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PiîiiHi
• • •
1M80V
/^5-^ di. l^
f
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f.
ÉTUDES
DE
MÉDECINE CLINIQUE
FAITES AVEC L^AIDB
DE LA HéTHODB GRAPHIQUE ET DES APPAREILS BIfREGISTRRDRS
PAR
P. LORAIN ^^v (^
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/•v ;.
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A PARIS,
CHEZ J. B. BAILLIÈRB et FILS.
BDB HAUTBFBOILLB, N' IQ;
A LoNOBBs, chez Bailli^rb, Tinoall ano Cox;
À MadsiDi ches C. BAiixT-BAiLui» , 16, plau del Principe AUboEo.
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I .
■ I ■
DE LA TEMPÉRATURE
DU CORPS HUMAIN
ET m SES VABIATIO>$ DANS LES DIVERSES MALADIES
P. LORAIN
PUBLtCATtON FAITE PAR LES SOINS
DE
P. BR0lJAKDEL^^y}5 7> ,
... .„.^
v^^ ' 1
TOME PREMIER,
PARIS
lypMHli PAR ttlT0RI5ATin>l ItR H. I.E GARDK DUS SCEAUX
À L'IMPRIMERIE NATIONALE
M DCCC LXXVII
PRÉFACE
Par une clause de son testament, daté du 3i oc-
tobre 1870, mon maître, M. P. Lorain, ma désigné
pour réunir ses notes et publier celles qui pourraient
être utiles à la science.
Parmi les nombreuses études auxquelles Lorain s'était
appliqué , celle de la température du corps humain , de
ses causes et de ses variations dans l'état physiologique
et pathologique /avait, dans les dernières années de sa
vie, plus spécialement excité son ardeur. Pendant près
de dix ans, Lorain a réuni tous les matériaux que lui
fournissaient les recherches de ses devanciers et les
siennes propres. En 1 870 , il avait commencé, à Thôpital
Saint-x4ntoine , une série de leçons sur les modifications
de la température dans les maladies; ces conférences
cliniques furent interrompues par J^t^j^alhêureuse guerre
de 1870-1871, quelques-unes sçujbment furent p^^^
dans la Revue des cours sctenf^iièir. Nommé pfèfesseur
t ^
Il PHKI'ACK.
(riiisloircMle la médecine à la Facullé, le li'j janvier 1873,
Lorain choisit, la première aiiné(î, pour sujet de ses le-
çons, Tetude de la chaleur et de la lîevrc dans les ma-
ladies. 11 soumit les travaux d(»s auteurs anciens à une
critique que rendaient légitime et instructive ses re-
cherches personnelles. Puis il consacra presque exclu-
sivement les années suivantes au groupenuMit et à l'ana-
lyse des travaux modernes publiés sur la même question.
Les documents s'accumulaient, et ceux à qui Lorain
avait l'ait confidence de ses projets entrevoyaient avec
joie le moment où un homme instruit, familier avec les
doctrines des auteurs anciens, initié par s(»s études pre-
mières aux diflicultés de la méthode expérimentale,
médecin pratiquant, jugerait les œuvres laborieusement
entassées pendant des siècles avec cet esprit critique
dont la vigueur et la bienveillance étaient également
incontestées. Cette attente fut cruellement trompée.
L'architecte qui avait si pénibhîment, avec tant de pa-
tience, préparé les matériaux d'une telle œuvre, dispa-
rut tout à coup.
Choisi paj' lui |)our le remplacer, j'ai accepté ce legs
d'une touchante amitié, sans en méconnaître le péril.
Préparés à diverses épo(jues et pour un ouvrage dont
les dimensions s'étaient successivement agrandies, les
matériaux ne concordaient pas tous dans leurs propor-
tions : quelques-uns étaient déjà terminés, finement
ciselés; d'autres étaient à peine ébauchés, .lai tenu à
respecler scrupuhîus(;ment les projets d<' mon maître.
PREFACE. m
c^ ne me substituer à lui en aucun moment; j'ai préféré
laisser un chapitre esquissé, plutôt que de le compléter
avec mes idées ou mes critiques. Lorsque la conclusion
était évidente, j*ai placé la phrase que le lecteur atten-
tif aurait fatalement eue dans Tesprit; lorsque la con-
clusion était douteuse, le chapitre est resté inachevé.
Au moment où Lorain préparait la publication des
conférences qu'il se proposait de faire à l'hôpital Saint-
Antoine, en 1870-1871, il écrivait :
(T Ce livre est incomplet , je le sais , et je le donne pour
srce qu'il est, sans essayer d'en marquer les imperfec-
(T lions ni d'en combler les vides à la hâte. Si imparfait
cr qu'il soit, il servira, je l'espère, à montrer, par des
cr exemples palpables, l'utilité de la méthode qui l'a
cr inspiré, t)
Ces lignes, qui n'étaient alors qu'un témoignage de la
modestie de l'auteur, sont devenues vraies aujourd'hui.
11 ne m'eût été possible de les effacer, que si, trompant
la volonté de mon maître, j'avais, sans son aveu, rem-
placé ses idées et ses recherches par les miennes.
Cet ouvrage contient l'analyse critique des principaux
Iravau}! publiés sur la chaleur et la Bèvre, depuis Hip-
pocrate jusqu'à nos jours, et plus de i5o observations
recueillies par Lorain avec s 00 tracés de la tempéra-
ture, de la fréquence du pouls, de ses formes (étudiées
au sphygmographe). Il complète les études de médecine
clinique publiées par lui sur Le choléra, 1868, et sur
[j€ pouk, 1870.
L'espi'itqui devait coordonner ces richesses, et les dis-
IV PRÉPAGE.
poser dans un plan dont les reliefs fussent saisissants et
définitivement arrêtés, a fait défaut. Si cette absence
nest que trop évidente, et si le succès a trahi mes
efforts, que, derrière le travail de l'élève, le lecteur
juge avec indulgence Tœuvre du maître, à qui la der*
nière heure a manqué.
1 5 janvier 1877.
LE PROFESSEUR P. LORAIN
Ni LE 16 JAffYIBR 1897
MORT LB â& OCTOBRE > 1875
NOTICE BIOGRAPHIQUE
PikR
M. LE D* P. BROUABDEL
NOTICE BIOGRAPHIQUE'
La brutalité du coup qui a frappe le professeur Paul Lorain a
profondëmeDt ëmu tons ceux qui le counaissaieDt et Taimaieni.
Sa mort a été uu deuil public , ceux qui lui ont rendu bier les
derniers honneurs, savent que cette expression n a rien d'exagërë.
Lorsqu^un homme comme Lorain, jeune encore, dans la pleine
possession de ses forces et de son talent, entouré de Tamitié de
ses collègues, de la vénération de ses élèves, vient à disparaître
subitement, il semble qu'il s'est fait soudain un immense vide.
La place inoccupée vous fait mieux apprécier le rang que tenait
dans la science et dans votre amitié celui que Ton vient de perdre.
Nous voudrions, malgré une douleur que Ton pardonnera au
plus ancien des élèves de I/orain, essayer d'esquisser dès aujour-
d'hui les principaux traits du caractère de celui qui pour nous fut
un maître, et qui pour tous était, il y a quelques jours encore,
l'espoir et l'honneur du corps médical.
Paul Lorain appartenait à l'Université de France par sa nais-
sance, par les alliances de sa famille, par ses amitiés. Son père,
proviseur du lycée Saint-Louis, recteur de l'Académie de Lyon,
avait pris une large part a la préparation de la loi de M. Guizot
sur l'enseignement primaire (i833). Ses beaux-frères étaient
M. Camille Rousset, de l'Académie française, M. Wilhelm Rinn,
professeur au collée Rolliu; ses amis, ceux qui en petit nombre
étaient reçus dans son intimité, étaient presque tous des universi-
* GeUe notice a paru flans la B^vue McienUfiqw^ t. IX, p. 4 09, le 3o oc-
tobre 1875.
VIII NOTICE BIOGRAPHIQUE.
taires. Ce commerce journalier, quil a entretenu , depuis sa nais-
sance jusqu'au terme de sa carrière, avec les membres du corps
enseignant, avait donne à son esprit des habitudes de rectitude et
d^honnéteté qui furent les traits dominants de son caractère. Il y
puisa ce double amour du bien et de la science qui se partagèrent
sa vie.
Mais, si le milieu dans lequel il était né avait développe cer-
taines de ses qualités, Lorain a toujours eu une personnalité si
nette, si accentuée, que dès le collège elle avait été remarquée.
Ses camarades tenaient à son amitié et redoutaient d'exciter sa
verve railleuse. Nous en avons connu plusieurs, tous avaient con-
servé des jeunes années de leur condisciple le même souvenir :
profonde amitié mêlée d'un peu de crainte. Cet ascendant qu'il
prenait sur ses émules naissait de ses facultés supérieures, et c'est
sans envie, sans. fatigue qu'on le* subissait.
Sorti du collée, étudiant, docteur, concurrent pour les hôpitaux
ou pour l'agrégation, nous le trouvons entouré des mêmes sym-
pathies. Ses succès n'étonnèrent personne, on s'étonnait plutôt
qu'ils n'eussent pas été plus rapides et plus saillant*^.
Pendant toute cette période de luttes, de concours, Lorain sut
triompher sans se faire d'ennemis, et, lorsqu'il prit sa place au
milieu des professeurs de la Faculté», il y acquit, naturellement,
sans effort, l'autorité qui s'impose par le talent et la modestie.
L'œuvre scientifique de Lorain est l'homme lui-même; elle est
inspirée par son amour du bien et de la science. Interne à la Ma-
ternité,.il est indigné de l'immense mortalité qui frappe l'accou*
chée et le nouveau-né. Il en fait le sujet de sa thèse inaugurale
(i855) : il démontre que ce ne sont pas les mères qui seules vont
prendre dans les salles d'accouchement le germe de la mort, mais
que les enfants eux aussi sont atteints par l'infection. Doué d'une
imagination vive, il résume son sujet dans une formule énergique,
et il intitule son mémoire : La fièvre puerpérale chez la femme, le
fœtus et le nouveau-né.
Cette thèse est une œuvre de puissante synthèse, et cette ma-
NOTICE BIOGRAPHIQUE. ix
nière d'envisager Tëtat puerpéral , d'en étendre les limites , et d*unir
la mère et Tenfant jusque dans leurs activités morbides, est digne
d'un disciple d'Hippocrate et restera une des idées modernes de
pathologie générale les plus fécondes. Malgré le talent avec lequel
elle est exposée, cette doctrine suscita de nombreuses contradic-
tions; toutes les objections ne sont pas encore résolues, mais, si
l'interprétation reste douteuse, le fait de la mortalité n'a pu mal-
heureusement être contesté, et Lorain a le mérite d'avoir de nou-
veau appelé l'attention des médecins sur une des plaies les plus
^cruelles de l'histoire hospitalière. Il n'abandonna jamais ce sujet
d'études, et il y a deux ans encore, dans le sein de la Société des
hôpitaux, il appuya de l'autorité de sa parole ceux de ses collègues
qui poursuivaient la destruction des grandes maternités.
Attaché comme médecin légiste aux tribunaux de Paris, il
exerça ces fonctions, de i856 à 1866, avec un talent et une
loyauté que n'ont oubliés, ni les membres des tribunaux, ni les
avocats, qui furent les juges et les témoins de l'expert. Il avait
recueilli, dans ce contact avec les criminels, une foule de matériaux
et de documents qui resteront fatalement inédits, car il manque
maintenant celui qui seul eût pu les coordonner et les vivifier.
Les élèves en ont eu quelques aperçus : Lorain se plaisait à leur
montrer comment tous ces criminels appartiennent, malgré leur
variété apparente, à certains types bien définis, comment, chez
quelques-uns, les actes sont régis par des lois qui sont du domaine
de la pathologie.
Un exemple fera mieux saisir la philosophie de ces remarques.
Lorain avait désigné sous le nom de féminisme ou infantilisme un
arrêt de développement propre aux enfants des grandes villes.
Vers douze ou quinze ans, leur évolution s'arrête, les organes
génitaux sont atrophiés, le corps reste grêle , féminisé, leur intel-
ligence si précoce, celle qui caractérise le gamin de Paris, ne donne
plus aucun éclat, et ils restent incapables de pensées et d'actes
virils. Leurs idées s'approprient pour une part à leurs aptitudes
naturelles, et, incapables d'être hommes, il forment un noyau où
B
X NOTICK BlOGhAPHIQlK.
se recnile une classe spéciale de criminels, (le sujet a M expose
en partie, dans sa thèse inauf^urale, par un de ses élèves, le doc-
teur Faneau , mort victime de nos discordes civiles.
En 18G6, maître do dirifjer ses travaux dans le sens de ses
aj)litudes, Lorain renonça à la médecine léjjale et se consacra
exclusivemeni à la clinique. Nous avons souvent enlendu repro-
cher à notre maître d'être scepli([ue en thérapeutique. Il nous
sera facile, en montrant à quel courant obéissait son esprit, de
répondre à ce reproche, que lui ont adressé ceux (|ui Tout jugé
sur les apparences. Sans doute, en présence de ces tra\aux qui
semblaient souvent détruire plus ((u'ils n'édifiaient, quel(|ues
esprits inquiets pouN aient redouter (pfil ne restât plus bientôt de
Tart médical qu'un squelette. Lorain s'eiïorçait de faire sortir la
médecine de Tempirisme, il n'acceptait pas volontiers les asser-
tions traditionnelles ou modernes : il était diUicile en fait de
preuves, il les voulait palpables, évidentes. Cette défiance n'était
pas chez lui l'eflet de l'éducation ou des déce[)tions, elle était
innée; il avait le culte de la vérité, et savait mettre eu lumière la
différence de là peu près et du vrai. Aussi, à sa sortie de l'inter-
nat, poussé par l'esprit de recherche, il va étudier partout où il
espère acquérir quelque notion nouvelle. Jl s'inscrit parmi les
élèves du laboratoire de M. Ci. Bernard et publie ses leçons dans
le Moniteur des hôpitaux (i 855-50). Il ap|)rend à se servir du mi-
croscope, sous la direction de M. Robin (1857). ^^ "'^ mot, il
s'adresse à tous ceux qui interrogent la nature par des procédés
nouveaux, et qui tachent ainsi de reculer les bornes de l'inconnu.
On peut dire qu'avant d'être maître, avant d'avoir à diriger un
service hospitalier et à faire l'éducation médicale des élèves,
Lorain avait tenu à être muni lui-même d'une éducation aussi
complète que le comportait l'état de la science à «ette époque.
Une fois en possession de tous ces moyens d'investigation, anné
pour la lutte, Lorain donne à ses travaux la direction véritable-
uient scientifique ([u'il voulait leur imprimer. Il formule ses opi-
nions dans une brocbure sur la réforme des études ntédicales par
NOTICE BIOGRAPHIQUE. xi
les laboratoires (1868), et dans un article sur 1 état de la médecine
en Angleterre (1868), dont les lecteurs de la Revue scientifique
n*ont sans doute pas perdu le souvenir. Dans ces deux publica-
tions, il montre combien la France s'est isolée dans ses études,
et, sans témoigner pour les résultats obtenus en Allemagne un en-
thousiasme exagéré, il constate que, parles recherches de labora-
toire, par son outillage scientifique, tr TAlieniagne a pris le pas sur
ta France; c'est là, dit-il, une vérité incontestable. Les Allemands
ne laissent point à d'autres le soin de le proclamer et en cela ils
n'imitent pas notre exemple , en ce sens que nous sommes portés
a admirer les autres et à nous dénigrer nous-mêmes Pour
moi, plus j'admire l'Allemagne, plus je désire que la France se
pique d'honneur et regagne le terrain qu'elle semble avoir perdu
depuis quelques années?) (1868).
Lorain n'a pas voulu laisser à d'autres le soin d'entrer dans
cette voie. 11 donne l'exemple, et la même année il publie ses
Etudeê de médecine clinique et de physiologie pathologique sur le cha-
lira. Toutes les recherches ont été faites à l'aide des méthodes et
des procédés d'exactitude dont la science* s'est enrichie : le ther-
«
momètre, le sphygmographe, la balance, le microscope, les ana-
lyses chimiques. Toujours la préoccupation de Lorain est de ne
laisser rien à l'interprétation de l'auteur, de transformer les sen-
sations en tracés, qui, obtenus à l'aide d'instruments exacts, font
i Terreur une part aussi restreinte que possible. Nul plus que lui
n'a réussi à faire prendre à la méthode graphique'la place qu'elle
mérite d'occuper dans les études médicales. Ces procédés, lents,
minutieux, qui nécessitent des épreuves multiples, pénibles pour
l'observateur, lui ont fourni des résultats dont nous devons rap-
peler les principaux. Le poids du cholérique ne diminue pas sen-
siblement pendant la période algide : malgré les vomissements et
tes déjections alvines si répétées, l'amaigrissement du malade n'est
qu'une apparence. Le poids décroit, au contraire, pendant la pé-
riode de réparation, a ors que les évacuations ont cessé; mais, à
ce moment, le malade urine abondamment, et l'urée est excrétée
m NOTICE BIOGRAPHIQUE.
en grande quantité. — Les choiëriques, au dëbut, ne sécrètent
pas d'urine, ils sont anuriques, puis ils deviennent polyuriques
et quelquefois diabétiques. — La température des cholériques
s abaisse à la périphérie du corps, et non dans les parties pro-
fondes. Sur ce point Lorain propose une théorie nouvelle sur la
répartition et la compensation de la chaleur animale. — La cir-
culation est étudiée à Taide du sphygmographe de Marey ; de
nombreuses planches marquent ses variations, et Texplication
rationnelle de ses diverses formes s'en déduit naturellement. —
Enfin Lorain propose quelques moyens thérapeutiques fondés sur
l'expérience physiologique, et rapporte un cas de guérison obtenu
par rinjection d'eau dans les veines d'un cholérique pour qui
tout espoir était perdu.
Ces conclusions ne sont pas toutes absolument neuves, quel-
ques-unes avaient déjà été entrevues ou indiquées par MM. Char-
col, Gubler, Marey. Mais ce qui constitue l'œuvre de Lorain,
c'est qu'il a soumis les points dont il a abordé l'étude à une ana-*
lyse si minutieuse , si rigoureuse , qu'ils sont aujourd'hui a l'abri
de toute critique.
9
Deux ans après, Lorain donnait ses Etuàei cUniquei faiteê avec
Vaide de la méthode graphique et de$ appareile enregittreurê {Le pouls ,
Paris, 1870). Le rhythrae, la forme du pouls, y sont représentés
et analysés avec non moins de rigueur dans les maladies du cœur,
dans les fièvres graves, les inflanmiations. Le dernier chapitre est
consacré à la thérapeutique, principalement à l'étude de la digi-
tale, et nous ne possédons sur l'emploi de ce médicament rien
de plus précis au point de vue de l'action thérapeutique et de la
médecine légale.
Faire que la médecine ne soit plus un art conjectural, tel est
le but que Lorain a assigné à ses efforts, et il a réussi à donner
à certains chapitres de médecine une précision scientifique. Il a
développé cette idée dans une leçon insérée dans la Renue en
1870, et nul doute que nous ne devions le suivre dans cette voie,
si nous voulons enfin avoir une science positive. Il y a loin , on le
NOTICE BIOGRAPHIQUE. xiii
voit, de ce doule philosophique au scepticisme reproché à notre
maître.
Nous passons sur un grand nombre d'articles insérés dans les
revues, les journaux, les dictionnaires, sur les communications
laites aux Sociétés anatomique, de biologie, médicale des hdpi-
taux , etc. Ce que nous voulions montrer, c'est que la caractéris-
tique des œuvres de Lorain est la recherche de la précision, c est
qu'il ne tenait pour acquis que ce qui était devenu évident, incon-
testable. Ajoutons que la partie de ces recherches actuellement
publiée représente une faible portion de l'immense travail dont il
avait accumulé les matériaux. Désigné par fauteur pour coordon-
ner ceux qui n'ont pas encore vu le jour, nous acceptons cette
mission, et nous nous efforcerons d'arracher à l'oubli les travaux
de notre maître vénéré.
Ceux qui ont connu Lorain, qui suivaient ses visites à l'hôpi-
tal , qui allaient l'écouter et Tapplaudir à l'amphithéâtre de l'Ecole,
ont tous été frappés d'un conlraste étonnant entre ses écrits et sa
parole. Dans les premiers rien n'est laissé à l'imprévu , tout est ri-
goureux, scientifique, et l'ouvrage doit à ses qualités mêmes un
caractère un peu sévère. Lorsqu'il parlait , au contraire , son ima-
gination semblait se donner pleine carrière, son langage s'animait,
se revêtait des plus vives couleurs. Doué d'une facilité d'élocu-
tion, d'une élégance de diction extrêmes, Lorain savait souligner
par les expressions les plus heureuses les idées qu'il voulait graver
dans l'esprit de ses élèves. D'une haute stature, l'œil vif, péné*
trant, la bqMche fine et spirituelle, il dominait ses auditeurs et
ne permettait pas a leur attention de se perdre, il les enchaînait
par sa parole. A l'hôpital, il semait à pleines mains les aperçus
les plus divers, il pensait tout haut, et trouvait dans ses travaux
antérieurs, dans son érudition, les éléments de la plus attrayante
conversation. Toujours varié, séduisant, il revêtait chaque re-
marque de son originalité personnelle; il ne ressemblait à aucun
de ses maîtres, il était lui-même, et ses observations portaient sa
marque propre.
MT NOTICE BIOGRAPHIQUE.
Appelé à quaraule-cinq ans, eu 1873, il y a trois aos seule-
ment, à succéder à Daremberg dans la chaire d'histoire de la
médecine, il avait su grouper autour de lui un auditoire charmé
par cette parole à la fois familière et élevée. Daremberg, savant
éminent; avait cherché à reconstituer dans son cours la tradition
médicale, en s'appuyant sur une interprétation rigoureuse des
textes, et cette méthode, parfois un peu aride, avait procuré plus
de succès à Theliéniste qu au professeur. Lorain suivit une autre
voie, il fit revivre les médecins dont il rapportait les opinions
dans le milieu oh ils avaient vécu : c'étaient eux et leur temps,
avec les qualités et les défauts qu'ils devaient a leur époque et a
eux-mêmes. Il entrait sans difficulté dans leur existence , dans
leur pensée; familier avec l'histoire des sociétés qui les avaient
vus naitre, il en reconstituait le tableau avec une vérité et une
facilité de peinture qui étaient réellement saisissantes. C'était là
qu'on sentait la supériorité de cette intelligence qui se déployait
sans effort et qui faisait aimer à la jeunesse cette histoire de notre
art si pénible k posséder quand elle se présente avec la pesanteur
et la solennité qui l'entourent d'ordinaire.
Après avoir conté, comme en causant, les travaux et les luttes
de ses devanciers, Lorain passait sans transition à l'époque actuelle,
montrait dans une esquisse rapide les progrès accomplis, et lais-
sait entrevoir l'avenir.
Il procédait par tableaux et par auecdoctes, et d^ageait en
quelques mots l'enseignement que comportait la vie qu'il venait
d'étudier. 11 insistait sur le côté moral de ces aperçus biographi-
ques, et, s'il aimait à s'étendre sur les cdtés brillants de l'histoire
de la médecine, s'il aimait à évoquer le souvenir des hommes
qui avaient honoré notre profession, il frappait aussi, et sans pitié,
les faux savants qui ont de tout temps encombré les voies de la
science.
L'ambition de Lorain avait toujours été d'atteindre au profes-
sorat ; le succès de ce si court euseignement montre combien cette
ambition était légitime. Candidat ou professeur à ta Faculté de
NOTICE BIOGRAPHIQUE. xv
mëdecine, il ne s'aveuglait pas sur les lacunes de renseignement
officiel; nous avons dëjà rappelé ses publications sur la médecine
en Allemagne et en Angleterre. Il ne redoutait pas pour la Faculté
la concurrence, il l'appelait, au contraire, et pensait que Técole
se retremperait dans la lutte, et qu elle marcherait d'un pas plus
vif dans la voie du progrès. Il prit une part importante aux dis-
cussions qui, dès la fin de Tempire, ont précédé la loi sur la
liberté de l'enseignement supéneur. Il a publié, dans la Revue,
plusieurs articles sur cette question , et il demandait surtout qu'on
donnât aux villes le droit de fonder des universités. C'était là ,
selon lui, qu'était le véritable avenir de l'enseignement supérieur.
Mais son désir de réforme ne l'égarait pas; il aimait trop cette
Université qu'il avait appris à vénérer dans sa famille, pour ne pas
espérer que ce serait elle qui serait à la télé du mouvement; son
patriotisme ardent lui faisait croire que ce serait elle aussi qui
nous permettrait de lutter avec succès contre la concurrence des
pays étrangers et contre celle qui se dresse à l'intérieur.
En médecine et dans les contacts de la vie journalière , Lorain
était d'une extrême sensibilité. Tout ce qui était incorrect le bles-
sait vivement. Doué d'une nature d'artiste, il avait les aspirations
les plus nobles vers le beau, et ne pardonnait ni aux hommes ni
aux partis les écarts inséparables de la lutte. D'un caractère gai
et ouvert, il se repliait soudain sur lui-même dès qu'il découvrait
une action basse ou une intention coupable; l'impression n'était
pas passagère, elle durait, et le plongeait parfois pendant long*
temps dans de profonds découragements. Nul en revanche n'avait
de plus vifs, de plus brillants enthousiasmes; dès qu'il voyait un
effort généreux, il n'épargnait à son auteur ni les encouragements
ni l'appui de son influence. Il aimait le progrès et s'attachait à
ceux qui le cherchaient avec lui. Aussi les jeunes savants sentent
la grande perte qu'ils ont faite : Lorain était pour eux un guide,
un soutien; sou esprit de justice l'emportait même sur ses affec-
tions les plus chères; il était un de ceux dont on peut conquérir
par le travail la bienveillance et l'appui.
XM NOTICE BIOGRAPHIQUE.
Les élèves, à qui il prodiguait k Thôpital les marques de sa
bienveillance 9 ne s'y sont pas trompes, et Thommage qu'ils ont
rendu à sa mémoire ne sadressait pas seulement au professeur
éloquent et savant, mais à Thomme dont ils avaient pu connaître
rinépuisable bonté.
Toute sa vie Lorain a poursuivi le même but : apprendre et
enseigner; nous venons de rappeler avec quel succès il Tavail
atteint. Il nous reste à dire quel homme il était auprès des malades
de la ville.
La profession médicale ne fut pas pour lui lucrative. 11 n aimait
pas largent, et il n'a jamais ohercbé à recueillir que celui qui lui
était indispensable pour vivre et suffire aux soins de ses travaux.
Il dérobait à la clientèle le plus de temps qu'il pouvait pour le
consacrer à ses études, et, dès que l'existence était assurée, il
limitait ses devoirs professionnels , et priait les malades de s'adres-
ser à de plus jeunes confrères. 11 n'y a qu'une classe de clients
qu'il n'a jamais rebutée, c'est celle qu'il. traitait gratuitement:
ceux-là ont toujours trouvé son cabinet ouvert et son dévouement
à leur service. Sa mort en est un éclatant témoignage. Il était au
milieu de ses livres, dimanche dernier, et avait recommandé
qu'on ne le dérangeât pas. On vient le chercher pour l'enfant d'un
pauvre ménage qui demeure aux environs de la Bastille : il craint
qu'en son absence et à cause même de sou défaut de fortune^ le
malade ne reçoive pas les soins nécessaires. Il n'hésite pas à se
rendre à cet appel. Frappé d'éblouissements dès son arrivée, il
demande à se coucher, prie qu'on envoie chercher madame Lo-
rain, s'étend sur uu lit, perd connaissance, et succombe, en une
demi-heure, au mal qui l'étreint. Si une si triste mort avait
besoin d'être entourée d'un nouvel .éclat pour servir d'exemple
À la jeunesse médicale, où celle-ci trouverait-elle un plus beau
modèle?
Dans cette foule énorme qui s'était empressée hier aux obsèques
de Lorain, on voyait mêlés des savants, des artistes, des pauvres
et presque tous les habitants du quartier de TOdéon; chacun
NOTICE BIOGRAPHIQUE. mi
racontait quelque trait de cette vie si bien remplie; cette cérémo-
nie montre quel était Thomme qui venait de disparaître, et cette
union des savants et des pauvres symbolise à merveille toute cette
existence.
Lorain portait dans ses amitiés et dans sa vie journalière le
même dévouement et le même désintéressement. L'un de ses plus
chers amis, M. H. Sainte-Claire Deville, tient à ce que quelques-
uns de ses actes ne soient pas oubliés. Pendant la Commune,
Lorain avait eu, à sa petite campagne d'Âzay-Ie-Rideau, des acci-
dents d'étranglement intestinal. Rentré à Paris trop prématuré-
ment, une péritonite partielle était survenue; Lorain ne sortait
pas et n avait pas encore osé s'exposer aux secousses d'une voiture.
M. Sainte-Claire Deville reçoit une dépêche annonçant que son
CIs est, à Nantes, gravement malade; il n'a que le temps de courir
au chemin de fer et prie un de ses amis de communiquer la
dépêche à Lorain et de lui demander son avis. Le lendemain
matin, oublieux de ses souffrances et du danger auquel il s'ex-
posait, Lorain était à Nantes, auprès du lit du fils de son ami,
et il était assez heureux pour que son conseil fât réellement le
salut du malade.
En 1868, Lorain, qui était connu de M. Duruy, apprend que
le ministre l'a inscrit sur la liste des savants qui doivent recevoir
la croix de la Légion d'honneur. Sur-le-champ il va trouver
M. Sainte-Claire Deville et le force à employer son autorité pour
que le nom d'un de ses collègues, plus ancien que lui de nomi-
nation, soit substitué au sien. Il l'obtient, et ne reçoit lui-même
cette croix, objet de tant de convoitises, qu'il y a trois mois, en
août 1875.
Ceux d'entre nous qui furent admis à ces réunions de huit ou
dix amis, qui le mardi soir se groupaient autour de Lorain,
savent quelle fut sa vie de famille, et quelle était l'union que sa
mort a rompue. Lorsqu'elle fut en présence de son mari expirant,
M** Lorain l'a retracée dans une seule exclamation : rHuit ans
de bonheur!?)
uni ^0T1CK BIOGRAPHIQIJK.
Noire uiaLlre laisse deux lils; ses élèves n'oublieioul pas ce
qu'ils doivent à celui qui a gra>é dans leur es|)ril Tainour du devoir
et du travail; ils se souviendronl que, quelques jours avant sa
mort, Lorain résumait ainsi à un de ses amis ce qui est en réalité
la philosophie de la vie : rrNe cherchons pas à être des habiles,
contentons-nous d élre honnêtes, et tachons de ne pas disparaître
sans avoir fait quelque bien.^
a 7 oilubro i 870.
PUBLICATIONS
DE M. LE PROFESSEUR P. LORAIN.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE. - TERATOLOGIE.
PHYSIOLOGIE.
i85a. Note sur un cas de doigt tumufnéraire chez un nouveau-né. Térato-
logie. (Coftqttes rendus des séances et mémoires de la Société de
budogie. i" série, t. IV; compte rendu, p. 38.)
i853. Évolution de tumeurs multiples se manifestant pendant le cours d'une
grossesse. Tumeurs énormes développées dans l'épiploon et dans
le cul-de-sac recto-vaginal. Accouchement prématuré; pr^en-
talion de Tépaule, évolution spontanée; péritonite chronique,
mort au bout de trente jours Autopsie : tumeurs du péritoine,
du diaphragme, des poumons, des plèvres, des côtes et des
mamelles. ( Comptes rendus des séances et métnoires de la Société
de biologie, i** série, t. IV; compte rendu, p. ai.)
i853. Rein unique latéral chez un fœtus humain. Anatomie anomale.
( Comptes rendus des séances et mémoires de la Société de biologie,
1** série, t. V; compte rendu, p. 117.)
i853. Rupture de l'utérus chez une chatte dans les derniers moments dç
la gestation. {Co9/^es rendus des séances et mémoires de la So-
ciété de biologie, i** série, t. V; compte rendu, p. 94.)
i853. Sur un enfant qui présentait, au moment de sa naissance, des
kystes multiples du cou. Examen microscopique du contenu de
ces kystes, par M.Gh. Robin. Anatomie pathologique. (Comptes
rendus des séances et mémoires de la Société de biologie, i** 8â*ie,
t. V; compte rendu, p. 6a.)
1 856. Kyste du rein. Calculs rénaux ; adhérences péritonéales consécutives
è des applications caustiques. Anatomie pathologique. {Comptes
rendus des séances et mémoires de la Société de biologie, a* série ,
L I; compte rendu, p. a5.)
i85&. Deux observations pouvant servir à Thistoire anatomique des
hypertrophies du sein et des granulations gris^ du poumon;
\x PUBLICATIONS
en collaboration avec M. Ch. Robin. {Comptes rendus des séances
et tnémoires de la Société de biologie^ a* série, t. I ; compte rendu ,
p. 58.)
i8ôâ. Mémoire sor les kystes congénitaux du col; en collaboration avec
M. Ch. Robin. (Comptes rendus des séances et mémoires de la So-
ciété de biologie. 9* série, t. I; mémoire,^. i33.)
1 85/i. Mémoire sur deux nouvelles observations de tumeurs hétéradéniques
et sur la nature du tissu qui les compose; en collaboration avec
M. Ch. Robin. (Comptes rendus des séances et tnémoires de la
Société de biologie, q* série, t. I; mémoire, p. âog.)
1 85i. Note sur Yépithélioma pulmonaire du fœtus, étudié soit au point de
vue de la structure , soit comme cause de Taccouchement avant
terme et de non-viabilité ; en collaboration avec M. Ch. Robin.
( Comptes rendus des séances et mémoires de la Société de biologie.
â* série, t. I; compte rendu, p. 169.)
i85A. Sur une forme non décrite du cancer du sein. Pathologie et anato-
mie pathologique; en collaboration avec M. Ch. Robin. (Comptes
rendus des séances et mémoires de la Société de biologie, a* série,
t. I; compte rendu, p. i55.)
i855. Croup chez une poule. Examen microscopique par M. Laboulbène.
( Comptes rendus des séances et mémoires de la Société de biologie.
9* série, t. II; compte rendu* p. 88.)
i855. Sua'C dans la chair musculaire, (Correspondance, in Moniteur des
hôpitaux, 1" série, 3' année, n* 18, p. ihh.)
1 855. De la fonction glycogénique du foie et de Tinfluence du système ner-
veux sur la sécrétion du sucre hépatique du diabète artificiel.
Cours de physiologie, professé au Collège de France par M. Cl.
Bernard. (Moniteur des hôpitaux, i'* série, 3' année, n* 98,
P' *770
i855. Cancer des ramoneurs. Ëpithélioma papillaire du scrotum. Examen
par M. Ch. Robin. Clinique de M. Nélaton. (Moniteur des hôpi-
taux, i** série, 3' année, n"* 9&, p. i85.)
1 855. Mémoire sur une altération spéciale de la glande mammaire, qui a
reçu le nom de tumeur, bien qu'il y ait le plus souvent diminu-
tion de volume de lorgane, et celui de cancer squirreux , quoi-
qu'elle ne soit pas cancéreuse. En collaboration avec M. Ch. Ro-
bin, (archives générales de médecine, avril et juin i855.)
DE M. LE PROFESSEUR P. LORAIN. ixi
1 858. Examen chimique d'un liquide laiteux obtenu par la ponction pra-
tiquée sur une jeune ûl\e de huit ans. Analyse de jd. Rugnet.
Chimie médicale. ( Comptes rendus des séances et mémoires de la
Société de biologie, a' série, t. V; compte rendu, p. 169.)
1 86 1 . Présentation d'un enfant monstrueux, âgé de treize ans , à la Société
de chirurgie. {Gazette des hôpitaux, 6 juillet 1861 .)
i865. Acéphalocystes du/oie et du poumon droit. Double pleurésie, péri-
cardite. Mort. Autopsie. Observation recueillie par M. Resnier,
interne. {Gazette des hôpitaux, 10 octobre i865.)
PATHOLOGIE.
(PUERPÉRALITÉ, RHUMATISME.)
i855. La fiivre puerpérale chez la femme, k fœtus et le nouveau-né. Thèse
inaugurale, in-/i% Paris, i855.
i865. Rhumatisme spinal. Observation recueillie par M. Tixier, interne.
( Gazette des hôpitaux, 36 janvier 1 865.)
1 866. Observation d'une grossesse extra-ntérine, recueillie par M. Rousse,
externe à Th^pital Saint- Antoine. {Gazate des hôpitaux, 1 1 jan-
vier 1866.)
f866. Observation de grossesse extra-utérine. Suppuration du kyste.
Expulsion du fœtus par le rectum , dix-huit mois après la con-
ception. Guérison. Observation recueillie par M. Prévost, interne.
{Gazette des hôpitaux, i5 novembre i866«)
1867. Le rhumatisme blennorrhagique et les'diathèses aiguës, ou séries
morbides parallèles. {Société des hôpitaux, 1 1 janvier 1867.)
1869. Observation au sujet de deux. femmes en couches, renvoyées malades
chez des sages-femmes, et discussion des affections puerpérales.
{Société des hôpitaux, 3o novembre 1869.)
1869. La mortalité des femmes en couches. Cours fait à Th^pital Saint-
Antoine. {Revue des cours scientifiques, iq décembre 1869.)
1869. Rachitisme. Rétrécissement du bassin. Impossibilité d'articuler les
deux branches du forceps , emploi d*nne seule branche comme
levier. Métro-péritonite. Guérison de la mère et de Tenfant.
( Gazette des hôpitaux, 1 9 juin 1 869. )
1869. Épidémie de fièvre puerpérale. Affections puerpérales. Communica-
tion et discussion. {Société médicale des hôpitaux, ta no-
vembre 1869.)
1111 PUBLICATIONS
1 873. Injection vaginale suivie de mort. Observation rectteiilie par
Ri{. Quenu, interne. ( Gazette des kdfiutuxy k décembre 1873.)
187/1. Communication sur le service d'aeeouehement de la Pitié, (Société
médicale des Mpitaux, 93 octobre 187^. )
1876. Leçon sur le vaginisme. (Thèse de M. Lutaud.) ( Gazette des A^pi-
taux, 9 6 janvier 1876.)
PATHOLOGIE.
(SUJETS DIVERS.)
1860. De Valbuminurie, Thèse d'agrégation , in-/^*, Paris, 1860.
i863. A propos du Traité de pathologie générale de M. Chauffard. Etudes
de philosophie médicale. ( Gazette des k^ntaux ,1/^,93,98 juil-
let, 6 août i863.)
1866. Quelques considérations sur les principes qui doivent présidera
l'étude et à l'exposition de la médecine pratique. ( Gazette des
hôpitaux, 6 février 1866.)
1869. Des rechutes et des récidives de fièvre typhoïde. Discussion. (Société
médicale des hôpitaux, 10 décembre 1869.)
1870. Sur l'épidémie actuelle de variole et sur Fisolement des variokux,
(Société médicale des hôpitaux , ^ et 11 février 1870.)
1870. La méthode graphique appliquée à Tëtude clinique des maladies.
La médecine scientifique. (Revue des cours seimUifiques, 8 , 1 5 jan-
vier, 9 avril 1870.)
1876. Phthisie, it^anUlisme , féminisme. (Thèse de M. Desmaroux.) — De
la sécrèion urinaire et de Vhydropisie, (Thèse de M. Torieii.) —
Paradoxes médicaux. (Gazette des h^taux, 10 juillet 1875.)
Articles de pathologie insérés dans le Nouveau Dictionnaire de mé-
decine et de chirurgie pratiques.
T. I. Accouchement (Médecine légale), p. 3 10.
Ages, p. Aoô.
Allaitement, p. 799.
T. II. Anémie, p. 199.
Antagonisme, p. 5^8.
T. VI. Cardiographie, p. 35 1.
DE M. LE PROFESSEUR P. LORAIN. uni
T. Vli. Chlorose, p. 097.
Choléra infantile, p. h^S.
T. XI. Diphihérie (en collaboration avec M. Lépine), p. 587.
T. XIII. Endémie, p. a 00.
Épidémie, p. 533.
THERAPEUTIQUE. — MEDECINE LEGALE.
1857. Du régime dans les maladies aiguës. Thèse d*agrëgation , in-V,
Paris, 1857.
i865. Empoisonnement par la strychnine, F arsenic et les sels de cuivre.
En collaboration avec MM. Tardieu et Roussin. Annales d'hv-
giène publique et de médecine légale, t. XXIV, et Brochure
in-8% Paris, i865.
186C. Sur un fait de thérapeutique expérimentale dans un cas de choléra.
( Comptes rendus de l'Académie des sciences , 1 9 novembre 1 866.)
1866. Jenner et la vaccine. Conférence historique, faite à TÉcole de mé-
decine, i865. Brochure in-8*, Germer-Baillière. Paris, 1870.
1869. Tranrfusion du sang faite h ThApital Saint-Antoine. Observation
recueillie par M. Thaon. {Société de biologie, 90 février 1869.)
1870. La digitale et le pouls d'après les travaux modernes. {Journal de
ranatomie et de la physiologie de Robin, n" a, mars et avril
1870.)
1870. Des effets physiologiques des hémorragies spontanées ou artifieieUes
(saignées). (Journal de Vanatomie et de la physiologie de Robin,
n* A, juillet et août 1870.)
RÉFORMES DE L'ENSEIGNEMENT
ET DBS imSTITUTIONS MEDICALES.
t868. Association médicale britannique. Congrès d'Oxford. — La mé-
decine de nos jours, discours inaugural du docteur Aciand. —
La médecine clinique de nos jours, discours du docteur Guil. —
Traduit de Tandis. — La médecine anglaise en î868. Les
musées scientifiques en Angleterre. Confpte rendu. {Revue des
cours scientifiques , ih novembre et la décembre 1868.)
xMv PIBLICATIONS DE M. LK PHOFESSEUH P. LORAIN.
i8<)S. De la réforme des éludes médicales par les laboratoires. I^tiulo sur
reiisein;ncineiit do la niëdeciiie en Alleniagiic. l^rocluiro in-8",
Paris, 18G8.
1870. LWssislance publique. (Revue des cours scientifiques, 10 et 3() dë-
cenïbre 1870.)
1871. \. La liberté de renseignement supérieur.
II. L'instruction secondaire en France.
III. La Commission de iHjn.
IV. Le parti catholique.
187*.?. V. Du pouvoir de V Etat sur renseignement.
VI. Avenir des municipalités en matière d'enseignement. — fiéorgn-
nisation de renseignement public. (Revue des cours scienti-
Jiques, 11 ol 18 novembre, Q.'5 et .'^o dtVombro 1871,
'2 0 janvier et 9.1^ mars 187:)..)
1879. Discussion sur les réformes à introduire dans le service de la phar-
macie dans les hôpitaur. (Société médicale drs hôpitaux, () fé-
vrier 18711.)
1872. Société des médecins et chirur^pens des liApitaux de Paris. Com-
mission du nouvel Hôtel-Dieu, Happorl. Discussion et résolution.
(Revue des cours scientifiques , 2. "5 mars i87'2.)
01 VPiAGES DE PATHOLOGIE.
185^). Annuaire des sciences médicales, revu par M. (Ih. Robin, in-12,
Paris, i85().
i8r)() ot 1866. (iuide du médecin praticien. Résumé ^[énéral de pathologie
interne, de \alleix. (linq noIuuics in-8', avec (iorreclions nom-
breuses, Noies et Additions. Deux éditions.
La dernière édition, 5 vol. in-8", Paris. J. R. Raillière, i86().
18^)8. Le Choléra observé à l'hôpital .Saint-Antoine. Kludes de médecine
clinique et de phvsiologie palliologique, [jrand in-8\ Paris, J. R.
Raillière, 18G8.'
1870. Le Pouls, ses variations et ses formes diverses dans les maladies.
Etudes de médecine clinique, f[rand in-8'\ Paris, J. R. Rail-
lière, 1870.
DE LA TEMPERATURE
DU CORPS HUMAIN
ET DB S8S TABUTIOnS
DANS LES DIVERSES MALADIES.
(>♦<*-
INTRODUCTION.
LA MÉDECINE SCIENTIFIQUE.
La tradition et la science expérimentale. — La contra-
diction existe le plus souvent entre ces deux termes. La
tradition est chose vague et elle n a chance de s'impo-
ser que sous la garantie de quelque grande autorité mé-
dicale. Ainsi Hippocrate et Galien ont été des puissances
inattaquées pendant nombre de siècles ; et , sous le cou-
vert de leurs noms, la médecine a pieusement conservé
la vérité et Terreur, sans qu'il y ait eu tentative de con-
trôle. A côté de cette tradition dogmatique il faut placer
la tradition populaire , qui , parmi de nombreuses erreurs ,
contient aussi des vérités très-importantes. Il est sage
de n accepter ce double héritage que sous bénéfice d'in-
ventaire. Le rejeter complètement est imprudent, si l'on
se place au point de vue de l'exercice pratique de la
médecine. Cependant le seul moyen de progresser dans
la connaissance de la vérité, telle que nous la promettent
2 INTRODUCTION.
les méthodes expérimentales, est de tenir pour suspect
tout ce qui nest pas prouvé, de supprimer la foi
aveugle, et de tout recommencer patiemment. Brous-
sais, dans son examen des doctrines médicales, crut
faire injure à ses advei'saires en disant que, pour l'atta-
quer, ils avaient choisi un jeune homme dont la tète était
vierge de toute idée médicale. C'était M. Louis qu'il dé-
signait ainsi. M. Louis a eu cette patience de tout recom-
mencer, et il a bienfait. Ce qu'il a vu, il l'a rendu évi-
dent pour ses contemporains, parce que c'était la vérité
même, celle qui est contrôlable, non contingente, et
elle est restée la vérité. Nui ne doute aujourd'hui que
Broussais n'eût mieux fait de regarder attentivement les
taches rosées et l'altération des glandes intestinales dans
la 6èvre typhoïde.
Donc l'autorité, les grands noms, tendent à perdre
de leur crédit; la science n'admet que ce qui se dé-
montre. Elle a trouvé sa foi no.uvelle et ses nouvelles
voies. C'est un scepticisme fécond que celui qui a con-
duit les sciences naturelles à douter du passé pour mieux
s'adonner à la recherche méthodique de la vérité.
Ce n'est pas à dire pour cela qu'il faille, de parti pris ,
tout oublier et faire tout d'un coup d'immenses lacunes
dans l'ensemble de la médecine. Ce qui se prouve est
peu de chose comparé à ce qui est de simple tradition
empirique. Aussi doit-on commencer par apprendre tout
ce qui s'enseigne par tradition et ne désapprendre qu'au
fur et à mesure. Commencer par dire qu'on ne sait rien
et ne vouloir apprendre que le nouveau serait trop -com-
mode et trop dangereux pour les malades. La tradition
vaut tant que la science expérimentale ne l'a pas rem-
INTRODUCTION 8
placée. Aussi est-il juste de placer parallèlement aui
choses nouvelles les anciennes, et de les comparer entre
elles impartialement. C est ainsi que nous ferons.
On demande en quoi les méthodes nouvelles sont su-
périeures aux anciennes, et s'il y a réellement progrès
en ce moment. On refuserait même, semble-t-il, de pro-
noncer le nom de méthode, qui suppose un ensemble,
une sorte de corps de doctrine pourvu de moyens appro-
priés, tandis que le nom plus humble de procédés serait
plus facilement accordé. Le nom importe peu , et le temps
des querelles de mots est passé; la dialectique stérile et
oiseuse est reléguée parmi les curiosités de l'histoire;
cest un impedmentum pour le progrès. En fait, une
transformation s'opère en ce moment même dans l'étude
de la médecine; entre les retardataires qui n'y veulent
pas croire et les néophytes qui escomptent l'avenir, il
y a place pour un examen calme et impartial. Nous
allons essayer de dire où en est précisément la ques-
tion.
Presque toutes les époques, dans l'histoire connue
de l'humanité,, ont été plus ou moins marquées par le
mépris du plus grand nombre pour les tentatives de ré-
formes. Une fois son siège fait, l'homme assis et pourvu
d'une doctrine se défend contre le nouveau.
Les jeunes gens et les ignorants, ce qui est tout un,
ont seuls une faculté d'enthousiasme et de confiance
qui, n'étant point fixée, peut se porter sur des objets
nouveaux et s'éprendre pour des promesses. Le monde
sérieux et officiel subit les progrès à son corps défen-
dant. La lutte durera toujours. Cependant on peut dire
qu'à aucune époque l'opinion n'a été aussi mobile, aussi
1 .
4 INTRODUCTION.
instable, aussi facile à déplacer qu'aujourd'hui. La mé-
decine, plus que toute autre branche des connaissances,
offre ce spectacle. La foi dans le corps de doctrine est
ébranlée; ce que Ton sait positivement parait peu de
chose auprès de ce que Ion avoue ignorer. Le passé
nest plus défendu ni défendable; l'art médical est
remué, soulevé par la science qui pointe. Jamais les
dogmes n'ont été si peu, si mal soutenus; le doute rend
la défense faible, et la foi rend l'attaque violente et in-
cessante. Quiconque a foi dans la médecine scientifique
déserte la tradition classique , et cherche , par des moyens
nouveaux et appropriés, à faire une nouvelle médecine
qui ne soit plus un art conjectural. Les classiques ne
croient pas à ce progrès subit et sans transition; ceux
qui défendent les anciens errements sont sceptiques
avant tout.
La logique n'est pas de leur côté. En effet, des gens
qui concèdent l'influence des moyens de transport ra-
pide des objets matériels, de Thomme, de la pensée
même, sur les progrès de la civilisation, qui ne nient
pas l'influence des lunettes d'approche, sur la science
astronomique, marchanderont au microscope sa part
dans les progrès de l'histoire naturelle , et se plaindront
de l'intrusion de l'outil dans le domaine de l'art. Ils
s'indigneront de la substitution d'un appareil mécanique
à l'appareil de l'ouïe, de la vue ou du tact. La médecine
a été longtemps un métier inconnu et mystérieux, qui
ne livrait ses secrets qu'à ses adeptes. S'il faut aujour-
d'hui compter avec les naturalistes, les physiciens et les
chimistes, le mystère n'existe plus, et il n'y a pas d'in-
dividualité si habile à faire autour d'elle le prestige qui
INTRODUCTION. 5
ne puisse être justiciable du premier venu, qui sait de
la physique, deThistoire naturelle et de la chimie, assez
pour exercer son contrôle sur la médecine.
Nous devons dire maintenant en quoi les procédés
des nouveaux explorateurs diffèrent de ceux des anciens
et de ceux des modernes attardés.
Il n'est pas nécessaire, sans doute, pour marquer la
différence des procédés, de remonter bien haut dans
rhistoire. Il est inutile, d'ailleurs, de répéter ce qui est
si bien connu, à savoir quun médecin du xvii^ siècle
n'était guère plus avancé qu'un médecin du temps de
Périclès.
Il y a des périodes d'immobilité et de stagnation qui
durent pendant des milliers d'années. II y a des périodes
de deux cent cinquante ans qui valent vingt siècles. Il a
été moins fait pour la médecine d'Hippocrate à Fagon
que de Harvey à Claude Bernard.
Nous sommes certainement dans un de ces mou-
vements tournants oii s'opèrent de rapides et décisives
réformes.
Beaucoup d'hommes aujourd'hui vivants ont vu naître
deux grands faits absolument nouveaux :
L'histologie,
L'auscultation et la percussion.
Ces deux faits ont à coup sûr produit une immense
révolution dans la médecine. Toute conjecture, toute
hypothèse, disparaissent devant la certitude d'un signe
fourni par l'auscultation et la percussion; toute contes-
tation cesse devant un produit morbide dessiné pai*
rhistologiste.
L'art de bien dire et de pronostiquer habilement,
6 INTRODUCTION.
sans contrôle, va s'effaçant. Les médecins sont tous égaui
devant les lois de Laennec*
L'autorité et Tinfatuation plient devant cette juridic-
tion nouvelle; Télève qui ausculte en peut remontrer au
maître*
Ce n est pas tout. Morgagni avait fait une œuvre im-
mense et tracé un plan admirable de médecine exacte
par Tanatomie pathologique mise en concordance avec les
signes cliniques tels qu'il les connaissait. L'anatomie pa-
thologique se perfectionne, le microscope vient rectifier
les erreurs de nos sens et préciser la nature intime des
lésions, voie nouvelle et à perte de vue. Dès lors, le con-
trôle anatomique est la menace pour les mauvais obser-
vateurs cliniciens, et la récompense des observateurs
soumis aux procédés nouveaux. La chimie anatomique
se fonde , Andral et Gavarret ont osé tenter d accorder
l'analyse des liquides avec les lésions des solides et avec
les troubles dynamiques de lorganisme. Un instant
arrêtée, cette science reparaît aujourd'hui et nous pro-
met des révélations précieuses.
On comprend le légitime orgueil et la satisfaction sans
mélange des hommes qui ont vu, qui ont réalisé eux-
mêmes cet immense progrès accompli en Tespace de
moins d'un demi-siècle.
Eh bien, cela n'est pas assez encore. Déjà ces progrès
ne nous suffisent plus; ils ne sont que les premiers de-
grés d'un escalier dont les générations nouvelles veulent
atteindre les degrés plus élevés. Monter, monter tou-
jours , sans jamais s'arrêter, tel est le progrès. Â qui a
montré la voie et découvert le premier échelon revient
l'honneur. Nous pensons qu'on n'y peut pas plus station-
INTRODUCTION. 7
lier qu'eu n en peut descendre. En cela notre époque
est favorisée. Elie est sûre de ne point demeurer au point
où lont laissée ses anciens, elle sait que Ton peut mon-
ter, et elle monte.
Voilà pourquoi, sans ingratitude comme sans timidité^
nous nous éloignons déjà de ce qui était hier encore le
progrès, cherchant plus loin en avant. Et ainsi il se fiait
qu'un livre écrit aujourd'hui ne doit plus ressembler à
un livre qui date de vingt-cinq ans. Notre livre peut
être un médiocre spécimen de la méthode nouvelle, si
nous sommes nous-mêmes d'un esprit inférieur à celui
de nos aînés; mais, si mauvais qu'il soit, il est conçu
dans un sens nouveau et il appartient au mouvement de
notre époque : c'est le progrès.
Prenons des exemples pour éclairer le lecteur :
La médecine écrite se compose de deux ordres de
Caiits:
Les descriptions dogmatiques, où l'écrivain substitue
sa personnalité aux objets en question et donne libre
carrière à son imagination. Ce n'est ni un peintre d'a-
près nature ni un greffier, c'est un commentateur de la
nature, lequel corrige celle-ci et la traduit à sa façon.
Autant que possible, il lâcbe d'accorder son tableau avec
un plan idéal et préconçu , forçant la main aux faits pour
les faire rentrer bon gré mal gré dans le moule de sa
doctrine. Les plus dangereux parmi ces doctrinaires sont
ceux qui s'appuient sur les anciens et sur la tradition,
comme on s'appuie sur les dogmes.
Le second ordre de faits se rapporte aux descriptions
des cas isolés ou d'une série de cas : ce sont les œuvres
des épidémiologues, les seules œuvres utiles et qui ne
8 IjNTRODUCTION.
vieiHisseiit pas. Ces descriptions, failes de bonne foi,
sans paiii pris, naïvement, restent comme des monu-
ments historiques, où rien n'est déguisé. La sincérité
des détails permet au lecteur, dans la suite des temps,
de corriger après coup les erreurs d'observation ou d'ap-
préciation de Tauteur original. C'est cette sincérité qui
sauve les œuvres d'Hippocrate et celles de quelques
grands modernes connue Sydenham. On y peut puiser
encore aujourd'liui avec toute sécurité, d'autant mieux
que la méthode d'observation y est excellente, si les
moyens sont faibles.
Les mots méthode naturelle, positivisme, biologie,
principe baconien, etc., montrent combien on attache,
à notre époque, d'importance à certains axiomes que Ton
croit à tort modernes. 11 v a une tendance actuelle à
cl
une sorte de formalisme étroit et un grand mépris de
rbistoire; on se figure trop facilement que la science est
chose moderne.
Ce qui est moderne, c'est le ])erfertionnement des
movens matériels d'observation et la substitution de la
certitude à la croyance.
Il y a trente ans, un homme d'un esprit droit et d'un
caractère élevé, M. Louis, essayait d'introduire, dans
fétude de la médecine, une méthode d'observation; il
n'était préoccupé que de la méthode. Les grands médecins
de ce temps étaient occupés à l'auscultation , à la percus-
sion , à l'anatomie pathologique, et faisaient qui une clas-
sification, qui une nomenclature d'après ces données. Il
en résultait des mémoires excellents, des faits nouveaux
bien décrits, et cette organo-pathologie ([ui a été une
des grandes étapes de la médecine. Depuis, les idées de
INTRODUCTION. 9
spécificité, dmfection, d'épidémie, de constitution mé-
dicale , un instant négligées ,^ se sont relevées , questions
posées seulement, non résolues.
C'est au milieu de ce mouvement que M. Louis affirma
une doctnne d'ensemble. Il fallait, disait-il, à laide de
moyens nouveaux , de notions précises dont l'observation
médicale venait d'être subitement pourvue, refaire la
grande enquête et comme l'inventaire de la médecine.
Pour cela, on devait examiner minutieusement tous les
faits particuliers et ne négliger aucun détail. Il fallait
tout recommencer et n'accepter le passé que comme
renseignement. Ce n'était pas renverser, c'était recom-
mencer un nouvel édifice à côté de l'ancien. Voici quels
étaient les moyens proposés : examen du malade fait
dans le plus grand détail; tout devait être exploré,
quelle que fût la maladie; les coïncidences mêmes de-
vaient être observées avec soin. Les antécédents mor-
bides, l'hérédité, la race, le lieu de naissance, la
profession, la taille et la constitution du malade, sa
conformation, étaient notés et inscrits. Puis un long in-
terrogatoire dans lequel le malade , contrarié à dessein
par le médecin, devait défendre et expliquer ses asser-
tions en fournissant des moyens de contrôle, permettait
d'obtenir des notions aussi exactes que possible sur les
causes et le début de la maladie. Le malade était ensuite
soumis à un examen physique complet, c'est-à-dire que
tous les organes et toutes les fonctions étaient passés en
evue. Le volume, les modifications de forme des organes,
la sonorité et toutes les variations du son à la percussion
étaient soigneusepient inscrits sur un registre. Il en était
de même des signes fournis par l'auscultation. La fré-
10 INTRODUCTION.
quence et quelques autres caractères du pouls étaient
également notés. Enfin Ton ne manquait pas d'inscrire
la nature du médicament et son action. Cependant il
convient de dire, à ThonneurdeM. Louis, qui! prati-
quait fréquemment en cette matière ieipectation, c'est-
à-dire que, se méfiant à juste titre des troubles que la
médication pouvait apporter à la marche générale des
maladies, et donnant Teiempie d'une réserve qui a eu
depuis beaucoup d'imitateurs, il observait les maladies
en naturaliste et préférait le rôle de savant observateur
à celui de médecin empirique.
Ce genre d'observations, en ce qui concerne du moins
la maladie actuelle, étant continué pendant toute la du-
rée de Tétat aigu, il en résultait une suite non interrom-
pue de faits qui constituaient un ensemble et formaient
comme les archives de la médecine. On était sûr, par
cette méthode, de ne laisser passer aucune circonstance
importante; on recueillait tout, et Ton se réservait de
trier ensuite les fiuts et d'en extraire ce qu'ils avaient
de constant.
L'examen des cadavres était fait avec la même rigueur
inflexible; rien n'était négligé; tout était noté, même
les lésions qui semblaient être tout à fait étrangères à
la maladie principale.
Cela fait et les cas particuliers se multipliant, on en-
tassait ces matériaux, on les classait, et l'on essayait de
construire une statistique. Étant donnée une maladie
dont on possédait cent exemplaires différents, on cher-
chait quels en étaient les éléments communs, causes,
durée, périodes, signes physiques, troubles objectifs et
subjectifs, terminaison, lésions anatomiques. C'était un
INTRODUCTION. Il
travail long, péaible, que quelques-uns trouvèrent fas-
tidieux; c était en tout cas une œuvre de patience, qui
fut récompensée par Tévénement. Uécole d'observation a
formé un grand nombre des hommes qui sont aujour-
d'hui à la tète de la médecine, et M. Louis a eu la salis-
faction de voir sa méthode couronnée de succès , c est-à-
dire portant des fruits : plusieurs découvertes, plusieurs
vérités déûnitives, sont sorties de Técole d'observation.
La fièvre typhoïde, la phthisie pulmonaire notamment,
ont été' déchiffrées et ont été décrites avec une précision
et une certitude remarquables.
Cependant on a contesté à M. Louis le droit de se dire
chef d'école, on a nié sa méthode. C'était, disaii-on,
l'école de tout le monde et de tous les temps : l'observa-
tion en histoire naturelle ne consistait après tout que
dans un examen minutieux de tous les détails, et la sta-
tistique avait toujours été un moyen connu sinon de
nom, du moins de fait, l'expérience n'étant que le ré-
sultat de l'observation de faits particuliers. D'ailleurs,
cette minutie, cette décomposition de la maladie en une
foule de faits de détail faisait perdre de vue l'ensemble
du malade.
Si cette école, au lieu d'user de moyens anciens et
connus, tels que la conversation du médecin avec le
malade et l'usage des sens tout seuls , sans aucun moyen
physique nouveau, sans instruments de précision, avait
apporté une série de moyens nouveaux et plus exacts ,
elle aurait facilement réfuté ses contradicteurs. Malheu-
reusement elle ne connut ni le microscope , ni les ana-
lyses chimiques,, ni les instrumeiîts de physique appli-
qués à l'oculistique et à l'examen du larynx, ni les
12 INTRODUCTION.
appareils enregistreurs, ni l'usage du thermomètre, et
elle accorda trop aux renseignements subjectifs.
Après avoir donné ses résultats premiers, elle se
trouvait arrêtée et ne pouvait aller plus loin. LMdée
n'en reste pas moins juste et bonne, à savoir qu'il faut
refaire chaque jour la médecine et examiner tous les
cas particuliers avec un égal soin, comme si ces cas
étaient nouveaux et inconnus. Mais une réforme dans
lés procédés d^observatùm était nécessaire. Il fallait aussi
choisir un autre objectif pour l'étude, c'est-à-dire sim-
plifier l'observation , la réduire aux signes indubitables ,
et n'accepter que les éléments sérieusement contrôlables.
Quant au reste, il n'y avait rien à réformer.
Quel est donc cet objectif nouveau, quels sont ces
nouveaux procédés d'observation ?
D'abord nous posons en principe qu'il y a chez
l'homme malade des éléments mobiles et variables, et
que d'autres y sont fixes. Ce sont ces derniers auxquels
nous devons nous attacher de préférence. Parmi ceux-
ci, par exemple, le pouls a toujours occupé le premier
rang depuis la plus haute antiquité. Le pouls marque,
par sa fréquence principalement, pour ne pas parier de
ses autres caractères, la marche, les périodes diverses
de la maladie, et donne une idée de l'état du malade,
c'est-à-dire de ce qui importe le plus. Ce caractère ce-
pendant ne suffit pas; l'abus qu'en ont fait les médecins
anciens et même les modernes, les conclusions erronées
et exagérées qu'ils en ont tirées, ont entraîné une réac-
tion violente. Devant les moyens d'observation que ce
siècle a vus naître , 'moyens plus exacts et certains ,
l'examen du pouls s'est effacé et est tombé dans le dis-
INTRODUCTION. IS
crédit même, jusqu'au moment où un outillage nou-
veau a permis d'en tirer un profit inattendu.
Le plus grand médecin moderne, Laennec, qui nous
a donné fauscultation et a contribué plus que personne
à fonder Tanatomie pathologique, avait exprimé son
mépris pour Fart de tâter le pouls. Il avait trop fait
pour la médecine exacte, pour ne pas s'indigner de
cette suffisance médicale qui, sans études sérieuses,
sans fournir ses preuves, prétendait à un tact spécial, à
des perceptions intimes dont on n'avait pas à rendre
compte. Aussi pouvait -il, sans craindre d'être accusé
d'exagération, et en vertu de la mission réformatrice
quMl s'était donnée , dire :
•
On aurait peut-être le droit de s'ëtonner que Texploration du
ponb ait été si généralement employée par les médecins de tous
les âges et de tous, les peuples, malgré son incertitude avouée
par les plus instruits d'entre eux. La raison d'une pareille faveur
est cependant facile à sentir; elle est dans la nature humaine; ce
moyen est employé parce qu'il est d'un usage facile; il donne
aussi peu de peine et d'embarras au médecin qu'au malade; le
plus habile, après l'avoir employé avec toute Tattention dont il
est capable, ose à peine en tirer quelques inductions, et hasarder
des conjectures qui ne se vériGent pas toujours; et, par consé-
quent, le plus ignorant s'expose fort peu en en tirant toutes les
inductions possibles.
Ce que le tact ne pouvait donner, ce que l'infatuation
médicale supposait ou imaginait, les appareils enregis-
treurs le donnent avec preuves à l'appui. On ne récuse
pas un dessin fourni par les organes s'inscrivant eux-
mêmes. Reste l'analyse des tracés. Les interprétations
peuvent varier, mais on opère sur un terrain solide, on
14 INTRODOCTION.
founiit une preuve sur laquelle la critique peut s'exer-
cer. Ce n'est plus un art que Ton invoque, art person-
nel, intransmissible; c'est une science qui se fonde.
Dailleui*s la reproduction artificielle ou schématique
des différentes figures du pouls, faite dans les labora-
toires, permet de contrôler et d'expliquer les variations
des figures graphiques fournies par lappareil enregis-
treur. Nous n'avons plus à défendre cette méthode ac*
ceptée de tout le monde savant.
Mais, avant d'entrer dans le détail de la méthode,
exposon&-en les principes d'ensemble :
La doctrine nouvelle, la voici : supprimer ou amen-
der tout ce qui est de simple tradition et de mauvaise
physiologie, ne rien interpréter sans y être autorisé
par des notions de physique exacte , renoncer à la mé-
decine indépendante, qui prétend exister par elle-même
et avoir ses lois propres. Ramener tout à des phéno-
mènes physiques et non vitaux, et, si l'on veut conserver
une illusion sur les propriétés spéciales du microcosme,
convenir, du moins, que le seul moyen de contrôler
les phénomènes morbides est de recourir aux méthodes
physiques. On peut réserver, si l'on veut, les questions
relatives à la spécificité de l'instrument humain, aux
réactions de l'organisme contre le monde extérieur;
toute latitude est accordée , sous ce rapport, aux opinions
et au sentiment, mais on n'a plus le droit de se sous-
traire au contrôle de la physique. Tout ce qui est sub-
jectif doit ou être soumis au contrôle des instruments
de précision, ou, du moins, n'être accepté qu'à titre de
renseignement.
Ainsi les sensations éprouvées par le malade occupent.
INTRODUCTION. 15
dans les descriptions anciennes, une place considérable,
moindre, mais trop grande encore dans les modernes.
Il n'en faut prendre que le nécessaire, l'indispensable,
il faut les accorder autant que possible avec les signes
physiques visibles et tangibles. Les mots lignes ratiati-
nels doivent être employés avec ménagement et n'être
appliqués qu'à bou escient. Il faut tout mettre en œuvre
pour faire la preuve du fait ressenti par le malade et
traduit par lui souvent d'une façon erronée. Il faut sur-
prendre la fonction troublée et l'attaquer par le point
où elle se découvre à nous. Par exemple, la diplopie
ou vision double doit être ramenée à un contrôle op-
tique soit par l'exercice auquel l'observateur soumet
Tœil du malade , le faisant passer par des épreuves où
le fait éclate et se prouve, soit par l'examen direct de
Fœil fait avec l'instrument optique. La paralysie doit
être explorée par les instruments appropriés , électricité,
chaleur, froid, esthésiomèlre, dynamomètre. On voit
comment ici le récit du malade, ses sensations, ont un
contrôle direct el matériel saisissable, chiffrable. C'est
l'objectif substitué au subjectif. Les sensations de froid
et de chaud, qui occupent une si grande place dans les
signes subjectifs, doivent être contrôlées par le thermo-
mètre. Et ce n'est pas seulement la sensation propre du
malade qui est erronée et qu'il faut corriger, c'est aussi
la sensation du médecin, qui, procédant de son tact, le
conduit à des renseignements vagues et peu scientiGques.
Que penser de ces mots: chaleur acre, mordicante,
brûlante, halitueuse, qui pendant si longtemps ont été
inscrits dans les livres de médecine? le thermomètre
seul donne la vérité et permet d'npprécier exactement
i6 INTRODUCTION.
le fait de la chalear dans ses variations. Le médecin
qui se contente de sa sensation ressemble à l'astronome
qui refuserait d examiner les astres autrement qu à l'œil
nu. L'examen du pouls fait avec la main offre de pa-
reilles imperfections et demandait une réforme. Nous
avons montré ailleurs comment, ici encore, il faut avant
tout chiffrer la fréquence, puis apprécier les autres ca-
ractères à l'aide d'un appareil enregistreur. Les chan-
gements survenant dans le volume et le poids du corps
ne peuvent pas davantage être appréciés à la vue; le
médecin peut commettre , à cet égard, des erreurs con-
sidérables, et son appréciation peut être tout à fait ou
partiellement erronée. La balance seule nous donne la
vérité, et ce signe prend dès lors la valeur d'un fait im-
portant. Le frisson , les crampes , les convulsions , n'offrent
à la vue qu'une image confuse et mal définie; leurs
variétés innombrables échappent à nos sens insuflSsants.
Là encore le thermomètre et les appareils enregistreurs
nous donnent la faculté d'analyser, de dessiner, de dis-
tinguer les formes, les variétés, avec une netteté in-
connue jusqu'ici. Or aucun de ces renseignements n'est
inutile.
D'autre part, l'examen des excréta par la physique
et la chimie nous ouvre un vaste champ d'exploration.
L'histoire naturelle des maladies, grAce au micros-
cope , a pris une place prédominante et qu'on ne sau-
rait lui disputer. Les maladies parasitaires sont connues
et classées, fait nouveau et d'une importance considé-
rable. L'examen des urines donne les plus précieux ren-
seignements en permettant d'apprécier par les cendres
le travail morbide accompli par l'organisme, et de le
INTRODUCTION.
17
graduer presque. Les produits morbides de cet excré-
tum sont isolés , et à eux seuls permettent souvent de
donner à la maladie sa véritable signification , son dia-
gnostic et son pronostic. Ce genre d'examen a un avenir
considérable. De Thistologie appliquée à Tanatomie pa^
thologique, on peut dire qu elle a transformé presque la
médecine et changé en notions positives quantité de
notions confuses et préconçues.
Mais nous voulons parler plus spécialement des
moyens d'observation clinique qui tendent à prévaloir,
et montrer la supériorité de ces procédés nouveaux sur
les anciens.
La multiplicité des catégories produites par les pro-
grès des sciences a divisé les médecins en plusieurs
classes. Lqs uns sont physiologistes, lesquels se subdi-
visent en histologistes , en vivisecteurs ou médecins ex-
périmentateurs, physiciens ou mécaniciens, chimistes;
les autres sont anatomistes, naturalistes; d'autres sont
adonnés plus particulièrement à lanatomie patholo-
gique et à l'histologie. Enfin la médecine, dans le sens
usuel et traditionnel du mot, c'est la médecine clinique,
c esl>^-dire l'examen et le traitement de l'homme ma-
lade '.
' 11 ne faut pas condure que la mé-
decine ciiniqne soit exciae du cercle des
sciences nositives; elle prend, au con-
Inire, pirt à reipërimentation; elle
indique les dêtiderata , fournit au phy-
siok^liste la matière de son travail , lui
indique où il doit chercher, et le phy-
sM^ogiste revient encore au clinicien
pour faire consacrer par lui ses dé-
eouverles. Aussi H. Cl. Bernard inti-
tule-t-il ses recherches «médecine expé-
rimentale.»
La clinique ne saiBl pas au progrès;
il fiiut ralliance du médecin traitant et
du physiologiste.
A notre époque deux grands faits ont
montré ce que pouvait la physiologie
pour les progrès de la médecine.
M. Cl. Bernard a attaqué dans son la-
boratoire la question de l^inâammaUon,
a
18 IMRODUCTIOX.
C'est de la médecine clinique que nous parlons ici.
Elle n'est pas demeurée inacfive, et les pro<i[rès réalisés
autour de son domaine propre ne l'ont pas trouvée im-
mobile. Elle prend à toutes les spécialités qui l'envi-
ronnent ce qui lui est nécessaire et quille volontiers la
chambre du malade pour le laboratoire, soit qu'elle
examine par elle-même, soil([u'ellc demande les examens
physiques, chimiques, histologiques, aux savants sj)é-
ciaux. Puis, sans quitter le lit du malade, elle dispose
ses appareils et use de ses pi'océdés ])ersonnols.
Etant données les préoccupations d'exactitude que
nous avons indiquées, il fallait ajouter et corriger quel-
que chose aux anciens procédés, non par désir de nou-
veauté, mais par nécessité.
C'est folie de vouloir mesurer la vie. La complexité
de la vie est telle, que c'est, à proprement parler, cher-
cher l'absolu que vouloir la réduire à un caractère unique,
saisissable et mesurable. La vie est une abstraction et non
une réalité soumise à l'analyse. Mais, sans rabaisser le
sujet, ne peut-on pas dire que l'existence même des
corps inorganiques écha])pe à l'analyse unique et qu'un
seul caractère ne suflTit pas pour décrire et mesurer un
de ces corps. Aussi tàche-l-on de réduire tous les carac-
tères en un caractère unique, plus constant que les autres
et applicable à tous les corps. La chaleur est un de ces
caractères, le poids en est un autre. Aussi voit-on les
cl SOS Iravaiix sur los nerfs vnso-nioleiirs VœW , créérophlliaimoscopc, eldu mt'mc
ont renouvelé tout rédilice de Tii-riln- coup l'oculisli(|ne a élé cufjendrée.
lion, du molimen, de la fluxion, de la Ces deux fails suflisenl à notre dc*-
phle||masie. nionslraJion.
Ilelndiolz a ('liidié l'oplique, décrit
INTRODUCTION. 19
savants ramener tout à des questions de chaleur, de
densité, de pression, de poids. Ainsi pour Thomme.
Voyez ce que dit M. Henri Sainte-Glaire Deville de
la méthode ^ :
ff Les sciences mathématiques sont le développement,
suivant la logique humaine , de quelques hypothèses ou
axiomes , qui sont la création de notre esprit et dont
les relations avec la nature qui nous entoure n'ont rien de
nécessaire, quoique ces relations et l'observation du
monde extérieur aient dû inspirer les premiers inven-
teurs de la géométrie. Dans les sciences physiques, au
contraire , notre esprit ne peut rien créer de ce qui fait
le sujet de nos études, et l'hypothèse y est remplacée
par le fait matériel qui est en dehors, de nous. De là
une différence profonde dans les méthodes que nous
devons appliquer à la recherche dé la vérité dans ces
deux grandes branches du savoir humain.
<rDan8 les sciences physiques, toute hypothèse doit
être rigoureusement exclue. L'hypothèse a été d'abord
une abstraction, c*est-à-dire une création de notre
esprit, que, par habitude, nous avons transformée en
r^ité; elle a été une fiction à laquelle on a donné un
corps : elle a toujours été inutile, elle a été souvent nui-
sible. Ces hypothèses, ou les forces (car c'est tout un)
qu'on appelle l'affinité, et son antagoniste obligé, la
force répulsive de la chaleur, la cohésion et tous ces
agents particuliers, la force cataly tique , la force endos-
motique, les fluides impondérables, etc., toutes ces hy-
pothèses n ont servi qu'à éloigner de notre attention les
^ H. StÎDleCllaire Oerflle, Goronranication à Tlnstitat, 1c s3 mai 1 870.
9.
20 INTRODUCTION.
véritables problèmes de la science. On les croit réso-
lus, parce qu'on a donné le nom d'une force à leur
cause inconnue. La méthode dans les sciences physi-
ques, méthode qui est toujours la même quand il s'agit
de la matière, qu elle soit inerte ou organisée, qu'il s'a-
gisse du feu, des pierres ou des animaux, c'est la déter-
mination précise et numérique, autant que possible, des
ressemblances et des dissemblances, c'est enfui l'établis-
sement des analogies d'où naissent les classifications, t)
Ces principes sont applicables aux sciences médi-
cales.
Les maladies sont constituées par un ensemble très-
complexe de faits parmi lesquels il faut choisir les élé-
ments mesurables, c'est-à-dire ceifx qui se prêtent à une
analyse exacte et que l'on peut chiffrer. On ne saurait en
effet tout embrasser sans renoncer à la précision dans
les descriptions. L'impression d'ensemble que ressent un
observateur bien doué et expérimenté , ne peut pas se tra-
duire nettement. 11 faut se méfier, dans une analvse
scientifique, des conceptions subjectives, et se borner à
la détermination des phénomènes qui tombent sous les
sens et peuvent être isolés de l'ensemble. Les méthodes
d'analyse actuellement usitées dans la plupart des bran-
ches des sciences naturelles sont applicables à l'étude de
l'homme malade. Par ces moyens, on échappera aux des-
criptions longues et obscures et à l'impropriété des
termes, qui sont justement reprochées à la nosographie
traditionnelle.
Substituer autant que possible l'objectif au subjectif
et réprimer la prolixité du langage, tel est le but que
doivent poursuivre aujourd'Jiui les hommes adonnés à
INTRODUCTION. 21
l'étude des sciences d'observation. L'exposé d'un fait doit
être court et démonstratif.
Plus on parle longuement, plus on risque de se trom-
per, et l'erreur se multiplie, pour ainsi dire, par le
nombre des mots. Il faut, autant que possible, se bor-
ner à la description d'un phénomène isolé, le suivre
dans son évolution complète, en marquer les phases di-
verses par des points de repère , et recourir aux chiffres
et aux figures. Le texte écrit n'est plus que le commen-
taire de la représentation graphique.
Or, parmi les manifestations multiples et confuses des
états morbides, il est possible d'isoler des phénomènes
qui soient moins trompeurs que les autres, qui puissent
être soumis au mode d'investigation usité dans l'étude
des sciences physiques, qui soient mesurables. Ces élé-
ments, qui nous fournissent la base d'une plus grande
certitude et que nous pouvons traduire en courbes ou
en figures, sont : la chaleur, le poids, les mouvements or-
ganiques.
Nous avons, pour les contrôler, le thermomètre, les
appareils enregistreurs et la balance.
Le premier progrès, progrès immense, nous est
arrivé par la thermométrie. Donnez-moi un thermomètre
et je vous décrirai la marche d'une maladie sans autre
aide. C'est qu'en effet la chaleur est la fonction la plus
constante , la plus sûre , dans les maladies. Elle est plus
sAre que le pouls, à plus forte raison l'emporte-t-elle
en certitude sur tous les signes subjectifs, sur tous les
modes d'exploration, ayant pour but de nous édairer
sur l'état général du malade. Elle seule est constante et
ne fait pas défaut; les signes physiques locaux sont va-
22 INTRODUCTION.
fiables et peuvent nous tromper; ils peuvent échapper
à notre attention. Nous pouvons nous méprendre sur
leur intensité; ils sont fondés après tout sur une per-
ception de nos sens. Le thermomètre ne nous trompe
pas.
D'autres raisons nous ont décidé depuis plusieurs
années à prendre la chaleur du corps pour sujet de nos
études; c'est une actualité, cela est vrai, mais, s'il n'est
pas absolument bon de suivre la mode, il est pire de la
méconnaître. Le plus souvent ses engouements peuvent
se justiGer par un progrès apparent ou réel. Nous pas-
sons aujourd'hui par une période où le thermomètre est
en honneur, nous pensons que c'est à juste titre et qu'il
nous fait accomplir en ce moment de grands progrès
qui resteront, dût plus tard le thermomètre aller re-
joindre tous les vieux instruments de Sanctorius, de
Borelli, de Harvey, de Galilée, etc.
Ces témoins des travaux de nos ancêtres ont eu leur
raison d'être, ce n'est qu'en épuisant ce qu'ils pouvaient
donner qu'on a trouvé mieux.
La chaleur est aujourd'hui la grande préoccupation
des savants, c'est pour eux le phénomène qui les résume
tous, mouvement, changement d'état, développement
des corps, tout aboutit à prendre ou à céder de la cha-
leur.
Pour le prouver, rappelons seulement la transfor-
mation des forces , entrevue par d'Holbach , au xvni* siècle,
démontrée dans celui-ci. L'étude des mouvements dans
les corps inorganiques ou organiques ne peut plus se
faire sans connaître la puissance mécanique de la cha-
leur: aussi, si vous pénétrez dans les laboratoires, vous
INTRODUCTION. S3
verrez que les chimistes, les physiciens, les mécaniciens,
ont toujours un thermomètre à la main.
Or, de la dynamique des corps, nous ne surprenons
que les changements de place, de forme, d'état, et la
chaleur est ce que nous saisissons le mieux de ces trans-
formations rapides et passagères. Et cela parce que nous
avons Youtilf et, il faut lavouer, l'outil fait un peu la
science. 11 n'y a pas d'astronomie sans télescope, d'his-
tologie sans microscope, d'étude possible des change-
ments d'état des corps inertes ou vivants sans thermo-
mètre.
L'introduction du thermomètre dans les recherches
cliniques ne se fait pas sans provoquer des critiques et
des railleries. Broussais se moquait du tube de Laennec,
chacun de nous n'a guère épargné les anciens. Depuis
les études thermométriques , le pauh est mort y nous dit-
on. Nullement, mais, dans les maladies, c'est un signe
variable, trop dépendant de mille causes pour qu'il ré-
ponde à ce que nous cherchons : la plus grande certi-
tude possible. La chaleur est l'expression même du mou-
vement dans les maladies fébriles; elle est le principal
signe, elle donne la mesure du danger, elle commande
le pronostic. C'est vers elle que le médecin peut fixer
les yeux comme sur une boussole.
Je ne voudrais pas que l'amour de mon sujet pût me
pousser à un panégyrique excessif, mais il serait justifié
par la tradition , où l'on trouve la trace plus ou moins
consciente du rôle attribué à la chaleur dans les mala-
dies. Ainsi le peuple, de toute antiquité, a nommé la
fièvre pyrexie : tsrujo, feu. Hippocrate tenait le mot de la
24 INTRODUCTION.
tradition. Bien avant lui , comme de nos jours» lorsque les
malades ont essayé de rendre en un langage imagé lessen*
sations de lafièvre, ils ont dit : j ai chaud, j'étouffe, je brûle.
Les mères n ont-elles pas toutes perçu et exprimé
que leur enfant a l'haleine chaude, qu'il a la tète ou les
mains brûlantes. Elles n'ont pas besoin de tâter le pouls
pour savoir que leur enfant a la fièvre. Les gens du
peuple disent que les malades ont la peau fumante, la
chaleur et la sueur sont pour eux les vrais signes des
maladies aiguës; ils pensent que suer fait tomber la
chaleur du corps, et ils s'efforcent de se faire suer quand
ils se sentent malades.
Nous sommes donc conduits à reconnaître, même
avant toute science, que le signe le plus spécifique des
maladies aiguës, c'est l'augmentation de la chaleur.
Connue de toute antiquité , comment se fait-il que l'on
ait attendu jusqu'à ce jour pour donner à ce signe toute
sa valeur? C'est que l'outil manquait. Les physiciens
n'avaient pas inventé le thermomètre. Dans les sciences
d'application comme la médecine , la pratique est tribu-
taire des naturalistes , des physiciens et des mécaniciens.
Cela n'est point contestable.
Or comment s'exprimaient les médecins de l'anti-
quité et des temps modernes avant l'usage régulier du
thermomètre? Ils faisaient pis encore que pour le pouls,
où les appréciations étaient du moins vraies, quant au
nombre des pulsations, surtout depuis l'invention des
clepsydres, des pulsilogium et surtout de la montre
à secondes , mais où les indications tiréesides autres carac-
tères du pouls étaient erronées le plus souvent. Ces
expressions médicales des anciens temps, en ce qui con-
INTRODUCTION. 35
cerne la chaleur, vous les entendez encore aujourd'hui,
si vous y faites attention.
Je ne fais appel qu à votre mémoire. N'avez-vous ja-
mais entendu des médecins dire :
Ce malade a bien chaud; il a la peau brûlante; il a
une chaleur sèche; une chaleur humide; halitueuse;
acre. Avant nous on disait : chaleur mordicante, etc.
Pourquoi d ailleurs faire l'énumération de ces termes
vagues et peu scientifiques? Je ne suis pas sûr pourtant
que quelques-uns ne préfèrent pas encore la paume de
la main, comme faisaient nos pères. Les argument de
ces médecins nous sont connus : <r Je n'ai pas besoin de
vos instruments pour savoir si un malade a chaud ou n'a
pas chaud, je le sais bien avec ma main. D'ailleurs j'ai
la ressource du pouls. £t puis, quand un malade aurait
plus ou moins chaud, qu'est-ce que cela prouve, dès
rins(ant qu'il a la chaleur de la fièvre??) A ces argu-
ments, répondez de deux manières :
1® En prouvant que le pouls ne suffit pas au dia-
«gnostic;
d® Que la chaleur de la fièvre est un vain mot,
attendu qu'il n'y a pas de chaleur fébrile, mais des cha-
leurs fébriles très-variables, et dont la variation importe
beaucoup ;
3® Enfin faites ce que j'ai fait tant de fois : proposez
à tous les assistants de percevoir avec la main la tempé-
rature d'un malade et notez le chiffre de chacun, vous
verrez quelles grossières erreurs sont commises: l'un
dira /io degrés, l'autre 38, l'autre 37, un autre 39.
Seul, le thermomètre aura raison.
Ce n'est pas que je veuille faire le procès à nos organes
26 INTRODUCTION.
des sens , à notre toucher. La main est un admirable
organe de tact, et elle nous donne des notions sur Tétat
différentiel des corps, mais elle ne nous permet pas de
chiffrer. La main, dans la comparaison de deux tempé-
ratures différentes , reconnaîtra un écart d'un vingtième
de degré, puissance énorme d'analyse, seulement elle
ne saura s'il s'agit d'un dixième, d'un quart, d'un quin-
zième, ni même quel est le degré.
Il faut exercer la main en s'aidant du thermomètre;
on fait l'éducation de ses sens en les corrigeant par les
instruments de précision. C'est ainsi qu'un bon micro-
graphe sait mieux voir les lésions même les plus fines
des tissus avec son œil nu , et qu'un médecin exercé au
maniement du sphygmographe sait mieux sentir et inter-
préter les nuances du pouls tâté avec le doigt. De même
un clinicien qui a souvent surpris en faute le tact de sa
main, et l'a corrigé par le thermomètre, arrivera à une
plus grande sécurité de tact lorsqu'il cherchera à appré-
cier la température des malades avec la main.
Mais c'est trop s'occuper de démontrer l'évidence.
Cependant il reste un point à éclaircir, à savoir si le
tact ne donne pas, mieux que le thermomètre, idée d'un
ensemble de caractères de la peau où la chaleur n'entre
que comme un des éléments.
Les mots chaleur acre, aride, mordicante, ont-ils un
sens? Pour moi, je ne leur en crois qu'un , à savoir que la
peau est sèche ou humide, et ce n'était pas la peine d'in-
venter cette nomenclature pour si peu de chose. Il était
plus simple de dire : sécheresse, humidité, ou sueur.
S'il fallait encore nous justifier d'avoir fait de la cha-
INTAODUGTiON. 27
leur le sujet de ce travail, nous n'aurions qu'à tracer en
quelques lignes ce que les anciens eussent appelé YEhge
de la cludeur.
La principale fonction des êtres vivants est la chaleur.
Im vie y c€$t le feu. Cette image grecque reste vraie. Pour
Liebermeister, «La vie est la faculté qu'ont les animaux
d'entretenir leur température à un degré constant. Ils ne
sont occupés qu'à faire et à défaire de la chaleur, t)
Bien plus, la matière inanimée elle-même ne peut
changer de place ni d'état sans livrer ou prendre de la
chaleur, car la chaleur c'est le mouvement , la méca-
nique de la chaleur, ou équivalent mécanique, est l'es-
sence de tout changement d'état. La chaleur est le mo-
teur universel.
Donc l'homme est nnfoyer^ un fourneau, et ainsi il
se meut et s'entretient et accomplit ces mille actions
d'ensemble et de détail qui sont la vie. Entendez l'usine :
jour et nuit sa cheminée fume, et la machine à vapeur
fait entendre son mouvement rhythmé et monotone.
Ainsi est le tic-tac du cœur primum salienSf ullmum mo-
riens. . • 11 foule, il fait marcher sa pompe. . . Le ré-
servoir, qui est l'estomac, reçoit le combustible,. • . et
parfois, s'il se vide, la machine emprunte à sa réserve,
et il lui faut donner à brûler les parois mêmes de son
logement. Ainsi les steamers brûlent leurs planchers
pour continuer à marcher quand le charbon manque et
qu'il y a une avarie.
11 faut dès lors que l'homme cherche du combus-
tible, car il lui en faut non -seulement pour végéter,
mais pour se mouvoir, pour se reproduire, pour parler,
pour penser... On peut trouver dans les déchets de
28 INTRODUCTION.
l'urine le coefficient de détiutrilion de chacune de nos ac-
tions. Tout nous coûte de la chaleur; on ne fait rien
avec rien; on fait des mouvements et de la pensée avec
de la chaleur, le mouvement nous en restitue, et le
monde extérieur est là, mine inépuisable qui nous ré-
pare, mais non sans peine. . . 11 n'y a que deux choses
qui ne coûtent rien ... et qui ne payent pas de droit. • .
l'oxygène partout et... le soleil dans le midi... Mais,
sitôt qu'on s'éloigne de l'équateur, le soleil coûte cher,
et l'homme n'est plus occupé qu'à se procurer le feu
au dehors et le combustible pour le dedans. . . Aussi est-
il glouton. Voyez les peuples du Nord... mangeurs de
graisse, d'huile, de jambon, de grosses viandes , de pâtes
épaisses qu'ils délayent dans du thé ou de la bière, et
buveurs d'alcool, qui excite leur lourde circulation. Man-
ger estleur objectif. . . Les hommes du Nord sont grands,
gras, lourds, massifs, épais. Les peuples près du soleil
n'ont pas besoin de manger ou à peine. Mettes en parallèle
l'Espagnol fer qui vit d'un oignon et d'une cigarette;
l'Arabe qui vit de couscousse; l'Indien qui ne remue
que les yeux et paraît vivre sans manger; le Lazzarone
paresseux . . •
Pour le Nord, vivre, c'est manger; pour le Midi,
vivre, c'est se chauffer au soleil.
Donc, quand cette machine à feu a dérangé son foyer
et altéré son régulateur, c*est la maladie aiguë.
Etudier les lois de ces dérangements, leurs effets,
leur durée, leur courbe, c'est faire de la bonne méde-
cine scientifique.
Or, de toutes les fonctions, la chaleur est la plus fa-
cile à mesurer et celle qui les résume toutes (synthèse).
INTRODUCTION. 29
Voilà donc une fonction nouvelle, el la plus impor-
tante de toutes, qui prend désormais sa valeur. Dès lors
nous cherchons ce signe et nous en tenons compte sans
négliger les autres signes que nous devons à nos de-
vanciers.
L'expérience, en nous dévoilant les oscillations di*
verses de la chaleur, nous a montré la nécessité d exa-
miner nos malades matin et soir, et nous a enseigné à ne
nous méprendre ni sur lexacerbation vespérine, ni sur
la rémission matutinale.
Nous poinions donc exactement la chaleur, matin et
soir; puis, nous adressant à cet acte fonctionnel de tout
temps exploré , le pouls , nous en pointons également les
variations (fréquence), et nous apprenons comment le
pouls se comporte par rapport à la température. En le
contrôlant ainsi nous avons vu qu'il suivait presque
constamment la température, et nous lui avons dès lors
restitué la valeur qu'on lui avait en partie contestée.
Ce n'est pas tout : l'expérience apprend que la répar-
tition de la chaleur aux différents points du corps n'est
pas toujours identique, el l'exploration de différents points
spéciaux nous permet d'établir où et comment ont lieu
ces actes de répartition , de concentration , de diffusion ,
et d'interpréter ces variations.
Et ici nous devons nous expliquer sur les courbes et
sur les figures graphiques des maladies. Nous parlerons
ensuite des figures données directement par les appa-
reils enregistreurs.
Estrce une méthode nouvelle que celle des courbes et
figures graphiques des maladies? Non, sii'on entend
par là que la médecine aurait imaginé d'emblée et pour
30 INTRODUCTION. .
son propre compte cette méthode ; oui , si Ton veut ad*
mettre que la médecine s'approprie en ce moment cette
méthode, qui était dans le domaine public et était appli-
quée surtout par les mécaniciens et les statisticiens pour
apprécier la marche de certaines fonctions, et les varia-
tions suivant le temps de certains phénomènes. En fait,
la reproduction des maladies sous cette forme est une
chose nouvelle et importante. La fastidieuse description
en un langage obscur et plein de vague de la marche
d'une maladie idéale vue à travers les doctrines du mo-
ment ne saurait entrer en parallèle avec la figure nette,
précise, mesurable, formant ensemble, que donne une
courbe. D'ailleurs les éléments de cette courbe ne prêtent
à aucune contestation et ne sont point matière à dis-
pute. C'est le fait lui-même, sans commentaire, qui se
développe sous les yeui. Ce sont les variations d'une
fonction dont un instrument de précision indique le de-
gré. Et, lorsque ces courbes diverses, obéissant à une
même loi, marchent ensemble, parallèlement, montent,
descendent, varient de façon à donner toutes une même
figure, cette identité d'action ne fournit-elle pas une
plus grande certitude, par le double, triple, quadruple
contrôle qui y est contenu?
Or l'expérience montre que les maladies, dans leur
marche, affectent une figure à peu près constante,
et que les espèces morbides s'accusent nettement par
leur forme, si bien qu'en prenant au hasard un grand
nombre de courbes et en les compai:ant, on voit da'bord
qu'elles peuvent être classées en groupes naturels; ces
groupes, ce sont précisément les collections d'observa-
tions particulières se rapportant à la même maladif^. Et
INTRODUCTION. SI
dans ces observations particulières domine une forme
générale; puis il y a des variations individuelles, qui
peuvent encore être classées. EnOn le type se dégage.
Quelle description peut entrer en parallèle avec ce pro*-
cès-verbal de la maladie contenu en une figure? Sans
doute on ne saurait aujourd'hui réduire ces figures à
un type analogue aux figures géométriques. Mais déjà
la différence des espèces s'accuse assez nettement pour
qu un homme, même peu exercé, puisse dire du premier
coup : voici une fièvre typhoïde ; cette autre figure montre
une pneumonie; cette troisième, une variole, etc., et
pour qu'il sache si la maladie est normale ou anomale,
pour qu'il en distingue les périodes, la terminaison. Le
traitement s'y trouve inscrit aussi par les perturbations
mêmes de la courbe.
Ni la mémoire la plus fidèle ni les notes les plus
détaillées ne pourraient permettre de reproduire les
traits et la marche d'une maladie ou d'un symptôme
avec la perfection que l'on trouve dans les tableaux gra-
phiques. C'est, à proprement parler, une méthode d'a-
nalyse.
On peut surveiller les moindres déviations des fonc-
tions les plus importantes, et voir si ces déviations
arrivent^à l'époque voulue et dans la mesure ordinaire,
durent un temps suffisant ou dépassent la limite habi-
tuelle; on peut surveiller, par ces déviations accrues ou
corrigées, l'action des remèdes. On peut même doser
celte action. Ainsi il nous est arrivé souvent de faire
descendre à volonté la température par l'action de la
digitale, de reculer et de diminuer un accès de fièvre
intermittente par une faible dose de quinine, de le sup-
35 INTRODUCTION.
primer enOn et de couper définitivement la fièvre par
une dose plus forte.
Ce n est pas seulement un moyen d analyse que nous
employons, c'est aussi un moyen défigurer toute la ma*
ladie et de réduire cette figure à une courbe connue,
toujours identique avec elle-même pour tous les exem-
ples réguliers de la même maladie. Il faut que tous les
cas normaux d'une même maladie donnent une figure
toujours superposable à la figure type. Et cela est en
effet, sauf de légères variations. Encore pouvons-nous
reconnaître plusieurs variétés dans l'espèce. Ces variétés
sont en nombre limité; l'expérience apprend à les con-
naître, et, quand nous posséderons des collections où
seront classés tous les types, nous pourrons, étant donné
un cas particulier, lui trouver son homologue dans l'un
de nos types. On arrivera ainsi à déterminer les /ormes
des maladies, et à donner une base solide au fragile
édifice du pronostic et de la thérapeutique.
Nous ne prétendons pas que l'on puisse se borner à
l'étude d'un seul de ces éléments mesurables, que le
thermomètre, par exemple, puisse toujours remplacer
l'examen du pouls.
Cette erreur aurait des conséquences très-fâcheuses
dans la pratique. La température donne des résultats
positifs et à peu près constamment exacts au point de
vue de la marche de la maladie et de son pronostic,
mais il n'en est pas toujours ainsi.
Les objections que l'on peut faire à la thermométrie
cessent d'avoir leur raison d'être, si Ton s'astreint en
même temps à recueillir les observations relatives au
pouls. C'est de ces deux éléments conjoints que dé-
INTRODUCTION. 83
pendent surtout le diagnostic et le pronostic. Si on les
sépare, l'incertitude renaît.
De nombreux exemples quotidiens démontrent la
vérité de notre assertion , et nos courbes en fournissent
plus d'une preuve. Entre autres cas, nous citerons les
suivants :
Il arrive que, dans une maladie grave, comme, par
exemple, la fièvre puerpérale, la température atteint
Uo degrés et s'y maintient à peu près invariable. Or, si
le pouls, à un moment, prend une plus grande accéléra-
tion, c'est-à-dire passe deiâoài36 sans que la tem-
pérature change, cela suffit à donner une indication
très- grave pour le pronostic. C'est souvent signe de mort
prochaine. Si l'on n'avait consulté que le thermomètre,
on n'aurait pas été averti de cette menace.
Ailleurs^ le pouls lent avec une haute température,
marque l'ataxie propre aux méningites.
La fréquence exagérée du pouls avec une basse tem-
pérature marque certains états nerveux, l'anémie,] etc.
Enfin comment ne pas tenir compte non-seulement
de la fréquence , mais encore du rhythme , de la régula-
rité, de la largeur ou de la faiblesse, et de tous les
autres caractères physiques du pouls ?
Il serait donc erroné d'accréditer l'opinion que le
thermomètre serait su0îsant par lui-même et sans la
palpation du pouls.
Maintenant il faut parlei* des appareils enregistreurs.
Ils peuvent être multipliés extrêmement. Dans l'état
actuel, voici quel est, à cet égard, notre actif, et quelles
sont nos espérances. Le premier de tous ces appareils,
3
34 INTRODUCTION.
en date et en importance pratique actuelle, est le 9phyg •
îM^raphcy qui nous donne un tracé du pouls. Nous
.voyons ainsi apparaître sous nos yeux des dessins fournis
par lappareil circulatoire lui-même. Ce que valent ces
dessins, ce qu'ils ajoutent à nos connaissances, on ne
Tignorc plus dans les écoles; on peut varier d'opinion
sur le degré de l'utilité, sur le degré de la certitude,
sur l'erreur possible de l'interprétation de ces dessins
autographes; mais, en principe, l'utilité est admise. J'ai
consacré trop de temps à ce genre de recherches pour
n'avoir pas une opinion à cet égard. Je pense que cet
instrument, dès à présent, rend de sérieux services, el
que l'avenir justifiera en partie les promesses que nous
faisons en son nom. La méthode en tout cas est nou-
velle, elle est scientifique, elle peut et doit s'étendre à
d'autres objets. Le cardiographe y quoique d'un usage
plus diflicile et moins usuel, a déjà fourni des rensei-
gnements utiles, et il ne dépend que des cliniciens de
donner plus de développement à ce procédé d'explora-
tion. J'en dirai autant des appareils propres à enregistrer
les pulsations des grosses artères et à explorer les tu-
meurs anévrismales.
L'appareil enregistreur des mouvements musculaires,
le myographe de Marey, a fourni à son auteur Toecasion
d'attirer l'attention sur un ordre de faits auxquels on
n'avait pas songé jusqu'ici. Marey a montré, en effet,
que l'empoisonnement par différentes substances don-
nait lieu à des modifications nettes dans le mode de
contraction des muscles, soit qu'ils se contractassent
spontanément, soit qu'on les excitât par l'action d'une
pile électrique. Ainsi l'on obtenait, sur le cylindre enre-
INTRODUCTION. 35
gistreur du myographe , des figures d'une netteté saisis-
sante et sur lesquelles on pouvait reconnaître ici l'action
du curare, là celle de la strychnine, des poisons stupé-
fiants, etc. Celte vue nouvelle et inattendue a excité
encore plus de surprise que d'émulation. Cependant un
appareil semblable peut être utilisé en médecine et ser-
vir au diagnostic. Déjà nous l'avons utilisé pour l'analyse
des mouvements convulsifs de la chorée, du tétanos,
pour l'analyse des phénomènes connus sous les noms de
crampes, tremblements, etc. La poursuite de cette sorte
d*études ne peut manquer de donner plus de facilité
au médecin pour l'analyse et l'interprétation d'une foule
de phénomènes traduits 'par la forme de la contraction
musculaire.
n en sera de même pour les appareils encore impar-
Cadts qui marquent et inscrivent le mouvement de la
respiration. Enfin nous ne désespérons pas de parvenir
à posséder des instruments enregistreurs à indications
continues qui, placés à demeure, permettront d'appré-
cier à un moment donné certains phénomènes qui se
sont déroulés en l'absence de l'observateur.
Peu à peu on arrivera ainsi à reconnaître que l'homme
malade mérite d'être traité avec le même soin et le même
scrupule que les appareils industriels ou scientifiques
construits par nos mains, dont on surveille la marche
à l'aide de compteurs, et dans lesquels on mesure le
travail accompli.
Ce qui précède montre à quel point la méthode gra-
phique est utilisable en médecine.
Le poids des malades a aussi une importance grande
ou petite. Déjà cette notion ne rencontre plus de contra-
•3.
36 INTRODUCTION.
dicleurs en ce qui coiicerjie les enfants, dont létal de
nutrition n'a pas de meilleur contrôle que la balance.
C'est donc un chapitre nouveau à ajouter à la méde-
cine.
Dans le cours des maladies aiguës de ladulte, la
balance joue aussi un rôle important pour le pronostic.
Nous pouvons juger par là de certains états connus sous
le nom de crises^ et pénétrer plus intimement dans le
secret des modifications que certaines périodes des ma-
ladies amènent, soit peu à peu, soit soudainement, dans
le mouvement de dénutrition des malades.
Si nous ajoutons à ces procédés la pesée des excréta ,
notamment du liquide urinaire (sans parler de l'analyse
physique ou chimique) , nous obtenons un certain nombre
de pointages bi-quotidiens ou même plus souvent j*épé-
tés, à Taide desquels nous aurons amassé les éléments
de plusieurs courbes.
Le présent volume traite de la tempékature du corps
HUMAIN ET DE SES VARIATIONS DANS LES DIVERSES MALADIES.
11 se divise en plusieurs parties distinctes :
1 "" L'analyse des opinions (jue les plus autorisés des
médecins anciens nous ont transmises sur la chaleur et
la fièvre;
2^ L'analyse des travaux contemporains ayant trait
au même sujet : production, répartition et déperdition
de la chaleur. Nous avons donné à cette étude toute l'ex-
tension nécessaire pour permettre au lecteur de se rendre
compte de Tensemble des efforts tentés en dilTérents
pays pour la solution de ces divers problèmes. Les ques-
INTRODUCTION. 37
tious théoriques, physiologiques, mécaniques, les expé-
riences de hhoratoire, sont exposées dans cette seconde
partie;
3** La troisième partie comprend les recherches cli-
niques, les observations et les traces graphiques dans
diverses maladies;
&'' Le dernier chapitre est consacré à la thérapeu-
tique.
CHAPITRE PREMIER.
LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
OrnTO?IS DC8 ADTEUBS, depuis HfPPOGBATE JUSQDM NOS J0DB8.
Nous ferons, avant de donner le résultat de nos recherches,
une revue historique des travaux importants consacrés à l'é-
tude de la chaleur et de ses variations dans les maladies.
Cette analyse est indispensable. Il suffirait de reproduire cer-
tains passages de nos écrits dits classiques pour montrer
comment ils descendent des mémoires-types et comment ils
ont dégénéré. Ce serait justice. Il n'est pas permis d'interpréter
les maîtres, il faut les citer : la science est encore penonnelle en
médecine.
Il n'y a pas d'auteur qui respecte absolument les textes.
L'habitude de la pratique oblige à conclure et à appliquer
quaikd mime. Si l'on prend ainsi divers spécimens de dis-
cours médicaux, on montrera, par un procédé scientifique (la
superposition), comment se déforme la science. Cette compa-
raison sera sévère, elle sera, en tout cas, utile, et rétablira la
hiérarchie.
((Mais alors, dira-t-on, les livres destinés aux études ne
seront plus qu'un assemblage de mémoires cousus ensemble;
ce procédé sera commode pour l'auteur classique, si toute-
fois le nom d'auteur convient même à l'ouvrier d'un semblable
travail. 7
A cela je répondrai que nul n'est forcé d'être auteur clas-
sique, que nul n'est bien venu à se faire une réputation avec
40 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
les idées d'autrui plus ou moins déformées et méconnaissables,
et qu'enfin un auteur modeste qui sait choisir les bons tra-
vaux et ne citer que les vrais maîtres , n'eût-il que ce mérite,
est déjà un homme de goût.
Il faut que les jeunes gens apprennent à connaître les
sources de la vraie science, qu'ils y puisent directement, et
qu'ils n'attribuent plus tout le mérite des découvertes aux pro-
lixes auteurs de compendium, qui parlent de omnt re scibili et
font plus facilement un gros volume qu'un petit mémoire.
On peut avec avantage donner séparément l'œuvre de cha-
cun de nos auteurs originaux. N'est-ce pas justice de suivre le
développement d'une idée fait par son inventeur lui-même,
au lieu d'admettre comme copartageants tous les indiscrets,
les contrefacteurs et toute cette engeance des coureurs de cé-
lébrité qui s'acharnent à poursuivre une piste qu'ils n'ont pas
levée ? Rien n'est plus contraire à l'équité que de citer tout le
monde, bon ou mauvais, sans discernement : fmderanii mm
numerandi.
Il y a des auteurs qui ont touché à tout et de seconde main;
ils se sont ainsi créé des titres scientifiques nombreux, et con-
testent quelquefois la priorité même aux vrais inventeurs.
N'est-ce pas une honte qu'à notre époque un homme ne
puisse commencer un travail sans redouter que les conclusions
de ses recherches ne soient données par d'autres avant loi-
méme ? Et ce qui est pis , c'est que souvent les empressés faussent
l'idée et la sophistiquent. Aussi ne suis-je point tenté de dresser
la liste de tous les travaux faits sur la température animale ;
c& serait rendre au lecteur un mauvais service. En citant les
maîtres j'aurai déjà un chiffre respectable de notes bibliogra-
phiques.*
Par contre, j'examinerai longuement l'œuvre de quelques-
uns, surtout de ceux qui ont parlé lés premiers.
UIPPOGRATE. «I
HIPPOGRATE.
(A6o aoB avant Tère chrétienne.)
Hippocrate ou les auteurs des livres hippocratiques réunirent
les notions éparses sur la médecine; ils les augmentèrent d'ob-
servations prises à Gos, petite île voisine de l'Asie mineure,
qui était alors un lieu de pèlerinage pieux et médical. On y gué-
rissait les maladies et on y expliquait les oracles. Cette double
origine se retrouve dans ces livres, elle a imprimé à la doctrine
hippocratique un cachet propre. Il était dans les habitudes de
tout ordre sacerdotal en Grèce d'essayer de percer le voile
de l'avenir, et, dans les temples des Asclépiade^, de prédire les
événements pathologiques dont le corps de chaque malade
allait être le théâtre.
Aussi est-ce du c6té du pronostic que se tournèrent les efforts
d'Hippocrate, mais lai prognose pour lui, ainsi que le fait re-
marquer M. Liltré (t. I, p. 457), comprend non pas la divi-
nation de l'avenir, elle exprime ce jugement médical qui a
pour but d'apprécier l'état passé, présent et futur, du malade,
elle commande la thérapeutique , et ne rend légitime l'inter-
vention du médecin que pour favoriser les efforts de la na-
ture.
Le recueil des passages dans lesquels Hippocrate parle de
la chaleur montrera que les points sur lesquels il a insisté
sont précisément ceux qui se rapportent au pronostic et au
traitement. Quelques-uns d'entre eux sont encore appréciés
aujourd'hui comme il y a vingt siècles.
Voyons d'abord quelle idée Hippocrate avait de la chaleur
du corps et de sa répartition suivant l'âge et les maladies.
«Dans le corps, là où est de la chaleur ou du froid, là est
la maladie. 19 [Aph. 89, t. IV, p. 617 ^)
* Toates les indicaiions bibliographiques des livres hippocratiques renvoient
à la belle édition de M. Littrë. (J.B. Baillière, 1839-1861.)
h2 CHAPITRB l". — LA CHALEUR ET LA KIEVRK.
«Des alternatives rapides de chaleur et de froid sont fâ-
cheuses, ainsi que les alternatives dans la soif, v {Prorrhiùque,
LV.liv. I,p. 5a3,S/i3.)
(«Avoir la tête, les pieds et les inains très-froids, tandis
que le ventre et la poitrine sont chauds, est mauvais ; ce qu'il
y a de mieux c'est que le corps entier soit également chaud et
souple. 9» [Prènotxmê coaques, t. V, p. 693, S 689.)
et Chez l'homme, il faut bien le savoir, le maximum de
la chaleur est au premier jour de l'existence , le minimum au
dernier {Aph. 1 , t /i). De toute nécessité le corps qui croit et
se développe avec effort est chaud; mais, quand il entre sur là
pente facile de la décadence, il se refroidit, et, en vertu de
cette proposition, l'homme qui, au premier jour, croissant le
plus est le plus chaud, au dernier jour décroissant le plus est
le plus froid, n {^De la nature de F homme, t. VI, p. 65 , S 1 d.)
«Les vieillards supportent le plus aisément le jeûne, puis
les hommes faits, ensuite les jeunes gens; les enfants le sup*
portent le plus difficilement, et surtout ceux qui manifestent
le plus de vivacité. 9» (^Aph. i3, t. IV, p. A G 7.)
«Les êtres qui croissent ont le plus de chaleur innée, il
leur faut donc le plus de nourriture; sinon le corps dépérit;
chez les vieillards la chaleur est petite, elle n'a donc besoin,
chez eux, que de peu de combustible, beaucoup l'éteindraif.
Pour ta même raison, les fièvres ne sont pas aussi aif^ués
chez les vieillards, car le corps est froid.?) [Aph. 1^, t. IV,
p. 467.)
Les opinions d'Hippocrate sur la chaleur aux différents
âges sont erronées, nous savons aujourd'hui que la tempéra-
ture est la même chez le vieillard et chez l'enfant, sauf des
nuances que nous indiquerons plus tard.
Examinons maintenant quelles notions Hippocrate possé*
dait sur les causes et le mécanisme de la fièvre :
^Dcê maladies^ t. VI, p. 1 89, S 9 3.) «Voici comment natt la
HIPPOGRATE. 4J
fièvre : la bile ou la pituite étant échauffées, tout le reste du
corps s échauffe par leur intermédiaire, eest ce qu'on nomme
fihre. Or la bile et la pituite s'échauffent, du dedans par
les aliments et les boissons, cpii, en même temps, nourrissent
et font croître ; du dehors par les fatigues, par les plaies, par
un excès de chaud, par un excès de froid. »
f^ Le frisson, dans les maladies, vient, d'une part des vents
du dehors, de Teau, du serein et autres influences, d'autre
part des aliments et des boissons. Il prend particulièrement
de l'intensité quand la bile et la pituite se mêlent dans le
même point avec le sang, et encore plus si la pituite se mêle
seule, car naturellement la pituite est la plus froide des hu-
meurs. 9
«... Le sang étant refroidi , tout le reste du corps est refroidi
nécessairement. Quand il en est ainsi , c'est ce qu'on nomme
frisson Après le frisson il survient nécessairement plus
ou moins de fièvre, voici pourquoi : quand le sang se ré-
chauffe, fait violence et revient à sa nature, la part de pituite
et de bile qui est mêlée au sang se réchauffe aussi, et le sang
devient bien des fois plus chaud qu'à l'ordinaire. n (S ai.)
De la sueur, «La sueur se produit ainsi : quand les maladies
se jugent aux jours décisifs, et que la fièvre quitte le patient,
la partie la plus ténue de la pituite et de la bile qui sont dans
le corps s'atténue, se sépare et sort au dehors du corps; le reste
demeure à l'intérieur; la partie atténuée par la chaleur devient
vapeur et s'en va au dehors mêlée au souffle. . . » [Aph. &,
p. /iq; Afh. fi^fp. 85, S âS.)
Production des givres. « Les fièvres ont cette cause-ci : le corps
ayant un excès de phlegme (sucs), les chairs se gonflent, le
phlegme et la bile enfermés deviennent immobiles, rien ne
se rafraîchit ni par issue ni par mouvement, et il ne se fait au-
cune évacuation .
• •
44 CHAPITRE l". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
«Quand il y a fatigue et pléthore, on lavera le corps avec
de Teau chaude et on Foindra, pour que, le corps étant ou-
vert, la chaleur s'en atUepar la weur.. . On ne rafraîchira pas
la fièvre avant le quatrième jour. . • On donnera d'abord des
boissons chaudes en grande abondance pour débarrasser le
corps soit par l'urine, soit par la transpiration... y> [Des lieux
dans l'homme, t. VI. p. Sig, S 97.)
Si les causes qu'Hippocrate attribue à la fièvre ne méritent
plus d'être discutées', le rôle qu'il attribue à la sueur a con-
servé sa valeur, et il est intéressant de retrouver dans le plus
ancien livre médical la tradition populaire de l'importance de
la sueur dans la guérison des maladies.
Dans le chapitre suivant, consacré à la nature médicatrice,
Hippocrate se montre grand observateur, et, s'il est doué d'une
trop grande confiance dans les efforts que la nature fait spon-
tanément vers la guérison, nous devons reconnaître que sou-
vent les incidents, non provoqués, qui ont précédé la guérison
d'un malade mettent le médecin sur la voie d'une thérapeu-
tique raisonnable.
«La nature est le médecin des maladies. La nature trouve
pour elle-même les voies et moyens, non par intelligence; tels
sont le clignement, les oifices que la langue accomplit, et les
autres actions de ce genre; la nature, sans instruction et sans
savoir, fait ce qui convient.. • yi (T. V-Vl, Livre des Épidémies,
b' section, p. 3i5.)
Aujourd'hui, sans enthousiasme irréfléchi pour les efforts
de la nature, nous reconnaissons que certains processus mor-
bides aboutissent spontanément à la guérison, et que le
médecin doit rester un observateur attentif, prêt à tout,
résigné, au besoin, au rôle d'assistant. Il y faut parfois un
rare courage.
La lutte qui a lieu, les réactions violentes, les moments dif-
ficiles attendus, les évolutions prévues, l'imprévu même, enfin
ce combat d'oi!k l'homme sort mort ou vivant, blessé ou intact.
HIPPOGRATE. 45
tout cela -est rempli d'émotions. Gomment ne pas prendre part
à l'action? Comment demeurer inerte quand la tradition nous
fournit tant de prétendus moyens de diriger et de secourir le
malade? Au risque d'encourir le blâme, Iç médecin instruit
aura le courage de rester spectateur vigilant, lorsque l'expé-
rience lui enseignera que l'évolution des phénomènes auxquels
il assiste mènera le malade à la guérison. La doctrine hippocra-
tique reste vraie, en ajoutant que nous reconnaissons que la
médecine a des devoirs à remplir, que parfois elle répond à
des indications urgentes et qui veulent être satisfaites sur
l'heure. Savoir attendre, gouverner avec les instruments pos-
sibles, même surannés , ne pas se hftter de se lancer dans des
voies dont elle ne connaît pas encore l'issue , telle doit être la
règle de la médecine actuelle.
Le chapitre suivant, que l'on pourrait appeler: «(Du froid et
du chaud en thérapeutique,» présente, sous le rapport physio-
logique, des observations d'une justesse parfaite ; quelques-unes
d'entre elles n'ont reconquis droit de domicile dans la science
que depuis quelques années.
Le froid et le chaud (thérapeutique). {De Vaneienne }fnidecine,
1 6, 1. 1, p. 607.) « Pour moi, je pense que, de toutes les qua-
lités , le froid et la chaleur ont la moindre puissance sur l'é-
conomie humaine, par les raisons suivantes : Tant que les
deux qualités restent mélangées l'une avec l'autre, nul mal
n'est éprouvé, car le froid est tempéré et mitigé par le chaud,
le chaud par le froid; c'est quand l'une des deux s'isole que
le mal commence. Mais , dans le moment même oii le froid sur-
vient et cause de la souffrance , tout d'abord et par cela seul
le chaud arrive, fourni par le corps, sans qu'il soit besoin
d'aucune aide ni préparation.
«Et cela s'opère aussi bien chez l'homme sain que chez
l'homme malade. En effet, d'un côté, si, en santé, l'on veut,
pendant l'hiver, se refroidir soit par un bain froid, soit de
46 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
toate autre manière, plus on essayera de le faire, sans toute-
fois se geler complètement , plus , après s'être habillé et mis à
couvert, on éprouvera un échauffement considérable. D'un
autre côté , si Ton veut se procurer une forte chaleur, soit par
bain chaud, soit par un grand feu, puis demeurer avec le
même vêtement et dans le même lieu qu'après s'être refroidi,
on éprouvera un froid bien plus vif et Ton frissonnera bien
davantage. Celui qui s'évente à cause d'une chaleur étouf-
fante, et se donne du frais de cette manière, se sentira, au
moment où il cessera de se rafraîchir, dix fois plus brûlant et
plus étouffé que celui qui ne fait rien de tout cela. . *. Autre
exemple : après avoir marché dans la neige , on a chaud. . . .
« Quant aux malades, nest-eepas chez ceux qui sontpri^ de fris-
son que êaUume la fièvre la plus ardente, et eUe est innocente le
plus souvent; tant qu'elle dure, elle donne une chaleur géné-
rale. • . Enfin j quand après la sueur la fièvre s'en va, le malade a
plus froid que s'il n'avait pas eu de fièvre.
«Puis donc que les deux contraires se succèdent avec tant
de rapidité et se neutralisent spontanément, qu'en attendre
de grand et de puissant, et qu'est-il besoin de beaucoup de
secours contre l'un ou l'autre?»
L'auteur ajoute que, sans doute dans les fièvres ardentes,
péripneumonies , et autres maladies graves, ta chaleur ne dis-
paraît pas promptement , et que là le chaud et le froid n'alter-
nent plus mais il y a un chaud amer, un chaud acide, un
chaud salé et mille autres , et un froid avec autant de qua-
Utés
[Aphorismesj 5*section, S aS, t. IV, p. 5&t.)(Tllfaut user
du froid dans les cas suivants : dans les hémorragies actuelles
ou imminentes, non sur la partie même, mais autour de la
partie où le sang afflue; dans toutes les inflammations et phlo-
goses qui doivent à un sang encore récent la teinte rouge , dans
l'érésipèle non ulcéré, n
HIPPOCRATE. M
(De Putage des Uquîéleê, t. VI, p. isi3.) L*autear passe en
revtie les parties du corps qui aiment le chaud et redoutent ie
froid , et ne conclut pas.
[Ibid. p. 1 3 1 . ) ^ Le froid est avantageux dans les éruptions
rouges, telles qu'il en survient çh et là de larges, dans les
éruptions arrondies qu'on nomme aetholiques, dans celles qui
se développent sous l'action même du bain chaud, dans celles
qui viennent chez les femmes par la rétrocession des mens-
trues; dans celles qui viennent par le frottement des vêtements
rudes, par la sueur Des affections sont soulagées aussi
bien par le froid que par le chaud; les gonflements des arti-
culations, la goutte, la plupart des ruptures, sont amendés
par d^abondantes affusions d'eau froide, qui diminuent la tu-
méfaction et engourdissent la douleur » Plus loin Hip-
pocrate conseille les affusions froides dans le tétanos sans plaie.
0 les proscrit pour les plaies des os.
(^Boissons froides, t. VII, p. 1 6 1.) «A un fébricitant, ce que
vous donnerez aura toujours été exposé au serein delà nuit, à
moins que le ventre ne soit trop relâché. 9
(Du rég. dans les mal, aig. t. II, p. /ta 5.) «(Dans les fièvres
où ie ventre est relâché, on tiendra les pieds chauds, et l'on
prescrira des boissons en aussi petite quantité que possible,
de Feau froide ou de l'hydromel. 9
Bains, t^umns. — (Du r^. dans les nui. a^ p. 365 et suîv.)
Les précautions les plus minutieuses sont décrites dans ce
chapitre. Les Grecs, comme tous les Orientaux, avaient une ex-
périence traditionnelle des bains. «Si le malade avait, en santé,
le goàt et l'habitude des bains , c'est à tenir en grande considé-
ration : ces personnes les désirent davantage , elles se trouvent
bien de se baigner et se trouvent mal de ne pas le faire. Le
bain convient généralement plus dans les péripneumonies
que dans les fièvres ardentes; en effet il adoucit la douleur
A8 CHAPITRE I". ~ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
de cAtë, mûrit rexpectoraiion , la raciliic, dégage la respira-
tion ; il Aie le sentiment de lassitude par la propriété qu'il a
de relâcher les articulations et la surface de la peau» il est
diurétique... t)
Les bains et les affusions tièdes sont recommandés en plu-
sieurs chapitres contre les épistaxis.
[De Tojficine du médecin, t. III, p. 3 17, S i3.) «Le
degré de chaleur de i*eau, on l'apprécie en versant sur
sa main un peu du liquide préparé : (dans les fractures)
quant à la quantité, des affusions très-abondantes sont excel-
lentes.)» De même pour les luxations. (T. III, p* &53; t. IV,
p. 139-379.)
(^Aphorismes , section 7, S liù.) <k Une fièvre qui ne provient
pas de la bile se guérit par des affusions abondantes d'eau
chaude sur la tête, v
(De» Epidémies, liv. II, section 5, p. t^^*) «Si le malade
délire, faire des affusions sur la télé. »
[Ibid. liv. V, S ^Q.) Observation d'une femme qui, ayant
pris un purgatif en bonne santé, eut des syncopes et fut rani-
mée par des affusions froides, abondantes et prolongées.
[Ibid. p. Q&i.) «(Pour les douleurs des lombes, des jambes,
des hanches, qui résultent de fatigues, faire des affusions chau-
des avec l'eau de mer et le vinaigre , et , mouillant des éponges ,
faire des fomentations, n
Au livre : De l^usoffedes liquidée, sont contenus des préceptes
pour bien faire les lotions et affusions tièdes.
Dee bains. — [Du régime, liv. II, S 57.) « Les bains se compor-
tent ainsi : l'eau douce humecte et rafraîchit. Le bain salé
écbauffe et sèche. Les bains chauds, à jeun, atténuent et ra-
fraîchissent, car ils ôtent au corps l'humide par la chaleur.
Les bains froids ont une action contraire : au corps à jeun ils
• ARISTOTE. 49
donnent , étant froids, quelque chose de chaud; au corps
plein de nourriture, lequel est humide, ils font, etc. 9?
Et plus loin (S 58) : «Toutes les sueurs dessèchent et atté-
nuent. Le coït atténue, humecte et échauffe, il échauffe par la
fatigue et par Fexcrétion du liquide, n
Le traitement des fièvres par la saignée et les purgatifs exis-
tait dès cette époque, et Ton parait s'y être peu préoccupé du
phénomène chaleur.
L'air n'est point signalé comme moyen thérapeutique, la
respiration était, du reste, bien connue en ce temps (ch. De^
venu, S A) : «Cet acte ne s'interrompt jamais chez les animaux
mortels, tous occupés à inspirer l'air et à l'expirer. r>
Il est impossible de parcourir ces passages des livres hippo-
cratiques sans être frappé d'un fait. Toutes les prescriptions
sur l'emploi de l'eau , des bains dans les maladies aiguës^ ont
traversé les siècles, presque inconnues malgré le fétichisme que
l'on professait pour les œuvres d'Hippocrate. 11 a fallu que
l'étude de la chaleur parvint à sa période scientifique pour que
l'on essayât d'influer médicalement sur son intensité. Nous
analyserons plus loin ces problèmes en détail.
ARISTOTE.
(384 aiu avant Tère chrëliGonc.)
Les anciens Grecs avaient-ils un moyen de mesurer la cha-
leur? Getle question est examinée dans un livre allemand con-
temporain [ArUtoteks Thierkunde, par Jûrgen Bona Meyer,
D^pkU. t. V, in-S", Berlin, 1 855). Déjà elle avait été traitée, en
1 8â5, par Paul Ermann [Mén. de l'Ac. de Berlin)^ et par Hum-
boldt dans son Cosmos. Il semble que les Grecs n'aient pas eu
d'autre thermomètre que leur main. Ils admettaient, sans res-
triction et sans contrôle, que tous les animaux qui n'ont point
de* sang sont pins froids que ceux qui ont du sang, et que
50 CHAPITRE V, — LA CHALEUfi ET LA FIÈVUE.
les poissons sont faits pour une moindre chaleur que les
mammifères et les oiseaux, mais il ne semblé pas que leurs
philosophes en aient cherché d'autre preuve que celle que leur
fournissait l'acte de prendre un poisson dans la main et de
sentir qu'il est froid. Paiménide tenait les animaux pourvus de
sang pour plus chauds, et Empédocle tenait, au contraire « pour
les poissons, disant que Téiément (l'eau) froid où ils vivaient
devait refroidir l'excès de leur chaleur. «Si donc, dit Aristote,
il y a un tel doute entre le froid et le chaud , que doit-on
penser des autres phénomènes ? n
Lui-même, dit l'auteur allemand J. B. Meyer, chercha à
bien définir les mots dé chaleur et de froid, et distingua d'a-
bord la chaleur étrangère de la chaleur propre. Il arriva à
cette notion que la chaleur propre se refroidit moins vite que
la chaleur acquise par voisinage. Il admit qu'il n'y avait que
le feu et le souffle chaud qui continssent une chaleur propre.
Le sang, disait-il, n'est pas chaud en soi, n^jais il ne l'est qu'en
tant que véhicule de la bhaleur vitale dans le corps animal
vivant. U n'avait pas non plus l'idée de la chaleur spécifique,
à peine savait- il que l'eau a un point d'ébuUition fixe. Il
savait que les animaux ont une chaleur déterminée, mais il
ignorait qu'elle fût toujours la même et indépendante du mi-
lieu ambiant. Pour lui , la chaleur était liée à l'idée de feu ,
aussi comprenait-il le froid comme un élément spécial et non
comme une simple privation de chaleur.
Pour Aristote comme pour tous les anciens, le sang est
chaud de par la chaleur innée du cœuri et le cœur est la
source de la chaleur de tout le corps. {De part. III- V, 667 b,
â6.) Cette même chaleur du cœur était la cause du pouls et
l'origine de tous les mouvements.
GELSE.
5t
CELSE*.
(Siècle d*Attgu8te.)
Nous avons réuni tout ce qui est ëpars à travers le livre de
Celse (De medicina Ubri octo) concernant la chaleur du corps
humain. Il résulte de cette recherche que la médecine, au
temps de Celse, méconnaissait les sources et la répartition de
la chaleur ainsi que ses modifications essentielles dans les
maladies, et que la thérapeutique ne tendait pas à modifier
ce phénomène. Les mots échauffant, réfrigérant, appliqués aux
remèdes ou aux aliments, ne se rapportent qu*à la sensation
guslative et non à l'idée de température prise abstracti-
vement.
L'action nuisible de la chaleur ou du froid extérieur est
souvent invoquée : évidentes vero eas caïuas appellnnt, in quibus
quœrwU, initium morbi calor attulerit an fi^igus. (Liv. I, p. 5.)
Les mots refroidissement et réchauffement ne se prennent que
dans le sens restreint de chaleur ressentie par le malade ou
de diffusion cutanée de la chaleur, et il n'en pouvait guère
être autrement avant que l'on connût le thermomètre : cale-
faàt autem unctio, aqua saisa magisque si calida est; réfrigérât in
jejuno et baineum et samnus, (Liv. I, p. 29.) Les propriétés du
> Gdse (Aarelius Cornélius Gelsus),
rHippocnte latin, est, après le vieil-
lard de Ces, raateur le plas ancien
dont les écrits soient parvenus jusqu^à
00ns. Le nom , Tâge , la patrie et la pro-
fieanoo de Gelse ont été des sujets dHn-
eertitiide et de contestalion. Voy. De-
aeimeris {Diet hist. de la médecine). 11
▼îvait, croit-on {Leclere, Schuke, Mor-
gttgm)y au siècle d^Auguste. On ne sait
mèiDe pas 8*il était médecin.
De re mêdiea libri octo. Ouvrage di-
dactique, résumé succinct de toute la
médecine. Gelse die soixante et doute
auteurs médicaux , perdus pour nous , et
seid survivant, il nous fait connaître la
suite de la médecine depuis Hippocrate.
Ce livre eut, surtout au xt' siècle, un
immense succès. Il a eu un grand nom-
bre d^éditions.
Nous renvoyons, pour les indications
bibliographiques, à l'édition de Tairas :
A. Corn. Celsi De medicina libri oclo,
ex reeentione et cum notie Leonardi
Targm. Ârgeatorati , ex typographia so-
cietatis Bipontinse ciancccvi, a vol.
in-8'.
h.
52 CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
froid et du chaud sont appréciées, par Celse comme par toos les
anciens auteurs qui l'ont précédé , k un point de vue où il y
a sans doute du bon sens , mais peu de science : ealor adjuxtU
omnia quœ frigus infestât; minime vero aut frigus aut calor tuta
iunt ubi iubita insuetis sunt, (T. I, liv. I, p. 3 7.) L'influence
des saisons est indiquée, mais sans une grande précision
(liv. 11). Ceisc signale la sueur froide comme étant d'un fâ-
cheux pronostic : Sudor quoque frigidus in acuta febre pesti-
feruê e$t (t. I, liv. II, p. 53); il reconnaît la coexistence de
la chaleur et du frisson : cui calor et tremor est (t. I, p. 66):
Tutilité de la fièvre dans quelques cas : denique ipsa febris , quod
mnxime mirum videri poiest, sœpe prœsidio est. (T. I, liv. Il,
p. 66.) C'est un éloge de la fièvre; déjà l'école hippocratique
obéissait à la même idée et redoutait (^ une mauvaise coction. v
Plus tard, et encore aujourd'hui, les médecins considèrent
comme d'un fâcheux augure trune maladie qui sort mal.)>
Les précautions que l'on doit prendre pour administrer les
bains, pour provoquer la sueur, sont bien décrites dans Celse,
mais ce sont des préceptes vulgaires et usuels qu'ont connus
les baigneurs de tous les temps (frictions, enveloppement dans
des linges secs, liv. 11). L'usage des cataplasmes chauds parait
avoir été fort répandu à cette époque : cakfacit vero ex quaH-
bet farina cataplasma, sive ex tritici, sive liordei. . . vel Uni, ubi
ea deferbuit calidaque imposita est, (T. I, liv. II , S 33 , p. 1 o 1 .) Le
cataplasme est resté un remède cher aux races latines.
Au livre troisième du 1. 1, S 3, p. 107, le début des fièvres
"par la chaleur et le frisson est bien observé, et décrit ainsi:
Aliœ enim a caloire incipiunt, aUœ a frigore, aUœ ab harrore.
Celse donne même la définition' des mois frigus et horror:
frigus voco, ubi extremœ partes membrorum inalgescunt: liomy-
reni, ubi totum corpus intremit.
Le chapitre le plus remarquable est celui (liv*. III, S 6)
où sont discutés les signes de la fièvre; comment la recon-
naître avec certitude? Celse trouve qu'on accorde trop de
GELSE. 53
créance au pouls soumis à tant de causes pertubatrices indé-
pendantes de la maladie; il signale ce et pouls du médecin,»
c'est-à-dire accéléré par Témotion que cause au malade la
vue du médecin; il fait une critique juste de la valeur que
Ton accorde au pouls comme signe des maladies fébriles (Ga-
lien et plus tard Bordeu ne devaient pas être si sages); puis,
continuant sa profession de foi, on pourrait presque dire son
acte de foi , il dit : altéra res eut ,credimus, calor, œque fallax,
( T. I , p. 1 9 o. ) Ainsi la chaleur elle aussi est trompeuse , et Gelse
Taccuse de varier par Tétat de l'atmosphère, le travail, l'émo-
tion, le sommeil, en quoi il méconnaît absolument la loi de
la constance de la température animale. Aussi conseille-t-il de
ne se point fier à un signe unique pour reconnaître la fièvre ^
et le conseil est bon.
Cependant il est intéressant de remarquer qu'alors comme
depuis, comme aujourd'hui, le médecin af deux moyens, deux
procédés pour reconnaître la fièvre : i^ le pouls : vents enim
maxime eredimuê (t. I, p. 119); a"^ la chaleur du corps : al-
téra res est cm credimus, calor. Il est évident que telle était
la pratique usuelle. Gelse ne parle pas autrement que ne font
encore en ce moment la plupart des médecins qui n'admettent
pas la précision dans le diagnostic, et c'est le plus grand
nombre; il indique ^i quels signes on reconnaît la fièvre, et les
groupe tous dans le tableau suivant: on doit savoir, dit-il, que
celui-là n'a point la fièvre dont le. pouls bat comme d'habi-
tude et dont le corps est tiède comme il doit l'être à l'état
sain (tepor)y et il ne suffit pas, pour affirmer là fièvre, qu'on
trouve que le malade a une chaleur trop grande (t. I, p. 1 a o):
non protinus sub calore fnotuque febrem esse conctpere; sed ita,
M summa quoque arida incequaliter cutis est (peau sèche par
places), «t calor et in fironte est et ex imis frœeordiis oritur; si
spiritus ex naribtu cum fervore prorumpit; si calor aut rubore
aut pallore novo mutatus est, etc. Le tableau , comme on le
voit, est assez complet: chaleur de la peau, sèche, mal dis-
54 CUAPITHE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
tribu(^*e, air chaud sortant des narines; mais n'est-ce pas
la science primitive élémentaire que toutes les mères ont pos-
sédée dès les premiers âges de l'humanité, la notion populaire
de la maladie? et est-il bien nécessaire d'être médecin pour
savoir ces choses de la vie usuelle?
A cette époque, et déjà depuis longtemps, on enseignait dans
les écoles les quatre signes de Tinflammation, et Gelse ne
manque pas de les rapporter (t. 1, liv. III, p. 1219, S lo):
nota vero injlammaùoniê êtaU quatuor, rubor et tumor, cum ca^
lare et dolore.
En général (]else recommande les boissons chaudes et les
bains chauds, les onctions, les cataplasmes tièdes. Pourtant
il indique les ablutions froides dans certaines céphalalgies cau-
sées par la chaleur : cansiderandum est qum causa dolorem exci-
tant : si calor, aqua Jrigida multa perjundere caput expedit, epon--
giam eoneavam imponere, sulnnde in aqua Jrigida expreaam. (T. 1 ,
liv. IV, p. 173.) Voilà la compresse froide permanente telle
qu'on l'applique aujourd'hui. Celse parle encore de r^rigerentiQ
eataplaêtnata , mais il y a lieu de croire que le mot réfrigérant
est pris dans un sens qui n est pas l'analogue de « froid, » car
il est question, dans le même paragraphe, d'onctions avec l'on*
guent rosat et le vinaigre, et d'application de laine grasse im-
prégnée de ces substances.
Au livre IV, S 3, à propos du tétanos, Gelse fait une décla-
ration de principe qui nous permet de connaître son opinion
sur le rôle du sang par rapport à la chaleur du corps. Asdé-
piade a recommandé surtout la saignée, d'autres, au contraire,
ont dit qu'il ne fallait pas saigner, parce que le corps avait,
dans ce cas, besoin de chaleur, était pauvre en chaleur, et
que précisément c'est dans le sang qu'est la chaleur eo quod
maxime tum corpus calare egeret isque esset m sanguine. (T. 1,
p. 179.) Il y avait donc des médecins qui enseignaient alors
que la chaleur résidait dans le sang; c'était une opinion
qui avait cours. Malheureusement Celse la combat sans am-
GALIEN.
55
biguîté : verum hoc quidem falêum est Neque enim natura
sanguinis est, ut uùque caleat, sed ex m quœ in homine suni hie
eelem'me vel calefadt vel reJrtgeAcit. (T. I, p. 179.) Ainsi Gelse
professe que la chaleur ne réside pas particulièrement dans
le sang, mais que le sang est un des éléments de Torganisme
qui s'échauffent ou se refroidissent le plus rapidement (?). Il
est donc bien certain que Celse na connu ni les sources ni le siige
principal de la chaleur du corps.
Dans la partie qui traite des plaies, on trouve le précepte
d'appliquer des éponges imbibées d'eau froide et entretenues
À l'état d'humidité. (Liv. V, S aa.)
La théorie de la chaleur retenue, d'origine hippocra tique,
se rencontre nécessairement dans Gelse : eux, fehre œque non
quiescenle, exterior parsfriget, interior sic calet ut etiam sitimfa-
ciat, létale. Ainsi la chaleur est retenue au dedans; on a soif,
on a l'extérieur du corps froid, etc. Voilà une théorie bien
nette.
Tous les médecins du xvr siècle ont accepté cette doctrine,
nous verrons plus tard qu'elle reprend faveur aujourd'hui;
elle se retrouve en effet dans les arguments par lesquels Sena-
ior a combattu les opinions de Liebermeister.
GALIEN ^
Qu'est-ce que la chaleur? Galien , citant Hippocrate et Platon
* Glaiidias Galenus, n^ gous Tempe-
reor Adrien, Fan it8, à Pergaine
(Aâe Mineure), où ëtait nn célèbre
leiD|de d^Bscdape. Son père était Nioon ,
aéoatear de Pergame, homme riche et
édairé, qui le 6t instruire dan$ la dia-
ieetiquê, philoaophie des stoïciens (Ze-
non), de Platon, d'Anstote, d^Épicure.
A 1 7 ans, il étudie la médecine, suit
les cours d*anatomie de Quintus, de Sa-
tfnis, de Pdops à Smymê, de Nmnesia-
nn» a Carinihê (secte dogmatique). Iab
éludiants étaient nranUt ainsi au moyen
Age, et aujourd'hui en Allemagne. Puis
il va à Alexandrie étudier sons Lucius,
voyage, visite TËurope et TAsie, les lies
de Chypre, Crète, Lemnos et TEgypte.
A 98 ans, il obtient du pontife de Per-
game la place de médecin deê gladiateure
(soigner ces artistes n*était pas une si-
nécure).
A 33 ans, une émeute le finit fuir; il
vient à Rome, où eeuU leê Grèce exer^
çttient la médeeme (Graeculi, rfaéteon.
&6
CHAPITRE I". — LA CBALECR ET LA FIE\RE.
(Des dogmes (THippocrate et de Platon^) : (cHippocrate dit
toujours que la chaleur est la cause principale des œuvres
de la nature; Platon emploie non le mot chaleur, mais le mot
feu! Or comment comprend-il que cette chaleur ou ce feu
gouverne les corps animés? Tout animal a sa clmleur dans um
tang et $e$ veine», il a donc en lui un foyer. En effet ce n'est
pas par Vattrition des artères que la chaleur s'engendre dans
les corps des animaux^, comme cela se voit pour les pierres
ou le bois, mais, bien au contraire, c'est par une clutleur innée
que leurs mouvements ont lieu. Que leur corps cesse d'être
chaud par la gelée, un médicament, ou autre cause, leurs
mëdeciiu, comédiens, chanteors, dan-
ieurt, — article d'importation; U$ ha-
lûmi, m France, jouèrent le même rAle
0otu le règne des Valois).
Après cinq ans de pratique distinguée
dans Taristocratie, la pe$te vient, et il
ê'm rttouTM i Pergame. Il est rappelé
par Marc -Antoine Antonin et ÏAtciut
Vtruê, qui mourut de la peste.
Il fut le médedn des empereurs
Marc - Au rèle , Commode , Pertinax ,
Septime-Sévère.
II mourut à 70 ans.
n écrivit plus de cinq centi mémoire$
sur la philosophie, la dialectique, la
géométrie, la grammaire.
Ses ouvrages médicaux forment une
bibliothèque : « iU régnirmt despotique-
ment sur le monde pendant treiie siè-
des.» Les Arabes enseignaient, com-
mentaient Galien. lia ne fondèrent que
des écoles gaténiques {dogme, éeoU dog-
matique, mwpiriêm», méthodUme! Virba
tt vocêê!).
Galien explique tout. Il étudie la phy-
siologie et Tanatomie sur les animaux
(probablement sur les singes exclusive-
ment). Il est médecin et chirurgien.
Dans aes livres, les questions sont
rées, condensées. On a besoin de toute
son attention pour le suivre; on croit
souvent lire un auteur moderne.
La question de la chaleur du corps
occupe une large place, et sa solution y
est réellement entrevue. Sa doctrine
est restée maltresse jusqu'à Lavoisicr
(1775). Bien qn^on ne doive pas attri-
buer à Galien seul les immenses progrès
accomplis pendant l^ cinq siècles qui
le séparent d'Hippocrate, nous trouve-
rons la preuve que sa part personnelle
est très-grande , et qn*ii a concouru au
progréa par ses remarques et par ses
expériences.
Les indications bibliographiques se
rapportent à la belle édition publiée par
GaroluB Gottlob Kûhn : Modieerum grw-
eomm opéra qum oxêlanl. CioMiH Galem
tapera omnia, 90 volumes in-8% Lipsiae,
1891-1833. Texte grec et traduction
latine.
^ GaUni De Hippocratie et PhUonù
plaeitiê liber VIII, cap. vu, t. V,
p. 709.
* Nous verrons les efforts faits par les
mécaniciens des siècles derniers pour
ressusciter cette théorie de la chaleur
animale par le frottement
GALIEN.
57
artères cessent de battre et leurs muscles de se mouvoir. Ce
n'est donc pas une fontaine de feu, mais plutôt de chaleur
incluse, qui est en nous, comme le dit Hippocrate. "
Dans le livre Du tremblement, des falpitaiions, des convul-
sions^^ Galien revient à cette définition : «ne croyons pas, dit
il, que la chaleur résulte de la collision de nos particules, d^unc
collision ni d'un autre mouvement, mais bien que notre cha-
leur n'est point acquise ni postérieure à la génération de l'ani-
mal , et qu'elle est primitive et innée. y> Au livre Des dogmes
d'Hippocrate et de Platon ^, Galien dit : ce mais la chaleur innée
est tempérée, c'est une substante consistant surtout dans le
sang et la pituite, et formée d'un mélange de froid et ^e
chaud. 7»
9 Le siège de la chaleur est dans le sang' (livre Des humeurs).
Il faut savoir user de la saignée, car non-seulement le sang
est le réservoir où puisent tous les tissus, mais le sang est aussi
le siège même de la chaleur, et diminuer la quantité du sang
c'est diminuer la chaleur. 7>
Le cœur est le centre de la vie et de la chaleur: («c'est dans
le cœur qu'est le principe de la vie, c'est en lui qu'est l'origine
et la source de la chaleur innée , sans laquelle nul animal ne
peut vivre; donc le cœur tient un rôle important^; grâce à lui,
la chaleur native est répartie dans toutes les parties .du corps
proches ou lointaines, et revient à son centre, sorte de va-et-
* Galeni De tremore, palpitaUone ,
commUtûmê et rigore iiber; t. Vil,
cap. Ti, p. 6t6, et t. V, p. 70a. Ga-
Keo ajoute expressément: «ionati calo-
r» cauaa oon est spiritas tunids arleria-
mm attritus.'» •
* GaUm De Hippocratis et Platoni»
ptadtU liber VlU, cap. tu, t. V,
p. 703.
' « Natiiniis enim calor in sanguine
et ia iisquA et hoc nutriuntur nsaxima
ei parte consistit.') HippocratU Epi-
dem. VI, et Galêni m illum commenta-
rita F, sectio ▼, cap. «x, t. XVIl, se-
cunda pars, p. agg.
* Gakni m Hippoeratiê librum de
aUmento emnmentarnu Ul, cap. xxt,
t. XV, p. 36i et 36a : r Ac fortasse boc
unam naturam Duncupal , ut qonm hic
calor adsit, honio ait, quum ille absit,
homoes^e desinat.»
58
CHAPITRE r.
LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
vient nécessaire à la vie et au mouveiuenl ^ » Galien ajoute :
ainsi pas de chaleur, pas dlicnune,
(«11 y a trois facultés (est-il dit dans le même livre ^) qui
gouvernent les animaux :rune est la nutrivité, elle réside au
foie et a pour organes les veines qui vont par tout le corps;
Fautre, qui est comme l'âme des êtres animés, et qui a son
siège au cœur, c'est la chaleur innée; elle a pour organes les
artères. La troisième est au cerveau , c'est la raison qui préside
aux actions volontaires^.»
Au chapitre ix du même livre, Galien admet qu'il y a de la
chaleur ignée dans le foie, mais moins que dans le cœur^, et
c'çst, dit-il, cette chaleur du foie qui fait engendrer le sang(?).
Dans les commentaires sur le i à* aphorisme d'Hippocrate,
Galien s'exprime ainsi : la substance de la chaleur innée est aérée
ci aqueuse^. En y réfléchissant, on s'explique cet aphorisme,
qui désigne les vapeurs venues d'un foyer.
En plusieurs passages, Galien met le siège de la chaleur
dans le cœur, c*était Topinion des philosophes platoniciens :
coloris in corde fervarem esse {Hippocrat. etPlaUmis dcgm.). «La
chaleur du cœur n'est pas comme celle des autres parties , dé-
nudez le cœur de son péricarde sur lanimal vivant, celui-ci
meurt ^; plongez votre doigt dans le ventricule gauche principale-
ment et vous y sentirez une grande chaleur, plus élevée que
dans toute autre partie. r> {Id.)
Dans le livre De usu partium"^ : «Toutes les artères corres-
pondent à un centre unique, le ventricule gauche du cœur
' C^esl presque Tidée de la circula-
lion ; ell^ devait attendre aeixe siècles
son dévdoppement.
* Gahni in Htppoeraiù Uhrum d§ o/t-
Mênto eommentaritu III, cap. x, t. XV,
p. a9<.
^ DinJtr-on mieux aujourd'hui?
* Voyez les expériences de Ci. Ber-
uan! sur la chaleur dans les veines sus-
hépatiques et dans les ventricules du
cœur.
* Hippocratiê aphmriâmi #1 GûHeni m
SOS commentarU, Apbor. i&, t. XVlt,
a' partie, p. 4 07.
^ GaUni De puUuwn «su liber,
cap. II, t. V, p. i58 et 169.
' Galeni De u$u partium eorporit hu-
mont liber IV, cap. xvii, L III, p. A97.
GALIEN. 59 '
OÙ est le principe de la chaleur native. . . La chaleur a pour
matière le sang où elle s'allume et s'entretient ^ »
Certains passages montrent que Ton pratiquait, à cette
époque, des expériences de physiologie, et qu'on usait fort de
cette méthode; au \\\re Des ptiUadons^ on trouve cette phrase :
(tliei les artères d'un membre, vous ne le refroidirez pas en-
tièrement, bien que le cours de ces vaisseaux soit interrompu;
c'est que le corps est,' comme a dit Hippocrate, partout en
communication avec lui-même ....)»
Cette citation suffit à montrer combien les expériences de
vivisection étaient usuelles au temps de Galien. Plus loin Galien,
pour prouver que le sang est le réceptacle de la chaleur, nous
cite les blessés qui se refroidissent quand ils perdent leur
sang, si les chirurgiens n'ont pas le soin de leur lirr lbs
VAISSEAUX^.
fi Ainsi des rois, des soldats blessés dans un combat singu-
lier, des chasseurs , ont eu les veines et les artères blessées , de
telle façon que les médecins durent leur appliquer des liens ;
or ces blessés , au bout de peu de temps , ont senti se refroidir
les parties situées au-dessous de la ligature , assez tard quand
c'étaient les artères seules qui avaient été liées, et pas du tout
ou très-peu quand les veines seules étaient liées. D'où il ap-
pert manifestement que les veines apportent aussi quelque
chaleur, moindre à la vérité que celle qui vient par les artères.
Si vous liez quelque partie du corps au-dessus d'une bles-
sure, vous voyez que cette partie devient livide et froide, par-
ce qu'elle cesse de recevoir la chaleur comme les autres par-
ties. 7f Galien en conclut que le pouls est le moyen de conduire
partout la chaleur.
* De U9U rvfptrolûmtf liber, cap. m, cap. m, t. V, p. 160, et m eodem Hln^,
i. IV, p. &90, et : Calor naUous m ëon- cap. 11 , p. 1 67.
gymê êedtm itiam habet , L XYl , p. 1 3o. ^ \jà ligature pour arrêter les bëmor-
Ges deux idées sont séparées dans Galien. ragies a été pratiquée dès la plus haute
* Gdnà De ]^huum u$u liber, antiquité.
60
CHAPITRE 1
rr
LA CHALEUR «T LA FIEVRE.
La concordance des mouvements de la température du corps
avec la fréquence du pouls et de la respirati(»n était classique
au temps de Galien.
On professait que la chaleur native était refroidie par fair
inhalé et était purgée par l'expiration d'une certaine fnatière fu-
ligineuse^ » . . (livre Du pouls et de la respiration). On savait
fort bien que le resserrement des vaisseaux de la peau empê-
che la chaleur de s'échapper, que leur relâchement, que la
perspiration , la sueur, font évaporer la chaleur. [Hippocrate
et Polybe, avec commentaires, par Galien.)
«L'inspiration qui accompagne la diastole refroidit la cha-
leur intérieure^» C'était une opinion très -ancienne: Galien
dit que « Platon, dans son discours sur l'usage de la respiration ,
semble imiter Hippocrat.e ', lequel veut que /'tyupiration ait
pour objet de refroidir la chaleur native, et /'expiration de
chasser les matières fuligineuses, récrémentitielles . . .!t) On
doit s'arrêter ici, car ce passage est admirable d'intuition!
Il y a déjà, à cette époque, un besoin de trouver un rc^-
lateur de la chaleur animale. Au livre Des causes de la respiration^ ^
Galien a écrit cette phrase: cdi y a trois causes de la respira-
tion: la volonté, les instruments à son service, et Futilité qui
consiste dans le rôle qu'a la respiration de conserver la mo-
dération de (ou de servir de modérateur à) la chaleur innée, d '
{commoderationem conservât, en grec : rïipovaafièvriiv crvfifÂsrpiap
7ris ifÂ^vrov d-spfjLoaias,)
Il y a plus d'un passage oh Galien met le pouls sous la dépen-
dance delà chaleur. Il y a, dit-il [Hygiène, discours B), une
UMU
liber.
* Galeni De puUuum
cap. Tii, L V, p. 173.
' Galetn De difficuUate retfnrationi»
liber 1, cap. ?, t VU, p. 766. «Coin-
posita enim est ex contrariis niotibus
per quiètes distinctis, atque ejiisdem
iisus gratia fit; et ex partibus ejus
inspiratio quidem consimilis oxislcns
pulsuum diastole insituin calorem ré-
frigérât; exspiratio vero velut systole
pulsuum, fumosuiD ad ustionia ercrt-
mêntum excemit.»
' Galien, Dogme» d'Hippocrait H
Piaton, t. Y, ch. ix.
* GalêniDeeaftêûrê»fnraliom$\ibetf
t. IV, p. &()5 et 666.
GALIEN.
61
cause de changement du pouls qui est l'augmentation ou la
diminution de la chaleur naturelle, une autre qui dépend de
la respiration, etc.
liC pouls, disons-nous aujourd'hui , est fonction de la tem-
pérature.
Galien n'a que trop connu le pouls! txLe pouls nous indique
quelle est la chaleur. Il faut examiner la respiration et le
pouls, car ces deux signes nous indiquent quelle est la cha-
leur^ »
En plusieurs passages, Galien répète que l'usage du pouls
est de répandre la chaleur par tout le corps et que l'usage de
l'inspiration est de modérer la chaleur intérieure. Il prononce
même le mot de ventilation (^i7r/C&>).
Ailleurs (livre De la phUboiomie^ y ch. v) Galien se sert
d'une comparaison familière pour montrer ce que c'est que la
chaleur animale : ce non-seulement, dit-il, le sang sert d'ali-
ment aux parties de l'animal, mais encore c'est dans le sang
que s'entretient la chaleur naturelle, comme nous voyons les
morceaux de bois propres à la combustion, étant mis au feu
de notre foyer, chauffer toute la maison, d Galien examine en-
suite toutes les causes extérieures et intérieures qui peuvent
faire varier la température de notre corps ^.
^ De lociê affeciiê, iib. IV, cap. vu,
l. VJIl,p. a5].
' De venœ iectione adoertuê Era$i-
«(mluifi, cap. T, t. XI, p. 96a.
' Malheureasement, à cM de ces pas-
sages vraimenl remarquables , Galien en
contient d^autres qni montrent où peut
conduire le besoin de tout expliquer.
G^esl ainsi que nous trouvons celte sin-
gulière dëmonstration de la supériorité
de rbomme sur la femme' (il s*agit de
la cbaleur) : «Gomme Tbomme est le
plus parfait des animaux, ainsi Thomme
est plus parfait que In femme; or la
cause de cette perfection est Texcédant
de chaleur, car la chaleur est le premier
instrument de la nature; ceux qui en
sont moins pourvus ont un travail plus
imparfait. Il n*y a donc rien détonnant
â ce que la femelle soit d*autant plus in-
férieure qu^elle est plus froide, par
comparaison avec le mâle. Car, de même
que la taupe a les yeux imparfaits, non
pas tant cependant que d^autres ani-
maux qui n^ont pas même apparence
d^yenx , ainsi la femme est plus impar-
* De «m ptTtkm eorporiê humani, Iib. XIV, cap. fi, t IV, p. i6i.
M CHAPITRE r. ^ LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
Pathologie thermique de Galien. — «Si la chaleur est en ex-
cès (Des aliments y différences des maladies quant à Talimen-
tation, à ia respiration, à la chaleur, au sang, etc. ^), il est
nécessaire que l'animal ait une maladie répondant à ia nature
de la cause qui a élevé la chaleur. C'est pourquoi les inflam-
mations, les érésipèies, les éruptions et les charbons et autres
de ce genre, sont joints è la fièvre; tandis que les convulsions,
les palpitations , Tépiiepsie , sont des maladies à température
basse. »
La chaleur morbide diffère de la chaleur saine par divers
caractères; comment les apprécier tpor le toucher, car fda cha-
leur de l'homme sain est vaporeuse, douce, nullement désa-
gréable au toucher, point âpre ni mordicante; au contraire,
la chaleur des fiévreux , surtout dans les fièvres hectiques ou
putrides, est acre, désagréable au toucher'." (On croirait
£û(e que rhomme par les oi^oes gé- perfla , si la femme avait été parfaite-
nitaux : car, chei elle , les parties ont été ment chaude , car, n cela était , elle Tab-
formées dans rintérieur, alors qu'elle sorberait elle-même pour son compte,
était encore au ventre de sa mère; or, U fallait donc que la femme fût [dus
comme ces parties ne pouvaient se dé- froide afin qu'elle ne pût pas absorber à
velopper et émerger à cause du défaut son bénéfice tout ce qu'elle ingère; en
de chaleur, elles ont été cause que Ta- effet la femme ne peut pas cuire ce qui
nimal tout entier a été frappé d'inféiio- est trop froid ; et elle laisse ainsi un peo
rite , et pourtant ce défaut n'est pas à d*aliment qui est superflu. Tel est le
mépriser, car enfin il était utile qu'il y but de la froidure de la femme
eût une femme. Et l'on ne peut pas D'ailleurs, si elle avait eu des testicules
croire que l'artisan de toutes choses au dehors, la matrice n*aurait pas été
eût fait la moitié de l'espèce humaine ce réservoir si nécessaire à la procréa-
infirme et imparfaite, sans une raison, tion, etc. » •
Le foetus lui-même a besoin de beau- U est impossible de pousser pins loin
coup de matière non-seulement pour sa l'abus de l'ai^ment des causes finales.
formation première, mais encore pour Ce passage pourrait être cité pour mon-
son accroissemenL Dès lors deux choses trer l'inanité de ce genre de raisonne-
doivent arriver nécessairement, ou que ment; c'est un modèle, et il mérite de
le foetus se nourrisse aux dépens de la devenir classique.
substance même de l'utérus, ou qu'il ^ GaUni m HippoeraUê Ubrmm éê
reçoive un supplément d'aliments; or il aUmenio commêntaritu ÏU, cap. ixti,
n'était pas bon que l'utérus fût appan- L XV, p. 363 et p. 369.
yri^ et il ne pouvait pas prendre le su- «T. XVII, pars aecnnda, p. A 08
GALIEN. 03
lire un auteur des xvr et xvii'' siècles). Bordeu n*a rien fait
sur le pouls qui soit supérieur à l'œuvre de Galien. Nous
étions encore galénistes hier, pour ainsi dire.
Un passage analogue au précédent se trouve au cha-
pitre xiix intitulé^ : Febrium quœdam manui mordaces naît,
quœdam vere mites.
Au livre I de$ Différences entre les fièvres, chap. ix, on
lit^: «mais le plus grand indice des fièvres putrides est la
qualité de la chaleur; celle-ci n'a rien de suave, ni de mb-
déré y ni qui rappelle les sensations journalières , mais , comme
Font dit les meilleurs médecins avant nous, cette chaleur est
àiordante, elle blesse et mord le tact, comme la fumée attaque
les yeux et les narines. Il faut laisser pour cela la main en
place pendant quelque temps. ... » Quel tact! comme cette
faculté était prédominante chez les anciens, l'examen du pouls
était leur auscultation.
Il y a à travers Galien quantité de passages sur les qua-
lités de la chaleur' (même livre: des fièvres hectiques) : «La
chaleur est débile au premier abord, mais peu après elle ap-
paraît acre et corrodante, d'autant plus qu'on prolonge plus
l'exploration. 9) Au livre IH (fièvreis bilieuses et pituiteuses) :
<c II faut distinguer la quantité et la quditi de la chaleur fé-
brile; l'acrimonie de cette chaleur indique la nature de l'hu-
meur qui accompagne cette fièvre, j'entends la qualité de la
chaleur. Celle en effet qui est plus vaporeuse et moins désa-
gréable vient du sang; celle qui est désagréable, corrosive,
mordante, vient de la bile, . . »
Nous retrouvons encore ici simplement la tradition hippo-
cratique; au livre VI des Épidémies, Hippocrate disait que,
Gatmi eomm. I m Hippoerat, apho^ * T,\ll, De fibriumdiffirentiîi,\,l^
mm. ih. c. IX, p. 307.
• T. XVU,primaï)ar8,p. 87t. Cl»- » T. VII, De febrium differmiuM,
leni cornmnU. I m thppoeratis Ub, VI lib. I, cap. xi, p. 317.
EpidmttorKm, cap. xxix. * T.VII,iftt</.iib.lI,capntxi,p.377.
64 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
parmi les fièvres, les unes sont mordantes à la main , les autres
douces, d'autres vont crescendo, quelques-unes ardentes dès
le début, les unes sèches, les autres salées. . .
c(Les médecins, au dire de Galien, appellent une fièvre
grande ou petite, suivant l'élévation de la chaleur du corps;
et ardente celle qui s'accompagne d'une chaleur excessive et
d'une grande soif» [soif ardente. . . mots bien significatifs quand
on y réfléchit). Il ne semble pas bien certain que Galien ait su
qu'il n'y , a point d'exagération locale de la chaleur supé-
rieure è celle du centre. Mais il définit souvent la fièvre «la
diffusion par tout le corps d'une chaleur exagérée, v
11 parait même ressortir clairement du passage suivant que
Galien ignorait absolument la loi de la répartition de la cha-
leur dans l'organisme, et que le maximum en était toujours
dans les viscères intérieurs; il ne faut pas, du reste, s'étonner
de cette erreur qui a persisté jusqu'à notre époque. (Ilepi Sta-
^opàs ^vperô)v, liv. IP.) et L'inflammation locale (par blessure)
allume aussitôt la fièvre, alors que, soit k cause de son éten-
due très-grande, soit par voisinage, la chaleur partie de cet
endroit parvient au cœur, yy Ainsi Galien croit que la cha-
leur (morbide) s'allume en un point et se transmet au cœur
et de le à tout l'organisme (fièvre).
La difl'érence de la chaleur intérieure et de la répartition
de la chaleur à la périphérie faisait également défaut à Galien,
il disait qu'un homme a chaud quand cet homme accusait une
sensation de chaleur ou que la rougeur lui montait au visage,
ou qu'il se disait réchaufl^épar un breuvage^. «L'exercice aug-
mente la chaleur propre du corps. Ainsi nos corps s'échaufient
par les bains , les lavages à l'eau chaude , pendant l'été, quand
nous nous exposons au soleil, quand nous nous chaufTonç
près d'un foyer, et quand nous nous frottons avec des médi-
* GaleniDefrbriumdijffiTeittiiMy\.\\^ ' Galeni De ênniiate luênda, i. II,
cap. XV, i. Vil, p. 3îi7. cap. i\, U VI, p. 137.
GALIEN. 65
caments chauds. 11 faut distinguer la chaleur extérieure et
étrangère de l'excès que Texercice développe dans la chaleur
propre des animaux. »
La fièvre. — Si nous recherchons à travers les nombreux
chapitres de Tœuvre de Galien ce qui est relatif è la fièvre,
nous trouvons une foule de passages où son opinion sur ce
sujet est émise avec quelques variantes. Voici l'un de ces pas^
sages, qui nous paraît plus particulièrement explicite^: ^Le
début de la fièvre est la conversion en feu de la chaleur na-
tive, comme l'a dit Hippocrate, et ce mouvement, parti de la
poitrine, envoie la flamme vers la tête. La fièvre, c'est du feu,
dit-il ailleurs (Épidémies). Si donc, ajoute Galien, les remèdes
doivent être les contraires des maladies, il faut que le remède
spécial des fièvres ait une faculté réfrigérante et humectante ;
en effet la fièvre est chaiïde et sèche, v
Malheureusement les anciens appelaient rafraîchissants
certains remèdes qui n'ont en réalité rien de froid en eux,
tels que la tisane d'orge , et il ne faut point leur attribuer une
notion exacte du froid en soi.
Il est certain que les signes de la fièvre étaient parfaite-
ment connus de l'antiquité, et que la sensation de la chaleur
y tenait une place considérable : « après que vous aurez tout
regardé, cherchez à lever les doutes par d'autres signes^. Or
le premier de ces signes est obtenu de la façon suivante : ap-
pliquez votre main (il ne faut pas qu'elle soit froide) sur la
poitrine du malade, et appréciez-y la qualité de la chaleur; si
elle est mordante, vous direz qu'il y a fièvre, avant même
d'avoir tâté le pouls. S'il y a sensation de froid, ne vous hâtez
pas de dire qu'il n'y a pas fièvre, vous n'en pouvez pas lever
la main, il faut attendre quelque temps pour voir s'il ne
* H^ppoeratiê de acutarum morborum * Galeni Synopiii librortun nionim de
vtetu Uber et Galeni commenUtriuê I, puUihu» , cap, xn , i. IX, p. à 76.
lib. I, cap. xfii, t. XV, p. 656.
5
66 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
vient pas une chaleur acre de la profondeur. Themison ensei-
gnait que ce signe suffisait pour affirmer qu'un homme a la
fièvre, même quand la chaleur était lente à se manifester à la
main, y*
On sait que Galien se fiait davantage au pouls, dont il avait
fait une étude spéciale: (rSi l'artère se dilate dans ses deux
dimensions, longueur et largeur, et que le pouls soit à la fois
vite et fréquent, il y a fièvre. 99 La fièvre n'en persistait pas
moins à Stre appelée ^n/perés^ de mp (Jeu); attendu, dit Ga-
lien \ que la fièvre par nature n'est autre chose qu'une élut-
leur ignée, — Gaiien croyait que le foyer primitif* s'allumait
dans une partie malade et de là communiquait sa flamme à
tout le reste de l'organisme; alors tout le corps était échauffé.
Or les Grecs (livre Du traitement par la soignée)^ dit-iK ap-
pellent cette affection ^fvperévy et les latins febrem. Ailleurs
Gaiien expose deux opinions contradictoires : t^ Les anciens
regardaient la fièvre comme étant une maladie par elle-même.
Érasistrate et un grand nombre de modernes n'y voient qu'un
symptôme. 99 c( La fièvre ^ est la conversion de la chaleur native
en une chaleur plus ardente, provenant de ce que la chaleur
retenue à l'intérieur est empêchée de perspirer (quod intro
averêus perspirare prohibeatur). » Ce passage mérite d'être noté,
parce que la théorie de la rétention s'y trouve nettement expri-
mée ; or nous verrons cette même théorie exposée comme une
nouveauté à l'époque oti nous vivons.
Dans l'Histoire de la philosophie^^ Gaiien nous fait connaître
les opinions anciennes sur la fièvre : «^ Erasistrate définit la
fièvre un mouvement d'afflux non spontané du sang dans les
• Hippocratii dejracturiê liber et Ga- dieux , cap. xiii. De humorihu» , foeuha-
Uni in eum cmnmen(ariu$ llî, cap. tiii, (t(ti«, morhiê êorum diffenmtii»^ cann»
t. XVIII, sec. para, p. 568. ac cwalionibui, t. XIV, p. 79g.
* Galeni De hùloria phUoêopkiea /i- * Galeni De hittoria phiUmophiea Uber
6iT«pf*rf««,cap.iiiix:i)*/<*6re,t.XIX, «pttm», cap. «xix; De febre, L XIX,
p. .3^19. p. 3'i3.
•■* Galeno aêrriptn introdfirtio »eu me-
GALIEN. 67
vaisseaux de la respiration, et il compare ce mouvement à
1 agitation de la mer : quand aucun vent ne l'agite elle de-
meure calme, si le vent souffle avec force les vagues se for^
ment; ainsi dans le corps, quand le sang est agité il tombe
dans les vaisseaux du souffle, et, quand il est échauffé, tout le
corps s'échauffe.
« Dioclès pense que la fièvre est une affection secondaire ,
car elle succède aux blessures et aux tumeurs des glandes.
Hérodote affirme que quelquefois la fièvre survient isans cause
prochaine. » Et ailleurs ' : « La fièvre est la chaleur naturelle
amenée è un état anomal outré avec un pouls fort et fré-
quent. Ou bien : la fièvre est une chaleur outre-nature du
cœur et des artères, qui lèse la force vitale, avec certains
troubles du pouls. D'autres la définissent ainsi : la fièvre est
l'exagération d'une chaleur morbide qui monte de la profon-
deur, avec modification du pouls, qui devient plus fréquent
et plus fort. D'autres disent : la fièvre est le spiritus naturel
dégénéré en un état plus chaud et plus sec. »
On voit, d'après ces citations de divers auteurs anciens , que ,
dans toutes les définitions, apparaît comme signe principal de
la fièvre : l'aecroUsement de la chaleur. Dix-sept cents ans après
Galien , un auteur classique n'en savait pas plus sur la fièvre
considérée en elle-même. Quelques auteurs même évitaient de
consacrer un chapitre ou une simple définition à la fièvre
(voyez Ghomel). En somme, on peut résumer les|opinions
grecques sur la fièvre dans cette courte phrase de Galien :
AXk' 4 ptiv xaB' bXov rb Kw>v tvXeoveÇ/a rvs â'epfjLaaias «rv-
periç ialtv.
Le mot de rétention {^sùpaùo) se rencontre souvent dans
Galien pour exprimer l'état de rétention des humeurs qui en-
tretient la fièvre. Cette théorie du retentum n'est pas aban-
donnée même aujourd'hui par les humoristes, et elle s'est
* GaUmi [ï^nûioniê mêdieœ, capul cliiit, t. XIX, p. 898.
5.
68 CHAPITRE I". ^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
transformée pour s'accommoder aux récentes découvertes
sur la régulation de la chaleur. Dans ses Commentaires sur
le Uvre des humeurs, d'Hîppocrate , Galien appelle les ^^vret
des maladies du genre veineux ^ 11 semble qu'on puisse
rapprocher cette expression de celle d'hémite ou fièvre in-
flammatoire, dénomination toute moderne et promptement
abandonnée. Dans les Commentaires sur le livre des Epidémies,
d'Hippocrate, Galien différencie très-nettement les symptômes
objectifs des subjectifs. Hippocrate, dit-il, ne s'en rappor-
tait pas, pour les différences des fièvres, aux sensations des
malades, mais seulement aux signes visibles et tangibles.
Or la chaleur doit être mise ici en première ligne; car la
fréquence du pouls n'indique pas l'essence même de la fièvre
(sur ce point, Erasistrate et Ghrysippe se sont trompés).
Donc la chaleur fébrile, pour ceux qui touchent le corps, a
le caractère acre ou mordant, ou légèrement désagréable;
mais jamais elle n'offre cette sensation douce et familière qui
est propre à la chaleur naturelle. — Galien insiste beaucoup
sur la nécessité de laisser longtemps la main appliquée sur
le corps ^ pour attendre la sensation définitive, et il s'efforce
d'expliquer, à sa façon, un passage où Hippocrate dit que la
sensation varie suivant l'observateur, et que les fièvres pa-
raissent mordantes à la main de celui-ci, douces à la main
de celui-là.
Quant à l'observation des différents temps de la fièvre, elle
est irréprochable , et nous l'avons gardée telle que les anciens
nous l'ont donnée. « Il y a quatre temps : l'invasion , l'aug-
ment, la période de vigueur et la déclinaison'; ces temps cor-
respondent: le premier, à la crudité des humeurs; le deuxième ,
à la coction, qui s'achève par le troisième, et après vient la
^ Hippocraliê De humoribm liber, et m iUum eommenimiuê l, caput vm ,
GnUm m eum commentani ire», II, L XVII, prima pars, p. 879.
cap. Tii, t. XVI, p. 987. ^ Gaknt Defintione» medicœ, ca-
* Hippoerati» Epidêm. VI, et Galem put cYxtf i , t XIX , p. âB8.
6ALIEN. 69
déclinaison ^ ?) Il arrive sans doute à Galien de faire des dis-
tinctions malheureuses; il explique tout, en quoi il est infé-
rieur à Hippocrate. Ainsi il s'efforce de distinguer les diffé-
rentes qualités de la fièvre par la sensation sèche ou humide
de la chaleur, et il dit : « La chaleur qui est humide et non
désagréable vient du sang; celle qui est désagréable, éro-
dante et mordante, vient de la bile^.»
Les anciens savaient très-bien que la sueur faisait tomber
la fièvre , mais ils ne savaient point par quel mécanisme. L'idée
de la crise humorale les dominait entièrement. Us provoquaient
les sueurs fréquemment (c'est encore aujourd'hui la médecine
du peuple). Ils savaient que les sueurs sont moins faciles par
un temps sec que par un temps pluvieux, phénomène dont la
science moderne a donné l'explication.
Le frisson est expliqué par Galien d'une façon insuflBsante,
la faiblesse. . . , tandis que Praxagoraè, qu'il met en cause et quil
etmAat, expliquait le frisson par un certain état des artères . . .
Ce phénomène, avec toutes ses variétés, était, du reste , par-
faitement connu des praticiens grecs. Tout ce qui est d'obser-
vation est exquis chez eux; la théorie est quelquefois en dé-
faut, et il n'en pouvait être autrement à cette époque.
Traitement. — Galien distingue fort bien les fièvres simples
des compliquées, et n'ignore pas qu'elles sont souvent symp-
tôme et non essence. Il y a, dit-il, un simple trouble fonction-
nel ou rétention des excréta, ou lésion matérielle du corps;
et de là des indications thérapeutiques variées. ( Thérap. liv. XII. )
Au chap. VIII du même livre nous trouvons l'exposé de la doc^
trine de Galien: «La première indication est^, si la maladie le
permet, d'enlever toute la fièvre; la seconde, si la maladie ne
le permet pas entièrement, d'en enlever ce que l'on peut. Or,
> Hippoeratiê De humonlmê Uber, 9t * Deftb.diff, LII,c.xi,tVIl,p.377.
GtJeni m eum eommintaru tm, I, ca- ^ GaUm Mêthodi mêdmdi lib. VIII,
pat III, t. IVI, p. 71. eap. 1, 1. X , p. 533 et sq.
70 CHAPITRE T', — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
comme les fébricitants sont malades par excès de chaleur, il
faut, pour les guérir, chasser cette intempérance. Tout excès est
guéri par l'excès contraire, comme on sait. Dans l'intempé-
rance du Bévreux, il y a excès dans l'abondance de la cha-
leur ^
« Donc il faut chercher le remède à cette intempérie dans les
choses qui refroidissent. Par conséquent, si la fièvre existe
déjà et que la cause qui l'a produite ait cessé, le seul but à
atteindre pour la guérison est la réfrigération ^
R 11 nous faut donc trouver la matière de cette réfrigération.
Si la cause subsiste encore , il faut l'attaquer et ensuite éteindre
la fièvre qu'elle a allumée. Or nous avons dit que la fièvre
amenait la constipation des méats chez ceux dont la transpira-
tion cesse d'être halitueuse , pour devenir acre et fuligineuse.
Pour ces corps-lè, il est très-utile de faire des lavages avec
Teau douce à une température modérée , et une friction, et de
leur donner des aliments qui rendent les humeurs plus douces,
et leur faire prendre un léger exercice. Il ne vaut rien de les
laisser secs , ni de les laver avec de l'eau froide , ni de les sou-
mettre à un exercice violent, n
Galien rapporte ensuite un cas oii il lui a bien réussi de
laver le malade à l'eau tiède puis de le mettre au bain, et
de le laver selon l'habitude avec de l'eau froide au sortir du
bain , et de le couvrir d'un drap , ensuite de recommencer les
frictions onctueuses et de le remettre dans un bain chaud, de
l'en retirer pour le plonger dans l'eau froide, de l'en asperger,
puis de le faire boire et manger. Cette pratique fut renouvelée
plusieurs fois par jour et pendant plusieurs jours. Le malade
suait ensuite abondamment. Il faut ajouter que Galien n'était
' Le thermomètre a introduit Tidée temps que Ton s^oocope dee calorieft ou
abstraite de Télévation sur (^échelle quantités de chaleur. Les anciens ne
tbermométrique et fait oublier l*idëe de connaissaient que l'idée de quantité,
la chaleur concrète ou de la masse de * Remarques la réserve: «si ia cause
chaleur. Ce n*est que depuis quelque a cessé. ?)
GALIEN. 71
pas, sur ce point, d'accord avec les médecins de Rome, qu'il
appelle ignorants et bourreaux. Plus loin , Galien recommande
de ramener la transpiration : sil faut, dès le début, mener les
malades au bain, les frictionner et les laver, les refroidir. On
rendra l'eau des lotions froide en suspendant le vase qui les
contient dans un puits au contact de l'eau; on peut même l'en^
tourer de neige. On Cera couler cette eau en pluie sur la nuque
du malade, puis on le mettra au bain. Il faut réchauffer ceux qui
ont le frisson et refroidir ceux qui sont brûlants. En général,
dans la fièvre , laver les malades , mais en choisissant de préfé-
rence le moment de rémission de l'accès. »
Dans le livre I de la Thérapeutique on trouve encore le pas-
sage suivant: «Parmi les éléments des maladies fébriles, il y en
a un qui consiste dans l'intempérie par excès de chaleur, et
quand il est répandu par tout le corps on dit qu'il y a fièvre,
donc les remèdes de la fièvre sont Thumectation et la réfrigé-
ration. Et, si la fièvre est seule et non compliquée, il ne faut
songer qu'à la {[iiérir, c'est-è-dire à humecter et à refroidir le
malade.
« U faudra voir si le milieu ambiant est favorable ou dé-
favorable. S'il est favorable, on l'acceptera comme auxiliaire,
sinon, on le combattra par les contraires, c'est-à-dire qu'on
rendra les appartements plus humides et plus froids; si, au
contraire , la maladie était humide et froide , il faudrait chauffer
l'appartement; on peut, d'ailleurs, choisir les lieux propres à
ce que Ton désire, par exemple, en été, un appartement sou-
terrain et regardant le nord, dont on arrosera le pavage, oii
l'on maintiendra la ventilation: on y répandra des fleurs et des
herbes qui entretiendront la fraîcheur et l'humidité; en hiver
on fera tout le contraire, si la maladie l'exige. » Galien ne nous
dit pas si tel n'était pas l'usage établi, de temps immémorial
chez les peuples de la Grèce, du sud de l'Italie, de la Syrie et
de rEgy|)te. Lorsqu'on recherche les usages et les mœurs des
anciens dans les historiens grecs, on voit en effet quel usage
72
CHAPITRE r. — LA CIIALKLR KT LA KIEVRE.
fréquent ils faisaient des bains et combien de moyens ingénieux
ils mettaient en œuvre pour se préserver de la chaleur.
Dans un autre livre {De la ineilleure secte) , Galien passe en
revue les diverses o|)inions^ sur le régime dans la fièvre: <tLes
médecins ne s'accordent pas entre eux: b\s uns mettent les fébri-
citants à la dièle (abstinence) et ne leur donnent même pas de
Teau à boire; les autres donnent, au début, de la tisane. Il y en
a qui ne souffrent pas que le malade prenne de l'eau d'orge.
Pétronas, au contraire, donne de la viande de |)orc grillée et
du vin rouge, ordonne dos vomitifs, et laisse boire au malade
de l'eau froide à discrétion. Apollonius et Dexippe, disciples
d'Hippocrate, ne donnaient pas de vin, ni même d'eau. Ils
préparaient la cyatbes (un selier) d'une liqueur miellée, et
en donnaient deux ou trois fois par jour aux malades. Que
penser de ces diversités d'opinion? 11 faut recourir à l'expé-
rience, car l'histoire est d\m faible secours, et nous trompe
plus souvent qu'elle ne nous instruit*-^. •'^
^ Galeni De oplùna sectn <ul Thmsiflju-
lum liheTy cap. \iv, l, I, p. ihh.
^ Le mot échauffant joue un rôle
considérable dans la médecine des an-
ciens; il V a des médicaments écliauf-
fants, des aliments échanlFants, des bois-
sons échauffantes. Celte expression, d'une
définition vague et souvent conlradic-
loire, est demeuré'' populaire encore de
nos jours. Il est assez ditRcile de suivre
Galien dans son exposé de la lliéorie des
échauffanls. Il cherche pourtant à in-
troduire de Tordre dans la pliarmaco-
pée compliquée de son temps*, -il ne
suffit pas, pour lui , de dire tpie tel mé-
dicament est réchauffant ou rafraîchis-
sant, mais il laut préciser jusqu'à quel
point il est échauffant ou rafraîchissant.
En effet tontes les résines sont échauf-
fantes, c'est une de leurs propriétés,
mais à des degrés différents. Aussi J'ai
étiibli quatre ordres d'échauffants, les
modérés, les positifs, les forts, les ex-
cessifs.'^ Galien nous apprend, du reste,
au livre III De teuiperameutis^ , ce qu'il
entend par chaud, froid, sec, humide.
Il y a le chaud en acte et le chaud m
puissance. On doit trouver tout naturel
que nous disions que le castoreum,
IViiphorbe, le pyrèthre, le nitre, sont
chauds, et que la laitue, la ciguë, la
mandragore, la salamandre ou le pavot
sont froids. Le bitume, la résine, l'huile
et la poix ont une puissance chaude, car
" Galeni De compositionc medicfuncnlorum j^cf gênera liber I, cap. u, I.XIII, p. 867
et 368.
** Galcui De tempe ramentin liborlll, cap. iv, I. I, p. 07a.
GALIEN. 73
Dans son commentaire A Sur le régime des maladien aiguës,
dTHippocrate, GaUen examine la question des boissons froides.
Hippocrate conseillait pour boisson l'oxymel, chaud en hi-
ver, froid en ët^. «Or, dit Galien\ Hippocrate ne nous parle
pas des boissons glacées , qui cependant étaient dans la logique
de sa doctrine. En effet quelle idée se faisait-il de l'utilité des
boissons froides? Cela ressort facilement de son raisonnement.
II est clair quil donnait non-seulement de Toxymel froid, mais
encore de l'eau froide. Car cela est d'accord avec ses dogmes,
puisqu'il pensait que la fièvre était l'incandescence de la cha--
leur native, et qu'il faut traiter par les contraires. Or, comme le
feu est chaud et sec, et que telle est la raison de la fièvre,
l'eau est ce qu'il y a de plus dissemblable de la fièvre, puis-
qu'elle refroidit et humecte le corps. Et en effet l'eau donnée
âfl s*échaaffeot et s'enflamment trèft-faci- Galien a de telles ressources de dia-
lement , et , si nous les introduisons dans lectique , qu'il n'est jamais embarrassé
notre eorps , ils réchauffent manifeste- pat une difficulté ; il les résout toutes, et
ment, et la moutarde, le nilre, le py- Ton comprend quel prestige il dut avoir
rèthre, etc., sont aptes à nous échauffer aux yeui de tous les dialecticiens et mé-
plus OQ moins , et pourtant ils ne sont taphysidens de son temps et des siècles
pas SQSceptibles de s'enflammer facile- qui ont précédé notre époque. Son livre
meot. là Galien répond à une objec- a répondu à tout par raison démonstra-
tion: comment, dira-t-on, pouvez-vous tive. Celte assurance ne laisse pas de
appeler chaudes ces substances, alors décourager un lecteur éclairé et qui n'est
qa*en les touchant nous ne les sentons point dominé par une foi aveugle.
pas chaudes? Elles sont chaudes en Ailleurs, Galien définit (De temper.
puissance. Est-ce que la flamme se mon- lib. III) encore ce qui est chaud par soi
tre avant que le feu ait été au contact et par accident. Cette distinction est
du bois? de même la chaleur des ani- d'Aristote. L'eau peut être échauffée ac-
maux ne s'accrott que lorsque le médi- cidentellement, mais elle perd vite cette
cament s'est modiGé au contact des lis- chaleur et reprend sa froidure natu-
mis, il leur faut du temps pour cela. 11 relie. Or, comme l'eau même chauffée
n'est pas extraordinaire que la chaleur éteint la flanune, ainsi le suc de pavot,
qui existe dans les animaux se serve de qui a la propriété froide, aura beau être
ces aliments comme d'une matière , tout pris après avoir été chauffé , il refrôidh-a
comme le feu se sert du bois pour s'en- la chdeur aniihale et amènera le dan-
I retenir et s'accrotire. 11 suffit d'une ger de mort.
étincelle pour ranimer un foyer, ainsi * In Hippocratù Ubrum d» aeulorum
des médicauients qui raniment par tout viciu c(mvmêfiUniu» , lib. I, cap. xuii,
le corps k chaleur naturelle. t. XV, p. 699.
1\ CHAPITRE 1'. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
à propos paratt éteindre aussitôt les fièvres. Donc, s'il y a fièvre
et persistance des forces, non-seulement vous ne nuirez pas en
donnant de l'eau froide, mais, au contraire, vous ferez le plus
grand bien, et donnez-en au malade tant qu'il en pourra ab-
sorber; si donc vous voulez éteindre la fièvre, donnez de l'eau
froide à satiété. Ji Ici la théorie est pure et nette.
Erasistrate', dans un chapitre ajouté par lui aui œuvres
hippocratiques, recommandait, dans le caicfiM (fièvre ardente),
de donner à boire au malade des boissons émulsives à satiété.
Mais il n'est pas là question de l'action de l'eau froide.
Dans le commentaire A Sur le livre des humeurs, d'HipptH
craie, Galien dit*-^: c^Si quelqu'un vous demande pourquoi vous
donnez à un homme fébricitant de Teau froide à boire, vous
pourrez lui faire deux réponses :1a première qui lui apprenne
la nature de la fièvre et celle de l'eau froide, et lui montrer
que l'eau froide est bien le remède qui convient, et ensuite
invoquer l'expérience, qui vous a montré, dans des cas sem-
blables, le bon effet de l'eau froide. . . v
Sans doute nous sommes loin d'avoir épuisé toute la série
des documents que contiennent les ouvrages de Galien, rela-
tivement à l'idée de la chaleur fébrile et à celle du traitement
logique de cette chaleur par la réfrigération. Cependant il
nous semble que les citations que nous en avons faites suf-
fisent à montrer que les idées de Galien sur ce point étaient
précisément celles qui tendent à prévaloir k notre époque.
Les contemporains et les successeurs de Galien ne méritent pas
d'être analysés longuement. Il y eut une réaction gréco-romaine
contre les doctrines de Galien , mais les discussions qui s'éle-
vèrçnt alors ne fournissent aucun document nouveau sur la
question de la chaleur.
' Hippocratiê de acutorum morborum ' Hippocratiê de humorUm» tiber êi
vietu lAer et Galeni eommetUariu* UL Gaifm m «iimcoiiinMiilarit fret ,1, lib. 1,
cap. T, t. XV, p. 7A3-7AA. cap. tu, t XVI, p. 81.
LES ABABËS. 75
La partie thérapeutique seule provoc|ua quelques remarques
encore intéressantes aujourd'hui.
Les méthodistes d'Alexandrie , au temps de Gléopfttre , trai-
taient les fièvres par le froid, les boissons et les bains. Plus
tard Alexandre de Traites^ au vi'' siècle, blâme Galien d'avoir
conseillé les boissons échauffantes dans la fièvre, et préconise
les réfrigérants :
Itaque fundamentù hoc in tradenda curaùone febrium itmitilur,
ut omniajiani fer quœ hwniditas augeatur; omnisque ejus medidna
per aculos hos affectas in rejrigerantibus ac diluentibus potissimum
amtistit, qualia sont pUaana, hydromel, etc. (Freind, Histoire de
la médecine,)
LES ARABES.
Les Arabes méritent d'avoir une place dans Thistoire de la
médecine, mais ils ne nous arrêteront pas longtemps. Ils furent
des conservateurs et non des novateurs. Us ont relié la chaîne
des temps anciens à l'époque moderne, mais ils n'ont guère
ajouté è l'histoire qu'ils se sont chargés de nous transmettre.
Au débuts, l'essor fut arrêté par la doctrine elle-même. Maho-
met avait décrété la peine de mort contre quiconque cultiverait
les arts libéraux. Aussi la médecine tomba entre les mains des
juiCs et des étrangers; elle vécut sur la tradition, mais ne put
se développer. Sous les Abbassides cette rigueur s'amollit:
Abou Giaffar Almanzor attacha k sa personne deux astrologues
et un médecin chrétiens ; Aroun*al-Raschid encouragea les arts
et les sciences.
Pendant le règne du calife Al-Mamoun, des querelles reli-
gieuses chassèrent de Constantinople des Grecs, juifs et chré-
tiens. Al-Mamoun les appela h Bagdad, oii ils arrivèrent avec
leurs livres. Comme après la révocation de Tédit de Nantes, ils
firent la fortune du pays où ils furent rejetés, et de cette époque
date la période la plus florissante de la Syrie, de T Arabie, de
76 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
la Perse et de l'Egypte.. C'est ainsi que se forma ce foyer de
lumière qui brilla tout à coup. Mais de toutes cps écoles celle
qui jeta le plus vif éclat fut celle de Gordoue. Fondée par Al-
kaken elle fut, pendant plusieurs siècles, l'université la plus
célèbre en Europe, les chrétiens y affluaient de partout. La
bibliothèque comptait plus de sq A,ooo volumes. A côté d'elle
citons les écoles de Séville, Tolède, Murcie, etc. C'est dans ces
diverses provinces que les Sarrasins nous révélèrent l'anti-
quité. Nous ne citerons que les noms de leurs médecins les
plus célèbres : Aaron, Ali-Abbas, Avicenne, Rhazès, Avenzohar,
Averrhoés, Albucasis.
Les opinions des Arabes sur la chaleur ne s'écartent pas de
celles des auteurs qu'ils commentent: ainsi Rhazès (an 69 a,
Alexandrie, trad. de Leclerc etLenoir, J. B. Baillière, p. i3,
1866) rappelle que «la chaleur des enfants est plus intense
que celle des adultes. . . Quant au sang des vieillards, on
peut le comparer au vin qui a perdu sa force, qui est près de
se refroidir et de tourner au vinaigre. y>
Ils ne sont originaui que dans leurs opinions sur la variole
et la rougeole. Ces maladies, ignorées des médecins grecs, leur
laissent toute leur spontanéité, et Rhazès conseille le froid, les
bains, les boissons froides, pour se préserver et pour guérir la
variole.
Il dit (page s 5) : 9 Un des moyens les plus eflBcaces
pour éteindre l'éruption de la variole, est de faire boire aux
malades de l'eau refroidie autant que possible avec de la neige,
de la lui faire boire coup sur coup dans un bref délai , de façon
à ce qu'il en soit saisi et que sa fraîcheur pénètre ses en-
trailles. Si la fièvre récidive et que la chaleur revienne , on lui
en donnera une seconde fois deux à trois livres et plus, et cela
dans l'espace d'une demi-heure. Si la chaleur apparatt encore
et que l'estomac soit rempli d'eau, on lui administrera un
vomitif et on lui donnera derechef à boire. Quand l'eau aura
été absorbée et que les sueurs ou les urines auront reparu,
LES ARABES. 77
on peut être certain du prochain retour de la santé; que si Teau
ne se résorbe pas, que* si la chaleur revient comme aupara-
vant, et même plus intense, il faut renoncer à l'administration
de l'eau en grande quantité et coup sur coup, et recourir aux
autres antiphlogistiques dont j'ai parlé (opium, ciguë, sai-
gnées) : si l'on voit qu'ils soulagent le malade, on continuera
leur usage^ Si l'on observe, au contraire, qu'ils ont pour effet
de produire l'anxiété, on peut être sûr que l'éruption de la
variole ou de la rougeole est inévitable. Il faut alors venir en
aide à la nature pour expulser au dehors les humeurs par les
moyens qui seront exposés dans le chapitre suivant (frictions,
vêtements chauds, bains de vapeur). »
Même alors Rhazès conseille encore les boissons froides,
mais en petite quantité. [Traité de la mriole et de la rougeole,
chap. T, trad. de R. Mead, ^jl^T')
«Au début, il faut donner de l'eau refroidie par la neige,
ou de l'eau de fontaine très-froide, et en asperger la chambre
des malades [qua et canspergantur cubicula eorum). 11 convient,
dit Rhazès, de saigner les malades au-dessus de l'âge de
i& ans, et au-dessous de cet âge il faut appliquer des ven-
touses et tenir leur chambre fraîche (refrigeranda cubicula), »
Au chapitre vn', Rhazès recommande, sitôt que les pustules
ont paru à la face, d'asperger celle-ci d'eau froide très -fré-
quemment et de laver les yeux.
Pronostic. « La variole est bénigne , dit Rhazès , quand les
pustules sont blanches, larges, discrètes, rares, promptes à
sortir, avec une fièvre modérée, et quand, dès que l'éruption
eort, la chaleur tombe {^œgroti calor sedatur). y>
Nous bornons là nos indications sur les Arabes; ils ont sur-
tout traduit les anciens, et n'avaient que certaines pratiques
personnelles, qu'ils tenaient des traditions de leur pays d'ori-
gine, de l'Orient. C'est ainsi que, lorsqu'on connut l'inocufa-
lion, on apprit que les. Orientaux la pratiquaient depuis un
temps très-éloigné.
78
CH.MMTRR 1'. LA CHALEnH ET LA FifcVRE.
Nous retrouvons les Arabes cilés el e\|)li(|iiés |)ar quelques
aul^Mirs (lu wi el du wii siècle.
FE1{>EI/.
I wi' si«^rle, l 'tç)-; - i ÔÔS. )
Frrnel - . Oïdd frhrts. <jnw ilhasesscntHi. fjuœ siipin { De febnhtis j^
' Fernel, né ou 1^97 à Clormonl
(Oise); à 19 ans il vient au colle;;*',
Sainl«>Barhe, à l^iris, ««st rrrii niailic
ès-arls, \')\(j. Fort sur la rlispnle, bon
dialecticien, «'tndie Platon, Arislole,
C^icérou. Malhénialicien, pioles^eiir «le
piiilosophie à Sainte-Barbe, «locleur <'u
médecine en 1 ô.So ( 33 ans).
En i.')'!.') (7j8 ans), appelé à soijfner
DiANK de Poitiers, la rnailresM^ de plu-
sieurs rois, nouinié nK'decin <le Henri H,
1 â/t-y, refuse pour conserver la place au
vieux Louis d" Bourses. En 1 55() suit
le roi à la [juern'. Mort en \7)')ii
((m ans).
Fernel estiniait [Vu' (h Jean FmwL
par l*lanti, en lalin) qu'il n'y a prunl de
l)on médecin sans l'exercice de l'art,
()ue Texprciencc; siu'passe la science des
[)r«''C»'ples. il blâmait ces vit'ux savants
loris sur les textes, b's couimerilaires,
la dispute, les tiadilioiis d'Ecole, el qui
n'avaient jamais vu un n)alade. Celle es-
pèce était commune alors. 11 y avait des
[gardiens des tn-sors classiques et scttlas-
li(puîs, sortes de lbé'olo|;iens de la me-
de<'ine, moilii' pt êtres, clercs en toul
cas, jugiîs des cas de conscience donl ils
puisaient le jn'femenl dans les li\r<'s sa-
( nés d'Hippocrale, de Galien el de leurs
Irisles interprètes. Quehpie.s-nns ensei-
fjnaient l'analomie et la llii'rqteuticpK*
sans avoir pratiipié la nHMjeiiini. La vie
d'un liommt» in* suHisait pas à con-
naître tous les auteui*s qui avaient écrit
sur l'analomie el sur l^s remèdes, et
l'on arrivait à la vieilksse avant d'avoir
cessé «l'èlre écoiiei'. . .
Les hi)mm<'s de celle caléj;orie étaient
(les philosophes, le soin des malades
était aliandonné à des subalternes em-
[)iriques.
Il ne Ifuil point oublier qu'à cette
l'jMKpie on employait pres(pie tout son
temps à l'étude des lan«pies latine el
grecque et à la philosophie, au lieu
d'aller tonl droit à la nature toujours
[»r«'senle.
l'ernel condamnait aussi la pratique
de l'astroloijie, tout en cultivant l'aslro-
noniie, (|ui «ta il la météorologie el la
climalologie de son temps. 11 attribuait
les crises et les jouih decrétoires à l'or-
gjinisme du malade el non à la conjonc-
tion des astres.
Il y avait encore en ce temps beau-
coup iïurosrajiistps, cela était dans les
nid'urs du populaire. On ne manquait
pas de recourir d'abord à eux en leur
envoyant de l'urine du malade, qu'ils ne
visitaient pas du reste.
Fernel était aus^ji nroscopiste, mais
non spécialiste, et il cherchait dans les
vieux auteurs les movens de certitude
pour la cotmnissance des maladies par
les urines.
- Les uot«'> bdiliogiaphicjues l'en-
voient à l'édition des a*uvi-<*s Johannis
FERNEL. 79
débate ainsi: fehris est calarprater naturam e corde in omne cor^
pus effutui. 11 refuse au frisson du début la qualité de fièvre ,
parce que, dit-il, la chaleur n'est |)as encore allumée (quodnan-
diim $U calor incensus). Cette erreur provient de l'ignorance de
la répartition de la chaleur, et de la chaleur interne indépen-
dante de l'externe, tantôt connue, tantôt oubliée, rapports que
le thermomètre a permis de fixer définitivement. Fernel nie
les fièvrçs froides : il n'y en a, dit-il, que de chaudes : neque
uUa recte potest frigida febria appellari, sed omnis in caloris génère
Quant à la nature, à l'essence de la chaleur, suivant les
idées métaphysiques des anciens, Fernel reconnaît uoe cha-
leur innée d'origine céleste, celle-là ne varie point et ne s'ac-
croit point, elle est salutaire, omnium funciionum primarius est
opifex; elle ne peut contribuer h la fièvre. Mais il y a une
autre chaleur, celle-là contre nature, et qui peut être de trois
sortes : i ''simplement en excès {^calorie exsuperanûa) ; 3' chaleur
de putridité [ex putrescenie materia)^ opinion empruntée aux al-
chimistes; 3" maligne et vénéneuse. Pour qu'il y ait fièvre, il
faut que cette chaleur contre nature persiste et soit constante,
et qu'elle occupe non une partie, mais tout le corps. Pour
cela, il faut qu'elle provienne du cœur et soit répandue dans
les artères (e corde in omne corpus effusus). Ce qui ne veut pas
dire qu'elle soit née dans le cœur, le cœur n'en est que le
propagateur (voir Avicenne) : aliunde sublatus corferit.
La division des fièvres suit nécessairement la division des
trois espèces de chaleur contre nature, d'où les fièvres simples,
ptitrides, pesiUentieUes.
Les médicaments chauds* sont plus sûrs et plus doux que
les froids, car les médicaments froids, qui ont pour objet
Fenielu de Otho Heurn. 1, in-quarto, ' Tktrapeuticu univenalii ieu me-
lypis Gtsberii, a ZijH, et Theodori ab dêndi rationi» iiber I : De cura morbi,
Aekendijck, anno cbbcLfi. rap. m. SimpUciê affeetuêf timplex rri-
ThfibriinUy t. Il, c^. I, p. .3. ratio. T. I, p. 2)76.
80 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
de combattre la chaleur en excès, peuvent abaisser en même
temps la chaleur naturelle , mais les médicaments chauds , en
chassant le froid, raniment et réchauffent la chaleur interne.
La chaleur du corps , s'ajoutant alors à cette chaleur acquise ,
combat plus efficacement et plus facilement le froid extérieur.
(La théorie de la chaleur nuisible aapparatt pas ici.) Dans
un chapitre du De natura hominis^ intitulé : Ut innalum calidum
œtatum inelinatione $tatm mutalùmem subeai (La chalei^r innée
subit des modifications avec Tâge), Fernel commente Galien
simplement. 11 y a, dit-il, plus de chaleur et d'humeur chez
les enfants, Tune tempérant l'autre, et la chaleur sert à Tac-
croissement, comme a dit Hippocrate. Hippocrate dit que
l'homme a son maximum de chaleur au premier jour de sa
vie, et que la chaleur se perd avec les années.
Fernel ne fait que raisonner et commenter sans rien affii-
mer. . . D'après Galien, il dit que nous avons en hiver une
plus grande masse de chaleur intérieure qu'en été, parce qu'en
hiver le froid ambiant refoule en nous la chaleur^ . . .
La peau se resserre et ne laisse arriver à la surface que le
moins de chaleur possible [fariêque cutis spiracula astringmu,
calons substantiatn cogit et ita cœrcet, ut nihil ejus aut tninimum
possit ^uere.) L'inverse a lieu en été, oh la peau relâchée per-
met à la chaleur de se répandre au dehors {^anAientis fervor
corparum ^iramenia laxat etnUeriores humons foras elicit^ neeesse
est substantiœ calons plurimum dtffluere, etc. )
Cette explication se rapproche singulièrement de nos théo-
ries actuelles sur l'action des nerfs vaso-moteurs.
L'idée de la conservation de la chaleur malgré le froid ex-
térieur, c'est-à-dire d'une température constante chez l'homme
et les grands animaux est classique, du temps de Fernel :
Hyeme ex fngoris sœvitia, substantia coloris nihilo Jtt frigidiar,
^ Uber IV, De tpiritibuê et caUdo mnaio; cap. it. Ut ùifialilm caUdum per
ùmato, cap. fin, 1. 1 , p. 88. anni tempora et per regionet mmtÊtmr H
* Uber iV, De Ê/mîtibus et caUdo multiplex ilUut appeUatio, L 1, p. 90.
FERNEL. 81
Et celte chaleur réside dans le sang : iisque maxime œrparibua
guœ plturimo sanguine et colore prœdita eunt.
Quant à la chaleur en elle-même, elle est innée. A cette
époque on ne scrute point les causes prochaines des phéno-
mènes de la vie : les causes initiales ou finales suffisent.
Cependant Fernel étudie la chaleur en soi et se demande
en quoi elle réside^; elle peut, d'après Galien, être séparée
du corps , c'est donc une sorte de fluide éthéré. Platon Ta ap-
pelée sou£Be [êpiritus) , Aristote l'appelle souffle chaud , cha-
leur naturelle . . •
Le souffle ou l'âme (la vie), en latin epiritus, est lié intime-
ment h la chaleur, source de toute vie : est igitur epiritus
corpus œAereuM, coloris facultatumqm sedes et vinculum, primum-
que obeundœ funetionis instrumentum.
Fernel a des idées très-larges sur les matières calorifiantes
ou susceptibles de donner de la chaleur, il prétend révéler
une chose que n*ont point connue les anciens, en disant que
nul corps nest susceptible de brûler, s'il ne contient un principe qui
est rhuile (corps gras; nous, dirions aujourd'hui les carbures
d'hydrogène); il énumère tous les corps inflammables, et enfin
il termine par cette déclaration , qui montre qu'il voulait ma-
térialiser la chaleur et hii trouver un substratum, même dans
les êtres vivants : ergo quœcumque vivunt alunturque corpora,
pinguem et oki similem continent humoremK Ces idées n'étaient
point nées dans le seul cerveau de Fernel, la physique de son
temps permettait déjà d'aborder ce problème, ainsi que le dit
Fernel lui-même : multis hujus sœculi experimentis conjirmatum^.
La notion du degré de la chaleur dans le corps et de sa
mesure (Aermométrie) n'existe pas encore; on suppose des
* Lfl». IV. D$ êpiritAui et eaUdo m- meenduntur 9X9mpU, maUriam tem en-
■olo. Gap. 11. Spiritum quendam cuneùê loriâ tum ipiriUu in nohiê cognoiei, 1 1 ,
ifllMm ^mvenlSmi, fui vitœ etdorem con- p. 89 et sq.
ImH. T. I, p. 80 eiaq. ' D$ kumido primigtnio, lib. IV,
' lib. IV, cip. 111. Corpomm quœ cap. m.
82 CHAPITRE [". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
coctiona, des digestions intimes faites par une grande chaleur :
prima est chylosis (le chyle) quœ in ventriculo magna coloris m
perfidtur, . . Fernel n'accepte pas l'opinion d'Aristote sur la
cause de Tétat liquide du sang ex coloris tepore, il veut une
autre cause bien obscure, occulta qualitas.
Fernel, dans un chapitre intitulé ^ : Cohremnostrum perpetuo,
refrigerotione, pakulo, et expurgatione indigere, suit, selon son
habitude, le texte de Galien , et le commente h la façon des prë-^
dicateurs qui font un sermon sur un verset de TEvangile. Le
texte galénique est : omnia quœ aluntur continent in se vim cor-
bris. Or cette chaleur a constamment besoin de Tair aeris
appulsum continenter desiderot. Trois éléments concourent à
maintenir cette chaleur : une réjrigération suffisante, un aliment,
et iW. On peut dire que la dialectique de Fernel vaut la
science, elle ne le trompe pas. Il admet la nécessité de la ven-
tilation pulmonaire (Galien) non comme moyen de réfrigéra-
tion seulement , mais comme moyen de rejeter au dehors
des matériaux d'excrétion : excreme^ta quœ sunt plena fuli-
ginis.
Il existe bien dans le livre Des tempéraments un chapitre vi
intitulé : De singularum partium corporis humani temperaiura -,
imité de Galien , où Fernel reconnaît que tout le sang est chaud
et par lui également la chair est chaude, mais qu'il y a des
parties plus froides , qui sont celles où il circule moins de sang
(os, cartilages). Le cerveau et la moelle sont plus froids que
le sang. . , (Aristote).
Ce qui domine chez Fernel, c'est l'idée Aristotélicienne que
la chaleur est un élément indépendant de nous, qui est notre
âme même, la chaleur c'est la vie. L'organisme n'est point
encore considéré comme une entité fabriquant et entretenant
par des échanges intimes sa propre chaleur. — Voyez le
* Liber Vi, De Junelùmibui et Ah- ' Liber! Il, f)» t»mp«ra/ii«n(û^eBp.vi
moribttt , cap. xvi, t. I,p« i6a. I. i» p. 71.
GUILLAUME RONDELET. 83
chapitre oii Fernel développe cette idée ^ : humani corporis ul
ommum piventium tpirttu» e$êe divinoê , ingenitumque tUis caiorem
dwinum^.
GUILLAUME RONDELET (DE MONTPELLIER).
( xTi* siècle, i5o7-t566'.)
Dans le livre De curandis febribus^y Rondelet remarque J'u-
tilité de la nomenclature des maladies, surtout de celle qui
nous vient du grec, parce qu'une bonne nomenclature nous
donne une premi^ idée du siège et de la nature des mala-
dies. Cette idée a été fort développée par les modernes (Ghaus-
sîer.^ Piorry, etc.) Donc le mot fièvre, dit Rondelet, vient du
latin fehris, foruan a fervendo, quod in febre anmia ferveant, de
même que les Grecs avaient appelé la fièvre «rvprr^^, du radi-
cal «rSp, feu.
La fièvre c'est le feu , ou plutôt , suivant les idées de Galien ,
* Liber l\\ Ùe tpiritibu» et mnato et mëdedo, ne en i5o7 à Montpdlier;
eaUio. Cap i , CUormi quendam m nobii élevé pour être prêtre ; précepiear ; pro-
cunetitque vwtnubui ine»$ê, eumque divi- fesseur en 1 5â5 ; médecin du cardinal
iMim, 1. 1, p. 79 et sq. de Toumon, voyage avec lui en Italie;
* Les médicaments qne oonseille meurt en 1 566. Ouvrages: Surira /iot«-
Femei ' sont divisés par lui en chauds iom, ibbSiMaUènmédicaU, i556. Oa-
el froids. vrages de médecine: Pathologie, 167/1,
Le persil, Thysope sont chauds. Paris; Sur la vérole, de morbo gallieo.
Le vinaigre est froid on tempéré ; il Venise, ]566. Traité en urwH, 1610,
eo est de même du verjus. Francfort.
D j en a de tempérés comme Thuile, Les indications bibliographiques ren-
de modérément diauds comme la en- voient à Tédition : Guliehni Rondelefii,
roomille. doct, rwd, etc., m aima MontpeUemi aea^
Le bol d* Arménie est miite. demia profiêsoriM , etc., opéra onmia m^
La chaux, Torpiment, Par^nic, sont dica. Exeudekat Stephantu Gamonetue
immodérément chauds (échauffants) HDcxtx,
caustiques, septiqnes. . . * Be cttrandie febrifme, liber umi:*,
^ Le Rondibiiisde Rabelais, naturaliste p. 78 8 et si].
' Therapeutieêê mtkenaUê , mu medendi ratkmi liber V, De iieitata wudkamêniorwn
materim, t I , p. 378.
84 CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
c'est une intempérie de la chaleur naturelle* un excès de
chaleur. Avicenne dit de même que la fièvre est une chaleur
contre nature {jprœter naiuram) allumée dans le cœur et de
là répandue dans tout le corps par les veines et les a'rtères.
Rondelet raisonne ainsi: le cœur est ia source de la chaleur
naturelle , mais la fièvre est une modification de la chaleur na-
turelle qui se fait dans le cœur avant de gagner le reste du
corps.
Les fièvres tirent leurs variétés de la nature de la gubttance
altérée et du tnouvement de la chaleur. C'est presque l'idée mo-
derne. Pour se faire une opinion sur la nature d'une fièvre,
on cherche : i** l'organe malade; ù^ le mouvement delà cha-
leur. La chaleur fébrile peut être répandue dans tout le corps,
ou bien elle peut être en dedans alors que la surface du corps
est froide; le cœur agit comme nûe ventouse, et d'ailleurs l'air
extérieur peut refroidir la peau.
Avec Galien, Rondelet reconnaît trois ordres de fièvres *
comme il y a trois sortes de chaleurs fébriles ^ :
1** Chaleur acre (fièvres putrides);
a*" Chaleur peu intense sans acrimonie (fièvres éphé-
mères);
3® Chaleur peu apparente et qui semble couver sous les
cendres (fièvre hectique).
Galien a comparé la chaleur, dans le dernier cas, à celle
d'un pot de terre chaufié; dans le premier (fièvre putride), è
celle d'un bain chaud ; dans la fièvre éphémère , à l'air chaud.
Rondelet continue sa dissertation ainsi : « Différencee dtafrèe
la marche de la chaleur : la chaleur fébrile des fièvres éphé-
mères s'allume très-vite et s'éteint de même. La chaleur de la
fièvre hectique *est lente à se montrer et à s'éteindre; dans les
fièvres hectiques, cela dépend de la nature de l'humeur...^ ?)
Nous trouvons un passage qui s'applique bien aux théories
* Même livre, p. 7&1. — * Differentiaa moUtcaiorU, p. 769.
GUILLAUME RONDELET. 85
modernes snr le rôle malsain de la chaleur. Rondelet s'exprime
ainsi ^: ùJor enim ille major faetus, corrutnpit altos humores, et
putrefacit aliquam partem sanguinis, et sic non putris mutatur in
putrem nm MUgentia medici prohibeatur. On peut rapprocher ce
passage des travaux de l'école allemande de nos jours.
De même Rondelet^ explique bien la persistance delà fièvre
par l'obstacle apporté à la ventilation du corps , par la réten-
tion des fumées chaudes. . . Ces fumées sont retenues , le sang n'est,
pas ventilé à cause de la constipation de la peau. (C'est la théorie
de la rétention de la chaleur de Sénator.) En pareil cas il faut
ouvrir la veine.
Galien reconnaît deux remèdes à la fièvre putride: la sai-
gnée et les boissons froides ; et il poussait la saignée même
jusqu'à la syncope. Rondelet loue ce moyen : c'est, dit-il, un
fait d'expérience incontestable qu'une saignée copieuse rafraîchit
le corps, car enfin le sang est le réservoir de la chaleur^. Ron-
delet conseille non une soudaine évacuation d'une grande
masse de sang, mais des émissions successives et répétées
d'heure en heure. Il accepte ainsi une formule qui se rap-
proche de celle des saignées coup sur coup de M. Rouillaud et
du système allemand des bains froids répétés.
Pour Rondelet les deux grands moyens de traiter les fièvres
continentes sont : les émissions sanguines et les boissons froides
(^aquœfrigidœpotio). Ces boissons froides et même glacées peu-
vent être données en abondance aux malades chez lesquels il
y a des signes non équivoques d'une fièvre par obstruction de
la peau et état putride du sang(?). Tel n'était pas l'avis de tous
les médecins de cette époque, car Rondelet signale en ces
termes les adversaires de cette méthode : sunt enim, nostro
tempare, medici quidam ^XP^^^^*> ^ ^^ fr^g^ ^^^ ewhi"
hendœformidantes, quodptUentomnes aquafrigida lœdi. Cependant
il ne faut pas, dit-il , donner des boissons froides à ceux qui
* In nodem libro, p. 761. ^ Dr airandig febrUnu, De Synorho,
• /W. p. 766. p. 763-768.
80
CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
sout affaiblis et dépourvus de sang. C'est le principe galénique
de donner de Teau froide hardiment à ceux qui offrent des
signes de coction , parce que cette eau sert à enlratner lei ma-
tériaux inuùleA. Nous voyons, dit Rondelet, après que le ma-
lade a bu ^ longs traits l'eau froide, la sueur couler abon-
damment par tout le rorps, et la lièvre sVteindre. La soif s'a-
paise, (lit-il Piicore. par les boissons et par F inspiration d'un atr
froid. Ce passagf* nVst puini développ*^. mais on en peut in-
duire que l'auteur approuvait la pratique d'ouvrii* les fenêtres
et de ventiler les malades. On ne trouve point dans ses ou-
vrages, au chapitre des bains, autre chose que le précepte de
donner des bains tièdes et émollients dans ce qu'il nomme les
fièvres hectiques. Il n'y est point fait mention des bains froids
ni des lotions froides, conseillés par les Arabes.
(i. BAlLLOt (BALLOMUS).
rivi* 8ièclo, 1538-1616».)
Baillou tire presque toutes ses notions sur la chaleur des
aphorismes galéniques. U admet volontiers une matière pitui-
teuse froide, cause de la fièvre, et que ni la chaleur native ni
celle de la fièvre ne peuvent échauffer^; cum ita ait materia
' L*tin den mëdecins, dit un de tes
biographes, qui contribaa le plus i se-
couer le joug des Arabes, né à Paris eu
1 53 8, fils de géomètre^rcbilecte. Etu-
die le grec, le latin, la philologie; pro-
fesseur de belles-lettres au collège de
Montaigu : Leçoiu tur Âritlote, Doc-
teur-méd. en i568 (3o ans), enseigne
la médecine pendant quarante-six ans. . .
Port en dispute, surnommé le fléau du
baehelieri, mort en 1616 (78 ans).
Bftn obMTvaUur th la nature, et mdê-
pendant.
' Chaleur du corpti: Raillou, Épidé-
ffiMs et êphémhideêy trad. de Prosper
Yvaren, p. aSg, annotation N: «C'est
une chose surprenante et digne dVxa-
men que de savoir pourquoi les femmes
pâles et cacochymes (dont la veine four-
nit cependant un sang de bonne qua-
lité) se trouvent si mal de la saignéo,
comme je robeervai chez M"" du Bei.
La raison en est que les veinescapiilaires
sont remplies d'un sang vicié et séreux.
La maladie existe dans Thabitude du
corps, de la même maniè-re que s'y pro-
duit Péléphantiasis. C'est donc sur l'ha-
biUide du corps qu'il faut diriger toute
G. BAILLOO. — JEAN SCHENCK.
87
frigida, ul neuter calor et nativus et febrilia calefacere queat^. Il
pense , d'après Galien , qu'il faut se garder d'abaisser la chaleur
fébrile j febrilis cahr non est exstinguendus^. Cette chaleur est
salutaire, car, comme le dit Galien : cahr fehriliè mitigat, tem-
pérât, frigiditatem tolhê, imo et coquit. Baillou renchérit encore
sur Galien, il l'augmente , et , par la logique, arrive à trouver
i|uo la fièvre est bonne H qu'il la faudrait accroître, si l'on pou-
vait : QnoJ Jté vemtn est, non estfebn ipsi sludendum sed soli ma-
teriei; imo adaugerefebremjuvabit. Du reste Galien n'a*t-il pas
dit que le fils de Namenius mourut parce que la fièvre, chez
lui, fut molle (XeAt/^^vo^), médiocre [fxérptos).
SCHENCK (JEAN).
(xvi' siècle, iSSo-iSgS.)
Schenck (Jean)', dans le livre VII Observationum medica-
rum, résume ainsi son opinion: c^La fièvre est la constipation de
la peau ; f) il considère l'excès de la chaleur comme la consé-
quence de sa non-déperdition. Il recommande les lotions tièdes
et non froides. Il rapporte l'exemple de quelques malades qui
se sont guéris d'une fièvre en buvant de l'eau froide en grande
quantité.
notre attention. Car, alors que la ma-
lignité du mai se porte à Textérieur,
aoustrairedusang aui grand» vaisseaux,
€*eat diminuer d*aulant la chaleur innée.
C'est un point à soigneusement consi-
dérer, si Ton ne veut oonmietlre une
faute grave. 7)
^ Livre V, DefÊbribu$, S a i, m Pha-
rûê , de Théoph. Bonnet , Paris , in- 1 a ,
1673.
. ' Livre V, S 67.
^ L Schenck dit de Grafenliorg, né à
Fribourg en 1 53o, réunit dans un ou-
vrage en sept parties, publiées de 1 586
à 1697, un ensemble de faits énorme
sous le nom d'Obiervatûmum medica-
rum, rariorum, novarwn, etc. Il avait
étudié la médecine à Fribourg, où il
professa; mort en tSgS. Édition : Joan-
fiM Schenckii de Graffenberg ob§ervatio-
num mêdicarum rariorum Uhri VU,
optif , etc. Lugduni , sumptibus Joannis
Antonii Huguetan, m.dcxmii. Liber Vf,
Dêfifbrihui, p. 70 '1-785.
88
CHAPITRE r. -. LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
ALPINES on ALPINO (PROSPER).
( Ud de» plus célèbres Hippocnliates da i? i* âède, 1 553 -1616'.)
Son liïre De frœaagimia vila fut publié d'abord en 1601.
Cest une œuvre purement dérivée des Grecs, c'est-4-dire ex-
traite d'Hippocrate et de Gaiien. On y trouve cités quantité de
passages et d'aphorismes qu'AIpinus a retrouvés à travers les
ouvrages de ces deux grands médecins, et qu'il a condensés de
façon À nous épargner la peine de les rechercher nous-mêmes.
La chaleur et le froid, comme signes de vie ou de mort, y oc-
cupent une place considérable, et par là on peut voir que ces
notions étaient usuelles dans l'antiquité. Au chapitre : Deprœ^
dictiane ex earparâ caliditiite\ nous trouvons de nombreuses
citations conune celles-ci: «la chaleur peut être douce et tiède,
forte et aigué, répandue par tout le corps ou localisée. Douce
et tranquille, elle est toujours bonne, surtout si elle est ainsi
par tout le corps [Pronoitic. 89 , Hipp.). Une chaleur égale à
celle de l'état de santé est chose bonne [bonum). n
Alpinus développe ce thème en disant que ce qui se rap-'
proche de l'état de santé est toujours bon, et il prend l'exemple
des urines et des fèces. U est donc bon que les malades aient
la chaleur physiologique [vel parum alterata, aut mukUa corpora,
quod ad calarem spectat). De même il est bon que la chaleur
soit douce et humide, ce qui est l'état naturel (Gaiien, de nat.
hum,). Mais il y a des maladies malignes où la chaleur exté-
rieure est douce et trompeuse et l'intérieure forte, aussi faut-
> Né A Marotkîca ( Vënëtie) en 1 553,
mort en 1616. Était Bis de médecin et
reçot ane bonne édacalion. Docteur en
1578 A t5 ans; connaissait la botani-
que, fut directeur du jardin botanique et
professeur à Padoiie , voyagea , fut mé-
decin du oonsol en Egypte, médecin du
prince André Doria. De firmMgimâa
vùmêtmmiêœgroUmiiumjyeaiae 1601 •
De mêdicma £gi^tionm, Venise 1 59 1 .
D9mêdiemam9îhodiea,\6ii,DêpUm^
œgyptuM, i633.
* Prosperi Alpini, D9 prtnagimiUi
mia et morlê œgrottmtitim. Édition de
Gaubius, Venetiis, mdccu. Liber II,
cap. xiii , p. 67.
ÂLPINUS. 80
il que cette chaleur soit partout douce et molle. (Hipp.) Alors
on peut affirmer qu'il n'y a ni phlegmons viscéraux , ni obs-
tructions, ni putriditë. La fièvre hectique n'a point une cha-
leur humide, mais une chaleur sèche. (Le thermomètre n'a
point résolu ce problème que pose le toucher.) D'ailleurs la cha-
leur est sujette à des variations dans les fièvres hectiques, elle
monte après les repas. (Galien, q Prog.) Il est bon, du reste,
que la chaleur soit forte dans les fièvres dont la nature est telle.
( Galien. ) 11 n'est pas ma avais que les extrémités soient chaudes,
au contraire, le froid des extrémités est mauvais dans les ma-
ladies aiguës. La chaleur des extrémités a aussi été louée par
Hippocrate [De rat. viet. p. 1 86) : m decUnatianefebris, calore ad
fedtt deteendente, œgrotU cibum est offerendum. Ailleurs [Progn. 3)
Hippocrate dit encore : êecuriêsimum veto est, si rubor quam
maxime foras vertatur, et dans le IV* liv., aphor. n^ AS : tnfe-
bribus non intermitlentibus, si partes exteriùres firigidœ , interiores
unmtw, et sitim Itabeant, létale. Les alternatives de chaud et
de firoid sont un mauvais signe d'après l'école hippocratique.
Pronostic tiré du froid^ , — La fratcheur du corps, qui n'est,
dit Alpino , qu'une chaleur modérée, est bonne quand elle sur-
vient après une évacuation, c'est la fin de la fièvre, surtout si
les urines sont chargées, si le pouls est plus lent, etc. Mais
le froid du corps, dans les maladies, est, du reste, rarement
bon. Les hydropiques ont le corps froid (ce fait est vrai et peut
s'expliquer par l'inertie du liquide épanché et qui absorbe de
la chaleur sans en produire), dit Alpino, et aussi les suppu-
rants et les moribonds (Galien). Il n'est pas mauvais, dit Ga-
lion, que certaines extrémités demeurent froides, telles que
le nez, les oreilles, les pieds, les mains. Nous voyons appa-
raître ici la théorie dite moderne de la rétention de u chaledr.
Hippocrate (Prog, a) et Galien [Aph.']) ont étudié la nature
' Kodem loc», cap. iir : Ex frigiditatg eorparum quid prœtagiendu»», p. 69.
90 CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
du refroidissement des extrémités. Galien admet que ]a chaleur
se concentre au dedans et y attire le sang, comme une ven-
touse, vers la partie affectée {per modumcucurbitulœ). La cha-
leur naturelle est alors opprimée et étouffée dans les viscères,
et les évacuations salutaires n*ont pas lieu ; Hippocrate disait
tjup le refroidissement des extrémités était mauvais avec de
{grandes douleurn de ventre, avec la syncop*", après des éva-
cuations excessives, et qu'aprèb l'ouverture des artères il était
mortel.
Alpinus ( 1 6 i o), dans son livre De medictna methadica, cherche
à comprendre pourquoi les méthodistes (Themison, école
d Alexandrie du temps de Cléôpfttre), et tous ceux qui depuis
ont suivi leurs préceptes, accommodent la doctrine du 9trictum
et du laxum avec leur traitement des fièvres. Les fièvres, dit-il \
sont des tadladies serrées {^adstricùmorbi), elles exigent des bois-
sons tièdes et relâchantes; or les méthodistes les traitent par
le froid, du moins les synoques et les fièvres putrides. Us
donnent, dit-il, aux malades des boissons glacées et des bains
froids, et s'en applaudissent. Alpinus explique cette méthode
en disant que cette réfrigération redonne du ton aux vaisseaux ,
qu'elle provoque des sueurs profuses, une réaction, de la
diarrhée, un plus grand flux d'urine, concentre au dedans la
chaleur dispersée et lui donne une plus grande force de tnwail,
une plus grande action évacuatrice. (Cette thèse se rapproche de
celle de l'école actuelle sur l'émission des calories et la dénu-
trition, augmentées par l'application extérieure du froid.)
Cette antithèse du strictum et du laxum est éternelle. On
dirait que Ton ne peut s'en passer. Brown disait sthénie et
asthénie, et divisait toutes les maladies d'après ces deux prin-
ci[)es. Aujourd'hui nous cherchons l'explication dans les vaso-
moteurs, ceux-ci font tous les frais des théories médicales
' Proitperi Àlitini Df medictna tnetko» teiniaoa, 1719. Liber H, cap. u, tDe
dira librt trniectm. Editiosecuntia,Lug- moriùs adstrictii», atque an omnes ad-
rliini Ratavoriiiii, e\ offîriiiii Boutes- slricti morbi siot,*" p. ia6.
ALPINUS. 01
(fièvres, inflammations , médicaments qui augmentent la pres-
sion ou qui la diminuent: digitale, quinine, bromure de po-
tassium).
Plus loin, Alpinus cherche à expliquer les rapports du fris*
son et de la chaleur. Enfin, dit-il, il y a des fièvres froides, du
moins appelées telles, non pas qu eu réalité il y ait une fièvre
froide, mais ^rre que les niulades, bien que brnlanU à l'intérieur.
Ht pre^entenl que peu Je chakur à l'extérieur, oh mêuie oiU les
extrémités froides \ On dit que la lièvre est chaude ou ardente
quand le corps est très--chaud partout, dedans et dehors.
Au chapitre Du traitement, Alpinus, qui est un homme sage
et modéré, ne peut admettre cette méthode réfrigérante pour
les fièvres continues, et il nous apprend quelle était la pra-
tique singulière de son temps. On ne doit pas, dit-il (comme
font tant de gens) ^ faire de continuelles aspersions d'eau froide
doiis la clutmbre du malade, ni répandre à terre des vrilles de vigne,
ou des feuilles de framboisier, ou des rameaux de lenùsque, ou
d^aiUres herbes vertes, il ne faut même pas se servir de F éventail.
Dans son voyage en Egypte, Alpinus retrouve un écho de
la médecine arabe, alors fort déchue; il explique, ainsi que
son interlocuteur Guilandinus, pourquoi les Egyptiens aiment
la médication réfrigérante^: c'est, dit-il, parce que la chaleur
est lennemi contre lequel leur climat les force à lutter sans
cesse. Inversement les peuples du nord de l'Europe cherchent
la chaleur et les substances excitantes.
De même pour la nourriture, Alpinus^, rappelant que les
aliments augmentent la chaleur du corps , carnium optimarum
usum augere calorem naturalem, trouve dans cette propriété
de la chair des animaux l'explication du contraste qui existe
entre l'alimentation des peuples du Nord et de ceux du Midi.
* De m^tcina meihoêira, liber V, Redelichvyscn, mdcylv. Liber I,cap. ni:
rap. i,p. 956. " Quamobrem hoc tempore i£gyptii nr-
* P. Alfim Ih mfdiema EgypUtrum , tem medicam babeani vitiosam,^ p. 'i.
Ubri qwthior. Parisiis, apud Nicolaum ^ Ihid. Iil>er 1, caput \, p. i5 verso.
92 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
U s'appuie, eo oatre, sur Topinion de Galien, pour qui le vin
refroidit quand on en prend trop.
La richesse de$ baim et leurs modes variés chez les Egyp-
tiens du xvi* siècle étonnent Alpinus ^:^Ib metU de bams tUdet,
gurUnU ffour $e rafrakhir. Us se font frotter et masser, enodoip^
per de eauverturei aprèê avoir ku Je Veau au de$ tieanee froides en
abondance, et tâchent de suer. Ils se plongent souvent, au sor-
tir du bain chaud , dans l'eau froide. Les riches qui ont des
bains dans leur maison se baignent dans le lait de chamelle
ou d'ânesse, ou de chèvre. Cette pratique ne concerne pas
seulement les gens en bonne santé, mais encore les fébrici-
tants. 39
Alpinus reproche aux Egyptiens d'être méthodistes et non
naturalistes, et d'appliquer sans critique le caniraria cmUra-
rHê.
Ainsi, au Caire, non-seulement les médecins, mais les
femmes mêmes, disent que la fièvre tferce, par exemple , étant
un excès de chaleur, doU être traitée par lee $euU remèdes réjri-
gérants. • . Alpinus blâme ce qu'il appelle leur erreur. Les méde-
cins, dit-il, sans s'inquiéter des causes de la maladie, ont pour
usage, dans presque toutes les fièvres indistinctement, de
donner des médicaments réfrigérants.
Il s'en rapporte encore à Galien pour trouver la règle de
l'emploi des bains et ajoute' : «ex quibus dignoscitur illorum
balneorum usum febribus atque inflammationibus etiam esse
utilissimum. Siquidem omnes febres in hoc cooveniunt quod
in caiore et siccitate consistunt, sive ipsarum essentia ignea
existit quam corrigere et delere possunt tepida dulcia balnea
quippe quœ réfrigérant atque humectant.»
* D§ mu duleium opud /Egyptioê * De balnêorum ajmd /Efffptioê mu
balmorum, liber III, otp. xvi, p. io6 ad varioê morboi p^nmumdoê, tib.IU,
et aq. cap. xii, p. ii6.
AMBROISE PARÉ. 93
AMBROISB PARÉ'.
(ivi*riède, i5to-i58&.)
Ambroise Paré montre, par le passage» suivant, que les chi-
rurgiens avaient conservé , à son époque , les traditions grecques
et arabes pour l'apaisement de la chaleur fébrile. Dans le
chapitre uviii de son XX* livre [Des Jièvres)\ «Le premier
ngne des fièvres, dit-il, est la chaleur, t) Plus loin il traite
de l'excessive chaleur, en ces termes : tf Ce n'est pas la moindre
incommodité des fébricitants que la grande chaleur et ar-
dea de tout le corps; c'est un symptôme qui leur apporte de
grandes impatiences. C'est pourquoi il faut donner au ma-
lade quelque consolation. Ce qui se fera premièrement, ra-
fraîchissant le plus qu'on pourra l'air de la chambre, chan-
geant le fébricitant de lict en autre, lui donnant è boire frais,
mettant sur ses mains et bras des feuilles de vigne rafraîchies
en l'eau, luy donnant à tenir dans les mains des boules de
marbre et de jaspe, des laictues poumées, des citrons trem-
pés en l'eau, et autres telles choses. On luy mettra sous les
reins une peau de marroquin, ou une pièce de camelot, ou
de bougran, mettant en son lict des linceux neufs et un peu
rudes. Quelques uns trempent des linges en oxycrat, dont on
enveloppe les parties honteuses. Le reste gist à donner au
malade des juleps et apozèmes...9)
Ce passage est à rapprocher de celui d'Alpinus concernant
les pratiques populaires à Venise.
^ Chirurgien de Charles IX et Heu- tome III, p. 1 66; — ch. m, tome III^
ri m, né en i5io, mort en i58i^. p. 80. Seeoode partie du Dtseoun d$B
' OEarres complètes d^Ambroiie JUvrtê, touchant leun iyfnptâmêê. Cha-
Paré, édition de Malgaigne, Paris, J. B. pitre xxtiii : De Vexcêitivê ehaUur,
Baâlière , 1 8& 1 , Dtifièom , ch. xxtiii , tome III , p. a 06.
94 CHAPITRE r. ^ L\ CHALEUR ET LA P1E\RE.
SANCTORILS».
( Fin éa ifi' lâècle, 1&61 >i636. )
Sanclorius (Santctrio) a établi un fait, c'est que i'hooime
perd constamment de son poids par la' perspiration insen*
sible (sueur, respiration), (lette découverte fut un événement
dans rhistoire de la physiologie et de la médecine. Sanc-
torius a étudié les variations du poids de Thomme dans
toutes ses conditions, exercices du corps, genre d'alimenta-
tion, sommeil, impressions morales, activité intellectaelie,
passions, amour, colère^ etc. Il pesa tout, l'entrée et la sortie,
les aliments ingérés et les excrétions. Il fut le premier à con-
cevoir l'avenir de la balance en médecine, il fut le devancier
de nos contemporains, qui s'aidèrent de cet instrument dans
' SaDctonus appartient au tempe de venta les laoettes. Ce fut une rérolutloo
la renaîasance, il est cootemporain de acieoti6que que le Bomeot oà les hom-
Galilée, il est ie plus cuneux des phy- ims commenoèreot à attaquer Téiude
sideos italiens ; c^est un mécanicien des sciences naturelles avec des instni-
physiologiste. Son titre de gloire, c*est ments perfectionnés,
qu'il a voulu remplacer la tradition par Sanctorius ( \0ae9 t«r SmrforM*,
l'ejcpfrimentatiim. par Dodart, Acad. des •danoes, lec-
Sandorius e>i nv à Capo d'btria au ture faite en 170s , et pul>liée en 17^5
milieu du xvi* siècle, en i56i. U étu- par Noguei à la suite des aphorismes
dia i Padoue, pratiqua la médedne à commentés de Sancionus) a iaît eon-
Venise, devint professeur à Padoue; naître ses premières recherches sur la
mourut en i636. perspiration en logi, publié sa M«dr-
n publia sous le titre hardi de Medi- cina itatira en 1 61 & (3 1 9 aphorismes).
CTiM gtatica un ouvrage que Boerhaave II fut attaqué par fastrologue Hippoly-
jugeait ainsi : Sulhiê Ubfr m re mêdica tus Obidus de Perrare. Dodart a re-
ad êom perfection^m tcriptuê êni. Il em> commencé les expénenoes de Sanc-
prunta à rinstrumenlation de son temps torius sur lui-même et sur d^autres, i
la balance et Pappiiqua à la pbysiolo- partir de Tannée 1 668 , et les a conti-
gie; il n'eut pas la pensée d en faire an- nuées trente -trois ans. Son mémoire
tant pour le thermomètre. est intitulé Ik mêdicma êtatiea gaUica;
'Il avait inventé un sph>/;mon)ètre il a ajouté des aphorismes à ceux de
pour compter le pouls. C'est re(M>que ou Sanctorius et en a donné le commcn*
tîfllilée trou>a le )>endule, où Ton in* tiire.
SANCTORIUS.
95
leurs recherches sur les maladies aiguës fébriles, le choléra,
le diabète, la phthisie, les urines, etc. ^
La légende a fait de Sarictorius un personnage presque ri-
dicule, tffi original. Les médecins eux-mêmes ne lui ont point
conservé la place qu'il mérite de tenir dans l'histoire. Boer-
haave et le iviii* siècle l'ont admiré. C'était un physicien phy-
nobgiêtê.
Sanctorius a étudié l'action de la chaleur et de la sueur sur
le poids du corps.
Aph. 68 ^ : Frigus extemum prohihet per$pirationèm in debili,
quia ejus calor diêsipatur, in robusto vero auget; cahr enim ad
imum retrtJiitur, duplicatur, et deinde natura robaratur, fjuœ
deinde per$pirabili» pondus e vestigio absumit, et corpus Jit, et sen-
Mur lerius. (Le froid extérieur empêche la perspiration chez
les faibles, parce que la chaleur leur est enlevée; chez les
forts, au contraire, elle Taccroit, parce que leur chaleur se
retire è l'intérieur, se double, d'où accroissement de force et
rapide perte de poids par la perspiration insensible, et ainsi
te corps devient plus léger. )
C'est surtout sur ce passage, cahr enim ad imum retrahitur,
duplicatur, que l'attention doit se porter; c'est la théorie de la
plus grande production de chaleur dans le bain froid, qui
semble si nouvelle à nos contemporains : un homme se brûle
davantage dans le bain froid, parce que, pour maintenir sa
chaleur propre à un degré constant, il est obligé de produire
' /Vmm médicalêi. — La balance la
plus simple est un fauteuil équilibré
pour on certain poids, de façon que
«m poids opposant (plateau) ne varie
pas, et qu^on obtienne Téquilibre en
ôtant ou rajoutant des poids au fau-
teuil lai-méme. Ces poids feront par-
tie de la niasse même du fauleinl et se*
root è la portée de la main. C'est la
méthode habituelle renversée. U s*a-
gît de faire varier non le plateau mais
la bascule, c'est-â-dire d'alléger ou d'a-
lourdir celle-ci jusqu'à équilibre, quand
le corps à peser y est installé. Autrement
dit, c'est le système de la tartf,1)ien
plus commode et pratique.
' Sanetorii Sancîorii de êtatiea tnedi-
ema apkoriênwrum iêctûmibui septem
ete,, édition P. Nogues, Parisiis, apud
Natalem Pissot, MDCCXxr, 1. 1, p. laa.
Voir la planche qui représente Sanc-
torius dans sa balance.
96 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
une plus grande quantité de calories, il se, dépense, il se
brûle.
Sanctorius avait déjà remarqué que deux înfluenees bien
distinctes, en apparence, font varier le poids du corps, l'exer-
cice des muscles et celui de la pensée. Byasson , dans une thèse
récente et bien accueillie dans la science, a repris cette dé-
monstration. Il a prouvé que c'est par les urines et non par
la perspiration cutanée, ainsi que le pensait Sanctorius, que
se fait cette déperdition.
Sanctorius explique ainsi les influences qui font varier la
dénutrition :
Duo êunt exerdlia^^ alterum eorporis, et aîterum animi: ear^
porté évacuai tensibilia escrementa; animi, isuennlnUa magU et
prœcipue cordts et cerebri ubi sedet anxmus.
Aph. i5 : Nimia animi quies magii prohihet perspiratùmem,
quam eorporis.
Aph. i6 : Animi exereitia, qwB maxime faduni exhalare xpir'
rituê, sunt ira, pericharia.
Aph. 6 , De animi affectihuê : Nihil magie redJit Wferam per-
spirationem quam animi consolatio^.
Action des bains sur la chaleur et le poids du corps, d'après
Sanctorius (Sectio secunda, De aère et aquis^).
Aph. 1 : L'air froid et l'eau froide en lotions^ réchauffent
les corps robustes en leur enlevant le superflu, les rendent
plus légers et rafraîchissent les faibles, et, en abaissant leur
chaleur, les rendent plus lourds. (La conclusion pour Sanc-
torius serait donc que l'hydrothérapie convient aux hommes
faibles.)
Aph. 9 : L'air chaud et les lotions chaudes favorisent aussi
' Inêodem loco.Deêxtreitioêt^uietê, * Inêodtmloeo. Dêmereetaquiêytiec-
teci. ▼, aph. !&, t. II, p. 96; aph. 1 j, tio 11, 1. 1, p. 967.
p. 96; aph. 16, p. 97. ^ SaDctorius parie d'une action
* In êodmn loco, D$ ammi i^éetHmê, coorte, et aangne nno ëgale influence è
■ect f ti , aph. 6 , t. II , p. 1 69. Pair et A Teaa.
SANÇTORIUS. 97
la perspiration , refroidissent les viscères intérieurs , et rendent
les corps plus légers.
L'action de l'air chaud pendant l'été n'est pas moins bien
expliquée par Sanctorius. Sect. ii, aph. 37 : «L'été nous
Bouffirons de la chaleur, non point principalement à cause de
la chaleur de l'air, car notre corps est plus chaud que l'air,
mais parce que, dans l'air chaud, il n'y a pas possibilité de
nous débarrasser de notre chaleur. . . et cette rétention nous
fatigue et nous fait éprouver une grande chaleur.
Sanctorius a parfaitement raison. L'instinct fait rechercher
le froid aux méridionaux «frigus captabis opacum.?» L'humi-
dité de l'air a sur nous une influence comparable. L'air chaud
provoque la soif, mais il en est de même des froids secs et du
vent sec. C'est une question de déperdition d'eau. Les grandes
pertes de liquide, les hémorragies, agissent de même. C'est le
plus grand supplice des blessés sur le champ de bataille.
On retrouve dans ces aphorismes la théorie du retentum
déjà exprimée par Sanctorius (sect. i), et qui reparaît dans les
ouvrages de nos contemporains.
Plusieurs aphorismes de Sanctorius montrent avec quelle
précision il faisait ses observations. Il avait remarqué que la
céphalalgie s'accompagne d'augmentation du poids du corps
par défaut de transpiration insensible : ^Natura dum in per-
apinmâi officio est impedita, incipit statim in multis deficere. Dum
caput dolùre gramtur (aph. ht^) statim corpus incipit minus
perspirare et panderosius reddi. — Prima marbarum semina
(aph. &q) tutius cognoseuntur ex alteratione insoUtœ perspira^
ûonis, quam ex lœsis officiis, — •Siexpmderaùone videris cansuetum
perspiridnk retmeri et sudorem vel lotium post aliquot dies non fa-
cessere, inde cagnosces retentum prœnunùare futuram putredinem.
Sanctorius appuie par les résultats de ses pesées la théorie
* De pondtraiione , Md. î , t. I,aph. 61, p. 65; — apb. 6a «p. 66. — aph. â6,
p. 76.
98 IIAPITHK 1". — LA CHALKLR ET LA FIEVRK.
df la sueur rentrée, si chère à nos paysans. C/esl toujours le
strictum, le retentum et l'action des va. w moteurs.
Il cherche dans le défaut de perspiralion le pronostic des
maladies, et, en forçant un peu les termes, on pourrait dire
qu'il mesure presque les calories à la balance.
On voit ici le fait du retentum se manifester d'une façon ma-
térielle; le poids augmente, voilà ce que l'on constate.
On peut rap[)rocher ce mode de retentum de cet autre que
les modernes croient être nouvelh^ment inventé , à savoir que
la fièvre est de la chaleur retenue, ce qui se pourrait traduire,
dans le latin de Noguez ou de Sanctorius, de la façon sui-
vante : febris minus procedit ab nucto quam a retento colore.
Aphorisme lx(). Si perspirahile neque n nntura, neque a ca-
bre febrili resolveretur, corpus illico ad malignam febrem prœpara-
retur.
Ce dernier aphorisme montre que la chaleur fébrile et l'é-
vaporation cutanée sont choses connues et vulgaires à la fin du
\\f siècle.
HARVEY (GlILLAL MEV)..
(xTii* siècle, 1578-1657.)
Harvey s'est peu occupé de la chaleur, chose abstraite. Il n'en
parle qu'incidemment et en traitani des qualités du liquide
sanguin et de son rôle par rapport à la respiration.
Les vapeurs qui s'exhalent du sang par la respiration n'é-
chauffent pas le sang, mais lui doivent, au contraire, leur
chaleur. Il est probable, dit Harvey, que le rôle de ^expiration
' Né en 157H, à Folklon (Koni), Inre, pur nnhiralisle et non ^féomètre,
vni/afTfi^ va (i Padouf éludtPr Mouft Fafmcc cj'aiîlours modtTément ônidit, professa?
dWqtiapendmtf y revient exercer la mé- »a tltrovie de la circulation du »ang dès
«lecine à Londres, médecin du S* Ba!- 1O19, Pappuie sur des vivisections. In
tliolomy's Ilospilal, régent en i()i.S, publie en 1G28.
médecin de Charles I"' . — Physiologiste Dans sa vieillesse, il publie son livre
expérimentateur, observateur de la na- De f^enerati(me tmimalium.
GUILLAUME UARVEY. 99
pulmonaire est de ventiler ces vapeurs et de dépurer le sang,
et que l'inspiration a pour effet, que le sang, avant de passer
d'un ventricule du cœur à l'autre, soit refroidi [contempereiur)
par le froid du milieu ambiant; sans quoi ce sang s'échauffant
et se tumé6ant, enflé par une sorte de fermentation (comme
on le voit dans l'effervescence du miel et du lait), distendrait
tellement le poumon , que l'animal serait suffoqué.
Du reste Harvey en réfère constamment à Galien. Il combat
surtout avec vivacité l'opinion des vapeurs et esprits circulant
avec le sang. . . 11 admet que le sang est le réservoir de la
chaleur, et il défend le sang contre toute compétition . , . Quelques
médecins soutenaient encore de son temps que les artères
charrient des gaz et non du sang, erreur d'Erasistrate réfutée
par Galien.
Il maintient aussi que le sang artiériel ne diffère pas sensi-
blement du veineux.
Voici la démonstration de la chaleur ayant son unique
source dans le sang :
« Obiertare Ucet ^ . . On peut voir que, toutes les fois que les
extrémités des mains, des pieds, des oreilles, sont engourdies
par le froid et que la chaleur y afflue subitement, elles com-
mencent à se colorer, à se réchauffer et à grossir dans le même
temps, et que les veines, qui étaient naguère petites et comme
oblitérées , grossissent à vue d'œil; et, quand cette chaleur leur
revient, ces parties éprouvent de la douleur, d'où il appert
{^apparet) que cela (cette chose) qui, par son afflux, charrie la
chaleur, est la même chose qui remplit les tissus et les colore;
or cela ne peut être que le sang. Ti
^ Exerciiatio anatondea de moiu cùrdiê, lanum , aactore Gtdielmo Harveo. Lug-
etc. y et exercitûtûmet duœ analùmiaf de doni Balavorom , apud Johanneni Van
eèraÊlatùme eangumie ad Joannem Rio- Kerckhem, 1737, p. 160.
100
CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
BORELLr.
(\vii*si^e, 1608-1679.)
Dans le chapitre Sur la respiration, Borelli détruit la théorie
qui faisait du cœur la source de la chaleur.
Proposition 96^. Respirationem institutam non esse ad rejri-
gerium et ventilationem Jlammœ et cabris cçrclis. On voit ici la
théorie des causes finales : «la respiration a été instituée, i) La
respiration , disent quelques-uns , est comme la flamme qui s'é-
teint dans un lieu étroit et non ventilé (exp. de Robert Boyle);
elle est, ajoutent-ils, un ventilateur, quod pidmo cordis Jlabel-
lum (éventail) et ventilabrum appellari sokt.
r^Il ny a pas de flamme, dit Borelli, et la natta^e n'aurait
guère été économe défaire si grand feu pour Véteindre constamment.
Or donc les philosophes modernes sont obligés de nier ce feu et
cette flamme, qu'on ne voit pas dans le cœur, et d'admettre
seulement une chaleur intense qui brûlerait les doigts . . .
Mais cela aussi est faux évidemment, car, en trouant la poitrine
d'un animal et en introduisant un doigt dans la plaie du
cœur, nous ne trouvons pas du tout cette chaleur brûlante,
mais bien modérée , et telle qu'elle est dans les autres viscères
de l'animal. (// oublie de citer Galien!)
«Pour savoir exactement le degré de chaleur du cœur, j'ai,
dit-il, à Pise , ouvert la poitrine d'un cerf vivant, et j'y ai aussitôt
introduit jjn THERMomiTRB jusque dans le ventricule gauche du
^ Né à Naples en 1608, mort en
1679, MÂTHéiiÂTiciBii, étudie à Pise,
professeur de mathématiques À Messine
et à Pise (i656), un des fondateurs
de TAcadémie dêl Gmento de Florence
(1667), fonde rÉcole iatro-ma théma-
tique, retourne à Messine, chassé par
tes Espagnols, va vivre â Rome dans {in-
timité de Christine, et publie son livre
De motu animalium, opui poitkumum,
pars prima, Rome 1680, pars alter«
i68i, dans lequel il étudie et cherche
à expliquer le vol, le saut, la natation,
la puissance musculaire, la respiration.
* Joh. Alph. Borelli, De matu amma-
Hum, Lugduni Batavorum, apad Pe-
tnim Vander, mdccx, t. Il, prop'. 96,
cap. viii, p. 118.
BORELLI. 101
cœur, et je vis que le degré le plus élevé de la chaleur du cœur
ne dépassait pas b o , c'est-à-dire le degré de chaleur du soleil
en été. Et, après avoir mesuré, avec de semblables thermo-
mètres, le degré de chaleur du^biV^ des poumons et des t»-
teêÛM sur ce même cerf vivant, je vis que le cœur et les vis*
cères avaient la même température. Ainsi le cœur n'est donc
pas le principal foyer de la chaleur animale, et n'a pas besoin,
pour sa prétendue ardeur, d'être refroidi et ventilé. »
Borelli poursuit son raisonnement en ces termes : « D'ailleurs
Tair froid ne pénètre pas dans le cœur, il se réchauffe en route,
à moitié chemin de la trachée, et il arrive presque chaud au
sang. Quant à la nécessité du froid de l'air pour entretenir un
fojfer de chakur, on sait qu'il n'en est rien, puisqu'un air chaud
entretient aussi bien la flamme qu'un air froid. »
Quant à la théorie des vapeurs fuligineuses dont l'expira-
tion purge le sang (opinion ancienne), Borelli en donne l'ex-
plication suivante : «Les anciens pliilosophes, en voyant sortir
de la bouche dés animaux des vapeurs chaudes, qui, dans l'hi-
ver, font comme une fumée, ont pensé que le fon/er du cœur
émettait de vraies fumées et que des fuliginosités étaient ainsi
excrétées, mais, dit-il, cette fable s'en va elle-même enfumée. 7>
Borelli admet que la chaleur du sang résulte de son mou-
vement , que le cœur n'engendre aucune œuvre de fermentation ,
attendu qu'il n'est qu'un muscle comme tous les autres • . •
Je ne nie pas , dit Borelli , qu'il ne s'en aille par la bouche
quelques vapeurs aqueuses mêlées à l'air expiré, mais cela ne
vient pas du cœur,^maià de la trachée , du gosier, du palais et
des narines. Les raisons de Borelli pour nier cette excrétion
pulmonaire sont que la nature a confié à la sueur, et aux
reins surtout, la faculté de séparer l'eau du sang.
La première application du thermomètre à la médecine et
à la physiologie fut donc faite par Borelli , et cette unique ex-
périence suffit pour ruiner une théorie vieille de vingt siècles.
102 CHAPITRE P^ — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
LA TRADITION AL XVF SIÈCLE.
Nous venons, avec Sanctorius, Harvey, Borelli, d'assister à
un effort nouveau et puissant de Fesprit humain vers la science,
mais, même après ces [jrands esprits, la vieille médecine luttait
encore pour la tradition, et cette résistance était légitime. Les
quelques découvertes des physiologistes avaient ouvert des
voies nouvelles, cela est vrai, mais qu'étaient ces quelques pro-
grès comparés à l'énorme encyclopédie médicale?
Avant d'être devenue classique, une découverte hardie et
paradoxale doit faire son noviciat et suhir l'épreuve du temps.
D'ailleurs la [diysiologie expérimentale ne touche que peu de
points; faut-il, à cause d'elle, renoncer à ce que l'expérience
des siècles a accumulé sur des milliers de sujets, et ne plus
exercer les médecins aux choses de la pratique. Les physio-
logistes ne sont pas toujours de bons médecins.
A côté des novateurs il y a les professeurs, qui doivent con-
server la tradition et enseigner un art corrigé peu à peu.
C'est le système du progrès dans les mœurs et dans les
gouvernements par une série d'efforts successifs, et non par
des réformes destructives de l'édifice en son entier. Tel est fort
pour mettre à bas, qui ne saurait reconstruire.
Parlons donc encore de quelques grands professeurs sou-
tiens de la vieille tradition au wf et au xvif siècle. Ces
commentateurs tentaient d'expliquer et de justifier les textes
sacrés d'Aristote, d'Hippocrate et de Galien, et de les accom-
moder aux progrès du temps. C'est chez eux surtout qu'on
trouve et qu'on comprend l'antiquité. On peut les appeler les
évangélisles de la médecinr.
Au moment où les physiciens parurent, qu'était encore la
médecine officielle des écoles ?
Les hippocratistes, galénistes, arabisants et aristotéliciens,
commentateurs des anciens, comme les théologiens ou comme
les professeurs de droit, osent l\ peine discuter le fond, ils
DANIEL SENNERT. 103
raccommodent, ils le plient dans le sens du progrès, mais
n'osent l'attaquer.
Les aphorismes médicaux sont placés comme des versets en
tête du chapitre, et l'auteur les explique, les développe, ex-
pose les arguments pour et les arguments contre, cite ses
autorités.
Il faut voir le gros livre de Zaeutus Lmitanui avec ses deux
colonnes et ses arguments, i'', s*", 3% etc.
Un tel livre était toute la science. Il n'y avait qu'un seul
professeur et il pouvait tout enseigner. La vie m passait à
Ure, non à chercher. . . Aujourd'hui c'est l'excès contraire . . .
les ignorants cherchent des découvertes, et des gens qui
ignorent la chimie minérale osent tenter d'innover en chimie
organique.
Li'éducation classique, méthodique, fait défaut, et ce n'est
pas un bien.
SENNERT (DANIEL)^
(x?ii*8iède, 1579-1637.)
Ses définitions sont empruntées à Aristote. Il admet les
quatre éléments^: la chaleur est ce qui unit les homogènes;
le froid, ce qui unit homogènes et hétérogènes; la chaleur est
le plus puissant agent de la création et de la génération, on
en voit les effets dans la chimie.
La vie, c'est chaleur et humidité^.
La partie k plus chaude est le cœur; puis viennent le foie,
la rate, les muscles, les reins, le poumon, les veines, les ar-
tères, la graisse en dernier lieu.
' Nëà Bredau,enSilë8ie,en 1579; * Danielis Sennerti Opéra, A \ol.
iiiort en 1 687 de la peste. Professeur à ïn-h% Lugduni , mdclti , sumptibas Joan-
WiUembei^. Médecin de Georges I", nis Ant. Huguetan, t. I, cap. m : D$
roi de Saxe. Possédait une très-grande eUmentU, p. 97.
érudition. Vivait du temps de Borelli, ' T. I, p. 393, cap. t : De eaUdo m-
naais ne connut pas ses travaux. nato et humido radicali.
104 CHAPITRE l*'. - LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
Les parties froides sont: les os, les cartilages, les tendons ,
les nerfs, la moelle et le cerveau.
Sennert consacre un court passage aux spiritus qui animent
le corps \ les uns, partie subtile du sang, produits par Fair
et le sang dans le. ventricule gauche; c'est l'esprit vital qui
aide le sang à se réchauffer, etc.
Le respect force cet auteur à transiger et à introduire pru-
demment le nouveau dans l'ancien.
Pour Sennert la fièvre doit se déGnir : morbu$ calidus, ou
bien intempéries cdida (une intempérie chaude). Ce n'est pas
la chaleur naturelle, mais une chaleur prwter ruUuram, viiiosus
et intemperatus. 11 n'y a rien d'original dans cette manière de
voir... elle était classique^.
LAZARE RIVIÈRE.
( xf II* siècle, i589-i655».)
Son livre commence, suivant Tusage, par la description des
quatre éléments^ : terra, aqua, aer et ignis.
Il distingue le froid du chaud, les compare, les met en
parallèle, et réfute, avec Scaliger, Avicenne, pour qui le froid
était simplement le défaut de chaleur.
Calidum innatum est humidum primigenium per omnes œrporis
partes sparsum, spiritu insito et colore native tmdique perfasum.
Rivière admet ^^que la conservation delà chaleur est entre-
tenue par un liquide alimentaire gras et oléique {pingui et oleoaa
alimentorum humiditate). Ce sont les idées de Fernel et des chi-
mistes de cette époque.
^ Tom. I, p. 3 9 3 f cap. ?i: De ipiri- ^ Lazari Riverii, Opéra tnedica
ft6ttf. verta, Lngduni, mdglxiii, aumpUbua
' Tom. 1, p. 700, iib. I, De fibre Anlonii Cellier; iib. I,/^yato/o^piani eon-
m génère et de fibre ephêmera; caput tinme, Proœmium; iectio prima, De
primum, De natura fibrù. elementiê. De numéro eUmentorwn, cap.
^ Né en 1689, mort en i655. Pro- m, p. 3.
feaseur k MoutpeUier. Cbimiate. ^ Cap. fit, De caliéo ômmiIo, p. 17.
LAZARE RIVIERE. 105
En outre, la chaleur a besoin, pour s'entretenir, de Vair
ambiant, comme tout corps qui brûle. . •
Quemaimodum etiam ignts noster non aolum Kgnis iniiget ut
Mustentetur, sed eùam aère ambiente, quo rejicitur ac favetur; in
anguêto éfitm conelavi coercitus, licet suffidentem habeat pabtdi mor-
teriam, statim euffocatur, ut in msdicie cucurbitulis est manifestum;
m ealor noster nativus continua indiget aeris appulsu, ut commode
eveniUeiur.
Ce passage donne beaucoup à réfléchir; le mot de ventila-
tion semble plutôt s'appliquer à l'idée de soufflerie qu'à celle
de refroidissement; le fait de la flamme qui s'éteint dans un
air confiné est connu à cette époque, et depuis longtemps
l'explication du fait, en ce qui concerne les êtres vivants, avait
été donnée par Robert Boyle.
Rivière admet deux sources de la chaleur : la chaleur innée
et la chaleur introduite i^caior injluens).
Il examine l'hypothèse du spiritus nativus sans la réfuter
absolument; pourtant il admet que le pouls ne provient que
du mouvement communiqué aux artères par le cœur.
Les causes de la chaleur morbide^ sont signalées par Ri-
vière en un nombre défini: i"" d'abord le mouvement, non-
seulement chez les êtres animés mais chez les inanimés, produit
de la chaleur (Aristote); ù"* la putréfaction échaufi*e le corps
(Aristote); 3*" le contact d'un corps chaud extérieur; à!* la
constipation (de la peau), propter impeditam trampirationem;
5^.. etc.. De même le froid a cinq causes, d'après Galien...
11 n'y a point là d'opinion personnelle ni nouvelle ; ce livre est
un perpétuel commentaire des anciens...
' Caput m, p. A6.
106 CHAPITRE r. ~ LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
ZACCTUS LUSITANDS*.
(x?ii* siècle, 1576- iG'n.)
Zacutus Lusitaous publie un chapitre d'histoire curieux à
|)arcourir :
Fièvre ardente guérie par une boisson froide (GaUen, Rha-
zès). — Un jeune homme, dit Galien^ au fort de la canicule,
ayant la fièvre, but un setier d'eau froide, il vomit de la bile,
etc. . . Rhazès dit la même chose. Gela ne concerne pas l'action
du froid sur les fièvres, mais le vomissement par l'action d'une
boisson froide dans la fièvre.
Doit-on donner à satiété de l'eau froide k boire aux fié-
vreux avant la coction? Galien le dit' (lib. IX, méth. cap. v...
lib. II, méth.) : ergo si vires vakrUesfuerintffebris ardenli$$ima,
et concoctionis notœ planœ évidentes, frigidam dore audacler debMs.
^ Né à Lisbonne, en iSyS, y fut ses commentaires on paraphrates don-
3o ans profeisear. Cbané comme Juif, nent une haute idée de sei grandea fa-
Son livre dédié à Louiii XIII en 1669. cultes.
Zacut ou Zacout (de Portugal), Juif Son analyse des travaux des auleurs
ayant la tradition des médecins arabes anciens fait revivre quelques médecins
et grecs, versé dans la littérature médt- dont les ouvrages sont tombés dans un
cale ancienne, a fait un livre dont la oubli trop peu mérité. Elle nous montre
première partie est consacrée à Thistoire quels étaient les procédés de la critique
des principaux médecins de Tantiquité. au milieu du xvii* siède, et indique
Ce n^est point une biographie , c'est une quelles étaient les questions qui préoc-
série de chapitres traitant de toutes les cupaient le plus les médecins de cette
maladies , où Tauteur cite les opinions et époque.
les faits relatés dans les auteurs anciens En première ligne nous trouvons les
et en donne la paraphrase. On ne peut moyens de diminuer la chaleur fébrde.
trouver un tableau plus complet de la * Zaculi Lusitani Optra omnia, Lug-
médecine classique et traditionnelle duni, mdcxlix, sumptibus S. A. Hu-
telle qu'elle était enseignée é la fin du guetan. Fil. De mêdieor, prinap. hi$-
xvretauconunencementduxvii*siède. lor. lib. IV, hist xi, Gai.; et Ras. De
Ce livre sullirait à lui seul à faire re- febriardêntiB, tome I, p. 664.
vivre, à nos yeux, toute la médecine ^ T. I, p. 664, qusstio xvi, Uirum
antique. L*auteur est, en outre, un des m bilioêiê febribm ^ aquœ poluë^ aentim
plus savants praticiens de son temps, et aut affatiin tit caneedêndui.
ZACUTDS LUSITANDS. 107
Ce précepte est contraire aux dogmes d'Hippocrate , qui ne te-
connatt à Teau froide en boisson aucune utilité prochaine
(iib. III, acut. Ao) : «celle n'apaise pas la toux, di( Hippocraté,
elle ne fait pas cracher, elle n'apaise pas la soif, elle ne fait
point aller à la selle, elle ne fait pas uriner, elle excite la
bile, etc. -.»
Zacutus cite les auteurs qui approuvent la pratique de 6a-
lien et qui trouvent à l'eau froide, prise en bonne quantité,
la propriété d'apaiser la soif, d'aider h l'excrétion des ma-
tières inutiles par les urines, les selles, la sueur. Ainsi pensent
Paul (Iib. Il, cap. xviii); \èiins [Tetrab. IV, serm. I, cap. lxx);
Amatus (Iib. I, centur. schol. 3). 11 faut faire prendre cette
boisson jusqu'à ce que le malade ^at viridts, change de cou-
leur et tremble, d'après Avicenne et Cornélius. Avicenne dit
(I, &, traet. n, cap. m): quand la fièvre est si véhémente, si
aiguë, qu'on ne peut user du régime habituel, il est néces-
saire d'avoir recours à une grande réfrigération. Averrboês
a combattu cette doctrine par cinq raisons. II faut consul-
ter, sur cette question , Abraham Neemia [tract, de frigido potu)
et Vindicianus, dans sa Prœfatio ad Vakntinianum mperato-
rem.
Trallianus rapporte l'exemple remarquable d'un vieillard en
proie à une fièvre tierce franche et qui fut guéri par des ali-
ments froids et humides (les anciens enseignaient que les
vieillards manquent de chaleur et recommandaient de leur
donner des aliments chauds et secs).
Averrboês (Iib. VII, collig. cap. ii) dit : et hœe est catua
ob qttam injtwene utimur aqua cueutneria, et camphorœ, potu aquœ
frigidœ ad eatietatem tuque, et balneo aquœ frigidœ, et non in
sene.
Avicenne donne une explication de l'utilité du froid (Iib. de
removendis nocumenttê quœ accidunt in regimine sanitatis) : k L'ins-
piration modérée du froid cause }ine rétention ou rétraction
vers l'intérieur, de k chaleur innée; alors la chaleur innée
108 CHAPITRE T'. * LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
s'accumule, se fortifie, d*où il résulte que, chez ces personnes,
i a digestion des aliments , et la maturation des humeurs se fait
plus et mieux, n On peut rapprocher cette explication de celle
qui est donnée de nos jours de l'augmentation de la produc-
tion intérieure de chaleur, et de la suractivité du stûffœechtd
par l'action du froid (bains).
Action de» bains ^, — Oribase, De exacerbatione febris , fdfns
exacerbatto balneU naturalibu» curaia (lib. X, coUect. cap. t):
«Nous faisons usage des bains et des fomentations. J'ai vu des
malades, après une journée entière consacrée à ce traitement,
se trouver admirablement soulagés, car l'eiacerhation qui
était dliabitude longue et difficile à se résoudre cessa. . . 9 Ce
passage concerne l'usage des eaux minérales. Il est à croire
que les bains prolongés pour apaiser la fièvre ont été connus
de toute antiquité.
Galien faisait grand usage des bains soit chauds, soit froids,
soit tièdes, et des bains de vapeur ou des étuves. Les établis»
sements de bains étaient extrêmement multipliés en Orient,
en Egypte et dans le Midi de l'Europe, au temps de Galien;
ils avaient quatre parties ou compartiments outre Vabdxternan,
oh l'on se déshabillait: i** le calidanum ou 9udatonum, que 1^
Grecs appelaient hypocauste ou laconique, oh l'^ir était chaud;
3® le tepidarium où il y avait une piscine ou grand bassin rem-
pli d'eau tiède ; 3*" le frtgidarium où il y avait un bassin d'eau
froide: li"* enfin Yuncttuirtum, où se faisait le massage ou l'onc-
tion.
Du temps d'Hippocrate les bains n'avaient pas acquis cette
perfection et étaient moins en usage.
Galien conseille les bains surtout dans les fièvres quoti-
diennes et hectiques, et seulement quand la chaleur du corps
est très-élevée.
* Tomel, p. 699.
ZACUTUS LUSITANUS. 109
La fièvre, d'après Zacutus citant les anciens ^. — Hippocrate,
Aristote , Galien , Gelse, ont défini la fièvre «une chaleur pr(F*
ter natwram. »
Avicenne en a donné une définition que nous retrouvons
Hans les commentateurs modernes et que développe fortement
Sylvius de le Boë. Avicenne s'exprime ainsi (I, &, tract, i,
cap. i) : Quod sit ealor extraneus aecenms in carde, ah eo pro-
eedens, mediante epiritu, et sanguine per venas et arterias in totum
corpus. Il faut remarquer dans cette définition mediante spi--
ritu.
Peut-il y avoir fièvre sans chaleur, comme Fernel le sou-
tient contre Galien? telle est la question première que pose
Zacutus, et il expose les arguments pour et contre.
Arguments pour admettre la fièvre indépendante de la cha-
leur :
I* 11 y a des fièvres froides avec frisson.
a"" La maladie consiste en diverses affections et la chaleur
n'y est pas tout; or la fièvre est une maladie , donc on ne peut
pas dire que la chaleur soit toute la fièvre.
3* Il y a de la fièvre avec défaut ou pénurie de chaleur, et
c'est dans ces cas qu'il faut donner du vin aux malades.
A*" Les fiévreux agonisants se refroidissent, leur souffle est
froid (Hippocrate).
5"* Si la chaleur était l'essence de la fièvre , elle ne s'en se
parerait jamais; or, dans le début de l'accès des fièvres tierces,
quartes, il y a grand refroidissement avec frisson.
6*" Galien dit qu'il y a des fièvres (l'épiale, la lipyrie), au
chapitre jm^ De inœqual. intemp.j où les parties sont chaudes et
froides.
7** Les fièvres se guérissent par plusieurs remèdes chauds.
Donc elles sont froides, puisque contraria contrariis curantttr
(8 meth. cap. i, Galien).
8"* La fièvre syncopale est bien une fièvre; or on n'y per-
çoit de chaleur ni dehors ni dedans , et le pouls est lent.
MO chapitrf: I".--la chaleuh kt la pievhe.
Arfjuinents contraires. — Mais tous les anciens s'accordent
à définir la lièvre par la chaleur (|)yretos, pyrexie, feu). Aussi
(ialien s'abstient-il prescpie de définir la fièvre, s'occupant
plutôt à la diviser en espèces :
1 " Il est vrai qu'Avicenne parle de fièvres froides, mais il en-
tend par là les humeurs de nature froide qui les causent.
2" Les médecins définissent la lièvre par un caractère sai-
sissable [materies[ de la maladie, (|ui est la chaleur; mais la
cause de cette chaleur, à la vérité, peut varier.
3° Dans la consomption, il y a encore de la chaleur, et il
n'y a point de fièvre sans chaleur; mais il faut distinguer la
quantité de Tintensité, et Ton ne mesure pas de la même fa-
v^m le degré de la chaleur et sa ([uantité. Il peut y avoir ac-
croissement de la qualité et diminution de la quantité en
même temps et réciproc[uement; ainsi, dans Tevemple précité
il y a à la fois augmentation de l'intensité et de la qualité de
la chaleur, avec défaut de (juantité, ce qui fait deux modes
de maladie, puisqu'il y a augmentation de l'intensité et de la
qualité de la chaleur, ce qui fait la fièvre, et défaut de quan-
tité de celle-ci, ce (pii fournit l'indication de dpnner du vin
aux malades.
Cet argument contient en geruje toute la théorie de la ré-
partition de la cliahur, et celle d(\s calories qui ont occupé sur-
tout nos contenjporains (école allemande). On est étonné de
voir sommeiller celte question, à la([uelle les grands cliniciens
thermologistes du wiiT sièchj n'ont point fait allusion, et qui
n'a reparu ([ue récemment.
à" Hippocrate dit, à la vérité, que les moribonds sont froids,
mais c'est parce qu'ils ont eu précédemment une fièvre qui les
a épuisés et a consommé toute la chaleur naturelle de leur
cœur.
* T. 1, p. 600, (|(i<T>lio I, Ufrum frhns pngsit titiri nhsquf ralorp, ut contra Ga-
Ivnum arbitratur hernelius.
ZACUTUS LUSITANUS. Itl
S"" Fernel dît que le frisson est le commencement de la
fièvre, mais qu'il n'est pas encore la fièvre. Mais cette solution
est contraire à celle de Galien (Lt6. de diff. feh. cap. ii ). « Or
il faut dire, suivant Zacutus, que, bien qu'il y ait un froid ex-
térieur, il suffit, pour qu'il y ait Jièvre, qu'il y ait à l'intérieur
une chaleur immodérée. » Zacutus s'appuie encore de l'opinion
d'Argen tenus (Lf&. defeb. ad Glacum, ci), Melchior Sebiaus
[Tract, de febrib. disp, i), et Vidus Vidius (lib. I, De febrib.
cap. 11).
Galien, du reste, n'est point exclusif, et admet des com-
mentaires à son aphorisme <!( que l'essence de la fièvre esiprœter
naturam caliditas, n car il dit (Lii. de marasmo, cap. v) : quod si
œger in tactu,puUu, resjnratione , calorie exceUentiam (élévation)
non demoiistrat, non febrit. On voit bien manifestement par le
que les anciens usaient exactement des mêmes moyens que nous,
et des mêmes précautions, s'adressant à plusieurs fonctions,
et , pour nous servir d'une expression moderne , ils savaient que
ie pouls et la respiration, dans la fièvre, sont fonctions de la
cbaleur.
Galien tâtait la peau du thorax et jugeait de l'intensité et
de la qualité de la chaleur suavis aut mordax. Ces sensations
ne peuvent remplacer le thermomètre, mais le thermomètre
ne peut non plus les remplacer. Il ne faut point les dédaigner
absolument comme font quelques modernes» trop exclusive-
ment thermologistes.
Zacutus pose cette question\ à savoir si la chaleur fébrile est
la même que la chaleur naturelle , thèse soutenue contre Galien
par Gentilis. Zacutus pense que ce sont là des recherches qui
sont sans solution possible, au temps oi!^ il écrit, et que, d'ail-
leurs, elles sont moins du domaine du médecin que des sa-
vants. Le médecin doit s'occuper de la chaleur fébrile, qui est
^ ' T. I, p. 61 1 , qiiestio i?. Dtrumfebrihi calor iit idem eum futtnrali, ut con"
ira GalêmtêM GaUtUi Oiêeverat,
112 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
son objectif, plutôt que du problème de Tidentité : Medicu»
autem non ahsolute veritatemperserutatur $olufn, ted m oriineadak-
rationis opus.
L'opinion de Galien est formelle. Il y a deux espèces de cha-
leur: Tune naturelle et bienfaisante, vitale, qui conserve, for-
tifie, engendre, nourrit, préside aux fonctions naturelles;
l'autre [prœtematuraUs) ^ qui putréfie, détruit, débilite, cor-
rompt, etc. Donc elles diffèrent dans leur nature (specie).
Bien plus, les commentateurs de Galien (Gardanus, De êubtU.)
admettent que les chaleurs prœternaturales sont multiples
comme les espèces fébriles elles-mêmes.
Siège de la chaleur. — Le cœur est la source de la chaleur innée,
d'après Galien qui se fonde sur l'expérimentation, car il nous
apprend qu'ayant, dans des vivisections, introduit souvent son
doigt dans le ventricule gauche d'un animal vivant, il y sentit
une chaleur très-élevée. Telle est l'origine scientifique et ex-
périmentale de cette erreur traditionnelle.
Origine de la chaleur naturelle : est-elle élémentaire et ignée,
ou bien éthérée, céleste et, divine? elle n'est pas ignée d'après
Aristote. . • Longue discussion de Zacutus sur ce sujet, sans
solution.
Quanta la chaleur de la fièvre , Zacutus admet avec Galien,
et contre l'opinion du commun des médecins, qu'elle résulte
non-seulement de la chaleur prœter naturam, mais encore de
l'union de celle-ci avec la chaleur naturelle.
La fièvre est un moyen de guérir les maladies et il la faut
exciter à cet effet, telle est la thèse hippocratique et galé-
nique que soutient Zacutus contre Fuchs, Ambr. Nunius et
autres médecins célèbres. Nous ne disons plus aujourd'hui,
il faut exciter la fièvre , nous disons: il faut amener une bonne
réaction. Nous savons que, lorsque au frisson succèdent les
périodes normales de la chaleur et de la sueCtr, la fièvre com-
porte un pronostic favorable. Gette idée est, du reste, peu
ZACUTDS LDSITANDS. 113
développée par Zacutus, et Ton cherche en vain une indication
sur les moyens de provoquer artificiellement la fièvre. Son
opinion demeure donc à Fétat de thèse vague et sans appli-
cation pratique.
Zacutus a consacré plusieurs chapitres à Y examen des urines^ ^
et l'on peut dire qu'il a fait un traité historique d'uroscopie
fort intéressant à consulter. Il résulte de la lecture de cette
dissertation que les médecins grecs et arabes avaient tiré de
Texamen des urines tout le parti possible en leur temps; et
ce n'est pas sans faire un retour sur l'instabilité des choses
médicales que l'on songe que la thermoscopie et l'uroscopie ,
dédaignées ensemble pendant la première partie de ce siècle,
reprennent ensemble faveur dans le moment présent, tandis
que le tour est venu pour le pouls d'être dédaigné fort injus-
tement.
Dans le t. II , Praxis historiarutn, Zacutus examine la ques-
tion de savoir s'il faut faire respirer aux fiévreux de l'air frais
pour les guérir, s'il ne faut pas asperger d'eau fraîche leur
appartement. 11 se décide naturellement pour l'opinion de Ga-
lien , qui est d'avis que l'air frais rafraîchit la chaleur des fié-
vreux , et qu'il doit être utile , mais non en excès , et pas trop
froid. Âtque ita quidem caUdissimum aerem refrigerare est ten--
Éandum. Si vero modice Jrigidus sit, hoc esse contentos oportet,
nihil aut tnachinanles aut de temperie ejus altérantes.
De même Zacutus admet que l'on donne des boissons froides
aux fiévreux, mais avec modération, suivant Galien et Avi-
cenne: et non prohibeas ei aquam frigidam,
* T. I,. p. 8AS-863. Index quœstionum, lib. V.
8
114 CHArtTRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
VAN HELMONT^
(ifirstède, i577-i64o.)
Van Helmoni [Ortus medictnœ^)^ au chapitre Ca2or^ combat
Topinion relative à la chaleur, cause de toute digestion. Il
montre que la digestion stomacale se fait par unferment^^ et
s'opère mal dans la Gèvre, preuve que la chaleur n'en est pas
la cause, car, dans la fièvre, la chaleur est augmentée, et il
cite 'Cet aphorisme : corpara impura quo potentius nutri$, eo
magie bedis. Il est donc manifeste, dit-il, quil convient de
^ Helmont (Van), seignear de Me-
rode, de ^Royenborcb, d'Oorschot, de
Pellines et autres lieux, né à Bruxelles
en 1677, mort en 16^0, élève remar-
qué i Louvain, pour k philosophie;
il 8*aperçut bientôt qu'il ne savait rien
que la dispute de mots. 11 refuse un
riche canonicat,... veut se faire capu-
cin. Lit avec avidité et indépendance tous
les Grecs, philosophes et savanb,six
cents auteurs grecs, arabes ou moder-
nes. Pieux, mystique, presque illuminé,
reçu docteur à Louvain en 1 599. Voyage
en Europe, An^eterre, Suisse, Alle-
magne, Espagne, France, se fixe à Wil-
vorde près Bruxelles , et fait de la chi-
mie philosophuê per igntm, LahoraUn-
re$ énormêê dan» son château.
Médecin bienfaisant et grand sei-
gneur. Accable les médecins tradition-
nalistes de sarcasmes en assez bon latin,
fait de sérieuses découvertes en chimie.
On le connaît par Varchée. C'est pour
lui la conception de Tunité vivante,
anima vitali», Tunité dans Télre, la soli-
darité du polypier humain , le régulateur
central de la vie et de la maladie. C'est
toute la doctrine de Técole dite spiritua-
liste unitaire.
Il publia de nombreux ouvrages sur
la littérature, Tbistoire naturelle. Pour
le médecin , son principal livre est son
Ortui medieinm, %d têt initia phytiem
inandita, ProgreauM medieiinœ nonu.
Van Helmont a été très-calomnié par
les médecins , naturellement, qui se sont
moqués de Tarchée et des ferments.
C'était un original plein de génie, nous
aurions tort de le juger en nous plaçant
sur le terrain des doctrines médicales
actuelles. Ce serait trop fadie et in-
juste.
C'est le chef des anti-galénistes, des
animistes et chimistes. Il vivait à la même
époque que Galilée, Sanctorius, Bo-
relli, mais, tandis que les italiens delà
fin du XVI* siècle étaient des physiciens,
lui, avec les hommes du nord qu'il de-
vança , fut un chimiste.
* Voyei la belle édition : Orltis
dieinœ, id e»t initia phyâicw tf
progrtuuê medicinœ notms, ete, Edenle
auctoris filio Francisco Mercurio Van
Helmont, Amsterodami apud Ludovi-
cum Elsevirium on »glii.
^ CaîoreJfiaêMêrnondignitfiidlaM'
tum excitative , p. 1 6 1 .
* Nous dirions par la pepidne.
VAW HELMONT. 115
donner aux fëbricitanis des aliments très*légers et de facile
digestion.
Van Helmonta laisse un petit traité des fièvres, extrait d'un
grand ouvrage qui n'a point éiA édité. U commence par dé-
clarer que les médecins n'ont rien appris sur ce sujet, depuis
Tantiquité grecque, qu'ils n'ont fait que tourner dans un cercle
et que se copier les uns les autres [alii ad untim omnes cantum
eueult (chant du coucou) cecinerunt), et que leur ignorance fait
honte. Il croit avoir découvert la vraie essence de la fièvre,
en tout cas ses critiques sont vives.
Tous les auteurs, dit-il, définissent la fièvre calorprœter im-
turam accenêUê primum in corde, dein delatus per iotunt corpus^.
Or l'essence de la fièvre , pour eux , n'est pas une chaleur quel-
conque, mais une chaleur qui prœter naturamfuerit, etgradu suo
knerit. Ainsi ils ne conçoivent point de fièvre sans cette chaleur,
compagnon nécessaire [cornes). Van Helmont leur oppose la
fièvre des camps, qui est sans chaleur accrue du commencement
à la fin, et le frisson avec claquement de dents, qui marque le
début des fièvres. Et en effet cette objection, que Galien avait
déjà réfutée, embarrassait les auteurs, et quelques-uns préten-
daient, ainsi que le dit Van Helmont qui les critique, que ce
frisson n'était pas un vrai refroidissement, sed mendax aique
dohsum sensuum îenocinium, dumque exterius frigent, volunt
quod inteme œsluent, crementurque vero calore quamvis aliter »enr-
tiaU. (C'est pourtant la vérité.) Et ces auteurs ajoutaient que
cette chaleur intérieure était bien prouvée par la grande
9oifdes malades, k quoi Van Helmont répond: cette soif est
trompeuse {fallax)^ et elle vient non de la chaleur, mais des
pertes subies par l'organisme [ab excremenio); d'ailleurs l'eaa
froide ne calme pas plus cette soif que les remèdes secs, puis,
au milieu de la fièvre, au moment le plus chaud, pourquoi y
a-t-il moins de soif qu'au début? Pourquoi dire aussi que cette
* Defêlfribtu, cap. i, p. 739.
8.
116 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
fièvre s'allume dans le cœur, n'est-il pas plus vrai de dire qu'il
y a une cause morbifique, une nuttière peccante qui eêt Farigine
de la fièvre et précède cette chaleur? Donc ceux qui entendent
traiter la fièvre par les réfrigérants ne peuvent prétendre qu'ils
s'attaquent à la cause, à la source, mais ils ne combattent que
la chaleur qui est un effet, un produit secondaire de la ma-
tière fébrile. Si c'est la matière morbifique qui brûle, pourquoi
le cadavre ne continue-t-il pas à être chaud , et pourquoi toute
chaleur s'éteint-elle avec la vie? Ce qui fait que la chaleur
lutte contre un agent étranger (une épine), c'est, dit-il, Tar-
chée, omnis alteratùmU opifex^.
Ainsi la chaleur fébrile cesse quand on enlève l'épine, la
matière morbifique, que larchée cherche à expulser. Du reste Hip-
pocrate l'a dit: cahrem et frigus mm esse morbos ut neque ha-
rum causas. Galien a écrit de longs et prolixes ouvrages pour
obscurcir cette vérité, et tout le monde ne jure que par Galien,
mais qu'on guérisse par le tiède, le chaud ou le froid, peu
importe, dit Van Helmont, pourvu que la matière morbi-
fique soit éliminée. Il combat Galien, mais se retranche der-
rière Hippocrate. Il fallait être sinon avec les deux, du moins
avec un des deux. Rester seul eût été trop de faiblesse ou trop
d'outrecuidance.
Autre argument: «Les écoles ont déserté le terrain de la
chaleur essentielle de la fièvre, il ne s'agit plus de son degré,
mais de son origine, qui est une pourriture (putredo)^ dès lors
on cherche à la guérir, non plus par le froid, mais par des
remèdes chauds, par des pulsations et par des spécifiques. Elles
assimilent ce phénomène au fumier de cheval qui s'échauffe
spontanément par putréfaction. Or ce n'est pas par putréfac*
' Et que diUon diantre «ojoard^hoi? rien ne non» en empécbe, appdont-le
n*admet-on pas un centre nerveux ré- principe vital, âme de SfcaU,qn*imporie7
gulateur de ia chaleur? nommons-le e*est Tidée de Tunité et de Tordre daoa
archëe, avec Paracelae et Van Hermont, Tétre vivant
VAN HELMONT. 117
tîon, dit Van Helmont, cela tient à des opérations chimiques
Ami le fumier putrijié n'est plue eueceptible. v Sur ce terrain le
grand chimiste a facilement raison de ses adversaires méde-
cins; ce qui e$t mort, dit-il, ne s échauffe plus, et la putréf action,
c'est la mort. Toutefois le moi fermentation n'est pas prononcé.
U n*y a point, dit-il, de putréfaction du sang, et ceux qui
saignent font une pétition de principe. Suit une magnifique
arguiqentation contre les prétendus signes de l'altération du
sang, tirés de Texamen de ia couenne ou de la couleur du sé-
rum ou des globules, on n'a pas fait mieux depuis.
Nos grands hommes contemporains ont trop ignoré ce qu'a-
vaient écrit nos ancêtres. Andral et Gavarret auraient pu copier
tout ce passage si instructif, si scientifique. Ainsi, dit Van Hel-
mont, croule cette pratique adorée de nos médecins : ruit totus
orio medendi haetenus adoratus a medenlibus, Sed esto quonam
signojudicant scholœ sanguinem putridum? Nonne ex colore albiore,
mgriofe,fiavo, suhmidi, fuscove? Nonne ex materia viscosa, crassa,
aquea, tenui? Et tandem an non ex consistenùa, nonfibrosa, vix
eokœrente ? etc. . . Ast declaro, sub pœna convieti mendacii, si quis
vdit experiri, quod ducentorum peiulantium rusticorum et sano^
rum cruores unico die examinaverim : erantque multi iUorum
aspeelu valde dissimilares, colore, materia et consistentia, quorum
phares distillavi, et reperi medendo œque utiles. Soient namque
noêirates rusùei, altéra Pentecostes mittere sanguinem, quo largius
potitarent. Etenim quanquam plures viderentur putridi, o&t œn/h-
ginosi vel atrabilarii : imprimis tamen rustici unde ejluxerant erant
admodum sani. Ergo per causam confirmabant se non obstantibus
corruptioniM tnàidis, cruores a balsami natura nequiequam alie^
nos. Quare obrisi tahulam judiciorum ex aspectu emissi cruoris,
adeoque confirmavi mecum, a medicis cruorem servari jussum, ut
saUem hae ratione, unam visitationem mgrotis adnumerent ^ !
Toute cette critique de la valeur de la saignée est admi-
1 J>9yï6ri6iM,cap. Il, p. 76/1,
118 CHAPITRE 1'. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
ral)lc, nous y retrouvons les arf juments mis en avant dans le
cours de ce siècle [)ar les médecins qui l'ont prônée et par ceux
qui l'ont détrônée. Van Helmont ne ménage pas l'ironie . r\
quoi juge-l-on (jue l(^ sang est putride? Est-ce à la couleur
plus blanche, plus noire, [)lus jaune, j)lus verdàlre, plus
rouge, est-C(^ à la consista nc(» visqueuse, épaisse, aqueuse,
ténue???
Il ne manque rien à ce tal)leau que complète l'admirable
scène comi(|ue des paysans saignés par le seigneur. Tous
ces paysans étaient sains, et pourtant leur sang avait telle ou
telle aj)parence putride. Van Helmont ne ménage guère d'ail-
leurs les médecins de son temps; allaient-ils jusqu'à faire
conserver le sang de la saignée pour se faire paver une visite
de plus? C'est en tout cas une indication que nous devons
traiter de calomnieuse pour l'hoimeur de nos pèn\s.
Van Helmont prétend e.\pli(|uer les phénomènes fébriles
mécaniquement : Le frisson, dit-il, est l'efl'ortde l'archée pour
lutter contre la matière morbilicjue. c'est une constriction des
tissus (licite comme exemple la rétraction du scrotum); quant
au tremblement musculaire, il le compare au tremblement
des ivrognes et à celui des vieillards, c'est un mouvement in-
volontaire. Cbacpie tissu traduit à sa façon cette lutte contre
la matière morbifi([ue: la chnieur c'est encore la lutte de l'ar-
chée (principe vital) contre la niatière morbilicpie, rarchfe brûle
son ennemi et le rcjeUc par les sueurs, aussi les diaphorétiques
conviennent-ils parfaitement aux fiévreux. Le vin refusé par
Galien aux fébricitants (et que ceux-ci prennent en cachette du
médecin( est censé faire l'elfet de l'huile sur le feu, mais c'est
une erreur; l'usage du vin entretient les forces et prépare une
plus prompte convalescence.
SYLViUS DB LE BOË.
119
SYLVIUS DE LE BOE'.
(vTii* siècle, 1616-1679.)
PhffsMogie [De chyli muUUione m êonguinem, eirculari êan-
gmnU motu et cordis arteriarumque pultu). — Voici comment
Sylvius explique la chaleur^ : le chyle mélë au sang arrive au
cœur droit où il y a un foyer de chaleur, mUturam hanc heie^
rogeneam aceendit atque rarefacit iniemu» corêiz ignis.
Revenu des poumons au cœur gauche, le sang mêlé h l'air
inspiré y retrouve de la chaleur, m coït/» ventrieulo nnisÈro
aecenditur iterato et rarejit sanguis ab eodem igné cordie intemo.
Il considère le sang comme le véhicule de la chaleur inté-
rieure et vitale du cœur, êustentatur et consenxUur eanguine o/-
tematim in eordie ventriculos impubo, kinc et expuUo, utpote par-
Mo euo ignis eordù int&mu» et vitaHs.
Il appelle aussi cette chaleur ignis innatus et vitœ fine, et
ammœ fanon corparisque vinculum fninutrium. 11 croit que le
sang artériel est plus chaud que le veineux.
Du reste De le Boê explique admirablement la circulation
du sang et le mécanisme du pouls.
Il ne pouvait manquer d'appliquer ses théories chimiques à
la chaleur du sang; après avoir dit [De respiratione) que la vie
dépend de la perpétuité du feu allumé dans le cœur, il admet'
que la cause de cette chaleur dans le cœur est une efferves-
* Prolestant, d^otigine française, né
à Hanaa en 161 A, uiort en 1673. Étu-
die à Sedan, est reça docteur à Bâie,
voyage en Allemagne, en France, en
Hollande. Exerce la médecine à Leyde ,
où il devient professeur de médecine
pntiqoe.
Quoique né 37 ans après Van Helmonl,
il est le prétendu chef de Técole chimia-
triqoe. Il élait bon anatomiste, physio-
logiste et chimiste. On Ca Ircp blémé.
il avait en chimie des idées fort en
avance sur son temps et même sur le
siècle suivant (xviii*). 11 était expéri-
mentateur, il a popularisé la découverte
de Harvey sur la circulation du sang et
Ta complétée.
* Frandsd De le Boe Sylvii Optra
miHea, Genève, mdclxxxi, p. 5.
^ Ce sont les idées de Galien, aux-
quelles il ajoute seulement le mélange
du sang, de la bile et de la lymphe.
120 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
ccncc (ou fermentation) produite par le mélange de la bile et
de la lymphe (il compare cette eilervescence à celle du sulfate
de soude traité par un acide); or Tair a pour but d'intervenir
comme tempérant dans cette effervescence pendant l'inspira-
tion, tandis que l'expiration a pour effet de détruire les vapeurs
formées par cette opération cbimi(jue ^ : liuic ejervescenliœfer-
vorique contemperando inspira tioncm aeris ; Jialitibus vero tune
simul excitaUs exicrnunandis exspirntioneni ejusdcm opinamur dica-
iam. Ainsi la res[)iration sert à amender le sang (^emendare
sanguinemy La preuve, dit-iP, c'est que les animaux qui ont
des poumons ont plus de clialeur que ceux qui n'en ont pas,
que la respiration croît et décroît comme la chaleur du cœur.
— Que de vérités entrevues par Sylvius !
Voilà donc une théorie chimique de la respiration et de la
chaleur animale, substituée aux notions vagues des anciens
et au mécanisme insuHisanl des contemporains de De le Boé.
Pendant le xviii'' siècle, tous les médecins furent pour le dé-
veloppement de la chaleur par le mouvement (frottements).
Ces deux tendances rivales ont eu chacune leur utilité. Au-
jourd'hui la tendance définitive, p(^ut-étre, des sciences natu-
relles est de tout ramener à des axiomes de mécanique, car la
mécanique doit finir par absorber la chimie et la physique
(théorie mécanique de la chaleur, transformation des forces,
conservation de la force).
Ce qui est vraiment topique dans De le Boë, c'est l'opinion
qu'il émet, à savoir que l'air ne tempère pas seulement l'effer-
vescence du sang, mais qu'il cède au sang quelque chose de ina-
térieP ; necesse est ut aliquid ex aère communicetur snnguini, quod
contrariam dh, quant m corde accepit, producat in ipso mutatio-
nem. Cette matière, De le Boë suppose (|ue c'est un sel très-pur.
Il ne sert de rien de critiquer ces essais chimiques impar-
' De respiratinne unuqtie pulmonnm, ranatomic comparée, nanguini ex aerf
p. 17-1 8, LVIL nliquid commuïncari.
* Assez jolie preuve, empruntée à ^ P. ic), LXXIV.
STLVIUS DE LE BOË. 121
faits. La méthode est bonne, la vie est ramenée à Tanalyse par
le moyen des forces physico- chimiques, la vérité se trouvera
plus tard, et, si pendant deux siècles il faut attendre Lavoi-
sier, la voie est toute tracée.
Sylvius rapporte un grand nombre d'expériences de physio^
logie (vivisections, respirations artificielles) qu'il a faites,
soit seul, soit avec Swammerdam.
La fièvre. — On trouve dans Sylvius l'origine des opinions
que ses compatriotes Boerhaave et Van Swieten professeront
plus tard sur la valeur du pouls et Tinsuffisance des signes tirés
de la chaleur. C'est le culte du pouls qui recommence au dé-
triment de l'étude de la chaleur.
Sylvius débute en déclarant qu'il ne consent point à s'hu-
miiier devant les décrets des médecine autoritaires qui veulent
soumettre tout le monde à l'adoration de certaines idées tradi-
tionnelles dont ils se font les commentateurs officiels ; qu'il n'y
a que^expérience qu'on puisse invoquer. La méthode expérimentale
est proclamée en ces termes ^ : Per solam experientiam omnibus
paientem comparatum determinatumque omni œvo, quidquid hacte-
nus boni certique habemus in medicina. Sylvius De le Boê a rai-
son , et il nous serait facile de montrer que tout ce que nous
savons en médecine , nous le devons à l'observation indépen-
dante. Or l'expérience démontre, dit Sylvius, que le seul
signe pathognomonique et constant de la fièvre c'est là fréquence
sumaiurette du pouls, et par là il ne faut point entendre] une
fréquence plus grande mais naturelle et habituelle k un^indi-
vidu en état de santé, ni cette fréquence non naturelle qui
résulte d'un violent exercice, de la colère, etc. Quant à cette
duUeur accrue de tout le corps qui accompagne le plus souvent
les fièvres, elle n'est ni constante ni spéciale à la fièvre; ainsi
les maniaques et d'autres ont quelquefois cet accroissement de
* DiêpmL WÈêdieamm , IX, i, p. «5.
122 CHAPITHË r. — LA CUALEUR ET LA FIÈVRE.
chaleur sans fièvre, et nous avons nombre de fois constaté,
montré aux assistants, et cela avec Tassentiment des malades
eux-mêmes qui en convenaient , des maladies où il n'y avait
aucun accroissement de chaleur nulle part pendant des se-
maines, des mois même; bien au contraire, il y avait un re-
froidissement persévérant, pénible pour les malades et per-
ceptible pour les assistants ^
Ce n'est pas qu'il ne se soit trouvé des gens pour soutenir contre
tout bon sens et contre l'évidence que , chez ces malades , chez ces
fébricitants , malgré le froid apparent, il y avait augmentation
de la chaleur intérieure dans le cœur. Mais l'expérience est là
pour prouver d'ailleurs que les remèdes réfrigérants con-
viennent moins bien aux malades que les réchauffants (spiri-
tueux et huiles essentielles).
Ne voit-on pas aussi que, dans les fièvres intermittentes,
au début, pendant des heures entières, le frisson est violent,
et à tel point, que, pour le vulgaire, le frisson est toute la ma-
ladie, qu'en Allemagne on appelle la fièvre intermittente*fièvre
à frisson (nous disons en France fièvre tremblante). C'est bien
à tort que quelques personnes professent cette opinion erronée,
que le stade de chaleur dure quatre fois plus que celui de
froid; nous avons montré le contraire m nosocomio aeademico.
S. De le fioé ne se contente pas de cette affirmation; il va
plus loin, et trop loin, puisqu'il affirme que la fièvre peut exis-
ter sans que nos sens perçoivent une augmentation de chaleur
dans les parties du corps soit extérieures, soit intérieures, et
que , par conséquent , il faut s'en rapporter au pouls et à lui seul.
Cette erreur est plus surprenante encore chez Boerhaave et
surtout chez son élève Van Swieten , qui connaissaient l'usage
du thermomètre. De Haén devait corriger cette erreur défini-
tivement.
' Goinroe quelques observations ther- tant 60 ans que !e thermomètre était
mométriques vaudraient mieux que ces trouvé I II lui faudra encore deux siècles
semblanla de preuves I II y avait pour- pour rendre ces dissertations inutiles.
SYLVIUS DE LE BOÊ. 123
En pariant des caractères extérieurs du $ang tiré des veines
dans les maladies^. De le Boë reproduit les erreurs tradi-
tionnelles qui subsistèrent longtemps après lui et jusqu'à nos
jours 9 malgré la réfutation qu'en avait faite Van Helmont. Il
conseille de ne pas pratiquer la phlébotomie dans le frisson ,
de peur qu'en diminuant la masse du sang on ne diminue
encore la chaleur.
Au chapitre des fièvres. Sylvius fait remarquer que, si la fièvre
seule se reconnaît à la fréquence du pouls '^^ il faut d'autres
signes encore pour différencier les fièvres entre elles; la fré-
quence du pouls est causée soit par quelque chose d'acre, d'a-
cide, d'alcalin, mêlé au sang, et qui irrite le parenchyme du
cœur, soit par quelques vapeurs portées au cœur par le sang et
qui excitent la fermentation, etc. Sylvius ne peut se dégager,
quoi qu'il en ait, de l'idée ancienne et classique de la chaleur
localisée dans le cœur. Pourtant il admet que , dans la fièvre
continue, causée par le vice de la bile et par le suc pancréa-
tique altéré, il se fait, dans l'intestin grêle, une effervescence
qui donne naissance à des vapeurs acides, qui, répandues
partout, causent un léger frisson. • •
La localisation de la lésion primordiale de la fièvre typhoïde,
dans rintestin grêle , n'en est pas moins une vérité dont il faut
faire honneur à Sylvius ; mais ce n'est qu'à titre de bizarre et
inconsciente découverte.
Dans le chapitre intitulé De sensus coloris lœsionibus^^ Sylvius
examine les différents modes d'altération de ce sens suivant
qu'il est aboli, diminué, augmenté ou dépravé, soit par Ik sec-
tion ou la gangrène des nerfs, soit par la lésion directe du
cerveau, soit par la fièvre elle-même, soit par l'épilepsie et
* DtMêthodo mêitndi, lib. I, cap. ti. * Pnueeoê mëdieœ lib. I, cap. nvii.
De morhiê êORgumi» «1 Mfwm nûliea- Dêfibnbu$ingtMrê,p, lôa. ^
fMiit6ii0CMrafortM,$«d,p.A&.Laphthi- ' IVaciaot medica lib. II, cap. xii,
aie, rempyème. p. 309.
124 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
autres maladies nerveuses. Mais tout ce chapitre est vague, et
il eût mieux valu examiner les variations d'un thermomètre.
SYDENHAM^
( Ecole anglaise , xvii* siècle, iCtiA-1689.)
La fièvre. — ^Certainement \di fièvre n'est autre chose qu'un
instrument dont se sert la nature pour s(^parer les parties im-
pures du sang d'avec les parties pures; c'est ce qu'elle exécute
d'une manière entièrement imperceptible dès le commence-
ment, et même dans la force de la maladie, mais plus sensi-
blement et manifestement dans le déclin, comme on voit par
les urines. En effet la coction de la matière fébrile n'est autre
chose que la séj)aration des particules morbifiques d'avec les
particules saines^. ^ Sydenham ajoute conséquemment quil
faut laisser* la fièvre dans toute sa force aussi longtemps qu'il n'y
a point de danger, et qu'à la fin, quand la coction a amené la
sécrétion de la matière morbifique, il faut employer les re-
mèdes chauds pour la hâter.
ftLa nature, dit Sydenham (t. l, p. 3 3 9), prévient la fièvre
par les moyens ordinaires dont elle se sert pour évacuer la
matière morbilique. C'est ainsi que la nature se sert de l'enchi-
frénement, de la toux, de la diarrhée, pour prévenir la fièvre, v
Ailleurs (p. 3o3) : ^^ Les sueurs, qui sont une suite et un effet
delà coction de la matière morbifique, remédieront à la mali-
gnité des fièvres intermittentes d'automne et de la fièvre con-
tinue. . . ?? Il y a même une lièvre que Sydenham appelle dé-
' 1626-1689. Empirique, véritable féconde et très-pratique des consùtu-
Anglais, plein de sève et d*indépen- tions. Célèbre par sa description des
dance, en relard sur les Italiens et les varioles et de la goutte. Il est loin ton-
Hollandais quant à la pbysique et à la tefoisdc mériter le titre qu^on lui a dé-
ciiimio, ne fut ni un savant ni un phi- cerné de VHippocrate anglais.
losopbe. Sydenham fut surtout un bon * Traduction de Jault, édition de
observateur; a réintroduit Fidée très- Baumes, 1. 1, p. 38; Montpellier, 18 iG.
SYDENHAM. 135
ptiratoire (p. 3o3), et qui serait la fièvre synoque, non putrido,
d'après Grant.
Thérapeutique par le chaud. — Bone effeU de la chaleur des
jeuneê gens. — Sydenbam s'exprime ainsi ^ :
«Voyant que les autres remèdes n'avaient aucun succès,
j*ai souvent été obligé de changer de batterie , et j'ai essayé de
ranimer la chaleur des malades en faisant coucher des jeunes
gens auprès d'eux, ce qui m'a très-bien réussi. Il n'est pas
surprenant qu'un malade se trouve fortifié par un moyen si
extraordinaire , et que cela aide la nature . • . puisqu'on com-
prend qu'un corps sain et vigoureux transmet une grande
quantité de corpuscules spiritueux dans le corps épuisé du ma-
lade. Aussi n ai-je pas trouvé qu'en appliquant, à diverses re-
prises, des linges chauds, j'aie jamais pu faire la même chose
que par cette méthode, dans laquelle la chaleur est plus ana-
logue au corps humain, et en même temps est douce, humide,
égale et continuelle • • • D autres que moi mirent ce moyen en
asage • . . n
On pourrait raisonner sur ce chapitre , rappeler que les en-
fants se tiennent accroupis au giron maternel, que les femmes
délicates et douées de peu de chaleur cherchent le contact
d'un corps plus vigoureux et plus calorifiant , que les animaux
se serrent au nid , au terrier, à l'étable , etc.
Danger de trop ichaufferJe malade. — C'est presque la contre-
partie du chapitre précédent.
Sydenbam (traduction de Jault) : ce Je crois avoir montré
qu'il est très-dangereux de beaucoup échauffer le malade lors-
qu'il a de la fièvre (variole) et que les pustules commencent
& paraître, c'est-à-dire dans le moment de la séparation , etc.; "
Et ailleurs (p. ti5) : «Le sang étant trop échauffé et trop
1 Fiènrê amiimu.dêê mrnéeê i66î, 6a, 63, 6^, traduction de Jaalt, Paris,
177A, 1.1, p. 47,
126 CHAPITRE I«. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
violemment agité pour que la séparation pût s opérer, il m'a
paru que les pustules ne se montraient pas, quelques cor-
diaux qu'on employât, jusqu'à ce qu'enfin, ayant modéré la
chaleur du sang, et l'ayant réduite à un juste degré (Syden-
ham dit ailleurs que ce degré est celui de la chaleur normale)
en faisant boire aux malades de la petite bière, et en leur 6tant
une partie des couvertures qui les accablaient, j'aie facilité la
sortie des pustules et j'aie retiré, par la grâce de Dieu , les ma-
lades du danger où ils étaient, n Sydenham ne parait pas avoir
connu les préceptes des médecins arabes, qui traitaient la
variole par les boissons glacées et les affusions froides
(Rhazès).
Ses opinions sur la nécessité du renouvellement de l'air
firent scandale et le feraient encore aujourd'hui.
MORTON*.
( École anglaise, xvu* siècle, vers 1660-1698.)
Morton [Defehrihus) considère la fièvre' comme une lutte
des esprits animaux contre le poison morbide. Soit , dit-il , que
la matière morbifique se soit développée au dedans, soit qu'elle
vienne du dehors par l'air, ou qu'elle pénètre comme le venin de
la vipère, quand elle agit, le malade devient froid, il périt en
lypothymie, ou bien ses forces opprimées se relèvent, la na-
ture vires recoUigens pugnam init, cujus prœludia sunt dotar Uviier
apaemodicus , horror, rigor, oscitatio, eeterique fiiotus, quibtu 9pi~
rituê animalis oppresnu sese iterum expandere nititur, u$quedum
tandem, vi êpirituum elastica irrita, et supra gradum naturalem
* Docteur en 1670, mort en 1698. plus célèbres sont la Phihi$iologiê ei U
Fils d^un prédicateur de Suffolk , élu- Pyrétolngie.
die la théologie i Oxford, précepteur, ' Richardi Morton Optrm mBdkmf
chapelain, puis médecin, devient mé- a vol., Lugdnni , apud Pctrum Rruyset
decin de la maison du prince d'Orange, etc., MDccxtxvii. TVactafM de morètt uni-
Auteur de plusieurs ouvrages dont les venaUbuê acutù, 1. 1, p. t8.
MORTON. 127
evectn, calor intentus etfebrilis argasmus excitetnr. Ab hoc calore
pori ctUiê, sicut ceterœ œrporis porUe, irritait et occlusi ,Jlammam
intes^nam acrius irUendifaciunt, donec venenipars a spiritibut jam
Victoria potitis expdlahtr, vel a propria antidoto subigatur, et tum
Jenwm pori cutis, non amplius constrieti, coUuviem humorum a
prœtematurali calore coUiquatam, copiose dimittunt, modo per
^dvum, aut aliomodo id non ante factum fuerit : vel denique natura,
vi superata succumbit, œger epasmis, deliriis, stAeultibua tendinum
alnsque diris noHtrœ triumphatœ et incassum colluctantis sympUh-
matibus in génère nervoiofatigatu8,fatis cedii. Hœc estratioformaUs
marbarum wnvenalium acutorum, et symptomatum eoe ctmcomi--
tanùum.
MortoD a fait ce tableau avec conviction et naïveté. On par-
iait ainsi à cette époque^ qui ne connaissait pas encore les ré-
ticences du pédantisme , et ne redoutait pas les critiques. Ce
tableau si bien peint mérite d'être conservé. Beaucoup d'es-
prits non métaphysiciens y trouveront une satisfaction com-
plète.
La description de la fièvre par Morton se ressent des ou-
vrages de Van Helmont , c'est l'alliance de l'antiquité et de la
science nouvelle. Du reste on n'en sait guère plus aujourd'hui :
Febris ^ acuta in génère est calor prœtematuralis, in eanguine oc-
ceniUê a epiritu aninuili miasnuUe quodam deleterio contaminato,
et ex accidente quodam irritato, atque insolito moreprœter naturam
suam expamo,
' Personne, dit Morton, n'exigera que je décrive ce miasme
hétén^ine (^moi de Paracelse). On peut relire à cet égard, du
reste, ce que Sydenham écrivait un peu avant Morton sur le
même sujet, ta d-eîov.
Après une bonne description des stades de la fièvre, Mor-
ton, comme ses contemporains, conseille les cordiaux dans
la période algide, et considère les sueurs ou la diarrhée
' Tome I, exerdlAiio prima, Dêfe- Jikrt êpkemtra et intermUtente, cap. i,
hrihuê meutii tu gtnên, elfrmeerlim de p. ao.
128 CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
comme des phénomènes critiques qu'il faut espérer et provo-
quer ; il conseille aussi la saignée et les boissons chaudes et
sudorifiques; et il s'élève contre l'erreur des médecins spagi-
ristes qui donnent aux fiévreux des remèdes échai^anU. Nor-
ton est évidemment d'un esprit et d'une instruction très4nfé-
rieurs è Van Helmont. Il a franchement le langage et les
préjugés de son temps ni plus ni moins qu'un bon écolier. Ce
qui donne un caractère spécial è sa doctrine, qui ne loi est
point propre du reste, c'est l'idée de la tpécifimti. Le mot n'est
pas prononcé, mais la chose ressort évidemment de sa divi-
sion des fièvres suivant la nature de leur paimm ou de leur
ferment propre (^venena in génère, seu fermenta fehrHia)\ cepen-
dant il admet la transformation d'une espèce bénigne en une
grave: erreur naturelle à l'esprit humain.
WILLISV
(École ang)aiie, xm* siècle, 16SS-1675.)
Les fermentations ont beaucoup occupé Willis, qui était chi-
miste, physicien, anatomiste. Pour iui^ : màeiur quodfebris ni
tantumfermentatio, teu effervescentia immodiea sanguini et hunuH
ribtis iniucta. Il en trouve la preuve dans l'origine du moi fer-
vere, efiervescence. Le sang, dans la fièvre, entre en ébalii-
tion par suite de son altération (De crtiore affeeto). En outre
il suppose un certain «tic qui baigne le cerveau et les nerfs et
qui est souvent vicié; d'où le spasme {rigor)^ la douleur, les
* (169S-1675.) Anatomiste, cbi- paai oavnges sont : Cms^n' afMrfonw,
miatre, diflDère beaucoup des autres më- elc, 166& ; PnJÛuikgia ctrdri, 1667 ;
decins anglais, ressemble plutAt â un Hyêtérie 9i hfpœhtmdriê, 1670; De
élève de Van Helmont et de SylYÎus De anima hrutorum, 1679 ; Pitmmaeeutiei
le Boë. fofiofuifii, 167&.
Né à Bedwin (comté de Wiit), étudie * Willis Operm, Lugdum, idclixti,
A Oxford chei un cbanoine, en 1660 1. 1, p. 63, Ikfebnbu»,caip. i^AntUomê
professeur de philosophie natnrdle, en êongumii ; tjm molmiio m pût^qmê
1666 praticien à Londres. Ses prind- prmcipia, eomparafw eum vimo §t Itiete,
WILLIS. - STAHL. 129
convulsions, le délire, le phrénitis et autres symptômes ner-
veui des fièvres. Le sang est un liquide fermentetcible comme
le vin, la bière et autres liquides. Alors Wiliis s'engage dans
une dissertation sur l'analyse chimique du sang telle qu'on la
pouvait comprendre à cette époque.
Donc le mouvement et la chaleur du sang dépendent de
deux causes principales : d'abord de sa propre crasé et de sa
constitution, où l'esprit de sel et le soufre jouent un r&le~
prépondérant, ensuite d'un ferment inséré dans le cœur. Il
est inutile de développer cette théorie qui régnait alors dans
les écoles chimiatriques.
Il nous suffit de dire que les phénomènes physico-chimiques
de la fièvre sont ce qui préoccupe le plus l'auteur, et que la
cluJeur lui parait la manifestation la plus remarquable de cette
espèce de fermentation.
Wiliis admet pour la fièvre, intermittente Fexistence d'un
principe hiiérogène introduit dans le sang. Il donne une bonne
description des altérations de l'urine. Il possède, è l'état d'in-
tuition, quelque idée du parasitisme, de l'intoxication et de la
spécificité.
STAHL».
(Ecole allemaiide, fin do xth' siède, 1660-1716.)
Stabl, l'auteur de la théorie du phlogistique , ne pouvait
> Ne en 1660 i An0{>Bch,en Fran- les fièvres, les affections périodiques,
eonie; mort en 1716. Grand chimiste, les erreurs de la nature, la température
Frédéric Hoffniann le fit nommer en du tang, Thérédité, la logique, la mé-
169a profenear â Halle, et cette réu- dedne sans médecin, et Vê^cpectation, Il
mon de deux grands hommes mérite a posé les fondements de la chimie dog-
d*étre notée, «lie n*a pas été sans in- matique. Il est Tauteur de la Théorie du
flii«nee sur leurs idées personnelles, phlogistique. Bien qa*il se soit heau-
Stahi a publié des ouvrages innombra- coup occupé de la chaleur, il n^est pas,
blés sur la chimie, la physiologie, Tana- pour nous médecins, d^une grande res-
lomie, les mouvements des liquides, source; son esprit inquiet est occupé
les ptsaimu , le poub , ke jours critiques, ailleurs.
130 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
manquer de raisonner sur la chaleur animale, ce La chaleur^
débarrasse le corps de ses parties les plus subtiles, les plus
propres à Tëvaporation , et contribue par ce moyen à la durée
vitale des autres parties. » Ailleurs (p. 963) : «Les animaux,
au dire des anciens, consomment d'autant plus d'aliments
qu'ils possèdent plus de calorique. Cette énergie si remarquable
chez ces animaux est le fait de la chaleur. i>
Au chapitre de la pathologie générale (t. IV, p. 63), par-
lant des actes conservateurs de la nature, il dit que l'art doit
les favoriser, et ii ajoute : ^Les fièvres nous fournissent, du
reste, un exemple plus évident encore de ces sortes de phé-
nomènes. Qu'il nous suffise ici de dire que la négligence et
l'ignorance de la question ont rendu très-difficile, pour les
anciens, nulle, confuse et mensongère, pour les modernes,
la connaissance de la vraie pathologie des fièvres, c'est-à-dire
l'exacte appréciation de l'utilité et de la nécessité même d'un
mouvement vital acquérant une plus grande intensité, pour
conserver saines les parties vivantes par l'élimination régulière
et opportune des matières corruptrices et corrompues.
«Néanmoins ces actes vitaux si salutaires ne peuvent s'ac-
complir sans qu'il en résulte un double phénomène désa-
gréable provenant de la chaleur, de la coloration, de la tension
des parties . , . n
Au chapitre de F inflammation (t. IV, p. 3i5), Stahl décrit
la stase sanguine, qui n'est, dit-il, que la première cause ma-
térielle de l'inflammation, «attendu qu'il peut y avoir une
grande chaleur, de l'ardeur mémo dans une partie, sans que
cela constitue une stase ni un état inflammatoire. "
Plus loin Stahl explique le malaise et le défaut de transpi-
ration des- fiévreux par un état de resserretiient ou de tonicité
de la peau, sorte de constriction (constipation, disent d'autres
auteurs). Sa définition de la fièvre est large; le phénomène
* Iraîe théorie tnetlicaUf I. III, p. 66, traduction de Bloodiii.
STAHL. 131
de la chaleur n*y occupe qu'une place étroite , voici cette dé- .
(ioition (t. IV, p. à lia): «(La fièvre consiste dans une altéra-
lion remarquable et assez uniforme du mouvement du sang,
eoostamment accompagnée de sensations alternatives de cha-
leur, de froid, et d'atonie ou impuissance d'exécuter librement
les mouvements volontaires. A ces signes pathognomoniques
viennent se joindre ordinairement des perturbations sensibles
et manifestes dans l'appétit, la coction et la digestion paisible
des aliments, dans l'excrétion des matières inutiles, dans la
rétention des substances utiles au corps et leur assimilation
enfin, c'est-à-dire dans le phénomène général de la nutrition.
Ajoutez à cela de notables dérangements aussi manifestes que
sensibles dans les excrétions de la seconde comme de la troi-
sième digestion , c'est-à-dire dans la transpiration et l'éjection
de l'urine. En même temps il existe une véritable torpeur dans
les fonctions animales, tandis que la sensibilité universelle a
acquis plus d'activité, et même une intensité insoKte, tant au
point de vue général des sensations ordinaires , qu'au point de
vue spécial d'un sommeil paisible. »
La théorie de l'utilité de la fièvre est exposée très-correc-
tement par Stahl en ces termes (t. IV, p. âSi ) : c^Il faut sé-
rieusement examiner quels sont les symptômes inutiles, fâ-
cheux et passifs qui dépendent de la funeste efficacité de la
maladie, et quels sont ceux qui, bien qu'inévitablement im-
portuns, accompagnent d'une manière inséparable et néces-
saire certaines actions vitales, utiles, indispensables, qui se
traduisent avec plus d'intensité par des excrétions et des sé-
crétions. . • De cette importante considération ressortira enfin
la méthode même que le médecin doit suivre dans le traite-
ment des fièvres. Il verra combien il serait désavantageux de com-
battre par des tentatives téméraires les salutaires efforts et tes mou-
vements généreux de la nature, de les affaiblir par des moyens
inopportuns, ou même de les négliger sous un prétexte quel-
conque; il comprendra combien il est utile, au contraire, et à
9-
132 CHAPITRE l". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
.tous égards, de suivre sans réserve, à l'exclusion des autres
modes de traitement, la méthode naturelle qui lui est indi-
quée par cette observation souverainement importante, et
qu'on ne devrait jamais oublier, savoir: que cett fnréeisiment à
l'aide des assauts fébriles, ainsi que des effets légitimes et propor-
tionnés de l'attaque, que les hommes sont intégralement délivrés des
Jièvres, par lu puissance spontanée de la nature, en dehors de tout
concours de la médecine et sans l'intervention taucun moyen ar^fi"
cieLn
Et cela ne suffit pas à Stahl, il revient souvent sur le
même sujet et termine ce chapitre ainsi : «(Sans doute cW
bien parler que dire que, pour chasser et expulser au dehors
les matières fébriles, leurs effets et leurs funestes propriétés,
le meilleur et Tunique moyen consiste dans une habile pro-
vocation , dans une administration régulière des sécrétions et
excrétions naturelles. Mais (t. IV, p. &68) qui pourra obtenir
une exécution normale et légitime de ces fonctions vitales? Les fièvres
elles-mêmes, seules; les fièvres toujours constantes avec elles-^mémes,
à condition que des causes accidentelles ne viendront pas pervertir,
troubler et arrêter leur cours régulier, » Nous recommandons ce
dernier point à l'appréciation de ceux qui sont k m^me de le
comprendre.
Ceux-là seront toujours rares en tout temps, ce seront les
stoiques, les gens de sang-froid dont le scepticisme repose sur
des bases scientifiques. La tourbe médicale se ruera toujours
vers les remèdes. L'auteur du traité satirique de i'expectation
ne sera compris que du petit nombre, et Fera plus loué pour
ses défauts, pour ses écarts d'imagination, pour son ani-
misme, que pour les arrêts sévères et peu consolants que lui
a dictés la froide raison.
FRÉDÉRIC HOFFMANN.
133
FRÉDÉRIC HOFFMAINN'.
(École allemande, 60 du xtu' siècle, 1660- 17&S.)
Dans sa philosophie du corps humain vivant et sain, sorte
d'exposé physiologique qui sert d'introduction aux ouvrages
médicaux^ Hoffmann, très-complet sur tous les points, ne con-
sacre pas de chapitre au calorique. Cependant , à l'article De
sanguinis circulo per pulmones et respirationis usu^^ se trouve
ce court paragraphe suivi de son commentaire : te La chaleur
du corps provient de celle du sang, et celle-ci résulte d'une
agitation violente des parties intérieures, surtout des sulfu-
reuses, par quoi Ton connaît que la respiration et le mouve-
ment du sang dans les poumons ne refroidissent pas le sang,
mais plutôt accroissent sa chaleur. Nous voyons que les animaux
les plus chauds et qui ont beaucoup de sang chaud dans les
veines sont pourvus de poumons; les plus froids, au contraire,
comme les poissons , en sont dépourvus. . . d'ailleurs , plus la
respiration est accélérée, comme quand on élève la voix et
qu'on parle longtemps, plus le corps s'échauffe. • • »
Au chapitre de la nature du sang^^ Hoffmann dit que «tla
chaleur n'est autre chose que le mouvement des parties sulfu-
reuses du sang, d'où vient que, si le sang circule avec plus de
' Ne eo 1660 i Halle, mort en
1 7^9. Appartenait à une famille de mé-
decins célèbres et ricb^s. Étudie à léna ,
à Erfartfa , mais principalement la chi-
mie. Le roi de Prusse lui fait fonder
VOwiwminié de Halle, où Hoflmano ap-
pelle Stahl. Comte du palais, conseiller
antique, preoiier médecin du nâ , a pro-
ftm* pemdoAt 5s ans toute la médecine,
la chimie, b physiologie , la philosophie,
b Ihërapeutique. Encyclopédiste comme
Galien, Hoffmann, le grand homme du
Brandebourg, fut chimiste, phynrion,
botaniste; ses ouvrages forment toute
une bibliothèque (grande édition in-A*
en 6 vol. et 3 vol. de supplément. Ge-
nève, 1761). Gomme tous les grands
médecins de ce temps, il fut très-versé
dans les sciences naturelles. C^est un
homme d'une érudition colossale, mais
il n'est p<u <n^ginaL
* Friderici Hoffmanni Opéra amnia,
Genève, mikmxti , lib. I , sect. 1 , cap. tu ,
S 93, 1 1, p. A6.
' De sanguine kumano e^usque naiura,
lib. I , sect. I , cap. « S i3, 1. 1, p. 38.
i;U CHAIMTUE r. — LA CHALKUR F/f LA FIKVRK.
rapidité, comme dans la fièvre, ou a|)rès un violent exercice,
ou après (pron a absorbé des spiritueux, la chaleur alors do
\ient |)lus grande. ^
Ij'elTel est ici pris |)our la cause; du moins nous enseignons
que la circulation est fonction de la température. Hoffmann
ne s'élève pns au-dessus du mécanicisme de son époque, 11
ajoute : Omnut qiiœ cnruliifu san<i'ulni.t potefiler anirenl,ea quoque
cfflorem intcudunt : et fjuœcunqne ejus motuw retardant, tllum
wlnuuntK - Calor tewperntus ad vltamae mnitatem tuendam valde
es! neressarins - .
' Il faut convenir que, si Hofl'nuuin n'a point connu la valeur
de la ihermométrie (il est venu trop toi), il a du moins en-
seigné combien la classification du pouls en tant d'espèces
dilFérentes était chose ridicule el contraire aux principes de
la mécanique. Ses critiques s'adressent à Galien et à ses înii-
(ateurs^.
Il va sans dire que, dans ses principes de thérapeutique , Hoff-
mann conseille la saignée dans les maladies aiguës et dans les
lièvres éru])tives.
La sage, concise et excellente définition de la fièvre telle
que les anciens la transmettair'ut aux générations nouvelles,
t\ savoir que la fièvre est un malaise avec faiblesse, augmenta-
tion de la chaleur el accélération du pouls, ne suffit pas à l'es-
|)rit mécanicien (rHofimaïui: il déclare ([ue de toutes les défi-
nitions pas une ne l'a satisfait, et il en donne une de sa façon.
en ces termes * : Spasmodica nmrersi sij.stematis nervost et vascu-
losi ajjfertio y juncUi eu m omnnnn la corpore funrtionum lœswne,
nrla a eausa nerroans parles ad niteuswrem contractiouem irritante,
' Liber I , secl. i, riip, i\, > i^j. [h ^ De rnfwnnlipnlnuum ejrplicnUovr H
circuli xaniiniiiix ad rouKfrvnhonnm cor- judicin in morhi» vecU* e.r iisdem J'or-
pnn'ft usu . (. I, p. .")!. inniido, secl. 1, cap. XII, I. I, p. 36''î.
- IjIxt l.serî.i. cap. i\, S i(). /)p * Dt'fohrimnnatuvfi in frenere^cap. i ^
rirriili fimifrnitiig ad (nnsin'vtihonfm rny- S 3. L II. p. ().
intrifi f 11(11 , I. L j>. .') I .
FRÉDÉRIC HOFFMANN. 135
ila qmdem ut, accedmie ipêa,Jluida vitalia primum ad inieriora,
cor et majora vasa ab externe amhitu agantur, et postea, aucta cor-
du et arteriarum systole, celeriter cwn œstu per sirictiora vasa iie-
rmn extrorsum pellantur, donec spasmo laxato excreùones succédant
eifehris desinat.
Voilà une phrase longue, mais équivalant à une profession
de foi; c'est tout un système, un Credo. Hoffmann appartient
à la catégorie des hommes de foi, qui expliquent tout, se fient
à un système mécanique, et dont la confiance en eui-mémes
est inébranlable. L'aurore du xviii* siècle était pleine d'espé-
rances, et l'on y escomptait l'avenir. Le présent n'a pas tefau
toutes ces promesses : nous sommes à une époque de mé-
fiance. Voilé pourquoi la phrase d'Hoffmann nous parait trop
longue et trop prétentieuse; elle ne produisait peut-être pas
cet effet aux hommes de son temps. Du reste la théorie qui y
est contenue était couramment enseignée dans les écoles et
ne rencontrait guère de contradicteurs. On voit que la chaleur
occupe dans cette théorie une place tout à fait infime.
Le fond de cette théorie de la fièvre , c'est le spasme {natura
calenata)^ le frisson [horror, rigor, frigus)^ le pouls petit et
serré, puis la délivrance par la dilatation des vaisseaux et la
diffusion à la peau, etc. Le premier mouvement est centripète,
le second est centrifuge. Hoffmann en prend occasion de dire
que ïineffabilis^ divina providentia merito celebranda, quœ cor-
ports nostri machinam animalem tam sapienter potentiis et faculta-
tibus instruxit motricibus, ut ipse morbus, qui, etc., ad expugnan-
dam ipsam suam causam suique curationem sœpissime vergat et
vergers possit. Ce qui suit est absolument caractéristique de la
doctrine: si la nature est si bienveillante, ne nous mêlons de
rien, de peur de la déranger : Atque adeo quum ipsa natura sii
optima morborum. etiam ipsius febris, medicatrix, pemiciosum
omnino est moUmen fébriles in salutem tendentes motus imprudenUr
' fWlegomiiia , Md i , S 9 , t. IJ , p. lo.
136 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
medicina suspendere, supprimere, aut plane lollere t'tlle, secutidan-
dum potins mUurœ saluhernmum opus, quodper auciiorein progrès
sivum humorum motum, ad correctionem et resolutionem materiœ
vwrhijlcœ ipsinsgue tandem excretwnem dirigitur. Les moyens
conseillés par Hoffmann sont, en consécjuence, les diluants,
les humectants, les tempérants, les apéritifs, les fortifiants et les
évacuants... C'est une méJecine prudente, et c'est encore
celle de la plupart des médecins de notre époque, où le scep-
ticisme est grand.
Hoffmann, à la vérité, reconnaît les vertus de Teau froide
en boisson dans les maladies, mais c'est en érudit quH parle
j)lus qu'en praticien. Dans son livre De rationalis therapiœ fun-
damentis, de aqua' frigidœ potu salutari^^ il reconnaît, avec Hip-
pocrate, que, dans les maladies qui naissent d'une qualité in-
tempérée des humeurs, il faut rétablir l'équilibre, et qu'alors
parfois il faut traiter par les contraires. Si le sang et les hu-
meurs sont en excès, il faut corriger cet excès par les con-
traires, la faim, les émissions sanguines et les évacuants. Si
les sucs louables font défaut, il faut employer les aliments et
les substances qui refont le sang et les humeurs. Une chaleur
excessive demande des réfrigérants, et Hoffmann cite Hippo-
crîlte : calidœ naturœ refrigeratio confort, aquœ pot us et quies;
Galien, qui, dans les (ièvros trop chaudes, conseille de donner
à satiété de l'eau très-froide; Celse et Primerose (De vulg. er-
ror.)\ Alpinus, etc.
Il parle enfin de sa propre expérience, et cite parmi les
fièvres dans lesquelles il a éprouvé les effets salutaires des
boissons froides, les fièvres ])ilieuses ardentes, la synoque bi-
lieuse, la synoque catarrhale, la tierce continue et doublée,
011 les boissons froides favorisent la réaction sudorale. H ad-
met aussi l'utilité des boissons froides dans certaines fièvres
éruptives, dans la dyssentorie (d'après Diemerbroeck), et
I
SpcI. Il, cap. \i, Dv aquœ fri^rnliP potu gnlutari A. I, p. 'i6().
BOERHAAVE. 137
dans diverses maladies apyrétiques. Hoffmann cite encore le
livre de Smith : De virtutibus medictnaUbus aquœ communis (édite
en anglais et traduit en français).
En résumé, Timmense encyclopédie médicale, chimique,
physique, physiologique, philosophique, d'Hoffmann, ne con-
tient que quelques rares passages relatifs à la chaleur, et, au
milieu de tant d'aperçus scientifiques, la place de ce phéno-
mène est à peine indiquée.
Pour étudier cette question , et apprécier l'importance des
pesées dans les différents états physiologiques et pathologiques,
il faut lire Jean de Gorter.
BOERHAAVE\
(Le plus iiluslre membre de la belle école hollandaise, précurseur
de Técole de Vienne. — xviii* siècle, 1668-1738.)
Boerhaave a connu l'usage clinique du thermomètre. Un
auteur moderne, Wunderlich^, ne lui accorde pourtant qu'une
petite place dans l'histoire de la thermoscopie clinique. Nous
verrons en effet que c'est surtout dans les mpdifications de la
circulation qu'il cherche la connaissance de la fièvre, mais il
' Né près de Leyde en HoUande, eo botanique et de médecine. II eut un
1 668 « mort en 1 738 , était le ûis d'un grand succès et réunit un grand nombre
miniatre protestant; il étudia le grec, d^élèves. Il publia les ituMutûmi et les
le latin, la métaphysique, Thébreu, et aphori9me». En 1718 il devient en plus
était destiné à Télat ecclésiastique, professeur de chimie. (Il anail trois chai-
Également instruit dans les sciences res.) Il fut le plus grand et le plus cul-
malhématiques, il enseigne ces scion- tivé des professeurs de l'Europe. Il re-
res et lei lettres. 11 réfute les erreurs çut les visites d'un grand nombre de
d*Épicure,deHobbes,deSpinoiia,etc.; souverains, il mourut en 1738 laissant
étudie la médecine à sa ans, est reçu un grand nombre d'ouvrages, et surtout
dodeor à a 5 . On Paccusc d'athéisme , il ayant été un m Atra 1 vénéré de ses élèves.
renonce à Tétat ecclésiastique. En 1 701 , * Wunderlich , Hùtairê et bildiogra-
k 33 ans, il est professeur adjoint à phMêde$ob$ervatûmêtherinométriquêêmé'
Leyde; en 1 709 il devient professeur de dieale$.
138
CIIAPITIU- 1. — LA CUALKUR ET LA FIEVRK.
ajoute dans son 6'ji^ aphorisme^ : Calor febrilts thermoscopin
ext^rnns, sensu œgvi , et rubore vrwœ internus cognoscittir,
La définition que Boerhaave donne de la fièvre est excel-
lente (aplîor. 563) : -Dans toute fièvre due à des causes
internes, au début, il y a horripilation, pouls rapide et cha-
leur, à divers moments et à divers degrés.?? Ces trois symp-
tômes forment en effet la triade fébrile (a|)hor. 564): in {jim
fehre liœc tria decurruut. etc.
A la vérité Boerliaave se fie plus au pouls qu'à aucun autre
signe, et il ne fait en cela que suivre la tradition galénique re-
nouvelée par Harvey, il admet donc la triade, mais le pouls seul
lui paraît im guide sûr (570) : quœ quidem in omnifebre adsunt,
sed sola velocitas puisus adest ex liis omnijebns tempore, ah initia
ad finem, eaque sola medicus prœsentem Jehnm judicat.^ C'était
alors l'opinion régnante, elle Test encore aujourd'hui; elle
re[)résenle. dans les termes rapportés par Boerhaavc, l'exacte
vérité, et dans l'aphorisme suivant (07 1) : Adeoque quidquid de
febresic novit medicus, id vero omne velocdate pulsuum sola cognos-
citur, (]ela n'empêche pas que Boerhaave insiste sur la chaleur
(ôyg): in omni Jebre, lus prai^ressis, oritur calor, major, minar/
brevis, diuturnus, internus, extern us, vel loci, pro varietfUe fehrix.
^ Pour Boerhaave el Van Swieten los
indications bihlioijrapliiques renvoient à
rédition : Gerardi \un Swieten, Com-
tneutarn in Hermanm Boerhaavp aplwris-
nios, on 5 volumes, Parisiis apiid (juil-
leluium Cavelier mdcciai.
- I.a trndïlion avait, du reste, con-
servé pnViiiisement le précepte formiiM
par Galienjes médecins tàtaient la peau
dos malades et en reconnaissaient la
chaleur. Un siècle et demi avant Boer-
haave, un médecin polonais, Slruthl'ts
{ Àr$ iphygmica y livre 11, chap. \,
i5/i(»), après avoir énuméré loiilos les
qualités classiques i\\\ pouls, ajoutait
que le lacl curuhirit plm ad jfcrnpwn-
dam corporis caliditatetn , tangere arUia <
œiivoliy dortum, thoracpin, hypochimdria,
volax manu» et plantas pedutn.
Et plus[^tard Bordeu, vingt ans après
la mort de Boerhaave, dans ses re-
cherches sur le pouls, 1756, D'en sait
pas plus que Strulhius, la Iradition
s'est affaiblie : rOn découvrira liieD des
choses, dit-il, au sujet du rapport de la
chaleur ou du' froid de ces extrémités
avec les différents états de la maladie:
il y a des médecins qui croient, en cer-
tain cas,' devoir tàter les pieds de leurs
malades; on en a vu qui jugaient les
maladies des entants presque par ]t*
seul tact lies pieds. '^
BOERHAAVE. 139
il constate que cette chaleur accompagne toute fièvre, mais
comme effet, non comme cause ou essence de la fièvre, et,
comme tous ses contemporains et devanciers, il voit la cura-
tion dans Texcrétion de la matertes mali, par les sueurs^ la diar-
rhée, les urines, etc.; il tient pour les boisMns cluiudet,
Dans son G'jlV aphorisme, Boerhaave donne le thermo-
mètre et la rougeur des urines comme les moyens de juger de
la chaleur fébrile. Il est à remarquer que Boerhaave a préci-
sément dit ce qu'il y avait à dire sur la chaleur fébrile, et cela
avec une telle rigueur, qu'aujourd'hui Ton ne dit pas autre-
ment. Le thermomètre est cité d'abord , et il n'est point ques-
tion du tact, le tact est trompeur, le thermomètre seul dit la
vérité; puis la sensation du malade vient après; enfin l'urine,
dît-il, fait connaître la chaleur intérieure. En effet, ne me-
sure-t-on pas les calories émises par les produits de combus-
tion que renferme l'urine? Il est vrai que Boerhaave parle de
la chaleur externe et de la chaleur interne comme s'il en exis-
tait de deux ordres, et qu'il croit aux chaleurs locales : eemper
requirit majorem ignis copiam in iUo loco quem plus calefaeit (67 a).
(lette erreur devait plus tard être réfutée [>ar Hunter. Van
Swieten développera l'aphorisme 678 et donnera la descrip-
tion des thermoicopia ou thermomètres, en indiquant sa pré-
dilection pour l'instrument de Fahrenheit ^ Ainsi il est dé-
montré que l'usage du thermomètre a été reconnu utile et
préconisé dans les leçons publiques au commencement du xvm'
siècle, mais on était bien loinde connaître encore toute la va-
leur et de l'instrument et du phénomène auquel il s'appli-
quait. Boerhaave ne sait rien des causes de la chaleur, que ce
que l'on savait de son temps : le mouvement, les frottements,
les résistances, etc. Boerhaave explique la chaleur par le
choc et le frottement des parties liquides entre elles et contre
I Falirenheik,néà Danlzig(i685), Ihermomètre centigrade et le a 19* au
inventa on thennomètre i.mercure dont 1 00* centigrade : quaUa hodiê yvXehtr-
le 3a' degré oofreapoiid au xéro da rima, dit Van Swielen.
lâO CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
les parois des vaisseaux; il raiiribue à la résistance de ceux-ci ,
k la violence des mouvements du cœur, à la densité du liquide
sanguin» d'où viennent la dureté du pouls, sa fréquence et
son ampleur. Boerhaave professe simplement les idées méca-
niques de son temps. Il croit aussi, malgré les travaux de Van
Helmont, que Ton peut juger de la densité du sang ipso cm--
spectu extrarasati. L*étroile$se (^angustia) des vaisseaux se recon-
naît, dit-il, à la vue, au* toucher, quand la chaleur est sèche,
et que, la circulation ne paraissant pas très*active , la tempé-
rature est très -accrue (683). Il ne reconnaît pas d'autres
causes spécifiques de la chaleur, dont il décrit ainsi les effets
(aph. 68g) : Cahr auetus liquidiêsima dissipât ex nostro cruore,
ii est aquam spiritus, sales, oUa subtilissima; reliquam massam
siccat, densat, cmcrescere cogit immeabikm, irresolubilem mate-
riem; sales oleaque expedit, atténuât, acriora reddit, exhalât,
movet; hinc minima vasa atterit, rumpit;Jtbras siccat, rigidas cm--
tractasque reddit; hinc suhito multos, xeleres, pericuhsos, kUudes
morbos producit, qui a priori facile deduci possunt.
Boerhaave explique le mécanisme intérieur et, pour ainsi
dire, moléculaire des échanges intimes, et, s'il est permis de
critiquer un aussi grand savant , on peut dire qu'il s'est laissé
entraînera un écari d*imagi nation. «lOn peut, dit-il, d'après
cela, comprendre combien de remèdes variés doivent être em--
ployés pour mitiger la chaleur (690), i> et il les indique dans
les aphorismes suivants avec la sûreté de conscience d'un logi-
cien qui croit h la puissance du raisonnement a priori dans
les sciences d'observation. Aussi a-t-il facilement réponse à
tout : c( Si la vitesse seule fait l'augmentation de la chaleur, il
faut employer tout ce qui la ralentit: repos d'esprit et decorps,
émission sanguine, légère et courte compression des veines des
membres, application modérée des substances froides intuset
extra; SX c'est la densité, boire de l'eau, de l'oxymel, ce qui re-
lâche les vaisseaux; si c'est la pléthore, donnez les évacuants,
les acides; s'il y a obstruction, etc., etc., les laitatifs. r> Les expli-
JEAN DE GORTER. 14t
cations et les préceptes de Boerhaave sont au-dessous de ses
observations; on sent, en le lisant, que la physique n'est pas
encore venue au secours de la médecine. L'idée de la chaleur,
cause unique, ennemi unique, objectif principal, n'apparatt
pas encore.
JEAN DE GORTER\
(Émaie et imitaleur de Sanclorius, xvin* siècle, 1689-1769.)
Jean de Gorter revient, à chaque ligne de ses ouvrages, sur
les causes, la nature et les effets de la chaleur^. Dans son cha-
pitre De aucta perspiratione , il reconnaît quatre causes à l'élé-
vation de la chaleur', ut corpus humanum magis incalescat, una
nel plurtê liarum requiruntur causœ: i" carporaaetu ealida carpari
humano iq^pUcata vel tngesta; â" cakjacientia $ua natura eodem
modo aihibitn; 3* ealor naturalis per se, aut actiombus corporis
suscitatus; â* quœ refrigerium corpori calescentiadimunt,calorem'~
que semel suscttatum quasi insuofovent sinu.
Le mode par lequel se perd la chaleur le préoccupe plus en-
core que les moyens par lesquels elle augmente. Pour lui,
c'est la perspîration qui règle la chaleur en expulsant la ma-
tière morbifique^ : Si déficit natura ad expellendam materiam re-
lentam insensibiliter, adjuvetur calidis extemis applicatis, ut colore
oeris, balneorum, finnentorum, stragulorum vestiumve cooper-
tione, lavacris calidis. Quando et quomodo his utendutn, descripsi-
* Nd en 1 689 , eo Hollande, A Enck-
bu^fien. Élève de runiversité de Hâriem ,
puis de Boerbmve (I.eyde); se pas-
nonne pour Borelli et Sanctorius; fait
conatraire un fauteuil balance et publie
son Trailê de la penpinttton nuensAU:
profeaaenrèHarderwick, pui» à Saint-
PéCiwsboui^, médecin de Catherine.
Nombreux ouvrages: analomie, pby-
ie, botanique, pathologie géné-
rale, et chirurgie, eneyclop^dittê de 1 ao
ans postérieur à Sanctorius.
* Johannes de Gorter, De pereptra-
tiene ùueneilnH, avec commentaires sur
les aphorismes de Sanctorius. Editio
altéra. Liigdnni Batavoram apod Jans-
soniosVander Aa, 1736.
' De aueia perepiraiùmê, cap. un,
S 1 9 , p. 1 69.
^ Gap. zii, S 53, p. lào.
Iâ3 CHAPITRE r. — LA CHALECR ET LA FIÈVRE.
«lis ni taluhri penpiratione. Jean de Gorter termine en décri-
Tant Kinflnence de la perspiration sensible et des sueurs.
Cest ta perspiraûon qui rend les chaleurs de Tété tolé-
râbles ' : Recte perspiraniibmi calar œtiitus nom est mo/etltw. Quand
la perspiration est insuffisante, minuia pen/nratio, calor œ$Utms
kuic corpori raUe molestus,
Jean de Gorter critique : ommet, jnrœprimis mdoeti perperam
ratiodnantur^^ qui pensent que, pendant Véié^ nous nous
échauffons par le vêtement en empruntant la chaleur à Tertë*
rieur. Le thermomètre démontre pourtant que notre corps est
plus chaud que Tair. Si nous brûlons, dit-il, c'est que ces vête-
ments empêchent la perspiration.
Les applications froides augmentent la chaleur ^ : uUimo amnes
ùiducaiim mnt causœ^ quœ insensibilis penpiriÊtiomi impediunt
exhalatitmem : ni autummuê, aerjrigidms, lataera firigiJa, aer eroê-
sm$, kumidus, amosus, translaiio eorporu ex calido wjrigiium.
Plus loin , il explique comment le froid augmente mtÛub eo-
pwm^.
Ces passages suffisent k montrer que Jean de Gorter se fai-
sait des rapports qui relient la chaleur, la perspiration, le
poids et les urines, une idée parfaitement exacte. 11 avait
d'ailleurs un esprit précis, ses assertions reposent sur des
preuves , et c'est à l'aide de la balance et du thermomètre qu'il
critique et complète les recherches de Sanctorios.
VAN SWIETE>\
( Eroie de Vienne, TT 111* siècle, 1700-1771.)
Van Swieten fait IVIoge de la chaleur, qui est le moteur
' Cap. u, S ) 8, p. 107. * Cap. iTifS 10, p. 197.
* CMp,xm.De etlort H kmmart tm- ' Né â Lej&B en 1700, inort à
(1^,1 18, p. 71. Vienne en 177a. Cadioliqiie ne en pa|8
' Cap. lif, S ta. IV pomdert etrpo- prolealant; noble, pnovra, panéenlé.
m. p. 16a. Reçut nne éducation pfemière Irèa-ioi-
VAN SWIETEN.
143
universel, t. I. p. 791, Y. Cnhre: r La vie parfaite chez
rbomme, c'est-è-dire la saatë, est accompagnée de chaleur,
€tceUe^e$t égale, répandue dans toutes les parties du corps,
jusqu'aux extrémités . . • Or, non-seulement la chaleur est le
signe de la vie présente, mais encore la vie latente et assou-
pie est réveillée par la chaleur et rendue à l'activité. Les gre-
nouilles sont engourdies par le froid de l'hiver, et, plongées
dans la glace, y demeurent immobiles; si on les place dans
une ëtuve, elles reprennent leur agilité. Le poulet futur, dans
l'œuf, demeure latent et ne croît point, tant qu'il n'est point,
grâce à la chaleur de l'incubation, amené à la vie en acte, et
comme l'ont montré les expériences immortelles de l'ingénieux
R^iuifUR, on peut à volonté exciter, déprimer, prolonger, rac-
courcir la vie des insectes, suivant qu'on les expose à une cha-
leur haute ou basse. Déjà les anciens semblent avoir connu
cette admirable propriété du feu et de la chaleur, par qui tout
gnée, en HuéraUire et en philosophie;
trèt-Uboneax,A 16 ans tombe malade
probablement par excès de travail, re-
çoit les conseils de Boerhaave, qui lui
ordonne les armes, la rousiqae, et de
faire en se coachani quelque lecture
plaisante (Théâtre italien de Gherardi).
Reçu docteur en 1796, reste encore
onxe ans Pélève de Boerhaave, qui fut
pour loi un maître, un dieu; fait des
leçons , défendues par la municipalité,
parce qiril est catholique. L'impéra-
trice Marie-Tbéràsed* Autriche cherchait
i ranimer dans ses États Tétude des
sciences et des arts que les guerres et
les malheurs publics avaient plongés dans
rindolence. Elle le plaça, en 17^5, i
Vienne , A la tète de toutes les études des
troia royaumes, de la bibliothèque; il
devint premier médecin de la cour, ba-
ron de Tempire et surtout professeur
éoiincnt, fit des leçons auxquelles il at-
tira les étraogera. Il créa une écolo de
sagea-femmes 01^ Ton professa en langue
vulgaire, fonda une chaire de dinique
dé démonstration ou Ut du malade, 11 n*y
avait ni arophithéAtre d^anatonie, ni
laboratoire de chimie, ni jardin des
plantes avec démonstration , ni musée.
11 créa tout cela ( fut ainsi pitts heureux
que nous en 187Â), força le préjugé
populaire contraire aui dissections,
abaissa les droits d'étude. Il 6tun palais
de Tuniversité ou \e» professeurs de
toute espèce sont logés et bien appoin-
tés. 11 fonda une grande bibliothèque
commode et hospitalière, ouverte en
tout temps. Son exemple montre com-
ment on fonde une grande école. Mo-
deste, il fit un ouvrage énorme, véri-
table encyclopédie médicale, intitule
simplement : Commtntaria m Hermanmi
Boerhaave aphorûmoi de cognoecendi* et
eurandiê morbie.
làà CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
est animé dans la nature. Plutargue nous apprend que le sage
roi Numa voulait qu'on adorât le feu comme le principe de Umte
chose. (Plutarque, Camille, t. I, p. 139.) Car, dit cet auteur:
mobilissimuê enin in tuUura ignis est. Motus autem est, aut cum
motu ejus generatio. Aliœ vero materiœ partes colore iesùMœ, tor^
pidœ jacenles et mortuis similes, desiderant ignis vim, velut anf-
mam : quœ simulac accessit, conferunt seadagenium aiiquid auJt pet*
tiendum» «On voit donc, ajoute Van Swieten, combien on peut
attendre de la chaleur extérieure, pour mettre en mouvement
les liquides stagnants. 9
Cette citation de l'antiquité, empruntée à Plutarque, fait
que l'on pense malgré soi à la théorie mécanique de la chaleur
et à la conservation de la force, choses qui nous semblent si
absolument modernes.
Causes de la chaleur du corps. — Au t. H, aph. 67 5, p. fà&h et
suiv.9 Van Swieten passe en revue les différentes théories an-
ciennes et celles de son temps. Il y a, dit-il, dans les corps pi-
vants quelque chose qui n existe pas dans les inertes et qui en^nâre
la chaleur. Il est certain que le mouvement des liquides (circu-
lation) coïncide avec la chaleur, s'accrott comme elle, et dis-
paraît avec elle. Il semble donc que ce mouvement soit la
cause de la chaleur^ Van Swieten convient que les anciens ont
considéré l'origine de la chaleur comme très-obscure et presque
.divine, ainsi Hippocrate dit : Quod calidum vocamus, tdmihiet
immortale esse videtur, et cuncta intelhgere et videre et audire, et
scire omnia, tum prœsentia, tum futur a^. Galien niait que la
chaleur fût produite en nous par le frottement^ : non enim ex
attritu arteriarum spiritus cahr in anmantium corporibus gène-
ratur, sicuti in lapidibus et lignis, sed contra ab innato cakre
mo^tt« tjpaorum ^un(. Cependant , ailleurs (Lt6e//. adv. Lycum,
* Nouf nvons aajounl*hoi que c^est ' Ub. de earmbu», cap. i. Charter,
rinrene , et que , dans le corps des ani- T. V, p. dos.
maui comme dans la machine à vapeur, * De Hifpocrate et Piakm. pkeiL
c*esl la chaleur qui Tait le mouvement, lib. VIII, cap. tu, iM. p. aàa.
VAN SWIETEN. \àb
cap. Il), il avoue que cette question est controversée parmi les
médecins. On peut interpréter le passage suivant de Galien
comme favorable à l'hypothèse du frottement: Utrum autem ts
(calor) ex cardis et arterianm motu ortum liabeat.
La preuve de la chaleur développée par le frottement des
corps solides, dit Van Swieten, est donnée expérimentale-
ment, et il renvoie aux Hénents dechimie de Boerhaave [De
igM); mais il n'en est pas de même pour les liquides, où l'on
ne voit se développer par ce moyen qu'une bien faible chaleur.
Aussi quelques célèbres médecins ont-ils essayé de démontrer
que le frottement ne causait pas la chaleur du^sang. Ainsi
Schelhammer [De genuina febres curandi meihodo , sect. ii, S 33,
p. 91 ) dit que tout, dans la nature, proteste contre cette doc-
trine. Mouvez, dit-il , et choquez tous les liquides quelconques,
soulevez des flots nuit et jour dans un vase, que la mer se
soulève en bouillonnant, que les fleuves les plus rapides se
ruent pendant des siècles contre les rochers, ils ne s'échaufic-
ront pas pour cela. Ne voit-on pas par là qu'il y a autre chose
^ns la chaleur du sang que le mouvement, en admettant
même que le mouvement contribue un peu à cette chaleur?
Van Swieten répond à cela que les liquides ne s'échauffent
pas par le frottement à moins d'être élastiques; et, tirant
partie des découvertes de Leeuwenhoeck relatives aux glo-
bules du sang qui sont des corps doués d'élasticité, il rappelle
aussi, d'après Boerhaave, que les corps conservent d'autant
mieux la chaleur qu'ils se rapprochent davantage de la forme
sphérique (globules du sang). D'ailleurs, dit-il, quand le sang
ê'^qfpauvrit de globukê [chloTOSBy anémie), la chaleur diminue.
En somme Van Swieten demeure fidèle à la théorie du frot-
tement et l'applique à la fièvre sans hésitation. Son parti pris
de tout expliquer, et d'approuver aveuglément ce qu'a dit
Boerhaave, le conduit à paraphraser simplement les versets de
son mattre ; on apprécie , dit-il , la puissance du mouvement
fébrile du cœur par la densité du liquide et la fréquence du
10
IA6 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
pouls . . , et là se place cette erreur si tenace et qui régnait en-
core en maîtresse dans les écoles au début de nos études, à
savoir que le caillot, k couenne du sang, signifient densité de
ce liquide, inflammation, etc., erreur que Van Helmont avait
pourtant réfutée aved tant d*esprit. Il semblait qu'après les
travaux chimiques et les démonstrations saisissantes de ce grand
homme, il ne dût plus jamais être question de cette grossière
aberration. Van Swieten avait lu et étudié les livres de Van
Helmont, mais il en redoutait Tesprit caustique, et il semble
qu'il n'ait point approuvé les sarcasmes contre les médecins,
qui y sont distribués de main de mattre • • . .
Après avoir rapporté les expériences de Réaumur sur la pro-
duction artificielle du froid , Van Swieten ajoute : « Ces proprié-
tés du froid nous amènent à comprendre mieux ce qui se pro-
duit quand le corps humain est exposé è un froid rigoureux.
Notre chaleur, à Yitat de santé, mime au fart de Véti le fdus chaud,
dépaeee ceUe de l'air ambiant ^ ; on comprend , dès lors , qu'il faut
un froid excessif pour que les parties de notre corps soient roi-
dies par le froid. Mais comme, toutes choses égales d'ailleurs,
il y a moins de chaleur aux extrémités, parce que la vitesse
du mouvement du sang diminue en raison de la distance du
cœur, l'effet du froid extérieur se fait sentir surtout aux doigts
des pieds et des mains, au bout du nez et aux oreilles. »
Les limites de la chaleur physiologique, — T. I , De cwnhustione^
p. 767 : <^llya, pour le corps humain a l'état sain» un degré
de chaleur, mesuré au thermomètre, à partir duquel les liquides
et les solides ne reçoivent aucun dommage. Rarement , même
chez les hommes les plus vigoureux, cette chaleur excède le
^&' degré du thermomètre Fahrenheit (35%6. C.) Mais, dès
que la chaleur, dans les maladies, monte au delà du ioo*de-
' Erreur de Van Swieleii qui croit, le milieu ambiant, t. I, Gangrœna,
nvcc les savants de son époque, que p. 785. (Voy. Réaumur, Mém. Ac. des
noire corps ttl toujour$ pluM chaud quo 5c., 1 784 , p. 998.)
VAN SWIETEiN. 147
gré (37%8 C.) le sang et son sérum commencent à être dis-
posés à la coagulation ; si la chaleur monte à i âo® F. (Bo"* G.)
le sang se coagule. Ainsi la chaleur, arrivée à ce degré, change
Tétai de nos liquides. Mais , à la température de l'eau bouil--
lante (ai a® F.), liquides et solides sont détruits. . • n
Van Swielen parle ici des applications extérieures de la
dialeur. L occasion était favorable pour donner le chiffre de
la chaleur physiologique des tissus, et l'extrême limite de la
chaleur du corps dans les maladies; mais ces notions pa-
raissent lui avoir fait défaut.
Cependant (t. I, p. 1B9), expliquant l'action de la chaleur
fébrile sur le sang, Van Swieten donne une théorie qui se rap-
proche de celles qui sont aujourd'hui confirmées, telle que la
théorie des embolies de Virchow, ou seulement proposées,
comme celle de Liebermeister sur l'action de la chaleur fé-
brile comme destructive des actions vitales . , .
Strvm sanguimê JluiiUsimum ab aqua ebuUiente coagulatur in
srinilem masMtn; et in marbis, dum calor insurgit mtdtum tdtra
gradum calons hominis sani, siatim incipit disponi sanguis ad con--
eredonem ; hinc respiratio tune incipii esse diffidlis et anhelosa, et
cerebri aetiones lœduntur, quia per subtilissima Ula vasa, sanguis
jamfere conerescens, transire nequit; aceedit simul, quod per calo-
rem auetwn subtUissima difUntur de corpore.
La question de la chaleur fébrile prend, dès ce moment,
une importance qu'on ne lui reconnaissait pas jusqu'alors.
«Lorsque la chaleur, dans les maladies aiguës fébriles, ac-
compagne une inflammation locale d'une partie du corps, c'est
dans la partie aflectée que l'on trouve la plus grande chaleur,
quelle que soit la chaleur du reste du corps: ainsi, dans la
vraie phrinitide (frénésie), il y a une douleur et une chaleur
très-grande è la tête; dans l'angine inflammatoire, il y a une
très-forte chaleur à la gorge, et ainsi de suite pour les autres
maladies inflammatoires. C'est ainsi qu'Hippocrate , parlant de
la possibilité de découvrir le lieu affecté par le fait même de
10.
148 CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
sa plus grande chaleur, dit [Coac. pripnot. n*" &3) : Quibus Uuus
êublatum m tumorem, ac calidiuê est, et mcUnatis in alterum gra--
vitas altqua impendere mdetur, hic pus ex una parte est. Et ailleurs
il recommande, pour savoir où il faut inciser ou brûler dans
Tempyème, de recouvrir la poitrine du malade, d*un linge
enduit d'une terre rouge, bien passée et imbibée d'eau tiède,
disant que c'est là où la terre se séchera d'abord , qu'il faut
faire l'ouverture.
Ce chapitre renferme des vérités et des erreurs. On sait, en
effet, que jamais une partie du corps quelconque, enflammée
ou non, suppurante ou saine, en quelque état qu'elle soit, ne
possède une température supérieure à la température rectale;
rarement elle atteint la température axillaire.
Il n'est pas moins vrai que les parties de la peau enflammées
sont plus chaudes que les autres parties des téguments [ruior,
calor)^ mais elles ne le sont pas plus que les centres; il n'y a
donc pas , à proprement parler, de foyers de chaleur créés lo-
calement ^
Quant à la nature de la fièvre, sous le rapport de la cha-
leur fébrile. Van Swieten dit, avec Boerhaave (S 58o), que la
chaleur est effet et non cause, qu'elle n'est donc pas l'essence
même de la fièvre, et il rend justice, en ce point, à la théorie
que Van Helmont a exprimée en ces termes ifelms non esi nuJa
eahris tempestas; sed adest occasianalis tntiata materia, ad cvjm
expulsionem Archeus per aecidêns se aeeendit, velut indignalus.
(Tract. De Febre, c. iv, n*XX.)
Frisson fébrile {Jrigus fébrile y t. II, p. «59). — «Le frisson
n'est qu'une sensation que nous éprouvons par la diminution de
chaleur de notre corps. Le frisson ne nous donne point à con-
naître de quelle quantité notre chaleur est diminuée, mais
^ Voir les expériences de Poarfoar et plus grand afflux du Ii<piide chaud,
Dopelit et celles de Claude Bernard sur qui esi le sang; cites sont le point de
la chaleur par dilatation des vaisseaux départ des théories maorootrices.
VAN SWIETEN. 149
seulement qu'elle l'esté Or les thermomètres nous apprennent
que tous les corps ont la chaleur du milieu ambiant, à moins
qu'ils ne soient au contact du feu; mais la chaleur de notre
corps est supérieure à celle de l'airDÙ nous vivons, et, dès que
la cause qui produit en nous de la chaleur vient à cesser ou
è baisser, notre chaleur baisse et retourne à celle du milieu
atmosphérique. Or c'est la sensation de cet abaissement que
nous appelons (nsson (frigus). » Van Swieten explique lon-
guement la cause du frisson fébrile qui serait produit par la
constriction des petits vaisseaux et par une moindre action du
cœur amenant une diminution des frottements : Omnes humo*
res jam sU^fnare incijnuni circa arteriarum extrema, quod cordis
cohtraeiio debeat minui, quia reêistentias in arteriiê mperare, adeo-
que et H intègre evacuare, nequit. • . Ului enimfrigus fit a mitiuio
auriiu liquorum in $e mutuo et ad vaea, etc.
Opinion des anciens sur la fièvre, d'après Van Swieten. — Après
avoir professé que le pouls était le signe le plus constant de la
fièvre , Van Swieten s'exprime ainsi : « Cette simplicité a déplu ,
et l'on trouvait dur d'en être réduit à la seule accélération du
pouls comme signe pathognomonique et toujours fidèle de la
fièvre, d'autant plus que le pouls peut être troublé par une
infinité de causes passagères.
«Aussi Gelse recommandait-il de prendre de grandes pré-
cautions pour s'assurer si le pouls n'était pas influencé par des
causes accessoires.
«Or la chaleur n'offre pas plus de garanties, et, bien que
les anciens l'aient considérée comme l'essence «même de la
fièvre, ils hésitaient à la croire un signe infaillible. Gelse dit :
Altéra res cui credimus, cahr, œquefaUax,
« Pour Galien il y a fièvre quand la chaleur est augmentée
d'une façon assez immodérée pour mettre l'homme mal à
' Van Swieten contredit Iiii-aiéme pins loin cette erreur.
150 CHAPITRE r. — LA CHALKIJH KT LA FIÈVRE.
Taise et rempécher d'a[;Ir; que si ni l'un ni l'autre n'a lieu,
quand même l'homme serait plus chaud qu'avant, il n'y a pas
lieu de dire qu'il ait la (ièvrf\ — Et les médecins fjrers et
arabes qui ont suivi n'ont pas parle autrem(?nt. Avicenne dis-
tingue la chaleur fé!)rile, morbide, de celle qui provient de
la colère ou du mouviMuent musculaire.
«Hippocrate, d'a|)rès Galien , tout en parlant du pouls,
semble n(^ l'avoir pas beaucoup étudié et en avoir méconnu
l'importance et la vraie cause: pourtant Hippocrate décrit
souvent des caractères particuliers (lu pouls, v [Coac, prœnot. de
letharglcormn puisu , in Zollo, in Polycrate, etc.)
De la chaleur du corps dans les maladies et de la thermométrie. —
Au tome II, S 67.3, Van Svvielen développe et complète l'apho-
risme suivant de Boerhaave : Calor febrilis thermoscopio exter-
7ms, sensu œijn et ruhore unnœ mternus cognosatur. Nous tra-
duisons presque intégralement ce chapitre important: t? La cha-
leur est un symptôme si constant dans les fièvres, que Galion
et après lui les médecins les plus célèbres ont pensé que la
chaleur était la Jiêrre même. Chez Thonmiesain il y a une chaleur
d'un degré bien déterminé : la chaleur dite fébrile excède ce
degré, qui est celui de la santé, et cest de cet excéd/int morbide
qu'il s'agit quand on parle de la chaleur fébrile. Nous trai-
tons, dans ce paragraphe, de la manière de reconnaître la
présence de cette chaleur fébrile.
^On reconnaît la chaleur et à la surface du corps, et dans
les cavités profondes pendant la vie, comme chacun sait, et,
toutes choses égales d'ailleurs, elle est toujours plus élevée à
l'intérieur, à cause des pertes que l'air extérieur fait subir à la
surface du corps, parce qu'il est plus froid que nos tissus. On
peut sans doute reconnaître, par le toucher, la chaleur exté-
rieure chez les fébricitants, mois non en ap[)récier, avec une
exactitude suflisanle, l'intensité: attendu (pie le sens du tou-
VAN SWIETEN. 151
cher, en ce qui concerne la chaleur [senms calorie)^ peut varier
chez nous par des causes nombreuses.
ft Par exemple : quand nos mains sont froides, nous trouve-
rons que la main du malade est chaude, alors qu'elle nous
paraîtrait à peine tiède, si nos mains étaient réchauffées par
friction ou autrement. Aussi la mesure la plus exacte de la
chaleur est-elle donnée par Ui thermomètres, aujourd'hui très-
perfectionnés et portatifs, appelés, du nom de leur premier in-
venteur, Fahrenheit; les meilleurs sont ceux qui contiennent
du mercure, lequel est préférable à tout autre liquide. On
commence, avec ce thermomètre, par mesurer la température
d'un homme sain, que Ton marque avec un index fixé à l'ins-
trument; puis, le point étant noté, si l'on fait tenir ce ther^
momètre dans la main du malade fiévreux ou qu'on le lui
introduise dans la bouche, ou qu'on le lui applique sur la
poitrine nue, ou bien dans l'aisselle, pendant une durée de
plusieurs minutes, on jugera, parla hauteur variable oik mon-
tera le vif-argent, de combien la chaleur fébrile dépasse la
chaleur naturelle, c'est-à-dire celle de la santé. Donc on con-
naît ainsi la chaleur de l'extérieur du corps et celle de la
bouche qui a une libre communication avec l'air extérieur;
ces températures sont toujours moins élevées que celles des
parties intérieures du corps. Il arrive parfois que, dans cer-
taines maladies, les parties extérieures du corps sont peu
chaudes, tandis que l'intérieur est brûlant (Hippocrate, fièvre
ardente), et alors le pronostic est très-mauvais. Nous avons
connaissance de cette chaleur d'après la sensation des ma-
lades, qui, dans ces funestes maladies, se plaignent d'habitude
d'une ardeur intolérable, surtout dans les viscères vitaux (vt-
udia viecera ). 7> Suit un chapitre sur les urines chargées chez
les fiévreux , chapitre excellent.
On croirait lire un ouvrage contemporain et fin bon ou-
vrage.
Nous avons donc ici, résumée, toute la pratique thermo-cli-
152 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
nique (le Van Swieten. Nous voyons qu'il consultait la tempé-
rature sur la peau du tronc, dans la main, dans l'aisselle et
dans la bouche, et qu'il supposait des tenjpératures inté-
rieures dont le degré inconnu lui paraissait ne pouvoir être
indi(pu5 exactenjent: il s'en rap|)ortait, sur ce point, aux sensa-
tions dos malades. II ne paraît pas que l'on ait, à cette époque,
introduit le thermomètre dans l'anus ou dans le vagin, ni qu'on
ait su combien la lempéradire de Taissolle s'approchait des
températures centrales.
Valeur (liagiwsùqnc du siffue chaleur. Van Swieten (/)(? mnrh.
vit, aph. 670). — Le pouls accéléré est le signe le plus cons-
tant de la fièvre.
Ici Van Swieten aborde une question qui, depuis, a été fort
étudiée, et dont la solution vraie, trouvée par de Haén, a été
oubliée, puis retrouvée de nos jours: celle du frisson avec
fièvre (du froid avec chaleur).
Il y a, dit-il, de la fièvre au plus fort du frisson de la fièvre
quarte, et, quand un faible vieillard, au milieu de l'hiver, est
suffoqué par une fièvre quarte avant d'avoir pu se réchauf-
fer, tout le monde n'en dit [)as moins qu'il est mort dans le
paroxysme fébrile. Donc il y a de la fièvre, quoique l'on n'ob-
serve pas de chaleur. C'est une sorte de paradoxe que de dire
(^migari videntur) qu'il y a de la chaleur dans le moment du
frisson fébrile, mais elle est latente et on ne peut la percevoir.
C'esl-à-dire que la chaleur succède au froid et que l'homme
frissonne alors qu'il n'est plus froid.
Ainsi l'accélération du pouls est le [)hénomène que l'on
trouve toujours, non-seulement dans toute fièvre, mais à tous
les moments de la fièvre.
Pour mieux marquer le défaut du signe tiré de la chaleur.
Van Swieten accentue son opinion (son erreur), en disant :
^Certes, h ce moment de la fièvre, où au frisson fébrile suc-
cède graduelleuKMit une augmentation de la chaleur qui arrive
VAN SWIKTEN. 153
au degré de la chaleur natureile [teporem)^ il n'y pas d'autre
signe de la fièvre que l'accélération du pouls. »
Il reste acquis à l'histoire que cette question de la concomi-
tance du frisson et de la chaleur était débattue dans les écoles
au temps où Van Swieten écrivait ce chapitre.
Des rapporté du pouls et de la chaleur [proportion). — « On ne
peut pas dire dans quel rapport la vitesse de la circulation et
la résistance des vaisseaux sont avec la chaleur fébrile.
«Si la vitesse du sang était doublée, alors que chez un fé-
bricitant les artères battent deux fois plus vite qu'à l'état sain ,
la chaleur ne serait pas pour cela portée au double; il y a,
outre la rapidité du mouvement, d'autres causes qui conspirent
à produire la chaleur . . • Cette chaleur, portée au double , se-
rait intolérable pour le corps et produirait bientôt la mort. Si
la chaleur normale était doublée 4 portée è 180° F., le sang
se coagulerait dans les vaisseaux et tout mouvement cesserait.
c( // semble que le rapport du pouls à la chaleur soit tel que l* excé-
dant de chaleur qui se montre avec un potils doublé de vitesse, soit
à f excédant qui se montre avec un pouls triplé de vitesse, dans le
rt^pport det à ù.W faut tenir compte du reste, non pas seule*
ment de la fréquence, mais de l'amplitude du pouls. . . »
Ce que Van Swieten dit est fort juste en principe. Depuis
lai on a mieux étudié les rapports de la fréquence du pouls et
de la température.
Si nous appliquons son principe, nous trouvons que la
chaleur étant de 87% 5 C. avec un pouls à 60, si le pouls
est triplé, soit porté à 1 80, et la chaleur étant alors de A t"* 5,
la chaleur sera de 39^5 avec un pouls de lâo. L'expérience
nous montre que si , dans les maladies à courbes régulières ,
la courbe du pouls se modèle sur celle de la chaleur, cepen-
dant il n'y a point de rapport entre la fréquence absolue du
pouls et la chaleur absolue; celle-ci a un maximum, le pouls
n'en a pas; le rapport varie d'un individu à l'autre, d'une ma-
ladie è l'autre.
154 CHA.PITKE r. — LA CH VLEUR ET LA FIÈVRE.
Les maladie» fébrile», la JOvre. — S 558 de Boerhaave :
Fehri» frequenti»»imu» morbu», injlammaùam individuu» (insépa-
rable) cornes, plurium nwrborum, marti» et »œpe »anatioms apiima
causa, nunc explicanda, La fièvre est la plus fréquente des
maladies, elle accompagne toujours les maladies inflamma-
toires, les autres souvent. Aussi l'histoire de la fièvre mérite-
t-elle la première place.
Febris a fervore dicitur Latini», ut voluerunt plurimi, afe-
bruando (purifier), id est luslrando vel purgando deduxerunt alii.
Hippocrate a dit aussi (et il n'était pas le premier sans
doute) : «^ Je commencerai par la fièvre, qui est la plus commune
des maladies (lib. De Jlatibu»)^ et qui est la compagne de
toutes les autres maladies, principalement de l'inflammation. »
La triade fébrile. — Van Swieten dit, après Boerhaave et
comme tous ses contemporains : Tria nempe tantum phœno^
mena omnibus febribu» communia ob»ervantur: horripiLuio , jndsus
velox, cahr.
Quant à la nature de la fièvre, il faut dire, avec Syden-
ham : le mode d'action de la nature, en cette matière, échap-
pera toujours à l'esprit des mortels. Dans toute fièvre, dit Van
Swieten, l'expérience montre qu'il y a accélération du pouls, et,
par conséquent, contractions plus fréquentes du cœur; ce qui
prouve que les causes qui font contracter le cœur sont accrues;
mais comment agissent ces causes excitantes du cœur, pour-
quoi, dans la fièvre, sont-elles plus énergiques? nous Tigno-
rons.
Tout ce que nous savons de la nature de la fièvre, nous le
connaissons seulement par ses eff^ets et ses attributs insépara-
bles: l'esprit humain semble ne pouvoir aller plus loin, neque
hactenus bonœfrugis prottderunt omnes, qui hic plus sapere volue^
runt. Cette phrase est à méditer !
Classification des fèvree d'après la nature de la chaleur fébrile.
VAN SWIETEN. 155
— Van Swieten (t. H, p. ^3) commente le 579" aphorisme de
Boerhaave ainsi conçu : In omni febre, hia prœgressis, oritur
calor, major, minor, brevis, diuiumus, intemus, extemu8, univer-
salis, vel loci, pro varietate febris. Cet aphorisme indique une
voe d'ensemble, philosophique, et plutôt une intuition que le
résultat direct de Texpërience. Van Swieten tente d'établir une
classification des fièvres en partant du principe des modalités
variables de la chaleur. «Après, dit-il, que le frisson a cessé
et que le sang circule librement et largement par les artères
dilatées, les capillaires ayant cessé de résister, la chaleur fé-
brile se développe et s'accrott. Or, suivant le caraciire (tndole)
différent de la fièvre, cette chaleur diffère d'intensité, de du-
rée, de siège [loco) . . .
«Ainsi la fièvre éphémère, la synoque simple, ont une cha-
leur douce et humide, à pein'e plus élevée que la chaleur na-
turelle; la synoque putride a une chaleur beaucoup plus in*
tense et qui pique, pour ainsi dire, le doigt qui touche; dans la
véritable fièvre ardente, la chaleur perçue au toucher est brû-
lante, et l'air expiré semble en être surchauffé. Dans la peste,
l'invasion de la maladie , détonant sur certaines parties , comme
un feu vif, les réduit en escarre. Dans la fièvre tierce légitime
et parfaite, qui ne dépasse jamais douze heures, la chaleur dure
quelques heures seulement; dans les fièvres continues, elle
s'étend à plusieurs jours, à des semaines; dans les fièvres hec-
tiques, cette chaleur dessèche et épuise le corps pendant plu-
sieurs mois.
« Le meilleur signe est quand la chaleur est répartie éga-
lement par tout le corps jusqu'aux extrémités. Dans les fièvres
les plus mauvaises et le plus souvent mortelles , il arrive que
Ton perçoit une grande chaleur dans les centres vitaux, tandis
que les extrémités du corps sont froides, j^
(I semble que, dans cette tentative de classification des
fièvres. Van Swieten ait eu une sorte de divination des services
que les courbes de température seraient appelées à rendre.
156 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
HALLER'.
(1708-1777.)
Haller range la chaleur parmi les elemenia sanguiniê. Il ad-
met que le sang est plus chaud que le milieu ambiant habi-
tuel, même chez les animaux à sang froid, à plus forte raison
chez rhomme^. Cependant, passant en revue tous les cli-
mats, il reconnaît que certains ont une chaleur supérieure à
celle du sang de Thomme; celui-ci peut vivre dans une cha-
leur extérieure de 5o à 60 degrés centigrades. La tempe
* On rappelle « le plus grand physio-
logiste des temps modernes, « ne à
Berne en 1708, mort en 1777. D'a-
bord littérateur et poêle. Élève à Tubin-
gen de Davemois, aoatomiste, va à
Leyde , étudie sous Albi nus , Boerhaave ,
1795, Rnysch, apprend les mathéma-
tiques avec Bernouilli à Berne. Va en
Angleterre, voitHansSloane, Douglas,
Cheselden ; en France: Geoffroy, les
iussieu, LeDran, chirurgien, cl VVins-
low qu41 aima surtout. Haller quitte
Paris parce que, disséquant avec ao pro-
secteur nommé Lagarde , il fut dénoncé
par un voisin indiscret qui-avait fait on
trou au mur: hane di$cendi opportuntta-
t§m maligna curioêitaê operarii turbavil,
qui ejfoêêo parietê quid agerem ipecula-
tuSf mfum nomen ad vtroi pubUcœ ge-
curitati pra/eetoi detuUt ; ut grava pœ-
fuu, forte trirêmei pjiigermn, latendum
ntihifuit, et de$erenda eadavera, {Bibl.
anal. t. II, p. 196.) En 1799 (91 ans)
il exerce la médecine. Médecin d'hôpi-
Ul en 1736. L*ÉUtde Berne avait fait
construire pour lui un amphithéâtre
d'anatomieen 17 34 et il en est profes-
seur (96 ansi), publie un recueil d'odes
et d'épltres en allemand, est chef de la
bibliothèque; en 1786 profi
Hanovre i Gottingue. ÀnâtomiÊ, 6oC*-
nique, ckirurgie. Commente Boerhaave
en 6 volumet, i7.^9.Kn 17^1, 1 vol. de
botanique. Atlaa d'anaiomie, de 17 A3
à 1753. Livre mr Uê moMlrsi, 17&5.
Elémentê dé phyMogie, 1747* Grande
phyêiologie, 1767. On fait pour loi è
Gottingue un jardin botanique. Publie
tous les classiques anciens et modernes.
Haller a trop écrit pour avoir Beaucoup
inventé. Les inventeurs écrivent peu et
pensent beaucoup. Les eocydopédistet
font plus d'ouvrages et moins de trou-
vailles. On a plutôt fait un livre qu'une
expérience.
Haller est un encyclopédiste et on
énidit, un de ces hommes qui repi^-
sentent la science classique de toute une
époque. Il donne une sdence de seconde
main, il remprunte à Boerhaave, Van
Swieten , de Haen ; bien qu'il n'ait pas
émis d'idées originales sur la chaleur,
il nous donne l'état des connaissances
i son époque,
* Haller, EUmenl»dephy»iologie, tra-
duits du latin par Tarin, Paris, mdcclii,
chapitre 1 : De la retptratitm, gggui,
p. 66.
HALLER. — HALES. 157
ture normale de Thomme prise dans l'aisselle avec le thermo-
mètre peut s'élever à ûo* C(io4* F). La température du sang
varie d'un animal à l'autre.
Quelle est la cause de la chaleur du sang? Sed gravtar est
qnœMÎo, num a sangutnis tnolu calor nascatur. Les anciens se
contentaient d'invoquer une chaleur innée dans le cœur:Hip-
pocrate, Arétée, admettaient cette hypothèse, et Galien n'y
contredisait pas. Quel est le cœur le plus chaud, est-ce le droit
comme le disait Aristote, le gauche comme le professait Ga-
lien? Haller passe en revue tous les modernes, Gonringius,
Descartes , Van Helmont, Sylvius, Honshaw, les mécaniciens
el les chimistes , Targirus , Ghirac . Saviolus , Newton même , qui
tenait pour la fermentation, et Willis, et Stahl, et Vicussens.
Et d'abord, dit Haller, Back, fiorelii et Guillaume Gok-
burn (ces derniers, le thermomètre en main), ont montré que
le sang n'était pas plus chaud dans le cœur que dans les autres
viscères. Constatant que la chaleur est en raison directe de
Taccélération de la circulation, Haller repousse la fermenta-
tion, et admet que le mouvement est la cause de la chaleur.
Quant aux sources intimes de la chaleur soit dans les
échanges moléculaires, soit dans la respiration, Haller n'y in-
siste pas. Cette partie de son livre est plus riche en anatomie
qu'en physiologie. Suit un chapitre sur les températures de
divers climats (géographie).
HALES (ETIENNE).
(1677-1761.)
Haies croyait que la chaleur^ provient surtout, dans les ani-
^ Docteur en théologie, recteur de tîon da ventilatear pour renouveler Tair
ZeddÎDgton et de Faringdon, chapelain des mines, des bdpilaax, etc., et une
du prince de GaUes, membre de la So- Statique âe$ €mmaux, traduites par
ciélé royale de Londres, né en 1 67 7, mort Sauvages ,1766; une Statique du vég^-
en 1761 à 84 ans, a publié une descrip- taux et Anaiyêe de l'air, traduites par
158
CHAPITRE !•'. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
maux, du frottement du sang et particulièrement des globules
rouges (la découverte de Leuwenhoeck était mise à profit). Il
remarque que Tair et le sang ont l'un sur l'autre dans les pou-
mons une action réciproque, Tair sur le sang qu'il rafraîchit,
et le sang sur l'air qu'il échauffe. Haies se servait du thermo-
mètre': s Si, dit-il, je tiens mon thermomètre à esprit-de-vin
pendant longtemps dans la bouche, ayant le soin d'inspirer
l'air frais par les narines et d'expirer sur la boule du thermo-
mètre l'air chaud, l'esprit-de-vin s'élève du i o* degré, chaleur
actuelle de l'air extérieur, jusqu'au &6* au-dessus du point de la
congélation, de façon que dans 7-^ d'heure ou trois secondes,
l'air inspiré se trouve acquérir 36 degrés de chaleur. L'état
naturel de mon sang durant lequel je faisais cette expé-
rience étant de 6/i degrés et celui de l'air extérieur de 10
degrés, plus froid par conséquent de 54 degrés que le sang,
il ne laissa pas de prendre dans si peu de temps 36 degrés de
chaleur. . . n Haies tente d'établir par une série de calculs,
faits d'après de nombreuses expériences, la quantité de chaleur
acquise en un temps donné par le sang. Il a fait aussi une théo-
rie mécanique de l'inflammation.
Sauvages a fait suivre sa traduction de l'hémostatique d'une
dissertation sur la fièvre, qui n'est pas son meilleur ouvrage.
Buflbn 1735*, L*arl de rendre (*eau de
mer potable, etc. Un de» physiciens an-
glais les plus remarquables du commen-
cement du XVI 11* siècle.
MM. de Buflbn et Sauvages ont tra-
duit en franç^iis les ouvrages de Haies.
Haies était un grand physiologiste ex-
périmentateur; il produisait artificielle-
ment des maladies et procédait comme
font aujourd'hui les professeurs de pa-
thologie expérimentale; la méthode HMt
pas nouvelle. Sauvages sV.xprime ainsi
sur cet homme émineul dans Paverlis-
sement de sa traduction: «On aperçoit
avec ravissement le jour qu'il répand
sur la matière médicale, en nous faisant
voir au clair lesdiflerents eflets du froid,
du chaud, des remèdes astringents,
apéritifs, etc., sur les difTérents vais-
seaux. Quelle honte pour les médecins
qn'un théologien leur ait enlevé Tfaon-
neurde tant d'utiles décooTertesI»
Le prindpal ouvrage de ce savant
porte un titre suffisamment explicatif:
Hœmostatique ou la étatique de» onî-
fiMitu: ; expériencee kydrauUquee Jaitee
eur dêe animaux vivaiUe, Genève,
MDGCiuv, traduction de Sauvages.
^ Statique dêe animaux, xiii* expé-
rience, p. 8a.
HALES.
159
bien qu'on y trouve une grande érudition et les preuves d'une
éducation mathématique distinguée. Cette dissertation n'a
pas avancé la question de la chaleur fébrile. Ce n'est point
que la confiance en soi manquât à Sauvages, car dans son
avertissement il s'exprime ainsi : ce J'ai réitéré bien des expé-
riences de notre auteur, j'y ai ajouté celles que j'ai crues né-
cessaires pour YembelUstement de cet ouvrage ^ »
Haies ^, en bon physicien, tient fort aux globules du sang,
1 il«irfiM«m«iif,p. HT.
* Qudqu8ê eitaiioni de Haka. —
«Nous voyons, dit->il, par k dixième
expérience, que le sang passe avec plus
de rapidité à travers les poumons qu^à
travers les autres vaisseaux capillaires
du corps, d'où nous pouvons fort rai-
sonnablement conclure qu*il acquiert
principalement sa chaleur par la vive
agitation qu^il y essuie. Mais nous ap-
prenons de Texpérience journalière que
le moavement du sang accéléré par le
travail ou Texercice, en augmente la
chaleur; d^ou nous pouvons inférer que
c*cst surtout dans les poumons que le
sang acquiert sa chaleur, puisque! y
rouie avec plus de rapidité que dans les
autres vaisseaux capillaires du corps, et
que la chaleur du sang est principale-
ment produite par ce frottement ; c'est
ce qo*on peut prouver, de ce que cette
chaleur est bien plutôt augmentée,
quand on fait des mouvements violents
du corps, qu'elle ne pourrait Tétre par
aucun mouvement de fermentation ou
d'effervescence, et, au contraire, dès
que le mouvement du sang vient à
cesser, soit par la mort, soit lorsque
quelque cause le fait extravaser, il se
reOroidit aussi promptement qu'aucun
antre fluide de pareil le^densi té, et qui
serait exempt de toute «effervescence.n
Tous les mf^nidens de cette époque
étaient employés à faire des calculs sur
la vitesse du sang, sur l'étendue des
surfaces de l'arbre circulatoire, sur le
frottement des globules, etc. . . . Yoid
un exemple des calculs de cette nature
emprunté à la i o* expérience de Haies.
«La somme des surfaces de toutes les
vésicules pulmonaires d'un veau a été
estimée ^le à A 0,000 pouces carrés,
d*où l'on peut conclure que la somme
des surfaces des vésicules pulmonaires
du chien en expérience (eu égard à son
poids) doit être égale à 1 a, 1 a 1 pouces
carrés; et, comme l'on a prouvé par la
huitième expérience que 6,3 /i livres ou
1 1 3,686 pouces cubiques de sang pas-
saient au travers du ventricule gauche
de ce chien, ces pouces cubiques di-
visés par ^ partie d'un pouce ou
0,000679, le diamètre des petits vais-
seaux capillaires , le produit est 1 69 1 7 a
pouces carrés, ce qui est la quantité du
sang qui y passerait. Ces pouces cu-
biques divisés par latai, le nombre
des pouces carrés dans les vésicules des
poumons, donnent 18,95 ce qui est la
^ partie du sang employé; et don-
nant la moitié d'un de ces pouces pour
l'espace qui se trouve entre les cavités
des vaisseaux sanguins, alors la somme
de toutes les cavités de ces vaisseaux
sera la -^ partie de toute la masse
écoulée, savoir 6,36 livres de sang, et,
160
CHAPITRE I-. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
corps solides et capables de développer de la chaleur par le
frottement 9 ii convient que, si de Teau pure circulait dans nos
vaisseaux avec la même vélocité que le sang, elle n'en acquer-
rait cependant pas la chaleur. • . c( Leuwenhoeck a observé',
dit-il, que le sang des poissons, lequel est plus froid que ce-
lui des autres animaux , a proportionnellement plus de sérosité;
le sang des animaux terrestres contient vingt-cinq fois plus
de globules rouges qu'à volume égal n'en contient celui d'un
cancre ou écrevisse. Si, conformément au calcul de IVf. Jurin,
au rapport de M. Motte (^Abrégé des traniact, philo9. part. II,
p. 1&3), les globules rouges font la à' partie du sang» et si,
selon son calcul aussi, le diamètre d'un globule est ^ de
pouce, alors le quart du cube de Sa&o ou 8,5o3,o56,ooo
sera à peu près le nombre des globules rouges contenus dans
un pouce cube de sang, et la distance mutuelle des centres d'un
globule à l'autre sera ^^ de pouce. . . » Nous ferons observer
que l'appréciation du volume de l'hématie à y^ de pouce ne
s'éloigtie pas beaucoup de l'évaluation actuelle. Le pouce étant
de 3 centimètres^, si nous divisons 3â&o par 3, nous avons
1 o8o, divisez par i o pour obtenir t millimètre, nous obtenons,
pour diamètre de l'hématie ^^g, or notre chiffre est -j^. Quant
à l'évaluation du chiffre total des globules dans un espace
donné, on ose à peine faire le calcul aujourd'hui, même avec
les instruments d'analyse dont on dispose.
par conséquent, une quantilé de ce
fluide égale à 37,9 fois ta capadtë de
ces vaimeauz doit y couler dans ane
minute. Nous voyons par ce calcul, et
par la petite proportion de la niasse des
poumons à toute celle du corps , que la
vélocité du sang doit y être considéra-
blensent accélérée. 9
Il faut convenir que ces calculs sont
fatigants à lire et que c'est se donner
beaucoup de mal, quand il était si
simple de faire comme Borelli , de plon-
ger un thermomètre dans le ventri-
cule gauche, puis de faire la même
expérience dans le ventricule droit.
LVbservateur aurait vu que le saog
n'élail pas plus chaud i droite qa*à
gauche : alors s'évanouissail Tédiafau-
dage mathématique. ... Les savanb
mathématiciens ont besoin d*nn méde-
cin technideb qui leur montre les con-
ditions du problème , c^est là ce qui doit
consoler Tamour-propre des médecins.
' P. 78.
* Eiactement 3 centimètres ^leot
1.399 pouce.
G. MARTINE. 161
MARTINE (G.)'.
(Éeoasais, xtiii* siècle.)
L*ouvrage De calore animalium^ débute ainsi: «On ne saurait
nier que la théorie de la chaleur des animaux ne soit d'un
très-noble usage pour bien comprendre et appliquer juste-
ment la médecine. » Cette propriété des animaux, nous dit Mar-
tine, n'a cessé de torturer l'esprit des physiciens de tous les
siècles, aussi quelques anciens qui ne doutaient de rien (emt-
ftia se teire projitentes) ont-ils émis à cet égard nombre d'absur-
dités. Enfin Harvey démontra la circulation , qui est iptius cab-
risvera causa. Tout ce qui a été écrit sur les tempéraments et la
chaleur innée n'offre rien de sérieux. Nous suivrons l'auteur
dans l'énumération historique et critique qu'il nous donne des
auteurs qui l'ont précédé. c( Harvey ne nous a rien laissé de po-
sitif sur la chaleur animale, il croyait è la chaleur innée.
René Descartes, ce grand instaurateur de la philosophie mé-
canique, et ses élèves, ont fait du cœulr le foyer de la chaleur.
Le savant Gonringe, dans son livre De calido innato sive igné ani-
nudi, n'a fait que reproduire les hallucinations des anciens.
Ni les hypothèses de Sylvius sur la fermentation des humeurs
par la chaleur du coeur, ni les effervescences produites par le
mélange du sang avec le chyle ou la lymphe , théorie qui sou-
riait au grand Newton lui-même, ne peuvent rendre compte
du phénomène. En vain on s'attend à quelque chose de mieux
de la part de l'ingénieux Willis. r>
L'hypothèse qui platt le plus à Martine est celle de Back
[De œrie)^ par laquelle le sang, échauffé par son propre mou-
' Écossais , a ëludîé à Leyde et en Ita- 1 7 6 o , et des commentaires sur Tanato-
Ke. Mort, en 1760, À Garthagène, dans mie de B. Eustacfae. Bdinburgh, 1 755.
00 voyage qu'il faisait en Espagne i la * Georgii Marlinii , De nmilibus am-
suite d*an lord. Il a publié un ouvrage nudOnii et ammaUum ealore Hbri duo,
impoiiant: De emUÙmM ammalthue et London, hdgcxl, p, t2(). De ealore ont-
amimûUum ealore Ubri duo y Londini nudium , procemium.
i I
162 CHAIMTRE ['. — LA CHALEUU KT LA KIKVKK.
vement, répartit la chaleur par tout notre corps. Asclépiade et
d'autres anciens paraissent avoir professé une doctrine ana-
logue. L'auteur nous apprend qu'il a commencé son ouvrajje
à Loyde et l'a fini à Paris en ly^a. Il décrit d'abord le lb(^r-
momètre et la température de l'air.
Fahrenheit évalue la chaleur de la peau humaine h yG"
(35",6 C). Boerhaave, on ne sait pourquoi, estime que la
chaleur vitale de l'homme est de (j2"(33",3 C.) à ()A"(3i%/i C),
jamais de C)6''(35°,6 C), à l'état sain. Martine indique Sancto-
rius comme l'inventeur de la thermoscopie. Newton, Muschen-
brock , Bacon , ont émis leur opinion sur la chaleur animale
et avancé la science sur ce point.
Au moment où Martine écrivait, la question des rapports
de chaleur de l'animal avec le milieu and)iant occupait fort les
esprits. Aussi voit-on dans Haller tout un cours de géographie
thermique. Martine a les mêmes préoccupations, et se demande
si la chaleur animale excède, égale, dépasse la chaleur de l'air.
Boerhaave avait, a])rès Sanctorius, avancé à tort que les ani-
maux ne supportaient [)as un air beaucoup plus chaud quo
leur sang; a cette époque encore l'air passait pour un rafraî-
chissant des [)oumons.
Martine s'inscrit respectueusement contre ro|)inion de
Boerhaave, et la démontre fausse; il cite surtout les expé-
riences d'Amontons.
La proposition \i i.'st ainsi conçue: motm vol circulatio san-
fruinis pcnniitis est vera cnusa caloris mnmalium. Un vieux livre
attribué à Ilippocrate dit : rà clIiiol ovk eivcti rf! (^vaet 5-epfibv
âXXà Q-spiJLOitveaÔai. Or nous vivons dans un milieu habituel-
lement plus froid que nous, il faut donc une cause intérieure
de chaleur qui nous permette de lutter contre l'action de l'air
ambiant. Hippocrate a bien vu (A; diœU't.XL\\ \\ ) le rap-
port qui existe entre la chaleur et la fréquence du pouls. Mar-
tine cite Thomme immobile opposé à l'homme en action, le
lipotliymique opposé au fiévreux. La |)rincipab' source de la
G. MARTINE. 163
chaleur est la pression latérale du sang dans les artères : ani-
mantiê cahr prœcipue producitur ab aUritu motorum liquidorumtn
fMuomm amUnenùum Idtera. L'intensité de la chaleur est en
raison directe de la rapidité du mouvement et de la section
du conduit. La chaleur est presque égale partout chez les ani-
maux placés dans un milieu non réfrigérant. Vient ensuite un
chapitre sur la chaleur de divers animaux.
Au chapitre iv, l'auteur émet les propositions suivante» :
toutes choses étant égales d'ailleurs, la chaleur du sang varie
comme l'amplitude des artères. La chaleur suit la fréquence
du pouls. Le cœur bat lentement chez les animaux à sang froid.
Prop. 17. id strictura et arteriarutn angustia multum de-
petidet corports nottri eahr. Gomme la chaleur d'un liquide se
mouvant à travers un canal est engendrée par sa pression
contre les parois de ce canal en raison du diamètre de celui-ci ,
si, la rapidité et d'autres conditions étant égales d'ailleurs,
la capacité des artères est changée, alors la chaleur du sang
qui les traverse subit un changement proportionnel, qui est
en raison du changement du diamètre. Ainsi l'on voit com-
bien la chaleur dépend de la variation dans l'amplitude ou
dans la contraction des artères.
La chaleur s'accroit par la compression extérieure exercée
sor les vaisseaux sanguins par des bandes ou des vêtements,
etc. (p. 991 ), et parce que tous les vaisseaux sont serrés, et
parce que le sang est poussé avec une plus grande force dans
les viscères intérieurs. . . On voit que la méthode était bonne,
et elle ne diffère pas de celle qui est employée par les physio-*
logistes modernes. Martine n'est pas tellement mécanicien,
qu'il n'admette que certaines substances mêlées au sang en aug-
mentent la chaleur, et que celle-ci varie suivant les quantités
des parties sulfureuses constitutives du sang.
Martine procède par des calculs comme Haies.
1 1 .
164 CHAPITRE r. — LA CHALELR ET LA FIÈVRE.
ROBERT DOUGLAS'.
(iTiii* nède.)
Robert Douglas, qu'il ne faut pas confondre avec Jacques
et Jean, chirurgiens et anatomistes célèbres du xviif siècle,
était médecin, et publia à Londres, en 1 7/17, un traité de la
chaleur animale conçu d'après un plan géométrique; il y in-
troduisit le calcul, et son livre est plutôt de l'ordre de la mé-
canique que de celui de l'histoire naturelle proprement dite.
Lie titre est attractif : De la génération de la chaleur chez les
animaux*. Le livre ne tient pas les promesses du titre. S i'^ : «( La
chaleur innée d'un animal est seulement l'excès dont sa cha-
leur absolue surpasse celle de son milieu extérieur. 7»% li: nPar
la quantité de chaleur qu'un animal engendre, on entend ce
surcroît de chaleur qui remplace continuellement les pertes
que doit nécessairement souffrir le corps d'un animal chaud ,
par son contact immédiat avec un milieu plus froid, n Dans le
chapitre très-court qui sert de commentaire k ce titre, l'auteur
émet une proposition dont il n'indique point l'auteur (du
moins en tant qu'elle s'applique aux animaux): «Les corps
chauds perdent leur chaleur dans des temps proportionnels à
leur diamètre. ^ (Cette proposition se lit dans les principes de
mathématique de Newton.) ci D'où l'on doit conclure que l'al-
tération de la chaleur, de même que son surcroit par la même
raison, ou les quantités de chaleur produites dans des ani-
maux de différentes grandeurs, doivent être en raison directe
de leur chaleur innée et en raison inverse de leur diamètre, y»
C'est là en effet un principe dont les expérimentateurs mo-
dernes (Edwards, Chossat, etc.) ont tiré un grand parti. La
' On ne sait rien de sa vie; on ne * Ei$ai $ur la géiAnUiùn è$ la eka-
connaît que son ouvrage : E$ëay eoneer- Uur dans le$ ainimaux, traduction. Pa>
fiM^ ikê génération ofheat in animale, ris, hdcclt. ,
London, 17/17, in-8*.
ROBERT DOUGLAS. 165
proposition 5 est ainsi conçue : ci La chaleur extérieure relâche
les vaisseaux des animaux; le froid extérieur, au contraire, les
resserre. » En voici le corollaire: «Le froissement des globules
cesse dans les extrémités capillaires lorsque la chaleur de
Tanimal coïncide avec celle de son milieu, n
L'auteur émet ensuite une proposition qui suppose de nom-
breuses expériences et, pour ainsi dire, une science faite, mais
il ne cite point ses sources: «Il y a un certain degré de cha-
leur extérieure dans l'étendue duquel la chaleur innée d'un
animal, quoique vivant et en bonne santé, s'éteint insensi-
blement. Ce degré, dans les animaux d'un tempérament
chaud , coïncide avec la température naturelle de leur sang. De
cette limite, si l'on suppose qu'un animal chaud parcourt une
suite indéfinie de degrés de froid, toujours en augmentant,
l'augmentation de sa chaleur innée se fera en même raison
que celle du froid, jusqu'à une certaine étendue; elle se fera
ensuite, en raison de plus en plus faible, jusqu'à ce. que la
chaleur innée de l'animal soit dans son plus grand degré de
vigueur, et, depuis cette période, elle diminuera par degrés, à
mesure que le froid augmentera, jusqu'à ce que l'animal
meure , et qu'enfin sa chaleur s'éteigne tout à fait. »
Le livre que nous analysons contient des idées qui n'étaient
pas toutes personnelles à l'auteur; on y trouve exprimés des
aphorismes classiques en ce temps; on y voit quel usage on
faisait alors du thermomètre et du microscope , combien le pu-
blic médical se complaisait dans la physiologie expérimentale,
et quel milieu scientifique éclairé présentait alors l'Angleterre.
Robert Douglas soutient la proposition que la chaleur ani-
male est engendrée par le froissement des globules de notre sang
contre les parois des extrémités capillaires^, ti Naturellement la
chaleur innée d'un animal et la friction des ^obules dans ses
extrémités capillaires (qui, toutes choses égales d'ailleurs, est
•
' Tliéorème, p. 5i.
166 CHAPITKE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
proportionnelle à la vitesse du mouvement de ces globules) ont
non-seulement des périodes similaires et relatives les unes aux
autres, depuis celle de froid extérieur dans laquelle elles
cessent toutes deux , jusqu'à cette autre dans laquelle leur trop
grande constriction produit le même effet , mais encore ces pé-
riodes sont, de part et d'autre, réglées et déterminées par
une seule et même cause, la vitesse du mauvemeni du sang, if
On ne peut s'empêcher d'admirer la logique de ces raison-
nements et d'estimer une époque où l'étude des sciences phy-
siques appliquées à la médecine avait le pas sur l'empirisme
brutal et mercantile des médecins praticiens purs de tonte
préoccupation scientifique.
Appliquant à faux un principe vrai, Douglas dit donc que
la dilatation et la contraction des extrémités capillaires d'un
animal influent sur la génération de la chaleur, mais il se
trompe en n'y voyant que la question du frottement. On ne
peut, dit-il, expliquer nos sensations de chaud et de froid que
par les différents degrés de constriction ou de relâchement
des extrémités capillaires.
Dans la partie où l'auteur développe ses idées sur la gàii--
ration de la chaleur relativement à la grandeur différente des
animaux, il rappelle (voyez plus haut) ce principe de Newkm,
que, coDome les surfaces des corps ne décroissent pas si rite
que leur volume (qui décrott en raison triple, au lieu que les
surfaces décroissent en raison double de leur diamètre respec-
tif) , c'est pour cette raison que les temps du refroidissement
des corps sont, cœteris paribus , comme leurs diamètres respec-
tifs. Les grands animaux doivent donc perdre beaucoup moins de
leur chaleur que les petits de la même température; et cette perte
se doit faire en raison juste de leurs diamètres,
Cest là un grand fait de physiologie. C'est une très-belle
application de la géométrie à la physiologie et à la médecine
des petits enfants. I^es modernes l'ont acceptée sans en citer
ou sans en connaître la source.
FIZES DE MONTPELLIER. 167
L'autettr rappelle que, d'après Leuwenhoeck, les globules
du sang et les vaisseaux capillaires ont le même diamètre dans
les petits animaux que dans les grands.
Se fondant sur les calculs de Haies , à savoir que la surface
respirante des poumons est vingt fois aussi grande que celle de
tout le corps; mais considérant que Tair qui y pénètre est
déjà échauffé dans son passage à travers les voies nasales et
se dilate, il admet que nous perdons au moins la moitié de
notre chaleur par les poumons dans Tacte de la respiration.
L'auteur est amené nécessairement h régler sa thérapeu-
tique sur la contraction des capillaires : <( Donc, dit-il, d'apràs
ce que nous avons dit sur la chaleur contre nature des ani-
maux, on comprend pourquoi les astringents, dont l'effet
tend à diminuer le diamètre des extrémités capillaires, ra-
niment et fortifient notre chaleur innée, et pourquoi, d'un
autre côté, tout ce qui peut relAcher produit un effet con-
traire. 79
FIZES DE MONTPELLIER'.
( École française, itiu* sîède.)
ff La fièvre, dit Fizes^, tend directement è la destruction du
principe vital et fait périr la plupart des hommes, qu'elle soit
essentielle ou symptomatique. Son nom lui vient peut-être de
l'ancien mot latin (sabin) februo, qui signifie purifier. Les
Grecs l'appelaient purétos, de pur, feu , à cause que la chaleur
accompagne ordinairement la fièvre.» Fixes constate que les
médecins diffèrent d'avis sur l'essence de la fièvre : il se range
* Né à MoQtpellier eo 1690, mort detjièvre$, etc. Fonquet, au dire de
en 1766. Homme trèa-cëlèbre dans la Deagenettes, se vantait d*avoir acheté
pratique, médecin da roi, fils d\m nombre d*exemplairea du TrotCtf dss^
profeaaeor de malfaématiques. Profea- vr»s pour les anéantir comme perni-
arar de chimie i Tuniversité de Mont- cieux.
peHier, a publié de nombreux ouvrages * Traité daJUvru, traduit du latin
d*anatomie, de physiologie, un Traité de M. Fiios, idco.!!, p. t.
168 CHAPITRE I-. — LA CHALCCR ET LA FIEVRE.
k Topinion des modernes qui combattent Fernel et tous les
anciens, en ce >ens que la chaleur se trouve souvent sans la
fièn*e, et que la 6èvre n'est pas toujours accompagnée de
cbaleur; et il cite comme exemple le déInU de$ aecii fébriles et
certaines fièvres malignes qu'on appelle^^tiidn. «On peut ajou-
ter encore, dit Fizes, que, dans les fièvres malignes, la chaleur
n'excède pas de beaucoup celle que nous avons naturellement;
souvent même on n'y remarque aucune diiïérence. 79 Voilà 01^
est Terreur de Fixes, et tout naturellement il devait chercher
ailleurs que dans la chaleur la mesure de la fièvre: il devait
abandonner Hippocrate et faire prédominer le pouls. Voici sa
DécLAAATi05 ^ : « U s'agit de chercher un signe pathognomoniqne
de la fièvre, sur lequel il ne puisse plus y avoir de contes-
tation. Or c'est une chose uco^hub de Um$ le» fraùciem, qu'il
y a fièvre toutes les fois qu'on trouve le pouls accéléré et les
fonctions lésées considérablement. On peut donc définir Ja
fièvre relativement à la pratique: imc accélération eumaiureUe
du pouls, ou, ce qui revient au même, la fréquence du pouls
jointe arec une lésion de fonctions constante et notable, y» Fizes ne
manque pas de faire remarquer que, suivant cette définition,
la fièvre pourra aussi bien exister avec le froid qu'avec le chaud ,
quoiqu'elle soit plus ordinairement accompagnée du chaud. Il
indique comme cause prochaine de la fièvre une augmenta-
tion dans la vitesse des contractions du cœur, jointe avec le
ralentissement du sang dans les vaisseaux capillaires, et encore
faut-il que ces deux causes soient réunies. Fixes admet, du
reste, une matière fébrile qui épaissit le sang, ou le raréfie (?).
Au chapitre des fièvres putrides, Fizes décrit le froid fébrile
qui , dit-il, ne se montre pas seulement au début des fièvres pu-
trides, mais encore dans celui des autres fièvres; il distingue
quatre degrés' dans le froid fébrile : t"" refrigeratio (frisson);
q" horripilatio ou horror; 3* rigor; 4* algor. Et il signale avec
* Pag»» 3. — • Pagp 60.
FRANÇOIS DE SAUVAGES. 169
raison , mais sans commentaire , ce fait que , lorsque les malades
se plaignent» dans les fièvres, d'un froid incommode, il ar-
rive quelquefois que les assistants les trouvent chauds et même
pluê chauds qu'à l'état naturel. Le plus souvent, ajoute-t-il, les
assistants trouvent le malade réellement froid, surtout aux
extrémités. Malheureusement Fixes veut expliquer ce phéno-
mène par la viscosité du sang, son ralentissement dans les
capillaires, etc. Enfin il exprime par une formule scienti-
fique, à allures sévères, tout son système relativement à la
chaleur^ : Tottie chaleur dans le corps humain est toujours en rai-
son composée de l'agitation intestine des particules, de la célérité de
son cours, de sa quantité présente dans une partie, et de sa cansis--
tance. Comprenne qui pourra! Fizes était professeur de ma-
thématiques et, dit-on, grand praticien, mais il était aussi
professeur de chimie; il parait surtout avoir été médecin en-
cyclopédiste : hardi à conclure et à tout expliquer, ce qui est
un vice médical.
FRANÇOIS DE SAUVAGES'.
( École française, xvin* siècle.)
Préoccupé surtout de faire une classification méthodique
des maladies, Sauvages a négligé de s'étendre sur la physio-
logie et sur les perturbations des fonctions en général. Ce qui
suit est extrait de son livre intitulé : Nosologie méthodique ou
disirAution des miJadies en classes, en genres, et en espèces, 5tft-
vont T esprit de Sydenham et la méthode des botanistes (traduit du
latin parGouvion, 1779).
* Page 'jo, Montpdlier. Premier rnédecin du|roi,
* François de Saavages de Lacroix, publie ses dasaes de maladies, NoioltH
1 7 06-1 767. Noaologiste , ami de Lionë , giê méthodique. Se rattache , par ses opi*
ei daasificatenr. Né à Alais en 1 706 ; nions sur la fièvre, à la théorie de Haies,
âève de Montpellier, savant botaniste; qn^il a traduit et commenté. Conlem-
profeweor de botanique en 1734 i porain de Van Swieten et de De Haén.
170 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
11 ne faut point chercher dans ce livre un chapitre de pa-
thologie générale. La chaleur du corps humain ny a point de
chapitre à part. Les notices concernant cette question sont dis-
persées à travers l'ouvrage. Nous les y recueillons, au ftir et à
mesure, sans en former un article spécial par un groupement
artificiel.
« Les fièvres, dit Sauvages, sont appelées par les Grecs py-
reta eipyrectica nosémata; par les Latins ,ye6re<; par les Anglais,
fevers, agues; par les Espagnols, jEeiref, calenturas; par les Kl\e-
mands , Jiebers ; par les Italiens, caldezze. (Tome II, p. 979.)
frLes mots de febris eifebriculœ viennent du latinyîn«o,8'é-
chauiïer, devenir chaud, ou de februo, je purge; mais les
noms grecs, espagnols et italiens, sont dérivés du feu et de la
chaleur. 9» (T. II, p. 373.)
Après cette déclaration. Sauvages s'empresse de dire que le
poule est le principal indicateur de lajlèvre, et, s'il reparle de la
chaleur, c'est en analysant tous les symptômes et en relatant
l'opinion de Galien (t. II, p. 978): c(La fièvre est une alté-
ration de la chaleur naturelle ou un changement contre na-
ture accompagné de battements de pouls plus forts et plus fré-
quents. ?) Il ne repousse pas l'aphorisme 563 de Boerhaave:
«Les symptômes de la fièvre sont : le frisson, la chaleur et
l'accélération du pouls. 79
Dans un long chapitre sur la théorie des fièvres, Sauvages
fait un véritable cours sur la circulation du sang, sur la masse
du sang, sur sa pression manométrique, etc.; mais la chaleur
n'est point relatée. (T. II, p. Q79 et suiv.)
Sauvages consacre un chapitre au frisson et ne paratt pas
douter de la possibilité d'expliquer ce phénomène. (T. II,
p. 369.) Ce chapitre commence ainsi : «Le froid est une sen-
sation incommode occasionnée par le ralentissement des par-
ticules ignées qui sont dans notre corps . . . t? Vient ensuite un
chapitre inattendu sur la Chaleur fébrile, qu'il définit» tome II,
p. 379 : «Une sensation incommode occasionnée parlaquan-
FRANÇOIS DE SAUVAGES. 171
dtë et lagitation trop forte des particules ignées, laquelle est
proportionnelle à la vivacité de la faculté sensitive, et qui, de
la part du corps, est comme le produit de la quantité des par-
ticules ignées, dans un espace donné, par leur vitesse dou-
blée.» Cette définition prétentieuse, et qui affecte un faux air
de calcul mathématique, marque bien l'esprit de l'auteur et de
ses contemporains (encyclopédie). Plus loin, Sauvages dit
que la chaleur est produite par le frottement. (Traducteur de
Haies.)
Voici maintenant quels sont, d'après Sauvages, les prin-
cipes de la chaleur (t. Il, p. 38i ) : fcLes aliments, les bois-
sons ou les choses comestibles qui contiennent quantité de
particules ignées, alcalines, volatiles, aromatiques, spiri-
tueuses, telles que les viandes salées, poivrées, les esprits fer-
mentes, les substances chaudes; comme aussi les choses ex-
ternes chaudes, comme l'air d'été, l'insolation, les étuves,
les bains chauds, etc., à quoi l'on peut ajouter celles
qui augmentent le frottement des solides et des fluides , telles
que l'augmentation de la force du cœur, du mouvement mus-
culaire par la course, la vocifération, la colère, etc., lors sur-
tout que le corps est dense et pléthorique, y^
Sauvages parle doctement de Umt et écrit sans hésitation
(t. Il, p. 389) que : « 1* le cerveau, le cervelet et la moelle,
étant moins denses que les autres viscères , doivent moins s'é-
chauffer; les reins sont très-denses, et de là vient qu'ils
s'échauffent beaucoup; et encore, qu'une chaleur fébrile de
33"* R. (âi^G.) doit dissoudre le sang, qui se coagulerait à
une plus haute température, et qu'alors les matières tenaces
et visqueuses qui obstruaient les vaisseaux recouvrent la flui-
dité, etc.i»
Ailleurs Sauvages dit que la sueur emporte les humeurs
saisugineuses , car la sueur est l'humeur lixivielle du sang.
(T. U,p. 386.)
A côté de cette science dangereuse d'un demi-savant saturé
J72 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
de théories et prodigue d'explications, Sauvages possède une
expérience pratique fort raisonnable.
(T. II, p. 383.) Quand la chaleur fébrile est trop forte » la
nature, dit-il, nous indique les moyens qu'il faut employer,
savoir : la Mignée, la ventilation et les boissons froides. Mais rien
n'indique que telle fût la pratique habituelle de Fauteur.
Sauvages parle aussi de la matière phlogistique engagée
dans les vaisseaux, et il consacre un chapitre à des expériences
de chimie hématologique. Ailleurs, au chapitre intitulé Théorie
des phlegmasies , Sauvages rapporte des observations thermo-
métriques faites sur lui-même (t. III ,p. 77): <^ J'ai remarqué,
le ao août 1760, que la chaleur de mon urine, de ma bou-
che, de mes aisselles, etc., était de aS"" R. (SS"" G.); je me
portais bien alors. Ayant eu la fièvre depuis, dans le temps
même que je sentais une chaleur brûlante dans la plante des
pieds, la chaleur n'a pas passé Si"" R. (38%7 G.).» On voit par
là (xmbien la science pratique de la thermométrie était chose encore
peu connue à cette époque (^en France).
A l'article Frisson, dans le chapitre Des spasmes eloniques
universels (t. IV, p. 71), Sauvages s'exprime ainsi: «Le fris-
son est de deux espèces , ou avec froid , ou sans froid . . . Quel-
quefois il ne se fait sentir qu'au malade, et la chaleur naturelle
subsiste dans la partie que le médecin touche. »
Le frisson avait été fort étudié dans ses diverses formes et
manifestations dans les accès de fièvres intermittentes. (Torti,
De febrihus.) Gependant ces notions empiriques n'éveillaient
que médiocrement l'attention des observateurs.
Ailleurs, au chapitre Des douleurs vagues avec chaleur ex-
cessive (t. VI, p. iâ&), Sauvages, en un court paragraphe et
qui marque de sa part peu d'intérêt, nous donne un résumé
de sa science tbermométrique, il s exprime ainsi : «La chaleur
d'un homme sain, en hiver, est de 37*" R.; en été, de 3 0
(de 3 3% 7 à 37% 5 G.); elle est d'autant plus grande qu'elle
monte plus haut comme à 35'', à 38^ Lorsqu'elle va au
SÉNAC. 173
delà, les parties se brûlent, les organes se détruisent; il se
forme ou une escarre ou un sphacèle sec, les fluides se des-
sèchent, les fibres se rident, la partie reste privée de senti-
ment et de mouvement. Une chaleur au-dessous de 35^ rarë-
6e les fluides environ dune soc" partie de leur volume, les
vaisseaux se dilatent à proportion, la partie devient rouge,
douloureuse, etc. t»
Si l'on relève les erreurs de fait contenues dans ce para-
graphe, on trouve d'abord que l'auteur suppose la chaleur du
corps beaucoup plus élevée en été qu'en hiver; ainsi il donne
le chiflre 37" R., soit 33%7 C. pour l'hiver, ce qui est trop
bas; et 30"* R., soit 3 7% 5 G. en été, chiffre normal en tout
temps , quoique un peu trop élevé.
Plus loin. Sauvages, exprimant une opinion qu'il ne dit
point avoir vérifiée sur lui-même,* ajoute : «Il parait, par le
thermomètre, que la chaleur du corps humain pendant la
fièvre, qui est le temps où elle est la plus forte, n'est que de
34* R. (A 2", 5 G.).» G'est là une vérité qui n'a point été con-
tredite par les expériences ultérieures.
Sauvages n'a donc point ignoré l'usage du thermomètre
appliqué à déterminer l'existence de la fièvre, sinon à en gra-
duer l'intensité, mais il ne peut être compté parmi les auteurs
qui ont fait progresser la médecine dans cette direction. A
peine connaissait-il ce qui, en d'autres pays, était professé
sur cette partie si importante de la pathologie générale.
SÉNAC».
( Ecole française, itiii* aiècie.)
Parlant du cœur, Sénac doit parler de la chaleur distri-
bué par la circulation.
' Grand mëdedn français que l'on cogne,àLombex, 1 698; mort en 1770.
peut comparer â De Haên. Né en Gas- D^abord protestant, élevé pour être mi-
17/1
CHAPITIU: 1^ - LA CHALKUR ET LA KIEVUK.
Cliap. i\ • : <T La chaleur est produite j)ar ractioii des causes
de la circulation 01 par l'action du sang, v
Sénac cherche \g foyer de la chaleur.
Ce n'est pas la fermentation, c'est le frottement qui entre-
tient la chaleur. L'eau, dit-on, ne s'échaufle pas par le bat-
tage, mais c'est une erreur, elle s't^chauffe un peu comme on
le voit au thermoscope, et le lait battu s'échauffe.
Sénac n'adopte pas toutes les idées de Martine.
r. C'est dans les vaisseaux capillaires que se fait sur-
tout la chaleur. . . Ce qui prouve (|ue c'est dans ces vaisseaux
que sont les principales causes de la chaleur, c'est f]u^ Fachon
(les nerfs produit quelquefois du froid en certaines parties: la
sni face du cor|)s se refroidit en diverses maladies, tandis que
les viscères sont brûlants; le nez, le visage, une main, un
pied se refroidissent subitement, tandis que le reste du corps
conserve une chaleur égale : or les nerfs ne peurent que houcltrr
les raissediix vajnllnlres par leur contraction; c'est donc l'action
(b^ ces vaisseaux i\m est la principale cause de la chaleur. ??
Ce n'est pas la cause de la chaleur du sang, c'est son mode
de répartition, de régulation. Sénac l'explique parfaitement
et nous ne dirions j)as nneux aujourd'hui.
rrCest encore dans la nature du sang (|u'il faut chcrcber
les causes de la chaleur; sa pesanteur, sa masse, ses parties
huileuses, sont des agents sans les(piels les artères n'excite-
raient |)as autant de chaleur. . .
r~ il y a aussi les molécules roujrcs du saufr. . . les saiipiées dolreni
ni^lrc, succède en i 75» n (lliicoyncaii ,
proriiier rrn'dociti du roi.
()iivra|jos: iVo//r(V(M cours d»' (himir,
'7^7-
].\\'nUomip(lr //cM/rr, nvcr des Ef^snis
de plnjsuiitc.
Sur l'usnnp tirs pnrtv'a du rorpx hu-
main, 1 7^4 , 173.'».
Sur f(i tiiillp.
Sni' le choix dex sa irnrr,\.
Sur In ppstr , 1 7'i'i.
Ih» la striiriurr du raur, de son
action et de .s*'» wnladies.lLti{'\U\ i7'i().
Dr In fièvre mtermiUrntf,
Mciiihro de rAcadi'mie des sciellce^.
' Traité de la structure du cœur, de
sou action et de ses wnladiet^ j>ar M.
Sénnr; Paris, mdccxlix, l. II, p. a6o.
SÉNAG. 175
néceêMÎrement diminuer la clialeur, puisqu elles affaiblissent la cause
mouvante. . .
«La diète doit produire le même effet; un jeune homme,
selon le témoignage de Martine, perdit, dans deux jours de
jeûne, plus de quatre degrés de chaleur ^
« Le sang s'échauffera davantage chez ceux qui ne boivent
pas, qui useront d'aliments huileux , aromatiques, c'est ce qu'a
remarqué M. Hoffmann. Les matières animales seront aussi une
source de chaleur.
f(Chez les malades, qu'il y ait une irritation qui aiguillonne
les nerfs et les vaisseaux, ces impressions porteront la chaleur
à un grand excès.
«Les degrés de chaleur sont les nié mes dans toutes les
parties des corps animés . . .
« Les sens avaient conduit plusieurs médecins à cette égalité.
Selon Bacchius, Thomas Cornélius, Wepfer, la chaleur n'est
pas plus vive dans une partie que dans une autre. Mais les sen-
sations sont des marques infidèles de la chaleur; les impressions
que les corps étrangers font sur la peau dépendent de la dis-
position différente et des nerfs; quand même les dispositions
ne nous tromperaient pas, nous ne pourrions pas apercevoir
les différents degrés de chaleur, nous ne pourrions distinguer
que les grandes variétés.
« Borelli a cherché , dans le thermomètre , une mesure moins
équivoque de la chaleur; il n'a pas trouvé plus de chaleur
dans le cœur que dans les autres viscères. Malpighi, par de
semblables expériences, a démontré la même égalité. De même
Amontons, Martine."
Sénac reconnaît que, si les parties profondes sont plus
chaudes,. c'est qu'elles ont plus de sang et sont mieux proté-
gées contre le froid extérieur.
Scbwenke a ai&rmé que le sang tiré des veines est moins
* Voir Gbos'sat, Lu peupUt gtoutom du Nord.
176 CHAPITRE r. — LA CHALEÎJH ET LA FIÈVRE.
chaud que celui tiré des artères, mais ses expériences ne sont
pas irréprochables.
Chap. IV : ftS'il y a un degré fixe de chaleur dans le corps
humain, ce degré osi toujours renfermé entre 90 et loo' F.
(32. V\ et 87,8' C), (lejjré rare. Les corps des animaux sont
plus chauds que le corps humain... (liiez 'les moutons,
bœufs, cochons, la chaleur est à 100, 101, ton, io3' F.
et plus haut ch«.'z les oiseaux. 55
Sénac rapporte les observations de Cokburn et Derhani sur
la diminution de la température avec des pulsations lentes.
A cette épo(|ue on admettait encore que la chaleur du corps
humain dépassait toujours celle de Tair. Singulière erreur,
qui, outre les anciens, avait pour parrains de$ hommes comme
Boerhaave, Cokburn, Amontons, Polenus, ces deux derniers,
t\ la vérité, ayant haussé le degré de la chaleur connue de
l'air.
Sénac ajoute : rrSous la ligne équinoxiale même, Tair est
moins chaud que nos corps.»
îç Pourtant la variété des températures selon les climats,
dit Sénac, ne fait pas varier celle de notre corps.?? (C'est un
progrès.)
r^ La chaleur, dit-il, ne s'accumule pas. . . il en est des chairs
comme d'autres matières; qu'il y ait un vase plein d'eau au-
près d'un feu d'un certain degré, quoique à chaque instant il
parte de ce foyer une cause de chaleur, cette cause n'échauffe
pas davantage les molécules de l'eau \
«La chaleur est le principe de la vie chez les hommes et les
animaux , elle peut aussi devenir Tinstrument de leur perte: i7
fallait donc la mesurer, fixer le degré qui est nécessaire à la vie, et
celui qui détruit les corps.
çç Quelques degrés de chaleur ajoutés à la chaleur ordinaire
se font sentir vivement : on éprouve une ardeur brâlante;
' H ignore la pression atmosphérique et Véraporation, cause de régulation.
SÉNAC. 177
cependant ils n'élèvent que très- peu la liqueur du thermo-
mètre.
(tDans la fièvre tierce ou la quarte, les. corps paraissent brû-
lants, cependant elles n'ajoutent pas à la chaleur naturelle
plus de 6 ou 7 degrés F. de chaleur.
«Dans le commencement de ces fièvres, la chaleur est, se-
lon Sehwenke, de 87 ou 90 degrés F. )33° 5 G.); dans la
violence de l'accès, elle monte à 1 oA"" F. (4o" G.)
fc Selon le même auteur, une pleurésie et une • fièvre pro-
duites par la goutte avaient élevé la liqueur du thermomètre
jusqu'au 108* degré (4 3% 2 C.)^
(tU est difficile de mesurer la chaleur des malades, ils
n'appliquent pas bien, ni assez longtemps le thermomètre, ils
laissent entrer l'air dans le lit . . .
fc Un excès de chaleur, quoique petit en apparence , boule-
verse toute la machine animale, multiplie la force du cœur,
hâte le cours du sang, agite toutes les parties; c'est un aiguil-
lon appliqué è tout le tissu du corps, xr
ApplieatSons à la médecine. — Ghap. v. (c Ce nest pas par k
sentiment qu'on peut apprécier la chaleur. On sent beaucoup
d'ardeur dans des parties qui ne sont pas plus échauffées que
dans leur état naturel; les nerfs portent quelquefois, dans un
membre, un sentiment d'ardeur démenti par le thermomètre.
« La force du pouls est aussi, en divers cas , une mesure équwoque
de la chaleur.
R Quelquefois les parties externes sont peu échauffées ou
froides; cependant le pouls est tendu, vif, fréquent; il est
vrai qu'alors la chaleur peut être violente dans les entrailles,
parce que le sang s'y ramasse; c'est ce qui arrive, par exemple,
dans le froid qui précède la fièvre.
n Si de telles observations nous montrent les degrés de cha-
'Voir Sehwenke, Né à Uttècfat, i6g6; éludie A Lcyde, exerce à la Haye, pro-
fesseur dVbstélriqae, mort en 1768.
19
178 CHAPITRE V. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
leur et Tétat des parties du corps, elles nous montrent, en
même temps , les secours ; Tair ne doit donc pas être trop chaud,
puisque, en conservant la chaleur des corps, il les échauffe. Les
lits échauffes, les couvertures trop pesantes, des habits trop
serrés, sont des sources d*une nouvelle ardeur; il faut donc
tempérer Tair que les malades respirent, et ne les couvrir que
suivant la nécessité. »
A ce propos, nous dit Sénac, il faut lire les expériences de
Boerhaave sur les animaux mourant dans une atmosphère à
lie* F.
Au chapitre yi, Des causes du froid : « La chaleur des corps
animés s exhale, pour ainsi dire, continuellement; elle se par-
tage â Jtair qui environne ces corps; or cette communication ou
cette perte continuelle produit la température qui est néces-
saire à la santé, température qui serait sujette à de moindres
changements, si le même air était toujours appliqué à la peau;
mais l'atmosphère qui nous environne change continuellement;
elle se renouvelle plus souvent quand le vent souffle; celles qui suc-
cèdent dérobent chacune au corps un nouveau degré de chaleur; an
peut donc sentir un plus grand froid, quoique Voir ne soit pas moins
chaud, n
Dans quelques-unes de ses parties et dans cette dernière
plus spécialement, l'œuvre de Sénac est absolument dans le
courant des idées actuelles , c'est un excellent chapitre de phy-
siologie et nous sommes heureux de le lire dans un auteur
français.
DE HAÊPi'.
( Ecole flamande e^ Autriche, xviu* siècle.)
«
L'historique de la chaleur, d*apris de Haên, — De Haën ( Ratio
> Antoiae de Haën, ne en l'joii â len Tappeia â Vienne en i75â.nypro-
la Haye, mort en 1776. Elève de Roer- fessa la clinique et fit partie de cette
haate, exerça vingt ans à la Haye , sans pléiade de diniciens célébrai, Van Swie-
aueane fonction enaeigoante. Van Swie- ten, Stoli, Frank.
DE HAÊN.
179
medendi)^ au chapitre intitulé : De sanguine humano ejusque eo'
hre^^ fait un rapide historique des opinions émises par les
anciens sur la chaleur animale. Ce court passage mérite d'être
lu , et nous en donnons la traduction ici : 9 Quel est celui
d'entre nous qui entreprendrait de donner l'explication de ces
phénomènes, à l'aide des principes connus de la physique ou
de la physiologie^? On rencontre là, en face de soi, des difB*
cultes insurmontables. Avant que l'on connût la circulation
de Harvey, l'école médicale enseignait la chaleur innée, d'après
la doctrine du grand Hippocrate (aph. 1, i/i, i5). Hippocrate.
parait n'avoir pas voulu, en parlant de t^ ifAtpur^ Q'épfi^^
dire autre chose, sinon que la chaleur, dans le corps humain,
commençait avec la vie, variait dans les maladies du plus au
moins, et disparaissait avec la mort. Jusque-là il agissait en
vrai et sage philosophe, constatant et expliquant simplement
les effets d'une chose dont il ignorait la nature. Pourquoi n'a-
t-il pas toujours gardé cette réserve philosophique ?
«Qu'on voie aux livres De camibue et de morbo sncro entre
autres ! il avait reconnu que le sang qui sort d'une blessure
est chaud , et que , lorsqu'un homme perd en une grande quan-
tité, il a froid et pâlit. Il conclut de là que la chaleur natt
du sang, et que les parties sont d'autant plus chaudes qu'elles
ont plus de vaisseaux rouges, qu'elles sont d'autant plus
froides qu'elles en ont moins; et, par suite, il admet que le
cerveau est la partie du corps la plus froide. 11 ne s'arrête pas
là; c'est pourquoi, dit-il, la pituite s'y accumule, et elle est
éliminée parles narines; et, lorsqu'elle s'y amasse en trop
SoD ouvrage le j^us célèbre est inti-
tolé : RaÊMO medendi m ntMocmnio prac^
tieo quod in graUam medieinœ êtudiotO'
fwm eondidit Maria^Thenna. Vienne,
1 758. H publia, en outre, de nombreux
mémoires originaux , pratiquée.
* Antonii de Haen. Ratio medendi in
uotoeamio praiico rnndobamnêi, 5 vol.,
Neapoij, typifl Donati Gampi, mdcclxvi,
t. I, cap.xxT, p. 969.
* De Haëo est un médecin modeste,
qui a conscience des difficultés. Il est
assez savant pour ne pas oser de ces ex-
plications chimiques avec lesquelles jon-
glent les médecins hardis, mais peu
scrupoleui.
19.
180 CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
grande abondance, elle est envoyée par le cerveau aux pou-
mons, et y étant froide, elle refroidit le sang contenu dans le
poumon et le coagule; elle est, en outre, envoyée dans d'autres
parties du corps et y produit diverses maladies : apoplexie,
épilepsie, asthme, et une foule d'autres maladies pituiteuses.
R C'est ainsi que se trompent les plus grands génies, lors-
qu'ils franchissent inconsidérément les limites qu'ils s'étaient
d'abord fixées prudemment à eux-mêmes.
« Si nous consultons Aristote dans les livres De la génération.
De la respiration, et au quatrième chapitre de la Météorologie,
nous voyons cet esprit si subtil s'ingénier à nous démontrer
que quandoquidem quatuor elementis, aère, aqua, igné, terra,
niliil non constet, id calidiuê esse, quod in hoc commistione ignem
haberet reliqiM principia superantem. Il n'y a point de lumière
dans ces ténèbres.
« En lisant Aristote et Galien , on est stupéfait des étonnantes
idées des anciens philosophes sur la chaleur du corps humain,
et nous ne trouvons rien qui nous éclaire.
«Au temps de Galien, les médecins, les philosophes oscil-
laient entre ces deux hypothèses :
R Si la chaleur a pour origine le mouvement du cœur et des
artères, ou si, comme le mouvement même du cœur qui est
inné, la chaleur était de même innée. [Galen.advers» Lycum,
cap. Il et in commentariis,) Galien répond à cette question,
comme Aristote, à la façon des péripatéticiens.
te Aux dogmes des péripatéticiens ont succédé les dogmes
cartésien et newtonien.
((Mais leurs explications sont insuffisantes, hérissées de dif-
ficultés et de desiderata, »
Chaleur des corps vivants. — De Haen ( 1 7 5 6) , dans le chapitre
De sanguine humano ejusque calore, expose les contradictions qui
existent entre les faits et les théories; il oppose, avec con-
fiance, l'observation clinique aux doctrines et à l'autorité de
DE HAËN. 181
renseignement magistral, il fait part de tous ses* scrupules, et
sait s'abstenir des explications inutiles.
11 s'exprime ainsi : «Nous avons observé plusieurs fois,
cbez des malades traités de la façon ordinaire* ou par l'écorce
du Pérou (quinquina), que souvent il ne restait nul indice de
fièvre, ni dans le pouls, ni dans la respiration, ni dans l'u-
rine, ni dans les sensations du malade, et que, pourtant, le
thermomètre accusait cbez eux, 3, à et jusqu^à 6 degrés de
cbalenr de plus qu'à l'état normal.» (De Haén employait ]e
tbermomètre de Fabrenbeit , dont les degrés sont plus rappro-
chés que ceux du Celsius. )
De Haén continue ainsi : «Il y a lieu de s'étonner de
ce fait, d'autant plus qu'il y a des fièvres aiguës dans les-
quelles le même tbermomètre , appliqué au même endroit du
corps, avec le même soin, et pendant le même temps, ne
donne pas un degré de cbaleur plus élevé, alors que les ma-
lades accusent une sensation de cbaleur incommode et que
nous-mêmes, par le tact, nous sentons cette augmentation de
cbaleur. y>
Le fait-principe énoncé ici par de Haén est de la plus
grande importance pratique, il va tout droit à montrer que les
sensations sont trompeuses, que le pouls et la respiration peuvent
aussi nous induire en erreur, et que le thermomètre seul a rai-
son; telle est aussi la doctrine moderne.
De Haén ajoute : «Que dire du fait suivant? dans une fièvre
suraigué, vraiment ardente, où l'on avait tiré au malade
cinq livres de sang très-couenneux (^summe eoriacei sanguinis)^
où il se plaignait lui-même d'une cbaleur insupportable, et
remerciait Dieu du bien-^tre que lui procuraient ses servants en lui
promenant sur le visage des éponges imbibées é^eaufraUhe; com-
ment se fait-il que, dans ce cas, le malade n'avait que i oo de-
grés F. (soit 37%8 C), 98 et 99 degrés F. (36%7-37%a C.)?
Ce degré est inférieur à ceux que le thermomètre donne cbez
les malades qui sont presque guéris de la fièvre, et qui ne
182 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
se sentent pas , et ne nous paraissent pas , à la main, plus chauds
qu'à Télat normal. Dans les maladies malignes, la chaleur n'ex-
cède pas de plus de 3 à /i degrés la chaleur normale, tj De Haên
cite encore l'exemple d'un jeune garçon de i3 ans, pâle, ex-
sangue, au pouls petit, cachectique, scrofuleux (il paraît s'a-
gir d'une péritonite tuberculeuse), qui, pendant six mois, ne
cessa d'avoir environ i oo" F. de chaleur (37^8 C). çç Comment
cette fièvre, avec cette pâleur et cette cachexie? C'est un pro-
blème qui étonne et est sans solution, n Suit un autre exemple :
il s'agit d'une femme qui, en 1765, devmt hémiplégique au
quatrième jour après l'accouchement. Son bras paralysé était
froid et ne pouvait être réchaufl'é, et pourtant les artères y
battaient fortement, tant la radiale que les interosseuses. D'où
vient ce froid avec l'intégrité des artères où coule le sang,
source de la chaleur? — De Haén a tenu cette femme en
observation j)endant l()ng(em|)s, la paralysie s'est accentuée,
il y a eu rétraction et atrophie du membre; la main marquait
•70 et l'aisselle y G, soit une dilïérence de 2 3'\ et cependant,
les artères battaient dans la main. — Comment, dit-iL peut-
on exjdiquer ce lait ^ ?
Il faut avouer que l'objection de de Haën persiste en par-
tie, et que, même de nos jours, tous les problèmes relatifs
à la chaleur animale ne sont pas résolus. Seuls, les ignorants
ont réponse à tout.
De Haën expose la contre-partie de ce qui précède: c'est
l'observation d'un honnne qui n'avait pas de battements arté-
riels dans un bras et [)ourtant y montrait la température nor-
male. (.C'était dans l'aisselle cpie le thermomètre était habi-
tuellement aj)pliqué par de Haën.) Un fait très-considérable,
ou du moins très-remarque parmi ceuv que de Haén a faitcon-
' En effet, la force, 1»t fréquence ilu la diflerence de chaleur dans les mem-
pouls, ne prouvent rion pour la clia- l>res paralysés, n*a ('(é trouvée que de
leur, rV«t iinfi fpirstion do rapillains et nos jours. Voyoz dans le chapitre II : lié
ilc tipjJH vitHomotoftys. — La causo de f^nlulum ilf la rhalcttr.
DE HAËN. 183
nattre, c'est la coexistence d'une grande chaleur avec le fris-
son. Wunderlich a relevé ce fait et en a tiré des conséquences
lëgilimes: il a montré que nos contemporains avaient ignoré
les travaux de leurs devanciers, au point qu'en 1839 un sa-
vant observateur, M. Gavarret , dans le service de M. Andral àla
Charité , avait retrouvé cette coïncidence de la chaleur avec le
frisson et l'avait vraiment découverte , personne , à cette époque ,
ne songeant aux travaux de de Haën sur la chaleur. Or le
mémoire de M. Gavarret a été heureusement le point de dé-
part d'une série de recherches d'où est sortie la rbnaissangb de
la thermométrie clinique , et il marque une date fùstorique. Voici
le passage court, mais significatif , qui termine le chapitre De
soHfpnne hummo ejtuque colore de de Haën: «J'ai institué, Tan
dernier, des expériences qui montraient que l'homme, dans le
frisson de la mort, conservait sa chaleur normale, et que quel-
quefois, dans le frisson fébrile, la chaleur était au-cieMu^ de la
normale. 7> Cette série de contradictions engendraient le doute
dans l'esprit de ce grand observateur, dépourvu, comme on
l'était de son temps, des secours de la physiologie. Il renonce
à rejcpUcaiion du problème: «Il nous faut peul-étre avouer,
dit-il , que la chaleur a une autre origine que le sang lui-
même. »( Et cela est vrai en effet.) Et il ajoute: « En savons-nous
beaucoup plus que ceux qui disaient simplement que la cha-
leur était innée?» La phrase suivante est un acte d'humi-
lité chrétienne : InteUexi quod omnium operum du nullam
postit homo ùwenire rationem eorum quœ 9uni suh sole; et quanto
plus laboraverit ad quœrendum, tanto minus inveniiU. Eiiamsiiixit
sapiens se nosse, non poterit reperire. Eccl. cap. xviii.
Il y a encore d'autres observations faites par de Haén , par
exemple l'élévation excessive de la température du corps pen-
dant l'agonie et même après la mort, phénomène qui était
inexpliqué en 1766 : &^ mirum dietu! omnium maximus calor
inventus est hominis, quo tempore cum morte luctatur, exspirat, jamr-
que aliquanium vivere desinit. Ainsi chez un malade qui, pen-
\Sà CHAlMTHfc: l\ — LA CIlALfcilh ET LA FIEVRE.
dant le cours de sa maladie, n'aviiit pas eu plus de io3 de-
grés F. (soit 89°, 5 C), la chaleur s'éleva, au moment de
la mort et deux minutes après, à 106' (ii", i C). Autre
exemple: un homme avait, neul heures avant sa mort, une
température de 07° (3()", 1 C). Le thermomètre avait été
api)Iiqué pandani litiit minutes , temps usité par de Haên pour
l'évaluation de la chaleur. Au hout de 1 5 minutes d'applica-
tion, le thermomètre marquait 100 degrés (87% 8 C), ce
qui était la température habituelle dans la maladie. Au mo-
ment de la mort, même température, et elle persista pendant
7 minutes 1/2; /i minutes s'écoulèrent encore et la tempéra-
ture monta à 101° (38", 3 C). A partir de ce moment, on
examina le thermomètre nV//j-/yôi,s^ de 4 en 4 minutes, et Ton
nota les chiffres (jy (37^'î (].), 98 (36%6 C), 97, 96, et,
quinze heures après la njorl, le thermomètre était descendu
seulement à 83, alors que Tair extérieur ne marqtiait que
60(16 C).
(]ette analyse patiente et obstinée doit assurer à de Haên
une place considérable dans l'histoire de la thermométrie mé-
dicale, d(mt il est presque l'inventeur.
En un autre chapitre portant presque le même titre-, de
Haën reprend la question de l'origine et des causes prochaines
de la chaleur animale. U trouve insullisnnte la théorie de la
chaleur par le frottement seul, et admet l'rxistence d'autres
causes de la chaleur dans le corps. (îependanl il s'arrête là et
, se garde de tomber dans des explications malheureuses.
Nous avons fait connaître les faits partieuliers et importants
que de Haën a le premier indiqués et qui lui servaient d'ar-
guments pour combattre les théories régnantes jusqu'alors.
Mais de Haën ne s est pas borné au rôle de critique, ni à celui
à^ohservateur curieux: il a tenté de réaliser un travail d'ensemble
' (^e sonl là dos expériences suivies, instrument qui donne la thcrmoi^raphir
Nous nVn taisons pas de meilleures nu- nmlinuc. — - T. II, p. «if), citpul iv :
jourd'hui. Il nous reste à découvrir un Dr sonirttitie et cahn'huwano.
DE HAËN. 185
sur ia thermométrie tnéthodique, et il en a tire tout ce qu'un
grand professeur cooune lui en pouvait tirer pour l'enseigne-
ment public. Sans doute, il a dû commettre des erreurs de dé-
tail , et les instruments dont il $e servait n'avaient pas atteint
à la perfection dont les nôtres se rapprochent davantage; mais
ses préceptes étaient et demeurent bons, et, en le lisant, on
croirait lire l'œuvre de quelque clinicien éclairé de nos jours;
il faut avouer que l'immense majorité des médecins vivante en
sait moins sur la thermométrie que de Haén, et que quelques--
uns, même parmi les maîtres, seraient fort embarrassés de ré-
pondre aux questions que de Haén faisait à ses élèves. Et il ne
faudrait pas croire que le professeur de Vienne fût seul pos-
sesseur de cette méthode en 1756; il se plaint de ce que les
auteurs de son temps ne s'expliquent pas suffisamment sur la
durée que doivent avoir les examens thermoscopiques tam in
œgris quam in sanis, — Au reste, nous donnons ici une analyse
étendue des chapitres xix du tome T' et iv du tome II.
Gh. XIX. De supputando cahre corporis humani^. «Des hommes
très-ingénieux, Fahrenheit et Prins, et surtout Réaumur, dont
on ne saurait trop faire l'éloge, nous ont, après Torricelli,
Galilée, Drebel, Pascal, dotés de thermomètres propres à dé-
terminer le degré de la chaleur humaine. Nous avons ainsi
appris que tout ce qui ne vit pas, tout ce qui n'est point placé
dans la sphère d'activité du feu, n'a que la chaleur de l'at-
mosphère: tels sont le bois, la pierre, les métaux-, la soie,
la laine, l'eau, le vin, l'alcool, lesquels ont la même tempé-
rature, qui est celle de l'atmosphère. Mais nos sens ne nous
permettent pas toujours d'en bien juger : c'est ainsi qu'en hiver
le fer poli nous parait beaucoup plus froid qu'un vêtement de
laine, le verre que le bois; ce qui s'explique parce que notre
propre chaleur, qui est très-supérieure à celle de l'atmosphère ,
a très-vite amené h son degré l'atmosphère de la laine , mais
• Tome If p. i5ri.
186 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
ne peut que lentement échauffer les particules de la surface
du fer poli , . . % et de même que ce métal poli s'échauffe plus
lentement , de même il conserve aussi plus longtemps la cha-
leur. Ti De Haén renvoie ensuite le lecteur au beau mémoire de
Boerhaave sur le feu (De ^<?), et dit modestement, en par-
lant de ses propres travaux : Inventis addere facile.
f!t Fait» principaux. — i* On a fixé à 96" F. (35° C.) la chaleur
de l'homme à l'état sain, à 87* jusqu'à gi** (3o%4 à 3/i%5 C.)
celle de l'homme atteint du frisson fébrile, et à 96^" jusqu'à
108'' (35,6 à k^"* G.) celle d'une fièvre ardente ; on a même
dit que la chaleur pouvait monter un peu plus haut. Donc il
y a bien moins d'écart entre le point normal et celui du refroidisse-
ment qu entre le point normal et celui de réchauffement excessif.
« Q** On a dit que la chaleur de l'atmosphère était toujours
inférieure à celle de l'homme sain, même m ardente Sirio; qu'il
était même impossible à un homme de vivre longtemps dans
un air pareil, à plus forte raison dans un air qui aurait une
température dépassant celle du corps humain, v Suit une ci-
tation de Boerhaave qui est très-intéressante (cap. De igné,
exp. tQ, coroll. 16): Sanguisfrigidiorinaretos, elasticos, fortes
canales arteriœ pulmonalis, vi cordis dextri, atque molimine ingenti
respirationis, pressus, aetusque, necessario per unum pulmonem
fertur copia œque magna, quam, eodem tempore, per universum cor-
pus, omnesque ejus partes simul. Hinc igitur idem sanguis nuUa
in parte corporis usque adeo atteri, adeoque et calescere poterit, quam
in pulmone solo. Foret ergo cahr iUius homini intolerabilisj imo
letalis. Yerum aer, respirando ductusin pulmonem, est semperfri-
gidior longe, quam hic sanguis. Et per Malpighiana, sanguis hic
in arteriolas minimas fusus , quœ vesicuUspulmonumtenuisnmisad-
plicantur undique, per superficies ergo incredibiliter latas exponitur
aeri, per omnia momenta temporis renovato, adeoque semperfrigido,
unde sanguis ex se, in nulla iterum totius corporis plaga réfrigéra-
tur plus, hoc respectu, quam pulmone nostro.
DE HAtN.
187
«t 3*" De grands mattres en Tari de ia médecine ont décidé (de--
cretumjuit) que les décroissances de la chaleur d^nsle corps
humain , à l'état morbide , devaient être imputées à un moindre
frottement des humeurs dans les vaisseaux et des humeurs
entre elles, et que les accroissements de chaleur tenaient à
une augmentation du frottement.
ff^Avec tout le retpect qui est dû à de si grands noms, je me
permettrai d'invoquer mes propres observations avec leurs
conclusions nécessaires.
«Boerhaave, Fahrenheit, Haies dans son Hémostaiiqîie , Der-
ham dans sa Théologie physique (lib. I, cap. u), Sauvages dans
son livre De Viajlammation, nous disent quelle est la chaleur
de rhorame et de tous les corps , mais ils ne nous disent pas
pendant combien de temps ils laiisaient letliermomètre appliqué ^
«Or c'est ce qu'il faut chercher d'abord, avant de rien con-
clure relativement à un phénomène de l'ordre physique, et c'est ce
que montreront les observations suivantes , que j'ai faites sur
moi â l'état sain et sur plusieurs autres personnes dans le même
état, et aussi chez plusieurs malades. Et cette expérience, je ne
l'ai point faite une fois ni dix, mais très-souvent, et toujours
j'en ai tiré le même enseignement.
«Lorsque le thermomètre est maintenu pendant un demi-
quart d'heure dans l'aisselle d'un homme sain ^, il marque de
96* à 96' F. (35" à 35»,5 C); au bout d'un quart d'heure,
97% 98", 99* F. (36%3 C, 36%7 C, 37%a C); au bout
d'une demi-heure, ioo% loi** F. (37°,8 C, 38%4 C). A
partir de ce moment, quand même je maintenais le thermo-
* CeUe objection scientifiquo sur le
moduê faciêndi conserve «ujourd'bni
loQte sa valeur. Gombieii avons-oouB de
courbes thennométriques sans valeur
ou gAtëes par des ignorants?
* Ces 7 minutes i/:< sontr-elles ie
point de départ des 7 minutes pendant
iesr|uelle8 les Allemands modernes lais-
sent le thermomètre appliqué dans l^ais-
selle? Nous verrons plus tard que, pour
le creux axillaire, ce temps est insuffi-
sant, que, lorsque Tapplication est faite
dans le rectum , il est, an contraire , lar-
gement calculé.
188 CHAPITRE r. ~ LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
mètre pendant deux heures et au delà, je ne l'ai jamais vu
monter plus haut.
«Si maintenant nous regardons ce qui se passe chez les
malades, nous avons la clef des notations des auteurs qui ne
laissent le thermomètre en place qu'un demi-quart d'heure.
Supposons un malade ayant une chaleur fébrile faible, le
thermomètre laissé un demi-quart d'heure marque loo'F.
(37%8 G.); mais, au bout d'un quart d'heure, il marque de
lor à 103" F. (38%4 à 38%9 C), et, au bout d'une demi-
heure, de 103° à io3" F. (38".9 à 3^\b C). Quelquefois
j'ai vu, dans la Jièvre continue, le thermomètre, au bout d'une
demi-heure , marquer io6*F. (/ii%i C), et, au bout d'une
heure, 109" F. (43%8 C); d'autres fois, en une demi-heure,
il montait à loS"" F. (39°,5 C), et en une heure à 100'' F.
{lio%i C).
ce On objectera à cela que la chaleur fébrile a pu s'accrottre
pendant ce temps; je l'accorde pour une fois, pour plusieurs
cas si l'on veut; mais alors pourquoi donc, chez les gens bien
portants, le thermomètre monte-t-il plus haut, quand on le
laisse plus longtemps en place, et alors que notre chaleur na-
turelle ne s'accroit pas le moins du monde? Et pourquoi en
est-il de même chez les malades, alors que, de notre côté ni du
leur, il n'y a aucun sentiment de l'accroissement de la chaleur?
Et c'est une loi constante. Ainsi il ne s'agit point ici d'une
réelle augmentation de la chaleur.
«Et qu'on n'accuse pas l'exactitude de nos thermomètres!
J'en possède beaucoup d'excellents , qu'a fabriqués pour moi
un très-ingénieux physicien et mathématicien distingué, le
révérend Marci, selon les modèles de Fahrenheit, Prins et
Réaumur. J'ai moi-même vérifié^ l'exactitude des thermo-
* De Haën prévoit toutes les objec- livrés par le commerce, cm thermomè-
tîons. L^exactitude qu^il apporte â la vé- Ires sont souvent défectueux, et on est
rifieation de ses instruments peut nous obligé de vériGer souvent leur valeur;
servir de modèle. On ne vérifie pas as- on sait, eo eflet, qu^après un certain
S(>z les thermomètres; précipitamment tempe leur léro se déplace.
DE HAËN. 189
mètres Fahrenheit dont je me sers pour mes malades, d'après
le grand thermomètre universel fabriqué avec un soin e.trêJpar
Prins lui-même.
•X Des susdites expériences j'ai dû conclure que l'on n'avait
pas déterminé exactement le vrai degré de la chaleur, soit
chez rhomme sain , soit chez les malades , faute de laisser le
thermomètre appliqué assez longtemps.
« Un grand nombre de faits contredisent la deuxième thèse
des auteurs. Haies, Boerhaave et d'autres ont considéré. comme
impossible qu'un homme pût vivre longtemps dans un air dont
la chaleur dépassait la sienne propre ou la surpassait. Cepen-
dant, d'après les observations communiquées par le très-savant
Derham [Theol. phys. lib. I, cap. ii), le thermomètre, sous
l'équateur, monte è un degré qui n'est guère différent de ce-
lui de la chaleur humaine, et même il dépasse souvent cette
hauteur. J'ai moi-même souvent observé, ayant suspendu des
thermomètres très-exacts, les uns dans l'air libre, hors de toute
réflexion de parois, et à l'ombre, les autres en plein soleil, que
la différence de chaleur accusée de part et d'autre était de
plus de 3o" F. (soit i6* â 17" C). Au 27 août, entre 3 et
h heures de l'après-midi, alors que, dans l'intérieur des mai-
sons, le thermomètre marquait 71*" F., il marquait dehors,
à l'ombre, 75"; le thermomètre universel de Prins, exposé
aux rayons directs du soleil, monta en un quart d'heure à
io3* 1/9 F. (39^75 C), et se maintint à cette hauteur avec
quelques oscillations. Au bout d'une demi-heure, il monta k
107" F. (4i*,7 C); huit autres thermomètres donnaient le
même chiffre avec de très-petites différences.
fi Or nous nous exposons à de semblables températures sur
les places publiques, dans les rues, dans les champs pendant
la moisson, dans les camps, etc., et cela sans devenir ma-
lades. Et certainement nous tous, au cœur de l'été, res-
pirons souvent un air plus chaud que nous-mêmes, et ce-
pendant nous vivons; et il ne survient point d'accidents, h ceux
190 CHAPITRE T". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
qui vivent sagement et s'abstiennent de boire avec avidité de
l'eau trop froide. Sous Téqualeur, l'homme vit dans un air
aussi chaud que lui-même, et, dans une; partie de l'Europe, en
un air parfois plus chaud que notre corps. Ainsi l'usage de fair,
dans l'inspiration, paraît plutôt être de mouvoir le sang que de
le refroidira Je m'éloigne ici du texte de Boerhaave, mais
|)Ourtant il donne [Physiol, $ 202) une explication dont la
mienne se ra|)proche. D'ailleurs, s'il suffît que l'air ait dix
degrés de moins que le sang pour jouer ce rôle de réfrigéra-
teur, ne deviendrait-il pas trop froid et nuisible, alors que,
dans une brume glaciale, il est de 70 à 80° F. au-dessous de
la chaleur humaine? Et le thermomètre ne devrait-il pas alors
montrer le sang de Thomme beaucoup jdus chaud en été qu'en
hiver?
r^h'd troisième thèse des kridits est que la chaleur provient
du (rottement. Il y a beaucouj) de maladies qui ne permettent
point d'admettre ce principe. Dans une fièvre hémitritée for-
mée par le mélange d'une continue et d'une intermittente
quotidienne, le malade, |)endant le paroxysme de l'inlermit-
lent(^ éprouvait une telle sensation de froid, qu'il disait que
le reste de sa maladie n'était rien auprès de cette atroce souf-
france. Or le thermomètre marquait, à ce moment, lo/l"* F.
( /io'' (I.), et il ne dépassait pas ce point, même au plus fort du
stade de chaleur. Ainsi cet homme éprouvait une vive sensa-
tion de froid; les signes du refroidissement, frisson, tremble-
ment, r//^'o/\ //emor, le ch(jiiemenl de Jcw/5, étaient évidents,
et pourtant la main sentait que ce corps était chaud, et le ther-
momètre marquait une chïAituv au-dessus de la normale. V^ous
demanderez ce qu'était alors le pouls? il était comme d'habi-
tude, petit, rapide, contracté pendant le frisson; et ensuite,
dans le stade de chaleur, il devenait plein, libre, grand.»
' De llaën a lo niérile de faire dis- couverte. Effacer une eireur, c'eut ava»"
paraître une erreur, cela vaut une dé- cer.
DE HAËN. 191
De Haën cherche ensuite à expliquer ce fait. Il se demande
à quel genre de fièvre appartenait cette maladie, si c'était à la
fièvre appelée par Hippocrate ffirtclkn où le malade avait à la
fois la sensation du chaud et du froid, ou à la fièvre Xtmvpta^
dont Hippocrate dit (aph. 6, AS, 7, 7s): In fehritms non
intermUenùbus , si exUma Jrigeant et interna urantur, et sitiant,
lethale.
Il combat ensuite les explications des médecins mécaniciens,
qui veulent que le cœur se contracte avec d'autant plus d'é-
nergie et de vitesse, que les capillaires résistent davantage, et
il renvoie au Trmti de Vinfiammation de Sauvages, dont il
admet les démonstrations. 11 n'admet pas non plus la chaleur
réagissant, par X acrimonie des humeurs, sur les mouvements du
cœur et sur les vaisseaux, et il combat ces diverses hypothèses
par des arguments excellents. Pourquoi, dit-il, cet homme
a-t-il le frisson, le tremblement, le claquement de dents,
alors que le thermomètre dénonce chez lui 8"^ F. de plus qu'à
Fétat normal ? Il y a là quelque chose d'inexplicable. Si quel-
qu'un, ajoute-il, veut bien m'expliquer ces phénomènes parles
seules lois de la physique, erit mihi magnus ApoUo. Et de Haën
revient sur le fait d'un homme à l'agonie, et qui, pendant
fàà heures, ayant un froid de marbre avec des artères qui bat-
taient à peine, marquait au thermomètre 97"* F. (36%q €.) :
« où est ici le frottement artériel ? "
De Haën rapporte ensuite une observation pour montrer
que f écorce du Pérou diminue la chaleur et éteint la fièvre.
Il y a, dit-il, des cas où cette écorce augmente la chaleur,
c'est quand celle-ci est au-dessous de la normale : iis augeri
ealarem, qui naturaU minorem passideant, ut eundem minuit iis qui
naturali majorem. Et de Haën rapporte l'histoire d'une fille qui,
ayant pris du quinquina quelques jours avant, eut de nou-
veau une chaleur fébrile (loa** F., 38%9 G.) avec un pouls
lent : ergo cahr non a solo attritu, non a solo motu aucto.
!92 CHAPITRE V. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Nous avons à faire connaître maintenant les tabhaux de la
chaleur aux diiïërents âges, dressés par de Haén, au chapitre
De sanguine et calore kumano ^
L'opinion répandue, parmi les observateurs de ce temps,
était que la chaleur était plus grande chez les adultes, moindre
chez les vieillards^ et les enfants, et Ton en donnait la raison
mécanique. De Haën se contente de transcrire le résultat de
nombreuses expériences qu'il a faites sur des enfants, des
adultes, des vieillards; et il indique quelles précautions il a
prises : les sujets mis en expérience étaient couchés et bien cou-
verts par-dessus le thermomètre; et, de peur d'erreur, toutes
ses observations étaient faites avec le mime thermomètre.
On ne saurait trop admirer le soin et la rigueur apportés
à ces expériences, dans lesquelles sont notés : l'âge, la dur^e
d'application du thermomètre, et le degré de la chaleur:
NOUVEAO-N^S.
F. C. F. G,
9 jours, 7 min. i/a. . . 94" (3/i',5) i/4 d'heure — 96**
3 95' (35%o) 97-
3 97' (36M) 99"
^' 97* (36M) 99*
3 95- (35%o) 97-
5../ 96- (35%5) 98*
7 97" (36%i) 99-
7 • 97" (36M) 99*
10 96- (35%5) 99-
31 95' (35%o) 97*
aa 97*(36%i) 100"
q8 96* (35%5) 98'
35',5).
36\i).
37',3).
37%3).
36'.i).
36-,6).
37-,3).
37-,3).
37-,3).
36M).
37-,8).
36',6).
* Édition de iNaple», 1766. T. II,. ■ Voyex Gharcot, Maladieê det M
p. 108 et suiv. lavdê, a* éditioD, 1876, p. 961.
DE HAËN.
193
P.
& 1/9 ans, 7 min. 1/3 . . 96"*
95-
94-
94-
96-
96*
95*
94-
95-
95-
96-
95-
97°
9fi-
95-
96-
5...
5 1/9
5i/a
5 3/&
5 3/4
6...
6 t/â
61/9
7. .
7 V«
71/9
7 »/a
9...
9 •••
10 . .
ENFANTS.
C.
35%6
35*,o
34*,5
3û',5
35%6
35%6
3S*,o
34*,5
35*,o
35*,o
35*,6
35*,o
36', 1
35%6
35*.o
35*,6
i/& d'heure. . .
F.
98- (
c.
36%6).
98- (
:36%6).
97* (
;36%i).
97* (
;36*,i).
98- (
;36%6).
98- (
;36*,6).
97* (
;36',i).
97* (
:36*,t).
97*1
[36%i).
98-1
;36',6).
99* <
:37%3).
98-1
[36%6)."
99* <
[37%3).
99*1
[37',3).
97- <
;36%i).
98- (
[36%6).
Il n'est pas nécessaire de faire un tableau pour les adultes,
4it de Haên, puisque de (rès-nombreuses observations (infi-
nita) montrent que leur chaleur varie de 96° à 98° F. (35* à
36«,7 C).
VIEILLARDS.
F.
66 ans, 7 miD. 1/9.. . . 97*
6A
69
70
73
76
79
80
80
81
83
83
84
90
9>
96-
95-
95*
96*
96-
95*
95*
97*
95-
95-
96-
96-
96*
98*
C.
(36%i
(35%6
(35%o
(35%o
(35%6
(35%6
{35%o
(35%o
(36%i
(35%o
(35%o
(35%6
(35%6
(35*,6
(36%6
1/4 d'heure. . .
F.
c.
99-
(37%3).
99'
(37*,3).
97*
(36%i).
98-
(36',6).
98-
(36%6).
98-
(36%6).
97*
(36*,i).
98-
(36%6).
99*
(37*,3).
97*
(Se*,!).
98-
(86',6).
98-
(36%6).
99*
(37%3).
99*
(37%3).
100*
(37*,8).
i3
\9à CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
«Ainsi la chaleur est la même à tous les âges, avec les
écarts que nous avons signalés pour Tage adulte. Ces nou-
veau-nés, enfants, vieillards, étaient ()ris parmi les deux
sexes. Les femmeti uc sont point différentes des hommes par In cha-
leur. Pourtant les plus anciens auteurs ont déclaré qu'il y avait
des différences dans la chaleur, suivant les âges, et ils ont
tâché de trouver l'explication de ce fait prétendu. Les mo-
dernes qui avaient les moyens de contrôler ce fait expérimen-
talement ont négligé de le faire, aveuglés qu'ils étaient par
leur croyance en la doctrine du frottement comme cause de
la chaleur, et ils en ont appliqué les déductions à l'enfance,
à la vieillesse, à Tâge adulte, sans prendre souci de la véri-
fication directe; tant il est didicile d'être plein d'un ardent
amour pour une hypothèse, et de n'être pas, par cela même,
détourné de la vérité. Plaise au ciel que, devenus sages enfin,
après de tels exemples, nous cessions (Fen imposer si honteuse-
ment au genre humain et à nous-mêmes !w
Que manque-t-il à de Haën ? Les courbes,
STOLL».
(École do Vienne, 17Z12-1788.)
Dans ses Aphorismes sur ks Jièvres, StoU passe en revue les
symptômes divers de la fièvre. La chaleur n'y occupe pas le
premier rang, elle est même reléguée à la suite d'autres symp-
tômes tels que la nausée, la faiblesse, etc.
Aph. 617 -: Le froid fébrile. ^Le froid, au commencement
des fièvres aiguës, suppose un moindre frottement des liquides
entre eux et sur les vaisseaux, le mouvement circulatoire di-
^ Né en Souabe en 17^12. Jésuite, milien SloH tui succède et meurt à
professeur de belles-lettres, quitta Ton- ^5 ans, en 1788.
dre en 1707. Elève de de Haën, dont ' Aphorisme» sur la connaùtsancf et
il ne semble pas avoir sufTisammenl com- la cnration des fièvres , par Max. StoU;
pris les procédés scientifiques, Maxi- Paris, 1809. Le /roiW /<?6n7^, p. 1G8.
STOLL. f95
minuë, la stagnation du liquide aux extrémités; que le cœur
se contracte moins, s'évacue moins; le spasme de la surface
cutanée et des extrémités des vaisseaux. »
Les aphorismes se rapportant à la chaleur fébrile, quoique
écrits postérieurement à de Haën, sont bien inférieurs à la
science de ce mattre de Stoll. Il semble que le langage de
Técole, que la routine classique, l'aient emporté à Vienne même
sur renseignement si scienti6que de de Haën.
Aph. 681. «La chaleur fébrile se connaît au toucher, par
le sentiment du malade, par le thermomètre, et elle varie se-
lon la fièvre elle-même, selon la partie affectée et la manière
dont elle l'est, n
Aph. 68a: ((Ainsi il y a une chaleur douce, universelle,
^ale, répandue, humide, dans le temps de la coction, de la
crise, de la rémission, de Tapyrexie, et celle-là est bonne: il
y en a une, au contraire, mordicante, ftcre, brûlant la main
qui touche, et sentie par le malade, accompagnant la fièvre
ardente; il y en a une partielle, dans un endroit enflammé;
il y a celle de la consomption sèche, après le repas, dans la
paume des mains, è la plante des pieds, aux joues, qui sont
trèsH:haudes et d*u^ rouge foncé. »
Aph. 683 : «La chaleur, quelque cause prochaine que les
physiciens aient établie, en a beaucoup de plus ou moins éloi-
gnées , qui diffèrent par leur nature et par ce qu'elles signi-
fient, quant au diagnostic, au pronostic, au traitement. . . »
Stoll indique alors le remède pour les différents modes de
la chaleur; si elle dépend de la vélocité du pouls, il y faut
remédier par le repos, la saignée, une application interne et
externe, lente et douce, des substances froides (les émulsions).
Le mot froid n'a pas ici son sens strict. Si c'est la pléthore, si
c'est la cacochyme, si c'est une inflammation, autres re-
mèdes.
Il y a un passage d'où il semble résulter que Stoll cher-
chait à refroidir les fiévreux. Pour les bilieux : «un air libre,
i3.
196 CHAPITRE r. — LA CHALEDR ET LA FIÈVRE.
uo peu frais, froid, modéré (non au thermomètre «mais (f après
la sensation du malade), agité, les couvertures légères, se
placer sur le lit; une boisson acide, à froid, à la glace, des
lotions et des épithèmes semblables. . .
«On abat, dit-il, la chaleur dans la synoque putride par
les mêmes moyens, et, en outre, par lesaci des minéraux éten-
dus dans feau froide. Ces moyens apaisent, comme par en-
chantement, la chaleur varioleuse qui quelquefois, avant
l'éruption des pustules « est énorme, dégénère en coma.. . »
Ainsi StoU a connu et pratiqué le traitement de la chaleur
fébrile par le froid.
FRANÇOIS HORNE».
( tcole anglaise, if m* siècle.)
Dans ses Principia meJicinœ (1768), Horne déGnil ainsi ia
fièvre : In unaquaque febre semper et ubique adesse Jrequentem
pulsum.et calorem auctum, cum lœsiane unium vel plurtus func-
ttottum. Horne attribue à Sylvius le fait d'avoir, le premier,
* F. Horne publia ses principaux ou- observations tkermoinëtriques exactes
vragesde 1780 i 1780. Professeur de sur ia température de l^homme et des
matière médicale i Tuniversilé d^Édin- animaux. De animidium caUrt.
burg. Parmi les élèves de Haller qui ont
On a de lui : Diuertatio de febre re~ étudié ia chaleur, oous devons citer:
mittente (1 760 ). — Analyte et vertut du Hailer Marcard , DiêêerUrtio de geM-
DuMê epaw (1751). — ExperitnenU on rationê calorù et u»u in corpore hvmeno;
hleaching (t'jï)6). — The principUê of 17^1, Gottiog.
uffriculturf* and végétation (1758). — Rôderer, Diteertatio de animalim
Prinapia medicinœ {i']7)H). — Médical ealore, Obn.; 1768, Gotting.
/acte and expérience ( 1 7 ^> 9 )• — ISatwe , Pickel , Expérimenta in«d, pHifticê éi
cauêe and cure of croup (1 765 ). — Cli- electricitate et ealore animalium; 177B,
nieal expérimente , hintoriee and dixfec- Wur^lzb.
tione (1780). — Methodtu maleria me- ( Wunderlicb ajoute, page 3o : cDans
dicœ (1781). — Expérimenta on fih cette thèse, ii serait fait mention d>x-
and fieeht etc. (Philoi. trann, 1753). périences relatives à Tinfluence des bains
Gonsiiltex également: Gb. Martin, de rivière sur ia température.")
17'jo, qui, en Angicicrre, publia des
FRANÇOIS HORNE. 197
compté le pouls parmi les symptômes pathognomoniques des
fièvres; mais, dit^il, il en faut faire autant pour la chaleur:
Sed cahris mym mnuwe atigmentum œque inter Imc locum me-
reiur, quia in omni febre et in ûnoquoque febris êtadio, imo in
rigoribus det^iur. Cet imo in rigoribus nous montre bien qu'il
était de notoriété publique, et que Ton enseignait dans les
écoles, au xtiii* siècle, que ta chaleur fébrile existait, comme
dît Horne, â tous les stades de la 6èvre, même dans le stade
de frisson. Horne admet également une lésion organique ou
fonctionnelle dans toute fièvre, doctrine prétendue nouvelle
par les organopathologistes du commencement de ce siècle.
« Quelles sont les causes prochaines de la fièvre ? est-ce une
excitation nerveuse, par la sensation d'un certain stimulus?
Nous en connaissons quelques -unes : l'émotion, la colère,
Texercice, la chaleur extérieure, certains venins, les miasmes,
la contagion. Mais queile est la modification chimique ? est-ce
un acide, un alcali?. . . • » Ces questions se posaient alors :
on ne les a pas résolues aujourd'hui, on se les cache soi-
même.
Home se demande quelle est l'origine de la chaleur fébrile.
«Elle provient, dit-*il, de deux sources: i"" le frottement du
sang ; s"* la tendance à la putridité des humeurs, y» La fièvre
dilate les vaisseaux et expulse la matière morbifique : Ergo
fAris, id est pulsus eitatior et cahr aueticr, respectu ad causam
morbifieam habita, semper salutaris est; . . . hinc febris apte a cla-
rissimo Sydenhamo defnitur : naturœ conamen materiœ morbificœ,
corpori valde inimicœ, exterminatianem in cegri salutem omni ope
moUenùs»
Home est logique, ainsi était-on à cette époque de foi mé-
dicale. Il va donc à l'application de son principe sans hésita-
tion : si la fièvre est bonne, il la faut encourager. Febris ergo
quœ semper ad causas mùrbificas quadrat, non , si Jleri potest, ex^
tinguenda, sedpotius ad harum expulsionem alenda, c^La chaleur,
dit-il , amène la sueur et la résolution. J'ai souvent vu, ajoute-t-
I9ë CUAPITAE r. ~ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
il, la chaleur monter au 107* degré du thermomètre Fahren-
heit (&i%7 C.) sans qu'il en résultât aucun danger.
et Pourtant il faut savoir tantôt exciter la chaleur, tantôt la
tempérer suivant les cas , et Texpérience seule nous apprendra
cette science pratique.
«Veut -on modérer une chaleur trop grande, voici les
moyens k employer : t* le repos de corps et d*Âme; a"* un air
frais; 3** des vêtements légers; 6" des boissons fraîches; 5° des
médicaments antiseptiques.
«Pour rallumer la chaleur, il faut employer: i'' le mouve-
ment et les frictions; a** Tair chauffé; 3"" la chaleur du lit;
A" des applications externes chaudes; 5*" tout ce qui excite et
relève le pouls, v
Voilà ce que contenait un bon enseignement classique en
Angleterre, en 1758.
CULLEN».
( iviii* siècle, 1719-1 790.)
CuUen admet que la température normale du corps humain
est de 98** F. (36%7 G.). Il pense que, dans certaines circons-
tances, le froid a une puissance sédative, et quelquefois est
un stimulant du système sanguin, et un astringent dans
d'autres cas.
Le frisson marque le début de la fièvre. On peut d'abord
s'apercevoir d'un froid des extrémités \ t( Ce n'est qu'au bout
d*un certain temps que le malade éprouve lui-même une sen-
* GuUen , Écoania , profeasenr de twrm on f^ iiMiarMi mtdum, LMidrei,
chimie à Glascow, pais professeur de 1771, etc.
médecioe dans la même anîvenitë , Les indications bibiiographiquea ren-
1761 ; professeur de chimie à Édin- voient à son livre intitulé : Elémtmiê dt
ïmrg en 17Ô6, puis profeaaeur de nMecmê pratifuê. Traduction de Boa-
matière médicale. quillon, 1787.
On a de lui : Synop$iê no9oU>gûe ma- ' Ut. I : Ikê fihm^ chap. 1 : Dm
dicœ m HÊum $tudio9orum , 1 769 ; Lfc- iymifUmtê dm fièwrf, 1 o , p. 7.
GULLBN. 199
sation de froid , qui commence communément dans le dos, et
bientôt se communique à tout le corps ; alors la peau paratt
chaude au toucher. » Ainsi GuUen sait que le frisson s*accom*
pagne de chaleur.
Il pense qu'il y a deux manières d'utiliser le froid dans les
£èvres, savoir : en introduisant des substances froides dans
Festomac , ou en les appliquant sur la surface du corps. Les
boissons froides peuvent être un tonique utile dans les fièvres.
La seconde méthode d'employer le froid comme tonique con-
siste à l'appliquer à la surface du corps. GuUen admet en gé-
néral que, quand la faculté de produire de la chaleur est
augmentée, comme dans les fièvres, il est nécessaire non-seu-
lement d'éviter tous les moyens capables de la porter à un
plus haut degré , mais il convient même d'exposer le corps à
une atmosphère d'une température plus froide, ou au moins
de le faire plus librement et plus fréquemment que dans l'état
de santé. Et il ajoute^: ce Quelques-unes des dernières expé-
riences faites dans la petite vérole et dans les fièvres conti-
nues prouvent que la libre admission de l'air froid sur le
corps est un puissant moyen de modérer la violence de la
réaction. Mais quelle est la manière d'agir ? Dans quelles cir-
constances de la fièvre convient^il particulièrement? ou quelles
sont les limites qu'il exige ? C'est ce que je ne tenterai pas
de déterminer, jusqu'à ce qu'une plus longue expérience m'ait
mieux instruit, i^
A la vérité , James Gurrie et d'autres médecins de Liverpool
avaient déjà fait paraître des mémoires sur l'utilité du froid
dans les fièvres, mais GuUen avait le droit de ne point se dé-
clarer encore pour' cette méthode nouvelle. Gependant GuUen
sait que les alSusions froides sont quelquefois utUes, et à l'ar-
ticle 909 il s'exprime ainsi ^: (( Non -seulement l'air froid peut
* Ghap. n : D9 la méthode de guérir leê fihree, section première : De la ettre
dêeJShrêë cmtmvêe, i, I, p. 196. — * T. I, p. i56.
200 CHAPITRE I*'. ^ LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
être appliqué sur la surface du corps comme rafratchissaut,
et peut-être comme tonique, mais on peut aussi faire usage
de l'eau froide. Les anciens rappliquaient fréquemment avec
avantage sur certaines parties comme tonique; mais c*est une
découverte des modernes de laver tout le corps avec de Teau
froide dans les cas de 6èvres putrides accompagnées de beau-
coup de faiblesse. Cette pratique fut tentée, pour la première
fois, à Breslau, en Silésie, comme il paraît dans la disserta-
tion qui porte le titre : De Epidemia vema quœ Wratislamam
anno 17^7 afflixit, et qui se trouve dans l'appendice joint aux
Acta naL curios., vol. X. D'autres auteurs nous apprennent
que cette pratique a été adoptée dans quelques contrées voi-
sines. Néanmoins je ne sache pas qu'on en ait jusqu'ici fait
l'essai en Ecosse. r>
Le traducteur français de Gullen (1785) ajoute en note
quelques renseignements sur le même sujet : ^Galien, dit-il,
cite des cas où il pense que Ton doit faire usage du bain froid.
Fioyer rapporte que des malades échappés pendant le délire
ont été guéris en se jetant dans les mares, ou en restant sur
le pavé. Gircelli, dans ses notes sur EtmuUer, recommande
d'appliquer sur le creux de l'estomac un drap trempé dans
l'eau froide, lorsque le malade se plaint de ressentir des
anxiétés vers les p^œcardia. Houllier a introduit cette pratique
en France; il conseille de baigner les extrémités dans l'eau
froide et le vinaigre. Ce fut Godefroi Haén qui introduisit à
Breslau, pendant une épidémie de fièvre putride, la pratique
des ablutions froides. Son frère , Haën de Schwedits , a écrit
sur l'usage du bain froid. Sthriber, de Pétersbourg, a remar-
qué aussi que le bain froid était excellent dans les fièvres. li
convient particulièrement dans les fièvres lentes , nerveuses et
putrides. j> C'est un tableau de la médecine en Europe à la fin
du siècle dernier. Bosquillon ne fait donc pas non plus men-
tion des travaux encore récents de J. Currie.
Dans les chapitres concernant certaines maladies en parti-
GDLLEN. 201
ciilier, CuUen parie souvent de rapplication da froid avec
éloge , par exemple dans l'article concernant ïinoculaiian de la
variole , où il pense qu'il y a un art de modérer l'état inflam-
matoire de la peau. ^En conséquence, dit-il ^ il y a lieu de
croire que les mesures que l'on prend pour modérer ]a fièvre
éruptive et l'état inflammatoire de la peau sont un des plus
grands avantages que l'on retire de la pratique de l'inocula-
tion . • '. • On a renoncera la saignée et trouvé un moyen plus
puissant et plus eOicace dans l'application de l'air froid , et
dans l'usage des boissons froides. ... On ne peut, ajoute
Gullen, douter que ce remède ne soit sans danger et efficace,
d'après la pratique usitée depuis longtemps dans l'Indostan
et adoptée récemment dans notre pays. »
CuUen, toutefois, fait quelques réserves quant à l'applica-
tion de cette méthode au traitement de la variole spontanée,
et son traducteur français se montre encore plus réservé sur
ce point. Néanmoins CuUen dit formellement ceci^ : «Si,
pendant une épidémie de variole, il survient de la fièvre et
qu'on ne puisse guère douter que ce ne soit une attaque de va-
riole, il faut, à tous égards, traiter le malade comme s'il avait
été inoculé, l'exposer librement à l'air frais, ie purger et lui
donner abondamment des acides rafratchissants. »
A l'article concernant la rougeole (n° 65o), CuUen discute
l'utUilé du froid ' : ce D'après l'expérience que nous avons de-
puis peu , sur les avantages de l'air froid dans la fièvre érup-
tive de la petite vérole, quelques médecins ont pensé que cette
pratique pourrait s'appliquer à la rougeole; mais nous n'avons
pas encore d'expériences suffisantes, n
Pour la scariatine, CuUen ne parie. pas du tout du froid.
Dans la fièvre miliaire il conseille formellement d'exposer le ma-
lade à l'air froid comme sans danger et utUe.
La théorie des réfrigérants n'était encore qu'è son aurore.
» T.I,p.385. — » T.I,p.388. — » T.I, p.Ao5.
203 CHAPITRE 1". ^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRÇ.
Le livre de Currie n'ëtait pas connu. ... £1 France, h» grœndt
elinicimê ecmmenceni àpeme à parierdeMmporkmtngH en i8yA !
LES CLASSIQUES
M G0Blll5CEaEIIT DU XTUI* fliCLI.
Quelques médecins avaient, nous venons de le montrer,
devancé, dans leurs conceptions sur la chaleur animale, les
découvertes qui devaient illustrer la fin du ivin* siècle ; mais
ils étaient restés à peu près isolés , et il nous suffit d'ouvrir les
ouvrages classiques de cette époque pour montrer que l'opi-
nion régnante était restée celle des mécaniciens. L'école an-
glaise et l'école française avaient soigneusement conservé les
idées traditionnelles.
La chaleur fébrile, d'après Freind (1700), n'est que le résultat
de l'accélération du cours du sang avec de plus nombreux frot-
tements [Emmenologia, cap. viii) : Cahr a âreulanie mimguine
ita peniei, ut nihtl aliud sU, nui pardum iongumis m se imcem
impetu$ et aiirUio. Moiu vero aucto, uU in plethorajit, sanguims
major eêt aUriho, quia humarum tum quantiku, tum velocitae aur
getur; ita uiraque de causa inereecet caior qui $i nimiue fuerit, Je-
bnculam quant et fréquenter obeervatU practici, et phiogotm parieL
Telle est l'opinion classique au xviii* siècle. Du reste , on y
considère le sang comme le seul véhicule de la chaleur : Pétest
non a lentore modo, $ed ex ipso sanguims defectu derivari extrenuh
rum Jrigus; eahr quippe partihus eujuseunque, est ut causa , quœ
ipsum producit; ea vero causa nihil aliud est, nisi ^pie sanguis ea-
Udus ad partes perveniens, ( Freind , EmmenoU^. )
Le Père Bersier, correspondant de TAcadémie des sciences,
auteur de la Physique des corps animés \ dit, au livre VIII sur
la chaleur : ((La chaleur animale et plusieurs autres grands
avantages sont l'effet de lalternative continuelle de la contrac-
' Iti-tfl, Paris, 1755.
LES CLASSIQUES. — MARTEAU. 203
tion et de la dilatation du cœur.)» L'auteur, partant de ce
principe que le frottement des solides y produit la chaleur,
admet que «le cœur s'échauffe continuellement par le mou-
vement de ses fibres, et qu'il est ainsi le principal agent qui
rétablit à chaque instant la chaleur que notre corps perd
continuellement, la conmiuniquant aux corps qui l'environnent,
comme font les autres corps chauds. »
La deuxième proposition est ainsi conçue : « Il est probable
que le mélange de l'air dans le sang est encore une des causes
de la chaleur de ce liquide, car, dit l'auteur, nous voyons
que toutes les fois que deux fluides, dont les parties de l'un
sont plus légères que celles de l'autre, sont mêlés intimement
et se frottent avec vitesse, les uns descendant par leur pesan-
teur, les autres montant par leur légèreté, ils s'échauffent
mutuellement, parce qu'ils prennent ainsi un mouvement
en tout sens qui n'est autre chose que la chaleur. . . . Gela
parait en général dans les liqueurs qui fermentent . , . i>
Troisième proposition : « Le frottement du sang contre les
parois de ses vaisseaux peut bien encore contribuer à sa cha-
leur. »
L'auteur démontre ensuite, à l'exemple de Boerhaave et de
Lémen, que le feu n'est pas une substance, mais un mouve-
ment ou modification de toute matière combustible.
MARTEAU'.
( Ecole française, i? m' riècle.)
Dans un paragraphe intitulé : La chaleur et la froidure de
teau : Marteau s'exprime ainsi : «iNous sommes de véritables
thermomètres. Le froid et le chaud font sur nos solides et
1 Marteau, docteur de Reims et de forme de lettre Sur la ehaîtur, in-8*,
Caen, inspecteur des eaux minérales 1748; d^ane Relatùm d'une épidémie
( Forgea), eserfait i Amiens. étangmê, et d*an lifre Sur Uê hamë et
n est rautenr d*an mémoire sous ludottehe.
20â CHAPITRE I*. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
sar nos fluides le même effet que sur la macldne ingénieuse
par la<[uelle on mesure les différents degrés des tempéra-
tures. 9
Ses expériences sur l'action des bains froids sont intéres-
santes; on y peut voir un essai de cahrimétrie.
«Un homme de trente-cinq ans, attaqué de la phthisie dor-
sale, prenait le bain domestique froid; il m'assura qu'il ré-
chauffait l'eau de son bain par la chaleur de son corps. Je
voulus m'en assurer. L'eau était k ili"* (sans doute R., soit
17% 5 G.); la baignoire en pouvait contenir trois quarts de
muid, c'est-à-dire de quatre cent cinquante à cinq cents livres,
et le malade pesait cent dix-neuf livres. Ainsi le rapport de
sa masse était à celle de l'eau comme 1 est à &. U fit effective-
ment remonter le thermomètre à 1 5* dans l'espace de huit à
dix minutes. Donc le corps se dépouille effectivement de sa
chaleur par son séjour dans l'eau tiède ou froide. (s5o eo-
larieê. )
«J'avais observé son pouls avant l'immersion. En quatre
minutes, il me donnait trois cent dix-sept pulsations, c'est-i-
dire environ soixante-dix-neuf par minute. Je trouvai d'abord
le pouls petit et précipité. . . . Quand la chaleur du corps eut
échauffé le bain à i5% l'artère, en deux minutes, me donna
cent vingt-neuf pulsations faibles. La différence de l'état na-
turel était à peu près de quinze pulsations par minute, etc. y»
L'auteur montre que le pouls se ralentit dans l'eau froide.
LAVOISIER.
(17^3-1793.)
Expérience* sur la reepiration âee animaux el $wr Us tkange-
mente qui arrivenî â Voir en paeeant par leur poumon. (Mémoire
lu à l'Académie des sciences, le 3 mai 1777 '.)
^ Œnvm de Lavnimr^ publiées par de rinstmction pubBqiie; Imprimerie
les soins de Son Excellence le Minîsln* nationale, iS6a, L II, p. 17^.
LAVOISIER.
205
Le mëmoire commence par relater les expériences de Haies
et Cigna et celles de Priestley, publiées l'année précédente à
Londres (1776) «(dans un écrit, dit Lavoisier, où il a reculé
plus loin les bornes de nos connaissances et cherché h prouver,
par des expériences très-ingénieuses, très-délicates et d'un
genre très-neuf, que la respiration des animaux avait la pro-
priété de phlogisiiquer l'air, comme la calcination des métaux
et plusieurs autres procédés chimiques, et qu'il ne cessait
d'être respirable qu'au moment où il était surchargé, et en
quelque façon saturé de phlogistique. "
Lavoisier déclare être arrivé, par la suite de ses expériences,
à des conséquences tout opposées à celles de Priestley, et il
relate ses observations sur la calcination des métaux, d'où il
conclut que : i"* les cinq sixièmes de l'air que nous respirons
sont, ainsi qu'il l'a annoncé déjà dans un précédent mémoire,
dans l'état de mofette, c'est-è-dire incapables d'entretenir la
respiration des animaux , l'inflammation et la combustion des
corps; s"* que le surplus, c'est-à-dire un cinquième seulement
du volume de l'air de l'atmosphère, est re^rable; 3"" que, dans
la calcination du mercure, cette substance métallique absorbe
la partie salubre de l'air, pour ne laisser que la mofette;
&** qu'en rapprochant ces deux parties de l'air ainsi séparées,
la partie respirable et la partie méphitique , on refait de l'air
semblable à celui de l'atmosphère. ^ Ces vérités préliminaires
Dates des priucipaax irevaax de La-
foider aar les tourcêi de ta chaleur ani-
wkûïê :
t" mémoire : Sur la naturt du frm^
dfe fM 9» mmbmê avêe lêê métaux peu-
daut la ealematùm et qui en augmenienl
U poide. Mém. de VAcad. dee êcieneeê,
1770, p. 5ao.
a* nrt^moire : Bxpérienee» eur la-ree-
piratûm dee wùmaux» Mém, de VAcad.
deê eeieneee, 1777* p. t83.
3' mémoire : Sur la romèiw/iofi en
général, Mém, de FAcad. dee edeneee,
«777» P- 59a-
h* mémoire : Sur la chaleur. Mém,
de l'Acad, dee ee. 1780, p. 355.
5* mémoire : Sur lee aUératiane qui
arrivent à Pair dane plueieure circone-
taneee où ee tntuvent lee hommet réunie
en eoeiété, Hietoire de la eociété rayah de
médecine, 1789, p. 669.
6* mémoire : Sur la reepiration dee
animaux, Mém, de VAcad. dff eciencee,
1789, p. 566.
206 CHAPITRE V\ — LA CHALEUR ET LA FIÈ?RB.
sur la* calcination des métaux, ajoute Lavotsier, nous con-
duisent à des conséquences simples sur la respiration des ani-
maux, et, comme l'air qui a servi quelque temps à reniretien
de cette fonction vitale a beaucoup de rapport avec celui dans
lequel les métaux ont été calcinés, les connaissances relatives
à Tun vont naturellement s'appliquer à l'autre, n
Suit le récit de l'expérience du moineau sous la cloche,
mourant au bout de 55 minutes. <^ L'air ainsi respiré par l'ani-
mal était devenu fort différent de l'air de l'atmosphère ; il pré-
cipitait Veau de chaux, iteignait les lumières; un nouvel oiâeau n'y
vécut que quelques insiants .... Cet air différait en deux points
de celui qui avait servi à la calcination du mercure : i** la di-
minution de volume avait été beaucoup moindre dans la der-
nière expérience que dans la première ; a* Voir de la reepira-'
tûm précipitait l'eau de chaux. r>
Pour éclaircir ce résultat, Lavoisier fit pénétrer sous une
cloche remplie de mercure i a pouces d'air vicié par la respi-
ration, et y introduisit une petite couche d'alcali fixe caus-
tique. Cet air subit alors une diminution de volume de près
d'un sixième; en même temps Talcali perdit en partie sa caus-
ticité, il acquit la propriété de faire effervescence avec les
acides, et se cristallisa sous la forme de rhomboïdes, copro-
priétés que l'on sait ne pouvoir lui être communiquées qu'au-
tant qu'on le combine avec l'espèce d'air ou de gaz connue
sous le nom d'iiir Jixe, et que je nommerai dorénavant adde
crayeux aériforme. »
L'air ainsi traité était irrespirable aux animaux. «Ainsi, dit
Lavoisier, l'air^qui a servi à la respiration, lorsqu'il a été dé-
pouillé de la portion d'acide crayeux aériforme qu'il contient,
n'est également qu'un résidu d'air commun privé de sa partie
respirable. »
Suit la théorie de la respiration, telle que nous la connais-
sons , & peu de changements près : « La respiration n'a d'ac-
tion que sur la portion d'air pur, d'air éminemment respirable
LAVOISIER. 207
contenue dans l'air de l'atmosphère ; le surplus est purement
passif^ il entre dans le poumon et en sort sans change-
ment. 19
Lavoisier, adoptant et complétant jes idées de Priestley,
admet que l'air éminemment respirable a la propriété de se
combiner avec le sang, et que c'est cette combinaison qui
constitue sa couleur rougé. On sait que Priestley avait im-
proprement appelé la partie respirable de l'air : air dépUagis^
Viennent ensuite ; le mémoire Sttr la combustion des chanr-
idUs (1777); le mémoire Sur la combinaison de la matière du
fm anec Us jhides évaporabks, et sur la formation desjiuides élas-
tiques aériformes (1777), où il est dit : «L'intensité de la cha-
leur se mesure par la quantité de fluide igné libre et non com-
biné contenue dans les corps ; la quantité de matière du feu
se mesure par la dilatation des corps .... L'impression que le
fluide igné fait sur nos organes n'est autre chose que l'efiet
de la tendance du fluide igné & la combinaison, v
Le mémoire Sur la conJmstion en général (1777) contient
cette proposition : « Que « dans toute combustion » il y a des-
truction ou décomposition de l'air pur dans lequel se fait la
combastion « et que le corps brûlé augm'ente de poids exac-
tement dans la proportion de la quantité d'air détruit ou dé-
composé. » C'est dans ce mémoire qu'apparaît pour la pre-
mière fois la théorie de la chaleur par la respiration, fn L'air pur,
en passant par le poumon , éprouve une décomposition ana-
logue & celle qui a lieu dans la combustion du charbon ; or,
dans la combustion du charbon , il y a dégagement de matière
du feu; donc il doit y avoir également dégagement de ma-
tière du feu dans le poumon , dans l'intervalle de l'inspira-
tion à l'expiration , et c'est cette matière du feu , sans doute ,
qui, se distribuant avec le sang dans toute l'économie ani-
male, y entretient une chaleur constante de Sa"" R. (lio*" G.,
évaluation exagérée.) Cette idée paraîtra peut-être hasardée
208 CHAPITHE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
au premier coup d*œil, mais, avant de la rejeter ou de la con-
damner, je prie de considérer qu'elle est appuyée sur deux
faits constants et incontestables, savoir : sur la décomposition
de l'air dans le poumon et sur le dégagement de matière du
feu qui accompagne toute décomposition d'air pur, c'est-à-dire
tout passage de l'air pur à l'état d'air fixe. Mais ce qui con-
firme encore que la chaleur des animaux tient à la décompo*
sition de l'air dans le poumon, c'est qu'il n'y a d'antmaiix
chauds dans la nature que ceux qui respirent luAituellement, et
que cette chaleur est d'autant plus grande que la respiration
est plus fréquente, c'est-à-dire qu'il y a une relation constante
entre la chaleur de l'animal et la quantité d'air entrée ou au
moins convertie en air fixe dans ses poumons.
«Au reste, je le répète, en attaquant ici la doctrine de
Stahl , je n'ai pas pour objet d'y substituer une théorie rigou-
reusement démontrée, mais seulement une hypothèse qui me
. semble plus probable, plus conforme aux lois de la nature,
qui me paratt renfermer des explications moins forcées et
moins de contradictions. »
Dans le mémoire de Lavoisier et La Place (i 780) Sur la cha-
leur (chaleur spécifique), est examinée (art. ly : De la combu»-'
tion et de la respiration) la question de la chaleur qui se dégage
dans la combustion et dans la respiration. Tandis que l'air était
considéré jusque-là comme n'ayant d'autre usage que de ro-
frakhir le sang quand il traverse les poumons, et de retenir
par sa pression la matière du feu à la surface des corps com-
bustibles, les travaux des physiciens du xviii' siècle avaient
établi qu'une seule espèce d'air, l'air déphlt^tiqué, l'air pur
ou air vital, est propre à la respiration et à la combustion.
Lavoisier avait montré que l'air n'agit point, dans ses opéra-
tions, comme une simple cause mécanique, mais comme prin-
cipe de nouvelles combinaisons. M. Grawford, reprenant, en
1779, les idées exprimées par Lavoisier en 1777, s'y était
rallié.
LAVOISIER. 209
Les auteurs du mémoire que nous analysons recherchèrent
le genre d'altération que la respiration des animaux faisait
subira Tair pur, la quantité dair fixe (acide carbonique) dé-
gagée par divers animaux mis en expérience. Déjà Priestley
et Scheele, et d'autres avant eux, Robert Boyle, avaient ins-
titué de semblables expériences. Priestley avait calculé la
quantité d*air vicié ou fMogiitiqué que produit la respiration ,
mais ses chiffres étaient inférieurs à ceux que trouvèrent La-
Yoisier et Laplace. Ils montrèrent que l'on ne peut évaluer la
chaleur spécifique des animaux, parce que leurs fonctions vi-
tales leur restituent sans cesse la chaleur qu'ils communiquent
à tout ce qui les entoure, ce On peut , disent-ils , regarder la
chaleur qui se dégage , dans le changement de l'air pur en air
fixe par la respiration, comme la cause principale de la con-
servation de la chaleur animale; et, si d'autres causes con-
courent à l'entretenir, leur effet est peu considérable. La res-
piration est donc une combustion, à la vérité fort lente; elle se fait
dans l'intérieur des poumons, sans dégager de lumière sen-
sible, parce que la matière du feu, devenue libre, est aussitôt
absorbée par l'humidité de ces organes; la chaleur développée
dans cette combustion se communique au sang qui traverse
les poumons, et de là se répand dans tout le système animal.
Ainsi l'air que nous respirons sert à deux objets également
nécessaires à notre conservation ; il enlève au sang la base de
tair fixe dont la surabondance serait très-nuisible, et la chaleur
que cette combinaison dépose dans les poumons répare la
perte continuelle de chaleur que nous éprouvons de la part
de l'atmosphère et des corps environnants.
« La chaleur animale est à peu près la mime dans les diffé-
rent/es parties du corps; cet effet paratt dépendre des trois causes
suivantes : la première est la rapidité de la circulation du
sang, qui transmet promptement jusqu'aux extrémités du
corps la chaleur qu'il reçoit dans les poumons; la seconde
cause est l'évaporation que la chaleur produit dans ces or-
14
210 CHAIMTRK r. — LA CHALEUR KT LA FIEVRE.
ganes, et qui diminue le degré de leur température; enlin
la troisième tient à Taugmentation observée dans la chaleur
spécifique du sang, lorsque, par le contact de l'air pur, il sr
dépouille de la base de Vair fixe (ju'il renferme ; une parlie de
la chaleur spécifique développée dans la formation de l'air
fixe est ainsi absorbée par le sang, sa température restant
toujours la même; mais lorsque, dans la circulation, le sang
vient à reprendre la hase de Vair fixe, sa chaleur spécifique di-
minue, et il développe de la chaleur; et, comme cette combi-
naison se fait dans toutes les parties du corps, la chaleur
qu'elle produit contribue à entretenir la température des par-
ties éloignées des poumons, à peu près au même degré que
celle de ea^ organes. Au reste, (juelle que soit la manière
dont la chaleur animale se répare, celle que dégage la for-
mation de l'air fixe en est la cause première; ainsi nous pou-
vons établir la proposition suivante : Lorsquun animal est dam
un état permanent et tranquille, lorsqu'il peut vivre pendant un
temps considérable , sans souffrir, dans le milieu qui V environne; en
général, lorsque les circonstances dans lesquelles il se trouve nal-
tèrent point sensiblement son sang et ses humeurs, de sorte qii après
plusieurs heures le sj/stème animal n éprouve pa^^ de variation sen-
sible, la conservation de la chaleur animale est due, nu moins en
grande partie , à la chaleur que produit la combinaison de lair pur
respiré par les anmiaux avec la base de l'air fixe que le sang Iw
fournit . .
f* Pour compléter cette théorie de la chaleur animale, il res-
terait à expliquer pourquoi les animaux, quoique placés dans
des milieux de température et de densités très -différentes,
conservent toujours h peu [)rès la même chaleur, sans cepen-
dant convertir en air fixe des quantités d'air pur proportion-
nelles à ces difl'érences; mais l'explication de ces phénomènes
tient à l'évaporation plus ou moins grande des humeurs, à
leur altération et aux lois suivant lesquelles la chaleur sf
communique des poumons aux extrémités du corps. Ainsi nous
LAVOISIKR. 211
attendrons^ pour nous occuper de cet objet, que l'analyse,
éclairée par un grand nombre d'expériences, nous ait fait
connaître tes lois du mouvement de la chaleur dans les corps
homogènes, et dans ses passages d'un corps à un autre d'une
nature différente. »
Lavoisier ne tarda pas à débarrasser la question de la com-
bustion de ses obscurités. «J'ai, dit-il, déduit toutes les expli-
cations d'un principe simple, c'est que l'air pur, l'air vital, est
composé d'un principe particulier qui lui est propre, qui en
forme la base, et que j'ai nommé principe oxygine, combiné
avec b matière du feu et de la chaleur. » Il ajoutait : «Mais,
aï tout s'expfaque en chimie, d'une manière satisfaisante, sans
le secours du phlqgiêtique, il est, par cela seul, infiniment pro-
bable que ce principe n'existe pas, que c'est un être hypothi-
Uquê, une êuppoeition gratuite; et, en effet, il est dans les prin-
cipes d'une bonne logique de ne point multiplier les êtres sans
nécessité.» {RéJlexion$ mr le phkgiêtique, 1783.)
Application à Vhygiène ^ — «Les hommes, les femmes, les
enfants, s'étiolent jusqu'à un certain point dans les travaux
sédentaires des manufactures, dans les logements resserrée,
dans les rues étroites des villes. Ils se développent, au con-
traire, ils acquièrent plus de force et plus de vie dans la plu-
part des occupations champêtres et dans les travaux qui se
font en plein air.
«L'organisation, le sentiment, le mouvement spontané, la
vie, n existent qu'à la surface de la terre et dans les lieux ex-
posés à la lumière. On dirait que la fable du flambeau de
Prométhée était l'expression d'une vérité philosophique qui
n'avait point échappé aux anciens. Sans la lumière, la nature
était sans vie , elle était morte et inanimée ; un Dieu bienfai-
sant, en apportant la lumière, a répandu sur la surface de la
, Trmti élémênlmin de ckmûtf 1 789- 1 793 , 1. 1 , p. so t .
2!2 CHAPITRE V. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
terre Torganisation , le sentiment et ia pensée. Mais ce nest
point ici le lieu d'entrer dans aucun détail sur les corps
organisés; c'est h dessein que j'ai évité de m'en occuper dans
cet ouvrage, et c'est ce qui m'a empêché de parler des phéno-
mènes de la respiration, de la sanguification et de la chalear
animale. Je reviendrai un jour sur cet objet. »
L'édition dans laquelle nous lisons cet admirable passage
porte ia date de 1793; ce rapprochement est douloureux et
fait honte à l'espèce humaine.
Presque en même temps que Lavoisier, Grawfort^ en An-
gleterre, avait cherché les sources de la chaleur animale dans
les actes chimiques de la respiration ; il supposa qu'il se dé-
gage du calorique parce que la chaleur spécifique de l'air est
plus grande que celle de l'acide carbonique. Il étudia ensuite
quelques écarts pathologiques de la chaleur propre, en par-
ticulier la température des parties enflammées, et chercha à
interpréter ses expériences en faveur de sa théorie.
Les admirateurs de Crawfort et les adversaires de Lavoisier
ont eu tort de vouloir faire de l'auteur anglais le précurseur
de Lavoisier, et de chercher à attribuer à Crawfort l'idée pre-
mière qui guida le créateur de la chimie moderne. Il suffit de
comparer les deux mémoires pour reconnaître que, quel que
soit le mérite de Crawfort, et il est grand, il n'enlève rien à
la spontanéité, à la personnalité des travaux de notre grand
chimiste.
Parmi les adversaires de Lavoisier, nous citerons : Vacca
Berlinghieri ^, Buntzen, Coleman^ Saissy^, mais sans nous
arrêter à leurs objections, qui ont perdu toute importance. Il
* Crawfort, Ih ealort animaliy 1 779. * Goleman, Diu. on êUipmtêed mpi-
•— Expérimenté and obiervatùmt on ani- ration , 1791.
malheat, 1786. * Saissy, Recherchée ewr lapkyê. de*
' Vacca Berlinghieri, E$ame délia animaux hibernants, 1808.
teoria di Qranfort,
LAVOISIËR. 213
D*eii est pas de même de Brodie ^ dont les arguments repo-
saient du moins sur un fait exact.
Brodie avait constaté que, chez les animaux décapités
après la ligature préalable des vaisseaux du cou, quand on
entretient artificiellement la respiration et la circulation pen-
dant plusieurs heures, la température, malgré la transforma-
tion incessante du sang veineux en sang artériel, s'abaisse
plus vite que chez les animaux auxquels la respiration artifi-
cielle n'a pas été faite après leur décollation. 11 conclut de là
que la transformation du sang veineux en sang artériel dans
Tacte respiratoire ne produit pas de chaleur, et il cherche la
source thermique dans le système nerveux.
Cette conclusion provoqua les recherches de Dalton et sur-
tout de John Davy ^, qui combattirent avec ardeur la théorie
de B. Brodie, ainsi que Hale^ et Legallois^
Le traducteur allemand de l'ouvrage de Brodie, Nasse, se
rangea résolument du côté de ce dernier ^. Earle crut pouvoir
appuyer l'opinion de Brodie par des observations patholo-
giques *.
Nous reviendrons sur ces observations, qui sont justes mais
mal interprétées, quand nous parlerons de l'influence du sys-
tème nerveux sur la régulation de la chaleur.
* Sir B. Brodie, Somê philoêophieal ' Philoioph. irantaet, 181 6, p. 690.
nÉearch«i,rupecting thê injlutncê ofihs ^ Archivée de Meckel, t. III, p. hag,
bram on thê action ofthe hêat and an gê- * Ihid, L III, p. /i36.
ngtation of animal heat. {PhUoiophical ^ Archivei de ReU et d'Autênrieth,
tramioettonê, p. 36, 1810.) — Further i8i5, vol. XII, p. àok-àkS,
^rperimentt and ob$ervaUoni on the in- * Medico-chirurg. tranêoct. tom. VII,
Jluence of the hrain in the génération of p. 1 7.').
heat, 1819, p. 378.
214 CHAPITRE r. — LA CHALBDR ET LA FIÈVRE.
JOH> HLNTBR'.
( Éeol« «ngbwe, 1718-1793.)
En 1775, J. Uunter commaniqua à la Société royale de
Londres , à la suite d'une lecture de Blagden et Fordyce Sur
' Hanter naquit à Giascow, le 1 3 oo
I /i f<évrier 1 798. U était le dernier et le
diiièœ enfant de sa famille. Il avait
parmi aei atnés un frère, William Hun-
ier, qui fut un célèbre anatomiste et
Taida dans ses débuts. Il commença son
éducation A dix-sept ans; jusque-là il
avait été élevé à la campagne en liberté.
A Londres, il se livra pendant dix ans i
rétude de Tanatomie avec son frère Wil-
liam, fit plusieurs découvertes sur les
lymphatiques et le placenta. En 1761,
rhiruqpen militaire, il est au siège de
Belle -Irie (guerre de Sept ans); en
1 761 , il fait la guerre d*Espagne. Pen-
dant ce temps, il se livre à la chirurgie
active et étudie les plaies par armes à
feu.
U n*avait aucun talent comme orateur
ou profeasenr; ses commencemenU fu-
rent rendus encore plus difficiles par
son caractère entier, indépendant.
Il iaisait des cours particuliers dans
lesquels il ne réunissait pas plus de
vingt élèves. Mais c'était avec peine
qu*il s*arracbait i ses travaux et A ses
dissections. «Il faut bien que j'aille
gagner* cette demnsd gumea,i> disait-il,
et il serait A désirer que les cfairui^ens
retinssent cette parole du grand J. Uun-
ter, A aquelle je ne change rien : «Ma
ciienlèle est un damné moyen de nourrir
ma ménagerie et mon musée.» U cul-
tiva toute sa vie Tanatomie comparée;
il iaisait marché avec le gardien des
animaux de la tour de Londres et ceiii
des ménageries particdièfea. Il se moata
ainsi une collection importante. 11 pro-
fessait qn*on ne pouvait ftire de bonne
cfairuigie que si Ton savait bien rasa-
tomie et la physiologie comparées. Il
acheta aux environs de Londres, à
Brompton , un terrain sur leqnei il
bAtit une petite maison, et y travailla
une partie de sa vie sur des •"?'»»— *^ de
toute sorte, même les plus féroces. En
1768, â quarante ans, il fut nommé
chirurgien d*hâpital ; il eut alors des
élèves nombreux et sut se fidre de son
enseignement un revenu sérieux. Parmi
ses élèves, nous trouvons: Aëtleff Cooper,
Abêmtiky, Everûrd Home, /mnsr.
Connu GODune naturaliste, il reçut
des dons de tous pays et augmenta son
musée.
Ses travaux sont innombrables : Ah-
dt§ §ur h fiÊptun du Isndsii JPAMk
(il se Tétait rompu lui-même). — Dm
pmforatiom de VnU/mae, apré§ la mort,
par le tue gaatriqu». — Ln orgamBs
élêclriquêi d$ la torpillé. — Sur le$ ea-
vith aérimmn dn oiteaux, — Mémoires :
Sur lêi dtnti, — Sur la grossssss erfra-
utérme. — Sur torgam de Fouk ehet^
Utpouêonê, ^- Son traité : Sur Ui me-
loidiêi véuérimmn, 1786.
Sa puisnnce de travail était extrême.
Il élait dès six heures du matin A Tam-
phithéàtre d^anatomie, à neuf heures il
donnait ses consultations, à midi voyait
ses malades en ville, dinait A quatre
heures. Le soir, dans son cabinet de tra-
JOHN HUNTER.
215
la jixUi de la température animale, un mémoire Sur la chaleur
de$ animaux et des végétaux^. Dans ce mémoire il soutenait
lopinion que les corps vivants possèdent la faculté de main-
tenir leur température contre l'influence du froid extérieur, et
cela d'autant mieux qu'ils occupent un échelon plus élevé dans
la série animale.
En 1777, J. Hunter écrivait à JcnnerS qui habitait la
campagne, une lettre ainsi conçue : ce J'ai reçu les hérissons.
Si vous avez le temps, voyez leur retraite d'hiver, et, par un
temps très-froid, placez le thermomètre dans l'anus de l'un
d'eux, et notez la température. Ensuite faites une petite
ouverture à l'abdomen, introduisez le thermomètre dans le
bassin, et notez la température; puis vers le foie ou le dia-
phragme, et notez encore la température. 11 faut que toute
l'expérience soit faite en un petit nombre de minutes. Observez
le degré de fluidité du sang, en comparant avec un autre
hérisson qui aura été réchauffé pendant quelques jours. ... 99
En 17799 cette correspondance durait encore, et les expé-
riences de toute nature se multipliaient.
Le chapitre vni du grand ouvrage de Hunter ^ est consacré
à la chaleur des animaux. Il examine d'abord la nature de
vail, il écrivait oa dictait jusqti^à une
beura ou deux du matin.
La quealion de ia chaleur animale
était une de celles qui le pasdonoaient
le plus. En 177&, ii fit avec Blagden et
Fordyce des eipériences sur la cons-
lanee de ia chaleur cfaei les animaux,
quelle que soit la température exté-
rieure. £n 1776, il publia des Leçwiê
9ur U mmi»tment mmeulaire. Dans la
correspondanee très -active échangée
entre Jenner et son maître, Pétude de
ia température du corps revient cons-
tamment, L*ardeor de Hunter pour se
procurer des pièces curieuses était ex-
trêmement vive ; le géant 0*Brien prit
peur et demanda que Ton veillAtsur son
corps. J. Hunter séduisit les ensevelis-
seurs, qui vendirent le corps du mal-
heureux géant i9,5oo «f , et Hunter
remporta lui-même dans sa voiture.
Aujourd'hui le squelette du géant est
au musée de Londres.
Ses oeuvres complètes ont été éditées
par le D' Palmer. M. Ridielot en a
donné une traduction française en 1 8'i3.
* Édition de Ricbelot, i863, (. I,
p. 76, 8&.
» T. l,p. 8/i.
' T. I, p. 333. Leçon» »ur Uêyrtn-
cipe» de la chirurgie; ch. vin : De la cha-
leur dee animaux.
216 CHAPITRE i-*. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
la chaleur en elle-même : est-ce une matière? est-ce une pro-
priété de la matière ? et il dit fort justement : « L'idée de cha-
leur comporte trois choses : la matière^ l'action, et le corps
qui met cette matière en action, v II distingue la chaleur sen-
sible de la chaleur absolue d'un corps, et de la sensation de
chaleur perçue par le malade. Tous les animaux produisent
de la chaleur plus ou moins.
Hunter explique fort clairement les théories qui eiistaient
alors sur les causes de la chaleur animale. t^On a supposé,
dit-il ^ que le frottement en était la cause principale, et que
le mouvement qui s'eiécute dans le corps, et qui appartient
principalement au sang, suffisait pour servir de base à cette
théorie. On a calculé l'étendue des surfaces internes des ar-
tères, étendue qui va toujours en augmentant è mesure que
ces vaisseaux se divisent ; on a calculé le volume et le nombre
des globules rouges. Ces évaluations ont donné une surface
de frottement d'une étendue surprenante. Cherchant alors à
apprécier la vitesse du sang qui se meut sur cette vaste sur-
face, en même temps que la rapidité des globules qui se
meuvent les uns sur les autres, on a cru voir dans ces faits
une cause suffisante pour la production de la chaleur du
corps; ce qui semblait confirmer cette opinion, c'est que, dans
les cas où le mouvement -en question est augmenté, comme
dans jes fièvres, la chaleur du corps parait plus considérable.
Mais les auteurs de cette théorie n'avaient pu entrevoir les
nombreuses objections qu'on peut lui opposer, t)
Hunter cite l'opinion du D' Stevenson, d*Ëdinburgh, pour
qui la fermentation était une cause de la chaleur, et il la com-
bat, sans paraître tenir compte des travaux nombreux des chi-
mistes qui l'ont précédé, et sans paraître les connaître.
Il repousse la théorie du frottement comme insuffisante, et
celle de la fermentation comme nulle ; il cite des cas ou la
' T. I,p. 3a6.
JOHN HUNTER. 217
chaleur était grande sur le corps et le pouls lent, ainsi que
la respiration.
Remarquant que le froid supprime la digestion et les
échanges, que certains animaux sont comme morts en hiver
et ressuscitent au printemps, J. Hunter raconte lui-même
plaisamment qu'il avait eu l'idée de faire geler des hommes
qu'on aurait dégelés quelques centaines d'années plus tard.
Après avoir rapporté un très-grand nombre d'expériences
faites sur la chaleur aux différents points du corps chez les
animaux, Hunter relate celles qu'il a faites sur l'homme.
« Plus les organes , dit-il , sont éloignés de la masse centrale ,
comme les doigts, plus ils sont soumis à l'influence directe du
froid. »
Hunter a fait sur l'homme les observations suivantes : sous
la langue, le thermomètre marquait 36^t i G.; si l'on faisait
fondre de la glace dans la bouthe, il baissait à qB^C, puis
remontait graduellement à son niveau primitif. Il s'introduisit
aussi un thermomètre dans Yurèire \ et vit que la chaleur y
était d'autant plus élevée qu'on enfonçait plus profondément.
«La température normale, dit-il, est de 3 7% s 9 G. : cette
température est assez uniforme, et est nécessaire è l'entretien
des fonctions; elle présente des différences suivant qu'on l'ex-
plore auprès du centre, dans la bouche, dans le bassin ou le
rectum. U y a une augmentation de chaleur intérieure pro-
duite par l'action du froid sur la peau. y>
John Hunter voulut savoir comment les animaux main-
tiennent leur température à un degré constant, malgré le
froid ou la chaleur extérieurs. c^On ne peut, dit-il, élever
artificiellement leur température de plus de 1 à 9 degrés au-
dessus de leur température naturelle Or, ajoute-t-il,
la nature a placé dans la production même de la chaleur la
cause de sa propre destruction , de même que dans le stimulus
• T. I,p. :J33.
218 CHAPITRE 1*'. ~ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
du froid elle a placé une cause d'augmentation de la cha-
leur. »
Ce passage est remarquable. Nous voici en pleine phy-
siologie moderne, au chapitre De la régulation. Or Hunter
pariait d'après des expériences positives. « Deux causes, dit
Hunter, détruisent cette chaleur en excès : Tévaporation, et
une eerlaine faculté quant les anitnaux de détruire la chaleur. »
Les expériences de Fordyce concluaient dans le même sens,
et avant celles de Hunter. «Il est probable, ajoute notre au-
teur', que, dans la juste équilibration de la température ani-
male, les forces vitales exercent de plus grands efforts quand
l'évaporation devient moins active, et diminuent leur action
quand l'évaporation augmente. Dans les cas pressants, l'éva-
poration est insuffisante; quand uhe production de froid plus
intense qu'à l'ordinaire est requise, les forces vitales sont
mises en jeu. Les animaux ne pouvant neutraliser qu'une cer-
taine quantité de chaleur dans un temps donné, il en résulte
que le temps pendant lequel ils peuvent exercer pleinement
cette fonction doit être limité également. Mais il est probable
que ce pouvoir de neutralisation, ainsi que le temps pendant
lequel il peut être exercé, pourraient être accrus par un exer-
cice fréquent. Il parait, ajoute Hunter, que les animaux en-
gendrent la chaleur plus facilement qu'ils ne la détruisent,
car ils vivent beaucoup plus à l'aise dans une atmosphère
beaucoup plus basse que leur température normale, que dans
une autre, même à leur degré de température. On peut ad-
mettre peut-être que la température moyenne entre le degré
de chaleur le plus élevé dont les animaux soient susceptibles,
et qui est de 36%6, et le degré le plus bas auquel ils des-
cendent, est celle qui est la plus saine et la mieux appropriée
à la vie; cette température moyenne est d'environ i^^aa C. "
L'idée exprimée par Hunter dans la dernière ligne du pré-
» T. I, p. 336.
JOHN HUNTER. 319
cèdent paragraphe y mérite d'être méditée. Elle fournirait la
matière de nouveaux travaux.
Dans son traité De l'infiammaticn ^ Hun ter se demande si
les animaux ont le pouvoir de produire de la chaleur paiement
dans tauieê les parties de leur corps, ou si la chalçur est puisée
à une source commune et transportée par le sang. Cette der-
nière hypothèse lui parait plus probable. 11 avance même que
ce centre pourrait bien être VesUmac.
Quant aux températures locales, Hunter formule une loi
qui doit porter son nom , car il en est l'inventeur : « De toutes
les observations, dit-il, que j'ai faites, il résulte qu'une in-
flammation locale ne peut pas élever la chaleur de la partie
au-dessus de la température naturelle de l'animal, et que,
lorsqu'elle a son siège dans des parties dont la température
naturelle est inférieure à celle qui existe à la source de la
circulation, elle ne l'élève pas même jusqu'à cette dernière."
Suit une longue série d'expériences sur les animaux.
Hunter traite ensuite du refroidissement dans les maladies,
qu'il attribue à la faiblesse, i^la défaillance : ainsi le frisson
des fièvres, l'action de l'émétique. • • •
Hunter, dans. sa Thérapeutique chirurgicale, redoute l'action
prolongée du froid, il parait n'emprunter au froid que l'action
réactionnelle. «Le froid, dit-il, produit dans les vaisseaux la
contraction y qui est une action de débilité. (C'est le contraire
qui est vrai.) Un certain degré de froid subitement appliqué,
qui ne produit guère plus que la sensation de froid, excite
l'action après que l'effet immédiat a cessé, et cette action, qui
est celle de dilatation , est le résultat du bain froid quand il
agit favorablement; et, comme le froid produit la faiblesse, il
ne faut pas que son action soit portée trop loin. »
Il conseille de traiter les inflammations locales par la cha-
leur réunie è l'humide (fomentations).
* th finflammation m gMral, ch. xii : Température de la partie enflammée, 1. 1 ,
p. hd'j.
320
CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
JAMES GURRIE'.
(Fin du ivin* n'ède, 1756-1806.)
En 1797 paraissait la première édition, en un volume, du
traité de James Currie, M. D. F. R. S. d'Edinburgh, Fellow
of the royal Collège of Physicians de cette ville. Déjà, diï-
huit ans auparavant, Currie avait fait un mémoire Sur Vin-
Jluence du froid par rapport aux corps vivants *. Le livre qui
parut ensuite, et eut plusieurs éditions, eut pour titre : Me-
dical reports of the effects of water cold and warm as a remedy in
fever and other diseases wether applied to the surface ofthe hody, or
used intemaUy, including an inquiry into the circumstanees that
render cold drink, or the cold bath, dangerous in health; to tvhich
are added observations on the nature of fever, and on the effects of
opium, alcohol, and inanition.
Nou?; avons étudié cet ouvrage sur la cinquième édition en
deux volumes, avec additions, publiée à Londres en 181 A.
La préface de la première édition (1797), reproduite dans
les éditions ultérieures, est utile à lire parce qu'elle marque
bien quel était le but que poursuivait Tauteur, et quellç était
l'intensité de sa conviction.
Cette préface, datée de Liverpool, 3i octobre 1797, et
adressée en forme de dédicace au Right han. sir Joseph Banks,
président de la Société royale, est ainsi conçue :
« Monsieur,
«En vous offrant ce volume, je vous prie de permettre que
' Ecossais. D^abord commerçant eD
Vii*f^Die.(Ea 1776 /,à vingt ans, il étudie
a Edinburgh , puis à Glascow, puis eierce
à Liverpool , où il est Dommé^médecin
d^hôpital. Nommé, en 1793* membre
(le la Société royale de Londres.
* Que d'étapes successives avant
qu'une idée ait foit son chemin ! Les
physiologistes expérimentent, les phi-
losophes formulent les lois, les méde-
cins tâtonnent et essayent timidemeot.
La thérapeutique ne peut être hardie
et rationnelle qu'appuyée sur des faits :
agere, wm hqui!
JAMES GURRIE. 231
je dise en quelques mots dans quel esprit il a été écrit, et dans
quelles circonstances j'en ai entrepris la publication.
«Il y a dix-huit ans, alors que j'étais à Edinburgh, j'eus à
traiter comme sujet de mémoire : de l'influence du froid sur
les corps vivants, pour une société d'étudiants dont j'étais
membre. En défendant mes assertions contre des argumenta-
teurs ingénieux, je me trouvai en contradiction constante avec
des faits qui avaient pour eux Tautorité de la chose jugée;
alors je découvris que les chiffres de la température du corps
humain dans les maladies, même ceux qui ont été fournis par
les auteurs les plus estimés, étaient, à peu d'exceptions près,
fondés non sur une mesure exacte de la chaleur, mais sur les
sensations du malade ou de ceux qui lui donnaient leurs
soins.
«Pénétré de la pensée que, tant que Ton n'aurait pas déter-
miné plus exactement l'état de la température dans les di-
verses conditions de la santé et de la maladie, on ne pourrait
établir aucune théorie stabk des mouvements vitaux, ni faire faire
aucun progris au traitement des maladies où la température est
diminuée ou accrue, je n'ai cessé, depuis cette époque, de re-
cueillir et de collationner les faits se rapportant à mon sujet,
me réservant de rendre publiques mes recherches un jour ou
l'autre, si elles étaient dignes de fixer l'attention. Pour mener
à bien cette entreprise, il me sembla que je n'avais besoin que
de bons thermomètres, de temps et d'attention, et j'embrassai
en imagination tous les effets de la température sur la santé et la
maladie, vaste plan irréalisable, ainsi que l'expérience me l'a
appris depuis; y aspirer serait témérité ou folie. J'ai beaucoup
profité des idées qui m'ont été communiquées sur l'ensemble
de la question par mon respectable ami le D' Percival.
« Malgré mon désir de retarder la publication de mes re-
cherches jusqu'au moment où mon plan primitif serait exé-
cuté, et bien que je fusse, d'autre part, sollicité de publier
quand même ces essais, de peur de transformer une publi-
232 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
cation faite de mon vivant en une publication posthume, je
ne fus amené à donner prématurément la publicité à ces re-
cherches, quelque imparfaites qu'elles fussent, que par suite
d'une circonstance que je vais relater.
«Des nouvelles reçues au commencement de la présente
année annonçaient que la fièvre des Indes occidentales sem-
blait devoir continuer ses désolants progrès et dévaster l'Ame-
rique. Il me semblait que la science n'avait trouvé jusqu'ici
aucun remède efficace contre cette maladie pestilentielle, et
que notre devoir était de tenter quelque traitement plus effi-
cace à l'aide de nouvelles méthodes. Au même moment, vous
aviez donné communication au public des succès obtenus
grâce à l'acide nitrique, dans la vérole et l'hépatite, par la
méthode de votre correspondant, M. Scott, du Bengale. A la
vérité, sa nouvelle théorie, fondée sur la chimie nouvelle, ne
paraissait pas irréprochable , mais il n'était ni sage ni géné-
reux de rejeter d'emblée cette théorie. Les premiers essais
que je fis de cette pratique me persuadèrent que, bien que les
succès du traitement par l'acide nitrique eussent été exagérés
par suite de la chaleur d'imagination d'un esprit généreux, ii
y avait lieu d'espérer que la médecine venait de s'enrichir
d'un remède puissant et inoffensif. J'en écrivis à votre cor-
respondant, en l'engageant à expérimenter ce remède dans
la fièvre pestilentielle ....
«Cependant je m'avisai de songer à combattre le fléau par
un autre moyen. Les ablulions ffeau froide dans la fikre ont été
depuii si longtempê emphyieê dans l'hôpital de cette ville et dans
la pratique privée, par mes amis et collègues les D** Bran-
dreth et Gérard, non moins que par moi-même, qu'elles
étaient devenues de pratique usuelle non-seulement à Liver-
pool , mais encore dans le comté de Lancaster. Déjà , en 1791*
le D' Duncan avait publié, dans les Commeniaire$ médicaux
annueU, une note sur les avantages de ce traitement, tel qu'il
était employé par le D*^ Brandreth. Il avait été fait mention
JAMES GURRIE. 323
également de ma pratique dans les Philosophical tran$actianê de
1799. Taî souvent recommandé cette méthode à des chirur-
giens de navires allant à la côte d'Afrique, et chargés de mis-
sdons sanitaires par la législature. En différentes occasions
même, je donnai non pas seulement des conseils, mais des
leçons de pratique (eau froide) à des médecins se rendant au
loin.
Cependant une méthode de traitement si hardie et $i con-
Èraire aus préjugés tm^res fit, à ses débuts, peu de pro-
grès. On comprenait mal le mode d'opération de notre re-
mède ; on ne s'entendait pas bien sur le moment exact où il
en fallait faire usage ; de là des discussions vives. Réfléchis-
sant à ces circonstances, et exposé par situation à entendre
constamment l'écho des épidémies du monde de l'ouest, ma
décision fut prise. Je résolus de ne plus différer è faire con-
naître notre traitement de la fièvre, et àk défendre contre les
ffréjttgéê; c'est ainsi qu'est né le livre que j'ai l'honneur de
vous présenter aujourd'hui.
«En traitant mon sujet, j'ai cherché avant tout à être clair
plutAt que méthodique; les points les plus importants sont
répétés è satiété, de peur d'erreur. Mes observations thermo-
métriques m'ont permis de parvenir à une précision dans la
direction à imprimer à l'usage des affusions d'eau froide,
qu'aucun autre moyen ne m'aurait donnée, et, si je ne me
flatte point, ont fourni è mes raisonnements une base que les
spéculations sur la fièvre ont rarement possédée.
<cJe me suis gardé d'user sans nécessité d'expressions tech-
niques ou vagues. Il vaudrait peut-itre mieux que la médecine,
comme les autres branches des sciences naturelles, sortit du mys-
tère, et se montrât avec la simplicité d^une science et la clarté de la
vérité. Si j'avais eu le choix , je n'aurais pas adopté le langage
delà théorie, comme fioerhaave ou Sydenham; mais j'aurais
produit un ouvrage médical écrit du style dont se serait servi
Bacon, s'il eût vécu de nos jours. Malheureusement, dans l'état
224 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
présent des connaissances médicales, il est tout à fait impos-
sible de bannir entièrement le langage de la théorie.
«Les erreurs des fausses doctrines doivent rester plus ou
moins dans notre phraséoU^, après que les doctrines elles-
mêmes ont été abandonnées, puisque la coutume a fini par
rendre intelligibles les expressions qui les désignent, et que
la sagacité humaine n'a pas encore découvert ces principes
premiers du mouvement vital, par lesquels les doctrines et le
langage de la physiologie doivent être à tout jamais réformés.
Ainsi le terme de ré-^uiion est appliqué à certains mouvements
de la vie , en un sens très-différent de celui dont on use dans
la science du mouvement de la matière inanimée, à laquelle il
a été emprunté ; d'autres mots, tels que le ton, se rencontre^
ront encore dans les pages suivantes, bien que la théorie qui
les a introduits dans la médecine soit universellement aban-
donnée. L'usage de semblables expressions est un mal que
peut seul excuser la nécessité, et je l'ai évité autant que j'ai pu.
<i 11 est possible que cette introduction me procure quelques
lecteurs parmi les hommes de science en général, et je confesse
ici que tel a été mom objectif quand je vous ai dédié cet ou-
vrage. Il est naturel qu'un auteur désire voir son Iîvtq lu par
ceux qui le peuvent apprécier et que leur situation rend aptes
à mettre les préceptes en pratique. A un double point de vue,
je fais appel à vous, à votre esprit scientifique et à votre cœur
généreux. L'ouvrage que je vous adresse est en grande partie
pratique. Un homme de génie, à la tête d'une flotte ou d'une
armée, éprouverait probablement peu de difficultés à le com-
prendre; et peut-être, s'il l'avait compris, trouverait-il quel-
ques occasions d'en appliquer les préceptes au bien de Fhuma-
ntté et au patriotisme. Quelle que soit sa destinée par rapport
aux hommes appartenant à la profession militaire, j'espère
qu'il ne demeurera pas ignoré des médecins praticiens de
notre flotte et de nos armées, une des classes les plus méri-
tantes de notre profession, une de celles auxquelles la méde-
JAMES GURRIE. 325
cine pratique a dA, dans les temps modernes, les progrès les
plus importants.
«J'ai cru devoir joindre, dans ce volume, à Thistoire des
affnsions froides dans la fièvre, différentes vues sur le même
remède et sur les autres moyens de traiter la fièvre, et j ai
abordé ces points divers sans trop me préoccuper d'être mé-
thodique; j'ai été amené ainsi, et insensiblement, à parler de
quelques-unes des modifications de la température du corps
en santé , sujet que je réserve cependant.
«Tel qu'il est, ce volume pourra rester comme le premier
d'une série sur des sujets semblables, si tant est que j'en doive
écrire d'autres ; et il peut servir seul , si je n'en écris pas
davantage.
« Excusez-moi d'avoir développé ce plan dans une dédicace
et croyez-moi, etc.
«James Gurbie.»
Telle était la première inspiration de cet homme ardent
et possédé de Tamour de l'humanité, généreuse manie des
hommes qui vivaient à la fin du xviii* siècle, et dont notre
pays n'était pas pourvu à l'exclusion des autres nations de
l'Europe.
Plus tard ont paru une deuxième puis une troisième édition
de cet ouvrage, qui s'était étendu et comprenait deux volumes.
Ces nouvelles éditions étaient dédiées au duc d'York, com-
mandant en chef des armées de la Grande-Bretagne. L'auteur
recommandait la méthode des affusions froides, déjà employée
dans l'armée, au prince qui commandait toutes les troupes du
royaume. 11 cherchait des protecteurs puissants, non pour lui
mais pour sa méthode.
Voici cette courte dédicace :
«La permission que vous m'avez donnée, de dédier cette
édition nouvelle et agrandie de mon ouvrage à Votre Altesse
i5
226 CHAPITRE V. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Royale, me commande avec une sincère gratitude, on profond
respect. Cet ouvrage contient les détails d'une méthode pour
traiter les maladies. fébriles, en grande partie nouvelle^et qui,
en raison de ce qu'elle s'applique particulièrement à la pra-
tique médicale de nos armées, a' eu l'honneur de fixer l'atten-
tion de Votre Altesse Royale. Sous la protection de votre nom
et de votre autorité, cette publication ne peut manquer d'être
remarquée de nos praticiens militaires, et les préceptes qu'elle
contient seront ainsi appliqués sur une large échelle.
te A une époque où la profession des armes prend une im-
portance sans exemple, peut-être, dans les annales de l'hu-
manité, tout ce qui peut contribuer à la vie et à la santé des
défenseurs de ce pays acquiert d'autant plus d'importance. A
ce point de vue, les volumes que je vous présente ne sont
pas, je l'espère, tout à fait indignes du patronage du premier
homme de guerre et du protecteur de l'armée d'Angleterre.
«J'ai l'honneur, etc.
ce James Cdbbie.
«Batb, 7 jaillct i8o5.«
Ainsi l'ardeur du prosélytisme de Currie n'avait pas été
stérile. Sa méthode était enfin entrée dans la pratique de la
médecine militaire anglaise, qui s'exerçait sur d'immenses
contrées.
L'ouvï'age de Currie débute ex abrupto par une observation
de malade. C'est là la méthode anglaise ^ Ainsi procèdent les
observateurs sagaces et sincères de ce pays; Sydenham , Graves ,
ont dans leurs narrations une sincérité, une vérité de descrip-
tion , qui est fort supérieure aux grandes prétentions dogroa*
tiques de quelques-uns de nos auteurs contemporains. On
comprend toujours les Anglais, on ne comprend pas toujours
les Allemands.
' Carrifl dît, aa cliapiUre tiii, qu^il eonsaUe surtout le lirre de la natore.
JAMES GURRIË. 237
Donc, au lieu d'une exposition de principes, J. Gurrie dé-
bute simplement par l'observation du D*^ Wright. Ce médecin
rapporte son cas ; c'était lui qui était le malade , et il s'est
soigné lui-même. Embarqué à la Jamaïque, le i*' août 1777^
pour retourner en Angleterre , il soigne sur le navire un ma-
telot malade d'une fièvre. Le matelot meurt et le médecin
prend la même maladie par contagion. Le 5 septembre, la
maladie débute par de petits frissons espacés» une forte cha-
leur è la peau, des douleurs aux avant-bras, le pouls petit et
fréquent, de l'inappétence, les nuits sans sommeil. Mêmes
symptêmes les jours suivants : fièvre, lassitude, courbature t
céphalalgie. Un vomitif, une prise de poudre de quinquina
a'améliorent pas la situation. Cependant le médecin malade
monte sur le pont, cherche l'air frais et s'en trouve bien.
fcAlors, dit-il, éclairé par cette circonstance, je résolus
d'employer une méthode que j'avais souvetU dénré expérimenter
sur Ue outrée, dans les fièvres semblables à celle dont j'étais
atteint. 9 S'étant rendu sur le pont tout nu et seulement en-
veloppé d'une couverture, le D' Wright se fait jeter sur le
corps trois seaux d'eau de mer. Le saisissement est grand,
mais suivi d'un rapide bien-être , la chaleur de la peau devient
douce et il survient de la sueur. Le soir, retour de la fièvre et
nouvelle ablution suivie d'un bon sommeil pendant la nuit.
Le lendemain , deux séances d'ablution ; le surlendemain ,
même traitement. Les symptômes disparaissent le douzième
jour.
Un jeune passager, M. Thomas Kirk, prend la fièvre et se
soumet au même traitement, qui réussit parfaitement.
Quelle était cette fièvre? Il est permis de penser qu'il s'agit
d'une fièvre intermittente ou rémittente des pays chauds. Le
typhus ne guérit pas si vite. Les travaux modernes ont d'ail-
leurs montré Tefficacité de l'hydrothérapie dans le traitement
de certaines fièvres intermittentes. Le D' Wright rapporte
dans son mémoire (JMm. oftheLonêm médical Society, voL III «
i5.
328 CHAPITRE V. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
p. 167) Topinion des médecins anciens favorables à ce genre
de traitement.
Ayant lu cette observation en 17*86, au moment où eUe
parut, J. Currie essaya aussitôt le moyen indiqué, et apprit,
du reste, que son collègue le D' Brandreth en avait usé avec
succès depuis peu de temps dans des cas de fièvre.
Voilà le début simple et saisissant de cet important ouvrage.
Le chapitre 11 nous montre l'auteur aux prises avec une
épidémie de fièvre contagieuse (le typhus, sans doute) dans
un hôpital de femmes à Liverpool, en 1787. Seize malades,
deux décès; huit de ces malades étaient traitées par J. Currie.
Sur sept d'entre elles, il applique bravement le traitement par
les affusions froides; il hésite pour la huitième, parce qu'elle
est atteinte de la vérole avec ptyalisme mercuriel, et elle
meurt. Il se reproche cette hésitation , la mort étant survenue
au seizième jour de la maladie.
Depuis cette époque , Currie est à la recherche des cas de
fièvre grave contagieuse (Ae lofv contagious fever)\ il arrive à
recueillir cent cinquante-trois observations dans lesquelles la guérison
lui parait devoir être attribuée à l'action de Veau froide, (1797.)
Suit, au chapitre m, la description d'une épidémie de
typhus ou fièvre des prisons, observée dans le 3o* régiment
d'infanterie è Liverpool, en 1799. Les observations thermo-
métriques y sont relatées; ainsi l'on voit que la température
des malades était de loi* à loa* F. (38%4 è 39%5 C).
Currie y signale le mauvais effet des éniissions sanguines.
Deux sortes de malades n'étaient pas soumis aux affusions
froides : ceux que l'on jugeait trop débilités et ceux dont la
chaleur s'éloignait peu du degré normal. Chez la plupart des ma*
lades ainsi traités, la* durée de la maladie sembla raccourcie. La
température de l'eau employée était d'environ 1 S"* C.
Le chapitre iv est intitulé : Comment doivent se faire les afu-
sions d'eau froide dans lafèvre. L'auteur prévient le lecteur que
par fièvre, sans autre désignation, il entend la fièvre conteh-
JAMES GURRIE. 229
gieuêê grave, ou tifphuê du D' Gullen, ou fièvre contagieuse du
ly Lind , ou fièvre inirritative du D' Darwin , maladie appelée
dans le langage populaire : fièvre nerveuse ou fièvre putride.
Cette fièvre est ainsi décrite par CuUen : Morbus amtagiosus;
cahr forum auetus; puhus parvus, debilis, plerumque Jrequens ;
urina parum mutata; sensorit Junctianes plurimum turbatœ; vires
multum imminutœ. CuUen admettait que cette maladie avait,
tous les jours, deux paroxysmes. Gurrie y reconnaît, en vingt--
quatre heures, une exacerbation et une rémission bien nettes;
Texacerbation ayant lieu dans l'après-midi ou la soirée, et la
rémission le matin. Cette exacerbation est de o%6 à i'',^ dans
les parties centrales (!) du corps. Le moment le plus favorable
pour les ablutions froides est celui où la température atteint
son apogée, ou bien quand elle commence à décliner \ c'est-à-
dire entre six heures et neuf heures du soir. Cependant on
peut l'employer à toute heure , pourvu quil n'y ait pas la sensa-^
tion, de frisson ni de sueur profuse, et que la peau soit constamr-
ment chaude.
Si Ton fait Yaffusion pendant le frisson, on amène une fré-
quence extrême avec petitesse du pouls, un état de malaise
presque syncopal; cela est dangereux, et il y faut renoncer
quand bien même la chaleur du tronc pendant le frisson serait
plus élevée quà fétat normal. On ne doit pas non plus baigner
ni asperger les malades quand ils sont en sueur depuis quelque
temps; cela aurait moins d'inconvénient au début de la sueur.
Le chapitre v contient des observations particulières de
malades.
Le chapitre vi est consacré è des considérations générales ;
Tanteur émet des propositions que nous analysons ici :
1* Les malades répugnent d'abord à l'emploi des affusions
froides; mais, quand ils en ont éprouvé le bienfait, ils s'y
prêtent volontiers.
' Ce précepte est donné comme nouveau et revendiqué par plusieurs auteurs
contemporains.
130 CHAPITRE 1*. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
a* Corne commençait par les affosions firoides, pois lavait
le malade avec de Teaa vinaigrée et ensuite avec de f eaa de
mer. Il préférait en général» pour les affusions, Teaa de mer
à Teau de rivière , parce que la présence du sel rend la pre-
mière plus stimulante et donne lieu à une réaction plus
franche. Il préfère aussi la saumure au vinaigre, en lotions,
parce qu'on se la procure plus facilement
S"" Pour reconnaître la chaleur de la peau, Gurrie se ser-
vait habituellement d'un petit thermomètre à mercure d'une
grande sensibilité, à échelle mobile, d'un modèle imaginé par
Hunter, et dont celui-ci faisait usage pour ses eipériences sur
la chaleur animale. Gurrie introduisait ce thermomètre sous
la langue en faisant fermer les lèvres, ou bien sous l'aisselie,
indifféremment. Il se servait volontiers d'un thermomètre coudé
plus conmiode , et qui n'eiposait pas l'observateur à respirer
l'air eipiré par les malades ; et il usait aussi d'un thermomètre
à index maximum (l'index était en fer).
Le chapitre vu contient des observations particulières mon-
trant le bon effet des affusions froides dans certaines fièvres,
notamment dans les intermittente» tierces.
L'auteur ajoute qu'il est mauvais de faire ces affusions A la
période algide et de les continuer quand la convalescence
est survenue. Gurrie reconnaît que la seule exposition du ma-
lade à l'air froid suffit à abaisser beaucoup sa température. Il
recommande aussi de se contenter, dans certains cas avancés,
d'affusions tièdes, de lavages à l'éponge avec du vinaigre tiède,
après le neuvième ou dixième jour.
Ghapitre viii : Retnarques générale» sur la JUm^, — Cette
fièvre, c'est le typhus vrai, et non le »ynocku» de GuUen. Gurrie
employa les affusions froides chez un malade, alors que le ther-
momètre marquait, sous la langue, loy^ F. (At%6 G.), mais
sans succès, le pouls ne fut ni relevé ni ralenti, et la tem-
pérature ne fut point abaissée, ou du moins ne le demeura
pas, et il n'y eut ni réaction sudorale ni sommeil.
JAMES CURRIE. 231
Chapitre ix : De Cusage des affumns froides et tUdee dans la
petite virole, avec des observations particulières, — Encouragé par
le succès de cette méthode dans le traitement du typhus,
Currîe n hésita pas à l'employer dans diverses sortes de fièvre,
'et notamment dans les cas de variole. L'avantage de l'air
frais, dans cette maladie (Sydenham, école anglaise du xvn* et
du XTiii' siècle), semblait inviter à essayer les affusions froides,
qui sont d'une action plus puissante. L'auteur choisit les cas
les plus graves de variole, et l'événement répondit à son at-
tente; il rapporte une observation de ce genre. Un jeune
Américain de vingt-quatre ans fut inoculé par lui, en 179&;
le septième jour, la fièvre parut; la température monta, en
quelques heures, à 107" F. (&i%6 G.). Gurrie fit boire au
malade beaucoup d'eau et de limonade froides, et le fit as-
perger de trois gallons de saumure froide , ce qui le rafraîchit
beaucoup. Le pouls se ralentit, la chaleur baissa, le sommeil
fut tranquille. En vingt-quatre heures on recommença trois
fois les ablutions, et le malade les demandait lui-même quand il
sentait revenir la chaleur. L'éruption fut franche, la guérison
rapide.
il ne faut pas compter sur des effets certains, quand la
méthode est employée dans des cas de variole confluente déjà
avancée. C'est au début de l'éruption qu'il faut agir surtout.
L'auteur nous renvoie au traité publié, en 1761, par sir Wil-
ham Watson sous ce titre : Account of expérimente on the most
successful méthode of inoculating tlie smallr-pox, où sont relatés
des cas de guérison de variole après immersion dans l'eau
froide, et où se trouve indiquée la pratique des indigènes au
Bengale. «Dans certaines provinces de ce pays, dit M..lves,
les indigènes se soumettent à l'inoculation. Après l'opération,
on ordonne au sujet de se baigner dans l'eau froide deux fois
par jour, et de se tenir le plus frais possible. Quand la fièvre
fient, on ne se baigne pas, mais on reprend les bains au
deuxième jour de l'éruption , et on les continue pendant trois
232 CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
jours. » (^Ives's voyage to India, in the years iy55~56-5j, ch. iv.
p. 5/i.)
Le D"" Gérard, à Liverpool, pratiquait les affusions d'eau
froide dans la scarlatine, et Currie suivit cet exemple. A la fin'
de décembre 179^, cinq enfants d'une même famille furent
successivement atteints de la fièvre scarlatine, quatre légère-
ment, le cinquième fortement; le père de famille lui-même
prit la maladie. Les symptômes étaient graves; le D*^ Gérard,
;ippelé, ordonna sans succès un éméto-cathartique, puis se
décida, vingt-huit heures après le début, à employer les affu-
sions d'eau froide. L'expérience eut un succès inespéré; la
lièvre tomba aussitôt, il y eut sueur et sommeil. Le lende-
main, ou ré[)éta le remède. La maladie ne reparut plus. Même
chose eut lieu pour une servante de cette famille. Currie se
demande si Ton peut vraiment faire évanouir ainsi la Jikre el
empêcher Véruption.
Ici se place une discussion théorique si importante, si op-
portune encore de nos jours, que nous traduisons littéralement
notre auteur, ç^ Que la maladie puisse s'éteindre sans que
l'efflorescence spécifique de la peau et l'angine se montrent,
c'est là un fait singulièrement curieux. // semblerait montrer
que celle matière ejflorescentc est le produit de la fièvre éruptive, el
que la fièvre elle-même étant détruite lout d'abord, la matière effo-
rescenle ne se produit pas. Ainsi nous n'avons plus à nous préoc-
cuper des appréhensions qu'une fausse théorie pourrait nous sug-
gérer, relativement au danger qu'il y aurait à arrêter un processus
par lequel la tiature cherclierait à se débarrasser d^une humeur dont
l'économie serait imbibée. Nous pouvons donc soutenir cette proposi-
tion, à savoir : Que la fièvre éruptive de la petite vérole est la cause
et non, comme on le supposait, la conséquence du progrès de Fassi-
milation, et que la diminution de cette fièvre par l'air frais, et
encolle mieua: par les aff usions d'eau froide, diminue aussitôt la
JAMES CURRIE. v 233
quaniiti de nuuUre aamiUe, et peut, dans eertains cas, empêcher
camplétemeni l'aeelmilaUon ^ »
J. Gurrie se préoccupe aussi de savoir si réruption vario-
lique, avortée par suite du traitement, préserve le patient
d'une récidive. Question non résolue. 11 raconte avoir souvent
traité la eearlaime, après l'éruption parue, par l'immersion dans
des bains tièdes (de gQ"" à qG*" F., soit de 36° à a S"" G. ), et
cela avec un succès constant, ce L'expérience , dit-il, montrera
plus tard si les affusions d'eau froide conviennent aux autres
exanthèmes. 9
La température de l'eau froide, telle qu'elle était employée
par Gurrie pour ses afliisions, était, en général , de S"" à 1 o* G. ,
quelquefois (en été) de iS"" à ao* G., et les effets étaient les
mêmes : La résolution de la fihre dépend surtout de l'impression
soudaine, généralisie et puissante, et, que l'eau ait â** ou iS* C,
elle nest pas si différente qu'on pourrait se l'imaginer de prime abord.
Dans ces limites, l'efficacité du remède et son innocuité dépendent
surtout de la soudaineté et de la brièveté de son application.^
Après ces citations textuelles et exemptes de tout*commen-
laire, il convient de nous arrêter un instant et de nous de-
mander quelle en est la valeur. Deux points principaux attirent
d'abord notre attention :
i* Gurrie se débarrasse hardiment de tout scrupule] quant
an respect dû à la maladie, au processus humoral, à l'effort ins-
tinctif de la nature, à la natura medicatrix. Il prend pour ob-
jectif la fièvre et dit : <t Tu es cause et non effet , c'est toi que
j'attaquerai : suhlata causa tolHtur effectue, ri G'est ainsi que , pour
l'école allemande de nos jours (Liebermeister), la fièvre, c'est
* Le D' Calien a «vtocé qu*i tous méabilité de la peau. Cette doctrine,
les degrés de la variole la quantité de que, dans ses leçons, il étend à tous les
matière aasimUée est proportioooelle à autres eianthèmes,*cst, suivant moi,
la masse du corps, et que les différences Tune des parties les plus faibles de son
dans la nature et la quantité de Térup- ceuvre si remarquable,
lion dépendent entièrement de la per-
m^ CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
le niai C'est le renversement de toute la doctrine traditionnelle
de riiippocratisnié, c'est l'esprit de révolte audacieux et pa-
radoxal, c'est la science expérimentale substituée au doctri-
narisme, au méthodisme. Notre époque se flatte de grandes
audaces, elle se flatte à tort d'en avoir eu l'initiative.
2° Currie est moins préoccupé du phénomène chaleur,
moins soucieux d'abaisser directement la température que
(l'amener la réaction; ce n'est pas nn frifridiste , c'est un hydro-
thérapeute, un Priessnitz. Aujourd'hui on ne cherche pas la
réaction, mais la soustraction pure et simple de calories.
Chapitre x : Des abusions d'eau liède à la surface du corps
dans les désordres fébriles , et de l'épongement du corps avec reau
ou le vinaiffre. Laffusion d^eau tiède pratiquée par les anciens. —
Currie appelle eau liède celle qui va de 87° à 97 f» (^^i^
(le 3o' à 36° C), et il croit pouvoir alfirmer que les afl'usions
tièdes amènent quelquefois tout autant d'abaissement de la
température du corps (jue les afl'usions froides. Voici l'expli-
cation qu'il donne a cet égard : rr L'évaporation à la surface
du corps est plus copieuse dans l'afl'usion tiède, d'où dépend
beaucoup le rafraîchissement du cor[Ks. En outre, l'afl'usion
tiède est peu stimulante et n'amène point, comme l'afl'usion
froide, ces évolutions de la peau qui [jermettent de résister aux
efl'ets du froid extérieur. Si l'on se propose de diminuer la
chaleur, on y parviendra avec certitude par l'usage répété des
afl*usions tièdes, en ayant soin, dans les intervalles, d'exposer
la surface du corps à l'air extérieur; alors, si le soleil est
caché et qu'il y ait un courant d'air, s'il y a du vent, on peut
abaisser la température du corps, là même où l'on ne peut
se procurer de l'eau froide, comme par exemple dans les ré-
gions les plus chaudes du monde, les plaines du Bengale ou
les sables do T Arabie \t^
Currie déckre avoir fait usage des afl'usions tièdes surtout
' Sysl^'inc des alcorazas. Voyoz les (ravaux (ri']<lwanls.
JAMES CURRIE. 336
dans les affections fébriles, où la maladie consistait plutôt
dans le stimulus d'une chaleur exagérée que dans la conta-
gion, les miasmes ou les inflammations locales, et surtout
chez les enfants. <tCes affusions, dit-il, produisent générale-
ment une diminution considérable de la chaleur et de la fré*
quence du pouls et de la respiration ; elles amènent le repos
et le sommeil. Il les faut employer préférablement aux affu-
sions froides quand les malades sont oppressés el respirent
mal et chez les malades très-affaibiis. Pourtant leur action
nW pas aussi permanente que celle de l'affusion froide; elle
n'est pas suivie d'une cessation totale de la fièvre, comme cela
a lieu souvent à la suite des affusions froides. On peut aussi,
dans la fièvre hectique, faire des affusions tièdes partielles,
sur la paume des mains et la plante des pieds, n
Cette question du froid n'était pas interprétée de la même
façon par tous les médecins anglais de cette époque. Brown,
préoccupé de ses théories, en révolte contre l'observation, af-
firmait que, dans la zone torride, le froid ne pouvait jamais être
appliqué utilement au traitement des fièvres parce qu'elles y
étaient a-êtkéniques (?) , et qu'au contraire le froid était le grand
remède dans les maladies sthéniques, qu'il agissait de même
dans la rougeole, le catarrhe et les autres maladies inflam-
matoires, que dans la variole, et qu'il sufiîsait pour les guérir;
mais l'expérience manquait. Darwin (^Zoonomia) ne se préoc-
cupait pas de l'action du froid sur la sensation tactile,
en quoi Gurrie le trouvait répréhensible ; et il considérait
l'application du froid comme abolissant tout stimulus à la
peau.
En tout cas, la question était agitée partout, et l'on était
en pleine voie de physiologie pathologique. (Voyez les travaux
do J. Hunter.)
Currie était d'avis de régler les affusions sur la tempéra-
ture du malade et de les faire tièdes , si cette température était
pou élevée. Il comptait beaucoup sur l'action stimulante k la
236 CHAPITRE l". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
peau. Par le mot frais, il entendait une température do Teau
de 87" à 75^ F. (de 3i^à 95° C.)
Historique ancien, d'après Currie. — La pratique des bois-
sons froides (eau) dans les fièvres, était fort usitée chez les
anciens; ils employaient aussi quelquefois l'immersion dans
Teau froide, mais ils semblent avoir ignoré complètement les
alTusions froides sur le corps. (Currie se trompe : voy. les
Arabes, voy. Alpinus, etc.)
Les ablutions à la surface du corps dans les maladies fé-
briles, ont été notées sous diverses formes parmi les pratiques
des nations barbares de f Asie et de l'Afrique par des voya-
geurs modernes, notamment par sir John Chardin et par
M. Brucf»; mais elles furent introduiles pour la première fois
en Europe pendant une fièvre épidémique qui sévit à Breslau,
en Silésie, dans Tannée 1737, ainsi qu'on le voit dans la dis-
sertation de J. G. de Hahn, dont le titre est : Epidemia verna
quœ Wratislaviam anno ijSj ajjlixit, (Voy. l'appendice des
Acta Germanica, vol. X.)
Cet auteur rapporte que l'épidémie de typhus ayant résisté
à tous les movens connus, il eut recours aux ablutions froides
avec l'éponge et au drap mouillé. Sauvages donne un extrait
de cette dissertation [Nosol. meihod.y Currie cite ensuite un
[)assage de (^else : Quidam ex antiquioribus medicis Cleophantus
in hoc génère morborinn (fièvre tierce) midlo anle accessionem
caput œgri mtdla caJida aqtia perfundebat , deinde vinumdabat. Les
Grecs et les Romains usaient, dans leur régime habituel, de
bains et d'affusions tièdes.
Chapitre xt : De i*usage interne de Feau froide dans lajlèvre,
— Les anciens faisaient usage de boissons froides dans les
fièvres (llippocrate, Galion, Celse, etc.). Parmi les modernes,
Cardanus a écrit sur ce sujet une dissertation apologétique.
Hoffmann les recommande aussi (vol. I, p. ^79). Dans notre
JAMES GURRIE. 237
pays, cette pratique a été recommandée par Smish comme
une panacée, et Hamock a écrit sur ce sujet un traité intitulé :
Febrijugwn tnagnum. En Espagne et en Italie, l'usage de l'eau
froide a eu une plus grande vogue au commencement du
xrni* siècle qu'en aucun autre pays d'Europe et parait s'y être
conservé. ( Voy. le mémoire intitulé : Diœta aquea, par le D'Grillus
de Naples, dans le XXXVI* volume des Pliilosophical transaC"
tions.) Cet auteur mentionne aussi l'application de glace pilée
et de neige sur le corps des malades. Boërhaave a disserté lon-
guement sur les boissons froides, qu'il ne recommande pas
plus que fae le font Van Swieten et GuUen. Du reste, l'opinion,
à toutes les époques, a été contraire h cette pratique.
Currie a étudié attentivement, et le thermomitre en main, les
effets des kaissons Jroide$. Voici ses conclusions :
1** Il ne faut pas boire froid, pas plus que faire des ablu-
tions froides dans le stade de frisson.
a"" On peut boire froid en toute sûreté dans la période de
chaleur confirmée ; alors on voit la température décroître de
plusieurs degrés à la surface du corps et le pouls se ralentir,
la sueur et le sommeil s'ensuivent. C'est la même action,
quoique moins marquée , que celle des affusions froides à la
peau. Currie avoue n'avoir pas employé habituellement cette
méthode.
3"* Après la transpiration, il ne faut pas boire froid, sous
peine d'une grande oppression et d'un abaissement trop grand
et trop rapide de la température h la surface du corps. (Hoff-
mann attribue à cette imprudence plusieurs cas de mort su-
bite.) Il ne faut pas troubler, par un refroidissement brusque^
ce mouvement gradué de refroidissement qu'amène la trans-
piration.
Le chapitre xii, qui est un des plus longs, est consacré aux
midadies qui proviennent de Vusage des hoiêsone froides ou des bains
fr'oids après un violent exercice. — Ce fait est bien connu. La
mort subite de gens qui, dans la grande chaleur, après une
238 CHAPITRE V\ — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
marche forcée ou un exercice violent, ont absorbé une grande
quantité de boisson froide, n'est point rare, mais elle demeure
inexpliquée. Il en est de même de l'immersion prolongée dans
l'eau froide. . • (Voy. la dissertation de GuUen : De frigore,
Ëdinburgh, 1 780.) Gurrie s'occupe des sensations subjectives
du malade par rapport au froid, suivanl le degré de chaleur
de son corps . . .
Le chapitre xni traite du bain froid dans les maladies con-
vulsives, la folie, etc. On y trouve des cas de tétanos guéris
par ce moyen, également des cas de danse de Saint-Guy et
d'hystérie convulsive.
Au chapitre xiy, Gurrie insère un mémoire qui avait été lu
par lui devant la Société royale et inséré dans ses Transactions
en Tannée 1 799 : Sur le froid à propos de tnatelots morts étant
en msr sur une épave. A cette occasion , Gurrie institua des expé-
riences pour examiner les effets de l'eau pure et de l'eau salée
comparativement, en les prenant à la même température. Ces
expériences sont intéressantes en raison même de l'époque ou
elles ont été entreprises , c'était le produit de la grande école
de Hunter. Gombien notre époque se trompe en s'attribuant
le mérite d'avoir inauguré la physiologie expérimentale !
Première expérience, — Gurrie plaça un large vase conte-
nant cent soixante gallons d'eau salée, au grand air. La tem-
pérature de l'eau , comme celle de l'air, était de 7° à S'' G. Le
sujet était un homme de vingt-huit ans, vigoureux et sain;
l'heure : k heures après midi. La température du sujet était
de 3 6% 5. On déshabilla l'homme, puis il fut mené nu dans
une cour ouverte et exposé à l'air avec un vent de nord-est
pendant une minute, puis plongé dans l'eau jusqu'aux épaules.
Le thermomètre, d'abord échauffé dans de l'eau à 38** G., fut
introduit dans sa bouche, sous la langue; la colonne mercu-
rielle s'abaissa rapidement et s'arrêta, une minute après, à
87'' F. (3o%6. G.). L'homme se tint immobile dans l'eau et
JAMES GURRIE. 239
le thermomètre remonta peu à peu ; en douze minutes il était
remonté à 93%5 F. (3à%a G.). Au sortir de l'eau et étant re-
placé à Tair libre, exposé au vent, l'homme, que l'on envelop-
pait de linges, se refroidit (le mercure baissait rapidement).
On le plaça dans un lit chaud, sa température était alors de
So"* C. dans la bouche et de 3i*,6 G. dans l'aisselle. On le
frictionna et il but de l'eau-de-vie, on lui appliqua une vessie
d^eau chaude sur le creux de l'estomac. Trois heures après il
n'avait pas encore recouvré complètement sa température
normale.
Deuxième expérience. — Le lendemain , à la même heure ,
la même personne fut immergée comme ci-dessus. Son pouls
était, avant l'expérience, de 85 pulsations, et sa chaleur de
^7**»7 ^'^ ^'^^ ®' ^'®*^ étaient h 7%5 G., le vent était nord-est
et fort.
Thcmi. G.
Q minutes après rimmersion 33*,o
3 39%5
h 33%5
5 3/i%7
6 35*,o
7 35%3
8 35%35
9 35%3
10 3/i%7
1 ! 35%o
iQ 35%o
i3 35-,4
ta 35',o
Au bout de quinze minutes, le sujet sort de l'eau et reste
exposé tout nu à l'air et au vent, et le thermomètre ne marque
plus que 3 i%â G. Le sujet boit un coup de bière {^)i on le
met dans un lit chaud, et, trois minutes après, sa température
remonte à 33%9 G.; une heure après elle était è SB"" G.
2Î0 CHAPITRE r. ^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Ces effets, produits par l'exposition successive à raction de
Feau et à celle de Tair, donnèrent à réfléchir à l'expérimen-
ta teur.
Troisième expérience. — Le sujet est déshabillé et demeure
seize minutes dans l'eau salée froide à la même température
que ci -devant. On obtient les mêmes effets à peu près, puis
il est plongé dans un bain d'eau douce è 36%/i G., et» chose
inattendue, sa température baisse d'abord d'environ s*; au
bout d'une minute, elle était à 3i%i C, puis, au bout de
neuf minutes, elle était remontée à 35*,6 C. Ainsi ie bain
chaud produisait d'abord les mêmes effets que ie froid , pour-
tant avec cette différence notée par Gurrie, que dans i'eau
froide les extrémités étaient très-froides, tandis que dans le
bain chaud la chaleur était universellement répandue. A la
sortie du bain chaud le sujet put se rhabiller et se trouva
très à son aise.
Quatrième expérience. — Nouvelle immersion dans l'eau
froide. Le malade est interrogé sur ses sensations. Il dit qu'au
moment de l'immersion il ressentait un froid très -vif, que
cette sensation diminuait et devenait supportable, puis qu'elle
revenait à sa première intensité, un peu moindre peut-être.
Alors, quand l'eau était immobile, il ne sentait pas que son
corps, des clavicules au pubis, était dans l'eau, il sentait un
grand froid aux extrémités des membres, au pénis et au scro-
tum. Il éprouvait comme un cercle au niveau du plan de la
surface liquide, quand celle-ci était agitée. Le malade, replacé
à l'air, puis plongé dans un bain è /io*G., éprouva du malaise,
et l'on dut abaisser la température de l'eau à Sa"" G.; alors il
se trouva mieux, se réchauffa peu à peu jusqu'à 37%7 G. et
se refroidit ensuite jusqu'à 3s'',â G., puis on le frictionna et
réchauffa par les moyens ordinaires.
D'autres expériences de même nature furent faites par Gurrie
JAMES CURRIE. 241
sur différentes personnes. Ces variations rapides de la tem-
pérature du corps vivant ne semblaient pas s'accorder avec les
théories professées alors sur la chaleur animale. Nous laissons
ici la parole à l'auteur :
«t L'accroissement de la chaleur, dans la fièvre , a conduit
quelques personnes à penser que la chaleur animale est pro-
duite par l'action du cœur et des artères, ou du moins en con-
nexion directe avec celle-ci; pourtant il faut remarquer que,
ici , quoique la chaleur ait dû être engendrée dans le bain
avec une rapidité quatre fois plus grande qu'à l'ordinaire , les
vibrations du système artériel étaient excessivement faibles.
U y a une autre théorie fort belle de la chaleur animale,
qui suppose que celle-ci dépend immédiatement de la res-
piration; mais, dans le bain, après les premiers moments où
le jeu du diaphragme est dérangé par le choc de l'immer-
sion, la respiration devient régulière et extrêmement faible.
Enfin il est un curieux phénomène, la chaleur monte et des-
cend alternativement, puis remonte, dans le bain, le corps
demeurant en repos , et la chaleur du milieu ambiant étant
la même; c'est là, je pense, une observation fatale à ces
théories qui considèrent le corps vivant comme une simple
machine, mise en mouvement par les actions extérieures, mais
dépourvue d'initiative propre, et ne différant des autres ma-
chines que par la nature particulière des forces qui concou-
rent à la mettre en action. Je ne puis m'empêcher d'admirer
la théorie qui rapporte l'introduction du calorique dans l'or-
ganisme, surtout à la décomposition de l'air atmosphérique
dans la respiration, mais, il faut bien le dire, l'état de la
chaleur dans le corps ne peut être évalué sûrement (comme
quelques-uns l'ont supposé) d'après la quantité d'air respiré.
Le calorique est amené dans l'organisme encore par d'autres
voies, particulièrement par les aliments et les boissons, et
leur transformation en chaleur semble être modifiée par la
puissance vitale; enfin, nous n'avons point d'explication chi-
16
242 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE,
mique ni mécanique suffisante pour faire connaître les raisons
de ce phénomène. «
Currie établît ensuite que le refroidissement est plus grave
dans Teau douce que dans l'eau salée. Il montre que, dans ses
expériences themiométriques, il s'est mis à l'abri de l'erreur si-
gnalée parHunter pour l'estimation de la chaleur buccale, en
plaçant la boule du thermomètre non iur la langue dans le
courant de la respiration , mais sous la langue. 11 explique par
le raisonnement suivant que l'homme, passant du bain dans l'air,
à température égale de l'air et de l'eau, se refroidit encore :
R Pendant l'immersion , l'eau qui est en contact immédiat avec
la peau s'étant échauffée un peu , le corps nu, sortant de l'eau
pour s'exposer à l'air, est, en fait, exposé à un milieu plus
froid, d'où nouvelle perte de chaleur. Du reste, ajoute Currie,
les changements de température dans h corps vivant sont gouvernés
par des lois qui sont particuliires à celui-ei. » (C'est le WArme-reg^ir
lirung moderne. )
Chapitre xvii : Aperçu général des doctrines concernant la
fièvre, Hippocrate, Galien, etc. Théories diverses. — « Rien, d'après
notre auteur, ne montre mieux la faiblesse et l'ignorance de
l'espèce humaine , à la fois présomptueuse et impuissante â sup-
porter le doute, que le chapitre de la fièvre. La fausse sdenee est
encore pire que la superstition. Les principes de la mécanique,
de la chimie, du magnétisme, de l'électricité, ont été succes-
sivement mis à contribution pour expliquer les mouvements
de la vie , et n'ont servi qu'à nous tromper et à nous décevoir. . .
Hippocrate, qui vivait à une époque où les instruments de
physique faisaient défaut, estimait la chaleur d'après ses sen-
sations; il appliquait ses mains sur la poitrine dés malades,
jugeant les phénomènes morbides moins d'après le pouls que
d'après la chaleur du corps.
(tll faisait appliquer des linges trempés dans l'eau froide sur
les parties les plus chaudes, tirait du sang, soit avec des ven-
JAMES CURRIE. 343
touses scarifiées, soit avec la lancette, et administrait soit de
Teau froide, soit des boissons fraîches.
« Au temps de Galion , ia tradition de la chaleur cause de
la fièvre s'était conservée, et la pratique était conforme au
principe. Les Arabes reçurent cette doctrine, mais Tobscur-
cirent. Au siècle dernier (xvu* siècle) vint Sydenham, qui
était, lui aussi, un observateur original, et auquel la médecine
doit beaucoup. Pourtant il dogmatisait a priori, et il s'est par-
fois égaré. D'après lui, toute maladie n'est rien qu'un effort
de la nature pour expulser d'une manière ou d'une autre la
matière morbifique. Il faut donc l'aider et non la contrarier
dans cet effort ^ Il s'agit de trouver des émonctoires. Alors on
en arrive à comparer l'action désordonnée de la fièvre aux
mouvements de fermentation par lesquels la nature sépare du
sang les parties viciées avant leur expulsion. Ainsi la fièvre
serait, à certains égards, la coMéquenee salutaire de Feffart tenté
par la nature pour expulser la maladie.
«lOn voit poindre dans Hoffmann l'aurore d'une plus juste
pathologie de la fièvre. 11 rejette le mécanisme et cherche la
cause de la fièvre dans la nature particulière des mouvements
vitaux. Il suppose que la matière morbifique excite un spasme
des vaisseaux périphériques, puis une réaction du centre h la
périphérie avec expansion des vaisseaux, fièvre enfin et cha-
leur . • • D'après la doctrine d'Hoffmann , le médecin doit con-
trecarrer l'action morbide et favoiîser l'effet naturel (?) » Currie
trouve cette doctrine de l'action et de la réaction très-belle;
en effet, Currie recherche la réaction par l'application de l'eau
froide.
(( Le système d'Hoffmann a produit celui de CuUen. D'après
Hoffmann , le premier effet des causes cachées de la fièvre est
k tpoMme suivi de la réaction. Cullen dit que le premier effet
des effluves nuisibles (cause éloignée), est une débilité gé-
> Id Currie oabKe qa^Hippocrale avait dit : Qho nalura vergit eo imemium,
16.
244 CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
nérale affectant le êeMortum commune, d'où le spasme: aa
spasme , succède la réaction qai résout la maladie. 9 Cette ma-
nière d'expliquer la vis medicatrix ne satisfait pas Currie.
(t Brown vint, dit Currie, qui supposa PexciuASité, et expli-
qua tous les phénomènes de la vie et de la maladie par ce
principe prétendu ; il imagina le moyen de le mettre en acte
par des sùmult. Il s'agissait de trouver juste le degré précis
d'excitement qui correspond à la santé; il n'y eut plus que
deux maladies , les sthéniques et les a-sthiniqneê. Il classa le ty-
phus dans la deuxième catégorie , et rendit service en intro-
duisant Tusage du vin et de l'opium dans cette maladie. (Les
grands agitateurs servent à quelque chose.)
« Darwin (l'auteur de la Zoonomie) essaya ensuite de donner
une théorie générale de la fièvre. 99
Currie ne pouvait manquer de donner aussi sa théorie de
la fièvre, mais il le fait avec modestie et en toute humilité (il
a en vue surtout le typhus) : «Les premiers symptômes sont
la langueur, le frisson, la fatigue physique et intellectuelle;
ceêt une sorte d'empoteormement, les forces vitales en sont op*
pressées ou vaincues. Pourtant il survient en général une
réaction; il y a lutte entre la cause morbide et l'énergie vitale,
entre le pouvoir central et la résistance des vaisseaux périphé-
riques , d'où production d'une chaleur exagérée. Si les forces
vitales l'emportent, la peau s'ouvre, la sueur coule, la chaleur
tombe, les phénomènes morbides diminuent. Le phénomène
inverse maintient la fièvre. »
Ici nous devons nous arrêter pour adresser une critique à
notre auteur : il a manié le thermomètre, il a lu de Haén, et
voici ce qu'il dit : c( Examinons l'état de la chaleur aux diffé-
rents stades de la fièvre intermittente : en général, et sauf
erreur, dans le stade de froid la chaleur est diminuée , non-
seulement à la surface, comme quelques-uns l'ont imaginé,
mais probablement dans tout l'organisme. J'ai trouvé la tem-
pérature sous la langue à g/i* et gS*' F. (34%5 C. et 33*,9 C),
JAMES GURRIE. 245
et même à ga"" F. (3 3% 3 G.). Dans ces cas, il y avait une sen-
sation de froid à l'estomac et du tremblement de tous les
membres. A ce moment, les bains chauds et les boissons
chaudes sont très-utiles. Le pouls devient fort et plus fréquent
et la chaleur vient, allant du centre à la périphérie, mais ce
phénomène se produit avec une extrême irrégularité dans sa
marche. 19 Tout cela est mal observé , et c'est un grand désen-
chantement. Voilà un observateur sagace, original, indépen-
dant, qui s'arme du thermomètre, et qui aboutit à de si grosses
erreurs ! Etait-ce bien la peine que de Haën et d'eutres eussent
si bien décrit la chaleur exagérée et comme paradoxale qui
accompagne le frisson? Gurrie se perd par trop de condescen-
dance pour les idées de son temps , il se refait écolier de maître
qu'il était, et descend du piédestal que lui avait érigé le
lecteur.
Plus loin, il nous donne bien réellement les chiffres du
stade de chaleur : 39% 39\5, /io% /îo\5 G. Alors, dit-il, c'est
le moment de pratiquer les affusions d'eau froide. 11 nous
décrit la période de sueur et la chaleur qui tombe alors. 11
revient aussi à une opinion déjà émise par lui , à savoir qu'il
n'y a rien de bon à attendre pour les fonctions de l'organisme
tant que dure une chaleur de plusieurs degrés au-dessus de
la normale.
Currie nous donne aussi une explication mécanique de la
toif, mais elle n'est point supérieure aux données de la phy-
siologie de son temps; la tympalhie y intervient, ce qui gâte
tout.
Arrivant au traitement, Gurrie émet les préceptes suivants :
(cQue convient-il de faire dans la fièvre? diminuer le froid
dans le stade de froid, modérer la chaleur dans le stade de
chaleur, et vaincre la contracture des vaisseaux périphériques
par laquelle la chaleur morbide est retenue, et la réaction re-
tardée, et en tout cas soutenir les forces. . . Il ne s'agit point
d'interpréter les vues supposées de la nature. G'est, dit encore
340 CHAPITRE V. — LA CHALEDB ET LA PIETRE.
Gurrie, aoe grave erreur de supposer que le poison fébrile,
si nous devons l'appeler ainsi» étant introduit dans Torga-
nisme, soit la cause principale des symptômes , et que ceux-ci
consistent dans un combat livré par la nature pour son expul-
sion , sans lequel le retour à la santé n'est pas possible. U est
plus raisonnable de le considérer comme un agent qui excite
l'organisme à la fièvre, laquelle fièvre est entretenue non par la
présence et Faction continue de cet agent , mais par les principes
mêmes qui rèj^ent les actions de la vie. Nous ne somme» pa$
là pour attendre le bon vouloir de la naJture et assister à ses prétendus
efforts, mais bien pour nous opposer à la fièvre, à tous les stades de
son parcours, avec toute notre habileté, et la faire aboutir le plus
promptement possible à sa terminaison , autant que cela est
en notre pouvoir. Quand nous chassons la chaleur morbide, et
que nous réduisons la réaction morbide à la période de cha-
leur par le puissant moyen des affusions froides, la totalité
des symptômes morbides s'évanouit, preuve qu'à ce stade de la
maladie, ces symptâmes proviennent de la chaleur désordonnée, et
non iun poison circulant avec le sang, n Voilà bien le côté origi-
nal , hardi , de l'œuvre de Gurrie ; il s'attaque à Hippocrate , à
Sydenham cet autre Hippocrate , à la tradition. C'est un grand
fait, un fait historique! U est donc utile et sage de lutter contre
la maladie dès son début, avant que les forces soient déprimées
et les habitudes morbides établies. Gurrie déclare que les fièvres
intermittentes des pays chauds, attaquées dès le second accès
par l'eau froide, guérissent mieux que par aucun autre re-
mède.
Il faut, dit-il, recourir aux moyens de rafraîchir artUfieiMe^
ment Veau; en tout cas, on peut sans danger laisser le malade
se plonger dans le bain froid ou dans la mer, et user du
moyen précité , qui consiste è sortir de l'eau et à y rentrer al-
ternativement. 11 cite plusieurs cas de délire maniaque ou
autre, guéris par l'immersion dans l'eau froide, les malades
s'étant d'eux-mêmes jetés à l'eau.
JAMES GURRIE. ^ 247
Chapitre xmi : La chaleur animale ^ ses origines. Perspiraùon,
$m action réfrigérante. Mode d'action de quelques remèdes contre la
fièvre : Us antimoniaux, l'opium. — Gurrie définit la vie : «la fa-
culté qu'a l'animal de conserver sa chaleur propre en dépit des
variations du milieu ambiant. y> Les animaux sont inférieurs
ou supérieurs, suivant que cette faculté est moins ou plus dé*
veloppëe en eux. Les végétaux n'en sont pas tout à fait privés.
Les individus dans une même espèce peuvent être classés
d'après le développement qu'a chez eux cette faculté, qui est
un critérium de la force, (t II y a , dit Gurrie , des raisons de
penser que, tant que la température du corps humain demeure
sahs changement, sa santé n'a rien à craindre de la tempéra--
ture du milieu ambiant, que si, au contraire , il se produit un
augment ou déclin de quelques degrés dans la température
de l'économie, la maladie et la mort s'ensuivent. La connais^
sance des lois qui r^issent la chaleur vitale senJfle donc la branche
la plus importante de la physiologie.
«La chimie moderne, ajoute Gurrie, s'attribue la décou-
verte de l'origine de la chaleur animale , qui est supposée dé-
pendre des modifications que les ingesta subissent en raison
des fonctions de la vie. Parmi les animaux respirants, la prin*
cipale de ces modifications est occasionnée par les poumons
agissant sur l'air atmosphérique inhalé, et la respiration est
considérée comme la source principale de la chaleur dans cette
classe d'animaux. Que l'oxygène contenu dans l'atmosphère
fournisse la plus grande partie du pabulum vitœ, cela n'est pas
douteux, ta respiration étant une opération dans laquelle le
passage d'un gaz, à l'état concret, met en liberté une certaine
quantité de chaleur, de la même façon que la vapeur se trans-
formant en eau restitue une partie de sa chaleur. La chaleur
alors mise en liberté étant renvoyée par la circulation dans
toutes les parties du corps est le principal moyen par lequel
toul l'organisme est échauffé et animé, yt
En note, dans la cinquième édition, l'auteur expose la théo-
248 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
rie la plus récente alors de la respiration, et, en bon Anglais
pafriote , il se garde bien de dire qu'elle vient de l'autre cAté
du détroit, elle lui parait sans doute anonyme, carie nom de
Lavoisier n'est point prononcé par lui. Voici cette note tra-
duite littéralement : cr La respiration est un exemple d'attrac-
tion élective complexe , dans lequel le gaz oxygène est déplacé
et entre en une nouvelle combinaison; une partie en semble
être absorbée par la masse du sang qui circule dans les pou-
mons; une autre partie s'unit à l'hydrogène du sang veineux
pour former de l'eau; une autre, au carbone du sang pour
former le gaz acide carbonique. Dans le dernier cas, la chaleur
dégagée ne provient pas de ce que l'oxygène, de gazeux, de-
vient solide, mais de ce qu'il entre dans la composition d'un
gaz qui a moins de capacité calorifique que lui-même. La cha-
leur mise en liberté dans ces différents phénomènes est trans-
mise au sang, qui, par la perte de son hydrogène et de son
carbone, est converti de veineux en artériel, et dont la ca-
pacité calorifique s'accroît ainsi. Par là l'inflammation des
poumons est évitée. Mais le sang artériel, dans sa circulation,
absorbe de nouveau peu à peu des hydro-carbonates, et perd
de son calorique. De là l'uniformité de température dans le
corps. Telle semble être la théorie moderne de la respiration,
laquelle, il faut l'avouer, n'est pas sans offrir quelques diffi-
cultés. 7>
A cette époque, on agitait la question de savoir si la peau
n'absorbait pas aussi une certaine quantité d'oxygène. Gurrie
pense que cette question demande des expériences nouvelles.
Il insiste sur le rôle de la peau dans les variations de la chaleur,
et sur cette faculté qu'a l'organisme de mettre en liberté sa
chaleur latente. Or la perspxraùon lui parait jouer ici un rAle
non douteux. La perspiration est le corollaire de la respiration;
dans la respiration , il y a un gaz incessamment converti en
un solide ou un fluide, et par là la chaleur s'accrott; dans la
perspiration, im^rsement, un fluide est continuellement con-
JAMES GURRIE. 369
verti en vapeur, et ainsi de la chaleur est dépensée. Supposons
que la proportion d*oxygène absorbé par Torganisme reste la
même et que la température de l'atmosphère s'élève, nous
nous expliquerons conmient notre chaleur propre ne varie
pas, grâce à un accroissement de notre perspiration. Que la
température de l'atmosphère reste sans changement, tandis
que l'oxygène est introduit dans les poumons en plus grande
quantité , nous nous expliquerons encore la stabilité de notre
température par l'augmentation de notre perspiration. La
première de ces suppositions se réalise quand à un jour
froid succède une journée chaude, la seconde quand nous res-
pirons plus énergiquement après un violent exercice; alors la
perspiration parait avoir le rôle principal dans la réfutation de
la chaleur animale (in regtdaùng the animal heai)^ et la chatne
de la vie semble reliée au monde physique par des anneaux
que les récentes découvertes de la chimie nous permettent de
découvrir. »
Le voilà, ce mot régulation que nous attendions; tout le
faisait pressentir ! Le raisonnement serré de l'auteur, la lo-
gique de ses idées, sa perspicacité, qui ne laisse rien d'obscur
et devine ce qui est caché , devaient le conduire à ce grand fait
que les modernes n'ont point inventé. Que d'écrits contempo-
rains sur la régulation ! 11 semble que la chose soit nouvelle
et sans précédents : un peu de modestie ne gâterait rien. Mais
Gurrie lui-même est-il l'inventeur de cette théorie, i'a-t-il re-
çue de quelque autre observateur, avait-elle cours à son
époque? Qui peut dire où est le commencement d'une décou-
verte?
Gurrie, continuant son exposé de la théorie de l'évaporation ,
s*exprime ainsi : «Un vase rempli d'eau et exposé à l'air ne
peut pas être amené à une température de plus de a i a"" ( ébul-
lition) quel que soit le combustible employé, parce que, à me-
sure que la chaleur se développe au fond, l'évaporation l'en-
lève h la surface. Ainsi en est-il pour le corps vivant, v
350 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA PIÈTRE.
Currie rapporte ensuite les expëriences de Sanctorius sur la
perspiration insensible mesurée à la balance, et qui était éva-
luée à environ i,5oo grammes, cbiffre qu'il croit inférieur à
la réalité. Il se demande combien cette ivapùration coûte de
chaleur à l'organigme. D'autres expérimentateurs ont cherché k
vérifier les calculs de Sanctorius. Gruikshanks a noté une
perte en poids beaucoup plus considérable après l'exercice
qu'après le repos. Dans le mémoire de Lavoisier et Seguin,
publié dans les Mémoires de F Académie des sciences (1797)9 on
trouve une évaluation plus exacte des pertes de poids ame-
nées par la perspiration cutanée et pulmonaire.
«Il est étonnant, dit Currie, que l'importance de l'évapora-
tion à la surface du corps pour la r^ftdation de la chaleur
n'ait pas davantage attiré l'attention. En 1 755,ledocteurGuIlen
publia sa découverte de l'évaporation des fluides comme cause
de refroidissement [Essays and obsemationsphysical and Uuerary,
vol. H), phénomène connu depuis longtemps des Asiatiques,
et qui est devenu, en Europe, l'origine de tant de découvertes
chimiques. Eh bien, Cullen n'a pas pensé à la perspiration des
corps vivants. •
« Peu de temps après, le docteur Franklin reconnut les eiFets
de refroidissement produits par la perspiration cutanée. Dans
une lettre datée de Philadelphie en juin 1758, Franklin
s'exprime ainsi [Lettres et mémoires de Franklin, p. 365) : «Du-
«rant la chaleur à Philadelphie, en juin 1760, un jour où le
«thermomètre marquait loo"" F.(37*'8 G.) à l'ombre, j'étais as-
«sis immobile [dans ma chambre, occupé seulement à lire et à
«écrire, n'ayant d'autre vêtement que ma chemise et un ca-
«leçon de toile; toutes les fenêtres étaient ouvertes, et un
«vent frais traversait l'appartement , la sueur coulait sur le
« dos de mes mains , et ma chemise était souvent assez mouillée
^ pour m'obliger d'en changer. Mon corps cependant ne devint
«jamais aussi chaud que l'air ambiant ou que les corps ina-
« niniés plongés dans cet air. » Franklin en concluait qu'il était
JAMES GURRIE. 251
demeuré relativement froid , par suite de la sueur continuelle,
et par i'évaporation de cette sueur. Le mémoire de Gullen
n'était pas passé inaperçu de Franklin.
« Lorsque les observations de Duhamel et Tillet en France
et les expériences de Fordyce et de sir filagden en Angleterre
vinrent montrer quel extraordinaire degré de chaleur pouvait
supporter le corps vivant, l'attention des savants fut éveillée
par ce phénomène. L'opinion générale fut que Taniroal possé-
dait le pouvoir d'engendrer le froid comme le chaud. Bell,
dans les Mémoires de la Société de Manchester, fit la critique de
cette opinion, et, en discutant avec lui, Gurrie conçut, dit-il,
la pensée que le principal office de la perspiralion insensible
devait être de régler la chaleur animale; cette opinion, ajoute
notre auteur, qui semblait si raisonnable , a été confirmée
chez moi par la réflexion et l'observation.
«Pourtant quelle que puisse être l'influence delà perspira-
tion sur le refroidissement du corps , elle n'est peut-être pas le
seul moyen par lequel cet effet est produit. En effet, de quel-
ques expériences sur l'action des bains chauds, il semble ré-
sulter que la température du corps s'accrott difficilement après
que la sueur a coulé abondamment; or, comme il ne peut y
avoir d'évaporation à la peau quand le corps est immergé dans
l'eau , et qu'il y en a peu par les poumons quand l'air inspiré
est saturé de vapeur d'eau , si l'expérience ultérieure confirme
nos observations, on trouvera peut-être que la production de la
sueur elle-même correspond à une certaine dépense de cha-
leur : ainsi s'expliquera l'abaissement de la température qui
succède à une perspiralion profuse. Albin us, Haller, William
Hunter, ont supposé que la sueur, comme la perspiralion in-
sensible, était une exsudation de la partie aqueuse du sang à
travers les téguments; mais cette opinion doit être rejetée.
Gruikshanks et Fordyce ont montré que la sueur était un pro-
duit secondaire et non direct, etc.. . . ^
Ici se place une théorie tellement conforme aux idées con-
352 CHAPITRE 1* -> LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
temporaines, quoD serait tenté d'en attribuer le mérite à
quelque auteur actuellement vivant Nous la retrouverons k
l'état anonyme, ou, qui pis esL pourvue d*un nom qui ny a
point droit, parmi les travaux éclos dans ces dernières années.
Nous ne nous lasserons point de citer Currie textuellement,
et nous espérons que le lecteur n*y perdra rien :
<i La dépense de chaleur [akwrptûm) peut, du reste , avoir lieu
dans d'autres proees9tu [jnroce»), que la production et Tévapo-
ration de la matière perspirable, et que la respiration; et,
après tout, les changements soudains de température qui ont
lieu dans certaines circonstances- donnent lieu de penser que
f animal possède un certain poutair eursa chaleur, lequel nous est
encore inconnu. Laissant ce point à éclaircir par des recher-
ches futures, tenons l'importance de la perspiration par rap*
port à l'économie animale pour certaine. Par ce froeeeeus, la
stimulation des extrémités des vaisseaux par la distension mor-
bide est diminuée ou vaincue, et quelque autre moyen que
possède l'organisme pour diminuer sa chaleur, cette détente
semble de beaucoup le moyen le plus efficace, et, en certains
cas , indispensable pour cet objet. Lorsque les organes de la
perspiration éprouvent une constriction spasmodique, tandis
que Taccroissement du mouvement de la circulation déve-
loppe une chaleur anomale (comme cela a lieu au début de
la fièvre), nous pouvons imaginer facilement quels désordres
s'ensuivent. 9
Currie ne nous laisse faire après lui ni développement ni
commentaire , il épuise le sujet. Un auteur moderne , William
Edwards, dont les travaux sur la chaleur animale sont si jus-
tement admirés, est diminué singulièrement après qu'on a lu
Currie, son prédécesseur et son maître.
«On a observé, dit Currie, que les personnes qui ont en*
trepris un travail excessif n'y peuvent suffire, è moins qu'elles
ne transpirent longuement et compensent leur perspiration en
buvant quoique liquide modérément stimulant. Tel est le
JAMES GURRIE. 253
cas des moissonneurs en Pensylvanie , qui travaillent en plein
soleil et peuvent, grâce à une abondante transpiration, sup-
porter une chaleur extérieure supérieure à celle de leur sang
(Franklin). Tel est aussi le cas de nos porteurs de charbon,
qui perdent journellement par cette voie la cinquième ou
sixième partie de leur poids , et qui réparent cette perte par
de grands coups de porter {mot à mot : de grandes lam-
pées, large draiights). Dans ces cas, un arrêt soudain de la
perspiration par suite de la cessation de l'exercice , et l'im-
pression du froid extérieur, amènent souvent un accident fatal.
Les Européens qui vont dans les Indes orientales sont d'au-
tant mieux portants qu'ils transpirent plus abondamment,
surtout s'ils boivent des liquides légèrement stimulants et en
quantité modérée, s'ils s'abstiennent de se griser, et se gardent
des effets d'une transpiration trop excessive quand leur vigueur
est altérée par la fatigue. Il faut se méGer des sueurs qui per-
sistent après que la chaleur est abaissée, sorte de sueurs colH-
quaàves. . . Les nuits sont froides, la peau est désarmée...
le danger prochain ...»
Currie donne ensuite des renseignements sur la chaleur du
corps sous différentes latitudes; il examine la constitution du
nègre, sa transpiration diminuée par l'état visqueux* de sa
peau, l'utilité de certains onguents dont se frottent les In*
diens, celle des bains tièdes dans les Indes orientales. Currie
en réfère au grand Bacon [Lord Feru^) qui a écrit ceci : Inune^
tio ex oleo, et hyeme eonfert ad sanitatem, per exclusionemfrigoris,
et œsidte, ad detmendos spiritus, et prohibendam exsolutionem eorum
et arcendam vm aeris, quœ tunemaxime est prœdatoria. Ante omnia
igUur usum olei vel olivarum vel amygdali dulcts, ad cutem ah ex--
ira unguendum, ad longœmtatem ducere existimamus.
Currie examine ensuite l'effet des baiiis chauds, c'est-è-
dire de ceux dgnt la température s'approche de la chaleur du
corps humain. Il les considère comme sédatifs surtout en ce
qu'ils favorisent la perspiration sensible. Il insiste sur la né-
25& CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
cessité de toujours noter quelle était la température du bain
mesurée par le thermomètre.
Passant à l'action fébrifuge de certains médieammi» et se
plaçant à un point de vue que les modernes ont adopté sans
en indiquer l'inventeur, Gurrie dit : « Les idées que nous avons
exprimées, quant à la nature de la fièvre et aux fonctions de la
perspiration , semblent nous éclairer sur le mode d'action de
ces émétiques antimmiaux, et de ces iudorijiqueê, qui arrêtent
souvent les fièvres au début. L'action directe de ces médica-
ments sur f estomac résout la striction spasmodique des ca-
pillaires de cet organe et de la surface qui s'oppose à l'expan-
sion de la chaleur morbide. Néanmoins ces remèdes sont
incertains dans leurs effets, et en tout cas hautement dUnK--
tonte. Ib ne peuvent entrer en comparaison avec kê affusùmê ieau
froide Quant à lh>pium , on a discuté pour savoir s'il
était de nature chaude bu froide : dans ces derniers temps
on s'est demandé s'il était stimulant ou sédatif. L'opium
est certainement un remède contre la douleur et il fait dor-
mir, deux effets concomitants. Cependant Topium parfois ne
procure pas le sommeil et ne diminue pas la fièvre, surtout
si la chaleur est grande et la peau sèche. Si la peau a une
tendance à s'ouvrir, l'opium souvent active la perspiration et
par ce moyen diminue la chaleur. L'opium administré à la pé-
riode de chaleur de la fièvre intermittente accélère souvent la
période de sueur; il en faut aider l'action par des boissons
tièdes ou froides. Lee koUsons akooliques ont une ressemblance
marquée avec l'opium pour leurs effets. L'alcool est plus échauf-
fant, moins diaphorétique et moins soporifique. D'abord il
excite la diffusion de la chaleur à la peau, accrott la stimula-
tion du cœur et des artères, il y aune fièvre d'intoxication qui
peut aller jusqu'à k\^Q. On a;^u des ivrognes rechercher le
froid, se baigner en rivière et diminuer ainsi jes effets de l'i-
vresse ... 9 Gurrie ne conseille pas d'administrer l'alcool quand
la chaleur est grande et la peau très-sèche , mais de le donner
JAMES GURRIE. 355
quand la chaleur est modérée et la peau souple et humide. Il
conseille aussi de donner l'opium aux ivrognes pour les faire
transpirer.
Les applications locales du froid sont le sujet d'une courte
note (p. 999) : «L'application locale du froid sur des parties
enflammées ne doit pas étre^ dit Gurrie, soudaine et tempo-
raire, mais progressive et graduelle, et permanente. C'est ainsi
que se justifient les succès obtenu» par la glace, la neige, ap-
pliquées sur diverses parties du corps, pour prévenir ou ré-
duire l'inflammation ... On sait très*bien que Vaciiim locale du
firoid ê'étend â tout l'organitme. On arrête une hémorragie puU
monaire en mettant les pieds dans l'eau froide , ou en conti-
nuant l'application du froid sur le pénis et les bourses. »
Le chapitre xix est consacré à cette question de savoir si la
peau inhale (absorbe), et à l'examen d'un cas de mort par
inanition. Sur la première question, Currie répond que le
bain prolongé n'augmente pas le poids du corps (Gurrie, Gé-
rard, RoUo). Dans l'inanition par obstacle intestinal, Gurrie
a tenté de faire absorber des liquides dans le bain par la peau ,
mais, en pesant à la balance très-exactement son malade, maigre
la durée prolongée des bains, il ne le trouva jamais augmenté
de poids.
La chaleur décrott-elle dans l'inanition? Haller dit oui.
Currie n'a point observé cette décroissance. Il se demande
alors si la digestion est la seule source de la chaleur. Pour-
tant il ajoute : « La facilité avec laquelle le sujet en inanition
perdait sa chaleur s'accorde avec une série de faits d'où il ré-
sulterait que, dans les cas où la génération de la chaleur est
naturelle, le pouvoir de la retenir dans l'organisme est en pro-
portion de la force du principe vital. » (Voir les travaux d'Ed-
wards, de Chossat, etc., sur cette question.) Cependant il de-
meure acquis que le bain apaise la soif.
Seguin, à la même époque, soutenait aussi que le bain n'aug-
mente pas le poids du corps. Fourcroy, son rapporteur à l'A-
256 CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
cadémie des sciences, constatait le fait et les diverses expé-
riences de Seguin en ces termes : «Le premier résultat tiré
de trente-trois expériences faites par Fauteur sur lui-même,
c'est que le corps n'augmente pas de poids dans le bain, qu'il
perd moins dans l'eau que dans l'air, et que cette perte est
surtout en raison de la température de l'eau du bain; que
la perte de poids dans l'eau à to^ ou ta* (baromètre à
q8 pouces), est à celle dans l'air comme 6,5 est à 17; qu'à
i 5° ou 1 S"", cette perte dans l'eau est à celle dans l'air comme
7,5 est à Q 1,7 ; que, dans l'eau chaude à g6* ou 98% elle est à
celle dans l'air comme i3 est à 9 3. M. Seguin attribue cette
perte moindre à ce que la matière de la transpiration insen-
sible n'est point exposée au contact de l'air qui doit la dis-
soudre dans l'état ordinaire. II rend raison de la différence de
ces pertes à diverses températures de l'air de la manière sui«-
vante : la perte de poids qu'on éprouve dans l'eau à i o"* 00
1 9'', est beaucoup plus faible que celle qui a lieu dans l'air,
parce qu'il n'y a point de transpiration cutanée ; il n'existe
alors que la transpiration pulmonaire ; celle qui se fait dans
l'eau à 1 S*" est un peu plus faible que la seule transpiration
pulmonaire, parce que, outre qu'il n'y a point de transpiration
cutanée dans ce cas comme dans le précédent, l'air qui entre
dans le poumon est chargé d'humidité et ne dissout pas toute
celle qui se dégage de ce viscère : enfin la perte de poids qu'on
fait dans un bain d'eau à 90'' est plus considérable que celle
qui est produite par la seule transpiration pulmonaire, dans l'air
à cette température, parce qu'alors le corps perd et par cette
dernière transpiration, et par la sueur qui sort des vaisseaux,
en raison de l'augmentation des mouvements du cœur et des
artères, qui, comme M. Seguin l'a prouvé dans son mémoire
sur la transpiration , est la seule cause de la transpiration sen-
sible ou de la sueur. Mais, malgré la différence de ces trois
résultats, qui dépendent de la température de l'eau du bain,
il n'est pas moins certain qu'il n'y a point augmentation du
JAMES GURRIE. 257
poids du corps par le bain , et qu'il y a seulement une perte
moins forte que dans l'air, dépendant de l'absence de celui-ci
et de la privation de sa qualité dissolvante par rapport à la
matière de la transpiration. » Le reste du mémoire de Seguin
est destiné à montrer le mode et le degré d'absorption par
la peau, et à prouver que les miasmes infectieux s'absorbent
par les poumons et non par la peau. (La médecine éclairée par
les seienees physiques, vol. III, p. â3â.)
Le deuxième volume contient au chapitre l* les expériences
les plus récentes de divers auteurs sur l'usage des affusions
froides et tièdes, et sur l'emploi de la digitale dans les fièvres
inflammatoires.
Il ne faut point s'étonner de voir Gurrie revenir, dans di-
vers chapitres, sur les mêmes sujets et ne les avoir point tout
d'abord épuisés. Il n'est point méthodique , il n'écrit point ex
professo, il relate les faits suivant que l'expérience les lui
apporte avec les années. Cette manière est la plus sincère, la
seule sincère dans les sciences médicales. L'auteur confirme
ses précédentes assertions et les corrobore par de nouvelles
observations. Le temps détruit ou consolide , il n'en faut ja-
mais faire fi. Gurrie nous apprend qu'il emploie avec succès
les affusions froides dans les fièvres contagieuses, même quand
U existe des symptâmes pulmonaires. Il croit que l'on peut par ce
moyen raccourcir la durée de la maladie.
L'action bienfaisante du vent , de la fraîcheur de l'air, de
la pluie et de la rosée sur les fiévreux , a été quelquefois obser-
vée, nous dit Gurrie, et il cite deux observations de Des-
genettes , contenues dans son Histoire médicale de l'armée Jt Orient,
p. 9&9 : c(Un sapeur, atteint de la peste pendant l'expédition
de Syrie, s'échappa tout nu, pendant un violent délire, du fort
de Gathieth et demeura perdu pendant trois semaines dans le
désert. Deux bubons qu'il avait suppurèrent et guérirent d'eux-
mêmes. U s'était nourri d'une espèce d'oseille sauvage. Get
homme guérit parfaitement, y» Gurrie suppose que ce malade
«7
L>58 CdAPITlU: 1". - LA CHALKUK KT LA FIEVRE.
avait subi l'action rafraîchissante des rosées et des pluies qui
étaient abondantes a ce moment. Deuxième observation de
Desgenettes : t Un artilleur qui avait deux bubons et un an-
thrax charbonneux s'échappa du Lazaret de Boulalc, le jour
même où il y avait été admis, et, dans un violent accès de dé-
lire, se précipita dans le Nil. Il fut ressaisi au bout d'une
demi-heure, auprès d'Embabeth, par les gens de ce village,
et il guérit parfaitement, v On citait beaucoup de cas sem-
blables. Currie regrette que les médecins français et anglais
aient ignoré les bienfaits du traitement par le froid, et il se
plaint de l'impuissance des efforts faits pour propager les mé-
thodes utiles à la santé de Thomme. Il ne se doutait pas de
l'oubli où ses recherches tomberaient pendant un demi-siècle!
Suivent des observations faites à Liverpool.
La digitale (^digitalis purpurea). — «Ce remède, dit Currie.
est venu récemment à notre secours; il possède un charme
[)our produire une action extraordinaire sur le cœur et les
artères, et, à ce titre, sur Thydropisie, particulièrement sur
l'hydrothorax. La puissance extraordinaire de la digitale pour
arrêter les hémorragies et particulièrement les hémoptysies,
est généralement admise, mais son emploi dans les phlegma-
sies est moins connu. Cette substance est destinée non à sup-
primer, mais à diminuer l'usage de la lancette, v
Prenant toutes les précautions prescrites par le docteur
Withering pour l'emploi de cette substance, Currie a ordonné
la digitale fréquemment dans les injlammations du poumon, du
cœur et du cerveau, et avec un succès inespéré. Il trouve que
c'est un excellent remède contre le rhumatisme aigu, et il
exprime le désir de communiquer plus tard au public le ré-
sultat de ses observations. La digitale est, dit-il, un incontes-
table sédatif. 11 renvoie à l'ouvrage publié en 1799 par le doc-
teur J. Ferriar, de Manchester, sous ce titre : An essay on the mé-
dical properties 0/ diffitalis purpurea.
JAMES GURRIË. 259
Le chapitre ii traite des affûtions froides et ùèdes dans la sear-
lalme, la variole conflumte, la rougeole, l'influenza (grippe), etc.
Gurrie pense que les formes très*graves, gangreneuses, ne
comportent pas le traitement par feau froide. Dans la scarlatine
ordinaire, quand le thermomètre s'élève à i o5% 1 06^ et même
i 1 o*( &o% & 1% A a^'C), il faut agir avec vigueur, surtout à la pre-
mière période , et verser sur le corps nu du malade plusieurs gal-
ions d'eau très-froide. Si l'on n'abaisse pas d'abord la tempé--
rature , il faut recommencer les ablutions plusieurs fois par
jour, et, au besoin, jusqu'à douze fois en vingt-quatre heures.
Après ce temps en général, le plus souvent même plus tôt, la
force de la fièvre est abattue , et il suffit d'employer de temps
è autre les affusions tièdes. Simultanément on doit faire boire
au malade de l'eau froide et de la limonade froide. On voit
survenir, après l'arrêt de la fièvre, une grande langueur avec
tendance au sommeil. Si le malade ressent trop le froid, on'
lui enveloppera les extrémités de vêtements. Au bout de trois
jours généralement le malade est convalescent. L'angine se
trouve aussi fort bien de ce moyen.
Il survient quelquefois de l'hydropisie des membres, mais
la digitale en triomphe; ou même cela guérit spontanément.
Si la timidité des parents ou les appréhensions des médecins
ne permettent pas d'avoir recours à cette pratique décisive ,
on se contentera du traitement moins efficace par les ablutions
tièdes ou les bains tièdes comme fait le docteur Clark, de
Newcastle. Suit le récit de plusieurs épidémies. Gurrie conseille
de traiter les enfants sains par l'eau froide (moyen préventif)
en temps d'épidémie de scarlatine. Il a' appliqué cette méthode
à ses propres enfants, avant et pendant la scarlatine.
Currie est absolument convaincu de l'excellence du traite-
ment par le froid, a J'ai, dit-il, toujours suivi cette pratique
dans des centaines de cas (cent cinquante en une seule épidé-
mie), et cela avec un succès si invariable, que je ne pouvais
m'empêcher d*en éprouver une émotion de surprise et une sa-
«7-
260
CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
tisfaction grande. " Du reste, les écrits d'Haygarth, du docteur
Clark, et du docteur Biackburn, constatent le succès de cette
méthode , qui fut adoptée à cette époque par tout ce que la
médecine comptait de savants. MM. les docteurs Rutter, Dale,
Eaton, Gregory (professeur à Édinburgh), publièrent des cas
nombreux de succès obtenus par les affusions froides dans la
scarlatine. On se préoccupait des pleurésies, de lanasarque
pouvant se produire sous l'influence de ce refroidissement, et
l'on ne trouvait pas que les affusions en fussent plutôt suivies
que les autres modes de traitement.
La méthode faisait des progrès en Angleterre pour le typhus
surtout (voy. le mémoire de M. Blegborougb , in Médical ani
phytical Journal, vol. VIII, p. i58, et celui de M. Pearson,
même vol., p. 3 67). Il arrivait pourGurrie ce qui avait eu lieu
pour Jenner; tout le monde médical correspondait avec lui et
s'informait curieusement de sa pratique. Époque d'enthou-
siasme et de bonne foi ! Une partie du deuxième volume con-
tient cette intéressante correspondance ^
^ Il est curieux de noter en passant
la pratique de nos prédécesseurs. C'est
à ce titre que nous rapportons Tobser-
vation suivante :
Sur Vuiag9 de Veau à laglacê âan$ le
traitement d'une fièvre btUeuee-putride
miîiaire, précédée de V Histoire de la
eofutituiion de famnée tySS, à 5<imt-
Jean-d'Angély, par M. J. Lamarque,
docteur en médecine de l'Université de
Montpellier, avec cette épigraphe :
Dt quanio fehriê eit inteneior, tanto
detur Jrigidior aqua; etpurgatio tanta
eit, quanta eacochymia. Vallès. {Jmtnud
de Vandemumde, 1786.)
Appelé le 1 6 août 1786 pour voir un
homoie de trente-cinq ans atteint d'une
fièvre putride, Tauteur fait ouvrir les
fenêtres au nord, suivant le précepte
d*Aetius : prima auxiUa in JÂre ninf
d^eMUM m lœiefr^idû, qui adjmnm
aerem patent. Vient ensuite le rédt du
traitement, qui est terrible comme il
devait l'être à cette époque :
Le 1 7 août, émétique.
Le 18, sel d'Epsom.
Le 1 9 , trois lavements et camphre.
Le 90, décoction de tamarin et sel
d'Epsom, boissons émétisées continuées
trois jours de suite.
Du 9t jusqu'au 96, tous les jours,
sel d'Epsom émétisé.
Le 96, kina, serpentaire.
Le 97, on arrête la médication.
Le 99, se passe un phénomène cu-
rieux : le malade demande à manger, le
médecin s'indigne. Il voit là ooe preuve de
délire : quœ ârca ree neceeeariae wrta»-
tur deUria, peeeûna. On revient à la po-
tion mmoratite, on applique deux laiges
DUMAS, DE MONTPELLIER. 261
DVMAS, DE MONTPELLIER.
(1765-1813.)
On peut ouvrir au hasard un livre de médecine du xviii*
siècle, on y trouvera, à coup sûr, la fièvre représentée comme
un mouvement salutaire de la nature qui se veut purger d'un
mal intérieur. Le médecin y est représenté comme le modéra-
teur qui doit diriger, exciter ou ralentir ce mouvement fébrile.
Dumas, de Montpellier ^ dans un mémoire couronné par la
▼éflieftIotFes aui jambes. Le 3 1 , noaTeau videtur et profuturafrigidortun appUea-
vénctloire à la noqae. Jusqu'au 3 aep- tio, tam interna, quam $xt0ma, dum
lembre, même potion. Malgré tous les eorpuê nimio cdor^febrUiœêttMt;!! rap-
secours, le mal empirait. Malgré est ici pelle robservation de Scheibauser, d'un
placé sans doute pour à cmue. Hélas I domestique qui , en Tétat de fièvre, but
Tenvie de manger était persévérante ... dix litres d'eau froide et guérit ; celle de
Le malade ne trouvait pas les boissons Meibomius, relative à des paysans qui se
froides. Un médecin appelé en guérirent d'une fièvre par l'eau froide ;
consultation, M. Âublet, propose l'u- ee\\edeVI'û^s{DêdeUnoetphrenitide),
sage de Veau à la glace; on emploie ce d'une femme guérie par un bain de ri-
moyen malgré le$ clamewi deê femmeê vière; une observation analogue de Dd-
H de qËtelfueê hommêM de Vart,, Le dier de Montpellier; les observations du
malade but à la glace avec un plaisir traitéi>tt6atiideMM.FloyeretBaynard,
sans égaL On lui appliqua des com- et beaucoup d'autres, sans parler des
presses glacées sur le ventre, et des la- anciens. Rivière (ImHtut. med, liv. IV,
vements à l'eau glacée, et il ne se plai- ch. xxiv) dit que, dans le midi, la glace
gnît d^aucune sensation de froid. Même sert à guérir les maladies putrides. En
tnllement pendant deux jours. On con- Perse, c'est une pratique usuelle. ( Voy.
tinue le 5 et le 6, non sans donner le Glandin, Voyage en Peree.) En Sicile,
wûnoratif. Le 7, la cbaleur du corps di- - même usage. Hoffmann a écrit deux
minne ; le 9 , l'application du froid fait dissertations sur Teau froide.
tresMiUir le malade, on cesse. Bref le ^ «Mémoire couronné par la Société
malade guérit malgré l'apoième aoti- royale de médecine de Paris, dans lequel,
septique ... M. Lamarque en condut après avoir exposé les idées générales
que c'est le froid qui a opéré la guéri- que l'on doit se former sur la nature de
son, et il cite l'opinion de Vallès (Val- la fièvre et sur celle des maladies cbro-
lesins, in Meth, med. p. 969) : uieum- niques, on tâcbe de déterminer dans
que ah ipea calorie vehementia timere quelles espèces et dans quel temps des
Mc^y oiwM ralûme refrigerare ncceeee maladies cbroniques la fièvre peut être
eet, ei Van Swieten, S 691 : adewpte utile ou dangereuse, et avec quelles
269 CHAPITRE V\ - LA CHALEUR ET LA FIÈVRE. '
Société royale de médecine de Paris , sur la question suivante :
(c Déterminer dans quelles espèces et dans quel temps des ma-
ladies chroniques la fièvre peut être utile ou dangereuse, et
avec quelles précautions on doit l'exciter ou la modérer dans
leur traitement,» a donné des solutions qui nous paraissent
bien représenter les idées de son époque. Voici une courte
analyse de ce travail inspiré des traditions hippocratiques :
Natura est morbarum medicatrùc, luctam imt illa eum materiU
tnorbi/iciê, viaê ipios tibifacii et motut producit. (Hipp. Epii. VI,
sect. 5 ). La maladie est donc un acte salutaire de la nature
qui tend à la conservation du corps. Or la fièvre est le princi-
pal instrument de salut. Le médecin doit suivre la nature :
naturœ minister, non mperator (Hipp. ). La fièvre est le plus im-
portant des phénomènes qui puissent fixer Tattention du méde-
cin; il doit saisir l'instant où son intervention est utile, soit
pour réprimer l'excès de la fièvre et un excès de force dont
l'art dirigerait le développement et l'emploi , soit pour laisser
la nature agir seule. En général il faut, par exemple, tâcher
de modérer la fièvre secondaire dans ta petite vérole.
Il faut être éloigné également des deux opinions extrêmes :
colle qui prête toutes les vertus à la fièvre et celle qui prétend la
combattre toujours. Il y a d'ailleurs bien des maladies graves sans
fièvre. L'auteur dit, avec Selle, que la classe desJUvres ne forme
pas une classe naturelle de maladies. L'auteur se débat contre la
définition de la fièvre par l'augmentation de la chaleur. « Ga-
lien, dit-il, ne parle que de l'exagération de l'activité de la
chaleur naturelle, et n'entend pas, comme le font à tort quel-
ques modernes, cette chaleur physique qui fait impression sur
nos organes; avec la définition moderne on ne peut faire en-
trer le frisson fébrile dans la fièvre. r> Évidemment Dumas n'a
pas lu de Haën; il ignore que le fiîsson s'accompagne d'un
précautions on doit Texciter on la mo- (Analyse dans le Journal de VmuUr-
dérer, n par M. Eumas , docteur en mé- monde, t. LXX.III , année 1 787, p. 1 07.)
dedne de rUmirernlé de Montpellier.
DUMAS, DE MONTPELLIER. 953
excès de chaleur intérieure. Aussi ne comprend-il pas le sens
des états de fièvres lypiriques dont parle Galien , dans lesquels
«le malade, brûlé d'une ardente chaleur dans ses viscères
intérieurs, éprouve un froid insupportable à l'habitude exté-
rieure de son corps.» Sénac, au contraire, admettait (ce que
nous ignorons aujourd'hui) des fièvres où les malades ont
chaud dans les parties supérieures et froid dans les inférieures.
Dumas parie d'une grande augmentation de chaleur sans
fièvre, comme après les repas, confusion déplorable et qui
marque peu de science; et il cite de Haên è tort, lui attribuant
le fait d'avoir observé, après la terminaison d'une fièvre, la
persistance de hautes températures pendant huit jours. Enfin
Dumas cite des états essentiellement fébriles sans augmenta-
tion de chaleur, exprutùmn contradicUnreê et erronées. 11 cite
encore la fièvre algide et traite d'absurde la théorie de la
fièvre-chaleur. Il n'épargne non plus ni les fermentations des
chimistes ni l'accélération du mouvement des mécaniciens.
Enfin Dumas se platt à citer de nombreux auteurs, de Haën,
WerioflF et Sarcone , Martin , Zimmermann , Huxham , qui re-
connaissent que la fièvre peut exister avec un pouls plus lent
qu'è l'état normal (fièvre lente nerveuse, troisième stade de
la fièvre des prisons de Pringle, etc.). Galien avait décrit une
fièvre qui affectait les premières voies et s'accompagnait d'une
lenteur extrême du pouls.
Les travaux modernes ont fait disparaître cette confusion et
réformé des faits mal observés, ces Jiivres pituitetues qui laissent
sur le tact uns impression de mollesse et d^kumidité qui fia rien de
semblable à Fâereté vivement pénétrante de la chaleur produite par
la surabondance de ta bile, et dont Galien amparait l'impression à
celle que la fumée fait sur les yeux.
Dumas reconnaît, contrairement à ses prémisses, que le
frisson s'accompagne parfois de chaleur (de Haên, Haller,
Culien).
«Le frisson, dit-il, est un spasme, une rétraction; le pouls
2G/I CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
est contracté, petit, faible, rare et vite. Puis vient la deuxième
période, où les forces rejetées au centre se dirigent vers la
peau et avec elles une chaleur ardente (?) : au spasme succède
l'expansion. Le pouls est fort, fréquent, vite, la dilatation l'em-
porte sur la contraction. La troisième période, c'est la sueur,
qui dissipe l'appareil de la fièvre. 5?
On peut faire observer qu'ici Dumas exprime l'idée non de
la fièvre, mais d'un accès de fièvre passager, erreur qu'il par-
tage avec les anciens. L'antithèse froid et chaud, strictum et
laxum, domine cette description de la fièvre.
Parmi les causes de la fièvre, il y en a une sur laquelle
Dumas revient souvent : chose singulière, c'est la gastrite,
qui devint plus tard la préoccupation exclusive de Broussais.
Par exemple : et C'est le spasme ou la concentration des forces
vers la région épigastrique dans laquelle résident les viscères
intérieurs, et, comme cette région entretient des sympathies
multi[diées avec tous les autres organes dont elle forme, pour
ainsi dire, le centre ou le point de réunion, il n'est pas éton-
nant que ce spasme se répète promptement sur presque toutes
les parties du corps, dans lesquelles il décide des phénomènes
qui se rapportent à l\iffeciion primitive de l'estomac, dont la con-
traction vive s'annonce d'ailleurs par les douleurs locales. . . »
(Dumas, p. 67.) Et ailleurs (p. 61) : «Tous les moyens d'ir-
ritation portés sur la région épigastrique ou même, en gé-
néral, sur la surface intérieure de quelques viscères, sont
également capables d'exciter la fièvre. »
Dumas place les maladies nerveuses à côté des fièvres. Que
dit Broussais ^ ? ç^ C'est à tort que l'on a défini la fièvre uni-
quement l'augmentation d'action du cœur et de la chaleur gé-
nérale. Ainsi il y a d'abord accélération du pouls, la chaleur
est plus forte; l'irritation gastrique se manifeste par une dou-
leur et de la chaleur à l'épigaslre, la perte de l'appétit, l'al-
* Broussais, Phïegmaniex (raxtriqucK ^ 182.3, p. 1 5 el suiv.
DUMAS, DE MONTPELLIER. 265
tëration du mucus lingual et le désir des boissons froides.
L'estomac, ainsi stimulé, réagit sur toute l'économie et pro-
duit un sentiment de fatigue. . . Tous ces phénomènes s'ex-
pliquent parfaitement par les lois physiologiques qui enchat-
nent l'estomac à tous les autres organes. Donc la fièvre n'est
autre chose que la coïncidence de l'excitation du cœur avec
l'irritation gastrique. »
Revenant à l'utilité de la fièvre , Dumas dit que « dans les
maladies aigués , la nature est en possession de toutes ses forces ,
et dirige contre leur cause tout l'appareil des moyens propres
k les affaiblir et à les détruire complètement.
La deuxième partie du mémoire dé Dumas comprend
Tétude du pouvoir qu'a la nature sur la guérison des maladies,
et en particulier sur la fièvre. L'auteur s'appuie d'abord sur
l'utilité de certaines maladies avantageuses et dont la suppres-
sion facilite le développement de certaines causes destructives.
Tels sont la plupart des éruptions cutanées, les écoulements
habituels, les hémorroïdes .. • Ces maladies, ayant pour
effet de détourner des lésions plus graves , demandent à être
respectées, et se refusent dès lors à l'emploi des moyens ca-
pables d'en arrêter le cours d'une manière brusque. Tous les
efforts de l'art doivent se borner à les favoriser et à les main-
tenir; il est donc clair que la fièvre est d'une indifférence ab-
solue par rapport au traitement qu'elles indiquent.
Ainsi s'exprime Dumas , qui représente les opinions clas-
siques de son époque. On voit que la fièvre n'est qu'un
exemple, parmi beaucoup d'autres, des maladies que le mé-
decin doit respecter; le cadre est large. Cette doctrine règne
encore aujourd'hui dans l'opinion des gens du monde.
La période de réaction fébrile entraîne la sueur, et la sueur
était regardée par les anciens médecins comme la crise natu-
relle de toutes les fièvres; ils cherchaient è la provoquer (Hip-
pocrate : affusions d'eau chaude, vin. . .). La fièvre guérit le
spasme , febriê tptumum tohnL
366 CHAPITRE !«. ^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
La pratique de décider la fièvre par des moyens artificiels
remonte aux temps les plus recula : Hippocrate versait de
l'eau très-froide sur toute la surface du corps dans le tétanos.
Cependant la sueur peut nuire dans les maladies atoniqnes.
En outre, dans les maladies humorales, la fièvre favorise
la coction.'
Troisième partie : Précautùms qui se rapportent aux moyens
que Fon emploie pour exciter lafiiijre. — L'auteur convient que
Fart qui, depuis la découverte du quinquina, peut prédire
rinstant où il arrêtera la fièvre, n'a qu'une puissance bien
bornée pour la décider ou la rappeler. Frappé de ces diflB-
cultés, Boerhaave disait qu'il n'y aurait jamais de médecin
comparable à celui qui serait en possession d'un procédé par
le secours duquel il pût mettre autant d'habileté à ramener la
fièvre qu'è la supprimer.
On s'attend à une énumération de moyens pour exciter la
fièvre , mais cette attente est déçue. Voici tout ce que Dumas
trouve è dire sur ce sujet : l'alimentation tonique , l'influence
des passions douces, l'exercice, les fébrifuges à doses insnflB-
santes pour couper la fièvre, les affusions froides hippocra-
tiques, les purgatifs à haute dose d'après Sydenham, la mé-
thode perturbatrice (médicaments qui se contrarient) de
M. de Barthez , l'esprit de sel d'après Ettmulier . . .
Rien n'égale la pauvreté de ce chapitre, et Boerhaave avait
bien raison , il n'existe pas de moyen d'exciter la fièvre.
Remèdes capables de modérer la Jiivre. — Dumas commence
ce chapitre par une dédaration de principes qui est purement
organicienne et ressemble à la doctrine que professait l'école
de Paris dans la première moitié de ce siècle; il s'exprime
ainsi : n C'est une loi générale que, pour combattre les ma-
ladies avec avantage , il faut attaquer la cause même dont elles
dépendent ... Or la fièvre est presque toujours attachée à on
état maladif qui en forme la portion la plus essentielle. . • Il
J. G. RE IL. 267
faut donc, pour modérer la fièvre, en connattre et en atta-
quer la cause, sans avoir égard au caractère des mouvements
fébriles. . • in
Cette doctrine est absolument contraire à celle que pro-
fessent les observateurs contemporains, qui combattent la
fièvre*en soi, sous la forme de la chaleur qui en est Texpression
la plus exacte.
Dumas veut qu'on procède progressivement ; seule , la fièvre
pernicieuse exige l'absorption brusque du quincpiina.
Ce mémoire nous a donné la clef des idées qui régnent
encore aujourd'hui parmi les malades et même parmi quel-
ques médecins , et qui ne sont que l'efiet de la tradition.
J. C. REIL\
(iriirâècle, 1759-1813.)
Reil ' s'explique catégoriquement sur le rôle prétendu de la
nature et se montre un vrai savant cpiand il dit : « On attribue
ordinairement l'origine de la fièvre à une cause irritante, à
une matière fébrile subtile, à un effort par lequel la nature
cherche à éloigner du corps une matière mofbifique , etc. Ces
assertions sont dénuées de fondement et n'expliquent rien.
La nature n'agit point d'après un but qu'elle s'est proposé,
elle est entraînée par une nécessité aveugle et déterminée par
les ingrédients de ses forces physiques. Aussi ne peut-on , au
sens propre , lui attribuer un but ; l'observation ne nous montre
dans les fièvres qu'un mouvement, une action particulière qui
porte le nom d'irritation fébrile, et ses effets manifestés par
1 Fils d^an prédicateur protestant, * La eonnaùsancê et le traitement de$
destioé d*abord à être ministre. Ne â Jthree, par J. Chr. Reîl, professeur â
Rhande ( Frise- OrienUie), en 1769, Halle, 1. 1. Eitndta tirés de la BibUa-
étodia Tanatomie avec MoBckel. Profes- tKèqne gemumipte de Brewer. Paris,
searâHalleen 1788, àBeriinen 1810. anriii.
Mort do typhus, à Halle, en 181 3.
268 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
la lësioD des fonctions de Téconomie animale. Nous ignorons
complètement comment Tirritation fébrile produit ces symp-
tômes et quels sont les changemmtt quelle opère ian$ le mihmge
de la matière animaHe • • • » nous ne remarquons que les accidents
sensibles, ils deviennent pour nous la base de la science.»
Convaincu que la cause procbaine de la fièvre gtt dans un
mélange vicieux de la matière animale dont la nature nous est
entièrement inconnue, Reil engage les médecins à se contenter
de la simple connaissance historique de ces maladies et à les
étudier empiriquement d'après leurs signes, leurs accidents,
leurs effets et leurs causes éloignées . . .
Ces sages préceptes n'empêchent point Reil de sacrifier au
langage philosophique de son temps en disant qu'il y a trois
causes principales ou trois classes d'accidents sensibles qui dé-
pendent : 1* d'une tension trop grande dans le système animal;
â*" d'un dérangement dans l'équilibre des forces de tension;
3 ' d'une absence de tension. On reconnaît là le même esprit
que dans Brown.
L'irritabilité est aussi invoquée, et Broussais reprendra plus
tard cette idée ou plutôt ce mot qui, pour lui, deviendra tout
un système.
Reil, synthétisant en un paragraphe ce qui est conunun
à toutes les fièvres, s'exprime ainsi : c(Les symptômes fébriles
qui semblent appartenir à toutes les espèces de fièvres sont
lee changement» de température du carp», le frisson et la chaleur,
les variations du pouls, certaines affections nerveuses, la pros-
tration des forces et les changements des urines. Ces symp-
tômes sont les effets constants et immédiats des procédés
chimico-animaux déterminés par l'excès d'action dans les or-
ganes. V On ne dit pas autre chose aujourd'hui.
Mais ce que Reil dit de la chaleur est tout à fait insuffisant
et marque le peu d'autorité dont jouissait le livre de Gurrie ' :
* La comuttêêmiee et le trmtemeiU dee fèvree , L H.
J. G. REIL. 269
« La chaleur est un symptAme de la plupart des inflammations ;
elle se fait remarcpier surtout au commencement d'une ma-
ladie qui porte le caractère de synoque, elle s'affaiblit dans
les périodes plus avancées de la maladie ; elle est moins con-
sidérable dans le typhus. Un degré modéré de chaleur amène
la solution de la fièvre, mais une chaleur violente irrite
trop ... 99
Les principes de la thérapeutique de Reil ne sont pas moins
sages que sa théorie de la fièvre : « L'effet des médicaments
est de convertir le mélange vicieux de la matière animale en
une matière saine , d'après les lois chimiques. Mais comment
les médicaments peuvent-ils agir de cette manière ? Leur action
sur l'organe malade est-elle médiate ou immédiate? Agissent-
ils sur la cause éloignée ou sur la cause prochaine de la ma-
ladie? Toutes ces questions sont pour nous fort obscures. Il y
a peut-être quelques remèdes qui agissent immédiatement
sur la partie soufrante et qui corrigent ainsi le mélange vi-
cieux. Mais, dans la plupart des cas, les médicaments n'agis-
sent pas immédiatement sur les organes affectés. Le corps
vivant a ses lois chimiques qui lui sont propres; il existe une
certaine harmonie entre ses organes , par laquelle les change-
ments opérés sur l'un se communicpent à l'autre. 9
Passant en revue les diverses voies par lesquelles peuvent
agir les remèdes, Reil dit qu'il est des médicaments dont l'ac-
tion peut se porter sur l'origine des nerfs ou sur le système
des vaisseaux et produire des changements dans les organes
les plus reculés. (Cette idée a été fort exploitée de nos jours.)
(( Nos connaissances sur les effets des médicaments sont, dit-il,
empiriques; nous ignorons par quels procédés ils sont changés
dans le corps , quelles modifications ils introduisent dans le
mélange et la forme de la matière animale. Aussi notre ma-
nière de guérir les fièvres estr-elle tout à fait empirique. Nous
n'avons point de principes assurés sur la nature de ces ma-
ladies ni sur la vertu des médicaments , d'après lesquels nous
270 CHAPITRE 1*'. -- LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
puissions établir les bases de la thérapeutique. C'est ce qui a
donné lieu â cette foule d'absurdités, d'obscurités, d'hypo-
thèses et de contradictions dont fourmillent les. instructions
qu'on a données sur le traitement des fièvres. »
Reste à savoir si nos contemporains peuvent se vanter d'avoir
fait disparaître toutes ces absurdités et obscurités.
Du traitement de la Jiivre par les bains chaude ou froids et les
ablutions, etc. ^ — « Les bains modèrent visiblement le degré
d'excitation de la force vitale ; ils diminuent la fréquence du
pouls et celle de la respiration; ils calment les douleurs, les
spasmes , etc. »
R L'eau froide change promptement et presque subitement
la température du corps; mais un degré déterminé de chaleur
est indispensable pour toute action vitale, et, lorsque ce degré
se trouve éprouver tout à coup une diminution considérable,
la nature semble employer toutes ses forces pour le rétablir.
Peut-être ces deux circonstances, la perte soudaine d'une
grande quantité de calorique et la vive réaction des forc^
vitales , suffisentr-elles pour rendre compte des différents états
du bain froid? L'expérience a prouvé que le bain froid pou-
vait être employé avec le plus grand succès dans les fièvres;
cependant nous n'avons pas de règles qui fixent avec quelque
certitude les cas où il convient de l'employer dans le traite-
ment de ces maladies • • • »
Le même auteur cite Jackson, qui, dans une épidémie de
fièvres malignes accompagnées de prostration de forces (typhus
sans doute), faisait envelopper les malades dans une couver-
ture trempée d'eau de mer; bientôt après cette application,
l'irritabilité diminuait, les forces paraissaient remonter un
peu, le malade était plus tranquille, et il s'établissait une trans-
' Extrait da tome I du lirre de Reil, de HaUe, Sur la amM»$êenc9 «f U trù-
têmÊiU dnfièvru.
J. 0. REIL. 271
piralioQ générale. Dans quelques cas des plus fâcheux, il
faisait alternativement usage de bains chauds et de bains
froids; puis il ordonnait des fomentations sur tout le corps
avec du vin ou du rhum, et intérieurement il prescrivait des
cordiaux.
J . V. Hahn faisait laver les personnes atteintes de fièvre ma-
ligne avec de Teau froide , il employait aussi la glace.
AUion fit couvrir de glace, depuis la tête jusqu'aux pieds,
un homme qui avait une éruption pourprée dans une fièvre
maligne, et le malade guérit. '
HoUwel dit qu'à Calcutta on baigne les enfants dans l'eau
froide, depuis le jour de l'inoculation des pustules vario-
liques, et cela avec le plus grand succès. Floyer, Schell-
hammer et WiUis rapportent des faits semblables. R. Halls
a vu un cas de typhus guéri par cette méthode. Reil a fait
usage du même remède dans un cas de fièvre pourprée épi-
démique. (VoirCurrie.)
Reil a compris et exprimé en termes nets le desideratum de
la médecine de son temps : c( La cause prochaine de la maladie
eil cet éUU interne du corps sur kguel les symptâmes d^une maladie
se fondent immédiatement. Tant que nous ne pouvons pas ré-
pondre d'une manière satisfaisante à cette question, nous
n'avons une idée claire ni de la maladie ni de sa cause pro-
chaine. Le problème est uni à celui-ci : Comment les organes
agissent-Us dans Vitat de santé? Or, dans l'état actuel de nos
connaissances, il ne nous est pas plus possible de résoudre
l'un que l'autre. ^
La médecine moderne s'appuie beaucoup sur la physio-
logie normale et pathologique ; elle est donc entrée dans la
voie signalée par Reil. Tout serait pour le mieux , si la diffusion
de certaines connaissances techniques, ce qu'on pourrait ap-
peler la démocratisation de la science, n'avait misa même une
foule de demi-savants, soustraits à toute discipline scientifique,
de déraisonner impunément sur la physiologie médicale.
372 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Cau$e prochaine des maladies, f après Reil. — «L'inspection
des cadavres ne noas apprend rien sur la cause prochaine des
maladies que nous rapportons à une altération de la force vi-
tale. L'anatomie ne développe que Torganisation et ses di-
verses affections morbides, elle n'arrive jamais au mélange de
la matière. Les irrégularités et les lésions visibles de l'organi-
sation que peut nous offrir l'ouverture d'un cadavre sont ou
les causes éloignées de ces maladies « ou leurs effets. Dans
l'hydropisie du cerveau, l'eau n* est pas la cause prochaine de
la maladie, qu'il faut chercher plutôt dans l'état morbide des
vaisseaux exhalants ou absorbants; elle n'en est que Teffetv
L'anatomie pathologique, jointe à la perfection des moyens
de diagnostic physique (auscultation, percussion, palpation,
appareils d'optique, etc.), a permis de diminuer sans Tanéantir
la valeur de cet argument.
HUFELAND.
( Fia du xriu* siècle et oommeocement du xix*. )
(T La fièvre ^ est une réaction. Ses caractères extérieurs sont :
i*" l'accélération du pouls; ù*" un changement dans la tempé-
ratui^e du corps, accompagné d'un sentiment de frisson ou de
chaleur. Le frisson annonce assez ordinairement l'invasion de
la fièvre, mais souvent il gtt plutôt dans la sensation quilne tient
â une diminution réelle de température, • . ,etc. yf
Hufeland, cherchant l'essence de la fièvre, l'appelle une ir-
ritation spécifique et une réaction de la sensibilité, une force
nerveuse propre , dont le siège principal est le centre de la
sensibilité animale et gtt dans le nerf intercostal (grand sym-
pathique) qui conduit la sensation à la moelle, d'où frisson
et spasme de toute la peau, altération de toutes les sécré-
^ Dé la fièvre, par Hafeland. (Intro^ ou ItUn ntr la pathogéniêi
dMtûm à un etmn de pathologie, 1 796, vitale, etc.)
HUFELAND. 273
lions. . . . Hufeland fait souvent dériver la 6èvre des troables
gastriques.
On peut voir là en germe le centre gastrique et Tirritation
de Broussais. Quant à l'idée de mettre en cause le centre ner-
veux, elle reparaît, de nos jours, sous la forme du centre ré-
gulateur de la chaleur fébrile.
(tLa première impression de la cause morbifique, dit Hufe-
land, et rirrilation des nerfs dorsaux et cutanés, occasionnent
le bâillement, la tension des membres, les tiraillements dans
le dos, le frisson , un pouls petit et serré; tous ces symptômes
annoncent la présence d'un spasme universel qui affecte sur-
tout les extrémités des vaisseaux. Les effets de ce spasme sont de
retenir une grande quantité de calorique, qui, dans l'état de santé,
devenait lAre en sortant par la peau avec la matière de la transpi-
ration, et de supprimer Vautres excrétions qui se faisaient par la
peau et par les urines, celle surtout du phosphore. En diminuant
la capacité des petits vaisseaux , ce même spasme fait refluer
le sang en trop grande abondance sur le cœur et sur les gros
vaisseaux de l'intérieur; d'où il résulte que ces organes sont
irrités plus fortement que dans l'état de santé par ce fluide
qui est leur stimulant naturel, et parle calorique surabondant
qu'il contient; aussi leur réaction est-elle plus vive, et leurs
pulsations plus fortes et plus fréquentes. Plus cette irritation
extraordinaire se prolonge, plus la réaction doit augmenter en
intensité ; enfin elle parvient à un degré qui la met en état
de surmonter la résistance que lui opposait le spasme des
petits vaisseaux, et de rétablir ainsi l'équilibre. Le pouls de-
vient plein, la peau se relâche, le calorique est mis en liberté; il
se manifeste, en excitant à la surface une chaleur d'autant plus
grande, qu'il a été plus complètement retenu et concentré dans
l'intérieur ^ 99
* BihèioUtêque gtrmaniqvg de Brewer, vendëmioire, an tiu, L III, p 977 el
iR
27â CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Hufeland ^ reconnatt, parmi les causes de la fièvre, la pré-
sence de matières étrangères et stimulantes, la résorption de
matières hétérogènes venant du dehors, telles que les conta-
gions et ie^ miasmes, ou de dedans, telles que le pus'.
'Hufeland, dans sa Tliérapeutique ^^ consacre un chapitre à
L'INSTINCT THERAPEUTIQUE DB LA NATURE; uous en extrayous ce qui
suit :
i"* Dans la plupart des maladies fébriles, les malades ont
une aversion marquée pour les aliments, et un désir non
moins vif pour les boissons acidulés, qui sont un des moyens
curatifs les plus essentiels dans ces sortes d'affections.
s"" Les personnes atteintes de maladies astbéniques ou dont
le principal caractère est une diminution de la force vitale,
demandent souvent du vin ou d'autres cordiaux et les reçoivent
avec avidité.
3* Dans les affections gastriques, où la bile abonde dans
tes premières voies, les malades n'ont de goût que pour les
aliments et les boissons acides; ils ont une répugnance ex-
trême pour la nourriture animale.
à"" 5°
6* Dans les fièvres intermittentes rebelles, on voit quelque-
fois les malades avoir la fantaisie de certains aliments parti-
culiers, en manger avec excès et obtenir ainsi leur guérison.
j"* Enfin il ne$t pas rare que des tnaladeê, dans des cas de
Jièwe inflammatoire, fatigués et excédés par la chaleur et le mafique
d^air dans des appartements fermés, s exposent presque nus à tair
* Loc. cit. p. 97g.
* On ne croirait pas, en lisant ce qui
précède, que c^est un auteur allemand
de Tan 1793 qui a écrit ces lignes.
Traube s'y retrouve avec sa théorie
de la rétention de la chaleur, et Ton y voit
aosai la fièvre par résorption de naatières
putrides (Bilirolh et autres). Il est dif-
ficile de supposer que les savants aoleara
de ces théories modernes aient ignoré
ces passages de Hufeland , et il est pro-
bable qu'ils le citent sinon dans ieara
écrits, du moins dans leur enseignement
oral.
* Syêtime de médecine pratique, léna
et Leipiig, 1800.
HUFELAND. 275
U plu$ froid, âejeUetU dans l'eau ou dans la neige, et se procurent
amsi, sans aucun raisonnement, une guérisofi que la science et la
raison mal éclairée tâchaient vainement de leur procurer ^
Thérapeutique de Hufeland. — c( Toute méthode curative
doit opérer un changement dans les conditions internes ou
externes de la vie, savoir : dans l'excitation, dans le mélange
ou ia forme de la matière animale, ou dans l'action des sti-
mulants.
fi L'excitation peut pécher de trois manières : i° par excès
ou hypersthénie ; a^ par défaut d'énergie ou asthénie; B"" par
anomalie ou changement dans la nature de l'action vitale. y>
On voit que, dans les écoles, à cette époque, les idées de
Brown étaient dominantes; du moins on tenait le même lan-
gage que cet écrivain, car ce serait lui faire trop d'honneur
que d'assimiler ses élucubrations à la science d'un Reil et d'un
Hufeland.
Guidé par ces idées, Hufeland était, plus qu'un autre mé-
decin, prêt â essayer l'usage de l'eau froide dans le traitement
des maladies fébriles, et , en 1 83 1 , il mit au concours l'examen
des expériences de Gurrie sur l'action de l'eau dans les mala-
dies fébriles; la deuxième partie du programme renfermait
les propositions suivantes : Faire une série d'expériences in-
dividuelles, dans le but de modérer la chaleur fébrile par
l'usage externe de l'eau , selon la méthode de Gurrie. L'emploi
du thermomètre avant et après l'application de l'eau, et l'in-
dication du chiffre des pulsations paraissent devoir être exi-
gés k cet effet. Trois mémoires furent couronnés et imprimés
dans le volume supplémentaire du Journal de Hufeland (1899 ) :
ceux de Pitschaft, Antoine Frô.lich et Reuss. Ces deux der-
niers sont importants.
* Il y aarait lieu de développer ce thème si inléresaanl, et trop négli^rc
flans les traités moderoes de médecine.
18.
276 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Hufeland ^ dans ia variole, faisait usage des rafraîchis-
sants, comme de Tair frais, des lotions froides, jusqu'à l'érup-
tion. En renouvelant souvent l'air, il en évitait les courants,
de même que le passage subit du chaud au froid. Il ne se
servait qu'avec de grandes précautions des lotions froides pour
les plaies .... L'éruption faite , il avait soin cf entretenir une
douce chaleur à la peau, regardant le froid comme très-nui-
sible à cette époque. ... « J'ai souvent vu , dit Hufeland , tous
«les boutons disparaître par un froid considérable, et ne re-
« venir que lorsqu'on tenait le malade chaudement. " Il croyait
à la répercussion des humeurs \
WILLIAM EDWARDS.
(xii' siède.)
Avec William Edwards, nous entrons dans une nouvelle
ère scientifique. Doué d'un esprit observateur, il sut grouper
autour de quelques faits bien précisés les matériaux que le
xviii* siècle laissait mal coordonnés. Aujourd'hui nous nous
servons de ses remarques presque inconsciemment; elles
^ Bemarquêê $ur U petite vérole natu-
relle et inoculée, telle qu*elle aétécbetrvée
à Weimar depuis l'année ijSS , par Guil-
laiime Hufeland, professeur de méde-
cine à léna. Leipiig, Rtcbter, t XIV,
extrait de la Bibliothèque germanique de
G. Brewer, Paris, vendémiaire, an tu,
1. 1 , p. 1 .
' Utilité de Veau froide pour le trm-
tement de$ plates. — Brewer et Delà-
roche, dans leur Bibliothèque germa-
nique (Paris, an x), rapportent un cas
de plaie de Toeil guérie à la suite du
traitement par les applications froides
(Mfidmann , dans lo Jownal de Loder,
t. Il), et ajoutent ce qai suit : «L'appli-
cation d*eau froide continuée pendant
planeurs beares sar des parties cou-
tuses, eiooriées oo déchirées, est on
des meilleurs moyens auxquels on poisse
avoir recours pour prévenir, dans ces
parties, ia naissanca d*aiie inflamma*
tion qui pourrait devenir plus ou moins
fâcheuse ; et cependant ce moyen , qui
est sous la main de tout le monde, n'est
presque jamais employé. Pour en obtenir
tout Teffet, il faut, soit par des com-
presses renouvelées de moment en mo-
ment, od de quelque autre manière,
faire en sorte que la partie affectée soit
constamment exposée à Timprossioa du
froid pendant trois ou quatre heures au
moins, n
WILLIAM EDWARDS. 377
D*ont pas été discutées, et peu d'entre elles ont mérité d'être
révisées.
Voici comment W. Edwards apprécie l'influence des divers
agents physiques sur la vie ^ :
Influence de Voir eee, de Vair humide et de F eau, à une tempé-
rature élevée, sur la tranepiration. — La transpiration a lieu par
évaporation ou par transsudalion. A un degré de chaleur
excessif, la transsudation s'accrott tellement, qu'elle couvre
toute la surface de la peau , et il n'y a plus d'évaporation , soit
dans l'air sec, soit dans l'air humide, et, toutes choses égales
d'ailleurs, celui des deux airs qui aura un pouvoir échauffant
plus grand déterminera une plus forte transsudation, et c'est
ainsi que la vapeur des bains de vapeur, qui a un plus grand
pouvoir échauffant que l'air sec, fera suer davantage. Reste
l'évaporation pulmonaire, qui doit être nulle dans un air sa-
turé de vapeur et d'une chaleur supérieure à celle du corps.
La déperdition est forte surtout dans l'eau chaude. Lemon-
nier, après un séjour de huit minutes dans un bain d'eau à
AS** C, perdit ao onces (6t â grammes), ce qui est au moins
le double de ce que Delaroche et Berger ont perdu, à une
chaleur semblable, dans un bain de vapeur, et à une tempé-
rature de 90*" G. dans l'air sec.
Influence de Vévapcraùon sur la température du corps exposé à
une chaleur excessive. — C'est Francklin qui , après des expé-
riences sur l'évaporation des liquides, jugea que les animaux
devaient, par l'évaporation, maintenir leur corps au-dessous
de la chaleur excessive de l'air. Fordyce admit cette cause,
mais en accepta encore d'autres. Delaroche et Berger ont
' D9 Pû^tumcê dêë agwU phyêifutê inaag., Paris, 181 5. — Différence» de
$ur tavie, Paris, Grodiart, éd. 1896. la cKaUur produitêê par l'àgê, h sext et
Gonsiikei ëgalement : Ui différentes heures de la journée.
Gentil, De la chaleur animate. Dis8.
278 CHAPITRE 1". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
rendu, par leurs expériences, la question très-claire. Ils in~
troduîsirent dans une étuve un vase poreux dit altaraza», avec
deux éponges mouillées et une grenouille, La température de
l'étuve variait entre 53%5 et 6 i^aS C. Les éponges et le vase
avaient été préalablement portés à 38° et 4o°. Au bout d'un
quart d'heure, le vase, les deux éponges et l'animal eurent
une température presque uniforme ne dépassant pas la tem-
pérature propre aux animaux à sang chaud, et s'y maintinrent
pendant deux heures. Le vase et les éponges se refroidirent
d'environ i". Au contraire, la température de la grenouille,
qui était d'abord de 9i%a5 G., s'éleva k 37°,i8 en quinze
minutes et demeura stationnaire, se maintenant, ainsi que
l'alcarazas et les éponges, de iS" à ai%5 tm-^deêmmi de la
chaleur ambiante.
Donc l'évaporation suffit pour maintenir la température des
animaux et des corps bruts au-dessous de la chaleur extérieure
de l'air, quand elle est excessive.
Refroidissement y ions différents milieux, à des températures in-
férieures â celle du corps, — Dans l'air sec, il y a moins de
chaleur enlevée au contact, c'est-à-dire que le pouvoir refroi-
dissant de ce milieu est moindre ; mais l'évaporation est plus
grande, et il y aura un plus grand refroidissement que dans
i'air chargé de vapeur. L'inverse aura lieu , sous les deux rap-
ports, dans la vapeur vésiculaire ainsi que dans l'eau.
Du refroidissetnent dans l'air calme et dans Voir agité, —
Dans l'air calme, à une température inférieure â celle du
corps, nous perdons de la chaleur de trois manières diffé-
rentes : par l'évaporation ; par le contact de l'air ; par le
rayonnement. Dans l'air agité, c'est-à-dire renouvelé, il y a
beaucoup plus de chaleur enlevée au contact, et dans une
proportion qui parait proportionnelle à la vitesse du courant.
Nous avons sur ce point une sensation juste. Cela équivaut à
WILLIAM EDWARDS. 379
un abaisBement réel de la température. Les indications du
thermomètre ne s'accordent pas avec nos sensations. Ainsi on
supporte facilement une température de i y'^iyy G. au-dessous
de la glace fondante , quand Tair est calme ; il n'en est pas
de même si l'air est agité [Voyage au pâle nord, de Parry).
Fisher constata que les navigateurs, k une température de
/i6''»i 1 G. au-dessous de zéro, par un temps calme, n'étaient
pas plus incommodés par le froid que lorsque l'air était à
17% 7 7 au-dessous de zéro, pendant une forte brise. Lèvent
produisait une sensation de froid qui équivalait à l'effet d'un
refroidissement de l'air de 29'' G.
Du degré de chaleur que V homme et les animaux peuvent eup-
porter (p. 367). — Boerhaave pensait que l'air servait à ra-
fraîchir les poumons, et que la vie devait s'éteindre, si l'air
avait une température supérieure à celle des animaux. En 1 7^8
Fahrenheit et Prévost, à son instigation, entreprirent sur
ce sujet des expériences qui furent peu probantes; Adanson
et Henry Ellis, en 1768, constatèrent que, dans des climats
très-chai|ds (Sénégal, Géorgie), è une température supérieure
À celle de l'homme, il y avait peu de malades. D'autre part,
du Tillet et Duhamel rapportaient (1760) le fait d'une fille
qui était entrée, sans dommage pour sa santé, dans un four
à une température (approximative) de 11a'' R. En 1776
des expériences furent entreprises dans ce sens par Fordyce ,
Banlcs, Blagden et Solander [Philosophical transactions, 1776).
Dobson, è Liverpool, dans la même année, et Delaroche et
Berger, 1806, répétèrent et complétèrent ces recherches.
Voici les résultats obtenus par ces deux derniers auteurs :
Dans un air sec 4 -h AS"* G., ils placèrent divers animaux
(chat, lapin, pigeon, grenouille), qui ne présentèrent que de
l'agitation et de l'anhélation. Ges animaux, sauf la grenouille,
périrent dans une étuve à 65"* G. en moins de deux heures. Un
jeune homme laissé par Dobson dans une étuve à + 98^8 G.,
380 CHAPITRE 1*'. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
pendant peu de temps (vingt minutes), eut seulement une
grande accélération du pouls (i64 pulsations). M. Berger
supporta , pendant sept minutes , une chaleur de Tair de
i09%& G., et Blagden une température de ii5° à tay"* G.,
pendant huit minutes. Quant à Tair chargé de vapeur d'eau,
il ne peut être supporté à de si hautes températures; ainsi
M. Delaroche ne put demeurer plus de dix minutes dans un
bain de vapeur qui, d'abord à 37%5, s'éleva, en l'espace de
huit minutes, à 5i*,â5 G. M. Berger ne put aller au delà de
la température du bain de vapeur à 55'' G. Gependant les
mêmes observateurs supportèrent assez facilement des tempé-
ratures égales et même supérieures dans l'air sec. Joseph
Acerbi déclare avoir vu des Finlandais rester pendant une
demi-heure dans un bain de vapeur à 7 o'' ou 75*" G. — Il va
sans dire que l'eau chaude n'est pas supportée à ce degré, et
qu'il en résulte des brûlures.
Influence d'une chaleur excessive sur la température du corps
(p. 375). — Francklin parait être le premier qui ait fait des
expériences sur ce sujet. La température de l'air ambiant étant
à 37%7 G., il remarqua que sa température propre était à
3 5% 5, c'est-à-dire au-dessous de la normale. Ge résultat n'a
qu'une valeur historique. Au contraire, Fordyce et ses colla-
borateurs ont observé que, dans un air très-chaud, leur tem-
pérature propre pouvait s'élever de a* ou 3** F., soit i%5 G.
Delaroche et Berger ont observé sur eux-mêmes une éléva-
tion considérable; ainsi Delaroche ayant une température de
36*,5 G., celle-ci augmenta de + 5** G. par un séjour de huit
minutes dans une étuve dont l'air était à 80**; Berger eut une
élévation de 4", 3 5 G., après seize minutes passées dansl'étuve
à 87° G. (thermomètre dans la bouche). Us recommencèrent
l'expérience ayant la tête hors de l'étuve, et obtinrent encore
une grande élévation (3%i a). . . Les animaux laissés jusqu'à
la mort dans de hautes températures, l'air étant sec, avaient
WILLIAM EDWARDS. 381
ea une élévation propre de G"" h 7^ G. Il semble que ce soit le
maiimam possible pour les tfnimaux à sang chaud.
AppUeatùms pratiqu$B (p. /170). — La faculté de produire de
la chaleur est moindre pendant le sommeil, d*où il suit qu*un
air humide et froid, ou un air sec et vif, que l'on supporte
sans inconvénient pendant la veille, même sans le secours de
Teiercice , pourra être plus nuisible pendant le sommeil.
Edwards reconnaît l'utilité de rétablir la faculté d'émettre
de la chaleur dans les cas d'algidité (bien qu'il ne connaisse
pas le mécanisme de la régulation troublée, ni l'élévation in-
térieure en raison de l'abaissement extérieur). Il cite l'opinion
de Torti sur la nécessité de faire cesser l'algidité trop pro*
longée dans les accès de fièvre intermittente, et le bain de
vapeur donné par Ghomel dans un cas semblable ^
Les cltmatM. — Les naturels des pays chauds sont d'abord
moins sensibles au froid que les personnes du pays , c'est qu'ils
éprouvent un accroissement rapide de la faculté de développer
de la chaleur, mais cet état diminue et ne dure guère au delà
de deux hivers.
D'autre part , les naturels des pays froids , s'ils continuaient
à produire la quantité de chaleur appropriée à leur climat
quand ils vont habiter les régions équinoxiales, auraient un
surcroît de chaleur qui pourrait leur être nuisible.
La température de l'homme et des animaux à sang chaud ne
varie^tr^lle pas suivant les saisons ? — Les expériences d'Ed-
wards montrent qu'on a eu tort d'admettre a priori une éga-
lité constante. Chez les oiseaux, la différence est considérable
(plus froids en hiver, plus chauds en été), elle est de plu-
sieurs degrés centigrades. Chez l'homme , il y a aussi une dif-
' GHime), NcmwûmjaunuU de nMeeinê , t. X, p. 170.
283 CHAPITRE l". — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
férence; J. Davy a coostatë que la température était plus
élevée de i"" F. chez les habitants de Ttle de Geylan, soit
indigènes, soit étrangers.
Lta médication réfrigérante, d'après Edwards. — (tOn sait,
dit Edwards, de quelle importance il doit être de modérer Tex-
ces de la chaleur. Il est des circonstances où la chaleur s'accroît
par un effort salutaire de la nature; alors mime ces effeis sont
souvent désordonnés, et Fart doit intervenir pour les modérer, et ce
qui vaut mieux, pour les prévenir. Souvent le travail extraor-
dinaire qui augmente la chaleur n'a pas cette heureuse ten-
dance, et la nécessité de la réprimer devient plus manifeste.
Le moyen le plus énergique de ceux que fournissent lesagents exté-
rieurs consiste dans l'application de l'eau en masse, à une tempéra-
ture convenable, v
Edwards estime que l'emploi n'en saurait être prolongé,
mais que, si Ton n'oblient qu'une réduction passagère, ce répit
est déjà fort avantageux, «^ et, dit-il, la répétition de ce moyen
multiplierait les intervalles. Le froid, s'il est assez vif, tend à
amortir l'activité avec laquelle la chaleur se développe, et le
froid humide est, de tous les moyens extérieurs de réfrigéra-
tion, le plus propre à amener ce changement. C'est ce qui
sert à expliquer l'avantage qu'on a souvent retiré de l'emploi de
l'eau froide, sous les formes variées de bains, de douches ou
d'affusions, dans des cas où le développement de la chaleur
était extraordinaire. L'humectation légère de diverses parties
du corps, quoiqu'on les essuie immédiatement, et quelle que
soit la température de l'eau , pourvu que la chaleur n'en soit
pas excessive, produit à la surface qui est imbibée une évapo-
ration plus abondante, d'où résulte un rafratchissement salu*
taire , que l'on peut prolonger indéfiniment, v
Il faut aussi, d'après Edwards, entretenir dans l'apparte-
ment une ventilation convenable, favorable à l'évaporation
(air agité).
WILLIAM EDWARDS. 283
Parlant de Tévaporation cutanée, Edwards signsde la grande
différence qui existe entre l'évaporation et la transsudatian : la
première n'excrète que de Teau pure, la transsudation, au
contraire, entraine une proportion notable de matière animale.
La sueur affaiblit davantage. De même une absorption d'eau
équivalente en poids peut réparer, ou à peu près, la perte
que détermine la transpiration par évaporation; mais il s'en
faut de beaucoup quelle remplace celle qu'occasionne la
sueur.
■
De la température des jeunes animaux (p. iSsi). — Edwards
constate l'opinion répandue, que la chaleur des jeunes ani*
maux à sang chaud est un peu plus élevée que celle des
adultes, et que cela tient è une nutrition plus active. Il réfute
cette opinion par des expériences, et montre *que les petits
chiens, chats, lapins nouveau-nés, au contact de leur mère,
ont une température à peu près égale à la température de
celle-ci, mais que, si on les éloigne de leur mère et qu'on les
tienne isolés pendant une heure ou deux, leur température
baisse considérablement, et s'arrête à un petit nombre de de-
grés au-dessus de la température ambiante (celle-ci étant
entre lo^'et ao""). Edwards s'est assuré que ce n'était pas le
défaut de nourriture qui produisait ce résultat. Le refroidisse-
ment ne dépend pas non plus de la nature de l'enveloppe cu-
tanée«
Au bout d'un certain nombre de jours les jeunes animaux
se refroidissent moins et plus lentement et enfin ils se main-^
tiennent à une température physiologique. Edwards apprécie
ainsi ce changement : «Ce changement remarquable qui s'o*
père chez les jeunes mammifères, sous le rapport de la tem-
pérature, les fait passer de l'état d'animaux à sang froid à
celui d'animaux à sang chaud, n
Edwards reconnaît du reste que cette loi ne s'applique pas
h tous ^ et il divise les jeunes mammifères en deux groupes ,
384 CHAPITRE l". — LA CHALEOR ET LA FIÈVRE.
sous le rapport de la chaleur animale, les uns naissant, pour
ainsi dire , animaux à sang chaud , les autres animaux à sang
froid.
Modifieaiùmê de la chaleur chez Vhomme iepui» sa naUeatue
juequ^à l'âge adulte. — Edwards [loc.cîLf. ^ ^ 9 ) i reconnaît que
la faculté de produire de la chaleur est à son maximum chez
l'enfant nouveau-né et qu'elle s'accroit successivement jusqu'à
l'âge adulte. L'enfant nouveau-né a la faculté de conserver
une température élevée h peu près constante dans les saisons
chaudes. Un enfant né à terme et séparé de sa mère, exposé
à une chaleur douce, n'éprouve guère de variation dans sa
température. «Il est vrai, dit Edwards, qu'on ne s'aviserait
pas de le dépouiller de ses vêtements pour juger de sa faculté
de conserver sa chaleur par une longue exposition è l'air, mais
j'ai fait voir précédemment que cette épreuve n'est pas néces-
saire : les mammifères nouveau-nés qui se refroidissent à
l'air, k peu près comme des animaux h sang froid, ont beau
être bien recouverts, leur température ne laisse pas de baisser,
quoique cet effet ait lieu alors plus lentement. 7>
Edwards a examiné l'état de la température chez l'enfant
et chez l'adulte et constaté ce qui suit : « En prenant ainsi (ais-
selle) la température de vingt adultes , il en est résulté qu'elle
a varié entre SS^'S et Sy"" G., dont le terme moyen était
3 6"* 1 9 , ce qui s'accorde avec les meilleures observations.
On a négligé d'en faire sur les enfants nouveau-nés. Mon
Ami M. Breschet m'en a facilité les moyens. Il a permis
qu'on prtt, dans les salles de son hôpital, la température de
dix enfants bien portants , âgés de quelques heures à dix jours.
Les limites des variations ont été de 3 &* à 35** 5. Le terme
moyen de toutes les températures individuelles fut de 3&*75.
Leur température est donc inférieure à celle des adultes , rap-
port prévu par l'analogie et confirmé par l'observation. . . J'ai
désiré pouvoir vérifier une autre conclusion tirée de l'analo-
WILLIAM EDWARDS. 385
gie ; elle est relative à la température des enfants nés longtemps
acani terme : j'examinai un enfant né à sept mois , deux ou
trois heures après sa naissance, je le trouvai bien portant,
bien emmaillotté et près d'un bon feu. Je pris sa température
sous Taîsselle et je la trouvai de Sa'' G. Cette différence de tem*
pérature est remarquable et prouve évidemment que l'homme
suit, pour la production de chaleur, le rapport de l'âge que
nous avons constaté chez les animaux à sang chaud • . . "
Edwards (De l'influence des agents physiques, p. a 87) a con-
sacré un chapitre à Vinfiuence du Jiroid sur la mortalité à diffé-
rents âges. — Il déduit des précédents chapitres cet axiome
que, lorsque ta faculté de développer de la chaleur n'est pas
la même, la vitaUté est différente, et il reconnaît la nécessité
d'étudier scientifiquement ces rapports de l'homme avec le
milieu extérieur où, jusqu'ici, nous n'avons été guidés que par
l'instinct ou par ce genre d'observations qui est à la portée de
tout le monde : « L'instinct porte les mères à tenir leurs en«
fants chaudement. Des philosophes, par des raisonnements
plus ou moins spécieux , les ont engagées , à différentes époques
et dans divers pays , à s'écarter de ce principe , en leur per-
suada ni que le froid extérieur fortifierait la constitution des
enfants comme il fortifie celle des adultes. »
Edwards commence par montrer que les jeunes mammi-
fères qui naissent les yeux fermés et les oiseaux éclos sans
plumes ne peuvent se passer de la chaleur de la mère et du nid,
où ils se serrent les uns contre les autres. Exposés à l'air au
printemps et en été , ils se refroidiraient presque au niveau de
la température ambiante. Dans les conditions de chaleur du
nid et de couvage maternel , ils ont une température è peu près
aussi élevée que celle des adultes, quoiqu'elle soit presque
entièrement artificielle.
Suivent les expériences faites par Edwards sur des chats,
des chiens nouveau-nés : il les montre se refroidissant à l'air
286 CHAPITRE !•'. ~ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
jusqu'à 1 3 et 1 /f"* G. , et supportant de basses températures, qui
seraient mortelles pour l'adulte, pendant deux ou trois jours
( QO^C), après quoi on peut encore les ranimer. A mesure que
le jeune animal s'éloigne du moment de la naissance, il subit
moins bien cet abaissement : <c Nous voyons que c'est à mesure
que la faculté de développer de la chaleur s'accroit, que la
facuhé de supporter l'abaissement de la température du C4>rps
diminue, n
La conclusion pratique de ce chapitre est exprimée par
Edwards en ces termes : «D'une part, si les plus jeunes
animaux souffrent moins d'un même abaissement de tem-
pérature du corps, d'autre part ils se refroidissent plus
facilement; aussi dans l'échelle des variations de la tempé-
rature extérieure, les plus jeunes animaux sont plus fré-
quemment exposés à être refroidis par des degrés qui n'au-
raient aucune influence nuisible sur les autres. De là une cause
de plus grande mortalité; de là également la nécessité de les
mettre d'autant plus à l'abri du froid qu'ils sont plus jeunes. 3i
Edwards (De l'influence des agents physiques, p. aAy) a in-
diqué, sans en déduire les applications thérapeutiques, les
effets de rapplication momentanée du froid. — « Quoique les ani-
maux préalablement refroidis aient, dit-il, repris leur tempé-
rature, il ne s'ensuit pas qu'ils aient la même faculté de pro-
duire de la chaleur . . . J'ai observé en refroidissant et en ré-
chauffant successivement les mêmes individus, que le temps
qu'exige le rétablissement de la température initiale devient
plus long par la répétition du refroidissement. Leur faculté
de produire de la chaleur a donc diminué . . . Ainsi , lorsqu'on
a été exposé à un degré de froid au-dessous de celui qui con-
vient à l'économie, quoique la température du corps ait repris
son premier degré après l'application de la chaleur extérieure,
il n'en subsiste pas moins, pour un temps, une diminution
dans la faculté de produire de la chaleur, et plus on est ex-
WILLIAM EDWARDS. 287
posé à l'action répétée de cette cause . pourvu que les inter-
valles ne soient pas trop longs , plus cet effet augmente. »
Application momentanée de la chaleur. [Loc. cit. p. sSo.) —
Après un refroidissement capable de diminuer la production
de chaleur, le séjour dans une température élevée favorise le
rétablissement de cette faculté; car, en exposant les animaux à
de nouveaux refroidissements, leur température baissera d'au-
tant moins vite qu'ils auront été exposés plus longtemps à la
chaleur . . . G*est la contre-partie de ce que l'auteur a exposé
relativement à l'effet consécutif au refroidissement. Ainsi l'effet
de Tapplication de la chaleur ne se borne pas à la sensation
qui en résulte. «On voit par là, dit Edwards, que, lorsqu'on
est dans le cas d'être exposé souvent à un froid très-vif, on
se dispose mieux è le supporter en se procurant, dans les in-
tervalles, une forte chaleur, usage des peuples du Nord justifié
par les faits précédents. »
La r^ulation de la chaleur n'est pas un principe nouveau.
C'était une question fort débattue déjà au moment où Edwards
publiait ses observations sur la chaleur (1818). Il ne faut
point tout attribuer aux contemporains. Ce qui est nouveau ,
c'est la recherche d'un centre régulateur de la chaleur siégeant
dans le système nerveux encéphalo-méduUaire. Edwards rend
bien compte de l'opinion qui régnait au commencement de ce
siècle sur cette question. «Il n'y eut, dit^il [De Vinfiuence des
agenU physiques , i8â/i,p. sSA), aucun phénomène de chaleur
découvert par l'application du thermomètre qui excitât plus
d'étonnement que la constance de la température de l'homme
et des animaux supérieurs. L'explication en resta longtemps
hypothétique, jusqu'à ce qu'on eût découvert un nouvel ordre
de faits. Dès qu'on reconnut dans la formation des vapeurs une
cause physique de refroidissement, on se servit de ce principe
pour se rendre compte de cette uniformité de la chaleur ani-
male. La transpiration devient plus grande à mesure que la
288 CHAPITRE I*'. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
chaleur de l'air 6*accrott; la formation plus abondante des va-
peurs enlève plus de chaleur au corps, et de la eompenfoùon
entre cette source de refroidissement et Tëlévation de la cha-
leur extérieure pouvait résulter l'égalité de la température du
corps. . .
«En attribuant à la transpiration le pouvoir de régler la lem-
fératvTê, on suppose nécessairement que la production ou dé-
veloppement de chaleur reste la même dans les diverses sai-
sons • • • »
Les rapporté de notre température avec cdle du milieu anJnani.
Influence des saisons. Idées ^Edwards à cet égard. (Loc. cù,
p. s 5 9.) — «Nous distinguerons deux classes d'individus
chez l'homme et les animaux à sang chaud : ceux dont la
constitution est parfaitement en harmonie avec le climat, et
ceux auxquels il ne convient pas. Les premiers subissent des
changements en rapport avec la saison, qui leur permettent
le libre usage de leurs facultés, et cette jouissance de la vie
qui constitue la santé. A mesure que la température s'abaisse,
leur source intérieure de chaleur augmente. Elle s'accrott suc-
cessivement et atteint son maximum en hiver; elle décline en-
suite avec l'élévation et la durée de la chaleur extérieure. Voici
donc un élément nouveau qui doit entrer dans l'explication de
l'égalité de température du corps. Gonsidérons-le à part , comme
si cette cause seule suffisait pour produire cet effet. La tetnpé-
rature du corps dépendra de la chaleur produite et de la chaleur
communiquée. Leur proportion respective pourra varier sans
que la température du corps varie. 11 y aura ainsi rompouafton
entre la chaleur qui vient du dehors et celle qui se développe
à l'intérieur; l'excès de Tune suppléera au défaut de l'autre.
Mais l'économie n'acquiert cette faculté de s'accommoder à la
température extérieure qu'avec la marche lente et progressive
des saisons : du moins elle ne l'acquiert au plus haut d^ré
que par ce moyen.
WILLIAM EDWARDS. 389
« Si , en ëtë , il survenait un froid subit aussi vif que celui que
nous pouvons supporter en hiver, le corps serait , pour ainsi
dire, pris au dépourvu; la faculté de produire de la chaleur
étant alors réduite h son moindre degré, celle qui est en-
levée ne serait plus suffisamment réparée ... Il est des indi-
vidus qui ne sont pas appropriés à cette grande étendue
de variations dans la température extérieure. Le froid qu'ils
peuvent supporter sans inconvénient est beaucoup moiqdre, •
parce qu^ils n'ont pas les mêmes ressources pour réparer les
pertes de chaleur. Au-dessous de cette limite , le froid produit
sur eux un effet inverse de celui que nous avons décrit plus
haut : au lieu d'augmenter la production de chaleur, il la di-
minue. Le type de ces constitutions se trouve chez les jeunes
animaux à sang chaud et les manunifères hibernants. Ils en
présentent les caractères d'une manière plus marquée; mais
les nuances chez les autres individus , soit parmi les autres
animaux à sang chaud , soit parmi les hommes , pour être plus
Cûbles, n'en sont pas moins de même nature.
«... Il y a une pareille distinction à établir entre les
constitutions des hommes qui habitent le même climat : les
uns, et c'est le plus grand nombre, éprouvent un effet salu-
taire de l'abaissement graduel de la température; ils subissent
des modifications correspondantes à celles des animaux à sang
chaud adultes qui acquièrent successivement la faculté d'af-
fronter les rigueurs de l'hiver, non parce qu'ils s'endurcissent
au froid, en raison de leur sensibilité qui s'émousse, mais
parce que leur foyer de chaleur devient plus actif.
«D'autres individus parmi les hommes, n'ayant pas les
mêmes ressources en* eux-mêmes, sont obligés de recourir k des
moyens auxiliaires pour se soustraire à l'influence nuisible de
la saison. Il y en a qui se réchauffent difficilement, lors même
que le froid est tempéré; ils ont besoin d'élever davantage la
chaleur des appartements. Cette classe est plus nombreuse
qu'on ne croit; elle ne se borne pas aux personnes frileuses;
19
390 CHAPITRE r. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
car rinfluence nuisible du froid ne se fait pas toujours recon-
naître par la sensation pénible à laquelle nous donnons le
même nom : celle-ci peut être remplacée par des sensations
bien différentes, par divers états de malaise, de douleur, de
souffrance et d'incommodité, autres que la sensation particu-
lière que nous éprouvons généralement par un temps froid et
qui nous fait distinguer la cause qui la produit. L'absence de
.cette sensation spécifique nous fait prendre le change sur la
cause, et, faute de la reconnaître, nous manquons le remède. 7>
Ce qu'Edwards dit de l'action des saisons sur l'homme est
le produit d'une double expérience , celle de l'observation em-
pirique des habitudes de l'homme d'une part, et d'autre part
l'expérience des animaux sur lesquels il a observé les effets du
changement artificiel de milieu. Par analogie il transporte de
ces animaux à l'homme les mêmes raisonnements. Tout ce que
l'on écrit aujourd'hui (187 3) sur la relation de la chaleur,
sur la compensation, sur les rapports entre la production et la
consommation, sur l'action du froid qui augmente la production
de chaleur, se trouve exprimé brièvement dans les citations
précédentes. On saurait gré sans doute aux auteurs nouveaux
de citer les anciens , surtout lorsque ces anciens vivaient seu-
lement quarante ans avant eux.
Influence de la température sur les mouvements respiratoires.
Applications à la médecine. — r Lorsqu'un individu éprouve un
changement de constitution qui diminue sa production de cha-
leur ou la consommation d'air, il ne peut subir le degré de
froid qui, auparavant, lui aurait été salutaire, sans que le
rhythme de ses mouvements respiratoires n'en soit tôt ou tard
altéré. De là la nécessité, lorsque ces deux fonctions ont
éprouvé cette altération comme dans des cas d'affection orga-
nique du cœur et des poumons , de mettre le malade en rap-
port avec une température plus douce, soit artificiellement,
soit en le faisant changer de climat. »
CHOSSAT.
291
CHOSSAT.
Chossat a étudie les effets de Yinanttiatwn sur la chaleur
animâJe ^.
A. Oscillation diurne de la chaleur aninude dans Fétat normal,
— «Il existe dans l'ëtat normal une variation régulière fort
importante, que j'appellerai V oscillation diurne de la chaleur
animale. » (L'auteur a lu sur ce sujet, en 1 83 1 , une note à la
Société de physique et d'histoire naturelle de Genève.)
Les observations ont été prises à midi et à minuit, au
nombre de 600, dans l'anus de vingt pigeons, et prolongées
pendant 116 jours.
«Ainsi, conclut l'auteur, dans l'état normal la chaleur ani-
male éprouve, toutes les vingt-quatre heures, une oscillation
régulière, au moyen de laquelle elle s'élève pendant le jour
et s'abaisse pendant la nuit. La différence entre ces deux états
est en moyenne o%7/i; et cette différence ne se rattache ni à
une variation dans la température de l'air ambiant entre le
jour et la nuit, ni au refroidissement général de l'atmosphère
qui résulte du changement des saisons. »
Les mouvements respiratoires subissent une variation ana-
logue à celle de la chaleur animale, et cette variation se fait
simultanément et dans le même sens, puisque la respiration
* GhoMat, Rêcher^êê êxpénmentalét
Vmamtialion. Mémoire présenté
i TAcadémie des sciences en dé-
cembre 1 8 38. (Aateara antérieurs : Redi
Flnence, i68â , et GoUart de Marti(jny,
in Journal de Magendie , i8a8.)
Béfloitats. — Pour Tinanitiation com-
plète : « Uo animal périt lorsqu'il a perdu
eoTiroo o,à de son poids normal.»
Pour ralimentation insuffisante en
qnantilé :
«Le corps se détruit d^une quantité
de matière animale proportionnée an
déOdt de Taliment, fournissant de sa
propre substance pour la dépense jour-
nalière du corps tout ce que r«liment
lui-même ue donne pas. C'est là la loi
des régimes.
«Abstraction faite de la graisse, c'est
le système musculaire qui supporte la
presque totalité de la perte de poids du
corps.'»
19.
392 CHAPITRE 1**. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
se ralentit en même temps que la chaleur s'abaisse, et vice
versa.
B. De la chaleur animale pendatU l'inamûation (abstinence
complète). — L'abaissement progressif de la chaleur par
l'abstinence est positif. A mesure que la vie se prolonge , le
refroidissement inanitial diurne tend progressivement à aug-
menter ^
1* L'oscillation diurne et moyenne de la chaleur animale
qui, dans l'état normal de l'alimentation, est o%7&, devient,
dans l'inanitiation , 3% a 8.
s® L'oscillation diurne inanitiale est d'autant plus étendue,
que l'inanitiation a déjà fait plus de progrès; de telle façon,
que l'oscillation de la fin de l'expérience est à peu près double
de celle du début.
Du dernier jour de la vie danê tinaniiiatian. — Le refroidisse-
ment est de o^'.S par jour assez régulièrement, mais subitement,
le dernier jour de la vie, il s'accroit. Le refroidissement du der-
nier jour, comparé à celui des jours antécédents, a été comme
i4",o : o*,3 = /i7,i, c'est-à-dire que, dans le dernier jour
de la vie , la chaleur animale , en moyenne , a baissé h 7 fois
plus rapidement que dans chacun des jours précédents.
On trouve un refroidissement moyen de o%9& par heure
pendant le dernier jour de la vie^
L'abaissement total qui a amené la mort a été, en moyenne,
i6%3. La mort arrive généralement et indifféremment entre
i8* et 3o', très-rarement au-dessus de 3o*.
^ Voir p. 11 6, où sont citées les expé» reaa dans la prodaction de la chaleur
riences qai transfèrent à la portion dor animale.
sale de la moelle épinière la totalité de ' Voir Mémoire 9ur Và^luenee du tyf-
rinfloence excitatrice que possède le oer- tèmê nenmuc «10* la chahur anim^.
DOUBLE. 298
AUTEURS CLASSIQUES MODERNES.
DOUBLE'.
(1811.)
Tome I. — ccLes principales altérations de la peau, au
point de vue de la sémëiologie, sont : i"* sa couleur; ù** sa
température; 3® son humidité ou sa sécheresse.
«La chaleur dû corps doit être arrêtée entre Sy** et Ua^'C;
il existe cependant, pour chaque individu, une variation telle
qu'on ne peut statuer rien de fixe à cet égard. Au surplus , les
variations thermométriques de la peau importent peu au mé-
decin; la sensation du malade et le tact du médecin et des
assistants deviennent, à cet égard, le régulateur suprême, le
plus sûr thermomètre, v
Tome IL — «La chaleur se présente sous les quatre points
de vue qui suivent : i"" Tétat naturel de la chaleur; ù"* Taug-
mentation de la chaleur; 3"" les altérations de la qualité de la
chaleur; à"" la diminution de la chaleur.
(t La température ordinaire du corps humain a été fixée à
30*" ou 3/t* R. (37%5 ou /tâ%5 G.); mais il n'y a rien de cer-
tain à cet égard. La chaleur est plus considérable chez les
enfants que chez les adultes.
« n y a une foule d'inexactitudes inséparables des moyens
habituels tels que : i"" le rapport du .malade; ù"* le toucher;
3^ les instruments de physique. Le tact est, de tous les moyens,
le plus sûr ! v Suit un chapitre contre le thermomètre !
Viennent ensuite les chaleurs ftcre, mordicante, halitueuse,
ardente, septique (p. 3 s 3-3 58, 35 pages).
* Trois Yolames de Séméiologiê,
294 CHAPITRE I". — LA CHALEUR ET LA PIÈTRE.
LANDRÉ-BBAUVAIS.
(1809.)
Même science imparfaite et déchue. . . Cependant il dit:
c( Quoique le thermomètre soit le moyen, le plus sûr de recon>
naitre les différents degrés de la chaleur animale, on y a ra-
rement recours dans la pratique , on s*en rapporte le plus sou-
vent au tact ou bien au sentiment des malades*
« L'augmentation de la chaleur animale peut être générale
ou bornée à certaines parties. La chaleur est douce, hali-
tueuse, sèche, etc., eic.19
GHOMBL'.
(( L'appréciation de la chaleur morbide, comme de beaucoup
d'autres symptômes , exige de la part du médecin une grande
habitude , qu'on ne peut acquérir qu'à l'aide d'études cliniques,
etc. Le thermomètre peut faire connaître le degré exact de la
température du corps; mais il est tout à fait impropre pour
faire apprécier les autres modifications que la chaleur mor-
bide présente; et le meilleur instrument que le médecin puisse
employer est sa main.
«Quelques expérimentateurs assurent avoir reconnu une
élévation ou un abaissement de température de plusieurs
degrés. L'élévation peut être générale ou partielle. »
H. ROGER.
M. H. Roger publia dès 1 8/1& des travaux intéressants sur les
variations de la chaleur animale dans les maladies, il comprit
l'importance de la question, et dès cette époque il affirma
> Édition de 18IT6.
BOUILLAUD. ^ PIORRY. 395
que les variatioiis de la température méritaient de prendre
rang parmi les signes les plus précieux de ia séméiologie.
11 a développé depuis ses recherches dans son livre sur les
Maladies de renfonce (Paris, 1879). Nous utiliserons plus tard
les résultats obten us.
BOl]ILLAUD\
M. Bouillaud introdubit l'usage du thermomètre dans son
service de clinique, malheureusement il se borna à établir
quelques principes généraux. « Plus de trois cents observations
nous ont démontré, dit-il, que rien n'était plus facile que
d'apprécier avec le thermomètre les différences de la tempéra-
ture animale. L'état fébrile intense fait monter le thermomètre
centigrade de 33^ ou 3/i'' à /io^ et même au delà. r>
Dans un autre passage M. Bouillaud s'exprime ainsi à
propos de la fièvre typhoïde : « La chaleur a varié de 33-3/i" à
Ao-Ai"; ce résultat suffit pour démontrer que les divers
degrés de la température morbide peuvent être exactement
donnés par le thermomètre, n
PIORRY*.
•
M. Piorry fit des recherches thermométriques avec ses élèves
Testelin, Raynaud et Valette. Il trouva, pour la température
de l'aisselle de l'homme sain, que la chaleur varie entre a 8 et
33° R., soit 35 et 4 1° G., et donna, pour les autres régions
soumises à l'exploration, des chiffres qui ne sont pas plus exacts.
De plus, au lieu de suivre les modifications de la chaleur chez
un même malade, M. Piorry a noté une seule fois le résultat
de l'exploration. Aussi ne put-il faire qu'un simple exposé des
^ Quitfw médiadê, i, V\ p. «96; *- Traité du diagnoêtk , i8âo, t. III,
L III, p. 698. p. 3o etsuiT.
200 CHAPITRE K — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
résultats constatés, sans arriver à en déduire aucune conclu-
sion d'ensemble.
BODCHUT.
(1857.)
« La fièvre est une réaction de l'organisme contre certaines
impressions morbifiques. C'est un spasme du cœur et des vais-
seaux qui imprime à la masse du sang une course plus rapide
et produit dans les tissus une décomposition moléculaire gé-
nérale , d'où résultent une augmentation de la température du
corps et des malaises. »
BÉHIER ET HARDY'.
MM. Béhier et Hardy apprécient plus exactement les services
rendus par la thermométrie; mais, 'en comparant la réserve de
leur opinion avec le rôle qu'ils attribueraient au thermomètre,
s'ils faisaient actuellement une nouvelle édition de leur ou-
vrage, on peut mesurer le chemin accompli en quelques
années.
« La chaleur animale, qui, dans l'état de santé, varie de 3o
à 3&^ R., peut devenir plus basse ou plus élevée. Les varia-
tions morbides de la température sont reconnues par la sen-
sation du malade, par Tapplication de la main du médecin,
ou à l'aide du thermomètre. » Après avoir dit que l'on doit se
défier des deux premiers modes , ils ajoutent : « Quant au ther-
momètre comme moyen de mesurer la température animale,
il a été rejeté par presque tous les médecins, qui se sont gé-
néralement accordés à dire que les variations de la chaleur
animale n'étaient souvent pas perçues par cet instrument 11 y
' Trailé élémentaire de ftathologiê mtemf, l. I**, Séméiohgie^ p. 969, Paris,
i858.
6AVARRET. 397
a là évidemment exagération : dans quelques affections, il
est vrai , la sensation de chaleur ou de froid existe seule , et la
température animale reste réellement au même degré, mais
ainsi que Tout montré les recherches de MM. Bouillaud, An-
dral , Gavarret et Roger, dans quelques maladies , le thermo-
mètre, placé sous l'aisselle des malades, met à même de no-
ter d'une manière exacte l'accroissement ou la diminution de
la température. Mais il serait certainement utile, dans le cours
d'une maladie, de pouvoir apprécier les changements survenus
dans la température, comme on apprécie' les battements du
pouls è l'aide d'une montre à secondes, et dam un moment oà
la médecine tend à devenir, autant que possible, une science exacte,
Vappriàotion de la température du corps, par le thermomètre, dément
le complément utile £une bonne observation. »
Plus loin, MM. Béhier et Hardy rapportent les observations
d'Andral et Gavarret dans le frisson, celtes de Briquet et
Chossat dans le choléra (Paris, i85o, p. 980), celles de Ro-
ger, etc.
GAVARRET.
Dans un ouvrage où se trouvent résumés tous les travaux
de ses prédécesseurs sur la chaleur animale , M. Gavarret a re-
produit avec une netteté parfaite l'état de la science sur cette
question. Il caractérise ainsi les principales phases du rôle que
l'oxygène absorbé joue dans l'économie ^ :
«Aux diverses surfaces respiratoires, poumon, peau, bran-
chies, etc., le sang veineux saturé d'acide carbonique laisse,
par un simple jeu de forces physiques, échapper ce gaz, qui
est expulsé au dehors. En même temps, sous l'empire de forces
physiques et chimiques, une portion déterminée de l'oxygène
ambiant pénètre dans le sang , se fixe sur les globules et les
* Gavarret, Dt la chakur produite par lei itret vivante, in- 19. Victor Mas-
aoD. Paria, i855, p. 976.
998 CHAPITRE I". -. LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
artérialise. La fonction de ces surfaces est donc réliminaiion
de Tacide carbonique, produit impropre à l'entretien de la vie,
et l'introduction dans l'économie d'une certaine proportion
d'oxygène, agent de toutes les transfonnations que doivent
subir les matériaux extraits des aliments ingérés et versés
incessanmaent dans le torrent circulatoire par le travail de la
digestion.
((Transporté avec les globules dans les capillaires généraux,
Toxygène absoibé agit, par des combustions lentes et succes-
sives, sur les matières ternaires et quaternaires fournies par
le travail digestif, et sur les matières organiques incessamment
séparées des tissus de l'économie. De ces réactions, accompa-
gnées, dans certaines circonstances, de véritables dédouble-
ments, résultent la génération, aux dépens de l'albumine, des
éléments constitutifs de divers organes, la formation d'une
certaine quantité de graisse et la production des substances
qui sont les derniers termes de transformation des éléments
organiques et organisés de l'économie avant d'être expulsés au
dehors. De ces matières éliminées par les divers émonctoires
du corps des animaux, lés unes appartiennent encore au
monde organique, comme l'acide hydrotique pour la peau,
les acides cholique et choléiqile pour le foie, l'urée et les acides
urique et hippurique pour les reins; les autres sont complè-
tement minéralisées, ce' sont l'acide carbonique, l'azote et
l'eau qui s'échappent par les surfaces respiratoires. Ces pro-
duits de la combustion des matériaux du sang sont destinés,
les uns à éliminer l'azote, les autres à chasser au dehors le
carbone et Thydrogène. »
Toute la théorie de la chaleur animale est donc restée,
d'après M. Gavarret, contenue dans les termes de la formule
si nette énoncée par Lavoisier dès 1789 :
(cLa machine animale est principalement gouvernée par
trois régulateur^ principaux : la respiration, qui consomme de
l'hydrogène et du carbone et qui fournit du calorique; la
GâVARRET. 209
ttantpiration , qui augmente ou diminue suivant qu'il est né-
cessaire d'emporter plus ou moins de calorique; enfin la di-
gesùcn, qqi rend au sang ce qu'il perd par la respiration et la
transpiration. »
En 18&Q , MM. Andral et Gavarret ont publie des recher-
ches sur la quantité d'acide carbonique exhalé par le poumon
dans l'espèce humaine ^ Cette étude des produits gazeux de
l'exhalation pulmonaire était, dans leur pensée, la base phy-
siologique de recherches semblables , qui devaient être pour-
suivies dans les diverses maladies. Ces auteurs déterminèrent
les lois de la variation de la quantité d'acide carbonique
exhalé par un individu sain, suivant le sexe, l'âge, la consti-
tution. Malheureusement ils ne firent pas les études com-
paratives projetées pour les diverses maladies, et l'absence de
ce travail reste une lacune que nous aurons souvent à regretter
dans la suite de cet ouvrage.
Le traité de M. Gavarret a le grand mérite de dontier l'état
de la science sur la chaleur animale en i855. A ce moment
s*ouvre une nouvelle période, le thermomètre entre dans la
pratique médicale journalière. Il surgit dès lors une foule de
problèmes imprévus. Un grand nombre d'entre eux attendent
encore leur solution. C'est h exposer l'état actuel de ces di-
verses questions que sera consacrée la seconde partie de ce
livre.
* Atm, de chimie H dêphyê., 3* se- M. Gavarret, Chakur produit» par let
rie, t VIU , p. 1 9 9 ; et dans le livre de itrei vivants , p. 3 6 1 .
CHAPITRE IL
LA GHALEUQ ET LA FIÈVRE.
iPOQUK MODERNE.
L'étude des travaux que nos devaiiciers ont consacrés â la
chaleur animale méritait, selon nous, de ne pas rester dans
un trop complet oubli. Nous n'avons pas voulu grouper leurs
opinions en quelques phrases, c'eût été leur faire subir de
trop dures violences. Nous avons préféré donner les analyses
des œuvres principales, procédé plus long mais plus fidèle.
Ce qui frappe dans cet exposé, c'est l'effort continu des cher-
cheurs de toutes les époques pour déterminer les causes et la
valeur de la chaleur animale, dans l'état de santé ou de ma-
ladie.
Les premiers, Hippocrate, Galien, Gelse, etc., interprètent
la chaleur, lui assignent im foyer, la surveillent pendant les
maladies, la redoutent et font des efforts pour la modérer
dans son intensité et ses effets. Les commentateurs, moins
cliniciens que leurs maîtres, s'attachent à reconnaître la na-
ture intime du phénomène plutôt qu'à trouver dans ses varia-
tions des indications véritablement médicales.
Un moment le problème est précisé, la solution est entre-
vue. Dégagée des langes de la tradition, la science médicale,
sous l'impulsion de l'esprit d'examen de Sanctorius, de Bo-
relli , de Harvey , se sert des instruments de précision , la ba-
lance, le thermomètre, etc. Les plus grands médecins, de
Haén surtout, montrent les résultats que peut donner, pour le
ÉPOQUE MODERNE. SOI
diagnostic et le pronostic , une méthodç dans laquelle les faits
exacts supplantent les interprétations. Gurrie va plus loin, il
tâche d'établir quelles sont les inductions que la connaissance
de la chaleur du corps dans les maladies autorise pour le
traitement des fièvres. Il semble que la voie est trouvée, que
quelques pas mèneront au but; par un soubresaut imprévu,
au moment même oit Lavoisier vient de déceler les causes
réelles de la chaleur animale, les médecins abandonnent cette
étude, et, préoccupés d'autres problèmes, cherchent leur so-
lution dans les lésions du corps; les premiers travaux leur
assurent une riche et, en apparence, une facile moisson.
Pendant la première moitié de ce siècle, quelques esprits
éminents, poussés par le souvenir de^la tradition ou par leur
•propre intelUgence , reprennent la question de la chaleur :
Andral et Gavarret, BouiUaud, Roger, etc., publient sur ce
sujet des travaux qui suffisent pour relier la .tradition è la
période moderne. Mais c'est un vain effort ; on cite avec éloge
ces tentatives, mais nul ne songe à les imiter.
Il faut, pour que la thermométrie clinique entre dans la
pratique journalière de la médecine, l'intervention d'un nou-
veau procédé , de la méthode graphique , qui avait manqué à
de Haën. Dès que le médecin a vu quel intérêt avait, pour le
diagnostic et le pronostic, le tracé de la température, il a de
nouveau adressé aux savants ces questions tombées dans l'ou-
bli : Gomment natt cette chaleur normale ou morbide? Quelles
sont les lois de sa répartition dans le corps? Quelles modifi-
cations lui apportent les influences extérieures et les ingesta?
Quelle est la part qu'il faut réserver è l'action du système ner-
veux dans la régulation de cette chaleur? Quelle est la quan-
tité de chaleur réelle incluse dans le corps? Quels sont ses
modes de déperdition? Ges connaissances sont à peine obte-
nues , que d'autres auteurs plus hardis cherchent à faire leur
synthèse et à établir la théorie de la fièvre.
La multiplicité de ces questions nous impose l'obligation de
302 CHAPITRE 11. ^ LA GHALEUft ET LA FIÈVRE.
renoncer à les présenter en suivant fondre chronolog[ique des
travaux qui s'y rapportent Autrefois chaque auteur résumait
aisément les notions acquises de son temps; aujourd'hui
chacun est obligé, par l'étendue et la diversité des problèmes
à résoudre, de restreindre son champ d'études. Pour éviter
la confusion, nous prendrons chaque question isolément;
nous analyserons les principaux matériaux pafrvenus à notre
connaissance, en les envisageant surtout en médecin. Nous
aurons, certes, de larges emprunts à faire aux physiologistes,
mais nous chercherons surtout à mettre en lumière les don*
nées qui nous nermettront d'entrer plus avant dans l'interpré-
tation des actes morbides.
C'est ainsi que nous étudierons successivement :
S I*^. La production et la déperdition de la chaleur;
S II. La température de l'homme sain , ses oscillations diur-
nes;
S III. Les conditions qui font varier la température du
corps humain , et les limites de ces oscillations :
a, l'influence de Tâge;
h. l'influence du sexe, de la constitution, de la race;
r. l'influence de l'alimentation ;
(/.l'influence de l'activité musculaire;
e. l'influence de la température extérieure;
f. les limites de la résistance des animaux : i® à la cha-
leur, Q** au froid;
g. la température j^ost mortem;
S IV. La répartition de la chaleur;
S V. La calorimétrie;
$ VI. La régulation de la chaleur;
S VU. La fièvre considérée dans sa pathogénie et dans
quelques-uns de ses épisodes.
ÉPOQUE MODERNE. 303
S P'.
PRODUCTION ET DEPERDITION DE LA CHALEUR.
Noos avons donné l'exposé de la théorie de. Lavoisier. Rap-
pelons seulement les termes dans lesquels, dans son. mémoire
de 1 789 ^ Lavoisier résume la théorie de la chaleur animale :
« La machine animale est principalement gouvernée par trois
régulateurs principaux : la respiration, qui consomme de Fhy-
drogène et du carbone et qui fournit du calorique; la iroMpi-
ration, qui augmente ou diminue suivant qu'il est nécessaire
d'emporter plus ou moins de calorique; enfin, la digestion,
qui rend au sang ce qu'il perd par la respiration et la trans-
piration. 1
Nous acceptons parfaitement les termes dans lesquels
M. Gavarret a analysé les recherches des successeurs de Lavoi-
sier; nous n'avons pas l'intention de discuter les travaux de
Dulong, Despretz, Regnault, Boussingault, etc. Nous noterons
seulement quelques points importants à connaître pour le mé*
decin et qui ont reçu récemment leur interprétation. Bien
d'autres l'attendent encore aujourd'hui, et M. Regnault disait
avec raison , dans une des séances de l'Académie des sciences
(9 décembre 18722): «L'acide carbonique exhalé n'est pas
seul à mesurer l'énergie des oxydations de l'organisme. On ne
peut, par ce moyen, se rendre un compte exact de la chaleur
produite. Le phénomène est beaucoup plus complexe. Tout
mouvement se traduit par de la chaleur ; toute action chimique
donne delà chaleur ou du froid; tout passage dans le sang des
aliments qui se liquéfient change encore la température. Tout
frottement des liquides sur les vaisseaux amène aussi une pro-
duction de chaleur. En un mot, toutes les parties de l'orga-
nisme sont, à chaque instant, productrices de chaleur ou de
. 4È» l'Aead, d»ê êcimceê, 1 7Sç4« p. 58o.
304 CHAPITRE il. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
froid, et la température animale D*esl que le résultat de toutes
ces causes.
«Il ne faut donc pas chercher une mesure de ia chaleur
engendrée dans l'évaluation de l'acide carbonique formé. Ce
qui se passe dans le corps humain n'est qu'un exemple de ce
qui se passe en plus grand dans tout Tunivers. C'est un
échange continu de génération et de perte de calorique, en
relation avec les différents mouvements de ia matière. 9
C'est donc une vaine tentative que de vouloir établir,
avec quelque chance d'approximation, la balance âe la chaleur'
animale dans l'économie (recette et dépense). Helmholtz^ et
Barrai' en ont donné la preuve indirecte. Helmhoitx évalue
la recette de la chaleur, c'est-à-^lire le chiffre des unités de
chaleur produites, en vingt-quatre heures, par un hoDune
pesant 8q kilogrammes, à 9,700,000, ce qui fait i,388 par
kilogramme et par heure.
Barrai est arrivé, par une autre voie, au chiffre de
9,706,076 pour un homme adulte, en vingt-quatre heures.
Ce chiffre concorde presque exactement avec celui de Helm-
holtz, et avec celui que Kemig avait obtenu, de 1,390 par
heure et par kilogramme.
Cette recette de chaleur est compensée par la perte de
chaleur répartie, d'après Helmholtz, de la façon suivante:
i"" réchauffement des aliments et boissons, en moyenne et à
la température extérieure de 1 q^, prend à la température du
corps, chaque jour, 70,167 calories, soit 9,6 p. 0/0 de ia
recette; 9* réchauffement de l'air inspiré (i6,&oo grammes
en vingt-quatre heures) consomme, étant donnée la tempéra-
ture de l'air à 90% 70,089 calories, soit 9,6 p. 0/0 de la
recette, et à zéro, i&o,o6&, soit 5,9 p. 0/0; 3° l'évaporation
journalière de 656 grammes d'eau par les poumons exige
1 Hdmholti, art Thmiëch, Wàrmê * Barrai, 5faliçiMeAMi.((8t
inBfHin. m$i, Eneyclopàdiê. Paria, i85o.
PRODUCTION DE LA CHALEUR. 305
397,536 calories, soit i/1,7 p. 0/0 de l'actif. Il reste, pour
sabvenir aux frais de. la perte de chaleur par la surface exté-
rieure du corps, au moins 77,6 p. 0/0 de la chaleur produite.
Barrai établit la balance suivante :
RkRTI 01 LA CBALIQI 9,706,076
Dnil^ CmititeM.
/ Par érapontioD 699,801 95,85 p. 0/0.
piiTi I Par échaufiTement de
as cflALBua I ''"' «^P»*^ ' oo»8 * * 3»7*
eo unités ] ^"' ëchauffemenl des
^^^ l aliments 59,490 1,94
cantiAmai i ^*' '*" excrélwns 80-
I lideset liquides. . . 33>090 1,99
I Par le ravonneuieot et
\ la condoetibîiifté. . . 1,819,959 67,99
Total 9,706,076
Dans cette balance , il n'y a point de place particulière ré-
servée au travail mécanique ; elle suppose l'homme en un
repos tel, que la perte de force soit exclusivement bornée
& la chaleur. Si un travail extérieur s'accomplit, on ne peut
plus, par les principes connus, évaluer ce travail en unités
de chaleur : ces chiffres ne valent donc que pour l'homme im-
mobile.
L'énorme élévation de la quantité d'acide carbonique exhalé
pendant le travail (p. 389) montre que, dans le corps en tra-
vail , l'échange chimique est extraordinairement plus élevé que
dans l'état de repos, d'oà élévation de la source des forces
mises en liberté , ou de la recette de chaleur. Cet excédant de
recette ne se retrouve pas en entier comme dépense à l'état de
travail mécanique; en d'autres termes, quand une certaine
quantité de travail extérieur doit s'accomplir, le développe-
ment de forces vives est plus que suffisant pour ce travail, il
y a beaucoup d'excédant. C'est quelque chose d'analogue à ce
qui se passe dans la machine à vapeur, et même à un plus
90
306 CHAPITRE II. ^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
haut degrë que dans celle-K:i. Tandis que^ dans la machine à
vapeur, il n'y a au plus quun huitième de la chaleur qui se
changé en travail» Helmholtz évalue, en appliquant la mé-
thode précédemment indiquée, c'est-à-dire fanalyse de lacide
carbonique évacué comme moyen d'apprécier la chaleur déve-
loppée par le corps en travail, la quantité de cette chaleur
transformée en travail à un cinquième au maximum. Admet-
tons que la chaleur produite pendant le travail soit seulement
triplée, et que, sur cette somme, le maximum possible, ou la
cinquième partie, soit employé au dehors sous forme de tra-
vail mécanique, il y a encore, par rapport au budget de Tétat
de repos, un excédant très-élevé de recette qui ne reste pas
dans le corps , mais qui s'élimine à Tétat de chaleur.
Nous devions analyser ces travaux de Barrai et de Helmholtz,
parce que tous les deux, et avec une certaine concordance , ont
montré combien l'équivalence de la recette et de la dépense
de chaleur, que l'on avait espéré pouvoir établir, est une ten-
tative illusoire. M. Berthelot^ s'est chargé, d'ailleurs, de la cri-
tique de ces travaux. Les animaux, en effet, ne brûlent pas du
carbone libre et de l'hydrogène libre, mais ils introduisent
dans leur corps, sous forme d'aliments, des principes orga-
niques complexes, dans lesquels l'état de combinaison des élé-
ments est déjà très-avancé. D'autre part, les animaux rejettent
continuellement au dehors, non pas seulement de l'acide car-
bonique, mais de l'eau, de l'urée et d'autres produits excré-
mentitiels très-complexes. Il faudrait donc tenir compte, pour
calculer la chaleur animale , de l'état réel des corps introduits
et des corps rejetés; c'est le rapport qui existe entre ces deux
termes qui détermine la quantité de chaleur produite.
r Voici quelques-uns des résultats auxquels M. Berthelol est
arrivé ^ :
* Berihelot , in AfrtM an eoun êciên- Uw ûnimak, in Journal^ Robin, i S65 ,
ûfiquêip i865. -— Mémoin sur la eka^ p. 6âa«
PRODUCTION DE LA CHALEUR. 307
La chaleur produite par l'oxygène déjà combiné est infé-
rieure à la chaleur produite par l'oxygène libre de toute la
quantité de chaleur dégagée ou absorbée lors de la première
combinaison. Quand l'oxygène se fixe sur les globules dans le
poumon, il se dégage une quantité de chaleur notable (8,000
ou 10,000 calories pour 3a grammes d'oxygène), qui esten-
yiron la neuvième partie de la quantité de chaleur produite
par la combustion du carbone » par le même poids d'oxygène.
Cette augmentation de chaleur se trouve annulée par le déga-
gement d'acide carbonique en quantité è peu près égale.
Puis, passant en revue la chaleur dégagée par les oxyda-
tions directes et complètes, et les comparant aux oxydations
successives d'un même composé et à l'oxydation d'une famille
homologue sans perte de carbone, M. Berthelot montre qu'une
même quantité d'oxygène , en se fixant sur des corps tels que
les alcools, pour les transformer en acides correspondants,
sans changer le nombre d'équivalents de carbone, dégage des
quantités de chaleur qui varient dans des limites très-étendues,
par exemple: 37,000 et 90,000.
De même, dans la série des acides gras, l'oxydation, en
donnant naissance à une même quantité d'acide carbonique,
produit des quantités de chaleur tellement variables, que, pour
Vacide stéarique, le chiffre est supérieur de moitié à celui du
carbone.
D'autre part, la formation de l'acide carbonique par dédou-
blement peut répondre è une absorption ou à un dégagement
de chaleur. Ainsi l'acide oxalique, en se décomposant en
acide carbonique et hydrogène, absorbe 7,600 calories pour
un équivalent d'acide carbonique; lorsque le même acide oxa-
lique se dédouble en acide formique et acide carbonique, il y
a absorption de /ta, 000 calories.
«Il n'est donc pas permis, dit justement M. Berthelot, de
raisonner sur la chaleur qui répond à la formation d'acide
carbonique, sans en connaître l'origine, y»
io.
308 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Les phénomènes d'hydratation prêtent à des observations
analogues , et la conclusion qui ressort de ces recherches fort
intéressantes, c'est que, si l'idée fondamentale émise par La-
voisier reste exacte, cependant nous devons reconnaître que le
problème se complique à mesure que l'on pénètre dans les
conditions vraies du phénomène. Enfin il n'est pas possible
actuellement de tenter de résoudre l'équation de la recette et
de la dépense, ainsi qu'on l'a espéré un instant.
Les travaux de M. Cl. Bernard , dont il nous reste à parier,
prouveront de plus que ce ne sont pas toujours des oxydations
qui produisent la chaleur.
Quels sont les finfern dans lesqueU se produisent ces acùans
chimiques créatrices de chaleur ?
Bien que Lavoisier soit resté indécis sur ce point, nous
avons vu qu'il avait paru croire que le poumon était le siège
principal de ces combustions. Lagrange a combattu cette opi-
nion en faisant remarquer que, si elle était vraie, si toute la
chaleur du corps se produisait dans le poumon, l'organe ne
pourrait pas résister à une telle élévation de température.
Tous les physiologistes avaient accepté l'objection faite par
Lagrange. Mais M. Berthelot, dans une note récente à l'Aca-
démie des sciences, tout en admettant les conclusions de La-
grange, réfute son raisonnement.' «Toute la chaleur dégagée,
dit M. Berthelot, par la transformation de l'oxygène inspiré'en
acide carbonique, fât-elle développée au sein des poumons,
n'en élèverait la température que d'une faible fraction de de-
gré, incapable d'en produire la destruction. C'est ce qu'il est
facile d'établir. D'après les recherches de MM. Andral et 6a-
varret, la quantité moyenne de carbone exhalée par un
homme, sous forme d'acide carbonique, est comprise entre
10 et iù grammes environ par heure, soit 167 à 900 milli-
grammes par minute. En admettant que les matières qui ont
fourni cet acide carbonique aient dégagé è peu près la même
PRODUCTION DE LA CHALEUR. 809
quantité de chaleur que du carbone pur, ce qui n'est pas très-
éloigné de la vérité, cette chaleur serait capable d'élever de
1 degré par minute la température de i,3ooài,6oo grammes
deau. En admettant seize inspirations par minute, chacune
d'elles produirait donc en moyenne une quantité de chaleur
capable d'élever de i degré loo grammes d'eau au moins.
Cette quantité de chaleur répartie entre toute la masse des
poumons, qu'on peut évaluer à 9,000 ou 9,5oo grammes
environ , ne saurait en élever la température que d'une très-
petite fraction de degré (un vingtième à un vingt-cinquième
de degré) par chaque inspiration. La circulation incessante du
sang dans les vaisseaux pulmonaires, sang dont le poids ne
paratt pas éloigné de3oo2i&oo grammes, entre deux inspi-
rations, jointe à l'influence du contact des parties voisines,
absoriserait d'ailleurs à mesure la chaleur produite de façon à
empêcher ses effets de s'accumuler.
«11 résulte de ce calcul» conclut M. Berthelot, que l'action
de. l'oxygène sur les principes combustibles de l'organisme,
même si elle se produisait tout entière dans les poumons, ce
qui n'est pas le cas, ne donnerait lieu qu'à des effets difficiles
à constater, loin de détruire l'organe qui servirait de siège à
cette combustion. Les conclusions de Lagrange n'en étaient
pas moins conformes à la vérité , quoique fondées sur des pré-
misses inexactes. Mais ce n'est pas la seule fois, dans l'histoire
des sciences , qu'un argument sans valeur est devenu l'origine
de découvertes importantes. j>
Le r6le du poumon est bien déterminé, si nous nous rap-
pelons les travaux de M. Berthelot sur la chaleur absorbée et
dégagée par la sortie de l'acide carbonique et la fixation de
l'oxygène sur les globules rouges , et , si nous tenons compte
des échanges nutritifs qui s'accomplissent dans l'intimité du
poumon pour sa vie propre, nous reconnaîtrons qu'il y a bien
peu de chaleur développée. Gomme, en même temps, il est ex-
posé â l'air et soumis à des échanges gazeux qui entraînent
810 CHAPITRE H. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
une déperdition de calorique, il en résulte en définitive un
abaissement de la température K
Puisque le poumon n'est évidemment pas le siège, et sur-
tout le siège exclusif des combustions, cherchons quels sont les
points où s'effectuent principalement les oxydations.
Le sang est-il une source de chaleur? Pour M. Cl. Bernard ^
les physiologistes qui ont considéré le liquide sanguin lui-
même comme le lieu de toutes les productions calorifiques qui
s'accomplissent dans le corps vivant, ont dépassé ce que per-
mettait d'affirmer l'expérience. Pour lui , c'est principalement
un phénomène extrasanguin qui dégage du calorique. Ce phé-
nomène est le contact et l'échange entre les tissus élémentaires
et le sang, au moment où se produisent les actions chimiques
de la nutrition.
Dans des expériences précises et qui méritent d'être étu-
diées par les médecins, M. Cl. Bernard détermine le rôle des
muscles et des glandes dans la production de la chaleur.
.
Râle des muicles dan$ la production de la chdeur. — Le tissu
musculaire constitue à lui seul une très-grande partie de la
masse totale du corps. Chez un chien modérément gras, on a
trouvé : poids total, 1 1 kilogr. 700 gr.; poids des muscles,
5 kilogr. lioo gr.; poids des os, 9 kilogr. 700 gr. Le fonc-
tionnement des muscles produit de la chaleur. On s'échauffe
par le mouvement. Béaumur, Newport', Dutrochet, Maurice
Girard, l'ont constaté chez les insectes. Becquerel et Breschet,
Malteucci, Helmholtz, l'ont démontré chez l'homme ou les
autres animaux.
Le système musculaire est donc une source de chaleur con-
sidérable; il reste à en déterminer les causes directes. Ces
causes se trouvent dans la suractivité des combustions qui
* Voyez Cl. Bernard, Lêçan» êur la ' Newporl, Pkiloiophieal Crtnuac-
eludeur, p. 190. lions, 1837, part. Il, p. 960.
' Lpçom nir la chaleur animale, p. 1 3o .
PRODUCTION DE LA CHALEUR. -- MUSCLES. 311
s'accomplissent dans te muscle. Les éléments anatomiques, les
tissus organiques absorbent de l'oxygène et émettent de l'acide
carbonique.
M. P. Bert a donné le tableau suivant, qui résume cette
activité fonctionnelle pour chaque tissu.
Des tissus enlevés au cadavre d'un chien, aussitôt après
que l'animal a été sacrifié, ont été placés dans des éprouvettes
pleines d'air, et disposées de la manière la plus favorable aux
échanges gazeux. Après un même temps J'analyse des gaz con-
tenus dans ces éprouvettes montre que :
1 oo gr. de mosde ont absorba. 5o'%8 \ / 56**,8
toogr.dfl cerveau ^^ «8 I ., , L As ,S .
1 oo or. de rem 07 ,o I ^y 1 i5 ,0 I d aade
100 gr. de raie . . . . , 97 ,«3 f ] i5 ,â [ carbonique.
1 00 gr. de testicule 18 ,3 \ ®'""^ j 97 ,5
1 00 gr. d'oi et moelle 17 ,a / \ 8 ,1
Le muscle respire donc, même après la mort; il respire de
même pendant la vie, quand il est au repos, mais surtout
quand il est en fonction et qu'il se contracte.
Le muscle peut se contracter, dégager de l'acide carbo-
nique et produire de la chaleur, même sans être traversé par
uii courant sanguin. Exemple : une grenouille, préparée à la
manière de Galvani, est suspendue dans un bocal au fond du-
quel est de l'eau de baryte ; les secousses électriques font con-
tracter les musoles, l'eau de baryte se trouble et décèle la pré-
sence de l'acide carbonique.
A l'état physiologique , il existe un rapport très-étroit entre
la fonction du muscle et la composition du sang qui le
baigne. En analysant le sang qui a traversé le muscle droit an-
térieur de la cuisse, qui est pris pour exemple parce qu'il est
suffisamment isolé au point de vue de ses vaisseaux et de ses
nerfs , on trouve :
312 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
ACIDE
OXTGèllE CâRBONigrE
poor loo*" pour 100"
PREMIÈRE EXPÉRIENCE. ^csang. de sang
Sang arkTiol du muscle 7",^ i o",!S/!i
c . ( Elal de paraivsie (nerfroimo). . . . 7 ,20 o ,00
Sanff veineux 1 „ , ^ ' ' ' v
, , \ hlal de repos 5 ,00 s ,00
(In muscle. / /, , . #0 /
V htat de contraction a ,90 a ,ao
DEU\1ÈME EXPÉRIENCE.
Sang arlériel du muscle 9 »3 1 o^ ,00
Sang veineux ( État de repos 8,11 2 ,01
du muscle. ( État de contraction 3 ,3i 3 ,2 1
D'où il suit que la respiration musculaire, à peu près nulle
dans la paralysie, faible dans l'état de repos, est exagérée
dans l'état de contraction.
Cette ex|)érience montre que des états fonctionnels spéciaux
des muscles coïncident avec des états chimiques particuliers
du sang; nous allons voir que l'état calorifique du muscle
change dans les mêmes circonstances.
Or on sait depuis longtemps que la contraction musculaire
produit de la chaleur. Becquerel et Breschet ont constaté, par
la méthode thermo-électrique, que le biceps au repos a une
température de SG^'jS, que la flexion répétée des bras élève
la température de o%5 à i% et que, même au repos, la tem-
pérature d'un muscle est de i°,5 à 2" supérieure à celle du
tissu cellulaire sous-jacent. MM. J. Béclard et Cl. Bernard ont
fait des expériences qui donnent les mêmes résultats.
En même temps que, par le travail musculaire, le sang
devient plus veineux, parce que la combustion est plus com-
plète, ce sang subit une élévation de température.
En i858, M. Cl. Bernard découvre sur un cheval une
branche de la veine jugulaire qui reçoit les rameaux des veines
faciales et maxillaires, et il constate que, si l'on fait mastiquer
lo cheval, le sang coule avec plus de rapidité, devient pins
rhaud et plus noir.
PRODUCTION DE LA CHALEUR. — MUSCLES. 3t3
Cette augmentation de température du sang veineui n'est
pas due à la veinosité du sang » mais à la combustion muscu-
laire, car, en détruisant le ganglion du sympathique qui se
rend au membre supérieur^ et k l'oreille correspondante, la
température s'élève dans ce membre et dans l'oreille. Si l'on
excite, par le galvanisme, les fibres partant du ganglion, la
patte se refroidit de plusieurs degrés. Or il n'y avait pas de
contraction musculaire, et cependant le sang des veines mus-
culaires était devenu plus noir. On peut donc avoir dans les
veines musculaires un sang très-noir avec élévation ou avec
abaissement de température. La chaleur n'est donc pas liée à
la coloration du sang, il n'y a que coïncidence entre les deux
phénomènes pendant la contraction musculaire.
La respiration musculaire n'est pas la seule manifestation
de l'aclivilé nutritive de la fibre musculaire; il s'accomplit en
même temps d'autres phénomènes chimiques capables d'en-
gendrer de la chaleur.
La réaction du muscle au repos est alcaline, elle devient
acide dans le muscle qui a été soumis à des contractions ré-
pétées. Cette acidité est due à la présence de l'acide lactique.
En même temps, la créatinine, principe alcalin, diminue au
profit de la créatine.
Helmholtz, en opérant sur des animaux à sang froid, a vu
que, dans les muscles fatigués, les matières solubles dans l'al-
cool sont augmentées, tandis que les matières solubles dans
l'eau sont diminuées. Matteucci a observé les mêmes modifi -
cations sur un animal à sang chaud.
Si l'exercice musculaire a une part importante dans la pro-
duction du calorique, réciproquement l'immobilité entraîne
un abaissement de température. En curarisant un chien , c'est-
à-dire on supprimant le jeu des muscles, M. Cl. Bernard a
constaté que la température rectale tombait, en une heure,
* Yoy. Teipérience, p. i5&.
814 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIEYRE.
à^ 39%9 ^ 3 7"* Leg^Iois avait obtenu des résultats analogues
en immobilisant les animaux.
Comme les autres organes musculaires, le cœur produit de
la chaleur au moment de sa contraction. L expérience a montré à
M. Cl. Bernard ^ que le tissu du cœur, quand it se contracte, est
plus chaud que le sang qu'il contient. Les contractions étant
incessantes, c'est une source constante de calorique. Mais le
cœur échauffe-t-il le sang qu'il contient? Gela est probable,
et le sang artériel est à son maximum de température dans le
cœur gauche ; toutefois il faudrait faire de nouvelles re-
cherches.
On évalue approximativement le travail du cœur chez
l'homme à /i3,8oo kilogrammètres en vingtr-quatre heures;
ce travail j d'après la loi de l'équivalent mécanique de la cha-
leur, donne un nombre de calories égal à ^^^ » io3. On
peut dire que le cœur produit , en vingt-quatre heures , à peu
près 100 calories ^
Rôle du tysUme nerveux dan$ la production de la chaleurK —
Il faut distinguer le système nerveux périphérique et le sys-
tème nerveux central.
L'activité des organes nerveux périphériques donne un dé-
gagement de chaleur si faible , que , pour le constater, il faut
opérer soit sur un animal è sang froid, soit sur un animal à
sang chaud refroidi. Helmholtz et Valentin ont expérimenté
sur des animaux refroidis par le sonuneil hibernal, des mar-
mottes ou des loirs. Pour refroidir des animaux à sang chaud,
on peut ou leur couper la moelle épinière, ou les exposer à
l'action d'un milieu réfrigérant , ou immobiliser l'animal pen-
dant un temps prolongé , ou l'enduire d'une couche de vernis
imperméable, ou soumettre l'animal è des mouvements de
balancement. Si, chez un lapin à qui l'on a coupé la moelle
> P. 193. — * N. Gréhant, Phyn^ médieak, 1869, p. %%^. — * P. i58.
PRODUCTION DE LA CHALEUR. — NERFS. 315
épinière et qui est refroidi, on désarticule la cuisse, si Ton
dénude le nerf sciatique en conservant les muscles de la
jambe, on constate que le nerf n a pas perdu son excitabilité.
Pais, à Taide d'aiguilles thennonSlectriques^on voit que le nerf
a , dans toute .son étendue, la même température. Mais, si l'on
eoLcite la région du nerf qui correspond à une des soudures,
la température s'élève.
Celte production de chaleur est bien un phénomène physio*
logique et non physique, car cette production de chaleur va
en diminuant à mesure que l'animal se rapproche de la mort.
(Scbiff.)
L'activité nerveuse est donc une source de chaleur.
Le système nerveux central fournit des résultats identiques.
On peut constater que le sang qui sort des sinus cérébraux par
la veine jugulaire interne est plus chaud que le sang qui entre
dans le cerveau par l'artère carotide, surtout quand on excite
les fonctions du cerveau.
Rdh deê glandei dam la production de la chaleur ^ — Pour
les muscles et les nerfs, ainsi que pour les glandes, les ma-
nifestations calorifiques les plus intenses correspondent à l'acti-
vité fonctionnelle des organes, el celle--ci coïncide elle-même
avec l'activité circulatoire. En sorte que ces trois modes : acti-
vité circulatoire, activité fonctionnelle, activité chimico-calo-
rifique, sont contemporains et corrélatifs. Mais ces actes n'ont
pas pour corollaire obligé, comme pour les muscles, la vei-
nosité du sang. Quand une glande fonctionne, le sang qui en
sort est rouge, rutilant. Pour le sang rénal, cette couleur est
presque constante , parce que le rein fonctionne d'une manière
continue; pour d'autres ^andes, pour la sous-maxillaire, la
couleur rouge n'existe que pendant l'activité fonctionnelle. En
sorte que le système veineux des muscles qui fonctionnent est
■ Cl. Reniard,p. t66.
316 CHAPITRE IL — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
noir, d'autant plus noir qu'ils travaillent davantage; dans les
glandes il devient d'autant plus rouge.
Pendant que la glande est en activité, la circulation est
augmentée, la veine qui émerge de la glande ne laisse plus
suinter quelques gouttes de sang comme pendant le repos, elle
donne un jet rapide. En même temps, la température s'élève
dans le sang qui sort et dans la glande elle-même. En ré-
sumé, on rencontre dans les glandes la réunion des trois ca-
ractères essentiels qu'avaient manifestés les muscles actifs,
savoir : suractivité fonctionnelle, suractivité circulatoire, pro-
duction de chaleur.
Cette production de chaleur correspond à une combustion,
mais différente de celle qui accompagne l'activité musculaire.
Le sang veineux rouge de la glande en fonction, quoique plus
chaud, est moins briMé, et contient moins d'acide carbonique
et plus d'oxygène. Ce n'est plus une combustion, une oxyda-
tion, et l'on peut dire que la combustion du sang n'est pas la
mesure de la chaleur produite, puisqu'elle ne varie pas tou-
jours dans le même sens. Le problème n'est donc pas aussi
simple; il n'y a pas seulement une combustion de carbone et
d'hydrogène se faisant dans le sang, mais des réactions chi-
miques plus complexes s'accomplissant dans la profondeur des
tissus, au contact des éléments histologiques, et variables pour
chacun d'eux.
Dans le muscle lui-même, tout ne se traduit pas par un gain
d'oxygène et une perte de carbone; nous savons que les phé-
nomènes sont beaucoup plus complexes, que la réaction aux
liqueurs colorées a changé, que les parties soiubles dans l'eau
et l'alcool ont varié.
Sous le rapport de la production de chaleur, nous devons
dire que tout fonctionnement organique s'accompagne d'un
échaulfement du sang qui traverse l'organe, et que celui-ci
passe en plus grande quantité. De sorte que les fonctions des
organes créent de la chaleur. Le critérium de la fonction est
PRODUCTION DE LA CHALEUR. — GLANDES. 317
laetiviié circulatoire. Chez Tanimal à jeun, le sang que la
veine porte ramène de l'intestin est noir, il est rouge chez
ranimai qui digère.
Dans la glande sous-maxillaire , M. Gl. Bernard a trouvé les
résultats suivants :
OiygAiw p« o/o.
Sang artériel 9,80
Sang veineux de la glande au repos 3,99
Sang veineux de la glande en activité 6,01
En même temps la température augmente, ce que Ton cons-
tate dans le sang qui s'écoule et dans l'intimité même de la
glande , en enfonçant des aiguilles thermo-électriques.
L'activité de la glande est sous la dépendance de la corde
du tympan ; l'excitation de ce nerf, soit directe , soit par des
impressions alimentaires, provoque la sécrétion, la dilatation
des vaisseaux et la chaleur; l'excitation du grand sympathique
a un résultat inverse.
Dans le rein , les phénomènes s'accomplissent dans le même
ordre.
CHIElf VIGOUREUX. PRBMliBB EXPisiKNCE.
OzygèM p. o/u.
Sang artériel du rein i7i^â
Sang veineux rutilant pendant le fonctionne-
ment de la glande 16,00
DBUXliMB BXPiaiElICB.
Sang artériel 191A6
Sang veineux rutilant pendant le fonctionne-
ment de la glande 1 7,96
Sang veineux noir pendant que la fonction
est supprimée 6,&o
Lie sang des veines rénales, comme celui de toutes les
glandes en fonction , devient plus chaud que celui de l'artère
de 3 & 3 dixièmes de degré. Il échauffe donc le sang qui Ira-
318 CHAPITRE IL — LA CHALEUR ET LA FIÈYR&
verse la veine cave inférieure et qui revient des membres abdo-
minaux.
Le sang qui se rend dans la veine porte, apràs avoir baigné
les intestins, s'échauffe pendant la digestion, et M. Cl. Bernard
a trouvé les nombres suivants, en comparant les températures
de Taorte abdominale et de la veine porte :
Aorte. Veio« porto. DiflXranee».
38%6 38*,8 + o%a
Ao ,3 Ao ,7 +0 ,4
39 ,4 39 ,6 +0 ,1
De même pour la rate et le foie. La glande hépatique serait
le véritable foyer caloriGque , si Ton devait donner ce nom au
centre organique le plus chaud. M. Cl. Bernard a trouvé :
Vcino pocti. TciM Wpoliqoe. DifftNoees.
4o*,a 4o%6 + o%4
40 ,6 4o ,9 +0 ,3
4o ,7 4o ,9 +0 ,9
Transfonnation mécanique de la chaleur ^ — Les sources de
* M. Gavarret, a réBamé , dans mm Mais oeloi qui réalisa la première dé-
livre sur L« pkénomènn phytiqueê de monstralioa de cette transformation de
la vie ( Paris, 1 869 , p. 67 à 5a et 353 la chalear en mouvement est Rnmfoid,
à 370), rhistorique des travaux publiés en 1798 (Rêckêrche» sur la êourcê de
sur la nature et l'équivalent mécanique la chakur engendrée par U JroOemtmt).
de la chaleur. Il construisit un appareil dans lequel on
Il dte le 90* aphorisme du second pilon d^ader frottait fortement contre
livre du Notum organum de Bacon, des le fond d^un cylindre creux en fer. En-
passages de Descartes, Haygbens, New- traîné par deux chevaux, le cylindre
ton, dans lesquels ces génies puissants tournait sur son axe; Tappareil était
considèrent la chaleur comme un mou- placé dans une caisse de sapin contenant
vement de vibration communiqué aux asses d*eau pour recouvrir le pilon. En
corps. Voyei également Locke, Barthei deux heures et demie, la température
(Nouveaux éUmentê de la eeience de de Teau passa de i5*â 100*. Il y avait
VKcmme, %* éd., Paris, 1806, t I, eu i,soo calories dégagées,
p. a6& et «67), Daniel Bemouilli Voyes dans Gavarret les résoltsts ob-
( HfdtodifMmquê) , Lavoisier et La- tenus par H. Davy, L. Foucault, Youqg,
place (M^. dé VAcad, dm sdenceê, Arago, Frenel, Ampère « Sadi Gamot,
1 780 • p. 357 )• Séguin.
TRANSFORMATION DE LA CHALEUR EN MOUVEMENT. 319
production de la chaleur animale sont donc extrêmement
riches. Noos ne pouvons pas les mesurer absolument» mais les
recherches dont nous venons de donner l'analyse suffisent à
montrer qu'dles sont variables comme intensité et qu'elles
sont capables, sous des influences variées, d'augmenter ou de
se modérer. Ces modifications correspondent à d'autres actes
physiologiques. La chaleur animale ne se produit pas unique-
ment pour lutter contre les causes de refroidissement, elle est
utilisée dans l'économie, elle est la source vive des forces
mises en jeu dans nos actes conscients et inconscients.
La découverte de cette transformation de la chaleur en mou-
vement est une des conquêtes les plus brillantes de notre
temps. Nous la devons h Robert Mayer; chose curieuse, c'est
en faisant une saignée qu'il a été conduit k fonder la loi de
corrélation des forces. Il observa que le sang veineux des fié-
vreux, sons les tropiques, est plus rouge que sous les latitudes
plus septentrionales. Cest de ce fait qu'Û est parti pour ad-
mettre la transformation de la chaleur en mouvement. Après
lui, et sans connaître ses travaux. Joule et bientôt Him, Mat-
teucci , Heidenhain , Tyndall , ont établi , avec la plus grande
évidence, la théorie dynamique de la chaleur ^
* Les diffërentt mémoires de Robert
Mmftr, k partir de 1 86 1 , sur la chaleur,
portent mar VÉttuU du nnmdê morga-
MfHff H dn mowHmmU» organifuêê,
i845; Swr lê§ gffwU edar^ifuei coêmi-
qua dm ecrpê m mouvement; Sur la
éjfMmm^ dk ciel, 18&8. 11 aborda eu-
mile Tétude Dee étto» poihohgi^veê au
ptmt de vue dee mouvementé orgamquee ,
cefle De la fihre. Son mémoire de con-
dasion est Sur réquivalent mécanique de
la ckalemr, — Voir ses mémoires réunis
en 1867, ^ Meehmuk der Wàrma m
gmamm^Êem Sckr^, StuUgard.
Joole, Py. may. S 3« vol. XXUl,
p. Â69, i8Â3. Phd. mag. vol. XXXU,
p. 35o.
Hirn. Ses mémoires sont résomés
dans Coneéquencee phâœopkiqaee et mé-
taphyeiquee de la thermodynamique, Anor
lyee élémentaire de l*univer$, Péris , Gau-
tbier-Villars, 1 868. Voyes BuUetin de la
Société ^hietùire naturelle de Colmar,
i8&6eli868.
Jules Bédard, in Arch. méd, 1861,
p. 9&- 157-957.
Verdet et Berthelot, Leçone de Mme
et de phyeique projeeeéee en i86». Ha-
cbetie, i863.
John Tyndall, La chaleur ceneidérée
320 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Sans entrer dans des détails qui nous ëcarteraient Irop de
notre sujet, rappelons l'expérience fondamentale de Joule. Il
s'agissait de déterminer deux termes : mesurer la chaleur pro-
duite et le travail dépensé. Voici comment il résolut le pro-
blème. Un mécanisme très-simple, mis en mouvement par la
chute d'un poids, faisait tourner, à l'intérieur d'une masse
d'eau ou de mercure, une petite roue à palettes gênée dans son
mouvement par des obstacles fixes. Le frottement du liquide,
tant sur lui-même que contre les obstacles fixes et les" palettes
mobiles, dégageait une quantité de chaleur qu'il était facile
d'évaluer d'après l'élévation de température des diverses pièces
de l'appareil. Le travail dépensé pour entretenir le mouve-
ment était donné par la chute du poids moteur, et, en tenant
compte des corrections rendues nécessaires par le frottement
des parties mobiles de la machine, extérieures à l'appareil ca-
lorimétrique, on obtenait immédiatement le rapport du travail
mécanique dépensé à la chaleur dégagée. Les expériences sur
l'eau ont montré qu'à chaque unité de chaleur dégagée cor-
respondait une dépense de /iq4 unités de travail. Les expé-
riences sur le mercure ont donné le nombre tiùb.
Ce nombre exprime que développer la quantité de chaleur
nécessaire pour élever de zéro à i° la température de i kilo-
gramme d'eau, et soulever un poids de liab kilogrammes à
t mètre de hauteur, c'est produire deux effets équivalents. Ce
nombre doit donc être considéré comme l'équivalent mécanique
de la chaleur.
Appliquons cette notion au corps animal, ç^ Lorsqu'un ani-
mal est au repos, le travail des forces chimiques, dans la res-
piration, a pour équivalent la quantité de chaleur que l'ani-
mal dégage incessamment pour compenser la perte de chaleur
conww un mode dr mouvement. TTii(\. par Gavarrel, Les phrnom^f phyniqwt
Moi[;no. Paris, Etienne Giraud, 1866. de la vie, \ . Masson, 1869, eiDiclionn.
Omnms ^Théorie dynamique de Uicha- oncyclupédique y arl. Chaleur animale,
Imr, 18GG, Germer-Baillière. l. XV, 187/i.
TRANSFORMATION DE LA CHALEUR EN MOUVEMENT. 321
dae au rayonnement, au contact de Tair et à Tévaporation.
Lorsque l'animal est en mouvement, une portion du travail
des affinités chimiques a pour équivalent le travail effectué
par ce mouvement; le reste seul se convertit en chaleur, et,
par conséquent, à une même somme d'actions chimiques pro-
duites dans l'intérieur de l'organisme, doit répondre un dé-
gagement de chaleur moindre dans l'état de mouvement que
dans Tétat de repos ^. »
Deux séries distinctes d'expériences confirment ces idées. La
première est due à M. Him. Cet expérimentateur renferme
dans un espace clos un homme qui demeure d'abord au re-
pos pendant un certain temps , et exécute ensuite un travail en
élevant sans cesse son corps sur la circonférence d'une roue
mobile. On observe dans les deux cas les effets calorifiques et
chimiques de la respiration. On mesure h la fois la chaleur dé-
gagée et l'acide carbonique expiré , et on constate que le rap-
port de la première quantité à la seconde a été moindre dans
l'état de mouvement que dans l'état de repos. Ainsi une quan-
tité donnée d'action chimique respiratoire dégage moins de
chaleur lorsque le sujet de l'expérience effectue un travail que
lorsqu'il reste en repos. La différence est, même pour chaquç
individu , à peu près proportionnelle au travail. Mais les con-
ditions des expériences sont trop complexes, les changements
matériels qui peuvent survenir dans le corps sont trop difficiles
& apprécier pour essayer, comme l'a fait M. Hirn, d'obtenir
par cette voie une détermination de l'équivalent mécanique
de la chaleur K
H. J. Béclard a envisagé la question d'une autre manière;
il a renouvelé par un procédé différent les expériences de Bec-
querel et Breschet, et de Helmholtz. Il applique simplement,
à l'aide d'une bande doublée d'une plaque d'ouate, un bon
thermomètre k mercure sur les muscles du bras, et les con-
' Verdet, p. loi. — ' Verdei, Lêfom de dUnûê, i863, p. 109.
ai
322 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
tracle successivement sans soulever de poids, puis en soulevant
un poids. Voici les conclusions de son travail ' :
i" En se plaçant dans de bonnes conditions d expérience,
et en tenant compte des précautions décrites, on peut cons-
tater, sur les muscles de l'homme, que la quantité de chaleur
développée par la contraction est plus grande quand le muscle
exerce une contraction statique, c'est-à-dire non accompagnée
de travail mécanique, que lors(|ue cette contraction prodm'l
un travail mécanique ulUe.
a° La quantité de chaleur qui disparaît du muscle, quand
il [jroduit un travail mécanique extérieur, correspond à l'effet
mécanique produit.
3° La contraction musculaire ne doit pas être envisagée
comme on Ta fait jusqu'ici en physiologie. Il n'y a que cette
partie de l'action musculaire, non utilisée sous forme de tra-
vail mécanique extérieur, (|ui apparaisse sous forme de cha-
leur; en d'autres t<*rmes, la chaleur musculaire est complé-
mentaire du travail mécanique utile produit par la contraction.
Il" Les produits de la contraction musculaire, c'est-à-dire
la chaleur musculaire et le travail mécanique extérieur, sont
ensemble les expressions de l'action chimique dont le muscle
est le théâtre. •
5 ' Les faits que nous signalons doivent entrer en ligne de
compte dans les divers calculs relatifs à la production de la
chaleur animale. Le dosage exact des produits défmitifs de la
nutrition, c'est-à-dire des produits exhalés (acide carbonique,
vapeur d'eau) et sécrétés (urée, acide urique, principes bi-
liaires des excréments, sécrétions cutanées), ne saurait suflBre,
tout en tenant compte des chiffres de combustion du carbone
et de l'hydrogène, et même en supposant connues les quantités
de chaleur développées dans la formation des autres produiL*^,
' J. Réclard, De la rontraction mws- ppi'ature animale. (Archivée de méii.
culaire dam tes rapport» avec la tein- i86i, p. 2^-157-257.)
TRANSFORMATION DE LA CHALEUR EN MOUVEMENT. 333
pour établir sur des bases, même approximatives, le calcul
relatif aux quantités de chaleur produites en un temps donné,
le trarail chimique d'oxydation dont les muscles sont le siège
pouvant se traduire par des quantités de chaleur variables
suivant le jeu de Tappareil musculaire.
G"" Il serait intéressant de rechercher, non dans un groupe
de muscles isolés , mais dans Tensemble général du corps , si ,
pour les divers modes de progression (marche sur un plan
horizontal, marche en montie, marche en deicenU, saut, course)
qui doivent exercer sur la température de l'appareil muscu-
laire, pris dans son entier, une influence nécessairement diffé-
rente, cette influence pourrait être appréciée.
y"" Un grand nombre de phénomènes se rattachent très-
vraisemblablement aux faits signalés dans ce mémoire. Le
jriêim de la fièvre, qui n'est qu'une succession de contractions
musculaires s'exécutant simultanément dans les muscles an-
tagonistes, et qui embrasse quelquefois le système musculaire
tout entier, constitue une des formes les plus curieuses de ce
que nous désignons sous le nom de contracùm, musculaire sta-
tique. On constate déjà dans le frisson, et surtout après, une
élévation de température qui peut être portée très-haut, & 3%
à &*" et même à S"* au-dessus de la température normale. Le
tremUemmU que détermine le froid est un phénomène du même
genre; c'est évidemment un procédé instinctif de l'économie,
qui cherche à résister à l'abaissement de la température par
la contraction statique des muscles. Tous les efforts violents
sont accompagnés d'une élévation de température qui se tra-
duit souvent par une sueur abondante, etc. »
«Les résultats de ces deux séries d'expériences, dit Verdet,
sont an nombre des plus précieux dont la physiologie expéri-
mentale se soit enrichie dans ces derniers temps. Il est bien
clair, d'ailleurs, qu'ils ne contredisent en aucune façon les
données de l'expérience vulgaire surl'échauffement qui accom-
pagne tout exercice corporel. La contraction musculaire aug-
9t .
334 CHAPITRE IL — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
mente incontestablement la chaleur dégagée par Torganisme
en un temps donné, mais elle augmente aussi la combustion
respiratoire, ainsi que le prouverait, à défaut d'expériences
directes, le besoin d'aliments consécutifs à Texercice. Les re-
cherches de MM. Hirn et Béclard font voir simplement que,
conformément à la théorie de Mayer, la combustion augmente
dans un rapport plus grand que la chaleur produite. »
Disons de suite que, dans le corps humain, les actes mé-
caniques qui mettent les fluides en mouvement n'absorbent et
ne dégagent aucune chaleur réelle. Les résistances, les frotte-
ments dégagent, en effet, autant de chaleur qu'en consomme
la puissance musculaire par laquelle le mouvement des fluides
est entretenu, malgré ces résistances. On voit par là combien
était vaine la question de l'influence des frottements du sang
dans les vaisseaux sur la chaleur propre des animaux. Il y a
de la chaleur déplacée, dépense de chaleur pour la contrac*
tîon du cœur, dégagement de chaleur par Tarrét du mouve-
ment circulatoire , mais la quantité totale reste la même.
Origine de la chaleur transformée en numcement. — Les expé-
riences de M. Cl. Bernard nous ont fait connaître les actes chi*
miqucs qui s'accomplissent dans un muscle pendant son état de
repos ; celles de M M. Mayer, Hirn , Béclard , nous ont prouvé que
la contraction musculaire transformait de la chaleur en mou-
vement. Pour accomplir ces mouvements, ou pour produire
cette chaleur transformable en mouvement, quels sont les ma-
tériaux qu'emploie l'économie? Brûle-tr-elle ses muscles, subs-
tance azotée, ou brûle-t-elle les matériaux non azotés fournis
par l'alimentation ?
L'opinion des physiologistes a varié sur cette question. Pour
Playfair ^ et J. Ranke ^, l'action d'un muscle se he à la des-
truction de sa substance, dont la plus grande partie est de
^ Playfair, On thê Food ofman mrê- * Ranke, Éiudn jtkjfMi^fiqufi or
laiiùntohi9ttêefulWifrk,iS6^. {ef^'Canoi, Leiptig, i865.
TRANSFORMATION DE U CHALEUR EN MOUVEMENT. 325
nature albaminoîde; par conséquent, la destruction des corps
albominoîdes par oxydation est la condition essentielle de
l'action mécanique des muscles.
. MM. Fick et Wîslicenus ^ ont cherché à démontrer Topinion
inverse , et , pour ruiner la doctrine de leurs adversaires , ils
appliquent leur raisonnement à une locomotive, et ils disent :
«Cette machine est composée surtout de fer, d*acier, de
cuivre, etc., et elle ne contient que fort peu de charbon; par
conséquent» son action dépend de la combustion du fer, de
Tacier, et non de la combustion du charbon, n
ils ont , de plus , exécuté une expérience des plus curieuses.
Voici quel était leur but : accomplir une quantité de travail
eitérieur mesurable et transformable en kilogrammètres ; doser
la quantité de produit de combustion albuminoîde rendue;
estimer la chaleur que représente cette combustion. Si la
(juantité de travail produit correspond à une quantité de cha-
leur supérieure à celle qui répond à la combustion albumi-
noîde, ce ne sont pas les matières quaternaires qui sont uti-
lisées pour faire ce travail.
Ils ont fait tous deux l'ascension du Faulhorn , ont mesuré
Turée rendue, et, la considérant comme l'expression de la com-
bustion des albuminoîdes , ils ont constaté que cette combus-
tion n'aurait pas suffi à représenter la moitié du travail méca-
nique tàde produit par eux pendant cette ascension , et , en
tenant compte de la chaleur non utilisée, ils considèrent que
la combustion des albuminoîdes n'a pas produit la dixième
partie de la chaleur que les combustions internes ont dû
dégager pendant leur ascension ^.
^ Âim. in tàmo99 fMtuTtileê , 1869. recueil (Ann, de» »c, nat.)^ d^un mé-
* Voyelles détails de celte expérience moire critique de ces expériences, par
dans les AmnaUê in êdmcn natunUety M. Parkes : Recherchn êur l'éUmination
1869* p. 956. Traduction du Lonâon^ de Voxotê par Uê rtna et Uê mtntm$
ÉOndmrgk amd DuhUn, Pkiioêophieal pendant Urepoe et ^exercice mutctiUdre,
Magaxim, n* ai a. Son analyse nous entraînerait bien loin
Ce mémoire est suivi , dans le même de notre sujet
326 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Ce n'est donc pas le muscle ni les matériaux azotés qui
brûlent, ce sont les substances ternaires qui servent surtout à
faire de la chaleur. 11 serait facile de démontrer que les ma-
tières azotées peuvent concourir à cette combustion, mais elles
n'y prennent évidemment pas la plus grande part.
8 11.
TEMPERATURE DE L'HOMME SAIN. OSCILLATIONS DIURNES.
La température de l'homme sain est plus difficile à établir
qu'on ne le soupçonnerait d'abord. Les divers observateurs
ont pris pour points de leurs recherches, les uns l'aisselle, les
autres la bouche, d'autres le rectum. De plus, la température
d'un même individu n'est pas la même le matin et le soir. Il
est résulté de ces causes diverses des interprétations très-dis-
cordantes. Si Bocrhaave est resté bien au-dessous du chiffre
vrai en indiquant 33\33 à 34". 44 C. , Prévost et Dumas ont
fixé un chiffre trop élevé en adoptant 3 g'' G.
Chossat, un des premiers, a bien nettement établi les oscil-
lations journalières de la température. Dans ses expériences sur
l'inanitiation, îtsans qu'aucune modification fût survenue, on
voyait la température osciller régulièrement chaque jour, s'a-
baissant le soir de quelques degrés et remontant le matin à
l'état oii elle était la veille, osciller avec une amplitude gra-
duellement croissante. Ce fait est d'autant plus curieux, qu'il
n'est que l'exagération d'un phénomène qui passe presque
inaperçu à l'état normal. Il prouve évidemment que les com-
binaisons d'où résulte le dégagement de la chaleur se font
sous rinfluence nerveuse. »
Thierfelder avait cherché à déterminer ces oscillations
diurnes qu'il résumait dans le tableau suivant :
OSCILLATIONS DE LA TEMPÉRATURE. 327
TABLBAO DBS TBMP^BATUBBS MOYBNlfBS DB L'HOMMB,
DE LA F^IMB BT DB L'BÏIFANT ^
MOTIJIiri.
Matin i 7 • 9 heuret. AprèA-midi. Soir.
Nouvean-nés 37',4i 37',8o 37*,6i
Enfants 87,87 88,07 87,19
Ali ItM \ Hommes. ... 87 ,0 87 ,a5 36 ,60
( Femmes.... 87,99 87,55 87,10
Vieillards 87 ,95 87 ,58 87 ,81
Femmes grosses 87 ,69 87 ,76 87 ,18
Billroth ^ a conclu de deux cents observations que la tempe- *
rature animale présente un minimum de 37%3 vers le matin
entre 8 et 9 heures, et un maximum de 37%9 entre 5 et
6 heures du soir. La différence normale des variations diurnes
serait donc de i%6 environ. Weber considère une tempéra-
ture de 38^6 comme fébrile. D'autre part, lorsque la tempé-
rature descend un peu au-dessous de 37^9 et y reste environ
vingtr-quatre heures, on peut considérer l'individu comme
sans fièvre.
D'après Otto Funcke', la température moyenne du corps
de Thomme est, à l'état normal, de 87'' à 38'' G. Il ajoute :
«La température moyenne du corps éprouve, sous diffé-
renteti influences, des oscillations tant périodiques régulières
qu'accidentelles; ces oscillations se meuvent dans un champ
très-reatreint à l'état normal , et dans des limites très-étendues
dans les cas pathologiques que nous n'avons pas à examiner
ici.
«Les notions générales suivantes permettent déjuger de la
nature de ces oscillations. Un changement dans la température
* Thierfdder, in Sckmide» Jahrb., Seqoard, Gharoot et Yiiipitn), t. I,
t85i,tLXXL 1868. p. 193.
* Analyse dans Arehitei de phytioto- ' Lehrhueh der Phynologiê, 3* M.,
giê »wn/i «1 padiolùgi^ (Brown- 1870, 5*faseicuie, p. 3o& et soiv.
328 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
du corps peut être produit par une double voie , d'abord par
raùgmentation ou la diminution de la production de chaleur,
ensuite par l'élévation ou Tabaissemetit de la perte de chaleur
qui se fait par le dehors. Dès l'instant qu'il y a deux mou-
vements qui peuvent changer à différents degrés en même
temps dans le même sens ou en sens inverse, ou peut dire,
d'une façon générale, qu'une élévation de la température du
corps peut avoir lieu d'abord par suite de l'élévation de la pro-
duction de chaleur, ensuite avec une production qui n'a point
varié mais par suite d'un amoindrissement de la perte, enfin
même avec un abaissement de la production de chaleur à la
condition que la perte de chaleur soit inférieure au point où
elle fait équilibre à ce minimum de production. Il y a aussi
d'innombrables combinaisons qui peuvent amener on abais-
sement de la température du corps; enfin il est clair que,
malgré l'augmentation de la production de chaleur, la tem*
pérature du corps peut demeurer sans changement, si la perte
s'élève à un degré équivalent, et aussi lorsque la diminu-
tion de chaleur est compensée par une perte moindre. Dans
un cas donné, il n'est pas toujours facile d'établir l'état rdatif
des deux facteurs d'où dépend un changement de tempéra-
ture : des sources différentes de la dialeur et de la valeur
quantitative , aussi bien que des voies et moyens de régulation
de la perte de chaleur. On peut supposer et montrer que la
constance approximative avec laquelle la chaleur du corps se
maintient résulte de ce que de notables oscillations de la
production de chaleur sont compensées approximativement par
la régulation de la déperdition de la chaleur, et inversement
que les changements primaires initiaux de la perte de chaleur
entraînent des changements compensateurs dans la produc^
tion. Tfi
La température du corps oscille en haut et en bas dans le
cours d'un jour dans d'étroites limites, de façon à donner une
moyenne qui, à l'état normal, est très-constante (Lichtenfeb,
OSCILLATIONS DE LA TEMPÉRATURE. 329
Fndilich, Bœrensprung , Jûrgensen ^); elle tombe dans la nuit
et y atteint son minimum, elle monte dans le jour et 'y
atteint son maximum. La loi générale de cette courbe oscilla-
toire journalière est la même à Tétat de je&ne qu'après des
repas modérés, seulement, dans le je&ne, les valeurs dés or-
données sont moyennement plus faibles. Chaque repas amène
une élévation de température. L'élévation principale tombe
au même moment que le dtner du milieu du jour, 'û en résulte
une légère augmentation de ce maximum quotidien , tandis que
le repas du soir (souper) coïncidant avec le minimum arrête
l^èrement rabaissement. Un repas excessif pris au moment
du minimum entraîne une élévation de température. Une
longue abstinence fait baisser le niveau du maximum diurne.
Bœrensprung donne aussi un tableau montrant l'influence
des différents moments de la journée sur sa température per-
sonnelle (aisselle), de décembre 18/19 ^ ™^^ i85o. Ce ta-
bleau mérite d'être conservé à cause de sa valeur historique.
Temp^f»- Nombre
Hrarat. Ponli. ton. d*obierr«tioi».
An Ut, avant le café. 5à 7 60 36%68 s
Apràslecal^ 7a 9 57,3 37,18 3
Matinée 9^11 6q,5 37 ,06 6
Idem 11 À 1 60 36,87 1
Avant dîner 1 à a 89,6 36 ,83 &
Après dtner 3 à A 66,5 37 ,i3 5
Idem 6à 6 74,4 37,48 6
Soirée 6à 8 74 87,43 4
Après souper B à 10 67,3 37 ,oa 6
Au travail, avant de
se coucher 10 à 19 6i,3 36,85 3
La nuit, réveillé.. . . is à a 59,6 36,65 5
Idem QÀ 4 44 36 ,3i 1
Canelutions. — La courbe de la température a deux oscilla-
' Bcerensprnng, Areh. f, AnaX, «. — Jûrgensen, Deutehei Areh. f. kl,
PhfM. i85i,p. 9, laS; 1869, p. 917. Med.h*ii{, p. 166; b' IV, p. 110.
330 CHAPITRE H. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
lions par jour, la plus petite montée a lieu vers 1 1 heures du
mâtin, et elle opère sa descente vers 2 heures après midi; le
sommet de la plus grande est vers 6 heures du soir, et son
minimum est vers li heures du matin. (L'auteur se sert des mots
montagne et vallée pour désigner le maximum et le minimum.)
La différence entre les niaxima et les minima n'est pas de
1 degré; cette oscillation a lieu quotidiennement pendant toute
la durée de la vie. La courbe du pouls est parallèle à celle
de la température. La moyenne de température observée par
l'auteur sur lui-même est 3 6% 9 7 C.
Mantegazza \ frappé des difficultés et des erreurs qui accom-
pagnent la thermométrie de l'aisselle, de la bouche, du vagin
et du rectum, a fait une série d'observations sur la tempéra-
ture de l'urine. Il prend la précaution d'opérer rapidement, et
de chauffer d'abord son thermomètre jusqu'à 36' C. pour évi-
ter que l'urine ne se refroidisse pendant que son thermomètre
monte. Voici le résumé de ses observations :
C'est dans la nuit que l'urine a le minimum de tempéra-
ture, elle s'échauffe à partir de 5 heures du matin et atteint
un premier maximum entre 10 et 11 heures, retombe len-
tement et atteint un second maximum vers 5 heures du soir.
Ces deux maxima sont à peu près identiques. La plus basse
température (36\4) a été observée en février et la plus haute
(37%95) en juillet; or la différence de température de l'air
entre ces deux dates était de 2 8%5 C.
Pendant un voyage à Buenos-Ayres, Mantegazza a observé
l'influence du climat sur la température de l'urine (3/11 obser-
vations faites sur lui-même). En dix-sept jours, il a subi une
variation de température atmosphérique de 7%5 à 32%5. La
température de l'urine monte avec celle de l'air, mais faible-
ment. Un rapide changement dans la température atmosphé-
rique peut faire varier celle de l'urine de 3%9 5. Quand le
' Mantegazza, De la température dot sous différents climats. (Presse médicale
urines aux différentes heures du jour et Belge, XV, 16, i863.)
OSCILLATIONS DE LA TEMPÉRATURE.
SSi
corps est expose quelque temps au soleil, la température de
Furine monte de quelques dixièmes de degré jusqu'À i%5 G.
Les boissons alcooliques font monter la température de l'urine.
La sensation de défaillance s'accompagne toujours dune
élévation de température de l'urine. L'action musculaire pro-
duit le même effet. Il va sans dire que cette température crott
dans les états fébriles.
Le docteur Gompton^ admet qu'une température supé-
rieure à 37% Q G. (99'' F.) indique toujours un état fébrile.
Pour Wunderiich^ la température du corps humain, dans
ses parties internes ou sur des points de sa surface complète*
ment recouverts et protégés, présente, à l'état normal, une
moyenne qui varie de 37''à 3 7% 5, suivant l'endroit où a été
pratiquée la mensuration. Ainsi, dans le creux de l'aisselle
bien fermé, elle est en général de 37"*; dans le rectum et dans
le vagin, elle atteint quelques dixièmes en sus.
William Ogle ' a expérimenté sur un homme et une femme
bien portants. Il a poursuivi ses observations pendant long-
temps. Il plaçait le thermomètre sous la langue. Nous donnons
les tableaux d'Ogle en degrés centigrades.
Jnip...
iaOkl.
Mai...
Join...
JnllH.
^■IVBIS
a6%5
86,65
86,5
86,66
86,66
86,66
M 11 1.
à midi.
86*,76
86 ,76
86,76
86,98
87 ,0
87 ,0
M S 1.
à 5 b.
86%88
86,88
86,88
87,1
87,5
87,7
ra6i.i/i
171. i/i.
86-,98
87 ,0
87 ,1
87,0
87 ,0
87 ,0
0191.
à toi.
86%66
86,88
86 ,95
86,76
86*,66
86,61
86,66
86,66
86,66
86,66
* Comploo , Tempfraiurê m aeuU ' William Ogle, Dê$ vonolîoM quo-
iHêmmiË. DaUio ( QumrUrhf Jtmmalf Hâimmti de la tampératun thn rhommê
août 1S66, p. 60). fom. (SakU'Gtcrgu H^. Ap., vd. I,
* Wanderficb, De la température p. 991-9^7, 1867, et ScAinûit't/aM.y
dame lee maladiee. Tnid. Labadie-La- 1S68, 9* partie, p. 77.)
grave, Savj, 1879, p. 9-1 o5.
332 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Dans l'hiver, pendant la nuit, la température présentait,
chez Thoinme, les oscillations suivantes :
De minuit i/q h i heure Së^iôi C.
De 3 €^ 5 heures 36 ,37
De 5 h. i/-i à 6 h. 1/2 36 ,09
De 8 à 9 heures du matin 36 , a
Il résulte de ces observations que c'est de 5 à 6 heures
du matin que la température est la plus basse, qu'elle remonte
vers 8 heures de quelques dixièmes de degré, et qu'elle conti-
nue, à partir de là, jusqu'à 7 heures du soir à monter (3 7"),
puis elle redescend : à minuit elle est à peu près à la même
hauteur qu'à (j heures du matin, et elle retombe de quelques
dixièmes de degré vers le matin.
La plus basse température que l'auteur ait observée sur
lui-même a été le matin pendant l'hiver 35",3, et la plus
haute, dans un bain turc 3 8,1.
L'auteur ne trouve la raison de ces fluctuations ni dans la
température de l'air, ni dans l'alimentation, ni dans le tra-
vail; par exemple, la température de la chambre, de 6 à
8 heures du matin, s'abaissant de près de r,Q5, la tempéra-
ture du corps s'élève , au contraire , dans le même moment de 2 à
3 dixièmes de degré. La chaleur du corps dépend nécessaire-
ment d'opérations chimiques; mais, de même que les plantes,
pendant la nuit, sont dans un état d'inaction par suite du dé-
faut de lumière, ainsi peut-être chez l'homme faut-il chercher
dans la lumière l'excitation qui est cause que la température
s'élève peu à peu dans le jour. Mais l'expérimentation directe
ne confirme pas cette hypothèse, car le séjour dans une chambre
close et sans lumière n'empêche pas la température du corps
de monter de 6 à 8 heures, et, par contre, la température de-
meurait constamment basse cjuand Tauteur restait au lit immo-
bile et sans manger.
L'élévation de la température extérieure contribue à lev r
OSCILLATIONS DE LA TEMPÉRATURE.
333
UD peu ia tempëratare da corps. Ainsi cette ëiëvation , dans un
bain turc (à une température de So*" G.)» atteint promptèment
38* G., et» dans un bain chaud, elle est de o%o8 à o%i. Dans
Tétë, alors ([ue la température de Tappartement était de plus
de 91 "" G., la chaleur du corps était un peu plus élevée que
quand la température était au-dessous de ao^'G. En hiver la
température de la chambre , le matin , était de i o à 1 1 degrés
plus basse qu'en été , et la chaleur moyenne du corps était en
hiver de 36%&7, dans Tété de 36%5i G.
^activité corporelle , par exemple la course , élève la cha^
leur du corps de o%37 h o%5.
U résulte des mêmes recherches que la température s'élève
après le premier déjeuner et après le repas de midi, et qu'elle
tombe après le souper. Mais , en changeant la nature de ses
aliments et les intervertissant du matin au soir, l'auteur a vu
que le repas du matin était suivi d'un abaissement et celui du
soir d'une élévation observée précédemment après le repas du
matin. L'abaissement serait expliqué par ce fait que l'auteur
prenait du vin è son repas du soir ainsi que le prouveraient
les expériences suivantes :
7 ■• «/•
•oir.
0 UDUS.
tOOSIM.
•
it uont.
■mit»
Souper tTec vîn
36*,83
36',53
36',55
36',56
36*,58
Souper tTec thé
36,77
36,76
36,70
36,65
36,59
Souper avec eau
37,0
36,83
36,66
36,55
36,55
Ainsi, lorsque le soir l'expérimentateur ne buvait que de
l'eau, la température tombait lentement jusqu'à minuit; au
contraire, le vin amenait une chute rapide dès les deux pre->
mières heures, suivie d'une très-légère élévation; enfin le thé
334 ' GHAPITRB il. — LA GHALEDR ET LA PIEYRE.
semblait retarder la chute de la température. Le thé et le vin
sont ainsi en opposition directe dans leur action ^
Jûergensen * a pu continuer ses observations quarante et un
jours durant sur des personnes saines en multipliant ses exa-
mens toutes les heures et quelquefois toutes les cinq minutes.
Le thermomètre était appliqué dans Tanus.
Bien que les oscillations varient un peu , il y a un^ singu-
lière constance pour la moyenne de vingt-quatre heures. Le
minimum du jour moyen a été 3 7% a 7 G., et le maximum
SS"",! & G. chez la même personne ; dans le premier cas, c'était
après un bain froid prolongé; dans le second, après un co-
pieux repas précédé d'un long jeûne.
La moyenne des jours où le sujet en expérience mangeait
(ordinairement et gardait le lit, était de 37%87 G.
Les courbes montrent la différence du jour et de la nuit :
la température de jour dure plus longtemps que celle de nuit,
Tune ayant 166 et Tautre seulement t aa unités de temps de
5 minutes. Le minimum de la température de jour a été 1 53,
et le maximum de celle de nuit 1 3 3 unités de temps.
La moyenne de la température de nuit était de 37%6 G.
avec des oscillations de i/a degré ; celle de la température du
jour de 38*" G., avec des différences de o%i G.
La température du jour commence de 7 à 9 heures du matin
et finit entre 8 et 1 0 heures du soir. Le minimum de la tempéra-
ture de nuit est de 37'',& G. et tombe entre & et 7 heures du
matin; le maximum de la température du jour est aussi bien
de 1 è 3 heures de Taprès-midi que de 7 à 9 heures du soir,
il va de 38%a jusqu'à 38%& G.
Zimmerman ^ s'est placé au point de vue de la physique
> CeUe analyse est extraite de Tar- 1868, 3* partie, p. 9&6). Analyse pir
lide de Geissler, du Sckmidt'i Jahrb. Geiasler.
* Du Ufpê normal de la têmpératun ' Les catisss de Vtxactrhaiiom H de
ete rhommê iom, par le doctettr Théo- la rémiêtùm quoiidimmêi de la ekahr
dore Jâergensen, à Kiel(i4ivA./. Mm, {Arek.f, KUiuMêL VI,&ei6,p.56i,
M9L p. lio, 1868, et SdmMê JoM, 1869).
OSCILLATIONS DE LA TEMPÉRATURE. 335
pure. Etant donne un corps dont les parties sont de plus en
plus diaudes à mesure qu'on pénètre dans sa profondeur, et
dans lequel il se fait une production constante de chaleur,
dire comment se comporte l'élimination de la chaleur. Tel
était le problème. Si on laisse de côté les raisonnements pure-
ment mathématiques de Tau leur, on extrait difficilement de
son travail quelques données pratiques. Pourtant il confirme
l'opinion commune, à savoir que la perte de la chaleur est
proportionnelle à la production. Le fait que le bain froid donné
à 7 heures du soir, au moment où la rémission commence,
produit alors son plus grand effet, s'explique en ce que, à ce
moment, le courant de chaleur vers la peau est è son maxi-
mum d'intensité, tandis que la production centrale commence
à baisser. L'ondulation saillante de la chaleur est aplanie par
Teau froide, et, comme l'intérieur du corps ne continue plus à
envoyer autant de chaleur, la montagne se change en une
vallée, et ainsi l'effet produit est plus grand qu'è tout autre
moment du jour. (D'après l'analyse de Geissler, dans le
Sehmi^ù Jahrb, , 1870.)
Billet', élève de l'Ecole de Strasbourg, donne les résultats
sniTants:
7 heures du matin, réveil • 36%5
1 1 heures du matin, avant diner 36 ,&
1 1 h. 3/& da matin , après dîner 36 ,6
1 heure de l*aprè8-niidi, .en famant 37
3 heares de raprès-midi, une heure après le cafi$. . . 87 ,6
6 heares de laprès-midi, avant le dtner. 87 ,9
Après avoir fiiiné 37
Au travail, k S heures 36 ,3
3 h. 1/9 du matin 36 ,1
La température a été prise dans l'aisselle.
Pour M. Redard ^, la température axillaire de l'homme
' Billet, nàiê de StraalMmrg, 1869. — > Paul Redard, Éiudm de thm-momé-
intebu^, 187Â, p. 90.
336 CHAPITRE II. — LA GHALEDR ET LA FIÈVRE.
adulte prise dans la cavité axillaire étant dé 3 7 degrés, la
température sera de 37%9 dans la cavité buccale, et de if,h
h 37%8 dans le rectum.
SIII.
CONDITIONS QUI FONT VARIER LA TEMPiRATURB DU CORPS
HUMAIN. LIMITES DES OSCILLATIONS.
a. mrLusNCB db l*a6b.
Jusqu'à ces dernières années, et malgré les recherches si
précises de de Haên, on admettait, sans contrôle suffisant, que
la température des enfants est un peu plus haute que celle des
adultes, et que celle des vieillards lui est un peu inférieure.
Reprise par des observateurs plus rigoureux, la question est
sortie de cette formule générale, et il nous faut étudier la
température chez le nouveau-né au moment de la naissance,
chez Tenfant et le vieillard.
Température du nouveaurni au moment de la naissance. — Lie-
big^ avait déjà noté, en 18&1, que le nouveau-né a une tem-
pérature très-élevée, au moment de sa naissance. Il donne
comme chiffre normal celui de 39"" G.
En i85i, Bœrensprung' étudia la température chez les
mammifères (chiens et lapins) pendant la gestation et chez les
^ Lîebîg, Ckimiiê furgauupiê appU-
qudê à la phytiologie et à la pathologie,
Trad. de Gerhirdt, p. 91. Paris, i8âi.
' Bœrenspning, Recherchée eur la
température du fœtve et de Vhomme
adulte en ëonté et en maladie ( Mûller'e
Àrch. 9, ]85i). — Bœrensprang étu-
die d*abord la tempënitare de Pœuf de
''poule couvé, peudant les premiers dix
jours, et arrive au résultat suivant : la
température de Tœuf eouvé et rivant
n^est pae eotutatite, et varie dans h
même jour et d'un jour à Tantre; b
température de ToBuf couvé dépeod de
la température du fourneau à ooover;
ainsi, la température du fourneau étant
de d9%5, la température de Tcenf est
de 39*,&; la température du foumean
étant de 38*,65, ceDe de Pceaf est de
38',69.
TEMPÉRATURE DES NOUVEAU-NÉS. .337
fœtus. Ches les animaux , i] introduisait un thermomètre par
une ouverture faite k Tabdomen de la mère. Il pénétrait dans
l'utérus et dans le ventre du fœtus lui-même.
Tempiratart. Do Tentre. Da burin. De !*DUras.
Cbei une lapine pleine 39*,07 39%33 39%A3
Gfaex une lapine non pleine 38 ,68 38 ,37 38 ,43
Différences o%39 i%o5 i*,oo
Chez les vieux animaux , non en gestation » Tutérus et la ca-
vité du bassin sont un peu moins chauds que le ventre; chez
les animaux en gestation, au contraire, l'utérus est plus chaud
que le bassin et celui-ci plus chaud que le ventre. La tempé-
rature du fœtus ne diffère pas de celle de l'utérus; le fœtus
ajoute à sa chaleur propre celle qui lui est communiquée par
sa mère.
L'enfant dans le ventre de la mire. — La température de la
mère avant la délivrance (vagin) est en moyenne de 3o%3/i R.
(3 7% 9 9 G.). Inunédiatement après la délivrance le thermo-
mètre enfoncé dans Tutérus donne en moyenne 3o%97 R.
(37%83 G.). La température du fœtus, soigneusement en-
veloppé de linges chauds, est aussitôt après la naissance
(rectum) de 3o%33 R. (37''9i G.). La température du fœtus
fut ta^uvée, dans quatre cas, égale à celle de la mère, et dans
six cas de o%o6 G. plus élevée. Gomme, aussitôt après la nais-
sance, toutes les influences tendent à abaisser la chaleur du
nouveau-né, ces derniers six cas prouvent que, contrairement
aux suppositions, l'enfant dans le sein de la mère possède une
chaleur plus élevée d'environ 0*^,6 que celle de la mère.
Enfants nouveau^nés. — Sur trente -sept enfants nouveau-
nés on a trouvé la température moyenne de 37%8i. Le bain
tiède dans lequel on plaçait les enfants aussitôt après la nais-
•J9
338 . CHAPITRE II.— LÀ CHALEUR ET LA FIÈVRE.
sance amenait un refroidissement de 0*^,37 à 1 \6 , en moyenne
o%98. Les mesures continuées chez les jeunes enfants nou-
veau-nés jusqu'au dixième jour après la naissance, habituel-
lement matin et soir, ont montré qu'après le premier bain
la température est la plus basse, puis qu'en vingt-quatre ou
trente-six heures elle se relève en moyenne à 37%5 C, et
qu'elle se maintient presque constamment ensuite à cette tem-
pérature ; vers le sixième ou huitième jour seulement on trouve
une légère élévation de 3^'*,^ C. à 38%i3, qui ne persiste pas
et dont la cause est inconnue. L'auteur attribue au bain tiède
le refroidissement qui suit la naissance. On remarque, dès les
premiers temps de la vie , l'oscillation diurne de la température
de 37%99 à 37%8o G. du matin au soir.
Dans une thèse publiée en 186 3, Schiffer^ dit avoir trouvé
également chez le nouveau-né, avant la section du cordon
ombilical , une température rectale supérieure à la tempéra-
ture vaginale de la mère. Il en fut ainsi dans seize cas sur
vingt-trois, deui fois ce fui l'inverse.
Après la naissance, la température basse descend parfois à
36^76 pour remonter de 1 ou a dixièmes de degré.
Nous pensons qu'il y aurait lieu de refaire ces diverses
observations en tenant compte de la température de la mère
avant, pendant et après l'accouchement. 11 semble, en effet,
que cette température influe sur la circulation du fœtus et pro-
. bablement même sur sa température ^.
^ Schàiïer, Greifswald, i86d. il y a danger de mort pour le ktioB, Eo
^ Winckel (Obê. cliniquêi iur les moyenne, il y a le rapport suivant entre
aecoucJieiitenti , Klin. Beob. etc., p. 189 la température de la mère et la fré-
à a 1 & , 1 869 ) a observé que Télévation quence du poids da fœlas :
de la température du corps de la femme
en mal d'eufant cause Paccélération du
pouls du fœlus, autrement dit que le
fœtus Ini-méme a ta fièvru (7). Si cette
acccléralion du pouls dure longtemps,
Tenpérataiv
Poalt
dttaBèflt.
«InCsBliM.
37* à 58* C.
190 k ihh puitstioiit.
38« à 39*
thh à 160
S9* i ho*
160 à 190
TEMPÉRATURE DES NOJ[JVEAU-NÉS. 339
Les recherches de Georges Wurster ^ confirment celles de
Bœrensprung et de Schâffer.
L aateur examine la température dans le vagin de la mère
et lanus de Tenfant..!! trouve que celle des mères va de 36°^^
à 38 ',9* et que celle des enfants est un peu plus élevée (d'un
dixième de degré). L'enfant se refroidit très- vite , de sorte que
sa température tombe de 37%&i (chiffre moyen) à 36%35.
L'auteur a constaté quelquefois des températures élevées à la
fois chez l'enfant et chez la mère (/io%3 chez la mère, /io%35
chez l'enfant) dans des cas pathologiques. Ainsi le fœlus
aurait une température un peu plus haute que la mère, d'où
la conclusion qu'il ne tient pas cette température de sa mère »
mais de lui-même.
Un an après, revenant sur le même sujet, Wurster ajoute
à ses recherches l'observation suivante ^ :
Dans une présentation du siège avec travail prolongé, il
trouva dans le vagin de la mère 38%9, 39\i, 38%8, et dans
l'anus du fœtus 39%&, 39%65, 39%55 G.
Il nous reste à noter les travaux de MM. Andral, Roger et
Lépine sur ce même sujet.
M. Andral ^ a recueilli ces observations longtemps avant de
les publier. Le tableau suivant porte sur six cas (aisselle) :
o miottlr « nannnce.
t*'ca8.... 38*/! 90 min. après. 37%9 i h. après. 37*,5
«• 38,3 i5 37,5 19 37,1
3* 38 , a 3o 37 ,6 1 s 37 ,3
4* , 38 ,1 90 37 ,7 8 37 ,9
5- 37 iS 3o 37 ,3 19 37 ,3
6' 36,7 i5 36,5 8 36,3
* Obâ^rtûtimu «ur la ehahur propre trie). DÎMertation inaogorale. Zurich,
ée$ mouveau-néê,^ Georgea Wurster 1870.
de Zurich. (BerL hlm. WocKênêchr. VI , > Andral, Noté nur la îÊmpiratwn dêê
37, 1 869. ) enfimit noweaa-néê. ( Comptt$ rm^uê dêê
* Wnrrter, Températvrf dn mm- tianeeê de T Académie dê$êeiênceê,iH'jOn
rMiHiei (Bêùràgê tur Tocolkêrmomê- 18 avril, p. 81 5.)
an .
840 CHAPITRE IL -^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Dans ces six cas on voit la température, au moment de la
naissance, dépasser la limite supérieure physiologique de
Tadulte; entre la «quinzième minute et la douzième heure la
température a baissé mais non au-dessous de celle de Tadulte.
Pourquoi cette température, à la naissance, est-elle plus
élevée que quelques minutes plus tard? Dans aucun cas elle
ne fut liée à celle de la mère , dont le chiffre le plus élevé fui
3 G^'yQ. M. Roger avait pensé , sans le prouver, que cette tempéra-
ture plus élevée était empruntée par l'enfant au milieu utérin.
M. Andral fournit, à l'appui de cette opinion , le tableau suivant
de quatre cas oh la température de l'utérus fut prise dans sa
cavité en même temps que celle de l'enfant le fut dans l'ais-
selle :
Tenpératare Tnupénitare éê ren&ot
dt ratéruf. k m natiMnee.
l'cas 38%7 38*,3
Q- 38,5 38,4
3* 38,3 38,1
A" 37,9 .36,7
On peut voir, dans trois de ces cas, que la température de
l'enfant, sensiblement plus élevée qu'elle ne le sera plus tard,
suit une ascension proportionnelle à celle de la tempéra-
ture utérine, lui étant d'ailleurs constamment un peu infé-
rieure.
M. Andrala observé aussi l'abaissement de la température chez
les enfants deux heures après la naissance, et le rétablissement
de la chaleur physiologique passé ce temps. Edwards et Des-
pretz^ avaient admis qu'après la première demi-heure de la
vie extra-utérine la température humaine est semblable à celle
de l'adulte.
> Tempëretare aux différenU Ages, A 18 au a6%99
d'après Desppeti : ]^l • J^»»*
•^ '^ A 78 87,13
Aprte II naiiMDCs 86*,o6
TEMPÉRATURE DES NOUVEAU-NES. 341
Dès tStitif M. H. Roger ^ avait fourni sur ce sujet des ren-
seignements précis et complets. Voici ses tableaux :
I. TEMPERATURE DBS ENFANTS NAISSANTS.
ÂGE.
1 miiivt^. . . .
Idem
3 à & minutes.
5â3o
Idem
Idem
Idem
Idem
/dm ...... .
ROMBBB
des
UiniATIMt.
ROIIBBB
des
TBMPiBATDBB TEMP^BATURE
5o
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d« r«nfiint.
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36 ,00
37,00
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35 ,5o
35 ,5o
35,95
AIILLAIKI
d« Il mère.
36*,75
36,95
37,00
a
e
ff
37,00
36,00
37 ,00
TBVPiRATURB NORMALE CHEZ LES ENFANTS lois DE 1 A 3o MIIVOTES.
Au moment de la naiisance, l'enfant a uûe température au
moins égale à celle qu'il aura quelques jours et même quel*
ques années plus tard. Chez deux enfants, la température
était supérieure à celle de leur mère d'un demi et même de
1 degré (comme elle l'est chez le fœtus dans le sein maternel
d'après Bœrensprung).
Bientôt la température du nouveau-né diminue; à peine
s'est-il passé trois ou quatre minutes, qu'elle tombe à 36" puis
i 35%5 et même à 35%q5. Toutefois cet abaissement n'est pas
durable, peut-être n'eiiste-t-il plus au bout de quelques
heures, lorsque l'enfant, refroidi d'abord par l'évaporation du
liquide amniotique è la surface de son corps nu, a été réchauffé
et enveloppé dans ses langes. Ce qu'il y a de certain c'est que ,
' H. Roger, Arth. gén, méd,, h* aé- niquei eur lei maladieâ de Vef^anee. Pa-
rie, t V, p. 973 , et dans RechercKee cU- ris, 1 879 , p. si 7 et saiv.
3â2 CHAPITBR II. — LA GHALBUR ET LA FIÈVRE.
dès le lendemain, la iempërature a notablement remonté; car
la moyenne donnée par cinq enfants âgés d'im jour révolu fui
de 37%o5, et les jours suivants elle s'éleva à 37%o8.
M. Lépîne ' a fait des recherches qui con6rment les résul-
tats précédents. Dans dix cas , il a vu que la température de
Tenfant était au moins de deux dixièmes de degré supérieure à
celle de sa mère. Cette différence disparait très-rapidement,
et bientôt la température de l'enfant devient, au contraire, in-
férieure à celle de la mère. Nous pouvons considérer ce fait
comme définitivement acquis.
Température (tes enfants après la naissance. — Tous les au-
teurs s'accordent à noter que la température, après les pre-
miers instants, diffère peu de celle qu'elle accusera pendant
toute la vie.
Voici quelques tableaux empruntés à M. Roger, è qui nous
devons^ sur ce sujet, des recherches très-complètes.
IL
TEMPéRATDRB NORMALE DBS NOUTEAU-PifS.
Age.
8F.XE. "•'<"""«•
P11L8A-
T10118.
1II0PIIA-
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OBSERVATIONS.
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Idem
Idem
Idem
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Idem
Idem
Idem
Idem
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Garçon. . d6*,95
Fille. 36,75
G. 37 ,00
G. 37 ,00
G. 37,95
G. 36 ,75
G. 37 ,00
K. 37 ,00
F. 37,95
G. 37,95
G. 38 ,00
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100
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66
66
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38
DonMoU
Oorauit.
Tris-foH. DonnoL
Fort.
* Liépi ne , in Goutte médicale ,1870.
TRMPÉRATURB DRS NOUVEAU-NÉS.
r
Agi.
3 jours. .
Idem,,,,
ïdtm...,
Jdtm. . ,
Idem. , . .
& jours. .
Idem.,,.
Idem, . . .
Idem. . . .
Idem, . . .
Idem, . , .
5 jours. .
Idem...,
Idem. . . .
Idem. . . ,
Idem...,
6 jours. .
Idem, . , .
Idem...,
7 jours.
Idem, . .
Idem. . .
SRXB.
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G.
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38
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116
36
196
66
343
OBSERVATIONS.
Tr«»«b<Uf.
Donniul.
GMUve. Donnaot.
Dormint.
Forte. Dormont.
KiWi fort.
Dormant.
Forip.
ChélÎTe.
Am»i fort. Dormint.
Port.
Aiiei forte. Dorment.
La respiration, la fréquence des battements du cœur, la
force du sujet, l'âge, le sexe, qui n'existe pour ainsi dire pas
à cette époque de la vie, les tempéraments, le sommeil, sem-
blent avoir une influence très-limitée sur la température du
nouveau-né.
Voici deux tableaux de chiffres comparés (les expériences
ont été faites sur sept enfants convalescents ou atteints de ma-
ladies non fébriles et sur trois autres ayant diverses affec*
tions) :
34/1 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Aisselle. Abdomen.
Ex-Fièvre typhoïde 35%8 36%8
Gingivite Sy ,4 38 ,6
Paralysie deltoïdienne Sy ,6 Sy ,6
Ex-Angine couenneuse 37 ,8 38 ,0
Ex-Pieurësie .... 37 ,8 37 , a
Chorëe 37,8 38,8
Ex-Pieiiresie 38 ,q ^9 ,0
Méningite 36 ,6 36 ,8
Scarlatine ( 3* joui*) 39 ,8 39 ,8
Përitouile 60 /i 39 ,6
QliliNZË FAPÉRIENGES FAITES SUR DES ENFANTS A(îÉS DE HUIT A TUEIZE ANS.
AISSEI.LK.
VKNTRE.
BODCHB.
PLI
DU BBA9.
MAIM.
PIBD8.
AINE.
, SCBOrUM.
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37»,75
37%5o
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3i ,5o
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1 35,75
37,00
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37 ,a5
35 ,7.')
36,75
II
3i ,00
U
1
f
Mignot\ externe à l'hôpilal des Enfants-Trouvés, a choisi
(|uatorzo sujets doués de toutes les apparences de la santé;
.Mi/{not, Thèse de Paris y i85i, caïorivité et la reipiralion chn Ui non-
p. 9. lip(hp,rc}y>n sur la circulation , la vran-iiés.
TEMPÉRATURE DES NOUVEAU-NÉS.
845
c'était pendant le mois de décembre 18&8, dans une salle
habituellement maintenue à une température de i& à 16 de*
grés. «Nous avons, dit -il, successivement calculé le nombre
de leurs inspirations en une minute, celui des battements du
pouls et le degré de chaleur qu'indiquait un thermomètre cen*
tigrade placé sous l'aisselle. Au moment de l'examen, les en-
fants étaient couchés dans leurs berceaux, éveillés, mais par-
faitement calmes. Le thermomètre avait déjà servi à de pareilles
investigations faites sur des malades , et nous avions eu l'occa-
sion d'en constater l'exactitude. ».
Voici le tableau de ces recherches :
co
8IXB.
COHSnTUTlOll.
ROMBBB
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^enne . .
195
36
37*,6
Le docteur Gassel avait signalé , en 1 8 6 7, la température peu
élevée des petits enfants d'un an, et même il avait noté que
cette température était plus basse encore le soir que le matin.
3/k6 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Fintayson^ a ëtudîé ia température normale (rectum) chez des
enfants sains de dix-huit mois à dix ans et demi, et remarqué
que , chez eux , les oscillations diurnes étaient plus considérables
que chez les adultes. Il signale quelques cas où la température
du soir s'est trouvée très-inférieure (di* o'',5 à i°C.) à celle
du matin, dans la rougeole.
Ayant soumis h l'observation quatorze enfants sains, Fm-
layson reconnut que :
1° Les oscillations diurnes de la chaleur propre chez les en-
fants sains sont plus grandes que chez l'adulte; elles sont de
i** à i%5 C. Davy, Gierse, Lichtenfels et Frôhlich donnent
pour l'adulte le chiffre de o\5 G.
3° La température tombe, le soir, constanunent de i° à
i%5 C.
3"* L'abaissement le plus marqué de la température a lieu le
soir entre 7 et 9 heures, quelquefois même dès 5 heures.
Damrosch a trouvé è peu près la même chose dès i853 pour
l'adulte. Cet abaissement dure jusqu'après minuit.
li" La plus basse température s'observe habituellement avant
9 heures du matin. D'après Lichtenfels et Frôhlich elle aurait
lieu entre 1 o heures et 1 heure de la nuit.
5° Au matin, entre a et & heures, la température recom-
mence à monter sans cause connue, en plein sommeil et à
jeun nécessairement.
6** Les oscillations de la température entre 9 heures du
matin et 5 heures du soir sont insignifiantes.
7** L'auteur ne peut rien dire des relations de la température
avec le pouls et la respiration.
Nous donnons ici le tableau des diverses observations d'où
sont extraites les conclusions précédentes. Il s'agit d'enfants de
trois à dix ans. Le thermomètre était placé dans le rectum.
' Dodeor James Finkyfon, Gla$cow med» Joum. Il, 1869-1870.
TEMPÉRATURE DES NOUVEAU-NÉS.
S47
HECRRS
1 heore matin. . . .
1 h. i/a
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3 heures
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0 ocims» ..•■...
6 heium.
7 hearei.
7 h. i/s
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9 hearee.
Midi
t heure après midi,
a heures
5 heures.
6 heures
7 heures. ......
8 heures
9 heures
9h. i/a
1 o heures.
1 1 heures
1 1 h. i/a
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TEMP^BATUta
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37,90
37,68
37,85
37,68
36,85
36.49
36,55
36,48
36,43
36 ,4o
36 ,90
36,37
OBSERVATIONS.
Afiriibpraiiiier
d^iraiMr,
la nMjCDiie
€■1 97*«& G.
Tempdratiire
du «MT,
en mo^feoiM:
S6»,4 C.
I
Pilz ^ a repris les observations de Finlayson sur les courbes
diurnes de la température chex les enfants; il a mesuré, soit
continuellement, soit d'heure en heure, dans cinquante cas,
la température rectale. La fluctuation est plus grande chez les
enfants que chez Tadulte. La montée de la chaleur dans les
' Pila, Tm^fèrmlun norituUê de Pêrfani, in Jokrh,J. Kind, Kr, 1871. (Analyse
dans le JaArMWicAf de 1879.)
368 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
premières heures du matin est abrupte (i", 2 C). Le maximum
de la température du jour se montre sous deux formes : rare-
ment il survient entre 1 0 et 11 heures et dure plusieurs
heures; la descente a lieu ensuite, puis il y a une nouvelle
ascension de /i à 7 heures, quelquefois il y en a deux, qui ne
dépassent pas la première. Le plus souvent la courbe se com-
porte de la façon suivante : à la fin de la matinée, de 10 heures
a midi, il y a un maximum de Sy'.S, et de 3 à 3 heures un
second maximum de 38\q; ou bien, de midi à 3 heures un
premier maximum de 37'\9, et à 5 heures un second maxi**
mum de 38 defjrés: ou bien encore, de 10 heures à midi, un
premier maximum de 38'. q, et de 3 à 4 heures un second
maximum de 38,6. Le soir commence une descente brusque
entre 6 et 7 heures, elle est, en quelques heures, de 0',8 à
I ,0 C.
TEMPKRATURE AUX DIFF^REMS AGES D'APRÈS BOERBNSPRUNG.
A la naissance 37*,8i
Peu après la naissance 36 ,96
Pendant les dix premiers jours de la vie 37 ,55
Jusqu'à la puberté 37 ,63
De i5 à Qo ans 87 ,39
De 2 1 à 3o 37 ,08
De 3 1 à lio 37 ,1 1
De 61 à 5o 36 ,96
De 61 à 70 37 ,09
A 80 ans 37 ,66
Pour lui, la température reste à peu près constante quel que
soit ràî;e, une fois la première journée passée, et voici ses
conclusions :
Résumé (les observations concernant f influence de F âge sur la
température. — La température la plus élevée est celle de la
naissance 37,81 C: elle tombe, dans les premières heures,
de 0.93 pour remonter ensuite et se maintenir à 37\5 C;
TEMPÉRATURE AUX DIFFÉRENTS ÂGES. 8A9
elle ne change pas sensiblement jusqu'à la puberté, et elle
baisse faiblement ensuite pour s'élever de nouveau à l'âge de
la décrépitude. En somme, la température est presque fixe
pendant toute la vie. L'auteur, s'appuyant sur ce que la quantité
iadie carbonique expiré est beaucoup plus petite chez les meilr
lards par rapport au poids du corps, que chez les individus
jeunes , pense que l'élévation de température qui reparaît chez
les vieillards tient à ce que» chez eux, Yévaparation par la peau
diminue.
Température des vieillards. — Bœrensprung, Moleschott et
beaucoup d'autres auteurs admettant que la température des
vieillards est supérieure à celle des adultes, d'autres avaient
admis la proposition inverse. Chacune de ces opinions est
appuyée par des considérations physiologiques. Pour les uns ,
la faible quantité d'acide carbonique exhalée explique le
refroidissement ; pour les autres , le peu de vitalité de la peau
empêche l'évaporation et le refroidissement au contact de
l'aÛTy ce qui explique l'élévation de température.
Toutes ces propositions sont purement spéculatives.
M. Roger a pris la température de sept vieillards bien cons-
titués, dont l'âge variait de 79 à 96 ans. Il a trouvé :
« .... Tempéralnre Températate
lU.pu.lio.». P.l«b..u. ^,,^.^ del-lNHrfi..
Moyenne d3 68 36*,6a 36*,a3
Minima 18 56 36 ,0 35 ,60
Moxima.. ...... . a6 76 37,10 87,0
Lisle \ interne à Bicétre, a conclu avec raison que, chez le
vieillard, le pouls n'est pas plus lent, la température n'est pas
plus basse que chez l'adulte. Il n'existait pas dans ses obser-
vations de différence de o%9 à o'^fS entre la température du
' Cité par Redard, p. 19.
350 CHAPITRE II. -- LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
vieillard et celle de radalie, ainsi que certains auteurs Tont
avancé.
Pour M. Gharcot^ bien que, chez les vieillards, la fonction
respiratoire soit amoindrie, bien que le mouvement nutritif de
composition et de décomposition paraisse également diminué,
la température n'éprouve, parles progrès de l'âge, aucune mo-
diBcation appréciable : «37%9, Sy'.S, rarement 38* dans
le rectum, et tantôt un peu moins, tantôt un peu plus de
1 degré au-dessous de ce chiffre dans l'aisselle ; telle est, d'après
les recherches très-nombreuses que j'ai faites à ce sujet, la tem-
pérature normale du vieillard jusqu'aux extrêmes limites de la
vie. n M. Gharcot ajoute qu'il ^ présenté aux élèves de sa clinique
une vieille femme plus que centenaire, et qui avait habituelle-
ment 37%& dans Taisselle et 38** au rectum. Mais c'est là un
chiffre exceptionnel. Il ajoute : vEn résumé, la température
centrale est la même chez les vieillards que chez l'adulte:
j ajouterai qu'elle présente dans les deux cas la même fixité, et
qu'elle ne s'émeut d'une manière un peu sensible, mais tem-
porairement, que dans l'état pathologique.»
Nous avons donné en détail ces recherches, qui prouvent
une fois de plus , que les inductions a priori ont plus souvent
pour effet d'égarer que de guider le médecin. Il a fallu accu-
muler les preuves pour arriver è cette conclusion, que, sauf
au moment de la naissance, la température reste à peu près
constante; que, bien que les appareils se modifient et que la
création et la déperdition de la chaleur se trouvent soumises
a des lois variables, l'équilibre entre les deux se maintient
fixe pendant toute la durée de la vie.
♦
b. LXPLIKIICB DU SBXB, DB LA CONSTITUTION, DB LA BAGB.
Toutes ces influences sont si faibles , qu'elles sont contes-
' <iharco(. Leçanê eliniquêê tur lêi maiadieê dès tieiUardM , a* édit., 187A,
I». il ôa.
INI^LDENCK DU SEXE, DE L*ALIMENTATrON. 351
tables. Il ne semble pas y avoir de différence notable entre la
température de l'homme et celle de la femme, et la vigueur
du sujet ne se tra{|uit pas par une élévation sensible de la
température.
Livingstone, dan.H ses Voyages en Afrique, dit avoir observé
que, tandis que sa propre température était de 37^77, celle
des indigènes était de 36^69. Il est probable que cette diffé-
rence n implique pas un écart réel entre la température des
différentes races, mais qu elle est l'effet d'un défaut d'acclima-
tement sur lequel nous reviendrons plus loin.
e. inploeucb db l^alimbhtàtion.
D'après Longet^ : «L'ingestion des aliments augmente a la
fois l'absorption de l'oxygène et le dégagement de l'acide car-
bonique; par conséquent, la chaleur animale doit s'accrottre
par suite de cette ingestion. "
11 suffit de consulter les tableaux des oscillations diurnes
de la températui*e que nous avons donnés plus haut pour être
convaincu que cette conception a priori n'est pas exacte. Nous
savons que les repas, et en particulier celui du soir, ne sont
pas suivis d'une augmentation de la température.
Mais l'abstinence, la diète, l'inanition, ont une influence
considérable sur la température. Nous avons vu , dans la pre-
mière partie, que Ghossat a constaté que, chez les animaux pri-
vés d'aliments, la température s'abaisse notablement, et qu'aux
approches de la mort elle est quelquefois de 18 à âo degrés
au-dessous de la température normale.
Bidder et Schmidt ont trouvé, chez un chat affamé, que la
température, dans le premier jour de diète, était tombée d'une
certaine quantité, puis qu'elle s'était ensuite maintenue pour
tomber rapidement dans le jour qui précéda la mort.
* Loii({el, Trmlédephy9iolQgiê,iA^p, 1109, 1861.
359 CHAPITRE II. -~ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Contrairement à ce qui a été observé sur les animaux, Jûr-
gensen a trouvera la suite de longues recherches sur l'inanition
chez l'homme, que rabaissement de température qui se pro-
duit le premier jour, fait place, le second jour, à une éléva-
tion de température: il explique ce fait par la consommation
des éléments propres du corps (autophagie), qui se fait après
l'absorption des provisions alimentaires, et qui produit plus
de chaleur.
Sans aller jusqu'à l'inanition , la diète ou une alimentation
insuffisante fait baisser le chiffre de la température ^ M. Mar-
. tins ^ a eu l'occasion d'observer, aux environs de Montpellier,
deux troupeaux de canards qui vivaient dans des conditions
identiques, mais l'un n'avait qu'une nourriture insuffisante,
tandis que l'autre recevait journellement des rations abon-
dantes et de bonne qualité. Chez les premiers, la température
moyenne était &i%t77, tandis que chez les seconds elle s'é-
^ levait à &i%978. La différence en faveur des canards bien
nourris était donc de o%8.
Ainsi, même en négligeant les faits de mort par refroidis-
sement dû à l'inanition, il semble que la nourriture insuffi-
sante abaisse le chiffre de la température animale. La tradition
a précédé ici l'expérience, et la diète a toujours été conseillée
comme moyen de lutter contre la chaleur fébrile.
* De la nuirivité dêt (hverâ alitMnti,
par William S. Savopy. {TheLaneet, i-
tA-t5, avril i863.) Savory donne un
tableau de la nature des aliments, du
poids du corps, de la composition de
Turine... Les rats nourris avec des
substances atotées ont une température
qui ne tombe pas au-dessous de 37%9«
Les résultats généraux sont qu*un ani-
mal peut vivre de viande exclusivement,
aussi bien que d^aliments mixtes, sans
perdre de sa cbaleur, ce qui confirme les
idées de Liebig. Les animaux nourris de
matières dépourvnee d^aiote mouraient
avec les mêmes symptômes et la même
perte de poids que ceux qui étaient sou-
mis â une tbstinenoe oomplèle. Leur
température ne tombe pas quand on les
maintient dans un air chaud, ils ne
meurent donc pas par aonstraction de
chaleur, mais parce quHls oonsameot
leur propre coq».
* Martins , Mém. mr la température ties
oiêêaux palmipêdet du nord de VEu-
rope, p. 16. (Extrait des Mémoùrm de
VAcad. dee êcùnceë et lettrée de Mont-
peUier, tSb6,i. m,)
INFLUENCE DE L*AGTIV1TÉ MUSCULAIRE. 355
d, inrLUINCI DB L'iCTIVITi hdsculaub.
II est de notion vulgaire que le repos longtemps prolongé
s'accompagne d'un sentiment de refroidissement qui s*accuse
surtout aux extrémités. Mais ce refroidissement semble surtout
périphérique, et l'activité musculaire qui suffit k rétablir la
sensation de cbaleur ne fait pas hausser la température cen-
trale. Davy, Robert Latour, Becquerel, Thierfelder ^ ont cons-
taté que les mouvements du corps font hausser la température
des parties extérieures, tandis que la chaleur interne reste
sans changement.
M. Roger a fait des recherches confirmatives des précédentes.
«Pour juger de Vinjluence de Texercice, dit-il ', nous avons fait
courir pendant huit minutes deux garçons , l'un ftgé de treize
ans, l'autre de douze : chez l'un la chaleur augmenta par la
course d'un demi-degré; chez l'autre elle resta exactement la
même. Dans ces expériences, le nombre des respirations et
des pulsations avait augmenté dans une proportion beaucoup
plus notable; dans la première, les mouvements respiratoires
s'étaient accrus de i a et dans la seconde de 6 ; dansia premiàre,
le pouls battait 56 fois de plus & la minute, et, dans la seconde,
as fois de plus. Remarquons dans la première expérience la
coïncidence de l'exaltation des trois fonctions respiratoire,
calorifique et circulatoire. »
Ces résultats varient d'ailleurs selon la conformation des
individus , et cette dernière influence a été biea mise en lu-
mière par Botldn dans son Cmrs de clinique médieak^ : «Pen-
dant le mouvement musculaire énergique, si la déperdition de
la chaleur par les poumons et la peau est insuffisante par suite
de quelques particularités de l'organisme, la température
> Thîerfdder, in Sdmide$ Jtàrb. Uê maladim de ffN/Smet. T. I, p. ity.
i85i, L LXXI. * Bolkin, Di la fikn. Trwl. frtn-
* H. Roger, AfcA^rvA» eVmqwn ntr çuse, 1871, p. 91.
a3
354 CHAPITRE IL ^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
augmente considérablement. Deux hommes avaient monté en
trois minutes à 3o mètres de hauteur; chez l'un la température
avait baissé de quelques diadèmes de degré ; chez l'autre elle
avait monté de i%5, soit de 3 6% 7 à 3 8% a. Le premier était
petit et fluet, le second grand et gras. Le premier, après l'as-
cension, n'éprouvait pas la moindre gène de la respiration; le
second était hors d'haleine. Le corps du premier, par sa petite
taille et sa bonne capacité pulmonaire, se trouvait dans des
conditions favorables au refroidissement. Le ventre ballonné
chez l'autre gênait le diaphragme, et ses mouvements respira-
toires étaient précipités et insuffisants. Sans doute cette imper-
fection de la respiration fut cause que la déperdition de la
chaleur ne se fit pas assez rapidement; la chaleur fut retenue
dans le corps, d'où augmentation de t%5.»
L'exercice musculaire poussé jusqu'à la fatigue n'a pas non
plus une action considérable sur la température. Speck^ a
étudié l'influence de la fatigue sur les excrétions (urine), sur la
respiration , sur le poids du corps • . • , sur le pouls et la cha-
leur. En ce qui concerne le pouls et la chaleur, la fatigue fait
monter la température, et ce phénomène dure tant que dure
la fatigue. Après le repos, la température descend quelquefois
jusqu'à la normale, ou se maintient un peu au-dessus. Même
avec une fatigue très-grande, accompagnée de sueurs pro-
fuses, de battements dans les tempes et d'accélération de la
respiration, la température ne s'élève guère de plus de o\5 C.
Le pouls reste accéléré au delà de la fatigue. — Une petite
fatigue n'élève pas sensiblement la température.
Pendant l'activité musculaire énergique, si les causes d'aug-
mentation de la chaleur sont exagérées, les moyens de déper-
dition sont également exaltés. Un des plus puissants est l'accé-
lération des mouvements respiratoires.
' Speck, InfiutHcêdê la faHigUÊ wr- d. wiêê. Hàlk,, VI, 9, p. t6i-3sÂ,
portUt §ur Porgamimê humam, (Arck. 1869.)
/
INFLUENCE DE TACTIVITI MUSCULAIRE. S55
«Cette influence' se manifeste , moins en ce que t'activité
de la respiration entraîne un plus grand apport d'oxygène
qui favorise la combustion et par suite élève la chaleur, que
par une augmentation de la perte de chaleur qui, dans les
poumons, est liée à réchauffement de Tair inspiré et à l'évapo-
ration de Teau. La température dans le rectum commence
bientôt, après une forte accélération de la respiration , à tomber
un peu, et elle se maintient encore pendant quelque temps
abaissée après le retour de la respiration à sa fréquence nor-*
maie» L'accroissement de la fréquence de la respiration , se pro*
dutsant suivant que la perte de la chaleur est enrayée ou aug-
mentée, a donc l'importance d'un mode de régulation de la
chaleur. Les changements de la respiration influent aussi sur
la vitesse de la circulation, et agissent indirectement sur la
température. »
Mais les procédés de déperdition de la chaleur peuvent
être insuffisants. Ainsi Wunderlich ^ a constaté une élévation
thermique très-considérabie, consécutive à des efforts excessifs,
chez un coureur qui s'était évanoui au milieu de sa course et
avait été transporté sans connaissance & sa clinique. Sa tempé-
rature était de &o%5, et son pouls battait 108 pulsations par
minute. L'urine contenait un dixième de son volume d'albu-
mine. Deux heures après, la température était déjè retombée
è 39%!. Le lendemain, elle était redevenue normale et resta
telle; l'albumine de l'urine diminua et disparut au bout de
quelques jou».
Nous n'avons du reste qu'à appliquer les principes que nous
avons développés en étudiant les causes de la production de la
chaleur dans les muscles, au double point de vue des actes
chimiques qui s'exaltent sous l'influence de. leur activité et de
la transformation de la chaleur en mouvement.
' Ackennaim, in DtuUck. Àrck, /. Mm. Mêd. h* t, p. 169. — * Wonder-
lieh,p. i53.
a3.
3M
CHAPITRE IL — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
Lorsque Tactivitë musculaire se déploie sans peiae et sans
fatigue^ il est difficile de se rendre un compte exact de ces di-
verses actions ; mais, lorsque l'activité musculaire est employée
par exemple à faire une ascension, on peut constater qae
l'absorption de la chaleur pour faire du mouvement est bieo
réelle.
MM. Lortet et Marcet nous ont laissé ia relation de deux
ascensions qu'ils ont faites au Mont-Blanc, les 17 et 96 août
1869 : on verra que, pendant la marche, le thermomètre,
placé sous la tangue , indiquait un notable abaissement ^
LOBTBT : TEMP^RATDRB PRISB SODS LA LANGUE.
r
LIEUX.
GhaiDonui
CascMic da Dard..
Cbaletdela Para.
Pierre Poinlaa . . .
Grands Maiala....
Grand PlaUau... .
Botm da Droma-
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Sommet da Nout-
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36,4
36,6
36,5
36,5
36.3
36.4
36,3
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36 ,7
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33,3
33,1
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P*'
64
70
80
108
tt6
ia8
17a
M. Lortet en conclut que, pour monter, le corps use plus de
chaleur qu'il n'en peut produire, à cause du peu de densité
de l'air. La raréfaction de l'air fait qu'à chaque inspiration il
entre dans les poui&ons moins d'oxygène à une grande hauteur
que dans la plaine. En même temps, l'homme qui a monté
* Lortet, Deux aicenwmi au Moni- ÏAf<m médieai, — Marcel, Jomiud ié
Blanc. Victor Masflon . 1869. Extrait du phyêtologù, 1870, p. A 4 9.
INFLUENCE DES CLIMATS. 357
a dépensé en travail utile une quantité de chaleur facile h
calculer (353 unités de chaleur pour q^ooo mètres).
Pendant la desceute, au contraire, il ny a plus de diffé-
rence entre la température au repos et en marche, et alors
cesse le malaise des montagnes, que MM. Lortet et Marcel at-
tribuent à ce refroidissement.
e. niFLDBHGB DR LA TSHP^RATCRB EXtIrIEURB SUR GBLLB DU CORPS.
Les anciens, comme nous Tavons dit en analysant les ou-
vrages de Boerhaave, professaient que Thomme ne peut vivre
dans un milieu plus chaud que sa température propre. Lors-
que les idées se furent réformées sur ce point, on admit que,
pendant Tété , la température du corps était plus élevée qu'en
hiver (Martine). Hallmann trouva sa température plus basse
que celle de Gierse, parce que le premier observait en hiver
et le second en été. Les recherches modernes ne confirment
pas ces assertions. Nous savons seulement que, lorsqu'un in-
dividu passe brusquement d'un milieu dont la température est
basse dans un milieu très-chaud , sa chaleur propre s'en trouve
légèrement influencée. Mais il s'agit là d'un fait transitoire
dA à la lenteur de l'accommodation , et non d'un fait permanent,
et il n'y a pas d'écart réel dans la température des peuples qui
vivent sous des climats différents.
Dans un voyage d'Angleterre à Ceylan, Davy* a noté une
élévation progressive de la température du corps chez les
hommes de l'équipage, à mesure que l'on atteignait les lati-
tudes chaudes. La différence était , entre leur température à
Londres et leur température à Ceylan, de i%7 à 9",i 5 C. Le
même auteur a noté que la température du mouton s'élevait,
> Philo$€pkie, Traïuact oj thê royal âyêUnu, their vital impari , and tk^
Sofiety ùf London, i8i4, 1. OIV. — bêoring on Health and diêêase; by Ro-
Voyei ëgalement : On ihê tpeeialjune- berf Willis M. D. , London, 181)7.
thnê af ikê iodor^iarouê and hftnphatie
358 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
dans l'été, à o%55 et même i%6 C. plus haut que dans l'hiver.
On sait qu'il en est de même pour les oiseaux.
Reynaud, chirurgien de la marine, a établi, dans un voyage
en Asie , qu'un changement de 1 8 degrés dans la température
de l'air entraînait, chez l'homme, une difTérence de o^iy.
Eydoux et Souleyet^ dans un voyage à Rio-Janeiro, firent
quatre mille observations sur dix personnes qui étaient à bord,
et virent que la température de Thomme monte ou descend
avec celle de l'air et que le changement est plus lent quand
on passe d'un pays chaud dans un froid, qu'inversement. Les
expériences de Letellier sur des oiseaux et des petits animaux
ont donné le même résultat. Les expériences faites en mer
par M. Brown-Séquard^ concordent avec celles d'Eydoux et
Souleyet.
Le tableau suivant résume les faits observés par MM. Eydoux
et Souleyet, J. Davy et Brown-Séquard.
DIFFÉRENCE DIFFÉRENCE
dans la température dans le d«^
atmosphérique. de chaleur aniniaie.
Kvdoiix el Soulevet. . /l0^o C. Dans le rectum i*,o C.
John Dnvy 11,11 Sous la langue, de climat chaud
à climat tempëré o ,88
Brown-Séquard ai ,5 De climat froid à climat chaud. . . i ,a65
Brown-Spquard i3 ,5 De climat chaud à climat tempéré, o ,67
Les observations de M. Brown-Séquard, comme celles d'Ey-
doux et Souleyet, montrent que l'élévation de la température
de l'homme a lieu plus vite quand il passe d'un climat froid
dans un climat chaud, que l'abaissement de la température
quand il passe d'un climat chaud dans un climat froid.
Le milieu ambiant a donc sur la température de l'homme
une légère influence, mais celle-ci est bien vite atténuée, et
* Eydoux et Souleyet, Comptée ren- '^ Brovfn-Séqmrâ , Journal dé Physio-
dus dp V Académie des sciences de Paris, loties l. Il, p. 55a, 1859.
t. VI, p. 'i56.
INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE EXTÉRIEURE. 369
Parry et Back ont vu que , même pendant les froids les plus ri-
goureux, la chaleur du corps humain restait sensiblement cons-
tante.
A cAté de ces expériences, dans lesquelles on soumet tout le
corps à l'influence du milieu extérieur, chaud ou froid, il est
intéressant de savoir quelle est la rapidité de réchauffement et
de refroidissement d'une partie du corps, soumise seule à Tac-
lion extérieure d'une température froide ou chaude, et quelle
est l'influence de ces modifications sur la chaleur générale du
corps.
Ce sont là les questions que MM. Tholozan et Brown-Sé-
quard ^ ont cherché à résoudre dans leurs recherches expéri-
mentales sur Tinfluence du froid sur l'homme et sur les ani-
maux vertébrés.
PaniièRE PARTIS. — De la rapidité de Vahais^ement de la tem-
pérature £une portion peu étendue du corps de l'homme lorsqu'on la
eoumet à Faction du froid. — Hunter a constaté que , si l'on place
des fragments de glace sous la langue, et qu'on les y laisse
fondre pendant dix minutes , le thermomètre, qui marquait SG""
avant l'expérience , tombe ensuite à s 5 degrés.
W. Edwards et Gentil ont obtenu des résultats analogues.
L*un d'eux, ayant tenu pendant dix minutes une de ses mains
dans de l'eau à 36 degrés un quart, trouva qu'elle était à la
degrés et demi , cinq minutes après l'avoir tirée de l'eau. Cette
expérience, dit Edwards, montre combien est rapide et grand,
et supérieur à ce que l'on aurait pu supposer, l'effet réfrigé-
rant de Teau froide appliquée à une de nos extrémités.
MM. Tholozan et Brown-Séquard ont fait sur le même sujet
les expériences suivantes :
f "" Main à a 9 degrés un quart , plongée dans l'eau à 9 de-
Thdoian et Brown-Sëquard , Journal de la pkytiologiê df Fhommê et du ma"
,i858,Ll,p.497.
300 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
grés. Durée de rimmeraion trois minuteB et demie. Retirée de
i*eau et essuyée, la main n'avait plus que 19 degrés. En tro&
minutes la température de la main avait baissé de plus de
1 0 degrés.
21° Main- à 36 degrés un tiers , plongée dans de Teau & 8 de-
grés. Durée de l'immersion , dix-sept minutes. Retirée de Feaa
et essuyée, elle n'avait plus que 18 d^és et demi. En dix-
sept minutes elle avait perdu 1 8 degrés.
3"" Main à 33 degrés, plongée avec le tiers inférieur de
Tavant-bras dans de Teau à zéro. Durée de l'immersion, dii
minutes. Elle n'avait plus que a3'',&. En dix minutes, elle avait
perdu 1 0 degrés.
Une quatrième et une cinquième expérience donnèrent,
dans des conditions analogues, les mêmes résultats que la pré-
cédente.
Il est donc certain que l'exposition d'une main , seule ou avec
une partie de l'avant-bras, à l'action d'une eau à basse tempé-
rature, peut faire perdre & la main de 10 & 18 degrés dans
un temps très-court.
DeuxiAmb part». — De la lenlewr du retour de la température
narmah dam une extrémité notablement refroidie. — W. Edwards
avait déjà noté la lenteur du réchauffement d'une main sou-
mise k une basse température.
Voici le résumé des expériences de MM. Brown-Séquard et
Tholosan :
i"" Dans un cas oh l'immersion d'une main dans de l'eau à
9 degrés n'avait duré que trois minutes et demie, il fallut
trente-huit minutes de séjour de cette main dans l'atmosphère
h i^° pour qu'elle revint à sa chaleur initiale.
3** Dans un cas où l'immersion d'une main dans de l'eaa à
8 degrés avait duré dix-sept minutes , cette main , exposée à
l'air dans une atmosphère & i5 degrés et demi, ne revint à
INFLUENCE DE L^ TEMPÉRATURE EXTÉRIEURE. 361
36 degrés et demi, 8a température initiale, qae cinqaante-
cmq minâtes après sa sortie de l'eau.
3"* Dans trois cas, où la température d'une main avait été
abaissée de lo, ii, i3 degrés, pour avoir séjourné dix mi-
nutes dans de l'eau à zéro, il a fallu plus d'une heure pour
que cette main revint à sa chaleur première , dans une atmos-
phère de 1 5 à i 6 degrés.
Il est donc bien certain que nos extrémités refroidies ne
reprennent leur température qu'au bout d'un temps assez long.
Cest le un résultat capital, car il concourt à démontrer un
fait sur lequel nous insisterons plus tard , à savoir que le froid
fait contracter d'une manière durable les vaisseaux sanguins.
TaoïsiiMB PARTIE. — De Cmfiuence du refroidUsemmt ^une
petite partie du carpe eur la température des partiee élotgnéee et eur
la température générale. — W. Edwards avait constaté qu'en
plongeant une main dans de Teau à zéro , l'autre main perdait
jusqu'à G"" G. Il avait cru légitime de conclure que la tempé-
rature générale du corps s'était abaissée.
MM.Brown-Séquard et Tholozan ont vérifié l'exactitude du
refroidissement pour la main non immergée , mais ils ont vu ,
en outre, que la température buccale ne variait pas, que même
parfois elle s'élevait un peu. On conçoit, disent-ils, que, par
suite de l'excitation si vive des nerfs sensitifs ou centripètes de
la main , la moelle épinière réagisse et produise la contraction
des vaisseaux des deux mains.
Mais le plus puissant élément d'échauffement ou de refroi-
dissement ne se trouve pas indiqué dans les recherches de
MM. Tholozan et Brown-Séquard : cet élément, c'est le mouve-
ment du milieu qui enveloppe notre corps. Nous devons ren-
voyer, sur ce sujet, aux belles études de William Edwards que
nous avons analysées dans la première partie.
M. Jonathan Osborne a essayé de préciser ces influences
S63 CHAPITRE H. >- LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
diverses, en se plaçant dans les conditions oii se trouve un
malade dans une chambre et en déterminant la puissance dif-
férente de refroidissement de Teau et de Tair, différence que
nous utiliserons plus tard , quand nous étudierons l'action an-
tipyrétique de l'eau froide.
M. Osbome ^ a établi la différence du rejrùidiuemetU dam
Pair et dans Teau, à une égale température : dans une chambre
à la température de SA" F. (i 3% 9 a G.), le thermomètre tombe
de 80° à 90° F. (de 39%9 à a6%7G.) en 96 secondes, et dans
Teau à la même température, en 8 secondes. Ainsi Teau à
19% a a G. est 19 fois plus refroidissante que l'air à la même
température, fait qui concorde parfaitement avec notre sensa-
tion lorsque nous prenons un bain à la température de l'air.
Dans une chambre close à /lo^ F. (&%&& G.), le thermo-
mètre opère son refroidissement en 7& secondes; et dans la
même chambre, à la même température, le thermomètre en-
veloppé d'un linge humide se refroidit en 36 secondes.
Le re/roidisiement dans tair ou Veau en mouvement. — Dans
l'eau tranquille à 70"* F. ( 9 t%i G. ) le thermomètre se refroidit
en 9/1 secondes; mais, si l'on remue l'eau, il se refroidit en
i 5 secondes. L'auteur explique ainsi comment aucun homme
ne peut dépasser une certaine limite de temps en nageant,
quelque grande que soit sa puissance musculaire, parce que
le contact permanent du corps avec des masses d'eau tou-
jours renouvelées le refroidit à tel point, qu'il en résulte une
limite à l'action de ses muscles.
Le rapport du refroidissement dans l'eau tranquille au re-
froidissement dans l'eau mise en mouvement est de loo à 60.
A des températures plus basses la différence doit être encore
plus grande.
> Jonathan Oflborae, ThefTnomàtn à tud, XXXUI, 66, p. 973, 981, may
refrùHiêêemtnt : mentre du rffrmàiMaé- 1862.) {S^Miidfê Jakarh. L GXV.
«Mut du cmrpt for Pair. {Dublin Jour- p. 1&6, i863.)
INFLUENCE Dl) VENT. 868
Dans Tatmosphère d'une chambre à 67* F. (i3%9 G.) le
thermomètre se refroidit en 1 1 5 secondes ; et il se refroidit
en 16 secondes, si Ton fait agir un soufflet. Rapport : 100 à
1 A. — Ainsi s'explique l'action rafraîchissante des Punkah de
rinde et de nos éventails.
Alors même que, dans une chambre, toutes les fenêtres et
les portes sont closes, il y a des courants d'air rafraîchissants
qui peuvent être apprécies au thermomètre. Ainsi un thermo-
mètre suspendu librement dans une chambre close à Go"* F.
(i5%6 C.) se refroidit en i3i secondes , tandis que placé
dans un cylindre de verre fermé dans cette même chambre, il se
refroidît seulement en 167 secondes. Rapport : 83 à 100.
Infuencê du vent, le plus puieeant élément cUmàtérique. — A
l'air libre et à une température de 61* F. (i6%i G.), le ther-
momètre se refroidit en &5 secondes; dans le même air, le
thermomètre enfermé dans le cylindre se refroidit en t&g se-
condes. Rapport : 3 è 1 0 0 ; c'est là une différence dont le
thermomètre ordinaire ne donne aucune idée. A Saint-Péters-
bourg, les cochers de drowski se tiennent à l'air libre même
par les plus grands froids quand l'air est tranquille; mais
souffle-t-il du vent, ils doivent, sous peine d'être gelés, se ré-
fugier sous des abris. Des observations semblables sont faites
par les voyageurs au pôle nord.
Influence rtfrigérante du courant d'tnr dan» une chambre. — Le
thermomètre, dans une chambre è la température de Uk^ F.
(6*,y G.), se refroidit en 7s secondes, et, dans la même
chambre, par une nuit tranquille, avec une température de
0 1 * F. ( t o%6 G. ) , la fenêtre étant entr'ouverte , le thermomètre
placé è un pied de la fenêtre se refroidit en Sa secondes.
Pendant une autre nuit, à Si"* F. (io%6 G.) dans la chambre
et 65'' F. (7% 3 G.) au dehors, le thermomètre, au voisinage
de la fenêtre fermée, se refroidit en 100 secondes, et, quand
864 CHAPITRE IL — LA GHALEUR«ET LA FIÈVRE.
la fenêtre fut enti^ouverte et que le vent se fit sentir, le ther-
momètre se refroidit en 33 secondes. L'influence du courant
d*air serait évidemment plus active encore dans une chambre
chauffée. On comprend l'influence qu'exercent les courants
d'air sur la production de certaines maladies.
fnJUienee rifrigéranle du courant ^air firme par un fiyer (che-
minée). — Sur le cAté exposé au feu d'un petit écran, la
température était de 1 6®, i G. , et le thermomètre s'y reGroi-
dissait en 1 9 3 secondes. Derrière l'écran, la température était
de i3%9 G., il se refroidissait en 79 secondes; dans une
chambre & la même température, le thermomètre placé loin
du foyer se refroidissait en 100 secondes. Lors donc qu'on
se tient assis en face d'un foyer, on a beau chauffer le devant
de son corps , on a froid au dos , plus froid même qu'en dehors
du courant aspirateur du foyer.
M. Osbome cherche ensuite à déterminer la puissance de
refroidissement des climat<i, et il propose, pour déterminer
cette influence, un procédé thermométrique fort ingénieux.
Les médecins ont besoin de connaître les propriétés phy*
siques des lieux où ils envoient leurs malades. Ils se servent
des tables obtenues à l'aide du baromètre, de l'hygromètre,
de l'anémomètre, du pluviomètre; il manque nn instrument
qui rende les sensations immédiates de chaud et de froid pro-
duites par l'air. Notre corps s'adapte à une température exté-
rieure constante , mais la brusquerie des variations Fatteint et
le trouble. Il s'agit donc moins de fixer le degré du thermo-
mètre que la soudaineté de son abaissement, qui est aussi
celle de notre refroidissement. Par exemple, dans un milien
dont la température est au-dessous de s 6^,5 G., nous pouvons
éprouver une sensation de fraîcheur; è i3%3 G. nous ne nous
trouvons point mal étant bien habillés et dans une chambre
bien fermée, mais, dans un courant d'air de même tempéra-
ture , nous éprouverons une sensation de froid qui est propor-
RÉSISTANCE À LA CHALEUR. 365
tîonnelle & la conductibilité , laquelle est en raison de Thumi-
dite.
Or le thermomètre ne nous apprend rien sur ces deux
états; il nous donne la température du milieu ambiant, mais
non son pouvoir réfrigérant ; on ne peut obtenir ce renseîgno-
ment qu'en portant dans le milieu refroidi et dans le milieu
mobile , un thermomètre qui marque le degré le plus élevé de
température du même milieu tranquille; si le thermomètre
soumis à cette épreuve est artificiellement maintenu toujours
au même degré, la rapidité avec laquelle il tombe montre
quelle est la quantité du pouvoir réfrigérant, et la somme de
toutes les influences de milieu qui soustraient de la chaleur.
L'auteur échauffe son thermomètre à 90'' F. (39%9 G.) et
le laisse tomber à 8o* F. (a6%7 C). Il se sert, pour réchauffe-
ment, d'eau ou d'une lampe à alcool. 11 préfère le thermomètre
à alcool parce qu'il est plus facile k lire.
/. LIMfTBS DB'RisiSTANGI DBS ANIMAUX A LA GHALBDR BT AD PROID.
Les diverses influences que nous venons de passer en revue
n'impriment à la température du corps que des modifications
passagères et peu importantes. Il n'en est pas de même de la
chaleur et du froid excessifs. A quel moment et par quel mé-
canisme le chaud et le froid frappent-ils les animaux? Ce sont
là deux questions qui méritent de nous arrêter. Prises en
elles-mêmes, elles nous feront connaître la mort par l'insolation
et par le froid. Appliquées à la théorie de la fièvre, elles nous
donneront quelques notions sur le mode d'action des tempé-
ratures élevées survenues par le fait même des maladies fé-
briles.
i* La chaleur excessive peut tuer les animaux et l'homme.
Sans remonter aux auteurs anciens, pour qui ce résultat brutal
était de notion aussi vulgaire que pour nous, nous cher^
cherons les premières indications sur le mécanisme de la
S66 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
moK par la chaleur dans les auteurs qui ont tenu à préciser
son mode d'action.
Boerhaave avait conclu , d'expériences mal interprétées , que ,
lorsque Tair ne vient plus rafraîchir le sang dans le poumon,
la vie devient impossible. 11 avait vu qu'un chien , un chat et
un moineau , placés dansune étuve à 166** F. (75'' C), péris-
saient, le moineau en sept minutes, et les manunifères en
vingt-huit minutes environ. Mais, dès 17&8, John Liningpo-
blia^des observations faites à Gharlestown , et il montra que
l'homme rivait dans cette localité à la température de 3 9* C.
à l'ombre, et de 5 1* G. au soleil. Adanson, dans son Foyo^
au Sén^l, raconte que, pendant son séjour sur le Niger, la
température de sa chambre montait, dans le jour, k 60* ou
45- R.
En 1806 Delaroche admit que deux caractères distinguent
les animaux des autres corps de la nature : i* résister au
froid, c'est-è-dire, posséder une température plus élevée que
le milieu ambiant ; 3* résister è la chaleur, c'est-à-dire , rester
& une température inférieure è celle du milieu ambiant.
Delaroche^ institua plusieurs séries d'expériences dans le
but de véri6er le degré de chaleur que peuvent supporter les
animaux. Pour cela les animaux furent placés dans une étuve
sèche.
PaxMiàu sxFiBiBiGB. {Chëletur tifporîée mm mottrir,)
Un chat, un lapin, un pigeon, un bruant et une grosse
grenouille furent introduits dans une étuve dont la tempéra-
ture était de 3 & à 3 6 degrés. A 1 heure 1 5 minutes , tous les
animaux furent placés dans Tétuve.
* Influwee êur Nommai d$ Vêragératùm de Im Umpénhtn êxtémutB, (Cl. Ber-
iiird, CMmrmiimalê, p. 33&.)
BÉSISTANGE À.LA CHALEUR. 367
Chat a heures* L'animal, coochë au fond de sa cage, devient
agité; respiration fréquente.
Idem 9^ 95" . . Agitation plus grande, cris plaintifs, yeux vifs
et brillants.
Idem 9^ 35" . . Retiré de l'étuve, rentre bientAt dans son état
naturel.
Lapin .... i^ 5o*. . Respiration s accélérant de plus en plus.
Idem 9^ i5" . . Respiration gênée.
Idem 9^ ^5" . . Retiré de Tétuve, rentre bientôt dans son étal
naturel.
Pigeon. ... 1^65".. Devient haletant, bec entrouvert.
Idem 1^ 55" . • Très-faible. Tremblement général.
Idem .... 9^ 95" . . Cet état diminue peu à peu.
Bruant.. . . i^ 95" . . Agité, haletant. Cet état continue encore et
ranimai n'est remis qu'une heure après la
sortie de Tétuve.
Gienonine . i^ 95" . . Respiration d'abord plus fréquente, reprend
ensuite son type normal. A la sortie de i'ë-
tuve, la température de la grenouille est à
19 degrés. Mise dans l'eau froide, die re-
vient bientôt ii son état naturel. *
DiuxdifB KXptfKiSRCB. (Chakur deventie morielle.)
Les animaux de TexpërieDce précédente sont réunis le len-
demain dans la même étuve qui monte cette fois de AS à
5 9 degrés. A U heures 5 minutes les animaux sont introduits
dans l*étuve :
Chat 6 heures .
Lapin .... 6 heures .
1.. . . 5 95" • •
Bruant.. . . &^ 99" . .
Grenouille. 6 heures.
Mort avec convulsions et troubles respiratoires.
Mort avec agitation, puis coma.
Mort avec agitation, tremblements, convul-
sions.
Mort avec respiration accélérée et agitation.
Parfaitement vivante, retirée de l'étuve.
TaoïsiteB BxpiaiBicB. {Rémtanee de$ invertéhréê à la ehakur.)
Deux bnlimes, deux sangsues, deux scarabées nasicomes
mâle et femelle], deux larves du même insecte, deux courti-
368 CHAPITRE IL — LA CHALEUR ET LA FltVRK.
lîères, trois punaises des bois, furent introduits dans Tétave,
dont la température était de 35 À 87 degrés.
Les buiimes rentrent dans leur coquille , et se détachent des
parois de l'étuve; puis remises dans Teau, elles reviennent i
leur état normal. Les sangsues se ramassent sur elles-mêmes
et restent dans cet état pendant tout leur séjour dans l'étuve.
Les scarabées, d'abord très- agités, deviennent « sur la fin de
l'eipérience, plus tranquilles.
De ces expériences, Delaroche lire les conclusions sui-
vantes :
Les animaux ont la facilité de résister & la chaleur pen-
dant un certain temps, mais cette résistance n*est pas la même
chez tous, ce qui fait qu'ils ne sont pas tous affectés également
parla chaleur. Les animaux de petite masse succombent, après
un espace de temps assez court, k une chaleur de &5 â 5o de-
grés. La gravité des sympt6mes est d'autant plus grande et la
mort d'autant plus rapide, que la chaleur est plus considé-
rable.
L'organisation de la classe à laquelle ils appartiennent
établit des différences entre ces animaux. Les animaux & sang
froid et les larves d'insectes supportent plus longtemps la (Va-
leur que les animaux à sang chaud. (l'est l'inverse pour les
insectes & l'état parfait.
Delaroche et Berger entreprirent sur eux-mêmes de nom-
breuses expériences pour déterminer le degré de température
que rhomme peut supporter. De &9 à 58 degrés, fétuve
devint insupportable pour Delaroche, qui en fut malade; Ber-
ger n'en fut que légèrement fatigué. D'un autre cAté, Berger
n'a pu rester que sept minutes dans une température à 87 de-
grés, tandis que Blagden a supporté pendant onze minutes
une température de 83 degrés un tiers. Tous les hommes ne
supportent donc pas également la même température.
On sait d'ailleurs que la chaleur peut devenir nuisible, à
des degrés moins élevés , quand elle dure longtemps.
RÉSISTANCE X LA CHALEUR. 369
Dans UD deuxième mémoire (i 81 o), Delaroche explique le
mécanisme de la résistance à la chaleur et attribue une influence
prépondérante à un fait purement physique, Tévaporation qui
se produirait sur la surface cutanée et pulmonaire. Fordyce et
Blagden avaient admis dans le corps vivant une cause vitale
capable de produire du froid : c'est contre cette opinion que
s'élevèrent Delaroche et Berger. Us s'appuyaient sur ce fait que
les animaux exposés à une température de 35 & &o^ G. s'é-
chauffaient quelquefois de 6 ou 7 degrés, et que cette aug-
mentation n'avait de limite que la mort. Ainsi : dans une étuve
sèche h àb degrés, un lapin séjourne une heure quarante mi-
nutes:
Avaol. Après.
Température prise dans le rectum sur ie iapin. . . Sg^^y &3*,8
Une grenouille placée dans la même étuve acquiert en une
heure une température propre de ^6^,^, qu'elle conserve pen-
dant toute la durée du séjour, qui a été d'une heure et demie.
La température d'une autre grenouille exposée è une chaleur
de â6%a s'est élevée à a8 degrés et y est restée stationnaire.
Pour prouver que la résistance a la chaleur était due, pour
les animaux, à l'évaporation par la peau et les poumons, Dela-
roche examina comparativement l'influence de la chaleur sur
la température des animaux et sur celle des corps bruts dont
la surface entière fut humectée. Il plaça dans une étuve di-
vers animaux, des alcaraxas pleins d'eau, et des éponges
humides.
Dans une étuve è &5 degrés, la température d'un lapin s'é-
leva de 3 9% 7 à &3^,8, celle d'un alcarazas baissa de 3 5* à
3i%/ii, où elle resta stationnaire.
Dans une étuve à 3 6°, 5 une grenouille acquit une tempé-
rature stationnaire de 98 degrés, et l'une des éponges attei-
gnit 9 7*, 9, Tautre 9 7%6.
Delaroche en conclut que l'évaporation, produisant sur les
«4
370 rHAFIIRE II — LA CBALELR ET LA FIÈVRE.
alrarazai> et les éponges un refroidissement plus marqué quf*
relui que Ton observe sur les animaux^ est la cause de la ré-
sistance à la chaleur.
Delaroche, pour le prouver, supprime cette cause de refroi-
dissement pulmonaire et cutané, en plaçant les animaux dans
une ëluve humide, et il constate que la température de ces
animaux s*est élevée au-dessus de celle de Tair humide dans
|p(|uei ils étalent plonges, excepté pour les grenouilles.
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Pour Delaroche, le développement du froid chez les ani-
maux exposés à une forte chaleur est le résultat de Tévapora-
tion, mais il ajoute qu'il ne faut pas comparer d'une manière
absolue les corps vivants avec les corps bruts, et que ce phé-
nomène est également le résultat des causes vitales qui règlent
faction du .s\stème exhalant.
ACTION SUR LE SYSTÈME MUSCULAIRE.
371
Depuis ces expériences, que M. Cl. Bernard analyse, et aux-
quelles il rend une justice très-méritëe, les auteurs qui se sont
occupés de la question ont porté leur attention sur trois appa-
reils , et ont cherché à déterminer le mode d'action de la cha-
leur : i"* sur le système musculaire: ^i"* sur le système nerveux;
3*" sur le sang.
Les premières expériences de M. Cl. Bernard datent de
i8Â9, mais elles n'ont été publiées complètement que dans
ces derniers mois; nous les placerons è la fin, parce que des
recherches récentes complètent et expliquent les premières ^
}" Actimi de la chaleur sur le système musculaire. — En 1 8 Ad ,
E. Brûcke^ avait cherché à expliquer la rigidité cadavérique.
Il avait émis l'idée qu'il se fait dans la fibre musculaire une
coagulation analogue à celle qui donne naissance au caillot
de la saignée, mais il ne connaissait ni la nature précise de
la matière coagulable, ni l'agent de cette coagulation. Du-
bois-Reymond^ prouva que les muscles sont alcalins tant
({u'ils sont irritables; que, dès qu'ils deviennent acides, ils
perdent leur irritabilité. Cette acidité est due à l'acide lac-
tique. W. Kûhne ^ reprit la question alors qu'il était prépara-
teur de M. Cl. Bernard au Collège de France. En broyant des
muscles frais^ W. Ruhne obtint un liquide neutre, rougeâtre,
amienu des fibres musculaires. Ce liquide se coagule spontané-
ment, mais avec une rapidité qui varie avec la température:
à I G degrés la coagulation n'a lieu qu'après plus de six heures;
* NooB empruntons quelques-unes de
anaijiesi Texcellent mémoire publié
ptr M. Valiin (Arch. gin. âê médecine^
6* série, 1871, t. XVIII, p. 799, et
1879, t XIX, p. 75): Du méeanUme
êê Im mort pmt la chaleur tsténeure.
* Brocke, Uebêrdiê Unaekê dir To-
Jetfterre; in MuUfr'ê Àrck,^ 18/19,
p. 178.
'* Dubois-Reymond , Ihfinrm mu$eu-
ions nactione , ut çkimicii viaa §êt , acida ;
in MoiuUêbêriektê der Berhmr Akadêmie ,
1869, p. 998.
* W. Kùbne, Untêrntckungen uber
Bewegungeii und Vertmdêrungen der eon-
traeûlm Subêtanxen , etc. ; ia Àrrkh. wu
Reiehert, 1809, p. 7*1 8.
9i
372 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
selon l'espèce animale qui a fourni le liquide, à 36, &o uu
à 5 degrés , la coagulation est instantanée. Le iiuu nuuculaire
intact devient acide et inexcitable quand il est plongé dans un
liquide (à réaction neutre : mercure ou huile d'olive neutre)
qui, pour les grenouilles, dépasse 3 7 degrés, et, pour les ani-
maux à sang chaud , est de 7 ou 8 degrés plus élevé que la
température normale du corps. Pour Kûhne, la rigidité par
ia chaleur ne diffère pas de la rigidité cadavérique. L'examen
microscopique des muscles de l'hydrophile, soumis à ces deiii
influences, donne des résultats identiques.
De plus, il ressort des recherches de Kûhne ce fait capital,
que le degré de chaleur auquel est portée la fibre musculaire
donne, s'il ne dépasse pas 37 degrés chez la grenouille, une
rigidité et une inexcitabilité temporaires; mais que, si le d^é
de chaleur est porté à &o degrés, la coagulation est définitive,
irrémédiable.
Ce résultat est des plus importants à retenir au point de
vue des applications à la pathologie ; il explique les diver-
gences qui régnaient entre les différents observateurs, Pick-
ford, Schiff, Wundt. M. Vallin pense toutefois que les limites
assignées par Kûhne sont un peu étroites, lia vu , dans une
de ses expériences, que les deux cuisses d'une grenouille vivante
étaient insensibles, paralysées, rigides, par une insmersion de
trois ou quatre minutes dans de l'eau h ào degrés; le len-
demain, les muscles étaient redevenus souples et excitables.
Hermann^ a constaté également qu'en plongeant la patte d'un
chien*dans de l'eau à 5o degrés, de manière à rendre l'inertie
complète , les muscles redevenaient assez promptement souples
et excitables.
Ce ((ui est vrai pour les muscles de la grenouille l'est éga-
* Sur la oaUire du processus cbi- cuiier le résumé donné par ce demi«r
oaiquequi caractérise ia rigidité muscu- dans sa Phftiologie,, p. aSo-aoô. Tra-
laire, on lira avec fruit les travaux de duciion française annotée par le docteur
Ranke, Prpyer^ Hermann, et en fiarti- Ontmus.
ACTION SUR LE SYSTÈMB MUSCULAIRE. 373
iement pour ceux des autres espèces animales, mais le degré
varie avec la température propre de ces animaux. La tempé-
rature de 38. à &o degrés détruit le muscle de la grenouille;
celle de A 5 degrés, celui du lapin, du chat, du chien; celle
de &8 à 5o degrés, celui des oiseaux.
Ce fait de la rigidité instantanée et de la mort du muscle
par une température bien inférieure à celle qui coagule
Talbumine est ahsolu, il ne manque jamais. Il a été cons-
taté par tous les observateurs et particulièrement par M. Cl.
Bernard, qui'en décrit toutes les conditions dans ses Lfçans
iur les propriétés des tissus vivants^. Il a été vérifié également
par M. Vallin ^. Mais ce dernier expérimentateur, au lieu de
placer les animaux dans une étuve, les exposait (chiens et la-
pins) immobiles au soleil, et la mort arrivait dWdinaire au
bout d'une heure. L'identité des résultats obtenus par M. CI.
Bernard et par M. Vallin est de nature à faire accepter leurs
conclusions comme définitives, surtout parce qu'ils ne se sont
pas placés dans les mêmes conditions.
Voici le résumé des expériences publiées par M. Cl. Ber-
nard ' :
Dans une série d'expériences qui datent de 18&9, M. Ci.
Bernard avait obtenu des résultats tout è fait comparables â
ceux de Delaroche. Il a repris ces études à l'aide d'un appareil
plus perfectionné^. Un oiseau, plongé dans une étuve sèche
à une température moyenne de 65 degrés, est mort en moins
de quatre minutes, et un lapin de taille moyenne, placé dans
les mêmes conditions, est mort en vingt minutes. Les animaux
ont eu d'abord une accélération de la respiration et de la cir-
* Ltfimi «HT kê propriàtéê dêi tistu» th^quêê ( Bévue de$ court êcient^qttêê ,
vivûmtM, 1866, p. aSo et aSi. 1B67, p. 997 et Sâg). — In/luenee de
* Vallin y Recherchée êxpérimentakê la chakur sur iet aninuiux (Revw de»
tmr VinêcIMim et lee accidenta produits eoun 9eietUifique$ , 1 87 1 , p. 1 33 et 1 8s).
par la chakur (Arch. gén, de méd,, fé- — (Valeur animale, p. 3â6.
nier 1870). * Cl. Bernard, La chaleur animale,
* Cl. Beraard, Leeane mmt In ânes- p. 363.
374 CHAPITRE II. -^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
culatioD , puis ils sont morts rapidement avec de l'agîlation ou
dans les convulsions; k lautopsie, les phénomènes ont pré-
senté le même aspect : augmentation de la température dans
le rectum de 5 à 6 degrés au-dessus de la température nor-
male, puis arrêt du cœur, rigidité cadavérique très-rapide et
sang noir dans le^ artères comme dans les veines.
M. CI. Bernard analyse ensuite Tinfluence dp la chaleur sur
les divers systèmes et éléments organiques, muscles, sang, sys-
tème nerveux, etc.
Pour le s^êlime mu^ulaire de la vie organique, la chaleur
est un excitant. LorsqueMa température d'un animal s'abaisse,
les battements du cœur diminuent d'énergie et de nombre.
(Exemple : les animaux hibernants, la grenouille engourdie
par Je froid.) Chez les mammifères soumis à Tinfluence delà
chaleur, à mesure que la température s'élève, le cœur bal
plus vite, et la circulation s'accélère jusqu'au moment où elle
cesse brusquement et où les animaux meunsnt dans les con-
vulsions. Les fibres musculaires de l'intestin, de l'estomac, des
cornes de l'utérus, des uretères, réagissent de même.
La chaleur agit donc comme un excitant sur les fibres mus-
culaires de la vie oiiganique; de plus cette action est directe,
elle ne s'exerce pas par l'intermédiaire du système nerveux,
elle peut se produire immédiatement par le sang. En réchauf-
fant la patte d'une grenouille refroidie dont les nerfs sont
coupés, les battements du cœur reprennent de la fréquence.
La chaleur est donc un excitant direct du système musculaire
de la vie organique. Il n'en est pas de même pour le système
musculaire de la vie animale, celui-ci n'est pas excité par la
chaleur.
Cette action excitante a une limite, et, portée trop haut,
elle fait cesser brusquement les battements du cœur. Quelle
est la cause de ce phénomène? MM. Kûhne et Ranvier, pré-
parateurs de M. (]1. Bernard, ont constaté que la myéline était
coagulée.
ACTION SUR LE SYSTÈME MUSCULAIRE. 375
La mort a donc lieu par Tarrét brusque du cœur. JM. Vallin
ajoute que, dans plus de la moitié de ses expériences, il y
avait inertie . du diaphragme en même temps qu'inertie du
cœur. Cette inexcitabilité du diaphragme est confirmée par les
recherches d'Obernier' (animaux sacrifiés dans Tétuve) et par
celles de Walther de Kiew^ (animaux exposés au grand soleil).
Les observations médicales concordent avec ces expériences.
Bien qu*en général elles soient très-incomplètes sous le rap-
port thermométrique, dans toutes on signale qu'au moment
de la mort par coup de soleil l'homme présente de hautes
t^'mpératures. Le docteur Roch observa, è bord du Golden
Fleeee, dans la baie d'Annesley, en mai 1 868 , un grand nombre
de cas d'insolation, dans la même journée; chez un homme
qui venait de- tomber foudroyé et quon lui apporta immédia-
tement, la température axillaire marquait àb"* G. ^; le docteur
Bennett Dowbs ^, à la Nouvelle-Orléans , trouva dans cinq cas
A3\9, 49%8, 37%a, 4o",5 et 4i%9. Le docteur Wood donne
les chiffres suivants :
* Obernier, Dm* Hitzêcklag (Intoh- En i867,Ot>ernier à Bonn, PasMuer
Clou , an^ de chaleur, etc. ) ; Bonn ,1867, à Vienne , MichaôKs , avaient rapporté
io-S*; Vni, tsi ". . des CBS de naort par asphyxie dans les
* A . Walther de Kiew , Ueber tôdtUchê années en marche. En France , Moutard-
If amMprWticCion m thieriêchen Kâr- Mèrïin {Gaz. dêi hâp., i5, 1868); en
p€m {BuU. de VÂead, de Samt-Péten- Angleterre et en Amérique, Jones (Laii-
hêiurg, Xî, 17-19). Analyse tn Med, c^t, 4 juillet 1868), W.Madean(t6iW.,
CtmtrmlbUu, 1867, p. 391. — Vonder b août), Johnson (Brit. med, Jomn,,
ITtrihiii^ strMender Wànm au/ den i" août 1868), Baûmler {Med. Timêi,
thiêriêchen Orgamemui ( Vorlàufige Mit- 1 " août 1 8 68 ) , Bennet ( ibid, , 1 5 août ),
timhiug m Mêdkmi»^» CmiriMaU, James J.Lewick(/VfiMyfr. Ho$p, Bep.,
1867, p. 770-771). 1868, I, p. 369), Bullar (Brit.
Docteur Roch, On keat apaplexy. Joum,, 99 août), W. Strange (ihid.,
( Mêd. Timu mdGaz,,q joiiiet 1 868. ) 99 août) , Lolliot ( Gaz. de» A^#. , 1 5 fé-
* In Mémire êur VmaoMon, par vrier 1868), ont fourni de nombreuses
Heimner àe hfi^n^ (Schwndft Jtdtrb,, observations de ce genre. Le docteur
1 869 , 1 ** partie , p. 89 et suiv. ). Helbig a (enté ( Mémoire de Meiêener) de
Consultes également les auteurs sui- donner la théorie de cette affection dès
vants : i858.
376 CHAPITRE II. -* LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Après la oiorl.
1 " oliserTation ... 9 heures . Température dans le thorax . . . h^*,^ C.
9* observation ... 1 heure. . Température dans Tabdomen . . âa ,9
3' observation ... 9 heures . Idem &3 .6
Le coup de chaleur agit comme le coup de soleil; le doc-
teur Casey ' vit un ouvrier fondeur en cuivre qui était dans le
coma depuis quelque temps à la suite d'un coup de chaleur
dont il mourut. Il trouva dans Taisselle &3 degrés. Chez un
raflineur frappé brusquement et immédiatement éloigné de
Tétuve, le docteur Baùmler^ fit, deux heures après Faccident,
les observations suivantes :
Aiiwil*. RrHoni.
A6^t5- fi9%6 »
A 6^ 95- àù.t 49\3
A 6^ 3o" fta ,0 •
Il est probable qu observé plus t6t, le malade aurait offert
une température beaucoup plus élevée.
Meissner, dans son mémoire, cherche & expliquer le pro-
cessus de la mort, et il fait remarquer les phénomènes sui-
vants : 1* Taccélération et l'affaiblissement des battements du
cœur, d'où résulte une circulation imparfaite à la périphérie
et une accumulation du sang dans les organes profonds; 9" Tac-
célération et TinsuBisance de la respiration. Le mot de Wood.
'^ fièvre de chaleur, r> n*est pas sans valeur.
Lewick ' a cherché , en comparant les symptômes et les lé-
sions anatomiques du typhus et de Tinsolation, à établir que
celle-ci était bien réellement une maladie fébrile. Il remarque
» Docteur Casey, Cote 0/ k9atfner, XXX VIÏ* vol., p. 4o, 1859. Les jour-
{Med. Timm and Gai,, 1866, p. s6.) naax] américains renfemient an gnod
' D' Baûmler, On a eoiê of këat $trok$ nombre d*ob6ervatioii8 d^inaoiation. Mai-
(Mm/. Tim»9and Gaz. 18 68, p. 118). heureasement la tempémture n'a éié
' Lewick, Remarkë on tunêtroke, in recherchée que dans un' petit nombre
TV ammican Journal 0/ médical iciencet , de cas.
ACTION SUR LE SYSTÈME MUSCULAIRE. 377
dans les deux maladies des symptômes communs : le pouls faible ,
la peau 'chaude, le visage et les conjonctives rouges, ia livi-
dité, les soubresauts des tendons, et, à l'autopsie, ia putré-
faction rapide, les pétéchies et les larges ecchymoses, le sang
fluide dans les veines, la congestion veineuse du cerveau, des
épanchements dans Içs ventricules et sous l'arachnoïde; la
substance du cerveau saine ou un peu moins transparente
qu'à l'état normal, les poumons présentant une infiltration
h)|)08talique dans leurs parties postérieures et inférieures, le
cœur rempli de sang liquide, etc.
Dans cinq cas, Lewick a observé &3", &!i°,8, &t%t, &o%8,
/i5%5 après la mort.
Cette élévation de la température après la mort a été signa-
lée aussi par Walther. Il aurait trouvé sur un lapin &6 degrés
(rectum) au moment de la mort, et So"" C. une demi-heure
après. Walther cherche à expliquer cette élévation de tempé-
rature par la transformation du mouvement en chaleur, par
suite de la rigidité due k la coagulation musculaire. M. Vallin
n'a pas observé cette élévation posî mortetn.
Il semble que la rigidité du cœur ait été constatée par les
expérimentateurs et par les observateurs, notamment par
Wood^; en6n quelques médecins, Meissner entre autres, ont
noté la faiblesse extrême des bruits du cœur. Si Ton se rap-
pelle la théorie de Kûhne, on voit également que le retour
de la vie après un arrêt d'une durée notable répond à cette
contracture passagère qui survient dans le muscle soumis h une
température relativement peu élevée.
Quelque séduisante que soit cette théorie, est-elle cons-
tamment justifiée? M. Marey^, dans ses recherches sur la
contractilité musculaire, a figuré la courbe plate et unie que
trace le myographe, qui inscrit la contraction d'un muscle
* H. C. Wood, On «tmflroA» (The * Mërej, Du mmnementémn» le» fone-
tmenetmJammmlofmed.§eieneeê,iB6Sj H'om de la vie; Plris, 1868, p. 3Â&-
p. 377). 358.
r« CHAPITRE IL — LA CHALtUR ET LA FIEVRE.
'ioumisà une chaleur trop élevée. EckharcP, Schelske^. E. Cyon*
ont examiné (lirectenient le cœur, plongé dans un liquide élevé
à (les tempérai ures variées, mais préalablement ils Tavaienl
déta(h<'' du corps de Tanimal. Le résultat, fait remarquer
M. Vallin, esl plus complexe (pi*il ne parai! au premier abord .
et il est (hlficile de faire la part de l'action de la chaleur sui
les éléments nerveux cardiaques et sur la fibre musculain*.
Toutefois ils ont trouvé que, chez la grenouille, la chaleui
portée jusqu*a 'lo degrés accélère les battements du cœur: à
ce degré le cœur reste inmiobile: Teffet utile correspond a
une température de i 8 à '^6 degrés. De plus , le cœur, devenu
immobile à /io degrés, recommence à battre au bout de très-
peu de temps par le refroidissement.
îi Action (le la chaleur sur le système neiveuœ. — Depuis
longtemps les médecins ont invoqué l'action de la chaleur sur
le système nerveux, et ils ont vaguement parlé de sidération
des forces, etc., mais les premières expériences dignes d'être
rappelées sont récentes. Afanasieff^ a montré que la chaleui
augmente l'irritabilité des nerfs moteurs, mais Tépuise rapi-
dement. Ainsi un nerf scialique échauffé progressivement à
lio degrés provoque, par l'excitation électri(|ue, des contrac-
tions beaucoup plus fortes, mais de plus courte durée, que le
nerf chauffé à !io degrés. Il faut attendre, pour obtenir une
nouvelle secousse, un temps d'autant plus long que la tempé-
rature avait été plus élevée; c'est ce que l'auteur appelle la
mort apparente du nerf. A partir de 5o'(]., l'excitabilité di-
minue, elle esl tomplétement anéantie a 65° (1. L'élévation
' Eckhard, Ehifum dpi' Tempérât nr- ' E. Cyon, Vebei' den Einfim», etc.,
Erhohuug auf die Herzbewe^ng , iii in 5c^mfV/(*» 7oAr6. 1867 , B** C\\\ M,
Srhundl's Jahrh. i H6(), B** CXXX Vf, p. 7. p. 5.
' Schelske, Die Wirhung der Wàrnie * .KhuBfneïï , Unteriuchunge» ùher (hn
uufda^ Herz , in Srhmidt's Jnhrh. \ H 6(1 , Einfiuss der Warme, etc. , in Arch. rm
B' (Ail, p. iCki. Hnchinl . iS().'>, p. 691-70^.
ACTION SUR LE SYSTÈMR NERVEUX. 379
lente et graduelle ni» produit jamais de convulsions sponta-
nées* c'est-à-dire indépendantes de l'excitation électrique;
mais l'application brusque de la chaleur détermine, à 35-âo'\
des contractions oloniques, et, à tio-àb*' C, des spasmes téta-
niques qui durent quelquefois une minute.
M. Cl. Bernard a soumis les animaux aux expériences sui-
vantes :
Il reconnaît que les modifications sont difficiles à constater,
puisque le système musculaire se trouve atteint par la cha-
leur. Mais, en réservant une partie d'une grenouille, une patte
postérieure par exemple, en plongeant i animal tout entier,
excepté cette patte, dans un bain d'eau chaude, on voit que
les fonctions de tout le système musculaire sont abolies, sauf
celles des muscles de la patte, or le nerf sciatique provoque
des contractions dans cette partie. Le nerf moteur résiste donc
plus à la chaleur que le muscle.
Que devient le nerf sensitif ? Sur une grenouille M. CI. Ber-
nard coupe la moelle épinière entre les deux bras, afin d'em-
pêcher les mouvements volontaires. Il plonge une jambe dans
leau chaude à 36" C. L'immersion dure cinq minutes. La patte
retirée de l'eau ne donne plus aucun signe de sensibilité,
bien (|ue la chaleur n'ait pas été portée assez loin pour abolir
les propriétés des muscles ou des nerfs moteurs, car, en pin-
çant la patte non immergée, les deux pattes réagissent.
La chaleur éteint donc , suspend ou épuise assez facilement
les propriétés des nerfs sensitifs; ce phénomène se lie étroite-
ment à la curieuse découverte faite par M. Cl. Bernard \ de
l'anesthésie par la chaleur. Une grenouille vivante, plongée,
pendant deux ou trois minutes, dans de l'eau à 36''-37", tombe
en état de mort apparente , elle est insensible , on peut pratiquer
sur elle les opérations les plus douloureuses sans provoquer de
rf^action; mais le cœur bat, la grenouille est anesthésiée,
* Cl. Bernard , Ijtrnng êur \n anentkénqvn ( Rmmê dêt court êcitmtifiquêê , 1 869 ,
380 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
elle n*est pas morte ; dès qu'on la met dans Téau froide , elle
revient à elle et .se met à nager. L'insensibilité ne provient pas
de l'action de la chaleur sur les muscles, car lexpërieDce
réussit aussi bien quand la tête seule est plongée dans Teau
chaude. M. Vailin ' va plus loin que M. Cl. Bernard dans ses
conclusions, et il croit avoir démontré que ce qui est vrai pour
les grenouilles Test également pour les animaux supérieurs.
M. Cl. Bernard n'aurait pas obtenu les mêmes résultats sur les
chiens et les lapins, sans doute, d'après M. Vailin , parce que
cet éminent physiologiste aurait introduit la tête de ses ani-
maux dans l'étuve , et que , par conséquent , ceux-ci auraient res-
piré en même temps l'air surchauffé de l'étuve. De sorte que
ces animaux seraient morts par échauffement général et rigi-
dité du cœur par l'introduction dans leurs poumons de cel
air brûlant. En modifiant l'appareil et en laissant les lapins
respirer l'air de l'extérieur, M. Vailin a appliqué sur la tête
de ces animaux des températures de AS à 58**, il a obtenu
deux fois, par ce procédé, le coma^ l'insensibilité et Ja mort
après une* perte assez prolongée du sentiment et du mou-
vement. Dans ce dernier cas, le cœur était flasque, les fibres
musculaires inexcitables. La haute température qui doit exister
dans l'intérieur des casques métalliques, et, en général, des
coiffures militaires des soldats exposés au grand soleil , donne
à ces recherches de M. Vailin un grand intérêt.
On doit donc se demander si, dans les cas d'insolation, il
ne peut pas y avoir deux mécanismes, l'un caractérisé par l'ac-
tion d'arrêt sur les muscles et le cœur, l'autre par l'action
anesthésique de la chaleur sur le système nerveux.
Si nous en croyons Hariess^, les caractères morphologiques
des nerfs subiraient , par la chaleur, des modifications notables.
' Vailin, Àrch.gm, dt méd.^ 1871, amf die motoritchm Nêrvmt, in Hmie'i
t. XVIII , p. 760. und Pfêuffkr'ê ZnUehriJt, YIII, p. ist-
' Hariess, l'eber dm Einftuêt der i85.
Tfmperaiwren und ihrer Sekwankvngûn
ACTION SUR LE LIQUIDE SANGUIN. 381
Il aurait déterminé le point de fusion de la moelle des tubes
nerveux, et aurait constaté que cette fusion a lieu chez les
grenouilles à 37%5 G., chez l'homme à Sa^'C, chez le pigeon
à Sy^'C, c*est-à-dire à la température où le nerf devient inex-
ritable dans chaque espèce animale.
d* Action de la chaleur sur le liquide sanguin. — Magendie '
en 1 85o, M. Cl. Bernard en 1 8â a « Obernier, Wood, ont signalé
d'un commun accord la fluidité du sang, sa non-coagulabilité ,
son épanchement sous la peau et son écoulement par les mu-
queuses chez les animaux surchauffés. Herm. Weikard^ s'est,
au contraire , attaché k démontrer que le danger des hautes tem-
pératures élait dû à l'augmentation de la coagulabilité du sang,
et à la formation de caillots. Il contredit les recherches de
A. Schmidt\ et avance que la coagulation du sang est un peu
retardée de 36 h ko degrés, au-dessus comme au-dessous elle
serait accélérée. Il suffit de consulter les résultats des expé-
riences de tous les physiologistes, et ceux des autopsies des pa-
thologistes, pour constater que Weikard reste seul de son opi-
nion , et que tous , au contraire , s'accordent à signaler la fluidité
du sang.
M. Chossat fils ^ a voulu expliquer la mort par la chaleur,
par la déshydratation de tous les tissus. Cette opinion se trou-
vait contredite par avance par les expériences de Magendie et
de M. Ci. Bernard. Ces physiologistes ont constaté que , sur deux
lapins de même poids et de même taille , si l'on injecte 3o gram-
mes d'eau dans les veines de l'un d'eux, tous deux meurent
en même temps. D'ailleurs les animaux meurent plus vite
dans l'étuve humide que dans l'étuve sèche.
* Ma|{endie, L^m sur la chaleur ^ A. Scbmidt, /oArà.yCXV, 1 1.
ammah ( Union médicale , 1 8 5 o, p. 1 8 3 ). * Cboasat fils , Recherchée expérimen-
* Herm. Weikard , Vereuehe ûber dae talée eur la déshydratation, etc. ( Archit.
Maximum der Wârme in Krankheiten ii^pfcy«tb2ogt«deBrowa-Séqiiard,Char-
(Àreh. der Hnlkund^ , 1 863 , p. 1 98 ). col et Vulpiaii , mai-aoât 1 868 ).
382 CHAPITRE H. -^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
La mort des animaux par la cfaa]eur ne troave pas son
explication dans les modiKcations anatomiques du sang. Ober-
niera noté, dans deux autopsies, une augmentation proportion-
nelle des globules blancs (i pour loo rouges). Max Schultxe'
a étudie Taction de la chaleur sur les globules rouges, placés
sur la platine à température graduée (]u il a imaginée, dans
la chambre humide. Pour les globules rouges, de 87 è A8 de-
grés, il n'a trouvé aucune des altérations décrites par Klebs,
qui n'avait pas soustrait ses globules à l'action de l'évapora-
(ion; k partir de Sa degrés, le corpuscule devient crénelé, il
se fragmente et disparaît en laissant des débris de stroma et
de petites masses de matière colorante Ce n'est donc que vers
.)à degrés que le sang se trouve défmitivement altéré: jus-
que-lè, la chaleur exalte simplement les propriétés physiolo-
giques du globule^ Ce fait semble mis hors de doute par les
expériences de M. Ci. Bernard. Pour lui le calorique exerce
sur lei ilémentê du $ang une action aussi nette que sur les
muscles.
Chez les animaux tués par excès de température, le sang
présente une coloration noirâtre particulière <, comme si l'ani-
mal avait été asphyxié. Toutefois, pendant la vie, les mu-
queuses de l'animai ne sont pas cyanosées comme dans Tas-
phyxie, et même parfois, après la mort, le sang reste rouge.
K quoi tiennent ces différences?
Le sang pris dans la veine cave inférieure d*un lapin, qui
vient de succomber avec un excès de température de 5 degrés,
donne a l'analyse des gaz :
ICC 37^a
0 I ,0
Az 3 ,&
Or l'influence de la température fait varier la dépense que
^ Mai Scbultie, Objectif $t pltinfà têmpératurt graduée , dans son Artkw^ 1,
ACTION SUR LE LIQUIDE SANGUIN. 383
ie sang fait en oxygène. Le froid ralentit ia propriété physio-
logique du globule sanguin (animaux hibernants); quand
la chaleur revient, le sang consomme une plus grande quan-
tité d'oxygène, et le sang veineux reprend sa couleur. Il en
e8t de même pour les animaux à sang froid, pour les grenouilles
par exemple. M. Cl. Bernard pense que c'est cette propriété de
transformer rapidement, sousTinfluence delà chaleur, loxy*
gène en acide carbonique, qui explique la veinosité du sang
après la mort, mais, pour lui, c'est un phénomène post mortem,
car, si l'on ouvre l'animal au moment de la mort, son sang est
encore rouge.
Il n'y a pas, du reste, véritable altération du sang, celui*
ci n'a pas perdu ses propriétés; agité à l'air, il absorbe de
foxygène, et reprend, au spectroscope, les deux raies, d'absorp-
tion caractéristiques de l'hémoglobine oxygénée.
Il y a cependant une limite de température à laquelle le
sang perd définitivement ses propriétés. Extrait par une se-
ringue et mis dans l'eau à 60 ou 70 degrés, le sang devient
noir, bien qu'il ne contienne pas un excès d'acide carbonique ,
et il n'est plus oxydable.
Il semble d'ailleurs que, même vers lib degrés, le sang
subit, dans son albumine et sa fibrine, des modifications
profondes qui facilitent les suffusions sanguines, le pur-
pura, etc.
Ces expériences ont été confirmées par celles de MM. Ur-
bain et Vallin *, Set^chenow, Hermann^; elles sont contredites
par MM. Eulenberg et VohH. Pour eux, les accidents et la
mort, dans le coup de chaleur, seraient causés par la dilatation
des gaz du sang et par la paralysie du cœur sous l'effort des
gaz devenus libres dans les cavités cardiaques. Sans emprun-
* \9\iui,Àrch.demêd.l^^2,L\i\. ' Eulonberg et VohI, Die Blulgiue
p. 80. m ihrêr pkjfêikalitehen und phynologi-
' Herii»nn,FtfieAoo'«i4rcAtr,t. LXIL tchen BetkutHng , vU. ^ in Virchow* m Ar-
p. 577. cAiV, 186H, |i. itM.
384
CHAPITRE II. ~ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
ter à Hermarin ^ la violence de sa critique, faite ab iraio,
M. Vallin montre que rien ne justifie, dans les expériences de
ces auteurs, de pareilles conclusions.
L'analyse de ces nombreux travaux nous montre que le
sang, les éléments musculaires et nerveux, sont altéré>
lorsque la température s'élève : nous ne serions peut-être pas
aussi exclusifs que M. Cl. Bernard, mais nous acceptons que
l'élément musculaire est d'ordinaire le plus vite atteint. M. Cl.
Bernard résume ainsi Taclion de la chaleur sur les phéno-
mènes de la vie : la chaleur est un agent indispensable à l'ac-
tivité de la vie, mais il arrive un moment où l'excès de la cha-
leur agit sur l'organisme comme un agent toxique. Nous
avons vu que la chaleur, comme tous les agents toxiques , attaque
un seul des éléments essentiels de cet organisme, l'élément
musculaire. C'est donc la perte des propriétés vitales de cet
élément, qui, en produisant la rigidité, l'arrêt de la circula-
tion et de la respiration, anjène fatalement la mort. Cette
destruction de l'élément contractile se fait vers 87 à 89 de-
grés chez les animaux à sang froid, vers ^3 à 44 degrés chez
les mammifères, vers 48 à 00 degrés chez les oiseaux, c'est-à-
dire, en générai, à une température de quelques degrés plu>
élevée (|ue la température normale de l'animal.
La chaleur extérieure a donc, dans ses effets, un mode d'ac-
tion aujourd'hui bien déterminé sur les muscles, les nerfs, le
sang. A coté de ces faits bien établis nous devons en signaler
quelques autres dont les uns sont encore hypothétiques, dont
• Voiri un ocliantilloii de la critique
do L.Hermanii (Firr/joiv'.« Archiv, l.LXlf ,
p. 577) : c Personne ne me contredira,
dil-ii, si je prétends qu'on trouve rare-
ment nn pareil mélan[»e d'iynorance des
lois de la physique, d'incurie grossière
dans les expériences, d'erreurs dans les
déductions, de confusion dans l'exposi-
tion du sujet, et le lecteur \erra qiip
ces ^pressions , en apparence très-dures ,
sont encore trop douces et insuffisantes;
le style et la logique de ces messieurs
arrivent réellement au plus haut degré
du comique. . . Les temps heureusement
sont loin où les praticiens s'arrêtaient à
écouler des hypothèses aussi grotesques
et aussi confuses.»»
RÉSISTANCE X LA CHALEUR. 385
les autres ont été notés par des observateurs dignes de foi,
mais sans que ta fréquence de ces troubles soit établie.
Puisque la chaleur a pour premier effet d'exalter les pro-
priétés nutritives du globule sanguin, nous devons nous
attendre k trouver dans le sang une grande quantité de maté-
riaux de déchet^ due à la transformation excessive de Toxygène.
Cette hypothèse a été émise par un grand nombre d'observa-
teurs. Wood et Obernier ont cherché quelques preuves en sa
faveur. Wood ^ aurait constaté un état acide du sang dû à la
rétention des matériaux de déchet. M. Vallin fait remarquer
que c'est la une sorte d'hérésie physiologique , et il est possible
que Wood ignorât que les muscles rigides deviennent acides,
et qu'il ait cherché la réaction du sang sur une coupe de ces
muscles.
Obernier^ aurait trouvé dans le sang des sinus cérébraux
de quatre jeunes soldats morts d'insolation , c^une quantité non
insignifiante d'urée. » Ceux qui savent quelle est la difficulté qui
entoure les recherches de l'urée dans le sang, attendront,
pour accepter les opinions d'Obernier, de nouvelles preuves ,
et un dosage plus précis. Il ne serait pas impossible , d'ailleurs ,
que le sang conttnt un peu plus d'urée qu'à l'état normal. Les
fonctions de la peau sont supprimées, dès le début des acci-
dents apoplectiques; la sécrétion urinaire est troublée, il y a
des hématuries, de lalbuminurie , et même parfois une anurie
complète pendant deux ou trois jours ^.
D^ailleurs, dans le cas même où cet excès d'urée dans le
sang serait établi , il resterait encore à déterminer la part qui
lui revient dans les accidents d'insolation.
M. Gubler a noté aussi les troubles de la sécrétion urinaire
dans une courte note insérée dans le BuUeiin de la Société tné-
> Wood . On Êungtroke ( Thê auierican ^ Docteur Todd , Rematk» on Molar
Jomm. of med. neitncêê , 1 863 , p. 377 ). apopUx^ ( Àrmy*» MêdiaU Report , 1 H59,
'Obernier, HedicintMchêt Cmtral- p. 971).
6^r, 186.5, p. -juj.
386 CHAPITRE IL - LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
dicale des hdpitaua-^. «^M. Gubler signale deux cas Jinsolalion.
Dans le premier, observé par lui dans son service, il s'agit d'un
malade, âgé de vîngMîinq ans, qui, après avoir travaUlé quatre
heures durant, dans une cour oiii la réverbération solaire était
très-intense, fut pris, dans la nuit même, d'attaques éclamp-
liques, lesquelles furent suivies d'un état comateux très-pro-
fond avec déviation conjuguée des yeux, état cataleptique des
extrémités supérieures, paralysie des sphincters. Trois jours
après on constate dans les urines une énorme proportion de
sucre et d'albumine , matières qui se retrouvent encore deux
jours après le début, alors qu'il ne reste plus qu'une obtusion
très-marquée de Tintelligence (lésion probable du bulbe).
M. Gubler a eu l'occasion d'en voir en ville, avec le docteur
Gneit-Dessus , un second cas présentent la forme comateuse,
sans doute avec congestion des hémisphères, et où les urines,
simplement albumineuses, n'offrirent aucune trace de sucre.»
Ces faits devront être recherchés è l'avenir, et, si les résul-
tats concordent avec ceux de M. Gubler, ils serviront à éluci-
der les relations qui existent entre l'encéphale et les fonctions
des glandes viscérales, foie et rein. M. Vailin ajoute, en com-
mentant les faits de M. Gubler, que ni lui ni Obernier n'oot
jamais pu constater d'albuminurie dans leurs expériences sur
rinsolation.
Le docteur Cresson Stilett^ a voulu déterminer si la moda-
lité de l'activité anomale de la nutrition ne pouvait pas faire
naître dans le sang des animaux une substance véritablement
toxique. Bien que ses expériences soient contraires à cette hy-
pothèse, elles sont si mal organisées, qu'il serait téméraire
d'en rien conclure.
Le docteur Robinson ^ a cherché k prouver que l'action des
» GuWer, Rappùrt tiir Um maUiê» « CreMon StUett, BMiom mêi. Joum,
régnante. (BnOttin de U Sodéîé médi. 18 juin 186&. — * RobiMOO, £/«:U
ra/f dtm hôpitaux. Séance Hu 8 odohre 0/ md^r rûjfê upom mùmml litiMt, in
j ^g5 j M^d, nW« rtfirf Gmzêtte . 1 867, p. i'^l-
RÉSISTANCE A LA CHALEUR. 387
rayons da soleil est physiologique et non physique; il lui
semble que la structure des animaux vivants est particulière*
ment sensible à Tagent qui réside dans les rayons solaires, in-
dépendamment de la chaleur de ceux-ci; il lui parait probable
que ce n'est pas Télément calorifique de ces rayons qui pro-
duit les effets nuisibles. Pour lui, des recherches ultérieures
devront résoudre la question de savoir si c'est leur action chi-
mique ou actinique qui agit principalement dans ce cas, ou
bien si ce n'est pas une autre force active, encore plus étroite-
ment liée h l'électricité ou à la force nerveuse elle-même. Ses
expériences et celles que M. Vallin a instituées pour vérifier
cette hypothèse ne semblent pas plaider en sa faveur.
Toutefois on peut rapprocher cette opinion d'un fait très-
curieux de coup de soleil électrique dont M. Charcot a publié la
relation'. Deux physiciens, maniant une pile de lao élé-
ments de Bunsen, et parfaitement garantis contre l'action de la
température, furent atteints d'un érythème très-marqué, avec
rougeur, douleur, desquamation des parties exposées : les deux
savants avaient garanti les yeux et le haut du visage avec des
verres d'urane , qui retiennent une grande partie des rayons
chimiques, mais laissent passer les rayons lumineux; or
Téry thème n'occupa que les points découverts, ceux où les
rayons chimiques avaient conservé toute leur action ^.
En résumé l'augmentation brusque de la chaleur entraîne :
la rigidité musculaire^ l'abolition des fonctions du cœur
arrêté en contraction, l'anesthésie du système nerveux, la flui-
dité du sang avec absorption de l'oxygène des globules^ Voilà
des faits qui semblent démontrés. En même temps il survient
des troubles dus è la perturbation des fonctions sécrétoires,
* Cbamt, Coup Je êoiêU êhetriqw. {MedkalTimêêmdGaz, 1869, p. 683).
(GûXêtuhMomgdain, i858,p. t88.) Le phëDomène le plus saillant de ces
* Voyei éfsleinent Ridiardson, Lêc- recherches est que le eenreau serait ané-
iMTM on êxffenmentël amdpraetieul mê- mië et refroidi jusqu^i 1 d^rés. Ce ré-
Jifinê : on mertmmU of amimai hêai sultat est nie par ValHn.
d5.
388 CHAPITHK II. —LA CHALEUK KT LA FIÈVRE.
sur \i\ nature et la valeur desquels nous sommes moins bien
fixés.
•j Les limites du refroidissement ([u'un animal peut suppor-
ter sont dilliciles à préciser; nous savons cependant que plus
on s'élève dans Tordre zoologi([ue, moins Tanimai résiste au
refroidissement, ^ous dirons quelques mots de rhibernation,
qui est pour certains animaux un état physiologique, quil
laul bien distinguer avec Mangili de la léthargie par le froid.
Boerhaave a remanpié que, pendant l'hiver de lyoc), des
œufs d'insf^ctes déposés sur les branches d'arbres, et dans des
lieux découverts, restèrent féconds, bien que la température
fut descendue à - ly".."). M. (iavarref a été témoin d'un fait
sendjlable pendant l'hiver de i8*2(j-i83o. Réauraur- a vu
certaines espèces d'insectes périr sous rinlluence d'une tem-
|)érature encore siq,K»rieure à celle de la congélation de l'eau,
tandis que d'autres ne mouraient (pi'à - i 3",^ et que d'autres
supportaient impunéujent l'inipression de l'air l\ — 3 3^75.
Spallanzani '^ a vu des œufs d'insectes rester féconds après
avoir été exposés à une température de ~ 3o degrés, tandis que
les animaux (pi'ils produisaient périssaient à — i o degrés et
même a - (i dejnés; il a constaté ce fait sur des vers à soie et
sur le j)apillon de l'orme. Honafous * a rapporté des faits .sem-
blables. Hoss'\a vu également que des chenilles pouvaient
é|n* congelées el supporter une température de — ^îj degrés.
M. (iavarref^^ rapporle «pi'en Russie et dans la partie sep-
tentrionale des Ktats-Unis d'Amérique, on transporte au loin
des poissons roides comme des bâtons et dans un véritable
état de congélation: cependant il suHit de les plonger dans
' {\\i\xy{\iA yOmleur omiiutb\^.^^o\ . ^ Bonafous, Rihiioth. unir, de (re-
^ l\«''aiiiunr, Mem. sur Ips inscries , «^'«t, i 8^-i8 , t. XVII . p. aoo.
t. Il et V; cilé par (iJivaiTPj, p. r>oi. -» Ross, Biblioth. tmiv. de Genève,
' S|.»allanzaiii, Ojiusr. d^phiis. umm.y iH3(i, t. III, p. 693.
t. I, p. Sj! »| H7k " (îavarrpt. Chaleur ant ma h\]K'i09^
RÉSISTANCE AU FROID. 389
Teau au-dessus de zéro pour leur rendre leurs mouvements.
M. Gavarret emprunte k M. Gaymard ^ un fait for! intéressant,
qui prouve qu'un animal vertébré peut résister à une congé-
lation complète. M. Gaymard plaça des crapauds dans une
botte remplie de terre et les exposa en plein air à l'influence de
la température extérieure. Au bout de quelque temps on ou-
vrit la botte. Ils étaient durs et roides comme des cadavres
gelés. Toutes les parties de leurs corps étaient inflexibles et
cassantes. Quand on les brisait, il ne s'en échappait pas une
seule goutte de sang. Ces animaux avaient creusé des trous
dans la terre de la botte, ils s'étaient ainsi refroidis lentement,
et étaient parvenus graduellement à l'état de congélation. Pla-
cés dans de l'eau légèrement cbauffée, ils recouvrèrent la
flexibilité de leurs membres , à mesure que les glaçons fon-
dirent, et, en dix minutes, ils revinrent complètement à la vie.
M. Gaymard fait observer qu'une congélation rapide tue tou-
jours ces animaux; pour qu'ils résistent, il faut que l'influence
du froid soit graduée. Les mêmes expériences furent tentées
sur des grenouilles et ne réussirent pas.
Dans ces dernières années, plusieurs auteurs ont cherché
à préciser la limite des animaux supérieurs au refroidissement.
Walther^ a étudié l'influence du refroidissement artificiel
sur les animaux supérieurs. Si l'on place, dit-il, un lapin
dans un milieu refroidi, en l'empêchant de se mouvoir, et si
l'on fait tomber la température de l'animal à 18 ou 9 o*' C,
puis si on le replace dans un milieu qui ne soit pas plus
chaud que la température normale de l'animal, il perd la fa-
culté de regagner sa température normale (39" G.). M. Cl. Ber-
nard^ avait déjè observé le même fait sur des cochons d'Inde.
' Gaymard, Biblioth, unw. de Ge- Herm. Weik^rï in Àrch. dei' Heilk,, \\\,
nhey i84o, t. XX Vf, p. 907. p. igS-oao, i863). Compte rend a par
* Éiudê êw ta chaleur animale (Bei- H. Hupperl dans Scbmidfs 7aAr6.,
Irâge z« der Lehrt von en thieriêchen i863, t. GXIX, p. 106.
Wàrmê; von A. Wallher in Virchow's ^ Cl. Bernard, Lerotui, 1836.
Areh. XXV, p. /ii4-^i7, 1863, ii.
390 CHAPITRE 11. •- LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
Après la mort, la chaleur propre de l^animal tombe encore
de 1 è 9 degrés au-dessous de celle du milieu , sans doute par
suite de Tëvaporation des liquides de l'organisme.
Quand on retire les animaux de l'appareil réfrigérant, ils
sont incapables de se tenir sur leurs jambes, et de faire aucun
mouvement locomoteur: pourtant ils ont encore des mouve-
ments volontaires réflexes et de la sensibilité : les battements
du cœur ne sont plus qu'au nombre de 1 6 ou 3 0 par minute
(un lapin en a qAo d'habitude): la respiration devient si
faible, qu'on voit à peine le mouvement thoracique ; le plus sou-
vent la respiration est extraordinairement accélérée, mais très-
superficielle. Toutes les excrétions cessent, notamment celle
de l'urine. Les yeux de l'animal sont largement ouverts, et on
ne voit jamais rien qui ressemble au sommeil hivernal. Les
animaux commencent k dormir quand on les a réchauffés for-
tement. On ne saurait fixer la limite exacte, pour la chaleur
animale, où les fonctions des nerfs et des muscles cessent; la
mort, c'est-à-dire la cessation de l'action du cœur et des pou-
mons, a lieu dans des circonstances différentes et avec des
températures différentes. Le minimum de la température propre
oh Walther ait encore observé des mouvements et de la sen-
sibilité a été + 9** C. Les animaux restent dans l'état de demi-
paralysie quelquefois pendant dix ou douze heures; si l'on
cesse le refroidissement et qu'on les réchauffe, on n'empêche
pas pour cela leur mort, quand bien même on les ramène de
1 8 degrés à 89 degrés en les abandonnant h eux-mêmes.
Dans l'état de refroidissement, les animaux sont tout à fait
aptes à supporter les expériences de physiologie sur les nerfs,
parce qu'on n'a pas alors à craindre les mouvements muscu*
laires et l'écoulement du sang. Chez les animaux refroidis, l'in-
fluence réchauffante des contractions musculaires, qui, même
à 90 degrés, présente encore une certaine force, augmente la
chaleur propre de l'animal , et fait monter par exemple la tem-
pérature de a à 'j degrés ; mais, quand le refroidissement est
RÉSISTANCE AU FROID. 391
pousië encore plus loin , il n'y a plus de réchaufTement. A l'au-
topsie on trouve les poumons remplis de sang avec un exsudât
séreux dans le parenchyme et dans les bronches. Il en est de
même chez les animaux qui, après avoir été refroidis, ont été
ramenés à la température normale, et, de plus, on trouve
chez eux un exsudât dans les plèvres.
Les animaux refroidis peuvent être ramenés à la tempéra-
ture normale par un réchauffement artificiel qui les reporte à
39'' C. D*abord la température propre monte lentement, mais, è
partir de 3 o degrés, elle s'élève rapidement , et alors les animau x
s'endorment. Dans un milieu à ^o'^C, la température de rani-
mai monte de 1 8 degrés è 39 degrés en deux ou trois heures. Il
y a des animaux réchauffés qui ont, dans la journée, une
sorte d'état fébrile (&9''C.), avec catarrhe nasal, bronchique,
conjonctival. On peut aussi réchauffer les animaux avec la res-
piration artificielle , à la condition que l'air de la chambre ait
au moins 1 o ou 1 s'' C. Le retour de la chaleur ramène l'acti-
vité musculaire, la bête se tient debout, se meut et urine.
Mais la température ne monte de 18 à 39 degrés qu'en vingt-
quatre heures. Un animal refroidi jusqu'à la température de
aS'^C., puis maintenu dans une atmosphère froide, regagne sa
température normale, mais aussi lentement : dans un cas de
ce genre il fallut huit heures, et la température montait en
cinq minutes de o%t seulement.
Il semble résulter de ces expériences que l'on ne doit point
tenter de ramener lentement è leur chaleur les hommes. qui
semblent morts de froid, mais qu'il faut les réchauffer promp-
tement. Même après que Ton a réchauffé fortement le corps ,
il est très-dangereux de le laisser dans un milieu froid. La
respiration artificielle corrige l'état morbide des poumons que
nous avons décrit, et doit être employée avec avantage chez les
hommes refroidis. Ces faits aident è comprendre ces cas
d'hommes qui, en Russie, étant restés plusieurs jours engour-
dis dans la neige, auraient été ramenés à la vie.
392 CHAPITRK II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
En 1870, le (lorteur IIoi vvath ' a rt^pété les expérieiucs
pnVi'dentes et roiilirmé les ivsullats annoncés par le professeur
Walther do kieu : il a vu que les lapins que Ton a refroidis
dans la nei[i[e. pisqu'à ce que la température du rectum niai-
rpiat *>o*' (1., peuvj'nl être rappelés à la vie. Au-dessous de
!>o"C. cela devient impossible : la mort est certaine. Dans celle
expérience, le refroidissement a lieu progressivement et de la
même quanlité dans le ménie espace de temps.
Dans un travail |)ul)Hé en iSyS, Horualb - a cherché à
déterminer la part des divers systèmes dans les accidents qui
succèdent h la conjT;élation, et pour cela il a expérimenté sur
de» {J[renouilles. Voici ses conclusions :
i " Un froid de - 5" C. détruit la faculté contractile des
muscles striés chez la jjrenrmille, mais, après qu'elle est dé-
l^elée. ses nmscles s(U)t de nouveau sensibles aux excitations
électricpies et mécanicpies. Humboldta vu des muscles de gre-
nouille refroidis ii - 1 5" C. se contracter après avoir été d/*-
jjelés, et kuhne a vu le même fait après un refroidissement
i\o 7 à 10 degrés; mais v(^s faits ne peuvent s'expliquer que si
l'on admet tpie le muscle n'avait pas été refroidi au degré où
étail le milieu and)iant, c'est ce cpie l'auteur pense établir.
•j" Si Ton arrache le cœur d'une grenouille, qu'on le congèle
assez pour ([ue, jeté dans un bocal de verre, il sonne comme
une pierre, et «pi'on le dégèle, il se contracte enc(u*e quelque
temps d'une façon rbythmée.
L'auteur a examiné divers appareils : l'iris, les vaisseaux
sanguins, les sacs lymphatiques, les muscles des grenouilles
gelées, et il a trouvé (pu* le degré de congélation réelle des
muscles au delà ducjuel il n'\ a plus de retour possible à la
vie est - 5" C, tout au plus.
' I)nrf<>«ir Horwnlli, Exporioiiros m ' llorwatii, E.rpéi'iencr$ sur la con-
^*'\vr^ <\i\n'i lin lvi\\iii\ Miv l/iiinmliou Pt frêhilion [Centvalbiatl , n" B.jarnier
sf's h'tiijtrrahnf's {\\i(>n. med. \\ ncliPU- ^'^V'^)-
mhnj't. \X, j). îri, i^7<»).
RÉSISTANCE AT FROID. 393
M. Ci. Bernard a répété ces expériences, et il en a déduit
des résultats plus applicables à l'homme ^
M. Cl. Bernard, après avoir refroidi un lapin par section
de la moelle, constate, cinq heures après l'opération, que la
température rectale s'est abaissée de &o degrés h q/i degrés.
Elle n'est que de 6 degrés supérieure à celle du milieu am-
biant.
A ce moment les respirations sont rares et les mouvements
du thorax presque abolis; les battements du cœur sont à
peine perceptibles; les propriétés nerveuses sont émoussées.
L'animal a les apparences de la mort, mais la vie persiste,
elle n'est qu'engourdie. Chez les animaux à sang froid , la vie
peut se réveiller vingt-quatre heures après la cessation des
battements du cœur. Chez les animaux h sang chaud , la mort
est la conséquence immédiate de la cessation de la circulation.
Mais , si le mammifère et l'homme même sont amenés à cet
état de refroidissement où ils ne diflèrent plus physiologique-
ment d'un animal è sang froid, alors la cessation de la circu-
lation ne sera plus immédiatement mortelle. Ainsi , dans le
refroidissement cholérique, en tSSa, Magendie a constaté
qu'un individu sans pouls, k qui il avait pu ouvrir l'artère
Fadiale sans qu'il s'écoulât une goutte de sang, avait encore
assez de force pour se tenir assis sur son lit, réfléchissant et
parlant.
Lhomme refroidi successivement avait été amené par la
maladie & l'état où se trouve la grenouille à laquelle nous
avons enlevé le cœur.
Nous verrons, dans la partie clinique de ce travail, que,
dans certaines intoxications, la température peut subir un
abaissement considérable, et quelles sont les limites qu'elle
ne peut pas franchir.
Nous n'avons pas à parler de l'hibernation : c'est une étude
* Cl. Beraard, Chaleur animale , p. 161.
39/i CHAPITRE II. — LA CHALELR ET LA FIÈVRE.
qui sVloigne tro|) de notre but spécial , et nous renvoyons au
liv re de M, Gavarret ' ceux qui seraient tentés de connaître les
détails si curieux de ce phénomène. Nous croyons cependant
devoir réserver une place à l'analyse d'un mémoire de Hor-
uatli'^. (|ui a cherché à déterminer quels étaient les enseijjne-
ments applicables à l'homme malade que Ton pouvait tirer du
mode do réchauffement des animaux hibernants. Nous utdise-
rons [dus tard ces expériences en développant la théorie de la
réffulation de la chaleur.
L'auteur a étudié le sommeil hivernal, il s'est proposé de
rechercher en <|uoi et par quoi un animal à sommeil hivernal
diffère d'un animal d'autre espèce et non sujet à cet engour-
dissement. Les animaux mis en observation étaient des mar-
mottes; le temps de l'observation, l'hiver de 1871-1872. Le*>
animaux, pris dans leur lieu de naissance en octobre, avaient
été sé([uestrés et nourris d<» blé, de carottes, pain, viande
et pommes de terre.
(les marmottes posées dans l'hiver avaient le poids de too
à iof) [frannnes. Toutes les mesures de température furent
prises avec un même therujomètre placé aussi profondément
(|ue possible dans le rectum. La température intérieure de la
marmotte à l'état de veille ne s'éloigne pas de celle des aulr^
animaux à sang chaud (3r» à 37^* C), tandis que, pendant le
somnjoil hivernal, olle se rapproche de la température du mi-
lieu and)iant. L'auteur a vu une marmotte qui, quelques
heures avant , était dans le sommeil hivernal à une température
extérieun* de f- •>" (]., et dont h^ rectum n'avait que celte même
température de 12" (i., s'éveiller et pres(|ue aussitôt se mettre
à courir avec vivacité. On ne voit point les autres^ animaux à
sang chaud survivre à un refroidissement si voisin de la con-
gélation, expériences : Le 6 décembre à une température de la
' ituvnvicï , Chah'ur nnimale. De rhi- animale [Cputralhlnft , \f^ 'i5-^7-o:>,
in'rnattnii , p. !{{'A\ ol siiiv. 187'i).
- iiorwnllj. Phi/^n>lofrif tie lu chaleur
RÉSISTANCE AU FROID. 39&
chambre de +9* G. , on observa une marmotte endormie.
Elle ne respirait que trois fois à la minute.
Le 9 décembre, k la température de 9" C, l'animal, sans
mouvement et les yeux fermés , repose sur le côté. Sa tempéra-
ture rectale, de 8 à 9 heures, demeure à 8%& ou 8%6 G.; de
9 à 10 heures, elle monte à 1 5*" G., et de 10 è 1 1 heures,
à Sa" G. A partir du moment où Tanimal a atteint 1 1%5, il
s'est soulevé et s'est mis h manger.
Ghez toutes les marmottes observées, le réveil a été mar-
qué par une ascension de la température qui s'est faite ainsi :
Pendant la première heure qui suit, la température a monté
de 9" G.; dans la deuxième heure, de 5 degrés, et dans la
demi-heure suivante, de 1 5^ G. La température s'élève parfois,
en quarante minutes, de 1 y"" è Sq*" G. Gela ne ressemble point
à ce que l'on voit chez les autres animaux, soit refroidis arti*
ticieilement, soit en état de fièvre ascendante, chez lesquels
réchauffement se fait relativement avec une grande lenteur.
(L'auteur cependant aurait pu citer l'accès de fièvre intermit-
tente qui montre une ascension parfois très-rapide de la tem-
pérature.) Ge qui est vrai, c'est qu'on ne peut rappeler à la
vie des animaux dont le refroidissement est descendu è ao^G.
Ce réchauffement si rapide des marmottes est d'autant plus
étonnant que les deux principaux facteurs de la chaleur, la
contraction musculaire et l'énergie respiratoire, font ici presque
défaut. On ne peut supposer que l'animal ait une réserve
d'oxygène grâce è laquelle il se réchauffe. En somme on ne
peut ici appliquer les théories admises pour la chaleur des
animaux.
L'auteur a voulu se rendre compte exactement de la quan-
tité d'eau et d'acide carbonique éliminée par l'animal à l'état
de sommeil hivernal , au moment du réveil , et à l'état de veille
définitive, et il ne s'est pas fié au nombre des respirations
pour en déduire la quantité des produits expirés.
Lne marmotte de ]53 grammes un quart, la température
396 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
de la chambre étant de + 9** C, a, pendant le sommeil hiver-
nal, excrété, en une heure :
CO' = 0,01 5 grammes.
HO =0.01/1
La même marmotte, deux jours après, à Tétat éveillé et à
une température de la chambre de + 1 3",5 , a excrété, en une
heure :
CO' ^ 0,5 1 3 grammes.
HO — o^ogH
Quelquefois Texcrétion d*acide carbonique, dans la veille,
diffère encore plus de celle du sommeil.
L'auteur a observé un phénomène particulier chez les ani-
maux qui avaient été soumis déjà à Taction des hautes tempé-
ratures dans une étuve : c'est une sorte d'accoutumance qui
faisait que, si on les replaçait quelques jours après dans la
même atmosphère échauffée, ils présentaient moins de ma-
laise, leurs muscles ne s'engourdissaient pas tant, et leur tem-
. pérature ne montait plus si haut que lors de la première ex-
périence. Horwath, ainsi que Rosentbal, se range à ra\îs de
Senator contre celui de Liebermeister, et repousse la théorie
de l'accroissement de la production de chaleur dans le refroi-
dissement. Examinant ensuite le traitement des fiévreux par le
refroidissement, il pense que la meilleure méthode est de les
refroidira un faible degré, mais d'une façon continue, à l'aide
d'une forte ventilation, ou, si cela ne suffit pas, en les plaçant
sur des matelas d'eau , dont on peut faire varier la température.
Quant k l'influence élévatrice de la température qu'exerce-
rait la section de la moelle d'après Naunyn et Quincke, l'au-
teur, pas plus que Riegel , n'a pu la constater dans ses expé-
riences. Au contraire, la section de la moelle en un point élevé,
en raison de la section concomitante des nerfs vasomoteurs,
lui a constamment montré une augmentation de la perte de
RÉSISTANCE AU FROID. 397
chaleur, jamais une augmentation de sa production. Si Ton
plaçait ces animaux dans Tétuve , on voyait leur température
tomber k Sa* C, température du milieu ambiant. A de plus
hautes températures, leur chaleur propre montait, mais non
pas plus vite que chez les animaux à l'état normal. Quelque
temps après l'opération , la production de la chaleur s'accrois-
sait certainement, mais l'auteur voit là un effet de la fièvre
traumatique.
Ce sont des arguments puissants à opposer à ia théorie de
Liebermeister, Naunyn et Quincke.
L'auteur a fait en octobre 1879 trente expériences sur le
refroidissement chez des marmottes et des hérissons endormis,
et conclut ainsi :
1** Les animaux hibernants supportent facilement un fort re-
froidissement de leur corps : en effet leur température propre,
abaissée, à plusieurs reprises, jusqu'à 6, 5, A et 3 degrés, et
même jusqu'à i%8 C, a pu être ramenée à l'état normal sans
l'aide du réchauffement ou de la respiration artificiels ;
9* Les nerfs et les muscles chez des animaux amenés à un
pareil refroidissement étaient encore excitables, car leurs
muscles se contractaient énergiquement par de faibles courants
d'induction, les électrodes étant placées soit directement sur
les muscles refroidis, soit sur leurs nerfs;
3** Le cœur des hibernants se contractait encore d'une façon
rhythmique alors que la température du sang qui y était con-
tenu n'était que de 4- 4* C. ;
A* Les hibernants refroidis n'ont pas, comme les lapins,
le tétanos.
Si l'on rapproche ces expériences de celles que l'auteur a
faites en 1871 sur les lapins, on voit que ceux-ci se compor-
tent tout différemment. L'auteur promet de poursuivre ses
recherches.
A cdté de ces expériences d'Horwath, qui forcent à réfléchir
sur le mode du refroidissement, sur le rôle que celui-ci joue
398 CHAPITRE II. — LA CHALEDR ET LA FIÈVRE.
dans les actes fébriles, nous plaçons également ane analyse
des recherches faites sur le refroidissement par suppression
des fonctions de la peau. Il semble paradond, tout d'abord,
de soutenir que, lorsqu'une des sources de refroidissement, la
perspiration cutanée , cesse de s'accomplir, la chaleur diminue;
il en est pourtant ainsi, et ce sera un fait dont nous aurons à
tenir compte en exposant les diverses théories de la fièvre.
Breschet et Becquerel ^ furent les premiers qui signalèrent
l'abaissement de la température chez les animaux recouverts
d'un enduit imperméable. Des lapins rasés et recouverts d'une
couche de colle de pâte, de suif, etc., perdirent en une heure
et une heure et demie , i A ' à 1 8* G. et succombèrent pea
après.
Le fait expérimental a été confirmé par Gerlach ^, Valentin ^
Edenhuizen^, Laschkewitsch , etc. Valentin fit remarquer qu'eo
même temps qu'ils se refroidissaient, les animaux subis-
saient un ralentissement très-marqué dans leurs mouvements
respiratoires, que les quantités d'oxygène absorbé et d'acide
carbonique exhalé diminuaient dans une proportion considé-
rable. Pour lui la mort survient par le fait même du refroidis-
sement subi par l'animal , et il le prouve en empêchant celui-ci
de mourir en le plaçant dans une étuve chauffée à SS"" ou
38" C.
Edenhuizen a trouvé que les lapins succombaient même
quand leur peau n'était que partiellement recouverte ( t/6' ou
i/8*). Le refroidissement subissait dans sa marche une pro-
gression proportionnelle k Tétendue de la surface cutanée en-
duite. • . Mais les phénomènes chaleur, pouls, respiration,
* Breschet et Becquerel, Comptée ^ Vaientiii,iOi4rdLytfrpAyf. JX^là.,
rwudit dm êiantêt H» VAcûdémiê dm i858, p. Ad3.
«ocficM. (Sëince du 1 8 octobre i8Ai.) * Edenhuixen, in Z§iudir fir rât
* Gerlach , in Mûller's Arckit , 1 85 1 , Mêd, , 1 863 , p. aS.
p. h?i.
RÉSISTANCE AD FROID. 399
ne sont pas ëgaiement influences. (Voyez les détails dans le
naëmoire d'Ëdenhuizen.)
Laschkewitsch ^ attribue la mort à l'augmentation de la
perte de chaleur. Il fait ses expériences sur des animaux dont
il enduit la peau de vernis ou de colle. Il rappelle que la
mort survient quand un sixième de la peau est vernissé, mais
que la cause de la mort nous échappe. Valentin pourtant avait
observé que les phénomènes morbides étaient enrayés quand
on maintenait Tanimal à une haute température. Laschkewitsch
a remarqué que les extrémités vernissées étaient beaucoup
plus chaudes que les autres. Sur un lapin, cette différence
était de l^5 G. L'animal ayant été placé dans une chambre
froide^ le refroidissement porta plus sur la partie vernissée
(t* 0.) que sur les parties non vernissées (o%5 C). L'animal
mourut au bout de cinq jours, présentant tous les phéno-
mènes morbides qui accompagnent le refroidissement. Les
vaisseaux de la partie vernissée étaient très-dilatés et remplis
(le sang, les muscles y étaient rouges; pourtant cette partie était
très-amaigrie par rapport è la correspondante. On mit dans
un appareil calorimétrique un lapin vernissé et un lapin è
Tétat normal : le premier perdit i3%5, le deuxième ne per-
dit dans le même temps que 1 1 degrés de sa chaleur. Le lapin
sain fut placé encore le lendemain dans l'appareil et perdit
en cinq minutes 3 degrés , tandis que le lapin vernissé perdit
dans le même temps 5 degrés. Ensuite Texpérimentateur en-
veloppa le lapin vernissé d'ouate, et l'animal vécut tant qu'on
le laissa ainsi enveloppé.
Laschkewitsch conclut que la mort par suppression artifi-
cielle de la perspiration cutanée a pour cause prochaine l'aug-
mentation de la perte de chaleur. Il faut chercher les condi-
' DtM eautêê de rabaiisement de la Anat , PkytioL und wim. Med, , 1 868 ,
teH^érmture par la ««pprMiioii de la p. 6i; ei Schmidt's Jakrbuek, i868,
panpiraùtm eutmaée, par le docteur W. 3* partie, p. 9/1.)
I^srhk«'wit«ch k Péterabonrg. ( 4reh,Jur
400 CHAPITRE IV^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
tions de ce refroidissement dans rhypërëmie de la peau et du
tissu cellulaire sous-cutané, analogue au phénomène qui se
produit après la section des nerfs sympathiques , après laquelle
on voit la température de la tête et du cou s'élever, tandis que
celle du sang s'abaisse.
g. TBMPÉRATORB P08T MORTBM.
La mort supprime les causes connues de la production de
la chaleur, laisse subsister le refroidissement par rayonnement,
et bientôt l'équilibre s'établit entre le cadavre et la température
extérieure. Mais il n'en est pas toujours ainsi : dans quelques
maladies la température s'élève au lieu de baisser après la mort.
Il faut donc ne pas se contenter de l'observation banale du
refroidissement, mais tâcher d'en suivre les lois en tenant
compte de la maladie qui a amené la mort.
C'est ce que le docteur Alf. S. Taylor et le docteur Wilks^
ont essayé de faire, et ils ont, dans cent observations, mesuré
la température trois et quatre fois sur chaque sujet, après la
mort. On a tenu compte du genre de maladie qui avait précédé,
de la température du lieu , etc. Le thermomètre a été le plus
souvent appliqué sur la peau de l'abdomen , quelquefois dans
l'intérieur du corps. Trois heures après la mort, sur soixante-
seize cas, la température a été de qS"" G. Dans les autres cas
elle a été, au maximum, de 3&°,5 G. et, au minimum, de
l5^5G.
Quatre ou six heures après la mort, la température
moyenne, dans quarante-neuf observations, a été de â3^3
(maximum 3o degrés, minimum i6%6).
Six ou huit heures après la mort, sur vingt-neuf cas, la tem-
pérature moyenne a été de f)Q%9 (maximum 9 6%6, minimum
i5°,5).
^ Docteur Aif. S. Taylor et docteur la mort ( Guy*M Hotp. R«p. , *S' »ér.
Wilks, BêfroidiMiêmênt du eorp» aprè» IX, p. 180, i863).
TEMPÉRATURE POST MORTBM. 401
Enfin doaxe heures après la mort, trente -cinq observations
ont donné, en moyenne» ai\'j (maximum a 6 degrés, mini-
mum i3%3).
La teni[^érature du milieu a varié pendant le cours de ces
observations, de + 3%5 à + a i"* C. Voici quelques-unes des
conclusions de ce travail :
Les morts qui ont succombé à une maladie longue et épui-
sante perdent leur température propre plus lentement que
ceux qui ont succombé à une maladie aigué.
Les gens morts par accident ou k la suite d'une opération
subissent souvent une décomposition rapide.
Les cadavres gros conservent leur chaleur plus longtemps
que les maigres.
Un temps humide , même en hiver, active plus la décompo-
sition que la chaleur de Tété.
Le refroidissement des cadavres est un phénomène phy-
sique qui dépend du rayonnement et de la conductibilité; il
est donc sous l'influence directe du milieu. Un noyé se re-
froidit beaucoup plus vite qu'un cadavre exposé è l'air. Le
corps est-il posé sur un support bon conducteur du calorique ,
nu ou è peine vêtu, ou est-il exposé à un courant d'air, la
chambre est-elle grande, alors le refroidissement va infiniment
plus vile que s'il se trouve tout k fait vêtu, dans un lit et
dans une chambre close. La peau est un bon conducteur du
calorique : aussi le simple toucher du cadavre ou une apprécia-
tion rapide de la température , ne suflBsent-ils pas pour émettre
une opinion fondée , d'autant que l'une des mains de l'obser-
vateur peut trouver un endroit du corps chaud et l'autre main
le trouver froid. Lorsque la température du mort était tombée
k 1 5' C. , et qu'on élevait la température du milieu de i o de-
grés, on pouvait maintenir le corps longtemps à cette tempéra-
ture de 1 5 degrés. Les corps des adultes se refroidissent plus
lentement que ceux des enfants et des vieillards (question
de masse).
96
hO^
CH4P1TRB 11. -^ LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
Les organes interaes conservent leur chaleur beaucoup plus
longtemps que la surface du corps. On y a trouve souvent de
ai R ^9 degrés « quinze ou vingt heures après la mort, alors
que la surface avait pris la température du milieu ambiant
D'autres observateurs ont noté des températures intérieures
encore plus élevées (87 à Sg'^ti.) avantla putréfaction.
Souvent il y a une élévation de température après la mort,
par exemple dans les cas de tétanos. Chez un malade morl
(le la maladie de Bright, les auteurs ont trouvé une fois la
température plus haute de i%5 quatre heures après, que deux
heures après la mort, la température de Tair étant de 17"* C.
Ce serait un cas fréquent chez les gens morts de la fièvre
jaune (docteur Dowler), et le maximum Irait jusqu'à Âo et
même 65 degrés. On a observé le même phénomène chez
les cholériques. On n'a point constaté un refroidissement plus
rapide chez les gens morts d'hémorragie.
M. Alvarenga' a fait des recherches analogues sur un homme
mort d'hémorragie cérébrale. Une heure avant la mort, le ther-
momètre marquait 36%5; le thermomètre resta appliqué dan>
faisselle et fournit les indications suivantes :
HeurM. Temp^mlupe.
8 heures. Mort
8 h. i/h, ...... 3ô*.6
8 h. 1/9 35 ,4
8 h. 3/4 35 ,0
9 heures 34 ,6
9 b. f/4 34 ,0
9 h. i/a 33 ,4
9 h. 3/4 39 ,8
10 heures 3-j ,9
to b. 1/4 3t ,6
10 h. 1/9 3t ,0
10 b. 3/4 3o ,6
fleara». Tenpértlurp.
1 heures 3o\o
1 b. 1/4 99 ,6
. 99,0
. 98,4
97 ,0
. 95,6
. 93,8
90 ,6
18 ,0
. i5,8
i5 ,0
1 b. 1/9 .. .
t h. 3/4 . . .
Midi
9 h. 1/4...
9 b. 1/9 . . .
9 b. 3/4 . . .
heure
b. t/4 . . . .
h. 1/9 ... .
* Alvarenga, Ptérù de thermoméla-iê clinique générale. Trad. de PapilUtHl.
1871, p. tag.
TEMPÉRATURE POST MOBTEM. 403
La température de la salle était de 1 5 degrés. Il est à re-
marquer que rabaissement de la température a été d'autant
plus rapide que Ton s^est éloigné davantage du moment de la
mort. Il semblerait que, dans les instants qui suivent la mort,
rabaissement dût être , au contraire , plus rapide , puisque l'écart
entre la température du cadavre et celle du milieu ambiant est
plus marqué. Puisque cest le phénomène inverse que Ton
observe , on peut soupçonner que quelque cause crée encore
de la chaleur après la mort. Cette hypothèse se trouve appuyée
par ce fait surprenant que souvent, Otto Funke dit même
presque constamment, la température s'élève après la mort.
Th. Simon ^ a cherché h démontrer, par plusieurs observa-
tions d'élévation soudaine de la température au moment même
de la mort, qu'il s'agit non d'une contraction musculaire
comme on le pensait d'après quelques cas de réchauffement
après la mort des tétaniques, mais d'une paralysie soudaine du
système nerveux , laquelle serait la véritable cause de cet accrois*
sèment de température. L'auteur cite les maladies suivantes ,
ou cette élévation au moment de la mort a été observée : deli-
rium trme^. rkumatime aigu, variole conjluenle et hémarra.
gique, blessures, etc.
Le docteur Erb^ s'exprime ainsi sur le même sujet, è pro-
pos de l'élévation de la température dans l'agonie , chez les gens
atteints de maladies du système nerveux :
«Dans la plupart des maladies du centre nerveux, sinon
dans toutes, avec ou sans lésion anatomo- pathologique,
qu'elles soient ou non accompagnées de convulsions tétaniques ,
aui approches de la mort, il se produit, en même temps que
les fonctions cérébrales manifestent un trouble et une pros-
tration considérables, une élévation de température plus ou
* Th. Simon, de Hamboui^, L'élé- * Docteur W. Erb, à Heidelttei^,
vatkm de la température doM V agonie H in Arck. Jnr kUn. Med., i-s, i865.
aprèê la mort, (Ann. delà CkarUé de Analyse in Schmdt'ê Jakrh., 1866.
Herlin, \ill ,9,1 865. ) t. CXI , p. 9 1 , par Geiasler.
•j6 .
AOA
CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
moins rapide, habituellement très-notable » laquelle très-sou-
vent persiste pendant quelque temps après la cessation de la
respiration et des battements du cœur, n L'auteur remarque
que ces températures excessives se montrent quand la mort a
lieu par le cerveau, mais que, si les poumons ou le cœur sont
la cause prochaine de la mort, il n'en est plus ainsi parce
qu'alors les conditions nécessaires k la formation de la chaleur
sont abolies. Mais, si la respiration intacte charrie encore assez
d'oxygène, alors la température peut s'élever. Toutes les mala-
dies du cerveau, même les troubles fonctionnels sans lésion,
peuvent amener cette élévation de chaleur ultime. L'auteur cite
la tuberculisation pulmonaire avec méningite de la base, la
méningite purulente, la sclérose du cerveau, les accidents
puerpéraux, le typhus, la méningite spinale, l'hémorragie
cérébrale, etc. Pour Wunderlich, cette élévation s'observe
surtout quand la maladie se termine par des températures
hyperpyrétiques.
On s'aperçut bientôt ' que les affections des centres nerveux
et celles qui »ont accompagnées de fortes convulsions téta-
niques ne donnent pas seules naissance à un accroissement
de chaleur après la mort, et les auteurs cherchèrent à expli-
quer cette élévation par le passage des muscles è l'état de rigi-
dité cadavérique. C'est la cause qu'invoque Huppert^, en te-
nant compte également de la coagulation sanguine.
* Quelques autours n^alMndonnèrenl
pas facilement la théorie de finfluenoe
cérébrale. Ainsi Eulenbui^' rapporte
deui cas de mort par érësipèle avec ob-
servations de la température avant et
après la mort :
i"eaii.
«' e«».
43 ,t
i Al ,8
Avant U nort. (Ai»««lle.)
t,k d*lMuri aprètt.
An moment de la mort,
ao nuontoi aprèi.
D'oii Eulenburg oondut que Télexa-
tion est due i une paralysie subite des
centres neneui, et ajoute que férési-
pète est une affeclion nerveuse, un
trouble fonctionnel des neHs vasomo-
teurs.
* Huppert H., Uêher éiê Vnathe
dêr poêtmortakm TempfnUlirêtêigtrmmg.
(iirri. dtr HêOk. 1867, t. VIII, S dsi-
3do.)
* Euleoburg, CetdmlbUm, n" ô, 1866. — Mw»9mmH mèdicml, n* &i, 18G9.
TEMPÉRATURE POST MORTEM. 405
rVaccord avec les conclusions de Walther * [Recherches sur
l'msolation) , Huppert pense démontrer que la venue de la rigi-
dité musculaire retarde notablement le refroidissement du ca-
davre. Un lapin fût tué par injection de glycérine dans la
jugulaire, la chute de la température fut mesurée depuis le
moment de la rigidité complète jusqu'au second jour» où elle
persistait encore; le cadavre fut porté à la température de
Uo d^rés, et la rapidité du refroidissement fut de nouveau
mesurée le troisième jour après la résolution complète de la
rigidité. Le premier jour, la température tomba de Â%a5 G. en
cent trente-neuf minutes; le second jour de Â%5G. en soixante
et onie minutes cinq secondes; le troisième en soixante-quaire
minutes et quinze secondes.
On a obtenu un refroidissement rapide avec des substances
toxiques qui suppriment la rigidité cadavérique.
Cette hypothèse de Walther et Huppert a été acceptée par
Wunderlich ', et la preuve a été fournie par Fick et Dybkowsky '
ainsi que par Schiffer^, ils démontrèrent directement que les
muscles, dans la rigidité cadavérique comme dans leur con-
traction pendant la vie, ont des manifestations chimiques iden-
tiques, et que, dans les deux cas, ils produisent de la chaleur.
Ackermann invoque également, pour expliquer cette élévation
de température, ce fait qu'après la mort les actes chimiques
peuvent durer encore un certain temps, tandis que la perte
de chaleur est arrêtée par la cessation de la respiration et de
la circulation du sang è la peau.
M. Bourneville a communiqué h la Société de biologie, en
1871 \ un fait bien curieux d'élévation de température post
' Walther* BuU, de VÀcud. det te. de jaknckr. d, Zurich, natwj. Ge$. , 1 867,
inl-Pêtfr$bourg y L XL, p. 17. Cen- el CeniralblaU, 1868, p. 197.
tratbhUtf. d. med, W, , 1 867, p. 391 . * Scliiffer, Cenlrnlhl, f, d. med, W. ,
^YltÈKAa^U^ttBtmerkungtnbnemem 1867, p. 8^. 4rck,f. Anat u. Phjf*.
Fmll vom êpimUmem THamtê, Arck, dfr 1868, p. hh^,
lhiik.,i. II, p. 5^7. ' Bourneville, Gar. dêt Mp., 187a,
^ Fick tind Dybkowoky, Viertel- p. Sa.
406 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
moriem. Un homme de quarnnte-cînq ans fut trouvé nu sur le
parquet de sa chambre dont la fenêtre était ouverte. Célail
pendant une des journées les plus froides du mois de janvier
1 87 1 . Au moment de son admission dans le service de M. Mar-
rotte, à la Pitié ( 1 1 heures du soir), on constate un refroidis-
sement général; le pouls est imperceptible. Le cœur ne fait
entendre qu*un bruit sourd, irrégulier dans son rbythme. On
compte Q& respirations par minute. La température rectale
est h 97%& (i. (Toutes les précautions ont été prises pour évi-
ter l'erreur.) On entoure le malade d'alèzes et de boules d'eau
chaude, on lui fait boire du vin chaud. A une heure du matin,
la température rectale était à â8'',9. Le malade succombe à
8 heures du matin. Cinq minutes après la mort, la tempéra-
ture rectale était à 36\9.
L*autopsie ne révéla aucune lésion, et les renseignements
permettent d'affirmer que le malade n'était pas alcoolique.
A. Valentin ^ a analysé et soumis à la critique les faits con-
nus à ce sujet , et a institué une série d'expériences nouvelles.
Les animaux employés furent des grenouilles, des porcs, des
cochons d'Inde, des lapins, des pigeons « des chiens, des mar-
mottes. On les tuait de différentes façons, et l'on explorait la
température dans les viscères. Voici les conclusions de ce tra-
vail :
La production de chaleur après la mort est un fait gé-
néral.
Cette chaleur est d'autant plus grande que la production
en est supérieure à la dépense.
Avant tout, la production de chaleur après la cessation des
battements du cœur provient de la persistance des actions vi-
tales caloriformatives. L'élévation de celles-ci, particulièrement
de celles qui se produisent sous une influence nerveuse, con-
tribue à engendrer une plus forte production de chaleur après
- '* Acloir. Valentin, De Vél^vntûm de la tempèralHrt ajrrh la mort, DisseHJilion
inaii^iirnle, Berne, 18C9.
TEMPÉRATURE POST MOBTEM 407
la mort. La rigidité cadavérique, bien qu'elle mette en liberté
de la chaleur, n'influe que très-peu sur Télévation de la tem-
|>érature post mortem.
Les décompositions qui se font après la mort ont une bien
plus grande importance comme source de dégagement de cha-
leur.
La perte de chaleur est bien plus faible après la mort que
pendant la vie. Il peut se rencontrer aussi une élévation de la
température post mùrlem sans augmentation de la production
de chaleur.
A. Valentin a observé sur les lapins, que, lorsque l'abais-
sement de la température après la mort survenait, on le voyait
faire place è une élévation aussitôt que le milieu ambiant
était chauffé, et que cette température de l'animal surpassait
alors de beaucoup celle du milieu, fait qui ne peut s'expli-
quer que par la persistance de la production de chaleur.
Si l'explication unique n'est pas donnée, les auteurs sont
d'accord pour admettre que c'est surtout dans les affections du
système nerveux et dans les maladies infectieuses, que l'éléva-
tion de température post mortem atteint ses plus grandes pro-
portions. Peut-être, d'ailleurs, ne doit-on pas invoquer une
cause unique, le processus peut être différent. Nous avons si-
gnalé ailleurs \ après d'autres, après Doyère en particulier,
que, dans le choléra, la température reclvle post mortem s*élève
fréquemment. Ainsi, sur treize malades, huit ont eu une
élévation de la température après la mort, elle a été, au
maximum , de 3 degrés ; deux n'ont donné aucune variation ,
trois ont eu un abaissement immédiat delà température. Nous
avons fait remarquer également que l'élévation de la tempé-
rature après la mort semble plus prononcée chez les cholé-
riques qui succombent dans la période algide, que chez ceux
qui succombent dans la période typhique.
^ ï*. Lorain, Le rKttléra a rhàpiîal Saiiêt-Atitoine, 1868, p. 11 7-1 s H.
/i08 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
S IV.
REPARTITION DE LA CHALEUR.
Depuis la fin du siècle dernier, les mc^decins savent que la
chaleur est inéijalerneni répartie dans les diverses régions du
corps. Martin, J.Ilunter, (lariisle, ont fait des déterminations
assez précises pour établir le sens dans lequel varie le phéno-
mène. J. Uavy a publié des travaux qui peuvent encore être
consultés aujourd'hui avec fruit. En nous plaçant au point de
vue exclusif de la ihenuométrie médicale, il nous faut étudier
les variations do la répartition de la chaleur sous deux rap-
|)orts : t" la répartition réelle dans toute l'économie; ù" la ré-
partition et les causes des variations dans les différents points
accessibles à la thermométrie.
î Rf'lHwihion rMIe de la chaleur dans V économie. — J. Davy
a |)iiblié le tableau suivant de la distribution de la tempéra-
ture dans les diverses parties du corps d'un agneau qu'on venait
de tuer. Les températures ont été prises, même celles des
parties superiicielles, en introduisant le thermomètre sous la
peau '.
Sur l'os i\{\ tarse 3q',»29 C.
Sur Tos (lu uiëtalarsp. . 30 ,i i
Sur rarticulalioadu genou 38 ,89
Vei's le haut de la cuisse 39 ,66
Souâ la hanche 60 ,00
Au milieu de la matière cérébrale Ao ,00
Hectum 60 ,56
Sang de la veine jugulaire 60 ,86
Vers la base du foie 61.11
Dans le ventricule droit du cœur 61,11
' J. Davy, Bihlùfthpque hTitmmique , iSifi,!. LX,p. 11 5.
RÉPARTITION DE LA CHALEUR. 409
Dans le parenchyme du foie . A i%39 C.
Dans le parenchyme pulmonaire A i «Sg
Sang de la carotide A i ^7
Dans le ventricule gauche du cœur Ai «67
Cette question de la répartition fut reprise par MM. Becque-
rel et Breschet en i835. Pour eux :
^ Il existe une différence bien marquée entre la température
des muscles et celle du tissu cellulaire dans Thomme et les
animaux, laquelle paraît dépendre de la température exté-
rieure, de la manière dont l'individu est vêtu et de plusieurs
autres causes. Cette différence dans l'homme, et probablement
dans les animaux, est en faveur des muscles. Les corps vivants
se trouvent donc dans le cas d'un corps inerte dont on a élevé
la température, «et qui est soumis à un refroidissement conti-
nuel de la part du milieu dans lequel il se trouve; ce refroi-
dissement se fait sentir d'abord à la surface, puis gagne suc-
cessivement les couches intérieures jusqu'au centre; mais, dans
les animaux , la loi de déperdition ne peut être la même que
dans les corps inorganiques, puisqu'il y a dans les premiers
une cause réparatrice qui agit constamment. y>
M. BecquereP eut, de plus, le mérite d'utiliser les aiguilles
thermo-électriques pour explorer la température des régions
dont le thermomètre à mercure ne pouvait apprécier les
variations. Voici les conclusions auxquelles M. Becquerel est
arrivé :
1° Le sang,, soit artériel, soit veineux, est d'autant plus
chaud qu'on l'examine plus près du cœur. Ainsi , dans la caro-
tide, la température du sang est de o",i5 au-dessus de celle
du sang de l'artère crurale; la température du sang de la veine
jugulaire l'emporte de o",3 sur ce\\ç du sang de la veine cru-
rale.
9"* La température du sang artériel est toujours notabie-
' Becqaerel, Trmli de physique , L If, p. 5i.
h\0 CHAPITRE II. LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
ment supérieure à celle du sang veineux quand i*expérienre
porte sur des points correspondants des vaisseaux collatéraux.
Ainsi, à Torigioe de l'aorte, la température du sang l'emporte
de o%84 sur celle du sang de la veine cave supérieure, au
point où ce dernier vaisseau s'ouvre dans l'oreillette droite; la
température du sang de l'artère crurale est moyennement su-
périeure de 0^,98 h celle du sang de la veine crurale.
3' Ln température des muscles l'emporte sur celle du tissu
cellulaire qui leur sert d'enveloppe. M. Becquerel a trouvé que
le biceps au repos a une température de 1 '.iiy supérieure à
celle du tissu cellulaire adjacent.
Mais c'est k M. Cl. Bernard surtout que nous devons les no-
tions les plus précises sur cette répartition. Nous loi emprun-
tons deux tableaux dans lesquels il a réuni les opinions de
ses devanciers, et nous anaivsons ensuite ses dernièr&s re-
cherches K (Voir les tableaux, p. & t 9-&1 5.)
Les recherches de M. Cl. Bernard, publiées en 1867. sur
la température comparée du sang artériel et du sang veineuï.
ne furent pas acceptées sans contestation. M. Colin d'AIforl.
en particulier, résuma , dans une Note k l'Institut, des recher-
ches très-minutieuses, dont il crut pouvoir déduire des con-
clusions contraires h celles de W. Cl. Bernard. Voici le résumé
fie ce travail - :
«^ Le corps animal n'a pas^, à beaucoup près, comme Da*vy Va
déjà noté, une température uniforme, car il n'y a pas en lui
une égale production, une égale répartition, ni une égale dé-
perdition de calorique. (Considérée en masse, sa température
décroît du centre à la périphérie, surtout vers les extrémités
où les surfaces rayonnantes deviennent très-étendues relative-
* CL Bernard , Température du iang : (obre 1 865 , Sur la tempémtwrf au nt»g
»anff artériel, Mng veineux, (l^eçnn» tiir reitieux, cwmparèt k edU au imtg ar-
ia chaleur animale, Paris, p. 33.) tériel dam le centr et let autrt» parue*
' Colin, profesieiir n Phrole vëtëri- centrale» du t^êtème roêculaire.)
oaire d* Aifori. (Acad, de* $cieneei , % 3 oc-
RÉPARTITION DE LA CHALEUR. 4M
ment au volume des parties. Les parties centrales voisines du
foie et do l'estomac arrivent au defpré maximum, ainsi que
M. Bernard Ta démontr<^. Cependant la base des poumons, la
partie antérieure du diaphragme, aussi rapprochées du centre
que les premières, ont une température très- sensiblement
inférieure à celle des parties sous-diaphragmatiques. De ces
parties, les unes sont à une température constante ou subordon-
née à celle du sang; les autres, telles que le poumon, la peau,
le système musculaire, l'estomac, l'intestin, en ont une essen-
tiellement variable, modifiée sans cesse par celle de l'atmos-
phère ou parles actions chimiques intermittentes qui se passent
en elles.
« Les deux sangs n'ont point le même degré de chaleur ni
dans les régions ou les artères et les veines se juxtaposent, ni
dans les deux cœurs. Mais il est très-diflBcile de les comparer
très- rigoureusement. Presque partout, si ce n'est dans les
organes profonds, le sang de l'artère est plus chaud que celui
de la veine satellite. Le sang de la carotide, par exemple, est
de i/â, 1, d degi-és plus chaud que celui de la veine jugu-
laire, et ainsi, à peu près, de l'artère fémorale comparée à la
saphène, de l'artère radiale comparée à la sous-cutanée de
Tavant-bras. D'ailleurs l'uniformité n'existe même pas dans
l'ensemble de chaque système vasculaire pris à part. Dans l'ar-
tériel, la température va en décroissant très-faiblement du
tronc aortique vers les divisions terminales; dans le veineux,
au contraire, elle s'élève très-rapidement des radicules vers
les parties centrales. Toutefois chaque grande veine a la
sienne propre : la veine cave supérieure offre le minimum, la
veine porte le maximum, et la veine cave inférieure conserve
le degré intermédiaire, yi
L'auteur rappelle que, dans le cœur, les deux sangs n'ont
point des températures d'un rapport constant et invariable. Le
pins souvent, c'est le sang artériel qui est le plus chaud.
L'auteur a etpérimenlé sur plus de quatre-vingts animaux qui
412
CHAPITRE ri. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
TaBLBAI* a. ArXEL'RS QUI 0?iT TROUVE LE s\\
>OMS DBS AUTBURS.
Hallu , 1 760. . .
CkAwroKT, 177R.
KmvitK, 1893.
I
Scri>4iiORi . 1 8a6 )
S*1»«T, 180B.
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Brebi-i.
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Idem
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Idem
Idem.
RÉPARTITION DE LA CHALEUR.
413
rKRIBL PLIS CHAUD QUE LE SAKG VEINEUX.
UISSBAOX BXPÂAIMBNTÉS.
Irn* earotidf . Veine jugolaire.
tm temporale. Veine jngoiaire.
m,
icn el fetne braefaiaiee. AmpoUlioii
dvkrai.
im earoUde. Veine jagiilaire.
lèn temporale. Veine do bras.
!tr gaoche. Cmnr droit
^ caro4ide. Veine jngalaire.
m.
m
tvgaacbe. Gros intestin.
«r droit fto*,o
ho ,ô
4o,6
■paniioo dn cmur gauche avec le
'('^•qoe. ce dernier plut chaud.
"V gauche. Cmur droit
m,
^ nrtaot du cœur. Veine cave infé-
'ttore entrent dam le cœur.
iere erarale. Veine chiraie.
m.
roUde et veine crurale.
tire cnirile. Veine jugulaire.
n^> Artère crurale.
ne jogQiaire,o\3o pins chaude que la
«ioe crurale.
PROCÉDÉS D*BXPÉRIMBNTATION.
f Citation : Sehwenke.
Thermomètre dans le sang recueilli.
Thermomètre dans le jet du Mng.
Idem,
léem.
Idem.
Idem.
Incision des cavités dn cœur. Deux thermomètres
comparés simultanément.
Idem.
Expériences sur deux animaux comparés.
Idem.
Thermomètre Fahr. plongé dans la veine. Thermo-
mètre Fahr. dans le jet du sang artériel.
Idtm.
Idem.
Idem,
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Uem.
Idem.
Animaux récemment morts. Poitrine ouveiie. Ven-
tricules incisés.
Idem.
Idem.
Poitrine ouverte, cœur incisé ; oondusion indirecte que
le sang artériel est plus chaud que le s#ng veineux.
Animal récemment mort.
Poitrine ouverte. Cœur incisé. Procédé de Davy.
Aiguilles thermo-électriques : poitrine ouverte « ani-
mal récemment mort.
âlâ CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
T%BLE%L B. AliTElJRS Qtl OST TROlVt U ^\^
^OMS DBS ACTEURS.
AITtaitL.
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I
RÉPARTITION DE LA CHALEUR.
415
EU PUS CflALD QLE LE S\>G 4RTeRIEL.
USSBAUX IXPKRlMBffTÉS.
ir druit pluf chaud que le gauche.
S tir U veine c«ve au niveau du foie
l«« rhaad que le Mog de l'aorte.
ir droit plu» chaud que le gauche.
PROCÉDÉS D'EXPÉRIMENTATION.
Procédé non indiqué.
Animai réceoiiDeiit mort; poilnue eu partie ouverte.
ADimal vivant et debout, drculation non iotar-
romput!.
Animal vivant Thermomètre introduit par le ventre.
Incisiun deR venlricules du cœur.
Animaux vivaulu, circuiatioD non interrompue ; thei^
momètre introduit par les vaiaieaux du cou.
/dem.
Idem.
IHem.
Idem
Idem.
Idtm.
Idtm.
Hum.
Uem.
Idtm.
Id»m.
Idtm.
Idtm.
Idem,
Idem.
416 CHAPITRE II. ~ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
ont servi à cent deux observations thermométriques (chevaux,
taureaux, béliers, chiens). H y a eu vingt et une fois égalité
de température entre les deux cœurs ou entre les deux sangs
pris à l'entrée des ventricules; trente et une fois excès de tem-
pérature dans les cavités droites, et cinquante fois excès dans
les cavités gauches ou aortiques. Les différences entre le sang
artériel et le veineux dans le cœur ont oscillé de i à a dixièmes
de degré, en moyenne; néanmoins elles se sont élevées jus-
qu'à 6 et 7 dixièmes.
«Ces différences de température semblent dépendre de di-
verses causes (état de la peau, action ou inaction des muscles,
travail digestif, diète, etc.). Chez les animaux à peau peu cou-
verte et à système abdominal peu développé, le sang veineux
des parties superficielles plus refroidi et celui de la veine porte
moins abondant impriment à la masse du sang un abaisse-
ment marqué. Cest aussi chez le chien que l'excès de tempé-
rature du sang artériel est le plus commun et le plus prononcé,
car il s*y montre huit ou neuf fois sur dix et y atteint jusqu à
7 dixièmes de degré, v
et D'autre part, dans les circonstances si communes oii la
totalité du système musculaire entre en action , la nnasse du
sang noir ramené au cœur tend À prendre une température
prédominante, ce qui est en rapport avec les résultats des
expériences de M. Becquerel sur le développement de la cha-
leur dans les muscles en contraction.
«C'est très-probablement à cause de ces variations dans le
degré de chaleur du sang charrié par les veines que la relation
entre la température de ce sang et celle du sang artériel de-
vient si changeante. Et elle devient telle afin que s'établissent
les compensations nécessaires au maintien de la chaleur ani-
male à un degré à peu près constant
«De ce fait remarquable entre tous, que, dans le cœur, la
température du sang artériel l'emporte sur celle du sang
veineux, il faut tirer la conclusion que le sang s'échauffe en
RÉPARTITION DE LA CHALEUR. A17
traversant ie tissu pulmonaire. En effet, si, après avoir cédé du
calorique tant pour échauffer Pair des bronches que pour va-
poriser ie produit de la transpiration , le sang est encore , mal-
gré ces deux causes de refroidissement, plus chaud à sa sortie
du poumon qu'il ne Tétait à son entrée dans cet organe, c'est
que son conflit avec l'air a produit de la chaleur. Conséquem*
ment l'hématose , telle qu'elle s'effeclue dans le poumon , doit
être, ce me semble, considérée comme une source locale et
immédiate de la chaleur animale. »
Tel était l'état de la question quand , en 1 869 , M. Lombard
chercha à prouver que le sang ne se refroidit pas en traversant
les poumons '• Pour le démontrer, M. Lombard fait respirer
de l'air chaud et humide, prend, à l'aide d'un appareil thermo-
électrique très-délicat, la température de la peau au-dessus de
l'artère radiale, quand on respire de l'air froid, puis quand
on respire de l'air chaud et humide, et, comme il n'observe pas
de changement de température, il en conclut que le sang ne
se réchauffe pas en traversant le poumon. — Conclusion bien
indirecte et bien peu certaine.
En 1871, Heidenhain et korner ont repris la question.
Sur quatre-vingt-quinze expériences ils ont toujours trouvé le
cœur droit plus chaud que le cœur gauche, sauf un cas d'éga-
lité. Les expériences ont été faites sur des chiens vivants, la
circulation étant libre et la cavité thoracique intacte. Les ani-
maux ont été opérés directement ou préalablement soumis à
l'influence du curare. Les mesures de chaleur ont été prises
tantôt avec le thermomètre, tantôt avec des appareils thermo-
électriques. Les instruments, thermomètres ou aiguilles ther-
mo-électriques étaient introduits dans le coeur par la veine
jugulaire et par l'artère carotide.
Les résultats obtenus peuvent se résumer ainsi : Dans un
cas la différence a atteint 6 dixièmes de degré; dans trois cas
' Lombiitl , Arck, de pkyêioL 1871.
A18 CHAPITBE 11. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
elle a été de 5 diiièmes: dans cinq cas, de 3 à /i dixièmes;
dans vingt-sept cas, de 22 à 3 dixièmes; dans trente-six, de \
à -j dixièmes; dans vingt et un, de 1 dixième et moins. Ln(»
seule fois il y a eu égalité.
M. Cl. Bernard a tenu à vérifier ces diverses recherches* et
il s'est mis à l'abri de toutes les causes d'erreur connues, il
indique minutieusement les précautions à prendre pour expé-
rimenter sur les animaux curarisés et à l'aide d'appareils ther-
mo-électriques \ et il conclut de toutes ces épreuves variées et
répétées, que, quand l'expérience est bien faite, que rien ne
pèche dans le manuel opératoire, et que les animaux sont dans
l'état normal, il y a toujours une inégalité dans la tempéra-
ture du sang dans les ventricules du cœur, et que l'excès de
température, qui est de quelques dixièmes ou centièmes de
degré, est toujours à l'avantage du cœur droit.
D'après les recherches physiologiques récentes, la connexion
entre la température du cœur et le rôle du poumon n'appa-
raît plus conmie immédiate et forcée. Non-seulement le pou-
mon ne réchaufferait plus le sang comme l'avançait Lavoi-
sier, mais il ne le rafraîchirait pas non plus comme le croyait
Aristote.
Ileidenhain et kôrner ont vu en effet qu'en faisant varier Id
température de l'air inspiré la différence de température
entre le sang des deux cœurs ne varie pas. Ces auteurs attri-
buent l'élévation de la température du sang, dans le cœur droit,
au contact de ce dernier avec le diaphragme, plus chaud au
voisinage du foie que le reste de la poitrine. Cette explication
semble inacceptable à M. Cl. Bernard, qui rappelle que,
chez le chien, le cœur flotte dans le médiastin, qu'il n'est pas
relié au dia|)hragme par un péricarde adhérent, et qui note en
outre que Hering a trouvé la même différence dans les deux
cavités du cœur d'un veau atteint d'ectopie. M. Cl. Bernard se-
* (A. Rertiaid, Lct^nnn »uv la rholeuv amwalfi, p. 5'i à 96.
RÉPARTITION DE LA GHALEDR. . 419
rail pliu porté à croire que cette différence dans la tempéra-
ture des deux sangs peut trouver son explication dans les phé-
nomènes calorifiques qui accompagnent les échanges de gaz
dans le poumon.
Le sang oxygéné qui se rend du poumon dans Taorte est
donc un peu moins chaud que le sang qui, du ventricule
droit, pénètre dans le poumon par Tartère pulmonaire. Il faut
maintenant faire le parallèle entre la température du sang
artériel et veineux dans les divers points du système circula-
toire.
La température du sang artériel varie dans les différentes
parties de son trajet. Becquerel et Breschet avaient trouvé le
sang de la carotide plus chaud que celui de la crurale. G.
Liebig a constaté que, dans les artères » le sang se refroidit un
peu à mesure qu'il s'éloigne du cœur. A Taide des sondes ther-
mo-électriques M. CI. Bernard est arrivé aux mêmes conclu-
sions.
La température du sang veineux est soumise è des in-
fluences plus variables. Dans les veines superficielles la tem-
pérature s'abaisse. Becquerel et Breschet ont trouvé i degré
de différence entre l'artère carotide et la veine jugulaire, et
cette différence s'exagère par un froid vif ou s'atténue quand
la chaleur extérieure augmente. A la périphérie du corps et
aux extrémités , le sang veineux est constamment plus froid que
le sang artéKel.
Mais, en pénétrant dans les cavités splanchniques , la pro-
position est renversée, ainsi que l'ont démontré MM. CI. Ber-
nard et 6. Liebig. En faisant remonter deux sondes thermo-
électriques Tune par la veine cave inférieure, l'autre par
Taorte, on voit que la différence entre le sang artériel et vei-
neux s'atténue et qu'au niveau des veines rénales les deux
températures sont égales. « C'est là , dit M. CL Bernard , ce
que l'on pourrait appeler le point nul de la température ani-
male, n
«7-
420 CHAPITRE IL — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
En renioniani encore, on trouve que ia température vei-
neuse l'emporte sur celle de l'aorte. Au niveau ou les veines
hépatiques débouchent dans la veine cave inférieure, le sang
veineux a un excès de o%iâ (i degré dans une ancienne ei-
périence). Au moment où la veine cave inférieure entre dans
Toreiliette droite, l'excès est de o%9.
Si l'on pousse davantage b sonde, et que de la veine cave
inférieure on la fasse passer dans la veine cave supérieure
(opération facile chez le chien), les phénomènes se renversent :
la veine derient plus froide que l'artère.
L'oreillette droite reçoit donc du sang plus froid prove-
nant de la partie supérieure, et du sang plus chaud pro-
venant de la partie inférieure du tronc. Le sang veineui
s'échauiTe dans les intestins, au lieu de se refroidir comme
dans les membres. Le foie, en particulier, apporte un con-
tingent de chaleur considérable en raison de son volume et
de sa situation, qui le protègent contre la déperdition de
tout calorique.
Les opinions de M. Cl. Bernard semblent aujourd'hui pres-
que universellement acceptées. Voyons quelles sont les consé-
quences que la pathologie peut en tirer. J. Rosenthal a cher-
ché è en déduire la théorie du refroidissement ou de ce que
l'on appelle dans le peuple h chaud-froid. Voici l'enchatne-
ment de ses raisonnements ^ :
n Si Ton fait abstraction des différences très-faifiles de tem-
pérature qu'on trouve h l'intérieur du corps (par exemple
entre le sang des veines hépatiques et celui de la veine porte,
entre celui du ventricule droit et du ventricule gauche du
cœur), on peut admettre dans l'animal h sang chaud trois zoaes
où existent des températures différentes. La zone la plus basse
est k la surface du corps oii les refroidissements les plus forts
^ J. Roseothal, ÉtwUi tur la rSgf^ Analyse dans le CmirûlbUu, p. 860,
lation de la chdew ehn Uê ammaux à 1879.
êong eA«iM<, ra-8% Eriangen, 187s.
RÉPARTITION DE LA CHALEUR. 421
ont lieu ; la plus haute , surtout chez les grands animaux , règne
dans un noyau central assez fort» et la zone intermédiaire est
située entre la surface et ce centre. L'épaisseur de cette zone,
qui est sous la dépendance du refroidissement par le milieu
ambiant et de Tétat de la circulation à la peau (dilatation ou
constriction des vaisseaux), peut augmenter ou diminuer, va*
rier en un mot, tandis que la température du noyau central
reste la même. Un thermomètre placé dans cette région in-
termédiaire peut accuser des oscillations assez importantes sans
que , pour cela , la température générale de Tanimal ait changé
sensiblement. Donc les mesures prises dans la zone intermé-
diaire (et l'aisselle en fait partie) sont suspectes d'inBdélité.
Pour être sûr du résultat, il faut aller chercher la tempé-
ratare dans le noyau central et attendre qu'elle soit dons-
tante sur la graduation thermométrique. Seul le rectum
convient k cette exploration. 9
Les expériences de l'auteur portent exclusivement sur l'état
de l'animal mis dans un milieu surchauffé (on place un lapin
dans une botte en tôle à doubles parois dont l'intervalle est
rempli d'eau chaude). Chez les animaux liés , la régulation de
la chaleur est fort entravée, parce qu'ils ne sont plus à même
de changer l'état de leur surface (les animaux en liberté se
rassemblent et se pressent les uns contre les autres dans le
froid» et s'espacent dans la chaleur). Des lapins à l'état de
liberté conservent leur température normale dans un air va-
riant de -h i i"* à + 3a^ C. Quand l'air a de 3a'' à 36^ G., ils
s'échauffent et remontent à â i"" et As'' C. ; à ce degré il s'éta-
blit chez eux un nouvel équilibre, et ils n'éprouvent aucun
dommage. Dans l'air de 36 à âo degrés, leur température
monte rapidement à /lA et AS degrés; tous les vaisseaux exté-
rieurs se dilatent ainsi que les pupilles, les muscles se para-
lysent, et, si l'on continue l'expérience, la mort arrive. Si
l'on enlève promptement l'animal de ce milieu chaud pour le
replacer dans l'atmosphère de la chambre, il se refroidit et
633 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
recouvre son activité musculaire; mais sa température s'abaisse
jusqu'à 3o degrés et peut demeurer ainsi un jour entier, ce
qui tient sans doute è la paralysie des vaisseaux de la peau,
(il y coule plus de sang, d'où refroidissement). Peu à peu les
vaisseaux reprennent leur contractilité , et l'état normal rep-
ratt. Tel est le mécanisme probable de ce que l'on appelle le
rejroidmement (<irotr tin re/rmâiêtement est une expression fort
usitée en médecine). Or ces rêfroidiêiementi ont lieu , comme
on sait, le plus souvent quand on passe subitement d'un air
très-chaud k l'air froid, par exemple à la sortie d'un bal. La
grande quantité de sang qui coule dans les vaisseaux dilatés
de la peau est soudainement refroidie et elle va se distribuer
en cet état aux organes profonds; ceux-ci sont» à leur tour, ra-
pidement refroidis, et, par suite» peuvent devenir malades.
Souvent cette maladie porte justement sur les parties de la peau
directement soumises au refroidissement. On peut déduire
de ces observations l'utilité des ablutions froides habituelles
pour résister aux refroidissements. Grâce à ce traitement
hygiénique, le ton des vaisseaux de la peau est augmenté,
de sorte qu'ils ne sont point facilement engourdis par les
hautes températures. C'est une protection donnée au corps
et è ses organes contre les variations brusques de la iempé-
rature.
L'état apparent de l'animal ne change pas sensiblement
quand l'air de l'étuve est saturé de vapeur d'eau. Il est pro-
bable que, chez les animaux pourvus de poils, Tévapora*
tion cutanée ne joue qu'un r61e insignifiant par rapport k
la régulation de la chaleur, contrairement à ce qui a lieu
chez l'homme où la peau est glabre et ridie en glandes sudo-
ripares.
La température d'un organe dépend donc d'une série de
circonstances bien connues actuellement, et nous pouvons dire
avec M. Cl. Bernard, k qui nous devons les faits les mieux dé-
terminés :
RÉPARTITION DR LA CHALEUR. A23
(T Les anciens ^ cherchaient h localiser le point le plus chaud
de Féconomie, ils l'appelaient ySiy^r et le considéraient comme
le centre de la caiorification. Aujourd'hui nous considérons la
calorification comme une propriété universelle : elle appar-
tient^ à des degrés divers Û est vrai, h tous les éléments, à
tous les tissus, et il faut la rechercher dans tous.
« La chaleur qui se produit en tous lieux dans le corps vi-
vant, se perd aussi en tous lieux. Elle se dissipe, comme dans
les corps inertes, de la surface h la profondeur, par les mêmes
causes, par le rayonnement, par la conductibilité, par Téva-
poration. Or la température d*un organe dépend non-seule-
ment de la chaleur qui s'y crée , mais aussi de la chaleur qui
s'y perd. Ces acquisitions et ces pertes sont dans une relation
intime avec Tétat de la circulation. On le démontre par lex-
périence suivante : si l'on place dans une étuve sèche à 60
ou 80 degrés deux lapins, l'un vivant, l'autre mort mais
encore chaud, on voit que l'animal vivant s'échauffe beau-
coup plus rapidement que l'animal mort. Cela tient à la cir-
culation, qui, chez le lapin vivant, amène sans cesse è la
périphérie un liquide sanguin qui vient s'y échauffer et qui
remporte dans la profondeur la chaleur empruntée au mi-
lieu. Ghes l'animal sacriâé, i'échauffement ne se fait que
comme dans un corps inerte, couche par couche, il est donc
plus lent.
ftLes mêmes circonstances président pendant la vie au re-
froidissement. Le sang vient sans cesse sei refroidir à la pé-
riphérie, et la température générale est influencée par les re-
froidissements locaux. Nous verrons plus tard quelle part il
faut .faire au système nerveux qui règle ces refroidissements
périphériques. Mais disons de suite qu'après la section du
filet cervical du grand sympathique, l'oreille du c6té où le
nerf a été sectionné ayant 3 a degrés, celle du c6té sain aS de-
* CI. Bernard, Lêçom tur la dudêw ttnimaU, p. i sS.
424 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
grés, si Ton expose ranimai à une température externe de zéro,
on trouve, au bout d*un certain temps, que Poreille du cAté
sain n'a plus que i a degrés , celle du côté où le sympathique
a été coupé marque encore 3o degrés.
fc II en est ainsi parce que , du côté sain , le nerf sympathique
a fait resserrer les vaisseaux et que du sang chaud n'y a plus
circulé , tandis que, dans Toreille dont le nerf a été sectionné,
la circulation est restée inerte et que Toreille a été constam-
ment baignée par du sang chaud.
<« En somme le refroidissement ou le réchauffement d'une
partie obéit à deux influences. Il y a d'abord un phénomèno
physique , puis un phénomène physiologique : le système ner-
veux règle la circulation. »
Nous reviendrons plus loin sur le mode de la régulation,
nous y retrouverons les recherches de M. Cl. Bernard.
Telles sont les conclusions auxquelles on est arrivé sur la
répartition de la chaleur chez l'animfd sain. L'accomplissement
de certains actes physiologiques, les maladies, troublent-ils
cette répartition ? Des lieux ordinairement plus chauds devien-
nent-ils relativement plus froids? (le sont Ià des questions que
l'étude de la pathologie élucidera plus loin, mais sur lesquelles
nous devons dès maintenant dire quelques mots.
Braume ^ a fait des observations sur la température de l'in-
testin pendant la digestion. Sur une femme qui avait un anus
artificiel (intestin grélë), il observa trois fois l'influence des re-
pas sur la température intestinale. Cinq minutes après Tinges-
tion des aliments, la température s'élevait et continuait à
monter quelque temps. La plus grande élévation observée a
été de k dixièmes et la plus faible de i dixième de degré. La
température de l'aisselle, quoiqu'un peu inférieure à celle
de l'intestin, s'élevait légèrement.
Les deux côtés du corps ne semblent pas toujours avoir la
' Braume, Virrhott^n Archiv,, XIX, p. 670, ^191 ; 1860.
RÉT»ARTÎTI0N DE LA CHALEUR. 425
même température. Dans le mémoire de Du Pui : De homine
Jexiro $t siniêtro \ on trouve un court chapitre Sur le chaud et
le froid d^un seul côté [calor frigusque alterutriuê loterie), Pe*
chlin avait déjà dit(lib. 1) : Vidimuê profecto, ubi unius loterie
extremum eratfr'iguê, alterum coluis$e. Le même auteur a vu une
femme qui, au moment où survenaient ses accès d*épilepsie,
était, d'un cAté du corps, de la tête au pied, froide et insen-
sible, l'œil de ce côté ne voyait point, tandis que rien d'ano-
mal ne se constatait de Tautre côté.
J. F. Glossius ^ a observé des cas d'augmentation de chaleur
avec sueur d'un seul côté du corps : il a vu à Tubingen un
enfant qui, lorsqu'il s'échauffait, devenait rouge et chaud du
seul côté droit de tout le corps, jusqu'à la sueur, tandis que
son côté gauche ne présentait aucun changement de couleur,
ni de chaleur, ni d'humidité. — Schenk ^ dit : « Dans un cou*
vent de la Forêt-Noire une nonne me demanda conseil pour le
cas suivant : chaque fois qu'elle entrait au bain ou qu'elle se
livrait à quelque exercice, elle devenait rouge de la tête au
pied, seulement du côté droit: rien de semblable n'avait lieu
à gauche. Cette révélation me remplit d'étonnement , et je de-
meurai convaincu que la maladie venait du foie. J'ordonnai
une saignée et de la rhubarbe, le camphre, etc. y
Du Pui consacre un chapitre ^ à la coloration unilatérale
des joues dans les .affections de poitrine, fait qui a été fort dé-
veloppé depuis par Pourfour Dupelit, MM. Gubler, C. Ber-
nard {^Action des nerfs vas(nnoteurs). Il cite de même de nom-
breux exemples de sueur unilatérale.
Blake ^ rapporte des faits analogues : de dix-huit observa-
tions prises, soit sur lui-même, soit sur différentes personnes,
* Leyde, 1780, ia-8*. ^ * Edward Blake, Det diffêrmcêt de
' Sp(Êe,oita,miêe9lLnovœvarioUtnied, la température du côté droit et du e^té
MMfA. adjeeUkm, Obs. kxiii, p. 109. gauche (Med, Timee and Gaz,, 8 ocL
^ Ohê. rar, de eute, lib. V, ob«. v. 1870).
* Ub. I,p. 3.
h'2fi CHAPITRE H. - LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
l'auteur conclut qup la température est plus élevée dans Tais-
sollo gauche que dans la droite, dans certains cas. Par exemple,
si les deux aisselles ont la môme température et qu'on se livre
à un effort musculaire, il se produit une élévation de la tem-
pérature dans l'aisselle gauche. Dans un cas, cette différence est
de o°,Q78 (1., dans l'autre de o",556 C. Les expériences furent
faites avec des thermomètres enregistreurs. Geisler, l'auteur
de l'analyse de ce travail dans le Schmidù Jahrh. de iSyi,
critique la méthode, met en doute l'exactitude des indica-
tions de ces thermomètres, et fait ses réserves quant au résul-
tat cité.
•i°
Variations de la température dans les différents points accès-
sibles à la thermométrie, — Nous avons déjà donné quelques-
uns des résultats obtenus par la comparaison de la température
prise en différents points (voyez les recherches de Roger).
M. Gavarret ^ a donné également un tableau que l'on peut con-
sulter :
Sous la plante du pied 39%Qa C.
Entre la mallëole interne et l'inserlion du tendon d* Achille,
sur l'artère 33 ,89
Sur le milieu du tibia 33 ,06
Sur le milieu du mollet 33 ,89
Sur l'artère poplitëe au pli du genou 35 ,00
Sur la fémorale au milieu de la cuisse 36 ,^6
Sur le milieu du muscle droit 39 ,78
Sur les gros vaisseaux de la hanche 35 ,84
Un quart de pouce au-dessous du nombril 35 ,00
Sur la 6* côte gauche, sur le cœur 36 ,4A
Sur la 6* côte droite 33 ,89
Sous l'aisselle, où l'on applique la surface entière du r^-
servoir du thermomètre 36 .67
•
Excepté pour l'aisselle, ces températures sont si variables,
' Onvarrel , (jhaleur animait', p. 1 o'i.
RÉPARTITION DE LA CHALEUR. 437
qoand on les recherche dans les différents points indiqués par
M. Gavarret, que véritablement on n en saurait déduire quel-
que conclusion.
Dans des recherches publiées en i865 et inspirées par la
même préoccupation , Errico de Renzi ' est arrivé è cette con-
rlusion que la température est d'autant plus basse que Ton
s'éloigne davantage du tronc , excepté pour la paume de la
main et la plante du pied» dont la température est plus élevée
que celle du reste du membre. Il ajoute que les extrémités su-
périeures sont plus chaudes que les inférieures, etc.
\ous ne ferons qu'indiquer ces résultats pris parmi ceux
auxquels il est arrivé, les autres sont manifestement erro-
nés.
Le docteur Alvarenga a fait récemment de nouveaux efforts
pour résoudre la question des températures relatives des dif-
férents points du corps accessibles à la thermométrie*. «Nous
noterons, dit-il, dans le tableau suivant, le résumé de nos in-
vestigations sur la température locale. Gomme certains obser-
vateurs recommandent de couvrir avec du coton la surface
libre du réservoir des thermomètres, nous avons appliqué ce
procédé dans environ la moitié de nos constatations ther-
miques, et, pour l'autre moitié, nous avons laissé le réservoir
À découvert. Dans le même tableau se trouvent séparés les
résultats obtenus par les deux procédés, afin que l'on puisse
apprécier leur influence sur les constatations de la tempéra-
ture.
fc Les lignes supérieures des chiffres relatifs à chaque partie
du corps soumise h l'exploration , représentent les tempéra-
tures constatées au moyen du thermomètre dont le réservoir
était extérieurement couvert avec du coton, n
* Docteur Errico de Renn ( Gn, * Alvarenga , Pt^ê d§ tktrwmmétn»
fliW.,s*iérie,I.XII,p.a7,i865)\5iir ehmquê gétOnUe. Trad. par Lucien Pa-
la ektJêtnr ammah m diféremU poinU du pillaad, 1871, p. 45.
,emfÊ «I à éifimU mommÎB
Â28
CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
PARTIES EXPLORÉES.
TEMPERATURE
■AXIHA,
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35,76 \
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36,55 S
36 ,01 I
35,91 (
36 ,63
35 ,3o
36,33 i
36, 16 \
35,86 I
35 ,70 S
35,98 j
35,9a i
33,59 I
31,70
35'.9a
35 ,90
35,66
35 ,96
36,96
35,81
35,95
33,90
Ces différents tableaux prouvent une seule chose, c'est que la
répartition de la chaleur à la peau présente de grandes diffé-
rences suivant les régions et le moment de l'exploration; quen
somme la température que Ton y perçoit est infidèle, car on
ne peut, pour chaque notation, faire l'analyse des erreurs qui
ont pu l'influencer. On ne saurait même dire, non pas seule-
ment de quelle quantité, mais dans quel sens ces influences
* ont pu prédominer.
C/ioûr du lieu où l'on explore la température. — Il est nécessaire
de rechercher la température en différents points du corps.
La plupart des expérimentateurs ont exploré l'aisselle seule.
Aujourd'hui, par une sorte de conveiltion, on s'est accordé â
REPARTITION DE LA CHALEUR. ^29
recueillir la température dans cette unique région : h peine la
nomme-t-on, tant il est usuel de ne faire les observations
thermoniétriques qu'en un ^ul point. En sorte que les méde-
cins qui écrivent «la température était de 3 9 degrés,» par
eiemple, sous-entendent qu'il s'agit de l'aisselle. Il fallait, en
effet, choisir une région et s'y tenir, pour que les observa-
tions fussent uniformes, dès l'instant qu'on cherchait non pas
les variations de la température aux différentes parties du
corps, ni sa répartition, ni les compensations, mais, pour ainsi
dire, la chaleur du corps localisée en un point. Cette erreur
grave enlève à la plupart des travaux contemporains une par-
tie de leur valeur. Tel observateur, qui a fait école par la per-
sistance de ses recherches thermométriques poursuivies pen-
dant dix ans sur toutes les maladies prises au hasard, se
prévaudra de ses cent mille observations. Mais il ne nous a
donné que la température de l'aisselle, rarement il a exploré
la bouche ou la main; jamais il n'a comparé la chaleur aux
différents points du corps. Or cette répartition de la chaleur,
ces variations, cet antagonisme, ce r6le de régulateur joué
par certaines parties de l'organisme, lui ont échappé. Il fallait
voir l'ensemble de cette fonction de chaleur et sea rapports
avec les autres foutions du corps, aux différentes périodes et
pendant tout le cours d'une maladie. C'est le, croyons-nous,
la seule méthode féconde.
«
Uais9eUe. — Dans ses recherches sur la température du
corps humain dans les fièvres intermittentes ^ M. Gavarret dit:
« Pour ma part , c'est toujours è l'aisselle que j'ai eu recours
quand j'ai voulu constater la température générale d'un ma-
lade; c'est l'aisselle qui m'a toujours présenté la réalisation la
plus complète de toutes les conditions exigibles d'exactitude
dans les résultats et de facilité dans l'observation. y>
* Gavarret, L'txpénmc$, 1839.
430 CHAPITRE IL - LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
L'aisselie est un lieu bien choisi pour l'exploration . en ce
sens que la boule du ihermomèlre y est cachée, entourée,
pressée légèrement et partout au contact des tissus. On n'ob-
tient pas, en ce point, la température centrale, comme l'ont
dit à tort quelques expérimentateurs; en effet, la température
y est toujours inférieure à celles du rectum et du vagin; mais
on y a une température qui suit à peu près les variations de
la température rectale et qui n'est point sujette à de grandes
et subites oscillations. Cette température se tient toujours à
un niveau élevé, et, si l'on n'y a pas les minima, on est bien
près d'y observer les maxinia de la chaleur du corps ; voilà en
quoi l'aisselle est un lieu bien choisi pour les observations
thermométriques.
Les difficultés pratiques ici sont cependant nombreuses. Il
faut avoir soin de laisser le thermomètre en place pendant un
temps suffisant. Quelques observateurs ont prétendu que la
durée de l'observation devait être d'environ un quart d'heure,
de vingt minutes même, et ont cru ainsi, à tort, se mettre à
l'abri de l'erreur. D'autres ont donné le chiffre de sept mi-
nutes. Ce sont là des limites arbitraires, qui n'ont rien de
scientifique, et qui n'ont pas de raison d'être. Le modus facietidi
est tout. On ne doit jamais laisser l'instrument en place, ni
se fier à la patience du sujet en expérience. Il faut se mettre
dans les conditions suivantes :
A. Ap|)liquer l'instrument au fond de l'aisselle essuyée
préalablement, et faire attention que les linges ne viennent
pas au contact de la boule du thermomètre;
B. Appliquer le bras du sujet sur la poitrine en le portant
en avant;
C. Tenir l'instrument sur la partie supérieure et l'appuyer
assez pour que la boule soit bien au contact des tissus;
D. Certaines dispositions des organes rendent cette explo-
ration difficile; il peut se faire que la maigreur du sujet soit
RÉPARTITION DE LA GHALBUR. A3I
telle, que son aisselle > creuse , ne permette pas le contact com-
plet de l'instrument;
E. Il faut que l'observateur regarde attentivement Topëra-
tion, et sache saisir sur place les indications; il faut qu'il
note la posture qui donne les résultats les plus sûrs» qu'il
sache si la colonne mercurielle monte ou descend, suivant
telle ou telle disposition donnée à l'intrument, etc.
11 est quelquefois nécessaire d'opérer rapidement , lorsqu'on
est en présence d'un sujet atteint d'une maladie grave » con-
vulaive, avec délire» soubresauts. Les malades qui s'agitent,
les cholériques par exemple , ceux qui vomissent , qui chan-
gent de posture, qui ont des douleurs vives, supportent im-
patiemment de semblables observations.
Bouche. — La bouche donne des indications utiles, mais
surtout au point de vue des grandes oscillations compepsa-
trices. Nos tracés montrent à quel point peut parvenir ce phé-
nomène. L'exploration de cette région ne pourrait donc con-
venir À ceux qui recherchent seulement l'élévation de la tem-
pérature et son chiffre moyen.
11 est utile que le thermomètre soit placé sous la langue et
coiffé par celle-ci , que la bouche soit close , et que le malade
n'inspire et n'expire que par le nez. Telles sont les condi-
tions idéales prescrites par les auteurs les plus autorisés. En
temp ordinaire, c'est-à-dire pour l'expérimentation physiolo-
gique, ces conditions peuvent être atteintes assez facilement;
elles sont possibles aussi quand il s'agit d'une maladie qui n'est
pas eonvulsive, qui ne donne pas de délire, qui n'altère pas
les conditions normales de la langue. Mais en présence de
quelles difficultés ne se trouve pas le médecin qui observe
un cholérique, un éclamptique, un tétanique, un malade at-
teint de fièvre typhoïde ataxique avec sécheresse de la langue ;
même difficulté chez les malades atteints de pneumonie grave,
et dont la langue est parcheminée et ne peut se mouvoir.
432 CHAPITRE II. ^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE/
Donc il existe là des difficultés d'exécution dont il fautteoir
compte. Une extrême patience, un tour de main heureux, que
donne seule Texpérience clinique , en viennent quelquefois à
bout. En tout cas, les physiciens et les physiologistes pars
doivent être pleins d'indulgence pour le médecin qui s*est
trouvé aux prises avec de pareilles difficultés pratiques et qui
n'est arrivé qu'à des résultats approximatifs.
Quelquefois j'ai observé que l'impossibilité où était le ma-
lade de clore la bouche, de respirer par le nez, de mouvoir
la langue, était un obstacle insurmontable. En pareil cas, j'ai
eu recours à un autre procédé, qui consiste à enfoncer le ther-
momètre entre la joue et l'arcade dentaire, profondément. La
température recueillie en ce point ne diffère pas considéra-
blement de celle que fournit le plancher de la bouche.
Main. — .La main présente des oscillations de température
excessives. En quelques minutes la température y peut varier
de plusieurs degrés centigrades. Il n'en est pas ainsi dans
toutes les maladies. Dans les pyrexies etphlegmasies,onpeut
se servir delà main pour détermiper la température moyenne:
mais c'est une région trompeuse dans la plupart des cas. L'am-
plitude extraordinaire des oscillations de la température de la
main peut être utilisée pour des recherches spéciales, ainsi que
j'espère le démontrer.
Les difficultés de l'opération sont très-grandes , souvent in-
surmontables, quand on veut appliquer exactement le thermo-
mètre dans le creux de la main. Chez les femmas, chez les
vieilles femmes oisives surtout, cette application peut se faire
sans trop de difficulté, mais il faut y renoncer chez les ter-
rassiers et autres ouvriers aux mains calleuses et incapables de
se fermer. Il y a donc des cas très-nombreux où il est impos-
sible d'explorer la main d'un malade avec le thermomètre.
Rectum et vagin. — L'exploration de l'aisselle, de la bouche.
RÉPARTITION DE LA CHALEUR. 433
de la main ou du jarret, ne donne qu*une idëe imparfaite de
la chaleur humaine. Il faut explorer le rectum ou le vagin:
li seulement on obtient une température qui représente à peu
près exactement celle des parties profondes. Toujours et sans
exception, le thermomètre marque, dans ces organes, une élé-
vation notable par rapport aux autres régions. En outre, la
température y est à peu près constante , et n'y est point sujette
i de grands et rapides écarts. Quelquefois la température varie
partout, tandis qu'elle est constante, à un dixième de degré
près, pendant plusieurs jours, dans le rectum. Cette tendance
de la température centrale à être constante est précisément
expliquée par la variation des autres parties, qui jouent par
rapport à elle le rôle de régulateur. C'est là un fait important ,
dont j'ai poursuivi l'étude dans un certain nombre d'états mor-
bidas. Il y a des cas oiî la température, dans le rectum, monte
alors que partout ailleurs elle baisse, et à cause de cela même.
Les raisons de convenance, ou de facilité plus ou moins
grande d'exploration, ne doivent pas être prises en considé-
ration quand il s'agit d'études aussi utiles et aussi instruc-
tives. Nul doute que l'exploration du rectum ne devienne
usuelle, au moins dans certaines conditions, s'il est évident,
comme je le pense, que les températures comparées donnent
des résultats importants. Quant è la difficulté provenant des
scrupules des malades , c'est un fait niable. Ayant répété ces
expériences plusieurs centaines de fois sur les cholériques pen-
dant la période la plus répugnante de leur maladie, je me
permets de dire que la seule difficulté est dans l'observateur et
non dans le malade; or il est des répugnances qu'un homme
de science doit surmonter dans l'intérêt du but louable qu'il
poursuit.
Mon collègue, M. Charcot^ apprécie de même l'importance
des explorations thermométriques rectales. Dans ses recher-
* Chareot, MaUdie» d» vieillardê, 9' édition, 187&, p. a53.
s8
hZh CHAPITRE 11. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
cbes faites à la Salp<^trière, il a souvent eu l'occasion de cods-
tater que la température de l'aisselle et celle du rectum étaient
en discordance, et il pense que c'est la comparaison de ces
deux indications qui peut seule permettre de donner aui phé-
nomènes de coUapsus, à l'algidité périphérique ou centrale,
leur véritable signification pronostique.
De nos nombreuses observations nous concluons que la tem-
pérature rectale , chez l'adulte sain , est de Sy^'yS G. ; que la tem-
pérature de l'aisselle est, en général; de quelques dixièmes
(6 à 8) inférieure à celle du rectum; que^ dans le cours de la
journée, la température s'abaisse le matin et s'élève le soir de
3 a â dixièmes au-dessous ou au-dessus de ce chiffre moyeo.
S V.
CALORIIIBTRIE.
Une mensuration exacte de la quantité de chaleur produite
et dépensée par un homme sain, en un temps donné, serait
pour nous d'une importance capitale. Avant de déterminer les
conditions de la fièvre et les moyens d'en modérer les effets,
on conçoit facilement que nous recherchions non plus queb
sont les actes qui produisent ou qui consomment de la cha-
leur, mais quelle est la quantité de calorique produite ou con-
sommée.
De nombreuses tentatives ont été faites pour déterminer la
quantité de chaleur produite. D'un côté on a mesuré la quan-
tité de chaleur perdue par un animal en un temps donné;
d'un autre côté , on a apprécié la chaleur produite en dédui-
sant, de la quantité d'oxygène absorbé et de l'analyse des gaz
expirés, la proportion de carbone et d'hydrogène transformés en
acide carbonique et en eau, puis en multipliant le poids de cha-
cun de ces deux corps brûlés par sa chaleur de combustion. Cette
méthode nous a valu les belles expériences de Lavoisier,de Du-
CALORUIKTIUE. 435
loog\ de DespreU^, de Regnauli et Reisei^; M. Gavarret la
désigne sous le nom de méthode directe.
Suivant une seconde méthode, indirecte, employée par
MM. fiçussingault ^, Liebig et Barrai ^ on tient compte de
tout ce que Tanimal introduit sous forme solide et liquida
dans le tube digestif, de tout ce qu'il expulse au dehors en
excréments solides et liquides, on retranche la seconde quan-
tité de la première, et le reste, la différence, représente néces-
sairement en nature et en poids ce que Tanimal a perdu par
les organes respiratoires et par l'exhalation cutanée^.
Nous ne nous occuperons pas de discuter la valeur relative
de ces deux méthodes, qui expérimentalement sont vérifica*
trices Tune de l'autre. Nous dirons seulement que la seconde
est inapplicable à l'homme malade. Quelques auteurs ont
voulu se servir de la première pour l'homme sain et malade.
Ils ont voulu déterminer la quantité de chaleur produite et
perdue en, un temps donné dans ces deux conditions diffé-
rentes.
Mais , avant de présenter l'analyse de ces divers travaux, dont
quelques-uns ont été faits avec un soin et une précision indis-
cutables, nous dirons d'une façon générale que l'application,
sur la surface cutanée , d'un liquide à une température quel-
conque, a une influence sur les quantités de chaleur produite
et perdue, que l'application du froid sous une forme quel-
conque a une influence plus ou moins analogue. Il y a donc
une réunion de facteurs agissant en des sens parfois différents,
et dont il nous est impossible de préciser l'importance : nous
* Ooloog, Ann, d$ ehimitH de phy- />4ys/f««, 9* série, I. LXXI, p. iâ3, et
9iqmê, 3* série, t 1, p. 6^o, i8&3. 3* série, t. XI, p. à33-
' Desprets . AnH,de chimie etdephy- * Barrai, Ann, de chimie et de phy^
MfMtf, û* série, t. XXVI, p. 337, 1896. tique, 3* série, t. XXV, p. i!i9;el5<a-
H^pauU et Reiset , i^Mii. lip cAimie ti^ue chimique det animaux, Paris,
et de phtftique , 3* série, I. XXVi, p. i85o.
999. * Voyez Gavarret, Chaleur animale,
* Bousftitigaull , Anu, de chimie et de p. «jiiS et suiv.
98.
436 CHAPITRE II. —LA CHALEDR ET LA FIÈVRE.
resterons donc dans un doute légitime en disant que les ex-
périences que nous allons résumer valent pour les conditions
où elles ont été faites, mais que nous ne voudrions en conclure
aucune loi, sûrs que nous ne généraliserions que des données
dont les différents éléments ne sont pas actuellement analy-
sables.
Le problème est en effet double : il faudrait pouvoir déter-
miner en même temps la quantité dé chaleur produite et ses
variations sous Tinfluence des actions extérieures, et, d*uQ
autre côté, la façon dont l'économie résiste à ces applications,
et le résultat des actes qu'elle accomplit pour régler sa produc-
tion de chaleur.
Bien que nous ne tenions pas ces problèmes si complexes
pour résolus , nous devons exposer les travaux qui ont été faits
dans le but de préciser la question et d'en résoudre quelques
fragments.
Les premières recherches sur la production quantitative de
la chaleur et sa régulation chez l'homme sont dues à Lieber-
meister^ Dans son premier article, Liebermcister établit :
1* que l'action de l'eau froide sur la peau d'un homme sain
pendant un temps peu prolongé ne donne lieu à aucun abais-
sement de la température axillaire ^, et s* que le contact direct
de la surface du corps nu avec l'air à la température de 1 9*,5
à 3 9* G. timène une élévation de la température dans Tais-
selle *.
Le second mémoire montre que ces faits s'expliquent par
une élévation de la production de chaleur proportionnelle à
la perte de chaleur, et que la diminution de la perte de cha-
^ Liebenneisler, Dtê EegvUrung étr etc.. von Reichert ond Dobok-Rey-
WàrmMdung bti den Thierm von f wif- roond , j " art. , p. Sao , 1 86o ; a' art ,
tanter Tempefatur (DeuUche Klnùk, p. 689, 1861; 3* art, p. aS, 186:1;
1869, n*4o). &• art. , p. 66 1 ).
Phyiioloffiêchê Unienuehungfn ûber ' Lîebertneister, DentêcKê KUmk,
diê quantîtativen Vm-ànderungtn der 1859, p. 53 1.
Wàrmeproduction {Arch. f. An, Phyg., * Lîebermei8ler,tn«Minii2oeo,p.53Â.
CALORIMKTRIE. 437
leur sous Tiofluence du froid h la peau, invoquée par Berg-
mann, ne suffit pas pour l'explication de cet ordre de faits K
H. Nasse, dans le Dictionnaire de physiologie de R. Wagner
(Chaleur animale) fait mention d'un écrit de Donders^, dans
lequel l'état de la peau , sous l'impression du froid et de la
chaleur, est considéré comme influant sur ia régulation de la
chaleur du corps. L'explication de Liebermeister repose sur
la mesure faite, dans un bain où est plongé un homme, à
une température de qo"* G. à 3o% de la quantité de chaleur
émise, en même temps que l'on observe la température de
l'aisselle. Or, en ce qui concerne l'augmentation de la produc-
tion de chaleur dans le bain froid , les expériences montrent
que , dans un bain de a o à s S"" G. , la production de la chaleur
est triplée ou quadruplée, dans un bain k So^'G. doublée,
par rapport à la production moyenne de l'état habituel.
Dans le troisième article, Liebermeister se demande quel
est l'état de la production de la chaleur lorsque diminue ou
s'élève considérablement la perte de chaleur. La méthode qu'il
met en œuvre pour atteindre le résultat cherché est tout autre
que celle des bains froids , et consiste en ce que , d'après l'é-
lévation de température que le corps humain acquiert dans
un bain dont la température est maintenue pendant ce temps
égale h celle de la température (ascendante) de l'aisselle, on
calcule la quantité de chaleur produite pendant la durée de
ce bain. Ses recherches ont montré également que , dans un
bain à 37%& jusqu'à 3 8% 8, la production de chaleur dépasse
un peu celle qui a lieu en temps ordinaire et dans les condi-
tions de vie habituelles ^.
Après les expériences sur les bains froids, ce résultat a
quelque peu droit de surprendre; cependant Liebermeister
' Bergfiiann, Ntehtehemitcher Bei- êource de la chaleur propre de$ planUê
trag zur Kritik der Lehre von Cahr ani- et de$ animaux (1867).
mahe. ( Mûller*8 Arehiv »i8/i5,p. 3oo.) ' Liebermeister, Arek, /. An, Phye.,
* Sur U» échangée de matière comme etc., 3* art. p. 3^, 1869.
438 CHAPITRE II. -^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
montre, d*une façon saisissante, que, puisque la production de
chaleur en temps ordinaire varie suivant les moments de ia
journée, ce résultat ne montre nullement que la production
de chaleur dans le bain chaud ait été plus grande qu'elle ne
l'aurait été dans l'état habituel au même moment du jour
et dans un état d'occupation à peu près identique de l'esprit
et du corps. Plus tard il ne repoussa pas, en ce qui concerne
l'élévation notable de la température du corps et le trouble
de l'état général qui se produisait dans ses bains chauds, ia
supposition qu' 9 une gène modérée de la perte de chaleur in-
capable de produire une notable élévation de la chaleur du
corps, pouvait entraîner une diminution dans la production de
la chaleur, 1 et il devint probable que cette question pouvait
être résolue par une méthode semblable à celle qu'il avait
employée dans ses expériences sur les bains froids.
Un él^vc de Li(»bermeister, Kernig, a repris toutes ces ex-
périencesy et, dans sa thèse inaugurale, a donné le résumé com-
plet de l'état de la science 6ur cette question en 1 864 ^ Ses
expériences sont fondées sur la possibilité de connaître l'état
de la production de la chaleur chez l'homme en augmentant
ou diminuant la perte. L'expérience montra en effet qu'on
pouvait, avec la plus grande vraisemblance, attribuer la dimi-
nution de la production de chaleur à l'empêchement .de ia
dépense ou perte de chaleur.
L'auteur s'est pris lui-même pour sujet d'expériences, et il
lui a été ainsi plus facile de trancher cette question : La produc-
tion de chaleur, dans certains bains, est-elle inférieure ou supé-
rieure à celle de l'état normal dans les conditions ordinaires de la
vie? Pour cela l'auteur s'est astreint à suivre un régime uniforme
et â vivre dans une chambre d'une température moyenne de
1 5 à 9 0"* C. Pour les éléments dont se compose la production
* Kf^rmf^, ETperimêntêlUBeitrâfrfZur MêmMchên. Thèse îiMOgariIe. DoqMl,
Kpnntnint drr Warmerffrulirung beim i8()A«
r.ALORIMÉTRIE. 439
de la chaleur de rbomine.» Kernig, comme Liebermeister, s'en
réfère k un travail de Helmholtz'. Helmholtz, aidé des re-
cherches de Scharling et de Valentin , et tenant compte des
chiffires de Lavoisier pour la chaleur de combustion du car- -
bone et de Vhydrogène (7 9q6 pour le premier» 9.3 fwo pour
le second), évalue à 86,39 <^&'ories la quantité de chaleur
qu*émet en une heure» d'après les produits de la respiration,
un homme du poids de 8a kilogrammes, il considère celte
quantité de chaleur, d'après les données du travail de Dulong,
comme n'étant que les trois quarts de la totalité de la chaleur
produite pendant ce même temps, et trouve ainsi que t gramme
de la substance du corps de l'homme, en une heure, produit
0,00 1 388 calorie; soit, pour 1 kilogramme, i,388 calorie.
' Ranke, avec l'appareil de Pettenkofer à Munich, est arrivé
è évaluer le carbone excrété par les poumons et par la peau ^.
il donne ^, comme chiffre moyen d'élimination par la peau
et les poumons, chez un homme sain et au repos, en un jour,
9 1 1 grammes de carbone.
D'après Ludwig, les quantités de chaleur produites par
1 kilogramme d'homme en une heure, pouvaient être rame-
nées aux chiffres contenus dans le tableau suivant :
GalorÎM.
Chez un homme de (7 kifegr. Soo gr. , âgé de vingt-
neuf ans, dans Thiver 3,995o
Chez le même, dans Télé 9,7&58
Un enfant de i5 kilogrammes (six ans) A,o583
Dn homme de 58 kilogr. 700 gr. (cinquante-nenf ans). 9,9o4f
Une femme de 61 kilogr. 900 gr. (trenle-deux nnsV . • i*9958
H. Nasse évalue, d'après les observations de Valentin sur la
' Helniholls, article Chakwr dam le Auêâchntiung dê$ rmhendm Memchem.
Dictùmnairt eneyclopêditpte dn ieience» (Arehiv,/, Anat. hndPhift. von Reicherl
mêSeaiu, des profesteiira de la Faculté '*iind Dubois-Reymood , 1869, p. 3i 1.)
de nwklecine de Berlin , 1 846 , t XXXV. ' Ranke , Archiv. f, Anat, um^ Phj^,
* Ranke, KohUtutof- und Slickêtof- 1869, p. 360.
ààO CHAPITRE 11. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
respiration ' et celles de Scharling sur l'acide carbonique éli-
miné par la peau, la production de chaleur à 4 6,9 5 7 calories
pour 1 kilogramme d'homme en ai heures, soit ],()563 ca-
lorie par kilogramme en une heure, il évalue la quantité to-
tale de chaleur produite en vingt-quatre heures par le corps
de l'homme à 9000 ou 3ooo calories.
CeschiftVes n'ont qu'une valeur très-relative, l'approxiiiia-'
tion y est large. Laissons de côté les travaux, quelque intéres-
sants qu'ils soient, de Favre et Silhermann , Traube, etc.
L'évaluation de Kernig est la suivante : 1,89 calorie par
kilogramme d'homme en une heure. L'auteur, dans une
série de recherches prolongées sur lui-même pendant plusieurs
mois (de novembre à janvier), étant donné son poids, qui
était de 67 kilogrammes, émettait 1,83 calorie en une mi-
nute. Dans une seconde série, de janvier à février, le poids
étant descendu à 55 kilogr. 700 gr., la production était do
i,9() calorie par minute. Liebermeister avait donné, pour un
homme de poids moyen, le chiffre de 1,8 calorie par minute.
0"«>ntà la capacité calorifique du corps, le chiffre donné
par Liebermeister est o,83 ^.
kernig a employé les deux méthodes mises en usage par
Liebermeister.
La première est celle des bains froids, fondée sur le principe
suivant : Quand un corps demeure pendant un temps à la même
température et qu'en même temps il se trouve dans les mêmes
conditions de soustraction de chaleur, il doit reproduire autant
de chaleur (ju'il en perd. Si nous détenuinons la chaleur per-
due, nous saurons la chaleur produite. Cela appliqué au corps
humain revient à dire : avons-nous mesuré la quantité de cha-
leur émise par le corps dans les conditions déterminées (le
bain), et, pendant ce temps, le corps n'a-t-il point changé sa
* H. ^asso, Dictionnaire dp phijsiolo- wan, Dation otJ. Davy, sur la chatetir
frie (le R. Wagner. spécifique de certaines substances ani-
- Voiries travaux de Crawfort, Kir- mates.
CALORIMETRIE. àài
température? alors nous pouvons dire qu'il s'y est, pendant ce
temps, produit autant de chaleur qu'il s'en est perdu.
Liebermeister procédait ainsi : la personne soumise à l'ex-
périence mesurait avant le bain la température de son aisselle,
et, sans enlever le thermomètre, elle entrait au bain ayant
soiu de tenir l'instrument fortement serré dans l'aisselle; elle
demeurait assise et immobile dans le bain n'ayant .hors de l'eau
qu'une partie du visage et de la tête. La quantité d'eau con-
tenue dans la baignoire était connue. On a constaté la tempé-
rature de l'eau avant et pendant le bain à de courts intervalles
ainsi que celle de l'aisselle. La température de l'eau , étant plus
élevée que celle de l'air ambiant (celle-ci restant pendant le
bain ce qu'elle est avant et après), cède de la chaleur à l'air.
Il s'ensuit quç l'élévation de température de l'eau, pendant
toute la durée ou partie de la durée du bain, n'indique pas
toute l'élévation de température que l'eau a acquise pendant
ce temps par l'action du corps de la personne mise en expé-
rience; pour avoir le chiffre total de cette élévation de tempé-
rature, il faut ajouter la quantité dont la température du bain
se refroidit pendant le même temps dans les conditions don-
nées. Pour cela , Liebermeister observait la marche du refroi-
dissement de l'eau avant et après le bain. Le chiffre du refroi-
dissement pendant le bain lui parut facile à déduire de là. Du
reste il s'agit d'une quantité très-petite.
Voici ce que montre l'expérience : La température de l'ais-
selle reste constante, et même monte un peu au-dessus du ni-
veau qu'elle avait avant le bain; les quantités de chaleur émises
pendant les derniers moments du bain sont égales entre elles
pour le même espace de temps. Dans les premières minutes du
bain, ainsi que Liebermeister le supposait, il y a une quantité
de chaleur émise notablement supérieure k celle qui se perd
dans les derniers moments. Les couches périphériques du corps
devaient (cela était prévu) éprouver un refroidissement; mais,
ainsi qu'on s'en assurait en mesurant la température de l'ais-
44*2 CHAPITRE II. -- LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
setle, les parties profondes, la niasse du corps, se inaînteiiaient
à leur niveau antérieur grâce à l'augmentation de la produc-
tion de chaleur^ Liebermeister ne compte comme qwmùli Ju
refroidiuemeni que la quantité de chaleur qui s'est dégagée
pendant le bain, et par suite de laquelle les parties périphé-
riques de Teau ont été refroidies, avant que l'équilibre stable se
soit établi eptre la température des différentes parties du
corps, bien que, dans Punité de temps, il passe dans Teau
autant de chaleur que le corps en produit. L'excédant de cha-
leur qui a été cédé pendant les premiers moments du bain froid
comparés au même temps des derniers moments du bain, re-
présente la quantité du refroidissement.
On comprend que le chiffre de la production de chaleur
trouvé par Liebenneister était d'autant plus faible, que, dans
le premier moment, il se perd de la chaleur dans l'air par la
respiration et par la partie de la tête qui n'est pas couverte. Il
a cherché à évaluer cette perte.
La seconde méthode qu'on devait employer (Kemig) était
celle des 6atfu ehauda, que Liebermeister avait instituée en se
fondant sur les principes suivants :
Lorsqu'un corps susceptible de produire de la chaleur est
placé dans des conditions extérieures telles qu'il ne reçoit ni
ne perd de la chaleur pendant un certain temps, la quantité
de chaleur qu'il crée dans cet espace de temps est égale au
produit des trois facteurs suivants : l'élévation de la tempéra-
ture que le corps a éprouvée pendant ce temps , le poids de
celui-ci, et le chiffre que représente la capacité calorifique de
ce coq>8. Le produit de ces trois facteurs représente la quantité
de chaleur qui est nécessaire pour amener l'élévation de tem-
pérature observée dans ce corps ; or, comme pendant ce temps
il n'a été ni soustrait ni fourni de chaleur, cette quantité de
chaleur est bien celle qui a été produite. Il va sans dire qu'on
su|)p<)se que chaque point du corps a acquis, dans l'unité de
CALORIMÉTRIE. 443
temps, la même température que celui dont la température a
été réellement mesurée.
Lîebermeister a procédé de la manière suivante : Le sujet en
expérience, après que le thermomètre placé dans raisselie eut
atteint son niveau définitif, et sans te déplacer, se mit au bain,
dont la température était égaie à celle de l'aisselle. Le corps
était plongé dans Teau, sauf une petite partie d.e la tête. La
température du bain était, grâce à un courant constant d'eau
chaude, maintenue à la température (ascendante) de Taisselle,
et par conséquent graduellement accrue. (îomme la peau,
avant le bain, avait en différents points une température plus
basse que celle de l'aisselle, on pouvait remplir complètement
la condition essentielle de cette méthode» è savoir que la perte
comme l'apport de chaleur fussent en parfait équilibre, après
que le bain avait duré un certain temps, par exemple alors
que la peau avait pris partout la température de l'aisselle, ou,
ce c(ui revient au même, celle de Feau.
Liebermeister a constaté de deux façons différentes le mo-
ment où cette condition de la méthode était réalisée. Une fois
il plaça dans le bain de temps en temps sur différentes parties
du corps un thermomètre flottant dans Teau*, il voyait si la
peau était ou non plus froide que l'eau, et il résolut ainsi le
problème de savoir à partir de quel moment les quantités de
chaleur employées à réchauffement du corps étaient approxi-
mativement égaies entre elles. A partir de ce moment, la con-
dition essentielle de la méthode se réalisait, à savoir que
chaque point du corps avait, en un temps donné, la même
température que faisselle.
Il va sans dire qu'on tenait compte de la perle de cha-
leur par la respiration et la partie du visage tenue hors de
l'eau.
RerlifrcheM par la fremière méthode. — Cette première mé-
thode repose sur deux points essentiels : t"" la mesure de la
ààà CHAPITRE n. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
chaleur cëdée à l'eau; 9° Tétat de la température de Taisselle
pendant le bain.
1* Meêure de la chaleur cédée à l'eau. — Ici se présente d'a-
bord une objection en ce qui concerne la méthode par le bain
chaud; Liebermeister l'avait déjà indiquée. En raison de la
température élevée de l'eau, il pouvait se faire que le refroi-
dissement de celle-ci eût lieu tellement vite» et que, d'autre
part, la quantité de chaleur cédée à Feao fût si faible, que la
moindre imperfection dans l'observation celâl complètement
le résultat. Kernig para à cet inconvénient en maintenant la
chambre d'observation à une température assez haute pour
n'avoir point à craindre ce rapide refroidissement, et la suite
montra que cette méthode de mesurer la chaleur était très-
applicable dans le bain chaud.
La chaleur émise dans l'eau en un temps déterminé fut
multipliée par la masse de l'eau évaluée en litres. Le produit
de ces deux facteurs donna la quantité de chaleur, autrement
dit le nombre de calories émises. (L'auteur a toujours expé-
rimenté sur lui-même.)
L'élévation totale de température produite par l'inunersion
de son corps dans l'eau ne peut pas être observée directement,
attendu que l'eau du bain cède de la chaleur à l'air ambiant.
Mais elle peut être déduite de l'état de la température de l'eau
pendant le bain, si l'on connaît de combien l'eau se refroidit
pendant ce temps, ou mieux, quel a été le chiflfre de la quan-
tité de chaleur qu'elle a cédée pendant le bain. Pour trouver
cette quantité [correction du refroidiuemeni)^ Kernig a utilisé un
moyen déjà employé pour cet objet par Liebermeister, et qui
lui a réussi. Le refroidissement de l'eau servant au bain fut
observé pendant un temps très-long, tant avant qu'après le
bain (environ soixante-dix minutes avant et autant après, sauf
de rares exceptions); le bain lui-même durait environ trente-
cinq minutes. L'observation du refroidissement de l'eau avant
GALORIMÉTAIE. àhb
et après le bain fat faite de cinq en cinq minutes. On déduisit
de ces observations le chiffre moyen entre le refroidissement
avant et après le bain, et on le prit conune exprimant le refroi-
dissement de Teau pendant le bain.
Cela étant admis, il s'ensuit le calcul suivant :
Si, par exemple, la température de l'eau s'élève durant cinq
minutes pendant le bain, on sait que l'élévation de tempéra*
ture que le corps humain produit dans l'eau est égale à la
somme du chiffre de correction du refroidissement extérieur et
de l'élévation observée dans la température de l'eau. Le corps
a cédé, dans ce cas, à l'eau plus de chaleur que l'eau n'en a
cédé k l'air.
Si la température de l'eau reste la même pendant une du-
rée de cinq minutes, cela veut dire que l'élévation de tempé-
rature de l'eau produite par le corps est égale au chiffre de la
correction du refroidissement. Le corps a compensé exactement
la perte de chaleur subie par l'eau.
Si, malgré la présence du corps, la température de l'eau
s'abaisse , il faut soustraire du chiffre de correction du refroi-
dissement celui de l'abaissement de la température de l'eau,
pour trouver l'élévation de température produite par l'expéri-
mentateur dans l'eau. Son corps a communiqué à l'eau moins
de chaleur que l'eau n'en a cédé au dehors.
Dans des cas exceptionnels enfin, dans les premiers mo-
ments de l'immersion dans le bain chaud, la température de
l'eau au contact du corps est descendue au-dessous de son
chiffre de correction normale pour le refroidissement. Là évi-
demment le corps, dont la surface périphérique, au moment
de l'immersion dans le bain , était plus froide que l'eau , a sous-
trait à l'eau de la chaleur, et l'abaissement de température
ainsi produit dans l'eau, c'est-à-dire la quantité de chaleur
soustraite à l'eau , peut être trouvé en retranchant de l'abais-
sement observé de la température de l'eau le chiffre de la cor-
rection normale pour le refroidissement.
A46 CHAPITRE II — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
L*autear a vérifié rexactîlude de ses tfaermomètres; il a eu
soin de toujours noter la température de la nappe supérieure
et celle des couches profondes de Teau, à dislance égale
des parois , et a pris le chiffre moyen entre ces deux mesures ,
comme exprimant le véritable chiffre de la chaleur cédée au
bain par le corps.
Généralement le refroidissement, avant et après le bain, a
lieu avec une grande uniformité. Dans quelques cas rares, il
y a quelque différence entre les chiffres de cinq en cinq mi-
nutes, mais cela ne dure pas. L#e refroidissement entre les
parties supérieures et les couches profondes de Teau est en
concordance 'très-grande dans la plupart des cas, et ne diffère
que de quelques centièmes de degré.
Il ne faut pas attacher trop d'importance à une mesure de
cinq minutes. Mais le chiffre total de la quantité de chaleur
émise pendant toute la durée du bain mérite confiance et
s'approche très-près de la vérité.
a" Généralités nnr l'état de la température de raisselle dan» les
inhrrchei par cette première métltode. — La température de l'ais-
selle a donné, dans les diverses recherches, un résultat si diffé-
rent, et en même temps, kernig, è cette occasion, a fait des
observations si particulières sur diverses circonstances qui
influent sur ces variations, que, pour éviter des répétitions
ultérieures , il faut tout d*abord exposer le tableau de ces di-
verses circonstances et en discuter la nature.
Voici le procédé opératoire suivi par Kernig :
Pour maintenir son aisselle immobile et fermée sans inter-
ruption pendant un temps très-long (une heure et demie à
deux heuœs), il étreignait son bras gauche à l'aide d'une
bande en caoutchouc qui le maintenait attaché au tronc, tan-
dis que le bras droit demeurait libre. L'occlusion de l'aisselle
était si complète, qu'il n*est pas arrivé, dans les expériences,
que l'eau y pénétrât. Le thermomètre demeurait ainsi appii*
GALORIMETRIE. ààl
m
que eiaclemeni contre les parois de raisselle. La sueur n*y
produisait qu'une faible humidité et qui n'était pas de nature
à entacher Texpérience.
Il est arrivé quelquefois, malgré ces précautions minutieuses,
des variations soudaines de o% i à o°,a dans la hauteur de la
colonne thermométrique ; elles ne pouvaient s'expliquer que
par un défaut d'occlusion de l'aisselle. Le moindre mouvement
de rotation du bras peut produire cet effet.
Il va sans dire que , le thermomètre étant placé dans Tais-
selle, on ne tenait pour vraie que la température demeurée
6xe pendant au moins cinq minutes, et cela le plus souvent
vingt minutes après que le thermomètre était en place.
Les bains étaient portés à une température de 3o% 3*j%
3â% 36** C, une fois à 37% une autre fois à d5%5 G. La du-
rée des bains ^ sauf deux cas (n' u et n* w), a été de trente-
cinq minutes.
Il y a une partie des observations dans lesquelles on n'a pas
trouvé de différence dans la température de l'aisselle du com-
mencement è la fin du bain. (obs. m , bain à 3o°; obs. xi et xiii ,
bain à 33"*; obs. xviii, bain à 3/t''; obs. xix, \x et xxi, bain
à 36"*). Il n'y a pas lieu de douter, dans ces cas, qu'une cer-
taine quantité de chaleur n'ait été produite pendant la durée
du bain.
Dans quelques-unes des observations, la température de
Taisselle était plus haute à la fin qu'au commencement. (Obs.
xvii, bain à 3&°; et obs. xxu, xxiii et xxiv, bain à 36**). La
réponse à cette question, è savoir si, pendant ce temps, il a
été produit de la chaleur, est facile à faire.
Dans les autres observations, la température de l'aisselle
était plus basse à la fin qu'au commencement du bain. Or il
faut se demander quelles sont les causes qui peuvent produire
cet abaissement.
Premièrement, cet abaissement de la température axillaire
peut dépendre d'une dépression de la température (refroidis-
àhH CHAPITRE II. ^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
sèment) de tout le corps , provenant d*un eicès de la perte de
chaleur par rapport à la production de chaleur, et alors, ou
bien la perte de chaleur dépassant le chiffre normal est trop
forte par rapport à la production demeurée à Tétat normal ou
même accrue , ou la perte n'est point plus grande et est peut-
être même plus petite quà l'état ordinaire, mais la production
de chaleur s'abaisse au-dessous de son niveau habituel et
ainsi ne parvient pas à couvrir la dépense de chaleur.
Deuxièmement, l'abaissement de la température de l'ais-
selle peut tenir à des causes locales, de sorte, par exemple,-
que la température de la masse du corps (parties profondes)
ne change pas , mais que celle de Taisselle change comme celle
des autres parties périphériques.
Etant donné que l'abaissement de la température axillaire peut
dépendre de ces deux conditions, il en résulte évidemment que
l'on doit répondre différemment à cette question : une certaine
quantité de chaleur est-elle produite ou non dans le bain? Si
nous arrivons à démontrer que l'abaissement de la température
de l'aisselle a pu ne pas tenir à un abaissement de la tempéra-
ture de tout le corps, qu'ainsi le corps entier n'a pas pu se re-
froidir, et si, d'autre part, nous arrivons à peu près à déter-
miner les causes locales qui ont pu amener un abaissement de
la température axillaire, nous pouvons, malgré la chute de la
température axillaire dans ces cas, conclure qu'en balançant
la quantité du refroidissement avec celle de réchauffement, la
quantité de chaleur émise pendant le bain a été réellement
produite pendant celui-ci.
Maintenant il est possible, en fait, pour toutes les recher-
ches susdites, de fournir la démonstration que l'abaissement
de température de l'aisselle ne peut pas avoir dépendu d'un
abaissement de température, d'un refroidissement de tout le
corps. Dans ce but, Kernig prend: la température approxima-
tive d'un bain , la quantité de chaleur totale qui a été émise
pendant la durée du bain , et le chiffre de la température de Tais-
GALORIMÉTRIE. 449
selle. Tous ces bains ont duré trente-cinq minutes. Suit un
tableau de toutes les observations, que nous ne reproduisons
pas.
On voit dans ce tableau, que , dans les bains à 36 degrés et
au-dessus, jamais rabaissement de la température axillaire
n*a eu lieu. Mais, pour tous les bains à 36 degrés, il y a une
circonstance qu'il faut signaler et qui évidemment empêche
l'abaissement de la température axillaire dans les bains chauds ,
c'est le fait de demeurer couché avant le bain.
Le tableau des expériences montre avec évidence que Rabais-
MtmetU de la température de VaisséU na été, dans aucune des obeer^
vaiions, froportiùnnel à la quantité de chaleur émise. On peut
prouver de deux façons cette disproportionnalité entre rabais-
sement de la température axillaire et la quantité de chaleur
émise.
IXabord, dans des bains de températures différentes, et singu-
lièrement différents aussi par la quantité de chtdeur émise, la tem-
pérature axillaire n*a pas varié en moins et ne s'est pas réglée
sur la proportion de la chaleur émise.
Cette disproportionnalité entre l'abaissement de la tem-
pérature de l'aisselle et la quantité de chaleur émise montre
déjà suflS8amment'(méme quand on voudrait admettre que la
température de toutes les parties du corps est, dans tous les
cas possibles, aussi basse que celle de l'aisselle), que le corps
humain ne se refroidit pas, autrement dit, ne diminue pas
de température, en raison de la quantité de chaleur qu'il
perd.
Deuxièmement, cette disproportionnalité se démontre en-
core en ce que les températures de Veau étant égales, et les quan-
tités de chaleur émises étant égales aussi, la température de
l'aisselle montre, dans son abaissement, des différences extra-
ordinaires : ces différences vont à plusieurs dixièmes de degré,
ainsi qu'on le voit par les chiffres suivants :
î>î»
450 CIIAMTRE 11. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
. \ . ^ de la temp^tnrc
Observalioo i 3o* Qo'.SyS. o*,io
Observadoo n 3o 99 ,378 o ,38
Obeervatkm ai 3o 101 ,100 o ,oS
Observalion UT 3& 59,980 0,^7
Observation iv 34 tiG ,3oo o ,3i
On peut, de ce qui précède, conclure que rabaissement
de ia température axillaire n'annonce pas un changement
identi({ue dans letat des autres parties du corps, en d'au-
tres termes, que, malgré l'abaissement de la température de
faisselle, les parties profondes, la masse du corps, ont pu
n'éprouver aucun abaissement de température. Si ia tem-
pérature de toutes les parties du corps, dans toutes ces
observations, était tombée comme celle de l'aisselle, il n'au-
rait pas pu se faire qu'à la même température de l'eau, les
sommes des quantités de chaleur émise fussent égales entre
elles, nuiiê elles auraient dû bien plutàl être fnvportiowndln à
l'abaissement Je la iempératut^ de Caiêsdle. Si l'on voulait ad-
mettre que, dans ces cas, le corps tout entier a été autant
abaissé dans sa température que Ta été Taisselle, il faudrait
supposer non-seulement que, dans les observations où la tem-
pérature de l'eau était la même et où tout concordait du reste,
la production a pu être différente , mais encore que ce$ pro-
ductions différentes dans des bains d'égale chaleur, se sont
compensées avec les quantités de chaleur perdue, lesquelles
n'étaient pas couvertes par la production, de façon que les
quantités totales de chaleur émise aient pu être égaies. Or
cette supposition est absolument inadmissible. Kemig suppose
en même temps, dans les observations où l'on a noté un abais-
sement de la température axillaire, avoir rempli cette condi-
tion essentielle de sa méthode , l'immutabilité de la température
des parties profondes, et il espère que les résultats concluants,
CALORIMÉTRIE. 451
relativement aui quantités de chaleur produite dans Tunité
de temps 9 montreront que, si Ton néglige l'abaissement de la
température axillaire, il n*en peut résulter aucun vice essen-
tiel dans l'expérience. La mesure de la température axillaire
entreprise pour mettre en évidence cette assertion (dans ces
cas où des influences locales avaient agi sur faisselle), n'a pas
pu donner directement cette notion, mais l'a donnée indirec-
tement.
Il faut faire connaître ici les circonstances qu*on doit consi-
dérer comjue pouvant abaisser localement la température dans
les parties périphériques et dans l'aisselle. Remarquons d'a-
bord que souvent la rapidité avec laquelle l'aisselle maintenue
fermée change de température est une preuve de la possibilité
de ces actions locales. Un abaissement de o%i à o",3 en cinq
minutes montre» du moins dans certains cas bien observés,
qu'un semblable changement de température ne peut pas s'être
produit dans tout le corps. Un calcul très-simple prouve que,
si tout le corps humain (d'environ 67 kilogrammes) s'était en
cinq minutes refroidi de o%i ou o%a, sa perte de chaleur au-
rait dû s'élever à 9,6 calories, ou bien sa production de cha-
leur aurait été diminuée d'autant. Dans l'état ordinaire la
perte totale de chaleur est d'environ 7,5 calories en cinq mi-
nutes (en supposant une production de i,5 calorie à la mi-
nute).
Ce n'est que dans des cas où l'on n'a pas pu constater
l'exacte occlusion de l'aisselle, que l'on a vu des abaisse-
ments de o\i à o",ti en une ou deux minutes (introduction
de l'eau).
L'action des bains froids, dans lesquels se produit la chair de
poule et le frisson , avait conduit Kernig à penser que souvent la
ehue Inmtque de la température axillaire, observée alors, dépend de
la soudame diminutton dans la conducùhUiti calorique de la peau.
Dans un cas, par exemple, avec une chute de o%i à o%a en
cinq minutes, coïncidèrent de (orfs frissons avec horripilation ;
à:y2 CIIAIMTKE T. — LA CHALKUR ET LA FIEVRE.
(lu reste, la quantité de chaleur émise pendant ce temps dans
l'eau fut plus faible que dans les sections de temps qui jiré-
cédèrent et qui suivirent. (Les bains étaient à 3o ou 3 q de-
grés.)
Une autre circonstance dont il faut tenir compte, au point
de vue de la température de l'aisselle dans le bain, c'est que
de rester étendu et immobile, au lieu d'être debout ou assis,
amène un abaissement de quelques dixièmes de degré dans
Taisselle.
(î'cst, du reste, un fait connu que le mouvement élève la
lem|)érature du corps. Helmholtz, Funke, Ludwig, J. Davy,
ont trouvé une élévation de o%3 jusqu'à o'*,^ après un effort
musculaire prolongé, après une forte séance d'équitation, une
longue course, etc.
Des mouvements d'inclinaison du corps soit en avant soit
en arrière peuvent faire varier le thermomètre de o",o5.
L'abaissement de la température axiilaire dans l'état de
repos horizontal n'est pas facile à interpréter. Il ne peut être
question ici d'une augmentation locale ni générale de la perte
de chaleur pendant que le corps conserve celte position; il
y a plutôt lieu de croire que la perte de chaleur est moindre
alors. On ne peut chercher la cause du phénomène que dans
un amoindrissement des sources de chaleur locales ou géné-
rales.
Kernig admet tout d'abord que l'abaissement de la tempé-
rature axiilaire pendant le repos horizontal n'est point étendu
à tout le cor[)s. Comme la perte de chaleur en pareil cas n'est
pas augmentée, il faudrait, pour produire un abaissement de
température de tout le corps semblable à celui que l'on ob-
serve dans l'aisselle, qu'il y ait eu une diminution notable de
la production de chaleur générale. Indubitablement le passage
de la position verticale à l'horizontale supprime une source de
chaleur, celle qui réside dans l'action musculaire; il reste à
savoir si cela suflit pour amener, sans que la perte de la cba-
CALORIMÉTRIE 453
leur soit 'augmentée, un refroidissement de tout le corps de
o^3 en vingt minutes.
Un calcul approximatif porterait la production de la cha-
leur à un abaissement de moitié dans ce cas. (Etant donné que
Ton suppose, à Tétat ordinaire, la perte de chaleur à peu près
égale à la production, cela ferait en vingt minutes i ,5 x 90
»» 3o calories. Un abaissement de la température du corps
tout entier de o%3 suppose que 67 x o,83 x o%3»i &,9 calo-
ries n'auraient pas été produites pendant ce temps; par con-
séquent, en vingt minutes, la perte de chaleur n étant pas aug-
mentée, la production ne devrait atteindre qu'environ la moi-
tié de son chiffre normal.)
Pour Kernig, il est plus facile d'attribuer l'abaissement de
température de l'aisselle à la suite du repos horizontal , h un
étal local, et il en faut chercher la cause dans les sources lo-
cales de la chaleur.
Le pouls se ralentit aussi dans le repos horizontal. Si Ton
doit admettre un ralentissement de la circulation correspon-
dant h un ralentissement du pouls, on s'explique l'abaissement
de la température de l'aisselle bien close, d'autant que, dans
tous les cas, la température de l'aisselle close dépend de l'activité
circulatoire des gros vaisseaux contenus dans ses parois. Si la
température d'un point quelconque dépend du sang qui y es
amené ou qui le traverse, si la chaleur du sang reste la même,
cette température sera réglée par la rapidité de la circulation
(toutes choses étant égales d'ailleurs). L'aisselle rentrerait
alors dans la catégorie des parties du corps dites périphé-
riques, et dans lesquelles la circulation influe si manifestement
sur la température.
L'auteur s'est serri toujours des deux mêmes thermomètres
parfaitement semblables entre eux et par leur sensibilité et
par les chifres qu'ils donnaient. Ils étaient divisés en dixièmes
de degré, et ces divisions étaient faciles à lire et très-espacées ,
de façon qu'on pouvait aisément reconnaître un centième de
hbh CHAPITRE IL — LA GHALEliR ET LA FIÈVRE.
degré. Tels Paient les instruments employés k mesurer ta
température de l'eau. Pour raisseile» Tauteur se servait d'un
thermomètre divisé en cinquantièmes de degré, dont le cylindre
était épais, la cuvette cylindrique, longue de c'yoSS sur
o'",ot3 de largeur. Les divisions allaient de 35** à 6o%5 et
chaque degré avait o"',o5de long. Plusieurs instruments furent
employés successivement, et tous les thermomètres furent
comparés entre eux chaque jour.
Les expériences furent faites d'abord dans une baignoire en
bois peinte à l'huile; la quantité d'eau était de 1 5o litres, et
le niveau en était marqué sur la paroi interne de façon que
toutes les expériences fussent semblables. L'eau était remuée
et mêlée, au début de l'expérience, puis ensuite abandonnée à
elle-même.
L'auteur, qui a fait sur lui-même toutes les observations,
procédait de la façon suivante : il se déshabillait et demeu-
rait environ dix è quinze minutes occupé à surveiller l'intro-
duction de l'eau dans la baignoire; il résultait de ce léger
effort corporel un peu de sueur et une certaine accélération
du pouls; puis il se tenait en repos, assis, ne se donnant
d'autre mouvement que celui qui était nécessaire pour véri-
fier la température de l'eau ; la sueur cessait. La plupart du
temps l'auteur restait pendant vingt ou trente minutes cou-
ché sur un sopha, puis il entrait au bain, oh il se tenait
plongé jusqu'aux'oreilles, ne laissant hors de l'eau que le vi-
sage. Il avait soin de remuer le moins possible les membres.
Le sommet de la colonne mercnridle du thermomètre placé
dans l'aisselle dépassait le niveau de l'eau, mais pouvait y
être replongé par un léger mouvement de rotation de l'é-
paule. Le corps reposait sur les saillies osseuses de façon
qu'il y eàt le moins de contact possible et par conséquent
le moins de perte de chaleur possible par les parois de la
baignoire.
La nature <lu vêtement que l'auteur portait, avant le bain.
CALORTMillTRIE. 455
indépendamment de la température de la chambre et de celle
de Teau , a influé suc la quantité du refroidissement. Ainsi : i ^ la
quantité de chaleur que les parties périphériques cèdent à un
bain froid ou tiède (ayant que ne soit établi cet équilibre sta-
tionnaire entre la température des différentes parties du corps,
par suite duquel il y a juste autant de chaleur cédée a Teau
quHl s'en produit), a été, eœteris paribus^ d'autant plus grande
que les vêtements portés avant le bain étaient plus épais;
â"" la quantité de chaleur que les parties périphériques prennent
dans un bain chaud, avant que cet .état stationnaire se soit
établi, a été d'autant plus petite que les vêtements portés
avant le bain étaient plus épais.
Il va sans dire que l'auteur, qui est en même temps le
sujet des expériences, était en parfait état de santé. Son
scrupule va si loin , qu'il note les moindres malaises : mal
de tête, inappétence, deux selles en un jour et des éructa-
tions après le repas. Il s'abstient aussi de toute médicamen-
tation.
Recherches faiteê (Fapris la première mélhotte. — Kernig divise
ses observations d'après la première méthode en quatre séries :
bains à 3o% bains è 3â*, bains à 3/l^ bains è 3 G"* G.
Nous donnons ici plusieurs tableaux empruntés h ces di-
verses séries, afin de montrer avec quel soin minutieux les
observations ont été faites, et quelle créance elles méritent.
Les tableaux sont suivis d'observations critiques et de calculs
faits par l'auteur.
456 CHAPITRE il. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Obsbryation 11. — Bain à 3o%o5 — 3o*38.
HBDRBS.
t'3o-.
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»
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de
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87,93
87,17
87,11
37 ,06
87,03
87 ,o5
37,07
87,08
86 ,99
86,96
36 ,88
OBSBRVATIOHS.
Entrée dant le bain.
PeliU
PtonkàSe.
Qoelquet bonipiia-
liooe et ^«ir de
poale.
MfkrBt horripila -
ttent et chair dr
ponte.
HorripHolioM pin-
fortei et diair Jt
poale.
Sortie dn hiio. Friv
•ooe, Iremhlemfoi
ehair de povi^.
Port friawB.
La chair de poa)« (b-
minve.
Le coq» col are.
Sennlion afréablf -i*
cbaieor.
Poolaà7t.
CALORIMÉTRIE. 457
Le refroidissement de leau pour cinq minutes a été',
pendant les trente-cinq minutes qui ont précédé le bain,
de o%o55; après ie bain, de o%oâo. Conséquemment la cor*
rection pour le refroidissement pendant le bain en cinq
minutes est de o^o&75.
QUANTITE DE LA CHALEUR JMISE PAR LE CORPS.
GaloiiM. GdoriM.
1** section : & minâtes. . . i9',i95 Soit par minate i*,78i
9* section : 5 minutes. . . ai ,375 Soit par minute i ,978
3* sectioD : 5 minutas. . . to ,875 Soit par minute 9,175
A* section : 5 minutes. . . i5 ,375 Soit par minute 3 ,076
.^* section : 5 minutes . . ., 1 3 ,1 95 Soit par minute 9 ,695
G* section : 5 minutes. . . 9 ,375 Soit par minute 1 ,875
7* section : 5 minutes. . . 10 ,1 95 Soit par minute 9 ,095
ToTàL 99**375
On a donc, pour le nombre de calories émises :
99%375 = o*,6695 x i5o (litres)
et (©•,0475 X 7) + o%33o = o%6695.
L'auteur divise chacune des séries d observations en trois
groupes : Tun comprend décembre et le commencement de
janvier» le second la fin de janvier et jusqu'au 7 février, et le
troisième la fin de février. Le groupe intermédiaire est marqué
par quelques troubles dans la santé, qui coïncident avec une
diminution légère dans la production de chaleur mais ne l'ex-
pliquent pas suffisamment.
.J-'
Premiire série. — Bains è 3o degrés C. et au-dessous.
On voit tout d'abord, d'après les tableaux comparatifs des
expériences, qu'eu égard aux diverses erreurs possibles et à
cette circonstance qu'à égalité de température de l'eau, la
température de la chambre n'était pas le seul facteur du re-
458 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
froid issement, les corrections pour le refroidissement se cor-
respondent en fait très-saffisamment , quand on les compare
aux températures de la chambre d'expériences. .
H y a une grande concordance dans les sommes des quan-
tités de chaleur dégagées dans les observations de même ordre.
Ainsi, si Ton fait attention que, dans l'observation i , la tempé-
rature de Peau est plus élevée d'un demi-degré que dans les
observations ii et m , et que cette observation , faite dans une
baignoire en bois, a pu donner lieu à un plus grand nombre
d'erreurs que les autres, on trouve que i s'accorde bien avec
If et III. La grande différence dans les quantités totales de
chaleur dégagées qui existe entre i, n, m d'une part, iv, t,
VI d'autre part, tient beaucoup plus h la différence dans la
quantité du refroidissement qu'à la différence dans la pro-
duction.
Les quantités du refroidissement doivent se régler, h éga-
lité de température de l'eau , sur la nature des vêtements portés
avant le bain, et sur la température de la chambre oii se tenait
l'observateur-acteur. Dans i, ii, m, l'auteur était, jusqu'à son
immersion, dans la chambre du bain et très-légèrement vêtu:
dans IV, v, vi, il était, avant l'immersion, dans une autre
chambre dont la température était très-inférieure h celle de
la chambre de bain et entièrement dévêtu; aussi les quan-
tités du refroidissement sont-elles beaucoup plus faibles dans
IV, V, VI que dans i, n et m.
Les résultats qu'on peut légitimement tirer de cette série
sont les suivants :
Dans un bain è 3o degrés, sans tenir compte de ce qui
se perd par la respiration, on trouve, dans les expériences,
une production de s, A calories par minute (observations n
et m), et dans les dernières, 9,f calories; différence, o,3 ca-
lorie.
Liebermeister avait trouvé le chiffre 9,3 calories par mi-
nute.
CALORIMÉTRIE. A59
Kernig répète , en ce qui concerne la température de Tais-
selle dans les bains h 3o degrés, que rabaissement de la tem-
pérature de Taisselle ne suppose pas celui de la température
du reste du corps. Il tient pour certain que là ou la tempé-
rature de Teau était égale, avec une égale quantité de chaleur
dégagée et dans des expériences de tout point identiques, cet
abaissement était extrêmement différent. H y a un autre mode
de désaccord, c'est celui-ci : k une température plus basse de
Teau, et avec des quantités de chaleur dégagées plus grandes,
l'abaissement de la température axillaire n'est pas plus
grand que dans des bains d'une température plus élevée et
avec des quantités de chaleur dégagées plus petites. Par
exemple, dans les observations iv, v et vi, la quantité de cha-
leur dégagée est de moitié supérieure h celle de vu, et pour-
tant en VII la température n'est pas plus tombée qu'en iv, t
et VI ; or nous pouvons supposer que le corps a eu la possi-
bîHlë de livrer une quantité de chaleur plus grosse de moitié
sans «refroidissement,» même alors que dans vu l'abaisse-
ment de la température de l'aisselle a été l'expression du re-
froidissement de tout le corps.
Du reste, il est permis de penser que, dans un bain moins
froid, le corps peut être moins en état de compenser la perle
de chaleur que dans un bain beaucoup plus froid; cette ob-
servation est .plus facile k faire, si l'on compare un bain froid
A un bain chaud; ici il ne s'agit que de comparer entre eux
des bains relativement froids, dans lesquels la production de
chaloir était indubitablement accrue.
En fait, il résulte de ces observations que le corps, lors-
qu'on force sa dépense de chaleur, accrott d'autant sa pro-
duction.
De ce qui précède, Kernig conclut que, danê aucun de reê
iams il 3o degré», il ne s'est produit un nhainement de la tempéra^
ture de tout le corps.
^60 CHMMTHK IL— LA CHALEUR RT LA FIEVRE.
Denxihne série. — Bains à 3iî degrés (].
Les résuhals sont un peu différents de ceux de la préc/*-
dente série. lAiuleur les formule ainsi ;
Dans un bain à 3q**C. (sans tenir compte des pertes parla
respiration) les premières expériences donnent 1,98 calorie
par minute et les dernières 1,69 calorie.
Ici encore on constate que le refroidissement de la tempé-
rature de Faisselle n'indique nullement un refroidissement
semblable de tout le corps, autrement les quantités de cha-
leur dégagées seraient proportionnelles h l'état de refroidis-
sement de l'aisselle, ce qui n'est pas.
On voit aussi que la température de l'aisselle variait suivant
que l'auteur s'était tenu couché ou non avant le bain.
La température périphérique du corps s'abaisse et ten<l à
s'équilibrer avec celle de l'eau. Kernig fait, sur ce point, le
raisonnement suivant : à supposer qu'environ 1 0 kilogrammes
de mon corps, c'est-à-dire la cinquième ou sixième partie de la
totalité, aient subi ce mode de refroidissement périphérique,
et qu'il ait été de o%3, cela donnerait 3 calories à soustraire
de la (piantité totale de chaleur dégagée*
Troisième série, — Bains à 34 degrés C.
Résultats : Dans un bain à 34 degrés, sans tenir compte de
la perte par la respiration, l'émission est de 1 ,7 calorie par
minute dans les premières expériences, et de 1 ,4 calorie dans
les dernières.
Ici, comme dans les précédentes séries, il y a dans la se-
conde moitié une différence de o,3 calorie en moins.
Mêmes observations quant à la température deJ'aisselle,
(|ui est très-souvent en désaccord, et en état inverse, avec la
somme de la chaleur dégagée, et qui, par conséquent, n'est
pas Texpression juste de la température du corps, laquelle ne
s'abaisse pas au même niveau.
CALORIMETRIE. 461
Quatrième série. — Bains à 36 degrés G.
Rësaliato : Dans les premières expériences le dégagement
est de 1,1 5 calorie par minute; dans celles du milieu, de
i,o3 calorie; dans les dernières, de j,ii5 calorie. Ainsi la
production est plus élevée au commencement et à la fin qu'au
milieu.
La température de l'aisselle ne laisse aucun doute sur la
sûreté de la méthode; dans ces observations de la quatrième
série elle s'élève tout d'abord dès l'entrée au bain, et se main-
tient ensuite sans augmentation ; elle monte encore après la
sortie du bain de o^ i , o% 1 5 , o%a.
En somme celte méthode des bains tièdes et chauds donne
les résultats suivants :
La température du corps (du tronc, des parties intérieures,
de la masse du corps en général) n'a changé dans aucune de
ces expériences. Elle ne s'est ni abaissée dans les bains plus
froids ni élevée dans les plus chauds.
L'abaissement de la température de l'aisselle , dans les bains
à 30"* G. et au-dessous, dépend du refroidissement périphé-
rique résultant de l'augmentation de la perte de la chaleur.
L'abaissement de la température de l'aisselle dépend, dans
les bains à Sa"" et 3/î'' G (surtout), dû refroidissement péri-
phérique produit par la diminution des sources locales de cha-
leur.
Recherches fautes d*apris la deuxième métltode. — Nous avons
précédemment indiqué les principes de cette méthode. 11 s'agit
de maintenir, pendant le bain, la température de Teau aussi
rapprochée que possible de la température croissante de l'ais-
selle; et de ne pas laisser celle-là devenir ni plus basse ni plus
haute que celle-ci. Alors la peau prend bientôt partout la tem-
pérature de l'aisselle, qui est en même temps celle de l'eau , et,
par conséquent, le corps donne et reçoit dans son ensemble
462 CHAPITRE 11. --LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
une plus grande quaaiitd de chaleur. Toute élévation de teiu-
^ pérature qu'il acquiert ne peut être mise que sur le compte
de la chaleur produite en lui-même, et celle-ci est, pour an
temps donné, égale au produit de plusieurs facteurs, savoir :
le poids du corps (en kilogrammes), l'élévation de la tempé-
rature pendant ce temps, et le chiffre de la capacité calori-
fique (chaleur spéciGque) du corps humain. Ce calcul, à la
vérité, suppose que, lorsque la température de la peau égale
partout celle de Teau, chaque point du corps acquiert une
élévation de température égale h celle de l'aisselle. C'est ce
que Liebermeister a démontré, indépendamment des mesures
directes ou indirectes de la température de la peau, en cons-
tatant que les conditions observées assuraient une produc-
tion de chaleur répartie uniformément.
D'après les expériences de Liebermeister, c'est après quinze
minutes d'immersion dans le bain que les conditions de pro-
duction de chaleur dans l'unité de temps deviennent iden-
tiques partout. Dans les expériences de Kemig, c'est après
quelques minutes seulement que cet équilibre est obtenu,
c'est-à-dire que l'on a la complète égalité de la température de
toute la surface du corps et de celle de l'eau.
Cinquième série de recherclàe», — Bains dont la tempéra-
ture est maintenue égale à la température ascendante de l'ais-
selle.
Obskrvitio.n \\v. — ti janvier 186&. Bain dont la tem-.
pérature a été maintenue au niveau de la température asceu-
dante de faisselle.
CALORIMÉTRIE.
463
H&UEES.
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de
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OBSERVATIONS.
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CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
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froid très- courte.
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37,80
37,80
37 ,80
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condes. 3* petit fris-
sou. Cbair de poule. •
ia''37"'.
ia''/io"'.
II
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II
37,75
37,65
Le bas du corps *^
lé^remeut babiit«.
Pouls i 7a.
ia''/iV".
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37,60
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37,55
iti''3r".
ia''55"'.
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1
n
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II
37 ,5o
37,50
Pouls è 76. Doulrur»
de tèif presque dis- !
parues.
Pouls i 76.
CALORIMKTRIE. 465
11 n'est pas, dans cette observation , diHicile de calculer mi-
nute par minute la quantité de chaleur employée pour échauffer
le corps et en même temps la quantité de chaleur produite.
A 1 1 heures àti minutes 1/9, la température de l'aisselle
était de 37',55, et à 13 heures 6 minutes i/s, de 38%â5.
Ainsi la température de l'aisselle a monté, en 39 minutes, de
o^7, et, en supposant que tous les points du corps aient ac^
quis la même température, le calcul donne, pour ces a 9 mi-
nutes, la quantité suivante pour la totalité de la chaleur pro-
duite :
56,84 X 0,7 X 0,83 = 33, 09.
La production est alors, par minute, de i,5 calorie. Le
chiffre de Liebermeister est, pour une série semblable, de
i,& à 1,5 calorie.
Nous laissons de côté les autres expériences de cette série
pour arriver au résultat.
La production est ici plus grande que dans les bains à
36 degrés , toutes choses étant égales d'ailleurs (température ^
de la chambre, perte par la respiration, etc.). L'auteur
pense que les chiffres pour la production apparente de cha-
leur sont trop élevés. On sait que la température d'un grand
nombre de parties internes (rectum, foie, veine cave infé*
rieure, cœur droit), h l'état normal, est plus élevée que celle
de l'aisselle. Si donc le corps est immergé dans un bain dont
la température est la même que celle de l'aisselle, et si, après
un certain temps , la surface du corps tout entière est en équi-
libre parfait de température avec l'eau, il est alors très-pro-
bable que l'élévation de température amenée dans l'aisselle par
la chaleur nouvellement produite est plus grande que celle
que présentent, dans ces conditions, les parties profondes. La
température de l'aisselle close ne peut demeurer inférieure à
celle des parties profondes qu'autant que persiste l'équilibre
normal entre la production et la perte de la chaleur. \faLs, si
3o
466 CHAPITRE II — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
la perle de chaleur vient à être à peu près complélement sup-
primée, à côté de Télévation de température que laisseile
comme les parties profondes a acquise parla production, il de-
vra se faire encore une égalisation entre la température des
parties profondes et celle de l'aisselle, et, par conséquente I élé-
vation de la température de Faisselle devra, dans ce même
temps, être plus grande que celle des parties profondes, il
s'ensuit nécessairement que le chiffre de la production établi
d'après l'élévation de température de l'aisselle est trop élevé.
fT Liebermeistcr a supposé que, lorsque les quantités de cha-
leur employées è échauffer le corps sont égales entre elles
dans l'unité de temps, ou, ce qui revient au même, lorsque
les élévations de température de l'aisselle sont devenues sem-
blables dans l'unité de temps, on peut admettre que tous les
points du corps ont dû subir la même élévation de tempéra-
ture que l'aisselle.
"On peut se demander pourtant, étant donné le fait que
l'aisselle a monté de quantités égales dans le même temps,
s'il en résulte nécessairement que les autres parties du corps
aient dû subir une élévation de température identique. Ou, en
d'autres termes, esl-il possible que la température de l'aisselle
monte d*une certaine quantité, si la température des parties
profondes ne monte pas également de la même quantité dans
le même temps? Cela me parait probable d'après mes expé-
riences.
(«l)u reste, théoriquement, rélévation de température de
l'aisselle, si pareille élévation de la température des parties
profondes n'y avait point correspondu , aurait dû , à des inter-
valles de plus en plus retardés , devenir plus faible, dans la pro-
portion où décroissait la différence entre la température des
parties profondes et celle de l'aisselle. Mais, chaque fois que la
température des parties profondes s'élève, la chaleur qui, dans
le cas d'élévation de la température de l'aisselle, indique Téga-
lisation de température entre l'aisselle et les parties profondes,
CALORÎMKTRIE. 467
est une quantité très-petite répartie sur la totalité du hain.
Acceptons, par exemple, que, dans ces recherches, de toute
Tëiévation de température que Taisselie (dans les temps indi-
qués dans les tableaux), a acquise, il y ait seulement environ
0*. 1 employé à l'égalisation entre les parties profondes et
Taisselle, et que le reste de l'élévation de température de fais-
selle représente en fait l'élévation de température qu'a acquise
tout le corps, alors les conditions de production ne vont guère
plus haut (o,i calorie) que dans les bains è 30 degrés.
«Après ces explications, je pense qu'il faut dire que, malgré
l'uniformité dans l'élévation de température de Faisselle, la
production de chaleur doit être évaluée trop haut dans les
bains pris d'après cette seconde méthode, n
CONCLUSIONS FIIVALBS.
Tableau de la production de chaleur par minute dam ces diverses expériences.
NOMBBB DB CALOUIBS
Température p., „l„„t^
d« beios ^^ ^m\
— i" groupe. •* groupe. 3* groupe.
1 • série > ^'"* * *^'*7 • ' ^"'^^^
IBainsàSo* a%6 a'.i »
•j* série. Bains à 3ti* 9,0 1 ,7 •
3* série. Baios à 36" 1 ,7 1,6 #
à* série. Bains k 36" 1 ,i5 1 ,o3 1 ,1 15
5* s^e. Bains dont la température est
maintenue ^ale à celle ne l'aisselle . 1 ,5 1,97 1,619
Ce qui apparaît d'abord dans ce tableau, c'est que, dans les
bains les plus chauds (dernière série), la production a été plus
grande que dans les bains chauffés seulement à 3(i degrés.
Cela sera expliqué plus loin.
Ensuite on doit admettre que la perte de chaleur qui a eu
lieu, dans tous ces bains, par les poumons et la surface du vi-
sage, a été plus grande dans les bains plus froids, plus petite
3o.
hùS CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
dans tes hains plus chauds, ainsi que le montre Tégalisaiion
de température de la chambre de bain dans les différentes sé-
nés d'observations. Pour trouver la production tout entière,
il y avait à ajouter au chiffre trouvé pour les bains plus froids
plus qu*à celui qui est donné paries bains plus chauds.
Ce tableau prouve avec évidence que, dans Corganimne humain,
la régulation de la production de chaleur a lieu en raifon de la
perte de chaleur : A une plus grande perte de chaleur correspond une
plus grande production, à une moindre perte une moindre produc-
tion. Kernig confirme complètement ce qu'a établi Liebermeis-
ter. 11 a trouvé la perte s'élevant jusqu'à 3,68 1 calories par
minute dans le bain à a5°,7, et Liebermeister a donné an
chiffre beaucoup plus élevé encore.
On voit quelle décroissance régulière a lieu dans la pro-
duction de la chaleur h mesure que les bains sont plus
chauds. Dans le premier comme dans le deuxième groupe
des bains è 3a degrés, la production est de o,â calorie par
minute plus faible que dans les bains à 3o degrés; et de même,
dans les bains à 3/i degrés, la production est plus faible de
o,3 calorie que dans les bains à Sa degrés; quant à celle des
bains à 36 degrés, elle est, dans le premier groupe, plus faible
de 0,55 calorie et, dans le second, de o,/i calorie que dans les
bains à 3& degrés.
Ce tableau montre ensuite que, dans le deuxième groupe
d'expériences, tous les chiffres sont plus faibles que dans le
premier et le troisième; en effet, pour les bains à 3o% 39%
3â% le chiffre du deuxième groupe est constamment de o,3 ca-
lorie inférieur h celui du premier groupe ; dans les bains
à 36 degrés la différence est seulement de o,f calorie entre
le deuxième groupe et les deux autres. Dans les bains de la
dernière série cette différence se fait également sentir. Les ob-
servations du second groupe ont été faites entre le i 5 jan-
vier et le 7 février. Or, pendant ce temps, la production de
chaleur de l'expérimentateur a été constamment inférieure à ce
CALORIMÉTRIE. 469
qu'elle a éié dans les observations des deux autres groupes;
Fauteur attribue cette différence à ce que, pendant cette pé-
riode, il ressentait des troubles digestifs et intestinaux qui
furent suivis d'un certain amaigrissement.
L'auteur, se servant des tables de Helmhoitz pour la respira-
tion (vapeur d'eau), évalue la perte de chaleur opérée par la
respiration dans les bains de la dernière série, à 0,01 ai ca-
lorie X 90 = o,Q&9 calorie par minute.
Les expériences de Kernig montrent de nouveau que, danê
le corps de l'homme, il se produit rapidement une relation de la
production de chaleur d'après la perte de chaleur : et que la limite
inférieure de cMe^ se trouve dans les bains à 36 degrés. La perte
de chaleur aussi bien que la production dans ces bains à
36 degrés sont évidemment au-dessous du chiffre de la perte
et de la production normales dans les conditions habituelles :
il est donc vraisemblable que, si l'on restreint la perte de cha-
leur, la production se restreint aussi.
On doit conclure de ces recherches, comme de celles de Lie-
berroeister, que, chez les fiévreux aussi, l'application du froid
doit augmenter la production de chaleur et par là même la
combustion intérieure. Il ne faut point appliquer ce principe
à tous les cas a priori. Chez les fiévreux il se produit un trouble
dans l'appareil régulateur qui fonctionne si bien h l'état de
santé pour la production et la perte de chaleur. Mais, si les
températures de l'aisselle, telles qu'on les a trouvées jusqu'ici
chez les fiévreux après les bains froids, indiquent un abais-
sement de la température des parties profondes, l'abaissement
de la température de l'aisselle, d'après les expériences d^
Kernig, ne doit être accepté qu'à correction. Après un bain
froid pendant lequel l'aisselle n'a point été tenue fermée, de
sorte que Teau y a eu librement accès, l'on peut, si Ton
prend certaines précautions et notamment celle d'attendre
quelque temps jusqu'à ce que la température de l'aisselle
ait pu se relever, admettre qu'elle exprime è peu près celle
'»7o i..iiAi>iTi;r: ii. - i.\ ciulki h et la fikuu:.
(Ir riiitérieiir du corps. Toujours est-il (|u'on peut se cleniaji-
tlcr si le corps, h IV'lal fiévTeuw peut, comme le corps sain, rele-
ver la produclioii de sa chaleur eu raison de I augmenlalion
de la p(Mle ipTou lui lait subir.
lu un^di'ciii de la même rcole a répét/» et v<Vilié les exp/»-
rienccs de Licbermeister el de kerni{{ : seulement, au lieu
(rojïner sur Ihounue sain. Ilatt^ich ' a expérimenté sur îles
lié V ceux.
(iel auleuî procède de Naunyn: il entreprend des recher
(lies sur la perle de chaleur dans Télat fcbrile et auv dillé-
rcntes ])hases de la lièvre, n\ parlant de cette opinicm de St»-
uator, que la lièvre dépend de deux facteurs : une aujjnien-
lalmn persistante de la production de chaleur, et une internip
(ion inlermiltenle de rémission de la chaleur au dehors. La
méthode employée est celle de Liebermeister. Un malade à
.*{(|'..*» (i. étant donné, on lui prépare un bain de 8 degrés plus
froid que sou propre corps, on note le refroidissement du bain
pendant dix minutes avant (Tj placer le malade, pendant les
dix minutes de I inuner., gn, et pendant les dix minutes qui
suiveni celle-ci. el enfin la température du malade avant, pen-
dant et après. \ oiri le tableau de ce cas :
TKMPKIMTI n.F
Momt-nh Ai' i)l)<!r'n;ilioim ^^^ ^ ^
(lu mnlRtlf. rlu hoin.
I ! heures du iniilin '^".'^ 3i\/i8 f l>iflr.irwnc.\
. i'' lo'" Ai M i o-,i'i
I i' ifl". ( I.H riiiiltiile s»' mol an hain.) ... 3i ,3 a f l»itT.irpnct.
I i' 'j.n". ( Il suri (In hîiii» ) 3i ,aG \ lAoO
1 l'' oo'" . .Hi ,:Mi 1 Différt^DC»
.l^*^i'■■ 3i),i 3i ,r,() \ o*..,>o
it»»' i:^"' 39,3
3 heures 3^ .5
f) heures '10 ,'i i-
S
N
' llaliwich. (jftiHPH dp rt'lpvatian (h- la tempeifiturf ((ans ia fièvre. Thëi^e nhni^
[;iiralt', Herliii . i 8('m).
CALOniMÉTKIE. 471
Ainsi ie malade avait été baigné au moment où sa tempéra-
ture commençait à monter. Avant son immersion , ie refroidisse-
ment de Teau du bain élait, en dix minutes, do o\ f ^i, et, après
rimmersion, il -était de o%!3; moyenne, o'\i7. On peut ad-
mettre que ie refroidissement de l'eau eût marqué ce chiffre
pendant les dix minutes que ie malade s*est baigné : or il n a
été en réalité que de o",o6. Donc le malade a émis dans le
l^in assez de chaleur pour diminuer de o^ i i le refroidisse-
ment de l'eau, ou bien, ce qui revient au même, pour échauf-
fer de o", 1 1 C. la masse de l'eau qui était de 3oo litres. Co
qui donne : o, i i x3oo==^ 33 calories {Jcilocalories) ^ si l'on
entend par kilocalone la quantité de chaleur nécessaire pour
élever de i"(^. la température de i litre ou t kilogramme
d'eau.
L'auteur a poursuivi ce genre d'expériences sur douze ma-
bdes atteints de fièvre récurrente et quatre atteints de fièvre
intermittente. Il a conclu avec Leyden] qu'à tous les moments
de la fièvre la perte de chaleur est augmentée par rapport à
l'état normal ; qu'il n'y a point lieu d'admettre que la cause
de l'élévation de la température dans les états fébriles soit une
diminution de la perte de chaleur. Il admet pourtant qu'il y
a augmentation de la perte dans le stade de sueur, et que le
contraire a lieu dans le stade de frisson. Du reste, la perte de
chaleur n'est pas la même dans les différents stades fébriles:
ie chiffre moyen pour Tacmé fébrile est 56,4 calories; pour
le stade de déclin, Sy^ô; pour celui d'augment 36,95. Lies
malades à fièvre intermittente font seuls exception , en ce sens
que c'est dans la période d'augment qu'ils perdent le plus de
chaleur.
Telles sont les conclusions auxquelles sont arrivés Lieber-
meister et les élèves qui ont suivi ses inspirations. Il est juste
de reconnaître ie mérite de travaux minutieux, laborieuse-
nients faits et nés du désir d'élucider un des points les plus
/i72 CHAPITRE il. - LA CHALKUR ET LA FIÈVRE.
obscurs (le la |)a(liogénie des lièvres. Mais il serait léiiH'»raire
(Tacceiiler pour acquis des faits qui résultent d'expériences où
les causes d'erreur sont aussi variées.
Un auteur allemand s'est chargé de faire celte critique, et
un grand nombre de ses observations méritent d'être prises on
sérieuse considéralion. Voici le résumé du travail de Winler-
nitz ^ :
L'auteur a eu pour objet l'examen de ce principe de Lieber-
meister : Quand un corps se mainiieni à la mèine température pen-
dant le temps où il est soumis à des causes de déperdition de cha-
leur, il faut que, pendant ce temps, il ait acquis autant de chaleur
qu il en a perdu. Donc, étant connue la quantité de cludeur perdue,
nous connaissons aussi la quantité gagnée.
L'auteur montre d'abord que les résultats des bains d'après
la méthode de Liebermeister sont assez différents, suivant
(|u'on (ieni compte de la température de l'aisselle ou de celle
(lu rectum, soit pendant, soit après les bains.
Il prouve , par des expériences, qu'il n'est pas possible d'éva-
luer exactement avec un thermomètre la température d'une
grande niasse d'eau qui s'échauffe lentement, attendu que
celle-ci offre, sur divers poinis, des différences qui ne s'éga-
lisent [)as complètement, même si l'on remue avec soin le li—
(|uide, ou qui se reproduisent très-rapidement, surtout quand
il y a dans l'eau un corps qui dégage de la chaleur.
Le deuxième facteur, la température de l'aisselle, admis par
Liebermeister pour l'évaluation de la production de la chaleur
dans l'organisme, ne convient pas pour cet usage, parce que
Ton n'y trouve pas la mesure réelle de la chaleur générale. Les
refroidissements périphériques peuvent amener une élévation
purement locale de la température de l'une des aisselles ou de
tontes deux. On reconnaît combien les données de la mesure
' \\ inU'i nilz , Ktudvtt aur rncliou tics lion dv chaleur ( Wiener tneti. Worlinisclt .
snus'irnrtiiiiis de (hnhmr sur lu jti'odKC- i-Syi ].
GALORIMÉTRIE. 473
thermomëtrique de l'aisseile sont incertaines en pareil cas, par
l'expérience suivante : qaand on applique le froid au niveau
de la région dorsale (thoracique), on peut voir la température
baisser dans le rectum plus vite que dans l'aisselle, et même
l'abaissement dans celle-^i peut être précédé d'une légère élé-
vation, tandis que, dans le rectum, la température commence
à baisser dès l'application du froid. Autre argument : les
températures des deux aisselles ne sont même pas semblables
dans les circonstances ordinaires; cette différence peut aller
jusqu'à o%i et o%â G. Que l'on place maintenant un des bras
jusqu'au coude dans une eau à la température de i o* à 1 9%6 ,
on voit survenir de grandes différences dans la température
desdeui aisselles : il se peut faire que, dans Tune, la tempé-
rature monte plus vite et plus haut que dans l'autre, ou qu'elle
y descende tandis qu'elle monte encore dans l'autre; ou bien
il peut arriver que la température de l'aisselle du côté du bras
placé dans l'eau baisse considérablement après une courte et
légère élévation, tandis que, de l'autre côté, on observera
une ascension continue. La même chose a lieu si c'est dans
l'eau tiède (à 3i%5) que l'on trempe le bras. Dans ce cas,
Winternitz a observé que l'aisselle du côté immergé conservait
sa température, tandi» que, dans l'autre aisselle, la tempéra-
ture s'élevait continuellement. On ne peut donc pas se fier
complètement k la mesure de la température de l'aisselle, du
moins dans ces expériences.
L'auteur a étudié aussi, après Gildemeister (élève de Lie-
bermeister, 1869), l'augmentation de Texcrétion d'acide car-
bonique dans les bains frais. Or il a trouvé aussi que cette
augmentation va toujours en croissant. Dans un bain à 1 8", & G. ,
un homme de quarante-sept ans a rendu , dans les premières
dix minutes, 8,3 grammes d'acide carbonique, dans les dix mi-
nutes suivantes 1 9,8 grammes, dans les dix dernières minutes
1 8 grammes. Il y avait lieu de penser qu'une partie de l'acide
carbonique produit pendant le bain serait éliminée après la
hl^ CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
sortie Hu bain, el en effet on reconnut que cette augmenta-
tion (le l'excrétion (facide carbonique persistait encore pen-
dant quinze à vingt minutes après le bain.
Virchow, toutefois, appuie l'opinion de Lieberineister, et
rappelle que lui-même a reconnu anciennement que les bains
étaient suivis d'un refroidissement du corps. Virchow ajoute
qu'après le bain, alors que la circulation se r<^tablit à la péri-
phérie, l'occasion est plus propice pour le refroidissement des
parties profondes du corps que pendant le bain même.
(iette longue discussion méritait d'être soumise au lecteur
français, alors que la question du traitement des fiévreux par
les bains chauds ou froids tend h reprendre , dans la thérapeu-
tique des pyrexieset des phlegmasies. une place qu'il est juste
de lui accorder. Mais on ne se mettra à l'abri des réactions
qu'en étudiant tous les termes du problème et en ne cédant pas
à un engouement compromettant pour la méthode.
S M.
Ré(itL4TI0!M DE LA CU^LEUR.
Nous avons rapidement indiqué dans les chapitres précé-
dents quelles étaient les sources de la chaleur animale, et nous
avons montré par de nombreux exemples que, bien que l'âge,
l'alimentation, l'activité musculaire, Tair extérieur, aient une
certaine influence sur la température du corps, on pouvait
cependant dire que le corps humain a une température cons-
tante. Nous avons expliqué ce dernier mot, noté les limites
des oscillations journalières et la répartition de la chaleur dans
les divers départements de l'économie.
Or nous savons que cette constance de la température est
imposée à l'homme sous peine de moi*t; les limites de réchauf-
fement et du refroidissement sont étroites^ aussi ferions-nous
RKGULATiO.N DE LA CHALKUR. àlb
volontiers uàire la pensée tlëveluppée par Liebermeister , et
que nous formulerions ainsi : cela vir* est la faculté de conserver
et de régler sa chaleur, n
Il reste à déterminer les procédés à l'aide desquels l'écono-
mie parvient à régler sa rhaleur. (l'est une recherche dont nous
avons trouvé quelques éléments dans les anciens auteurs , depuis
(ialien jusqu'à Sanclorius. Nous reproduisons ici un passage
bien intéressant de Barthez^ H suffit à montrer le chemin
parcouru depuis trois quarts de siècle : « Les mouvements qui
produisent la chaleur vitale ne se continuent point un certain
temps avec la même force dans les solides et les fluides, sans
faire monter leur écbauflement au delà du terme qui est mar-
qué à la chaleur naturelle de chaque animal. C'est pourquoi,
lorsque le progrès de cet éohauffement va dépasser considéra-
blement ce terme, il est arrêté par le refroidissement qu'opère
la respiration renouvelée.
«(On peut donc regarder l'air respiré comme étant en quel-
que sorte le rotateur de la chaleur trop forte qui serait pro-
duite d'ailleurs par le principe vital. <^
Dans un autre passage ^ Barthez considère le principe vital
comme le frein qui s'oppose à ce que, dans un milieu extérieur
plus chaud, le corps soit soumis à une élévation de temjié-
rature trop considérable. Mais, dans l'esprit des médecins de
l'époque, la création de la chaleur et sa régulation ne sont
pas encore séparées. C'est pour n'avoir pas su faire cette dis-
tinction» que les médecins se sont laissé entraîner à mécon-
naître la valeur de la théorie de l^voisier, et à suivre les théo-
ries de production de la chaleur par le système nerveux.
* Barthei , iV<miwriu* ^l^emt» de la "la îh^ori*' fort répandue aujourd'hui
teim€0 Je Pkommf t %* édil.,t. I.p. 3o3, rliei l«a nouveaux cfaimialca, aar la pro-
Paria, 1806. dudion de la chaleur. <> Cesl en eea
' Barthet ,1 I , p. a 911. Vo\et éga- lermea que Barthex parle de la th^ne
lemenl la noie 39, p. aSo. dan^ la- de LavoÎAier.
<|oeUe Barthei rejetle dédaigiieiiMoietti
(
MO CHAPITRE II. — LA CIIALKLR KT LA FIÈVRK.
àSaiis nous arrêter aux travaux intomic^diaires, nous pouvons
(lire aver Lieberrneister ^ :
" Le corps produit constamment de la chaleur, et ses éléments,
sous l'influence de l'oxygène qui est introduit, subi>senl un«*
Iniie comimstm}. La (juantité de chaleur que fait un homnie
adulte dans l'espace d'une demi-heure suflirait pour élever de
1 degré (1. la température du corps lui-même, ou bien celle
l'une masse d'eau équivalente aux cinq sixièmes de son poids.
Si donc aucune quantité de chaleur n'était perdue, la tempéra-
lure du corps s'élèverait constamment de 9. degrés par heure etde
^i8 degrés en vingt-quatre heures. La température du corps ne
[)eut se maintenir à un degré constant qu'à la condition qu'il
perde juste autant de chaleur qu'il en produit, dans le même
temps. Dès lors peu importe que cette production et celte
perte équivalentes soient grandes ou petites : tant qu'elles de-
meurent en équilibre , la provision de chaleur dans le corps reste
la même, et la température ne change pas. Mais, si la recette
venail k excéder la ih^iense, la température monterait; si la
production était inférieure h la dépense, la température bais-
serait, n
Or la chaleur est le régulateur de la circulation, ou plutôt
elle se règle elle-même par le moyen de la circulation. C'est
un fait absolument identique à celui, bien connu de tous les
[)hysiciens, qui consiste dans l'emploi de ce que l'on appelle
les régulateurs mécani(jues pour les machines à vapeur.
Nous ne nous arrêterons pas aux moyens accessoires à l'aide
(les(|uels l'homme ou les animaux règlent la dépense de leur
chaleur. Nous pourrions citer la mue annuelle chez quelques
animaux, qui ont ainsi une sorte de vêtement de saison. C'est
au même ordre de faits (|u'il faut rapporter le choix du gîte .
de la poslure du corps des animaux; actes commandés par
l'instinct ori la réflexion. Tout<'s ces circonstances ont pour eflet
' Ri( liiinl \ nlkiiuuiii . SutnmluHff kliiiinrher I ortrofre , n" M| , i 87 1 .
REGULATION DE LA CHALEUR. A77
de rendre les variations de la perte de chaleur bien plus faibles
que ne le feraient supposer celles de la température de Tair
ambiant'.
Plusieurs auteurs, notamment Bergmann, qui, dès Tannée
1 8â5, avait mis ce fait en lumière, ont cru que la constance
de la température du corps, c'est-à-dire le mystère de la ré-
gulation de la chaleur, n'avait pas d'autre explication. La pro-
duction de la chaleur doit, d'après cette manière de voir,
rester toujours la même, ou, du moins, être tout à fait indépen-
dante de la perte de chaleur; mais alors la perte de chaleur
devrait être, grâce aux circonstances énumérées plus haut,
réglée de façon à être toujours équivalente à la production de
chaleur.
L'hypothèse d'une semblable régulation complète de la perte
de chaleur est a priori peu vraisenoblable. Les conditions qui
entrent ici en jeu sont, au contraire, d'espèce très-différente :
la régulation, d'une part, repose sur de simples phénomènes
physiques, d'autre part sur la structure complexe de la peau
et notamment sur la circulation qui y a lieu ; la sécrétion de
la sueur et l'évaporation de l'eau , influencées par les diffé-
rences de température, y participent; enfin il faut tenir
compte de l'instinct et des actions volontaires de l'individu. Il
serait difficile d'admettre que ces conditions si multiples et si
diverses, indépendantes les unes des autres, pussent, en toutes
circonstances, concorder si exactement que la somme de leurs
effets amenât toujours l'équilibre entre la perte et la produc-
tion de chaleur. En admettant que l'on pût encore comprendre
qu'il en fût ainsi dans l'état ordinaire, on ne pourrait plus
admettre la possibilité du fait dans des cas où ont lieu de vio-
lenté changements de milieu.
Quand un homme bien portant prend un bain modé-
rément froid, sa température intérieure interrogée dans le
^ Volkmann, lœo dtato.
478 CHAPITRE II —LA CHALEUR ET L\ FIEVRE.
recium ou dans Paisselie ii*e&t pas abaissée: elle reste sans
changement, ou bien elle s'élève un peu. Mats, si le bain
se prolonge, chez les individus peu résistants, après vingt
ou trente minutes, chez d'autres un peu plus tard, il sur-
vient une remarquable chute de la température k Tintérieur
du corps, et cela presque indubitablement. C'est donc un fait
<rexpérience que l'homme sain dans un bain froid, /lourru qu'il
ny reête ptiê trop longtemps, conserve sa température intérieure
à peu près au même chiffre. Dans les circonstances où le corps
supporte une très-forte soustraction de chaleur, sa tempéra-
ture reste à la même hauteur, c'est-à-dire que sa provision de
chaleur intérieure n'est pas du tout diminuée. L'homme pos-
sède la lampe intarissable, il déborde tant qu'il veut, il reste
toujours aussi plein.
Serait-ce donc une illusion de croire que nous perdions plus
de chaleur dans l'eau froide que lorsque nous sommes dans un
air modérément chaud et habillés suivant le milieu? Il s'est trouvé
des auteurs qui, sans se laisser arrêter par un pareil paradoie,
ont pensé que les parties intérieures du corps de l'homme se
refroidissaient moins dans l'eau froide que dans l'air froid.
Alors il en résulterait que l'influence d'un bain froid pour
l'intérieur du corps équivaudrait à celle d'une bonne fourrure.
Nous avons montré , en étudiant les effets des bains, que les
actes qui accompagnent les applications du froid ou du chaud
sur la peau sont beaucoup plus complexes. Les expériences
ont prouvé que, chez l'homme sain, dans un bain chaud de 3^i
à 35 degrés C, la production de la chaleur est à peu près
égale à celle de l'état normal (Kernig). Dans un bain de 98 à
3o degrés, elle est à peu près du double; dans un bain à
ti^ degrés, du triple; dans un bain à qo degrés, du quadruple
de la production normale.
Dans son étude sur les nerfs vasomoteurs, M. Vulpian^ a
* VuLpian. Ij^viti mr Vappai^il voêomotêur, I. II, p. 17(1 et Miiv.
REGULATION DE LA CHALEUR. 479
parfaitement établi ie rôle de ce système chargé de la i égula-
tion de ia chaleur, ii démontre tout d*abord que lappareil
vasomoteur peut agir sur la chaleur animale de deux façons
différentes: en modifiant ou ia production thermique, ou la
déperdition.
Nous savons, par les expériences de M. (il. Bernard en par-
ticulier, que l'activité de la circulation et celle des appareils
sécrétoires sont associées» qu*il en est de même pour les actes
fonctionnels des muscles et des divers organes. L'afflux san-
guin règle donc l'intensité des actes nutritifs, et, s'il est aug-
menté, la production de chaleur sera accrue; s'il est diminué,
cette production baissera. Le degré de cet afflux se trouve
réglé par l'état de dilatation ou de resserrement des vaisseaux
les plus fins.
La déperdition obéit aux mêmes influences. La peau est le
siège d*une évapora tion aqueuse incessante; cette évaporation
ne peut se faire que par l'emprunt d'une certaine quantité de
chaleur aux téguments. Ceux-ci subissent donc un refroidis-
sement, qui, à son tour, retentit sur la chaleur de toute l'éco-
nomie. La vapeur d'eau qui s'échappe ainsi de la peau est
fournie par la transpiration insensible et par la transpiration
sensible (sueur). L' évaporation aqueuse est toujours accom-
pagnée, qu'elle en soit cause ou effet, d'une dilatation de l'ap-
pareil vasomoteur cutané. Par enchaînement physiologique,
la paralysie directe ou réflexe de ces vaisseaux sera accompa*
gnée d'une évaporation plus active à la surface de la peau, et
le corps vivant perdra donc une quantité de chaleur plus con-
sidérable qu'à l'état normal par le fait de l'évaporation. De
plus, il perdra également plus de chaleur par le rayonnement,
car la température de la surface du cOrps sera plus élevée , et le
rayonnenienl est en raison directe de la différence de chaleur
qui existe entre un corps et le milieu qni l'environne. Enfin
la perte de chaleur que subit la peau par son contact nvec l'air
augmentera parallèlement.
A80 CHAPITRE II. — L\ CHALEUR ET LA FIÈVRE.
(ies diverses influences abaissent donc la température de la
peau et, ce qui est plus important, celle du sang qui la baigne;
or la quantité de sang contenue dans les vaisseaux dilatés est
plus considérable qu*à Tétat normal, la quantité de sang
refroidi augmente et peut être assez importante pour faire
baisser la température des parties centrales après son retour
dans les veines caves.
Si, au lieu d*étre dilatés, les vaisseaux cutanés sont resserrés,
retfel inverse se produira : la peau n'offrira plus au refroidis-
sement qu'une quantité de sang moindre, et le ret4>ur de ce
liquide dans les veines caves n'aura plus qu'une influence peu
sensible sur la température générale.
Dans cette discussion dont on pourra lire les détails dans
le livre que M. Vulpian ^ a consacré à la physiologie du sys-
tème vasomoteur, notre collègue conclut : «Que le resser-
rement des vaisseaux cutanés et sous-cutanés, qui produit un
abaissement de la température de la peau et des tissus super-
ficiels sous-jacents , peut déterminer une élévation du degré
normal moyen de la température centrale, et que, d'autre part,
la dilatation des vaisseaux cutanés et sous-cutanés, qui donne
lieu à une élévation de la température de la peau et des tissus
superficiels sous-jacents, peut avoir pour conséquence un
abaissement de cette température centrale, y»
M. Marey avait déjà exprimé cette pensée en disant : « Lors-
que vous prenez la main d'un individu, si cette main est froide,
c'est que cet individu se réchauffe; si elle est chaude, c'est
qu'il se refroidit. »
M. Vulpian a, de plus, très-nettement formulé le ràl&de>
vasomoteurs dans le poumon : <^Les vaisseaux des pou-
mons^ peuvent sans doute se resserrer ou se dilater sous l'in-
fluence des modifications des fibres vasomotrices qui les
* Vulpian, LfçoMtur r appareil voêomoteur. Physiologie et paîkohgif. 187.3.
T. Il , p. 1 70 pI siiiv. — * Ijot. cit. , p. 1 8q.
REGULATION DE LA CHALEUR.
481
innervent. La quantité d*oxygène absorbé doit varier, suivant
que !e calibre de ces vaisseaux est plus ou moins large, puis-
que la quantité de sang qui traverse les poumons est alors
plus ou moins considérable. L'intensité des actes physico-
chimiques qui s'effectuent dans la substance organisée vivante
est vraisemblablement proportionnelle h l'abondance de Tirri*
gation qu'y opère le sang oxygéné. On voit, par conséquent,
que l'appareil vasomoteur, par son action sur les vaisseaux
des poumons, pourra influencer aussi les phénomènes de
la thermogénèse animale.
^ Le rAle de l'appareil vasomoteur est donc celui d'un régu-
lateur thermique. »
M. Vulpian fait remarquer que l'évaporation d'eau h la
surface pulmonaire sera d'autant plus grande que les mou-
vements respiratoires seront plus fréquents, et qu'il y a là un
nouveau mode de régulation de la chaleur. De plus, l'air fré-
quemment renouvelé refroidira plus la surface des bronches
et aussi celle des alvéoles. M. Vulpian cite à l'appui les expé-
riences de M. Ackermann^ Celui-ci a constaté que, chez un
chien placé dans une atmosphère d'une température égale à la
sienne ou la dépassant un peu, le nombre des respirations
augmente progressivement à mesure que sa chaleur intérieure
s'accrott; ce nombre peut s'élever à 1 5o par minute et même
au delà. C'est là une dyfpnée thermique, modératrice de la tem-
pérature centrale'^.
* Arkermaon , Dm Wàrmereguia-
tûm m hôkêftm thiêriêehm Organitmui
{DtMiêdi. AreL f. kUn. Med., h* If,
p. 36 1).
* Gommanication laite au kU* cod-
grès des nataralistes allemands, tenu à
Roelock, en septemlire 1 87 1 (Sehmidl^ê
Jahrb,, 1879, â* partie, p. iSA).
Le docteur Ackermann trouve peu
f ertaine la théorie de Uebermeister sur
raccroissement de production de la cha-
leur en raison de sa plus grande dé-
pense, et critique la méthode de dé-
monstration de fauteur. D*après ses
propres obserrations , Ackermann se croit
fondé à ne pas admettre la persistance
de la température centrale au même
d^gré quand on refiroidit la sor&ce du
corps, et il ne tient pas Taugmentation
de Texcrétion d'acide carbonique pour
3i %
'i82
CHVPITIU: n. - LA CHALKUR ET LA FIKVRE.
M. Goldsleiii' a cherché à prouver (|ue cette dyspnée ther-
mi(|ue avait son point de départ dans rirritation produite sur
le centre respiratoire par Télévation de la température du
corps.
M. Riegel^ a été conduit par ses expériences à des résultats
(|ui confirment ceux des recherches de ces auteurs. Il a vu que
le nombre des mouvements respiratoires, qui peut s'élever à
•joo par minute chez un chien intact mis dans une boîte
dont Tair a une température à peu près égale à celle de Fanî-
mal, ne s'accélère pas chez un chien placé dans les mêmes
conditions de milieu extérieur après avoir subi une section
transversale de la partie inférieure de la région cervicale de la
moelle épinière. Il a, du resle, observé directement cette iii-
lluence du nombre des mouvements respiratoires sur la tempé-
rature inférieure des animauv, en plaçant des chiens curarisés
dans une boîte dont l'air avait une température déterminée,
et en faisant varier le nombre des insufflations pratiquées par
minute à l'aide de l'appareil à respiration artificielle. La tem-
pérature était prise dans le rectum et dans la veine cave ijifé-
rieure, un peu au-dessus de rabouchement des veines rénales.
L'abaissement de la temj)érature constaté, lorsque l'on aug-
mentait beaucoup le nombre des respirations artificielles,
n'était pas considérable : il a dépassé rarement o", i C; mais
sa signification n'en était pas moins nette'.
iin«' prouve diroclc de rélév«!iou de !;«
]»rodiicliori de clialeui-, ;)lto[idu qu'il n'y
a |)as de nipporl nécessaire entre rémis-
sion d'acide carbonique et la production
de chaleur. Les agents de la ré|julalion
caloii(jue sont» «raprès Ackermann, les
niodifications d«* la circulation et de la
respiration, Taccninulation de l'acide
Oirhonicpie dans le sang, (|ui entraîne
une diminution de la pression artérielle
et, par suite, un abaissement de la cha-
leur du corps.
Les docteurs Sénator etZunlz admet-
tent aussi que la plus grande émission
d'acide carl^onique dans le refroidis-
sement périphérique n'indique pas une
plus grande production de chaleur.
' Goldstein , Ueber W ânned^Mpufp.
[Inaufr. Abhandlungy Wurzèurger Vei-
hantd.^ 1871, p. i5G).
- Fr. Biegel, Zur Wdrnteteirttlait»».
{Virchow^s ArclUv, 1876, I. LXÏ.
p. 096).
Hohrig el Zunljr, ( \rch. /. d. p,f9.
RÉGULATION DE LA CHALEUR. A83
En 1860, M. Marey' a, dans un mémoire inédit, cherché
à ramener toutes les variations locales de température à une
cause unique : la contractilité des vaisseaux de petit calibre.
Cette contractilité vasculaire gouverne la température de chaque
organe et celle du corps tout entier; le régulateur de la tem-
pérature n'est autre que l'accélération ou ie ralentissement du.
mouvement du sang. Le rayonnement, i'évaporation et le froid
extérieur du milieu ambiant expliquent pourquoi la tempéra-
ture est plus basse à la surface que dans la profondeur du
corps. Les ingesta (boissons froides) enlèvent au corps une
certaine quantité de chaleur (89 calories pour un litre d'eau
PhifM»y h* IV, s. a35 , 187 1 ) ae sont UnlB de la peau, tels que les baîm de
piacét à on autre point de vue pour dé- mer et autres.
terminer les conditions de régulation de 6** L'action de ces bains repose sur
la chaleur. Nous reproduisons leurs con- Taugroentalion des échanges intimes
duflODS, dont quelques-unes ne sont produits sous Tinfluence de ces eicita-
pas nouvelles, mais dont d'autres sont lions réflexes.
tout a fait intéressantes. 5" Les muscles sont les oignes où
Les auteurs se sont proposé d*étndier s^accomplit la plus grande partie de ces
noineeulement de combien s^accrolt la échanges ; etils sontaossi ceux qui sont le
quantité d'adde carbonique excrété plus trappes par ces modifications résul-
quand on augmente la perte de cha- tant des chaiigements de température,
leur (sujet déjà traité par Lieberœeis- 6* La plus grande partie des actions
ter), mais encore la quaiitité en volume d*oxydation dans les musdes ne résulte
d'oxygène absorbé par lesanimaux. Leurs que de leur innervation, aussi les fait-
expériences ont été faites sur des lapins on cesser par Tempoisonnement avec le
auxquels on introduisait une canule curare.
dans la trachée et qu'on plaçait dans un 7* La relation de la chaleur est
appareil spédal pour recueillir les gai. aussi réduite â son minimum par fem-
Leurs conclusions sout : poisoniiement avec le curare.
I* Si Ton refroidit la surface cutanée, 8* On doit donc considérer la régu-
00 augmente et la production d'adde lation de la chaleur comme produite en
carbonique, et la consommation d'oxy- première ligne par une exdtaUon réflexe
gène. des nerfs moteurs, laquelle change avec
9* Cet accroissement est prodoit par les différences de température existant
ractioD réflexe de certains nerfs oentri- entre le milieu ambiant et le eoips de
pétas de la peau mis eu vibration par Tanimal.
les changements de température. * Marey, Méthoirê noria température,
3* Ces mêmes nerfii peuvent être adressé pour un prix , i PAcadémie des
excités ^akment par d'autres stimu- sdenees et belles-lettres de Caen , 1860.
3i .
hSà CHAPiTRK II. -- LA CHALKLR ET LA FIÈVRE.
glacf^e). La chaleur intérieure, portée sans cesse par le sang
à la périphérie , contre-balance le refroidis-sement superficiel.
L'auteur établit par des expériences personnelles les varia-
tions de la température en différents points du corps.
Si on lie Taorte abdominale, la température du sang s'é-
lève dans les parties supérieures; si Ton empêche un animal
de respirer, la m^me action a lieu. En relatant ces deux expé-
riences de M. Cl. Bernard, M. Marey pense quû faut leur
donner la même interprétation : diminution dans les pertes
de chaleur par contact et dans le rayonnement à Fair extérieur
plus froid que le sang, d'où augmentation de la température
de ce liquide.
Hunter, au xviii" siècb/et plus récemment Valenlin, ont
établi la contractitité musculaire des vaisseaux , et ce dernier
auteur a dit qu'on pourrait considérer les nerfs des vaisseaux
comme les régulateurs du cours du sang. En 1 85 1 M. Cl. Ber-
nard constata un phénomène entrevu jadis par Pourfour Du-
petit, à savoir l'augmentation de la chaleur de Toreille après la
section du grand sympathique au cou. D'activé, l'inflammation
devenait passive. D'abord M. Cl. Bernard crut que le grand
sympathique était nerf de calonfication. Budge , Waller, Brown-
Séquard surtout, rectifièrent cette explication et donnèrent
du fait une interprétation toute mécanique, à savoir que la
seule paralysie des vaisseaux était cause de leur dilatation , et
que, recevant plus de sang, ils étaient plus chauds.
L'auteur établit que la contraction des vaisseaux ralentit la
circulation du sang, et que la dilatation l'accélère. Il s'ensuit
que la eontraetilité des artères constitue la force qui règle la cir-
culation du sang , et a pour effet, quand elle s'exerce, de ralen-
tir ie cours du sang, et, quand elle cesse d'agir, de le laisser
circuler d'un mouvement plus rapide. 11 n'y a point de tempé-
rature locale plus élevée que la centrale; John Hunter a dé-
montré le fait.
M. Marey expose toutes les conséquences de l'expérience
RÉGULATION DE LA CHALEUR. 485
de M. Ci. Bernard sur la circulation locale : laugmentation de
chaleur, la sensibilité accrue, les sécrétions augmentées (SchifT
et Cl. Bernard), les veines dilatées et leur sang plus rutilant,
la chaleur de la partie résistant à l'influence d'une atmosphère
froide, lin grand nombre d'agents physiques modifient la con-
tractilité des vaisseaux, le simple frottement à la peau en est
un exemple (réaction paralytique).
La eaniraetilitivasculaire considérée comme régulateur de la tem-
pénUure centrale des emimaux, — On peut émettre cette for-
mule en apparence paradoxale , qu'tiit individu qui a la peau tré$-
chaude, se refroidit beaucoup. , . Donders a développé cette idée,
qui a fait le sujet de la thèse d'un de ses élèves, Callenfels
( Utrecht, 1 85 5), et qui a été développée aussi en Hollande par
Snellen, dans un mémoire intitulé : Recherches expérimentales
sur Vinfuence des nerfs sur l'inflammation (publié en allemand)
D'après M. Marey, la fixité de la température des animaux peut
et doit s'expliquer tout entière par l'action que la chaleur et le froid
exercent sur les vaisseaux sanguins. La chaleur en effet fait dila-
ter les vaisseaux, et le froid les resserre. Si le milieu ambiant
est froid , les vaisseaux se resserrent et livrent moins de chaleur
à l'air; s'il est chaud, le phénomène inverse a lieu. Et cela est
vrai aussi pour les variations du milieu intérieur, suivant que
le sang est plus ou moins chaud. Les boissons chaudes ou
froides agissent en sens inverse sur la température du sang et
sur la contractilité des vaisseaux , et, par suite, sur la fréquence
du pouls. En outre , les différents points de la surface du corps
se suppléent entre eux pour régulariser la température ani-
male. Si le corps est couvert de vêtements chauds quand l'air
est froid, les mains et le visage demeurent chauds et perdent
de la chaleur. Dans le bain chaud, la peau devient rouge et
la chaleur se perd ainsi. Nous avons vu que MM. Brown-Sé-
quard et Tholozan ont constaté qu'en plongeant une main
486 CflAPlTRE H. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
dans Teau chaude , on voyait la tempëratare s'élever aussi dans
l'autre main , et ont invoqué la sympathie. M. Marey explique ce
Tait plus simplement : il n'y a là, dit-il, qu*un léger échauf-
fement de la masse du sang, qui produit, h son tour, un re-
lâchement des vaisseaux dans les autres parties du corps. En
se réchauffant les pieds, on réchauffe les autres parties du
corps. Il suffit de plonger les mains dans l'eau froide pour re-
froidir tout le corps.
Les recherches importantes que nous venons d'analyser
mettent en évidence le fait de la régulation de la chaleur ei
l'équilibre qui s'établit entre la production et la dépense: que
l'on fasse varier l'un de ces deux termes du problème, l'autre
subit des modifications identiques.
Il reste à déterminer Pagent de cette régulation et son mode
d'action.
L'expérience initiale, celle sur laquelle tous les auteurs
s'appuient, est celle que M. Cl. Bernard a renouvelée de Pour-
four Dupetit. Après quelques hésitations dans son interpréta-
tion, M. CL Bernard en a donné, dans son dernier livre sur la
chaleur animale, une explication que l'on peut considérer
comme définitive ^ Nous allons résumer le r6le qu'il assigne
au système nerveux dans la régulation de la chaleur. Nous
chercherons ensuite s'il est possible de déterminer quel est le
point central du système nerveux qui tient cet appareil sous
sa dépendance.
Le système nerveux r^ulateur de la chaleur. — Nous savons
qu'il n'y a pas d organe spécial pour la fonction calorifique,
pas plus qu'il n'existe d'organe spécial pour la fonction de nu-
trition. Tous les organes, tous les tissus, tous les éléments, se
nourrissent : tous produisent de la chaleur. Ces phénomènes
sont liés è leur existence. La production de la chaleur n'est
Cl. Bernard. ChaUur ûmmale, p. soo.
RÉGULATION DR LA CHALEUR. A87
donc pas une fonction spéciale, localisée; c'est une propriété
générale, universelle.
Tous les éléments organiques concourent è l'accomplisse-
roent des phénomènes calorifiques, et, puisque les résultats
présentent la fixité, la régularité la plus complète, il faut
qu'un mécanisme régulateur intervienne, afin de discipliner
tous ces effets isolés et de les harmoniser en fonction , c'est-à-
dire vers un but commun, (le rôle de régulateur revient au
système nerveux , dont nous allons actuellement étudier Fac-
tion spéciale.
Ce rôle a été soupçonné dès les premiers temps de la phy-
siologie. Mais il faut arriver k Haller pour trouver un com-
mencement de preuve. Ce grand physiologiste trouva des cas
où des membres paralysés étaient plus froids que des membres
sains.
Un auteur anglais, Earle» trouva un bras paralysé plus froid
que le bras sain; on le galvanisait, et la température s'élevait
aussitôt. Rappelons enfin les expériences de Ghossat et de
Brodie. Celui-ci enlevait l'encéphale, coupait la moelle épi-
nière, et, entretenant la respiration artificielle chez ces ani-
maux mutilés, il constatait un abaissement notable de la
température. 11 crut ainsi pouvoir éliminer comme cause de
ralorification , non-seulement le phénomène respiratoire du
sang, mais encore tous les autres phénomènes chimiques de
Torganisme, et attribua exclusivement la calorification à une
influence du système nerveux, qui s'exercerait par quelque
puissance inconnue, vitale, qu'il s'abstint naturellement de
préciser.
M. Cl. Bernard, ayant rencontré è l'hôpital un malade pa-
ralysé qui présentait une élévation de température au lieu de
l'abaissement prévu, pensa que, dans ces cas discordants, ce
ne devait pas être le même système nerveux qui subissait l'al-
tération. Il répéta l'expérience que Pourfour Dupetit avait
pratiquée en 17^71 la section du grand sympathique au cou.
488 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈTRE.
et constata un échauffement considérable dans le côté de la
tête correspondant à la section. Pourfour Dupetit, dans son
Mémoire dans lequel il est défnontré que le$ nerfs iniercostaux
(grand sympathique) ybumûfeitt des rameaux qui partent deseê-
prits dans les yettx, avait constaté, aûisi que les physiologistes
qui ont répété cette expérience, le rétrécissement de la pu-
pille et la saillie de la paupière nictitante au devant du globe
oculaire. Mais c'est M. Cl. Bernard qui observa le premier
Taugmentation de la température.
Waller et Budge démontrèrent que le filet sympathique qui
reuionte vers la tête a son origine dans une portion de la
moelle épinière qui se trouve à ia réunion des régions dor-
sale et cervicale, et ils ont appelé ce point d'origine r^on
cilio-spinate. Bifii, en 18A6, s'aperçut que, si ia section de ce
filet sympathique produit le rétrécissement de la pupille, la
galvanisation du bout périphérique entraîne sa dilatation.
M. Cl. Bernard montra à la Société de biologie, que, si la
section du sympathique amène la calorificaiion et ta suractivité
circulatoire dans l'aisselle et le côté correspondant de la tête.
la galvanisation du bout périphérique produit un refroidis-
sement des parties avec une diminution considérable dan;*
l'activité circulatoire. De là le nom de vasomoleur appliqué
au sympathique. Mais l'assimilation du grand sympathique
aux nerfs moteurs serait forcée, il y a des distinctions à faire.
Il faut reconnaître des fibres motrices proprement dites, des
fibres involontaires, des fibres vasomotrices de constriction
et de dilatation, des fibres sécrétoires, des fibres trophiques
qui ne seraient peut-être elles-mêmes que des fibres vasomo-
trices, etc.
Les nerfs moteurs du grand sympathique, comme les nerfs
moteurs en général, manifestent leur activité dans deux con-
ditions différentes. Ils agissent sous l'influence d'excitations
directes ou réflexes. Ils subissent, comme les nerfs moteurs,
l'influence du curare, mais plus lentement.
RÉGULATION DE LA CHALEUR. 489
En résumé, le nerf sympathique, dans lequel nous allons
chercher rexplicaiion des phénomènes calorifiques, est com-
posé de filets moteurs dont les propriétés et les activités fonc-
tionnelles rentrent dans le mécanisme du système nerveux en
général.
Les phénomènes circulatoires qui influencent la chaleur
animale sont placés sous la dépendance du système nerveux
grand sympathique. L'expérience montre que ce système four-
nit un appareil de resserrement des vaisseaux, et, comme ce
resserrement entraîne un abaissement de température, on
pourrait dire que c'est un appareil frigorifique.
La circulation du sang est donc soumise à deux ordres
d'influences, l'une centrale, l'autre périphérique : i"" l'impul-
sion motrice qui a pour agent le muscle cardiaque; q** la ré-
sistance vasculaire réglée par l'état de dilatation ou de rétré-
cissement des petits vaisseaux , et commandée par les filets
vasomoteurs du grand sympathique.
L'activité fonctionnelle des vasomoteurs du grand sympa-
thique a pour résultat de rétrécir la lumière des vaisseaux
sanguins, mais, à côté de ce phénomène, il s'en trouve un in-
verse :on voit, dans d'autres cas, ce calibre augmenter, et la
différence est assez grande pour que ce résultat ne puisse être
considéré comme un simple retour à l'état primitif, mais pour
qu'il doive être considéré comme une dilatation active.
Pour quelques physiologistes, la dilatation appartiendrait
au jeu d'une force physique, à Yilastieité, tandis que le res-
serrement appartiendrait à une force physiologique antagoniste
de la première, la contractilité, mise en œuvre par les nerfs vaso-
moteurs.
D'autres ont admis théoriquement l'existence de fibres lon-
gitudinales dilatatrices, mais les recherches anatoniiques n ont
pu permettre de les découvrir.
Pour M. Cl. Bernard, il y a un fait et une interprétation.
490 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
Pour lui, ii admet sans hésitation des nerfs vasomoteurs dila-
tateurs ainsi que des nerfs vasomoteurs constricteurs.
Le fait serait démontré par l'expérience suivante : La glande
sous-maxillaire d'un chien est mise à découvert^; l'excitation
de la corde du tym|)an , directe ou réfléchie par impression
sur la langue, rend ta glande turgide, rutilante; la circulation
s'y produit plus active; la sécrétion salivaire est abondante.
F/excitation de la corde du tympan met donc en jeu des nerfs
dilatateurs des vaisseaux, accélérateurs de la circulation. L*ex-
citation des filets du sympathique, au contraire, arrête la cir-
culation; la glande pâlit, la sécrétion cesse ou est faible.
M: Cl. Bernard retrouve ces nerfs dilatateurs dans l'oreille
du lapin et dans les autres parties du corps. Si la démonstra-
tion expérimentale de l'existence des deux nerfs est facile à
donner, il y a de grandes difficultés pour concevoir conmient
des vaisseaux se dilatent sous l'influence des nerfs dilatateurs.
M. Cl. Bernard a supposé que la corde du tympan agirait par
une sorte d'interférence nerveuse, en suspendant l'action des
nerfs constricteurs. Ce n'est qu'une hypothèse, mais elle a un
grand nombre de faits en sa faveur.
Deux ordres de phénomènes de température sont en rap-
port avec les deux actions vasomotrices : t"* les nerfs dUaUi-
teura sont calorifiques; q"" les eomtricteurt soni fir^orifiqueê.
L'appareil nerveux, en réglant le calibre des petits vais-
seaux, influence et gouverne tout un ensemble de phénomène
physiologiques : la circulation, la chaleur, la pression vascu-
laire, la tension artérielle et veineuse. Des expériences mano-
métriques démontrent que la pression du sang augmente dans
les vaisseaux du côté paralysé, par section du sympathique.
La contractilité des vaisseaux agit donc comme un frein pour
modérer l'impulsion partie du cœur. Le système nerveui
' Cl. Bernard, /oro cttnto. Voir les délniU do IVipérience, p. a •17.
îS
RÉGULATION DR LA CHALEUR. 491
ne fait que commander le degré de cette diminution dans
un organe donné. Le vaisseau ne se contracte pas d'ailleurs
d'une façon permanente, il est le siège d'oscillations contrac-
tiles.
Cest donc d'une façon indirecte, c'est-à-dire par Tinterroé-
diaire de la circulation, que le système nerveux semble agir
sur la chaleur. 11 en est de même quand, au lieu d'étudier la
circulation périphérique, on étudie les rapports du système
nerveux et du muscle cardiaque. Celui-ci obéit à deux ordres
de nerfs qui règlent son activité. Les uns font contracter le
cœur, ce sont les nerfs accélérateurs émanés de la moelle épi-
nière; les autres arrêtent les contractions, ils émanent du
pneumogastrique ^
En résumé, le cœur, système circulatoire central, comme
les vaisseaux capillaires, système circulatoire périphérique, a
des nerds modérateurs ou paralyseurs et des nerfs constricteurs
ou accélérateurs. Son nerf constricteur ou accélérateur est un
nerf sympathique venant de la moelle dorsale. Le nerf modé-
rateur ou paralyseur est le nerf vague et vient de la moelle al-
longée. Il agit sur le cœur sans doute à la manière de la corde
du tympan sur les organes'glandulaires en paralysant les nerfs
constricteurs.
Pour M. Cl. Bernard, les phénomènes de calorification sont
de deux ordres, création, répartition. Ce dernier rôle de ré-
partition appartient au système de la circulation générale. Le
passage du sang à travers tous les organes égalise leur situa-
tion thermique. Le système nerveux commande les variations
de vitesse par les moyens que nous venons de résumer. Mais
là ne se bornent pas les actions frigorifiques ou calorifiques du
grand sympathique. Lorsqu'on coupe le sympathique dans le
cou , et que la calorification s'accroît dans toute la moitié cor-
' Voyet les expériences de section de In moelle et les recherches de Cyoo sur
ie nerf dépresseor.
492 CHAPITRE II. ^ LA CHALEUR ET LA. FIÈVRE.
respondante de la l^te, M. («1. Bernard pense que, les élément;»
conlraciiles des tissus se trouvant relâchés ou paralysés, les mu-
tations élémentaires qui résultent des réactions chimiques se
trouvent accrues ainsi que les phénomènes thermiques. Lors-
qu'au contraire on galvanise le bout périphérique du grand
sympathique, il admet que tes éléments contractiles des tissus,
entrant en activité, modifient en sens inverse les contacts mo-
léculaires des tissus, abaissant les mutations chimiques ainsi
que les phénomènes thermiques. Il se fonde, pour professer
cette opinion, sur ce fait que, si Ton attend plusieurs jours
après avoir coupé le sympathique au cou, la vaseularisation
revient k son état normal, et cependant l'excès de température
persiste, au moins partiellement. Si on lie les veines qm' re-
viennent de l'oreille, et que Ton amène ainsi une stase vascu-
laire, l'augmentation de température se produit par la section
du sympathique, et ne peut plus s'expliquer par la plus grande
rapidité de la circulation, puisque celle-ci est arrêtée. Enfin
il rappelle les élévations de température qui surviennent dans
quelques maladies, en dehors de toute circulation ,|io«< morkm.
Quel est le rôle de la sensibilité sur la production de la
chaleur? La douleur abaisse la température. Sur un chien,
M. Cl. Bernard a introduit un thermomètre dans la carotide,
il découvre un rameau du plexus cervical, et galvanise le bout
central. Il en résulte de la douleur : sous cette influence, la
température monte d'abord, puis baisse définitivement. Man-
tegazza et Heidcnhain sont arrivés aux mêmes résultats. Mais,
si l'on pratique l'expérience sur un animal à qui Ton a coupé
le grand sympathique sur l'un des côtés du cou , on n'obtient
pas les mêmes effets du côté sain et du côté opéré. Du côté
sain, il y a refroidissement; du côté sectionné, il y a, au
contraire, une élévation considérable (to à i A degrés). Ce re-
froidissement par la douleur nécessite donc l'intervention du
sympathique. Mantegazza et Heidenhain ont observé les mêmes
phénomènes, mais ce dernier, opérant sur des animaux fébrici-
RÉGULATfON DE LA CHALEUR. 493
tantS) a vu que, chez eux, la douleur n'entratne pas de refroi-
dissement. M. Cl. Bernard considère, dans ce cas, la fièvre
comme équivalente à la paralysiç du sympathique.
Le nerf sensitif agit ici non par lui-même, mais parce qu*il
réfléchit ses impressions sur les centres nerveux qui réagissent
sur le sympathique.
En résumé, les expériences précédentes , en établissant que
le refroidissement, pour se manifester, exige l'intégrité du
grand sympathique et la communication avec le système ner-
veux central, démontrent la nécessité de l'intervention dans le
phénomène d'un nerf sensitif, d'un centre nerveux et d'un
nerf sympathique moteur. Or ce sont là les conditions néces-
saires de la production de toute action réflexe.
La section du grand sympathique agit sur le contenu des
vaisseaux. Le sang veineux, au lieu d'être noir, présente une
rutilance presque artérielle. Le sang se coagule plus vite, en
même temps il est plus chaud. Pour M. CI. Bernard, il y a
une formation de chaleur sur plade, et c'est à l'intensité ano-
male des actions chimiques au sein des tissus qu'il faut at-
tribuer l'accroissement des phénomènes thermiques. Ce n'est
pas à une oxydation qu'il faut rapporter l'excès de la cha-
leur, car le sang est rutilant, mais à d'autres actes chimiques
de dédoublement, de fermentation, etc., et ces modifications
doivent être intenses, car nous voyons parfois la fibrine dis-
paraître complètement.
Grftce à^l'action qui exalte ou aflaiblit tour à tour le grand
sympathique, l'animal possède le pouvoir de créer un échauf-
fement ou un refroidissement dans tel ou tel département de
l'organisme. L'être vivant peut se faire du chaud ou du froid
sur place , à l'aide de son système nerveux. Mais ces phéno-
mènes ne se produisent pas d'une façon anarchique, désor-
donnée; ils sont harmonisés par le système nerveux, qui est le
régulateur des énergies individuelles. Le grand sympathique
modère les activités physiques et chimiques, il est leur frein.
/il)/i CHAPITRE 11. -LA ClIALEUH ET LV KIE\ RE.
Les opinions de iVI. (^1. Bernard sur lesnerls CfTlorifnjues et
Irigoriliques |)retent à la critique, mais la valeur de Texpé-
rience n'en esl pas ébranlée, si l'on ne veut en déduire que ce
(]y\[ on ressort : l'influence du nerf grand sympathique sur la
régulation de la chaleur.
Dans une discussion très-approlondie sur l'extension don-
née par M. Cl. Bernard aux déductions qui sont le corollaire
de son expérience, M. Vulpian fait des objections dont nous
ne donnons qiie la conclusion ^ : «La conclusion à laquelle je
suis amené par celte discussion, dit M. Vulpian, c'est que
rexistcnce de? fd)r<»s nerveuses directement thermiques, c'est-
à-dire influençant directement, immédiatement, les pro-
cessus thermiques qui ont lieu dans tous les tissus de Tor-
ganisme, n'est pas démontrée. J'ajoute que l'existence de
pareilles libres nerveuses n'est pas vraisemblable. Enfin je dis
que, si elles existaient, le nom de hbres thermiques serait
même diflicilement justifiable, car les variations subies par
la calorification sous l'influence des modifications fonclion-
nrWvs de ces fibres ne seraient pas des effets directs de ce.s
mofhfications; ce seraient des effets subordonnés, se pro-
duisant en même temps que les changements dans la nutri-
tion intime, provoqués par l'excitation ou la paralysie de ce>
libres : ce seraient même de simples conséquences de ces
changements.
'T Quant à la manière dont iM. (À. Bernard envisage les libres
nerveuses du grand sympathique, en les considérant comme
constituant des nerfs rélrénateurs, des nerfs d'arrêt agissant
comme des freins sur la nutrition intime, nous ne saurions
l'admettre non plus, ou, du moins, nous pouvons dire aussi
qu'elle inan(|ue de preuves; car elle n'est en réalité qu'une
autre layon (h* formuler soit l'hypothèse des nerfs thermiques,
soit celle des neris Irophicpies. ?»
' Vul[»iaii, loc.cil.f t. Il, p. a iH-'.<.'ii .
REGULATION DE LA CHALEUR. 495
11 est donc légitime d'enregistrer toutes les interprétations
de ces expériences, en espérant que de nouvelles viendront
assigner leur valeur réelle. Mais il est juste aussi de reconnaître
rintime union qui existe entre les troubles du grand sympa-
thique et la régulation locale des actes circulatoires et ther-
miques.
Ëxiste-t-il dans le système nerveux central un point qui
tienne sous sa dépendance le fait même de la régulation, quels
que soient les agents périphériques à l'aide desquels se mani-
feste cette régulation? D'après Tscheschichin \ ce centre serait
placé dans la protubérance annulaire, en avant du bulbe ra-
chidien. Pour le démontrer, il fait deux expériences : dans
la première , il coupe sur un lapin la protubérance annulaire
en avant du point où se termine la moelle allongée; dans la
seconde, il fait la section sur le bulbe ou la moelle cervi-
cale.
Lorsque la section porte sur la protubérance en avant de la
moelle allongée, la chaleur du rectum monte dès les premières
secondes, et peut s'élever de 39*" è &o''G. en une demi-heure,
a &i° en une heure, à /iq° en une heure et demie, à A9%fi en
deux heures. Le pouls subit, ainsi que la respiration, une
accélération analogue, le pouls ne peut plus être compté,
et les mouvements respiratoires atteignent lOQ par minute.
Tscheschichin fait remarquer que ce sont là les trois symp-
tômes dominants de la fièvre.
Lorsque la section porte sur le bulbe ou la moelle cervicale,
les résultats sont inverses, la température baisse d'une façon
progressive jusqu'à ce que survienne la mort.
Voici comment l'auteur interprète ces expériences : dans les
parties des centres nerveux placées en avant du bulbe, existe
un centre modérateur de la chaleur; lorsqu'une section sépare
' Tscheflchichia, Zur FùbtrUh^ê (Arck . {^ Rêicheri'ê und DuboU R»ffmtmd*$ Areh . ,
fur Klmk, hefi 3, 8. sâ6-a5o, 1867), 1866).
pl Zur Lêhrê von étr thiêriichmi \Vàrm$
/j% CIUPITHK 11. — LA CHALKLR KT LA FIEVRK.
la protubérance du bulbe, te renlre donne toute liberté à
Taction du bulbe, et celui-ci non refréné permettrait aux
actions cbimiques tliermogènes d'atteindre une intensité à la-
c|uolle elles ne s'élèvent jamais (piand les fonctions du cer\pau
s'aocom|)lissent réjjulièremenl. il y aurait donc deux centres :
Tun bulbaire calorifi([ue. Huître un [leu plus élevé, modérateur
(lu premier.
Tscbesrhicbin cite, à raj)pui de cette hypothèse, les obser-
vations de Wunderlicb et Erb sur l'élévation de la température
sous riniluence de fortes dépressions des fonctions psychiques,
observations cpii, en tout cas, n'ont pas une signification bien
déterminée.
M. Vul|)ian fait remarquer que le nombre des centres dont
on a doué le bulbe s'accroît avec une rapidité surprenante :
rentre modérateur des combustions, centre des nerfs vaso-
nmteurs, centres respiratoire, cardiaque, centres de certaines
actions réfle\<\s d'ensemble, savoir: de la toux, de Téternu-
ment, du vomissenn^nt, de la plupart des convulsions, de celles
de l'bystérie, de Tépilepsie. Le bulbe contiendrait encore un
cenlre excito-calorifnpie, un centre modérateur de la sécrétion
sudorale (Immermann), et enfin, d'après Setschenow, un
centre modérateur des actions réflexes. Il faut avouer que cette
nniltiplicatiou de centres excitateurs et modérateurs est fait*»
pour susciter (|uelque étonnement.
Nous |)ouvons d'ailleurs opposer à l'hypothèse de Tsches-
cbicbin des arguments plus directs. Bruck et Gùnlher^ ont
montré rpie l'excitation par piqûre de ce prétendu centre mo-
dérateur ne fait [las baisser la température, mais l'élève, abso-
lument comme lors(|u'on pique la moelle allongée ou la moelle
é|)inière. (les auteurs ont reproduit plusieurs fois avec succès
rex])érience de Tscheschichin relative à 1 élévation de la cha-
' L. Brurlv ai A. (îuiillier, Versucha korprrx (Pflttfrei'^x Archiv, \H'jo,^.o',h-
iiber tien ijinjluns der ] frlptznufr gptvisseï' 585.)
fin nflieilr nnj^ lUfi Trnijn ralny lieit Thier-
RÉGULATION DE LA CHALEUR. 497
leur du corps par la séparation de la moelle allongée d*avec
le pont de Varole. Cependant ils n*ont pas toujours réussi
dans cette expérience. Ils ont trouvé que le résultat était plus
constant et plus évident, si Ton se contente de piquer avec une
aiguille, entre le pont de Varole et la moelle allongée. L'éléva-
tion de la température s'observe alors non-seulement dans le
rectum mais encore à la surface du corps, ce qui indique une
plus grande production de chaleur. Or, si la piqûre est plus
efficace que la section totale, cette augmentation de chaleur
doit être considérée non comme indiquant qu'on a lésé un
centre modérateur de la chaleur, mais simplement, au con-
traire, comme un phénomène d'excitation nerveuse. On peut
d'ailleurs produire aussi cette augmentation de chaleur sans
couper ni piquer, mais en excitant avec l'électricité la partie
située entre le pont de Varole et la moelle allongée. Seulement
il se produit souvent alors des crampes tétaniques qui com-
pliquent l'opération et rendent les explications moins nettes.
M. Vulpiail ^ adresse à cette hypothèse une autre objection.
t( Tscheschichin , dit-il, a constaté que les sections transver-
sales du bulbe rachidien ou de la moelle épinière dans la
région cervicale ont pour effet un abaissement progressif de
la température. On s'est demandé comment ces lésions, si l'hy-
pothèse en question est exacte, n'ont pas aussi pour consé-
quence une élévation de la température centrale , puisque l'on
doit sectionner dans le bulbe et dans la moelle cervicale un
certain nombre au moins des fibres modératrices de la ther-
mogénèse, fibres que M, Tscheschichin fait nattre en avant de
la moelle allongée. ^
Or l'abaissement de la température après la section de la
moelle n'est pas douteux. M. Cl. Bernard a montré depuis
longtemps, que, sur un lapin, la section de la moelle au niveau
de l'union des régions cervicale et dorsale produisait cet
* Vulpiaûf loc, rit,,\. II, p. 987.
3ii
/i'.IS (Il Vl'i'JHK 11. - !.\ (.HALKI W ET LA FIEMIK.
abuLvseiueiit : (lau& une; expérience, la température reclale
tomba (le 60 à -j ^i degrés en ciii<| heures.
M. Poclioy ^ a re{)ris ces expériences, et il a montré (\ne
l'abaissement de la température était progressif. Il proud la
température rectale d'un cobaye, elle est de 38 ',90. Dix mi-
nutes après, il coupe la moelle au niyeau de la partie anté-
rieure de la région dorsale, immédiatement la température
rectale est de 3S'\/|; vingt minutes après, elle est de 87 de-
grés; une demi-heure après, de 34",5; une heure après, de
3a'\/i ; une heure après, de 3.? ,2 : trois heures après de 3o .0;
<in(| heures après, de 'iH^g; huit heures après, de j 9 degrés,
et. vingtHjuatre heures après le début de rexpérience. ranimai
meurt ayant 1 6 degrés pour température rectale.
M. Vulpian'- fait remar(|uer qu'une explication bien simple
se |)résente d'elle-même pour rendre compte de cet abaisse-
ment. La section transversale de la partie supérieure de la
luoelle ou du bulbe a pour effet de paralyser les vasomoteurs;
la plupart des petits vaisseaux du corps se dilatent. La dilata-
tion des vaisseaux cutanés et de ceux des poumons a pour effet
une déperdition très-exagérée du calorique. En admettant
même la suractivité des processus thermogènes provoqués par
la section du bulbe, cette déperdition peut compenser et au
delà ce développement de chaleur.
M\L Naunyn et Quincke, dans deux mémoires successifs,
ont cherché à résoudre cette question : quelle est l'influence
des lésions du système nerveux sur Taccroissement et l'abais-
sement de la température, qiiel en est le mécanisme?
Dans un |)remipr mémoire^, MiM. Naunyn et Quincke passent
en revue tous les laits connus avant eux, les nombreuses expé-
' P(kIh)\, fWhfrrIu'H exppi'tmeuUiU'^ fhn Emjliixx des CeiUrahiervmiyMUua
sur les (cnlres de U'iiipvvaiure. Tiiè-so de nu/ die Wurmebddung im Organumux,
l'a IIS, iH-yo. in Arch. fur An.^Phyi. undwiuensck,
^ V(il|>iai), lue. cil., 1.11, jj. 261. Medicin, 1869, p. i^'i.
' R. \aunyn urnl H. Qninckc, iel>et
REGULATION DE LA CHALEUR. 499
riences de M. Cl. Bernard sur la section du (^rand sympathique
au cou , les recherches de Ludwig ' et Spiess ^ sur la chaleur
du liquide des glandes salivaires sous-maiillaires comparée à
celle du sang des carotides au même niveau. Ces recherches
ont montré que, par Tirritation de la corde du tympan, le pro-
duit de sécrétion de cette glande s'élevait h une température
d'un degré et demi plus haut que celle du sang de son artère,
et ces auteurs en ont conclu que la production de la chaleur
était influencée par l'irritation des nerfs.
La pathologie nous fournit d'ailleurs de nombreuses obser-
vations montrant que certaines lésions du système nerveux
central sont susceptibles de provoquer une augmentation dans
la production du calorique.
Dès 1837. firodie' fit connaître le premier cas de cette
espèce. II s'agissait d'un homme qui s'était fait une plaie con-
tuse de la moelle cervicale, d'où était résultée une paralysie
de tous les muscles des membres et du tronc , à l'exception du
diaphragme. La température du corps chez ce blessé, qua-
rante-deux heures après l'accident, s'élevait, avant la mort, à la
hauteur inusitée de â3%9 G.
Plus tard des faits semblables ont été signalés. Billroth ^ a
observé , chez un malade qui avait subi une lésion de la moelle
épinière par suite de la fracture de la sixième vertèbre cervi-
cale, cinquante heures après l'accident, une température de
&9%9. Simon a vu, chez un homme frappé d'apoplexie à la suite
d'une contusion de la moelle dorsale par fracture de la dou-
zième vertèbre dorsale, au troisième jour, la température
s'élever h kU degrés et s'accompagner de delirium trement.
Un quatrième cas, presque identique à celui de Brodie, fut
observé, dans Tété de 1868, a la clinique de Frerichs : un
* Ludwig, Wiener medicinUche If 0- ^ Brodie, kMieo^ckirwrgieal Traïu-
chenêchrift, 1860. actionê, 1837.
' S^entSiizwtgiberiekiêder Wiener * Bitiroih , Langenbeek*» Archiv,
Ahêdemie, B' XXV. t86«.
500 CHAlMTHt: II. — LA CHALEUU ET LA FIÈVRE.
homme de trtMite-qualre ans, en piquant une tête dans Teau,
toucha le sol; il s'ensuivit une fracture des cinquième et
sixième vertèbres cervicales et une contusion de la moelle épi-
uière avec paralysie complète des muscles des extrémités et du
tronc, le diaphragme excepté; la respiration était exclusivement
diaphragmatique. Voici les températures observées chez cet
honuiie :
Ai&s«He. Rectum.
5 heures après la blessure 37\6 *
1 *i heures ^o ,9 9
1 b heures '4-2,1 *
19" iT" /i3,6 ii:y\S
ùf 35" (mort) fi^ .2 43 ,6
j\ous joignons à ces quatre observations, mais avec une ré-
serve très-justiliable, l'observation suivante (^élévation extra-
ordinaire de température communiquée à la Société clinique de
Londres, par Teale :
L'ne dame fit, le 5 septembre dernier, une chute de cheval
et se fractura les cinquième et sixième côtes. Six heures après
l'accident, la température était à 101° F. ( 38**,3 C). Qua-
torze jours plus tard, la patiente ne souffrait plus que d'un
peu de rachialgie. Le 3 octobre, la température de 100" F.
remonte à 101 '. Légères contractures dans les muscles du pied.
Depuis ce moment, la température continua de s'élever, mal-
gré l'application d'un sachet de glace sur la colonne vertébrale.
Jusqu'au 5 novembre, io5' F. (4o%5 C). Le 6, 106' F.
[ '1 1,1 C). Le thermomètre s'éleva dans la suite avec de très-
courtes rémissions jusqu'à iî2î2 ' F. (3o',6 C). Il redescendit
à 1 1 /j ' F. ( /» 5 ',5 C. ) pour remonter à 1 2 2 degrés le soir. Pen-
dant le mois de décembre, la température descendit à 110 F.
( 43 ,3 C), et revint dès janvier au degré normal. L'urine était
riche en urates. L'intelligence était intacte, il n'y avait pas de
paralysie proprement dite, mais une légère faiblesse de la
jambe droite. Avant, comme après l'accident, on avait obsené
RÉGULATION DE LA CHALEUR. 501
chez cette malade des attaques d'hystërie. Pour assurer Texac-
titude de ses recherches, Teale avait fait fabriquer des ther-
momètres à échelle très-ëtendue et en avait placé un dans
chaque aisselle. Différents médecins ont pu constater comme
lui l'élévation de la température K
Nous citons ce cas à titre de curiosité et nous ne nous per-
mettons d'en déduire aucune conclusion. Notons seulement
que la malade était hystérique; les médecins furent-ils induits
en erreur?
Les quatre premières observations montrent une parfaite
concordance entre elles. Dans toutes on voit la lésion de la
moelle être suivie d'une paralysie plus ou moins généralisée,
et consécutivement d'une notable élévation de la température
de tout le corps. La rapidité avec laquelle la montée de la
température , du moins dans la plupart des cas , a eu lieu , et
le défaut de tout autre signe visible, ne permettent pas de
croire que la cause soit une inflammation de la moelle.
On en conclut que, chez l'homme, une blessure de la moelle
épinière, surtout h la région cervicale inférieure , peut pro-
duire une élévation considérable de la température du corps.
Les résultais des recherches expérimentales faites chez les
animaux sur les lésions de la moelle sont parfaitement d'ac-
cord avec les faits pathologiques.
Quant h la section totale de la moelle épinière , la plupart
des expériences pratiquées par MM. Bernard, Schiff, Ghossat*,
Brodie, Bezold', et plus récemment Tscheschichin ^, montrent
qu*elle entraîne un abaissement plus ou moins rapide de la
température du corps.
Brodie seul rapporte, mais d'une façon peu probante, avoir
' Teale. The Umceî, 6 mars 1876. ' Bezold, Gtkrtuizle Wirhmgin dê$
L*obMrvation est analysée dans la Gn- Rûekenmm'kê.
zelU de» hà/ntawr, 1876, p. 356. * TflcbescInchÎD , Arehitet d'anal, et
* ChoMat, MeckêVê Arch.y B^ VII, phyê. de Reichert H Dulfoiê Reymond,
1899. 1866.
502 CHVPITRE II. — L\ CHALKUR ET LA FIÈVRE.
Ml une (^l(?vaUon de la lempëraturo chez des lapins apns la
section de la niO(^lle: M. Schifl'a observé plusieurs fois chez {l<*'<
chiens, après la section de la moelle dorsale, une faible éltfva-
tion de temjx'rature.Tscheschichin rapporte un cas où, chez un
lapin au([nrd il avait coupé la nioello allongée au niveau du ponl
doVarole, la température s'éleva en {piel(piesljeuresde'ide(jrés.
Les recherches de Tscheschichin ont prouvé qu'il suHisail.
après la section de la moelle, notamment au cou, d'envelop-
per et (h» couvrir soigneusement Tanimal pour retarder ou
même arrêter quelrpie temps chez lui le refroidissement; on
doit donc penser (|ue la chute rapide de la température observée
chez les animaux soumis à cette expérience lient surtout à l'ex-
cessive perte de chaleur rpi'ils éprouvent à la surface du corps.
Ici, il y a une supposition qui expliquerait et la contradic-
tion apparente entre les observations faites sur l'homme et les
ex[)ériences faites sur les animaux, et aussi l'inconstance des
résultats expérimentaux.
Si l'on admet que la solution de continuité de la moelle
enlraîne une élévation de la production de chaleur et une
augmentation du rayonnement de la chaleur à la peau, on
conquendra facilement qli'il se produit un excès dans la perte
de chaleur, c'est-à-dire, un refroidissement de l'animal d'au-
tanl plus rapide», que sa surface est plus grande par rapport à
la masse de son corps, et réciproquement. Plus l'animal est
gros, c'est-à-dire plus est petite la surface de son corps par
rapport à sa masse, plus les circonstances sont favorables pour
la prédominance du premier des deux facteurs et plus facile-
ment se produit une élévation de température.
La concordance des faits sus-énoncés montre que, chez
riiomme, à un degré élevé, chez les chiens, du moins dans
quelques cas. il y a une élévation de la température du corps
a|)rès les lésions de la moelle, tandis que, chez les lapins, qui
sont beaucoup plus pelils, il se])roduit, presque sans exception,
un refroidissement ra|)ide.
RÉGULATION DE LA CHALETR. 503
Que Tschesrhichin n'ait pas réussi chez ces animaux, par
iVnveioppement, à arrêter complètement riniluonci' fâcheuse
de la perte notable de chaleur qui a lieu par la peau , on ne
saurait s'en étonner, puisque, comme cela se voit aussi chez
des animaux beaucoup plus gros, Thomme et le chien, cette
élévation de température n'a été observée que dans des cir-
constances où les conditions étaient défavorables à la perte de
chaleur par la peau. Du moins il faut noter que toutes ces
observations ont été recueillies en été.
Le but du mémoire de Naunyn et Quincke est la re-
cherche expérimentale de l'influence du système nerveux sur
la production de la chaleur chez les animaux.
On a -opéré sur de grands chiens. On a séparé la moelle,
dans presque tous les cas, non par incision, mais par contu-
sion , et en perdant peu de sang. On s'est assuré de la réalité
de la lésion tant par la paralysie complète des muscles que*
par la nécropsie ultérieure. Du reste, l'expérience VII montre
que la section donne le même résultat que la division par plaie
contuse. Les animaux étaient narcotisés, la dure-mère incisée;
et aussitôt on appliquait la pince contondante, habituellement
à la hauteur de la sixième vertèbre cervicale, l'expérience
ayant démontré qu'au-dessus de la cinquième la contusion
faisait mourir aussitôt le chien par arrêt de la respiration.
Les mesures de température étaient, dans tous les cas, prises
dans le rectum, avec un thermomètre divisé en dixièmes de
degré. Quelquefois les expérimentateurs, sachant que les ani-
maux acquéraient dans la nuit leur plus haute température,
plaçaient à demeure un thermomètre h maxima.
Ces expériences furent commencées dans l'automne. Cette
circonstance, c'est-à-dire la douceur de la température à ce mo-
ment, doit être considérée comme la raison pour laquelle, dans
leurs premières recherches sur des chiens de forte taille, après
le bi'oiement de la moelle à la hauteur de la sixième vertèbre
cervicale, il se produisait une haute élévation de la tempéra-
50 'i
CHAIMTRE 11. — LA CIHLEUR ET L\ FIÈVRE.
(lire dos animaux, bien que, pour s'opposer à un trop grand
rplroidissonienl , ils eussent pris soin d(» les envelopper de cou-
verlures de laine». Plus tard, quand la (enjpérature extérieur»'
se mil i\ baisser raj)idement. ils n'observèrent plus d élévation
de la tempéralure cbez les animaux opérés; bien plus, ils
ronslalerent loujours un abaissement de température rapiile
et juscpiVi la mort.
(les expériences montrent que Tenvelopperaent des animaux
avec la ouate, les couvertures, etc., ne peut contre-balancer
la perte de la chaleur par la peau. L'échauffement par la tem-
pérature de Pair ambiant est bien plus efficace, si Ton met
les animaux dans une chambre bien fermée et chauffée ti sli
ou )]o' C, c'est-à-dire à peu près à la température de Télé.
Les auteurs donnent ensuite les tableaux de leurs opéra-
tions '.
\ oici lin de leurs tableaux :
II. CHIEN IHXI.B DR (J KILOGRAMMES.
1
MoMKNT
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l.'OBSFnVA-
i'' or.'"
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38 ,7
37 ,8
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3r. .3
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TEMI'KflA-
TrRE
(If
r.A cntMDRR.
REMA«QIIKS.
1() NOVEMBRK 1 868.
.jf.
Au moment do rattrikion , il y a paralysi*' ^'
néralp. Respiration diaphrnçnwfiqu»', On
envHoppe ranimai avrc soin.
On d^fi^lil ranimai Pt on !♦• pl.ic«? Jans U
rhambrp rhaudo.
i?0 NOVF.MBRE.
a" I/.inimal moorl bionlAf.
vSorlion lol;»l<^ an niv<»;nMl«' h iV voi iMu'o corviral»*.
\iiln< rliilTrcs maxim.i • 'nV'.H, V.*\'i, 'i9",i, 'io".8, Vj",i, Vj*/i , '19".^. ^»<"-
RÉGULATION DE LA CHALEUR. 505
Dans toutes ces expériences, le premier eflet qui apparaisse
iiifailliblement après la séparation de la moelle d'avec le cer-
veau, est un abaissement souvent très-prononcé de la tempéra-
ture.
Cet abaissement s'explique, indépendamment des troubles
que peut produire une aussi grave opération, par ce fait
qu'aussitôt que survient la paralysie des nerfs vasomoteurs,
et, par suite , la dilatation des vaisseaux de la peau , il y a mo-
mentanément une énorme perte de cbaleur. Cette chute est
faible, on place rapidement l'animal dans la chambre chaude
et, s'il est gros, rarement la chute dépasse a degrés. Après que
l'animal est renfermé dans la chambre chaude, la température
continue encore pendant quelque temps à baisser. Ce n'est
que d'une à quatre heures après l'opération qu'elle remonte:
l'élévation de la température va assez vite; il suffit de deux à
six heures après l'opération pour porter la température à
son chiffre normal. Quant à son maximum, qui, dans beau-
coup de cas, atteint une hauteur inusitée, surtout au moment
de la mort, mais même plus ou moins longtemps avant ce mo-
ment, il survient, dans plus de la moitié des cas, vingt heures
après l'opération, dans le reste quinze heures après le com-
mencement de la montée. Dans trois cas on a observé une
montée considérable de la température après la mort.
Cette élévation de la température n'a manqué dans aucun
des cas après la section de la moelle, et surtout quand l'ani-
mal ne mourait pas aussitôt après l'opération.
Reste à savoir dans quelle mesure ce phénomène est le ré-
sultat de la séparation de la moelle, et dans quelle propor-
tion il faut tenir compte ici des autres circonstances : la bles-
sure, la chaleur de l'atmosphère ambiante, etc.
Or une série d'expériences montre que le milieu chaud ne
suffit pas par lui-même à produire cette élévation de In tem-
pérature chez les animaux sains, et qu'une blessure très-grave
ne la produit pas non plus. Il faut donc admettre que les cor-
506 CHAPITRE II. ^ LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
dons nerveux de la moelle ont une influence sur la production
de la chaleur.
Il ne paraît pas douteux que rëlévatîon de la température
observée ici n'a point pour cause la diminution de la perte de
chaleur par la surface de la peau. Dans l'observation VII. les
températures prises en difTérents points du corps étaient égales,
et la différence de température entre la périphérie et le centre
était presque nulle, conséquemment la perte de chaleur était
augmentée.
Du reste toutes les expériences, tant anciennes que nou-
velles, montrent ce fait. La section de la moelle amène, dans
tous ces cas, un surcroit si considérable de la perte de cha-
leur, que là où elle n'est point arrêtée par des circonstances
fortuites ou artificielles, il s'ensuit fatalement un rapide et
persistant refroidissement de ranimai.
La supposition qu'une diminution de la perte de chaleur,
par la génc de la respiration qui suit la section de la moelle
et par la diminution de l'évaporation pulmonaire, serait la
cause de l'élévation de température qu'on observe, n'est pas
fondée. Pour plus de sûreté, on a mis dans la chambre chaude
un chien dont la respiration était mécaniquement entravée.
Or on n'a pas obtenu , dans ce cas, une élévation de la chaleur,
au contraire.
Il faut donc admettre que la séparation de la moelle, au
niveau de la cinquième ou septième vertèbre cervicale, produit
un accroissement de production de la chaleur dans l'orga-
nisme. Il est peu vraisemblable, d'après le lieu de l'attrition.
qu'il s'agisse ici de l'action directe ou réfléchie d'un centre de
chaleur hypothétique. On accepterait plus volontiers cette hy-
pothèse , que , dans la moelle , sont contenus des nerfs ayant uoe
influence modératrice sur le processus* d'oxydation et sur la
production de chaleur dans les organes, et que leur section
rend possible un développement excessif du processus calo-
rifiant.
RÉOriATION DE LA CHALEUR. 507
Si cette hypothèse est juste, et si les cordons nerveux char-
gés de cette fonction se comportent dans leur centre d'irra-
diation comme nous le supposons, k la façon des autres nerfs
spinaux , on doit s'attendre k ce que la grandeur de la pro*
duction de chaleur en excès, en d'autres termes, rœleris pa-
rilmê, la hauteur de la température, soit en proportion de la
hauteur où l'interruption de la moelle a eu lieu.
Des expériences ont été faites dans ce sens. Or elles
montrent en effet une différence très-grande dans les effets de
la section de la moelle suivant la hauteur où elle a eu lieu.
I/élévation de la température est plus rapide et atteint un
degré beaucoup plus élevé, quand la section porte sur le cou,
que quand elle porte sur la partie inférieure de la région
dorsale.
Ainsi les résultats de ces expériences sont bien suffisants
pour étayer l'hypothèse précédemment émise. Ils montrent
que dans la moelle se trouvent des cordons nerveux, par les-
quels le cerveau exerce une influence modératrice sur la pro-
duction de la chaleur dans l'organisme.
Que ces nerfs soient particuliers, peut-être ceux qui ont été
depuis longtemps appelés nerfs trophiques, ou que les cor-
dons nerveux vasomoteurs accomplissent cette fonction d'une
façon directe, ou indirecte par l'influence qu'ils ont sur le
contact entre le sang qui circule dans les capillaires et les tis-
sas, c'est ce que les recherches actuelles ne permettent pas de
déterminer.
Toujours est-il que la découverte de cette influence du sys-
tème nerveux central et dès voies par lesquelles elle se trans-
met, n'est pas sans intérêt. Elle éclaire des faits pathologiques
anciennement connus, et les explique K
' Ce«expérieiMe!ioiitët^railMàrins- le profeMeur Reicbert. (Berlin, mira
litul anatomique de Berlin , dirigé par 1 869. )
:>08 (JUAIMTRE 11. - \A CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Dnns un second mémoire'. MM. N.ninyn ol Quinrke onl
pensé (|u'il sornil intéressant de rechercher si. dans les condi-
tions du miheu uorniaK à la température ordinaire d'une
chambre, il ne se |)roduirail pas de même une élévation de la
chaleur du corps. Pour cela ils choisirent la saison chaude dp
l'année, alors (jue la température du laboratoire sans chauf-
fage se maintient à un degré modéré, puis ils mirent euv-
n)emes en expérience des chiens de forte taille et très-poilus,
dans la plupart des cas ils les couvrirent d'ouate.
Wll. BARBET NOIR DE I 5 KILOGRAMMES.
MOMFNT
1
TKMPKRA-
>OMBRR
TEMt'ÉRA-
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l.'dBsfhV*
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REMARQUES.
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:UfJ\n 1
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l/animnt est poila el gras. Écrasement d^*
la inoollp au uivpau de la 6' vertèbre cer-
vicale. Le chien se débal quatre fois p»'n-
d.int l'opération. La température sVIfWe r
à. 39 ',9 »ous celle influence.
. tt V. '"
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'«r
OjM^ralion achevée. Le ch'en est envelop|»««
d'ouate el pltW sur de ta paille daii'i la '
chambre. Respiration diaphrafrmatiqiir. '
p.Tmlyic df«5 extrémités.
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:uj ,r>r)
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^10 ,70
'10 ,90
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II
,17
Ml
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FiC chien se meurt; la roidenr surrîenl.
7':j.y"
1 '.-.,75
' Maximum.
ft
II
1
1
Vî ,.'^>
II
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Roidenr complète. En même temps on con<- ^
tate à la partie supérieure de Pabdomen. <
ver» lecanlia , une température di* A* '.fi, .
ÉUWalion totale : .r.i5. \
' R. \niinyri et 11. Qiiinrk»', DrViu- dos Avrhiros de Reirhert et Dnf»oin Rey-
fîucnrp (Ica rrulrt'x nrvvfH.v xur la proftfir- mom/, i^^ip. .V fascinile.
tion ilr vhnh'iir fltnts Vurfriuisino. Kxtrail
RBGLLATlOiN DE LA CHALEUR.
509
XVIII. CHIEN DE BERGER NOIR DE 3 0 KILOGRAMMES.
■
MOHBRT
4e
TIOS.
TsapéiiA-
TORS
rARIIIAL.
t''30" 39*, 10
îi^3o" 39 »a5
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MaiiiDum.
KOmRB
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TBilpénA-
TUBB
de
LA ClAHiai.
REMARQUES.
«9
9& iVRIL.
Ecrafiemeiit de iâ moelle k la htaleur de ia
6* vertibre oervieale. Nul abainemenl de
la température. Le chien eit aornilôt en-
veloppé d'ouate et placé dapt la ebamhre
«ar de la paille.
,/ La patte ^ache de devant w meut un peu.
Du rsite, ooroplke oaralytie du tronc
tt et des extrémitea, à rexception da dia»
phragne.
n" la
ia*3o"
69 ,90
a
9 0 ATBIL.
Le chien meurt et les mouveroenUconTuUtfa
font monter la leupératnre.
Élévatiou totale: 3*.i.
XIX.
CHIEN DE TRAIT NOIR DE 3o KILOGRAMMES.
m
MOIIBIIT
de
voÊfênià-
TIOB.
TBHP^Ri-
TORB
de
L'AIMA 1».
ROHBRB
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TBHpéRA-
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de
LA caAaaBB.
REMARQUES.
10 MAI.
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Midi.
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) Maximum.
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L*animai ae débat dana se» lieua.
Kcraaement de la moelle k la hauteur de la
6* vertèbre cervicale. Estrémiléa coniplé-
lemeot paralyaéea. Pas d'action réfleie ;
ranimai eit enveloppé d'ouate et placé
aur de la paille.
Le chien boit de Tean.
11 MAI.
//
Le chien IxHl de l'eau.
510 CHAPITRE IL — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
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Le rhicB trk-ptttréfié. Enpbjkèine MUte-ce-
, Uni.
Bi^lM» toUlc : t'.Sa.
XX. GHIBKI MÂLE GRIfr-BRUK DE 3o KILOGBAMIIBS.
■ OaiRT
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L>OMnVA-
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l^re cerricele^. Le cUai 000 emneH «it
mie ddu lo chenhie eor la paille. Re»-
piratioo diapbMMlMoe. Lee eititeiléi
anlérioRrea oot di IrèMaiblct «oumaaoli.
1 '•So-
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94
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{)é<écalion. Cm. Paa de ■MMVcaeoto réiexa
des c&lréiDitéa oi de la ^Mue es ncjtaal
Taoïu.
3' 45-
4o,9
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II
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4 1,3
ê
9
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UL.
la 0
49,5
Mtùmum.
â
u
Le chien ert OMrt ; déji putréfié, lïtomo-
mitre è oiaiima daaa Taniu. 1
Elévation totale : %\^. 1
RÉGULATION DE LA CHALEUR. 511
Pour voir si l'élévation de la température pouvait être im-
putée à une diminution du refroidissement produite par Ter-
gotine , «t quelle influence Tergotine seule avait sur la tempé-
rature, on institua l'expérience suivante:
XXI. — On injecte U grammes d'ergotine sous la peau
d'un chien à poil soyeux, de 6 kilogr. 5oo gr. Le chien montra
bient6t du malaise, de l'affaiblissement; il trembla de tout son
corps et eut de fréquents vomissements. Sa température, qui
était, au début, de âo degrés, tomba, en l'espace de six heures,
de quelques dixièmes de degré seulement.
Le jour suivant^ le chien étant rétabli, on lui administra
la même dose d'ergotine, et en même temps on lui écrasa la
moelle au niveau de la sixième vertèbre cervicale. Le chien fut
placé sur de la paille dans la chambre. La température , après
l'opération, tomba continuellement; l'animal, à la Gn du jour
suivant, n'avait que 97%7 dans l'anus, et il mourut dans la
nuit.
On voit par là combien l'ergotine influe peu sur la tempé-
rature du corps, et que la cause de l'élévation de la tempéra-
ture dans l'observation XX était non pas Fadministration de
cette substance, mais le fort volume et le poil épais de l'ani-
mal mis en expérience.
Si maintenant on examine les expériences de XVII à XX,
oà il n'y a eu qu'écrasement de la moelle, on y voit des élé-
vations de température de 9%65 à 3%i5.
On peut supposer que, dans les précédentes expériences,
on ait, par un obstacle apporté à la perte de la chaleur, ob-
tenu que l'augmentation de la production se manifestât sous la
forme d'une élévation de la température; mais il reste à cher-
cher s'il serait possible de maintenir la température du corps,
malgré la section de la moelle , à son niveau normal , par l'arrêt
de la production de chaleur.
Naunyn et Quiucke ont tâché d'y parvenir par la quinine,
qui a été employée tant de fois et avec succès pour amener
MJ '.H\i' [iîK 11. — I. \ riULELR ET LA FIEVRK.
i'.jli ii>-Hrii»fit d^ Id tefii|»^*rHtiir»' «Ihiis la lièvn»; ils espéraient.
|)rii 1111 ^L^^liUr^t ^oit jM»>itil soit n»'*}|iitif. joler quelque lumière
|>fut-»^(n* -ui le iiiudM d'a< lion en<on» si j»^u connu de la qui-
iiiii»-: nMii> «|i.iin»r.ifi< |ilu> loin le> résultats obtenus, quoique
r nntfHiin toiffs. »\t»v. rli. |\. Artion fin sulfate fie nuininp.)
tu t'-riuiii «nt, NauiiNU «*t Quiiitke [H'évoient une ohjectirui:
à N^ivoii que r«*iéwi(iun de température cpii suit le broiement
«I»* la mo«'ll»* •'•pinière nr serait autre chose <|u'une fièvre d'in-
f»M:linii produit»' par la n^sorption des sécrétions de la plaie.
.i[ii»Miées p,ii rMUMTlurt'du ^ac de la dure-mère, r Nous croyons,
di>»Mit-il>. pouvoir réfuter celle objection, en rappelant avec
(pudle ra[)iditt'' coiiimeiic»' IViévaticm, conime on le voit surtout
dans le.> <'\péii«»nc«*> l\ . I\. \\\ ; ici, il n'était pas possible
<piVn si p«'u d heures les >écrétions eussent acquis la propriété
Miforlieu>e; ell»' »»sl contredite »Micore par les expériences \IV et
\\ I. 011 la blessure des [larties molles, de la dure-mère et de
la morlle, était la niéiiie, mais avec une plaie plus profonde en
raison du .siégr. el où l'élévation de la température est restée
faible juMpi'iiu dernier moment. L'Inpothèse d'une propriété
[Kirticulièrement infectieuse des j)arties broyées de la moelle
doit être aus>i l'cartée '.^
-Nous a\ons donné presque ut edtenfio ce mémoire de
MM. iNaunyn el Ouincke. parce que les expériences ont été
laites avec orand .soin et «pi'elles ont été variées. Nous de-
vons [)Ourtanl ajouter ijue d'autres physlolofjistes. iMM. Riegel.
Kosentbal, Po( lioj , n'ont pas obtenu des résultats concor-
dants, (|ue, par conséquent, de nouvelles recherches sont né-
cessaires. Il faut pourtant admettre que les lésions de la
moelle peuvent amener cb<^z l'homme, comme chez les ani-
maux, une rapide éié\ation de la température.
' Eail il riii-oliliit îiiKilt)mi(|ue de Ber- M. \e (ionbeilU-T pii\é Reichf'rt(i.) août
Im, ijiàre a la |Mîtiui»ioii lihéraK^ de 1869).
RÉGULATlOiN DE LA CHALEUR. 513
Roseoihal, dans un travail donl la Revue des cours scienU^
fiques a publie une analyse très-coujplèle , fournit, outre ses
recherches personnelles, un ei^posë intéressant de la question
en Allemagne ^
. Les expériences du professeur de physiologie de l'univer-
sité d'Erlangen ^ ont surtout eu pour objet d'étudier l'action
d'une température élevée sur les animaux. Il introduit dans
une étuve des animaux, de préférence des lapins, vivants et
libres ; il insiste sur ce dernier point : l'animal libre de ses
mouvements, libre de se pelotonner sur lui-même quand il
fait froid, de s'étendre quand il fait chaud, garde sa tempéra-
ture invariable dans des limites plus étendues que ne le fait
un même animal attaché et ne pouvant prendre la posture
qui lui est la plus convenable. Les résultats obtenus sont les
suivants : à une température ambiante de + 1 1 à + 3a de*
grés C, la température de l'animal en expérience ne varie
pas, sauf quelques légères oscillations passagères entre a 6 et
Sa degrés. De 3q à 36 degrés, la température de l'animal
monte à /îi*/î<i degrés, puis devient stationnaire; l'animal est
couché , les membres étendus et écartés , la respiration est ha*
letante, les battements du cœur sont fréquents, les vaisseaux
cutanés très-dilatés. De 36 à ko degrés, la température de
l'animal s'élève rapidement à /i/i-&5 degrés, les phénomènes
précédents se prononcent davantage, la pupille se dilate, les
muscles sont en résolution, et la mort arrive au bout de
quelque temps. Que l'on retire à temps l'animal en expérience
et qu'on l'abandonne à la température habituelle du labora-
toire, sa température tombe à 36 degrés et au-dessous, et
demeure basse pendant plusieurs jours.
' Rnuêdeêcowrê$cie9à^uet,^\àé- et aa Sénat de ruuiveraité Frédérir-
cenil>re 187a, p. 099. Aleiandre d'Erlangeo, par le docteur
' ZurKenniniêtdigrWârtneregnUrwig J. Roaentha], professeur de physiologie
6pt ien frarmblàtigen Thieren. ( Disser- et directeur de I*Institut physiologique
lation d'entrée i la Kacnlté de médecine d'Erlangen. ) Erlangen , juin 1 879.
:<3
:-'.r..'Li. — L V Lh \LtLH tr LA KIt\ i;t.
'J .'-..•r? >--iit le> • viidîiMoiiN H tiivr (le ce^ eï|iérieiices !
L'-n? '.ou'.'T*. la teriip^^rature dt- l'aninidl est supérieure à celle
•lu uiiiie:-. ainhidnt: il |»er'l donc constamment de la chaleur.
N! -!*. eii -ii;ro?iir. i-^ «juanîité de «hal^^ur jiroduile constante,
-* •L'^fur^r «^u»"- Id t- tijp»''pitur>-' cmibiant»-' s'élève, la diflereiio'
•^htr^ -iie-'i Ht in t^mpHrature de l'animal diminue, et 1h
[•erî»? d»^ -ai «ri jue. qui n'e>t déterminée que par cette diflé-
rence. doit diminuer du»i: la température de Tanimal duil
d«'nc >'éîe^êi d'une cei laine quantité: elle s'élève, en ellet.
iii^is d'une quantité moindre. Il \ a donc dans ce phénouièiie
jitef^enti .n d'un dppcireil réf^ulateur de la chaleur. El cet
HppîrHl [►eut l'on» tionner de deui façons : ou bien en dimi-
nuant Id «jUcinlit»' de elialeur produite, ce (|ui n'a encore |)U
être C'-nstate: ou bien en au^qnentant le^ pertes de calorique,
ce i|ui arrive. Le> vai>>eaui cutanés sont dilatés, la périphérie
reroil une plus grande quantité de sang, qui. plus chaud
qu«- b' milieu ambiant. >e refroidit. En même temps l'exha-
lation aqueuse est plu> considérable et concourt à faire |}erdre
à l'animal plu> de calorique. A l'appui de celle théorie vient
encore le lait constaté de l'abaissement, au-dessous de la nor-
male, de la lempératuie de l'animal lorsqu'on l'a retiré de
rétu\e. Cet abaisstinent est la consé<|uence naturelle de la
paraKsie des \ aisseaux suus l'inlluence de la chaleur, para-
lysie (jui est hurs de doute: les \aisseaux périphériques restent
paralysés et dilatés d'autant plus longtemps que la tempéra-
ture a été plus élevée: le réseau cutané, dans bMjuel se fait h'
refroidissement du san<;. reçoit une plus grande quantité de
sang (|ue chez un animal sain, l'animal doit donc se refroidir
davantage.
M. Rosenthal pari de ce lait pour jHoposer une explication
ingénieuse de Taclion patliogénique du refroidissement. On
se soumet à une température élevée, comme celle d'un»^
salle de bal, d'un théâtre, on se livre à un exercice muscu-
laire violent, les vaisseaux cutanés sont dilatés, dans un état
RÉGULATION DE LA GdALEUR. 515
|>Ius» OU moins voisin de la paralysie» dans tous les cas plus
lents à se contracter ; qu'à ce moment on vienne à s'exposer
brusquement, sans transition, à une basse température, sur-
tout à un courant d'air froid , il se fait immédiatement une
perte de chaleur considérable à la surface du corps; le sang,
qui s'est notablement refroidi à la périphérie, revient dans
les organes internes, les refroidit brusquement, et cela seul
peut, surtout dans un organe déjà prédisposé, devenir la
cause efficiente d'une maladie. Les vaisseaux cutanés , de leur
côté, se contractent, chassent le sang qu'ils renfermaient, et
il se produit ainsi une hypérémie collatérale, qui peut, elle
aussi, exercer une action pathogénique. Toutefois cette cause
n'est qu'accessoire, du moins dans les cas où la température
a été très-élevée; les vaisseaux ont alors perdu de leur toni-
cité, ils ne se contractent pas subitement; mais, si le danger
de l'hypérémie collatérale est ainsi diminué, celui du refroi-
dissement est encore accru.
La température de l'animal soumis à l'action de la chaleur
reste quelque temps, avons-nous dit, au-dessus de la nor-
male. Aprj^ qu'elle y est revenue, si l'on répète l'expérience,
on voit l'animal résister bien mieux que la première fois; sa
température ne s'élève que peu et plus lentement ; il s'accli-
mate, pourrait-on dire. Il perd, il est vrai, beaucoup d'eau,
et l'on pourrait invoquer l'augmentation de la déperdition de
chaleur par évaporation pour expliquer ce phénomène. Mais,
dans l'air sec, comme dans l'air saturé d'humidité, cet animal
s'échauffera toujours moins qu'un animal semblable, mais
•exposé pour la première fois à l'action d'une haute tempéra-
ture. En même temps cet animal maigrit, perd Tappétit, de-
vient lent et paresseux; c'est un animal malade, et l'on peut
admettre que, dans ce cas, il produit moins de calorique qu'à
Tétat de santé.
Ce n'est pas à dire cependant, comme le veulent Hopp,
Liebermeister. Rôhrig et Zuntz, que la quantité de chaleur
33.
510 i.llAPITHE II. — LA CHALEUU KT LA FIEVKE.
produite augmeiile avec la quantité de chaleur perdue; di-
verses expériences, celles notamment de Sénator, de Winter-
nitz. de JurfjensrMi, ont démontré qu'il n'en était rien. Ou«"d
la suilace du corps est (*xposée au froid, un therraomètiv
introduit profondément dans le rectum n'indique jamais une
augmentation de température. Un thermomètre placé dans
l'aisselle s'élève; mais, dans ce cas, il y a, par suite de la con-
traction des vaisseaux cutanés, afflux de sang plus considé-
rable dans l'aisselle, et, comme ce sang venant des organes
internes est plus chaud que ne l'était l'aisselle auparavant, il
y a augmentation de température locale. En effet, au point
de vue de la distribution de la chaleur animale, nous pouvons
regarder l'organisme comme formé de trois couches : Tune
interne, où se fait la j)roduction de chaleur; l'autre externe,
|)ériphérique, superlicielle, où se fait la perte de chaleur:
une troisième enfin intermédiaire, d'épaisseur variable, sui-
vant les différents [)oints du corps, et dans laquelle se fait
graduellement le |>assage de la température centrale à la
tem[)érature périphérique ; c'est la tenq^érature de celte
couche qu'indique un thermomètre placé dans Taisselle. Que
les vaisseaux périphériques s(î contractent, l'afflux du sang
sera [dus considérable dans la couche intermédiaire, et, comme
ce sang vient de la couche interne, qui est plus chaude, la
tenq)érature de la couche intermédiaire s'élèvera, bien que
Torganisme, considéré» dans son ensemble, ait perdu de sa
chaleur.
Juscpi'ici la perle de chaleur par le tégument externe a
seule» été envisagée. Or la surface pulmonaire est aussi le
siège d'une déperdition de calorique : la température du cœur
gauche, inférieure à celle du cœur droit, en est déjà une
preuve; les expériences de Riegel. confirmées par celles de
Ro.-enthal , démontrent (pie,.bous Tintluence d'une température
and)iante élevée, la lenq)érature de l'animal s'élève d'autant
moins ([ue celui-ci respire davantage; c'est là le motif pour
RÉGULATION DE LA CHALEUR. 517
lequel cette augmentation est plus marquée, si l'animal est
profondément narcotisé,et, par conséquent, a une respiration
moins fréquente.
Quelle est Faction des centres nerveux sur la régularisation
de la chaleur ? C'est là un fait intéressant à établir, et d'au*
tant plus que les résultats donnés par les auteurs sont contra-
dictoires.
Ainsi Naunyn et Quincke, Fischer, disent que la section
de la moelle épinière est suivie d'une élévation de la tem-
pérature chez un animal exposé à une chaleur d'environ
Sa degrés. Tscheschichin prétend que la section du pont de
Varoie amène une augmentation de température. Heidenhain
rapporte le même effet h l'excitation de la moelle allongée.
Ces auteurs sont amenés à admettre dans la moelle l'existence
'de centres nerveux : les premiers, modérateurs de la chaleur
animale; le dernier, producteur de la chaleur animale. D'après
Ri^el, la section de la moelle est suivie d'un abaissement
de température. Nous croyons inutile de rappeler k nos lec-
teurs que la section xle la moelle est un des moyens employés
par M. Claude Bernard pour amener le refroidissement d'un
animal.
Rosenthal a repris les expériences de ses prédécesseurs.
Ses recherches n'ont porté que sur des animaux qui venaient
d'être opérés ; il voulait ainsi se mettre à l'abri des erreurs
dues â l'apparition de la chaleur fébrile, et qui entachent plu-
sieurs des résultats antérieurs. Après la section de la moelle
épinière, au niveau de la sixième ou septième cervicale, il a
vu la température de l'animal s'abaisser, la température am-
biante étant inférieure à 3q degrés; à 3a degrés, l'animal
garde sa température initiale; si la température ambiante dé-
passe Sa degrés, tout en restant inférieure à celle de l'atmos-
phère, la température de l'animal s'élève, mais moins que
chez un animal de même espèce, mais non mutilé, et placé
dans les mêmes circonstances. L'explication de ces phénomènes
:,|S rH\PITRE H. - L\ CIHLECR ET L\ FTKVRE.
^sl facile ;'i flonner: il y r paraivsie des vasomotenrs, of par
^Jiite |>^r(e d'un»^ plus grande «juantitf^ de chaleur.
Mais, si la >er(ion de la moelle n'est faite qu'au niveau de<
sixième ou s^'ptième dorsales, la terap^^ralure de Tanimal va
»'n s'tMeNant dès que r«dl«' du milieu ambiant dépasse 3o de-
gn's. La paral\>ie d'un certain district vasculaire devrait cc-
liHnHanl Ifiire |)erdre à Tanimal plus de chaleur, amener un
;il)ai<senK*nt de tempt'rature moindre que dans le cas précé-
dent. Mais il intervient ici d'autres facteurs dont il faut tenir
compte, et qui équilibrent cptte déperdition de chaleur. L'a-
nimal dont la moelle n'est sectionnée qu'au bas de la région
dnr'-ale peut encore contracter une grande partie de ses
muscles, et il le fait effectivement: or on sait que la con-
traction musculaire est une source de production de chaleur.
De plus, on constate que, chez lui, quehjue élevée que soit la
température ambiante, les vaisseaux de l'oreille ne renferment
(jue peu de sang; et cependant ces vaisseaux, encore en coni-
ïnunication avec le centre vasomoteur, sont paralysés par Tar-
li(m d<* la chaleur: s'ils sont pâles, c'est par le fait d'une ané-
mie collatérale. Après la section de la moelle au-dessus de
l'origine des splanchniques, les vaisseaux, ceux surtout des
viscères abdominaux, qui plongent dans un tissu peu résis-
tant, se dilatent à l'extrême, le sang s'y accumule; par contre
il n'en circule plus que peu et lentement dans les vaisseaux
cutanés, l'animal perd moins de chaleur que ne le fait un
animal sain dans les mêmes eirconstances: sa température doit
donc s'élever.
Ainsi, en résumé, un animal est exposé à l'action d'une
ten)pérature ambiante élevée. Il régularise sa chaleur: cria
([iiantité de calorique qu'il produit n'augmente pas; la régu-
larisation dé|)end des variations dans les pertes de calorique,
varialions (]ui sont elles-mêmes sous la dépendance de l'état
de contraction ou de dilatation des vaisseaux. Ces pertes de
calorique se font surtoni par la surface cutanée: la respira-
RÉG.IILATfON DE LA GHALEOR. 519
rion, l'exhalation aqueuse, ne s'y ajoutent que pour une quan-
tit<^ insignifiante.
Telles sont les conclusions auxquelles arrive Rosenthal;
elles ne sont peut-être pas appelées, et d'ailleurs l'auteur se
défend de cette prétention , à trancher toutes les questions qui
se rattachent au problème de la régulation de la chaleur
animale. Pour le professeur d'Erlangen, cette régulation
est entièrement dépendante de l'action vasomotrice du sys-
tème nerveux; cette interprétation diffère de celle de M. Cl.
Bernard; nous avons vu que, pour Téminent physiologiste du
Collège de France, le système nerveux du grand sympathique
a , outre son action vasomotrice , une action thermique qui en
est indépendan te. Les expériences, d'ailleurs, n'ont pas été faites ,
dans les deux cas, dans les mêmes circonstances : M. Cl. Ber-
nard a surtout étudié la température dans les différentes parties
du corps d'un même animal*, tandis que les recherches de Ro-
senthal ont porté sur la température de l'organisme tout entier:
dans ce dernier cas, les facteurs étaient plus nombreux, les
conditions organiques plus variées , et il en est peut-être dont
il n'a pas été tenu un compte suflBsant. Les expériences calorimé-
triques, expériences délicates et difficiles à exécuter, destinées
à démontrer que , sous l'influence d'une température ambiante
élevée, la quantité de chaleur produite par l'animal ne varie
pas, n'ont pas été faites, ou du moins ne l'ont pas été avec
asseï de rigueur. Le rAle des vaisseaux, les alternatives de
contraction et de paralysie vasculaire, ont seuls été envisagés.
C'est dire que ce problème demande de nouvelles recherches
pour être complètement élucidé.
D'un autre côté Heidenhain ^ , en répétant les expériences
précédentes, est arrivé à nier également le centre modérateur
de la chaleur invoqué par Tsheschichin. Il pense que ces va*
* Heidenhain, lnn$lMrùeher Taghi, korpertêmperatur und den Kreiêlauf /iq
ao3, 1869. — Vfber biêhfr unbeachtete Areh. de Pftûgfr, 1870.
Bmwnimngen 4ê$ NêrventifêtêmM aufdiê
520 CHAPITRE IJ. — LA CHALKUR ET.L\ FIÈVRE.
rifïtions de tempt^ralure doivent trouver leur expliralinn dîins
la d«'|)erdilion de la chaleur îi la surface du corps.
l/auteur s*est proposé de produire des modifications dans
la température du cerveau à l'aide de l'excitation des nerfs
sensibles, et, pour cela, il a couîmencë par comparer la tem-
pérature du cerveau h celle du sanjj de l'aorte h l'aide d'un
a|)pareil lliermo-électri(jue.
il résulte de ces expériences que le cerveau possède, à |)eu
près sans exception, une température plus haute que le sanfj
artériel, et (|ue cette différence s'accroît notablement, si l'on
excite les nerfs de la sensibilité. D'autre part, l'examen ther-
mométri(|ue du sang a montré que la température s'y abaisse,
quand l'excitation des nerfs a lieu, en une minute ou une mi-
nute et demie, de o^îi (]. Ces deux expériences semblent con-
tradictoires. Cependant cet abaissement n'a pas lieu quand
on a séparé la moelle albuigée de la moelle épinière. Si l'on
excite la moelle allongée, la température s'abaisse aussitôt,
d'où il suit que l'excitation des nerfs sensibles n'agit sur la
lenq)érature que par l'intermédiaire de la moelle allongée.
Ka pression du sang croît quand la température baisse. On
ex|)lique ordinairement cette augmentation de pression par
une contraction des petites artères et par la diminution de
l'afllux du sang dans le système artériel. Le ralentissement du
cours du sang, (jue l'on peut produire par l'excitation du nerf
vague, |»ar la sup|)ressi()n du courant sanguin dans une artère
ou la co?npression de l'aorte, n'a pourtant pas pour consé-
rpience un abaissement, mais, au contraire, une élévation de
la te!iq)ératuredu corps. Cela s'explique, du reste, parla dimi-
nution de la perte de chaleur à la périphérie, où le sang afflue
moins. C'est là aussi qu'il faut chercher la cause de l'éléva-
tion de la [cmpévMuvo post^mortem . phénomène constant chez
les rhiens.
La compression de l'aorte, même quand on irrite la moelle
alhmgée. pcuit produire un abaissement de la température
BÉGULATIOX DE LA CHALRUR. 521
dans le train postérieur. Au contraire rabaissement de la
température ne survient que peu par Texcitation des nerfs de
la sensibilité ou de ia moelle allongée chez les animaux atteints
de fièvre, quoique l'augmentation de la pression artérielle s'y
produise comme chez les animaux sains. Il semble cfu'on en
doive conclure que rabaissement de la température ne résulte
aucunement des modifications de ia circulation.
Heidenhain a vérifié de nouveau l'augmentation de pres-
sion du sang dans les vaisseaux par l'excitation de la moelle
allongée; il a trouvé, en se servant de l'appareil de Ludwig,
que cette pression était également accrue dans les veines, et
la rapidité du cours du sang augmentée même dans les gros
troncs artériels. Si l'excitation des nerfs sensibles et de ia
moelle allongée et ia suspension de ia respiration ne ralen-
tissent pas le cours du sang, mais l'accélèrent, rien ne s'o|)-
pose plus à ce qu'on interprète l'abaissement de la tempéra-
ture que ces circonstances produisent, comme étant le résultat
d'une augmentation de la perte de chaleur à la surface du
corps. Et elles seraient d'autant plus efficaces que la surface
du corps est plus froide. En effet Heidenhain a trouvé que,
dans un bain froid (de ilx^ h 1 8® G.), la teiApérature intérieure *
toml>e rapidement, et que cet abaissement acquiert une ra*
pidité excessive quand on excite un nerf de la sensibilité.
Dans le bain chaud la température intérieure monte, et cette
élévation est enrayée par l'excitation nerveuse, mais faible-
ment. Enfin, si ia température du bain est plus haute que
celle de l'animal , on peut , même si l'on produit l'excitation
nerveuse, observer une ascension très-rapide de la tempéra-
ture du corps.
Dès lors, sans invoquer une action immédiate du système
nerveux sur la production de la chaleur, tous ces phénomènes
peuvent être ramenés simplement h une question d'émission
de chaleur è la surface du coq>s. On peut expliquer le peu
d'actioo de l'excitation nerveuse sur la température des ani-
.}/.J
}•} cii\i>îTni': II. - i>\ ciîM.KnR et la fikvre.
niaiïx on ri al (l(^ fiovre |)fir le depiV' élevé do leur lompératuiv
|>/M'i|)h/'rir|in\
lloiflenhain a d/'iiiontré par ces oxpérienres que l'excitation
(les nerfs sensitifs a pour résultat un abaissement de ia tem-
pérature du r()r|)s. Une ancienne expérience de M. CI. Ber-
nard semble en ronlradiction avee celles de Heidenhain. On
sait ([ue, si Ton enfonce un clou dans le sabot d'un cheval, il
se produit chez lui une fièvre traumatique. Mais si. avant
dVnfoncer ce clou. M. (il. Bernard coupe les nerfs sensitifs. la
fièvre ne se |)ro(luit plus.
Peut-être expliquerait-on le résultat contradictoire des expé-
ri(»nces de Heidenhain en remarquant que, dans ces der
nières, rabaissement de température est passager et survient
pendant les |)remiers instants qui suivent l'excitation, tandis
que, si Ton prolonjje l'excitation, la température reprend rapi-
dement son niveau, ainsi cpie Heidenhain l'a noté lui-même.
Mais ce sont des recherches à préciser de nouveau, et il est
mieux de ne pas conclure a priori,
Brcuer el (Ihrobak ' ont entre|)ris aussi des expériences
destinées à (^'terminer si, dans la lièvre traumatique. l'agent
producteur de la fièvre se transmel |)ar la voie nerveuse ou
par le système vasculaire.
Dans ce but. ils out réséqué d'abord tous les troncs ner-
vcMix d'un des membres |)ostérieurs d'un chien, nerfs scia-
tique, obturateur, crural, à leur sortie du bassin, dans une
longueur d'un à trois quarts de pouce: ii resta seulement du
nerf obturateur un petit rameau musculaire profond. Là oii
siège le réseau sympathique du membre postérieur accompa-
gnant l'artère crurale, on retranche un bout de cette artère de
trois quarts de pouce jusrpi'îi un pouce de long entre deux
ligatures. Après celte o|)éralion. il fallut, en général, de quatre
' Bi»*iJ«^r ri CliroliMk /.nv l.ihrc ri>nt W nuil/îphpt' (OFsîer medir. Jtilnh.,
u 'k !•' 1-1-, iHH;!.
RÉGULATION DE LA Cff ALEIIR. 523
ù huit semaines pour la cicatrisation de la plaie, dans un
cas cinq jours seulement; puis on fit une blessure profonde à
la jambe pour produire la fièvre, cVtait soit un écrasement,
soit rinjection de teinture d*iode, d'huile essentielle de mou-
tarde, etc. Les recherches montrèrent qu'après cette excitation ,
malgré l'interruption complète du courant nerveux, il se pro-
duisait encore une élévation de température; cette élévation
atteignait o^& et i°,8 dans le maximum observé pour la se-
conde opération , en tout cas elle était égale à celle qui se pro-
duisait dans le cas où les mêmes lésions avaient été faites sans
avoir été précédées de la résection des nerfs.
Malheureusement il faut remarquer qu'on a négligé de
s^assurer si les nerfs réséqués n'avaient |)as été régénérés pen-
dant ces quatre ou six semaines, précaution qu'il faut toujours
prendre.
Ces expériences semblent prouver que la fièvre trauma-
tique ne résulte pas d'une excitation nerveuse, mais du
transport par les veines des matériaux provenant de la partie
lésée.
De ces recherches si délicates et si difficiles à interpréter,
il résulte que le système nerveux central et surtout la moelle
et le bulbe ont une influence réelle sur la calorification ,
mais il semble que cette action s'exerce surtout par l'intermé-
diaire du système des petits vaisseaux. La dilatation et la
constriction de ces derniers sont sous la dépendance des nerfs
vasomoteurs, et leur état de reiftchement ou de resserrement
commande la circulation périphérique (cutanée et pulmo-
naire); celle-ci règle la dépense et par conséquent la chaleur
centrale, résultant de l'équilibre entre la production et la dé-
perdition. Probablement aussi les échanges chimiques ont
leur activité limitée ou exaltée par Tabondance du sang qui
baigne les tissus et on peut admettre que, sous ce rapport, If^s
vasomoteurs ont une action sur la nutrition ou la production
de la chaleur.
55'i (:îI\PITRE II - 1 \ CHALEUR ET LA FIÈVRE.
Nous croyons (|ira('lup||pmenl nos ron naissances pljvsiolo
|ji(|ncK iM» nous pHrnn'Itcnt pas (Kaller au d«Ma (]o res conclu-
sions.
.S VII.
L\ FIÈVRE.
»»N
Nous av(»ns établi, en élucliant les travaux des phvsiolofjisl
(()nlein|)f)rains. par (jnels moyens Tliomme sain parvenait à
maintenir constante la température de son corps, et. dans un
chapitre prt'cédent, nous avons rappelé les efforts de Lieber-
meisler et de ses élèves, de kernig principalement, pour dé-
terminer non quelle étail la température du corps, mais quelle
élail la quantité ib» chaleur réellement produite. Or il faut,
avant d'exposer la théorie de la fièvre, que nous sachions
s'il v a dans la lièvre une plus grand»» quantité de chaleur
créée (»l si sa régulation obéit encore aux mêmes lois. Nous
verrons, en effet, cpie qu(»li|ues-unes des hypothèses proposées
poiu' explirpier la fièvre mettent précisément en doute «ette
augmentation dans la |)rodncti<)n de la chaleur.
a. PRonrcTioN dk ia chalrir dans la fièvre.
Liebermeister ' a fait, pour démontrer que dans la fièvre il
\ a une plus grande quantité de chaleur produite, des tra-
vaux basés •^ur ce j)rincij)e : il calcule la (piantilé d'acide car-
bonique exhalé en un temj»s donné par un homme sain
puis|)ar un homme malade: il fait remarquer que l'acide car-
boni(|ue surpasse de beaucoup tous les autres produits d'oxj-
' l.i»»b«'riiiiM<.ler, UfchcyrhpH nnr les fiir klin. Mfilicin j I. VU, p. -'i, 1871».
ilKnifrrmcnts (juaulilatifs {innH hi i)v(nh(r- Doiixiènio mémoire, ibid., t. Mit,
tinii ih' rnnilf airhoniffut' chr: riioininf. p. 1 5.'^. Troi'sièrtiP inénioife, thul., I.\,
LA FIËVHE. 525
dation, son rapport à i*urée chez les individus bien portants
est comme a o est à i ; on ne saurait donc mettre en doute que
sa détermination sera bien plus capable de faire évaluer la
somme des oxydations et la quantité de chaleur produite que
les conclusions tirées de Taugmenlation de Turée. 11 se sert,
pour ces expériences, d*une caisse où un homme peut rester
aussi à Taise que dans un coupé de chemin de fer, où il peut
se coucher, s'asseoir, lire, prendre un bain; un courant d'air
de volume connu entretient une ventilation très-suffisante,
lîo litres par minute environ. Les produits de l'expiration
sont recueillis et dosés.
Liebermeister choisit un homme atteint de fièvre intermit-
tente, parce qu'il peut connaître exactement la quantité d'acide
carbonique qu'il élimine bien portant et que cette quantité
varie chez chaque individu. L'auteur fait remarquer qu'il n'a
observé que des malades atteints de fièvre intermittente lé-
gère, parce que cette maladie n'existe pas à Bâie, et qu'il n'a
pu l'étudier que chez des voyugeurs atteints de rechutes.
Première observation, — Un charpentier, âgé de vingt-deux
ans, fut mis en expérience, deux fois pendant un accès de
fièvre, deux fois pendant Tapyrexie. Chaque fois le malade a
passé deux heures dans la chambre close, et l'on a déterminé de
demi-heure en demi-heure la quantité d'acide carbonique
exhalé. Le poids du malade a été, dans la première expérience,
de 6â kilogr. 700 gr. , et, dans la deuxième expérience, de
61 kilogr. 600 gr. Toutes ces expériences ont été faites au
milieu de la journée et en rendant les conditions aussi sem*
blables que possible.
Dans la première expérience (ti juin 1869, stade d'accès),
la température axillaire était, quarante-trois minutes avant
la mise en observation, de 38% 1 ; au commencement elle était
de 39%5; elle monta, dans les quarante minutes qui suivirent,
à /io'*,5, resta h ce maximum, et retomba, neuf minutes après
'o'2i\
CHAPITRE 11. — LA CIJALEUH ET LA FIEVIiE.
la lin (le rexpérieiice, à 39%y. Les frissons avaient déjà cessé
au début de Texpérience, celle-ci comprend donc la période
(le chaleur.
Dans la deuxième expérience (y juin, apyrexie), la tempé-
rature axiilaire était de 87 degrés, puis de 36",/j.
Dans la troisième expérience (10 juin, accès de fièvre),
l'acrès avait commencé trois heures auparavant; la température
axiilaire avait monté à 4o degrés, mais elle avait déjà baissé
avant le commencement de Texpérience, et, 38 minutes aprè^
la tiii, elle était redescendue à 38°,3. La sueur paraissait déjà
piand le malade entra dans la caisse. L'expérience embrass»'
lonc la période de sudation.
La (piatrième expérience (i3 juin) tomba de nouveau pen-
dant Tapyrexie. Le malade avait pris, le 1 i juin, i^',5 de sul-
fate de cpânine, et il n j avait pas eu d'accès le 1 a juin.
IH'AÎSTITE KN GRAMMES D'ACIDE GAHBONIQUE PRODUIT.
110.M)1Ë DE VINGT-DKUX ANS.
MOMENT
Db l/OBSEnVATlO.^.
i" (leijii- heurt'
a*
;i*
^*
En ileiix Ijeiues.
6 JUIN.
Aie M.
Slmlf (locliiili'ur
18,7
9 JUIN.
apiukxik.
i3,8
1 h ,()
I .^7
58,1
10 JUIN.
ACCÈii.
Slaili' (le sueur.
17,8
18.8
17,;^
7^.5
13 JUIN
APIBBtU.
16,1
«6,9
10,1
i5,8
63,1)
Ainsi la [)roduction diacide carbonique, pendant les accès,
a été plus considérable (jue pendant l'intervalle des accès. Les
cliiHres obtenus à charpie demi-beure, pendant Tapyrexie, n'ont
jamais égalé aucun de ceux obtenus de demi-heure en demi-
lieurfî |)endant Taccès. Dans la période de chaleur i'augiin^nta-
LA FIEVRE. 527
tion a été de 3 1 à 3â p. o/o, et, pendant la période de sueur,
de i5 à 97 p. 0/0.
Deuxième observation, — Chez une fille de vingt ans qui
souffrait depuis peu d*une fièvre tierce, on fit quatre séries de
déterminations d'acide carbonique, toutes de k heures à
7 heures de l'après-midi. La malade pesait, à la première ex-
périence, b'j kilogr. SCO gr., à la dernière 56 kiiogr. 100 gr.
La première expérience eut lieu le q août i8()y, pendant
l'ap) relie; la température dans l'aisselle, après cette expérience,
était de 36%5.
La deuxième expérience se fit pendant un accès le 3 août.
La température dans Taisselle, quinze minutes avant le coni-
Qiencement de l'observation, était de 3 8", 7 ; bientôt après sur-
vinrent des frissons modérés; la température monta lentement,
atteignit &o%9 quatre-vingt-cinq minutes après le commence-
ment; elle persista alors à ce niveau, et n'était redescendue
qu'à &o%& trente-cinq minutes après la fin de l'expérience.
Celle-ci eut donc lieu pendant le stade de frisson et celui
de chaleur.
La troisième expérience eut lieu le 5 août pendant un accès,
mais aux derniers moments de l'accès. La température s'éleva
à Al", s dans l'aisselle vingt minutes avant le commencement
de l'observation; déjà, au commencement, elle avait baissé lé-
gèrement, et vingt-cinq minutes après les deux heures d'ob-
servation elle était à 39",9. Chaleur sèche jusqu'à la troisième
demi-heure, un peu de transpiration à la fin. L'expérience eut
donc lieu au commencement du stade de sueur.
La quatrième expérience eut de nouveau lieu pendant
l'apyrexie, le 6 août. Pendant celte observation la température
monta à 36%9 dans laisselle.
Un gramme et demi de quinine coupa net les accès.
.■)2«
(:ilAl»lTKt 11. — LA c:UALEUn ET LA FIÈVRE.
(HAMITE KN GRAMMES D'ACIDE CARBONIQUE PRODUIT.
JRIJNË FILLE DE VINGT ANS.
MOMENT
l»e L'OBShlkVATIO.N.
9. AOUT.
AIMHb\IE.
3 AorT.
ST*l)h
dp fristion
«>! de chaleur.
.') AOUT.
STiDE
de sui>ur.
6 AOÎt
tniBvit.
i" demi-heure
'2'
l3,0
i3,3
il
17.0
18,8
17,3
i6,îi
i3,8
i5,o
1 '1,9
i3,6 i
10,3
I 'i,8 j
1.
58,3 («»/')
3'
,'r
Daii.s \i's (ItMix lieiiies .
.'»3.7 [sir)
69,3
r)6,9
L<»s lieux |)n.*niièn»s séries donneiil, coiifoniiémenl aux ré-
suIltiLs ohh'ims dans la première observation, une augmenta-
lion dans la |n()duction d'acide carbonique de 29 p. 0/0
|)en(lanl l'accès. Tandis (jue la troisième série, ayant eu lieu an
coininoncemenl du >tade de sueur, n'a donné aucune augniea-
talion.
Déjà ces quelriues expériences suffisent pour montrer qw,
pendant F accès (lejicrrc, In production d acide carbonique est plus
/rrande que pendant I apyrexte,
Klles présenlenl pourtant certaines particularités qui sur-
|)rennent au premier coup d'œil et qui paraissent en contia-
diction avec ce que Ton admet habituellement.
On voit d abord cpie, si une température élevée correspond,
en {jéiiéral. à une exlialation plus grande d'acide carbonique,
il n'y a |)as là |)ourtant un ra|)port constant. Dans rexpérience
du T) août la température lut comprise entre 4i", 1 et 39°,9, ^l
pciuitant lexlialation d'acide carbonique ne fut pas plus
Irlande (jue celle (pii lut rendue quand la température était
de 07 degrés.
Dr* plus, la (piiiulité' d'acide carbonique rendue pendant
l'auès e.sl ( eilaiiiriiienl |dus faible cpi'on ne l'aurait cru tout
LA FIÈVRE. 529
d'abord, et qu'elle ne devrait être, si elle correspondait à la
quantité de chaleur produite.
C'est ce ({ue Liebermeister cherche à expliquer en faisant
une sorte de balance entre la chaleur produite et perdue pen-
dant un accès de fièvre.
Il considère d'abord le stade pendant lequel la chaleur
reste à une haute température; ce stade dure peu dans la
fièvre intermittente, mais il peut durer des jours et des se-
maines dans d'autres maladies fébriles.
Quand un fébricitant, chez lequel la température de l'inté-
rieur du corps est d'environ ko degrés, conserve cette tempé-
rature quelque temps, la production et la perte de chaleur se
trouvent en équilibre pendant ce temps. Il en produit autant
qu'il en perd, et, pour cette raison, la provision que le cor|>s
conserve est toujours la même.
Sous ce rapport, le fébricitant se trouve dans la même si-
tuation que l'homme bien portant; la seule différence est que
cet équilibre se fait h une température plus élevée.
Liebermeister s'efforce de déterminer par la méthode des
bains là quantité de chaleur que perd en réalité un homme
malade comparé k un homme sain. Voici comment il procède :
Pour faire ce calcul, il suppose, toutes les conditions étant
égales de part et d'autre, qu'une seule fasse exception : le
malade a une température de &o%i à /io%(|, l'homme sain a
une température moyenne de Sy^,^. Si l'on veut déterminer
théoriquement la perte de chaleur qu'éprouve un malade
ayant une température de &o'\5 et placé dans un bain à
3&%3, on note que la différence entre la température du
corps et celle de l'eau est de 6^9; pour un homme bien por-
tant à la température de 37^îl, cette différence ne serait
pour le même bain que de â^9. Par suite la perte de chaleur
qu'éprouve le fiévreux doit être è celle de Tliomme sain comme
6., 9 est à 9,9, elle doit donc être a,i& fois aussi grande ou
de 1 1 A |). 0/0 plus considérable. Or les observations» donnent.
530 CIIAIMTRE 11. - LA CUALKUh tT LA I-IEVIU:.
|)Our riioiuiiie sain, une perte de 17 calories dans un bain à
3/i°,3 : on lire de là, pour la valeur de la perte chez riioinuie
fébricllanl, le chiffre de 3 G calories. L'observation démontre
(jue celte perte est égale à 37 calories.
Autre exemple : un fébricitant dont la température est de
'10". I est placé dans un bain à 28",! ; quelle est, d'après la
théorie, la perte de chaleur qu'il éprouve? La différence de
température est de 1 *2 degrés; pour un homme sain avec une
température de 37",^ elle serait, dans le même bain, de y", 1.
La perte de chaleur du fiévreux doit donc être avec celle di*
Thomme bien portant dans le rapport de 13 a 9,1; et, par
consé([uen(, de 39 p. 0/0 plus considérable. Or, chez l'homme
sain placé dans un bain de âS"*, i on observe une perte de
5 3 calories ; donc le calcul donne , pour le fébricitant , une perte
de 70 calories : par l'observation on a trouvé 68 calorie&.
Toutes les recherches cpii ont été laites à ce sujet n'ont pas
fourni une concordance aussi parfaite entre le calcul et l'ob-
servation, et, d'après ce que nous avons dit plus haut, on n'é-
tait pas autorisé à s'y attendre a priori.
Dans le tableau suivant, à la troisième colonne, est inscrite
la perte de chaleur cpi'éprouve un honmie placé dans un bain
dont la température est marquée sur la même ligne dans la
colonne de tenq)érature, perte comptée à partir de la sixième
minute, jusqu'à la vingtième. On trouve ces pertes de chaleur
en multipliant la dillerence de la température par 3,8i,
moyenne tirée de toutes les observations laites sur l'homnie
en santé. On donne dans la cinquième colonne la quantité
[héori(jue dont la perte de chaleur du fébricitant doit dépasser
p. 0/0 celle de l'homme en santé. On tire de cette colonne la
quantité tli/'orique absolue de la perte de chaleur du fébrici-
lant [)our en former l'avant-dernière colonne. Enfin la der-
nière colonne donne, pour les conq)arer avec les chiffres de
ravant-dernière, les nondires trouvés par l'observation. Tous
los nombres bon( réduits à une même surlace du corps, de
LA FIÈVRE.
531
façon à correspondre à un homme de 60 kilogrammes (voyez
loc. cit. p. 190 et 8uiv.). On n'a pas tenu compte de la perte
de chaleur qui se fait par les poumons et par les parties du
corps qui ne plongent pas dans Teau.
SUJET
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109
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obaervoe.
calorie*.
39
37
39
5o
67
68
90
l39
139
i4o
Pour juger du degré de concordance entre la théorie et le
résultat expérimental il est bon de remarquer que les obser-
vations ont été prises chez quatre malades différents, dont trois
atteints de fièvre typhoïde et un de pneumonie; que l'un de
ces malades pesait 38 kilogrammes, un autre 78; on remar-
quera qu il nV a de discordance réelle entre le chiffre calculé
et le chiffre trouvé, que dans les trois dernières observations,
et que cette discordance existe précisément lorsque les bains
ont été plus froids. Il y a là une circonstance à noter, mais
dont nous ignorons la cause. Cependant il est facile de cons-
tater que rhomme sain et le fiévreux ne subissent pas de même
riuflueuce des bains. Ainsi, en divisant la perte de chaleur par
la différence de température, on trouve, |)our l'homme sain,
3i.
5.32 (.IIAlMinK 11. - LA CHALKUli Kï LA FIEVRE
(|uajul les bains varient de 35 ,8 à 22 ,5, et en suivant la 5>érie
décroissante :
De la fi' à la lô* minute 5,o '4,^ /i,q ^,^ 6,2 3,4 3,5
Dr la 6' à la îio*" minute 8,6 t),S 6,3 6,a 6,a 5,8 '4,9
lies nombres sont presque réguliers, ils expriment la pro-
porlionnahlé entre la perte de chaleur et la température, ils
montrent qu'à mesure que les bains deviennent plus froids,
le malade se refroidit moins. Il est probable que la cause be
trouve dans une diminution de la circulation cutanée à me-
sure que le bain a une température moins élevée..
Pour les fébriritants cette diminution de la perte de cha-
leur par la circulation cutanée ne se fait pas de la même ma-
nièn». Pour des bains de 3/i°,5 à 90 degrés en allant des plus
chauds aux moins chauds, on trouve la série suivante:
D<' la (■»' à la i5* minute. . . 4,5 '4,8 •j,8 4,0 5,9 '4,1 4,0 5,3 5,'j 5.o
De la G' à la 3(/ minule. . . 6,3 6,0 ^i,i 6,0 8,1 6,7 5,4 7,6 7,5 6,8
A part leur plus grande irrégularité, ces séries concordent
assez bien, dans leur première partie, avec la première partie
de la série trouvée chez l'homme sain, et elles font voir en-
core assez clairement une certaine proportion entre la perte
de chaleur et la différence de température. Mais la partie qui
correspond aux bains plus froids montre un accroissement de
perte de chaleur; c'est l'opposé de ce qui a lieu pour l'homme
sain.
(le résultat est tout différent |)our les cinq premières mi-
nutes du bain. Si l'ori compare, pour ce temps, les pertes de
chaleur correspondant à des différences de température égales,
on trouve que celle du fébricitant est de 87 p. 0/0 plus forte
que celle de l'homme bien poi'lanl. Une partie de cette diffé-
rence s'explique bien, comme nous l'avons déjà dit, par cette
considération qu'avant le bain la température de la surface
du corps est, clvyi le fébricitant, moins éloignée de celle de
LA FIÈVRE. 533
rintërieur que chez rhomme bien portant; ainsi donc ia sur-
face relativement plus chaude doit émettre, dans tes premiers
moments du bain, un peu plus de chaleur. Mais, si l'on voulait
expliquer par cette circonstance la différence totale, il Faudrait
que la différence de température, entre la surface et l'intérieur,
fât supérieure h a degrés. Il y a donc une autre cause qui
explique cette différence; et cette cause, nous la trouvons dans
ce fait que la contraction des capillaires de la peau , qui se fait
régulièrement chez Thomme bien portant, s'effectue imparfai-
tement chez le fébricitant. Cette circonstance fait concevoir
comment il est plus facile d'abaisser la température intérieure
du fébricitant que celle de l'homme bien portant. Ainsi l'état
de la circulation explique toutes les exceptions que l'on ren-
contre.
En somme, le fébricitant perd plus de chaleur que l'homme
sain, parce que, toutes choses égales d'ailleurs, sa tempéra-
ture est plus élevée , et que, par suite , la différence dé tempéra-
ture entre la surface de son corps et celle du milieu ambiant
est plus considérable.
Il est bien entendu qu'il ne faut pas songer h appliquer
sans restriction à l'air les chiffres trouvés pour l'eau. En effet
la perte de chaleur dépend aussi de la conductibilité et de la
capacité calorique, rapportées à l'unité de volume, que pos-
sède le milieu ambiant.
L'adversaire direct de Liebermeister , Sénator \ conteste
cette théorie du pouvoir régulateur différent en santé et dans
la maladie.
Dans toutes les observations qui tendent è établir cette mer-
veilleuse faculté d'équilibre, on ne tientaucun compte, d'après
Sénator, des circonstances extérieures si importantes , telles que
le vêtement, l'alimentation, l'action musculaire, lesquelles in-
• > Sénator, Étvde de la fihrê et de XLV. 3 et /'i , p. 35 1 , 1 869, et Schmideê
la chaleur propre (Virchow*ê Archiv, Jahrb.f 6* p., p. 55, 1870.)
536 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
fliienl beaucoii]) sur IN^tat de la chaleur, dette proposition de
Liebermeister et de Kernig, à savoir que la production se règle
sur la dépense, et que même elle s'accroft dans le bain froid,
peut bien n'être pas exacte. On oublie que Ton n'a pas du tout
'^tabli une constante de la quantité générale de la chaleur,
piand on a montré que les quantités de chaleur émises dans
le bain pendant Tunité de temps n'offrent que de légères
différences. S'il était absolument vrai que la production de
chaleur s'élève dans le bain froid, les mutations de la matière
devraient s'accroître (produits de décomposition), et il y aurait
beaucoup |)lus d'acide carbonique exhalé par la respiration:
et la peau devrait graduellement reprendre sa température
normale dans le bain froid, du moins elle n'y devrait pas
devenir plus froide. iMais il n'en est pas ainsi : au contraire
le bain froid est un remède contre la dyspnée, et l'on peut
s'assurer que la tenq)érature de Taisselle et celle d'un pli du
ventre, autrement dit de la peau, quand on se tient immobile
à fair dans une chambre étant nu, ne sont pas semblables.
dette dernière (celle de la peau) commence à décroître dès le
début de l'expérience, et elle tombe peu a peu jusqu'à 3o'C.
(dans une chambre l\ une température de i ^rà i f)'(i.), oujus-
rpi'a 3f> ou 3()" (i. (dans une chambre h Qy** ou aS^C). tandis
(|ue la température de l'aisselle monte d'abord un peu, puis
redescend à S-y" et 36Mi. On ne peut donc pas dire dès lor>
que la température du corps reste toujours égale chez l'homnif
sain en toute circonstance. D'ailleurs, dans les expériences
faites sur les animaux tenus dans un milieu froid, toutes les
conditions étant semblables du reste (nourriture, repos), on
ne voit pas survenir une perte de poids, c'est-à-dire une plus
forte consomption des tissus, c^ qui ne manquerait pas d'ar-
river, s'il y civait réellement une augmentation de production
de chah'ur connue on le suppose. Tant qu'on n'aura |)as fait la
preuve du fait avancé, iSénator déclare que. pour lui, cette mer-
veilleuse régulation de la chaleur ne sera que la propriété aw
LA FIÈVRE. 535
possède la peau, de lutter contre des variations de la tem-
p^^rature, de contracter ses vaisseaux dans le froid et de les
dilater dans la chaleur. Dans la fièvre même, les choses ne se
passent pas autrement, et il n*eât pai) besoin de recourir h
l'hypothèse du dérangement d'un centre régulateur de la cha-
leur. Ce qui se passe dans la fièvre* c'est ce qui a lieu quand
le corps est échauffé par des boissons chaudes, quand on in-
jecte du sang chaud dans les veines, quand on se livre à une
puissante action musculaire. La chaleur va du dedans au dehors,
le pouls et la respiration s'accélèrent, les vaisseaux de la peau
se dilatent; la perte de chaleur par le rayonnement, le con-
tact et Tévaporation , s'accrott. Que Ton fasse agir le froid sur
le corps à l'état fébrile, les vaisseaux se contractent, le pouls
et la respiration se ralentissent, la température de l'aisselle
monte bien un peu au début, mais elle s'abaisse et reste
abaissée même après que l'application du froid a cessé. Le
frisson et la sécheresse de la peau, que l'on considère comme
des signes essentiels annonçant dans la fièvre un trouble de la
régulation de la chaleur, n'ont rien à voir avec la fièvre : ils
peuvent manquer, et ils ne dépendent jamais de la maladie qui
accompagne la fièvre.
D'après Sénator, les limites de la production de chaleur
sont bien plus étroites qu'on ne le pense. Si Ton fait le calcul
des déplacements de matériaux opérés chez les animaux suivant
qu'ils sont tenus affamés ou qu'ils sont gorgés d'aliments, on
trouve que la production de chaleur varie dans le rapport de
100 à 137. Quand il s'agit de comparer le repos absolu h
l'activité musculaire la plus intense, la différence est k la vé-
rité plus grande, elle peut être comme 1 est à 9 i/q, mais
c'est là l'extrême limite de la production de chaleur.
L'opinion courante, à savoir que, dans la fièvre, la produc-
tion-de chaleur est accrue et l'émission moindre, demande de
nouvelles recherches. Les évaluations calorimétriques de \ .
Wahl et autres reposent sur une fausse interprétation: le fait
536 CÎHPÏTRK II. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
de l'augmentation de Texcrëtion d'urëe ne prouve qu'âne chose,
l'augmentation de la combustion de l'albumine: enfin la con-
servation du poids des fébricitants ne prouve rien, si ce n'est
qu'un individu sain tenu à la diète sans fièvre perd encore
plus de son poids. L'auteur a cherché comment se com|K>rte
la dénutrition chez les chiens suivant qu'on les affame, qu'on
les nourrit, ou qu'on produit chez eux artificiellement la
fièvre.
Il est résulté de ses recherches que : let mbiUmees azolfe^ ne
êubissent pas, datis la fièvre y une eombuêtian plu$ active q^ie dans Fê-
tât (Tinanition sans fièvre, et que Vaecrmssemmt de la consomption
dans la fièvre s'explique par une augmentation Infère de la œntr-
bustion de l'albumine et une augmentation dans l'élimination de
l'eau.
Sénator ajoute que, dans la fièvre la plus intense, l'élimina-
tion quotidienne d'urée ne dépasse jamais 65 ou 70 grammes,
ce qui est 3 d/3 ou ^ fois la quantité d'urée rendue en un ou
deux jours de diète absolue chez l'adulte. Ce chiffre corres-
pond à une consomption de thU k t&a grammes d'albumine,
qui représentent 9 700 calories (au lieu de a 000 dans l'ina-
nition simple).
La perte de chaleur d'un fiévreux représente t i/îi fois celle
de l'état normal, sa production de chaleur est au plus de t i/3,
et, par conséquent, la perte de chaleur serait plus grande dans
la fièvre que la production. Le stade de chaleur ne pourrait
donc pas durer indéfiniment, et c'est ce qui arrive en réalité;
on doit donc admettre avec Traube qu'il survient de temps en
temps un arrêt de la perte de chaleur, qui consiste tout sim-
plement en une contraction des éléments contractiles de la
peau. Il ne faut pas oublier que nous ne pouvons pas prouver
que tous les étaLs fébriles sont accompagnés d'un accroisse-
ment de la combustion de l'albumine, et que fièvre et haufe
température ne sont pas synonymes.
Il est probable que le mode du stoffwechsel est différent dans
LA FIÈVRE.
537
tes diverses maladies. On ne saurait expliquer de la même ma-
nière la chaleur du tétanos, celle des fièvres intermittentes et
l'élévation de la température dans i*agonie^
Liebermeister adresse à ces recherches de Sénator de vives
critiques : il fait remarquer que cet auteur admet que le rap-
port de la perte de chaleur d'un homme sain à celle d*un
homme atteint d'une fièvre violente est comme t oo est à 173,
d'où la conclusion que l'on peut estimer avec certitude que la
chaleur perdue par un adulte fébricitant ayant une. tempéra-
ture moyenne de Ixo^-tix" G., est au moins 1 i/a fois celle qui
est perdue dans les conditions habituelles (à l'état de santé).
Or comme, d'après les calculs de Sénator, durant la fièvre la
plus intense, le rapport de l'augmentation de production de
chaleur à la production normale est au plus comme 1 00 est ù
1 35, il en arrive à poser ce principe étonnant : La production
de chaleur demeure , même pendant la plus forte fièvre , bien
aunlessous de la perte de chaleur.
L'auteur lui-même, dit Liebermeit^ter, paratt avoir compris
la contradiction frappante qu'il y a dans ce principe, car il
ajoute : «S'il n'entrait en jeu aucune cause autre que celles
que nous avons considérées jusqu'à présent, la conséquence
nécessaire serait que, dans la fièvre, la température s'abaisse-
rait d'une façon continue. Tout le monde dirait ou que le cal-
cul est faux ou que l'un des chiffres est faux« ou que tous le
sont. Mais ce serait trop simple. y>
Je passe sur la suite de cette critique, dans laquelle Lieber-
meister relève vivement les « bévues i» de Sénator, pour arriver
' Breuer, in Àrch. /. path. Anal.,
46, p. 391, 1 869 , critique les théones
de Sénator, et signale Terreur qui ron-
.«isle dans le fait suivant : Sénator, pour
trouver la quantité des pertes en ma-
tières non aiotëes, a défalqué du poids
total du corps do chien mis en eipé-
rience, non^seulement Purée éliminée.
mais encore les produits de combustion
(acide carbonique et eau) provenant du
déplacement de Pal bu mine qui en dé-
pend. Par là Sénator obtient des diffé-
rences dans réltmination den matières
non aiotées, entre les jours de jeâne et
les jours de 6èvre, fort inférieures à ce
qu^elles sont en réalité.
538 CIIAPITHR II. L\ CFFXLErR KT \A FIKVRE.
i\ Nil [xiint rapital du mfMiioin' do Liehermeister. cpliii où il
étyhlil la hnlanre dn la rlialeur [>endant le stade de frisson.
rt [.a coniparaiNon de la production de chaleur el de l'exhala-
tion d'acide carhonique pendant ce stade esl particulièrement
int/'ressanle. Quand Pëlévation de température se produit a^^scz
rapidement, il y a habituellement, avec le symptôme siibjectil
du frisson, des phénomènes qui montrent d'une façon très-
évidente que la perle de chaleur est au-des.sous de la normale.
Les arfèr^s péri[)hériques sont contractées, la peau est pâle,
froide et sèche. Tévaporation es! très-limitée. La production
de chaleur, au contraire, est extraordinairemeni augmentée.
i\on-seulement elle sullit à éf|uilihrer la perte de chaleur, mais
elle sert encore a élever la température du corps du malade.
Lt, comme l'on peut facilement évaluer à peu près la quantité
de chaleur employée a élever la température du corps, ce sont
des cas semblables avec une température rapidement croissante,
(jui ont les premiers fourni la possibilité de déterminer avec
une approximation très-sure la quantité de production de cha-
leur du lébricitant.
rtClomme je l'ai démontré a celle occasion, il faut, poui
élfîvcr de 1 (1. la tenqjérature du corps d'un adulte, autant de
chaleur que cet adulte en produirait pendant une demi-heure
dans les circonstances ordinaires. Si donc la température s'é-
lève de i"* (] dans une demi-heure, on peut être convaincu
(pie la production de chaleur a dépassé la nornjale. (iar alors
toute la chaleur produite pendant ce temps a été employée
pour élever la température du corps, el, en outre, une certaine
(piantité s'est répandue au dehors, (ihez un homme atteint de
lièvre intermittente, j'ai observé (ju'upe quantité de chaleur
é};ale à s? i/o. fois la normale avait été employée à élever la
température; si la perte de chaleur avait été normale, il aurait
fallu en co/iclure (jue la production de chaleur avait élé 3 i/n
fois la (juanlité normale. Mais, comme la perte de chaleur est
habituellement amoindrie pendant l'élévation rapide de la tein-
LA FIÈVRE.
539
pérature du rorps, on ne pourrait, dans ce ras. aiïirmer rien
autre chose, si ce n'est que la production a dépassé q i/a fois
la normale, et qu'elle est ainsi comprise entre 9 1/9 et 3 1/9. r?
Voyons quels renseignements fournit le dosage de Tacide
carbonique exhalé et analysons quelques-unes des observa-
tions de Liebermeister,
f^ Troisième observation. — Le malade (Baùmlin) avait qua-
rante et un ans, était de petite stature, du poids de 5 A kilo^.
;)oo gr., et souffrait d'une fièvre intermittente quotidienne.
Les accès n'étaient pas très-violents , le frisson était bien accen-
tué, mais le tremblement léger. Les accès furent plus tard cou-
pés par 1 gramme de quinine.
«La première expérience fut faite le 10 avril 1870, après
midi.
(« Je donne , outre la production d'acide carbonique pour cha-
cune des demi-heures, la température du corps dans l'aisselle,
observée k la fin de chaque demi-heure. Je donne, en outre,
la différence de l'élévation de la température pendant chaque
demi-heure; je note enfin, pour chacun de ces moments. Tin-
tensité de la ventilation de Tappareil , élément important dans
les calculs que l'on peut plus tard en déduire, n
MOMENT
M L«OMItfATtA«.
•
TCHPÉRA-
TURI
BP coin
àlaia
lie la drmi-
hciire.
36',90
37 ,55
39 ,'i5
39 ,85
39 ,85
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Dann la 3*
Dans la 4*
Dans la 5*
DaiM la 6*
5'jU CHU^ITRK II. — LA CHALEUR KT LA FIÈVRE.
Le n'sullal do cHU' série d'observations est tout à fait frajj-
pant. Nous voyons comment la production d'acide carbonique
iuifjmente. dans la deuxième demi-heure, de ^i5 p. o/o , pen-
dant que la température du corps n'au{jmente encore que len--
lomenl. Dans la troisième demi-heure apparaît une élévation
rapide de la lempérature en même temps (ju'une augmentation
de l'i-y |). o/o d'acide carbonique; la quantité énorme de
.Vi/v» ff ranimes est exhalée en une demi-heure. Dans la qua-
trième demi-heure, la température monte encore, mais len-
tement; pendant ce temps l'exhalation d'acide carbonique di-
minue et ne surpasse plus la normale (|ue de 3 g p. o/o.
Knlin , dans les deux dernières demi-heures, alors que la tempé-
rature rest(î à peu près constante, aux environs de ^o degrés,
l'exhalation d'acide carbonique n'est plus que de «îS p. o/o
supérieure c'i la normale, ou *i i p. o/o au-dessus de ce qu'elle
étail |)endant la première demi-heure.
Pendant la rapide élévation de la lempérature de la troi-
sième denn-henre, il fallut, pour obtenir ce résultat , presque le
double de la chaleur normale: la production dut livrer non-
seulement cette chaleur mais encore celle qui étail perdue à
l'extérieur, tout anjoindrie qu'elle pût êt»e. La production d'a-
cide carbonique égala deux fois et demie la production nor-
male.
Qnatrihie observation, — On lit une deuxième série d'obser-
vations sur le même malade, le 1 8 avril, après-midi. Il se passa
deux demi-heures avant que l'élévation de la température
devînt appréciable. On a eu soin de déterminer, pendant la
ra|)ide élévation de la température (dans la quatrième demi-
heure), l'exhalation d'acide carbonique pour chaque quart
(Theure séparéinenl.
LA FIÈVRE.
541
MOMENT
Dl L'OnniTATlM.
TMPéRA-
TORB
MOOBM
à la fin
d« la «Icmi-
hMrp.
AIGNRIITA-
TIOK
de
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la deni-henre.
ACIUB
ciUonoLi
etbalé.
VK.\T1LA*
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Vm LUWAMIL.
Dans la i'*dmii-lietire.
Dana la s*
Dans la 3*
37',0O
37,10
37,75
39,60
39,90
60 ,90
0*,o5
u ,10
0 ,65
1 ,65
0 ,5o
0 ,3o
granoie».
1 3,00
•3,77
40,59
«8,09
19,69
litres.
986,7
985,6
986,6
977'9
97<»»<>
990»7
Dans la /i*
Dans la 5'
Dans la 6*
Le résultat correspond eiactement a rekii de Tobservation
précédente. L auteur remarque particulièrement <» en passant,
qu'ici aussi la production d acide carbonique est considérable
au moment où l'élévation rapide de la température accuse une
élévation très-grande dans la production de la chaleur;
3 1 grammes d'acide carbonique sont produits en une demi-
heure. C'est presque â 1/9 fois la production normale.
Ces observations complètent le tableau de la marche de
Texhalation d'acide carbonique pendant un accès de fièvre
intermittente. Elles montrent ensuite, comme les autres ob-
servations, que la production d'acide carbonique ne dépend
que très-peu de l'élévation absolue de la température. Au mo-
ment oii la température était presque stationnaire à &o degrés ,
la production d'acide carbonique était, il est vrai, encore plus
considérable que la normale , mais à peu près moitié moindre
qu'au moment où la température était plus basse , mais où
elle allait en s'élevant rapidement. En utilisant ces résultats
pour juger les discussions précédentes, on reconnaît que,
comme dans ces observations, il y a concordance parfaite
entre les variations de Texhalation diacide carbonique et les
bà2 CHAPITRE 11. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
chaiigeiiients qu*il faut admettre dans la production de la
chaleur.
Toutes ces observations contribuent à établir le principe
(|ue l'exhalation d'acide carbonique est à peu près proportion-
nelle iï la production de chaleur dans tous les stades.
Il ne fallait |)as s'attendre à autre chose. Si Ton représentait
par une courbe la chaleur du soleil à chaque instant, et par
une autre courbe la température de l'air et du sol, on obtien-
drait les mêmes résultats. L'intensité maximum du soleil est,
chaque jour, à midi; sa plus grande intensité annuelle coiTes-
pond au jour le plus long, mais le maximum de la tempéra-
ture ne correspond pas à ces moments, il se produit plus tard.
La température continue à croître quand déjà l'intensité de la
chaleur solaire commence à diminuer. De plus, il y a encore
une autre circonstance remarquable, c'est que l'augmenta-
tion de la température se fait avec la plus grande rapidité
au moment où le soleil a son intensité maximum, plus tard
la température croit encore, mais avec une rapidité décrois-
sante.
(]'est exactement ce qui doit se passer dans nos courbes. Si la
production d'acide carbonique, et par suite la chaleur, devient
plus forte, il faut, cœlerU ixiribus, que la température du corps
s'élève. I«a température doit s'élever d'autant plus rapide-
ment que la production de chaleur est plus forte, la couH»e
de la production de chaleur doit être d'autant plus aBruple
que l'intensité de la production de chaleur est plus considé-
rable. Mais, si la production de chaleur commence à diminuer,
la température ne s'abaisse pas, elle continue à croitre tant
que la production de chaleur est supérieure à la perte. Mais
son augmentation doit être de moins en moins rapide, et la
courbe doit devenir de moins en moins abrupte.
Il faut, en plus, tenir compte du pouvoir calorifique des dif-
férentes substances employées pour faire de la chaleur. Lieber-
ineister admet «pie :
LA hJÈVHE. 54a
1 graiiiiiie d acide carbouique provenaot de la grakse
développe 3,5 calories.
1 gramme d'acide carbonique provenant de ralbuiiiine
développe 3,3
1 gramme d'acide carbonique provenant des matières
hydrocarbonëes développe 2,6
Chez rhomuie, le chiiFre qui représente le rapport de la cha-
leur développée à Tacide carbonique produit varie entre 9,6
et 3,5, soit en moyenne 3,o. Son minimum est avec les ma-
tièred hydrocarbonées, son maximum avec les graisses et la
viande (autophagie), et c'est ce qui se produit souvent dans la
lièvre, où le chiffre serait 3,q calories pour t gramme d'acide
carbonique. Le calcul montre que la dépense de chaleur, dans
le temps où la température du corps s'élève (frisson), tombe
au-dessous de la normale, et qu^elle est à son minimum alors
que la montée est le plus rapide. En général, d'après Lieber-
meister, la dépense de chaleur du corps est proportionnelle k
la diflfërence qui existe entre la température de l'intérieur du
corps et celle du milieu ambiant. Ainsi, quand le milieu ne
change pas, elle doit s'accrottre proportionnellement è la hau-
teur de la fièvre. 11 faut pourtant tenir compte des circons-
tances accessoires qui peuvent diminuer ou augmenter la quan-
tité de la dépense de chaleur, telles que l'action du cœur, le
degré de contraction des vaisseaux dje la peau , l'état de la venti-
lation pulmonaire,, la quantité de la perspiralion insensible,
enlin l'existence ou l'absence de perspiration sensible; il faut
tenir compte de ces éléments pour comprendre l'élévation de
la température dans le frisson et son abaissement dans le stade
de sueur.
L'essence de la fièvre ne serait pas une augmentation de la
production de chaleur, car celle-ci se montre aussi dans l'état
de santé (digestion, travail musculaire) tout aussi bien que
dans la fièvre. Elle ne consiste pas non pins dans la cessation
du p4iuvuir de régler la chaleur, car les (iévreiiv se règlent
bhà CHAPITRE II. ~ LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
aussi bien. Elle réside bien plutôt en ceci, que ie mécanisme
de la ralori-régulation cesse à partir d'un certain degré ékvé
de la cbaleur.
Reprenant ses expériences antérieures, Sénator a cherché
à se mettre à l'abri des reproches que lui avait adressés Lie-
bermeister; le résultat principal de ces nouvelles recherches
est que le refroidissement de la surface du corps n'a pas pour
effet de provoquer une augmentation de la production de
chaleur.
Voici la série des propositions qu'il pense avoir établies ' :
i*" A l'état ordinaire, au repos, pendant la veille, et en
dehors de l'action de la digestion, la production et l'émission
de la chaleur oscillent dans des limites assez étroites. Exemple :
un chien du poids de 5 lioo grammes, repu depuis quelque
temps de viande de cheval (3oo grammes) et de 5 grammes
de graisse de porc, a donné, au calorimètre, seixe à vingt-sii
heures après le repas, de iq à lA calories en une heure.
Pendant ce temps, sa température rectale n'a pas varié. Il
élimina, dans le même temps, de 3'%& à 3'',7 d'acide carbo-
nique.
9" Dans la diète prolongée, la production de chaleur et
l'élimination d'acide carbonique baissent lentement. Le même
chien donna, après deux jours d'abstinence complète, en une
heure, 1 1 ,6 calories et 3'^^35 d'acide carbonique, et, en vingt-
quatre heures, il élimina G*%oi d'urée.
3"* I^endant la digestion (une heure et demie à trois heures
et au delà après le repas), la production de chaleur s'accrotl
notablement comme l'élimination d'acide carbonique (Vie-
rordt), mais non dans les mêmes rapports, celle-ci étant
moindre que celle-là. Exemple : le même chien émit, dans Ih
* Sénator, Production de la chaleur d"* k"] et 'j8 et Arck. de Reich*rtet Ih-
et échaufreê intintei danê Véiut de »anle boii Retfmontl, p. i et 5^, tH"]'!).
et danâ la fièvre [(^tnlrnlblalt , iK^i,
LA FIÈVRE. 545
deuxième heure de digestion , ai calories, sa température rec-
tale monta un peu, et il rendit 5^, 1 7 d'acide carbonique.
A"" Lorsque la surface du corps est soumise h une cause de
refroidissement qui augmente énormément la perte de cha-
leur, la production de la chaleur n'est pas sensiblement ac-
crue comme cela a lieu pour l'acide carbonique. Exemple :
le même chien, pesant 5 355 grammes, émit dans le calori-
mètre, dont l'eau était de à degrés plus froide que d'habitude,
en une heure, i5,3 calories; sa température tomba, dans le
rectum, de 39°, t à 38% 5. Or, en supposant le refroidissement
total de l'animal de o%6, en prenant le chiffre de o,83 pour
sa chaleur spéciBque, il n'aurait dépassé que de 21,7 calories
sa production normale, qui serait au plus de iâ,6 calories.
L'excrétion d'acide carbonique a été de 3^,9, c'est-à-dire a
dépassé le chiffre normal.
5"* Dans les premiers moments (une heure et demie à deux
heures) qui suivent l'injection sous-cutanée de pus ou de
matière de sécrétion purulente avec production de fièvre, ni
rémission de la chaleur ni l'excrétion de l'acide carbonique
ne sont notablement augmentées.
G"" Au plus fort de cette fièvre artificielle, alors que la tem-
pérature du rectum atteint ko'' et jusqu'à Ai'' G., rémission de
la chaleur et de l'acide carbonique n'est souvent que très-peu
accrue et dépasse à peine le chiffre normal. La quantité des
deux émissions n'est pas proportionnelle. Exemple : le même
chien, ayant âo%q et âo%â5 dans le rectum, a émis, en une
heure, 11, 5 calories et 3^,7 d'acide carbonique; l'eicfétion
d'urée dans les dernières vingt-quatre heures avait été de
9 grammes.
7'' L'augmentation de l'excrétion de l'acide carbonique
dans la fièvre n'atteint jamais celle de l'élimination d'urée.
Exemple : un chien , qui, pendant un jour de jeûne, avait éli-
miné 8 grammes d'urée, et, à la fin de ce jour, rendu en
une heure â'^,73 d*acide carbonique, excréta, alors qu'il avait
35
:>^6 tillAlMTlU-: II. — LA CHALEIH KT LA KIKVHK.
la fièvre, toutes choses égales d'ailleurs, i/i"*', i8 d'urée et
V'/ii d'acide carbonique.
8° Malgré l'augmentation partielle des échanges dans la
fièvre, la somme des forces de tension mises en liberté dans
ce cas (par l'albumine ^,268 calories, par les graisses 9,1 ca-
lories), ne dépasse pas la quantité qu'en peut développer l'a-
nimal à l'état normal, quand il est richement nourri.
Le [problème de la production de la chaleur pendant la
fièvre est un de ceux qui ont le plus passionné l'école alle-
mande, etilfaut reconnaître que. si nous parvenions à le ré-
soudre, nos connaissances sur la nature et les effets de la
fièvre prendraient une nouvelle certitude. Le professeur Ley-
den ' a confirmé les résultats obtenus par Liebermeister, et il
a en même temps posé la question de la diminution du poids
du corps.
Les deux questions que Fauteur s'est posées, sont : 1** sir
lans lafihre, la perle de chaleur est accrue ; a" comment s'opère lit
:onsomption fébrile.
Pour résoudre le premier problème, l'auteur installe une
petite chambre de malade dans un calorimètre analogue à
l'appareil de Petlenkoler, mais son appareil est incomplet, el
il n'y plonge en réalité que l'extrémité inférieure du malade.
L'auteur arrive à dénjontrer qu'indubitablement la perle de
chaleur est augmentée dans la fièvre pendant la rémission
comme pendant l'exacerbai ion. Dans la fièvre la plus haute,
cette perte dépasse de 1 i/\i à 9 fois la quantité normale, et
même de 2 à 3 fols pendant une forte sueur. Dans le stade
épicritique, au contraire, la perte de chaleur tombe au-des-
sous de la normale. L'émission normale, à l'état de santé, est
de o.i'i par heure, c'est-à-dire qu'en prenant la surface de
' L(»Y»i<;n, LnterHwlnatgrn uher dnn Fteber {Avch. fiir UUn. Med.^ V, 3, p. 27^,
LA FIÈVRE. 5A7
tout le corps, il y a une perte de Ità.i calorie» par heure; or
il faut doubler et même tripler ce chiffre dans la fièvre.
La deuxième question fut résolue par la pésëe, le malade
reposait sur un lit support<^ par une bascule, et Ton tenait
compte de tout ce qui entrait dans le corps (aliments, bois-
sons). L'auteur donne le tableau de la perte de poids insen-
sible, par heure, chez les fiëvreui.
Les pesées faites ont été nombreuses. Voici le tableau qui
en est extrait :
Perte de poidu Perle de poids
per hcore ptr joar
t>l par kilogremme. et par kilogramme.
Fièvre ëlevëe 1,00 gramme. 6,73 grammes.
Rémîftente 1 ,90 6,5o
Crise i,&5 io,Go
Stade ëpicritique o,55 5, go
Début de la convalescence. . . . 0,66 !i,&o
Apyrexie 0,78 ♦
Fièvre hectique 0,99 *
Perte de poids pendant le cours de la maladie tout entière,
par jour et par kilogramme, 6,67.
Il résulte de ces expériences, que la perte insensible en
eau et acide carboni(|ue, par heure et par kilogramme, est
accrue dans la fièvre, dans la proportion de to à 7. Chez l'a-
dulte à Tétat de santé, la perte insensible par heure est de
37 grammes environ, dont 10 grammes sous la forme d'acide
carbonique exhalé, 27 grammes par l'évaporation pulmonaire
et cutanée.
La perte de poids esté son maximum \ non dans la fièvre,
mais au moment de la crise.
* Bolkin (De la fièvre, iraducHon de Celle proposition, s'appliqiiaol à un
Geor^, p. 69) sVxprime ainsi : «Le cas particulier et dans des condilions
(aible amaigrissement permet d'admet- que l*autear n'indique pas . est peul-
tre que la con.somptioa du corps s'est «Hre vraie; et, en l'absence de toute ei-
peu accrue. V • plication et jostilication, il convient de
.1:) .
5^8 CHAPITRE H. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
En i8<y3, Sénator a résumé ses travaux antérieurs sur ia
nature et le mécanisme de la fièvre ^ Nous ne revenons pas
sur l'analyse qu*îl donne des recherches de ses devanciers et
des siennes propres, nous n'avons plus qu'à les compléter par
les conséquences qu'il tire de ses nouvelles expériences.
Il ressort de cette étude que les pertes diverses qu'éprouve
l'économie pendant ia fièvre ne marchent pas parallèlement.
La courbe de l'urée est différente de celle de l'acide carbo-
nique, de celle de la perte de poids, etc.
Ces faits peuvent s'expliquer de deux façons : Ou bien tous
les produits de désintégration n'augmentent pas dans la même
mesure, ou bien l'excrétion d'un certain nombre d'entre eux
ne se fait pas au prorata de leur formation, et leur permet de
séjourner un temps plus ou moins long dans l'organisme.
Dans ce dernier cas, ce qui caractériserait ia fièvre, ce serait
moins le trouble de la production que le fait de Temmagasi-
nement et l'arrêt de l'excrétion des déchets organiques.
Or nous avons vu que l'urée est excrétée en excès dès le
début et pendant toute la durée de la fièvre. Est-ce le résultat
d'une simple augmentation de l'excrétion et non de la produc-
tion ? En d'autres termes , la réserve d'urée de l'économie est-
elle simplement entamée? Mais les recherches de Meissner et
de Schleiden montrent que cette réserve n'existe pas, que. dans
aucun cas, à moins de lésions rénales, le corps tout entier ne
ne poÎDi ia déclnrer fàume a priori. Ce- m» fièvre. Les pui^tife im déveiop-
pendant il est permis de la déclarer pent point raclivité thermique. Enfin
erronée en tant que proposilion gêné- il y a« dans Botkin même, tout un cba-
rale. Chaleur du corps n'est point syno- pitre sor ramaigrissement , qui contre-
iiyine d*amai|rri88emenl; la dénutrition dit formellement la proposition préd-
n'cjit pas équivalente â la comhustion, tée.
les déplacements de matière ne sont pas ' Sénalor, Unter»uchuM(ren ûbtr dên
tous dn même ordre. Beaucoup de phé- fieherht^ïen Proeetê und teing Bêkand-
noiiièues osmiques ont lieu sans oom- ^^f^g» in-H*, 908 pages, Berlin, 1873.
bustion; la diarrhée, les sueurs, qui Analyse in E^vuê d*Haifûm, 187a, t.
sont de puissants moyens de dénutrition IH, p. 539, à laquelle nous empnin-
et d'amaigriss«*mcnt, peuvent exister tons une partie de* ce résumé.
LA FIÈVRE. 549
contient pas plus de 1/9 à 1 gramme d*i|irée. Dans la fièvre,
c'est donc bien à une production exagéri^e d*urée que nous
avons affaire , ou , ce qui revient au même , à une destruction
exagérée de matières albuminoîdes.
Pour Sénator, ainsi qu'il l'avait dit auparavant, dans la
fièvre, la production d'acide carbonique est à peine augmen-
tée, et surtout cette augmentation n*est pas comparable en
valeur à celle de l'urée.
Sénator pense même que l'excès d'acide carbonique exhalé
dépend non d'un augment dans la production, mais seu-
lement d'une exagération de l'excrétion. D'après lui, dans
la fièvre , l'excrétion est favorisée par les causes suivantes :
1 * l'augmentation de la différence de température entre le corps
et le milieu ambiant (on sait que la capacité d'absorption du
sang, comme de tout liquide, pour l'acide carbonique, est en
raison inverse de la température); a° Zuntz a démontré que,
dans la fièvre, les acides du sang augmentent; ils expjilsent
donc une certaine proportion de l'acide carbonique fixe de ce
liquide; 3° l'accélération fébrile de la circulation et l'aug-
mentation de tension des vaisseaux pulmonaires est une autre
condition qui favorise le dégagement de l'acide carbonique;
6 'enfin l'augmentation dans la fréquence des respirations agit
dans le même sens. Vierordt en effet a depuis longtemps mis
en évidence Finfluence de la ventilation pulmonaire sur le déga-
gement de l'acide carbonique; en doublant le nombre de ses
inspirations, il augmentait l'issue de ce gaz dans la proportion
de 60 p. 0/0.
Pour Sénator, l'augmentation dans l'excrétion de l'acide
carbonique tient non à une production exagérée, mais à une
élimination plus active.
iln fait le confirme dans cette opinion : c'est que le sang
d'un animal fébricitant est plus pauvre en acide carbonique
que celui d'un animal sain. Des analyses pneumatologiques
faites avec Zuntz lui ont montré que le sang de la fémorale
550 ciiAPrrnK ii. la chaleur kt la fièvre.
rPun rhi(»ri, qui, a Total apyrétique. renfermait 28 p. 0/0 en
voliinip d'acide carbonique, n'en contenait plus que 9 3 p. 0/0
pendant la fièvre.
Le troisième produit final de la combustion, l'eaft, est
augmenté dans la fièvre, chez le chien. C'est à cette perte d'eau
qu'il attribue la perte en poids; celle-ci en effet disparaîtrait
quand on permet au cbien de boire, parfois même le poids
augmenterait.
\ l'exemple de ses devanciers, Sénator veut faire, lui aussi,
son calcul d'«^quivalence de la recette et de la dépense, et il
dit : Un chien, bien portant, i jeun, rend, dans les vingt-
fjuatre heures, 7 '',08 d'urée et 67 grammes d'acide carbo-
nique, ce qui équivaut à la combustion dé 28 grammes
d'albumine et de 10 grammes de graisse. A l'état fébrile et pa-
reillemont à jeun, ce chien rend, dans les vingt-quatre heures,
i5 grammes d'urée et 72 grammes d'acide carbonique, ce
qui équivaut à la combustion de /12 grammes d'albumine et
de io'%9 de graisse. La combustion de l'albumine a donc
augmenté, pendant la fièvre, de 80 p. 0/0, celle de la graisse
n'a pas varié. Sénator en conclut que, dftm la fièvre, l'écotwmie
sappavrrit en substances nlbumnwïdes et devient proporliomtelle-
mrnt plus riche ey\ ^vmsso ',
Sénator a dosé, à l'aide d'un appareil spécial, la production
rt rémission de la chaleur. Voici les conclusions importantes
auxquelles il arrive ; Pendant la durée de la fièvre, la tempé-
rature rectale de l'animal restant sensiblement constante, les
([uantités de chaleur émises sont tantôt supérieures, tantôt
inférieures (à d'autres moments) à celles que Ton constate à
l'état normal. Ainsi il est certain que, chez les chiens, la fièvre
purulente déi)uto par une diminution dans l'émission, c'est-à-
dire par une rétention de chaleur. Mais cette diminution est
' C^lUi conclusion ne nianr|noia pas haut que Lieliermeisler a déjà reproche
do surpn^ndre par son imprévu les iné- à Sénator de ne pas reculer devant les
d«Hins pralicions: nous avon*; vu plus propositions les plus paradoxales.
LA riËVRK. 551
assez faible et peu durable, elle ne suflit plus pour expliquer
réIëvatioD de température du corps de ranimai , ni surtout
Texagération dans l'émission que l'on constate à d'autres ins-
tants. Le processus fébrile ne peut donc pas se caractériser
par une formule aussi simple que celle que l'on a essayé d'en
donner; il y a diminution et exagération alternatives de la
production comme de la dépense du calorique. D'après Séna-
tor, rien n'autorise à admettre que la quantité totale de cha-
leur développée et dégagée , pendant toute la durée de la
fièvre y soit supérieure à celle que fournirait, pendant le même
temps, le même animal soumis aux mêmes' conditions, la
fièvre exceptée.
Il est facile de reconnaître» dans ces assertions contradic-
toires et dans ces expériences ». pourtant très-variées et très-
soigneusement exécutées, que le problème n'est pas encore
résolu. On ne peut pas accepter comme démontré que la quan-
tité d'acide carbonique exhalé rende compte de l'élévation de
la température du corps d'un fiévreux, et la solution n'est
probablement pas aussi simple. Les voies par lesquelles se perd
la chaleur sous forme de chaleur, ou la chaleur utilisée pour
faire des corps nouveaux , ne se prêtent pas aisément aux ana-
lyses. Les poumons n'excrètent pas que de l'acide carbonique;
enfin il y a les sueurs, la suppression d'autres sécrétions, sa-
live, liquides intestinaux, etc., dont nous ne savons quel
compte tenir.
Aussi, depuis longtemps, on a cherché à trouver dans les
produits incomplètement oxydés, et surtout dans l'urée, le com*
pléraent des combustions opérées pour constituer la clialeur
fébrile.
Will. Moss ^ a prétendu même que la courbe de l'excrétion
de l'urée était parallèle a celle de la température dans les ma-
' Moa8(WiH.), On the action ofpo- colehium on thê urine \ Atnêrie, Journ.
tank, êodaj Uthia, lead, opium, and LXXXV II, p. 38^-388, april 1 861 ).
:)52 CHAPITRE If. - \A CHALEUR ET LA FIÈVRE.
ladies, surtout dans la scarlatine. Pour cet auteur, quand la
finvro décroît», l'excrétion dcTurée diminue, et atteint, quand
1m température redevient normale, un minimum qui nVsl que
le tiers de Texcrétion dans Fétat de fièvre intense. Dans toute
la durée de la convalescence, il n'y a jamais eu autant d'urée
excrétée qu'au deuxième, troisième et quatrième jour de la
maladie. Dans la convalescence, l'excrélion du chlorure de so-
dium au{jmente.
Leyden et Sénator ont émis la même idée, mais leurs expé-
riences ont été reprises par Unruh ^ et voici les questions aux-
qnejjes cet auteur a cherché successivement à répondre :
1** L'excrétion de l'urée et des autres produits d'excrétion
azotés de l'urine, s'accroit-elle proportionnellement h la hau-
teur de la température?
2° Se fait-il, pendant la fièvre, une rétention d'une partie
de ces matériaux incomplètement brûlés?
3" Quel est le phénomène initial, l'élévation de la tempé-
rature ou l'augmentation d'oxydation des substances azotées?
/i" L'accroissement de la combustion des matières azotées
et la chahnir qui en résulte expliquent-ils les hautes tempéra-
tures de la fièvre?
Les analyses d'urée, d'acide urique, decréatine et de chlo-
rure de sodium, ont été faites par Unruh dans vingt-cinq cas
de maladies avec crise (fièvre récurrente, pneumonie, ty-
phus exanthémalique, érésipèle, abcès, rhumatisme articu-
laire, etc.).
Les chiffres moyens ont été : pour l'urée, i7^\466 par
jour (o'',383r) par jour et par kilogramme du poids du corps);
pour l'acide urique, o ',/i07 par jour (soit 0^,0099 par jour
o\ |)ar kilogramme du poids du corps.)
Contrairement à Tasserlion de Naunyn et de Sénator, la
' Unruhy Bvfi iition il'"{ in(itf'i'i(ii(T (If (Arch, fui' pnth. Anat.y ^j8, s. a^iy,
cornbfiutton itnomplî'ti' Jttvs lo Ju'rrv iS()(|).
LA FIEVRE. 55»
quantité de l'urine est toujours diminuée, et souvent dans une
forte proportion.
En ce qui concerne la première question, il est établi par
ces observations que la quantité d'urée excrétée dans une (ièvre
intense et continue n'est nullement plus grande que dans une
fièvre peu intense; an contraire il se trouve que, surtout au
début de la fièvre, il y a une excrétion d'urée faible, par rap-
port à la température; par exemple voici les chiffres d'un ty-
phus : /
Temptfniloret. Trmpërttares. QuanCilét d*uré«.
i" jour soir 4o%8 Malin 39*,6 i5 grammes.
9* ko ,S Matin Ao ,o 19
Dans les jours suivants, h une température à peu près sem-
blable (âo degrés), il y eut une excrétion de 3o è 5o grammes
d'urée. Or cet accroissement n'est point dA à l'alimentation. Dans
un autre cas on ne trouve, avec une température de 39%6,
que 1 q"%376 d'urée, tandis que, dans les jours suivants, dans
l'apyrexie, il s'en excrète 27 grammes. L'excrétion de l'urée
est plus abondante dans les fièvres rémittentes que dans les
maladies à fièvre intense et continue. Ainsi une pneumonie
donna, pendant trois jours, avec une température de 39%6
à &o%â, en moyenne 35*^,373 d'urée; tandis qu'un malade
atteint de trichinose, avec une température è 39 degrés le soir
et normale le matin, excrétait, en moyenne, 69^,6 5 6 d'urée.
On voit aussi, par ces observations, que, dans tous les cas,
au moment de la crise, sans fièvre mais avec un pouls et une
respiration encore accélérés , il y avait en moyenne une excré-
tion d'azote supérieure à celle de la fièvre la plus élevée. Il .y
a aussi une excrétion épicritique augmentée. Exemple : dans
un cas de typhus il y avait, pendant la fièvre, en moyenne,
3q*',^io7 d'urée; un jour avant la crise 47 grammes, au jour
critique 90 grammes, le jour suivant 99 grammes, le troisième
jc»ur &9 grammes, soit en moyenne 39 grammes, c'est-à-dire
55^ CH\PrTRK II. — L\ CHALEUR ET LA FIÈVRE.
aillant que dans la fièvre, bien qu'il ny eût alors aucune sur-
élévation de la température. De même pour l'acide urique.
La diminution de l'excrétion d'azote au jour de la crise dé-
pend de diverses circonstances, notamment de l'augmentation
excessive de la sécrétion sndorale, laquelle entraîne une cer-
taine quantité d'urée et diminue en même temps la quantité
de l'urine.
Il résulte de tous ces documents que la quantité d'azote
excrétée n'est pas proportionnelle à l'élévation de la tempéra-
ture.
L'auteur montre que Pexcrétion épicritique ne dépend pas
de la résolution des exsudats, puisqu'elle se rencontre dans
les maladies oii il n'y a point d'exsudat, comme le tj^hus
exanthématique, l'érésipèle de la face, etc. Il cherche à expli-
quer ce phénomène, soit par une augmentation épicritique de
l'oxydation des substances albuminoîdes, soit par la rétention des
excréta , c'est-à-dire des produits d'oxydation incomplète, pen-
dant le fort de la fièvre, et par leur expulsion après la crise,
dette dernière explication a pour elle la rétention de l'eau,
si vraisemblable, d'après l'avis de Leyden, et surtout ce fait
de la prolongation, pendant plusieurs jours, de l'excrétion épi-
critique, alors que l'émission de la chaleur tombe au-dessous
de la normale.
Voici les conclusions de ce travail :
r Dans lafihre, f excrétion totale Jtazoie est augmentée, et est
en moyenne une fois et demie celle de tétat normal (à jeun).
a* L'augmetitation de l'excrétion d'azote n est pas fropcrtionneUe
à f élévation de la température,
3' Dans la crise, Févacuation des substances alhuminoides est
accrue, et en même temps il faut se souvetiir que, dans le fort de la
fièvre, il y a rétention des produits d'oxydation incomplète, comme
Leyden le pensait, et rétention de Veau.
â" Dans quelques cas, le phénomène itiitial est l'élévation de la
\A FIÈVRE. 555
température, et e'eet elle qui entraine à sa suite et secondairement
V excrétion Jt azote;
5* La chaleur dégagée far l'accroiseement de l'oxydation des
substances azotées ne suffit pas A expliquer la température souvent
excessive de la fièvre.
Ces conclusions furent contredites par d'autres expérimen-
tateurs; nous ne citerons que les recherches de Naunyn \ qui
accepte les opinions de Traube et Jochmann, pour qui Taug-
mentalion de Texcrétion de l'urée mesure la fièvre. Voici ces
expériences :
Un chien en bon état fut maintenu à jeun pendant deux
jours, et» dans ce temps, ayant une température de 38"* à
38*^,5 C, excréta o'',98 d'urée par heure. — Le même chien,
nourri et ramené à son poids précédent, fut de nouveau niis à
la diète durant deux jours, après toutefois qu'on lui eut injecté
sous ia peau un liquide animal corrompu , de façon à lui donner
la fièvre. Alors on reconnut qu'il excrétait o^,&9 d'urée par
heure, et la quantité de son urine était accrue (sans qu'il bût
davantage). Cette augmentation fut, dans un cas, de i8o à
ti8o grammes.
A ce propos, Naunyn se demande par où commence le phé-
nomène, et si c'est l'excrétion accrue qui entraîne l'accroisse-
ment dans les oxydations , ou si c'est , au contraire, l'augmenta-
tion de la température qui est le principe initial. Pour résoudre
cette question , il met un chien dans l'appareil calorimétrique
d*Obemier, à une température oscillant de So^'à ^jo"" C. Dans
cet appareil , la température du chien monte, en trois heures,
de 38%S à &a%5, ce qui ie met fort mal à l'aise. A peine sorti
de lappareil , il se remet vite et reprend sa température nor-
male. Or ce chien avait excrété le jour même, avant l'expé-
' Naanyn, Ih t'excrtlion de Vwrée et Jahre^ferickt de Virehow et Hir$ekf
datu lûjihrp ( Chmquê de Berlin , 1 8(>9 , 1. 1 , p. a 33 , 1870).
500 ( HAIMJhK II. — \A r.lMLELR KT LA KlfeVRK.
ri'Tire. (h* i n lieuros du iiiiitin ;i ^i heurnsdii soir, i qo gramnirs
d'urinp cnutriiMnl {)'\>^ (riin*e, ♦»! lo soir, en quatre heures de
(enips ;<|)res l'«'\[)t'rience. il urinait iio ijrammes contenanl
() ^-j 1 6 (l'un'*e. Il en résulterait cju'une augmentation priniiliv»*
(h' la f li.'ileiir «'nlniîn»' une j)liis grande production d'urée.
pour M. fiiil)h,M^ une des rauses principales de réJ«»valion
de la teni[)éralure dans la tièvre serait la diminution des sé-
crétions. \ l'état normal, une certaine quantité de calorique
se transforme en action chimique pour produire le suc gas-
tri([u<», le suc intestinal, la hile, la salive, etc. Dans la fièvre,
toutes ces sé'cré'lions sont, sinon supprimées, du moins dimi-
îuiéf's: il ne se fait donc plus le même travail chimique; la
chalt'ur (|ue ce travail consommait à Tétat normal se trouve
lihre et |)eut se faire sentir au thermomètre.
M. \\el)er'^ fait à cette opinion, dont il ne conteste pas la
justesse, cette ol)j<Ttion cpie, s*il y a une certaine quantité de
chaleur rendue libre, il est impossible delà mesurer.
h, Errris dfs iultes températures dans les maladies.
\ous savons, par les expériences des physiologistes, quels
sont les degrés de tenipérature extérieure que le corps ne peiit
|)as supporter impunéni(»nt. et MM. (A. Bernard, Vallin, etc..
nous ont a[)pris (pie les muscles, le cœur en particulier, le
sang et le système nerveux, étaient affectés, à un moment
donné, d'une façon irrémédiable quand l'animal était mis dans
des conditions telles, que la chaleur extérieure élevât sa tempé-
rature propre de quelques degrés.
Les palbologistes, et surtout Liebermeister, ont cherché a
déterminer quelles étaient les conséquences de l'élévation de
température dans les maladies. Nous résumons les travaux
Tiii'.sf de Bordirr, iSHH. — Tliôso dp la lempf*rnture ânn» In Jii'vve. Tlu'«i«^
fl«' riiîn vr»l, iS-ji, il«' Paiis. iN-y >.
\\«'|i('i\ Ih's rnnihlioHs ih' varinlian
LA FIÈVRE. 557
très-remarquables de Liebermeister ' sur ce point, nous ferons
ensuite quelques réserves nécessaires.
Dans beaucoup de cas, dit Liebermeister, l'autopsie ne
montre pas la cause mécanique de la mort. On parle alors de
septicémie» de malignité, etc. (érésipèle, fièvre puerpérale,
pneumonie, fièvres éruptives, etc.).
Une nouvelle hypothèse tend à se substituer k cette septi-
cémie, c'est celle de l'excès de chaleur fébrile. Gela ne veut
pas dire l'accroissement des combustions, car l'autophagie n'est
pas si commune ; c'est de la chaleur en soi qu'il s'agit. On sait
que les animaux meurent dans un milieu trop chaud; pareille
chose a lieu pour l'homme. On connaît aussi les effets de l'in-
solation. Wunderlicb et ses élèves ont formulé les lois des
hautes températures du corps, et montré, par exemple, qu'un
état fébrile persistant à 3â%& R. (&o%5 G.) était d'un pro-
nostic très'grave, quelle que fût la maladie.
Coaunent cette élévation de température produit-elle une
action délétère? Déjà Boerhaave et Van Swieten supposaient
Tévaporation des liquides, une coagulation du sérum, et ré-
cemment Weickardt a formulé une hypothèse semblable, la
concrétion de la fibrine; mais cette hypothèse n'est point con-
firmée à l'autopsie.
Liebermeister croit expliquer mieux cette action délétère en
disant qu'elle se montre sous la forme de dégénérescences
secondaires identiques, qu'il trouve dans la pyémie, la fièvre
puerpérale, le typhus, la scarlatine, la tuberculisation aigué
et les fièvres catarrhales. Toutes ces maladies ont de hautes
températures, et, à l'autopsie. Ton trouve une dégénérescence
parenchymateuse du foie, des reins et du cœur, c'est-à-dire
des principaux organes. Dans la plupart des cas de ce genre,
* Liebermeisler, Leê eff$ti dn hautes Voy. aussi ReeutU de$ Uçotu elmiqueê de
lempératuresdanM (et tnaUdiei. {DeuUch, Hichard Volkmatm, Du traiL de la fièvre ,
Arch. fur klin, Med. , i -3-6 , 1 865 et par Liebermeister, d* 3 1 , 1871.
i856, et Sekmidt'ê Jahrb., 1867).
558 CHAPITRE 11. — LA CHALEUK ET L4 FIE\RE.
dit Liebermeisier, la température s*était élevée à Au degrés
dans la matinée, à 6i%*i5 lors de l'exacerbation, et même aa
delà.
D'autres observateurs ont conclu de même. Max. Schultze et
W. kûhne ont constaté, pour les plantes et les animaux infé-
rieurs, rinfluencedes hautes températures sur l'état des éléments
cellulaires; de même, Louis et Stokes, E. Wagner et ZenLer
ont signalé la dégénérescence graisseuse des muscles dans le
typhus; Buhl et R. Maier, l'état gras du foie, des reins et du
cœur dans la fièvre puerpérale. La dégénérescence graisseuse
des cellules du foie se voit souvent à l'œil nu ^ à plus forte raison
est-elle facile à constater au microscope. Liebermeister dit que
cet état du foie et des autres organes permet d'affirmer que
le malade a eu de hautes températures.
Dans une autre partie de son mémoire. Liebermeister si-
gnale l'influence des hautes températures sur la circulation
(parésie du cœur) et sur les fonctions du système nerveux. Ces
troubles nerveux sont le malaise, l'ennui, l'excitabilité des
sens, la courbature douloureuse, le vertige, la défaillance,
l'accablement, et enfin le délire de différentes formes, et inver-
sement, la stupeur et l'état soporeux. Si, dans quelques cas,
nous pouvons assigner à ces perturbations conune cause pro-
chaine une affection locale du cerveau , la cholémie ou l'uré-
mie, dans la plupart des cas il faut chercher cette cause uni-
quement dans le sang surchauffé qui fait vivre d'une autre vie
les organes centraux. La médecine hippocra tique s'exprimait,
à cet égard, avec une parfaite clarté, et la méthode thérapeu-
tique de la soustraction de chaleur par le froid, ainsi que
certains moyens antifébriles, peuvent, en fait, diminuer nota-
blement ces troubles morbides. Les manifestations typbiques
qui, non-seulement dans le typhus lui-même, mais dans quel-
ques affections locales, telles que la pneumonie du sommet,
s'accompagnent de hautes températures, comme encore la
grippe, l'angine tonsillaire, doivent d'autant mieux être con-
LA FIÈVRE. 5.VJ
sidérées comme dépendant de cette haute température, qu'elles
disparaissent avec celle-ci.
Il est aussi très-vraisemblable que les hémorragies mul-
tiples que Ton observe dans les fièvres pernicieuses, avec une
température très-élevée, dépendent de celle-ci. Peut-être y
a-t-il ici une dégénérescence graisseuse aigué des petits vais-
seaux. Déjà Sydenham avait signalé les hémorragies comme
survenant à la suite d'une chaleur excessive et proscrivait for-
mellement la thérapeutique du réchauffement dans la va-
riole.
Si les hautes températures passagères sont dangereuses, è
plus forte raison faut-il redouter les hautes températures per>
sistantes. Pourtant il faut aussi faire ici intervenir des circons-
tances importantes, la constitution propre du malade, son âge,
les lésions organiques préexistantes, l'alcoolisme, etc.
Les chirurgiens savent que des blessures en voie de guérison
retournent à un état pire quand le patient est atteint du ty-
phus ou de quelque autre maladie fébrile grave. Us ont vu, â
diverses reprises, par exemple après l'invasion du typhus abdo-
minal , un chancre simple devenir phagédénique et entraîner
une vaste perte de substance; dans un cas même, il fallut en
venir à l'amputation du pénis. Dans un autre cas, la fièvre
étant tombée, une gangrène peu étendue s'était limitée et
marchait vers la guérison : survint une récidive du typhus, et
le retour de la fièvre fut cause que la gangrène s'étendit du
bubon à la totalité du scrotum ; la fièvre cessant, la plaie gué-
rit. Dans la phthisie , la maladie étant demeurée sans change-
ment pendant un temps très-long, souvent la venue d'une
maladie fébrile intercurrente excite la marche de la desiructi-
vile. A peine la fièvre est-elle tombée, qu'on voit les malades
se relever, prendre soin de leur toilette, en un mot guérir.
Donc le danger essentiel de la fièvre dans les maladies aiguës
consiste dans rinjluence délétère quont les. hautes températures sur
les vaisseaux. Les altérations matérielles de ceux-ci doivent
560 CHAPITRE il. — LA CHVLEUU ET LA FIEVRE.
lu'cessairemeiit eiilraîiier des troul)les fonctionnels qui sont en
fail très-variés, mais où prédominent deux groupes symptoina-
tiques, en raison de leur fré([uence et de leur tendance h
amener la nior[; nous voulons [varier des troubles des fonc-
tions du cœur et de celles du cerveau amenant la paralysie du
crpiir et la paralysie du cerveau.
Le trouble de la Jonction du cœur se traduit d'abord par l'aujj-
mentalion de fréquence des battements. L'accélération du
pouls (|ui est propre à la lièvre peut être considérée comme
résultant de Télévation de la température du corps; c'est là
un fait qui résulte de Texamen statistique* d'une masse consi-
dérable d'observations, où l'on voit que la fréquence du
pouls est d'autant plus grande (|ue la température est plus
élevée. Il va de soi que c'est là un fait général, mais que, dans
certains cas |)articuHers, il peut se rencontrer des anomalies,
et que, d'ailleurs, les influences extérieures qui agissent sur
riiomme sain de façon à accélérer son pouls, peuvent aussi
agir (le même sur Tliomme atteint de fièvre.
L'iniluence excessive que les hautes températures exercent
sur le cœur, et qui, à la fin, amène la paralysie de cet organe,
se manifeste principalement sous la forme d'une excessive
accélération jointe à un affaiblissement du pouls; il s'ajoute à
cela bientôt d'autres manifestations de l'affaiblissement général
de la circulation, entre autres l'hypostase et le refroidissement
des parties périphériques, tandis que la température est très-
éh^ée à l'intérieur du corps; enfin la mort arrive le plus
souvent avec les symptômes de l'œdème des poumons.
Les troubles des fonctions du système nerveux central, en tant
(|u'ils sont particuliers à la fièvre, doivent aussi être con-
sidérés comme produits par l'action directe des hautes tem-
|)ératures sur l'organe central; c'est ce qui résulte de l'ob-
servation de l'état du cerveau dans un très-grand nombre
de maladies fébriles. Quebjue variée que soit la nature des
maladies, ces troubles sont au fond les mêmes, et leur mod^
L\ FIÈVRE. 561
comme leur intensité (étant mise à pari la question de Tidio-
syncrasie) ne dépendent qm du degré et de la durée de élévation
de température. Dans la pneumonie, dans i'érésipèle de la face,
dans le rhumatisme articulaire aigu, ils sont, quand la tempé-
rature a même élévation et même durée, identiques h ceux
qui accompagnent les maladies dites typbiques.
La connaissance de ces troubles fébriles, dont une descrip-
tion plus détaillée nous entraînerait trop loin, et la certitude
qu'ils dépendent de l'élévation de la température, aident déjà
puissamment au diagnostic. Il arrive en effet très-souvent que ,
lorsqu'un malade commence h délirer ou à tomber dans l'état
soporeui, le médecin croit avoir affaire h une méningite ou à
une affection du cerveau, ou bienâ un cas d'urémie ou de
cholémie, ou h quelque autre toxémie, tandis qu'en réalité
il ,ne »*agit que de eimpks effets de l'Ûévaùon de température. Sans
doute, il y a des cas où il est difficile de distinguer si les troubles
existants dépendent seulement de la fièvre, ou s'il faut les
imputer à quelque complication particulière; et l'on sait que,
dans les maladies fébriles les plus différentes, on voit assez
fréquemment survenir des complications. Or, pour bien dis-
tinguer en pareil cas, il est de la plus grande importance de
noter avec soin et d'apprécier avec exactitude l'état de la tem-
pérature du corps et ses oscillations par rapport à ces troubles
psycbiques.
L'influence de l'individualité est ici très-grande. Il y a des
bommes qui délirent sous l'influence de la moindre fièvre,
tandis que d'autres n'arrivent au délire que par des tempéra-
tures bien plus élevées et plu6 prolongées. Cbez lee buveurs, le
délire fébrile prend souvent le caractère du delirium tremens,
et, chez beaucoup d'entre eux, le delirium potatarum n'est qu'un
simple délire fébrile modifié par les dispositions particulières
de l'individu.
Il faut dire aussi que, parmi ces symptômes, les plus graves
ne sont pas ceux qui font le plus d'impression sur le vulgaire:
36
562
CHAPITRK II— LA CHALEUR KT LA FIEVHK.
que, par exemple, le délire furieux est quelquefois moins
grave qu'un certain degré de stupeur ou de coma.
L*nppréciation du degré des troubles demande mieux qu'une
observation superficielle, et les troubles peu marqués, plutôt
négatifs, l'affaiblissement simple ou une légère excitation des
fonctions, ont souvent une importance beaucoup plus grande
que les modifications qualitatives qui se manifestent sous la
forme d'une action pervertie et attirent par cela même parti-
culièrement l'attention '.
Enlin, il faut aussi retenir que ces troubles psychiques
doivent être imputés à une modification matérielle produite
dans l'organe central |)ar l'élévation de la température, et que,
j)ar cela même, ils ne peuvent pas disparaître subitement avec
l'abaissement de la température, mais qu'ils doivent néces-
sairement survivre à la cause qui les a produits. Sans doute,
s'il s'agit d'un mouvement fébrile très-passager, comme dans
Taccès de fièvre intermittente, les suites seront aussi de courte
durée. Kt même dans une lièvre de longue durée, une forte
rémission est babituellement suivie d'une diminution notable
des troubles psychiques. Mais, si l'élévation de température
s'est prolongée j)endant un temps très-long, il peut se faire que
' l)(»deur 0. 0. H«'inze, La hnutes
lcnij)é}'(Utn'CH et les tronhh's coréhraux
diiiiit In pneumonie (Anh </. Unilk.^ IX,
1, |). /i(). i868).
L\iuteiir combat Topinioa de Lieber-
nieister, à savoir que les troubles fonc-
tionnels du cerveau dans la fièvre seraienl
le résultat de Taction des hautes temp<?-
ratures sur le cerveau. Dans la pneu-
uionïp, Ileinze admet «jue les grands
troubles c«;rébraux peuxeiit recevoir
cette interprétation, mais il se refuse à
ladmetlre poui* les troubles légers tels
(jue l'agitation, Tinsomnie, l'embarras
de ta tête, la céphalalgie, etc., qui
se rencontrent même avec Tapyrexie.
— (Juant à Pinfluence de la dui^ des
hautes températures sur les troubles
cérébraux, Heinze donne la statistique
suivante : Sur 57 cas où la température
était à /io** C, on obsena les symp-
lômes cérébraux 20 fois du troisième
au septième jour, 82 fois au premier et
au deuxième jour; sur k 1 cas, avec une
température de Sg^'^o et au-dessus, on
vit survenir ces symptômes 1 1 fois du
troisième au cinquième jour, 3o fois au
premier et au deuxième jour Ainsi la
température n'est pas ta seule cause (1&<.
troubles céi^braux : 1» nature de la
maladie y est pour quelque chose.
LA FIÈVRE. 563
le trouble qui en est résulté persiste encore longtemps après
que la température est retombée au niveau normal; il nW
pas rare qu'il acquière à ce moment ses formes les plus frap-
pantes. Il faut dire que c'est l'état de simple affaiblissement
psychique qui persiste souvent le plus longtemps et ne dispa-
raît que progressivement: par exemple on sait qu'en général,
après un typhus un peu grave, il se passe plusieurs mois
avant que le malade recouvre sa force physique et l'intégrité
de ses facultés intellectuelles. Du reste, on voit se produire, à
la suite des fièvres graves, certaines maladies mentales aux-
quelles la précédente élévation de température n'a certaine-
ment pas été étrangère.
Les troubles intellectuels, à leur plus haut degré, finissent,
quand les hautes températures persistent, par une suppression
plus ou moins complète des fonctions , par la paralysie du cer-
veau qui s'étend à la moelle allongée, et par la mort. Il faut
remarquer, à ce sujet, .que les cas de ce genre et tout à fait
purs ne sont pas fréquents, le plus souvent il s'y joint de la
paralysie du cœur. La prostration cérébrale n'est jamais dé-
sespérée tant que le cœur n'est pas paralysé.
C. RAPPORTS DE LA TBMPBRATLRR, DE LA FRÉQUBNCC DU POULS,
DE LA RESPIRATION ET DU POIDS.
Chercher entre la chaleur et la fréquence du pouls un
rapport absolu est un problème vain. Chaque individu a une
fréquence des pulsations cardiaques tout à fait personnelle et
une impressionnabilité aux divers agents extérieurs variable,
non pas seulement de personne à personne, mais suivant ses
dispositions particulières du moment. Nous savons, par les
travaux de M. Marey, que la marche, l'élévation du bras, l'im-
pression du froid , suffisent pour modifier la fréquence et la
forme du pouls. Ce qui est vrai dans l'état de santé l'est éga-
lement pendant la maladie. Nous devons pourtant dire que, si
36.
:^ùh CHAPITHK II. — LA CHALKUU ET LA FIK\RH:.
Ton choisit pour point de départ des pulsations le chiffre nor-
mal du malade, on peut dire d'une façon générale que chaleur
et pouls varient suivant des courhe^s parallèles; mais nous de-
vons ajouter tout d(^ siiite que la discordance de ces deux symp-
tonM»s est grave et ne se rencontre guère que pendant Falgi-
dité, le collapsus, qu'en tout cas elle est de nature à éveiller
Taltenlion du médecin familier avec les recherches des auteurs
modernes.
iNous avons déjà donné quelques-uns des tahleaux dans les-
(juels M.Roger a résuma' ses recherches. Mais il suffit de jeter
un coup d'œil sur les tracés que l'on trouvera dans la troi-
sième partie de ce livre, pour ne pas accepter de propositions
absolues commcî celles que VVoIff et Vierordt ont émises à ce
sujel \ Pour eux :
rS 10. Le pouls marche parallèlement à la température;
si celle-ci est normale, il en est de même du pouls; ses courbes
changent avec la hauteur de la température, et l'on peut, d'a-
près la lempérature, mesurer la forme de la courbe du pouls,
comme, d'après celle-ci, mesurer la hauteur de la tempéra-
tur<î ....''
Nous pensons que Liobermeister -^ s'est plus approché de la
récililé en disant qu'en général les deux fonctions varient parallè-
lement, sauf, bien (entendu, les cas de collapsus et d'algidité.
Sur deux cent quaire-vingts observations, Liebermeister a
reconnu que la fréquence moyenne du pouls augmente pro-
portionnellement à la température, et (jue ce mouvement est
sensible même pour les différences de température de o\5.
Nous re[)roduisons le tableau dans lequel cet auteur a
cherché h établir les rap|)orts qui existent, chez le fébricitant,
entre le pouls et la tei!q)érature.
' WollV iiiirl k. Vierordl, liecherchpft Sur le» effets de Célévation (le la tempéra-
sur le pouls (Arch. der Ihxlk,^ l\, 'i , ture daim la Jièvre {Deutseh. Arch.Jûr
p. .S71, iH(i.i). klin. Médian ^ 1866. — Arch. gén. dp
^ \Aé\)iiY\wç\fi{fT y Température et jumln. «wVi. , i8()6, p. 733).
LA FIÈVRE. 565
V'O 78'6 \
37,5 84,1
38 ,0 gi,9
38,5 94,7
Température I «^ '^ ^^\ v d 1 .•
?,, . ( «^Q «5 1 09,0 ) Pulsations.
axuiaire. \ , ^ oc'
ao ,0 1 08,5
4o ,5 109,0
il ,0 110,0
Al ,5 118,6
Aa ,0 137,5
Dans quelques ras, on peut reconnattre que la montée de
Ih chaleur précède celle du pouls.
En 1868, Thomas a publié, dans une Étude $ur U pouls,
une note*qui se trouve absolument en rapport avec les travaux
des physiologistes sur l'influence de la chaleur sur le cœur.
Nous savons que la chaleur a pour effet d'exciter les contrac-
tions musculaires, jusqu'au moment oh le cœur s'anréte en
contraction. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner qu'un excès de
ralorique accélère les battements du pouls, jusqu'au moment
ou ces contractions, augmentant de fréquence et diminuant
de puissance, donnent au pouls les caractères qui précèdent
i'arrét total des pulsations. Voici comment Thomas apprécie
cette influence ' :
«^ On a prouvé expérimentalement l'influence de la tempéra-
ture sur la fréquence du pouls, en injectant dans un cœur sé-
paré du corps de l'animal des liquides ayant différentes tem-
pératures. Au voisinage de la température normale , il y avait
une grande accélération du pouls pour peu que l'on élevât
la température; mais si on Télevait trop, l'excitabilité du
cœur était anéantie. Du reste, on voit^ chez les malades,
* Vinfluencê de h têm/Hhraîun mr h ( Zmitckr. fSr Meé, , Chir, mtd Gwtmiiêk. ,
p9ulM, Kilniit d*iin Inviîl du profpMenr 1 868. )
0. F. L. Thomas rar Tëtude du poulR
566
CHAPITRE II. — LA CHALKCR ET LA FIÈVRE.
la fréquence du pouls croître ou diminuer comme la tempéra-
ture.
R Lorsque Ton élève artificiellement la température chez un
homme sain, on voit la fréquence du pouls s'accroître k peu
près proportionnellement. La fréquence du pouls du fœtus
chez une femme enceinte qui a la fièvre, monte ou descend
avec la température de la mère.
''^L'application du froid au devant de la région du cœur di-
minue considérablement la fréquence des battements.
(t Ce n'est pas que la fréquence absolue du pouls dépende de
la chaleur: il s'agit seulement de sa fréquence relative, c'est-
21-dire de sa marche. Le rapport du pouls à la température
n'existe c|u'autant que les autres circonstances sont égales d'ail-
leurs (même énergie de contraction, même état dq cœur et
des vaisseaux). La température du sang est moins souvent dif-
férente de celle de la périphérie dans les fièvres graves qu'à
l'état normal. On peut trouver, avec une grande accélération
du pouls, une circulation moindre, comme dans le cas d'a-
baissement de la température périphérique par collapsus ou
au moment de l'agonie. Le ralentissement de la circulation
s'observe aussi avec les phénomènes de congestion et de stase
qui se montrent dans les fièvres graves, et s'accompagnent
pourtant d'une grande fréquence du pouls ^ yt
Si nous ne pouvons plus dire aujourd'hui , avec Boerhaave:
Qmâquid de febre novit medicui, id vero amne vehcikUe pultuum
Hola cognosciiur. S'il nous faut reconnaître que cette formule
est fausse, et que faire synonymes la fréquence du pouls et la
fièvre, c'est établir la confusion , nous devons admettre que
' influence Ae la température gur let
puUationi du rœur Heê mmmnifiret et
sur l'actùm du nerf vague, par Laoder
Briinlon (Saint-Bar th. Ho$p, Reporté,
1871). L*auleur, après avoir montra
que, cbei dea lapina chloraliséa et placés
dans une éiuve, les batlemento du cœur
s*ac<^lèren( , se demande ai. dans la fièvrv,
raocéléralion du poub résulte sealemcnt
de la chaleur ou a^il oe s*} joint paa une
autre cause; ii suppose que la tempéra-
ture élevée fait iiaisser Ténei^ipe du nerf
vague (e&périenoes de Sdielske sur le
cceur des grenouilles).
LA FI^.VRE. 567
généralement la fièvre s'accompagne d'une accélération des
battements cardiaques, en faisant remarquer que ceux-ci s'ac-
célèrent très-souvent sans qu'il y ait fièvre.
Ce n'est pas seulement sur la fréquence du pouls que la
fièvre agit, la force et la forme des pulsations sont modifiées.
M. Marey ' a expérimentalement reconnu que, chez les che-
vaux atteints de fièvre, la pression manométrique est faible,
en sorte que, bien que le pouls soit fort au toucher» ceci in-
dique simplement que l'ondée -sanguine lancée dans le vais-
seau trouve celui-ci presque vide et sépare brusquement les
parois de l'artère presque accolées, d'oi^ sensation brusque.
i\ou8 avons nous-méme analysé ces diverses questions dans
le livre du Pouls ^.
Outre cette force du pouls, nous devons signaler également
le dicrotisme qui survient, non pas tant sous l'influence de la
fièvre que |>endant les états que l'on désigne sous le nom de
typhoïdes. Nous les décrirons en étudiant les maladies infec-
tieuses, les accidents puerpéraux, la fièvre typhoïde, etc.
Pouvons-nous, malgré ces influences diverses, établir entre
la fréquence du pouls et le degré de la température normale
une sorte de rapport? On peut le tenter et admettre que, si
37''.3 représentent la température rectale è l'état de santé, et
70 le nombre des pulsations dans les mêmes conditions,
chaque élévation de température de 1 degré se traduira par
une augmentation de 9 5 pulsations. On aurait alors les deux
séries suivantes :
Température Sj'.o .38*,5 39%5 4o*,S 4i%5
Pulsations 70 95 tao i4S 160
Elles ne s'éloignent pas beaucoup de ce que l'on observe en
réalité.
' Marey. Cimtlnhnn iin Mitg, p. 367, ' P. I^iOrain , Ihi poule, 1 870, p. 1 3o
1 863. et suiv. J. B. Baillîère et fih.
l
:)(i8 (JIAPITnK II. — L\ CIIALKIIH KT LA KlfcVRK.
H y a un»» aulre coiisid<*ration qui ne man(|ue pas de \a-
Inur. CVst que nous comptons non pas la quantité de sang
( irculant, mais la vitesse de circulation, et nous ne comptons
moine pas celte vitesse de circulation, attendu que frétjuence
Ips battements du cwur n'est |)oint synonyme de quantité de sang
i'voulée dans un temps donné. La largeur des amplitudes, la ré-
j)létion (les vaisseaux, et par conséquent leur diamètre, la
(|uanlilé de la pression et le jeu des capillaires, ne peuvent
être déduits de la frécpience des battements du pouls.
Il n'\ a point de moyen de remédier à ce défaut. Les outils
modernes ne nous fournissent point la solution de ce problème.
Le spbjgmographe nous donne, à la vérité, le tracé de la ra-
diale, et nous (lit si le pouls est tendu ou détendu, il nous
renseigne un peu sur la circulation péripliéri([ue, mais il ne
nous donne pas la notion de la quantité de sang en circula-
tion, ni (le celle qui demeure stagnante dans les grands ré-
servoirs veineux. Il nous a appris à nous méfier du tact mé-
dical, et c'est un grand service dont nous lui sommes redevables.
.Nous savons que le pouls giand et dicrote se voit surtout dans
les sueurs et après les hémorragies, que le pouls le plus
grand et le plus dur (pouls aortique et sénile) n'indique rien
jue la nalure dure des ])arois artérielles, et autres notions qui
loiv(Mït décourager les tateurs de pouls.
A la vérité, la t(»mpérature vue au thermomètre n'est pas
e\em|>le (robjfHlions. Il n'j a point a lui en faire quant aux
snhslance.^ homogènes, aux liquides, où les chimistes pro-
mènent leur thermomètre; là, la chaleur est uniformément
répartie, et ïuu obtient un chiffre concret parce qu'on connaît
la chaleur multipli<''e par la n)asse et la chaleur spécifique du
liquide ou du mélange. Par conséquent, on sait le nombre de
calories qu'on peut extraire de la substance qu'on examine.
Dans le corps vivant, si peu homogène et pourvu d'appa-
reils d'accommodation (|ui font varier a chaque instant la
(|uantité et le mode de rcîpartition de la chaleur, sa |)roductiQi)
LA FIÈVKE. 569
et sa dépense, la chaleur est chose mobile et non constante,
il faudrait pouvoir évaluer les calories: on le tente en ce
moment. Toujours est-il que cette chose qualitative, qui est le
degré de la température du rectum, est fin élément constant
et non variable à l'état physiologique; et ce chiffre est à peu
près celui de la température du sang et des viscères. (l'est un
minimum nécessaire è la vie, c'est la chaleur du centre. Celle
de la périphérie est moins nécessaire, elle est affaire de dé^
pense; Tautre, la chaleur intérieure, est la recette pour ainsi
dire obligatoire et toujours exigible, cest le nécessaire. Nous
pouvons donc nous fier h cette température, tant pour l'état
physiologique que pour Tétat morbide. Cependant il y a des
questions de régulation à réserver.
La fièvre a sur la fréquence des mouvements respiratoires une
influence encore plus difficile è déterminer. Accélérée lorsque
la température s'élève, la respiration l'est également lorsque
la température s'abaisse, dans le collapsus, l'algidité. En de-
hors des conditions locales, de la pneumonie, de la pleu-
résie, etc., il faut reconnaître qu'au début la fièvre accélère
les mouvements respiratoires, surtout chez les enfants, et
même quand l'accès n'a pas une grande intensité. L'accélé-
ration des actes de la respiration a donc une valeur, mais elle
n'a pas de liens intimes avec les phénomènes de chaleur.
M. Michel Peter ' a signalé entre le volume de la rate et les
variations de la chaleur des relations qui seraient intéres-
santes à vérifier. Nous reproduisons la note qu'il a commu-
niquée à l'Académie de médecine, mais nous croyons que les
premières conclusions de notre collègue sont trop absolues,
et nous nous sommes assez expliqué a ce sujet pour que le
lecteur accepte une critique ainsi formulée. Au lieu de : ^11
* Michel Peter, Modifications de la température {Àcad, de tttéd., 16 mars
1867).
570 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET L\ FIÈVRE.
n*y a aucun rapport constant entre les variations de ta tem-
pérature et celles de la circulation et de ta respiration,?
nous dirons : il y a parallélisme habituel entre les courbes
qui représentent ces variations; leur discordance exception-
nelle implique la nécessité, pour Tebservateur, d*en recher-
cher la cause, elle commande le pronostic et souvent aussi le
traitement.
La note de M. Michel Peter est ainsi conçue :
Au point de vue des modifications de la température géné-
rale, dans leur relation avec celles de certaines fonctions ou
les changements de volume de certains organes :
i" // n'y a awun rapport conitant entre le$ variatûme de la tem-
pérature et celUê de la circulaiion ou de la reiptrolûm. .\insi , l'aug-
mentation de fréquence du pouls ou de la respiration dans les
maladies n'entratne pas nécessairement l'élévation de la tem-
pérature générale (prise dans l'aisselle), et, quand celle-ci
s'élève alors que le pouls ou la respiration augmente de fré-
quence, il n'y a pas de rapport constant entre l'augmentation
de fréquence du pouls ou de la respiration et l'élévation de la
température.
d"* // Il y a aucun rapport conetant entre les variaiionê de la
température et les changement» de volume du foie,
S'* Il y a un rapport conetant entre les variatione du volume de
la rate et celles de la température,
\insi, toutes les fois que la température s'élève dans les
maladies, la rate augmente de volume, et il y a un rapport
constant ou à peu prè3 constant et uniforme entre l'élévation
de la température et le volume de la rate. Pour un ou plu-
sieurs degrés d'élévation de la température, la fate augmente
d'un ou plusieurs centimètres dans le gens vertical.
Il semble donc que la rate soit un orgatie d'hématopoiise, et quelle
concoure aciu^ement à la production de la chaleur animale.
Les variations de poids des malades pendant le cours des
LA FIÈVRE. 571
maladies aiguës présentent un intérêt théorique et pratique.
Le contrôle de nos sens par la balance nous a donné, dans le
choléra, la preuve du peu de valeur des apparences, et nous
avons vu que les dissensions entre JSénator et Liebermeister
ne portent pas seulement sur Tacide carbonique rendu , mais
même sur l'appréciation du poids des malades.
C'est avec une certaine surprise que nous avons lu, dans
l'ouvrage de Botkin, des résultats en contradiction absolue
avec ceux obtenus par Layton, Sautarel et . nous -même.
Botkin ' aurait constaté que, lorsque la température du corps
est élevée, les pertes de poids augmentent surtout dans les
jours où cette température s'abaisse; et que, torque la tem-
pérature reste élevée, le poids du corps se maintient quelque-
fois deux ou trois jours sans variations. Il en est ainsi seule-
ment quand il n'y a pas d'éliminations accidentelles, pas de
diarrhée, de sueurs profuses, etc. Pendant la défervescence ,
au contraire, le poids baisse, bien que le malade prenne des^
aliments. Botkin explique ces résultats par la grande absorption
des boissons provoquée par la soif.
On peut dire, en général, d'après Botkin, que les pertes
de poids, quand la chaleur est élevée, sont surtout considé-
rables lorsque le malade a perdu connaissance, lorsque pro-
bablement la déperdition de liquide n'est pas suffisamment
couverte par Tingestion des boissons.
La perte par les sueurs est souvent insuffisante pour faire
baisser le poids. Botkin cite, a l'appui de ces remarques, l'ob-
servation suivante :
* BolkÎD, De InJUhfTf, 1H79 , p. .I1 . Trad. françaiM par A. Geoi^es.
.wJ r.llAlMTRE II. — L^ Cir^LEIiR KT LA FIKVRK.
KNFWT DK bOL'ZK A>S ATTEINT D'UNK I.K(;KKK FIKVRK RHCI'RRKNTF.
TEMPBIUTURF. p^j^^^
atm. -Soir. °
rjoui-: lii'vro '^{ft'^ " '^^ '^^^ Sueurs. Délire flans la nuit.
•»■ JOUI- : fièvre 'M\ ,6 .*^8*,<» 3/i ()8o hiem.
\V jour : lirvrf 3^ ,6 3S ,o .35 95o Plus He snpurs ni de dôlirv.
V jour : pas cio fièvre. 36 »o 3^) .- 36 oSo /f/#i/i.
r)'"jour: piis (Je (ièvre. // /. a Idem.
6' jour: pas de lièvre. // /' // Idem.
•7" jour : pas de fièNn». // -i 36700 Idem.
il est j)rol)al)le, pour Botkin , (jue l'augmentation de la quan-
lité d'eau ingc^rée est la cause de l'augmentation de poids.
Plus loin Bolkin \ revenant sur la [lerle de poids et sur
ramaigrissement, conclut que le faible amaigrissement et la
petite perte de poids pendant l'accès de la chaleur fArile per-
'uiettent d'admettre que la consomption du «orps a M peu
(Mevf^e.
Il (^st juste d'ajouter que l'observation de typhus qui est.
|)our Botkin , l'occasion de ces diverses remarques critiques, est
en opposition avec cette théorie. Son malade perdit 7 kilo-
grammes dans les vingt premiers jours de son typhus ^.
D'après Vf. Layton '^. dont les recherches sont basées sur
fanal) se de soixante-neuf observations personnelles prises dans
le service de Monneret. les maladies aiguës auraient sur le
poids des sujets une influence réductible en lois.
Pendant la durée de la fièvre typhoïde (cinq observations),
M. liavton a constaté (pie le poids suit, en général, une marche
uniformément descendante jusqu'au début de la convales-
cence. \ cette |)ériode, le poids suit un(» marche uuiformé-
' Holkin, p. ()6. «tir V influence de» eauies qui ailèrent le
■ Roikiu , p. 1 6r>. poid» corporel do Vhomtne adulte malade.
Thouias Laylon, Etudes clmù/ticx Thèse de F^aris, 1H6H, n" ia3.
LA FIÈVRE.
573
ment ascendante. Cette règle, que M. Layton appelle une
loi, se retrouve dans toutes les maladies aiguës. Donc : pé-
riode fébrile ou de perte, période de convalescence ou de ré-
paratiùn.
Dans la fièvre typhoïde, Monneret a trouvé que des ma-
lades avaient perdu 3oo et 5ob grammes par jour, ceux de
M. Layton ont subi des déperditions moins considérables. Voici
les résultats qu'il a consignés :
FIÈVRE TYPHOÏDE.
CHIFFRE
RÉSULTAT
OBSBRVATIONS.
PÉBIODB.
, Fébrile.
»n f ABunoM
obterréai.
■OTIII
parjour
(en frammot).
V, :
PeHe.
38,6o
' De convalescence.
Gain
go^g^*
N* 9
1 Fébrile.
' De coDvaleacence.
Perte.
Gain.
3i8,75
i3Mo
^•3
•
1 Fébrile.
Perte.
693,19
1 De oonvaleaeence.
1
Gain.
1 33,75
V 4
Fébrile.
Perte.
1 55,38
De convalescence.
Gain.
169.00
V5 '
1 Fébnle.
' De oonvalesrence.
1
Perle.
Gain.
a57,8i
1
Il faut noter que, pendant tout le temps de la fièvre ty-
phoïde, Monneret alimentait le plus possible ses malades, et
que les effets de l'inanition sont, par suite, un peu atténués.
Dans la pneumonie aiguë, les résultats sont assez sem-
blables aux précédents. Toutefois les déperditions sont plus
considérables, ce qui s'explique peut-être par ce fait que
Monneret soumettait tous les malades "atteints de pneumonie
à la médication par le tartre slibié.
57.'i
CHAPITRK II. -LA CHALELR ET LA FIKVRE.
PNEI MUNIE.
OBSKR NATION S.
PKRIODE.
v. ^> ( Fébrile.
No <
/ Mort.
I
. „ \ Fébrile.
{ De convalescence.
I
Y y^ \ Fébrile.
/ De convalescence.
I
.„ \ Fébrile.
N (|
/ De con\alescence.
\ Fébrile.
V 10 ^
f De convalescence.
I
. „ \ Fébrile.
N 11 l ^ ,
r De convalesc^^nce.
I
i Fébrile.
^ \ -2 {
f De convalescence.
RÉSULTAT
DBS VAUiTIO^^
observa».
Perle.
ff
Perle.
Gain.
Perle.
Gain.
Pertp.
Gain.
Perle.
Gain.
Perle.
( Non observée.)
Perle.
Gain.
CniFFBE
XOTBN
par joar
(po grammes).
'j/i6,o6
■/•
633,o3
733,o3
1 70,r>o
iao,o8
30,76
3a8,57
600,00
1 26,00
y
I i8(soo
I 80,00
Dcins les autres maladies aiguës, M. Layton a obtenu des
résultats analogues.
Fm 1869, un de nos élèves, M. Sautarel ', a repris cette
question et est arrivé h des résultats semblables; nous y re-
viendrons en étudiant les diverses maladies. Nous indique-
rons également les résultats que nous avons obtenus dans le
choléra '.
Théories delà fièvre. — Nous nous sommes elforcé, dans les
«liapitres qui précèdent , d'établir le bilan de nos connaissances
sur les causes de la production de la cbaleur, sur sa réparti-
' Suiilarel, Ih Cexamen du pouls du - P. Lorain , Le Choléra obêPirê à
rorp» cotiHidévé comme moyen ih' contràlr Vkàpit al Saint- Antoine, Paris, 1868.
rlwifjUp.TUèso de Paris, 1869. ' p. ."ia. J. B. Baillière et fils.
LA FIKVRE. 573
Uon, sur le rôle du système nerveux dans sa régulation. Nous
avons expose fidèlement ce que les recherches de nos contem-
porains nous ont appris sur les modifications que les actes
morbides générateurs de la fièvre introduisent dans la ma-
chine humaine. Si nous concluons que nous sommes loin
d'avoir épuisé la série des recherches et des expériences indis-
pensables à opérer avant de pouvoir adopter une opinion sur
les causes et les processus intimes de la fièvre, que Ton ne
nous accuse pas de scepticisme. Nous repoussons ce reproche ,
nous sommes convaincu que nous suivons le chemin de
la vérité, mais ce serait se laisser aller à un enthousiasme
trop facile que d'accepter sans contrôle une quelconque des
théories qui résultent de ces travaux. Faire la .théorie de la
fièvre, c'est en effet comprendre dans une même formule,
synthétiser tout ce que nous avons analysé. D'autres l'ont
tenté, ils ont eu raison; convaincus par leurs recherches per-
sonnelles, plus frappés par les points lumineux qu'ils avaient
fait jaillir des ténèbres que par les points qui restaient obscurs,
ils ont groupé en tableaux les faits qu'ils tenaient pour essen-
tiels, mais, dans ces tableaux, que de seconds plans restent
incertains et vaguement dessinés !
Pour nous, è qui le temps et le défaut d'outillage n'ont pas
permis de prendre part à ces expériences de laboratoire, nous
restons olinicien , et , suivant les mœurs de nos collègues, nous
prenons dans chaque théorie ce qui nous semble utile k appli-
quer au lit du malade , ce que, pour employer l'expression clas-
sique, nous trouvons pratique, c'est-è-dire immédiatement
utilisable. Le reste servira à nos successeurs et attend qu'un
ouvrier plus ingénieux vienne en élaborer la masse encore
mal dégrossie. Les auteurs des diverses théories, bien que
chacune se relie aux précédentes, peuvent se diviser en deux
classes. Les uns ont surtout considéré la chaleur eiagérée de
la fièvre connue le résultat de la rétention de la chaleur nor-
male qui ne se répand plus au dehors, empêchée qu'elle est
57fi CriAlMTRK II. - LA CH\LELH ET LA FFEVRE.
par la rétraction des vaisseaux (|ui d'ordinaire irriguent la
peau et les muqueuses.
D'autres considèrent la fièvre comme créatrice de chaleur.
el ne laissent plus au système nerveux vasomoteur qu'un rôle
accessoire.
En tête des premiers, nous trouvons Traube dont nous avons
déjà souvent cité les travaux.
Théorie fie Traube^, — Pour TrauJ3e. la température d'une
|)artie quelcon(|ue de la peau se rèyle, comme celle de toute
autre partie du corps, sur la |)roportion de la quantité de cha-
leur qui lui est apportée, et sur celle qu'elle perd dans le
m^me temps. L'apport de chaleur ne dépend cependant pas
seulemcnl de la température du sang qui circule dans une
partie du corps, il dépend aussi de la masse du sang qui la
traverse en un temps donné. Ces deux quantités forment un
produit qui peut devenir plus faible, si, par l'accroissement
d'un des deux facteurs, l'autre est diminué dans son total.
Même lorsque la température du sang s'élève au-dessus de la
jiormale, la température d'une partie quelconque de la peau
doit pouvoir s'abaisser, sitôt que, grâce au rétrécissement des
artères, la masses du sang qui lui est amenée a décru plus que
ne s'est élevée la chaleur du sang, (^'est un cas de ce genre,
comme nous Talions voir, qu'on observe dans le frisson fébrile,
pendant le((uel les artères du tégument externe sont contrac-
tées, tandis <]ue la lem[)érature du sang est élevée. Il est en-
core plus aisé de comprendre les autres cas, alors qu'il s'agit
seulement d'une diminution de l'afflux du sang et que celui-ci
conserve sa tenipérature normale ou à peu près normale.
• Traiihe, AUgemmup medirimschfi frrofpnxpes à Cuniversitê Friedrich- Wil-
(Iptitral-Zeitun}^ , iHijl^.W (nul comp\eler helm de Berlin, i'* livraison, 18H7,
rolle lliôoric par IV'ludu dt's Lcçom sur G' leçon. L'auteur revient sur sa théorie
Iph maladies de l'appareil respirniaire ^ «H la modifie légèrement,
rhapilre Dr la température, in fjeron*
LA FIÈVRE. 577
Nous avons un type (prototype) de l'élévation partielle de
température dans Texpérience de M. Cl. Bernard sur la sec-
tion du sympathique au cou chez le lapin, suivie de la colora-
tion rouge et de réchauffement de l'oreille du même cAté. De
même nous voyons souvent chez un malade, fiévreux ou non,
la rougeur et l'élévation de température dans des régions li-
mitées, sur Tune des deux oreilles ou sur toutes deux, ou
sur une joue. Rappelons encore des faits intéressants qui res-
sortissent h cette question : la rougeur circonscrite que Ton
constate souvent chez les pneumoniques sur la joue correspon-
dante i^u poumon malade, et la rougeur circonscrite de même
aux deux joues des phthisiques, et que les profanes regardent
comme un symptAme d'incurabilité. Dans les deux cas les
parties colorées sont aussi , en général , plus chaudes que les
parties voisines.
Mais ce qui est autrement important que ces changements
de température de la peau, c'est Félévatian générale de tempéra-
ture qui a sa source dans Taugmentatton de la chaleur du
sang: car elle est pour nous le gymptdme cardinal de la fièvre
qui accompagne un grand nombre de maladies de l'appareil
respiratoire.
Quelle est la cause de cette élévation de la température ? A
cette question il n'y a que deux réponses possibles : ou bien
les phénomènes de combustion qui produisent la chaleur sont
augmentés, ou bien le refroidissement du sang qui s'effectue
à la surface de la peau ou de la muqueuse pulmonaire, sur-
tout de cette dernière, est diminué.
«Dans mon mémoire sur les crises et les jours critiques,
dit Traube , j'.ai incliné pour cette dernière explication. L'hy-
pothèse à laquelle je me suis rattaché depuis, sous l'influence
d'observations prolongées et de l'étude a|)profondie des an-
ciens auteurs, s'éloigne de cette explication et pourrait se tra-
duire de la façon suivante :
«Par suite de l'influence que la cause fébrifère exerce sur
^7
(
ô7h cmPITKt: II -LA CHALKIK ET LA FIKVKE.
le système nerveux vasomoteur, et (|ue je considère coinm<»
irritante, les muscles <les vaisseaux qui sont surtout développés
dans les artériolps et les plus fins ramûscules artériels entrent
violemment en contraction. Le rétrécissement de la lumière
des artères qui en résulte doit avoir un double effeL 11 y a
diminution de la quantité dr sang que les capillaires reçoivent
en un temps donné du système aortique, et en même temps
|p la pression qui s'exerce sur la surface interne de ces petiL»^
vaisseaux. Dans les premiers moments il en résulte, indépen-
damment de l'apport moins grand d'oxygène aux tissus, un
moindre refroidissement du sang par le transport et le rayon-
nement à la surface du corps, en second lieu une diminution
de l'élimination de la liqueur du sang, c'est-à-dire de ce li-
quide rjui, sous l'influence de la pression latérale des capil-
laires, est exprimé à travers les parois de ces vaisseaux , et qui
apporte a chaque tissu les conditions nécessaires à sa vie,
r'est-à-dire. les matériaux appropriés aux appareils de sécré-
tion principalfMiient pour ta séparation et l'élimination. La
diminution de rulllux de Teau aux cellules épitbéliales d»»
la peau et de la nm(|ueuse pulmonaire est suivie nécessaire-
ment dune diminution de l'évaporation par ces deux surfaces.
(Toù une nouvelle cause restrictive du refroidissement du
corps.
"Cette hypothèse est confirmée par les faits que nous four-
nit l'étude du frisson fébrile. Pendant le stade de froid,
roujuie nous Tavons vu, la turgescence de la peau et du tissu
cellulaire sous-cutané diminuent; les mains, les pieds, le nez.
sont plus froids qu'c\ Tétai normal: les petites artères acces-
sibles à l'observation sont rétrécies
«Evidemnienl le rétrécissement des artères n'a pas, pen-
dant le frisson, la même cause que dans le cas où nous nous
e\|>osous i\ une basse teujpérature. car le sang d'un fébrici-
lant est encore plus chaud dans le frisson qu'à Tétat normal:
et l'inllueiice seule d'un milieu qui atteint à peine la tempe-
LA FIÈVHE. 570
rature du sang artériel sijffit dëjà à dilater les artères de la
périphérie.
«On ne peut faire ici que deux suppositions. La cause
fébrifère agit d'une façon en quelque sorte paralysante sur
le cœur, et détermine , par la diminution de Tafllux du sang
dans le système aortique, une rétraction de tous les vaisseaux
et aussi des artères de la surface, ou bien elle produit, par
Texcitation du système nerveux vasomoteur, une contraction
des artères de petit calibre et des capillaires.
(T La première hypothèse a contre elle la différence de co-
loration que présente un homme suivant qu il est en proie
au plus fort frisson, ou qu'il est évanoui, puis et surtout le
degré d'expansion qu'offre l'artère radiale dans le frisson fé-
brile. Reste donc seulement la supposition que la cause fébri-
fère agit d'une façon excitante sur le système nerveux vaso-
moteur.
«J'ai dit ailleurs^ comment j'expliquais par la contraction
des petits vaisseaux les autres phénomènes fébriles. «
Nous ferons remarquer que cette théorie, d'après laquelle
l'élévation de la température est attribuée exclusivement à la
diminution des pertes de chaleur ne tient pas compte d'une
foule de phénomènes tels que l'exagération des quantités de
l'acide carbonique exhalé et de l'urée éliminée; elle pourrait
peut-être suffire pour faire comprendre les actes d'un accès
de fièvre intermittente, mais elle est insuffisante, si l'on veut
l'appliquer à une fièvre continue, à la fièvre typhoïde par
exemple , dans laquelle cette diminution de la déperdition n'est
pas soutenable , et pendant laquelle, au contraire , les vaisseaux
cutanés sont richement irrigués et par conséquent apportent
à la surface du corps du sang incessamment renouvelé et tou-
jours dans des conditions favorables pour qu'il s'y refroidisse.
* TrnuU», Alifffmêine mêdinntêeke CentraUeitung , i863.
•*7-
581) CIIAIMJHK II. — LA CJIALELU ET LA FIEVRE.
Tliéoric de MareyK — Pour M. Marey, la caractérislijjue
(le a lièvre, c'est l'excès de chaleur; s'il est vrai que cet ëtat
ne soil (|u'uii slade'dans l'accès de lièvre palustre, on le trou\e
souvent isolé dans d'autres lièvres; lui seul constitue la mani-
IV.sjalion vraiment constante de l'état fébrile.
«\ous avons assez longuement insisté, dit-il. sur le rôle de
la contractilité vasculaire relativement aux changements (|ui
surviennent dans la température animale; nous avons montré
comment cette contractilité, réglant le cours du sang, modifie
la tension artérielle, et par suite la force du pouls, et même
la fréquence des lialtements du cœur. On ne s'étonnera donc
pas, si nous annonçons maintenant ([ue les phénomènes qui
caractérisent l'état fébrile sont tous des effets plus ou moins
directs du relâchement des vaisseaux '-. Pour démontrer ce
premier fait, nous partagerons les |)hénomènes fébriles en
deux [jroupes :
" i" (ieux qui se ])assent du côté des tissus : A, chaleur;
B. rougeur; (i, gonllement;
"~ \i' Ceux qui ont pour siège les artères et le cœur ; A, force
|dus grande du [)ouls; B, fréquence exagérée des battements
du C(eiir. ^^
Nous n'empruntons à M. Mare\ (|ue ce qui est relatif à ///
chaleur dans la fièvre :
•* Lorsqu'on touche la main d'un lébricitant, on la trouve
brûlante, et l'on n'hésiterait pas, d'après le témoignage des
sens, à déclarer (pi'elle est beaucoup plus chaude qui l'état
normal. Mais, |)our plus de rigueur dans Texpérimentation,
on enj|)loie le tliernjumètre pour évaluer l'accroissement de
chaleur: l'instrument sigjiale ordinairement à peine quelques
degrés de |)lus ([u'à l'état normal. Kn somme, dans les lièvres
' Mar».^y, (:irriil,iiiun ilu sann : Paris, l'élal fébril»^; le malaise Ja céphalalgie,
i'S()3,]i. ^i<)u. ririiippélence, etc.; nous iiou> borne-
- Nous ne clicidieiou.^ pi«> à pxpli- i uns à Tétude des modifications qui sur-
juei cerlain>pliHnoinèiie> arcessuiitsde vieiinenl dans l'élal circulatoire.
I A FIÈVRE. 581
les plus intenses, on trouve seulement 3 ou ^ degrés d'iiug-
inentation dans la température.
«Cette discordance entre les renseignements fournis par le
toucher et les indications du thermomètre tient en grande
partie à ce que la main et Tinstrument ne sont pas appliqués
aux mêmes régions du corps. On explore par le toucher les
régions superficielles, la main, les téguments des membres et
de la face du malade, tandis qu'on applique le thermomètre
tantôt sous l'aisselle, tantôt dans les cavités naturelles où la
température présente une fixité bien plus grande.
^ L'élévation de la température sous Tinfluence de la fièvre
consiste bien plutôt en un nivellement de la température dans
les différents points de l'économie, qu'en un échauiïement ab-
solu. Il se produit, sous l'influence de la fièvre, un effet ana-
logue à celui dont nous avons parlé à propos des expériences
de Hunter sur le rôle de l'inflammation dans la production de
la chaleur, effet tout physiologique, qui se rattachait h la rapi-
dité plus grande du mouvement du sang. La chaleur fébrile
psI assimilable à celle qu'on produit dans un organe par la
section des nerfs du grand sympathique; seulement le phéno-
mène de dilatation des vaisseaux étant pour ainsi dire géné-
ralisé dans toute l'économie, réchauffement qui en résulte se
généralise également pour toutes les régions superficielles du
corps.
c( Mais nous venons de dire que le thermomètre . lorsqu'on
le plonge dans les cavités profondes, accuse une élévation
réelle de température, qui , toute faible qu'elle est, n'en mérite
pas moins d'attirer l'attention. La masse du sang s'est donc
échauffée de quelques degrés. Peut-on expliquer ce phéno-
mène par la plus grande rapidité du coura du sang?
(tOn se rappelle l'expérience de M. Cl. Bernard, par laquelle
il est prouvé que la section du grand sympathique n*échauffe
pas seulement l'oreille du lapin par un renouvellement plus
rapide du sang qui la traverse, mais qu'elle amène aussi la
r)82 CHAIMTRK 11. - LA CHALEÏIK ET LA KIEVnK.
prodiirlion d'uiK» quantité de clialeur un peu plus grande
qu'îi Tétai normal.
'^ Il est naturel d'admettre que , chez le fébricitant , la rapidité
du mouvement circulatoire produira non-seulement le nivel-
lement do la température dont nous avons parlé, mais aussi
un accroissement dans la production de chaleur.
•■f ()ueh|ue léger que soit cet accroissement dans la produc-
tion de chaleur sous Tinlluence de la fièvre, on comprendra
facilement qu'il puisse élever la température centrale d'une
uïanière appréciable, si l'on tient compte des obstacles qu'on
ap|)orle à la déperdition du calorique chez les fébricitants. La
rapidité de la circulation périphérique refroidirait probable-
ment bien vite l'homme qui a la lièvre, si une plus grande
sensibilité au froid ne portait le malade à se couvrir de véle-
ujenLs; de plus les idées qui dirigent la thérapeutique des
fif'vres font (ju'en général on dépasse les exigences du ma-
lade, et que. lors même qu'il désire un peu de fraîcheur, on
lui impose un supplément de couvertures, sans compter les
boissons chaudes et l'atmosphère chaude de la pièce dans la-
<pielle on le tient enfermé, ajoutons à cela que la peau du fé-
bricitant est sèche, de sorte qu'elle n'a plus, dans la sécrétion
<'l réva|)oration de la sueur, l'une des sources ordinaires de
la déperditicm du calorique dans les milieux à température
élevée.
«En résumé : la chaleur augmentée dans la fièvre porte
princi|)alement sur la périphérie du coqis, ce qui prouve qu'elle
consiste surtout en un nivellement de la température, sous
l'influence d'un mouvement plus rapide du sang. Toutefois il
existe aussi dans la lièvre une légère augmentation de la cha-
leur centrale, ce qui peut s'expliquer par une augmentation
légère de la production de chaleur (|uand la circulation s'accé-
lère, mais ce cjui peut tenir en grande partie à la suppression
presque complet»* des causes ih» rfîfroidissement chez les ma-
lades.-^
LA FIÈVRE. 5H3
11 nous semble que, dans cette théorie, que nous avons re-
produite m extenso, M. Marey a parfaitement vu les deux élé-
ments qui s'associent pour augmenter la température des
fiévreux , mais , au lieu de considérer l'accroissement de la pro-
duction de chaleur comme le second élément, il faut évidem-
ment le placer en première ligne. Il n'en est pas moins vrai
que négliger le nivellement de la teippérature serait mécon-
naître une cause réelle, mais secondaire, de l'état fébrile.
Théorie de M. Claude Bernard^. — M. CL Bernard fait re-
marquer que les théories de Traube et de Marey sont insulii-
santés, même pour le frisson de la fièvre intermittente, car
l'élévation de la chaleur précède le frisson.
Hunter, Breschet et Becquerel ont démontré que, si le^sang
s'échauffe légèrement en traversant une partie enflammée,
cette petite augmentation de chaleur est insuffisante pour ei-
pliquer l'élévation totale de la température du corps. Zimmer*
mann, Weber, John Simon, Billroth, ont constaté les mêmes
faits.
Donc, s'il y a production île chaleur dans la fièvre, cette
chaleur tient è un processus général, comme la chaleur nor-
male; la lésion d'un organe n'a été que le point de départ des
actions nerveuses qui président à la calorification normale et
è son exagération pathologique.
Les travaux de Leyden, de Liebermeister, ont montré que
la perte de chaleur est toujours augmentée dans la fièvre; cette
peiie peut aller jusqu'à i i/ti et a fois la normale.
La quantité de chaleur produite pendant la fièvre est donc
augmentée. la preuve s'en trouve, en outre, dans l'augmenta-
tion des déchets qui résultent des combustions organiques,
ainsi qu'on le constate dans l'air expiré et dans l'urine.
Chez le fébricilant la respiration est accélérée. Sénator et
* et. Bernard, Lreom» êur la ckakur amimaie, p. 6o5.
5»4 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
Traube, ne tenant pas compte de cette circonstance, avaient
(*onclu de leurs analyses que le poumon des fiévreux rend moins
d'acide carbonique que celui de l'homme sain. I^yden de
kœnigsberg et Liebormeister ont démontré leur erreur. lâe-
bermeister a trouvé que, dans un accès de fièvre intermitlente.
In contenu proportionnel d'acide carbonique dans l'air expiré
est diminué: il est à la quantité normale comme 3 est à 3 1/9.
mais la quantité absolue dans un temps donné a augmenté
conmip 1 i/îi est « i.
bans Taccès de (lèvre pendant la seconde demi-heure, bien
que la température monte lentement, la production d'acide
carboni(|ue augmente do 45 p. 0/0. Dans la troisième demi-
heure, la température monte rapidement, et l'acide carbonique
augmente de fi-j p. 0/0. Il est éliminé en une demi-heure la
quantité énorme de 3&*%*j d'acide carbonique, puis la pro-
portion baisse à ii) p. 0/0 d'augmentation, et, pendant les
deux dernières demi-heures, où la température se maintient
a /io déparés, l'élimination de l'acide carbonique n'est |)ius que
de 38 p. 0/0 au-dessus de la normale.
Ainsi la proportion d'acide carbonique varie avec la tem-
pérature.
Voyons maintenant pour l'urée, qui décèle, dit-on, les mé-
tamorphoses que subissent les matières albuminoldes. Lo kilo-
gramme d'individu sain, à la diète, produit, par vingt-4|uatre
heures, o^'.nS d'urée, or les fiévreux éliminent, par kilo-
gramme, de i*',5 à l*^89.
La perle de poids éprouvée par un individu sain à la diète
est de q3 à 3o f;rammes par jour et par kilogramme; celle du
fébricitant de 3o è &A grammes. d*après 0. Weber.
L'excès dans la calorification du fébricitant se trouve donc
démontré par la température, la calorimétrie, le dosage de
Facide carbonique et de Turée, enfin par la perte de poids.
Nous savons, en physiologie, que la chaleur portée h un cer-
tain degré amène la mort de Tanimal. Il n'est pas douteux
(
LA FIËVRË. 585
que la chaleur fébrile ne puisse produire les mêmes résultats.
La température ne dépasse pas plusieurs jours 6!\q sans
que la mort survienne, et, dans ces cas, ce sont les lésions
musculaires qui dominent (dégénérescence de Zenker). Il en
est de même dans Tinsolation, le coup de chaleur. On trouve,
de plus, des dégénérescences graisseuses du foie, des reins,
le {encéphale.
PourSénator, ce sont surtout des albuminoïdes, qui brûlent,
(|ui se dédoublent en excès, pendant la fièvre; les hydrocar-
bures, les graisses, ne subissent que peu ou pas d'augmenta-
tion dans leur mouvement de décomposition; il en résulte
que bientôt cçs graisses se trouvent relativement en excès.
Mais nous savons ^ue la combustion des albuminoides donne
environ 8 fois moins de chaleur que celle de la graisse. Si les
hydrocarbures étaient épargnés, il y aurait peu d'élévation de
température, et, dans la lièvre, la chaleur constatée serait non
le fait d'un excès de production, mais d'une modification dans
la déperdition.
Pour M. Ci. Bernard, nu contraire, on doit considérer la
fièvre comme une exagération de la calorification normale. Au
point de vue du mécanisme, mais non de la cause de la fièvre,
M. Cl. Bernard considère le système nerveux grand sympa-
thique comme le frein opposé h l'exagération des actes de
combustion.
On a vu, en effet, (|ue la section de la moelle épinière à la
partie inférieure de la région cervicale produit toujours le
refroidissement chez les animaux de petite taille. Elle serait
due au rayonnement d'après les expériences de Naunyn et
Quincke, car, si l'on supprime ce rayonnement , exagéré par ta
dibilation des vasomoteurs, si l'on enveloppe les animaux dans
de la ouate à 96"* ou 3o^ la température s'élève jusqu'à ^3°-
44^ et l'animal meurt par IVxcès de chaleur. La section de la
moelle aurait donc détruit le frein qui s'oppose à l'exagéra-
tion de la production de chaleur. Naunyn et Quincke voient.
r>,so <:iiAi>iTnK ii. - i.a cmaleijk kt la Fif:vnK.
(!♦» |)lus. (jue, si l'on pratique la section de la moelle à des ni-
veaux inférieurs, les phénomènes de caloriiication vont en s'at-
ténuant, à mesure, en définitive, que Ton restreint le champ
dans lequel le frein est su[)primé.
M. (]l. Bernard fait remarquer que. non protégés, les ani-
njaux auxquels on a coupé la moelle se refroidissent toujours,
que le (ail de les envelopper et de les échauffer ainsi ne per-
met pas de conclure pour la lièvre, et, pour lui, les phéno-
uîènes de combustion seraient plus spécialement régis par les
nerfs vasomoleurs dilatateurs ou calorifiques qui appartiennent
en parliculinr au système cérébro-spinal. Or la fièvre n'est
([u'une exagération de l'action de ces nerfs calorifiques et non
une |)aralysie des vasodilatateurs.
et Pour nous résumer, dit M. Cl. Bernard (p. 463), relati-
vement à l'étude de la chaleur, de la fièvre, des nerfs vaso-
dilatateurs, et pour indiquer exactement les rapports qui lient
étroitement ces questions de |)hysiologie et de pathologie,
nous dirons, en les considérant aux trois points de vue que je
vous indiquais comme termes obligés de toute analyse médi-
cale vrain)ent scientififjue. que :
^ I La |)hysiologie nous montre, dans la fièvre, des IroubleN
(h» nulrilion, caractérisés par une dénutrition constante, par
suite d'une cessation d'action des nerfs vasoconstricteurs ou
frigorifiques, o[ d'une suractivité constante des nerfs vaso-
dilatateurs ou calorifiques.
" !> La pathologie nous montre, dans cet excès même de cha-
leur produite, un enqjéchement à l'assimilation ou à la syn-
thèse nutritive et une source de dangers dont la mort peut
être le résidtat plus ou moins rapide.
r. l\' (l'est contre cette |)ersistance de l'état de dénutrition ou
de caloriiication due à la suractivité des vasodilatateurs, que
la thérapeiitif|ue doit chercher à réagir, soit en trouvant un
moyen i\r ujettre en ieu le système nerveux vasoconstricteur,
■ Il II
de manière n ramener le froid d.uis le milieu intérieur, soit en
LA FIÈVRK.
587
substituant h Taction nerveuse physiologique des équivalents
physiques, tels que les réfrigérations artificielles extérieures
ou intérieures du milieu sanguin ^.v
Théorie de Hûlêi'*^. — Celle théorie bien fantaisiste ne mérite
d'4tre signalée que parce qu'elle a trouvé des partisans en
Allemagne et a provoqué un travail deSénator. L'auteur s'est
occupé de ce même sujet depuis plusieurs années : en 1 879 , il
a publié avec le docteur Greveler des expériences sur l'infec-
tion des grenouilles par l'injection de liquides contenant des
monades. Ces études, en permettant de reconnatire les phéno-
mènes intimes de la circulation, l'ont conduit à rechercher les
causes immédiates de la fièvre, et il se range à lavis des expé-
rimentateurs qui pensent que la fièvre consiste essentiellement
non pas dans une production de chaleur augmentée, mais dans
une diminution de la perte de chaleur. Traube a admis un
étarde contracture des petits vaisseaux de la peau. Hûter a
plus particulièrement étudié ce phénomène dans les capillaires
du poumon.
' Dans lin Iravail tvceni sur la ti«^\ re
chei l«*s animauv à sang froîd, fVW
Joê Fiebtr d§r KaitbtiUtr {Artk. de W.
PfUêger, jain 1 875 ) , 0. Lassar a obaervi^
que, sur les grenouilles auxquelles on
injectait des matières putrides , on n*ob-
senrait aoeune augmentation ni dans la
chaleur du corps de raoimal, ni dans
Celle qu'il peut émettre par rayonnement ;
il n'y a pas, quoique fanimal succombe
à Texpérience, de chaleur produite; il
n*y a point de fièvre au point de vue
thermique. Et, en rflel, ces animaux
n'ayant pas de chaleur propre ni d*ap-
pareil de régulation thermique, rien
d'étonnant i ce qu'on ne constate pas
chex eux des manifestations morbides
qui consisteraient essenlieilement en un
trouhle du pouvoir calorifique et de son
appareil nerveux rf'giilateur. Ce n'est
pas A dire cependant , romnie on Pavait
avancé autrefois, que les animaux A
sang froid ne présentent pas les phéno-
mènes locaux de l'inflammation. ( Voyex
Robert Latour, Expérietteet êerrant à
démontrer ^n^ U pnikaiop^ dn tmimmmx
à ânugjfoid ni ejc^mptê de Vactê mot-
bide t/ui , dam (m ammmtx à tang ehaud ,
a reçu le Wfm d* inflammation , Pari<,
i8Vi.)
Extrait de Cl. Bernard, Chedeur ani-
male, p. &i5.
* Sitr la dmtlation et eee troMe*
danê le$ poumonê dee grenauillêê, /fe-
cherchée proprm à étahkr une théorie
méranitfue de la fièvre , par C. Hâter
( Centralblalt , 1 878 , n" 5 , p. 65 ).
588 (IIAIMTIU: 11. - I.A CHALKLR KT \A FIKVRK.
r l.p corps animal , dil-il , se refroidit par deux surfaces dillt^-
ifMiles, par la peau oi par les poumons.
r Moins il circule de sanfj dans les vaisseaux de ces surfaces
de refroidissemenl , moins il y a de perte de chaleur, et plii*^
la [empéralnre du corps s'élève. Si la moitié environ des vais-
seaux est souslrailc à la circulation, comme je l'ai observe sur la
"renouille, il > a moitié moins de perte de chaleur, et ain^i
>'e\pli(|uerai[ TéleNalion de la température fébrile chez les
animaux à sang chaud infectés. Les frissons avec leur éléva-
tion de leni|)éra[iire manpjent la suppression brusque d'une
partie considérable des vaisseaux de la peau au point de vue
de la circulation.
" Le nombre des contractions du cœur s'élève avec la chaleur
(hi sanfj(Sénalor), peut-être aussi en raison des résistances des
vaisseaux de la périphérie. La mort, dans la fièvre, peut s'ex-
plicpier par 1 insullisance du cœur ou par la suppression de la
cireulation dans une étendue considérable des vaisseaux dii
poumon 0(1 des centres nerveux.
•' L'élude des substances pyrogènes et phlogotiqups faite par
(). W cher et Billrolh ne prouve jias que la fièvre soit néces-
sriiremeïjt tine inloxieation du sang, et l'on peut admettre aussi
(ju'elle peut être produite par des troubles mécaniques de la
rirculation. (l'est ce (jue montre l'état de congestion de la rate,
du foie, des rjnns. etc., dans la fièvre infectieuse traumatique
ou artificielle par injection de monades. Vovez aussi les abcès
métastati(pies des poumons ^ v
Thi'oviv ilv Séiititor-. - Inspiré par les études de Hûter sur
' l/aiili'iir il, «Ijiiin un strornl tuv- i hijodionsitaiis lerœura\ec la seririgii"
iiidirfî [ CcnlntlhliUt , n" () . 187-'^), rap- '!« Pm^ai ).
I orl»' «l»"* Pxpt'rioiHC's furil a laites sni ' Sôniiior. i\ottrflleH c*mlrif»ution<(n In
Ifs i»ml«>lii*^ pfniliiilos «laiis l«s poumons ctninaissahce de la Jihrr ( dentralblna .
.|. ;|i<MUHiillc's à laiilc <\r poii^^iiTP «If iSyS. n" 6, p. 8'i.)
'•|iarl»ofi 011 diinc »'MiiiiKion «l»' 1 iiv.
L\ IMÈVRK. 589
la circulation pulmonaire, Sénator s'est propose de recher-
cher, par une voie analogue, quel est Tétat des vaisseaux dans
le frisson, si c'est une dilatation paralytique, ou une contrac-
tion permanente des petites artères (Traube), ou une contrac-
tion périodique changeant suivant le temps et le lieu. Pour
cela, l'auteur compare Tétat des vaisseaux de l'oreille chez un
lapin albinos à l'état de santé et k Tétat fébrile. Voici le ré-
sultat de ses observations :
i"* immédiatement après l'injection de la matière pyrogé-
iiétique sous la peau du dos, il se produit une forte contrac-
tion de tous les vaisseaux de l'oreille , et . par suite, une décolo-
ration et un refroidissement de l'oreille, auxquels succèdent
bientôt un ou plusieurs mouvements de dilatation. iMais cette
contraction a lieu aussi à la suite de n'importe quelle émo-
tion, par exemple la peur, et n'a rien de spécial.
9" Longtemps après l'injection, quand la température du
rectum s'élève de t*" k i\h au-dessus de la horniale. et que
le corps de l'animal est échauffé, on voit les vaisseaux de l'o-
reille demeurer souvent resserrés pendant des heures entières,
et plus contractés qu'ils ne le sont jamais à l'état normal ; mais,
de temps en temps, tantôt sans cause connue, tantôt sous une
influence extérieui*e, comme la peur, un contact dur. on voit
survenir des alternatives de resserrement et de drlatation d'une
durée considérable.
3'' Après plusieurs jours de fièvre et chez les animaux très-
fatigués, les dilatations deviennent fort rares, courtes et peu
marquées.
&° Pendant la dilatation des vaisseaux, on peut sentir sur
le tronc des pulsations très-accusées, ce qui n'avait pas lieu
avant.
5" Les deux oreilles ne se comportent pas toujours de la
m^me manière.
De ces faits résulte cette notion , que l'auteur considère comme
tout à fait nouvelle, que la fièvre ne donne lieu ni à une pa-
:m\ <:ii\iMTRK ii— la chalklk et la kievur
lalysie ni à un tétanos |)ennanents des vaisseaux. Il faut con-
clure, avec lleidenliain, qu'il y a des circonstances pathologi-
ques 011 rexcitabilité des vaisseaux, notamment celle des vais-
seaux Ho la peau, est très-surexcitëe.
Théorie de Liebermeisier \ — Nous avons successivement
rendu compte des nombreuses recherches de Liebermeister
sur la calorimélrie, sur la quantité d'acide carbonique exhalé
pendant la fièvre, nous n'avons plus qu'à donner sa conclu-
sion.
Liebornieisler pose d'abord cette question : Quest-^e tjue
Iftfèvre? et il procède» par analvse à la détermination de cha-
rnu de ses caractères.
Chc: unfévreux. la température du coè*p8 est plus élevée que chez un
homme sain. Plus nous sommes convaincus de la valeur de la
ré|julalion de Irf chaleur et de la constance de la températun»
de rhoinnicî sain rjui en est la conséquence, plus nous devons
attacher d'inq)ortance à celte propriété de la fièvre. C'est avec
raison f|ue l'on considère l'élévation de la température comme
étant le symptôme patliO{jnomoni(jue de la fièvre. Nous savons
déjà qui*, mémo dans le frisson de la fièvre, la température
intérieure du corps s'élè\e, et que la période de frisson est
rrdie pendant laqu<'lle la tenjpérature est le plus élevée. Il n\
a donc j)as, pour nous, de lièvre sans élévation de tempéra-
luro. Mais l'élévation de la température n'est qu'un symptôme,
ce nvM pas l'essence de la lièvre, ^ous pouvons en effet, chez
un lionmie sain, jiar un bain chaud par exemple, élever la
tenq)érature; et ci*t homuje manifeste, en outre, d'autres svmp-
tômes de lièvre : la lré(|uence plus grande du pouls, un ma-
laise, des douleurs do léte, de l'engourdissement, etc., et.
' Lu'l>»TiiHM>'l»M', irhrr W nrmfipftu- Vorti tif^p rnn fiirharfi Volkmann ^ li" tif.
Iirunfr uHfl Fiflirr ( Saininhing klinint lipr \H'j \).
LA KIEVRK.
691
d*après les recherches de Burtels et de Naunyn^ une augmen-
tation dans rëlimiDalion de i'urëe. Ces faits nous apprennent
clairement 'qu'une grande partie des symptâmes IwbttueU de la
fièvre ne sont qu'une conséquence de VHimHon de la température. Il
faudrait cependant hésiter à considérer comme ayant vérita-
blement la fièvre un homme sain dont on aurait élevé artiti-
ciellement la température.
Les fiévreux ont une augmentation de la production de la cha-
leur. Pendant Fardeur de la fièvre, Tapposition de la main ou
l'usage du thermomètre suffisent pour constater qu'il y a plus
de chaleur exhalée à la surface qu'à l'état normal. Leyden a
donné d'une façon exacte la mesure calorimétrique de cette
chaleur émise par une partie donnée de la surface du corps.
Tant que, grâce à cette augmentation de la perte de chaleur,
la température du corps demeure à la même hauteur, il faut
* Cantributtom a V élude de la fièvit ,
par le profeMeur B. M«unyn à Dorptt
{Arck.fir Att.^ Phifs. und wtMi. Med.,
1870, p. 159).
Pour Nauoyn , la lièvre eal uoe ré-
tmUon de la chaleur. L« mol avail dëjé
élé pronoocé. Voici rarguroeul : La
proJurlion de la chaleur esl , au fond ,
augmenlée; cepeodani on oe nie pan
que la rélenlion de la chaleur u ait lieu
au début de la fièvre, bien que plus
tard il y ait certainement augineo talion
de la production. Si Ton admet que
cette élévation de température est cause
d*an plus grand déplacement de ma-
tière, mais que ceUe augmentation de
la combustion est suivie elleHoéme d^une
augmentation de la production de cha-
leur, il se trouve que Torganisme, pen-
dant la fièvre, est dans un cercle vi-
cieui. I^ mouvement initial proviendrait
d'un trouble quelconque qui romprait
le pacte d'équilibre entro la production
et la dépense de chaleur. Il y aurait
d*abord rétention de la chaleur, et , alors
même que plus tard la dépense serait
augmentée, k rétention n*en aurait pas
moins été le point de départ d^un uiou*
vement par lequel Taecroissement des
déplacements de matière et r«ugment
de la chaleur propre, combinent, pour
ainsi dire, leurs efforts pour entretenir
une élévation penislante de la tempéra-
ture.
Bartels a montré que, dans le bain
de vapeur, non-seulement uotie tempé-
rature peut monter à Ao** G., mais que
cette température de notro corps, pro-
duite simplement par rétention de notre
chaleur, a pour effet à la fois une di-
minution de la quantité de Turine et
une augmentation de reicréUon d'urée.
L'excrétion quotidienne d'urée est en
moyenne de ar><',8 avec 880 grammes
d'urine quaud ou a administré le bain
de vapeur; autrement, elle est, en
59.> CIIMMTUH: II. — LA cri\LKll\ Kl LA KI^VUK.
riece^sainMiieiit que la production de la chaleur reste élevée
au MHMue dejjré. Sans doute, rau{jmentation de la perte de
rhaleur et de la production de la chaleur n'est pas si grande
(ju'on pourrait être enclin à le croire d'aprè> des évaluations
superficielles. Une mensuration précise montre qu'un fiévretix
qui a plus de ^lo degrés, produit habituellement environ de
oQ h 90 |). o/o plus de chalein* qu'un homme sain qui a 3^ de-
grés. La méïne |)roportion existe dans l'excès de production
(le l'aride carbonique chez les fiévreux. Pendant le stade de
lri>son delà fièvre, alors (|ue la température du cor|)s est le plus
♦'•levée, la contraction des vaisseaux périphériques et la sé-
cheresse de la peau diminuent la perte de la chaleur à la sur-
face: mais, par cela niéjue, la |)roduction de chaleur s'accroît
dans iim^ pr(q)ortion extraordinaire; seulement, la chaleur
produite en excès, au lieu d'être évacuée par le dehors, est
rMumagasinée dans le corps, d'où résulte une augmentation de
>-ml«', il' ^.'l"',."», a\ec 1576 j;rHinmes résulté de foules cos expériences, «^ue,
«rmiiio. dans celte période dile de fièxi'e lalente,
Xiiutivii a lail dos expériences >ui' des il v a à la fois diminulioo de la masse
rliieiis placés dans un bain de vapeur, des urines et augmentation de Texcré-
\ii IjouI de (rois heures, il y avait une lion d'urée. Cette augmenlatij>n jjersisle
l«'Mi[)éraliire de ^m",.^) pI une aiijpnenta- nécessairemeni avec la venue delà liè\it'
lion de 3 [jrannnes poin* Turée ((|*^^75 toxique. •
an lieu de 6*^' 7 ). Pourquoi, pendant ia lièvre latente,
Chez les chiens tenus ù la dièle, puis ci'tte diminution dans la masse des
f'nli«'\iés par Tinjeclion de liquides pu- urines? On m* sait. \ coup sûr, cela ne
h élics sous la peau , on re( iieillil l'urine provient pas de rau^pnenlation de Teva-
ilans la vessie a\ec une sonde. Dans la poralion par les poumons et la pei)u,car
liriMuière périod»', alors (pi'oxisle ceque le poids du corps pendant ce temps est
\auii vu appelle la^Vr/e/f/^v/i^", on trouve si peu diminué, que Pou doit 8up(H)ser
déjà la quantité d'un'oauijnieutee, bien une rétention de Peau dans le corps.
i\w la li'uqjérature i\v soit pahciicoreen L^an||menlation de Pexcrétion urinaire
vii; d'rliN illion. Dès lois on doil con- sf produit souvent au pins for! de la
cbirr (du niuius en ce qui concerne la lièvre, d'autres fois dès son début. La
liè\iHipulride)(pjerauguientalion ifoxy grande excrétion d'urée sunit à la
dation de^ inaléiiaux do rorganisnio fièvre, et cela tient sans doute à ce que,
pr<'cédo, ol (|u«' ri''lévalion do la loiiipé- po!:dnnl la fièvre, les organes soni gor-
lafiiK' f'si III) |ihéii(Mnpiio spciuuliiir»'. Il /;és d'urée qui s'élimine ensuite.
LA FIEVRE. 593
chaleur toujours croissante. Dans les frissons violents, la pro-
duction de la chaleur peut être triplée. En même temps , la
production de l'acide carbonique reste au même degré pen-
dant ce stade. Mais aussi Télévation de la production de cha-
leur ne fait pas disparaître la cause essentusUe de la fièvre.
Une augmentation de la production de la chaleur de qo à
a 5 p. o/o, comme dans le stade de chaleur, se rencontre très-
souvent chez les gens en bonne santé. Pour la produire, il
suffit d*un repas plus copieux ou d'une très-grande fatigue du
corps. Et même en peu de temps, un très-grand effort phy-
sique, par exemple l'ascension. d'une montagne, peut porter
la production de la chaleur au triple ou au quadruple de
l'état normal. Mais cette chaleur en excès n'est pas encore la
fièvre.
La fièvre comporte nécessairement et une haute température
et l'augmentation de la production de la chaleur. Mais ni l'un
ni l'autre de ces phénomènes, ni même tous les deux réunis,
ne constituent l'essence de la fièvre.
Si l'on parvient , chez un homme sain , a élever artificielle-
ment la température du corps à Ao degrés, il suffit de le
replacer dans son milieu habituel pour voir bientôt la tempé-
rature revenir à l'état normal. Les vaisseaux de la peau se
dilatent , la sueur s'écoule , et l'évaporalion fait perdre beaucoup
de chaleur, la chaleur qui s'était condensée dans le corps
s'en échappe de nouveau. L'homme en santé règle sa perte de
chaleur et sa production pour une température d'environ
37 degrés; et, quand cette température a été modifiée violem-
ment, il tend aussi vite que le permettent les conditions phy-
siques , h la recouvrer.
Du reste , lorsqu'un homme en santé , par exemple par un
effort corporel prolongé, produit autant ou même plus de cha-
leur qu'un fiévreux dans le stade de chaleur, il n'élève pour-
tant jamais la température de son corps jusqu'à la hauteur de
colle de la fièvre: sa tepérature s'accroît seulement d'une
38
,V.)'. CIl.VlMThK II. — LA CH VLKU» M'Y LA FIÈVKK.
IVartioii de deyré. Les voies par lesquelles se perd la chaleur
sont, au contraire, d'autant plus ouvertes que la chaleur pro-
duite en excès est plus vite éliminée. Le corps est réglé pour
une température de 87 degrés, et, malgré l'augmentation
de la chaleur produite, il peut très-facilement se maintenir
a[)proximalivemenl à cette température.
E( enfin, si Ton élève artificiellement la chaleur du corps
chez un homme en santé, et qu'après l'avoir replacé dans son
milieu habituel, on fasse, par un exercice musculaire prolongé,
tenir sa température à un degré élevé, alors même, eussions-
nous en même temps élévation de température et augmentation de
la production de la chaleur, ce n'est pas encore la fièvre. Cet
homme n'en serait [)as moins réglé pour 87 degrés, et, dans un
temps relativement court, malgré la prolongation de la pro-
duction en excès, il n'en retournerait pas moins à son chiffre
de 3 7 degrés.
(ies exemples montrent que l'homme en santé se différencie
du fi/'vreux essentielh*ment en ce qu'il règle sa perte et sa
production de chaleur pour une température d'environ 87 de-
grés, qu'il s'y tient autant que le permettent les circonstances
physiques, et qu'il y retourne aussitôt que possible. Le fié-
vreux, au contraire, ne se règle plus pour la température
normale de 87 degrés.
On est conduit ainsi à admettre que le féhricitani n'a plus
de régulation de chaleur. Il se comporterait donc, en ce qui
concerne l'état de sa température, à la façon d'un animal dont
le cerveau a été séparé de la moelle épinière. El, parle fait,
on a souvent signalé la condition de ces animaux comme étant
à proprement |)arler la fièvre. Mais d'abord ce fait que, dans
ce cas, un certain accroissement de la perte de chaleur, qui
n'aurait pas modifié sensiblement la température d'un fébrici-
tant, peut amener la température à un degré très-inférieur à
l'état normal, montre qu'on ne peut pas faire une semblable
assimilation.
LA FIÈVKK. 595
Le fébricitant ne se règle donc plus |M>ur 3 7 degrés; et
une observation attentive des faits montre que la régulation
de la chaleur n'est pas pour cela détruite, mais que, quoique
à ua moindre degré , elle persiste cependant suffisamment et
de la même façon qu*à l'état de santé. Les fiévreux sont réglés
non pas pour la température normale, mais pour un eeriain
degré ikvi de température.
De ce que, chez les fiévreux , il existe aussi une régulation de
la perte de chaleur, on conclura qu'ils sont, tout comme les
gens en santé, influencés par les sensations subjectives de froid
et de chaud , suivant le choix de leur vêtement Lorsqu'il j a
une forte soustraction de chaleur, comme, par exemple, dans
un bain froid, chez le fiévreux comme chez l'homme sain, le
même mécanisme est mis en jeu pour lutter contre l'excès de
refroidissement; or les recherches expérimentales exactes,
relativement à la perte de chaleur, montrent que cette lutte
contre le refroidissement est un peu moins efficace que chez
l'homme en santé, parce que la peau et ses vaisseaux se con*
tractent avec moins d'énergie.
La régulation de la production de elialeur par la perte de dut-
leur a lieu aussi bien chez les fiévreux que chez les gens en
santé. Lorsque déjà , dans le milieu ordinaire , leur production
de chaleur s'élève au-dessus de la normale, on la voit atteindre
encore une plus grande intensité par l'action d'un bain froid ,
ainsi que le démohtrent de nombreuses observations calori-
métriques; et la production de l'acide carbonique est élevée
dans la même proportion. Dans un bain de ao*à as* G. , par
exemple, le fiévreux produit s fois plus de chaleur qu'il n'en
produit dans un bain à 3 & ou 35'' G. Il est encore facile d'en
tirer cette conclusion , que ses moyens sont un peu plus limités
que ceux de l'homme en santé , et qu'il n'est pas en état par-
ticulièrement de résister aussi longtemps à un violent refroi-
dissement.
Donc , de même que l'homme en santé déploie tous les moyens
38.
olKi CHAPITRE H. — LA CHALEUR ET LA FIÈVRE.
dont il dispose pour maintenir sa température à 87*" C, de
même fait le fiévreux pour maintenir la sienne aux environs de
/jo" C. Si Ton clierche, par de violentes soustractions de cha-
leur, à le refroidir, il résiste au refroidissement par les mêmes
moyens que Thomme en santé. A la vérité, quand il y a force
majeure, c'est-à-dire sous l'action d'un bain froid d'une durée
suffisante, sa température peut être abaissée, comme celle
(le l'homme en santé et même avec une moindre difficulté;
on peut même la faire descendre au-dessous du chiffre nor-
mal; mais, aussitôt que cela est physiquement possible, sa
température recommence à monter, et, après un temps relati-
vement court, elle atteint sa hauteur précédente. Nous voyons
par là que l'organisme du fiévreux a une tendance prononcée
à persister dans sa température propre. Si cette température
est brusquement modifiée, le fiévreux y revient aussitôt que
les circonstances et ses propres moyens le permettent. Il se
maintient dans cette situation à peu près comme l'homme
on santé; seulement il est réglé pour une plus haute tempé-
rature.
La différence essentielle entre le fiévreux et l'homme sain
consiste donc, non pas dans l'élévation de la température, mais
dans ce fait que, chez le fiévreux, la perte comme la produc-
tion de chaleur sont réglées pour une plus haute température.
La réffulatlon de la chaleur disposée pour un degré de temj)érature
plus élevé est l'essence mènie de la fièvre.
Comment a Heu ce transport de la régulation de la chaleur
à un degré plus élevé? Nous sommes ici complètement dans
l'obscurité, et cette obscurité ne se dissipera pas, tant que
nous ne saurons rien de plus sur le mécanisme de la régula-
tion de la chaleur chez l'homme sain. Si nous avons quelque
raison sérieuse d'accepter l'hypothèse d'un système excito-calo-
rique et d'un système calori-modérateur chez l'homme sain,
se lelianl avec les centres nerveux, nous sommes conduits à
adniotln» ([uc la fièvre (rouble l'un ou l'autre de ces systèmes
LA FIÈVRE. 597
OU tous les deui. Leur fonction n'est pas accrue; les deux
systèmes agissent encore de ]a même façon qu'à l'état nor-
mal; mais leur fonction est modifiée, en ce sens qu'elle est
réglée pour un degré plus élevé de température. Poursuivre
plus loin cette bypoth^e en ce moment,. ce serait s'éloigner
du terrain solide des faits positifs.
Tous les phénomènes si variés que comprennent les symp-
tômes complexes de la fièvre, toutes les particularités rela-
tives à l'organisme en état de Bèvre peuvent être déduits sans
effort, à ce que pense Liebermeister , de ce changement essen-
tiel qui consiste dans la régulation établie pour une plus haute
température. Du moins, cette déduction serait valable pour le
symptôme caractéristique de la fièvre, qui est l'élévation de
la température, et, par suite, pour les phénomènes variés et
incommensurables qui sont la suite directe ou indirecte de
l'élévation de la température. Liebermeister ajourne à plus
tard les développements relatifs à ces considérations pratiques
si importantes, et il se borne è montrer comment les relations
de la production et de la perte de chaleur dans les différents
stades de la fièvre peuvent être déduites de ce point de vue.
11 considère d*abord, ce qui est le cas le plus simple, le
stade où la température reste à peu près sans changement,
c'est-^-dire le êtade de chaleur qui, dans les fièvres intermit-
tentes, ne dure que quelques heures, mais qui, dans les
autres maladies fébriles comme la fièvre continue ou sub-
continue, se prolonge pendant plusieurs jours et même plu-
sieurs semaines. Pendant le stade de chaleur, la tempé-
rature se maintient à peu près à la même hauteur, il y a
équilibre entre la production et la perte de chaleur.' Le ma-
lade produit autant de chaleur qu'il en émet , et , par là , la
somme de chaleur incluse dans le corps reste la même. Le
fiévreux se comporte dans ce cas exactement comme un homme
à l'état sain. La seule différence qu'il y ait entre eux , c'est
que, chez le fiévreux, cet état d'équilibre est réglé pour une
:)98 CHAPlTiU: IL — LA CHALKUR ET LA FIEVr,E.
plus haute température. Donc ie fiévreux règle sa température
coninie l'homine sain, seulement pour un degré plus élevé; il
défend sa température de peut-élre /jo** C. conlre Télévation
ou rabaissement par les mêmes moyens que rhomme sain
pour sa température de 3 7* C. Même les petites variations
diurn(»s de la temjïérature de Thomme sain s'observent aussi
chez le fiévreux.
Le stade de la température décroissante est suivi habituel-
lement de sueurs, cjuand la chute de la tem|>érature a lieu avec
queUpie rapidité, et il prend pour cela le nom de stade de
.meur, La chute de la température montre que la perte de la
chaleur est plus grande que la production. Dans ce stade, la
régulation de la température est tombée relativement d'un
degré plus élevé i\ un degré inférieur, tandis que la température
du corps, obéissant aux lois physiques, ne peut tomber que len-
tement, et, par conséquent, demeure d'abord plus haute que
ne semblerait le comporter la modification instantanée de la
régulation. Dès lors le malade se trouve dans la même con-
dition qu'un homme bien ])ortant dont la température a été
artificiellement élevée. Aussi les voies de la déperdition s'on-
vrent-elles chez lui largement : les vaisseaux de la peau se
dilatent, la sueur coule, l'évaporation augmente beaucoup la
perte de chaleur, et l'on peut l'influencer à volonté en dé-
couvrant le corps du malade ou en établissant des courants
d'air. Kn réalité, suivant les circonstances, la perte de cha-
leur peut être amenée à dépasser le chiffre de déperdition
normale, et il s'ensuit un abaissement plus ou moins rapide
de la température. Sans doute, chez les fiévreux, la régulation
de la chaleur ne quitte pas subitement le degré élevé où
elle était établie j)Our tomber à un degré inférieur» mais peu
à peu et souvent par oscillations, ce qui prolonge la dorée
de la transition.
Ainsi l'on voit qu(^ l'on a tort lorsque , et cela arrive souvent
dans ce stade, on considère l'apparition de la sueur comme
LA FIÈVRE. 599
le phénomène initial, et la chute de la température comme
la suite naturelle d'une violente évaporation. L'évaporation
ne produit ce résultat que lorsque déjà la régulation de la
température est descendue h un degré inférieur. Si , pendant le
stade de chaleur, et alors que la régulation se maintient au
même niveau, on rend la peau humide par une aspersion
d'eau continue, on peut s'assurer qu'on obtient par ce moyen
un abaissement de température qui ne le cède guère à celui
qui a lieu dans le stade de sueur. Tant que le niveau de la
régulation ne change pas, le malade produit d'autant plus de
chaleur qu'il lui en est plus enlevé. On reconnaît généralement
aujourd'hui, comme un fait d'expérience, qu'il ne sert de rien
et qu'il peut même, suivant les cas, être nuisible de provo-
quer la sueur dans le stade de chaleur, alors que, par le
procès morbide légitime, la température doit continuer à
monter.
«Comme on le voit, dit Liebermeister, ce nest pas seu-
lement a l'état de santé qu'existe cette merveilleuse disposition
qui fait que le corps est réglé pour un degré détermi^ié de
température, mais il y a de même, on peut le dire, pour les
cas pathologiques , en tant qu'il s'agit d'une rapide élévation
et du maintien du corps à un degré quelconque plus élevé,
un mécanisme spécial. Au reste il n'est pas nécessaire de
dire que , si , sur ce point particulier de nos connaissances gé-
nérales , nous sommes obligés de supposer un organe central
de la régulation de la chaleur, obéissant à la prétendue loi
des causes finales, nous ne devons considérer cette manière
de voir, supposant une sorte d'archée, que comme une né-
cessité provisoire. Nous sommes très-éloignés d'adopter une
théorie complète de la fièvre empruntée au dogme des causes
finales : il nous suiBt d'avoir hasardé un coup d'œil sur le
mécanisme particulier de l'organe central de la régulation,
et cette vue presque téléologique n'est qu'une nécessité pro-
visoire, elle n'a que l'avantage de ramener n un point de
(iOO CIIAPITKE II. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
vue; unique les conditions si compliquées et si dilliciles du
phénomène; ce point de vue était nécessaire non pas seule-
ment pour rex[)Osition actuelle, mais peut-être encore pour
permettre les recherches ultérieures faites dans la même voie.
a [Mais comment se fait-il que souvent la régulation de la
chaleur s'étahlisse à un degré d'élévation anomale? En d'autres
termes, (pielle est la cause de la fièvre? La réponse à cette
demande ne peut être donnée que très-imparfaitement, parce
(|ue nous ne savons quelque chose que relativement aux causes
éloignées.
r \ous savons (pie toutes ou du moins la plus grande partie
des fièvres sont produites i)ar l'introduction dans le sang, ou
dans les liquides, de certains matériaux particuliers. Ce sont,
soit les [produits d'un procès pathologique local pour les fièvres
appeh'es s ynq)tomaliques ou inflammatoires , soit des substances
en déconq)osilion introduites du dehors, substances à l'aide
desfpiclles Billroth et 0. Weber nous ont montré qu'on pou-
vait produire artificiellement la fièvre, soit certains poisons
chimiques, ou enfin des poisons organiques appelés matières
infectieuses, miasmes et contages, qui sont la source des ma-
ladies infectieuses.
^ Muis connnent la fièvre en résulte-t-elle? On croit généra-
lement que ces substances sont par elles-mêmes facilement
oxydables, ou bien tpi'elles disposent les matériaux du corps à
une plus puissante oxydation et qu'ainsi se produirait l'aug-
mentation dans la production de chaleur. Cette explication
serait très-satisfaisante, si la fièvre ne consistait que dans une
élévation de la production de chaleur. Mais une simple éléva-
(ion de la production de chaleur avec la régulation normale
n'aurait ucune action réelle sur l'élévation de la température,
fiinsi que le montre, par exenq)le, d'une façon évidente, l'ac-
croissemcnt (|ui a lieu par un plus fort exercice musculaire; au
contrains on verrait alors la [)erte croître en proportion équi-
vah'nle, r\ \i\ (rnqiéiature ne s'élèverail pas réellement au-
LA FIÈVRE.
601
dessus de la normale. Dans la Gèvre, au contraire, la régulation
de la cbaleur n'a plus lieu pour le degré normal, mais pour
UD degré de température plus élevé ; elle est , du reste , aussi
fixe et elle procède de même. Sans doute, ces matériaux py*
rogéniques ont aussi une action, ils doivent agir directement
ou indirectement sur le centre régulateur de la chaleur et
sur le déplacement du niveau de la régulation. Gomment
s*exerce cette action , nous ne pouvons actuellement le dire :
tout au plus peut- on citer quelques expériences qui in-
diquent que le degré auquel se fixe la régulation dépend
eu partie de la quantité des matériaux disponibles pour l'oxy-
dation. y>
Tel est le long exposé que donne Liebermeister des condi-
tions^qui peuvent ou qui doivent concourir théoriquement à
produire la fièvre. Il appartenait a l'homme qui a tant travaillé
cette question de ne pas s'aventurer à fournir une formule. En
l'état actuel des choses, nous ne pouvons aller plus loin que lui.
Libre à chacun de donner è chaque condition une importance
variable suivant ses tendances* personnelles; nous nous con-
tenterons de dire que, si nous pouvons désigner le nombre et
la nature des éléments qui paraissent constituer la fièvre,
nous ne les connaissons peut-être pas encore tous, et nous
n'avons pas encore su réduire ceux que nous connaissons à
une unité mesurable ^
* Noiu ne reproduisons pas toutes
les ibéories de la fièvre, nous aurions
peut-élre dâ réserver une place à celle
de Zimmennann , qui a joui longtemps
d^uoe grande réputation. (JDs laJOwrt,
in fV. Ver, Zeitung, f. Il, 1 1, ta, i6,
18, 30, aa, a5, 97, 36, 3f), 38, 4o,
1859), analyse dans SckmiiWê Jahr-
bHekêTf i86f, t GlX,p. aai.
Zimmennann avait, dès 1 856 , pour-
s(ii\i la démonsLralion de cette proposi-
tion : " Il n'y a pas dp fi«?vro cssenliellt*,
et la fièvre résulte toujours de quelque
lésion locale.» Il suppose que toute par-
tie lésée par traumatisme, par exemple,
s*échauffe, et que de proche en proche,
le sang transporte ces parties échauffées
dans les veines et ensuite à tout le corps.
Si Ton admet que la chaleur fébrile
vient des parties enflammées, il faut
admeUre aussi que Texcès de dénutri-
tion et de déchet a lieu prédsénient
dans ces parties. ( Ain$i Hrmi jfuiifièê
Vexpvctswn de fnfer, )
00->
CHAPlTRfc: II. - LA CUALEUn ET LA FIEVRE.
Telles sont les principales théories que les physiologistes et
les médecins expérimentateurs ont récemment introduites dans
la science. Elles sont toutes exclusives, et la conclusion de Fau-
teur se trouve en quelque sorte commandée par la direction
de ses recherches pei'sonnelles. Placés en présence des ma-
lades, les médecins cliniciens se sont tenus en général sur
une prudente réserve, et nous n'en trouverions pas un qui ait
adopté dans son entier une seule des théories que nous avons
analysées. Eclectiques par la nécessité de l'application, ils ont
tous cherché à juxlapo.ser les diverses propositions, et à en
tirer ce qui était inmiédiatement utilisable au lit du malade,
pour le traitement ou pour la connaissance du processus pa-
thologique particulier.
Nous ne ferons pas une longue analyse des divers articles
consacrés par eux à Tétudc de la lièvre, les médecins ne pou-
vaient être et ne furent que des compilateurs.
Nous devons dire d'ailleurs que ce n'est pas un reproche
que nous adreSvSons à nos devanciers, nous ne saurions actuel-
lement aller j)lus loin qu'eux, et la pratique n'aurait rien à
gagner à ce que les médecins, pris subitement d'enthousiasme
pour une de ces théories, acceptassent sans discussion les appli-
cations thérapeutiques qui en sont la conséquence logique.
Nous sommes trop convaincus que la solution du problème
Le rapporleiir (Samuel, Schmidt's
Jahrb.) déclare cette hypothèse contre-
dite par ce fuit hien connu que certaines
lésions locales importantes, qui sup-
posent n<kessairement un état anomal
(lu sang ^j contenu, ne donnent point
lieu à la fièvre. Dans le cours d'une
même dyssentcrie, il y aura aujourd'hui
une température normale, a un autre
moment il y aura lièvre, et pourlant on
ne peul pas admellre que le sang ait dif-
féré de composiliou hier et aujourd'hui.
Lesfli'reuscurs (ilon cxisl»' encore) de la
fièvre essentielle ne peuvent pas expli-
quer ces diOerences : cela est cepondaut
facile, si Ton se reporte audeg^rë pïm on
moins élevé d'intensité da processus
inflamaiatoire, constaté par le thermo-
mètre. Alors on voit que la chaleur fé-
hrile ne se forme que dans le foyer
inflammatoire, que tous les antres
organes et tissus lui servent de milieu
physiologique , mais qu'ils ne fournissent
aucune contribution positive à Texcé-
dant que nous trouvons alors.
LA FIÈVRE. 60S
est encore éloignée pour ne pas résister de toute notre puis-
sance à des déductions prématurées.
Wunderiich ^ fait remarquer avec raison que cette ques«
tion : Sur quelle baie repoee ïéUvaùon iliermique anomale? n'est
nullement identique avec cette autre : Qudk e$t la cquêm esam-
tidle de la Jiivre? La fièvre est en eflfet un ensemble de phéno-
mânes généraux dont Télé va tion de la température constitue
peut-être Télément le plus important; mais il est impossible
de déduire tous les autres phénomènes de celui-ci.
Pour Wunderiich , on ne devrait pas demander quelle est
la raison de la modification thermique dans la fièvre, mais
bien quelle est la cause ou plutôt quelles sont les causes d'une
élévation déterminée de température chez un individu donné
et à un moment précis, ou, tout au moins, quelles sont les
causes de la modalité thermique dans une forme morbide,
dans une espèce et dans un temps déterminés.
L'élévation de la température générale peut résulter d'un
défaut d'élimination de la chaleur. Pour Wunderiich , dans le
frisson , on peut supposer que , le sang ne se refroidissant plu»
dans la peau anémiée, il en résulte en grande partie une aug-
mentation de la chaleur centrale.
Wunderiich ajoute : ^ On peut supposer que , dès qu'il se
trouve, dans un point quelconque du cor{)s, un foyer local
d'hyperproduetion thermique, le surcroît de la chaleur qui
en dérive est communiqué par l'intermédiaire de la circula-
tion au corps tout entier, et que la température locale en est
augmentée. Les lieux dans lesquels il peut y avoir une hyper-
thermogénèse sont les foyers d'inflammation ou d'hypérémie,
mais ils sont trop circonscrits par rapport à l'ensemble de
Forganisme , et l'on peut tout au plus admettre que le sur-
croît de production thermique local fait naître une élévation
* Wunderiich , D9 la tempèraturt danê Ut malatliet. TraJ. de Labadic La|];ra\e.
Paris, 187s, p. 189.
004 CHAPITRE II. — LA CHALEUR ET LA FIEVRE.
Irès-inodérée de la température générale, qui, d'ailleurs, à
moins qu'il ne survienne de nouveaux troubles, doit être
promptemcnt et facilement compensée par les voies norojales
trélimination. w
On voit que, dans son ardeur à découvrir les causes de la
[)roduction de chaleur, U underlich oublie les expériences de
Huntcr et celles de ses contemporains. Il suppose ensuite que
celte élévation de la température générale peut dépendre de
l'activité des processus thermogènes normaux, mais il fait re-
marquer que, malgré les recherches quantitatives des produits
de décomposition (acide carbonique, urée), nous sommes
encore loin des résultats qui autoriseraient a considérer la
chaleur fébrile comme la consé([uence d'une suractivité pure
des processus chimiques normaux.
Pour Wunderlich , ce sont, au contraire, des processus chi-
miques plus ou moins étrangers à l'état physiologique qui
doivent probablement expliquer l'augment de la chaleur; il
lui semble que, parmi ces processus, il faut placer une surac-
tivité de la combustion de l'hydrogène, une décomposition
organique rapide (qu'il ne détermine pas), les contractions
musculaires (convulsions toniques), enfin les fermentations.
Wunderlich enregistre également l'influence des nerfs vaso-
moteurs et de l'activité morbide des centres spinaux et con-
clut ainsi : ^^ Kn réfléchissant à la coopération possible, sinon
certaine, de plusieurs causes, on conçoit que, dans deux cas
diiïérents ou à deux périodes différentes d'un môme cas, une
seule et même élévation de la température morbide puisse
avoir une tout autre signification (dans ses origines).»
Ce résumé montre assez combien un auteur soucieux de
n'avancer que des faits démontrables, se trouve embarrassé
au milieu des matériaux amassés, et quelle peine il éprouve
à faire un choix; incertain de ses appréciations, il réunit ceux
qui lui semblent plus parfaits, sans réussir à les joindre et à
(»n faire un ensemble.
LA FIÈVRK. 605
M. Jaccoud est plus sévère encore dans son jugement ^ :
« Ce qui est certain , ce qui est saisissable par l'observation ,
c'est que la cause pyrëlogène crée dans l'organisme une mo-
dalité anomale de la nutrition (accroissement des oxyda-
tions), c'est que ce mode nutritif a pour conséquence une
augmentation parallèle de la chaleur, c'est que , sous l'influence
de cette chaleur fébrile, l'action du cœur s'exagère; c'est que
cette température anomale provoque souvent aussi une con-
vulsion réflexe temporaire , qui constitue l'épisode du frisson et
de l'algidité; mais au delà de ces notions certaines, je ne vois
que contradictions et hypothèses, et je ne trouve dans toute
cette histoire qu'une seule vérité positive, c'est celle qui est
exposée dans notre définition même : La fièvre est un accrois-
sement morbide de la combustion et de la température orga-
niques. Ti
M. Hirtz^ fait è ses contemporains une part plus juste, il
regrette que Traûbe ne se soit pas borné è tirer des objections
dont la théorie de la fièvre est passible cette conclusion,
qu'outre l'augmentation de combustion , la fièvre doit encore
être cherchée dans cet autre facteur, la diminution de l'émis-
sion : il aurait eu raison , pense M. Hirtz , de ses adversaires
trop enclins à tout expliquer par l'excès de suroxydation.
L'ancien professeur de Strasbourg admet avec Liebermeis-
ter que Tacide carbonique exhalé par un fébricitant est aug-
menté; avec Sénator, que l'urée éliminée représente des com-
bustions plus actives ; avec Virchow, Cl . Bernard , Tscheschichin ,
que le système nerveux vasomoteur. et cérébro-spinal règle
la répartition du sang.
(tEn résumé, dit-il, il y a dans la fièvre augmentation de la
production de la chaleur, mais en même temps diminution de
la faculté modératrice qui la dépense proportionnellement.
* Jaccoud, Traité de pathologie in- médêcmê Hde chirurgie pratiquée. (Di-
lfn}e, Paris, 1870, 1. 1, p. 99. racleiir : Docteur Jaccoud.) Art. Fi^'e,
' Hirti, in Nnuveau àieiionnaire de T. XIV, Pari», 1871, p. 7.^0.
(>()(• CHAPITHK If. — LA CHALKIJR KT LA KIEVUE.
Nous en (loiinorons une iilée eu coniparanl le sang à un poèlc»
modérément chauffé, et le corps a la chambre dans laf|uelle il
est placé. Tant ({ue la fenêtre reste ouverte, la température
ne s'élève pas au delà d'un certain degré; fermez ia fenêtre
ou augmentez le combustible, et la chaleur augmentera aussi-
tôt, (i'ettc fonction compensatrice est dans la dépense par les
sécrétions cutanée, pulmonaire et urinaire. 5»
Mais pour M. Hirtz : ç^Dans la fièvre, la régulation de la
température existe encore, sans quoi la chaleur irait toujours
en augmentant par suite de la (combustion , et l'on peut ad-
mettre seulement, avec Liebermeister, que, chez un malade
qui a la fièvre, la régulation ne commence qu'à deux ou trois
degrés au-dessus de la normale.
aA|)rès celte discussion, nous croyons pouvoir formuler la
lièvre dans une définition basée sur sa nature : La fièvre est
caractérisée par une aufpnentnûon morbide de la chaleur, due à une
aujrmentalion de la combustion moléculaire et à une diminution dan*
l'émission , et prowqu^e, dans la majorité des cas, par une altération
du siinif. Combustion exagérée n'est donc pas synonyme de fiè-
vre; chaleur augmentée ne l'est pas non plus. Ufaut, comme dit
Virchow, un(» chaleur pathologiquement augmentée, et, comme
dit Van Ilelmont : Calor vtcumque prœtcr naturam auctus sit,
non est tamcn ipse febrls. Il faut, pour que cette chaleur soit
morbide, qu'elle soit permanente et non due à l'excitation
passagère d'une course, d'une émotion, d'une boisson exci-
tante. Nous voici donc, par la voie expérimentale, ramenés à ia
définition des premiers pères de la médecine. Nous pouvons
encore dire : Les anciens Font trouvé, les modernes l'ont prourt.n
Cette longue enquête sur les causes de la chaleur fébrile
montre les elTorts répétés des médecins, leurs succès et leurs
défaillances. Nous n'avons cherché à dissimuler ni nos espoirs
ni nos doutes.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME PREMIER.
PaiPACB I
NOTICB MOOEàPHIQOB VII
Publications db P. Lorain xix
Intboduction :
La tradition et la science expérimentale • i
lia mëlhode graphique • . 1 3
Divisions de Touvrage 36
CHAPITRE PREMIER.
LA CBALBtR RT LA FIBVRB.
Opinions des auteurs depuis Hippocrate jusqu'à nos jours.. . 39
Hippocrate Ai
Aristote 49
Cebe. . 5i
Galien. La chaleur du corps 55
La Gèvre 65
Les contemporains et les successeurs de Galien 76
Les Arabes 75
Femd 78
Gnillaonie Rooddet, de Montpeilier 83
G. Haillon 86
Schenck (Jean) 87
Alpinus 88
Ambroise Pare 93
610 tablf: des matières.
2" R<^wtance au froid 388
Abaissement de la tempëratare chez les animanx re-
couverts d'un enduit imperméable 898
fr. TempTaiure post mortem /ioo
S IV. R('pariition de la fbaleur 4o8
1" Répartition réelle de la chaleur dans Téconomie 608
2" Variations de la température dans les différents points
accessibles à la Ihermométrie ^lâG
(Ihoix du lieu où Ton explore la température /j*>8
Aisselle ^99
Rouche 43 1
Main 43^
Rectum et va{]fin 63-?
S V. (lalorimélrie A3'i
Hi^cherches de Liebormoisler et de Kernig hho
m
(ialorimétrie par les bains froids &63
Cialorimétrie par les bains chauds ii6i
% VI. R»'*{]"ulation de la chaleur Ay'i
La contraclililé vasculaire considérée comme i^gulatéur de la
tem|)éralure centrale 485
Le système nerveux régulateur de la chaleur 486
Théorie du centre régulateur ftgo
S VII. La fièvre 524
n. Production de la chaleur dans la fièvre 5a4
Augmentation de Tacide carbonique exhalé 5s5
Augmentation de Turée excrétée 549
h. ElTots des hautes températures dans les maladies 556
r. Rapports de la température, de la fréquence du pouls, de
la respiration et du poids 5G3
TABLE DES MATIERES. 609
ChoflMi •J91
Les ailleurs classiques moderaes. — Double 998
Landrë Beauvais. — Chomei. — Henri Roger 996
Boiiiltaud. — Piorry 998
Bouchut. — Bëhier et Hardy 996
(àavarret r 997
CHAPITRE II.
LA CHALBUR ET LA FIBVRB.
Epoque moderne 3oo
S I. Production et déperdition de la chaleur 3o3
Foyers de production de la chaleur 3o8
Rôle des muêcles dans la production de la chaleur 3io
Rôle du syêtème nerveux dans la production de ta chaleur ... 3 1 A
Rôles de» glandeê dàQS ia production de la chaleur 3i5
Transformation mécanique de la chaleur 3i8
Origine de la chaleur transformée en mouvement Sa A
S II. Température de Thomme sain. Oscillations diurnes 396
S III. Conditions qui font varier la température du corps humain.
Limites des oscillations 336
a. Influence de Tâge 336
b. Influence du sexe, de la constitution, de la race 35o
r. Influence de Talimentation 35i
d. Influence de Tactivité musculaire 353
e. Influence de la température extérieure sur celle du corps.. 367
/. Limites de résistance des animaux à la chaleur et au liroid. 365
1* Résistance h la chaleur 366
1" Action de la chaleur sur le système musculaire 37 1
9** Action de la chaleur sur le système nerveux 378
3* Action de la chaleur sur le liquide sanguin 38 1
39
i