes, ainsi
que la morale fausse et inconséquente.
Quelques-unes de ces lettres sont admira-
bles par la force , par la chaleur de l'ex-
pression ; mais l'auteur ne tarde pas à se
livrer au goût des sophismes et à la ma-
nie d'ergoter contre les notions reçues :
delà ces froides digressions, ces critiques
insipides , et ces paradoxes révoUans.
C'est dans cet ouvrage qu'il s'est le plus
souvent abandonné à sa manie d'exposer
le pour et le contre , de répandre de l'in -
certitude sur tous les principes. Emile fit
encore plus de bruit que la Nouvelle
Héloïse. On sait que ce roman moral ,
publié en 1762, en 4 v. in-12, roule prin-
cipalement sur l'éducation. Rousseau
veut qu'on suive en tout la nature, et
qu'on laisse germer et prévaloir les pas-
sions sans leur opposer , sinon lorsqu'il
n'en sera plus temps, l'impression des 1
vérités religieuses , de la loi et de la '|
crainte de Dieu. Tout ce qu'il dit contre J
les spectacles , contre les vices et les pré- ]
jugés de son siècle , est digne tout à la \
fois de Platon et de Tacite. Il semble \
même en avoir la manière et le stile. Mais j
ce qu'il est bon de savoir, pour apprécier
les hommes et les moyens qui fondent
leur célébrité , c'est que le stile de Rous-
seau n'était ni dans son cœur ni dans son
génie, et que, tandis que l'honnête
homme , médiocrement lettré , parle et
écrit avec énergie et un enthousiasme
il
ROU
cloquent des droits de la justice et de la
vertu , Rousseau ne pouvait former une
ligne sans se mettre l'esprit à la torture.
j) Je méditais , dit-il lui-même , dans
» mon lit , les yeux fermés, et je tournais
M et retournais dans ma pensée mes pé-
)) riodes avec des peines incroyables :
» puis quand j'étais parvenu à en être
» content , je les déposais dans ma mé- ,
» moire, jusqu'à ce que je pusse les met-
j) tre sur le papier. Souvent j'oubliais
V tout en m'habillant. Les quatre lettres
» à M. de Malesherbes sont peut-être la
» seule chose que j'aie écrite avec facilité
)> dans toute ma vie. » Voilà, sans doute,
pourquoi ceux qui jugeaient de la ft0e de
l'âme de Rousseau par celle de ses expres-
sions, sont si bien de leur compte; et puis,
la sublime philosophie qui acheté par de
telles contorsions la réputation de beau
parleur ! Quoi qu'il en soit du stile , le
fond de l'ouvrage est une source de cor-
ruption. Le 3* tome est rempli d'objec-
tions contre le christianisme. Il fait, à la
vérité , un éloge sublime de l'Évangile, et
un portrait touchant de son divin auteur;
mais les miracles , les prophéties , qui
établissent sa mission , sont attaqués sans
ménagement. C'est un traité d'éducation
le plus chimérique qu'un homme ait pu
concevoir, un assemblage continuel de
sublime et de subtilités, de raison et d'ex-
travagance , d'esprit et de puérilité , de
religion et d'impiété, de philanthropie et
de causticité. Il habitait depuis 1766 une
petite maison de campagne près Mont-
morency, connue sous le nom de l'ermi-
tage ; solitude qu'il devait à la générosité
d'un fermier-général. Sans adopter en
tout la façon de vivre trop dure des an-
ciens cyniques , il s'était retranché tout
ce que peut fournir ce luxe l'echerché qui
est la suite des richesses et qui en per-
vertit l'usage. Il aurait été heureux dans
cette retraite, s'il avait pu oublier ce
public qu'il affectait de dédaigner; mais
le désir d'une grande réputation aiguil- .
lonnait son amour-propre, et c'est ce dé-
sir qui lui fit glisser dans son Emile tant
de choses condamnables , et qu'il a lui-
même plus d'une fois réfutées avec force. ,
Le parlement de Paris condamna ce Urrç;,
ROU 53 1
en 1762, et poursuivit criminellement
l'auteur , qui fut obligé de prendre la
fuite à la hâte. Il dirigea ses pas vers sa
patrie , qui lui ferma ses portes. Proscrit
dans la ville qui lui avait donné le jour,
il chercha un asile en Suisse, et le trouva
à Motiers , dans la principauté de Neiif-
châtel. Son premier soin fut de défendre
son Emile contre le Mandement de
M. l'archevêque de Paris , qui avait ana-
thématisé ce livre. Il publia en 1763 une
Lettre oîi toutes ses erreurs sont repro-
duites avec la parure de l'éloquence et
une espèce de morgue cynique. Les Let-
tres delà Montagne virent le jour bien-
tôt après ; mais ce livre, bien moins élo- ,
quent, et surchargé de discussions en-
nuyeuses sur les magistrats et les pas-
teurs de Genève , irrita les ministres
protestans, sans le réconcilier avec les
ministres de l'Eglise romaine. Rousseau
avait abandonné solennellement cette
dernière religion dans un voyage qu'il
avait fait à Genève en 1753 ; ce qu'il y a
d'étrange , c'est qu'il était résolu d'aller ,
vivre en France dans un pays catholique.
Les pasteurs protestans ne lui surent
aucun gré de ce changement ; et la pro-
tection du roi de Prusse , à qui appartient
la principauté de Neufchâtel , ne put le
soustraire aux tracasseries que lui sus-
cita le pasteur de Motiers- Travers , villa-
ge où il s'était retiré. (Il alla chercher un ;
nouvel asile dans l'île de Saint-Pierre , ,
située au milieu du lac de Bienne ; mais , ,
au bout de quelques semaines, un ordre
du sénat de Berne le força de quitter
cette charmante retraite.) Il prit le parti
de passer en Angleterre , et il se troubla
avec le fameux Hume, qui l'avait amené
avec lui dans cette île. Nous n'entrerons
pas dans le détail de cette bruyante
querelle ; elle prouve , ainsi que mille
autres anecdotes , que ces gens qui se di-
sent nés pour instruire , pacifier , rendre
heureux tous les hommes, ne sauraient
vivre deux jours ensemble sans faire
éclater des passions que le plus froid
chrétien auraithontcde ne pas réprimer.
Hume appela Rousseau un serpent ré-
chauffé dans le sein de t amitié ; celui-
ci DÇ manqua pas de termes pour lui x\-.
53a ROU
poster. Le philosophe de Genève retourna
en France, en 1767. En passant à Amiens,
il vit Gresset , qui le sonda sur ses mal-
heurs et sur ses disputes ; il se contenta
de lui répondre : «Vous avez eu l'art de
i> faire parler un perroquet ; mais vous ne
)) sauriez faire parler un jours. » ( Après
avoir habité quelque temps le château de
Trye près de Gisois, il alla, sous le nom
de Renou , herboriser dans les environs
de Lyon, de Grenoble, de Chambery, et pa-
rut vouloir se fixera Monquin près de Bour-
goin , où il épousa sa Thérèse en 1768.
Ses protecteurs obtinrent en 1770 qu'il
demeurerait à Paris, à condition qu'il n'é-
crirait ni sur les matières de religion ni
sur celles du gouvernement : il tint pa-
role , il n'écrivit plus. Il se contenta de
vivre dans la société de quelques amis ,
paraissant détrompé , sans pourtant l'ê-
tre, de ses illusions. Il mourut à Erme-
nonville , terre de M. le marquis de Gi-
rardin, à 10 lieues de Paris, le 3 juillet
1778 , non sans soupçon d'avoir avancé
ses jours en prenant du poison. Un de ses
amis , Corancez , a donné à cet égard des
renseignemens qui semblent exacts. Sa
brochure est curieuse , et démontre l'é-
tat d'aliénation dans lequel le sage tom-
bait parfois. La relation que MM. de
Presle et Magellan ont donnée de sa mort
pour dissiper ce soupçon , n'a fait que le
fortifier : ils conviennent que la vie lui
était à charge , et rapportent diverses
circonstances, qui annoncent que le
philosophe , sans aucun mal apparent ,
V était instruit de sa fin prochaine. Tout
cela est confirmé dans les Lettres sur les
ouvrages et le caractère de J. J. Rous-
seau , publiées en 1789 par madame la
baronne de Staël. <f On sera peut-être
3) étonné , dit-elle , de ce que je regarde
•» comme certain que Rousseau s'est
3> donné la mort. Mais le même Genevois
3) dont j'ai déjà parlé reçut une lettre de
» lui quelque temps avant sa mort , qui
» semblait annoncer ce dessein. Depuis ,
» s'étant informé avec un soin extrême de
•n ses derniers momens , il a su que le
M matin du jour oii Rousseau mourut , il
» se leva en parfaite santé , mais dît ce-
» pendant qu'il allait voir le soleil pour
ROU
» la dernière fois , et prit , avant de sor-
» tir, du café qu'il fit lui-même. Il rentra
)> quelques heures après, et commençant
» alors à souffrir horriblement , il défen-
» dit constamment qu'on appelât du se-
» cours et qu'on avertit personne. Peu de
» jours avant ce triste jour , il s'était
» aperçu des viles inclinations de sa
» femme pour un homme de l'état le plus
» bas ; il parut accablé de cette décou-
» verte , et resta huit heures de suite isur
» le bord de l'eau, dans une méditation
u profonde. Il me semble que si l'on réu-
M nitces détails à sa tristesse habituelle,
» à l'accroissement extraordinaire de ses
» terr^Rrs et de ses défiances, il n'est
» plus permis de douter que ce malheu-
» reux homme n'ait terminé volontaire-
» ment sa vie. » Et dans une réponse à
madame de Vassy, elle ajoute : « Un Ge-
» nevois, secrétaire de mon père ( M. IVec-
■» ker } , et qui a passé la plus grande
3j partie de sa vie avec Rousseau ; un au-
» tre , nommé Mouton, homme de beau-
j> coup d'esprit , et confident de ses der-
3) nieres pensées, m'ont assuré ce que j'ai
3) écrit; et des lettres que j'ai vues de
3J lui , peu de temps avant sa mort, an-
» nonçaient le dessein de terminer sa
» vie. » On voit par-là , comme par bien
d'autres anecdotes de ce fameux égoïste,
ce que c'est que la prétendue force d'es-
prit dont font parade les hommes dont
l'idole est l'opinion publique , et qui
n'ont point dans eux-mêmes de quoi com-
battre les disgrâces les plus légères , sou-
vent même parfaitement imaginaires. Le
caractère de Rousseau, ainsi que ses opi-
nions , était certainement original ; mais
la nature ne lui en avait donné que le
germe , et l'art avait beaucoup contribué
à le rendre encore plus singulier. Il n'ai-
mait à ressembler à personne ; et comme
cette façon de penser et de vivre extraor-
dinaire lui avait fait un nom , il mani-
festa beaucoup de bizarrerie , soit dans
sa conduite , soit dans ses écrits. Tout est
devenu problématique sous sa plume.
De là ces raisonnemcns pour et contre
le duel , l'apologie du suicide et la con-
damnation de cette frénésie ; la facilité à
pallier le crime de l'adultère , et les rai-
ROU
s«ns les plas fortes pour en faire sentir
l'horreur. De là l'existence de Dieu atta-
quée par des sophismes , et les athées
confondus par des argumens invincibles,
la religion chrétienne combattue par des
objections spécieuses, et célébrée par les
plus sublimes éloges. Il tâchait de se ren-
dre intéressant par la peinture de ses mal-
heurs et de sa pauvreté, quoique ses in-
fortunes fussent moins grandes qu'il ne
le disait et ne le sentait , et quoiqu'il eût
des ressources assurées contre l'indi-
gence. Il était charitable, bienfaisant,
sobre , se contentant du pur nécessaire,
et refusant les moyens qui lui auraient
procuré ou des richesses ou des places.
Quoiqu'il affichât la philosophie , il n'ai-
mait pas les philosophes; prévenu d'a-
bord pour eux par l'emphase de ce nom
illusoire , il les détesta dès qu'il les con-
nut. « Je regardais, dit-il, tous ces gra-
» ves écrivains comme des hommes rao-
)> destes , sages , vertueux , irréprocha-
j) blés. Je me formais de leur commerce
M des idées angéliques , et je n'aurais ap-
» proche de la maison de l'un d'eux que
» comme d'un sanctuaire. Enfin je les ai
3) vus ; ce préjugé puéril s'est dissipé, et
•» c'est la seule erreur dont ils m'aient
« guéri. » — « Fuyez , dit-il ailleurs, ceux
)> qui , sous prétexte d'expliquer la na-
» ture , sèment dans le cœur des hommes
)> de désolantes doctrines, et dont le scep-
j) ticisme apparent est cent fois plus
j> affirmatif et plus dogmatique que le ton
i> décidé de leurs adversaires. Sous le
)) hautain prétexte qu'eux seuls sont éclai-
» rés, vrais , de bonne foi, ils nous sou-
j) mettent impérieusement à leurs déci-
}> sions tranchantes , et prétendent nous
j> donner , pour les vrais principes des
}> choses, les inintelligibles systèmes qu'ils
» ont bâtis dans leur imagination. Du
■» reste , renversant , détruisant , foulant
u aux pieds tout ce que les hommes res-
M pectent , ils ôtent aux afQigés la der-
» nière consolation de leur misère , aux
» puissans et aux riches le seul frein de
» leurs passions j ils arrachent du fond
« des cœurs les remords du crime , l'es-
» poir de la vertu , et se vantent encore
» d'être les bienfaiteurs du genre hu-
ROU 533
» main. Jamais , disent-ils, la vérité n'est
» nuisible aux hommes ; je le crois comme
3) eux ; et c'est, à mon avis , une preuve
» que ce qu'ils enseignent n'est pas la
» vérité. « ( Voyez Lucien.) On ne peut
l'accuser , comme tant d'autres sophistes,
d'avoir souvent répété avec une emphase
étudiée le mot de vertu , sans en inspirer
le sentiment. Quand il parle des devoirs
de l'homme , des principes essentiels à
notre bonheur , du respect que nous nous
devons à nous-mêmes et à nos sembla-
bles ; c'est avec une abondance, un char-
me, une force qui semble ne pouvoir
venir que du cœur. Mais tout cela est mêlé
d'assertions si contradictoires dans leurs
principes ou dans leurs conséquences, que
si elles pouvaient êtres vraies , toute idée
de devoir serait anéantie. Ses idées sur la
politique étaient presque aussi extraor-
dinaires que ses paradoxes sur la religion.
Son Contrat social, que Voltaire appe-
lait le Contrat insocial de Vinsociable
J. J. Rousseau , est plein de sophismes,
d'erreurs et de traits dignes d'un pinceau
cynique; il est d'ailleurs obscur, mal di-
géré , et tellement rempli de contradic-
tions, que les auteurs de la nouvelle
constitution de la France en ont fait la
base de leurs opérations , en même temps
qu'elles y sont condamnées en cent en-
droits différens. On a encore de lui quel-
ques autres petits ouvrages, qu'on trouve
dans le recueil de ses OEuvres , publié
tant de fois et en tant de formats. On a
rassemblé les vérités lesplus utiles et les
plus importantes de cette collection dans
ses Pensées , 1 vol. in-12 , oii l'on a fait
disparaître le sophiste hardi et l'auteur
impie , pour n'offrir que l'écrivain élo-
quent et le moraliste penseur. M, le
comte de Barruel-Beauvert a donné sa
Vie en 1789, amphigouri philosophique,
rempli de faits romanesques , dont quel-
ques-uns ne peuvent avoir été imaginés
que par l'auteur. Il convient cependant
que le philosophe s'est donné la mort
lui-même. Rousseau avait laissé dans son
portefeuille des Mémoires de sa vie,
dont on a publié une partie en 1782, sous
le titre de Confessions. C'est le détail le
plus circonstancié , non seulement des
534
ROU
plus petits évènenaens de sa vie , mais
encore de ses crimes et de ses bassesses.
Extravagance inouïe , où là manie de
faire parler de soi a conduit cet homme
de génie , devenu , selon l'expression de
saint Paul, réellement fou, en se croyant
parfaitement sagç. Il était parvenu à se
persuader que les moindres détails de sa
vie étaient des choses importantes et bien
dignes d'occuper les regards de la posté-
rité. Heureux si , au lieu de vivre un mo-
ment dans la pensée et les discours des
hommes , il avait su se renfermer dans ce
sentiment précieux que produit la vertu ,
jouir en lui-même desfruitsde la sagesse,
faire le bien sans ostentation, l'enseigner
sans prétention , substituer à une philo-
sophie arbitraire et contradictoire l'inva-
riable lumière de la religion ! Beaucoup
d'écrivains se sont attachés à réfuter les
paradoxes de Rousseau. Nous nous con-
tenterons de citer Bergier , le cardinal
Gerdil , l'analyse des principaux ouvra-
ges de Jean-Jacques , par M. de Barante ,
dans son OMsva^^t de la Littérature fran-
çaise au 18" siècle y trois articles de M. de
Boulogne , insérés dans les Mélanges de
philosophie , etc. ( Kous n'indiquerons
point les nombreuses éditions de Rous-
seau : un des caractères dul 9* siècle sera la
reproduction si multipliée de ses ouvrages
contre lesquels M. l'archevêque de Paris
s'est récrié dans plusieurs Mandemens.
Les restes de J. J. Rousseau furent trans-
portés au Panthéon le 1 1 octobre 17 94, et
ils y sont encore.)
* ROUSSEAU (Pierre) , écrivain mé-
diocre naquit à Toulouse en 1725, prit
d'abord le petit collet qu'il quitta pour
cultiver la littérature. Il vint à Paris, où
il donna à différens théâtres les pièces
suivantes , dont la plupart n'eurent qu'un
succès éphémère. Les plus connues sont
le Berceau , le Faux pas , la Coquette
sans le saroir , V Etourdi corrigé, V Es-
prit du jour , la mort de Bucéphale , tra-
gédie burlesque, etc. En 17 56 , il établit
le Journal encyclopédique , qui se ré-
pandit dans toute la France , et par lequel
il put amasser une grande fortune. Rous-
seau mourut à Paris en novembre 1785 ,
âgé de 65 ans.
ROU
* ROUSSEAU (Jean-Françojs-Xavier),
diplomate français, né en 17 38 à Ispa-
han , de Jacques Rousseau , joaillier ge-
nevois , cousin-germain de Jean-Jacques
Rousseau. Jacques Rousseau, père de
celui auquel nous consacrons cet article,
était allé en Asie, en 1705, à la suite
de l'ambassade française, et était devenu
chef des joailliers de la couronne de
Perse. Elevé dans la religion catholique j
par les jésuites d'Ispahan, le jeune Rous- |
seau fit d'excellentes études. De bonne \
heure il se familiarisa avec les diverses
langues de l'Orient , et apprit également
la plupart de celles de l'Europe. Après
s'être livré à de grandes opérations de
commerce, il quitta sa ville natale pour
aller à Bassora, et pour s'y attacher au
service de la nation française, en qualité
de .sous-chef du comptoir de la compa-
gnie des Indes. Ses connaissances variées
et le crédit dont il jouissait dans l'Orient,
lui donnèrent de nombreux moyens d'ê-
tre utile. Chargé , en 1773, des affaires
de France en Perse et dans le Pachalik de
Bagdad , Rousseau paya les dettes de Py-
rault, son prédécesseur, secourut les
malheureux Français venus de l'Inde ,
envoya, à ses propres frais, des vivres à
la colonie de Mahé , rendit des services
immenses aux missions d'Ispahan , de
Bassora et de Bagdad , et fut créé , en ré-
compense de sa belle conduite, par le
pape Clément XIV, chevalier de l'épe-
ron-d'or. Lorsque Bassora tomba au pou-
voir de Sadek-kan , frère du régent de
Perse, Rousseau parvint, par son crédit
et par les présens qu'il offrit à propos au
vainqueur, à maintenir la tranquillité
des Français, à protéger également la
liberté des hahitans et à sauver la vie au
gouverneur turc. Mais obligé enfin de
quitter une ville qui était livrée successi-
vement à tous les fléaux , il se détermina
à passer en France où il arriva dans le
mois de décembre 1780 , et où il fut ac-
cueilli avec la plus grande distinction.
Sa parenté avec le philosophe de Genève,
et le costume oriental, qu'il portait ainsi
que sa femme, fixèrent sur lui l'attention
générale, et le firent rechercher dans
toutes les sociétés. Eq 178?, U repartit
ROU
pour l'Asie : il était chargé des consulats
réunis de Bassora et de Bagdad. Dans ces
doubles fonctions que la révolution fran-
çaise n'interrompit point , il donna de
nouvelles preuves de zèle , et fit respec-
ter la France et le commerce français
dans les plages lointaines. L'invasion de
l'Egypte ayant allumé la guerre, en 1798,
entre la Porte-Ottomane et la France,
Rousseau fut retenu pendant onze mois
dans la plus dure captivité. Lorsqu'il fut
rendu à la liberté , le gouvernement con-
sulaire le nomma agent-général et diplo-
mate à Bagdad ( 1802). En 1804, il ou-
vrit des communications avec la Perse ,
et prépara à la cour de Téhéran la mis-
sion deMM. Jaubert et Romieu. Rousseau
était le doyen des consuls au Levant ,
lorsqu'il mourut en 1808. On lui doit
divers Mémoires sur le commerce du
golfe Persique et de Bassora-, sur la
peste de cette ville ; sur sa prise par les
Persans; SUT les révolutions de Perse;
sur le Wahabis, etc. On a de lui plusieurs
Lettres adressées à M. A.-A. Barbier.
Voyez la Revue encyclop.^ 1828, t. 2,
n° 515. Son fils, qui a embrassé la même
carrière que son père , a fait son éloge
historique, 1810,in-8.Il cite dix-sept
ouvrages que Rousseau a laissés manu-
scrits. Dans cette liste, on remarque une
Traduction en arménien des chefs-d'œu-
vre de Racine.
* ROUSSEAU (Jean, comte), séna-
teur sous le gouvernement impérial, fils
d'un riche cultivateur de vignobles en
Champagne, reçut une éducation très
soignée. En 1792 , il fut élu député sup-
pléant de Paris ; mais il ne prit i^ance
qu'après le procès de Louis XVI. Il parut
en général éviter de se mettre en évi-
dence ; néanmoins , le 25 octobre 1795 ,
il s'opposa à la mise en liberté de Ros-
signol etdeDaubigney, que réclamait Le-
gendre. Aprèsla session de la Convention,
il passa au conseil des Cinq-cents, fit
plusieurs rapports sur les finances, et fut
chargé, en qualité de commissaire, de
surveiller la comptabilité nationale .
Nommé secrétaire de cette assemblée , le
21 novembre 1796 , il combattit les élec-
tions de Saint-Domingue qu'il fit annu-
ROU
535
1er. Le 27 novembre de l'année suivante,
il appuya les motions contre les nobles
et les anoblis, et fit insérer dans le Mo-
niteur une Lettre oîi il prétendait dé-
montrer l'intelligence qui avait existé
entre quelques chefs de l'émigration et
les révolutionnaires. Sorti du conseil au
mois de mai 1798, il y fut réélu la même
année par les électeurs de Paris. Il se
prononça pour la révolution du 1 8 bru-
maire, et devint successivement sénateur,
comte et commandant de la légion-d'hon-
neur. Il est mort en 1813, à l'âge de 73
ans, à Chàfillon près de Paris.
ROUSSEAU, rog. Parisièrk.
ROUSSEL (Guillaume), bénédictin
de la congrégation de Saint-Maur, de
Couches en Normandie, fit profession en
1C80. Il alla à Paris, et son talent pour
1^ chaire lui promettait des succès dans
cette capitale; mais quelques raisons l'em-
pêchèrent d'y demeurer : il se retira à
Reims, et mourut à Argenteuil en 1717,
à 59 ans. On a de lui : 1" une bonne Tra-
duction française des Lettres de saint
Jérôme, réimprimée en 1713 , en 3 vol.
in-8; 2° un Eloge du Père Mabillon ; 3° il
avait entrepris VHistoire littéraire de
France; mais à peine en avait-il tracé
le plan, et recueilli quelques Mémoires
à ce sujet, que la mort l'enleva à ce tra-
vail. Son projet fnt rempli par dom
Rivet.
* ROUSSEL (Pierre), écrivain dis-
tingué, naquit à Dax ou plutôt Aqs dans
les Landes en 1742. Il étudia la médecine
à Montpellier , prit le bonnet en 1770,
et vint peu de temps après à Paris, où
il se livra à la théorie de son art. Sa mo-
destie était extrême. On disait de lui
qu'il tremblait autant d'être illustre que
les autres de rester obscurs ; on lui en-
tendait souvent répéter ces mots : « Deux
3) siècles de renommée ne valent pas deux
» jours de repos. » Il fut comparé à La
Fontaine dont il avait l'ingénuité , la
bonhomie, la grâce,la paresse, les distrac-
tions et l'innocente malice. Il s'était re-
tiré depuis quelque temps à Châteaudun ,
oii il est mort en 1 802 , âgé de 60 ans. On
a de lui : 1° Eloge de Bordeu, 1772, et
réimprimé h la tête de l'ouvrage de ce
536 ROU
médecin célèbre ; 2" différeas Mémoires
insérés dans les journaux littéraires ; S"
Sy stème physique et moral de la femme ^
1777, in-12, ouvrage qui a établi la ré-
putation de Pierre Roussel. Il prouve
que le tempérament des femmes a beau-
coup d'analogie avec celui des enfans ;
d'oiiil s'ensuit qu'ils ont les uns et les au-
tres la même inquiétude, la même viva-
cité , et la même inconstance dans les
goûts , dans l'humeur , et la même promp-
titude à s'affliger et à se consoler , à dé-
sirer et à se dégoûter. Voici ce que dit
Labarpe de ce livre dans sa Correspon-
dance littéraire : « L'auteur ( Roussel }
» écrit avec élégance et intérêt , sans
» déclamation et sans fausse cbaleur. Ses
» observations sont profondes , et son
» stile est à la fois celui d'un écrivain
X sage et d'nn homme paisible. Quoique
» le fond de son ouvrage soit nécessaire-
V ment un peu scientiiique , il se fait lire
» partout avec agrément.» On assure qu'il
a laissé en manuscrit un Système phy-
sique et moral de Vhomme , lequel
n'est pas inférieur à l'ouvrage que nous
-venons deciter. La révolution l'ayant rui-
né, le ministre Chaptal lui obtint une
modique pension de 800 francs. Rlin de
Sinmore a consacré une épître à l'éloge
deRousself qui avait délivré son épouse
d'une maladie grave. M. Alibert a fait
son^'tofl'equi se trouve en tête de pres-
que toutes les éditionsde ses OEuvres.
* ROUSSEL ( Pierre Joseph- Alexis ) ,
avocat et littérateur , né à Epinal vers
1740, vint de bonne heure à Paris oii il
suivit le barreau pendant plusieurs an-
nées: plus tard il embrassa les principes de
la révolution ; mais il ne paraît pas qu'il
y ait joué un rôle important. Il fut de-
puis commis principal de la grande
chancellerie de la légion d'honneur. Il a
laissé deux ouvrages : 1° Politique de tous
les cabinets de V Europe pendant les
règnes de Louis XF et de Louis XFI,
Paris, 1793, 2 vol. in-8. Cet ouvrage est
assez bien écrit; mais le sujet qu'il traite
est au dessus des talens de l'auteur, et la
politique dont il parle est moins celle
que pouvaient avoir alors les cabinets
de l'Europe à l'égard de la France , que
ROU
celle qu'il croyait la plus convenable
pour autoriser les opinions de ces temps
calamiteux. 2° Correspondance de Fa-
bre d^Eglantine avec un Précis histori-
que sur ce poète révolutionaire , sur ses
ouvrages dramatiques , et un fiagment
de sa vie écrite par lui-même, auquel
l'auteur a joint une Satire sur les spec-
tacles de Lyon , etc. , Paris , 1 796 , 3 vol.
in-12 ; 3° Correspondance du duc d'Or-
léans, ihid. 1800, in-8, qui serait inté-
ressante , si plusieurs lettres n'étaient
pas apocryphes; 4° Le Château des Tui-
leries, ibid. 1800, 1802, 1804; 5° Corres-
pondance secrète de plusieurs grands
personnages illustres à la fin du 18^
siècle, 1802, in-8; 6° avec Plancher,
Annales du crime et de l'innocence , ou
Choix des causes célèbres, anciennes
et modernes , réduites aux faits histo-
riques, 1813 , 20 vol. in-12. Il a laissé
plusieurs manuscrits , parmi lesquels on
cite des Mémoires de Louis Xf^I , qui
pourraient former 8 vol. in-8. Roussel est
mort à Paris en 1815. Plusieurs biogra-
phies, entre autres la 7^ édition de Feller,
lui donnent pourprénom les lettres L. C ;
lui-même explique dans une lettre in-
sérée dans le Journal de l'empire du
28 septembre 1812 que ces initiales veu-
lent dire le Citoyen.
* ROUSSEL DE BÉRARDIÈRE
( J.-H. ) , jurisconsulte , naquit à Saint-
Bomer , fut professeur en droit à l'univer-
sité de Caen , mourut dans sa terre de
la Bérardière en décembre 1801, et a
laissé : 1°. sur les crimes et les moyens
de les détruire , une Dissertation qui
renujorta le prix à l'académie de Caen
en 1773 ; sur quelques questions propo"
sées par t impératrice de Russie ( Ca-
therine II) : cette dissertation , avec trois
autres sur le même sujet , fut imprimée
l'année suivante en italien et en hollan-
dais; 2° Institution au droit de Nor-
mandie, 1782; 3° Plan de législation
criminelle, 1 7 88, qui eut un succès méri-
té. Roussel de Bérardière a laissé en ma-
nuscrit : Institution généra le au droit
français , et en particulier au droit de
Normandie-, 2° Traduction du Traité
de la vieillesse de Cicéron ; 3° Traduc-
ROU
tion des Epigrammes de Jean 0\rero ;
4" Plusieui-s Dissertations sur divers
sujets, lues à l'académie de Caen , dont
il était membre.
* ROUSSELET ( François) , médecin
du 16* siècle , né à Vesoiil , y exerça son
art avec honneur; mais il s'appliqua plus
particulièrement à l'alchimie, et a laissé
l'ouvrage suivant, qui est devenu très
rare, Chrysospagyrie om. de V Usage et
vertu de l'or, Lyon , 1582, iu-8. Len-
glet du Fresnoy fait mention de cet ou-
vrage dans la Bibliothèque des alchimistes
Lacroix du Maine et Leverdier le citent
aussi avec éloge. « L'or, dit Rousselet
M dans son livre, est un corps doué de
» toute perfection , composé d'une éga-
» litc de substance , proportionnément
» mélangé , compris sur un tempéra-
j) ment égal , recevant l'union et l'admi-
» rable texture de toutes les vertus tant
» supérieures qu'inférieures , auquel nul
« mixte ne peut être comparé. »
* ROUSSELET (Gilles), graveur re-
nommé, né à Paris vers l'an 1G40, fut'
un des premiers qui commencèrent à
établir le bon goût et l'exactitude dans
la gravure ; il se distingua dans les dra-
peries , et a laissé un grand nombre d'es-
tampes. Nous en citerons les plus remar-
quables , comme .- La Sainte Famille ,
La Victoire de saint Michel sur Satan ,
d'après Raphaël ; Eliézer abordant Re-
becca; Moïse échappé a la mort, d'après
le Poussin ; l'udnnon dation ; Quatre tra-
vaux d'Hercule , David terrassant Go-
liath, sur les dessins de Guide ; Le Christ
au tombeau , d'après le Titien; un autre
Christ, d'après Lebrun, et différens
morceaux excellens d'après les plus fa-
meux peintres anciens et modernes. Hu-
bert et Hast dans leur Manuel des ama-
teurs de l'art ont donné une liste des ou-
vrages les plus remarquables de Rousse-
let dont on fait monter l'OËuvre à plus
de 334 pièces. Cet artiste est mort en
1686.
' ROUSSET DE MissY (Léon) publiciste,
historien et compilateur , né à Laon le
26 août 1686, partagea dans son enfance
les malheurs de sa famille atteinte par la
révocation de l'édit de Nantes. Il comr
ROU 637
menea ses études à Laon, et les continua
à Paris au collège du Plessis, où il eut
pour maîtres Viel , Billet et Montempuis.
Son père s'étant remarié , quelques dés-
agrémens qu'il eut à essuyer de sa belle-
mère lui firent prendre la détermination
de passer en Hollande. W entra dans la
compagnie des cadets français, à la suite
des régimens des gardes des états-géné-
raux. Rousset servit avec honneur, se
trouva à plusieurs batailles, et après
celle de Malplaquet l'amour de l'étude lui
fit quitter la carrière des armes. H établit
à La Haje pour la jeune noblesse une
pension, qu'il tint près de 15 ans, et
compta parmi ses élèves plus de cin-
quante seigneurs, qui occupèrent ensuite
des emplois distingués. En 17 23, il ferma
sa pension et se livra à l'étude de l'his-
toire et de la politique. Il rédigea quel-
que temps après plusieurs journaux litté-
raires, entre autres \e Mercure historique
et politique, se faisant aidel: de préférence
dans .ses travaux par des Français, aux-
quels il accordait toujours un parfait
accueil dans sa maison. Il donna aussi, et
pendant plusieurs mois, asile à La Barre
de Beaumarchais, qui le paya d'ingra-
titude. Cet auteur eut la lâcheté d'in-
sulter son bienfaiteur dans ses Lettres sé-
rieuses et badines , qu'il ne publia même
qu'à cet effet. Rousset avait parfois un
esprit piquant et satirique. Naturalisé en
Hollande et voulant prendre part aux
affaires publiques, il se déclara pour le
prince d'Orange, et publia plusieurs pam-
phlets contre les magistrats hollandais ,
qui le firent arrêter à Amsterdam et trans-
férer à La Haye, oîi il fut incarcéré. Il
avait subi quelques jours de détention ,
lorsque le prince d'Orange, ayant été pro-
clamé stathouder, lui fit obtenir sa li-
berté, le nomma conseiller ordinaire,
et son historiographe. Mais Rousset était
naturellement d'un caractère inquiet et
turbulent; à peine fut-il rentré à Ams-
terdam , en 1748, qu'il se mita la tête
d'une association appelée des doelisten ,
de Doele , nom d'un hôtel garni oii ils
s'assemblaient. Cette même association
était aussi nommée achtenvertigcrs on
gens de 48. Us causèrent . dans la ville et
68.
538 RGIJ
les provinces quelques Irotibles, par le
moyen desquels ils parvinrent à obtenir
ce qu'ils demandaient. Mais quoique le
slalhouder désirât, pour rétablir le cal-
me , rémijr tous les partis , celui des doe-
lislen était si odieux à tous les gens sages,
qu'il ôla l'année suivante à Rousset tou-
tes ses charges et pensions. Il venait de
publier un ouvrage contre la France : cet
ouvrage fut défendu, et l'auteur décrété
d'arrestation. Ayant été averti à temps,
PiOHsset s'enfuit à Bruxelles ,oii sa plume
fut sa principale ressource. Il mourut en
1 7G2,à l'âge de soixante-seize ans. On a de
lui un grand nombre d'ouvrages , dont les
principaux sont : 1" Description gcb-
graphique, historique et politique du
royaume de Sardaigne , Cologne , 1718,
in-12; 2" Histoire du cardinal Alberoni,
depuis sa naissance jusqu'en 1716, tra-
duit de l'espagnol, La Haye, in-12, 17 20;
édilion augmentée , 17 20, 2 vol. in-12;
3" Mercure historique et politique , de-
puis le mois d'août 1724 jusqu'en juillet
1 749 , 15 vol. ; 4° Histoire du prince Eu-
gène, du duc de Mnrlborouh, et du prince
d'Orange, La Haye, 1729, 1747, 3 vol.
in-fol. , le premier volume, publié en
17 25, est de J. Dumont : cet ouvrage n'a
pas un grand mérite, et il n'est recherché
que pour les plans et les estampes, 5°
Supplément au corps diplomatique de
J. Dumont, continué par Rousset, et con-
tenant en outre le Cérémonial des cours
de t Europe , ou Collection d'actes , de
mémoires et relations, recueillis en partie
par Dumont, mis en ordre et augmentés
parRou-sset, Amsterdam et La Haye, 1739,
5 vol. in-fol. Dans le Traité sur le céré-
monial Rousset n'a fait qu'augmenter de
plusieurs morceaux les traités déjà con-
nus de Marcelli, de Théod. Godefroy ,
et de Chr. Lunig, etc. , dont il n'ofifre
qu'un extrait. G° Intérêt des puissances
de l'Europe , d'après le traité conclu de-
puis le traité d'Ulrecht (1713), La Haye,
1733,2 Tol. in-4 ; 1734 , 9 vol. in-12,
nouvelle édition, augmentée, 1733, 3
vol. in-4 ; Trévoux, 1736, 14 vol. in-12,
avec des mutilations; 1° Recueil histori-'
que d'actes et de négociations depuis la
paiv d'Utrecht, La Haye, 1728 ; Amsler-
ROU
dam, 1756, 21 vol. in-i2;on le trouve
en 25 vol. Les quatre premiers volumes
contiennent les ouvrages suivans, du
même auteur ; savoir : 1° Histoire de la
succession de Clèves, Berg , Juliers, etc. ;
2" Procès entre la Grande Bretagne et
T Espagne; 3° Recherches sur les allian-
ces entre la France et la Suède ; 4" Mé-
moires instructifs sur la vacance du
trône impérial , sur les droits des élec-
teurs , sous le nom supposé du baron
de D : cet ouvrage (ainsi que les trois
autres) avait été imprimé séparément à
Amsterdam, 1741, l vol. in-8 ; 1740, 2
petits vol. in-8 ; 8° Histoire des guerres
entre les maisons de France et d'Autri-
che, avec remarques, Amsterdam, 1742,
2 vol.; nouvelle édition augmentée, 1748,
6 vol. iu-12 ; ^"Mémoires sur les rangs
et la préséance entre les souverains de
l'Europe , et de leurs ministres , leurs
différens caractères, etc., 17 47, in-4;
10° Mémoires du règne de Pierre le
Grand, empereur de Russie, sous le nom
du baron Iwan Nesterusanoi. Ces mémoi-
res ont eu plusieurs éditions; la plus re-
cherchée est celle d'Amsterdam (Paris),
1740,4 vol. in-12; elle est augmentée
des Mémoires de Catherine I'^ ; 11" Re-
lation historique de la grande révolution
arrivée dans la république des Provinces-
Unies en 1747, avec une généalogie des
diverses branches de la maison de Nas-
sau , Amsterdam (sans date). Rousset a
été éditeur d'un grand nombre d'ouvra-
ges qu'il serait trop long de citer. Il se
vantait d'être un homme impartial, mais
il détruit lui-même celte opinion dans ses
écrits; il ne garde aucune mesure, ni
envers la France, ni envers ceux qui ne
sont pas de sa religion. Rousset naquit et
mourut dans le protestantisme. 11 ne se
piquait, comme auteur, d'aucune loyauté
littéraire, faisait imprimer les mêmes
morceaux dans plusieurs compilations,
et devenait ainsi son propre plagiaire aux
dépens des libraires et du public. Il avait
des connaissances très variées ; mais son
humeur turbulente et sa fécondité nnisi-
tent également à sa forturae et à sa gloire.
* ROUSSIER ( Pierre-Joseph ) , cha-
noine d'Ecouisen Normandie, et corres-
ROU
pondant del'académie royale deslnscrip-
tioiis , ué à Marseille en 17 1 G , et mort vers
1790 , à Ecouis, est connu par un Mé-
moire surla musique des anciens , 1776,
plein d'érudition et de rechercLes satis-
faisantes. On a encore de lui : Nouvelle
manière de chiffrer la basse continue ,
1 7 56 ; Traité des accords et de leur suc-
cession selon le système de la basse fon-
damentale , 1764, in-8 ; Observations
sur différens points d'harmonie , 17 65,
in-8 , deux lettres à L'auteur du Journal
des beaux arts , touchant la division du
zodiaque et l institution de la semaine
planétaire , in-12 ; Harmonie pratique ,
1776 , in- 4 ; Mémoires sur la nouvelle
harpe de M. Cousineau , 1782, in-8;
Notes et observations sur le mémoire de
M. Âmiot , sur la musique des Chinois
et sur les pierres sonores de la Chine.
"ROUSTAN (Antoine-Jacques), mi-
nistre protestant , né à Genève en 1734,
mort dans la même ville en 1 808 , fut suc-
cessivement régent d'une des premières
classes du collège de celle ville , et pas-
teur de l'église helvétique à Londres. Il
a publié un Abrégé de l'Histoire univer-
selle ancienne et moderne, 1776, 9 vol.
in-12, qui n'a pas eu de succès ; Défense
du christianisme considéré du côté poli-
tique, oîi il réfuie quelques-uns des nom-
breux paradoxes Aei. J.Rousseau. Dis-
cours sur les moyens de réformer les
mœurs ; Examen des quatre beaux
siècles de f^oltaire, Dialogues entre Bru-
ius et César aux Champs- E Usées -. ces
4 opuscules furent réunis en 1764 , sous
le titre d'offrande aux autels et à la pa-
trie ; Examen critique de la 2^ partie de
la profession de foi du vicaire savoyard,
ouvrage publié en 1776 : ce fut surtout à
c^iuse de cet examen que Rousseau fut
persiflé par Voltaire dans ses Remon-
trances du pasteur du Gévaudan , etc.
ROUTH ( Bernard ) , jésuile irlan-
dais, né le 11 février 1696, s'est distin-
f^uépar les ouvrages suivans ; F'ers sur
le mariage du roi; Lettres sur les Voya-
ges de Cyrus ; Lettres sur le Paradis
perdu ; Lettres à l'abbé Terrasson sur
FHistoire de Sétlios ; Recherches sur la
manière d'inhumer chez les anciens. Il
ROU 539
a travaillé aux Mémoires de Trévoux
pendant les années 1739-1743, eta donné
un volume de l'Histoire romaine , après
la mort des Pères Catrou et Rouillé.
Comme prêtre et directeur des âmes, il
jouissait de la confiance de beaucoup de
monde ; Montesquieu et d'autres hommes
célèbres sont morts entre ses bras. Après
la destruction de la société en France ,
en 1762 , il se relira à Mons, où il mou-
rut confesseur de la princesse Charlolle
de Lorraine, le 1 8 janvier 1768.
* ROU\ 1ÈRE ( Armand) , avocat au
parlement d'Aix , où il naquit en 16G9 ,
se distingua par son savoir et son élo-
quence , et donna les ouvrages suivans :
1" Traité sur la révocation des dona-
tions, par la naissance ou survenance
des en fans , etc., Paris, 1737,1 vol.
in-fol. ; 2" Traité du droit de retour,
etc. , Paris, 1737, 2 vol. in-t2, dédié à
M. de Thou , premier président du par-
lement , etc. ; 3" De la révocation des
donations , legs , etc., par V ingratitude
et l'incapacité des légataires , dédié au
duc de Villars, gouverneurde Provence,
Toulouse, 1738, 1 vol. in-4. Cet ouvrage
a euplusieurs éditions. Rouvière a lais.sé
en manuscrit un Traité delà simonie et
de la confidence , de l'aliénation des
biens de l'Eglise , etc. Il est mort en
1742 , à l'âge de 73ans.
' ROUVIÈRE ( N... Audin ), mort à
Chaillot le 23 avril 1832 dans la 68*' an-
née de son âge du choléra-morbus. Sou
nom rappelle les grains de santé, que
Grimod de la Rcjnière vanlc comme le
meilleur et le plus aimable des purga-
tifs. Ils ont fait la fortune du débitant
qui , pendant la campagne de Marengo,
en avait acheté le secret du docteur
Franck à Milan. Il rappelle encore aux
libraires, aux hommes de tous les états,
aux gens qui ont la manie de se soigner
eux-mêmes, et à ceux qui blâment celte
manie, la médecine sans le médecin, ou-
vrage dont les éditions multipliées ( la
1 3^ a paru en 1 832 ) ont va^i tant d'ar-
gent à l'auteur, et lui ont suscité tant
d'ennemis parmi les membres des facul lés
et des académies de médecine. Aprèsavoir
végété la moitié de sa vie, malgré ses cours
54o 1\0U
d'iiygiùue à l'ulhënée des étrangers el
ailleurs, devenu riche enfin par le cumul
ou les professions réunies de médecin con-
sultant et de pharmacopole, le docteur
Audin-Rouvière, qui pourtant n'a jamais
été reçu docteur, a fait pendant 25 ans un
bon usage de sa fortune : il a rendu splen-
didement les dîners modestes auxquels il
venait jadis prendre part sans être prié,
et l'on peut dire de lui qu'à l'inverse des
gens qui suivent plus littéralement le
proverbe, il donnait un ôœw/'pourun
œuf. Aussi est-il cité dans V Abnanach
des gourmands de 18i 1 , comme un des
premiers ampbytrions de la capitale. Sa
brochure, P/us de sangsues, lui attira
deux procès contre un des élèves d'un
célèbre partisan de la saignée. Défen-
deur dans le l*' procès , il ne fut con-
damné qu'aux dépens; demandeur dans
le 2*, il fit condamner son adversaire à
l'amende , comme diffamateur. Outre les
ouvrages que nous avons cités, il est au-
teur d'un Essai sur la Topographie
physique et médicale de Paris, Paris ,
1794, imprimé aux frais de la Conven-
tion ; De Voracle de la santé', et surtout
d'un Discours textuellement rapporté
dans VAlmanach des gourmands, et que
l'auteur prononça lorsqu'il fut reçu mem-
bre de ce juri législateur du bon goût.
ROUVRE, royez Rovère.
ROUX. Foyez Rosso.
ROUX (Augustin) , de l'académie de
Bordeaux, sa patrie, docteur en méde-
cine dans l'université de cette ville, doc-
teur régent à Paris , naquit en 1726, et
mourut en 1776. Son caractère doux et
honnête lui avait fait des amis , et ses
connaissances en médecine et en littéra-
ture lui procurèrent des protecteurs. II
continua le Journal de médecine , com-
mencé par \ander Monde, depuis le
mois de juillet 1754 jusqu'en juin 1776.
On a encore de lui : 1° Recherches sur
les moyens de refroidir les liqueurs,
1758, in-12 ; 2'' la Traduction dcl'Kssai
sur l'eau d« chaux de Whytt, pour la
guérison de la pierre, 1767 , in-12;
3" Annales typographiques, depuis
1757 jusqu'en 1762 : ce journal était bien
fait et utile ; 4° Traite de la culture et
ROU
de la plantation des arbres à ouvrer ,
Paris, 17 50, in-12; 5° Encyclopédie
portative, 1776, 2 vol. in-12. ; 6° Mé-
moire de chimie, extrait de ceuxd'Up-
sal , 1704 , 2 vol. in-12. Jl avait entre-
pris une histoire des troi."! règnes de la
nature, qui n'était pas achevée à sa mort ;
on n'a publié queles/?te;7-e^ et les mi-
néraux, 1781, in-i. L'éloge de Roux
par Darces parut dans le Journal de mé-
decine, cahier de janv. 177 7.
* ROUX (Jacques), membre de la com-
mune de Paris, était, avant la révolution,
prêtre el capucin, et fréquentait la pa-
roisse Saint- Nicolas, il fut l'un des pre-
miers à apostasier, et s'intilula\Iui-même
le prédicateur des sans-culottes . Nom-
mé officier de la commune , il se distin-
gua , parmi ses confrères, par sa haine
el sa fureur contre la cour et les prêtres
insermentés. Il fut un des commissaires
chargés de la police du Temple , et en
cette qualité il lit souffrir à Louis XVI et
à sa famille toutes sortes de vexations.
Un jour ce monarque, qui éprouvait un
grand mal de dents, le pria de lui faire
venir un dentiste : Ce n est pas la peine ,
lui répondit Roux, en lui faisant un geste
qui indiquait la guillotine, dans peu
vos dents seront réparées. Louis ayant
ajouté : Monsieur, si vous éprouviezlcs
douleurs que je ressens , vous me plain-
driez. Bah ! bah ! reprit le farouche mu-
nicipal , il faut s'accoutumer à tout.
Ayant été choisi, quelque temps après,
sur sa demande , pour conduire le roi au
supplice, ce prince le pria de remettre
une bague à la reine; mais Roux , avec
sa férocité ordinaire: Je ne suis chargé,
répondit-il , que de vous conduire à la
mort ; et il vint ensuite se vanter à la
Convention de n' avoir pas quitté Capet
des yeu.r jusqu'à ce qu'il eût vu tomber
sa tète. Marat , pour gagner de plus eu
plus la faveur du peuple , l'avait excité à
piller les épiciers de Paris, le 25 février
1793. Roux applaudit aux excès de cette
journée , se vanta d'être le Marat de la
municipalité ; et comme digne prédica-
teur des sans-culottes , il prêchait le li-
bertinage et le vol, qui étaient déjà de-
venus les vertus démagogiques du jour.
ROU
La section des Picques lui retira sa con-
Aance, et engagea celle des Gravilliers,
dont il était membre , à censurer sa con-
duite. Cependant Roux parut encore à la
barre de la Convention, pour y déclamer,
au nom delà section des Gravilliers, un
discours rempli des principes les plus
odieux, et des préceptes de l'anarchie la
plus complète. Il fut désapprouvé par les
autres membres de ladcputalion ; Robes-
pierre lui même sembla être indigné du
discours de Roux , et cet orateur infâme
fut chassé de la barre. Ce forcené révolu-
tionnaire , tout en prêchant le désordre,
n'oublia pas sa fortune , qu'il augmentait
tous les jours par des vexations et des fri-
ponneries. Ses collègues le dénoncèrent;
n'ayant pu prouver son innocence , il
fut expulsé de la commune le 9 septem-
bre 1793. Chacun alors se déchaîna con-
tre lui , et il devint odieux à toutes les
factions. Accusé de nouveau d'avoir
commis d'autres crimes, il fut traduit le
25 janvier 1794 devant le tribunal de po-
lice correctionnelle ; mais les juges dé-
clarèrent que les délits de l'accusé pas-
saient leur compétence , et le renvoyè-
rent au tribunal révolutionnaire. A peine
Roux eut-il entendu cette décision , que
ne pouvant pas ignorer le sort qui l'at-
tendait , il se frappa de cinq coups de
couteau. On le ramena aux prisons de
Bicêlre , oii il mourut quelques jours
après.
* ROUX ( Louis ), députe de la Haute-
Marne à la Convention, naquit en Cham-
pagne en 1753, prit l'état ecclésiastique,
et fut curé dans le diocèse de Langres.
Ayant embrassé les principes de la révo-
lution d prêté le serment civique , il
devint vicaire épiscopal du département
de la Haute-Marne , qui le nomma député
à la Convention nationale. Il y vota la
mort de Louis XVI , sans appel et sans
.sursis, quitta ses habits ecclésiastiques,
et , pour compléter son apostasie, il se
maria. Zélé jacobin , il travailla aux di-
vers comités établis à cette époque, et
notamment à celui de la constitution , et
défendit avec énergie l'atroce comité dit
de salut public. Il fit décréter, le 31
mai 17 93 , les articles couslilutionnels,
ROU 541
et le 15 septembre il provoqua la desti-
tution et l'arrestation de Lecoulteux-Ou-
vrayeetde deux autres administrateurs
de l'Oise. Il les accusait de s'opposera la
réquisition des grains. Envoyé peu de
temps après dans ce département, il y
fit exécuter les lois sur les subsistances.
8a mission embrassant aussi le départe-
ment des Ardennes, il voulut entraver
les opérations de son collègue Massieu.
C'est dans ce département , et à Sedan
surtout, qu'il se signala par sa haine
contre la religion. Tour à tour dénoncé
et défendu par les jacobins dans ses dis-
cussions avec Massieu, elles se terminè-
rent le 9 thermidor avec la chute de Ro-
bespierre. Changeant de parti suivant les
circonstances, il se rangea du côtéde ce-
lui des Thermidoriens, et, parvenu aux
comités du gouvernement , il songea à se
venger de Massieu et de ses partisans.
Après le l*' prairial ( 4 mars 17 95 ),
jour où les jacobins conjurés avaient es-
sayé de reprendre leur prépondérance ,
Roux fit décréter Massieu d'arrestation ,
et traduire ses partisans au tribunal cri-
minel des Ardennes , qui les condamna à
mort. Cependant, comme les sections de
la capitale semblaient pencher vers le
royalisme, il changea encore d'avis et se
rangea du coté des Montagnards. Le 13
vendémiaire arriva , et les sections fu-
rent vaincues. Roux fut après cette épo-
que nommé membre de la commission des
cinq. Elle avait été formée pour présen-
ter des moyens propres à assurer la tran-
quillité publique : il fut souvent rappor-
teur de celte commission, que ïbibau-
deau fit dissoudre. Roux passa au conseil
des Cinq-cents , et se dévoua au direc-
toire. Ici se termina sa puissance reVoZM-
tionnaive, et lorsqu'il sortit du conseil ,
le 20 mars 1797, il obtint, par grâce
spéciale, un emploi de sous-chef au mi-
nistère de l'intérieur , sous Quinette ;
mais celui-ci ayant été destitué , Roux
demeura quelque temps sans place. Em-
ployé à la commission des émigrés, il
passa aux archives du ministère de la
police , oii la démission de Fouché en-
traîna la sienne. Il ne rcparutqu'à l'épo-
que du champ de mai ( en 1815 ) , et fut
54a
ROU
compris , la inème année , dans la loi
contre les régicides. Il se relira à Huy ,
près de Namur. Etant tombé malade, une
femmequi avait soin de lui fit venir un
ecclésiastique , qui l'exhorta à recourir
aux secours de la religion.... « Ah 1 Mon-
« sieur, répondit le malade, je m'en
M occupe plus qu'on ne pense. » Le re-
pentir se faisant sentir dans son cœur ,
Roux témoigna le désir de revoir l'ecclé-
siastique, qui, loin de se rebuter quand
il apprit ce qu'était Roux , redoubla au
contraire de zèle. Enfin le pécheur con-
verti se confessa , et , avant que les der-
niers sacremens lui fussent administrés,
il demanda , d'après l'exhortation de son
confesseur , pardon des scandales qu'il
avait donnés. Il mourut en chrétien le
22 septembre 1817 , âgé de C4 ans. La
rétractation de ses crimes a été rendue
publique.
' ROUX-FAZILLAC (Pierre), em-
brassa d'abord ia carrière des armes ; il
était chevalier de Saint-Louis avant la
révolution. Nommé alors administrateur
du département de ,1a Dordognc, il fut
ensuite élu à l'assemblée législative et à la
Convention. Dans l'une et l'autre de ces
assemblées, il fit plusieurs rapports sur
l'éducation , sur les postes et sur l'état
des armées. Dans le procès de Louis XVI,
il vota pour la mort. Envoyé en mission
dans son département, il en devint admi-
nistrateur sous le gouvernement directo-
rial. Destitué en l'an G , il devint plus tard
chef de division au ministère de l'inté-
rieur. Il se relira ensuite des affaires et
vécut à Périgueux dans l'obscurité jus-
qu'en 1816, où il fut atteint par la loi
contre les régicides. Il se réfugia en
Suisse et ne rentra en France qu'après la
révolution de juillet. Il est mort à Nan-
terre près de Paris dans le mois de février
J833. Roux-Fazillac a publié les deux ou-
vrages suivans : i" Recherches histori-
ques sur l'homme au masque de fer rf'où
résultent des notions certaines sur cepri'
sonnier, 1801; 2° Hittoire de la guerre
d^ Allemagne pendant les années 1 756 et
suivantes, entre le roi de Prusse et l'im'
pe'ratrice d'Allemagne et ses allies,
1803, 2 vol. in-8. Cet ouvrage a été en
ROU
partie traduit de l'anglais, et en partie
composé sur la correspondance des offi-
ciers français qui ont fait la guerre de la
succession. «
RODXEL. roijez Grancet. '
* ROUZET DE FoLMON ( Jacques-Ma- '
rie), né à Toulouse eu 1743, exerça
long-temps avec distinction l'état d'a-
vocat dans sa ville natale. Nommé à l'as-
semblée législative, il s'y montra modé-
ré , et chercha même, par des voies con-
ciliatrices, à calmer l'effervescence des
esprits. Il était alors commandant de la
garde nationale de trente-deux déparle-
mens. Sa modération lui ayant fait des
ennemis, on lui retira son commande-
ment ; mais on respecta sa personne. Elu
député à la Convention, il se prononça
toujours contre les mesures tyranniques
que les démagogues y décrétaient. I^ors
du procès de Louis XYI, il parut vouloir
défendre ce monarque, et, quoiqu'il se
vît comme entraîné à dire que Louis Ca-
pet lui paraissait bien coupable , il sou-
tint cependant « que les principes con-
» stitutionneis plaçaient Louis XVI hors
» de la justice ordinaire, et que la Con-
w vention n'avait pas le droit de le pu- |
» nir. « Conséquent, autant qu'il le pou- i
vait, avec lui-même, quand on allait pro-
noncer le jugement du roi, il vota pour
l'appel au peuple , le sursis et la déten-
tion. Etranger aux violences révolution-
naires, Rouzet osa s'établir le défenseur
de ceux qu'on proscrivait ; il arracha plu-
sieurs victimes à l'échafaud. Lauvergne
de-Champ-Louvier, commandant de Lon-
gwi, ayant été mis en arrestation , com-
meaccusé d'avoir mal défenducetteplace,
Rouzet , dans le rapport qu'il fitsur cette
affaire f le 21 février 17D3 ), prit sa dé-
fense , et conclut à la mise en liberté de
Lauvergne. Cet officier resta néanmoins
en prison , d'oii il ne sortit que pour être
conduit à l'échafaud , avec sa malheu-
reuse femme, le 24 juillet 1794, trois
jours avant la chute de Robespierre ( le 9
thermidor 27 juillet). Rouzet fut charge,
avec le maître des postes Drouel ( celui
qui avait reconnu et fait arrêter le roi à
Sainle-Ménehould, lors du voyage de
Varennes), d'aller recevoir les déclara-
ROU
lions du général polonais Miaczinski ,
détenu en prison, pour ses rapports avec
Gensonné, Dumouricz et Pélhion. Ce fut
Bouzet qui dressa , sur les réponses de
Miaczinski , le procès-verbal et le lut à
la Convention. Les Montagnards étaient
enfin parvenus à faire proscrire, le 3 1 mai
1793, les Girondins. Houzet protesta ,
avec d'autres députés, le 6 juin, contre
cette journée , fut arrêté avec eux, et en-
fermé au Luxembourg, où il connut ma-
dame la duchesse d'Orléans ( voyez ce
nom ) , à laquelle il rendit ensuite d'im-
portansservices. Après le 9 tliermidor (27
juillet 1794}, il obtint que cette prin-
cesse fût transférée dans une maison de
santé. Rappelé à la Convention en 1795 ,
il fil lever le séquestre sur tous les biens
meubles des condamnés par le tribunal
révolutionnaire , et ils furent rendus aux
héritiers. Lors de la punilion h infligera
Barrère, Collot d'Herbois, etc., il se
déclara pour un exil de cinq ans , sans
qu'on les privât néanmoins ( ni tous
ceux quiseruient bannis ) de la jouissance
de leurs propriétés. On rejeta cette de-
mande, parce qu'elle aurait mis un terme
aux spoliations des gens avides, qui ache-
taient les biens nationaux à terme , et ne
les payaient qu'avec des assignais , les-
quels n'avaient presque plus de valeur.
Rouzet demanda , en outre , qu'on mît
en réserve une partie de ces biens dont les
intérêts seraient au profit du domaine
public. La déclaration des droitsde l'hom-
me , publiée parl'assemblée constituante,
et que Mirabeau lui-même avait repous-
«ée , fut encore reproduite et adoptée
maigre les efforts de Rouzet , qui , dans
un discours! éloquent, développa les maux
qu'elle avait causés. En 1797 , il fut élu
membre du conseil des Cinq-cents, où
ilseranga du parti royaliste. Cecorpslé-
gislatifayant été vaincu par le directoire
dans la journée du 1 8 fructidor ( 4 septem-
bre 1797), Rouzet eut le bonheur de n'ê-
tre point compris dans les listes de pro-
scription. Par suite de cette révolution ,
tous les membres de la maison de Bour-
bon furent exilés : madame la duchesse
d'Orléans fut de ce nombre. Elle partit
pour l'Espagne, où Rouzet, qui avait
ROV 543
toute la confiance de la princesse, et qui
était devenu son chancelier, s'empressa
d'aller la joindre. Ayant élé arrêté dans le
département des Pyrénées-Orientales, une
lettre du président du conseil des Cinq-
cents, qu'il produisit, lui fit obtenir sa
liberté. Il trouva madame la duchesse
d'Orléans à Barcelone , et ne s'en sépara
plus. Revenu en France avec la prin-
cesse, en 1815, il continua à régir ses
biens, et mourut à Paris, le 25 octobre
1 820, âgé de 7 7 ans. Madame la ducliesse
fit transporter son corps à Dreux, et
on le déposa dans l'église qu'elle avait
fait bâtir pour la sépulture de son père,
ainsi que de toute sa famille. On a de
Rouzet : 1° un ouvrage sur les domaines
de la couronne 17 87 ; 2° explication de
l'énigme du roman intitulé : Histoire
de la Conjuration de L. P.J. d'Orléans,
"Veredisthael, sans dale, 4 vol. in-8, en ré-
ponse à l'ouvrage de Monljoie : cet ou-
vrage très rareaélé imprimé aux frais de
M™" la duchesse d'Orléans ; mais il n'a
pas élé mis en circulation ni en vente;
3" Analyse de la conduite d'un des mem-
bres de la célèbre Convention nationale,
Paris, 1814, brochure de 12 pages. Ce
membre de la Convention est Rouzet lui-
môme. Sur la fin de sa vie Rouzel portait
le titre de comte que lui avait donné le
roi d'Espagne.
ROYÈRE (Jérôme delà), archevêque
et cardinal, ou du Rouvre, en latin /JwiJfi-
reus,o\x Jioboreus, était de la famille de la
RovèrcdeTurin.oîiilélaitné.llfutévêque
de Toulon en 1559 , ensuite archevêque
de Turin , et enfin il obtint la pourpre
romaine , en 1564. Il n'avait que 10 ans
lorsqu'on imprima à Pavie, en 1 540 , un
recueil de ses Poésies latines , qui , étant
devenu fort rare , fut réimprimé à Ratis-
bonne en 1083 , in-S. Ses vers respirent
la facilité cl l'imagination d'un homme
heureusement né pour la poésie. On ne
peut lui passer quelques pièces de galan-
terie qu'en faveur de son exlrême jeu-
nesse. Il mourut au conclave où Clément
VIII fut élu pape, le 26 février 1592 , à
62 ans.
• ROVER E (Joseph-Stanislas), membre
de la Convention, né vers 1748 à Bon-
5^4 Rov
nieux dans le comtat venaissin , était
fils d'un riche aubergiste qui lui fil don-
ner une bonne éducation. On «ssureque
son nom primitif était Royères dont il
fit , en coupant la queue de l'y , Roitcve^
et ensuite Rovère en changeant 1'/* en v .-
il se prélendit alors issu de la famille
des Rouère ou Rovère qui avait donné
un pape à l'Eglise. H prit aussi le titre
de marquis de Fofwielle qu'il tira du
nom d'un pré oii son aïeul faisait paître
ses moulons. C'est ainsi qu'il vint à
Aix où il acheta la charge de capitaine
des garde-suisses du vice-légat d'Avi-
gnon ; mais il fut obligé de la vendre
bientôt après pour payer ses délies. Il
était complètement ruiné, lorsque la
révolution française éclata. D'abord il
chercha à se faire nommer député de la
noblesse de Provence aux états-géné -
raux ; repoussé par les seigneurs de ce
pays, il alla mendier ailleurs des suf-
frages. Nommé lieutenant de Jourdan
qui commandait l'armée vauclusienne
occupée à faire le siège de Carpentras ,
il exerça ces fonctions jusqu'au moment
de la paix provoquée par la France qui
s'était portée comme médiatrice entre
les deux partis -. il concourut alors à
toutes les horreurs qui dévastèrent le mal-
heureux pays d'Avignon. Etant venu à
Paris en 17 91, il parut à la barre de l'as-
semblée législative les 26 et 28 novembre,
et il y fit l'apologie dumassacredela Gla-
cière : ce fut à ces démarches que les assas-
sins durent l'amnistie qui leur fut accor-
dée. Le marquis deFouvielle ayant re-
noncé à ses titres de noblesse , se fil nom-
mer député à la Convention nationale par
le département des Bouches-du-P.hône : il
siégea constamment dans cette assemblée
à côté de Marat. Dans le procès de Louis
XVI , il vola contre l'appel au peuple ,
pour la mort et contre le sursis. Nommé
ensuite membre du comité dç sûreté gé-
nérale , il se prononça vivement contre
les Girondins et prit part à la révolution
du 31 mai. Envoyé en mission à Lyon,
puis à Vaucluse et à Nîmes , il organisa
révolutionnairement le tribunal criminel
de ces villes. Une centaine de Marseillais
ayant été faits prisonniers par les troupes
ROW
républicaines, Rovère s'efforça de les
faire condamner; mais n'ayant pu y par-
venir, il ordonna l'arrestation de M.
Moureau leur défenseur, et l'envoya à
Parispoury être traduitdevant le tribunal
révolutionnaire. Jusque là , Rovère avait
été le partisan de Robespierre ; lorsqu'il
vit tomber cet idole des montagnards ,
il se rangea du côté des vainqueurs.
Nommé successivement secrétaire et
président de la Convention , il passa en-
suite au conseil des Anciens, se montra
toujours en opposition avec le directoire,
et fut dénoncé comme provocateur des
réactions qui avaient eu lieu dans le
midi. Accusé ensuite de s'être vendu
aux puissances étrangères , il fut compris
sous ce prétexte dans les proscriptions
du 18 fructidor, et déporté àlaG.uianne
française. Il mourut en 17 98 dans les
dé.serts de Sinamari. Rovère avait un es-
prit souple , adroit et ambitieux ; il fut
le transfuge de tous les partis. Divorcé,
il épousa une femme divorcée , et ruina
les enfans du premier lit : ce fut l'un
des êtres les plus immoraux de la révo-
lution.— Son frère François-Régis Rovèrr
qu'il avait fait nommer évèque constitu-
tionnel d'Avignon est mort en 1820 dans
un état complet de démence.
ROWE ( Nicolas ), poète anglais, né
l'an lG73àListleI>edford, d'une ancienne
famille de Devonshire, fut créé poète
lauréat à l'avènement de George 1*' , et
quelque temps après secrétaire du conseil
du prince de Galles. Il est mort à Londres
en 1718 après avoir donné une Traduc-
tinn de Lucain, des Comédies ti des Tra-
gédies assez estimées eu Angleterre. Ses
OE livres parurent à Londres, en 17 33,
3 vol.in-12. — RowE Thomas, delà même
famille que le précédent , né à Londres
en 1087, mort en 17 1 5 , qui s'acquit de
la réputation par ses Poésies anglaises,
avait entrepris de donner la yie des
grands hommes de l'antiquité , omis par
Plutarque , et en avait déjà composé huit
lorsqu'il mourut. L'abbé Bellanger les a
traduites de l'anglais en français , et les
a fait imprimer en 17 34 , à la suite de la
nouvelle édition des Fies de Plutarque
par Dacier. ( Rowe avait «jouté celles
ROX
d'Enée , de TuUus-Hostilius , d'Aristo-
mène , de Tarquin l'Ancien , de L. Ju-
nius Brutus , de Gélon , de Cyrus et de
Jason, publiées à Londres en 1728, Jn-8. )
— Elisabeth Rowe , sa femme , fille aînée
de Gaultier Singer, gentilhomme anglais,
née à Ilchester , dans la province de Som-
merset, en 1674, et morte à Frome en
1737 , réussissait dans la musique et dans
le dessin; mais l'étude des langues et de
la poésie eut pour elle plus d'attraits. Il
y a dans ses écrits des images fortes, des
sentimens nobles, une imagination bril-
lante, et surtout beaucoup d'amour pour
la vertu. On a d'elle : 1" l'Histoire de
Joseph , en vers anglais ; 2° L'amitit
après la mort ; 3° des Lettres morales
et amusantes , et d'autres ouvrages mê-
lés de prose et de vei-s.
*ROWIN ( Jean ), célèbre vieillard ,
né à Zodova dans le district de Karaucébès
en Hongrie, fut appelé à la cour de l'em-
pereur Charles VI , et mourut en che-
min. Il était âgé de 1 72 ans, et sa femme
Sara qui mourut dans le même voyage,
avait 164. Ilyavaitlil ans qu'ils étaient
mariés. Celaient de pauvres paysans qui
s'étaient presque toujours nourris ôecu~
curutz, oublé de Turquie. Rovvin est peut-
être le seul homme qui depuis les temps
voisins du déluge ait atteint un si grand
âge. Valmont de Bomare parled'un Pierre
Zorleii, paysan dumêmepays ,âgé de 185
ans ; mais ce fait est moins bien con-
staté que le premier. Nauclérus , Cramer
et d'autres écrivains font mention d'un
soldat de Charlemagne , nommé Jean ,
mort sous Lothaire en 1 128 , âgé de 361
ans ; mais la plupart des critiques rejet-
tent ce trait d'histoire. Le nommé Dra-
chenberg est mort à Aarhus en Jutland en
17 72 , âgé de 146 ans.
ROXANE, fille d'Oxyarte, prince per-
san, était un prodige de beauté. Alexan-
dre l'épousa après la défaite de Darius,
et en mourant la laissa enceinte d'un fils,
qn'on nomma le jeune Alexandre. Cas-
sandre fit mourir l'enfant et la mère. (Ro-
xane est le sujet d'une tragi-come'die ,
imprimée sous le nom de Desmarets de
Saint-Sorlin, et que l'on croit être pres-
que en entier du cardinal de Richelieu.)
XI.
ROX 545
* ROXBURGH ( William ) , surinten-
dant du jardin botanique de la compa-
gnie des Indes orientales au Bengale ,
naquit à Underwood en Ecosse, le 29 juin
1759, et mourut à Edimbourg le 1 0 avril
1815. On lui doit une Description des
plantes de Coromandel, en anglais, Lon-
dres , 1795 et années suivantes, 3 vol.
grand in-folio, figures coloriées, ouvra-
ge parfaitement exécuté; Description bo-
tanique d'une nouvelle espèce de Swic-
tenia ou Mahogany dont l'écorce peut
remplacer le quinquina comme fébrifuge,
1797, in-4 ; Essai sur l'ordre naturel des
Scitamincœ , Calcula , in-4. Alexandre
Beatson a inséré dans sa Description de
l'île Sainte-Hélène une liste alphabétique
des plantes trouvées sur cette île par Rox-
burgh.
ROXELANE, sultane favorite de So-
liman II, empereur des Turcs, était Russe
d'origine , et joignit à une grande beauté
beaucoup d'esprit et encore plus d'am-
bition. Soliman avait pour fils aîné Mus-
tapha,né d'uneautre femme queRoxelane,
qui était mère deBajazet et de plusieurs
autres enfans. C'était un obstacle au désir
qu'avait celle femme ambitieus? d'élever
ses fils sur le trône. Elle feignit une pas-
sion extrême de bâtir une mosquée et un
hôpital pour les étrangers. Le sultan
était trop épris d'elle pour lui refuser son
consente'ment ; mais le mufti , gagné à
force de présens , ayant déclaré que ce
dessein ne pouvait être exécuté par la
sultane tant qu'elle serait eschive , elle
affecta une si grande mélancolie, que
Soliman, craignant de la perdre, l'affran-
chit et l'épousa dans les formes. Alors l'a-
droite Roxelane , devenue femme de ce
prince , agit avec tant d'artifice qu'elle
fit périr Mustapha, l'an 1 553, et ouvrit par
cet attentat le chemin dutrpneà Bajazet,
son fils aîné. ( Elle avait déjà fait périr
Bosphorane, mère de Mustapha , en l'ac-
cusant d'avoir des intelligences avec les
Perses. ) Elle avait contribué, en 1646,
à la mort du grand- visir Ibrahim ; mais
elle ne put jamais parvenir à faire dis-
gracier l'inflexible Achmet , successeur
d'Ibrahim. Roxelane mourut en 1557.
ROY ( Pierre-Charles ) , Parisien , né
69
Ï46
ROY
en 1683, employa sod talentpour la poé-
sie à faire des Opéras , et tVavaiila en
concurrence avec LaMothe etDanchet. Il
a composé ainsi un grand nombre de ces
Brevets de calotte dont il existe une col-
lection qu'on ne lit plus. Ce poète, non
content d'avoir attaqué plusieurs mem-
bres de l'académie française en particu-
lier, attaqua le corps entier par une allé-
gorie satirique , connue sous le nom de
Coche. Ce corps, qui a effectivement
beaucoup dégénéré , et qui depuis s'est
écarté absolument de l'esprit et du but
de son institution , s'en vengea à sa ma-
nière ordinaire , en fermant pour tou-
jours ses portes à l'auteur. Le célèbre
Rameau préférait aux poèmes de Roy ceux
de Cahuzac, dont les talents étaient in-
férieurs , mais qni avait peut-être plus
de docilité pour se prêter aux caprices
du musicien. Cette préférence anima la
verve du poète Roy contre Rameau. Il
enfanta celle allégorie sanglante où l'Or-
pbée de la musique française est désigné
sous le nom de Marsyns. Cet écrivain
fut conseiller au Châteiet, élève de l'a-
cadémie des Inscriptions ; trésorier de la
chancellerie de la cour des aides de Cler-
mont , et chevalier de l'ordre de Saint-
Michel. Il mourut en 1763. Outre ses
Opéras, on a encore de lui un Recueilde
poésies , et d'autres ouvrages, en 2 vol.
in-8. Tout n'y est pas bon ; mais il y a de
temps en temps des vers heureux et des
pensées tournées avec délicatesse. On
connaît son poème sur la maladie du roi
de France , qui fit naître cette jolie épi-
gramme :
Noire monarque , après ta maladie ,
Etait à Mrti attaqué d'inaomnie :
Ab I que de gens l'auraient guéri d'abord I
Roy , le poète , i Pari» rersifie.
La pièce arrire , on la lit, le roi dort... .
De SainuHicbel la muse soit bénie.
( Roy composa en outre deux comédies :
les Captifs, imitée de Piaule, et Les Ano-
nymes, qui eurent du succès. Parmi ses
opéras , Labarpe loue beaucoup Callir"
rlioë et Sémiramis. Le recueil de ses
OEuvres a été publié à Paris en 1727 ,
2 vol. grand in-8. L^ Nécrologe de 1766
contient V Eloge de Roy par Palissot.)
ROY (Louis Le } , Regius , né à Cou-
ROY
tances en Normandie, mort en 1 577, avait
succédé en 1670 au célèbre Lambin
dans la chaire de professer en langue
grecque au collège royal à Paris. C'était
un homme d'une impétuosité de carac-
tère insupportable. Il écrivait assez bien
en latin. Ses ouvrages sont : 1° la Fie de
Guillaume Budé, en latin élégant, Paris,
1577, in-4 ; 2° la Traduction française
du Timée de Platon, in-4, et de plusieurs
autres ouvrages grecs; 3° des Lettres,
1560, in-4, etc.
ROY (Pierre Le ), aumônier du jeune
cardinal de Rourbon , et chanoine de
Rouen , publia, en 1593, La vertu du ca-
tholicon d'Espagne. Cet écrit passa, assez
mal à propos, pour ingénieux lorsqu'il
parut ; sans le discrédit où tomba la
ligue , on ne l'eût jamais considéré que
comme une platitude. Il fit naître l'idée
des autres écrits qui composent la Satire
Ménippée , en 3 vol. in-8. ( Foyez Chré-
tien (Florent), Duchat, Gillot (Jacques),
Rapin (Nicolas), Pithou (Pierre.)
ROY (Le). Voyez Gomberville et
LOBINEAU.
ROY (Guillaume Le), né à Caen , en
Normandie, l'an 1610, fut envoyé de
bonne heure à Paris , où il fit ses éludes.
Il embrassa l'état ecclésiastique , et fut
élevé au sacerdoce. Ayant permuté son
canonicat de Notre-Dame de Paris avec
l'abbaye de Haute-Fontaine , il y vécut
jusqu'à sa mort , arrivée en 1684, à 74
ans. 11 était ami des Arnauld, des Nicole,
des POnt-Château. On a de lui : 1° des
Instructions recueillies des Sermons de
saint Augustin sur les Psaumes , en 7
vol. in-12; 2» La Solitude chrétienne, '
en 3 vol. in-12; 3° un grand nombre de
Lettres, de Traductions et d'autres ou-
vrages.
ROY (Jacques Le), baron du Saint-Em-
pire, né à Rruxelles, mourut à Lierre en
1719, à 86 ans. Il s'est beaucoup occupé
de l'histoire de son pays, et ses travaux
nous ont procuré les ouvrages suivans .-
i°Notitia marchionatus Sanctilmperii,
1078 , in-fol., avec fig. (Abvers et son
district); 2° Topographia Brabantiœ,
1692, in-fol.; 3° Castella et prœtoria
nobilium, 1696, in-fol.; 4*' le Théâtre
ROY
profane du Brabant, 1 730, 2 vol. in-fol.,
avec fig.
ROY ( Julien Le ), né à Tours en 1 686,
fit paraître dès son enfance tant de goût
pour la mécanique, que, dès l'âge de 13
ans, il faisait de petits ouvrages d'horlo-
gerie. A l'âge de 17 ans, il se rendit à
Paris , où son talent fut employé, et oii
il fut admis dans le corps des horlogers,
en 1713. ,Les Anglais excellaient alors
dans ce bel art : Julien Le Roy les égala
bientôt par ses inventions et par la per-
fection oîi il porta les montres. Graham,
le plus fameux horloger d'Angleterre,
rendit justice à l'horloger français. Cet
artiste mourut à Paris , en 1769. — Son
fils aîné s'est distingué dans l'horlogerie,
et a donné, dans les Etrennes chrono-
me'triques ^ouT l'année 1760,1e détail
des inventions de son père. Il mourut k
Paris, le 25 août 1785, à l'âge de 68 ans.
— Son autre fils, Charles Le Roy, se
distingua dans la médecine, prit le bon-
net de docteur à Montpellier, s'y établit,
et y mourut en 1779, après avoir publié
divers ouvrages : 1° Mélanges de phy-
sique et de me'decine, 1771, in-8 : c'est
le recueil des Mémoires qu'il avait don-
nés à l'académie des sciences ; 2° Usage
et effet deVécorce du garou, 1767, iu-
1 2 ; 3° De aquarum mineralium natura
et usu , 1762, in-8. — * Jean-David Le
Roy , frère des précédens , se livra à l'ar-
chitecture et contribua à en faire dispa-
raître le mauvais goût. On lui doit : t"
Les ruines des plus beaux monumens de
laGrèce, Paris, 1758, 2 tomes en un vol.
in-folio ; 2* édition, 1770, contenant des
changemens et des augmentations consi-
dérables ; 2° Histoire de la disposition et
des formes différentes que les chrétiens
ont données à leurs temples, 1764, in-8;
3" Observations sur les édifices des an-
ciens peuples , 1767, in-8; 4°Za marine
des anciens peuples expliquée et considé-
rée par rapport aux lumières qu'onpeut
en tirer pour perfectionner la marine
moderne, 1777, in-8; 5° Les navires des
anciens considérés par rapport à leurs
voiles et à l'usage qu'on pourrait en faire
dans notre marine, 1783, in-8 ; 6" Re-
cherches sur lesvaisseaux longs des an-
ROY 547
ciens , sur les voiles latines et sur les
moyens de diminuer les dangers que
courent les navigateurs , 1785, in-8; 7°
Mémoire sur les travaux qui ont rap-
port à l'exploitation de la nature dans
les Pyrénées , 1773, in-4; 8° Canaux de
la Manche à Paris pour ouvrir deux dé'
bouchés à la mer, et faire de la capitale
une ville maritime, 1791, in-8 ; 9° Nou-
velle voilure proposée pour lesvaisseaux
de toute grandeur , et particulièrement
pour ceux qui seraient employés au com-
merce, 1800, in-8; 10° plusieurs Me/not-
re^ insérés dans ceux de l'Institut. Jean-
David Le Roy mourut à Paris le 28 jan-
viers 1803.
* ROY (Nicolas) naquit le 12 mars
Ï726 du mariage de Claude Roy, avocat
à Langres, et depuis conseiller du roi,
juge garde delà juridiction des monnaies
en Rourgogne , avec M^'* Marguerite
Tardy. Le jeune Roy fut, pendant le cours
de ses études, un modèle de piété et d'ap-
plication. Il était continuellement do-
miné par la pensée que Dieu le destinait
à porter le flambeau de la foi aux nations *^
infidèles. C'est dans celte vue qu'il entra
dans la compagnie de Jésus, en l'année
1743. Il s'y concilia du premier abord le
respect, l'estime, l'amour et la confiance.
« Il avait, dit un de ses panégyristes, un
)) esprit excellent , capable de toutes les
» sciences , aisé , pénétrant et étendu ,
>i un cœur droit, généreux et compatis-
» sant. Des manières douces etengageaù'
3) tes , un air de politesse simple et natu-
» rel , un abord gracieux , un maintien
V tout angélique , prévenaient aisément
» et gagnaient à l'instant tous ceux qui
3) l'abordaient. Avait-il un moment au
» milieu des affaires et des conversations ,
3) on le voyait aussitôt recueilli, jouir
3J dans une paix profonde de ses entre-
3) tiens avec Dieu. Aussi pesait-il dans le
3> sanctuaire de la divinité les réponses
3) qu'il rendait si à propos, les avis et les
3) conseils salutaires qu'il donnait avec
3) tant de sagesse, qu'on les regardait avec
3) raison comme des oracles dictés par
3) l'esprit de Dieu. Quel discernement
3) plus exquis que le sien pour pénétrer
» jusqu'au lond des conscieuces , pour
548 ROY
» discerner les divers niouvemens de la
» grâce dans ceux qu'il conduisait ! Car
j) devenu maître presqu'en même temps
» qu'il fut disciple , la Providence lui
» adressa des âmes de choix éprouvées
i> en diverses manières, à qui il rendit des
« services qui ne pouvaient venir que
3) d'un directeur liès-expériraenté. D'au-
» très déjà à derai-gagnés par les exem-
3) pies frappaus de modestie , de régula-
» rite et de recueillement qui paraissaient
» jusque sur sou visage tout augélique,
j> vinrent avec empressement se livrer à
}> sa conduite ; et quel avantage n'en
» ont-ils pas retiré ! » Le Père Roy s'em-
barqua pour la Chine le 29 décembre
1753. Il passa 14 ans dans les fonctions
les plus périlleuses et les plus pénibles de
l'apostolat , et y termina sa vie le 8 jan-
vier 1767 , à l'âge de 41 ans et 10 mois.
Les Lettres de ce pieux jésuite ont été
imprimées pour la première fois à Lyon
en 1822 chez Périsse frères, 2 vol. in-12.
Jusque-là elles étaient demeurées en ma-
nuscrit entre les mains des parens du saint
missionnaire. La publication de ces pré-
cieuses lettres est un vrai service rendu
à la piété. Aussi ont-elles été accueillies
avec une sorte d'enthousiasme par les
personnes qui aspirent à la perfection.
Tout y respire l'amour le plus pur
envers Dieu, le zèle le plus héroïque
pour le salut du prochain et l'abnégation
la plus entière et la plus parfaite à l'égard
de soi-même. Ces lettres écrites à difle-
rentes personnes rendent l'ouvrage in-
téressant à toutes les conditions , à tous
les sexes, et même à tous les âges.
' ROY ( Alphonse-Vincent-Louis Le ),
professeur d'accouchement à la faculté
de Paris, né à Rouen, le 23 août 17 41, ob-
tint beaucoup de succès dans le traitemen t
des maladies des femmes et des enfaus ;
néanmoins il y avait dans ses idées
quelque chose de paradoxal, qui se fait
trop apercevoir dans les nombreuses
productions de sa plume. Les principales
sont : 1** Maladie des femmes et des
enfans , 1768,2 v. in-8; 2° Rechercfies
sur les habillemems des femmes et des
enfans , 1772, in-12; 3° La pratique de
Fart des accouc/iemens y 1776, in-8} 4'
ROY
Essai sur l'histoire naturelle de la gros-
sesse et de l'accouchement, 1787, in-8;
b° Leçons sur les pertes de sang pen-
dant la grossesse , 1801-1803, in-8; 6°
Manuel des goutteux, 1803 , in-18; 2"
édition, augmentée, 1806, in-8; 7" Mé-
decine maternelle, ou FJrt (T élever ei de
conserver les enfans, 1803, in-8; 8" Ma-
nuel de la saignée, 1807, in-12; 9" De la
conservation des femmes, 1801, in-8.
Alphonse Le Roy fut assassiné dans son
logement le 16 janvier 1816. •
* ROYARAN (N. de), né d'une famille
noble du Poitou , fut un des premiers
chefs vendéens. Dès le mois de mars 1793
il forma l'armée insurrectionnelle du
centre , et se réunit ensuite à d'Elbée,
général en chef. Il contribua à la victoire
de Fontenay, et fut nommé après l'expé-
dition de Nantes membre du conseil mi-
litaire. Au commencement d'août il diri-
gea la première attaque contre la ville de
Lucon ; mais les Vendéens furent repous-
sés. Il se signala à Mortagne, à Cholet,
et dans toutes les batailles qui eurent
lieu pendant cette guerre malheureuse.
A la déroute du Mans, il périt les armes
à la main , après avoir reçu plusieurs
blessures.
ROYE (Guy de), archevêque de
Reims, fils de Matthieu, seigneur de
Roye, grand maître des arbalétriers de
France , d'une illustre maison originaire
de Picardie, fut chanoine de Noyon, puis
doyen de Saint-Quentin , et vécut à la
cour des papes d'Avignon avec beaucoup
d'agrément. Il s'attacha au parti de Clé-
ment VII et de Pierre de Lune, autrement
Benoît XII. Ce fut par leur crédit qu'il
devint successivement évêque de Verdun,
de Castres et de Dol, archevêque de
Tours, puis de Sens, et enfin archevêque
de Reims, en 1391.11 fonda le col-
lège de Reims à Paris en 1399, tint
un concile provincial en 1407, et partit
deux ans après pour se trouver au concile
de Pise. Arrivé à Voltri, bourg à 5 lieues
de Gênes, un homme de sa suite prit
querelle avec un habitant de ce bourg, et
le tua. Ce meurtre excita une sédition.
Roye voulut descendre de sa chambre
pour apaiser ce tumulte ; mais en des-
ROY
cendant il fut frappé d'un trait d'arba-
lète par un des habitans , et mourut de
cette blessure, le 8 juin 1409. Il laissa un
livre intitulé : Doctrinale- sapientiœ ,
traduit par un religieux de Cluni, sous le
titre de Doctrinal de la sapience, in-4,
en lettres gothiques. Le traducteur y a
ajouté des exemples et des historiettes
contées avec naïveté. Le nom de Guy de
Roye doit rester dans la mémoire des
hommes qui chérissent les vertus épisco-
pales. (Il laissa sa riche bibliothèque à
son chapitre de Reims. Ce prélat fut un
constant protecteur des savans. )
ROYE (François de), professeur de
jurisprudence à Angers, sa patrie, mou-
rut en 1686. Son li\te De jurepatrona-
/w^, Angers, 1667, in-i, el celai De missis
dominicis eorumque officio et potestate ,
Angers, 1672, in-4, Leipsick, 1744, Ye-
nise , 1772, in-8, prouvent beaucoup de
recherches et de savoir. Non seulement
Roye se distingua comme écrivain, mais
il contribua encore par son zèle à faire
fleurir l'université d'Angers.
ROYER ( Joseph -Mcolas-Pancrace ) ,
musicien célèbre , né en Savoie, en 1 705.
Il était âls d'une gentilhomme, capitaine
d'artillerie de la régente de Savoie. Il
alla s'établir à Paris vers l'an 1726, s'y
acquit beaucoup de réputation par son
goût pour le chant et par son habileté à
toucher dé l'orgue et du clavecin. (En
1753, Louis XY l'avait nommé inspecteur
général de l'Opéra : il était eu même
temps chef de l'orchestre ; il établit à
Paris les Concerts spirituels, pendant le
carême.) Il mourut dans cette capitale,
le 11 janvier 1755, dans la cinquantième
année de son âge. Il est auteur d'un
grand nombre de pièces de clavecin esti-
mées ; on n'en a gravé jusqu'à présent
qu'un livre : il a laissé en manuscrit de
quoi eu former un second , et même un
troisième.
* ROYER (N.), curé de Chavannes à
l'époque de la révolution, fut élu en
1781) député-suppléant du clergé du bail-
liage d'Arras aux états-généraux. Il y sui-
vit le parti révolutionnaire , prêta le
serment civique, et devint peu de temps
après évêque conslitutionuei du déparle-
ROY 54g
ment de l'Ain. Elu par ce département
député à la Convention nationale, il y
vota la détention de Louis XYI pendant
la guerre , et son bannissement à la paix.
Il signa aussi la protestation du 6 juin
1793 contre les évènemens du 31 mai,
et fut un des 73 députés qui furent mis
eu arrestation sous Robespierre , et réin-
tégrés après la chute de ce tyran. Il passa
au conseil des Cinq-cents, et dénonça un
mouvement royaliste dans la Haute-Loire.
Il invoqua aussi la liberté des cultes , et
sortit du conseil le 21 mai 1798. Il fut
alors nommé évêque constitutionnel de
Paris , et il en exerça les fonctions jus-
qu'au concordat de 1802. Il mourut quel-
ques années après.
* ROYER- COLLARD (Antoine-Atha-
nase ), professeur à la faculté de médecine
de Paris, naquit en 1768 à Sompuis ,
près de Yitry-le-Français. Après avoir ter-
miné ses études au grand collège de
Lyon , il entra dans la congrégation de
l'oratoire , et y professa les humanités
jusqu'en 1792. En 1791 et 1792 il pu-
blia à Lyon un journal politique intitulé
le Surveillant : le but de cette feuille,
qui eut un très gi-and succès , était de
combattre les excès de la révolution. A
l'époque oîi les massacres de septembre
furent répétés à Lyon, Royer-CoUard ,
dont la tête était menacée par les déma-
gogues, se réfugia à l'armée des Alpes oîi
il fut employé dans l'administration des
vivres : en 1797 il quitta cet emploi. Il
avait 29 ans, et il était déjà père de fa-
mille : ce fut seulement alors qu'il se
décida à suivre les cours de médecine de
l'école de Paris, et en 1802 il fut reçu
docteur. On remarqua la thèse qu'il lit
pourrecevoir cegrade. En 1803, il fonda,
sous le titre de Bibliothèque médicale ,
un journal qui fut , au jugement de tous
les médecins , le meilleur journal de mé-
decine, tant qu'il y fournit des articles.
Dans le mois de janvier 1 806, il fut nommé
médecin en chef de la maison des aliénés
de Charenton : chacun sait quelles no-
tables améliorations il fit à cet établisse-
ment qui , sous sa direction , est devenu
le plus beau et le plus utile qui existe
dans ce genre. En 1808 Royer-CoUaid
ô5o ROY
fut nommé inspecteur-général de l'uni-
versité, et en cette qualité il fut chargé
de plusieurs missions importantes et dif-
ficiles, toutes relatives à l'enseignement
de la médecine en France. En 1816 il
fut appelé par le vœu unanime des pro-
fesseurs de la faculté de médecine de
Paris à la chaire de médecine légale, et il
fit ce cours pendant trois ans. Eu 1819
il fut chargé d'un cours de médecine
mentale considérée principalement dans
ses rapports avec les établissemens pu-
blics consacrés à l'aliénation. Il ne fit ce
dernier cours que pendant fort peu de
temps , ayant été empêché de continuer
ses leçons par suite de la suppression de
la faculté de médecine; mais celles qu'il
donna furent suivies avec empressement;
elles avaient un but extrêmement utiles -.
c'était de considérer la psychologie dans
ses rapports avec la physiologie , de
substituer les notions d'une saine philo-
sophie à la philosophie mensongère
qui avait régné jusqu'alors, et d'attaquer
le matérialisme jusque dans ses fonde-
mens. Par suite de la nouvelle organi-
sation de la faculté de médecine, Royer-
Collard fut privé de sa place d'inspec-
teur-général de l'université qu'il occupait
depuis plus de 14 ans. Cet habile profes-
seur est mort à Paris le 27 novembre
1825. Outre les deux Journaux qu'il
créa et la Thèse inaugurale qui fut impri-
mé sous le titre d'Essai sut\l'ame'norrhéèy
1802 , in-8 , il a donné un grand nombre
d'articles dans le bulletin de V Athene'e\de
médecine de Paris, dans le grandDiction-
naire des sciences médicales et dans le
Journal des DeTiats. On i encore de lui
un rapport au ministère de l'intérieur
sur les ouvrages envoyés au concours
sur le Croup , Paris , 18fô , in-4 , réim-
primé dans leprécis analytique du Croup
par le docteur Bricheteau, Paris , 1 825 ,
in-8 ; et traduit en allemand , par le doc-
teur Albert de Brème, l'un des auteurs'qui
partagèrent le prix de douze mille francs
au concours ouvert par le gouvernement
impérial, à l'occasion de la mort du fils de
Louis Buonaparte qui fut enlevé par le
croup en 1 807. Le Journal des Débats du
6 décembre 1825 a donné une Notice né-
ROY
crologique sur Royer-Collard. La vie et
les services de ce médecin ont été exposés
avec vérité dans les dilTérens discours
qui ont été prononcés sur sa tombe par
MM. de Lens , Adelon et Jolly. Le docteur
Royer-Collard était le frère de Pierre-
Paul Royer-Collard connu comme profes-
seur de philosophie, comme chef de l'in-
struction publique et surtout comme dé-
puté.
* ROYÈRE ( Jean-Marc de), évêquede
Castres, né le premier octobre 1727 , au
château de Badefol , en Périgord , était
d'une famille noble , mais peu favorisée
des biens de la fortune. Ce fut l'abbé de
Bonneguise, grand-vicaire de Cambrai et
aumônier de la Dauphine , qui se chargea
de son éducation et qui dirigea ses pre-
miers pas dans la carrière ecclésiastique
qu'il embrassa. Lorsqu'il fut nommé
évêqne de Cambrai en 17 52 , il emmena
le jeune de Royère avec lui , le fit grand-
vicaire et ensuite archidiacre. En 1766
l'abbé de Royère fut nommé évêque de
Tréguier où il se concilia l'estime pu-
blique par son zèle et par sa piété. Il éta-
blit dans son diocèse la dévotion au sa-
cré Cœur de Jésus, fit un nouveau Propre,
des saints, et fut ensuite transféré sur le
siège de Castres vacant en 1773 par la
mort de M. de Barrai. Nous ne redirons
pas les travaux nombreux auxquels il se
livra dans l'intérêt de son nouveau dio-
cèse, ni les actes de charité qu'il fil, soit
aux jeunes élèves du séminaire, soit aux
pauvres. Il fut membre des assemblées
du clergé de 1772 et de 1780, et dans la
première ce fut lui qui prononça le dis-
cours d'ouverture dans lequel il traita de
l'union de l'Eglise avec l'autorité civile.
Député aux états -généraux par son cler-
gé , il fut bientôt dégoûté de cette as-
semblée tumultueuse , signa les actes de
la minorité , et revint à Casties où il fut
chassé de son palais; bientôt même il fut
obligé de quitter cette ville. Après deux
mois de séjour à Ax, il reçut un mandat
d'amener , et treize gendarmes se présen-
tèrent pour l'exécuter. Un de ses amis le
sauva. Ce prélat se rendit à Urgel , puis
à Vich ; deux ans après il fut contraint de
quitter ce séjour àl'approche des troupes
ROY
françaises ; il alla jusqu'à Lisbonne ,
et résida dans l'abbaye d'Alcobaça oii il
mourut le 24 mai 1802, après avoir en-
voyé au pape sa démission qui lui avait
été demandée. On trouve dans VAmi de
la religion et du roi, t. 60, p. 125 , une
Notice sur ce prélat^ qui est due à M.
Gaurel supérieur du séminaire de Castres.
ROYOU (Thomas-Marie ) , chapelain
de l'ordre de Saint-Lazare , né à Quim-
per , vers 17 41, professa pendant plus
de 20 ans la philosophie au collège de
Louis le Grand. Après la mort de Fréron,
il fournit plusieurs articles à V Année lit-
téraire , et , en 1778, il dirigea le Jour-
nal de Monsieur, qu'on parvint à faire
supprimer en 1783. Dès l'origine de la
révolution, il se montra l'adversaire des
changemens et des innovations , et com-
mença, en 1790, le journal l'Ami du roi.
Un décret; du corps législatif, du 3 mai
1792, supprima le journal, et ordonna
que les auteurs seraient traduits à la
haute cour d'Orléans. L'abbé Royou,
atteint d'une maladie mortelle, se cacha
chez un de ses amis , oîi il mourut le 21
juin de la même année. Outre ces jour-
naux auxquels il a travaillé , nous con-
naissons de l'abbé Royou : i° Le monde
de verre réduit en poudre, 1780, in-12.
C'est une critique ingénieuse de l'hypo-
thèse de Buffon. 2° Mémoire pour ma-
dame de Falory , 1783. Cette dame plai-
dait contre l'avocat Courtin, et n'avait
trouvé aucun défenseur contre un adver-
saire si renommé. L'abbé Royou la dé-
fendit avec chaleur. 3° Etrennes aux
beaux-esprits, n8b,\n-i2.
* ROYOU ( Jacques Corentin ), avo-
cat et littérateur , frère du célèbre abbé
et journaliste de ce nom ( Foyez l'article
précédmt), naquit à Quimper vers 1745.
Attiré à Paris par son frère, il y vint
en 1791 pour coopérer à la rédaction de
V Ami du roi, journal qui avait du suc-
cès. Il avait avec son frère une telle con-
formité de stile et de façon de penser
que le public ne s'aperçut pas de
cette coopération ; aussi il ne fut
point poursuivi et il échappa aux pro-
scriptions révolutionnaires. En 1796, il
^t paraître un autre journal intitulé :
ROY 55 1
le Véridique , puis l'Invariable , qui fut
proscrit au 1 8 fructidor , et le fit dépor-
ter à l'île de Ré. Rendu à la liberté par
le directoire , il se fit recevoir avocat
en 1798 , remplit avec zèle ses fonctions
de jurisconsulte , et contribua à la dé-
fense de Brolhier et de Lavilleheurnois :
c'est lui qui fit les deux péroraisons si
touchantes, prononcées par Lebon ,
qui tirèrent des larmes de tout l'audi-
toire, et sauvèrent les accusés de la mort
qui les menaçait. A la restauration , il fut
nommé censeur dramatique , et obtint en
1821 une pension du roi. Il est mort
le 1" décembre 1828. Onadelui : iTré-
cis de l'Histoire ancienne , d'après RoU
lin, 1802, 4vol. in-8, 3* édition, 1826;
2*^ Histoire romaine depuis la fondation
de Rome jusqu a Auguste , 1806, 4 vol.
in-8 ; V édition , 1 826 ; 3° Histoire des
empereurs romains, depuis Auguste
jusqu'à Constance-Chlore , père de Con-,
stantin , 1808 , 4 vol. in-8 ; 2" édition ,
1 824 ; 4° Histoire du Ras-Empire, 1 803,
4 vol. in-8; 2* édition, I8I4, écrite
dans un mauvais esprit. Sous prétexte
d'abréger Lebeau , il le rend méconnais-
sable ; il se moque de l'apparition de la
croix à Constantin , et de son invention
par sainte Hélène. On dirait qu'il en veut
à Constantin d'avoir embrassé le christia-
nisme , et partout il s'attache à faire dis-
paraître la couleur religieuse que Lebeau
avait mise à son ouvrage. Voyez les Mé-
langes de philosophie , suite des Anna-
les catholiques , t. 6, p. 289. 6° Histoire
de France depuis Pharamondjusqu' à la
25" année du règne de Louis XFIH ,
1819, 6 vol. in-8. Cette histoire, dit
l'Ami de la religion et du roi ( voyez
les n°' 536 , 1 380 et 1485), n'est propre
qu'à donner de fausses impressions aux
jeunes gens sur la religion et le clergé.
Royou ne laisse passer aucune occasion
de grossir les abus qui avaient pu s'in-
troduire dans le clergé. Tous les évène-
raens qui ont trait à la religion , son culte,
ses miracles, ses pratiques , ses saints les
plus révérés , ses ministres les plus re-
commandables , tout est pour l'historien
l'objet de remarques aigres , de censures
déplacées , d'expressions méprisantes ou
SS'i ROZ
satiriques; il se plaît à signaler les torts
des papes , des évêques et des prêtres :
la justice exigeait qu'en disant le mal il
racontât aussi le bien, et c'est ce qu'il ne
fait guère ; il ne dit rien des grandes
vertus de saint Bernard, et des services
qu'il rendit à son siècle. Sous le rapport
littéraire , les faits de cette histoire sont
présentés sans ordre et racontés d'une
manière sèclie. L'auteur ne paraît pas s'ê-
tre occupé de mettre de l'intérêt et de la
variété dans ses récits ; il est fort négligé
dans son slile. Il y a des expressions et
des tournures familières jusqu'à l'excès ;
enfin , il est habituellement dépourvu de
grâce, d'ornement, d'élégance et de
mouvement. 6° Phocion , tragédie repré
sentée avec quelque succès en 1817 sur
le Théâtre-Français ; 7" le Frondeur, co-
médie en 1 acte et en vers , représentée
sur le Théâtre-Français ; 8" Développe-
ment des principales causes et des prin-
cipaux e'vènemens de la révolution, pou-
vant servir de suite et d^ additions à l'His-
toire de France , préce'dé d' un choix des
apophthegm.es des anciens ^ etc., 1823,
in-8 ; 9° la mort de Ce'sar , tragédie en
5 actes, représentée sur le théâtre de
l'Odéon en 1825, qui fut très mal ac-
cueillie. Royou a encore travaillé à l'Ob-
servateur des colonies , journal publié
en 1819 et 1830, et qui parut d'abord
sous le titre de Défenseur des Colonies.
La Biographie universelle et portative
des contemporains dit qu'il se distin-
gue des écrivains qui , comme lui , se
sont consacrés à la défense des doctrines
du pouvoir absolu , par sa haine pour
toute suprématie sacerdotale.
* ROZIER (François ou Jean), agro-
nome distingué , né à Lyon le 24 janvier
1734 , embrassa l'état-ecclésiaslique qu'il
sembla négliger d'abord , pour étudier
les dififérentes branches de l'agriculture.
La protection du roi de Pologne Stanislas
lui valut un riche prieuré. L'abbé Rozier
dut la célébrité dont il jouit à ses éludes
agronomiques. 11 avait étudié les ouvrages
de Columelle , de Varron et d'Olivier de
Serres, et il avait pris pour guide La Tou-
rette, son compatriote et son ami. H s'ap-
pliquaàla botanique, etpublia,deconcert
ROZ
avec ce dernier , les Démonstrations élé-
mentaires de botanique, à V usage des éco-
les vétérinaires, V.'^on, 1 766, 2 v. in-8, ou-
vragequi a eu un grand nombre d'éditions.
Il le destinait à l'instruction des élèves de
l'école vétérinaire fondée par Bourgelat ,
et où il venait d'être nommé professeur en
remplacement dçce savant. L'abbé Rozier
fît ensuite un voyage à Paris, et il devint
propriétaire d'un journal intitulé : Obser-
vations sur la physique, sur l'histoire na-
turelle et sur les arts, ouvrage qui obtint
un grand succès. C'est dans son prieuré
de Nanteuil-le-Haudain qu'il s'occupa du
projet de donner un cours complet sur
les travaux champêtres , qu'il publia sous
le titre de Cours d'agriculture, 1781-
1796 , eu 10 volumes in-4 , dont le der-
jiier a paru après la mort de l'auteur,
1798. On pourrait considérer ce livre
' comme cLissique , s'il était moins diffus
et moins surchargé de détails qui n'ont
pas de rapport avec le sujet principal.
Don Juan Alvares Guetra en a fait un ex-
trait en espagnol. En 1788, Rozier re-
vint dans sa patrie , et le gouvernement
lui accorda la direction de la pépinière
de la généralité : l'académie de Lyon
l'admit dans son sein l'année suivante.
Outre les deux ouvrages déjà cités, on a
de lui : 1" Mémoire sur la manière de se
procurer les différentes espèces d'ani-
maux , et de les envoyer des pays que
parcourent les voyageurs , Paris, 1774 ,
in-4 ; 2° JVouvelle Table des articles
contenus dans les Mémoires de l'aca-
démie des sciences de Paris, depuis
iG6G jusqu'en 1770, 1775, ctillti, \
vol. in-4" ; 3° Manuel du jardinier, mis
en pratique pour chaque jour de Fan-
née , 1795, 2 vol. in-18; et plusieurs
autres Mémoires ^uv la manière de brû-
ler et de distiller les vins , sur la culture
de la navette et du colza, sur les moulins
et les pressoirs d'huile d'olive. Dans tous
ces ouvrages, le principal but de l'au-
teur est d'offrir la manière la plus promp-
te et la plus économique des procédés.
Dans tout le cours de sa vie , il avait mon-
tré des principes sages ; mais la révolu-
tion les lui fit oublier ainsi que les de-
voirs de son état ; et, à l'âge de &C ans ,
ROZ
il devint révolutionnaire, et fut nommé
curé constitutionnel de la paroisse des
Feuillans. Sa fin fut des plus malheureu-
ses : pendant le siège de Lyon , une bombe
tomba sur son lit lorsqu'il dormait , mit
en laihbeauv son corps , qu'on trouva
dispersé dans les débris de son apparte-
ment, le 29 septembre 1793.
*R0Z1ÈRE (Louis-François Carlet,
marquis de la), né le 10 octobre 1733,
au Pont-de-l'Arche , près de Cbarleville ,
était issu d'une illustre famille originaire
de Piémont. A l'âge de 1 4 ans , il embrassa
la carrière des armes; en 1748 , il était
lieutenant au régiment de Touraine (in-
fanterie) : il fit ses premières armes en Ita-
lie et en Flandre, et se trouva au siège
de Maëstricbt. Il quitta le régiment de
Conti , où il était entré ponr passer à
l'école du génie de Mézières , en qualité
d'officier supérieur. Le marquis de la Ro-
zière était tjès instruit dans les sciences,
et en 17 52 il accompagna l'abbé La Caille
aux Indes orientales , comme ingénieur
d-ms la brigade destinée pour ces colo-
nies. Nommé à son retour aide-de-camp
du comte de Revel, puis aide-maréchal-
des-logis à son retour en France , il suivit
l'armée en Bohême en 1757; il commença
la guerre de Sept-Ans , et se fit remar-
quer par ses talens et son courage , dont
il donna des preuves non équivoques à la
malheureuse bataille de Rosbach .En 1761,
il fut décoré de la croix de Saint-Louis et
élevé au grade de lieutenant-colonel au
régiment du roi , fut ensuite fait pri-
sonnier dans une reconnaissance par
les Ecossais dans la forêt de Sababovel.
Ayant été conduit devant le roi de Prusse,
ce prince lui dit : « Je désirerais vous
envoyer à l'armée française ; mais lors-
qu'on a pris un officier aussi distingué
que vous , on le garde le plus long-temps
possible : j'ai des raisons pour que vous
ne soyez pas échangé dans les circon-
stances présentes; ainsi vous resterez avec
nous sur votre parole. » Pendant trois
semaines que le marquis de la Rozicre
resta au quartier de Frédéric II , il reçut,
et de ce monarque et du prince Ferdi-
nand de Brunswick , des témoignages de
leur bonté et de leur estime. Ce dernier
XI.
ROZ 553
dit un jour, en le montrant et rappelant
l'attaque de Frauenberg , oii il manqua
d'être fait prisonnier : « Voilà le Français
qui m'a fait le plus de peur de ma vie , et
même je crois la lui devoir. » Il fut
échangé en 1762, et l'année suivante il
fut employé dans le ministère secret du
comte de Broglie. D'après les ordres de
Louis XV, il alla en 1765 et 17G6 recon-
naître les côtes de l'Angleterre et de la
France; mission qu'il remplit avec autant
de zèle que de talent , et dont le résultat
fut le projetdebâtir un port à Cherbourg,
et un plan de défense pour celui de Ro-
chefort et le pays d'Aunis. Ce plan ne fut
exécuté que 25 ans après, c'est-à-dire au
mois de mai 1791. En 1778 , il dressa un
plan de descente en Angleterre , et fut
promu au grade de maréchal de cainp
en 1781. Dès le moment où éclata la ré-
volution , il se prononça contre les prin-
cipes qu'elle proclamait, etilémigraavec
son fils aîné , qui était capitaine de dra-
gons. S'étant rendu à Coblentz, les princes
frères de Louis XVI lui donnèrent la di-
rection des bureaux de la guerre , qu'ils
avaient établis dans celte ville. Ils lui
conservèrent, en 1792, le grade de ma-
réchal général des logis de l'armée royale,
et il fut nommé dans la même année
commandeur de l'ordre militaire de
Saint-Louis. M. le comte d'Artois (de-
puis Charles X ), alors résidant à Péters-
bourg , le fit passer en Angleterre , d'où
il se rendit bientôt après à Dusseldorf,
où l'appelait le maréchal de Broglie.
Dans l'expédition aux îles de Noirmou-
tier et d'Yeu , il était quartier-maître gé-
néral des émigrés et des troupes anglai-
ses; mais cette malheureuse expédition
fut comme le prélude de celle de Quibe-
ron. Lors de la dissolution de l'armée
royaliste , il entra au service de la Russie,
en qualité de maréchal de camp ; il quitta
ce pays pour se rendre en Portugal , où
il servit avec le grade de quartier-maître
général et de lieutenant général. Il fut
nommé commandeur de l'ordre du Christ
et inspecteur général des frontières et
côtes du royaume. Il resta en Portugal
depuis 1797 jusqu'en 1807 , époque à
laquelle l'armée française y entra. On as-
70.
554 RUB
sure qu'il se proposait de revenir en
Francie, lorsqu'une maladie subite le con-
duisit au tombeau le 17 avril 1808. Il
a laissé : 1" Stratagèmes de guerre^
Paris , 1766, in-12 , faible ouvrage de sa
jeunesse ; 2° Campagnes du maréchal
de Cre'qui en Lorraine et en Alsace , en
1677, Paris, 1764, in-12 ; 3° Campagnes
de Louis, prince de Conde', en Flandre,
en 1674, ibid., 1766, in-12} 4° Campa-
gnes du maréchal de Villars et de Maxi-
milien-Emmanuel , électeur de Bavière,
en Allemagne, en 1703, Paris, 1766,
in-12 ; 6° Campagnes du duc de Rolian
dans la Falteline en 1635, précédées
dun discours sur la guerre des monta-
gnes, avec une carte; 6° Traité des ar-
mes en général, ibid., 1764, 1 vol. in-12.
On a encore de La Rozière trois cartes
très estimées; savoir, 1° de la Hesse,
2° des Pays-Bas catholiques , 3" de la ba-
taille de Senef. Plusieurs de ses manu-
j scrits sont au dépôt de la guerre; ils
contiennent des Notices très intéressan-
tes sur l'art militaire.
RUAR ( Martin ) , socinien , né à
Krempen , dans le duché de Holstein ,
vers l'an 1676, aima mieux perdre son
patrimoine que de renoncer à sa secte.
Il s'établit à Racovie , petite ville de Po-
logne , au palatinat deSandomir, où les
sociniens avaient leur plus célèbre école;
il y fut recteur de ce collège , passa de
là à Strassin , près de Dantzick , oii il
fut ministre des unitaires, c'est-à-dire
des sociniens ou ariens ( car c'est en vain
qu'un M. Schwartz a voulu mettre des
distinctions essentielles entre ces noms).
Chassé de là , il se retira à Amsterdam ,
cil il mourut en 1 657. On a de lui : 1 ° des
Notes sur le catéchisme des églises so-
•ciniennes de Pologne , imprimées avec ce
catéchisme, 1666 et 1680; 2° un volume
de Lettres , publié et imprimé par David
Ruarns son fils , Amsterdam , 1681 , in-8.
Joachim et David , ses fils , imbus des
sentimens de leur père , ont publié un
JRccueil de lettres des chefs de leur parti,
Amsterdam , 1677.
•RUBBI (André) , jésuite, né en 1739
à "Venise , professa les belles-lettres au
- collège des nobles à Brescia , et, après Ja
RUB
suppression de son ordre, se retira dans
sa patrie, où il s'occupa de travaux litté-
raires, et où il mourut en 1810. On a de
lui : 1° Interpretatio et iUustratio epita-
phii grceci ^avennœ reperti, Rome,l 765,
in-4 ; 2° Rodi presa, Venise , 1 7 7 3 , in-8 ,
tragédie qui fut jouée par ses élèves à
Brescia; 3° Elogi italiani, Venise, 1781,
etann. suiv., 12 vol. in-8. C'est un choix
d'éloges de di£férens auteurs modernes ,
parmi lesquels il y en a six de lui : ceux
de Pétrarque, Léonard de Vinci, Gali-
lée, Castiglione, Métastase et Ginanni;
4» Ugolino, tragédie, insérée sans nom
d'auteur dans le tome 5 du Teatro ita-
liano del secolo XFIIP, Florence, 1 7 84 ;
b° Parnaso italiano, \enise, 1784-91,
66 vol. in-8. C'est un choix des poètes
italiens les plus célèbres depuis la re-
naissance des lettres jusqu'au commen-
cement du 18* siècle, auquel il a ajouté
des notices critiques sûr le caractère de
chaque ouvrage, et un Précis de la vie
de l'auteur. On reproche à cette collec-
tion de manquer de proportion dans les
diflférens genres , et à ses Notices d'être
écrites d'un stile si coupé , que la lec-
ture en est pénible ; ce qui lui a valu le
sobriquet de Stile a singldozzo (stile à
hoquet ); 6° Parnaso dé poeti classici
d'ogni nazione tradotti in italiano, 1796
et suiv. 41 vol. in-S. Cette seconde col-
lection contient un recueil des poètes
anciens, traduits en italien, avec des
Notices sur la vie et les ouvrages de
chaque auteur dont le stile a le même
défaut que dans l'ouvrage précédent.
7° IfGenio notico e militare, canti due,
in-4 , petit poème composé à l'occasion
de la mort d'Angelo Emo , célèbre amiral
vénitien qui bombarda Tunis en 1774;
8° la f^ainiglia, poemetto latino, in-4 ,
et quelques autres ouvrages. Compilateur
infatigable , il a publié eu outre quel-
ques Dissertations sur des questions
d'antiquité. On lui doit aussi un Journal
d'antiquités sacrées et profanes, en ita-
lien, 1793, in-8; un recueil périodique
sous le titre suivant : Il genio lett. £Eu-
ropa ; un Epistolario ou Choix de lettres
inédites de divers auteurs, 1796-96,
2 vol in-4, Rubbi a surveillé des éditions
RUB
des OEuvres de Muratori et de Maffei,
publiées à Venise. On peut consulter ,
pour plus de détails , Je Supplément à
la bibliothèque des écrivains de la so-
ciété' de Jésus, du Père Caballero; Litte-
ratura Veneziana del Secolo XFIII, et
le tome 56 du Parnaso italiano , deBuggi
011 il a lui-même consigné les renseigne-
mens qui le concernent.
* RUBEIS ( Jean-Bernard-Marie ), cé-
lèbre dominicain, né vers 1686 d'une
famille distinguée de Cividal-del-Friuli ,
entra à l'âge de 16 ans dans la congréga-
tion des frères prêcheurs dite de Salo-
moni. Il vint étudier au couvent de San-
Miniato eu Toscane la philosophie qu'il
alla ensuite professer à Venise au monas-
tère des Zattere oii il fit d'illustres élè-
ves. Il suivit peu après, en qualité de
théologien, une mission extraordinaire
près de la cour de France. De retour à
Vienne il reprit ses éludes. Il passa dès
lors le reste de sa vie à enseigner et à tra-
vailler sur des objets d'érudition. Il avait
en outre la direction de la rare et nom-
breuse bibliothèque de cette maison, que
lui-même enrichit encore. Il n'était guère
de sciences qu'il ne cultivât, et dans les-
quelles il n'eût fait de grands progrès.
On lui doit la découverte de manuscrits
précieux, de diplômes, de médailles et
autres monumens historiques importans.
Il était en correspondance avec les savans
les plus renommés de l'Italie, tels que
Lami, Muratori , Mafifei, etc. Le Père de
RuLeis pratiquait en même temps toutes
les vertus de son état. Il eût pu aspirer
aux hautes dignités de l'Eglise : il leur
préféra son cloître, son humble cellule,
ses livres, la tranquillité de la retraite.
Ayant été désigné par le cardinal Delfino,
poui- aller soutenir à Rome les droits du
patriarchat d'Aquilée que l'on voulait
abolir, le Père Rubeis ne put consentir à
s'arracher à sa douce solitude. C'est à
Venise qu'il termina sa longue vie le 2 fé-
vrier 1776 ; il était âgé de 88 ans , dont il
en avait passé 72 en religion. Outre ses ou-
vrages restés manuscrits, ceux qu'il a pu-
bliés se montent au moins à 40 volumes.
Les principaux sont : 1° De fabula mona-
chatus benedictini divi Thomœ Aquina-
RUB
555
tis, Venise ,1724; une 2* édition augmen-
tée, Venise, 1726 ; 2" De una sententia
damnationis in Acacium episcopum con-
staniinopolitanum, lata in synodo ro-
mana FelicispapœlII, dissertatio-, etc.,
Venise, 1 729 ; 3° /?e schismate Ecclesiœ
aquileiensis dissertatio historica ; accé-
dant acta synodi mantuanœ, pro causa
sanctœ aquileiensis Ecclesiœ , etc. , Ve-
nise, 1732; i" Monumenta ecclesiœ aqui-
leiensis, commentario historico-chrono-
logico ~ critico iUustrata, etc. , Stras-
bourg ( Venise }, 1740 ; 6° Divi Thomœ
Aquinatis opéra theologica, etc. , 28 vol.
in-4, Venise, depuis 1745 jusqu'en 1760;
6° De nummis patriarcharum aquileien-
sis Ecclesiœ, Venise, 1747 et 1749; 7°
De sectis et scriptis ac doctrina sancti
Thomœ Aquinatis dissertationes criticœ
et apologeticœ, Venise, 1750; 8° De
rébus congregationis sub titulo B. Ja-
cobi Salomonii, commentarius histori-
eus, Venise, 1751; d° Georgii seu Gre-
gorii Cyprii, patriarchœ constantinopo-
litani, vila, etc. ; accédant dissertationes
duœ historicœ, cum biais epistolis ejus-
dem Cyprii, etc., Venise, 17 53; 10°i?e
Theophylacti Bulgariœ archiescopi ges-
tis, scriptis et doctrina, etc. , dans le
1 " tome des OEuvres de cet archevêque,
Venise, 1754; \\° De peccato originali
ejusque natura, etc. , tractatus theolo*-
gfjcuf, etc. , Venise , 1757; 12° Disserta-
tiones variœ eruditionis, etc. .Venise,
1762 ; \Z° De charitate, virtute theolo-
gica, ejusque natura, yenise , 1758; 14°
p^ita beatœ Benvenutœ Bojanœ, de civi-
tate Austria, inproi'inciaForijuîii, etc.,
Venise, 1757. Monsignor Fabrioni a pu-
blié la P^ie du Père de Rubeis , et l'a in-
sérée dans le tome 2 des P^itœ Italorum,
page 99, avec une nomenclature exacte
de tous ses ouvrages. Voyez aussi le
Giornale de' Letterati d'Italia, Modène,
1776.
RU BEN, fils aîné de Jacob et de
Lia. Pendant que Jacob était dans la
terre de Chanaan, auprès de la tour
du troupeau , Ruben déshonora son lit ,
et abusa de Bala sa concubine ; ce qui le
priva du droit d'aînesse, lequel fut trans-
porté à Juda. Lorsque ses frèrçs résolu-
556 fRUB
rent de se défaire de Joseph , Ruben ,
touché de compassion , les en détourna ,
en leur persuadant de le jeter plutôt dans
une citerne : il avait dessein de l'en tirer
secrètementi pour le rendre à son père.
Jacob , au lit de la mort , adressant la
parole à Ruben son hls aîné , lui reprocha
son crime , et lui dit que parce qu'il
j> avait souillé le lit de son père , il ne
)> croîtrait pas en autorité. » La tribu de
Ruben éprouva les suites de celte impré-
cation. Elle ne fut jamais considérable
ni nombreuse dans Israël. Elle eut son
partage au delà du Jourdain , entre les
torrens d'Arnon et de Jazer , les monts
Galaad et le Jourdain. Ruben mourut
l'an 1 626 avant J. C. , à 1 24 ans.
RDBEWS ( Philippe), originaire d'An-
vers ,né à Cologne en 1574 d'une famille
noble, devint secrétaire et bibliothécaire
du cardinal Ascagne Colonne , puis se-
crétaire de la ville d'Anvers , où il mou-
rut en 1611 , à 37 ans. Il est connu, 1°
par des Poésies en latin, adressées à
Juste-Lipse ; 2° Electorum libri II in
quels ritus et censurœ ; 3° B. Asterii ,
Amasiœ episcopi , Homeliœ ; c'est une
version latine, Anvers, 1615, in-4.
RUBEJNS ( Pierre-PAUL ) , frère du
précédent , naquit à Cologne le 29 juin
J577. Son père le mit [page chez la com-
tesse de Lalain ; mais son goût le porta à
la peinture : il partit pour l'Italie, après
avoir pris des leçons d'Othon van Veen.
( Voyez Vknius. ) Le [duc de Mantoue ,
informé de son rare mérite , lui donna
un logement dans son palais. Ce fut là
que Rubens ht une étude particulière
des ouvrages de Jules Romain. Les ta-
bleaux du Titien, de Paul Véronèse et du
Tintoret l'appelèrent à Venise. L'étude
qu'il fit des chefs-d'œuvre de ces grands
maîtres changea son goût , qui tenait
de celui du Caravage , pour en prendre
un qui lui fût propre. Ce célèbre artiste
se rendit ensuite à Rome , et de là à
Gènes. Enfin il fut rappelé en Flandre
par la nouvelle qu'il reçut que sa mère
était dangereusement malade. Ce fut
vers ce temps-là que Marie de Médicis le
fît venir à Paris pour peindre la galerie
de son palais du Luxembourg. Rubens fit
RUB
les tableaux à Anvers , et alla à Paris en
1625 pour les mettre en place. Il devait
y avoir une galerie parallèle, représentant
l'histoire de Henri IV : Rubens en avait
même déjà commencé plusieurs tableaux;
mais la disgrâce de la reine en empêcha
l'exécution. Rubens avait plus d'une
sorte de mérite qui le faisait rechercher
des grands lorsqu'ils avaient besoin de
ses talens. Le duc de Buckingham, lui
ayant fait connaître tout le chagrin que
lui causait la mésintelligence des cou-
ronnes d'Espagne et d'Angleterre , le
chargea de communiquer ses desseins à
l'infante Isabelle , veuve de l'archiduc
Albert. Rubens montra en cette occasion
qu'il y a des génies qui ne sont jamais
déplacés. Il fut un excellent négociateur,
et la princesse crut devoir l'envoyer au
roi d'Espagne , Philippe IV , avec com-
mission de proposer des moyens de paix
et de recevoir ses instructions. Le roi fut
frappé de son mérite , le fit chevalier , et
lui donna la charge de secrétaire de son
conseil privé. Rubens revint à Bruxelles
rendre compte à l'infante de ce qu'il avait
fait ; il passa ensuite en Angleterre, avec
les commissions du roi catholique; enfin
la paix fut conclue , au désir des deux
puissances. Le roi d'Angleterre , Charles
I" , le fit aussi chevalier ; il illustra ses
armes en y ajoutant un canton chargé
d'un lion , et tira en plein parlement
l'épée qu'il avait à son côté pour la don-
ner à Rubens ; il lui fit encore présent
du diamant qu'il avait à son doigt , et
d'un cordon aussi enrichi de diamans.
Rubens retourna de nouveau en Espagne,
où il fut honoré de la clef d'or, créé
gentilhomme de la chambre du roi ,
nommé secrétaire du conseil d'état dans
les Pays-Bas. Enfin, combléd'honneurs et
de biens, il revint à Anvers, où il épousa
Hélène Forment, célèbre par l'éclat de
sa beauté. Il partageait son temps entre
les afifaires et la peinture. Il mourut à
Anvers le 30 mai 1640. Ce peintre vécut
toujours comme une personne de la pre-
mière considération ;il réunissait en lui
tous les avantages qui peuvent rendre
recommandable. Sa figure et ses ma-
nières étalent nobles, sa conversation
RUB
brillante, son logement magnifique et
eurichi de ce que l'art ofifre de plus pré-
cieux en tout genre. Il reçut la visite de
plusieurs souverains, et les étrangers
venaient le voir comme un homme rare.
Son génie le rendait également propre
pour tout ce qui peut entrer dans la
composition d'un tableau. Il inventait
facilement; et s'il fallait recommencer
un même sujet plusieurs fois , son ima-
gination lui fournissait aussitôt des or-
donnances d'une nouvelle magnificence.
Ses attitudes sont naturelles et variées ,
ses airs de tête sont d'une beauté sin-
gulière. Il y a dans ses idées une abon-
dance , et dans ses expressions une viva-
cité surprenante. On ne peut trop admirer
son intelligence du clair-obscur ; aucun
peintre n'a mis autant d'éclat dans ses
tableaux , et ne leur a donné en même
temps plus de force , plus d'harmonie et
de vérité. Son pinceau est moelleux ,
ses touches faciles et légères , ses carna-
tions fraîches, et sesjdraperies jetées avec
beaucoup d'art. Il s'était fait des prin-
cipes certains et lumineux qui l'ont guidé
dans tous ses ouvrages. On lui a reproché
de n'avoir pas assez connu ou consulté
le costume, d'avoir quelquefois un goût
de dessin lourd et quelques incorrec-
tions dans ses figures. L'étonnante rapi-
dité avec laquelle il peignait peut l'avoir
fait tomber dans ce dernier défaut , qui
ne se rencontre point dans les ouvrages
qu'il a travaillés avec soin. Ses dessins
sont d'un grand goût, d'une touche
savante ; la belle couleur et l'intelligence
de tout l'ensemble s'y font remarquer.
Ses peintures sont en grand nombre ; les
principales sont à Bruxelles , à Anvers ,
à Gand , en Espagne , à Londres , à Paris.
On a beaucoup gravé d'après ce maître.
On a de lui un Traité de la peinture^ An-
vers, 1622 ; et \ Architecture italienne,
Amsterdam, 1154, in-fol. Il avait donné
aux jésuites d'Anvers son portrait fait à
la plume par lui-même : on le voyait
encore dans la bibliothèque de la maison
professe en 1773 ( nous ignorons ce qu'il
est devenu). On lisait au bas ce distique :
Hcc Peiri Pauli piclori» imigo RubeDÏ eit ,
Ejitf que proprio facU (uit calamo.
RUB 557
(Le musée du Louvre possède de ce grand
maître 17 Tableaux et 9 Dessins -. ces
derniers se trouvent dans la galerie d'A-
pollon. La vie de Rubens a été écrite par
J.-F.-M. Michel, Bruxelles, 1771 ,'in-8.)
RUBENS (Albert), savant archéo-
logue , l'un des fils du précédent , né à
Anvers, en 1614, jouit de l'estime de
l'archiduc Léopold Guillaume , gouver-
neur des Pays-Bas ; il la mérita par ses
connaissances , et plus encore par ses
belles qualités. Jamais il ne brigua les
honneurs, et se contenta toujours d'une
fortune médiocre. Il mourut l'an 1657,
après avoir perdu son fils unique et en-
suite sa femme. On a de lui : 1° De rêves-
tiaria veterum, prœcipue de lato clavOy
libri II,A.n\eis, 1665, publié par Graevius;
2° Diatribœ de gemma tiberiana ,...de
gemma augustœa-, . . de urbibusNeocoris. .
de nataU die Cœsaris Augusti , etc. ;
ces dissertations se trouvent dans le
Trésor des antiquités romaines de Gros
novius, lom. 6 et 1 1 ; 3° Regum et im-
peratorum romanorum numi^mata ,
Anvers, 1654, in-fol.; c'est une descrip-
tion enrichie de notes du cabinet de mé-
dailles du duc d'Arschot, publiée par
Gaspard Gevart , et ensuite à Berlin en
1700 , avec de nouvelles notes par Lau-
rent Béger; 4° De vita Flavii Manlii
Theodori, Utiecht , 1694 , in-12.
RUBEUS (Jean-Baptiste) , né à Ravenne
d'une famille noble, se fit carme, et se si-
gnala tellement par sa science, que Paul III
le nomma professeur en théologie au col-
lège delà Sapience à Rome. Pie IV le char-
gea dediverses commissions importantes.
Il fut fait vicaire-général l'an 1562 , et
prieurgénérall'an 1564.Etant allé visiter
les'couvens de son ordre en Portugal et en
Espagne, il vit saint Thérèse à Avila , ap-
prouva la réforme qu'elle avait commencé
à introduire dans son monastère, et en-
tretint ensuite un commerce de lettres
avec elle. Il fit difficulté de laisser intro-
duire la même réforme dans les couvens
d'hommes, et n'accorda celte permission
que pour deux couvens. Pie V et Gré-
goire XIII ne lui donnèrent pas moins de
marques d'estime que leurs prédéces-
seurs. 11 mourut à Rome le 5 septembre
558 RUB
1578. On a de lui des Sermons, des
Commentaires sur lesOEuvresàe Thomas
Waldensis, Venise, 1571, 3 v. in-fol., etc.
RUBEUS. Foyez Rossi.
"RUBINI (Pierre), médecin", né en
1760 à Parme, était destiné à l'état de
forgeron qu'exerçait son père. Ce fut en
lui désobéissant que le jeune Rubini
étudia la médecine. Reçu docteur h l'u-
niversité de sa ville natale , il continua
à s'exercer dans le traitement des malades
en fréquentant le grand hôpital , et fut
quelque temps après médecin pensionné
d'un petit village nommé Combiano. Le
duc de Parme, ayant entendu parler avec
avantage des talens de Rubini, le chargea
d'aller visiter aux frais de son gouverne-
ment les principales universités de
l'Europe. Rubini se rendit d'abord à Pavie
où. il suivit les leçons du célèbre Frank ,
passa ensuite à Montpellier , à Lyon , à
Paris , à Edimbourg , et se mit en rela-
tion avec les plus savans professeurs de
cette époque. Nommé , à son retour, pro-
fesseur de clinique médicale à l'univer-
sité de Parme, il concourut puissamment
en 1804 à la fondation de la société de
médecine et de chirurgie instituée dans
cette ville sur le plan de celle d'Edim-
bourg. L'enseignement de ce professeur
était basé sur les systèmes modifiés de
Brown et de Rasori. Nous empruntons à
une biographie moderne la courte analyse
de la doctrine de Rubini. Il considérait
les altérations des humeurs comme un
effet de l'altération des solides ou bien
même de l'excitation : il admettait aussi
les deux diathèses , sthénique et asthé-
nique, qui sont les bases principales de la
doctrine moderne italienne , et un état
morbique d'irritation dont il faisait une
troisième diathèse. Nous ne pousserons
pas plus loin l'exposition de ce système
qu'il sera facile d'étudier dans ses ou-
vrages. Outre ceux qui se trouvent dans
les Mémoires de la société italienne ,
nous citerons ses Reflessioni sulla febbri
chiamate giaUe e su'contagj in gencre,
Parme, 1805, in-8 ; Reflessioni sulla ma-
lattia communemente denominata crup ,
1813, in-8 ; Discours sur les progrès de
la vaccine dans le département du TarOy
RUC
en 1812, inséré dans la Notice sur les
progrès de la vaccine , 1813, in-8. Ru-
bini a laissé aussi plusieurs ouvrages
manuscrits. H mourut d'uneinflammation
aux poumons, le 15 mai 1819. 11 était
membre de plusieurs sociétés savantes,
et en 1816 l'archiduchesse Marie-Louise
l'avait nommé son médecin consultant et
archiâtre de Parme. U Eloge historique
de Rubini par M. Pezzana, bibliothécaire
à Parme , 1 822 , in-8 , se trouve dans le
tome 19^1 des Mémoires de la société ita-
lienne des sciences.
RUBRDQUIS ( Guillaume de Ruys-
BROECK , dit ) , cordelier du 1 3* siècle ,
dont on ignore la patrie -. les uns le font
Anglais, les autres Brabançon. Il fut
envoyé en Tartarie l'an 1253 par saint
Louis , pour travailler à la conversion de
ces peuples, et parcourut toutes les
cours des différens princes de ees con-
trées , mais sans y faire beaucoup de
fruit. Il donna en latin une Relation de
son voyage , et l'envoya à saint Louis. Il
y en a différentes copies manuscrites.
Richard Hakluyt en a publié une partie
dans son Recueil des navigations des
Anglais. Pierre Bergeron l'a donnée en
français sur deux manuscrits latins, Paris,
1634 ; et dans les Foyages faits princi-
palement en Asie , La Haye , 1735, 2 vol.
in- 4.
RUBUS. Voyez Buisson.
RUCCELLAI ( Bernard ) , en latin
Oriccellarius , né à Florence en 1449,
était allié des Médicis , et fut élevé aux
plus belles charges de sa patrie. U
connaissait parfaitement les finesses de
la langue latine , et l'écrivait avec une
grande pureté ; mais personne, pas même
Erasme, ne put jamais l'engager à la par-
ler. Le Père Mabillon Taccuse d'avoir
écrit avec trop de partialité sur l'expé-
dition du roi Charles VIII en Italie , dans
son De Bello italico, Londres, 1724,
in-4. Mais peut-être ce reproche est- il
lui-même le fruit de la partialité ; car
celte guerre était peu susceptible d'une
relation avantageuse.
RUCCELLAI ( Jean ) , appartenait à
l'une des premières familles de Florence.
U naquit dans cette ville en 1475.11 était
RUC
neveu, du côté de sa mère, de Laurent de
Médicis dit le Magnifique ; il embrassa de
bonne heure l'état ecclésiastique , parut
avec distinction à la cour de Rome, et
lut envoyé nonce en France par Léon X ,
son parent. François P'' lui marqua beau-
coup de bienveillance ; mais le pape s'é-
tant ligué avec l'empereur Charles-Quint
contre ce prince , Pvucceiai fut obligé de
retourner en Italie. Clément VII le nomma
protonotaire apostolique , gouverneur
du château Saint-Ange. On s'attendait à
le voir honoré de la pourpre , lorsqu'il
mourut d'une fièvre ardente en 1635.
Ruccellai cultiva avec succès les Muses
italiennes. On a de lui : 1° la Rosemonde,
in-8 , 1525, tragédie représentée con-
jointement avec la Sophonisbe du Trissin
devant le pape Léon X. Lorsqu'il passa
en 1512 à Florence, ce pape visita l'au-
teur dans sa maison de campagne. Cette
tragédie a été plusieurs fois réimprimée,
et on y trouve des beautés qui doivent
faire pardonner quelques imperfections.
2" Les Abeilles , 1 539 , in-8 , poème en
vers non rimes , qui prouve de l'imagi-
nation et du stile , Florence , 1 590 , in-8 ;
3° Oreste, tragédie long- temps manu-
scrite, et publiée parle marquis Scipion
Maffei dans le 1"^^ volume du Théâtre
iialien , Vérone , 1723, in-8.
RUCHAT ( Abraham ) , né dans le
canton de Berne, vers 1680 , a été long-
temps professeur de théologie à Lausanne,
oii il mourut en 17 50. On a de lui: \° De-
lices de la Suisse , Leyde, 1714 , 4 vol.
in-12 , sous le nom Gottlieb Kypseler ;
ouvrage curieux à raison du pays qui en
fait l'objet , mais mal rédigé , sans juge-
ment et sans goût : tout plein des pré-
jugés les plus grossiers de sa secte, l'au-
teur oublie les délices de son pays pour en
raconter les sottises. 2° Histoire de la ré-
formation en 5ume, Genève, 1727, 6
vol. in-1 2. Il a pu y donner mieux l'essor
à son fanatisme que dans l'ouvrage pré-
cédent ; avantage dont il a joui aussi dans
V Abrégé de t histoire ecclésiastique du
pays de Vaud^ Berne, 1707, in-8. Sa
Grammaire hébraïque et sa Géographie,
publiées sous le nom à' Abraham Dubois,
sont de pauvres compilations. On trouve
RUD 559
dans le journaKhelvétique, mai 1751, un
Eloge de Buchat , par J. Alph. Rosset,
recteur de l'académie de Lausanne, avec
une notice incomplète de'ses ouvrages.
*RUCHS (N.) historiographe du roi
de Prusse, né en 1790 à Greifswald dans
la Poméranie suédoise, mort en 1820 à
Livourne , oii il était allé pour rétablir
sa santé. Il fut long-temps professeur
d'histoire à l'université de Berlin et il
était membre de l'académie de cette ville.
Il est particulièrement connu par sou
Histoire de Suède , 4 vol. in-8 , publiée à
Greifswald , et qui a fondé sa réputation
comme historien. On a encore de lui :
Essai d'une histoire de la religion , du
gouvernement et de la civilisation de
l'ancienne Scandinavie , 1801; de la
Finlande et de ses habitans , 1 809 ; des
Lettres sur la Suède , 1814. A l'époque
de sa mort, il travaillait à une Histoire
de Bysance , d'après les anciens auteurs
bysantins.
RUDBECK ( Olaûs) , né à Arosen ,
dans le Westermanland, en 1630, d'une
famille noble, fut professeur d'anatomie
et de botanique à Upsal , oii il mourut
en 1702 , dans sa 73^ année. Ses prin-
cipaux ouvrages sont : 1° Exercitatio
anatomica , Leyde, i654, in-8. Il y
publie la découverte anatomique des
vaisseaux lymphatiques. Il prétend que
cette découverte lui appartient , et que
Thomas Bartolin l'a luia dérobée. Ce qu'il
y a de sûr , c'est que le docteur Jolise
avait aperçu ces vaisseaux en Angleterre.
Il y a apparence que la gloire de cette
découverte leur appartient à chacun en
particulier. 2° Atlantica vera Japheti
posterorum sedes ac patria, 1679, 1689
et 1698, 3 vol. in-fol. Il devait y avoir
un 4« tome, qui est resté manuscrit. On y
joint pour 4<' iomeun Atlas de 43 cartes,
avec deux tables chronologiques ; le por-
trait de Rudbeck est à la tête. L'auteur
prétend que la Suède , sa pak-ie , a été la
demeure des descendans de Japhet ;
qu'elle est la véritable Atlantide de
Platon , et que c'est de la Suède que les
Grecs , les Romains et autres peuples sont
sortis. Un de ses compatriotes , M. Baer,
dans son Essai historique et critique sur
56o RUD
les Atlantides, a mieux prouvé que l'At-
lantide était la Palestine. Du reste , il y
a dans l'ouvrage de Rudbek beaucoup
d'érudition , et des observations qui ne
sont pas à négliger. Il prouve assez bien
que les anciens peuples du Nord avaient
mieux conservé la tradition primitive
que les Grecs et les Romains, que ceux-
ci en ont pris beaucoup de notions et de
mots. [Voyez Goropius, Stevin. ) 3°
Leges ïVast-Golhicce , Upsal, in-fol. ,
rare; 4" une Description des plantes ,
gravées en bois, 1701 et 1702, 2 vol.
in-fol. ; il devait y en avoir 12 ; 5* un
Traité sur la Comète rfe 1667 ; &°La-
ponia illustrata et iter per Uplandiam ,
Upsal, 1701 , in-4. Il n'y donne que la
description de l'Uplande ; c'est probable-
ment le commencement d'un ouvrage
qu'il n'a point achevé. Quelques-uns at-
tribuent cet ouvrage à son fils; mais il y
a beaucoup d'apparence qu'il n'en est que
l'éditeur. 7' Dissertation sur l'oiseau
Salaï de la Bible, 1705, in-4 , ouvrage
que quelques auteurs attribuent au fils.
— Son fils , Olaûs Rudbeck , a donné:
1" Disscrtatio de hedera , 1716 ; 2" Ca-
talogue des plantes de la Laponie , ob-
servées , en 1 695 , dans les Actes de l'a-
cadémie de Suède de l'an 1720, etc.;
5° Spécimen linguœ gothicce, 1717,
in-4.
RUDIUS ( Eustache ) , médecin cé-
lèbre dans le 16* siècle , né dans la I)al-
matic , professa son art à Venise et puis
à Padoue , où il fit des cures merveil-
leuses. Consulté dans les cas graves par
les habiles médecins de l'Italie , il ne se
trompait jamais, dit-on, sur le genre
des maladies , quelque compliqués qu en
fussent les symptômes , et son pronostic
était toujours certain ; ce qui fit naître
le proverbe : « Dieu te garde du pro-
» nostic de Rudius. » Il publia un grand
nombre d'ouvrages , dont "Van der Lind-
den a donné le catalogue. Le premier
qu'il fit paraître est un traité de Firtu-
tibui et vitiis cordis ,\cnise , 1 587-1600,
in-4. Rudius mourut en 1612.
•RUDNAY (Alexandre de), archevêque
de Strigonie, naquit le 4 octobre 1 760 , à
SzentRetestz ou Sainte-Croix, dans le dio-
RUE
cèsede Strigonie. Il fut fait en 1816 évê-
que de Transylvanie ou Weissembourg ;
en 1819 il fut transféré à l'archevêché de
Gran ou Strigonie,auquel sont attachés les
titres de légat dusaint-Siégeet de primat
de Hongrie. Il tint à Presbourg , en 1 822,
un concile national de Hongrie, où l'on
fit des règlemens sur la discipline , sur
l'éducation dans les séminaires et sur
divers autres points. Voyez VAmi de la
religion, n"' 853 et 902 où sont cités des
extraits des discours prononcés par le
primat à l'ouverture et à la fin du con-
cile. Le concile demanda le rétablisse-
ment des jésuites. M. de Rudnav fut fait
cardinal in petto par Léon XII , le 2 oc-
tobre 1 826 ; mais il ne fut déclaré que le
15 décembre 1828. Il n'assista point au
conclave de 1829 et de \%2i. ha Gazette
d^Ausbourg nous apprend qu'il avait
fait commencer à Gran la construction
d'une magnifique cathédrale, et qu'il n'a
pas eu le temps de l'achever. M. deRud-
nay prenait les titres de chancelier, de
conseiller d'état et de président delà
commission ecclésiastique. Son zèle pour
la tenue du concile et la sagesse avec
laquelle il le présida , doivent rendre sa
mémoire précieuse au clergé de Hongrie.
Il est mort à Strigonie le 1 3 septembre
1831.
RUE ( Charles de la ) , né à Paris en
1643 , entra chez les jésuites , et y de-
vint professeur d'humanités et de rhé-
torique. Son talent pour la poésie brilla
avec éclat dès sa jeunesse. Il se signala
en 1 667 par un Poème latin sur les con-
quêtes de Louis XIV, que le grand Cor-
neille mit en vers français. L'auteur du
Cid , en présentant la traduction au roi ,
fit de l'original et du jeune poète un
éloge , qui inspira beaucoup d'estime à
ce monarque. Le Père de la Rue de-
manda instamment la permission d'aller
prêcher l'Evangile dans les missions du
Canada ; mais il fut refusé. Ses supé-
rieurs le destinaient à la chaire ; il rem-
plit avec applaudissement celles de la
capitale et de la cour. H aurait peut-
être donné dans l'esprit , sans le propos
que lui tint un courtisan : « Mon Père ,
» lui dit- il , continuez à prêcher comme
RUE
u vous faites ; nous vous écouterons
» toujours avec plaisir , tant que vous
» nous présenterez la raison, mais point
» d'esprit. Tel de nous en mettra plus
M dans un couplet de chanson , que la
» plupart des prédicateurs dans tout un
» carême. « Le Père de la Rue était le
prédicateur de son siècle qui débitait le
mieux; cependant, avec un talent si dis-
tingué pour la déclamation , il fut d'avis
d'aflfranchir les prédicateurs de l'escla-
vage d'apprendre par cœur. Il pensait
qu'il valait autant lire un sermon que
de le prêcher. ( Ployez Massillon. } Cet
illustre jésuite fut employé dans les mis-
sions des Cévennes. H eut le bonheur de
faire embrasser la religion catholique à
plusieurs proteslans , et de la faire res-
pecter aux autres. U mourut à Paris en
1725 , à 82 ans. Le Père de la Rue était
aussi aimable dans la société qu'effrayant
dans la chaire. Sa conversation était
belle, riche, féconde. Son goût pour
tous les arts lui donnait la facilité de
parler de tout à propos. Il plaisait aux
grands par son esprit, et aux petits par
son affabilité. Au milieu du tumulte du
monde, il savait se préparer à la soli-
tude du cabinet et à la retraite du cloî-
tre. On a de lui : 1° des Panégyriques
et des Oraisons funèbres , 3 vol. in-12j
4 vol. in-8, et des Sermons de morale,
qui forment un Avent et un Carême, en 4
vol. in-^ , Paris : on les a réimprimés en
4 vol. in-12. L'ingénieuse distribution ,
le juste rapport des différentes parties,
la véhémence du stile et les grâces de
]a facilité, brillent dans ses ouvrages. Il
anime tout ; mais son imagination le
rend quelquefois plus poète que prédi-
cateur. Ce défaut se fait moins sentir
dans son Avent que dans son Carême.
Son chef-d'œuvre est le Sermon des Ca-
lamite's publiques. Parmi ses Oraisons
funèbres , celles du maréchal de Luxem-
bourg et de Bossuet sont ce qu'il a fait
de plus beau. 2" Des pièces de théâtre.
Ses tragédies latines intitulées Lysima-
chus et Cyrus , et celles de Lysimachus
et de Sylla , en vers français , méritèrent
l'approbation de P. Corneille. Les co-
médiens de l'hôtel de Bourgogne se pré-
XI.
RUE 56i
paraient secrètement à jouer cette der-
nière pièce ; mais le Père de la Rue,
en étant informé, les arrêta par son cré-
dit , ne voulant pas que des pièces com-
posées pour l'exercice des écoliers , dans
des vues de zèle pour la bonne institu-
tion de la jeunesse , parussent avoir été
destinées à un théâtre lubrique et cor-
rompu. ( On est encore persuadé que
l'Andrienne , imitée de Plaute , et
V Homme à bonne fortune que Baron s'at-
tribuait , étaitnt du Père de la Rue.) 3"
Quatre livres de Poésies latines , Paris,
1668, 1680, in-12 , et Anvers, 1693 : ces
poésies sont pleines de délicatesse et de
sentiment , et l'auteur mérite un rang
distingué sur le Parnasse latin ; 4° une
édition de f^irgile , avec des notes claires
et précices, à l'usage du Dauphin, 1682,
en 1 vol. in-4, et en 4, in-12 ; et une
édition d' Horace avec des notes et une
interprétation. On s'en servait pour l'or-
dinaire dans les collèges des jésuites.
RUE ( D. Charles de la ) , bénédictin
de la congrégation de Saint-Maur , né à
Corbie en Picardie, l'an 1684, fut l'é-
lève du célèbre Monlfaucon, et son rival
pour la littérature grecque. U se fit uu
nom par sa nouvelle édition d'Origène.
Il en donna les deux premiers volumes,
et il était prêt à publier le 3* , lorsqu'il
mourut à Paris en 1739, à 56 ans. — Dom
Vincent de la Rue, sou neveu, béné-
dictin de la même congrégation , acheva,
en 1752, cette édition , qui est en 4 vol.
in-fol. Il avait partagé les travaux de son
oncle, et mérité son estime, Fl mourut
en 1762, après avoir publié l'ancienne
Version latine de la Bible que l'on
nomme italique, Reims , 1743-49 , 3
vol. în-fol.
RUELLE (Jean de Soissons, chanoine
de l'Eglise de Paris , et médecin de Fran-
çois I*' , mort en 1 537 , à 63 ans , signala
son savoir par deux ouvrages peu re-
cherchés : 1 ° De nalura stirpium , Paris,
1536 , in-fol. : ce n'est qu'une compila-
tion ; 2° Veterinariœ medicinœ scrip-
iores grceci, Paris, 1530, in-fol.
* RUELLE ( Joseph-Réné ) , habile te-
neur de livres , né à Lyon en 17 42, fut
admis en 1801 dans l'athénée de com-
71-
562 RUF
merce, et forma un grand nombre d'é-
lèves qui excellèrent dans cet art. Il mou-
rut en 1803. On a de lui les ouvrages
suivons : 1° Traite des arbitrages en
France, 1769, in-8 , 1792-, 2" Nou-
velle méthode pour opérer les changes
de France avec toutes les places de la
correspondance , 1777 , in-8; 3° L'art
de tenir les livres en parties doubles ,
1798, in-4.
RUEUS ( François ) , mcdecin , natif
de Lille, mort en 1685, est connu par
un traité intitulé : De gemmis, iis prtv-
sertim quarum D. Joannes in Apoca-
lypsi meminit , etc. , Paris, 1547 ; on le
trouve aussi avec le traité : De ocultis
naturœ miraculis de Lemnius. On voit
par cet ouvrage qu'il avait fait une élude
particulière de l'histoire naturelle , et
qu'il était versé dans les belles-lpttres.
RUF ( Saint ) , Romain de naissance,
florissail dans le troisième siècle , et fut
le premier évêque d'Avignon. Le détail
de ses actions est peu connu ; mais l'idée
générale de ses vertus s'est conservée
parmi les chrétiens. Il est pommé , sous
le 12 novembre, dans le Martyrologe de
Bède, d'Adon, d'Usuard , et dans le ro-
main. On garde ses reliques dans la ca-
thédrale d'Avignon. Une célèbre congré-
gation de chanoines réguliers a porté
son nom ; mais dans ces dernières an-
nées, n'ayant plus le nombre suffisant
de sujets pour soutenir la conventualité,
elle a été supprimée.
RUFFI ( Antoine de), conseiller dans
la sénéchaussée de Marseille, où il na-
quit en 1607, s'acquitta de sa charge
avec une grande intégrité. Ses vertus, au-
tantque son savoir, lui obtinrent une place
de conseiller d'état en 1654. Il mourut
en 1689 , à 82 ans. On a de lui : Une His-
toire de Marseille, 1642 , 1 vol. in-fol. ;
(son fils en a publié une deuxième édition,
revue et augmentée, et enrichie d'inscrip-
tions, sceaux et monnaies, 1G96 , 2 vol.
in-fol. )2° La fie de Gaspard de Simiane,
connu sous le nom de chevalier de la
Coste, Aix , 1655, in-12; Z" Histoire
curieuse des généraux des galères, dans
le Père Anselme ; 4° une Histoire des
comtes de Provence , in-fol. , 1656 : ou-
RUF
vrage aussi exact que savant; 5° His-
toire de saint Louis , évêque de Tou-
louse. Le stile n'e.st pas le plus grand
mérite de ses ouvrages ; il est sec et dé-
charné.
*RUFFIN (Pierre-Jean-Marie), diplo-
mate français , né en 17 42 h Salonique oii
son père exerçait les fonctions de pre-
mier drogman de la nation française ,
vint de bonne heure à Paris oii il étudia
les langues orientales sous Petis de la
Croix, Cardonne , Legrand, etc. Envoyé
à Constantinople en 1758, il y gagna
bientôt l'estime du comte de Vengennes,
alors ambassadeur , qui le recommanda
vivement au ministère. Ruffin fut placé
en qualité d'interprète à la suite du baron
de Toit, chargé d'une mission auprès du
Khan de Crimée, Crym-Gueraï. Ce
prince tartare étant mort en 1770, Toit
laissa la direction des affaires à son in-
terprète qui suivit le nouveau Khan dans
son expédition contre la Russie. Ruffin,
ayant été fait prisonnier, fut détenu
pendant quelque temps à la citadelle de
Saint-Pétersbourg. Renvoyé après son
élargissement à Constantinople avec le
litre d'interprète du roi auprès de la
Porte, il fut appelé ensuite à Paris en
17 74 pour y remplir les fonctions de se-
crétaire interprète du roipour les langues
orientales, etjusqu'en 1779 il fut chargé
de toute la correspondance avec la Tur-
quie, les régences de Barbarie et les
puissances de l'Inde. La chaire de turc
et de persan qui lui fut accordée au col-
lège royal en 17 84, et des lettres d'a-
noblissement qui lui furent données en
1787, furent la récompense de sesimpor-
tans services. En 1794 il retourna à Con-
stantinople comme premier secrétaire
d'ambassade et premier secrétaire inter-
prète. En l'an 6, il avait le titre de chargé
d'affaires. L'Egypteayantété envahie par
les armées françaises, il fut mis au sept-
tours par ordre du divan, et ne recouvra
sa liberté qu'en 1801. Quoiqu'il restât sans
caractère public jusqu'en 1804 , il rendit
de grands services à ses compatriotes
qu'il parvint à protéger par son seul cré-
dit ; il fut même utile au colonel Sébas-
tian! et au général Brune dans les négo^
RUF
ciatioDsqui amenèrent le rétablissement
delà bonne intelligence entre la Porte et
la France. Ruffin fut nommé en 1804
conseiller d'ambassade, et en 1805 pre-
mier secrétaire de légation : il contribua
à obtenir du Reis-Eflfendi que les titres
de Padischon et à' imperator fussent
employés par le divan à l'égard de Buo-
naparte ; il défendit dans toutes les cir-
constances avec beaucoup d'ardeur les
intérêts de la France. Ruffin n'avait pas
cessé d'être attaché à l'ambassade de
France sous les divers ministres envoyés
à Constantinople par le gouvernement
impérial. Il se trouvait chargé d'affaires
en l'absence de l'ambassadeur , lorsque
Buonaparte revint de l'île d'Elbe ; il fit
arborer le drapeau tricolore à l'hôtel de
l'ambassade. Cet oubli de son dernier
serment fut la cause de sa disgrâce qui
dura jusqu'en 1818, époque oîi ses an-
ciens titres lui furent rendus. Pendant le
temps qu'il avait été éloigné des af-
faires, il était resté à Constantinople.
Il mourut dans cette ville en 1824 , après
66 ans de services diplomatiques. Pour
avoir une idée complète de ses travaux ,
il faudrait passer en revue toutes les af-
faires que la France eut à traiter avec la
Turquie pendant plus d'un demi-siècle.
On ne connaît de lui qu'une Traduction
en arabe d'une adresse de la Conven-
tion au peuple français du \% vendé-
miaire an 3, Paris, 1796, in-folio, de 24
pages : on sait néanmoins qu'il existe de
lui au dépôt des affaires étrangères plu-
sieurs MeVwo/re^ sur des sujets importans.
M. Branche a publié une Notice Iiis-
torique sur M. Ruffin, Paris, 1825, in-8,
de trois feuilles et demie.
* RUFFINI ( Paul ) , médecin et ma-
thématicien , né en 1765 à Valentano
dans le duché de Castro, oîi son père
exerçait la profession de médecin. Lui-
même s'adonna à la médecine , et fit ses
cours à Modène où il reçut le grade de
docteur. L'étude de la médecine ne l'em-
pêcha pas de s'appliquer aux sciences
exactes, auxquelles il dut principalement
sa célébrité. Lorsque son maître, Cas-
siane, affaibli par l'âge , eut besoin d'un
suppléant , ce fut Ruffini que l'on choi-
RUF 563
sit. On lui confia ensuite les chaires d'a-
nalyse et de géométrie. En 1797 , lors de
l'invasion des Français en Italie, il refusa
de faire partie du conseil des juniori, et
même de prêter le serment civique
qui répugnait à ses opinions et à ses
sentimens religieux. Ayant été renvoyé
de l'université , il ne reprit ses places
qu'en 1799, au retour des Autrichiens.
Il les garda à la rentrée des Français
en Italie. En 1806 , il devint pro-
fesseur des mathématiques appliquées ,
à l'école militaire ; et quand le duc de
Modène recouvra ses états, il nomma
recteur de l'université Ruffini, qui oc-
cupa en même temps les chaires de cli-
nique médicale , de médecine pratique ,
et de mathématiques spéciales. Médecin
de la cour, président de la socie'te' ita-
lienne des sciences , il fut en outre asso-
cié à presque toutes les académies sa-
vantes et littéraires de l'Italie, et autres
pays de l'Europe. Le typhus , qui se ré-
pandit en Italie, et notamment à Mo-
dène, mit à l'épreuve le zèle de Ruffini.
Bravant tous les dangers, il semblait se
multiplier pour voler au secours des ma-
lades ; mais atteint lui-même de cette
horrible maladie , il n'en guérit que
pour traîner quelque temps encore une
pénible existence, et mourut dans des
sentimens vraiment chrétiens , le 10 mai
1822 , âgé de 57 ans. Ses travaux sur la
théorie générale des équations , sur la
nouvelle méthode qu'il a inventée pour
les résoudre , sur la manière d'extrai-
re les racines numériques d'un degré
quelconque , sur l'impossibilité de ré-
soudre les équations numériques d'un
degré au dessus du quatrième , sur l'in-
solubilité du problème de la quadrature
du cercle , sur la classification des cour-
bes simples de tous les ordres, etc., fu-
rent accueillis par des applaudissemens
unanimes, et lui méritèrent deux couron-
nes académiques. On a de lui ( en italien },
i" Théorie générale des équations, où
Von démontre l'impossibilité de la solution
algébrique des équations générales au
dessus du quatrième degré, Bologne,
1798 , 2 vol. in-8 ; 2° Delà solution des
équations algébriques déterminées ^ ef
564 RUF
au dessus du quatrième degré' : ce
mémoire remporta le prix proposé par
l'Institut de Milan ; 3° Réflexion sur la
rectification de la quadrature du cercle ;
4" De l'insolubilité' des e'quations algé-
briques générales au dessus du qua-
trième degré, en réponse aux objections
faites par le comte Abati au premier ou-
vrage de l'auteur ; 5° Mémoires sur la
détermination des racines dans les équa-
tions numériques des équations de
tous les degrés, Modène, 1804, in-
4 , couronné par l'Institut de Milan ;
6° Réponse aux doutes proposés par
Malfatti sur t insolubilité algébrique des
équations au dessus du quatrième de-
gré ; 7° Réflexions sur la méthode pro-
posée par Malfatti pour la solution des
équations du cinquième degré ; 8° De
T immatérialité de l'âme , Modène, 1806,
in-8. Dans cet ouvrage, recommandable
sous tous les rapports, l'auteur prouve
mathématiquement l'immatérialité de
l'âme , et combat le système métaphysi-
quede Darwin. Ill'adressaà l'académie de
\^ Religion catholique , à Rome , et le dé-
dia à Pie VII , qui fit présent à l'auteur
d'une médaille d'or. 9° Réponse à lamé-
thode générale , proposée par M. Wrons-
ki , pour résoudre les équations de tous
les degrés ; 1 0° Mémoires sur le typhus
contagieux ,11" Deux opuscules sur la
classification des courbes algébriques a
simples courbures ; 1 2° Reflexions cri-
tiques sur V Essai philosophique des
probabilités , par M. La Place , Modè-
ne, 1821 , in-8. Ce livre est partagé en
quatre parties : dans la première, l'auteur
examine les principes que M. de La Place
établit pour le calcul des probabilités,
tant par rapport aux actions morales et
volontaires , que par rapport aux phéno-
mènes physiques ; dans la seconde , il
parle des loisdeprobabilitéproposées par
M. La Place sur les rapports des causes et
des effets ; dans la troisième partie , il
discute son système sur l'origine des pla-
nètes et des comètes; et enfin dans la
quatrième , il réfute les principes sur
les probabilités des témoignages. Ruffini
n'oublie pas de combattre en passant,
M. La Croix , auteur du Traité élcmen-
RUF
taire du calcul des probabilités ,
non moins contraire à la religion que
celui de M. La Place. Une grande partie
des écrits de Ruffiui sur les sciences exac-
tes ont été insérés dans les Mémoires de
l'Institut de Milan. 11 a laissé plusieurs
ouvrages inédits, qui méritent autant
que les autres d'être mis au jour.
* RUFFO ( Fabrice ) , cardinal , sur-
nommé en Italie le Général-cardinal, na-
quit à Naples le 1 6 septembre 1 7 4 4 d'une
famille ancienne dont le chef porte le
titre de Baranello. Destiné, comme ca-
det , à l'état ecclésiastique, il se rendit à
Rome, plut à Pie VI qui le nomma son
trésorier-général , et s'occupa avec suc-
cès de plusieurs parties de l'administra-
tion. Devenu cardinal- diacre de Sainte-
Marie in Cosmedino le 21 février 1784 ,
il retourna à Naples, et le roi lui donna
l'intendance du château de Caserta. Il
s'y livra d'abord à l'agriculture ; mais
l'armée française s'étant emparée des
états du pape, et ayant forcé le roi de Na-
ples à se retirer en Sicile, le cardinal l'y
suivit. Il s'était opposé à la guerre , et
les désastres de l'armée napolitaine
avaient justifié ses craintes. Âcton, alors
premier ministre, craignant qu'il ne s'em-
parât de l'esprit de la reine et du roi,
chercha à l'éloigner, et le proposa comme
propre à déterminer une insurrection en
Calabre, préparée depuis quelque temps
par le parti royaliste , afin de forcer les
Français à évacuer le royaume de Naples.
Le cardinal ne fut point la dupe de l'in-
trigant Acton ; mais , doué de beaucoup
d'énergie et d'un caractère belliqueux, il
osa se charger de celte périlleuse mis-
sion , dans l'espoir de rétablir le roi son
maître sur le trône de ses ancêtres. Muni
de pleins pouvoirs, il partit avec cinq
hommes d'escorte, bientôt il en eut cent;
enfin , il parvint à former une armée de
25,000 hommes bien déterminés, avec
lesquels il se porta d'abord sur Monte-
leone , où s'étaient enfermés les répu-
blicains des contrées environnantes.Cette
ville fut attaquée avec vigueur et défen-
due avec courage ; néanmoins elle fut
forcée de se rendre à discrétion et livrée
au pillage. Cet exemple de sévérité rem-
RUF
plit de lerrenr tout le pays, et le cardi-
nal ne marcha plus que de victoire en
victoire jusqu'aux portes deNaples, où.
il pénétra avec le secours des Russes ,
après avoir couru les plus grands dan-
gers , et conclu avec la junte napolitaine
une capitulation , d'après laquelle les
patriotes devaient être embarqués et en-
voyés à Marseille; il écrivit à la courpour
l'engager à des senlimens de modération
envers des ennemis qui n'étaient plus à
craindre ; mais on l'accusa de trop d'in-
dulgence pour les républicains , et même
d'avoir déployé peu de zèle pour re-
lever la couronne. La capitulation ne
fut point observée par les Anglais dé-
barqués avec le général Nelson, et il périt
un grand nombre de personnes, victimes
de la vengance et de haines politiques. Le
cardinal voulut vainement s'opposer à
ces exécutions ; il tomba dans la dis-
grâce, et Ferdinand lui donna un succes-
seur. Cependant , ce prince revint bien-
tôt de son erreur, et nomma RuflFo mi-
nistre plénipotentiaire à la cour de Rome.
Après l'enlèvement du Saint-Père , Buo-
naparte le lit venir à Paris , lui donna la
croix-d'honneur , et sembla le distinguer
des autres cardinaux. Ne s'étant pas mon-
tré assez docile aux volontés du despote,
j1 fut exilé à Bagneux, près de Sceaux;
il assista néanmoins au mariage de l'em-
pereur, et ne partagea point les nouvelles
rigueurs dont furent frappés les cardi-
naux. A la restauration de 1814, il re-
tourna à Rome , et Pie YII l'accueillit
avec bienveillance ; il revint ensuite à
Naples , oii il fut mal reçu du roi qui lui
devait sa couronne. Le cardinal Ruifo
rentra dans ses possessions , s'y livra à
des plantations et autres opérations agri-
coles, et ne rentra au conseil qu'en 1821,
après le rétablissement du pouvoir absolu
à Naples. Il est mort dans cette ville le 13
décembre 1827 , avec la réputation d'un
homme habile et plein d'énergie. Il était
très-instruit, et sa conversation était ai-
itiable et spirituelle. Il ne fut toujours que
cardinal-clerc, et jamais il ne reçut l'or-
dre de prêtrise. On lui a reproché des
exécutions cruelles dans sa conquête du
royaume de Naples; mais il faut plutôt les
RUF 565
attribuer à la horde de brigands qu'il
avait été obligé d'admettre dans son ar-
mée; ce qui le prouve, c'est que depuis
il s'est toujours fait remarquer par la mo-
dération de ses opinions. On a de lui plu-
sieurs ouvrages en italien sur les ma-
nœuvres des troupes et les e'quipemens
de la cavalerie; sur les fontaines, les
canaux , et sur les mœurs de différentes
sortes de pigeons.
* RUFFO-SCILLA (Louis) , cardinal-
archevêque de Naples, né à Sainl-Onu-
phre dans le diocèse de Milet , le 25 aoiit
1750, fut créé cardinal-prêtre, le 25 fé-
vrier 1801 , par le Pape Pie VII , qui le
nomma le 9 août 1802 archevêque de
Naples. Il a occupé celte dignité jusqu'à
sa mort, arrivée à Rome le 17 novembre
1832. Il était le doyen des cardinaux
prêtres. En 1816 le roi de Naples lui avait
accordé la décoration de Tordre Saint -
Janvier.
RUFIN, ministre des empereurs Théo-
dose et Arcadius , né de parens obscurs ,
vers le milieu du 4" siècle , à Eluse ( au-
jourd'hui Eause ) , capitale de l'Arma-
gnac ( l'ancienne Novempopulanie ) ,
reçut de la nature un esprit rusé , simple,
poli , propre à se faire aimer des princes.
Il se rendit à Constantinople, à la cour
de Théodose, et il lui plut. Il ménagea
si bien ce commencement de fortune,
qu'il parvint en peu de temps à des em-
plois considérables. L'empereur lui donna
la charge de grand maître de son palais ,
le fit entrer dans ses conseils, l'honora
de son amitié et de sa confiance , et le fit
enfin consul avec son propre fils Arca-
dius, à l'amitié duquel Rufin devait sa
fortune. Cet adroit courtisan se maintint
comme il s'était avancé , par son adresse
plutôt que par sa vertu. C'était assez,
pour être son ennemi, d'avoir un mé-
rite extraordinaire. Il s'enrichit des dé-
pouilles de ceux qu'il avait opprimés par
ses calomnies, et se fit baptiser avec un
grand faste, eu 394. Après la mort de
Théodose , ce ministre ambitieux , ja-
loux du crédit de Slilicon , supérieur au
sien , résolut de se mettre sur le trône.
Il appela les Goths et autres barbares
dans l'empire , afin que , pendant celte
566 RUF
désolation, il pût s'en saisir ou le par-
tager avec eux ; mais il fut puni de sa
perfidie. L'armée, excitée par un capi-
taine golh, nommé Gaynas, que Sti-
licon avait gagné, tua Uufin en 397. Sa
tête fut portée au bout d'une lance ,
pour l'exposer aux opprobres de la po-
pulace irritée contre ce ministre lâche,
avare et insolent. Un soldat ayant coupé
une de ses mains , et voyant que les
nerfs qui font mouvoir les articles des
doigts étaient jtendans , s'avisa d'aller
demander l'aumône au nom de Ruiin ,
ouvrant et fermant cette main sanglante,
selon ce qu'on lui donnait. Le poète
Claudien se signala contre ce malheu-
reux ministre par une invective remplie
de traits fort piquans; mais il attendit,
en bon politique , qu'il eût été la vic-
time de sa perhdie et de sa révolte. (On
peut consulter sur Rufin les lettres de
Symmaque et de saint Ambroise, Suidas,
le livre de Zosime , le livre 15 deNicé-
phore , etc.)
RUFIJN ( Tyrannius ) , prêtre d'A-
quilée, né vers le milieu du 14« siècle , à
Concorde , petite ville d'Italie. Il cultiva
son esprit par l'étude des belles-lettres
et surtout de l'éloquence. Le désir de s'y
rendre habile le fit venir à Aquilée, ville
si célèbre alors, qu'on l'appelait commu-
nément la seconde Rome. Après s'être
rendu habile dans les lettres humaines ,
il pensa aux moyens d'acquérir la science
des saints, et se retira dans un monastère
de celte ville. Saint Jérôme revenant de
Rome passa par Aquilée, et se lia par
une amitié étroite avec Rufin ; mais il lui
dit adieu pour parcourir les provinces de
France et d'Allemagne, d'où il se retira
en Orient. Rufin, inconsolable de l'éloi-
gnement de son ami , résolut de quitter
Aquilée pour l'aller chercher. Il s'em-
barqua pour l'Egypte , et visita les soli-
taires qui en habitaient les déserts. Ayant
entendu parler de la vertu et de la cha-
rité de sainte Mélanie l'ancienne , il eut
la consolation de lu voir à Alexandrie ,
où il alla pour écouter le célèbre Didyme.
La piété que Mélanie remarqua dans Ru-
fin , l'engagea à lui donner sa confiance,
qu'elle lui continua pendant tout le temps
RUF
qu'ils restèrent eu Orient , c'est-à-dire
environ 30 ans. Les ariens , qui domi-
naient sous le règne de Valens, firent
souffrir à Rufin une cruelle persécution.
Il fut mis dans un cachot , chargé de
chaînes, tourmenté par la faim et par la
soif, et relégué dans les lieux les plus
affreux de la Palestine. Mélanie , qui em-
ployait ses richesses à soulager les con-
fesseurs qui étaient ou en prison ou exi-
lés , racheta Rufin avec plusieurs autres ,
et se retira avec lui en Palestine. Saint
Jérôme, croyant que Rufin irait aussitôt
après à Jérusalem, écrivit à un de ses
amis qui y demeurait, pour le féliciter
du bonheur qu'il allait avoir de posséder
un homme d'un si grand mérite. « Vous
« verrez dit-il , briller en la personne
» de Rufin des caractères de sainteté , au
» lieu que je ne suis que poussière. C'est
» assez pour moi de soutenir avec mes
» faibles yeux l'éclat de ses vertus. Il
>» vient de se purifier encore dans le
» creuset de la persécution , et il est
» maintenant plus blanc que la neige,
» tandis que je suis souillé de toutes
» sortes de péchés. » Rufin , étant arrivé
en Palestine, employa son bien à bâtir
un monastère sur le Mont des Oliviers,
où il assembla en peu de temps un grand
nombre de solitaires. Il les animait à la
vertu par ses exhortations ; et outre ce
travail , il était encore souvent appelé
par les premiers pasteurs pour instruire
les peuples ; car il avait été élevé au sa-
cerdoce par Jean , évêque de Jérusalem,
vers l'an 388. Il convertit un grand
nombre de pécheurs , réunit à l'Eglise
plus de 400 solitaires qui avaient pris
part au schisme d'Antioche , et engagea
plusieurs macédoniens et plusieurs ariens
à renoncer à leurs erreurs. Son séjour en
Egypte lui ayant donné la facilité d'ap-
prendre la langue grecque , il traduisit
de cette langue en latin divers ouvrages.
Son attachement au parti d'Origène le
brouilla avec saint Jérôme , qui non
seulement rétracta les éloges qu'il lu^
avait donnés, mais l'accabla de repro-
ches. Leurs divisions furent un grand
scandale pour les faibles. Théophile ,
ami de Tua et de l'autre , les raccom-
RUF
moda ; mais cette réconciliation ne fut
pas de longue durée. Rufin, ayant publié
à Rome une traduction des Principes
d'Origène , fut cilé parle pape Anastase ;
mais il allégua quelques prétextes pour
se dispenser de paraître , et se contenta
d'envoyer, en 400, à Anastase son Apo-
logie, oii il s'expliquait d'une manière
orthodoxe sur les erreurs que l'on repro-
chait à Origène. Saint Jérôme écrivit
contre la traduction des Principes , ei
Rufin fit une Apologie éloquente , dans
laquelle il déclara qu'il n'avait pré-
tendu être que simple traducteur d'Ori-
gène, sans être le garant de ses erreurs.
Saint CUromace d'Aquilée et saint Au-
gustin écrivirent à saint Jérôme pour
l'exhorter à la paix , que la conduite in-
discrète deRufiu avait troublée, en pa-
raissant favoriser des erreurs. La plupart
des historiens ecclésiastiques disent que
Rufin a été excommunié par le pape
Anastase; mais dom Ceillièr,dom Con-
stantetFontanini paraissent avoir prouvé
le contraire. Il est vrai qu'il est fait men-
tion de l'excommunication de Rufin dans
quelques éditions ,de la Lettre du pape
Anasta.se à Jean , évêque de Jérusalem ;
mais il est visible que c'est une interpo-
lation : ce passage contredit le reste de
la Lettre où Anastase déclare qu'il laisse
à Dieu à juger de l'intention du traduc-
teur. En 407, Rufin retourna à Rome;
mais l'année suivante , celte ville ayant
été menacée par Alaric , il passa en Si-
cile , où il mourut vers la fin de l'an
410. On a de lui 1° une Traduction des
O.É'ui're^ de l'historien Josèphe; 2" celle
de plusieurs écrits d'Origène ; 3° une
Version latine de dix Discours de saint
Grégoire de Nazianze et de huit de saint
Basile. Quand on compare sa traduction
avec le texte grec , on voit combien il
se donnait de liberté en traduisant. 4°
Saint Chromace d'Aquilée l'avait en-
gagé à traduire VHistoire ecclésiastique
d'Eusèbe, Utrecht, 1474, in-fol, édition
princeps, Rome, 1746, in-fol. Ce tra-
vail fut achevé en moins de deux ans. Il
fit plusieurs additions dans le corps de
l'ouvrage d'Eusèbe, et le continua depuis
la 20« année de Constantin , jusqu'à la
RUG 567
mort du grand Théodose. Il y a plusieurs
endroits qui paraissent écrits avec peu
de soin , et des faits que Rufin semble
n'avoir rapportés que sur des bruits po-
pulaires : il en a omis d'autres très im-
portans ; mais on doit lui savoir gré d'a-
voir le premier composé l'Histoire suivie
d'un temps où il s'était passé tant de
choses remarqualiles. 5° Un Ecrit pour
la défense d'Origène;. 6° deux Jpologies
contre saint Jérôme ; 7" des Commen-
taires sur les be'ne'dictions de Jacob, sur
Osée, Joël et Amos, 8° plusieurs Vies des
Pères du désert : elles forment le second
et le troisième l ivre des ^?e.î des Pères du
désert, publiées par Roswelde; 9° une
Explication du Symbole : c'est de tous
les ouvrages que Rufin adonnés, celui
qui lui a fait le plus d'honneur, et qui a
été le plus utile à l'Eglise. Ses ouvrages
ont été imprimés à Paris , en 1 580, in f j1.,
par les soins de Laurent de la Barre
( voyez sa Vie et son Apologie en 2 vol.
in-1 2 , par dom Gervais , Paris , 1724).
Dom Ceillier, le cardinal Noris, Fonta-
nini dans son Histoire littéraire d^ A qui-
tte , et Cave, ont peint Rufin d'une ma-
nière fort intéressante. — Il ne faut pas le
confondre avec Rufin, qui, étant venu de
la Palestine à Rome en 399 , inspira ses
erreurs sur la grâce à Pelage et à Céles-
tius. Ce Rufin , né en Syrie , survécut à
Rufin d'Aquilée. On trouve sa Profession
de foi dans les dissertations du Père Gar-
nier Marius Mercator. Il avait été dis-
«ciple de Théodore de Mopsueste , re-
gardé comme le premier père du péia-
gianisme.
RUFUS, d'Éphèse, médecin deCIéo-
pâtre suivant Tzetzès , ou contemporain
de Trajan , selon Suidas se fit une haute
réputation par ses talens. Du grand
nombre de ses écrits cités par Suidas ,
il ne nous reste qu'un petit Traité
des noms grecs des parties du corps ,
Venise, 1552, in-4 ; un autre rf^.y mala-
dies des reins et de la vessie, Paris, 1 554,
in-8 ; et Fragmens sur les médicamens
purgatifs. GuillaumeRinch lésa recueillis
et commentés, Londres, 1726, in-4.
* RUGENDAS ( George-Philippe ), cé-
lèbre peintre et graveur, né à Âugsbourg^
568 RUG
en 1666, est considéré comme un
des meilleurs peintres de batailles qui
aient paru jusqu'à nos jours. L'amour
pour son art lui faisait braver tous les
périls ; et, pendant le siège de sa ville
natale , il manqua plusieurs fois de per-
dre la vie pour aller examiner les effets
du feu de l'artillerie et de la mousque-
terie , la confusion d'un assaut , et les
horreurs du carnage, ëes tableaux sont
très estimés, ainsi que ses gravures, dont
la plupart représentent des marches, des
escarmouches et des bivouacs , où on
trouve beaucoup de variété et de cha-
leur. Il mourut en 1742.
RUGGERI (Côme), astrologue flo-
rentin, se rendit en France dans le temps
que Catherine de Médicis y gouvernait.
Ses horoscopes et ses intrigues lui obtin-
rent l'abbaye de Saint-Mahé en Basse-
Bretagne. Accusé en 157 4 d'avoir con-
spiré contre la vie du roi Charles IX , il
fut condamné aux galères, d'où la reine-
mère le tira peu de temps après. Il com-
mença à publier des Almanachs en 1604,
espèce d'ouvrage qui s'est étrangement
multiplié en France. Cet astrologue mou-
rut en 1615. Son corps fut traîné à la
voirie , parce qu'il avait eu l'impiété' de
déclarer qu'il mourait en athée. (On
publia , en l'an 1515, \' Histoire épouvan-
table de deux magiciens étranglés par le
Diable. Ruggieri était le premier , et un
nommé César le second. )
* RUHL ( Philippe - Jacques ) , con-
ventionnel, né dans le département du
Bas-Rhin , étudia la théologie à Stras-
bourg, et occupa une place de recteur à
Durckheim. Ayant eu l'occasion de faire
un travail utile pour le comte-régnant de
Linange ( Leiningen Dachsbourg ) , il de-
vint conseiller aulique, fut chargé de
l'administration de ses finances et mis à
la tête de sa chancellerie ; mais c'était un
trop petM théâtre pour son ambition , et ,
lorsque la révolution éclata , il en em-
brassa la cause avec chaleur, et devint en
1790 administrateur de son département.
Il fut ensuite député à l'assemblée légis-
lative , puisa la Convention , et il figura
dans ces deux assemblées parmi les jaco-
bins les plus exaltés. S'il ne vota pas la
RUH
mort de Louis XVI, c'est qu'il se trouvait
en mission à l'époque du scrutin. Il y fut
envoyé à diverses reprises, et partout il
se conduisit de la manière la plus révolu-
tionnaire, commettant toutes sortes d'im-
piétés. A Reims , il brisa la sainte am-
poule, destinée au sacre des rois, et en
envoya lesdébris à la Convention. De re-
tour à Paris, il se mit à la tète de l'in-
surrection du 1 *■■ prairial (20 mai 1795),
fut décrété d'arrestation , et se poignar-
da pour ne pas périr sur l'échafaud.
*RDH]\KE]\ ou ROHNCKEN ou RUflN-
KENius ( David) , érudit et critique alle-
mand, né le 2 janvier 1723, à Stolpe,
dans Ja Poméranie prussienne , se con-
sacra à des études sérieuses dès l'âge de
sept ans : il fréquenta d'abord l'univer-
sité de Wittembergoù il apprit ledroit,
l'histoire , les antiquités et l'éloquence ,
puis celle de Leyde où il se fortifia dans
la langue grecque sous le célèbre Tibère
Hemsierhuis , l'un des meilleurs philo-
logues qui ait paru depuis la renaissance
des lettres. Devenu l'ami de son maître,
il fut appelé à le remplacer dans sa chaire
de grec. Ruhnken voyageait alors dans
le but de visiter les principales biblio-
thèques de l'Europe , d'en examiner et
collationner les manuscrits : il s'empressa
de reprendre le chemin de la Hollande, et
ouvrit son cours en 1757 ; il le continua
pendant quatre ans avec le plus grand suc-
cès. Après la mort d'Oudendorp surve-
nue en 1761 , il fut élu à sa place pro-
fesseur d'éloquence et d'histoire. Nommé
bibliothécaire de l'université en 17 74, il
réunit à ses frais une collection complète
des auteurs classiques et antiquaires , et
un grand nombre de manuscrits précieux,
dans lesquels on espérait trouver les co-
pies de différens ouvrages consumés dans
le dernier incendie de Saint Ger-maindes-
Prés , à Paris. Ruhnken mourut à Leyde
en 1798, âgé de 75 ans, après avoir
rempli pendant plus de 41 ans plusieurs
chaires dans la même université. Il avait
dépensé toute sa fortune dans l'acquisi-
tion de sa riche bibliothèque ; aussi il
laissa une fille et une nièce dans l'indi-
gence , et toutes les deux aveugles. La
république batave vint à leur secours ,
RUH
en achetant la bibliothèque de Ruhnken,
pour une pension viagère à leur profit.
La Vie de ce savant a été écrite par le
professeur Wittenbach, Leyde, 1799,
in-8 , de 295 pages : on y trouve , entre
autres choses , une Notice exacte de tous
les ouvrages qu'il a publiés, et des édi-
tions qu'il a données. Parmi les premiers,
on cite lessuivans : 1° Epistolœ criticœ
in Homcridarum, hymnos , Hesiodum ,
CaUimachum et Apollonium RJiodium,
dont la première édition parut en 1749 ,
et la seconde en 1 78 1 ; elles furent réim-
primées peu d'années après ; 2° Timœi
sophistœ Lexicon vocum platonicarum^
Leyde, 1754, in 8 ; Lyon, 1789, en-
richi de nouvelles notes. Le chanoine
Henri Gallis , Anglais , procura à l'auteur
une copie faite par Jean Capperonier ,
du manuscrit de ce lexique , qui appar-
tenait alors à la bibliothèque de Saint-
Germain-des-Prés. 3° De Grœcia artium
ac doctrinarum inventrice, 1757 : il
prononça ce discours le 16 mai de la
même année , et lors de son installation
comme professeur à l'université de Leyde.
Il y rend hommage à son illustre maître
H emsterh uis 1 en écrivit ensuite l'éloge.
'k°Elogium Tiberii Hemsterhusii , 1 768 ,
in-8. Il a aussi donné plusieurs éditions
d'auteurs classiques , savoir : \° Rutilius
Lupus, defiguris sententiarumet electio-
nii , suivi des petits traités d'Jquila Ro-
manus , et de Julius Rufinianus , sur le
même sujet, Leyde, 1768, in-8, avec
dififérens morceaux de Ruhnken ; 2° His-
toria critica oratorum grcecorum , 1 v.
in-8 ; 3° Notes sur Callimaque , jointes
à l'édition d'Erneste , 1782 , in-8 ; i°Ho-
meri hymnus in Cererem , 1782 , in-8 ;
b" De vit a et scriptis Longini, in-8 ;
6° Velleius Paterculus , etc.; 7° le l"'
vol. des OEuvres d'Apulée, et qui con-
tient les onze livres des Métamorphoses ,
Leyde, 1788, in- 4. La révolution fran-
I çaise ayant ébranlé toute l'Europe , les
lettres en souffrirent , et Ruhnken ne
put continuer les OEuvres d'Apulée,
sur lesquelles le savant Oudendorp avait
fait un travail de trente ans, et il
mourut sans avoir trouvé un libraire qui
voulût se charger de l'impression.
XI.
ROI 569
RUINART (Dom Thierry), savant
bénédictin, né à Reims le 10 juin 1657 ,
entra fort jeune dans la congrégation
deSaint-Maur , et fit profession en 1675.
Il s'appliqua avec tant de succès à l'é-
tude des Pères et des auteurs ecclésias-
tiques , qu'en 1682 le Père Mabillon le
choisit pour l'aider dans ses travaux.
Dom Ruinart fut un digne élève d'un tel
maître. Il avait le même caractère de
simplicité et de modestie , le même es-
prit de régularité , un grand jugement ,
une exactitude scrupuleuse, une critique
saine , un stile net. De là les avantages
qui ont distingué ses ouvrages de tant
d'autres compilations. Les principaux
sont : 1" Acta primorum Martyrum.
sincera et selecta , Paris , in-4 , 1 689 ;
Amsterdam, 1713, in-fol. ; Vérone, 1731,
in-fol. Il a enrichi ce livre de remarques
savantes et d'une préface judicieuse. Il
s'y attache particulièrement à réfuter
Dodwel , qui avait avancé dans une de
ses dissertations sur saint Cyprien , qu'il
n'y avait que peu de martyrs dans l'E-
glise , voulant anéantir la preuve de
fait que forme , en faveur du christia-
nisme , cette nuée de témoins. Indépen-
damment du grand nombre des actes au-
thentiques que dom Ruinart oppose au
sophiste anglais , un coup d'œil sur l'his-
toire ecclésiastique suffit pour le confon-
de. Les auteurs païens et chrétiens des
trois premiers siècles ne parlent que des
efforts que fit l'idolâtrie, soutenue de
toute la puissance des empereurs , pour
anéantir la religion de J. C. , et pour la
noyer dans le sang de ses sectateurs. Si
sous Trajan , prince d'un caractère assez
doux , sous Antonin , sous Marc-Aurèle ,
les chrétiens furent indistinctement mis
à mort , il est aisé de penser de quelle
manière ils étaient traités sous les Néron,
les Domitien , les Valétien , Jes Dioclé-
tien , les Maximin , etc. Les rues et les
places publiques étaient quelquefois
toutes remplies d'écbafauds sanglans,
couverts de victimes et de cadavres. Eu-
sèbe de Césarée nous dit qu'il a vu lui-
même des trente, quarante et jusqu'à
cent chrétiens tourmentés en même
temps ; et ces cruelles boucheries durè-
7a
5^0 RUI
rent plusieurs aunéesde suite sans inter»
ruption ; il cite une ville d'Asie, où tout
étant chrétien , noblesse , peuple , ma-
gistrats, on abrégea l'exécution en faisant
brûler la ville avec tous ses babitaus ; il
rapporte une lettre de Maximin aux ma-
gistrats de Tyr -, par laquelle il les féli-
cite d'avoir exterminé tous les chrétiens
de leurs murs et de leur territoire. Les
édits de Dioclélien et de ses prédéces-
seurs sont des pièces qu'on ne peut sus-
pecter de supposition. Tacite , Suétone ,
Sénèque , Juvénal , ont parlé des chré-
tiens qui soufifrirent sous Néron. Tacite
dit que le nombre en était prodigieux
( multitudo ingens ) ; qu'ils soufifrirent les
supplices les plus cruels et les plus re-
cherchés ( quœsitissimis tornientis), etc.
Si à la multitude des martyrs on ajoute
leurs qualités j si on considère qu'il y
avait parmi eux des sages , des philoso-
phes, des magistrats, la plupart élevés
dans les préjugés les plus contraires au
christianisme ; que les premiers martyrs
étaient témoins oculaires des faits pour
lesquels ils mouraient, etc., on convien-
dra que ce tableau présente une preuve
que les chrétiens seuls peuvent réclamer
en faveur de leur foi. Les Acta ont été tra-
duits en français avec la préface par l'abbé
Drouet de Maupertuy, et publiés pour la
V fois en 1708, à Paris, en 2 vol. in-8;
1739, 2 vol. in-12, et 1825, 3 vol. in-8.
2° L'Histoire de la persécution des Van-
dales , composée en latin par Victor, évê-
que de Vitte en Afrique, 1694, in-4. Dom
Ruinart a orné cette édition d'un com-
mentaire historique latin, d'un grand
nombre de remarques aussi savantes que
solides , et de quelques monumens qui
ont rapport à cette histoire. 3° Une nou-
velle Edition des ouvrages de saint Gré-
goire de Tours , avec une excellente Pré-
face, 1699 , in-fol. ; 4° Abrégé àe la Fie
du Père Ma*billon, 1709, in-12 ; 5° une
longue Vie latine du pape Urbain II,
imprimée dans les OEuvres posthumes
de Mabillon et de dom Ruinart , publiées
par dom Vincent Thuillier ,3 vol. in-4 ;
6° une Dissertation sur le pallium , en
latin ; 7° Iter Utterarium in Alsatiam et
Lotharingiam ; 8° un ouvrage contre le
RUL
pèreGermon, pour prouver la sincérité des
diplômes de dom Mabillon , qu'il intitula
fort mal à propos : Ecclesia parisiensis
vindicata , et dans lequel il parait avoir
eu tort autant pour la forme que pour le
fond des choses : ce qu'il y a de positif,
c'est que des juges impartiaux ont donné
gain de cause à son adversaire, (^oy es
Germon et Raguet. )Dom Ruinart mourut
en 1709, dans l'abbaye de Haut-Villiers
en Champagne.
RUISCH. Voyez Ruysch.
RUISDAEL ou Ruisdaal (Jacques),
peintre , né à Harlem en 1636, mort dans
la même ville en 16Sl,est mis au rang des
plus célèbres paysagistes. Ses tableaux
sont d'un efifet piquant. Il a représenté,
dans la plupart , de belles fabriques , des
marines , des chutes d'eau ou des tem-
pêtes. Ses sites sont agréables, sa touche
légère , son colox-is vigoureux ; les con-
naisseurs font aussi beaucoup de cas de
ses dessins. Cet artiste avait coutume de
faire peindre ses figures par Van Ostade ,
Van Velde, ou Wauvermans. (Le Musée du
Louvre conserve de ce peintre quatre
tableaux : un Coup de soleil , un Village
situé près d'un bois , une Forêt coupée
par une rivière, une Tempête. Salomon,
son frère , mort à Harlem en 1670 , s'est
pareillement distingué par ses paysages.)
* RULHIÈRE (Claude Carloman de),
historien et poète , naquit à Bondi , près
de Paris, en 1735, d'une famille dis-
tinguée. Au sortir du collège il entra au
service et fut quelque tempsaide-de-camp
du maréchal de Richelieu en Guienne.
En même temps il s'adonua à l'étude de
la diplomatie, et accompagna en 1760
à Pétersbourg le baron de Breteuil comme
secrétaire d'ambassade- Témoin de la ré-
volution (1762) qui arracha le sceptre à
Pierre HI ( étranglé ensuite dans sa pri-
son par Orlofif), et qui plaça Catherine
sur le trône , il écrivit en peu de pages,
et dans un stile digne de Salluste, VHis-
ioire de cette sanglante catastrophe.
Catherine H n'y est nullement flattée,
et elle ne méritait pas de l'être. Rulhière
n'osa pas publier son ouvrage , qxii ne
parut qu'après sa mort, en 1797. Il avait
été déposé entre les mains de la com-
RUL
tésse d*EgTnonl, fille du maréchal de
Richelieu. Quoique inédite , celle his-
toire fui connue : elle alarma l'impé-
ralrice qui ne put obtenir , ni par les
séductions , ni par les menaces , la sup-
pression de ce livre donl elle redoutait
la publication. En 1768 on le chargea
d'écrire pour l'inslruction du Dauphin
( depuis Louis XVI ) , l'histoire des trou-
bles qui agitaient la république de Polo-
gne , et en 1771 on attacha à ce travail
une pension de 6000 francs dont il a joui
jusqu'à sa mort. Il parcourut plusieurs
cours de l'Europe , et accompagna le ma-
réchal de Richelieu dans son gouverne-
ment. Rulhière débuta à celte époque dans
la carrière de la littérature, par deux
Epîtres qui établirent sa réputation.
En 1787 il fut reçu à l'académie fran-
çaise , quoiqu'il n'eût publié aucun ou-
vrage important. Son discours de ré-
ception fut très applaudi , et parut
justifier le choix de l'académie. Rulhière
était imbu de principes philosophiques ;
mais il tenait beaucoup aussi aux faveurs
des grands. Lors de la révolution , il
sembla se déclarer pour son parti, sans
adopter néanmoins les mesures du nou-
veau régime : c'est-à-dire qu'il aimait
la révolution comme philosophe , et les
grands comme ambitieux. Il mourut le
30 janvier 1791. Voici le portrait que
fait de lui son ami Champfort : « Rulhière
)> cachait un esprit très délié sous un
j) extérieur assez épais , très malicieux
» avec le ton de l'aménité, très intrî-
)) gant sous le masque de l'insouciance
» et du désintéressement. Réunissant
» toutes les prétentions de l'homme du
» monde et du bel-esprit, il faisait ser-
n vir ses galanteries à ses bonnes fortunes
» littéraires, et les lectures mystérieuses
n de ses productions à s'introduire chez
» les belles dames. Fort circonspect avec
j) les hommes qui pouvaient l'apprécier,
j) il était extrêmement hardi , à tous
» égards , auprès des femmes , qui ne
» doutaient point de son mérite. Tout
» dévoué à la faveur et aux gens en
» place, il n'évitait dans son manège
» que la bassesse, qui l'aurait empêché
)) de se faire valoir ; souple et réservé ,
RUL 571
» adroit avec mesure , faux avec épan-
» chement, fourbe avec délices, haineux
j) et jaloux , il n'était jamais plus doux
s et plus mielleux que pour exprimer
» sa haine et ses prétentions. Superficiel-
» lement instruit , détaché de tous prin-
)) cipes , l'erreur lui était aussi bonne
» que la vérité , quand elle pouvait faire
» briller la frivolité de son esprit. Il
M n'envisageait les grandes choses que
» sous les petits rapports, n'aimait que
» les tracasseries de la politique , n'était
» éclairé que par des étincelles , et ne
V voyait dans l'histoire que ce qu'il
j) avait vu dans les petites sociétés, etc. »
Si ce portrait est véritable , ainsi que
tout le fait croire , il ne semble cepen-
dant pas fait par la plume d'un ami.
On a de Rulhière : 1° Eclaircissemens
historiques sur les causes de la révo-
cation de l'e'dit de Nantes , et sur Ve'-
tat des protestons en France , depuis le
commencement du règne de Louis XIV ,
Paris, 1788 , 2 vol. in-8. Cet ouvrage,
où se laissent facilement remarquer les
principes philosophiques de l'auteur ,
est parfois écrit d'un stile assez clair
et rapide. Il y embrasse ouvertement la
défense des proleslans et ne ménage pas
les catholiques. Il possédait le manu-
scrit de l'abbé de Mably sur VHistoire de
France, qu'il termina ; il en rédigea en
entier la seconde partie. 2° Epîtresur les
disputes ; 3° Epître sur le renversement
de ma fortune; 4° Histoire de la révolu-
tionde Russieen 1762, Paris , 1 797, in-8 ;
5° Histoire deï anarchie de Pologne et du
démembrement de cette république , sui-
vie d'anecdotes sur la révolution de Bus-
sie , Paris, 1808 , 4. vol. in-8. Cette his-
toire ne contient que le premier partage
de la Pologne, Rulhière étant mort avant
l'entier démembrement de ce royaume.En
même temps qu'il peint les malheurs du
roi Poniatowski , et la courageuse quoi-
que inutile défense des Polonais , il met
en usage tous les moyens pour exciter la
haine de ses lecteurs contre cette injuste
oppression , et notamment contre l'am-
bitieuse Catherine II. Il tâche en outre
de dévoiler les vices et les désordres du
gouvernement de Louis XV , et semble
572 RUL '""^
pronostiquer l'anarchie qui désola la
France quelques années après. Le stile
est correct et élégant; mais on y re-
connût toujours la plume d'un philo-
sophe du 18* siècle. 6° Les Jeux de
mains, poème en trois chants, avec 1'^-
pîire sur les disputes , V A-propos, des
Epigrammes , etc., Paris, 1808, 1 vol.
in-8. On a publié les OEuvres posthumes
de Ruihière en 1791 , in-12 , où l'on ne
reconnaît cependant le stile de cet au-
teur que dans les anecdotes du maréchal
de Richelieu. Ruihière avait du talent
poétique ; et quand son Epître sur les
disputes parut. Voltaire dit à ses amis :
« Lisez cela , c'est du bon temps. » Et
Laharpe , en parlant de lui , s'est expri-
mé en ces termes : ((Bon plaisant dans les
:» vers, il était loin d'être gai dans la so-
3) ciété ; il y était au contraire lourd et im-
3> portant. » On a réimprimé en 1819 les
OEuvres diverses de Rulljière en 2 vol.
in-8, et sous le titre d'OEuvi es posthu-
mes, l'Histoire de l'anarchie de Pologne
et des Anecdoctcs sur la révolution de
Russie. M.Daunou a fait précéder une des
éditions de Ruihière d'une Notice sur
cet auteur.
* RULHIÈRE (A.-J.-A.), frère du pré-
cédent, et officier de la gendarmerie na-
tionale de Paris. Il commandait ce corps
au 10 août 1792, et voulut l'employer à
défendre le malheureux Louis XVI ; mais
ses soldats s'y refusèrent . il se vit con-
traint de se retirer avant l'attaque du
château. Ses bonnes dispositions en faveur
du roi ne purent pas être ignorées des
factieux, qui le firent arrêter et enfermer
dans les prisons de l'Abbaye , où il périt
dans les massacres des 2 et 3 septembre.
RULLAND ou Ritland (Martin ) , mé-
decin de Freisingen en Bavière , fut pro-
fesseur de médecine à Lawingen en
Souabe, et médecin de l'empereur Rodol-
phe IL On a de lui : 1° Medicina prac-
/tca , Francfort , 1625, in-12. C'est un
dictionnaire des maladies, avec des
remèdes. 2" Un petit livre de la scarifi-
cation et des ventouses, et des maladies
qu'on peut guérir par leur moyen , Bâle,
1 596, in-8 ; 3° Appendix de dosibus scu
justa ^uantitate et proportione medica-
RUM
mentorum ; 4" Curationum empiricarum
et historicarum centurite X ; 5° Thé-
saurus rulandinus, Rouen, 1650. C'est
une collection de quelques-uns de ses
ouvrages. 6° Lexicon alchymiœ, Nurem-
berg, 1671 , in-4; 1° Hydriatica , Dillin-
gen, 1568, in-8 : c'est un traité des eaux
minérales. La plupart des ouvrages de ce
médecin sont calqués sur les principes de
chimie. Il mourut à Prague en 1602, à
10 ans.
RULLAND (Martin), fils du précé-
dent, né à Lawingen en 1569, médecin
de l'empereur , mourut à Prague l'an
161 1. Il a donné : \° Histoire d'une dent
d'or, 1595. Il prétend prouver qu'il était
venu une dent d'or à un enfant de Silé-
sie, âgé de sept ans ; mais il n'a réussi
qu'à prouver sa crédulité. 2° De perni-
ciosœ luis hungaricœ tecmarsi et cura-
tione, Francfort, 1600, in-8j 3° Propug-
naculum chymiatriœ , Leipsick , 1 608 ,
in-4.
* RUxMFORT ou Rumford ( sir Ben-
jamin Thompson , comte de ) , physicien
célèbre, naquit en 1735 dans un petit can-
ton des Etats-Unis d'Amérique , nommé
autrefois Rumfort et mainteoantConcord,
dans l'état de New-Hampshire. Il mani-
festa de bonne heure de grandes dispo-
sitions pour les sciences exactes ; mais
sa famille était pauvre, et la carrière pour
laquelle il avait tant de vocation était
alors bien stérile en Amérique. Cepen-
dant il put suivre ses goûts , après le
mariagequ'il fit à l'âge de 1 9 ans avec une
riche veuve. La guerre de l'indépendance
vint interrompre ses travaux : obligé de
prendre un parti , il se déclara pour la
métropole. Nommé en 1772 major de la
milice du district qu'il habitait, il par-
tagea les revers de l'armée anglaise et se
retira avec elle à Boston , et , lorsque
cette ville assiégée par les indépendans
fut évacuée dans le mois de mars 1776 ,
Thompson fut chargé d'aller porter à
Londres cette désastreuse nouvelle. Lord
George Germain lui donna une place
dans ses bureaux, et en 1780, les
fonctions de secrétaire d'état lui furent
confiées. Cependant il reprit en 1782 du
service dans l'armée , obtint le grade de
RUM
chef d'escadron, et fut chargé d'une réor-
ganisation' de la cavalerie britannique.
Après avoir rempli cette mission avec
zèle , il repartit pour l'Amérique où il mé-
rita par sa valeur le grade de colonel. La
paix le rendit à la vie civile ; mais, avant
de reprendre ses occupations scientifi-
ques', il résolut d'aller offrir ses services
à l'empereur d'Allemagne , alors occupé
de la guerre contre les Turcs. A son pas-
sage à Munich, il alla voir l'électeur ré-
gnant , Charles-Théodore , qui le retint
auprès de lui , l'éleva par degré au rang
de conseiller d'état , de lieutenant-géné-
ral dans ses armées , de ministre de la
guerre et de directeur de la police.
Thompson introduisit d'utiles réformes
dans l'armée ; mais ce qui a rendu son
nom à jamais recommandable, c'est le
noble usage qu'il a fait de la science.
Rumfort s'occupa d'œuvres philantropi-
ques et d'économie domestique. Il éta-
blit des manufactures pour des enfans
pauvres , fit interdire la mendicité , in-
troduisit la culture de la pomme de terre,
et fit exécuter des cheminées propres à
accroître l'intensité de la chaleur et à di-
minuer la consommation du bois. Il mul-
tiplia aussi les soupes économiques , qui
depuis ont porté son nom. L'électeur
de Bavière ne fut point ingrat ; il le
nomma comte de Rumfort , et son am-
bassadeur à la cour de Londres. D'ctnciens
usages dont le ministère anglais ne vou-
lut point se déporter, ne permirent pas
à Rumfort d'occuper le poste qu'il avait
ambitionné ; mais pendant son séjour à
Londres, il fit part de ses inventions éco-
nomiques , contribua à fonder l'institu-
tion royale de cette ville et fit les fonds de
deux prix , l'un en Angleterre , l'autre en
Amérique, pour encourager de nouvel-
les recherches sur la chaleur. A la mort
de l'électeur de Ba\ ière , il retourna à
Munich pour rendre compte de son ad-
ministration, puis il vint en 1799 se fixer
en France , où il épousa la veuve de La-
voisier. Il y a demeuré usqu'à sa mort, ar-
rivée à Anteuil le 22 août 1814. Il avait
publié le résultat de ses travaux et de ses
recherches dans un ouvrage très répandu,
intitulé Essais et expériences politiques.
RUM 573
économiques et philosophiques, Genève ,
1798, 2 vol. in-8 avec fig. Ce recueil
contient neuf Mémoires ou Essais ; on
y en ajoute un dixième publié en 1799
et cinq autres qui ont paru en 1806. Les
découvertes de Rumfort, publiées en an-
glais soit séparément soit dans les trans-
actions philosophiques , ont été pour la
plupart traduites en français par Pictet
dans la Bibliothèque britannique. On a en-
core de Rumfort : Mémoire sur la cha-
leur , Paris ,1804, in-8. Une des prome-
nades de Munich est ornée d'un monument
à la mémoire de Rumfort.
RULMAN (Aulne), Foyez l'article
Fléchier.
* RUMOLD (Saint), communément
saint Rombaud , Rumoldus , patron de
l'église de Malines , est un de ces zélés
religieux anglo-saxons,'établis en Angle-
terre et en Irlande, qui, dans le 8'' siècle,
quittèrent leur solitude pour porter la
lumière de la foi à diverses nations d'Eu-
rope. Il s'associa aux travaux apostoliques
de saint Willibrord, et fut sacré évêque
re'gionnaire, c'est-à-dire sans avoir de
siège fi^xe. 11 convertit une multitude
d'infidèles aux environs de Malines , de
Lierre et d'Anvers, et mourut martyr
de son zèle, pour s'être élevé contre les
scandaleux désordres d'un habitant du
pays, le 24 juin 1775. Son corps, jeté dans
l'eau, ffft découvert miraculeusement, et
enterré parlas soins du comte Adon. Les
principales actions de sa vie sont repré-
sentées par de beaux tableaux dans l'église
cathédrale de Malines.
RUMPFouRuMPHius(George-Everard),
né en 1626 àSolm en Allemagne, docteur
en médecine dans l'université de Hanau,
devint consul, puis marchand à Amboine,
l'une des îles Moluques , où il était allé
s'établir. La botanique eut pour lui un
attrait singulier, et quoiqu'il n'eût jamais
pris de leçons dans cette science , il s'y
rendit très habile par ses propres recher-
ches. Une chose étonnante, c'est que,
malgré le malheur qu'il eut de devenir
aveugle à l'âge de 43 ans, il savait par-
faitement distinguer au goût et au tou-
cher la nature et la forme d'une plante
d'avec une autre. Il réunit en 12 livres
574 RUN
ce qu'il avait ramassé de plantes , et les
dédia, en 1690, au conseil de la compa-
gnie des Indes. Ce recueil parut avec un
Supplément , par les soins de Jean Bur-
man , en 6 vol. in-fol. , sous le titre
d'Herbarium amboïnense, en 1755. On a
encore de lui : Imagines piscium testa-
ceorum, Ley de , 1711, La Haye, 1739,
in-fol. : la première édition est recher-
chée pour les figures. Rumpf avait
composé une Histoire politique cCAm-
boine , qui n'a pas été mise au jour : on
en conserve deux exemplaires , l'un dans
cette île d'Asie , l'autre au dépôt de la
compagnie des Indes à Amsterdam.
Rumpf est mort en 1693.
RUIVGIUS ( David), luthérien , né en
Poméranie, l'an 1564, mort en 16o4, pro-
fessa la théologie à Wittemberg avec
beaucoup de réputation , et assista au col-
loque de Ratisbonne en 1601 . On a de lui
des Commentaires sur la Genèse , l'Exo-
de, le Lévitique , les deux Epîtres aux
Corinthiens , l'Epître de saint Jacques ,
etc.
RUNGIUS (Jean -Conrad), savant
littérateur protestant, né à Cappel, dans
le comté de la Lippe , en Westphalie, le
22 janvier 1686, fit ses premières éludes
dans la maison paternelle, où il apprit les
élémens des langues latine, grecque, hé-
braïque , etc. Il s'appliqua aux hautes
sciences , en conservant toujours un
grand penchant pour les belles-lettres
En 1714, on lui confiala chaire d'histoire,
d'éloquence et de littérature grecque et
latine dans l'université de Harderwick ;
et en 1722, celle d'éloquence et d'histoire
à Franeker : il y mourut le 17 janvier
1723, à 36 ans. Il a donné une édition du
Rationarium temporum du Père Petau,
avec une Continuation depuis 1633 jus-
qu'à l'an 1710, et des tables généalogi-
ques, Leyde, 1710, in-8. On a encore de
lui plusieurs Oraisons académiques,
imprimées séparément. Il y en aune entre
autres pleine d'une excellente morale,
d'une saine politique, et resplendissante
des lumières de l'histoire : Oralio de
Romanorum luxuria et corruptissimis
moribus, quibus rempublicam , liberta-
(em et ampUssimum imperium corrupue-
RUN
runt et pessumdcderunt , Harderwick ,
1718, in-4.
RUPELMONDE (N. comtesse de ) ,
carmélite de la rue de Grenelle à Paris,
sous le nom de sœur Marie-The'rèse-
Thàis-F élicite de la Mise'ricorde, donna
l'exemple de toutes les vertus , qui pren-
nent naturellement leur essor dans Pâme
des grands du monde , convaincus de la
frivolité des jouissances terrestres. Elle
fut un modèle de piété, de charité et de
pénitence, et mourut Je 11 novembre
1784. On a présenté à l'édification des
chrétiens le tableau de sa F'ie dans une
lettre imprimée à Paris en 1787, in-12.
Voyez le Journ. hist. et litt., 15 sep-
tembre 1787, p. 103.
RUPERT (Saint), évêque de Worms,
d'une famille illustre , alliée à la maison
royale de France , prêcha la foi dans la
Bavière, sur la fin du 7* siècle, et y con-
vertit Théodon , duc de Bavière , qu'il
baptisa avec un grand nombre de per-
sonnes. Il annonça particulièrement l'E-
vangile à Lorch et à Juvave, et établit
son siège dans cette dernière ville, qui,
presque ruinée, se releva par la religion
qui vivifie tout ; elle prit le nom de Saltz-
bourg. Il mourut le 25 mars 718. En
Autriche et en Bavière , on fait sa fête le
25 de septembre, jour de la translation
de ses reliques , que l'on honore à Saltz-
bourg, dans l'église qui porte son nom.
RUPERT, né dans le territoire d' Ypres,
embrassa la règle de Saint-Benoît dans
l'abbaye de Saint-Laurent, près de Liège.
Il passa de là drtns l'abbaye de Saint-
Laurent d'Oosbourg, près d'Utrecht, et
n'épargna ni veilles ni application pour |
s'avancer dans l'intelligence de l'Ecriture
sainte. Son savoir et sa piété lui acqui-
rent une si grande réputation , que Fré-
déric, archevêque de Cologne, le tira de
son cloître de Liège, où il était retourné,
pour le faire abbé de Deutz, vis-à-vis de
Cologne, en 1113. Il mourut en 1135.
Tous ses ouvrages ont été imprimés à
Paris en 1638, en 2 vol. in-fol., et à
Venise, 7 vol. in-folio], 1748 à 17A2.
On y trouve : i" des Commentaires
sur la plupart des livres de l'Ecriture
sainte , dans lesquels il se propose de
RUR
rapporter tout ce qu'ils renferment aux
œuvres des trois Personnes de la Trinité.
On lui reproche d'avoir donné dans des
allégories bizarres , et d'avoir parlé peu
correctement de l'Eucharistie dans un
endroit de cet ouvrage ; mais dans plu-
sieurs autres , et en particulier dans ses
Lettres , il s'explique sur ce mystère de
la manière la plus orthodoxe et la plus
exacte. 2° Un Traité des offices divins^
où il traite des cérémonies de l'Eglise,
et en rend des raisons mystiques ; 3° un
de la Trinité, et plusieurs autres ; 4" des
Lettres; 5" Histoire de l'incendie de
Deutz ; 6° La Fie de saint Héribert, etc.
Ce qu'il a écrit touchant l'histoire des
évêques de Liège et des abbés du monas-
tère de Saint-Laurent a été inséré dans
Y Amplis sima Collectio des bénédictins
de Saint-Maur, tomes 4 et 9.
RUPERT (Christophe-Adam), né à
Altorf en 1610, y fut pendant neuf ans
professeur en histoire , et y mourut en
1647. On a de lui : 1" des Commentaires
surFlorus, Velleius-Paterculus, Salluste,
Valère-Maxime , etc. ; 2" Mercurius epi-
stolicus et oralorius ; Z° Orator histori-
cus, etc.
RUPERT. Voyez Robert ef Robert de
Bavière.
» RUREMONDE (Jean-Guillaume
de), fanatique allemand, né vers 1540 ,
se crut inspiré de Dieu pour renouveler
dans Munster , sa patrie , la pure doc-
trine , en rétablissant l'anabaptisme, dont
il appelait les sectaires le peuple de Dieu.
Il commença à prêcher ses fausses opi-
nions en 1 580 , et assurait , entre autres
choses extravagantes, que le royaume de la
nouvelle Jérusalem serait bientôt fondé, et
que les anabaptistes s'empareraient des
pays de ceux qui ne partageraient pas
leurs opinions sur la divinité , comme
autrefois les Israélites s'étaient rendus
maîtres des terres des Chananéens. Il com-
posa un livre dans lequel il s'efforçait
de prouver « qu'à l'exemple de Maho-
» met, on devait accorder la pluralité
» des femmes ; et , afin qu'on pût les
» nourrir , il permettait les vols et les
M larcins, s'appuyant sur ce que tous les
M biens de la terre appartenaient à J. C.
RUS 575
» et à ses disciples ; que c'était lui que
M Dieu avait envoyé pour en faire une
M répartition égale, et qu'il lui avait
)) confié pour cela l'épée de Gédéon. »
Cette morale relâchée et ces principes
de brigandage ne manquèrent pas de lui
attirer beaucoup de prosélytes , qui pil-
lèrent , sous ses ordres , les maisons des
nobles et d<l riches, etdevinrent si nom-
breux et si terribles , qu'ils portèrent la
terreur dans plusieurs parties de l'Alle-
magne, dont les princes parliculiers
n'eurent pas assez de résolution ou de
force pour arrêter leurs désordres, qui
durèrent plus de cinq ans. Enfin on mit
des troupes à la poursuite de Rure-
monde , qui , se trouvant un jour avec ses
femmes , écarté des siens , fut pris et en-
fermé dans la forteresse de Durren au
pays de Juliers. Il avait amassé, par ses
vols , de grandes richesses dont il por-
tait toujours sur lui la plus grande partie.
Il put donc , à force de présens , corrom-
pre ses gardes, qui lui permirent de
communiquer avec ses femmes, et il
vécut pendant long-temps dans le vice
et l'abondance. Le duc de Clèves ( Guil-
laume), l'ayant a'ppris , fit resserrer plus
étroitement Ruremonde , et ordonna
qu'on instruisît son procès : il fut con-
damné au dernier supplice; Selon l'usage
de ces temps , il fut brûlé à petit feu
comme hérétique, et ses cendres dis-
persées au vent. Il ne donna aucune
marque de repentir ; deux de ses femmes
subirent le même sort : les autres abjurè-
rent leurs erreurs et obtinrent leur par-
don. Peu à peu on \int à bout d'extermi-
ner ou de disperser les partisans de ce
fanatique , qui était plutôt chef de vo-
leurs et d'assassins, qu'il ne l'était d'une
secte.
RUSBROCH ou Rusbroech (Jean),
né vers l'an 1294, dans le lieu dont il
porte le nom, et qui est placé entre Bru-
xelles et Halle , fut le premier prieur des
chanoines réguliers de Saint-Augustin,
au monastère de Grunendal [vallis viri-
dis) , dans la forêt de Soignies, près de
Bruxelles , et y mourut en 1381 , honoré
des titres de très excellent contemplatif
et de docteur divin. Sa réputation attira
S-jS RUS
chez lui , avec plusieurs personnes de
marque de l'un et de l'autre sexe , une
foule de docteurs, entre lesquels on
compte Jean Taulère. Ce pieux et savant
dominicain l'avait en grande vénération;
et , quoiqu'il fût bien plus grand théolo-
gien que Rusbroch , il disait avoir beau-
coup avancé auprès de lui dans la science
de la vie contemplative. <% garde les
OEuvres de Rusbroch au monastère de
Grunandal, en manuscrit, 3 vol., sur
vélin. Surius les a traduites du flamand en
latin. La meilleure édition est celle de
Cologne, 1C92, in-4. On y trouve sa
Vie , composée par Henri de Pomère. Ces
OEuvres ont été critiquées par Jean
Gerson , Bossuet et Fleury ; mais Denys
le Chartreux , Sixte de Sienne , Lessius
et plusieurs autres en ont fait l'apologie.
Surius dit que Gerson n'a vu qu'une
mauvaise copie. Si l'on joint à la lecture
de ces ouvrages, et d'autres de ce genre,
le Traité de Bossuet , Mystici in tuto ,
on ne sera point exposé à s'abandonner
à une spiritualité trop subtile ou trop ex-
traordinaire , pour que Dieu y appelle
beaucoup d'âmes. On pput croire cepen-
dant que si d'un côté le langage des mys-
tiques a quelquefois besoin d'une expli-
cation favorable, de l'autre le savant
prélat veut le réduire à une exactitude
qui semble exclure les voies particuliè-
res par lesquelles Dieu conduit quelque-
fois les hommes , en dérogeant aux rè-
gles ordinaires. Gerson disait lui-même
qu'il ne fallait pas toujours exiger dan s ces
sortes d'ouvrages la précision rigoureuse
du langage , ni même des notions com-
munes de la morale. Il assure que ceux
qui tC ont pas ï expérience delà vie mys-
tique n'enpeuvent nonplus juger qu'un
aveugle des couleurs. Voyez Akmkllk,
Jean de la Croix, Fé«élon, Malaval,
Taolkre , etc.
RUSCA (Nicolas), natif de Bedano ,
fut élevé dans le collège des jésuites à
Milan , aux frais du cardinal Borromée ,
et fit des progrès si rapides dans ses étu-
des, qu'en 1589 il fut nommé principal
de l'église de Sondrio , quoiqu'il ne fût
encore que dans la 24(' année de son âge.
Il se signala aussitôt par son zèle con-
RUS
tre les erreurs de Calvin et de Zuingle ,
et fut un de ceux qui défendirent la foi
catholique contre les ministres protes-
tans , dans deux conférences publiques
tenues à Tirano, en 1595 et 1596. Les
sectaires désespérant de dominer dans la
Valteline , tandis que Rusca y combat-
trait leurs erreurs, l'accusèrent d'être en
correspondance avec l'Espagne et d'au-
tres crimes imaginaires, et le firent
mourir à Tunis en 1618 , dans des tour-
mens affreux. Le protestant Agrippa ,
dans son Histoire de la prétendue ré-
forme de l'Eglise des Grisons, parle
avec horreur de cet assassinat, et rend
justice à l'innocence de Rusca. Ses com-
patriotes , irrités de la tyrannie des Gri-
sons, secouèrent leur joug, chassèrent
les protestans , et ont constamment con-
servé depuis la religion catholique.
RUSCA (Antoine), théologal de Mi-
lan, mort en 1645, fut placé par son mé-
rite , avec Collius , Fisconti et Ferrari,
dans la bibliothèque ambrosienne, par le
fondateur de ce monument célèbre, Fré-
déric Borromée. Dans la distribution des
matières que ce cardinal donna à traiter
aux divers savans qu'il occupait , celle
de l'enfer tomba à Rusca. Il remplit sa
tâche avec beaucoup d'érudition dans un
vol. in-4, divisé en 5 livres. Ce volume,
imprimé à Milan en ICI 1 , sous ce titre :
De inferno , et statu dœmonum , ante
mundi exitium , est savant , curieux et
peu commun.
* RUSCA (F,-Dominique), général au
service de France , né en 1761 à Dolce-
Acqua dans les états du roi de Sardaigne,
où il était propriétaire et tnédecin , se
déclara hautement en faveur de la révo-
lution française, et fut bientôt banni de
son pays. Il se réfugia alors en France,
oii il obtint du service, et parvint bientôt
par son courage et son intelligence aa
prade de général. Il se signala particuliè-
rement dans l'aifaire qui eut lieu en Es-
pagne sur les bords de la Fluvia,le l4
juin 1795, et par la prise de la redoute
de St.-Jean de Muriatte, à l'ouverture de
la campagne d'Italie, en 1796. On lui
donna en 1 802 le gouvernement de l'île
d'Elbe, d'où il fut rappelé en 1805. Il
RUS
resta quelques années sans destination,
commanda ensuite dans l'intérieur, et fut
tué en 1 8 1 4 en défendant la ville de Sois-
sons contre les alliés.
RUSCONI (Jean-Anloine), célèbre
architecte du 1 6" siècle, né en Lombardie.
On a de lui un ouvrage 1res estimé, et qui
a pour titre : liegole di architettura, libri
dieci, Venise, 1590-1660, in-fol. L'auteur
suit dans cet ouvrage les principes de Vi-
truve , et il s'y montre très instruit dans
la théorie de son art. Plusieurs biographes
italiens assurent qu'il donnâtes planspour
un grand nombre d'édifices, qu'il dirigea
la construction de plusieurs autres, mais
ils ne les détaillent pas; cependant le
nom de Rusconi est encore cité avec éloge
parmi les artistes italiens.
' RUSCONI ( Camille ) , sculpteur ,
naquit à Milan vers 1670 : il se rendit dès
sa première jeunesse à Rome , où il eut
pour maîtres Hercule Ferrala et Charles
Maratte. Rusconi ne négligea pas l'étude
de l'antique, qui lui donna ce stile sévère,
expressif et délicat qu'on remarque dans
ses ouvrages. Lesprincipaux sont le Tom-
beau de Gre'goire XIII, dans l'église
de Saint- Pierre ; celui de Sobieski, aux
Capucins ; Les Anges de la chapelle de
Saint-Ignace, dans l'église de Jésus, etc.
Le pape Clément XI faisait beaucoup de
cas de cet artiste et le combla de bien-
faits. Il mourut à Rome en 1728.
RDSHWORTH ( Jean), compilateur,
d'une bonne famille de Northumberland,
né vers l'an 1607 , devint en 1643 se-
crétaire de Thomas Fairfax, général des
troupes du parlement, et eut divers autres
emplois ; mais , après la dissolution du
dernier parlement, il vécut obscurément
à Westminster, et mourut en 1690, à 83
ans, en prison, oii il avait été renfermé
pour ses dettes. On a de lui des Hecueils
historiques de tout ce qui se passa dans le
parlement, depuis 1618 jusqu'en 1644,
en 6 volumes in-folio.
RUSSEL ( Jean ), comte de Bedfort ,
entra fort avant dans la faveur de Henri
VIII, par son courage dans les armes , et
par son habileté dans les affaires. Il ac-
compagna ce roi à la prise de Thérouanne
et de Tournai , contribua à celle de Mor-
XI.
RUS 577
laix en Bretagne, et combattit à la bataille
de Pavie pour Charles-Quint. Il fut em-
ployé dans diverses négociations auprès
de cet empereur , en France , à Rome et
en Lorraine. Henri VIII le nomma cheva-
lier de l'ordre de la Jarretière, et conseil-
ler du prince son fils. Edouard VI étant
monté sur le trône, envoya Russel contre
les rebelles de Devon , qu'il défit au pont
de Fennyton; il secourut Excester, et
mérita par ses services d'être créé comte
de Bedfort. 11 mourut l'an 1665. — Il y a
eu un Russel, évêque de Lincoln, mort
vers 1484, qui a laissé plusieurs ouvrages,
dont les plus considérables sont : In Can-
tica Canticorum ;De potestate pontificis
et imperatoris . — Russel, célèbre amiral
anglais, se distingua par plusieurs actions
d'éclat, et surtout par la victoire signalée
remportée à La Hogue en 1692, sur la
flotte de France , commandée par M. de
Tourville.
RUST ( George ) fut élevé au collège
de Christ à Cambridge, et devint ensuite
doyen de Connor , puis évêque de Dro-
niore en Irlande, et mourut jeune l'an
1670. On a de lui quelques ouvrages sur
des matières ecclésiastiques, traitées sui-
vant les maximes anglicanes ; un Traite
sur la préexistence des âmes, et un autre
de la vérité, qu'il méconnaissait cepen-
dant lui-même, Londres, 1682, iu-8.
RUSTICI (Jean-François), sculpteur
florentin, vint en 1528 à Paris, oii Fran-
çois V^ l'employa à des ouvrages consi-
dérables. André Verrochio lui montra les
principes de son art. Léonard de Vinci ,
qui était alors dans la même école , lui
donna une vive émulation , ce qui con-
tribua beaucoup à perfectionner ses ta-
lens. Ses statues sont la plupart en bronze.
(On croit qu'il est mort à Paris vers 1 540.)
RUSTIQUE ( Saint ), Rusticus , célè-
bre évêque de Narbonne dans le cinquiè-
me siècle , fut en correspondance avec
saint Jérôme, qui lui écrivit une belle
Lettre sur les devoirs de la profession
monastique que Rustique avait embras-
sée. Tiré de son monastère par son évê-
que, qui l'ordonna prêtre, il fut placé sur
le siège de Narbonne vei*s 427. U consulta
le pape Léon sur diverses difficultés , et
578 RUT
ce pontife satisfit à ses doutes dans une
lettre où il le dissuade en même temps de
quitter son évêché, comme il avait résolu
de le faire par humilité et par amour de la
solitude. Il mourut en 462. — Il ne faut
pas le confondre avec saint Rustique,
évêque d'Auvergne , en 423, qui mourut
vers la fin du règne de Yalentinien III.
RUTGERS ( Janus), littérateur, né à
Dordrecht en 1689, mort à La Haye en
1625, est connu : i° par des Poésies la-
tines, imprimées avec celles d'Heinsius
son neveu, Elzevir, 1653, in-12,et 1618,
in-8 ; 2° par les Notes dont il a éclairci
plusieurs auteurs anciens, tels qu'Horace,
Martial , Apulée , Quinte-Curce , etc. ; 3°
par ses Fariœ leciiones , 1628, in-4;
4° par sa Fie écrite par lui-même, publiée
par Guillaume Goes , Leyde, 1646, in-4.
Il avait été conseiller de Gustave-Adol-
phe, roi de Suède.
RUTH , femme moabite , qui épousa
Mahalon, un des enfans de Koémi et d'E-
limélecb, et ensuite Booz, vers l'an 1254
avant J. G. Elle fut mère d'Obed , père
d'Isaï et aïeul de David. Le livre de
Rulh , qui contient l'histoire de celte
pieuse femme, est placé entre le livre des
Juges et le premier des Eois , comme
une suite de celui-là, et une introduction
à celui-ci. Il n'est particulièrement inté-
ressant qu'autant qu'il concourt à établir
la généalogie de Jésus-Christ, sur laquelle
l'origine de Ruth, qui était étrangère,
aurait pu jeter quelque obscurité. Il sert
encore à prouver que le Seigneur, en
faisant des Juifs son peuple choisi, n'a
pas rejeté les autres nations. On ne sait
pas précisément en quel temps est arrivée
cette histoire ; elle ne peut avoir été
écrite que sous David, dont l'auteur parle
à la fin de son livre, et il y a apparence
qu'elle est du même qui a écrit le premier
livre des Rois. (On n'est pas d'accord non
plus sur l'auteur de ce livre qui est la
peinture la plus fidèle des mœurs cham-
pêtres de ces temps|reculés. {Voyez Janh,
dans son Introduct. ad lib. sacr. vet.
fœd. p. 238 ; et Richard Bernard dans son
traité curieux, intitulé : la Récompense
de Jiuth , Londres , 1628 , in-12. M. L'ab-
bé La Bouderie a fait imprimer à Paris,
RUT
en 1824 , in-8 , une traduction en patois
auvergnat du livre de Ruth , avec le
texte hébreu en regard.) A ne considérer
que le stile dont ce morceau est écrit , il
peut passer pour un des plus beaux dans
ce genre de narration. Les actions, les
sentimens , les mœurs, tout y est peint
au naturel, et avec une simplicité si naïve,
qu'on ne peut le lire sans en être touché.
M. de Florian a donné en 1784, Ruth,
églogue sainte, qui a remporté le prix de
poésie de l'académie française. Voyez
NoÉMl.
RUTH D'ANS (Paul-Ernest), ecclé-
siastique, né à Verviers, ville du pays de
Liège, en 1653, d'une famille ancienne,
se rendit à Paris , et s'attacha à Arnauld,
qui fut depuis son conseil et son ami. Il
assista à la mort de ce docteur en 1694,
et apporta son cœur à Port-Royal-des-
Champs. Ruth d'Ans ayant été exilé par
une lettre de cachet, en 1704, se retira
dans les Pays-Bas. Précipiano , archevê-
que de Malines, toujours zélé pour l'or-
thodoxie , connaissant le tort qu'il pou-
vait faire à ses ouailles , tâcha de l'éloi-
gner. Ruth eut ordre de sortir des Pays-Bas
catholiques. Il alla à Rome, où il eut l'a-
dresse de déguiser ses sentimens , et fut
assez bien reçu du pape Innocent XII ;
mais Clément XI l'ayant mieux connu
le déclara, par un bref spécial, inhabile à
posséder des bénéfices et des dignités
ecclésiastiques. Il parvint cependant,
à force d'intrigues, à être chanoine de
Sainte-Gudule, à Bruxelles, en 1728,
envahit la dignité de doyen de l'église de
Tournai , par la protection des Hollan-
dais, alors maîtres de cette ville. Le cha-
pitre , qui refusa de le reconnaître et de
l'admettre , fut l'objet de sa haine et de
ses persécutions : l'illustre Fénélon prit
part à la douleur des chanoines de Tour-
nai ; la lettre que ce grand prélat écrivit
à ce sujet, est rapportée dans l'Histoire
de Tournai, in-4, par Poutrain. Ruth
étant tombé malade à Bruxelles, le cardi-
nal d'Alsace, archevêque de Malines, n'en
fut pas plus tôt informé , qu'il s'y trans-
porta pour ramener au bercail cette brebis
égarée ; il sollicita pendant ime heure à
la porte l'entrée de la maison , et ne put
RUT
l'obtenir. Rulh mourut en 1728, sans avoir
reçu les sacremens de l'Eglise. Son cada-
vre fat enlevé furtivement pendant la
nuit. C'est lui qui a composé le dixième
et le onzième volume de V Année chré-
tienne de Le Tourneux. Il est encore au-
teur de quelques autres ouvrages au-
jourd'hui oubliés. Nous avons puisé les
principales circonstances de sa vie dans
un écrit imprimé sur les lieux , avec ap-
probation , l'année même de sa mort.
Voyez aussi Flandria illustrata de San-
derus , dernière édition, où il est parlé
des doyens de Tournai.
RUïHERFORTH (Thomas), minis-
tre anglais , né en 17 1 2 à Papworth-Eve-
rard, dansle comté de Cambridge,fut élevé
au collège de Saint-Jean à Cambridge,
et ayant embrass.- l'état ecclésiastique, il
devint recteur de Schenfield, en Essex,
et de Barley , dans le comté d'Herlford :
il s'était occupé de philosophie, de théo-
logie, et même de mathématiques, et
avait beaucoup d'instruction. On a de
Rutherforth : 1" Essai sur la vertu, sa
nature, et les obligations qu^elle impose,
etc., 1744, in-8 ; 2° Système de philoso-
phie naturelle, 1748, 2 vol. in-4; Z° Let-
tres à Middleton, en faveur de Scherlnk,
sur les Prophéties, 17 50, in-8; 4° Dis-
cours sur les miracles, 1761, in-8; 6°
Adresse au clergé d'Essex ; G° deux
Lettres à Kennicolt ; 7" Preuve du droit
des Eglises protestantes , d^exiger du
clergé une profession de foi et de doc-
trine ; 8° Lettre à Blackburne , sur le
même sujet ; 9° des Sermons. Il est au-
teur d'une correction curieuse d'un pas-
sage de Plutarque, où cet écrivain décrit
les instrumens mis en usage pour renou-
veler le feu de la déesse Vesta. Ruther-
forth mourut en 1771.
RDTILIUS RUFUS (Publius) , con-
sul romain , l'an 105 avant J. C, s'attira
l'inimitié des chevaliers romains , par son
amour pour la justice. Ayant été accusé
de péculat, et banni de Rome, il se retira
en Asie , et demeura presque toujours à
Smyrne. Sur son passage d'Italie en Asie,
toutes les villes s'empressèrent à l'envi
delui dépêcher desambassadeurs,chargés
de lui offrir une retraite sûre et honora-
RUT 579
ble. Sylla voulut le rappeler ; mais Ruti-
lius refusa de revenir dans son iqgrate
patrie. Il employa le temps de son exil
à l'étude. Il composa VHistoire de Rome,
en grec, celle de sa Vie en latin, et plu-
sieurs autres ouvrages. C'était un homme
laborieux , savant, d'une conversation
agréable , et habile jurisconsulte : c'est
ainsi que le peint Cicéron. Il se piquait
d'une probité exacte. Ayant refusé d'ac-
corder une chose injuste à un de ses amis,
celui-ci lui dit avec indignation : cf Qu'ai-
j) je besoin de ton amitié, si tu ne veux
j) point faire ce que je te demande? —
« Et, répondit Rutilius , qu'ai-je besoin
» de la tienne, s'il faut que je fasse quel-
» que chose contre l'honnêteté pour l'a-
» mnur de toi ? »
RUTILIUS-NDMATIANUS ( Clau-
dius), iils de Lachanius, né à Toulouse
ou à Poitiers, à ce qu'on croit , florissait
dans le 5" siècle. 11 parvint aux premières
dignités de Rome; mais il quitta cette
capitale pour voler, en 416, au secours
de sa patrie affligée, et tâcha de réparer,
par sa présence , son crédit et son auto-
rité, les maux que les Barbares venaient
d'y causer. Il était païen , et ennemi ar-
dent des chrétiens. On a de lui , en vers
élégiaques , un Itinéraire qui ne donne
que des lumières médiocres sur la géo-
graphie , mais qui ne laisse pas d'être
une pièce intéressante , et où il y a des
choses curieuses. On y remarque l'aveu
que fait l'auteur de la multiplication
prodigieuse des chrétiens, durant les per-
sécutions affreuses qu'ils avaient eu à
souffrir ; il parle aussi des austérités des
pieux solitaires de l'île de Capraia et de
celle de Gorgone, lesquelles il condamne
en bon épicurien. Cet Itinéraire, qui est
de l'an 4 1 6, a été imprimé à Bologne, 1 520,
à Amsterdam, en 1687, in-12, aveclesno-
tes de plusieurs savans ; et dans les Poetce
latini minores, Leyde, 1731, 2vol. in-12.
(On cite encore les éditions de Brande-
bourg 1770, d'Erlang 17 86, de Nuremberg
1 804.) M. Le Franc l'a traduit en français,
avec des notes.
* RUTLIGE ou RuTLÉGE (Le chevalier
James de), Anglais, né vers 1750, fut
élevé à Paris , et possédait le français
58o RUT
comme sa propre langue. Il cultiva la
littérature avec assez de succès , et était
lié avec les plus beaux esprits de la capi-
tale. Rempli d'idées philosophiques, il
embrassa les principes de la révolution ,
et figura parmi les démagogues les
plus exaltés. Son occupation favorite
était de parcourir les rues et les places
publiques, de rassembler le peuple, et de
le haranguer. On le voyait presque tou-
jours au milieu des groupes séditieux. Il
était ennemi déclare du générai La
Fayette , et ne l'épargnait pns dans ses
discours. Ce général, ayant ordonné un
jour de dissiper un rassemblement où
Rnllige se trouvait, lui demanda son
nom. Celui-ci répondit : « Je m'appelle
» moitié l'un et moitié l'autre, » faisant
allusion au nom du premier, qui s'appelle
Motliers la Fayette. H fut arrêté, mais
il obtint son olargisseroent. Poursuivi
sous le règne de la terreur, comme
ayant pris part à un complot contre la
Convention, il fut incarcéré en 1795, et
mourut dans les prisons l'année sui-
vante. On a de lui un grand nombre
d'ouvrages, savoir : \'^ Le Retour du
philosophe ., ou Le f^illage abandonné.,
poème imité de l'anglais, d'Oliviers Golds-
mith , Bruxelles , 1772 , in-8 ; 2" Essai
sur le caractère et les mœurs des Fran-
çais , comparés à ceux des Anglais ,
Londres, 1776, in-12 ; 3° La Quinzaine
anglaise à Paris , ou VArt de s'y ruiner
en peu de temps, traduit de Sterne, Lon-
dres, 1776, in-12 ; 4" E s sai politique sur
l'élat de quelques puissances , Londres ,
Genève, 1777, in-8; 5° Premier et second
Voyage de mylord de *** àParis, conte-
nant la Quinzaine anglaise , Yverdun ,
1777, 2 vol. in-12; Londres, 1787,2 vol.
in-8 ; 6° Supplément à la Quinzaine an-
glaise, ou Mémoire de M. de Provence.
Cet ouvrage a eu plusieurs éditions ; nous
citerons celle de Paris, 1787, 2 vol. in-12;
1° Le Babillard , journal littéraire com-
mencé en janvier 1778, jusqu'au 30 août
de la même année, Paris, 4 vol. in-8 : on
y trouve quelques bons morceaux ; 8° Le
Vice et la Faiblesse , ou Mémoire de
deux provinciales, Lausanne et Paris,
1 7 85, 2 vol. in-1 2; 9" Alphonsine, ou Les
RUT
Dangers du grand monde , Paris , 1 789,
2 vol. in-12 ; 10" La Vie de M. Necker,
directeur général des finances, ib., 1789,
in-8 ; 1 1° Aventurer de mylord Johnson.,
ou. Les Dangers de Paris, 17 98, 2 vol.
in-12, etc. Rutlige a donné en outre
deux comédies , Xe Bureau de.iprit , en
cinq actes, Londres, 1777, in-8 ; jCcj
Comédiens , ou Le Foyer, en un acte,
représentée à Paris. Cet auteur ne man-
quait pas d'instruction ; ses ouvrages sont
bien écrits, et l'on s'étonne parfois d'y
trouver des idées saines et «ne morale
assez pure ; on ne peut cependant pas
dire la même chose de qut'lques-nns de
ses romans. V Essai sur le caractère des
Français et des Anglais, quelques Essais
politiques , etc. , et la Vie de Necker ,
sont ses meilleurs ouvrages.
*R1jTY ( Charles - Etienne- François,
comte), lieutenant général d'artillerie,
né à Besançon , le 2 novembre 1774 , fit
d'excellentes éludes dans sa ville nntale et
embrassa de bonne heure le parti des ar-
mes : il entra à l'école d'artillerie à Châ-
lons,d'oii il sortit iieulenant. S'étant
distingué en plusieurs occasions dans les
campagnes de la révolution , il partit
avec le grade de chef de bataillon pour
l'expédition d'Egypte. 11 fut ensuite em-
ployé à l'armée du Nord, puis à celle
d'Espagne , et mérita , par sa bravoure et
sestalens, un avancement rapide. Il s'est
particulièrement signalé au siège de Citt-
dad-Rodrigo, dont il dirigea l'artillerie,
et aux affaires de Santa-Marta et deVil-
lalba. C'est dans cette expédition qu'il
donna l'idée d'un nouveau genre d'o-
busiers, qui fut employé avec succès dans
la guerre de montagnes, et qui a été dé-
signé sous le nom à'obusier-Rufy. A la
restauration , il fit partie du comité de
la guerre , et l'année suivante , il eut le
commandement de l'artillerie destinée,
sous les ordres du duc de Bcrri , à arrê-
ter Buonaparte dans sa marche sur Paris.
En 1 8 1 6 , il fit partie du conseil de guerre
chargé de juger le général Grouchy , et
depuis il a été nommé successivement
inspecteur général d'artillerie sur les
côtes de l'Océan , directeur-général des
poudres et salpêtres , membre du conseil
RUY
d'état, et enfin pair de France le 9 mars
1819. Son aptitude pour les afifairesle fit
souvent appeler dans le sein des commis-
sions administratives. Il est mort à Paris
le2&avril 1828.
RUVIGNY ( Henri, marquis de ),
gentilhomme français, né en 1647, était
agent général de la noblesse protestante
en France, lorsqu'à la révocation de l'é-
dit de Nantes il passa eu Angleterre, où
il se fit naturaliser, et prit le litre de
comte de Gallowai, qu'il porta depuis.
Après la moit du maréchal de Schom-
berg, il fut fait colonel du régiment de
cavalerie légère qui n'avait été composé
que de religionnaires français sous le rè-
gne du roi Guillaume. Ce prince lui
donna le commandement des troupes
anglaises en Piémont, avec le caractère
d'ambassadeur plénipotentiaire auprès
du duc de Savoie, avant qu'il eût fait sa
paix particulière en 1696. La reine Anne
le fil aussi généralissime de ses troupes
en Portuga , pendant la guerre de la
succession d'flspagne. Il perdit l'an 1707
la bataille d'Aimanza en Espagne, et
l'an 1 709 celle de h Gudiana en Portugal.
Ces mauvais succès le firent rappeler en
Angleterre, et on le priva de la qualité
de vice-roi d'Irlande. Il fut pourtant éta-
bli depuis lord justicier de ce royaume
avec le lord Gras où il mourut eu 1720,
à 73 ans.
RUYSBROCK. Voyez Rusbroch.
RUYSCH f Frédéric }, célèbre anato-
misle, né à La Haye en 1638 , pratiqua
la médecine avec beaucoup de succès.
C'est à lui que l'on doit l'art de conser-
ver les corps par le moyen des injections.
11 faisait entrer une liqueur colorée jus-
que dans les ramifications des artères et
des veines les plus petites. Il préparait
les plantes avec le même succès que les
cadavres. Lorsque le czar Pierre passa en
Hollande pour la première fois en 1698, il
rendit visite à Ruysch,et fut étonné autant
qu'enchanté en voyant le cabinet de cet
illustre physicien. A son second voyage
en 1 7 1 7 , il acheta le cabinet, et l'envoya à
Pétersbourg. Dès l'an 1065, Ruysch avait
été professeur de médecine et d'anatomie
à Amsterdam. L'académie des sciences
RUT
58 1
de Paris choisit Ruysch, en 1727, pour
être un de ses associés étrangers. Il était
aussi de la société royale d'Angleterre.
Il mourut le 22 février 1731 , âgé de près
de 93 ans , et n'ayant eu dans une si lon-
gue carrière qu'environ un mois d'infir-
mités. Outre l'édition de la Description
du jardin des plantes d^ Amsterdam^
par Commerlin , 1697 et 1701, 2 vol.
in-fol. , on a de lui divers ouvrages re-
cueillis à Amsterdam, 1737, en 4 vol.
in-4. Les principaux sont : 1" Dilucida-
tio valvularum in vasis lymphaticis et
lacteis , 2° Observai ionum anatomico-
chirurgicarum centuria , Amsterdam,
1691 , in-4 , avec figures j 3° Epistolœ
problematicœ sexdecim , 4° Responsio
ad Godefredi Bibdloï libellum vindicia-
rum advcrsariarum anatomico-medico
chirurgicarum , décades très , Amster-
dam , 1717, in-4 ; 5" Thésaurus anima-
lium primus ; 6" Thesauri anatomici
de cent ; 1° Musœum anatnmicum ;
8° Curce pnileriores , seu Thésaurus
omniummaximiis; 9" Responsio de glan-
dulis ad Cl. Boërhaave ; 1 0° De mus-
culo in fundo uteiiobseivato , et a ne-
mine antehac detecio, Amsterdam, 17 28,
in-4. Plusieurs médecins ont combattu
l'existence de ce muscle. — Son fils,
Henri Ruysch , se distingua aussi dans
l'histoire naturelle, dans l'anatomie et
dans ta botanique, et a donné une édi-
tion des traités de Jean Jonston , sur les
poissons , les oiseaux , etc. , avec des
augmentations sous le titre de Theatrum
animalium , 1728 , 2 vol. in-fol. Il mou-
rut en 1717.
RDYTER ( Michel-Adrien ) , célèbre
amiral hollandais, né en 1607 à Flessin-
gue, ville de Zélande , n'avait que onze
ans lorsqu'il commença à fréquenter la
mer. Il s'y signala dans divers emplois
qu'il y exerça successivement. Après
avoir été matelot , contre-maître et pi-
lote , il devint capitaine de vaisseau. Il
repoussa les Irlandais qui voulaient se
rendre maître de Dublin et en chasser
les Anglais. Huit voyages dans les Indes
occidentales , et deux dans le Brésil, lui
méritèrent en 1641 la place de contre-
amiral. Ce fut alors qu'il fut euvoyé aii
582
RUY
secours des Portugais contre les Espa-
gnols. Il s'avança jusqu'au milieu des
ennemis dans le conibal, etdonnatantde
preuves de bravoure, que le roi de Por-
tugal ne put lui refuser les plus grands
éloges. Il acquit encore plus de gloire
devant Salé, ville de Barbarie. Malgré
cinq vais.seaux corsaires d'Alger , il passa
seni à liiradede cette place. Les Maures
de Salé , spectateurs de celle belle ac-
tion , voulurent que Ruyter entrât en
triomphe dans la ville, monté sur un
cheval superbe , et suivi des capitaines
corsaires qui marchaient à pied. Une
escadre de 70 vaisseaux fut envoyé l'an
1CÔ3 , contre les Anglais, sous le com-
mandement de l'amiral Tromp. Ruyter
seconda habilement ce général dans trois
combats qui furent livrés aux ennemis.
Il alla ensuite dans la Méditerranée vers
la fin de 1665, et y prit quantité de vais-
seaux turcs , parmi lesquels se trouva le
fameux renégat Amand de Dias, qu'il fit
pendre. Envoyé en 1G59 au secours du
roi de Danemark contre les Suédois, il
soutint son ancienne gloire et en acquit
une nouvelle. Le monarque danois l'ano-
blit lui et sa famille, et lui donna une
pension. En 16G1 , il fil échouer un vais-
seau de Tunis, rompit les fers de qua-
rante esclaves chrétiens , fit un traité
avec les Tunisiens, et mit à la raison les
corsaires d'Alger. Les pi ï ces de vice-
amiral et de lieutenant amiral-général
furent la récompense de ses exploits. Il
mérita cette dernière dignité , la plus
haute à laquelle il pût aspirer , par une
victoire signalée, qu'il remporta en 1672
contre les flottes de la France et de l'An-
gleterre. La puissance réunie des deux
rois n'avait pu mettre en mer une armée
navale plus forte que celle de la répu-
blique. Après cette journée , il fit entrer
dans le Texel la flotte marchande des In-
des, dont les ennemis s'étaient flattés
de s'emparer. Il y eut trois batailles na-
vales l'année suivante , entre la flotte
hollandaise elles flottes françaises et an-
glaises. L'amiral Ruyter fut plus admiré
que jamais dans ces trois actions. D'Es-
trées, vice-amiral des vaisseaux français,
écrivit à Colbert : « Je voudrais avoir
RYC
» payé de ma vie la gloire que Ruyter
V vient d'acquérir. » Ruyler n'en jouit
pas longtemps : il fut blessé devant la
ville d'Agousse en Sicile, dans un com-
bat qu'il livra aux Français, et mourut
dix jours après , à Syracuse , le 26 avril
1676. Son corps fut porté à Amsterdam
dans la grande église , où les états-géné-
raux lui élevèrent un monument digne
de la reconnaissance publique; mais ce
qui n'est pas également louable, c'est
que ce monument occupe le fond du
chœur , la place de l'autel où les catho-
liques offraient à Dieu le sacrifice éter-
nel. (( Ce qui n'a cependant rien d'é-
» tonnant, dit un voyageur , pour ceux
» qui ont vu à Schevelinge une télé de
» baleine , et à Sardam le tableau d'une
» femme qui s'accouche , occuper la mê-
» me place, pour vérifier sans doute le
j) mol de Saumaise : Nosfri resecuerunt
» religionem usque ad vivum. »
KUZA]NTE(Le). l^oyez Beolco.
RDZÉ. Foyez Effiat.
RYCKEL. ^oyezDENVs LE Chartreux.
RYCKIUS (Théodore), philologue,
né en 1640 à Arnheim, capitale de la
Gueldre, fut avocat à La Haye, puis pro-
fesseur d'histoire à Leyde. Il a donné :
1° une Edition de Tacite, Leyde, 1087,
2 vol. iu-I2, très estimée; 2°.... de Ste-
phanus Byzanlinus, 1684, in-fol. On
trouve dans ce livre sa Dissertation De
primis Italice colonis, pleine de recher-
ches qui ont été utiles aux historiens et
aux géographes. Il mourut en 1690.
RYCKE ou Rycquius (Just), né à
Gand en 1587 , s'appliqua avec succès
aux belles-lettres et à l'étude des anli
quités. Il voyagea en Italie, et s'arrêta à
Rome pendant plusieurs années. De
retour dans son pays, il devint chanoine
de Gand. Les ouvrages qu'il y publia lui
procurèrent le titre de citoyen romain,
et l'y firent rappeler en 1624. Le pape
Urbain YIII lui donna une chaire d'élo-
quence à Bologne, où il mourut en 1 627.
Il a publié un grand nombre de poésies
qui sont estimées. Son ouvrage II Capi-
tolio romano, Gand, 1617, in-4, montre
qu'il était très versé dans les antiquités
profanes. Jacques Gronovius en a donné
RYE
une édition à Leyde en 1696, avec des
noies.
* RYE (Ferdinand de Longwi , plus
connu sous le nom de), archevêque de
Besançon, né en 155fi, descendait- d'une
ancienne maison de Bourgogne. Il em-
brassa d'abord la carrière militaire et ser-
vit quelque temps dans les Pays-Bas.
Bientôt il quitta la profession des armes ,
entra dans l'état ecclésiastique, se rendit
à Rome et reçut de Sixle-Quint l'archevê-
ché de Besançon. Le diocèse lui dut un
grand nombre d'établissemens utiles.
Chargé de gouverner, avec le parlement
de Dôle, le comté de Bourgogne, il
contribua à la défense de cette ville as-
siégée en 1636 par le prince de Condé,
et mourut le 2 août de la même année,
épuisé par les fatigues qu'il avait éprou-
vées pendant ce siège.
RYER (André du), sieur de Malezais,
ué à Marcigny, dans le Maçonnais , gen-
tilhomme ordinaire de la chambre du roi,
et chevalier du Saint-Sépulcre, séjourna
long-temps à Constantinople, où le roi
de France l'avait envoyé. Il fut consul de
la nation française en Egypte, et mourut
en France vers le milieu du 17® siècle. Il
possédait parfaitement les langues orien-
tales. On a de lui : 1° une Grammaire
turque , Paris , 1636 , in-4 ; 3° une Tra-
duction française de l'Alcoran , Elzevir ,
1649,in-12; Amsterdam, 1770, 2 vol.
in-12 ; quoique négligée et d'un langage
qui vieillit, elle est préférée par les vrais
connaisseurs à celles de Sale et de Savari
(voyez ces noms), parce que duRyer ne
cherche qu'à traduire, et non pas à don-
ner de belles idées de l'original. On lui a
faussement reproché d'avoir surchargé le
tableau de la croyance ou des rêveries
mahométanes, en ajoutant à l'Alcoran les
idées des commentateurs. M. Porter ,
homme profondément instruit de cette
matière, en convient : « La version de
» du Ryer , dit-il, est peut-être infidèle
» quant à l'idiome ; mais elle est assez
» exacte quant à la doctrine. » Observa-
tions sur les Turcs , t. l,p. 125. 3° Une
Version française du Gulistan , ou l'em-
pire des roses, composé par Sadi, prince
des poètes turcs et persans, Paris, 1634,
RYM 583
in-8, Gentius a traduit le même livre en
latin sous le titre de Bo^arium poUticum.
Cette dernière traduclita est préférée à
celle de du Ryer.
RYER ( Pierre du), histtriographe de
France , né à Paris l'an 160{., reçu à l'a-
cadémie françaiseen 1646, moilen 1658,
fut secrétaire du roi , puis de César duc
de Vendôme. Un mariage peu avantageux
dérangea sa fortune, et il voulut la répa-
rer par son esprit. Il travailla à la hâte,
pour faire subsister sa famille du produit
de ses ouvrages. On rapporte que le
libraire Sommanville lui donnait un écu
par feuille de ses traductions, qui sont
en très grand nombre. Le cent des
grands vers lui était payé quatre francs,
et le cent des petits quarante sous. C'est
ce qui fait qu'où a de lui une multitude
d'ouvrages, mais tous négligés ; et l'on
peut dire de lui : MagLs fami quam
famœ inser^iebat. Il a composé 1 8 piè-
ces de théâtre. Celles qui lui ont fait
le plus d'honneur sont les tragédies
à'Alcyonée , de Saïil et de Sce'vole. La
tragédie de Sce'vole paraît emporter le
prix sur les autres. (Nous ne parlerons
pas de ses comédies , toutes médiocres,
ni de ses Traductions nombreuses du
grec et du latin : la liste en serait trop
longue. ) Le stile de du Ryer est assez
coulant ; il écrivait avec facilité en vers
et en prose ; mais la nécessité de fournir
aux dépenses de sa maison ne lui laissait
pas le temps de mettre la dernière main
à ses ouvrages. Son père Isaac du Ryer,
mort vers 1631, avait fait quelques Poé-
sies pastorales , peu connues.
RYMER (Thomas), savant anglais
du 17* siècle, né vers 1650 au nord de
l'Angleterre, s'appliqua à l'étude du droit
public et de l'histoire. Nous devons à
son travail le commencement d'une col-
lection curieuse et d'un grand prix , par
la quantité de volumes et la beauté de
l'exécution. Il la mit au jour par les ordres
de la reine Anne , sa souveraine , et elle
fut continuée par Robert Sanderson. Elle
contient tous les actes publics , traités ,
conventions , et lettres missives des rois
d'Angleterre à l'égard de tous les autres
souverains , sous ce titre : Fœdera , con-
584 RYS
ventionesy et cujuscunigue generis acta
publica, etc. , Lo«dres, 1704 et années
suivantes, en P vol. in-fol. Sandersoii
l'augmenta de frois autres vol. en 1726.
Ce vaste et uftle recueil fut réimprimé
l'année d'aptes à Londres en 20 vol. in-
fol. , et contrefait avec des augmenta-
tions à I« Haye, 1739, 10 vol. in-fol.,
d'un plus petit caractère que l'édition
original. On en a donné un abrégé sous
le titre à' Abrège historique de 20 volu-
mes des Actes de Rymer , 1 vol. in-fol.,
sans nom d'imprimeur ni date.
RYSSEN (Léonard) , théologien bol-
landais du 1 7* siècle, se servit des lumiè-
res qu'il avait puisées dans l'étude de
la théologie , pour donner divers Trai-
te's sur les matières qui la concernent.
Le meilleur que l'on connaisse de lui
est contre celui de Béverland : Depecca-
io originali. Ce traité de Ryssen n'est
pas commun , il est intitulé : Justa de-
testatio libelli B ev er lundi , de peccato
originali, in-8 , 1680. C'est une bonne
réfutation de l'indécent et absurde para-
doxe que Béverland avait répété d'après
Corneille Agrippa , contraire non seule-
ment, comme nous l'avons observé, à
l'ordre établi pour la reproduction et
la perpétuité de l'espèce humaine {voy.
Agrippa Henri -Corneille ) , mais à la
croyance constante de l'Eglise catholique,
qui a toujours pris dans le sens littéral
ce que la Genèse nous apprend de la
RZA
prévarication du premier homme ; com-
me elle s'en explique dans toute sa litur-
gie, et particulièrement dans la messe
de la Passion : Saluiem humani generis
in Ugno crucis constituisti; ut unde
mors oriebatur , inde vita resurgeret ;
et qui in Ugno vincebat , in Ugno quo-
que vînceretur.
*RZAC1INSKI (Gabriel), historien
polonais du 1 8* siècle , et que ses compa-
triotes considèrent comme leur Pline,
était issu d'une noble famille, et est au-
teur d'une Histoire naturelle de la Po-
logne, écrite en latin et estimée, San-
domir, 1721 , in-4. Il donna une addi-
tion à son ouvrage, sous le titre d.'Auc-
tuarium historiée naturalis regni Polo-
mœ,Gedanie, 1738, 1742 , in-4. Son his-
toire renferme des détails très curieux. H y
appelle sa patrie le grenier de P Europe ,
et elle mérite ce nom d'après les faits
suivans. La Pologne fournit en 1392 du
blé à trois cents navires de France et
d'Angleterre; en 141.5 elle en approvi-
sionna les états d'Allemagne; en 1491
elle nourrit Gènes , Rome et la Toscane ;
enfin , en 1626, l'ambassadeur d'Espa-
gne s'offrit à acheter tout l'excédant des
grains nécessaires à la Pologne. Les ré-
volutions, les partis, les guerres, l'in-
vasion des puissances alliées, et surtout
le démembrement de ce royaume en 1 793,
ont beaucoup nui à sa fertilité et au pro-
grès de son agriculture.
FIN DU TOME ONZIEME.
I
CT m5 .F^5 1832 v.ll SMC
Fellçr, Francagis Xavier de.
Dictionnaire historique 8e
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