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Full text of "De la température du corps humain et de ses variations dans les diverses maladies"

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PiîiiHi 


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ÉTUDES 


DE 


MÉDECINE  CLINIQUE 

FAITES  AVEC  L^AIDB 
DE  LA  HéTHODB  GRAPHIQUE  ET  DES  APPAREILS  BIfREGISTRRDRS 


PAR 


P.  LORAIN  ^^v    (^ 


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/•v      ;. 


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A  PARIS, 

CHEZ  J.  B.  BAILLIÈRB  et  FILS. 

BDB  HAUTBFBOILLB,  N'  IQ; 

A  LoNOBBs,  chez  Bailli^rb,  Tinoall  ano  Cox; 

À  MadsiDi  ches  C.  BAiixT-BAiLui» ,  16,  plau  del  Principe  AUboEo. 


«  ^ 


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\       • 


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■  I      ■ 


DE  LA  TEMPÉRATURE 

DU  CORPS  HUMAIN 

ET  m   SES  VABIATIO>$  DANS  LES  DIVERSES  MALADIES 


P.  LORAIN 

PUBLtCATtON  FAITE  PAR  LES  SOINS 
DE 

P.  BR0lJAKDEL^^y}5  7>  , 

...  .„.^ 

v^^     '        1 


TOME  PREMIER, 


PARIS 

lypMHli  PAR  ttlT0RI5ATin>l  ItR  H.   I.E  GARDK  DUS  SCEAUX 

À   L'IMPRIMERIE    NATIONALE 


M  DCCC  LXXVII 


PRÉFACE 


Par  une  clause  de  son  testament,  daté  du  3i  oc- 
tobre 1870,  mon  maître,  M.  P.  Lorain,  ma  désigné 
pour  réunir  ses  notes  et  publier  celles  qui  pourraient 
être  utiles  à  la  science. 

Parmi  les  nombreuses  études  auxquelles  Lorain  s'était 
appliqué ,  celle  de  la  température  du  corps  humain ,  de 
ses  causes  et  de  ses  variations  dans  l'état  physiologique 
et  pathologique /avait,  dans  les  dernières  années  de  sa 
vie,  plus  spécialement  excité  son  ardeur.  Pendant  près 
de  dix  ans,  Lorain  a  réuni  tous  les  matériaux  que  lui 
fournissaient  les  recherches  de  ses  devanciers  et  les 
siennes  propres.  En  1 870 ,  il  avait  commencé,  à  Thôpital 
Saint-x4ntoine ,  une  série  de  leçons  sur  les  modifications 
de  la  température  dans  les  maladies;  ces  conférences 
cliniques  furent  interrompues  par  J^t^j^alhêureuse  guerre 
de  1870-1871,  quelques-unes  sçujbment  furent  p^^^ 


dans  la  Revue  des  cours  sctenf^iièir.  Nommé  pfèfesseur 


t   ^ 


Il  PHKI'ACK. 

(riiisloircMle  la  médecine  à  la  Facullé,  le  li'j  janvier  1873, 
Lorain  choisit,  la  première  aiiné(î,  pour  sujet  de  ses  le- 
çons, Tetude  de  la  chaleur  et  de  la  lîevrc  dans  les  ma- 
ladies.  11  soumit  les  travaux  d(»s  auteurs  anciens  à  une 
critique  que  rendaient  légitime  et  instructive  ses  re- 
cherches personnelles.  Puis  il  consacra  presque  exclu- 
sivement les  années  suivantes  au  groupenuMit  et  à  l'ana- 
lyse des  travaux  modernes  publiés  sur  la  même  question. 
Les  documents  s'accumulaient,  et  ceux  à  qui  Lorain 
avait  l'ait  confidence  de  ses  projets  entrevoyaient  avec 
joie  le  moment  où  un  homme  instruit,  familier  avec  les 
doctrines  des  auteurs  anciens,  initié  par  s(»s  études  pre- 
mières aux  diflicultés  de  la  méthode  expérimentale, 
médecin  pratiquant,  jugerait  les  œuvres  laborieusement 
entassées  pendant  des  siècles  avec  cet  esprit  critique 
dont  la  vigueur  et  la  bienveillance  étaient  également 
incontestées.  Cette  attente  fut  cruellement  trompée. 
L'architecte  qui  avait  si  pénibhîment,  avec  tant  de  pa- 
tience, préparé  les  matériaux  d'une  telle  œuvre,  dispa- 
rut tout  à  coup. 

Choisi  paj'  lui  |)our  le  remplacer,  j'ai  accepté  ce  legs 
d'une  touchante  amitié,  sans  en  méconnaître  le  péril. 
Préparés  à  diverses  épo(jues  et  pour  un  ouvrage  dont 
les  dimensions  s'étaient  successivement  agrandies,  les 
matériaux  ne  concordaient  pas  tous  dans  leurs  propor- 
tions :  quelques-uns  étaient  déjà  terminés,  finement 
ciselés;  d'autres  étaient  à  peine  ébauchés,  .lai  tenu  à 
respecler  scrupuhîus(;ment  les  projets  d<'  mon  maître. 


PREFACE.  m 

c^  ne  me  substituer  à  lui  en  aucun  moment;  j'ai  préféré 
laisser  un  chapitre  esquissé,  plutôt  que  de  le  compléter 
avec  mes  idées  ou  mes  critiques.  Lorsque  la  conclusion 
était  évidente,  j*ai  placé  la  phrase  que  le  lecteur  atten- 
tif aurait  fatalement  eue  dans  Tesprit;  lorsque  la  con- 
clusion était  douteuse,  le  chapitre  est  resté  inachevé. 

Au  moment  où  Lorain  préparait  la  publication  des 
conférences  qu'il  se  proposait  de  faire  à  l'hôpital  Saint- 
Antoine,  en  1870-1871,  il  écrivait  : 

(T  Ce  livre  est  incomplet ,  je  le  sais ,  et  je  le  donne  pour 
srce  qu'il  est,  sans  essayer  d'en  marquer  les  imperfec- 
(T  lions  ni  d'en  combler  les  vides  à  la  hâte.  Si  imparfait 
cr qu'il  soit,  il  servira,  je  l'espère,  à  montrer,  par  des 
cr exemples  palpables,  l'utilité  de  la  méthode  qui  l'a 
cr  inspiré,  t) 

Ces  lignes,  qui  n'étaient  alors  qu'un  témoignage  de  la 
modestie  de  l'auteur,  sont  devenues  vraies  aujourd'hui. 
11  ne  m'eût  été  possible  de  les  effacer,  que  si,  trompant 
la  volonté  de  mon  maître,  j'avais,  sans  son  aveu,  rem- 
placé ses  idées  et  ses  recherches  par  les  miennes. 

Cet  ouvrage  contient  l'analyse  critique  des  principaux 
Iravau}!  publiés  sur  la  chaleur  et  la  Bèvre,  depuis  Hip- 
pocrate  jusqu'à  nos  jours,  et  plus  de  i5o  observations 
recueillies  par  Lorain  avec  s 00  tracés  de  la  tempéra- 
ture, de  la  fréquence  du  pouls,  de  ses  formes  (étudiées 
au  sphygmographe).  Il  complète  les  études  de  médecine 
clinique  publiées  par  lui  sur  Le  choléra,  1868,  et  sur 
[j€  pouk,  1870. 

L'espi'itqui  devait  coordonner  ces  richesses,  et  les  dis- 


IV  PRÉPAGE. 

poser  dans  un  plan  dont  les  reliefs  fussent  saisissants  et 
définitivement  arrêtés,  a  fait  défaut.  Si  cette  absence 
nest  que  trop  évidente,  et  si  le  succès  a  trahi  mes 
efforts,  que,  derrière  le  travail  de  l'élève,  le  lecteur 
juge  avec  indulgence  Tœuvre  du  maître,  à  qui  la  der* 
nière  heure  a  manqué. 

1 5  janvier  1877. 


LE  PROFESSEUR  P.  LORAIN 

Ni  LE   16  JAffYIBR   1897 
MORT   LB   â&    OCTOBRE  >  1875 


NOTICE  BIOGRAPHIQUE 


PikR 


M.  LE  D*  P.  BROUABDEL 


NOTICE  BIOGRAPHIQUE' 


La  brutalité  du  coup  qui  a  frappe  le  professeur  Paul  Lorain  a 
profondëmeDt  ëmu  tons  ceux  qui  le  counaissaieDt  et  Taimaieni. 
Sa  mort  a  été  uu  deuil  public ,  ceux  qui  lui  ont  rendu  bier  les 
derniers  honneurs,  savent  que  cette  expression  n  a  rien  d'exagërë. 
Lorsqu^un  homme  comme  Lorain,  jeune  encore,  dans  la  pleine 
possession  de  ses  forces  et  de  son  talent,  entouré  de  Tamitié  de 
ses  collègues,  de  la  vénération  de  ses  élèves,  vient  à  disparaître 
subitement,  il  semble  qu'il  s'est  fait  soudain  un  immense  vide. 
La  place  inoccupée  vous  fait  mieux  apprécier  le  rang  que  tenait 
dans  la  science  et  dans  votre  amitié  celui  que  Ton  vient  de  perdre. 

Nous  voudrions,  malgré  une  douleur  que  Ton  pardonnera  au 
plus  ancien  des  élèves  de  I/orain,  essayer  d'esquisser  dès  aujour- 
d'hui les  principaux  traits  du  caractère  de  celui  qui  pour  nous  fut 
un  maître,  et  qui  pour  tous  était,  il  y  a  quelques  jours  encore, 
l'espoir  et  l'honneur  du  corps  médical. 

Paul  Lorain  appartenait  à  l'Université  de  France  par  sa  nais- 
sance, par  les  alliances  de  sa  famille,  par  ses  amitiés.  Son  père, 
proviseur  du  lycée  Saint-Louis,  recteur  de  l'Académie  de  Lyon, 
avait  pris  une  large  part  a  la  préparation  de  la  loi  de  M.  Guizot 
sur  l'enseignement  primaire  (i833).  Ses  beaux-frères  étaient 
M.  Camille  Rousset,  de  l'Académie  française,  M.  Wilhelm  Rinn, 
professeur  au  collée  Rolliu;  ses  amis,  ceux  qui  en  petit  nombre 
étaient  reçus  dans  son  intimité,  étaient  presque  tous  des  universi- 

*  GeUe  notice  a  paru  flans  la  B^vue  McienUfiqw^  t.  IX,  p.  4  09,  le  3o  oc- 
tobre 1875. 


VIII  NOTICE  BIOGRAPHIQUE. 

taires.  Ce  commerce  journalier,  quil  a  entretenu ,  depuis  sa  nais- 
sance jusqu'au  terme  de  sa  carrière,  avec  les  membres  du  corps 
enseignant,  avait  donne  à  son  esprit  des  habitudes  de  rectitude  et 
d^honnéteté  qui  furent  les  traits  dominants  de  son  caractère.  Il  y 
puisa  ce  double  amour  du  bien  et  de  la  science  qui  se  partagèrent 
sa  vie. 

Mais,  si  le  milieu  dans  lequel  il  était  né  avait  développe  cer- 
taines de  ses  qualités,  Lorain  a  toujours  eu  une  personnalité  si 
nette,  si  accentuée,  que  dès  le  collège  elle  avait  été  remarquée. 
Ses  camarades  tenaient  à  son  amitié  et  redoutaient  d'exciter  sa 
verve  railleuse.  Nous  en  avons  connu  plusieurs,  tous  avaient  con- 
servé des  jeunes  années  de  leur  condisciple  le  même  souvenir  : 
profonde  amitié  mêlée  d'un  peu  de  crainte.  Cet  ascendant  qu'il 
prenait  sur  ses  émules  naissait  de  ses  facultés  supérieures,  et  c'est 
sans  envie,  sans. fatigue  qu'on  le* subissait. 

Sorti  du  collée,  étudiant,  docteur,  concurrent  pour  les  hôpitaux 
ou  pour  l'agrégation,  nous  le  trouvons  entouré  des  mêmes  sym- 
pathies. Ses  succès  n'étonnèrent  personne,  on  s'étonnait  plutôt 
qu'ils  n'eussent  pas  été  plus  rapides  et  plus  saillant*^. 

Pendant  toute  cette  période  de  luttes,  de  concours,  Lorain  sut 
triompher  sans  se  faire  d'ennemis,  et,  lorsqu'il  prit  sa  place  au 
milieu  des  professeurs  de  la  Faculté»,  il  y  acquit,  naturellement, 
sans  effort,  l'autorité  qui  s'impose  par  le  talent  et  la  modestie. 

L'œuvre  scientifique  de  Lorain  est  l'homme  lui-même;  elle  est 
inspirée  par  son  amour  du  bien  et  de  la  science.  Interne  à  la  Ma- 
ternité,.il  est  indigné  de  l'immense  mortalité  qui  frappe  l'accou* 
chée  et  le  nouveau-né.  Il  en  fait  le  sujet  de  sa  thèse  inaugurale 
(i855)  :  il  démontre  que  ce  ne  sont  pas  les  mères  qui  seules  vont 
prendre  dans  les  salles  d'accouchement  le  germe  de  la  mort,  mais 
que  les  enfants  eux  aussi  sont  atteints  par  l'infection.  Doué  d'une 
imagination  vive,  il  résume  son  sujet  dans  une  formule  énergique, 
et  il  intitule  son  mémoire  :  La  fièvre  puerpérale  chez  la  femme,  le 
fœtus  et  le  nouveau-né. 

Cette  thèse  est  une  œuvre  de  puissante  synthèse,  et  cette  ma- 


NOTICE  BIOGRAPHIQUE.  ix 

nière  d'envisager  Tëtat  puerpéral ,  d'en  étendre  les  limites ,  et  d*unir 
la  mère  et  Tenfant  jusque  dans  leurs  activités  morbides,  est  digne 
d'un  disciple  d'Hippocrate  et  restera  une  des  idées  modernes  de 
pathologie  générale  les  plus  fécondes.  Malgré  le  talent  avec  lequel 
elle  est  exposée,  cette  doctrine  suscita  de  nombreuses  contradic- 
tions; toutes  les  objections  ne  sont  pas  encore  résolues,  mais,  si 
l'interprétation  reste  douteuse,  le  fait  de  la  mortalité  n'a  pu  mal- 
heureusement être  contesté,  et  Lorain  a  le  mérite  d'avoir  de  nou- 
veau appelé  l'attention  des  médecins  sur  une  des  plaies  les  plus 
^cruelles  de  l'histoire  hospitalière.  Il  n'abandonna  jamais  ce  sujet 
d'études,  et  il  y  a  deux  ans  encore,  dans  le  sein  de  la  Société  des 
hôpitaux,  il  appuya  de  l'autorité  de  sa  parole  ceux  de  ses  collègues 
qui  poursuivaient  la  destruction  des  grandes  maternités. 

Attaché  comme  médecin  légiste  aux  tribunaux  de  Paris,  il 
exerça  ces  fonctions,  de  i856  à  1866,  avec  un  talent  et  une 
loyauté  que  n'ont  oubliés,  ni  les  membres  des  tribunaux,  ni  les 
avocats,  qui  furent  les  juges  et  les  témoins  de  l'expert.  Il  avait 
recueilli,  dans  ce  contact  avec  les  criminels,  une  foule  de  matériaux 
et  de  documents  qui  resteront  fatalement  inédits,  car  il  manque 
maintenant  celui  qui  seul  eût  pu  les  coordonner  et  les  vivifier. 
Les  élèves  en  ont  eu  quelques  aperçus  :  Lorain  se  plaisait  à  leur 
montrer  comment  tous  ces  criminels  appartiennent,  malgré  leur 
variété  apparente,  à  certains  types  bien  définis,  comment,  chez 
quelques-uns,  les  actes  sont  régis  par  des  lois  qui  sont  du  domaine 
de  la  pathologie. 

Un  exemple  fera  mieux  saisir  la  philosophie  de  ces  remarques. 
Lorain  avait  désigné  sous  le  nom  de  féminisme  ou  infantilisme  un 
arrêt  de  développement  propre  aux  enfants  des  grandes  villes. 
Vers  douze  ou  quinze  ans,  leur  évolution  s'arrête,  les  organes 
génitaux  sont  atrophiés,  le  corps  reste  grêle ,  féminisé,  leur  intel- 
ligence si  précoce,  celle  qui  caractérise  le  gamin  de  Paris,  ne  donne 
plus  aucun  éclat,  et  ils  restent  incapables  de  pensées  et  d'actes 
virils.  Leurs  idées  s'approprient  pour  une  part  à  leurs  aptitudes 
naturelles,  et,  incapables  d'être  hommes,  il  forment  un  noyau  où 


B 


X  NOTICK  BlOGhAPHIQlK. 

se  recnile  une  classe  spéciale  de  criminels,  (le  sujet  a  M  expose 
en  partie,  dans  sa  thèse  inauf^urale,  par  un  de  ses  élèves,  le  doc- 
teur Faneau ,  mort  victime  de  nos  discordes  civiles. 

En  18G6,  maître  do  dirifjer  ses  travaux  dans  le  sens  de  ses 
aj)litudes,  Lorain  renonça  à  la  médecine  léjjale  et  se  consacra 
exclusivemeni  à  la  clinique.  Nous  avons  souvent  enlendu  repro- 
cher à  notre  maître  d'être  scepli([ue  en  thérapeutique.  Il  nous 
sera  facile,  en  montrant  à  quel  courant  obéissait  son  esprit,  de 
répondre  à  ce  reproche,  que  lui  ont  adressé  ceux  (|ui  Tout  jugé 
sur  les  apparences.  Sans  doute,  en  présence  de  ces  tra\aux  qui 
semblaient  souvent  détruire  plus  ((u'ils  n'édifiaient,  quel(|ues 
esprits  inquiets  pouN aient  redouter  (pfil  ne  restât  plus  bientôt  de 
Tart  médical  qu'un  squelette.  Lorain  s'eiïorçait  de  faire  sortir  la 
médecine  de  Tempirisme,  il  n'acceptait  pas  volontiers  les  asser- 
tions traditionnelles  ou  modernes  :  il  était  diUicile  en  fait  de 
preuves,  il  les  voulait  palpables,  évidentes.  Cette  défiance  n'était 
pas  chez  lui  l'eflet  de  l'éducation  ou  des  déce[)tions,  elle  était 
innée;  il  avait  le  culte  de  la  vérité,  et  savait  mettre  eu  lumière  la 
différence  de  là  peu  près  et  du  vrai.  Aussi,  à  sa  sortie  de  l'inter- 
nat, poussé  par  l'esprit  de  recherche,  il  va  étudier  partout  où  il 
espère  acquérir  quelque  notion  nouvelle.  Jl  s'inscrit  parmi  les 
élèves  du  laboratoire  de  M.  Ci.  Bernard  et  publie  ses  leçons  dans 
le  Moniteur  des  hôpitaux  (i  855-50).  Il  ap|)rend  à  se  servir  du  mi- 
croscope, sous  la  direction  de  M.  Robin  (1857).  ^^  "'^  mot,  il 
s'adresse  à  tous  ceux  qui  interrogent  la  nature  par  des  procédés 
nouveaux,  et  qui  tachent  ainsi  de  reculer  les  bornes  de  l'inconnu. 
On  peut  dire  qu'avant  d'être  maître,  avant  d'avoir  à  diriger  un 
service  hospitalier  et  à  faire  l'éducation  médicale  des  élèves, 
Lorain  avait  tenu  à  être  muni  lui-même  d'une  éducation  aussi 
complète  que  le  comportait  l'état  de  la  science  à  «ette  époque. 

Une  fois  en  possession  de  tous  ces  moyens  d'investigation,  anné 
pour  la  lutte,  Lorain  donne  à  ses  travaux  la  direction  véritable- 
uient  scientifique  ([u'il  voulait  leur  imprimer.  Il  formule  ses  opi- 
nions dans  une  brocbure  sur  la  réforme  des  études  ntédicales  par 


NOTICE  BIOGRAPHIQUE.  xi 

les  laboratoires  (1868),  et  dans  un  article  sur  1  état  de  la  médecine 
en  Angleterre  (1868),  dont  les  lecteurs  de  la  Revue  scientifique 
n*ont  sans  doute  pas  perdu  le  souvenir.  Dans  ces  deux  publica- 
tions, il  montre  combien  la  France  s'est  isolée  dans  ses  études, 
et,  sans  témoigner  pour  les  résultats  obtenus  en  Allemagne  un  en- 
thousiasme exagéré,  il  constate  que,  parles  recherches  de  labora- 
toire, par  son  outillage  scientifique,  tr  TAlieniagne  a  pris  le  pas  sur 
ta  France;  c'est  là,  dit-il,  une  vérité  incontestable.  Les  Allemands 
ne  laissent  point  à  d'autres  le  soin  de  le  proclamer  et  en  cela  ils 
n'imitent  pas  notre  exemple ,  en  ce  sens  que  nous  sommes  portés 

a  admirer  les  autres  et  à  nous  dénigrer  nous-mêmes Pour 

moi,  plus  j'admire  l'Allemagne,  plus  je  désire  que  la  France  se 
pique  d'honneur  et  regagne  le  terrain  qu'elle  semble  avoir  perdu 
depuis  quelques  années?)  (1868). 

Lorain  n'a  pas  voulu  laisser  à  d'autres  le  soin  d'entrer  dans 
cette  voie.  11  donne  l'exemple,  et  la  même  année  il  publie  ses 
Etudeê  de  médecine  clinique  et  de  physiologie  pathologique  sur  le  cha- 
lira.  Toutes  les  recherches  ont  été  faites  à  l'aide  des  méthodes  et 
des  procédés  d'exactitude  dont  la  science* s'est  enrichie  :  le  ther- 

« 

momètre,  le  sphygmographe,  la  balance,  le  microscope,  les  ana- 
lyses chimiques.  Toujours  la  préoccupation  de  Lorain  est  de  ne 
laisser  rien  à  l'interprétation  de  l'auteur,  de  transformer  les  sen- 
sations en  tracés,  qui,  obtenus  à  l'aide  d'instruments  exacts,  font 
i  Terreur  une  part  aussi  restreinte  que  possible.  Nul  plus  que  lui 
n'a  réussi  à  faire  prendre  à  la  méthode  graphique'la  place  qu'elle 
mérite  d'occuper  dans  les  études  médicales.  Ces  procédés,  lents, 
minutieux,  qui  nécessitent  des  épreuves  multiples,  pénibles  pour 
l'observateur,  lui  ont  fourni  des  résultats  dont  nous  devons  rap- 
peler les  principaux.  Le  poids  du  cholérique  ne  diminue  pas  sen- 
siblement pendant  la  période  algide  :  malgré  les  vomissements  et 
tes  déjections  alvines  si  répétées,  l'amaigrissement  du  malade  n'est 
qu'une  apparence.  Le  poids  décroit,  au  contraire,  pendant  la  pé- 
riode de  réparation,  a  ors  que  les  évacuations  ont  cessé;  mais,  à 
ce  moment,  le  malade  urine  abondamment,  et  l'urée  est  excrétée 


m  NOTICE  BIOGRAPHIQUE. 

en  grande  quantité.  —  Les  choiëriques,  au  dëbut,  ne  sécrètent 
pas  d'urine,  ils  sont  anuriques,  puis  ils  deviennent  polyuriques 
et  quelquefois  diabétiques.  —  La  température  des  cholériques 
s  abaisse  à  la  périphérie  du  corps,  et  non  dans  les  parties  pro- 
fondes. Sur  ce  point  Lorain  propose  une  théorie  nouvelle  sur  la 
répartition  et  la  compensation  de  la  chaleur  animale.  —  La  cir- 
culation est  étudiée  à  Taide  du  sphygmographe  de  Marey  ;  de 
nombreuses  planches  marquent  ses  variations,  et  Texplication 
rationnelle  de  ses  diverses  formes  s'en  déduit  naturellement.  — 
Enfin  Lorain  propose  quelques  moyens  thérapeutiques  fondés  sur 
l'expérience  physiologique,  et  rapporte  un  cas  de  guérison  obtenu 
par  rinjection  d'eau  dans  les  veines  d'un  cholérique  pour  qui 
tout  espoir  était  perdu. 

Ces  conclusions  ne  sont  pas  toutes  absolument  neuves,  quel- 
ques-unes avaient  déjà  été  entrevues  ou  indiquées  par  MM.  Char- 
col,  Gubler,  Marey.  Mais  ce  qui  constitue  l'œuvre  de  Lorain, 
c'est  qu'il  a  soumis  les  points  dont  il  a  abordé  l'étude  à  une  ana-* 
lyse  si  minutieuse ,  si  rigoureuse ,  qu'ils  sont  aujourd'hui  a  l'abri 
de  toute  critique. 

9 

Deux  ans  après,  Lorain  donnait  ses  Etuàei  cUniquei  faiteê  avec 
Vaide  de  la  méthode  graphique  et  de$  appareile  enregittreurê  {Le  pouls , 
Paris,  1870).  Le  rhythrae,  la  forme  du  pouls,  y  sont  représentés 
et  analysés  avec  non  moins  de  rigueur  dans  les  maladies  du  cœur, 
dans  les  fièvres  graves,  les  inflanmiations.  Le  dernier  chapitre  est 
consacré  à  la  thérapeutique,  principalement  à  l'étude  de  la  digi- 
tale, et  nous  ne  possédons  sur  l'emploi  de  ce  médicament  rien 
de  plus  précis  au  point  de  vue  de  l'action  thérapeutique  et  de  la 
médecine  légale. 

Faire  que  la  médecine  ne  soit  plus  un  art  conjectural,  tel  est 
le  but  que  Lorain  a  assigné  à  ses  efforts,  et  il  a  réussi  à  donner 
à  certains  chapitres  de  médecine  une  précision  scientifique.  Il  a 
développé  cette  idée  dans  une  leçon  insérée  dans  la  Renue  en 
1870,  et  nul  doute  que  nous  ne  devions  le  suivre  dans  cette  voie, 
si  nous  voulons  enfin  avoir  une  science  positive.  Il  y  a  loin ,  on  le 


NOTICE  BIOGRAPHIQUE.  xiii 

voit,  de  ce  doule  philosophique  au  scepticisme  reproché  à  notre 
maître. 

Nous  passons  sur  un  grand  nombre  d'articles  insérés  dans  les 
revues,  les  journaux,  les  dictionnaires,  sur  les  communications 
laites  aux  Sociétés  anatomique,  de  biologie,  médicale  des  hdpi- 
taux ,  etc.  Ce  que  nous  voulions  montrer,  c'est  que  la  caractéris- 
tique des  œuvres  de  Lorain  est  la  recherche  de  la  précision,  c  est 
qu'il  ne  tenait  pour  acquis  que  ce  qui  était  devenu  évident,  incon- 
testable. Ajoutons  que  la  partie  de  ces  recherches  actuellement 
publiée  représente  une  faible  portion  de  l'immense  travail  dont  il 
avait  accumulé  les  matériaux.  Désigné  par  fauteur  pour  coordon- 
ner ceux  qui  n'ont  pas  encore  vu  le  jour,  nous  acceptons  cette 
mission,  et  nous  nous  efforcerons  d'arracher  à  l'oubli  les  travaux 
de  notre  maître  vénéré. 

Ceux  qui  ont  connu  Lorain,  qui  suivaient  ses  visites  à  l'hôpi- 
tal ,  qui  allaient  l'écouter  et  Tapplaudir  à  l'amphithéâtre  de  l'Ecole, 
ont  tous  été  frappés  d'un  conlraste  étonnant  entre  ses  écrits  et  sa 
parole.  Dans  les  premiers  rien  n'est  laissé  à  l'imprévu ,  tout  est  ri- 
goureux, scientifique,  et  l'ouvrage  doit  à  ses  qualités  mêmes  un 
caractère  un  peu  sévère.  Lorsqu'il  parlait ,  au  contraire ,  son  ima- 
gination semblait  se  donner  pleine  carrière,  son  langage  s'animait, 
se  revêtait  des  plus  vives  couleurs.  Doué  d'une  facilité  d'élocu- 
tion,  d'une  élégance  de  diction  extrêmes,  Lorain  savait  souligner 
par  les  expressions  les  plus  heureuses  les  idées  qu'il  voulait  graver 
dans  l'esprit  de  ses  élèves.  D'une  haute  stature,  l'œil  vif,  péné* 
trant,  la  bqMche  fine  et  spirituelle,  il  dominait  ses  auditeurs  et 
ne  permettait  pas  a  leur  attention  de  se  perdre,  il  les  enchaînait 
par  sa  parole.  A  l'hôpital,  il  semait  à  pleines  mains  les  aperçus 
les  plus  divers,  il  pensait  tout  haut,  et  trouvait  dans  ses  travaux 
antérieurs,  dans  son  érudition,  les  éléments  de  la  plus  attrayante 
conversation.  Toujours  varié,  séduisant,  il  revêtait  chaque  re- 
marque de  son  originalité  personnelle;  il  ne  ressemblait  à  aucun 
de  ses  maîtres,  il  était  lui-même,  et  ses  observations  portaient  sa 
marque  propre. 


MT  NOTICE  BIOGRAPHIQUE. 

Appelé  à  quaraule-cinq  ans,  eu  1873,  il  y  a  trois  aos  seule- 
ment, à  succéder  à  Daremberg  dans  la  chaire  d'histoire  de  la 
médecine,  il  avait  su  grouper  autour  de  lui  un  auditoire  charmé 
par  cette  parole  à  la  fois  familière  et  élevée.  Daremberg,  savant 
éminent;  avait  cherché  à  reconstituer  dans  son  cours  la  tradition 
médicale,  en  s'appuyant  sur  une  interprétation  rigoureuse  des 
textes,  et  cette  méthode,  parfois  un  peu  aride,  avait  procuré  plus 
de  succès  à  Theliéniste  qu  au  professeur.  Lorain  suivit  une  autre 
voie,  il  fit  revivre  les  médecins  dont  il  rapportait  les  opinions 
dans  le  milieu  oh  ils  avaient  vécu  :  c'étaient  eux  et  leur  temps, 
avec  les  qualités  et  les  défauts  qu'ils  devaient  a  leur  époque  et  a 
eux-mêmes.  Il  entrait  sans  difficulté  dans  leur  existence ,  dans 
leur  pensée;  familier  avec  l'histoire  des  sociétés  qui  les  avaient 
vus  naitre,  il  en  reconstituait  le  tableau  avec  une  vérité  et  une 
facilité  de  peinture  qui  étaient  réellement  saisissantes.  C'était  là 
qu'on  sentait  la  supériorité  de  cette  intelligence  qui  se  déployait 
sans  effort  et  qui  faisait  aimer  à  la  jeunesse  cette  histoire  de  notre 
art  si  pénible  k  posséder  quand  elle  se  présente  avec  la  pesanteur 
et  la  solennité  qui  l'entourent  d'ordinaire. 

Après  avoir  conté,  comme  en  causant,  les  travaux  et  les  luttes 
de  ses  devanciers,  Lorain  passait  sans  transition  à  l'époque  actuelle, 
montrait  dans  une  esquisse  rapide  les  progrès  accomplis,  et  lais- 
sait entrevoir  l'avenir. 

Il  procédait  par  tableaux  et  par  auecdoctes,  et  d^ageait  en 
quelques  mots  l'enseignement  que  comportait  la  vie  qu'il  venait 
d'étudier.  11  insistait  sur  le  côté  moral  de  ces  aperçus  biographi- 
ques, et,  s'il  aimait  à  s'étendre  sur  les  cdtés  brillants  de  l'histoire 
de  la  médecine,  s'il  aimait  à  évoquer  le  souvenir  des  hommes 
qui  avaient  honoré  notre  profession,  il  frappait  aussi,  et  sans  pitié, 
les  faux  savants  qui  ont  de  tout  temps  encombré  les  voies  de  la 
science. 

L'ambition  de  Lorain  avait  toujours  été  d'atteindre  au  profes- 
sorat ;  le  succès  de  ce  si  court  euseignement  montre  combien  cette 
ambition  était  légitime.  Candidat  ou  professeur  à  ta  Faculté  de 


NOTICE  BIOGRAPHIQUE.  xv 

mëdecine,  il  ne  s'aveuglait  pas  sur  les  lacunes  de  renseignement 
officiel;  nous  avons  dëjà  rappelé  ses  publications  sur  la  médecine 
en  Allemagne  et  en  Angleterre.  Il  ne  redoutait  pas  pour  la  Faculté 
la  concurrence,  il  l'appelait,  au  contraire,  et  pensait  que  Técole 
se  retremperait  dans  la  lutte,  et  qu  elle  marcherait  d'un  pas  plus 
vif  dans  la  voie  du  progrès.  Il  prit  une  part  importante  aux  dis- 
cussions qui,  dès  la  fin  de  Tempire,  ont  précédé  la  loi  sur  la 
liberté  de  l'enseignement  supéneur.  Il  a  publié,  dans  la  Revue, 
plusieurs  articles  sur  cette  question ,  et  il  demandait  surtout  qu'on 
donnât  aux  villes  le  droit  de  fonder  des  universités.  C'était  là , 
selon  lui,  qu'était  le  véritable  avenir  de  l'enseignement  supérieur. 
Mais  son  désir  de  réforme  ne  l'égarait  pas;  il  aimait  trop  cette 
Université  qu'il  avait  appris  à  vénérer  dans  sa  famille,  pour  ne  pas 
espérer  que  ce  serait  elle  qui  serait  à  la  télé  du  mouvement;  son 
patriotisme  ardent  lui  faisait  croire  que  ce  serait  elle  aussi  qui 
nous  permettrait  de  lutter  avec  succès  contre  la  concurrence  des 
pays  étrangers  et  contre  celle  qui  se  dresse  à  l'intérieur. 

En  médecine  et  dans  les  contacts  de  la  vie  journalière ,  Lorain 
était  d'une  extrême  sensibilité.  Tout  ce  qui  était  incorrect  le  bles- 
sait vivement.  Doué  d'une  nature  d'artiste,  il  avait  les  aspirations 
les  plus  nobles  vers  le  beau,  et  ne  pardonnait  ni  aux  hommes  ni 
aux  partis  les  écarts  inséparables  de  la  lutte.  D'un  caractère  gai 
et  ouvert,  il  se  repliait  soudain  sur  lui-même  dès  qu'il  découvrait 
une  action  basse  ou  une  intention  coupable;  l'impression  n'était 
pas  passagère,  elle  durait,  et  le  plongeait  parfois  pendant  long* 
temps  dans  de  profonds  découragements.  Nul  en  revanche  n'avait 
de  plus  vifs,  de  plus  brillants  enthousiasmes;  dès  qu'il  voyait  un 
effort  généreux,  il  n'épargnait  à  son  auteur  ni  les  encouragements 
ni  l'appui  de  son  influence.  Il  aimait  le  progrès  et  s'attachait  à 
ceux  qui  le  cherchaient  avec  lui.  Aussi  les  jeunes  savants  sentent 
la  grande  perte  qu'ils  ont  faite  :  Lorain  était  pour  eux  un  guide, 
un  soutien;  sou  esprit  de  justice  l'emportait  même  sur  ses  affec- 
tions les  plus  chères;  il  était  un  de  ceux  dont  on  peut  conquérir 
par  le  travail  la  bienveillance  et  l'appui. 


XM  NOTICE  BIOGRAPHIQUE. 

Les  élèves,  à  qui  il  prodiguait  k  Thôpital  les  marques  de  sa 
bienveillance 9  ne  s'y  sont  pas  trompes,  et  Thommage  qu'ils  ont 
rendu  à  sa  mémoire  ne  sadressait  pas  seulement  au  professeur 
éloquent  et  savant,  mais  à  Thomme  dont  ils  avaient  pu  connaître 
rinépuisable  bonté. 

Toute  sa  vie  Lorain  a  poursuivi  le  même  but  :  apprendre  et 
enseigner;  nous  venons  de  rappeler  avec  quel  succès  il  Tavail 
atteint.  Il  nous  reste  à  dire  quel  homme  il  était  auprès  des  malades 
de  la  ville. 

La  profession  médicale  ne  fut  pas  pour  lui  lucrative.  11  n  aimait 
pas  largent,  et  il  n'a  jamais  ohercbé  à  recueillir  que  celui  qui  lui 
était  indispensable  pour  vivre  et  suffire  aux  soins  de  ses  travaux. 
Il  dérobait  à  la  clientèle  le  plus  de  temps  qu'il  pouvait  pour  le 
consacrer  à  ses  études,  et,  dès  que  l'existence  était  assurée,  il 
limitait  ses  devoirs  professionnels ,  et  priait  les  malades  de  s'adres- 
ser à  de  plus  jeunes  confrères.  11  n'y  a  qu'une  classe  de  clients 
qu'il  n'a  jamais  rebutée,  c'est  celle  qu'il. traitait  gratuitement: 
ceux-là  ont  toujours  trouvé  son  cabinet  ouvert  et  son  dévouement 
à  leur  service.  Sa  mort  en  est  un  éclatant  témoignage.  Il  était  au 
milieu  de  ses  livres,  dimanche  dernier,  et  avait  recommandé 
qu'on  ne  le  dérangeât  pas.  On  vient  le  chercher  pour  l'enfant  d'un 
pauvre  ménage  qui  demeure  aux  environs  de  la  Bastille  :  il  craint 
qu'en  son  absence  et  à  cause  même  de  sou  défaut  de  fortune^  le 
malade  ne  reçoive  pas  les  soins  nécessaires.  Il  n'hésite  pas  à  se 
rendre  à  cet  appel.  Frappé  d'éblouissements  dès  son  arrivée,  il 
demande  à  se  coucher,  prie  qu'on  envoie  chercher  madame  Lo- 
rain, s'étend  sur  uu  lit,  perd  connaissance,  et  succombe,  en  une 
demi-heure,  au  mal  qui  l'étreint.  Si  une  si  triste  mort  avait 
besoin  d'être  entourée  d'un  nouvel  .éclat  pour  servir  d'exemple 
À  la  jeunesse  médicale,  où  celle-ci  trouverait-elle  un  plus  beau 
modèle? 

Dans  cette  foule  énorme  qui  s'était  empressée  hier  aux  obsèques 
de  Lorain,  on  voyait  mêlés  des  savants,  des  artistes,  des  pauvres 
et  presque  tous  les  habitants  du  quartier  de  TOdéon;  chacun 


NOTICE  BIOGRAPHIQUE.  mi 

racontait  quelque  trait  de  cette  vie  si  bien  remplie;  cette  cérémo- 
nie montre  quel  était  Thomme  qui  venait  de  disparaître,  et  cette 
union  des  savants  et  des  pauvres  symbolise  à  merveille  toute  cette 
existence. 

Lorain  portait  dans  ses  amitiés  et  dans  sa  vie  journalière  le 
même  dévouement  et  le  même  désintéressement.  L'un  de  ses  plus 
chers  amis,  M.  H.  Sainte-Claire  Deville,  tient  à  ce  que  quelques- 
uns  de  ses  actes  ne  soient  pas  oubliés.  Pendant  la  Commune, 
Lorain  avait  eu,  à  sa  petite  campagne  d'Âzay-Ie-Rideau,  des  acci- 
dents d'étranglement  intestinal.  Rentré  à  Paris  trop  prématuré- 
ment, une  péritonite  partielle  était  survenue;  Lorain  ne  sortait 
pas  et  n  avait  pas  encore  osé  s'exposer  aux  secousses  d'une  voiture. 
M.  Sainte-Claire  Deville  reçoit  une  dépêche  annonçant  que  son 
CIs  est,  à  Nantes, gravement  malade;  il  n'a  que  le  temps  de  courir 
au  chemin  de  fer  et  prie  un  de  ses  amis  de  communiquer  la 
dépêche  à  Lorain  et  de  lui  demander  son  avis.  Le  lendemain 
matin,  oublieux  de  ses  souffrances  et  du  danger  auquel  il  s'ex- 
posait, Lorain  était  à  Nantes,  auprès  du  lit  du  fils  de  son  ami, 
et  il  était  assez  heureux  pour  que  son  conseil  fât  réellement  le 
salut  du  malade. 

En  1868,  Lorain,  qui  était  connu  de  M.  Duruy,  apprend  que 
le  ministre  l'a  inscrit  sur  la  liste  des  savants  qui  doivent  recevoir 
la  croix  de  la  Légion  d'honneur.  Sur-le-champ  il  va  trouver 
M.  Sainte-Claire  Deville  et  le  force  à  employer  son  autorité  pour 
que  le  nom  d'un  de  ses  collègues,  plus  ancien  que  lui  de  nomi- 
nation, soit  substitué  au  sien.  Il  l'obtient,  et  ne  reçoit  lui-même 
cette  croix,  objet  de  tant  de  convoitises,  qu'il  y  a  trois  mois,  en 
août  1875. 

Ceux  d'entre  nous  qui  furent  admis  à  ces  réunions  de  huit  ou 
dix  amis,  qui  le  mardi  soir  se  groupaient  autour  de  Lorain, 
savent  quelle  fut  sa  vie  de  famille,  et  quelle  était  l'union  que  sa 
mort  a  rompue.  Lorsqu'elle  fut  en  présence  de  son  mari  expirant, 
M**  Lorain  l'a  retracée  dans  une  seule  exclamation  :  rHuit  ans 
de  bonheur!?) 


uni  ^0T1CK  BIOGRAPHIQIJK. 

Noire  uiaLlre  laisse  deux  lils;  ses  élèves  n'oublieioul  pas  ce 
qu'ils  doivent  à  celui  qui  a  gra>é  dans  leur  es|)ril  Tainour  du  devoir 
et  du  travail;  ils  se  souviendronl  que,  quelques  jours  avant  sa 
mort,  Lorain  résumait  ainsi  à  un  de  ses  amis  ce  qui  est  en  réalité 
la  philosophie  de  la  vie  :  rrNe  cherchons  pas  à  être  des  habiles, 
contentons-nous  d  élre  honnêtes,  et  tachons  de  ne  pas  disparaître 
sans  avoir  fait  quelque  bien.^ 

a 7  oilubro  i  870. 


PUBLICATIONS 


DE  M.  LE  PROFESSEUR  P.  LORAIN. 


ANATOMIE  PATHOLOGIQUE.  -  TERATOLOGIE. 

PHYSIOLOGIE. 

i85a.  Note  sur  un  cas  de  doigt  tumufnéraire  chez  un  nouveau-né.  Térato- 
logie. (Coftqttes  rendus  des  séances  et  mémoires  de  la  Société  de 
budogie.  i"  série,  t.  IV;  compte  rendu,  p.  38.) 

i853.  Évolution  de  tumeurs  multiples  se  manifestant  pendant  le  cours  d'une 
grossesse.  Tumeurs  énormes  développées  dans  l'épiploon  et  dans 
le  cul-de-sac  recto-vaginal.  Accouchement  prématuré;  pr^en- 
talion  de  Tépaule,  évolution  spontanée;  péritonite  chronique, 
mort  au  bout  de  trente  jours  Autopsie  :  tumeurs  du  péritoine, 
du  diaphragme,  des  poumons,  des  plèvres,  des  côtes  et  des 
mamelles.  (  Comptes  rendus  des  séances  et  métnoires  de  la  Société 
de  biologie,  i**  série,  t.  IV;  compte  rendu,  p.  ai.) 

i853.  Rein  unique  latéral  chez  un  fœtus  humain.  Anatomie  anomale. 
(  Comptes  rendus  des  séances  et  mémoires  de  la  Société  de  biologie, 
1**  série,  t.  V;  compte  rendu,  p.  117.) 

i853.  Rupture  de  l'utérus  chez  une  chatte  dans  les  derniers  moments  dç 
la  gestation.  {Co9/^es  rendus  des  séances  et  mémoires  de  la  So- 
ciété de  biologie,  i**  série,  t.  V;  compte  rendu,  p.  94.) 

i853.  Sur  un  enfant  qui  présentait,  au  moment  de  sa  naissance,  des 
kystes  multiples  du  cou.  Examen  microscopique  du  contenu  de 
ces  kystes,  par  M.Gh.  Robin.  Anatomie  pathologique.  (Comptes 
rendus  des  séances  et  mémoires  de  la  Société  de  biologie,  i**  8â*ie, 
t.  V;  compte  rendu,  p.  6a.) 

1 856.  Kyste  du  rein.  Calculs  rénaux  ;  adhérences  péritonéales  consécutives 
è  des  applications  caustiques.  Anatomie  pathologique.  {Comptes 
rendus  des  séances  et  mémoires  de  la  Société  de  biologie,  a*  série , 
L  I;  compte  rendu,  p.  a5.) 

i85&.  Deux  observations  pouvant  servir  à  Thistoire  anatomique  des 
hypertrophies  du  sein  et  des  granulations  gris^  du  poumon; 


\x  PUBLICATIONS 

en  collaboration  avec  M.  Ch.  Robin.  {Comptes  rendus  des  séances 
et  tnémoires  de  la  Société  de  biologie^  a*  série,  t.  I  ;  compte  rendu , 

p.  58.) 

i8ôâ.  Mémoire  sor  les  kystes  congénitaux  du  col;  en  collaboration  avec 
M.  Ch.  Robin.  (Comptes  rendus  des  séances  et  mémoires  de  la  So- 
ciété de  biologie.  9*  série,  t.  I;  mémoire,^.  i33.) 

1 85/i.  Mémoire  sur  deux  nouvelles  observations  de  tumeurs  hétéradéniques 
et  sur  la  nature  du  tissu  qui  les  compose;  en  collaboration  avec 
M.  Ch.  Robin.  (Comptes  rendus  des  séances  et  tnémoires  de  la 
Société  de  biologie,  q*  série,  t.  I;  mémoire,  p.  âog.) 

1 85i.  Note  sur  Yépithélioma  pulmonaire  du  fœtus,  étudié  soit  au  point  de 
vue  de  la  structure ,  soit  comme  cause  de  Taccouchement  avant 
terme  et  de  non-viabilité  ;  en  collaboration  avec  M.  Ch.  Robin. 
(  Comptes  rendus  des  séances  et  mémoires  de  la  Société  de  biologie. 
â* série,  t.  I;  compte  rendu,  p.  169.) 

i85A.  Sur  une  forme  non  décrite  du  cancer  du  sein.  Pathologie  et  anato- 
mie  pathologique;  en  collaboration  avec  M.  Ch.  Robin.  (Comptes 
rendus  des  séances  et  mémoires  de  la  Société  de  biologie,  a*  série, 
t.  I;  compte  rendu,  p.  i55.) 

i855.  Croup  chez  une  poule.  Examen  microscopique  par  M.  Laboulbène. 
(  Comptes  rendus  des  séances  et  mémoires  de  la  Société  de  biologie. 
9*  série,  t.  II;  compte  rendu*  p.  88.) 

i855.  Sua'C  dans  la  chair  musculaire,  (Correspondance,  in  Moniteur  des 
hôpitaux,  1"  série,  3'  année,  n*  18,  p.  ihh.) 

1 855.  De  la  fonction  glycogénique  du  foie  et  de  Tinfluence  du  système  ner- 
veux sur  la  sécrétion  du  sucre  hépatique  du  diabète  artificiel. 
Cours  de  physiologie,  professé  au  Collège  de  France  par  M.  Cl. 
Bernard.  (Moniteur  des  hôpitaux,  i'*  série,  3'  année,  n*  98, 

P'  *770 

i855.  Cancer  des  ramoneurs.  Ëpithélioma  papillaire  du  scrotum.  Examen 
par  M.  Ch.  Robin.  Clinique  de  M.  Nélaton.  (Moniteur  des  hôpi- 
taux, i** série,  3'  année,  n"*  9&,  p.  i85.) 

1 855.  Mémoire  sur  une  altération  spéciale  de  la  glande  mammaire,  qui  a 
reçu  le  nom  de  tumeur,  bien  qu'il  y  ait  le  plus  souvent  diminu- 
tion de  volume  de  lorgane,  et  celui  de  cancer  squirreux ,  quoi- 
qu'elle ne  soit  pas  cancéreuse.  En  collaboration  avec  M.  Ch.  Ro- 
bin, (archives  générales  de  médecine,  avril  et  juin  i855.) 


DE  M.  LE  PROFESSEUR  P.  LORAIN.  ixi 

1 858.  Examen  chimique  d'un  liquide  laiteux  obtenu  par  la  ponction  pra- 
tiquée sur  une  jeune  ûl\e  de  huit  ans.  Analyse  de  jd.  Rugnet. 
Chimie  médicale.  (  Comptes  rendus  des  séances  et  mémoires  de  la 
Société  de  biologie,  a'  série,  t.  V;  compte  rendu,  p.  169.) 

1 86 1 .  Présentation  d'un  enfant  monstrueux,  âgé  de  treize  ans ,  à  la  Société 
de  chirurgie.  {Gazette  des  hôpitaux,  6  juillet  1861 .) 

i865.  Acéphalocystes  du/oie  et  du  poumon  droit.  Double  pleurésie,  péri- 
cardite.  Mort.  Autopsie.  Observation  recueillie  par  M.  Resnier, 
interne.  {Gazette  des  hôpitaux,  10  octobre  i865.) 

PATHOLOGIE. 
(PUERPÉRALITÉ,  RHUMATISME.) 

i855.  La  fiivre puerpérale  chez  la  femme,  k  fœtus  et  le  nouveau-né.  Thèse 
inaugurale,  in-/i%  Paris,  i855. 

i865.  Rhumatisme  spinal.  Observation  recueillie  par  M.  Tixier,  interne. 
(  Gazette  des  hôpitaux,  36  janvier  1 865.) 

1 866.  Observation  d'une  grossesse  extra-ntérine,  recueillie  par  M.  Rousse, 

externe  à  Th^pital  Saint- Antoine.  {Gazate  des  hôpitaux,  1 1  jan- 
vier 1866.) 

f866.  Observation  de  grossesse  extra-utérine.  Suppuration  du  kyste. 
Expulsion  du  fœtus  par  le  rectum ,  dix-huit  mois  après  la  con- 
ception. Guérison.  Observation  recueillie  par  M.  Prévost,  interne. 
{Gazette  des  hôpitaux,  i5  novembre  i866«) 

1867.  Le  rhumatisme  blennorrhagique  et  les'diathèses  aiguës,  ou  séries 

morbides  parallèles.  {Société  des  hôpitaux,  1 1  janvier  1867.) 

1869.  Observation  au  sujet  de  deux. femmes  en  couches,  renvoyées  malades 
chez  des  sages-femmes,  et  discussion  des  affections  puerpérales. 
{Société  des  hôpitaux,  3o  novembre  1869.) 

1869.  La  mortalité  des  femmes  en  couches.  Cours  fait  à  Th^pital  Saint- 
Antoine.  {Revue  des  cours  scientifiques,  iq  décembre  1869.) 

1869.  Rachitisme.  Rétrécissement  du  bassin.  Impossibilité  d'articuler  les 
deux  branches  du  forceps ,  emploi  d*nne  seule  branche  comme 
levier.  Métro-péritonite.  Guérison  de  la  mère  et  de  Tenfant. 
(  Gazette  des  hôpitaux,  1 9  juin  1 869.  ) 

1869.  Épidémie  de  fièvre  puerpérale.  Affections  puerpérales.  Communica- 
tion et  discussion.  {Société  médicale  des  hôpitaux,  ta  no- 
vembre 1869.) 


1111  PUBLICATIONS 

1 873.  Injection  vaginale  suivie  de  mort.  Observation  rectteiilie  par 
Ri{.  Quenu,  interne.  (  Gazette  des  kdfiutuxy  k  décembre  1873.) 

187/1.  Communication  sur  le  service  d'aeeouehement  de  la  Pitié,  (Société 
médicale  des  Mpitaux,  93  octobre  187^.  ) 

1876.  Leçon  sur  le  vaginisme.  (Thèse  de  M.  Lutaud.)  (  Gazette  des  A^pi- 
taux,  9 6  janvier  1876.) 

PATHOLOGIE. 
(SUJETS  DIVERS.) 

1860.  De  Valbuminurie,  Thèse  d'agrégation ,  in-/^*,  Paris,  1860. 

i863.  A  propos  du  Traité  de  pathologie  générale  de  M.  Chauffard.  Etudes 
de  philosophie  médicale.  (  Gazette  des  k^ntaux  ,1/^,93,98  juil- 
let, 6  août  i863.) 

1866.  Quelques  considérations  sur  les  principes  qui  doivent  présidera 
l'étude  et  à  l'exposition  de  la  médecine  pratique.  (  Gazette  des 
hôpitaux,  6  février  1866.) 

1869.  Des  rechutes  et  des  récidives  de  fièvre  typhoïde.  Discussion.  (Société 

médicale  des  hôpitaux,  10  décembre  1869.) 

1870.  Sur  l'épidémie  actuelle  de  variole  et  sur  Fisolement  des  variokux, 

(Société  médicale  des  hôpitaux ,  ^  et  11  février  1870.) 

1870.  La  méthode  graphique  appliquée  à  Tëtude  clinique  des  maladies. 
La  médecine  scientifique.  (Revue  des  cours  seimUifiques,  8 , 1 5  jan- 
vier, 9  avril  1870.) 

1876.  Phthisie,  it^anUlisme ,  féminisme.  (Thèse de  M.  Desmaroux.)  —  De 
la  sécrèion  urinaire  et  de  Vhydropisie,  (Thèse  de  M.  Torieii.)  — 
Paradoxes  médicaux.  (Gazette  des  h^taux,  10  juillet  1875.) 

Articles  de  pathologie  insérés  dans  le  Nouveau  Dictionnaire  de  mé- 
decine et  de  chirurgie  pratiques. 

T.  I.      Accouchement  (Médecine  légale),  p.  3 10. 
Ages,  p.  Aoô. 
Allaitement,  p.  799. 

T.  II.     Anémie,  p.  199. 

Antagonisme,  p.  5^8. 

T.  VI.    Cardiographie,  p.  35 1. 


DE  M.  LE  PROFESSEUR  P.  LORAIN.  uni 

T.  Vli.  Chlorose,  p.  097. 

Choléra  infantile,  p.  h^S. 

T.  XI.    Diphihérie  (en  collaboration  avec  M.  Lépine),  p.  587. 

T.  XIII.  Endémie,  p.  a 00. 
Épidémie,  p.  533. 


THERAPEUTIQUE.  —  MEDECINE  LEGALE. 

1857.  Du  régime  dans  les  maladies  aiguës.  Thèse  d*agrëgation ,  in-V, 
Paris,  1857. 

i865.  Empoisonnement  par  la  strychnine,  F  arsenic  et  les  sels  de  cuivre. 
En  collaboration  avec  MM.  Tardieu  et  Roussin.  Annales  d'hv- 
giène  publique  et  de  médecine  légale,  t.  XXIV,  et  Brochure 
in-8%  Paris,  i865. 

186C.  Sur  un  fait  de  thérapeutique  expérimentale  dans  un  cas  de  choléra. 
(  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences ,  1 9  novembre  1 866.) 

1866.  Jenner  et  la  vaccine.  Conférence  historique,  faite  à  TÉcole  de  mé- 
decine, i865.  Brochure  in-8*,  Germer-Baillière.  Paris,  1870. 

1869.  Tranrfusion  du  sang  faite  h  ThApital  Saint-Antoine.  Observation 

recueillie  par  M.  Thaon.  {Société  de  biologie,  90  février  1869.) 

1870.  La  digitale  et  le  pouls  d'après  les  travaux  modernes.  {Journal  de 

ranatomie  et  de  la  physiologie  de  Robin,  n"  a,  mars  et  avril 
1870.) 

1870.  Des  effets  physiologiques  des  hémorragies  spontanées  ou  artifieieUes 
(saignées).  (Journal de  Vanatomie  et  de  la  physiologie  de  Robin, 
n*  A,  juillet  et  août  1870.) 

RÉFORMES  DE  L'ENSEIGNEMENT 

ET  DBS  imSTITUTIONS  MEDICALES. 

t868.  Association  médicale  britannique.  Congrès  d'Oxford.  —  La  mé- 
decine de  nos  jours,  discours  inaugural  du  docteur  Aciand.  — 
La  médecine  clinique  de  nos  jours,  discours  du  docteur  Guil.  — 
Traduit  de  Tandis.  —  La  médecine  anglaise  en  î868.  Les 
musées  scientifiques  en  Angleterre.  Confpte  rendu.  {Revue  des 
cours  scientifiques ,  ih  novembre  et  la  décembre  1868.) 


xMv     PIBLICATIONS  DE  M.  LK  PHOFESSEUH  P.  LORAIN. 

i8<)S.  De  la  réforme  des  éludes  médicales  par  les  laboratoires.  I^tiulo  sur 
reiisein;ncineiit  do  la  niëdeciiie  en  Alleniagiic.  l^rocluiro  in-8", 
Paris,  18G8. 

1870.  LWssislance  publique.  (Revue  des  cours  scientifiques,  10  et  3()  dë- 

cenïbre  1870.) 

1871.  \.  La  liberté  de  renseignement  supérieur. 
II.  L'instruction  secondaire  en  France. 

III.  La  Commission  de  iHjn. 

IV.  Le  parti  catholique. 

187*.?.    V.  Du  pouvoir  de  V Etat  sur  renseignement. 

VI.  Avenir  des  municipalités  en  matière  d'enseignement.  —  fiéorgn- 
nisation  de  renseignement  public.  (Revue  des  cours  scienti- 
Jiques,    11    ol   18  novembre,  Q.'5  et  .'^o   dtVombro   1871, 
'2  0  janvier  et  9.1^  mars  187:)..) 

1879.  Discussion  sur  les  réformes  à  introduire  dans  le  service  de  la  phar- 
macie dans  les  hôpitaur.  (Société  médicale  drs  hôpitaux,  ()  fé- 
vrier 18711.) 

1872.  Société  des  médecins  et  chirur^pens  des  liApitaux  de  Paris.  Com- 

mission  du  nouvel  Hôtel-Dieu,  Happorl.  Discussion  et  résolution. 
(Revue  des  cours  scientifiques ,  2. "5  mars  i87'2.) 

01  VPiAGES  DE   PATHOLOGIE. 

185^).  Annuaire  des  sciences  médicales,  revu  par  M.  (Ih.  Robin,  in-12, 
Paris,  i85(). 

i8r)()  ot  1866.  (iuide  du  médecin  praticien.  Résumé  ^[énéral  de  pathologie 
interne,  de  \alleix.  (linq  noIuuics  in-8',  avec  (iorreclions  nom- 
breuses, Noies  et  Additions.  Deux  éditions. 

La  dernière  édition,  5  vol.  in-8",  Paris.  J.  R.  Raillière,  i86(). 

18^)8.  Le  Choléra  observé  à  l'hôpital  .Saint-Antoine.  Kludes  de  médecine 
clinique  et  de  phvsiologie  palliologique,  [jrand  in-8\  Paris,  J.  R. 
Raillière,  18G8.' 

1870.  Le  Pouls,  ses  variations  et  ses  formes  diverses  dans  les  maladies. 
Etudes  de  médecine  clinique,  f[rand  in-8'\  Paris,  J.  R.  Rail- 
lière, 1870. 


DE   LA   TEMPERATURE 

DU  CORPS  HUMAIN 

ET  DB  S8S  TABUTIOnS 

DANS  LES  DIVERSES  MALADIES. 

(>♦<*- 

INTRODUCTION. 

LA   MÉDECINE  SCIENTIFIQUE. 


La  tradition  et  la  science  expérimentale.  —  La  contra- 
diction existe  le  plus  souvent  entre  ces  deux  termes.  La 
tradition  est  chose  vague  et  elle  n  a  chance  de  s'impo- 
ser que  sous  la  garantie  de  quelque  grande  autorité  mé- 
dicale. Ainsi  Hippocrate  et  Galien  ont  été  des  puissances 
inattaquées  pendant  nombre  de  siècles  ;  et ,  sous  le  cou- 
vert de  leurs  noms,  la  médecine  a  pieusement  conservé 
la  vérité  et  Terreur,  sans  qu'il  y  ait  eu  tentative  de  con- 
trôle. A  côté  de  cette  tradition  dogmatique  il  faut  placer 
la  tradition  populaire ,  qui ,  parmi  de  nombreuses  erreurs , 
contient  aussi  des  vérités  très-importantes.  Il  est  sage 
de  n  accepter  ce  double  héritage  que  sous  bénéfice  d'in- 
ventaire. Le  rejeter  complètement  est  imprudent,  si  l'on 
se  place  au  point  de  vue  de  l'exercice  pratique  de  la 
médecine.  Cependant  le  seul  moyen  de  progresser  dans 
la  connaissance  de  la  vérité,  telle  que  nous  la  promettent 


2  INTRODUCTION. 

les  méthodes  expérimentales,  est  de  tenir  pour  suspect 
tout  ce  qui  nest  pas  prouvé,  de  supprimer  la  foi 
aveugle,  et  de  tout  recommencer  patiemment.  Brous- 
sais,  dans  son  examen  des  doctrines  médicales,  crut 
faire  injure  à  ses  advei'saires  en  disant  que,  pour  l'atta- 
quer, ils  avaient  choisi  un  jeune  homme  dont  la  tète  était 
vierge  de  toute  idée  médicale.  C'était  M.  Louis  qu'il  dé- 
signait ainsi.  M.  Louis  a  eu  cette  patience  de  tout  recom- 
mencer, et  il  a  bienfait.  Ce  qu'il  a  vu,  il  l'a  rendu  évi- 
dent pour  ses  contemporains,  parce  que  c'était  la  vérité 
même,  celle  qui  est  contrôlable,  non  contingente,  et 
elle  est  restée  la  vérité.  Nui  ne  doute  aujourd'hui  que 
Broussais  n'eût  mieux  fait  de  regarder  attentivement  les 
taches  rosées  et  l'altération  des  glandes  intestinales  dans 
la  6èvre  typhoïde. 

Donc  l'autorité,  les  grands  noms,  tendent  à  perdre 
de  leur  crédit;  la  science  n'admet  que  ce  qui  se  dé- 
montre. Elle  a  trouvé  sa  foi  no.uvelle  et  ses  nouvelles 
voies.  C'est  un  scepticisme  fécond  que  celui  qui  a  con- 
duit les  sciences  naturelles  à  douter  du  passé  pour  mieux 
s'adonner  à  la  recherche  méthodique  de  la  vérité. 

Ce  n'est  pas  à  dire  pour  cela  qu'il  faille,  de  parti  pris , 
tout  oublier  et  faire  tout  d'un  coup  d'immenses  lacunes 
dans  l'ensemble  de  la  médecine.  Ce  qui  se  prouve  est 
peu  de  chose  comparé  à  ce  qui  est  de  simple  tradition 
empirique.  Aussi  doit-on  commencer  par  apprendre  tout 
ce  qui  s'enseigne  par  tradition  et  ne  désapprendre  qu'au 
fur  et  à  mesure.  Commencer  par  dire  qu'on  ne  sait  rien 
et  ne  vouloir  apprendre  que  le  nouveau  serait  trop -com- 
mode et  trop  dangereux  pour  les  malades.  La  tradition 
vaut  tant  que  la  science  expérimentale  ne  l'a  pas  rem- 


INTRODUCTION  8 

placée.  Aussi  est-il  juste  de  placer  parallèlement  aui 
choses  nouvelles  les  anciennes,  et  de  les  comparer  entre 
elles  impartialement.  C  est  ainsi  que  nous  ferons. 

On  demande  en  quoi  les  méthodes  nouvelles  sont  su- 
périeures aux  anciennes,  et  s'il  y  a  réellement  progrès 
en  ce  moment.  On  refuserait  même,  semble-t-il,  de  pro- 
noncer le  nom  de  méthode,  qui  suppose  un  ensemble, 
une  sorte  de  corps  de  doctrine  pourvu  de  moyens  appro- 
priés, tandis  que  le  nom  plus  humble  de  procédés  serait 
plus  facilement  accordé.  Le  nom  importe  peu ,  et  le  temps 
des  querelles  de  mots  est  passé;  la  dialectique  stérile  et 
oiseuse  est  reléguée  parmi  les  curiosités  de  l'histoire; 
cest  un  impedmentum  pour  le  progrès.  En  fait,  une 
transformation  s'opère  en  ce  moment  même  dans  l'étude 
de  la  médecine;  entre  les  retardataires  qui  n'y  veulent 
pas  croire  et  les  néophytes  qui  escomptent  l'avenir,  il 
y  a  place  pour  un  examen  calme  et  impartial.  Nous 
allons  essayer  de  dire  où  en  est  précisément  la  ques- 
tion. 

Presque  toutes  les  époques,  dans  l'histoire  connue 
de  l'humanité,,  ont  été  plus  ou  moins  marquées  par  le 
mépris  du  plus  grand  nombre  pour  les  tentatives  de  ré- 
formes. Une  fois  son  siège  fait,  l'homme  assis  et  pourvu 
d'une  doctrine  se  défend  contre  le  nouveau. 

Les  jeunes  gens  et  les  ignorants,  ce  qui  est  tout  un, 
ont  seuls  une  faculté  d'enthousiasme  et  de  confiance 
qui,  n'étant  point  fixée,  peut  se  porter  sur  des  objets 
nouveaux  et  s'éprendre  pour  des  promesses.  Le  monde 
sérieux  et  officiel  subit  les  progrès  à  son  corps  défen- 
dant. La  lutte  durera  toujours.  Cependant  on  peut  dire 
qu'à  aucune  époque  l'opinion  n'a  été  aussi  mobile,  aussi 


1 . 


4  INTRODUCTION. 

instable,  aussi  facile  à  déplacer  qu'aujourd'hui.  La  mé- 
decine, plus  que  toute  autre  branche  des  connaissances, 
offre  ce  spectacle.  La  foi  dans  le  corps  de  doctrine  est 
ébranlée;  ce  que  Ton  sait  positivement  parait  peu  de 
chose  auprès  de  ce  que  Ion  avoue  ignorer.  Le  passé 
nest  plus  défendu  ni  défendable;  l'art  médical  est 
remué,  soulevé  par  la  science  qui  pointe.  Jamais  les 
dogmes  n'ont  été  si  peu,  si  mal  soutenus;  le  doute  rend 
la  défense  faible,  et  la  foi  rend  l'attaque  violente  et  in- 
cessante. Quiconque  a  foi  dans  la  médecine  scientifique 
déserte  la  tradition  classique ,  et  cherche ,  par  des  moyens 
nouveaux  et  appropriés,  à  faire  une  nouvelle  médecine 
qui  ne  soit  plus  un  art  conjectural.  Les  classiques  ne 
croient  pas  à  ce  progrès  subit  et  sans  transition;  ceux 
qui  défendent  les  anciens  errements  sont  sceptiques 
avant  tout. 

La  logique  n'est  pas  de  leur  côté.  En  effet,  des  gens 
qui  concèdent  l'influence  des  moyens  de  transport  ra- 
pide des  objets  matériels,  de  Thomme,  de  la  pensée 
même,  sur  les  progrès  de  la  civilisation,  qui  ne  nient 
pas  l'influence  des  lunettes  d'approche,  sur  la  science 
astronomique,  marchanderont  au  microscope  sa  part 
dans  les  progrès  de  l'histoire  naturelle ,  et  se  plaindront 
de  l'intrusion  de  l'outil  dans  le  domaine  de  l'art.  Ils 
s'indigneront  de  la  substitution  d'un  appareil  mécanique 
à  l'appareil  de  l'ouïe,  de  la  vue  ou  du  tact.  La  médecine 
a  été  longtemps  un  métier  inconnu  et  mystérieux,  qui 
ne  livrait  ses  secrets  qu'à  ses  adeptes.  S'il  faut  aujour- 
d'hui compter  avec  les  naturalistes,  les  physiciens  et  les 
chimistes,  le  mystère  n'existe  plus,  et  il  n'y  a  pas  d'in- 
dividualité si  habile  à  faire  autour  d'elle  le  prestige  qui 


INTRODUCTION.  5 

ne  puisse  être  justiciable  du  premier  venu,  qui  sait  de 
la  physique,  deThistoire  naturelle  et  de  la  chimie,  assez 
pour  exercer  son  contrôle  sur  la  médecine. 

Nous  devons  dire  maintenant  en  quoi  les  procédés 
des  nouveaux  explorateurs  diffèrent  de  ceux  des  anciens 
et  de  ceux  des  modernes  attardés. 

Il  n'est  pas  nécessaire,  sans  doute,  pour  marquer  la 
différence  des  procédés,  de  remonter  bien  haut  dans 
rhistoire.  Il  est  inutile,  d'ailleurs,  de  répéter  ce  qui  est 
si  bien  connu,  à  savoir  quun  médecin  du  xvii^  siècle 
n'était  guère  plus  avancé  qu'un  médecin  du  temps  de 
Périclès. 

Il  y  a  des  périodes  d'immobilité  et  de  stagnation  qui 
durent  pendant  des  milliers  d'années.  II  y  a  des  périodes 
de  deux  cent  cinquante  ans  qui  valent  vingt  siècles.  Il  a 
été  moins  fait  pour  la  médecine  d'Hippocrate  à  Fagon 
que  de  Harvey  à  Claude  Bernard. 

Nous  sommes  certainement  dans  un  de  ces  mou- 
vements tournants  oii  s'opèrent  de  rapides  et  décisives 
réformes. 

Beaucoup  d'hommes  aujourd'hui  vivants  ont  vu  naître 
deux  grands  faits  absolument  nouveaux  : 

L'histologie, 

L'auscultation  et  la  percussion. 

Ces  deux  faits  ont  à  coup  sûr  produit  une  immense 
révolution  dans  la  médecine.  Toute  conjecture,  toute 
hypothèse,  disparaissent  devant  la  certitude  d'un  signe 
fourni  par  l'auscultation  et  la  percussion;  toute  contes- 
tation cesse  devant  un  produit  morbide  dessiné  pai* 
rhistologiste. 

L'art  de  bien  dire  et  de  pronostiquer  habilement, 


6  INTRODUCTION. 

sans  contrôle,  va  s'effaçant.  Les  médecins  sont  tous  égaui 
devant  les  lois  de  Laennec* 

L'autorité  et  Tinfatuation  plient  devant  cette  juridic- 
tion nouvelle;  Télève  qui  ausculte  en  peut  remontrer  au 
maître* 

Ce  n  est  pas  tout.  Morgagni  avait  fait  une  œuvre  im- 
mense et  tracé  un  plan  admirable  de  médecine  exacte 
par  Tanatomie  pathologique  mise  en  concordance  avec  les 
signes  cliniques  tels  qu'il  les  connaissait.  L'anatomie  pa- 
thologique se  perfectionne,  le  microscope  vient  rectifier 
les  erreurs  de  nos  sens  et  préciser  la  nature  intime  des 
lésions,  voie  nouvelle  et  à  perte  de  vue.  Dès  lors,  le  con- 
trôle anatomique  est  la  menace  pour  les  mauvais  obser- 
vateurs cliniciens,  et  la  récompense  des  observateurs 
soumis  aux  procédés  nouveaux.  La  chimie  anatomique 
se  fonde ,  Andral  et  Gavarret  ont  osé  tenter  d  accorder 
l'analyse  des  liquides  avec  les  lésions  des  solides  et  avec 
les  troubles  dynamiques  de  lorganisme.  Un  instant 
arrêtée,  cette  science  reparaît  aujourd'hui  et  nous  pro- 
met des  révélations  précieuses. 

On  comprend  le  légitime  orgueil  et  la  satisfaction  sans 
mélange  des  hommes  qui  ont  vu,  qui  ont  réalisé  eux- 
mêmes  cet  immense  progrès  accompli  en  Tespace  de 
moins  d'un  demi-siècle. 

Eh  bien,  cela  n'est  pas  assez  encore.  Déjà  ces  progrès 
ne  nous  suffisent  plus;  ils  ne  sont  que  les  premiers  de- 
grés d'un  escalier  dont  les  générations  nouvelles  veulent 
atteindre  les  degrés  plus  élevés.  Monter,  monter  tou- 
jours ,  sans  jamais  s'arrêter,  tel  est  le  progrès.  Â  qui  a 
montré  la  voie  et  découvert  le  premier  échelon  revient 
l'honneur.  Nous  pensons  qu'on  n'y  peut  pas  plus  station- 


INTRODUCTION.  7 

lier  qu'eu  n  en  peut  descendre.  En  cela  notre  époque 
est  favorisée.  Elie  est  sûre  de  ne  point  demeurer  au  point 
où  lont  laissée  ses  anciens,  elle  sait  que  Ton  peut  mon- 
ter, et  elle  monte. 

Voilà  pourquoi,  sans  ingratitude  comme  sans  timidité^ 
nous  nous  éloignons  déjà  de  ce  qui  était  hier  encore  le 
progrès,  cherchant  plus  loin  en  avant.  Et  ainsi  il  se  fiait 
qu'un  livre  écrit  aujourd'hui  ne  doit  plus  ressembler  à 
un  livre  qui  date  de  vingt-cinq  ans.  Notre  livre  peut 
être  un  médiocre  spécimen  de  la  méthode  nouvelle,  si 
nous  sommes  nous-mêmes  d'un  esprit  inférieur  à  celui 
de  nos  aînés;  mais,  si  mauvais  qu'il  soit,  il  est  conçu 
dans  un  sens  nouveau  et  il  appartient  au  mouvement  de 
notre  époque  :  c'est  le  progrès. 

Prenons  des  exemples  pour  éclairer  le  lecteur  : 

La  médecine  écrite  se  compose  de  deux  ordres  de 
Caiits: 

Les  descriptions  dogmatiques,  où  l'écrivain  substitue 
sa  personnalité  aux  objets  en  question  et  donne  libre 
carrière  à  son  imagination.  Ce  n'est  ni  un  peintre  d'a- 
près nature  ni  un  greffier,  c'est  un  commentateur  de  la 
nature,  lequel  corrige  celle-ci  et  la  traduit  à  sa  façon. 
Autant  que  possible,  il  lâcbe  d'accorder  son  tableau  avec 
un  plan  idéal  et  préconçu ,  forçant  la  main  aux  faits  pour 
les  faire  rentrer  bon  gré  mal  gré  dans  le  moule  de  sa 
doctrine.  Les  plus  dangereux  parmi  ces  doctrinaires  sont 
ceux  qui  s'appuient  sur  les  anciens  et  sur  la  tradition, 
comme  on  s'appuie  sur  les  dogmes. 

Le  second  ordre  de  faits  se  rapporte  aux  descriptions 
des  cas  isolés  ou  d'une  série  de  cas  :  ce  sont  les  œuvres 
des  épidémiologues,  les  seules  œuvres  utiles  et  qui  ne 


8  IjNTRODUCTION. 

vieiHisseiit  pas.  Ces  descriptions,  failes  de  bonne  foi, 
sans  paiii  pris,  naïvement,  restent  comme  des  monu- 
ments historiques,  où  rien  n'est  déguisé.  La  sincérité 
des  détails  permet  au  lecteur,  dans  la  suite  des  temps, 
de  corriger  après  coup  les  erreurs  d'observation  ou  d'ap- 
préciation de  Tauteur  original.  C'est  cette  sincérité  qui 
sauve  les  œuvres  d'Hippocrate  et  celles  de  quelques 
grands  modernes  connue  Sydenham.  On  y  peut  puiser 
encore  aujourd'liui  avec  toute  sécurité,  d'autant  mieux 
que  la  méthode  d'observation  y  est  excellente,  si  les 
moyens  sont  faibles. 

Les  mots  méthode  naturelle,  positivisme,  biologie, 
principe  baconien,  etc.,  montrent  combien  on  attache, 
à  notre  époque,  d'importance  à  certains  axiomes  que  Ton 
croit  à  tort  modernes.  11  v  a  une  tendance  actuelle  à 

cl 

une  sorte  de  formalisme  étroit  et  un  grand  mépris  de 
rbistoire;  on  se  figure  trop  facilement  que  la  science  est 
chose  moderne. 

Ce  qui  est  moderne,  c'est  le  ])erfertionnement  des 
movens  matériels  d'observation  et  la  substitution  de  la 
certitude  à  la  croyance. 

Il  y  a  trente  ans,  un  homme  d'un  esprit  droit  et  d'un 
caractère  élevé,  M.  Louis,  essayait  d'introduire,  dans 
fétude  de  la  médecine,  une  méthode  d'observation;  il 
n'était  préoccupé  que  de  la  méthode.  Les  grands  médecins 
de  ce  temps  étaient  occupés  à  l'auscultation ,  à  la  percus- 
sion ,  à  l'anatomie  pathologique,  et  faisaient  qui  une  clas- 
sification, qui  une  nomenclature  d'après  ces  données.  Il 
en  résultait  des  mémoires  excellents,  des  faits  nouveaux 
bien  décrits,  et  cette  organo-pathologie  ([ui  a  été  une 
des  grandes  étapes  de  la  médecine.  Depuis,  les  idées  de 


INTRODUCTION.  9 

spécificité,  dmfection,  d'épidémie,  de  constitution  mé- 
dicale ,  un  instant  négligées  ,^  se  sont  relevées ,  questions 
posées  seulement,  non  résolues. 

C'est  au  milieu  de  ce  mouvement  que  M.  Louis  affirma 
une  doctnne  d'ensemble.  Il  fallait,  disait-il,  à  laide  de 
moyens  nouveaux ,  de  notions  précises  dont  l'observation 
médicale  venait  d'être  subitement  pourvue,  refaire  la 
grande  enquête  et  comme  l'inventaire  de  la  médecine. 
Pour  cela,  on  devait  examiner  minutieusement  tous  les 
faits  particuliers  et  ne  négliger  aucun  détail.  Il  fallait 
tout  recommencer  et  n'accepter  le  passé  que  comme 
renseignement.  Ce  n'était  pas  renverser,  c'était  recom- 
mencer un  nouvel  édifice  à  côté  de  l'ancien.  Voici  quels 
étaient  les  moyens  proposés  :  examen  du  malade  fait 
dans  le  plus  grand  détail;  tout  devait  être  exploré, 
quelle  que  fût  la  maladie;  les  coïncidences  mêmes  de- 
vaient être  observées  avec  soin.  Les  antécédents  mor- 
bides, l'hérédité,  la  race,  le  lieu  de  naissance,  la 
profession,  la  taille  et  la  constitution  du  malade,  sa 
conformation,  étaient  notés  et  inscrits.  Puis  un  long  in- 
terrogatoire dans  lequel  le  malade ,  contrarié  à  dessein 
par  le  médecin,  devait  défendre  et  expliquer  ses  asser- 
tions en  fournissant  des  moyens  de  contrôle,  permettait 
d'obtenir  des  notions  aussi  exactes  que  possible  sur  les 
causes  et  le  début  de  la  maladie.  Le  malade  était  ensuite 
soumis  à  un  examen  physique  complet,  c'est-à-dire  que 
tous  les  organes  et  toutes  les  fonctions  étaient  passés  en 
evue.  Le  volume,  les  modifications  de  forme  des  organes, 
la  sonorité  et  toutes  les  variations  du  son  à  la  percussion 
étaient  soigneusepient  inscrits  sur  un  registre.  Il  en  était 
de  même  des  signes  fournis  par  l'auscultation.  La  fré- 


10  INTRODUCTION. 

quence  et  quelques  autres  caractères  du  pouls  étaient 
également  notés.  Enfin  Ton  ne  manquait  pas  d'inscrire 
la  nature  du  médicament  et  son  action.  Cependant  il 
convient  de  dire,  à  ThonneurdeM.  Louis,  qui!  prati- 
quait fréquemment  en  cette  matière  ieipectation,  c'est- 
à-dire  que,  se  méfiant  à  juste  titre  des  troubles  que  la 
médication  pouvait  apporter  à  la  marche  générale  des 
maladies,  et  donnant  Teiempie  d'une  réserve  qui  a  eu 
depuis  beaucoup  d'imitateurs,  il  observait  les  maladies 
en  naturaliste  et  préférait  le  rôle  de  savant  observateur 
à  celui  de  médecin  empirique. 

Ce  genre  d'observations,  en  ce  qui  concerne  du  moins 
la  maladie  actuelle,  étant  continué  pendant  toute  la  du- 
rée de  Tétat  aigu,  il  en  résultait  une  suite  non  interrom- 
pue de  faits  qui  constituaient  un  ensemble  et  formaient 
comme  les  archives  de  la  médecine.  On  était  sûr,  par 
cette  méthode,  de  ne  laisser  passer  aucune  circonstance 
importante;  on  recueillait  tout,  et  Ton  se  réservait  de 
trier  ensuite  les  fiuts  et  d'en  extraire  ce  qu'ils  avaient 
de  constant. 

L'examen  des  cadavres  était  fait  avec  la  même  rigueur 
inflexible;  rien  n'était  négligé;  tout  était  noté,  même 
les  lésions  qui  semblaient  être  tout  à  fait  étrangères  à 
la  maladie  principale. 

Cela  fait  et  les  cas  particuliers  se  multipliant,  on  en- 
tassait ces  matériaux,  on  les  classait,  et  l'on  essayait  de 
construire  une  statistique.  Étant  donnée  une  maladie 
dont  on  possédait  cent  exemplaires  différents,  on  cher- 
chait quels  en  étaient  les  éléments  communs,  causes, 
durée,  périodes,  signes  physiques,  troubles  objectifs  et 
subjectifs,  terminaison,  lésions  anatomiques.  C'était  un 


INTRODUCTION.  Il 

travail  long,  péaible,  que  quelques-uns  trouvèrent  fas- 
tidieux; c était  en  tout  cas  une  œuvre  de  patience,  qui 
fut  récompensée  par  Tévénement.  Uécole  d'observation  a 
formé  un  grand  nombre  des  hommes  qui  sont  aujour- 
d'hui à  la  tète  de  la  médecine,  et  M.  Louis  a  eu  la  salis- 
faction  de  voir  sa  méthode  couronnée  de  succès ,  c  est-à- 
dire  portant  des  fruits  :  plusieurs  découvertes,  plusieurs 
vérités  déûnitives,  sont  sorties  de  Técole  d'observation. 
La  fièvre  typhoïde,  la  phthisie  pulmonaire  notamment, 
ont  été'  déchiffrées  et  ont  été  décrites  avec  une  précision 
et  une  certitude  remarquables. 

Cependant  on  a  contesté  à  M.  Louis  le  droit  de  se  dire 
chef  d'école,  on  a  nié  sa  méthode.  C'était,  disaii-on, 
l'école  de  tout  le  monde  et  de  tous  les  temps  :  l'observa- 
tion en  histoire  naturelle  ne  consistait  après  tout  que 
dans  un  examen  minutieux  de  tous  les  détails,  et  la  sta- 
tistique avait  toujours  été  un  moyen  connu  sinon  de 
nom,  du  moins  de  fait,  l'expérience  n'étant  que  le  ré- 
sultat de  l'observation  de  faits  particuliers.  D'ailleurs, 
cette  minutie,  cette  décomposition  de  la  maladie  en  une 
foule  de  faits  de  détail  faisait  perdre  de  vue  l'ensemble 
du  malade. 

Si  cette  école,  au  lieu  d'user  de  moyens  anciens  et 
connus,  tels  que  la  conversation  du  médecin  avec  le 
malade  et  l'usage  des  sens  tout  seuls ,  sans  aucun  moyen 
physique  nouveau,  sans  instruments  de  précision,  avait 
apporté  une  série  de  moyens  nouveaux  et  plus  exacts , 
elle  aurait  facilement  réfuté  ses  contradicteurs.  Malheu- 
reusement elle  ne  connut  ni  le  microscope ,  ni  les  ana- 
lyses chimiques,,  ni  les  instrumeiîts  de  physique  appli- 
qués à  l'oculistique  et  à  l'examen  du  larynx,  ni  les 


12  INTRODUCTION. 

appareils  enregistreurs,  ni  l'usage  du  thermomètre,  et 
elle  accorda  trop  aux  renseignements  subjectifs. 

Après  avoir  donné  ses  résultats  premiers,  elle  se 
trouvait  arrêtée  et  ne  pouvait  aller  plus  loin.  LMdée 
n'en  reste  pas  moins  juste  et  bonne,  à  savoir  qu'il  faut 
refaire  chaque  jour  la  médecine  et  examiner  tous  les 
cas  particuliers  avec  un  égal  soin,  comme  si  ces  cas 
étaient  nouveaux  et  inconnus.  Mais  une  réforme  dans 
lés  procédés  d^observatùm  était  nécessaire.  Il  fallait  aussi 
choisir  un  autre  objectif  pour  l'étude,  c'est-à-dire  sim- 
plifier l'observation ,  la  réduire  aux  signes  indubitables , 
et  n'accepter  que  les  éléments  sérieusement  contrôlables. 
Quant  au  reste,  il  n'y  avait  rien  à  réformer. 

Quel  est  donc  cet  objectif  nouveau,  quels  sont  ces 
nouveaux  procédés  d'observation  ? 

D'abord  nous  posons  en  principe  qu'il  y  a  chez 
l'homme  malade  des  éléments  mobiles  et  variables,  et 
que  d'autres  y  sont  fixes.  Ce  sont  ces  derniers  auxquels 
nous  devons  nous  attacher  de  préférence.  Parmi  ceux- 
ci,  par  exemple,  le  pouls  a  toujours  occupé  le  premier 
rang  depuis  la  plus  haute  antiquité.  Le  pouls  marque, 
par  sa  fréquence  principalement,  pour  ne  pas  parier  de 
ses  autres  caractères,  la  marche,  les  périodes  diverses 
de  la  maladie,  et  donne  une  idée  de  l'état  du  malade, 
c'est-à-dire  de  ce  qui  importe  le  plus.  Ce  caractère  ce- 
pendant ne  suffit  pas;  l'abus  qu'en  ont  fait  les  médecins 
anciens  et  même  les  modernes,  les  conclusions  erronées 
et  exagérées  qu'ils  en  ont  tirées,  ont  entraîné  une  réac- 
tion violente.  Devant  les  moyens  d'observation  que  ce 
siècle  a  vus  naître ,  'moyens  plus  exacts  et  certains , 
l'examen  du  pouls  s'est  effacé  et  est  tombé  dans  le  dis- 


INTRODUCTION.  IS 

crédit  même,  jusqu'au  moment  où  un  outillage  nou- 
veau a  permis  d'en  tirer  un  profit  inattendu. 

Le  plus  grand  médecin  moderne,  Laennec,  qui  nous 
a  donné  fauscultation  et  a  contribué  plus  que  personne 
à  fonder  Tanatomie  pathologique,  avait  exprimé  son 
mépris  pour  Fart  de  tâter  le  pouls.  Il  avait  trop  fait 
pour  la  médecine  exacte,  pour  ne  pas  s'indigner  de 
cette  suffisance  médicale  qui,  sans  études  sérieuses, 
sans  fournir  ses  preuves,  prétendait  à  un  tact  spécial,  à 
des  perceptions  intimes  dont  on  n'avait  pas  à  rendre 
compte.  Aussi  pouvait -il,  sans  craindre  d'être  accusé 
d'exagération,  et  en  vertu  de  la  mission  réformatrice 
quMl  s'était  donnée ,  dire  : 

• 
On  aurait  peut-être  le  droit  de  s'ëtonner  que  Texploration  du 

ponb  ait  été  si  généralement  employée  par  les  médecins  de  tous 
les  âges  et  de  tous,  les  peuples,  malgré  son  incertitude  avouée 
par  les  plus  instruits  d'entre  eux.  La  raison  d'une  pareille  faveur 
est  cependant  facile  à  sentir;  elle  est  dans  la  nature  humaine;  ce 
moyen  est  employé  parce  qu'il  est  d'un  usage  facile;  il  donne 
aussi  peu  de  peine  et  d'embarras  au  médecin  qu'au  malade;  le 
plus  habile,  après  l'avoir  employé  avec  toute  Tattention  dont  il 
est  capable,  ose  à  peine  en  tirer  quelques  inductions,  et  hasarder 
des  conjectures  qui  ne  se  vériGent  pas  toujours;  et,  par  consé- 
quent, le  plus  ignorant  s'expose  fort  peu  en  en  tirant  toutes  les 
inductions  possibles. 

Ce  que  le  tact  ne  pouvait  donner,  ce  que  l'infatuation 
médicale  supposait  ou  imaginait,  les  appareils  enregis- 
treurs le  donnent  avec  preuves  à  l'appui.  On  ne  récuse 
pas  un  dessin  fourni  par  les  organes  s'inscrivant  eux- 
mêmes.  Reste  l'analyse  des  tracés.  Les  interprétations 
peuvent  varier,  mais  on  opère  sur  un  terrain  solide,  on 


14  INTRODOCTION. 

founiit  une  preuve  sur  laquelle  la  critique  peut  s'exer- 
cer. Ce  n'est  plus  un  art  que  Ton  invoque,  art  person- 
nel, intransmissible;  c'est  une  science  qui  se  fonde. 
Dailleui*s  la  reproduction  artificielle  ou  schématique 
des  différentes  figures  du  pouls,  faite  dans  les  labora- 
toires, permet  de  contrôler  et  d'expliquer  les  variations 
des  figures  graphiques  fournies  par  lappareil  enregis- 
treur. Nous  n'avons  plus  à  défendre  cette  méthode  ac* 
ceptée  de  tout  le  monde  savant. 

Mais,  avant  d'entrer  dans  le  détail  de  la  méthode, 
exposon&-en  les  principes  d'ensemble  : 

La  doctrine  nouvelle,  la  voici  :  supprimer  ou  amen- 
der tout  ce  qui  est  de  simple  tradition  et  de  mauvaise 
physiologie,  ne  rien  interpréter  sans  y  être  autorisé 
par  des  notions  de  physique  exacte ,  renoncer  à  la  mé- 
decine indépendante,  qui  prétend  exister  par  elle-même 
et  avoir  ses  lois  propres.  Ramener  tout  à  des  phéno- 
mènes physiques  et  non  vitaux,  et,  si  l'on  veut  conserver 
une  illusion  sur  les  propriétés  spéciales  du  microcosme, 
convenir,  du  moins,  que  le  seul  moyen  de  contrôler 
les  phénomènes  morbides  est  de  recourir  aux  méthodes 
physiques.  On  peut  réserver,  si  l'on  veut,  les  questions 
relatives  à  la  spécificité  de  l'instrument  humain,  aux 
réactions  de  l'organisme  contre  le  monde  extérieur; 
toute  latitude  est  accordée ,  sous  ce  rapport,  aux  opinions 
et  au  sentiment,  mais  on  n'a  plus  le  droit  de  se  sous- 
traire au  contrôle  de  la  physique.  Tout  ce  qui  est  sub- 
jectif doit  ou  être  soumis  au  contrôle  des  instruments 
de  précision,  ou,  du  moins,  n'être  accepté  qu'à  titre  de 
renseignement. 

Ainsi  les  sensations  éprouvées  par  le  malade  occupent. 


INTRODUCTION.  15 

dans  les  descriptions  anciennes,  une  place  considérable, 
moindre,  mais  trop  grande  encore  dans  les  modernes. 
Il  n'en  faut  prendre  que  le  nécessaire,  l'indispensable, 
il  faut  les  accorder  autant  que  possible  avec  les  signes 
physiques  visibles  et  tangibles.  Les  mots  lignes  ratiati- 
nels  doivent  être  employés  avec  ménagement  et  n'être 
appliqués  qu'à  bou  escient.  Il  faut  tout  mettre  en  œuvre 
pour  faire  la  preuve  du  fait  ressenti  par  le  malade  et 
traduit  par  lui  souvent  d'une  façon  erronée.  Il  faut  sur- 
prendre la  fonction  troublée  et  l'attaquer  par  le  point 
où  elle  se  découvre  à  nous.  Par  exemple,  la  diplopie 
ou  vision  double  doit  être  ramenée  à  un  contrôle  op- 
tique soit  par  l'exercice  auquel  l'observateur  soumet 
Tœil  du  malade ,  le  faisant  passer  par  des  épreuves  où 
le  fait  éclate  et  se  prouve,  soit  par  l'examen  direct  de 
Fœil  fait  avec  l'instrument  optique.  La  paralysie  doit 
être  explorée  par  les  instruments  appropriés ,  électricité, 
chaleur,  froid,  esthésiomèlre,  dynamomètre.  On  voit 
comment  ici  le  récit  du  malade,  ses  sensations,  ont  un 
contrôle  direct  el  matériel  saisissable,  chiffrable.  C'est 
l'objectif  substitué  au  subjectif.  Les  sensations  de  froid 
et  de  chaud,  qui  occupent  une  si  grande  place  dans  les 
signes  subjectifs,  doivent  être  contrôlées  par  le  thermo- 
mètre. Et  ce  n'est  pas  seulement  la  sensation  propre  du 
malade  qui  est  erronée  et  qu'il  faut  corriger,  c'est  aussi 
la  sensation  du  médecin,  qui,  procédant  de  son  tact,  le 
conduit  à  des  renseignements  vagues  et  peu  scientiGques. 
Que  penser  de  ces  mots:  chaleur  acre,  mordicante, 
brûlante,  halitueuse,  qui  pendant  si  longtemps  ont  été 
inscrits  dans  les  livres  de  médecine?  le  thermomètre 
seul  donne  la  vérité  et  permet  d'npprécier  exactement 


i6  INTRODUCTION. 

le  fait  de  la  chalear  dans  ses  variations.  Le  médecin 
qui  se  contente  de  sa  sensation  ressemble  à  l'astronome 
qui  refuserait  d  examiner  les  astres  autrement  qu  à  l'œil 
nu.  L'examen  du  pouls  fait  avec  la  main  offre  de  pa- 
reilles imperfections  et  demandait  une  réforme.  Nous 
avons  montré  ailleurs  comment,  ici  encore,  il  faut  avant 
tout  chiffrer  la  fréquence,  puis  apprécier  les  autres  ca- 
ractères à  l'aide  d'un  appareil  enregistreur.  Les  chan- 
gements survenant  dans  le  volume  et  le  poids  du  corps 
ne  peuvent  pas  davantage  être  appréciés  à  la  vue;  le 
médecin  peut  commettre ,  à  cet  égard,  des  erreurs  con- 
sidérables, et  son  appréciation  peut  être  tout  à  fait  ou 
partiellement  erronée.  La  balance  seule  nous  donne  la 
vérité,  et  ce  signe  prend  dès  lors  la  valeur  d'un  fait  im- 
portant. Le  frisson ,  les  crampes ,  les  convulsions ,  n'offrent 
à  la  vue  qu'une  image  confuse  et  mal  définie;  leurs 
variétés  innombrables  échappent  à  nos  sens  insuflSsants. 
Là  encore  le  thermomètre  et  les  appareils  enregistreurs 
nous  donnent  la  faculté  d'analyser,  de  dessiner,  de  dis- 
tinguer les  formes,  les  variétés,  avec  une  netteté  in- 
connue jusqu'ici.  Or  aucun  de  ces  renseignements  n'est 
inutile. 

D'autre  part,  l'examen  des  excréta  par  la  physique 
et  la  chimie  nous  ouvre  un  vaste  champ  d'exploration. 

L'histoire  naturelle  des  maladies,  grAce  au  micros- 
cope ,  a  pris  une  place  prédominante  et  qu'on  ne  sau- 
rait lui  disputer.  Les  maladies  parasitaires  sont  connues 
et  classées,  fait  nouveau  et  d'une  importance  considé- 
rable. L'examen  des  urines  donne  les  plus  précieux  ren- 
seignements en  permettant  d'apprécier  par  les  cendres 
le  travail  morbide  accompli  par  l'organisme,  et  de  le 


INTRODUCTION. 


17 


graduer  presque.  Les  produits  morbides  de  cet  excré- 
tum  sont  isolés ,  et  à  eux  seuls  permettent  souvent  de 
donner  à  la  maladie  sa  véritable  signification ,  son  dia- 
gnostic et  son  pronostic.  Ce  genre  d'examen  a  un  avenir 
considérable.  De  Thistologie  appliquée  à  Tanatomie  pa^ 
thologique,  on  peut  dire  qu  elle  a  transformé  presque  la 
médecine  et  changé  en  notions  positives  quantité  de 
notions  confuses  et  préconçues. 

Mais  nous  voulons  parler  plus  spécialement  des 
moyens  d'observation  clinique  qui  tendent  à  prévaloir, 
et  montrer  la  supériorité  de  ces  procédés  nouveaux  sur 
les  anciens. 

La  multiplicité  des  catégories  produites  par  les  pro- 
grès des  sciences  a  divisé  les  médecins  en  plusieurs 
classes.  Lqs  uns  sont  physiologistes,  lesquels  se  subdi- 
visent en  histologistes ,  en  vivisecteurs  ou  médecins  ex- 
périmentateurs, physiciens  ou  mécaniciens,  chimistes; 
les  autres  sont  anatomistes,  naturalistes;  d'autres  sont 
adonnés  plus  particulièrement  à  lanatomie  patholo- 
gique et  à  l'histologie.  Enfin  la  médecine,  dans  le  sens 
usuel  et  traditionnel  du  mot,  c'est  la  médecine  clinique, 
c  esl>^-dire  l'examen  et  le  traitement  de  l'homme  ma- 
lade '. 


'  11  ne  faut  pas  condure  que  la  mé- 
decine ciiniqne  soit  exciae  du  cercle  des 
sciences  nositives;  elle  prend,  au  con- 
Inire,  pirt  à  reipërimentation;  elle 
indique  les  dêtiderata ,  fournit  au  phy- 
siok^liste  la  matière  de  son  travail ,  lui 
indique  où  il  doit  chercher,  et  le  phy- 
sM^ogiste  revient  encore  au  clinicien 
pour  faire  consacrer  par  lui  ses  dé- 
eouverles.  Aussi  H.  Cl.  Bernard  inti- 


tule-t-il  ses  recherches  «médecine expé- 
rimentale.» 

La  clinique  ne  saiBl  pas  au  progrès; 
il  fiiut  ralliance  du  médecin  traitant  et 
du  physiologiste. 

A  notre  époque  deux  grands  faits  ont 
montré  ce  que  pouvait  la  physiologie 
pour  les  progrès  de  la  médecine. 

M.  Cl.  Bernard  a  attaqué  dans  son  la- 
boratoire la  question  de  l^inâammaUon, 


a 


18  IMRODUCTIOX. 

C'est  de  la  médecine  clinique  que  nous  parlons  ici. 
Elle  n'est  pas  demeurée  inacfive,  et  les  pro<i[rès  réalisés 
autour  de  son  domaine  propre  ne  l'ont  pas  trouvée  im- 
mobile. Elle  prend  à  toutes  les  spécialités  qui  l'envi- 
ronnent ce  qui  lui  est  nécessaire  et  quille  volontiers  la 
chambre  du  malade  pour  le  laboratoire,  soit  qu'elle 
examine  par  elle-même,  soil([u'ellc  demande  les  examens 
physiques,  chimiques,  histologiques,  aux  savants  sj)é- 
ciaux.  Puis,  sans  quitter  le  lit  du  malade,  elle  dispose 
ses  appareils  et  use  de  ses  pi'océdés  ])ersonnols. 

Etant  données  les  préoccupations  d'exactitude  que 
nous  avons  indiquées,  il  fallait  ajouter  et  corriger  quel- 
que chose  aux  anciens  procédés,  non  par  désir  de  nou- 
veauté, mais  par  nécessité. 

C'est  folie  de  vouloir  mesurer  la  vie.  La  complexité 
de  la  vie  est  telle,  que  c'est,  à  proprement  parler,  cher- 
cher l'absolu  que  vouloir  la  réduire  à  un  caractère  unique, 
saisissable  et  mesurable.  La  vie  est  une  abstraction  et  non 
une  réalité  soumise  à  l'analyse.  Mais,  sans  rabaisser  le 
sujet,  ne  peut-on  pas  dire  que  l'existence  même  des 
corps  inorganiques  écha])pe  à  l'analyse  unique  et  qu'un 
seul  caractère  ne  suflTit  pas  pour  décrire  et  mesurer  un 
de  ces  corps.  Aussi  tàche-l-on  de  réduire  tous  les  carac- 
tères en  un  caractère  unique,  plus  constant  que  les  autres 
et  applicable  à  tous  les  corps.  La  chaleur  est  un  de  ces 
caractères,  le  poids  en  est  un  autre.  Aussi  voit-on  les 

cl  SOS  Iravaiix  sur  los  nerfs  vnso-nioleiirs  VœW , créérophlliaimoscopc, eldu mt'mc 

ont  renouvelé  tout  rédilice  de  Tii-riln-  coup  l'oculisli(|ne  a  élé  cufjendrée. 

lion,  du  molimen,  de  la  fluxion,  de  la  Ces  deux  fails  suflisenl  à  notre  dc*- 

phle||masie.  nionslraJion. 
Ilelndiolz  a  ('liidié  l'oplique,  décrit 


INTRODUCTION.  19 

savants  ramener  tout  à  des  questions  de  chaleur,  de 
densité,  de  pression,  de  poids.  Ainsi  pour  Thomme. 

Voyez  ce  que  dit  M.  Henri  Sainte-Glaire  Deville  de 
la  méthode  ^  : 

ff  Les  sciences  mathématiques  sont  le  développement, 
suivant  la  logique  humaine ,  de  quelques  hypothèses  ou 
axiomes ,  qui  sont  la  création  de  notre  esprit  et  dont 
les  relations  avec  la  nature  qui  nous  entoure  n'ont  rien  de 
nécessaire,  quoique  ces  relations  et  l'observation  du 
monde  extérieur  aient  dû  inspirer  les  premiers  inven- 
teurs de  la  géométrie.  Dans  les  sciences  physiques,  au 
contraire ,  notre  esprit  ne  peut  rien  créer  de  ce  qui  fait 
le  sujet  de  nos  études,  et  l'hypothèse  y  est  remplacée 
par  le  fait  matériel  qui  est  en  dehors,  de  nous.  De  là 
une  différence  profonde  dans  les  méthodes  que  nous 
devons  appliquer  à  la  recherche  dé  la  vérité  dans  ces 
deux  grandes  branches  du  savoir  humain. 

<rDan8  les  sciences  physiques,  toute  hypothèse  doit 
être  rigoureusement  exclue.  L'hypothèse  a  été  d'abord 
une  abstraction,  c*est-à-dire  une  création  de  notre 
esprit,  que,  par  habitude,  nous  avons  transformée  en 
r^ité;  elle  a  été  une  fiction  à  laquelle  on  a  donné  un 
corps  :  elle  a  toujours  été  inutile,  elle  a  été  souvent  nui- 
sible. Ces  hypothèses,  ou  les  forces  (car  c'est  tout  un) 
qu'on  appelle  l'affinité,  et  son  antagoniste  obligé,  la 
force  répulsive  de  la  chaleur,  la  cohésion  et  tous  ces 
agents  particuliers,  la  force  cataly tique ,  la  force  endos- 
motique,  les  fluides  impondérables,  etc.,  toutes  ces  hy- 
pothèses n  ont  servi  qu'à  éloigner  de  notre  attention  les 

^  H.  StÎDleCllaire Oerflle,  Goronranication  à  Tlnstitat,  1c  s3  mai  1 870. 

9. 


20  INTRODUCTION. 

véritables  problèmes  de  la  science.  On  les  croit  réso- 
lus, parce  qu'on  a  donné  le  nom  d'une  force  à  leur 
cause  inconnue.  La  méthode  dans  les  sciences  physi- 
ques, méthode  qui  est  toujours  la  même  quand  il  s'agit 
de  la  matière,  qu  elle  soit  inerte  ou  organisée,  qu'il  s'a- 
gisse du  feu,  des  pierres  ou  des  animaux,  c'est  la  déter- 
mination précise  et  numérique,  autant  que  possible,  des 
ressemblances  et  des  dissemblances,  c'est  enfui  l'établis- 
sement des  analogies  d'où  naissent  les  classifications,  t) 

Ces  principes  sont  applicables  aux  sciences  médi- 
cales. 

Les  maladies  sont  constituées  par  un  ensemble  très- 
complexe  de  faits  parmi  lesquels  il  faut  choisir  les  élé- 
ments mesurables,  c'est-à-dire  ceifx  qui  se  prêtent  à  une 
analyse  exacte  et  que  l'on  peut  chiffrer.  On  ne  saurait  en 
effet  tout  embrasser  sans  renoncer  à  la  précision  dans 
les  descriptions.  L'impression  d'ensemble  que  ressent  un 
observateur  bien  doué  et  expérimenté ,  ne  peut  pas  se  tra- 
duire nettement.  11  faut  se  méfier,  dans  une  analvse 
scientifique,  des  conceptions  subjectives,  et  se  borner  à 
la  détermination  des  phénomènes  qui  tombent  sous  les 
sens  et  peuvent  être  isolés  de  l'ensemble.  Les  méthodes 
d'analyse  actuellement  usitées  dans  la  plupart  des  bran- 
ches des  sciences  naturelles  sont  applicables  à  l'étude  de 
l'homme  malade.  Par  ces  moyens,  on  échappera  aux  des- 
criptions longues  et  obscures  et  à  l'impropriété  des 
termes,  qui  sont  justement  reprochées  à  la  nosographie 
traditionnelle. 

Substituer  autant  que  possible  l'objectif  au  subjectif 
et  réprimer  la  prolixité  du  langage,  tel  est  le  but  que 
doivent  poursuivre  aujourd'Jiui  les  hommes  adonnés  à 


INTRODUCTION.  21 

l'étude  des  sciences  d'observation.  L'exposé  d'un  fait  doit 
être  court  et  démonstratif. 

Plus  on  parle  longuement,  plus  on  risque  de  se  trom- 
per, et  l'erreur  se  multiplie,  pour  ainsi  dire,  par  le 
nombre  des  mots.  Il  faut,  autant  que  possible,  se  bor- 
ner à  la  description  d'un  phénomène  isolé,  le  suivre 
dans  son  évolution  complète,  en  marquer  les  phases  di- 
verses par  des  points  de  repère ,  et  recourir  aux  chiffres 
et  aux  figures.  Le  texte  écrit  n'est  plus  que  le  commen- 
taire de  la  représentation  graphique. 

Or,  parmi  les  manifestations  multiples  et  confuses  des 
états  morbides,  il  est  possible  d'isoler  des  phénomènes 
qui  soient  moins  trompeurs  que  les  autres,  qui  puissent 
être  soumis  au  mode  d'investigation  usité  dans  l'étude 
des  sciences  physiques,  qui  soient  mesurables.  Ces  élé- 
ments, qui  nous  fournissent  la  base  d'une  plus  grande 
certitude  et  que  nous  pouvons  traduire  en  courbes  ou 
en  figures,  sont  :  la  chaleur,  le  poids,  les  mouvements  or- 
ganiques. 

Nous  avons,  pour  les  contrôler,  le  thermomètre,  les 
appareils  enregistreurs  et  la  balance. 

Le  premier  progrès,  progrès  immense,  nous  est 
arrivé  par  la  thermométrie.  Donnez-moi  un  thermomètre 
et  je  vous  décrirai  la  marche  d'une  maladie  sans  autre 
aide.  C'est  qu'en  effet  la  chaleur  est  la  fonction  la  plus 
constante ,  la  plus  sûre ,  dans  les  maladies.  Elle  est  plus 
sAre  que  le  pouls,  à  plus  forte  raison  l'emporte-t-elle 
en  certitude  sur  tous  les  signes  subjectifs,  sur  tous  les 
modes  d'exploration,  ayant  pour  but  de  nous  édairer 
sur  l'état  général  du  malade.  Elle  seule  est  constante  et 
ne  fait  pas  défaut;  les  signes  physiques  locaux  sont  va- 


22  INTRODUCTION. 

fiables  et  peuvent  nous  tromper;  ils  peuvent  échapper 
à  notre  attention.  Nous  pouvons  nous  méprendre  sur 
leur  intensité;  ils  sont  fondés  après  tout  sur  une  per- 
ception de  nos  sens.  Le  thermomètre  ne  nous  trompe 
pas. 

D'autres  raisons  nous  ont  décidé  depuis  plusieurs 
années  à  prendre  la  chaleur  du  corps  pour  sujet  de  nos 
études;  c'est  une  actualité,  cela  est  vrai,  mais,  s'il  n'est 
pas  absolument  bon  de  suivre  la  mode,  il  est  pire  de  la 
méconnaître.  Le  plus  souvent  ses  engouements  peuvent 
se  justiGer  par  un  progrès  apparent  ou  réel.  Nous  pas- 
sons aujourd'hui  par  une  période  où  le  thermomètre  est 
en  honneur,  nous  pensons  que  c'est  à  juste  titre  et  qu'il 
nous  fait  accomplir  en  ce  moment  de  grands  progrès 
qui  resteront,  dût  plus  tard  le  thermomètre  aller  re- 
joindre tous  les  vieux  instruments  de  Sanctorius,  de 
Borelli,  de  Harvey,  de  Galilée,  etc. 

Ces  témoins  des  travaux  de  nos  ancêtres  ont  eu  leur 
raison  d'être,  ce  n'est  qu'en  épuisant  ce  qu'ils  pouvaient 
donner  qu'on  a  trouvé  mieux. 

La  chaleur  est  aujourd'hui  la  grande  préoccupation 
des  savants,  c'est  pour  eux  le  phénomène  qui  les  résume 
tous,  mouvement,  changement  d'état,  développement 
des  corps,  tout  aboutit  à  prendre  ou  à  céder  de  la  cha- 
leur. 

Pour  le  prouver,  rappelons  seulement  la  transfor- 
mation des  forces ,  entrevue  par  d'Holbach ,  au  xvni*  siècle, 
démontrée  dans  celui-ci.  L'étude  des  mouvements  dans 
les  corps  inorganiques  ou  organiques  ne  peut  plus  se 
faire  sans  connaître  la  puissance  mécanique  de  la  cha- 
leur: aussi,  si  vous  pénétrez  dans  les  laboratoires,  vous 


INTRODUCTION.  S3 

verrez  que  les  chimistes,  les  physiciens,  les  mécaniciens, 
ont  toujours  un  thermomètre  à  la  main. 

Or,  de  la  dynamique  des  corps,  nous  ne  surprenons 
que  les  changements  de  place,  de  forme,  d'état,  et  la 
chaleur  est  ce  que  nous  saisissons  le  mieux  de  ces  trans- 
formations rapides  et  passagères.  Et  cela  parce  que  nous 
avons  Youtilf  et,  il  faut  lavouer,  l'outil  fait  un  peu  la 
science.  11  n'y  a  pas  d'astronomie  sans  télescope,  d'his- 
tologie sans  microscope,  d'étude  possible  des  change- 
ments d'état  des  corps  inertes  ou  vivants  sans  thermo- 
mètre. 

L'introduction  du  thermomètre  dans  les  recherches 
cliniques  ne  se  fait  pas  sans  provoquer  des  critiques  et 
des  railleries.  Broussais  se  moquait  du  tube  de  Laennec, 
chacun  de  nous  n'a  guère  épargné  les  anciens.  Depuis 
les  études  thermométriques ,  le  pauh  est  mort  y  nous  dit- 
on.  Nullement,  mais,  dans  les  maladies,  c'est  un  signe 
variable,  trop  dépendant  de  mille  causes  pour  qu'il  ré- 
ponde à  ce  que  nous  cherchons  :  la  plus  grande  certi- 
tude possible.  La  chaleur  est  l'expression  même  du  mou- 
vement dans  les  maladies  fébriles;  elle  est  le  principal 
signe,  elle  donne  la  mesure  du  danger,  elle  commande 
le  pronostic.  C'est  vers  elle  que  le  médecin  peut  fixer 
les  yeux  comme  sur  une  boussole. 

Je  ne  voudrais  pas  que  l'amour  de  mon  sujet  pût  me 
pousser  à  un  panégyrique  excessif,  mais  il  serait  justifié 
par  la  tradition ,  où  l'on  trouve  la  trace  plus  ou  moins 
consciente  du  rôle  attribué  à  la  chaleur  dans  les  mala- 
dies. Ainsi  le  peuple,  de  toute  antiquité,  a  nommé  la 
fièvre  pyrexie  :  tsrujo,  feu.  Hippocrate  tenait  le  mot  de  la 


24  INTRODUCTION. 

tradition.  Bien  avant  lui ,  comme  de  nos  jours»  lorsque  les 
malades  ont  essayé  de  rendre  en  un  langage  imagé  lessen* 
sations  de  lafièvre,  ils  ont  dit  :  j  ai  chaud,  j'étouffe,  je  brûle. 

Les  mères  n  ont-elles  pas  toutes  perçu  et  exprimé 
que  leur  enfant  a  l'haleine  chaude,  qu'il  a  la  tète  ou  les 
mains  brûlantes.  Elles  n'ont  pas  besoin  de  tâter  le  pouls 
pour  savoir  que  leur  enfant  a  la  fièvre.  Les  gens  du 
peuple  disent  que  les  malades  ont  la  peau  fumante,  la 
chaleur  et  la  sueur  sont  pour  eux  les  vrais  signes  des 
maladies  aiguës;  ils  pensent  que  suer  fait  tomber  la 
chaleur  du  corps,  et  ils  s'efforcent  de  se  faire  suer  quand 
ils  se  sentent  malades. 

Nous  sommes  donc  conduits  à  reconnaître,  même 
avant  toute  science,  que  le  signe  le  plus  spécifique  des 
maladies  aiguës,  c'est  l'augmentation  de  la  chaleur. 
Connue  de  toute  antiquité ,  comment  se  fait-il  que  l'on 
ait  attendu  jusqu'à  ce  jour  pour  donner  à  ce  signe  toute 
sa  valeur?  C'est  que  l'outil  manquait.  Les  physiciens 
n'avaient  pas  inventé  le  thermomètre.  Dans  les  sciences 
d'application  comme  la  médecine ,  la  pratique  est  tribu- 
taire des  naturalistes ,  des  physiciens  et  des  mécaniciens. 
Cela  n'est  point  contestable. 

Or  comment  s'exprimaient  les  médecins  de  l'anti- 
quité et  des  temps  modernes  avant  l'usage  régulier  du 
thermomètre?  Ils  faisaient  pis  encore  que  pour  le  pouls, 
où  les  appréciations  étaient  du  moins  vraies,  quant  au 
nombre  des  pulsations,  surtout  depuis  l'invention  des 
clepsydres,  des  pulsilogium  et  surtout  de  la  montre 
à  secondes ,  mais  où  les  indications  tiréesides  autres  carac- 
tères du  pouls  étaient  erronées  le  plus  souvent.  Ces 
expressions  médicales  des  anciens  temps,  en  ce  qui  con- 


INTRODUCTION.  35 

cerne  la  chaleur,  vous  les  entendez  encore  aujourd'hui, 
si  vous  y  faites  attention. 

Je  ne  fais  appel  qu  à  votre  mémoire.  N'avez-vous  ja- 
mais entendu  des  médecins  dire  : 

Ce  malade  a  bien  chaud;  il  a  la  peau  brûlante;  il  a 
une  chaleur  sèche;  une  chaleur  humide;  halitueuse; 
acre.  Avant  nous  on  disait  :  chaleur  mordicante,  etc. 

Pourquoi  d  ailleurs  faire  l'énumération  de  ces  termes 
vagues  et  peu  scientifiques?  Je  ne  suis  pas  sûr  pourtant 
que  quelques-uns  ne  préfèrent  pas  encore  la  paume  de 
la  main,  comme  faisaient  nos  pères.  Les  argument  de 
ces  médecins  nous  sont  connus  :  <r  Je  n'ai  pas  besoin  de 
vos  instruments  pour  savoir  si  un  malade  a  chaud  ou  n'a 
pas  chaud,  je  le  sais  bien  avec  ma  main.  D'ailleurs  j'ai 
la  ressource  du  pouls.  £t  puis,  quand  un  malade  aurait 
plus  ou  moins  chaud,  qu'est-ce  que  cela  prouve,  dès 
rins(ant  qu'il  a  la  chaleur  de  la  fièvre??)  A  ces  argu- 
ments, répondez  de  deux  manières  : 

1®  En  prouvant  que  le  pouls  ne  suffit  pas  au  dia- 
«gnostic; 

d®  Que  la  chaleur  de  la  fièvre  est  un  vain  mot, 
attendu  qu'il  n'y  a  pas  de  chaleur  fébrile,  mais  des  cha- 
leurs fébriles  très-variables,  et  dont  la  variation  importe 
beaucoup  ; 

3®  Enfin  faites  ce  que  j'ai  fait  tant  de  fois  :  proposez 
à  tous  les  assistants  de  percevoir  avec  la  main  la  tempé- 
rature d'un  malade  et  notez  le  chiffre  de  chacun,  vous 
verrez  quelles  grossières  erreurs  sont  commises:  l'un 
dira  /io  degrés,  l'autre  38,  l'autre  37,  un  autre  39. 
Seul,  le  thermomètre  aura  raison. 

Ce  n'est  pas  que  je  veuille  faire  le  procès  à  nos  organes 


26  INTRODUCTION. 

des  sens ,  à  notre  toucher.  La  main  est  un  admirable 
organe  de  tact,  et  elle  nous  donne  des  notions  sur  Tétat 
différentiel  des  corps,  mais  elle  ne  nous  permet  pas  de 
chiffrer.  La  main,  dans  la  comparaison  de  deux  tempé- 
ratures différentes ,  reconnaîtra  un  écart  d'un  vingtième 
de  degré,  puissance  énorme  d'analyse,  seulement  elle 
ne  saura  s'il  s'agit  d'un  dixième,  d'un  quart,  d'un  quin- 
zième, ni  même  quel  est  le  degré. 

Il  faut  exercer  la  main  en  s'aidant  du  thermomètre; 
on  fait  l'éducation  de  ses  sens  en  les  corrigeant  par  les 
instruments  de  précision.  C'est  ainsi  qu'un  bon  micro- 
graphe sait  mieux  voir  les  lésions  même  les  plus  fines 
des  tissus  avec  son  œil  nu ,  et  qu'un  médecin  exercé  au 
maniement  du  sphygmographe  sait  mieux  sentir  et  inter- 
préter les  nuances  du  pouls  tâté  avec  le  doigt.  De  même 
un  clinicien  qui  a  souvent  surpris  en  faute  le  tact  de  sa 
main,  et  l'a  corrigé  par  le  thermomètre,  arrivera  à  une 
plus  grande  sécurité  de  tact  lorsqu'il  cherchera  à  appré- 
cier la  température  des  malades  avec  la  main. 

Mais  c'est  trop  s'occuper  de  démontrer  l'évidence. 

Cependant  il  reste  un  point  à  éclaircir,  à  savoir  si  le 
tact  ne  donne  pas,  mieux  que  le  thermomètre,  idée  d'un 
ensemble  de  caractères  de  la  peau  où  la  chaleur  n'entre 
que  comme  un  des  éléments. 

Les  mots  chaleur  acre,  aride,  mordicante,  ont-ils  un 
sens?  Pour  moi,  je  ne  leur  en  crois  qu'un ,  à  savoir  que  la 
peau  est  sèche  ou  humide,  et  ce  n'était  pas  la  peine  d'in- 
venter cette  nomenclature  pour  si  peu  de  chose.  Il  était 
plus  simple  de  dire  :  sécheresse,  humidité,  ou  sueur. 

S'il  fallait  encore  nous  justifier  d'avoir  fait  de  la  cha- 


INTAODUGTiON.  27 

leur  le  sujet  de  ce  travail,  nous  n'aurions  qu'à  tracer  en 
quelques  lignes  ce  que  les  anciens  eussent  appelé  YEhge 
de  la  cludeur. 

La  principale  fonction  des  êtres  vivants  est  la  chaleur. 
Im  vie  y  c€$t  le  feu.  Cette  image  grecque  reste  vraie.  Pour 
Liebermeister,  «La  vie  est  la  faculté  qu'ont  les  animaux 
d'entretenir  leur  température  à  un  degré  constant.  Ils  ne 
sont  occupés  qu'à  faire  et  à  défaire  de  la  chaleur,  t) 

Bien  plus,  la  matière  inanimée  elle-même  ne  peut 
changer  de  place  ni  d'état  sans  livrer  ou  prendre  de  la 
chaleur,  car  la  chaleur  c'est  le  mouvement ,  la  méca- 
nique de  la  chaleur,  ou  équivalent  mécanique,  est  l'es- 
sence de  tout  changement  d'état.  La  chaleur  est  le  mo- 
teur universel. 

Donc  l'homme  est  nnfoyer^  un  fourneau,  et  ainsi  il 
se  meut  et  s'entretient  et  accomplit  ces  mille  actions 
d'ensemble  et  de  détail  qui  sont  la  vie.  Entendez  l'usine  : 
jour  et  nuit  sa  cheminée  fume,  et  la  machine  à  vapeur 
fait  entendre  son  mouvement  rhythmé  et  monotone. 
Ainsi  est  le  tic-tac  du  cœur  primum  salienSf  ullmum  mo- 
riens. .  •  11  foule,  il  fait  marcher  sa  pompe.  . .  Le  ré- 
servoir, qui  est  l'estomac,  reçoit  le  combustible,.  • .  et 
parfois,  s'il  se  vide,  la  machine  emprunte  à  sa  réserve, 
et  il  lui  faut  donner  à  brûler  les  parois  mêmes  de  son 
logement.  Ainsi  les  steamers  brûlent  leurs  planchers 
pour  continuer  à  marcher  quand  le  charbon  manque  et 
qu'il  y  a  une  avarie. 

11  faut  dès  lors  que  l'homme  cherche  du  combus- 
tible, car  il  lui  en  faut  non -seulement  pour  végéter, 
mais  pour  se  mouvoir,  pour  se  reproduire,  pour  parler, 
pour  penser...  On  peut  trouver  dans  les  déchets  de 


28  INTRODUCTION. 

l'urine  le  coefficient  de  détiutrilion  de  chacune  de  nos  ac- 
tions. Tout  nous  coûte  de  la  chaleur;  on  ne  fait  rien 
avec  rien;  on  fait  des  mouvements  et  de  la  pensée  avec 
de  la  chaleur,  le  mouvement  nous  en  restitue,  et  le 
monde  extérieur  est  là,  mine  inépuisable  qui  nous  ré- 
pare, mais  non  sans  peine. . .  11  n'y  a  que  deux  choses 
qui  ne  coûtent  rien ...  et  qui  ne  payent  pas  de  droit.  • . 
l'oxygène  partout  et...  le  soleil  dans  le  midi...  Mais, 
sitôt  qu'on  s'éloigne  de  l'équateur,  le  soleil  coûte  cher, 
et  l'homme  n'est  plus  occupé  qu'à  se  procurer  le  feu 
au  dehors  et  le  combustible  pour  le  dedans. . .  Aussi  est- 
il  glouton.  Voyez  les  peuples  du  Nord...  mangeurs  de 
graisse,  d'huile,  de  jambon,  de  grosses  viandes ,  de  pâtes 
épaisses  qu'ils  délayent  dans  du  thé  ou  de  la  bière,  et 
buveurs  d'alcool,  qui  excite  leur  lourde  circulation.  Man- 
ger estleur  objectif. . .  Les  hommes  du  Nord  sont  grands, 
gras,  lourds,  massifs,  épais.  Les  peuples  près  du  soleil 
n'ont  pas  besoin  de  manger  ou  à  peine.  Mettes  en  parallèle 
l'Espagnol  fer  qui  vit  d'un  oignon  et  d'une  cigarette; 
l'Arabe  qui  vit  de  couscousse;  l'Indien  qui  ne  remue 
que  les  yeux  et  paraît  vivre  sans  manger;  le  Lazzarone 
paresseux . .  • 

Pour  le  Nord,  vivre,  c'est  manger;  pour  le  Midi, 
vivre,  c'est  se  chauffer  au  soleil. 

Donc,  quand  cette  machine  à  feu  a  dérangé  son  foyer 
et  altéré  son  régulateur,  c*est  la  maladie  aiguë. 

Etudier  les  lois  de  ces  dérangements,  leurs  effets, 
leur  durée,  leur  courbe,  c'est  faire  de  la  bonne  méde- 
cine scientifique. 

Or,  de  toutes  les  fonctions,  la  chaleur  est  la  plus  fa- 
cile à  mesurer  et  celle  qui  les  résume  toutes  (synthèse). 


INTRODUCTION.  29 

Voilà  donc  une  fonction  nouvelle,  el  la  plus  impor- 
tante de  toutes,  qui  prend  désormais  sa  valeur.  Dès  lors 
nous  cherchons  ce  signe  et  nous  en  tenons  compte  sans 
négliger  les  autres  signes  que  nous  devons  à  nos  de- 
vanciers. 

L'expérience,  en  nous  dévoilant  les  oscillations  di* 
verses  de  la  chaleur,  nous  a  montré  la  nécessité  d  exa- 
miner nos  malades  matin  et  soir,  et  nous  a  enseigné  à  ne 
nous  méprendre  ni  sur  lexacerbation  vespérine,  ni  sur 
la  rémission  matutinale. 

Nous  poinions  donc  exactement  la  chaleur,  matin  et 
soir;  puis,  nous  adressant  à  cet  acte  fonctionnel  de  tout 
temps  exploré ,  le  pouls ,  nous  en  pointons  également  les 
variations  (fréquence),  et  nous  apprenons  comment  le 
pouls  se  comporte  par  rapport  à  la  température.  En  le 
contrôlant  ainsi  nous  avons  vu  qu'il  suivait  presque 
constamment  la  température,  et  nous  lui  avons  dès  lors 
restitué  la  valeur  qu'on  lui  avait  en  partie  contestée. 

Ce  n'est  pas  tout  :  l'expérience  apprend  que  la  répar- 
tition de  la  chaleur  aux  différents  points  du  corps  n'est 
pas  toujours  identique,  el  l'exploration  de  différents  points 
spéciaux  nous  permet  d'établir  où  et  comment  ont  lieu 
ces  actes  de  répartition ,  de  concentration ,  de  diffusion , 
et  d'interpréter  ces  variations. 

Et  ici  nous  devons  nous  expliquer  sur  les  courbes  et 
sur  les  figures  graphiques  des  maladies.  Nous  parlerons 
ensuite  des  figures  données  directement  par  les  appa- 
reils enregistreurs. 

Estrce  une  méthode  nouvelle  que  celle  des  courbes  et 
figures  graphiques  des  maladies?  Non,  sii'on  entend 
par  là  que  la  médecine  aurait  imaginé  d'emblée  et  pour 


30  INTRODUCTION.       . 

son  propre  compte  cette  méthode  ;  oui ,  si  Ton  veut  ad* 
mettre  que  la  médecine  s'approprie  en  ce  moment  cette 
méthode,  qui  était  dans  le  domaine  public  et  était  appli- 
quée surtout  par  les  mécaniciens  et  les  statisticiens  pour 
apprécier  la  marche  de  certaines  fonctions,  et  les  varia- 
tions suivant  le  temps  de  certains  phénomènes.  En  fait, 
la  reproduction  des  maladies  sous  cette  forme  est  une 
chose  nouvelle  et  importante.  La  fastidieuse  description 
en  un  langage  obscur  et  plein  de  vague  de  la  marche 
d'une  maladie  idéale  vue  à  travers  les  doctrines  du  mo- 
ment ne  saurait  entrer  en  parallèle  avec  la  figure  nette, 
précise,  mesurable,  formant  ensemble,  que  donne  une 
courbe.  D'ailleurs  les  éléments  de  cette  courbe  ne  prêtent 
à  aucune  contestation  et  ne  sont  point  matière  à  dis- 
pute. C'est  le  fait  lui-même,  sans  commentaire,  qui  se 
développe  sous  les  yeui.  Ce  sont  les  variations  d'une 
fonction  dont  un  instrument  de  précision  indique  le  de- 
gré. Et,  lorsque  ces  courbes  diverses,  obéissant  à  une 
même  loi,  marchent  ensemble,  parallèlement,  montent, 
descendent,  varient  de  façon  à  donner  toutes  une  même 
figure,  cette  identité  d'action  ne  fournit-elle  pas  une 
plus  grande  certitude,  par  le  double,  triple,  quadruple 
contrôle  qui  y  est  contenu? 

Or  l'expérience  montre  que  les  maladies,  dans  leur 
marche,  affectent  une  figure  à  peu  près  constante, 
et  que  les  espèces  morbides  s'accusent  nettement  par 
leur  forme,  si  bien  qu'en  prenant  au  hasard  un  grand 
nombre  de  courbes  et  en  les  compai:ant,  on  voit  da'bord 
qu'elles  peuvent  être  classées  en  groupes  naturels;  ces 
groupes,  ce  sont  précisément  les  collections  d'observa- 
tions particulières  se  rapportant  à  la  même  maladif^.  Et 


INTRODUCTION.  SI 

dans  ces  observations  particulières  domine  une  forme 
générale;  puis  il  y  a  des  variations  individuelles,  qui 
peuvent  encore  être  classées.  EnOn  le  type  se  dégage. 
Quelle  description  peut  entrer  en  parallèle  avec  ce  pro*- 
cès-verbal  de  la  maladie  contenu  en  une  figure?  Sans 
doute  on  ne  saurait  aujourd'hui  réduire  ces  figures  à 
un  type  analogue  aux  figures  géométriques.  Mais  déjà 
la  différence  des  espèces  s'accuse  assez  nettement  pour 
qu  un  homme,  même  peu  exercé,  puisse  dire  du  premier 
coup  :  voici  une  fièvre  typhoïde  ;  cette  autre  figure  montre 
une  pneumonie;  cette  troisième,  une  variole,  etc.,  et 
pour  qu'il  sache  si  la  maladie  est  normale  ou  anomale, 
pour  qu'il  en  distingue  les  périodes,  la  terminaison.  Le 
traitement  s'y  trouve  inscrit  aussi  par  les  perturbations 
mêmes  de  la  courbe. 

Ni  la  mémoire  la  plus  fidèle  ni  les  notes  les  plus 
détaillées  ne  pourraient  permettre  de  reproduire  les 
traits  et  la  marche  d'une  maladie  ou  d'un  symptôme 
avec  la  perfection  que  l'on  trouve  dans  les  tableaux  gra- 
phiques. C'est,  à  proprement  parler,  une  méthode  d'a- 
nalyse. 

On  peut  surveiller  les  moindres  déviations  des  fonc- 
tions les  plus  importantes,  et  voir  si  ces  déviations 
arrivent^à  l'époque  voulue  et  dans  la  mesure  ordinaire, 
durent  un  temps  suffisant  ou  dépassent  la  limite  habi- 
tuelle; on  peut  surveiller,  par  ces  déviations  accrues  ou 
corrigées,  l'action  des  remèdes.  On  peut  même  doser 
celte  action.  Ainsi  il  nous  est  arrivé  souvent  de  faire 
descendre  à  volonté  la  température  par  l'action  de  la 
digitale,  de  reculer  et  de  diminuer  un  accès  de  fièvre 
intermittente  par  une  faible  dose  de  quinine,  de  le  sup- 


35  INTRODUCTION. 

primer  enOn  et  de  couper  définitivement  la  fièvre  par 
une  dose  plus  forte. 

Ce  n  est  pas  seulement  un  moyen  d  analyse  que  nous 
employons,  c'est  aussi  un  moyen  défigurer  toute  la  ma* 
ladie  et  de  réduire  cette  figure  à  une  courbe  connue, 
toujours  identique  avec  elle-même  pour  tous  les  exem- 
ples réguliers  de  la  même  maladie.  Il  faut  que  tous  les 
cas  normaux  d'une  même  maladie  donnent  une  figure 
toujours  superposable  à  la  figure  type.  Et  cela  est  en 
effet,  sauf  de  légères  variations.  Encore  pouvons-nous 
reconnaître  plusieurs  variétés  dans  l'espèce.  Ces  variétés 
sont  en  nombre  limité;  l'expérience  apprend  à  les  con- 
naître, et,  quand  nous  posséderons  des  collections  où 
seront  classés  tous  les  types,  nous  pourrons,  étant  donné 
un  cas  particulier,  lui  trouver  son  homologue  dans  l'un 
de  nos  types.  On  arrivera  ainsi  à  déterminer  les /ormes 
des  maladies,  et  à  donner  une  base  solide  au  fragile 
édifice  du  pronostic  et  de  la  thérapeutique. 

Nous  ne  prétendons  pas  que  l'on  puisse  se  borner  à 
l'étude  d'un  seul  de  ces  éléments  mesurables,  que  le 
thermomètre,  par  exemple,  puisse  toujours  remplacer 
l'examen  du  pouls. 

Cette  erreur  aurait  des  conséquences  très-fâcheuses 
dans  la  pratique.  La  température  donne  des  résultats 
positifs  et  à  peu  près  constamment  exacts  au  point  de 
vue  de  la  marche  de  la  maladie  et  de  son  pronostic, 
mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi. 

Les  objections  que  l'on  peut  faire  à  la  thermométrie 
cessent  d'avoir  leur  raison  d'être,  si  Ton  s'astreint  en 
même  temps  à  recueillir  les  observations  relatives  au 
pouls.  C'est  de  ces  deux  éléments  conjoints  que  dé- 


INTRODUCTION.  83 

pendent  surtout  le  diagnostic  et  le  pronostic.  Si  on  les 
sépare,  l'incertitude  renaît. 

De  nombreux  exemples  quotidiens  démontrent  la 
vérité  de  notre  assertion ,  et  nos  courbes  en  fournissent 
plus  d'une  preuve.  Entre  autres  cas,  nous  citerons  les 
suivants  : 

Il  arrive  que,  dans  une  maladie  grave,  comme,  par 
exemple,  la  fièvre  puerpérale,  la  température  atteint 
Uo  degrés  et  s'y  maintient  à  peu  près  invariable.  Or,  si 
le  pouls,  à  un  moment,  prend  une  plus  grande  accéléra- 
tion, c'est-à-dire  passe  deiâoài36  sans  que  la  tem- 
pérature change,  cela  suffit  à  donner  une  indication 
très- grave  pour  le  pronostic.  C'est  souvent  signe  de  mort 
prochaine.  Si  l'on  n'avait  consulté  que  le  thermomètre, 
on  n'aurait  pas  été  averti  de  cette  menace. 

Ailleurs^  le  pouls  lent  avec  une  haute  température, 
marque  l'ataxie  propre  aux  méningites. 

La  fréquence  exagérée  du  pouls  avec  une  basse  tem- 
pérature marque  certains  états  nerveux,  l'anémie,]  etc. 

Enfin  comment  ne  pas  tenir  compte  non-seulement 
de  la  fréquence ,  mais  encore  du  rhythme ,  de  la  régula- 
rité, de  la  largeur  ou  de  la  faiblesse,  et  de  tous  les 
autres  caractères  physiques  du  pouls  ? 

Il  serait  donc  erroné  d'accréditer  l'opinion  que  le 
thermomètre  serait  su0îsant  par  lui-même  et  sans  la 
palpation  du  pouls. 

Maintenant  il  faut  parlei*  des  appareils  enregistreurs. 
Ils  peuvent  être  multipliés  extrêmement.  Dans  l'état 
actuel,  voici  quel  est,  à  cet  égard,  notre  actif,  et  quelles 
sont  nos  espérances.  Le  premier  de  tous  ces  appareils, 

3 


34  INTRODUCTION. 

en  date  et  en  importance  pratique  actuelle,  est  le  9phyg  • 
îM^raphcy  qui  nous  donne  un  tracé  du  pouls.  Nous 
.voyons  ainsi  apparaître  sous  nos  yeux  des  dessins  fournis 
par  lappareil  circulatoire  lui-même.  Ce  que  valent  ces 
dessins,  ce  qu'ils  ajoutent  à  nos  connaissances,  on  ne 
Tignorc  plus  dans  les  écoles;  on  peut  varier  d'opinion 
sur  le  degré  de  l'utilité,  sur  le  degré  de  la  certitude, 
sur  l'erreur  possible  de  l'interprétation  de  ces  dessins 
autographes;  mais,  en  principe,  l'utilité  est  admise.  J'ai 
consacré  trop  de  temps  à  ce  genre  de  recherches  pour 
n'avoir  pas  une  opinion  à  cet  égard.  Je  pense  que  cet 
instrument,  dès  à  présent,  rend  de  sérieux  services,  el 
que  l'avenir  justifiera  en  partie  les  promesses  que  nous 
faisons  en  son  nom.  La  méthode  en  tout  cas  est  nou- 
velle, elle  est  scientifique,  elle  peut  et  doit  s'étendre  à 
d'autres  objets.  Le  cardiographe  y  quoique  d'un  usage 
plus  diflicile  et  moins  usuel,  a  déjà  fourni  des  rensei- 
gnements utiles,  et  il  ne  dépend  que  des  cliniciens  de 
donner  plus  de  développement  à  ce  procédé  d'explora- 
tion. J'en  dirai  autant  des  appareils  propres  à  enregistrer 
les  pulsations  des  grosses  artères  et  à  explorer  les  tu- 
meurs anévrismales. 

L'appareil  enregistreur  des  mouvements  musculaires, 
le  myographe  de  Marey,  a  fourni  à  son  auteur  Toecasion 
d'attirer  l'attention  sur  un  ordre  de  faits  auxquels  on 
n'avait  pas  songé  jusqu'ici.  Marey  a  montré,  en  effet, 
que  l'empoisonnement  par  différentes  substances  don- 
nait lieu  à  des  modifications  nettes  dans  le  mode  de 
contraction  des  muscles,  soit  qu'ils  se  contractassent 
spontanément,  soit  qu'on  les  excitât  par  l'action  d'une 
pile  électrique.  Ainsi  l'on  obtenait,  sur  le  cylindre  enre- 


INTRODUCTION.  35 

gistreur  du  myographe ,  des  figures  d'une  netteté  saisis- 
sante et  sur  lesquelles  on  pouvait  reconnaître  ici  l'action 
du  curare,  là  celle  de  la  strychnine,  des  poisons  stupé- 
fiants, etc.  Celte  vue  nouvelle  et  inattendue  a  excité 
encore  plus  de  surprise  que  d'émulation.  Cependant  un 
appareil  semblable  peut  être  utilisé  en  médecine  et  ser- 
vir au  diagnostic.  Déjà  nous  l'avons  utilisé  pour  l'analyse 
des  mouvements  convulsifs  de  la  chorée,  du  tétanos, 
pour  l'analyse  des  phénomènes  connus  sous  les  noms  de 
crampes,  tremblements,  etc.  La  poursuite  de  cette  sorte 
d*études  ne  peut  manquer  de  donner  plus  de  facilité 
au  médecin  pour  l'analyse  et  l'interprétation  d'une  foule 
de  phénomènes  traduits  'par  la  forme  de  la  contraction 
musculaire. 

n  en  sera  de  même  pour  les  appareils  encore  impar- 
Cadts  qui  marquent  et  inscrivent  le  mouvement  de  la 
respiration.  Enfin  nous  ne  désespérons  pas  de  parvenir 
à  posséder  des  instruments  enregistreurs  à  indications 
continues  qui,  placés  à  demeure,  permettront  d'appré- 
cier à  un  moment  donné  certains  phénomènes  qui  se 
sont  déroulés  en  l'absence  de  l'observateur. 

Peu  à  peu  on  arrivera  ainsi  à  reconnaître  que  l'homme 
malade  mérite  d'être  traité  avec  le  même  soin  et  le  même 
scrupule  que  les  appareils  industriels  ou  scientifiques 
construits  par  nos  mains,  dont  on  surveille  la  marche 
à  l'aide  de  compteurs,  et  dans  lesquels  on  mesure  le 
travail  accompli. 

Ce  qui  précède  montre  à  quel  point  la  méthode  gra- 
phique est  utilisable  en  médecine. 

Le  poids  des  malades  a  aussi  une  importance  grande 
ou  petite.  Déjà  cette  notion  ne  rencontre  plus  de  contra- 

•3. 


36  INTRODUCTION. 

dicleurs  en  ce  qui  coiicerjie  les  enfants,  dont  létal  de 
nutrition  n'a  pas  de  meilleur  contrôle  que  la  balance. 
C'est  donc  un  chapitre  nouveau  à  ajouter  à  la  méde- 
cine. 

Dans  le  cours  des  maladies  aiguës  de  ladulte,  la 
balance  joue  aussi  un  rôle  important  pour  le  pronostic. 
Nous  pouvons  juger  par  là  de  certains  états  connus  sous 
le  nom  de  crises^  et  pénétrer  plus  intimement  dans  le 
secret  des  modifications  que  certaines  périodes  des  ma- 
ladies amènent,  soit  peu  à  peu,  soit  soudainement,  dans 
le  mouvement  de  dénutrition  des  malades. 

Si  nous  ajoutons  à  ces  procédés  la  pesée  des  excréta , 
notamment  du  liquide  urinaire  (sans  parler  de  l'analyse 
physique  ou  chimique) ,  nous  obtenons  un  certain  nombre 
de  pointages  bi-quotidiens  ou  même  plus  souvent  j*épé- 
tés,  à  Taide  desquels  nous  aurons  amassé  les  éléments 
de  plusieurs  courbes. 

Le  présent  volume  traite  de  la  tempékature  du  corps 

HUMAIN  ET  DE  SES  VARIATIONS  DANS    LES  DIVERSES  MALADIES. 

11  se  divise  en  plusieurs  parties  distinctes  : 

1  ""  L'analyse  des  opinions  (jue  les  plus  autorisés  des 
médecins  anciens  nous  ont  transmises  sur  la  chaleur  et 
la  fièvre; 

2^  L'analyse  des  travaux  contemporains  ayant  trait 
au  même  sujet  :  production,  répartition  et  déperdition 
de  la  chaleur.  Nous  avons  donné  à  cette  étude  toute  l'ex- 
tension nécessaire  pour  permettre  au  lecteur  de  se  rendre 
compte  de  Tensemble  des  efforts  tentés  en  dilTérents 
pays  pour  la  solution  de  ces  divers  problèmes.  Les  ques- 


INTRODUCTION.  37 

tious  théoriques,  physiologiques,  mécaniques,  les  expé- 
riences de  hhoratoire,  sont  exposées  dans  cette  seconde 
partie; 

3**  La  troisième  partie  comprend  les  recherches  cli- 
niques, les  observations  et  les  traces  graphiques  dans 
diverses  maladies; 

&''  Le  dernier  chapitre  est  consacré  à  la  thérapeu- 
tique. 


CHAPITRE   PREMIER. 


LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 


OrnTO?IS  DC8  ADTEUBS,  depuis  HfPPOGBATE  JUSQDM  NOS  J0DB8. 

Nous  ferons,  avant  de  donner  le  résultat  de  nos  recherches, 
une  revue  historique  des  travaux  importants  consacrés  à  l'é- 
tude de  la  chaleur  et  de  ses  variations  dans  les  maladies. 
Cette  analyse  est  indispensable.  Il  suffirait  de  reproduire  cer- 
tains passages  de  nos  écrits  dits  classiques  pour  montrer 
comment  ils  descendent  des  mémoires-types  et  comment  ils 
ont  dégénéré.  Ce  serait  justice.  Il  n'est  pas  permis  d'interpréter 
les  maîtres,  il  faut  les  citer  :  la  science  est  encore penonnelle  en 
médecine. 

Il  n'y  a  pas  d'auteur  qui  respecte  absolument  les  textes. 
L'habitude  de  la  pratique  oblige  à  conclure  et  à  appliquer 
quaikd  mime.  Si  l'on  prend  ainsi  divers  spécimens  de  dis- 
cours médicaux,  on  montrera,  par  un  procédé  scientifique  (la 
superposition),  comment  se  déforme  la  science.  Cette  compa- 
raison sera  sévère,  elle  sera,  en  tout  cas,  utile,  et  rétablira  la 
hiérarchie. 

((Mais  alors,  dira-t-on,  les  livres  destinés  aux  études  ne 
seront  plus  qu'un  assemblage  de  mémoires  cousus  ensemble; 
ce  procédé  sera  commode  pour  l'auteur  classique,  si  toute- 
fois le  nom  d'auteur  convient  même  à  l'ouvrier  d'un  semblable 
travail.  7 

A  cela  je  répondrai  que  nul  n'est  forcé  d'être  auteur  clas- 
sique, que  nul  n'est  bien  venu  à  se  faire  une  réputation  avec 


40  CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

les  idées  d'autrui  plus  ou  moins  déformées  et  méconnaissables, 
et  qu'enfin  un  auteur  modeste  qui  sait  choisir  les  bons  tra- 
vaux et  ne  citer  que  les  vrais  maîtres ,  n'eût-il  que  ce  mérite, 
est  déjà  un  homme  de  goût. 

Il  faut  que  les  jeunes  gens  apprennent  à  connaître  les 
sources  de  la  vraie  science,  qu'ils  y  puisent  directement,  et 
qu'ils  n'attribuent  plus  tout  le  mérite  des  découvertes  aux  pro- 
lixes auteurs  de  compendium,  qui  parlent  de  omnt  re  scibili  et 
font  plus  facilement  un  gros  volume  qu'un  petit  mémoire. 

On  peut  avec  avantage  donner  séparément  l'œuvre  de  cha- 
cun de  nos  auteurs  originaux.  N'est-ce  pas  justice  de  suivre  le 
développement  d'une  idée  fait  par  son  inventeur  lui-même, 
au  lieu  d'admettre  comme  copartageants  tous  les  indiscrets, 
les  contrefacteurs  et  toute  cette  engeance  des  coureurs  de  cé- 
lébrité qui  s'acharnent  à  poursuivre  une  piste  qu'ils  n'ont  pas 
levée  ?  Rien  n'est  plus  contraire  à  l'équité  que  de  citer  tout  le 
monde,  bon  ou  mauvais,  sans  discernement  :  fmderanii  mm 
numerandi. 

Il  y  a  des  auteurs  qui  ont  touché  à  tout  et  de  seconde  main; 
ils  se  sont  ainsi  créé  des  titres  scientifiques  nombreux,  et  con- 
testent quelquefois  la  priorité  même  aux  vrais  inventeurs. 

N'est-ce  pas  une  honte  qu'à  notre  époque  un  homme  ne 
puisse  commencer  un  travail  sans  redouter  que  les  conclusions 
de  ses  recherches  ne  soient  données  par  d'autres  avant  loi- 
méme  ?  Et  ce  qui  est  pis ,  c'est  que  souvent  les  empressés  faussent 
l'idée  et  la  sophistiquent.  Aussi  ne  suis-je  point  tenté  de  dresser 
la  liste  de  tous  les  travaux  faits  sur  la  température  animale  ; 
c&  serait  rendre  au  lecteur  un  mauvais  service.  En  citant  les 
maîtres  j'aurai  déjà  un  chiffre  respectable  de  notes  bibliogra- 
phiques.* 

Par  contre,  j'examinerai  longuement  l'œuvre  de  quelques- 
uns,  surtout  de  ceux  qui  ont  parlé  lés  premiers. 


UIPPOGRATE.  «I 

HIPPOGRATE. 

(A6o  aoB  avant  Tère  chrétienne.) 

Hippocrate  ou  les  auteurs  des  livres  hippocratiques  réunirent 
les  notions  éparses  sur  la  médecine;  ils  les  augmentèrent  d'ob- 
servations prises  à  Gos,  petite  île  voisine  de  l'Asie  mineure, 
qui  était  alors  un  lieu  de  pèlerinage  pieux  et  médical.  On  y  gué- 
rissait les  maladies  et  on  y  expliquait  les  oracles.  Cette  double 
origine  se  retrouve  dans  ces  livres,  elle  a  imprimé  à  la  doctrine 
hippocratique  un  cachet  propre.  Il  était  dans  les  habitudes  de 
tout  ordre  sacerdotal  en  Grèce  d'essayer  de  percer  le  voile 
de  l'avenir,  et,  dans  les  temples  des  Asclépiade^,  de  prédire  les 
événements  pathologiques  dont  le  corps  de  chaque  malade 
allait  être  le  théâtre. 

Aussi  est-ce  du  c6té  du  pronostic  que  se  tournèrent  les  efforts 
d'Hippocrate,  mais  lai  prognose  pour  lui,  ainsi  que  le  fait  re- 
marquer M.  Liltré  (t.  I,  p.  457),  comprend  non  pas  la  divi- 
nation de  l'avenir,  elle  exprime  ce  jugement  médical  qui  a 
pour  but  d'apprécier  l'état  passé,  présent  et  futur,  du  malade, 
elle  commande  la  thérapeutique ,  et  ne  rend  légitime  l'inter- 
vention du  médecin  que  pour  favoriser  les  efforts  de  la  na- 
ture. 

Le  recueil  des  passages  dans  lesquels  Hippocrate  parle  de 
la  chaleur  montrera  que  les  points  sur  lesquels  il  a  insisté 
sont  précisément  ceux  qui  se  rapportent  au  pronostic  et  au 
traitement.  Quelques-uns  d'entre  eux  sont  encore  appréciés 
aujourd'hui  comme  il  y  a  vingt  siècles. 

Voyons  d'abord  quelle  idée  Hippocrate  avait  de  la  chaleur 
du  corps  et  de  sa  répartition  suivant  l'âge  et  les  maladies. 

«Dans  le  corps,  là  où  est  de  la  chaleur  ou  du  froid,  là  est 
la  maladie.  19  [Aph.  89,  t.  IV,  p.  617  ^) 

*  Toates  les  indicaiions  bibliographiques  des  livres  hippocratiques  renvoient 
à  la  belle  édition  de  M.  Littrë.  (J.B.  Baillière,  1839-1861.) 


h2  CHAPITRB  l".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  KIEVRK. 

«Des  alternatives  rapides  de  chaleur  et  de  froid  sont  fâ- 
cheuses, ainsi  que  les  alternatives  dans  la  soif,  v  {Prorrhiùque, 
LV.liv.  I,p.  5a3,S/i3.) 

(«Avoir  la  tête,  les  pieds  et  les  inains  très-froids,  tandis 
que  le  ventre  et  la  poitrine  sont  chauds,  est  mauvais  ;  ce  qu'il 
y  a  de  mieux  c'est  que  le  corps  entier  soit  également  chaud  et 
souple.  9»  [Prènotxmê  coaques,  t.  V,  p.  693,  S  689.) 

et  Chez  l'homme,  il  faut  bien  le  savoir,  le  maximum  de 
la  chaleur  est  au  premier  jour  de  l'existence ,  le  minimum  au 
dernier  {Aph.  1 ,  t  /i).  De  toute  nécessité  le  corps  qui  croit  et 
se  développe  avec  effort  est  chaud;  mais,  quand  il  entre  sur  là 
pente  facile  de  la  décadence,  il  se  refroidit,  et,  en  vertu  de 
cette  proposition,  l'homme  qui,  au  premier  jour,  croissant  le 
plus  est  le  plus  chaud,  au  dernier  jour  décroissant  le  plus  est 
le  plus  froid,  n  {^De  la  nature  de  F  homme,  t.  VI,  p.  65 ,  S  1  d.) 

«Les  vieillards  supportent  le  plus  aisément  le  jeûne,  puis 
les  hommes  faits,  ensuite  les  jeunes  gens;  les  enfants  le  sup* 
portent  le  plus  difficilement,  et  surtout  ceux  qui  manifestent 
le  plus  de  vivacité.  9»  (^Aph.  i3,  t.  IV,  p.  A  G  7.) 

«Les  êtres  qui  croissent  ont  le  plus  de  chaleur  innée,  il 
leur  faut  donc  le  plus  de  nourriture;  sinon  le  corps  dépérit; 
chez  les  vieillards  la  chaleur  est  petite,  elle  n'a  donc  besoin, 
chez  eux,  que  de  peu  de  combustible,  beaucoup  l'éteindraif. 
Pour  ta  même  raison,  les  fièvres  ne  sont  pas  aussi  aif^ués 
chez  les  vieillards,  car  le  corps  est  froid.?)  [Aph.  1^,  t.  IV, 
p.  467.) 

Les  opinions  d'Hippocrate  sur  la  chaleur  aux  différents 
âges  sont  erronées,  nous  savons  aujourd'hui  que  la  tempéra- 
ture est  la  même  chez  le  vieillard  et  chez  l'enfant,  sauf  des 
nuances  que  nous  indiquerons  plus  tard. 

Examinons  maintenant  quelles  notions  Hippocrate  possé* 
dait  sur  les  causes  et  le  mécanisme  de  la  fièvre  : 

^Dcê  maladies^  t.  VI,  p.  1 89,  S  9 3.)  «Voici  comment  natt  la 


HIPPOGRATE.  4J 

fièvre  :  la  bile  ou  la  pituite  étant  échauffées,  tout  le  reste  du 
corps  s  échauffe  par  leur  intermédiaire,  eest  ce  qu'on  nomme 
fihre.  Or  la  bile  et  la  pituite  s'échauffent,  du  dedans  par 
les  aliments  et  les  boissons,  cpii,  en  même  temps,  nourrissent 
et  font  croître  ;  du  dehors  par  les  fatigues,  par  les  plaies,  par 
un  excès  de  chaud,  par  un  excès  de  froid.  » 

f^  Le  frisson,  dans  les  maladies,  vient,  d'une  part  des  vents 
du  dehors,  de  Teau,  du  serein  et  autres  influences,  d'autre 
part  des  aliments  et  des  boissons.  Il  prend  particulièrement 
de  l'intensité  quand  la  bile  et  la  pituite  se  mêlent  dans  le 
même  point  avec  le  sang,  et  encore  plus  si  la  pituite  se  mêle 
seule,  car  naturellement  la  pituite  est  la  plus  froide  des  hu- 
meurs. 9 

«...  Le  sang  étant  refroidi ,  tout  le  reste  du  corps  est  refroidi 
nécessairement.  Quand  il  en  est  ainsi ,  c'est  ce  qu'on  nomme 

frisson Après  le  frisson  il  survient  nécessairement  plus 

ou  moins  de  fièvre,  voici  pourquoi  :  quand  le  sang  se  ré- 
chauffe, fait  violence  et  revient  à  sa  nature,  la  part  de  pituite 
et  de  bile  qui  est  mêlée  au  sang  se  réchauffe  aussi,  et  le  sang 
devient  bien  des  fois  plus  chaud  qu'à  l'ordinaire. n  (S  ai.) 

De  la  sueur,  «La  sueur  se  produit  ainsi  :  quand  les  maladies 
se  jugent  aux  jours  décisifs,  et  que  la  fièvre  quitte  le  patient, 
la  partie  la  plus  ténue  de  la  pituite  et  de  la  bile  qui  sont  dans 
le  corps  s'atténue,  se  sépare  et  sort  au  dehors  du  corps;  le  reste 
demeure  à  l'intérieur;  la  partie  atténuée  par  la  chaleur  devient 
vapeur  et  s'en  va  au  dehors  mêlée  au  souffle. .  .  »  [Aph.  &, 
p.  /iq;  Afh.  fi^fp.  85,  S  âS.) 

Production  des  givres.  «  Les  fièvres  ont  cette  cause-ci  :  le  corps 
ayant  un  excès  de  phlegme  (sucs),  les  chairs  se  gonflent,  le 
phlegme  et  la  bile  enfermés  deviennent  immobiles,  rien  ne 
se  rafraîchit  ni  par  issue  ni  par  mouvement,  et  il  ne  se  fait  au- 
cune évacuation . 


•  • 


44  CHAPITRE  l".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

«Quand  il  y  a  fatigue  et  pléthore,  on  lavera  le  corps  avec 
de  Teau  chaude  et  on  Foindra,  pour  que,  le  corps  étant  ou- 
vert, la  chaleur  s'en  atUepar  la  weur.. .  On  ne  rafraîchira  pas 
la  fièvre  avant  le  quatrième  jour. .  •  On  donnera  d'abord  des 
boissons  chaudes  en  grande  abondance  pour  débarrasser  le 
corps  soit  par  l'urine,  soit  par  la  transpiration...  y>  [Des  lieux 
dans  l'homme,  t.  VI.  p.  Sig,  S  97.) 

Si  les  causes  qu'Hippocrate  attribue  à  la  fièvre  ne  méritent 
plus  d'être  discutées',  le  rôle  qu'il  attribue  à  la  sueur  a  con- 
servé sa  valeur,  et  il  est  intéressant  de  retrouver  dans  le  plus 
ancien  livre  médical  la  tradition  populaire  de  l'importance  de 
la  sueur  dans  la  guérison  des  maladies. 

Dans  le  chapitre  suivant,  consacré  à  la  nature  médicatrice, 
Hippocrate  se  montre  grand  observateur,  et,  s'il  est  doué  d'une 
trop  grande  confiance  dans  les  efforts  que  la  nature  fait  spon- 
tanément vers  la  guérison,  nous  devons  reconnaître  que  sou- 
vent les  incidents,  non  provoqués,  qui  ont  précédé  la  guérison 
d'un  malade  mettent  le  médecin  sur  la  voie  d'une  thérapeu- 
tique raisonnable. 

«La  nature  est  le  médecin  des  maladies.  La  nature  trouve 
pour  elle-même  les  voies  et  moyens,  non  par  intelligence;  tels 
sont  le  clignement,  les  oifices  que  la  langue  accomplit,  et  les 
autres  actions  de  ce  genre;  la  nature,  sans  instruction  et  sans 
savoir,  fait  ce  qui  convient..  •  yi  (T.  V-Vl,  Livre  des  Épidémies, 
b'  section,  p.  3i5.) 

Aujourd'hui,  sans  enthousiasme  irréfléchi  pour  les  efforts 
de  la  nature,  nous  reconnaissons  que  certains  processus  mor- 
bides aboutissent  spontanément  à  la  guérison,  et  que  le 
médecin  doit  rester  un  observateur  attentif,  prêt  à  tout, 
résigné,  au  besoin,  au  rôle  d'assistant.  Il  y  faut  parfois  un 
rare  courage. 

La  lutte  qui  a  lieu,  les  réactions  violentes,  les  moments  dif- 
ficiles attendus,  les  évolutions  prévues,  l'imprévu  même,  enfin 
ce  combat  d'oi!k  l'homme  sort  mort  ou  vivant,  blessé  ou  intact. 


HIPPOGRATE.  45 

tout  cela -est  rempli  d'émotions.  Gomment  ne  pas  prendre  part 
à  l'action?  Comment  demeurer  inerte  quand  la  tradition  nous 
fournit  tant  de  prétendus  moyens  de  diriger  et  de  secourir  le 
malade?  Au  risque  d'encourir  le  blâme,  Iç  médecin  instruit 
aura  le  courage  de  rester  spectateur  vigilant,  lorsque  l'expé- 
rience lui  enseignera  que  l'évolution  des  phénomènes  auxquels 
il  assiste  mènera  le  malade  à  la  guérison.  La  doctrine  hippocra- 
tique  reste  vraie,  en  ajoutant  que  nous  reconnaissons  que  la 
médecine  a  des  devoirs  à  remplir,  que  parfois  elle  répond  à 
des  indications  urgentes  et  qui  veulent  être  satisfaites  sur 
l'heure.  Savoir  attendre,  gouverner  avec  les  instruments  pos- 
sibles, même  surannés ,  ne  pas  se  hftter  de  se  lancer  dans  des 
voies  dont  elle  ne  connaît  pas  encore  l'issue ,  telle  doit  être  la 
règle  de  la  médecine  actuelle. 

Le  chapitre  suivant,  que  l'on  pourrait  appeler:  «(Du  froid  et 
du  chaud  en  thérapeutique,»  présente,  sous  le  rapport  physio- 
logique, des  observations  d'une  justesse  parfaite  ;  quelques-unes 
d'entre  elles  n'ont  reconquis  droit  de  domicile  dans  la  science 
que  depuis  quelques  années. 

Le  froid  et  le  chaud  (thérapeutique).  {De  Vaneienne  }fnidecine, 
1 6, 1. 1,  p.  607.)  «  Pour  moi,  je  pense  que,  de  toutes  les  qua- 
lités ,  le  froid  et  la  chaleur  ont  la  moindre  puissance  sur  l'é- 
conomie humaine,  par  les  raisons  suivantes  :  Tant  que  les 
deux  qualités  restent  mélangées  l'une  avec  l'autre,  nul  mal 
n'est  éprouvé,  car  le  froid  est  tempéré  et  mitigé  par  le  chaud, 
le  chaud  par  le  froid;  c'est  quand  l'une  des  deux  s'isole  que 
le  mal  commence.  Mais ,  dans  le  moment  même  oii  le  froid  sur- 
vient et  cause  de  la  souffrance ,  tout  d'abord  et  par  cela  seul 
le  chaud  arrive,  fourni  par  le  corps,  sans  qu'il  soit  besoin 
d'aucune  aide  ni  préparation. 

«Et  cela  s'opère  aussi  bien  chez  l'homme  sain  que  chez 
l'homme  malade.  En  effet,  d'un  côté,  si,  en  santé,  l'on  veut, 
pendant   l'hiver,  se  refroidir  soit  par  un  bain  froid,  soit  de 


46  CHAPITRE  r.  — LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

toate  autre  manière,  plus  on  essayera  de  le  faire,  sans  toute- 
fois se  geler  complètement ,  plus ,  après  s'être  habillé  et  mis  à 
couvert,  on  éprouvera  un  échauffement  considérable.  D'un 
autre  côté ,  si  Ton  veut  se  procurer  une  forte  chaleur,  soit  par 
bain  chaud,  soit  par  un  grand  feu,  puis  demeurer  avec  le 
même  vêtement  et  dans  le  même  lieu  qu'après  s'être  refroidi, 
on  éprouvera  un  froid  bien  plus  vif  et  Ton  frissonnera  bien 
davantage.  Celui  qui  s'évente  à  cause  d'une  chaleur  étouf- 
fante, et  se  donne  du  frais  de  cette  manière,  se  sentira,  au 
moment  où  il  cessera  de  se  rafraîchir,  dix  fois  plus  brûlant  et 
plus  étouffé  que  celui  qui  ne  fait  rien  de  tout  cela. .  *.  Autre 
exemple  :  après  avoir  marché  dans  la  neige ,  on  a  chaud. .  . . 

«  Quant  aux  malades,  nest-eepas  chez  ceux  qui  sontpri^  de  fris- 
son  que  êaUume  la  fièvre  la  plus  ardente,  et  eUe  est  innocente  le 
plus  souvent;  tant  qu'elle  dure,  elle  donne  une  chaleur  géné- 
rale. • .  Enfin  j  quand  après  la  sueur  la  fièvre  s'en  va,  le  malade  a 
plus  froid  que  s'il  n'avait  pas  eu  de  fièvre. 

«Puis  donc  que  les  deux  contraires  se  succèdent  avec  tant 
de  rapidité  et  se  neutralisent  spontanément,  qu'en  attendre 
de  grand  et  de  puissant,  et  qu'est-il  besoin  de  beaucoup  de 
secours  contre  l'un  ou  l'autre?» 

L'auteur  ajoute  que,  sans  doute  dans  les  fièvres  ardentes, 
péripneumonies ,  et  autres  maladies  graves,  ta  chaleur  ne  dis- 
paraît pas  promptement ,  et  que  là  le  chaud  et  le  froid  n'alter- 
nent plus mais  il  y  a  un  chaud  amer,  un  chaud  acide,  un 

chaud  salé  et  mille  autres ,  et  un  froid  avec  autant  de  qua- 
Utés 

[Aphorismesj  5*section,  S  aS,  t.  IV,  p.  5&t.)(Tllfaut  user 
du  froid  dans  les  cas  suivants  :  dans  les  hémorragies  actuelles 
ou  imminentes,  non  sur  la  partie  même,  mais  autour  de  la 
partie  où  le  sang  afflue;  dans  toutes  les  inflammations  et  phlo- 
goses  qui  doivent  à  un  sang  encore  récent  la  teinte  rouge ,  dans 
l'érésipèle  non  ulcéré,  n 


HIPPOCRATE.  M 

(De  Putage  des  Uquîéleê,  t.  VI,  p.  isi3.)  L*autear  passe  en 
revtie  les  parties  du  corps  qui  aiment  le  chaud  et  redoutent  ie 
froid ,  et  ne  conclut  pas. 

[Ibid.  p.  1 3 1 .  )  ^  Le  froid  est  avantageux  dans  les  éruptions 
rouges,  telles  qu'il  en  survient  çh  et  là  de  larges,  dans  les 
éruptions  arrondies  qu'on  nomme  aetholiques,  dans  celles  qui 
se  développent  sous  l'action  même  du  bain  chaud,  dans  celles 
qui  viennent  chez  les  femmes  par  la  rétrocession  des  mens- 
trues; dans  celles  qui  viennent  par  le  frottement  des  vêtements 

rudes,  par  la  sueur Des  affections  sont  soulagées  aussi 

bien  par  le  froid  que  par  le  chaud;  les  gonflements  des  arti- 
culations, la  goutte,  la  plupart  des  ruptures,  sont  amendés 
par  d^abondantes  affusions  d'eau  froide,  qui  diminuent  la  tu- 
méfaction et  engourdissent  la  douleur »  Plus  loin  Hip- 

pocrate  conseille  les  affusions  froides  dans  le  tétanos  sans  plaie. 
0  les  proscrit  pour  les  plaies  des  os. 

(^Boissons froides,  t.  VII,  p.  1 6 1.)  «A  un  fébricitant,  ce  que 
vous  donnerez  aura  toujours  été  exposé  au  serein  delà  nuit,  à 
moins  que  le  ventre  ne  soit  trop  relâché.  9 

(Du  rég.  dans  les  mal,  aig.  t.  II,  p.  /ta 5.)  «(Dans  les  fièvres 
où  ie  ventre  est  relâché,  on  tiendra  les  pieds  chauds,  et  l'on 
prescrira  des  boissons  en  aussi  petite  quantité  que  possible, 
de  Feau  froide  ou  de  l'hydromel.  9 

Bains,  t^umns.  —  (Du  r^.  dans  les  nui.  a^  p.  365  et  suîv.) 
Les  précautions  les  plus  minutieuses  sont  décrites  dans  ce 
chapitre.  Les  Grecs,  comme  tous  les  Orientaux,  avaient  une  ex- 
périence traditionnelle  des  bains.  «Si  le  malade  avait,  en  santé, 
le  goàt  et  l'habitude  des  bains ,  c'est  à  tenir  en  grande  considé- 
ration :  ces  personnes  les  désirent  davantage ,  elles  se  trouvent 
bien  de  se  baigner  et  se  trouvent  mal  de  ne  pas  le  faire.  Le 
bain  convient  généralement  plus  dans  les  péripneumonies 
que  dans  les  fièvres  ardentes;  en  effet  il  adoucit  la  douleur 


A8  CHAPITRE  I".  ~  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

de  cAtë,  mûrit  rexpectoraiion ,  la  raciliic,  dégage  la  respira- 
tion ;  il  Aie  le  sentiment  de  lassitude  par  la  propriété  qu'il  a 
de  relâcher  les  articulations  et  la  surface  de  la  peau»  il  est 
diurétique...  t) 

Les  bains  et  les  affusions  tièdes  sont  recommandés  en  plu- 
sieurs chapitres  contre  les  épistaxis. 

[De  Tojficine  du  médecin,  t.  III,  p.  3 17,  S  i3.)  «Le 
degré  de  chaleur  de  i*eau,  on  l'apprécie  en  versant  sur 
sa  main  un  peu  du  liquide  préparé  :  (dans  les  fractures) 
quant  à  la  quantité,  des  affusions  très-abondantes  sont  excel- 
lentes.)» De  même  pour  les  luxations.  (T.  III,  p*  &53;  t.  IV, 
p.  139-379.) 

(^Aphorismes ,  section  7,  S  liù.)  <k  Une  fièvre  qui  ne  provient 
pas  de  la  bile  se  guérit  par  des  affusions  abondantes  d'eau 
chaude  sur  la  tête,  v 

(De»  Epidémies,  liv.  II,  section  5,  p.  t^^*)  «Si  le  malade 
délire,  faire  des  affusions  sur  la  télé.  » 

[Ibid.  liv.  V,  S  ^Q.)  Observation  d'une  femme  qui,  ayant 
pris  un  purgatif  en  bonne  santé,  eut  des  syncopes  et  fut  rani- 
mée par  des  affusions  froides,  abondantes  et  prolongées. 

[Ibid.  p.  Q&i.)  «(Pour  les  douleurs  des  lombes,  des  jambes, 
des  hanches,  qui  résultent  de  fatigues,  faire  des  affusions  chau- 
des avec  l'eau  de  mer  et  le  vinaigre ,  et ,  mouillant  des  éponges , 
faire  des  fomentations,  n 

Au  livre  :  De  l^usoffedes  liquidée,  sont  contenus  des  préceptes 
pour  bien  faire  les  lotions  et  affusions  tièdes. 

Dee  bains.  —  [Du  régime,  liv.  II,  S  57.)  «  Les  bains  se  compor- 
tent ainsi  :  l'eau  douce  humecte  et  rafraîchit.  Le  bain  salé 
écbauffe  et  sèche.  Les  bains  chauds,  à  jeun,  atténuent  et  ra- 
fraîchissent, car  ils  ôtent  au  corps  l'humide  par  la  chaleur. 
Les  bains  froids  ont  une  action  contraire  :  au  corps  à  jeun  ils 


•  ARISTOTE.  49 

donnent ,  étant  froids,  quelque  chose  de  chaud;  au  corps 
plein  de  nourriture, lequel  est  humide,  ils  font,  etc.  9? 

Et  plus  loin  (S  58)  :  «Toutes  les  sueurs  dessèchent  et  atté- 
nuent. Le  coït  atténue,  humecte  et  échauffe,  il  échauffe  par  la 
fatigue  et  par  Fexcrétion  du  liquide,  n 

Le  traitement  des  fièvres  par  la  saignée  et  les  purgatifs  exis- 
tait dès  cette  époque,  et  Ton  parait  s'y  être  peu  préoccupé  du 
phénomène  chaleur. 

L'air  n'est  point  signalé  comme  moyen  thérapeutique,  la 
respiration  était,  du  reste,  bien  connue  en  ce  temps  (ch.  De^ 
venu,  S  A)  :  «Cet  acte  ne  s'interrompt  jamais  chez  les  animaux 
mortels,  tous  occupés  à  inspirer  l'air  et  à  l'expirer.  r> 

Il  est  impossible  de  parcourir  ces  passages  des  livres  hippo- 
cratiques  sans  être  frappé  d'un  fait.  Toutes  les  prescriptions 
sur  l'emploi  de  l'eau ,  des  bains  dans  les  maladies  aiguës^  ont 
traversé  les  siècles,  presque  inconnues  malgré  le  fétichisme  que 
l'on  professait  pour  les  œuvres  d'Hippocrate.  11  a  fallu  que 
l'étude  de  la  chaleur  parvint  à  sa  période  scientifique  pour  que 
l'on  essayât  d'influer  médicalement  sur  son  intensité.  Nous 
analyserons  plus  loin  ces  problèmes  en  détail. 

ARISTOTE. 

(384  aiu  avant  Tère  chrëliGonc.) 

Les  anciens  Grecs  avaient-ils  un  moyen  de  mesurer  la  cha- 
leur? Getle  question  est  examinée  dans  un  livre  allemand  con- 
temporain [ArUtoteks  Thierkunde,  par  Jûrgen  Bona  Meyer, 
D^pkU.  t.  V,  in-S",  Berlin,  1 855).  Déjà  elle  avait  été  traitée,  en 
1 8â5,  par  Paul  Ermann  [Mén.  de  l'Ac.  de  Berlin)^  et  par  Hum- 
boldt  dans  son  Cosmos.  Il  semble  que  les  Grecs  n'aient  pas  eu 
d'autre  thermomètre  que  leur  main.  Ils  admettaient,  sans  res- 
triction et  sans  contrôle,  que  tous  les  animaux  qui  n'ont  point 
de*  sang  sont  pins  froids  que  ceux  qui  ont  du  sang,  et  que 


50  CHAPITRE  V,  —  LA  CHALEUfi  ET  LA  FIÈVUE. 

les  poissons  sont  faits  pour  une  moindre  chaleur  que  les 
mammifères  et  les  oiseaux,  mais  il  ne  semblé  pas  que  leurs 
philosophes  en  aient  cherché  d'autre  preuve  que  celle  que  leur 
fournissait  l'acte  de  prendre  un  poisson  dans  la  main  et  de 
sentir  qu'il  est  froid.  Paiménide  tenait  les  animaux  pourvus  de 
sang  pour  plus  chauds,  et  Empédocle  tenait,  au  contraire  «  pour 
les  poissons,  disant  que  Téiément  (l'eau)  froid  où  ils  vivaient 
devait  refroidir  l'excès  de  leur  chaleur.  «Si  donc,  dit  Aristote, 
il  y  a  un  tel  doute  entre  le  froid  et  le  chaud ,  que  doit-on 
penser  des  autres  phénomènes  ?  n 

Lui-même,  dit  l'auteur  allemand  J.  B.  Meyer,  chercha  à 
bien  définir  les  mots  dé  chaleur  et  de  froid,  et  distingua  d'a- 
bord la  chaleur  étrangère  de  la  chaleur  propre.  Il  arriva  à 
cette  notion  que  la  chaleur  propre  se  refroidit  moins  vite  que 
la  chaleur  acquise  par  voisinage.  Il  admit  qu'il  n'y  avait  que 
le  feu  et  le  souffle  chaud  qui  continssent  une  chaleur  propre. 
Le  sang,  disait-il,  n'est  pas  chaud  en  soi,  n^jais  il  ne  l'est  qu'en 
tant  que  véhicule  de  la  bhaleur  vitale  dans  le  corps  animal 
vivant.  U  n'avait  pas  non  plus  l'idée  de  la  chaleur  spécifique, 
à  peine  savait- il  que  l'eau  a  un  point  d'ébuUition  fixe.  Il 
savait  que  les  animaux  ont  une  chaleur  déterminée,  mais  il 
ignorait  qu'elle  fût  toujours  la  même  et  indépendante  du  mi- 
lieu ambiant.  Pour  lui ,  la  chaleur  était  liée  à  l'idée  de  feu , 
aussi  comprenait-il  le  froid  comme  un  élément  spécial  et  non 
comme  une  simple  privation  de  chaleur. 

Pour  Aristote  comme  pour  tous  les  anciens,  le  sang  est 
chaud  de  par  la  chaleur  innée  du  cœuri  et  le  cœur  est  la 
source  de  la  chaleur  de  tout  le  corps.  {De part.  III- V,  667  b, 
â6.)  Cette  même  chaleur  du  cœur  était  la  cause  du  pouls  et 
l'origine  de  tous  les  mouvements. 


GELSE. 


5t 


CELSE*. 

(Siècle  d*Attgu8te.) 

Nous  avons  réuni  tout  ce  qui  est  ëpars  à  travers  le  livre  de 
Celse  (De  medicina  Ubri  octo)  concernant  la  chaleur  du  corps 
humain.  Il  résulte  de  cette  recherche  que  la  médecine,  au 
temps  de  Celse,  méconnaissait  les  sources  et  la  répartition  de 
la  chaleur  ainsi  que  ses  modifications  essentielles  dans  les 
maladies,  et  que  la  thérapeutique  ne  tendait  pas  à  modifier 
ce  phénomène.  Les  mots  échauffant,  réfrigérant,  appliqués  aux 
remèdes  ou  aux  aliments,  ne  se  rapportent  qu*à  la  sensation 
guslative  et  non  à  l'idée  de  température  prise  abstracti- 
vement. 

L'action  nuisible  de  la  chaleur  ou  du  froid  extérieur  est 
souvent  invoquée  :  évidentes  vero  eas  caïuas  appellnnt,  in  quibus 
quœrwU,  initium  morbi  calor  attulerit  an  fi^igus.  (Liv.  I,  p.  5.) 
Les  mots  refroidissement  et  réchauffement  ne  se  prennent  que 
dans  le  sens  restreint  de  chaleur  ressentie  par  le  malade  ou 
de  diffusion  cutanée  de  la  chaleur,  et  il  n'en  pouvait  guère 
être  autrement  avant  que  l'on  connût  le  thermomètre  :  cale- 
faàt  autem  unctio,  aqua  saisa  magisque  si  calida  est;  réfrigérât  in 
jejuno  et  baineum  et  samnus,  (Liv.  I,  p.  29.)  Les  propriétés  du 


>  Gdse  (Aarelius  Cornélius  Gelsus), 
rHippocnte  latin,  est,  après  le  vieil- 
lard de  Ces,  raateur  le  plas  ancien 
dont  les  écrits  soient  parvenus  jusqu^à 
00ns.  Le  nom ,  Tâge ,  la  patrie  et  la  pro- 
fieanoo  de  Gelse  ont  été  des  sujets  dHn- 
eertitiide  et  de  contestalion.  Voy.  De- 
aeimeris  {Diet  hist.  de  la  médecine).  11 
▼îvait,  croit-on  {Leclere,  Schuke,  Mor- 
gttgm)y  au  siècle  d^Auguste.  On  ne  sait 
mèiDe  pas  8*il  était  médecin. 

De  re  mêdiea  libri  octo.  Ouvrage  di- 
dactique, résumé  succinct  de  toute  la 
médecine.  Gelse  die  soixante  et  doute 


auteurs  médicaux ,  perdus  pour  nous ,  et 
seid  survivant,  il  nous  fait  connaître  la 
suite  de  la  médecine  depuis  Hippocrate. 
Ce  livre  eut,  surtout  au  xt'  siècle,  un 
immense  succès.  Il  a  eu  un  grand  nom- 
bre d^éditions. 

Nous  renvoyons,  pour  les  indications 
bibliographiques,  à  l'édition  de  Tairas  : 
A.  Corn.  Celsi  De  medicina  libri  oclo, 
ex  reeentione  et  cum  notie  Leonardi 
Targm.  Ârgeatorati ,  ex  typographia  so- 
cietatis  Bipontinse  ciancccvi,  a  vol. 
in-8'. 


h. 


52  CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

froid  et  du  chaud  sont  appréciées,  par  Celse  comme  par  toos  les 
anciens  auteurs  qui  l'ont  précédé ,  k  un  point  de  vue  où  il  y 
a  sans  doute  du  bon  sens ,  mais  peu  de  science  :  ealor  adjuxtU 
omnia  quœ  frigus  infestât;  minime  vero  aut  frigus  aut  calor  tuta 
iunt  ubi  iubita  insuetis  sunt,  (T.  I,  liv.  I,  p.  3 7.)  L'influence 
des  saisons  est  indiquée,  mais  sans  une  grande  précision 
(liv.  11).  Ceisc  signale  la  sueur  froide  comme  étant  d'un  fâ- 
cheux pronostic  :  Sudor  quoque  frigidus  in  acuta  febre  pesti- 
feruê  e$t  (t.  I,  liv.  II,  p.  53);  il  reconnaît  la  coexistence  de 
la  chaleur  et  du  frisson  :  cui  calor  et  tremor  est  (t.  I,  p.  66): 
Tutilité  de  la  fièvre  dans  quelques  cas  :  denique  ipsa  febris ,  quod 
mnxime  mirum  videri  poiest,  sœpe  prœsidio  est.  (T.  I,  liv.  Il, 
p.  66.)  C'est  un  éloge  de  la  fièvre;  déjà  l'école  hippocratique 
obéissait  à  la  même  idée  et  redoutait  (^  une  mauvaise  coction.  v 
Plus  tard,  et  encore  aujourd'hui,  les  médecins  considèrent 
comme  d'un  fâcheux  augure  trune  maladie   qui  sort  mal.)> 

Les  précautions  que  l'on  doit  prendre  pour  administrer  les 
bains,  pour  provoquer  la  sueur,  sont  bien  décrites  dans  Celse, 
mais  ce  sont  des  préceptes  vulgaires  et  usuels  qu'ont  connus 
les  baigneurs  de  tous  les  temps  (frictions,  enveloppement  dans 
des  linges  secs,  liv.  11).  L'usage  des  cataplasmes  chauds  parait 
avoir  été  fort  répandu  à  cette  époque  :  cakfacit  vero  ex  quaH- 
bet  farina  cataplasma,  sive  ex  tritici,  sive  liordei. . .  vel  Uni,  ubi 
ea deferbuit calidaque  imposita  est,  (T.  I,  liv.  II ,  S  33 ,  p.  1  o  1 .)  Le 
cataplasme  est  resté  un  remède  cher  aux  races  latines. 

Au  livre  troisième  du  1. 1,  S  3,  p.  107,  le  début  des  fièvres 
"par  la  chaleur  et  le  frisson  est  bien  observé,  et  décrit  ainsi: 
Aliœ  enim  a  caloire  incipiunt,  aUœ  a  frigore,  aUœ  ab  harrore. 
Celse  donne  même  la  définition' des  mois  frigus  et  horror: 
frigus  voco,  ubi  extremœ  partes  membrorum  inalgescunt:  liomy- 
reni,  ubi  totum  corpus  intremit. 

Le  chapitre  le  plus  remarquable  est  celui  (liv*.  III,  S  6) 
où  sont  discutés  les  signes  de  la  fièvre;  comment  la  recon- 
naître avec  certitude?  Celse  trouve  qu'on  accorde  trop  de 


GELSE.  53 

créance  au  pouls  soumis  à  tant  de  causes  pertubatrices  indé- 
pendantes de  la  maladie;  il  signale  ce  et  pouls  du  médecin,» 
c'est-à-dire  accéléré  par  Témotion  que  cause  au  malade  la 
vue  du  médecin;  il  fait  une  critique  juste  de  la  valeur  que 
Ton  accorde  au  pouls  comme  signe  des  maladies  fébriles  (Ga- 
lien  et  plus  tard  Bordeu  ne  devaient  pas  être  si  sages);  puis, 
continuant  sa  profession  de  foi,  on  pourrait  presque  dire  son 
acte  de  foi ,  il  dit  :  altéra  res  eut  ,credimus,  calor,  œque  fallax, 
(  T.  I ,  p.  1 9  o.  )  Ainsi  la  chaleur  elle  aussi  est  trompeuse ,  et  Gelse 
Taccuse  de  varier  par  Tétat  de  l'atmosphère,  le  travail,  l'émo- 
tion, le  sommeil,  en  quoi  il  méconnaît  absolument  la  loi  de 
la  constance  de  la  température  animale.  Aussi  conseille-t-il  de 
ne  se  point  fier  à  un  signe  unique  pour  reconnaître  la  fièvre ^ 
et  le  conseil  est  bon. 

Cependant  il  est  intéressant  de  remarquer  qu'alors  comme 
depuis,  comme  aujourd'hui,  le  médecin  af  deux  moyens,  deux 
procédés  pour  reconnaître  la  fièvre  :  i^  le  pouls  :  vents  enim 
maxime  eredimuê  (t.  I,  p.  119);  a"^  la  chaleur  du  corps  :  al- 
téra res  est  cm  credimus,  calor.  Il  est  évident  que  telle  était 
la  pratique  usuelle.  Gelse  ne  parle  pas  autrement  que  ne  font 
encore  en  ce  moment  la  plupart  des  médecins  qui  n'admettent 
pas  la  précision  dans  le  diagnostic,  et  c'est  le  plus  grand 
nombre;  il  indique  ^i  quels  signes  on  reconnaît  la  fièvre,  et  les 
groupe  tous  dans  le  tableau  suivant:  on  doit  savoir,  dit-il,  que 
celui-là  n'a  point  la  fièvre  dont  le.  pouls  bat  comme  d'habi- 
tude et  dont  le  corps  est  tiède  comme  il  doit  l'être  à  l'état 
sain  (tepor)y  et  il  ne  suffit  pas,  pour  affirmer  là  fièvre,  qu'on 
trouve  que  le  malade  a  une  chaleur  trop  grande  (t.  I,  p.  1  a  o): 
non  protinus  sub  calore  fnotuque  febrem  esse  conctpere;  sed  ita, 
M  summa  quoque  arida  incequaliter  cutis  est  (peau  sèche  par 
places),  «t  calor  et  in  fironte  est  et  ex  imis  frœeordiis  oritur;  si 
spiritus  ex  naribtu  cum  fervore  prorumpit;  si  calor  aut  rubore 
aut  pallore  novo  mutatus  est,  etc.  Le  tableau ,  comme  on  le 
voit,  est  assez  complet:  chaleur  de  la  peau,  sèche,  mal  dis- 


54  CUAPITHE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

tribu(^*e,  air  chaud  sortant  des  narines;  mais  n'est-ce  pas 
la  science  primitive  élémentaire  que  toutes  les  mères  ont  pos- 
sédée dès  les  premiers  âges  de  l'humanité,  la  notion  populaire 
de  la  maladie?  et  est-il  bien  nécessaire  d'être  médecin  pour 
savoir  ces  choses  de  la  vie  usuelle? 

A  cette  époque,  et  déjà  depuis  longtemps,  on  enseignait  dans 
les  écoles  les  quatre  signes  de  Tinflammation,  et  Gelse  ne 
manque  pas  de  les  rapporter  (t.  1,  liv.  III,  p.  1219,  S  lo): 
nota  vero  injlammaùoniê  êtaU  quatuor,  rubor  et  tumor,  cum  ca^ 
lare  et  dolore. 

En  général  (]else  recommande  les  boissons  chaudes  et  les 
bains  chauds,  les  onctions,  les  cataplasmes  tièdes.  Pourtant 
il  indique  les  ablutions  froides  dans  certaines  céphalalgies  cau- 
sées par  la  chaleur  :  cansiderandum  est  qum  causa  dolorem  exci- 
tant :  si  calor,  aqua  Jrigida  multa  perjundere  caput  expedit,  epon-- 
giam  eoneavam  imponere,  sulnnde  in  aqua  Jrigida  expreaam.  (T.  1 , 
liv.  IV,  p.  173.)  Voilà  la  compresse  froide  permanente  telle 
qu'on  l'applique  aujourd'hui.  Celse  parle  encore  de  r^rigerentiQ 
eataplaêtnata ,  mais  il  y  a  lieu  de  croire  que  le  mot  réfrigérant 
est  pris  dans  un  sens  qui  n  est  pas  l'analogue  de  «  froid,  »  car 
il  est  question,  dans  le  même  paragraphe,  d'onctions  avec  l'on* 
guent  rosat  et  le  vinaigre,  et  d'application  de  laine  grasse  im- 
prégnée de  ces  substances. 

Au  livre  IV,  S  3,  à  propos  du  tétanos,  Gelse  fait  une  décla- 
ration de  principe  qui  nous  permet  de  connaître  son  opinion 
sur  le  rôle  du  sang  par  rapport  à  la  chaleur  du  corps.  Asdé- 
piade  a  recommandé  surtout  la  saignée,  d'autres,  au  contraire, 
ont  dit  qu'il  ne  fallait  pas  saigner,  parce  que  le  corps  avait, 
dans  ce  cas,  besoin  de  chaleur,  était  pauvre  en  chaleur,  et 
que  précisément  c'est  dans  le  sang  qu'est  la  chaleur  eo  quod 
maxime  tum  corpus  calare  egeret  isque  esset  m  sanguine.  (T.  1, 
p.  179.)  Il  y  avait  donc  des  médecins  qui  enseignaient  alors 
que  la  chaleur  résidait  dans  le  sang;  c'était  une  opinion 
qui  avait  cours.  Malheureusement  Celse  la  combat  sans  am- 


GALIEN. 


55 


biguîté  :  verum  hoc  quidem  falêum  est  Neque  enim  natura 
sanguinis  est,  ut  uùque  caleat,  sed  ex  m  quœ  in  homine  suni  hie 
eelem'me  vel  calefadt  vel  reJrtgeAcit.  (T.  I,  p.  179.)  Ainsi  Gelse 
professe  que  la  chaleur  ne  réside  pas  particulièrement  dans 
le  sang,  mais  que  le  sang  est  un  des  éléments  de  Torganisme 
qui  s'échauffent  ou  se  refroidissent  le  plus  rapidement  (?).  Il 
est  donc  bien  certain  que  Celse  na  connu  ni  les  sources  ni  le  siige 
principal  de  la  chaleur  du  corps. 

Dans  la  partie  qui  traite  des  plaies,  on  trouve  le  précepte 
d'appliquer  des  éponges  imbibées  d'eau  froide  et  entretenues 
À  l'état  d'humidité.  (Liv.  V,  S  aa.) 

La  théorie  de  la  chaleur  retenue,  d'origine  hippocra tique, 
se  rencontre  nécessairement  dans  Gelse  :  eux,  fehre  œque  non 
quiescenle,  exterior  parsfriget,  interior  sic  calet  ut  etiam  sitimfa- 
ciat,  létale.  Ainsi  la  chaleur  est  retenue  au  dedans;  on  a  soif, 
on  a  l'extérieur  du  corps  froid,  etc.  Voilà  une  théorie  bien 
nette. 

Tous  les  médecins  du  xvr  siècle  ont  accepté  cette  doctrine, 
nous  verrons  plus  tard  qu'elle  reprend  faveur  aujourd'hui; 
elle  se  retrouve  en  effet  dans  les  arguments  par  lesquels  Sena- 
ior  a  combattu  les  opinions  de  Liebermeister. 


GALIEN  ^ 


Qu'est-ce  que  la  chaleur?  Galien ,  citant  Hippocrate  et  Platon 


*  Glaiidias  Galenus,  n^  gous  Tempe- 
reor  Adrien,  Fan  it8,  à  Pergaine 
(Aâe  Mineure),  où  ëtait  nn  célèbre 
leiD|de  d^Bscdape.  Son  père  était  Nioon , 
aéoatear  de  Pergame,  homme  riche  et 
édairé,  qui  le  6t  instruire  dan$  la  dia- 
ieetiquê,  philoaophie  des  stoïciens  (Ze- 
non), de  Platon,  d'Anstote,  d^Épicure. 

A  1 7  ans,  il  étudie  la  médecine,  suit 
les  cours  d*anatomie  de  Quintus,  de  Sa- 
tfnis,  de  Pdops  à  Smymê,  de  Nmnesia- 
nn»  a  Carinihê  (secte  dogmatique).  Iab 


éludiants  étaient  nranUt  ainsi  au  moyen 
Age,  et  aujourd'hui  en  Allemagne.  Puis 
il  va  à  Alexandrie  étudier  sons  Lucius, 
voyage,  visite  TËurope  et  TAsie,  les  lies 
de  Chypre,  Crète,  Lemnos  et  TEgypte. 
A  98  ans,  il  obtient  du  pontife  de  Per- 
game la  place  de  médecin  deê  gladiateure 
(soigner  ces  artistes  n*était  pas  une  si- 
nécure). 

A  33  ans,  une  émeute  le  finit  fuir;  il 
vient  à  Rome,  où  eeuU  leê  Grèce  exer^ 
çttient  la  médeeme  (Graeculi,  rfaéteon. 


&6 


CHAPITRE  I".  —  LA  CBALECR  ET  LA  FIE\RE. 


(Des  dogmes  (THippocrate  et  de  Platon^)  :  (cHippocrate  dit 
toujours  que  la  chaleur  est  la  cause  principale  des  œuvres 
de  la  nature;  Platon  emploie  non  le  mot  chaleur,  mais  le  mot 
feu!  Or  comment  comprend-il  que  cette  chaleur  ou  ce  feu 
gouverne  les  corps  animés?  Tout  animal  a  sa  clmleur  dans  um 
tang  et  $e$  veine»,  il  a  donc  en  lui  un  foyer.  En  effet  ce  n'est 
pas  par  Vattrition  des  artères  que  la  chaleur  s'engendre  dans 
les  corps  des  animaux^,  comme  cela  se  voit  pour  les  pierres 
ou  le  bois,  mais,  bien  au  contraire,  c'est  par  une clutleur  innée 
que  leurs  mouvements  ont  lieu.  Que  leur  corps  cesse  d'être 
chaud  par  la  gelée,  un  médicament,  ou  autre  cause,  leurs 


mëdeciiu,  comédiens,  chanteors,  dan- 
ieurt, —  article  d'importation;  U$  ha- 
lûmi,  m  France,  jouèrent  le  même  rAle 
0otu  le  règne  des  Valois). 

Après  cinq  ans  de  pratique  distinguée 
dans  Taristocratie,  la  pe$te  vient,  et  il 
ê'm  rttouTM  i  Pergame.  Il  est  rappelé 
par  Marc -Antoine  Antonin  et  ÏAtciut 
Vtruê,  qui  mourut  de  la  peste. 

Il  fut  le  médedn  des  empereurs 
Marc  -  Au rèle ,  Commode ,  Pertinax , 
Septime-Sévère. 

II  mourut  à  70  ans. 

n  écrivit  plus  de  cinq  centi  mémoire$ 
sur  la  philosophie,  la  dialectique,  la 
géométrie,  la  grammaire. 

Ses  ouvrages  médicaux  forment  une 
bibliothèque  :  «  iU  régnirmt  despotique- 
ment  sur  le  monde  pendant  treiie  siè- 
des.»  Les  Arabes  enseignaient,  com- 
mentaient Galien.  lia  ne  fondèrent  que 
des  écoles  gaténiques  {dogme,  éeoU  dog- 
matique, mwpiriêm»,  méthodUme!  Virba 
tt  vocêê!). 

Galien  explique  tout.  Il  étudie  la  phy- 
siologie et  Tanatomie  sur  les  animaux 
(probablement  sur  les  singes  exclusive- 
ment). Il  est  médecin  et  chirurgien. 
Dans  aes  livres,  les  questions  sont 


rées,  condensées.  On  a  besoin  de  toute 
son  attention  pour  le  suivre;  on  croit 
souvent  lire  un  auteur  moderne. 

La  question  de  la  chaleur  du  corps 
occupe  une  large  place,  et  sa  solution  y 
est  réellement  entrevue.  Sa  doctrine 
est  restée  maltresse  jusqu'à  Lavoisicr 
(1775).  Bien  qn^on  ne  doive  pas  attri- 
buer à  Galien  seul  les  immenses  progrès 
accomplis  pendant  l^  cinq  siècles  qui 
le  séparent  d'Hippocrate,  nous  trouve- 
rons la  preuve  que  sa  part  personnelle 
est  très-grande ,  et  qn*ii  a  concouru  au 
progréa  par  ses  remarques  et  par  ses 
expériences. 

Les  indications  bibliographiques  se 
rapportent  à  la  belle  édition  publiée  par 
GaroluB  Gottlob  Kûhn  :  Modieerum  grw- 
eomm  opéra  qum  oxêlanl.  CioMiH  Galem 
tapera  omnia,  90  volumes  in-8%  Lipsiae, 
1891-1833.  Texte  grec  et  traduction 
latine. 

^  GaUni  De  Hippocratie  et  PhUonù 
plaeitiê  liber  VIII,  cap.  vu,  t.  V, 
p.  709. 

*  Nous  verrons  les  efforts  faits  par  les 
mécaniciens  des  siècles  derniers  pour 
ressusciter  cette  théorie  de  la  chaleur 
animale  par  le  frottement 


GALIEN. 


57 


artères  cessent  de  battre  et  leurs  muscles  de  se  mouvoir.  Ce 
n'est  donc  pas  une  fontaine  de  feu,  mais  plutôt  de  chaleur 
incluse,  qui  est  en  nous,  comme  le  dit  Hippocrate.  " 

Dans  le  livre  Du  tremblement,  des  falpitaiions,  des  convul- 
sions^^ Galien  revient  à  cette  définition  :  «ne  croyons  pas,  dit 
il,  que  la  chaleur  résulte  de  la  collision  de  nos  particules,  d^unc 
collision  ni  d'un  autre  mouvement,  mais  bien  que  notre  cha- 
leur n'est  point  acquise  ni  postérieure  à  la  génération  de  l'ani- 
mal ,  et  qu'elle  est  primitive  et  innée.  y>  Au  livre  Des  dogmes 
d'Hippocrate  et  de  Platon  ^,  Galien  dit  :  ce  mais  la  chaleur  innée 
est  tempérée,  c'est  une  substante  consistant  surtout  dans  le 
sang  et  la  pituite,  et  formée  d'un  mélange  de  froid  et  ^e 
chaud.  7» 

9  Le  siège  de  la  chaleur  est  dans  le  sang'  (livre  Des  humeurs). 
Il  faut  savoir  user  de  la  saignée,  car  non-seulement  le  sang 
est  le  réservoir  où  puisent  tous  les  tissus,  mais  le  sang  est  aussi 
le  siège  même  de  la  chaleur,  et  diminuer  la  quantité  du  sang 
c'est  diminuer  la  chaleur.  7> 

Le  cœur  est  le  centre  de  la  vie  et  de  la  chaleur:  («c'est  dans 
le  cœur  qu'est  le  principe  de  la  vie,  c'est  en  lui  qu'est  l'origine 
et  la  source  de  la  chaleur  innée ,  sans  laquelle  nul  animal  ne 
peut  vivre;  donc  le  cœur  tient  un  rôle  important^;  grâce  à  lui, 
la  chaleur  native  est  répartie  dans  toutes  les  parties  .du  corps 
proches  ou  lointaines,  et  revient  à  son  centre,  sorte  de  va-et- 


*  Galeni  De  tremore,  palpitaUone , 
commUtûmê  et  rigore  iiber;  t.  Vil, 
cap.  Ti,  p.  6t6,  et  t.  V,  p.  70a.  Ga- 
Keo  ajoute  expressément:  «ionati  calo- 
r»  cauaa  oon  est  spiritas  tunids  arleria- 
mm  attritus.'»     • 

*  GaUm  De  Hippocratis  et  Platoni» 
ptadtU  liber  VlU,  cap.  tu,  t.  V, 
p.  703. 

'  «  Natiiniis  enim  calor  in  sanguine 
et  ia  iisquA  et  hoc  nutriuntur  nsaxima 


ei  parte  consistit.')  HippocratU  Epi- 
dem.  VI,  et  Galêni  m  illum  commenta- 
rita  F,  sectio  ▼,  cap.  «x,  t.  XVIl,  se- 
cunda  pars,  p.  agg. 

*  Gakni  m  Hippoeratiê  librum  de 
aUmento  emnmentarnu  Ul,  cap.  xxt, 
t.  XV,  p.  36i  et  36a  :  r  Ac  fortasse  boc 
unam  naturam  Duncupal ,  ut  qonm  hic 
calor  adsit,  honio  ait,  quum  ille  absit, 
homoes^e  desinat.» 


58 


CHAPITRE  r. 


LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


vient  nécessaire  à  la  vie  et  au  mouveiuenl  ^  »  Galien  ajoute  : 
ainsi  pas  de  chaleur,  pas  dlicnune, 

(«11  y  a  trois  facultés  (est-il  dit  dans  le  même  livre ^)  qui 
gouvernent  les  animaux  :rune  est  la  nutrivité,  elle  réside  au 
foie  et  a  pour  organes  les  veines  qui  vont  par  tout  le  corps; 
Fautre,  qui  est  comme  l'âme  des  êtres  animés,  et  qui  a  son 
siège  au  cœur,  c'est  la  chaleur  innée;  elle  a  pour  organes  les 
artères.  La  troisième  est  au  cerveau ,  c'est  la  raison  qui  préside 
aux  actions  volontaires^.» 

Au  chapitre  ix  du  même  livre,  Galien  admet  qu'il  y  a  de  la 
chaleur  ignée  dans  le  foie,  mais  moins  que  dans  le  cœur^,  et 
c'çst,  dit-il,  cette  chaleur  du  foie  qui  fait  engendrer  le  sang(?). 

Dans  les  commentaires  sur  le  i  à*  aphorisme  d'Hippocrate, 
Galien  s'exprime  ainsi  :  la  substance  de  la  chaleur  innée  est  aérée 
ci  aqueuse^.  En  y  réfléchissant,  on  s'explique  cet  aphorisme, 
qui  désigne  les  vapeurs  venues  d'un  foyer. 

En  plusieurs  passages,  Galien  met  le  siège  de  la  chaleur 
dans  le  cœur,  c*était  Topinion  des  philosophes  platoniciens  : 
coloris  in  corde  fervarem  esse  {Hippocrat.  etPlaUmis  dcgm.).  «La 
chaleur  du  cœur  n'est  pas  comme  celle  des  autres  parties ,  dé- 
nudez le  cœur  de  son  péricarde  sur  lanimal  vivant,  celui-ci 
meurt  ^;  plongez  votre  doigt  dans  le  ventricule  gauche  principale- 
ment et  vous  y  sentirez  une  grande  chaleur,  plus  élevée  que 
dans  toute  autre  partie.  r>  {Id.) 

Dans  le  livre  De  usu partium"^  :  «Toutes  les  artères  corres- 
pondent à  un  centre  unique,  le  ventricule  gauche  du  cœur 


'  C^esl  presque  Tidée  de  la  circula- 
lion  ;  ell^  devait  attendre  aeixe  siècles 
son  dévdoppement. 

*  Gahni  in  Htppoeraiù  Uhrum  d§  o/t- 
Mênto  eommentaritu  III,  cap.  x,  t.  XV, 
p.  a9<. 

^  DinJtr-on  mieux  aujourd'hui? 

*  Voyez  les  expériences  de  Ci.  Ber- 
uan!  sur  la  chaleur  dans  les  veines  sus- 


hépatiques  et  dans  les  ventricules  du 
cœur. 

*  Hippocratiê  aphmriâmi  #1  GûHeni  m 
SOS  commentarU,  Apbor.  i&,  t.  XVlt, 
a'  partie,  p.  4 07. 

^  GaUni  De  puUuwn  «su  liber, 
cap.  II,  t.  V,  p.  i58  et  169. 

'  Galeni  De  u$u  partium  eorporit  hu- 
mont  liber  IV,  cap.  xvii,  L  III,  p.  A97. 


GALIEN.  59  ' 


OÙ  est  le  principe  de  la  chaleur  native.  .  .  La  chaleur  a  pour 
matière  le  sang  où  elle  s'allume  et  s'entretient  ^  » 

Certains  passages  montrent  que  Ton  pratiquait,  à  cette 
époque,  des  expériences  de  physiologie,  et  qu'on  usait  fort  de 
cette  méthode;  au  \\\re  Des ptiUadons^  on  trouve  cette  phrase  : 
(tliei  les  artères  d'un  membre,  vous  ne  le  refroidirez  pas  en- 
tièrement, bien  que  le  cours  de  ces  vaisseaux  soit  interrompu; 
c'est  que  le  corps  est,' comme  a  dit  Hippocrate,  partout  en 
communication  avec  lui-même ....)» 

Cette  citation  suffit  à  montrer  combien  les  expériences  de 
vivisection  étaient  usuelles  au  temps  de  Galien.  Plus  loin  Galien, 
pour  prouver  que  le  sang  est  le  réceptacle  de  la  chaleur,  nous 
cite  les  blessés  qui  se  refroidissent  quand  ils  perdent  leur 
sang,  si  les  chirurgiens  n'ont  pas  le  soin  de  leur  lirr  lbs 

VAISSEAUX^. 

fi  Ainsi  des  rois,  des  soldats  blessés  dans  un  combat  singu- 
lier, des  chasseurs ,  ont  eu  les  veines  et  les  artères  blessées  ,  de 
telle  façon  que  les  médecins  durent  leur  appliquer  des  liens  ; 
or  ces  blessés ,  au  bout  de  peu  de  temps ,  ont  senti  se  refroidir 
les  parties  situées  au-dessous  de  la  ligature ,  assez  tard  quand 
c'étaient  les  artères  seules  qui  avaient  été  liées,  et  pas  du  tout 
ou  très-peu  quand  les  veines  seules  étaient  liées.  D'où  il  ap- 
pert manifestement  que  les  veines  apportent  aussi  quelque 
chaleur,  moindre  à  la  vérité  que  celle  qui  vient  par  les  artères. 
Si  vous  liez  quelque  partie  du  corps  au-dessus  d'une  bles- 
sure, vous  voyez  que  cette  partie  devient  livide  et  froide,  par- 
ce qu'elle  cesse  de  recevoir  la  chaleur  comme  les  autres  par- 
ties. 7f  Galien  en  conclut  que  le  pouls  est  le  moyen  de  conduire 
partout  la  chaleur. 

*  De  U9U  rvfptrolûmtf  liber, cap.  m,  cap.  m,  t.  V,  p.  160,  et  m  eodem  Hln^, 
i.  IV,  p.  &90,  et  :  Calor  naUous  m  ëon-    cap.  11 ,  p.  1 67. 

gymê  êedtm  itiam  habet ,  L  XYl ,  p.  1 3o.  ^  \jà  ligature  pour  arrêter  les  bëmor- 
Ges  deux  idées  sont  séparées  dans  Galien.    ragies  a  été  pratiquée  dès  la  plus  haute 

*  Gdnà  De   ]^huum   u$u    liber,     antiquité. 


60 


CHAPITRE  1 


rr 


LA  CHALEUR  «T  LA  FIEVRE. 


La  concordance  des  mouvements  de  la  température  du  corps 
avec  la  fréquence  du  pouls  et  de  la  respirati(»n  était  classique 
au  temps  de  Galien. 

On  professait  que  la  chaleur  native  était  refroidie  par  fair 
inhalé  et  était  purgée  par  l'expiration  d'une  certaine  fnatière  fu- 
ligineuse^ »  .  .  (livre  Du  pouls  et  de  la  respiration).  On  savait 
fort  bien  que  le  resserrement  des  vaisseaux  de  la  peau  empê- 
che la  chaleur  de  s'échapper,  que  leur  relâchement,  que  la 
perspiration ,  la  sueur,  font  évaporer  la  chaleur.  [Hippocrate 
et  Polybe,  avec  commentaires,  par  Galien.) 

«L'inspiration  qui  accompagne  la  diastole  refroidit  la  cha- 
leur intérieure^»  C'était  une  opinion  très -ancienne:  Galien 
dit  que  «  Platon,  dans  son  discours  sur  l'usage  de  la  respiration , 
semble  imiter  Hippocrat.e  ',  lequel  veut  que  /'tyupiration  ait 
pour  objet  de  refroidir  la  chaleur  native,  et  /'expiration  de 
chasser  les  matières  fuligineuses,  récrémentitielles .  .  .!t)  On 
doit  s'arrêter  ici,  car  ce  passage  est  admirable  d'intuition! 

Il  y  a  déjà,  à  cette  époque,  un  besoin  de  trouver  un  rc^- 
lateur  de  la  chaleur  animale.  Au  livre  Des  causes  de  la  respiration^  ^ 
Galien  a  écrit  cette  phrase:  cdi  y  a  trois  causes  de  la  respira- 
tion: la  volonté,  les  instruments  à  son  service,  et  Futilité  qui 
consiste  dans  le  rôle  qu'a  la  respiration  de  conserver  la  mo- 
dération de  (ou  de  servir  de  modérateur  à)  la  chaleur  innée,  d  ' 
{commoderationem  conservât,  en  grec  :  rïipovaafièvriiv  crvfifÂsrpiap 
7ris  ifÂ^vrov  d-spfjLoaias,) 

Il  y  a  plus  d'un  passage  oh  Galien  met  le  pouls  sous  la  dépen- 
dance delà  chaleur.  Il  y  a,  dit-il  [Hygiène,  discours  B),  une 


UMU 


liber. 


*  Galeni    De  puUuum 
cap.  Tii,  L  V,  p.  173. 

'  Galetn  De  difficuUate  retfnrationi» 
liber  1,  cap.  ?,  t  VU,  p.  766.  «Coin- 
posita  enim  est  ex  contrariis  niotibus 
per  quiètes  distinctis,  atque  ejiisdem 
iisus  gratia  fit;  et  ex  partibus  ejus 
inspiratio  quidem   consimilis   oxislcns 


pulsuum  diastole  insituin  calorem  ré- 
frigérât; exspiratio  vero  velut  systole 
pulsuum,  fumosuiD  ad  ustionia  ercrt- 
mêntum  excemit.» 

'  Galien,  Dogme»  d'Hippocrait  H 
Piaton,  t.  Y,  ch.  ix. 

*  GalêniDeeaftêûrê»fnraliom$\ibetf 
t.  IV,  p.  &()5  et  666. 


GALIEN. 


61 


cause  de  changement  du  pouls  qui  est  l'augmentation  ou  la 
diminution  de  la  chaleur  naturelle,  une  autre  qui  dépend  de 
la  respiration,  etc. 

liC  pouls,  disons-nous  aujourd'hui ,  est  fonction  de  la  tem- 
pérature. 

Galien  n'a  que  trop  connu  le  pouls!  txLe  pouls  nous  indique 
quelle  est  la  chaleur.  Il  faut  examiner  la  respiration  et  le 
pouls,  car  ces  deux  signes  nous  indiquent  quelle  est  la  cha- 
leur^  » 

En  plusieurs  passages,  Galien  répète  que  l'usage  du  pouls 
est  de  répandre  la  chaleur  par  tout  le  corps  et  que  l'usage  de 
l'inspiration  est  de  modérer  la  chaleur  intérieure.  Il  prononce 
même  le  mot  de  ventilation  (^i7r/C&>). 

Ailleurs  (livre  De  la  phUboiomie^  y  ch.  v)  Galien  se  sert 
d'une  comparaison  familière  pour  montrer  ce  que  c'est  que  la 
chaleur  animale  :  ce  non-seulement,  dit-il,  le  sang  sert  d'ali- 
ment aux  parties  de  l'animal,  mais  encore  c'est  dans  le  sang 
que  s'entretient  la  chaleur  naturelle,  comme  nous  voyons  les 
morceaux  de  bois  propres  à  la  combustion,  étant  mis  au  feu 
de  notre  foyer,  chauffer  toute  la  maison,  d  Galien  examine  en- 
suite toutes  les  causes  extérieures  et  intérieures  qui  peuvent 
faire  varier  la  température  de  notre  corps ^. 


^  De  lociê  affeciiê,  iib.  IV,  cap.  vu, 
l.  VJIl,p.  a5]. 

'  De  venœ  iectione  adoertuê  Era$i- 
«(mluifi,  cap.  T,  t.  XI,  p.  96a. 

'  Malheureasement,  à  cM  de  ces  pas- 
sages vraimenl  remarquables ,  Galien  en 
contient  d^autres  qni  montrent  où  peut 
conduire  le  besoin  de  tout  expliquer. 
G^esl  ainsi  que  nous  trouvons  celte  sin- 
gulière dëmonstration  de  la  supériorité 
de  rbomme  sur  la  femme'  (il  s*agit  de 
la  cbaleur)  :  «Gomme  Tbomme  est  le 
plus  parfait  des  animaux,  ainsi  Thomme 


est  plus  parfait  que  In  femme;  or  la 
cause  de  cette  perfection  est  Texcédant 
de  chaleur,  car  la  chaleur  est  le  premier 
instrument  de  la  nature;  ceux  qui  en 
sont  moins  pourvus  ont  un  travail  plus 
imparfait.  Il  n*y  a  donc  rien  détonnant 
â  ce  que  la  femelle  soit  d*autant  plus  in- 
férieure qu^elle  est  plus  froide,  par 
comparaison  avec  le  mâle.  Car,  de  même 
que  la  taupe  a  les  yeux  imparfaits,  non 
pas  tant  cependant  que  d^autres  ani- 
maux qui  n^ont  pas  même  apparence 
d^yenx ,  ainsi  la  femme  est  plus  impar- 


*  De  «m  ptTtkm  eorporiê  humani,  Iib.  XIV,  cap.  fi,  t  IV,  p.  i6i. 


M  CHAPITRE  r.  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

Pathologie  thermique  de  Galien.  —  «Si  la  chaleur  est  en  ex- 
cès (Des  aliments  y  différences  des  maladies  quant  à  Talimen- 
tation,  à  ia  respiration,  à  la  chaleur,  au  sang,  etc.  ^),  il  est 
nécessaire  que  l'animal  ait  une  maladie  répondant  à  ia  nature 
de  la  cause  qui  a  élevé  la  chaleur.  C'est  pourquoi  les  inflam- 
mations, les  érésipèies,  les  éruptions  et  les  charbons  et  autres 
de  ce  genre,  sont  joints  è  la  fièvre;  tandis  que  les  convulsions, 
les  palpitations ,  Tépiiepsie ,  sont  des  maladies  à  température 
basse.  » 

La  chaleur  morbide  diffère  de  la  chaleur  saine  par  divers 
caractères;  comment  les  apprécier tpor  le  toucher,  car  fda  cha- 
leur de  l'homme  sain  est  vaporeuse,  douce,  nullement  désa- 
gréable au  toucher,  point  âpre  ni  mordicante;  au  contraire, 
la  chaleur  des  fiévreux ,  surtout  dans  les  fièvres  hectiques  ou 
putrides,  est  acre,  désagréable  au  toucher'."  (On  croirait 

£û(e  que  rhomme  par  les  oi^oes  gé-  perfla ,  si  la  femme  avait  été  parfaite- 

nitaux :  car,  chei  elle ,  les  parties  ont  été  ment  chaude ,  car,  n  cela  était ,  elle  Tab- 

formées  dans  rintérieur,  alors  qu'elle  sorberait  elle-même  pour  son  compte, 

était  encore  au  ventre  de  sa  mère;  or,  U  fallait  donc  que  la  femme  fût  [dus 

comme  ces  parties  ne  pouvaient  se  dé-  froide  afin  qu'elle  ne  pût  pas  absorber  à 

velopper  et  émerger  à  cause  du  défaut  son  bénéfice  tout  ce  qu'elle  ingère;  en 

de  chaleur,  elles  ont  été  cause  que  Ta-  effet  la  femme  ne  peut  pas  cuire  ce  qui 

nimal  tout  entier  a  été  frappé  d'inféiio-  est  trop  froid  ;  et  elle  laisse  ainsi  un  peo 

rite ,  et  pourtant  ce  défaut  n'est  pas  à  d*aliment  qui  est  superflu.  Tel  est  le 

mépriser,  car  enfin  il  était  utile  qu'il  y  but  de  la  froidure  de  la  femme 

eût  une  femme.  Et  l'on  ne  peut  pas  D'ailleurs,  si  elle  avait  eu  des  testicules 
croire  que  l'artisan  de  toutes  choses  au  dehors,  la  matrice  n*aurait  pas  été 
eût  fait  la  moitié  de  l'espèce  humaine  ce  réservoir  si  nécessaire  à  la  procréa- 
infirme  et  imparfaite,  sans  une  raison,  tion,  etc. »     • 

Le  foetus  lui-même  a  besoin  de  beau-        U  est  impossible  de  pousser  pins  loin 

coup  de  matière  non-seulement  pour  sa  l'abus  de  l'ai^ment  des  causes  finales. 

formation  première,  mais  encore  pour  Ce  passage  pourrait  être  cité  pour  mon- 

son  accroissemenL  Dès  lors  deux  choses  trer  l'inanité  de  ce  genre  de  raisonne- 

doivent  arriver  nécessairement,  ou  que  ment;  c'est  un  modèle,  et  il  mérite  de 

le  foetus  se  nourrisse  aux  dépens  de  la  devenir  classique. 

substance  même  de  l'utérus,  ou  qu'il         ^  GaUni  m  HippoeraUê  Ubrmm  éê 

reçoive  un  supplément  d'aliments;  or  il  aUmenio  commêntaritu  ÏU,  cap.  ixti, 

n'était  pas  bon  que  l'utérus  fût  appan-  L  XV,  p.  363  et  p.  369. 

yri^  et  il  ne  pouvait  pas  prendre  le  su-         «T.  XVII,   pars  aecnnda,  p.  A  08 


GALIEN.  03 

lire  un  auteur  des  xvr  et  xvii''  siècles).  Bordeu  n*a  rien  fait 
sur  le  pouls  qui  soit  supérieur  à  l'œuvre  de  Galien.  Nous 
étions  encore  galénistes  hier,  pour  ainsi  dire. 

Un  passage  analogue  au  précédent  se  trouve  au  cha- 
pitre xiix  intitulé^  :  Febrium  quœdam  manui  mordaces  naît, 
quœdam  vere  mites. 

Au  livre  I  de$  Différences  entre  les  fièvres,  chap.  ix,  on 
lit^:  «mais  le  plus  grand  indice  des  fièvres  putrides  est  la 
qualité  de  la  chaleur;  celle-ci  n'a  rien  de  suave,  ni  de  mb- 
déré  y  ni  qui  rappelle  les  sensations  journalières ,  mais ,  comme 
Font  dit  les  meilleurs  médecins  avant  nous,  cette  chaleur  est 
àiordante,  elle  blesse  et  mord  le  tact,  comme  la  fumée  attaque 
les  yeux  et  les  narines.  Il  faut  laisser  pour  cela  la  main  en 
place  pendant  quelque  temps. ...  »  Quel  tact!  comme  cette 
faculté  était  prédominante  chez  les  anciens,  l'examen  du  pouls 
était  leur  auscultation. 

Il  y  a  à  travers  Galien  quantité  de  passages  sur  les  qua- 
lités de  la  chaleur'  (même  livre:  des  fièvres  hectiques)  :  «La 
chaleur  est  débile  au  premier  abord,  mais  peu  après  elle  ap- 
paraît acre  et  corrodante,  d'autant  plus  qu'on  prolonge  plus 
l'exploration.  9)  Au  livre  IH  (fièvreis  bilieuses  et  pituiteuses)  : 
<c  II  faut  distinguer  la  quantité  et  la  quditi  de  la  chaleur  fé- 
brile; l'acrimonie  de  cette  chaleur  indique  la  nature  de  l'hu- 
meur qui  accompagne  cette  fièvre,  j'entends  la  qualité  de  la 
chaleur.  Celle  en  effet  qui  est  plus  vaporeuse  et  moins  désa- 
gréable vient  du  sang;  celle  qui  est  désagréable,  corrosive, 
mordante,  vient  de  la  bile, . .  » 

Nous  retrouvons  encore  ici  simplement  la  tradition  hippo- 
cratique;  au  livre  VI  des  Épidémies,  Hippocrate  disait  que, 

Gatmi   eomm.  I  m  Hippoerat,  apho^  *  T,\ll,  De fibriumdiffirentiîi,\,l^ 

mm.  ih.  c.  IX,  p.  307. 

•  T.  XVU,primaï)ar8,p.  87t.  Cl»-  »  T.    VII,    De  febrium  differmiuM, 

leni  cornmnU.  I  m  thppoeratis  Ub,  VI  lib.  I,  cap.  xi,  p.  317. 

EpidmttorKm,  cap.  xxix.  *  T.VII,iftt</.iib.lI,capntxi,p.377. 


64  CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

parmi  les  fièvres,  les  unes  sont  mordantes  à  la  main ,  les  autres 
douces,  d'autres  vont  crescendo,  quelques-unes  ardentes  dès 
le  début,  les  unes  sèches,  les  autres  salées.  .  . 

c(Les  médecins,  au  dire  de  Galien,  appellent  une  fièvre 
grande  ou  petite,  suivant  l'élévation  de  la  chaleur  du  corps; 
et  ardente  celle  qui  s'accompagne  d'une  chaleur  excessive  et 
d'une  grande  soif»  [soif  ardente. . .  mots  bien  significatifs  quand 
on  y  réfléchit).  Il  ne  semble  pas  bien  certain  que  Galien  ait  su 
qu'il  n'y ,  a  point  d'exagération  locale  de  la  chaleur  supé- 
rieure è  celle  du  centre.  Mais  il  définit  souvent  la  fièvre  «la 
diffusion  par  tout  le  corps  d'une  chaleur  exagérée,  v 

11  parait  même  ressortir  clairement  du  passage  suivant  que 
Galien  ignorait  absolument  la  loi  de  la  répartition  de  la  cha- 
leur dans  l'organisme,  et  que  le  maximum  en  était  toujours 
dans  les  viscères  intérieurs;  il  ne  faut  pas,  du  reste,  s'étonner 
de  cette  erreur  qui  a  persisté  jusqu'à  notre  époque.  (Ilepi  Sta- 
^opàs  ^vperô)v,  liv.  IP.)  et  L'inflammation  locale  (par  blessure) 
allume  aussitôt  la  fièvre,  alors  que,  soit  k  cause  de  son  éten- 
due très-grande,  soit  par  voisinage,  la  chaleur  partie  de  cet 
endroit  parvient  au  cœur,  yy  Ainsi  Galien  croit  que  la  cha- 
leur (morbide)  s'allume  en  un  point  et  se  transmet  au  cœur 
et  de  le  à  tout  l'organisme  (fièvre). 

La  difl'érence  de  la  chaleur  intérieure  et  de  la  répartition 
de  la  chaleur  à  la  périphérie  faisait  également  défaut  à  Galien, 
il  disait  qu'un  homme  a  chaud  quand  cet  homme  accusait  une 
sensation  de  chaleur  ou  que  la  rougeur  lui  montait  au  visage, 
ou  qu'il  se  disait  réchaufl^épar  un  breuvage^.  «L'exercice  aug- 
mente la  chaleur  propre  du  corps.  Ainsi  nos  corps  s'échaufient 
par  les  bains ,  les  lavages  à  l'eau  chaude ,  pendant  l'été,  quand 
nous  nous  exposons  au  soleil,  quand  nous  nous  chaufTonç 
près  d'un  foyer,  et  quand  nous  nous  frottons  avec  des  médi- 


*   GaleniDefrbriumdijffiTeittiiMy\.\\^         '  Galeni  De  ênniiate  luênda,  i.  II, 
cap.  XV,   i.  Vil,  p.  3îi7.  cap.  i\,  U  VI,  p.  137. 


GALIEN.  65 

caments  chauds.  11  faut  distinguer  la  chaleur  extérieure  et 
étrangère  de  l'excès  que  Texercice  développe  dans  la  chaleur 
propre  des  animaux.  » 

La  fièvre.  —  Si  nous  recherchons  à  travers  les  nombreux 
chapitres  de  Tœuvre  de  Galien  ce  qui  est  relatif  è  la  fièvre, 
nous  trouvons  une  foule  de  passages  où  son  opinion  sur  ce 
sujet  est  émise  avec  quelques  variantes.  Voici  l'un  de  ces  pas^ 
sages,  qui  nous  paraît  plus  particulièrement  explicite^:  ^Le 
début  de  la  fièvre  est  la  conversion  en  feu  de  la  chaleur  na- 
tive, comme  l'a  dit  Hippocrate,  et  ce  mouvement,  parti  de  la 
poitrine,  envoie  la  flamme  vers  la  tête.  La  fièvre,  c'est  du  feu, 
dit-il  ailleurs  (Épidémies).  Si  donc,  ajoute  Galien,  les  remèdes 
doivent  être  les  contraires  des  maladies,  il  faut  que  le  remède 
spécial  des  fièvres  ait  une  faculté  réfrigérante  et  humectante  ; 
en  effet  la  fièvre  est  chaiïde  et  sèche,  v 

Malheureusement  les  anciens  appelaient  rafraîchissants 
certains  remèdes  qui  n'ont  en  réalité  rien  de  froid  en  eux, 
tels  que  la  tisane  d'orge ,  et  il  ne  faut  point  leur  attribuer  une 
notion  exacte  du  froid  en  soi. 

Il  est  certain  que  les  signes  de  la  fièvre  étaient  parfaite- 
ment connus  de  l'antiquité,  et  que  la  sensation  de  la  chaleur 
y  tenait  une  place  considérable  :  «  après  que  vous  aurez  tout 
regardé,  cherchez  à  lever  les  doutes  par  d'autres  signes^.  Or 
le  premier  de  ces  signes  est  obtenu  de  la  façon  suivante  :  ap- 
pliquez votre  main  (il  ne  faut  pas  qu'elle  soit  froide)  sur  la 
poitrine  du  malade,  et  appréciez-y  la  qualité  de  la  chaleur;  si 
elle  est  mordante,  vous  direz  qu'il  y  a  fièvre,  avant  même 
d'avoir  tâté  le  pouls.  S'il  y  a  sensation  de  froid,  ne  vous  hâtez 
pas  de  dire  qu'il  n'y  a  pas  fièvre,  vous  n'en  pouvez  pas  lever 
la  main,  il  faut  attendre  quelque  temps  pour  voir  s'il  ne 

*  H^ppoeratiê  de  acutarum  morborum         *  Galeni  Synopiii  librortun  nionim  de 
vtetu  Uber   et   Galeni  commenUtriuê  I,     puUihu» ,  cap,  xn ,  i.  IX,  p.  à 76. 
lib.  I,  cap.  xfii,  t.  XV,  p.  656. 

5 


66  CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

vient  pas  une  chaleur  acre  de  la  profondeur.  Themison  ensei- 
gnait que  ce  signe  suffisait  pour  affirmer  qu'un  homme  a  la 
fièvre,  même  quand  la  chaleur  était  lente  à  se  manifester  à  la 
main,  y* 

On  sait  que  Galien  se  fiait  davantage  au  pouls,  dont  il  avait 
fait  une  étude  spéciale:  (rSi  l'artère  se  dilate  dans  ses  deux 
dimensions,  longueur  et  largeur,  et  que  le  pouls  soit  à  la  fois 
vite  et  fréquent,  il  y  a  fièvre.  99  La  fièvre  n'en  persistait  pas 
moins  à  Stre  appelée  ^n/perés^  de  mp  (Jeu);  attendu,  dit  Ga- 
lien  \  que  la  fièvre  par  nature  n'est  autre  chose  qu'une  élut- 
leur  ignée,  —  Gaiien  croyait  que  le  foyer  primitif*  s'allumait 
dans  une  partie  malade  et  de  là  communiquait  sa  flamme  à 
tout  le  reste  de  l'organisme;  alors  tout  le  corps  était  échauffé. 
Or  les  Grecs  (livre  Du  traitement  par  la  soignée)^  dit-iK  ap- 
pellent cette  affection  ^fvperévy  et  les  latins  febrem.  Ailleurs 
Gaiien  expose  deux  opinions  contradictoires  :  t^  Les  anciens 
regardaient  la  fièvre  comme  étant  une  maladie  par  elle-même. 
Érasistrate  et  un  grand  nombre  de  modernes  n'y  voient  qu'un 
symptôme.  99  c(  La  fièvre  ^  est  la  conversion  de  la  chaleur  native 
en  une  chaleur  plus  ardente,  provenant  de  ce  que  la  chaleur 
retenue  à  l'intérieur  est  empêchée  de  perspirer  (quod  intro 
averêus  perspirare  prohibeatur).  »  Ce  passage  mérite  d'être  noté, 
parce  que  la  théorie  de  la  rétention  s'y  trouve  nettement  expri- 
mée ;  or  nous  verrons  cette  même  théorie  exposée  comme  une 
nouveauté  à  l'époque  oti  nous  vivons. 

Dans  l'Histoire  de  la  philosophie^^  Gaiien  nous  fait  connaître 
les  opinions  anciennes  sur  la  fièvre  :  «^  Erasistrate  définit  la 
fièvre  un  mouvement  d'afflux  non  spontané  du  sang  dans  les 

•  Hippocratii  dejracturiê  liber  et  Ga-  dieux ,  cap.  xiii.  De  humorihu» ,  foeuha- 
Uni  in  eum  cmnmen(ariu$  llî,  cap.  tiii,  (t(ti«,  morhiê  êorum  diffenmtii»^  cann» 
t.  XVIII,  sec.  para,  p.  568.  ac  cwalionibui,  t.  XIV,  p.  79g. 

*  Galeni  De  hùloria  phUoêopkiea  /i-  *  Galeni  De  hittoria  phiUmophiea  Uber 
6iT«pf*rf««,cap.iiiix:i)*/<*6re,t.XIX,  «pttm»,  cap.  «xix;  De  febre,  L  XIX, 
p.  .3^19.  p.  3'i3. 

•■*   Galeno  aêrriptn  introdfirtio  »eu  me- 


GALIEN.  67 

vaisseaux  de  la  respiration,  et  il  compare  ce  mouvement  à 
1  agitation  de  la  mer  :  quand  aucun  vent  ne  l'agite  elle  de- 
meure calme,  si  le  vent  souffle  avec  force  les  vagues  se  for^ 
ment;  ainsi  dans  le  corps,  quand  le  sang  est  agité  il  tombe 
dans  les  vaisseaux  du  souffle,  et,  quand  il  est  échauffé,  tout  le 
corps  s'échauffe. 

«  Dioclès  pense  que  la  fièvre  est  une  affection  secondaire , 
car  elle  succède  aux  blessures  et  aux  tumeurs  des  glandes. 
Hérodote  affirme  que  quelquefois  la  fièvre  survient  isans  cause 
prochaine.  »  Et  ailleurs  '  :  «  La  fièvre  est  la  chaleur  naturelle 
amenée  è  un  état  anomal  outré  avec  un  pouls  fort  et  fré- 
quent. Ou  bien  :  la  fièvre  est  une  chaleur  outre-nature  du 
cœur  et  des  artères,  qui  lèse  la  force  vitale,  avec  certains 
troubles  du  pouls.  D'autres  la  définissent  ainsi  :  la  fièvre  est 
l'exagération  d'une  chaleur  morbide  qui  monte  de  la  profon- 
deur, avec  modification  du  pouls,  qui  devient  plus  fréquent 
et  plus  fort.  D'autres  disent  :  la  fièvre  est  le  spiritus  naturel 
dégénéré  en  un  état  plus  chaud  et  plus  sec.  » 

On  voit,  d'après  ces  citations  de  divers  auteurs  anciens ,  que , 
dans  toutes  les  définitions,  apparaît  comme  signe  principal  de 
la  fièvre  :  l'aecroUsement  de  la  chaleur.  Dix-sept  cents  ans  après 
Galien ,  un  auteur  classique  n'en  savait  pas  plus  sur  la  fièvre 
considérée  en  elle-même.  Quelques  auteurs  même  évitaient  de 
consacrer  un  chapitre  ou  une  simple  définition  à  la  fièvre 
(voyez  Ghomel).  En  somme,  on  peut  résumer  les|opinions 
grecques  sur  la  fièvre  dans  cette  courte  phrase  de  Galien  : 
AXk'  4  ptiv  xaB'  bXov  rb  Kw>v  tvXeoveÇ/a  rvs  â'epfjLaaias  «rv- 
periç  ialtv. 

Le  mot  de  rétention  {^sùpaùo)  se  rencontre  souvent  dans 
Galien  pour  exprimer  l'état  de  rétention  des  humeurs  qui  en- 
tretient la  fièvre.  Cette  théorie  du  retentum  n'est  pas  aban- 
donnée même  aujourd'hui  par  les  humoristes,  et  elle  s'est 

*   GaUmi  [ï^nûioniê  mêdieœ,  capul  cliiit,  t.  XIX,  p.  898. 

5. 


68  CHAPITRE  I".  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

transformée  pour  s'accommoder  aux  récentes  découvertes 
sur  la  régulation  de  la  chaleur.  Dans  ses  Commentaires  sur 
le  Uvre  des  humeurs,  d'Hîppocrate ,  Galien  appelle  les  ^^vret 
des  maladies  du  genre  veineux  ^  11  semble  qu'on  puisse 
rapprocher  cette  expression  de  celle  d'hémite  ou  fièvre  in- 
flammatoire, dénomination  toute  moderne  et  promptement 
abandonnée.  Dans  les  Commentaires  sur  le  livre  des  Epidémies, 
d'Hippocrate,  Galien  différencie  très-nettement  les  symptômes 
objectifs  des  subjectifs.  Hippocrate,  dit-il,  ne  s'en  rappor- 
tait pas,  pour  les  différences  des  fièvres,  aux  sensations  des 
malades,  mais  seulement  aux  signes  visibles  et  tangibles. 
Or  la  chaleur  doit  être  mise  ici  en  première  ligne;  car  la 
fréquence  du  pouls  n'indique  pas  l'essence  même  de  la  fièvre 
(sur  ce  point,  Erasistrate  et  Ghrysippe  se  sont  trompés). 
Donc  la  chaleur  fébrile,  pour  ceux  qui  touchent  le  corps,  a 
le  caractère  acre  ou  mordant,  ou  légèrement  désagréable; 
mais  jamais  elle  n'offre  cette  sensation  douce  et  familière  qui 
est  propre  à  la  chaleur  naturelle.  —  Galien  insiste  beaucoup 
sur  la  nécessité  de  laisser  longtemps  la  main  appliquée  sur 
le  corps  ^  pour  attendre  la  sensation  définitive,  et  il  s'efforce 
d'expliquer,  à  sa  façon,  un  passage  où  Hippocrate  dit  que  la 
sensation  varie  suivant  l'observateur,  et  que  les  fièvres  pa- 
raissent mordantes  à  la  main  de  celui-ci,  douces  à  la  main 
de  celui-là. 

Quant  à  l'observation  des  différents  temps  de  la  fièvre,  elle 
est  irréprochable ,  et  nous  l'avons  gardée  telle  que  les  anciens 
nous  l'ont  donnée.  «  Il  y  a  quatre  temps  :  l'invasion ,  l'aug- 
ment,  la  période  de  vigueur  et  la  déclinaison';  ces  temps  cor- 
respondent: le  premier,  à  la  crudité  des  humeurs;  le  deuxième , 
à  la  coction,  qui  s'achève  par  le  troisième,  et  après  vient  la 

^  Hippocraliê  De  humoribm  liber,  et  m  iUum  eommenimiuê  l,  caput  vm , 

GnUm  m  eum  commentani   ire»,  II,  L  XVII,  prima  pars,  p.  879. 
cap.  Tii,  t.  XVI,  p.  987.  ^  Gaknt    Defintione»    medicœ,   ca- 

*  Hippoerati»  Epidêm.  VI,  et  Galem  put  cYxtf  i ,  t  XIX ,  p.  âB8. 


6ALIEN.  69 

déclinaison  ^  ?)  Il  arrive  sans  doute  à  Galien  de  faire  des  dis- 
tinctions malheureuses;  il  explique  tout,  en  quoi  il  est  infé- 
rieur à  Hippocrate.  Ainsi  il  s'efforce  de  distinguer  les  diffé- 
rentes qualités  de  la  fièvre  par  la  sensation  sèche  ou  humide 
de  la  chaleur,  et  il  dit  :  «  La  chaleur  qui  est  humide  et  non 
désagréable  vient  du  sang;  celle  qui  est  désagréable,  éro- 
dante  et  mordante,  vient  de  la  bile^.» 

Les  anciens  savaient  très-bien  que  la  sueur  faisait  tomber 
la  fièvre ,  mais  ils  ne  savaient  point  par  quel  mécanisme.  L'idée 
de  la  crise  humorale  les  dominait  entièrement.  Us  provoquaient 
les  sueurs  fréquemment  (c'est  encore  aujourd'hui  la  médecine 
du  peuple).  Ils  savaient  que  les  sueurs  sont  moins  faciles  par 
un  temps  sec  que  par  un  temps  pluvieux,  phénomène  dont  la 
science  moderne  a  donné  l'explication. 

Le  frisson  est  expliqué  par  Galien  d'une  façon  insuflBsante, 
la  faiblesse. . . ,  tandis  que  Praxagoraè,  qu'il  met  en  cause  et  quil 
etmAat,  expliquait  le  frisson  par  un  certain  état  des  artères . . . 

Ce  phénomène,  avec  toutes  ses  variétés,  était,  du  reste ,  par- 
faitement connu  des  praticiens  grecs.  Tout  ce  qui  est  d'obser- 
vation est  exquis  chez  eux;  la  théorie  est  quelquefois  en  dé- 
faut, et  il  n'en  pouvait  être  autrement  à  cette  époque. 

Traitement.  —  Galien  distingue  fort  bien  les  fièvres  simples 
des  compliquées,  et  n'ignore  pas  qu'elles  sont  souvent  symp- 
tôme et  non  essence.  Il  y  a,  dit-il,  un  simple  trouble  fonction- 
nel ou  rétention  des  excréta,  ou  lésion  matérielle  du  corps; 
et  de  là  des  indications  thérapeutiques  variées.  (  Thérap.  liv.  XII.  ) 
Au  chap.  VIII  du  même  livre  nous  trouvons  l'exposé  de  la  doc^ 
trine  de  Galien: «La  première  indication  est^,  si  la  maladie  le 
permet,  d'enlever  toute  la  fièvre;  la  seconde,  si  la  maladie  ne 
le  permet  pas  entièrement,  d'en  enlever  ce  que  l'on  peut.  Or, 

>  Hippoeratiê  De  humonlmê  Uber,  9t  *  Deftb.diff,  LII,c.xi,tVIl,p.377. 
GtJeni  m  eum  eommintaru  tm,  I,  ca-  ^  GaUm  Mêthodi  mêdmdi  lib.  VIII, 
pat  III,  t.  IVI,  p.  71.  eap.  1, 1.  X ,  p.  533  et  sq. 


70  CHAPITRE  T',  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

comme  les  fébricitants  sont  malades  par  excès  de  chaleur,  il 
faut,  pour  les  guérir,  chasser  cette  intempérance.  Tout  excès  est 
guéri  par  l'excès  contraire,  comme  on  sait.  Dans  l'intempé- 
rance du  Bévreux,  il  y  a  excès  dans  l'abondance  de  la  cha- 
leur ^ 

«  Donc  il  faut  chercher  le  remède  à  cette  intempérie  dans  les 
choses  qui  refroidissent.  Par  conséquent,  si  la  fièvre  existe 
déjà  et  que  la  cause  qui  l'a  produite  ait  cessé,  le  seul  but  à 
atteindre  pour  la  guérison  est  la  réfrigération  ^ 

R  11  nous  faut  donc  trouver  la  matière  de  cette  réfrigération. 
Si  la  cause  subsiste  encore ,  il  faut  l'attaquer  et  ensuite  éteindre 
la  fièvre  qu'elle  a  allumée.  Or  nous  avons  dit  que  la  fièvre 
amenait  la  constipation  des  méats  chez  ceux  dont  la  transpira- 
tion cesse  d'être  halitueuse ,  pour  devenir  acre  et  fuligineuse. 
Pour  ces  corps-lè,  il  est  très-utile  de  faire  des  lavages  avec 
Teau  douce  à  une  température  modérée ,  et  une  friction,  et  de 
leur  donner  des  aliments  qui  rendent  les  humeurs  plus  douces, 
et  leur  faire  prendre  un  léger  exercice.  Il  ne  vaut  rien  de  les 
laisser  secs ,  ni  de  les  laver  avec  de  l'eau  froide ,  ni  de  les  sou- 
mettre à  un  exercice  violent,  n 

Galien  rapporte  ensuite  un  cas  oii  il  lui  a  bien  réussi  de 
laver  le  malade  à  l'eau  tiède  puis  de  le  mettre  au  bain,  et 
de  le  laver  selon  l'habitude  avec  de  l'eau  froide  au  sortir  du 
bain ,  et  de  le  couvrir  d'un  drap ,  ensuite  de  recommencer  les 
frictions  onctueuses  et  de  le  remettre  dans  un  bain  chaud,  de 
l'en  retirer  pour  le  plonger  dans  l'eau  froide,  de  l'en  asperger, 
puis  de  le  faire  boire  et  manger.  Cette  pratique  fut  renouvelée 
plusieurs  fois  par  jour  et  pendant  plusieurs  jours.  Le  malade 
suait  ensuite  abondamment.  Il  faut  ajouter  que  Galien  n'était 

'  Le  thermomètre  a  introduit  Tidée  temps  que  Ton  s^oocope  dee  calorieft  ou 

abstraite  de   Télévation    sur   (^échelle  quantités  de  chaleur.  Les  anciens   ne 

tbermométrique  et  fait  oublier  l*idëe  de  connaissaient  que  l'idée  de  quantité, 

la  chaleur  concrète  ou  de  la  masse  de  *  Remarques  la  réserve: «si  ia  cause 

chaleur.  Ce  n*est  que  depuis  quelque  a  cessé.  ?) 


GALIEN.  71 

pas,  sur  ce  point,  d'accord  avec  les  médecins  de  Rome,  qu'il 
appelle  ignorants  et  bourreaux.  Plus  loin ,  Galien  recommande 
de  ramener  la  transpiration  :  sil  faut,  dès  le  début,  mener  les 
malades  au  bain,  les  frictionner  et  les  laver,  les  refroidir.  On 
rendra  l'eau  des  lotions  froide  en  suspendant  le  vase  qui  les 
contient  dans  un  puits  au  contact  de  l'eau;  on  peut  même  l'en^ 
tourer  de  neige.  On  Cera  couler  cette  eau  en  pluie  sur  la  nuque 
du  malade,  puis  on  le  mettra  au  bain.  Il  faut  réchauffer  ceux  qui 
ont  le  frisson  et  refroidir  ceux  qui  sont  brûlants.  En  général, 
dans  la  fièvre ,  laver  les  malades ,  mais  en  choisissant  de  préfé- 
rence le  moment  de  rémission  de  l'accès.  » 

Dans  le  livre  I  de  la  Thérapeutique  on  trouve  encore  le  pas- 
sage suivant:  «Parmi  les  éléments  des  maladies  fébriles,  il  y  en 
a  un  qui  consiste  dans  l'intempérie  par  excès  de  chaleur,  et 
quand  il  est  répandu  par  tout  le  corps  on  dit  qu'il  y  a  fièvre, 
donc  les  remèdes  de  la  fièvre  sont  Thumectation  et  la  réfrigé- 
ration. Et,  si  la  fièvre  est  seule  et  non  compliquée,  il  ne  faut 
songer  qu'à  la  {[iiérir,  c'est-è-dire  à  humecter  et  à  refroidir  le 
malade. 

«  U  faudra  voir  si  le  milieu  ambiant  est  favorable  ou  dé- 
favorable. S'il  est  favorable,  on  l'acceptera  comme  auxiliaire, 
sinon,  on  le  combattra  par  les  contraires,  c'est-à-dire  qu'on 
rendra  les  appartements  plus  humides  et  plus  froids;  si,  au 
contraire ,  la  maladie  était  humide  et  froide ,  il  faudrait  chauffer 
l'appartement;  on  peut,  d'ailleurs,  choisir  les  lieux  propres  à 
ce  que  Ton  désire,  par  exemple,  en  été,  un  appartement  sou- 
terrain et  regardant  le  nord,  dont  on  arrosera  le  pavage,  oii 
l'on  maintiendra  la  ventilation:  on  y  répandra  des  fleurs  et  des 
herbes  qui  entretiendront  la  fraîcheur  et  l'humidité;  en  hiver 
on  fera  tout  le  contraire,  si  la  maladie  l'exige.  »  Galien  ne  nous 
dit  pas  si  tel  n'était  pas  l'usage  établi,  de  temps  immémorial 
chez  les  peuples  de  la  Grèce,  du  sud  de  l'Italie,  de  la  Syrie  et 
de  rEgy|)te.  Lorsqu'on  recherche  les  usages  et  les  mœurs  des 
anciens  dans  les  historiens  grecs,  on  voit  en  effet  quel  usage 


72 


CHAPITRE  r.  —  LA  CIIALKLR  KT  LA  KIEVRE. 


fréquent  ils  faisaient  des  bains  et  combien  de  moyens  ingénieux 
ils  mettaient  en  œuvre  pour  se  préserver  de  la  chaleur. 

Dans  un  autre  livre  {De  la  ineilleure  secte) ,  Galien  passe  en 
revue  les  diverses  o|)inions^  sur  le  régime  dans  la  fièvre:  <tLes 
médecins  ne  s'accordent  pas  entre  eux:  b\s  uns  mettent  les  fébri- 
citants  à  la  dièle  (abstinence)  et  ne  leur  donnent  même  pas  de 
Teau  à  boire;  les  autres  donnent,  au  début,  de  la  tisane.  Il  y  en 
a  qui  ne  souffrent  pas  que  le  malade  prenne  de  l'eau  d'orge. 
Pétronas,  au  contraire,  donne  de  la  viande  de  |)orc  grillée  et 
du  vin  rouge,  ordonne  dos  vomitifs,  et  laisse  boire  au  malade 
de  l'eau  froide  à  discrétion.  Apollonius  et  Dexippe,  disciples 
d'Hippocrate,  ne  donnaient  pas  de  vin,  ni  même  d'eau.  Ils 
préparaient  la  cyatbes  (un  selier)  d'une  liqueur  miellée,  et 
en  donnaient  deux  ou  trois  fois  par  jour  aux  malades.  Que 
penser  de  ces  diversités  d'opinion?  11  faut  recourir  à  l'expé- 
rience, car  l'histoire  est  d\m  faible  secours,  et  nous  trompe 
plus  souvent  qu'elle  ne  nous  instruit*-^.  •'^ 


^  Galeni  De  oplùna  sectn  <ul  Thmsiflju- 
lum  liheTy  cap.  \iv,  l,  I,  p.  ihh. 

^  Le  mot  échauffant  joue  un  rôle 
considérable  dans  la  médecine  des  an- 
ciens; il  V  a  des  médicaments  écliauf- 
fants,  des  aliments  échanlFants,  des  bois- 
sons échauffantes.  Celte  expression,  d'une 
définition  vague  et  souvent  conlradic- 
loire,  est  demeuré''  populaire  encore  de 
nos  jours.  Il  est  assez  ditRcile  de  suivre 
Galien  dans  son  exposé  de  la  lliéorie  des 
échauffanls.  Il  cherche  pourtant  à  in- 
troduire de  Tordre  dans  la  pliarmaco- 
pée  compliquée  de  son  temps*,  -il  ne 
suffit  pas,  pour  lui ,  de  dire  tpie  tel  mé- 
dicament est  réchauffant  ou  rafraîchis- 
sant, mais  il  laut  préciser  jusqu'à  quel 


point  il  est  échauffant  ou  rafraîchissant. 
En  effet  tontes  les  résines  sont  échauf- 
fantes, c'est  une  de  leurs  propriétés, 
mais  à  des  degrés  différents.  Aussi  J'ai 
étiibli  quatre  ordres  d'échauffants,  les 
modérés,  les  positifs,  les  forts,  les  ex- 
cessifs.'^ Galien  nous  apprend,  du  reste, 
au  livre  III  De  teuiperameutis^ ,  ce  qu'il 
entend  par  chaud,  froid,  sec,  humide. 
Il  y  a  le  chaud  en  acte  et  le  chaud  m 
puissance.  On  doit  trouver  tout  naturel 
que  nous  disions  que  le  castoreum, 
IViiphorbe,  le  pyrèthre,  le  nitre,  sont 
chauds,  et  que  la  laitue,  la  ciguë,  la 
mandragore,  la  salamandre  ou  le  pavot 
sont  froids.  Le  bitume,  la  résine,  l'huile 
et  la  poix  ont  une  puissance  chaude,  car 


"  Galeni  De  compositionc  medicfuncnlorum  j^cf  gênera  liber  I,  cap.  u,  I.XIII,  p.  867 
et  368. 

**  Galcui  De  tempe ramentin  liborlll,  cap.  iv,  I.  I,  p.  07a. 


GALIEN.  73 

Dans  son  commentaire  A  Sur  le  régime  des  maladien  aiguës, 
dTHippocrate,  GaUen  examine  la  question  des  boissons  froides. 
Hippocrate  conseillait  pour  boisson  l'oxymel,  chaud  en  hi- 
ver, froid  en  ët^.  «Or,  dit  Galien\  Hippocrate  ne  nous  parle 
pas  des  boissons  glacées ,  qui  cependant  étaient  dans  la  logique 
de  sa  doctrine.  En  effet  quelle  idée  se  faisait-il  de  l'utilité  des 
boissons  froides?  Cela  ressort  facilement  de  son  raisonnement. 
II  est  clair  quil  donnait  non-seulement  de  Toxymel  froid,  mais 
encore  de  l'eau  froide.  Car  cela  est  d'accord  avec  ses  dogmes, 
puisqu'il  pensait  que  la  fièvre  était  l'incandescence  de  la  cha-- 
leur  native,  et  qu'il  faut  traiter  par  les  contraires.  Or,  comme  le 
feu  est  chaud  et  sec,  et  que  telle  est  la  raison  de  la  fièvre, 
l'eau  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  dissemblable  de  la  fièvre,  puis- 
qu'elle refroidit  et  humecte  le  corps.  Et  en  effet  l'eau  donnée 

âfl  s*échaaffeot  et  s'enflamment  trèft-faci-  Galien  a  de  telles  ressources  de  dia- 
lement ,  et ,  si  nous  les  introduisons  dans  lectique ,  qu'il  n'est  jamais  embarrassé 
notre  eorps ,  ils  réchauffent  manifeste-  pat  une  difficulté  ;  il  les  résout  toutes,  et 
ment,  et  la  moutarde,  le  nilre,  le  py-  Ton  comprend  quel  prestige  il  dut  avoir 
rèthre,  etc.,  sont  aptes  à  nous  échauffer  aux  yeui  de  tous  les  dialecticiens  et  mé- 
plus  OQ  moins ,  et  pourtant  ils  ne  sont  taphysidens  de  son  temps  et  des  siècles 
pas  SQSceptibles  de  s'enflammer  facile-  qui  ont  précédé  notre  époque.  Son  livre 
meot.  là  Galien  répond  à  une  objec-  a  répondu  à  tout  par  raison  démonstra- 
tion: comment,  dira-t-on,  pouvez-vous  tive.  Celte  assurance  ne  laisse  pas  de 
appeler  chaudes  ces  substances,  alors  décourager  un  lecteur  éclairé  et  qui  n'est 
qa*en  les  touchant  nous  ne  les  sentons  point  dominé  par  une  foi  aveugle. 
pas  chaudes?  Elles  sont  chaudes  en  Ailleurs,  Galien  définit  (De  temper. 
puissance.  Est-ce  que  la  flamme  se  mon-  lib.  III)  encore  ce  qui  est  chaud  par  soi 
tre  avant  que  le  feu  ait  été  au  contact  et  par  accident.  Cette  distinction  est 
du  bois?  de  même  la  chaleur  des  ani-  d'Aristote.  L'eau  peut  être  échauffée  ac- 
maux  ne  s'accrott  que  lorsque  le  médi-  cidentellement,  mais  elle  perd  vite  cette 
cament  s'est  modiGé  au  contact  des  lis-  chaleur  et  reprend  sa  froidure  natu- 
mis,  il  leur  faut  du  temps  pour  cela.  11  relie.  Or,  comme  l'eau  même  chauffée 
n'est  pas  extraordinaire  que  la  chaleur  éteint  la  flanune,  ainsi  le  suc  de  pavot, 
qui  existe  dans  les  animaux  se  serve  de  qui  a  la  propriété  froide,  aura  beau  être 
ces  aliments  comme  d'une  matière ,  tout  pris  après  avoir  été  chauffé ,  il  refrôidh-a 
comme  le  feu  se  sert  du  bois  pour  s'en-  la  chdeur  aniihale  et  amènera  le  dan- 
I retenir  et  s'accrotire.  11  suffit  d'une  ger  de  mort. 

étincelle  pour  ranimer  un  foyer,  ainsi         *  In  Hippocratù  Ubrum  d»  aeulorum 

des  médicauients  qui  raniment  par  tout  viciu  c(mvmêfiUniu» ,  lib.  I,  cap.  xuii, 

le  corps  k  chaleur  naturelle.  t.  XV,  p.  699. 


1\  CHAPITRE  1'.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

à  propos  paratt  éteindre  aussitôt  les  fièvres.  Donc,  s'il  y  a  fièvre 
et  persistance  des  forces,  non-seulement  vous  ne  nuirez  pas  en 
donnant  de  l'eau  froide,  mais,  au  contraire,  vous  ferez  le  plus 
grand  bien,  et  donnez-en  au  malade  tant  qu'il  en  pourra  ab- 
sorber; si  donc  vous  voulez  éteindre  la  fièvre,  donnez  de  l'eau 
froide  à  satiété.  Ji  Ici  la  théorie  est  pure  et  nette. 

Erasistrate',  dans  un  chapitre  ajouté  par  lui  aui  œuvres 
hippocratiques,  recommandait,  dans  le  caicfiM  (fièvre  ardente), 
de  donner  à  boire  au  malade  des  boissons  émulsives  à  satiété. 
Mais  il  n'est  pas  là  question  de  l'action  de  l'eau  froide. 

Dans  le  commentaire  A  Sur  le  livre  des  humeurs,  d'HipptH 
craie,  Galien  dit*-^:  c^Si  quelqu'un  vous  demande  pourquoi  vous 
donnez  à  un  homme  fébricitant  de  Teau  froide  à  boire,  vous 
pourrez  lui  faire  deux  réponses  :1a  première  qui  lui  apprenne 
la  nature  de  la  fièvre  et  celle  de  l'eau  froide,  et  lui  montrer 
que  l'eau  froide  est  bien  le  remède  qui  convient,  et  ensuite 
invoquer  l'expérience,  qui  vous  a  montré,  dans  des  cas  sem- 
blables, le  bon  effet  de  l'eau  froide.  .  .  v 

Sans  doute  nous  sommes  loin  d'avoir  épuisé  toute  la  série 
des  documents  que  contiennent  les  ouvrages  de  Galien,  rela- 
tivement à  l'idée  de  la  chaleur  fébrile  et  à  celle  du  traitement 
logique  de  cette  chaleur  par  la  réfrigération.  Cependant  il 
nous  semble  que  les  citations  que  nous  en  avons  faites  suf- 
fisent à  montrer  que  les  idées  de  Galien  sur  ce  point  étaient 
précisément  celles  qui  tendent  à  prévaloir  k  notre  époque. 

Les  contemporains  et  les  successeurs  de  Galien  ne  méritent  pas 
d'être  analysés  longuement.  Il  y  eut  une  réaction  gréco-romaine 
contre  les  doctrines  de  Galien ,  mais  les  discussions  qui  s'éle- 
vèrçnt  alors  ne  fournissent  aucun  document  nouveau  sur  la 
question  de  la  chaleur. 

'  Hippocratiê  de  acutorum  morborum  '  Hippocratiê  de  humorUm»  tiber  êi 
vietu  lAer  et  Galeni  eommetUariu*  UL  Gaifm  m  «iimcoiiinMiilarit  fret  ,1,  lib.  1, 
cap.  T,  t.  XV,  p.  7A3-7AA.  cap.  tu,  t  XVI,  p.  81. 


LES  ABABËS.  75 

La  partie  thérapeutique  seule  provoc|ua  quelques  remarques 
encore  intéressantes  aujourd'hui. 

Les  méthodistes  d'Alexandrie ,  au  temps  de  Gléopfttre ,  trai- 
taient les  fièvres  par  le  froid,  les  boissons  et  les  bains.  Plus 
tard  Alexandre  de  Traites^  au  vi''  siècle,  blâme  Galien  d'avoir 
conseillé  les  boissons  échauffantes  dans  la  fièvre,  et  préconise 
les  réfrigérants  : 

Itaque  fundamentù  hoc  in  tradenda  curaùone  febrium  itmitilur, 
ut  omniajiani  fer  quœ  hwniditas  augeatur;  omnisque  ejus  medidna 
per  aculos  hos  affectas  in  rejrigerantibus  ac  diluentibus  potissimum 
amtistit,  qualia  sont  pUaana,  hydromel,  etc.  (Freind,  Histoire  de 
la  médecine,) 

LES  ARABES. 

Les  Arabes  méritent  d'avoir  une  place  dans  Thistoire  de  la 
médecine,  mais  ils  ne  nous  arrêteront  pas  longtemps.  Ils  furent 
des  conservateurs  et  non  des  novateurs.  Us  ont  relié  la  chaîne 
des  temps  anciens  à  l'époque  moderne,  mais  ils  n'ont  guère 
ajouté  è  l'histoire  qu'ils  se  sont  chargés  de  nous  transmettre. 

Au  débuts,  l'essor  fut  arrêté  par  la  doctrine  elle-même.  Maho- 
met avait  décrété  la  peine  de  mort  contre  quiconque  cultiverait 
les  arts  libéraux.  Aussi  la  médecine  tomba  entre  les  mains  des 
juiCs  et  des  étrangers;  elle  vécut  sur  la  tradition,  mais  ne  put 
se  développer.  Sous  les  Abbassides  cette  rigueur  s'amollit: 
Abou  Giaffar  Almanzor  attacha  k  sa  personne  deux  astrologues 
et  un  médecin  chrétiens  ;  Aroun*al-Raschid  encouragea  les  arts 
et  les  sciences. 

Pendant  le  règne  du  calife  Al-Mamoun,  des  querelles  reli- 
gieuses chassèrent  de  Constantinople  des  Grecs,  juifs  et  chré- 
tiens. Al-Mamoun  les  appela  h  Bagdad,  oii  ils  arrivèrent  avec 
leurs  livres.  Comme  après  la  révocation  de  Tédit  de  Nantes,  ils 
firent  la  fortune  du  pays  où  ils  furent  rejetés,  et  de  cette  époque 
date  la  période  la  plus  florissante  de  la  Syrie,  de  T Arabie,  de 


76  CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

la  Perse  et  de  l'Egypte..  C'est  ainsi  que  se  forma  ce  foyer  de 
lumière  qui  brilla  tout  à  coup.  Mais  de  toutes  cps  écoles  celle 
qui  jeta  le  plus  vif  éclat  fut  celle  de  Gordoue.  Fondée  par  Al- 
kaken  elle  fut,  pendant  plusieurs  siècles,  l'université  la  plus 
célèbre  en  Europe,  les  chrétiens  y  affluaient  de  partout.  La 
bibliothèque  comptait  plus  de  sq  A,ooo  volumes.  A  côté  d'elle 
citons  les  écoles  de  Séville,  Tolède,  Murcie,  etc.  C'est  dans  ces 
diverses  provinces  que  les  Sarrasins  nous  révélèrent  l'anti- 
quité. Nous  ne  citerons  que  les  noms  de  leurs  médecins  les 
plus  célèbres  :  Aaron,  Ali-Abbas,  Avicenne,  Rhazès,  Avenzohar, 
Averrhoés,  Albucasis. 

Les  opinions  des  Arabes  sur  la  chaleur  ne  s'écartent  pas  de 
celles  des  auteurs  qu'ils  commentent:  ainsi  Rhazès  (an  69  a, 
Alexandrie,  trad.  de  Leclerc  etLenoir,  J.  B.  Baillière,  p.  i3, 
1866)  rappelle  que  «la  chaleur  des  enfants  est  plus  intense 
que  celle  des  adultes. . .  Quant  au  sang  des  vieillards,  on 
peut  le  comparer  au  vin  qui  a  perdu  sa  force,  qui  est  près  de 
se  refroidir  et  de  tourner  au  vinaigre.  y> 

Ils  ne  sont  originaui  que  dans  leurs  opinions  sur  la  variole 
et  la  rougeole.  Ces  maladies,  ignorées  des  médecins  grecs,  leur 
laissent  toute  leur  spontanéité,  et  Rhazès  conseille  le  froid,  les 
bains,  les  boissons  froides,  pour  se  préserver  et  pour  guérir  la 
variole. 

Il  dit  (page  s 5)  :  9 Un  des  moyens  les  plus  eflBcaces 
pour  éteindre  l'éruption  de  la  variole,  est  de  faire  boire  aux 
malades  de  l'eau  refroidie  autant  que  possible  avec  de  la  neige, 
de  la  lui  faire  boire  coup  sur  coup  dans  un  bref  délai ,  de  façon 
à  ce  qu'il  en  soit  saisi  et  que  sa  fraîcheur  pénètre  ses  en- 
trailles. Si  la  fièvre  récidive  et  que  la  chaleur  revienne ,  on  lui 
en  donnera  une  seconde  fois  deux  à  trois  livres  et  plus,  et  cela 
dans  l'espace  d'une  demi-heure.  Si  la  chaleur  apparatt  encore 
et  que  l'estomac  soit  rempli  d'eau,  on  lui  administrera  un 
vomitif  et  on  lui  donnera  derechef  à  boire.  Quand  l'eau  aura 
été  absorbée  et  que  les  sueurs  ou  les  urines  auront  reparu, 


LES  ARABES.  77 

on  peut  être  certain  du  prochain  retour  de  la  santé;  que  si  Teau 
ne  se  résorbe  pas,  que*  si  la  chaleur  revient  comme  aupara- 
vant, et  même  plus  intense,  il  faut  renoncer  à  l'administration 
de  l'eau  en  grande  quantité  et  coup  sur  coup,  et  recourir  aux 
autres  antiphlogistiques  dont  j'ai  parlé  (opium,  ciguë,  sai- 
gnées) :  si  l'on  voit  qu'ils  soulagent  le  malade,  on  continuera 
leur  usage^  Si  l'on  observe,  au  contraire,  qu'ils  ont  pour  effet 
de  produire  l'anxiété,  on  peut  être  sûr  que  l'éruption  de  la 
variole  ou  de  la  rougeole  est  inévitable.  Il  faut  alors  venir  en 
aide  à  la  nature  pour  expulser  au  dehors  les  humeurs  par  les 
moyens  qui  seront  exposés  dans  le  chapitre  suivant  (frictions, 
vêtements  chauds,  bains  de  vapeur).  » 

Même  alors  Rhazès  conseille  encore  les  boissons  froides, 
mais  en  petite  quantité.  [Traité de  la  mriole  et  de  la  rougeole, 
chap.  T,  trad.  de  R.  Mead,  ^jl^T') 

«Au  début,  il  faut  donner  de  l'eau  refroidie  par  la  neige, 
ou  de  l'eau  de  fontaine  très-froide,  et  en  asperger  la  chambre 
des  malades  [qua  et  canspergantur  cubicula  eorum).  11  convient, 
dit  Rhazès,  de  saigner  les  malades  au-dessus  de  l'âge  de 
i&  ans,  et  au-dessous  de  cet  âge  il  faut  appliquer  des  ven- 
touses et  tenir  leur  chambre  fraîche  (refrigeranda  cubicula),  » 

Au  chapitre  vn',  Rhazès  recommande,  sitôt  que  les  pustules 
ont  paru  à  la  face,  d'asperger  celle-ci  d'eau  froide  très -fré- 
quemment et  de  laver  les  yeux. 

Pronostic.  «  La  variole  est  bénigne ,  dit  Rhazès ,  quand  les 
pustules  sont  blanches,  larges,  discrètes,  rares,  promptes  à 
sortir,  avec  une  fièvre  modérée,  et  quand,  dès  que  l'éruption 
eort,  la  chaleur  tombe  {^œgroti  calor  sedatur).  y> 

Nous  bornons  là  nos  indications  sur  les  Arabes;  ils  ont  sur- 
tout traduit  les  anciens,  et  n'avaient  que  certaines  pratiques 
personnelles,  qu'ils  tenaient  des  traditions  de  leur  pays  d'ori- 
gine, de  l'Orient.  C'est  ainsi  que,  lorsqu'on  connut  l'inocufa- 
lion,  on  apprit  que  les.  Orientaux  la  pratiquaient  depuis  un 
temps  très-éloigné. 


78 


CH.MMTRR  1'.         LA  CHALEnH  ET  LA  FifcVRE. 


Nous  retrouvons  les  Arabes  cilés  el  e\|)li(|iiés  |)ar  quelques 
aul^Mirs  (lu  wi    el  du  wii    siècle. 

FE1{>EI/. 

I  wi'   si«^rle,   l 'tç)-;  -  i  ÔÔS.  ) 

Frrnel  - .  Oïdd  frhrts.  <jnw  ilhasesscntHi.  fjuœ  siipin  { De  febnhtis  j^ 


'  Fernel,  né  ou  1^97  à  Clormonl 
(Oise);  à  19  ans  il  vient  au  colle;;*', 
Sainl«>Barhe,  à  l^iris,  ««st  rrrii  niailic 
ès-arls,  \')\(j.  Fort  sur  la  rlispnle,  bon 
dialecticien,  «'tndie  Platon,  Arislole, 
C^icérou.  Malhénialicien,  pioles^eiir  «le 
piiilosophie  à  Sainte-Barbe,  «locleur  <'u 
médecine  en  1  ô.So  (  33  ans). 

En  i.')'!.')  (7j8  ans),  appelé  à  soijfner 
DiANK  de  Poitiers,  la  rnailresM^  de  plu- 
sieurs rois,  nouinié  nK'decin  <le  Henri  H, 
1  â/t-y,  refuse  pour  conserver  la  place  au 
vieux  Louis  d"  Bourses.  En  1  55()  suit 
le  roi  à  la  [juern'.  Mort  en  \7)')ii 
((m  ans). 

Fernel  estiniait  [Vu'  (h  Jean  FmwL 
par  l*lanti,  en  lalin)  qu'il  n'y  a  prunl  de 
l)on  médecin  sans  l'exercice  de  l'art, 
()ue  Texprciencc;  siu'passe  la  science  des 
[)r«''C»'ples.  il  blâmait  ces  vit'ux  savants 
loris  sur  les  textes,  b's  couimerilaires, 
la  dispute,  les  tiadilioiis  d'Ecole,  el  qui 
n'avaient  jamais  vu  un  n)alade.  Celle  es- 
pèce était  commune  alors.  11  y  avait  des 
[gardiens  des  tn-sors  classiques  et  scttlas- 
li(puîs,  sortes  de  lbé'olo|;iens  de  la  me- 
de<'ine,  moilii'  pt êtres,  clercs  en  toul 
cas,  jugiîs  des  cas  de  conscience  donl  ils 
puisaient  le  jn'femenl  dans  les  li\r<'s  sa- 
(  nés  d'Hippocrale,  de  Galien  el  de  leurs 
Irisles  interprètes.  Quehpie.s-nns  ensei- 
fjnaient  l'analomie  et  la  llii'rqteuticpK* 
sans  avoir  pratiipié  la  nHMjeiiini.  La  vie 
d'un   liommt»   in*  suHisait   pas  à   con- 


naître tous  les  auteui*s  qui  avaient  écrit 
sur  l'analomie  el  sur  l^s  remèdes,  et 
l'on  arrivait  à  la  vieilksse  avant  d'avoir 
cessé  «l'èlre  écoiiei'.  .  . 

Les  hi)mm<'s  de  celle  caléj;orie  étaient 
(les  philosophes,  le  soin  des  malades 
était  aliandonné  à  des  subalternes  em- 
[)iriques. 

Il  ne  Ifuil  point  oublier  qu'à  cette 
l'jMKpie  on  employait  pres(pie  tout  son 
temps  à  l'étude  des  lan«pies  latine  el 
grecque  et  à  la  philosophie,  au  lieu 
d'aller  tonl  droit  à  la  nature  toujours 
[»r«'senle. 

l'ernel  condamnait  aussi  la  pratique 
de  l'astroloijie,  tout  en  cultivant  l'aslro- 
noniie,  (|ui  «ta il  la  météorologie  el  la 
climalologie  de  son  temps.  11  attribuait 
les  crises  et  les  jouih  decrétoires  à  l'or- 
gjinisme  du  malade  el  non  à  la  conjonc- 
tion des  astres. 

Il  y  avait  encore  en  ce  temps  beau- 
coup iïurosrajiistps,  cela  était  dans  les 
nid'urs  du  populaire.  On  ne  manquait 
pas  de  recourir  d'abord  à  eux  en  leur 
envoyant  de  l'urine  du  malade,  qu'ils  ne 
visitaient  pas  du  reste. 

Fernel  était  aus^ji  nroscopiste,  mais 
non  spécialiste,  et  il  cherchait  dans  les 
vieux  auteurs  les  movens  de  certitude 
pour  la  cotmnissance  des  maladies  par 
les  urines. 

-  Les  uot«'>  bdiliogiaphicjues  l'en- 
voient à  l'édition  des  a*uvi-<*s  Johannis 


FERNEL.  79 

débate  ainsi:  fehris  est  calarprater  naturam e corde  in omne  cor^ 
pus  effutui.  11  refuse  au  frisson  du  début  la  qualité  de  fièvre , 
parce  que,  dit-il,  la  chaleur  n'est  |)as  encore  allumée  (quodnan- 
diim  $U  calor  incensus).  Cette  erreur  provient  de  l'ignorance  de 
la  répartition  de  la  chaleur,  et  de  la  chaleur  interne  indépen- 
dante de  l'externe,  tantôt  connue,  tantôt  oubliée,  rapports  que 
le  thermomètre  a  permis  de  fixer  définitivement.  Fernel  nie 
les  fièvrçs  froides  :  il  n'y  en  a,  dit-il,  que  de  chaudes  :  neque 
uUa  recte  potest  frigida  febria  appellari,  sed  omnis  in  caloris  génère 

Quant  à  la  nature,  à  l'essence  de  la  chaleur,  suivant  les 
idées  métaphysiques  des  anciens,  Fernel  reconnaît  uoe  cha- 
leur innée  d'origine  céleste,  celle-là  ne  varie  point  et  ne  s'ac- 
croit  point,  elle  est  salutaire,  omnium  funciionum  primarius  est 
opifex;  elle  ne  peut  contribuer  h  la  fièvre.  Mais  il  y  a  une 
autre  chaleur,  celle-là  contre  nature,  et  qui  peut  être  de  trois 
sortes  :  i ''simplement  en  excès  {^calorie  exsuperanûa)  ;  3'  chaleur 
de putridité  [ex  putrescenie  materia)^  opinion  empruntée  aux  al- 
chimistes; 3"  maligne  et  vénéneuse.  Pour  qu'il  y  ait  fièvre,  il 
faut  que  cette  chaleur  contre  nature  persiste  et  soit  constante, 
et  qu'elle  occupe  non  une  partie,  mais  tout  le  corps.  Pour 
cela,  il  faut  qu'elle  provienne  du  cœur  et  soit  répandue  dans 
les  artères  (e  corde  in  omne  corpus  effusus).  Ce  qui  ne  veut  pas 
dire  qu'elle  soit  née  dans  le  cœur,  le  cœur  n'en  est  que  le 
propagateur  (voir  Avicenne)  :  aliunde  sublatus  corferit. 

La  division  des  fièvres  suit  nécessairement  la  division  des 
trois  espèces  de  chaleur  contre  nature,  d'où  les  fièvres  simples, 
ptitrides,  pesiUentieUes. 

Les  médicaments  chauds*  sont  plus  sûrs  et  plus  doux  que 
les  froids,  car  les  médicaments  froids,   qui  ont  pour  objet 

Fenielu  de  Otho  Heurn.  1,  in-quarto,         '   Tktrapeuticu  univenalii  ieu  me- 

lypis  Gtsberii,  a  ZijH,  et  Theodori  ab  dêndi  rationi»  iiber  I  :  De  cura  morbi, 

Aekendijck,  anno  cbbcLfi.  rap.  m.  SimpUciê  affeetuêf  timplex  rri- 

ThfibriinUy  t.  Il,  c^.  I,  p.  .3.  ratio.  T.  I,  p.  2)76. 


80  CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

de  combattre  la  chaleur  en  excès,  peuvent  abaisser  en  même 
temps  la  chaleur  naturelle ,  mais  les  médicaments  chauds ,  en 
chassant  le  froid,  raniment  et  réchauffent  la  chaleur  interne. 
La  chaleur  du  corps ,  s'ajoutant  alors  à  cette  chaleur  acquise , 
combat  plus  efficacement  et  plus  facilement  le  froid  extérieur. 
(La  théorie  de  la  chaleur  nuisible  aapparatt  pas  ici.)  Dans 
un  chapitre  du  De  natura  hominis^  intitulé  :  Ut  innalum  calidum 
œtatum  inelinatione  $tatm  mutalùmem  subeai  (La  chalei^r  innée 
subit  des  modifications  avec  Tâge),  Fernel  commente  Galien 
simplement.  11  y  a,  dit-il,  plus  de  chaleur  et  d'humeur  chez 
les  enfants,  Tune  tempérant  l'autre,  et  la  chaleur  sert  à  Tac- 
croissement,  comme  a  dit  Hippocrate.  Hippocrate  dit  que 
l'homme  a  son  maximum  de  chaleur  au  premier  jour  de  sa 
vie,  et  que  la  chaleur  se  perd  avec  les  années. 

Fernel  ne  fait  que  raisonner  et  commenter  sans  rien  affii- 
mer. .  .  D'après  Galien,  il  dit  que  nous  avons  en  hiver  une 
plus  grande  masse  de  chaleur  intérieure  qu'en  été,  parce  qu'en 
hiver  le  froid  ambiant  refoule  en  nous  la  chaleur^ . . . 

La  peau  se  resserre  et  ne  laisse  arriver  à  la  surface  que  le 
moins  de  chaleur  possible  [fariêque  cutis  spiracula  astringmu, 
calons  substantiatn  cogit  et  ita  cœrcet,  ut  nihil  ejus  aut  tninimum 
possit  ^uere.)  L'inverse  a  lieu  en  été,  oh  la  peau  relâchée  per- 
met à  la  chaleur  de  se  répandre  au  dehors  {^anAientis  fervor 
corparum  ^iramenia  laxat  etnUeriores  humons  foras  elicit^  neeesse 
est  substantiœ  calons  plurimum  dtffluere,  etc.  ) 

Cette  explication  se  rapproche  singulièrement  de  nos  théo- 
ries actuelles  sur  l'action  des  nerfs  vaso-moteurs. 

L'idée  de  la  conservation  de  la  chaleur  malgré  le  froid  ex- 
térieur, c'est-à-dire  d'une  température  constante  chez  l'homme 
et  les  grands  animaux  est  classique,  du  temps  de  Fernel  : 
Hyeme  ex  fngoris  sœvitia,  substantia  coloris  nihilo  Jtt  frigidiar, 

^  Uber  IV,  De  tpiritibuê  et  caUdo     mnaio;  cap.  it.  Ut  ùifialilm  caUdum  per 
ùmato,  cap.  fin,  1. 1 ,  p.  88.  anni  tempora  et  per  regionet  mmtÊtmr  H 

*  Uber  iV,  De  Ê/mîtibus  et  caUdo     multiplex  ilUut  appeUatio,  L  1,  p.  90. 


FERNEL.  81 

Et  celte  chaleur  réside  dans  le  sang  :  iisque  maxime  œrparibua 
guœ  plturimo  sanguine  et  colore  prœdita  eunt. 

Quant  à  la  chaleur  en  elle-même,  elle  est  innée.  A  cette 
époque  on  ne  scrute  point  les  causes  prochaines  des  phéno- 
mènes de  la  vie  :  les  causes  initiales  ou  finales  suffisent. 

Cependant  Fernel  étudie  la  chaleur  en  soi  et  se  demande 
en  quoi  elle  réside^;  elle  peut,  d'après  Galien,  être  séparée 
du  corps ,  c'est  donc  une  sorte  de  fluide  éthéré.  Platon  Ta  ap- 
pelée sou£Be  [êpiritus) ,  Aristote  l'appelle  souffle  chaud ,  cha- 
leur naturelle . .  • 

Le  souffle  ou  l'âme  (la  vie),  en  latin  epiritus,  est  lié  intime- 
ment h  la  chaleur,  source  de  toute  vie  :  est  igitur  epiritus 
corpus  œAereuM,  coloris facultatumqm  sedes  et  vinculum,  primum- 
que  obeundœ  funetionis  instrumentum. 

Fernel  a  des  idées  très-larges  sur  les  matières  calorifiantes 
ou  susceptibles  de  donner  de  la  chaleur,  il  prétend  révéler 
une  chose  que  n*ont  point  connue  les  anciens,  en  disant  que 
nul  corps  nest  susceptible  de  brûler,  s'il  ne  contient  un  principe  qui 
est  rhuile  (corps  gras;  nous,  dirions  aujourd'hui  les  carbures 
d'hydrogène);  il  énumère  tous  les  corps  inflammables,  et  enfin 
il  termine  par  cette  déclaration ,  qui  montre  qu'il  voulait  ma- 
térialiser la  chaleur  et  hii  trouver  un  substratum,  même  dans 
les  êtres  vivants  :  ergo  quœcumque  vivunt  alunturque  corpora, 
pinguem  et  oki  similem  continent  humoremK  Ces  idées  n'étaient 
point  nées  dans  le  seul  cerveau  de  Fernel,  la  physique  de  son 
temps  permettait  déjà  d'aborder  ce  problème,  ainsi  que  le  dit 
Fernel  lui-même  :  multis  hujus  sœculi  experimentis  conjirmatum^. 

La  notion  du  degré  de  la  chaleur  dans  le  corps  et  de  sa 
mesure  (Aermométrie)  n'existe  pas  encore;   on  suppose  des 

*  Lfl».  IV.  D$  êpiritAui  et  eaUdo  m-  meenduntur  9X9mpU,  maUriam  tem  en- 

■olo.  Gap.  11.  Spiritum  quendam  cuneùê  loriâ  tum  ipiriUu  in  nohiê  cognoiei,  1 1 , 

ifllMm  ^mvenlSmi,  fui  vitœ  etdorem  con-  p.  89  et  sq. 
ImH.  T.  I,  p.  80  eiaq.  '  D$   kumido  primigtnio,  lib.    IV, 

'  lib.  IV,  cip.  111.  Corpomm  quœ  cap.  m. 


82  CHAPITRE  [".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

coctiona,  des  digestions  intimes  faites  par  une  grande  chaleur  : 
prima  est  chylosis  (le  chyle)  quœ  in  ventriculo  magna  coloris  m 
perfidtur,  . .  Fernel  n'accepte  pas  l'opinion  d'Aristote  sur  la 
cause  de  Tétat  liquide  du  sang  ex  coloris  tepore,  il  veut  une 
autre  cause  bien  obscure,  occulta  qualitas. 

Fernel, dans  un  chapitre  intitulé  ^  :  Cohremnostrum  perpetuo, 
refrigerotione,  pakulo,  et  expurgatione  indigere,  suit,  selon  son 
habitude,  le  texte  de  Galien ,  et  le  commente  h  la  façon  des  prë-^ 
dicateurs  qui  font  un  sermon  sur  un  verset  de  TEvangile.  Le 
texte  galénique  est  :  omnia  quœ  aluntur  continent  in  se  vim  cor- 
bris.  Or  cette  chaleur  a  constamment  besoin  de  Tair  aeris 
appulsum  continenter  desiderot.  Trois  éléments  concourent  à 
maintenir  cette  chaleur  :  une  réjrigération  suffisante,  un  aliment, 
et  iW.  On  peut  dire  que  la  dialectique  de  Fernel  vaut  la 
science,  elle  ne  le  trompe  pas.  Il  admet  la  nécessité  de  la  ven- 
tilation pulmonaire  (Galien)  non  comme  moyen  de  réfrigéra- 
tion seulement ,  mais  comme  moyen  de  rejeter  au  dehors 
des  matériaux  d'excrétion  :  excreme^ta  quœ  sunt  plena  fuli- 
ginis. 

Il  existe  bien  dans  le  livre  Des  tempéraments  un  chapitre  vi 
intitulé  :  De  singularum  partium  corporis  humani  temperaiura  -, 
imité  de  Galien ,  où  Fernel  reconnaît  que  tout  le  sang  est  chaud 
et  par  lui  également  la  chair  est  chaude,  mais  qu'il  y  a  des 
parties  plus  froides ,  qui  sont  celles  où  il  circule  moins  de  sang 
(os,  cartilages).  Le  cerveau  et  la  moelle  sont  plus  froids  que 
le  sang. .  ,  (Aristote). 

Ce  qui  domine  chez  Fernel,  c'est  l'idée  Aristotélicienne  que 
la  chaleur  est  un  élément  indépendant  de  nous,  qui  est  notre 
âme  même,  la  chaleur  c'est  la  vie.  L'organisme  n'est  point 
encore  considéré  comme  une  entité  fabriquant  et  entretenant 
par  des  échanges   intimes  sa  propre  chaleur.  —  Voyez  le 


*  Liber  Vi,  De  Junelùmibui  et  Ah-         '  Liber! Il,  f)»  t»mp«ra/ii«n(û^eBp.vi 
moribttt ,  cap.  xvi,  t.  I,p«  i6a.  I.  i»  p.  71. 


GUILLAUME  RONDELET.  83 

chapitre  oii  Fernel  développe  cette  idée  ^  :  humani  corporis  ul 
ommum  piventium  tpirttu»  e$êe  divinoê ,  ingenitumque  tUis  caiorem 
dwinum^. 


GUILLAUME  RONDELET  (DE  MONTPELLIER). 

(  xTi*  siècle,   i5o7-t566'.) 

Dans  le  livre  De  curandis  febribus^y  Rondelet  remarque  J'u- 
tilité  de  la  nomenclature  des  maladies,  surtout  de  celle  qui 
nous  vient  du  grec,  parce  qu'une  bonne  nomenclature  nous 
donne  une  premi^  idée  du  siège  et  de  la  nature  des  mala- 
dies. Cette  idée  a  été  fort  développée  par  les  modernes  (Ghaus- 
sîer.^  Piorry,  etc.)  Donc  le  mot  fièvre,  dit  Rondelet,  vient  du 
latin  fehris,  foruan  a  fervendo,  quod  in  febre  anmia  ferveant,  de 
même  que  les  Grecs  avaient  appelé  la  fièvre  «rvprr^^,  du  radi- 
cal «rSp,  feu. 

La  fièvre  c'est  le  feu ,  ou  plutôt ,  suivant  les  idées  de  Galien , 

*  Liber  l\\  Ùe  tpiritibu»  et  mnato  et  mëdedo,  ne  en  i5o7  à  Montpdlier; 
eaUio.  Cap  i ,  CUormi  quendam  m  nobii  élevé  pour  être  prêtre  ;  précepiear  ;  pro- 
cunetitque  vwtnubui  ine»$ê,  eumque  divi-  fesseur  en  1 5â5  ;  médecin  du  cardinal 
iMim,  1. 1,  p.  79  et  sq.  de  Toumon,  voyage  avec  lui  en  Italie; 

*  Les  médicaments  qne  oonseille  meurt  en  1 566.  Ouvrages:  Surira /iot«- 
Femei  '  sont  divisés  par  lui  en  chauds  iom,  ibbSiMaUènmédicaU,  i556.  Oa- 
el  froids.  vrages  de  médecine:  Pathologie,  167/1, 

Le  persil,  Thysope  sont  chauds.  Paris;  Sur  la  vérole,  de morbo  gallieo. 

Le  vinaigre  est  froid  on  tempéré  ;  il  Venise,  ]566.  Traité  en  urwH,  1610, 

eo  est  de  même  du  verjus.  Francfort. 

D  j  en  a  de  tempérés  comme  Thuile,  Les  indications  bibliographiques  ren- 
de modérément  diauds  comme  la  en-  voient  à  Tédition  :  Guliehni  Rondelefii, 
roomille.  doct,  rwd,  etc.,  m  aima  MontpeUemi  aea^ 
Le  bol  d* Arménie  est  miite.  demia  profiêsoriM ,  etc.,  opéra  onmia  m^ 
La  chaux,  Torpiment,  Par^nic, sont  dica.  Exeudekat  Stephantu  Gamonetue 
immodérément     chauds  (échauffants)  HDcxtx, 

caustiques,  septiqnes. . .  *  Be  cttrandie  febrifme,  liber  umi:*, 

^  Le  Rondibiiisde  Rabelais,  naturaliste  p.  78  8  et  si]. 

'  Therapeutieêê  mtkenaUê ,  mu  medendi  ratkmi  liber  V,  De  iieitata  wudkamêniorwn 
materim,  t  I ,  p.  378. 


84  CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

c'est  une  intempérie  de  la  chaleur  naturelle*  un  excès  de 
chaleur.  Avicenne  dit  de  même  que  la  fièvre  est  une  chaleur 
contre  nature  {jprœter  naiuram)  allumée  dans  le  cœur  et  de 
là  répandue  dans  tout  le  corps  par  les  veines  et  les  a'rtères. 
Rondelet  raisonne  ainsi:  le  cœur  est  ia  source  de  la  chaleur 
naturelle ,  mais  la  fièvre  est  une  modification  de  la  chaleur  na- 
turelle qui  se  fait  dans  le  cœur  avant  de  gagner  le  reste  du 
corps. 

Les  fièvres  tirent  leurs  variétés  de  la  nature  de  la  gubttance 
altérée  et  du  tnouvement  de  la  chaleur.  C'est  presque  l'idée  mo- 
derne. Pour  se  faire  une  opinion  sur  la  nature  d'une  fièvre, 
on  cherche  :  i** l'organe  malade;  ù^  le  mouvement  delà  cha- 
leur. La  chaleur  fébrile  peut  être  répandue  dans  tout  le  corps, 
ou  bien  elle  peut  être  en  dedans  alors  que  la  surface  du  corps 
est  froide;  le  cœur  agit  comme  nûe  ventouse,  et  d'ailleurs  l'air 
extérieur  peut  refroidir  la  peau. 

Avec  Galien,  Rondelet  reconnaît  trois  ordres  de  fièvres  * 
comme  il  y  a  trois  sortes  de  chaleurs  fébriles  ^  : 

1**  Chaleur  acre  (fièvres  putrides); 

a*"  Chaleur  peu  intense  sans  acrimonie  (fièvres  éphé- 
mères); 

3®  Chaleur  peu  apparente  et  qui  semble  couver  sous  les 
cendres  (fièvre  hectique). 

Galien  a  comparé  la  chaleur,  dans  le  dernier  cas,  à  celle 
d'un  pot  de  terre  chaufié;  dans  le  premier  (fièvre  putride),  è 
celle  d'un  bain  chaud  ;  dans  la  fièvre  éphémère ,  à  l'air  chaud. 

Rondelet  continue  sa  dissertation  ainsi  :  «  Différencee  dtafrèe 
la  marche  de  la  chaleur  :  la  chaleur  fébrile  des  fièvres  éphé- 
mères s'allume  très-vite  et  s'éteint  de  même.  La  chaleur  de  la 
fièvre  hectique  *est  lente  à  se  montrer  et  à  s'éteindre;  dans  les 
fièvres  hectiques,  cela  dépend  de  la  nature  de  l'humeur...^ ?) 

Nous  trouvons  un  passage  qui  s'applique  bien  aux  théories 

*  Même  livre,  p.  7&1.  —  *  Differentiaa  moUtcaiorU,  p.  769. 


GUILLAUME  RONDELET.  85 

modernes  snr  le  rôle  malsain  de  la  chaleur.  Rondelet  s'exprime 
ainsi  ^:  ùJor  enim  ille  major  faetus,  corrutnpit  altos  humores,  et 
putrefacit  aliquam  partem  sanguinis,  et  sic  non  putris  mutatur  in 
putrem  nm  MUgentia  medici  prohibeatur.  On  peut  rapprocher  ce 
passage  des  travaux  de  l'école  allemande  de  nos  jours. 

De  même  Rondelet^  explique  bien  la  persistance  delà  fièvre 
par  l'obstacle  apporté  à  la  ventilation  du  corps ,  par  la  réten- 
tion des  fumées  chaudes. . .  Ces  fumées  sont  retenues ,  le  sang  n'est, 
pas  ventilé  à  cause  de  la  constipation  de  la  peau.  (C'est  la  théorie 
de  la  rétention  de  la  chaleur  de  Sénator.)  En  pareil  cas  il  faut 
ouvrir  la  veine. 

Galien  reconnaît  deux  remèdes  à  la  fièvre  putride:  la  sai- 
gnée et  les  boissons  froides  ;  et  il  poussait  la  saignée  même 
jusqu'à  la  syncope.  Rondelet  loue  ce  moyen  :  c'est,  dit-il,  un 
fait  d'expérience  incontestable  qu'une  saignée  copieuse  rafraîchit 
le  corps,  car  enfin  le  sang  est  le  réservoir  de  la  chaleur^.  Ron- 
delet conseille  non  une  soudaine  évacuation  d'une  grande 
masse  de  sang,  mais  des  émissions  successives  et  répétées 
d'heure  en  heure.  Il  accepte  ainsi  une  formule  qui  se  rap- 
proche de  celle  des  saignées  coup  sur  coup  de  M.  Rouillaud  et 
du  système  allemand  des  bains  froids  répétés. 

Pour  Rondelet  les  deux  grands  moyens  de  traiter  les  fièvres 
continentes  sont  :  les  émissions  sanguines  et  les  boissons  froides 
(^aquœfrigidœpotio).  Ces  boissons  froides  et  même  glacées  peu- 
vent être  données  en  abondance  aux  malades  chez  lesquels  il 
y  a  des  signes  non  équivoques  d'une  fièvre  par  obstruction  de 
la  peau  et  état  putride  du  sang(?).  Tel  n'était  pas  l'avis  de  tous 
les  médecins  de  cette  époque,  car  Rondelet  signale  en  ces 
termes  les  adversaires  de  cette  méthode  :  sunt  enim,  nostro 
tempare,  medici  quidam  ^XP^^^^*>  ^  ^^  fr^g^  ^^^  ewhi" 
hendœformidantes,  quodptUentomnes  aquafrigida  lœdi.  Cependant 
il  ne  faut  pas,  dit-il ,  donner  des  boissons  froides  à  ceux  qui 

*  In  nodem  libro,  p.  761.  ^  Dr  airandig  febrUnu,  De  Synorho, 

•  /W.  p.  766.  p.  763-768. 


80 


CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


sout  affaiblis  et  dépourvus  de  sang.  C'est  le  principe  galénique 
de  donner  de  Teau  froide  hardiment  à  ceux  qui  offrent  des 
signes  de  coction ,  parce  que  cette  eau  sert  à  enlratner  lei  ma- 
tériaux inuùleA.  Nous  voyons,  dit  Rondelet,  après  que  le  ma- 
lade a  bu  ^  longs  traits  l'eau  froide,  la  sueur  couler  abon- 
damment par  tout  le  rorps,  et  la  lièvre  sVteindre.  La  soif  s'a- 
paise, (lit-il  Piicore.  par  les  boissons  et  par  F  inspiration  d'un  atr 
froid.  Ce  passagf*  nVst  puini  développ*^.  mais  on  en  peut  in- 
duire que  l'auteur  approuvait  la  pratique  d'ouvrii*  les  fenêtres 
et  de  ventiler  les  malades.  On  ne  trouve  point  dans  ses  ou- 
vrages, au  chapitre  des  bains,  autre  chose  que  le  précepte  de 
donner  des  bains  tièdes  et  émollients  dans  ce  qu'il  nomme  les 
fièvres  hectiques.  Il  n'y  est  point  fait  mention  des  bains  froids 
ni  des  lotions  froides,  conseillés  par  les  Arabes. 

(i.  BAlLLOt  (BALLOMUS). 

rivi*  8ièclo,  1538-1616».) 

Baillou  tire  presque  toutes  ses  notions  sur  la  chaleur  des 
aphorismes  galéniques.  U  admet  volontiers  une  matière  pitui- 
teuse  froide,  cause  de  la  fièvre,  et  que  ni  la  chaleur  native  ni 
celle  de  la  fièvre  ne  peuvent  échauffer^;  cum  ita  ait  materia 


'  L*tin  den  mëdecins,  dit  un  de  tes 
biographes,  qui  contribaa  le  plus  i  se- 
couer le  joug  des  Arabes,  né  à  Paris  eu 
1 53 8,  fils  de  géomètre^rcbilecte.  Etu- 
die le  grec,  le  latin,  la  philologie;  pro- 
fesseur de  belles-lettres  au  collège  de 
Montaigu  :  Leçoiu  tur  Âritlote,  Doc- 
teur-méd.  en  i568  (3o  ans),  enseigne 
la  médecine  pendant  quarante-six  ans. . . 
Port  en  dispute,  surnommé  le  fléau  du 
baehelieri,  mort  en  1616  (78  ans). 
Bftn  obMTvaUur  th  la  nature,  et  mdê- 
pendant. 

'  Chaleur  du  corpti:  Raillou,   Épidé- 


ffiMs  et  êphémhideêy  trad.  de  Prosper 
Yvaren,  p.  aSg,  annotation  N:  «C'est 
une  chose  surprenante  et  digne  dVxa- 
men  que  de  savoir  pourquoi  les  femmes 
pâles  et  cacochymes  (dont  la  veine  four- 
nit cependant  un  sang  de  bonne  qua- 
lité) se  trouvent  si  mal  de  la  saignéo, 
comme  je  robeervai  chez  M""  du  Bei. 
La  raison  en  est  que  les  veinescapiilaires 
sont  remplies  d'un  sang  vicié  et  séreux. 
La  maladie  existe  dans  Thabitude  du 
corps,  de  la  même  maniè-re  que  s'y  pro- 
duit Péléphantiasis.  C'est  donc  sur  l'ha- 
biUide  du  corps  qu'il  faut  diriger  toute 


G.  BAILLOO.  — JEAN  SCHENCK. 


87 


frigida,  ul  neuter  calor  et  nativus  et  febrilia  calefacere  queat^.  Il 
pense ,  d'après  Galien ,  qu'il  faut  se  garder  d'abaisser  la  chaleur 
fébrile  j  febrilis  cahr  non  est  exstinguendus^.  Cette  chaleur  est 
salutaire,  car,  comme  le  dit  Galien  :  cahr  fehriliè  mitigat,  tem- 
pérât, frigiditatem  tolhê,  imo  et  coquit.  Baillou  renchérit  encore 
sur  Galien,  il  l'augmente ,  et ,  par  la  logique,  arrive  à  trouver 
i|uo  la  fièvre  est  bonne  H  qu'il  la  faudrait  accroître,  si  l'on  pou- 
vait :  QnoJ  Jté  vemtn  est,  non  estfebn  ipsi  sludendum  sed  soli  ma- 
teriei;  imo  adaugerefebremjuvabit.  Du  reste  Galien  n'a*t-il  pas 
dit  que  le  fils  de  Namenius  mourut  parce  que  la  fièvre,  chez 
lui,  fut  molle  (XeAt/^^vo^),  médiocre  [fxérptos). 


SCHENCK  (JEAN). 

(xvi'  siècle,  iSSo-iSgS.) 

Schenck  (Jean)',  dans  le  livre  VII  Observationum  medica- 
rum,  résume  ainsi  son  opinion:  c^La  fièvre  est  la  constipation  de 
la  peau  ;  f)  il  considère  l'excès  de  la  chaleur  comme  la  consé- 
quence de  sa  non-déperdition.  Il  recommande  les  lotions  tièdes 
et  non  froides.  Il  rapporte  l'exemple  de  quelques  malades  qui 
se  sont  guéris  d'une  fièvre  en  buvant  de  l'eau  froide  en  grande 
quantité. 


notre  attention.  Car,  alors  que  la  ma- 
lignité du  mai  se  porte  à  Textérieur, 
aoustrairedusang  aui  grand»  vaisseaux, 
€*eat  diminuer  d*aulant  la  chaleur  innée. 
C'est  un  point  à  soigneusement  consi- 
dérer, si  Ton  ne  veut  oonmietlre  une 
faute  grave.  7) 

^  Livre  V,  DefÊbribu$,  S  a i,  m  Pha- 
rûê ,  de  Théoph.  Bonnet ,  Paris ,  in- 1  a , 
1673. 
.   '  Livre  V,  S  67. 

^  L  Schenck  dit  de  Grafenliorg,  né  à 


Fribourg  en  1 53o,  réunit  dans  un  ou- 
vrage en  sept  parties,  publiées  de  1 586 
à  1697,  un  ensemble  de  faits  énorme 
sous  le  nom  d'Obiervatûmum  medica- 
rum,  rariorum,  novarwn,  etc.  Il  avait 
étudié  la  médecine  à  Fribourg,  où  il 
professa;  mort  en  tSgS.  Édition  :  Joan- 
fiM  Schenckii  de  Graffenberg  ob§ervatio- 
num  mêdicarum  rariorum  Uhri  VU, 
optif ,  etc.  Lugduni ,  sumptibus  Joannis 
Antonii  Huguetan,  m.dcxmii.  Liber  Vf, 
Dêfifbrihui,  p.  70 '1-785. 


88 


CHAPITRE  r.  -.  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 


ALPINES  on  ALPINO  (PROSPER). 

(  Ud  de»  plus  célèbres  Hippocnliates  da  i? i*  âède,  1 553  -1616'.) 

Son  liïre  De  frœaagimia  vila  fut  publié  d'abord  en  1601. 
Cest  une  œuvre  purement  dérivée  des  Grecs,  c'est-4-dire  ex- 
traite d'Hippocrate  et  de  Gaiien.  On  y  trouve  cités  quantité  de 
passages  et  d'aphorismes  qu'AIpinus  a  retrouvés  à  travers  les 
ouvrages  de  ces  deux  grands  médecins,  et  qu'il  a  condensés  de 
façon  À  nous  épargner  la  peine  de  les  rechercher  nous-mêmes. 
La  chaleur  et  le  froid,  comme  signes  de  vie  ou  de  mort,  y  oc- 
cupent une  place  considérable,  et  par  là  on  peut  voir  que  ces 
notions  étaient  usuelles  dans  l'antiquité.  Au  chapitre  :  Deprœ^ 
dictiane  ex  earparâ  caliditiite\  nous  trouvons  de  nombreuses 
citations  conune  celles-ci:  «la  chaleur  peut  être  douce  et  tiède, 
forte  et  aigué,  répandue  par  tout  le  corps  ou  localisée.  Douce 
et  tranquille,  elle  est  toujours  bonne,  surtout  si  elle  est  ainsi 
par  tout  le  corps  [Pronoitic.  89 ,  Hipp.).  Une  chaleur  égale  à 
celle  de  l'état  de  santé  est  chose  bonne  [bonum).  n 

Alpinus  développe  ce  thème  en  disant  que  ce  qui  se  rap-' 
proche  de  l'état  de  santé  est  toujours  bon,  et  il  prend  l'exemple 
des  urines  et  des  fèces.  U  est  donc  bon  que  les  malades  aient 
la  chaleur  physiologique  [vel  parum  alterata,  aut  mukUa  corpora, 
quod  ad  calarem  spectat).  De  même  il  est  bon  que  la  chaleur 
soit  douce  et  humide,  ce  qui  est  l'état  naturel  (Gaiien,  de  nat. 
hum,).  Mais  il  y  a  des  maladies  malignes  où  la  chaleur  exté- 
rieure est  douce  et  trompeuse  et  l'intérieure  forte,  aussi  faut- 


>  Né  A  Marotkîca  (  Vënëtie)  en  1 553, 
mort  en  1616.  Était  Bis  de  médecin  et 
reçot  ane  bonne  édacalion.  Docteur  en 
1578  A  t5  ans;  connaissait  la  botani- 
que, fut  directeur  du  jardin  botanique  et 
professeur  à  Padoiie ,  voyagea ,  fut  mé- 
decin du  oonsol  en  Egypte,  médecin  du 
prince  André  Doria.  De  firmMgimâa 


vùmêtmmiêœgroUmiiumjyeaiae  1601  • 
De  mêdicma  £gi^tionm,  Venise  1 59 1 . 
D9mêdiemam9îhodiea,\6ii,DêpUm^ 
œgyptuM,  i633. 

*  Prosperi  Alpini,  D9  prtnagimiUi 
mia  et  morlê  œgrottmtitim.  Édition  de 
Gaubius,  Venetiis,  mdccu.  Liber  II, 
cap.  xiii ,  p.  67. 


ÂLPINUS.  80 

il  que  cette  chaleur  soit  partout  douce  et  molle.  (Hipp.)  Alors 
on  peut  affirmer  qu'il  n'y  a  ni  phlegmons  viscéraux ,  ni  obs- 
tructions, ni  putriditë.  La  fièvre  hectique  n'a  point  une  cha- 
leur humide,  mais  une  chaleur  sèche.  (Le  thermomètre  n'a 
point  résolu  ce  problème  que  pose  le  toucher.)  D'ailleurs  la  cha- 
leur est  sujette  à  des  variations  dans  les  fièvres  hectiques,  elle 
monte  après  les  repas.  (Galien,  q  Prog.)  Il  est  bon,  du  reste, 
que  la  chaleur  soit  forte  dans  les  fièvres  dont  la  nature  est  telle. 
(  Galien.  )  11  n'est  pas  ma  avais  que  les  extrémités  soient  chaudes, 
au  contraire,  le  froid  des  extrémités  est  mauvais  dans  les  ma- 
ladies aiguës.  La  chaleur  des  extrémités  a  aussi  été  louée  par 
Hippocrate  [De  rat.  viet.  p.  1 86)  :  m  decUnatianefebris,  calore  ad 
fedtt  deteendente,  œgrotU  cibum  est  offerendum.  Ailleurs  [Progn.  3) 
Hippocrate  dit  encore  :  êecuriêsimum  veto  est,  si  rubor  quam 
maxime  foras  vertatur,  et  dans  le  IV*  liv.,  aphor.  n^  AS  :  tnfe- 
bribus  non  intermitlentibus,  si  partes  exteriùres  firigidœ ,  interiores 
unmtw,  et  sitim  Itabeant,  létale.  Les  alternatives  de  chaud  et 
de  firoid  sont  un  mauvais  signe  d'après  l'école  hippocratique. 

Pronostic  tiré  du  froid^ , —  La  fratcheur  du  corps,  qui  n'est, 
dit  Alpino ,  qu'une  chaleur  modérée,  est  bonne  quand  elle  sur- 
vient après  une  évacuation,  c'est  la  fin  de  la  fièvre,  surtout  si 
les  urines  sont  chargées,  si  le  pouls  est  plus  lent,  etc.  Mais 
le  froid  du  corps,  dans  les  maladies,  est,  du  reste,  rarement 
bon.  Les  hydropiques  ont  le  corps  froid  (ce  fait  est  vrai  et  peut 
s'expliquer  par  l'inertie  du  liquide  épanché  et  qui  absorbe  de 
la  chaleur  sans  en  produire),  dit  Alpino,  et  aussi  les  suppu- 
rants et  les  moribonds  (Galien).  Il  n'est  pas  mauvais,  dit  Ga- 
lion, que  certaines  extrémités  demeurent  froides,  telles  que 
le  nez,  les  oreilles,  les  pieds,  les  mains.  Nous  voyons  appa- 
raître ici  la  théorie  dite  moderne  de  la  rétention  de  u  chaledr. 
Hippocrate  (Prog,  a)  et  Galien  [Aph.'])  ont  étudié  la  nature 

'  Kodem  loc»,  cap.  iir  :  Ex  frigiditatg  eorparum  quid  prœtagiendu»»,  p.  69. 


90  CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

du  refroidissement  des  extrémités.  Galien  admet  que  ]a  chaleur 
se  concentre  au  dedans  et  y  attire  le  sang,  comme  une  ven- 
touse, vers  la  partie  affectée  {per  modumcucurbitulœ).  La  cha- 
leur naturelle  est  alors  opprimée  et  étouffée  dans  les  viscères, 
et  les  évacuations  salutaires  n*ont  pas  lieu  ;  Hippocrate  disait 
tjup  le  refroidissement  des  extrémités  était  mauvais  avec  de 
{grandes  douleurn  de  ventre,  avec  la  syncop*",  après  des  éva- 
cuations excessives,  et  qu'aprèb  l'ouverture  des  artères  il  était 
mortel. 

Alpinus  (  1 6  i  o),  dans  son  livre  De  medictna  methadica,  cherche 
à  comprendre  pourquoi  les  méthodistes  (Themison,  école 
d  Alexandrie  du  temps  de  Cléôpfttre),  et  tous  ceux  qui  depuis 
ont  suivi  leurs  préceptes,  accommodent  la  doctrine  du  9trictum 
et  du  laxum  avec  leur  traitement  des  fièvres.  Les  fièvres,  dit-il  \ 
sont  des  tadladies  serrées {^adstricùmorbi),  elles  exigent  des  bois- 
sons tièdes  et  relâchantes;  or  les  méthodistes  les  traitent  par 
le  froid,  du  moins  les  synoques  et  les  fièvres  putrides.  Us 
donnent,  dit-il,  aux  malades  des  boissons  glacées  et  des  bains 
froids,  et  s'en  applaudissent.  Alpinus  explique  cette  méthode 
en  disant  que  cette  réfrigération  redonne  du  ton  aux  vaisseaux , 
qu'elle  provoque  des  sueurs  profuses,  une  réaction,  de  la 
diarrhée,  un  plus  grand  flux  d'urine,  concentre  au  dedans  la 
chaleur  dispersée  et  lui  donne  une  plus  grande  force  de  tnwail, 
une  plus  grande  action  évacuatrice.  (Cette  thèse  se  rapproche  de 
celle  de  l'école  actuelle  sur  l'émission  des  calories  et  la  dénu- 
trition, augmentées  par  l'application  extérieure  du  froid.) 

Cette  antithèse  du  strictum  et  du  laxum  est  éternelle.  On 
dirait  que  Ton  ne  peut  s'en  passer.  Brown  disait  sthénie  et 
asthénie,  et  divisait  toutes  les  maladies  d'après  ces  deux  prin- 
ci[)es.  Aujourd'hui  nous  cherchons  l'explication  dans  les  vaso- 
moteurs,  ceux-ci  font  tous  les  frais  des  théories  médicales 

'  Proitperi  Àlitini  Df  medictna  tnetko»  teiniaoa,  1719.  Liber  H,  cap.  u,  tDe 
dira  librt  trniectm. Editiosecuntia,Lug-  moriùs  adstrictii»,  atque  an  omnes  ad- 
rliini   Ratavoriiiii,  e\   offîriiiii   Boutes-     slricti  morbi  siot,*"  p.  ia6. 


ALPINUS.  01 

(fièvres,  inflammations ,  médicaments  qui  augmentent  la  pres- 
sion ou  qui  la  diminuent:  digitale,  quinine,  bromure  de  po- 
tassium). 

Plus  loin,  Alpinus  cherche  à  expliquer  les  rapports  du  fris* 
son  et  de  la  chaleur.  Enfin,  dit-il,  il  y  a  des  fièvres  froides,  du 
moins  appelées  telles,  non  pas  qu  eu  réalité  il  y  ait  une  fièvre 
froide,  mais  ^rre  que  les  niulades,  bien  que  brnlanU  à  l'intérieur. 
Ht  pre^entenl  que  peu  Je  chakur  à  l'extérieur,  oh  mêuie  oiU  les 
extrémités  froides  \  On  dit  que  la  lièvre  est  chaude  ou  ardente 
quand  le  corps  est  très--chaud  partout,  dedans  et  dehors. 

Au  chapitre  Du  traitement,  Alpinus,  qui  est  un  homme  sage 
et  modéré,  ne  peut  admettre  cette  méthode  réfrigérante  pour 
les  fièvres  continues,  et  il  nous  apprend  quelle  était  la  pra- 
tique singulière  de  son  temps.  On  ne  doit  pas,  dit-il  (comme 
font  tant  de  gens)  ^  faire  de  continuelles  aspersions  d'eau  froide 
doiis  la  clutmbre  du  malade,  ni  répandre  à  terre  des  vrilles  de  vigne, 
ou  des  feuilles  de  framboisier,  ou  des  rameaux  de  lenùsque,  ou 
d^aiUres  herbes  vertes,  il  ne  faut  même  pas  se  servir  de  F  éventail. 

Dans  son  voyage  en  Egypte,  Alpinus  retrouve  un  écho  de 
la  médecine  arabe,  alors  fort  déchue;  il  explique,  ainsi  que 
son  interlocuteur  Guilandinus,  pourquoi  les  Egyptiens  aiment 
la  médication  réfrigérante^:  c'est,  dit-il,  parce  que  la  chaleur 
est  lennemi  contre  lequel  leur  climat  les  force  à  lutter  sans 
cesse.  Inversement  les  peuples  du  nord  de  l'Europe  cherchent 
la  chaleur  et  les  substances  excitantes. 

De  même  pour  la  nourriture,  Alpinus^,  rappelant  que  les 
aliments  augmentent  la  chaleur  du  corps ,  carnium  optimarum 
usum  augere  calorem  naturalem,  trouve  dans  cette  propriété 
de  la  chair  des  animaux  l'explication  du  contraste  qui  existe 
entre  l'alimentation  des  peuples  du  Nord  et  de  ceux  du  Midi. 

*  De  m^tcina  meihoêira,  liber  V,  Redelichvyscn,  mdcylv.  Liber  I,cap.  ni: 
rap.  i,p.  956.  " Quamobrem  hoc  tempore  i£gyptii  nr- 

*  P.  Alfim  Ih  mfdiema  EgypUtrum ,  tem  medicam  babeani  vitiosam,^  p.  'i. 
Ubri  qwthior.  Parisiis,  apud  Nicolaum  ^  Ihid.  Iil>er  1,  caput  \,  p.  i5  verso. 


92  CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

U  s'appuie,  eo  oatre,  sur  Topinion  de  Galien,  pour  qui  le  vin 
refroidit  quand  on  en  prend  trop. 

La  richesse  de$  baim  et  leurs  modes  variés  chez  les  Egyp- 
tiens du  xvi*  siècle  étonnent  Alpinus ^:^Ib  metU  de  bams  tUdet, 
gurUnU  ffour  $e  rafrakhir.  Us  se  font  frotter  et  masser,  enodoip^ 
per  de  eauverturei  aprèê  avoir  ku  Je  Veau  au  de$  tieanee  froides  en 
abondance,  et  tâchent  de  suer.  Ils  se  plongent  souvent,  au  sor- 
tir du  bain  chaud ,  dans  l'eau  froide.  Les  riches  qui  ont  des 
bains  dans  leur  maison  se  baignent  dans  le  lait  de  chamelle 
ou  d'ânesse,  ou  de  chèvre.  Cette  pratique  ne  concerne  pas 
seulement  les  gens  en  bonne  santé,  mais  encore  les  fébrici- 
tants.  39 

Alpinus  reproche  aux  Egyptiens  d'être  méthodistes  et  non 
naturalistes,  et  d'appliquer  sans  critique  le  caniraria  cmUra- 
rHê. 

Ainsi,  au  Caire,  non-seulement  les  médecins,  mais  les 
femmes  mêmes,  disent  que  la  fièvre  tferce,  par  exemple ,  étant 
un  excès  de  chaleur,  doU  être  traitée  par  lee  $euU  remèdes  réjri- 
gérants.  • .  Alpinus  blâme  ce  qu'il  appelle  leur  erreur.  Les  méde- 
cins, dit-il,  sans  s'inquiéter  des  causes  de  la  maladie,  ont  pour 
usage,  dans  presque  toutes  les  fièvres  indistinctement,  de 
donner  des  médicaments  réfrigérants. 

Il  s'en  rapporte  encore  à  Galien  pour  trouver  la  règle  de 
l'emploi  des  bains  et  ajoute'  :  «ex  quibus  dignoscitur  illorum 
balneorum  usum  febribus  atque  inflammationibus  etiam  esse 
utilissimum.  Siquidem  omnes  febres  in  hoc  cooveniunt  quod 
in  caiore  et  siccitate  consistunt,  sive  ipsarum  essentia  ignea 
existit  quam  corrigere  et  delere  possunt  tepida  dulcia  balnea 
quippe  quœ  réfrigérant  atque  humectant.» 

*  D§  mu  duleium  opud  /Egyptioê  *  De  balnêorum  ajmd  /Efffptioê  mu 
balmorum,  liber  III,  otp.  xvi,  p.  io6  ad  varioê  morboi  p^nmumdoê,  tib.IU, 
et  aq.  cap.  xii,  p.  ii6. 


AMBROISE  PARÉ.  93 

AMBROISB  PARÉ'. 

(ivi*riède,  i5to-i58&.) 

Ambroise  Paré  montre,  par  le  passage» suivant,  que  les  chi- 
rurgiens avaient  conservé ,  à  son  époque ,  les  traditions  grecques 
et  arabes  pour  l'apaisement  de  la  chaleur  fébrile.  Dans  le 
chapitre  uviii  de  son  XX*  livre  [Des  Jièvres)\  «Le  premier 
ngne  des  fièvres,  dit-il,  est  la  chaleur,  t)  Plus  loin  il  traite 
de  l'excessive  chaleur,  en  ces  termes  :  tf  Ce  n'est  pas  la  moindre 
incommodité  des  fébricitants  que  la  grande  chaleur  et  ar- 
dea  de  tout  le  corps;  c'est  un  symptôme  qui  leur  apporte  de 
grandes  impatiences.  C'est  pourquoi  il  faut  donner  au  ma- 
lade quelque  consolation.  Ce  qui  se  fera  premièrement,  ra- 
fraîchissant le  plus  qu'on  pourra  l'air  de  la  chambre,  chan- 
geant le  fébricitant  de  lict  en  autre,  lui  donnant  è  boire  frais, 
mettant  sur  ses  mains  et  bras  des  feuilles  de  vigne  rafraîchies 
en  l'eau,  luy  donnant  à  tenir  dans  les  mains  des  boules  de 
marbre  et  de  jaspe,  des  laictues  poumées,  des  citrons  trem- 
pés en  l'eau,  et  autres  telles  choses.  On  luy  mettra  sous  les 
reins  une  peau  de  marroquin,  ou  une  pièce  de  camelot,  ou 
de  bougran,  mettant  en  son  lict  des  linceux  neufs  et  un  peu 
rudes.  Quelques  uns  trempent  des  linges  en  oxycrat,  dont  on 
enveloppe  les  parties  honteuses.  Le  reste  gist  à  donner  au 
malade  des  juleps  et  apozèmes...9) 

Ce  passage  est  à  rapprocher  de  celui  d'Alpinus  concernant 
les  pratiques  populaires  à  Venise. 

^  Chirurgien  de  Charles  IX  et  Heu-  tome  III,  p.  1 66;  —  ch.  m,  tome  III^ 

ri  m,  né  en  i5io,  mort  en  i58i^.  p.  80.  Seeoode  partie  du  Dtseoun  d$B 

'   OEarres     complètes    d^Ambroiie  JUvrtê,  touchant  leun  iyfnptâmêê.  Cha- 

Paré,  édition  de  Malgaigne,  Paris,  J.  B.  pitre   xxtiii  :  De  Vexcêitivê  ehaUur, 

Baâlière ,  1 8&  1 ,  Dtifièom ,  ch.  xxtiii  ,  tome  III ,  p.  a 06. 


94  CHAPITRE  r.  ^  L\  CHALEUR  ET  LA  P1E\RE. 

SANCTORILS». 

(  Fin  éa  ifi'  lâècle,  1&61  >i636. ) 

Sanclorius  (Santctrio)  a  établi  un  fait,  c'est  que  i'hooime 
perd  constamment  de  son  poids  par  la'  perspiration  insen* 
sible  (sueur,  respiration),  (lette  découverte  fut  un  événement 
dans  rhistoire  de  la  physiologie  et  de  la  médecine.  Sanc- 
torius  a  étudié  les  variations  du  poids  de  Thomme  dans 
toutes  ses  conditions,  exercices  du  corps,  genre  d'alimenta- 
tion, sommeil,  impressions  morales,  activité  intellectaelie, 
passions,  amour,  colère^  etc.  Il  pesa  tout,  l'entrée  et  la  sortie, 
les  aliments  ingérés  et  les  excrétions.  Il  fut  le  premier  à  con- 
cevoir l'avenir  de  la  balance  en  médecine,  il  fut  le  devancier 
de  nos  contemporains,  qui  s'aidèrent  de  cet  instrument  dans 


'  SaDctonus  appartient  au  tempe  de  venta  les  laoettes.  Ce  fut  une  rérolutloo 

la  renaîasance,  il  est  cootemporain  de  acieoti6que  que  le  Bomeot  oà  les  hom- 

Galilée,  il  est  ie  plus  cuneux  des  phy-  ims  commenoèreot  à  attaquer  Téiude 

sideos  italiens  ;    c^est  un  mécanicien  des  sciences  naturelles  avec  des  instni- 

physiologiste.  Son  titre  de  gloire,  c*est  ments  perfectionnés, 

qu'il  a  voulu  remplacer  la  tradition  par  Sanctorius  (  \0ae9  t«r  SmrforM*, 

l'ejcpfrimentatiim.  par  Dodart,  Acad.  des  •danoes,  lec- 

Sandorius  e>i  nv  à  Capo  d'btria  au  ture  faite  en  170s ,  et  pul>liée  en  17^5 

milieu  du  xvi*  siècle,  en  i56i.  U  étu-  par  Noguei  à  la  suite  des  aphorismes 

dia  i  Padoue,  pratiqua  la  médedne  à  commentés  de  Sancionus)  a  iaît  eon- 

Venise,  devint  professeur  à   Padoue;  naître  ses  premières  recherches  sur  la 

mourut  en  i636.  perspiration  en  logi,  publié  sa  M«dr- 

n  publia  sous  le  titre  hardi  de  Medi-  cina  itatira  en  1 61  &  (3 1 9  aphorismes). 

CTiM  gtatica  un  ouvrage  que  Boerhaave  II  fut  attaqué  par  fastrologue  Hippoly- 


jugeait  ainsi  :  Sulhiê  Ubfr  m  re  mêdica  tus  Obidus  de  Perrare.  Dodart  a  re- 

ad  êom  perfection^m  tcriptuê  êni.  Il  em>  commencé   les  expénenoes    de    Sanc- 

prunta  à  rinstrumenlation  de  son  temps  torius  sur  lui-même  et  sur  d^autres,  i 

la  balance  et  Pappiiqua  à  la  pbysiolo-  partir  de  Tannée  1 668 ,  et  les  a  conti- 

gie;  il  n'eut  pas  la  pensée  d  en  faire  an-  nuées  trente -trois  ans.  Son  mémoire 

tant  pour  le  thermomètre.  est  intitulé  Ik  mêdicma  êtatiea  gaUica; 

'Il  avait  inventé  un  sph>/;mon)ètre  il  a  ajouté  des  aphorismes  à  ceux  de 

pour  compter  le  pouls.  C'est  re(M>que  ou  Sanctorius  et  en  a  donné  le  commcn* 

tîfllilée  trou>a  le  )>endule,  où  Ton  in*  tiire. 


SANCTORIUS. 


95 


leurs  recherches  sur  les  maladies  aiguës  fébriles,  le  choléra, 
le  diabète,  la  phthisie,  les  urines,  etc.  ^ 

La  légende  a  fait  de  Sarictorius  un  personnage  presque  ri- 
dicule, tffi  original.  Les  médecins  eux-mêmes  ne  lui  ont  point 
conservé  la  place  qu'il  mérite  de  tenir  dans  l'histoire.  Boer- 
haave  et  le  iviii*  siècle  l'ont  admiré.  C'était  un  physicien  phy- 
nobgiêtê. 

Sanctorius  a  étudié  l'action  de  la  chaleur  et  de  la  sueur  sur 
le  poids  du  corps. 

Aph.  68  ^  :  Frigus  extemum  prohihet  per$pirationèm  in  debili, 
quia  ejus  calor  diêsipatur,  in  robusto  vero  auget;  cahr  enim  ad 
imum  retrtJiitur,  duplicatur,  et  deinde  natura  robaratur,  fjuœ 
deinde  per$pirabili»  pondus  e  vestigio  absumit,  et  corpus  Jit,  et  sen- 
Mur  lerius.  (Le  froid  extérieur  empêche  la  perspiration  chez 
les  faibles,  parce  que  la  chaleur  leur  est  enlevée;  chez  les 
forts,  au  contraire,  elle  Taccroit,  parce  que  leur  chaleur  se 
retire  è  l'intérieur,  se  double,  d'où  accroissement  de  force  et 
rapide  perte  de  poids  par  la  perspiration  insensible,  et  ainsi 
te  corps  devient  plus  léger.  ) 

C'est  surtout  sur  ce  passage,  cahr  enim  ad  imum  retrahitur, 
duplicatur,  que  l'attention  doit  se  porter;  c'est  la  théorie  de  la 
plus  grande  production  de  chaleur  dans  le  bain  froid,  qui 
semble  si  nouvelle  à  nos  contemporains  :  un  homme  se  brûle 
davantage  dans  le  bain  froid,  parce  que,  pour  maintenir  sa 
chaleur  propre  à  un  degré  constant,  il  est  obligé  de  produire 


'  /Vmm  médicalêi.  —  La  balance  la 
plus  simple  est  un  fauteuil  équilibré 
pour  on  certain  poids,  de  façon  que 
«m  poids  opposant  (plateau)  ne  varie 
pas,  et  qu^on  obtienne  Téquilibre  en 
ôtant  ou  rajoutant  des  poids  au  fau- 
teuil lai-méme.  Ces  poids  feront  par- 
tie de  la  niasse  même  du  fauleinl  et  se* 
root  è  la  portée  de  la  main.  C'est  la 
méthode  habituelle  renversée.  U  s*a- 
gît  de  faire  varier  non  le  plateau  mais 


la  bascule,  c'est-â-dire  d'alléger  ou  d'a- 
lourdir celle-ci  jusqu'à  équilibre,  quand 
le  corps  à  peser  y  est  installé.  Autrement 
dit,  c'est  le  système  de  la  tartf,1)ien 
plus  commode  et  pratique. 

'  Sanetorii  Sancîorii  de  êtatiea  tnedi- 
ema  apkoriênwrum  iêctûmibui  septem 
ete,,  édition  P.  Nogues,  Parisiis,  apud 
Natalem  Pissot,  MDCCXxr,  1. 1,  p.  laa. 
Voir  la  planche  qui  représente  Sanc- 
torius dans  sa  balance. 


96  CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

une  plus  grande  quantité  de  calories,  il  se,  dépense,  il  se 
brûle. 

Sanctorius  avait  déjà  remarqué  que  deux  înfluenees  bien 
distinctes,  en  apparence,  font  varier  le  poids  du  corps,  l'exer- 
cice des  muscles  et  celui  de  la  pensée.  Byasson ,  dans  une  thèse 
récente  et  bien  accueillie  dans  la  science,  a  repris  cette  dé- 
monstration. Il  a  prouvé  que  c'est  par  les  urines  et  non  par 
la  perspiration  cutanée,  ainsi  que  le  pensait  Sanctorius,  que 
se  fait  cette  déperdition. 

Sanctorius  explique  ainsi  les  influences  qui  font  varier  la 
dénutrition  : 

Duo  êunt  exerdlia^^  alterum  eorporis,  et  aîterum  animi:  ear^ 
porté  évacuai  tensibilia  escrementa;  animi,  isuennlnUa  magU  et 
prœcipue  cordts  et  cerebri  ubi  sedet  anxmus. 

Aph.  i5  :  Nimia  animi  quies  magii  prohihet  perspiratùmem, 
quam  eorporis. 

Aph.  i6  :  Animi  exereitia,  qwB  maxime  faduni  exhalare  xpir' 
rituê,  sunt  ira,  pericharia. 

Aph.  6 ,  De  animi  affectihuê  :  Nihil  magie  redJit  Wferam  per- 
spirationem  quam  animi  consolatio^. 

Action  des  bains  sur  la  chaleur  et  le  poids  du  corps,  d'après 
Sanctorius  (Sectio  secunda,  De  aère  et  aquis^). 

Aph.  1  :  L'air  froid  et  l'eau  froide  en  lotions^  réchauffent 
les  corps  robustes  en  leur  enlevant  le  superflu,  les  rendent 
plus  légers  et  rafraîchissent  les  faibles,  et,  en  abaissant  leur 
chaleur,  les  rendent  plus  lourds.  (La  conclusion  pour  Sanc- 
torius serait  donc  que  l'hydrothérapie  convient  aux  hommes 
faibles.) 

Aph.  9  :  L'air  chaud  et  les  lotions  chaudes  favorisent  aussi 

'  Inêodem  loco.Deêxtreitioêt^uietê,         *  Inêodtmloeo.  Dêmereetaquiêytiec- 
teci.  ▼,  aph.  !&,  t.  II,  p.  96;  aph.  1  j,  tio  11, 1. 1,  p.  967. 
p.  96;  aph.  16,  p.  97.  ^  SaDctorius    parie    d'une    action 

*  In  êodmn  loco,  D$  ammi  i^éetHmê,  coorte,  et  aangne  nno  ëgale  influence  è 

■ect  f  ti ,  aph.  6 ,  t.  II ,  p.  1 69.  Pair  et  A  Teaa. 


SANÇTORIUS.  97 

la  perspiration ,  refroidissent  les  viscères  intérieurs ,  et  rendent 
les  corps  plus  légers. 

L'action  de  l'air  chaud  pendant  l'été  n'est  pas  moins  bien 
expliquée  par  Sanctorius.  Sect.  ii,  aph.  37  :  «L'été  nous 
Bouffirons  de  la  chaleur,  non  point  principalement  à  cause  de 
la  chaleur  de  l'air,  car  notre  corps  est  plus  chaud  que  l'air, 
mais  parce  que,  dans  l'air  chaud,  il  n'y  a  pas  possibilité  de 
nous  débarrasser  de  notre  chaleur. . .  et  cette  rétention  nous 
fatigue  et  nous  fait  éprouver  une  grande  chaleur. 

Sanctorius  a  parfaitement  raison.  L'instinct  fait  rechercher 
le  froid  aux  méridionaux  «frigus  captabis  opacum.?»  L'humi- 
dité de  l'air  a  sur  nous  une  influence  comparable.  L'air  chaud 
provoque  la  soif,  mais  il  en  est  de  même  des  froids  secs  et  du 
vent  sec.  C'est  une  question  de  déperdition  d'eau.  Les  grandes 
pertes  de  liquide,  les  hémorragies,  agissent  de  même.  C'est  le 
plus  grand  supplice  des  blessés  sur  le  champ  de  bataille. 

On  retrouve  dans  ces  aphorismes  la  théorie  du  retentum 
déjà  exprimée  par  Sanctorius  (sect.  i),  et  qui  reparaît  dans  les 
ouvrages  de  nos  contemporains. 

Plusieurs  aphorismes  de  Sanctorius  montrent  avec  quelle 
précision  il  faisait  ses  observations.  Il  avait  remarqué  que  la 
céphalalgie  s'accompagne  d'augmentation  du  poids  du  corps 
par  défaut  de  transpiration  insensible  :  ^Natura  dum  in  per- 
apinmâi  officio  est  impedita,  incipit  statim  in  multis  deficere.  Dum 
caput  dolùre  gramtur  (aph.  ht^)  statim  corpus  incipit  minus 
perspirare  et  panderosius  reddi.  —  Prima  marbarum  semina 
(aph.  &q)  tutius  cognoseuntur  ex  alteratione  insoUtœ  perspira^ 
ûonis,  quam  ex  lœsis  officiis,  — •Siexpmderaùone  videris  cansuetum 
perspiridnk  retmeri  et  sudorem  vel  lotium  post  aliquot  dies  non  fa- 
cessere,  inde  cagnosces  retentum  prœnunùare  futuram  putredinem. 

Sanctorius  appuie  par  les  résultats  de  ses  pesées  la  théorie 


*  De  pondtraiione ,  Md.  î ,  t.  I,aph.  61, p.  65;  — apb.  6a  «p.  66. — aph.  â6, 
p.  76. 


98  IIAPITHK  1".  —  LA  CHALKLR  ET  LA  FIEVRK. 

df  la  sueur  rentrée,  si  chère  à  nos  paysans.  C/esl  toujours  le 
strictum,  le  retentum  et  l'action  des  va. w moteurs. 

Il  cherche  dans  le  défaut  de  perspiralion  le  pronostic  des 
maladies,  et,  en  forçant  un  peu  les  termes,  on  pourrait  dire 
qu'il  mesure  presque  les  calories  à  la  balance. 

On  voit  ici  le  fait  du  retentum  se  manifester  d'une  façon  ma- 
térielle; le  poids  augmente,  voilà  ce  que  l'on  constate. 

On  peut  rap[)rocher  ce  mode  de  retentum  de  cet  autre  que 
les  modernes  croient  être  nouvelh^ment  inventé ,  à  savoir  que 
la  fièvre  est  de  la  chaleur  retenue,  ce  qui  se  pourrait  traduire, 
dans  le  latin  de  Noguez  ou  de  Sanctorius,  de  la  façon  sui- 
vante :  febris  minus  procedit  ab  nucto  quam  a  retento  colore. 

Aphorisme  lx().  Si  perspirahile  neque  n  nntura,  neque  a  ca- 
bre febrili  resolveretur,  corpus  illico  ad  malignam  febrem  prœpara- 
retur. 

Ce  dernier  aphorisme  montre  que  la  chaleur  fébrile  et  l'é- 
vaporation  cutanée  sont  choses  connues  et  vulgaires  à  la  fin  du 
\\f  siècle. 

HARVEY  (GlILLAL  MEV).. 

(xTii*  siècle,  1578-1657.) 

Harvey  s'est  peu  occupé  de  la  chaleur,  chose  abstraite.  Il  n'en 
parle  qu'incidemment  et  en  traitani  des  qualités  du  liquide 
sanguin  et  de  son  rôle  par  rapport  à  la  respiration. 

Les  vapeurs  qui  s'exhalent  du  sang  par  la  respiration  n'é- 
chauffent pas  le  sang,  mais  lui  doivent,  au  contraire,  leur 
chaleur.  Il  est  probable,  dit  Harvey,  que  le  rôle  de  ^expiration 

'  Né  en    157H,  à   Folklon  (Koni),  Inre,  pur  nnhiralisle  et  non  ^féomètre, 

vni/afTfi^  va  (i  Padouf  éludtPr  Mouft  Fafmcc  cj'aiîlours  modtTément  ônidit,  professa? 

dWqtiapendmtf  y  revient  exercer  la  mé-  »a  tltrovie  de  la  circulation  du  »ang  dès 

«lecine  à  Londres,  médecin  du  S*  Ba!-  1O19,   Pappuie  sur  des  vivisections.  In 

tliolomy's   Ilospilal,  régent  en    i()i.S,  publie  en  1G28. 

médecin  de  Charles  I"' .  —  Physiologiste  Dans  sa  vieillesse,  il  publie  son  livre 

expérimentateur,  observateur  de  la  na-  De  f^enerati(me  tmimalium. 


GUILLAUME  UARVEY.  99 

pulmonaire  est  de  ventiler  ces  vapeurs  et  de  dépurer  le  sang, 
et  que  l'inspiration  a  pour  effet,  que  le  sang,  avant  de  passer 
d'un  ventricule  du  cœur  à  l'autre,  soit  refroidi  [contempereiur) 
par  le  froid  du  milieu  ambiant;  sans  quoi  ce  sang  s'échauffant 
et  se  tumé6ant,  enflé  par  une  sorte  de  fermentation  (comme 
on  le  voit  dans  l'effervescence  du  miel  et  du  lait),  distendrait 
tellement  le  poumon ,  que  l'animal  serait  suffoqué. 

Du  reste  Harvey  en  réfère  constamment  à  Galien.  Il  combat 
surtout  avec  vivacité  l'opinion  des  vapeurs  et  esprits  circulant 
avec  le  sang.  .  .  11  admet  que  le  sang  est  le  réservoir  de  la 
chaleur,  et  il  défend  le  sang  contre  toute  compétition . , .  Quelques 
médecins  soutenaient  encore  de  son  temps  que  les  artères 
charrient  des  gaz  et  non  du  sang,  erreur  d'Erasistrate  réfutée 
par  Galien. 

Il  maintient  aussi  que  le  sang  artiériel  ne  diffère  pas  sensi- 
blement du  veineux. 

Voici  la  démonstration  de  la  chaleur  ayant  son  unique 
source  dans  le  sang  : 

«  Obiertare  Ucet  ^ . .  On  peut  voir  que,  toutes  les  fois  que  les 
extrémités  des  mains,  des  pieds,  des  oreilles,  sont  engourdies 
par  le  froid  et  que  la  chaleur  y  afflue  subitement,  elles  com- 
mencent à  se  colorer,  à  se  réchauffer  et  à  grossir  dans  le  même 
temps,  et  que  les  veines,  qui  étaient  naguère  petites  et  comme 
oblitérées ,  grossissent  à  vue  d'œil;  et,  quand  cette  chaleur  leur 
revient,  ces  parties  éprouvent  de  la  douleur,  d'où  il  appert 
{^apparet)  que  cela  (cette  chose)  qui,  par  son  afflux,  charrie  la 
chaleur,  est  la  même  chose  qui  remplit  les  tissus  et  les  colore; 
or  cela  ne  peut  être  que  le  sang.  Ti 

^  Exerciiatio  anatondea  de  moiu  cùrdiê,  lanum ,  aactore  Gtdielmo  Harveo.  Lug- 
etc.  y  et  exercitûtûmet  duœ  analùmiaf  de  doni  Balavorom ,  apud  Johanneni  Van 
eèraÊlatùme  eangumie  ad  Joannem  Rio-     Kerckhem,  1737,  p.  160. 


100 


CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


BORELLr. 

(\vii*si^e,  1608-1679.) 

Dans  le  chapitre  Sur  la  respiration,  Borelli  détruit  la  théorie 
qui  faisait  du  cœur  la  source  de  la  chaleur. 

Proposition  96^.  Respirationem  institutam  non  esse  ad  rejri- 
gerium  et  ventilationem  Jlammœ  et  cabris  cçrclis.  On  voit  ici  la 
théorie  des  causes  finales  :  «la  respiration  a  été  instituée,  i)  La 
respiration ,  disent  quelques-uns ,  est  comme  la  flamme  qui  s'é- 
teint dans  un  lieu  étroit  et  non  ventilé  (exp.  de  Robert  Boyle); 
elle  est,  ajoutent-ils,  un  ventilateur,  quod  pidmo  cordis  Jlabel- 
lum  (éventail)  et  ventilabrum  appellari  sokt. 

r^Il  ny  a  pas  de  flamme,  dit  Borelli,  et  la  natta^e  n'aurait 
guère  été  économe  défaire  si  grand  feu  pour  Véteindre  constamment. 
Or  donc  les  philosophes  modernes  sont  obligés  de  nier  ce  feu  et 
cette  flamme,  qu'on  ne  voit  pas  dans  le  cœur,  et  d'admettre 
seulement  une  chaleur  intense  qui  brûlerait  les  doigts . . . 
Mais  cela  aussi  est  faux  évidemment,  car,  en  trouant  la  poitrine 
d'un  animal  et  en  introduisant  un  doigt  dans  la  plaie  du 
cœur,  nous  ne  trouvons  pas  du  tout  cette  chaleur  brûlante, 
mais  bien  modérée ,  et  telle  qu'elle  est  dans  les  autres  viscères 
de  l'animal.  (//  oublie  de  citer  Galien!) 

«Pour  savoir  exactement  le  degré  de  chaleur  du  cœur,  j'ai, 
dit-il,  à  Pise ,  ouvert  la  poitrine  d'un  cerf  vivant,  et  j'y  ai  aussitôt 
introduit  jjn  THERMomiTRB  jusque  dans  le  ventricule  gauche  du 


^  Né  à  Naples  en  1608,  mort  en 
1679,  MÂTHéiiÂTiciBii,  étudie  à  Pise, 
professeur  de  mathématiques  À  Messine 
et  à  Pise  (i656),  un  des  fondateurs 
de  TAcadémie  dêl  Gmento  de  Florence 
(1667),  fonde  rÉcole  iatro-ma théma- 
tique, retourne  à  Messine,  chassé  par 
tes  Espagnols,  va  vivre  â  Rome  dans  {in- 
timité de  Christine,  et  publie  son  livre 


De  motu  animalium,  opui  poitkumum, 
pars  prima,  Rome  1680,  pars  alter« 
i68i,  dans  lequel  il  étudie  et  cherche 
à  expliquer  le  vol,  le  saut,  la  natation, 
la  puissance  musculaire,  la  respiration. 
*  Joh.  Alph.  Borelli,  De  matu  amma- 
Hum,  Lugduni  Batavorum,  apad  Pe- 
tnim  Vander,  mdccx,  t.  Il,  prop'.  96, 
cap.  viii,  p.  118. 


BORELLI.  101 

cœur,  et  je  vis  que  le  degré  le  plus  élevé  de  la  chaleur  du  cœur 
ne  dépassait  pas  b  o ,  c'est-à-dire  le  degré  de  chaleur  du  soleil 
en  été.  Et,  après  avoir  mesuré,  avec  de  semblables  thermo- 
mètres, le  degré  de  chaleur  du^biV^  des  poumons  et  des  t»- 
teêÛM  sur  ce  même  cerf  vivant,  je  vis  que  le  cœur  et  les  vis* 
cères  avaient  la  même  température.  Ainsi  le  cœur  n'est  donc 
pas  le  principal  foyer  de  la  chaleur  animale,  et  n'a  pas  besoin, 
pour  sa  prétendue  ardeur,  d'être  refroidi  et  ventilé.  » 

Borelli  poursuit  son  raisonnement  en  ces  termes  :  «  D'ailleurs 
Tair  froid  ne  pénètre  pas  dans  le  cœur,  il  se  réchauffe  en  route, 
à  moitié  chemin  de  la  trachée,  et  il  arrive  presque  chaud  au 
sang.  Quant  à  la  nécessité  du  froid  de  l'air  pour  entretenir  un 
fojfer  de chakur,  on  sait  qu'il  n'en  est  rien,  puisqu'un  air  chaud 
entretient  aussi  bien  la  flamme  qu'un  air  froid.  » 

Quant  à  la  théorie  des  vapeurs  fuligineuses  dont  l'expira- 
tion purge  le  sang  (opinion  ancienne),  Borelli  en  donne  l'ex- 
plication suivante  :  «Les  anciens  pliilosophes,  en  voyant  sortir 
de  la  bouche  dés  animaux  des  vapeurs  chaudes,  qui,  dans  l'hi- 
ver, font  comme  une  fumée,  ont  pensé  que  le  fon/er  du  cœur 
émettait  de  vraies  fumées  et  que  des  fuliginosités  étaient  ainsi 
excrétées,  mais,  dit-il,  cette  fable  s'en  va  elle-même  enfumée.  7> 

Borelli  admet  que  la  chaleur  du  sang  résulte  de  son  mou- 
vement ,  que  le  cœur  n'engendre  aucune  œuvre  de  fermentation , 
attendu  qu'il  n'est  qu'un  muscle  comme  tous  les  autres  •  .  • 

Je  ne  nie  pas ,  dit  Borelli ,  qu'il  ne  s'en  aille  par  la  bouche 
quelques  vapeurs  aqueuses  mêlées  à  l'air  expiré,  mais  cela  ne 
vient  pas  du  cœur,^maià  de  la  trachée ,  du  gosier,  du  palais  et 
des  narines.  Les  raisons  de  Borelli  pour  nier  cette  excrétion 
pulmonaire  sont  que  la  nature  a  confié  à  la  sueur,  et  aux 
reins  surtout,  la  faculté  de  séparer  l'eau  du  sang. 

La  première  application  du  thermomètre  à  la  médecine  et 
à  la  physiologie  fut  donc  faite  par  Borelli ,  et  cette  unique  ex- 
périence suffit  pour  ruiner  une  théorie  vieille  de  vingt  siècles. 


102         CHAPITRE  P^  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

LA  TRADITION  AL   XVF  SIÈCLE. 

Nous  venons,  avec  Sanctorius,  Harvey,  Borelli,  d'assister  à 
un  effort  nouveau  et  puissant  de  Fesprit  humain  vers  la  science, 
mais,  même  après  ces  [jrands  esprits,  la  vieille  médecine  luttait 
encore  pour  la  tradition,  et  cette  résistance  était  légitime.  Les 
quelques  découvertes  des  physiologistes  avaient  ouvert  des 
voies  nouvelles,  cela  est  vrai,  mais  qu'étaient  ces  quelques  pro- 
grès comparés  à  l'énorme  encyclopédie  médicale? 

Avant  d'être  devenue  classique,  une  découverte  hardie  et 
paradoxale  doit  faire  son  noviciat  et  suhir  l'épreuve  du  temps. 
D'ailleurs  la  [diysiologie  expérimentale  ne  touche  que  peu  de 
points;  faut-il,  à  cause  d'elle,  renoncer  à  ce  que  l'expérience 
des  siècles  a  accumulé  sur  des  milliers  de  sujets,  et  ne  plus 
exercer  les  médecins  aux  choses  de  la  pratique.  Les  physio- 
logistes ne  sont  pas  toujours  de  bons  médecins. 

A  côté  des  novateurs  il  y  a  les  professeurs,  qui  doivent  con- 
server la  tradition  et  enseigner  un  art  corrigé  peu  à  peu. 

C'est  le  système  du  progrès  dans  les  mœurs  et  dans  les 
gouvernements  par  une  série  d'efforts  successifs,  et  non  par 
des  réformes  destructives  de  l'édifice  en  son  entier.  Tel  est  fort 
pour  mettre  à  bas,  qui  ne  saurait  reconstruire. 

Parlons  donc  encore  de  quelques  grands  professeurs  sou- 
tiens de  la  vieille  tradition  au  wf  et  au  xvif  siècle.  Ces 
commentateurs  tentaient  d'expliquer  et  de  justifier  les  textes 
sacrés  d'Aristote,  d'Hippocrate  et  de  Galien,  et  de  les  accom- 
moder aux  progrès  du  temps.  C'est  chez  eux  surtout  qu'on 
trouve  et  qu'on  comprend  l'antiquité.  On  peut  les  appeler  les 
évangélisles  de  la  médecinr. 

Au  moment  où  les  physiciens  parurent,  qu'était  encore  la 
médecine  officielle  des  écoles  ? 

Les  hippocratistes,  galénistes,  arabisants  et  aristotéliciens, 
commentateurs  des  anciens,  comme  les  théologiens  ou  comme 
les  professeurs  de  droit,  osent  l\  peine  discuter  le  fond,  ils 


DANIEL  SENNERT.  103 

raccommodent,  ils  le  plient  dans  le  sens  du  progrès,  mais 
n'osent  l'attaquer. 

Les  aphorismes  médicaux  sont  placés  comme  des  versets  en 
tête  du  chapitre,  et  l'auteur  les  explique,  les  développe,  ex- 
pose les  arguments  pour  et  les  arguments  contre,  cite  ses 
autorités. 

Il  faut  voir  le  gros  livre  de  Zaeutus  Lmitanui  avec  ses  deux 
colonnes  et  ses  arguments,  i'',  s*",  3%  etc. 

Un  tel  livre  était  toute  la  science.  Il  n'y  avait  qu'un  seul 
professeur  et  il  pouvait  tout  enseigner.  La  vie  m  passait  à 
Ure,  non  à  chercher. .  .  Aujourd'hui  c'est  l'excès  contraire .  .  . 
les  ignorants  cherchent  des  découvertes,  et  des  gens  qui 
ignorent  la  chimie  minérale  osent  tenter  d'innover  en  chimie 
organique. 

Li'éducation  classique,  méthodique,  fait  défaut,  et  ce  n'est 
pas  un  bien. 

SENNERT  (DANIEL)^ 
(x?ii*8iède,  1579-1637.) 

Ses  définitions  sont  empruntées  à  Aristote.  Il  admet  les 
quatre  éléments^:  la  chaleur  est  ce  qui  unit  les  homogènes; 
le  froid,  ce  qui  unit  homogènes  et  hétérogènes;  la  chaleur  est 
le  plus  puissant  agent  de  la  création  et  de  la  génération,  on 
en  voit  les  effets  dans  la  chimie. 

La  vie,  c'est  chaleur  et  humidité^. 

La  partie  k  plus  chaude  est  le  cœur;  puis  viennent  le  foie, 
la  rate,  les  muscles,  les  reins,  le  poumon,  les  veines,  les  ar- 
tères, la  graisse  en  dernier  lieu. 

'  Nëà  Bredau,enSilë8ie,en  1579;        *  Danielis  Sennerti  Opéra,  A  \ol. 

iiiort  en  1 687  de  la  peste.  Professeur  à  ïn-h%  Lugduni ,  mdclti  ,  sumptibas  Joan- 

WiUembei^.  Médecin  de  Georges  I",  nis  Ant.  Huguetan,  t.  I,  cap.  m  :  D$ 

roi  de  Saxe.  Possédait  une  très-grande  eUmentU,  p.  97. 
érudition.  Vivait  du  temps  de  Borelli,         '  T.  I,  p.  393,  cap.  t  :  De  eaUdo  m- 

naais  ne  connut  pas  ses  travaux.  nato  et  humido  radicali. 


104         CHAPITRE  l*'.  -  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

Les  parties  froides  sont:  les  os,  les  cartilages,  les  tendons , 
les  nerfs,  la  moelle  et  le  cerveau. 

Sennert  consacre  un  court  passage  aux  spiritus  qui  animent 
le  corps  \  les  uns,  partie  subtile  du  sang,  produits  par  Fair 
et  le  sang  dans  le.  ventricule  gauche;  c'est  l'esprit  vital  qui 
aide  le  sang  à  se  réchauffer,  etc. 

Le  respect  force  cet  auteur  à  transiger  et  à  introduire  pru- 
demment le  nouveau  dans  l'ancien. 

Pour  Sennert  la  fièvre  doit  se  déGnir  :  morbu$  calidus,  ou 
bien  intempéries  cdida  (une  intempérie  chaude).  Ce  n'est  pas 
la  chaleur  naturelle,  mais  une  chaleur  prwter  ruUuram,  viiiosus 
et  intemperatus.  11  n'y  a  rien  d'original  dans  cette  manière  de 
voir...  elle  était  classique^. 

LAZARE    RIVIÈRE. 

(  xf II* siècle,  i589-i655».) 

Son  livre  commence,  suivant  Tusage,  par  la  description  des 
quatre  éléments^  :  terra,  aqua,  aer  et  ignis. 

Il  distingue  le  froid  du  chaud,  les  compare,  les  met  en 
parallèle,  et  réfute,  avec  Scaliger,  Avicenne,  pour  qui  le  froid 
était  simplement  le  défaut  de  chaleur. 

Calidum  innatum  est  humidum  primigenium  per  omnes  œrporis 
partes  sparsum,  spiritu  insito  et  colore  native  tmdique  perfasum. 

Rivière  admet ^^que  la  conservation  delà  chaleur  est  entre- 
tenue par  un  liquide  alimentaire  gras  et  oléique  {pingui  et  oleoaa 
alimentorum  humiditate).  Ce  sont  les  idées  de  Fernel  et  des  chi- 
mistes de  cette  époque. 


^  Tom.  I,  p.  3 9 3 f  cap.  ?i:  De  ipiri-        ^  Lazari  Riverii,  Opéra  tnedica 

ft6ttf.  verta,  Lngduni,  mdglxiii,   aumpUbua 

'  Tom.  1,  p.  700,  iib.  I,  De  fibre  Anlonii  Cellier;  iib.  I,/^yato/o^piani eon- 

m  génère  et  de  fibre  ephêmera;  caput  tinme,  Proœmium;  iectio   prima,   De 

primum,  De  natura  fibrù.  elementiê.  De  numéro  eUmentorwn,  cap. 

^  Né  en  1689,  mort  en  i655.  Pro-  m,  p.  3. 
feaseur  k  MoutpeUier.  Cbimiate.  ^  Cap.  fit,  De  caliéo  ômmiIo,  p.  17. 


LAZARE  RIVIERE.  105 

En  outre,  la  chaleur  a  besoin,  pour  s'entretenir,  de  Vair 
ambiant,  comme  tout  corps  qui  brûle. .  • 

Quemaimodum  etiam  ignts  noster  non  aolum  Kgnis  iniiget  ut 
Mustentetur,  sed  eùam  aère  ambiente,  quo  rejicitur  ac  favetur;  in 
anguêto  éfitm  conelavi  coercitus,  licet  suffidentem  habeat  pabtdi  mor- 
teriam,  statim  euffocatur,  ut  in  msdicie  cucurbitulis  est  manifestum; 
m  ealor  noster  nativus  continua  indiget  aeris  appulsu,  ut  commode 
eveniUeiur. 

Ce  passage  donne  beaucoup  à  réfléchir;  le  mot  de  ventila- 
tion semble  plutôt  s'appliquer  à  l'idée  de  soufflerie  qu'à  celle 
de  refroidissement;  le  fait  de  la  flamme  qui  s'éteint  dans  un 
air  confiné  est  connu  à  cette  époque,  et  depuis  longtemps 
l'explication  du  fait,  en  ce  qui  concerne  les  êtres  vivants,  avait 
été  donnée  par  Robert  Boyle. 

Rivière  admet  deux  sources  de  la  chaleur  :  la  chaleur  innée 
et  la  chaleur  introduite  i^caior  injluens). 

Il  examine  l'hypothèse  du  spiritus  nativus  sans  la  réfuter 
absolument;  pourtant  il  admet  que  le  pouls  ne  provient  que 
du  mouvement  communiqué  aux  artères  par  le  cœur. 

Les  causes  de  la  chaleur  morbide^  sont  signalées  par  Ri- 
vière en  un  nombre  défini:  i""  d'abord  le  mouvement,  non- 
seulement  chez  les  êtres  animés  mais  chez  les  inanimés,  produit 
de  la  chaleur  (Aristote);  ù"*  la  putréfaction  échaufi*e  le  corps 
(Aristote);  3*"  le  contact  d'un  corps  chaud  extérieur;  à!*  la 
constipation  (de  la  peau),  propter  impeditam  trampirationem; 
5^..  etc..  De  même  le  froid  a  cinq  causes,  d'après  Galien... 
11  n'y  a  point  là  d'opinion  personnelle  ni  nouvelle  ;  ce  livre  est 
un  perpétuel  commentaire  des  anciens... 

'  Caput  m,  p.  A6. 


106         CHAPITRE  r.  ~  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

ZACCTUS  LUSITANDS*. 

(x?ii*  siècle,  1576- iG'n.) 

Zacutus  Lusitaous  publie  un  chapitre  d'histoire  curieux  à 
|)arcourir  : 

Fièvre  ardente  guérie  par  une  boisson  froide  (GaUen,  Rha- 
zès).  —  Un  jeune  homme,  dit  Galien^  au  fort  de  la  canicule, 
ayant  la  fièvre,  but  un  setier  d'eau  froide,  il  vomit  de  la  bile, 
etc. . .  Rhazès  dit  la  même  chose.  Gela  ne  concerne  pas  l'action 
du  froid  sur  les  fièvres,  mais  le  vomissement  par  l'action  d'une 
boisson  froide  dans  la  fièvre. 

Doit-on  donner  à  satiété  de  l'eau  froide  k  boire  aux  fié- 
vreux avant  la  coction?  Galien  le  dit'  (lib.  IX,  méth.  cap.  v... 
lib.  II,  méth.)  :  ergo  si  vires  vakrUesfuerintffebris  ardenli$$ima, 
et  concoctionis  notœ  planœ  évidentes,  frigidam  dore  audacler  debMs. 


^  Né  à  Lisbonne,  en  iSyS,  y  fut  ses  commentaires  on  paraphrates  don- 
3o  ans  profeisear.  Cbané  comme  Juif,  nent  une  haute  idée  de  sei  grandea  fa- 
Son  livre  dédié  à  Louiii  XIII  en  1669.  cultes. 

Zacut  ou  Zacout  (de  Portugal),  Juif  Son  analyse  des  travaux  des  auleurs 

ayant  la  tradition  des  médecins  arabes  anciens  fait  revivre  quelques  médecins 

et  grecs,  versé  dans  la  littérature  médt-  dont  les  ouvrages  sont  tombés  dans  un 

cale  ancienne,  a  fait  un  livre  dont  la  oubli  trop  peu  mérité.  Elle  nous  montre 

première  partie  est  consacrée  à  Thistoire  quels  étaient  les  procédés  de  la  critique 

des  principaux  médecins  de  Tantiquité.  au  milieu  du  xvii*  siède,  et  indique 

Ce  n^est  point  une  biographie ,  c'est  une  quelles  étaient  les  questions  qui  préoc- 

série  de  chapitres  traitant  de  toutes  les  cupaient  le  plus  les  médecins  de  cette 

maladies ,  où  Tauteur  cite  les  opinions  et  époque. 

les  faits  relatés  dans  les  auteurs  anciens  En  première  ligne  nous  trouvons  les 

et  en  donne  la  paraphrase.  On  ne  peut  moyens  de  diminuer  la  chaleur  fébrde. 

trouver  un  tableau  plus  complet  de  la  *  Zaculi  Lusitani  Optra  omnia,  Lug- 

médecine  classique    et    traditionnelle  duni,  mdcxlix,  sumptibus  S.  A.  Hu- 

telle  qu'elle  était  enseignée  é  la  fin  du  guetan.  Fil.  De  mêdieor,  prinap.  hi$- 

xvretauconunencementduxvii*siède.  lor.  lib.  IV,  hist  xi,  Gai.;  et  Ras.  De 

Ce  livre  sullirait  à  lui  seul  à  faire  re-  febriardêntiB,  tome  I,  p.  664. 

vivre,  à  nos  yeux,  toute  la  médecine  ^  T.  I,  p.  664,  qusstio  xvi,  Uirum 

antique.  L*auteur  est,  en  outre,  un  des  m  bilioêiê  febribm ^  aquœ  poluë^  aentim 

plus  savants  praticiens  de  son  temps,  et  aut  affatiin  tit  caneedêndui. 


ZACUTDS  LUSITANDS.  107 

Ce  précepte  est  contraire  aux  dogmes  d'Hippocrate ,  qui  ne  te- 
connatt  à  Teau  froide  en  boisson  aucune  utilité  prochaine 
(iib.  III,  acut.  Ao)  :  «celle  n'apaise  pas  la  toux,  di(  Hippocraté, 
elle  ne  fait  pas  cracher,  elle  n'apaise  pas  la  soif,  elle  ne  fait 
point  aller  à  la  selle,  elle  ne  fait  pas  uriner,  elle  excite  la 
bile,  etc.  -.» 

Zacutus  cite  les  auteurs  qui  approuvent  la  pratique  de  6a- 
lien  et  qui  trouvent  à  l'eau  froide,  prise  en  bonne  quantité, 
la  propriété  d'apaiser  la  soif,  d'aider  h  l'excrétion  des  ma- 
tières inutiles  par  les  urines,  les  selles,  la  sueur.  Ainsi  pensent 
Paul  (Iib.  Il,  cap.  xviii);  \èiins [Tetrab.  IV,  serm.  I,  cap.  lxx); 
Amatus  (Iib.  I,  centur.  schol.  3).  11  faut  faire  prendre  cette 
boisson  jusqu'à  ce  que  le  malade  ^at  viridts,  change  de  cou- 
leur et  tremble,  d'après  Avicenne  et  Cornélius.  Avicenne  dit 
(I,  &,  traet.  n,  cap.  m):  quand  la  fièvre  est  si  véhémente,  si 
aiguë,  qu'on  ne  peut  user  du  régime  habituel,  il  est  néces- 
saire d'avoir  recours  à  une  grande  réfrigération.  Averrboês 
a  combattu  cette  doctrine  par  cinq  raisons.  II  faut  consul- 
ter, sur  cette  question ,  Abraham  Neemia  [tract,  de  frigido  potu) 
et  Vindicianus,  dans  sa  Prœfatio  ad  Vakntinianum  mperato- 
rem. 

Trallianus  rapporte  l'exemple  remarquable  d'un  vieillard  en 
proie  à  une  fièvre  tierce  franche  et  qui  fut  guéri  par  des  ali- 
ments froids  et  humides  (les  anciens  enseignaient  que  les 
vieillards  manquent  de  chaleur  et  recommandaient  de  leur 
donner  des  aliments  chauds  et  secs). 

Averrboês  (Iib.  VII,  collig.  cap.  ii)  dit  :  et  hœe  est  catua 
ob  qttam  injtwene  utimur  aqua  cueutneria,  et  camphorœ,  potu  aquœ 
frigidœ  ad  eatietatem  tuque,  et  balneo  aquœ  frigidœ,  et  non  in 
sene. 

Avicenne  donne  une  explication  de  l'utilité  du  froid  (Iib.  de 
removendis  nocumenttê  quœ  accidunt  in  regimine  sanitatis)  :  k  L'ins- 
piration modérée  du  froid  cause  }ine  rétention  ou  rétraction 
vers  l'intérieur,  de  k  chaleur  innée;  alors  la  chaleur  innée 


108         CHAPITRE  T'.  *  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

s'accumule,  se  fortifie,  d*où  il  résulte  que,  chez  ces  personnes, 
i  a  digestion  des  aliments ,  et  la  maturation  des  humeurs  se  fait 
plus  et  mieux,  n  On  peut  rapprocher  cette  explication  de  celle 
qui  est  donnée  de  nos  jours  de  l'augmentation  de  la  produc- 
tion intérieure  de  chaleur,  et  de  la  suractivité  du  stûffœechtd 
par  l'action  du  froid  (bains). 

Action  de»  bains  ^,  —  Oribase,  De  exacerbatione  febris ,  fdfns 
exacerbatto  balneU  naturalibu»  curaia  (lib.  X,  coUect.  cap.  t): 
«Nous  faisons  usage  des  bains  et  des  fomentations.  J'ai  vu  des 
malades,  après  une  journée  entière  consacrée  à  ce  traitement, 
se  trouver  admirablement  soulagés,  car  l'eiacerhation  qui 
était  dliabitude  longue  et  difficile  à  se  résoudre  cessa. . .  9  Ce 
passage  concerne  l'usage  des  eaux  minérales.  Il  est  à  croire 
que  les  bains  prolongés  pour  apaiser  la  fièvre  ont  été  connus 
de  toute  antiquité. 

Galien  faisait  grand  usage  des  bains  soit  chauds,  soit  froids, 
soit  tièdes,  et  des  bains  de  vapeur  ou  des  étuves.  Les  établis» 
sements  de  bains  étaient  extrêmement  multipliés  en  Orient, 
en  Egypte  et  dans  le  Midi  de  l'Europe,  au  temps  de  Galien; 
ils  avaient  quatre  parties  ou  compartiments  outre  Vabdxternan, 
oh  l'on  se  déshabillait:  i**  le  calidanum  ou  9udatonum,  que  1^ 
Grecs  appelaient  hypocauste  ou  laconique,  oh  l'^ir  était  chaud; 
3®  le  tepidarium  où  il  y  avait  une  piscine  ou  grand  bassin  rem- 
pli d'eau  tiède  ;  3*"  le  frtgidarium  où  il  y  avait  un  bassin  d'eau 
froide:  li"*  enfin  Yuncttuirtum,  où  se  faisait  le  massage  ou  l'onc- 
tion. 

Du  temps  d'Hippocrate  les  bains  n'avaient  pas  acquis  cette 
perfection  et  étaient  moins  en  usage. 

Galien  conseille  les  bains  surtout  dans  les  fièvres  quoti- 
diennes et  hectiques,  et  seulement  quand  la  chaleur  du  corps 
est  très-élevée. 

*  Tomel,  p.  699. 


ZACUTUS  LUSITANUS.  109 

La  fièvre,  d'après  Zacutus  citant  les  anciens  ^.  —  Hippocrate, 
Aristote , Galien ,  Gelse,  ont  défini  la  fièvre  «une  chaleur  pr(F* 
ter  natwram.  » 

Avicenne  en  a  donné  une  définition  que  nous  retrouvons 
Hans  les  commentateurs  modernes  et  que  développe  fortement 
Sylvius  de  le  Boë.  Avicenne  s'exprime  ainsi  (I,  &,  tract,  i, 
cap.  i)  :  Quod  sit  ealor  extraneus  aecenms  in  carde,  ah  eo  pro- 
eedens,  mediante  epiritu,  et  sanguine  per  venas  et  arterias  in  totum 
corpus.  Il  faut  remarquer  dans  cette  définition  mediante  spi-- 
ritu. 

Peut-il  y  avoir  fièvre  sans  chaleur,  comme  Fernel  le  sou- 
tient contre  Galien?  telle  est  la  question  première  que  pose 
Zacutus,  et  il  expose  les  arguments  pour  et  contre. 

Arguments  pour  admettre  la  fièvre  indépendante  de  la  cha- 
leur : 

I*  11  y  a  des  fièvres  froides  avec  frisson. 

a""  La  maladie  consiste  en  diverses  affections  et  la  chaleur 
n'y  est  pas  tout;  or  la  fièvre  est  une  maladie ,  donc  on  ne  peut 
pas  dire  que  la  chaleur  soit  toute  la  fièvre. 

3*  Il  y  a  de  la  fièvre  avec  défaut  ou  pénurie  de  chaleur,  et 
c'est  dans  ces  cas  qu'il  faut  donner  du  vin  aux  malades. 

A*"  Les  fiévreux  agonisants  se  refroidissent,  leur  souffle  est 
froid  (Hippocrate). 

5"*  Si  la  chaleur  était  l'essence  de  la  fièvre ,  elle  ne  s'en  se 
parerait  jamais;  or,  dans  le  début  de  l'accès  des  fièvres  tierces, 
quartes,  il  y  a  grand  refroidissement  avec  frisson. 

6*"  Galien  dit  qu'il  y  a  des  fièvres  (l'épiale,  la  lipyrie),  au 
chapitre  jm^  De  inœqual.  intemp.j  où  les  parties  sont  chaudes  et 
froides. 

7**  Les  fièvres  se  guérissent  par  plusieurs  remèdes  chauds. 
Donc  elles  sont  froides,  puisque  contraria  contrariis  curantttr 
(8  meth.  cap.  i,  Galien). 

8"*  La  fièvre  syncopale  est  bien  une  fièvre;  or  on  n'y  per- 
çoit de  chaleur  ni  dehors  ni  dedans ,  et  le  pouls  est  lent. 


MO       chapitrf:  I".--la  chaleuh  kt  la  pievhe. 

Arfjuinents  contraires.  —  Mais  tous  les  anciens  s'accordent 
à  définir  la  lièvre  par  la  chaleur  (|)yretos,  pyrexie,  feu).  Aussi 
(ialien  s'abstient-il  prescpie  de  définir  la  fièvre,  s'occupant 
plutôt  à  la  diviser  en  espèces  : 

1  "  Il  est  vrai  qu'Avicenne  parle  de  fièvres  froides,  mais  il  en- 
tend par  là  les  humeurs  de  nature  froide  qui  les  causent. 

2"  Les  médecins  définissent  la  lièvre  par  un  caractère  sai- 
sissable  [materies[  de  la  maladie,  (|ui  est  la  chaleur;  mais  la 
cause  de  cette  chaleur,  à  la  vérité,  peut  varier. 

3°  Dans  la  consomption,  il  y  a  encore  de  la  chaleur,  et  il 
n'y  a  point  de  fièvre  sans  chaleur;  mais  il  faut  distinguer  la 
quantité  de  Tintensité,  et  Ton  ne  mesure  pas  de  la  même  fa- 
v^m  le  degré  de  la  chaleur  et  sa  ([uantité.  Il  peut  y  avoir  ac- 
croissement de  la  qualité  et  diminution  de  la  quantité  en 
même  temps  et  réciproc[uement;  ainsi,  dans  Tevemple  précité 
il  y  a  à  la  fois  augmentation  de  l'intensité  et  de  la  qualité  de 
la  chaleur,  avec  défaut  de  (juantité,  ce  qui  fait  deux  modes 
de  maladie,  puisqu'il  y  a  augmentation  de  l'intensité  et  de  la 
qualité  de  la  chaleur,  ce  qui  fait  la  fièvre,  et  défaut  de  quan- 
tité de  celle-ci,  ce  (pii  fournit  l'indication  de  dpnner  du  vin 
aux  malades. 

Cet  argument  contient  en  geruje  toute  la  théorie  de  la  ré- 
partition de  la  cliahur,  et  celle  d(\s  calories  qui  ont  occupé  sur- 
tout nos  contenjporains  (école  allemande).  On  est  étonné  de 
voir  sommeiller  celte  question,  à  la([uelle  les  grands  cliniciens 
thermologistes  du  wiiT  sièchj  n'ont  point  fait  allusion,  et  qui 
n'a  reparu  ([ue  récemment. 

à"  Hippocrate  dit,  à  la  vérité,  que  les  moribonds  sont  froids, 
mais  c'est  parce  qu'ils  ont  eu  précédemment  une  fièvre  qui  les 
a  épuisés  et  a  consommé  toute  la  chaleur  naturelle  de  leur 
cœur. 


*  T.  1,  p.  600,  (|(i<T>lio  I,  Ufrum  frhns  pngsit  titiri  nhsquf  ralorp,  ut  contra  Ga- 
Ivnum  arbitratur  hernelius. 


ZACUTUS  LUSITANUS.  Itl 

S""  Fernel  dît  que  le  frisson  est  le  commencement  de  la 
fièvre,  mais  qu'il  n'est  pas  encore  la  fièvre.  Mais  cette  solution 
est  contraire  à  celle  de  Galien  (Lt6.  de  diff.  feh.  cap.  ii  ).  «  Or 
il  faut  dire,  suivant  Zacutus,  que,  bien  qu'il  y  ait  un  froid  ex- 
térieur, il  suffit,  pour  qu'il  y  ait  Jièvre,  qu'il  y  ait  à  l'intérieur 
une  chaleur  immodérée.  »  Zacutus  s'appuie  encore  de  l'opinion 
d'Argen  tenus  (Lf&.  defeb.  ad  Glacum,  ci),  Melchior  Sebiaus 
[Tract,  de  febrib.  disp,  i),  et  Vidus  Vidius  (lib.  I,  De  febrib. 
cap.  11). 

Galien,  du  reste,  n'est  point  exclusif,  et  admet  des  com- 
mentaires à  son  aphorisme  <!(  que  l'essence  de  la  fièvre  esiprœter 
naturam  caliditas,  n  car  il  dit  (Lii.  de  marasmo,  cap.  v)  :  quod  si 
œger  in  tactu,puUu,  resjnratione ,  calorie  exceUentiam  (élévation) 
non  demoiistrat,  non  febrit.  On  voit  bien  manifestement  par  le 
que  les  anciens  usaient  exactement  des  mêmes  moyens  que  nous, 
et  des  mêmes  précautions,  s'adressant  à  plusieurs  fonctions, 
et ,  pour  nous  servir  d'une  expression  moderne ,  ils  savaient  que 
ie  pouls  et  la  respiration,  dans  la  fièvre,  sont  fonctions  de  la 
cbaleur. 

Galien  tâtait  la  peau  du  thorax  et  jugeait  de  l'intensité  et 
de  la  qualité  de  la  chaleur  suavis  aut  mordax.  Ces  sensations 
ne  peuvent  remplacer  le  thermomètre,  mais  le  thermomètre 
ne  peut  non  plus  les  remplacer.  Il  ne  faut  point  les  dédaigner 
absolument  comme  font  quelques  modernes»  trop  exclusive- 
ment thermologistes. 

Zacutus  pose  cette  question\  à  savoir  si  la  chaleur  fébrile  est 
la  même  que  la  chaleur  naturelle ,  thèse  soutenue  contre  Galien 
par  Gentilis.  Zacutus  pense  que  ce  sont  là  des  recherches  qui 
sont  sans  solution  possible,  au  temps  oi!^  il  écrit,  et  que,  d'ail- 
leurs, elles  sont  moins  du  domaine  du  médecin  que  des  sa- 
vants. Le  médecin  doit  s'occuper  de  la  chaleur  fébrile,  qui  est 


^  '  T.  I,  p.  61 1 ,  qiiestio  i?.  Dtrumfebrihi  calor  iit  idem  eum  futtnrali,  ut  con" 
ira  GalêmtêM  GaUtUi  Oiêeverat, 


112         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

son  objectif,  plutôt  que  du  problème  de  Tidentité  :  Medicu» 
autem  non  ahsolute  veritatemperserutatur  $olufn,  ted  m  oriineadak- 
rationis  opus. 

L'opinion  de  Galien  est  formelle.  Il  y  a  deux  espèces  de  cha- 
leur: Tune  naturelle  et  bienfaisante,  vitale,  qui  conserve,  for- 
tifie, engendre,  nourrit,  préside  aux  fonctions  naturelles; 
l'autre  [prœtematuraUs) ^  qui  putréfie,  détruit,  débilite,  cor- 
rompt, etc.  Donc  elles  diffèrent  dans  leur  nature  (specie). 
Bien  plus,  les  commentateurs  de  Galien  (Gardanus,  De  êubtU.) 
admettent  que  les  chaleurs  prœternaturales  sont  multiples 
comme  les  espèces  fébriles  elles-mêmes. 

Siège  de  la  chaleur. —  Le  cœur  est  la  source  de  la  chaleur  innée, 
d'après  Galien  qui  se  fonde  sur  l'expérimentation,  car  il  nous 
apprend  qu'ayant,  dans  des  vivisections,  introduit  souvent  son 
doigt  dans  le  ventricule  gauche  d'un  animal  vivant,  il  y  sentit 
une  chaleur  très-élevée.  Telle  est  l'origine  scientifique  et  ex- 
périmentale de  cette  erreur  traditionnelle. 

Origine  de  la  chaleur  naturelle  :  est-elle  élémentaire  et  ignée, 
ou  bien  éthérée,  céleste  et, divine?  elle  n'est  pas  ignée  d'après 
Aristote. .  •  Longue  discussion  de  Zacutus  sur  ce  sujet,  sans 
solution. 

Quanta  la  chaleur  de  la  fièvre ,  Zacutus  admet  avec  Galien, 
et  contre  l'opinion  du  commun  des  médecins,  qu'elle  résulte 
non-seulement  de  la  chaleur  prœter  naturam,  mais  encore  de 
l'union  de  celle-ci  avec  la  chaleur  naturelle. 

La  fièvre  est  un  moyen  de  guérir  les  maladies  et  il  la  faut 
exciter  à  cet  effet,  telle  est  la  thèse  hippocratique  et  galé- 
nique  que  soutient  Zacutus  contre  Fuchs,  Ambr.  Nunius  et 
autres  médecins  célèbres.  Nous  ne  disons  plus  aujourd'hui, 
il  faut  exciter  la  fièvre ,  nous  disons:  il  faut  amener  une  bonne 
réaction.  Nous  savons  que,  lorsque  au  frisson  succèdent  les 
périodes  normales  de  la  chaleur  et  de  la  sueCtr,  la  fièvre  com- 
porte un  pronostic  favorable.  Gette  idée  est,  du  reste,  peu 


ZACUTDS  LDSITANDS.  113 

développée  par  Zacutus,  et  Ton  cherche  en  vain  une  indication 
sur  les  moyens  de  provoquer  artificiellement  la  fièvre.  Son 
opinion  demeure  donc  à  Fétat  de  thèse  vague  et  sans  appli- 
cation pratique. 

Zacutus  a  consacré  plusieurs  chapitres  à  Y  examen  des  urines^  ^ 
et  l'on  peut  dire  qu'il  a  fait  un  traité  historique  d'uroscopie 
fort  intéressant  à  consulter.  Il  résulte  de  la  lecture  de  cette 
dissertation  que  les  médecins  grecs  et  arabes  avaient  tiré  de 
Texamen  des  urines  tout  le  parti  possible  en  leur  temps;  et 
ce  n'est  pas  sans  faire  un  retour  sur  l'instabilité  des  choses 
médicales  que  l'on  songe  que  la  thermoscopie  et  l'uroscopie , 
dédaignées  ensemble  pendant  la  première  partie  de  ce  siècle, 
reprennent  ensemble  faveur  dans  le  moment  présent,  tandis 
que  le  tour  est  venu  pour  le  pouls  d'être  dédaigné  fort  injus- 
tement. 

Dans  le  t.  II ,  Praxis  historiarutn,  Zacutus  examine  la  ques- 
tion de  savoir  s'il  faut  faire  respirer  aux  fiévreux  de  l'air  frais 
pour  les  guérir,  s'il  ne  faut  pas  asperger  d'eau  fraîche  leur 
appartement.  11  se  décide  naturellement  pour  l'opinion  de  Ga- 
lien ,  qui  est  d'avis  que  l'air  frais  rafraîchit  la  chaleur  des  fié- 
vreux ,  et  qu'il  doit  être  utile ,  mais  non  en  excès ,  et  pas  trop 
froid.  Âtque  ita  quidem  caUdissimum  aerem  refrigerare  est  ten-- 
Éandum.  Si  vero  modice  Jrigidus  sit,  hoc  esse  contentos  oportet, 
nihil  aut  tnachinanles  aut  de  temperie  ejus  altérantes. 

De  même  Zacutus  admet  que  l'on  donne  des  boissons  froides 
aux  fiévreux,  mais  avec  modération,  suivant  Galien  et  Avi- 
cenne:  et  non  prohibeas  ei  aquam  frigidam, 

*  T.  I,.  p.  8AS-863.  Index  quœstionum,  lib.  V. 


8 


114         CHArtTRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


VAN   HELMONT^ 

(ifirstède,  i577-i64o.) 

Van  Helmoni  [Ortus  medictnœ^)^  au  chapitre  Ca2or^  combat 
Topinion  relative  à  la  chaleur,  cause  de  toute  digestion.  Il 
montre  que  la  digestion  stomacale  se  fait  par  unferment^^  et 
s'opère  mal  dans  la  Gèvre,  preuve  que  la  chaleur  n'en  est  pas 
la  cause,  car,  dans  la  fièvre,  la  chaleur  est  augmentée,  et  il 
cite  'Cet  aphorisme  :  corpara  impura  quo  potentius  nutri$,  eo 
magie  bedis.  Il  est  donc  manifeste,  dit-il,  quil  convient  de 


^  Helmont  (Van),  seignear  de  Me- 
rode,  de  ^Royenborcb,  d'Oorschot,  de 
Pellines  et  autres  lieux,  né  à  Bruxelles 
en  1677,  mort  en  16^0,  élève  remar- 
qué i  Louvain,  pour  k  philosophie; 
il  8*aperçut  bientôt  qu'il  ne  savait  rien 
que  la  dispute  de  mots.  11  refuse  un 
riche  canonicat,...  veut  se  faire  capu- 
cin. Lit  avec  avidité  et  indépendance  tous 
les  Grecs,  philosophes  et  savanb,six 
cents  auteurs  grecs,  arabes  ou  moder- 
nes. Pieux,  mystique,  presque  illuminé, 
reçu  docteur  à  Louvain  en  1 599.  Voyage 
en  Europe,  An^eterre,  Suisse,  Alle- 
magne, Espagne,  France,  se  fixe  à  Wil- 
vorde  près  Bruxelles ,  et  fait  de  la  chi- 
mie philosophuê  per  igntm,  LahoraUn- 
re$  énormêê  dan»  son  château. 

Médecin  bienfaisant  et  grand  sei- 
gneur. Accable  les  médecins  tradition- 
nalistes  de  sarcasmes  en  assez  bon  latin, 
fait  de  sérieuses  découvertes  en  chimie. 

On  le  connaît  par  Varchée.  C'est  pour 
lui  la  conception  de  Tunité  vivante, 
anima  vitali»,  Tunité  dans  Télre,  la  soli- 
darité du  polypier  humain ,  le  régulateur 
central  de  la  vie  et  de  la  maladie.  C'est 
toute  la  doctrine  de  Técole  dite  spiritua- 
liste  unitaire. 


Il  publia  de  nombreux  ouvrages  sur 
la  littérature,  Tbistoire  naturelle.  Pour 
le  médecin ,  son  principal  livre  est  son 
Ortui  medieinm,  %d  têt  initia  phytiem 
inandita,  ProgreauM  medieiinœ  nonu. 

Van  Helmont  a  été  très-calomnié  par 
les  médecins ,  naturellement,  qui  se  sont 
moqués  de  Tarchée  et  des  ferments. 
C'était  un  original  plein  de  génie,  nous 
aurions  tort  de  le  juger  en  nous  plaçant 
sur  le  terrain  des  doctrines  médicales 
actuelles.  Ce  serait  trop  fadie  et  in- 
juste. 

C'est  le  chef  des  anti-galénistes,  des 
animistes  et  chimistes.  Il  vivait  à  la  même 
époque  que  Galilée,  Sanctorius,  Bo- 
relli,  mais,  tandis  que  les  italiens  delà 
fin  du  XVI*  siècle  étaient  des  physiciens, 
lui,  avec  les  hommes  du  nord  qu'il  de- 
vança ,  fut  un  chimiste. 

*  Voyei  la  belle  édition  :  Orltis 
dieinœ,  id  e»t  initia  phyâicw  tf 
progrtuuê  medicinœ  notms,  ete,  Edenle 
auctoris  filio  Francisco  Mercurio  Van 
Helmont,  Amsterodami  apud  Ludovi- 
cum  Elsevirium  on  »glii. 

^  CaîoreJfiaêMêrnondignitfiidlaM' 
tum  excitative ,  p.  1 6 1 . 

*  Nous  dirions  par  la  pepidne. 


VAW  HELMONT.  115 

donner  aux  fëbricitanis  des  aliments  très*légers  et  de  facile 

digestion. 

Van  Helmonta  laisse  un  petit  traité  des  fièvres,  extrait  d'un 

grand  ouvrage  qui  n'a  point  éiA  édité.  U  commence  par  dé- 
clarer que  les  médecins  n'ont  rien  appris  sur  ce  sujet,  depuis 
Tantiquité  grecque,  qu'ils  n'ont  fait  que  tourner  dans  un  cercle 
et  que  se  copier  les  uns  les  autres  [alii  ad  untim  omnes  cantum 
eueult  (chant  du  coucou)  cecinerunt),  et  que  leur  ignorance  fait 
honte.  Il  croit  avoir  découvert  la  vraie  essence  de  la  fièvre, 
en  tout  cas  ses  critiques  sont  vives. 

Tous  les  auteurs,  dit-il,  définissent  la  fièvre  calorprœter  im- 
turam  accenêUê  primum  in  corde,  dein  delatus  per  iotunt  corpus^. 
Or  l'essence  de  la  fièvre ,  pour  eux ,  n'est  pas  une  chaleur  quel- 
conque, mais  une  chaleur  qui  prœter  naturamfuerit,  etgradu  suo 
knerit.  Ainsi  ils  ne  conçoivent  point  de  fièvre  sans  cette  chaleur, 
compagnon  nécessaire  [cornes).  Van  Helmont  leur  oppose  la 
fièvre  des  camps,  qui  est  sans  chaleur  accrue  du  commencement 
à  la  fin,  et  le  frisson  avec  claquement  de  dents,  qui  marque  le 
début  des  fièvres.  Et  en  effet  cette  objection,  que  Galien  avait 
déjà  réfutée,  embarrassait  les  auteurs,  et  quelques-uns  préten- 
daient, ainsi  que  le  dit  Van  Helmont  qui  les  critique,  que  ce 
frisson  n'était  pas  un  vrai  refroidissement,  sed  mendax  aique 
dohsum  sensuum  îenocinium,  dumque  exterius  frigent,  volunt 
quod  inteme  œsluent,  crementurque  vero  calore  quamvis  aliter  »enr- 
tiaU.  (C'est  pourtant  la  vérité.)  Et  ces  auteurs  ajoutaient  que 
cette  chaleur  intérieure  était  bien  prouvée  par  la  grande 
9oifdes  malades,  k  quoi  Van  Helmont  répond:  cette  soif  est 
trompeuse  {fallax)^  et  elle  vient  non  de  la  chaleur,  mais  des 
pertes  subies  par  l'organisme  [ab  excremenio);  d'ailleurs  l'eaa 
froide  ne  calme  pas  plus  cette  soif  que  les  remèdes  secs,  puis, 
au  milieu  de  la  fièvre,  au  moment  le  plus  chaud,  pourquoi  y 
a-t-il  moins  de  soif  qu'au  début?  Pourquoi  dire  aussi  que  cette 

*   Defêlfribtu,  cap.  i,  p.  739. 

8. 


116         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

fièvre  s'allume  dans  le  cœur,  n'est-il  pas  plus  vrai  de  dire  qu'il 
y  a  une  cause  morbifique,  une  nuttière  peccante  qui  eêt  Farigine 
de  la  fièvre  et  précède  cette  chaleur?  Donc  ceux  qui  entendent 
traiter  la  fièvre  par  les  réfrigérants  ne  peuvent  prétendre  qu'ils 
s'attaquent  à  la  cause,  à  la  source,  mais  ils  ne  combattent  que 
la  chaleur  qui  est  un  effet,  un  produit  secondaire  de  la  ma- 
tière fébrile.  Si  c'est  la  matière  morbifique  qui  brûle,  pourquoi 
le  cadavre  ne  continue-t-il  pas  à  être  chaud ,  et  pourquoi  toute 
chaleur  s'éteint-elle  avec  la  vie?  Ce  qui  fait  que  la  chaleur 
lutte  contre  un  agent  étranger  (une  épine), c'est,  dit-il,  Tar- 
chée,  omnis  alteratùmU  opifex^. 

Ainsi  la  chaleur  fébrile  cesse  quand  on  enlève  l'épine,  la 
matière  morbifique,  que  larchée  cherche  à  expulser.  Du  reste  Hip- 
pocrate  l'a  dit:  cahrem  et  frigus  mm  esse  morbos  ut  neque  ha- 
rum  causas.  Galien  a  écrit  de  longs  et  prolixes  ouvrages  pour 
obscurcir  cette  vérité,  et  tout  le  monde  ne  jure  que  par  Galien, 
mais  qu'on  guérisse  par  le  tiède,  le  chaud  ou  le  froid,  peu 
importe,  dit  Van  Helmont,  pourvu  que  la  matière  morbi- 
fique soit  éliminée.  Il  combat  Galien,  mais  se  retranche  der- 
rière Hippocrate.  Il  fallait  être  sinon  avec  les  deux,  du  moins 
avec  un  des  deux.  Rester  seul  eût  été  trop  de  faiblesse  ou  trop 
d'outrecuidance. 

Autre  argument:  «Les  écoles  ont  déserté  le  terrain  de  la 
chaleur  essentielle  de  la  fièvre,  il  ne  s'agit  plus  de  son  degré, 
mais  de  son  origine,  qui  est  une  pourriture  (putredo)^  dès  lors 
on  cherche  à  la  guérir,  non  plus  par  le  froid,  mais  par  des 
remèdes  chauds,  par  des  pulsations  et  par  des  spécifiques.  Elles 
assimilent  ce  phénomène  au  fumier  de  cheval  qui  s'échauffe 
spontanément  par  putréfaction.  Or  ce  n'est  pas  par  putréfac* 

'  Et  que  diUon  diantre  «ojoard^hoi?  rien  ne  non»  en  empécbe,  appdont-le 

n*admet-on  pas  un  centre  nerveux  ré-  principe  vital,  âme  de  SfcaU,qn*imporie7 

gulateur  de  ia  chaleur?  nommons-le  e*est  Tidée  de  Tunité  et  de  Tordre  daoa 

archëe,  avec  Paracelae  et  Van  Hermont,  Tétre  vivant 


VAN  HELMONT.  117 

tîon,  dit  Van  Helmont,  cela  tient  à  des  opérations  chimiques 
Ami  le  fumier  putrijié  n'est  plue  eueceptible.  v  Sur  ce  terrain  le 
grand  chimiste  a  facilement  raison  de  ses  adversaires  méde- 
cins; ce  qui  e$t  mort,  dit-il,  ne  s  échauffe  plus,  et  la  putréf action, 
c'est  la  mort.  Toutefois  le  moi  fermentation  n'est  pas  prononcé. 
U  n*y  a  point,  dit-il,  de  putréfaction  du  sang,  et  ceux  qui 
saignent  font  une  pétition  de  principe.  Suit  une  magnifique 
arguiqentation  contre  les  prétendus  signes  de  l'altération  du 
sang,  tirés  de  Texamen  de  ia  couenne  ou  de  la  couleur  du  sé- 
rum ou  des  globules,  on  n'a  pas  fait  mieux  depuis. 

Nos  grands  hommes  contemporains  ont  trop  ignoré  ce  qu'a- 
vaient écrit  nos  ancêtres.  Andral  et  Gavarret  auraient  pu  copier 
tout  ce  passage  si  instructif,  si  scientifique.  Ainsi,  dit  Van  Hel- 
mont, croule  cette  pratique  adorée  de  nos  médecins  :  ruit  totus 
orio  medendi  haetenus  adoratus  a  medenlibus,  Sed  esto  quonam 
signojudicant  scholœ  sanguinem putridum?  Nonne  ex  colore  albiore, 
mgriofe,fiavo,  suhmidi,  fuscove?  Nonne  ex  materia  viscosa,  crassa, 
aquea,  tenui?  Et  tandem  an  non  ex  consistenùa,  nonfibrosa,  vix 
eokœrente  ?  etc. .  .  Ast  declaro,  sub  pœna  convieti  mendacii,  si  quis 
vdit  experiri,  quod  ducentorum  peiulantium  rusticorum  et  sano^ 
rum  cruores  unico  die  examinaverim  :  erantque  multi  iUorum 
aspeelu  valde  dissimilares,  colore,  materia  et  consistentia,  quorum 
phares  distillavi,  et  reperi  medendo  œque  utiles.  Soient  namque 
noêirates  rusùei,  altéra  Pentecostes  mittere  sanguinem,  quo  largius 
potitarent.  Etenim  quanquam  plures  viderentur  putridi,  o&t  œn/h- 
ginosi  vel  atrabilarii  :  imprimis  tamen  rustici  unde  ejluxerant  erant 
admodum  sani.  Ergo  per  causam  confirmabant  se  non  obstantibus 
corruptioniM  tnàidis,  cruores  a  balsami  natura  nequiequam  alie^ 
nos.  Quare  obrisi  tahulam  judiciorum  ex  aspectu  emissi  cruoris, 
adeoque  confirmavi  mecum,  a  medicis  cruorem  servari  jussum,  ut 
saUem  hae  ratione,  unam  visitationem  mgrotis  adnumerent  ^  ! 

Toute  cette  critique  de  la  valeur  de  la  saignée  est  admi- 

1  J>9yï6ri6iM,cap.  Il,  p.  76/1, 


118  CHAPITRE  1'.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

ral)lc,  nous  y  retrouvons  les  arf juments  mis  en  avant  dans  le 
cours  de  ce  siècle  [)ar  les  médecins  qui  l'ont  prônée  et  par  ceux 
qui  l'ont  détrônée.  Van  Helmont  ne  ménage  pas  l'ironie  .  r\ 
quoi  juge-l-on  (jue  l(^  sang  est  putride?  Est-ce  à  la  couleur 
plus  blanche,  plus  noire,  [)lus  jaune,  j)lus  verdàlre,  plus 
rouge,  est-C(^  à  la  consista nc(»  visqueuse,  épaisse,  aqueuse, 
ténue??? 

Il  ne  manque  rien  à  ce  tal)leau  que  complète  l'admirable 
scène  comi(|ue  des  paysans  saignés  par  le  seigneur.  Tous 
ces  paysans  étaient  sains,  et  pourtant  leur  sang  avait  telle  ou 
telle  aj)parence  putride.  Van  Helmont  ne  ménage  guère  d'ail- 
leurs les  médecins  de  son  temps;  allaient-ils  jusqu'à  faire 
conserver  le  sang  de  la  saignée  pour  se  faire  paver  une  visite 
de  plus?  C'est  en  tout  cas  une  indication  que  nous  devons 
traiter  de  calomnieuse  pour  l'hoimeur  de  nos  pèn\s. 

Van  Helmont  prétend  e.\pli(|uer  les  phénomènes  fébriles 
mécaniquement  :  Le  frisson,  dit-il,  est  l'efl'ortde  l'archée  pour 
lutter  contre  la  matière  morbilicjue.  c'est  une  constriction  des 
tissus  (licite  comme  exemple  la  rétraction  du  scrotum);  quant 
au  tremblement  musculaire,  il  le  compare  au  tremblement 
des  ivrognes  et  à  celui  des  vieillards,  c'est  un  mouvement  in- 
volontaire. Cbacpie  tissu  traduit  à  sa  façon  cette  lutte  contre 
la  matière  morbifi([ue:  la  chnieur  c'est  encore  la  lutte  de  l'ar- 
chée (principe  vital)  contre  la  niatière  morbilicpie,  rarchfe  brûle 
son  ennemi  et  le  rcjeUc  par  les  sueurs,  aussi  les  diaphorétiques 
conviennent-ils  parfaitement  aux  fiévreux.  Le  vin  refusé  par 
Galien  aux  fébricitants  (et  que  ceux-ci  prennent  en  cachette  du 
médecin(  est  censé  faire  l'elfet  de  l'huile  sur  le  feu,  mais  c'est 
une  erreur;  l'usage  du  vin  entretient  les  forces  et  prépare  une 
plus  prompte  convalescence. 


SYLViUS  DB  LE  BOË. 


119 


SYLVIUS  DE   LE  BOE'. 

(vTii*  siècle,  1616-1679.) 

PhffsMogie  [De  chyli  muUUione  m  êonguinem,  eirculari  êan- 
gmnU  motu  et  cordis  arteriarumque  pultu).  —  Voici  comment 
Sylvius  explique  la  chaleur^  :  le  chyle  mélë  au  sang  arrive  au 
cœur  droit  où  il  y  a  un  foyer  de  chaleur,  mUturam  hanc  heie^ 
rogeneam  aceendit  atque  rarefacit  iniemu»  corêiz  ignis. 

Revenu  des  poumons  au  cœur  gauche,  le  sang  mêlé  h  l'air 
inspiré  y  retrouve  de  la  chaleur,  m  coït/»  ventrieulo  nnisÈro 
aecenditur  iterato  et  rarejit  sanguis  ab  eodem  igné  cordie  intemo. 
Il  considère  le  sang  comme  le  véhicule  de  la  chaleur  inté- 
rieure et  vitale  du  cœur,  êustentatur  et  consenxUur  eanguine  o/- 
tematim  in  eordie  ventriculos  impubo,  kinc  et  expuUo,  utpote  par- 
Mo  euo  ignis  eordù  int&mu»  et  vitaHs. 

Il  appelle  aussi  cette  chaleur  ignis  innatus  et  vitœ  fine,  et 
ammœ  fanon  corparisque  vinculum  fninutrium.  11  croit  que  le 
sang  artériel  est  plus  chaud  que  le  veineux. 

Du  reste  De  le  Boê  explique  admirablement  la  circulation 
du  sang  et  le  mécanisme  du  pouls. 

Il  ne  pouvait  manquer  d'appliquer  ses  théories  chimiques  à 
la  chaleur  du  sang;  après  avoir  dit  [De  respiratione)  que  la  vie 
dépend  de  la  perpétuité  du  feu  allumé  dans  le  cœur,  il  admet' 
que  la  cause  de  cette  chaleur  dans  le  cœur  est  une  efferves- 


*  Prolestant,  d^otigine  française,  né 
à  Hanaa  en  161  A,  uiort  en  1673.  Étu- 
die à  Sedan,  est  reça  docteur  à  Bâie, 
voyage  en  Allemagne,  en  France,  en 
Hollande.  Exerce  la  médecine  à  Leyde , 
où  il  devient  professeur  de  médecine 
pntiqoe. 

Quoique  né  37  ans  après  Van  Helmonl, 
il  est  le  prétendu  chef  de  Técole  chimia- 
triqoe.  Il  élait  bon  anatomiste,  physio- 
logiste et  chimiste.  On  Ca  Ircp  blémé. 


il  avait  en  chimie  des  idées  fort  en 
avance  sur  son  temps  et  même  sur  le 
siècle  suivant  (xviii*).  11  était  expéri- 
mentateur, il  a  popularisé  la  découverte 
de  Harvey  sur  la  circulation  du  sang  et 
Ta  complétée. 

*  Frandsd  De  le  Boe  Sylvii  Optra 
miHea,  Genève,  mdclxxxi,  p.  5. 

^  Ce  sont  les  idées  de  Galien,  aux- 
quelles il  ajoute  seulement  le  mélange 
du  sang,  de  la  bile  et  de  la  lymphe. 


120         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

ccncc  (ou  fermentation)  produite  par  le  mélange  de  la  bile  et 
de  la  lymphe  (il  compare  cette  eilervescence  à  celle  du  sulfate 
de  soude  traité  par  un  acide);  or  Tair  a  pour  but  d'intervenir 
comme  tempérant  dans  cette  effervescence  pendant  l'inspira- 
tion, tandis  que  l'expiration  a  pour  effet  de  détruire  les  vapeurs 
formées  par  cette  opération  cbimi(jue  ^  :  liuic  ejervescenliœfer- 
vorique  contemperando  inspira tioncm  aeris  ;  Jialitibus  vero  tune 
simul  excitaUs  exicrnunandis  exspirntioneni  ejusdcm  opinamur  dica- 
iam.  Ainsi  la  res[)iration  sert  à  amender  le  sang  (^emendare 
sanguinemy  La  preuve,  dit-iP,  c'est  que  les  animaux  qui  ont 
des  poumons  ont  plus  de  clialeur  que  ceux  qui  n'en  ont  pas, 
que  la  respiration  croît  et  décroît  comme  la  chaleur  du  cœur. 
—  Que  de  vérités  entrevues  par  Sylvius  ! 

Voilà  donc  une  théorie  chimique  de  la  respiration  et  de  la 
chaleur  animale,  substituée  aux  notions  vagues  des  anciens 
et  au  mécanisme  insuHisanl  des  contemporains  de  De  le  Boé. 
Pendant  le  xviii''  siècle,  tous  les  médecins  furent  pour  le  dé- 
veloppement de  la  chaleur  par  le  mouvement  (frottements). 
Ces  deux  tendances  rivales  ont  eu  chacune  leur  utilité.  Au- 
jourd'hui la  tendance  définitive,  p(^ut-étre,  des  sciences  natu- 
relles est  de  tout  ramener  à  des  axiomes  de  mécanique,  car  la 
mécanique  doit  finir  par  absorber  la  chimie  et  la  physique 
(théorie  mécanique  de  la  chaleur,  transformation  des  forces, 
conservation  de  la  force). 

Ce  qui  est  vraiment  topique  dans  De  le  Boë,  c'est  l'opinion 
qu'il  émet,  à  savoir  que  l'air  ne  tempère  pas  seulement  l'effer- 
vescence du  sang,  mais  qu'il  cède  au  sang  quelque  chose  de  ina- 
térieP  ;  necesse  est  ut  aliquid  ex  aère  communicetur  snnguini,  quod 
contrariam  dh,  quant  m  corde  accepit,  producat  in  ipso  mutatio- 
nem.  Cette  matière,  De  le  Boë  suppose  (|ue  c'est  un  sel  très-pur. 

Il  ne  sert  de  rien  de  critiquer  ces  essais  chimiques  impar- 

'  De  respiratinne  unuqtie  pulmonnm,     ranatomic  comparée,  nanguini  ex  aerf 
p.  17-1  8,  LVIL  nliquid  commuïncari. 

*  Assez  jolie  preuve,   empruntée  à  ^  P.  ic),  LXXIV. 


STLVIUS  DE  LE  BOË.  121 

faits.  La  méthode  est  bonne,  la  vie  est  ramenée  à  Tanalyse  par 
le  moyen  des  forces  physico- chimiques,  la  vérité  se  trouvera 
plus  tard,  et,  si  pendant  deux  siècles  il  faut  attendre  Lavoi- 
sier,  la  voie  est  toute  tracée. 

Sylvius  rapporte  un  grand  nombre  d'expériences  de  physio^ 
logie  (vivisections,  respirations  artificielles)  qu'il  a  faites, 
soit  seul,  soit  avec  Swammerdam. 

La  fièvre. —  On  trouve  dans  Sylvius  l'origine  des  opinions 
que  ses  compatriotes  Boerhaave  et  Van  Swieten  professeront 
plus  tard  sur  la  valeur  du  pouls  et  Tinsuffisance  des  signes  tirés 
de  la  chaleur.  C'est  le  culte  du  pouls  qui  recommence  au  dé- 
triment de  l'étude  de  la  chaleur. 

Sylvius  débute  en  déclarant  qu'il  ne  consent  point  à  s'hu- 
miiier  devant  les  décrets  des  médecine  autoritaires  qui  veulent 
soumettre  tout  le  monde  à  l'adoration  de  certaines  idées  tradi- 
tionnelles dont  ils  se  font  les  commentateurs  officiels  ;  qu'il  n'y 
a  que^expérience  qu'on  puisse  invoquer.  La  méthode  expérimentale 
est  proclamée  en  ces  termes  ^  :  Per  solam  experientiam  omnibus 
paientem  comparatum  determinatumque  omni  œvo,  quidquid  hacte- 
nus  boni  certique  habemus  in  medicina.  Sylvius  De  le  Boê  a  rai- 
son ,  et  il  nous  serait  facile  de  montrer  que  tout  ce  que  nous 
savons  en  médecine ,  nous  le  devons  à  l'observation  indépen- 
dante. Or  l'expérience  démontre,  dit  Sylvius,  que  le  seul 
signe  pathognomonique  et  constant  de  la  fièvre  c'est  là  fréquence 
sumaiurette  du  pouls,  et  par  là  il  ne  faut  point  entendre]  une 
fréquence  plus  grande  mais  naturelle  et  habituelle  k  un^indi- 
vidu  en  état  de  santé,  ni  cette  fréquence  non  naturelle  qui 
résulte  d'un  violent  exercice,  de  la  colère,  etc.  Quant  à  cette 
duUeur  accrue  de  tout  le  corps  qui  accompagne  le  plus  souvent 
les  fièvres,  elle  n'est  ni  constante  ni  spéciale  à  la  fièvre;  ainsi 
les  maniaques  et  d'autres  ont  quelquefois  cet  accroissement  de 

*  DiêpmL  WÈêdieamm ,  IX,  i,  p.  «5. 


122         CHAPITHË  r.  —  LA  CUALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

chaleur  sans  fièvre,  et  nous  avons  nombre  de  fois  constaté, 
montré  aux  assistants,  et  cela  avec  Tassentiment  des  malades 
eux-mêmes  qui  en  convenaient ,  des  maladies  où  il  n'y  avait 
aucun  accroissement  de  chaleur  nulle  part  pendant  des  se- 
maines, des  mois  même;  bien  au  contraire,  il  y  avait  un  re- 
froidissement persévérant,  pénible  pour  les  malades  et  per- 
ceptible pour  les  assistants  ^ 

Ce  n'est  pas  qu'il  ne  se  soit  trouvé  des  gens  pour  soutenir  contre 
tout  bon  sens  et  contre  l'évidence  que ,  chez  ces  malades ,  chez  ces 
fébricitants ,  malgré  le  froid  apparent,  il  y  avait  augmentation 
de  la  chaleur  intérieure  dans  le  cœur.  Mais  l'expérience  est  là 
pour  prouver  d'ailleurs  que  les  remèdes  réfrigérants  con- 
viennent moins  bien  aux  malades  que  les  réchauffants  (spiri- 
tueux et  huiles  essentielles). 

Ne  voit-on  pas  aussi  que,  dans  les  fièvres  intermittentes, 
au  début,  pendant  des  heures  entières,  le  frisson  est  violent, 
et  à  tel  point,  que,  pour  le  vulgaire,  le  frisson  est  toute  la  ma- 
ladie, qu'en  Allemagne  on  appelle  la  fièvre  intermittente*fièvre 
à  frisson  (nous  disons  en  France  fièvre  tremblante).  C'est  bien 
à  tort  que  quelques  personnes  professent  cette  opinion  erronée, 
que  le  stade  de  chaleur  dure  quatre  fois  plus  que  celui  de 
froid;  nous  avons  montré  le  contraire  m  nosocomio  aeademico. 

S.  De  le  fioé  ne  se  contente  pas  de  cette  affirmation;  il  va 
plus  loin,  et  trop  loin,  puisqu'il  affirme  que  la  fièvre  peut  exis- 
ter sans  que  nos  sens  perçoivent  une  augmentation  de  chaleur 
dans  les  parties  du  corps  soit  extérieures,  soit  intérieures,  et 
que ,  par  conséquent ,  il  faut  s'en  rapporter  au  pouls  et  à  lui  seul. 
Cette  erreur  est  plus  surprenante  encore  chez  Boerhaave  et 
surtout  chez  son  élève  Van  Swieten ,  qui  connaissaient  l'usage 
du  thermomètre.  De  Haén  devait  corriger  cette  erreur  défini- 
tivement. 

'  Goinroe  quelques  observations  ther-  tant  60  ans  que  !e  thermomètre  était 
mométriques  vaudraient  mieux  que  ces  trouvé  I  II  lui  faudra  encore  deux  siècles 
semblanla  de  preuves  I  II  y  avait  pour-     pour  rendre  ces  dissertations  inutiles. 


SYLVIUS  DE  LE  BOÊ.  123 

En  pariant  des  caractères  extérieurs  du  $ang  tiré  des  veines 
dans  les  maladies^.  De  le  Boë  reproduit  les  erreurs  tradi- 
tionnelles qui  subsistèrent  longtemps  après  lui  et  jusqu'à  nos 
jours  9  malgré  la  réfutation  qu'en  avait  faite  Van  Helmont.  Il 
conseille  de  ne  pas  pratiquer  la  phlébotomie  dans  le  frisson , 
de  peur  qu'en  diminuant  la  masse  du  sang  on  ne  diminue 
encore  la  chaleur. 

Au  chapitre  des  fièvres.  Sylvius  fait  remarquer  que,  si  la  fièvre 
seule  se  reconnaît  à  la  fréquence  du  pouls  '^^  il  faut  d'autres 
signes  encore  pour  différencier  les  fièvres  entre  elles;  la  fré- 
quence du  pouls  est  causée  soit  par  quelque  chose  d'acre,  d'a- 
cide, d'alcalin,  mêlé  au  sang,  et  qui  irrite  le  parenchyme  du 
cœur,  soit  par  quelques  vapeurs  portées  au  cœur  par  le  sang  et 
qui  excitent  la  fermentation,  etc.  Sylvius  ne  peut  se  dégager, 
quoi  qu'il  en  ait,  de  l'idée  ancienne  et  classique  de  la  chaleur 
localisée  dans  le  cœur.  Pourtant  il  admet  que ,  dans  la  fièvre 
continue,  causée  par  le  vice  de  la  bile  et  par  le  suc  pancréa- 
tique altéré,  il  se  fait,  dans  l'intestin  grêle,  une  effervescence 
qui  donne  naissance  à  des  vapeurs  acides,  qui,  répandues 
partout,  causent  un  léger  frisson.  •  • 

La  localisation  de  la  lésion  primordiale  de  la  fièvre  typhoïde, 
dans  rintestin  grêle ,  n'en  est  pas  moins  une  vérité  dont  il  faut 
faire  honneur  à  Sylvius  ;  mais  ce  n'est  qu'à  titre  de  bizarre  et 
inconsciente  découverte. 

Dans  le  chapitre  intitulé  De  sensus  coloris  lœsionibus^^  Sylvius 
examine  les  différents  modes  d'altération  de  ce  sens  suivant 
qu'il  est  aboli,  diminué,  augmenté  ou  dépravé,  soit  par  Ik  sec- 
tion ou  la  gangrène  des  nerfs,  soit  par  la  lésion  directe  du 
cerveau,  soit  par  la  fièvre  elle-même,  soit  par  l'épilepsie  et 

*  DtMêthodo  mêitndi,  lib.  I,  cap.  ti.         *  Pnueeoê  mëdieœ  lib.  I,  cap.  nvii. 

De  morhiê  êORgumi»  «1  Mfwm  nûliea-  Dêfibnbu$ingtMrê,p,  lôa.  ^ 

fMiit6ii0CMrafortM,$«d,p.A&.Laphthi-         '  IVaciaot  medica  lib.  II,  cap.  xii, 

aie,  rempyème.  p.  309. 


124         CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

autres  maladies  nerveuses.  Mais  tout  ce  chapitre  est  vague,  et 
il  eût  mieux  valu  examiner  les  variations  d'un  thermomètre. 

SYDENHAM^ 

(  Ecole  anglaise ,  xvii*  siècle,  iCtiA-1689.) 

La  fièvre.  —  ^Certainement  \di  fièvre  n'est  autre  chose  qu'un 
instrument  dont  se  sert  la  nature  pour  s(^parer  les  parties  im- 
pures du  sang  d'avec  les  parties  pures;  c'est  ce  qu'elle  exécute 
d'une  manière  entièrement  imperceptible  dès  le  commence- 
ment, et  même  dans  la  force  de  la  maladie,  mais  plus  sensi- 
blement et  manifestement  dans  le  déclin,  comme  on  voit  par 
les  urines.  En  effet  la  coction  de  la  matière  fébrile  n'est  autre 
chose  que  la  séj)aration  des  particules  morbifiques  d'avec  les 
particules  saines^.  ^  Sydenham  ajoute  conséquemment  quil 
faut  laisser*  la  fièvre  dans  toute  sa  force  aussi  longtemps  qu'il  n'y 
a  point  de  danger,  et  qu'à  la  fin,  quand  la  coction  a  amené  la 
sécrétion  de  la  matière  morbifique,  il  faut  employer  les  re- 
mèdes chauds  pour  la  hâter. 

ftLa  nature,  dit  Sydenham  (t.  l,  p.  3 3  9),  prévient  la  fièvre 
par  les  moyens  ordinaires  dont  elle  se  sert  pour  évacuer  la 
matière  morbilique.  C'est  ainsi  que  la  nature  se  sert  de  l'enchi- 
frénement,  de  la  toux,  de  la  diarrhée,  pour  prévenir  la  fièvre,  v 
Ailleurs  (p. 3o3)  :  ^^  Les  sueurs,  qui  sont  une  suite  et  un  effet 
delà  coction  de  la  matière  morbifique,  remédieront  à  la  mali- 
gnité des  fièvres  intermittentes  d'automne  et  de  la  fièvre  con- 
tinue. .  .  ??  Il  y  a  même  une  lièvre  que  Sydenham  appelle  dé- 


'    1626-1689.  Empirique,  véritable  féconde   et  très-pratique  des  consùtu- 

Anglais,  plein  de  sève  et   d*indépen-  tions.  Célèbre  par  sa  description   des 

dance,  en  relard  sur  les  Italiens  et  les  varioles  et  de  la  goutte.  Il  est  loin  ton- 

Hollandais  quant  à  la  pbysique  et  à  la  tefoisdc  mériter  le  titre  qu^on  lui  a  dé- 

ciiimio,  ne  fut  ni  un  savant  ni  un  phi-  cerné  de  VHippocrate  anglais. 

losopbe.  Sydenham  fut  surtout  un  bon  *  Traduction   de  Jault,   édition   de 

observateur;  a  réintroduit  Fidée  très-  Baumes,  1. 1,  p.  38;  Montpellier,  18 iG. 


SYDENHAM.  135 

ptiratoire  (p.  3o3),  et  qui  serait  la  fièvre  synoque,  non  putrido, 
d'après  Grant. 

Thérapeutique  par  le  chaud.  —  Bone  effeU  de  la  chaleur  des 
jeuneê  gens.  —  Sydenbam  s'exprime  ainsi  ^  : 

«Voyant  que  les  autres  remèdes  n'avaient  aucun  succès, 
j*ai  souvent  été  obligé  de  changer  de  batterie ,  et  j'ai  essayé  de 
ranimer  la  chaleur  des  malades  en  faisant  coucher  des  jeunes 
gens  auprès  d'eux,  ce  qui  m'a  très-bien  réussi.  Il  n'est  pas 
surprenant  qu'un  malade  se  trouve  fortifié  par  un  moyen  si 
extraordinaire ,  et  que  cela  aide  la  nature .  • .  puisqu'on  com- 
prend qu'un  corps  sain  et  vigoureux  transmet  une  grande 
quantité  de  corpuscules  spiritueux  dans  le  corps  épuisé  du  ma- 
lade. Aussi  n  ai-je  pas  trouvé  qu'en  appliquant,  à  diverses  re- 
prises, des  linges  chauds,  j'aie  jamais  pu  faire  la  même  chose 
que  par  cette  méthode,  dans  laquelle  la  chaleur  est  plus  ana- 
logue au  corps  humain,  et  en  même  temps  est  douce,  humide, 
égale  et  continuelle  •  •  •  D  autres  que  moi  mirent  ce  moyen  en 
asage  • . .  n 

On  pourrait  raisonner  sur  ce  chapitre ,  rappeler  que  les  en- 
fants se  tiennent  accroupis  au  giron  maternel,  que  les  femmes 
délicates  et  douées  de  peu  de  chaleur  cherchent  le  contact 
d'un  corps  plus  vigoureux  et  plus  calorifiant ,  que  les  animaux 
se  serrent  au  nid ,  au  terrier,  à  l'étable ,  etc. 

Danger  de  trop  ichaufferJe  malade.  —  C'est  presque  la  contre- 
partie du  chapitre  précédent. 

Sydenbam  (traduction  de  Jault)  :  ce  Je  crois  avoir  montré 
qu'il  est  très-dangereux  de  beaucoup  échauffer  le  malade  lors- 
qu'il a  de  la  fièvre  (variole)  et  que  les  pustules  commencent 
&  paraître,  c'est-à-dire  dans  le  moment  de  la  séparation ,  etc.;  " 
Et  ailleurs  (p.  ti5)  :  «Le  sang  étant  trop  échauffé  et  trop 

1  Fiènrê  amiimu.dêê  mrnéeê  i66î,  6a,  63,  6^, traduction  de  Jaalt,  Paris, 
177A,  1.1,  p.  47, 


126         CHAPITRE  I«.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

violemment  agité  pour  que  la  séparation  pût  s  opérer,  il  m'a 
paru  que  les  pustules  ne  se  montraient  pas,  quelques  cor- 
diaux qu'on  employât,  jusqu'à  ce  qu'enfin,  ayant  modéré  la 
chaleur  du  sang,  et  l'ayant  réduite  à  un  juste  degré  (Syden- 
ham  dit  ailleurs  que  ce  degré  est  celui  de  la  chaleur  normale) 
en  faisant  boire  aux  malades  de  la  petite  bière,  et  en  leur  6tant 
une  partie  des  couvertures  qui  les  accablaient,  j'aie  facilité  la 
sortie  des  pustules  et  j'aie  retiré,  par  la  grâce  de  Dieu ,  les  ma- 
lades du  danger  où  ils  étaient,  n  Sydenham  ne  parait  pas  avoir 
connu  les  préceptes  des  médecins  arabes,  qui  traitaient  la 
variole  par  les  boissons  glacées  et  les  affusions  froides 
(Rhazès). 

Ses  opinions  sur  la  nécessité  du  renouvellement  de  l'air 
firent  scandale  et  le  feraient  encore  aujourd'hui. 

MORTON*. 

(  École  anglaise,  xvu*  siècle,  vers  1660-1698.) 

Morton  [Defehrihus)  considère  la  fièvre'  comme  une  lutte 
des  esprits  animaux  contre  le  poison  morbide.  Soit ,  dit-il ,  que 
la  matière  morbifique  se  soit  développée  au  dedans,  soit  qu'elle 
vienne  du  dehors  par  l'air,  ou  qu'elle  pénètre  comme  le  venin  de 
la  vipère,  quand  elle  agit,  le  malade  devient  froid,  il  périt  en 
lypothymie,  ou  bien  ses  forces  opprimées  se  relèvent,  la  na- 
ture vires  recoUigens  pugnam  init,  cujus  prœludia  sunt  dotar  Uviier 
apaemodicus ,  horror,  rigor,  oscitatio,  eeterique  fiiotus,  quibtu  9pi~ 
rituê  animalis  oppresnu  sese  iterum  expandere  nititur,  u$quedum 
tandem,  vi  êpirituum  elastica  irrita,  et  supra  gradum  naturalem 


*  Docteur  en  1670,  mort  en  1698.  plus  célèbres  sont  la  Phihi$iologiê  ei  U 

Fils  d^un  prédicateur  de  Suffolk ,  élu-  Pyrétolngie. 

die  la  théologie  i  Oxford,  précepteur,        '  Richardi  Morton   Optrm  mBdkmf 

chapelain,  puis  médecin,  devient  mé-  a  vol.,  Lugdnni ,  apud  Pctrum  Rruyset 

decin  de  la  maison  du  prince  d'Orange,  etc.,  MDccxtxvii.  TVactafM  de  morètt  uni- 

Auteur  de  plusieurs  ouvrages  dont  les  venaUbuê  acutù,  1. 1,  p.  t8. 


MORTON.  127 

evectn,  calor  intentus  etfebrilis  argasmus  excitetnr.  Ab  hoc  calore 
pori  ctUiê,  sicut  ceterœ  œrporis  porUe,  irritait  et  occlusi  ,Jlammam 
intes^nam  acrius  irUendifaciunt,  donec  venenipars  a  spiritibut  jam 
Victoria  potitis  expdlahtr,  vel  a  propria  antidoto  subigatur,  et  tum 
Jenwm  pori  cutis,  non  amplius  constrieti,  coUuviem  humorum  a 
prœtematurali  calore  coUiquatam,  copiose  dimittunt,  modo  per 
^dvum,  aut  aliomodo  id  non  ante  factum  fuerit  :  vel  denique  natura, 
vi  superata  succumbit,  œger  epasmis,  deliriis,  stAeultibua  tendinum 
alnsque  diris  noHtrœ  triumphatœ  et  incassum  colluctantis  sympUh- 
matibus  in  génère  nervoiofatigatu8,fatis  cedii.  Hœc  estratioformaUs 
marbarum  wnvenalium  acutorum,  et  symptomatum  eoe  ctmcomi-- 
tanùum. 

MortoD  a  fait  ce  tableau  avec  conviction  et  naïveté.  On  par- 
iait ainsi  à  cette  époque^  qui  ne  connaissait  pas  encore  les  ré- 
ticences du  pédantisme ,  et  ne  redoutait  pas  les  critiques.  Ce 
tableau  si  bien  peint  mérite  d'être  conservé.  Beaucoup  d'es- 
prits non  métaphysiciens  y  trouveront  une  satisfaction  com- 
plète. 

La  description  de  la  fièvre  par  Morton  se  ressent  des  ou- 
vrages de  Van  Helmont ,  c'est  l'alliance  de  l'antiquité  et  de  la 
science  nouvelle.  Du  reste  on  n'en  sait  guère  plus  aujourd'hui  : 
Febris  ^  acuta  in  génère  est  calor  prœtematuralis,  in  eanguine  oc- 
ceniUê  a  epiritu  aninuili  miasnuUe  quodam  deleterio  contaminato, 
et  ex  accidente  quodam  irritato,  atque  insolito  moreprœter  naturam 
suam  expamo, 

'  Personne,  dit  Morton,  n'exigera  que  je  décrive  ce  miasme 
hétén^ine  (^moi  de  Paracelse).  On  peut  relire  à  cet  égard,  du 
reste,  ce  que  Sydenham  écrivait  un  peu  avant  Morton  sur  le 
même  sujet, ta  d-eîov. 

Après  une  bonne  description  des  stades  de  la  fièvre,  Mor- 
ton, comme  ses  contemporains,  conseille  les  cordiaux  dans 
la  période  algide,  et  considère  les  sueurs  ou   la  diarrhée 

'  Tome  I,  exerdlAiio  prima,  Dêfe-   Jikrt  êpkemtra  et  intermUtente,  cap.  i, 
hrihuê  meutii  tu  gtnên,  elfrmeerlim  de     p.  ao. 


128        CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

comme  des  phénomènes  critiques  qu'il  faut  espérer  et  provo- 
quer ;  il  conseille  aussi  la  saignée  et  les  boissons  chaudes  et 
sudorifiques;  et  il  s'élève  contre  l'erreur  des  médecins  spagi- 
ristes  qui  donnent  aux  fiévreux  des  remèdes  échai^anU.  Nor- 
ton est  évidemment  d'un  esprit  et  d'une  instruction  très4nfé- 
rieurs  è  Van  Helmont.  Il  a  franchement  le  langage  et  les 
préjugés  de  son  temps  ni  plus  ni  moins  qu'un  bon  écolier.  Ce 
qui  donne  un  caractère  spécial  è  sa  doctrine,  qui  ne  loi  est 
point  propre  du  reste,  c'est  l'idée  de  la  tpécifimti.  Le  mot  n'est 
pas  prononcé,  mais  la  chose  ressort  évidemment  de  sa  divi- 
sion des  fièvres  suivant  la  nature  de  leur  paimm  ou  de  leur 
ferment  propre  (^venena  in  génère,  seu  fermenta  fehrHia)\  cepen- 
dant il  admet  la  transformation  d'une  espèce  bénigne  en  une 
grave:  erreur  naturelle  à  l'esprit  humain. 

WILLISV 

(École  ang)aiie,  xm*  siècle,  16SS-1675.) 

Les  fermentations  ont  beaucoup  occupé  Willis,  qui  était  chi- 
miste, physicien,  anatomiste.  Pour  iui^  :  màeiur  quodfebris  ni 
tantumfermentatio,  teu  effervescentia  immodiea  sanguini  et  hunuH 
ribtis  iniucta.  Il  en  trouve  la  preuve  dans  l'origine  du  moi  fer- 
vere,  efiervescence.  Le  sang,  dans  la  fièvre,  entre  en  ébalii- 
tion  par  suite  de  son  altération  (De  crtiore  affeeto).  En  outre 
il  suppose  un  certain  «tic  qui  baigne  le  cerveau  et  les  nerfs  et 
qui  est  souvent  vicié;  d'où  le  spasme  {rigor)^  la  douleur,  les 


*  (169S-1675.)   Anatomiste,    cbi-     paai  oavnges  sont  :  Cms^n' afMrfonw, 
miatre,  diflDère  beaucoup  des  autres  më-    elc,  166&  ;  PnJÛuikgia  ctrdri,  1667  ; 


decins  anglais,  ressemble  plutAt  â  un  Hyêtérie  9i  hfpœhtmdriê,   1670;   De 

élève  de  Van  Helmont  et  de  SylYÎus  De  anima  hrutorum,  1679  ;  Pitmmaeeutiei 

le  Boë.  fofiofuifii,  167&. 

Né  à  Bedwin  (comté  de  Wiit),  étudie  *  Willis  Operm,  Lugdum,  idclixti, 

A  Oxford  chei  un  cbanoine,  en  1660  1. 1,  p.  63,  Ikfebnbu»,caip.  i^AntUomê 

professeur  de  philosophie  natnrdle,  en  êongumii  ;  tjm  molmiio   m  pût^qmê 


1666  praticien  à  Londres.  Ses  prind-    prmcipia,  eomparafw  eum  vimo  §t  Itiete, 


WILLIS.  -  STAHL.  129 

convulsions,  le  délire,  le  phrénitis  et  autres  symptômes  ner- 
veui  des  fièvres.  Le  sang  est  un  liquide  fermentetcible  comme 
le  vin,  la  bière  et  autres  liquides.  Alors  Wiliis  s'engage  dans 
une  dissertation  sur  l'analyse  chimique  du  sang  telle  qu'on  la 
pouvait  comprendre  à  cette  époque. 

Donc  le  mouvement  et  la  chaleur  du  sang  dépendent  de 
deux  causes  principales  :  d'abord  de  sa  propre  crasé  et  de  sa 
constitution,  où  l'esprit  de  sel  et  le  soufre  jouent  un  r&le~ 
prépondérant,  ensuite  d'un  ferment  inséré  dans  le  cœur.  Il 
est  inutile  de  développer  cette  théorie  qui  régnait  alors  dans 
les  écoles  chimiatriques. 

Il  nous  suffit  de  dire  que  les  phénomènes  physico-chimiques 
de  la  fièvre  sont  ce  qui  préoccupe  le  plus  l'auteur,  et  que  la 
cluJeur  lui  parait  la  manifestation  la  plus  remarquable  de  cette 
espèce  de  fermentation. 

Wiliis  admet  pour  la  fièvre,  intermittente  Fexistence  d'un 
principe  hiiérogène  introduit  dans  le  sang.  Il  donne  une  bonne 
description  des  altérations  de  l'urine.  Il  possède,  è  l'état  d'in- 
tuition, quelque  idée  du  parasitisme,  de  l'intoxication  et  de  la 
spécificité. 

STAHL». 

(Ecole  allemaiide,  fin  do  xth'  siède,  1660-1716.) 

Stabl,  l'auteur  de  la  théorie  du  phlogistique ,  ne  pouvait 

>  Ne  en  1660  i  An0{>Bch,en  Fran-  les  fièvres,  les  affections  périodiques, 

eonie;  mort  en  1716.  Grand  chimiste,  les  erreurs  de  la  nature,  la  température 

Frédéric  Hoffniann  le  fit  nommer  en  du  tang,  Thérédité,  la  logique,  la  mé- 

169a  profenear  â  Halle,  et  cette  réu-  dedne  sans  médecin,  et  Vê^cpectation,  Il 

mon  de  deux  grands  hommes  mérite  a  posé  les  fondements  de  la  chimie  dog- 

d*étre  notée,  «lie  n*a  pas  été  sans  in-  matique.  Il  est  Tauteur  de  la  Théorie  du 

flii«nee   sur  leurs  idées  personnelles,  phlogistique.  Bien  qa*il  se  soit  heau- 

Stahi  a  publié  des  ouvrages  innombra-  coup  occupé  de  la  chaleur,  il  n^est  pas, 

blés  sur  la  chimie,  la  physiologie,  Tana-  pour  nous  médecins,  d^une  grande  res- 

lomie,  les  mouvements  des  liquides,  source;  son  esprit  inquiet  est  occupé 

les  ptsaimu ,  le  poub ,  ke  jours  critiques,  ailleurs. 


130         CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

manquer  de  raisonner  sur  la  chaleur  animale,  ce  La  chaleur^ 
débarrasse  le  corps  de  ses  parties  les  plus  subtiles,  les  plus 
propres  à  Tëvaporation ,  et  contribue  par  ce  moyen  à  la  durée 
vitale  des  autres  parties. »  Ailleurs  (p.  963)  :  «Les animaux, 
au  dire  des  anciens,  consomment  d'autant  plus  d'aliments 
qu'ils  possèdent  plus  de  calorique.  Cette  énergie  si  remarquable 
chez  ces  animaux  est  le  fait  de  la  chaleur.  i> 

Au  chapitre  de  la  pathologie  générale  (t.  IV,  p.  63),  par- 
lant des  actes  conservateurs  de  la  nature,  il  dit  que  l'art  doit 
les  favoriser,  et  ii  ajoute  :  ^Les  fièvres  nous  fournissent,  du 
reste,  un  exemple  plus  évident  encore  de  ces  sortes  de  phé- 
nomènes. Qu'il  nous  suffise  ici  de  dire  que  la  négligence  et 
l'ignorance  de  la  question  ont  rendu  très-difficile,  pour  les 
anciens,  nulle,  confuse  et  mensongère,  pour  les  modernes, 
la  connaissance  de  la  vraie  pathologie  des  fièvres,  c'est-à-dire 
l'exacte  appréciation  de  l'utilité  et  de  la  nécessité  même  d'un 
mouvement  vital  acquérant  une  plus  grande  intensité,  pour 
conserver  saines  les  parties  vivantes  par  l'élimination  régulière 
et  opportune  des  matières  corruptrices  et  corrompues. 

«Néanmoins  ces  actes  vitaux  si  salutaires  ne  peuvent  s'ac- 
complir sans  qu'il  en  résulte  un  double  phénomène  désa- 
gréable provenant  de  la  chaleur,  de  la  coloration,  de  la  tension 
des  parties  .  ,  .  n 

Au  chapitre  de  F  inflammation  (t.  IV,  p.  3i5),  Stahl  décrit 
la  stase  sanguine,  qui  n'est,  dit-il,  que  la  première  cause  ma- 
térielle de  l'inflammation,  «attendu  qu'il  peut  y  avoir  une 
grande  chaleur,  de  l'ardeur  mémo  dans  une  partie,  sans  que 
cela  constitue  une  stase  ni  un  état  inflammatoire.  " 

Plus  loin  Stahl  explique  le  malaise  et  le  défaut  de  transpi- 
ration des-  fiévreux  par  un  état  de  resserretiient  ou  de  tonicité 
de  la  peau,  sorte  de  constriction  (constipation,  disent  d'autres 
auteurs).  Sa  définition  de  la  fièvre  est  large;  le  phénomène 

*    Iraîe  théorie  tnetlicaUf  I.  III,  p.  66,  traduction  de  Bloodiii. 


STAHL.  131 

de  la  chaleur  n*y  occupe  qu'une  place  étroite ,  voici  cette  dé- . 
(ioition  (t.  IV,  p.  à  lia):  «(La  fièvre  consiste  dans  une  altéra- 
lion  remarquable  et  assez  uniforme  du  mouvement  du  sang, 
eoostamment  accompagnée  de  sensations  alternatives  de  cha- 
leur, de  froid,  et  d'atonie  ou  impuissance  d'exécuter  librement 
les  mouvements  volontaires.  A  ces  signes  pathognomoniques 
viennent  se  joindre  ordinairement  des  perturbations  sensibles 
et  manifestes  dans  l'appétit,  la  coction  et  la  digestion  paisible 
des  aliments,  dans  l'excrétion  des  matières  inutiles,  dans  la 
rétention  des  substances  utiles  au  corps  et  leur  assimilation 
enfin,  c'est-à-dire  dans  le  phénomène  général  de  la  nutrition. 
Ajoutez  à  cela  de  notables  dérangements  aussi  manifestes  que 
sensibles  dans  les  excrétions  de  la  seconde  comme  de  la  troi- 
sième digestion ,  c'est-à-dire  dans  la  transpiration  et  l'éjection 
de  l'urine.  En  même  temps  il  existe  une  véritable  torpeur  dans 
les  fonctions  animales,  tandis  que  la  sensibilité  universelle  a 
acquis  plus  d'activité,  et  même  une  intensité  insoKte,  tant  au 
point  de  vue  général  des  sensations  ordinaires ,  qu'au  point  de 
vue  spécial  d'un  sommeil  paisible.  » 

La  théorie  de  l'utilité  de  la  fièvre  est  exposée  très-correc- 
tement par  Stahl  en  ces  termes  (t.  IV,  p.  âSi  )  :  c^Il  faut  sé- 
rieusement examiner  quels  sont  les  symptômes  inutiles,  fâ- 
cheux et  passifs  qui  dépendent  de  la  funeste  efficacité  de  la 
maladie,  et  quels  sont  ceux  qui,  bien  qu'inévitablement  im- 
portuns, accompagnent  d'une  manière  inséparable  et  néces- 
saire certaines  actions  vitales,  utiles,  indispensables,  qui  se 
traduisent  avec  plus  d'intensité  par  des  excrétions  et  des  sé- 
crétions. .  •  De  cette  importante  considération  ressortira  enfin 
la  méthode  même  que  le  médecin  doit  suivre  dans  le  traite- 
ment des  fièvres.  Il  verra  combien  il  serait  désavantageux  de  com- 
battre par  des  tentatives  téméraires  les  salutaires  efforts  et  tes  mou- 
vements généreux  de  la  nature,  de  les  affaiblir  par  des  moyens 
inopportuns,  ou  même  de  les  négliger  sous  un  prétexte  quel- 
conque; il  comprendra  combien  il  est  utile,  au  contraire,  et  à 

9- 


132         CHAPITRE  l".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

.tous  égards,  de  suivre  sans  réserve,  à  l'exclusion  des  autres 
modes  de  traitement,  la  méthode  naturelle  qui  lui  est  indi- 
quée par  cette  observation  souverainement  importante,  et 
qu'on  ne  devrait  jamais  oublier,  savoir:  que  cett  fnréeisiment  à 
l'aide  des  assauts  fébriles,  ainsi  que  des  effets  légitimes  et  propor- 
tionnés de  l'attaque,  que  les  hommes  sont  intégralement  délivrés  des 
Jièvres,  par  lu  puissance  spontanée  de  la  nature,  en  dehors  de  tout 
concours  de  la  médecine  et  sans  l'intervention  taucun  moyen  ar^fi" 
cieLn 

Et  cela  ne  suffit  pas  à  Stahl,  il  revient  souvent  sur  le 
même  sujet  et  termine  ce  chapitre  ainsi  :  «(Sans  doute  cW 
bien  parler  que  dire  que,  pour  chasser  et  expulser  au  dehors 
les  matières  fébriles,  leurs  effets  et  leurs  funestes  propriétés, 
le  meilleur  et  Tunique  moyen  consiste  dans  une  habile  pro- 
vocation ,  dans  une  administration  régulière  des  sécrétions  et 
excrétions  naturelles.  Mais  (t.  IV,  p.  &68)  qui  pourra  obtenir 
une  exécution  normale  et  légitime  de  ces  fonctions  vitales?  Les  fièvres 
elles-mêmes,  seules;  les  fièvres  toujours  constantes  avec  elles-^mémes, 
à  condition  que  des  causes  accidentelles  ne  viendront  pas  pervertir, 
troubler  et  arrêter  leur  cours  régulier,  »  Nous  recommandons  ce 
dernier  point  à  l'appréciation  de  ceux  qui  sont  k  m^me  de  le 
comprendre. 

Ceux-là  seront  toujours  rares  en  tout  temps,  ce  seront  les 
stoiques,  les  gens  de  sang-froid  dont  le  scepticisme  repose  sur 
des  bases  scientifiques.  La  tourbe  médicale  se  ruera  toujours 
vers  les  remèdes.  L'auteur  du  traité  satirique  de  i'expectation 
ne  sera  compris  que  du  petit  nombre,  et  Fera  plus  loué  pour 
ses  défauts,  pour  ses  écarts  d'imagination,  pour  son  ani- 
misme, que  pour  les  arrêts  sévères  et  peu  consolants  que  lui 
a  dictés  la  froide  raison. 


FRÉDÉRIC  HOFFMANN. 


133 


FRÉDÉRIC   HOFFMAINN'. 

(École  allemande,  60  du  xtu' siècle,  1660- 17&S.) 

Dans  sa  philosophie  du  corps  humain  vivant  et  sain,  sorte 
d'exposé  physiologique  qui  sert  d'introduction  aux  ouvrages 
médicaux^  Hoffmann,  très-complet  sur  tous  les  points,  ne  con- 
sacre pas  de  chapitre  au  calorique.  Cependant ,  à  l'article  De 
sanguinis  circulo  per  pulmones  et  respirationis  usu^^  se  trouve 
ce  court  paragraphe  suivi  de  son  commentaire  :  te  La  chaleur 
du  corps  provient  de  celle  du  sang,  et  celle-ci  résulte  d'une 
agitation  violente  des  parties  intérieures,  surtout  des  sulfu- 
reuses, par  quoi  Ton  connaît  que  la  respiration  et  le  mouve- 
ment du  sang  dans  les  poumons  ne  refroidissent  pas  le  sang, 
mais  plutôt  accroissent  sa  chaleur.  Nous  voyons  que  les  animaux 
les  plus  chauds  et  qui  ont  beaucoup  de  sang  chaud  dans  les 
veines  sont  pourvus  de  poumons;  les  plus  froids,  au  contraire, 
comme  les  poissons ,  en  sont  dépourvus. . .  d'ailleurs ,  plus  la 
respiration  est  accélérée,  comme  quand  on  élève  la  voix  et 
qu'on  parle  longtemps,  plus  le  corps  s'échauffe.  •  •  » 

Au  chapitre  de  la  nature  du  sang^^  Hoffmann  dit  que  «tla 
chaleur  n'est  autre  chose  que  le  mouvement  des  parties  sulfu- 
reuses du  sang,  d'où  vient  que,  si  le  sang  circule  avec  plus  de 


'  Ne  eo  1660  i  Halle,  mort  en 
1 7^9.  Appartenait  à  une  famille  de  mé- 
decins célèbres  et  ricb^s.  Étudie  à  léna , 
à  Erfartfa ,  mais  principalement  la  chi- 
mie. Le  roi  de  Prusse  lui  fait  fonder 
VOwiwminié  de  Halle,  où  Hoflmano  ap- 
pelle Stahl.  Comte  du  palais,  conseiller 
antique,  preoiier  médecin  du  nâ ,  a  pro- 
ftm*  pemdoAt  5s  ans  toute  la  médecine, 
la  chimie,  b  physiologie ,  la  philosophie, 
b  Ihërapeutique.  Encyclopédiste  comme 
Galien,  Hoffmann,  le  grand  homme  du 
Brandebourg,  fut  chimiste,  phynrion, 


botaniste;  ses  ouvrages  forment  toute 
une  bibliothèque  (grande  édition  in-A* 
en  6  vol.  et  3  vol.  de  supplément.  Ge- 
nève, 1761).  Gomme  tous  les  grands 
médecins  de  ce  temps,  il  fut  très-versé 
dans  les  sciences  naturelles.  C^est  un 
homme  d'une  érudition  colossale,  mais 
il  n'est  p<u  <n^ginaL 

*  Friderici  Hoffmanni  Opéra  amnia, 
Genève,  mikmxti ,  lib.  I ,  sect.  1 ,  cap.  tu  , 
S  93,  1 1,  p.  A6. 

'  De  sanguine  kumano  e^usque  naiura, 
lib.  I ,  sect.  I ,  cap.  «   S  i3, 1. 1,  p.  38. 


i;U  CHAIMTUE  r.  —  LA  CHALKUR  F/f  LA  FIKVRK. 

rapidité,  comme  dans  la  fièvre,  ou  a|)rès  un  violent  exercice, 
ou  après  (pron  a  absorbé  des  spiritueux,  la  chaleur  alors  do 
\ient  |)lus  grande.  ^ 

Ij'elTel  est  ici  pris  |)our  la  cause;  du  moins  nous  enseignons 
que  la  circulation  est  fonction  de  la  température.  Hoffmann 
ne  s'élève  pns  au-dessus  du  mécanicisme  de  son  époque,  11 
ajoute  :  Omnut  qiiœ  cnruliifu  san<i'ulni.t potefiler  anirenl,ea  quoque 
cfflorem  intcudunt  :  et  fjuœcunqne  ejus  motuw  retardant,  tllum 
wlnuuntK  -  Calor  tewperntus  ad  vltamae  mnitatem  tuendam  valde 
es!  neressarins  - . 

'  Il  faut  convenir  que,  si  Hofl'nuuin  n'a  point  connu  la  valeur 
de  la  ihermométrie  (il  est  venu  trop  toi),  il  a  du  moins  en- 
seigné combien  la  classification  du  pouls  en  tant  d'espèces 
dilFérentes  était  chose  ridicule  el  contraire  aux  principes  de 
la  mécanique.  Ses  critiques  s'adressent  à  Galien  et  à  ses  înii- 
(ateurs^. 

Il  va  sans  dire  que,  dans  ses  principes  de  thérapeutique ,  Hoff- 
mann conseille  la  saignée  dans  les  maladies  aiguës  et  dans  les 
lièvres  éru])tives. 

La  sage,  concise  et  excellente  définition  de  la  fièvre  telle 
que  les  anciens  la  transmettair'ut  aux  générations  nouvelles, 
t\  savoir  que  la  fièvre  est  un  malaise  avec  faiblesse,  augmenta- 
tion de  la  chaleur  el  accélération  du  pouls,  ne  suffit  pas  à  l'es- 
|)rit  mécanicien  (rHofimaïui:  il  déclare  ([ue  de  toutes  les  défi- 
nitions pas  une  ne  l'a  satisfait, et  il  en  donne  une  de  sa  façon. 
en  ces  termes  *  :  Spasmodica  nmrersi  sij.stematis  nervost  et  vascu- 
losi  ajjfertio  y  juncUi  eu  m  omnnnn  la  corpore  funrtionum  lœswne, 
nrla  a  eausa  nerroans parles  ad  niteuswrem  contractiouem  irritante, 


'    Liber  I ,  secl.  i,  riip,  i\,  >   i^j.  [h  ^    De  rnfwnnlipnlnuum  ejrplicnUovr  H 

circuli  xaniiniiiix  ad  rouKfrvnhonnm  cor-  judicin   in  morhi»  vecU*  e.r  iisdem  J'or- 

pnn'ft  usu .  (.  I,  p.  .")!.  inniido,  secl.  1,  cap.  XII,  I.  I,  p.  36''î. 

-   IjIxt  l.serî.i.  cap.  i\,  S  i().  /)p  *   Dt'fohrimnnatuvfi  in  frenere^cap.  i  ^ 

rirriili  fimifrnitiig  ad  (nnsin'vtihonfm  rny-  S  3.  L  II.  p.  (). 
intrifi  f  11(11 ,  I.  L  j>.  .')  I . 


FRÉDÉRIC  HOFFMANN.  135 

ila  qmdem  ut,  accedmie  ipêa,Jluida  vitalia  primum  ad  inieriora, 
cor  et  majora  vasa  ab  externe  amhitu  agantur,  et  postea,  aucta  cor- 
du  et  arteriarum  systole,  celeriter  cwn  œstu  per  sirictiora  vasa  iie- 
rmn  extrorsum  pellantur,  donec  spasmo  laxato  excreùones  succédant 
eifehris  desinat. 

Voilà  une  phrase  longue,  mais  équivalant  à  une  profession 
de  foi;  c'est  tout  un  système,  un  Credo.  Hoffmann  appartient 
à  la  catégorie  des  hommes  de  foi,  qui  expliquent  tout,  se  fient 
à  un  système  mécanique,  et  dont  la  confiance  en  eui-mémes 
est  inébranlable.  L'aurore  du  xviii*  siècle  était  pleine  d'espé- 
rances, et  l'on  y  escomptait  l'avenir.  Le  présent  n'a  pas  tefau 
toutes  ces  promesses  :  nous  sommes  à  une  époque  de  mé- 
fiance. Voilé  pourquoi  la  phrase  d'Hoffmann  nous  parait  trop 
longue  et  trop  prétentieuse;  elle  ne  produisait  peut-être  pas 
cet  effet  aux  hommes  de  son  temps.  Du  reste  la  théorie  qui  y 
est  contenue  était  couramment  enseignée  dans  les  écoles  et 
ne  rencontrait  guère  de  contradicteurs.  On  voit  que  la  chaleur 
occupe  dans  cette  théorie  une  place  tout  à  fait  infime. 

Le  fond  de  cette  théorie  de  la  fièvre ,  c'est  le  spasme  {natura 
calenata)^  le  frisson  [horror,  rigor,  frigus)^  le  pouls  petit  et 
serré,  puis  la  délivrance  par  la  dilatation  des  vaisseaux  et  la 
diffusion  à  la  peau,  etc.  Le  premier  mouvement  est  centripète, 
le  second  est  centrifuge.  Hoffmann  en  prend  occasion  de  dire 
que  ïineffabilis^  divina  providentia  merito  celebranda,  quœ  cor- 
ports  nostri  machinam  animalem  tam  sapienter  potentiis  et  faculta- 
tibus instruxit motricibus,  ut ipse morbus,  qui, etc.,  ad expugnan- 
dam  ipsam  suam  causam  suique  curationem  sœpissime  vergat  et 
vergers  possit.  Ce  qui  suit  est  absolument  caractéristique  de  la 
doctrine:  si  la  nature  est  si  bienveillante,  ne  nous  mêlons  de 
rien,  de  peur  de  la  déranger  :  Atque  adeo  quum  ipsa  natura  sii 
optima  morborum.  etiam  ipsius  febris,  medicatrix,  pemiciosum 
omnino  est  moUmen  fébriles  in  salutem  tendentes  motus  imprudenUr 

'  fWlegomiiia ,  Md   i ,  S  9 ,  t.  IJ ,  p.  lo. 


136         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

medicina  suspendere,  supprimere,  aut  plane  lollere  t'tlle,  secutidan- 
dum  potins  mUurœ  saluhernmum  opus,  quodper  auciiorein  progrès 
sivum  humorum  motum,  ad  correctionem  et  resolutionem  materiœ 
vwrhijlcœ  ipsinsgue  tandem  excretwnem  dirigitur.  Les  moyens 
conseillés  par  Hoffmann  sont,  en  consécjuence,  les  diluants, 
les  humectants,  les  tempérants,  les  apéritifs,  les  fortifiants  et  les 
évacuants...  C'est  une  méJecine  prudente,  et  c'est  encore 
celle  de  la  plupart  des  médecins  de  notre  époque,  où  le  scep- 
ticisme est  grand. 

Hoffmann,  à  la  vérité,  reconnaît  les  vertus  de  Teau  froide 
en  boisson  dans  les  maladies,  mais  c'est  en  érudit  quH  parle 
j)lus  qu'en  praticien.  Dans  son  livre  De  rationalis  therapiœ  fun- 
damentis,  de  aqua'  frigidœ  potu  salutari^^  il  reconnaît,  avec  Hip- 
pocrate,  que,  dans  les  maladies  qui  naissent  d'une  qualité  in- 
tempérée des  humeurs,  il  faut  rétablir  l'équilibre,  et  qu'alors 
parfois  il  faut  traiter  par  les  contraires.  Si  le  sang  et  les  hu- 
meurs sont  en  excès,  il  faut  corriger  cet  excès  par  les  con- 
traires, la  faim,  les  émissions  sanguines  et  les  évacuants.  Si 
les  sucs  louables  font  défaut,  il  faut  employer  les  aliments  et 
les  substances  qui  refont  le  sang  et  les  humeurs.  Une  chaleur 
excessive  demande  des  réfrigérants,  et  Hoffmann  cite  Hippo- 
crîlte  :  calidœ  naturœ  refrigeratio  confort,  aquœ  pot  us  et  quies; 
Galien,  qui,  dans  les  (ièvros  trop  chaudes,  conseille  de  donner 
à  satiété  de  l'eau  très-froide;  Celse  et  Primerose  (De  vulg.  er- 
ror.)\  Alpinus,  etc. 

Il  parle  enfin  de  sa  propre  expérience,  et  cite  parmi  les 
fièvres  dans  lesquelles  il  a  éprouvé  les  effets  salutaires  des 
boissons  froides,  les  fièvres  ])ilieuses  ardentes,  la  synoque  bi- 
lieuse, la  synoque  catarrhale,  la  tierce  continue  et  doublée, 
011  les  boissons  froides  favorisent  la  réaction  sudorale.  H  ad- 
met aussi  l'utilité  des  boissons  froides  dans  certaines  fièvres 
éruptives,  dans   la  dyssentorie   (d'après    Diemerbroeck),  et 


I 


SpcI.  Il,  cap.  \i,  Dv  aquœ  fri^rnliP  potu  gnlutari A.  I,  p.  'i6(). 


BOERHAAVE.  137 

dans  diverses  maladies  apyrétiques.  Hoffmann  cite  encore  le 
livre  de  Smith  :  De  virtutibus  medictnaUbus  aquœ  communis  (édite 
en  anglais  et  traduit  en  français). 

En  résumé,  Timmense  encyclopédie  médicale,  chimique, 
physique,  physiologique,  philosophique,  d'Hoffmann,  ne  con- 
tient que  quelques  rares  passages  relatifs  à  la  chaleur,  et,  au 
milieu  de  tant  d'aperçus  scientifiques,  la  place  de  ce  phéno- 
mène est  à  peine  indiquée. 

Pour  étudier  cette  question ,  et  apprécier  l'importance  des 
pesées  dans  les  différents  états  physiologiques  et  pathologiques, 
il  faut  lire  Jean  de  Gorter. 

BOERHAAVE\ 

(Le  plus  iiluslre  membre  de  la  belle  école  hollandaise,  précurseur 
de  Técole  de  Vienne.  —  xviii*  siècle,  1668-1738.) 

Boerhaave  a  connu  l'usage  clinique  du  thermomètre.  Un 
auteur  moderne,  Wunderlich^,  ne  lui  accorde  pourtant  qu'une 
petite  place  dans  l'histoire  de  la  thermoscopie  clinique.  Nous 
verrons  en  effet  que  c'est  surtout  dans  les  mpdifications  de  la 
circulation  qu'il  cherche  la  connaissance  de  la  fièvre,  mais  il 


'  Né  près  de  Leyde  en  HoUande,  eo  botanique  et  de  médecine.  II  eut  un 

1 668  «  mort  en  1 738 ,  était  le  ûis  d'un  grand  succès  et  réunit  un  grand  nombre 

miniatre  protestant;  il  étudia  le  grec,  d^élèves.  Il  publia  les  ituMutûmi  et  les 

le  latin,  la  métaphysique,  Thébreu,  et  aphori9me».  En  1718  il  devient  en  plus 

était   destiné    à    Télat   ecclésiastique,  professeur  de  chimie.  (Il  anail  trois  chai- 

Également  instruit  dans  les  sciences  res.)  Il  fut  le  plus  grand  et  le  plus  cul- 

malhématiques,  il  enseigne  ces  scion-  tivé  des  professeurs  de  l'Europe.  Il  re- 

res  et  lei  lettres.  11  réfute  les  erreurs  çut  les  visites  d'un  grand  nombre  de 

d*Épicure,deHobbes,deSpinoiia,etc.;  souverains,  il  mourut  en  1738  laissant 

étudie  la  médecine  à  sa  ans,  est  reçu  un  grand  nombre  d'ouvrages,  et  surtout 

dodeor  à  a  5 .  On  Paccusc  d'athéisme ,  il  ayant  été  un  m  Atra  1  vénéré  de  ses  élèves. 

renonce  à  Tétat  ecclésiastique.  En  1 701 ,  *  Wunderlich ,  Hùtairê  et  bildiogra- 

k  33  ans,  il  est  professeur  adjoint  à  phMêde$ob$ervatûmêtherinométriquêêmé' 

Leyde;  en  1 709  il  devient  professeur  de  dieale$. 


138 


CIIAPITIU-    1.  —  LA  CUALKUR  ET  LA  FIEVRK. 


ajoute  dans  son  6'ji^  aphorisme^  :  Calor  febrilts  thermoscopin 
ext^rnns,  sensu  œgvi ,  et  rubore  vrwœ  internus  cognoscittir, 

La  définition  que  Boerhaave  donne  de  la  fièvre  est  excel- 
lente (aplîor.  563)  :  -Dans  toute  fièvre  due  à  des  causes 
internes,  au  début,  il  y  a  horripilation,  pouls  rapide  et  cha- 
leur, à  divers  moments  et  à  divers  degrés.??  Ces  trois  symp- 
tômes forment  en  effet  la  triade  fébrile  (a|)hor.  564):  in  {jim 
fehre  liœc  tria  decurruut.  etc. 

A  la  vérité  Boerliaave  se  fie  plus  au  pouls  qu'à  aucun  autre 
signe,  et  il  ne  fait  en  cela  que  suivre  la  tradition  galénique  re- 
nouvelée par  Harvey,  il  admet  donc  la  triade,  mais  le  pouls  seul 
lui  paraît  im  guide  sûr  (570)  :  quœ  quidem  in  omnifebre  adsunt, 
sed  sola  velocitas  puisus  adest  ex  liis  omnijebns  tempore,  ah  initia 
ad  finem,  eaque  sola  medicus  prœsentem  Jehnm  judicat.^  C'était 
alors  l'opinion  régnante,  elle  Test  encore  aujourd'hui;  elle 
re[)résenle.  dans  les  termes  rapportés  par  Boerhaavc,  l'exacte 
vérité,  et  dans  l'aphorisme  suivant  (07  1)  :  Adeoque  quidquid  de 
febresic  novit  medicus,  id  vero  omne  velocdate  pulsuum sola  cognos- 
citur,  (]ela  n'empêche  pas  que  Boerhaave  insiste  sur  la  chaleur 
(ôyg):  in  omni  Jebre,  lus  prai^ressis,  oritur  calor,  major,  minar/ 
brevis,  diuturnus,  internus,  extern  us,  vel  loci,  pro  varietfUe  fehrix. 


^  Pour  Boerhaave  el  Van  Swieten  los 
indications  bihlioijrapliiques  renvoient  à 
rédition  :  Gerardi  \un  Swieten,  Com- 
tneutarn  in  Hermanm  Boerhaavp  aplwris- 
nios,  on  5  volumes,  Parisiis  apiid  (juil- 
leluium  Cavelier  mdcciai. 

-  I.a  trndïlion  avait,  du  reste,  con- 
servé pnViiiisement le  précepte  formiiM 
par  Galienjes  médecins  tàtaient  la  peau 
dos  malades  et  en  reconnaissaient  la 
chaleur.  Un  siècle  et  demi  avant  Boer- 
haave, un  médecin  polonais,  Slruthl'ts 
{ Àr$  iphygmica  y  livre  11,  chap.  \, 
i5/i(»),  après  avoir  énuméré  loiilos  les 
qualités  classiques  i\\\  pouls,  ajoutait 
que  le  lacl  curuhirit  plm  ad  jfcrnpwn- 


dam  corporis  caliditatetn ,  tangere  arUia  < 
œiivoliy  dortum,  thoracpin,  hypochimdria, 
volax  manu»  et  plantas  pedutn. 

Et  plus[^tard  Bordeu,  vingt  ans  après 
la  mort  de  Boerhaave,  dans  ses  re- 
cherches sur  le  pouls,  1756,  D'en  sait 
pas  plus  que  Strulhius,  la  Iradition 
s'est  affaiblie  :  rOn  découvrira  liieD  des 
choses,  dit-il,  au  sujet  du  rapport  de  la 
chaleur  ou  du' froid  de  ces  extrémités 
avec  les  différents  états  de  la  maladie: 
il  y  a  des  médecins  qui  croient,  en  cer- 
tain cas,' devoir  tàter  les  pieds  de  leurs 
malades;  on  en  a  vu  qui  jugaient  les 
maladies  des  entants  presque  par  ]t* 
seul  tact  lies  pieds. '^ 


BOERHAAVE.  139 

il  constate  que  cette  chaleur  accompagne  toute  fièvre,  mais 
comme  effet,  non  comme  cause  ou  essence  de  la  fièvre,  et, 
comme  tous  ses  contemporains  et  devanciers,  il  voit  la  cura- 
tion  dans  Texcrétion  de  la  matertes  mali,  par  les  sueurs^  la  diar- 
rhée, les  urines,  etc.;  il  tient  pour  les  boisMns cluiudet, 

Dans  son  G'jlV  aphorisme,  Boerhaave  donne  le  thermo- 
mètre et  la  rougeur  des  urines  comme  les  moyens  de  juger  de 
la  chaleur  fébrile.  Il  est  à  remarquer  que  Boerhaave  a  préci- 
sément dit  ce  qu'il  y  avait  à  dire  sur  la  chaleur  fébrile,  et  cela 
avec  une  telle  rigueur,  qu'aujourd'hui  Ton  ne  dit  pas  autre- 
ment. Le  thermomètre  est  cité  d'abord ,  et  il  n'est  point  ques- 
tion du  tact,  le  tact  est  trompeur,  le  thermomètre  seul  dit  la 
vérité;  puis  la  sensation  du  malade  vient  après;  enfin  l'urine, 
dît-il,  fait  connaître  la  chaleur  intérieure.  En  effet,  ne  me- 
sure-t-on  pas  les  calories  émises  par  les  produits  de  combus- 
tion que  renferme  l'urine?  Il  est  vrai  que  Boerhaave  parle  de 
la  chaleur  externe  et  de  la  chaleur  interne  comme  s'il  en  exis- 
tait de  deux  ordres,  et  qu'il  croit  aux  chaleurs  locales  :  eemper 
requirit  majorem  ignis  copiam  in  iUo  loco  quem  plus  calefaeit  (67  a). 
(lette  erreur  devait  plus  tard  être  réfutée  [>ar  Hunter.  Van 
Swieten  développera  l'aphorisme  678  et  donnera  la  descrip- 
tion des  thermoicopia  ou  thermomètres,  en  indiquant  sa  pré- 
dilection pour  l'instrument  de  Fahrenheit  ^  Ainsi  il  est  dé- 
montré que  l'usage  du  thermomètre  a  été  reconnu  utile  et 
préconisé  dans  les  leçons  publiques  au  commencement  du  xvm' 
siècle,  mais  on  était  bien  loinde  connaître  encore  toute  la  va- 
leur  et  de  l'instrument  et  du  phénomène  auquel  il  s'appli- 
quait. Boerhaave  ne  sait  rien  des  causes  de  la  chaleur,  que  ce 
que  l'on  savait  de  son  temps  :  le  mouvement,  les  frottements, 
les  résistances,  etc.  Boerhaave  explique  la  chaleur  par  le 
choc  et  le  frottement  des  parties  liquides  entre  elles  et  contre 

I  Falirenheik,néà  Danlzig(i685),  Ihermomètre  centigrade  et  le  a  19*  au 
inventa  on  thennomètre  i.mercure  dont  1 00*  centigrade  :  quaUa  hodiê  yvXehtr- 
le  3a'  degré  oofreapoiid  au  xéro  da     rima,  dit  Van  Swielen. 


lâO         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

les  parois  des  vaisseaux;  il  raiiribue  à  la  résistance  de  ceux-ci , 
k  la  violence  des  mouvements  du  cœur,  à  la  densité  du  liquide 
sanguin»  d'où  viennent  la  dureté  du  pouls,  sa  fréquence  et 
son  ampleur.  Boerhaave  professe  simplement  les  idées  méca- 
niques de  son  temps.  Il  croit  aussi,  malgré  les  travaux  de  Van 
Helmont,  que  Ton  peut  juger  de  la  densité  du  sang  ipso  cm-- 
spectu  extrarasati.  L*étroile$se  (^angustia)  des  vaisseaux  se  recon- 
naît, dit-il,  à  la  vue,  au* toucher,  quand  la  chaleur  est  sèche, 
et  que,  la  circulation  ne  paraissant  pas  très*active ,  la  tempé- 
rature est  très -accrue  (683).  Il  ne  reconnaît  pas  d'autres 
causes  spécifiques  de  la  chaleur,  dont  il  décrit  ainsi  les  effets 
(aph.  68g)  :  Cahr  auetus  liquidiêsima  dissipât  ex  nostro  cruore, 
ii  est  aquam  spiritus,  sales,  oUa  subtilissima;  reliquam  massam 
siccat,  densat,  cmcrescere  cogit  immeabikm,  irresolubilem  mate- 
riem;  sales  oleaque  expedit,  atténuât,  acriora  reddit,  exhalât, 
movet;  hinc  minima  vasa  atterit,  rumpit;Jtbras  siccat,  rigidas  cm-- 
tractasque  reddit;  hinc  suhito  multos,  xeleres,  pericuhsos,  kUudes 
morbos  producit,  qui  a  priori  facile  deduci  possunt. 

Boerhaave  explique  le  mécanisme  intérieur  et,  pour  ainsi 
dire,  moléculaire  des  échanges  intimes,  et,  s'il  est  permis  de 
critiquer  un  aussi  grand  savant ,  on  peut  dire  qu'il  s'est  laissé 
entraînera  un  écari  d*imagi nation.  «lOn  peut,  dit-il,  d'après 
cela,  comprendre  combien  de  remèdes  variés  doivent  être  em-- 
ployés  pour  mitiger  la  chaleur  (690),  i>  et  il  les  indique  dans 
les  aphorismes  suivants  avec  la  sûreté  de  conscience  d'un  logi- 
cien qui  croit  h  la  puissance  du  raisonnement  a  priori  dans 
les  sciences  d'observation.  Aussi  a-t-il  facilement  réponse  à 
tout  :  c(  Si  la  vitesse  seule  fait  l'augmentation  de  la  chaleur,  il 
faut  employer  tout  ce  qui  la  ralentit:  repos  d'esprit  et  decorps, 
émission  sanguine,  légère  et  courte  compression  des  veines  des 
membres,  application  modérée  des  substances  froides  intuset 
extra; SX  c'est  la  densité,  boire  de  l'eau,  de  l'oxymel,  ce  qui  re- 
lâche les  vaisseaux;  si  c'est  la  pléthore,  donnez  les  évacuants, 
les  acides;  s'il  y  a  obstruction,  etc.,  etc.,  les  laitatifs.  r>  Les  expli- 


JEAN  DE  GORTER.  14t 

cations  et  les  préceptes  de  Boerhaave  sont  au-dessous  de  ses 
observations;  on  sent,  en  le  lisant,  que  la  physique  n'est  pas 
encore  venue  au  secours  de  la  médecine.  L'idée  de  la  chaleur, 
cause  unique,  ennemi  unique,  objectif  principal,  n'apparatt 
pas  encore. 

JEAN  DE  GORTER\ 

(Émaie  et  imitaleur  de  Sanclorius,  xvin*  siècle,  1689-1769.) 

Jean  de  Gorter  revient,  à  chaque  ligne  de  ses  ouvrages,  sur 
les  causes,  la  nature  et  les  effets  de  la  chaleur^.  Dans  son  cha- 
pitre De  aucta  perspiratione ,  il  reconnaît  quatre  causes  à  l'élé- 
vation de  la  chaleur',  ut  corpus  humanum  magis  incalescat,  una 
nel  plurtê  liarum  requiruntur  causœ:  i"  carporaaetu  ealida  carpari 
humano  iq^pUcata  vel  tngesta;  â"  cakjacientia  $ua  natura  eodem 
modo  aihibitn;  3*  ealor  naturalis  per  se,  aut  actiombus  corporis 
suscitatus;  â*  quœ  refrigerium  corpori  calescentiadimunt,calorem'~ 
que  semel  suscttatum  quasi  insuofovent  sinu. 

Le  mode  par  lequel  se  perd  la  chaleur  le  préoccupe  plus  en- 
core que  les  moyens  par  lesquels  elle  augmente.  Pour  lui, 
c'est  la  perspîration  qui  règle  la  chaleur  en  expulsant  la  ma- 
tière morbifique^  :  Si  déficit  natura  ad  expellendam  materiam  re- 
lentam  insensibiliter,  adjuvetur  calidis  extemis  applicatis,  ut  colore 
oeris,  balneorum,  finnentorum,  stragulorum  vestiumve  cooper- 
tione,  lavacris  calidis.  Quando  et  quomodo  his  utendutn,  descripsi- 


*  Nd  en  1 689 ,  eo  Hollande,  A  Enck- 
bu^fien.  Élève  de  runiversité  de  Hâriem , 
puis  de  Boerbmve  (I.eyde);  se  pas- 
nonne  pour  Borelli  et  Sanctorius;  fait 
conatraire  un  fauteuil  balance  et  publie 
son  Trailê  de  la  penpinttton  nuensAU: 
profeaaenrèHarderwick,  pui»  à  Saint- 
PéCiwsboui^,  médecin  de  Catherine. 
Nombreux  ouvrages:  analomie,  pby- 
ie,  botanique,  pathologie  géné- 


rale, et  chirurgie,  eneyclop^dittê  de  1  ao 
ans  postérieur  à  Sanctorius. 

*  Johannes  de  Gorter,  De  pereptra- 
tiene  ùueneilnH,  avec  commentaires  sur 
les  aphorismes  de  Sanctorius.  Editio 
altéra.  Liigdnni  Batavoram  apod  Jans- 
soniosVander  Aa,  1736. 

'  De  aueia  perepiraiùmê,  cap.  un, 
S  1 9 ,  p.  1 69. 

^  Gap.  zii,  S  53,  p.  lào. 


Iâ3         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALECR  ET  LA  FIÈVRE. 

«lis  ni  taluhri  penpiratione.  Jean  de  Gorter  termine  en  décri- 
Tant  Kinflnence  de  la  perspiration  sensible  et  des  sueurs. 

Cest  ta  perspiraûon  qui  rend  les  chaleurs  de  Tété  tolé- 
râbles  '  :  Recte  perspiraniibmi  calar  œtiitus  nom  est  mo/etltw.  Quand 
la  perspiration  est  insuffisante,  minuia pen/nratio,  calor  œ$Utms 
kuic  corpori  raUe  molestus, 

Jean  de  Gorter  critique  :  ommet,  jnrœprimis  mdoeti  perperam 
ratiodnantur^^  qui  pensent  que,  pendant  Véié^  nous  nous 
échauffons  par  le  vêtement  en  empruntant  la  chaleur  à  Tertë* 
rieur.  Le  thermomètre  démontre  pourtant  que  notre  corps  est 
plus  chaud  que  Tair.  Si  nous  brûlons,  dit-il,  c'est  que  ces  vête- 
ments empêchent  la  perspiration. 

Les  applications  froides  augmentent  la  chaleur  ^  :  uUimo  amnes 
ùiducaiim  mnt  causœ^  quœ  insensibilis  penpiriÊtiomi  impediunt 
exhalatitmem  :  ni  autummuê,  aerjrigidms,  lataera  firigiJa,  aer  eroê- 
sm$,  kumidus,  amosus,  translaiio  eorporu  ex  calido  wjrigiium. 

Plus  loin ,  il  explique  comment  le  froid  augmente  mtÛub  eo- 
pwm^. 

Ces  passages  suffisent  k  montrer  que  Jean  de  Gorter  se  fai- 
sait des  rapports  qui  relient  la  chaleur,  la  perspiration,  le 
poids  et  les  urines,  une  idée  parfaitement  exacte.  11  avait 
d'ailleurs  un  esprit  précis,  ses  assertions  reposent  sur  des 
preuves ,  et  c'est  à  l'aide  de  la  balance  et  du  thermomètre  qu'il 
critique  et  complète  les  recherches  de  Sanctorios. 

VAN   SWIETE>\ 

(  Eroie  de  Vienne,  TT 111*  siècle,  1700-1771.) 

Van  Swieten  fait  IVIoge  de  la  chaleur,  qui  est  le  moteur 

'  Cap.  u,  S  ) 8,  p.  107.  *  Cap.  iTifS  10,  p.  197. 

*  CMp,xm.De  etlort  H  kmmart  tm-         '  Né  â    Lej&B   en   1700,  inort  à 


(1^,1 18,  p.  71.  Vienne  en  177a.  Cadioliqiie  ne  en  pa|8 

'  Cap.  lif,  S  ta.  IV  pomdert  etrpo-    prolealant;  noble,  pnovra,  panéenlé. 


m.  p.  16a.  Reçut  nne  éducation  pfemière  Irèa-ioi- 


VAN  SWIETEN. 


143 


universel,  t.  I.  p.  791,  Y.  Cnhre:  r La  vie  parfaite  chez 
rbomme,  c'est-è-dire  la  saatë,  est  accompagnée  de  chaleur, 
€tceUe^e$t  égale,  répandue  dans  toutes  les  parties  du  corps, 
jusqu'aux  extrémités .  .  •  Or,  non-seulement  la  chaleur  est  le 
signe  de  la  vie  présente,  mais  encore  la  vie  latente  et  assou- 
pie est  réveillée  par  la  chaleur  et  rendue  à  l'activité.  Les  gre- 
nouilles sont  engourdies  par  le  froid  de  l'hiver,  et,  plongées 
dans  la  glace,  y  demeurent  immobiles;  si  on  les  place  dans 
une  ëtuve,  elles  reprennent  leur  agilité.  Le  poulet  futur,  dans 
l'œuf,  demeure  latent  et  ne  croît  point,  tant  qu'il  n'est  point, 
grâce  à  la  chaleur  de  l'incubation,  amené  à  la  vie  en  acte,  et 
comme  l'ont  montré  les  expériences  immortelles  de  l'ingénieux 
R^iuifUR,  on  peut  à  volonté  exciter,  déprimer,  prolonger,  rac- 
courcir la  vie  des  insectes, suivant  qu'on  les  expose  à  une  cha- 
leur haute  ou  basse.  Déjà  les  anciens  semblent  avoir  connu 
cette  admirable  propriété  du  feu  et  de  la  chaleur,  par  qui  tout 


gnée, en HuéraUire  et  en  philosophie; 
trèt-Uboneax,A  16  ans  tombe  malade 
probablement  par  excès  de  travail,  re- 
çoit les  conseils  de  Boerhaave,  qui  lui 
ordonne  les  armes,  la  rousiqae,  et  de 
faire  en  se  coachani  quelque  lecture 
plaisante  (Théâtre  italien  de  Gherardi). 
Reçu  docteur  en  1796,  reste  encore 
onxe  ans  Pélève  de  Boerhaave,  qui  fut 
pour  loi  un  maître,  un  dieu;  fait  des 
leçons ,  défendues  par  la  municipalité, 
parce  qiril  est  catholique.  L'impéra- 
trice Marie-Tbéràsed*  Autriche  cherchait 
i  ranimer  dans  ses  États  Tétude  des 
sciences  et  des  arts  que  les  guerres  et 
les  malheurs  publics  avaient  plongés  dans 
rindolence.  Elle  le  plaça,  en  17^5,  i 
Vienne ,  A  la  tète  de  toutes  les  études  des 
troia  royaumes,  de  la  bibliothèque;  il 
devint  premier  médecin  de  la  cour,  ba- 
ron de  Tempire  et  surtout  professeur 
éoiincnt,  fit  des  leçons  auxquelles  il  at- 


tira les  étraogera.  Il  créa  une  écolo  de 
sagea-femmes  01^  Ton  professa  en  langue 
vulgaire,  fonda  une  chaire  de  dinique 
dé  démonstration  ou  Ut  du  malade,  11  n*y 
avait  ni  arophithéAtre  d^anatonie,  ni 
laboratoire  de  chimie,  ni  jardin  des 
plantes  avec  démonstration ,  ni  musée. 
11  créa  tout  cela  (  fut  ainsi  pitts  heureux 
que  nous  en  187Â), força  le  préjugé 
populaire  contraire  aui  dissections, 
abaissa  les  droits  d'étude.  Il  6tun  palais 
de  Tuniversité  ou  \e»  professeurs  de 
toute  espèce  sont  logés  et  bien  appoin- 
tés. 11  fonda  une  grande  bibliothèque 
commode  et  hospitalière,  ouverte  en 
tout  temps.  Son  exemple  montre  com- 
ment on  fonde  une  grande  école.  Mo- 
deste, il  fit  un  ouvrage  énorme,  véri- 
table encyclopédie  médicale,  intitule 
simplement  :  Commtntaria  m  Hermanmi 
Boerhaave  aphorûmoi  de  cognoecendi*  et 
eurandiê  morbie. 


làà         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

est  animé  dans  la  nature.  Plutargue  nous  apprend  que  le  sage 
roi  Numa  voulait  qu'on  adorât  le  feu  comme  le  principe  de  Umte 
chose.  (Plutarque,  Camille,  t.  I,  p.  139.)  Car,  dit  cet  auteur: 
mobilissimuê  enin  in  tuUura  ignis  est.  Motus  autem  est,  aut  cum 
motu  ejus  generatio.  Aliœ  vero  materiœ partes  colore  iesùMœ,  tor^ 
pidœ  jacenles  et  mortuis  similes,  desiderant  ignis  vim,  velut  anf- 
mam :  quœ  simulac  accessit,  conferunt  seadagenium aiiquid auJt pet* 
tiendum»  «On  voit  donc,  ajoute  Van  Swieten,  combien  on  peut 
attendre  de  la  chaleur  extérieure,  pour  mettre  en  mouvement 
les  liquides  stagnants.  9 

Cette  citation  de  l'antiquité,  empruntée  à  Plutarque,  fait 
que  l'on  pense  malgré  soi  à  la  théorie  mécanique  de  la  chaleur 
et  à  la  conservation  de  la  force,  choses  qui  nous  semblent  si 
absolument  modernes. 

Causes  de  la  chaleur  du  corps.  —  Au  t.  H,  aph.  67  5,  p.  fà&h  et 
suiv.9  Van  Swieten  passe  en  revue  les  différentes  théories  an- 
ciennes et  celles  de  son  temps.  Il  y  a,  dit-il,  dans  les  corps  pi- 
vants  quelque  chose  qui  n  existe  pas  dans  les  inertes  et  qui  en^nâre 
la  chaleur.  Il  est  certain  que  le  mouvement  des  liquides  (circu- 
lation) coïncide  avec  la  chaleur,  s'accrott comme  elle,  et  dis- 
paraît avec  elle.  Il  semble  donc  que  ce  mouvement  soit  la 
cause  de  la  chaleur^  Van  Swieten  convient  que  les  anciens  ont 
considéré  l'origine  de  la  chaleur  comme  très-obscure  et  presque 
.divine,  ainsi  Hippocrate  dit  :  Quod  calidum  vocamus,  tdmihiet 
immortale  esse  videtur,  et  cuncta  intelhgere  et  videre  et  audire,  et 
scire  omnia,  tum  prœsentia,  tum  futur a^.  Galien  niait  que  la 
chaleur  fût  produite  en  nous  par  le  frottement^  :  non  enim  ex 
attritu  arteriarum  spiritus  cahr  in  anmantium  corporibus  gène- 
ratur,  sicuti  in  lapidibus  et  lignis,  sed  contra  ab  innato  cakre 
mo^tt«  tjpaorum  ^un(.  Cependant ,  ailleurs  (Lt6e//.  adv.  Lycum, 

*  Nouf  nvons  aajounl*hoi  que  c^est        '  Ub.  de  earmbu»,  cap.  i.  Charter, 

rinrene ,  et  que ,  dans  le  corps  des  ani-  T.  V,  p.  dos. 
maui  comme  dans  la  machine  à  vapeur,         *  De  Hifpocrate  et  Piakm.   pkeiL 

c*esl  la  chaleur  qui  Tait  le  mouvement,  lib.  VIII,  cap.  tu,  iM.  p.  aàa. 


VAN  SWIETEN.  \àb 

cap.  Il),  il  avoue  que  cette  question  est  controversée  parmi  les 
médecins.  On  peut  interpréter  le  passage  suivant  de  Galien 
comme  favorable  à  l'hypothèse  du  frottement:  Utrum  autem  ts 
(calor)  ex  cardis  et  arterianm  motu  ortum  liabeat. 

La  preuve  de  la  chaleur  développée  par  le  frottement  des 
corps  solides,  dit  Van  Swieten,  est  donnée  expérimentale- 
ment, et  il  renvoie  aux  Hénents  dechimie  de  Boerhaave  [De 
igM);  mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour  les  liquides,  où  l'on 
ne  voit  se  développer  par  ce  moyen  qu'une  bien  faible  chaleur. 
Aussi  quelques  célèbres  médecins  ont-ils  essayé  de  démontrer 
que  le  frottement  ne  causait  pas  la  chaleur  du^sang.  Ainsi 
Schelhammer  [De genuina  febres  curandi meihodo ,  sect.  ii,  S  33, 
p.  91  )  dit  que  tout,  dans  la  nature,  proteste  contre  cette  doc- 
trine. Mouvez,  dit-il ,  et  choquez  tous  les  liquides  quelconques, 
soulevez  des  flots  nuit  et  jour  dans  un  vase,  que  la  mer  se 
soulève  en  bouillonnant,  que  les  fleuves  les  plus  rapides  se 
ruent  pendant  des  siècles  contre  les  rochers,  ils  ne  s'échaufic- 
ront  pas  pour  cela.  Ne  voit-on  pas  par  là  qu'il  y  a  autre  chose 
^ns  la  chaleur  du  sang  que  le  mouvement,  en  admettant 
même  que  le  mouvement  contribue  un  peu  à  cette  chaleur? 
Van  Swieten  répond  à  cela  que  les  liquides  ne  s'échauffent 
pas  par  le  frottement  à  moins  d'être  élastiques;  et,  tirant 
partie  des  découvertes  de  Leeuwenhoeck  relatives  aux  glo- 
bules du  sang  qui  sont  des  corps  doués  d'élasticité,  il  rappelle 
aussi,  d'après  Boerhaave,  que  les  corps  conservent  d'autant 
mieux  la  chaleur  qu'ils  se  rapprochent  davantage  de  la  forme 
sphérique  (globules  du  sang).  D'ailleurs,  dit-il,  quand  le  sang 
ê'^qfpauvrit  de  globukê  [chloTOSBy  anémie),  la  chaleur  diminue. 
En  somme  Van  Swieten  demeure  fidèle  à  la  théorie  du  frot- 
tement et  l'applique  à  la  fièvre  sans  hésitation.  Son  parti  pris 
de  tout  expliquer,  et  d'approuver  aveuglément  ce  qu'a  dit 
Boerhaave,  le  conduit  à  paraphraser  simplement  les  versets  de 
son  mattre  ;  on  apprécie ,  dit-il ,  la  puissance  du  mouvement 
fébrile  du  cœur  par  la  densité  du  liquide  et  la  fréquence  du 

10 


IA6         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

pouls .  . ,  et  là  se  place  cette  erreur  si  tenace  et  qui  régnait  en- 
core en  maîtresse  dans  les  écoles  au  début  de  nos  études,  à 
savoir  que  le  caillot,  k  couenne  du  sang,  signifient  densité  de 
ce  liquide,  inflammation,  etc.,  erreur  que  Van  Helmont  avait 
pourtant  réfutée  aved  tant  d*esprit.  Il  semblait  qu'après  les 
travaux  chimiques  et  les  démonstrations  saisissantes  de  ce  grand 
homme,  il  ne  dût  plus  jamais  être  question  de  cette  grossière 
aberration.  Van  Swieten  avait  lu  et  étudié  les  livres  de  Van 
Helmont,  mais  il  en  redoutait  Tesprit  caustique,  et  il  semble 
qu'il  n'ait  point  approuvé  les  sarcasmes  contre  les  médecins, 
qui  y  sont  distribués  de  main  de  mattre  •  • . . 

Après  avoir  rapporté  les  expériences  de  Réaumur  sur  la  pro- 
duction artificielle  du  froid ,  Van  Swieten  ajoute  :  «  Ces  proprié- 
tés du  froid  nous  amènent  à  comprendre  mieux  ce  qui  se  pro- 
duit quand  le  corps  humain  est  exposé  è  un  froid  rigoureux. 
Notre  chaleur,  à  Yitat  de  santé,  mime  au  fart  de  Véti  le  fdus  chaud, 
dépaeee  ceUe  de  l'air  ambiant  ^  ;  on  comprend ,  dès  lors ,  qu'il  faut 
un  froid  excessif  pour  que  les  parties  de  notre  corps  soient  roi- 
dies  par  le  froid.  Mais  comme,  toutes  choses  égales  d'ailleurs, 
il  y  a  moins  de  chaleur  aux  extrémités,  parce  que  la  vitesse 
du  mouvement  du  sang  diminue  en  raison  de  la  distance  du 
cœur,  l'effet  du  froid  extérieur  se  fait  sentir  surtout  aux  doigts 
des  pieds  et  des  mains,  au  bout  du  nez  et  aux  oreilles.  » 

Les  limites  de  la  chaleur  physiologique,  —  T.  I ,  De  cwnhustione^ 
p.  767  :  <^llya,  pour  le  corps  humain  a  l'état  sain»  un  degré 
de  chaleur,  mesuré  au  thermomètre,  à  partir  duquel  les  liquides 
et  les  solides  ne  reçoivent  aucun  dommage.  Rarement ,  même 
chez  les  hommes  les  plus  vigoureux,  cette  chaleur  excède  le 
^&'  degré  du  thermomètre  Fahrenheit  (35%6.  C.)  Mais,  dès 
que  la  chaleur,  dans  les  maladies,  monte  au  delà  du  ioo*de- 

'  Erreur  de  Van  Swieleii  qui  croit,  le  milieu  ambiant,  t.  I,  Gangrœna, 
nvcc  les  savants  de  son  époque,  que  p.  785.  (Voy.  Réaumur,  Mém.  Ac.  des 
noire  corps  ttl  toujour$  pluM  chaud  quo     5c.,  1 784 ,  p.  998.) 


VAN  SWIETEiN.  147 

gré  (37%8  C.)  le  sang  et  son  sérum  commencent  à  être  dis- 
posés à  la  coagulation  ;  si  la  chaleur  monte  à  i  âo®  F.  (Bo"*  G.) 
le  sang  se  coagule.  Ainsi  la  chaleur,  arrivée  à  ce  degré,  change 
Tétai  de  nos  liquides.  Mais ,  à  la  température  de  l'eau  bouil-- 
lante  (ai a®  F.),  liquides  et  solides  sont  détruits. .  •  n 

Van  Swielen  parle  ici  des  applications  extérieures  de  la 
dialeur.  L  occasion  était  favorable  pour  donner  le  chiffre  de 
la  chaleur  physiologique  des  tissus,  et  l'extrême  limite  de  la 
chaleur  du  corps  dans  les  maladies;  mais  ces  notions  pa- 
raissent lui  avoir  fait  défaut. 

Cependant  (t.  I,  p.  1B9),  expliquant  l'action  de  la  chaleur 
fébrile  sur  le  sang,  Van  Swieten  donne  une  théorie  qui  se  rap- 
proche  de  celles  qui  sont  aujourd'hui  confirmées,  telle  que  la 
théorie  des  embolies  de  Virchow,  ou  seulement  proposées, 
comme  celle  de  Liebermeister  sur  l'action  de  la  chaleur  fé- 
brile comme  destructive  des  actions  vitales . , . 

Strvm  sanguimê  JluiiUsimum  ab  aqua  ebuUiente  coagulatur  in 
srinilem  masMtn;  et  in  marbis,  dum  calor  insurgit  mtdtum  tdtra 
gradum  calons  hominis  sani,  siatim  incipit  disponi  sanguis  ad  con-- 
eredonem  ;  hinc  respiratio  tune  incipii  esse  diffidlis  et  anhelosa,  et 
cerebri  aetiones  lœduntur,  quia  per  subtilissima  Ula  vasa,  sanguis 
jamfere  conerescens,  transire  nequit;  aceedit  simul,  quod  per  calo- 
rem  auetwn  subtUissima  difUntur  de  corpore. 

La  question  de  la  chaleur  fébrile  prend,  dès  ce  moment, 
une  importance  qu'on  ne  lui  reconnaissait  pas  jusqu'alors. 

«Lorsque  la  chaleur,  dans  les  maladies  aiguës  fébriles,  ac- 
compagne une  inflammation  locale  d'une  partie  du  corps,  c'est 
dans  la  partie  aflectée  que  l'on  trouve  la  plus  grande  chaleur, 
quelle  que  soit  la  chaleur  du  reste  du  corps:  ainsi,  dans  la 
vraie  phrinitide  (frénésie),  il  y  a  une  douleur  et  une  chaleur 
très-grande  è  la  tête;  dans  l'angine  inflammatoire,  il  y  a  une 
très-forte  chaleur  à  la  gorge,  et  ainsi  de  suite  pour  les  autres 
maladies  inflammatoires.  C'est  ainsi  qu'Hippocrate ,  parlant  de 
la  possibilité  de  découvrir  le  lieu  affecté  par  le  fait  même  de 

10. 


148         CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

sa  plus  grande  chaleur,  dit  [Coac.  pripnot.  n*"  &3)  :  Quibus  Uuus 
êublatum  m  tumorem,  ac  calidiuê  est,  et  mcUnatis  in  alterum  gra-- 
vitas  altqua  impendere  mdetur,  hic  pus  ex  una  parte  est.  Et  ailleurs 
il  recommande,  pour  savoir  où  il  faut  inciser  ou  brûler  dans 
Tempyème,  de  recouvrir  la  poitrine  du  malade,  d*un  linge 
enduit  d'une  terre  rouge,  bien  passée  et  imbibée  d'eau  tiède, 
disant  que  c'est  là  où  la  terre  se  séchera  d'abord ,  qu'il  faut 
faire  l'ouverture. 

Ce  chapitre  renferme  des  vérités  et  des  erreurs.  On  sait,  en 
effet,  que  jamais  une  partie  du  corps  quelconque,  enflammée 
ou  non,  suppurante  ou  saine,  en  quelque  état  qu'elle  soit,  ne 
possède  une  température  supérieure  à  la  température  rectale; 
rarement  elle  atteint  la  température  axillaire. 

Il  n'est  pas  moins  vrai  que  les  parties  de  la  peau  enflammées 
sont  plus  chaudes  que  les  autres  parties  des  téguments  [ruior, 
calor)^  mais  elles  ne  le  sont  pas  plus  que  les  centres;  il  n'y  a 
donc  pas ,  à  proprement  parler,  de  foyers  de  chaleur  créés  lo- 
calement ^ 

Quant  à  la  nature  de  la  fièvre,  sous  le  rapport  de  la  cha- 
leur fébrile.  Van  Swieten  dit,  avec  Boerhaave  (S  58o),  que  la 
chaleur  est  effet  et  non  cause,  qu'elle  n'est  donc  pas  l'essence 
même  de  la  fièvre,  et  il  rend  justice,  en  ce  point,  à  la  théorie 
que  Van  Helmont  a  exprimée  en  ces  termes  ifelms  non  esi  nuJa 
eahris  tempestas;  sed  adest  occasianalis  tntiata  materia,  ad  cvjm 
expulsionem  Archeus  per  aecidêns  se  aeeendit,  velut  indignalus. 
(Tract.  De  Febre,  c.  iv,  n*XX.) 

Frisson  fébrile  {Jrigus  fébrile  y  t.  II,  p.  «59).  —  «Le  frisson 
n'est  qu'une  sensation  que  nous  éprouvons  par  la  diminution  de 
chaleur  de  notre  corps.  Le  frisson  ne  nous  donne  point  à  con- 
naître de  quelle  quantité  notre  chaleur  est  diminuée,  mais 

^  Voir  les  expériences  de  Poarfoar  et  plus  grand  afflux  du  Ii<piide  chaud, 
Dopelit  et  celles  de  Claude  Bernard  sur  qui  esi  le  sang;  cites  sont  le  point  de 
la  chaleur  par  dilatation  des  vaisseaux    départ  des  théories  maorootrices. 


VAN  SWIETEN.  149 

seulement  qu'elle  l'esté  Or  les  thermomètres  nous  apprennent 
que  tous  les  corps  ont  la  chaleur  du  milieu  ambiant,  à  moins 
qu'ils  ne  soient  au  contact  du  feu;  mais  la  chaleur  de  notre 
corps  est  supérieure  à  celle  de  l'airDÙ  nous  vivons,  et,  dès  que 
la  cause  qui  produit  en  nous  de  la  chaleur  vient  à  cesser  ou 
è  baisser,  notre  chaleur  baisse  et  retourne  à  celle  du  milieu 
atmosphérique.  Or  c'est  la  sensation  de  cet  abaissement  que 
nous  appelons  (nsson  (frigus).  »  Van  Swieten  explique  lon- 
guement la  cause  du  frisson  fébrile  qui  serait  produit  par  la 
constriction  des  petits  vaisseaux  et  par  une  moindre  action  du 
cœur  amenant  une  diminution  des  frottements  :  Omnes  humo* 
res  jam  sU^fnare  incijnuni  circa  arteriarum  extrema,  quod  cordis 
cohtraeiio  debeat  minui,  quia  reêistentias  in  arteriiê  mperare,  adeo- 
que  et  H  intègre  evacuare,  nequit.  • .  Ului  enimfrigus  fit  a  mitiuio 
auriiu  liquorum  in  $e  mutuo  et  ad  vaea,  etc. 

Opinion  des  anciens  sur  la  fièvre,  d'après  Van  Swieten.  —  Après 
avoir  professé  que  le  pouls  était  le  signe  le  plus  constant  de  la 
fièvre ,  Van  Swieten  s'exprime  ainsi  :  «  Cette  simplicité  a  déplu , 
et  l'on  trouvait  dur  d'en  être  réduit  à  la  seule  accélération  du 
pouls  comme  signe  pathognomonique  et  toujours  fidèle  de  la 
fièvre,  d'autant  plus  que  le  pouls  peut  être  troublé  par  une 
infinité  de  causes  passagères. 

«Aussi  Gelse  recommandait-il  de  prendre  de  grandes  pré- 
cautions pour  s'assurer  si  le  pouls  n'était  pas  influencé  par  des 
causes  accessoires. 

«Or  la  chaleur  n'offre  pas  plus  de  garanties,  et,  bien  que 
les  anciens  l'aient  considérée  comme  l'essence  «même  de  la 
fièvre,  ils  hésitaient  à  la  croire  un  signe  infaillible.  Gelse  dit  : 
Altéra  res  cui  credimus,  cahr,  œquefaUax, 

«  Pour  Galien  il  y  a  fièvre  quand  la  chaleur  est  augmentée 
d'une  façon  assez  immodérée  pour  mettre  l'homme  mal  à 

'  Van  Swieten  contredit  Iiii-aiéme  pins  loin  cette  erreur. 


150         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALKIJH  KT  LA  FIÈVRE. 

Taise  et  rempécher  d'a[;Ir;  que  si  ni  l'un  ni  l'autre  n'a  lieu, 
quand  même  l'homme  serait  plus  chaud  qu'avant,  il  n'y  a  pas 
lieu  de  dire  qu'il  ait  la  (ièvrf\  —  Et  les  médecins  fjrers  et 
arabes  qui  ont  suivi  n'ont  pas  parle  autrem(?nt.  Avicenne  dis- 
tingue la  chaleur  fé!)rile,  morbide,  de  celle  qui  provient  de 
la  colère  ou  du  mouviMuent  musculaire. 

«Hippocrate,  d'a|)rès  Galien ,  tout  en  parlant  du  pouls, 
semble  n(^  l'avoir  pas  beaucoup  étudié  et  en  avoir  méconnu 
l'importance  et  la  vraie  cause:  pourtant  Hippocrate  décrit 
souvent  des  caractères  particuliers  (lu  pouls,  v  [Coac,  prœnot.  de 
letharglcormn puisu ,  in  Zollo,  in  Polycrate,  etc.) 

De  la  chaleur  du  corps  dans  les  maladies  et  de  la  thermométrie. — 
Au  tome  II,  S  67.3,  Van  Svvielen  développe  et  complète  l'apho- 
risme suivant  de  Boerhaave  :  Calor  febrilis  thermoscopio  exter- 
7ms,  sensu  œijn  et  ruhore  unnœ  mternus  cognosatur.  Nous  tra- 
duisons presque  intégralement  ce  chapitre  important:  t?  La  cha- 
leur est  un  symptôme  si  constant  dans  les  fièvres,  que  Galion 
et  après  lui  les  médecins  les  plus  célèbres  ont  pensé  que  la 
chaleur  était  la Jiêrre  même.  Chez  Thonmiesain  il  y  a  une  chaleur 
d'un  degré  bien  déterminé  :  la  chaleur  dite  fébrile  excède  ce 
degré,  qui  est  celui  de  la  santé,  et  cest  de  cet  excéd/int  morbide 
qu'il  s'agit  quand  on  parle  de  la  chaleur  fébrile.  Nous  trai- 
tons, dans  ce  paragraphe,  de  la  manière  de  reconnaître  la 
présence  de  cette  chaleur  fébrile. 

^On  reconnaît  la  chaleur  et  à  la  surface  du  corps,  et  dans 
les  cavités  profondes  pendant  la  vie,  comme  chacun  sait,  et, 
toutes  choses  égales  d'ailleurs,  elle  est  toujours  plus  élevée  à 
l'intérieur,  à  cause  des  pertes  que  l'air  extérieur  fait  subir  à  la 
surface  du  corps,  parce  qu'il  est  plus  froid  que  nos  tissus.  On 
peut  sans  doute  reconnaître,  par  le  toucher,  la  chaleur  exté- 
rieure chez  les  fébricitants,  mois  non  en  ap[)récier,  avec  une 
exactitude  suflisanle,  l'intensité:  attendu  (pie  le  sens  du  tou- 


VAN  SWIETEN.  151 

cher,  en  ce  qui  concerne  la  chaleur  [senms  calorie)^  peut  varier 
chez  nous  par  des  causes  nombreuses. 

ft  Par  exemple  :  quand  nos  mains  sont  froides,  nous  trouve- 
rons que  la  main  du  malade  est  chaude,  alors  qu'elle  nous 
paraîtrait  à  peine  tiède,  si  nos  mains  étaient  réchauffées  par 
friction  ou  autrement.  Aussi  la  mesure  la  plus  exacte  de  la 
chaleur  est-elle  donnée  par  Ui  thermomètres,  aujourd'hui  très- 
perfectionnés  et  portatifs,  appelés,  du  nom  de  leur  premier  in- 
venteur, Fahrenheit;  les  meilleurs  sont  ceux  qui  contiennent 
du  mercure,  lequel  est  préférable  à  tout  autre  liquide.  On 
commence,  avec  ce  thermomètre,  par  mesurer  la  température 
d'un  homme  sain,  que  Ton  marque  avec  un  index  fixé  à  l'ins- 
trument; puis,  le  point  étant  noté,  si  l'on  fait  tenir  ce  ther^ 
momètre  dans  la  main  du  malade  fiévreux  ou  qu'on  le  lui 
introduise  dans  la  bouche,  ou  qu'on  le  lui  applique  sur  la 
poitrine  nue,  ou  bien  dans  l'aisselle,  pendant  une  durée  de 
plusieurs  minutes,  on  jugera,  parla  hauteur  variable  oik  mon- 
tera le  vif-argent,  de  combien  la  chaleur  fébrile  dépasse  la 
chaleur  naturelle,  c'est-à-dire  celle  de  la  santé.  Donc  on  con- 
naît ainsi  la  chaleur  de  l'extérieur  du  corps  et  celle  de  la 
bouche  qui  a  une  libre  communication  avec  l'air  extérieur; 
ces  températures  sont  toujours  moins  élevées  que  celles  des 
parties  intérieures  du  corps.  Il  arrive  parfois  que,  dans  cer- 
taines maladies,  les  parties  extérieures  du  corps  sont  peu 
chaudes,  tandis  que  l'intérieur  est  brûlant  (Hippocrate,  fièvre 
ardente),  et  alors  le  pronostic  est  très-mauvais.  Nous  avons 
connaissance  de  cette  chaleur  d'après  la  sensation  des  ma- 
lades, qui,  dans  ces  funestes  maladies,  se  plaignent  d'habitude 
d'une  ardeur  intolérable,  surtout  dans  les  viscères  vitaux  (vt- 
udia  viecera  ).  7>  Suit  un  chapitre  sur  les  urines  chargées  chez 
les  fiévreux ,  chapitre  excellent. 

On  croirait  lire  un  ouvrage  contemporain  et  fin  bon  ou- 
vrage. 

Nous  avons  donc  ici,  résumée,  toute  la  pratique  thermo-cli- 


152         CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

nique  (le  Van  Swieten.  Nous  voyons  qu'il  consultait  la  tempé- 
rature sur  la  peau  du  tronc,  dans  la  main,  dans  l'aisselle  et 
dans  la  bouche,  et  qu'il  supposait  des  tenjpératures  inté- 
rieures dont  le  degré  inconnu  lui  paraissait  ne  pouvoir  être 
indi(pu5  exactenjent:  il  s'en  rap|)ortait,  sur  ce  point,  aux  sensa- 
tions dos  malades.  II  ne  paraît  pas  que  l'on  ait,  à  cette  époque, 
introduit  le  thermomètre  dans  l'anus  ou  dans  le  vagin,  ni  qu'on 
ait  su  combien  la  lempéradire  de  Taissolle  s'approchait  des 
températures  centrales. 

Valeur  (liagiwsùqnc  du  siffue  chaleur.  Van  Swieten  (/)(?  mnrh. 
vit,  aph.  670).  —  Le  pouls  accéléré  est  le  signe  le  plus  cons- 
tant de  la  fièvre. 

Ici  Van  Swieten  aborde  une  question  qui,  depuis,  a  été  fort 
étudiée,  et  dont  la  solution  vraie,  trouvée  par  de  Haén,  a  été 
oubliée,  puis  retrouvée  de  nos  jours:  celle  du  frisson  avec 
fièvre  (du  froid  avec  chaleur). 

Il  y  a,  dit-il,  de  la  fièvre  au  plus  fort  du  frisson  de  la  fièvre 
quarte,  et,  quand  un  faible  vieillard,  au  milieu  de  l'hiver,  est 
suffoqué  par  une  fièvre  quarte  avant  d'avoir  pu  se  réchauf- 
fer, tout  le  monde  n'en  dit  [)as  moins  qu'il  est  mort  dans  le 
paroxysme  fébrile.  Donc  il  y  a  de  la  fièvre,  quoique  l'on  n'ob- 
serve pas  de  chaleur.  C'est  une  sorte  de  paradoxe  que  de  dire 
(^migari  videntur)  qu'il  y  a  de  la  chaleur  dans  le  moment  du 
frisson  fébrile,  mais  elle  est  latente  et  on  ne  peut  la  percevoir. 
C'esl-à-dire  que  la  chaleur  succède  au  froid  et  que  l'homme 
frissonne  alors  qu'il  n'est  plus  froid. 

Ainsi  l'accélération  du  pouls  est  le  [)hénomène  que  l'on 
trouve  toujours,  non-seulement  dans  toute  fièvre,  mais  à  tous 
les  moments  de  la  fièvre. 

Pour  mieux  marquer  le  défaut  du  signe  tiré  de  la  chaleur. 
Van  Swieten  accentue  son  opinion  (son  erreur),  en  disant  : 
^Certes,  h  ce  moment  de  la  fièvre,  où  au  frisson  fébrile  suc- 
cède graduelleuKMit  une  augmentation  de  la  chaleur  qui  arrive 


VAN  SWIKTEN.  153 

au  degré  de  la  chaleur  natureile  [teporem)^  il  n'y  pas  d'autre 
signe  de  la  fièvre  que  l'accélération  du  pouls.  » 

Il  reste  acquis  à  l'histoire  que  cette  question  de  la  concomi- 
tance du  frisson  et  de  la  chaleur  était  débattue  dans  les  écoles 
au  temps  où  Van  Swieten  écrivait  ce  chapitre. 

Des  rapporté  du  pouls  et  de  la  chaleur  [proportion).  —  «  On  ne 
peut  pas  dire  dans  quel  rapport  la  vitesse  de  la  circulation  et 
la  résistance  des  vaisseaux  sont  avec  la  chaleur  fébrile. 

«Si  la  vitesse  du  sang  était  doublée,  alors  que  chez  un  fé- 
bricitant  les  artères  battent  deux  fois  plus  vite  qu'à  l'état  sain , 
la  chaleur  ne  serait  pas  pour  cela  portée  au  double;  il  y  a, 
outre  la  rapidité  du  mouvement,  d'autres  causes  qui  conspirent 
à  produire  la  chaleur . .  •  Cette  chaleur,  portée  au  double ,  se- 
rait intolérable  pour  le  corps  et  produirait  bientôt  la  mort.  Si 
la  chaleur  normale  était  doublée 4  portée  è  180°  F.,  le  sang 
se  coagulerait  dans  les  vaisseaux  et  tout  mouvement  cesserait. 

c(  //  semble  que  le  rapport  du  pouls  à  la  chaleur  soit  tel  que  l* excé- 
dant de  chaleur  qui  se  montre  avec  un  potils  doublé  de  vitesse,  soit 
à  f excédant  qui  se  montre  avec  un  pouls  triplé  de  vitesse,  dans  le 
rt^pport  det  à  ù.W  faut  tenir  compte  du  reste,  non  pas  seule* 
ment  de  la  fréquence,  mais  de  l'amplitude  du  pouls. .  .  » 

Ce  que  Van  Swieten  dit  est  fort  juste  en  principe.  Depuis 
lai  on  a  mieux  étudié  les  rapports  de  la  fréquence  du  pouls  et 
de  la  température. 

Si  nous  appliquons  son  principe,  nous  trouvons  que  la 
chaleur  étant  de  87%  5  C.  avec  un  pouls  à  60,  si  le  pouls 
est  triplé,  soit  porté  à  1 80,  et  la  chaleur  étant  alors  de  A  t"*  5, 
la  chaleur  sera  de  39^5  avec  un  pouls  de  lâo.  L'expérience 
nous  montre  que  si ,  dans  les  maladies  à  courbes  régulières , 
la  courbe  du  pouls  se  modèle  sur  celle  de  la  chaleur,  cepen- 
dant il  n'y  a  point  de  rapport  entre  la  fréquence  absolue  du 
pouls  et  la  chaleur  absolue;  celle-ci  a  un  maximum,  le  pouls 
n'en  a  pas;  le  rapport  varie  d'un  individu  à  l'autre,  d'une  ma- 
ladie è  l'autre. 


154         CHA.PITKE  r.  —  LA  CH  VLEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Les  maladie»  fébrile»,  la  JOvre.  —  S  558  de  Boerhaave  : 
Fehri»  frequenti»»imu»  morbu»,  injlammaùam  individuu»  (insépa- 
rable) cornes,  plurium  nwrborum,  marti»  et  »œpe  »anatioms  apiima 
causa,  nunc  explicanda,  La  fièvre  est  la  plus  fréquente  des 
maladies,  elle  accompagne  toujours  les  maladies  inflamma- 
toires, les  autres  souvent.  Aussi  l'histoire  de  la  fièvre  mérite- 
t-elle  la  première  place. 

Febris  a  fervore  dicitur  Latini»,  ut  voluerunt  plurimi,  afe- 
bruando  (purifier),  id  est  luslrando  vel  purgando  deduxerunt  alii. 

Hippocrate  a  dit  aussi  (et  il  n'était  pas  le  premier  sans 
doute)  :  «^  Je  commencerai  par  la  fièvre,  qui  est  la  plus  commune 
des  maladies  (lib.  De  Jlatibu»)^  et  qui  est  la  compagne  de 
toutes  les  autres  maladies,  principalement  de  l'inflammation.  » 

La  triade  fébrile.  —  Van  Swieten  dit,  après  Boerhaave  et 
comme  tous  ses  contemporains  :  Tria  nempe  tantum  phœno^ 
mena  omnibus  febribu»  communia  ob»ervantur:  horripiLuio ,  jndsus 
velox,  cahr. 

Quant  à  la  nature  de  la  fièvre,  il  faut  dire,  avec  Syden- 
ham  :  le  mode  d'action  de  la  nature,  en  cette  matière,  échap- 
pera toujours  à  l'esprit  des  mortels.  Dans  toute  fièvre,  dit  Van 
Swieten,  l'expérience  montre  qu'il  y  a  accélération  du  pouls,  et, 
par  conséquent,  contractions  plus  fréquentes  du  cœur;  ce  qui 
prouve  que  les  causes  qui  font  contracter  le  cœur  sont  accrues; 
mais  comment  agissent  ces  causes  excitantes  du  cœur,  pour- 
quoi, dans  la  fièvre,  sont-elles  plus  énergiques?  nous  Tigno- 
rons. 

Tout  ce  que  nous  savons  de  la  nature  de  la  fièvre,  nous  le 
connaissons  seulement  par  ses  eff^ets  et  ses  attributs  insépara- 
bles: l'esprit  humain  semble  ne  pouvoir  aller  plus  loin,  neque 
hactenus  bonœfrugis  prottderunt  omnes,  qui  hic  plus  sapere  volue^ 
runt.  Cette  phrase  est  à  méditer  ! 

Classification  des  fèvree  d'après  la  nature  de  la  chaleur  fébrile. 


VAN  SWIETEN.  155 

— Van  Swieten  (t.  H,  p.  ^3)  commente  le  579"  aphorisme  de 
Boerhaave  ainsi  conçu  :  In  omni  febre,  hia  prœgressis,  oritur 
calor,  major,  minor,  brevis,  diuiumus,  intemus,  extemu8,  univer- 
salis,  vel  loci,  pro  varietate  febris.  Cet  aphorisme  indique  une 
voe  d'ensemble,  philosophique,  et  plutôt  une  intuition  que  le 
résultat  direct  de  Texpërience.  Van  Swieten  tente  d'établir  une 
classification  des  fièvres  en  partant  du  principe  des  modalités 
variables  de  la  chaleur.  «Après,  dit-il,  que  le  frisson  a  cessé 
et  que  le  sang  circule  librement  et  largement  par  les  artères 
dilatées,  les  capillaires  ayant  cessé  de  résister,  la  chaleur  fé- 
brile se  développe  et  s'accrott.  Or,  suivant  le  caraciire  (tndole) 
différent  de  la  fièvre,  cette  chaleur  diffère  d'intensité,  de  du- 
rée, de  siège  [loco) . .  . 

«Ainsi  la  fièvre  éphémère,  la  synoque  simple,  ont  une  cha- 
leur douce  et  humide,  à  pein'e  plus  élevée  que  la  chaleur  na- 
turelle; la  synoque  putride  a  une  chaleur  beaucoup  plus  in* 
tense  et  qui  pique,  pour  ainsi  dire,  le  doigt  qui  touche;  dans  la 
véritable  fièvre  ardente,  la  chaleur  perçue  au  toucher  est  brû- 
lante, et  l'air  expiré  semble  en  être  surchauffé.  Dans  la  peste, 
l'invasion  de  la  maladie ,  détonant  sur  certaines  parties ,  comme 
un  feu  vif,  les  réduit  en  escarre.  Dans  la  fièvre  tierce  légitime 
et  parfaite,  qui  ne  dépasse  jamais  douze  heures,  la  chaleur  dure 
quelques  heures  seulement;  dans  les  fièvres  continues,  elle 
s'étend  à  plusieurs  jours,  à  des  semaines;  dans  les  fièvres  hec- 
tiques, cette  chaleur  dessèche  et  épuise  le  corps  pendant  plu- 
sieurs mois. 

«  Le  meilleur  signe  est  quand  la  chaleur  est  répartie  éga- 
lement par  tout  le  corps  jusqu'aux  extrémités.  Dans  les  fièvres 
les  plus  mauvaises  et  le  plus  souvent  mortelles ,  il  arrive  que 
Ton  perçoit  une  grande  chaleur  dans  les  centres  vitaux,  tandis 
que  les  extrémités  du  corps  sont  froides,  j^ 

(I  semble  que,  dans  cette  tentative  de  classification  des 
fièvres.  Van  Swieten  ait  eu  une  sorte  de  divination  des  services 
que  les  courbes  de  température  seraient  appelées  à  rendre. 


156        CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


HALLER'. 

(1708-1777.) 

Haller  range  la  chaleur  parmi  les  elemenia  sanguiniê.  Il  ad- 
met que  le  sang  est  plus  chaud  que  le  milieu  ambiant  habi- 
tuel, même  chez  les  animaux  à  sang  froid,  à  plus  forte  raison 
chez  rhomme^.  Cependant,  passant  en  revue  tous  les  cli- 
mats, il  reconnaît  que  certains  ont  une  chaleur  supérieure  à 
celle  du  sang  de  Thomme;  celui-ci  peut  vivre  dans  une  cha- 
leur extérieure  de  5o  à  60  degrés  centigrades.  La  tempe 


*  On  rappelle  «  le  plus  grand  physio- 
logiste des  temps  modernes,  «  ne  à 
Berne  en  1708,  mort  en  1777.  D'a- 
bord littérateur  et  poêle.  Élève  à  Tubin- 
gen  de  Davemois,  aoatomiste,  va  à 
Leyde ,  étudie  sous  Albi nus ,  Boerhaave , 
1795,  Rnysch,  apprend  les  mathéma- 
tiques avec  Bernouilli  à  Berne.  Va  en 
Angleterre,  voitHansSloane,  Douglas, 
Cheselden  ;  en  France:  Geoffroy,  les 
iussieu,  LeDran,  chirurgien,  cl  VVins- 
low  qu41  aima  surtout.  Haller  quitte 
Paris  parce  que,  disséquant  avec  ao  pro- 
secteur nommé  Lagarde ,  il  fut  dénoncé 
par  un  voisin  indiscret  qui-avait  fait  on 
trou  au  mur:  hane  di$cendi opportuntta- 
t§m  maligna  curioêitaê  operarii  turbavil, 
qui  ejfoêêo  parietê  quid  agerem  ipecula- 
tuSf  mfum  nomen  ad  vtroi  pubUcœ  ge- 
curitati  pra/eetoi  detuUt  ;  ut  grava  pœ- 
fuu,  forte  trirêmei  pjiigermn,  latendum 
ntihifuit,  et  de$erenda  eadavera,  {Bibl. 
anal.  t.  II,  p.  196.)  En  1799  (91  ans) 
il  exerce  la  médecine.  Médecin  d'hôpi- 
Ul  en  1736.  L*ÉUtde  Berne  avait  fait 
construire  pour  lui  un  amphithéâtre 
d'anatomieen  17 34  et  il  en  est  profes- 
seur (96  ansi),  publie  un  recueil  d'odes 
et  d'épltres  en  allemand,  est  chef  de  la 


bibliothèque;  en  1786  profi 
Hanovre  i  Gottingue.  ÀnâtomiÊ,  6oC*- 
nique,  ckirurgie.  Commente  Boerhaave 
en  6  volumet,  i7.^9.Kn  17^1, 1  vol.  de 
botanique.  Atlaa  d'anaiomie,  de  17 A3 
à  1753.  Livre  mr  Uê  moMlrsi,  17&5. 
Elémentê  dé  phyMogie,  1747*  Grande 
phyêiologie,  1767.  On  fait  pour  loi  è 
Gottingue  un  jardin  botanique.  Publie 
tous  les  classiques  anciens  et  modernes. 
Haller  a  trop  écrit  pour  avoir  Beaucoup 
inventé.  Les  inventeurs  écrivent  peu  et 
pensent  beaucoup.  Les  eocydopédistet 
font  plus  d'ouvrages  et  moins  de  trou- 
vailles. On  a  plutôt  fait  un  livre  qu'une 
expérience. 

Haller  est  un  encyclopédiste  et  on 
énidit,  un  de  ces  hommes  qui  repi^- 
sentent  la  science  classique  de  toute  une 
époque.  Il  donne  une  sdence  de  seconde 
main,  il  remprunte  à  Boerhaave,  Van 
Swieten ,  de  Haen  ;  bien  qu'il  n'ait  pas 
émis  d'idées  originales  sur  la  chaleur, 
il  nous  donne  l'état  des  connaissances 
i  son  époque, 

*  Haller,  EUmenl»dephy»iologie,  tra- 
duits du  latin  par  Tarin,  Paris,  mdcclii, 
chapitre  1  :  De  la  retptratitm,  gggui, 
p.  66. 


HALLER.  —  HALES.  157 

ture  normale  de  Thomme  prise  dans  l'aisselle  avec  le  thermo- 
mètre peut  s'élever  à  ûo*  C(io4*  F).  La  température  du  sang 
varie  d'un  animal  à  l'autre. 

Quelle  est  la  cause  de  la  chaleur  du  sang?  Sed  gravtar  est 
qnœMÎo,  num  a  sangutnis  tnolu  calor  nascatur.  Les  anciens  se 
contentaient  d'invoquer  une  chaleur  innée  dans  le  cœur:Hip- 
pocrate,  Arétée,  admettaient  cette  hypothèse,  et  Galien  n'y 
contredisait  pas.  Quel  est  le  cœur  le  plus  chaud,  est-ce  le  droit 
comme  le  disait  Aristote,  le  gauche  comme  le  professait  Ga- 
lien?  Haller  passe  en  revue  tous  les  modernes,  Gonringius, 
Descartes ,  Van  Helmont,  Sylvius,  Honshaw,  les  mécaniciens 
el  les  chimistes ,  Targirus ,  Ghirac .  Saviolus ,  Newton  même ,  qui 
tenait  pour  la  fermentation,  et  Willis,  et  Stahl,  et  Vicussens. 

Et  d'abord,  dit  Haller,  Back,  fiorelii  et  Guillaume  Gok- 
burn  (ces  derniers,  le  thermomètre  en  main),  ont  montré  que 
le  sang  n'était  pas  plus  chaud  dans  le  cœur  que  dans  les  autres 
viscères.  Constatant  que  la  chaleur  est  en  raison  directe  de 
Taccélération  de  la  circulation,  Haller  repousse  la  fermenta- 
tion, et  admet  que  le  mouvement  est  la  cause  de  la  chaleur. 

Quant  aux  sources  intimes  de  la  chaleur  soit  dans  les 
échanges  moléculaires,  soit  dans  la  respiration,  Haller  n'y  in- 
siste pas.  Cette  partie  de  son  livre  est  plus  riche  en  anatomie 
qu'en  physiologie.  Suit  un  chapitre  sur  les  températures  de 
divers  climats  (géographie). 

HALES   (ETIENNE). 

(1677-1761.) 

Haies  croyait  que  la  chaleur^  provient  surtout,  dans  les  ani- 

^  Docteur  en  théologie,  recteur  de  tîon  da  ventilatear  pour  renouveler  Tair 

ZeddÎDgton  et  de  Faringdon,  chapelain  des  mines,  des  bdpilaax,  etc.,  et  une 

du  prince  de  GaUes,  membre  de  la  So-  Statique  âe$  €mmaux,  traduites    par 

ciélé  royale  de  Londres,  né  en  1 67  7,  mort  Sauvages  ,1766;  une  Statique  du  vég^- 

en  1761  à 84 ans,  a  publié  une  descrip-  taux  et  Anaiyêe  de  l'air,  traduites  par 


158 


CHAPITRE  !•'.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


maux,  du  frottement  du  sang  et  particulièrement  des  globules 
rouges  (la  découverte  de  Leuwenhoeck  était  mise  à  profit).  Il 
remarque  que  Tair  et  le  sang  ont  l'un  sur  l'autre  dans  les  pou- 
mons une  action  réciproque,  Tair  sur  le  sang  qu'il  rafraîchit, 
et  le  sang  sur  l'air  qu'il  échauffe.  Haies  se  servait  du  thermo- 
mètre': s  Si,  dit-il,  je  tiens  mon  thermomètre  à  esprit-de-vin 
pendant  longtemps  dans  la  bouche,  ayant  le  soin  d'inspirer 
l'air  frais  par  les  narines  et  d'expirer  sur  la  boule  du  thermo- 
mètre l'air  chaud,  l'esprit-de-vin  s'élève  du  i  o*  degré,  chaleur 
actuelle  de  l'air  extérieur,  jusqu'au  &6*  au-dessus  du  point  de  la 
congélation,  de  façon  que  dans  7-^  d'heure  ou  trois  secondes, 
l'air  inspiré  se  trouve  acquérir  36  degrés  de  chaleur.  L'état 
naturel  de  mon  sang  durant  lequel  je  faisais  cette  expé- 
rience étant  de  6/i  degrés  et  celui  de  l'air  extérieur  de  10 
degrés,  plus  froid  par  conséquent  de  54  degrés  que  le  sang, 
il  ne  laissa  pas  de  prendre  dans  si  peu  de  temps  36  degrés  de 
chaleur.  .  .  n  Haies  tente  d'établir  par  une  série  de  calculs, 
faits  d'après  de  nombreuses  expériences,  la  quantité  de  chaleur 
acquise  en  un  temps  donné  par  le  sang.  Il  a  fait  aussi  une  théo- 
rie mécanique  de  l'inflammation. 

Sauvages  a  fait  suivre  sa  traduction  de  l'hémostatique  d'une 
dissertation  sur  la  fièvre,  qui  n'est  pas  son  meilleur  ouvrage. 


Buflbn  1735*,  L*arl  de  rendre  (*eau  de 
mer  potable,  etc.  Un  de»  physiciens  an- 
glais les  plus  remarquables  du  commen- 
cement du  XVI 11*  siècle. 

MM.  de  Buflbn  et  Sauvages  ont  tra- 
duit en  franç^iis  les  ouvrages  de  Haies. 
Haies  était  un  grand  physiologiste  ex- 
périmentateur; il  produisait  artificielle- 
ment des  maladies  et  procédait  comme 
font  aujourd'hui  les  professeurs  de  pa- 
thologie expérimentale;  la  méthode HMt 
pas  nouvelle.  Sauvages  sV.xprime  ainsi 
sur  cet  homme  émineul  dans  Paverlis- 
sement  de  sa  traduction:  «On  aperçoit 
avec  ravissement  le  jour  qu'il  répand 


sur  la  matière  médicale, en  nous  faisant 
voir  au  clair  lesdiflerents  eflets  du  froid, 
du  chaud,  des  remèdes  astringents, 
apéritifs,  etc.,  sur  les  difTérents  vais- 
seaux. Quelle  honte  pour  les  médecins 
qn'un  théologien  leur  ait  enlevé  Tfaon- 
neurde  tant  d'utiles  décooTertesI» 

Le  prindpal  ouvrage  de  ce  savant 
porte  un  titre  suffisamment  explicatif: 
Hœmostatique  ou  la  étatique  de»  onî- 
fiMitu:  ;  expériencee  kydrauUquee  Jaitee 
eur  dêe  animaux  vivaiUe,  Genève, 
MDGCiuv,  traduction  de  Sauvages. 

^  Statique  dêe  animaux,  xiii*  expé- 
rience, p.  8a. 


HALES. 


159 


bien  qu'on  y  trouve  une  grande  érudition  et  les  preuves  d'une 
éducation  mathématique  distinguée.  Cette  dissertation  n'a 
pas  avancé  la  question  de  la  chaleur  fébrile.  Ce  n'est  point 
que  la  confiance  en  soi  manquât  à  Sauvages,  car  dans  son 
avertissement  il  s'exprime  ainsi  :  ce  J'ai  réitéré  bien  des  expé- 
riences de  notre  auteur,  j'y  ai  ajouté  celles  que  j'ai  crues  né- 
cessaires pour  YembelUstement  de  cet  ouvrage  ^  » 

Haies ^,  en  bon  physicien,  tient  fort  aux  globules  du  sang, 


1  il«irfiM«m«iif,p.  HT. 

*  Qudqu8ê  eitaiioni  de  Haka.  — 
«Nous  voyons,  dit->il,  par  k  dixième 
expérience,  que  le  sang  passe  avec  plus 
de  rapidité  à  travers  les  poumons  qu^à 
travers  les  autres  vaisseaux  capillaires 
du  corps,  d'où  nous  pouvons  fort  rai- 
sonnablement conclure  qu*il  acquiert 
principalement  sa  chaleur  par  la  vive 
agitation  qu^il  y  essuie.  Mais  nous  ap- 
prenons de  Texpérience  journalière  que 
le  moavement  du  sang  accéléré  par  le 
travail  ou  Texercice,  en  augmente  la 
chaleur;  d^ou  nous  pouvons  inférer  que 
c*cst  surtout  dans  les  poumons  que  le 
sang  acquiert  sa  chaleur,  puisque!  y 
rouie  avec  plus  de  rapidité  que  dans  les 
autres  vaisseaux  capillaires  du  corps,  et 
que  la  chaleur  du  sang  est  principale- 
ment produite  par  ce  frottement  ;  c'est 
ce  qo*on  peut  prouver,  de  ce  que  cette 
chaleur  est  bien  plutôt  augmentée, 
quand  on  fait  des  mouvements  violents 
du  corps,  qu'elle  ne  pourrait  Tétre  par 
aucun  mouvement  de  fermentation  ou 
d'effervescence,  et,  au  contraire,  dès 
que  le  mouvement  du  sang  vient  à 
cesser,  soit  par  la  mort,  soit  lorsque 
quelque  cause  le  fait  extravaser,  il  se 
reOroidit  aussi  promptement  qu'aucun 
antre  fluide  de  pareil le^densi té,  et  qui 
serait  exempt  de  toute  «effervescence.n 
Tous  les  mf^nidens  de  cette  époque 


étaient  employés  à  faire  des  calculs  sur 
la  vitesse  du  sang,  sur  l'étendue  des 
surfaces  de  l'arbre  circulatoire,  sur  le 
frottement  des  globules,  etc. . . .  Yoid 
un  exemple  des  calculs  de  cette  nature 
emprunté  à  la  i  o*  expérience  de  Haies. 
«La  somme  des  surfaces  de  toutes  les 
vésicules  pulmonaires  d'un  veau  a  été 
estimée  ^le  à  A 0,000  pouces  carrés, 
d*où  l'on  peut  conclure  que  la  somme 
des  surfaces  des  vésicules  pulmonaires 
du  chien  en  expérience  (eu  égard  à  son 
poids)  doit  être  égale  à  1  a,  1  a  1  pouces 
carrés;  et,  comme  l'on  a  prouvé  par  la 
huitième  expérience  que  6,3 /i  livres  ou 
1 1 3,686  pouces  cubiques  de  sang  pas- 
saient au  travers  du  ventricule  gauche 
de  ce  chien,  ces  pouces  cubiques  di- 
visés par  ^  partie  d'un  pouce  ou 
0,000679,  le  diamètre  des  petits  vais- 
seaux capillaires ,  le  produit  est  1 69 1 7  a 
pouces  carrés,  ce  qui  est  la  quantité  du 
sang  qui  y  passerait.  Ces  pouces  cu- 
biques divisés  par  latai,  le  nombre 
des  pouces  carrés  dans  les  vésicules  des 
poumons,  donnent  18,95  ce  qui  est  la 
^  partie  du  sang  employé;  et  don- 
nant la  moitié  d'un  de  ces  pouces  pour 
l'espace  qui  se  trouve  entre  les  cavités 
des  vaisseaux  sanguins,  alors  la  somme 
de  toutes  les  cavités  de  ces  vaisseaux 
sera  la  -^  partie  de  toute  la  masse 
écoulée,  savoir  6,36  livres  de  sang,  et, 


160 


CHAPITRE  I-.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


corps  solides  et  capables  de  développer  de  la  chaleur  par  le 
frottement 9  ii  convient  que,  si  de  Teau  pure  circulait  dans  nos 
vaisseaux  avec  la  même  vélocité  que  le  sang,  elle  n'en  acquer- 
rait cependant  pas  la  chaleur.  •  .  c( Leuwenhoeck  a  observé', 
dit-il,  que  le  sang  des  poissons,  lequel  est  plus  froid  que  ce- 
lui des  autres  animaux ,  a  proportionnellement  plus  de  sérosité; 
le  sang  des  animaux  terrestres  contient  vingt-cinq  fois  plus 
de  globules  rouges  qu'à  volume  égal  n'en  contient  celui  d'un 
cancre  ou  écrevisse.  Si,  conformément  au  calcul  de  IVf.  Jurin, 
au  rapport  de  M.  Motte  (^Abrégé  des  traniact,  philo9.  part.  II, 
p.  1&3),  les  globules  rouges  font  la  à'  partie  du  sang»  et  si, 
selon  son  calcul  aussi,  le  diamètre  d'un  globule  est  ^  de 
pouce,  alors  le  quart  du  cube  de  Sa&o  ou  8,5o3,o56,ooo 
sera  à  peu  près  le  nombre  des  globules  rouges  contenus  dans 
un  pouce  cube  de  sang,  et  la  distance  mutuelle  des  centres  d'un 
globule  à  l'autre  sera  ^^  de  pouce. . .  »  Nous  ferons  observer 
que  l'appréciation  du  volume  de  l'hématie  à  y^  de  pouce  ne 

s'éloigtie  pas  beaucoup  de  l'évaluation  actuelle.  Le  pouce  étant 
de  3  centimètres^,  si  nous  divisons  3â&o  par  3,  nous  avons 
1  o8o,  divisez  par  i  o  pour  obtenir  t  millimètre,  nous  obtenons, 
pour  diamètre  de  l'hématie  ^^g,  or  notre  chiffre  est -j^.  Quant 
à  l'évaluation  du  chiffre  total  des  globules  dans  un  espace 
donné,  on  ose  à  peine  faire  le  calcul  aujourd'hui,  même  avec 
les  instruments  d'analyse  dont  on  dispose. 


par  conséquent,  une  quantilé  de  ce 
fluide  égale  à  37,9  fois  ta  capadtë  de 
ces  vaimeauz  doit  y  couler  dans  ane 
minute.  Nous  voyons  par  ce  calcul,  et 
par  la  petite  proportion  de  la  niasse  des 
poumons  à  toute  celle  du  corps ,  que  la 
vélocité  du  sang  doit  y  être  considéra- 
blensent  accélérée.  9 

Il  faut  convenir  que  ces  calculs  sont 
fatigants  à  lire  et  que  c'est  se  donner 
beaucoup  de  mal,  quand  il  était  si 
simple  de  faire  comme  Borelli ,  de  plon- 
ger un  thermomètre  dans  le  ventri- 


cule gauche,  puis  de  faire  la  même 
expérience  dans  le  ventricule  droit. 
LVbservateur  aurait  vu  que  le  saog 
n'élail  pas  plus  chaud  i  droite  qa*à 
gauche  :  alors  s'évanouissail  Tédiafau- 
dage  mathématique. ...  Les  savanb 
mathématiciens  ont  besoin  d*nn  méde- 
cin technideb  qui  leur  montre  les  con- 
ditions du  problème ,  c^est  là  ce  qui  doit 
consoler  Tamour-propre  des  médecins. 

'  P.  78. 

*  Eiactement  3  centimètres  ^leot 
1.399  pouce. 


G.  MARTINE.  161 

MARTINE  (G.)'. 

(Éeoasais,  xtiii*  siècle.) 

L*ouvrage  De calore animalium^ débute  ainsi:  «On ne  saurait 
nier  que  la  théorie  de  la  chaleur  des  animaux  ne  soit  d'un 
très-noble  usage  pour  bien  comprendre  et  appliquer  juste- 
ment la  médecine.  »  Cette  propriété  des  animaux,  nous  dit  Mar- 
tine, n'a  cessé  de  torturer  l'esprit  des  physiciens  de  tous  les 
siècles,  aussi  quelques  anciens  qui  ne  doutaient  de  rien  (emt- 
ftia  se  teire  projitentes)  ont-ils  émis  à  cet  égard  nombre  d'absur- 
dités. Enfin  Harvey  démontra  la  circulation ,  qui  est  iptius  cab- 
risvera  causa.  Tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  les  tempéraments  et  la 
chaleur  innée  n'offre  rien  de  sérieux.  Nous  suivrons  l'auteur 
dans  l'énumération  historique  et  critique  qu'il  nous  donne  des 
auteurs  qui  l'ont  précédé.  c(  Harvey  ne  nous  a  rien  laissé  de  po- 
sitif sur  la  chaleur  animale,  il  croyait  è  la  chaleur  innée. 
René  Descartes,  ce  grand  instaurateur  de  la  philosophie  mé- 
canique, et  ses  élèves,  ont  fait  du  cœulr  le  foyer  de  la  chaleur. 
Le  savant  Gonringe,  dans  son  livre  De  calido  innato  sive  igné  ani- 
nudi,  n'a  fait  que  reproduire  les  hallucinations  des  anciens. 
Ni  les  hypothèses  de  Sylvius  sur  la  fermentation  des  humeurs 
par  la  chaleur  du  coeur,  ni  les  effervescences  produites  par  le 
mélange  du  sang  avec  le  chyle  ou  la  lymphe ,  théorie  qui  sou- 
riait au  grand  Newton  lui-même,  ne  peuvent  rendre  compte 
du  phénomène.  En  vain  on  s'attend  à  quelque  chose  de  mieux 
de  la  part  de  l'ingénieux  Willis.  r> 

L'hypothèse  qui  platt  le  plus  à  Martine  est  celle  de  Back 
[De  œrie)^  par  laquelle  le  sang,  échauffé  par  son  propre  mou- 

'  Écossais ,  a  ëludîé  à  Leyde  et  en  Ita-  1 7  6  o ,  et  des  commentaires  sur  Tanato- 

Ke.  Mort,  en  1760,  À  Garthagène,  dans  mie  de  B.  Eustacfae.  Bdinburgh,  1 755. 
00  voyage  qu'il  faisait  en  Espagne  i  la         *  Georgii  Marlinii ,  De  nmilibus  am- 

suite  d*an  lord.  Il  a  publié  un  ouvrage  nudOnii  et  ammaUum  ealore  Hbri  duo, 

impoiiant:  De  emUÙmM  ammalthue  et  London,  hdgcxl,  p,  t2().  De  ealore  ont- 

amimûUum  ealore   Ubri   duo  y  Londini  nudium ,  procemium. 

i  I 


162         CHAIMTRE  ['.  —  LA  CHALEUU  KT  LA  KIKVKK. 

vement,  répartit  la  chaleur  par  tout  notre  corps.  Asclépiade  et 
d'autres  anciens  paraissent  avoir  professé  une  doctrine  ana- 
logue. L'auteur  nous  apprend  qu'il  a  commencé  son  ouvrajje 
à  Loyde  et  l'a  fini  à  Paris  en  ly^a.  Il  décrit  d'abord  le  lb(^r- 
momètre  et  la  température  de  l'air. 

Fahrenheit  évalue  la  chaleur  de  la  peau  humaine  h  yG" 
(35",6  C).  Boerhaave,  on  ne  sait  pourquoi,  estime  que  la 
chaleur  vitale  de  l'homme  est  de  (j2"(33",3  C.)  à  ()A"(3i%/i  C), 
jamais  de  C)6''(35°,6  C),  à  l'état  sain.  Martine  indique  Sancto- 
rius  comme  l'inventeur  de  la  thermoscopie.  Newton,  Muschen- 
brock ,  Bacon ,  ont  émis  leur  opinion  sur  la  chaleur  animale 
et  avancé  la  science  sur  ce  point. 

Au  moment  où  Martine  écrivait,  la  question  des  rapports 
de  chaleur  de  l'animal  avec  le  milieu  and)iant  occupait  fort  les 
esprits.  Aussi  voit-on  dans  Haller  tout  un  cours  de  géographie 
thermique.  Martine  a  les  mêmes  préoccupations,  et  se  demande 
si  la  chaleur  animale  excède,  égale,  dépasse  la  chaleur  de  l'air. 
Boerhaave  avait,  a])rès  Sanctorius,  avancé  à  tort  que  les  ani- 
maux ne  supportaient  [)as  un  air  beaucoup  plus  chaud  quo 
leur  sang;  a  cette  époque  encore  l'air  passait  pour  un  rafraî- 
chissant des  [)oumons. 

Martine  s'inscrit  respectueusement  contre  ro|)inion  de 
Boerhaave,  et  la  démontre  fausse;  il  cite  surtout  les  expé- 
riences d'Amontons. 

La  proposition  \i  i.'st  ainsi  conçue:  motm  vol  circulatio  san- 
fruinis  pcnniitis  est  vera  cnusa  caloris  mnmalium.  Un  vieux  livre 
attribué  à  Ilippocrate  dit  :  rà  clIiiol  ovk  eivcti  rf!  (^vaet  5-epfibv 
âXXà  Q-spiJLOitveaÔai.  Or  nous  vivons  dans  un  milieu  habituel- 
lement plus  froid  que  nous,  il  faut  donc  une  cause  intérieure 
de  chaleur  qui  nous  permette  de  lutter  contre  l'action  de  l'air 
ambiant.  Hippocrate  a  bien  vu  (A;  diœU't.XL\\  \\  )  le  rap- 
port qui  existe  entre  la  chaleur  et  la  fréquence  du  pouls.  Mar- 
tine cite  Thomme  immobile  opposé  à  l'homme  en  action,  le 
lipotliymique  opposé  au   fiévreux.  La  |)rincipab'  source  de  la 


G.  MARTINE.  163 

chaleur  est  la  pression  latérale  du  sang  dans  les  artères  :  ani- 
mantiê  cahr  prœcipue  producitur  ab  aUritu  motorum  liquidorumtn 
fMuomm  amUnenùum  Idtera.  L'intensité  de  la  chaleur  est  en 
raison  directe  de  la  rapidité  du  mouvement  et  de  la  section 
du  conduit.  La  chaleur  est  presque  égale  partout  chez  les  ani- 
maux placés  dans  un  milieu  non  réfrigérant.  Vient  ensuite  un 
chapitre  sur  la  chaleur  de  divers  animaux. 

Au  chapitre  iv,  l'auteur  émet  les  propositions  suivante»  : 
toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  la  chaleur  du  sang  varie 
comme  l'amplitude  des  artères.  La  chaleur  suit  la  fréquence 
du  pouls.  Le  cœur  bat  lentement  chez  les  animaux  à  sang  froid. 

Prop.  17.  id  strictura  et  arteriarutn  angustia  multum  de- 
petidet  corports  nottri  eahr.  Gomme  la  chaleur  d'un  liquide  se 
mouvant  à  travers  un  canal  est  engendrée  par  sa  pression 
contre  les  parois  de  ce  canal  en  raison  du  diamètre  de  celui-ci , 
si,  la  rapidité  et  d'autres  conditions  étant  égales  d'ailleurs, 
la  capacité  des  artères  est  changée,  alors  la  chaleur  du  sang 
qui  les  traverse  subit  un  changement  proportionnel,  qui  est 
en  raison  du  changement  du  diamètre.  Ainsi  l'on  voit  com- 
bien la  chaleur  dépend  de  la  variation  dans  l'amplitude  ou 
dans  la  contraction  des  artères. 

La  chaleur  s'accroit  par  la  compression  extérieure  exercée 
sor  les  vaisseaux  sanguins  par  des  bandes  ou  des  vêtements, 
etc.  (p.  991  ),  et  parce  que  tous  les  vaisseaux  sont  serrés,  et 
parce  que  le  sang  est  poussé  avec  une  plus  grande  force  dans 
les  viscères  intérieurs.  . .  On  voit  que  la  méthode  était  bonne, 
et  elle  ne  diffère  pas  de  celle  qui  est  employée  par  les  physio-* 
logistes  modernes.  Martine  n'est  pas  tellement  mécanicien, 
qu'il  n'admette  que  certaines  substances  mêlées  au  sang  en  aug- 
mentent la  chaleur,  et  que  celle-ci  varie  suivant  les  quantités 
des  parties  sulfureuses  constitutives  du  sang. 

Martine  procède  par  des  calculs  comme  Haies. 


1 1 . 


164         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALELR  ET  LA  FIÈVRE. 

ROBERT  DOUGLAS'. 

(iTiii*  nède.) 

Robert  Douglas,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  Jacques 
et  Jean,  chirurgiens  et  anatomistes  célèbres  du  xviif  siècle, 
était  médecin,  et  publia  à  Londres,  en  1 7/17,  un  traité  de  la 
chaleur  animale  conçu  d'après  un  plan  géométrique;  il  y  in- 
troduisit le  calcul,  et  son  livre  est  plutôt  de  l'ordre  de  la  mé- 
canique que  de  celui  de  l'histoire  naturelle  proprement  dite. 

Lie  titre  est  attractif  :  De  la  génération  de  la  chaleur  chez  les 
animaux*.  Le  livre  ne  tient  pas  les  promesses  du  titre.  S  i'^  :  «(  La 
chaleur  innée  d'un  animal  est  seulement  l'excès  dont  sa  cha- 
leur absolue  surpasse  celle  de  son  milieu  extérieur.  7»%  li:  nPar 
la  quantité  de  chaleur  qu'un  animal  engendre,  on  entend  ce 
surcroît  de  chaleur  qui  remplace  continuellement  les  pertes 
que  doit  nécessairement  souffrir  le  corps  d'un  animal  chaud , 
par  son  contact  immédiat  avec  un  milieu  plus  froid,  n  Dans  le 
chapitre  très-court  qui  sert  de  commentaire  k  ce  titre,  l'auteur 
émet  une  proposition  dont  il  n'indique  point  l'auteur  (du 
moins  en  tant  qu'elle  s'applique  aux  animaux):  «Les  corps 
chauds  perdent  leur  chaleur  dans  des  temps  proportionnels  à 
leur  diamètre.  ^  (Cette  proposition  se  lit  dans  les  principes  de 
mathématique  de  Newton.)  ci  D'où  l'on  doit  conclure  que  l'al- 
tération de  la  chaleur,  de  même  que  son  surcroit  par  la  même 
raison,  ou  les  quantités  de  chaleur  produites  dans  des  ani- 
maux de  différentes  grandeurs,  doivent  être  en  raison  directe 
de  leur  chaleur  innée  et  en  raison  inverse  de  leur  diamètre,  y» 
C'est  là  en  effet  un  principe  dont  les  expérimentateurs  mo- 
dernes (Edwards,  Chossat,  etc.)  ont  tiré  un  grand  parti.  La 

'  On  ne  sait  rien  de  sa  vie;  on  ne        *  Ei$ai  $ur  la  géiAnUiùn  è$  la  eka- 

connaît  que  son  ouvrage  :  E$ëay  eoneer-  Uur  dans  le$  ainimaux,  traduction.  Pa> 

fiM^  ikê  génération  ofheat  in  animale,  ris,  hdcclt.  , 

London,  17/17,  in-8*. 


ROBERT  DOUGLAS.  165 

proposition  5  est  ainsi  conçue  :  ci  La  chaleur  extérieure  relâche 
les  vaisseaux  des  animaux;  le  froid  extérieur,  au  contraire,  les 
resserre.  »  En  voici  le  corollaire:  «Le  froissement  des  globules 
cesse  dans  les  extrémités  capillaires  lorsque  la  chaleur  de 
Tanimal  coïncide  avec  celle  de  son  milieu,  n 

L'auteur  émet  ensuite  une  proposition  qui  suppose  de  nom- 
breuses expériences  et,  pour  ainsi  dire,  une  science  faite,  mais 
il  ne  cite  point  ses  sources:  «Il  y  a  un  certain  degré  de  cha- 
leur extérieure  dans  l'étendue  duquel  la  chaleur  innée  d'un 
animal,  quoique  vivant  et  en  bonne  santé,  s'éteint  insensi- 
blement. Ce  degré,  dans  les  animaux  d'un  tempérament 
chaud ,  coïncide  avec  la  température  naturelle  de  leur  sang.  De 
cette  limite,  si  l'on  suppose  qu'un  animal  chaud  parcourt  une 
suite  indéfinie  de  degrés  de  froid,  toujours  en  augmentant, 
l'augmentation  de  sa  chaleur  innée  se  fera  en  même  raison 
que  celle  du  froid,  jusqu'à  une  certaine  étendue;  elle  se  fera 
ensuite,  en  raison  de  plus  en  plus  faible,  jusqu'à  ce. que  la 
chaleur  innée  de  l'animal  soit  dans  son  plus  grand  degré  de 
vigueur,  et,  depuis  cette  période,  elle  diminuera  par  degrés,  à 
mesure  que  le  froid  augmentera,  jusqu'à  ce  que  l'animal 
meure ,  et  qu'enfin  sa  chaleur  s'éteigne  tout  à  fait.  » 

Le  livre  que  nous  analysons  contient  des  idées  qui  n'étaient 
pas  toutes  personnelles  à  l'auteur;  on  y  trouve  exprimés  des 
aphorismes  classiques  en  ce  temps;  on  y  voit  quel  usage  on 
faisait  alors  du  thermomètre  et  du  microscope ,  combien  le  pu- 
blic médical  se  complaisait  dans  la  physiologie  expérimentale, 
et  quel  milieu  scientifique  éclairé  présentait  alors  l'Angleterre. 

Robert  Douglas  soutient  la  proposition  que  la  chaleur  ani- 
male est  engendrée  par  le  froissement  des  globules  de  notre  sang 
contre  les  parois  des  extrémités  capillaires^,  ti Naturellement  la 
chaleur  innée  d'un  animal  et  la  friction  des  ^obules  dans  ses 
extrémités  capillaires  (qui,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  est 

• 

'  Tliéorème,  p.  5i. 


166         CHAPITKE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

proportionnelle  à  la  vitesse  du  mouvement  de  ces  globules)  ont 
non-seulement  des  périodes  similaires  et  relatives  les  unes  aux 
autres,  depuis  celle  de  froid  extérieur  dans  laquelle  elles 
cessent  toutes  deux ,  jusqu'à  cette  autre  dans  laquelle  leur  trop 
grande  constriction  produit  le  même  effet ,  mais  encore  ces  pé- 
riodes sont,  de  part  et  d'autre,  réglées  et  déterminées  par 
une  seule  et  même  cause,  la  vitesse  du  mauvemeni  du  sang,  if 

On  ne  peut  s'empêcher  d'admirer  la  logique  de  ces  raison- 
nements et  d'estimer  une  époque  où  l'étude  des  sciences  phy- 
siques appliquées  à  la  médecine  avait  le  pas  sur  l'empirisme 
brutal  et  mercantile  des  médecins  praticiens  purs  de  tonte 
préoccupation  scientifique. 

Appliquant  à  faux  un  principe  vrai,  Douglas  dit  donc  que 
la  dilatation  et  la  contraction  des  extrémités  capillaires  d'un 
animal  influent  sur  la  génération  de  la  chaleur,  mais  il  se 
trompe  en  n'y  voyant  que  la  question  du  frottement.  On  ne 
peut,  dit-il,  expliquer  nos  sensations  de  chaud  et  de  froid  que 
par  les  différents  degrés  de  constriction  ou  de  relâchement 
des  extrémités  capillaires. 

Dans  la  partie  où  l'auteur  développe  ses  idées  sur  la  gàii-- 
ration  de  la  chaleur  relativement  à  la  grandeur  différente  des 
animaux,  il  rappelle  (voyez  plus  haut)  ce  principe  de  Newkm, 
que,  coDome  les  surfaces  des  corps  ne  décroissent  pas  si  rite 
que  leur  volume  (qui  décrott  en  raison  triple,  au  lieu  que  les 
surfaces  décroissent  en  raison  double  de  leur  diamètre  respec- 
tif) ,  c'est  pour  cette  raison  que  les  temps  du  refroidissement 
des  corps  sont,  cœteris paribus ,  comme  leurs  diamètres  respec- 
tifs. Les  grands  animaux  doivent  donc  perdre  beaucoup  moins  de 
leur  chaleur  que  les  petits  de  la  même  température;  et  cette  perte 
se  doit  faire  en  raison  juste  de  leurs  diamètres, 

Cest  là  un  grand  fait  de  physiologie.  C'est  une  très-belle 
application  de  la  géométrie  à  la  physiologie  et  à  la  médecine 
des  petits  enfants.  I^es  modernes  l'ont  acceptée  sans  en  citer 
ou  sans  en  connaître  la  source. 


FIZES  DE  MONTPELLIER.  167 

L'autettr  rappelle  que,  d'après  Leuwenhoeck,  les  globules 
du  sang  et  les  vaisseaux  capillaires  ont  le  même  diamètre  dans 
les  petits  animaux  que  dans  les  grands. 

Se  fondant  sur  les  calculs  de  Haies ,  à  savoir  que  la  surface 
respirante  des  poumons  est  vingt  fois  aussi  grande  que  celle  de 
tout  le  corps;  mais  considérant  que  Tair  qui  y  pénètre  est 
déjà  échauffé  dans  son  passage  à  travers  les  voies  nasales  et 
se  dilate,  il  admet  que  nous  perdons  au  moins  la  moitié  de 
notre  chaleur  par  les  poumons  dans  Tacte  de  la  respiration. 

L'auteur  est  amené  nécessairement  h  régler  sa  thérapeu- 
tique sur  la  contraction  des  capillaires  :  <(  Donc,  dit-il,  d'apràs 
ce  que  nous  avons  dit  sur  la  chaleur  contre  nature  des  ani- 
maux, on  comprend  pourquoi  les  astringents,  dont  l'effet 
tend  à  diminuer  le  diamètre  des  extrémités  capillaires,  ra- 
niment et  fortifient  notre  chaleur  innée,  et  pourquoi,  d'un 
autre  côté,  tout  ce  qui  peut  relAcher  produit  un  effet  con- 
traire. 79 

FIZES   DE  MONTPELLIER'. 

(  École  française,  itiu*  sîède.) 

ff  La  fièvre,  dit  Fizes^,  tend  directement  è  la  destruction  du 
principe  vital  et  fait  périr  la  plupart  des  hommes,  qu'elle  soit 
essentielle  ou  symptomatique.  Son  nom  lui  vient  peut-être  de 
l'ancien  mot  latin  (sabin)  februo,  qui  signifie  purifier.  Les 
Grecs  l'appelaient  purétos,  de  pur,  feu ,  à  cause  que  la  chaleur 
accompagne  ordinairement  la  fièvre.»  Fixes  constate  que  les 
médecins  diffèrent  d'avis  sur  l'essence  de  la  fièvre  :  il  se  range 

*  Né  à  MoQtpellier  eo  1690,  mort  detjièvre$,  etc.  Fonquet,  au  dire  de 

en  1766.  Homme  trèa-cëlèbre  dans  la  Deagenettes,  se  vantait  d*avoir  acheté 

pratique,  médecin  da  roi,  fils  d\m  nombre  d*exemplairea  du  TrotCtf  dss^ 

profeaaeor  de  malfaématiques.  Profea-  vr»s  pour  les  anéantir  comme  perni- 

arar  de  chimie  i  Tuniversité  de  Mont-  cieux. 

peHier,  a  publié  de  nombreux  ouvrages  *  Traité  daJUvru,  traduit  du  latin 

d*anatomie,  de  physiologie,  un  Traité  de  M.  Fiios,  idco.!!,  p.  t. 


168         CHAPITRE  I-.  — LA  CHALCCR  ET  LA  FIEVRE. 

k  Topinion  des  modernes  qui  combattent  Fernel  et  tous  les 
anciens,  en  ce  >ens  que  la  chaleur  se  trouve  souvent  sans  la 
fièn*e,  et  que  la  6èvre  n'est  pas  toujours  accompagnée  de 
cbaleur;  et  il  cite  comme  exemple  le  déInU  de$  aecii  fébriles  et 
certaines  fièvres  malignes  qu'on  appelle^^tiidn.  «On  peut  ajou- 
ter  encore,  dit  Fizes,  que,  dans  les  fièvres  malignes,  la  chaleur 
n'excède  pas  de  beaucoup  celle  que  nous  avons  naturellement; 
souvent  même  on  n'y  remarque  aucune  diiïérence.  79  Voilà  01^ 
est  Terreur  de  Fixes,  et  tout  naturellement  il  devait  chercher 
ailleurs  que  dans  la  chaleur  la  mesure  de  la  fièvre:  il  devait 
abandonner  Hippocrate  et  faire  prédominer  le  pouls.  Voici  sa 
DécLAAATi05  ^  :  «  U  s'agit  de  chercher  un  signe  pathognomoniqne 
de  la  fièvre,  sur  lequel  il  ne  puisse  plus  y  avoir  de  contes- 
tation. Or  c'est  une  chose  uco^hub  de  Um$  le»  fraùciem,  qu'il 
y  a  fièvre  toutes  les  fois  qu'on  trouve  le  pouls  accéléré  et  les 
fonctions  lésées  considérablement.  On  peut  donc  définir  Ja 
fièvre  relativement  à  la  pratique:  imc  accélération  eumaiureUe 
du  pouls,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  la  fréquence  du  pouls 
jointe  arec  une  lésion  de  fonctions  constante  et  notable,  y»  Fizes  ne 
manque  pas  de  faire  remarquer  que,  suivant  cette  définition, 
la  fièvre  pourra  aussi  bien  exister  avec  le  froid  qu'avec  le  chaud , 
quoiqu'elle  soit  plus  ordinairement  accompagnée  du  chaud.  Il 
indique  comme  cause  prochaine  de  la  fièvre  une  augmenta- 
tion dans  la  vitesse  des  contractions  du  cœur,  jointe  avec  le 
ralentissement  du  sang  dans  les  vaisseaux  capillaires,  et  encore 
faut-il  que  ces  deux  causes  soient  réunies.  Fixes  admet,  du 
reste,  une  matière  fébrile  qui  épaissit  le  sang,  ou  le  raréfie  (?). 

Au  chapitre  des  fièvres  putrides,  Fizes  décrit  le  froid  fébrile 
qui ,  dit-il,  ne  se  montre  pas  seulement  au  début  des  fièvres  pu- 
trides, mais  encore  dans  celui  des  autres  fièvres;  il  distingue 
quatre  degrés'  dans  le  froid  fébrile  :  t""  refrigeratio  (frisson); 
q"  horripilatio  ou  horror;  3*  rigor;  4*  algor.  Et  il  signale  avec 

*  Pag»»  3.  —  •  Pagp  60. 


FRANÇOIS  DE  SAUVAGES.  169 

raison ,  mais  sans  commentaire ,  ce  fait  que ,  lorsque  les  malades 
se  plaignent»  dans  les  fièvres,  d'un  froid  incommode,  il  ar- 
rive quelquefois  que  les  assistants  les  trouvent  chauds  et  même 
pluê  chauds  qu'à  l'état  naturel.  Le  plus  souvent,  ajoute-t-il,  les 
assistants  trouvent  le  malade  réellement  froid,  surtout  aux 
extrémités.  Malheureusement  Fixes  veut  expliquer  ce  phéno- 
mène par  la  viscosité  du  sang,  son  ralentissement  dans  les 
capillaires,  etc.  Enfin  il  exprime  par  une  formule  scienti- 
fique, à  allures  sévères,  tout  son  système  relativement  à  la 
chaleur^  :  Tottie  chaleur  dans  le  corps  humain  est  toujours  en  rai- 
son composée  de  l'agitation  intestine  des  particules,  de  la  célérité  de 
son  cours,  de  sa  quantité  présente  dans  une  partie,  et  de  sa  cansis-- 
tance.  Comprenne  qui  pourra!  Fizes  était  professeur  de  ma- 
thématiques et,  dit-on,  grand  praticien,  mais  il  était  aussi 
professeur  de  chimie;  il  parait  surtout  avoir  été  médecin  en- 
cyclopédiste :  hardi  à  conclure  et  à  tout  expliquer,  ce  qui  est 
un  vice  médical. 

FRANÇOIS  DE   SAUVAGES'. 

(  École  française,  xvin*  siècle.) 

Préoccupé  surtout  de  faire  une  classification  méthodique 
des  maladies,  Sauvages  a  négligé  de  s'étendre  sur  la  physio- 
logie et  sur  les  perturbations  des  fonctions  en  général.  Ce  qui 
suit  est  extrait  de  son  livre  intitulé  :  Nosologie  méthodique  ou 
disirAution  des  miJadies  en  classes,  en  genres,  et  en  espèces,  5tft- 
vont  T esprit  de  Sydenham  et  la  méthode  des  botanistes  (traduit  du 
latin  parGouvion,  1779). 


*  Page  'jo,  Montpdlier.  Premier  rnédecin  du|roi, 

*  François  de  Saavages  de  Lacroix,  publie  ses  dasaes  de  maladies,  NoioltH 
1 7 06-1 767.  Noaologiste ,  ami  de  Lionë ,  giê  méthodique.  Se  rattache ,  par  ses  opi* 
ei  daasificatenr.  Né  à  Alais  en  1 706  ;  nions  sur  la  fièvre,  à  la  théorie  de  Haies, 
âève  de  Montpellier,  savant  botaniste;  qn^il  a  traduit  et  commenté.  Conlem- 
profeweor  de    botanique  en  1734  i  porain  de  Van  Swieten  et  de  De  Haén. 


170         CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

11  ne  faut  point  chercher  dans  ce  livre  un  chapitre  de  pa- 
thologie générale.  La  chaleur  du  corps  humain  ny  a  point  de 
chapitre  à  part.  Les  notices  concernant  cette  question  sont  dis- 
persées à  travers  l'ouvrage.  Nous  les  y  recueillons,  au  ftir  et  à 
mesure,  sans  en  former  un  article  spécial  par  un  groupement 
artificiel. 

«  Les  fièvres,  dit  Sauvages,  sont  appelées  par  les  Grecs py- 
reta  eipyrectica  nosémata;  par  les  Latins ,ye6re<;  par  les  Anglais, 
fevers,  agues;  par  les  Espagnols,  jEeiref,  calenturas;  par  les  Kl\e- 
mands ,  Jiebers ;  par  les  Italiens,  caldezze.  (Tome  II,  p.  979.) 

frLes  mots  de  febris  eifebriculœ  viennent  du  latinyîn«o,8'é- 
chauiïer,  devenir  chaud,  ou  de  februo,  je  purge;  mais  les 
noms  grecs,  espagnols  et  italiens,  sont  dérivés  du  feu  et  de  la 
chaleur. 9»  (T.  II,  p.  373.) 

Après  cette  déclaration.  Sauvages  s'empresse  de  dire  que  le 
poule  est  le  principal  indicateur  de  lajlèvre,  et,  s'il  reparle  de  la 
chaleur,  c'est  en  analysant  tous  les  symptômes  et  en  relatant 
l'opinion  de  Galien  (t.  II,  p.  978):  c(La  fièvre  est  une  alté- 
ration de  la  chaleur  naturelle  ou  un  changement  contre  na- 
ture accompagné  de  battements  de  pouls  plus  forts  et  plus  fré- 
quents. ?)  Il  ne  repousse  pas  l'aphorisme  563  de  Boerhaave: 
«Les  symptômes  de  la  fièvre  sont  :  le  frisson,  la  chaleur  et 
l'accélération  du  pouls.  79 

Dans  un  long  chapitre  sur  la  théorie  des  fièvres,  Sauvages 
fait  un  véritable  cours  sur  la  circulation  du  sang,  sur  la  masse 
du  sang,  sur  sa  pression  manométrique,  etc.;  mais  la  chaleur 
n'est  point  relatée.  (T.  II,  p.  Q79  et  suiv.) 

Sauvages  consacre  un  chapitre  au  frisson  et  ne  paratt  pas 
douter  de  la  possibilité  d'expliquer  ce  phénomène.  (T.  II, 
p.  369.)  Ce  chapitre  commence  ainsi  :  «Le  froid  est  une  sen- 
sation incommode  occasionnée  par  le  ralentissement  des  par- 
ticules ignées  qui  sont  dans  notre  corps . . .  t?  Vient  ensuite  un 
chapitre  inattendu  sur  la  Chaleur  fébrile,  qu'il  définit»  tome  II, 
p.  379  :  «Une  sensation  incommode  occasionnée  parlaquan- 


FRANÇOIS  DE  SAUVAGES.  171 

dtë  et  lagitation  trop  forte  des  particules  ignées,  laquelle  est 
proportionnelle  à  la  vivacité  de  la  faculté  sensitive,  et  qui,  de 
la  part  du  corps,  est  comme  le  produit  de  la  quantité  des  par- 
ticules ignées,  dans  un  espace  donné,  par  leur  vitesse  dou- 
blée.» Cette  définition  prétentieuse,  et  qui  affecte  un  faux  air 
de  calcul  mathématique,  marque  bien  l'esprit  de  l'auteur  et  de 
ses  contemporains  (encyclopédie).  Plus  loin,  Sauvages  dit 
que  la  chaleur  est  produite  par  le  frottement.  (Traducteur  de 
Haies.) 

Voici  maintenant  quels  sont,  d'après  Sauvages,  les  prin- 
cipes de  la  chaleur  (t.  Il,  p.  38i  )  :  fcLes  aliments,  les  bois- 
sons ou  les  choses  comestibles  qui  contiennent  quantité  de 
particules  ignées,  alcalines,  volatiles,  aromatiques,  spiri- 
tueuses,  telles  que  les  viandes  salées,  poivrées,  les  esprits  fer- 
mentes,  les  substances  chaudes;  comme  aussi  les  choses  ex- 
ternes chaudes,  comme  l'air  d'été,  l'insolation,  les  étuves, 
les  bains  chauds,  etc.,  à  quoi  l'on  peut  ajouter  celles 
qui  augmentent  le  frottement  des  solides  et  des  fluides ,  telles 
que  l'augmentation  de  la  force  du  cœur,  du  mouvement  mus- 
culaire par  la  course,  la  vocifération,  la  colère,  etc.,  lors  sur- 
tout que  le  corps  est  dense  et  pléthorique,  y^ 

Sauvages  parle  doctement  de  Umt  et  écrit  sans  hésitation 
(t.  Il,  p.  389)  que  :  «  1*  le  cerveau,  le  cervelet  et  la  moelle, 
étant  moins  denses  que  les  autres  viscères ,  doivent  moins  s'é- 
chauffer; les  reins  sont  très-denses,  et  de  là  vient  qu'ils 
s'échauffent  beaucoup;  et  encore,  qu'une  chaleur  fébrile  de 
33"*  R.  (âi^G.)  doit  dissoudre  le  sang,  qui  se  coagulerait  à 
une  plus  haute  température,  et  qu'alors  les  matières  tenaces 
et  visqueuses  qui  obstruaient  les  vaisseaux  recouvrent  la  flui- 
dité, etc.i» 

Ailleurs  Sauvages  dit  que  la  sueur  emporte  les  humeurs 
saisugineuses ,  car  la  sueur  est  l'humeur  lixivielle  du  sang. 
(T.  U,p.  386.) 

A  côté  de  cette  science  dangereuse  d'un  demi-savant  saturé 


J72         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

de  théories  et  prodigue  d'explications,  Sauvages  possède  une 
expérience  pratique  fort  raisonnable. 

(T.  II,  p.  383.)  Quand  la  chaleur  fébrile  est  trop  forte  »  la 
nature,  dit-il,  nous  indique  les  moyens  qu'il  faut  employer, 
savoir  :  la  Mignée,  la  ventilation  et  les  boissons  froides.  Mais  rien 
n'indique  que  telle  fût  la  pratique  habituelle  de  Fauteur. 

Sauvages  parle  aussi  de  la  matière  phlogistique  engagée 
dans  les  vaisseaux,  et  il  consacre  un  chapitre  à  des  expériences 
de  chimie  hématologique.  Ailleurs,  au  chapitre  intitulé  Théorie 
des  phlegmasies ,  Sauvages  rapporte  des  observations  thermo- 
métriques faites  sur  lui-même  (t.  III  ,p.  77):  <^  J'ai  remarqué, 
le  ao  août  1760,  que  la  chaleur  de  mon  urine,  de  ma  bou- 
che, de  mes  aisselles,  etc.,  était  de  aS""  R.  (SS""  G.);  je  me 
portais  bien  alors.  Ayant  eu  la  fièvre  depuis,  dans  le  temps 
même  que  je  sentais  une  chaleur  brûlante  dans  la  plante  des 
pieds,  la  chaleur  n'a  pas  passé  Si""  R.  (38%7  G.).»  On  voit  par 
là  (xmbien  la  science  pratique  de  la  thermométrie  était  chose  encore 
peu  connue  à  cette  époque  (^en  France). 

A  l'article  Frisson,  dans  le  chapitre  Des  spasmes  eloniques 
universels  (t.  IV,  p.  71),  Sauvages  s'exprime  ainsi:  «Le  fris- 
son est  de  deux  espèces ,  ou  avec  froid ,  ou  sans  froid . . .  Quel- 
quefois il  ne  se  fait  sentir  qu'au  malade,  et  la  chaleur  naturelle 
subsiste  dans  la  partie  que  le  médecin  touche.  » 

Le  frisson  avait  été  fort  étudié  dans  ses  diverses  formes  et 
manifestations  dans  les  accès  de  fièvres  intermittentes.  (Torti, 
De febrihus.)  Gependant  ces  notions  empiriques  n'éveillaient 
que  médiocrement  l'attention  des  observateurs. 

Ailleurs,  au  chapitre  Des  douleurs  vagues  avec  chaleur  ex- 
cessive (t.  VI,  p.  iâ&),  Sauvages,  en  un  court  paragraphe  et 
qui  marque  de  sa  part  peu  d'intérêt,  nous  donne  un  résumé 
de  sa  science  tbermométrique,  il  s  exprime  ainsi  :  «La  chaleur 
d'un  homme  sain,  en  hiver,  est  de  37*"  R.;  en  été,  de  3 0 
(de  3 3% 7  à  37% 5  G.);  elle  est  d'autant  plus  grande  qu'elle 
monte  plus  haut  comme  à  35'',  à   38^  Lorsqu'elle  va  au 


SÉNAC.  173 

delà,  les  parties  se  brûlent,  les  organes  se  détruisent;  il  se 
forme  ou  une  escarre  ou  un  sphacèle  sec,  les  fluides  se  des- 
sèchent, les  fibres  se  rident,  la  partie  reste  privée  de  senti- 
ment et  de  mouvement.  Une  chaleur  au-dessous  de  35^  rarë- 
6e  les  fluides  environ  dune  soc"  partie  de  leur  volume,  les 
vaisseaux  se  dilatent  à  proportion,  la  partie  devient  rouge, 
douloureuse,  etc.  t» 

Si  l'on  relève  les  erreurs  de  fait  contenues  dans  ce  para- 
graphe, on  trouve  d'abord  que  l'auteur  suppose  la  chaleur  du 
corps  beaucoup  plus  élevée  en  été  qu'en  hiver;  ainsi  il  donne 
le  chiflre  37"  R.,  soit  33%7  C.  pour  l'hiver,  ce  qui  est  trop 
bas;  et  30"*  R.,  soit  3 7% 5  G.  en  été,  chiffre  normal  en  tout 
temps ,  quoique  un  peu  trop  élevé. 

Plus  loin.  Sauvages,  exprimant  une  opinion  qu'il  ne  dit 
point  avoir  vérifiée  sur  lui-même,* ajoute  :  «Il  parait,  par  le 
thermomètre,  que  la  chaleur  du  corps  humain  pendant  la 
fièvre,  qui  est  le  temps  où  elle  est  la  plus  forte,  n'est  que  de 
34*  R.  (A 2", 5  G.).»  G'est  là  une  vérité  qui  n'a  point  été  con- 
tredite par  les  expériences  ultérieures. 

Sauvages  n'a  donc  point  ignoré  l'usage  du  thermomètre 
appliqué  à  déterminer  l'existence  de  la  fièvre,  sinon  à  en  gra- 
duer l'intensité,  mais  il  ne  peut  être  compté  parmi  les  auteurs 
qui  ont  fait  progresser  la  médecine  dans  cette  direction.  A 
peine  connaissait-il  ce  qui,  en  d'autres  pays,  était  professé 
sur  cette  partie  si  importante  de  la  pathologie  générale. 

SÉNAC». 

(  Ecole  française,  itiii*  aiècie.) 

Parlant  du  cœur,  Sénac  doit  parler  de  la  chaleur  distri- 
bué   par  la  circulation. 

'  Grand  mëdedn  français  que  l'on     cogne,àLombex,  1 698;  mort  en  1770. 
peut  comparer  â  De  Haên.  Né  en  Gas-     D^abord  protestant,  élevé  pour  être  mi- 


17/1 


CHAPITIU:  1^  -     LA  CHALKUR  ET  LA   KIEVUK. 


Cliap.  i\  •  :  <T  La  chaleur  est  produite  j)ar  ractioii  des  causes 
de  la  circulation  01  par  l'action  du  sang,  v 

Sénac  cherche  \g  foyer  de  la  chaleur. 

Ce  n'est  pas  la  fermentation,  c'est  le  frottement  qui  entre- 
tient la  chaleur.  L'eau,  dit-on,  ne  s'échaufle  pas  par  le  bat- 
tage, mais  c'est  une  erreur,  elle  s't^chauffe  un  peu  comme  on 
le  voit  au  thermoscope,  et  le  lait  battu  s'échauffe. 

Sénac  n'adopte  pas  toutes  les  idées  de  Martine. 

r.  C'est  dans  les  vaisseaux  capillaires  que  se  fait  sur- 
tout la  chaleur.  .  .  Ce  qui  prouve  (|ue  c'est  dans  ces  vaisseaux 
que  sont  les  principales  causes  de  la  chaleur,  c'est  f]u^  Fachon 
(les  nerfs  produit  quelquefois  du  froid  en  certaines  parties:  la 
sni  face  du  cor|)s  se  refroidit  en  diverses  maladies,  tandis  que 
les  viscères  sont  brûlants;  le  nez,  le  visage,  une  main,  un 
pied  se  refroidissent  subitement,  tandis  que  le  reste  du  corps 
conserve  une  chaleur  égale  :  or  les  nerfs  ne  peurent  que  houcltrr 
les  raissediix  vajnllnlres  par  leur  contraction;  c'est  donc  l'action 
(b^  ces  vaisseaux  i\m  est  la  principale  cause  de  la  chaleur.  ?? 

Ce  n'est  pas  la  cause  de  la  chaleur  du  sang,  c'est  son  mode 
de  répartition,  de  régulation.  Sénac  l'explique  parfaitement 
et  nous  ne  dirions  j)as  nneux  aujourd'hui. 

rrCest  encore  dans  la  nature  du  sang  (|u'il  faut  chcrcber 
les  causes  de  la  chaleur;  sa  pesanteur,  sa  masse,  ses  parties 
huileuses,  sont  des  agents  sans  les(piels  les  artères  n'excite- 
raient |)as  autant  de  chaleur.  .  . 

r~  il  y  a  aussi  les  molécules  roujrcs  du  saufr.  .  .  les  saiipiées  dolreni 


ni^lrc,  succède  en   i  75»  n  (lliicoyncaii , 
proriiier  rrn'dociti  du  roi. 

()iivra|jos:  iVo//r(V(M  cours  d»'  (himir, 

'7^7- 

].\\'nUomip(lr  //cM/rr, nvcr  des  Ef^snis 

de  plnjsuiitc. 

Sur  l'usnnp  tirs  pnrtv'a  du  rorpx  hu- 
main,    1  7^4  ,  173.'». 

Sur  f(i  tiiillp. 


Sni'  le  choix  dex  sa  irnrr,\. 

Sur  In  ppstr ,  1  7'i'i. 

Ih»  la  striiriurr  du  raur,  de  son 
action  et  de  .s*'»  wnladies.lLti{'\U\  i7'i(). 

Dr  In  fièvre  mtermiUrntf, 

Mciiihro  de  rAcadi'mie  des  sciellce^. 

'  Traité  de  la  structure  du  cœur,  de 
sou  action  et  de  ses  wnladiet^  j>ar  M. 
Sénnr;  Paris,  mdccxlix,  l.  II,  p.  a6o. 


SÉNAG.  175 

néceêMÎrement  diminuer  la  clialeur,  puisqu  elles  affaiblissent  la  cause 
mouvante.  .  . 

«La  diète  doit  produire  le  même  effet;  un  jeune  homme, 
selon  le  témoignage  de  Martine,  perdit,  dans  deux  jours  de 
jeûne,  plus  de  quatre  degrés  de  chaleur  ^ 

«  Le  sang  s'échauffera  davantage  chez  ceux  qui  ne  boivent 
pas,  qui  useront  d'aliments  huileux ,  aromatiques,  c'est  ce  qu'a 
remarqué  M.  Hoffmann.  Les  matières  animales  seront  aussi  une 
source  de  chaleur. 

f(Chez  les  malades,  qu'il  y  ait  une  irritation  qui  aiguillonne 
les  nerfs  et  les  vaisseaux,  ces  impressions  porteront  la  chaleur 
à  un  grand  excès. 

«Les  degrés  de  chaleur  sont  les  nié  mes  dans  toutes  les 
parties  des  corps  animés . . . 

«  Les  sens  avaient  conduit  plusieurs  médecins  à  cette  égalité. 
Selon  Bacchius,  Thomas  Cornélius,  Wepfer,  la  chaleur  n'est 
pas  plus  vive  dans  une  partie  que  dans  une  autre.  Mais  les  sen- 
sations sont  des  marques  infidèles  de  la  chaleur;  les  impressions 
que  les  corps  étrangers  font  sur  la  peau  dépendent  de  la  dis- 
position différente  et  des  nerfs;  quand  même  les  dispositions 
ne  nous  tromperaient  pas,  nous  ne  pourrions  pas  apercevoir 
les  différents  degrés  de  chaleur,  nous  ne  pourrions  distinguer 
que  les  grandes  variétés. 

«  Borelli  a  cherché ,  dans  le  thermomètre ,  une  mesure  moins 
équivoque  de  la  chaleur;  il  n'a  pas  trouvé  plus  de  chaleur 
dans  le  cœur  que  dans  les  autres  viscères.  Malpighi,  par  de 
semblables  expériences,  a  démontré  la  même  égalité.  De  même 
Amontons,  Martine." 

Sénac  reconnaît  que,  si  les  parties  profondes  sont  plus 
chaudes,. c'est  qu'elles  ont  plus  de  sang  et  sont  mieux  proté- 
gées contre  le  froid  extérieur. 

Scbwenke  a  ai&rmé  que  le  sang  tiré  des  veines  est  moins 

*  Voir  Gbos'sat,  Lu  peupUt  gtoutom  du  Nord. 


176         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEÎJH  ET  LA  FIÈVRE. 

chaud  que  celui  tiré  des  artères,  mais  ses  expériences  ne  sont 
pas  irréprochables. 

Chap.  IV  :  ftS'il  y  a  un  degré  fixe  de  chaleur  dans  le  corps 
humain,  ce  degré  osi  toujours  renfermé  entre  90  et  loo'  F. 
(32. V\  et  87,8'  C),  (lejjré  rare.  Les  corps  des  animaux  sont 
plus  chauds  que  le  corps  humain...  (liiez 'les  moutons, 
bœufs,  cochons,  la  chaleur  est  à  100,  101,  ton,  io3'  F. 
et  plus  haut  ch«.'z  les  oiseaux.  55 

Sénac  rapporte  les  observations  de  Cokburn  et  Derhani  sur 
la  diminution  de  la  température  avec  des  pulsations  lentes. 

A  cette  épo(|ue  on  admettait  encore  que  la  chaleur  du  corps 
humain  dépassait  toujours  celle  de  Tair.  Singulière  erreur, 
qui,  outre  les  anciens,  avait  pour  parrains  de$  hommes  comme 
Boerhaave,  Cokburn,  Amontons,  Polenus,  ces  deux  derniers, 
t\  la  vérité,  ayant  haussé  le  degré  de  la  chaleur  connue  de 
l'air. 

Sénac  ajoute  :  rrSous  la  ligne  équinoxiale  même,  Tair  est 
moins  chaud  que  nos  corps.» 

îç Pourtant  la  variété  des  températures  selon  les  climats, 
dit  Sénac,  ne  fait  pas  varier  celle  de  notre  corps.??  (C'est  un 
progrès.) 

r^  La  chaleur,  dit-il,  ne  s'accumule  pas. .  .  il  en  est  des  chairs 
comme  d'autres  matières;  qu'il  y  ait  un  vase  plein  d'eau  au- 
près d'un  feu  d'un  certain  degré,  quoique  à  chaque  instant  il 
parte  de  ce  foyer  une  cause  de  chaleur,  cette  cause  n'échauffe 
pas  davantage  les  molécules  de  l'eau  \ 

«La  chaleur  est  le  principe  de  la  vie  chez  les  hommes  et  les 
animaux  ,  elle  peut  aussi  devenir  Tinstrument  de  leur  perte:  i7 
fallait  donc  la  mesurer,  fixer  le  degré  qui  est  nécessaire  à  la  vie,  et 
celui  qui  détruit  les  corps. 

çç  Quelques  degrés  de  chaleur  ajoutés  à  la  chaleur  ordinaire 
se  font  sentir  vivement  :  on  éprouve  une  ardeur  brâlante; 

'  H  ignore  la  pression  atmosphérique  et  Véraporation,  cause  de  régulation. 


SÉNAC.  177 

cependant  ils  n'élèvent  que  très- peu  la  liqueur  du  thermo- 
mètre. 

(tDans  la  fièvre  tierce  ou  la  quarte,  les.  corps  paraissent  brû- 
lants, cependant  elles  n'ajoutent  pas  à  la  chaleur  naturelle 
plus  de  6  ou  7  degrés  F.  de  chaleur. 

«Dans  le  commencement  de  ces  fièvres,  la  chaleur  est,  se- 
lon Sehwenke,  de  87  ou  90  degrés  F.  )33°  5  G.);  dans  la 
violence  de  l'accès,  elle  monte  à  1  oA""  F.  (4o"  G.) 

fc  Selon  le  même  auteur,  une  pleurésie  et  une  •  fièvre  pro- 
duites par  la  goutte  avaient  élevé  la  liqueur  du  thermomètre 
jusqu'au  108*  degré  (4  3%  2  C.)^ 

(tU  est  difficile  de  mesurer  la  chaleur  des  malades,  ils 
n'appliquent  pas  bien,  ni  assez  longtemps  le  thermomètre,  ils 
laissent  entrer  l'air  dans  le  lit . . . 

fc  Un  excès  de  chaleur,  quoique  petit  en  apparence ,  boule- 
verse toute  la  machine  animale,  multiplie  la  force  du  cœur, 
hâte  le  cours  du  sang,  agite  toutes  les  parties;  c'est  un  aiguil- 
lon appliqué  è  tout  le  tissu  du  corps,  xr 

ApplieatSons  à  la  médecine.  —  Ghap.  v.  (c  Ce  nest  pas  par  k 
sentiment  qu'on  peut  apprécier  la  chaleur.  On  sent  beaucoup 
d'ardeur  dans  des  parties  qui  ne  sont  pas  plus  échauffées  que 
dans  leur  état  naturel;  les  nerfs  portent  quelquefois,  dans  un 
membre,  un  sentiment  d'ardeur  démenti  par  le  thermomètre. 

«  La  force  du  pouls  est  aussi,  en  divers  cas ,  une  mesure  équwoque 
de  la  chaleur. 

R  Quelquefois  les  parties  externes  sont  peu  échauffées  ou 
froides;  cependant  le  pouls  est  tendu,  vif,  fréquent;  il  est 
vrai  qu'alors  la  chaleur  peut  être  violente  dans  les  entrailles, 
parce  que  le  sang  s'y  ramasse;  c'est  ce  qui  arrive,  par  exemple, 
dans  le  froid  qui  précède  la  fièvre. 

n  Si  de  telles  observations  nous  montrent  les  degrés  de  cha- 

'Voir  Sehwenke,  Né  à  Uttècfat,  i6g6;  éludie  A  Lcyde,  exerce  à  la  Haye,  pro- 
fesseur dVbstélriqae,  mort  en  1768. 

19 


178         CHAPITRE  V.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

leur  et  Tétat  des  parties  du  corps,  elles  nous  montrent,  en 
même  temps ,  les  secours  ;  Tair  ne  doit  donc  pas  être  trop  chaud, 
puisque,  en  conservant  la  chaleur  des  corps,  il  les  échauffe.  Les 
lits  échauffes,  les  couvertures  trop  pesantes,  des  habits  trop 
serrés,  sont  des  sources  d*une  nouvelle  ardeur;  il  faut  donc 
tempérer  Tair  que  les  malades  respirent,  et  ne  les  couvrir  que 
suivant  la  nécessité.  » 

A  ce  propos,  nous  dit  Sénac,  il  faut  lire  les  expériences  de 
Boerhaave  sur  les  animaux  mourant  dans  une  atmosphère  à 

lie*  F. 

Au  chapitre  yi,  Des  causes  du  froid  :  «  La  chaleur  des  corps 
animés  s  exhale,  pour  ainsi  dire,  continuellement;  elle  se  par- 
tage â  Jtair  qui  environne  ces  corps;  or  cette  communication  ou 
cette  perte  continuelle  produit  la  température  qui  est  néces- 
saire à  la  santé,  température  qui  serait  sujette  à  de  moindres 
changements,  si  le  même  air  était  toujours  appliqué  à  la  peau; 
mais  l'atmosphère  qui  nous  environne  change  continuellement; 
elle  se  renouvelle  plus  souvent  quand  le  vent  souffle;  celles  qui  suc- 
cèdent dérobent  chacune  au  corps  un  nouveau  degré  de  chaleur;  an 
peut  donc  sentir  un  plus  grand  froid,  quoique  Voir  ne  soit  pas  moins 
chaud,  n 

Dans  quelques-unes  de  ses  parties  et  dans  cette  dernière 
plus  spécialement,  l'œuvre  de  Sénac  est  absolument  dans  le 
courant  des  idées  actuelles ,  c'est  un  excellent  chapitre  de  phy- 
siologie et  nous  sommes  heureux  de  le  lire  dans  un  auteur 
français. 

DE  HAÊPi'. 

(  Ecole  flamande  e^  Autriche,  xviu*  siècle.) 

« 

L'historique  de  la  chaleur,  d*apris  de  Haên,  —  De  Haën  (  Ratio 

>  Antoiae  de  Haën,  ne  en  l'joii  â  len  Tappeia  â  Vienne  en  i75â.nypro- 

la  Haye,  mort  en  1776.  Elève  de  Roer-  fessa  la  clinique  et  fit  partie  de  cette 

haate,  exerça  vingt  ans  à  la  Haye ,  sans  pléiade  de  diniciens  célébrai,  Van  Swie- 

aueane  fonction  enaeigoante.  Van  Swie-  ten,  Stoli,  Frank. 


DE  HAÊN. 


179 


medendi)^  au  chapitre  intitulé  :  De  sanguine  humano  ejusque  eo' 
hre^^  fait  un  rapide  historique  des  opinions  émises  par  les 
anciens  sur  la  chaleur  animale.  Ce  court  passage  mérite  d'être 
lu ,  et  nous  en  donnons  la  traduction  ici  :  9  Quel  est  celui 
d'entre  nous  qui  entreprendrait  de  donner  l'explication  de  ces 
phénomènes,  à  l'aide  des  principes  connus  de  la  physique  ou 
de  la  physiologie^?  On  rencontre  là,  en  face  de  soi,  des  difB* 
cultes  insurmontables.  Avant  que  l'on  connût  la  circulation 
de  Harvey,  l'école  médicale  enseignait  la  chaleur  innée,  d'après 
la  doctrine  du  grand  Hippocrate  (aph.  1,  i/i,  i5).  Hippocrate. 
parait  n'avoir  pas  voulu,  en  parlant  de  t^  ifAtpur^  Q'épfi^^ 
dire  autre  chose,  sinon  que  la  chaleur,  dans  le  corps  humain, 
commençait  avec  la  vie,  variait  dans  les  maladies  du  plus  au 
moins,  et  disparaissait  avec  la  mort.  Jusque-là  il  agissait  en 
vrai  et  sage  philosophe,  constatant  et  expliquant  simplement 
les  effets  d'une  chose  dont  il  ignorait  la  nature.  Pourquoi  n'a- 
t-il  pas  toujours  gardé  cette  réserve  philosophique  ? 

«Qu'on  voie  aux  livres  De  camibue  et  de  morbo  sncro  entre 
autres  !  il  avait  reconnu  que  le  sang  qui  sort  d'une  blessure 
est  chaud ,  et  que ,  lorsqu'un  homme  perd  en  une  grande  quan- 
tité, il  a  froid  et  pâlit.  Il  conclut  de  là  que  la  chaleur  natt 
du  sang,  et  que  les  parties  sont  d'autant  plus  chaudes  qu'elles 
ont  plus  de  vaisseaux  rouges,  qu'elles  sont  d'autant  plus 
froides  qu'elles  en  ont  moins;  et,  par  suite,  il  admet  que  le 
cerveau  est  la  partie  du  corps  la  plus  froide.  11  ne  s'arrête  pas 
là;  c'est  pourquoi,  dit-il,  la  pituite  s'y  accumule,  et  elle  est 
éliminée  parles  narines;  et,  lorsqu'elle  s'y  amasse  en  trop 


SoD  ouvrage  le  j^us  célèbre  est  inti- 
tolé  :  RaÊMO  medendi  m  ntMocmnio  prac^ 
tieo  quod  in  graUam  medieinœ  êtudiotO' 
fwm  eondidit  Maria^Thenna.  Vienne, 
1 758.  H  publia,  en  outre,  de  nombreux 
mémoires  originaux ,  pratiquée. 

*  Antonii  de  Haen.  Ratio  medendi  in 
uotoeamio  praiico  rnndobamnêi,  5  vol., 


Neapoij,  typifl  Donati  Gampi,  mdcclxvi, 
t.  I,  cap.xxT,  p.  969. 

*  De  Haëo  est  un  médecin  modeste, 
qui  a  conscience  des  difficultés.  Il  est 
assez  savant  pour  ne  pas  oser  de  ces  ex- 
plications chimiques  avec  lesquelles  jon- 
glent les  médecins  hardis,  mais  peu 
scrupoleui. 


19. 


180         CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

grande  abondance,  elle  est  envoyée  par  le  cerveau  aux  pou- 
mons, et  y  étant  froide,  elle  refroidit  le  sang  contenu  dans  le 
poumon  et  le  coagule;  elle  est,  en  outre,  envoyée  dans  d'autres 
parties  du  corps  et  y  produit  diverses  maladies  :  apoplexie, 
épilepsie,  asthme,  et  une  foule  d'autres  maladies  pituiteuses. 

R C'est  ainsi  que  se  trompent  les  plus  grands  génies,  lors- 
qu'ils franchissent  inconsidérément  les  limites  qu'ils  s'étaient 
d'abord  fixées  prudemment  à  eux-mêmes. 

«  Si  nous  consultons  Aristote  dans  les  livres  De  la  génération. 
De  la  respiration,  et  au  quatrième  chapitre  de  la  Météorologie, 
nous  voyons  cet  esprit  si  subtil  s'ingénier  à  nous  démontrer 
que  quandoquidem  quatuor  elementis,  aère,  aqua,  igné,  terra, 
niliil  non  constet,  id  calidiuê  esse,  quod  in  hoc  commistione  ignem 
haberet  reliqiM  principia  superantem.  Il  n'y  a  point  de  lumière 
dans  ces  ténèbres. 

«  En  lisant  Aristote  et  Galien ,  on  est  stupéfait  des  étonnantes 
idées  des  anciens  philosophes  sur  la  chaleur  du  corps  humain, 
et  nous  ne  trouvons  rien  qui  nous  éclaire. 

«Au  temps  de  Galien,  les  médecins, les  philosophes  oscil- 
laient entre  ces  deux  hypothèses  : 

R  Si  la  chaleur  a  pour  origine  le  mouvement  du  cœur  et  des 
artères,  ou  si,  comme  le  mouvement  même  du  cœur  qui  est 
inné,  la  chaleur  était  de  même  innée.  [Galen.advers»  Lycum, 
cap.  Il  et  in  commentariis,)  Galien  répond  à  cette  question, 
comme  Aristote,  à  la  façon  des  péripatéticiens. 

te  Aux  dogmes  des  péripatéticiens  ont  succédé  les  dogmes 
cartésien  et  newtonien. 

((Mais leurs  explications  sont  insuffisantes,  hérissées  de  dif- 
ficultés et  de  desiderata,  » 

Chaleur  des  corps  vivants.  —  De  Haen  (  1 7  5  6) ,  dans  le  chapitre 
De  sanguine  humano  ejusque  calore,  expose  les  contradictions  qui 
existent  entre  les  faits  et  les  théories;  il  oppose,  avec  con- 
fiance, l'observation  clinique  aux  doctrines  et  à  l'autorité  de 


DE  HAËN.  181 

renseignement  magistral,  il  fait  part  de  tous  ses* scrupules,  et 
sait  s'abstenir  des  explications  inutiles. 

11  s'exprime  ainsi  :  «Nous  avons  observé  plusieurs  fois, 
cbez  des  malades  traités  de  la  façon  ordinaire*  ou  par  l'écorce 
du  Pérou  (quinquina),  que  souvent  il  ne  restait  nul  indice  de 
fièvre,  ni  dans  le  pouls,  ni  dans  la  respiration,  ni  dans  l'u- 
rine, ni  dans  les  sensations  du  malade,  et  que,  pourtant,  le 
thermomètre  accusait  cbez  eux,  3,  à  et  jusqu^à  6  degrés  de 
cbalenr  de  plus  qu'à  l'état  normal.»  (De  Haén  employait  ]e 
tbermomètre  de  Fabrenbeit ,  dont  les  degrés  sont  plus  rappro- 
chés que  ceux  du  Celsius.  ) 

De  Haén  continue  ainsi  :  «Il  y  a  lieu  de  s'étonner  de 
ce  fait,  d'autant  plus  qu'il  y  a  des  fièvres  aiguës  dans  les- 
quelles le  même  tbermomètre ,  appliqué  au  même  endroit  du 
corps,  avec  le  même  soin,  et  pendant  le  même  temps,  ne 
donne  pas  un  degré  de  cbaleur  plus  élevé,  alors  que  les  ma- 
lades accusent  une  sensation  de  cbaleur  incommode  et  que 
nous-mêmes,  par  le  tact,  nous  sentons  cette  augmentation  de 
cbaleur.  y> 

Le  fait-principe  énoncé  ici  par  de  Haén  est  de  la  plus 
grande  importance  pratique,  il  va  tout  droit  à  montrer  que  les 
sensations  sont  trompeuses,  que  le  pouls  et  la  respiration  peuvent 
aussi  nous  induire  en  erreur,  et  que  le  thermomètre  seul  a  rai- 
son; telle  est  aussi  la  doctrine  moderne. 

De  Haén  ajoute  :  «Que  dire  du  fait  suivant?  dans  une  fièvre 
suraigué,  vraiment  ardente,  où  l'on  avait  tiré  au  malade 
cinq  livres  de  sang  très-couenneux  (^summe  eoriacei  sanguinis)^ 
où  il  se  plaignait  lui-même  d'une  cbaleur  insupportable,  et 
remerciait  Dieu  du  bien-^tre  que  lui  procuraient  ses  servants  en  lui 
promenant  sur  le  visage  des  éponges  imbibées  é^eaufraUhe;  com- 
ment se  fait-il  que,  dans  ce  cas,  le  malade  n'avait  que  i  oo  de- 
grés F.  (soit  37%8  C),  98  et  99  degrés  F.  (36%7-37%a  C.)? 
Ce  degré  est  inférieur  à  ceux  que  le  thermomètre  donne  cbez 
les  malades  qui  sont  presque  guéris  de  la  fièvre,  et  qui  ne 


182         CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

se  sentent  pas ,  et  ne  nous  paraissent  pas ,  à  la  main,  plus  chauds 
qu'à  Télat  normal.  Dans  les  maladies  malignes,  la  chaleur  n'ex- 
cède pas  de  plus  de  3  à  /i  degrés  la  chaleur  normale,  tj  De  Haên 
cite  encore  l'exemple  d'un  jeune  garçon  de  i3  ans,  pâle,  ex- 
sangue, au  pouls  petit,  cachectique,  scrofuleux  (il  paraît  s'a- 
gir d'une  péritonite  tuberculeuse),  qui,  pendant  six  mois,  ne 
cessa  d'avoir  environ  i  oo"  F.  de  chaleur  (37^8  C).  çç  Comment 
cette  fièvre,  avec  cette  pâleur  et  cette  cachexie?  C'est  un  pro- 
blème qui  étonne  et  est  sans  solution,  n  Suit  un  autre  exemple  : 
il  s'agit  d'une  femme  qui,  en  1765,  devmt  hémiplégique  au 
quatrième  jour  après  l'accouchement.  Son  bras  paralysé  était 
froid  et  ne  pouvait  être  réchaufl'é,  et  pourtant  les  artères  y 
battaient  fortement,  tant  la  radiale  que  les  interosseuses.  D'où 
vient  ce  froid  avec  l'intégrité  des  artères  où  coule  le  sang, 
source  de  la  chaleur?  —  De  Haén  a  tenu  cette  femme  en 
observation  j)endant  l()ng(em|)s,  la  paralysie  s'est  accentuée, 
il  y  a  eu  rétraction  et  atrophie  du  membre;  la  main  marquait 
•70  et  l'aisselle  y  G,  soit  une  dilïérence  de  2  3'\  et  cependant, 
les  artères  battaient  dans  la  main.  —  Comment,  dit-iL  peut- 
on  exjdiquer  ce  lait  ^  ? 

Il  faut  avouer  que  l'objection  de  de  Haën  persiste  en  par- 
tie, et  que,  même  de  nos  jours,  tous  les  problèmes  relatifs 
à  la  chaleur  animale  ne  sont  pas  résolus.  Seuls,  les  ignorants 
ont  réponse  à  tout. 

De  Haën  expose  la  contre-partie  de  ce  qui  précède:  c'est 
l'observation  d'un  honnne  qui  n'avait  pas  de  battements  arté- 
riels dans  un  bras  et  [)ourtant  y  montrait  la  température  nor- 
male. (.C'était  dans  l'aisselle  cpie  le  thermomètre  était  habi- 
tuellement aj)pliqué  par  de  Haën.)  Un  fait  très-considérable, 
ou  du  moins  très-remarque  parmi  ceuv  que  de  Haén  a  faitcon- 

'  En  effet,  la  force,  1»t  fréquence  ilu  la  diflerence  de  chaleur  dans  les  mem- 

pouls,  ne  prouvent  rion  pour  la  clia-  l>res  paralysés,  n*a  ('(é  trouvée  que  de 

leur,  rV«t  iinfi  fpirstion  do  rapillains  et  nos  jours.  Voyoz  dans  le  chapitre  II  :  lié 

ilc  tipjJH  vitHomotoftys.  —    La  causo  de  f^nlulum  ilf  la  rhalcttr. 


DE  HAËN.  183 

nattre,  c'est  la  coexistence  d'une  grande  chaleur  avec  le  fris- 
son. Wunderlich  a  relevé  ce  fait  et  en  a  tiré  des  conséquences 
lëgilimes:  il  a  montré  que  nos  contemporains  avaient  ignoré 
les  travaux  de  leurs  devanciers,  au  point  qu'en  1839  un  sa- 
vant observateur,  M.  Gavarret ,  dans  le  service  de  M.  Andral  àla 
Charité ,  avait  retrouvé  cette  coïncidence  de  la  chaleur  avec  le 
frisson  et  l'avait  vraiment  découverte ,  personne ,  à  cette  époque , 
ne  songeant  aux  travaux  de  de  Haën  sur  la  chaleur.  Or  le 
mémoire  de  M.  Gavarret  a  été  heureusement  le  point  de  dé- 
part d'une  série  de  recherches  d'où  est  sortie  la  rbnaissangb  de 
la  thermométrie  clinique ,  et  il  marque  une  date  fùstorique.  Voici 
le  passage  court,  mais  significatif ,  qui  termine  le  chapitre  De 
soHfpnne  hummo  ejtuque  colore  de  de  Haën:  «J'ai  institué,  Tan 
dernier,  des  expériences  qui  montraient  que  l'homme,  dans  le 
frisson  de  la  mort,  conservait  sa  chaleur  normale, et  que  quel- 
quefois, dans  le  frisson  fébrile,  la  chaleur  était  au-cieMu^  de  la 
normale.  7>  Cette  série  de  contradictions  engendraient  le  doute 
dans  l'esprit  de  ce  grand  observateur,  dépourvu,  comme  on 
l'était  de  son  temps,  des  secours  de  la  physiologie.  Il  renonce 
à  rejcpUcaiion  du  problème:  «Il  nous  faut  peul-étre  avouer, 
dit-il ,  que  la  chaleur  a  une  autre  origine  que  le  sang  lui- 
même.  »(  Et  cela  est  vrai  en  effet.)  Et  il  ajoute:  «  En  savons-nous 
beaucoup  plus  que  ceux  qui  disaient  simplement  que  la  cha- 
leur était  innée?»  La  phrase  suivante  est  un  acte  d'humi- 
lité chrétienne  :  InteUexi  quod  omnium  operum  du  nullam 
postit  homo  ùwenire  rationem  eorum  quœ  9uni  suh  sole;  et  quanto 
plus  laboraverit  ad  quœrendum,  tanto minus  inveniiU.  Eiiamsiiixit 
sapiens  se  nosse,  non  poterit  reperire.  Eccl.  cap.  xviii. 

Il  y  a  encore  d'autres  observations  faites  par  de  Haén ,  par 
exemple  l'élévation  excessive  de  la  température  du  corps  pen- 
dant l'agonie  et  même  après  la  mort,  phénomène  qui  était 
inexpliqué  en  1766  :  &^  mirum  dietu!  omnium  maximus  calor 
inventus  est  hominis,  quo  tempore  cum  morte  luctatur,  exspirat,  jamr- 
que  aliquanium  vivere  desinit.  Ainsi  chez  un  malade  qui,  pen- 


\Sà         CHAlMTHfc:  l\  —  LA  CIlALfcilh  ET  LA  FIEVRE. 

dant  le  cours  de  sa  maladie,  n'aviiit  pas  eu  plus  de  io3  de- 
grés F.  (soit  89°,  5  C),  la  chaleur  s'éleva,  au  moment  de 
la  mort  et  deux  minutes  après,  à  106'  (ii",  i  C).  Autre 
exemple:  un  homme  avait,  neul  heures  avant  sa  mort,  une 
température  de  07°  (3()",  1  C).  Le  thermomètre  avait  été 
api)Iiqué  pandani  litiit  minutes ,  temps  usité  par  de  Haên  pour 
l'évaluation  de  la  chaleur.  Au  hout  de  1  5  minutes  d'applica- 
tion, le  thermomètre  marquait  100  degrés  (87%  8  C),  ce 
qui  était  la  température  habituelle  dans  la  maladie.  Au  mo- 
ment de  la  mort,  même  température,  et  elle  persista  pendant 
7  minutes  1/2;  /i  minutes  s'écoulèrent  encore  et  la  tempéra- 
ture monta  à  101°  (38", 3  C).  A  partir  de  ce  moment,  on 
examina  le  thermomètre  nV//j-/yôi,s^  de  4  en  4  minutes,  et  Ton 
nota  les  chiffres  (jy  (37^'î  (].),  98  (36%6  C),  97,  96,  et, 
quinze  heures  après  la  njorl,  le  thermomètre  était  descendu 
seulement  à  83,  alors  que  Tair  extérieur  ne  marqtiait  que 
60(16  C). 

(]ette  analyse  patiente  et  obstinée  doit  assurer  à  de  Haên 
une  place  considérable  dans  l'histoire  de  la  thermométrie  mé- 
dicale, d(mt  il  est  presque  l'inventeur. 

En  un  autre  chapitre  portant  presque  le  même  titre-,  de 
Haën  reprend  la  question  de  l'origine  et  des  causes  prochaines 
de  la  chaleur  animale.  U  trouve  insullisnnte  la  théorie  de  la 
chaleur  par  le  frottement  seul,  et  admet  l'rxistence  d'autres 
causes  de  la  chaleur  dans  le  corps.  (îependanl  il  s'arrête  là  et 
,     se  garde  de  tomber  dans  des  explications  malheureuses. 

Nous  avons  fait  connaître  les  faits  partieuliers  et  importants 
que  de  Haën  a  le  premier  indiqués  et  qui  lui  servaient  d'ar- 
guments pour  combattre  les  théories  régnantes  jusqu'alors. 
Mais  de  Haën  ne  s  est  pas  borné  au  rôle  de  critique,  ni  à  celui 
à^ohservateur  curieux:  il  a  tenté  de  réaliser  un  travail  d'ensemble 

'  (^e  sonl  là  dos  expériences  suivies,  instrument  qui  donne  la  thcrmoi^raphir 
Nous  nVn  taisons  pas  de  meilleures  nu-  nmlinuc.  —  -  T.  II,  p.  «if),  citpul  iv  : 
jourd'hui.  Il  nous  reste  à  découvrir  un      Dr  sonirttitie  et  cahn'huwano. 


DE  HAËN.  185 

sur  ia  thermométrie  tnéthodique,  et  il  en  a  tire  tout  ce  qu'un 
grand  professeur  cooune  lui  en  pouvait  tirer  pour  l'enseigne- 
ment public.  Sans  doute,  il  a  dû  commettre  des  erreurs  de  dé- 
tail ,  et  les  instruments  dont  il  $e  servait  n'avaient  pas  atteint 
à  la  perfection  dont  les  nôtres  se  rapprochent  davantage;  mais 
ses  préceptes  étaient  et  demeurent  bons,  et,  en  le  lisant,  on 
croirait  lire  l'œuvre  de  quelque  clinicien  éclairé  de  nos  jours; 
il  faut  avouer  que  l'immense  majorité  des  médecins  vivante  en 
sait  moins  sur  la  thermométrie  que  de  Haén,  et  que  quelques-- 
uns, même  parmi  les  maîtres,  seraient  fort  embarrassés  de  ré- 
pondre aux  questions  que  de  Haén  faisait  à  ses  élèves.  Et  il  ne 
faudrait  pas  croire  que  le  professeur  de  Vienne  fût  seul  pos- 
sesseur de  cette  méthode  en  1756;  il  se  plaint  de  ce  que  les 
auteurs  de  son  temps  ne  s'expliquent  pas  suffisamment  sur  la 
durée  que  doivent  avoir  les  examens  thermoscopiques  tam  in 
œgris  quam  in  sanis, —  Au  reste,  nous  donnons  ici  une  analyse 
étendue  des  chapitres  xix  du  tome  T'  et  iv  du  tome  II. 

Gh.  XIX.  De  supputando cahre  corporis  humani^.  «Des hommes 
très-ingénieux,  Fahrenheit  et  Prins,  et  surtout  Réaumur,  dont 
on  ne  saurait  trop  faire  l'éloge,  nous  ont,  après  Torricelli, 
Galilée,  Drebel,  Pascal,  dotés  de  thermomètres  propres  à  dé- 
terminer le  degré  de  la  chaleur  humaine.  Nous  avons  ainsi 
appris  que  tout  ce  qui  ne  vit  pas,  tout  ce  qui  n'est  point  placé 
dans  la  sphère  d'activité  du  feu,  n'a  que  la  chaleur  de  l'at- 
mosphère: tels  sont  le  bois,  la  pierre,  les  métaux-,  la  soie, 
la  laine,  l'eau,  le  vin,  l'alcool,  lesquels  ont  la  même  tempé- 
rature, qui  est  celle  de  l'atmosphère.  Mais  nos  sens  ne  nous 
permettent  pas  toujours  d'en  bien  juger  :  c'est  ainsi  qu'en  hiver 
le  fer  poli  nous  parait  beaucoup  plus  froid  qu'un  vêtement  de 
laine,  le  verre  que  le  bois;  ce  qui  s'explique  parce  que  notre 
propre  chaleur,  qui  est  très-supérieure  à  celle  de  l'atmosphère , 
a  très-vite  amené  h  son  degré  l'atmosphère  de  la  laine ,  mais 

•  Tome  If  p.  i5ri. 


186         CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

ne  peut  que  lentement  échauffer  les  particules  de  la  surface 
du  fer  poli , . .  %  et  de  même  que  ce  métal  poli  s'échauffe  plus 
lentement ,  de  même  il  conserve  aussi  plus  longtemps  la  cha- 
leur. Ti  De  Haén  renvoie  ensuite  le  lecteur  au  beau  mémoire  de 
Boerhaave  sur  le  feu  (De  ^<?),  et  dit  modestement,  en  par- 
lant de  ses  propres  travaux  :  Inventis  addere  facile. 

f!t  Fait» principaux.  —  i*  On  a  fixé  à  96"  F.  (35°  C.)  la  chaleur 
de  l'homme  à  l'état  sain,  à  87*  jusqu'à  gi**  (3o%4  à  3/i%5  C.) 
celle  de  l'homme  atteint  du  frisson  fébrile,  et  à  96^"  jusqu'à 
108''  (35,6  à  k^"*  G.)  celle  d'une  fièvre  ardente  ;  on  a  même 
dit  que  la  chaleur  pouvait  monter  un  peu  plus  haut.  Donc  il 
y  a  bien  moins  d'écart  entre  le  point  normal  et  celui  du  refroidisse- 
ment qu  entre  le  point  normal  et  celui  de  réchauffement  excessif. 

«  Q**  On  a  dit  que  la  chaleur  de  l'atmosphère  était  toujours 
inférieure  à  celle  de  l'homme  sain,  même  m  ardente  Sirio;  qu'il 
était  même  impossible  à  un  homme  de  vivre  longtemps  dans 
un  air  pareil,  à  plus  forte  raison  dans  un  air  qui  aurait  une 
température  dépassant  celle  du  corps  humain,  v  Suit  une  ci- 
tation de  Boerhaave  qui  est  très-intéressante  (cap.  De  igné, 
exp.  tQ,  coroll.  16):  Sanguisfrigidiorinaretos,  elasticos,  fortes 
canales  arteriœ  pulmonalis,  vi  cordis  dextri,  atque  molimine  ingenti 
respirationis,  pressus,  aetusque,  necessario  per  unum  pulmonem 
fertur  copia  œque  magna,  quam,  eodem  tempore,  per  universum  cor- 
pus,  omnesque  ejus  partes  simul.  Hinc  igitur  idem  sanguis  nuUa 
in  parte  corporis  usque  adeo  atteri,  adeoque  et  calescere  poterit,  quam 
in  pulmone  solo.  Foret  ergo  cahr  iUius  homini  intolerabilisj  imo 
letalis.  Yerum  aer,  respirando  ductusin  pulmonem,  est  semperfri- 
gidior  longe,  quam  hic  sanguis.  Et  per  Malpighiana,  sanguis  hic 
in  arteriolas  minimas fusus ,  quœ  vesicuUspulmonumtenuisnmisad- 
plicantur  undique,  per  superficies  ergo  incredibiliter  latas  exponitur 
aeri,  per  omnia  momenta  temporis  renovato,  adeoque  semperfrigido, 
unde  sanguis  ex  se,  in  nulla  iterum  totius  corporis  plaga  réfrigéra- 
tur  plus,  hoc  respectu,  quam  pulmone  nostro. 


DE  HAtN. 


187 


«t  3*"  De  grands  mattres  en  Tari  de  ia  médecine  ont  décidé  (de-- 
cretumjuit)  que  les  décroissances  de  la  chaleur  d^nsle  corps 
humain ,  à  l'état  morbide ,  devaient  être  imputées  à  un  moindre 
frottement  des  humeurs  dans  les  vaisseaux  et  des  humeurs 
entre  elles,  et  que  les  accroissements  de  chaleur  tenaient  à 
une  augmentation  du  frottement. 

ff^Avec  tout  le  retpect  qui  est  dû  à  de  si  grands  noms,  je  me 
permettrai  d'invoquer  mes  propres  observations  avec  leurs 
conclusions  nécessaires. 

«Boerhaave,  Fahrenheit,  Haies  dans  son  Hémostaiiqîie ,  Der- 
ham  dans  sa  Théologie  physique  (lib.  I,  cap.  u),  Sauvages  dans 
son  livre  De  Viajlammation,  nous  disent  quelle  est  la  chaleur 
de  rhorame  et  de  tous  les  corps ,  mais  ils  ne  nous  disent  pas 
pendant  combien  de  temps  ils  laiisaient  letliermomètre  appliqué  ^ 

«Or  c'est  ce  qu'il  faut  chercher  d'abord,  avant  de  rien  con- 
clure relativement  à  un  phénomène  de  l'ordre  physique,  et  c'est  ce 
que  montreront  les  observations  suivantes ,  que  j'ai  faites  sur 
moi  â  l'état  sain  et  sur  plusieurs  autres  personnes  dans  le  même 
état,  et  aussi  chez  plusieurs  malades.  Et  cette  expérience,  je  ne 
l'ai  point  faite  une  fois  ni  dix,  mais  très-souvent,  et  toujours 
j'en  ai  tiré  le  même  enseignement. 

«Lorsque  le  thermomètre  est  maintenu  pendant  un  demi- 
quart  d'heure  dans  l'aisselle  d'un  homme  sain  ^,  il  marque  de 
96*  à  96'  F.  (35"  à  35»,5  C);  au  bout  d'un  quart  d'heure, 
97%  98",  99*  F.  (36%3  C,  36%7  C,  37%a  C);  au  bout 
d'une  demi-heure,  ioo%  loi**  F.  (37°,8  C,  38%4  C).  A 
partir  de  ce  moment,  quand  même  je  maintenais  le  thermo- 


*  CeUe  objection  scientifiquo  sur  le 
moduê  faciêndi  conserve  «ujourd'bni 
loQte  sa  valeur.  Gombieii  avons-oouB  de 
courbes  thennométriques  sans  valeur 
ou  gAtëes  par  des  ignorants? 

*  Ces  7  minutes  i/:<  sontr-elles  ie 
point  de  départ  des  7  minutes  pendant 


iesr|uelle8  les  Allemands  modernes  lais- 
sent le  thermomètre  appliqué  dans  l^ais- 
selle?  Nous  verrons  plus  tard  que,  pour 
le  creux  axillaire,  ce  temps  est  insuffi- 
sant, que,  lorsque  Tapplication  est  faite 
dans  le  rectum ,  il  est,  an  contraire ,  lar- 
gement calculé. 


188         CHAPITRE  r.  ~  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

mètre  pendant  deux  heures  et  au  delà,  je  ne  l'ai  jamais  vu 
monter  plus  haut. 

«Si  maintenant  nous  regardons  ce  qui  se  passe  chez  les 
malades,  nous  avons  la  clef  des  notations  des  auteurs  qui  ne 
laissent  le  thermomètre  en  place  qu'un  demi-quart  d'heure. 
Supposons  un  malade  ayant  une  chaleur  fébrile  faible,  le 
thermomètre  laissé  un  demi-quart  d'heure  marque  loo'F. 
(37%8  G.);  mais,  au  bout  d'un  quart  d'heure,  il  marque  de 
lor  à  103"  F.  (38%4  à  38%9  C),  et,  au  bout  d'une  demi- 
heure,  de  103°  à  io3"  F.  (38".9  à  3^\b  C).  Quelquefois 
j'ai  vu,  dans  la  Jièvre  continue,  le  thermomètre,  au  bout  d'une 
demi-heure ,  marquer  io6*F.  (/ii%i  C),  et,  au  bout  d'une 
heure,  109"  F.  (43%8  C);  d'autres  fois,  en  une  demi-heure, 
il  montait  à  loS""  F.  (39°,5  C),  et  en  une  heure  à  100''  F. 
{lio%i  C). 

ce  On  objectera  à  cela  que  la  chaleur  fébrile  a  pu  s'accrottre 
pendant  ce  temps;  je  l'accorde  pour  une  fois,  pour  plusieurs 
cas  si  l'on  veut;  mais  alors  pourquoi  donc,  chez  les  gens  bien 
portants,  le  thermomètre  monte-t-il  plus  haut,  quand  on  le 
laisse  plus  longtemps  en  place,  et  alors  que  notre  chaleur  na- 
turelle ne  s'accroit  pas  le  moins  du  monde?  Et  pourquoi  en 
est-il  de  même  chez  les  malades,  alors  que,  de  notre  côté  ni  du 
leur,  il  n'y  a  aucun  sentiment  de  l'accroissement  de  la  chaleur? 
Et  c'est  une  loi  constante.  Ainsi  il  ne  s'agit  point  ici  d'une 
réelle  augmentation  de  la  chaleur. 

«Et  qu'on  n'accuse  pas  l'exactitude  de  nos  thermomètres! 
J'en  possède  beaucoup  d'excellents ,  qu'a  fabriqués  pour  moi 
un  très-ingénieux  physicien  et  mathématicien  distingué,  le 
révérend  Marci,  selon  les  modèles  de  Fahrenheit,  Prins  et 
Réaumur.  J'ai  moi-même  vérifié^  l'exactitude  des  thermo- 

*  De  Haën  prévoit  toutes  les  objec-  livrés  par  le  commerce,  cm  thermomè- 

tîons.  L^exactitude  qu^il  apporte  â  la  vé-  Ires  sont  souvent  défectueux,  et  on  est 

rifieation  de  ses  instruments  peut  nous  obligé  de  vériGer  souvent  leur  valeur; 

servir  de  modèle.  On  ne  vérifie  pas  as-  on  sait,  eo  eflet,  qu^après  un  certain 

S(>z  les  thermomètres;  précipitamment  tempe  leur  léro  se  déplace. 


DE  HAËN.  189 

mètres  Fahrenheit  dont  je  me  sers  pour  mes  malades,  d'après 
le  grand  thermomètre  universel  fabriqué  avec  un  soin  e.trêJpar 
Prins  lui-même. 

•X  Des  susdites  expériences  j'ai  dû  conclure  que  l'on  n'avait 
pas  déterminé  exactement  le  vrai  degré  de  la  chaleur,  soit 
chez  rhomme  sain ,  soit  chez  les  malades ,  faute  de  laisser  le 
thermomètre  appliqué  assez  longtemps. 

«  Un  grand  nombre  de  faits  contredisent  la  deuxième  thèse 
des  auteurs.  Haies,  Boerhaave  et  d'autres  ont  considéré. comme 
impossible  qu'un  homme  pût  vivre  longtemps  dans  un  air  dont 
la  chaleur  dépassait  la  sienne  propre  ou  la  surpassait.  Cepen- 
dant, d'après  les  observations  communiquées  par  le  très-savant 
Derham  [Theol.  phys.  lib.  I,  cap.  ii),  le  thermomètre,  sous 
l'équateur,  monte  è  un  degré  qui  n'est  guère  différent  de  ce- 
lui de  la  chaleur  humaine,  et  même  il  dépasse  souvent  cette 
hauteur.  J'ai  moi-même  souvent  observé,  ayant  suspendu  des 
thermomètres  très-exacts,  les  uns  dans  l'air  libre,  hors  de  toute 
réflexion  de  parois,  et  à  l'ombre,  les  autres  en  plein  soleil,  que 
la  différence  de  chaleur  accusée  de  part  et  d'autre  était  de 
plus  de  3o"  F.  (soit  i6*  â  17"  C).  Au  27  août,  entre  3  et 
h  heures  de  l'après-midi,  alors  que,  dans  l'intérieur  des  mai- 
sons, le  thermomètre  marquait  71*"  F.,  il  marquait  dehors, 
à  l'ombre,  75";  le  thermomètre  universel  de  Prins,  exposé 
aux  rayons  directs  du  soleil,  monta  en  un  quart  d'heure  à 
io3*  1/9  F.  (39^75  C),  et  se  maintint  à  cette  hauteur  avec 
quelques  oscillations.  Au  bout  d'une  demi-heure,  il  monta  k 
107"  F.  (4i*,7  C);  huit  autres  thermomètres  donnaient  le 
même  chiffre  avec  de  très-petites  différences. 

fi  Or  nous  nous  exposons  à  de  semblables  températures  sur 
les  places  publiques,  dans  les  rues,  dans  les  champs  pendant 
la  moisson,  dans  les  camps,  etc.,  et  cela  sans  devenir  ma- 
lades. Et  certainement  nous  tous,  au  cœur  de  l'été,  res- 
pirons souvent  un  air  plus  chaud  que  nous-mêmes,  et  ce- 
pendant nous  vivons;  et  il  ne  survient  point  d'accidents,  h  ceux 


190         CHAPITRE  T".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

qui  vivent  sagement  et  s'abstiennent  de  boire  avec  avidité  de 
l'eau  trop  froide.  Sous  Téqualeur,  l'homme  vit  dans  un  air 
aussi  chaud  que  lui-même,  et,  dans  une;  partie  de  l'Europe,  en 
un  air  parfois  plus  chaud  que  notre  corps.  Ainsi  l'usage  de  fair, 
dans  l'inspiration,  paraît  plutôt  être  de  mouvoir  le  sang  que  de 
le  refroidira  Je  m'éloigne  ici  du  texte  de  Boerhaave,  mais 
|)Ourtant  il  donne  [Physiol,  $  202)  une  explication  dont  la 
mienne  se  ra|)proche.  D'ailleurs,  s'il  suffît  que  l'air  ait  dix 
degrés  de  moins  que  le  sang  pour  jouer  ce  rôle  de  réfrigéra- 
teur, ne  deviendrait-il  pas  trop  froid  et  nuisible,  alors  que, 
dans  une  brume  glaciale,  il  est  de  70  à  80°  F.  au-dessous  de 
la  chaleur  humaine?  Et  le  thermomètre  ne  devrait-il  pas  alors 
montrer  le  sang  de  Thomme  beaucoup  jdus  chaud  en  été  qu'en 
hiver? 

r^h'd  troisième  thèse  des  kridits  est  que  la  chaleur  provient 
du  (rottement.  Il  y  a  beaucouj)  de  maladies  qui  ne  permettent 
point  d'admettre  ce  principe.  Dans  une  fièvre  hémitritée  for- 
mée par  le  mélange  d'une  continue  et  d'une  intermittente 
quotidienne,  le  malade,  |)endant  le  paroxysme  de  l'inlermit- 
lent(^  éprouvait  une  telle  sensation  de  froid,  qu'il  disait  que 
le  reste  de  sa  maladie  n'était  rien  auprès  de  cette  atroce  souf- 
france. Or  le  thermomètre  marquait,  à  ce  moment,  lo/l"*  F. 
(  /io''  (I.),  et  il  ne  dépassait  pas  ce  point,  même  au  plus  fort  du 
stade  de  chaleur.  Ainsi  cet  homme  éprouvait  une  vive  sensa- 
tion de  froid;  les  signes  du  refroidissement,  frisson,  tremble- 
ment, r//^'o/\ //emor,  le  ch(jiiemenl  de  Jcw/5,  étaient  évidents, 
et  pourtant  la  main  sentait  que  ce  corps  était  chaud,  et  le  ther- 
momètre marquait  une  chïAituv  au-dessus  de  la  normale.  V^ous 
demanderez  ce  qu'était  alors  le  pouls?  il  était  comme  d'habi- 
tude, petit,  rapide,  contracté  pendant  le  frisson;  et  ensuite, 
dans  le  stade  de  chaleur,  il  devenait  plein,  libre,  grand.» 


'   De  llaën  a  lo  niérile  de  faire  dis-     couverte.  Effacer  une  eireur,  c'eut  ava»" 
paraître  une  erreur,  cela  vaut  une  dé-     cer. 


DE  HAËN.  191 

De  Haën  cherche  ensuite  à  expliquer  ce  fait.  Il  se  demande 
à  quel  genre  de  fièvre  appartenait  cette  maladie,  si  c'était  à  la 
fièvre  appelée  par  Hippocrate  ffirtclkn  où  le  malade  avait  à  la 
fois  la  sensation  du  chaud  et  du  froid,  ou  à  la  fièvre  Xtmvpta^ 
dont  Hippocrate  dit  (aph.  6,  AS,  7,  7s):  In  fehritms  non 
intermUenùbus ,  si  exUma  Jrigeant  et  interna  urantur,  et  sitiant, 
lethale. 

Il  combat  ensuite  les  explications  des  médecins  mécaniciens, 
qui  veulent  que  le  cœur  se  contracte  avec  d'autant  plus  d'é- 
nergie et  de  vitesse,  que  les  capillaires  résistent  davantage,  et 
il  renvoie  au  Trmti  de  Vinfiammation  de  Sauvages,  dont  il 
admet  les  démonstrations.  11  n'admet  pas  non  plus  la  chaleur 
réagissant,  par  X acrimonie  des  humeurs,  sur  les  mouvements  du 
cœur  et  sur  les  vaisseaux,  et  il  combat  ces  diverses  hypothèses 
par  des  arguments  excellents.  Pourquoi,  dit-il,  cet  homme 
a-t-il  le  frisson,  le  tremblement,  le  claquement  de  dents, 
alors  que  le  thermomètre  dénonce  chez  lui  8"^  F.  de  plus  qu'à 
Fétat  normal  ?  Il  y  a  là  quelque  chose  d'inexplicable.  Si  quel- 
qu'un, ajoute-il,  veut  bien  m'expliquer  ces  phénomènes  parles 
seules  lois  de  la  physique,  erit  mihi  magnus  ApoUo.  Et  de  Haën 
revient  sur  le  fait  d'un  homme  à  l'agonie,  et  qui,  pendant 
fàà  heures,  ayant  un  froid  de  marbre  avec  des  artères  qui  bat- 
taient à  peine,  marquait  au  thermomètre  97"*  F.  (36%q  €.)  : 
«  où  est  ici  le  frottement  artériel  ?  " 

De  Haën  rapporte  ensuite  une  observation  pour  montrer 
que  f  écorce  du  Pérou  diminue  la  chaleur  et  éteint  la  fièvre. 

Il  y  a,  dit-il,  des  cas  où  cette  écorce  augmente  la  chaleur, 
c'est  quand  celle-ci  est  au-dessous  de  la  normale  :  iis  augeri 
ealarem,  qui  naturaU  minorem  passideant,  ut  eundem  minuit  iis  qui 
naturali  majorem.  Et  de  Haën  rapporte  l'histoire  d'une  fille  qui, 
ayant  pris  du  quinquina  quelques  jours  avant,  eut  de  nou- 
veau une  chaleur  fébrile  (loa**  F.,  38%9  G.)  avec  un  pouls 
lent  :  ergo  cahr  non  a  solo  attritu,  non  a  solo  motu  aucto. 


!92         CHAPITRE  V.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Nous  avons  à  faire  connaître  maintenant  les  tabhaux  de  la 
chaleur  aux  diiïërents  âges,  dressés  par  de  Haén,  au  chapitre 
De  sanguine  et  calore  kumano  ^ 

L'opinion  répandue,  parmi  les  observateurs  de  ce  temps, 
était  que  la  chaleur  était  plus  grande  chez  les  adultes,  moindre 
chez  les  vieillards^  et  les  enfants,  et  Ton  en  donnait  la  raison 
mécanique.  De  Haën  se  contente  de  transcrire  le  résultat  de 
nombreuses  expériences  qu'il  a  faites  sur  des  enfants,  des 
adultes,  des  vieillards;  et  il  indique  quelles  précautions  il  a 
prises  :  les  sujets  mis  en  expérience  étaient  couchés  et  bien  cou- 
verts par-dessus  le  thermomètre;  et,  de  peur  d'erreur,  toutes 
ses  observations  étaient  faites  avec  le  mime  thermomètre. 

On  ne  saurait  trop  admirer  le  soin  et  la  rigueur  apportés 
à  ces  expériences,  dans  lesquelles  sont  notés  :  l'âge,  la  dur^e 
d'application  du  thermomètre,  et  le  degré  de  la  chaleur: 

NOUVEAO-N^S. 
F.  C.  F.  G, 


9  jours,  7  min.  i/a. . .  94"  (3/i',5)  i/4  d'heure —  96** 

3 95'  (35%o)  97- 

3 97'  (36M)  99" 

^' 97*  (36M)  99* 

3 95-  (35%o)  97- 

5../ 96-  (35%5)  98* 

7 97"  (36%i)  99- 

7 • 97"  (36M)  99* 

10 96-  (35%5)  99- 

31 95'  (35%o)  97* 

aa 97*(36%i)  100" 

q8 96*  (35%5)  98' 


35',5). 
36\i). 
37',3). 
37%3). 
36'.i). 
36-,6). 
37-,3). 
37-,3). 
37-,3). 
36M). 
37-,8). 
36',6). 


*  Édition  de   iNaple»,  1766.  T.  II,.       ■  Voyex  Gharcot,  Maladieê  det  M 
p.  108  et  suiv.  lavdê,  a*  éditioD,  1876,  p.  961. 


DE  HAËN. 


193 


P. 

&  1/9  ans,  7  min.  1/3 . .  96"* 

95- 

94- 

94- 

96- 

96* 

95* 

94- 

95- 

95- 

96- 

95- 

97° 

9fi- 

95- 

96- 


5... 

5  1/9 
5i/a 
5  3/& 

5  3/4 
6... 

6  t/â 
61/9 
7.    . 

7  V« 

71/9 

7  »/a 
9... 

9  ••• 
10 . . 


ENFANTS. 

C. 
35%6 

35*,o 
34*,5 
3û',5 
35%6 
35%6 
3S*,o 
34*,5 
35*,o 
35*,o 
35*,6 
35*,o 
36',  1 
35%6 
35*.o 
35*,6 


i/&  d'heure. . . 


F. 

98- ( 

c. 
36%6). 

98- ( 

:36%6). 

97*  ( 

;36%i). 

97*  ( 

;36*,i). 

98-  ( 

;36%6). 

98- ( 

;36*,6). 

97*  ( 

;36',i). 

97*  ( 

:36*,t). 

97*1 

[36%i). 

98-1 

;36',6). 

99*  < 

:37%3). 

98-1 

[36%6)." 

99*  < 

[37%3). 

99*1 

[37',3). 

97-  < 

;36%i). 

98- ( 

[36%6). 

Il  n'est  pas  nécessaire  de  faire  un  tableau  pour  les  adultes, 
4it  de  Haên,  puisque  de  (rès-nombreuses  observations  (infi- 
nita)  montrent  que  leur  chaleur  varie  de  96°  à  98°  F.  (35*  à 
36«,7  C). 

VIEILLARDS. 


F. 


66  ans,  7  miD.  1/9.. . .  97* 


6A 
69 
70 
73 
76 

79 
80 

80 

81 

83 

83 

84 

90 

9> 


96- 
95- 
95* 
96* 
96- 
95* 
95* 

97* 
95- 
95- 
96- 
96- 
96* 
98* 


C. 

(36%i 
(35%6 
(35%o 
(35%o 
(35%6 
(35%6 
{35%o 
(35%o 
(36%i 
(35%o 
(35%o 
(35%6 
(35%6 
(35*,6 
(36%6 


1/4  d'heure. . . 


F. 

c. 

99- 

(37%3). 

99' 

(37*,3). 

97* 

(36%i). 

98- 

(36',6). 

98- 

(36%6). 

98- 

(36%6). 

97* 

(36*,i). 

98- 

(36%6). 

99* 

(37*,3). 

97* 

(Se*,!). 

98- 

(86',6). 

98- 

(36%6). 

99* 

(37%3). 

99* 

(37%3). 

100* 

(37*,8). 

i3 

\9à         CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

«Ainsi  la  chaleur  est  la  même  à  tous  les  âges,  avec  les 
écarts  que  nous  avons  signalés  pour  Tage  adulte.  Ces  nou- 
veau-nés, enfants,  vieillards,  étaient  ()ris  parmi  les  deux 
sexes.  Les  femmeti  uc  sont  point  différentes  des  hommes  par  In  cha- 
leur. Pourtant  les  plus  anciens  auteurs  ont  déclaré  qu'il  y  avait 
des  différences  dans  la  chaleur,  suivant  les  âges,  et  ils  ont 
tâché  de  trouver  l'explication  de  ce  fait  prétendu.  Les  mo- 
dernes qui  avaient  les  moyens  de  contrôler  ce  fait  expérimen- 
talement ont  négligé  de  le  faire,  aveuglés  qu'ils  étaient  par 
leur  croyance  en  la  doctrine  du  frottement  comme  cause  de 
la  chaleur,  et  ils  en  ont  appliqué  les  déductions  à  l'enfance, 
à  la  vieillesse,  à  Tâge  adulte,  sans  prendre  souci  de  la  véri- 
fication directe;  tant  il  est  didicile  d'être  plein  d'un  ardent 
amour  pour  une  hypothèse,  et  de  n'être  pas,  par  cela  même, 
détourné  de  la  vérité.  Plaise  au  ciel  que,  devenus  sages  enfin, 
après  de  tels  exemples,  nous  cessions  (Fen  imposer  si  honteuse- 
ment au  genre  humain  et  à  nous-mêmes  !w 

Que  manque-t-il  à  de  Haën  ?  Les  courbes, 

STOLL». 

(École  do  Vienne,  17Z12-1788.) 

Dans  ses  Aphorismes  sur  ks  Jièvres,  StoU  passe  en  revue  les 
symptômes  divers  de  la  fièvre.  La  chaleur  n'y  occupe  pas  le 
premier  rang,  elle  est  même  reléguée  à  la  suite  d'autres  symp- 
tômes tels  que  la  nausée,  la  faiblesse,  etc. 

Aph.  617 -:  Le  froid  fébrile.  ^Le  froid,  au  commencement 
des  fièvres  aiguës,  suppose  un  moindre  frottement  des  liquides 
entre  eux  et  sur  les  vaisseaux,  le  mouvement  circulatoire  di- 


^  Né  en  Souabe  en  17^12.  Jésuite,  milien   SloH  tui   succède  et   meurt  à 

professeur  de  belles-lettres,  quitta  Ton-  ^5  ans,  en  1788. 
dre  en  1707.  Elève  de  de  Haën,  dont         '  Aphorisme»  sur  la  connaùtsancf  et 

il  ne  semble  pas  avoir  sufTisammenl  com-  la  cnration  des  fièvres ,  par  Max.  StoU; 

pris  les  procédés  scientifiques,  Maxi-  Paris,  1809.  Le /roiW /<?6n7^,  p.  1G8. 


STOLL.  f95 

minuë,  la  stagnation  du  liquide  aux  extrémités;  que  le  cœur 
se  contracte  moins,  s'évacue  moins;  le  spasme  de  la  surface 
cutanée  et  des  extrémités  des  vaisseaux.  » 

Les  aphorismes  se  rapportant  à  la  chaleur  fébrile,  quoique 
écrits  postérieurement  à  de  Haën,  sont  bien  inférieurs  à  la 
science  de  ce  mattre  de  Stoll.  Il  semble  que  le  langage  de 
Técole,  que  la  routine  classique,  l'aient  emporté  à  Vienne  même 
sur  renseignement  si  scienti6que  de  de  Haën. 

Aph.  681.  «La  chaleur  fébrile  se  connaît  au  toucher,  par 
le  sentiment  du  malade,  par  le  thermomètre,  et  elle  varie  se- 
lon la  fièvre  elle-même,  selon  la  partie  affectée  et  la  manière 
dont  elle  l'est,  n 

Aph.  68a:  ((Ainsi  il  y  a  une  chaleur  douce,  universelle, 
^ale,  répandue,  humide,  dans  le  temps  de  la  coction,  de  la 
crise,  de  la  rémission,  de  Tapyrexie,  et  celle-là  est  bonne:  il 
y  en  a  une,  au  contraire,  mordicante,  ftcre,  brûlant  la  main 
qui  touche,  et  sentie  par  le  malade,  accompagnant  la  fièvre 
ardente;  il  y  en  a  une  partielle,  dans  un  endroit  enflammé; 
il  y  a  celle  de  la  consomption  sèche,  après  le  repas,  dans  la 
paume  des  mains,  è  la  plante  des  pieds,  aux  joues,  qui  sont 
trèsH:haudes  et  d*u^  rouge  foncé.  » 

Aph.  683  :  «La  chaleur,  quelque  cause  prochaine  que  les 
physiciens  aient  établie,  en  a  beaucoup  de  plus  ou  moins  éloi- 
gnées ,  qui  diffèrent  par  leur  nature  et  par  ce  qu'elles  signi- 
fient, quant  au  diagnostic,  au  pronostic,  au  traitement. .  .  » 

Stoll  indique  alors  le  remède  pour  les  différents  modes  de 
la  chaleur;  si  elle  dépend  de  la  vélocité  du  pouls,  il  y  faut 
remédier  par  le  repos,  la  saignée,  une  application  interne  et 
externe,  lente  et  douce,  des  substances  froides  (les  émulsions). 
Le  mot  froid  n'a  pas  ici  son  sens  strict.  Si  c'est  la  pléthore,  si 
c'est  la  cacochyme,  si  c'est  une  inflammation,  autres  re- 
mèdes. 

Il  y  a  un  passage  d'où  il  semble  résulter  que  Stoll  cher- 
chait à  refroidir  les  fiévreux.  Pour  les  bilieux  :  «un  air  libre, 

i3. 


196         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEDR  ET  LA  FIÈVRE. 

uo  peu  frais,  froid,  modéré  (non  au  thermomètre  «mais  (f  après 
la  sensation  du  malade),  agité,  les  couvertures  légères,  se 
placer  sur  le  lit;  une  boisson  acide,  à  froid,  à  la  glace,  des 
lotions  et  des  épithèmes  semblables. .  . 

«On  abat,  dit-il,  la  chaleur  dans  la  synoque  putride  par 
les  mêmes  moyens,  et,  en  outre,  par  lesaci  des  minéraux  éten- 
dus dans  feau  froide.  Ces  moyens  apaisent,  comme  par  en- 
chantement, la  chaleur  varioleuse  qui  quelquefois,  avant 
l'éruption  des  pustules  «  est  énorme,  dégénère  en  coma.. .  » 

Ainsi  StoU  a  connu  et  pratiqué  le  traitement  de  la  chaleur 
fébrile  par  le  froid. 

FRANÇOIS  HORNE». 

(  tcole  anglaise,  if m*  siècle.) 

Dans  ses  Principia  meJicinœ  (1768),  Horne  déGnil  ainsi  ia 
fièvre  :  In  unaquaque  febre  semper  et  ubique  adesse  Jrequentem 
pulsum.et  calorem  auctum,  cum  lœsiane  unium  vel  plurtus  func- 
ttottum.  Horne  attribue  à  Sylvius  le  fait  d'avoir,  le  premier, 

*  F.  Horne  publia  ses  principaux  ou-  observations   tkermoinëtriques  exactes 

vragesde  1780  i  1780.  Professeur  de  sur  ia  température  de  l^homme  et  des 

matière  médicale  i  Tuniversilé  d^Édin-  animaux.  De  animidium  caUrt. 
burg.  Parmi  les  élèves  de  Haller  qui  ont 

On  a  de  lui  :  Diuertatio  de  febre  re~  étudié  ia  chaleur,  oous  devons  citer: 
mittente  (1 760 ).  —  Analyte  et  vertut  du         Hailer  Marcard ,  DiêêerUrtio  de  geM- 

DuMê  epaw  (1751).  —  ExperitnenU  on  rationê  calorù  et  u»u  in  corpore  hvmeno; 

hleaching  (t'jï)6).  —  The  principUê  of  17^1,  Gottiog. 
uffriculturf*  and  végétation  (1758).  —         Rôderer,    Diteertatio  de    animalim 

Prinapia  medicinœ  {i']7)H). —  Médical  ealore,  Obn.;  1768,  Gotting. 
/acte  and  expérience  (  1 7  ^> 9  )•  —  ISatwe ,         Pickel ,  Expérimenta  in«d,  pHifticê  éi 

cauêe  and  cure  of  croup  (1 765  ).  —  Cli-  electricitate  et  ealore  animalium;  177B, 

nieal  expérimente ,  hintoriee  and  dixfec-  Wur^lzb. 

tione  (1780).  —  Methodtu  maleria  me-         (  Wunderlicb  ajoute, page  3o  :  cDans 

dicœ  (1781).  —  Expérimenta  on  fih  cette  thèse,  ii  serait  fait  mention d>x- 

and  fieeht  etc.  (Philoi.  trann,  1753).  périences  relatives  à  Tinfluence  des  bains 

Gonsiiltex  également:  Gb.  Martin,  de  rivière  sur  ia  température.") 
17'jo,  qui,  en  Angicicrre,  publia  des 


FRANÇOIS  HORNE.  197 

compté  le  pouls  parmi  les  symptômes  pathognomoniques  des 
fièvres;  mais,  dit^il,  il  en  faut  faire  autant  pour  la  chaleur: 
Sed  cahris  mym  mnuwe  atigmentum  œque  inter  Imc  locum  me- 
reiur,  quia  in  omni  febre  et  in  ûnoquoque  febris  êtadio,  imo  in 
rigoribus  det^iur.  Cet  imo  in  rigoribus  nous  montre  bien  qu'il 
était  de  notoriété  publique,  et  que  Ton  enseignait  dans  les 
écoles,  au  xtiii*  siècle,  que  ta  chaleur  fébrile  existait,  comme 
dît  Horne,  â  tous  les  stades  de  la  6èvre,  même  dans  le  stade 
de  frisson.  Horne  admet  également  une  lésion  organique  ou 
fonctionnelle  dans  toute  fièvre,  doctrine  prétendue  nouvelle 
par  les  organopathologistes  du  commencement  de  ce  siècle. 
«  Quelles  sont  les  causes  prochaines  de  la  fièvre  ?  est-ce  une 
excitation  nerveuse,  par  la  sensation  d'un  certain  stimulus? 
Nous  en  connaissons  quelques -unes  :  l'émotion,  la  colère, 
Texercice,  la  chaleur  extérieure,  certains  venins,  les  miasmes, 
la  contagion.  Mais  queile  est  la  modification  chimique  ?  est-ce 
un  acide,  un  alcali?. . .  •  »  Ces  questions  se  posaient  alors  : 
on  ne  les  a  pas  résolues  aujourd'hui,  on  se  les  cache  soi- 
même. 

Home  se  demande  quelle  est  l'origine  de  la  chaleur  fébrile. 
«Elle  provient,  dit-*il,  de  deux  sources:  i""  le  frottement  du 
sang  ;  s"*  la  tendance  à  la  putridité  des  humeurs,  y»  La  fièvre 
dilate  les  vaisseaux  et  expulse  la  matière  morbifique  :  Ergo 
fAris,  id  est  pulsus  eitatior  et  cahr  aueticr,  respectu  ad  causam 
morbifieam  habita,  semper  salutaris  est; .  .  .  hinc  febris  apte  a  cla- 
rissimo  Sydenhamo  defnitur  :  naturœ  conamen  materiœ  morbificœ, 
corpori  valde  inimicœ,  exterminatianem  in  cegri  salutem  omni  ope 
moUenùs» 

Home  est  logique,  ainsi  était-on  à  cette  époque  de  foi  mé- 
dicale. Il  va  donc  à  l'application  de  son  principe  sans  hésita- 
tion :  si  la  fièvre  est  bonne,  il  la  faut  encourager.  Febris  ergo 
quœ  semper  ad  causas  mùrbificas  quadrat,  non ,  si  Jleri  potest,  ex^ 
tinguenda,  sedpotius  ad  harum  expulsionem  alenda,  c^La  chaleur, 
dit-il ,  amène  la  sueur  et  la  résolution.  J'ai  souvent  vu,  ajoute-t- 


I9ë        CUAPITAE  r.  ~  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

il,  la  chaleur  monter  au  107*  degré  du  thermomètre  Fahren- 
heit (&i%7  C.)  sans  qu'il  en  résultât  aucun  danger. 

et  Pourtant  il  faut  savoir  tantôt  exciter  la  chaleur,  tantôt  la 
tempérer  suivant  les  cas ,  et  Texpérience  seule  nous  apprendra 
cette  science  pratique. 

«Veut -on  modérer  une  chaleur  trop  grande,  voici  les 
moyens  k  employer  :  t*  le  repos  de  corps  et  d*Âme;  a"*  un  air 
frais;  3**  des  vêtements  légers;  6"  des  boissons  fraîches;  5°  des 
médicaments  antiseptiques. 

«Pour  rallumer  la  chaleur,  il  faut  employer:  i''  le  mouve- 
ment et  les  frictions;  a**  Tair  chauffé;  3""  la  chaleur  du  lit; 
A"  des  applications  externes  chaudes;  5*"  tout  ce  qui  excite  et 
relève  le  pouls,  v 

Voilà  ce  que  contenait  un  bon  enseignement  classique  en 
Angleterre,  en  1758. 

CULLEN». 

(  iviii*  siècle,  1719-1 790.) 

CuUen  admet  que  la  température  normale  du  corps  humain 
est  de  98**  F.  (36%7  G.).  Il  pense  que,  dans  certaines  circons- 
tances, le  froid  a  une  puissance  sédative,  et  quelquefois  est 
un  stimulant  du  système  sanguin,  et  un  astringent  dans 
d'autres  cas. 

Le  frisson  marque  le  début  de  la  fièvre.  On  peut  d'abord 
s'apercevoir  d'un  froid  des  extrémités  \  t(  Ce  n'est  qu'au  bout 
d*un  certain  temps  que  le  malade  éprouve  lui-même  une  sen- 

*  GuUen ,  Écoania ,  profeasenr  de  twrm  on  f^  iiMiarMi  mtdum,  LMidrei, 

chimie  à  Glascow,  pais  professeur  de  1771,  etc. 

médecioe   dans  la  même  anîvenitë ,  Les  indications  bibiiographiquea  ren- 

1761  ;  professeur  de  chimie  à  Édin-  voient  à  son  livre  intitulé  :  Elémtmiê  dt 


ïmrg   en    17Ô6,  puis  profeaaeur  de    nMecmê  pratifuê.  Traduction  de  Boa- 
matière  médicale.  quillon,  1787. 


On  a  de  lui  :  Synop$iê  no9oU>gûe  ma-         '  Ut.  I  :  Ikê  fihm^  chap.  1  :  Dm 
dicœ  m  HÊum  $tudio9orum ,  1 769  ;  Lfc-     iymifUmtê  dm  fièwrf,  1  o ,  p.  7. 


GULLBN.  199 

sation  de  froid ,  qui  commence  communément  dans  le  dos,  et 
bientôt  se  communique  à  tout  le  corps  ;  alors  la  peau  paratt 
chaude  au  toucher.  »  Ainsi  GuUen  sait  que  le  frisson  s*accom* 
pagne  de  chaleur. 

Il  pense  qu'il  y  a  deux  manières  d'utiliser  le  froid  dans  les 
£èvres,  savoir  :  en  introduisant  des  substances  froides  dans 
Festomac ,  ou  en  les  appliquant  sur  la  surface  du  corps.  Les 
boissons  froides  peuvent  être  un  tonique  utile  dans  les  fièvres. 
La  seconde  méthode  d'employer  le  froid  comme  tonique  con- 
siste à  l'appliquer  à  la  surface  du  corps.  GuUen  admet  en  gé- 
néral que,  quand  la  faculté  de  produire  de  la  chaleur  est 
augmentée,  comme  dans  les  fièvres,  il  est  nécessaire  non-seu- 
lement d'éviter  tous  les  moyens  capables  de  la  porter  à  un 
plus  haut  degré ,  mais  il  convient  même  d'exposer  le  corps  à 
une  atmosphère  d'une  température  plus  froide,  ou  au  moins 
de  le  faire  plus  librement  et  plus  fréquemment  que  dans  l'état 
de  santé.  Et  il  ajoute^:  ce  Quelques-unes  des  dernières  expé- 
riences faites  dans  la  petite  vérole  et  dans  les  fièvres  conti- 
nues prouvent  que  la  libre  admission  de  l'air  froid  sur  le 
corps  est  un  puissant  moyen  de  modérer  la  violence  de  la 
réaction.  Mais  quelle  est  la  manière  d'agir  ?  Dans  quelles  cir- 
constances de  la  fièvre  convient^il  particulièrement?  ou  quelles 
sont  les  limites  qu'il  exige  ?  C'est  ce  que  je  ne  tenterai  pas 
de  déterminer,  jusqu'à  ce  qu'une  plus  longue  expérience  m'ait 
mieux  instruit,  i^ 

A  la  vérité ,  James  Gurrie  et  d'autres  médecins  de  Liverpool 
avaient  déjà  fait  paraître  des  mémoires  sur  l'utilité  du  froid 
dans  les  fièvres,  mais  GuUen  avait  le  droit  de  ne  point  se  dé- 
clarer encore  pour' cette  méthode  nouvelle.  Gependant  GuUen 
sait  que  les  alSusions  froides  sont  quelquefois  utUes,  et  à  l'ar- 
ticle 909  il  s'exprime  ainsi  ^:  ((  Non -seulement  l'air  froid  peut 


*  Ghap.  n  :  D9  la  méthode  de  guérir  leê  fihree,  section  première  :  De  la  ettre 
dêeJShrêë  cmtmvêe,  i,  I,  p.  196.  —  *  T.  I,  p.  i56. 


200        CHAPITRE  I*'.  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

être  appliqué  sur  la  surface  du  corps  comme  rafratchissaut, 
et  peut-être  comme  tonique,  mais  on  peut  aussi  faire  usage 
de  l'eau  froide.  Les  anciens  rappliquaient  fréquemment  avec 
avantage  sur  certaines  parties  comme  tonique;  mais  c*est  une 
découverte  des  modernes  de  laver  tout  le  corps  avec  de  Teau 
froide  dans  les  cas  de  6èvres  putrides  accompagnées  de  beau- 
coup de  faiblesse.  Cette  pratique  fut  tentée,  pour  la  première 
fois,  à  Breslau,  en  Silésie,  comme  il  paraît  dans  la  disserta- 
tion qui  porte  le  titre  :  De  Epidemia  vema  quœ  Wratislamam 
anno  17^7  afflixit,  et  qui  se  trouve  dans  l'appendice  joint  aux 
Acta  naL  curios.,  vol.  X.  D'autres  auteurs  nous  apprennent 
que  cette  pratique  a  été  adoptée  dans  quelques  contrées  voi- 
sines. Néanmoins  je  ne  sache  pas  qu'on  en  ait  jusqu'ici  fait 
l'essai  en  Ecosse.  r> 

Le  traducteur  français  de  Gullen  (1785)  ajoute  en  note 
quelques  renseignements  sur  le  même  sujet  :  ^Galien,  dit-il, 
cite  des  cas  où  il  pense  que  Ton  doit  faire  usage  du  bain  froid. 
Fioyer  rapporte  que  des  malades  échappés  pendant  le  délire 
ont  été  guéris  en  se  jetant  dans  les  mares,  ou  en  restant  sur 
le  pavé.  Gircelli,  dans  ses  notes  sur  EtmuUer,  recommande 
d'appliquer  sur  le  creux  de  l'estomac  un  drap  trempé  dans 
l'eau  froide,  lorsque  le  malade  se  plaint  de  ressentir  des 
anxiétés  vers  les  p^œcardia.  Houllier  a  introduit  cette  pratique 
en  France;  il  conseille  de  baigner  les  extrémités  dans  l'eau 
froide  et  le  vinaigre.  Ce  fut  Godefroi  Haén  qui  introduisit  à 
Breslau,  pendant  une  épidémie  de  fièvre  putride,  la  pratique 
des  ablutions  froides.  Son  frère ,  Haën  de  Schwedits ,  a  écrit 
sur  l'usage  du  bain  froid.  Sthriber,  de  Pétersbourg,  a  remar- 
qué aussi  que  le  bain  froid  était  excellent  dans  les  fièvres.  li 
convient  particulièrement  dans  les  fièvres  lentes ,  nerveuses  et 
putrides.  j>  C'est  un  tableau  de  la  médecine  en  Europe  à  la  fin 
du  siècle  dernier.  Bosquillon  ne  fait  donc  pas  non  plus  men- 
tion des  travaux  encore  récents  de  J.  Currie. 

Dans  les  chapitres  concernant  certaines  maladies  en  parti- 


GDLLEN.  201 

ciilier,  CuUen  parie  souvent  de  rapplication  da  froid  avec 
éloge ,  par  exemple  dans  l'article  concernant  ïinoculaiian  de  la 
variole ,  où  il  pense  qu'il  y  a  un  art  de  modérer  l'état  inflam- 
matoire de  la  peau.  ^En  conséquence,  dit-il ^  il  y  a  lieu  de 
croire  que  les  mesures  que  l'on  prend  pour  modérer  ]a  fièvre 
éruptive  et  l'état  inflammatoire  de  la  peau  sont  un  des  plus 
grands  avantages  que  l'on  retire  de  la  pratique  de  l'inocula- 
tion .  •  '.  •  On  a  renoncera  la  saignée  et  trouvé  un  moyen  plus 
puissant  et  plus  eOicace  dans  l'application  de  l'air  froid ,  et 
dans  l'usage  des  boissons  froides.  ...  On  ne  peut,  ajoute 
Gullen,  douter  que  ce  remède  ne  soit  sans  danger  et  efficace, 
d'après  la  pratique  usitée  depuis  longtemps  dans  l'Indostan 
et  adoptée  récemment  dans  notre  pays.  » 

CuUen,  toutefois,  fait  quelques  réserves  quant  à  l'applica- 
tion de  cette  méthode  au  traitement  de  la  variole  spontanée, 
et  son  traducteur  français  se  montre  encore  plus  réservé  sur 
ce  point.  Néanmoins  CuUen  dit  formellement  ceci^  :  «Si, 
pendant  une  épidémie  de  variole,  il  survient  de  la  fièvre  et 
qu'on  ne  puisse  guère  douter  que  ce  ne  soit  une  attaque  de  va- 
riole, il  faut,  à  tous  égards,  traiter  le  malade  comme  s'il  avait 
été  inoculé,  l'exposer  librement  à  l'air  frais,  ie  purger  et  lui 
donner  abondamment  des  acides  rafratchissants.  » 

A  l'article  concernant  la  rougeole  (n°  65o),  CuUen  discute 
l'utUilé  du  froid  '  :  ce  D'après  l'expérience  que  nous  avons  de- 
puis peu ,  sur  les  avantages  de  l'air  froid  dans  la  fièvre  érup- 
tive de  la  petite  vérole,  quelques  médecins  ont  pensé  que  cette 
pratique  pourrait  s'appliquer  à  la  rougeole;  mais  nous  n'avons 
pas  encore  d'expériences  suffisantes,  n 

Pour  la  scariatine,  CuUen  ne  parie. pas  du  tout  du  froid. 
Dans  la  fièvre  miliaire  il  conseille  formellement  d'exposer  le  ma- 
lade à  l'air  froid  comme  sans  danger  et  utUe. 

La  théorie  des  réfrigérants  n'était  encore  qu'è  son  aurore. 

»  T.I,p.385.  — »  T.I,p.388.  — »  T.I,  p.Ao5. 


203         CHAPITRE  1".  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRÇ. 

Le  livre  de  Currie  n'ëtait  pas  connu. ...  £1  France,  h»  grœndt 
elinicimê  ecmmenceni  àpeme  à  parierdeMmporkmtngH  en  i8yA  ! 


LES  CLASSIQUES 

M   G0Blll5CEaEIIT    DU    XTUI*  fliCLI. 

Quelques  médecins  avaient,  nous  venons  de  le  montrer, 
devancé,  dans  leurs  conceptions  sur  la  chaleur  animale,  les 
découvertes  qui  devaient  illustrer  la  fin  du  ivin*  siècle  ;  mais 
ils  étaient  restés  à  peu  près  isolés ,  et  il  nous  suffit  d'ouvrir  les 
ouvrages  classiques  de  cette  époque  pour  montrer  que  l'opi- 
nion régnante  était  restée  celle  des  mécaniciens.  L'école  an- 
glaise et  l'école  française  avaient  soigneusement  conservé  les 
idées  traditionnelles. 

La  chaleur  fébrile,  d'après  Freind  (1700),  n'est  que  le  résultat 
de  l'accélération  du  cours  du  sang  avec  de  plus  nombreux  frot- 
tements [Emmenologia,  cap.  viii)  :  Cahr  a  âreulanie  mimguine 
ita  peniei,  ut  nihtl  aliud  sU,  nui  pardum  iongumis  m  se  imcem 
impetu$  et  aiirUio.  Moiu  vero  aucto,  uU  in  plethorajit,  sanguims 
major  eêt  aUriho,  quia  humarum  tum  quantiku,  tum  velocitae  aur 
getur;  ita  uiraque  de  causa  inereecet  caior  qui  $i  nimiue  fuerit,  Je- 
bnculam  quant  et  fréquenter  obeervatU  practici,  et  phiogotm  parieL 

Telle  est  l'opinion  classique  au  xviii*  siècle.  Du  reste ,  on  y 
considère  le  sang  comme  le  seul  véhicule  de  la  chaleur  :  Pétest 
non  a  lentore  modo,  $ed  ex  ipso  sanguims  defectu  derivari  extrenuh 
rum  Jrigus;  eahr  quippe  partihus  eujuseunque,  est  ut  causa ,  quœ 
ipsum  producit;  ea  vero  causa  nihil  aliud  est,  nisi  ^pie  sanguis  ea- 
Udus  ad  partes  perveniens,  (  Freind ,  EmmenoU^.  ) 

Le  Père  Bersier,  correspondant  de  TAcadémie  des  sciences, 
auteur  de  la  Physique  des  corps  animés  \  dit,  au  livre  VIII  sur 
la  chaleur  :  ((La  chaleur  animale  et  plusieurs  autres  grands 
avantages  sont  l'effet  de  lalternative  continuelle  de  la  contrac- 


'  Iti-tfl,  Paris,  1755. 


LES  CLASSIQUES.  —  MARTEAU.  203 

tion  et  de  la  dilatation  du  cœur.)»  L'auteur,  partant  de  ce 
principe  que  le  frottement  des  solides  y  produit  la  chaleur, 
admet  que  «le  cœur  s'échauffe  continuellement  par  le  mou- 
vement de  ses  fibres,  et  qu'il  est  ainsi  le  principal  agent  qui 
rétablit  à  chaque  instant  la  chaleur  que  notre  corps  perd 
continuellement,  la  conmiuniquant  aux  corps  qui  l'environnent, 
comme  font  les  autres  corps  chauds.  » 

La  deuxième  proposition  est  ainsi  conçue  :  «  Il  est  probable 
que  le  mélange  de  l'air  dans  le  sang  est  encore  une  des  causes 
de  la  chaleur  de  ce  liquide,  car,  dit  l'auteur,  nous  voyons 
que  toutes  les  fois  que  deux  fluides,  dont  les  parties  de  l'un 
sont  plus  légères  que  celles  de  l'autre,  sont  mêlés  intimement 
et  se  frottent  avec  vitesse,  les  uns  descendant  par  leur  pesan- 
teur, les  autres  montant  par  leur  légèreté,  ils  s'échauffent 
mutuellement,  parce  qu'ils  prennent  ainsi  un  mouvement 
en  tout  sens  qui  n'est  autre  chose  que  la  chaleur. .  .  .  Gela 
parait  en  général  dans  les  liqueurs  qui  fermentent .    ,  .  i> 

Troisième  proposition  :  «  Le  frottement  du  sang  contre  les 
parois  de  ses  vaisseaux  peut  bien  encore  contribuer  à  sa  cha- 
leur. » 

L'auteur  démontre  ensuite,  à  l'exemple  de  Boerhaave  et  de 
Lémen,  que  le  feu  n'est  pas  une  substance,  mais  un  mouve- 
ment ou  modification  de  toute  matière  combustible. 

MARTEAU'. 

(  Ecole  française,  i? m'  riècle.) 

Dans  un  paragraphe  intitulé  :  La  chaleur  et  la  froidure  de 
teau  :  Marteau  s'exprime  ainsi  :  «iNous  sommes  de  véritables 
thermomètres.  Le  froid  et  le  chaud  font  sur  nos  solides  et 

1  Marteau,  docteur  de  Reims  et  de  forme  de  lettre  Sur  la  ehaîtur,  in-8*, 

Caen,  inspecteur  des  eaux  minérales  1748;  d^ane  Relatùm  d'une  épidémie 

(  Forgea),  eserfait  i  Amiens.  étangmê,  et  d*an  lifre  Sur  Uê  hamë  et 

n  est   rautenr  d*an  mémoire  sous  ludottehe. 


20â         CHAPITRE  I*.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

sar  nos  fluides  le  même  effet  que  sur  la  macldne  ingénieuse 
par  la<[uelle  on  mesure  les  différents  degrés  des  tempéra- 
tures. 9 

Ses  expériences  sur  l'action  des  bains  froids  sont  intéres- 
santes; on  y  peut  voir  un  essai  de  cahrimétrie. 

«Un  homme  de  trente-cinq  ans,  attaqué  de  la  phthisie  dor- 
sale, prenait  le  bain  domestique  froid;  il  m'assura  qu'il  ré- 
chauffait l'eau  de  son  bain  par  la  chaleur  de  son  corps.  Je 
voulus  m'en  assurer.  L'eau  était  k  ili"*  (sans  doute  R.,  soit 
17% 5  G.);  la  baignoire  en  pouvait  contenir  trois  quarts  de 
muid,  c'est-à-dire  de  quatre  cent  cinquante  à  cinq  cents  livres, 
et  le  malade  pesait  cent  dix-neuf  livres.  Ainsi  le  rapport  de 
sa  masse  était  à  celle  de  l'eau  comme  1  est  à  &.  U  fit  effective- 
ment remonter  le  thermomètre  à  1 5*  dans  l'espace  de  huit  à 
dix  minutes.  Donc  le  corps  se  dépouille  effectivement  de  sa 
chaleur  par  son  séjour  dans  l'eau  tiède  ou  froide.  (s5o  eo- 
larieê.  ) 

«J'avais  observé  son  pouls  avant  l'immersion.  En  quatre 
minutes,  il  me  donnait  trois  cent  dix-sept  pulsations,  c'est-i- 
dire  environ  soixante-dix-neuf  par  minute.  Je  trouvai  d'abord 
le  pouls  petit  et  précipité. . . .  Quand  la  chaleur  du  corps  eut 
échauffé  le  bain  à  i5%  l'artère,  en  deux  minutes,  me  donna 
cent  vingt-neuf  pulsations  faibles.  La  différence  de  l'état  na- 
turel était  à  peu  près  de  quinze  pulsations  par  minute,  etc.  y» 

L'auteur  montre  que  le  pouls  se  ralentit  dans  l'eau  froide. 

LAVOISIER. 

(17^3-1793.) 

Expérience*  sur  la  reepiration  âee  animaux  el  $wr  Us  tkange- 
mente  qui  arrivenî  â  Voir  en  paeeant  par  leur  poumon.  (Mémoire 
lu  à  l'Académie  des  sciences,  le  3  mai  1777  '.) 

^  Œnvm  de  Lavnimr^  publiées  par    de  rinstmction  pubBqiie;  Imprimerie 
les  soins  de  Son  Excellence  le  Minîsln*    nationale,  iS6a,  L  II,  p.  17^. 


LAVOISIER. 


205 


Le  mëmoire  commence  par  relater  les  expériences  de  Haies 
et  Cigna  et  celles  de  Priestley,  publiées  l'année  précédente  à 
Londres  (1776)  «(dans  un  écrit,  dit  Lavoisier,  où  il  a  reculé 
plus  loin  les  bornes  de  nos  connaissances  et  cherché  h  prouver, 
par  des  expériences  très-ingénieuses,  très-délicates  et  d'un 
genre  très-neuf,  que  la  respiration  des  animaux  avait  la  pro- 
priété de  phlogisiiquer  l'air,  comme  la  calcination  des  métaux 
et  plusieurs  autres  procédés  chimiques,  et  qu'il  ne  cessait 
d'être  respirable  qu'au  moment  où  il  était  surchargé,  et  en 
quelque  façon  saturé  de  phlogistique.  " 

Lavoisier  déclare  être  arrivé,  par  la  suite  de  ses  expériences, 
à  des  conséquences  tout  opposées  à  celles  de  Priestley,  et  il 
relate  ses  observations  sur  la  calcination  des  métaux,  d'où  il 
conclut  que  :  i"*  les  cinq  sixièmes  de  l'air  que  nous  respirons 
sont,  ainsi  qu'il  l'a  annoncé  déjà  dans  un  précédent  mémoire, 
dans  l'état  de  mofette,  c'est-è-dire  incapables  d'entretenir  la 
respiration  des  animaux ,  l'inflammation  et  la  combustion  des 
corps;  s"*  que  le  surplus,  c'est-à-dire  un  cinquième  seulement 
du  volume  de  l'air  de  l'atmosphère,  est  re^rable;  3"" que,  dans 
la  calcination  du  mercure,  cette  substance  métallique  absorbe 
la  partie  salubre  de  l'air,  pour  ne  laisser  que  la  mofette; 
&**  qu'en  rapprochant  ces  deux  parties  de  l'air  ainsi  séparées, 
la  partie  respirable  et  la  partie  méphitique ,  on  refait  de  l'air 
semblable  à  celui  de  l'atmosphère.  ^  Ces  vérités  préliminaires 


Dates  des  priucipaax  irevaax  de  La- 
foider  aar  les  tourcêi  de  ta  chaleur  ani- 
wkûïê  : 

t"  mémoire  :  Sur  la  naturt  du  frm^ 
dfe  fM  9»  mmbmê  avêe  lêê  métaux  peu- 
daut  la  ealematùm  et  qui  en  augmenienl 
U  poide.  Mém.  de  VAcad.  dee  êcieneeê, 
1770,  p.  5ao. 

a*  nrt^moire  :  Bxpérienee»  eur  la-ree- 
piratûm  dee  wùmaux»  Mém,  de  VAcad. 
deê  eeieneee,  1777*  p.  t83. 

3'  mémoire  :  Sur  la  romèiw/iofi  en 


général,  Mém,  de  FAcad.  dee  edeneee, 

«777»  P- 59a- 
h*  mémoire  :  Sur  la  chaleur.  Mém, 

de  l'Acad,  dee  ee.  1780,  p.  355. 

5*  mémoire  :  Sur  lee  aUératiane  qui 
arrivent  à  Pair  dane  plueieure  circone- 
taneee  où  ee  tntuvent  lee  hommet  réunie 
en  eoeiété,  Hietoire  de  la  eociété  rayah  de 
médecine,  1789,  p.  669. 

6*  mémoire  :  Sur  la  reepiration  dee 
animaux,  Mém,  de  VAcad.  dff  eciencee, 
1789,  p.  566. 


206        CHAPITRE  V\  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈ?RB. 

sur  la*  calcination  des  métaux,  ajoute  Lavotsier,  nous  con- 
duisent  à  des  conséquences  simples  sur  la  respiration  des  ani- 
maux, et,  comme  l'air  qui  a  servi  quelque  temps  à  reniretien 
de  cette  fonction  vitale  a  beaucoup  de  rapport  avec  celui  dans 
lequel  les  métaux  ont  été  calcinés,  les  connaissances  relatives 
à  Tun  vont  naturellement  s'appliquer  à  l'autre,  n 

Suit  le  récit  de  l'expérience  du  moineau  sous  la  cloche, 
mourant  au  bout  de  55  minutes.  <^  L'air  ainsi  respiré  par  l'ani- 
mal était  devenu  fort  différent  de  l'air  de  l'atmosphère  ;  il  pré- 
cipitait Veau  de  chaux,  iteignait  les  lumières;  un  nouvel  oiâeau  n'y 
vécut  que  quelques  insiants ....  Cet  air  différait  en  deux  points 
de  celui  qui  avait  servi  à  la  calcination  du  mercure  :  i**  la  di- 
minution de  volume  avait  été  beaucoup  moindre  dans  la  der- 
nière expérience  que  dans  la  première  ;  a*  Voir  de  la  reepira-' 
tûm  précipitait  l'eau  de  chaux.  r> 

Pour  éclaircir  ce  résultat,  Lavoisier  fit  pénétrer  sous  une 
cloche  remplie  de  mercure  i  a  pouces  d'air  vicié  par  la  respi- 
ration, et  y  introduisit  une  petite  couche  d'alcali  fixe  caus- 
tique. Cet  air  subit  alors  une  diminution  de  volume  de  près 
d'un  sixième;  en  même  temps  Talcali  perdit  en  partie  sa  caus- 
ticité, il  acquit  la  propriété  de  faire  effervescence  avec  les 
acides,  et  se  cristallisa  sous  la  forme  de  rhomboïdes,  copro- 
priétés que  l'on  sait  ne  pouvoir  lui  être  communiquées  qu'au- 
tant qu'on  le  combine  avec  l'espèce  d'air  ou  de  gaz  connue 
sous  le  nom  d'iiir  Jixe,  et  que  je  nommerai  dorénavant  adde 
crayeux  aériforme.  » 

L'air  ainsi  traité  était  irrespirable  aux  animaux.  «Ainsi,  dit 
Lavoisier,  l'air^qui  a  servi  à  la  respiration,  lorsqu'il  a  été  dé- 
pouillé de  la  portion  d'acide  crayeux  aériforme  qu'il  contient, 
n'est  également  qu'un  résidu  d'air  commun  privé  de  sa  partie 
respirable.  » 

Suit  la  théorie  de  la  respiration,  telle  que  nous  la  connais- 
sons ,  &  peu  de  changements  près  :  «  La  respiration  n'a  d'ac- 
tion que  sur  la  portion  d'air  pur,  d'air  éminemment  respirable 


LAVOISIER.  207 

contenue  dans  l'air  de  l'atmosphère  ;  le  surplus  est  purement 
passif^  il  entre  dans  le  poumon  et  en  sort  sans  change- 
ment. 19 

Lavoisier,  adoptant  et  complétant  jes  idées  de  Priestley, 
admet  que  l'air  éminemment  respirable  a  la  propriété  de  se 
combiner  avec  le  sang,  et  que  c'est  cette  combinaison  qui 
constitue  sa  couleur  rougé.  On  sait  que  Priestley  avait  im- 
proprement appelé  la  partie  respirable  de  l'air  :  air  dépUagis^ 

Viennent  ensuite  ;  le  mémoire  Sttr  la  combustion  des  chanr- 
idUs  (1777);  le  mémoire  Sur  la  combinaison  de  la  matière  du 
fm  anec  Us  jhides  évaporabks,  et  sur  la  formation  desjiuides  élas- 
tiques aériformes  (1777),  où  il  est  dit  :  «L'intensité  de  la  cha- 
leur se  mesure  par  la  quantité  de  fluide  igné  libre  et  non  com- 
biné contenue  dans  les  corps  ;  la  quantité  de  matière  du  feu 
se  mesure  par  la  dilatation  des  corps ....  L'impression  que  le 
fluide  igné  fait  sur  nos  organes  n'est  autre  chose  que  l'efiet 
de  la  tendance  du  fluide  igné  &  la  combinaison,  v 

Le  mémoire  Sur  la  conJmstion  en  général  (1777)  contient 
cette  proposition  :  «  Que  «  dans  toute  combustion  »  il  y  a  des- 
truction ou  décomposition  de  l'air  pur  dans  lequel  se  fait  la 
combastion  «  et  que  le  corps  brûlé  augm'ente  de  poids  exac- 
tement dans  la  proportion  de  la  quantité  d'air  détruit  ou  dé- 
composé. »  C'est  dans  ce  mémoire  qu'apparaît  pour  la  pre- 
mière fois  la  théorie  de  la  chaleur  par  la  respiration,  fn  L'air  pur, 
en  passant  par  le  poumon ,  éprouve  une  décomposition  ana- 
logue &  celle  qui  a  lieu  dans  la  combustion  du  charbon  ;  or, 
dans  la  combustion  du  charbon ,  il  y  a  dégagement  de  matière 
du  feu;  donc  il  doit  y  avoir  également  dégagement  de  ma- 
tière du  feu  dans  le  poumon ,  dans  l'intervalle  de  l'inspira- 
tion à  l'expiration ,  et  c'est  cette  matière  du  feu ,  sans  doute , 
qui,  se  distribuant  avec  le  sang  dans  toute  l'économie  ani- 
male, y  entretient  une  chaleur  constante  de  Sa""  R.  (lio*"  G., 
évaluation  exagérée.)  Cette  idée  paraîtra  peut-être  hasardée 


208         CHAPITHE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

au  premier  coup  d*œil,  mais,  avant  de  la  rejeter  ou  de  la  con- 
damner, je  prie  de  considérer  qu'elle  est  appuyée  sur  deux 
faits  constants  et  incontestables,  savoir  :  sur  la  décomposition 
de  l'air  dans  le  poumon  et  sur  le  dégagement  de  matière  du 
feu  qui  accompagne  toute  décomposition  d'air  pur,  c'est-à-dire 
tout  passage  de  l'air  pur  à  l'état  d'air  fixe.  Mais  ce  qui  con- 
firme  encore  que  la  chaleur  des  animaux  tient  à  la  décompo* 
sition  de  l'air  dans  le  poumon,  c'est  qu'il  n'y  a  d'antmaiix 
chauds  dans  la  nature  que  ceux  qui  respirent  luAituellement,  et 
que  cette  chaleur  est  d'autant  plus  grande  que  la  respiration 
est  plus  fréquente,  c'est-à-dire  qu'il  y  a  une  relation  constante 
entre  la  chaleur  de  l'animal  et  la  quantité  d'air  entrée  ou  au 
moins  convertie  en  air  fixe  dans  ses  poumons. 

«Au  reste,  je  le  répète,  en  attaquant  ici  la  doctrine  de 
Stahl ,  je  n'ai  pas  pour  objet  d'y  substituer  une  théorie  rigou- 
reusement démontrée,  mais  seulement  une  hypothèse  qui  me 
.  semble  plus  probable,  plus  conforme  aux  lois  de  la  nature, 
qui  me  paratt  renfermer  des  explications  moins  forcées  et 
moins  de  contradictions.  » 

Dans  le  mémoire  de  Lavoisier  et  La  Place  (i  780)  Sur  la  cha- 
leur (chaleur  spécifique),  est  examinée  (art.  ly  :  De  la  combu»-' 
tion  et  de  la  respiration)  la  question  de  la  chaleur  qui  se  dégage 
dans  la  combustion  et  dans  la  respiration.  Tandis  que  l'air  était 
considéré  jusque-là  comme  n'ayant  d'autre  usage  que  de  ro- 
frakhir  le  sang  quand  il  traverse  les  poumons,  et  de  retenir 
par  sa  pression  la  matière  du  feu  à  la  surface  des  corps  com- 
bustibles, les  travaux  des  physiciens  du  xviii'  siècle  avaient 
établi  qu'une  seule  espèce  d'air,  l'air  déphlt^tiqué,  l'air  pur 
ou  air  vital,  est  propre  à  la  respiration  et  à  la  combustion. 
Lavoisier  avait  montré  que  l'air  n'agit  point,  dans  ses  opéra- 
tions, comme  une  simple  cause  mécanique,  mais  comme  prin- 
cipe de  nouvelles  combinaisons.  M.  Grawford,  reprenant,  en 
1779,  les  idées  exprimées  par  Lavoisier  en  1777,  s'y  était 
rallié. 


LAVOISIER.  209 

Les  auteurs  du  mémoire  que  nous  analysons  recherchèrent 
le  genre  d'altération  que  la  respiration  des  animaux  faisait 
subira  Tair  pur,  la  quantité  dair  fixe  (acide  carbonique)  dé- 
gagée par  divers  animaux  mis  en  expérience.  Déjà  Priestley 
et  Scheele,  et  d'autres  avant  eux,  Robert  Boyle,  avaient  ins- 
titué de  semblables   expériences.  Priestley  avait  calculé   la 
quantité  d*air  vicié  ou  fMogiitiqué  que  produit  la  respiration , 
mais  ses  chiffres  étaient  inférieurs  à  ceux  que  trouvèrent  La- 
Yoisier  et  Laplace.  Ils  montrèrent  que  l'on  ne  peut  évaluer  la 
chaleur  spécifique  des  animaux,  parce  que  leurs  fonctions  vi- 
tales leur  restituent  sans  cesse  la  chaleur  qu'ils  communiquent 
à  tout  ce  qui  les  entoure,  ce  On  peut ,  disent-ils ,  regarder  la 
chaleur  qui  se  dégage ,  dans  le  changement  de  l'air  pur  en  air 
fixe  par  la  respiration,  comme  la  cause  principale  de  la  con- 
servation de  la  chaleur  animale;  et,  si  d'autres  causes  con- 
courent à  l'entretenir,  leur  effet  est  peu  considérable.  La  res- 
piration  est  donc  une  combustion,  à  la  vérité  fort  lente;  elle  se  fait 
dans  l'intérieur  des  poumons,  sans  dégager  de  lumière  sen- 
sible, parce  que  la  matière  du  feu,  devenue  libre,  est  aussitôt 
absorbée  par  l'humidité  de  ces  organes;  la  chaleur  développée 
dans  cette  combustion  se  communique  au  sang  qui  traverse 
les  poumons,  et  de  là  se  répand  dans  tout  le  système  animal. 
Ainsi  l'air  que  nous  respirons  sert  à  deux  objets  également 
nécessaires  à  notre  conservation  ;  il  enlève  au  sang  la  base  de 
tair  fixe  dont  la  surabondance  serait  très-nuisible,  et  la  chaleur 
que  cette  combinaison  dépose  dans  les  poumons  répare  la 
perte  continuelle  de  chaleur  que  nous  éprouvons  de  la  part 
de  l'atmosphère  et  des  corps  environnants. 

«  La  chaleur  animale  est  à  peu  près  la  mime  dans  les  diffé- 
rent/es parties  du  corps;  cet  effet  paratt  dépendre  des  trois  causes 
suivantes  :  la  première  est  la  rapidité  de  la  circulation  du 
sang,  qui  transmet  promptement  jusqu'aux  extrémités  du 
corps  la  chaleur  qu'il  reçoit  dans  les  poumons;  la  seconde 
cause  est  l'évaporation  que  la  chaleur  produit  dans  ces  or- 

14 


210         CHAIMTRK  r.  —  LA  CHALEUR  KT  LA  FIEVRE. 

ganes,  et  qui  diminue   le  degré  de  leur  température;  enlin 
la  troisième  tient  à  Taugmentation  observée  dans  la  chaleur 
spécifique  du  sang,  lorsque,  par  le  contact  de  l'air  pur,  il  sr 
dépouille  de  la  base  de  Vair  fixe  (ju'il  renferme  ;  une  parlie  de 
la  chaleur  spécifique  développée   dans  la  formation  de  l'air 
fixe  est  ainsi  absorbée  par  le  sang,  sa  température  restant 
toujours  la  même;  mais  lorsque,  dans  la  circulation,  le  sang 
vient  à  reprendre  la  hase  de  Vair  fixe,  sa  chaleur  spécifique  di- 
minue, et  il  développe  de  la  chaleur;  et,  comme  cette  combi- 
naison se  fait  dans  toutes   les  parties  du  corps,  la  chaleur 
qu'elle  produit  contribue  à  entretenir  la  température  des  par- 
ties éloignées  des  poumons,  à  peu  près  au  même  degré  que 
celle  de  ea^  organes.  Au  reste,  (juelle  que  soit  la  manière 
dont  la  chaleur  animale  se  répare,  celle  que  dégage  la  for- 
mation de  l'air  fixe  en  est  la  cause  première;  ainsi  nous  pou- 
vons établir  la  proposition  suivante  :  Lorsquun  animal  est  dam 
un  état  permanent  et  tranquille,  lorsqu'il  peut  vivre  pendant  un 
temps  considérable ,  sans  souffrir,  dans  le  milieu  qui  V environne;  en 
général,  lorsque  les  circonstances  dans  lesquelles  il  se  trouve  nal- 
tèrent  point  sensiblement  son  sang  et  ses  humeurs,  de  sorte  qii après 
plusieurs  heures  le  sj/stème  animal  n  éprouve  pa^^  de  variation  sen- 
sible, la  conservation  de  la  chaleur  animale  est  due,  nu  moins  en 
grande  partie ,  à  la  chaleur  que  produit  la  combinaison  de  lair  pur 
respiré  par  les  anmiaux  avec  la  base  de  l'air  fixe  que  le  sang  Iw 

fournit .  . 

f*  Pour  compléter  cette  théorie  de  la  chaleur  animale,  il  res- 
terait à  expliquer  pourquoi  les  animaux,  quoique  placés  dans 
des  milieux  de  température  et  de  densités  très -différentes, 
conservent  toujours  h  peu  [)rès  la  même  chaleur,  sans  cepen- 
dant convertir  en  air  fixe  des  quantités  d'air  pur  proportion- 
nelles à  ces  difl'érences;  mais  l'explication  de  ces  phénomènes 
tient  à  l'évaporation  plus  ou  moins  grande  des  humeurs,  à 
leur  altération  et  aux  lois  suivant  lesquelles  la  chaleur  sf 
communique  des  poumons  aux  extrémités  du  corps.  Ainsi  nous 


LAVOISIKR.  211 

attendrons^  pour  nous  occuper  de  cet  objet,  que  l'analyse, 
éclairée  par  un  grand  nombre  d'expériences,  nous  ait  fait 
connaître  tes  lois  du  mouvement  de  la  chaleur  dans  les  corps 
homogènes,  et  dans  ses  passages  d'un  corps  à  un  autre  d'une 
nature  différente.  » 

Lavoisier  ne  tarda  pas  à  débarrasser  la  question  de  la  com- 
bustion de  ses  obscurités.  «J'ai,  dit-il,  déduit  toutes  les  expli- 
cations d'un  principe  simple,  c'est  que  l'air  pur,  l'air  vital,  est 
composé  d'un  principe  particulier  qui  lui  est  propre,  qui  en 
forme  la  base,  et  que  j'ai  nommé  principe  oxygine,  combiné 
avec  b  matière  du  feu  et  de  la  chaleur.  »  Il  ajoutait  :  «Mais, 
aï  tout  s'expfaque  en  chimie,  d'une  manière  satisfaisante,  sans 
le  secours  du  phlqgiêtique,  il  est,  par  cela  seul,  infiniment  pro- 
bable que  ce  principe  n'existe  pas,  que  c'est  un  être  hypothi- 
Uquê,  une  êuppoeition  gratuite;  et,  en  effet,  il  est  dans  les  prin- 
cipes d'une  bonne  logique  de  ne  point  multiplier  les  êtres  sans 
nécessité.»  {RéJlexion$  mr  le  phkgiêtique,  1783.) 

Application  à  Vhygiène  ^  —  «Les  hommes,  les  femmes,  les 
enfants,  s'étiolent  jusqu'à  un  certain  point  dans  les  travaux 
sédentaires  des  manufactures,  dans  les  logements  resserrée, 
dans  les  rues  étroites  des  villes.  Ils  se  développent,  au  con- 
traire, ils  acquièrent  plus  de  force  et  plus  de  vie  dans  la  plu- 
part des  occupations  champêtres  et  dans  les  travaux  qui  se 
font  en  plein  air. 

«L'organisation,  le  sentiment,  le  mouvement  spontané,  la 
vie,  n  existent  qu'à  la  surface  de  la  terre  et  dans  les  lieux  ex- 
posés à  la  lumière.  On  dirait  que  la  fable  du  flambeau  de 
Prométhée  était  l'expression  d'une  vérité  philosophique  qui 
n'avait  point  échappé  aux  anciens.  Sans  la  lumière,  la  nature 
était  sans  vie ,  elle  était  morte  et  inanimée  ;  un  Dieu  bienfai- 
sant, en  apportant  la  lumière,  a  répandu  sur  la  surface  de  la 


,  Trmti  élémênlmin  de  ckmûtf  1 789- 1 793 , 1. 1 ,  p.  so  t . 


2!2         CHAPITRE  V.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

terre  Torganisation ,  le  sentiment  et  ia  pensée.  Mais  ce  nest 
point  ici  le  lieu  d'entrer  dans  aucun  détail  sur  les  corps 
organisés;  c'est  h  dessein  que  j'ai  évité  de  m'en  occuper  dans 
cet  ouvrage,  et  c'est  ce  qui  m'a  empêché  de  parler  des  phéno- 
mènes de  la  respiration,  de  la  sanguification  et  de  la  chalear 
animale.  Je  reviendrai  un  jour  sur  cet  objet.  » 

L'édition  dans  laquelle  nous  lisons  cet  admirable  passage 
porte  ia  date  de  1793;  ce  rapprochement  est  douloureux  et 
fait  honte  à  l'espèce  humaine. 

Presque  en  même  temps  que  Lavoisier,  Grawfort^  en  An- 
gleterre, avait  cherché  les  sources  de  la  chaleur  animale  dans 
les  actes  chimiques  de  la  respiration  ;  il  supposa  qu'il  se  dé- 
gage du  calorique  parce  que  la  chaleur  spécifique  de  l'air  est 
plus  grande  que  celle  de  l'acide  carbonique.  Il  étudia  ensuite 
quelques  écarts  pathologiques  de  la  chaleur  propre,  en  par- 
ticulier la  température  des  parties  enflammées,  et  chercha  à 
interpréter  ses  expériences  en  faveur  de  sa  théorie. 

Les  admirateurs  de  Crawfort  et  les  adversaires  de  Lavoisier 
ont  eu  tort  de  vouloir  faire  de  l'auteur  anglais  le  précurseur 
de  Lavoisier,  et  de  chercher  à  attribuer  à  Crawfort  l'idée  pre- 
mière qui  guida  le  créateur  de  la  chimie  moderne.  Il  suffit  de 
comparer  les  deux  mémoires  pour  reconnaître  que,  quel  que 
soit  le  mérite  de  Crawfort,  et  il  est  grand,  il  n'enlève  rien  à 
la  spontanéité,  à  la  personnalité  des  travaux  de  notre  grand 
chimiste. 

Parmi  les  adversaires  de  Lavoisier,  nous  citerons  :  Vacca 
Berlinghieri  ^,  Buntzen,  Coleman^  Saissy^,  mais  sans  nous 
arrêter  à  leurs  objections,  qui  ont  perdu  toute  importance.  Il 

*  Crawfort,  Ih  ealort  animaliy  1 779.         *  Goleman,  Diu.  on  êUipmtêed  mpi- 

•—  Expérimenté  and  obiervatùmt  on  ani-  ration ,  1791. 
malheat,  1786.  *  Saissy,  Recherchée  ewr  lapkyê.  de* 

'  Vacca    Berlinghieri,  E$ame  délia  animaux  hibernants,  1808. 
teoria  di  Qranfort, 


LAVOISIËR.  213 

D*eii  est  pas  de  même  de  Brodie  ^  dont  les  arguments  repo- 
saient du  moins  sur  un  fait  exact. 

Brodie  avait  constaté  que,  chez  les  animaux  décapités 
après  la  ligature  préalable  des  vaisseaux  du  cou,  quand  on 
entretient  artificiellement  la  respiration  et  la  circulation  pen- 
dant plusieurs  heures,  la  température,  malgré  la  transforma- 
tion incessante  du  sang  veineux  en  sang  artériel,  s'abaisse 
plus  vite  que  chez  les  animaux  auxquels  la  respiration  artifi- 
cielle n'a  pas  été  faite  après  leur  décollation.  11  conclut  de  là 
que  la  transformation  du  sang  veineux  en  sang  artériel  dans 
Tacte  respiratoire  ne  produit  pas  de  chaleur,  et  il  cherche  la 
source  thermique  dans  le  système  nerveux. 

Cette  conclusion  provoqua  les  recherches  de  Dalton  et  sur- 
tout de  John  Davy  ^,  qui  combattirent  avec  ardeur  la  théorie 
de  B.  Brodie,  ainsi  que  Hale^  et  Legallois^ 

Le  traducteur  allemand  de  l'ouvrage  de  Brodie,  Nasse,  se 
rangea  résolument  du  côté  de  ce  dernier  ^.  Earle  crut  pouvoir 
appuyer  l'opinion  de  Brodie  par  des  observations  patholo- 
giques *. 

Nous  reviendrons  sur  ces  observations,  qui  sont  justes  mais 
mal  interprétées,  quand  nous  parlerons  de  l'influence  du  sys- 
tème nerveux  sur  la  régulation  de  la  chaleur. 

*  Sir  B.  Brodie,  Somê  philoêophieal        '  Philoioph.  irantaet,  181 6,  p.  690. 
nÉearch«i,rupecting  thê  injlutncê  ofihs         ^  Archivée  de  Meckel,  t.  III,  p.  hag, 
bram  on  thê  action  ofthe  hêat  and  an  gê-         *  Ihid,  L  III,  p.  /i36. 
ngtation  of  animal  heat.  {PhUoiophical         ^  Archivei  de  ReU  et  d'Autênrieth, 

tramioettonê,  p.  36,  1810.) —  Further  i8i5,  vol.  XII,  p.  àok-àkS, 
^rperimentt  and  ob$ervaUoni  on  the  in-         *  Medico-chirurg.  tranêoct.  tom.  VII, 

Jluence  of  the  hrain  in  the  génération  of  p.  1 7.'). 
heat,  1819,  p.  378. 


214         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALBDR  ET  LA  FIÈVRE. 

JOH>  HLNTBR'. 

(  Éeol«  «ngbwe,  1718-1793.) 

En  1775,  J.  Uunter  commaniqua  à  la  Société  royale  de 
Londres ,  à  la  suite  d'une  lecture  de  Blagden  et  Fordyce  Sur 


'  Hanter  naquit  à  Giascow,  le  1 3  oo 
I  /i  f<évrier  1 798.  U  était  le  dernier  et  le 
diiièœ  enfant  de  sa  famille.  Il  avait 
parmi  aei  atnés  un  frère,  William  Hun- 
ier, qui  fut  un  célèbre  anatomiste  et 
Taida  dans  ses  débuts.  Il  commença  son 
éducation  A  dix-sept  ans;  jusque-là  il 
avait  été  élevé  à  la  campagne  en  liberté. 
A  Londres,  il  se  livra  pendant  dix  ans  i 
rétude  de  Tanatomie  avec  son  frère  Wil- 
liam, fit  plusieurs  découvertes  sur  les 
lymphatiques  et  le  placenta.  En  1761, 
rhiruqpen  militaire,  il  est  au  siège  de 
Belle -Irie  (guerre  de  Sept  ans);  en 
1 761 ,  il  fait  la  guerre  d*Espagne.  Pen- 
dant ce  temps,  il  se  livre  à  la  chirurgie 
active  et  étudie  les  plaies  par  armes  à 
feu. 

U  n*avait  aucun  talent  comme  orateur 
ou  profeasenr;  ses  commencemenU  fu- 
rent rendus  encore  plus  difficiles  par 
son  caractère  entier,  indépendant. 

Il  iaisait  des  cours  particuliers  dans 
lesquels  il  ne  réunissait  pas  plus  de 
vingt  élèves.  Mais  c'était  avec  peine 
qu*il  s*arracbait  i  ses  travaux  et  A  ses 
dissections.  «Il  faut  bien  que  j'aille 
gagner* cette  demnsd  gumea,i>  disait-il, 
et  il  serait  A  désirer  que  les  cfairui^ens 
retinssent  cette  parole  du  grand  J.  Uun- 
ter, A  aquelle  je  ne  change  rien  :  «Ma 
ciienlèle  est  un  damné  moyen  de  nourrir 
ma  ménagerie  et  mon  musée.»  U  cul- 
tiva toute  sa  vie  Tanatomie  comparée; 
il  iaisait  marché  avec  le  gardien  des 
animaux  de  la  tour  de  Londres  et  ceiii 


des  ménageries  particdièfea.  Il  se  moata 
ainsi  une  collection  importante.  11  pro- 
fessait qn*on  ne  pouvait  ftire  de  bonne 
cfairuigie  que  si  Ton  savait  bien  rasa- 
tomie  et  la  physiologie  comparées.  Il 
acheta  aux  environs  de  Londres,  à 
Brompton  ,  un  terrain  sur  leqnei  il 
bAtit  une  petite  maison,  et  y  travailla 
une  partie  de  sa  vie  sur  des  •"?'»»— *^  de 
toute  sorte,  même  les  plus  féroces.  En 
1768,  â  quarante  ans,  il  fut  nommé 
chirurgien  d*hâpital  ;  il  eut  alors  des 
élèves  nombreux  et  sut  se  fidre  de  son 
enseignement  un  revenu  sérieux.  Parmi 
ses  élèves,  nous  trouvons:  Aëtleff  Cooper, 
Abêmtiky,  Everûrd  Home,  /mnsr. 

Connu  GODune  naturaliste,  il  reçut 
des  dons  de  tous  pays  et  augmenta  son 
musée. 

Ses  travaux  sont  innombrables  :  Ah- 
dt§  §ur  h  fiÊptun  du  Isndsii  JPAMk 
(il  se  Tétait  rompu  lui-même).  —  Dm 
pmforatiom  de  VnU/mae,  apré§  la  mort, 
par  le  tue  gaatriqu».  —  Ln  orgamBs 
élêclriquêi  d$  la  torpillé.  —  Sur  le$  ea- 
vith  aérimmn  dn  oiteaux, —  Mémoires  : 
Sur  lêi  dtnti,  —  Sur  la  grossssss  erfra- 
utérme.  —  Sur  torgam  de  Fouk  ehet^ 
Utpouêonê,  ^-  Son  traité  :  Sur  Ui  me- 
loidiêi  véuérimmn,  1786. 

Sa  puisnnce  de  travail  était  extrême. 
Il  élait  dès  six  heures  du  matin  A  Tam- 
phithéàtre  d^anatomie,  à  neuf  heures  il 
donnait  ses  consultations,  à  midi  voyait 
ses  malades  en  ville,  dinait  A  quatre 
heures.  Le  soir,  dans  son  cabinet  de  tra- 


JOHN  HUNTER. 


215 


la  jixUi  de  la  température  animale,  un  mémoire  Sur  la  chaleur 
de$  animaux  et  des  végétaux^.  Dans  ce  mémoire  il  soutenait 
lopinion  que  les  corps  vivants  possèdent  la  faculté  de  main- 
tenir leur  température  contre  l'influence  du  froid  extérieur,  et 
cela  d'autant  mieux  qu'ils  occupent  un  échelon  plus  élevé  dans 
la  série  animale. 

En  1777,  J.  Hunter  écrivait  à  JcnnerS  qui  habitait  la 
campagne,  une  lettre  ainsi  conçue  :  ce  J'ai  reçu  les  hérissons. 
Si  vous  avez  le  temps,  voyez  leur  retraite  d'hiver,  et,  par  un 
temps  très-froid,  placez  le  thermomètre  dans  l'anus  de  l'un 
d'eux,  et  notez  la  température.  Ensuite  faites  une  petite 
ouverture  à  l'abdomen,  introduisez  le  thermomètre  dans  le 
bassin,  et  notez  la  température;  puis  vers  le  foie  ou  le  dia- 
phragme, et  notez  encore  la  température.  11  faut  que  toute 
l'expérience  soit  faite  en  un  petit  nombre  de  minutes.  Observez 
le  degré  de  fluidité  du  sang,  en  comparant  avec  un  autre 
hérisson  qui  aura  été  réchauffé  pendant  quelques  jours. ...  99 

En  17799  cette  correspondance  durait  encore,  et  les  expé- 
riences de  toute  nature  se  multipliaient. 

Le  chapitre  vni  du  grand  ouvrage  de  Hunter  ^  est  consacré 
à  la  chaleur  des  animaux.  Il  examine  d'abord  la  nature  de 


vail,  il  écrivait  oa  dictait  jusqti^à  une 
beura  ou  deux  du  matin. 

La  quealion  de  ia  chaleur  animale 
était  une  de  celles  qui  le  pasdonoaient 
le  plus.  En  177&,  ii  fit  avec  Blagden  et 
Fordyce  des  eipériences  sur  la  cons- 
lanee  de  ia  chaleur  cfaei  les  animaux, 
quelle  que  soit  la  température  exté- 
rieure. £n  1776,  il  publia  des  Leçwiê 
9ur  U  mmi»tment  mmeulaire.  Dans  la 
correspondanee  très -active  échangée 
entre  Jenner  et  son  maître,  Pétude  de 
ia  température  du  corps  revient  cons- 
tamment, L*ardeor  de  Hunter  pour  se 
procurer  des  pièces  curieuses  était  ex- 
trêmement vive  ;  le  géant  0*Brien  prit 


peur  et  demanda  que  Ton  veillAtsur  son 
corps.  J.  Hunter  séduisit  les  ensevelis- 
seurs,  qui  vendirent  le  corps  du  mal- 
heureux géant  i9,5oo  «f ,  et  Hunter 
remporta  lui-même  dans  sa  voiture. 
Aujourd'hui  le  squelette  du  géant  est 
au  musée  de  Londres. 

Ses  oeuvres  complètes  ont  été  éditées 
par  le  D'  Palmer.  M.  Ridielot  en  a 
donné  une  traduction  française  en  1 8'i3. 

*  Édition  de  Ricbelot,  i863,  (.  I, 
p.  76,  8&. 

»  T.  l,p.  8/i. 

'  T.  I,  p.  333.  Leçon»  »ur  Uêyrtn- 
cipe»  de  la  chirurgie;  ch.  vin  :  De  la  cha- 
leur dee  animaux. 


216         CHAPITRE  i-*.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

la  chaleur  en  elle-même  :  est-ce  une  matière?  est-ce  une  pro- 
priété de  la  matière  ?  et  il  dit  fort  justement  :  «  L'idée  de  cha- 
leur comporte  trois  choses  :  la  matière^  l'action,  et  le  corps 
qui  met  cette  matière  en  action,  v  II  distingue  la  chaleur  sen- 
sible de  la  chaleur  absolue  d'un  corps,  et  de  la  sensation  de 
chaleur  perçue  par  le  malade.  Tous  les  animaux  produisent 
de  la  chaleur  plus  ou  moins. 

Hunter  explique  fort  clairement  les  théories  qui  eiistaient 
alors  sur  les  causes  de  la  chaleur  animale.  t^On  a  supposé, 
dit-il  ^  que  le  frottement  en  était  la  cause  principale,  et  que 
le  mouvement  qui  s'eiécute  dans  le  corps,  et  qui  appartient 
principalement  au  sang,  suffisait  pour  servir  de  base  à  cette 
théorie.  On  a  calculé  l'étendue  des  surfaces  internes  des  ar- 
tères, étendue  qui  va  toujours  en  augmentant  è  mesure  que 
ces  vaisseaux  se  divisent  ;  on  a  calculé  le  volume  et  le  nombre 
des  globules  rouges.  Ces  évaluations  ont  donné  une  surface 
de  frottement  d'une  étendue  surprenante.  Cherchant  alors  à 
apprécier  la  vitesse  du  sang  qui  se  meut  sur  cette  vaste  sur- 
face, en  même  temps  que  la  rapidité  des  globules  qui  se 
meuvent  les  uns  sur  les  autres,  on  a  cru  voir  dans  ces  faits 
une  cause  suffisante  pour  la  production  de  la  chaleur  du 
corps;  ce  qui  semblait  confirmer  cette  opinion,  c'est  que,  dans 
les  cas  où  le  mouvement  -en  question  est  augmenté,  comme 
dans  jes  fièvres,  la  chaleur  du  corps  parait  plus  considérable. 
Mais  les  auteurs  de  cette  théorie  n'avaient  pu  entrevoir  les 
nombreuses  objections  qu'on  peut  lui  opposer,  t) 

Hunter  cite  l'opinion  du  D'  Stevenson,  d*Ëdinburgh,  pour 
qui  la  fermentation  était  une  cause  de  la  chaleur,  et  il  la  com- 
bat, sans  paraître  tenir  compte  des  travaux  nombreux  des  chi- 
mistes qui  l'ont  précédé,  et  sans  paraître  les  connaître. 

Il  repousse  la  théorie  du  frottement  comme  insuffisante,  et 
celle  de  la  fermentation  comme  nulle  ;  il  cite  des  cas  ou  la 

'  T.  I,p.  3a6. 


JOHN  HUNTER.  217 

chaleur  était  grande  sur  le  corps  et  le  pouls  lent,  ainsi  que 
la  respiration. 

Remarquant  que  le  froid  supprime  la  digestion  et  les 
échanges,  que  certains  animaux  sont  comme  morts  en  hiver 
et  ressuscitent  au  printemps,  J.  Hunter  raconte  lui-même 
plaisamment  qu'il  avait  eu  l'idée  de  faire  geler  des  hommes 
qu'on  aurait  dégelés  quelques  centaines  d'années  plus  tard. 

Après  avoir  rapporté  un  très-grand  nombre  d'expériences 
faites  sur  la  chaleur  aux  différents  points  du  corps  chez  les 
animaux,  Hunter  relate  celles  qu'il  a  faites  sur  l'homme. 
«  Plus  les  organes ,  dit-il ,  sont  éloignés  de  la  masse  centrale , 
comme  les  doigts,  plus  ils  sont  soumis  à  l'influence  directe  du 
froid.  » 

Hunter  a  fait  sur  l'homme  les  observations  suivantes  :  sous 
la  langue,  le  thermomètre  marquait  36^t  i  G.;  si  l'on  faisait 
fondre  de  la  glace  dans  la  bouthe,  il  baissait  à  qB^C,  puis 
remontait  graduellement  à  son  niveau  primitif.  Il  s'introduisit 
aussi  un  thermomètre  dans  Yurèire  \  et  vit  que  la  chaleur  y 
était  d'autant  plus  élevée  qu'on  enfonçait  plus  profondément. 
«La  température  normale,  dit-il,  est  de  3 7% s 9  G.  :  cette 
température  est  assez  uniforme,  et  est  nécessaire  è  l'entretien 
des  fonctions;  elle  présente  des  différences  suivant  qu'on  l'ex- 
plore auprès  du  centre,  dans  la  bouche,  dans  le  bassin  ou  le 
rectum.  U  y  a  une  augmentation  de  chaleur  intérieure  pro- 
duite par  l'action  du  froid  sur  la  peau.  y> 

John  Hunter  voulut  savoir  comment  les  animaux  main- 
tiennent  leur  température  à  un  degré  constant,  malgré  le 
froid  ou  la  chaleur  extérieurs.  c^On  ne  peut,  dit-il,  élever 
artificiellement  leur  température  de  plus  de  1  à  9  degrés  au- 
dessus  de  leur  température  naturelle Or,  ajoute-t-il, 

la  nature  a  placé  dans  la  production  même  de  la  chaleur  la 
cause  de  sa  propre  destruction ,  de  même  que  dans  le  stimulus 

•  T.  I,p.  :J33. 


218        CHAPITRE  1*'.  ~  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

du  froid  elle  a  placé  une  cause  d'augmentation  de  la  cha- 
leur. » 

Ce  passage  est  remarquable.  Nous  voici  en  pleine  phy- 
siologie moderne,  au  chapitre  De  la  régulation.  Or  Hunter 
pariait  d'après  des  expériences  positives.  «  Deux  causes,  dit 
Hunter,  détruisent  cette  chaleur  en  excès  :  Tévaporation,  et 
une  eerlaine  faculté  quant  les  anitnaux  de  détruire  la  chaleur. » 
Les  expériences  de  Fordyce  concluaient  dans  le  même  sens, 
et  avant  celles  de  Hunter.  «Il  est  probable,  ajoute  notre  au- 
teur', que,  dans  la  juste  équilibration  de  la  température  ani- 
male, les  forces  vitales  exercent  de  plus  grands  efforts  quand 
l'évaporation  devient  moins  active,  et  diminuent  leur  action 
quand  l'évaporation  augmente.  Dans  les  cas  pressants,  l'éva- 
poration est  insuffisante;  quand  uhe  production  de  froid  plus 
intense  qu'à  l'ordinaire  est  requise,  les  forces  vitales  sont 
mises  en  jeu.  Les  animaux  ne  pouvant  neutraliser  qu'une  cer- 
taine quantité  de  chaleur  dans  un  temps  donné,  il  en  résulte 
que  le  temps  pendant  lequel  ils  peuvent  exercer  pleinement 
cette  fonction  doit  être  limité  également.  Mais  il  est  probable 
que  ce  pouvoir  de  neutralisation,  ainsi  que  le  temps  pendant 
lequel  il  peut  être  exercé,  pourraient  être  accrus  par  un  exer- 
cice fréquent.  Il  parait,  ajoute  Hunter,  que  les  animaux  en- 
gendrent la  chaleur  plus  facilement  qu'ils  ne  la  détruisent, 
car  ils  vivent  beaucoup  plus  à  l'aise  dans  une  atmosphère 
beaucoup  plus  basse  que  leur  température  normale,  que  dans 
une  autre,  même  à  leur  degré  de  température.  On  peut  ad- 
mettre peut-être  que  la  température  moyenne  entre  le  degré 
de  chaleur  le  plus  élevé  dont  les  animaux  soient  susceptibles, 
et  qui  est  de  36%6,  et  le  degré  le  plus  bas  auquel  ils  des- 
cendent, est  celle  qui  est  la  plus  saine  et  la  mieux  appropriée 
à  la  vie;  cette  température  moyenne  est  d'environ  i^^aa  C. " 

L'idée  exprimée  par  Hunter  dans  la  dernière  ligne  du  pré- 

»  T.  I,  p.  336. 


JOHN  HUNTER.  319 

cèdent  paragraphe  y  mérite  d'être  méditée.  Elle  fournirait  la 
matière  de  nouveaux  travaux. 

Dans  son  traité  De  l'infiammaticn  ^  Hun  ter  se  demande  si 
les  animaux  ont  le  pouvoir  de  produire  de  la  chaleur  paiement 
dans  tauieê  les  parties  de  leur  corps,  ou  si  la  chalçur  est  puisée 
à  une  source  commune  et  transportée  par  le  sang.  Cette  der- 
nière hypothèse  lui  parait  plus  probable.  11  avance  même  que 
ce  centre  pourrait  bien  être  VesUmac. 

Quant  aux  températures  locales,  Hunter  formule  une  loi 
qui  doit  porter  son  nom ,  car  il  en  est  l'inventeur  :  «  De  toutes 
les  observations,  dit-il,  que  j'ai  faites,  il  résulte  qu'une  in- 
flammation locale  ne  peut  pas  élever  la  chaleur  de  la  partie 
au-dessus  de  la  température  naturelle  de  l'animal,  et  que, 
lorsqu'elle  a  son  siège  dans  des  parties  dont  la  température 
naturelle  est  inférieure  à  celle  qui  existe  à  la  source  de  la 
circulation,  elle  ne  l'élève  pas  même  jusqu'à  cette  dernière." 

Suit  une  longue  série  d'expériences  sur  les  animaux. 

Hunter  traite  ensuite  du  refroidissement  dans  les  maladies, 
qu'il  attribue  à  la  faiblesse,  i^la  défaillance  :  ainsi  le  frisson 
des  fièvres,  l'action  de  l'émétique.  •  •  • 

Hunter,  dans. sa  Thérapeutique  chirurgicale,  redoute  l'action 
prolongée  du  froid,  il  parait  n'emprunter  au  froid  que  l'action 
réactionnelle.  «Le  froid,  dit-il,  produit  dans  les  vaisseaux  la 
contraction  y  qui  est  une  action  de  débilité.  (C'est  le  contraire 
qui  est  vrai.)  Un  certain  degré  de  froid  subitement  appliqué, 
qui  ne  produit  guère  plus  que  la  sensation  de  froid,  excite 
l'action  après  que  l'effet  immédiat  a  cessé,  et  cette  action,  qui 
est  celle  de  dilatation ,  est  le  résultat  du  bain  froid  quand  il 
agit  favorablement;  et,  comme  le  froid  produit  la  faiblesse,  il 
ne  faut  pas  que  son  action  soit  portée  trop  loin.  » 

Il  conseille  de  traiter  les  inflammations  locales  par  la  cha- 
leur réunie  è  l'humide  (fomentations). 

*  th  finflammation  m  gMral,  ch.  xii  :  Température  de  la  partie  enflammée,  1. 1 , 
p.  hd'j. 


320 


CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


JAMES  GURRIE'. 

(Fin  du  ivin*  n'ède,  1756-1806.) 

En  1797  paraissait  la  première  édition,  en  un  volume,  du 
traité  de  James  Currie,  M.  D.  F.  R.  S.  d'Edinburgh,  Fellow 
of  the  royal  Collège  of  Physicians  de  cette  ville.  Déjà,  diï- 
huit  ans  auparavant,  Currie  avait  fait  un  mémoire  Sur  Vin- 
Jluence  du  froid  par  rapport  aux  corps  vivants  *.  Le  livre  qui 
parut  ensuite,  et  eut  plusieurs  éditions,  eut  pour  titre  :  Me- 
dical  reports  of  the  effects  of  water  cold  and  warm  as  a  remedy  in 
fever  and  other  diseases  wether  applied  to  the  surface  ofthe  hody,  or 
used  intemaUy,  including  an  inquiry  into  the  circumstanees  that 
render  cold  drink,  or  the  cold  bath,  dangerous  in  health;  to  tvhich 
are  added  observations  on  the  nature  of  fever,  and  on  the  effects  of 
opium,  alcohol,  and  inanition. 

Nou?;  avons  étudié  cet  ouvrage  sur  la  cinquième  édition  en 
deux  volumes,  avec  additions,  publiée  à  Londres  en  181  A. 

La  préface  de  la  première  édition  (1797),  reproduite  dans 
les  éditions  ultérieures,  est  utile  à  lire  parce  qu'elle  marque 
bien  quel  était  le  but  que  poursuivait  Tauteur,  et  quellç  était 
l'intensité  de  sa  conviction. 

Cette  préface,  datée  de  Liverpool,  3i  octobre  1797,  et 
adressée  en  forme  de  dédicace  au  Right  han.  sir  Joseph  Banks, 
président  de  la  Société  royale,  est  ainsi  conçue  : 

«  Monsieur, 
«En  vous  offrant  ce  volume,  je  vous  prie  de  permettre  que 


'  Ecossais.  D^abord  commerçant  eD 
Vii*f^Die.(Ea  1776  /,à  vingt  ans,  il  étudie 
a  Edinburgh ,  puis  à  Glascow,  puis  eierce 
à  Liverpool ,  où  il  est  Dommé^médecin 
d^hôpital.  Nommé,  en  1793*  membre 
(le  la  Société  royale  de  Londres. 

*  Que    d'étapes    successives    avant 


qu'une  idée  ait  foit  son  chemin  !  Les 
physiologistes  expérimentent,  les  phi- 
losophes formulent  les  lois,  les  méde- 
cins tâtonnent  et  essayent  timidemeot. 
La  thérapeutique  ne  peut  être  hardie 
et  rationnelle  qu'appuyée  sur  des  faits  : 
agere,  wm  hqui! 


JAMES  GURRIE.  231 

je  dise  en  quelques  mots  dans  quel  esprit  il  a  été  écrit,  et  dans 
quelles  circonstances  j'en  ai  entrepris  la  publication. 

«Il  y  a  dix-huit  ans,  alors  que  j'étais  à  Edinburgh,  j'eus  à 
traiter  comme  sujet  de  mémoire  :  de  l'influence  du  froid  sur 
les  corps  vivants,  pour  une  société  d'étudiants  dont  j'étais 
membre.  En  défendant  mes  assertions  contre  des  argumenta- 
teurs  ingénieux,  je  me  trouvai  en  contradiction  constante  avec 
des  faits  qui  avaient  pour  eux  Tautorité  de  la  chose  jugée; 
alors  je  découvris  que  les  chiffres  de  la  température  du  corps 
humain  dans  les  maladies,  même  ceux  qui  ont  été  fournis  par 
les  auteurs  les  plus  estimés,  étaient,  à  peu  d'exceptions  près, 
fondés  non  sur  une  mesure  exacte  de  la  chaleur,  mais  sur  les 
sensations  du  malade  ou  de  ceux  qui  lui  donnaient  leurs 
soins. 

«Pénétré  de  la  pensée  que,  tant  que  Ton  n'aurait  pas  déter- 
miné plus  exactement  l'état  de  la  température  dans  les  di- 
verses conditions  de  la  santé  et  de  la  maladie,  on  ne  pourrait 
établir  aucune  théorie  stabk  des  mouvements  vitaux,  ni  faire  faire 
aucun  progris  au  traitement  des  maladies  où  la  température  est 
diminuée  ou  accrue,  je  n'ai  cessé,  depuis  cette  époque,  de  re- 
cueillir et  de  collationner  les  faits  se  rapportant  à  mon  sujet, 
me  réservant  de  rendre  publiques  mes  recherches  un  jour  ou 
l'autre,  si  elles  étaient  dignes  de  fixer  l'attention.  Pour  mener 
à  bien  cette  entreprise,  il  me  sembla  que  je  n'avais  besoin  que 
de  bons  thermomètres,  de  temps  et  d'attention,  et  j'embrassai 
en  imagination  tous  les  effets  de  la  température  sur  la  santé  et  la 
maladie,  vaste  plan  irréalisable,  ainsi  que  l'expérience  me  l'a 
appris  depuis;  y  aspirer  serait  témérité  ou  folie.  J'ai  beaucoup 
profité  des  idées  qui  m'ont  été  communiquées  sur  l'ensemble 
de  la  question  par  mon  respectable  ami  le  D'  Percival. 

«  Malgré  mon  désir  de  retarder  la  publication  de  mes  re- 
cherches jusqu'au  moment  où  mon  plan  primitif  serait  exé- 
cuté, et  bien  que  je  fusse,  d'autre  part,  sollicité  de  publier 
quand  même  ces  essais,  de  peur  de  transformer  une  publi- 


232        CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

cation  faite  de  mon  vivant  en  une  publication  posthume,  je 
ne  fus  amené  à  donner  prématurément  la  publicité  à  ces  re- 
cherches, quelque  imparfaites  qu'elles  fussent,  que  par  suite 
d'une  circonstance  que  je  vais  relater. 

«Des  nouvelles  reçues  au  commencement  de  la  présente 
année  annonçaient  que  la  fièvre  des  Indes  occidentales  sem- 
blait devoir  continuer  ses  désolants  progrès  et  dévaster  l'Ame- 
rique.  Il  me  semblait  que  la  science  n'avait  trouvé  jusqu'ici 
aucun  remède  efficace  contre  cette  maladie  pestilentielle,  et 
que  notre  devoir  était  de  tenter  quelque  traitement  plus  effi- 
cace à  l'aide  de  nouvelles  méthodes.  Au  même  moment,  vous 
aviez  donné  communication  au  public  des  succès  obtenus 
grâce  à  l'acide  nitrique,  dans  la  vérole  et  l'hépatite,  par  la 
méthode  de  votre  correspondant,  M.  Scott,  du  Bengale.  A  la 
vérité,  sa  nouvelle  théorie,  fondée  sur  la  chimie  nouvelle,  ne 
paraissait  pas  irréprochable ,  mais  il  n'était  ni  sage  ni  géné- 
reux de  rejeter  d'emblée  cette  théorie.  Les  premiers  essais 
que  je  fis  de  cette  pratique  me  persuadèrent  que,  bien  que  les 
succès  du  traitement  par  l'acide  nitrique  eussent  été  exagérés 
par  suite  de  la  chaleur  d'imagination  d'un  esprit  généreux,  ii 
y  avait  lieu  d'espérer  que  la  médecine  venait  de  s'enrichir 
d'un  remède  puissant  et  inoffensif.  J'en  écrivis  à  votre  cor- 
respondant, en  l'engageant  à  expérimenter  ce  remède  dans 
la  fièvre  pestilentielle .... 

«Cependant  je  m'avisai  de  songer  à  combattre  le  fléau  par 
un  autre  moyen.  Les  ablulions  ffeau  froide  dans  la  fikre  ont  été 
depuii  si  longtempê  emphyieê  dans  l'hôpital  de  cette  ville  et  dans 
la  pratique  privée,  par  mes  amis  et  collègues  les  D**  Bran- 
dreth  et  Gérard,  non  moins  que  par  moi-même,  qu'elles 
étaient  devenues  de  pratique  usuelle  non-seulement  à  Liver- 
pool ,  mais  encore  dans  le  comté  de  Lancaster.  Déjà ,  en  1791* 
le  D'  Duncan  avait  publié,  dans  les  Commeniaire$  médicaux 
annueU,  une  note  sur  les  avantages  de  ce  traitement,  tel  qu'il 
était  employé  par  le  D*^  Brandreth.  Il  avait  été  fait  mention 


JAMES  GURRIE.  323 

également  de  ma  pratique  dans  les  Philosophical  tran$actianê  de 
1799.  Taî  souvent  recommandé  cette  méthode  à  des  chirur- 
giens de  navires  allant  à  la  côte  d'Afrique,  et  chargés  de  mis- 
sdons  sanitaires  par  la  législature.  En  différentes  occasions 
même,  je  donnai  non  pas  seulement  des  conseils,  mais  des 
leçons  de  pratique  (eau  froide)  à  des  médecins  se  rendant  au 
loin. 

Cependant  une  méthode  de  traitement  si  hardie  et  $i  con- 
Èraire  aus  préjugés  tm^res  fit,  à  ses  débuts,  peu  de  pro- 
grès. On  comprenait  mal  le  mode  d'opération  de  notre  re- 
mède ;  on  ne  s'entendait  pas  bien  sur  le  moment  exact  où  il 
en  fallait  faire  usage  ;  de  là  des  discussions  vives.  Réfléchis- 
sant à  ces  circonstances,  et  exposé  par  situation  à  entendre 
constamment  l'écho  des  épidémies  du  monde  de  l'ouest,  ma 
décision  fut  prise.  Je  résolus  de  ne  plus  différer  è  faire  con- 
naître notre  traitement  de  la  fièvre,  et  àk  défendre  contre  les 
ffréjttgéê;  c'est  ainsi  qu'est  né  le  livre  que  j'ai  l'honneur  de 
vous  présenter  aujourd'hui. 

«En  traitant  mon  sujet,  j'ai  cherché  avant  tout  à  être  clair 
plutAt  que  méthodique;  les  points  les  plus  importants  sont 
répétés  è  satiété,  de  peur  d'erreur.  Mes  observations  thermo- 
métriques m'ont  permis  de  parvenir  à  une  précision  dans  la 
direction  à  imprimer  à  l'usage  des  affusions  d'eau  froide, 
qu'aucun  autre  moyen  ne  m'aurait  donnée,  et,  si  je  ne  me 
flatte  point,  ont  fourni  è  mes  raisonnements  une  base  que  les 
spéculations  sur  la  fièvre  ont  rarement  possédée. 

<cJe  me  suis  gardé  d'user  sans  nécessité  d'expressions  tech- 
niques ou  vagues.  Il  vaudrait  peut-itre  mieux  que  la  médecine, 
comme  les  autres  branches  des  sciences  naturelles,  sortit  du  mys- 
tère, et  se  montrât  avec  la  simplicité  d^une  science  et  la  clarté  de  la 
vérité.  Si  j'avais  eu  le  choix ,  je  n'aurais  pas  adopté  le  langage 
delà  théorie,  comme  fioerhaave  ou  Sydenham;  mais  j'aurais 
produit  un  ouvrage  médical  écrit  du  style  dont  se  serait  servi 
Bacon,  s'il  eût  vécu  de  nos  jours.  Malheureusement,  dans  l'état 


224         CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

présent  des  connaissances  médicales,  il  est  tout  à  fait  impos- 
sible de  bannir  entièrement  le  langage  de  la  théorie. 

«Les  erreurs  des  fausses  doctrines  doivent  rester  plus  ou 
moins  dans  notre  phraséoU^,  après  que  les  doctrines  elles- 
mêmes  ont  été  abandonnées,  puisque  la  coutume  a  fini  par 
rendre  intelligibles  les  expressions  qui  les  désignent,  et  que 
la  sagacité  humaine  n'a  pas  encore  découvert  ces  principes 
premiers  du  mouvement  vital,  par  lesquels  les  doctrines  et  le 
langage  de  la  physiologie  doivent  être  à  tout  jamais  réformés. 
Ainsi  le  terme  de  ré-^uiion  est  appliqué  à  certains  mouvements 
de  la  vie ,  en  un  sens  très-différent  de  celui  dont  on  use  dans 
la  science  du  mouvement  de  la  matière  inanimée,  à  laquelle  il 
a  été  emprunté  ;  d'autres  mots,  tels  que  le  ton,  se  rencontre^ 
ront  encore  dans  les  pages  suivantes,  bien  que  la  théorie  qui 
les  a  introduits  dans  la  médecine  soit  universellement  aban- 
donnée. L'usage  de  semblables  expressions  est  un  mal  que 
peut  seul  excuser  la  nécessité,  et  je  l'ai  évité  autant  que  j'ai  pu. 

<i  11  est  possible  que  cette  introduction  me  procure  quelques 
lecteurs  parmi  les  hommes  de  science  en  général,  et  je  confesse 
ici  que  tel  a  été  mom  objectif  quand  je  vous  ai  dédié  cet  ou- 
vrage. Il  est  naturel  qu'un  auteur  désire  voir  son  Iîvtq  lu  par 
ceux  qui  le  peuvent  apprécier  et  que  leur  situation  rend  aptes 
à  mettre  les  préceptes  en  pratique.  A  un  double  point  de  vue, 
je  fais  appel  à  vous,  à  votre  esprit  scientifique  et  à  votre  cœur 
généreux.  L'ouvrage  que  je  vous  adresse  est  en  grande  partie 
pratique.  Un  homme  de  génie,  à  la  tête  d'une  flotte  ou  d'une 
armée,  éprouverait  probablement  peu  de  difficultés  à  le  com- 
prendre; et  peut-être,  s'il  l'avait  compris,  trouverait-il  quel- 
ques occasions  d'en  appliquer  les  préceptes  au  bien  de  Fhuma- 
ntté  et  au  patriotisme.  Quelle  que  soit  sa  destinée  par  rapport 
aux  hommes  appartenant  à  la  profession  militaire,  j'espère 
qu'il  ne  demeurera  pas  ignoré  des  médecins  praticiens  de 
notre  flotte  et  de  nos  armées,  une  des  classes  les  plus  méri- 
tantes de  notre  profession,  une  de  celles  auxquelles  la  méde- 


JAMES  GURRIE.  325 

cine  pratique  a  dA,  dans  les  temps  modernes,  les  progrès  les 
plus  importants. 

«J'ai  cru  devoir  joindre,  dans  ce  volume,  à  Thistoire  des 
affnsions  froides  dans  la  fièvre,  différentes  vues  sur  le  même 
remède  et  sur  les  autres  moyens  de  traiter  la  fièvre,  et  j  ai 
abordé  ces  points  divers  sans  trop  me  préoccuper  d'être  mé- 
thodique; j'ai  été  amené  ainsi,  et  insensiblement,  à  parler  de 
quelques-unes  des  modifications  de  la  température  du  corps 
en  santé ,  sujet  que  je  réserve  cependant. 

«Tel  qu'il  est,  ce  volume  pourra  rester  comme  le  premier 
d'une  série  sur  des  sujets  semblables,  si  tant  est  que  j'en  doive 
écrire  d'autres  ;  et  il  peut  servir  seul ,  si  je  n'en  écris  pas 
davantage. 

«  Excusez-moi  d'avoir  développé  ce  plan  dans  une  dédicace 
et  croyez-moi,  etc. 

«James  Gurbie.» 

Telle  était  la  première  inspiration  de  cet  homme  ardent 
et  possédé  de  Tamour  de  l'humanité,  généreuse  manie  des 
hommes  qui  vivaient  à  la  fin  du  xviii*  siècle,  et  dont  notre 
pays  n'était  pas  pourvu  à  l'exclusion  des  autres  nations  de 
l'Europe. 

Plus  tard  ont  paru  une  deuxième  puis  une  troisième  édition 
de  cet  ouvrage,  qui  s'était  étendu  et  comprenait  deux  volumes. 
Ces  nouvelles  éditions  étaient  dédiées  au  duc  d'York,  com- 
mandant en  chef  des  armées  de  la  Grande-Bretagne.  L'auteur 
recommandait  la  méthode  des  affusions  froides,  déjà  employée 
dans  l'armée,  au  prince  qui  commandait  toutes  les  troupes  du 
royaume.  11  cherchait  des  protecteurs  puissants,  non  pour  lui 
mais  pour  sa  méthode. 

Voici  cette  courte  dédicace  : 

«La  permission  que  vous  m'avez  donnée,  de  dédier  cette 
édition  nouvelle  et  agrandie  de  mon  ouvrage  à  Votre  Altesse 

i5 


226         CHAPITRE  V.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Royale, me  commande  avec  une  sincère  gratitude,  on  profond 
respect.  Cet  ouvrage  contient  les  détails  d'une  méthode  pour 
traiter  les  maladies. fébriles,  en  grande  partie  nouvelle^et  qui, 
en  raison  de  ce  qu'elle  s'applique  particulièrement  à  la  pra- 
tique médicale  de  nos  armées,  a'  eu  l'honneur  de  fixer  l'atten- 
tion de  Votre  Altesse  Royale.  Sous  la  protection  de  votre  nom 
et  de  votre  autorité,  cette  publication  ne  peut  manquer  d'être 
remarquée  de  nos  praticiens  militaires,  et  les  préceptes  qu'elle 
contient  seront  ainsi  appliqués  sur  une  large  échelle. 

te  A  une  époque  où  la  profession  des  armes  prend  une  im- 
portance sans  exemple,  peut-être,  dans  les  annales  de  l'hu- 
manité, tout  ce  qui  peut  contribuer  à  la  vie  et  à  la  santé  des 
défenseurs  de  ce  pays  acquiert  d'autant  plus  d'importance.  A 
ce  point  de  vue,  les  volumes  que  je  vous  présente  ne  sont 
pas,  je  l'espère,  tout  à  fait  indignes  du  patronage  du  premier 
homme  de  guerre  et  du  protecteur  de  l'armée  d'Angleterre. 

«J'ai  l'honneur,  etc. 

ce  James  Cdbbie. 

«Batb,  7  jaillct  i8o5.« 

Ainsi  l'ardeur  du  prosélytisme  de  Currie  n'avait  pas  été 
stérile.  Sa  méthode  était  enfin  entrée  dans  la  pratique  de  la 
médecine  militaire  anglaise,  qui  s'exerçait  sur  d'immenses 
contrées. 

L'ouvï'age  de  Currie  débute  ex  abrupto  par  une  observation 
de  malade.  C'est  là  la  méthode  anglaise  ^  Ainsi  procèdent  les 
observateurs  sagaces  et  sincères  de  ce  pays;  Sydenham ,  Graves , 
ont  dans  leurs  narrations  une  sincérité,  une  vérité  de  descrip- 
tion ,  qui  est  fort  supérieure  aux  grandes  prétentions  dogroa* 
tiques  de  quelques-uns  de  nos  auteurs  contemporains.  On 
comprend  toujours  les  Anglais,  on  ne  comprend  pas  toujours 
les  Allemands. 

'  Carrifl  dît,  aa  cliapiUre  tiii,  qu^il  eonsaUe  surtout  le  lirre  de  la  natore. 


JAMES  GURRIË.  237 

Donc,  au  lieu  d'une  exposition  de  principes,  J.  Gurrie  dé- 
bute simplement  par  l'observation  du  D*^  Wright.  Ce  médecin 
rapporte  son  cas  ;  c'était  lui  qui  était  le  malade ,  et  il  s'est 
soigné  lui-même.  Embarqué  à  la  Jamaïque,  le  i*'  août  1777^ 
pour  retourner  en  Angleterre ,  il  soigne  sur  le  navire  un  ma- 
telot malade  d'une  fièvre.  Le  matelot  meurt  et  le  médecin 
prend  la  même  maladie  par  contagion.  Le  5  septembre,  la 
maladie  débute  par  de  petits  frissons  espacés»  une  forte  cha- 
leur è  la  peau,  des  douleurs  aux  avant-bras,  le  pouls  petit  et 
fréquent,  de  l'inappétence,  les  nuits  sans  sommeil.  Mêmes 
symptêmes  les  jours  suivants  :  fièvre,  lassitude,  courbature t 
céphalalgie.  Un  vomitif,  une  prise  de  poudre  de  quinquina 
a'améliorent  pas  la  situation.  Cependant  le  médecin  malade 
monte  sur  le  pont,  cherche  l'air  frais  et  s'en  trouve  bien. 

fcAlors,  dit-il,  éclairé  par  cette  circonstance,  je  résolus 
d'employer  une  méthode  que  j'avais  souvetU  dénré  expérimenter 
sur  Ue  outrée,  dans  les  fièvres  semblables  à  celle  dont  j'étais 
atteint.  9  S'étant  rendu  sur  le  pont  tout  nu  et  seulement  en- 
veloppé d'une  couverture,  le  D'  Wright  se  fait  jeter  sur  le 
corps  trois  seaux  d'eau  de  mer.  Le  saisissement  est  grand, 
mais  suivi  d'un  rapide  bien-être ,  la  chaleur  de  la  peau  devient 
douce  et  il  survient  de  la  sueur.  Le  soir,  retour  de  la  fièvre  et 
nouvelle  ablution  suivie  d'un  bon  sommeil  pendant  la  nuit. 
Le  lendemain ,  deux  séances  d'ablution  ;  le  surlendemain , 
même  traitement.  Les  symptômes  disparaissent  le  douzième 
jour. 

Un  jeune  passager,  M.  Thomas  Kirk,  prend  la  fièvre  et  se 
soumet  au  même  traitement,  qui  réussit  parfaitement. 

Quelle  était  cette  fièvre?  Il  est  permis  de  penser  qu'il  s'agit 
d'une  fièvre  intermittente  ou  rémittente  des  pays  chauds.  Le 
typhus  ne  guérit  pas  si  vite.  Les  travaux  modernes  ont  d'ail- 
leurs montré  Tefficacité  de  l'hydrothérapie  dans  le  traitement 
de  certaines  fièvres  intermittentes.  Le  D'  Wright  rapporte 
dans  son  mémoire  (JMm.  oftheLonêm  médical  Society,  voL  III  « 

i5. 


328        CHAPITRE  V.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

p.  167)  Topinion  des  médecins  anciens  favorables  à  ce  genre 
de  traitement. 

Ayant  lu  cette  observation  en  17*86,  au  moment  où  eUe 
parut,  J.  Currie  essaya  aussitôt  le  moyen  indiqué,  et  apprit, 
du  reste,  que  son  collègue  le  D'  Brandreth  en  avait  usé  avec 
succès  depuis  peu  de  temps  dans  des  cas  de  fièvre. 

Voilà  le  début  simple  et  saisissant  de  cet  important  ouvrage. 

Le  chapitre  11  nous  montre  l'auteur  aux  prises  avec  une 
épidémie  de  fièvre  contagieuse  (le  typhus,  sans  doute)  dans 
un  hôpital  de  femmes  à  Liverpool,  en  1787.  Seize  malades, 
deux  décès;  huit  de  ces  malades  étaient  traitées  par  J.  Currie. 
Sur  sept  d'entre  elles,  il  applique  bravement  le  traitement  par 
les  affusions  froides;  il  hésite  pour  la  huitième,  parce  qu'elle 
est  atteinte  de  la  vérole  avec  ptyalisme  mercuriel,  et  elle 
meurt.  Il  se  reproche  cette  hésitation ,  la  mort  étant  survenue 
au  seizième  jour  de  la  maladie. 

Depuis  cette  époque ,  Currie  est  à  la  recherche  des  cas  de 
fièvre  grave  contagieuse  (Ae  lofv  contagious  fever)\  il  arrive  à 
recueillir  cent  cinquante-trois  observations  dans  lesquelles  la  guérison 
lui  parait  devoir  être  attribuée  à  l'action  de  Veau  froide,  (1797.) 

Suit,  au  chapitre  m,  la  description  d'une  épidémie  de 
typhus  ou  fièvre  des  prisons,  observée  dans  le  3o*  régiment 
d'infanterie  è  Liverpool,  en  1799.  Les  observations  thermo- 
métriques y  sont  relatées;  ainsi  l'on  voit  que  la  température 
des  malades  était  de  loi*  à  loa*  F.  (38%4  è  39%5  C). 
Currie  y  signale  le  mauvais  effet  des  éniissions  sanguines. 
Deux  sortes  de  malades  n'étaient  pas  soumis  aux  affusions 
froides  :  ceux  que  l'on  jugeait  trop  débilités  et  ceux  dont  la 
chaleur  s'éloignait  peu  du  degré  normal.  Chez  la  plupart  des  ma* 
lades  ainsi  traités,  la* durée  de  la  maladie  sembla  raccourcie.  La 
température  de  l'eau  employée  était  d'environ  1  S"*  C. 

Le  chapitre  iv  est  intitulé  :  Comment  doivent  se  faire  les  afu- 
sions  d'eau  froide  dans  lafèvre.  L'auteur  prévient  le  lecteur  que 
par  fièvre,  sans  autre  désignation,  il  entend  la  fièvre  conteh- 


JAMES  GURRIE.  229 

gieuêê  grave,  ou  tifphuê  du  D'  Gullen,  ou  fièvre  contagieuse  du 
ly  Lind ,  ou  fièvre  inirritative  du  D'  Darwin ,  maladie  appelée 
dans  le  langage  populaire  :  fièvre  nerveuse  ou  fièvre  putride. 

Cette  fièvre  est  ainsi  décrite  par  CuUen  :  Morbus  amtagiosus; 
cahr  forum  auetus;  puhus  parvus,  debilis,  plerumque  Jrequens  ; 
urina  parum  mutata;  sensorit  Junctianes  plurimum  turbatœ;  vires 
multum  imminutœ.  CuUen  admettait  que  cette  maladie  avait, 
tous  les  jours,  deux  paroxysmes.  Gurrie  y  reconnaît,  en  vingt-- 
quatre  heures,  une  exacerbation  et  une  rémission  bien  nettes; 
Texacerbation  ayant  lieu  dans  l'après-midi  ou  la  soirée,  et  la 
rémission  le  matin.  Cette  exacerbation  est  de  o%6  à  i'',^  dans 
les  parties  centrales  (!)  du  corps.  Le  moment  le  plus  favorable 
pour  les  ablutions  froides  est  celui  où  la  température  atteint 
son  apogée,  ou  bien  quand  elle  commence  à  décliner  \  c'est-à- 
dire  entre  six  heures  et  neuf  heures  du  soir.  Cependant  on 
peut  l'employer  à  toute  heure ,  pourvu  quil  n'y  ait  pas  la  sensa-^ 
tion,  de  frisson  ni  de  sueur  profuse,  et  que  la  peau  soit  constamr- 
ment  chaude. 

Si  Ton  fait  Yaffusion  pendant  le  frisson,  on  amène  une  fré- 
quence extrême  avec  petitesse  du  pouls,  un  état  de  malaise 
presque  syncopal;  cela  est  dangereux,  et  il  y  faut  renoncer 
quand  bien  même  la  chaleur  du  tronc  pendant  le  frisson  serait 
plus  élevée  quà  fétat  normal.  On  ne  doit  pas  non  plus  baigner 
ni  asperger  les  malades  quand  ils  sont  en  sueur  depuis  quelque 
temps;  cela  aurait  moins  d'inconvénient  au  début  de  la  sueur. 

Le  chapitre  v  contient  des  observations  particulières  de 
malades. 

Le  chapitre  vi  est  consacré  è  des  considérations  générales  ; 
Tanteur  émet  des  propositions  que  nous  analysons  ici  : 

1*  Les  malades  répugnent  d'abord  à  l'emploi  des  affusions 
froides;  mais,  quand  ils  en  ont  éprouvé  le  bienfait,  ils  s'y 
prêtent  volontiers. 

'  Ce  précepte  est  donné  comme  nouveau  et  revendiqué  par  plusieurs  auteurs 
contemporains. 


130        CHAPITRE  1*.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

a*  Corne  commençait  par  les  affosions  firoides,  pois  lavait 
le  malade  avec  de  Teaa  vinaigrée  et  ensuite  avec  de  f  eaa  de 
mer.  Il  préférait  en  général»  pour  les  affusions,  Teaa  de  mer 
à  Teau  de  rivière ,  parce  que  la  présence  du  sel  rend  la  pre- 
mière plus  stimulante  et  donne  lieu  à  une  réaction  plus 
franche.  Il  préfère  aussi  la  saumure  au  vinaigre,  en  lotions, 
parce  qu'on  se  la  procure  plus  facilement 

S""  Pour  reconnaître  la  chaleur  de  la  peau,  Gurrie  se  ser- 
vait habituellement  d'un  petit  thermomètre  à  mercure  d'une 
grande  sensibilité,  à  échelle  mobile,  d'un  modèle  imaginé  par 
Hunter,  et  dont  celui-ci  faisait  usage  pour  ses  eipériences  sur 
la  chaleur  animale.  Gurrie  introduisait  ce  thermomètre  sous 
la  langue  en  faisant  fermer  les  lèvres,  ou  bien  sous  l'aisselie, 
indifféremment.  Il  se  servait  volontiers  d'un  thermomètre  coudé 
plus  conmiode ,  et  qui  n'eiposait  pas  l'observateur  à  respirer 
l'air  eipiré  par  les  malades  ;  et  il  usait  aussi  d'un  thermomètre 
à  index  maximum  (l'index  était  en  fer). 

Le  chapitre  vu  contient  des  observations  particulières  mon- 
trant le  bon  effet  des  affusions  froides  dans  certaines  fièvres, 
notamment  dans  les  intermittente»  tierces. 

L'auteur  ajoute  qu'il  est  mauvais  de  faire  ces  affusions  A  la 
période  algide  et  de  les  continuer  quand  la  convalescence 
est  survenue.  Gurrie  reconnaît  que  la  seule  exposition  du  ma- 
lade à  l'air  froid  suffit  à  abaisser  beaucoup  sa  température.  Il 
recommande  aussi  de  se  contenter,  dans  certains  cas  avancés, 
d'affusions  tièdes,  de  lavages  à  l'éponge  avec  du  vinaigre  tiède, 
après  le  neuvième  ou  dixième  jour. 

Ghapitre  viii  :  Retnarques  générale»  sur  la  JUm^,  —  Cette 
fièvre,  c'est  le  typhus  vrai,  et  non  le  »ynocku»  de  GuUen.  Gurrie 
employa  les  affusions  froides  chez  un  malade,  alors  que  le  ther- 
momètre marquait,  sous  la  langue,  loy^  F.  (At%6  G.),  mais 
sans  succès,  le  pouls  ne  fut  ni  relevé  ni  ralenti,  et  la  tem- 
pérature ne  fut  point  abaissée,  ou  du  moins  ne  le  demeura 
pas,  et  il  n'y  eut  ni  réaction  sudorale  ni  sommeil. 


JAMES  CURRIE.  231 

Chapitre  ix  :  De  Cusage  des  affumns  froides  et  tUdee  dans  la 
petite  virole,  avec  des  observations  particulières,  —  Encouragé  par 
le  succès  de  cette  méthode  dans  le  traitement  du  typhus, 
Currîe  n  hésita  pas  à  l'employer  dans  diverses  sortes  de  fièvre, 
'et  notamment  dans  les  cas  de  variole.  L'avantage  de  l'air 
frais,  dans  cette  maladie  (Sydenham,  école  anglaise  du  xvn*  et 
du  XTiii'  siècle),  semblait  inviter  à  essayer  les  affusions  froides, 
qui  sont  d'une  action  plus  puissante.  L'auteur  choisit  les  cas 
les  plus  graves  de  variole,  et  l'événement  répondit  à  son  at- 
tente; il  rapporte  une  observation  de  ce  genre.  Un  jeune 
Américain  de  vingt-quatre  ans  fut  inoculé  par  lui,  en  179&; 
le  septième  jour,  la  fièvre  parut;  la  température  monta,  en 
quelques  heures,  à  107"  F.  (&i%6  G.).  Gurrie  fit  boire  au 
malade  beaucoup  d'eau  et  de  limonade  froides,  et  le  fit  as- 
perger de  trois  gallons  de  saumure  froide ,  ce  qui  le  rafraîchit 
beaucoup.  Le  pouls  se  ralentit,  la  chaleur  baissa,  le  sommeil 
fut  tranquille.  En  vingt-quatre  heures  on  recommença  trois 
fois  les  ablutions,  et  le  malade  les  demandait  lui-même  quand  il 
sentait  revenir  la  chaleur.  L'éruption  fut  franche,  la  guérison 
rapide. 

il  ne  faut  pas  compter  sur  des  effets  certains,  quand  la 
méthode  est  employée  dans  des  cas  de  variole  confluente  déjà 
avancée.  C'est  au  début  de  l'éruption  qu'il  faut  agir  surtout. 
L'auteur  nous  renvoie  au  traité  publié,  en  1761,  par  sir  Wil- 
ham  Watson  sous  ce  titre  :  Account  of  expérimente  on  the  most 
successful  méthode  of  inoculating  tlie  smallr-pox,  où  sont  relatés 
des  cas  de  guérison  de  variole  après  immersion  dans  l'eau 
froide,  et  où  se  trouve  indiquée  la  pratique  des  indigènes  au 
Bengale.  «Dans  certaines  provinces  de  ce  pays,  dit  M..lves, 
les  indigènes  se  soumettent  à  l'inoculation.  Après  l'opération, 
on  ordonne  au  sujet  de  se  baigner  dans  l'eau  froide  deux  fois 
par  jour,  et  de  se  tenir  le  plus  frais  possible.  Quand  la  fièvre 
fient,  on  ne  se  baigne  pas,  mais  on  reprend  les  bains  au 
deuxième  jour  de  l'éruption ,  et  on  les  continue  pendant  trois 


232         CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

jours.  »  (^Ives's  voyage  to  India,  in  the  years  iy55~56-5j,  ch.  iv. 
p.  5/i.) 

Le  D""  Gérard,  à  Liverpool,  pratiquait  les  affusions  d'eau 
froide  dans  la  scarlatine,  et  Currie  suivit  cet  exemple.  A  la  fin' 
de  décembre  179^,  cinq  enfants  d'une  même  famille  furent 
successivement  atteints  de  la  fièvre  scarlatine,  quatre  légère- 
ment, le  cinquième  fortement;  le  père  de  famille  lui-même 
prit  la  maladie.  Les  symptômes  étaient  graves;  le  D*^  Gérard, 
;ippelé,  ordonna  sans  succès  un  éméto-cathartique,  puis  se 
décida,  vingt-huit  heures  après  le  début,  à  employer  les  affu- 
sions  d'eau  froide.  L'expérience  eut  un  succès  inespéré;  la 
lièvre  tomba  aussitôt,  il  y  eut  sueur  et  sommeil.  Le  lende- 
main, ou  ré[)éta  le  remède.  La  maladie  ne  reparut  plus.  Même 
chose  eut  lieu  pour  une  servante  de  cette  famille.  Currie  se 
demande  si  Ton  peut  vraiment  faire  évanouir  ainsi  la  Jikre  el 
empêcher  Véruption. 

Ici  se  place  une  discussion  théorique  si  importante,  si  op- 
portune encore  de  nos  jours,  que  nous  traduisons  littéralement 
notre  auteur,  ç^  Que  la  maladie  puisse  s'éteindre  sans  que 
l'efflorescence  spécifique  de  la  peau  et  l'angine  se  montrent, 
c'est  là  un  fait  singulièrement  curieux.  //  semblerait  montrer 
que  celle  matière  ejflorescentc  est  le  produit  de  la  fièvre  éruptive,  el 
que  la  fièvre  elle-même  étant  détruite  lout  d'abord,  la  matière  effo- 
rescenle  ne  se  produit  pas.  Ainsi  nous  n'avons  plus  à  nous  préoc- 
cuper des  appréhensions  qu'une  fausse  théorie  pourrait  nous  sug- 
gérer, relativement  au  danger  qu'il  y  aurait  à  arrêter  un  processus 
par  lequel  la  tiature  cherclierait  à  se  débarrasser  d^une  humeur  dont 
l'économie  serait  imbibée.  Nous  pouvons  donc  soutenir  cette  proposi- 
tion, à  savoir  :  Que  la  fièvre  éruptive  de  la  petite  vérole  est  la  cause 
et  non,  comme  on  le  supposait,  la  conséquence  du  progrès  de  Fassi- 
milation,  et  que  la  diminution  de  cette  fièvre  par  l'air  frais,  et 
encolle  mieua:  par  les  aff usions  d'eau  froide,  diminue  aussitôt  la 


JAMES  CURRIE.  v  233 

quaniiti  de  nuuUre  aamiUe,  et  peut,  dans  eertains  cas,  empêcher 
camplétemeni  l'aeelmilaUon  ^  » 

J.  Gurrie  se  préoccupe  aussi  de  savoir  si  réruption  vario- 
lique,  avortée  par  suite  du  traitement,  préserve  le  patient 
d'une  récidive.  Question  non  résolue.  11  raconte  avoir  souvent 
traité  la  eearlaime,  après  l'éruption  parue,  par  l'immersion  dans 
des  bains  tièdes  (de  gQ""  à  qG*"  F.,  soit  de  36°  à  a  S""  G.  ),  et 
cela  avec  un  succès  constant,  ce  L'expérience ,  dit-il,  montrera 
plus  tard  si  les  affusions  d'eau  froide  conviennent  aux  autres 
exanthèmes.  9 

La  température  de  l'eau  froide,  telle  qu'elle  était  employée 
par  Gurrie  pour  ses  afliisions,  était,  en  général ,  de  S""  à  1  o*  G. , 
quelquefois  (en  été)  de  iS""  à  ao*  G.,  et  les  effets  étaient  les 
mêmes  :  La  résolution  de  la  fihre  dépend  surtout  de  l'impression 
soudaine,  généralisie  et  puissante,  et,  que  l'eau  ait  â**  ou  iS*  C, 
elle  nest  pas  si  différente  qu'on  pourrait  se  l'imaginer  de  prime  abord. 
Dans  ces  limites,  l'efficacité  du  remède  et  son  innocuité  dépendent 
surtout  de  la  soudaineté  et  de  la  brièveté  de  son  application.^ 

Après  ces  citations  textuelles  et  exemptes  de  tout*commen- 
laire,  il  convient  de  nous  arrêter  un  instant  et  de  nous  de- 
mander quelle  en  est  la  valeur.  Deux  points  principaux  attirent 
d'abord  notre  attention  : 

i*  Gurrie  se  débarrasse  hardiment  de  tout  scrupule]  quant 
an  respect  dû  à  la  maladie,  au  processus  humoral,  à  l'effort  ins- 
tinctif de  la  nature,  à  la  natura  medicatrix.  Il  prend  pour  ob- 
jectif la  fièvre  et  dit  :  <t  Tu  es  cause  et  non  effet ,  c'est  toi  que 
j'attaquerai  :  suhlata  causa  tolHtur  effectue,  ri  G'est  ainsi  que ,  pour 
l'école  allemande  de  nos  jours  (Liebermeister),  la  fièvre,  c'est 

*  Le  D'  Calien  a  «vtocé  qu*i  tous  méabilité  de  la  peau.  Cette  doctrine, 

les  degrés  de  la  variole  la  quantité  de  que,  dans  ses  leçons,  il  étend  à  tous  les 

matière  aasimUée  est  proportioooelle  à  autres  eianthèmes,*cst,  suivant  moi, 

la  masse  du  corps,  et  que  les  différences  Tune  des  parties  les  plus  faibles  de  son 

dans  la  nature  et  la  quantité  de  Térup-  ceuvre  si  remarquable, 
lion  dépendent  entièrement  de  la  per- 


m^         CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

le  niai  C'est  le  renversement  de  toute  la  doctrine  traditionnelle 
de  riiippocratisnié,  c'est  l'esprit  de  révolte  audacieux  et  pa- 
radoxal, c'est  la  science  expérimentale  substituée  au  doctri- 
narisme,  au  méthodisme.  Notre  époque  se  flatte  de  grandes 
audaces,  elle  se  flatte  à  tort  d'en  avoir  eu  l'initiative. 

2°  Currie  est  moins  préoccupé  du  phénomène  chaleur, 
moins  soucieux  d'abaisser  directement  la  température  que 
(l'amener  la  réaction;  ce  n'est  pas  nn  frifridiste ,  c'est  un  hydro- 
thérapeute, un  Priessnitz.  Aujourd'hui  on  ne  cherche  pas  la 
réaction,  mais  la  soustraction  pure  et  simple  de  calories. 

Chapitre  x  :  Des  abusions  d'eau  liède  à  la  surface  du  corps 
dans  les  désordres  fébriles ,  et  de  l'épongement  du  corps  avec  reau 
ou  le  vinaiffre.  Laffusion  d^eau  tiède  pratiquée  par  les  anciens.  — 
Currie  appelle  eau  liède  celle  qui  va  de  87°  à  97 f»  (^^i^ 
(le  3o'  à  36°  C),  et  il  croit  pouvoir  alfirmer  que  les  afl'usions 
tièdes  amènent  quelquefois  tout  autant  d'abaissement  de  la 
température  du  corps  (jue  les  afl'usions  froides.  Voici  l'expli- 
cation qu'il  donne  a  cet  égard  :  rr  L'évaporation  à  la  surface 
du  corps  est  plus  copieuse  dans  l'afl'usion  tiède,  d'où  dépend 
beaucoup  le  rafraîchissement  du  cor[Ks.  En  outre,  l'afl'usion 
tiède  est  peu  stimulante  et  n'amène  point,  comme  l'afl'usion 
froide,  ces  évolutions  de  la  peau  qui  [jermettent  de  résister  aux 
efl'ets  du  froid  extérieur.  Si  l'on  se  propose  de  diminuer  la 
chaleur,  on  y  parviendra  avec  certitude  par  l'usage  répété  des 
afl*usions  tièdes,  en  ayant  soin,  dans  les  intervalles,  d'exposer 
la  surface  du  corps  à  l'air  extérieur;  alors,  si  le  soleil  est 
caché  et  qu'il  y  ait  un  courant  d'air,  s'il  y  a  du  vent,  on  peut 
abaisser  la  température  du  corps,  là  même  où  l'on  ne  peut 
se  procurer  de  l'eau  froide,  comme  par  exemple  dans  les  ré- 
gions les  plus  chaudes  du  monde,  les  plaines  du  Bengale  ou 
les  sables  do  T Arabie  \t^ 

Currie  déckre  avoir  fait  usage  des  afl'usions  tièdes  surtout 

'   Sysl^'inc  des  alcorazas.  Voyoz  les  (ravaux  (ri']<lwanls. 


JAMES  CURRIE.  336 

dans  les  affections  fébriles,  où  la  maladie  consistait  plutôt 
dans  le  stimulus  d'une  chaleur  exagérée  que  dans  la  conta- 
gion, les  miasmes  ou  les  inflammations  locales,  et  surtout 
chez  les  enfants.  <tCes  affusions,  dit-il,  produisent  générale- 
ment une  diminution  considérable  de  la  chaleur  et  de  la  fré* 
quence  du  pouls  et  de  la  respiration  ;  elles  amènent  le  repos 
et  le  sommeil.  Il  les  faut  employer  préférablement  aux  affu- 
sions froides  quand  les  malades  sont  oppressés  el  respirent 
mal  et  chez  les  malades  très-affaibiis.  Pourtant  leur  action 
nW  pas  aussi  permanente  que  celle  de  l'affusion  froide;  elle 
n'est  pas  suivie  d'une  cessation  totale  de  la  fièvre,  comme  cela 
a  lieu  souvent  à  la  suite  des  affusions  froides.  On  peut  aussi, 
dans  la  fièvre  hectique,  faire  des  affusions  tièdes  partielles, 
sur  la  paume  des  mains  et  la  plante  des  pieds,  n 

Cette  question  du  froid  n'était  pas  interprétée  de  la  même 
façon  par  tous  les  médecins  anglais  de  cette  époque.  Brown, 
préoccupé  de  ses  théories,  en  révolte  contre  l'observation,  af- 
firmait que,  dans  la  zone  torride,  le  froid  ne  pouvait  jamais  être 
appliqué  utilement  au  traitement  des  fièvres  parce  qu'elles  y 
étaient  a-êtkéniques  (?) ,  et  qu'au  contraire  le  froid  était  le  grand 
remède  dans  les  maladies  sthéniques,  qu'il  agissait  de  même 
dans  la  rougeole,  le  catarrhe  et  les  autres  maladies  inflam- 
matoires, que  dans  la  variole,  et  qu'il  sufiîsait  pour  les  guérir; 
mais  l'expérience  manquait.  Darwin  (^Zoonomia)  ne  se  préoc- 
cupait pas  de  l'action  du  froid  sur  la  sensation  tactile, 
en  quoi  Gurrie  le  trouvait  répréhensible  ;  et  il  considérait 
l'application  du  froid  comme  abolissant  tout  stimulus  à  la 
peau. 

En  tout  cas,  la  question  était  agitée  partout,  et  l'on  était 
en  pleine  voie  de  physiologie  pathologique.  (Voyez  les  travaux 
do  J.  Hunter.) 

Currie  était  d'avis  de  régler  les  affusions  sur  la  tempéra- 
ture du  malade  et  de  les  faire  tièdes ,  si  cette  température  était 
pou  élevée.  Il  comptait  beaucoup  sur  l'action  stimulante  k  la 


236         CHAPITRE  l".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

peau.  Par  le  mot  frais,  il  entendait  une  température  do  Teau 
de  87"  à  75^  F.  (de  3i^à  95°  C.) 

Historique  ancien,  d'après  Currie.  —  La  pratique  des  bois- 
sons froides  (eau)  dans  les  fièvres,  était  fort  usitée  chez  les 
anciens;  ils  employaient  aussi  quelquefois  l'immersion  dans 
Teau  froide,  mais  ils  semblent  avoir  ignoré  complètement  les 
alTusions  froides  sur  le  corps.  (Currie  se  trompe  :  voy.  les 
Arabes,  voy.  Alpinus,  etc.) 

Les  ablutions  à  la  surface  du  corps  dans  les  maladies  fé- 
briles, ont  été  notées  sous  diverses  formes  parmi  les  pratiques 
des  nations  barbares  de  f  Asie  et  de  l'Afrique  par  des  voya- 
geurs modernes,  notamment  par  sir  John  Chardin  et  par 
M.  Brucf»;  mais  elles  furent  introduiles  pour  la  première  fois 
en  Europe  pendant  une  fièvre  épidémique  qui  sévit  à  Breslau, 
en  Silésie,  dans  Tannée  1737,  ainsi  qu'on  le  voit  dans  la  dis- 
sertation de  J.  G.  de  Hahn,  dont  le  titre  est  :  Epidemia  verna 
quœ  Wratislaviam  anno  ijSj  ajjlixit,  (Voy.  l'appendice  des 
Acta  Germanica,  vol.  X.) 

Cet  auteur  rapporte  que  l'épidémie  de  typhus  ayant  résisté 
à  tous  les  movens  connus,  il  eut  recours  aux  ablutions  froides 
avec  l'éponge  et  au  drap  mouillé.  Sauvages  donne  un  extrait 
de  cette  dissertation  [Nosol.  meihod.y  Currie  cite  ensuite  un 
[)assage  de  (^else  :  Quidam  ex  antiquioribus  medicis  Cleophantus 
in  hoc  génère  morborinn  (fièvre  tierce)  midlo  anle  accessionem 
caput  œgri  mtdla  caJida  aqtia  perfundebat ,  deinde  vinumdabat.  Les 
Grecs  et  les  Romains  usaient,  dans  leur  régime  habituel,  de 
bains  et  d'affusions  tièdes. 

Chapitre  xt  :  De  i*usage  interne  de  Feau  froide  dans  lajlèvre, 
—  Les  anciens  faisaient  usage  de  boissons  froides  dans  les 
fièvres  (llippocrate,  Galion,  Celse,  etc.).  Parmi  les  modernes, 
Cardanus  a  écrit  sur  ce  sujet  une  dissertation  apologétique. 
Hoffmann  les  recommande  aussi  (vol.  I,  p.  ^79).  Dans  notre 


JAMES  GURRIE.  237 

pays,  cette  pratique  a  été  recommandée  par  Smish  comme 
une  panacée,  et  Hamock  a  écrit  sur  ce  sujet  un  traité  intitulé  : 
Febrijugwn  tnagnum.  En  Espagne  et  en  Italie,  l'usage  de  l'eau 
froide  a  eu  une  plus  grande  vogue  au  commencement  du 
xrni*  siècle  qu'en  aucun  autre  pays  d'Europe  et  parait  s'y  être 
conservé.  (  Voy.  le  mémoire  intitulé  :  Diœta  aquea,  par  le  D'Grillus 
de  Naples,  dans  le  XXXVI*  volume  des  Pliilosophical  transaC" 
tions.)  Cet  auteur  mentionne  aussi  l'application  de  glace  pilée 
et  de  neige  sur  le  corps  des  malades.  Boërhaave  a  disserté  lon- 
guement sur  les  boissons  froides,  qu'il  ne  recommande  pas 
plus  que  fae  le  font  Van  Swieten  et  GuUen.  Du  reste,  l'opinion, 
à  toutes  les  époques,  a  été  contraire  h  cette  pratique. 

Currie  a  étudié  attentivement,  et  le  thermomitre  en  main,  les 
effets  des  kaissons  Jroide$.  Voici  ses  conclusions  : 

1**  Il  ne  faut  pas  boire  froid,  pas  plus  que  faire  des  ablu- 
tions froides  dans  le  stade  de  frisson. 

a""  On  peut  boire  froid  en  toute  sûreté  dans  la  période  de 
chaleur  confirmée  ;  alors  on  voit  la  température  décroître  de 
plusieurs  degrés  à  la  surface  du  corps  et  le  pouls  se  ralentir, 
la  sueur  et  le  sommeil  s'ensuivent.  C'est  la  même  action, 
quoique  moins  marquée ,  que  celle  des  affusions  froides  à  la 
peau.  Currie  avoue  n'avoir  pas  employé  habituellement  cette 
méthode. 

3"*  Après  la  transpiration,  il  ne  faut  pas  boire  froid,  sous 
peine  d'une  grande  oppression  et  d'un  abaissement  trop  grand 
et  trop  rapide  de  la  température  h  la  surface  du  corps.  (Hoff- 
mann attribue  à  cette  imprudence  plusieurs  cas  de  mort  su- 
bite.) Il  ne  faut  pas  troubler,  par  un  refroidissement  brusque^ 
ce  mouvement  gradué  de  refroidissement  qu'amène  la  trans- 
piration. 

Le  chapitre  xii,  qui  est  un  des  plus  longs,  est  consacré  aux 

midadies  qui  proviennent  de  Vusage  des  hoiêsone  froides  ou  des  bains 

fr'oids  après  un  violent  exercice.  —  Ce  fait  est  bien  connu.  La 

mort  subite  de  gens  qui,  dans  la  grande  chaleur,  après  une 


238         CHAPITRE  V\  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

marche  forcée  ou  un  exercice  violent,  ont  absorbé  une  grande 
quantité  de  boisson  froide,  n'est  point  rare,  mais  elle  demeure 
inexpliquée.  Il  en  est  de  même  de  l'immersion  prolongée  dans 
l'eau  froide.  .  •  (Voy.  la  dissertation  de  GuUen  :  De  frigore, 
Ëdinburgh,  1 780.)  Gurrie  s'occupe  des  sensations  subjectives 
du  malade  par  rapport  au  froid,  suivanl  le  degré  de  chaleur 
de  son  corps . . . 

Le  chapitre  xni  traite  du  bain  froid  dans  les  maladies  con- 
vulsives,  la  folie,  etc.  On  y  trouve  des  cas  de  tétanos  guéris 
par  ce  moyen,  également  des  cas  de  danse  de  Saint-Guy  et 
d'hystérie  convulsive. 

Au  chapitre  xiy,  Gurrie  insère  un  mémoire  qui  avait  été  lu 
par  lui  devant  la  Société  royale  et  inséré  dans  ses  Transactions 
en  Tannée  1 799  :  Sur  le  froid  à  propos  de  tnatelots  morts  étant 
en  msr  sur  une  épave.  A  cette  occasion ,  Gurrie  institua  des  expé- 
riences pour  examiner  les  effets  de  l'eau  pure  et  de  l'eau  salée 
comparativement,  en  les  prenant  à  la  même  température.  Ces 
expériences  sont  intéressantes  en  raison  même  de  l'époque  ou 
elles  ont  été  entreprises ,  c'était  le  produit  de  la  grande  école 
de  Hunter.  Gombien  notre  époque  se  trompe  en  s'attribuant 
le  mérite  d'avoir  inauguré  la  physiologie  expérimentale  ! 

Première  expérience,  —  Gurrie  plaça  un  large  vase  conte- 
nant  cent  soixante  gallons  d'eau  salée,  au  grand  air.  La  tem- 
pérature de  l'eau ,  comme  celle  de  l'air,  était  de  7°  à  S''  G.  Le 
sujet  était  un  homme  de  vingt-huit  ans,  vigoureux  et  sain; 
l'heure  :  k  heures  après  midi.  La  température  du  sujet  était 
de  3 6% 5.  On  déshabilla  l'homme,  puis  il  fut  mené  nu  dans 
une  cour  ouverte  et  exposé  à  l'air  avec  un  vent  de  nord-est 
pendant  une  minute,  puis  plongé  dans  l'eau  jusqu'aux  épaules. 
Le  thermomètre,  d'abord  échauffé  dans  de  l'eau  à  38**  G.,  fut 
introduit  dans  sa  bouche,  sous  la  langue;  la  colonne  mercu- 
rielle  s'abaissa  rapidement  et  s'arrêta,  une  minute  après,  à 
87''  F.  (3o%6.  G.).  L'homme  se  tint  immobile  dans  l'eau  et 


JAMES  GURRIE.  239 

le  thermomètre  remonta  peu  à  peu  ;  en  douze  minutes  il  était 
remonté  à  93%5  F.  (3à%a  G.).  Au  sortir  de  l'eau  et  étant  re- 
placé à  Tair  libre,  exposé  au  vent,  l'homme,  que  l'on  envelop- 
pait de  linges,  se  refroidit  (le  mercure  baissait  rapidement). 
On  le  plaça  dans  un  lit  chaud,  sa  température  était  alors  de 
So"*  C.  dans  la  bouche  et  de  3i*,6  G.  dans  l'aisselle.  On  le 
frictionna  et  il  but  de  l'eau-de-vie,  on  lui  appliqua  une  vessie 
d^eau  chaude  sur  le  creux  de  l'estomac.  Trois  heures  après  il 
n'avait  pas  encore  recouvré  complètement  sa  température 
normale. 

Deuxième  expérience.  —  Le  lendemain ,  à  la  même  heure , 
la  même  personne  fut  immergée  comme  ci-dessus.  Son  pouls 
était,  avant  l'expérience,  de  85  pulsations,  et  sa  chaleur  de 

^7**»7  ^'^  ^'^^  ®'  ^'®*^  étaient  h  7%5  G.,  le  vent  était  nord-est 
et  fort. 

Thcmi.  G. 

Q  minutes  après  rimmersion 33*,o 

3 39%5 

h 33%5 

5 3/i%7 

6 35*,o 

7 35%3 

8 35%35 

9 35%3 

10 3/i%7 

1  ! 35%o 

iQ 35%o 

i3 35-,4 

ta 35',o 

Au  bout  de  quinze  minutes,  le  sujet  sort  de  l'eau  et  reste 
exposé  tout  nu  à  l'air  et  au  vent,  et  le  thermomètre  ne  marque 
plus  que  3  i%â  G.  Le  sujet  boit  un  coup  de  bière  {^)i  on  le 
met  dans  un  lit  chaud,  et,  trois  minutes  après,  sa  température 
remonte  à  33%9  G.;  une  heure  après  elle  était  è  SB""  G. 


2Î0         CHAPITRE  r.  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Ces  effets,  produits  par  l'exposition  successive  à  raction  de 
Feau  et  à  celle  de  Tair,  donnèrent  à  réfléchir  à  l'expérimen- 
ta teur. 

Troisième  expérience.  —  Le  sujet  est  déshabillé  et  demeure 
seize  minutes  dans  l'eau  salée  froide  à  la  même  température 
que  ci -devant.  On  obtient  les  mêmes  effets  à  peu  près,  puis 
il  est  plongé  dans  un  bain  d'eau  douce  è  36%/i  G.,  et»  chose 
inattendue,  sa  température  baisse  d'abord  d'environ  s*;  au 
bout  d'une  minute,  elle  était  à  3i%i  C,  puis,  au  bout  de 
neuf  minutes,  elle  était  remontée  à  35*,6  C.  Ainsi  ie  bain 
chaud  produisait  d'abord  les  mêmes  effets  que  ie  froid ,  pour- 
tant avec  cette  différence  notée  par  Gurrie,  que  dans  i'eau 
froide  les  extrémités  étaient  très-froides,  tandis  que  dans  le 
bain  chaud  la  chaleur  était  universellement  répandue.  A  la 
sortie  du  bain  chaud  le  sujet  put  se  rhabiller  et  se  trouva 
très  à  son  aise. 

Quatrième  expérience.  —  Nouvelle  immersion  dans  l'eau 
froide.  Le  malade  est  interrogé  sur  ses  sensations.  Il  dit  qu'au 
moment  de  l'immersion  il  ressentait  un  froid  très -vif,  que 
cette  sensation  diminuait  et  devenait  supportable,  puis  qu'elle 
revenait  à  sa  première  intensité,  un  peu  moindre  peut-être. 
Alors,  quand  l'eau  était  immobile,  il  ne  sentait  pas  que  son 
corps,  des  clavicules  au  pubis,  était  dans  l'eau,  il  sentait  un 
grand  froid  aux  extrémités  des  membres,  au  pénis  et  au  scro- 
tum. Il  éprouvait  comme  un  cercle  au  niveau  du  plan  de  la 
surface  liquide,  quand  celle-ci  était  agitée.  Le  malade,  replacé 
à  l'air,  puis  plongé  dans  un  bain  è  /io*G.,  éprouva  du  malaise, 
et  l'on  dut  abaisser  la  température  de  l'eau  à  Sa""  G.;  alors  il 
se  trouva  mieux,  se  réchauffa  peu  à  peu  jusqu'à  37%7  G.  et 
se  refroidit  ensuite  jusqu'à  3s'',â  G.,  puis  on  le  frictionna  et 
réchauffa  par  les  moyens  ordinaires. 

D'autres  expériences  de  même  nature  furent  faites  par  Gurrie 


JAMES  CURRIE.  241 

sur  différentes  personnes.  Ces  variations  rapides  de  la  tem- 
pérature du  corps  vivant  ne  semblaient  pas  s'accorder  avec  les 
théories  professées  alors  sur  la  chaleur  animale.  Nous  laissons 
ici  la  parole  à  l'auteur  : 

«t  L'accroissement  de  la  chaleur,  dans  la  fièvre ,  a  conduit 
quelques  personnes  à  penser  que  la  chaleur  animale  est  pro- 
duite par  l'action  du  cœur  et  des  artères,  ou  du  moins  en  con- 
nexion directe  avec  celle-ci;  pourtant  il  faut  remarquer  que, 
ici ,  quoique  la  chaleur  ait  dû  être  engendrée  dans  le  bain 
avec  une  rapidité  quatre  fois  plus  grande  qu'à  l'ordinaire ,  les 
vibrations  du  système  artériel  étaient  excessivement  faibles. 
U  y  a  une  autre  théorie  fort  belle  de  la  chaleur  animale, 
qui  suppose  que  celle-ci  dépend  immédiatement  de  la  res- 
piration; mais,  dans  le  bain,  après  les  premiers  moments  où 
le  jeu  du  diaphragme  est  dérangé  par  le  choc  de  l'immer- 
sion, la  respiration  devient  régulière  et  extrêmement  faible. 
Enfin  il  est  un  curieux  phénomène,  la  chaleur  monte  et  des- 
cend alternativement,  puis  remonte,  dans  le  bain,  le  corps 
demeurant  en  repos ,  et  la  chaleur  du  milieu  ambiant  étant 
la  même;  c'est  là,  je  pense,  une  observation  fatale  à  ces 
théories  qui  considèrent  le  corps  vivant  comme  une  simple 
machine,  mise  en  mouvement  par  les  actions  extérieures,  mais 
dépourvue  d'initiative  propre,  et  ne  différant  des  autres  ma- 
chines que  par  la  nature  particulière  des  forces  qui  concou- 
rent à  la  mettre  en  action.  Je  ne  puis  m'empêcher  d'admirer 
la  théorie  qui  rapporte  l'introduction  du  calorique  dans  l'or- 
ganisme, surtout  à  la  décomposition  de  l'air  atmosphérique 
dans  la  respiration,  mais,  il  faut  bien  le  dire,  l'état  de  la 
chaleur  dans  le  corps  ne  peut  être  évalué  sûrement  (comme 
quelques-uns  l'ont  supposé)  d'après  la  quantité  d'air  respiré. 
Le  calorique  est  amené  dans  l'organisme  encore  par  d'autres 
voies,  particulièrement  par  les  aliments  et  les  boissons,  et 
leur  transformation  en  chaleur  semble  être  modifiée  par  la 
puissance  vitale;  enfin,  nous  n'avons  point  d'explication  chi- 

16 


242        CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE, 

mique  ni  mécanique  suffisante  pour  faire  connaître  les  raisons 
de  ce  phénomène.  « 

Currie  établît  ensuite  que  le  refroidissement  est  plus  grave 
dans  Teau  douce  que  dans  l'eau  salée.  Il  montre  que,  dans  ses 
expériences  themiométriques,  il  s'est  mis  à  l'abri  de  l'erreur  si- 
gnalée parHunter  pour  l'estimation  de  la  chaleur  buccale,  en 
plaçant  la  boule  du  thermomètre  non  iur  la  langue  dans  le 
courant  de  la  respiration ,  mais  sous  la  langue.  11  explique  par 
le  raisonnement  suivant  que  l'homme,  passant  du  bain  dans  l'air, 
à  température  égale  de  l'air  et  de  l'eau,  se  refroidit  encore  : 
R  Pendant  l'immersion ,  l'eau  qui  est  en  contact  immédiat  avec 
la  peau  s'étant  échauffée  un  peu ,  le  corps  nu,  sortant  de  l'eau 
pour  s'exposer  à  l'air,  est,  en  fait,  exposé  à  un  milieu  plus 
froid,  d'où  nouvelle  perte  de  chaleur.  Du  reste,  ajoute  Currie, 
les  changements  de  température  dans  h  corps  vivant  sont  gouvernés 
par  des  lois  qui  sont  particuliires  à  celui-ei.  »  (C'est  le  WArme-reg^ir 
lirung  moderne.  ) 

Chapitre  xvii  :  Aperçu  général  des  doctrines  concernant  la 
fièvre,  Hippocrate,  Galien,  etc.  Théories  diverses. —  «  Rien,  d'après 
notre  auteur,  ne  montre  mieux  la  faiblesse  et  l'ignorance  de 
l'espèce  humaine ,  à  la  fois  présomptueuse  et  impuissante  â  sup- 
porter le  doute,  que  le  chapitre  de  la  fièvre.  La  fausse  sdenee  est 
encore  pire  que  la  superstition.  Les  principes  de  la  mécanique, 
de  la  chimie,  du  magnétisme,  de  l'électricité,  ont  été  succes- 
sivement mis  à  contribution  pour  expliquer  les  mouvements 
de  la  vie ,  et  n'ont  servi  qu'à  nous  tromper  et  à  nous  décevoir. . . 
Hippocrate,  qui  vivait  à  une  époque  où  les  instruments  de 
physique  faisaient  défaut,  estimait  la  chaleur  d'après  ses  sen- 
sations; il  appliquait  ses  mains  sur  la  poitrine  dés  malades, 
jugeant  les  phénomènes  morbides  moins  d'après  le  pouls  que 
d'après  la  chaleur  du  corps. 

(tll  faisait  appliquer  des  linges  trempés  dans  l'eau  froide  sur 
les  parties  les  plus  chaudes,  tirait  du  sang,  soit  avec  des  ven- 


JAMES  CURRIE.  343 

touses  scarifiées,  soit  avec  la  lancette,  et  administrait  soit  de 
Teau  froide,  soit  des  boissons  fraîches. 

«  Au  temps  de  Galion ,  ia  tradition  de  la  chaleur  cause  de 
la  fièvre  s'était  conservée,  et  la  pratique  était  conforme  au 
principe.  Les  Arabes  reçurent  cette  doctrine,  mais  Tobscur- 
cirent.  Au  siècle  dernier  (xvu*  siècle)  vint  Sydenham,  qui 
était,  lui  aussi,  un  observateur  original,  et  auquel  la  médecine 
doit  beaucoup.  Pourtant  il  dogmatisait  a  priori,  et  il  s'est  par- 
fois égaré.  D'après  lui,  toute  maladie  n'est  rien  qu'un  effort 
de  la  nature  pour  expulser  d'une  manière  ou  d'une  autre  la 
matière  morbifique.  Il  faut  donc  l'aider  et  non  la  contrarier 
dans  cet  effort  ^  Il  s'agit  de  trouver  des  émonctoires.  Alors  on 
en  arrive  à  comparer  l'action  désordonnée  de  la  fièvre  aux 
mouvements  de  fermentation  par  lesquels  la  nature  sépare  du 
sang  les  parties  viciées  avant  leur  expulsion.  Ainsi  la  fièvre 
serait,  à  certains  égards,  la  coMéquenee  salutaire  de  Feffart  tenté 
par  la  nature  pour  expulser  la  maladie. 

«lOn  voit  poindre  dans  Hoffmann  l'aurore  d'une  plus  juste 
pathologie  de  la  fièvre.  11  rejette  le  mécanisme  et  cherche  la 
cause  de  la  fièvre  dans  la  nature  particulière  des  mouvements 
vitaux.  Il  suppose  que  la  matière  morbifique  excite  un  spasme 
des  vaisseaux  périphériques,  puis  une  réaction  du  centre  h  la 
périphérie  avec  expansion  des  vaisseaux,  fièvre  enfin  et  cha- 
leur .  •  •  D'après  la  doctrine  d'Hoffmann ,  le  médecin  doit  con- 
trecarrer l'action  morbide  et  favoiîser  l'effet  naturel  (?)  »  Currie 
trouve  cette  doctrine  de  l'action  et  de  la  réaction  très-belle; 
en  effet,  Currie  recherche  la  réaction  par  l'application  de  l'eau 
froide. 

((  Le  système  d'Hoffmann  a  produit  celui  de  CuUen.  D'après 
Hoffmann ,  le  premier  effet  des  causes  cachées  de  la  fièvre  est 
k  tpoMme  suivi  de  la  réaction.  Cullen  dit  que  le  premier  effet 
des  effluves  nuisibles  (cause  éloignée),  est  une  débilité  gé- 

>  Id  Currie  oabKe  qa^Hippocrale  avait  dit  :  Qho  nalura  vergit  eo  imemium, 

16. 


244        CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

nérale  affectant  le  êeMortum  commune,  d'où  le  spasme:  aa 
spasme ,  succède  la  réaction  qai  résout  la  maladie.  9  Cette  ma- 
nière d'expliquer  la  vis  medicatrix  ne  satisfait  pas  Currie. 

(t  Brown  vint,  dit  Currie,  qui  supposa  PexciuASité,  et  expli- 
qua tous  les  phénomènes  de  la  vie  et  de  la  maladie  par  ce 
principe  prétendu  ;  il  imagina  le  moyen  de  le  mettre  en  acte 
par  des  sùmult.  Il  s'agissait  de  trouver  juste  le  degré  précis 
d'excitement  qui  correspond  à  la  santé;  il  n'y  eut  plus  que 
deux  maladies ,  les  sthéniques  et  les  a-sthiniqneê.  Il  classa  le  ty- 
phus dans  la  deuxième  catégorie ,  et  rendit  service  en  intro- 
duisant Tusage  du  vin  et  de  l'opium  dans  cette  maladie.  (Les 
grands  agitateurs  servent  à  quelque  chose.) 

«  Darwin  (l'auteur  de  la  Zoonomie)  essaya  ensuite  de  donner 
une  théorie  générale  de  la  fièvre.  99 

Currie  ne  pouvait  manquer  de  donner  aussi  sa  théorie  de 
la  fièvre,  mais  il  le  fait  avec  modestie  et  en  toute  humilité  (il 
a  en  vue  surtout  le  typhus)  :  «Les  premiers  symptômes  sont 
la  langueur,  le  frisson,  la  fatigue  physique  et  intellectuelle; 
ceêt  une  sorte  d'empoteormement,  les  forces  vitales  en  sont  op* 
pressées  ou  vaincues.  Pourtant  il  survient  en  général  une 
réaction;  il  y  a  lutte  entre  la  cause  morbide  et  l'énergie  vitale, 
entre  le  pouvoir  central  et  la  résistance  des  vaisseaux  périphé- 
riques ,  d'où  production  d'une  chaleur  exagérée.  Si  les  forces 
vitales  l'emportent,  la  peau  s'ouvre,  la  sueur  coule,  la  chaleur 
tombe,  les  phénomènes  morbides  diminuent.  Le  phénomène 
inverse  maintient  la  fièvre.  » 

Ici  nous  devons  nous  arrêter  pour  adresser  une  critique  à 
notre  auteur  :  il  a  manié  le  thermomètre,  il  a  lu  de  Haén,  et 
voici  ce  qu'il  dit  :  c(  Examinons  l'état  de  la  chaleur  aux  diffé- 
rents stades  de  la  fièvre  intermittente  :  en  général,  et  sauf 
erreur,  dans  le  stade  de  froid  la  chaleur  est  diminuée ,  non- 
seulement  à  la  surface,  comme  quelques-uns  l'ont  imaginé, 
mais  probablement  dans  tout  l'organisme.  J'ai  trouvé  la  tem- 
pérature sous  la  langue  à  g/i*  et  gS*'  F.  (34%5  C.  et  33*,9  C), 


JAMES  GURRIE.  245 

et  même  à  ga""  F.  (3 3% 3  G.).  Dans  ces  cas,  il  y  avait  une  sen- 
sation de  froid  à  l'estomac  et  du  tremblement  de  tous  les 
membres.  A  ce  moment,  les  bains  chauds  et  les  boissons 
chaudes  sont  très-utiles.  Le  pouls  devient  fort  et  plus  fréquent 
et  la  chaleur  vient,  allant  du  centre  à  la  périphérie,  mais  ce 
phénomène  se  produit  avec  une  extrême  irrégularité  dans  sa 
marche.  19  Tout  cela  est  mal  observé ,  et  c'est  un  grand  désen- 
chantement. Voilà  un  observateur  sagace,  original,  indépen- 
dant, qui  s'arme  du  thermomètre,  et  qui  aboutit  à  de  si  grosses 
erreurs  !  Etait-ce  bien  la  peine  que  de  Haën  et  d'eutres  eussent 
si  bien  décrit  la  chaleur  exagérée  et  comme  paradoxale  qui 
accompagne  le  frisson?  Gurrie  se  perd  par  trop  de  condescen- 
dance pour  les  idées  de  son  temps ,  il  se  refait  écolier  de  maître 
qu'il  était,  et  descend  du  piédestal  que  lui  avait  érigé  le 
lecteur. 

Plus  loin,  il  nous  donne  bien  réellement  les  chiffres  du 
stade  de  chaleur  :  39%  39\5,  /io%  /îo\5  G.  Alors,  dit-il,  c'est 
le  moment  de  pratiquer  les  affusions  d'eau  froide.  11  nous 
décrit  la  période  de  sueur  et  la  chaleur  qui  tombe  alors.  11 
revient  aussi  à  une  opinion  déjà  émise  par  lui ,  à  savoir  qu'il 
n'y  a  rien  de  bon  à  attendre  pour  les  fonctions  de  l'organisme 
tant  que  dure  une  chaleur  de  plusieurs  degrés  au-dessus  de 
la  normale. 

Currie  nous  donne  aussi  une  explication  mécanique  de  la 
toif,  mais  elle  n'est  point  supérieure  aux  données  de  la  phy- 
siologie de  son  temps;  la  tympalhie  y  intervient,  ce  qui  gâte 
tout. 

Arrivant  au  traitement,  Gurrie  émet  les  préceptes  suivants  : 
(cQue  convient-il  de  faire  dans  la  fièvre?  diminuer  le  froid 
dans  le  stade  de  froid,  modérer  la  chaleur  dans  le  stade  de 
chaleur,  et  vaincre  la  contracture  des  vaisseaux  périphériques 
par  laquelle  la  chaleur  morbide  est  retenue,  et  la  réaction  re- 
tardée, et  en  tout  cas  soutenir  les  forces. .  .  Il  ne  s'agit  point 
d'interpréter  les  vues  supposées  de  la  nature.  G'est,  dit  encore 


340        CHAPITRE  V.  —  LA  CHALEDB  ET  LA  PIETRE. 

Gurrie,  aoe  grave  erreur  de  supposer  que  le  poison  fébrile, 
si  nous  devons  l'appeler  ainsi»  étant  introduit  dans  Torga- 
nisme,  soit  la  cause  principale  des  symptômes ,  et  que  ceux-ci 
consistent  dans  un  combat  livré  par  la  nature  pour  son  expul- 
sion ,  sans  lequel  le  retour  à  la  santé  n'est  pas  possible.  U  est 
plus  raisonnable  de  le  considérer  comme  un  agent  qui  excite 
l'organisme  à  la  fièvre,  laquelle  fièvre  est  entretenue  non  par  la 
présence  et  Faction  continue  de  cet  agent ,  mais  par  les  principes 
mêmes  qui  rèj^ent  les  actions  de  la  vie.  Nous  ne  somme»  pa$ 
là  pour  attendre  le  bon  vouloir  de  la  naJture  et  assister  à  ses  prétendus 
efforts,  mais  bien  pour  nous  opposer  à  la  fièvre,  à  tous  les  stades  de 
son  parcours,  avec  toute  notre  habileté,  et  la  faire  aboutir  le  plus 
promptement  possible  à  sa  terminaison ,  autant  que  cela  est 
en  notre  pouvoir.  Quand  nous  chassons  la  chaleur  morbide,  et 
que  nous  réduisons  la  réaction  morbide  à  la  période  de  cha- 
leur par  le  puissant  moyen  des  affusions  froides,  la  totalité 
des  symptômes  morbides  s'évanouit,  preuve  qu'à  ce  stade  de  la 
maladie,  ces  symptâmes  proviennent  de  la  chaleur  désordonnée,  et 
non  iun  poison  circulant  avec  le  sang,  n  Voilà  bien  le  côté  origi- 
nal ,  hardi ,  de  l'œuvre  de  Gurrie  ;  il  s'attaque  à  Hippocrate ,  à 
Sydenham  cet  autre  Hippocrate ,  à  la  tradition.  C'est  un  grand 
fait,  un  fait  historique!  U  est  donc  utile  et  sage  de  lutter  contre 
la  maladie  dès  son  début,  avant  que  les  forces  soient  déprimées 
et  les  habitudes  morbides  établies.  Gurrie  déclare  que  les  fièvres 
intermittentes  des  pays  chauds,  attaquées  dès  le  second  accès 
par  l'eau  froide,  guérissent  mieux  que  par  aucun  autre  re- 
mède. 

Il  faut,  dit-il,  recourir  aux  moyens  de  rafraîchir  artUfieiMe^ 
ment  Veau;  en  tout  cas,  on  peut  sans  danger  laisser  le  malade 
se  plonger  dans  le  bain  froid  ou  dans  la  mer,  et  user  du 
moyen  précité ,  qui  consiste  è  sortir  de  l'eau  et  à  y  rentrer  al- 
ternativement. 11  cite  plusieurs  cas  de  délire  maniaque  ou 
autre,  guéris  par  l'immersion  dans  l'eau  froide,  les  malades 
s'étant  d'eux-mêmes  jetés  à  l'eau. 


JAMES  GURRIE.  ^  247 

Chapitre  xmi  :  La  chaleur  animale  ^  ses  origines.  Perspiraùon, 
$m  action  réfrigérante.  Mode  d'action  de  quelques  remèdes  contre  la 
fièvre  :  Us  antimoniaux,  l'opium.  —  Gurrie  définit  la  vie  :  «la  fa- 
culté qu'a  l'animal  de  conserver  sa  chaleur  propre  en  dépit  des 
variations  du  milieu  ambiant.  y>  Les  animaux  sont  inférieurs 
ou  supérieurs,  suivant  que  cette  faculté  est  moins  ou  plus  dé* 
veloppëe  en  eux.  Les  végétaux  n'en  sont  pas  tout  à  fait  privés. 
Les  individus  dans  une  même  espèce  peuvent  être  classés 
d'après  le  développement  qu'a  chez  eux  cette  faculté,  qui  est 
un  critérium  de  la  force,  (t  II  y  a ,  dit  Gurrie ,  des  raisons  de 
penser  que,  tant  que  la  température  du  corps  humain  demeure 
sahs  changement,  sa  santé  n'a  rien  à  craindre  de  la  tempéra-- 
ture  du  milieu  ambiant,  que  si,  au  contraire ,  il  se  produit  un 
augment  ou  déclin  de  quelques  degrés  dans  la  température 
de  l'économie,  la  maladie  et  la  mort  s'ensuivent.  La  connais^ 
sance  des  lois  qui  r^issent  la  chaleur  vitale  senJfle  donc  la  branche 
la  plus  importante  de  la  physiologie. 

«La  chimie  moderne,  ajoute  Gurrie,  s'attribue  la  décou- 
verte de  l'origine  de  la  chaleur  animale ,  qui  est  supposée  dé- 
pendre des  modifications  que  les  ingesta  subissent  en  raison 
des  fonctions  de  la  vie.  Parmi  les  animaux  respirants,  la  prin* 
cipale  de  ces  modifications  est  occasionnée  par  les  poumons 
agissant  sur  l'air  atmosphérique  inhalé,  et  la  respiration  est 
considérée  comme  la  source  principale  de  la  chaleur  dans  cette 
classe  d'animaux.  Que  l'oxygène  contenu  dans  l'atmosphère 
fournisse  la  plus  grande  partie  du  pabulum  vitœ,  cela  n'est  pas 

douteux,  ta  respiration  étant  une  opération  dans  laquelle  le 
passage  d'un  gaz,  à  l'état  concret,  met  en  liberté  une  certaine 
quantité  de  chaleur,  de  la  même  façon  que  la  vapeur  se  trans- 
formant en  eau  restitue  une  partie  de  sa  chaleur.  La  chaleur 
alors  mise  en  liberté  étant  renvoyée  par  la  circulation  dans 
toutes  les  parties  du  corps  est  le  principal  moyen  par  lequel 
toul  l'organisme  est  échauffé  et  animé,  yt 

En  note,  dans  la  cinquième  édition,  l'auteur  expose  la  théo- 


248        CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

rie  la  plus  récente  alors  de  la  respiration,  et,  en  bon  Anglais 
pafriote ,  il  se  garde  bien  de  dire  qu'elle  vient  de  l'autre  cAté 
du  détroit,  elle  lui  parait  sans  doute  anonyme,  carie  nom  de 
Lavoisier  n'est  point  prononcé  par  lui.  Voici  cette  note  tra- 
duite littéralement  :  cr  La  respiration  est  un  exemple  d'attrac- 
tion élective  complexe ,  dans  lequel  le  gaz  oxygène  est  déplacé 
et  entre  en  une  nouvelle  combinaison;  une  partie  en  semble 
être  absorbée  par  la  masse  du  sang  qui  circule  dans  les  pou- 
mons; une  autre  partie  s'unit  à  l'hydrogène  du  sang  veineux 
pour  former  de  l'eau;  une  autre,  au  carbone  du  sang  pour 
former  le  gaz  acide  carbonique.  Dans  le  dernier  cas,  la  chaleur 
dégagée  ne  provient  pas  de  ce  que  l'oxygène,  de  gazeux,  de- 
vient solide,  mais  de  ce  qu'il  entre  dans  la  composition  d'un 
gaz  qui  a  moins  de  capacité  calorifique  que  lui-même.  La  cha- 
leur mise  en  liberté  dans  ces  différents  phénomènes  est  trans- 
mise au  sang,  qui,  par  la  perte  de  son  hydrogène  et  de  son 
carbone,  est  converti  de  veineux  en  artériel,  et  dont  la  ca- 
pacité calorifique  s'accroît  ainsi.  Par  là  l'inflammation  des 
poumons  est  évitée.  Mais  le  sang  artériel,  dans  sa  circulation, 
absorbe  de  nouveau  peu  à  peu  des  hydro-carbonates,  et  perd 
de  son  calorique.  De  là  l'uniformité  de  température  dans  le 
corps.  Telle  semble  être  la  théorie  moderne  de  la  respiration, 
laquelle,  il  faut  l'avouer,  n'est  pas  sans  offrir  quelques  diffi- 
cultés. 7> 

A  cette  époque,  on  agitait  la  question  de  savoir  si  la  peau 
n'absorbait  pas  aussi  une  certaine  quantité  d'oxygène.  Gurrie 
pense  que  cette  question  demande  des  expériences  nouvelles. 
Il  insiste  sur  le  rôle  de  la  peau  dans  les  variations  de  la  chaleur, 
et  sur  cette  faculté  qu'a  l'organisme  de  mettre  en  liberté  sa 
chaleur  latente.  Or  la  perspxraùon  lui  parait  jouer  ici  un  rAle 
non  douteux.  La  perspiration  est  le  corollaire  de  la  respiration; 
dans  la  respiration ,  il  y  a  un  gaz  incessamment  converti  en 
un  solide  ou  un  fluide,  et  par  là  la  chaleur  s'accrott;  dans  la 
perspiration,  im^rsement,  un  fluide  est  continuellement  con- 


JAMES  GURRIE.  369 

verti  en  vapeur,  et  ainsi  de  la  chaleur  est  dépensée.  Supposons 
que  la  proportion  d*oxygène  absorbé  par  Torganisme  reste  la 
même  et  que  la  température  de  l'atmosphère  s'élève,  nous 
nous  expliquerons  conmient  notre  chaleur  propre  ne  varie 
pas,  grâce  à  un  accroissement  de  notre  perspiration.  Que  la 
température  de  l'atmosphère  reste  sans  changement,  tandis 
que  l'oxygène  est  introduit  dans  les  poumons  en  plus  grande 
quantité ,  nous  nous  expliquerons  encore  la  stabilité  de  notre 
température  par  l'augmentation  de  notre  perspiration.  La 
première  de  ces  suppositions  se  réalise  quand  à  un  jour 
froid  succède  une  journée  chaude,  la  seconde  quand  nous  res- 
pirons plus  énergiquement  après  un  violent  exercice;  alors  la 
perspiration  parait  avoir  le  rôle  principal  dans  la  réfutation  de 
la  chaleur  animale  (in  regtdaùng  the  animal  heai)^  et  la  chatne 
de  la  vie  semble  reliée  au  monde  physique  par  des  anneaux 
que  les  récentes  découvertes  de  la  chimie  nous  permettent  de 
découvrir.  » 

Le  voilà,  ce  mot  régulation  que  nous  attendions;  tout  le 
faisait  pressentir  !  Le  raisonnement  serré  de  l'auteur,  la  lo- 
gique de  ses  idées,  sa  perspicacité,  qui  ne  laisse  rien  d'obscur 
et  devine  ce  qui  est  caché ,  devaient  le  conduire  à  ce  grand  fait 
que  les  modernes  n'ont  point  inventé.  Que  d'écrits  contempo- 
rains sur  la  régulation  !  11  semble  que  la  chose  soit  nouvelle 
et  sans  précédents  :  un  peu  de  modestie  ne  gâterait  rien.  Mais 
Gurrie  lui-même  est-il  l'inventeur  de  cette  théorie,  i'a-t-il  re- 
çue de  quelque  autre  observateur,  avait-elle  cours  à  son 
époque?  Qui  peut  dire  où  est  le  commencement  d'une  décou- 
verte? 

Gurrie,  continuant  son  exposé  de  la  théorie  de  l'évaporation , 
s*exprime  ainsi  :  «Un  vase  rempli  d'eau  et  exposé  à  l'air  ne 
peut  pas  être  amené  à  une  température  de  plus  de  a  i  a""  (  ébul- 
lition)  quel  que  soit  le  combustible  employé,  parce  que,  à  me- 
sure que  la  chaleur  se  développe  au  fond,  l'évaporation  l'en- 
lève h  la  surface.  Ainsi  en  est-il  pour  le  corps  vivant,  v 


350        CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  PIÈTRE. 

Currie  rapporte  ensuite  les  expëriences  de  Sanctorius  sur  la 
perspiration  insensible  mesurée  à  la  balance,  et  qui  était  éva- 
luée à  environ  i,5oo  grammes,  cbiffre  qu'il  croit  inférieur  à 
la  réalité.  Il  se  demande  combien  cette  ivapùration  coûte  de 
chaleur  à  l'organigme.  D'autres  expérimentateurs  ont  cherché  k 
vérifier  les  calculs  de  Sanctorius.  Gruikshanks  a  noté  une 
perte  en  poids  beaucoup  plus  considérable  après  l'exercice 
qu'après  le  repos.  Dans  le  mémoire  de  Lavoisier  et  Seguin, 
publié  dans  les  Mémoires  de  F  Académie  des  sciences  (1797)9  on 
trouve  une  évaluation  plus  exacte  des  pertes  de  poids  ame- 
nées par  la  perspiration  cutanée  et  pulmonaire. 

«Il  est  étonnant,  dit  Currie,  que  l'importance  de  l'évapora- 
tion  à  la  surface  du  corps  pour  la  r^ftdation  de  la  chaleur 
n'ait  pas  davantage  attiré  l'attention.  En  1 755,ledocteurGuIlen 
publia  sa  découverte  de  l'évaporation  des  fluides  comme  cause 
de  refroidissement  [Essays  and  obsemationsphysical  and  Uuerary, 
vol.  H),  phénomène  connu  depuis  longtemps  des  Asiatiques, 
et  qui  est  devenu,  en  Europe,  l'origine  de  tant  de  découvertes 
chimiques.  Eh  bien,  Cullen  n'a  pas  pensé  à  la  perspiration  des 
corps  vivants.   • 

«  Peu  de  temps  après,  le  docteur  Franklin  reconnut  les  eiFets 
de  refroidissement  produits  par  la  perspiration  cutanée.  Dans 
une  lettre  datée  de  Philadelphie  en  juin  1758,  Franklin 
s'exprime  ainsi  [Lettres  et  mémoires  de  Franklin,  p.  365)  :  «Du- 
«rant  la  chaleur  à  Philadelphie,  en  juin  1760,  un  jour  où  le 
«thermomètre  marquait  loo""  F.(37*'8  G.)  à  l'ombre,  j'étais  as- 
«sis  immobile  [dans  ma  chambre,  occupé  seulement  à  lire  et  à 
«écrire,  n'ayant  d'autre  vêtement  que  ma  chemise  et  un  ca- 
«leçon  de  toile;  toutes  les  fenêtres  étaient  ouvertes,  et  un 
«vent  frais  traversait  l'appartement ,  la  sueur  coulait  sur  le 
«  dos  de  mes  mains ,  et  ma  chemise  était  souvent  assez  mouillée 
^  pour  m'obliger  d'en  changer.  Mon  corps  cependant  ne  devint 
«jamais  aussi  chaud  que  l'air  ambiant  ou  que  les  corps  ina- 
«  niniés  plongés  dans  cet  air.  »  Franklin  en  concluait  qu'il  était 


JAMES  GURRIE.  251 

demeuré  relativement  froid ,  par  suite  de  la  sueur  continuelle, 
et  par  i'évaporation  de  cette  sueur.  Le  mémoire  de  Gullen 
n'était  pas  passé  inaperçu  de  Franklin. 

«  Lorsque  les  observations  de  Duhamel  et  Tillet  en  France 
et  les  expériences  de  Fordyce  et  de  sir  filagden  en  Angleterre 
vinrent  montrer  quel  extraordinaire  degré  de  chaleur  pouvait 
supporter  le  corps  vivant,  l'attention  des  savants  fut  éveillée 
par  ce  phénomène.  L'opinion  générale  fut  que  Taniroal  possé- 
dait le  pouvoir  d'engendrer  le  froid  comme  le  chaud.  Bell, 
dans  les  Mémoires  de  la  Société  de  Manchester,  fit  la  critique  de 
cette  opinion,  et,  en  discutant  avec  lui,  Gurrie  conçut,  dit-il, 
la  pensée  que  le  principal  office  de  la  perspiralion  insensible 
devait  être  de  régler  la  chaleur  animale;  cette  opinion,  ajoute 
notre  auteur,  qui  semblait  si  raisonnable ,  a  été  confirmée 
chez  moi  par  la  réflexion  et  l'observation. 

«Pourtant  quelle  que  puisse  être  l'influence  delà perspira- 
tion  sur  le  refroidissement  du  corps ,  elle  n'est  peut-être  pas  le 
seul  moyen  par  lequel  cet  effet  est  produit.  En  effet,  de  quel- 
ques expériences  sur  l'action  des  bains  chauds,  il  semble  ré- 
sulter que  la  température  du  corps  s'accrott  difficilement  après 
que  la  sueur  a  coulé  abondamment;  or,  comme  il  ne  peut  y 
avoir  d'évaporation  à  la  peau  quand  le  corps  est  immergé  dans 
l'eau ,  et  qu'il  y  en  a  peu  par  les  poumons  quand  l'air  inspiré 
est  saturé  de  vapeur  d'eau ,  si  l'expérience  ultérieure  confirme 
nos  observations,  on  trouvera  peut-être  que  la  production  de  la 
sueur  elle-même  correspond  à  une  certaine  dépense  de  cha- 
leur :  ainsi  s'expliquera  l'abaissement  de  la  température  qui 
succède  à  une  perspiralion  profuse.  Albin  us,  Haller,  William 
Hunter,  ont  supposé  que  la  sueur,  comme  la  perspiralion  in- 
sensible, était  une  exsudation  de  la  partie  aqueuse  du  sang  à 
travers  les  téguments;  mais  cette  opinion  doit  être  rejetée. 
Gruikshanks  et  Fordyce  ont  montré  que  la  sueur  était  un  pro- 
duit secondaire  et  non  direct,  etc..  . .  ^ 

Ici  se  place  une  théorie  tellement  conforme  aux  idées  con- 


352         CHAPITRE  1*  ->  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

temporaines,  quoD  serait  tenté  d'en  attribuer  le  mérite  à 
quelque  auteur  actuellement  vivant  Nous  la  retrouverons  k 
l'état  anonyme,  ou,  qui  pis  esL  pourvue  d*un  nom  qui  ny  a 
point  droit,  parmi  les  travaux  éclos  dans  ces  dernières  années. 
Nous  ne  nous  lasserons  point  de  citer  Currie  textuellement, 
et  nous  espérons  que  le  lecteur  n*y  perdra  rien  : 

<i  La  dépense  de  chaleur  [akwrptûm)  peut,  du  reste ,  avoir  lieu 
dans  d'autres  proees9tu  [jnroce»),  que  la  production  et  Tévapo- 
ration  de  la  matière  perspirable,  et  que  la  respiration;  et, 
après  tout,  les  changements  soudains  de  température  qui  ont 
lieu  dans  certaines  circonstances- donnent  lieu  de  penser  que 
f  animal  possède  un  certain  poutair  eursa  chaleur,  lequel  nous  est 
encore  inconnu.  Laissant  ce  point  à  éclaircir  par  des  recher- 
ches futures,  tenons  l'importance  de  la  perspiration  par  rap* 
port  à  l'économie  animale  pour  certaine.  Par  ce  froeeeeus,  la 
stimulation  des  extrémités  des  vaisseaux  par  la  distension  mor- 
bide est  diminuée  ou  vaincue,  et  quelque  autre  moyen  que 
possède  l'organisme  pour  diminuer  sa  chaleur,  cette  détente 
semble  de  beaucoup  le  moyen  le  plus  efficace,  et,  en  certains 
cas ,  indispensable  pour  cet  objet.  Lorsque  les  organes  de  la 
perspiration  éprouvent  une  constriction  spasmodique,  tandis 
que  Taccroissement  du  mouvement  de  la  circulation  déve- 
loppe une  chaleur  anomale  (comme  cela  a  lieu  au  début  de 
la  fièvre),  nous  pouvons  imaginer  facilement  quels  désordres 
s'ensuivent.  9 

Currie  ne  nous  laisse  faire  après  lui  ni  développement  ni 
commentaire ,  il  épuise  le  sujet.  Un  auteur  moderne ,  William 
Edwards,  dont  les  travaux  sur  la  chaleur  animale  sont  si  jus- 
tement admirés,  est  diminué  singulièrement  après  qu'on  a  lu 
Currie,  son  prédécesseur  et  son  maître. 

«On  a  observé,  dit  Currie,  que  les  personnes  qui  ont  en* 
trepris  un  travail  excessif  n'y  peuvent  suffire,  è  moins  qu'elles 
ne  transpirent  longuement  et  compensent  leur  perspiration  en 
buvant  quoique  liquide  modérément  stimulant.  Tel  est  le 


JAMES  GURRIE.  253 

cas  des  moissonneurs  en  Pensylvanie ,  qui  travaillent  en  plein 
soleil  et  peuvent,  grâce  à  une  abondante  transpiration,  sup- 
porter une  chaleur  extérieure  supérieure  à  celle  de  leur  sang 
(Franklin).  Tel  est  aussi  le  cas  de  nos  porteurs  de  charbon, 
qui  perdent  journellement  par  cette  voie  la  cinquième  ou 
sixième  partie  de  leur  poids ,  et  qui  réparent  cette  perte  par 
de  grands  coups  de  porter  {mot  à  mot  :  de  grandes  lam- 
pées, large  draiights).  Dans  ces  cas,  un  arrêt  soudain  de  la 
perspiration  par  suite  de  la  cessation  de  l'exercice ,  et  l'im- 
pression du  froid  extérieur,  amènent  souvent  un  accident  fatal. 
Les  Européens  qui  vont  dans  les  Indes  orientales  sont  d'au- 
tant mieux  portants  qu'ils  transpirent  plus  abondamment, 
surtout  s'ils  boivent  des  liquides  légèrement  stimulants  et  en 
quantité  modérée,  s'ils  s'abstiennent  de  se  griser,  et  se  gardent 
des  effets  d'une  transpiration  trop  excessive  quand  leur  vigueur 
est  altérée  par  la  fatigue.  Il  faut  se  méGer  des  sueurs  qui  per- 
sistent après  que  la  chaleur  est  abaissée,  sorte  de  sueurs  colH- 
quaàves. . .  Les  nuits  sont  froides,  la  peau  est  désarmée... 
le  danger  prochain ...» 

Currie  donne  ensuite  des  renseignements  sur  la  chaleur  du 
corps  sous  différentes  latitudes;  il  examine  la  constitution  du 
nègre,  sa  transpiration  diminuée  par  l'état  visqueux*  de  sa 
peau,  l'utilité  de  certains  onguents  dont  se  frottent  les  In* 
diens,  celle  des  bains  tièdes  dans  les  Indes  orientales.  Currie 
en  réfère  au  grand  Bacon  [Lord  Feru^)  qui  a  écrit  ceci  :  Inune^ 
tio  ex  oleo,  et  hyeme  eonfert  ad  sanitatem,  per  exclusionemfrigoris, 
et  œsidte,  ad  detmendos  spiritus,  et  prohibendam  exsolutionem  eorum 
et  arcendam  vm  aeris,  quœ  tunemaxime  est  prœdatoria.  Ante  omnia 
igUur  usum  olei  vel  olivarum  vel  amygdali  dulcts,  ad  cutem  ah  ex-- 
ira  unguendum,  ad  longœmtatem  ducere  existimamus. 

Currie  examine  ensuite  l'effet  des  baiiis  chauds,  c'est-è- 
dire  de  ceux  dgnt  la  température  s'approche  de  la  chaleur  du 
corps  humain.  Il  les  considère  comme  sédatifs  surtout  en  ce 
qu'ils  favorisent  la  perspiration  sensible.  Il  insiste  sur  la  né- 


25&         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

cessité  de  toujours  noter  quelle  était  la  température  du  bain 
mesurée  par  le  thermomètre. 

Passant  à  l'action  fébrifuge  de  certains  médieammi»  et  se 
plaçant  à  un  point  de  vue  que  les  modernes  ont  adopté  sans 
en  indiquer  l'inventeur,  Gurrie  dit  :  «  Les  idées  que  nous  avons 
exprimées,  quant  à  la  nature  de  la  fièvre  et  aux  fonctions  de  la 
perspiration ,  semblent  nous  éclairer  sur  le  mode  d'action  de 
ces  émétiques  antimmiaux,  et  de  ces  iudorijiqueê,  qui  arrêtent 
souvent  les  fièvres  au  début.  L'action  directe  de  ces  médica- 
ments sur  f  estomac  résout  la  striction  spasmodique  des  ca- 
pillaires  de  cet  organe  et  de  la  surface  qui  s'oppose  à  l'expan- 
sion de  la  chaleur  morbide.  Néanmoins  ces  remèdes  sont 
incertains  dans  leurs  effets,  et  en  tout  cas  hautement  dUnK-- 
tonte.  Ib  ne  peuvent  entrer  en  comparaison  avec  kê  affusùmê  ieau 

froide Quant  à  lh>pium  ,  on  a  discuté  pour  savoir  s'il 

était  de  nature  chaude  bu  froide  :  dans  ces  derniers  temps 
on  s'est  demandé  s'il  était  stimulant  ou  sédatif.  L'opium 
est  certainement  un  remède  contre  la  douleur  et  il  fait  dor- 
mir, deux  effets  concomitants.  Cependant  Topium  parfois  ne 
procure  pas  le  sommeil  et  ne  diminue  pas  la  fièvre,  surtout 
si  la  chaleur  est  grande  et  la  peau  sèche.  Si  la  peau  a  une 
tendance  à  s'ouvrir,  l'opium  souvent  active  la  perspiration  et 
par  ce  moyen  diminue  la  chaleur.  L'opium  administré  à  la  pé- 
riode de  chaleur  de  la  fièvre  intermittente  accélère  souvent  la 
période  de  sueur;  il  en  faut  aider  l'action  par  des  boissons 
tièdes  ou  froides.  Lee  koUsons  akooliques  ont  une  ressemblance 
marquée  avec  l'opium  pour  leurs  effets.  L'alcool  est  plus  échauf- 
fant, moins  diaphorétique  et  moins  soporifique.  D'abord  il 
excite  la  diffusion  de  la  chaleur  à  la  peau,  accrott  la  stimula- 
tion du  cœur  et  des  artères,  il  y  aune  fièvre  d'intoxication  qui 
peut  aller  jusqu'à  k\^Q.  On  a;^u  des  ivrognes  rechercher  le 
froid,  se  baigner  en  rivière  et  diminuer  ainsi  jes  effets  de  l'i- 
vresse ...  9  Gurrie  ne  conseille  pas  d'administrer  l'alcool  quand 
la  chaleur  est  grande  et  la  peau  très-sèche ,  mais  de  le  donner 


JAMES  GURRIE.  355 

quand  la  chaleur  est  modérée  et  la  peau  souple  et  humide.  Il 
conseille  aussi  de  donner  l'opium  aux  ivrognes  pour  les  faire 
transpirer. 

Les  applications  locales  du  froid  sont  le  sujet  d'une  courte 
note  (p.  999)  :  «L'application  locale  du  froid  sur  des  parties 
enflammées  ne  doit  pas  étre^  dit  Gurrie,  soudaine  et  tempo- 
raire, mais  progressive  et  graduelle,  et  permanente.  C'est  ainsi 
que  se  justifient  les  succès  obtenu» par  la  glace,  la  neige,  ap- 
pliquées sur  diverses  parties  du  corps,  pour  prévenir  ou  ré- 
duire l'inflammation ...  On  sait  très*bien  que  Vaciiim  locale  du 
firoid  ê'étend  â  tout  l'organitme.  On  arrête  une  hémorragie  puU 
monaire  en  mettant  les  pieds  dans  l'eau  froide ,  ou  en  conti- 
nuant l'application  du  froid  sur  le  pénis  et  les  bourses.  » 

Le  chapitre  xix  est  consacré  à  cette  question  de  savoir  si  la 
peau  inhale  (absorbe),  et  à  l'examen  d'un  cas  de  mort  par 
inanition.  Sur  la  première  question,  Currie  répond  que  le 
bain  prolongé  n'augmente  pas  le  poids  du  corps  (Gurrie,  Gé- 
rard, RoUo).  Dans  l'inanition  par  obstacle  intestinal,  Gurrie 
a  tenté  de  faire  absorber  des  liquides  dans  le  bain  par  la  peau , 
mais,  en  pesant  à  la  balance  très-exactement  son  malade,  maigre 
la  durée  prolongée  des  bains,  il  ne  le  trouva  jamais  augmenté 
de  poids. 

La  chaleur  décrott-elle  dans  l'inanition?  Haller  dit  oui. 
Currie  n'a  point  observé  cette  décroissance.  Il  se  demande 
alors  si  la  digestion  est  la  seule  source  de  la  chaleur.  Pour- 
tant il  ajoute  :  «  La  facilité  avec  laquelle  le  sujet  en  inanition 
perdait  sa  chaleur  s'accorde  avec  une  série  de  faits  d'où  il  ré- 
sulterait que,  dans  les  cas  où  la  génération  de  la  chaleur  est 
naturelle,  le  pouvoir  de  la  retenir  dans  l'organisme  est  en  pro- 
portion de  la  force  du  principe  vital.  »  (Voir  les  travaux  d'Ed- 
wards, de  Chossat,  etc.,  sur  cette  question.)  Cependant  il  de- 
meure acquis  que  le  bain  apaise  la  soif. 

Seguin,  à  la  même  époque,  soutenait  aussi  que  le  bain  n'aug- 
mente pas  le  poids  du  corps.  Fourcroy,  son  rapporteur  à  l'A- 


256         CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

cadémie  des  sciences,  constatait  le  fait  et  les  diverses  expé- 
riences de  Seguin  en  ces  termes  :  «Le  premier  résultat  tiré 
de  trente-trois  expériences  faites  par  Fauteur  sur  lui-même, 
c'est  que  le  corps  n'augmente  pas  de  poids  dans  le  bain,  qu'il 
perd  moins  dans  l'eau  que  dans  l'air,  et  que  cette  perte  est 
surtout  en  raison  de  la  température  de  l'eau  du  bain;  que 
la  perte  de  poids  dans  l'eau  à  to^  ou  ta*  (baromètre  à 
q8  pouces),  est  à  celle  dans  l'air  comme  6,5  est  à  17;  qu'à 
i  5°  ou  1  S"",  cette  perte  dans  l'eau  est  à  celle  dans  l'air  comme 
7,5  est  à  Q  1,7  ;  que,  dans  l'eau  chaude  à  g6*  ou  98%  elle  est  à 
celle  dans  l'air  comme  i3  est  à  9 3.  M.  Seguin  attribue  cette 
perte  moindre  à  ce  que  la  matière  de  la  transpiration  insen- 
sible n'est  point  exposée  au  contact  de  l'air  qui  doit  la  dis- 
soudre dans  l'état  ordinaire.  II  rend  raison  de  la  différence  de 
ces  pertes  à  diverses  températures  de  l'air  de  la  manière  sui«- 
vante  :  la  perte  de  poids  qu'on  éprouve  dans  l'eau  à  i  o"*  00 
1 9'',  est  beaucoup  plus  faible  que  celle  qui  a  lieu  dans  l'air, 
parce  qu'il  n'y  a  point  de  transpiration  cutanée  ;  il  n'existe 
alors  que  la  transpiration  pulmonaire  ;  celle  qui  se  fait  dans 
l'eau  à  1  S*"  est  un  peu  plus  faible  que  la  seule  transpiration 
pulmonaire,  parce  que,  outre  qu'il  n'y  a  point  de  transpiration 
cutanée  dans  ce  cas  comme  dans  le  précédent,  l'air  qui  entre 
dans  le  poumon  est  chargé  d'humidité  et  ne  dissout  pas  toute 
celle  qui  se  dégage  de  ce  viscère  :  enfin  la  perte  de  poids  qu'on 
fait  dans  un  bain  d'eau  à  90''  est  plus  considérable  que  celle 
qui  est  produite  par  la  seule  transpiration  pulmonaire,  dans  l'air 
à  cette  température,  parce  qu'alors  le  corps  perd  et  par  cette 
dernière  transpiration,  et  par  la  sueur  qui  sort  des  vaisseaux, 
en  raison  de  l'augmentation  des  mouvements  du  cœur  et  des 
artères,  qui,  comme  M.  Seguin  l'a  prouvé  dans  son  mémoire 
sur  la  transpiration ,  est  la  seule  cause  de  la  transpiration  sen- 
sible ou  de  la  sueur.  Mais,  malgré  la  différence  de  ces  trois 
résultats,  qui  dépendent  de  la  température  de  l'eau  du  bain, 
il  n'est  pas  moins  certain  qu'il  n'y  a  point  augmentation  du 


JAMES  GURRIE.  257 

poids  du  corps  par  le  bain ,  et  qu'il  y  a  seulement  une  perte 
moins  forte  que  dans  l'air,  dépendant  de  l'absence  de  celui-ci 
et  de  la  privation  de  sa  qualité  dissolvante  par  rapport  à  la 
matière  de  la  transpiration.  »  Le  reste  du  mémoire  de  Seguin 
est  destiné  à  montrer  le  mode  et  le  degré  d'absorption  par 
la  peau,  et  à  prouver  que  les  miasmes  infectieux  s'absorbent 
par  les  poumons  et  non  par  la  peau.  (La  médecine  éclairée  par 
les  seienees  physiques,  vol.  III,  p.  â3â.) 

Le  deuxième  volume  contient  au  chapitre  l*  les  expériences 
les  plus  récentes  de  divers  auteurs  sur  l'usage  des  affusions 
froides  et  tièdes,  et  sur  l'emploi  de  la  digitale  dans  les  fièvres 
inflammatoires. 

Il  ne  faut  point  s'étonner  de  voir  Gurrie  revenir,  dans  di- 
vers chapitres,  sur  les  mêmes  sujets  et  ne  les  avoir  point  tout 
d'abord  épuisés.  Il  n'est  point  méthodique ,  il  n'écrit  point  ex 
professo,  il  relate  les  faits  suivant  que  l'expérience  les  lui 
apporte  avec  les  années.  Cette  manière  est  la  plus  sincère,  la 
seule  sincère  dans  les  sciences  médicales.  L'auteur  confirme 
ses  précédentes  assertions  et  les  corrobore  par  de  nouvelles 
observations.  Le  temps  détruit  ou  consolide ,  il  n'en  faut  ja- 
mais faire  fi.  Gurrie  nous  apprend  qu'il  emploie  avec  succès 
les  affusions  froides  dans  les  fièvres  contagieuses,  même  quand 
U  existe  des  symptâmes  pulmonaires.  Il  croit  que  l'on  peut  par  ce 
moyen  raccourcir  la  durée  de  la  maladie. 

L'action  bienfaisante  du  vent ,  de  la  fraîcheur  de  l'air,  de 
la  pluie  et  de  la  rosée  sur  les  fiévreux ,  a  été  quelquefois  obser- 
vée, nous  dit  Gurrie,  et  il  cite  deux  observations  de  Des- 
genettes ,  contenues  dans  son  Histoire  médicale  de  l'armée  Jt Orient, 
p.  9&9  :  c(Un  sapeur,  atteint  de  la  peste  pendant  l'expédition 
de  Syrie,  s'échappa  tout  nu,  pendant  un  violent  délire,  du  fort 
de  Gathieth  et  demeura  perdu  pendant  trois  semaines  dans  le 
désert.  Deux  bubons  qu'il  avait  suppurèrent  et  guérirent  d'eux- 
mêmes.  U  s'était  nourri  d'une  espèce  d'oseille  sauvage.  Get 
homme  guérit  parfaitement,  y»  Gurrie  suppose  que  ce  malade 

«7 


L>58         CdAPITlU:  1".    -  LA  CHALKUK  KT  LA  FIEVRE. 

avait  subi  l'action  rafraîchissante  des  rosées  et  des  pluies  qui 
étaient  abondantes  a  ce  moment.  Deuxième  observation  de 
Desgenettes  :  t  Un  artilleur  qui  avait  deux  bubons  et  un  an- 
thrax charbonneux  s'échappa  du  Lazaret  de  Boulalc,  le  jour 
même  où  il  y  avait  été  admis,  et,  dans  un  violent  accès  de  dé- 
lire, se  précipita  dans  le  Nil.  Il  fut  ressaisi  au  bout  d'une 
demi-heure,  auprès  d'Embabeth,  par  les  gens  de  ce  village, 
et  il  guérit  parfaitement,  v  On  citait  beaucoup  de  cas  sem- 
blables. Currie  regrette  que  les  médecins  français  et  anglais 
aient  ignoré  les  bienfaits  du  traitement  par  le  froid,  et  il  se 
plaint  de  l'impuissance  des  efforts  faits  pour  propager  les  mé- 
thodes utiles  à  la  santé  de  Thomme.  Il  ne  se  doutait  pas  de 
l'oubli  où  ses  recherches  tomberaient  pendant  un  demi-siècle! 
Suivent  des  observations  faites  à  Liverpool. 

La  digitale  (^digitalis  purpurea).  —  «Ce  remède,  dit  Currie. 
est  venu  récemment  à  notre  secours;  il  possède  un  charme 
[)our  produire  une  action  extraordinaire  sur  le  cœur  et  les 
artères,  et,  à  ce  titre,  sur  Thydropisie,  particulièrement  sur 
l'hydrothorax.  La  puissance  extraordinaire  de  la  digitale  pour 
arrêter  les  hémorragies  et  particulièrement  les  hémoptysies, 
est  généralement  admise,  mais  son  emploi  dans  les  phlegma- 
sies  est  moins  connu.  Cette  substance  est  destinée  non  à  sup- 
primer, mais  à  diminuer  l'usage  de  la  lancette,  v 

Prenant  toutes  les  précautions  prescrites  par  le  docteur 
Withering  pour  l'emploi  de  cette  substance,  Currie  a  ordonné 
la  digitale  fréquemment  dans  les  injlammations  du  poumon,  du 
cœur  et  du  cerveau,  et  avec  un  succès  inespéré.  Il  trouve  que 
c'est  un  excellent  remède  contre  le  rhumatisme  aigu,  et  il 
exprime  le  désir  de  communiquer  plus  tard  au  public  le  ré- 
sultat de  ses  observations.  La  digitale  est,  dit-il,  un  incontes- 
table sédatif.  11  renvoie  à  l'ouvrage  publié  en  1799  par  le  doc- 
teur J.  Ferriar,  de  Manchester,  sous  ce  titre  :  An  essay  on  the  mé- 
dical properties  0/  diffitalis  purpurea. 


JAMES  GURRIË.  259 

Le  chapitre  ii  traite  des  affûtions  froides  et  ùèdes  dans  la  sear- 
lalme,  la  variole  conflumte,  la  rougeole,  l'influenza  (grippe),  etc. 

Gurrie  pense  que  les  formes  très*graves,  gangreneuses,  ne 
comportent  pas  le  traitement  par  feau  froide.  Dans  la  scarlatine 
ordinaire,  quand  le  thermomètre  s'élève  à  i  o5%  1 06^  et  même 
i  1  o*(  &o%  &  1%  A  a^'C),  il  faut  agir  avec  vigueur,  surtout  à  la  pre- 
mière période ,  et  verser  sur  le  corps  nu  du  malade  plusieurs  gal- 
ions d'eau  très-froide.  Si  l'on  n'abaisse  pas  d'abord  la  tempé-- 
rature ,  il  faut  recommencer  les  ablutions  plusieurs  fois  par 
jour,  et,  au  besoin,  jusqu'à  douze  fois  en  vingt-quatre  heures. 
Après  ce  temps  en  général,  le  plus  souvent  même  plus  tôt,  la 
force  de  la  fièvre  est  abattue ,  et  il  suffit  d'employer  de  temps 
è  autre  les  affusions  tièdes.  Simultanément  on  doit  faire  boire 
au  malade  de  l'eau  froide  et  de  la  limonade  froide.  On  voit 
survenir,  après  l'arrêt  de  la  fièvre,  une  grande  langueur  avec 
tendance  au  sommeil.  Si  le  malade  ressent  trop  le  froid,  on' 
lui  enveloppera  les  extrémités  de  vêtements.  Au  bout  de  trois 
jours  généralement  le  malade  est  convalescent.  L'angine  se 
trouve  aussi  fort  bien  de  ce  moyen. 

Il  survient  quelquefois  de  l'hydropisie  des  membres,  mais 
la  digitale  en  triomphe;  ou  même  cela  guérit  spontanément. 

Si  la  timidité  des  parents  ou  les  appréhensions  des  médecins 
ne  permettent  pas  d'avoir  recours  à  cette  pratique  décisive , 
on  se  contentera  du  traitement  moins  efficace  par  les  ablutions 
tièdes  ou  les  bains  tièdes  comme  fait  le  docteur  Clark,  de 
Newcastle.  Suit  le  récit  de  plusieurs  épidémies.  Gurrie  conseille 
de  traiter  les  enfants  sains  par  l'eau  froide  (moyen  préventif) 
en  temps  d'épidémie  de  scarlatine.  Il  a'  appliqué  cette  méthode 
à  ses  propres  enfants,  avant  et  pendant  la  scarlatine. 

Currie  est  absolument  convaincu  de  l'excellence  du  traite- 
ment par  le  froid,  a  J'ai,  dit-il,  toujours  suivi  cette  pratique 
dans  des  centaines  de  cas  (cent  cinquante  en  une  seule  épidé- 
mie), et  cela  avec  un  succès  si  invariable,  que  je  ne  pouvais 
m'empêcher  d*en  éprouver  une  émotion  de  surprise  et  une  sa- 

«7- 


260 


CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


tisfaction  grande.  "  Du  reste,  les  écrits  d'Haygarth,  du  docteur 
Clark,  et  du  docteur  Biackburn,  constatent  le  succès  de  cette 
méthode ,  qui  fut  adoptée  à  cette  époque  par  tout  ce  que  la 
médecine  comptait  de  savants.  MM.  les  docteurs  Rutter,  Dale, 
Eaton,  Gregory  (professeur  à  Édinburgh),  publièrent  des  cas 
nombreux  de  succès  obtenus  par  les  affusions  froides  dans  la 
scarlatine.  On  se  préoccupait  des  pleurésies,  de  lanasarque 
pouvant  se  produire  sous  l'influence  de  ce  refroidissement,  et 
l'on  ne  trouvait  pas  que  les  affusions  en  fussent  plutôt  suivies 
que  les  autres  modes  de  traitement. 

La  méthode  faisait  des  progrès  en  Angleterre  pour  le  typhus 
surtout  (voy.  le  mémoire  de  M.  Blegborougb ,  in  Médical  ani 
phytical  Journal,  vol.  VIII,  p.  i58,  et  celui  de  M.  Pearson, 
même  vol.,  p.  3 67).  Il  arrivait  pourGurrie  ce  qui  avait  eu  lieu 
pour  Jenner;  tout  le  monde  médical  correspondait  avec  lui  et 
s'informait  curieusement  de  sa  pratique.  Époque  d'enthou- 
siasme et  de  bonne  foi  !  Une  partie  du  deuxième  volume  con- 
tient cette  intéressante  correspondance  ^ 


^  Il  est  curieux  de  noter  en  passant 
la  pratique  de  nos  prédécesseurs.  C'est 
à  ce  titre  que  nous  rapportons  Tobser- 
vation  suivante  : 

Sur  Vuiag9  de  Veau  à  laglacê  âan$  le 
traitement  d'une  fièvre  btUeuee-putride 
miîiaire,  précédée  de  V Histoire  de  la 
eofutituiion  de  famnée  tySS,  à  5<imt- 
Jean-d'Angély,  par  M.  J.  Lamarque, 
docteur  en  médecine  de  l'Université  de 
Montpellier,  avec  cette  épigraphe  : 

Dt  quanio  fehriê  eit  inteneior,  tanto 
detur  Jrigidior  aqua;  etpurgatio  tanta 
eit,  quanta  eacochymia.  Vallès.  {Jmtnud 
de  Vandemumde,  1786.) 

Appelé  le  1 6  août  1786  pour  voir  un 
homoie  de  trente-cinq  ans  atteint  d'une 
fièvre  putride,  Tauteur  fait  ouvrir  les 
fenêtres  au  nord,  suivant  le  précepte 
d*Aetius  :  prima  auxiUa  in  JÂre  ninf 


d^eMUM  m  lœiefr^idû,  qui  adjmnm 
aerem  patent.  Vient  ensuite  le  rédt  du 
traitement,  qui  est  terrible  comme  il 
devait  l'être  à  cette  époque  : 

Le  1 7  août,  émétique. 

Le  18,  sel  d'Epsom. 

Le  1 9 ,  trois  lavements  et  camphre. 

Le  90,  décoction  de  tamarin  et  sel 
d'Epsom,  boissons  émétisées  continuées 
trois  jours  de  suite. 

Du  9t  jusqu'au  96,  tous  les  jours, 
sel  d'Epsom  émétisé. 

Le  96,  kina,  serpentaire. 

Le  97,  on  arrête  la  médication. 

Le  99,  se  passe  un  phénomène  cu- 
rieux :  le  malade  demande  à  manger,  le 
médecin  s'indigne.  Il  voit  là  ooe  preuve  de 
délire  :  quœ  ârca  ree  neceeeariae  wrta»- 
tur  deUria,  peeeûna.  On  revient  à  la  po- 
tion mmoratite,  on  applique  deux  laiges 


DUMAS,  DE  MONTPELLIER.  261 

DVMAS,   DE  MONTPELLIER. 

(1765-1813.) 

On  peut  ouvrir  au  hasard  un  livre  de  médecine  du  xviii* 
siècle,  on  y  trouvera,  à  coup  sûr,  la  fièvre  représentée  comme 
un  mouvement  salutaire  de  la  nature  qui  se  veut  purger  d'un 
mal  intérieur.  Le  médecin  y  est  représenté  comme  le  modéra- 
teur qui  doit  diriger,  exciter  ou  ralentir  ce  mouvement  fébrile. 
Dumas,  de  Montpellier  ^  dans  un  mémoire  couronné  par  la 


▼éflieftIotFes  aui  jambes.  Le  3 1 ,  noaTeau  videtur  et  profuturafrigidortun  appUea- 

vénctloire  à  la  noqae.  Jusqu'au  3  aep-  tio,  tam  interna,  quam  $xt0ma,  dum 

lembre,  même  potion.  Malgré  tous  les  eorpuê  nimio  cdor^febrUiœêttMt;!!  rap- 

secours,  le  mal  empirait.  Malgré  est  ici  pelle  robservation  de  Scheibauser,  d'un 

placé  sans  doute  pour  à  cmue.  Hélas I  domestique  qui ,  en  Tétat  de  fièvre,  but 

Tenvie  de  manger  était  persévérante ...  dix  litres  d'eau  froide  et  guérit  ;  celle  de 

Le  malade  ne  trouvait  pas  les  boissons  Meibomius,  relative  à  des  paysans  qui  se 

froides.  Un  médecin  appelé  en  guérirent  d'une  fièvre  par  l'eau  froide  ; 


consultation,  M.  Âublet,  propose  l'u-  ee\\edeVI'û^s{DêdeUnoetphrenitide), 
sage  de  Veau  à  la  glace;  on  emploie  ce  d'une  femme  guérie  par  un  bain  de  ri- 
moyen  malgré  le$  clamewi  deê  femmeê  vière;  une  observation  analogue  de  Dd- 
H  de  qËtelfueê  hommêM  de  Vart,,  Le  dier  de  Montpellier;  les  observations  du 
malade  but  à  la  glace  avec  un  plaisir  traitéi>tt6atiideMM.FloyeretBaynard, 
sans  égaL  On  lui  appliqua  des  com-  et  beaucoup  d'autres,  sans  parler  des 
presses  glacées  sur  le  ventre,  et  des  la-  anciens.  Rivière  (ImHtut.  med,  liv.  IV, 
vements  à  l'eau  glacée,  et  il  ne  se  plai-  ch.  xxiv)  dit  que,  dans  le  midi,  la  glace 
gnît  d^aucune  sensation  de  froid.  Même  sert  à  guérir  les  maladies  putrides.  En 
tnllement  pendant  deux  jours.  On  con-  Perse,  c'est  une  pratique  usuelle.  (  Voy. 
tinue  le  5  et  le  6,  non  sans  donner  le  Glandin,  Voyage  en  Peree.)  En  Sicile, 
wûnoratif.  Le  7,  la  cbaleur  du  corps  di-  -  même  usage.  Hoffmann  a  écrit  deux 
minne  ;  le  9 ,  l'application  du  froid  fait  dissertations  sur  Teau  froide. 
tresMiUir  le  malade,  on  cesse.  Bref  le  ^  «Mémoire  couronné  par  la  Société 
malade  guérit  malgré  l'apoième  aoti-  royale  de  médecine  de  Paris,  dans  lequel, 
septique ...  M.  Lamarque  en  condut  après  avoir  exposé  les  idées  générales 
que  c'est  le  froid  qui  a  opéré  la  guéri-  que  l'on  doit  se  former  sur  la  nature  de 
son,  et  il  cite  l'opinion  de  Vallès  (Val-  la  fièvre  et  sur  celle  des  maladies  cbro- 
lesins,  in  Meth,  med.  p.  969)  :  uieum-  niques,  on  tâcbe  de  déterminer  dans 
que  ah  ipea  calorie  vehementia  timere  quelles  espèces  et  dans  quel  temps  des 
Mc^y  oiwM  ralûme  refrigerare  ncceeee  maladies  cbroniques  la  fièvre  peut  être 
eet,  ei  Van  Swieten,  S  691  :  adewpte  utile  ou  dangereuse,  et  avec  quelles 


269        CHAPITRE  V\  -  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE.  ' 

Société  royale  de  médecine  de  Paris ,  sur  la  question  suivante  : 
(c  Déterminer  dans  quelles  espèces  et  dans  quel  temps  des  ma- 
ladies chroniques  la  fièvre  peut  être  utile  ou  dangereuse,  et 
avec  quelles  précautions  on  doit  l'exciter  ou  la  modérer  dans 
leur  traitement,»  a  donné  des  solutions  qui  nous  paraissent 
bien  représenter  les  idées  de  son  époque.  Voici  une  courte 
analyse  de  ce  travail  inspiré  des  traditions  hippocratiques  : 
Natura  est  morbarum  medicatrùc,  luctam  imt  illa  eum  materiU 
tnorbi/iciê,  viaê  ipios  tibifacii  et  motut  producit.  (Hipp.  Epii.  VI, 
sect.  5  ).  La  maladie  est  donc  un  acte  salutaire  de  la  nature 
qui  tend  à  la  conservation  du  corps.  Or  la  fièvre  est  le  princi- 
pal instrument  de  salut.  Le  médecin  doit  suivre  la  nature  : 
naturœ minister,  non  mperator  (Hipp.  ).  La  fièvre  est  le  plus  im- 
portant des  phénomènes  qui  puissent  fixer  Tattention  du  méde- 
cin; il  doit  saisir  l'instant  où  son  intervention  est  utile,  soit 
pour  réprimer  l'excès  de  la  fièvre  et  un  excès  de  force  dont 
l'art  dirigerait  le  développement  et  l'emploi ,  soit  pour  laisser 
la  nature  agir  seule.  En  général  il  faut,  par  exemple,  tâcher 
de  modérer  la  fièvre  secondaire  dans  ta  petite  vérole. 

Il  faut  être  éloigné  également  des  deux  opinions  extrêmes  : 
colle  qui  prête  toutes  les  vertus  à  la  fièvre  et  celle  qui  prétend  la 
combattre  toujours.  Il  y  a  d'ailleurs  bien  des  maladies  graves  sans 
fièvre.  L'auteur  dit,  avec  Selle,  que  la  classe  desJUvres  ne  forme 
pas  une  classe  naturelle  de  maladies.  L'auteur  se  débat  contre  la 
définition  de  la  fièvre  par  l'augmentation  de  la  chaleur.  «  Ga- 
lien,  dit-il,  ne  parle  que  de  l'exagération  de  l'activité  de  la 
chaleur  naturelle,  et  n'entend  pas,  comme  le  font  à  tort  quel- 
ques modernes,  cette  chaleur  physique  qui  fait  impression  sur 
nos  organes;  avec  la  définition  moderne  on  ne  peut  faire  en- 
trer le  frisson  fébrile  dans  la  fièvre.  r>  Évidemment  Dumas  n'a 
pas  lu  de  Haën;  il  ignore  que  le  fiîsson  s'accompagne  d'un 

précautions  on  doit  Texciter  on  la  mo-  (Analyse  dans  le  Journal  de  VmuUr- 
dérer,  n  par  M.  Eumas ,  docteur  en  mé-  monde,  t.  LXX.III ,  année  1 787,  p.  1 07.) 
dedne  de  rUmirernlé  de  Montpellier. 


DUMAS,  DE  MONTPELLIER.  953 

excès  de  chaleur  intérieure.  Aussi  ne  comprend-il  pas  le  sens 
des  états  de  fièvres  lypiriques  dont  parle  Galien ,  dans  lesquels 
«le  malade,  brûlé  d'une  ardente  chaleur  dans  ses  viscères 
intérieurs,  éprouve  un  froid  insupportable  à  l'habitude  exté- 
rieure de  son  corps.»  Sénac,  au  contraire,  admettait  (ce  que 
nous  ignorons  aujourd'hui)  des  fièvres  où  les  malades  ont 
chaud  dans  les  parties  supérieures  et  froid  dans  les  inférieures. 
Dumas  parie  d'une  grande  augmentation  de  chaleur  sans 
fièvre,  comme  après  les  repas,  confusion  déplorable  et  qui 
marque  peu  de  science;  et  il  cite  de  Haên  è  tort,  lui  attribuant 
le  fait  d'avoir  observé,  après  la  terminaison  d'une  fièvre,  la 
persistance  de  hautes  températures  pendant  huit  jours.  Enfin 
Dumas  cite  des  états  essentiellement  fébriles  sans  augmenta- 
tion de  chaleur,  exprutùmn  contradicUnreê  et  erronées.  11  cite 
encore  la  fièvre  algide  et  traite  d'absurde  la  théorie  de  la 
fièvre-chaleur.  Il  n'épargne  non  plus  ni  les  fermentations  des 
chimistes  ni  l'accélération  du  mouvement  des  mécaniciens. 

Enfin  Dumas  se  platt  à  citer  de  nombreux  auteurs,  de  Haën, 
WerioflF  et  Sarcone ,  Martin ,  Zimmermann ,  Huxham ,  qui  re- 
connaissent que  la  fièvre  peut  exister  avec  un  pouls  plus  lent 
qu'è  l'état  normal  (fièvre  lente  nerveuse,  troisième  stade  de 
la  fièvre  des  prisons  de  Pringle,  etc.).  Galien  avait  décrit  une 
fièvre  qui  affectait  les  premières  voies  et  s'accompagnait  d'une 
lenteur  extrême  du  pouls. 

Les  travaux  modernes  ont  fait  disparaître  cette  confusion  et 
réformé  des  faits  mal  observés,  ces  Jiivres pituitetues  qui  laissent 
sur  le  tact  uns  impression  de  mollesse  et  d^kumidité  qui  fia  rien  de 
semblable  à  Fâereté  vivement  pénétrante  de  la  chaleur  produite  par 
la  surabondance  de  ta  bile,  et  dont  Galien  amparait  l'impression  à 
celle  que  la  fumée  fait  sur  les  yeux. 

Dumas  reconnaît,  contrairement  à  ses  prémisses,  que  le 
frisson  s'accompagne  parfois  de  chaleur  (de  Haên,  Haller, 
Culien). 

«Le  frisson,  dit-il,  est  un  spasme,  une  rétraction;  le  pouls 


2G/I         CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

est  contracté,  petit,  faible,  rare  et  vite.  Puis  vient  la  deuxième 
période,  où  les  forces  rejetées  au  centre  se  dirigent  vers  la 
peau  et  avec  elles  une  chaleur  ardente  (?)  :  au  spasme  succède 
l'expansion.  Le  pouls  est  fort,  fréquent,  vite,  la  dilatation  l'em- 
porte sur  la  contraction.  La  troisième  période,  c'est  la  sueur, 
qui  dissipe  l'appareil  de  la  fièvre.  5? 

On  peut  faire  observer  qu'ici  Dumas  exprime  l'idée  non  de 
la  fièvre,  mais  d'un  accès  de  fièvre  passager,  erreur  qu'il  par- 
tage avec  les  anciens.  L'antithèse  froid  et  chaud,  strictum  et 
laxum,  domine  cette  description  de  la  fièvre. 

Parmi  les  causes  de  la  fièvre,  il  y  en  a  une  sur  laquelle 
Dumas  revient  souvent  :  chose  singulière,  c'est  la  gastrite, 
qui  devint  plus  tard  la  préoccupation  exclusive  de  Broussais. 
Par  exemple  :  et  C'est  le  spasme  ou  la  concentration  des  forces 
vers  la  région  épigastrique  dans  laquelle  résident  les  viscères 
intérieurs,  et,  comme  cette  région  entretient  des  sympathies 
multi[diées  avec  tous  les  autres  organes  dont  elle  forme,  pour 
ainsi  dire,  le  centre  ou  le  point  de  réunion,  il  n'est  pas  éton- 
nant que  ce  spasme  se  répète  promptement  sur  presque  toutes 
les  parties  du  corps,  dans  lesquelles  il  décide  des  phénomènes 
qui  se  rapportent  à  l\iffeciion  primitive  de  l'estomac,  dont  la  con- 
traction vive  s'annonce  d'ailleurs  par  les  douleurs  locales.  . .  » 
(Dumas,  p.  67.)  Et  ailleurs  (p.  61)  :  «Tous  les  moyens  d'ir- 
ritation portés  sur  la  région  épigastrique  ou  même,  en  gé- 
néral, sur  la  surface  intérieure  de  quelques  viscères,  sont 
également  capables  d'exciter  la  fièvre.  » 

Dumas  place  les  maladies  nerveuses  à  côté  des  fièvres.  Que 
dit  Broussais  ^  ?  ç^  C'est  à  tort  que  l'on  a  défini  la  fièvre  uni- 
quement l'augmentation  d'action  du  cœur  et  de  la  chaleur  gé- 
nérale. Ainsi  il  y  a  d'abord  accélération  du  pouls,  la  chaleur 
est  plus  forte;  l'irritation  gastrique  se  manifeste  par  une  dou- 
leur et  de  la  chaleur  à  l'épigaslre,  la  perte  de  l'appétit,  l'al- 

*   Broussais,  Phïegmaniex  (raxtriqucK  ^  182.3,  p.  1  5  el  suiv. 


DUMAS,  DE  MONTPELLIER.  265 

tëration  du  mucus  lingual  et  le  désir  des  boissons  froides. 
L'estomac,  ainsi  stimulé,  réagit  sur  toute  l'économie  et  pro- 
duit un  sentiment  de  fatigue. . .  Tous  ces  phénomènes  s'ex- 
pliquent parfaitement  par  les  lois  physiologiques  qui  enchat- 
nent  l'estomac  à  tous  les  autres  organes.  Donc  la  fièvre  n'est 
autre  chose  que  la  coïncidence  de  l'excitation  du  cœur  avec 
l'irritation  gastrique.  » 

Revenant  à  l'utilité  de  la  fièvre ,  Dumas  dit  que  «  dans  les 
maladies  aigués ,  la  nature  est  en  possession  de  toutes  ses  forces , 
et  dirige  contre  leur  cause  tout  l'appareil  des  moyens  propres 
k  les  affaiblir  et  à  les  détruire  complètement. 

La  deuxième  partie  du  mémoire  dé  Dumas  comprend 
Tétude  du  pouvoir  qu'a  la  nature  sur  la  guérison  des  maladies, 
et  en  particulier  sur  la  fièvre.  L'auteur  s'appuie  d'abord  sur 
l'utilité  de  certaines  maladies  avantageuses  et  dont  la  suppres- 
sion facilite  le  développement  de  certaines  causes  destructives. 
Tels  sont  la  plupart  des  éruptions  cutanées,  les  écoulements 
habituels,  les  hémorroïdes ..  •  Ces  maladies,  ayant  pour 
effet  de  détourner  des  lésions  plus  graves ,  demandent  à  être 
respectées,  et  se  refusent  dès  lors  à  l'emploi  des  moyens  ca- 
pables d'en  arrêter  le  cours  d'une  manière  brusque.  Tous  les 
efforts  de  l'art  doivent  se  borner  à  les  favoriser  et  à  les  main- 
tenir; il  est  donc  clair  que  la  fièvre  est  d'une  indifférence  ab- 
solue par  rapport  au  traitement  qu'elles  indiquent. 

Ainsi  s'exprime  Dumas ,  qui  représente  les  opinions  clas- 
siques de  son  époque.  On  voit  que  la  fièvre  n'est  qu'un 
exemple,  parmi  beaucoup  d'autres,  des  maladies  que  le  mé- 
decin doit  respecter;  le  cadre  est  large.  Cette  doctrine  règne 
encore  aujourd'hui  dans  l'opinion  des  gens  du  monde. 

La  période  de  réaction  fébrile  entraîne  la  sueur,  et  la  sueur 
était  regardée  par  les  anciens  médecins  comme  la  crise  natu- 
relle de  toutes  les  fièvres;  ils  cherchaient  è  la  provoquer  (Hip- 
pocrate  :  affusions  d'eau  chaude,  vin.  .  .).  La  fièvre  guérit  le 
spasme ,  febriê  tptumum  tohnL 


366        CHAPITRE  !«.  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

La  pratique  de  décider  la  fièvre  par  des  moyens  artificiels 
remonte  aux  temps  les  plus  recula  :  Hippocrate  versait  de 
l'eau  très-froide  sur  toute  la  surface  du  corps  dans  le  tétanos. 
Cependant  la  sueur  peut  nuire  dans  les  maladies  atoniqnes. 

En  outre,  dans  les  maladies  humorales,  la  fièvre  favorise 
la  coction.' 

Troisième  partie  :  Précautùms  qui  se  rapportent  aux  moyens 
que  Fon  emploie  pour  exciter  lafiiijre.  —  L'auteur  convient  que 
Fart  qui,  depuis  la  découverte  du  quinquina,  peut  prédire 
rinstant  où  il  arrêtera  la  fièvre,  n'a  qu'une  puissance  bien 
bornée  pour  la  décider  ou  la  rappeler.  Frappé  de  ces  diflB- 
cultés,  Boerhaave  disait  qu'il  n'y  aurait  jamais  de  médecin 
comparable  à  celui  qui  serait  en  possession  d'un  procédé  par 
le  secours  duquel  il  pût  mettre  autant  d'habileté  à  ramener  la 
fièvre  qu'è  la  supprimer. 

On  s'attend  à  une  énumération  de  moyens  pour  exciter  la 
fièvre ,  mais  cette  attente  est  déçue.  Voici  tout  ce  que  Dumas 
trouve  è  dire  sur  ce  sujet  :  l'alimentation  tonique ,  l'influence 
des  passions  douces,  l'exercice,  les  fébrifuges  à  doses  insnflB- 
santes  pour  couper  la  fièvre,  les  affusions  froides  hippocra- 
tiques,  les  purgatifs  à  haute  dose  d'après  Sydenham,  la  mé- 
thode perturbatrice  (médicaments  qui  se  contrarient)  de 
M.  de  Barthez ,  l'esprit  de  sel  d'après  Ettmulier . . . 

Rien  n'égale  la  pauvreté  de  ce  chapitre,  et  Boerhaave  avait 
bien  raison ,  il  n'existe  pas  de  moyen  d'exciter  la  fièvre. 

Remèdes  capables  de  modérer  la  Jiivre.  —  Dumas  commence 
ce  chapitre  par  une  dédaration  de  principes  qui  est  purement 
organicienne  et  ressemble  à  la  doctrine  que  professait  l'école 
de  Paris  dans  la  première  moitié  de  ce  siècle;  il  s'exprime 
ainsi  :  n C'est  une  loi  générale  que,  pour  combattre  les  ma- 
ladies avec  avantage ,  il  faut  attaquer  la  cause  même  dont  elles 
dépendent ...  Or  la  fièvre  est  presque  toujours  attachée  à  on 
état  maladif  qui  en  forme  la  portion  la  plus  essentielle. .  •  Il 


J.  G.  RE  IL.  267 

faut  donc,  pour  modérer  la  fièvre,  en  connattre  et  en  atta- 
quer la  cause,  sans  avoir  égard  au  caractère  des  mouvements 
fébriles. .  •  in 

Cette  doctrine  est  absolument  contraire  à  celle  que  pro- 
fessent les  observateurs  contemporains,  qui  combattent  la 
fièvre*en  soi,  sous  la  forme  de  la  chaleur  qui  en  est  Texpression 
la  plus  exacte. 

Dumas  veut  qu'on  procède  progressivement  ;  seule ,  la  fièvre 
pernicieuse  exige  l'absorption  brusque  du  quincpiina. 

Ce  mémoire  nous  a  donné  la  clef  des  idées  qui  régnent 
encore  aujourd'hui  parmi  les  malades  et  même  parmi  quel- 
ques médecins ,  et  qui  ne  sont  que  l'efiet  de  la  tradition. 

J.  C.  REIL\ 

(iriirâècle,  1759-1813.) 

Reil  '  s'explique  catégoriquement  sur  le  rôle  prétendu  de  la 
nature  et  se  montre  un  vrai  savant  cpiand  il  dit  :  «  On  attribue 
ordinairement  l'origine  de  la  fièvre  à  une  cause  irritante,  à 
une  matière  fébrile  subtile,  à  un  effort  par  lequel  la  nature 
cherche  à  éloigner  du  corps  une  matière  mofbifique ,  etc.  Ces 
assertions  sont  dénuées  de  fondement  et  n'expliquent  rien. 
La  nature  n'agit  point  d'après  un  but  qu'elle  s'est  proposé, 
elle  est  entraînée  par  une  nécessité  aveugle  et  déterminée  par 
les  ingrédients  de  ses  forces  physiques.  Aussi  ne  peut-on ,  au 
sens  propre ,  lui  attribuer  un  but  ;  l'observation  ne  nous  montre 
dans  les  fièvres  qu'un  mouvement,  une  action  particulière  qui 
porte  le  nom  d'irritation  fébrile,  et  ses  effets  manifestés  par 


1  Fils  d^an  prédicateur  protestant,  *  La  eonnaùsancê  et  le  traitement  de$ 

destioé  d*abord  à  être  ministre.  Ne  â  Jthree,  par  J.  Chr.  Reîl,  professeur  â 

Rhande  ( Frise- OrienUie),  en  1769,  Halle,  1. 1.  Eitndta  tirés  de  la  BibUa- 

étodia  Tanatomie  avec  MoBckel.  Profes-  tKèqne  gemumipte  de  Brewer.  Paris, 

searâHalleen  1788,  àBeriinen  1810.  anriii. 
Mort  do  typhus,  à  Halle,  en  181 3. 


268        CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

la  lësioD  des  fonctions  de  Téconomie  animale.  Nous  ignorons 
complètement  comment  Tirritation  fébrile  produit  ces  symp- 
tômes et  quels  sont  les  changemmtt  quelle  opère  ian$  le  mihmge 
de  la  matière  animaHe  •  •  •  »  nous  ne  remarquons  que  les  accidents 
sensibles,  ils  deviennent  pour  nous  la  base  de  la  science.» 

Convaincu  que  la  cause  procbaine  de  la  fièvre  gtt  dans  un 
mélange  vicieux  de  la  matière  animale  dont  la  nature  nous  est 
entièrement  inconnue,  Reil  engage  les  médecins  à  se  contenter 
de  la  simple  connaissance  historique  de  ces  maladies  et  à  les 
étudier  empiriquement  d'après  leurs  signes,  leurs  accidents, 
leurs  effets  et  leurs  causes  éloignées . . . 

Ces  sages  préceptes  n'empêchent  point  Reil  de  sacrifier  au 
langage  philosophique  de  son  temps  en  disant  qu'il  y  a  trois 
causes  principales  ou  trois  classes  d'accidents  sensibles  qui  dé- 
pendent :  1*  d'une  tension  trop  grande  dans  le  système  animal; 
â*"  d'un  dérangement  dans  l'équilibre  des  forces  de  tension; 
3  '  d'une  absence  de  tension.  On  reconnaît  là  le  même  esprit 
que  dans  Brown. 

L'irritabilité  est  aussi  invoquée,  et  Broussais  reprendra  plus 
tard  cette  idée  ou  plutôt  ce  mot  qui,  pour  lui,  deviendra  tout 
un  système. 

Reil,  synthétisant  en  un  paragraphe  ce  qui  est  conunun 
à  toutes  les  fièvres,  s'exprime  ainsi  :  c(Les  symptômes  fébriles 
qui  semblent  appartenir  à  toutes  les  espèces  de  fièvres  sont 
lee  changement»  de  température  du  carp»,  le  frisson  et  la  chaleur, 
les  variations  du  pouls,  certaines  affections  nerveuses,  la  pros- 
tration des  forces  et  les  changements  des  urines.  Ces  symp- 
tômes sont  les  effets  constants  et  immédiats  des  procédés 
chimico-animaux  déterminés  par  l'excès  d'action  dans  les  or- 
ganes. V  On  ne  dit  pas  autre  chose  aujourd'hui. 

Mais  ce  que  Reil  dit  de  la  chaleur  est  tout  à  fait  insuffisant 
et  marque  le  peu  d'autorité  dont  jouissait  le  livre  de  Gurrie  '  : 

*  La  comuttêêmiee  et  le  trmtemeiU  dee  fèvree ,  L  H. 


J.  G.  REIL.  269 

«  La  chaleur  est  un  symptAme  de  la  plupart  des  inflammations  ; 
elle  se  fait  remarcpier  surtout  au  commencement  d'une  ma- 
ladie qui  porte  le  caractère  de  synoque,  elle  s'affaiblit  dans 
les  périodes  plus  avancées  de  la  maladie  ;  elle  est  moins  con- 
sidérable dans  le  typhus.  Un  degré  modéré  de  chaleur  amène 
la  solution  de  la  fièvre,  mais  une  chaleur  violente  irrite 
trop ...  99 

Les  principes  de  la  thérapeutique  de  Reil  ne  sont  pas  moins 
sages  que  sa  théorie  de  la  fièvre  :  «  L'effet  des  médicaments 
est  de  convertir  le  mélange  vicieux  de  la  matière  animale  en 
une  matière  saine ,  d'après  les  lois  chimiques.  Mais  comment 
les  médicaments  peuvent-ils  agir  de  cette  manière  ?  Leur  action 
sur  l'organe  malade  est-elle  médiate  ou  immédiate?  Agissent- 
ils  sur  la  cause  éloignée  ou  sur  la  cause  prochaine  de  la  ma- 
ladie? Toutes  ces  questions  sont  pour  nous  fort  obscures.  Il  y 
a  peut-être  quelques  remèdes  qui  agissent  immédiatement 
sur  la  partie  soufrante  et  qui  corrigent  ainsi  le  mélange  vi- 
cieux. Mais,  dans  la  plupart  des  cas,  les  médicaments  n'agis- 
sent pas  immédiatement  sur  les  organes  affectés.  Le  corps 
vivant  a  ses  lois  chimiques  qui  lui  sont  propres;  il  existe  une 
certaine  harmonie  entre  ses  organes ,  par  laquelle  les  change- 
ments opérés  sur  l'un  se  communicpent  à  l'autre.  9 

Passant  en  revue  les  diverses  voies  par  lesquelles  peuvent 
agir  les  remèdes,  Reil  dit  qu'il  est  des  médicaments  dont  l'ac- 
tion peut  se  porter  sur  l'origine  des  nerfs  ou  sur  le  système 
des  vaisseaux  et  produire  des  changements  dans  les  organes 
les  plus  reculés.  (Cette  idée  a  été  fort  exploitée  de  nos  jours.) 
((  Nos  connaissances  sur  les  effets  des  médicaments  sont,  dit-il, 
empiriques;  nous  ignorons  par  quels  procédés  ils  sont  changés 
dans  le  corps ,  quelles  modifications  ils  introduisent  dans  le 
mélange  et  la  forme  de  la  matière  animale.  Aussi  notre  ma- 
nière de  guérir  les  fièvres  estr-elle  tout  à  fait  empirique.  Nous 
n'avons  point  de  principes  assurés  sur  la  nature  de  ces  ma- 
ladies ni  sur  la  vertu  des  médicaments ,  d'après  lesquels  nous 


270        CHAPITRE  1*'.  --  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

puissions  établir  les  bases  de  la  thérapeutique.  C'est  ce  qui  a 
donné  lieu  â  cette  foule  d'absurdités,  d'obscurités,  d'hypo- 
thèses et  de  contradictions  dont  fourmillent  les.  instructions 
qu'on  a  données  sur  le  traitement  des  fièvres.  » 

Reste  à  savoir  si  nos  contemporains  peuvent  se  vanter  d'avoir 
fait  disparaître  toutes  ces  absurdités  et  obscurités. 

Du  traitement  de  la  Jiivre  par  les  bains  chaude  ou  froids  et  les 
ablutions,  etc.  ^  —  «  Les  bains  modèrent  visiblement  le  degré 
d'excitation  de  la  force  vitale  ;  ils  diminuent  la  fréquence  du 
pouls  et  celle  de  la  respiration;  ils  calment  les  douleurs,  les 
spasmes ,  etc.  » 

R  L'eau  froide  change  promptement  et  presque  subitement 
la  température  du  corps;  mais  un  degré  déterminé  de  chaleur 
est  indispensable  pour  toute  action  vitale,  et,  lorsque  ce  degré 
se  trouve  éprouver  tout  à  coup  une  diminution  considérable, 
la  nature  semble  employer  toutes  ses  forces  pour  le  rétablir. 
Peut-être  ces  deux  circonstances,  la  perte  soudaine  d'une 
grande  quantité  de  calorique  et  la  vive  réaction  des  forc^ 
vitales ,  suffisentr-elles  pour  rendre  compte  des  différents  états 
du  bain  froid?  L'expérience  a  prouvé  que  le  bain  froid  pou- 
vait être  employé  avec  le  plus  grand  succès  dans  les  fièvres; 
cependant  nous  n'avons  pas  de  règles  qui  fixent  avec  quelque 
certitude  les  cas  où  il  convient  de  l'employer  dans  le  traite- 
ment de  ces  maladies  •  •  •  » 

Le  même  auteur  cite  Jackson,  qui,  dans  une  épidémie  de 
fièvres  malignes  accompagnées  de  prostration  de  forces  (typhus 
sans  doute),  faisait  envelopper  les  malades  dans  une  couver- 
ture trempée  d'eau  de  mer;  bientôt  après  cette  application, 
l'irritabilité  diminuait,  les  forces  paraissaient  remonter  un 
peu,  le  malade  était  plus  tranquille,  et  il  s'établissait  une  trans- 


'  Extrait  da  tome  I  du  lirre  de  Reil,  de  HaUe,  Sur  la  amM»$êenc9  «f  U  trù- 
têmÊiU  dnfièvru. 


J.  0.  REIL.  271 

piralioQ  générale.  Dans  quelques  cas  des  plus  fâcheux,  il 
faisait  alternativement  usage  de  bains  chauds  et  de  bains 
froids;  puis  il  ordonnait  des  fomentations  sur  tout  le  corps 
avec  du  vin  ou  du  rhum,  et  intérieurement  il  prescrivait  des 
cordiaux. 

J .  V.  Hahn  faisait  laver  les  personnes  atteintes  de  fièvre  ma- 
ligne avec  de  Teau  froide ,  il  employait  aussi  la  glace. 

AUion  fit  couvrir  de  glace,  depuis  la  tête  jusqu'aux  pieds, 
un  homme  qui  avait  une  éruption  pourprée  dans  une  fièvre 
maligne,  et  le  malade  guérit.  ' 

HoUwel  dit  qu'à  Calcutta  on  baigne  les  enfants  dans  l'eau 
froide,  depuis  le  jour  de  l'inoculation  des  pustules  vario- 
liques,  et  cela  avec  le  plus  grand  succès.  Floyer,  Schell- 
hammer  et  WiUis  rapportent  des  faits  semblables.  R.  Halls 
a  vu  un  cas  de  typhus  guéri  par  cette  méthode.  Reil  a  fait 
usage  du  même  remède  dans  un  cas  de  fièvre  pourprée  épi- 
démique.  (VoirCurrie.) 

Reil  a  compris  et  exprimé  en  termes  nets  le  desideratum  de 
la  médecine  de  son  temps  :  c(  La  cause  prochaine  de  la  maladie 
eil  cet  éUU  interne  du  corps  sur  kguel  les  symptâmes  d^une  maladie 
se  fondent  immédiatement.  Tant  que  nous  ne  pouvons  pas  ré- 
pondre d'une  manière  satisfaisante  à  cette  question,  nous 
n'avons  une  idée  claire  ni  de  la  maladie  ni  de  sa  cause  pro- 
chaine. Le  problème  est  uni  à  celui-ci  :  Comment  les  organes 
agissent-Us  dans  Vitat  de  santé?  Or,  dans  l'état  actuel  de  nos 
connaissances,  il  ne  nous  est  pas  plus  possible  de  résoudre 
l'un  que  l'autre.  ^ 

La  médecine  moderne  s'appuie  beaucoup  sur  la  physio- 
logie normale  et  pathologique  ;  elle  est  donc  entrée  dans  la 
voie  signalée  par  Reil.  Tout  serait  pour  le  mieux ,  si  la  diffusion 
de  certaines  connaissances  techniques,  ce  qu'on  pourrait  ap- 
peler la  démocratisation  de  la  science,  n'avait  misa  même  une 
foule  de  demi-savants,  soustraits  à  toute  discipline  scientifique, 
de  déraisonner  impunément  sur  la  physiologie  médicale. 


372  CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Cau$e  prochaine  des  maladies,  f  après  Reil.  —  «L'inspection 
des  cadavres  ne  noas  apprend  rien  sur  la  cause  prochaine  des 
maladies  que  nous  rapportons  à  une  altération  de  la  force  vi- 
tale. L'anatomie  ne  développe  que  Torganisation  et  ses  di- 
verses affections  morbides,  elle  n'arrive  jamais  au  mélange  de 
la  matière.  Les  irrégularités  et  les  lésions  visibles  de  l'organi- 
sation que  peut  nous  offrir  l'ouverture  d'un  cadavre  sont  ou 
les  causes  éloignées  de  ces  maladies  «  ou  leurs  effets.  Dans 
l'hydropisie  du  cerveau,  l'eau  n* est  pas  la  cause  prochaine  de 
la  maladie,  qu'il  faut  chercher  plutôt  dans  l'état  morbide  des 
vaisseaux  exhalants  ou  absorbants;  elle  n'en  est  que  Teffetv 

L'anatomie  pathologique,  jointe  à  la  perfection  des  moyens 
de  diagnostic  physique  (auscultation,  percussion,  palpation, 
appareils  d'optique,  etc.),  a  permis  de  diminuer  sans  Tanéantir 
la  valeur  de  cet  argument. 

HUFELAND. 

(  Fia  du  xriu*  siècle  et  oommeocement  du  xix*.  ) 

(T  La  fièvre  ^  est  une  réaction.  Ses  caractères  extérieurs  sont  : 
i*"  l'accélération  du  pouls;  ù*"  un  changement  dans  la  tempé- 
ratui^e  du  corps,  accompagné  d'un  sentiment  de  frisson  ou  de 
chaleur.  Le  frisson  annonce  assez  ordinairement  l'invasion  de 
la  fièvre,  mais  souvent  il  gtt plutôt  dans  la  sensation  quilne  tient 
â  une  diminution  réelle  de  température,  •  .  ,etc.  yf 

Hufeland,  cherchant  l'essence  de  la  fièvre,  l'appelle  une  ir- 
ritation spécifique  et  une  réaction  de  la  sensibilité,  une  force 
nerveuse  propre ,  dont  le  siège  principal  est  le  centre  de  la 
sensibilité  animale  et  gtt  dans  le  nerf  intercostal  (grand  sym- 
pathique) qui  conduit  la  sensation  à  la  moelle,  d'où  frisson 
et  spasme  de  toute  la  peau,  altération  de  toutes  les  sécré- 


^  Dé  la  fièvre,  par  Hafeland.  (Intro^    ou  ItUn  ntr  la  pathogéniêi 
dMtûm  à  un  etmn  de  pathologie,  1 796,    vitale,  etc.) 


HUFELAND.  273 

lions. . . .  Hufeland  fait  souvent  dériver  la  6èvre  des  troables 
gastriques. 

On  peut  voir  là  en  germe  le  centre  gastrique  et  Tirritation 
de  Broussais.  Quant  à  l'idée  de  mettre  en  cause  le  centre  ner- 
veux, elle  reparaît,  de  nos  jours,  sous  la  forme  du  centre  ré- 
gulateur de  la  chaleur  fébrile. 

(tLa  première  impression  de  la  cause  morbifique,  dit  Hufe- 
land, et  rirrilation  des  nerfs  dorsaux  et  cutanés,  occasionnent 
le  bâillement,  la  tension  des  membres,  les  tiraillements  dans 
le  dos,  le  frisson ,  un  pouls  petit  et  serré;  tous  ces  symptômes 
annoncent  la  présence  d'un  spasme  universel  qui  affecte  sur- 
tout les  extrémités  des  vaisseaux.  Les  effets  de  ce  spasme  sont  de 
retenir  une  grande  quantité  de  calorique,  qui,  dans  l'état  de  santé, 
devenait  lAre  en  sortant  par  la  peau  avec  la  matière  de  la  transpi- 
ration, et  de  supprimer  Vautres  excrétions  qui  se  faisaient  par  la 
peau  et  par  les  urines,  celle  surtout  du  phosphore.  En  diminuant 
la  capacité  des  petits  vaisseaux ,  ce  même  spasme  fait  refluer 
le  sang  en  trop  grande  abondance  sur  le  cœur  et  sur  les  gros 
vaisseaux  de  l'intérieur;  d'où  il  résulte  que  ces  organes  sont 
irrités  plus  fortement  que  dans  l'état  de  santé  par  ce  fluide 
qui  est  leur  stimulant  naturel,  et  parle  calorique  surabondant 
qu'il  contient;  aussi  leur  réaction  est-elle  plus  vive,  et  leurs 
pulsations  plus  fortes  et  plus  fréquentes.  Plus  cette  irritation 
extraordinaire  se  prolonge,  plus  la  réaction  doit  augmenter  en 
intensité  ;  enfin  elle  parvient  à  un  degré  qui  la  met  en  état 
de  surmonter  la  résistance  que  lui  opposait  le  spasme  des 
petits  vaisseaux,  et  de  rétablir  ainsi  l'équilibre.  Le  pouls  de- 
vient plein,  la  peau  se  relâche,  le  calorique  est  mis  en  liberté;  il 
se  manifeste,  en  excitant  à  la  surface  une  chaleur  d'autant  plus 
grande,  qu'il  a  été  plus  complètement  retenu  et  concentré  dans 
l'intérieur  ^  99 


*  BihèioUtêque  gtrmaniqvg  de  Brewer,  vendëmioire,  an  tiu,  L  III,  p  977  el 

iR 


27â        CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Hufeland  ^  reconnatt,  parmi  les  causes  de  la  fièvre,  la  pré- 
sence de  matières  étrangères  et  stimulantes,  la  résorption  de 
matières  hétérogènes  venant  du  dehors,  telles  que  les  conta- 
gions et  ie^  miasmes,  ou  de  dedans,  telles  que  le  pus'. 

'Hufeland,  dans  sa  Tliérapeutique ^^  consacre  un  chapitre  à 
L'INSTINCT  THERAPEUTIQUE  DB  LA  NATURE;  uous  en  extrayous  ce  qui 
suit  : 

i"*  Dans  la  plupart  des  maladies  fébriles,  les  malades  ont 
une  aversion  marquée  pour  les  aliments,  et  un  désir  non 
moins  vif  pour  les  boissons  acidulés,  qui  sont  un  des  moyens 
curatifs  les  plus  essentiels  dans  ces  sortes  d'affections. 

s""  Les  personnes  atteintes  de  maladies  astbéniques  ou  dont 
le  principal  caractère  est  une  diminution  de  la  force  vitale, 
demandent  souvent  du  vin  ou  d'autres  cordiaux  et  les  reçoivent 
avec  avidité. 

3*  Dans  les  affections  gastriques,  où  la  bile  abonde  dans 
tes  premières  voies,  les  malades  n'ont  de  goût  que  pour  les 
aliments  et  les  boissons  acides;  ils  ont  une  répugnance  ex- 
trême pour  la  nourriture  animale. 

à""  5° 

6*  Dans  les  fièvres  intermittentes  rebelles, on  voit  quelque- 
fois les  malades  avoir  la  fantaisie  de  certains  aliments  parti- 
culiers, en  manger  avec  excès  et  obtenir  ainsi  leur  guérison. 

j"*  Enfin  il  ne$t  pas  rare  que  des  tnaladeê,  dans  des  cas  de 

Jièwe  inflammatoire,  fatigués  et  excédés  par  la  chaleur  et  le  mafique 

d^air  dans  des  appartements  fermés,  s  exposent  presque  nus  à  tair 


*  Loc.  cit.  p.  97g. 

*  On  ne  croirait  pas,  en  lisant  ce  qui 
précède,  que  c^est  un  auteur  allemand 
de  Tan  1793  qui  a  écrit  ces  lignes. 
Traube  s'y  retrouve  avec  sa  théorie 
de  la  rétention  de  la  chaleur,  et  Ton  y  voit 
aosai  la  fièvre  par  résorption  de  naatières 
putrides  (Bilirolh  et  autres).  Il  est  dif- 


ficile de  supposer  que  les  savants  aoleara 
de  ces  théories  modernes  aient  ignoré 
ces  passages  de  Hufeland ,  et  il  est  pro- 
bable qu'ils  le  citent  sinon  dans  ieara 
écrits,  du  moins  dans  leur  enseignement 
oral. 

*  Syêtime  de  médecine  pratique,  léna 
et  Leipiig,  1800. 


HUFELAND.  275 

U  plu$  froid,  âejeUetU  dans  l'eau  ou  dans  la  neige,  et  se  procurent 
amsi,  sans  aucun  raisonnement,  une  guérisofi  que  la  science  et  la 
raison  mal  éclairée  tâchaient  vainement  de  leur  procurer  ^ 

Thérapeutique  de  Hufeland.  —  c(  Toute  méthode  curative 
doit  opérer  un  changement  dans  les  conditions  internes  ou 
externes  de  la  vie,  savoir  :  dans  l'excitation,  dans  le  mélange 
ou  ia  forme  de  la  matière  animale,  ou  dans  l'action  des  sti- 
mulants. 

fi  L'excitation  peut  pécher  de  trois  manières  :  i°  par  excès 
ou  hypersthénie ;  a^  par  défaut  d'énergie  ou  asthénie;  B""  par 
anomalie  ou  changement  dans  la  nature  de  l'action  vitale.  y> 

On  voit  que,  dans  les  écoles,  à  cette  époque,  les  idées  de 
Brown  étaient  dominantes;  du  moins  on  tenait  le  même  lan- 
gage que  cet  écrivain,  car  ce  serait  lui  faire  trop  d'honneur 
que  d'assimiler  ses  élucubrations  à  la  science  d'un  Reil  et  d'un 
Hufeland. 

Guidé  par  ces  idées,  Hufeland  était,  plus  qu'un  autre  mé- 
decin, prêt  â  essayer  l'usage  de  l'eau  froide  dans  le  traitement 
des  maladies  fébriles,  et ,  en  1 83 1 ,  il  mit  au  concours  l'examen 
des  expériences  de  Gurrie  sur  l'action  de  l'eau  dans  les  mala- 
dies fébriles;  la  deuxième  partie  du  programme  renfermait 
les  propositions  suivantes  :  Faire  une  série  d'expériences  in- 
dividuelles, dans  le  but  de  modérer  la  chaleur  fébrile  par 
l'usage  externe  de  l'eau ,  selon  la  méthode  de  Gurrie.  L'emploi 
du  thermomètre  avant  et  après  l'application  de  l'eau,  et  l'in- 
dication du  chiffre  des  pulsations  paraissent  devoir  être  exi- 
gés k  cet  effet.  Trois  mémoires  furent  couronnés  et  imprimés 
dans  le  volume  supplémentaire  du  Journal  de  Hufeland  (1899  )  : 
ceux  de  Pitschaft,  Antoine  Frô.lich  et  Reuss.  Ces  deux  der- 
niers sont  importants. 


*  Il  y  aarait  lieu  de  développer  ce  thème  si  inléresaanl,  et  trop   négli^rc 
flans  les  traités  moderoes  de  médecine. 

18. 


276         CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Hufeland  ^  dans  ia  variole,  faisait  usage  des  rafraîchis- 
sants,  comme  de  Tair  frais,  des  lotions  froides,  jusqu'à  l'érup- 
tion. En  renouvelant  souvent  l'air,  il  en  évitait  les  courants, 
de  même  que  le  passage  subit  du  chaud  au  froid.  Il  ne  se 
servait  qu'avec  de  grandes  précautions  des  lotions  froides  pour 
les  plaies ....  L'éruption  faite ,  il  avait  soin  cf  entretenir  une 
douce  chaleur  à  la  peau,  regardant  le  froid  comme  très-nui- 
sible à  cette  époque. ...  «  J'ai  souvent  vu ,  dit  Hufeland ,  tous 
«les  boutons  disparaître  par  un  froid  considérable,  et  ne  re- 
«  venir  que  lorsqu'on  tenait  le  malade  chaudement.  "  Il  croyait 
à  la  répercussion  des  humeurs  \ 

WILLIAM  EDWARDS. 

(xii'  siède.) 

Avec  William  Edwards,  nous  entrons  dans  une  nouvelle 
ère  scientifique.  Doué  d'un  esprit  observateur,  il  sut  grouper 
autour  de  quelques  faits  bien  précisés  les  matériaux  que  le 
xviii*  siècle  laissait  mal  coordonnés.  Aujourd'hui  nous  nous 
servons   de   ses  remarques    presque  inconsciemment;  elles 


^  Bemarquêê  $ur  U  petite  vérole  natu- 
relle et  inoculée,  telle  qu*elle  aétécbetrvée 
à  Weimar  depuis  l'année  ijSS ,  par  Guil- 
laiime  Hufeland,  professeur  de  méde- 
cine à  léna.  Leipiig,  Rtcbter,  t  XIV, 
extrait  de  la  Bibliothèque  germanique  de 
G.  Brewer,  Paris,  vendémiaire,  an  tu, 
1. 1 ,  p.  1 . 

'  Utilité  de  Veau  froide  pour  le  trm- 
tement  de$  plates.  —  Brewer  et  Delà- 
roche,  dans  leur  Bibliothèque  germa- 
nique (Paris,  an  x),  rapportent  un  cas 
de  plaie  de  Toeil  guérie  à  la  suite  du 
traitement  par  les  applications  froides 
(Mfidmann ,  dans  lo  Jownal  de  Loder, 
t.  Il),  et  ajoutent  ce  qai  suit  :  «L'appli- 
cation d*eau  froide  continuée  pendant 


planeurs  beares  sar  des  parties  cou- 
tuses,  eiooriées  oo  déchirées,  est  on 
des  meilleurs  moyens  auxquels  on  poisse 
avoir  recours  pour  prévenir,  dans  ces 
parties,  ia  naissanca  d*aiie  inflamma* 
tion  qui  pourrait  devenir  plus  ou  moins 
fâcheuse  ;  et  cependant  ce  moyen ,  qui 
est  sous  la  main  de  tout  le  monde,  n'est 
presque  jamais  employé.  Pour  en  obtenir 
tout  Teffet,  il  faut,  soit  par  des  com- 
presses renouvelées  de  moment  en  mo- 
ment, od  de  quelque  autre  manière, 
faire  en  sorte  que  la  partie  affectée  soit 
constamment  exposée  à  Timprossioa  du 
froid  pendant  trois  ou  quatre  heures  au 
moins,  n 


WILLIAM  EDWARDS.  377 

D*ont  pas  été  discutées,  et  peu  d'entre  elles  ont  mérité  d'être 
révisées. 

Voici  comment  W.  Edwards  apprécie  l'influence  des  divers 
agents  physiques  sur  la  vie  ^  : 

Influence  de  Voir  eee,  de  Vair  humide  et  de  F  eau,  à  une  tempé- 
rature élevée,  sur  la  tranepiration.  —  La  transpiration  a  lieu  par 
évaporation  ou  par  transsudalion.  A  un  degré  de  chaleur 
excessif,  la  transsudation  s'accrott  tellement,  qu'elle  couvre 
toute  la  surface  de  la  peau ,  et  il  n'y  a  plus  d'évaporation ,  soit 
dans  l'air  sec,  soit  dans  l'air  humide,  et,  toutes  choses  égales 
d'ailleurs,  celui  des  deux  airs  qui  aura  un  pouvoir  échauffant 
plus  grand  déterminera  une  plus  forte  transsudation,  et  c'est 
ainsi  que  la  vapeur  des  bains  de  vapeur,  qui  a  un  plus  grand 
pouvoir  échauffant  que  l'air  sec,  fera  suer  davantage.  Reste 
l'évaporation  pulmonaire,  qui  doit  être  nulle  dans  un  air  sa- 
turé de  vapeur  et  d'une  chaleur  supérieure  à  celle  du  corps. 
La  déperdition  est  forte  surtout  dans  l'eau  chaude.  Lemon- 
nier,  après  un  séjour  de  huit  minutes  dans  un  bain  d'eau  à 
AS**  C,  perdit  ao  onces  (6t  â  grammes),  ce  qui  est  au  moins 
le  double  de  ce  que  Delaroche  et  Berger  ont  perdu,  à  une 
chaleur  semblable,  dans  un  bain  de  vapeur,  et  à  une  tempé- 
rature de  90*"  G.  dans  l'air  sec. 

Influence  de  Vévapcraùon  sur  la  température  du  corps  exposé  à 
une  chaleur  excessive.  —  C'est  Francklin  qui ,  après  des  expé- 
riences sur  l'évaporation  des  liquides,  jugea  que  les  animaux 
devaient,  par  l'évaporation,  maintenir  leur  corps  au-dessous 
de  la  chaleur  excessive  de  l'air.  Fordyce  admit  cette  cause, 
mais  en  accepta  encore  d'autres.  Delaroche  et  Berger  ont 

'  D9  Pû^tumcê  dêë  agwU  phyêifutê  inaag.,  Paris,  181 5.  —  Différence»  de 

$ur  tavie,  Paris,  Grodiart,  éd.  1896.  la  cKaUur  produitêê  par  l'àgê,  h  sext  et 

Gonsiikei  ëgalement  :  Ui  différentes  heures  de  la  journée. 
Gentil,  De  la  chaleur  animate.  Dis8. 


278         CHAPITRE  1".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

rendu,  par  leurs  expériences,  la  question  très-claire.  Ils  in~ 
troduîsirent  dans  une  étuve  un  vase  poreux  dit  altaraza»,  avec 
deux  éponges  mouillées  et  une  grenouille,  La  température  de 
l'étuve  variait  entre  53%5  et  6  i^aS  C.  Les  éponges  et  le  vase 
avaient  été  préalablement  portés  à  38°  et  4o°.  Au  bout  d'un 
quart  d'heure,  le  vase,  les  deux  éponges  et  l'animal  eurent 
une  température  presque  uniforme  ne  dépassant  pas  la  tem- 
pérature propre  aux  animaux  à  sang  chaud,  et  s'y  maintinrent 
pendant  deux  heures.  Le  vase  et  les  éponges  se  refroidirent 
d'environ  i".  Au  contraire,  la  température  de  la  grenouille, 
qui  était  d'abord  de  9i%a5  G.,  s'éleva  k  37°,i8  en  quinze 
minutes  et  demeura  stationnaire,  se  maintenant,  ainsi  que 
l'alcarazas  et  les  éponges,  de  iS"  à  ai%5  tm-^deêmmi  de  la 
chaleur  ambiante. 

Donc  l'évaporation  suffit  pour  maintenir  la  température  des 
animaux  et  des  corps  bruts  au-dessous  de  la  chaleur  extérieure 
de  l'air,  quand  elle  est  excessive. 

Refroidissement  y  ions  différents  milieux,  à  des  températures  in- 
férieures â  celle  du  corps,  —  Dans  l'air  sec,  il  y  a  moins  de 
chaleur  enlevée  au  contact,  c'est-à-dire  que  le  pouvoir  refroi- 
dissant de  ce  milieu  est  moindre  ;  mais  l'évaporation  est  plus 
grande,  et  il  y  aura  un  plus  grand  refroidissement  que  dans 
i'air  chargé  de  vapeur.  L'inverse  aura  lieu ,  sous  les  deux  rap- 
ports, dans  la  vapeur  vésiculaire  ainsi  que  dans  l'eau. 

Du  refroidissetnent  dans  l'air  calme  et  dans  Voir  agité,  — 
Dans  l'air  calme,  à  une  température  inférieure  â  celle  du 
corps,  nous  perdons  de  la  chaleur  de  trois  manières  diffé- 
rentes :  par  l'évaporation  ;  par  le  contact  de  l'air  ;  par  le 
rayonnement.  Dans  l'air  agité,  c'est-à-dire  renouvelé,  il  y  a 
beaucoup  plus  de  chaleur  enlevée  au  contact,  et  dans  une 
proportion  qui  parait  proportionnelle  à  la  vitesse  du  courant. 
Nous  avons  sur  ce  point  une  sensation  juste.  Cela  équivaut  à 


WILLIAM  EDWARDS.  379 

un  abaisBement  réel  de  la  température.  Les  indications  du 
thermomètre  ne  s'accordent  pas  avec  nos  sensations.  Ainsi  on 
supporte  facilement  une  température  de  i  y'^iyy  G.  au-dessous 
de  la  glace  fondante ,  quand  Tair  est  calme  ;  il  n'en  est  pas 
de  même  si  l'air  est  agité  [Voyage  au  pâle  nord,  de  Parry). 
Fisher  constata  que  les  navigateurs,  k  une  température  de 
/i6''»i  1  G.  au-dessous  de  zéro,  par  un  temps  calme,  n'étaient 
pas  plus  incommodés  par  le  froid  que  lorsque  l'air  était  à 
17% 7 7  au-dessous  de  zéro,  pendant  une  forte  brise.  Lèvent 
produisait  une  sensation  de  froid  qui  équivalait  à  l'effet  d'un 
refroidissement  de  l'air  de  29''  G. 

Du  degré  de  chaleur  que  V homme  et  les  animaux  peuvent  eup- 
porter  (p.  367).  —  Boerhaave  pensait  que  l'air  servait  à  ra- 
fraîchir les  poumons,  et  que  la  vie  devait  s'éteindre,  si  l'air 
avait  une  température  supérieure  à  celle  des  animaux.  En  1 7^8 
Fahrenheit  et  Prévost,  à  son  instigation,  entreprirent  sur 
ce  sujet  des  expériences  qui  furent  peu  probantes;  Adanson 
et  Henry  Ellis,  en  1768,  constatèrent  que,  dans  des  climats 
très-chai|ds  (Sénégal,  Géorgie),  è  une  température  supérieure 
À  celle  de  l'homme,  il  y  avait  peu  de  malades.  D'autre  part, 
du  Tillet  et  Duhamel  rapportaient  (1760)  le  fait  d'une  fille 
qui  était  entrée,  sans  dommage  pour  sa  santé,  dans  un  four 
à  une  température  (approximative)  de  11a''  R.  En  1776 
des  expériences  furent  entreprises  dans  ce  sens  par  Fordyce , 
Banlcs,  Blagden  et  Solander  [Philosophical  transactions,  1776). 
Dobson,  è  Liverpool,  dans  la  même  année,  et  Delaroche  et 
Berger,  1806,  répétèrent  et  complétèrent  ces  recherches. 
Voici  les  résultats  obtenus  par  ces  deux  derniers  auteurs  : 
Dans  un  air  sec  4  -h  AS"*  G.,  ils  placèrent  divers  animaux 
(chat,  lapin,  pigeon,  grenouille),  qui  ne  présentèrent  que  de 
l'agitation  et  de  l'anhélation.  Ges  animaux,  sauf  la  grenouille, 
périrent  dans  une  étuve  à  65"*  G.  en  moins  de  deux  heures.  Un 
jeune  homme  laissé  par  Dobson  dans  une  étuve  à  +  98^8  G., 


380        CHAPITRE  1*'.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

pendant  peu  de  temps  (vingt  minutes),  eut  seulement  une 
grande  accélération  du  pouls  (i64  pulsations).  M.  Berger 
supporta ,  pendant  sept  minutes ,  une  chaleur  de  Tair  de 
i09%&  G.,  et  Blagden  une  température  de  ii5°  à  tay"*  G., 
pendant  huit  minutes.  Quant  à  Tair  chargé  de  vapeur  d'eau, 
il  ne  peut  être  supporté  à  de  si  hautes  températures;  ainsi 
M.  Delaroche  ne  put  demeurer  plus  de  dix  minutes  dans  un 
bain  de  vapeur  qui,  d'abord  à  37%5,  s'éleva,  en  l'espace  de 
huit  minutes,  à  5i*,â5  G.  M.  Berger  ne  put  aller  au  delà  de 
la  température  du  bain  de  vapeur  à  55''  G.  Gependant  les 
mêmes  observateurs  supportèrent  assez  facilement  des  tempé- 
ratures égales  et  même  supérieures  dans  l'air  sec.  Joseph 
Acerbi  déclare  avoir  vu  des  Finlandais  rester  pendant  une 
demi-heure  dans  un  bain  de  vapeur  à  7  o''  ou  75*"  G.  —  Il  va 
sans  dire  que  l'eau  chaude  n'est  pas  supportée  à  ce  degré,  et 
qu'il  en  résulte  des  brûlures. 

Influence  d'une  chaleur  excessive  sur  la  température  du  corps 
(p.  375).  —  Francklin  parait  être  le  premier  qui  ait  fait  des 
expériences  sur  ce  sujet.  La  température  de  l'air  ambiant  étant 
à  37%7  G.,  il  remarqua  que  sa  température  propre  était  à 
3  5%  5,  c'est-à-dire  au-dessous  de  la  normale.  Ge  résultat  n'a 
qu'une  valeur  historique.  Au  contraire,  Fordyce  et  ses  colla- 
borateurs ont  observé  que,  dans  un  air  très-chaud,  leur  tem- 
pérature propre  pouvait  s'élever  de  a*  ou  3**  F.,  soit  i%5  G. 
Delaroche  et  Berger  ont  observé  sur  eux-mêmes  une  éléva- 
tion considérable;  ainsi  Delaroche  ayant  une  température  de 
36*,5  G.,  celle-ci  augmenta  de  +  5**  G.  par  un  séjour  de  huit 
minutes  dans  une  étuve  dont  l'air  était  à  80**;  Berger  eut  une 
élévation  de  4", 3 5  G.,  après  seize  minutes  passées  dansl'étuve 
à  87°  G.  (thermomètre  dans  la  bouche).  Us  recommencèrent 
l'expérience  ayant  la  tête  hors  de  l'étuve,  et  obtinrent  encore 
une  grande  élévation  (3%i  a).  . .  Les  animaux  laissés  jusqu'à 
la  mort  dans  de  hautes  températures,  l'air  étant  sec,  avaient 


WILLIAM  EDWARDS.  381 

ea  une  élévation  propre  de  G""  h  7^  G.  Il  semble  que  ce  soit  le 
maiimam  possible  pour  les  tfnimaux  à  sang  chaud. 

AppUeatùms  pratiqu$B  (p.  /170).  —  La  faculté  de  produire  de 
la  chaleur  est  moindre  pendant  le  sommeil,  d*où  il  suit  qu*un 
air  humide  et  froid,  ou  un  air  sec  et  vif,  que  l'on  supporte 
sans  inconvénient  pendant  la  veille,  même  sans  le  secours  de 
Teiercice ,  pourra  être  plus  nuisible  pendant  le  sommeil. 

Edwards  reconnaît  l'utilité  de  rétablir  la  faculté  d'émettre 
de  la  chaleur  dans  les  cas  d'algidité  (bien  qu'il  ne  connaisse 
pas  le  mécanisme  de  la  régulation  troublée,  ni  l'élévation  in- 
térieure en  raison  de  l'abaissement  extérieur).  Il  cite  l'opinion 
de  Torti  sur  la  nécessité  de  faire  cesser  l'algidité  trop  pro* 
longée  dans  les  accès  de  fièvre  intermittente,  et  le  bain  de 
vapeur  donné  par  Ghomel  dans  un  cas  semblable  ^ 

Les  cltmatM.  —  Les  naturels  des  pays  chauds  sont  d'abord 
moins  sensibles  au  froid  que  les  personnes  du  pays ,  c'est  qu'ils 
éprouvent  un  accroissement  rapide  de  la  faculté  de  développer 
de  la  chaleur,  mais  cet  état  diminue  et  ne  dure  guère  au  delà 
de  deux  hivers. 

D'autre  part ,  les  naturels  des  pays  froids ,  s'ils  continuaient 
à  produire  la  quantité  de  chaleur  appropriée  à  leur  climat 
quand  ils  vont  habiter  les  régions  équinoxiales,  auraient  un 
surcroît  de  chaleur  qui  pourrait  leur  être  nuisible. 

La  température  de  l'homme  et  des  animaux  à  sang  chaud  ne 
varie^tr^lle  pas  suivant  les  saisons  ?  —  Les  expériences  d'Ed- 
wards montrent  qu'on  a  eu  tort  d'admettre  a  priori  une  éga- 
lité constante.  Chez  les  oiseaux,  la  différence  est  considérable 
(plus  froids  en  hiver,  plus  chauds  en  été),  elle  est  de  plu- 
sieurs degrés  centigrades.  Chez  l'homme ,  il  y  a  aussi  une  dif- 

'  GHime),  NcmwûmjaunuU de nMeeinê ,  t.  X,  p.  170. 


283        CHAPITRE  l".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

férence;  J.  Davy  a  coostatë  que  la  température  était  plus 
élevée  de  i""  F.  chez  les  habitants  de  Ttle  de  Geylan,  soit 
indigènes,  soit  étrangers. 

Lta  médication  réfrigérante,  d'après  Edwards.  —  (tOn  sait, 
dit  Edwards,  de  quelle  importance  il  doit  être  de  modérer  Tex- 
ces  de  la  chaleur.  Il  est  des  circonstances  où  la  chaleur  s'accroît 
par  un  effort  salutaire  de  la  nature;  alors  mime  ces  effeis  sont 
souvent  désordonnés,  et  Fart  doit  intervenir  pour  les  modérer,  et  ce 
qui  vaut  mieux,  pour  les  prévenir.  Souvent  le  travail  extraor- 
dinaire qui  augmente  la  chaleur  n'a  pas  cette  heureuse  ten- 
dance, et  la  nécessité  de  la  réprimer  devient  plus  manifeste. 
Le  moyen  le  plus  énergique  de  ceux  que  fournissent  lesagents  exté- 
rieurs consiste  dans  l'application  de  l'eau  en  masse,  à  une  tempéra- 
ture convenable,  v 

Edwards  estime  que  l'emploi  n'en  saurait  être  prolongé, 
mais  que,  si  Ton  n'oblient  qu'une  réduction  passagère,  ce  répit 
est  déjà  fort  avantageux,  «^  et,  dit-il,  la  répétition  de  ce  moyen 
multiplierait  les  intervalles.  Le  froid,  s'il  est  assez  vif,  tend  à 
amortir  l'activité  avec  laquelle  la  chaleur  se  développe,  et  le 
froid  humide  est,  de  tous  les  moyens  extérieurs  de  réfrigéra- 
tion, le  plus  propre  à  amener  ce  changement.  C'est  ce  qui 
sert  à  expliquer  l'avantage  qu'on  a  souvent  retiré  de  l'emploi  de 
l'eau  froide,  sous  les  formes  variées  de  bains,  de  douches  ou 
d'affusions,  dans  des  cas  où  le  développement  de  la  chaleur 
était  extraordinaire.  L'humectation  légère  de  diverses  parties 
du  corps,  quoiqu'on  les  essuie  immédiatement,  et  quelle  que 
soit  la  température  de  l'eau ,  pourvu  que  la  chaleur  n'en  soit 
pas  excessive,  produit  à  la  surface  qui  est  imbibée  une  évapo- 
ration  plus  abondante,  d'où  résulte  un  rafratchissement  salu* 
taire ,  que  l'on  peut  prolonger  indéfiniment,  v 

Il  faut  aussi,  d'après  Edwards,  entretenir  dans  l'apparte- 
ment une  ventilation  convenable,  favorable  à  l'évaporation 
(air  agité). 


WILLIAM  EDWARDS.  283 

Parlant  de  Tévaporation  cutanée,  Edwards  signsde  la  grande 
différence  qui  existe  entre  l'évaporation  et  la  transsudatian  :  la 
première  n'excrète  que  de  Teau  pure,  la  transsudation,  au 
contraire,  entraine  une  proportion  notable  de  matière  animale. 
La  sueur  affaiblit  davantage.  De  même  une  absorption  d'eau 
équivalente  en  poids  peut  réparer,  ou  à  peu  près,  la  perte 
que  détermine  la  transpiration  par  évaporation;  mais  il  s'en 
faut  de  beaucoup  quelle  remplace  celle  qu'occasionne  la 
sueur. 

■ 
De  la  température  des  jeunes  animaux  (p.  iSsi).  —  Edwards 

constate  l'opinion  répandue,  que  la  chaleur  des  jeunes  ani* 
maux  à  sang  chaud  est  un  peu  plus  élevée  que  celle  des 
adultes,  et  que  cela  tient  è  une  nutrition  plus  active.  Il  réfute 
cette  opinion  par  des  expériences,  et  montre *que  les  petits 
chiens,  chats,  lapins  nouveau-nés,  au  contact  de  leur  mère, 
ont  une  température  à  peu  près  égale  à  la  température  de 
celle-ci,  mais  que,  si  on  les  éloigne  de  leur  mère  et  qu'on  les 
tienne  isolés  pendant  une  heure  ou  deux,  leur  température 
baisse  considérablement,  et  s'arrête  à  un  petit  nombre  de  de- 
grés au-dessus  de  la  température  ambiante  (celle-ci  étant 
entre  lo^'et  ao"").  Edwards  s'est  assuré  que  ce  n'était  pas  le 
défaut  de  nourriture  qui  produisait  ce  résultat.  Le  refroidisse- 
ment ne  dépend  pas  non  plus  de  la  nature  de  l'enveloppe  cu- 
tanée« 

Au  bout  d'un  certain  nombre  de  jours  les  jeunes  animaux 
se  refroidissent  moins  et  plus  lentement  et  enfin  ils  se  main-^ 
tiennent  à  une  température  physiologique.  Edwards  apprécie 
ainsi  ce  changement  :  «Ce  changement  remarquable  qui  s'o* 
père  chez  les  jeunes  mammifères,  sous  le  rapport  de  la  tem- 
pérature, les  fait  passer  de  l'état  d'animaux  à  sang  froid  à 
celui  d'animaux  à  sang  chaud,  n 

Edwards  reconnaît  du  reste  que  cette  loi  ne  s'applique  pas 
h  tous  ^  et  il  divise  les  jeunes  mammifères  en  deux  groupes , 


384        CHAPITRE  l".  —  LA  CHALEOR  ET  LA  FIÈVRE. 

sous  le  rapport  de  la  chaleur  animale,  les  uns  naissant,  pour 
ainsi  dire ,  animaux  à  sang  chaud ,  les  autres  animaux  à  sang 
froid. 

Modifieaiùmê  de  la  chaleur  chez  Vhomme  iepui»  sa  naUeatue 
juequ^à  l'âge  adulte.  —  Edwards  [loc.cîLf.  ^  ^  9 )  i  reconnaît  que 
la  faculté  de  produire  de  la  chaleur  est  à  son  maximum  chez 
l'enfant  nouveau-né  et  qu'elle  s'accroit  successivement  jusqu'à 
l'âge  adulte.  L'enfant  nouveau-né  a  la  faculté  de  conserver 
une  température  élevée  h  peu  près  constante  dans  les  saisons 
chaudes.  Un  enfant  né  à  terme  et  séparé  de  sa  mère,  exposé 
à  une  chaleur  douce,  n'éprouve  guère  de  variation  dans  sa 
température.  «Il  est  vrai,  dit  Edwards,  qu'on  ne  s'aviserait 
pas  de  le  dépouiller  de  ses  vêtements  pour  juger  de  sa  faculté 
de  conserver  sa  chaleur  par  une  longue  exposition  è  l'air,  mais 
j'ai  fait  voir  précédemment  que  cette  épreuve  n'est  pas  néces- 
saire :  les  mammifères  nouveau-nés  qui  se  refroidissent  à 
l'air,  k  peu  près  comme  des  animaux  h  sang  froid,  ont  beau 
être  bien  recouverts,  leur  température  ne  laisse  pas  de  baisser, 
quoique  cet  effet  ait  lieu  alors  plus  lentement.  7> 

Edwards  a  examiné  l'état  de  la  température  chez  l'enfant 
et  chez  l'adulte  et  constaté  ce  qui  suit  :  «  En  prenant  ainsi  (ais- 
selle) la  température  de  vingt  adultes ,  il  en  est  résulté  qu'elle 
a  varié  entre  SS^'S  et  Sy""  G.,  dont  le  terme  moyen  était 
3  6"*  1 9 ,  ce  qui  s'accorde  avec  les  meilleures  observations. 
On  a  négligé  d'en  faire  sur  les  enfants  nouveau-nés.  Mon 
Ami  M.  Breschet  m'en  a  facilité  les  moyens.  Il  a  permis 
qu'on  prtt,  dans  les  salles  de  son  hôpital,  la  température  de 
dix  enfants  bien  portants ,  âgés  de  quelques  heures  à  dix  jours. 
Les  limites  des  variations  ont  été  de  3 &*  à  35**  5.  Le  terme 
moyen  de  toutes  les  températures  individuelles  fut  de  3&*75. 
Leur  température  est  donc  inférieure  à  celle  des  adultes ,  rap- 
port prévu  par  l'analogie  et  confirmé  par  l'observation.  . .  J'ai 
désiré  pouvoir  vérifier  une  autre  conclusion  tirée  de  l'analo- 


WILLIAM  EDWARDS.  385 

gie  ;  elle  est  relative  à  la  température  des  enfants  nés  longtemps 
acani  terme  :  j'examinai  un  enfant  né  à  sept  mois ,  deux  ou 
trois  heures  après  sa  naissance,  je  le  trouvai  bien  portant, 
bien  emmaillotté  et  près  d'un  bon  feu.  Je  pris  sa  température 
sous  Taîsselle  et  je  la  trouvai  de  Sa''  G.  Cette  différence  de  tem* 
pérature  est  remarquable  et  prouve  évidemment  que  l'homme 
suit,  pour  la  production  de  chaleur,  le  rapport  de  l'âge  que 
nous  avons  constaté  chez  les  animaux  à  sang  chaud  • . .  " 

Edwards  (De  l'influence  des  agents  physiques,  p.  a  87)  a  con- 
sacré un  chapitre  à  Vinfiuence  du  Jiroid  sur  la  mortalité  à  diffé- 
rents âges.  —  Il  déduit  des  précédents  chapitres  cet  axiome 
que,  lorsque  ta  faculté  de  développer  de  la  chaleur  n'est  pas 
la  même,  la  vitaUté  est  différente,  et  il  reconnaît  la  nécessité 
d'étudier  scientifiquement  ces  rapports  de  l'homme  avec  le 
milieu  extérieur  où,  jusqu'ici,  nous  n'avons  été  guidés  que  par 
l'instinct  ou  par  ce  genre  d'observations  qui  est  à  la  portée  de 
tout  le  monde  :  «  L'instinct  porte  les  mères  à  tenir  leurs  en« 
fants  chaudement.  Des  philosophes,  par  des  raisonnements 
plus  ou  moins  spécieux ,  les  ont  engagées ,  à  différentes  époques 
et  dans  divers  pays ,  à  s'écarter  de  ce  principe ,  en  leur  per- 
suada ni  que  le  froid  extérieur  fortifierait  la  constitution  des 
enfants  comme  il  fortifie  celle  des  adultes.  » 

Edwards  commence  par  montrer  que  les  jeunes  mammi- 
fères qui  naissent  les  yeux  fermés  et  les  oiseaux  éclos  sans 
plumes  ne  peuvent  se  passer  de  la  chaleur  de  la  mère  et  du  nid, 
où  ils  se  serrent  les  uns  contre  les  autres.  Exposés  à  l'air  au 
printemps  et  en  été ,  ils  se  refroidiraient  presque  au  niveau  de 
la  température  ambiante.  Dans  les  conditions  de  chaleur  du 
nid  et  de  couvage  maternel ,  ils  ont  une  température  è  peu  près 
aussi  élevée  que  celle  des  adultes,  quoiqu'elle  soit  presque 
entièrement  artificielle. 

Suivent  les  expériences  faites  par  Edwards  sur  des  chats, 
des  chiens  nouveau-nés  :  il  les  montre  se  refroidissant  à  l'air 


286        CHAPITRE  !•'.  ~  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

jusqu'à  1 3  et  1  /f"*  G. ,  et  supportant  de  basses  températures,  qui 
seraient  mortelles  pour  l'adulte,  pendant  deux  ou  trois  jours 
(  QO^C),  après  quoi  on  peut  encore  les  ranimer.  A  mesure  que 
le  jeune  animal  s'éloigne  du  moment  de  la  naissance,  il  subit 
moins  bien  cet  abaissement  :  <c  Nous  voyons  que  c'est  à  mesure 
que  la  faculté  de  développer  de  la  chaleur  s'accroit,  que  la 
facuhé  de  supporter  l'abaissement  de  la  température  du  C4>rps 
diminue,  n 

La  conclusion  pratique  de  ce  chapitre  est  exprimée  par 
Edwards  en  ces  termes  :  «D'une  part,  si  les  plus  jeunes 
animaux  souffrent  moins  d'un  même  abaissement  de  tem- 
pérature du  corps,  d'autre  part  ils  se  refroidissent  plus 
facilement;  aussi  dans  l'échelle  des  variations  de  la  tempé- 
rature extérieure,  les  plus  jeunes  animaux  sont  plus  fré- 
quemment exposés  à  être  refroidis  par  des  degrés  qui  n'au- 
raient aucune  influence  nuisible  sur  les  autres.  De  là  une  cause 
de  plus  grande  mortalité;  de  là  également  la  nécessité  de  les 
mettre  d'autant  plus  à  l'abri  du  froid  qu'ils  sont  plus  jeunes.  3i 

Edwards  (De  l'influence  des  agents  physiques,  p.  aAy)  a  in- 
diqué, sans  en  déduire  les  applications  thérapeutiques,  les 
effets  de  rapplication  momentanée  du  froid.  —  «  Quoique  les  ani- 
maux préalablement  refroidis  aient,  dit-il,  repris  leur  tempé- 
rature, il  ne  s'ensuit  pas  qu'ils  aient  la  même  faculté  de  pro- 
duire de  la  chaleur . .  .  J'ai  observé  en  refroidissant  et  en  ré- 
chauffant successivement  les  mêmes  individus,  que  le  temps 
qu'exige  le  rétablissement  de  la  température  initiale  devient 
plus  long  par  la  répétition  du  refroidissement.  Leur  faculté 
de  produire  de  la  chaleur  a  donc  diminué . .  .  Ainsi ,  lorsqu'on 
a  été  exposé  à  un  degré  de  froid  au-dessous  de  celui  qui  con- 
vient à  l'économie,  quoique  la  température  du  corps  ait  repris 
son  premier  degré  après  l'application  de  la  chaleur  extérieure, 
il  n'en  subsiste  pas  moins,  pour  un  temps,  une  diminution 
dans  la  faculté  de  produire  de  la  chaleur,  et  plus  on  est  ex- 


WILLIAM  EDWARDS.  287 

posé  à  l'action  répétée  de  cette  cause .  pourvu  que  les  inter- 
valles ne  soient  pas  trop  longs ,  plus  cet  effet  augmente.  » 

Application  momentanée  de  la  chaleur.  [Loc.  cit.  p.  sSo.)  — 
Après  un  refroidissement  capable  de  diminuer  la  production 
de  chaleur,  le  séjour  dans  une  température  élevée  favorise  le 
rétablissement  de  cette  faculté;  car,  en  exposant  les  animaux  à 
de  nouveaux  refroidissements,  leur  température  baissera  d'au- 
tant moins  vite  qu'ils  auront  été  exposés  plus  longtemps  à  la 
chaleur . .  .  G*est  la  contre-partie  de  ce  que  l'auteur  a  exposé 
relativement  à  l'effet  consécutif  au  refroidissement.  Ainsi  l'effet 
de  Tapplication  de  la  chaleur  ne  se  borne  pas  à  la  sensation 
qui  en  résulte.  «On  voit  par  là,  dit  Edwards,  que,  lorsqu'on 
est  dans  le  cas  d'être  exposé  souvent  à  un  froid  très-vif,  on 
se  dispose  mieux  è  le  supporter  en  se  procurant,  dans  les  in- 
tervalles, une  forte  chaleur,  usage  des  peuples  du  Nord  justifié 
par  les  faits  précédents.  » 

La  r^ulation  de  la  chaleur  n'est  pas  un  principe  nouveau. 
C'était  une  question  fort  débattue  déjà  au  moment  où  Edwards 
publiait  ses  observations  sur  la  chaleur  (1818).  Il  ne  faut 
point  tout  attribuer  aux  contemporains.  Ce  qui  est  nouveau , 
c'est  la  recherche  d'un  centre  régulateur  de  la  chaleur  siégeant 
dans  le  système  nerveux  encéphalo-méduUaire.  Edwards  rend 
bien  compte  de  l'opinion  qui  régnait  au  commencement  de  ce 
siècle  sur  cette  question.  «Il  n'y  eut,  dit^il  [De  Vinfiuence  des 
agenU  physiques ,  i8â/i,p.  sSA),  aucun  phénomène  de  chaleur 
découvert  par  l'application  du  thermomètre  qui  excitât  plus 
d'étonnement  que  la  constance  de  la  température  de  l'homme 
et  des  animaux  supérieurs.  L'explication  en  resta  longtemps 
hypothétique,  jusqu'à  ce  qu'on  eût  découvert  un  nouvel  ordre 
de  faits.  Dès  qu'on  reconnut  dans  la  formation  des  vapeurs  une 
cause  physique  de  refroidissement,  on  se  servit  de  ce  principe 
pour  se  rendre  compte  de  cette  uniformité  de  la  chaleur  ani- 
male. La  transpiration  devient  plus  grande  à  mesure  que  la 


288        CHAPITRE  I*'.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

chaleur  de  l'air  6*accrott;  la  formation  plus  abondante  des  va- 
peurs enlève  plus  de  chaleur  au  corps,  et  de  la  eompenfoùon 
entre  cette  source  de  refroidissement  et  Tëlévation  de  la  cha- 
leur extérieure  pouvait  résulter  l'égalité  de  la  température  du 
corps. . . 

«En  attribuant  à  la  transpiration  le  pouvoir  de  régler  la  lem- 
fératvTê,  on  suppose  nécessairement  que  la  production  ou  dé- 
veloppement de  chaleur  reste  la  même  dans  les  diverses  sai- 
sons •  •  •  » 

Les  rapporté  de  notre  température  avec  cdle  du  milieu  anJnani. 
Influence  des  saisons.  Idées  ^Edwards  à  cet  égard.  (Loc.  cù, 
p.  s 5 9.)  —  «Nous  distinguerons  deux  classes  d'individus 
chez  l'homme  et  les  animaux  à  sang  chaud  :  ceux  dont  la 
constitution  est  parfaitement  en  harmonie  avec  le  climat,  et 
ceux  auxquels  il  ne  convient  pas.  Les  premiers  subissent  des 
changements  en  rapport  avec  la  saison,  qui  leur  permettent 
le  libre  usage  de  leurs  facultés,  et  cette  jouissance  de  la  vie 
qui  constitue  la  santé.  A  mesure  que  la  température  s'abaisse, 
leur  source  intérieure  de  chaleur  augmente.  Elle  s'accrott  suc- 
cessivement et  atteint  son  maximum  en  hiver;  elle  décline  en- 
suite avec  l'élévation  et  la  durée  de  la  chaleur  extérieure.  Voici 
donc  un  élément  nouveau  qui  doit  entrer  dans  l'explication  de 
l'égalité  de  température  du  corps.  Gonsidérons-le  à  part ,  comme 
si  cette  cause  seule  suffisait  pour  produire  cet  effet.  La  tetnpé- 
rature  du  corps  dépendra  de  la  chaleur  produite  et  de  la  chaleur 
communiquée.  Leur  proportion  respective  pourra  varier  sans 
que  la  température  du  corps  varie.  11  y  aura  ainsi  rompouafton 
entre  la  chaleur  qui  vient  du  dehors  et  celle  qui  se  développe 
à  l'intérieur;  l'excès  de  Tune  suppléera  au  défaut  de  l'autre. 
Mais  l'économie  n'acquiert  cette  faculté  de  s'accommoder  à  la 
température  extérieure  qu'avec  la  marche  lente  et  progressive 
des  saisons  :  du  moins  elle  ne  l'acquiert  au  plus  haut  d^ré 
que  par  ce  moyen. 


WILLIAM  EDWARDS.  389 

«  Si ,  en  ëtë ,  il  survenait  un  froid  subit  aussi  vif  que  celui  que 
nous  pouvons  supporter  en  hiver,  le  corps  serait ,  pour  ainsi 
dire,  pris  au  dépourvu;  la  faculté  de  produire  de  la  chaleur 
étant  alors  réduite  h  son  moindre  degré,  celle  qui  est  en- 
levée ne  serait  plus  suffisamment  réparée ...  Il  est  des  indi- 
vidus qui  ne  sont  pas  appropriés  à  cette  grande  étendue 
de  variations  dans  la  température  extérieure.  Le  froid  qu'ils 
peuvent  supporter  sans  inconvénient  est  beaucoup  moiqdre,  • 
parce  qu^ils  n'ont  pas  les  mêmes  ressources  pour  réparer  les 
pertes  de  chaleur.  Au-dessous  de  cette  limite ,  le  froid  produit 
sur  eux  un  effet  inverse  de  celui  que  nous  avons  décrit  plus 
haut  :  au  lieu  d'augmenter  la  production  de  chaleur,  il  la  di- 
minue. Le  type  de  ces  constitutions  se  trouve  chez  les  jeunes 
animaux  à  sang  chaud  et  les  manunifères  hibernants.  Ils  en 
présentent  les  caractères  d'une  manière  plus  marquée;  mais 
les  nuances  chez  les  autres  individus ,  soit  parmi  les  autres 
animaux  à  sang  chaud ,  soit  parmi  les  hommes ,  pour  être  plus 
Cûbles,  n'en  sont  pas  moins  de  même  nature. 

«...  Il  y  a  une  pareille  distinction  à  établir  entre  les 
constitutions  des  hommes  qui  habitent  le  même  climat  :  les 
uns,  et  c'est  le  plus  grand  nombre,  éprouvent  un  effet  salu- 
taire de  l'abaissement  graduel  de  la  température;  ils  subissent 
des  modifications  correspondantes  à  celles  des  animaux  à  sang 
chaud  adultes  qui  acquièrent  successivement  la  faculté  d'af- 
fronter les  rigueurs  de  l'hiver,  non  parce  qu'ils  s'endurcissent 
au  froid,  en  raison  de  leur  sensibilité  qui  s'émousse,  mais 
parce  que  leur  foyer  de  chaleur  devient  plus  actif. 

«D'autres  individus  parmi  les  hommes,  n'ayant  pas  les 
mêmes  ressources  en*  eux-mêmes,  sont  obligés  de  recourir  k  des 
moyens  auxiliaires  pour  se  soustraire  à  l'influence  nuisible  de 
la  saison.  Il  y  en  a  qui  se  réchauffent  difficilement,  lors  même 
que  le  froid  est  tempéré;  ils  ont  besoin  d'élever  davantage  la 
chaleur  des  appartements.  Cette  classe  est  plus  nombreuse 
qu'on  ne  croit;  elle  ne  se  borne  pas  aux  personnes  frileuses; 

19 


390        CHAPITRE  r.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

car  rinfluence  nuisible  du  froid  ne  se  fait  pas  toujours  recon- 
naître  par  la  sensation  pénible  à  laquelle  nous  donnons  le 
même  nom  :  celle-ci  peut  être  remplacée  par  des  sensations 
bien  différentes,  par  divers  états  de  malaise,  de  douleur,  de 
souffrance  et  d'incommodité,  autres  que  la  sensation  particu- 
lière que  nous  éprouvons  généralement  par  un  temps  froid  et 
qui  nous  fait  distinguer  la  cause  qui  la  produit.  L'absence  de 
.cette  sensation  spécifique  nous  fait  prendre  le  change  sur  la 
cause,  et,  faute  de  la  reconnaître,  nous  manquons  le  remède.  7> 
Ce  qu'Edwards  dit  de  l'action  des  saisons  sur  l'homme  est 
le  produit  d'une  double  expérience ,  celle  de  l'observation  em- 
pirique des  habitudes  de  l'homme  d'une  part,  et  d'autre  part 
l'expérience  des  animaux  sur  lesquels  il  a  observé  les  effets  du 
changement  artificiel  de  milieu.  Par  analogie  il  transporte  de 
ces  animaux  à  l'homme  les  mêmes  raisonnements.  Tout  ce  que 
l'on  écrit  aujourd'hui  (187  3)  sur  la  relation  de  la  chaleur, 
sur  la  compensation,  sur  les  rapports  entre  la  production  et  la 
consommation,  sur  l'action  du  froid  qui  augmente  la  production 
de  chaleur,  se  trouve  exprimé  brièvement  dans  les  citations 
précédentes.  On  saurait  gré  sans  doute  aux  auteurs  nouveaux 
de  citer  les  anciens ,  surtout  lorsque  ces  anciens  vivaient  seu- 
lement quarante  ans  avant  eux. 

Influence  de  la  température  sur  les  mouvements  respiratoires. 
Applications  à  la  médecine.  —  r  Lorsqu'un  individu  éprouve  un 
changement  de  constitution  qui  diminue  sa  production  de  cha- 
leur ou  la  consommation  d'air,  il  ne  peut  subir  le  degré  de 
froid  qui,  auparavant,  lui  aurait  été  salutaire,  sans  que  le 
rhythme  de  ses  mouvements  respiratoires  n'en  soit  tôt  ou  tard 
altéré.  De  là  la  nécessité,  lorsque  ces  deux  fonctions  ont 
éprouvé  cette  altération  comme  dans  des  cas  d'affection  orga- 
nique du  cœur  et  des  poumons ,  de  mettre  le  malade  en  rap- 
port avec  une  température  plus  douce,  soit  artificiellement, 
soit  en  le  faisant  changer  de  climat.  » 


CHOSSAT. 


291 


CHOSSAT. 

Chossat  a  étudie  les  effets  de  Yinanttiatwn  sur  la  chaleur 
animâJe  ^. 

A.  Oscillation  diurne  de  la  chaleur  aninude  dans  Fétat  normal, 
—  «Il  existe  dans  l'ëtat  normal  une  variation  régulière  fort 
importante,  que  j'appellerai  V oscillation  diurne  de  la  chaleur 
animale.  »  (L'auteur  a  lu  sur  ce  sujet,  en  1 83 1 ,  une  note  à  la 
Société  de  physique  et  d'histoire  naturelle  de  Genève.) 

Les  observations  ont  été  prises  à  midi  et  à  minuit,  au 
nombre  de  600,  dans  l'anus  de  vingt  pigeons,  et  prolongées 
pendant  116  jours. 

«Ainsi,  conclut  l'auteur,  dans  l'état  normal  la  chaleur  ani- 
male éprouve,  toutes  les  vingt-quatre  heures,  une  oscillation 
régulière,  au  moyen  de  laquelle  elle  s'élève  pendant  le  jour 
et  s'abaisse  pendant  la  nuit.  La  différence  entre  ces  deux  états 
est  en  moyenne  o%7/i;  et  cette  différence  ne  se  rattache  ni  à 
une  variation  dans  la  température  de  l'air  ambiant  entre  le 
jour  et  la  nuit,  ni  au  refroidissement  général  de  l'atmosphère 
qui  résulte  du  changement  des  saisons.  » 

Les  mouvements  respiratoires  subissent  une  variation  ana- 
logue à  celle  de  la  chaleur  animale,  et  cette  variation  se  fait 
simultanément  et  dans  le  même  sens,  puisque  la  respiration 


*  GhoMat,  Rêcher^êê  êxpénmentalét 
Vmamtialion.  Mémoire  présenté 
i  TAcadémie  des  sciences  en  dé- 
cembre 1 8 38.  (Aateara  antérieurs  :  Redi 
Flnence,  i68â ,  et  GoUart  de  Marti(jny, 
in  Journal  de  Magendie ,  i8a8.) 

Béfloitats. —  Pour  Tinanitiation  com- 
plète :  «  Uo  animal  périt  lorsqu'il  a  perdu 
eoTiroo  o,à  de  son  poids  normal.» 

Pour  ralimentation  insuffisante  en 
qnantilé  : 


«Le  corps  se  détruit  d^une  quantité 
de  matière  animale  proportionnée  an 
déOdt  de  Taliment,  fournissant  de  sa 
propre  substance  pour  la  dépense  jour- 
nalière du  corps  tout  ce  que  r«liment 
lui-même  ue  donne  pas.  C'est  là  la  loi 
des  régimes. 

«Abstraction  faite  de  la  graisse,  c'est 
le  système  musculaire  qui  supporte  la 
presque  totalité  de  la  perte  de  poids  du 
corps.'» 

19. 


392         CHAPITRE  1**.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

se  ralentit  en  même  temps  que  la  chaleur  s'abaisse,  et  vice 


versa. 


B.  De  la  chaleur  animale  pendatU  l'inamûation  (abstinence 
complète).  —  L'abaissement  progressif  de  la  chaleur  par 
l'abstinence  est  positif.  A  mesure  que  la  vie  se  prolonge ,  le 
refroidissement  inanitial  diurne  tend  progressivement  à  aug- 
menter ^ 

1*  L'oscillation  diurne  et  moyenne  de  la  chaleur  animale 
qui,  dans  l'état  normal  de  l'alimentation,  est  o%7&,  devient, 
dans  l'inanitiation ,  3%  a  8. 

s®  L'oscillation  diurne  inanitiale  est  d'autant  plus  étendue, 
que  l'inanitiation  a  déjà  fait  plus  de  progrès;  de  telle  façon, 
que  l'oscillation  de  la  fin  de  l'expérience  est  à  peu  près  double 
de  celle  du  début. 

Du  dernier  jour  de  la  vie  danê  tinaniiiatian.  —  Le  refroidisse- 
ment est  de  o^'.S  par  jour  assez  régulièrement,  mais  subitement, 
le  dernier  jour  de  la  vie,  il  s'accroit.  Le  refroidissement  du  der- 
nier jour,  comparé  à  celui  des  jours  antécédents,  a  été  comme 
i4",o  :  o*,3  =  /i7,i,  c'est-à-dire  que,  dans  le  dernier  jour 
de  la  vie ,  la  chaleur  animale ,  en  moyenne ,  a  baissé  h  7  fois 
plus  rapidement  que  dans  chacun  des  jours  précédents. 

On  trouve  un  refroidissement  moyen  de  o%9&  par  heure 
pendant  le  dernier  jour  de  la  vie^ 

L'abaissement  total  qui  a  amené  la  mort  a  été,  en  moyenne, 
i6%3.  La  mort  arrive  généralement  et  indifféremment  entre 
i8*  et  3o',  très-rarement  au-dessus  de  3o*. 

^  Voir  p.  11 6,  où  sont  citées  les  expé»  reaa  dans  la  prodaction  de  la  chaleur 

riences  qai  transfèrent  à  la  portion  dor  animale. 

sale  de  la  moelle  épinière  la  totalité  de  '  Voir  Mémoire  9ur  Và^luenee  du  tyf- 

rinfloence  excitatrice  que  possède  le  oer-  tèmê  nenmuc  «10*  la  chahur  anim^. 


DOUBLE.  298 

AUTEURS  CLASSIQUES  MODERNES. 

DOUBLE'. 

(1811.) 

Tome  I.  —  ccLes  principales  altérations  de  la  peau,  au 
point  de  vue  de  la  sémëiologie,  sont  :  i"*  sa  couleur;  ù**  sa 
température;  3®  son  humidité  ou  sa  sécheresse. 

«La  chaleur  dû  corps  doit  être  arrêtée  entre  Sy**  et  Ua^'C; 
il  existe  cependant,  pour  chaque  individu,  une  variation  telle 
qu'on  ne  peut  statuer  rien  de  fixe  à  cet  égard.  Au  surplus ,  les 
variations  thermométriques  de  la  peau  importent  peu  au  mé- 
decin; la  sensation  du  malade  et  le  tact  du  médecin  et  des 
assistants  deviennent,  à  cet  égard,  le  régulateur  suprême,  le 
plus  sûr  thermomètre,  v 

Tome  IL  —  «La  chaleur  se  présente  sous  les  quatre  points 
de  vue  qui  suivent  :  i""  Tétat  naturel  de  la  chaleur;  ù"*  Taug- 
mentation  de  la  chaleur;  3""  les  altérations  de  la  qualité  de  la 
chaleur;  à""  la  diminution  de  la  chaleur. 

(t  La  température  ordinaire  du  corps  humain  a  été  fixée  à 
30*"  ou  3/t*  R.  (37%5  ou  /tâ%5  G.);  mais  il  n'y  a  rien  de  cer- 
tain à  cet  égard.  La  chaleur  est  plus  considérable  chez  les 
enfants  que  chez  les  adultes. 

«  n  y  a  une  foule  d'inexactitudes  inséparables  des  moyens 
habituels  tels  que  :  i""  le  rapport  du  .malade;  ù"*  le  toucher; 
3^  les  instruments  de  physique.  Le  tact  est,  de  tous  les  moyens, 
le  plus  sûr  !  v  Suit  un  chapitre  contre  le  thermomètre  ! 

Viennent  ensuite  les  chaleurs  ftcre,  mordicante,  halitueuse, 
ardente,  septique  (p.  3 s 3-3 58,  35  pages). 

*  Trois  Yolames  de  Séméiologiê, 


294        CHAPITRE  I".  —  LA  CHALEUR  ET  LA  PIÈTRE. 

LANDRÉ-BBAUVAIS. 

(1809.) 

Même  science  imparfaite  et  déchue. .  .  Cependant  il  dit: 
c(  Quoique  le  thermomètre  soit  le  moyen,  le  plus  sûr  de  recon> 
naitre  les  différents  degrés  de  la  chaleur  animale,  on  y  a  ra- 
rement recours  dans  la  pratique ,  on  s*en  rapporte  le  plus  sou- 
vent au  tact  ou  bien  au  sentiment  des  malades* 

«  L'augmentation  de  la  chaleur  animale  peut  être  générale 
ou  bornée  à  certaines  parties.  La  chaleur  est  douce,  hali- 
tueuse,  sèche,  etc.,  eic.19 

GHOMBL'. 

((  L'appréciation  de  la  chaleur  morbide,  comme  de  beaucoup 
d'autres  symptômes ,  exige  de  la  part  du  médecin  une  grande 
habitude ,  qu'on  ne  peut  acquérir  qu'à  l'aide  d'études  cliniques, 
etc.  Le  thermomètre  peut  faire  connaître  le  degré  exact  de  la 
température  du  corps;  mais  il  est  tout  à  fait  impropre  pour 
faire  apprécier  les  autres  modifications  que  la  chaleur  mor- 
bide présente;  et  le  meilleur  instrument  que  le  médecin  puisse 
employer  est  sa  main. 

«Quelques  expérimentateurs  assurent  avoir  reconnu  une 
élévation  ou  un  abaissement  de  température  de  plusieurs 
degrés.  L'élévation  peut  être  générale  ou  partielle.  » 

H.  ROGER. 

M.  H.  Roger  publia  dès  1 8/1&  des  travaux  intéressants  sur  les 
variations  de  la  chaleur  animale  dans  les  maladies,  il  comprit 
l'importance  de  la  question,  et  dès  cette  époque  il  affirma 

>    Édition  de  18IT6. 


BOUILLAUD.  ^  PIORRY.  395 

que  les  variatioiis  de  la  température  méritaient  de  prendre 
rang  parmi  les  signes  les  plus  précieux  de  ia  séméiologie. 

11  a  développé  depuis  ses  recherches  dans  son  livre  sur  les 
Maladies  de  renfonce  (Paris,  1879).  Nous  utiliserons  plus  tard 
les  résultats  obten  us. 


BOl]ILLAUD\ 

M.  Bouillaud  introdubit  l'usage  du  thermomètre  dans  son 
service  de  clinique,  malheureusement  il  se  borna  à  établir 
quelques  principes  généraux.  «  Plus  de  trois  cents  observations 
nous  ont  démontré,  dit-il,  que  rien  n'était  plus  facile  que 
d'apprécier  avec  le  thermomètre  les  différences  de  la  tempéra- 
ture animale.  L'état  fébrile  intense  fait  monter  le  thermomètre 
centigrade  de  33^  ou  3/i''  à  /io^  et  même  au  delà.  r> 

Dans  un  autre  passage  M.  Bouillaud  s'exprime  ainsi  à 
propos  de  la  fièvre  typhoïde  :  «  La  chaleur  a  varié  de  33-3/i"  à 
Ao-Ai";  ce  résultat  suffit  pour  démontrer  que  les  divers 
degrés  de  la  température  morbide  peuvent  être  exactement 
donnés  par  le  thermomètre,  n 

PIORRY*. 

• 

M.  Piorry  fit  des  recherches  thermométriques  avec  ses  élèves 
Testelin,  Raynaud  et  Valette.  Il  trouva,  pour  la  température 
de  l'aisselle  de  l'homme  sain,  que  la  chaleur  varie  entre  a 8  et 
33°  R.,  soit  35  et  4 1°  G.,  et  donna,  pour  les  autres  régions 
soumises  à  l'exploration,  des  chiffres  qui  ne  sont  pas  plus  exacts. 
De  plus,  au  lieu  de  suivre  les  modifications  de  la  chaleur  chez 
un  même  malade,  M.  Piorry  a  noté  une  seule  fois  le  résultat 
de  l'exploration.  Aussi  ne  put-il  faire  qu'un  simple  exposé  des 


^  Quitfw  médiadê,  i,  V\  p.  «96;         *-  Traité  du  diagnoêtk ,  i8âo,  t.  III, 
L  III,  p.  698.  p.  3o  etsuiT. 


200        CHAPITRE  K  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

résultats  constatés,  sans  arriver  à  en  déduire  aucune  conclu- 
sion d'ensemble. 

BODCHUT. 

(1857.) 

«  La  fièvre  est  une  réaction  de  l'organisme  contre  certaines 
impressions  morbifiques.  C'est  un  spasme  du  cœur  et  des  vais- 
seaux qui  imprime  à  la  masse  du  sang  une  course  plus  rapide 
et  produit  dans  les  tissus  une  décomposition  moléculaire  gé- 
nérale ,  d'où  résultent  une  augmentation  de  la  température  du 
corps  et  des  malaises.  » 

BÉHIER  ET  HARDY'. 

MM.  Béhier  et  Hardy  apprécient  plus  exactement  les  services 
rendus  par  la  thermométrie;  mais, 'en  comparant  la  réserve  de 
leur  opinion  avec  le  rôle  qu'ils  attribueraient  au  thermomètre, 
s'ils  faisaient  actuellement  une  nouvelle  édition  de  leur  ou- 
vrage, on  peut  mesurer  le  chemin  accompli  en  quelques 
années. 

«  La  chaleur  animale,  qui,  dans  l'état  de  santé,  varie  de  3o 
à  3&^  R.,  peut  devenir  plus  basse  ou  plus  élevée.  Les  varia- 
tions morbides  de  la  température  sont  reconnues  par  la  sen- 
sation du  malade,  par  Tapplication  de  la  main  du  médecin, 
ou  à  l'aide  du  thermomètre.  »  Après  avoir  dit  que  l'on  doit  se 
défier  des  deux  premiers  modes ,  ils  ajoutent  :  «  Quant  au  ther- 
momètre comme  moyen  de  mesurer  la  température  animale, 
il  a  été  rejeté  par  presque  tous  les  médecins,  qui  se  sont  gé- 
néralement accordés  à  dire  que  les  variations  de  la  chaleur 
animale  n'étaient  souvent  pas  perçues  par  cet  instrument  11  y 


'  Trailé  élémentaire  de  ftathologiê  mtemf,  l.  I**,  Séméiohgie^  p.  969,  Paris, 
i858. 


6AVARRET.  397 

a  là  évidemment  exagération  :  dans  quelques  affections,  il 
est  vrai ,  la  sensation  de  chaleur  ou  de  froid  existe  seule ,  et  la 
température  animale  reste  réellement  au  même  degré,  mais 
ainsi  que  Tout  montré  les  recherches  de  MM.  Bouillaud,  An- 
dral ,  Gavarret  et  Roger,  dans  quelques  maladies ,  le  thermo- 
mètre, placé  sous  l'aisselle  des  malades,  met  à  même  de  no- 
ter d'une  manière  exacte  l'accroissement  ou  la  diminution  de 
la  température.  Mais  il  serait  certainement  utile,  dans  le  cours 
d'une  maladie,  de  pouvoir  apprécier  les  changements  survenus 
dans  la  température,  comme  on  apprécie' les  battements  du 
pouls  è  l'aide  d'une  montre  à  secondes,  et  dam  un  moment  oà 
la  médecine  tend  à  devenir,  autant  que  possible,  une  science  exacte, 
Vappriàotion  de  la  température  du  corps, par  le  thermomètre,  dément 
le  complément  utile  £une  bonne  observation.  » 

Plus  loin,  MM.  Béhier  et  Hardy  rapportent  les  observations 
d'Andral  et  Gavarret  dans  le  frisson,  celtes  de  Briquet  et 
Chossat  dans  le  choléra  (Paris,  i85o,  p.  980),  celles  de  Ro- 
ger, etc. 

GAVARRET. 

Dans  un  ouvrage  où  se  trouvent  résumés  tous  les  travaux 
de  ses  prédécesseurs  sur  la  chaleur  animale ,  M.  Gavarret  a  re- 
produit avec  une  netteté  parfaite  l'état  de  la  science  sur  cette 
question.  Il  caractérise  ainsi  les  principales  phases  du  rôle  que 
l'oxygène  absorbé  joue  dans  l'économie  ^  : 

«Aux  diverses  surfaces  respiratoires,  poumon,  peau, bran- 
chies, etc.,  le  sang  veineux  saturé  d'acide  carbonique  laisse, 
par  un  simple  jeu  de  forces  physiques,  échapper  ce  gaz,  qui 
est  expulsé  au  dehors.  En  même  temps,  sous  l'empire  de  forces 
physiques  et  chimiques,  une  portion  déterminée  de  l'oxygène 
ambiant  pénètre  dans  le  sang ,  se  fixe  sur  les  globules  et  les 

*  Gavarret,  Dt  la  chakur  produite  par  lei  itret  vivante,  in- 19.  Victor  Mas- 
aoD.  Paria,  i855,  p.  976. 


998        CHAPITRE  I".  -.  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

artérialise.  La  fonction  de  ces  surfaces  est  donc  réliminaiion 
de  Tacide  carbonique, produit  impropre  à  l'entretien  de  la  vie, 
et  l'introduction  dans  l'économie  d'une  certaine  proportion 
d'oxygène,  agent  de  toutes  les  transfonnations  que  doivent 
subir  les  matériaux  extraits  des  aliments  ingérés  et  versés 
incessanmaent  dans  le  torrent  circulatoire  par  le  travail  de  la 
digestion. 

((Transporté  avec  les  globules  dans  les  capillaires  généraux, 
Toxygène  absoibé  agit,  par  des  combustions  lentes  et  succes- 
sives, sur  les  matières  ternaires  et  quaternaires  fournies  par 
le  travail  digestif,  et  sur  les  matières  organiques  incessamment 
séparées  des  tissus  de  l'économie.  De  ces  réactions,  accompa- 
gnées, dans  certaines  circonstances,  de  véritables  dédouble- 
ments, résultent  la  génération,  aux  dépens  de  l'albumine,  des 
éléments  constitutifs  de  divers  organes,  la  formation  d'une 
certaine  quantité  de  graisse  et  la  production  des  substances 
qui  sont  les  derniers  termes  de  transformation  des  éléments 
organiques  et  organisés  de  l'économie  avant  d'être  expulsés  au 
dehors.  De  ces  matières  éliminées  par  les  divers  émonctoires 
du  corps  des  animaux,  lés  unes  appartiennent  encore  au 
monde  organique,  comme  l'acide  hydrotique  pour  la  peau, 
les  acides  cholique  et  choléiqile  pour  le  foie, l'urée  et  les  acides 
urique  et  hippurique  pour  les  reins;  les  autres  sont  complè- 
tement minéralisées,  ce' sont  l'acide  carbonique,  l'azote  et 
l'eau  qui  s'échappent  par  les  surfaces  respiratoires.  Ces  pro- 
duits de  la  combustion  des  matériaux  du  sang  sont  destinés, 
les  uns  à  éliminer  l'azote,  les  autres  à  chasser  au  dehors  le 
carbone  et  Thydrogène.  » 

Toute  la  théorie  de  la  chaleur  animale  est  donc  restée, 
d'après  M.  Gavarret,  contenue  dans  les  termes  de  la  formule 
si  nette  énoncée  par  Lavoisier  dès  1789  : 

(cLa  machine  animale  est  principalement  gouvernée  par 
trois  régulateur^  principaux  :  la  respiration,  qui  consomme  de 
l'hydrogène  et  du  carbone  et  qui  fournit  du  calorique;  la 


GâVARRET.  209 

ttantpiration ,  qui  augmente  ou  diminue  suivant  qu'il  est  né- 
cessaire d'emporter  plus  ou  moins  de  calorique;  enfin  la  di- 
gesùcn,  qqi  rend  au  sang  ce  qu'il  perd  par  la  respiration  et  la 
transpiration.  » 

En  18&Q  ,  MM.  Andral  et  Gavarret  ont  publie  des  recher- 
ches sur  la  quantité  d'acide  carbonique  exhalé  par  le  poumon 
dans  l'espèce  humaine  ^  Cette  étude  des  produits  gazeux  de 
l'exhalation  pulmonaire  était,  dans  leur  pensée,  la  base  phy- 
siologique de  recherches  semblables ,  qui  devaient  être  pour- 
suivies dans  les  diverses  maladies.  Ces  auteurs  déterminèrent 
les  lois  de  la  variation  de  la  quantité  d'acide  carbonique 
exhalé  par  un  individu  sain,  suivant  le  sexe,  l'âge,  la  consti- 
tution. Malheureusement  ils  ne  firent  pas  les  études  com- 
paratives projetées  pour  les  diverses  maladies,  et  l'absence  de 
ce  travail  reste  une  lacune  que  nous  aurons  souvent  à  regretter 
dans  la  suite  de  cet  ouvrage. 

Le  traité  de  M.  Gavarret  a  le  grand  mérite  de  dontier  l'état 
de  la  science  sur  la  chaleur  animale  en  i855.  A  ce  moment 
s*ouvre  une  nouvelle  période,  le  thermomètre  entre  dans  la 
pratique  médicale  journalière.  Il  surgit  dès  lors  une  foule  de 
problèmes  imprévus.  Un  grand  nombre  d'entre  eux  attendent 
encore  leur  solution.  C'est  h  exposer  l'état  actuel  de  ces  di- 
verses questions  que  sera  consacrée  la  seconde  partie  de  ce 
livre. 


*  Atm,  de  chimie  H  dêphyê.,  3*  se-     M.  Gavarret,  Chakur  produit»  par  let 
rie,  t  VIU ,  p.  1 9 9 ;  et  dans  le  livre  de    itrei  vivants ,  p.  3 6 1 . 


CHAPITRE  IL 

LA  GHALEUQ  ET  LA  FIÈVRE. 


iPOQUK  MODERNE. 

L'étude  des  travaux  que  nos  devaiiciers  ont  consacrés  â  la 
chaleur  animale  méritait,  selon  nous,  de  ne  pas  rester  dans 
un  trop  complet  oubli.  Nous  n'avons  pas  voulu  grouper  leurs 
opinions  en  quelques  phrases,  c'eût  été  leur  faire  subir  de 
trop  dures  violences.  Nous  avons  préféré  donner  les  analyses 
des  œuvres  principales,  procédé  plus  long  mais  plus  fidèle. 
Ce  qui  frappe  dans  cet  exposé,  c'est  l'effort  continu  des  cher- 
cheurs de  toutes  les  époques  pour  déterminer  les  causes  et  la 
valeur  de  la  chaleur  animale,  dans  l'état  de  santé  ou  de  ma- 
ladie. 

Les  premiers,  Hippocrate,  Galien,  Gelse,  etc.,  interprètent 
la  chaleur,  lui  assignent  im  foyer,  la  surveillent  pendant  les 
maladies,  la  redoutent  et  font  des  efforts  pour  la  modérer 
dans  son  intensité  et  ses  effets.  Les  commentateurs,  moins 
cliniciens  que  leurs  maîtres,  s'attachent  à  reconnaître  la  na- 
ture intime  du  phénomène  plutôt  qu'à  trouver  dans  ses  varia- 
tions des  indications  véritablement  médicales. 

Un  moment  le  problème  est  précisé,  la  solution  est  entre- 
vue. Dégagée  des  langes  de  la  tradition,  la  science  médicale, 
sous  l'impulsion  de  l'esprit  d'examen  de  Sanctorius,  de  Bo- 
relli ,  de  Harvey ,  se  sert  des  instruments  de  précision ,  la  ba- 
lance, le  thermomètre,  etc.  Les  plus  grands  médecins,  de 
Haén  surtout,  montrent  les  résultats  que  peut  donner,  pour  le 


ÉPOQUE  MODERNE.  SOI 

diagnostic  et  le  pronostic ,  une  méthodç  dans  laquelle  les  faits 
exacts  supplantent  les  interprétations.  Gurrie  va  plus  loin,  il 
tâche  d'établir  quelles  sont  les  inductions  que  la  connaissance 
de  la  chaleur  du  corps  dans  les  maladies  autorise  pour  le 
traitement  des  fièvres.  Il  semble  que  la  voie  est  trouvée,  que 
quelques  pas  mèneront  au  but;  par  un  soubresaut  imprévu, 
au  moment  même  oit  Lavoisier  vient  de  déceler  les  causes 
réelles  de  la  chaleur  animale,  les  médecins  abandonnent  cette 
étude,  et,  préoccupés  d'autres  problèmes,  cherchent  leur  so- 
lution dans  les  lésions  du  corps;  les  premiers  travaux  leur 
assurent  une  riche  et,  en  apparence,  une  facile  moisson. 

Pendant  la  première  moitié  de  ce  siècle,  quelques  esprits 
éminents,  poussés  par  le  souvenir  de^la  tradition  ou  par  leur 
•propre  intelUgence ,  reprennent  la  question  de  la  chaleur  : 
Andral  et  Gavarret,  BouiUaud,  Roger,  etc.,  publient  sur  ce 
sujet  des  travaux  qui  suffisent  pour  relier  la  .tradition  è  la 
période  moderne.  Mais  c'est  un  vain  effort  ;  on  cite  avec  éloge 
ces  tentatives,  mais  nul  ne  songe  à  les  imiter. 

Il  faut,  pour  que  la  thermométrie  clinique  entre  dans  la 
pratique  journalière  de  la  médecine,  l'intervention  d'un  nou- 
veau procédé ,  de  la  méthode  graphique ,  qui  avait  manqué  à 
de  Haën.  Dès  que  le  médecin  a  vu  quel  intérêt  avait,  pour  le 
diagnostic  et  le  pronostic,  le  tracé  de  la  température,  il  a  de 
nouveau  adressé  aux  savants  ces  questions  tombées  dans  l'ou- 
bli :  Gomment  natt  cette  chaleur  normale  ou  morbide?  Quelles 
sont  les  lois  de  sa  répartition  dans  le  corps?  Quelles  modifi- 
cations lui  apportent  les  influences  extérieures  et  les  ingesta? 
Quelle  est  la  part  qu'il  faut  réserver  è  l'action  du  système  ner- 
veux dans  la  régulation  de  cette  chaleur?  Quelle  est  la  quan- 
tité de  chaleur  réelle  incluse  dans  le  corps?  Quels  sont  ses 
modes  de  déperdition?  Ges  connaissances  sont  à  peine  obte- 
nues ,  que  d'autres  auteurs  plus  hardis  cherchent  à  faire  leur 
synthèse  et  à  établir  la  théorie  de  la  fièvre. 

La  multiplicité  de  ces  questions  nous  impose  l'obligation  de 


302        CHAPITRE  11.  ^  LA  GHALEUft  ET  LA  FIÈVRE. 

renoncer  à  les  présenter  en  suivant  fondre  chronolog[ique  des 
travaux  qui  s'y  rapportent  Autrefois  chaque  auteur  résumait 
aisément  les  notions  acquises  de  son  temps;  aujourd'hui 
chacun  est  obligé,  par  l'étendue  et  la  diversité  des  problèmes 
à  résoudre,  de  restreindre  son  champ  d'études.  Pour  éviter 
la  confusion,  nous  prendrons  chaque  question  isolément; 
nous  analyserons  les  principaux  matériaux  pafrvenus  à  notre 
connaissance,  en  les  envisageant  surtout  en  médecin.  Nous 
aurons,  certes,  de  larges  emprunts  à  faire  aux  physiologistes, 
mais  nous  chercherons  surtout  à  mettre  en  lumière  les  don* 
nées  qui  nous  nermettront  d'entrer  plus  avant  dans  l'interpré- 
tation des  actes  morbides. 

C'est  ainsi  que  nous  étudierons  successivement  : 

S  I*^.  La  production  et  la  déperdition  de  la  chaleur; 

S  II.  La  température  de  l'homme  sain ,  ses  oscillations  diur- 
nes; 

S  III.  Les  conditions  qui  font  varier  la  température  du 
corps  humain ,  et  les  limites  de  ces  oscillations  : 

a,  l'influence  de  Tâge; 

h.  l'influence  du  sexe,  de  la  constitution,  de  la  race; 

r.  l'influence  de  l'alimentation  ; 

(/.l'influence   de  l'activité  musculaire; 

e.  l'influence  de  la  température  extérieure; 

f.  les  limites  de  la  résistance  des  animaux  :  i®  à  la  cha- 

leur, Q**  au  froid; 

g.  la  température  j^ost  mortem; 

S   IV.  La  répartition  de  la  chaleur; 
S     V.   La  calorimétrie; 
$    VI.  La  régulation  de  la  chaleur; 
S  VU.  La  fièvre  considérée  dans  sa  pathogénie  et  dans 
quelques-uns  de  ses  épisodes. 


ÉPOQUE  MODERNE.  303 

S  P'. 
PRODUCTION  ET  DEPERDITION  DE  LA  CHALEUR. 

Noos  avons  donné  l'exposé  de  la  théorie  de.  Lavoisier.  Rap- 
pelons seulement  les  termes  dans  lesquels,  dans  son. mémoire 
de  1 789  ^  Lavoisier  résume  la  théorie  de  la  chaleur  animale  : 
«  La  machine  animale  est  principalement  gouvernée  par  trois 
régulateurs  principaux  :  la  respiration,  qui  consomme  de  Fhy- 
drogène  et  du  carbone  et  qui  fournit  du  calorique;  la  iroMpi- 
ration,  qui  augmente  ou  diminue  suivant  qu'il  est  nécessaire 
d'emporter  plus  ou  moins  de  calorique;  enfin,  la  digestion, 
qui  rend  au  sang  ce  qu'il  perd  par  la  respiration  et  la  trans- 
piration. 1 

Nous  acceptons  parfaitement  les  termes  dans  lesquels 
M.  Gavarret  a  analysé  les  recherches  des  successeurs  de  Lavoi- 
sier; nous  n'avons  pas  l'intention  de  discuter  les  travaux  de 
Dulong,  Despretz,  Regnault,  Boussingault,  etc.  Nous  noterons 
seulement  quelques  points  importants  à  connaître  pour  le  mé* 
decin  et  qui  ont  reçu  récemment  leur  interprétation.  Bien 
d'autres  l'attendent  encore  aujourd'hui,  et  M.  Regnault  disait 
avec  raison ,  dans  une  des  séances  de  l'Académie  des  sciences 
(9  décembre  18722):  «L'acide  carbonique  exhalé  n'est  pas 
seul  à  mesurer  l'énergie  des  oxydations  de  l'organisme.  On  ne 
peut,  par  ce  moyen,  se  rendre  un  compte  exact  de  la  chaleur 
produite.  Le  phénomène  est  beaucoup  plus  complexe.  Tout 
mouvement  se  traduit  par  de  la  chaleur  ;  toute  action  chimique 
donne  delà  chaleur  ou  du  froid;  tout  passage  dans  le  sang  des 
aliments  qui  se  liquéfient  change  encore  la  température.  Tout 
frottement  des  liquides  sur  les  vaisseaux  amène  aussi  une  pro- 
duction de  chaleur.  En  un  mot,  toutes  les  parties  de  l'orga- 
nisme sont,  à  chaque  instant,  productrices  de  chaleur  ou  de 


.  4È» l'Aead,  d»ê  êcimceê,  1 7Sç4«  p.  58o. 


304        CHAPITRE  il.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

froid,  et  la  température  animale  D*esl  que  le  résultat  de  toutes 
ces  causes. 

«Il  ne  faut  donc  pas  chercher  une  mesure  de  ia  chaleur 
engendrée  dans  l'évaluation  de  l'acide  carbonique  formé.  Ce 
qui  se  passe  dans  le  corps  humain  n'est  qu'un  exemple  de  ce 
qui  se  passe  en  plus  grand  dans  tout  Tunivers.  C'est  un 
échange  continu  de  génération  et  de  perte  de  calorique,  en 
relation  avec  les  différents  mouvements  de  ia  matière.  9 

C'est  donc  une  vaine  tentative  que  de  vouloir  établir, 
avec  quelque  chance  d'approximation,  la  balance  âe  la  chaleur' 
animale  dans  l'économie  (recette  et  dépense).  Helmholtz^  et 
Barrai'  en  ont  donné  la  preuve  indirecte.  Helmhoitx  évalue 
la  recette  de  la  chaleur,  c'est-à-^lire  le  chiffre  des  unités  de 
chaleur  produites,  en  vingt-quatre  heures,  par  un  hoDune 
pesant  8q  kilogrammes,  à  9,700,000,  ce  qui  fait  i,388  par 
kilogramme  et  par  heure. 

Barrai  est  arrivé,  par  une  autre  voie,  au  chiffre  de 
9,706,076  pour  un  homme  adulte,  en  vingt-quatre  heures. 
Ce  chiffre  concorde  presque  exactement  avec  celui  de  Helm- 
holtz,  et  avec  celui  que  Kemig  avait  obtenu,  de  1,390  par 
heure  et  par  kilogramme. 

Cette  recette  de  chaleur  est  compensée  par  la  perte  de 
chaleur  répartie,  d'après  Helmholtz,  de  la  façon  suivante: 
i""  réchauffement  des  aliments  et  boissons,  en  moyenne  et  à 
la  température  extérieure  de  1  q^,  prend  à  la  température  du 
corps,  chaque  jour,  70,167  calories,  soit  9,6  p.  0/0  de  ia 
recette;  9*  réchauffement  de  l'air  inspiré  (i6,&oo  grammes 
en  vingt-quatre  heures)  consomme,  étant  donnée  la  tempéra- 
ture de  l'air  à  90%  70,089  calories,  soit  9,6  p.  0/0  de  la 
recette,  et  à  zéro,  i&o,o6&,  soit  5,9  p.  0/0;  3°  l'évaporation 
journalière  de  656  grammes  d'eau  par  les  poumons  exige 


1  Hdmholti,  art  Thmiëch,  Wàrmê        *  Barrai,  5faliçiMeAMi.((8t 
inBfHin.  m$i,  Eneyclopàdiê.  Paria,  i85o. 


PRODUCTION   DE  LA  CHALEUR.  305 

397,536  calories,  soit  i/1,7  p.  0/0  de  l'actif.  Il  reste,  pour 
sabvenir  aux  frais  de. la  perte  de  chaleur  par  la  surface  exté- 
rieure du  corps,  au  moins  77,6  p.  0/0  de  la  chaleur  produite. 
Barrai  établit  la  balance  suivante  : 

RkRTI  01  LA  CBALIQI 9,706,076 

Dnil^  CmititeM. 

/  Par  érapontioD 699,801     95,85  p.  0/0. 

piiTi      I  Par  échaufiTement  de 

as  cflALBua  I       ''"'  «^P»*^ '  oo»8  *  *       3»7* 

eo  unités    ]  ^"'  ëchauffemenl  des 

^^^       l      aliments 59,490       1,94 

cantiAmai    i  ^*'  '*"  excrélwns  80- 

I       lideset  liquides. . .        33>090       1,99 

I   Par  le  ravonneuieot  et 

\       la  condoetibîiifté. . .   1,819,959     67,99 

Total 9,706,076 

Dans  cette  balance ,  il  n'y  a  point  de  place  particulière  ré- 
servée au  travail  mécanique  ;  elle  suppose  l'homme  en  un 
repos  tel,  que  la  perte  de  force  soit  exclusivement  bornée 
&  la  chaleur.  Si  un  travail  extérieur  s'accomplit,  on  ne  peut 
plus,  par  les  principes  connus,  évaluer  ce  travail  en  unités 
de  chaleur  :  ces  chiffres  ne  valent  donc  que  pour  l'homme  im- 
mobile. 

L'énorme  élévation  de  la  quantité  d'acide  carbonique  exhalé 
pendant  le  travail  (p.  389)  montre  que,  dans  le  corps  en  tra- 
vail ,  l'échange  chimique  est  extraordinairement  plus  élevé  que 
dans  l'état  de  repos,  d'oà  élévation  de  la  source  des  forces 
mises  en  liberté ,  ou  de  la  recette  de  chaleur.  Cet  excédant  de 
recette  ne  se  retrouve  pas  en  entier  comme  dépense  à  l'état  de 
travail  mécanique;  en  d'autres  termes,  quand  une  certaine 
quantité  de  travail  extérieur  doit  s'accomplir,  le  développe- 
ment de  forces  vives  est  plus  que  suffisant  pour  ce  travail,  il 
y  a  beaucoup  d'excédant.  C'est  quelque  chose  d'analogue  à  ce 
qui  se  passe  dans  la  machine  à  vapeur,  et  même  à  un  plus 

90 


306        CHAPITRE  II.  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

haut  degrë  que  dans  celle-K:i.  Tandis  que^  dans  la  machine  à 
vapeur,  il  n'y  a  au  plus  quun  huitième  de  la  chaleur  qui  se 
changé  en  travail»  Helmholtz  évalue,  en  appliquant  la  mé- 
thode précédemment  indiquée,  c'est-à-dire  fanalyse  de  lacide 
carbonique  évacué  comme  moyen  d'apprécier  la  chaleur  déve- 
loppée par  le  corps  en  travail,  la  quantité  de  cette  chaleur 
transformée  en  travail  à  un  cinquième  au  maximum.  Admet- 
tons que  la  chaleur  produite  pendant  le  travail  soit  seulement 
triplée,  et  que,  sur  cette  somme,  le  maximum  possible,  ou  la 
cinquième  partie,  soit  employé  au  dehors  sous  forme  de  tra- 
vail mécanique,  il  y  a  encore,  par  rapport  au  budget  de  Tétat 
de  repos,  un  excédant  très-élevé  de  recette  qui  ne  reste  pas 
dans  le  corps ,  mais  qui  s'élimine  à  Tétat  de  chaleur. 

Nous  devions  analyser  ces  travaux  de  Barrai  et  de  Helmholtz, 
parce  que  tous  les  deux,  et  avec  une  certaine  concordance ,  ont 
montré  combien  l'équivalence  de  la  recette  et  de  la  dépense 
de  chaleur,  que  l'on  avait  espéré  pouvoir  établir,  est  une  ten- 
tative illusoire.  M.  Berthelot^  s'est  chargé,  d'ailleurs,  de  la  cri- 
tique de  ces  travaux.  Les  animaux,  en  effet,  ne  brûlent  pas  du 
carbone  libre  et  de  l'hydrogène  libre,  mais  ils  introduisent 
dans  leur  corps,  sous  forme  d'aliments,  des  principes  orga- 
niques complexes,  dans  lesquels  l'état  de  combinaison  des  élé- 
ments est  déjà  très-avancé.  D'autre  part,  les  animaux  rejettent 
continuellement  au  dehors,  non  pas  seulement  de  l'acide  car- 
bonique, mais  de  l'eau,  de  l'urée  et  d'autres  produits  excré- 
mentitiels  très-complexes.  Il  faudrait  donc  tenir  compte,  pour 
calculer  la  chaleur  animale ,  de  l'état  réel  des  corps  introduits 
et  des  corps  rejetés;  c'est  le  rapport  qui  existe  entre  ces  deux 
termes  qui  détermine  la  quantité  de  chaleur  produite. 
r  Voici  quelques-uns  des  résultats  auxquels  M.  Berthelol  est 

arrivé  ^  : 


*  Berihelot ,  in  AfrtM  an  eoun  êciên-    Uw  ûnimak,  in  Journal^  Robin,  i  S65 , 
ûfiquêip  i865.  -—  Mémoin  sur  la  eka^     p.  6âa« 


PRODUCTION  DE  LA  CHALEUR.  307 

La  chaleur  produite  par  l'oxygène  déjà  combiné  est  infé- 
rieure à  la  chaleur  produite  par  l'oxygène  libre  de  toute  la 
quantité  de  chaleur  dégagée  ou  absorbée  lors  de  la  première 
combinaison.  Quand  l'oxygène  se  fixe  sur  les  globules  dans  le 
poumon,  il  se  dégage  une  quantité  de  chaleur  notable  (8,000 
ou  10,000  calories  pour  3a  grammes  d'oxygène),  qui  esten- 
yiron  la  neuvième  partie  de  la  quantité  de  chaleur  produite 
par  la  combustion  du  carbone  »  par  le  même  poids  d'oxygène. 
Cette  augmentation  de  chaleur  se  trouve  annulée  par  le  déga- 
gement d'acide  carbonique  en  quantité  è  peu  près  égale. 

Puis,  passant  en  revue  la  chaleur  dégagée  par  les  oxyda- 
tions directes  et  complètes,  et  les  comparant  aux  oxydations 
successives  d'un  même  composé  et  à  l'oxydation  d'une  famille 
homologue  sans  perte  de  carbone,  M.  Berthelot  montre  qu'une 
même  quantité  d'oxygène ,  en  se  fixant  sur  des  corps  tels  que 
les  alcools,  pour  les  transformer  en  acides  correspondants, 
sans  changer  le  nombre  d'équivalents  de  carbone,  dégage  des 
quantités  de  chaleur  qui  varient  dans  des  limites  très-étendues, 
par  exemple:  37,000  et  90,000. 

De  même,  dans  la  série  des  acides  gras,  l'oxydation,  en 
donnant  naissance  à  une  même  quantité  d'acide  carbonique, 
produit  des  quantités  de  chaleur  tellement  variables,  que,  pour 
Vacide  stéarique,  le  chiffre  est  supérieur  de  moitié  à  celui  du 
carbone. 

D'autre  part,  la  formation  de  l'acide  carbonique  par  dédou- 
blement peut  répondre  è  une  absorption  ou  à  un  dégagement 
de  chaleur.  Ainsi  l'acide  oxalique,  en  se  décomposant  en 
acide  carbonique  et  hydrogène,  absorbe  7,600  calories  pour 
un  équivalent  d'acide  carbonique;  lorsque  le  même  acide  oxa- 
lique se  dédouble  en  acide  formique  et  acide  carbonique,  il  y 
a  absorption  de  /ta, 000  calories. 

«Il  n'est  donc  pas  permis,  dit  justement  M.  Berthelot,  de 
raisonner  sur  la  chaleur  qui  répond  à  la  formation  d'acide 
carbonique,  sans  en  connaître  l'origine,  y» 

io. 


308        CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Les  phénomènes  d'hydratation  prêtent  à  des  observations 
analogues ,  et  la  conclusion  qui  ressort  de  ces  recherches  fort 
intéressantes,  c'est  que,  si  l'idée  fondamentale  émise  par  La- 
voisier  reste  exacte,  cependant  nous  devons  reconnaître  que  le 
problème  se  complique  à  mesure  que  l'on  pénètre  dans  les 
conditions  vraies  du  phénomène.  Enfin  il  n'est  pas  possible 
actuellement  de  tenter  de  résoudre  l'équation  de  la  recette  et 
de  la  dépense,  ainsi  qu'on  l'a  espéré  un  instant. 

Les  travaux  de  M.  Cl.  Bernard ,  dont  il  nous  reste  à  parier, 
prouveront  de  plus  que  ce  ne  sont  pas  toujours  des  oxydations 
qui  produisent  la  chaleur. 

Quels  sont  les  finfern  dans  lesqueU  se  produisent  ces  acùans 
chimiques  créatrices  de  chaleur  ? 

Bien  que  Lavoisier  soit  resté  indécis  sur  ce  point,  nous 
avons  vu  qu'il  avait  paru  croire  que  le  poumon  était  le  siège 
principal  de  ces  combustions.  Lagrange  a  combattu  cette  opi- 
nion en  faisant  remarquer  que,  si  elle  était  vraie,  si  toute  la 
chaleur  du  corps  se  produisait  dans  le  poumon,  l'organe  ne 
pourrait  pas  résister  à  une  telle  élévation  de  température. 
Tous  les  physiologistes  avaient  accepté  l'objection  faite  par 
Lagrange.  Mais  M.  Berthelot,  dans  une  note  récente  à  l'Aca- 
démie des  sciences,  tout  en  admettant  les  conclusions  de  La- 
grange, réfute  son  raisonnement.'  «Toute  la  chaleur  dégagée, 
dit  M.  Berthelot,  par  la  transformation  de  l'oxygène  inspiré'en 
acide  carbonique,  fât-elle  développée  au  sein  des  poumons, 
n'en  élèverait  la  température  que  d'une  faible  fraction  de  de- 
gré, incapable  d'en  produire  la  destruction.  C'est  ce  qu'il  est 
facile  d'établir.  D'après  les  recherches  de  MM.  Andral  et  6a- 
varret,  la  quantité  moyenne  de  carbone  exhalée  par  un 
homme,  sous  forme  d'acide  carbonique,  est  comprise  entre 
10  et  iù  grammes  environ  par  heure,  soit  167  à  900  milli- 
grammes par  minute.  En  admettant  que  les  matières  qui  ont 
fourni  cet  acide  carbonique  aient  dégagé  è  peu  près  la  même 


PRODUCTION  DE  LA  CHALEUR.  809 

quantité  de  chaleur  que  du  carbone  pur,  ce  qui  n'est  pas  très- 
éloigné  de  la  vérité,  cette  chaleur  serait  capable  d'élever  de 
1  degré  par  minute  la  température  de  i,3ooài,6oo  grammes 
deau.  En  admettant  seize  inspirations  par  minute,  chacune 
d'elles  produirait  donc  en  moyenne  une  quantité  de  chaleur 
capable  d'élever  de  i  degré  loo  grammes  d'eau  au  moins. 
Cette  quantité  de  chaleur  répartie  entre  toute  la  masse  des 
poumons,  qu'on  peut  évaluer  à  9,000  ou  9,5oo  grammes 
environ ,  ne  saurait  en  élever  la  température  que  d'une  très- 
petite  fraction  de  degré  (un  vingtième  à  un  vingt-cinquième 
de  degré)  par  chaque  inspiration.  La  circulation  incessante  du 
sang  dans  les  vaisseaux  pulmonaires,  sang  dont  le  poids  ne 
paratt  pas  éloigné  de3oo2i&oo  grammes,  entre  deux  inspi- 
rations, jointe  à  l'influence  du  contact  des  parties  voisines, 
absoriserait  d'ailleurs  à  mesure  la  chaleur  produite  de  façon  à 
empêcher  ses  effets  de  s'accumuler. 

«11  résulte  de  ce  calcul»  conclut  M.  Berthelot,  que  l'action 
de.  l'oxygène  sur  les  principes  combustibles  de  l'organisme, 
même  si  elle  se  produisait  tout  entière  dans  les  poumons,  ce 
qui  n'est  pas  le  cas,  ne  donnerait  lieu  qu'à  des  effets  difficiles 
à  constater,  loin  de  détruire  l'organe  qui  servirait  de  siège  à 
cette  combustion.  Les  conclusions  de  Lagrange  n'en  étaient 
pas  moins  conformes  à  la  vérité ,  quoique  fondées  sur  des  pré- 
misses inexactes.  Mais  ce  n'est  pas  la  seule  fois,  dans  l'histoire 
des  sciences ,  qu'un  argument  sans  valeur  est  devenu  l'origine 
de  découvertes  importantes.  j> 

Le  r6le  du  poumon  est  bien  déterminé,  si  nous  nous  rap- 
pelons les  travaux  de  M.  Berthelot  sur  la  chaleur  absorbée  et 
dégagée  par  la  sortie  de  l'acide  carbonique  et  la  fixation  de 
l'oxygène  sur  les  globules  rouges ,  et ,  si  nous  tenons  compte 
des  échanges  nutritifs  qui  s'accomplissent  dans  l'intimité  du 
poumon  pour  sa  vie  propre,  nous  reconnaîtrons  qu'il  y  a  bien 
peu  de  chaleur  développée.  Gomme,  en  même  temps,  il  est  ex- 
posé â  l'air  et  soumis  à  des  échanges  gazeux  qui  entraînent 


810        CHAPITRE  H.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

une  déperdition  de  calorique,  il  en  résulte  en  définitive  un 
abaissement  de  la  température  K 

Puisque  le  poumon  n'est  évidemment  pas  le  siège,  et  sur- 
tout le  siège  exclusif  des  combustions,  cherchons  quels  sont  les 
points  où  s'effectuent  principalement  les  oxydations. 

Le  sang  est-il  une  source  de  chaleur?  Pour  M.  Cl.  Bernard  ^ 
les  physiologistes  qui  ont  considéré  le  liquide  sanguin  lui- 
même  comme  le  lieu  de  toutes  les  productions  calorifiques  qui 
s'accomplissent  dans  le  corps  vivant,  ont  dépassé  ce  que  per- 
mettait d'affirmer  l'expérience.  Pour  lui ,  c'est  principalement 
un  phénomène  extrasanguin  qui  dégage  du  calorique.  Ce  phé- 
nomène est  le  contact  et  l'échange  entre  les  tissus  élémentaires 
et  le  sang,  au  moment  où  se  produisent  les  actions  chimiques 
de  la  nutrition. 

Dans  des  expériences  précises  et  qui  méritent  d'être  étu- 
diées par  les  médecins,  M.  Cl.  Bernard  détermine  le  rôle  des 
muscles  et  des  glandes  dans  la  production  de  la  chaleur. 

. 

Râle  des  muicles  dan$  la  production  de  la  chdeur.  —  Le  tissu 
musculaire  constitue  à  lui  seul  une  très-grande  partie  de  la 
masse  totale  du  corps.  Chez  un  chien  modérément  gras,  on  a 
trouvé  :  poids  total,  1 1  kilogr.  700  gr.;  poids  des  muscles, 
5  kilogr.  lioo  gr.;  poids  des  os,  9  kilogr.  700  gr.  Le  fonc- 
tionnement des  muscles  produit  de  la  chaleur.  On  s'échauffe 
par  le  mouvement.  Béaumur,  Newport',  Dutrochet,  Maurice 
Girard,  l'ont  constaté  chez  les  insectes.  Becquerel  et  Breschet, 
Malteucci,  Helmholtz,  l'ont  démontré  chez  l'homme  ou  les 
autres  animaux. 

Le  système  musculaire  est  donc  une  source  de  chaleur  con- 
sidérable; il  reste  à  en  déterminer  les  causes  directes.  Ces 
causes  se  trouvent  dans  la  suractivité  des  combustions  qui 

*  Voyez  Cl.  Bernard,  Lêçan»  êur  la         '  Newporl,    Pkiloiophieal   Crtnuac- 
eludeur,  p.  190.  lions,  1837,  part.  Il,  p.  960. 

'  Lpçom  nir  la  chaleur  animale,  p.  1 3o . 


PRODUCTION  DE  LA  CHALEUR. -- MUSCLES.        311 

s'accomplissent  dans  te  muscle.  Les  éléments  anatomiques,  les 
tissus  organiques  absorbent  de  l'oxygène  et  émettent  de  l'acide 
carbonique. 

M.  P.  Bert  a  donné  le  tableau  suivant,  qui  résume  cette 
activité  fonctionnelle  pour  chaque  tissu. 

Des  tissus  enlevés  au  cadavre  d'un  chien,  aussitôt  après 
que  l'animal  a  été  sacrifié,  ont  été  placés  dans  des  éprouvettes 
pleines  d'air,  et  disposées  de  la  manière  la  plus  favorable  aux 
échanges  gazeux.  Après  un  même  temps  J'analyse  des  gaz  con- 
tenus dans  ces  éprouvettes  montre  que  : 

1  oo  gr.  de  mosde  ont  absorba.  5o'%8  \  /  56**,8 

toogr.dfl  cerveau ^^  «8  I  .,       ,         L  As  ,S  . 

1  oo  or.  de  rem 07  ,o  I  ^y           1  i5  ,0  I      d  aade 

100  gr.  de  raie  . . . . , 97  ,«3  f  ]  i5  ,â  [  carbonique. 

1 00  gr.  de  testicule 18  ,3  \  ®'""^        j  97  ,5 

1 00  gr.  d'oi  et  moelle 17  ,a  /  \     8  ,1 

Le  muscle  respire  donc,  même  après  la  mort;  il  respire  de 
même  pendant  la  vie,  quand  il  est  au  repos,  mais  surtout 
quand  il  est  en  fonction  et  qu'il  se  contracte. 

Le  muscle  peut  se  contracter,  dégager  de  l'acide  carbo- 
nique et  produire  de  la  chaleur,  même  sans  être  traversé  par 
uii  courant  sanguin.  Exemple  :  une  grenouille,  préparée  à  la 
manière  de  Galvani,  est  suspendue  dans  un  bocal  au  fond  du- 
quel est  de  l'eau  de  baryte  ;  les  secousses  électriques  font  con- 
tracter les  musoles,  l'eau  de  baryte  se  trouble  et  décèle  la  pré- 
sence de  l'acide  carbonique. 

A  l'état  physiologique ,  il  existe  un  rapport  très-étroit  entre 
la  fonction  du  muscle  et  la  composition  du  sang  qui  le 
baigne.  En  analysant  le  sang  qui  a  traversé  le  muscle  droit  an- 
térieur de  la  cuisse,  qui  est  pris  pour  exemple  parce  qu'il  est 
suffisamment  isolé  au  point  de  vue  de  ses  vaisseaux  et  de  ses 
nerfs ,  on  trouve  : 


312         CHAPITRE  II. —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


ACIDE 

OXTGèllE       CâRBONigrE 
poor  loo*"       pour  100" 


PREMIÈRE  EXPÉRIENCE.  ^csang.  de  sang 

Sang  arkTiol  du  muscle 7",^  i  o",!S/!i 

c            .           (  Elal  de  paraivsie  (nerfroimo).  .  .  .  7  ,20  o  ,00 

Sanff  veineux   1  „       ,    ^       '                       '  '                       v 

,             ,      \  hlal  de  repos 5  ,00  s  ,00 

(In  muscle.    /  /,       ,                 .  #0                / 

V  htat  de  contraction a  ,90  a  ,ao 

DEU\1ÈME  EXPÉRIENCE. 

Sang  arlériel  du  muscle 9  »3 1  o^  ,00 

Sang  veineux   (    État  de  repos 8,11  2  ,01 

du  muscle.   (   État  de  contraction 3  ,3i  3  ,2 1 

D'où  il  suit  que  la  respiration  musculaire,  à  peu  près  nulle 
dans  la  paralysie,  faible  dans  l'état  de  repos,  est  exagérée 
dans  l'état  de  contraction. 

Cette  ex|)érience  montre  que  des  états  fonctionnels  spéciaux 
des  muscles  coïncident  avec  des  états  chimiques  particuliers 
du  sang;  nous  allons  voir  que  l'état  calorifique  du  muscle 
change  dans  les  mêmes  circonstances. 

Or  on  sait  depuis  longtemps  que  la  contraction  musculaire 
produit  de  la  chaleur.  Becquerel  et  Breschet  ont  constaté,  par 
la  méthode  thermo-électrique,  que  le  biceps  au  repos  a  une 
température  de  SG^'jS,  que  la  flexion  répétée  des  bras  élève 
la  température  de  o%5  à  i%  et  que,  même  au  repos,  la  tem- 
pérature d'un  muscle  est  de  i°,5  à  2"  supérieure  à  celle  du 
tissu  cellulaire  sous-jacent.  MM.  J.  Béclard  et  Cl.  Bernard  ont 
fait  des  expériences  qui  donnent  les  mêmes  résultats. 

En  même  temps  que,  par  le  travail  musculaire,  le  sang 
devient  plus  veineux,  parce  que  la  combustion  est  plus  com- 
plète, ce  sang  subit  une  élévation  de  température. 

En  i858,  M.  Cl.  Bernard  découvre  sur  un  cheval  une 
branche  de  la  veine  jugulaire  qui  reçoit  les  rameaux  des  veines 
faciales  et  maxillaires,  et  il  constate  que,  si  l'on  fait  mastiquer 
lo  cheval,  le  sang  coule  avec  plus  de  rapidité,  devient  pins 
rhaud  et  plus  noir. 


PRODUCTION  DE  LA  CHALEUR.  —  MUSCLES.        3t3 

Cette  augmentation  de  température  du  sang  veineui  n'est 
pas  due  à  la  veinosité  du  sang  »  mais  à  la  combustion  muscu- 
laire, car,  en  détruisant  le  ganglion  du  sympathique  qui  se 
rend  au  membre  supérieur^  et  k  l'oreille  correspondante,  la 
température  s'élève  dans  ce  membre  et  dans  l'oreille.  Si  l'on 
excite,  par  le  galvanisme,  les  fibres  partant  du  ganglion,  la 
patte  se  refroidit  de  plusieurs  degrés.  Or  il  n'y  avait  pas  de 
contraction  musculaire,  et  cependant  le  sang  des  veines  mus- 
culaires était  devenu  plus  noir.  On  peut  donc  avoir  dans  les 
veines  musculaires  un  sang  très-noir  avec  élévation  ou  avec 
abaissement  de  température.  La  chaleur  n'est  donc  pas  liée  à 
la  coloration  du  sang,  il  n'y  a  que  coïncidence  entre  les  deux 
phénomènes  pendant  la  contraction  musculaire. 

La  respiration  musculaire  n'est  pas  la  seule  manifestation 
de  l'aclivilé  nutritive  de  la  fibre  musculaire;  il  s'accomplit  en 
même  temps  d'autres  phénomènes  chimiques  capables  d'en- 
gendrer de  la  chaleur. 

La  réaction  du  muscle  au  repos  est  alcaline,  elle  devient 
acide  dans  le  muscle  qui  a  été  soumis  à  des  contractions  ré- 
pétées. Cette  acidité  est  due  à  la  présence  de  l'acide  lactique. 
En  même  temps,  la  créatinine,  principe  alcalin,  diminue  au 
profit  de  la  créatine. 

Helmholtz,  en  opérant  sur  des  animaux  à  sang  froid,  a  vu 
que,  dans  les  muscles  fatigués,  les  matières  solubles  dans  l'al- 
cool sont  augmentées,  tandis  que  les  matières  solubles  dans 
l'eau  sont  diminuées.  Matteucci  a  observé  les  mêmes  modifi  - 
cations  sur  un  animal  à  sang  chaud. 

Si  l'exercice  musculaire  a  une  part  importante  dans  la  pro- 
duction du  calorique,  réciproquement  l'immobilité  entraîne 
un  abaissement  de  température.  En  curarisant  un  chien ,  c'est- 
à-dire  on  supprimant  le  jeu  des  muscles,  M.  Cl.  Bernard  a 
constaté  que  la  température  rectale  tombait,  en  une  heure, 

*  Yoy.  Teipérience,  p.  i5&. 


814         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEYRE. 

à^  39%9  ^  3  7"*  Leg^Iois  avait  obtenu  des  résultats  analogues 
en  immobilisant  les  animaux. 

Comme  les  autres  organes  musculaires,  le  cœur  produit  de 
la  chaleur  au  moment  de  sa  contraction.  L  expérience  a  montré  à 
M.  Cl.  Bernard  ^  que  le  tissu  du  cœur,  quand  it  se  contracte,  est 
plus  chaud  que  le  sang  qu'il  contient.  Les  contractions  étant 
incessantes,  c'est  une  source  constante  de  calorique.  Mais  le 
cœur  échauffe-t-il  le  sang  qu'il  contient?  Gela  est  probable, 
et  le  sang  artériel  est  à  son  maximum  de  température  dans  le 
cœur  gauche  ;  toutefois  il  faudrait  faire  de  nouvelles  re- 
cherches. 

On  évalue  approximativement  le  travail  du  cœur  chez 
l'homme  à  /i3,8oo  kilogrammètres  en  vingtr-quatre  heures; 
ce  travail  j  d'après  la  loi  de  l'équivalent  mécanique  de  la  cha- 
leur, donne  un  nombre  de  calories  égal  à  ^^^  »  io3.  On 
peut  dire  que  le  cœur  produit ,  en  vingt-quatre  heures ,  à  peu 
près  100  calories ^ 

Rôle  du  tysUme  nerveux  dan$  la  production  de  la  chaleurK  — 
Il  faut  distinguer  le  système  nerveux  périphérique  et  le  sys- 
tème nerveux  central. 

L'activité  des  organes  nerveux  périphériques  donne  un  dé- 
gagement de  chaleur  si  faible ,  que ,  pour  le  constater,  il  faut 
opérer  soit  sur  un  animal  è  sang  froid,  soit  sur  un  animal  à 
sang  chaud  refroidi.  Helmholtz  et  Valentin  ont  expérimenté 
sur  des  animaux  refroidis  par  le  sonuneil  hibernal,  des  mar- 
mottes ou  des  loirs.  Pour  refroidir  des  animaux  à  sang  chaud, 
on  peut  ou  leur  couper  la  moelle  épinière,  ou  les  exposer  à 
l'action  d'un  milieu  réfrigérant ,  ou  immobiliser  l'animal  pen- 
dant un  temps  prolongé ,  ou  l'enduire  d'une  couche  de  vernis 
imperméable,  ou  soumettre  l'animal  è  des  mouvements  de 
balancement.  Si,  chez  un  lapin  à  qui  l'on  a  coupé  la  moelle 


>  P.  193.  —  *  N.  Gréhant,  Phyn^  médieak,  1869,  p.  %%^.  —  *  P.  i58. 


PRODUCTION  DE  LA  CHALEUR.  —  NERFS.  315 

épinière  et  qui  est  refroidi,  on  désarticule  la  cuisse,  si  Ton 
dénude  le  nerf  sciatique  en  conservant  les  muscles  de  la 
jambe,  on  constate  que  le  nerf  n  a  pas  perdu  son  excitabilité. 
Pais,  à  Taide  d'aiguilles  thennonSlectriques^on  voit  que  le  nerf 
a ,  dans  toute  .son  étendue,  la  même  température.  Mais,  si  l'on 
eoLcite  la  région  du  nerf  qui  correspond  à  une  des  soudures, 
la  température  s'élève. 

Celte  production  de  chaleur  est  bien  un  phénomène  physio* 
logique  et  non  physique,  car  cette  production  de  chaleur  va 
en  diminuant  à  mesure  que  l'animal  se  rapproche  de  la  mort. 
(Scbiff.) 

L'activité  nerveuse  est  donc  une  source  de  chaleur. 

Le  système  nerveux  central  fournit  des  résultats  identiques. 
On  peut  constater  que  le  sang  qui  sort  des  sinus  cérébraux  par 
la  veine  jugulaire  interne  est  plus  chaud  que  le  sang  qui  entre 
dans  le  cerveau  par  l'artère  carotide,  surtout  quand  on  excite 
les  fonctions  du  cerveau. 

Rdh  deê  glandei  dam  la  production  de  la  chaleur  ^  —  Pour 
les  muscles  et  les  nerfs,  ainsi  que  pour  les  glandes,  les  ma- 
nifestations calorifiques  les  plus  intenses  correspondent  à  l'acti- 
vité fonctionnelle  des  organes,  el  celle--ci  coïncide  elle-même 
avec  l'activité  circulatoire.  En  sorte  que  ces  trois  modes  :  acti- 
vité circulatoire,  activité  fonctionnelle,  activité  chimico-calo- 
rifique,  sont  contemporains  et  corrélatifs.  Mais  ces  actes  n'ont 
pas  pour  corollaire  obligé,  comme  pour  les  muscles,  la  vei- 
nosité  du  sang.  Quand  une  glande  fonctionne,  le  sang  qui  en 
sort  est  rouge,  rutilant.  Pour  le  sang  rénal,  cette  couleur  est 
presque  constante ,  parce  que  le  rein  fonctionne  d'une  manière 
continue;  pour  d'autres  ^andes,  pour  la  sous-maxillaire,  la 
couleur  rouge  n'existe  que  pendant  l'activité  fonctionnelle.  En 
sorte  que  le  système  veineux  des  muscles  qui  fonctionnent  est 

■  Cl.  Reniard,p.  t66. 


316         CHAPITRE  IL —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

noir,  d'autant  plus  noir  qu'ils  travaillent  davantage;  dans  les 
glandes  il  devient  d'autant  plus  rouge. 

Pendant  que  la  glande  est  en  activité,  la  circulation  est 
augmentée,  la  veine  qui  émerge  de  la  glande  ne  laisse  plus 
suinter  quelques  gouttes  de  sang  comme  pendant  le  repos,  elle 
donne  un  jet  rapide.  En  même  temps,  la  température  s'élève 
dans  le  sang  qui  sort  et  dans  la  glande  elle-même.  En  ré- 
sumé, on  rencontre  dans  les  glandes  la  réunion  des  trois  ca- 
ractères essentiels  qu'avaient  manifestés  les  muscles  actifs, 
savoir  :  suractivité  fonctionnelle,  suractivité  circulatoire,  pro- 
duction de  chaleur. 

Cette  production  de  chaleur  correspond  à  une  combustion, 
mais  différente  de  celle  qui  accompagne  l'activité  musculaire. 
Le  sang  veineux  rouge  de  la  glande  en  fonction, quoique  plus 
chaud,  est  moins  briMé,  et  contient  moins  d'acide  carbonique 
et  plus  d'oxygène.  Ce  n'est  plus  une  combustion,  une  oxyda- 
tion, et  l'on  peut  dire  que  la  combustion  du  sang  n'est  pas  la 
mesure  de  la  chaleur  produite,  puisqu'elle  ne  varie  pas  tou- 
jours dans  le  même  sens.  Le  problème  n'est  donc  pas  aussi 
simple;  il  n'y  a  pas  seulement  une  combustion  de  carbone  et 
d'hydrogène  se  faisant  dans  le  sang,  mais  des  réactions  chi- 
miques plus  complexes  s'accomplissant  dans  la  profondeur  des 
tissus,  au  contact  des  éléments  histologiques,  et  variables  pour 
chacun  d'eux. 

Dans  le  muscle  lui-même,  tout  ne  se  traduit  pas  par  un  gain 
d'oxygène  et  une  perte  de  carbone;  nous  savons  que  les  phé- 
nomènes sont  beaucoup  plus  complexes,  que  la  réaction  aux 
liqueurs  colorées  a  changé,  que  les  parties  soiubles  dans  l'eau 
et  l'alcool  ont  varié. 

Sous  le  rapport  de  la  production  de  chaleur,  nous  devons 
dire  que  tout  fonctionnement  organique  s'accompagne  d'un 
échaulfement  du  sang  qui  traverse  l'organe,  et  que  celui-ci 
passe  en  plus  grande  quantité.  De  sorte  que  les  fonctions  des 
organes  créent  de  la  chaleur.  Le  critérium  de  la  fonction  est 


PRODUCTION  DE  LA  CHALEUR.  —  GLANDES.        317 

laetiviié  circulatoire.  Chez  Tanimal  à  jeun,  le  sang  que  la 
veine  porte  ramène  de  l'intestin  est  noir,  il  est  rouge  chez 
ranimai  qui  digère. 

Dans  la  glande  sous-maxillaire ,  M.  Gl.  Bernard  a  trouvé  les 
résultats  suivants  : 

OiygAiw  p«  o/o. 

Sang  artériel 9,80 

Sang  veineux  de  la  glande  au  repos 3,99 

Sang  veineux  de  la  glande  en  activité 6,01 

En  même  temps  la  température  augmente,  ce  que  Ton  cons- 
tate dans  le  sang  qui  s'écoule  et  dans  l'intimité  même  de  la 
glande ,  en  enfonçant  des  aiguilles  thermo-électriques. 

L'activité  de  la  glande  est  sous  la  dépendance  de  la  corde 
du  tympan  ;  l'excitation  de  ce  nerf,  soit  directe ,  soit  par  des 
impressions  alimentaires,  provoque  la  sécrétion,  la  dilatation 
des  vaisseaux  et  la  chaleur;  l'excitation  du  grand  sympathique 
a  un  résultat  inverse. 

Dans  le  rein ,  les  phénomènes  s'accomplissent  dans  le  même 
ordre. 

CHIElf  VIGOUREUX.   PRBMliBB  EXPisiKNCE. 

OzygèM  p.  o/u. 

Sang  artériel  du  rein i7i^â 

Sang  veineux  rutilant  pendant  le  fonctionne- 
ment de  la  glande 16,00 

DBUXliMB  BXPiaiElICB. 

Sang  artériel 191A6 

Sang  veineux  rutilant  pendant  le  fonctionne- 
ment de  la  glande 1 7,96 

Sang  veineux  noir  pendant  que  la  fonction 
est  supprimée 6,&o 

Lie  sang  des  veines  rénales,  comme  celui  de  toutes  les 
glandes  en  fonction ,  devient  plus  chaud  que  celui  de  l'artère 
de  3  &  3  dixièmes  de  degré.  Il  échauffe  donc  le  sang  qui  Ira- 


318        CHAPITRE  IL  — LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈYR& 

verse  la  veine  cave  inférieure  et  qui  revient  des  membres  abdo- 
minaux. 

Le  sang  qui  se  rend  dans  la  veine  porte,  apràs  avoir  baigné 
les  intestins,  s'échauffe  pendant  la  digestion,  et  M.  Cl.  Bernard 
a  trouvé  les  nombres  suivants,  en  comparant  les  températures 
de  Taorte  abdominale  et  de  la  veine  porte  : 

Aorte.  Veio«  porto.  DiflXranee». 

38%6  38*,8  +  o%a 

Ao  ,3  Ao  ,7  +0  ,4 

39  ,4  39  ,6  +0  ,1 

De  même  pour  la  rate  et  le  foie.  La  glande  hépatique  serait 
le  véritable  foyer  caloriGque ,  si  Ton  devait  donner  ce  nom  au 
centre  organique  le  plus  chaud.  M.  Cl.  Bernard  a  trouvé  : 

Vcino  pocti.  TciM  Wpoliqoe.  DifftNoees. 

4o*,a  4o%6  +  o%4 

40  ,6  4o  ,9  +0 ,3 
4o  ,7                4o  ,9  +0 ,9 

Transfonnation  mécanique  de  la  chaleur  ^  —  Les  sources  de 

*  M.  Gavarret,  a  réBamé ,  dans  mm  Mais  oeloi  qui  réalisa  la  première  dé- 
livre sur  L«  pkénomènn  phytiqueê  de  monstralioa  de  cette  transformation  de 
la  vie  ( Paris,  1 869 ,  p.  67  à  5a  et  353  la  chalear  en  mouvement  est  Rnmfoid, 
à  370),  rhistorique  des  travaux  publiés  en  1798  (Rêckêrche»  sur  la  êourcê  de 
sur  la  nature  et  l'équivalent  mécanique  la  chakur  engendrée  par  U  JroOemtmt). 
de  la  chaleur.  Il  construisit  un  appareil  dans  lequel  on 

Il  dte  le  90*  aphorisme  du  second  pilon  d^ader  frottait  fortement  contre 
livre  du  Notum  organum  de  Bacon,  des  le  fond  d^un  cylindre  creux  en  fer.  En- 
passages  de  Descartes,  Haygbens,  New-  traîné  par  deux  chevaux,  le  cylindre 
ton,  dans  lesquels  ces  génies  puissants  tournait  sur  son  axe;  Tappareil  était 
considèrent  la  chaleur  comme  un  mou-  placé  dans  une  caisse  de  sapin  contenant 
vement  de  vibration  communiqué  aux  asses  d*eau  pour  recouvrir  le  pilon.  En 
corps.  Voyei  également  Locke,  Barthei  deux  heures  et  demie,  la  température 
(Nouveaux  éUmentê  de  la  eeience  de  de  Teau  passa  de  i5*â  100*.  Il  y  avait 
VKcmme,  %*  éd.,  Paris,  1806,  t  I,  eu  i,soo  calories  dégagées, 
p.  a6&  et  «67),  Daniel  Bemouilli  Voyes  dans  Gavarret  les  résoltsts  ob- 
(  HfdtodifMmquê) ,  Lavoisier  et  La-  tenus  par  H.  Davy,  L.  Foucault,  Youqg, 
place  (M^.  dé  VAcad,  dm  sdenceê,  Arago,  Frenel,  Ampère  «  Sadi  Gamot, 
1 780  •  p.  357  )•  Séguin. 


TRANSFORMATION  DE  LA  CHALEUR  EN  MOUVEMENT.       319 

production  de  la  chaleur  animale  sont  donc  extrêmement 
riches.  Noos  ne  pouvons  pas  les  mesurer  absolument»  mais  les 
recherches  dont  nous  venons  de  donner  l'analyse  suffisent  à 
montrer  qu'dles  sont  variables  comme  intensité  et  qu'elles 
sont  capables,  sous  des  influences  variées,  d'augmenter  ou  de 
se  modérer.  Ces  modifications  correspondent  à  d'autres  actes 
physiologiques.  La  chaleur  animale  ne  se  produit  pas  unique- 
ment pour  lutter  contre  les  causes  de  refroidissement,  elle  est 
utilisée  dans  l'économie,  elle  est  la  source  vive  des  forces 
mises  en  jeu  dans  nos  actes  conscients  et  inconscients. 

La  découverte  de  cette  transformation  de  la  chaleur  en  mou- 
vement est  une  des  conquêtes  les  plus  brillantes  de  notre 
temps.  Nous  la  devons  h  Robert  Mayer;  chose  curieuse,  c'est 
en  faisant  une  saignée  qu'il  a  été  conduit  k  fonder  la  loi  de 
corrélation  des  forces.  Il  observa  que  le  sang  veineux  des  fié- 
vreux, sons  les  tropiques,  est  plus  rouge  que  sous  les  latitudes 
plus  septentrionales.  Cest  de  ce  fait  qu'Û  est  parti  pour  ad- 
mettre la  transformation  de  la  chaleur  en  mouvement.  Après 
lui,  et  sans  connaître  ses  travaux.  Joule  et  bientôt  Him,  Mat- 
teucci ,  Heidenhain ,  Tyndall ,  ont  établi ,  avec  la  plus  grande 
évidence,  la  théorie  dynamique  de  la  chaleur  ^ 


*  Les  diffërentt  mémoires  de  Robert 
Mmftr,  k  partir  de  1 86 1 ,  sur  la  chaleur, 
portent  mar  VÉttuU  du  nnmdê  morga- 
MfHff  H  dn  mowHmmU»  organifuêê, 
i845;  Swr  lê§  gffwU  edar^ifuei  coêmi- 
qua  dm  ecrpê  m  mouvement;  Sur  la 
éjfMmm^  dk  ciel,  18&8.  11  aborda  eu- 
mile  Tétude  Dee  étto»  poihohgi^veê  au 
ptmt  de  vue  dee  mouvementé  orgamquee , 
cefle  De  la  fihre.  Son  mémoire  de  con- 
dasion  est  Sur  réquivalent  mécanique  de 
la  ckalemr,  —  Voir  ses  mémoires  réunis 
en  1867,  ^  Meehmuk  der  Wàrma  m 
gmamm^Êem  Sckr^,  StuUgard. 

Joole,  Py.  may.  S  3«  vol.  XXUl, 


p.  Â69,  i8Â3.  Phd.  mag.  vol.  XXXU, 
p.  35o. 

Hirn.  Ses  mémoires  sont  résomés 
dans  Coneéquencee  phâœopkiqaee  et  mé- 
taphyeiquee  de  la  thermodynamique,  Anor 
lyee  élémentaire  de  l*univer$,  Péris ,  Gau- 
tbier-Villars,  1 868.  Voyes  BuUetin  de  la 
Société  ^hietùire  naturelle  de  Colmar, 
i8&6eli868. 

Jules  Bédard,  in  Arch.  méd,  1861, 
p.  9&- 157-957. 

Verdet  et  Berthelot,  Leçone  de  Mme 
et  de  phyeique  projeeeéee  en  i86».  Ha- 
cbetie,  i863. 

John  Tyndall,  La  chaleur  ceneidérée 


320         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Sans  entrer  dans  des  détails  qui  nous  ëcarteraient  Irop  de 
notre  sujet,  rappelons  l'expérience  fondamentale  de  Joule.  Il 
s'agissait  de  déterminer  deux  termes  :  mesurer  la  chaleur  pro- 
duite et  le  travail  dépensé.  Voici  comment  il  résolut  le  pro- 
blème. Un  mécanisme  très-simple,  mis  en  mouvement  par  la 
chute  d'un  poids,  faisait  tourner,  à  l'intérieur  d'une  masse 
d'eau  ou  de  mercure,  une  petite  roue  à  palettes  gênée  dans  son 
mouvement  par  des  obstacles  fixes.  Le  frottement  du  liquide, 
tant  sur  lui-même  que  contre  les  obstacles  fixes  et  les"  palettes 
mobiles,  dégageait  une  quantité  de  chaleur  qu'il  était  facile 
d'évaluer  d'après  l'élévation  de  température  des  diverses  pièces 
de  l'appareil.  Le  travail  dépensé  pour  entretenir  le  mouve- 
ment était  donné  par  la  chute  du  poids  moteur,  et,  en  tenant 
compte  des  corrections  rendues  nécessaires  par  le  frottement 
des  parties  mobiles  de  la  machine,  extérieures  à  l'appareil  ca- 
lorimétrique, on  obtenait  immédiatement  le  rapport  du  travail 
mécanique  dépensé  à  la  chaleur  dégagée.  Les  expériences  sur 
l'eau  ont  montré  qu'à  chaque  unité  de  chaleur  dégagée  cor- 
respondait une  dépense  de  /iq4  unités  de  travail.  Les  expé- 
riences sur  le  mercure  ont  donné  le  nombre  tiùb. 

Ce  nombre  exprime  que  développer  la  quantité  de  chaleur 
nécessaire  pour  élever  de  zéro  à  i°  la  température  de  i  kilo- 
gramme d'eau,  et  soulever  un  poids  de  liab  kilogrammes  à 
t  mètre  de  hauteur,  c'est  produire  deux  effets  équivalents.  Ce 
nombre  doit  donc  être  considéré  comme  l'équivalent  mécanique 
de  la  chaleur. 

Appliquons  cette  notion  au  corps  animal,  ç^  Lorsqu'un  ani- 
mal est  au  repos,  le  travail  des  forces  chimiques,  dans  la  res- 
piration, a  pour  équivalent  la  quantité  de  chaleur  que  l'ani- 
mal dégage  incessamment  pour  compenser  la  perte  de  chaleur 

conww  un  mode  dr  mouvement.  TTii(\.  par  Gavarrel,  Les  phrnom^f  phyniqwt 

Moi[;no.  Paris,  Etienne  Giraud,  1866.  de  la  vie,  \ .  Masson,  1869,  eiDiclionn. 

Omnms  ^Théorie  dynamique  de  Uicha-  oncyclupédique  y  arl.    Chaleur  animale, 

Imr,  18GG,  Germer-Baillière.  l.  XV,  187/i. 


TRANSFORMATION  DE  LA  CHALEUR  EN  MOUVEMENT.       321 

dae  au  rayonnement,  au  contact  de  Tair  et  à  Tévaporation. 
Lorsque  l'animal  est  en  mouvement,  une  portion  du  travail 
des  affinités  chimiques  a  pour  équivalent  le  travail  effectué 
par  ce  mouvement;  le  reste  seul  se  convertit  en  chaleur,  et, 
par  conséquent,  à  une  même  somme  d'actions  chimiques  pro- 
duites dans  l'intérieur  de  l'organisme,  doit  répondre  un  dé- 
gagement de  chaleur  moindre  dans  l'état  de  mouvement  que 
dans  Tétat  de  repos  ^.  » 

Deux  séries  distinctes  d'expériences  confirment  ces  idées.  La 
première  est  due  à  M.  Him.  Cet  expérimentateur  renferme 
dans  un  espace  clos  un  homme  qui  demeure  d'abord  au  re- 
pos pendant  un  certain  temps ,  et  exécute  ensuite  un  travail  en 
élevant  sans  cesse  son  corps  sur  la  circonférence  d'une  roue 
mobile.  On  observe  dans  les  deux  cas  les  effets  calorifiques  et 
chimiques  de  la  respiration.  On  mesure  h  la  fois  la  chaleur  dé- 
gagée et  l'acide  carbonique  expiré ,  et  on  constate  que  le  rap- 
port de  la  première  quantité  à  la  seconde  a  été  moindre  dans 
l'état  de  mouvement  que  dans  l'état  de  repos.  Ainsi  une  quan- 
tité donnée  d'action  chimique  respiratoire  dégage  moins  de 
chaleur  lorsque  le  sujet  de  l'expérience  effectue  un  travail  que 
lorsqu'il  reste  en  repos.  La  différence  est,  même  pour  chaquç 
individu ,  à  peu  près  proportionnelle  au  travail.  Mais  les  con- 
ditions des  expériences  sont  trop  complexes,  les  changements 
matériels  qui  peuvent  survenir  dans  le  corps  sont  trop  difficiles 
&  apprécier  pour  essayer,  comme  l'a  fait  M.  Hirn,  d'obtenir 
par  cette  voie  une  détermination  de  l'équivalent  mécanique 
de  la  chaleur  K 

H.  J.  Béclard  a  envisagé  la  question  d'une  autre  manière; 
il  a  renouvelé  par  un  procédé  différent  les  expériences  de  Bec- 
querel et  Breschet,  et  de  Helmholtz.  Il  applique  simplement, 
à  l'aide  d'une  bande  doublée  d'une  plaque  d'ouate,  un  bon 
thermomètre  k  mercure  sur  les  muscles  du  bras,  et  les  con- 

'  Verdet,  p.  loi.  —  '  Verdei,  Lêfom  de  dUnûê,  i863,  p.  109. 

ai 


322         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

tracle  successivement  sans  soulever  de  poids,  puis  en  soulevant 
un  poids.  Voici  les  conclusions  de  son  travail  '  : 

i"  En  se  plaçant  dans  de  bonnes  conditions  d expérience, 
et  en  tenant  compte  des  précautions  décrites,  on  peut  cons- 
tater, sur  les  muscles  de  l'homme,  que  la  quantité  de  chaleur 
développée  par  la  contraction  est  plus  grande  quand  le  muscle 
exerce  une  contraction  statique,  c'est-à-dire  non  accompagnée 
de  travail  mécanique,  que  lors(|ue  cette  contraction  prodm'l 
un  travail  mécanique  ulUe. 

a°  La  quantité  de  chaleur  qui  disparaît  du  muscle,  quand 
il  [jroduit  un  travail  mécanique  extérieur,  correspond  à  l'effet 
mécanique  produit. 

3°  La  contraction  musculaire  ne  doit  pas  être  envisagée 
comme  on  Ta  fait  jusqu'ici  en  physiologie.  Il  n'y  a  que  cette 
partie  de  l'action  musculaire,  non  utilisée  sous  forme  de  tra- 
vail mécanique  extérieur,  (|ui  apparaisse  sous  forme  de  cha- 
leur; en  d'autres  t<*rmes,  la  chaleur  musculaire  est  complé- 
mentaire du  travail  mécanique  utile  produit  par  la  contraction. 

Il"  Les  produits  de  la  contraction  musculaire,  c'est-à-dire 
la  chaleur  musculaire  et  le  travail  mécanique  extérieur,  sont 
ensemble  les  expressions  de  l'action  chimique  dont  le  muscle 
est  le  théâtre.  • 

5  '  Les  faits  que  nous  signalons  doivent  entrer  en  ligne  de 
compte  dans  les  divers  calculs  relatifs  à  la  production  de  la 
chaleur  animale.  Le  dosage  exact  des  produits  défmitifs  de  la 
nutrition,  c'est-à-dire  des  produits  exhalés  (acide  carbonique, 
vapeur  d'eau)  et  sécrétés  (urée,  acide  urique,  principes  bi- 
liaires des  excréments,  sécrétions  cutanées),  ne  saurait  suflBre, 
tout  en  tenant  compte  des  chiffres  de  combustion  du  carbone 
et  de  l'hydrogène,  et  même  en  supposant  connues  les  quantités 
de  chaleur  développées  dans  la  formation  des  autres  produiL*^, 


'  J.  Réclard,  De  la  rontraction  mws-     ppi'ature   animale.    (Archivée  de   méii. 
culaire  dam  tes  rapport»  avec  la  tein-      i86i,  p.  2^-157-257.) 


TRANSFORMATION  DE  LA  CHALEUR  EN  MOUVEMENT.       333 

pour  établir  sur  des  bases,  même  approximatives,  le  calcul 
relatif  aux  quantités  de  chaleur  produites  en  un  temps  donné, 
le  trarail  chimique  d'oxydation  dont  les  muscles  sont  le  siège 
pouvant  se  traduire  par  des  quantités  de  chaleur  variables 
suivant  le  jeu  de  Tappareil  musculaire. 

G""  Il  serait  intéressant  de  rechercher,  non  dans  un  groupe 
de  muscles  isolés ,  mais  dans  Tensemble  général  du  corps ,  si , 
pour  les  divers  modes  de  progression  (marche  sur  un  plan 
horizontal,  marche  en  montie,  marche  en  deicenU,  saut,  course) 
qui  doivent  exercer  sur  la  température  de  l'appareil  muscu- 
laire, pris  dans  son  entier,  une  influence  nécessairement  diffé- 
rente, cette  influence  pourrait  être  appréciée. 

y""  Un  grand  nombre  de  phénomènes  se  rattachent  très- 
vraisemblablement  aux  faits  signalés  dans  ce  mémoire.  Le 
jriêim  de  la  fièvre,  qui  n'est  qu'une  succession  de  contractions 
musculaires  s'exécutant  simultanément  dans  les  muscles  an- 
tagonistes, et  qui  embrasse  quelquefois  le  système  musculaire 
tout  entier,  constitue  une  des  formes  les  plus  curieuses  de  ce 
que  nous  désignons  sous  le  nom  de  contracùm,  musculaire  sta- 
tique. On  constate  déjà  dans  le  frisson,  et  surtout  après,  une 
élévation  de  température  qui  peut  être  portée  très-haut,  &  3% 
à  &*"  et  même  à  S"*  au-dessus  de  la  température  normale.  Le 
tremUemmU  que  détermine  le  froid  est  un  phénomène  du  même 
genre;  c'est  évidemment  un  procédé  instinctif  de  l'économie, 
qui  cherche  à  résister  à  l'abaissement  de  la  température  par 
la  contraction  statique  des  muscles.  Tous  les  efforts  violents 
sont  accompagnés  d'une  élévation  de  température  qui  se  tra- 
duit souvent  par  une  sueur  abondante,  etc.  » 

«Les  résultats  de  ces  deux  séries  d'expériences,  dit  Verdet, 
sont  an  nombre  des  plus  précieux  dont  la  physiologie  expéri- 
mentale se  soit  enrichie  dans  ces  derniers  temps.  Il  est  bien 
clair,  d'ailleurs,  qu'ils  ne  contredisent  en  aucune  façon  les 
données  de  l'expérience  vulgaire  surl'échauffement  qui  accom- 
pagne tout  exercice  corporel.  La  contraction  musculaire  aug- 

9t  . 


334         CHAPITRE  IL  — LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

mente  incontestablement  la  chaleur  dégagée  par  Torganisme 
en  un  temps  donné,  mais  elle  augmente  aussi  la  combustion 
respiratoire,  ainsi  que  le  prouverait,  à  défaut  d'expériences 
directes,  le  besoin  d'aliments  consécutifs  à  Texercice.  Les  re- 
cherches de  MM.  Hirn  et  Béclard  font  voir  simplement  que, 
conformément  à  la  théorie  de  Mayer,  la  combustion  augmente 
dans  un  rapport  plus  grand  que  la  chaleur  produite.  » 

Disons  de  suite  que,  dans  le  corps  humain,  les  actes  mé- 
caniques qui  mettent  les  fluides  en  mouvement  n'absorbent  et 
ne  dégagent  aucune  chaleur  réelle.  Les  résistances,  les  frotte- 
ments dégagent,  en  effet,  autant  de  chaleur  qu'en  consomme 
la  puissance  musculaire  par  laquelle  le  mouvement  des  fluides 
est  entretenu,  malgré  ces  résistances.  On  voit  par  là  combien 
était  vaine  la  question  de  l'influence  des  frottements  du  sang 
dans  les  vaisseaux  sur  la  chaleur  propre  des  animaux.  Il  y  a 
de  la  chaleur  déplacée,  dépense  de  chaleur  pour  la  contrac* 
tîon  du  cœur,  dégagement  de  chaleur  par  Tarrét  du  mouve- 
ment circulatoire ,  mais  la  quantité  totale  reste  la  même. 

Origine  de  la  chaleur  transformée  en  numcement.  —  Les  expé- 
riences de  M.  Cl.  Bernard  nous  ont  fait  connaître  les  actes  chi* 
miqucs  qui  s'accomplissent  dans  un  muscle  pendant  son  état  de 
repos  ;  celles  de  M  M.  Mayer,  Hirn ,  Béclard ,  nous  ont  prouvé  que 
la  contraction  musculaire  transformait  de  la  chaleur  en  mou- 
vement. Pour  accomplir  ces  mouvements,  ou  pour  produire 
cette  chaleur  transformable  en  mouvement,  quels  sont  les  ma- 
tériaux qu'emploie  l'économie?  Brûle-tr-elle  ses  muscles,  subs- 
tance azotée,  ou  brûle-t-elle  les  matériaux  non  azotés  fournis 
par  l'alimentation  ? 

L'opinion  des  physiologistes  a  varié  sur  cette  question.  Pour 
Playfair  ^  et  J.  Ranke  ^,  l'action  d'un  muscle  se  he  à  la  des- 
truction de  sa  substance,  dont  la  plus  grande  partie  est  de 

^  Playfair,  On  thê  Food  ofman  mrê-        *  Ranke,  Éiudn  jtkjfMi^fiqufi  or 
laiiùntohi9ttêefulWifrk,iS6^.  {ef^'Canoi, Leiptig,  i865. 


TRANSFORMATION  DE  U  CHALEUR  EN  MOUVEMENT.       325 

nature  albaminoîde;  par  conséquent,  la  destruction  des  corps 
albominoîdes  par  oxydation  est  la  condition  essentielle  de 
l'action  mécanique  des  muscles. 

.  MM.  Fick  et  Wîslicenus  ^  ont  cherché  à  démontrer  Topinion 
inverse ,  et ,  pour  ruiner  la  doctrine  de  leurs  adversaires ,  ils 
appliquent  leur  raisonnement  à  une  locomotive,  et  ils  disent  : 
«Cette  machine  est  composée  surtout  de  fer,  d*acier,  de 
cuivre,  etc.,  et  elle  ne  contient  que  fort  peu  de  charbon;  par 
conséquent»  son  action  dépend  de  la  combustion  du  fer,  de 
Tacier,  et  non  de  la  combustion  du  charbon,  n 

ils  ont ,  de  plus ,  exécuté  une  expérience  des  plus  curieuses. 
Voici  quel  était  leur  but  :  accomplir  une  quantité  de  travail 
eitérieur  mesurable  et  transformable  en  kilogrammètres  ;  doser 
la  quantité  de  produit  de  combustion  albuminoîde  rendue; 
estimer  la  chaleur  que  représente  cette  combustion.  Si  la 
(juantité  de  travail  produit  correspond  à  une  quantité  de  cha- 
leur supérieure  à  celle  qui  répond  à  la  combustion  albumi- 
noîde, ce  ne  sont  pas  les  matières  quaternaires  qui  sont  uti- 
lisées pour  faire  ce  travail. 

Ils  ont  fait  tous  deux  l'ascension  du  Faulhorn ,  ont  mesuré 
Turée  rendue,  et,  la  considérant  comme  l'expression  de  la  com- 
bustion des  albuminoîdes ,  ils  ont  constaté  que  cette  combus- 
tion n'aurait  pas  suffi  à  représenter  la  moitié  du  travail  méca- 
nique tàde  produit  par  eux  pendant  cette  ascension ,  et ,  en 
tenant  compte  de  la  chaleur  non  utilisée,  ils  considèrent  que 
la  combustion  des  albuminoîdes  n'a  pas  produit  la  dixième 
partie  de  la  chaleur  que  les  combustions  internes  ont  dû 
dégager  pendant  leur  ascension  ^. 

^  Âim.  in  tàmo99  fMtuTtileê ,  1869.  recueil  (Ann,  de»  »c,  nat.)^  d^un  mé- 

*  Voyelles  détails  de  celte  expérience  moire  critique  de  ces  expériences,  par 

dans  les  AmnaUê  in  êdmcn  natunUety  M.  Parkes  :  Recherchn  êur  l'éUmination 

1869*  p.  956.  Traduction  du  Lonâon^  de  Voxotê  par  Uê  rtna  et  Uê  mtntm$ 

ÉOndmrgk  amd  DuhUn,  Pkiioêophieal  pendant  Urepoe  et  ^exercice  mutctiUdre, 

Magaxim,  n*  ai  a.  Son  analyse  nous  entraînerait  bien  loin 

Ce  mémoire  est  suivi ,  dans  le  même  de  notre  sujet 


326         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Ce  n'est  donc  pas  le  muscle  ni  les  matériaux  azotés  qui 
brûlent,  ce  sont  les  substances  ternaires  qui  servent  surtout  à 
faire  de  la  chaleur.  11  serait  facile  de  démontrer  que  les  ma- 
tières azotées  peuvent  concourir  à  cette  combustion,  mais  elles 
n'y  prennent  évidemment  pas  la  plus  grande  part. 


8  11. 


TEMPERATURE  DE  L'HOMME  SAIN.  OSCILLATIONS   DIURNES. 

La  température  de  l'homme  sain  est  plus  difficile  à  établir 
qu'on  ne  le  soupçonnerait  d'abord.  Les  divers  observateurs 
ont  pris  pour  points  de  leurs  recherches,  les  uns  l'aisselle,  les 
autres  la  bouche,  d'autres  le  rectum.  De  plus,  la  température 
d'un  même  individu  n'est  pas  la  même  le  matin  et  le  soir.  Il 
est  résulté  de  ces  causes  diverses  des  interprétations  très-dis- 
cordantes. Si  Bocrhaave  est  resté  bien  au-dessous  du  chiffre 
vrai  en  indiquant  33\33  à  34". 44  C. ,  Prévost  et  Dumas  ont 
fixé  un  chiffre  trop  élevé  en  adoptant  3 g''  G. 

Chossat,  un  des  premiers,  a  bien  nettement  établi  les  oscil- 
lations journalières  de  la  température.  Dans  ses  expériences  sur 
l'inanitiation,  îtsans  qu'aucune  modification  fût  survenue,  on 
voyait  la  température  osciller  régulièrement  chaque  jour,  s'a- 
baissant  le  soir  de  quelques  degrés  et  remontant  le  matin  à 
l'état  oii  elle  était  la  veille,  osciller  avec  une  amplitude  gra- 
duellement croissante.  Ce  fait  est  d'autant  plus  curieux,  qu'il 
n'est  que  l'exagération  d'un  phénomène  qui  passe  presque 
inaperçu  à  l'état  normal.  Il  prouve  évidemment  que  les  com- 
binaisons d'où  résulte  le  dégagement  de  la  chaleur  se  font 
sous  rinfluence  nerveuse.  » 

Thierfelder   avait    cherché   à   déterminer   ces   oscillations 
diurnes  qu'il  résumait  dans  le  tableau  suivant  : 


OSCILLATIONS  DE  LA  TEMPÉRATURE.  327 

TABLBAO  DBS  TBMP^BATUBBS  MOYBNlfBS  DB  L'HOMMB, 
DE  LA  F^IMB  BT  DB  L'BÏIFANT  ^ 

MOTIJIiri. 
Matin  i  7  •  9  heuret.       AprèA-midi.  Soir. 

Nouvean-nés 37',4i  37',8o  37*,6i 

Enfants 87,87  88,07  87,19 

Ali  ItM  \  Hommes. ...  87  ,0  87  ,a5  36  ,60 

(  Femmes....  87,99  87,55  87,10 

Vieillards 87  ,95  87  ,58  87  ,81 

Femmes  grosses 87  ,69  87  ,76  87  ,18 

Billroth  ^  a  conclu  de  deux  cents  observations  que  la  tempe-  * 
rature  animale  présente  un  minimum  de  37%3  vers  le  matin 
entre  8  et  9  heures,  et  un  maximum  de  37%9  entre  5  et 
6  heures  du  soir.  La  différence  normale  des  variations  diurnes 
serait  donc  de  i%6  environ.  Weber  considère  une  tempéra- 
ture de  38^6  comme  fébrile.  D'autre  part,  lorsque  la  tempé- 
rature descend  un  peu  au-dessous  de  37^9  et  y  reste  environ 
vingtr-quatre  heures,  on  peut  considérer  l'individu  comme 
sans  fièvre. 

D'après  Otto  Funcke',  la  température  moyenne  du  corps 
de  Thomme  est,  à  l'état  normal,  de  87''  à  38''  G.  Il  ajoute  : 

«La  température  moyenne  du  corps  éprouve,  sous  diffé- 
renteti  influences,  des  oscillations  tant  périodiques  régulières 
qu'accidentelles;  ces  oscillations  se  meuvent  dans  un  champ 
très-reatreint  à  l'état  normal ,  et  dans  des  limites  très-étendues 
dans  les  cas  pathologiques  que  nous  n'avons  pas  à  examiner 
ici. 

«Les  notions  générales  suivantes  permettent  déjuger  de  la 
nature  de  ces  oscillations.  Un  changement  dans  la  température 

*  Thierfdder,  in  Sckmide»  Jahrb.,  Seqoard,  Gharoot  et  Yiiipitn),  t.  I, 
t85i,tLXXL  1868.  p.  193. 

*  Analyse  dans  Arehitei  de  phytioto-  '  Lehrhueh  der  Phynologiê,  3*  M., 
giê  »wn/i  «1  padiolùgi^  (Brown-  1870,  5*faseicuie,  p.  3o&  et  soiv. 


328         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

du  corps  peut  être  produit  par  une  double  voie ,  d'abord  par 
raùgmentation  ou  la  diminution  de  la  production  de  chaleur, 
ensuite  par  l'élévation  ou  Tabaissemetit  de  la  perte  de  chaleur 
qui  se  fait  par  le  dehors.  Dès  l'instant  qu'il  y  a  deux  mou- 
vements qui  peuvent  changer  à  différents  degrés  en  même 
temps  dans  le  même  sens  ou  en  sens  inverse,  ou  peut  dire, 
d'une  façon  générale,  qu'une  élévation  de  la  température  du 
corps  peut  avoir  lieu  d'abord  par  suite  de  l'élévation  de  la  pro- 
duction de  chaleur,  ensuite  avec  une  production  qui  n'a  point 
varié  mais  par  suite  d'un  amoindrissement  de  la  perte,  enfin 
même  avec  un  abaissement  de  la  production  de  chaleur  à  la 
condition  que  la  perte  de  chaleur  soit  inférieure  au  point  où 
elle  fait  équilibre  à  ce  minimum  de  production.  Il  y  a  aussi 
d'innombrables  combinaisons  qui  peuvent  amener  on  abais- 
sement de  la  température  du  corps;  enfin  il  est  clair  que, 
malgré  l'augmentation  de  la  production  de  chaleur,  la  tem* 
pérature  du  corps  peut  demeurer  sans  changement,  si  la  perte 
s'élève  à  un  degré  équivalent,  et  aussi  lorsque  la  diminu- 
tion de  chaleur  est  compensée  par  une  perte  moindre.  Dans 
un  cas  donné,  il  n'est  pas  toujours  facile  d'établir  l'état  rdatif 
des  deux  facteurs  d'où  dépend  un  changement  de  tempéra- 
ture :  des  sources  différentes  de  la  dialeur  et  de  la  valeur 
quantitative ,  aussi  bien  que  des  voies  et  moyens  de  régulation 
de  la  perte  de  chaleur.  On  peut  supposer  et  montrer  que  la 
constance  approximative  avec  laquelle  la  chaleur  du  corps  se 
maintient  résulte  de  ce  que  de  notables  oscillations  de  la 
production  de  chaleur  sont  compensées  approximativement  par 
la  régulation  de  la  déperdition  de  la  chaleur,  et  inversement 
que  les  changements  primaires  initiaux  de  la  perte  de  chaleur 
entraînent  des  changements  compensateurs  dans  la  produc^ 
tion.  Tfi 

La  température  du  corps  oscille  en  haut  et  en  bas  dans  le 
cours  d'un  jour  dans  d'étroites  limites,  de  façon  à  donner  une 
moyenne  qui,  à  l'état  normal,  est  très-constante  (Lichtenfeb, 


OSCILLATIONS  DE  LA  TEMPÉRATURE.  329 

Fndilich,  Bœrensprung ,  Jûrgensen  ^);  elle  tombe  dans  la  nuit 
et  y  atteint  son  minimum,  elle  monte  dans  le  jour  et 'y 
atteint  son  maximum.  La  loi  générale  de  cette  courbe  oscilla- 
toire journalière  est  la  même  à  Tétat  de  je&ne  qu'après  des 
repas  modérés,  seulement,  dans  le  je&ne,  les  valeurs  dés  or- 
données sont  moyennement  plus  faibles.  Chaque  repas  amène 
une  élévation  de  température.  L'élévation  principale  tombe 
au  même  moment  que  le  dtner  du  milieu  du  jour,  'û  en  résulte 
une  légère  augmentation  de  ce  maximum  quotidien ,  tandis  que 
le  repas  du  soir  (souper)  coïncidant  avec  le  minimum  arrête 
l^èrement  rabaissement.  Un  repas  excessif  pris  au  moment 
du  minimum  entraîne  une  élévation  de  température.  Une 
longue  abstinence  fait  baisser  le  niveau  du  maximum  diurne. 
Bœrensprung  donne  aussi  un  tableau  montrant  l'influence 
des  différents  moments  de  la  journée  sur  sa  température  per- 
sonnelle (aisselle),  de  décembre  18/19  ^  ™^^  i85o.  Ce  ta- 
bleau mérite  d'être  conservé  à  cause  de  sa  valeur  historique. 

Temp^f»-         Nombre 
Hrarat.  Ponli.  ton.       d*obierr«tioi». 

An  Ut,  avant  le  café.  5à    7  60  36%68  s 

Apràslecal^ 7a    9  57,3  37,18  3 

Matinée 9^11  6q,5  37 ,06  6 

Idem 11  À    1  60  36,87  1 

Avant  dîner 1  à    a  89,6  36 ,83  & 

Après  dtner 3  à    A  66,5  37  ,i3  5 

Idem 6à    6  74,4  37,48  6 

Soirée 6à    8  74  87,43  4 

Après  souper B  à  10  67,3  37  ,oa  6 

Au  travail,  avant  de 

se  coucher 10  à  19  6i,3  36,85  3 

La  nuit,  réveillé.. . .  is  à    a  59,6  36,65  5 

Idem QÀ    4  44  36 ,3i  1 

Canelutions.  —  La  courbe  de  la  température  a  deux  oscilla- 

'  Bcerensprnng,  Areh.  f,  AnaX,  «.     —  Jûrgensen,  Deutehei  Areh.  f.  kl, 
PhfM.  i85i,p.  9,  laS;  1869,  p.  917.     Med.h*ii{,  p.  166;  b' IV,  p.  110. 


330         CHAPITRE  H.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

lions  par  jour,  la  plus  petite  montée  a  lieu  vers  1 1  heures  du 
mâtin,  et  elle  opère  sa  descente  vers  2  heures  après  midi;  le 
sommet  de  la  plus  grande  est  vers  6  heures  du  soir,  et  son 
minimum  est  vers  li  heures  du  matin.  (L'auteur  se  sert  des  mots 
montagne  et  vallée  pour  désigner  le  maximum  et  le  minimum.) 
La  différence  entre  les  niaxima  et  les  minima  n'est  pas  de 
1  degré;  cette  oscillation  a  lieu  quotidiennement  pendant  toute 
la  durée  de  la  vie.  La  courbe  du  pouls  est  parallèle  à  celle 
de  la  température.  La  moyenne  de  température  observée  par 
l'auteur  sur  lui-même  est  3 6% 9 7  C. 

Mantegazza  \  frappé  des  difficultés  et  des  erreurs  qui  accom- 
pagnent la  thermométrie  de  l'aisselle,  de  la  bouche,  du  vagin 
et  du  rectum,  a  fait  une  série  d'observations  sur  la  tempéra- 
ture de  l'urine.  Il  prend  la  précaution  d'opérer  rapidement,  et 
de  chauffer  d'abord  son  thermomètre  jusqu'à  36' C.  pour  évi- 
ter que  l'urine  ne  se  refroidisse  pendant  que  son  thermomètre 
monte.  Voici  le  résumé  de  ses  observations  : 

C'est  dans  la  nuit  que  l'urine  a  le  minimum  de  tempéra- 
ture, elle  s'échauffe  à  partir  de  5  heures  du  matin  et  atteint 
un  premier  maximum  entre  10  et  11  heures,  retombe  len- 
tement et  atteint  un  second  maximum  vers  5  heures  du  soir. 
Ces  deux  maxima  sont  à  peu  près  identiques.  La  plus  basse 
température  (36\4)  a  été  observée  en  février  et  la  plus  haute 
(37%95)  en  juillet;  or  la  différence  de  température  de  l'air 
entre  ces  deux  dates  était  de  2  8%5  C. 

Pendant  un  voyage  à  Buenos-Ayres,  Mantegazza  a  observé 
l'influence  du  climat  sur  la  température  de  l'urine  (3/11  obser- 
vations faites  sur  lui-même).  En  dix-sept  jours,  il  a  subi  une 
variation  de  température  atmosphérique  de  7%5  à  32%5.  La 
température  de  l'urine  monte  avec  celle  de  l'air,  mais  faible- 
ment. Un  rapide  changement  dans  la  température  atmosphé- 
rique peut  faire  varier  celle  de  l'urine  de  3%9  5.  Quand  le 

'  Mantegazza,  De  la  température  dot     sous  différents  climats.  (Presse  médicale 
urines  aux  différentes  heures  du  jour  et     Belge,  XV,  16,  i863.) 


OSCILLATIONS  DE  LA  TEMPÉRATURE. 


SSi 


corps  est  expose  quelque  temps  au  soleil,  la  température  de 
Furine  monte  de  quelques  dixièmes  de  degré  jusqu'À  i%5  G. 

Les  boissons  alcooliques  font  monter  la  température  de  l'urine. 

La  sensation  de  défaillance  s'accompagne  toujours  dune 
élévation  de  température  de  l'urine.  L'action  musculaire  pro- 
duit le  même  effet.  Il  va  sans  dire  que  cette  température  crott 
dans  les  états  fébriles. 

Le  docteur  Gompton^  admet  qu'une  température  supé- 
rieure à  37% Q  G.  (99''  F.)  indique  toujours  un  état  fébrile. 

Pour  Wunderiich^  la  température  du  corps  humain,  dans 
ses  parties  internes  ou  sur  des  points  de  sa  surface  complète* 
ment  recouverts  et  protégés,  présente,  à  l'état  normal,  une 
moyenne  qui  varie  de  37''à  3  7%  5,  suivant  l'endroit  où  a  été 
pratiquée  la  mensuration.  Ainsi,  dans  le  creux  de  l'aisselle 
bien  fermé,  elle  est  en  général  de  37"*;  dans  le  rectum  et  dans 
le  vagin,  elle  atteint  quelques  dixièmes  en  sus. 

William  Ogle  '  a  expérimenté  sur  un  homme  et  une  femme 
bien  portants.  Il  a  poursuivi  ses  observations  pendant  long- 
temps. Il  plaçait  le  thermomètre  sous  la  langue.  Nous  donnons 
les  tableaux  d'Ogle  en  degrés  centigrades. 


Jnip... 
iaOkl. 
Mai... 
Join... 
JnllH. 


^■IVBIS 


a6%5 

86,65 

86,5 

86,66 

86,66 
86,66 


M  11  1. 

à  midi. 


86*,76 

86  ,76 
86,76 
86,98 

87  ,0 
87  ,0 


M  S  1. 

à  5  b. 


86%88 

86,88 

86,88 

87,1 

87,5 

87,7 


ra6i.i/i 

171.  i/i. 


86-,98 

87  ,0 
87  ,1 
87,0 
87  ,0 
87  ,0 


0191. 

à  toi. 


86%66 


86,88 
86  ,95 
86,76 


86*,66 
86,61 
86,66 
86,66 
86,66 
86,66 


*  Comploo ,  Tempfraiurê  m  aeuU  '  William  Ogle,  Dê$  vonolîoM  quo- 
iHêmmiË.  DaUio  (  QumrUrhf  Jtmmalf  Hâimmti  de  la  tampératun  thn  rhommê 
août  1S66,  p.  60).  fom.  (SakU'Gtcrgu  H^.  Ap.,  vd.  I, 

*  Wanderficb,  De  la  température  p.  991-9^7,  1867,  et  ScAinûit't/aM.y 
dame  lee  maladiee.  Tnid.  Labadie-La-  1S68,  9*  partie,  p.  77.) 

grave,  Savj,  1879, p.  9-1  o5. 


332         CHAPITRE  II. —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Dans  l'hiver,  pendant  la  nuit,  la  température  présentait, 
chez  Thoinme,  les  oscillations  suivantes  : 

De  minuit  i/q  h  i  heure Së^iôi   C. 

De  3  €^  5  heures 36  ,37 

De  5  h.  i/-i  à  6  h.  1/2 36  ,09 

De  8  à  9  heures  du  matin 36  , a 

Il  résulte  de  ces  observations  que  c'est  de  5  à  6  heures 
du  matin  que  la  température  est  la  plus  basse,  qu'elle  remonte 
vers  8  heures  de  quelques  dixièmes  de  degré,  et  qu'elle  conti- 
nue, à  partir  de  là,  jusqu'à  7  heures  du  soir  à  monter  (3 7"), 
puis  elle  redescend  :  à  minuit  elle  est  à  peu  près  à  la  même 
hauteur  qu'à  (j  heures  du  matin,  et  elle  retombe  de  quelques 
dixièmes  de  degré  vers  le  matin. 

La  plus  basse  température  que  l'auteur  ait  observée  sur 
lui-même  a  été  le  matin  pendant  l'hiver  35",3,  et  la  plus 
haute,  dans  un  bain  turc  3 8,1. 

L'auteur  ne  trouve  la  raison  de  ces  fluctuations  ni  dans  la 
température  de  l'air,  ni  dans  l'alimentation,  ni  dans  le  tra- 
vail; par  exemple,  la  température  de  la  chambre,  de  6  à 
8  heures  du  matin,  s'abaissant  de  près  de  r,Q5,  la  tempéra- 
ture du  corps  s'élève ,  au  contraire ,  dans  le  même  moment  de  2  à 
3  dixièmes  de  degré.  La  chaleur  du  corps  dépend  nécessaire- 
ment d'opérations  chimiques;  mais,  de  même  que  les  plantes, 
pendant  la  nuit,  sont  dans  un  état  d'inaction  par  suite  du  dé- 
faut de  lumière,  ainsi  peut-être  chez  l'homme  faut-il  chercher 
dans  la  lumière  l'excitation  qui  est  cause  que  la  température 
s'élève  peu  à  peu  dans  le  jour.  Mais  l'expérimentation  directe 
ne  confirme  pas  cette  hypothèse,  car  le  séjour  dans  une  chambre 
close  et  sans  lumière  n'empêche  pas  la  température  du  corps 
de  monter  de  6  à  8  heures,  et,  par  contre,  la  température  de- 
meurait constamment  basse  cjuand  Tauteur  restait  au  lit  immo- 
bile et  sans  manger. 

L'élévation  de  la  température  extérieure  contribue  à  lev  r 


OSCILLATIONS  DE  LA  TEMPÉRATURE. 


333 


UD  peu  ia  tempëratare  da  corps.  Ainsi  cette  ëiëvation ,  dans  un 
bain  turc  (à  une  température  de  So*"  G.)»  atteint  promptèment 
38* G.,  et»  dans  un  bain  chaud,  elle  est  de  o%o8  à  o%i.  Dans 
Tétë,  alors  ([ue  la  température  de  Tappartement  était  de  plus 
de  91  ""  G.,  la  chaleur  du  corps  était  un  peu  plus  élevée  que 
quand  la  température  était  au-dessous  de  ao^'G.  En  hiver  la 
température  de  la  chambre ,  le  matin ,  était  de  i  o  à  1 1  degrés 
plus  basse  qu'en  été ,  et  la  chaleur  moyenne  du  corps  était  en 
hiver  de  36%&7,  dans  Tété  de  36%5i  G. 

^activité  corporelle ,  par  exemple  la  course ,  élève  la  cha^ 
leur  du  corps  de  o%37  h  o%5. 

U  résulte  des  mêmes  recherches  que  la  température  s'élève 
après  le  premier  déjeuner  et  après  le  repas  de  midi,  et  qu'elle 
tombe  après  le  souper.  Mais ,  en  changeant  la  nature  de  ses 
aliments  et  les  intervertissant  du  matin  au  soir,  l'auteur  a  vu 
que  le  repas  du  matin  était  suivi  d'un  abaissement  et  celui  du 
soir  d'une  élévation  observée  précédemment  après  le  repas  du 
matin.  L'abaissement  serait  expliqué  par  ce  fait  que  l'auteur 
prenait  du  vin  è  son  repas  du  soir  ainsi  que  le  prouveraient 
les  expériences  suivantes  : 


7  ■•  «/• 
•oir. 

0  UDUS. 

tOOSIM. 

• 

it  uont. 

■mit» 

Souper  tTec  vîn 

36*,83 

36',53 

36',55 

36',56 

36*,58 

Souper  tTec  thé 

36,77 

36,76 

36,70 

36,65 

36,59 

Souper  avec  eau 

37,0 

36,83 

36,66 

36,55 

36,55 

Ainsi,  lorsque  le  soir  l'expérimentateur  ne  buvait  que  de 
l'eau,  la  température  tombait  lentement  jusqu'à  minuit;  au 
contraire,  le  vin  amenait  une  chute  rapide  dès  les  deux  pre-> 
mières  heures,  suivie  d'une  très-légère  élévation;  enfin  le  thé 


334  '     GHAPITRB  il.  —  LA  GHALEDR  ET  LA  PIEYRE. 

semblait  retarder  la  chute  de  la  température.  Le  thé  et  le  vin 
sont  ainsi  en  opposition  directe  dans  leur  action  ^ 

Jûergensen  *  a  pu  continuer  ses  observations  quarante  et  un 
jours  durant  sur  des  personnes  saines  en  multipliant  ses  exa- 
mens toutes  les  heures  et  quelquefois  toutes  les  cinq  minutes. 
Le  thermomètre  était  appliqué  dans  Tanus. 

Bien  que  les  oscillations  varient  un  peu ,  il  y  a  un^  singu- 
lière constance  pour  la  moyenne  de  vingt-quatre  heures.  Le 
minimum  du  jour  moyen  a  été  3 7% a 7  G.,  et  le  maximum 
SS"",!  &  G.  chez  la  même  personne  ;  dans  le  premier  cas,  c'était 
après  un  bain  froid  prolongé;  dans  le  second,  après  un  co- 
pieux repas  précédé  d'un  long  jeûne. 

La  moyenne  des  jours  où  le  sujet  en  expérience  mangeait 
(ordinairement  et  gardait  le  lit,  était  de  37%87  G. 

Les  courbes  montrent  la  différence  du  jour  et  de  la  nuit  : 
la  température  de  jour  dure  plus  longtemps  que  celle  de  nuit, 
Tune  ayant  166  et  Tautre  seulement  t  aa  unités  de  temps  de 
5  minutes.  Le  minimum  de  la  température  de  jour  a  été  1 53, 
et  le  maximum  de  celle  de  nuit  1 3  3  unités  de  temps. 

La  moyenne  de  la  température  de  nuit  était  de  37%6  G. 
avec  des  oscillations  de  i/a  degré  ;  celle  de  la  température  du 
jour  de  38*"  G.,  avec  des  différences  de  o%i  G. 

La  température  du  jour  commence  de  7  à  9  heures  du  matin 
et  finit  entre  8  et  1 0  heures  du  soir.  Le  minimum  de  la  tempéra- 
ture de  nuit  est  de  37'',&  G.  et  tombe  entre  &  et  7  heures  du 
matin;  le  maximum  de  la  température  du  jour  est  aussi  bien 
de  1  è  3  heures  de  Taprès-midi  que  de  7  à  9  heures  du  soir, 
il  va  de  38%a  jusqu'à  38%&  G. 

Zimmerman  ^  s'est  placé  au  point  de  vue  de  la  physique 

>  CeUe  analyse  est  extraite  de  Tar-  1868,  3*  partie,  p.  9&6).  Analyse  pir 

lide  de  Geissler,  du  Sckmidt'i  Jahrb.  Geiasler. 

*  Du  Ufpê  normal  de  la  têmpératun         '  Les  catisss  de  Vtxactrhaiiom  H  de 

ete  rhommê  iom,  par  le  doctettr  Théo-  la  rémiêtùm  quoiidimmêi  de  la  ekahr 


dore  Jâergensen,  à  Kiel(i4ivA./.  Mm,    {Arek.f,  KUiuMêL  VI,&ei6,p.56i, 
M9L  p. lio,  1868,  et  SdmMê  JoM,    1869). 


OSCILLATIONS  DE  LA  TEMPÉRATURE.  335 

pure.  Etant  donne  un  corps  dont  les  parties  sont  de  plus  en 
plus  diaudes  à  mesure  qu'on  pénètre  dans  sa  profondeur,  et 
dans  lequel  il  se  fait  une  production  constante  de  chaleur, 
dire  comment  se  comporte  l'élimination  de  la  chaleur.  Tel 
était  le  problème.  Si  on  laisse  de  côté  les  raisonnements  pure- 
ment mathématiques  de  Tau  leur,  on  extrait  difficilement  de 
son  travail  quelques  données  pratiques.  Pourtant  il  confirme 
l'opinion  commune,  à  savoir  que  la  perte  de  la  chaleur  est 
proportionnelle  à  la  production.  Le  fait  que  le  bain  froid  donné 
à  7  heures  du  soir,  au  moment  où  la  rémission  commence, 
produit  alors  son  plus  grand  effet,  s'explique  en  ce  que,  à  ce 
moment,  le  courant  de  chaleur  vers  la  peau  est  è  son  maxi- 
mum d'intensité,  tandis  que  la  production  centrale  commence 
à  baisser.  L'ondulation  saillante  de  la  chaleur  est  aplanie  par 
Teau  froide,  et,  comme  l'intérieur  du  corps  ne  continue  plus  à 
envoyer  autant  de  chaleur,  la  montagne  se  change  en  une 
vallée,  et  ainsi  l'effet  produit  est  plus  grand  qu'è  tout  autre 
moment  du  jour.  (D'après  l'analyse  de  Geissler,  dans  le 
Sehmi^ù  Jahrb, ,  1870.) 

Billet',  élève  de  l'Ecole  de  Strasbourg,  donne  les  résultats 
sniTants: 

7  heures  du  matin,  réveil • 36%5 

1 1  heures  du  matin,  avant  diner 36  ,& 

1 1  h.  3/&  da  matin ,  après  dîner 36  ,6 

1  heure  de  l*aprè8-niidi,  .en  famant 37 

3  heares  de  raprès-midi,  une  heure  après  le  cafi$. . .  87  ,6 

6  heares  de  laprès-midi,  avant  le  dtner. 87  ,9 

Après  avoir  fiiiné 37 

Au  travail,  k  S  heures 36  ,3 

3  h.  1/9  du  matin 36  ,1 

La  température  a  été  prise  dans  l'aisselle. 

Pour  M.  Redard  ^,  la  température  axillaire  de  l'homme 

'  Billet,  nàiê  de  StraalMmrg,  1869.  —  >  Paul  Redard,  Éiudm  de  thm-momé- 
intebu^,  187Â,  p.  90. 


336        CHAPITRE  II.  —  LA  GHALEDR  ET  LA  FIÈVRE. 

adulte  prise  dans  la  cavité  axillaire  étant  dé  3 7  degrés,  la 
température  sera  de  37%9  dans  la  cavité  buccale,  et  de  if,h 
h  37%8  dans  le  rectum. 

SIII. 

CONDITIONS  QUI  FONT  VARIER  LA  TEMPiRATURB  DU  CORPS 
HUMAIN.  LIMITES  DES  OSCILLATIONS. 


a.  mrLusNCB  db  l*a6b. 


Jusqu'à  ces  dernières  années,  et  malgré  les  recherches  si 
précises  de  de  Haên,  on  admettait,  sans  contrôle  suffisant,  que 
la  température  des  enfants  est  un  peu  plus  haute  que  celle  des 
adultes,  et  que  celle  des  vieillards  lui  est  un  peu  inférieure. 
Reprise  par  des  observateurs  plus  rigoureux,  la  question  est 
sortie  de  cette  formule  générale,  et  il  nous  faut  étudier  la 
température  chez  le  nouveau-né  au  moment  de  la  naissance, 
chez  Tenfant  et  le  vieillard. 


Température  du  nouveaurni  au  moment  de  la  naissance.  —  Lie- 
big^  avait  déjà  noté,  en  18&1,  que  le  nouveau-né  a  une  tem- 
pérature très-élevée,  au  moment  de  sa  naissance.  Il  donne 
comme  chiffre  normal  celui  de  39""  G. 

En  i85i,  Bœrensprung'  étudia  la  température  chez  les 
mammifères  (chiens  et  lapins)  pendant  la  gestation  et  chez  les 


^  Lîebîg,  Ckimiiê  furgauupiê  appU- 
qudê  à  la  phytiologie  et  à  la  pathologie, 
Trad.  de  Gerhirdt,  p.  91.  Paris,  i8âi. 

'  Bœrenspning,  Recherchée  eur  la 
température  du  fœtve  et  de  Vhomme 
adulte  en  ëonté  et  en  maladie  (  Mûller'e 
Àrch.  9,  ]85i).  —  Bœrensprang  étu- 
die d*abord  la  tempënitare  de  Pœuf  de 
''poule  couvé,  peudant  les  premiers  dix 
jours,  et  arrive  au  résultat  suivant  :  la 


température  de  Tœuf  eouvé  et  rivant 
n^est  pae  eotutatite,  et  varie  dans  h 
même  jour  et  d'un  jour  à  Tantre;  b 
température  de  ToBuf  couvé  dépeod  de 
la  température  du  fourneau  à  ooover; 
ainsi,  la  température  du  fourneau  étant 
de  d9%5,  la  température  de  Tcenf  est 
de  39*,&;  la  température  du  foumean 
étant  de  38*,65,  ceDe  de  Pceaf  est  de 
38',69. 


TEMPÉRATURE  DES  NOUVEAU-NÉS.      .337 

fœtus.  Ches  les  animaux ,  i]  introduisait  un  thermomètre  par 
une  ouverture  faite  k  Tabdomen  de  la  mère.  Il  pénétrait  dans 
l'utérus  et  dans  le  ventre  du  fœtus  lui-même. 

Tempiratart.  Do  Tentre.       Da  burin.      De  !*DUras. 

Cbei  une  lapine  pleine 39*,07       39%33       39%A3 

Gfaex  une  lapine  non  pleine 38  ,68       38  ,37       38  ,43 

Différences o%39         i%o5         i*,oo 

Chez  les  vieux  animaux ,  non  en  gestation  »  Tutérus  et  la  ca- 
vité du  bassin  sont  un  peu  moins  chauds  que  le  ventre;  chez 
les  animaux  en  gestation,  au  contraire,  l'utérus  est  plus  chaud 
que  le  bassin  et  celui-ci  plus  chaud  que  le  ventre.  La  tempé- 
rature du  fœtus  ne  diffère  pas  de  celle  de  l'utérus;  le  fœtus 
ajoute  à  sa  chaleur  propre  celle  qui  lui  est  communiquée  par 
sa  mère. 

L'enfant  dans  le  ventre  de  la  mire.  —  La  température  de  la 
mère  avant  la  délivrance  (vagin)  est  en  moyenne  de  3o%3/i  R. 
(3 7% 9 9  G.).  Inunédiatement  après  la  délivrance  le  thermo- 
mètre enfoncé  dans  Tutérus  donne  en  moyenne  3o%97  R. 
(37%83  G.).  La  température  du  fœtus,  soigneusement  en- 
veloppé de  linges  chauds,  est  aussitôt  après  la  naissance 
(rectum)  de  3o%33  R.  (37''9i  G.).  La  température  du  fœtus 
fut  ta^uvée,  dans  quatre  cas,  égale  à  celle  de  la  mère,  et  dans 
six  cas  de  o%o6  G.  plus  élevée.  Gomme,  aussitôt  après  la  nais- 
sance, toutes  les  influences  tendent  à  abaisser  la  chaleur  du 
nouveau-né,  ces  derniers  six  cas  prouvent  que,  contrairement 
aux  suppositions,  l'enfant  dans  le  sein  de  la  mère  possède  une 
chaleur  plus  élevée  d'environ  0*^,6  que  celle  de  la  mère. 

Enfants  nouveau^nés.  —  Sur  trente -sept  enfants  nouveau- 
nés  on  a  trouvé  la  température  moyenne  de  37%8i.  Le  bain 
tiède  dans  lequel  on  plaçait  les  enfants  aussitôt  après  la  nais- 


•J9 


338  .      CHAPITRE  II.— LÀ  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

sance  amenait  un  refroidissement  de  0*^,37  à  1  \6 ,  en  moyenne 
o%98.  Les  mesures  continuées  chez  les  jeunes  enfants  nou- 
veau-nés jusqu'au  dixième  jour  après  la  naissance,  habituel- 
lement matin  et  soir,  ont  montré  qu'après  le  premier  bain 
la  température  est  la  plus  basse,  puis  qu'en  vingt-quatre  ou 
trente-six  heures  elle  se  relève  en  moyenne  à  37%5  C,  et 
qu'elle  se  maintient  presque  constamment  ensuite  à  cette  tem- 
pérature ;  vers  le  sixième  ou  huitième  jour  seulement  on  trouve 
une  légère  élévation  de  3^'*,^  C.  à  38%i3,  qui  ne  persiste  pas 
et  dont  la  cause  est  inconnue.  L'auteur  attribue  au  bain  tiède 
le  refroidissement  qui  suit  la  naissance.  On  remarque,  dès  les 
premiers  temps  de  la  vie ,  l'oscillation  diurne  de  la  température 
de  37%99  à  37%8o  G.  du  matin  au  soir. 

Dans  une  thèse  publiée  en  186 3,  Schiffer^  dit  avoir  trouvé 
également  chez  le  nouveau-né,  avant  la  section  du  cordon 
ombilical ,  une  température  rectale  supérieure  à  la  tempéra- 
ture vaginale  de  la  mère.  Il  en  fut  ainsi  dans  seize  cas  sur 
vingt-trois,  deui  fois  ce  fui  l'inverse. 

Après  la  naissance,  la  température  basse  descend  parfois  à 
36^76  pour  remonter  de  1  ou  a  dixièmes  de  degré. 

Nous  pensons  qu'il  y  aurait  lieu  de  refaire  ces  diverses 

observations  en  tenant  compte  de  la  température  de  la  mère 

avant,  pendant  et  après  l'accouchement.  11  semble,  en  effet, 

que  cette  température  influe  sur  la  circulation  du  fœtus  et  pro- 

.  bablement  même  sur  sa  température  ^. 

^  Schàiïer,  Greifswald,  i86d.  il  y  a  danger  de  mort  pour  le  ktioB,  Eo 

^  Winckel   (Obê.  cliniquêi    iur  les     moyenne,  il  y  a  le  rapport  suivant  entre 

aecoucJieiitenti ,  Klin.  Beob.  etc.,  p.  189     la  température  de  la  mère  et  la  fré- 

à  a  1  & ,  1 869  )  a  observé  que  Télévation     quence  du  poids  da  fœlas  : 

de  la  température  du  corps  de  la  femme 

en  mal  d'eufant  cause  Paccélération  du 

pouls  du  fœlus,  autrement  dit  que  le 

fœtus  Ini-méme  a  ta  fièvru  (7).  Si  cette 

acccléralion  du  pouls  dure  longtemps, 


Tenpérataiv 

Poalt 

dttaBèflt. 

«InCsBliM. 

37*  à  58*  C. 

190  k  ihh  puitstioiit. 

38«  à  39* 

thh  à  160 

S9*  i  ho* 

160  à  190 

TEMPÉRATURE  DES  NOJ[JVEAU-NÉS.  339 

Les  recherches  de  Georges  Wurster  ^  confirment  celles  de 
Bœrensprung  et  de  Schâffer. 

L  aateur  examine  la  température  dans  le  vagin  de  la  mère 
et  lanus  de  Tenfant..!!  trouve  que  celle  des  mères  va  de  36°^^ 
à  38 ',9*  et  que  celle  des  enfants  est  un  peu  plus  élevée  (d'un 
dixième  de  degré).  L'enfant  se  refroidit  très- vite ,  de  sorte  que 
sa  température  tombe  de  37%&i  (chiffre  moyen)  à  36%35. 
L'auteur  a  constaté  quelquefois  des  températures  élevées  à  la 
fois  chez  l'enfant  et  chez  la  mère  (/io%3  chez  la  mère,  /io%35 
chez  l'enfant)  dans  des  cas  pathologiques.  Ainsi  le  fœlus 
aurait  une  température  un  peu  plus  haute  que  la  mère,  d'où 
la  conclusion  qu'il  ne  tient  pas  cette  température  de  sa  mère  » 
mais  de  lui-même. 

Un  an  après,  revenant  sur  le  même  sujet,  Wurster  ajoute 
à  ses  recherches  l'observation  suivante  ^  : 

Dans  une  présentation  du  siège  avec  travail  prolongé,  il 
trouva  dans  le  vagin  de  la  mère  38%9,  39\i,  38%8,  et  dans 
l'anus  du  fœtus  39%&,  39%65,  39%55  G. 

Il  nous  reste  à  noter  les  travaux  de  MM.  Andral,  Roger  et 
Lépine  sur  ce  même  sujet. 

M.  Andral  ^  a  recueilli  ces  observations  longtemps  avant  de 
les  publier.  Le  tableau  suivant  porte  sur  six  cas  (aisselle)  : 

o  miottlr  «  nannnce. 

t*'ca8....  38*/!  90  min.  après.  37%9  i  h.  après.  37*,5 

«• 38,3         i5 37,5  19 37,1 

3* 38  , a         3o 37  ,6  1  s 37  ,3 

4* ,  38  ,1         90 37  ,7  8 37  ,9 

5- 37  iS        3o 37  ,3  19 37 ,3 

6' 36,7         i5 36,5  8 36,3 

*  Obâ^rtûtimu  «ur  la  ehahur  propre    trie).  DÎMertation  inaogorale.  Zurich, 
ée$  mouveau-néê,^  Georgea  Wurster     1870. 

de  Zurich.  (BerL  hlm.  WocKênêchr.  VI ,  >  Andral,  Noté  nur  la  îÊmpiratwn  dêê 

37,  1 869.  )  enfimit  noweaa-néê.  (  Comptt$  rm^uê  dêê 

*  Wnrrter,    Températvrf    dn    mm-  tianeeê de T Académie dê$êeiênceê,iH'jOn 
rMiHiei  (Bêùràgê  tur  Tocolkêrmomê-  18  avril,  p.  81 5.) 

an . 


840         CHAPITRE  IL  -^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Dans  ces  six  cas  on  voit  la  température,  au  moment  de  la 
naissance,  dépasser  la  limite  supérieure  physiologique  de 
Tadulte;  entre  la  «quinzième  minute  et  la  douzième  heure  la 
température  a  baissé  mais  non  au-dessous  de  celle  de  Tadulte. 
Pourquoi  cette  température,  à  la  naissance,  est-elle  plus 
élevée  que  quelques  minutes  plus  tard?  Dans  aucun  cas  elle 
ne  fut  liée  à  celle  de  la  mère ,  dont  le  chiffre  le  plus  élevé  fui 
3  G^'yQ.  M.  Roger  avait  pensé ,  sans  le  prouver,  que  cette  tempéra- 
ture plus  élevée  était  empruntée  par  l'enfant  au  milieu  utérin. 
M.  Andral  fournit,  à  l'appui  de  cette  opinion ,  le  tableau  suivant 
de  quatre  cas  oh  la  température  de  l'utérus  fut  prise  dans  sa 
cavité  en  même  temps  que  celle  de  l'enfant  le  fut  dans  l'ais- 
selle : 

Tenpératare       Tnupénitare  éê  ren&ot 
dt  ratéruf.  k  m  natiMnee. 

l'cas 38%7  38*,3 

Q- 38,5  38,4 

3* 38,3  38,1 

A" 37,9  .36,7 

On  peut  voir,  dans  trois  de  ces  cas,  que  la  température  de 
l'enfant,  sensiblement  plus  élevée  qu'elle  ne  le  sera  plus  tard, 
suit  une  ascension  proportionnelle  à  celle  de  la  tempéra- 
ture utérine,  lui  étant  d'ailleurs  constamment  un  peu  infé- 
rieure. 

M.  Andrala  observé  aussi  l'abaissement  de  la  température  chez 
les  enfants  deux  heures  après  la  naissance,  et  le  rétablissement 
de  la  chaleur  physiologique  passé  ce  temps.  Edwards  et  Des- 
pretz^  avaient  admis  qu'après  la  première  demi-heure  de  la 
vie  extra-utérine  la  température  humaine  est  semblable  à  celle 
de  l'adulte. 


>  Tempëretare  aux  différenU  Ages,  A  18  au a6%99 

d'après  Desppeti :  ]^l •  J^»»* 

•^  '^  A  78 87,13 

Aprte  II  naiiMDCs 86*,o6 


TEMPÉRATURE  DES  NOUVEAU-NES.  341 

Dès  tStitif  M.  H.  Roger  ^  avait  fourni  sur  ce  sujet  des  ren- 
seignements précis  et  complets.  Voici  ses  tableaux  : 

I.  TEMPERATURE  DBS  ENFANTS  NAISSANTS. 


ÂGE. 


1  miiivt^. . . . 

Idem 

3  à  &  minutes. 

5â3o 

Idem 

Idem 

Idem 

Idem 

/dm  ...... . 


ROMBBB 
des 

UiniATIMt. 


ROIIBBB 
des 


TBMPiBATDBB  TEMP^BATURE 


5o 
3â 

68 
36 
6o 

s8 
as 


ff 

MO 

io5 

190 
l39 

96 

a 

i3o 
65 


AXnXAUI 

d«  r«nfiint. 


37%75 
36.75 
36  ,00 
37,00 
36 ,00 
35  ,5o 
35 ,5o 
35 ,5o 
35,95 


AIILLAIKI 

d«  Il  mère. 


36*,75 
36,95 
37,00 

a 

e 

ff 
37,00 
36,00 
37  ,00 


TBVPiRATURB  NORMALE  CHEZ  LES  ENFANTS  lois  DE  1   A  3o  MIIVOTES. 

Au  moment  de  la  naiisance,  l'enfant  a  uûe  température  au 
moins  égale  à  celle  qu'il  aura  quelques  jours  et  même  quel* 
ques  années  plus  tard.  Chez  deux  enfants,  la  température 
était  supérieure  à  celle  de  leur  mère  d'un  demi  et  même  de 
1  degré  (comme  elle  l'est  chez  le  fœtus  dans  le  sein  maternel 
d'après  Bœrensprung). 

Bientôt  la  température  du  nouveau-né  diminue;  à  peine 
s'est-il  passé  trois  ou  quatre  minutes,  qu'elle  tombe  à  36"  puis 
i  35%5  et  même  à  35%q5.  Toutefois  cet  abaissement  n'est  pas 
durable,  peut-être  n'eiiste-t-il  plus  au  bout  de  quelques 
heures,  lorsque  l'enfant,  refroidi  d'abord  par  l'évaporation  du 
liquide  amniotique  è  la  surface  de  son  corps  nu,  a  été  réchauffé 
et  enveloppé  dans  ses  langes.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  c'est  que , 

'  H.  Roger,  Arth.  gén,  méd,,  h*  aé-    niquei  eur  lei  maladieâ  de  Vef^anee.  Pa- 
rie, t  V,  p.  973 ,  et  dans  RechercKee  cU-    ris,  1 879 ,  p.  si  7  et  saiv. 


3â2         CHAPITBR  II.  —  LA  GHALBUR  ET  LA  FIÈVRE. 

dès  le  lendemain,  la  iempërature  a  notablement  remonté;  car 
la  moyenne  donnée  par  cinq  enfants  âgés  d'im  jour  révolu  fui 
de  37%o5,  et  les  jours  suivants  elle  s'éleva  à  37%o8. 

M.  Lépîne  '  a  fait  des  recherches  qui  con6rment  les  résul- 
tats précédents.  Dans  dix  cas ,  il  a  vu  que  la  température  de 
Tenfant  était  au  moins  de  deux  dixièmes  de  degré  supérieure  à 
celle  de  sa  mère.  Cette  différence  disparait  très-rapidement, 
et  bientôt  la  température  de  l'enfant  devient,  au  contraire,  in- 
férieure à  celle  de  la  mère.  Nous  pouvons  considérer  ce  fait 
comme  définitivement  acquis. 


Température  (tes  enfants  après  la  naissance.  —  Tous  les  au- 
teurs s'accordent  à  noter  que  la  température,  après  les  pre- 
miers instants,  diffère  peu  de  celle  qu'elle  accusera  pendant 
toute  la  vie. 

Voici  quelques  tableaux  empruntés  à  M.  Roger,  è  qui  nous 
devons^  sur  ce  sujet,  des  recherches  très-complètes. 


IL 


TEMPéRATDRB  NORMALE  DBS  NOUTEAU-PifS. 


Age. 

8F.XE.        "•'<"""«• 

P11L8A- 
T10118. 

1II0PIIA- 
TI0R8. 

OBSERVATIONS. 

î 

1  jour 

Idem 

Idem 

Idem 

Idem 

9  jotire 

Idem, 

Idem 

Idem 

Idem 

Idem 

( 

Garçon.  .      d6*,95 
Fille.          36,75 
G.            37 ,00 
G.            37 ,00 
G.            37,95 
G.            36 ,75 
G.            37 ,00 
K.            37 ,00 

F.  37,95 

G.  37,95 
G.            38 ,00 

106 

190 

80 

100 

80 

86 

110 

86 

9« 
76 

119 

66 

68 
36 
66 
60 
86 
66 
66 

39 

60 
38 

DonMoU 

Oorauit. 

Tris-foH.  DonnoL 
Fort. 

*  Liépi ne ,  in  Goutte  médicale  ,1870. 


TRMPÉRATURB  DRS  NOUVEAU-NÉS. 


r 


Agi. 


3  jours.  . 
Idem,,,, 
ïdtm..., 
Jdtm.  .  , 
Idem. , . . 
&  jours.  . 
Idem.,,. 
Idem, . . . 
Idem. . . . 
Idem, . . . 
Idem, . , . 

5  jours.  . 
Idem..., 
Idem. . .  . 
Idem. . .  , 
Idem..., 

6  jours.  . 
Idem, . , . 
Idem..., 


7  jours. 
Idem, . . 
Idem. . . 


SRXB. 


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G. 
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F. 
F. 
F. 
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G. 
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TBMPiSATORB 
AXIIAAIIB. 


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36 
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36 

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37 

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119 

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5o 

116 

36 

196 

66 

343 


OBSERVATIONS. 


Tr«»«b<Uf. 


Donniul. 
GMUve.  Donnaot. 


Dormint. 
Forte.  Dormont. 
KiWi  fort. 
Dormant. 
Forip. 
ChélÎTe. 

Am»i  fort.  Dormint. 
Port. 

Aiiei  forte.  Dorment. 


La  respiration,  la  fréquence  des  battements  du  cœur,  la 
force  du  sujet,  l'âge,  le  sexe,  qui  n'existe  pour  ainsi  dire  pas 
à  cette  époque  de  la  vie,  les  tempéraments,  le  sommeil,  sem- 
blent avoir  une  influence  très-limitée  sur  la  température  du 
nouveau-né. 

Voici  deux  tableaux  de  chiffres  comparés  (les  expériences 
ont  été  faites  sur  sept  enfants  convalescents  ou  atteints  de  ma- 
ladies non  fébriles  et  sur  trois  autres  ayant  diverses  affec* 
tions)  : 


34/1         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Aisselle.  Abdomen. 

Ex-Fièvre  typhoïde 35%8  36%8 

Gingivite Sy  ,4  38  ,6 

Paralysie  deltoïdienne Sy  ,6  Sy  ,6 

Ex-Angine  couenneuse 37  ,8  38  ,0 

Ex-Pieurësie ....      37  ,8  37  , a 

Chorëe 37,8  38,8 

Ex-Pieiiresie 38  ,q  ^9  ,0 

Méningite 36  ,6  36 ,8 

Scarlatine  ( 3*  joui*) 39  ,8  39  ,8 

Përitouile 60  /i  39  ,6 

QliliNZË  FAPÉRIENGES  FAITES  SUR  DES  ENFANTS  A(îÉS  DE  HUIT  A  TUEIZE  ANS. 


AISSEI.LK. 

VKNTRE. 

BODCHB. 

PLI 
DU  BBA9. 

MAIM. 

PIBD8. 

AINE. 

,  SCBOrUM. 

1 

37»,75 

37%5o 

36%75 

36^5o 

33^5o 

3i',5o 

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F 

37  ,7.') 

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35  ,00 

36  ,5o 

3o  ,5o 

II 

II 

II 

II 

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H 

II 

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II 

// 

35  ,00 

H 

II 

II 

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37  ,5o 

II 

37  '7-' 

35  ,5o 

3^1,75 

29,00 

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37^,00 

37  ,5o 

II 

II 

36  ,5o 

II 

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II 

37  ,00 

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37  ,25 

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36  ,80 

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36  ,a5 

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II 

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35  ,00 

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35  ,00 

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II 

37,y5 

II 

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36.25 

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II 

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37  ,00 

37  ,00 

37  ,a5 

35  ,00 

3i  ,5o 

3i  ,5o 

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1  35,75 

37,00 

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33  ,00 

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H 

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37  ,00 

37  ,a5 

35  ,7.') 

36,75 

II 

3i  ,00 

U 

1 

f 

Mignot\  externe  à  l'hôpilal  des  Enfants-Trouvés,  a  choisi 
(|uatorzo  sujets  doués  de  toutes  les  apparences  de  la  santé; 

.Mi/{not,    Thèse   de    Paris  y    i85i,     caïorivité  et  la  reipiralion  chn  Ui  non- 
p.  9.   lip(hp,rc}y>n  sur  la  circulation ,  la     vran-iiés. 


TEMPÉRATURE  DES  NOUVEAU-NÉS. 


845 


c'était  pendant  le  mois  de  décembre  18&8,  dans  une  salle 
habituellement  maintenue  à  une  température  de  i&  à  16  de* 
grés.  «Nous  avons,  dit -il,  successivement  calculé  le  nombre 
de  leurs  inspirations  en  une  minute,  celui  des  battements  du 
pouls  et  le  degré  de  chaleur  qu'indiquait  un  thermomètre  cen* 
tigrade  placé  sous  l'aisselle.  Au  moment  de  l'examen,  les  en- 
fants étaient  couchés  dans  leurs  berceaux,  éveillés,  mais  par- 
faitement calmes.  Le  thermomètre  avait  déjà  servi  à  de  pareilles 
investigations  faites  sur  des  malades ,  et  nous  avions  eu  l'occa- 
sion d'en  constater  l'exactitude.  ». 
Voici  le  tableau  de  ces  recherches  : 


co 

8IXB. 

COHSnTUTlOll. 

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1 

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de            1 

1. 

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F. 

Grêle. 

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11. 

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F. 

Forte. 

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38,0 

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M. 

Forte. 

l39 

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4 

F. 

Forte. 

f 

ff 

87,6 

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5 

M. 

Forte. 

139 

49 

37,5 

Mo 

^enne . . 

195 

36 

37*,6 

Le  docteur  Gassel  avait  signalé ,  en  1 8  6  7,  la  température  peu 
élevée  des  petits  enfants  d'un  an,  et  même  il  avait  noté  que 
cette  température  était  plus  basse  encore  le  soir  que  le  matin. 


3/k6        CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Fintayson^  a  ëtudîé  ia  température  normale  (rectum)  chez  des 
enfants  sains  de  dix-huit  mois  à  dix  ans  et  demi,  et  remarqué 
que ,  chez  eux ,  les  oscillations  diurnes  étaient  plus  considérables 
que  chez  les  adultes.  Il  signale  quelques  cas  où  la  température 
du  soir  s'est  trouvée  très-inférieure  (di*  o'',5  à  i°C.)  à  celle 
du  matin,  dans  la  rougeole. 

Ayant  soumis  h  l'observation  quatorze  enfants  sains,  Fm- 
layson  reconnut  que  : 

1°  Les  oscillations  diurnes  de  la  chaleur  propre  chez  les  en- 
fants sains  sont  plus  grandes  que  chez  l'adulte;  elles  sont  de 
i**  à  i%5  C.  Davy,  Gierse,  Lichtenfels  et  Frôhlich  donnent 
pour  l'adulte  le  chiffre  de  o\5  G. 

3°  La  température  tombe,  le  soir,  constanunent  de  i°  à 
i%5  C. 

3"*  L'abaissement  le  plus  marqué  de  la  température  a  lieu  le 
soir  entre  7  et  9  heures,  quelquefois  même  dès  5  heures. 
Damrosch  a  trouvé  è  peu  près  la  même  chose  dès  i853  pour 
l'adulte.  Cet  abaissement  dure  jusqu'après  minuit. 

li"  La  plus  basse  température  s'observe  habituellement  avant 
9  heures  du  matin.  D'après  Lichtenfels  et  Frôhlich  elle  aurait 
lieu  entre  1  o  heures  et  1  heure  de  la  nuit. 

5°  Au  matin,  entre  a  et  &  heures,  la  température  recom- 
mence à  monter  sans  cause  connue,  en  plein  sommeil  et  à 
jeun  nécessairement. 

6**  Les  oscillations  de  la  température  entre  9  heures  du 
matin  et  5  heures  du  soir  sont  insignifiantes. 

7**  L'auteur  ne  peut  rien  dire  des  relations  de  la  température 
avec  le  pouls  et  la  respiration. 

Nous  donnons  ici  le  tableau  des  diverses  observations  d'où 
sont  extraites  les  conclusions  précédentes.  Il  s'agit  d'enfants  de 
trois  à  dix  ans.  Le  thermomètre  était  placé  dans  le  rectum. 

'  Dodeor  James  Finkyfon,   Gla$cow  med»  Joum.  Il,  1869-1870. 


TEMPÉRATURE  DES  NOUVEAU-NÉS. 


S47 


HECRRS 


1  heore  matin. . . . 

1  h.  i/a 

1  beores 

3  heures 

h  heareB 

0  ocims»  ..•■... 

6  heium. 

7  hearei. 

7  h.  i/s 

8h.i/a 

9  hearee. 

Midi 

t  heure  après  midi, 
a  heures 

5  heures. 

6  heures 

7  heures. ...... 

8  heures 

9  heures 

9h.  i/a 

1  o  heures. 

1 1  heures 

1 1  h.  i/a 

Minuit 


HOMBII 
des 


8 
3 

19 
91 
11 

5 

ao 

a3 

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5 

19 

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9 

6 
3 

7 
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6 
i5 
10 
i5 
35 

h 

93 


ROVBBB 


3 
3 
h 
9 
9 
1 
3 
3 
1 
1 
9 
a 
1 
1 
1 
1 
6 
I 

5 
3 
a 

7 
A 

5 


TEMP^BATUta 

■OTBIINB 

do  rectaiB. 


36%5i 
36, ta 
36,1 5 
36,59 
36,70 
36,90 
37,06 
37,45 
37,65 
37  ,o5 
37,70 
37,80 
37,90 
37,68 
37,85 
37,68 
36,85 
36.49 
36,55 
36,48 
36,43 
36 ,4o 
36 ,90 
36,37 


OBSERVATIONS. 


Afiriibpraiiiier 

d^iraiMr, 

la  nMjCDiie 

€■1  97*«&  G. 


Tempdratiire 

du  «MT, 

en  mo^feoiM: 
S6»,4  C. 


I 


Pilz  ^  a  repris  les  observations  de  Finlayson  sur  les  courbes 
diurnes  de  la  température  chex  les  enfants;  il  a  mesuré,  soit 
continuellement,  soit  d'heure  en  heure,  dans  cinquante  cas, 
la  température  rectale.  La  fluctuation  est  plus  grande  chez  les 
enfants  que  chez  Tadulte.  La  montée  de  la  chaleur  dans  les 


'  Pila,  Tm^fèrmlun  norituUê  de  Pêrfani,  in  Jokrh,J.  Kind,  Kr,  1871.  (Analyse 
dans  le  JaArMWicAf  de  1879.) 


368         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

premières  heures  du  matin  est  abrupte  (i", 2  C).  Le  maximum 
de  la  température  du  jour  se  montre  sous  deux  formes  :  rare- 
ment il  survient  entre  1 0  et  11  heures  et  dure  plusieurs 
heures;  la  descente  a  lieu  ensuite,  puis  il  y  a  une  nouvelle 
ascension  de  /i  à  7  heures,  quelquefois  il  y  en  a  deux,  qui  ne 
dépassent  pas  la  première.  Le  plus  souvent  la  courbe  se  com- 
porte de  la  façon  suivante  :  à  la  fin  de  la  matinée,  de  10  heures 
a  midi,  il  y  a  un  maximum  de  Sy'.S,  et  de  3  à  3  heures  un 
second  maximum  de  38\q;  ou  bien,  de  midi  à  3  heures  un 
premier  maximum  de  37'\9,  et  à  5  heures  un  second  maxi** 
mum  de  38  defjrés:  ou  bien  encore,  de  10  heures  à  midi,  un 
premier  maximum  de  38'. q,  et  de  3  à  4  heures  un  second 
maximum  de  38,6.  Le  soir  commence  une  descente  brusque 
entre  6  et  7  heures,  elle  est,  en  quelques  heures,  de  0',8  à 
I  ,0  C. 

TEMPKRATURE  AUX  DIFF^REMS  AGES  D'APRÈS  BOERBNSPRUNG. 

A  la  naissance 37*,8i 

Peu  après  la  naissance 36  ,96 

Pendant  les  dix  premiers  jours  de  la  vie 37  ,55 

Jusqu'à  la  puberté 37  ,63 

De  i5  à  Qo  ans 87  ,39 

De  2 1  à  3o 37  ,08 

De  3 1  à  lio 37  ,1 1 

De  61  à  5o 36  ,96 

De  61  à  70 37  ,09 

A  80  ans 37  ,66 

Pour  lui,  la  température  reste  à  peu  près  constante  quel  que 
soit  ràî;e,  une  fois  la  première  journée  passée,  et  voici  ses 
conclusions  : 

Résumé  (les  observations  concernant  f  influence  de  F  âge  sur  la 
température.  —  La  température  la  plus  élevée  est  celle  de  la 
naissance  37,81  C:  elle  tombe,  dans  les  premières  heures, 
de  0.93  pour  remonter  ensuite  et  se  maintenir  à  37\5  C; 


TEMPÉRATURE  AUX  DIFFÉRENTS  ÂGES.  8A9 

elle  ne  change  pas  sensiblement  jusqu'à  la  puberté,  et  elle 
baisse  faiblement  ensuite  pour  s'élever  de  nouveau  à  l'âge  de 
la  décrépitude.  En  somme,  la  température  est  presque  fixe 
pendant  toute  la  vie.  L'auteur,  s'appuyant  sur  ce  que  la  quantité 
iadie  carbonique  expiré  est  beaucoup  plus  petite  chez  les  meilr 
lards  par  rapport  au  poids  du  corps,  que  chez  les  individus 
jeunes ,  pense  que  l'élévation  de  température  qui  reparaît  chez 
les  vieillards  tient  à  ce  que»  chez  eux,  Yévaparation  par  la  peau 
diminue. 

Température  des  vieillards.  —  Bœrensprung,  Moleschott  et 
beaucoup  d'autres  auteurs  admettant  que  la  température  des 
vieillards  est  supérieure  à  celle  des  adultes,  d'autres  avaient 
admis  la  proposition  inverse.  Chacune  de  ces  opinions  est 
appuyée  par  des  considérations  physiologiques.  Pour  les  uns , 
la  faible  quantité  d'acide  carbonique  exhalée  explique  le 
refroidissement  ;  pour  les  autres ,  le  peu  de  vitalité  de  la  peau 
empêche  l'évaporation  et  le  refroidissement  au  contact  de 
l'aÛTy  ce  qui  explique  l'élévation  de  température. 

Toutes  ces  propositions  sont  purement  spéculatives. 

M.  Roger  a  pris  la  température  de  sept  vieillards  bien  cons- 
titués, dont  l'âge  variait  de  79  à  96  ans.  Il  a  trouvé  : 

«  ....  Tempéralnre         Températate 

lU.pu.lio.».     P.l«b..u.         ^,,^.^  del-lNHrfi.. 

Moyenne d3  68  36*,6a  36*,a3 

Minima 18  56  36 ,0  35 ,60 

Moxima.. ...... .       a6  76  37,10  87,0 

Lisle  \  interne  à  Bicétre,  a  conclu  avec  raison  que,  chez  le 
vieillard,  le  pouls  n'est  pas  plus  lent,  la  température  n'est  pas 
plus  basse  que  chez  l'adulte.  Il  n'existait  pas  dans  ses  obser- 
vations de  différence  de  o%9  à  o'^fS  entre  la  température  du 

'  Cité  par  Redard,  p.  19. 


350        CHAPITRE  II.  --  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

vieillard  et  celle  de  radalie,  ainsi  que  certains  auteurs  Tont 
avancé. 

Pour  M.  Gharcot^  bien  que,  chez  les  vieillards,  la  fonction 
respiratoire  soit  amoindrie,  bien  que  le  mouvement  nutritif  de 
composition  et  de  décomposition  paraisse  également  diminué, 
la  température  n'éprouve,  parles  progrès  de  l'âge,  aucune  mo- 
diBcation  appréciable  :  «37%9,  Sy'.S,  rarement  38*  dans 
le  rectum,  et  tantôt  un  peu  moins,  tantôt  un  peu  plus  de 
1  degré  au-dessous  de  ce  chiffre  dans  l'aisselle  ;  telle  est,  d'après 
les  recherches  très-nombreuses  que  j'ai  faites  à  ce  sujet,  la  tem- 
pérature normale  du  vieillard  jusqu'aux  extrêmes  limites  de  la 
vie.  n  M.  Gharcot  ajoute  qu'il  ^  présenté  aux  élèves  de  sa  clinique 
une  vieille  femme  plus  que  centenaire,  et  qui  avait  habituelle- 
ment 37%&  dans  Taisselle  et  38**  au  rectum.  Mais  c'est  là  un 
chiffre  exceptionnel.  Il  ajoute  :  vEn  résumé,  la  température 
centrale  est  la  même  chez  les  vieillards  que  chez  l'adulte: 
j  ajouterai  qu'elle  présente  dans  les  deux  cas  la  même  fixité,  et 
qu'elle  ne  s'émeut  d'une  manière  un  peu  sensible,  mais  tem- 
porairement, que  dans  l'état  pathologique.» 

Nous  avons  donné  en  détail  ces  recherches,  qui  prouvent 
une  fois  de  plus ,  que  les  inductions  a  priori  ont  plus  souvent 
pour  effet  d'égarer  que  de  guider  le  médecin.  Il  a  fallu  accu- 
muler les  preuves  pour  arriver  è  cette  conclusion,  que,  sauf 
au  moment  de  la  naissance,  la  température  reste  à  peu  près 
constante;  que,  bien  que  les  appareils  se  modifient  et  que  la 
création  et  la  déperdition  de  la  chaleur  se  trouvent  soumises 
a  des  lois  variables,  l'équilibre  entre  les  deux  se  maintient 
fixe  pendant  toute  la  durée  de  la  vie. 

♦ 

b.    LXPLIKIICB  DU  SBXB,  DB  LA  CONSTITUTION,  DB  LA  BAGB. 

Toutes  ces  influences  sont  si  faibles ,  qu'elles  sont  contes- 

'  <iharco(.  Leçanê  eliniquêê  tur  lêi  maiadieê  dès  tieiUardM ,  a*  édit.,  187A, 
I».  il ôa. 


INI^LDENCK  DU  SEXE,  DE  L*ALIMENTATrON.         351 

tables.  Il  ne  semble  pas  y  avoir  de  différence  notable  entre  la 
température  de  l'homme  et  celle  de  la  femme,  et  la  vigueur 
du  sujet  ne  se  tra{|uit  pas  par  une  élévation  sensible  de  la 
température. 

Livingstone,  dan.H  ses  Voyages  en  Afrique,  dit  avoir  observé 
que,  tandis  que  sa  propre  température  était  de  37^77,  celle 
des  indigènes  était  de  36^69.  Il  est  probable  que  cette  diffé- 
rence n  implique  pas  un  écart  réel  entre  la  température  des 
différentes  races,  mais  qu  elle  est  l'effet  d'un  défaut  d'acclima- 
tement sur  lequel  nous  reviendrons  plus  loin. 

e.  inploeucb  db  l^alimbhtàtion. 

D'après  Longet^  :  «L'ingestion  des  aliments  augmente  a  la 
fois  l'absorption  de  l'oxygène  et  le  dégagement  de  l'acide  car- 
bonique; par  conséquent,  la  chaleur  animale  doit  s'accrottre 
par  suite  de  cette  ingestion.  " 

11  suffit  de  consulter  les  tableaux  des  oscillations  diurnes 
de  la  températui*e  que  nous  avons  donnés  plus  haut  pour  être 
convaincu  que  cette  conception  a  priori  n'est  pas  exacte.  Nous 
savons  que  les  repas,  et  en  particulier  celui  du  soir,  ne  sont 
pas  suivis  d'une  augmentation  de  la  température. 

Mais  l'abstinence,  la  diète,  l'inanition,  ont  une  influence 
considérable  sur  la  température.  Nous  avons  vu ,  dans  la  pre- 
mière partie,  que  Ghossat  a  constaté  que,  chez  les  animaux  pri- 
vés d'aliments,  la  température  s'abaisse  notablement,  et  qu'aux 
approches  de  la  mort  elle  est  quelquefois  de  18  à  âo  degrés 
au-dessous  de  la  température  normale. 

Bidder  et  Schmidt  ont  trouvé,  chez  un  chat  affamé,  que  la 
température,  dans  le  premier  jour  de  diète,  était  tombée  d'une 
certaine  quantité,  puis  qu'elle  s'était  ensuite  maintenue  pour 
tomber  rapidement  dans  le  jour  qui  précéda  la  mort. 

*  Loii({el,  Trmlédephy9iolQgiê,iA^p,  1109,  1861. 


359        CHAPITRE  II.  -~  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Contrairement  à  ce  qui  a  été  observé  sur  les  animaux,  Jûr- 
gensen  a  trouvera  la  suite  de  longues  recherches  sur  l'inanition 
chez  l'homme,  que  rabaissement  de  température  qui  se  pro- 
duit le  premier  jour,  fait  place,  le  second  jour,  à  une  éléva- 
tion de  température:  il  explique  ce  fait  par  la  consommation 
des  éléments  propres  du  corps  (autophagie),  qui  se  fait  après 
l'absorption  des  provisions  alimentaires,  et  qui  produit  plus 
de  chaleur. 

Sans  aller  jusqu'à  l'inanition ,  la  diète  ou  une  alimentation 
insuffisante  fait  baisser  le  chiffre  de  la  température  ^  M.  Mar- 

.  tins  ^  a  eu  l'occasion  d'observer,  aux  environs  de  Montpellier, 
deux  troupeaux  de  canards  qui  vivaient  dans  des  conditions 
identiques,  mais  l'un  n'avait  qu'une  nourriture  insuffisante, 
tandis  que  l'autre  recevait  journellement  des  rations  abon- 
dantes et  de  bonne  qualité.  Chez  les  premiers,  la  température 
moyenne  était  &i%t77,  tandis  que  chez  les  seconds  elle  s'é- 

^  levait  à  &i%978.  La  différence  en  faveur  des  canards  bien 
nourris  était  donc  de  o%8. 

Ainsi,  même  en  négligeant  les  faits  de  mort  par  refroidis- 
sement dû  à  l'inanition,  il  semble  que  la  nourriture  insuffi- 
sante abaisse  le  chiffre  de  la  température  animale.  La  tradition 
a  précédé  ici  l'expérience,  et  la  diète  a  toujours  été  conseillée 
comme  moyen  de  lutter  contre  la  chaleur  fébrile. 


*  De  la  nuirivité  dêt  (hverâ  alitMnti, 
par  William  S.  Savopy.  {TheLaneet,  i- 
tA-t5,  avril  i863.)  Savory  donne  un 
tableau  de  la  nature  des  aliments,  du 
poids  du  corps,  de  la  composition  de 
Turine...  Les  rats  nourris  avec  des 
substances  atotées  ont  une  température 
qui  ne  tombe  pas  au-dessous  de  37%9« 
Les  résultats  généraux  sont  qu*un  ani- 
mal peut  vivre  de  viande  exclusivement, 
aussi  bien  que  d^aliments  mixtes,  sans 
perdre  de  sa  cbaleur,  ce  qui  confirme  les 
idées  de  Liebig.  Les  animaux  nourris  de 
matières  dépourvnee  d^aiote  mouraient 


avec  les  mêmes  symptômes  et  la  même 
perte  de  poids  que  ceux  qui  étaient  sou- 
mis â  une  tbstinenoe  oomplèle.  Leur 
température  ne  tombe  pas  quand  on  les 
maintient  dans  un  air  chaud,  ils  ne 
meurent  donc  pas  par  aonstraction  de 
chaleur,  mais  parce  quHls  oonsameot 
leur  propre  coq». 

*  Martins ,  Mém.  mr  la  température ties 
oiêêaux  palmipêdet  du  nord  de  VEu- 
rope,  p.  16.  (Extrait  des  Mémoùrm  de 
VAcad.  dee  êcùnceë  et  lettrée  de  Mont- 
peUier,  tSb6,i.  m,) 


INFLUENCE  DE  L*AGTIV1TÉ  MUSCULAIRE.  355 

d,   inrLUINCI  DB  L'iCTIVITi  hdsculaub. 

II  est  de  notion  vulgaire  que  le  repos  longtemps  prolongé 
s'accompagne  d'un  sentiment  de  refroidissement  qui  s*accuse 
surtout  aux  extrémités.  Mais  ce  refroidissement  semble  surtout 
périphérique,  et  l'activité  musculaire  qui  suffit  k  rétablir  la 
sensation  de  cbaleur  ne  fait  pas  hausser  la  température  cen- 
trale. Davy,  Robert Latour,  Becquerel,  Thierfelder  ^  ont  cons- 
taté que  les  mouvements  du  corps  font  hausser  la  température 
des  parties  extérieures,  tandis  que  la  chaleur  interne  reste 
sans  changement. 

M.  Roger  a  fait  des  recherches  confirmatives  des  précédentes. 
«Pour  juger  de  Vinjluence  de  Texercice,  dit-il ',  nous  avons  fait 
courir  pendant  huit  minutes  deux  garçons ,  l'un  ftgé  de  treize 
ans,  l'autre  de  douze  :  chez  l'un  la  chaleur  augmenta  par  la 
course  d'un  demi-degré;  chez  l'autre  elle  resta  exactement  la 
même.  Dans  ces  expériences,  le  nombre  des  respirations  et 
des  pulsations  avait  augmenté  dans  une  proportion  beaucoup 
plus  notable;  dans  la  première,  les  mouvements  respiratoires 
s'étaient  accrus  de  i  a  et  dans  la  seconde  de  6  ;  dansia  premiàre, 
le  pouls  battait  56  fois  de  plus  &  la  minute,  et,  dans  la  seconde, 
as  fois  de  plus.  Remarquons  dans  la  première  expérience  la 
coïncidence  de  l'exaltation  des  trois  fonctions  respiratoire, 
calorifique  et  circulatoire.  » 

Ces  résultats  varient  d'ailleurs  selon  la  conformation  des 
individus ,  et  cette  dernière  influence  a  été  biea  mise  en  lu- 
mière par  Botldn  dans  son  Cmrs  de  clinique  médieak^  :  «Pen- 
dant le  mouvement  musculaire  énergique,  si  la  déperdition  de 
la  chaleur  par  les  poumons  et  la  peau  est  insuffisante  par  suite 
de  quelques  particularités  de  l'organisme,  la  température 


>  Thîerfdder,  in  Sdmide$  Jtàrb.    Uê  maladim  de  ffN/Smet.  T.  I,  p.  ity. 
i85i,  L  LXXI.  *  Bolkin,  Di  la  fikn.  Trwl.  frtn- 

*  H.  Roger,  AfcA^rvA»  eVmqwn  ntr    çuse,  1871,  p.  91. 

a3 


354        CHAPITRE  IL  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

augmente  considérablement.  Deux  hommes  avaient  monté  en 
trois  minutes  à  3o  mètres  de  hauteur;  chez  l'un  la  température 
avait  baissé  de  quelques  diadèmes  de  degré  ;  chez  l'autre  elle 
avait  monté  de  i%5,  soit  de  3 6% 7  à  3 8% a.  Le  premier  était 
petit  et  fluet,  le  second  grand  et  gras.  Le  premier,  après  l'as- 
cension, n'éprouvait  pas  la  moindre  gène  de  la  respiration;  le 
second  était  hors  d'haleine.  Le  corps  du  premier,  par  sa  petite 
taille  et  sa  bonne  capacité  pulmonaire,  se  trouvait  dans  des 
conditions  favorables  au  refroidissement.  Le  ventre  ballonné 
chez  l'autre  gênait  le  diaphragme,  et  ses  mouvements  respira- 
toires étaient  précipités  et  insuffisants.  Sans  doute  cette  imper- 
fection de  la  respiration  fut  cause  que  la  déperdition  de  la 
chaleur  ne  se  fit  pas  assez  rapidement;  la  chaleur  fut  retenue 
dans  le  corps,  d'où  augmentation  de  t%5.» 

L'exercice  musculaire  poussé  jusqu'à  la  fatigue  n'a  pas  non 
plus  une  action  considérable  sur  la  température.  Speck^  a 
étudié  l'influence  de  la  fatigue  sur  les  excrétions  (urine),  sur  la 
respiration ,  sur  le  poids  du  corps  • .  • ,  sur  le  pouls  et  la  cha- 
leur. En  ce  qui  concerne  le  pouls  et  la  chaleur,  la  fatigue  fait 
monter  la  température,  et  ce  phénomène  dure  tant  que  dure 
la  fatigue.  Après  le  repos,  la  température  descend  quelquefois 
jusqu'à  la  normale,  ou  se  maintient  un  peu  au-dessus.  Même 
avec  une  fatigue  très-grande,  accompagnée  de  sueurs  pro- 
fuses, de  battements  dans  les  tempes  et  d'accélération  de  la 
respiration,  la  température  ne  s'élève  guère  de  plus  de  o\5  C. 
Le  pouls  reste  accéléré  au  delà  de  la  fatigue.  —  Une  petite 
fatigue  n'élève  pas  sensiblement  la  température. 

Pendant  l'activité  musculaire  énergique,  si  les  causes  d'aug- 
mentation de  la  chaleur  sont  exagérées,  les  moyens  de  déper- 
dition sont  également  exaltés.  Un  des  plus  puissants  est  l'accé- 
lération des  mouvements  respiratoires. 


'  Speck,  InfiutHcêdê  la  faHigUÊ  wr-     d.  wiêê.  Hàlk,,  VI,  9,  p.   t6i-3sÂ, 
portUt  §ur  Porgamimê  humam,  (Arck.     1869.) 


/ 


INFLUENCE  DE  TACTIVITI  MUSCULAIRE.  S55 

«Cette  influence'  se  manifeste ,  moins  en  ce  que  t'activité 
de  la  respiration  entraîne  un  plus  grand  apport  d'oxygène 
qui  favorise  la  combustion  et  par  suite  élève  la  chaleur,  que 
par  une  augmentation  de  la  perte  de  chaleur  qui,  dans  les 
poumons,  est  liée  à  réchauffement  de  Tair  inspiré  et  à  l'évapo- 
ration  de  Teau.  La  température  dans  le  rectum  commence 
bientôt,  après  une  forte  accélération  de  la  respiration ,  à  tomber 
un  peu,  et  elle  se  maintient  encore  pendant  quelque  temps 
abaissée  après  le  retour  de  la  respiration  à  sa  fréquence  nor-* 
maie»  L'accroissement  de  la  fréquence  de  la  respiration ,  se  pro* 
dutsant  suivant  que  la  perte  de  la  chaleur  est  enrayée  ou  aug- 
mentée, a  donc  l'importance  d'un  mode  de  régulation  de  la 
chaleur.  Les  changements  de  la  respiration  influent  aussi  sur 
la  vitesse  de  la  circulation,  et  agissent  indirectement  sur  la 
température.  » 

Mais  les  procédés  de  déperdition  de  la  chaleur  peuvent 
être  insuffisants.  Ainsi  Wunderlich  ^  a  constaté  une  élévation 
thermique  très-considérabie,  consécutive  à  des  efforts  excessifs, 
chez  un  coureur  qui  s'était  évanoui  au  milieu  de  sa  course  et 
avait  été  transporté  sans  connaissance  &  sa  clinique.  Sa  tempé- 
rature était  de  &o%5,  et  son  pouls  battait  108  pulsations  par 
minute.  L'urine  contenait  un  dixième  de  son  volume  d'albu- 
mine. Deux  heures  après,  la  température  était  déjè  retombée 
è  39%!.  Le  lendemain,  elle  était  redevenue  normale  et  resta 
telle;  l'albumine  de  l'urine  diminua  et  disparut  au  bout  de 
quelques  jou». 

Nous  n'avons  du  reste  qu'à  appliquer  les  principes  que  nous 
avons  développés  en  étudiant  les  causes  de  la  production  de  la 
chaleur  dans  les  muscles,  au  double  point  de  vue  des  actes 
chimiques  qui  s'exaltent  sous  l'influence  de.  leur  activité  et  de 
la  transformation  de  la  chaleur  en  mouvement. 


'  Ackennaim,  in  DtuUck.  Àrck,  /.  Mm.  Mêd.  h*  t,  p.  169.  —  *  Wonder- 
lieh,p.  i53. 

a3. 


3M 


CHAPITRE  IL  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 


Lorsque  Tactivitë  musculaire  se  déploie  sans  peiae  et  sans 
fatigue^  il  est  difficile  de  se  rendre  un  compte  exact  de  ces  di- 
verses actions  ;  mais,  lorsque  l'activité  musculaire  est  employée 
par  exemple  à  faire  une  ascension,  on  peut  constater  qae 
l'absorption  de  la  chaleur  pour  faire  du  mouvement  est  bieo 
réelle. 

MM.  Lortet  et  Marcet  nous  ont  laissé  ia  relation  de  deux 
ascensions  qu'ils  ont  faites  au  Mont-Blanc,  les  17  et  96  août 
1869  :  on  verra  que,  pendant  la  marche,  le  thermomètre, 
placé  sous  la  tangue ,  indiquait  un  notable  abaissement  ^ 


LOBTBT  :   TEMP^RATDRB  PRISB  SODS  LA  LANGUE. 


r 


LIEUX. 


GhaiDonui 

CascMic  da  Dard.. 

Cbaletdela  Para. 

Pierre  Poinlaa . . . 

Grands  Maiala.... 

Grand  PlaUau... . 

Botm  da  Droma- 
daire  

Sommet  da  Nout- 
Blaoc 


ALTI- 

TDDB. 

eo 


1000 
i5oo 
t6o5 
aoig 
SoSo 

4556 
&8to 


A8CB!«SI0!I 
DO   17  àott. 


lauBO- 
bU«. 


Harebe. 


36,4 
36,6 
36,5 
36,5 
36.3 

36.4 

36,3 


3«*,3 
36  ,7 
34,8 
33,3 
33,1 
3a  ,8 

3i  ,a 

3a  ,0 


ÂSCBlfSION 
N  a6  âodr. 


Mardie. 


bile. 


37',o 
36,3 
36,3 
36,4 
36,3 
36,7 

36.7 

36.6 


35-.3 
34.3 
34, a 
33,4 
33.3 
3a  ,6 

3a  ,3 

3t,8 


TBHPiBATIJU 
ML*AJB. 


17  aodt 


+  11  .a 


a6MAt 


+  ia%4 
+  i3,4 


+  tt  ,8  +i3  ,6 
-f  i3  ,al  +âA  ,1 
-  o  ,3    -  I  ,5 


-  8,a 


-6,4 


- 10  ,3    —  4  ,a 
-  9  ,t    -  3  ,4 


ROVBU 
dea 


P*' 


64 

70 

80 

108 

tt6 

ia8 


17a 


M.  Lortet  en  conclut  que,  pour  monter,  le  corps  use  plus  de 
chaleur  qu'il  n'en  peut  produire,  à  cause  du  peu  de  densité 
de  l'air.  La  raréfaction  de  l'air  fait  qu'à  chaque  inspiration  il 
entre  dans  les  poui&ons  moins  d'oxygène  à  une  grande  hauteur 
que  dans  la  plaine.  En  même  temps,  l'homme  qui  a  monté 


*  Lortet,  Deux  aicenwmi  au  Moni-     ÏAf<m  médieai,  —  Marcel,  Jomiud  ié 
Blanc.  Victor  Masflon .  1869.  Extrait  du    phyêtologù,  1870,  p.  A 4 9. 


INFLUENCE  DES  CLIMATS.  357 

a  dépensé  en  travail  utile  une  quantité  de  chaleur  facile  h 
calculer  (353  unités  de  chaleur  pour  q^ooo  mètres). 

Pendant  la  desceute,  au  contraire,  il  ny  a  plus  de  diffé- 
rence entre  la  température  au  repos  et  en  marche,  et  alors 
cesse  le  malaise  des  montagnes,  que  MM.  Lortet  et  Marcel  at- 
tribuent à  ce  refroidissement. 


e.    niFLDBHGB  DR  LA  TSHP^RATCRB  EXtIrIEURB  SUR  GBLLB  DU  CORPS. 

Les  anciens,  comme  nous  Tavons  dit  en  analysant  les  ou- 
vrages de  Boerhaave,  professaient  que  Thomme  ne  peut  vivre 
dans  un  milieu  plus  chaud  que  sa  température  propre.  Lors- 
que les  idées  se  furent  réformées  sur  ce  point,  on  admit  que, 
pendant  Tété ,  la  température  du  corps  était  plus  élevée  qu'en 
hiver  (Martine).  Hallmann  trouva  sa  température  plus  basse 
que  celle  de  Gierse,  parce  que  le  premier  observait  en  hiver 
et  le  second  en  été.  Les  recherches  modernes  ne  confirment 
pas  ces  assertions.  Nous  savons  seulement  que,  lorsqu'un  in- 
dividu passe  brusquement  d'un  milieu  dont  la  température  est 
basse  dans  un  milieu  très-chaud ,  sa  chaleur  propre  s'en  trouve 
légèrement  influencée.  Mais  il  s'agit  là  d'un  fait  transitoire 
dA  à  la  lenteur  de  l'accommodation ,  et  non  d'un  fait  permanent, 
et  il  n'y  a  pas  d'écart  réel  dans  la  température  des  peuples  qui 
vivent  sous  des  climats  différents. 

Dans  un  voyage  d'Angleterre  à  Ceylan,  Davy*  a  noté  une 
élévation  progressive  de  la  température  du  corps  chez  les 
hommes  de  l'équipage,  à  mesure  que  l'on  atteignait  les  lati- 
tudes chaudes.  La  différence  était ,  entre  leur  température  à 
Londres  et  leur  température  à  Ceylan,  de  i%7  à  9",i  5  C.  Le 
même  auteur  a  noté  que  la  température  du  mouton  s'élevait, 

>  Philo$€pkie,  Traïuact  oj  thê  royal  âyêUnu,  their  vital  impari ,  and  tk^ 

Sofiety  ùf  London,  i8i4,  1.  OIV.  —  bêoring  on  Health  and  diêêase;  by  Ro- 

Voyei  ëgalement  :  On  ihê  tpeeialjune-  berf  Willis  M.  D. ,  London,  181)7. 
thnê  af  ikê  iodor^iarouê  and  hftnphatie 


358         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

dans  l'été,  à  o%55  et  même  i%6  C.  plus  haut  que  dans  l'hiver. 
On  sait  qu'il  en  est  de  même  pour  les  oiseaux. 

Reynaud,  chirurgien  de  la  marine,  a  établi,  dans  un  voyage 
en  Asie ,  qu'un  changement  de  1 8  degrés  dans  la  température 
de  l'air  entraînait,  chez  l'homme,  une  difTérence  de  o^iy. 
Eydoux  et  Souleyet^  dans  un  voyage  à  Rio-Janeiro,  firent 
quatre  mille  observations  sur  dix  personnes  qui  étaient  à  bord, 
et  virent  que  la  température  de  Thomme  monte  ou  descend 
avec  celle  de  l'air  et  que  le  changement  est  plus  lent  quand 
on  passe  d'un  pays  chaud  dans  un  froid,  qu'inversement.  Les 
expériences  de  Letellier  sur  des  oiseaux  et  des  petits  animaux 
ont  donné  le  même  résultat.  Les  expériences  faites  en  mer 
par  M.  Brown-Séquard^  concordent  avec  celles  d'Eydoux  et 
Souleyet. 

Le  tableau  suivant  résume  les  faits  observés  par  MM.  Eydoux 
et  Souleyet,  J.  Davy  et  Brown-Séquard. 

DIFFÉRENCE  DIFFÉRENCE 

dans  la  température  dans  le  d«^ 

atmosphérique.  de  chaleur  aniniaie. 

Kvdoiix  el  Soulevet.  .      /l0^o  C.     Dans  le  rectum i*,o  C. 

John  Dnvy 11,11        Sous  la  langue,  de  climat  chaud 

à  climat  tempëré o  ,88 

Brown-Séquard ai  ,5         De  climat  froid  à  climat  chaud. .  .  i  ,a65 

Brown-Spquard i3  ,5         De  climat  chaud  à  climat  tempéré,  o  ,67 

Les  observations  de  M.  Brown-Séquard,  comme  celles  d'Ey- 
doux et  Souleyet,  montrent  que  l'élévation  de  la  température 
de  l'homme  a  lieu  plus  vite  quand  il  passe  d'un  climat  froid 
dans  un  climat  chaud,  que  l'abaissement  de  la  température 
quand  il  passe  d'un  climat  chaud  dans  un  climat  froid. 

Le  milieu  ambiant  a  donc  sur  la  température  de  l'homme 
une  légère  influence,  mais  celle-ci  est  bien  vite  atténuée,  et 

*  Eydoux  et  Souleyet,  Comptée  ren-         '^  Brovfn-Séqmrâ ,  Journal  dé  Physio- 
dus  dp  V Académie  des  sciences  de  Paris,     loties  l.  Il, p.  55a,  1859. 
t.  VI, p.  'i56. 


INFLUENCE  DE  LA  TEMPÉRATURE  EXTÉRIEURE.     369 

Parry  et  Back  ont  vu  que ,  même  pendant  les  froids  les  plus  ri- 
goureux, la  chaleur  du  corps  humain  restait  sensiblement  cons- 
tante. 

A  cAté  de  ces  expériences,  dans  lesquelles  on  soumet  tout  le 
corps  à  l'influence  du  milieu  extérieur,  chaud  ou  froid,  il  est 
intéressant  de  savoir  quelle  est  la  rapidité  de  réchauffement  et 
de  refroidissement  d'une  partie  du  corps,  soumise  seule  à  Tac- 
lion  extérieure  d'une  température  froide  ou  chaude,  et  quelle 
est  l'influence  de  ces  modifications  sur  la  chaleur  générale  du 
corps. 

Ce  sont  là  les  questions  que  MM.  Tholozan  et  Brown-Sé- 
quard  ^  ont  cherché  à  résoudre  dans  leurs  recherches  expéri- 
mentales sur  Tinfluence  du  froid  sur  l'homme  et  sur  les  ani- 
maux vertébrés. 

PaniièRE  PARTIS.  —  De  la  rapidité  de  Vahais^ement  de  la  tem- 
pérature £une  portion  peu  étendue  du  corps  de  l'homme  lorsqu'on  la 
eoumet  à  Faction  du  froid.  —  Hunter  a  constaté  que ,  si  l'on  place 
des  fragments  de  glace  sous  la  langue,  et  qu'on  les  y  laisse 
fondre  pendant  dix  minutes ,  le  thermomètre,  qui  marquait  SG"" 
avant  l'expérience ,  tombe  ensuite  à  s  5  degrés. 

W.  Edwards  et  Gentil  ont  obtenu  des  résultats  analogues. 
L*un  d'eux,  ayant  tenu  pendant  dix  minutes  une  de  ses  mains 
dans  de  l'eau  à  36  degrés  un  quart,  trouva  qu'elle  était  à  la 
degrés  et  demi ,  cinq  minutes  après  l'avoir  tirée  de  l'eau.  Cette 
expérience,  dit  Edwards,  montre  combien  est  rapide  et  grand, 
et  supérieur  à  ce  que  l'on  aurait  pu  supposer,  l'effet  réfrigé- 
rant de  Teau  froide  appliquée  à  une  de  nos  extrémités. 

MM.  Tholozan  et  Brown-Séquard  ont  fait  sur  le  même  sujet 
les  expériences  suivantes  : 

f  ""  Main  à  a  9  degrés  un  quart ,  plongée  dans  l'eau  à  9  de- 


Thdoian  et  Brown-Sëquard ,  Journal  de  la  pkytiologiê  df  Fhommê  et  du  ma" 
,i858,Ll,p.497. 


300        CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

grés.  Durée  de  rimmeraion  trois  minuteB  et  demie.  Retirée  de 
i*eau  et  essuyée,  la  main  n'avait  plus  que  19  degrés.  En  tro& 
minutes  la  température  de  la  main  avait  baissé  de  plus  de 
1 0  degrés. 

21°  Main- à  36  degrés  un  tiers ,  plongée  dans  de  Teau  &  8  de- 
grés. Durée  de  l'immersion ,  dix-sept  minutes.  Retirée  de  Feaa 
et  essuyée,  elle  n'avait  plus  que  18  d^és  et  demi.  En  dix- 
sept  minutes  elle  avait  perdu  1 8  degrés. 

3""  Main  à  33  degrés,  plongée  avec  le  tiers  inférieur  de 
Tavant-bras  dans  de  Teau  à  zéro.  Durée  de  l'immersion,  dii 
minutes.  Elle  n'avait  plus  que  a3'',&.  En  dix  minutes,  elle  avait 
perdu  1 0  degrés. 

Une  quatrième  et  une  cinquième  expérience  donnèrent, 
dans  des  conditions  analogues,  les  mêmes  résultats  que  la  pré- 
cédente. 

Il  est  donc  certain  que  l'exposition  d'une  main ,  seule  ou  avec 
une  partie  de  l'avant-bras,  à  l'action  d'une  eau  à  basse  tempé- 
rature, peut  faire  perdre  &  la  main  de  10  &  18  degrés  dans 
un  temps  très-court. 

DeuxiAmb  part».  —  De  la  lenlewr  du  retour  de  la  température 
narmah  dam  une  extrémité  notablement  refroidie.  —  W.  Edwards 
avait  déjà  noté  la  lenteur  du  réchauffement  d'une  main  sou- 
mise k  une  basse  température. 

Voici  le  résumé  des  expériences  de  MM.  Brown-Séquard  et 
Tholosan  : 

i""  Dans  un  cas  oh  l'immersion  d'une  main  dans  de  l'eau  à 
9  degrés  n'avait  duré  que  trois  minutes  et  demie,  il  fallut 
trente-huit  minutes  de  séjour  de  cette  main  dans  l'atmosphère 
h  i^°  pour  qu'elle  revint  à  sa  chaleur  initiale. 

3**  Dans  un  cas  où  l'immersion  d'une  main  dans  de  l'eaa  à 
8  degrés  avait  duré  dix-sept  minutes ,  cette  main ,  exposée  à 
l'air  dans  une  atmosphère  &  i5  degrés  et  demi,  ne  revint  à 


INFLUENCE  DE  L^  TEMPÉRATURE  EXTÉRIEURE.     361 

36  degrés  et  demi,  8a  température  initiale,  qae  cinqaante- 
cmq  minâtes  après  sa  sortie  de  l'eau. 

3"*  Dans  trois  cas,  où  la  température  d'une  main  avait  été 
abaissée  de  lo,  ii,  i3  degrés,  pour  avoir  séjourné  dix  mi- 
nutes dans  de  l'eau  à  zéro,  il  a  fallu  plus  d'une  heure  pour 
que  cette  main  revint  à  sa  chaleur  première ,  dans  une  atmos- 
phère de  1 5  à  i  6  degrés. 

Il  est  donc  bien  certain  que  nos  extrémités  refroidies  ne 
reprennent  leur  température  qu'au  bout  d'un  temps  assez  long. 
Cest  le  un  résultat  capital,  car  il  concourt  à  démontrer  un 
fait  sur  lequel  nous  insisterons  plus  tard ,  à  savoir  que  le  froid 
fait  contracter  d'une  manière  durable  les  vaisseaux  sanguins. 

TaoïsiiMB  PARTIE.  —  De  Cmfiuence  du  refroidUsemmt  ^une 
petite  partie  du  carpe  eur  la  température  des  partiee  élotgnéee  et  eur 
la  température  générale.  —  W.  Edwards  avait  constaté  qu'en 
plongeant  une  main  dans  de  Teau  à  zéro ,  l'autre  main  perdait 
jusqu'à  G""  G.  Il  avait  cru  légitime  de  conclure  que  la  tempé- 
rature générale  du  corps  s'était  abaissée. 

MM.Brown-Séquard  et  Tholozan  ont  vérifié  l'exactitude  du 
refroidissement  pour  la  main  non  immergée ,  mais  ils  ont  vu , 
en  outre,  que  la  température  buccale  ne  variait  pas,  que  même 
parfois  elle  s'élevait  un  peu.  On  conçoit,  disent-ils,  que,  par 
suite  de  l'excitation  si  vive  des  nerfs  sensitifs  ou  centripètes  de 
la  main ,  la  moelle  épinière  réagisse  et  produise  la  contraction 
des  vaisseaux  des  deux  mains. 

Mais  le  plus  puissant  élément  d'échauffement  ou  de  refroi- 
dissement ne  se  trouve  pas  indiqué  dans  les  recherches  de 
MM.  Tholozan  et  Brown-Séquard  :  cet  élément,  c'est  le  mouve- 
ment du  milieu  qui  enveloppe  notre  corps.  Nous  devons  ren- 
voyer, sur  ce  sujet,  aux  belles  études  de  William  Edwards  que 
nous  avons  analysées  dans  la  première  partie. 

M.  Jonathan  Osborne  a  essayé  de  préciser  ces  influences 


S63         CHAPITRE  H.  >-  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

diverses,  en  se  plaçant  dans  les  conditions  oii  se  trouve  un 
malade  dans  une  chambre  et  en  déterminant  la  puissance  dif- 
férente de  refroidissement  de  Teau  et  de  Tair,  différence  que 
nous  utiliserons  plus  tard ,  quand  nous  étudierons  l'action  an- 
tipyrétique de  l'eau  froide. 

M.  Osbome  ^  a  établi  la  différence  du  rejrùidiuemetU  dam 
Pair  et  dans  Teau,  à  une  égale  température  :  dans  une  chambre 
à  la  température  de  SA"  F.  (i  3% 9 a  G.),  le  thermomètre  tombe 
de  80°  à  90°  F.  (de  39%9  à  a6%7G.)  en  96  secondes,  et  dans 
Teau  à  la  même  température,  en  8  secondes.  Ainsi  Teau  à 
19% a  a  G.  est  19  fois  plus  refroidissante  que  l'air  à  la  même 
température,  fait  qui  concorde  parfaitement  avec  notre  sensa- 
tion lorsque  nous  prenons  un  bain  à  la  température  de  l'air. 

Dans  une  chambre  close  à  /lo^  F.  (&%&&  G.),  le  thermo- 
mètre opère  son  refroidissement  en  7&  secondes;  et  dans  la 
même  chambre,  à  la  même  température,  le  thermomètre  en- 
veloppé d'un  linge  humide  se  refroidit  en  36  secondes. 

Le  re/roidisiement  dans  tair  ou  Veau  en  mouvement.  —  Dans 
l'eau  tranquille  à  70"*  F.  (  9  t%i  G. )  le  thermomètre  se  refroidit 
en  9/1  secondes;  mais,  si  l'on  remue  l'eau,  il  se  refroidit  en 
i  5  secondes.  L'auteur  explique  ainsi  comment  aucun  homme 
ne  peut  dépasser  une  certaine  limite  de  temps  en  nageant, 
quelque  grande  que  soit  sa  puissance  musculaire,  parce  que 
le  contact  permanent  du  corps  avec  des  masses  d'eau  tou- 
jours renouvelées  le  refroidit  à  tel  point,  qu'il  en  résulte  une 
limite  à  l'action  de  ses  muscles. 

Le  rapport  du  refroidissement  dans  l'eau  tranquille  au  re- 
froidissement dans  l'eau  mise  en  mouvement  est  de  loo  à  60. 
A  des  températures  plus  basses  la  différence  doit  être  encore 
plus  grande. 

>  Jonathan  Oflborae,  ThefTnomàtn  à  tud,  XXXUI,  66,  p.  973,  981,  may 
refrùHiêêemtnt  :  mentre  du  rffrmàiMaé-  1862.)  {S^Miidfê  Jakarh.  L  GXV. 
«Mut  du  cmrpt  for  Pair.  {Dublin  Jour-    p.  1&6,  i863.) 


INFLUENCE  Dl)  VENT.  868 

Dans  Tatmosphère  d'une  chambre  à  67*  F.  (i3%9  G.)  le 
thermomètre  se  refroidit  en  1 1 5  secondes  ;  et  il  se  refroidit 
en  16  secondes,  si  Ton  fait  agir  un  soufflet.  Rapport  :  100  à 
1  A.  —  Ainsi  s'explique  l'action  rafraîchissante  des  Punkah  de 
rinde  et  de  nos  éventails. 

Alors  même  que,  dans  une  chambre,  toutes  les  fenêtres  et 
les  portes  sont  closes,  il  y  a  des  courants  d'air  rafraîchissants 
qui  peuvent  être  apprécies  au  thermomètre.  Ainsi  un  thermo- 
mètre suspendu  librement  dans  une  chambre  close  à  Go"*  F. 
(i5%6  C.)  se  refroidit  en  i3i  secondes ,  tandis  que  placé 
dans  un  cylindre  de  verre  fermé  dans  cette  même  chambre,  il  se 
refroidît  seulement  en  167  secondes.  Rapport  :  83  à  100. 

Infuencê  du  vent,  le  plus  puieeant  élément  cUmàtérique.  —  A 
l'air  libre  et  à  une  température  de  61*  F.  (i6%i  G.),  le  ther- 
momètre se  refroidit  en  &5  secondes;  dans  le  même  air,  le 
thermomètre  enfermé  dans  le  cylindre  se  refroidit  en  t&g  se- 
condes. Rapport  :  3  è  1 0  0  ;  c'est  là  une  différence  dont  le 
thermomètre  ordinaire  ne  donne  aucune  idée.  A  Saint-Péters- 
bourg, les  cochers  de  drowski  se  tiennent  à  l'air  libre  même 
par  les  plus  grands  froids  quand  l'air  est  tranquille;  mais 
souffle-t-il  du  vent,  ils  doivent,  sous  peine  d'être  gelés,  se  ré- 
fugier sous  des  abris.  Des  observations  semblables  sont  faites 
par  les  voyageurs  au  pôle  nord. 

Influence  rtfrigérante  du  courant  d'tnr  dan»  une  chambre.  —  Le 
thermomètre,  dans  une  chambre  è  la  température  de  Uk^  F. 
(6*,y  G.),  se  refroidit  en  7s  secondes,  et,  dans  la  même 
chambre,  par  une  nuit  tranquille,  avec  une  température  de 
0 1  *  F.  (  t  o%6  G.  ) ,  la  fenêtre  étant  entr'ouverte ,  le  thermomètre 
placé  è  un  pied  de  la  fenêtre  se  refroidit  en  Sa  secondes. 
Pendant  une  autre  nuit,  à  Si"*  F.  (io%6  G.)  dans  la  chambre 
et  65''  F.  (7% 3  G.)  au  dehors,  le  thermomètre,  au  voisinage 
de  la  fenêtre  fermée,  se  refroidit  en  100  secondes,  et,  quand 


864         CHAPITRE  IL  —  LA  GHALEUR«ET  LA  FIÈVRE. 

la  fenêtre  fut  enti^ouverte  et  que  le  vent  se  fit  sentir,  le  ther- 
momètre se  refroidit  en  33  secondes.  L'influence  du  courant 
d*air  serait  évidemment  plus  active  encore  dans  une  chambre 
chauffée.  On  comprend  l'influence  qu'exercent  les  courants 
d'air  sur  la  production  de  certaines  maladies. 

fnJUienee  rifrigéranle  du  courant  ^air  firme  par  un  fiyer  (che- 
minée). —  Sur  le  cAté  exposé  au  feu  d'un  petit  écran,  la 
température  était  de  1 6®,  i  G. ,  et  le  thermomètre  s'y  reGroi- 
dissait  en  1 9  3  secondes.  Derrière  l'écran,  la  température  était 
de  i3%9  G.,  il  se  refroidissait  en  79  secondes;  dans  une 
chambre  &  la  même  température,  le  thermomètre  placé  loin 
du  foyer  se  refroidissait  en  100  secondes.  Lors  donc  qu'on 
se  tient  assis  en  face  d'un  foyer,  on  a  beau  chauffer  le  devant 
de  son  corps ,  on  a  froid  au  dos ,  plus  froid  même  qu'en  dehors 
du  courant  aspirateur  du  foyer. 

M.  Osbome  cherche  ensuite  à  déterminer  la  puissance  de 
refroidissement  des  climat<i,  et  il  propose,  pour  déterminer 
cette  influence,  un  procédé  thermométrique  fort  ingénieux. 

Les  médecins  ont  besoin  de  connaître  les  propriétés  phy* 
siques  des  lieux  où  ils  envoient  leurs  malades.  Ils  se  servent 
des  tables  obtenues  à  l'aide  du  baromètre,  de  l'hygromètre, 
de  l'anémomètre,  du  pluviomètre;  il  manque  nn  instrument 
qui  rende  les  sensations  immédiates  de  chaud  et  de  froid  pro- 
duites par  l'air.  Notre  corps  s'adapte  à  une  température  exté- 
rieure constante ,  mais  la  brusquerie  des  variations  Fatteint  et 
le  trouble.  Il  s'agit  donc  moins  de  fixer  le  degré  du  thermo- 
mètre que  la  soudaineté  de  son  abaissement,  qui  est  aussi 
celle  de  notre  refroidissement.  Par  exemple,  dans  un  milien 
dont  la  température  est  au-dessous  de  s 6^,5  G.,  nous  pouvons 
éprouver  une  sensation  de  fraîcheur;  è  i3%3  G.  nous  ne  nous 
trouvons  point  mal  étant  bien  habillés  et  dans  une  chambre 
bien  fermée,  mais,  dans  un  courant  d'air  de  même  tempéra- 
ture ,  nous  éprouverons  une  sensation  de  froid  qui  est  propor- 


RÉSISTANCE  À  LA  CHALEUR.  365 

tîonnelle  &  la  conductibilité ,  laquelle  est  en  raison  de  Thumi- 
dite. 

Or  le  thermomètre  ne  nous  apprend  rien  sur  ces  deux 
états;  il  nous  donne  la  température  du  milieu  ambiant,  mais 
non  son  pouvoir  réfrigérant  ;  on  ne  peut  obtenir  ce  renseîgno- 
ment  qu'en  portant  dans  le  milieu  refroidi  et  dans  le  milieu 
mobile ,  un  thermomètre  qui  marque  le  degré  le  plus  élevé  de 
température  du  même  milieu  tranquille;  si  le  thermomètre 
soumis  à  cette  épreuve  est  artificiellement  maintenu  toujours 
au  même  degré,  la  rapidité  avec  laquelle  il  tombe  montre 
quelle  est  la  quantité  du  pouvoir  réfrigérant,  et  la  somme  de 
toutes  les  influences  de  milieu  qui  soustraient  de  la  chaleur. 

L'auteur  échauffe  son  thermomètre  à  90''  F.  (39%9  G.)  et 
le  laisse  tomber  à  8o*  F.  (a6%7  C).  Il  se  sert,  pour  réchauffe- 
ment, d'eau  ou  d'une  lampe  à  alcool.  11  préfère  le  thermomètre 
à  alcool  parce  qu'il  est  plus  facile  k  lire. 

/.    LIMfTBS  DB'RisiSTANGI  DBS  ANIMAUX  A  LA  GHALBDR  BT  AD  PROID. 

Les  diverses  influences  que  nous  venons  de  passer  en  revue 
n'impriment  à  la  température  du  corps  que  des  modifications 
passagères  et  peu  importantes.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  la 
chaleur  et  du  froid  excessifs.  A  quel  moment  et  par  quel  mé- 
canisme le  chaud  et  le  froid  frappent-ils  les  animaux?  Ce  sont 
là  deux  questions  qui  méritent  de  nous  arrêter.  Prises  en 
elles-mêmes,  elles  nous  feront  connaître  la  mort  par  l'insolation 
et  par  le  froid.  Appliquées  à  la  théorie  de  la  fièvre,  elles  nous 
donneront  quelques  notions  sur  le  mode  d'action  des  tempé- 
ratures élevées  survenues  par  le  fait  même  des  maladies  fé- 
briles. 

i*  La  chaleur  excessive  peut  tuer  les  animaux  et  l'homme. 
Sans  remonter  aux  auteurs  anciens,  pour  qui  ce  résultat  brutal 
était  de  notion  aussi  vulgaire  que  pour  nous,  nous  cher^ 
cherons  les  premières  indications  sur  le  mécanisme  de  la 


S66        CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

moK  par  la  chaleur  dans  les  auteurs  qui  ont  tenu  à  préciser 
son  mode  d'action. 

Boerhaave  avait  conclu ,  d'expériences  mal  interprétées ,  que , 
lorsque  Tair  ne  vient  plus  rafraîchir  le  sang  dans  le  poumon, 
la  vie  devient  impossible.  11  avait  vu  qu'un  chien ,  un  chat  et 
un  moineau , placés  dansune  étuve  à  166**  F.  (75''  C),  péris- 
saient, le  moineau  en  sept  minutes,  et  les  manunifères  en 
vingt-huit  minutes  environ.  Mais,  dès  17&8,  John  Liningpo- 
blia^des  observations  faites  à  Gharlestown ,  et  il  montra  que 
l'homme  rivait  dans  cette  localité  à  la  température  de  3  9*  C. 
à  l'ombre,  et  de  5 1*  G.  au  soleil.  Adanson,  dans  son  Foyo^ 
au  Sén^l,  raconte  que,  pendant  son  séjour  sur  le  Niger,  la 
température  de  sa  chambre  montait,  dans  le  jour,  k  60*  ou 
45- R. 

En  1806  Delaroche  admit  que  deux  caractères  distinguent 
les  animaux  des  autres  corps  de  la  nature  :  i*  résister  au 
froid,  c'est-è-dire,  posséder  une  température  plus  élevée  que 
le  milieu  ambiant  ;  3*  résister  è  la  chaleur,  c'est-à-dire ,  rester 
&  une  température  inférieure  è  celle  du  milieu  ambiant. 

Delaroche^  institua  plusieurs  séries  d'expériences  dans  le 
but  de  véri6er  le  degré  de  chaleur  que  peuvent  supporter  les 
animaux.  Pour  cela  les  animaux  furent  placés  dans  une  étuve 
sèche. 

PaxMiàu  sxFiBiBiGB.  {Chëletur  tifporîée  mm  mottrir,) 

Un  chat,  un  lapin,  un  pigeon,  un  bruant  et  une  grosse 
grenouille  furent  introduits  dans  une  étuve  dont  la  tempéra- 
ture était  de  3  &  à  3  6  degrés.  A  1  heure  1 5  minutes ,  tous  les 
animaux  furent  placés  dans  Tétuve. 


*  Influwee  êur  Nommai  d$  Vêragératùm  de  Im  Umpénhtn êxtémutB,  (Cl.  Ber- 
iiird,  CMmrmiimalê,  p.  33&.) 


BÉSISTANGE  À.LA  CHALEUR.  367 

Chat a  heures*     L'animal,  coochë  au  fond  de  sa  cage,  devient 

agité;  respiration  fréquente. 

Idem 9^  95"  . .     Agitation  plus  grande,  cris  plaintifs,  yeux  vifs 

et  brillants. 

Idem 9^  35"  . .     Retiré  de  l'étuve,  rentre  bientAt  dans  son  état 

naturel. 

Lapin  ....     i^  5o*. .     Respiration  s  accélérant  de  plus  en  plus. 

Idem 9^  i5"  . .     Respiration  gênée. 

Idem 9^  ^5"  . .     Retiré  de  Tétuve,  rentre  bientôt  dans  son  étal 

naturel. 

Pigeon. ...      1^65"..     Devient  haletant,  bec  entrouvert. 

Idem 1^  55" .  •     Très-faible.  Tremblement  général. 

Idem  ....     9^  95"  . .     Cet  état  diminue  peu  à  peu. 

Bruant.. . .      i^  95"  . .     Agité,  haletant.  Cet  état  continue  encore  et 

ranimai  n'est  remis  qu'une  heure  après  la 
sortie  de  Tétuve. 

Gienonine .     i^  95"  . .     Respiration  d'abord  plus  fréquente,  reprend 

ensuite  son  type  normal.  A  la  sortie  de  i'ë- 
tuve,  la  température  de  la  grenouille  est  à 
19  degrés.  Mise  dans  l'eau  froide,  die  re- 
vient bientôt  ii  son  état  naturel.  * 

DiuxdifB  KXptfKiSRCB.  (Chakur  deventie  morielle.) 

Les  animaux  de  TexpërieDce  précédente  sont  réunis  le  len- 
demain dans  la  même  étuve  qui  monte  cette  fois  de  AS  à 
5  9  degrés.  A  U  heures  5  minutes  les  animaux  sont  introduits 
dans  l*étuve  : 


Chat 6  heures . 

Lapin  ....     6  heures . 

1.. . .     5  95"  •  • 


Bruant.. . .     &^  99" . . 
Grenouille.     6  heures. 


Mort  avec  convulsions  et  troubles  respiratoires. 
Mort  avec  agitation,  puis  coma. 
Mort  avec  agitation,  tremblements,  convul- 
sions. 
Mort  avec  respiration  accélérée  et  agitation. 
Parfaitement  vivante,  retirée  de  l'étuve. 


TaoïsiteB  BxpiaiBicB.  {Rémtanee  de$  invertéhréê  à  la  ehakur.) 

Deux  bnlimes,  deux  sangsues,  deux  scarabées  nasicomes 
mâle  et  femelle],  deux  larves  du  même  insecte,  deux  courti- 


368        CHAPITRE  IL  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FltVRK. 

lîères,  trois  punaises  des  bois,  furent  introduits  dans  Tétave, 
dont  la  température  était  de  35  À  87  degrés. 

Les  buiimes  rentrent  dans  leur  coquille ,  et  se  détachent  des 
parois  de  l'étuve;  puis  remises  dans  Teau,  elles  reviennent  i 
leur  état  normal.  Les  sangsues  se  ramassent  sur  elles-mêmes 
et  restent  dans  cet  état  pendant  tout  leur  séjour  dans  l'étuve. 
Les  scarabées,  d'abord  très- agités,  deviennent  «  sur  la  fin  de 
l'eipérience,  plus  tranquilles. 

De  ces  expériences,  Delaroche  lire  les  conclusions  sui- 
vantes : 

Les  animaux  ont  la  facilité  de  résister  &  la  chaleur  pen- 
dant un  certain  temps,  mais  cette  résistance  n*est  pas  la  même 
chez  tous,  ce  qui  fait  qu'ils  ne  sont  pas  tous  affectés  également 
parla  chaleur.  Les  animaux  de  petite  masse  succombent,  après 
un  espace  de  temps  assez  court,  k  une  chaleur  de  &5  â  5o de- 
grés. La  gravité  des  sympt6mes  est  d'autant  plus  grande  et  la 
mort  d'autant  plus  rapide,  que  la  chaleur  est  plus  considé- 
rable. 

L'organisation  de  la  classe  à  laquelle  ils  appartiennent 
établit  des  différences  entre  ces  animaux.  Les  animaux  &  sang 
froid  et  les  larves  d'insectes  supportent  plus  longtemps  la  (Va- 
leur que  les  animaux  à  sang  chaud.  (l'est  l'inverse  pour  les 
insectes  &  l'état  parfait. 

Delaroche  et  Berger  entreprirent  sur  eux-mêmes  de  nom- 
breuses expériences  pour  déterminer  le  degré  de  température 
que  rhomme  peut  supporter.  De  &9  à  58  degrés,  fétuve 
devint  insupportable  pour  Delaroche,  qui  en  fut  malade;  Ber- 
ger n'en  fut  que  légèrement  fatigué.  D'un  autre  cAté,  Berger 
n'a  pu  rester  que  sept  minutes  dans  une  température  à  87  de- 
grés, tandis  que  Blagden  a  supporté  pendant  onze  minutes 
une  température  de  83  degrés  un  tiers.  Tous  les  hommes  ne 
supportent  donc  pas  également  la  même  température. 

On  sait  d'ailleurs  que  la  chaleur  peut  devenir  nuisible,  à 
des  degrés  moins  élevés ,  quand  elle  dure  longtemps. 


RÉSISTANCE  X  LA  CHALEUR.  369 

Dans  UD  deuxième  mémoire  (i  81  o),  Delaroche  explique  le 
mécanisme  de  la  résistance  à  la  chaleur  et  attribue  une  influence 
prépondérante  à  un  fait  purement  physique,  Tévaporation  qui 
se  produirait  sur  la  surface  cutanée  et  pulmonaire.  Fordyce  et 
Blagden  avaient  admis  dans  le  corps  vivant  une  cause  vitale 
capable  de  produire  du  froid  :  c'est  contre  cette  opinion  que 
s'élevèrent  Delaroche  et  Berger.  Us  s'appuyaient  sur  ce  fait  que 
les  animaux  exposés  à  une  température  de  35  &  &o^  G.  s'é- 
chauffaient quelquefois  de  6  ou  7  degrés,  et  que  cette  aug- 
mentation n'avait  de  limite  que  la  mort.  Ainsi  :  dans  une  étuve 
sèche  h  àb  degrés,  un  lapin  séjourne  une  heure  quarante  mi- 
nutes: 

Avaol.        Après. 

Température  prise  dans  le  rectum  sur  ie  iapin. . .     Sg^^y     &3*,8 

Une  grenouille  placée  dans  la  même  étuve  acquiert  en  une 
heure  une  température  propre  de  ^6^,^,  qu'elle  conserve  pen- 
dant toute  la  durée  du  séjour,  qui  a  été  d'une  heure  et  demie. 
La  température  d'une  autre  grenouille  exposée  è  une  chaleur 
de  â6%a  s'est  élevée  à  a8  degrés  et  y  est  restée  stationnaire. 

Pour  prouver  que  la  résistance  a  la  chaleur  était  due,  pour 
les  animaux,  à  l'évaporation  par  la  peau  et  les  poumons,  Dela- 
roche examina  comparativement  l'influence  de  la  chaleur  sur 
la  température  des  animaux  et  sur  celle  des  corps  bruts  dont 
la  surface  entière  fut  humectée.  Il  plaça  dans  une  étuve  di- 
vers animaux,  des  alcaraxas  pleins  d'eau,  et  des  éponges 
humides. 

Dans  une  étuve  è  &5  degrés,  la  température  d'un  lapin  s'é- 
leva de  3  9%  7  à  &3^,8,  celle  d'un  alcarazas  baissa  de  3  5*  à 
3i%/ii,  où  elle  resta  stationnaire. 

Dans  une  étuve  à  3  6°,  5  une  grenouille  acquit  une  tempé- 
rature stationnaire  de  98  degrés,  et  l'une  des  éponges  attei- 
gnit 9  7*,  9,  Tautre  9  7%6. 

Delaroche  en  conclut  que  l'évaporation,  produisant  sur  les 

«4 


370         rHAFIIRE  II   —  LA  CBALELR  ET  LA  FIÈVRE. 

alrarazai>  et  les  éponges  un  refroidissement  plus  marqué  quf* 
relui  que  Ton  observe  sur  les  animaux^  est  la  cause  de  la  ré- 
sistance à  la  chaleur. 

Delaroche,  pour  le  prouver,  supprime  cette  cause  de  refroi- 
dissement pulmonaire  et  cutané,  en  plaçant  les  animaux  dans 
une  ëluve  humide,  et  il  constate  que  la  température  de  ces 
animaux  s*est  élevée  au-dessus  de  celle  de  Tair  humide  dans 
|p(|uei  ils  étalent  plonges,  excepté  pour  les  grenouilles. 


DIRII 

TKHPÉRATtiE 

1 

.   TBHPlBATtBE 

. 

AMMALX 

•t  MIOCV 

*» 

ML'ABIMAL 

M  LUIUUl 

1 

1 

L'trrfi. 

rfprès  ^joor. 

( 

minuit. 

1 

1. 

Lapin 

-              < 

OU 

3H-,7 

'ia-/i 

'        'io\o 

i     *' 

1  fl^M      .... 

55 

an  ,7 

43,0 

39.6 

a. 

1 

hUm 

3s 

4o,7 

i3,6 

4o,o 

liUm    .  .     .     .  . 

5â 

38,7 

ia  .y 

39,6 

5. 

Iiiem 

75        . 

38  ,7 

fia  .7 

ho  ,0 

6. 

1 

iiiem 

55 

'10,7 

'i3,i 

•    39,7 

i    7- 

(labiai 

56 

•<7  «7 

'.3,7 

39,0 

1     8. 

Édem 

55 

38,7 

As  .9 

1      39,0 

9- 

Idem 

hx       1 

4o,7 

'43,5 

39,0 

.     lO. 

1 

Idem 

55 

fto  ,7 

'i4,îi 

38,4 

!  ... 

Pigeon 

55 

37  ,7 

'i3,H 

6a  ,5 

lu. 

hiem ...         .  , 

/JO 

'io,7 

65  .0 

'^1  '9      1 

i3. 

Idfin 

hù        ' 

'ji  ,9 

46,9 

4i  ,8 

lii. 

Greiiouiiii*.  .  . 

.t        73        1 

ii5,6 

•t>  ,0 

«         ' 

i5. 

Idrm 

1 
1 

37,3 

•7.« 

# 

Pour  Delaroche,  le  développement  du  froid  chez  les  ani- 
maux exposés  à  une  forte  chaleur  est  le  résultat  de  Tévapora- 
tion,  mais  il  ajoute  qu'il  ne  faut  pas  comparer  d'une  manière 
absolue  les  corps  vivants  avec  les  corps  bruts,  et  que  ce  phé- 
nomène est  également  le  résultat  des  causes  vitales  qui  règlent 
faction  du  .s\stème  exhalant. 


ACTION  SUR  LE  SYSTÈME  MUSCULAIRE. 


371 


Depuis  ces  expériences,  que  M.  Cl.  Bernard  analyse,  et  aux- 
quelles il  rend  une  justice  très-méritëe,  les  auteurs  qui  se  sont 
occupés  de  la  question  ont  porté  leur  attention  sur  trois  appa- 
reils ,  et  ont  cherché  à  déterminer  le  mode  d'action  de  la  cha- 
leur :  i"*  sur  le  système  musculaire:  ^i"*  sur  le  système  nerveux; 
3*"  sur  le  sang. 

Les  premières  expériences  de  M.  Cl.  Bernard  datent  de 
i8Â9,  mais  elles  n'ont  été  publiées  complètement  que  dans 
ces  derniers  mois;  nous  les  placerons  è  la  fin,  parce  que  des 
recherches  récentes  complètent  et  expliquent  les  premières  ^ 

}"  Actimi  de  la  chaleur  sur  le  système  musculaire.  —  En  1 8  Ad , 
E.  Brûcke^  avait  cherché  à  expliquer  la  rigidité  cadavérique. 
Il  avait  émis  l'idée  qu'il  se  fait  dans  la  fibre  musculaire  une 
coagulation  analogue  à  celle  qui  donne  naissance  au  caillot 
de  la  saignée,  mais  il  ne  connaissait  ni  la  nature  précise  de 
la  matière  coagulable,  ni  l'agent  de  cette  coagulation.  Du- 
bois-Reymond^  prouva  que  les  muscles  sont  alcalins  tant 
({u'ils  sont  irritables;  que,  dès  qu'ils  deviennent  acides,  ils 
perdent  leur  irritabilité.  Cette  acidité  est  due  à  l'acide  lac- 
tique. W.  Kûhne  ^  reprit  la  question  alors  qu'il  était  prépara- 
teur de  M.  Cl.  Bernard  au  Collège  de  France.  En  broyant  des 
muscles  frais^  W.  Ruhne  obtint  un  liquide  neutre,  rougeâtre, 
amienu  des  fibres  musculaires.  Ce  liquide  se  coagule  spontané- 
ment, mais  avec  une  rapidité  qui  varie  avec  la  température: 
à  I G  degrés  la  coagulation  n'a  lieu  qu'après  plus  de  six  heures; 


*  NooB  empruntons  quelques-unes  de 
anaijiesi  Texcellent  mémoire  publié 

ptr  M.  Valiin  (Arch.  gin.  âê  médecine^ 
6*  série,  1871,  t.  XVIII,  p.  799,  et 
1879,  t  XIX,  p.  75):  Du  méeanUme 
êê  Im  mort  pmt  la  chaleur  tsténeure. 

*  Brocke,  Uebêrdiê  Unaekê  dir  To- 
Jetfterre;  in  MuUfr'ê  Àrck,^  18/19, 
p.  178. 


'*  Dubois-Reymond ,  Ihfinrm  mu$eu- 
ions  nactione ,  ut  çkimicii  viaa  §êt ,  acida  ; 
in  MoiuUêbêriektê  der  Berhmr  Akadêmie , 
1869,  p.  998. 

*  W.  Kùbne,  Untêrntckungen  uber 
Bewegungeii  und  Vertmdêrungen  der  eon- 
traeûlm  Subêtanxen ,  etc.  ;  ia  Àrrkh.  wu 
Reiehert,  1809,  p.  7*1 8. 


9i 


372         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

selon  l'espèce  animale  qui  a  fourni  le  liquide,  à  36,  &o  uu 
à  5  degrés ,  la  coagulation  est  instantanée.  Le  iiuu  nuuculaire 
intact  devient  acide  et  inexcitable  quand  il  est  plongé  dans  un 
liquide  (à  réaction  neutre  :  mercure  ou  huile  d'olive  neutre) 
qui,  pour  les  grenouilles,  dépasse  3  7  degrés,  et,  pour  les  ani- 
maux à  sang  chaud ,  est  de  7  ou  8  degrés  plus  élevé  que  la 
température  normale  du  corps.  Pour  Kûhne,  la  rigidité  par 
ia  chaleur  ne  diffère  pas  de  la  rigidité  cadavérique.  L'examen 
microscopique  des  muscles  de  l'hydrophile,  soumis  à  ces  deiii 
influences,  donne  des  résultats  identiques. 

De  plus,  il  ressort  des  recherches  de  Kûhne  ce  fait  capital, 
que  le  degré  de  chaleur  auquel  est  portée  la  fibre  musculaire 
donne,  s'il  ne  dépasse  pas  37  degrés  chez  la  grenouille,  une 
rigidité  et  une  inexcitabilité  temporaires;  mais  que,  si  le  d^é 
de  chaleur  est  porté  à  &o  degrés,  la  coagulation  est  définitive, 
irrémédiable. 

Ce  résultat  est  des  plus  importants  à  retenir  au  point  de 
vue  des  applications  à  la  pathologie  ;  il  explique  les  diver- 
gences qui  régnaient  entre  les  différents  observateurs,  Pick- 
ford,  Schiff,  Wundt.  M.  Vallin  pense  toutefois  que  les  limites 
assignées  par  Kûhne  sont  un  peu  étroites,  lia  vu ,  dans  une 
de  ses  expériences,  que  les  deux  cuisses  d'une  grenouille  vivante 
étaient  insensibles,  paralysées,  rigides,  par  une  insmersion  de 
trois  ou  quatre  minutes  dans  de  l'eau  h  ào  degrés;  le  len- 
demain, les  muscles  étaient  redevenus  souples  et  excitables. 
Hermann^  a  constaté  également  qu'en  plongeant  la  patte  d'un 
chien*dans  de  l'eau  à  5o  degrés,  de  manière  à  rendre  l'inertie 
complète ,  les  muscles  redevenaient  assez  promptement  souples 
et  excitables. 

Ce  ((ui  est  vrai  pour  les  muscles  de  la  grenouille  l'est  éga- 

*  Sur  la  oaUire  du   processus  cbi-  cuiier  le  résumé  donné  par  ce  demi«r 

oaiquequi  caractérise  ia  rigidité  muscu-  dans  sa  Phftiologie,,  p.  aSo-aoô.  Tra- 

laire,  on  lira  avec  fruit  les  travaux  de  duciion  française  annotée  par  le  docteur 

Ranke,  Prpyer^  Hermann,  et  en  fiarti-  Ontmus. 


ACTION  SUR  LE  SYSTÈMB  MUSCULAIRE.  373 

iement  pour  ceux  des  autres  espèces  animales,  mais  le  degré 
varie  avec  la  température  propre  de  ces  animaux.  La  tempé- 
rature de  38. à  &o  degrés  détruit  le  muscle  de  la  grenouille; 
celle  de  A 5  degrés,  celui  du  lapin,  du  chat,  du  chien;  celle 
de  &8  à  5o  degrés,  celui  des  oiseaux. 

Ce  fait  de  la  rigidité  instantanée  et  de  la  mort  du  muscle 
par  une  température  bien  inférieure  à  celle  qui  coagule 
Talbumine  est  ahsolu,  il  ne  manque  jamais.  Il  a  été  cons- 
taté par  tous  les  observateurs  et  particulièrement  par  M.  Cl. 
Bernard,  qui'en  décrit  toutes  les  conditions  dans  ses  Lfçans 
iur  les  propriétés  des  tissus  vivants^.  Il  a  été  vérifié  également 
par  M.  Vallin  ^.  Mais  ce  dernier  expérimentateur,  au  lieu  de 
placer  les  animaux  dans  une  étuve,  les  exposait  (chiens  et  la- 
pins) immobiles  au  soleil,  et  la  mort  arrivait  dWdinaire  au 
bout  d'une  heure.  L'identité  des  résultats  obtenus  par  M.  CI. 
Bernard  et  par  M.  Vallin  est  de  nature  à  faire  accepter  leurs 
conclusions  comme  définitives,  surtout  parce  qu'ils  ne  se  sont 
pas  placés  dans  les  mêmes  conditions. 

Voici  le  résumé  des  expériences  publiées  par  M.  Cl.  Ber- 
nard '  : 

Dans  une  série  d'expériences  qui  datent  de  18&9,  M.  Ci. 
Bernard  avait  obtenu  des  résultats  tout  è  fait  comparables  â 
ceux  de  Delaroche.  Il  a  repris  ces  études  à  l'aide  d'un  appareil 
plus  perfectionné^.  Un  oiseau,  plongé  dans  une  étuve  sèche 
à  une  température  moyenne  de  65  degrés,  est  mort  en  moins 
de  quatre  minutes,  et  un  lapin  de  taille  moyenne,  placé  dans 
les  mêmes  conditions,  est  mort  en  vingt  minutes.  Les  animaux 
ont  eu  d'abord  une  accélération  de  la  respiration  et  de  la  cir- 

*  Ltfimi  «HT  kê  propriàtéê  dêi  tistu»  th^quêê  (  Bévue  de$  court  êcient^qttêê , 
vivûmtM,  1866,  p.  aSo  et  aSi.  1B67,  p.  997  et  Sâg).  —  In/luenee  de 

*  Vallin  y  Recherchée  êxpérimentakê  la  chakur  sur  iet  aninuiux  (Revw  de» 
tmr  VinêcIMim  et  lee  accidenta  produits  eoun  9eietUifique$ ,  1 87 1 ,  p.  1 33  et  1 8s). 
par  la  chakur  (Arch.  gén,  de  méd,,  fé-  —  (Valeur  animale,  p.  3â6. 

nier  1870).  *  Cl.  Bernard,  La  chaleur  animale, 

*  Cl.  Beraard,  Leeane  mmt  In  ânes-    p.  363. 


374         CHAPITRE  II.  -^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

culatioD ,  puis  ils  sont  morts  rapidement  avec  de  l'agîlation  ou 
dans  les  convulsions;  k  lautopsie,  les  phénomènes  ont  pré- 
senté le  même  aspect  :  augmentation  de  la  température  dans 
le  rectum  de  5  à  6  degrés  au-dessus  de  la  température  nor- 
male, puis  arrêt  du  cœur,  rigidité  cadavérique  très-rapide  et 
sang  noir  dans  le^  artères  comme  dans  les  veines. 

M.  CI.  Bernard  analyse  ensuite  Tinfluence  dp  la  chaleur  sur 
les  divers  systèmes  et  éléments  organiques,  muscles,  sang,  sys- 
tème nerveux,  etc. 

Pour  le  s^êlime  mu^ulaire  de  la  vie  organique,  la  chaleur 
est  un  excitant.  LorsqueMa  température  d'un  animal  s'abaisse, 
les  battements  du  cœur  diminuent  d'énergie  et  de  nombre. 
(Exemple  :  les  animaux  hibernants,  la  grenouille  engourdie 
par  Je  froid.)  Chez  les  mammifères  soumis  à  Tinfluence  delà 
chaleur,  à  mesure  que  la  température  s'élève,  le  cœur  bal 
plus  vite,  et  la  circulation  s'accélère  jusqu'au  moment  où  elle 
cesse  brusquement  et  où  les  animaux  meunsnt  dans  les  con- 
vulsions. Les  fibres  musculaires  de  l'intestin,  de  l'estomac,  des 
cornes  de  l'utérus,  des  uretères,  réagissent  de  même. 

La  chaleur  agit  donc  comme  un  excitant  sur  les  fibres  mus- 
culaires de  la  vie  oiiganique;  de  plus  cette  action  est  directe, 
elle  ne  s'exerce  pas  par  l'intermédiaire  du  système  nerveux, 
elle  peut  se  produire  immédiatement  par  le  sang.  En  réchauf- 
fant la  patte  d'une  grenouille  refroidie  dont  les  nerfs  sont 
coupés,  les  battements  du  cœur  reprennent  de  la  fréquence. 
La  chaleur  est  donc  un  excitant  direct  du  système  musculaire 
de  la  vie  organique.  Il  n'en  est  pas  de  même  pour  le  système 
musculaire  de  la  vie  animale,  celui-ci  n'est  pas  excité  par  la 
chaleur. 

Cette  action  excitante  a  une  limite,  et,  portée  trop  haut, 
elle  fait  cesser  brusquement  les  battements  du  cœur.  Quelle 
est  la  cause  de  ce  phénomène?  MM.  Kûhne  et  Ranvier,  pré- 
parateurs de  M.  (]1.  Bernard,  ont  constaté  que  la  myéline  était 
coagulée. 


ACTION  SUR  LE  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  375 

La  mort  a  donc  lieu  par  Tarrét  brusque  du  cœur.  JM.  Vallin 
ajoute  que,  dans  plus  de  la  moitié  de  ses  expériences,  il  y 
avait  inertie .  du  diaphragme  en  même  temps  qu'inertie  du 
cœur.  Cette  inexcitabilité  du  diaphragme  est  confirmée  par  les 
recherches  d'Obernier'  (animaux  sacrifiés  dans  Tétuve)  et  par 
celles  de  Walther  de  Kiew^  (animaux  exposés  au  grand  soleil). 

Les  observations  médicales  concordent  avec  ces  expériences. 
Bien  qu*en  général  elles  soient  très-incomplètes  sous  le  rap- 
port thermométrique,  dans  toutes  on  signale  qu'au  moment 
de  la  mort  par  coup  de  soleil  l'homme  présente  de  hautes 
t^'mpératures.  Le  docteur  Roch  observa,  è  bord  du  Golden 
Fleeee,  dans  la  baie  d'Annesley,  en  mai  1 868 ,  un  grand  nombre 
de  cas  d'insolation,  dans  la  même  journée;  chez  un  homme 
qui  venait  de- tomber  foudroyé  et  quon  lui  apporta  immédia- 
tement, la  température  axillaire  marquait  àb"*  G.  ^;  le  docteur 
Bennett  Dowbs  ^,  à  la  Nouvelle-Orléans ,  trouva  dans  cinq  cas 
A3\9,  49%8,  37%a,  4o",5  et  4i%9.  Le  docteur  Wood  donne 
les  chiffres  suivants  : 

*  Obernier,  Dm*  Hitzêcklag  (Intoh-  En  i867,Ot>ernier  à  Bonn,  PasMuer 
Clou ,  an^  de  chaleur,  etc.  )  ;  Bonn  ,1867,  à  Vienne ,  MichaôKs ,  avaient  rapporté 
io-S*;  Vni,  tsi  ".  .  des  CBS  de  naort  par  asphyxie  dans  les 

*  A .  Walther  de  Kiew ,  Ueber  tôdtUchê  années  en  marche.  En  France ,  Moutard- 
If  amMprWticCion    m  thieriêchen  Kâr-     Mèrïin  {Gaz.  dêi  hâp.,  i5,  1868);  en 

p€m  {BuU.  de  VÂead,  de  Samt-Péten-  Angleterre  et  en  Amérique,  Jones (Laii- 

hêiurg,  Xî,  17-19).  Analyse  tn   Med,  c^t,  4  juillet  1868),  W.Madean(t6iW., 

CtmtrmlbUu,  1867,  p.  391.  —  Vonder  b  août),  Johnson  (Brit.  med,  Jomn,, 

ITtrihiii^  strMender  Wànm  au/  den  i"  août  1868),  Baûmler  {Med.  Timêi, 

thiêriêchen  Orgamemui  (  Vorlàufige  Mit-  1  "  août  1 8 68  ) ,  Bennet  (  ibid, ,  1 5  août  ), 

timhiug  m  Mêdkmi»^»  CmiriMaU,  James  J.Lewick(/VfiMyfr.  Ho$p,  Bep., 

1867,  p.  770-771).  1868,  I,  p.  369),  Bullar  (Brit. 


Docteur  Roch,  On  keat  apaplexy.     Joum,,  99  août),  W.  Strange  (ihid., 
( Mêd.  Timu  mdGaz,,q  joiiiet  1 868. )     99  août) ,  Lolliot  ( Gaz.  de»  A^#. ,  1 5  fé- 


*  In  Mémire  êur  VmaoMon,   par    vrier  1868),  ont  fourni  de  nombreuses 
Heimner  àe  hfi^n^  (Schwndft  Jtdtrb,,     observations  de  ce  genre.  Le  docteur 


1 869 ,  1  **  partie ,  p.  89  et  suiv.  ).  Helbig  a  (enté  (  Mémoire  de  Meiêener)  de 

Consultes  également  les  auteurs  sui-     donner  la  théorie  de  cette  affection  dès 
vants  :  i858. 


376         CHAPITRE  II.  -*  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Après  la  oiorl. 

1  "  oliserTation ...    9  heures .   Température  dans  le  thorax .  . .   h^*,^  C. 
9*  observation  ...    1  heure. .   Température  dans  Tabdomen . .   âa  ,9 
3'  observation  ...    9  heures .    Idem &3  .6 

Le  coup  de  chaleur  agit  comme  le  coup  de  soleil;  le  doc- 
teur Casey  '  vit  un  ouvrier  fondeur  en  cuivre  qui  était  dans  le 
coma  depuis  quelque  temps  à  la  suite  d'un  coup  de  chaleur 
dont  il  mourut.  Il  trouva  dans  Taisselle  &3  degrés.  Chez  un 
raflineur  frappé  brusquement  et  immédiatement  éloigné  de 
Tétuve,  le  docteur  Baùmler^  fit,  deux  heures  après  Faccident, 
les  observations  suivantes  : 

Aiiwil*.      RrHoni. 

A6^t5- fi9%6        » 

A  6^  95- àù.t     49\3 

A  6^  3o" fta  ,0        • 

Il  est  probable  qu  observé  plus  t6t,  le  malade  aurait  offert 
une  température  beaucoup  plus  élevée. 

Meissner,  dans  son  mémoire,  cherche  &  expliquer  le  pro- 
cessus de  la  mort,  et  il  fait  remarquer  les  phénomènes  sui- 
vants :  1*  Taccélération  et  l'affaiblissement  des  battements  du 
cœur,  d'où  résulte  une  circulation  imparfaite  à  la  périphérie 
et  une  accumulation  du  sang  dans  les  organes  profonds;  9"  Tac- 
célération  et  TinsuBisance  de  la  respiration.  Le  mot  de  Wood. 
'^  fièvre  de  chaleur,  r>  n*est  pas  sans  valeur. 

Lewick  '  a  cherché ,  en  comparant  les  symptômes  et  les  lé- 
sions anatomiques  du  typhus  et  de  Tinsolation,  à  établir  que 
celle-ci  était  bien  réellement  une  maladie  fébrile.  Il  remarque 


»  Docteur  Casey,  Cote  0/ k9atfner,  XXX VIÏ*  vol.,  p.  4o,  1859.  Les  jour- 

{Med.  Timm  and  Gai,,  1866,  p.  s6.)  naax]  américains  renfemient  an  gnod 

'  D'  Baûmler,  On  a  eoiê  of  këat  $trok$  nombre  d*ob6ervatioii8  d^inaoiation.  Mai- 

(Mm/.  Tim»9and  Gaz.  18 68, p.  118).  heureasement  la  tempémture  n'a  éié 

'  Lewick,  Remarkë  on  tunêtroke,  in  recherchée  que  dans  un' petit  nombre 

TV  ammican  Journal  0/  médical  iciencet ,  de  cas. 


ACTION  SUR  LE  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  377 

dans  les  deux  maladies  des  symptômes  communs  :  le  pouls  faible , 
la  peau  'chaude,  le  visage  et  les  conjonctives  rouges,  ia  livi- 
dité, les  soubresauts  des  tendons,  et,  à  l'autopsie,  ia  putré- 
faction rapide,  les  pétéchies  et  les  larges  ecchymoses,  le  sang 
fluide  dans  les  veines,  la  congestion  veineuse  du  cerveau,  des 
épanchements  dans  Içs  ventricules  et  sous  l'arachnoïde;  la 
substance  du  cerveau  saine  ou  un  peu  moins  transparente 
qu'à  l'état  normal,  les  poumons  présentant  une  infiltration 
h)|)08talique  dans  leurs  parties  postérieures  et  inférieures,  le 
cœur  rempli  de  sang  liquide,  etc. 

Dans  cinq  cas,  Lewick  a  observé  &3",  &!i°,8,  &t%t,  &o%8, 
/i5%5  après  la  mort. 

Cette  élévation  de  la  température  après  la  mort  a  été  signa- 
lée aussi  par  Walther.  Il  aurait  trouvé  sur  un  lapin  &6  degrés 
(rectum)  au  moment  de  la  mort,  et  So""  C.  une  demi-heure 
après.  Walther  cherche  à  expliquer  cette  élévation  de  tempé- 
rature par  la  transformation  du  mouvement  en  chaleur,  par 
suite  de  la  rigidité  due  k  la  coagulation  musculaire.  M.  Vallin 
n'a  pas  observé  cette  élévation  posî  mortetn. 

Il  semble  que  la  rigidité  du  cœur  ait  été  constatée  par  les 
expérimentateurs  et  par  les  observateurs,  notamment  par 
Wood^;  en6n  quelques  médecins,  Meissner  entre  autres,  ont 
noté  la  faiblesse  extrême  des  bruits  du  cœur.  Si  Ton  se  rap- 
pelle la  théorie  de  Kûhne,  on  voit  également  que  le  retour 
de  la  vie  après  un  arrêt  d'une  durée  notable  répond  à  cette 
contracture  passagère  qui  survient  dans  le  muscle  soumis  h  une 
température  relativement  peu  élevée. 

Quelque  séduisante  que  soit  cette  théorie,  est-elle  cons- 
tamment justifiée?  M.  Marey^,  dans  ses  recherches  sur  la 
contractilité  musculaire,  a  figuré  la  courbe  plate  et  unie  que 
trace  le  myographe,  qui  inscrit  la  contraction  d'un  muscle 

*  H.  C.  Wood,  On  «tmflroA»  (The  *  Mërej,  Du mmnementémn» le» fone- 
tmenetmJammmlofmed.§eieneeê,iB6Sj  H'om  de  la  vie;  Plris,  1868,  p.  3Â&- 
p.  377).  358. 


r«         CHAPITRE  IL  —  LA  CHALtUR  ET  LA   FIEVRE. 

'ioumisà  une  chaleur  trop  élevée.  EckharcP,  Schelske^.  E.  Cyon* 
ont  examiné  (lirectenient  le  cœur,  plongé  dans  un  liquide  élevé 
à  (les  tempérai ures  variées,  mais  préalablement  ils  Tavaienl 
déta(h<''  du  corps  de  Tanimal.  Le  résultat,  fait  remarquer 
M.  Vallin,  esl  plus  complexe  (pi*il  ne  parai!  au  premier  abord . 
et  il  est  (hlficile  de  faire  la  part  de  l'action  de  la  chaleur  sui 
les  éléments  nerveux  cardiaques  et  sur  la  fibre  musculain*. 
Toutefois  ils  ont  trouvé  que,  chez  la  grenouille,  la  chaleui 
portée  jusqu*a  'lo  degrés  accélère  les  battements  du  cœur:  à 
ce  degré  le  cœur  reste  inmiobile:  Teffet  utile  correspond  a 
une  température  de  i  8  à  '^6  degrés.  De  plus ,  le  cœur,  devenu 
immobile  à  /io  degrés,  recommence  à  battre  au  bout  de  très- 
peu  de  temps  par  le  refroidissement. 

îi  Action  (le  la  chaleur  sur  le  système  neiveuœ.  —  Depuis 
longtemps  les  médecins  ont  invoqué  l'action  de  la  chaleur  sur 
le  système  nerveux,  et  ils  ont  vaguement  parlé  de  sidération 
des  forces,  etc.,  mais  les  premières  expériences  dignes  d'être 
rappelées  sont  récentes.  Afanasieff^  a  montré  que  la  chaleui 
augmente  l'irritabilité  des  nerfs  moteurs,  mais  Tépuise  rapi- 
dement. Ainsi  un  nerf  scialique  échauffé  progressivement  à 
lio  degrés  provoque,  par  l'excitation  électri(|ue,  des  contrac- 
tions beaucoup  plus  fortes,  mais  de  plus  courte  durée,  que  le 
nerf  chauffé  à  !io  degrés.  Il  faut  attendre,  pour  obtenir  une 
nouvelle  secousse,  un  temps  d'autant  plus  long  que  la  tempé- 
rature avait  été  plus  élevée;  c'est  ce  que  l'auteur  appelle  la 
mort  apparente  du  nerf.  A  partir  de  5o'(].,  l'excitabilité  di- 
minue, elle  esl  tomplétement  anéantie  a   65°  (1.   L'élévation 


'   Eckhard,  Ehifum  dpi'  Tempérât nr-  '  E.  Cyon,  Vebei'  den  Einfim»,  etc., 

Erhohuug  auf  die    Herzbewe^ng ,    iii  in  5c^mfV/(*»  7oAr6.  1867  ,  B**  C\\\ M, 

Srhundl's  Jahrh.  i  H6(),  B**  CXXX Vf,  p.  7.  p.  5. 

'  Schelske,  Die  Wirhung  der  Wàrnie  *   .KhuBfneïï ,  Unteriuchunge»  ùher (hn 

uufda^  Herz  ,  in  Srhmidt's  Jnhrh.  \  H 6(1 ,  Einfiuss  der  Warme,  etc. ,  in  Arch.  rm 

B'  (Ail,  p.  iCki.  Hnchinl .  iS().'>,  p.  691-70^. 


ACTION  SUR  LE  SYSTÈMR  NERVEUX.  379 

lente  et  graduelle  ni»  produit  jamais  de  convulsions  sponta- 
nées* c'est-à-dire  indépendantes  de  l'excitation  électrique; 
mais  l'application  brusque  de  la  chaleur  détermine,  à  35-âo'\ 
des  contractions  oloniques,  et,  à  tio-àb*'  C,  des  spasmes  téta- 
niques  qui  durent  quelquefois  une  minute. 

M.  Cl.  Bernard  a  soumis  les  animaux  aux  expériences  sui- 
vantes : 

Il  reconnaît  que  les  modifications  sont  difficiles  à  constater, 
puisque  le  système  musculaire  se  trouve  atteint  par  la  cha- 
leur. Mais,  en  réservant  une  partie  d'une  grenouille,  une  patte 
postérieure  par  exemple,  en  plongeant  i animal  tout  entier, 
excepté  cette  patte,  dans  un  bain  d'eau  chaude,  on  voit  que 
les  fonctions  de  tout  le  système  musculaire  sont  abolies,  sauf 
celles  des  muscles  de  la  patte,  or  le  nerf  sciatique  provoque 
des  contractions  dans  cette  partie.  Le  nerf  moteur  résiste  donc 
plus  à  la  chaleur  que  le  muscle. 

Que  devient  le  nerf  sensitif  ?  Sur  une  grenouille  M.  CI.  Ber- 
nard coupe  la  moelle  épinière  entre  les  deux  bras,  afin  d'em- 
pêcher les  mouvements  volontaires.  Il  plonge  une  jambe  dans 
leau  chaude  à  36"  C.  L'immersion  dure  cinq  minutes.  La  patte 
retirée  de  l'eau  ne  donne  plus  aucun  signe  de  sensibilité, 
bien  (|ue  la  chaleur  n'ait  pas  été  portée  assez  loin  pour  abolir 
les  propriétés  des  muscles  ou  des  nerfs  moteurs,  car,  en  pin- 
çant la  patte  non  immergée,  les  deux  pattes  réagissent. 

La  chaleur  éteint  donc ,  suspend  ou  épuise  assez  facilement 
les  propriétés  des  nerfs  sensitifs;  ce  phénomène  se  lie  étroite- 
ment à  la  curieuse  découverte  faite  par  M.  Cl.  Bernard  \  de 
l'anesthésie  par  la  chaleur.  Une  grenouille  vivante,  plongée, 
pendant  deux  ou  trois  minutes,  dans  de  l'eau  à  36''-37",  tombe 
en  état  de  mort  apparente ,  elle  est  insensible ,  on  peut  pratiquer 
sur  elle  les  opérations  les  plus  douloureuses  sans  provoquer  de 
rf^action;  mais  le  cœur  bat,  la  grenouille  est  anesthésiée, 

*  Cl.  Bernard ,  Ijtrnng  êur  \n  anentkénqvn  (  Rmmê  dêt  court  êcitmtifiquêê ,  1 869 , 


380         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

elle  n*est  pas  morte  ;  dès  qu'on  la  met  dans  Téau  froide ,  elle 
revient  à  elle  et  .se  met  à  nager.  L'insensibilité  ne  provient  pas 
de  l'action  de  la  chaleur  sur  les  muscles,  car  lexpërieDce 
réussit  aussi  bien  quand  la  tête  seule  est  plongée  dans  Teau 
chaude.  M.  Vailin  '  va  plus  loin  que  M.  Cl.  Bernard  dans  ses 
conclusions,  et  il  croit  avoir  démontré  que  ce  qui  est  vrai  pour 
les  grenouilles  Test  également  pour  les  animaux  supérieurs. 
M.  Cl.  Bernard  n'aurait  pas  obtenu  les  mêmes  résultats  sur  les 
chiens  et  les  lapins,  sans  doute,  d'après  M.  Vailin ,  parce  que 
cet  éminent  physiologiste  aurait  introduit  la  tête  de  ses  ani- 
maux dans  l'étuve ,  et  que ,  par  conséquent ,  ceux-ci  auraient  res- 
piré en  même  temps  l'air  surchauffé  de  l'étuve.  De  sorte  que 
ces  animaux  seraient  morts  par  échauffement  général  et  rigi- 
dité du  cœur  par  l'introduction  dans  leurs  poumons  de  cel 
air  brûlant.  En  modifiant  l'appareil  et  en  laissant  les  lapins 
respirer  l'air  de  l'extérieur,  M.  Vailin  a  appliqué  sur  la  tête 
de  ces  animaux  des  températures  de  AS  à  58**,  il  a  obtenu 
deux  fois,  par  ce  procédé,  le  coma^  l'insensibilité  et  Ja  mort 
après  une*  perte  assez  prolongée  du  sentiment  et  du  mou- 
vement. Dans  ce  dernier  cas,  le  cœur  était  flasque,  les  fibres 
musculaires  inexcitables.  La  haute  température  qui  doit  exister 
dans  l'intérieur  des  casques  métalliques,  et,  en  général,  des 
coiffures  militaires  des  soldats  exposés  au  grand  soleil ,  donne 
à  ces  recherches  de  M.  Vailin  un  grand  intérêt. 

On  doit  donc  se  demander  si,  dans  les  cas  d'insolation,  il 
ne  peut  pas  y  avoir  deux  mécanismes,  l'un  caractérisé  par  l'ac- 
tion d'arrêt  sur  les  muscles  et  le  cœur,  l'autre  par  l'action 
anesthésique  de  la  chaleur  sur  le  système  nerveux. 

Si  nous  en  croyons  Hariess^,  les  caractères  morphologiques 
des  nerfs  subiraient ,  par  la  chaleur,  des  modifications  notables. 

'  Vailin,  Àrch.gm,  dt  méd.^  1871,  amf  die  motoritchm  Nêrvmt,  in  Hmie'i 

t.  XVIII ,  p.  760.  und  Pfêuffkr'ê  ZnUehriJt,  YIII,  p.  ist- 

'  Hariess,    l'eber  dm   Einftuêt   der  i85. 
Tfmperaiwren  und  ihrer  Sekwankvngûn 


ACTION  SUR  LE  LIQUIDE  SANGUIN.  381 

Il  aurait  déterminé  le  point  de  fusion  de  la  moelle  des  tubes 
nerveux,  et  aurait  constaté  que  cette  fusion  a  lieu  chez  les 
grenouilles  à  37%5  G.,  chez  l'homme  à  Sa^'C,  chez  le  pigeon 
à  Sy^'C,  c*est-à-dire  à  la  température  où  le  nerf  devient  inex- 
ritable  dans  chaque  espèce  animale. 

d*  Action  de  la  chaleur  sur  le  liquide  sanguin.  —  Magendie  ' 
en  1 85o,  M.  Cl.  Bernard  en  1 8â  a  «  Obernier,  Wood,  ont  signalé 
d'un  commun  accord  la  fluidité  du  sang,  sa  non-coagulabilité , 
son  épanchement  sous  la  peau  et  son  écoulement  par  les  mu- 
queuses chez  les  animaux  surchauffés.  Herm.  Weikard^  s'est, 
au  contraire ,  attaché  k  démontrer  que  le  danger  des  hautes  tem- 
pératures élait  dû  à  l'augmentation  de  la  coagulabilité  du  sang, 
et  à  la  formation  de  caillots.  Il  contredit  les  recherches  de 
A.  Schmidt\  et  avance  que  la  coagulation  du  sang  est  un  peu 
retardée  de  36  h  ko  degrés,  au-dessus  comme  au-dessous  elle 
serait  accélérée.  Il  suffit  de  consulter  les  résultats  des  expé- 
riences de  tous  les  physiologistes,  et  ceux  des  autopsies  des  pa- 
thologistes,  pour  constater  que  Weikard  reste  seul  de  son  opi- 
nion ,  et  que  tous ,  au  contraire ,  s'accordent  à  signaler  la  fluidité 
du  sang. 

M.  Chossat  fils  ^  a  voulu  expliquer  la  mort  par  la  chaleur, 
par  la  déshydratation  de  tous  les  tissus.  Cette  opinion  se  trou- 
vait contredite  par  avance  par  les  expériences  de  Magendie  et 
de  M.  Ci.  Bernard.  Ces  physiologistes  ont  constaté  que ,  sur  deux 
lapins  de  même  poids  et  de  même  taille ,  si  l'on  injecte  3o  gram- 
mes d'eau  dans  les  veines  de  l'un  d'eux,  tous  deux  meurent 
en  même  temps.  D'ailleurs  les  animaux  meurent  plus  vite 
dans  l'étuve  humide  que  dans  l'étuve  sèche. 

*  Ma|{endie,  L^m  sur  la  chaleur  ^  A.  Scbmidt,  /oArà.yCXV,  1 1. 
ammah  (  Union  médicale ,  1 8 5  o,  p.  1 8 3  ).  *  Cboasat  fils ,  Recherchée  expérimen- 

*  Herm.  Weikard ,  Vereuehe  ûber  dae  talée  eur  la  déshydratation,  etc.  (  Archit. 
Maximum  der  Wârme  in  Krankheiten  ii^pfcy«tb2ogt«deBrowa-Séqiiard,Char- 
(Àreh.  der  Hnlkund^ ,  1 863 ,  p.  1 98  ).  col  et  Vulpiaii ,  mai-aoât  1 868  ). 


382         CHAPITRE  H.  -^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

La  mort  des  animaux  par  la  cfaa]eur  ne  troave  pas  son 
explication  dans  les  modiKcations  anatomiques  du  sang.  Ober- 
niera  noté,  dans  deux  autopsies,  une  augmentation  proportion- 
nelle des  globules  blancs  (i  pour  loo  rouges).  Max  Schultxe' 
a  étudie  Taction  de  la  chaleur  sur  les  globules  rouges,  placés 
sur  la  platine  à  température  graduée  (]u  il  a  imaginée,  dans 
la  chambre  humide.  Pour  les  globules  rouges,  de  87  è  A8  de- 
grés, il  n'a  trouvé  aucune  des  altérations  décrites  par  Klebs, 
qui  n'avait  pas  soustrait  ses  globules  à  l'action  de  l'évapora- 
(ion;  k  partir  de  Sa  degrés,  le  corpuscule  devient  crénelé,  il 
se  fragmente  et  disparaît  en  laissant  des  débris  de  stroma  et 
de  petites  masses  de  matière  colorante  Ce  n'est  donc  que  vers 
.)à  degrés  que  le  sang  se  trouve  défmitivement  altéré:  jus- 
que-lè,  la  chaleur  exalte  simplement  les  propriétés  physiolo- 
giques du  globule^  Ce  fait  semble  mis  hors  de  doute  par  les 
expériences  de  M.  Ci.  Bernard.  Pour  lui  le  calorique  exerce 
sur  lei  ilémentê  du  $ang  une  action  aussi  nette  que  sur  les 
muscles. 

Chez  les  animaux  tués  par  excès  de  température,  le  sang 
présente  une  coloration  noirâtre  particulière <,  comme  si  l'ani- 
mal avait  été  asphyxié.  Toutefois,  pendant  la  vie,  les  mu- 
queuses de  l'animai  ne  sont  pas  cyanosées  comme  dans  Tas- 
phyxie,  et  même  parfois,  après  la  mort,  le  sang  reste  rouge. 
K  quoi  tiennent  ces  différences? 

Le  sang  pris  dans  la  veine  cave  inférieure  d*un  lapin,  qui 
vient  de  succomber  avec  un  excès  de  température  de  5  degrés, 
donne  a  l'analyse  des  gaz  : 

ICC 37^a 
0 I  ,0 
Az 3  ,& 

Or  l'influence  de  la  température  fait  varier  la  dépense  que 

^  Mai  Scbultie,  Objectif  $t  pltinfà  têmpératurt  graduée ,  dans  son  Artkw^  1, 


ACTION  SUR  LE  LIQUIDE  SANGUIN.  383 

ie  sang  fait  en  oxygène.  Le  froid  ralentit  ia  propriété  physio- 
logique du  globule  sanguin  (animaux  hibernants);  quand 
la  chaleur  revient,  le  sang  consomme  une  plus  grande  quan- 
tité d'oxygène,  et  le  sang  veineux  reprend  sa  couleur.  Il  en 
e8t  de  même  pour  les  animaux  à  sang  froid,  pour  les  grenouilles 
par  exemple.  M.  Cl.  Bernard  pense  que  c'est  cette  propriété  de 
transformer  rapidement,  sousTinfluence  delà  chaleur,  loxy* 
gène  en  acide  carbonique,  qui  explique  la  veinosité  du  sang 
après  la  mort,  mais,  pour  lui,  c'est  un  phénomène  post  mortem, 
car,  si  l'on  ouvre  l'animal  au  moment  de  la  mort,  son  sang  est 
encore  rouge. 

Il  n'y  a  pas,  du  reste,  véritable  altération  du  sang,  celui* 
ci  n'a  pas  perdu  ses  propriétés;  agité  à  l'air,  il  absorbe  de 
foxygène,  et  reprend,  au  spectroscope,  les  deux  raies,  d'absorp- 
tion caractéristiques  de  l'hémoglobine  oxygénée. 

Il  y  a  cependant  une  limite  de  température  à  laquelle  le 
sang  perd  définitivement  ses  propriétés.  Extrait  par  une  se- 
ringue et  mis  dans  l'eau  à  60  ou  70  degrés,  le  sang  devient 
noir,  bien  qu'il  ne  contienne  pas  un  excès  d'acide  carbonique , 
et  il  n'est  plus  oxydable. 

Il  semble  d'ailleurs  que,  même  vers  lib  degrés,  le  sang 
subit,  dans  son  albumine  et  sa  fibrine,  des  modifications 
profondes  qui  facilitent  les  suffusions  sanguines,  le  pur- 
pura, etc. 

Ces  expériences  ont  été  confirmées  par  celles  de  MM.  Ur- 
bain et  Vallin  *,  Set^chenow,  Hermann^;  elles  sont  contredites 
par  MM.  Eulenberg  et  VohH.  Pour  eux,  les  accidents  et  la 
mort,  dans  le  coup  de  chaleur,  seraient  causés  par  la  dilatation 
des  gaz  du  sang  et  par  la  paralysie  du  cœur  sous  l'effort  des 
gaz  devenus  libres  dans  les  cavités  cardiaques.  Sans  emprun- 

*  \9\iui,Àrch.demêd.l^^2,L\i\.         '  Eulonberg  et  VohI,  Die  Blulgiue 

p.  80.  m  ihrêr  pkjfêikalitehen  und  phynologi- 

'  Herii»nn,FtfieAoo'«i4rcAtr,t.  LXIL  tchen  BetkutHng ,  vU.  ^  in  Virchow* m  Ar- 

p.  577.  cAiV,  186H,  |i.  itM. 


384 


CHAPITRE  II.  ~  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


ter  à  Hermarin  ^  la  violence  de  sa  critique,  faite  ab  iraio, 
M.  Vallin  montre  que  rien  ne  justifie,  dans  les  expériences  de 
ces  auteurs,  de  pareilles  conclusions. 

L'analyse  de  ces  nombreux  travaux  nous  montre  que  le 
sang,  les  éléments  musculaires  et  nerveux,  sont  altéré> 
lorsque  la  température  s'élève  :  nous  ne  serions  peut-être  pas 
aussi  exclusifs  que  M.  Cl.  Bernard,  mais  nous  acceptons  que 
l'élément  musculaire  est  d'ordinaire  le  plus  vite  atteint.  M.  Cl. 
Bernard  résume  ainsi  Taclion  de  la  chaleur  sur  les  phéno- 
mènes de  la  vie  :  la  chaleur  est  un  agent  indispensable  à  l'ac- 
tivité de  la  vie,  mais  il  arrive  un  moment  où  l'excès  de  la  cha- 
leur agit  sur  l'organisme  comme  un  agent  toxique.  Nous 
avons  vu  que  la  chaleur,  comme  tous  les  agents  toxiques ,  attaque 
un  seul  des  éléments  essentiels  de  cet  organisme,  l'élément 
musculaire.  C'est  donc  la  perte  des  propriétés  vitales  de  cet 
élément,  qui,  en  produisant  la  rigidité,  l'arrêt  de  la  circula- 
tion et  de  la  respiration,  anjène  fatalement  la  mort.  Cette 
destruction  de  l'élément  contractile  se  fait  vers  87  à  89  de- 
grés chez  les  animaux  à  sang  froid,  vers  ^3  à  44  degrés  chez 
les  mammifères,  vers  48  à  00  degrés  chez  les  oiseaux,  c'est-à- 
dire,  en  générai,  à  une  température  de  quelques  degrés  plu> 
élevée  (|ue  la  température  normale  de  l'animal. 

La  chaleur  extérieure  a  donc,  dans  ses  effets,  un  mode  d'ac- 
tion aujourd'hui  bien  déterminé  sur  les  muscles,  les  nerfs,  le 
sang.  A  coté  de  ces  faits  bien  établis  nous  devons  en  signaler 
quelques  autres  dont  les  uns  sont  encore  hypothétiques,  dont 


•  Voiri  un  ocliantilloii  de  la  critique 
do  L.Hermanii  (Firr/joiv'.«  Archiv,  l.LXlf , 
p.  577)  :  c Personne  ne  me  contredira, 
dil-ii,  si  je  prétends  qu'on  trouve  rare- 
ment nn  pareil  mélan[»e  d'iynorance  des 
lois  de  la  physique,  d'incurie  grossière 
dans  les  expériences,  d'erreurs  dans  les 
déductions,  de  confusion  dans  l'exposi- 
tion du  sujet,  et  le  lecteur  \erra  qiip 


ces  ^pressions ,  en  apparence  très-dures , 
sont  encore  trop  douces  et  insuffisantes; 
le  style  et  la  logique  de  ces  messieurs 
arrivent  réellement  au  plus  haut  degré 
du  comique. . .  Les  temps  heureusement 
sont  loin  où  les  praticiens  s'arrêtaient  à 
écouler  des  hypothèses  aussi  grotesques 
et  aussi  confuses.»» 


RÉSISTANCE  X  LA  CHALEUR.  385 

les  autres  ont  été  notés  par  des  observateurs  dignes  de  foi, 
mais  sans  que  ta  fréquence  de  ces  troubles  soit  établie. 

Puisque  la  chaleur  a  pour  premier  effet  d'exalter  les  pro- 
priétés nutritives  du  globule  sanguin,  nous  devons  nous 
attendre  k  trouver  dans  le  sang  une  grande  quantité  de  maté- 
riaux de  déchet^  due  à  la  transformation  excessive  de  Toxygène. 
Cette  hypothèse  a  été  émise  par  un  grand  nombre  d'observa- 
teurs. Wood  et  Obernier  ont  cherché  quelques  preuves  en  sa 
faveur.  Wood  ^  aurait  constaté  un  état  acide  du  sang  dû  à  la 
rétention  des  matériaux  de  déchet.  M.  Vallin  fait  remarquer 
que  c'est  la  une  sorte  d'hérésie  physiologique ,  et  il  est  possible 
que  Wood  ignorât  que  les  muscles  rigides  deviennent  acides, 
et  qu'il  ait  cherché  la  réaction  du  sang  sur  une  coupe  de  ces 
muscles. 

Obernier^  aurait  trouvé  dans  le  sang  des  sinus  cérébraux 
de  quatre  jeunes  soldats  morts  d'insolation ,  c^une  quantité  non 
insignifiante  d'urée.  »  Ceux  qui  savent  quelle  est  la  difficulté  qui 
entoure  les  recherches  de  l'urée  dans  le  sang,  attendront, 
pour  accepter  les  opinions  d'Obernier,  de  nouvelles  preuves , 
et  un  dosage  plus  précis.  Il  ne  serait  pas  impossible ,  d'ailleurs , 
que  le  sang  conttnt  un  peu  plus  d'urée  qu'à  l'état  normal.  Les 
fonctions  de  la  peau  sont  supprimées,  dès  le  début  des  acci- 
dents apoplectiques;  la  sécrétion  urinaire  est  troublée,  il  y  a 
des  hématuries,  de  lalbuminurie ,  et  même  parfois  une  anurie 
complète  pendant  deux  ou  trois  jours  ^. 

D^ailleurs,  dans  le  cas  même  où  cet  excès  d'urée  dans  le 
sang  serait  établi ,  il  resterait  encore  à  déterminer  la  part  qui 
lui  revient  dans  les  accidents  d'insolation. 

M.  Gubler  a  noté  aussi  les  troubles  de  la  sécrétion  urinaire 
dans  une  courte  note  insérée  dans  le  BuUeiin  de  la  Société  tné- 


>  Wood .  On Êungtroke ( Thê auierican         ^  Docteur  Todd ,  Rematk»  on  Molar 

Jomm.  of  med.  neitncêê ,  1 863 ,  p.  377  ).  apopUx^  (  Àrmy*»  MêdiaU  Report ,  1 H59, 

'Obernier,   HedicintMchêt    Cmtral-  p.  971). 
6^r,  186.5,  p. -juj. 


386         CHAPITRE  IL  -  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

dicale  des  hdpitaua-^.  «^M.  Gubler  signale  deux  cas  Jinsolalion. 
Dans  le  premier,  observé  par  lui  dans  son  service,  il  s'agit  d'un 
malade,  âgé  de  vîngMîinq  ans,  qui,  après  avoir  travaUlé  quatre 
heures  durant,  dans  une  cour  oiii  la  réverbération  solaire  était 
très-intense,  fut  pris,  dans  la  nuit  même,  d'attaques  éclamp- 
liques,  lesquelles  furent  suivies  d'un  état  comateux  très-pro- 
fond avec  déviation  conjuguée  des  yeux,  état  cataleptique  des 
extrémités  supérieures,  paralysie  des  sphincters.  Trois  jours 
après  on  constate  dans  les  urines  une  énorme  proportion  de 
sucre  et  d'albumine ,  matières  qui  se  retrouvent  encore  deux 
jours  après  le  début,  alors  qu'il  ne  reste  plus  qu'une  obtusion 
très-marquée  de  Tintelligence  (lésion  probable  du  bulbe). 
M.  Gubler  a  eu  l'occasion  d'en  voir  en  ville,  avec  le  docteur 
Gneit-Dessus ,  un  second  cas  présentent  la  forme  comateuse, 
sans  doute  avec  congestion  des  hémisphères,  et  où  les  urines, 
simplement  albumineuses,  n'offrirent  aucune  trace  de  sucre.» 
Ces  faits  devront  être  recherchés  è  l'avenir,  et,  si  les  résul- 
tats concordent  avec  ceux  de  M.  Gubler,  ils  serviront  à  éluci- 
der les  relations  qui  existent  entre  l'encéphale  et  les  fonctions 
des  glandes  viscérales,  foie  et  rein.  M.  Vailin  ajoute,  en  com- 
mentant les  faits  de  M.  Gubler,  que  ni  lui  ni  Obernier  n'oot 
jamais  pu  constater  d'albuminurie  dans  leurs  expériences  sur 

rinsolation. 

Le  docteur  Cresson  Stilett^  a  voulu  déterminer  si  la  moda- 
lité de  l'activité  anomale  de  la  nutrition  ne  pouvait  pas  faire 
naître  dans  le  sang  des  animaux  une  substance  véritablement 
toxique.  Bien  que  ses  expériences  soient  contraires  à  cette  hy- 
pothèse, elles  sont  si  mal  organisées,  qu'il  serait  téméraire 

d'en  rien  conclure. 

Le  docteur  Robinson  ^  a  cherché  k  prouver  que  l'action  des 

»  GuWer,  Rappùrt  tiir  Um  maUiê»  «  CreMon  StUett,  BMiom  mêi.  Joum, 

régnante.  (BnOttin  de  U  Sodéîé  médi.  18  juin  186&.  —  *  RobiMOO,  £/«:U 

ra/f  dtm  hôpitaux.  Séance  Hu  8  odohre  0/  md^r  rûjfê  upom  mùmml  litiMt,  in 

j  ^g5  j  M^d,  nW«  rtfirf  Gmzêtte .  1 867,  p.  i'^l- 


RÉSISTANCE  A  LA  CHALEUR.  387 

rayons  da  soleil  est  physiologique  et  non  physique;  il  lui 
semble  que  la  structure  des  animaux  vivants  est  particulière* 
ment  sensible  à  Tagent  qui  réside  dans  les  rayons  solaires,  in- 
dépendamment de  la  chaleur  de  ceux-ci;  il  lui  parait  probable 
que  ce  n'est  pas  Télément  calorifique  de  ces  rayons  qui  pro- 
duit les  effets  nuisibles.  Pour  lui,  des  recherches  ultérieures 
devront  résoudre  la  question  de  savoir  si  c'est  leur  action  chi- 
mique ou  actinique  qui  agit  principalement  dans  ce  cas,  ou 
bien  si  ce  n'est  pas  une  autre  force  active,  encore  plus  étroite- 
ment liée  h  l'électricité  ou  à  la  force  nerveuse  elle-même.  Ses 
expériences  et  celles  que  M.  Vallin  a  instituées  pour  vérifier 
cette  hypothèse  ne  semblent  pas  plaider  en  sa  faveur. 

Toutefois  on  peut  rapprocher  cette  opinion  d'un  fait  très- 
curieux  de  coup  de  soleil  électrique  dont  M.  Charcot  a  publié  la 
relation'.  Deux  physiciens,  maniant  une  pile  de  lao  élé- 
ments de  Bunsen,  et  parfaitement  garantis  contre  l'action  de  la 
température,  furent  atteints  d'un  érythème  très-marqué,  avec 
rougeur,  douleur,  desquamation  des  parties  exposées  :  les  deux 
savants  avaient  garanti  les  yeux  et  le  haut  du  visage  avec  des 
verres  d'urane ,  qui  retiennent  une  grande  partie  des  rayons 
chimiques,  mais  laissent  passer  les  rayons  lumineux;  or 
Téry thème  n'occupa  que  les  points  découverts,  ceux  où  les 
rayons  chimiques  avaient  conservé  toute  leur  action  ^. 

En  résumé  l'augmentation  brusque  de  la  chaleur  entraîne  : 
la  rigidité  musculaire^  l'abolition  des  fonctions  du  cœur 
arrêté  en  contraction,  l'anesthésie  du  système  nerveux,  la  flui- 
dité du  sang  avec  absorption  de  l'oxygène  des  globules^  Voilà 
des  faits  qui  semblent  démontrés.  En  même  temps  il  survient 
des  troubles  dus  è  la  perturbation  des  fonctions  sécrétoires, 

*  Cbamt,  Coup  Je  êoiêU  êhetriqw.  {MedkalTimêêmdGaz,  1869,  p.  683). 
(GûXêtuhMomgdain,  i858,p.  t88.)  Le  phëDomène  le  plus  saillant  de  ces 

*  Voyei  éfsleinent  Ridiardson,  Lêc-  recherches  est  que  le  eenreau  serait  ané- 
iMTM  on  êxffenmentël  amdpraetieul  mê-  mië  et  refroidi  jusqu^i  1  d^rés.  Ce  ré- 
Jifinê  :  on  mertmmU  of  amimai  hêai  sultat  est  nie  par  ValHn. 

d5. 


388         CHAPITHK  II.  —LA  CHALEUK  KT  LA  FIÈVRE. 

sur  \i\  nature  et  la  valeur  desquels  nous  sommes  moins  bien 
fixés. 

•j  Les  limites  du  refroidissement  ([u'un  animal  peut  suppor- 
ter sont  dilliciles  à  préciser;  nous  savons  cependant  que  plus 
on  s'élève  dans  Tordre  zoologi([ue,  moins  Tanimai  résiste  au 
refroidissement,  ^ous  dirons  quelques  mots  de  rhibernation, 
qui  est  pour  certains  animaux  un  état  physiologique,  quil 
laul  bien  distinguer  avec  Mangili  de  la   léthargie  par  le  froid. 

Boerhaave  a  remanpié  que,  pendant  l'hiver  de  lyoc),  des 
œufs  d'insf^ctes  déposés  sur  les  branches  d'arbres,  et  dans  des 
lieux  découverts,  restèrent  féconds,  bien  que  la  température 
fut  descendue  à  -  ly"..").  M.  (iavarref  a  été  témoin  d'un  fait 
sendjlable  pendant  l'hiver  de  i8*2(j-i83o.  Réauraur-  a  vu 
certaines  espèces  d'insectes  périr  sous  rinlluence  d'une  tem- 
|)érature  encore  siq,K»rieure  à  celle  de  la  congélation  de  l'eau, 
tandis  que  d'autres  ne  mouraient  (pi'à  -  i  3",^  et  que  d'autres 
supportaient  impunéujent  l'inipression  de  l'air  l\  —  3  3^75. 

Spallanzani  '^  a  vu  des  œufs  d'insectes  rester  féconds  après 
avoir  été  exposés  à  une  température  de  ~  3o  degrés,  tandis  que 
les  animaux  (pi'ils  produisaient  périssaient  à  —  i  o  degrés  et 
même  a  -  (i  dejnés;  il  a  constaté  ce  fait  sur  des  vers  à  soie  et 
sur  le  j)apillon  de  l'orme.  Honafous  *  a  rapporté  des  faits  .sem- 
blables. Hoss'\a  vu  également  que  des  chenilles  pouvaient 
é|n*  congelées  el  supporter  une  température  de  —  ^îj  degrés. 

M.  (iavarref^^  rapporle  «pi'en  Russie  et  dans  la  partie  sep- 
tentrionale des  Ktats-Unis  d'Amérique,  on  transporte  au  loin 
des  poissons  roides  comme  des  bâtons  et  dans  un  véritable 
état  de  congélation:  cependant  il  suHit  de  les  plonger  dans 

'   {\\i\xy{\iA  yOmleur  omiiutb\^.^^o\ .  ^    Bonafous,    Rihiioth.    unir,  de   (re- 

^   l\«''aiiiunr,   Mem.  sur  Ips  inscries ,  «^'«t,  i  8^-i8  ,  t.  XVII .  p.  aoo. 

t.  Il  et  V;  cilé  par  (iJivaiTPj,  p.  r>oi.  -»  Ross,    Biblioth.    tmiv.  de  Genève, 

'  S|.»allanzaiii,  Ojiusr.  d^phiis.  umm.y  iH3(i,  t.  III,  p.  693. 

t.  I,  p.  Sj!  »|  H7k  "   (îavarrpt.  Chaleur ant ma h\]K'i09^ 


RÉSISTANCE  AU   FROID.  389 

Teau  au-dessus  de  zéro  pour  leur  rendre  leurs  mouvements. 
M.  Gavarret  emprunte  k  M.  Gaymard  ^  un  fait  for!  intéressant, 
qui  prouve  qu'un  animal  vertébré  peut  résister  à  une  congé- 
lation complète.  M.  Gaymard  plaça  des  crapauds  dans  une 
botte  remplie  de  terre  et  les  exposa  en  plein  air  à  l'influence  de 
la  température  extérieure.  Au  bout  de  quelque  temps  on  ou- 
vrit la  botte.  Ils  étaient  durs  et  roides  comme  des  cadavres 
gelés.  Toutes  les  parties  de  leurs  corps  étaient  inflexibles  et 
cassantes.  Quand  on  les  brisait,  il  ne  s'en  échappait  pas  une 
seule  goutte  de  sang.  Ces  animaux  avaient  creusé  des  trous 
dans  la  terre  de  la  botte,  ils  s'étaient  ainsi  refroidis  lentement, 
et  étaient  parvenus  graduellement  à  l'état  de  congélation.  Pla- 
cés dans  de  l'eau  légèrement  cbauffée,  ils  recouvrèrent  la 
flexibilité  de  leurs  membres ,  à  mesure  que  les  glaçons  fon- 
dirent, et,  en  dix  minutes,  ils  revinrent  complètement  à  la  vie. 
M.  Gaymard  fait  observer  qu'une  congélation  rapide  tue  tou- 
jours ces  animaux;  pour  qu'ils  résistent,  il  faut  que  l'influence 
du  froid  soit  graduée.  Les  mêmes  expériences  furent  tentées 
sur  des  grenouilles  et  ne  réussirent  pas. 

Dans  ces  dernières  années,  plusieurs  auteurs  ont  cherché 
à  préciser  la  limite  des  animaux  supérieurs  au  refroidissement. 

Walther^  a  étudié  l'influence  du  refroidissement  artificiel 
sur  les  animaux  supérieurs.  Si  l'on  place,  dit-il,  un  lapin 
dans  un  milieu  refroidi,  en  l'empêchant  de  se  mouvoir,  et  si 
l'on  fait  tomber  la  température  de  l'animal  à  18  ou  9  o*'  C, 
puis  si  on  le  replace  dans  un  milieu  qui  ne  soit  pas  plus 
chaud  que  la  température  normale  de  l'animal,  il  perd  la  fa- 
culté de  regagner  sa  température  normale  (39"  G.).  M.  Cl.  Ber- 
nard^ avait  déjè  observé  le  même  fait  sur  des  cochons  d'Inde. 

'  Gaymard,   Biblioth,  unw.  de  Ge-  Herm.  Weik^rï  in  Àrch.  dei' Heilk,,  \\\, 

nhey  i84o,  t.  XX  Vf,  p.  907.  p.  igS-oao,  i863).  Compte  rend  a  par 

*  Éiudê  êw  ta  chaleur  animale  (Bei-  H.    Hupperl    dans   Scbmidfs  7aAr6., 

Irâge  z«  der  Lehrt  von  en  thieriêchen  i863,  t.  GXIX,  p.  106. 

Wàrmê;  von  A.  Wallher  in  Virchow's  ^  Cl.  Bernard,  Lerotui,  1836. 
Areh.  XXV,  p.  /ii4-^i7,   1863,  ii. 


390         CHAPITRE  11.  •-  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

Après  la  mort,  la  chaleur  propre  de  l^animal  tombe  encore 
de  1  è  9  degrés  au-dessous  de  celle  du  milieu ,  sans  doute  par 
suite  de  Tëvaporation  des  liquides  de  l'organisme. 

Quand  on  retire  les  animaux  de  l'appareil  réfrigérant,  ils 
sont  incapables  de  se  tenir  sur  leurs  jambes,  et  de  faire  aucun 
mouvement  locomoteur:  pourtant  ils  ont  encore  des  mouve- 
ments volontaires  réflexes  et  de  la  sensibilité  :  les  battements 
du  cœur  ne  sont  plus  qu'au  nombre  de  1 6  ou  3  0  par  minute 
(un  lapin  en  a  qAo  d'habitude):  la  respiration  devient  si 
faible,  qu'on  voit  à  peine  le  mouvement  thoracique  ;  le  plus  sou- 
vent la  respiration  est  extraordinairement  accélérée,  mais  très- 
superficielle.  Toutes  les  excrétions  cessent,  notamment  celle 
de  l'urine.  Les  yeux  de  l'animal  sont  largement  ouverts,  et  on 
ne  voit  jamais  rien  qui  ressemble  au  sommeil  hivernal.  Les 
animaux  commencent  k  dormir  quand  on  les  a  réchauffés  for- 
tement. On  ne  saurait  fixer  la  limite  exacte,  pour  la  chaleur 
animale,  où  les  fonctions  des  nerfs  et  des  muscles  cessent;  la 
mort,  c'est-à-dire  la  cessation  de  l'action  du  cœur  et  des  pou- 
mons, a  lieu  dans  des  circonstances  différentes  et  avec  des 
températures  différentes.  Le  minimum  de  la  température  propre 
oh  Walther  ait  encore  observé  des  mouvements  et  de  la  sen- 
sibilité a  été  +  9**  C.  Les  animaux  restent  dans  l'état  de  demi- 
paralysie  quelquefois  pendant  dix  ou  douze  heures;  si  l'on 
cesse  le  refroidissement  et  qu'on  les  réchauffe,  on  n'empêche 
pas  pour  cela  leur  mort,  quand  bien  même  on  les  ramène  de 
1 8  degrés  à  89  degrés  en  les  abandonnant  h  eux-mêmes. 

Dans  l'état  de  refroidissement,  les  animaux  sont  tout  à  fait 
aptes  à  supporter  les  expériences  de  physiologie  sur  les  nerfs, 
parce  qu'on  n'a  pas  alors  à  craindre  les  mouvements  muscu* 
laires  et  l'écoulement  du  sang.  Chez  les  animaux  refroidis,  l'in- 
fluence réchauffante  des  contractions  musculaires,  qui,  même 
à  90  degrés,  présente  encore  une  certaine  force,  augmente  la 
chaleur  propre  de  l'animal ,  et  fait  monter  par  exemple  la  tem- 
pérature de  a  à  'j  degrés  ;  mais,  quand  le  refroidissement  est 


RÉSISTANCE  AU   FROID.  391 

pousië  encore  plus  loin ,  il  n'y  a  plus  de  réchaufTement.  A  l'au- 
topsie on  trouve  les  poumons  remplis  de  sang  avec  un  exsudât 
séreux  dans  le  parenchyme  et  dans  les  bronches.  Il  en  est  de 
même  chez  les  animaux  qui,  après  avoir  été  refroidis,  ont  été 
ramenés  à  la  température  normale,  et,  de  plus,  on  trouve 
chez  eux  un  exsudât  dans  les  plèvres. 

Les  animaux  refroidis  peuvent  être  ramenés  à  la  tempéra- 
ture normale  par  un  réchauffement  artificiel  qui  les  reporte  à 
39'' C.  D*abord  la  température  propre  monte  lentement,  mais,  è 
partir  de  3  o  degrés,  elle  s'élève  rapidement ,  et  alors  les  animau  x 
s'endorment.  Dans  un  milieu  à  ^o'^C,  la  température  de  rani- 
mai monte  de  1 8  degrés  è  39  degrés  en  deux  ou  trois  heures.  Il 
y  a  des  animaux  réchauffés  qui  ont,  dans  la  journée,  une 
sorte  d'état  fébrile  (&9''C.),  avec  catarrhe  nasal,  bronchique, 
conjonctival.  On  peut  aussi  réchauffer  les  animaux  avec  la  res- 
piration artificielle ,  à  la  condition  que  l'air  de  la  chambre  ait 
au  moins  1  o  ou  1  s''  C.  Le  retour  de  la  chaleur  ramène  l'acti- 
vité musculaire,  la  bête  se  tient  debout,  se  meut  et  urine. 
Mais  la  température  ne  monte  de  18  à  39  degrés  qu'en  vingt- 
quatre  heures.  Un  animal  refroidi  jusqu'à  la  température  de 
aS'^C.,  puis  maintenu  dans  une  atmosphère  froide,  regagne  sa 
température  normale,  mais  aussi  lentement  :  dans  un  cas  de 
ce  genre  il  fallut  huit  heures,  et  la  température  montait  en 
cinq  minutes  de  o%t  seulement. 

Il  semble  résulter  de  ces  expériences  que  l'on  ne  doit  point 
tenter  de  ramener  lentement  è  leur  chaleur  les  hommes. qui 
semblent  morts  de  froid,  mais  qu'il  faut  les  réchauffer  promp- 
tement.  Même  après  que  Ton  a  réchauffé  fortement  le  corps , 
il  est  très-dangereux  de  le  laisser  dans  un  milieu  froid.  La 
respiration  artificielle  corrige  l'état  morbide  des  poumons  que 
nous  avons  décrit,  et  doit  être  employée  avec  avantage  chez  les 
hommes  refroidis.  Ces  faits  aident  è  comprendre  ces  cas 
d'hommes  qui,  en  Russie,  étant  restés  plusieurs  jours  engour- 
dis dans  la  neige,  auraient  été  ramenés  à  la  vie. 


392         CHAPITRK  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

En  1870,  le  (lorteur  IIoi vvath  '  a  rt^pété  les  expérieiucs 
pnVi'dentes  et  roiilirmé  les  ivsullats  annoncés  par  le  professeur 
Walther  do  kieu  :  il  a  vu  que  les  lapins  que  Ton  a  refroidis 
dans  la  nei[i[e.  pisqu'à  ce  que  la  température  du  rectum  niai- 
rpiat  *>o*'  (1.,  peuvj'nl  être  rappelés  à  la  vie.  Au-dessous  de 
!>o"C.  cela  devient  impossible  :  la  mort  est  certaine.  Dans  celle 
expérience,  le  refroidissement  a  lieu  progressivement  et  de  la 
même  quanlité  dans  le  ménie  espace  de  temps. 

Dans  un  travail  |)ul)Hé  en  iSyS,  Horualb  -  a  cherché  à 
déterminer  la  part  des  divers  systèmes  dans  les  accidents  qui 
succèdent  h  la  conjT;élation,  et  pour  cela  il  a  expérimenté  sur 
de»  {J[renouilles.  Voici  ses  conclusions  : 

i  "  Un  froid  de  -  5"  C.  détruit  la  faculté  contractile  des 
muscles  striés  chez  la  jjrenrmille,  mais,  après  qu'elle  est  dé- 
l^elée.  ses  nmscles  s(U)t  de  nouveau  sensibles  aux  excitations 
électricpies  et  mécanicpies.  Humboldta  vu  des  muscles  de  gre- 
nouille refroidis  ii  -  1  5"  C.  se  contracter  après  avoir  été  d/*- 
jjelés,  et  kuhne  a  vu  le  même  fait  après  un  refroidissement 
i\o  7  à  10  degrés;  mais  v(^s  faits  ne  peuvent  s'expliquer  que  si 
l'on  admet  tpie  le  muscle  n'avait  pas  été  refroidi  au  degré  où 
étail  le  milieu  and)iant,  c'est  ce  cpie  l'auteur  pense  établir. 

•j"  Si  Ton  arrache  le  cœur  d'une  grenouille,  qu'on  le  congèle 
assez  pour  ([ue,  jeté  dans  un  bocal  de  verre,  il  sonne  comme 
une  pierre,  et  «pi'on  le  dégèle,  il  se  contracte enc(u*e  quelque 
temps  d'une  façon  rbythmée. 

L'auteur  a  examiné  divers  appareils  :  l'iris,  les  vaisseaux 
sanguins,  les  sacs  lymphatiques,  les  muscles  des  grenouilles 
gelées,  et  il  a  trouvé  (pu*  le  degré  de  congélation  réelle  des 
muscles  au  delà  ducjuel  il  n'\  a  plus  de  retour  possible  à  la 
vie  est  -     5"  C,  tout  au  plus. 

'    I)nrf<>«ir  Horwnlli,  Exporioiiros  m  '   llorwatii,  E.rpéi'iencr$  sur  la  con- 

^*'\vr^  <\i\n'i  lin  lvi\\iii\  Miv  l/iiinmliou  Pt  frêhilion    [Centvalbiatl ,    n"    B.jarnier 

sf's  h'tiijtrrahnf's  {\\i(>n.   med.   \\  ncliPU-  ^'^V'^)- 
mhnj't.  \X,  j).    îri,  i^7<»). 


RÉSISTANCE   AT  FROID.  393 

M.  Ci.  Bernard  a  répété  ces  expériences,  et  il  en  a  déduit 
des  résultats  plus  applicables  à  l'homme  ^ 

M.  Cl.  Bernard,  après  avoir  refroidi  un  lapin  par  section 
de  la  moelle,  constate,  cinq  heures  après  l'opération,  que  la 
température  rectale  s'est  abaissée  de  &o  degrés  h  q/i  degrés. 
Elle  n'est  que  de  6  degrés  supérieure  à  celle  du  milieu  am- 
biant. 

A  ce  moment  les  respirations  sont  rares  et  les  mouvements 
du  thorax  presque  abolis;  les  battements  du  cœur  sont  à 
peine  perceptibles;  les  propriétés  nerveuses  sont  émoussées. 
L'animal  a  les  apparences  de  la  mort,  mais  la  vie  persiste, 
elle  n'est  qu'engourdie.  Chez  les  animaux  à  sang  froid ,  la  vie 
peut  se  réveiller  vingt-quatre  heures  après  la  cessation  des 
battements  du  cœur.  Chez  les  animaux  h  sang  chaud ,  la  mort 
est  la  conséquence  immédiate  de  la  cessation  de  la  circulation. 

Mais ,  si  le  mammifère  et  l'homme  même  sont  amenés  à  cet 
état  de  refroidissement  où  ils  ne  diflèrent  plus  physiologique- 
ment  d'un  animal  è  sang  froid,  alors  la  cessation  de  la  circu- 
lation ne  sera  plus  immédiatement  mortelle.  Ainsi ,  dans  le 
refroidissement  cholérique,  en  tSSa,  Magendie  a  constaté 
qu'un  individu  sans  pouls,  k  qui  il  avait  pu  ouvrir  l'artère 
Fadiale  sans  qu'il  s'écoulât  une  goutte  de  sang,  avait  encore 
assez  de  force  pour  se  tenir  assis  sur  son  lit,  réfléchissant  et 
parlant. 

Lhomme  refroidi  successivement  avait  été  amené  par  la 
maladie  &  l'état  où  se  trouve  la  grenouille  à  laquelle  nous 
avons  enlevé  le  cœur. 

Nous  verrons,  dans  la  partie  clinique  de  ce  travail,  que, 
dans  certaines  intoxications,  la  température  peut  subir  un 
abaissement  considérable,  et  quelles  sont  les  limites  qu'elle 
ne  peut  pas  franchir. 

Nous  n'avons  pas  à  parler  de  l'hibernation  :  c'est  une  étude 

*  Cl.  Beraard,  Chaleur  animale ,  p.  161. 


39/i         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALELR  ET  LA  FIÈVRE. 

qui  sVloigne  tro|)  de  notre  but  spécial ,  et  nous  renvoyons  au 
liv  re  de  M,  Gavarret  '  ceux  qui  seraient  tentés  de  connaître  les 
détails  si  curieux  de  ce  phénomène.  Nous  croyons  cependant 
devoir  réserver  une  place  à  l'analyse  d'un  mémoire  de  Hor- 
uatli'^.  (|ui  a  cherché  à  déterminer  quels  étaient  les  enseijjne- 
ments  applicables  à  l'homme  malade  que  Ton  pouvait  tirer  du 
mode  do  réchauffement  des  animaux  hibernants.  Nous  utdise- 
rons  [dus  tard  ces  expériences  en  développant  la  théorie  de  la 
réffulation  de  la  chaleur. 

L'auteur  a  étudié  le  sommeil  hivernal,  il  s'est  proposé  de 
rechercher  en  <|uoi  et  par  quoi  un  animal  à  sommeil  hivernal 
diffère  d'un  animal  d'autre  espèce  et  non  sujet  à  cet  engour- 
dissement. Les  animaux  mis  en  observation  étaient  des  mar- 
mottes; le  temps  de  l'observation,  l'hiver  de  1871-1872.  Le*> 
animaux,  pris  dans  leur  lieu  de  naissance  en  octobre,  avaient 
été  sé([uestrés  et  nourris  d<»  blé,  de  carottes,  pain,  viande 
et  pommes  de  terre. 

(les  marmottes  posées  dans  l'hiver  avaient  le  poids  de  too 
à  iof)  [frannnes.  Toutes  les  mesures  de  température  furent 
prises  avec  un  même  therujomètre  placé  aussi  profondément 
(|ue  possible  dans  le  rectum.  La  température  intérieure  de  la 
marmotte  à  l'état  de  veille  ne  s'éloigne  pas  de  celle  des  aulr^ 
animaux  à  sang  chaud  (3r»  à  37^*  C),  tandis  que,  pendant  le 
somnjoil  hivernal,  olle  se  rapproche  de  la  température  du  mi- 
lieu and)iant.  L'auteur  a  vu  une  marmotte  qui,  quelques 
heures  avant ,  était  dans  le  sommeil  hivernal  à  une  température 
extérieun*  de  f-  •>"  (].,  et  dont  h^  rectum  n'avait  que  celte  même 
température  de  12"  (i.,  s'éveiller  et  pres(|ue  aussitôt  se  mettre 
à  courir  avec  vivacité.  On  ne  voit  point  les  autres^  animaux  à 
sang  chaud  survivre  à  un  refroidissement  si  voisin  de  la  con- 
gélation, expériences  :  Le  6  décembre  à  une  température  de  la 

'    ituvnvicï ,  Chah'ur  nnimale.  De  rhi-      animale  [Cputralhlnft ,    \f^    'i5-^7-o:>, 
in'rnattnii ,  p.  !{{'A\  ol  siiiv.  187'i). 

-    iiorwnllj.  Phi/^n>lofrif  tie  lu  chaleur 


RÉSISTANCE  AU  FROID.  39& 

chambre  de  +9*  G. ,  on  observa  une  marmotte  endormie. 
Elle  ne  respirait  que  trois  fois  à  la  minute. 

Le  9  décembre,  k  la  température  de  9"  C,  l'animal,  sans 
mouvement  et  les  yeux  fermés ,  repose  sur  le  côté.  Sa  tempéra- 
ture rectale,  de  8  à  9  heures,  demeure  à  8%&  ou  8%6  G.;  de 
9  à  10  heures,  elle  monte  à  1 5*"  G.,  et  de  10  è  1 1  heures, 
à  Sa"  G.  A  partir  du  moment  où  Tanimal  a  atteint  1 1%5,  il 
s'est  soulevé  et  s'est  mis  h  manger. 

Ghez  toutes  les  marmottes  observées,  le  réveil  a  été  mar- 
qué par  une  ascension  de  la  température  qui  s'est  faite  ainsi  : 
Pendant  la  première  heure  qui  suit,  la  température  a  monté 
de  9" G.;  dans  la  deuxième  heure,  de  5  degrés,  et  dans  la 
demi-heure  suivante,  de  1 5^  G.  La  température  s'élève  parfois, 
en  quarante  minutes,  de  1  y""  è  Sq*"  G.  Gela  ne  ressemble  point 
à  ce  que  l'on  voit  chez  les  autres  animaux,  soit  refroidis  arti* 
ticieilement,  soit  en  état  de  fièvre  ascendante,  chez  lesquels 
réchauffement  se  fait  relativement  avec  une  grande  lenteur. 
(L'auteur  cependant  aurait  pu  citer  l'accès  de  fièvre  intermit- 
tente qui  montre  une  ascension  parfois  très-rapide  de  la  tem- 
pérature.) Ge  qui  est  vrai,  c'est  qu'on  ne  peut  rappeler  à  la 
vie  des  animaux  dont  le  refroidissement  est  descendu  è  ao^G. 

Ce  réchauffement  si  rapide  des  marmottes  est  d'autant  plus 
étonnant  que  les  deux  principaux  facteurs  de  la  chaleur,  la 
contraction  musculaire  et  l'énergie  respiratoire,  font  ici  presque 
défaut.  On  ne  peut  supposer  que  l'animal  ait  une  réserve 
d'oxygène  grâce  è  laquelle  il  se  réchauffe.  En  somme  on  ne 
peut  ici  appliquer  les  théories  admises  pour  la  chaleur  des 
animaux. 

L'auteur  a  voulu  se  rendre  compte  exactement  de  la  quan- 
tité d'eau  et  d'acide  carbonique  éliminée  par  l'animal  à  l'état 
de  sommeil  hivernal ,  au  moment  du  réveil ,  et  à  l'état  de  veille 
définitive,  et  il  ne  s'est  pas  fié  au  nombre  des  respirations 
pour  en  déduire  la  quantité  des  produits  expirés. 

Lne  marmotte  de  ]53  grammes  un  quart,  la  température 


396         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

de  la  chambre  étant  de  +  9**  C,  a,  pendant  le  sommeil  hiver- 
nal, excrété,  en  une  heure  : 

CO'  =  0,01 5  grammes. 
HO  =0.01/1 

La  même  marmotte,  deux  jours  après,  à  Tétat  éveillé  et  à 
une  température  de  la  chambre  de  +  1 3",5 ,  a  excrété,  en  une 
heure  : 

CO'  ^  0,5 1 3  grammes. 
HO  —  o^ogH 

Quelquefois  Texcrétion  d*acide  carbonique,  dans  la  veille, 
diffère  encore  plus  de  celle  du  sommeil. 

L'auteur  a  observé  un  phénomène  particulier  chez  les  ani- 
maux qui  avaient  été  soumis  déjà  à  Taction  des  hautes  tempé- 
ratures dans  une  étuve  :  c'est  une  sorte  d'accoutumance  qui 
faisait  que,  si  on  les  replaçait  quelques  jours  après  dans  la 
même  atmosphère  échauffée,  ils  présentaient  moins  de  ma- 
laise, leurs  muscles  ne  s'engourdissaient  pas  tant,  et  leur  tem- 
.  pérature  ne  montait  plus  si  haut  que  lors  de  la  première  ex- 
périence. Horwath,  ainsi  que  Rosentbal,  se  range  à  ra\îs  de 
Senator  contre  celui  de  Liebermeister,  et  repousse  la  théorie 
de  l'accroissement  de  la  production  de  chaleur  dans  le  refroi- 
dissement. Examinant  ensuite  le  traitement  des  fiévreux  par  le 
refroidissement,  il  pense  que  la  meilleure  méthode  est  de  les 
refroidira  un  faible  degré,  mais  d'une  façon  continue,  à  l'aide 
d'une  forte  ventilation,  ou,  si  cela  ne  suffit  pas,  en  les  plaçant 
sur  des  matelas  d'eau ,  dont  on  peut  faire  varier  la  température. 

Quant  k  l'influence  élévatrice  de  la  température  qu'exerce- 
rait la  section  de  la  moelle  d'après  Naunyn  et  Quincke,  l'au- 
teur, pas  plus  que  Riegel ,  n'a  pu  la  constater  dans  ses  expé- 
riences. Au  contraire,  la  section  de  la  moelle  en  un  point  élevé, 
en  raison  de  la  section  concomitante  des  nerfs  vasomoteurs, 
lui  a  constamment  montré  une  augmentation  de  la  perte  de 


RÉSISTANCE  AU  FROID.  397 

chaleur,  jamais  une  augmentation  de  sa  production.  Si  Ton 
plaçait  ces  animaux  dans  Tétuve ,  on  voyait  leur  température 
tomber  k  Sa*  C,  température  du  milieu  ambiant.  A  de  plus 
hautes  températures,  leur  chaleur  propre  montait,  mais  non 
pas  plus  vite  que  chez  les  animaux  à  l'état  normal.  Quelque 
temps  après  l'opération ,  la  production  de  la  chaleur  s'accrois- 
sait certainement,  mais  l'auteur  voit  là  un  effet  de  la  fièvre 
traumatique. 

Ce  sont  des  arguments  puissants  à  opposer  à  ia  théorie  de 
Liebermeister,  Naunyn  et  Quincke. 

L'auteur  a  fait  en  octobre  1879  trente  expériences  sur  le 
refroidissement  chez  des  marmottes  et  des  hérissons  endormis, 
et  conclut  ainsi  : 

1**  Les  animaux  hibernants  supportent  facilement  un  fort  re- 
froidissement de  leur  corps  :  en  effet  leur  température  propre, 
abaissée,  à  plusieurs  reprises,  jusqu'à  6,  5,  A  et  3  degrés,  et 
même  jusqu'à  i%8  C,  a  pu  être  ramenée  à  l'état  normal  sans 
l'aide  du  réchauffement  ou  de  la  respiration  artificiels  ; 

9*  Les  nerfs  et  les  muscles  chez  des  animaux  amenés  à  un 
pareil  refroidissement  étaient  encore  excitables,  car  leurs 
muscles  se  contractaient  énergiquement  par  de  faibles  courants 
d'induction,  les  électrodes  étant  placées  soit  directement  sur 
les  muscles  refroidis,  soit  sur  leurs  nerfs; 

3**  Le  cœur  des  hibernants  se  contractait  encore  d'une  façon 
rhythmique  alors  que  la  température  du  sang  qui  y  était  con- 
tenu n'était  que  de  4-  4*  C.  ; 

A*  Les  hibernants  refroidis  n'ont  pas,  comme  les  lapins, 
le  tétanos. 

Si  l'on  rapproche  ces  expériences  de  celles  que  l'auteur  a 
faites  en  1871  sur  les  lapins,  on  voit  que  ceux-ci  se  compor- 
tent tout  différemment.  L'auteur  promet  de  poursuivre  ses 
recherches. 

A  cdté  de  ces  expériences  d'Horwath,  qui  forcent  à  réfléchir 
sur  le  mode  du  refroidissement,  sur  le  rôle  que  celui-ci  joue 


398         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEDR  ET  LA  FIÈVRE. 

dans  les  actes  fébriles,  nous  plaçons  également  ane  analyse 
des  recherches  faites  sur  le  refroidissement  par  suppression 
des  fonctions  de  la  peau.  Il  semble  paradond,  tout  d'abord, 
de  soutenir  que,  lorsqu'une  des  sources  de  refroidissement,  la 
perspiration  cutanée ,  cesse  de  s'accomplir,  la  chaleur  diminue; 
il  en  est  pourtant  ainsi,  et  ce  sera  un  fait  dont  nous  aurons  à 
tenir  compte  en  exposant  les  diverses  théories  de  la  fièvre. 

Breschet  et  Becquerel  ^  furent  les  premiers  qui  signalèrent 
l'abaissement  de  la  température  chez  les  animaux  recouverts 
d'un  enduit  imperméable.  Des  lapins  rasés  et  recouverts  d'une 
couche  de  colle  de  pâte,  de  suif,  etc.,  perdirent  en  une  heure 
et  une  heure  et  demie ,  i  A  '  à  1 8*  G.  et  succombèrent  pea 
après. 

Le  fait  expérimental  a  été  confirmé  par  Gerlach  ^,  Valentin  ^ 
Edenhuizen^,  Laschkewitsch ,  etc.  Valentin  fit  remarquer  qu'eo 
même  temps  qu'ils  se  refroidissaient,  les  animaux  subis- 
saient un  ralentissement  très-marqué  dans  leurs  mouvements 
respiratoires,  que  les  quantités  d'oxygène  absorbé  et  d'acide 
carbonique  exhalé  diminuaient  dans  une  proportion  considé- 
rable. Pour  lui  la  mort  survient  par  le  fait  même  du  refroidis- 
sement subi  par  l'animal ,  et  il  le  prouve  en  empêchant  celui-ci 
de  mourir  en  le  plaçant  dans  une  étuve  chauffée  à  SS""  ou 
38"  C. 

Edenhuizen  a  trouvé  que  les  lapins  succombaient  même 
quand  leur  peau  n'était  que  partiellement  recouverte  (  t/6'  ou 
i/8*).  Le  refroidissement  subissait  dans  sa  marche  une  pro- 
gression proportionnelle  k  Tétendue  de  la  surface  cutanée  en- 
duite. •  .  Mais  les  phénomènes  chaleur,  pouls,  respiration, 

*  Breschet  et    Becquerel,    Comptée        ^  Vaientiii,iOi4rdLytfrpAyf.  JX^là., 
rwudit  dm  êiantêt  H»  VAcûdémiê  dm     i858,  p.  Ad3. 

«ocficM.  (Sëince  du  1 8  octobre  i8Ai.)         *  Edenhuixen,  in  Z§iudir  fir  rât 

*  Gerlach ,  in  Mûller's  Arckit ,  1 85 1 ,     Mêd, ,  1 863 ,  p.  aS. 
p.  h?i. 


RÉSISTANCE  AD  FROID.  399 

ne  sont  pas  ëgaiement  influences.  (Voyez  les  détails  dans  le 
naëmoire  d'Ëdenhuizen.) 

Laschkewitsch  ^  attribue  la  mort  à  l'augmentation  de  la 
perte  de  chaleur.  Il  fait  ses  expériences  sur  des  animaux  dont 
il  enduit  la  peau  de  vernis  ou  de  colle.  Il  rappelle  que  la 
mort  survient  quand  un  sixième  de  la  peau  est  vernissé,  mais 
que  la  cause  de  la  mort  nous  échappe.  Valentin  pourtant  avait 
observé  que  les  phénomènes  morbides  étaient  enrayés  quand 
on  maintenait  Tanimal  à  une  haute  température.  Laschkewitsch 
a  remarqué  que  les  extrémités  vernissées  étaient  beaucoup 
plus  chaudes  que  les  autres.  Sur  un  lapin,  cette  différence 
était  de  l^5  G.  L'animal  ayant  été  placé  dans  une  chambre 
froide^  le  refroidissement  porta  plus  sur  la  partie  vernissée 
(t*  0.)  que  sur  les  parties  non  vernissées  (o%5  C).  L'animal 
mourut  au  bout  de  cinq  jours,  présentant  tous  les  phéno- 
mènes morbides  qui  accompagnent  le  refroidissement.  Les 
vaisseaux  de  la  partie  vernissée  étaient  très-dilatés  et  remplis 
(le  sang,  les  muscles  y  étaient  rouges;  pourtant  cette  partie  était 
très-amaigrie  par  rapport  è  la  correspondante.  On  mit  dans 
un  appareil  calorimétrique  un  lapin  vernissé  et  un  lapin  è 
Tétat  normal  :  le  premier  perdit  i3%5,  le  deuxième  ne  per- 
dit dans  le  même  temps  que  1 1  degrés  de  sa  chaleur.  Le  lapin 
sain  fut  placé  encore  le  lendemain  dans  l'appareil  et  perdit 
en  cinq  minutes  3  degrés ,  tandis  que  le  lapin  vernissé  perdit 
dans  le  même  temps  5  degrés.  Ensuite  Texpérimentateur  en- 
veloppa le  lapin  vernissé  d'ouate,  et  l'animal  vécut  tant  qu'on 
le  laissa  ainsi  enveloppé. 

Laschkewitsch  conclut  que  la  mort  par  suppression  artifi- 
cielle de  la  perspiration  cutanée  a  pour  cause  prochaine  l'aug- 
mentation de  la  perte  de  chaleur.  Il  faut  chercher  les  condi- 

'  DtM  eautêê  de  rabaiisement  de  la  Anat ,  PkytioL  und  wim.  Med, ,  1 868 , 

teH^érmture  par  la  ««pprMiioii  de  la  p.  6i;  ei  Schmidt's  Jakrbuek,  i868, 

panpiraùtm  eutmaée,  par  le  docteur  W.  3*  partie,  p.  9/1.) 
I^srhk«'wit«ch  k  Péterabonrg.  (  4reh,Jur 


400         CHAPITRE  IV^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

tions  de  ce  refroidissement  dans  rhypërëmie  de  la  peau  et  du 
tissu  cellulaire  sous-cutané,  analogue  au  phénomène  qui  se 
produit  après  la  section  des  nerfs  sympathiques ,  après  laquelle 
on  voit  la  température  de  la  tête  et  du  cou  s'élever,  tandis  que 
celle  du  sang  s'abaisse. 

g.    TBMPÉRATORB  P08T  MORTBM. 

La  mort  supprime  les  causes  connues  de  la  production  de 
la  chaleur,  laisse  subsister  le  refroidissement  par  rayonnement, 
et  bientôt  l'équilibre  s'établit  entre  le  cadavre  et  la  température 
extérieure.  Mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi  :  dans  quelques 
maladies  la  température  s'élève  au  lieu  de  baisser  après  la  mort. 
Il  faut  donc  ne  pas  se  contenter  de  l'observation  banale  du 
refroidissement,  mais  tâcher  d'en  suivre  les  lois  en  tenant 
compte  de  la  maladie  qui  a  amené  la  mort. 

C'est  ce  que  le  docteur  Alf.  S.  Taylor  et  le  docteur  Wilks^ 
ont  essayé  de  faire,  et  ils  ont,  dans  cent  observations,  mesuré 
la  température  trois  et  quatre  fois  sur  chaque  sujet,  après  la 
mort.  On  a  tenu  compte  du  genre  de  maladie  qui  avait  précédé, 
de  la  température  du  lieu ,  etc.  Le  thermomètre  a  été  le  plus 
souvent  appliqué  sur  la  peau  de  l'abdomen ,  quelquefois  dans 
l'intérieur  du  corps.  Trois  heures  après  la  mort,  sur  soixante- 
seize  cas,  la  température  a  été  de  qS""  G.  Dans  les  autres  cas 
elle  a  été,  au  maximum,  de  3&°,5  G.  et,  au  minimum,  de 
l5^5G. 

Quatre  ou  six  heures  après  la  mort,  la  température 
moyenne,  dans  quarante-neuf  observations,  a  été  de  â3^3 
(maximum  3o  degrés,  minimum  i6%6). 

Six  ou  huit  heures  après  la  mort,  sur  vingt-neuf  cas,  la  tem- 
pérature moyenne  a  été  de  f)Q%9  (maximum  9  6%6,  minimum 
i5°,5). 

^  Docteur  Aif.  S.  Taylor  et  docteur     la  mort  (  Guy*M   Hotp.  R«p. ,  *S'  »ér. 
Wilks,  BêfroidiMiêmênt  du  eorp»  aprè»     IX,  p.  180,  i863). 


TEMPÉRATURE  POST  MORTBM.  401 

Enfin  doaxe  heures  après  la  mort,  trente -cinq  observations 
ont  donné,  en  moyenne»  ai\'j  (maximum  a 6  degrés,  mini- 
mum i3%3). 

La  teni[^érature  du  milieu  a  varié  pendant  le  cours  de  ces 
observations,  de  +  3%5  à  +  a  i"*  C.  Voici  quelques-unes  des 
conclusions  de  ce  travail  : 

Les  morts  qui  ont  succombé  à  une  maladie  longue  et  épui- 
sante perdent  leur  température  propre  plus  lentement  que 
ceux  qui  ont  succombé  à  une  maladie  aigué. 

Les  gens  morts  par  accident  ou  k  la  suite  d'une  opération 
subissent  souvent  une  décomposition  rapide. 

Les  cadavres  gros  conservent  leur  chaleur  plus  longtemps 
que  les  maigres. 

Un  temps  humide ,  même  en  hiver,  active  plus  la  décompo- 
sition que  la  chaleur  de  Tété. 

Le  refroidissement  des  cadavres  est  un  phénomène  phy- 
sique qui  dépend  du  rayonnement  et  de  la  conductibilité;  il 
est  donc  sous  l'influence  directe  du  milieu.  Un  noyé  se  re- 
froidit beaucoup  plus  vite  qu'un  cadavre  exposé  è  l'air.  Le 
corps  est-il  posé  sur  un  support  bon  conducteur  du  calorique , 
nu  ou  è  peine  vêtu,  ou  est-il  exposé  à  un  courant  d'air,  la 
chambre  est-elle  grande,  alors  le  refroidissement  va  infiniment 
plus  vile  que  s'il  se  trouve  tout  k  fait  vêtu,  dans  un  lit  et 
dans  une  chambre  close.  La  peau  est  un  bon  conducteur  du 
calorique  :  aussi  le  simple  toucher  du  cadavre  ou  une  apprécia- 
tion rapide  de  la  température ,  ne  suflBsent-ils  pas  pour  émettre 
une  opinion  fondée ,  d'autant  que  l'une  des  mains  de  l'obser- 
vateur peut  trouver  un  endroit  du  corps  chaud  et  l'autre  main 
le  trouver  froid.  Lorsque  la  température  du  mort  était  tombée 
k  1 5'  C. ,  et  qu'on  élevait  la  température  du  milieu  de  i  o  de- 
grés, on  pouvait  maintenir  le  corps  longtemps  à  cette  tempéra- 
ture de  1 5  degrés.  Les  corps  des  adultes  se  refroidissent  plus 
lentement  que  ceux  des  enfants  et  des  vieillards  (question 
de  masse). 

96 


hO^ 


CH4P1TRB  11.  -^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 


Les  organes  interaes  conservent  leur  chaleur  beaucoup  plus 
longtemps  que  la  surface  du  corps.  On  y  a  trouve  souvent  de 
ai  R  ^9  degrés  «  quinze  ou  vingt  heures  après  la  mort,  alors 
que  la  surface  avait  pris  la  température  du  milieu  ambiant 
D'autres  observateurs  ont  noté  des  températures  intérieures 
encore  plus  élevées  (87  à  Sg'^ti.)  avantla  putréfaction. 

Souvent  il  y  a  une  élévation  de  température  après  la  mort, 
par  exemple  dans  les  cas  de  tétanos.  Chez  un  malade  morl 
(le  la  maladie  de  Bright,  les  auteurs  ont  trouvé  une  fois  la 
température  plus  haute  de  i%5  quatre  heures  après,  que  deux 
heures  après  la  mort,  la  température  de  Tair  étant  de  17"*  C. 
Ce  serait  un  cas  fréquent  chez  les  gens  morts  de  la  fièvre 
jaune  (docteur  Dowler),  et  le  maximum  Irait  jusqu'à  Âo  et 
même  65  degrés.  On  a  observé  le  même  phénomène  chez 
les  cholériques.  On  n'a  point  constaté  un  refroidissement  plus 
rapide  chez  les  gens  morts  d'hémorragie. 

M.  Alvarenga'  a  fait  des  recherches  analogues  sur  un  homme 
mort  d'hémorragie  cérébrale.  Une  heure  avant  la  mort,  le  ther- 
momètre marquait  36%5;  le  thermomètre  resta  appliqué dan> 
faisselle  et  fournit  les  indications  suivantes  : 


HeurM.  Temp^mlupe. 

8  heures. Mort 

8  h.  i/h, ......  3ô*.6 

8  h.  1/9 35  ,4 

8  h.  3/4 35  ,0 

9  heures 34  ,6 

9  b.  f/4 34  ,0 

9  h.  i/a 33  ,4 

9  h.  3/4 39  ,8 

10  heures 3-j  ,9 

to  b.  1/4 3t  ,6 

10  h.  1/9 3t  ,0 

10  b.  3/4 3o  ,6 


fleara».  Tenpértlurp. 

1  heures 3o\o 

1  b.  1/4 99  ,6 

.     99,0 

.     98,4 

97  ,0 

.     95,6 

.     93,8 

90  ,6 

18  ,0 

.      i5,8 
i5  ,0 


1  b.  1/9 .. . 
t  h.  3/4 . . . 

Midi 

9  h.  1/4... 
9  b.  1/9 .  . . 
9  b.  3/4 . . . 

heure 

b.  t/4 . . . . 

h.  1/9 ... . 


*  Alvarenga,  Ptérù  de  thermoméla-iê  clinique  générale.  Trad.   de  PapilUtHl. 
1871,  p.  tag. 


TEMPÉRATURE  POST  MOBTEM.  403 

La  température  de  la  salle  était  de  1 5  degrés.  Il  est  à  re- 
marquer que  rabaissement  de  la  température  a  été  d'autant 
plus  rapide  que  Ton  s^est  éloigné  davantage  du  moment  de  la 
mort.  Il  semblerait  que,  dans  les  instants  qui  suivent  la  mort, 
rabaissement  dût  être ,  au  contraire ,  plus  rapide ,  puisque  l'écart 
entre  la  température  du  cadavre  et  celle  du  milieu  ambiant  est 
plus  marqué.  Puisque  cest  le  phénomène  inverse  que  Ton 
observe ,  on  peut  soupçonner  que  quelque  cause  crée  encore 
de  la  chaleur  après  la  mort.  Cette  hypothèse  se  trouve  appuyée 
par  ce  fait  surprenant  que  souvent,  Otto  Funke  dit  même 
presque  constamment,  la  température  s'élève  après  la  mort. 

Th.  Simon  ^  a  cherché  h  démontrer,  par  plusieurs  observa- 
tions d'élévation  soudaine  de  la  température  au  moment  même 
de  la  mort,  qu'il  s'agit  non  d'une  contraction  musculaire 
comme  on  le  pensait  d'après  quelques  cas  de  réchauffement 
après  la  mort  des  tétaniques,  mais  d'une  paralysie  soudaine  du 
système  nerveux ,  laquelle  serait  la  véritable  cause  de  cet  accrois* 
sèment  de  température.  L'auteur  cite  les  maladies  suivantes , 
ou  cette  élévation  au  moment  de  la  mort  a  été  observée  :  deli- 
rium  trme^.  rkumatime  aigu,  variole  conjluenle  et  hémarra. 
gique,  blessures,  etc. 

Le  docteur  Erb^  s'exprime  ainsi  sur  le  même  sujet,  è  pro- 
pos de  l'élévation  de  la  température  dans  l'agonie ,  chez  les  gens 
atteints  de  maladies  du  système  nerveux  : 

«Dans  la  plupart  des  maladies  du  centre  nerveux,  sinon 
dans  toutes,  avec  ou  sans  lésion  anatomo- pathologique, 
qu'elles  soient  ou  non  accompagnées  de  convulsions  tétaniques , 
aui  approches  de  la  mort,  il  se  produit,  en  même  temps  que 
les  fonctions  cérébrales  manifestent  un  trouble  et  une  pros- 
tration considérables,  une  élévation  de  température  plus  ou 

*  Th.  Simon,  de  Hamboui^,  L'élé-        *  Docteur   W.  Erb,  à  Heidelttei^, 

vatkm  de  la  température  doM  V agonie  H  in  Arck.  Jnr  kUn.  Med.,   i-s,   i865. 

aprèê  la  mort,  (Ann.  delà  CkarUé  de  Analyse   in   Schmdt'ê  Jakrh.,    1866. 

Herlin,  \ill  ,9,1 865.  )  t.  CXI ,  p.  9 1 ,  par  Geiasler. 

•j6  . 


AOA 


CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 


moins  rapide,  habituellement  très-notable  »  laquelle  très-sou- 
vent persiste  pendant  quelque  temps  après  la  cessation  de  la 
respiration  et  des  battements  du  cœur,  n  L'auteur  remarque 
que  ces  températures  excessives  se  montrent  quand  la  mort  a 
lieu  par  le  cerveau,  mais  que,  si  les  poumons  ou  le  cœur  sont 
la  cause  prochaine  de  la  mort,  il  n'en  est  plus  ainsi  parce 
qu'alors  les  conditions  nécessaires  k  la  formation  de  la  chaleur 
sont  abolies.  Mais,  si  la  respiration  intacte  charrie  encore  assez 
d'oxygène,  alors  la  température  peut  s'élever.  Toutes  les  mala- 
dies du  cerveau,  même  les  troubles  fonctionnels  sans  lésion, 
peuvent  amener  cette  élévation  de  chaleur  ultime.  L'auteur  cite 
la  tuberculisation  pulmonaire  avec  méningite  de  la  base,  la 
méningite  purulente,  la  sclérose  du  cerveau,  les  accidents 
puerpéraux,  le  typhus,  la  méningite  spinale,  l'hémorragie 
cérébrale,  etc.  Pour  Wunderlich,  cette  élévation  s'observe 
surtout  quand  la  maladie  se  termine  par  des  températures 
hyperpyrétiques. 

On  s'aperçut  bientôt  '  que  les  affections  des  centres  nerveux 
et  celles  qui  »ont  accompagnées  de  fortes  convulsions  téta- 
niques ne  donnent  pas  seules  naissance  à  un  accroissement 
de  chaleur  après  la  mort,  et  les  auteurs  cherchèrent  à  expli- 
quer cette  élévation  par  le  passage  des  muscles  è  l'état  de  rigi- 
dité cadavérique.  C'est  la  cause  qu'invoque  Huppert^,  en  te- 
nant compte  également  de  la  coagulation  sanguine. 


*  Quelques  autours  n^alMndonnèrenl 
pas  facilement  la  théorie  de  finfluenoe 
cérébrale.  Ainsi  Eulenbui^'  rapporte 
deui  cas  de  mort  par  érësipèle  avec  ob- 
servations de  la  température  avant  et 
après  la  mort  : 


i"eaii. 


«'  e«». 


43  ,t 
i  Al  ,8 


Avant  U  nort.  (Ai»««lle.) 
t,k  d*lMuri  aprètt. 

An  moment  de  la  mort, 
ao  nuontoi  aprèi. 


D'oii  Eulenburg  oondut  que  Télexa- 
tion  est  due  i  une  paralysie  subite  des 
centres  neneui,  et  ajoute  que  férési- 
pète  est  une  affeclion  nerveuse,  un 
trouble  fonctionnel  des  neHs  vasomo- 
teurs. 

*  Huppert  H.,  Uêher  éiê  Vnathe 
dêr  poêtmortakm  TempfnUlirêtêigtrmmg. 
(iirri.  dtr  HêOk.  1867,  t.  VIII,  S  dsi- 
3do.) 


*  Euleoburg,  CetdmlbUm,  n"  ô,  1866.  —  Mw»9mmH  mèdicml,  n*  &i,  18G9. 


TEMPÉRATURE  POST  MORTEM.  405 

rVaccord  avec  les  conclusions  de  Walther  *  [Recherches  sur 
l'msolation) ,  Huppert  pense  démontrer  que  la  venue  de  la  rigi- 
dité musculaire  retarde  notablement  le  refroidissement  du  ca- 
davre. Un  lapin  fût  tué  par  injection  de  glycérine  dans  la 
jugulaire,  la  chute  de  la  température  fut  mesurée  depuis  le 
moment  de  la  rigidité  complète  jusqu'au  second  jour»  où  elle 
persistait  encore;  le  cadavre  fut  porté  à  la  température  de 
Uo  d^rés,  et  la  rapidité  du  refroidissement  fut  de  nouveau 
mesurée  le  troisième  jour  après  la  résolution  complète  de  la 
rigidité.  Le  premier  jour,  la  température  tomba  de  Â%a5  G.  en 
cent  trente-neuf  minutes;  le  second  jour  de  Â%5G.  en  soixante 
et  onie  minutes  cinq  secondes;  le  troisième  en  soixante-quaire 
minutes  et  quinze  secondes. 

On  a  obtenu  un  refroidissement  rapide  avec  des  substances 
toxiques  qui  suppriment  la  rigidité  cadavérique. 

Cette  hypothèse  de  Walther  et  Huppert  a  été  acceptée  par 
Wunderlich  ',  et  la  preuve  a  été  fournie  par  Fick  et  Dybkowsky  ' 
ainsi  que  par  Schiffer^,  ils  démontrèrent  directement  que  les 
muscles,  dans  la  rigidité  cadavérique  comme  dans  leur  con- 
traction pendant  la  vie,  ont  des  manifestations  chimiques  iden- 
tiques, et  que,  dans  les  deux  cas,  ils  produisent  de  la  chaleur. 
Ackermann  invoque  également,  pour  expliquer  cette  élévation 
de  température,  ce  fait  qu'après  la  mort  les  actes  chimiques 
peuvent  durer  encore  un  certain  temps,  tandis  que  la  perte 
de  chaleur  est  arrêtée  par  la  cessation  de  la  respiration  et  de 
la  circulation  du  sang  è  la  peau. 

M.  Bourneville  a  communiqué  h  la  Société  de  biologie,  en 
1871  \  un  fait  bien  curieux  d'élévation  de  température  post 

'  Walther*  BuU,  de  VÀcud.  det  te.  de  jaknckr.  d,  Zurich,  natwj.  Ge$. ,  1 867, 

inl-Pêtfr$bourg y  L  XL,  p.  17.  Cen-  el  CeniralblaU,  1868,  p.  197. 

tratbhUtf.  d.  med,  W, ,  1 867,  p.  391 .  *  Scliiffer,  Cenlrnlhl,  f,  d.  med,  W. , 

^YltÈKAa^U^ttBtmerkungtnbnemem  1867,  p.  8^.  4rck,f.  Anat  u.  Phjf*. 

Fmll  vom  êpimUmem  THamtê,  Arck,  dfr  1868,  p.  hh^, 

lhiik.,i.  II,  p.  5^7.  '  Bourneville,  Gar.  dêt  Mp.,  187a, 

^  Fick    tind    Dybkowoky,     Viertel-  p.  Sa. 


406         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

moriem.  Un  homme  de  quarnnte-cînq  ans  fut  trouvé  nu  sur  le 
parquet  de  sa  chambre  dont  la  fenêtre  était  ouverte.  Célail 
pendant  une  des  journées  les  plus  froides  du  mois  de  janvier 
1 87 1 .  Au  moment  de  son  admission  dans  le  service  de  M.  Mar- 
rotte,  à  la  Pitié  (  1 1  heures  du  soir),  on  constate  un  refroidis- 
sement général;  le  pouls  est  imperceptible.  Le  cœur  ne  fait 
entendre  qu*un  bruit  sourd,  irrégulier  dans  son  rbythme.  On 
compte  Q&  respirations  par  minute.  La  température  rectale 
est  h  97%&  (i.  (Toutes  les  précautions  ont  été  prises  pour  évi- 
ter l'erreur.)  On  entoure  le  malade  d'alèzes  et  de  boules  d'eau 
chaude,  on  lui  fait  boire  du  vin  chaud.  A  une  heure  du  matin, 
la  température  rectale  était  à  â8'',9.  Le  malade  succombe  à 
8  heures  du  matin.  Cinq  minutes  après  la  mort,  la  tempéra- 
ture rectale  était  à  36\9. 

L*autopsie  ne  révéla  aucune  lésion,  et  les  renseignements 
permettent  d'affirmer  que  le  malade  n'était  pas  alcoolique. 

A.  Valentin  ^  a  analysé  et  soumis  à  la  critique  les  faits  con- 
nus à  ce  sujet ,  et  a  institué  une  série  d'expériences  nouvelles. 
Les  animaux  employés  furent  des  grenouilles,  des  porcs,  des 
cochons  d'Inde,  des  lapins,  des  pigeons  «  des  chiens,  des  mar- 
mottes. On  les  tuait  de  différentes  façons,  et  l'on  explorait  la 
température  dans  les  viscères.  Voici  les  conclusions  de  ce  tra- 
vail : 

La  production  de  chaleur  après  la  mort  est  un  fait  gé- 
néral. 

Cette  chaleur  est  d'autant  plus  grande  que  la  production 
en  est  supérieure  à  la  dépense. 

Avant  tout,  la  production  de  chaleur  après  la  cessation  des 
battements  du  cœur  provient  de  la  persistance  des  actions  vi- 
tales caloriformatives.  L'élévation  de  celles-ci,  particulièrement 
de  celles  qui  se  produisent  sous  une  influence  nerveuse,  con- 
tribue à  engendrer  une  plus  forte  production  de  chaleur  après 

-  '*   Acloir.  Valentin,  De  Vél^vntûm  de  la  tempèralHrt  ajrrh  la  mort,  DisseHJilion 
inaii^iirnle,  Berne,  18C9. 


TEMPÉRATURE  POST  MOBTEM  407 

la  mort.  La  rigidité  cadavérique,  bien  qu'elle  mette  en  liberté 
de  la  chaleur,  n'influe  que  très-peu  sur  Télévation  de  la  tem- 
|>érature  post  mortem. 

Les  décompositions  qui  se  font  après  la  mort  ont  une  bien 
plus  grande  importance  comme  source  de  dégagement  de  cha- 
leur. 

La  perte  de  chaleur  est  bien  plus  faible  après  la  mort  que 
pendant  la  vie.  Il  peut  se  rencontrer  aussi  une  élévation  de  la 
température  post  mùrlem  sans  augmentation  de  la  production 
de  chaleur. 

A.  Valentin  a  observé  sur  les  lapins,  que,  lorsque  l'abais- 
sement de  la  température  après  la  mort  survenait,  on  le  voyait 
faire  place  è  une  élévation  aussitôt  que  le  milieu  ambiant 
était  chauffé,  et  que  cette  température  de  l'animal  surpassait 
alors  de  beaucoup  celle  du  milieu,  fait  qui  ne  peut  s'expli- 
quer que  par  la  persistance  de  la  production  de  chaleur. 

Si  l'explication  unique  n'est  pas  donnée,  les  auteurs  sont 
d'accord  pour  admettre  que  c'est  surtout  dans  les  affections  du 
système  nerveux  et  dans  les  maladies  infectieuses,  que  l'éléva- 
tion de  température  post  mortem  atteint  ses  plus  grandes  pro- 
portions. Peut-être,  d'ailleurs,  ne  doit-on  pas  invoquer  une 
cause  unique,  le  processus  peut  être  différent.  Nous  avons  si- 
gnalé ailleurs  \  après  d'autres,  après  Doyère  en  particulier, 
que,  dans  le  choléra,  la  température  reclvle post  mortem  s*élève 
fréquemment.  Ainsi,  sur  treize  malades,  huit  ont  eu  une 
élévation  de  la  température  après  la  mort,  elle  a  été,  au 
maximum ,  de  3  degrés  ;  deux  n'ont  donné  aucune  variation , 
trois  ont  eu  un  abaissement  immédiat  delà  température.  Nous 
avons  fait  remarquer  également  que  l'élévation  de  la  tempé- 
rature après  la  mort  semble  plus  prononcée  chez  les  cholé- 
riques qui  succombent  dans  la  période  algide,  que  chez  ceux 
qui  succombent  dans  la  période  typhique. 

^   ï*.  Lorain,  Le  rKttléra  a  rhàpiîal  Saiiêt-Atitoine,  1868,  p.  11 7-1  s  H. 


/i08         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


S  IV. 


REPARTITION   DE  LA    CHALEUR. 

Depuis  la  fin  du  siècle  dernier,  les  mc^decins  savent  que  la 
chaleur  est  inéijalerneni  répartie  dans  les  diverses  régions  du 
corps.  Martin,  J.Ilunter,  (lariisle,  ont  fait  des  déterminations 
assez  précises  pour  établir  le  sens  dans  lequel  varie  le  phéno- 
mène. J.  Uavy  a  publié  des  travaux  qui  peuvent  encore  être 
consultés  aujourd'hui  avec  fruit.  En  nous  plaçant  au  point  de 
vue  exclusif  de  la  ihenuométrie  médicale,  il  nous  faut  étudier 
les  variations  do  la  répartition  de  la  chaleur  sous  deux  rap- 
|)orts  :  t"  la  répartition  réelle  dans  toute  l'économie;  ù"  la  ré- 
partition et  les  causes  des  variations  dans  les  différents  points 
accessibles  à  la  thermométrie. 

î  Rf'lHwihion  rMIe  de  la  chaleur  dans  V économie.  —  J.  Davy 
a  |)iiblié  le  tableau  suivant  de  la  distribution  de  la  tempéra- 
ture dans  les  diverses  parties  du  corps  d'un  agneau  qu'on  venait 
de  tuer.  Les  températures  ont  été  prises,  même  celles  des 
parties  superiicielles,  en  introduisant  le  thermomètre  sous  la 
peau  '. 

Sur  l'os  i\{\  tarse 3q',»29  C. 

Sur  Tos  (lu  uiëtalarsp. .     30  ,i  i 

Sur  rarticulalioadu  genou 38  ,89 

Vei's  le  haut  de  la  cuisse 39  ,66 

Souâ  la  hanche 60  ,00 

Au  milieu  de  la  matière  cérébrale Ao  ,00 

Hectum 60  ,56 

Sang  de  la  veine  jugulaire 60  ,86 

Vers  la  base  du  foie 61.11 

Dans  le  ventricule  droit  du  cœur 61,11 

'   J.    Davy,  Bihlùfthpque  hTitmmique ,   iSifi,!.  LX,p.  11 5. 


RÉPARTITION  DE  LA  CHALEUR.  409 

Dans  le  parenchyme  du  foie .  A  i%39  C. 

Dans  le  parenchyme  pulmonaire A  i  «Sg 

Sang  de  la  carotide A  i  ^7 

Dans  le  ventricule  gauche  du  cœur Ai  «67 

Cette  question  de  la  répartition  fut  reprise  par  MM.  Becque- 
rel et  Breschet  en  i835.  Pour  eux  : 

^  Il  existe  une  différence  bien  marquée  entre  la  température 
des  muscles  et  celle  du  tissu  cellulaire  dans  Thomme  et  les 
animaux,  laquelle  paraît  dépendre  de  la  température  exté- 
rieure, de  la  manière  dont  l'individu  est  vêtu  et  de  plusieurs 
autres  causes.  Cette  différence  dans  l'homme,  et  probablement 
dans  les  animaux,  est  en  faveur  des  muscles.  Les  corps  vivants 
se  trouvent  donc  dans  le  cas  d'un  corps  inerte  dont  on  a  élevé 
la  température, «et  qui  est  soumis  à  un  refroidissement  conti- 
nuel de  la  part  du  milieu  dans  lequel  il  se  trouve;  ce  refroi- 
dissement se  fait  sentir  d'abord  à  la  surface,  puis  gagne  suc- 
cessivement les  couches  intérieures  jusqu'au  centre;  mais,  dans 
les  animaux ,  la  loi  de  déperdition  ne  peut  être  la  même  que 
dans  les  corps  inorganiques,  puisqu'il  y  a  dans  les  premiers 
une  cause  réparatrice  qui  agit  constamment.  y> 

M.  BecquereP  eut,  de  plus,  le  mérite  d'utiliser  les  aiguilles 
thermo-électriques  pour  explorer  la  température  des  régions 
dont  le  thermomètre  à  mercure  ne  pouvait  apprécier  les 
variations.  Voici  les  conclusions  auxquelles  M.  Becquerel  est 
arrivé  : 

1°  Le  sang,,  soit  artériel,  soit  veineux,  est  d'autant  plus 
chaud  qu'on  l'examine  plus  près  du  cœur.  Ainsi ,  dans  la  caro- 
tide, la  température  du  sang  est  de  o",i5  au-dessus  de  celle 
du  sang  de  l'artère  crurale;  la  température  du  sang  de  la  veine 
jugulaire  l'emporte  de  o",3  sur  ce\\ç  du  sang  de  la  veine  cru- 
rale. 

9"*  La  température  du  sang  artériel  est  toujours  notabie- 

'  Becqaerel,  Trmli  de  physique ,  L  If,  p.  5i. 


h\0         CHAPITRE  II.        LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

ment  supérieure  à  celle  du  sang  veineux  quand  i*expérienre 
porte  sur  des  points  correspondants  des  vaisseaux  collatéraux. 
Ainsi,  à  Torigioe  de  l'aorte,  la  température  du  sang  l'emporte 
de  o%84  sur  celle  du  sang  de  la  veine  cave  supérieure,  au 
point  où  ce  dernier  vaisseau  s'ouvre  dans  l'oreillette  droite;  la 
température  du  sang  de  l'artère  crurale  est  moyennement  su- 
périeure de  0^,98  h  celle  du  sang  de  la  veine  crurale. 

3'  Ln  température  des  muscles  l'emporte  sur  celle  du  tissu 
cellulaire  qui  leur  sert  d'enveloppe.  M.  Becquerel  a  trouvé  que 
le  biceps  au  repos  a  une  température  de  1  '.iiy  supérieure  à 
celle  du  tissu  cellulaire  adjacent. 

Mais  c'est  k  M.  Cl.  Bernard  surtout  que  nous  devons  les  no- 
tions les  plus  précises  sur  cette  répartition.  Nous  loi  emprun- 
tons deux  tableaux  dans  lesquels  il  a  réuni  les  opinions  de 
ses  devanciers,  et  nous  anaivsons  ensuite  ses  dernièr&s  re- 
cherches  K  (Voir  les  tableaux,  p.  &  t  9-&1  5.) 

Les  recherches  de  M.  Cl.  Bernard,  publiées  en  1867.  sur 
la  température  comparée  du  sang  artériel  et  du  sang  veineuï. 
ne  furent  pas  acceptées  sans  contestation.  M.  Colin  d'AIforl. 
en  particulier,  résuma ,  dans  une  Note  k  l'Institut,  des  recher- 
ches très-minutieuses,  dont  il  crut  pouvoir  déduire  des  con- 
clusions contraires  h  celles  de  W.  Cl.  Bernard.  Voici  le  résumé 
fie  ce  travail  -  : 

«^  Le  corps  animal  n'a  pas^,  à  beaucoup  près, comme Da*vy  Va 
déjà  noté,  une  température  uniforme,  car  il  n'y  a  pas  en  lui 
une  égale  production,  une  égale  répartition,  ni  une  égale  dé- 
perdition de  calorique.  (Considérée  en  masse,  sa  température 
décroît  du  centre  à  la  périphérie,  surtout  vers  les  extrémités 
où  les  surfaces  rayonnantes  deviennent  très-étendues  relative- 

*  CL  Bernard ,  Température  du  iang  :  (obre  1 865 ,  Sur  la  tempémtwrf  au  nt»g 
»anff  artériel,  Mng  veineux,  (l^eçnn»  tiir  reitieux,  cwmparèt  k  edU  au  imtg  ar- 
ia chaleur  animale,  Paris,  p.  33.)  tériel  dam  le  centr  et  let  autrt»  parue* 

'  Colin,  profesieiir  n  Phrole  vëtëri-  centrale»  du  t^êtème  roêculaire.) 
oaire  d*  Aifori.  (Acad,  de*  $cieneei ,  %  3  oc- 


RÉPARTITION  DE  LA  CHALEUR.         4M 

ment  au  volume  des  parties.  Les  parties  centrales  voisines  du 
foie  et  do  l'estomac  arrivent  au  defpré  maximum,  ainsi  que 
M.  Bernard  Ta  démontr<^.  Cependant  la  base  des  poumons,  la 
partie  antérieure  du  diaphragme,  aussi  rapprochées  du  centre 
que  les  premières,  ont  une  température  très- sensiblement 
inférieure  à  celle  des  parties  sous-diaphragmatiques.  De  ces 
parties,  les  unes  sont  à  une  température  constante  ou  subordon- 
née à  celle  du  sang;  les  autres,  telles  que  le  poumon,  la  peau, 
le  système  musculaire,  l'estomac,  l'intestin,  en  ont  une  essen- 
tiellement variable,  modifiée  sans  cesse  par  celle  de  l'atmos- 
phère ou  parles  actions  chimiques  intermittentes  qui  se  passent 
en  elles. 

«  Les  deux  sangs  n'ont  point  le  même  degré  de  chaleur  ni 
dans  les  régions  ou  les  artères  et  les  veines  se  juxtaposent,  ni 
dans  les  deux  cœurs.  Mais  il  est  très-diflBcile  de  les  comparer 
très- rigoureusement.  Presque  partout,  si  ce  n'est  dans  les 
organes  profonds,  le  sang  de  l'artère  est  plus  chaud  que  celui 
de  la  veine  satellite.  Le  sang  de  la  carotide,  par  exemple,  est 
de  i/â,  1,  d  degi-és  plus  chaud  que  celui  de  la  veine  jugu- 
laire, et  ainsi,  à  peu  près,  de  l'artère  fémorale  comparée  à  la 
saphène,  de  l'artère  radiale  comparée  à  la  sous-cutanée  de 
Tavant-bras.  D'ailleurs  l'uniformité  n'existe  même  pas  dans 
l'ensemble  de  chaque  système  vasculaire  pris  à  part.  Dans  l'ar- 
tériel, la  température  va  en  décroissant  très-faiblement  du 
tronc  aortique  vers  les  divisions  terminales;  dans  le  veineux, 
au  contraire,  elle  s'élève  très-rapidement  des  radicules  vers 
les  parties  centrales.  Toutefois  chaque  grande  veine  a  la 
sienne  propre  :  la  veine  cave  supérieure  offre  le  minimum,  la 
veine  porte  le  maximum,  et  la  veine  cave  inférieure  conserve 
le  degré  intermédiaire,  yi 

L'auteur  rappelle  que,  dans  le  cœur,  les  deux  sangs  n'ont 
point  des  températures  d'un  rapport  constant  et  invariable.  Le 
pins  souvent,  c'est  le  sang  artériel  qui  est  le  plus  chaud. 

L'auteur  a  etpérimenlé  sur  plus  de  quatre-vingts  animaux  qui 


412 


CHAPITRE  ri. —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 


TaBLBAI*  a.  ArXEL'RS  QUI  0?iT  TROUVE  LE  s\\ 


>OMS  DBS  AUTBURS. 


Hallu  ,  1 760. . . 
CkAwroKT,  177R. 


KmvitK,  1893. 


I 
Scri>4iiORi .  1 8a6 ) 


S*1»«T,   180B. 


J.  DiTT.  iRi5 


P  $éri§  à*9Xftr%$nc9* , 


Nami, 

lK/^3. 


I 


»'  itérie  d'fjrpérifnc$9. 


Birormnel  Bniiiriirr.  1837 


•    •   t 


SANG 

AITÉIIIL. 


37",ao 
38  ,80 
38  ,18 
37  ,5o 

37  ,«0 

37,70 
36  ,10 

38  ,&o 

36  ,60 
38  ,00 
3i  .ko 
ho  ,00 

ho  ,5o 
ho  ,5o 
4o  ,5o 
ho  .5o 
ho  ,10 
ho  ,00 
^o  ,00 
38  .60 
.18  ,3n 

ht  «10 
&i  ,10 
hi  ,10 

*» 

64  ,80 
ht  80 
ht  ,5o 


n 
•f 
n 
n 
it 
n 


SANG 


36',  10 
37  ,5o 

37  ,10 
36  ,60 
36  ,90 

36  ,60 

35  ,5o 

38  ,00 

36  ,00 

37  ,5o 
3i  ,00 
39.10 

ho  ,00 
4o  ,00 

39.70 
ho  ,00 

89,70 

39,10 

39,40 

37,70 

38  ,3o 

ho  .80 
4o  ,5o 
ho  .80 


ht  ,95 
ho  ,60 
ht  ,95 

it 

II 

n 
n 
n 
ti 
it 


DIFFÉRENCE 
■SI  riTtot 

ikiMqgaiUriei. 


1  ,10 
I  ,3o 
0,98 
0,90 

0  ,90 

1  ,10 
o  ,60 
o  ,5o 

o  ,00 
o  ,5o 
o  ,&o 
0,90 

o  ,5o 
o  ,5o 
o  .80 
o  ,;)o 
o  ,5o 
0,90 
o  ,60 
0,90 
o  .00 

o  ,3o 
o  ,60 

0  ,3o 

If 

1  ,55 
1  ,10 

1  ,95 

o,8& 

•  ,«« 
o,8A 

0,84 
o  .90 
8,i5 


ANIMU\ 


f 

Monton 
HomniP 
Femro^ 
Honiiitf 

Mouton 
Hotume 

MannoH'' 

H^n$90D 

Ecureoii. 

Châuvf-x- 

Agneau. 

Um. 

léem. 

Idfm. 

Idem. 

Brebi-i. 

Idem. 

Idm. 

Bœof. 

Idem 

AgtiMU 

Idem. 

Idem. 

t 

« 

4 

CbieD. 

Idem 
Idem 
Idem 
Idem 

Idem. 


RÉPARTITION  DE  LA  CHALEUR. 


413 


rKRIBL  PLIS  CHAUD  QUE  LE  SAKG  VEINEUX. 


UISSBAOX  BXPÂAIMBNTÉS. 


Irn*  earotidf .  Veine  jugolaire. 
tm  temporale.  Veine  jngoiaire. 

m, 

icn  el  fetne  braefaiaiee.  AmpoUlioii 

dvkrai. 

im  earoUde.  Veine  jagiilaire. 
lèn  temporale.  Veine  do  bras. 
!tr  gaoche.  Cmnr  droit 


^  caro4ide.  Veine  jngalaire. 


m. 
m 


tvgaacbe.  Gros  intestin. 

«r  droit  fto*,o 

ho  ,ô 
4o,6 

■paniioo  dn  cmur  gauche  avec  le 

'('^•qoe.  ce  dernier  plut  chaud. 

"V  gauche.  Cmur  droit 

m, 

^  nrtaot  du  cœur.  Veine  cave  infé- 
'ttore  entrent  dam  le  cœur. 
iere  erarale.  Veine  chiraie. 

m. 

roUde  et  veine  crurale. 

tire  cnirile.  Veine  jugulaire. 

n^>  Artère  crurale. 

ne  jogQiaire,o\3o  pins  chaude  que  la 
«ioe  crurale. 


PROCÉDÉS   D*BXPÉRIMBNTATION. 


f    Citation  :  Sehwenke. 
Thermomètre  dans  le  sang  recueilli. 
Thermomètre  dans  le  jet  du  Mng. 
Idem, 
léem. 

Idem. 

Idem. 

Incision  des  cavités  dn  cœur.  Deux  thermomètres 
comparés  simultanément. 

Idem. 

Expériences  sur  deux  animaux  comparés. 

Idem. 

Thermomètre  Fahr.  plongé  dans  la  veine.  Thermo- 
mètre Fahr.  dans  le  jet  du  sang  artériel. 

Idtm. 

Idem. 

Idem, 

Idem. 

Idem. 

Idem. 

Idem. 

Uem. 

Idem. 

Animaux  récemment  morts.  Poitrine  ouveiie.  Ven- 
tricules incisés. 

Idem. 
Idem. 

Poitrine  ouverte,  cœur  incisé  ;  oondusion  indirecte  que 
le  sang  artériel  est  plus  chaud  que  le  s#ng  veineux. 
Animal  récemment  mort. 
Poitrine  ouverte.  Cœur  incisé.  Procédé  de  Davy. 

Aiguilles  thermo-électriques  :  poitrine  ouverte  «  ani- 
mal récemment  mort. 


âlâ         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


T%BLE%L  B.  AliTElJRS  Qtl  OST  TROlVt  U  ^\^ 


^OMS  DBS  ACTEURS. 

AITtaitL. 

SAKG 
fEl.%Kll. 

DirPÉRBIfCE 
m  f ATioa 

6m 

A?IIMAl\ 

Rucu,  1^33 

ào'.^o 

kl\kQ 

o%&0 

lloulon. 

CoLL4A»      M     lllftTMJlT     «i     MftL- 

càiwi,  i83i 

II 

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Chten. 

lli(>B»l>ll  ri  i.L.  BlftMftl»,   |Hb&.  . 

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Ci_  BftftSâAft.  18&0 

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38  ,00 

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39  ,10 

39  ,10 

0  ,10 

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38  .60 

38  ,80 

0  ,90 

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1"  ««rt>  d'expfnnHcm .  ^ 

1 

38  ,5o 
38  .60 

38,70 
38  .80 

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léem. 

39  .10 

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a     1 

38  .70 

38.90 

0  ,10 

Utmt. 

Bbmab»  .  1 

38  ,80 

38  .90 

0  .to 

Uem 

1857. 

39  ,*o 

39  ,4o 

0  ,so 

Uem, 

Ao,ii 

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UoUtUQ 

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ko  .3  s 

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Uem 

9'  êerie  ti'expntfHcet.  ^ 

39.58 

39,60 

o.oi(T) 

Uem, 

ho  ,s& 

&o  ,39 

o,s8(T) 

Idem, 

39.68 

39.87 

o,o8(T) 

UewL. 

^u  ,»9 

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"      (t) 

Uem, 

i 

I 


RÉPARTITION  DE  LA  CHALEUR. 


415 


EU  PUS  CflALD  QLE  LE  S\>G  4RTeRIEL. 


USSBAUX  IXPKRlMBffTÉS. 


ir  druit  pluf  chaud  que  le  gauche. 


S  tir  U  veine  c«ve  au  niveau  du  foie 
l««  rhaad  que  le  Mog  de  l'aorte. 

ir  droit  plu»  chaud  que  le  gauche. 


PROCÉDÉS  D'EXPÉRIMENTATION. 


Procédé  non  indiqué. 

Animai  réceoiiDeiit  mort;  poilnue  eu  partie  ouverte. 

ADimal  vivant  et   debout,   drculation   non  iotar- 
romput!. 

Animal  vivant  Thermomètre  introduit  par  le  ventre. 

Incisiun  deR  venlricules  du  cœur. 

Animaux  vivaulu,  circuiatioD  non  interrompue  ;  thei^ 
momètre  introduit  par  les  vaiaieaux  du  cou. 

/dem. 

Idem. 

IHem. 

Idem 

Idem. 

Idtm. 

Idtm. 

Hum. 

Uem. 

Idtm. 

Id»m. 

Idtm. 

Idtm. 

Idem, 

Idem. 


416         CHAPITRE  II.  ~  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

ont  servi  à  cent  deux  observations  thermométriques  (chevaux, 
taureaux,  béliers,  chiens).  H  y  a  eu  vingt  et  une  fois  égalité 
de  température  entre  les  deux  cœurs  ou  entre  les  deux  sangs 
pris  à  l'entrée  des  ventricules;  trente  et  une  fois  excès  de  tem- 
pérature dans  les  cavités  droites,  et  cinquante  fois  excès  dans 
les  cavités  gauches  ou  aortiques.  Les  différences  entre  le  sang 
artériel  et  le  veineux  dans  le  cœur  ont  oscillé  de  i  à  a  dixièmes 
de  degré,  en  moyenne;  néanmoins  elles  se  sont  élevées  jus- 
qu'à 6  et  7  dixièmes. 

«Ces  différences  de  température  semblent  dépendre  de  di- 
verses  causes  (état  de  la  peau,  action  ou  inaction  des  muscles, 
travail  digestif,  diète,  etc.).  Chez  les  animaux  à  peau  peu  cou- 
verte et  à  système  abdominal  peu  développé,  le  sang  veineux 
des  parties  superficielles  plus  refroidi  et  celui  de  la  veine  porte 
moins  abondant  impriment  à  la  masse  du  sang  un  abaisse- 
ment marqué.  Cest  aussi  chez  le  chien  que  l'excès  de  tempé- 
rature du  sang  artériel  est  le  plus  commun  et  le  plus  prononcé, 
car  il  s*y  montre  huit  ou  neuf  fois  sur  dix  et  y  atteint  jusqu  à 
7  dixièmes  de  degré,  v 

et  D'autre  part,  dans  les  circonstances  si  communes  oii  la 
totalité  du  système  musculaire  entre  en  action ,  la  nnasse  du 
sang  noir  ramené  au  cœur  tend  À  prendre  une  température 
prédominante,  ce  qui  est  en  rapport  avec  les  résultats  des 
expériences  de  M.  Becquerel  sur  le  développement  de  la  cha- 
leur dans  les  muscles  en  contraction. 

«C'est  très-probablement  à  cause  de  ces  variations  dans  le 
degré  de  chaleur  du  sang  charrié  par  les  veines  que  la  relation 
entre  la  température  de  ce  sang  et  celle  du  sang  artériel  de- 
vient si  changeante.  Et  elle  devient  telle  afin  que  s'établissent 
les  compensations  nécessaires  au  maintien  de  la  chaleur  ani- 
male à  un  degré  à  peu  près  constant 

«De  ce  fait  remarquable  entre  tous,  que,  dans  le  cœur,  la 
température  du  sang  artériel  l'emporte  sur  celle  du  sang 
veineux,  il  faut  tirer  la  conclusion  que  le  sang  s'échauffe  en 


RÉPARTITION  DE  LA  CHALEUR.  A17 

traversant  ie  tissu  pulmonaire.  En  effet,  si,  après  avoir  cédé  du 
calorique  tant  pour  échauffer  Pair  des  bronches  que  pour  va- 
poriser ie  produit  de  la  transpiration ,  le  sang  est  encore ,  mal- 
gré ces  deux  causes  de  refroidissement,  plus  chaud  à  sa  sortie 
du  poumon  qu'il  ne  Tétait  à  son  entrée  dans  cet  organe,  c'est 
que  son  conflit  avec  l'air  a  produit  de  la  chaleur.  Conséquem* 
ment  l'hématose ,  telle  qu'elle  s'effeclue  dans  le  poumon ,  doit 
être,  ce  me  semble,  considérée  comme  une  source  locale  et 
immédiate  de  la  chaleur  animale.  » 

Tel  était  l'état  de  la  question  quand ,  en  1 869 ,  M.  Lombard 
chercha  à  prouver  que  le  sang  ne  se  refroidit  pas  en  traversant 
les  poumons  '•  Pour  le  démontrer,  M.  Lombard  fait  respirer 
de  l'air  chaud  et  humide,  prend,  à  l'aide  d'un  appareil  thermo- 
électrique  très-délicat,  la  température  de  la  peau  au-dessus  de 
l'artère  radiale,  quand  on  respire  de  l'air  froid,  puis  quand 
on  respire  de  l'air  chaud  et  humide,  et,  comme  il  n'observe  pas 
de  changement  de  température,  il  en  conclut  que  le  sang  ne 
se  réchauffe  pas  en  traversant  le  poumon.  —  Conclusion  bien 
indirecte  et  bien  peu  certaine. 

En  1871,  Heidenhain  et  korner  ont  repris  la  question. 
Sur  quatre-vingt-quinze  expériences  ils  ont  toujours  trouvé  le 
cœur  droit  plus  chaud  que  le  cœur  gauche,  sauf  un  cas  d'éga- 
lité. Les  expériences  ont  été  faites  sur  des  chiens  vivants,  la 
circulation  étant  libre  et  la  cavité  thoracique  intacte.  Les  ani- 
maux ont  été  opérés  directement  ou  préalablement  soumis  à 
l'influence  du  curare.  Les  mesures  de  chaleur  ont  été  prises 
tantôt  avec  le  thermomètre,  tantôt  avec  des  appareils  thermo- 
électriques. Les  instruments,  thermomètres  ou  aiguilles  ther- 
mo-électriques étaient  introduits  dans  le  coeur  par  la  veine 
jugulaire  et  par  l'artère  carotide. 

Les  résultats  obtenus  peuvent  se  résumer  ainsi  :  Dans  un 
cas  la  différence  a  atteint  6  dixièmes  de  degré;  dans  trois  cas 

'  Lombiitl ,  Arck,  de  pkyêioL  1871. 


A18         CHAPITBE  11.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

elle  a  été  de  5  diiièmes:  dans  cinq  cas,  de  3  à  /i  dixièmes; 
dans  vingt-sept  cas,  de  22  à  3  dixièmes;  dans  trente-six,  de  \ 
à  -j  dixièmes;  dans  vingt  et  un,  de  1  dixième  et  moins.  Ln(» 
seule  fois  il  y  a  eu  égalité. 

M.  Cl.  Bernard  a  tenu  à  vérifier  ces  diverses  recherches* et 
il  s'est  mis  à  l'abri  de  toutes  les  causes  d'erreur  connues,  il 
indique  minutieusement  les  précautions  à  prendre  pour  expé- 
rimenter sur  les  animaux  curarisés  et  à  l'aide  d'appareils  ther- 
mo-électriques \  et  il  conclut  de  toutes  ces  épreuves  variées  et 
répétées,  que,  quand  l'expérience  est  bien  faite,  que  rien  ne 
pèche  dans  le  manuel  opératoire,  et  que  les  animaux  sont  dans 
l'état  normal,  il  y  a  toujours  une  inégalité  dans  la  tempéra- 
ture du  sang  dans  les  ventricules  du  cœur,  et  que  l'excès  de 
température,  qui  est  de  quelques  dixièmes  ou  centièmes  de 
degré,  est  toujours  à  l'avantage  du  cœur  droit. 

D'après  les  recherches  physiologiques  récentes,  la  connexion 
entre  la  température  du  cœur  et  le  rôle  du  poumon  n'appa- 
raît plus  conmie  immédiate  et  forcée.  Non-seulement  le  pou- 
mon ne  réchaufferait  plus  le  sang  comme  l'avançait  Lavoi- 
sier,  mais  il  ne  le  rafraîchirait  pas  non  plus  comme  le  croyait 
Aristote. 

Ileidenhain  et  kôrner  ont  vu  en  effet  qu'en  faisant  varier  Id 
température  de  l'air  inspiré  la  différence  de  température 
entre  le  sang  des  deux  cœurs  ne  varie  pas.  Ces  auteurs  attri- 
buent l'élévation  de  la  température  du  sang,  dans  le  cœur  droit, 
au  contact  de  ce  dernier  avec  le  diaphragme,  plus  chaud  au 
voisinage  du  foie  que  le  reste  de  la  poitrine.  Cette  explication 
semble  inacceptable  à  M.  Cl.  Bernard,  qui  rappelle  que, 
chez  le  chien,  le  cœur  flotte  dans  le  médiastin,  qu'il  n'est  pas 
relié  au  dia|)hragme  par  un  péricarde  adhérent,  et  qui  note  en 
outre  que  Hering  a  trouvé  la  même  différence  dans  les  deux 
cavités  du  cœur  d'un  veau  atteint  d'ectopie.  M.  Cl.  Bernard  se- 

*  (A.  Rertiaid,  Lct^nnn  »uv  la  rholeuv  amwalfi,  p.  5'i  à  96. 


RÉPARTITION  DE  LA  GHALEDR.      .  419 

rail  pliu  porté  à  croire  que  cette  différence  dans  la  tempéra- 
ture des  deux  sangs  peut  trouver  son  explication  dans  les  phé- 
nomènes calorifiques  qui  accompagnent  les  échanges  de  gaz 
dans  le  poumon. 

Le  sang  oxygéné  qui  se  rend  du  poumon  dans  Taorte  est 
donc  un  peu  moins  chaud  que  le  sang  qui,  du  ventricule 
droit,  pénètre  dans  le  poumon  par  Tartère  pulmonaire.  Il  faut 
maintenant  faire  le  parallèle  entre  la  température  du  sang 
artériel  et  veineux  dans  les  divers  points  du  système  circula- 
toire. 

La  température  du  sang  artériel  varie  dans  les  différentes 
parties  de  son  trajet.  Becquerel  et  Breschet  avaient  trouvé  le 
sang  de  la  carotide  plus  chaud  que  celui  de  la  crurale.  G. 
Liebig  a  constaté  que,  dans  les  artères  »  le  sang  se  refroidit  un 
peu  à  mesure  qu'il  s'éloigne  du  cœur.  A  Taide  des  sondes  ther- 
mo-électriques M.  CI.  Bernard  est  arrivé  aux  mêmes  conclu- 
sions. 

La  température  du  sang  veineux  est  soumise  è  des  in- 
fluences plus  variables.  Dans  les  veines  superficielles  la  tem- 
pérature s'abaisse.  Becquerel  et  Breschet  ont  trouvé  i  degré 
de  différence  entre  l'artère  carotide  et  la  veine  jugulaire,  et 
cette  différence  s'exagère  par  un  froid  vif  ou  s'atténue  quand 
la  chaleur  extérieure  augmente.  A  la  périphérie  du  corps  et 
aux  extrémités ,  le  sang  veineux  est  constamment  plus  froid  que 
le  sang  artéKel. 

Mais,  en  pénétrant  dans  les  cavités  splanchniques ,  la  pro- 
position est  renversée,  ainsi  que  l'ont  démontré  MM.  CI.  Ber- 
nard et  6.  Liebig.  En  faisant  remonter  deux  sondes  thermo- 
électriques Tune  par  la  veine  cave  inférieure,  l'autre  par 
Taorte,  on  voit  que  la  différence  entre  le  sang  artériel  et  vei- 
neux s'atténue  et  qu'au  niveau  des  veines  rénales  les  deux 
températures  sont  égales.  «  C'est  là ,  dit  M.  CL  Bernard ,  ce 
que  l'on  pourrait  appeler  le  point  nul  de  la  température  ani- 
male, n 

«7- 


420        CHAPITRE  IL  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

En  renioniani  encore,  on  trouve  que  ia  température  vei- 
neuse l'emporte  sur  celle  de  l'aorte.  Au  niveau  ou  les  veines 
hépatiques  débouchent  dans  la  veine  cave  inférieure,  le  sang 
veineux  a  un  excès  de  o%iâ  (i  degré  dans  une  ancienne  ei- 
périence).  Au  moment  où  la  veine  cave  inférieure  entre  dans 
Toreiliette  droite,  l'excès  est  de  o%9. 

Si  l'on  pousse  davantage  b  sonde,  et  que  de  la  veine  cave 
inférieure  on  la  fasse  passer  dans  la  veine  cave  supérieure 
(opération  facile  chez  le  chien),  les  phénomènes  se  renversent  : 
la  veine  derient  plus  froide  que  l'artère. 

L'oreillette  droite  reçoit  donc  du  sang  plus  froid  prove- 
nant de  la  partie  supérieure,  et  du  sang  plus  chaud  pro- 
venant de  la  partie  inférieure  du  tronc.  Le  sang  veineui 
s'échauiTe  dans  les  intestins,  au  lieu  de  se  refroidir  comme 
dans  les  membres.  Le  foie,  en  particulier,  apporte  un  con- 
tingent de  chaleur  considérable  en  raison  de  son  volume  et 
de  sa  situation,  qui  le  protègent  contre  la  déperdition  de 
tout  calorique. 

Les  opinions  de  M.  Cl.  Bernard  semblent  aujourd'hui  pres- 
que universellement  acceptées.  Voyons  quelles  sont  les  consé- 
quences que  la  pathologie  peut  en  tirer.  J.  Rosenthal  a  cher- 
ché è  en  déduire  la  théorie  du  refroidissement  ou  de  ce  que 
l'on  appelle  dans  le  peuple  h  chaud-froid.  Voici  l'enchatne- 
ment  de  ses  raisonnements  ^  : 

n  Si  Ton  fait  abstraction  des  différences  très-faifiles  de  tem- 
pérature qu'on  trouve  h  l'intérieur  du  corps  (par  exemple 
entre  le  sang  des  veines  hépatiques  et  celui  de  la  veine  porte, 
entre  celui  du  ventricule  droit  et  du  ventricule  gauche  du 
cœur),  on  peut  admettre  dans  l'animal  h  sang  chaud  trois zoaes 
où  existent  des  températures  différentes.  La  zone  la  plus  basse 
est  k  la  surface  du  corps  oii  les  refroidissements  les  plus  forts 

^  J.  Roseothal,  ÉtwUi  tur  la  rSgf^    Analyse  dans  le  CmirûlbUu,  p.  860, 
lation  de  la  chdew  ehn  Uê  ammaux  à     1879. 
êong  eA«iM<,  ra-8%  Eriangen,  187s. 


RÉPARTITION  DE  LA  CHALEUR.  421 

ont  lieu  ;  la  plus  haute ,  surtout  chez  les  grands  animaux ,  règne 
dans  un  noyau  central  assez  fort»  et  la  zone  intermédiaire  est 
située  entre  la  surface  et  ce  centre.  L'épaisseur  de  cette  zone, 
qui  est  sous  la  dépendance  du  refroidissement  par  le  milieu 
ambiant  et  de  Tétat  de  la  circulation  à  la  peau  (dilatation  ou 
constriction  des  vaisseaux),  peut  augmenter  ou  diminuer,  va* 
rier  en  un  mot,  tandis  que  la  température  du  noyau  central 
reste  la  même.  Un  thermomètre  placé  dans  cette  région  in- 
termédiaire peut  accuser  des  oscillations  assez  importantes  sans 
que ,  pour  cela ,  la  température  générale  de  Tanimal  ait  changé 
sensiblement.  Donc  les  mesures  prises  dans  la  zone  intermé- 
diaire (et  l'aisselle  en  fait  partie)  sont  suspectes  d'inBdélité. 
Pour  être  sûr  du  résultat,  il  faut  aller  chercher  la  tempé- 
ratare  dans  le  noyau  central  et  attendre  qu'elle  soit  dons- 
tante  sur  la  graduation  thermométrique.  Seul  le  rectum 
convient  k  cette  exploration.  9 

Les  expériences  de  l'auteur  portent  exclusivement  sur  l'état 
de  l'animal  mis  dans  un  milieu  surchauffé  (on  place  un  lapin 
dans  une  botte  en  tôle  à  doubles  parois  dont  l'intervalle  est 
rempli  d'eau  chaude).  Chez  les  animaux  liés ,  la  régulation  de 
la  chaleur  est  fort  entravée,  parce  qu'ils  ne  sont  plus  à  même 
de  changer  l'état  de  leur  surface  (les  animaux  en  liberté  se 
rassemblent  et  se  pressent  les  uns  contre  les  autres  dans  le 
froid»  et  s'espacent  dans  la  chaleur).  Des  lapins  à  l'état  de 
liberté  conservent  leur  température  normale  dans  un  air  va- 
riant de  -h  i  i"*  à  +  3a^  C.  Quand  l'air  a  de  3a''  à  36^  G.,  ils 
s'échauffent  et  remontent  à  â  i""  et  As''  C.  ;  à  ce  degré  il  s'éta- 
blit chez  eux  un  nouvel  équilibre,  et  ils  n'éprouvent  aucun 
dommage.  Dans  l'air  de  36  à  âo  degrés,  leur  température 
monte  rapidement  à  /lA  et  AS  degrés;  tous  les  vaisseaux  exté- 
rieurs se  dilatent  ainsi  que  les  pupilles,  les  muscles  se  para- 
lysent, et,  si  l'on  continue  l'expérience,  la  mort  arrive.  Si 
l'on  enlève  promptement  l'animal  de  ce  milieu  chaud  pour  le 
replacer  dans  l'atmosphère  de  la  chambre,  il  se  refroidit  et 


633         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

recouvre  son  activité  musculaire;  mais  sa  température  s'abaisse 
jusqu'à  3o  degrés  et  peut  demeurer  ainsi  un  jour  entier,  ce 
qui  tient  sans  doute  è  la  paralysie  des  vaisseaux  de  la  peau, 
(il  y  coule  plus  de  sang,  d'où  refroidissement).  Peu  à  peu  les 
vaisseaux  reprennent  leur  contractilité ,  et  l'état  normal  rep- 
ratt.  Tel  est  le  mécanisme  probable  de  ce  que  l'on  appelle  le 
rejroidmement  (<irotr  tin  re/rmâiêtement  est  une  expression  fort 
usitée  en  médecine).  Or  ces  rêfroidiêiementi  ont  lieu ,  comme 
on  sait,  le  plus  souvent  quand  on  passe  subitement  d'un  air 
très-chaud  k  l'air  froid,  par  exemple  à  la  sortie  d'un  bal.  La 
grande  quantité  de  sang  qui  coule  dans  les  vaisseaux  dilatés 
de  la  peau  est  soudainement  refroidie  et  elle  va  se  distribuer 
en  cet  état  aux  organes  profonds;  ceux-ci  sont»  à  leur  tour,  ra- 
pidement refroidis,  et,  par  suite»  peuvent  devenir  malades. 
Souvent  cette  maladie  porte  justement  sur  les  parties  de  la  peau 
directement  soumises  au  refroidissement.  On  peut  déduire 
de  ces  observations  l'utilité  des  ablutions  froides  habituelles 
pour  résister  aux  refroidissements.  Grâce  à  ce  traitement 
hygiénique,  le  ton  des  vaisseaux  de  la  peau  est  augmenté, 
de  sorte  qu'ils  ne  sont  point  facilement  engourdis  par  les 
hautes  températures.  C'est  une  protection  donnée  au  corps 
et  è  ses  organes  contre  les  variations  brusques  de  la  iempé- 
rature. 

L'état  apparent  de  l'animal  ne  change  pas  sensiblement 
quand  l'air  de  l'étuve  est  saturé  de  vapeur  d'eau.  Il  est  pro- 
bable que,  chez  les  animaux  pourvus  de  poils,  Tévapora* 
tion  cutanée  ne  joue  qu'un  r61e  insignifiant  par  rapport  k 
la  régulation  de  la  chaleur,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu 
chez  l'homme  où  la  peau  est  glabre  et  ridie  en  glandes  sudo- 
ripares. 

La  température  d'un  organe  dépend  donc  d'une  série  de 
circonstances  bien  connues  actuellement,  et  nous  pouvons  dire 
avec  M.  Cl.  Bernard,  k  qui  nous  devons  les  faits  les  mieux  dé- 
terminés : 


RÉPARTITION  DR  LA  CHALEUR.  A23 

(T  Les  anciens  ^  cherchaient  h  localiser  le  point  le  plus  chaud 
de  Féconomie,  ils  l'appelaient  ySiy^r  et  le  considéraient  comme 
le  centre  de  la  caiorification.  Aujourd'hui  nous  considérons  la 
calorification  comme  une  propriété  universelle  :  elle  appar- 
tient^ à  des  degrés  divers  Û  est  vrai,  h  tous  les  éléments,  à 
tous  les  tissus,  et  il  faut  la  rechercher  dans  tous. 

«  La  chaleur  qui  se  produit  en  tous  lieux  dans  le  corps  vi- 
vant, se  perd  aussi  en  tous  lieux.  Elle  se  dissipe,  comme  dans 
les  corps  inertes,  de  la  surface  h  la  profondeur,  par  les  mêmes 
causes,  par  le  rayonnement,  par  la  conductibilité,  par  Téva- 
poration.  Or  la  température  d*un  organe  dépend  non-seule- 
ment de  la  chaleur  qui  s'y  crée ,  mais  aussi  de  la  chaleur  qui 
s'y  perd.  Ces  acquisitions  et  ces  pertes  sont  dans  une  relation 
intime  avec  Tétat  de  la  circulation.  On  le  démontre  par  lex- 
périence  suivante  :  si  l'on  place  dans  une  étuve  sèche  à  60 
ou  80  degrés  deux  lapins,  l'un  vivant,  l'autre  mort  mais 
encore  chaud,  on  voit  que  l'animal  vivant  s'échauffe  beau- 
coup plus  rapidement  que  l'animal  mort.  Cela  tient  à  la  cir- 
culation, qui,  chez  le  lapin  vivant,  amène  sans  cesse  è  la 
périphérie  un  liquide  sanguin  qui  vient  s'y  échauffer  et  qui 
remporte  dans  la  profondeur  la  chaleur  empruntée  au  mi- 
lieu. Ghes  l'animal  sacriâé,  i'échauffement  ne  se  fait  que 
comme  dans  un  corps  inerte,  couche  par  couche,  il  est  donc 
plus  lent. 

ftLes  mêmes  circonstances  président  pendant  la  vie  au  re- 
froidissement. Le  sang  vient  sans  cesse  sei  refroidir  à  la  pé- 
riphérie, et  la  température  générale  est  influencée  par  les  re- 
froidissements locaux.  Nous  verrons  plus  tard  quelle  part  il 
faut  .faire  au  système  nerveux  qui  règle  ces  refroidissements 
périphériques.  Mais  disons  de  suite  qu'après  la  section  du 
filet  cervical  du  grand  sympathique,  l'oreille  du  c6té  où  le 
nerf  a  été  sectionné  ayant  3 a  degrés,  celle  du  c6té  sain  aS  de- 

*  CI.  Bernard,  Lêçom  tur  la  dudêw  ttnimaU,  p.  i  sS. 


424        CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

grés,  si  Ton  expose  ranimai  à  une  température  externe  de  zéro, 
on  trouve,  au  bout  d*un  certain  temps,  que  Poreille  du  cAté 
sain  n'a  plus  que  i  a  degrés ,  celle  du  côté  où  le  sympathique 
a  été  coupé  marque  encore  3o  degrés. 

fc  II  en  est  ainsi  parce  que ,  du  côté  sain ,  le  nerf  sympathique 
a  fait  resserrer  les  vaisseaux  et  que  du  sang  chaud  n'y  a  plus 
circulé , tandis  que,  dans  Toreille  dont  le  nerf  a  été  sectionné, 
la  circulation  est  restée  inerte  et  que  Toreille  a  été  constam- 
ment baignée  par  du  sang  chaud. 

<«  En  somme  le  refroidissement  ou  le  réchauffement  d'une 
partie  obéit  à  deux  influences.  Il  y  a  d'abord  un  phénomèno 
physique ,  puis  un  phénomène  physiologique  :  le  système  ner- 
veux règle  la  circulation.  » 

Nous  reviendrons  plus  loin  sur  le  mode  de  la  régulation, 
nous  y  retrouverons  les  recherches  de  M.  Cl.  Bernard. 

Telles  sont  les  conclusions  auxquelles  on  est  arrivé  sur  la 
répartition  de  la  chaleur  chez  l'animfd  sain.  L'accomplissement 
de  certains  actes  physiologiques,  les  maladies,  troublent-ils 
cette  répartition  ?  Des  lieux  ordinairement  plus  chauds  devien- 
nent-ils relativement  plus  froids?  (le  sont  Ià  des  questions  que 
l'étude  de  la  pathologie  élucidera  plus  loin,  mais  sur  lesquelles 
nous  devons  dès  maintenant  dire  quelques  mots. 

Braume  ^  a  fait  des  observations  sur  la  température  de  l'in- 
testin pendant  la  digestion.  Sur  une  femme  qui  avait  un  anus 
artificiel  (intestin  grélë),  il  observa  trois  fois  l'influence  des  re- 
pas sur  la  température  intestinale.  Cinq  minutes  après  Tinges- 
tion  des  aliments,  la  température  s'élevait  et  continuait  à 
monter  quelque  temps.  La  plus  grande  élévation  observée  a 
été  de  k  dixièmes  et  la  plus  faible  de  i  dixième  de  degré.  La 
température  de  l'aisselle,  quoiqu'un  peu  inférieure  à  celle 
de  l'intestin,  s'élevait  légèrement. 

Les  deux  côtés  du  corps  ne  semblent  pas  toujours  avoir  la 

'   Braume,  Virrhott^n  Archiv,,  XIX,  p.  670,  ^191  ;  1860. 


RÉT»ARTÎTI0N  DE  LA  CHALEUR.  425 

même  température.  Dans  le  mémoire  de  Du  Pui  :  De  homine 
Jexiro  $t  siniêtro  \  on  trouve  un  court  chapitre  Sur  le  chaud  et 
le  froid  d^un  seul  côté  [calor  frigusque  alterutriuê  loterie),  Pe* 
chlin  avait  déjà  dit(lib.  1)  :  Vidimuê  profecto,  ubi  unius  loterie 
extremum  eratfr'iguê,  alterum  coluis$e.  Le  même  auteur  a  vu  une 
femme  qui,  au  moment  où  survenaient  ses  accès  d*épilepsie, 
était,  d'un  cAté  du  corps,  de  la  tête  au  pied,  froide  et  insen- 
sible, l'œil  de  ce  côté  ne  voyait  point,  tandis  que  rien  d'ano- 
mal ne  se  constatait  de  Tautre  côté. 

J.  F.  Glossius  ^  a  observé  des  cas  d'augmentation  de  chaleur 
avec  sueur  d'un  seul  côté  du  corps  :  il  a  vu  à  Tubingen  un 
enfant  qui,  lorsqu'il  s'échauffait,  devenait  rouge  et  chaud  du 
seul  côté  droit  de  tout  le  corps,  jusqu'à  la  sueur,  tandis  que 
son  côté  gauche  ne  présentait  aucun  changement  de  couleur, 
ni  de  chaleur,  ni  d'humidité.  —  Schenk  ^  dit  :  «  Dans  un  cou* 
vent  de  la  Forêt-Noire  une  nonne  me  demanda  conseil  pour  le 
cas  suivant  :  chaque  fois  qu'elle  entrait  au  bain  ou  qu'elle  se 
livrait  à  quelque  exercice,  elle  devenait  rouge  de  la  tête  au 
pied,  seulement  du  côté  droit:  rien  de  semblable  n'avait  lieu 
à  gauche.  Cette  révélation  me  remplit  d'étonnement ,  et  je  de- 
meurai convaincu  que  la  maladie  venait  du  foie.  J'ordonnai 
une  saignée  et  de  la  rhubarbe,  le  camphre,  etc.  y 

Du  Pui  consacre  un  chapitre  ^  à  la  coloration  unilatérale 
des  joues  dans  les  .affections  de  poitrine,  fait  qui  a  été  fort  dé- 
veloppé depuis  par  Pourfour  Dupelit,  MM.  Gubler,  C.  Ber- 
nard {^Action  des  nerfs  vas(nnoteurs).  Il  cite  de  même  de  nom- 
breux exemples  de  sueur  unilatérale. 

Blake  ^  rapporte  des  faits  analogues  :  de  dix-huit  observa- 
tions prises,  soit  sur  lui-même,  soit  sur  différentes  personnes, 

*  Leyde,  1780,  ia-8*.  ^        *  Edward  Blake,  Det  diffêrmcêt  de 
'  Sp(Êe,oita,miêe9lLnovœvarioUtnied,     la  température  du  côté  droit  et  du  e^té 

MMfA.  adjeeUkm,  Obs.  kxiii,  p.  109.  gauche  (Med,  Timee  and  Gaz,,  8  ocL 

^  Ohê.  rar,  de  eute,  lib.  V,  ob«.  v.  1870). 

*  Ub.  I,p.  3. 


h'2fi         CHAPITRE  H.  -  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

l'auteur  conclut  qup  la  température  est  plus  élevée  dans  Tais- 
sollo  gauche  que  dans  la  droite,  dans  certains  cas.  Par  exemple, 
si  les  deux  aisselles  ont  la  môme  température  et  qu'on  se  livre 
à  un  effort  musculaire,  il  se  produit  une  élévation  de  la  tem- 
pérature dans  l'aisselle  gauche.  Dans  un  cas,  cette  différence  est 
de  o°,Q78  (1.,  dans  l'autre  de  o",556  C.  Les  expériences  furent 
faites  avec  des  thermomètres  enregistreurs.  Geisler,  l'auteur 
de  l'analyse  de  ce  travail  dans  le  Schmidù  Jahrh.  de  iSyi, 
critique  la  méthode,  met  en  doute  l'exactitude  des  indica- 
tions de  ces  thermomètres,  et  fait  ses  réserves  quant  au  résul- 
tat cité. 


•i° 


Variations  de  la  température  dans  les  différents  points  accès- 
sibles  à  la  thermométrie,  —  Nous  avons  déjà  donné  quelques- 
uns  des  résultats  obtenus  par  la  comparaison  de  la  température 
prise  en  différents  points  (voyez  les  recherches  de  Roger). 
M.  Gavarret  ^  a  donné  également  un  tableau  que  l'on  peut  con- 
sulter : 

Sous  la  plante  du  pied 39%Qa  C. 

Entre  la  mallëole  interne  et  l'inserlion  du  tendon  d*  Achille, 

sur  l'artère 33  ,89 

Sur  le  milieu  du  tibia 33  ,06 

Sur  le  milieu  du  mollet 33  ,89 

Sur  l'artère  poplitëe  au  pli  du  genou 35  ,00 

Sur  la  fémorale  au  milieu  de  la  cuisse 36  ,^6 

Sur  le  milieu  du  muscle  droit 39  ,78 

Sur  les  gros  vaisseaux  de  la  hanche 35  ,84 

Un  quart  de  pouce  au-dessous  du  nombril 35  ,00 

Sur  la  6*  côte  gauche,  sur  le  cœur 36  ,4A 

Sur  la  6*  côte  droite 33  ,89 

Sous  l'aisselle,  où  l'on  applique  la  surface  entière  du  r^- 

servoir  du  thermomètre 36  .67 

• 

Excepté  pour  l'aisselle,  ces  températures  sont  si  variables, 

'   Onvarrel ,  (jhaleur  animait',  p.  1  o'i. 


RÉPARTITION  DE  LA  CHALEUR.  437 

qoand  on  les  recherche  dans  les  différents  points  indiqués  par 
M.  Gavarret,  que  véritablement  on  n  en  saurait  déduire  quel- 
que conclusion. 

Dans  des  recherches  publiées  en  i865  et  inspirées  par  la 
même  préoccupation ,  Errico  de  Renzi  '  est  arrivé  è  cette  con- 
rlusion  que  la  température  est  d'autant  plus  basse  que  Ton 
s'éloigne  davantage  du  tronc ,  excepté  pour  la  paume  de  la 
main  et  la  plante  du  pied»  dont  la  température  est  plus  élevée 
que  celle  du  reste  du  membre.  Il  ajoute  que  les  extrémités  su- 
périeures sont  plus  chaudes  que  les  inférieures,  etc. 

\ous  ne  ferons  qu'indiquer  ces  résultats  pris  parmi  ceux 
auxquels  il  est  arrivé,  les  autres  sont  manifestement  erro- 
nés. 

Le  docteur  Alvarenga  a  fait  récemment  de  nouveaux  efforts 
pour  résoudre  la  question  des  températures  relatives  des  dif- 
férents points  du  corps  accessibles  à  la  thermométrie*.  «Nous 
noterons,  dit-il,  dans  le  tableau  suivant,  le  résumé  de  nos  in- 
vestigations sur  la  température  locale.  Gomme  certains  obser- 
vateurs recommandent  de  couvrir  avec  du  coton  la  surface 
libre  du  réservoir  des  thermomètres,  nous  avons  appliqué  ce 
procédé  dans  environ  la  moitié  de  nos  constatations  ther- 
miques, et,  pour  l'autre  moitié,  nous  avons  laissé  le  réservoir 
À  découvert.  Dans  le  même  tableau  se  trouvent  séparés  les 
résultats  obtenus  par  les  deux  procédés,  afin  que  l'on  puisse 
apprécier  leur  influence  sur  les  constatations  de  la  tempéra- 
ture. 

fc  Les  lignes  supérieures  des  chiffres  relatifs  à  chaque  partie 
du  corps  soumise  h  l'exploration ,  représentent  les  tempéra- 
tures constatées  au  moyen  du  thermomètre  dont  le  réservoir 
était  extérieurement  couvert  avec  du  coton,  n 

*  Docteur  Errico  de   Renn    (  Gn,        *  Alvarenga ,  Pt^ê  d§  tktrwmmétn» 

fliW.,s*iérie,I.XII,p.a7,i865)\5iir  ehmquê  gétOnUe.  Trad.  par  Lucien  Pa- 

la ektJêtnr  ammah  m  diféremU  poinU  du  pillaad,  1871,  p.  45. 

,emfÊ  «I  à  éifimU  mommÎB 


Â28 


CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 


PARTIES  EXPLORÉES. 


TEMPERATURE 


■AXIHA, 


'«• !  in 

Thorai \  ll'^ 

I  36,0 

^fd^^ ]  36.8 

"ÏP*«"'"' I  36.8 

Pli  du  bras I  f  '  '^ 

I  07,0 

^""^ î  S6.5 

Creux  popliU |  3'  'J 

Pl.nl«dupi«d j  3^1^ 

I 


■  IRIMA. 

35' 

.« 

36 

,6 

3i 

,0 

3t 

,0 

36 

,0 

33 

,5 

36 

,5 

36 

,0 

35 

,5 

36 

,0 

35 

,0 

36 

,6 

36 

,5 

36 

.5 

3i 

,0 

3i 

,0 

■OTKX^K. 


IIOTEll?iB 


36%o5  ^ 

35,76  \ 

35 ,60  1 

36,55  S 

36 ,01  I 

35,91  ( 

36 ,63 
35  ,3o 

36,33  i 

36, 16  \ 

35,86  I 

35 ,70  S 

35,98  j 

35,9a  i 

33,59  I 
31,70 


35'.9a 
35  ,90 
35,66 
35  ,96 
36,96 

35,81 
35,95 
33,90 


Ces  différents  tableaux  prouvent  une  seule  chose,  c'est  que  la 
répartition  de  la  chaleur  à  la  peau  présente  de  grandes  diffé- 
rences suivant  les  régions  et  le  moment  de  l'exploration;  quen 
somme  la  température  que  Ton  y  perçoit  est  infidèle,  car  on 
ne  peut,  pour  chaque  notation,  faire  l'analyse  des  erreurs  qui 
ont  pu  l'influencer.  On  ne  saurait  même  dire,  non  pas  seule- 
ment de  quelle  quantité,  mais  dans  quel  sens  ces  influences 
*  ont  pu  prédominer. 

C/ioûr  du  lieu  où  l'on  explore  la  température.  —  Il  est  nécessaire 
de  rechercher  la  température  en  différents  points  du  corps. 
La  plupart  des  expérimentateurs  ont  exploré  l'aisselle  seule. 
Aujourd'hui,  par  une  sorte  de  conveiltion,  on  s'est  accordé  â 


REPARTITION  DE  LA  CHALEUR.  ^29 

recueillir  la  température  dans  cette  unique  région  :  h  peine  la 
nomme-t-on,  tant  il  est  usuel  de  ne  faire  les  observations 
thermoniétriques  qu'en  un  ^ul  point.  En  sorte  que  les  méde- 
cins qui  écrivent  «la  température  était  de  3 9  degrés,»  par 
eiemple,  sous-entendent  qu'il  s'agit  de  l'aisselle.  Il  fallait,  en 
effet,  choisir  une  région  et  s'y  tenir,  pour  que  les  observa- 
tions fussent  uniformes,  dès  l'instant  qu'on  cherchait  non  pas 
les  variations  de  la  température  aux  différentes  parties  du 
corps,  ni  sa  répartition,  ni  les  compensations,  mais,  pour  ainsi 
dire,  la  chaleur  du  corps  localisée  en  un  point.  Cette  erreur 
grave  enlève  à  la  plupart  des  travaux  contemporains  une  par- 
tie de  leur  valeur.  Tel  observateur,  qui  a  fait  école  par  la  per- 
sistance de  ses  recherches  thermométriques  poursuivies  pen- 
dant dix  ans  sur  toutes  les  maladies  prises  au  hasard,  se 
prévaudra  de  ses  cent  mille  observations.  Mais  il  ne  nous  a 
donné  que  la  température  de  l'aisselle,  rarement  il  a  exploré 
la  bouche  ou  la  main;  jamais  il  n'a  comparé  la  chaleur  aux 
différents  points  du  corps.  Or  cette  répartition  de  la  chaleur, 
ces  variations,  cet  antagonisme,  ce  r6le  de  régulateur  joué 
par  certaines  parties  de  l'organisme,  lui  ont  échappé.  Il  fallait 
voir  l'ensemble  de  cette  fonction  de  chaleur  et  sea  rapports 
avec  les  autres  foutions  du  corps,  aux  différentes  périodes  et 
pendant  tout  le  cours  d'une  maladie.  C'est  le,  croyons-nous, 
la  seule  méthode  féconde. 

« 

Uais9eUe.  —  Dans  ses  recherches  sur  la  température  du 
corps  humain  dans  les  fièvres  intermittentes  ^  M.  Gavarret  dit: 
«  Pour  ma  part ,  c'est  toujours  è  l'aisselle  que  j'ai  eu  recours 
quand  j'ai  voulu  constater  la  température  générale  d'un  ma- 
lade; c'est  l'aisselle  qui  m'a  toujours  présenté  la  réalisation  la 
plus  complète  de  toutes  les  conditions  exigibles  d'exactitude 
dans  les  résultats  et  de  facilité  dans  l'observation.  y> 

*  Gavarret,  L'txpénmc$,  1839. 


430         CHAPITRE  IL  -  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

L'aisselie  est  un  lieu  bien  choisi  pour  l'exploration .  en  ce 
sens  que  la  boule  du  ihermomèlre  y  est  cachée,  entourée, 
pressée  légèrement  et  partout  au  contact  des  tissus.  On  n'ob- 
tient pas,  en  ce  point,  la  température  centrale,  comme  l'ont 
dit  à  tort  quelques  expérimentateurs;  en  effet,  la  température 
y  est  toujours  inférieure  à  celles  du  rectum  et  du  vagin;  mais 
on  y  a  une  température  qui  suit  à  peu  près  les  variations  de 
la  température  rectale  et  qui  n'est  point  sujette  à  de  grandes 
et  subites  oscillations.  Cette  température  se  tient  toujours  à 
un  niveau  élevé,  et,  si  l'on  n'y  a  pas  les  minima,  on  est  bien 
près  d'y  observer  les  maxinia  de  la  chaleur  du  corps  ;  voilà  en 
quoi  l'aisselle  est  un  lieu  bien  choisi  pour  les  observations 
thermométriques. 

Les  difficultés  pratiques  ici  sont  cependant  nombreuses.  Il 
faut  avoir  soin  de  laisser  le  thermomètre  en  place  pendant  un 
temps  suffisant.  Quelques  observateurs  ont  prétendu  que  la 
durée  de  l'observation  devait  être  d'environ  un  quart  d'heure, 
de  vingt  minutes  même,  et  ont  cru  ainsi,  à  tort,  se  mettre  à 
l'abri  de  l'erreur.  D'autres  ont  donné  le  chiffre  de  sept  mi- 
nutes. Ce  sont  là  des  limites  arbitraires,  qui  n'ont  rien  de 
scientifique,  et  qui  n'ont  pas  de  raison  d'être.  Le  modus  facietidi 
est  tout.  On  ne  doit  jamais  laisser  l'instrument  en  place,  ni 
se  fier  à  la  patience  du  sujet  en  expérience.  Il  faut  se  mettre 
dans  les  conditions  suivantes  : 

A.  Ap|)liquer  l'instrument  au  fond  de  l'aisselle  essuyée 
préalablement,  et  faire  attention  que  les  linges  ne  viennent 
pas  au  contact  de  la  boule  du  thermomètre; 

B.  Appliquer  le  bras  du  sujet  sur  la  poitrine  en  le  portant 
en  avant; 

C.  Tenir  l'instrument  sur  la  partie  supérieure  et  l'appuyer 
assez  pour  que  la  boule  soit  bien  au  contact  des  tissus; 

D.  Certaines  dispositions  des  organes  rendent  cette  explo- 
ration difficile;  il  peut  se  faire  que  la  maigreur  du  sujet  soit 


RÉPARTITION  DE  LA  GHALBUR.  A3I 

telle,  que  son  aisselle > creuse ,  ne  permette  pas  le  contact  com- 
plet de  l'instrument; 

E.  Il  faut  que  l'observateur  regarde  attentivement  Topëra- 
tion,  et  sache  saisir  sur  place  les  indications;  il  faut  qu'il 
note  la  posture  qui  donne  les  résultats  les  plus  sûrs»  qu'il 
sache  si  la  colonne  mercurielle  monte  ou  descend,  suivant 
telle  ou  telle  disposition  donnée  à  l'intrument,  etc. 

11  est  quelquefois  nécessaire  d'opérer  rapidement ,  lorsqu'on 
est  en  présence  d'un  sujet  atteint  d'une  maladie  grave  »  con- 
vulaive,  avec  délire»  soubresauts.  Les  malades  qui  s'agitent, 
les  cholériques  par  exemple ,  ceux  qui  vomissent ,  qui  chan- 
gent de  posture,  qui  ont  des  douleurs  vives,  supportent  im- 
patiemment de  semblables  observations. 

Bouche.  —  La  bouche  donne  des  indications  utiles,  mais 
surtout  au  point  de  vue  des  grandes  oscillations  compepsa- 
trices.  Nos  tracés  montrent  à  quel  point  peut  parvenir  ce  phé- 
nomène. L'exploration  de  cette  région  ne  pourrait  donc  con- 
venir À  ceux  qui  recherchent  seulement  l'élévation  de  la  tem- 
pérature et  son  chiffre  moyen. 

11  est  utile  que  le  thermomètre  soit  placé  sous  la  langue  et 
coiffé  par  celle-ci ,  que  la  bouche  soit  close ,  et  que  le  malade 
n'inspire  et  n'expire  que  par  le  nez.  Telles  sont  les  condi- 
tions idéales  prescrites  par  les  auteurs  les  plus  autorisés.  En 
temp  ordinaire,  c'est-à-dire  pour  l'expérimentation  physiolo- 
gique, ces  conditions  peuvent  être  atteintes  assez  facilement; 
elles  sont  possibles  aussi  quand  il  s'agit  d'une  maladie  qui  n'est 
pas  eonvulsive,  qui  ne  donne  pas  de  délire,  qui  n'altère  pas 
les  conditions  normales  de  la  langue.  Mais  en  présence  de 
quelles  difficultés  ne  se  trouve  pas  le  médecin  qui  observe 
un  cholérique,  un  éclamptique,  un  tétanique,  un  malade  at- 
teint de  fièvre  typhoïde  ataxique  avec  sécheresse  de  la  langue  ; 
même  difficulté  chez  les  malades  atteints  de  pneumonie  grave, 
et  dont  la  langue  est  parcheminée  et  ne  peut  se  mouvoir. 


432        CHAPITRE  II.  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE/ 

Donc  il  existe  là  des  difficultés  d'exécution  dont  il  fautteoir 
compte.  Une  extrême  patience,  un  tour  de  main  heureux,  que 
donne  seule  Texpérience  clinique ,  en  viennent  quelquefois  à 
bout.  En  tout  cas,  les  physiciens  et  les  physiologistes  pars 
doivent  être  pleins  d'indulgence  pour  le  médecin  qui  s*est 
trouvé  aux  prises  avec  de  pareilles  difficultés  pratiques  et  qui 
n'est  arrivé  qu'à  des  résultats  approximatifs. 

Quelquefois  j'ai  observé  que  l'impossibilité  où  était  le  ma- 
lade de  clore  la  bouche,  de  respirer  par  le  nez,  de  mouvoir 
la  langue,  était  un  obstacle  insurmontable.  En  pareil  cas,  j'ai 
eu  recours  à  un  autre  procédé,  qui  consiste  à  enfoncer  le  ther- 
momètre entre  la  joue  et  l'arcade  dentaire,  profondément.  La 
température  recueillie  en  ce  point  ne  diffère  pas  considéra- 
blement de  celle  que  fournit  le  plancher  de  la  bouche. 

Main.  — .La  main  présente  des  oscillations  de  température 
excessives.  En  quelques  minutes  la  température  y  peut  varier 
de  plusieurs  degrés  centigrades.  Il  n'en  est  pas  ainsi  dans 
toutes  les  maladies.  Dans  les  pyrexies  etphlegmasies,onpeut 
se  servir  delà  main  pour  détermiper  la  température  moyenne: 
mais  c'est  une  région  trompeuse  dans  la  plupart  des  cas.  L'am- 
plitude extraordinaire  des  oscillations  de  la  température  de  la 
main  peut  être  utilisée  pour  des  recherches  spéciales,  ainsi  que 
j'espère  le  démontrer. 

Les  difficultés  de  l'opération  sont  très-grandes ,  souvent  in- 
surmontables, quand  on  veut  appliquer  exactement  le  thermo- 
mètre dans  le  creux  de  la  main.  Chez  les  femmas,  chez  les 
vieilles  femmes  oisives  surtout,  cette  application  peut  se  faire 
sans  trop  de  difficulté,  mais  il  faut  y  renoncer  chez  les  ter- 
rassiers et  autres  ouvriers  aux  mains  calleuses  et  incapables  de 
se  fermer.  Il  y  a  donc  des  cas  très-nombreux  où  il  est  impos- 
sible d'explorer  la  main  d'un  malade  avec  le  thermomètre. 

Rectum  et  vagin.  —  L'exploration  de  l'aisselle,  de  la  bouche. 


RÉPARTITION  DE  LA  CHALEUR.  433 

de  la  main  ou  du  jarret,  ne  donne  qu*une  idëe  imparfaite  de 
la  chaleur  humaine.  Il  faut  explorer  le  rectum  ou  le  vagin: 
li  seulement  on  obtient  une  température  qui  représente  à  peu 
près  exactement  celle  des  parties  profondes.  Toujours  et  sans 
exception,  le  thermomètre  marque,  dans  ces  organes,  une  élé- 
vation notable  par  rapport  aux  autres  régions.  En  outre,  la 
température  y  est  à  peu  près  constante ,  et  n'y  est  point  sujette 
i  de  grands  et  rapides  écarts.  Quelquefois  la  température  varie 
partout,  tandis  qu'elle  est  constante,  à  un  dixième  de  degré 
près,  pendant  plusieurs  jours,  dans  le  rectum.  Cette  tendance 
de  la  température  centrale  à  être  constante  est  précisément 
expliquée  par  la  variation  des  autres  parties,  qui  jouent  par 
rapport  à  elle  le  rôle  de  régulateur.  C'est  là  un  fait  important , 
dont  j'ai  poursuivi  l'étude  dans  un  certain  nombre  d'états  mor- 
bidas.  Il  y  a  des  cas  oiî  la  température,  dans  le  rectum,  monte 
alors  que  partout  ailleurs  elle  baisse,  et  à  cause  de  cela  même. 

Les  raisons  de  convenance,  ou  de  facilité  plus  ou  moins 
grande  d'exploration,  ne  doivent  pas  être  prises  en  considé- 
ration quand  il  s'agit  d'études  aussi  utiles  et  aussi  instruc- 
tives. Nul  doute  que  l'exploration  du  rectum  ne  devienne 
usuelle,  au  moins  dans  certaines  conditions,  s'il  est  évident, 
comme  je  le  pense,  que  les  températures  comparées  donnent 
des  résultats  importants.  Quant  è  la  difficulté  provenant  des 
scrupules  des  malades ,  c'est  un  fait  niable.  Ayant  répété  ces 
expériences  plusieurs  centaines  de  fois  sur  les  cholériques  pen- 
dant la  période  la  plus  répugnante  de  leur  maladie,  je  me 
permets  de  dire  que  la  seule  difficulté  est  dans  l'observateur  et 
non  dans  le  malade;  or  il  est  des  répugnances  qu'un  homme 
de  science  doit  surmonter  dans  l'intérêt  du  but  louable  qu'il 
poursuit. 

Mon  collègue,  M.  Charcot^  apprécie  de  même  l'importance 
des  explorations  thermométriques  rectales.  Dans  ses  recher- 

*  Chareot,  MaUdie»  d»  vieillardê,  9'  édition,  187&,  p.  a53. 

s8 


hZh         CHAPITRE  11.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

cbes  faites  à  la  Salp<^trière,  il  a  souvent  eu  l'occasion  de  cods- 
tater  que  la  température  de  l'aisselle  et  celle  du  rectum  étaient 
en  discordance,  et  il  pense  que  c'est  la  comparaison  de  ces 
deux  indications  qui  peut  seule  permettre  de  donner  aui  phé- 
nomènes  de  coUapsus,  à  l'algidité  périphérique  ou  centrale, 
leur  véritable  signification  pronostique. 

De  nos  nombreuses  observations  nous  concluons  que  la  tem- 
pérature rectale ,  chez  l'adulte  sain ,  est  de  Sy^'yS  G.  ;  que  la  tem- 
pérature de  l'aisselle  est,  en  général;  de  quelques  dixièmes 
(6  à  8)  inférieure  à  celle  du  rectum;  que^  dans  le  cours  de  la 
journée,  la  température  s'abaisse  le  matin  et  s'élève  le  soir  de 
3  a  â  dixièmes  au-dessous  ou  au-dessus  de  ce  chiffre  moyeo. 


S  V. 


CALORIIIBTRIE. 

Une  mensuration  exacte  de  la  quantité  de  chaleur  produite 
et  dépensée  par  un  homme  sain,  en  un  temps  donné,  serait 
pour  nous  d'une  importance  capitale.  Avant  de  déterminer  les 
conditions  de  la  fièvre  et  les  moyens  d'en  modérer  les  effets, 
on  conçoit  facilement  que  nous  recherchions  non  plus  queb 
sont  les  actes  qui  produisent  ou  qui  consomment  de  la  cha- 
leur, mais  quelle  est  la  quantité  de  calorique  produite  ou  con- 
sommée. 

De  nombreuses  tentatives  ont  été  faites  pour  déterminer  la 
quantité  de  chaleur  produite.  D'un  côté  on  a  mesuré  la  quan- 
tité de  chaleur  perdue  par  un  animal  en  un  temps  donné; 
d'un  autre  côté ,  on  a  apprécié  la  chaleur  produite  en  dédui- 
sant, de  la  quantité  d'oxygène  absorbé  et  de  l'analyse  des  gaz 
expirés,  la  proportion  de  carbone  et  d'hydrogène  transformés  en 
acide  carbonique  et  en  eau,  puis  en  multipliant  le  poids  de  cha- 
cun de  ces  deux  corps  brûlés  par  sa  chaleur  de  combustion.  Cette 
méthode  nous  a  valu  les  belles  expériences  de  Lavoisier,de  Du- 


CALORUIKTIUE.  435 

loog\  de  DespreU^,  de  Regnauli  et  Reisei^;  M.  Gavarret  la 
désigne  sous  le  nom  de  méthode  directe. 

Suivant  une  seconde  méthode,  indirecte,  employée  par 
MM.  fiçussingault  ^,  Liebig  et  Barrai  ^  on  tient  compte  de 
tout  ce  que  Tanimal  introduit  sous  forme  solide  et  liquida 
dans  le  tube  digestif,  de  tout  ce  qu'il  expulse  au  dehors  en 
excréments  solides  et  liquides,  on  retranche  la  seconde  quan- 
tité de  la  première,  et  le  reste,  la  différence,  représente  néces- 
sairement en  nature  et  en  poids  ce  que  Tanimal  a  perdu  par 
les  organes  respiratoires  et  par  l'exhalation  cutanée^. 

Nous  ne  nous  occuperons  pas  de  discuter  la  valeur  relative 
de  ces  deux  méthodes,  qui  expérimentalement  sont  vérifica* 
trices  Tune  de  l'autre.  Nous  dirons  seulement  que  la  seconde 
est  inapplicable  à  l'homme  malade.  Quelques  auteurs  ont 
voulu  se  servir  de  la  première  pour  l'homme  sain  et  malade. 
Ils  ont  voulu  déterminer  la  quantité  de  chaleur  produite  et 
perdue  en,  un  temps  donné  dans  ces  deux  conditions  diffé- 
rentes. 

Mais ,  avant  de  présenter  l'analyse  de  ces  divers  travaux,  dont 
quelques-uns  ont  été  faits  avec  un  soin  et  une  précision  indis- 
cutables, nous  dirons  d'une  façon  générale  que  l'application, 
sur  la  surface  cutanée ,  d'un  liquide  à  une  température  quel- 
conque, a  une  influence  sur  les  quantités  de  chaleur  produite 
et  perdue,  que  l'application  du  froid  sous  une  forme  quel- 
conque a  une  influence  plus  ou  moins  analogue.  Il  y  a  donc 
une  réunion  de  facteurs  agissant  en  des  sens  parfois  différents, 
et  dont  il  nous  est  impossible  de  préciser  l'importance  :  nous 

*  Ooloog,  Ann,  d$  ehimitH  de  phy-    />4ys/f««,  9* série,  I.  LXXI,  p.  iâ3,  et 
9iqmê,  3*  série,  t  1,  p.  6^o,  i8&3.  3*  série,  t.  XI,  p.  à33- 

'  Desprets  .  AnH,de  chimie  etdephy-  *  Barrai,  Ann,  de  chimie  et  de  phy^ 

MfMtf,  û*  série,  t.  XXVI,  p.  337, 1896.  tique,  3*  série,  t.  XXV,  p.  i!i9;el5<a- 

H^pauU  et  Reiset ,  i^Mii.  lip  cAimie  ti^ue   chimique   det   animaux,    Paris, 

et  de  phtftique ,  3*  série,  I.  XXVi,  p.  i85o. 

999.  *  Voyez  Gavarret,  Chaleur  animale, 

*  Bousftitigaull ,  Anu,  de  chimie  et  de  p.  «jiiS  et  suiv. 

98. 


436         CHAPITRE  II.  —LA  CHALEDR  ET  LA  FIÈVRE. 

resterons  donc  dans  un  doute  légitime  en  disant  que  les  ex- 
périences que  nous  allons  résumer  valent  pour  les  conditions 
où  elles  ont  été  faites,  mais  que  nous  ne  voudrions  en  conclure 
aucune  loi,  sûrs  que  nous  ne  généraliserions  que  des  données 
dont  les  différents  éléments  ne  sont  pas  actuellement  analy- 
sables. 

Le  problème  est  en  effet  double  :  il  faudrait  pouvoir  déter- 
miner en  même  temps  la  quantité  dé  chaleur  produite  et  ses 
variations  sous  Tinfluence  des  actions  extérieures,  et,  d*uQ 
autre  côté,  la  façon  dont  l'économie  résiste  à  ces  applications, 
et  le  résultat  des  actes  qu'elle  accomplit  pour  régler  sa  produc- 
tion de  chaleur. 

Bien  que  nous  ne  tenions  pas  ces  problèmes  si  complexes 
pour  résolus ,  nous  devons  exposer  les  travaux  qui  ont  été  faits 
dans  le  but  de  préciser  la  question  et  d'en  résoudre  quelques 
fragments. 

Les  premières  recherches  sur  la  production  quantitative  de 
la  chaleur  et  sa  régulation  chez  l'homme  sont  dues  à  Lieber- 
meister^  Dans  son  premier  article,  Liebermcister  établit  : 
1*  que  l'action  de  l'eau  froide  sur  la  peau  d'un  homme  sain 
pendant  un  temps  peu  prolongé  ne  donne  lieu  à  aucun  abais- 
sement de  la  température  axillaire  ^,  et  s*  que  le  contact  direct 
de  la  surface  du  corps  nu  avec  l'air  à  la  température  de  1 9*,5 
à  3  9*  G.  timène  une  élévation  de  la  température  dans  Tais- 
selle  *. 

Le  second  mémoire  montre  que  ces  faits  s'expliquent  par 
une  élévation  de  la  production  de  chaleur  proportionnelle  à 
la  perte  de  chaleur,  et  que  la  diminution  de  la  perte  de  cha- 

^  Liebenneisler,  Dtê  EegvUrung  étr  etc..  von  Reichert  ond  Dobok-Rey- 

WàrmMdung  bti  den  Thierm  von  f wif-  roond ,  j  "  art. ,  p.  Sao ,  1 86o  ;  a'  art , 

tanter    Tempefatur    (DeuUche  Klnùk,  p.  689,  1861;  3*  art,  p.  aS,  186:1; 

1869,  n*4o).  &•  art. ,  p.  66 1  ). 

Phyiioloffiêchê  Unienuehungfn  ûber        '  Lîebertneister,    DentêcKê   KUmk, 

diê    quantîtativen    Vm-ànderungtn    der  1859,  p.  53 1. 
Wàrmeproduction  {Arch.  f.  An,  Phyg.,         *  Lîebermei8ler,tn«Minii2oeo,p.53Â. 


CALORIMKTRIE.  437 

leur  sous  Tiofluence  du  froid  h  la  peau,  invoquée  par  Berg- 
mann,  ne  suffit  pas  pour  l'explication  de  cet  ordre  de  faits  K 

H.  Nasse,  dans  le  Dictionnaire  de  physiologie  de  R.  Wagner 
(Chaleur  animale)  fait  mention  d'un  écrit  de  Donders^,  dans 
lequel  l'état  de  la  peau ,  sous  l'impression  du  froid  et  de  la 
chaleur,  est  considéré  comme  influant  sur  ia  régulation  de  la 
chaleur  du  corps.  L'explication  de  Liebermeister  repose  sur 
la  mesure  faite,  dans  un  bain  où  est  plongé  un  homme,  à 
une  température  de  qo"*  G.  à  3o%  de  la  quantité  de  chaleur 
émise,  en  même  temps  que  l'on  observe  la  température  de 
l'aisselle.  Or,  en  ce  qui  concerne  l'augmentation  de  la  produc- 
tion de  chaleur  dans  le  bain  froid ,  les  expériences  montrent 
que ,  dans  un  bain  de  a  o  à  s  S""  G. ,  la  production  de  la  chaleur 
est  triplée  ou  quadruplée,  dans  un  bain  k  So^'G.  doublée, 
par  rapport  à  la  production  moyenne  de  l'état  habituel. 

Dans  le  troisième  article,  Liebermeister  se  demande  quel 
est  l'état  de  la  production  de  la  chaleur  lorsque  diminue  ou 
s'élève  considérablement  la  perte  de  chaleur.  La  méthode  qu'il 
met  en  œuvre  pour  atteindre  le  résultat  cherché  est  tout  autre 
que  celle  des  bains  froids ,  et  consiste  en  ce  que ,  d'après  l'é- 
lévation de  température  que  le  corps  humain  acquiert  dans 
un  bain  dont  la  température  est  maintenue  pendant  ce  temps 
égale  h  celle  de  la  température  (ascendante)  de  l'aisselle,  on 
calcule  la  quantité  de  chaleur  produite  pendant  la  durée  de 
ce  bain.  Ses  recherches  ont  montré  également  que ,  dans  un 
bain  à  37%&  jusqu'à  3  8% 8,  la  production  de  chaleur  dépasse 
un  peu  celle  qui  a  lieu  en  temps  ordinaire  et  dans  les  condi- 
tions de  vie  habituelles  ^. 

Après  les  expériences  sur  les  bains  froids,  ce  résultat  a 
quelque  peu  droit  de  surprendre;  cependant  Liebermeister 

'  Bergfiiann,   Ntehtehemitcher   Bei-  êource  de  la  chaleur  propre  de$  planUê 

trag  zur  Kritik  der  Lehre  von  Cahr  ani-  et  de$  animaux  (1867). 
mahe. ( Mûller*8 Arehiv »i8/i5,p. 3oo.)         '  Liebermeister,  Arek, /.  An,  Phye., 

*  Sur  U»  échangée  de  matière  comme  etc.,  3*  art.  p.  3^,  1869. 


438         CHAPITRE  II.  -^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

montre,  d*une  façon  saisissante,  que,  puisque  la  production  de 
chaleur  en  temps  ordinaire  varie  suivant  les  moments  de  ia 
journée,  ce  résultat  ne  montre  nullement  que  la  production 
de  chaleur  dans  le  bain  chaud  ait  été  plus  grande  qu'elle  ne 
l'aurait  été  dans  l'état  habituel  au  même  moment  du  jour 
et  dans  un  état  d'occupation  à  peu  près  identique  de  l'esprit 
et  du  corps.  Plus  tard  il  ne  repoussa  pas,  en  ce  qui  concerne 
l'élévation  notable  de  la  température  du  corps  et  le  trouble 
de  l'état  général  qui  se  produisait  dans  ses  bains  chauds,  ia 
supposition  qu'  9  une  gène  modérée  de  la  perte  de  chaleur  in- 
capable de  produire  une  notable  élévation  de  la  chaleur  du 
corps,  pouvait  entraîner  une  diminution  dans  la  production  de 
la  chaleur,  1  et  il  devint  probable  que  cette  question  pouvait 
être  résolue  par  une  méthode  semblable  à  celle  qu'il  avait 
employée  dans  ses  expériences  sur  les  bains  froids. 

Un  él^vc  de  Li(»bermeister,  Kernig,  a  repris  toutes  ces  ex- 
périencesy  et,  dans  sa  thèse  inaugurale,  a  donné  le  résumé  com- 
plet de  l'état  de  la  science  6ur  cette  question  en  1 864  ^  Ses 
expériences  sont  fondées  sur  la  possibilité  de  connaître  l'état 
de  la  production  de  la  chaleur  chez  l'homme  en  augmentant 
ou  diminuant  la  perte.  L'expérience  montra  en  effet  qu'on 
pouvait,  avec  la  plus  grande  vraisemblance,  attribuer  la  dimi- 
nution de  la  production  de  chaleur  à  l'empêchement  .de  ia 
dépense  ou  perte  de  chaleur. 

L'auteur  s'est  pris  lui-même  pour  sujet  d'expériences,  et  il 
lui  a  été  ainsi  plus  facile  de  trancher  cette  question  :  La  produc- 
tion de  chaleur,  dans  certains  bains,  est-elle  inférieure  ou  supé- 
rieure à  celle  de  l'état  normal  dans  les  conditions  ordinaires  de  la 
vie?  Pour  cela  l'auteur  s'est  astreint  à  suivre  un  régime  uniforme 
et  â  vivre  dans  une  chambre  d'une  température  moyenne  de 
1 5  à  9  0"*  C.  Pour  les  éléments  dont  se  compose  la  production 


*  Kf^rmf^,  ETperimêntêlUBeitrâfrfZur     MêmMchên.  Thèse   îiMOgariIe.   DoqMl, 
Kpnntnint  drr    Warmerffrulirung   beim      i8()A« 


r.ALORIMÉTRIE.  439 

de  la  chaleur  de  rbomine.»  Kernig,  comme  Liebermeister,  s'en 
réfère  k  un  travail  de  Helmholtz'.  Helmholtz,  aidé  des  re- 
cherches de  Scharling  et  de  Valentin ,  et  tenant  compte  des 
chiffires  de  Lavoisier  pour  la  chaleur  de  combustion  du  car-  - 
bone  et  de  Vhydrogène  (7  9q6  pour  le  premier»  9.3  fwo  pour 
le  second),  évalue  à  86,39  <^&'ories  la  quantité  de  chaleur 
qu*émet  en  une  heure»  d'après  les  produits  de  la  respiration, 
un  homme  du  poids  de  8a  kilogrammes,  il  considère  celte 
quantité  de  chaleur,  d'après  les  données  du  travail  de  Dulong, 
comme  n'étant  que  les  trois  quarts  de  la  totalité  de  la  chaleur 
produite  pendant  ce  même  temps,  et  trouve  ainsi  que  t  gramme 
de  la  substance  du  corps  de  l'homme,  en  une  heure,  produit 
0,00 1 388  calorie;  soit,  pour  1  kilogramme,  i,388  calorie. 
'  Ranke,  avec  l'appareil  de  Pettenkofer  à  Munich,  est  arrivé 
è  évaluer  le  carbone  excrété  par  les  poumons  et  par  la  peau  ^. 

il  donne  ^,  comme  chiffre  moyen  d'élimination  par  la  peau 
et  les  poumons,  chez  un  homme  sain  et  au  repos,  en  un  jour, 
9 1 1  grammes  de  carbone. 

D'après  Ludwig,  les  quantités  de  chaleur  produites  par 
1  kilogramme  d'homme  en  une  heure,  pouvaient  être  rame- 
nées aux  chiffres  contenus  dans  le  tableau  suivant  : 

GalorÎM. 

Chez  un  homme  de  (7  kifegr.  Soo  gr. ,  âgé  de  vingt- 
neuf  ans,  dans  Thiver 3,995o 

Chez  le  même,  dans  Télé 9,7&58 

Un  enfant  de  i5  kilogrammes  (six  ans) A,o583 

Dn  homme  de  58  kilogr.  700  gr.  (cinquante-nenf  ans).  9,9o4f 

Une  femme  de  61  kilogr.  900  gr.  (trenle-deux  nnsV  .  •  i*9958 

H.  Nasse  évalue,  d'après  les  observations  de  Valentin  sur  la 


'  Helniholls,  article  Chakwr  dam  le  Auêâchntiung  dê$  rmhendm  Memchem. 
Dictùmnairt  eneyclopêditpte  dn  ieience»  (Arehiv,/,  Anat.  hndPhift.  von  Reicherl 
mêSeaiu,  des  profesteiira  de  la  Faculté  '*iind  Dubois-Reymood ,  1869,  p.  3i  1.) 
de  nwklecine  de  Berlin ,  1 846 ,  t  XXXV.         '  Ranke ,  Archiv.  f,  Anat,  um^  Phj^, 

*  Ranke,  KohUtutof-  und  Slickêtof-     1869,  p.  360. 


ààO         CHAPITRE  11. —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

respiration  '  et  celles  de  Scharling  sur  l'acide  carbonique  éli- 
miné par  la  peau,  la  production  de  chaleur  à  4 6,9 5 7  calories 
pour  1  kilogramme  d'homme  en  ai  heures,  soit  ],()563  ca- 
lorie par  kilogramme  en  une  heure,  il  évalue  la  quantité  to- 
tale de  chaleur  produite  en  vingt-quatre  heures  par  le  corps 
de  l'homme  à  9000  ou  3ooo  calories. 

CeschiftVes  n'ont  qu'une  valeur  très-relative,  l'approxiiiia-' 
tion  y  est  large.  Laissons  de  côté  les  travaux,  quelque  intéres- 
sants qu'ils  soient,  de  Favre  et  Silhermann ,  Traube,  etc. 

L'évaluation  de  Kernig  est  la  suivante  :  1,89  calorie  par 
kilogramme  d'homme  en  une  heure.  L'auteur,  dans  une 
série  de  recherches  prolongées  sur  lui-même  pendant  plusieurs 
mois  (de  novembre  à  janvier),  étant  donné  son  poids,  qui 
était  de  67  kilogrammes,  émettait  1,83  calorie  en  une  mi- 
nute. Dans  une  seconde  série,  de  janvier  à  février,  le  poids 
étant  descendu  à  55  kilogr.  700  gr.,  la  production  était  do 
i,9()  calorie  par  minute.  Liebermeister  avait  donné,  pour  un 
homme  de  poids  moyen,  le  chiffre  de  1,8  calorie  par  minute. 

0"«>ntà  la  capacité  calorifique  du  corps,  le  chiffre  donné 
par  Liebermeister  est  o,83  ^. 

kernig  a  employé  les  deux  méthodes  mises  en  usage  par 
Liebermeister. 

La  première  est  celle  des  bains  froids,  fondée  sur  le  principe 
suivant  :  Quand  un  corps  demeure  pendant  un  temps  à  la  même 
température  et  qu'en  même  temps  il  se  trouve  dans  les  mêmes 
conditions  de  soustraction  de  chaleur,  il  doit  reproduire  autant 
de  chaleur  (ju'il  en  perd.  Si  nous  détenuinons  la  chaleur  per- 
due, nous  saurons  la  chaleur  produite.  Cela  appliqué  au  corps 
humain  revient  à  dire  :  avons-nous  mesuré  la  quantité  de  cha- 
leur émise  par  le  corps  dans  les  conditions  déterminées  (le 
bain),  et,  pendant  ce  temps,  le  corps  n'a-t-il  point  changé  sa 

*  H.  ^asso,  Dictionnaire  dp  phijsiolo-     wan,  Dation  otJ.  Davy,  sur  la  chatetir 
frie  (le  R.  Wagner.  spécifique  de  certaines  substances  ani- 

-  Voiries  travaux  de  Crawfort,  Kir-     mates. 


CALORIMETRIE.  àài 

température?  alors  nous  pouvons  dire  qu'il  s'y  est,  pendant  ce 
temps,  produit  autant  de  chaleur  qu'il  s'en  est  perdu. 

Liebermeister  procédait  ainsi  :  la  personne  soumise  à  l'ex- 
périence mesurait  avant  le  bain  la  température  de  son  aisselle, 
et,  sans  enlever  le  thermomètre,  elle  entrait  au  bain  ayant 
soiu  de  tenir  l'instrument  fortement  serré  dans  l'aisselle;  elle 
demeurait  assise  et  immobile  dans  le  bain  n'ayant  .hors  de  l'eau 
qu'une  partie  du  visage  et  de  la  tête.  La  quantité  d'eau  con- 
tenue dans  la  baignoire  était  connue.  On  a  constaté  la  tempé- 
rature de  l'eau  avant  et  pendant  le  bain  à  de  courts  intervalles 
ainsi  que  celle  de  l'aisselle.  La  température  de  l'eau ,  étant  plus 
élevée  que  celle  de  l'air  ambiant  (celle-ci  restant  pendant  le 
bain  ce  qu'elle  est  avant  et  après),  cède  de  la  chaleur  à  l'air. 
Il  s'ensuit  quç  l'élévation  de  température  de  l'eau,  pendant 
toute  la  durée  ou  partie  de  la  durée  du  bain,  n'indique  pas 
toute  l'élévation  de  température  que  l'eau  a  acquise  pendant 
ce  temps  par  l'action  du  corps  de  la  personne  mise  en  expé- 
rience; pour  avoir  le  chiffre  total  de  cette  élévation  de  tempé- 
rature, il  faut  ajouter  la  quantité  dont  la  température  du  bain 
se  refroidit  pendant  le  même  temps  dans  les  conditions  don- 
nées. Pour  cela ,  Liebermeister  observait  la  marche  du  refroi- 
dissement de  l'eau  avant  et  après  le  bain.  Le  chiffre  du  refroi- 
dissement pendant  le  bain  lui  parut  facile  à  déduire  de  là.  Du 
reste  il  s'agit  d'une  quantité  très-petite. 

Voici  ce  que  montre  l'expérience  :  La  température  de  l'ais- 
selle reste  constante,  et  même  monte  un  peu  au-dessus  du  ni- 
veau qu'elle  avait  avant  le  bain;  les  quantités  de  chaleur  émises 
pendant  les  derniers  moments  du  bain  sont  égales  entre  elles 
pour  le  même  espace  de  temps.  Dans  les  premières  minutes  du 
bain,  ainsi  que  Liebermeister  le  supposait,  il  y  a  une  quantité 
de  chaleur  émise  notablement  supérieure  k  celle  qui  se  perd 
dans  les  derniers  moments.  Les  couches  périphériques  du  corps 
devaient  (cela  était  prévu)  éprouver  un  refroidissement;  mais, 
ainsi  qu'on  s'en  assurait  en  mesurant  la  température  de  l'ais- 


44*2         CHAPITRE  II.  --  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

setle,  les  parties  profondes,  la  niasse  du  corps,  se  inaînteiiaient 
à  leur  niveau  antérieur  grâce  à  l'augmentation  de  la  produc- 
tion de  chaleur^  Liebermeister  ne  compte  comme  qwmùli  Ju 
refroidiuemeni  que  la  quantité  de  chaleur  qui  s'est  dégagée 
pendant  le  bain,  et  par  suite  de  laquelle  les  parties  périphé- 
riques de  Teau  ont  été  refroidies,  avant  que  l'équilibre  stable  se 
soit  établi  eptre  la  température  des  différentes  parties  du 
corps,  bien  que,  dans  Punité  de  temps,  il  passe  dans  Teau 
autant  de  chaleur  que  le  corps  en  produit.  L'excédant  de  cha- 
leur qui  a  été  cédé  pendant  les  premiers  moments  du  bain  froid 
comparés  au  même  temps  des  derniers  moments  du  bain,  re- 
présente la  quantité  du  refroidissement. 

On  comprend  que  le  chiffre  de  la  production  de  chaleur 
trouvé  par  Liebenneister  était  d'autant  plus  faible,  que,  dans 
le  premier  moment,  il  se  perd  de  la  chaleur  dans  l'air  par  la 
respiration  et  par  la  partie  de  la  tête  qui  n'est  pas  couverte.  Il 
a  cherché  à  évaluer  cette  perte. 

La  seconde  méthode  qu'on  devait  employer  (Kemig)  était 
celle  des  6atfu  ehauda,  que  Liebermeister  avait  instituée  en  se 
fondant  sur  les  principes  suivants  : 

Lorsqu'un  corps  susceptible  de  produire  de  la  chaleur  est 
placé  dans  des  conditions  extérieures  telles  qu'il  ne  reçoit  ni 
ne  perd  de  la  chaleur  pendant  un  certain  temps,  la  quantité 
de  chaleur  qu'il  crée  dans  cet  espace  de  temps  est  égale  au 
produit  des  trois  facteurs  suivants  :  l'élévation  de  la  tempéra- 
ture que  le  corps  a  éprouvée  pendant  ce  temps ,  le  poids  de 
celui-ci,  et  le  chiffre  que  représente  la  capacité  calorifique  de 
ce  coq>8.  Le  produit  de  ces  trois  facteurs  représente  la  quantité 
de  chaleur  qui  est  nécessaire  pour  amener  l'élévation  de  tem- 
pérature observée  dans  ce  corps  ;  or,  comme  pendant  ce  temps 
il  n'a  été  ni  soustrait  ni  fourni  de  chaleur,  cette  quantité  de 
chaleur  est  bien  celle  qui  a  été  produite.  Il  va  sans  dire  qu'on 
su|)p<)se  que  chaque  point  du  corps  a  acquis,  dans  l'unité  de 


CALORIMÉTRIE.  443 

temps,  la  même  température  que  celui  dont  la  température  a 
été  réellement  mesurée. 

Lîebermeister  a  procédé  de  la  manière  suivante  :  Le  sujet  en 
expérience,  après  que  le  thermomètre  placé  dans  raisselie  eut 
atteint  son  niveau  définitif,  et  sans  te  déplacer,  se  mit  au  bain, 
dont  la  température  était  égaie  à  celle  de  l'aisselle.  Le  corps 
était  plongé  dans  Teau,  sauf  une  petite  partie  d.e  la  tête.  La 
température  du  bain  était,  grâce  à  un  courant  constant  d'eau 
chaude,  maintenue  à  la  température  (ascendante)  de  Taisselle, 
et  par  conséquent  graduellement  accrue.  (îomme  la  peau, 
avant  le  bain,  avait  en  différents  points  une  température  plus 
basse  que  celle  de  l'aisselle,  on  pouvait  remplir  complètement 
la  condition  essentielle  de  cette  méthode»  è  savoir  que  la  perte 
comme  l'apport  de  chaleur  fussent  en  parfait  équilibre,  après 
que  le  bain  avait  duré  un  certain  temps,  par  exemple  alors 
que  la  peau  avait  pris  partout  la  température  de  l'aisselle,  ou, 
ce  c(ui  revient  au  même,  celle  de  Feau. 

Liebermeister  a  constaté  de  deux  façons  différentes  le  mo- 
ment où  cette  condition  de  la  méthode  était  réalisée.  Une  fois 
il  plaça  dans  le  bain  de  temps  en  temps  sur  différentes  parties 
du  corps  un  thermomètre  flottant  dans  Teau*,  il  voyait  si  la 
peau  était  ou  non  plus  froide  que  l'eau,  et  il  résolut  ainsi  le 
problème  de  savoir  à  partir  de  quel  moment  les  quantités  de 
chaleur  employées  à  réchauffement  du  corps  étaient  approxi- 
mativement égaies  entre  elles.  A  partir  de  ce  moment,  la  con- 
dition essentielle  de  la  méthode  se  réalisait,  à  savoir  que 
chaque  point  du  corps  avait,  en  un  temps  donné,  la  même 
température  que  faisselle. 

Il  va  sans  dire  qu'on  tenait  compte  de  la  perle  de  cha- 
leur par  la  respiration  et  la  partie  du  visage  tenue  hors  de 
l'eau. 

RerlifrcheM  par  la  fremière  méthode.  —  Cette  première  mé- 
thode repose  sur  deux  points  essentiels  :  t""  la  mesure  de  la 


ààà         CHAPITRE  n.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

chaleur  cëdée  à  l'eau;  9°  Tétat  de  la  température  de  Taisselle 
pendant  le  bain. 

1*  Meêure  de  la  chaleur  cédée  à  l'eau.  —  Ici  se  présente  d'a- 
bord une  objection  en  ce  qui  concerne  la  méthode  par  le  bain 
chaud;  Liebermeister  l'avait  déjà  indiquée.  En  raison  de  la 
température  élevée  de  l'eau,  il  pouvait  se  faire  que  le  refroi- 
dissement de  celle-ci  eût  lieu  tellement  vite»  et  que,  d'autre 
part,  la  quantité  de  chaleur  cédée  à  Feao  fût  si  faible,  que  la 
moindre  imperfection  dans  l'observation  celâl  complètement 
le  résultat.  Kernig  para  à  cet  inconvénient  en  maintenant  la 
chambre  d'observation  à  une  température  assez  haute  pour 
n'avoir  point  à  craindre  ce  rapide  refroidissement,  et  la  suite 
montra  que  cette  méthode  de  mesurer  la  chaleur  était  très- 
applicable  dans  le  bain  chaud. 

La  chaleur  émise  dans  l'eau  en  un  temps  déterminé  fut 
multipliée  par  la  masse  de  l'eau  évaluée  en  litres.  Le  produit 
de  ces  deux  facteurs  donna  la  quantité  de  chaleur,  autrement 
dit  le  nombre  de  calories  émises.  (L'auteur  a  toujours  expé- 
rimenté sur  lui-même.) 

L'élévation  totale  de  température  produite  par  l'inunersion 
de  son  corps  dans  l'eau  ne  peut  pas  être  observée  directement, 
attendu  que  l'eau  du  bain  cède  de  la  chaleur  à  l'air  ambiant. 
Mais  elle  peut  être  déduite  de  l'état  de  la  température  de  l'eau 
pendant  le  bain,  si  l'on  connaît  de  combien  l'eau  se  refroidit 
pendant  ce  temps,  ou  mieux,  quel  a  été  le  chiflfre  de  la  quan- 
tité de  chaleur  qu'elle  a  cédée  pendant  le  bain.  Pour  trouver 
cette  quantité  [correction  du  refroidiuemeni)^  Kernig  a  utilisé  un 
moyen  déjà  employé  pour  cet  objet  par  Liebermeister,  et  qui 
lui  a  réussi.  Le  refroidissement  de  l'eau  servant  au  bain  fut 
observé  pendant  un  temps  très-long,  tant  avant  qu'après  le 
bain  (environ  soixante-dix  minutes  avant  et  autant  après,  sauf 
de  rares  exceptions);  le  bain  lui-même  durait  environ  trente- 
cinq  minutes.  L'observation  du  refroidissement  de  l'eau  avant 


GALORIMÉTAIE.  àhb 

et  après  le  bain  fat  faite  de  cinq  en  cinq  minutes.  On  déduisit 
de  ces  observations  le  chiffre  moyen  entre  le  refroidissement 
avant  et  après  le  bain,  et  on  le  prit  conune  exprimant  le  refroi- 
dissement de  Teau  pendant  le  bain. 

Cela  étant  admis,  il  s'ensuit  le  calcul  suivant  : 

Si,  par  exemple,  la  température  de  l'eau  s'élève  durant  cinq 
minutes  pendant  le  bain,  on  sait  que  l'élévation  de  tempéra* 
ture  que  le  corps  humain  produit  dans  l'eau  est  égale  à  la 
somme  du  chiffre  de  correction  du  refroidissement  extérieur  et 
de  l'élévation  observée  dans  la  température  de  l'eau.  Le  corps 
a  cédé,  dans  ce  cas,  à  l'eau  plus  de  chaleur  que  l'eau  n'en  a 
cédé  k  l'air. 

Si  la  température  de  l'eau  reste  la  même  pendant  une  du- 
rée de  cinq  minutes,  cela  veut  dire  que  l'élévation  de  tempé- 
rature de  l'eau  produite  par  le  corps  est  égale  au  chiffre  de  la 
correction  du  refroidissement.  Le  corps  a  compensé  exactement 
la  perte  de  chaleur  subie  par  l'eau. 

Si,  malgré  la  présence  du  corps,  la  température  de  l'eau 
s'abaisse ,  il  faut  soustraire  du  chiffre  de  correction  du  refroi- 
dissement celui  de  l'abaissement  de  la  température  de  l'eau, 
pour  trouver  l'élévation  de  température  produite  par  l'expéri- 
mentateur dans  l'eau.  Son  corps  a  communiqué  à  l'eau  moins 
de  chaleur  que  l'eau  n'en  a  cédé  au  dehors. 

Dans  des  cas  exceptionnels  enfin,  dans  les  premiers  mo- 
ments de  l'immersion  dans  le  bain  chaud,  la  température  de 
l'eau  au  contact  du  corps  est  descendue  au-dessous  de  son 
chiffre  de  correction  normale  pour  le  refroidissement.  Là  évi- 
demment le  corps,  dont  la  surface  périphérique,  au  moment 
de  l'immersion  dans  le  bain ,  était  plus  froide  que  l'eau ,  a  sous- 
trait à  l'eau  de  la  chaleur,  et  l'abaissement  de  température 
ainsi  produit  dans  l'eau,  c'est-à-dire  la  quantité  de  chaleur 
soustraite  à  l'eau ,  peut  être  trouvé  en  retranchant  de  l'abais- 
sement observé  de  la  température  de  l'eau  le  chiffre  de  la  cor- 
rection normale  pour  le  refroidissement. 


A46         CHAPITRE  II   —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

L*autear  a  vérifié  rexactîlude  de  ses  tfaermomètres;  il  a  eu 
soin  de  toujours  noter  la  température  de  la  nappe  supérieure 
et  celle  des  couches  profondes  de  Teau,  à  dislance  égale 
des  parois ,  et  a  pris  le  chiffre  moyen  entre  ces  deux  mesures , 
comme  exprimant  le  véritable  chiffre  de  la  chaleur  cédée  au 
bain  par  le  corps. 

Généralement  le  refroidissement,  avant  et  après  le  bain,  a 
lieu  avec  une  grande  uniformité.  Dans  quelques  cas  rares,  il 
y  a  quelque  différence  entre  les  chiffres  de  cinq  en  cinq  mi- 
nutes,  mais  cela  ne  dure  pas.  L#e  refroidissement  entre  les 
parties  supérieures  et  les  couches  profondes  de  Teau  est  en 
concordance 'très-grande  dans  la  plupart  des  cas,  et  ne  diffère 
que  de  quelques  centièmes  de  degré. 

Il  ne  faut  pas  attacher  trop  d'importance  à  une  mesure  de 
cinq  minutes.  Mais  le  chiffre  total  de  la  quantité  de  chaleur 
émise  pendant  toute  la  durée  du  bain  mérite  confiance  et 
s'approche  très-près  de  la  vérité. 

a"  Généralités  nnr  l'état  de  la  température  de  raisselle  dan»  les 
inhrrchei  par  cette  première  métltode.  —  La  température  de  l'ais- 
selle a  donné,  dans  les  diverses  recherches,  un  résultat  si  diffé- 
rent, et  en  même  temps,  kernig,  è  cette  occasion,  a  fait  des 
observations  si  particulières  sur  diverses  circonstances  qui 
influent  sur  ces  variations,  que,  pour  éviter  des  répétitions 
ultérieures ,  il  faut  tout  d*abord  exposer  le  tableau  de  ces  di- 
verses circonstances  et  en  discuter  la  nature. 
Voici  le  procédé  opératoire  suivi  par  Kernig  : 
Pour  maintenir  son  aisselle  immobile  et  fermée  sans  inter- 
ruption pendant  un  temps  très-long  (une  heure  et  demie  à 
deux  heuœs),  il  étreignait  son  bras  gauche  à  l'aide  d'une 
bande  en  caoutchouc  qui  le  maintenait  attaché  au  tronc,  tan- 
dis que  le  bras  droit  demeurait  libre.  L'occlusion  de  l'aisselle 
était  si  complète,  qu'il  n*est  pas  arrivé,  dans  les  expériences, 
que  l'eau  y  pénétrât.  Le  thermomètre  demeurait  ainsi  appii* 


GALORIMETRIE.  ààl 

m 

que  eiaclemeni  contre  les  parois  de  raisselle.  La  sueur  n*y 
produisait  qu'une  faible  humidité  et  qui  n'était  pas  de  nature 
à  entacher  Texpérience. 

Il  est  arrivé  quelquefois,  malgré  ces  précautions  minutieuses, 
des  variations  soudaines  de  o%  i  à  o°,a  dans  la  hauteur  de  la 
colonne  thermométrique  ;  elles  ne  pouvaient  s'expliquer  que 
par  un  défaut  d'occlusion  de  l'aisselle.  Le  moindre  mouvement 
de  rotation  du  bras  peut  produire  cet  effet. 

Il  va  sans  dire  que ,  le  thermomètre  étant  placé  dans  Tais- 
selle,  on  ne  tenait  pour  vraie  que  la  température  demeurée 
6xe  pendant  au  moins  cinq  minutes,  et  cela  le  plus  souvent 
vingt  minutes  après  que  le  thermomètre  était  en  place. 

Les  bains  étaient  portés  à  une  température  de  3o%  3*j% 
3â%  36**  C,  une  fois  à  37%  une  autre  fois  à  d5%5  G.  La  du- 
rée des  bains ^  sauf  deux  cas  (n'  u  et  n*  w),  a  été  de  trente- 
cinq  minutes. 

Il  y  a  une  partie  des  observations  dans  lesquelles  on  n'a  pas 
trouvé  de  différence  dans  la  température  de  l'aisselle  du  com- 
mencement è  la  fin  du  bain.  (obs.  m ,  bain  à  3o°;  obs.  xi  et  xiii , 
bain  à  33"*;  obs.  xviii,  bain  à  3/t'';  obs.  xix,  \x  et  xxi,  bain 
à  36"*).  Il  n'y  a  pas  lieu  de  douter,  dans  ces  cas,  qu'une  cer- 
taine quantité  de  chaleur  n'ait  été  produite  pendant  la  durée 
du  bain. 

Dans  quelques-unes  des  observations,  la  température  de 
Taisselle  était  plus  haute  à  la  fin  qu'au  commencement.  (Obs. 
xvii,  bain  à  3&°;  et  obs.  xxu,  xxiii  et  xxiv,  bain  à  36**).  La 
réponse  à  cette  question,  è  savoir  si,  pendant  ce  temps,  il  a 
été  produit  de  la  chaleur,  est  facile  à  faire. 

Dans  les  autres  observations,  la  température  de  l'aisselle 
était  plus  basse  à  la  fin  qu'au  commencement  du  bain.  Or  il 
faut  se  demander  quelles  sont  les  causes  qui  peuvent  produire 
cet  abaissement. 

Premièrement,  cet  abaissement  de  la  température  axillaire 
peut  dépendre  d'une  dépression  de  la  température  (refroidis- 


àhH         CHAPITRE  II.  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

sèment)  de  tout  le  corps ,  provenant  d*un  eicès  de  la  perte  de 
chaleur  par  rapport  à  la  production  de  chaleur,  et  alors,  ou 
bien  la  perte  de  chaleur  dépassant  le  chiffre  normal  est  trop 
forte  par  rapport  à  la  production  demeurée  à  Tétat  normal  ou 
même  accrue ,  ou  la  perte  n'est  point  plus  grande  et  est  peut- 
être  même  plus  petite  quà  l'état  ordinaire,  mais  la  production 
de  chaleur  s'abaisse  au-dessous  de  son  niveau  habituel  et 
ainsi  ne  parvient  pas  à  couvrir  la  dépense  de  chaleur. 

Deuxièmement,  l'abaissement  de  la  température  de  l'ais- 
selle peut  tenir  à  des  causes  locales,  de  sorte,  par  exemple,- 
que  la  température  de  la  masse  du  corps  (parties  profondes) 
ne  change  pas ,  mais  que  celle  de  Taisselle  change  comme  celle 
des  autres  parties  périphériques. 

Etant  donné  que  l'abaissement  de  la  température  axillaire  peut 
dépendre  de  ces  deux  conditions,  il  en  résulte  évidemment  que 
l'on  doit  répondre  différemment  à  cette  question  :  une  certaine 
quantité  de  chaleur  est-elle  produite  ou  non  dans  le  bain?  Si 
nous  arrivons  à  démontrer  que  l'abaissement  de  la  température 
de  l'aisselle  a  pu  ne  pas  tenir  à  un  abaissement  de  la  tempéra- 
ture de  tout  le  corps,  qu'ainsi  le  corps  entier  n'a  pas  pu  se  re- 
froidir, et  si,  d'autre  part,  nous  arrivons  à  peu  près  à  déter- 
miner les  causes  locales  qui  ont  pu  amener  un  abaissement  de 
la  température  axillaire,  nous  pouvons,  malgré  la  chute  de  la 
température  axillaire  dans  ces  cas,  conclure  qu'en  balançant 
la  quantité  du  refroidissement  avec  celle  de  réchauffement,  la 
quantité  de  chaleur  émise  pendant  le  bain  a  été  réellement 
produite  pendant  celui-ci. 

Maintenant  il  est  possible,  en  fait,  pour  toutes  les  recher- 
ches susdites,  de  fournir  la  démonstration  que  l'abaissement 
de  température  de  l'aisselle  ne  peut  pas  avoir  dépendu  d'un 
abaissement  de  température,  d'un  refroidissement  de  tout  le 
corps.  Dans  ce  but,  Kernig  prend:  la  température  approxima- 
tive d'un  bain ,  la  quantité  de  chaleur  totale  qui  a  été  émise 
pendant  la  durée  du  bain ,  et  le  chiffre  de  la  température  de  Tais- 


GALORIMÉTRIE.  449 

selle.  Tous  ces  bains  ont  duré  trente-cinq  minutes.  Suit  un 
tableau  de  toutes  les  observations,  que  nous  ne  reproduisons 
pas. 

On  voit  dans  ce  tableau,  que ,  dans  les  bains  à  36  degrés  et 
au-dessus,  jamais  rabaissement  de  la  température  axillaire 
n*a  eu  lieu.  Mais,  pour  tous  les  bains  à  36  degrés,  il  y  a  une 
circonstance  qu'il  faut  signaler  et  qui  évidemment  empêche 
l'abaissement  de  la  température  axillaire  dans  les  bains  chauds , 
c'est  le  fait  de  demeurer  couché  avant  le  bain. 

Le  tableau  des  expériences  montre  avec  évidence  que  Rabais- 
MtmetU  de  la  température  de  VaisséU  na  été,  dans  aucune  des  obeer^ 
vaiions,  froportiùnnel  à  la  quantité  de  chaleur  émise.  On  peut 
prouver  de  deux  façons  cette  disproportionnalité  entre  rabais- 
sement de  la  température  axillaire  et  la  quantité  de  chaleur 
émise. 

IXabord,  dans  des  bains  de  températures  différentes,  et  singu- 
lièrement différents  aussi  par  la  quantité  de  chtdeur  émise,  la  tem- 
pérature axillaire  n*a  pas  varié  en  moins  et  ne  s'est  pas  réglée 
sur  la  proportion  de  la  chaleur  émise. 

Cette  disproportionnalité  entre  l'abaissement  de  la  tem- 
pérature de  l'aisselle  et  la  quantité  de  chaleur  émise  montre 
déjà  suflS8amment'(méme  quand  on  voudrait  admettre  que  la 
température  de  toutes  les  parties  du  corps  est,  dans  tous  les 
cas  possibles,  aussi  basse  que  celle  de  l'aisselle),  que  le  corps 
humain  ne  se  refroidit  pas,  autrement  dit,  ne  diminue  pas 
de  température,  en  raison  de  la  quantité  de  chaleur  qu'il 
perd. 

Deuxièmement,  cette  disproportionnalité  se  démontre  en- 
core en  ce  que  les  températures  de  Veau  étant  égales,  et  les  quan- 
tités de  chaleur  émises  étant  égales  aussi,  la  température  de 
l'aisselle  montre,  dans  son  abaissement,  des  différences  extra- 
ordinaires :  ces  différences  vont  à  plusieurs  dixièmes  de  degré, 
ainsi  qu'on  le  voit  par  les  chiffres  suivants  : 


î>î» 


450         CIIAMTRE  11.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 


.  \   .  ^  de  la  temp^tnrc 


Observalioo  i 3o*  Qo'.SyS.  o*,io 

Observadoo  n 3o  99 ,378  o  ,38 

Obeervatkm  ai 3o  101 ,100  o  ,oS 

Observalion  UT 3&  59,980  0,^7 

Observation  iv 34  tiG  ,3oo  o  ,3i 

On  peut,  de  ce  qui  précède,  conclure  que  rabaissement 
de  ia  température  axillaire  n'annonce  pas  un  changement 
identi({ue  dans  letat  des  autres  parties  du  corps,  en  d'au- 
tres termes,  que,  malgré  l'abaissement  de  la  température  de 
faisselle,  les  parties  profondes,  la  masse  du  corps,  ont  pu 
n'éprouver  aucun  abaissement  de  température.  Si  ia  tem- 
pérature de  toutes  les  parties  du  corps,  dans  toutes  ces 
observations,  était  tombée  comme  celle  de  l'aisselle,  il  n'au- 
rait pas  pu  se  faire  qu'à  la  même  température  de  l'eau,  les 
sommes  des  quantités  de  chaleur  émise  fussent  égales  entre 
elles,  nuiiê  elles  auraient  dû  bien  plutàl  être  fnvportiowndln  à 
l'abaissement  Je  la  iempératut^  de  Caiêsdle.  Si  l'on  voulait  ad- 
mettre que,  dans  ces  cas,  le  corps  tout  entier  a  été  autant 
abaissé  dans  sa  température  que  Ta  été  Taisselle,  il  faudrait 
supposer  non-seulement  que,  dans  les  observations  où  la  tem- 
pérature de  l'eau  était  la  même  et  où  tout  concordait  du  reste, 
la  production  a  pu  être  différente ,  mais  encore  que  ce$  pro- 
ductions différentes  dans  des  bains  d'égale  chaleur,  se  sont 
compensées  avec  les  quantités  de  chaleur  perdue,  lesquelles 
n'étaient  pas  couvertes  par  la  production,  de  façon  que  les 
quantités  totales  de  chaleur  émise  aient  pu  être  égaies.  Or 
cette  supposition  est  absolument  inadmissible.  Kemig  suppose 
en  même  temps,  dans  les  observations  où  l'on  a  noté  un  abais- 
sement de  la  température  axillaire,  avoir  rempli  cette  condi- 
tion essentielle  de  sa  méthode ,  l'immutabilité  de  la  température 
des  parties  profondes,  et  il  espère  que  les  résultats  concluants, 


CALORIMÉTRIE.  451 

relativement  aui  quantités  de  chaleur  produite  dans  Tunité 
de  temps 9  montreront  que,  si  Ton  néglige  l'abaissement  de  la 
température  axillaire,  il  n*en  peut  résulter  aucun  vice  essen- 
tiel dans  l'expérience.  La  mesure  de  la  température  axillaire 
entreprise  pour  mettre  en  évidence  cette  assertion  (dans  ces 
cas  où  des  influences  locales  avaient  agi  sur  faisselle),  n'a  pas 
pu  donner  directement  cette  notion,  mais  l'a  donnée  indirec- 
tement. 

Il  faut  faire  connaître  ici  les  circonstances  qu*on  doit  consi- 
dérer comjue  pouvant  abaisser  localement  la  température  dans 
les  parties  périphériques  et  dans  l'aisselle.  Remarquons  d'a- 
bord que  souvent  la  rapidité  avec  laquelle  l'aisselle  maintenue 
fermée  change  de  température  est  une  preuve  de  la  possibilité 
de  ces  actions  locales.  Un  abaissement  de  o%i  à  o",3  en  cinq 
minutes  montre»  du  moins  dans  certains  cas  bien  observés, 
qu'un  semblable  changement  de  température  ne  peut  pas  s'être 
produit  dans  tout  le  corps.  Un  calcul  très-simple  prouve  que, 
si  tout  le  corps  humain  (d'environ  67  kilogrammes)  s'était  en 
cinq  minutes  refroidi  de  o%i  ou  o%a,  sa  perte  de  chaleur  au- 
rait dû  s'élever  à  9,6  calories,  ou  bien  sa  production  de  cha- 
leur aurait  été  diminuée  d'autant.  Dans  l'état  ordinaire  la 
perte  totale  de  chaleur  est  d'environ  7,5  calories  en  cinq  mi- 
nutes (en  supposant  une  production  de  i,5  calorie  à  la  mi- 
nute). 

Ce  n'est  que  dans  des  cas  où  l'on  n'a  pas  pu  constater 
l'exacte  occlusion  de  l'aisselle,  que  l'on  a  vu  des  abaisse- 
ments de  o\i  à  o",ti  en  une  ou  deux  minutes  (introduction 
de  l'eau). 

L'action  des  bains  froids,  dans  lesquels  se  produit  la  chair  de 
poule  et  le  frisson ,  avait  conduit  Kernig  à  penser  que  souvent  la 
ehue  Inmtque  de  la  température  axillaire,  observée  alors,  dépend  de 
la  soudame  diminutton  dans  la  conducùhUiti  calorique  de  la  peau. 
Dans  un  cas,  par  exemple,  avec  une  chute  de  o%i  à  o%a  en 
cinq  minutes,  coïncidèrent  de  (orfs  frissons  avec  horripilation ; 


à:y2         CIIAIMTKE  T.  —  LA  CHALKUR  ET  LA   FIEVRE. 

(lu  reste,  la  quantité  de  chaleur  émise  pendant  ce  temps  dans 
l'eau  fut  plus  faible  que  dans  les  sections  de  temps  qui  jiré- 
cédèrent  et  qui  suivirent.  (Les  bains  étaient  à  3o  ou  3 q  de- 
grés.) 

Une  autre  circonstance  dont  il  faut  tenir  compte,  au  point 
de  vue  de  la  température  de  l'aisselle  dans  le  bain,  c'est  que 
de  rester  étendu  et  immobile,  au  lieu  d'être  debout  ou  assis, 
amène  un  abaissement  de  quelques  dixièmes  de  degré  dans 
Taisselle. 

(î'cst,  du  reste,  un  fait  connu  que  le  mouvement  élève  la 
lem|)érature  du  corps.  Helmholtz,  Funke,  Ludwig,  J.  Davy, 
ont  trouvé  une  élévation  de  o%3  jusqu'à  o'*,^  après  un  effort 
musculaire  prolongé,  après  une  forte  séance  d'équitation,  une 
longue  course,  etc. 

Des  mouvements  d'inclinaison  du  corps  soit  en  avant  soit 
en  arrière  peuvent  faire  varier  le  thermomètre  de  o",o5. 

L'abaissement  de  la  température  axiilaire  dans  l'état  de 
repos  horizontal  n'est  pas  facile  à  interpréter.  Il  ne  peut  être 
question  ici  d'une  augmentation  locale  ni  générale  de  la  perte 
de  chaleur  pendant  que  le  corps  conserve  celte  position;  il 
y  a  plutôt  lieu  de  croire  que  la  perte  de  chaleur  est  moindre 
alors.  On  ne  peut  chercher  la  cause  du  phénomène  que  dans 
un  amoindrissement  des  sources  de  chaleur  locales  ou  géné- 
rales. 

Kernig  admet  tout  d'abord  que  l'abaissement  de  la  tempé- 
rature axiilaire  pendant  le  repos  horizontal  n'est  point  étendu 
à  tout  le  cor[)s.  Comme  la  perte  de  chaleur  en  pareil  cas  n'est 
pas  augmentée,  il  faudrait,  pour  produire  un  abaissement  de 
température  de  tout  le  corps  semblable  à  celui  que  l'on  ob- 
serve dans  l'aisselle,  qu'il  y  ait  eu  une  diminution  notable  de 
la  production  de  chaleur  générale.  Indubitablement  le  passage 
de  la  position  verticale  à  l'horizontale  supprime  une  source  de 
chaleur,  celle  qui  réside  dans  l'action  musculaire;  il  reste  à 
savoir  si  cela  suflit  pour  amener,  sans  que  la  perte  de  la  cba- 


CALORIMÉTRIE  453 

leur  soit  'augmentée,  un  refroidissement  de  tout  le  corps  de 
o^3  en  vingt  minutes. 

Un  calcul  approximatif  porterait  la  production  de  la  cha- 
leur à  un  abaissement  de  moitié  dans  ce  cas.  (Etant  donné  que 
Ton  suppose,  à  Tétat  ordinaire,  la  perte  de  chaleur  à  peu  près 
égale  à  la  production,  cela  ferait  en  vingt  minutes  i  ,5  x  90 
»»  3o  calories.  Un  abaissement  de  la  température  du  corps 
tout  entier  de  o%3  suppose  que  67  x  o,83  x  o%3»i  &,9  calo- 
ries n'auraient  pas  été  produites  pendant  ce  temps;  par  con- 
séquent, en  vingt  minutes,  la  perte  de  chaleur  n  étant  pas  aug- 
mentée, la  production  ne  devrait  atteindre  qu'environ  la  moi- 
tié de  son  chiffre  normal.) 

Pour  Kernig,  il  est  plus  facile  d'attribuer  l'abaissement  de 
température  de  l'aisselle  à  la  suite  du  repos  horizontal ,  h  un 
étal  local,  et  il  en  faut  chercher  la  cause  dans  les  sources  lo- 
cales de  la  chaleur. 

Le  pouls  se  ralentit  aussi  dans  le  repos  horizontal.  Si  Ton 
doit  admettre  un  ralentissement  de  la  circulation  correspon- 
dant h  un  ralentissement  du  pouls,  on  s'explique  l'abaissement 
de  la  température  de  l'aisselle  bien  close,  d'autant  que,  dans 
tous  les  cas,  la  température  de  l'aisselle  close  dépend  de  l'activité 
circulatoire  des  gros  vaisseaux  contenus  dans  ses  parois.  Si  la 
température  d'un  point  quelconque  dépend  du  sang  qui  y  es 
amené  ou  qui  le  traverse,  si  la  chaleur  du  sang  reste  la  même, 
cette  température  sera  réglée  par  la  rapidité  de  la  circulation 
(toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs).  L'aisselle  rentrerait 
alors  dans  la  catégorie  des  parties  du  corps  dites  périphé- 
riques, et  dans  lesquelles  la  circulation  influe  si  manifestement 
sur  la  température. 

L'auteur  s'est  serri  toujours  des  deux  mêmes  thermomètres 
parfaitement  semblables  entre  eux  et  par  leur  sensibilité  et 
par  les  chifres  qu'ils  donnaient.  Ils  étaient  divisés  en  dixièmes 
de  degré,  et  ces  divisions  étaient  faciles  à  lire  et  très-espacées , 
de  façon  qu'on  pouvait  aisément  reconnaître  un  centième  de 


hbh         CHAPITRE  IL  —  LA  GHALEliR  ET  LA  FIÈVRE. 

degré.  Tels  Paient  les  instruments  employés  k  mesurer  ta 
température  de  l'eau.  Pour  raisseile»  Tauteur  se  servait  d'un 
thermomètre  divisé  en  cinquantièmes  de  degré,  dont  le  cylindre 
était  épais,  la  cuvette  cylindrique,  longue  de  c'yoSS  sur 
o'",ot3  de  largeur.  Les  divisions  allaient  de  35**  à  6o%5  et 
chaque  degré  avait  o"',o5de  long.  Plusieurs  instruments  furent 
employés  successivement,  et  tous  les  thermomètres  furent 
comparés  entre  eux  chaque  jour. 

Les  expériences  furent  faites  d'abord  dans  une  baignoire  en 
bois  peinte  à  l'huile;  la  quantité  d'eau  était  de  1 5o  litres,  et 
le  niveau  en  était  marqué  sur  la  paroi  interne  de  façon  que 
toutes  les  expériences  fussent  semblables.  L'eau  était  remuée 
et  mêlée,  au  début  de  l'expérience,  puis  ensuite  abandonnée  à 
elle-même. 

L'auteur,  qui  a  fait  sur  lui-même  toutes  les  observations, 
procédait  de  la  façon  suivante  :  il  se  déshabillait  et  demeu- 
rait environ  dix  è  quinze  minutes  occupé  à  surveiller  l'intro- 
duction de  l'eau  dans  la  baignoire;  il  résultait  de  ce  léger 
effort  corporel  un  peu  de  sueur  et  une  certaine  accélération 
du  pouls;  puis  il  se  tenait  en  repos,  assis,  ne  se  donnant 
d'autre  mouvement  que  celui  qui  était  nécessaire  pour  véri- 
fier la  température  de  l'eau  ;  la  sueur  cessait.  La  plupart  du 
temps  l'auteur  restait  pendant  vingt  ou  trente  minutes  cou- 
ché sur  un  sopha,  puis  il  entrait  au  bain,  oh  il  se  tenait 
plongé  jusqu'aux'oreilles,  ne  laissant  hors  de  l'eau  que  le  vi- 
sage. Il  avait  soin  de  remuer  le  moins  possible  les  membres. 
Le  sommet  de  la  colonne  mercnridle  du  thermomètre  placé 
dans  l'aisselle  dépassait  le  niveau  de  l'eau,  mais  pouvait  y 
être  replongé  par  un  léger  mouvement  de  rotation  de  l'é- 
paule. Le  corps  reposait  sur  les  saillies  osseuses  de  façon 
qu'il  y  eàt  le  moins  de  contact  possible  et  par  conséquent 
le  moins  de  perte  de  chaleur  possible  par  les  parois  de  la 
baignoire. 

La  nature  <lu  vêtement  que  l'auteur  portait,  avant  le  bain. 


CALORTMillTRIE.  455 

indépendamment  de  la  température  de  la  chambre  et  de  celle 
de  Teau ,  a  influé  suc  la  quantité  du  refroidissement.  Ainsi  :  i  ^  la 
quantité  de  chaleur  que  les  parties  périphériques  cèdent  à  un 
bain  froid  ou  tiède  (ayant  que  ne  soit  établi  cet  équilibre  sta- 
tionnaire  entre  la  température  des  différentes  parties  du  corps, 
par  suite  duquel  il  y  a  juste  autant  de  chaleur  cédée  a  Teau 
quHl  s'en  produit),  a  été,  eœteris  paribus^  d'autant  plus  grande 
que  les  vêtements  portés  avant  le  bain  étaient  plus  épais; 
â""  la  quantité  de  chaleur  que  les  parties  périphériques  prennent 
dans  un  bain  chaud,  avant  que  cet  .état  stationnaire  se  soit 
établi,  a  été  d'autant  plus  petite  que  les  vêtements  portés 
avant  le  bain  étaient  plus  épais. 

Il  va  sans  dire  que  l'auteur,  qui  est  en  même  temps  le 
sujet  des  expériences,  était  en  parfait  état  de  santé.  Son 
scrupule  va  si  loin ,  qu'il  note  les  moindres  malaises  :  mal 
de  tête,  inappétence,  deux  selles  en  un  jour  et  des  éructa- 
tions après  le  repas.  Il  s'abstient  aussi  de  toute  médicamen- 
tation. 

Recherches  faiteê  (Fapris  la  première  mélhotte.  —  Kernig  divise 
ses  observations  d'après  la  première  méthode  en  quatre  séries  : 
bains  à  3o%  bains  è  3â*,  bains  à  3/l^  bains  è  3 G"*  G. 

Nous  donnons  ici  plusieurs  tableaux  empruntés  h  ces  di- 
verses séries,  afin  de  montrer  avec  quel  soin  minutieux  les 
observations  ont  été  faites,  et  quelle  créance  elles  méritent. 
Les  tableaux  sont  suivis  d'observations  critiques  et  de  calculs 
faits  par  l'auteur. 


456         CHAPITRE  il.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 


Obsbryation  11.  —  Bain  à  3o%o5  —  3o*38. 


HBDRBS. 


t'3o-. 

l'as-. 

1*45". 
i'5o-. 
1*55-. 
s  henrefi 
«*5-.. 
a' 6-.. 


i^io". 


S5- 


9~  90 

fi 


Sà- 


fiS5-. 
«M3". 


9*35-. 


/|0' 


a* 65". 
îi^So". 
«'55". 

heure.. 

o     .  •  • 

So".. 
i'i5'-.. 


TIMPiiA- 

TUII 
de 

LA  caiMMB. 


96*,  10 

0 

96  ,i5 

a 

96,&0 

96,65 
96,5o 
96,50 

f 

96,65 
s6,65 
fi6,3o 


96,3o 
fi6,3o 


96  ,90 

fi6  ,i5 

96,90 
96, 3o 
96,3o 

96  ,60 
96  ,3o 

96  ,95 
96  ,95 


TBHPilATDRB 
M  CukV 


dSM 

la 
profondeur. 


8o\65 
3o  ,39 

f 
3d  ,39 
80,99 
3o,96 

3o  ,90 

3o,t5 

So,o8 

# 

3o,t5 
So,fi3 
3o  ,95 

« 

3o,3i 
3o,3^ 


3o,36 
3o  ,60 

So,S7 
3o  ,33 
80,99 

3o,95 

3o  ,90 

3o  ,i5 
3o  ,10 


8o*,69 
80,87 
80,80 

80,96 
80,19 
80  ,t5 
3o,ii 

3o,09 

3o,ii 

30,99 

3o,95 

» 

80,80 
3o,85 


3o,36 
3o  ,36 

80  ,36 
8o,3o 
80,97 

3o,99 

80,19 

3o,i3 
3o  ,10 


TBMPiaA- 

TliB 

de 

VktÊÊMUM. 


f 

a 

0 
0 

0 
0   ■ 

37',36 

87.69 

37 ,66 

f 

87.49 
87  ,69 
87,80 


87,93 
87,17 


87,11 
37  ,06 

87,03 
87  ,o5 
37,07 

87,08 
86 ,99 
86,96 

36 ,88 


OBSBRVATIOHS. 


Entrée  dant  le  bain. 
PeliU 


PtonkàSe. 

Qoelquet  bonipiia- 
liooe  et  ^«ir  de 
poale. 


MfkrBt  horripila  - 
ttent  et  chair  dr 
ponte. 

HorripHolioM  pin- 
fortei  et  diair  Jt 
poale. 


Sortie  dn  hiio.  Friv 
•ooe,  Iremhlemfoi 
ehair  de  povi^. 

Port  friawB. 


La  chair  de  poa)«  (b- 
minve. 

Le  coq»  col  are. 


Sennlion  afréablf  -i* 
cbaieor. 


Poolaà7t. 


CALORIMÉTRIE.  457 

Le  refroidissement  de  leau  pour  cinq  minutes  a  été', 
pendant  les  trente-cinq  minutes  qui  ont  précédé  le  bain, 
de  o%o55;  après  ie  bain,  de  o%oâo.  Conséquemment  la  cor* 
rection  pour  le  refroidissement  pendant  le  bain  en  cinq 
minutes  est  de  o^o&75. 

QUANTITE  DE  LA  CHALEUR  JMISE  PAR  LE  CORPS. 

GaloiiM.  GdoriM. 

1**  section  :  &  minâtes. .  .  i9',i95  Soit  par  minate i*,78i 

9*  section  :  5  minutes. . .  ai  ,375  Soit  par  minute i  ,978 

3*  sectioD  :  5  minutas. . .  to  ,875  Soit  par  minute 9,175 

A*  section  :  5  minutes. . .  i5  ,375  Soit  par  minute 3  ,076 

.^*  section  :  5  minutes . . .,  1 3  ,1 95  Soit  par  minute 9  ,695 

G*  section  :  5  minutes. . .  9 ,375  Soit  par  minute 1  ,875 

7*  section  :  5  minutes. . .  10  ,1 95  Soit  par  minute 9  ,095 

ToTàL 99**375 

On  a  donc,  pour  le  nombre  de  calories  émises  : 

99%375  =  o*,6695  x  i5o  (litres) 
et  (©•,0475  X  7)  +  o%33o  =  o%6695. 

L'auteur  divise  chacune  des  séries  d  observations  en  trois 
groupes  :  Tun  comprend  décembre  et  le  commencement  de 
janvier»  le  second  la  fin  de  janvier  et  jusqu'au  7  février,  et  le 
troisième  la  fin  de  février.  Le  groupe  intermédiaire  est  marqué 
par  quelques  troubles  dans  la  santé,  qui  coïncident  avec  une 
diminution  légère  dans  la  production  de  chaleur  mais  ne  l'ex- 
pliquent pas  suffisamment. 


.J-' 


Premiire  série.  —  Bains  è  3o  degrés  C.  et  au-dessous. 

On  voit  tout  d'abord,  d'après  les  tableaux  comparatifs  des 
expériences,  qu'eu  égard  aux  diverses  erreurs  possibles  et  à 
cette  circonstance  qu'à  égalité  de  température  de  l'eau,  la 
température  de  la  chambre  n'était  pas  le  seul  facteur  du  re- 


458         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

froid issement,  les  corrections  pour  le  refroidissement  se  cor- 
respondent en  fait  très-saffisamment ,  quand  on  les  compare 
aux  températures  de  la  chambre  d'expériences.    . 

H  y  a  une  grande  concordance  dans  les  sommes  des  quan- 
tités de  chaleur  dégagées  dans  les  observations  de  même  ordre. 
Ainsi,  si  Ton  fait  attention  que,  dans  l'observation  i ,  la  tempé- 
rature de  Peau  est  plus  élevée  d'un  demi-degré  que  dans  les 
observations  ii  et  m ,  et  que  cette  observation ,  faite  dans  une 
baignoire  en  bois,  a  pu  donner  lieu  à  un  plus  grand  nombre 
d'erreurs  que  les  autres,  on  trouve  que  i  s'accorde  bien  avec 
If  et  III.  La  grande  différence  dans  les  quantités  totales  de 
chaleur  dégagées  qui  existe  entre  i,  n,  m  d'une  part,  iv,  t, 
VI  d'autre  part,  tient  beaucoup  plus  h  la  différence  dans  la 
quantité  du  refroidissement  qu'à  la  différence  dans  la  pro- 
duction. 

Les  quantités  du  refroidissement  doivent  se  régler,  h  éga- 
lité de  température  de  l'eau ,  sur  la  nature  des  vêtements  portés 
avant  le  bain,  et  sur  la  température  de  la  chambre  oii  se  tenait 
l'observateur-acteur.  Dans  i,  ii,  m,  l'auteur  était,  jusqu'à  son 
immersion,  dans  la  chambre  du  bain  et  très-légèrement  vêtu: 
dans  IV,  v,  vi,  il  était,  avant  l'immersion,  dans  une  autre 
chambre  dont  la  température  était  très-inférieure  h  celle  de 
la  chambre  de  bain  et  entièrement  dévêtu;  aussi  les  quan- 
tités du  refroidissement  sont-elles  beaucoup  plus  faibles  dans 
IV,  V,  VI  que  dans  i,  n  et  m. 

Les  résultats  qu'on  peut  légitimement  tirer  de  cette  série 
sont  les  suivants  : 

Dans  un  bain  è  3o  degrés,  sans  tenir  compte  de  ce  qui 
se  perd  par  la  respiration,  on  trouve,  dans  les  expériences, 
une  production  de  s, A  calories  par  minute  (observations  n 
et  m),  et  dans  les  dernières,  9,f  calories;  différence,  o,3  ca- 
lorie. 

Liebermeister  avait  trouvé  le  chiffre  9,3  calories  par  mi- 
nute. 


CALORIMÉTRIE.  A59 

Kernig  répète ,  en  ce  qui  concerne  la  température  de  Tais- 
selle  dans  les  bains  h  3o  degrés,  que  rabaissement  de  la  tem- 
pérature de  Taisselle  ne  suppose  pas  celui  de  la  température 
du  reste  du  corps.  Il  tient  pour  certain  que  là  ou  la  tempé- 
rature de  Teau  était  égale,  avec  une  égale  quantité  de  chaleur 
dégagée  et  dans  des  expériences  de  tout  point  identiques,  cet 
abaissement  était  extrêmement  différent.  H  y  a  un  autre  mode 
de  désaccord,  c'est  celui-ci  :  k  une  température  plus  basse  de 
Teau,  et  avec  des  quantités  de  chaleur  dégagées  plus  grandes, 
l'abaissement  de  la  température  axillaire  n'est  pas  plus 
grand  que  dans  des  bains  d'une  température  plus  élevée  et 
avec  des  quantités  de  chaleur  dégagées  plus  petites.  Par 
exemple,  dans  les  observations  iv,  v  et  vi,  la  quantité  de  cha- 
leur dégagée  est  de  moitié  supérieure  h  celle  de  vu,  et  pour- 
tant en  VII  la  température  n'est  pas  plus  tombée  qu'en  iv,  t 
et  VI  ;  or  nous  pouvons  supposer  que  le  corps  a  eu  la  possi- 
bîHlë  de  livrer  une  quantité  de  chaleur  plus  grosse  de  moitié 
sans  «refroidissement,»  même  alors  que  dans  vu  l'abaisse- 
ment de  la  température  de  l'aisselle  a  été  l'expression  du  re- 
froidissement de  tout  le  corps. 

Du  reste,  il  est  permis  de  penser  que,  dans  un  bain  moins 
froid,  le  corps  peut  être  moins  en  état  de  compenser  la  perle 
de  chaleur  que  dans  un  bain  beaucoup  plus  froid;  cette  ob- 
servation est  .plus  facile  k  faire,  si  l'on  compare  un  bain  froid 
A  un  bain  chaud;  ici  il  ne  s'agit  que  de  comparer  entre  eux 
des  bains  relativement  froids,  dans  lesquels  la  production  de 
chaloir  était  indubitablement  accrue. 

En  fait,  il  résulte  de  ces  observations  que  le  corps,  lors- 
qu'on force  sa  dépense  de  chaleur,  accrott  d'autant  sa  pro- 
duction. 

De  ce  qui  précède,  Kernig  conclut  que,  danê  aucun  de  reê 
iams  il  3o  degré»,  il  ne  s'est  produit  un  nhainement  de  la  tempéra^ 
ture  de  tout  le  corps. 


^60         CHMMTHK  IL—  LA  CHALEUR  RT  LA  FIEVRE. 

Denxihne  série.  —  Bains  à  3iî  degrés  (]. 

Les  résuhals  sont  un  peu  différents  de  ceux  de  la  préc/*- 
dente  série.  lAiuleur  les  formule  ainsi  ; 

Dans  un  bain  à  3q**C.  (sans  tenir  compte  des  pertes  parla 
respiration)  les  premières  expériences  donnent  1,98  calorie 
par  minute  et  les  dernières  1,69  calorie. 

Ici  encore  on  constate  que  le  refroidissement  de  la  tempé- 
rature de  Faisselle  n'indique  nullement  un  refroidissement 
semblable  de  tout  le  corps,  autrement  les  quantités  de  cha- 
leur dégagées  seraient  proportionnelles  h  l'état  de  refroidis- 
sement de  l'aisselle,  ce  qui  n'est  pas. 

On  voit  aussi  que  la  température  de  l'aisselle  variait  suivant 
que  l'auteur  s'était  tenu  couché  ou  non  avant  le  bain. 

La  température  périphérique  du  corps  s'abaisse  et  ten<l  à 
s'équilibrer  avec  celle  de  l'eau.  Kernig  fait,  sur  ce  point,  le 
raisonnement  suivant  :  à  supposer  qu'environ  1  0  kilogrammes 
de  mon  corps,  c'est-à-dire  la  cinquième  ou  sixième  partie  de  la 
totalité,  aient  subi  ce  mode  de  refroidissement  périphérique, 
et  qu'il  ait  été  de  o%3,  cela  donnerait  3  calories  à  soustraire 
de  la  (piantité  totale  de  chaleur  dégagée* 

Troisième  série,  —  Bains  à  34  degrés  C. 

Résultats  :  Dans  un  bain  à  34  degrés,  sans  tenir  compte  de 
la  perte  par  la  respiration,  l'émission  est  de  1 ,7  calorie  par 
minute  dans  les  premières  expériences,  et  de  1 ,4  calorie  dans 
les  dernières. 

Ici,  comme  dans  les  précédentes  séries,  il  y  a  dans  la  se- 
conde moitié  une  différence  de  o,3  calorie  en  moins. 

Mêmes  observations  quant  à  la  température  deJ'aisselle, 
(|ui  est  très-souvent  en  désaccord,  et  en  état  inverse,  avec  la 
somme  de  la  chaleur  dégagée,  et  qui,  par  conséquent,  n'est 
pas  Texpression  juste  de  la  température  du  corps,  laquelle  ne 
s'abaisse  pas  au  même  niveau. 


CALORIMETRIE.  461 

Quatrième  série.  —  Bains  à  36  degrés  G. 

Rësaliato  :  Dans  les  premières  expériences  le  dégagement 
est  de  1,1 5  calorie  par  minute;  dans  celles  du  milieu,  de 
i,o3  calorie;  dans  les  dernières,  de  j,ii5  calorie.  Ainsi  la 
production  est  plus  élevée  au  commencement  et  à  la  fin  qu'au 
milieu. 

La  température  de  l'aisselle  ne  laisse  aucun  doute  sur  la 
sûreté  de  la  méthode;  dans  ces  observations  de  la  quatrième 
série  elle  s'élève  tout  d'abord  dès  l'entrée  au  bain,  et  se  main- 
tient ensuite  sans  augmentation  ;  elle  monte  encore  après  la 
sortie  du  bain  de  o^  i ,  o%  1 5 ,  o%a. 

En  somme  celte  méthode  des  bains  tièdes  et  chauds  donne 
les  résultats  suivants  : 

La  température  du  corps  (du  tronc,  des  parties  intérieures, 
de  la  masse  du  corps  en  général)  n'a  changé  dans  aucune  de 
ces  expériences.  Elle  ne  s'est  ni  abaissée  dans  les  bains  plus 
froids  ni  élevée  dans  les  plus  chauds. 

L'abaissement  de  la  température  de  l'aisselle ,  dans  les  bains 
à  30"*  G.  et  au-dessous,  dépend  du  refroidissement  périphé- 
rique résultant  de  l'augmentation  de  la  perte  de  la  chaleur. 

L'abaissement  de  la  température  de  l'aisselle  dépend,  dans 
les  bains  à  Sa""  et  3/î''  G  (surtout),  dû  refroidissement  péri- 
phérique produit  par  la  diminution  des  sources  locales  de  cha- 
leur. 

Recherches  fautes  d*apris  la  deuxième  métltode.  —  Nous  avons 
précédemment  indiqué  les  principes  de  cette  méthode.  11  s'agit 
de  maintenir,  pendant  le  bain,  la  température  de  Teau  aussi 
rapprochée  que  possible  de  la  température  croissante  de  l'ais- 
selle; et  de  ne  pas  laisser  celle-là  devenir  ni  plus  basse  ni  plus 
haute  que  celle-ci.  Alors  la  peau  prend  bientôt  partout  la  tem- 
pérature de  l'aisselle,  qui  est  en  même  temps  celle  de  l'eau ,  et, 
par  conséquent,  le  corps  donne  et  reçoit  dans  son  ensemble 


462         CHAPITRE  11. --LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

une  plus  grande  quaaiitd  de  chaleur.  Toute  élévation  de  teiu- 
^  pérature  qu'il  acquiert  ne  peut  être  mise  que  sur  le  compte 
de  la  chaleur  produite  en  lui-même,  et  celle-ci  est,  pour  an 
temps  donné,  égale  au  produit  de  plusieurs  facteurs,  savoir  : 
le  poids  du  corps  (en  kilogrammes),  l'élévation  de  la  tempé- 
rature pendant  ce  temps,  et  le  chiffre  de  la  capacité  calori- 
fique (chaleur  spéciGque)  du  corps  humain.  Ce  calcul,  à  la 
vérité,  suppose  que,  lorsque  la  température  de  la  peau  égale 
partout  celle  de  Teau,  chaque  point  du  corps  acquiert  une 
élévation  de  température  égale  h  celle  de  l'aisselle.  C'est  ce 
que  Liebermeister  a  démontré,  indépendamment  des  mesures 
directes  ou  indirectes  de  la  température  de  la  peau,  en  cons- 
tatant que  les  conditions  observées  assuraient  une  produc- 
tion de  chaleur  répartie  uniformément. 

D'après  les  expériences  de  Liebermeister,  c'est  après  quinze 
minutes  d'immersion  dans  le  bain  que  les  conditions  de  pro- 
duction de  chaleur  dans  l'unité  de  temps  deviennent  iden- 
tiques partout.  Dans  les  expériences  de  Kemig,  c'est  après 
quelques  minutes  seulement  que  cet  équilibre  est  obtenu, 
c'est-à-dire  que  l'on  a  la  complète  égalité  de  la  température  de 
toute  la  surface  du  corps  et  de  celle  de  l'eau. 

Cinquième  série  de  recherclàe»,  —  Bains  dont  la  tempéra- 
ture est  maintenue  égale  à  la  température  ascendante  de  l'ais- 
selle. 

Obskrvitio.n  \\v.  —  ti  janvier  186&.  Bain  dont  la  tem-. 
pérature  a  été  maintenue  au  niveau  de  la  température  asceu- 
dante  de  faisselle. 


CALORIMÉTRIE. 


463 


H&UEES. 

TIMPélA- 
de 

M  & 

dant 

lATOBI 

k 

TBMPieA- 

TtIBI 

de 

OBSERVATIONS. 

U  ClAinBt. 

piofondean 

ItniHbce. 

^umu^ 

io'48-.... 
io*5«-i/s. 
10*54-... 
1 0*  59- . . . 

.       3o%6 

» 
a 
u 
g 

g 
u 
II 

if 

37",45 
37,60 
37,65 
37,65 

Thermwiiètre     plaeé 
daatraiiMlle.Ptirw 
lie  sapërieore   du 
eorae  nue;  partie 
ioférienre  haotlMe 
ebaudeneoi. 

11  heures. . 
11*3- i/«. 

3o,5 

u 
u 
u 

a 
g 
u 

37,55 
37,50 
37,60 

* 

l«e  Mjet  M  eaarbe. 
PfeadecbaDfciDeiil 
daoa  le  Tétcment , 
le  peigooir  aar  las 

11* lO". . . 

3o,7 

u 

g 

37,35 

épanlei. 

ii*i5-... 

» 

g 

37,35 

11*18-... 

II 

ff 

37,30 

iiSi-... 

u 

g 

37,30 

Pvubà76. 

iiS6-i/a 

.      3o.7 

0 

g 

37  .e5 

ii*3i-... 

_  • 

» 

g 

37,eo 

11*35- i/e 

37%«4 

37M7 

37,ao 

Corpe  coUèmncnl  du. 

i 1   36—. . ■ 

a 

g 

37,95 

Poole  i  84. 

11*37-..., 
11^38- i/e 

3o  ,5 

37,17 
37.04 

37,1e 

36,99 

37,30 

Knlrfc  daai  reoii ,  le 
«iaagcieiildépoaw. 

11*39-..., 

37,»5 

g 

37,35 

ii*4o-i/«. 

tf 

37,17 

37,60 

ii*6«-i/« 

37,61 

37,60 

37  ,65 

Pouls  à  90. 

11*44-1/* 

tf 

g 

37  .55 

M*45-.... 

37,37 

37,63 

M 

11*46-.... 

37,59 

Ê 

H 

11*47-... 

g 

g 

37,65 

11' 47-' 3/4. 

37,67 

37,51 

g 

n*/j8-3//i, 

37,67 

37,77 

37,70 

i  t  *  5o- . . . . 

37.77 

37,65 

M 

11*50-3/6. 
ii'5«-i/a 

g 
37,6e 

H 
37,55 

37,75 

Poab  i  ^.  Lcgen 
baUemeaU  dans  la 
léte. 

11*53- i/a 

37,87 

37,70 

37,85 

11^54- i/si, 

37,77 

37,80 

g 

1  1      vu      .   •   • 

37  ,87 

37  ,90 

37  ,90 

BalleoMoU  plu»  fort». 

11*57-.... 

37  ,87 

37,90 

g 

Myh 


CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 


HKURKS. 

TKIIl'ÉRA- 

TURB 
de 

TBHPil 

DK  L 

dans 

la 

profondeor. 

UTURE 
«BAO 

TEMPERA- 
TURE 
de 

OBSERVATIO>S.    î 

LA  CHAMBIB. 

la  surface. 

L'AIMUXI. 

Il'' 57'"  i/a. 

// 

Il 

u 

37°.!»5 

■ 

Il*"  58"'.... 

U 

'if'91 

'ifm 

II 

1 

ii'-.^S"'  i/a. 

II 

II 

M 

38  ,00 

ii''58"':V^, 

II 

37»97 

37,9a 

// 

1  a  heures. .  . 

II 

38  ,05 

38  ,oa 

38, 10 

Pouls  h  iok.  Duuitfur  j 
de    lék  ,   bnii»e  - 

la**  r" 

II 
II 

38,o3 
38, la 

38  ,00 
38,17 

38, i5 
38, i5 

roeuts. 
RespiralioD  coorie  rt 

embarrasa^e.            1 
Poulsèio&. 

ia''a'" 

la**/!"" 

II 

38,17 

38  ,08 

38  ,ao 

i  a*"  5'" 

II 

38,17 
38, i5 

// 
II 

38  ,ia 

38  ,30 

Pouls  à  108 

■  ^i      1^       ■    •    •    •    • 

la'' 6'"  i/a.  . 

la'' 8"' 

la'' 8"'  j/a.. 

3o'\8 

u 

II 

38, 10 

« 

II 

38  ,35 

// 
38,a5 

A    VUI0  0     .  W* 

Sortie  du  baÎD.Cëpha-  ' 
lalgie.  Court  étour- 
di saemen  t.    Forl«s 
pulsatiooB  dam  la 
tête. 

Pouls  è  lai. 

1  a'  9"'  3/6  .  . 

u 

II 

u 

38,i5 

La  douleur  de  tète  di- 

laSi"' 

II 

II 

II 

38, 10 

minoe.                   1 
Pools  &  101.               j 

jaSa"'3//i. 

u 

II 

II 

38  ,00 

PouUii  90. 

!  a''  1  G'" . 

II 

a 

II 

37»9« 

i3''ao"'. 

a 

» 

II 

37,85 

Pouls  à  86. 

laSa'". 

II 

II 

II 

37  ,80 

j 

laSS"'. 
laSV". 

il 
II 

II 
u 

II 

II 

II 
37,80 

Légère  iuiprestion  de  j 
froid  très- courte. 

ia''a.V". 
ia''a6"'. 
laSg'". 

II 
11 
II 

II 

H 

II 

H 
M 

II 

37,80 
37,80 
37  ,80 

a'  petit  frisson,  1 5  se- 
condes. 3*  petit  fris- 
sou. Cbair  de  poule.  • 

ia''37"'. 
ia''/io"'. 

II 

1 

II 

U 

II 

II 
II 

37,75 
37,65 

Le  bas  du  corps  *^ 
lé^remeut  babiit«. 

Pouls  i  7a. 

ia''/iV". 

u 

il 

II 

37,60 

ia''/iS"'. 

II 

II 

n 

37,55 

iti''3r". 
ia''55"'. 

•    • 

II 

j 

// 

1 

n 
II 

II 
II 

37  ,5o 
37,50 

Pouls  è  76.  Doulrur» 
de  tèif  presque  dis-  ! 
parues. 

Pouls  i  76. 

CALORIMKTRIE.  465 

11  n'est  pas,  dans  cette  observation ,  diHicile  de  calculer  mi- 
nute par  minute  la  quantité  de  chaleur  employée  pour  échauffer 
le  corps  et  en  même  temps  la  quantité  de  chaleur  produite. 

A  1 1  heures  àti  minutes  1/9,  la  température  de  l'aisselle 
était  de  37',55,  et  à  13  heures  6  minutes  i/s,  de  38%â5. 
Ainsi  la  température  de  l'aisselle  a  monté,  en  39  minutes,  de 
o^7,  et,  en  supposant  que  tous  les  points  du  corps  aient  ac^ 
quis  la  même  température,  le  calcul  donne,  pour  ces  a 9  mi- 
nutes, la  quantité  suivante  pour  la  totalité  de  la  chaleur  pro- 
duite : 

56,84  X  0,7  X  0,83  =  33, 09. 

La  production  est  alors,  par  minute,  de  i,5  calorie.  Le 
chiffre  de  Liebermeister  est,  pour  une  série  semblable,  de 
i,&  à  1,5  calorie. 

Nous  laissons  de  côté  les  autres  expériences  de  cette  série 
pour  arriver  au  résultat. 

La  production  est  ici  plus  grande  que  dans  les  bains  à 
36  degrés ,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs  (température  ^ 

de  la  chambre,  perte  par  la  respiration,  etc.).  L'auteur 
pense  que  les  chiffres  pour  la  production  apparente  de  cha- 
leur sont  trop  élevés.  On  sait  que  la  température  d'un  grand 
nombre  de  parties  internes  (rectum,  foie,  veine  cave  infé* 
rieure,  cœur  droit),  h  l'état  normal,  est  plus  élevée  que  celle 
de  l'aisselle.  Si  donc  le  corps  est  immergé  dans  un  bain  dont 
la  température  est  la  même  que  celle  de  l'aisselle,  et  si,  après 
un  certain  temps ,  la  surface  du  corps  tout  entière  est  en  équi- 
libre parfait  de  température  avec  l'eau,  il  est  alors  très-pro- 
bable que  l'élévation  de  température  amenée  dans  l'aisselle  par 
la  chaleur  nouvellement  produite  est  plus  grande  que  celle 
que  présentent,  dans  ces  conditions,  les  parties  profondes.  La 
température  de  l'aisselle  close  ne  peut  demeurer  inférieure  à 
celle  des  parties  profondes  qu'autant  que  persiste  l'équilibre 
normal  entre  la  production  et  la  perte  de  la  chaleur.  \faLs,  si 

3o 


466         CHAPITRE  II    —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

la  perle  de  chaleur  vient  à  être  à  peu  près  complélement  sup- 
primée, à  côté  de  Télévation  de  température  que  laisseile 
comme  les  parties  profondes  a  acquise  parla  production,  il  de- 
vra se  faire  encore  une  égalisation  entre  la  température  des 
parties  profondes  et  celle  de  l'aisselle,  et,  par  conséquente  I  élé- 
vation de  la  température  de  Faisselle  devra,  dans  ce  même 
temps,  être  plus  grande  que  celle  des  parties  profondes,  il 
s'ensuit  nécessairement  que  le  chiffre  de  la  production  établi 
d'après  l'élévation  de  température  de  l'aisselle  est  trop  élevé. 
fT  Liebermeistcr  a  supposé  que,  lorsque  les  quantités  de  cha- 
leur employées  è  échauffer  le  corps  sont  égales  entre  elles 
dans  l'unité  de  temps,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  lorsque 
les  élévations  de  température  de  l'aisselle  sont  devenues  sem- 
blables dans  l'unité  de  temps,  on  peut  admettre  que  tous  les 
points  du  corps  ont  dû  subir  la  même  élévation  de  tempéra- 
ture que  l'aisselle. 

"On  peut  se  demander  pourtant,  étant  donné  le  fait  que 
l'aisselle  a  monté  de  quantités  égales  dans  le  même  temps, 
s'il  en  résulte  nécessairement  que  les  autres  parties  du  corps 
aient  dû  subir  une  élévation  de  température  identique.  Ou,  en 
d'autres  termes,  esl-il  possible  que  la  température  de  l'aisselle 
monte  d*une  certaine  quantité,  si  la  température  des  parties 
profondes  ne  monte  pas  également  de  la  même  quantité  dans 
le  même  temps?  Cela  me  parait  probable  d'après  mes  expé- 
riences. 

(«l)u  reste,  théoriquement,  rélévation  de  température  de 
l'aisselle,  si  pareille  élévation  de  la  température  des  parties 
profondes  n'y  avait  point  correspondu ,  aurait  dû ,  à  des  inter- 
valles de  plus  en  plus  retardés ,  devenir  plus  faible,  dans  la  pro- 
portion où  décroissait  la  différence  entre  la  température  des 
parties  profondes  et  celle  de  l'aisselle.  Mais,  chaque  fois  que  la 
température  des  parties  profondes  s'élève,  la  chaleur  qui,  dans 
le  cas  d'élévation  de  la  température  de  l'aisselle,  indique  Téga- 
lisation  de  température  entre  l'aisselle  et  les  parties  profondes, 


CALORÎMKTRIE.  467 

est  une  quantité  très-petite  répartie  sur  la  totalité  du  hain. 
Acceptons,  par  exemple,  que,  dans  ces  recherches,  de  toute 
Tëiévation  de  température  que  Taisselie  (dans  les  temps  indi- 
qués dans  les  tableaux),  a  acquise,  il  y  ait  seulement  environ 
0*.  1  employé  à  l'égalisation  entre  les  parties  profondes  et 
Taisselle,  et  que  le  reste  de  l'élévation  de  température  de  fais- 
selle représente  en  fait  l'élévation  de  température  qu'a  acquise 
tout  le  corps,  alors  les  conditions  de  production  ne  vont  guère 
plus  haut  (o,i  calorie)  que  dans  les  bains  è  30  degrés. 

«Après  ces  explications,  je  pense  qu'il  faut  dire  que,  malgré 
l'uniformité  dans  l'élévation  de  température  de  Faisselle,  la 
production  de  chaleur  doit  être  évaluée  trop  haut  dans  les 
bains  pris  d'après  cette  seconde  méthode,  n 

CONCLUSIONS  FIIVALBS. 

Tableau  de  la  production  de  chaleur  par  minute  dam  ces  diverses  expériences. 

NOMBBB  DB  CALOUIBS 
Température  p.,  „l„„t^ 

d«  beios  ^^  ^m\ 

—  i"  groupe.    •*  groupe.       3*  groupe. 

1  •  série  >  ^'"*  *  *^'*7 •  '  ^"'^^^ 

IBainsàSo* a%6         a'.i  » 

•j*  série.  Bains  à  3ti* 9,0  1  ,7  • 

3*  série.  Baios  à  36" 1  ,7  1,6  # 

à*  série.  Bains  k  36" 1  ,i5  1  ,o3  1  ,1 15 

5*  s^e.  Bains  dont  la  température  est 

maintenue  ^ale  à  celle  ne  l'aisselle .  1  ,5  1,97  1,619 

Ce  qui  apparaît  d'abord  dans  ce  tableau,  c'est  que,  dans  les 
bains  les  plus  chauds  (dernière  série),  la  production  a  été  plus 
grande  que  dans  les  bains  chauffés  seulement  à  3(i  degrés. 
Cela  sera  expliqué  plus  loin. 

Ensuite  on  doit  admettre  que  la  perte  de  chaleur  qui  a  eu 
lieu,  dans  tous  ces  bains,  par  les  poumons  et  la  surface  du  vi- 
sage, a  été  plus  grande  dans  les  bains  plus  froids,  plus  petite 

3o. 


hùS        CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

dans  tes  hains  plus  chauds,  ainsi  que  le  montre  Tégalisaiion 
de  température  de  la  chambre  de  bain  dans  les  différentes  sé- 
nés d'observations.  Pour  trouver  la  production  tout  entière, 
il  y  avait  à  ajouter  au  chiffre  trouvé  pour  les  bains  plus  froids 
plus  qu*à  celui  qui  est  donné  paries  bains  plus  chauds. 

Ce  tableau  prouve  avec  évidence  que,  dans  Corganimne  humain, 
la  régulation  de  la  production  de  chaleur  a  lieu  en  raifon  de  la 
perte  de  chaleur  :  A  une  plus  grande  perte  de  chaleur  correspond  une 
plus  grande  production,  à  une  moindre  perte  une  moindre  produc- 
tion. Kernig  confirme  complètement  ce  qu'a  établi  Liebermeis- 
ter.  11  a  trouvé  la  perte  s'élevant  jusqu'à  3,68 1  calories  par 
minute  dans  le  bain  à  a5°,7,  et  Liebermeister  a  donné  an 
chiffre  beaucoup  plus  élevé  encore. 

On  voit  quelle  décroissance  régulière  a  lieu  dans  la  pro- 
duction de  la  chaleur  h  mesure  que  les  bains  sont  plus 
chauds.  Dans  le  premier  comme  dans  le  deuxième  groupe 
des  bains  è  3a  degrés,  la  production  est  de  o,â  calorie  par 
minute  plus  faible  que  dans  les  bains  à  3o  degrés;  et  de  même, 
dans  les  bains  à  3/i  degrés,  la  production  est  plus  faible  de 
o,3  calorie  que  dans  les  bains  à  Sa  degrés;  quant  à  celle  des 
bains  à  36  degrés,  elle  est,  dans  le  premier  groupe,  plus  faible 
de  0,55  calorie  et,  dans  le  second,  de  o,/i  calorie  que  dans  les 
bains  à  3&  degrés. 

Ce  tableau  montre  ensuite  que,  dans  le  deuxième  groupe 
d'expériences,  tous  les  chiffres  sont  plus  faibles  que  dans  le 
premier  et  le  troisième;  en  effet,  pour  les  bains  à  3o%  39% 
3â%  le  chiffre  du  deuxième  groupe  est  constamment  de  o,3  ca- 
lorie inférieur  h  celui  du  premier  groupe  ;  dans  les  bains 
à  36  degrés  la  différence  est  seulement  de  o,f  calorie  entre 
le  deuxième  groupe  et  les  deux  autres.  Dans  les  bains  de  la 
dernière  série  cette  différence  se  fait  également  sentir.  Les  ob- 
servations du  second  groupe  ont  été  faites  entre  le  i  5  jan- 
vier et  le  7  février.  Or,  pendant  ce  temps,  la  production  de 
chaleur  de  l'expérimentateur  a  été  constamment  inférieure  à  ce 


CALORIMÉTRIE.  469 

qu'elle  a  éié  dans  les  observations  des  deux  autres  groupes; 
Fauteur  attribue  cette  différence  à  ce  que,  pendant  cette  pé- 
riode, il  ressentait  des  troubles  digestifs  et  intestinaux  qui 
furent  suivis  d'un  certain  amaigrissement. 

L'auteur,  se  servant  des  tables  de  Helmhoitz  pour  la  respira- 
tion (vapeur  d'eau),  évalue  la  perte  de  chaleur  opérée  par  la 
respiration  dans  les  bains  de  la  dernière  série,  à  0,01  ai  ca- 
lorie X  90  =  o,Q&9  calorie  par  minute. 

Les  expériences  de  Kernig  montrent  de  nouveau  que,  danê 
le  corps  de  l'homme,  il  se  produit  rapidement  une  relation  de  la 
production  de  chaleur  d'après  la  perte  de  chaleur  :  et  que  la  limite 
inférieure  de  cMe^  se  trouve  dans  les  bains  à  36  degrés.  La  perte 
de  chaleur  aussi  bien  que  la  production  dans  ces  bains  à 
36  degrés  sont  évidemment  au-dessous  du  chiffre  de  la  perte 
et  de  la  production  normales  dans  les  conditions  habituelles  : 
il  est  donc  vraisemblable  que,  si  l'on  restreint  la  perte  de  cha- 
leur, la  production  se  restreint  aussi. 

On  doit  conclure  de  ces  recherches,  comme  de  celles  de  Lie- 
berroeister,  que,  chez  les  fiévreux  aussi,  l'application  du  froid 
doit  augmenter  la  production  de  chaleur  et  par  là  même  la 
combustion  intérieure.  Il  ne  faut  point  appliquer  ce  principe 
à  tous  les  cas  a  priori.  Chez  les  fiévreux  il  se  produit  un  trouble 
dans  l'appareil  régulateur  qui  fonctionne  si  bien  h  l'état  de 
santé  pour  la  production  et  la  perte  de  chaleur.  Mais,  si  les 
températures  de  l'aisselle,  telles  qu'on  les  a  trouvées  jusqu'ici 
chez  les  fiévreux  après  les  bains  froids,  indiquent  un  abais- 
sement de  la  température  des  parties  profondes,  l'abaissement 
de  la  température  de  l'aisselle,  d'après  les  expériences  d^ 
Kernig,  ne  doit  être  accepté  qu'à  correction.  Après  un  bain 
froid  pendant  lequel  l'aisselle  n'a  point  été  tenue  fermée,  de 
sorte  que  Teau  y  a  eu  librement  accès,  l'on  peut,  si  Ton 
prend  certaines  précautions  et  notamment  celle  d'attendre 
quelque  temps  jusqu'à  ce  que  la  température  de  l'aisselle 
ait  pu  se  relever,  admettre  qu'elle  exprime  è  peu  près  celle 


'»7o       i..iiAi>iTi;r:  ii.  -    i.\  ciulki  h  et  la  fikuu:. 

(Ir  riiitérieiir  du  corps.  Toujours  est-il  (|u'on  peut  se  cleniaji- 
tlcr  si  le  corps,  h  IV'lal  fiévTeuw  peut,  comme  le  corps  sain,  rele- 
ver la  produclioii  de  sa  chaleur  eu  raison  de  I  augmenlalion 
de  la  p(Mle  ipTou  lui  lait  subir. 

lu  un^di'ciii  de  la  même  rcole  a  répét/»  et  v<Vilié  les  exp/»- 
rienccs  de  Licbermeister  el  de  kerni{{  :  seulement,  au  lieu 
(rojïner  sur  Ihounue  sain.  Ilatt^ich  '  a  expérimenté  sur  îles 
lié  V  ceux. 

(iel  auleuî  procède  de  Naunyn:  il  entreprend  des  recher 
(lies  sur  la  perle  de  chaleur  dans  Télat  fcbrile  et  auv  dillé- 
rcntes  ])hases  de  la  lièvre,  n\  parlant  de  cette  opinicm  de  St»- 
uator,  que  la  lièvre  dépend  de  deux  facteurs  :  une  aujjnien- 
lalmn  persistante  de  la  production  de  chaleur,  et  une  internip 
(ion  inlermiltenle  de  rémission  de  la  chaleur  au  dehors.  La 
méthode  employée  est  celle  de  Liebermeister.  Un  malade  à 
.*{(|'..*»  (i.  étant  donné,  on  lui  prépare  un  bain  de  8  degrés  plus 
froid  que  sou  propre  corps,  on  note  le  refroidissement  du  bain 
pendant  dix  minutes  avant  (Tj  placer  le  malade,  pendant  les 
dix  minutes  de  I  inuner.,  gn,  et  pendant  les  dix  minutes  qui 
suiveni  celle-ci.  el  enfin  la  température  du  malade  avant,  pen- 
dant et  après.  \  oiri  le  tableau  de  ce  cas  : 

TKMPKIMTI  n.F 

Momt-nh  Ai'  i)l)<!r'n;ilioim  ^^^  ^ ^ 

(lu  mnlRtlf.     rlu  hoin. 

I  !   heures  du  iniilin    '^".'^        3i\/i8  f  l>iflr.irwnc.\ 

.  i''  lo'" Ai  M  i       o-,i'i 

I  i'  ifl".  (  I.H  riiiiltiile  s»'  mol  an  hain.)  ...  3i  ,3 a  f  l»itT.irpnct. 

I  i'  'j.n".  (  Il  suri  (In  hîiii»  ) 3i  ,aG  \      lAoO 

1  l''  oo'" .  .Hi  ,:Mi     1      Différt^DC» 

.l^*^i'■■ 3i),i     3i  ,r,()  \    o*..,>o 

it»»'  i:^"' 39,3 

3  heures 3^  .5 

f)  heures '10  ,'i  i- 


S 


N 


'    llaliwich.    (jftiHPH  dp  rt'lpvatian  (h-  la  tempeifiturf  ((ans  ia  fièvre.  Thëi^e  nhni^ 
[;iiralt',  Herliii .  i  8('m). 


CALOniMÉTKIE.  471 

Ainsi  ie  malade  avait  été  baigné  au  moment  où  sa  tempéra- 
ture commençait  à  monter.  Avant  son  immersion ,  ie  refroidisse- 
ment de  Teau  du  bain  élait,  en  dix  minutes,  do  o\  f  ^i,  et,  après 
rimmersion,  il  -était  de  o%!3;  moyenne,  o'\i7.  On  peut  ad- 
mettre que  ie  refroidissement  de  l'eau  eût  marqué  ce  chiffre 
pendant  les  dix  minutes  que  ie  malade  s*est  baigné  :  or  il  n  a 
été  en  réalité  que  de  o",o6.  Donc  le  malade  a  émis  dans  le 
l^in  assez  de  chaleur  pour  diminuer  de  o^  i  i  le  refroidisse- 
ment de  l'eau,  ou  bien,  ce  qui  revient  au  même,  pour  échauf- 
fer de  o",  1 1  C.  la  masse  de  l'eau  qui  était  de  3oo  litres.  Co 
qui  donne  :  o,  i  i  x3oo==^  33  calories  {Jcilocalories)  ^  si  l'on 
entend  par  kilocalone  la  quantité  de  chaleur  nécessaire  pour 
élever  de  i"(^.  la  température  de  i  litre  ou  t  kilogramme 
d'eau. 

L'auteur  a  poursuivi  ce  genre  d'expériences  sur  douze  ma- 
bdes  atteints  de  fièvre  récurrente  et  quatre  atteints  de  fièvre 
intermittente.  Il  a  conclu  avec  Leyden]  qu'à  tous  les  moments 
de  la  fièvre  la  perte  de  chaleur  est  augmentée  par  rapport  à 
l'état  normal  ;  qu'il  n'y  a  point  lieu  d'admettre  que  la  cause 
de  l'élévation  de  la  température  dans  les  états  fébriles  soit  une 
diminution  de  la  perte  de  chaleur.  Il  admet  pourtant  qu'il  y 
a  augmentation  de  la  perte  dans  le  stade  de  sueur,  et  que  le 
contraire  a  lieu  dans  le  stade  de  frisson.  Du  reste,  la  perte  de 
chaleur  n'est  pas  la  même  dans  les  différents  stades  fébriles: 
ie  chiffre  moyen  pour  Tacmé  fébrile  est  56,4  calories;  pour 
le  stade  de  déclin,  Sy^ô;  pour  celui  d'augment  36,95.  Lies 
malades  à  fièvre  intermittente  font  seuls  exception ,  en  ce  sens 
que  c'est  dans  la  période  d'augment  qu'ils  perdent  le  plus  de 
chaleur. 

Telles  sont  les  conclusions  auxquelles  sont  arrivés  Lieber- 
meister  et  les  élèves  qui  ont  suivi  ses  inspirations.  Il  est  juste 
de  reconnaître  ie  mérite  de  travaux  minutieux,  laborieuse- 
nients  faits  et  nés  du  désir  d'élucider  un  des  points  les  plus 


/i72  CHAPITRE  il.    -  LA  CHALKUR  ET  LA  FIÈVRE. 

obscurs  (le  la  |)a(liogénie  des  lièvres.  Mais  il  serait  léiiH'»raire 
(Tacceiiler  pour  acquis  des  faits  qui  résultent  d'expériences  où 
les  causes  d'erreur  sont  aussi  variées. 

Un  auteur  allemand  s'est  chargé  de  faire  celte  critique,  et 
un  grand  nombre  de  ses  observations  méritent  d'être  prises  on 
sérieuse  considéralion.  Voici  le  résumé  du  travail  de  Winler- 
nitz  ^  : 

L'auteur  a  eu  pour  objet  l'examen  de  ce  principe  de  Lieber- 
meister  :  Quand  un  corps  se  mainiieni  à  la  mèine  température  pen- 
dant le  temps  où  il  est  soumis  à  des  causes  de  déperdition  de  cha- 
leur, il  faut  que,  pendant  ce  temps,  il  ait  acquis  autant  de  chaleur 
qu  il  en  a  perdu.  Donc,  étant  connue  la  quantité  de  cludeur  perdue, 
nous  connaissons  aussi  la  quantité  gagnée. 

L'auteur  montre  d'abord  que  les  résultats  des  bains  d'après 
la  méthode  de  Liebermeister  sont  assez  différents,  suivant 
(|u'on  (ieni  compte  de  la  température  de  l'aisselle  ou  de  celle 
(lu  rectum,  soit  pendant,  soit  après  les  bains. 

Il  prouve ,  par  des  expériences,  qu'il  n'est  pas  possible  d'éva- 
luer exactement  avec  un  thermomètre  la  température  d'une 
grande  niasse  d'eau  qui  s'échauffe  lentement,  attendu  que 
celle-ci  offre,  sur  divers  poinis,  des  différences  qui  ne  s'éga- 
lisent [)as  complètement,  même  si  l'on  remue  avec  soin  le  li— 
(|uide,  ou  qui  se  reproduisent  très-rapidement,  surtout  quand 
il  y  a  dans  l'eau  un  corps  qui  dégage  de  la  chaleur. 

Le  deuxième  facteur,  la  température  de  l'aisselle,  admis  par 
Liebermeister  pour  l'évaluation  de  la  production  de  la  chaleur 
dans  l'organisme,  ne  convient  pas  pour  cet  usage,  parce  que 
Ton  n'y  trouve  pas  la  mesure  réelle  de  la  chaleur  générale.  Les 
refroidissements  périphériques  peuvent  amener  une  élévation 
purement  locale  de  la  température  de  l'une  des  aisselles  ou  de 
tontes  deux.  On  reconnaît  combien  les  données  de  la  mesure 


'    \\  inU'i  nilz  ,  Ktudvtt  aur  rncliou  tics     lion  dv  chaleur  (  Wiener  tneti.  Worlinisclt  . 

snus'irnrtiiiiis  de  (hnhmr  sur   lu  jti'odKC-      i-Syi  ]. 


GALORIMÉTRIE.  473 

thermomëtrique  de  l'aisseile  sont  incertaines  en  pareil  cas,  par 
l'expérience  suivante  :  qaand  on  applique  le  froid  au  niveau 
de  la  région  dorsale  (thoracique),  on  peut  voir  la  température 
baisser  dans  le  rectum  plus  vite  que  dans  l'aisselle,  et  même 
l'abaissement  dans  celle-^i  peut  être  précédé  d'une  légère  élé- 
vation, tandis  que,  dans  le  rectum,  la  température  commence 
à  baisser  dès  l'application  du  froid.  Autre  argument  :  les 
températures  des  deux  aisselles  ne  sont  même  pas  semblables 
dans  les  circonstances  ordinaires;  cette  différence  peut  aller 
jusqu'à  o%i  et  o%â  G.  Que  l'on  place  maintenant  un  des  bras 
jusqu'au  coude  dans  une  eau  à  la  température  de  i  o*  à  1 9%6 , 
on  voit  survenir  de  grandes  différences  dans  la  température 
desdeui  aisselles  :  il  se  peut  faire  que,  dans  Tune,  la  tempé- 
rature monte  plus  vite  et  plus  haut  que  dans  l'autre,  ou  qu'elle 
y  descende  tandis  qu'elle  monte  encore  dans  l'autre;  ou  bien 
il  peut  arriver  que  la  température  de  l'aisselle  du  côté  du  bras 
placé  dans  l'eau  baisse  considérablement  après  une  courte  et 
légère  élévation,  tandis  que,  de  l'autre  côté,  on  observera 
une  ascension  continue.  La  même  chose  a  lieu  si  c'est  dans 
l'eau  tiède  (à  3i%5)  que  l'on  trempe  le  bras.  Dans  ce  cas, 
Winternitz  a  observé  que  l'aisselle  du  côté  immergé  conservait 
sa  température,  tandi»  que,  dans  l'autre  aisselle,  la  tempéra- 
ture s'élevait  continuellement.  On  ne  peut  donc  pas  se  fier 
complètement  k  la  mesure  de  la  température  de  l'aisselle,  du 
moins  dans  ces  expériences. 

L'auteur  a  étudié  aussi,  après  Gildemeister  (élève  de  Lie- 
bermeister,  1869),  l'augmentation  de  Texcrétion  d'acide  car- 
bonique dans  les  bains  frais.  Or  il  a  trouvé  aussi  que  cette 
augmentation  va  toujours  en  croissant.  Dans  un  bain  à  1 8",  &  G. , 
un  homme  de  quarante-sept  ans  a  rendu ,  dans  les  premières 
dix  minutes,  8,3  grammes  d'acide  carbonique,  dans  les  dix  mi- 
nutes suivantes  1 9,8  grammes,  dans  les  dix  dernières  minutes 
1 8  grammes.  Il  y  avait  lieu  de  penser  qu'une  partie  de  l'acide 
carbonique  produit  pendant  le  bain  serait  éliminée  après  la 


hl^         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

sortie  Hu  bain,  el  en  effet  on  reconnut  que  cette  augmenta- 
tion (le  l'excrétion  (facide  carbonique  persistait  encore  pen- 
dant quinze  à  vingt  minutes  après  le  bain. 

Virchow,  toutefois,  appuie  l'opinion  de  Lieberineister,  et 
rappelle  que  lui-même  a  reconnu  anciennement  que  les  bains 
étaient  suivis  d'un  refroidissement  du  corps.  Virchow  ajoute 
qu'après  le  bain,  alors  que  la  circulation  se  r<^tablit  à  la  péri- 
phérie, l'occasion  est  plus  propice  pour  le  refroidissement  des 
parties  profondes  du  corps  que  pendant  le  bain  même. 

(iette  longue  discussion  méritait  d'être  soumise  au  lecteur 
français,  alors  que  la  question  du  traitement  des  fiévreux  par 
les  bains  chauds  ou  froids  tend  h  reprendre ,  dans  la  thérapeu- 
tique des  pyrexieset  des  phlegmasies.  une  place  qu'il  est  juste 
de  lui  accorder.  Mais  on  ne  se  mettra  à  l'abri  des  réactions 
qu'en  étudiant  tous  les  termes  du  problème  et  en  ne  cédant  pas 
à  un  engouement  compromettant  pour  la  méthode. 

S  M. 

Ré(itL4TI0!M    DE    LA    CU^LEUR. 

Nous  avons  rapidement  indiqué  dans  les  chapitres  précé- 
dents quelles  étaient  les  sources  de  la  chaleur  animale,  et  nous 
avons  montré  par  de  nombreux  exemples  que,  bien  que  l'âge, 
l'alimentation,  l'activité  musculaire,  Tair  extérieur,  aient  une 
certaine  influence  sur  la  température  du  corps,  on  pouvait 
cependant  dire  que  le  corps  humain  a  une  température  cons- 
tante. Nous  avons  expliqué  ce  dernier  mot,  noté  les  limites 
des  oscillations  journalières  et  la  répartition  de  la  chaleur  dans 
les  divers  départements  de  l'économie. 

Or  nous  savons  que  cette  constance  de  la  température  est 
imposée  à  l'homme  sous  peine  de  moi*t;  les  limites  de  réchauf- 
fement et  du  refroidissement  sont  étroites^  aussi  ferions-nous 


RKGULATiO.N  DE  LA  CHALKUR.  àlb 

volontiers  uàire  la  pensée  tlëveluppée  par  Liebermeister ,  et 
que  nous  formulerions  ainsi  :  cela  vir*  est  la  faculté  de  conserver 
et  de  régler  sa  chaleur,  n 

Il  reste  à  déterminer  les  procédés  à  l'aide  desquels  l'écono- 
mie parvient  à  régler  sa  rhaleur.  (l'est  une  recherche  dont  nous 
avons  trouvé  quelques  éléments  dans  les  anciens  auteurs ,  depuis 
(ialien  jusqu'à  Sanclorius.  Nous  reproduisons  ici  un  passage 
bien  intéressant  de  Barthez^  H  suffit  à  montrer  le  chemin 
parcouru  depuis  trois  quarts  de  siècle  :  «  Les  mouvements  qui 
produisent  la  chaleur  vitale  ne  se  continuent  point  un  certain 
temps  avec  la  même  force  dans  les  solides  et  les  fluides,  sans 
faire  monter  leur  écbauflement  au  delà  du  terme  qui  est  mar- 
qué à  la  chaleur  naturelle  de  chaque  animal.  C'est  pourquoi, 
lorsque  le  progrès  de  cet  éohauffement  va  dépasser  considéra- 
blement ce  terme,  il  est  arrêté  par  le  refroidissement  qu'opère 
la  respiration  renouvelée. 

«(On  peut  donc  regarder  l'air  respiré  comme  étant  en  quel- 
que sorte  le  rotateur  de  la  chaleur  trop  forte  qui  serait  pro- 
duite d'ailleurs  par  le  principe  vital.  <^ 

Dans  un  autre  passage  ^  Barthez  considère  le  principe  vital 
comme  le  frein  qui  s'oppose  à  ce  que,  dans  un  milieu  extérieur 
plus  chaud,  le  corps  soit  soumis  à  une  élévation  de  temjié- 
rature  trop  considérable.  Mais,  dans  l'esprit  des  médecins  de 
l'époque,  la  création  de  la  chaleur  et  sa  régulation  ne  sont 
pas  encore  séparées.  C'est  pour  n'avoir  pas  su  faire  cette  dis- 
tinction» que  les  médecins  se  sont  laissé  entraîner  à  mécon- 
naître la  valeur  de  la  théorie  de  l^voisier,  et  à  suivre  les  théo- 
ries de  production  de  la  chaleur  par  le  système  nerveux. 


*  Barthei ,  iV<miwriu*  ^l^emt»  de  la     "la  îh^ori*'  fort  répandue  aujourd'hui 
teim€0  Je Pkommf  t  %* édil.,t.  I.p. 3o3,     rliei l«a nouveaux  cfaimialca,  aar  la  pro- 


Paria,  1806.  dudion  de  la   chaleur. <>  Cesl  en  eea 

'  Barthet  ,1  I ,  p.  a 911.  Vo\et  éga-  lermea  que  Barthex  parle  de  la  th^ne 

lemenl   la  noie  39,  p.  aSo.  dan^  la-  de  LavoÎAier. 
<|oeUe  Barthei  rejetle  dédaigiieiiMoietti 


( 


MO         CHAPITRE  II. —  LA  CIIALKLR  KT  LA  FIÈVRK. 

àSaiis  nous  arrêter  aux  travaux  intomic^diaires,  nous  pouvons 
(lire  aver  Lieberrneister  ^  : 

"  Le  corps  produit  constamment  de  la  chaleur, et  ses  éléments, 
sous  l'influence  de  l'oxygène  qui  est  introduit,  subi>senl  un«* 
Iniie  comimstm}.  La  (juantité  de  chaleur  que  fait  un  homnie 
adulte  dans  l'espace  d'une  demi-heure  suflirait  pour  élever  de 
1  degré  (1.  la  température  du  corps  lui-même,  ou  bien  celle 
l'une  masse  d'eau  équivalente  aux  cinq  sixièmes  de  son  poids. 
Si  donc  aucune  quantité  de  chaleur  n'était  perdue,  la  tempéra- 
lure  du  corps  s'élèverait  constamment  de  9.  degrés  par  heure  etde 
^i8  degrés  en  vingt-quatre  heures.  La  température  du  corps  ne 
[)eut  se  maintenir  à  un  degré  constant  qu'à  la  condition  qu'il 
perde  juste  autant  de  chaleur  qu'il  en  produit,  dans  le  même 
temps.  Dès  lors  peu  importe  que  cette  production  et  celte 
perte  équivalentes  soient  grandes  ou  petites  :  tant  qu'elles  de- 
meurent en  équilibre ,  la  provision  de  chaleur  dans  le  corps  reste 
la  même,  et  la  température  ne  change  pas.  Mais,  si  la  recette 
venail  k  excéder  la  ih^iense,  la  température  monterait;  si  la 
production  était  inférieure  h  la  dépense,  la  température  bais- 
serait, n 

Or  la  chaleur  est  le  régulateur  de  la  circulation,  ou  plutôt 
elle  se  règle  elle-même  par  le  moyen  de  la  circulation.  C'est 
un  fait  absolument  identique  à  celui,  bien  connu  de  tous  les 
[)hysiciens,  qui  consiste  dans  l'emploi  de  ce  que  l'on  appelle 
les  régulateurs  mécani(jues  pour  les  machines  à  vapeur. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux  moyens  accessoires  à  l'aide 
(les(|uels  l'homme  ou  les  animaux  règlent  la  dépense  de  leur 
chaleur.  Nous  pourrions  citer  la  mue  annuelle  chez  quelques 
animaux,  qui  ont  ainsi  une  sorte  de  vêtement  de  saison.  C'est 
au  même  ordre  de  faits  (|u'il  faut  rapporter  le  choix  du  gîte . 
de  la  poslure  du  corps  des  animaux;  actes  commandés  par 
l'instinct  ori  la  réflexion.  Tout<'s  ces  circonstances  ont  pour  eflet 

'   Ri(  liiinl  \  nlkiiuuiii .  SutnmluHff  kliiiinrher  I  ortrofre ,  n"  M|  ,  i  87 1 . 


REGULATION  DE  LA  CHALEUR.  A77 

de  rendre  les  variations  de  la  perte  de  chaleur  bien  plus  faibles 
que  ne  le  feraient  supposer  celles  de  la  température  de  Tair 
ambiant'. 

Plusieurs  auteurs,  notamment  Bergmann,  qui,  dès  Tannée 
1 8â5,  avait  mis  ce  fait  en  lumière,  ont  cru  que  la  constance 
de  la  température  du  corps,  c'est-à-dire  le  mystère  de  la  ré- 
gulation de  la  chaleur,  n'avait  pas  d'autre  explication.  La  pro- 
duction de  la  chaleur  doit,  d'après  cette  manière  de  voir, 
rester  toujours  la  même,  ou,  du  moins,  être  tout  à  fait  indépen- 
dante de  la  perte  de  chaleur;  mais  alors  la  perte  de  chaleur 
devrait  être,  grâce  aux  circonstances  énumérées  plus  haut, 
réglée  de  façon  à  être  toujours  équivalente  à  la  production  de 
chaleur. 

L'hypothèse  d'une  semblable  régulation  complète  de  la  perte 
de  chaleur  est  a  priori  peu  vraisenoblable.  Les  conditions  qui 
entrent  ici  en  jeu  sont,  au  contraire,  d'espèce  très-différente  : 
la  régulation,  d'une  part,  repose  sur  de  simples  phénomènes 
physiques,  d'autre  part  sur  la  structure  complexe  de  la  peau 
et  notamment  sur  la  circulation  qui  y  a  lieu  ;  la  sécrétion  de 
la  sueur  et  l'évaporation  de  l'eau ,  influencées  par  les  diffé- 
rences de  température,  y  participent;  enfin  il  faut  tenir 
compte  de  l'instinct  et  des  actions  volontaires  de  l'individu.  Il 
serait  difficile  d'admettre  que  ces  conditions  si  multiples  et  si 
diverses,  indépendantes  les  unes  des  autres,  pussent,  en  toutes 
circonstances,  concorder  si  exactement  que  la  somme  de  leurs 
effets  amenât  toujours  l'équilibre  entre  la  perte  et  la  produc- 
tion de  chaleur.  En  admettant  que  l'on  pût  encore  comprendre 
qu'il  en  fût  ainsi  dans  l'état  ordinaire,  on  ne  pourrait  plus 
admettre  la  possibilité  du  fait  dans  des  cas  où  ont  lieu  de  vio- 
lenté changements  de  milieu. 

Quand  un  homme  bien  portant  prend  un  bain  modé- 
rément froid,  sa  température  intérieure  interrogée  dans  le 

^  Volkmann,  lœo  dtato. 


478  CHAPITRE  II  —LA  CHALEUR  ET  L\  FIEVRE. 

recium  ou  dans  Paisselie  ii*e&t  pas  abaissée:  elle  reste  sans 
changement,  ou  bien  elle  s'élève  un  peu.  Mats,  si  le  bain 
se  prolonge,  chez  les  individus  peu  résistants,  après  vingt 
ou  trente  minutes,  chez  d'autres  un  peu  plus  tard,  il  sur- 
vient une  remarquable  chute  de  la  température  k  Tintérieur 
du  corps,  et  cela  presque  indubitablement.  C'est  donc  un  fait 
<rexpérience  que  l'homme  sain  dans  un  bain  froid,  /lourru  qu'il 
ny  reête  ptiê  trop  longtemps,  conserve  sa  température  intérieure 
à  peu  près  au  même  chiffre.  Dans  les  circonstances  où  le  corps 
supporte  une  très-forte  soustraction  de  chaleur,  sa  tempéra- 
ture reste  à  la  même  hauteur,  c'est-à-dire  que  sa  provision  de 
chaleur  intérieure  n'est  pas  du  tout  diminuée.  L'homme  pos- 
sède la  lampe  intarissable,  il  déborde  tant  qu'il  veut,  il  reste 
toujours  aussi  plein. 

Serait-ce  donc  une  illusion  de  croire  que  nous  perdions  plus 
de  chaleur  dans  l'eau  froide  que  lorsque  nous  sommes  dans  un 
air  modérément  chaud  et  habillés  suivant  le  milieu?  Il  s'est  trouvé 
des  auteurs  qui,  sans  se  laisser  arrêter  par  un  pareil  paradoie, 
ont  pensé  que  les  parties  intérieures  du  corps  de  l'homme  se 
refroidissaient  moins  dans  l'eau  froide  que  dans  l'air  froid. 
Alors  il  en  résulterait  que  l'influence  d'un  bain  froid  pour 
l'intérieur  du  corps  équivaudrait  à  celle  d'une  bonne  fourrure. 

Nous  avons  montré ,  en  étudiant  les  effets  des  bains,  que  les 
actes  qui  accompagnent  les  applications  du  froid  ou  du  chaud 
sur  la  peau  sont  beaucoup  plus  complexes.  Les  expériences 
ont  prouvé  que,  chez  l'homme  sain,  dans  un  bain  chaud  de  3^i 
à  35  degrés  C,  la  production  de  la  chaleur  est  à  peu  près 
égale  à  celle  de  l'état  normal  (Kernig).  Dans  un  bain  de  98  à 
3o  degrés,  elle  est  à  peu  près  du  double;  dans  un  bain  à 
ti^  degrés,  du  triple;  dans  un  bain  à  qo  degrés,  du  quadruple 
de  la  production  normale. 

Dans  son  étude  sur  les  nerfs  vasomoteurs,  M.  Vulpian^  a 

*  VuLpian.  Ij^viti  mr  Vappai^il  voêomotêur,  I.  II,  p.  17(1  et  Miiv. 


REGULATION  DE  LA  CHALEUR.  479 

parfaitement  établi  ie  rôle  de  ce  système  chargé  de  la  i  égula- 
tion  de  ia  chaleur,  ii  démontre  tout  d*abord  que  lappareil 
vasomoteur  peut  agir  sur  la  chaleur  animale  de  deux  façons 
différentes:  en  modifiant  ou  ia  production  thermique,  ou  la 
déperdition. 

Nous  savons,  par  les  expériences  de  M.  (il.  Bernard  en  par- 
ticulier, que  l'activité  de  la  circulation  et  celle  des  appareils 
sécrétoires  sont  associées»  qu*il  en  est  de  même  pour  les  actes 
fonctionnels  des  muscles  et  des  divers  organes.  L'afflux  san- 
guin règle  donc  l'intensité  des  actes  nutritifs,  et,  s'il  est  aug- 
menté, la  production  de  chaleur  sera  accrue;  s'il  est  diminué, 
cette  production  baissera.  Le  degré  de  cet  afflux  se  trouve 
réglé  par  l'état  de  dilatation  ou  de  resserrement  des  vaisseaux 
les  plus  fins. 

La  déperdition  obéit  aux  mêmes  influences.  La  peau  est  le 
siège  d*une  évapora  tion  aqueuse  incessante;  cette  évaporation 
ne  peut  se  faire  que  par  l'emprunt  d'une  certaine  quantité  de 
chaleur  aux  téguments.  Ceux-ci  subissent  donc  un  refroidis- 
sement, qui,  à  son  tour,  retentit  sur  la  chaleur  de  toute  l'éco- 
nomie. La  vapeur  d'eau  qui  s'échappe  ainsi  de  la  peau  est 
fournie  par  la  transpiration  insensible  et  par  la  transpiration 
sensible  (sueur).  L' évaporation  aqueuse  est  toujours  accom- 
pagnée, qu'elle  en  soit  cause  ou  effet,  d'une  dilatation  de  l'ap- 
pareil vasomoteur  cutané.  Par  enchaînement  physiologique, 
la  paralysie  directe  ou  réflexe  de  ces  vaisseaux  sera  accompa* 
gnée  d'une  évaporation  plus  active  à  la  surface  de  la  peau,  et 
le  corps  vivant  perdra  donc  une  quantité  de  chaleur  plus  con- 
sidérable qu'à  l'état  normal  par  le  fait  de  l'évaporation.  De 
plus,  il  perdra  également  plus  de  chaleur  par  le  rayonnement, 
car  la  température  de  la  surface  du  cOrps  sera  plus  élevée ,  et  le 
rayonnenienl  est  en  raison  directe  de  la  différence  de  chaleur 
qui  existe  entre  un  corps  et  le  milieu  qni  l'environne.  Enfin 
la  perte  de  chaleur  que  subit  la  peau  par  son  contact  nvec  l'air 
augmentera  parallèlement. 


A80         CHAPITRE  II.  —  L\  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

(ies  diverses  influences  abaissent  donc  la  température  de  la 
peau  et,  ce  qui  est  plus  important,  celle  du  sang  qui  la  baigne; 
or  la  quantité  de  sang  contenue  dans  les  vaisseaux  dilatés  est 
plus  considérable  qu*à  Tétat  normal,  la  quantité  de  sang 
refroidi  augmente  et  peut  être  assez  importante  pour  faire 
baisser  la  température  des  parties  centrales  après  son  retour 
dans  les  veines  caves. 

Si,  au  lieu  d*étre  dilatés,  les  vaisseaux  cutanés  sont  resserrés, 
retfel  inverse  se  produira  :  la  peau  n'offrira  plus  au  refroidis- 
sement qu'une  quantité  de  sang  moindre,  et  le  ret4>ur  de  ce 
liquide  dans  les  veines  caves  n'aura  plus  qu'une  influence  peu 
sensible  sur  la  température  générale. 

Dans  cette  discussion  dont  on  pourra  lire  les  détails  dans 
le  livre  que  M.  Vulpian  ^  a  consacré  à  la  physiologie  du  sys- 
tème vasomoteur,  notre  collègue  conclut  :  «Que  le  resser- 
rement des  vaisseaux  cutanés  et  sous-cutanés,  qui  produit  un 
abaissement  de  la  température  de  la  peau  et  des  tissus  super- 
ficiels sous-jacents ,  peut  déterminer  une  élévation  du  degré 
normal  moyen  de  la  température  centrale,  et  que,  d'autre  part, 
la  dilatation  des  vaisseaux  cutanés  et  sous-cutanés,  qui  donne 
lieu  à  une  élévation  de  la  température  de  la  peau  et  des  tissus 
superficiels  sous-jacents,  peut  avoir  pour  conséquence  un 
abaissement  de  cette  température  centrale,  y» 

M.  Marey  avait  déjà  exprimé  cette  pensée  en  disant  :  «  Lors- 
que vous  prenez  la  main  d'un  individu,  si  cette  main  est  froide, 
c'est  que  cet  individu  se  réchauffe;  si  elle  est  chaude,  c'est 
qu'il  se  refroidit.  » 

M.  Vulpian  a,  de  plus,  très-nettement  formulé  le  ràl&de> 
vasomoteurs  dans  le  poumon  :  <^Les  vaisseaux  des  pou- 
mons^ peuvent  sans  doute  se  resserrer  ou  se  dilater  sous  l'in- 
fluence  des    modifications   des  fibres   vasomotrices    qui  les 


*   Vulpian,  LfçoMtur  r appareil  voêomoteur.  Physiologie  et  paîkohgif.  187.3. 
T.  Il ,  p.  1 70  pI  siiiv.  —  *  Ijot.  cit. ,  p.  1  8q. 


REGULATION  DE  LA  CHALEUR. 


481 


innervent.  La  quantité  d*oxygène  absorbé  doit  varier,  suivant 
que  !e  calibre  de  ces  vaisseaux  est  plus  ou  moins  large,  puis- 
que la  quantité  de  sang  qui  traverse  les  poumons  est  alors 
plus  ou  moins  considérable.  L'intensité  des  actes  physico- 
chimiques qui  s'effectuent  dans  la  substance  organisée  vivante 
est  vraisemblablement  proportionnelle  h  l'abondance  de  Tirri* 
gation  qu'y  opère  le  sang  oxygéné.  On  voit,  par  conséquent, 
que  l'appareil  vasomoteur,  par  son  action  sur  les  vaisseaux 
des  poumons,  pourra  influencer  aussi  les  phénomènes  de 
la  thermogénèse  animale. 

^  Le  rAle  de  l'appareil  vasomoteur  est  donc  celui  d'un  régu- 
lateur thermique.  » 

M.  Vulpian  fait  remarquer  que  l'évaporation  d'eau  h  la 
surface  pulmonaire  sera  d'autant  plus  grande  que  les  mou- 
vements respiratoires  seront  plus  fréquents,  et  qu'il  y  a  là  un 
nouveau  mode  de  régulation  de  la  chaleur.  De  plus,  l'air  fré- 
quemment renouvelé  refroidira  plus  la  surface  des  bronches 
et  aussi  celle  des  alvéoles.  M.  Vulpian  cite  à  l'appui  les  expé- 
riences de  M.  Ackermann^  Celui-ci  a  constaté  que,  chez  un 
chien  placé  dans  une  atmosphère  d'une  température  égale  à  la 
sienne  ou  la  dépassant  un  peu,  le  nombre  des  respirations 
augmente  progressivement  à  mesure  que  sa  chaleur  intérieure 
s'accrott;  ce  nombre  peut  s'élever  à  1 5o  par  minute  et  même 
au  delà.  C'est  là  une  dyfpnée  thermique,  modératrice  de  la  tem- 
pérature centrale'^. 


*  Arkermaon ,  Dm  Wàrmereguia- 
tûm  m  hôkêftm  thiêriêehm  Organitmui 
{DtMiêdi.  AreL  f.  kUn.  Med.,  h*  If, 
p.  36 1). 

*  Gommanication  laite  au  kU*  cod- 
grès  des  nataralistes  allemands,  tenu  à 
Roelock, en  septemlire  1 87 1  (Sehmidl^ê 
Jahrb,,  1879,  â*  partie,  p.  iSA). 

Le  docteur  Ackermann  trouve  peu 
f  ertaine  la  théorie  de  Uebermeister  sur 


raccroissement  de  production  de  la  cha- 
leur en  raison  de  sa  plus  grande  dé- 
pense, et  critique  la  méthode  de  dé- 
monstration de  fauteur.  D*après  ses 
propres  obserrations ,  Ackermann  se  croit 
fondé  à  ne  pas  admettre  la  persistance 
de  la  température  centrale  au  même 
d^gré  quand  on  refiroidit  la  sor&ce  du 
corps,  et  il  ne  tient  pas  Taugmentation 
de  Texcrétion  d'acide  carbonique  pour 

3i        % 


'i82 


CHVPITIU:  n.  -  LA  CHALKUR  ET  LA  FIKVRE. 


M.  Goldsleiii'  a  cherché  à  prouver  (|ue  cette  dyspnée  ther- 
mi(|ue  avait  son  point  de  départ  dans  rirritation  produite  sur 
le  centre  respiratoire  par  Télévation  de  la  température  du 
corps. 

M.  Riegel^  a  été  conduit  par  ses  expériences  à  des  résultats 
(|ui  confirment  ceux  des  recherches  de  ces  auteurs.  Il  a  vu  que 
le  nombre  des  mouvements  respiratoires,  qui  peut  s'élever  à 
•joo  par  minute  chez  un  chien  intact  mis  dans  une  boîte 
dont  Tair  a  une  température  à  peu  près  égale  à  celle  de  Fanî- 
mal,  ne  s'accélère  pas  chez  un  chien  placé  dans  les  mêmes 
conditions  de  milieu  extérieur  après  avoir  subi  une  section 
transversale  de  la  partie  inférieure  de  la  région  cervicale  de  la 
moelle  épinière.  Il  a,  du  resle,  observé  directement  cette  iii- 
lluence  du  nombre  des  mouvements  respiratoires  sur  la  tempé- 
rature inférieure  des  animauv,  en  plaçant  des  chiens  curarisés 
dans  une  boîte  dont  l'air  avait  une  température  déterminée, 
et  en  faisant  varier  le  nombre  des  insufflations  pratiquées  par 
minute  à  l'aide  de  l'appareil  à  respiration  artificielle.  La  tem- 
pérature était  prise  dans  le  rectum  et  dans  la  veine  cave  ijifé- 
rieure,  un  peu  au-dessus  de  rabouchement  des  veines  rénales. 
L'abaissement  de  la  temj)érature  constaté,  lorsque  l'on  aug- 
mentait beaucoup  le  nombre  des  respirations  artificielles, 
n'était  pas  considérable  :  il  a  dépassé  rarement  o",  i  C;  mais 
sa  signification  n'en  était  pas  moins  nette'. 


iin«'  prouve  diroclc  de  rélév«!iou  de  !;« 
]»rodiicliori  de  clialeui-,  ;)lto[idu  qu'il  n'y 
a  |)as  de  nipporl  nécessaire  entre  rémis- 
sion d'acide  carbonique  et  la  production 
de  chaleur.  Les  agents  de  la  ré|julalion 
caloii(jue  sont»  «raprès  Ackermann,  les 
niodifications  d«*  la  circulation  et  de  la 
respiration,  Taccninulation  de  l'acide 
Oirhonicpie  dans  le  sang,  (|ui  entraîne 
une  diminution  de  la  pression  artérielle 
et,  par  suite,  un  abaissement  de  la  cha- 
leur du  corps. 


Les  docteurs  Sénator  etZunlz  admet- 
tent aussi  que  la  plus  grande  émission 
d'acide  carl^onique  dans  le  refroidis- 
sement périphérique  n'indique  pas  une 
plus  grande  production  de  chaleur. 

'  Goldstein ,  Ueber  W  ânned^Mpufp. 
[Inaufr.  Abhandlungy  Wurzèurger  Vei- 
hantd.^  1871,  p.  i5G). 

-  Fr.  Biegel,  Zur  Wdrnteteirttlait»». 
{Virchow^s  ArclUv,  1876,  I.  LXÏ. 
p.  096). 

Hohrig  el  Zunljr,  (  \rch.  /.  d.  p,f9. 


RÉGULATION  DE  LA  CHALEUR.  A83 

En  1860,  M.  Marey'  a,  dans  un  mémoire  inédit,  cherché 
à  ramener  toutes  les  variations  locales  de  température  à  une 
cause  unique  :  la  contractilité  des  vaisseaux  de  petit  calibre. 
Cette  contractilité  vasculaire  gouverne  la  température  de  chaque 
organe  et  celle  du  corps  tout  entier;  le  régulateur  de  la  tem- 
pérature  n'est  autre  que  l'accélération  ou  ie  ralentissement  du. 
mouvement  du  sang.  Le  rayonnement,  i'évaporation et  le  froid 
extérieur  du  milieu  ambiant  expliquent  pourquoi  la  tempéra- 
ture est  plus  basse  à  la  surface  que  dans  la  profondeur  du 
corps.  Les  ingesta  (boissons  froides)  enlèvent  au  corps  une 
certaine  quantité  de  chaleur  (89  calories  pour  un  litre  d'eau 

PhifM»y  h*  IV,  s.  a35 ,  187 1  )  ae  sont  UnlB  de  la  peau,  tels  que  les  baîm  de 

piacét  à  on  autre  point  de  vue  pour  dé-  mer  et  autres. 

terminer  les  conditions  de  régulation  de  6**  L'action  de  ces  bains  repose  sur 

la  chaleur.  Nous  reproduisons  leurs  con-  Taugroentalion    des  échanges    intimes 

duflODS,  dont  quelques-unes  ne  sont  produits  sous  Tinfluence  de  ces  eicita- 

pas  nouvelles,  mais  dont  d'autres  sont  lions  réflexes. 

tout  a  fait  intéressantes.  5"  Les  muscles  sont  les  oignes  où 

Les  auteurs  se  sont  proposé  d*étndier  s^accomplit  la  plus  grande  partie  de  ces 
noineeulement  de  combien  s^accrolt  la  échanges  ;  etils  sontaossi  ceux  qui  sont  le 
quantité  d'adde  carbonique  excrété  plus  trappes  par  ces  modifications  résul- 
quand  on  augmente  la  perte  de  cha-  tant  des  chaiigements  de  température, 
leur  (sujet  déjà  traité  par  Lieberœeis-  6*  La  plus  grande  partie  des  actions 
ter),  mais  encore  la  quaiitité  en  volume  d*oxydation  dans  les  musdes  ne  résulte 
d'oxygène  absorbé  par  lesanimaux.  Leurs  que  de  leur  innervation,  aussi  les  fait- 
expériences  ont  été  faites  sur  des  lapins  on  cesser  par  Tempoisonnement  avec  le 
auxquels  on    introduisait  une   canule  curare. 

dans  la  trachée  et  qu'on  plaçait  dans  un  7*  La  relation  de  la  chaleur  est 

appareil  spédal  pour  recueillir  les  gai.  aussi  réduite  â  son  minimum  par  fem- 

Leurs  conclusions  sout  :  poisoniiement  avec  le  curare. 

I*  Si  Ton  refroidit  la  surface  cutanée,  8*  On  doit  donc  considérer  la  régu- 

00  augmente  et  la  production  d'adde  lation  de  la  chaleur  comme  produite  en 

carbonique,  et  la  consommation  d'oxy-  première  ligne  par  une  exdtaUon  réflexe 

gène.  des  nerfs  moteurs,  laquelle  change  avec 

9*  Cet  accroissement  est  prodoit  par  les  différences  de  température  existant 

ractioD  réflexe  de  certains  nerfs  oentri-  entre  le  milieu  ambiant  et  le  eoips  de 

pétas  de  la  peau  mis  eu  vibration  par  Tanimal. 

les  changements  de  température.  *  Marey,  Méthoirê  noria  température, 

3*  Ces  mêmes   nerfii  peuvent  être  adressé  pour  un  prix ,  i  PAcadémie  des 

excités  ^akment  par  d'autres  stimu-  sdenees  et  belles-lettres  de  Caen ,  1860. 

3i  . 


hSà         CHAPiTRK  II.  --  LA  CHALKLR  ET  LA  FIÈVRE. 

glacf^e).  La  chaleur  intérieure,  portée  sans  cesse  par  le  sang 
à  la  périphérie ,  contre-balance  le  refroidis-sement  superficiel. 

L'auteur  établit  par  des  expériences  personnelles  les  varia- 
tions de  la  température  en  différents  points  du  corps. 

Si  on  lie  Taorte  abdominale,  la  température  du  sang  s'é- 
lève dans  les  parties  supérieures;  si  Ton  empêche  un  animal 
de  respirer,  la  m^me  action  a  lieu.  En  relatant  ces  deux  expé- 
riences de  M.  Cl.  Bernard,  M.  Marey  pense  quû  faut  leur 
donner  la  même  interprétation  :  diminution  dans  les  pertes 
de  chaleur  par  contact  et  dans  le  rayonnement  à  Fair  extérieur 
plus  froid  que  le  sang,  d'où  augmentation  de  la  température 
de  ce  liquide. 

Hunter,  au  xviii"  siècb/et  plus  récemment  Valenlin,  ont 
établi  la  contractitité  musculaire  des  vaisseaux ,  et  ce  dernier 
auteur  a  dit  qu'on  pourrait  considérer  les  nerfs  des  vaisseaux 
comme  les  régulateurs  du  cours  du  sang.  En  1 85 1  M.  Cl.  Ber- 
nard constata  un  phénomène  entrevu  jadis  par  Pourfour  Du- 
petit,  à  savoir  l'augmentation  de  la  chaleur  de  Toreille  après  la 
section  du  grand  sympathique  au  cou.  D'activé,  l'inflammation 
devenait  passive.  D'abord  M.  Cl.  Bernard  crut  que  le  grand 
sympathique  était  nerf  de  calonfication.  Budge ,  Waller,  Brown- 
Séquard  surtout,  rectifièrent  cette  explication  et  donnèrent 
du  fait  une  interprétation  toute  mécanique,  à  savoir  que  la 
seule  paralysie  des  vaisseaux  était  cause  de  leur  dilatation ,  et 
que,  recevant  plus  de  sang,  ils  étaient  plus  chauds. 

L'auteur  établit  que  la  contraction  des  vaisseaux  ralentit  la 
circulation  du  sang,  et  que  la  dilatation  l'accélère.  Il  s'ensuit 
que  la  eontraetilité  des  artères  constitue  la  force  qui  règle  la  cir- 
culation du  sang ,  et  a  pour  effet,  quand  elle  s'exerce,  de  ralen- 
tir ie  cours  du  sang,  et,  quand  elle  cesse  d'agir,  de  le  laisser 
circuler  d'un  mouvement  plus  rapide.  11  n'y  a  point  de  tempé- 
rature locale  plus  élevée  que  la  centrale;  John  Hunter  a  dé- 
montré le  fait. 

M.  Marey  expose  toutes  les  conséquences  de  l'expérience 


RÉGULATION  DE  LA  CHALEUR.  485 

de  M.  Ci.  Bernard  sur  la  circulation  locale  :  laugmentation  de 
chaleur,  la  sensibilité  accrue,  les  sécrétions  augmentées  (SchifT 
et  Cl.  Bernard),  les  veines  dilatées  et  leur  sang  plus  rutilant, 
la  chaleur  de  la  partie  résistant  à  l'influence  d'une  atmosphère 
froide,  lin  grand  nombre  d'agents  physiques  modifient  la  con- 
tractilité  des  vaisseaux,  le  simple  frottement  à  la  peau  en  est 
un  exemple  (réaction  paralytique). 

La  eaniraetilitivasculaire  considérée  comme  régulateur  de  la  tem- 
pénUure  centrale  des  emimaux,  —  On  peut  émettre  cette  for- 
mule en  apparence  paradoxale ,  qu'tiit  individu  qui  a  la  peau  tré$- 
chaude,  se  refroidit  beaucoup. , .  Donders  a  développé  cette  idée, 
qui  a  fait  le  sujet  de  la  thèse  d'un  de  ses  élèves,  Callenfels 
(  Utrecht,  1 85  5),  et  qui  a  été  développée  aussi  en  Hollande  par 
Snellen,  dans  un  mémoire  intitulé  :  Recherches  expérimentales 
sur  Vinfuence  des  nerfs  sur  l'inflammation  (publié  en  allemand) 

D'après  M.  Marey,  la  fixité  de  la  température  des  animaux  peut 
et  doit  s'expliquer  tout  entière  par  l'action  que  la  chaleur  et  le  froid 
exercent  sur  les  vaisseaux  sanguins.  La  chaleur  en  effet  fait  dila- 
ter les  vaisseaux,  et  le  froid  les  resserre.  Si  le  milieu  ambiant 
est  froid ,  les  vaisseaux  se  resserrent  et  livrent  moins  de  chaleur 
à  l'air;  s'il  est  chaud,  le  phénomène  inverse  a  lieu.  Et  cela  est 
vrai  aussi  pour  les  variations  du  milieu  intérieur,  suivant  que 
le  sang  est  plus  ou  moins  chaud.  Les  boissons  chaudes  ou 
froides  agissent  en  sens  inverse  sur  la  température  du  sang  et 
sur  la  contractilité  des  vaisseaux ,  et,  par  suite,  sur  la  fréquence 
du  pouls.  En  outre ,  les  différents  points  de  la  surface  du  corps 
se  suppléent  entre  eux  pour  régulariser  la  température  ani- 
male. Si  le  corps  est  couvert  de  vêtements  chauds  quand  l'air 
est  froid,  les  mains  et  le  visage  demeurent  chauds  et  perdent 
de  la  chaleur.  Dans  le  bain  chaud,  la  peau  devient  rouge  et 
la  chaleur  se  perd  ainsi.  Nous  avons  vu  que  MM.  Brown-Sé- 
quard  et  Tholozan  ont  constaté  qu'en  plongeant  une  main 


486         CflAPlTRE  H.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

dans  Teau  chaude ,  on  voyait  la  tempëratare  s'élever  aussi  dans 
l'autre  main ,  et  ont  invoqué  la  sympathie.  M.  Marey  explique  ce 
Tait  plus  simplement  :  il  n'y  a  là,  dit-il,  qu*un  léger  échauf- 
fement  de  la  masse  du  sang,  qui  produit,  h  son  tour,  un  re- 
lâchement des  vaisseaux  dans  les  autres  parties  du  corps.  En 
se  réchauffant  les  pieds,  on  réchauffe  les  autres  parties  du 
corps.  Il  suffit  de  plonger  les  mains  dans  l'eau  froide  pour  re- 
froidir tout  le  corps. 

Les  recherches  importantes  que  nous  venons  d'analyser 
mettent  en  évidence  le  fait  de  la  régulation  de  la  chaleur  ei 
l'équilibre  qui  s'établit  entre  la  production  et  la  dépense:  que 
l'on  fasse  varier  l'un  de  ces  deux  termes  du  problème,  l'autre 
subit  des  modifications  identiques. 

Il  reste  à  déterminer  Pagent  de  cette  régulation  et  son  mode 
d'action. 

L'expérience  initiale,  celle  sur  laquelle  tous  les  auteurs 
s'appuient,  est  celle  que  M.  Cl.  Bernard  a  renouvelée  de  Pour- 
four  Dupetit.  Après  quelques  hésitations  dans  son  interpréta- 
tion, M.  CL  Bernard  en  a  donné,  dans  son  dernier  livre  sur  la 
chaleur  animale,  une  explication  que  l'on  peut  considérer 
comme  définitive  ^  Nous  allons  résumer  le  r6le  qu'il  assigne 
au  système  nerveux  dans  la  régulation  de  la  chaleur.  Nous 
chercherons  ensuite  s'il  est  possible  de  déterminer  quel  est  le 
point  central  du  système  nerveux  qui  tient  cet  appareil  sous 
sa  dépendance. 

Le  système  nerveux  r^ulateur  de  la  chaleur.  —  Nous  savons 
qu'il  n'y  a  pas  d  organe  spécial  pour  la  fonction  calorifique, 
pas  plus  qu'il  n'existe  d'organe  spécial  pour  la  fonction  de  nu- 
trition. Tous  les  organes,  tous  les  tissus,  tous  les  éléments,  se 
nourrissent  :  tous  produisent  de  la  chaleur.  Ces  phénomènes 
sont  liés  è  leur  existence.  La  production  de  la  chaleur  n'est 

Cl.  Bernard.  ChaUur  ûmmale,  p.  soo. 


RÉGULATION  DR  LA  CHALEUR.  A87 

donc  pas  une  fonction  spéciale,  localisée;  c'est  une  propriété 
générale,  universelle. 

Tous  les  éléments  organiques  concourent  è  l'accomplisse- 
roent  des  phénomènes  calorifiques,  et,  puisque  les  résultats 
présentent  la  fixité,  la  régularité  la  plus  complète,  il  faut 
qu'un  mécanisme  régulateur  intervienne,  afin  de  discipliner 
tous  ces  effets  isolés  et  de  les  harmoniser  en  fonction ,  c'est-à- 
dire  vers  un  but  commun,  (le  rôle  de  régulateur  revient  au 
système  nerveux ,  dont  nous  allons  actuellement  étudier  Fac- 
tion spéciale. 

Ce  rôle  a  été  soupçonné  dès  les  premiers  temps  de  la  phy- 
siologie. Mais  il  faut  arriver  k  Haller  pour  trouver  un  com- 
mencement de  preuve.  Ce  grand  physiologiste  trouva  des  cas 
où  des  membres  paralysés  étaient  plus  froids  que  des  membres 
sains. 

Un  auteur  anglais,  Earle»  trouva  un  bras  paralysé  plus  froid 
que  le  bras  sain;  on  le  galvanisait,  et  la  température  s'élevait 
aussitôt.  Rappelons  enfin  les  expériences  de  Ghossat  et  de 
Brodie.  Celui-ci  enlevait  l'encéphale,  coupait  la  moelle  épi- 
nière,  et,  entretenant  la  respiration  artificielle  chez  ces  ani- 
maux mutilés,  il  constatait  un  abaissement  notable  de  la 
température.  11  crut  ainsi  pouvoir  éliminer  comme  cause  de 
ralorification ,  non-seulement  le  phénomène  respiratoire  du 
sang,  mais  encore  tous  les  autres  phénomènes  chimiques  de 
Torganisme,  et  attribua  exclusivement  la  calorification  à  une 
influence  du  système  nerveux,  qui  s'exercerait  par  quelque 
puissance  inconnue,  vitale,  qu'il  s'abstint  naturellement  de 
préciser. 

M.  Cl.  Bernard,  ayant  rencontré  è  l'hôpital  un  malade  pa- 
ralysé qui  présentait  une  élévation  de  température  au  lieu  de 
l'abaissement  prévu,  pensa  que,  dans  ces  cas  discordants,  ce 
ne  devait  pas  être  le  même  système  nerveux  qui  subissait  l'al- 
tération. Il  répéta  l'expérience  que  Pourfour  Dupetit  avait 
pratiquée  en  17^71  la  section  du  grand  sympathique  au  cou. 


488         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈTRE. 

et  constata  un  échauffement  considérable  dans  le  côté  de  la 
tête  correspondant  à  la  section.  Pourfour  Dupetit,  dans  son 
Mémoire  dans  lequel  il  est  défnontré  que  le$  nerfs  iniercostaux 
(grand  sympathique)  ybumûfeitt  des  rameaux  qui  partent  deseê- 
prits  dans  les  yettx,  avait  constaté,  aûisi  que  les  physiologistes 
qui  ont  répété  cette  expérience,  le  rétrécissement  de  la  pu- 
pille et  la  saillie  de  la  paupière  nictitante  au  devant  du  globe 
oculaire.  Mais  c'est  M.  Cl.  Bernard  qui  observa  le  premier 
Taugmentation  de  la  température. 

Waller  et  Budge  démontrèrent  que  le  filet  sympathique  qui 
reuionte  vers  la  tête  a  son  origine  dans  une  portion  de  la 
moelle  épinière  qui  se  trouve  à  ia  réunion  des  régions  dor- 
sale et  cervicale,  et  ils  ont  appelé  ce  point  d'origine  r^on 
cilio-spinate.  Bifii,  en  18A6,  s'aperçut  que,  si  ia  section  de  ce 
filet  sympathique  produit  le  rétrécissement  de  la  pupille,  la 
galvanisation  du  bout  périphérique  entraîne  sa  dilatation. 

M.  Cl.  Bernard  montra  à  la  Société  de  biologie,  que,  si  la 
section  du  sympathique  amène  la  calorificaiion  et  ta  suractivité 
circulatoire  dans  l'aisselle  et  le  côté  correspondant  de  la  tête. 
la  galvanisation  du  bout  périphérique  produit  un  refroidis- 
sement des  parties  avec  une  diminution  considérable  dan;* 
l'activité  circulatoire.  De  là  le  nom  de  vasomoleur  appliqué 
au  sympathique.  Mais  l'assimilation  du  grand  sympathique 
aux  nerfs  moteurs  serait  forcée,  il  y  a  des  distinctions  à  faire. 
Il  faut  reconnaître  des  fibres  motrices  proprement  dites,  des 
fibres  involontaires,  des  fibres  vasomotrices  de  constriction 
et  de  dilatation,  des  fibres  sécrétoires,  des  fibres  trophiques 
qui  ne  seraient  peut-être  elles-mêmes  que  des  fibres  vasomo- 
trices, etc. 

Les  nerfs  moteurs  du  grand  sympathique,  comme  les  nerfs 
moteurs  en  général,  manifestent  leur  activité  dans  deux  con- 
ditions différentes.  Ils  agissent  sous  l'influence  d'excitations 
directes  ou  réflexes.  Ils  subissent,  comme  les  nerfs  moteurs, 
l'influence  du  curare,  mais  plus  lentement. 


RÉGULATION  DE  LA  CHALEUR.  489 

En  résumé,  le  nerf  sympathique,  dans  lequel  nous  allons 
chercher  rexplicaiion  des  phénomènes  calorifiques,  est  com- 
posé de  filets  moteurs  dont  les  propriétés  et  les  activités  fonc- 
tionnelles rentrent  dans  le  mécanisme  du  système  nerveux  en 
général. 

Les  phénomènes  circulatoires  qui  influencent  la  chaleur 
animale  sont  placés  sous  la  dépendance  du  système  nerveux 
grand  sympathique.  L'expérience  montre  que  ce  système  four- 
nit un  appareil  de  resserrement  des  vaisseaux,  et,  comme  ce 
resserrement  entraîne  un  abaissement  de  température,  on 
pourrait  dire  que  c'est  un  appareil  frigorifique. 

La  circulation  du  sang  est  donc  soumise  à  deux  ordres 
d'influences,  l'une  centrale,  l'autre  périphérique  :  i""  l'impul- 
sion motrice  qui  a  pour  agent  le  muscle  cardiaque;  q**  la  ré- 
sistance vasculaire  réglée  par  l'état  de  dilatation  ou  de  rétré- 
cissement des  petits  vaisseaux ,  et  commandée  par  les  filets 
vasomoteurs  du  grand  sympathique. 

L'activité  fonctionnelle  des  vasomoteurs  du  grand  sympa- 
thique a  pour  résultat  de  rétrécir  la  lumière  des  vaisseaux 
sanguins,  mais,  à  côté  de  ce  phénomène,  il  s'en  trouve  un  in- 
verse :on  voit,  dans  d'autres  cas,  ce  calibre  augmenter,  et  la 
différence  est  assez  grande  pour  que  ce  résultat  ne  puisse  être 
considéré  comme  un  simple  retour  à  l'état  primitif,  mais  pour 
qu'il  doive  être  considéré  comme  une  dilatation  active. 

Pour  quelques  physiologistes,  la  dilatation  appartiendrait 
au  jeu  d'une  force  physique,  à  Yilastieité,  tandis  que  le  res- 
serrement appartiendrait  à  une  force  physiologique  antagoniste 
de  la  première,  la  contractilité,  mise  en  œuvre  par  les  nerfs  vaso- 
moteurs. 

D'autres  ont  admis  théoriquement  l'existence  de  fibres  lon- 
gitudinales dilatatrices,  mais  les  recherches  anatoniiques  n ont 
pu  permettre  de  les  découvrir. 

Pour  M.  Cl.  Bernard,  il  y  a  un  fait  et  une  interprétation. 


490         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

Pour  lui,  ii  admet  sans  hésitation  des  nerfs  vasomoteurs  dila- 
tateurs ainsi  que  des  nerfs  vasomoteurs  constricteurs. 

Le  fait  serait  démontré  par  l'expérience  suivante  :  La  glande 
sous-maxillaire  d'un  chien  est  mise  à  découvert^;  l'excitation 
de  la  corde  du  tym|)an ,  directe  ou  réfléchie  par  impression 
sur  la  langue,  rend  ta  glande  turgide,  rutilante;  la  circulation 
s'y  produit  plus  active;  la  sécrétion  salivaire  est  abondante. 
F/excitation  de  la  corde  du  tympan  met  donc  en  jeu  des  nerfs 
dilatateurs  des  vaisseaux,  accélérateurs  de  la  circulation.  L*ex- 
citation  des  filets  du  sympathique,  au  contraire,  arrête  la  cir- 
culation; la  glande  pâlit,  la  sécrétion  cesse  ou  est  faible. 

M:  Cl.  Bernard  retrouve  ces  nerfs  dilatateurs  dans  l'oreille 
du  lapin  et  dans  les  autres  parties  du  corps.  Si  la  démonstra- 
tion expérimentale  de  l'existence  des  deux  nerfs  est  facile  à 
donner,  il  y  a  de  grandes  difficultés  pour  concevoir  conmient 
des  vaisseaux  se  dilatent  sous  l'influence  des  nerfs  dilatateurs. 
M.  Cl.  Bernard  a  supposé  que  la  corde  du  tympan  agirait  par 
une  sorte  d'interférence  nerveuse,  en  suspendant  l'action  des 
nerfs  constricteurs.  Ce  n'est  qu'une  hypothèse,  mais  elle  a  un 
grand  nombre  de  faits  en  sa  faveur. 

Deux  ordres  de  phénomènes  de  température  sont  en  rap- 
port avec  les  deux  actions  vasomotrices  :  t"*  les  nerfs  dUaUi- 
teura  sont  calorifiques;  q""  les  eomtricteurt  soni fir^orifiqueê. 

L'appareil  nerveux,  en  réglant  le  calibre  des  petits  vais- 
seaux, influence  et  gouverne  tout  un  ensemble  de  phénomène 
physiologiques  :  la  circulation,  la  chaleur,  la  pression  vascu- 
laire,  la  tension  artérielle  et  veineuse.  Des  expériences  mano- 
métriques  démontrent  que  la  pression  du  sang  augmente  dans 
les  vaisseaux  du  côté  paralysé,  par  section  du  sympathique. 
La  contractilité  des  vaisseaux  agit  donc  comme  un  frein  pour 
modérer  l'impulsion   partie  du  cœur.   Le   système   nerveui 

'  Cl.  Bernard,  /oro  cttnto.  Voir  les  délniU  do  IVipérience,  p.  a •17. 


îS 


RÉGULATION  DR  LA  CHALEUR.  491 

ne  fait  que  commander  le  degré  de  cette  diminution  dans 
un  organe  donné.  Le  vaisseau  ne  se  contracte  pas  d'ailleurs 
d'une  façon  permanente,  il  est  le  siège  d'oscillations  contrac- 
tiles. 

Cest  donc  d'une  façon  indirecte,  c'est-à-dire  par  Tinterroé- 
diaire  de  la  circulation,  que  le  système  nerveux  semble  agir 
sur  la  chaleur.  11  en  est  de  même  quand,  au  lieu  d'étudier  la 
circulation  périphérique,  on  étudie  les  rapports  du  système 
nerveux  et  du  muscle  cardiaque.  Celui-ci  obéit  à  deux  ordres 
de  nerfs  qui  règlent  son  activité.  Les  uns  font  contracter  le 
cœur,  ce  sont  les  nerfs  accélérateurs  émanés  de  la  moelle  épi- 
nière;  les  autres  arrêtent  les  contractions,  ils  émanent  du 
pneumogastrique  ^ 

En  résumé,  le  cœur,  système  circulatoire  central,  comme 
les  vaisseaux  capillaires,  système  circulatoire  périphérique,  a 
des  nerds  modérateurs  ou  paralyseurs  et  des  nerfs  constricteurs 
ou  accélérateurs.  Son  nerf  constricteur  ou  accélérateur  est  un 
nerf  sympathique  venant  de  la  moelle  dorsale.  Le  nerf  modé- 
rateur ou  paralyseur  est  le  nerf  vague  et  vient  de  la  moelle  al- 
longée. Il  agit  sur  le  cœur  sans  doute  à  la  manière  de  la  corde 
du  tympan  sur  les  organes'glandulaires  en  paralysant  les  nerfs 
constricteurs. 

Pour  M.  Cl.  Bernard,  les  phénomènes  de  calorification  sont 
de  deux  ordres,  création,  répartition.  Ce  dernier  rôle  de  ré- 
partition appartient  au  système  de  la  circulation  générale.  Le 
passage  du  sang  à  travers  tous  les  organes  égalise  leur  situa- 
tion thermique.  Le  système  nerveux  commande  les  variations 
de  vitesse  par  les  moyens  que  nous  venons  de  résumer.  Mais 
là  ne  se  bornent  pas  les  actions  frigorifiques  ou  calorifiques  du 
grand  sympathique.  Lorsqu'on  coupe  le  sympathique  dans  le 
cou ,  et  que  la  calorification  s'accroît  dans  toute  la  moitié  cor- 


'  Voyet  les  expériences  de  section  de  In  moelle  et  les  recherches  de  Cyoo  sur 
ie  nerf  dépresseor. 


492         CHAPITRE  II.  ^  LA  CHALEUR  ET  LA.  FIÈVRE. 

respondante  de  la  l^te,  M.  («1.  Bernard  pense  que,  les  élément;» 
conlraciiles  des  tissus  se  trouvant  relâchés  ou  paralysés,  les  mu- 
tations élémentaires  qui  résultent  des  réactions  chimiques  se 
trouvent  accrues  ainsi  que  les  phénomènes  thermiques.  Lors- 
qu'au contraire  on  galvanise  le  bout  périphérique  du  grand 
sympathique,  il  admet  que  tes  éléments  contractiles  des  tissus, 
entrant  en  activité,  modifient  en  sens  inverse  les  contacts  mo- 
léculaires des  tissus,  abaissant  les  mutations  chimiques  ainsi 
que  les  phénomènes  thermiques.  Il  se  fonde,  pour  professer 
cette  opinion,  sur  ce  fait  que,  si  Ton  attend  plusieurs  jours 
après  avoir  coupé  le  sympathique  au  cou,  la  vaseularisation 
revient  k  son  état  normal,  et  cependant  l'excès  de  température 
persiste,  au  moins  partiellement.  Si  on  lie  les  veines  qm'  re- 
viennent de  l'oreille,  et  que  Ton  amène  ainsi  une  stase  vascu- 
laire,  l'augmentation  de  température  se  produit  par  la  section 
du  sympathique,  et  ne  peut  plus  s'expliquer  par  la  plus  grande 
rapidité  de  la  circulation,  puisque  celle-ci  est  arrêtée.  Enfin 
il  rappelle  les  élévations  de  température  qui  surviennent  dans 
quelques  maladies,  en  dehors  de  toute  circulation  ,|io«<  morkm. 
Quel  est  le  rôle  de  la  sensibilité  sur  la  production  de  la 
chaleur?  La  douleur  abaisse  la  température.  Sur  un  chien, 
M.  Cl.  Bernard  a  introduit  un  thermomètre  dans  la  carotide, 
il  découvre  un  rameau  du  plexus  cervical,  et  galvanise  le  bout 
central.  Il  en  résulte  de  la  douleur  :  sous  cette  influence,  la 
température  monte  d'abord,  puis  baisse  définitivement.  Man- 
tegazza  et  Heidcnhain  sont  arrivés  aux  mêmes  résultats.  Mais, 
si  l'on  pratique  l'expérience  sur  un  animal  à  qui  Ton  a  coupé 
le  grand  sympathique  sur  l'un  des  côtés  du  cou ,  on  n'obtient 
pas  les  mêmes  effets  du  côté  sain  et  du  côté  opéré.  Du  côté 
sain,  il  y  a  refroidissement;  du  côté  sectionné,  il  y  a,  au 
contraire,  une  élévation  considérable (to  à  i  A  degrés).  Ce  re- 
froidissement  par  la  douleur  nécessite  donc  l'intervention  du 
sympathique.  Mantegazza  et  Heidenhain  ont  observé  les  mêmes 
phénomènes,  mais  ce  dernier,  opérant  sur  des  animaux  fébrici- 


RÉGULATfON  DE  LA  CHALEUR.  493 

tantS)  a  vu  que,  chez  eux,  la  douleur  n'entratne  pas  de  refroi- 
dissement. M.  Cl.  Bernard  considère,  dans  ce  cas,  la  fièvre 
comme  équivalente  à  la  paralysiç  du  sympathique. 

Le  nerf  sensitif  agit  ici  non  par  lui-même,  mais  parce  qu*il 
réfléchit  ses  impressions  sur  les  centres  nerveux  qui  réagissent 
sur  le  sympathique. 

En  résumé,  les  expériences  précédentes ,  en  établissant  que 
le  refroidissement,  pour  se  manifester,  exige  l'intégrité  du 
grand  sympathique  et  la  communication  avec  le  système  ner- 
veux central,  démontrent  la  nécessité  de  l'intervention  dans  le 
phénomène  d'un  nerf  sensitif,  d'un  centre  nerveux  et  d'un 
nerf  sympathique  moteur.  Or  ce  sont  là  les  conditions  néces- 
saires de  la  production  de  toute  action  réflexe. 

La  section  du  grand  sympathique  agit  sur  le  contenu  des 
vaisseaux.  Le  sang  veineux,  au  lieu  d'être  noir,  présente  une 
rutilance  presque  artérielle.  Le  sang  se  coagule  plus  vite,  en 
même  temps  il  est  plus  chaud.  Pour  M.  CI.  Bernard,  il  y  a 
une  formation  de  chaleur  sur  plade,  et  c'est  à  l'intensité  ano- 
male des  actions  chimiques  au  sein  des  tissus  qu'il  faut  at- 
tribuer l'accroissement  des  phénomènes  thermiques.  Ce  n'est 
pas  à  une  oxydation  qu'il  faut  rapporter  l'excès  de  la  cha- 
leur, car  le  sang  est  rutilant,  mais  à  d'autres  actes  chimiques 
de  dédoublement,  de  fermentation,  etc.,  et  ces  modifications 
doivent  être  intenses,  car  nous  voyons  parfois  la  fibrine  dis- 
paraître complètement. 

Grftce  à^l'action  qui  exalte  ou  aflaiblit  tour  à  tour  le  grand 
sympathique,  l'animal  possède  le  pouvoir  de  créer  un  échauf- 
fement  ou  un  refroidissement  dans  tel  ou  tel  département  de 
l'organisme.  L'être  vivant  peut  se  faire  du  chaud  ou  du  froid 
sur  place ,  à  l'aide  de  son  système  nerveux.  Mais  ces  phéno- 
mènes ne  se  produisent  pas  d'une  façon  anarchique,  désor- 
donnée; ils  sont  harmonisés  par  le  système  nerveux,  qui  est  le 
régulateur  des  énergies  individuelles.  Le  grand  sympathique 
modère  les  activités  physiques  et  chimiques,  il  est  leur  frein. 


/il)/i  CHAPITRE  11.     -LA  ClIALEUH  ET  LV  KIE\  RE. 

Les  opinions  de  iVI.  (^1.  Bernard  sur  lesnerls  CfTlorifnjues  et 
Irigoriliques  |)retent  à  la  critique,  mais  la  valeur  de  Texpé- 
rience  n'en  esl  pas  ébranlée,  si  l'on  ne  veut  en  déduire  que  ce 
(]y\[  on  ressort  :  l'influence  du  nerf  grand  sympathique  sur  la 
régulation  de  la  chaleur. 

Dans  une  discussion  très-approlondie  sur  l'extension  don- 
née par  M.  Cl.  Bernard  aux  déductions  qui  sont  le  corollaire 
de  son  expérience,  M.  Vulpian  fait  des  objections  dont  nous 
ne  donnons  qiie  la  conclusion  ^  :  «La  conclusion  à  laquelle  je 
suis  amené  par  celte  discussion,  dit  M.   Vulpian,  c'est  que 
rexistcnce  de?  fd)r<»s  nerveuses  directement  thermiques,  c'est- 
à-dire   influençant   directement,    immédiatement,   les   pro- 
cessus thermiques  qui  ont  lieu  dans  tous  les  tissus  de  Tor- 
ganisme,   n'est  pas   démontrée.   J'ajoute  que  l'existence   de 
pareilles  libres  nerveuses  n'est  pas  vraisemblable.  Enfin  je  dis 
que,  si  elles  existaient,  le  nom  de  hbres  thermiques  serait 
même  diflicilement  justifiable,  car  les  variations  subies  par 
la  calorification  sous  l'influence   des  modifications  fonclion- 
nrWvs  de  ces  fibres  ne  seraient  pas  des  effets  directs  de  ce.s 
mofhfications;  ce  seraient  des  effets  subordonnés,  se  pro- 
duisant en  même  temps  que  les  changements  dans  la  nutri- 
tion intime,  provoqués  par  l'excitation  ou  la  paralysie  de  ce> 
libres  :  ce  seraient  même   de  simples  conséquences   de  ces 
changements. 

'T  Quant  à  la  manière  dont  iM.  (À.  Bernard  envisage  les  libres 
nerveuses  du  grand  sympathique,  en  les  considérant  comme 
constituant  des  nerfs  rélrénateurs,  des  nerfs  d'arrêt  agissant 
comme  des  freins  sur  la  nutrition  intime,  nous  ne  saurions 
l'admettre  non  plus,  ou,  du  moins,  nous  pouvons  dire  aussi 
qu'elle  inan(|ue  de  preuves;  car  elle  n'est  en  réalité  qu'une 
autre  layon  (h*  formuler  soit  l'hypothèse  des  nerfs  thermiques, 
soit  celle  des  neris  Irophicpies.  ?» 

'   Vul[»iaii,  loc.cil.f  t.  Il,  p. a  iH-'.<.'ii . 


REGULATION  DE  LA  CHALEUR.  495 

11  est  donc  légitime  d'enregistrer  toutes  les  interprétations 
de  ces  expériences,  en  espérant  que  de  nouvelles  viendront 
assigner  leur  valeur  réelle.  Mais  il  est  juste  aussi  de  reconnaître 
rintime  union  qui  existe  entre  les  troubles  du  grand  sympa- 
thique et  la  régulation  locale  des  actes  circulatoires  et  ther- 
miques. 

Ëxiste-t-il  dans  le  système  nerveux  central  un  point  qui 
tienne  sous  sa  dépendance  le  fait  même  de  la  régulation,  quels 
que  soient  les  agents  périphériques  à  l'aide  desquels  se  mani- 
feste cette  régulation?  D'après  Tscheschichin  \  ce  centre  serait 
placé  dans  la  protubérance  annulaire,  en  avant  du  bulbe  ra- 
chidien.  Pour  le  démontrer,  il  fait  deux  expériences  :  dans 
la  première ,  il  coupe  sur  un  lapin  la  protubérance  annulaire 
en  avant  du  point  où  se  termine  la  moelle  allongée;  dans  la 
seconde,  il  fait  la  section  sur  le  bulbe  ou  la  moelle  cervi- 
cale. 

Lorsque  la  section  porte  sur  la  protubérance  en  avant  de  la 
moelle  allongée,  la  chaleur  du  rectum  monte  dès  les  premières 
secondes,  et  peut  s'élever  de  39*"  è  &o''G.  en  une  demi-heure, 
a  &i°  en  une  heure,  à  /iq°  en  une  heure  et  demie,  à  A9%fi  en 
deux  heures.  Le  pouls  subit,  ainsi  que  la  respiration,  une 
accélération  analogue,  le  pouls  ne  peut  plus  être  compté, 
et  les  mouvements  respiratoires  atteignent  lOQ  par  minute. 
Tscheschichin  fait  remarquer  que  ce  sont  là  les  trois  symp- 
tômes dominants  de  la  fièvre. 

Lorsque  la  section  porte  sur  le  bulbe  ou  la  moelle  cervicale, 
les  résultats  sont  inverses,  la  température  baisse  d'une  façon 
progressive  jusqu'à  ce  que  survienne  la  mort. 

Voici  comment  l'auteur  interprète  ces  expériences  :  dans  les 
parties  des  centres  nerveux  placées  en  avant  du  bulbe,  existe 
un  centre  modérateur  de  la  chaleur;  lorsqu'une  section  sépare 

'  Tscheflchichia,  Zur  FùbtrUh^ê  (Arck .     {^  Rêicheri'ê  und  DuboU  R»ffmtmd*$  Areh . , 
fur  Klmk,  hefi  3,  8.  sâ6-a5o,  1867),     1866). 
pl  Zur  Lêhrê  von  étr  thiêriichmi  \Vàrm$ 


/j%  CIUPITHK  11.  —  LA  CHALKLR  KT  LA  FIEVRK. 

la  protubérance  du  bulbe,  te  renlre  donne  toute  liberté  à 
Taction  du  bulbe,  et  celui-ci  non  refréné  permettrait  aux 
actions  cbimiques  tliermogènes  d'atteindre  une  intensité  à  la- 
c|uolle  elles  ne  s'élèvent  jamais  (piand  les  fonctions  du  cer\pau 
s'aocom|)lissent  réjjulièremenl.  il  y  aurait  donc  deux  centres  : 
Tun  bulbaire  calorifi([ue.  Huître  un  [leu  plus  élevé,  modérateur 
(lu  premier. 

Tscbesrhicbin  cite,  à  raj)pui  de  cette  hypothèse,  les  obser- 
vations de  Wunderlicb  et  Erb  sur  l'élévation  de  la  température 
sous  riniluence  de  fortes  dépressions  des  fonctions  psychiques, 
observations  cpii,  en  tout  cas,  n'ont  pas  une  signification  bien 
déterminée. 

M.  Vul|)ian  fait  remarquer  que  le  nombre  des  centres  dont 
on  a  doué  le  bulbe  s'accroît  avec  une  rapidité  surprenante  : 
rentre  modérateur  des  combustions,  centre  des  nerfs  vaso- 
nmteurs,  centres  respiratoire,  cardiaque,  centres  de  certaines 
actions  réfle\<\s  d'ensemble,  savoir:  de  la  toux,  de  Téternu- 
ment,  du  vomissenn^nt,  de  la  plupart  des  convulsions,  de  celles 
de  l'bystérie,  de  Tépilepsie.  Le  bulbe  contiendrait  encore  un 
cenlre  excito-calorifnpie,  un  centre  modérateur  de  la  sécrétion 
sudorale  (Immermann),  et  enfin,  d'après  Setschenow,  un 
centre  modérateur  des  actions  réflexes.  Il  faut  avouer  que  cette 
nniltiplicatiou  de  centres  excitateurs  et  modérateurs  est  fait*» 
pour  susciter  (|uelque  étonnement. 

Nous  |)ouvons  d'ailleurs  opposer  à  l'hypothèse  de  Tsches- 
cbicbin  des  arguments  plus  directs.  Bruck  et  Gùnlher^  ont 
montré  rpie  l'excitation  par  piqûre  de  ce  prétendu  centre  mo- 
dérateur ne  fait  [las  baisser  la  température,  mais  l'élève,  abso- 
lument comme  lors(|u'on  pique  la  moelle  allongée  ou  la  moelle 
é|)inière.  (les  auteurs  ont  reproduit  plusieurs  fois  avec  succès 
rex])érience  de  Tscheschichin  relative  à  1  élévation  de  la  cha- 

'    L.  Brurlv  ai  A.  (îuiillier,   Versucha     korprrx  (Pflttfrei'^x  Archiv,  \H'jo,^.o',h- 
iiber  tien  ijinjluns  der  ]  frlptznufr  gptvisseï'      585.) 
fin  nflieilr  nnj^  lUfi  Trnijn  ralny  lieit  Thier- 


RÉGULATION  DE  LA  CHALEUR.  497 

leur  du  corps  par  la  séparation  de  la  moelle  allongée  d*avec 
le  pont  de  Varole.  Cependant  ils  n*ont  pas  toujours  réussi 
dans  cette  expérience.  Ils  ont  trouvé  que  le  résultat  était  plus 
constant  et  plus  évident,  si  Ton  se  contente  de  piquer  avec  une 
aiguille,  entre  le  pont  de  Varole  et  la  moelle  allongée.  L'éléva- 
tion de  la  température  s'observe  alors  non-seulement  dans  le 
rectum  mais  encore  à  la  surface  du  corps,  ce  qui  indique  une 
plus  grande  production  de  chaleur.  Or,  si  la  piqûre  est  plus 
efficace  que  la  section  totale,  cette  augmentation  de  chaleur 
doit  être  considérée  non  comme  indiquant  qu'on  a  lésé  un 
centre  modérateur  de  la  chaleur,  mais  simplement,  au  con- 
traire, comme  un  phénomène  d'excitation  nerveuse.  On  peut 
d'ailleurs  produire  aussi  cette  augmentation  de  chaleur  sans 
couper  ni  piquer,  mais  en  excitant  avec  l'électricité  la  partie 
située  entre  le  pont  de  Varole  et  la  moelle  allongée.  Seulement 
il  se  produit  souvent  alors  des  crampes  tétaniques  qui  com- 
pliquent l'opération  et  rendent  les  explications  moins  nettes. 

M.  Vulpiail  ^  adresse  à  cette  hypothèse  une  autre  objection. 
t( Tscheschichin ,  dit-il,  a  constaté  que  les  sections  transver- 
sales du  bulbe  rachidien  ou  de  la  moelle  épinière  dans  la 
région  cervicale  ont  pour  effet  un  abaissement  progressif  de 
la  température.  On  s'est  demandé  comment  ces  lésions,  si  l'hy- 
pothèse en  question  est  exacte,  n'ont  pas  aussi  pour  consé- 
quence une  élévation  de  la  température  centrale ,  puisque  l'on 
doit  sectionner  dans  le  bulbe  et  dans  la  moelle  cervicale  un 
certain  nombre  au  moins  des  fibres  modératrices  de  la  ther- 
mogénèse,  fibres  que  M,  Tscheschichin  fait  nattre  en  avant  de 
la  moelle  allongée.  ^ 

Or  l'abaissement  de  la  température  après  la  section  de  la 
moelle  n'est  pas  douteux.  M.  Cl.  Bernard  a  montré  depuis 
longtemps,  que,  sur  un  lapin,  la  section  de  la  moelle  au  niveau 
de  l'union  des   régions  cervicale    et  dorsale  produisait  cet 

*  Vulpiaûf  loc,  rit,,\.  II,  p.  987. 

3ii 


/i'.IS  (Il  Vl'i'JHK   11.     -  !.\  (.HALKI  W  ET  LA   FIEMIK. 

abuLvseiueiit  :    (lau&   une;   expérience,   la  température   reclale 
tomba  (le  60  à  -j  ^i  degrés  en  ciii<|  heures. 

M.  Poclioy  ^  a  re{)ris  ces  expériences,  et  il  a  montré  (\ne 
l'abaissement  de  la  température  était  progressif.  Il  proud  la 
température  rectale  d'un  cobaye,  elle  est  de  38 ',90.  Dix  mi- 
nutes après,  il  coupe  la  moelle  au  niyeau  de  la  partie  anté- 
rieure de  la  région  dorsale,  immédiatement  la  température 
rectale  est  de  3S'\/|;  vingt  minutes  après,  elle  est  de  87  de- 
grés; une  demi-heure  après,  de  34",5;  une  heure  après,  de 
3a'\/i ;  une  heure  après,  de  3.?  ,2  :  trois  heures  après  de  3o  .0; 
<in(|  heures  après,  de  'iH^g;  huit  heures  après,  de  j  9  degrés, 
et.  vingtHjuatre  heures  après  le  début  de  rexpérience.  ranimai 
meurt  ayant  1 6  degrés  pour  température  rectale. 

M.  Vulpian'-  fait  remar(|uer  qu'une  explication  bien  simple 
se  |)résente  d'elle-même  pour  rendre  compte  de  cet  abaisse- 
ment. La  section  transversale  de  la  partie  supérieure  de  la 
luoelle  ou  du  bulbe  a  pour  effet  de  paralyser  les  vasomoteurs; 
la  plupart  des  petits  vaisseaux  du  corps  se  dilatent.  La  dilata- 
tion des  vaisseaux  cutanés  et  de  ceux  des  poumons  a  pour  effet 
une  déperdition  très-exagérée  du  calorique.  En  admettant 
même  la  suractivité  des  processus  thermogènes  provoqués  par 
la  section  du  bulbe,  cette  déperdition  peut  compenser  et  au 
delà  ce  développement  de  chaleur. 

M\L  Naunyn  et  Quincke,  dans  deux  mémoires  successifs, 
ont  cherché  à  résoudre  cette  question  :  quelle  est  l'influence 
des  lésions  du  système  nerveux  sur  Taccroissement  et  l'abais- 
sement de  la  température,  qiiel  en  est  le  mécanisme? 

Dans  un  |)remipr  mémoire^,  MiM.  Naunyn  et  Quincke  passent 
en  revue  tous  les  laits  connus  avant  eux,  les  nombreuses  expé- 


'    P(kIh)\,    fWhfrrIu'H  exppi'tmeuUiU'^  fhn    Emjliixx   des    CeiUrahiervmiyMUua 

sur  les  (cnlres  de  U'iiipvvaiure.  Tiiè-so  de  nu/  die  Wurmebddung  im  Organumux, 

l'a  IIS,  iH-yo.  in  Arch.  fur  An.^Phyi.  undwiuensck, 

^  V(il|>iai),  lue.  cil.,  1.11,  jj.  261.  Medicin,  1869,  p.  i^'i. 

'   R.  \aunyn  urnl  H.  Qninckc,  iel>et 


REGULATION  DE  LA  CHALEUR.  499 

riences  de  M.  Cl.  Bernard  sur  la  section  du  (^rand  sympathique 
au  cou ,  les  recherches  de  Ludwig  '  et  Spiess  ^  sur  la  chaleur 
du  liquide  des  glandes  salivaires  sous-maiillaires  comparée  à 
celle  du  sang  des  carotides  au  même  niveau.  Ces  recherches 
ont  montré  que,  par  Tirritation  de  la  corde  du  tympan,  le  pro- 
duit de  sécrétion  de  cette  glande  s'élevait  h  une  température 
d'un  degré  et  demi  plus  haut  que  celle  du  sang  de  son  artère, 
et  ces  auteurs  en  ont  conclu  que  la  production  de  la  chaleur 
était  influencée  par  l'irritation  des  nerfs. 

La  pathologie  nous  fournit  d'ailleurs  de  nombreuses  obser- 
vations montrant  que  certaines  lésions  du  système  nerveux 
central  sont  susceptibles  de  provoquer  une  augmentation  dans 
la  production  du  calorique. 

Dès  1837.  firodie'  fit  connaître  le  premier  cas  de  cette 
espèce.  II  s'agissait  d'un  homme  qui  s'était  fait  une  plaie  con- 
tuse  de  la  moelle  cervicale,  d'où  était  résultée  une  paralysie 
de  tous  les  muscles  des  membres  et  du  tronc ,  à  l'exception  du 
diaphragme.  La  température  du  corps  chez  ce  blessé,  qua- 
rante-deux heures  après  l'accident,  s'élevait,  avant  la  mort,  à  la 
hauteur  inusitée  de  â3%9  G. 

Plus  tard  des  faits  semblables  ont  été  signalés.  Billroth  ^  a 
observé ,  chez  un  malade  qui  avait  subi  une  lésion  de  la  moelle 
épinière  par  suite  de  la  fracture  de  la  sixième  vertèbre  cervi- 
cale, cinquante  heures  après  l'accident,  une  température  de 
&9%9.  Simon  a  vu,  chez  un  homme  frappé  d'apoplexie  à  la  suite 
d'une  contusion  de  la  moelle  dorsale  par  fracture  de  la  dou- 
zième vertèbre  dorsale,  au  troisième  jour,  la  température 
s'élever  h  kU  degrés  et  s'accompagner  de  delirium  trement. 
Un  quatrième  cas,  presque  identique  à  celui  de  Brodie,  fut 
observé,  dans  Tété  de  1868,  a  la  clinique  de  Frerichs  :  un 

*  Ludwig,  Wiener  medicinUche  If  0-  ^  Brodie,  kMieo^ckirwrgieal  Traïu- 

chenêchrift,  1860.  actionê,  1837. 

'  S^entSiizwtgiberiekiêder  Wiener  *  Bitiroih ,    Langenbeek*»     Archiv, 

Ahêdemie,  B'  XXV.  t86«. 


500         CHAlMTHt:  II.  —  LA  CHALEUU  ET  LA  FIÈVRE. 

homme  de  trtMite-qualre  ans,  en  piquant  une  tête  dans  Teau, 
toucha  le  sol;  il  s'ensuivit  une  fracture  des  cinquième  et 
sixième  vertèbres  cervicales  et  une  contusion  de  la  moelle  épi- 
uière  avec  paralysie  complète  des  muscles  des  extrémités  et  du 
tronc,  le  diaphragme  excepté;  la  respiration  était  exclusivement 
diaphragmatique.  Voici  les  températures  observées  chez  cet 
honuiie  : 

Ai&s«He.      Rectum. 

5  heures  après  la  blessure 37\6         * 

1  *i  heures ^o  ,9         9 

1  b  heures '4-2,1  * 

19"  iT" /i3,6  ii:y\S 

ùf  35"  (mort) fi^  .2  43  ,6 

j\ous  joignons  à  ces  quatre  observations,  mais  avec  une  ré- 
serve très-justiliable,  l'observation  suivante  (^élévation  extra- 
ordinaire de  température  communiquée  à  la  Société  clinique  de 
Londres,  par  Teale  : 

L'ne  dame  fit,  le  5  septembre  dernier,  une  chute  de  cheval 
et  se  fractura  les  cinquième  et  sixième  côtes.  Six  heures  après 
l'accident,  la  température  était  à  101°  F.  (  38**,3  C).  Qua- 
torze jours  plus  tard,  la  patiente  ne  souffrait  plus  que  d'un 
peu  de  rachialgie.  Le  3  octobre,  la  température  de  100"  F. 
remonte  à  101  '.  Légères  contractures  dans  les  muscles  du  pied. 
Depuis  ce  moment,  la  température  continua  de  s'élever,  mal- 
gré l'application  d'un  sachet  de  glace  sur  la  colonne  vertébrale. 
Jusqu'au  5  novembre,  io5'  F.  (4o%5  C).  Le  6,  106' F. 
[  '1 1,1  C).  Le  thermomètre  s'éleva  dans  la  suite  avec  de  très- 
courtes  rémissions  jusqu'à  iî2î2  '  F.  (3o',6  C).  Il  redescendit 
à  1 1  /j  '  F.  (  /»  5 ',5  C.  )  pour  remonter  à  1 2  2  degrés  le  soir.  Pen- 
dant le  mois  de  décembre,  la  température  descendit  à  110  F. 
(  43  ,3  C),  et  revint  dès  janvier  au  degré  normal.  L'urine  était 
riche  en  urates.  L'intelligence  était  intacte,  il  n'y  avait  pas  de 
paralysie  proprement  dite,  mais  une  légère  faiblesse  de  la 
jambe  droite.  Avant,  comme  après  l'accident,  on  avait  obsené 


RÉGULATION  DE  LA  CHALEUR.  501 

chez  cette  malade  des  attaques  d'hystërie.  Pour  assurer  Texac- 
titude  de  ses  recherches,  Teale  avait  fait  fabriquer  des  ther- 
momètres à  échelle  très-ëtendue  et  en  avait  placé  un  dans 
chaque  aisselle.  Différents  médecins  ont  pu  constater  comme 
lui  l'élévation  de  la  température  K 

Nous  citons  ce  cas  à  titre  de  curiosité  et  nous  ne  nous  per- 
mettons d'en  déduire  aucune  conclusion.  Notons  seulement 
que  la  malade  était  hystérique;  les  médecins  furent-ils  induits 
en  erreur? 

Les  quatre  premières  observations  montrent  une  parfaite 
concordance  entre  elles.  Dans  toutes  on  voit  la  lésion  de  la 
moelle  être  suivie  d'une  paralysie  plus  ou  moins  généralisée, 
et  consécutivement  d'une  notable  élévation  de  la  température 
de  tout  le  corps.  La  rapidité  avec  laquelle  la  montée  de  la 
température ,  du  moins  dans  la  plupart  des  cas ,  a  eu  lieu ,  et 
le  défaut  de  tout  autre  signe  visible,  ne  permettent  pas  de 
croire  que  la  cause  soit  une  inflammation  de  la  moelle. 

On  en  conclut  que,  chez  l'homme,  une  blessure  de  la  moelle 
épinière,  surtout  h  la  région  cervicale  inférieure ,  peut  pro- 
duire une  élévation  considérable  de  la  température  du  corps. 

Les  résultais  des  recherches  expérimentales  faites  chez  les 
animaux  sur  les  lésions  de  la  moelle  sont  parfaitement  d'ac- 
cord avec  les  faits  pathologiques. 

Quant  h  la  section  totale  de  la  moelle  épinière ,  la  plupart 
des  expériences  pratiquées  par  MM.  Bernard,  Schiff,  Ghossat*, 
Brodie,  Bezold',  et  plus  récemment  Tscheschichin  ^,  montrent 
qu*elle  entraîne  un  abaissement  plus  ou  moins  rapide  de  la 
température  du  corps. 

Brodie  seul  rapporte,  mais  d'une  façon  peu  probante,  avoir 


'  Teale.  The  Umceî,  6  mars  1876.  '  Bezold,  Gtkrtuizle  Wirhmgin  dê$ 

L*obMrvation  est  analysée  dans  la  Gn-  Rûekenmm'kê. 

zelU  de»  hà/ntawr,  1876,  p.  356.  *  TflcbescInchÎD ,  Arehitet  d'anal,  et 

*  ChoMat,  MeckêVê  Arch.y  B^  VII,  phyê.  de  Reichert  H  Dulfoiê  Reymond, 

1899.  1866. 


502         CHVPITRE  II.  —  L\  CHALKUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Ml  une  (^l(?vaUon  de  la  lempëraturo  chez  des  lapins  apns  la 
section  de  la  niO(^lle:  M.  Schifl'a  observé  plusieurs  fois  chez  {l<*'< 
chiens,  après  la  section  de  la  moelle  dorsale,  une  faible  éltfva- 
tion  de  temjx'rature.Tscheschichin  rapporte  un  cas  où,  chez  un 
lapin  au([nrd  il  avait  coupé  la  nioello  allongée  au  niveau  du  ponl 
doVarole,  la  température  s'éleva  en  {piel(piesljeuresde'ide(jrés. 

Les  recherches  de  Tscheschichin  ont  prouvé  qu'il  suHisail. 
après  la  section  de  la  moelle,  notamment  au  cou,  d'envelop- 
per et  (h»  couvrir  soigneusement  Tanimal  pour  retarder  ou 
même  arrêter  quelrpie  temps  chez  lui  le  refroidissement;  on 
doit  donc  penser  (|ue  la  chute  rapide  de  la  température  observée 
chez  les  animaux  soumis  à  cette  expérience  lient  surtout  à  l'ex- 
cessive perte  de  chaleur  rpi'ils  éprouvent  à  la  surface  du  corps. 

Ici,  il  y  a  une  supposition  qui  expliquerait  et  la  contradic- 
tion apparente  entre  les  observations  faites  sur  l'homme  et  les 
ex[)ériences  faites  sur  les  animaux,  et  aussi  l'inconstance  des 
résultats  expérimentaux. 

Si  l'on  admet  que  la  solution  de  continuité  de  la  moelle 
enlraîne  une  élévation  de  la  production  de  chaleur  et  une 
augmentation  du  rayonnement  de  la  chaleur  à  la  peau,  on 
conquendra  facilement  qli'il  se  produit  un  excès  dans  la  perte 
de  chaleur,  c'est-à-dire,  un  refroidissement  de  l'animal  d'au- 
tanl  plus  rapide»,  que  sa  surface  est  plus  grande  par  rapport  à 
la  masse  de  son  corps,  et  réciproquement.  Plus  l'animal  est 
gros,  c'est-à-dire  plus  est  petite  la  surface  de  son  corps  par 
rapport  à  sa  masse,  plus  les  circonstances  sont  favorables  pour 
la  prédominance  du  premier  des  deux  facteurs  et  plus  facile- 
ment se  produit  une  élévation  de  température. 

La  concordance  des  faits  sus-énoncés  montre  que,  chez 
riiomme,  à  un  degré  élevé,  chez  les  chiens,  du  moins  dans 
quelques  cas.  il  y  a  une  élévation  de  la  température  du  corps 
a|)rès  les  lésions  de  la  moelle,  tandis  que,  chez  les  lapins,  qui 
sont  beaucoup  plus  pelils,  il  se])roduit,  presque  sans  exception, 
un  refroidissement  ra|)ide. 


RÉGULATION  DE  LA  CHALETR.  503 

Que  Tschesrhichin  n'ait  pas  réussi  chez  ces  animaux,  par 
iVnveioppement,  à  arrêter  complètement  riniluonci'  fâcheuse 
de  la  perte  notable  de  chaleur  qui  a  lieu  par  la  peau ,  on  ne 
saurait  s'en  étonner,  puisque,  comme  cela  se  voit  aussi  chez 
des  animaux  beaucoup  plus  gros,  Thomme  et  le  chien,  cette 
élévation  de  température  n'a  été  observée  que  dans  des  cir- 
constances où  les  conditions  étaient  défavorables  à  la  perte  de 
chaleur  par  la  peau.  Du  moins  il  faut  noter  que  toutes  ces 
observations  ont  été  recueillies  en  été. 

Le  but  du  mémoire  de  Naunyn  et  Quincke  est  la  re- 
cherche expérimentale  de  l'influence  du  système  nerveux  sur 
la  production  de  la  chaleur  chez  les  animaux. 

On  a -opéré  sur  de  grands  chiens.  On  a  séparé  la  moelle, 
dans  presque  tous  les  cas,  non  par  incision,  mais  par  contu- 
sion ,  et  en  perdant  peu  de  sang.  On  s'est  assuré  de  la  réalité 
de  la  lésion  tant  par  la  paralysie  complète  des  muscles  que* 
par  la  nécropsie  ultérieure.  Du  reste,  l'expérience  VII  montre 
que  la  section  donne  le  même  résultat  que  la  division  par  plaie 
contuse.  Les  animaux  étaient  narcotisés,  la  dure-mère  incisée; 
et  aussitôt  on  appliquait  la  pince  contondante,  habituellement 
à  la  hauteur  de  la  sixième  vertèbre  cervicale,  l'expérience 
ayant  démontré  qu'au-dessus  de  la  cinquième  la  contusion 
faisait  mourir  aussitôt  le  chien  par  arrêt  de  la  respiration. 

Les  mesures  de  température  étaient,  dans  tous  les  cas,  prises 
dans  le  rectum,  avec  un  thermomètre  divisé  en  dixièmes  de 
degré.  Quelquefois  les  expérimentateurs,  sachant  que  les  ani- 
maux acquéraient  dans  la  nuit  leur  plus  haute  température, 
plaçaient  à  demeure  un  thermomètre  h  maxima. 

Ces  expériences  furent  commencées  dans  l'automne.  Cette 
circonstance,  c'est-à-dire  la  douceur  de  la  température  à  ce  mo- 
ment, doit  être  considérée  comme  la  raison  pour  laquelle,  dans 
leurs  premières  recherches  sur  des  chiens  de  forte  taille,  après 
le  bi'oiement  de  la  moelle  à  la  hauteur  de  la  sixième  vertèbre 
cervicale,  il  se  produisait  une  haute  élévation  de  la  tempéra- 


50 'i 


CHAIMTRE  11.  —  LA  CIHLEUR  ET  L\  FIÈVRE. 


(lire  dos  animaux,  bien  que,  pour  s'opposer  à  un  trop  grand 
rplroidissonienl ,  ils  eussent  pris  soin  d(»  les  envelopper  de  cou- 
verlures  de  laine».  Plus  tard,  quand  la  (enjpérature  extérieur»' 
se  mil  i\  baisser  raj)idement.  ils  n'observèrent  plus  d  élévation 
de  la  tempéralure  cbez  les  animaux  opérés;  bien  plus,  ils 
ronslalerent  loujours  un  abaissement  de  température  rapiile 
et  juscpiVi  la  mort. 

(les  expériences  montrent  que  Tenvelopperaent  des  animaux 
avec  la  ouate,  les  couvertures,  etc.,  ne  peut  contre-balancer 
la  perte  de  la  chaleur  par  la  peau.  L'échauffement  par  la  tem- 
pérature de  Pair  ambiant  est  bien  plus  efficace,  si  Ton  met 
les  animaux  dans  une  chambre  bien  fermée  et  chauffée  ti  sli 
ou  )]o'  C,  c'est-à-dire  à  peu  près  à  la  température  de  Télé. 

Les  auteurs  donnent  ensuite  les  tableaux  de  leurs  opéra- 
tions '. 


\  oici  lin  de  leurs  tableaux  : 

II.    CHIEN  IHXI.B  DR  (J  KILOGRAMMES. 


1 


MoMKNT 
.If 

l.'OBSFnVA- 


i''  or.'" 


o''  oo"' 
S'"  I  5'" 

7*'  .'i.V" 

to''    M'" 


1 1> 


o      1.1 

,1.1 


(/'  no" 


TKMI'KFM 
Tl  RK 

L'OIMAI. 


•^9    7 

38  ,7 
37  ,8 
37  ,t 

3r.  .3 

35  ,G 


/l'i  .0 


>OMBRK 

(les 
nsriiM- 


TEMI'KflA- 

TrRE 

(If 

r.A  cntMDRR. 


REMA«QIIKS. 


1()   NOVEMBRK    1  868. 


.jf. 


Au  moment  do  rattrikion  ,  il  y  a  paralysi*'  ^' 
néralp.  Respiration  diaphrnçnwfiqu»',  On 
envHoppe  ranimai  avrc  soin. 


On  d^fi^lil  ranimai  Pt  on  !♦•  pl.ic«?  Jans  U 
rhambrp  rhaudo. 


i?0   NOVF.MBRE. 
a"  I/.inimal  moorl  bionlAf. 


vSorlion  lol;»l<^  an  niv<»;nMl«'  h  iV  voi iMu'o  corviral»*. 

\iiln<  rliilTrcs  maxim.i  •  'nV'.H,  V.*\'i,  'i9",i,  'io".8,  Vj",i,  Vj*/i  , '19".^.  ^»<"- 


RÉGULATION  DE  LA  CHALEUR.  505 

Dans  toutes  ces  expériences,  le  premier  eflet  qui  apparaisse 
iiifailliblement  après  la  séparation  de  la  moelle  d'avec  le  cer- 
veau, est  un  abaissement  souvent  très-prononcé  de  la  tempéra- 
ture. 

Cet  abaissement  s'explique,  indépendamment  des  troubles 
que  peut  produire  une  aussi  grave  opération,  par  ce  fait 
qu'aussitôt  que  survient  la  paralysie  des  nerfs  vasomoteurs, 
et,  par  suite ,  la  dilatation  des  vaisseaux  de  la  peau ,  il  y  a  mo- 
mentanément une  énorme  perte  de  cbaleur.  Cette  chute  est 
faible,  on  place  rapidement  l'animal  dans  la  chambre  chaude 
et,  s'il  est  gros,  rarement  la  chute  dépasse  a  degrés.  Après  que 
l'animal  est  renfermé  dans  la  chambre  chaude,  la  température 
continue  encore  pendant  quelque  temps  à  baisser.  Ce  n'est 
que  d'une  à  quatre  heures  après  l'opération  qu'elle  remonte: 
l'élévation  de  la  température  va  assez  vite;  il  suffit  de  deux  à 
six  heures  après  l'opération  pour  porter  la  température  à 
son  chiffre  normal.  Quant  à  son  maximum,  qui,  dans  beau- 
coup de  cas,  atteint  une  hauteur  inusitée,  surtout  au  moment 
de  la  mort,  mais  même  plus  ou  moins  longtemps  avant  ce  mo- 
ment, il  survient,  dans  plus  de  la  moitié  des  cas,  vingt  heures 
après  l'opération,  dans  le  reste  quinze  heures  après  le  com- 
mencement de  la  montée.  Dans  trois  cas  on  a  observé  une 
montée  considérable  de  la  température  après  la  mort. 

Cette  élévation  de  la  température  n'a  manqué  dans  aucun 
des  cas  après  la  section  de  la  moelle,  et  surtout  quand  l'ani- 
mal ne  mourait  pas  aussitôt  après  l'opération. 

Reste  à  savoir  dans  quelle  mesure  ce  phénomène  est  le  ré- 
sultat de  la  séparation  de  la  moelle,  et  dans  quelle  propor- 
tion il  faut  tenir  compte  ici  des  autres  circonstances  :  la  bles- 
sure, la  chaleur  de  l'atmosphère  ambiante,  etc. 

Or  une  série  d'expériences  montre  que  le  milieu  chaud  ne 
suffit  pas  par  lui-même  à  produire  cette  élévation  de  In  tem- 
pérature chez  les  animaux  sains,  et  qu'une  blessure  très-grave 
ne  la  produit  pas  non  plus.  Il  faut  donc  admettre  que  les  cor- 


506         CHAPITRE  II.  ^  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

dons  nerveux  de  la  moelle  ont  une  influence  sur  la  production 
de  la  chaleur. 

Il  ne  paraît  pas  douteux  que  rëlévatîon  de  la  température 
observée  ici  n'a  point  pour  cause  la  diminution  de  la  perte  de 
chaleur  par  la  surface  de  la  peau.  Dans  l'observation  VII.  les 
températures  prises  en  difTérents  points  du  corps  étaient  égales, 
et  la  différence  de  température  entre  la  périphérie  et  le  centre 
était  presque  nulle,  conséquemment  la  perte  de  chaleur  était 
augmentée. 

Du  reste  toutes  les  expériences,  tant  anciennes  que  nou- 
velles, montrent  ce  fait.  La  section  de  la  moelle  amène,  dans 
tous  ces  cas,  un  surcroit  si  considérable  de  la  perte  de  cha- 
leur, que  là  où  elle  n'est  point  arrêtée  par  des  circonstances 
fortuites  ou  artificielles,  il  s'ensuit  fatalement  un  rapide  et 
persistant  refroidissement  de  ranimai. 

La  supposition  qu'une  diminution  de  la  perte  de  chaleur, 
par  la  génc  de  la  respiration  qui  suit  la  section  de  la  moelle 
et  par  la  diminution  de  l'évaporation  pulmonaire,  serait  la 
cause  de  l'élévation  de  température  qu'on  observe,  n'est  pas 
fondée.  Pour  plus  de  sûreté,  on  a  mis  dans  la  chambre  chaude 
un  chien  dont  la  respiration  était  mécaniquement  entravée. 
Or  on  n'a  pas  obtenu ,  dans  ce  cas,  une  élévation  de  la  chaleur, 
au  contraire. 

Il  faut  donc  admettre  que  la  séparation  de  la  moelle,  au 
niveau  de  la  cinquième  ou  septième  vertèbre  cervicale,  produit 
un  accroissement  de  production  de  la  chaleur  dans  l'orga- 
nisme. Il  est  peu  vraisemblable,  d'après  le  lieu  de  l'attrition. 
qu'il  s'agisse  ici  de  l'action  directe  ou  réfléchie  d'un  centre  de 
chaleur  hypothétique.  On  accepterait  plus  volontiers  cette  hy- 
pothèse ,  que ,  dans  la  moelle ,  sont  contenus  des  nerfs  ayant  uoe 
influence  modératrice  sur  le  processus*  d'oxydation  et  sur  la 
production  de  chaleur  dans  les  organes,  et  que  leur  section 
rend  possible  un  développement  excessif  du  processus  calo- 
rifiant. 


RÉOriATION  DE  LA  CHALEUR.  507 

Si  cette  hypothèse  est  juste,  et  si  les  cordons  nerveux  char- 
gés de  cette  fonction  se  comportent  dans  leur  centre  d'irra- 
diation comme  nous  le  supposons,  k  la  façon  des  autres  nerfs 
spinaux ,  on  doit  s'attendre  k  ce  que  la  grandeur  de  la  pro* 
duction  de  chaleur  en  excès,  en  d'autres  termes,  rœleris  pa- 
rilmê,  la  hauteur  de  la  température,  soit  en  proportion  de  la 
hauteur  où  l'interruption  de  la  moelle  a  eu  lieu. 

Des  expériences  ont  été  faites  dans  ce  sens.  Or  elles 
montrent  en  effet  une  différence  très-grande  dans  les  effets  de 
la  section  de  la  moelle  suivant  la  hauteur  où  elle  a  eu  lieu. 
I/élévation  de  la  température  est  plus  rapide  et  atteint  un 
degré  beaucoup  plus  élevé,  quand  la  section  porte  sur  le  cou, 
que  quand  elle  porte  sur  la  partie  inférieure  de  la  région 
dorsale. 

Ainsi  les  résultats  de  ces  expériences  sont  bien  suffisants 
pour  étayer  l'hypothèse  précédemment  émise.  Ils  montrent 
que  dans  la  moelle  se  trouvent  des  cordons  nerveux,  par  les- 
quels le  cerveau  exerce  une  influence  modératrice  sur  la  pro- 
duction de  la  chaleur  dans  l'organisme. 

Que  ces  nerfs  soient  particuliers,  peut-être  ceux  qui  ont  été 
depuis  longtemps  appelés  nerfs  trophiques,  ou  que  les  cor- 
dons nerveux  vasomoteurs  accomplissent  cette  fonction  d'une 
façon  directe,  ou  indirecte  par  l'influence  qu'ils  ont  sur  le 
contact  entre  le  sang  qui  circule  dans  les  capillaires  et  les  tis- 
sas, c'est  ce  que  les  recherches  actuelles  ne  permettent  pas  de 
déterminer. 

Toujours  est-il  que  la  découverte  de  cette  influence  du  sys- 
tème nerveux  central  et  dès  voies  par  lesquelles  elle  se  trans- 
met, n'est  pas  sans  intérêt.  Elle  éclaire  des  faits  pathologiques 
anciennement  connus,  et  les  explique  K 


'  Ce«expérieiMe!ioiitët^railMàrins-     le  profeMeur  Reicbert.  (Berlin,  mira 
litul  anatomique  de  Berlin ,  dirigé  par     1 869.  ) 


:>08         (JUAIMTRE  11.  -  \A  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

Dnns  un  second  mémoire'.  MM.  N.ninyn  ol  Quinrke  onl 
pensé  (|u'il  sornil  intéressant  de  rechercher  si.  dans  les  condi- 
tions du  miheu  uorniaK  à  la  température  ordinaire  d'une 
chambre,  il  ne  se  |)roduirail  pas  de  même  une  élévation  de  la 
chaleur  du  corps.  Pour  cela  ils  choisirent  la  saison  chaude  dp 
l'année,  alors  (jue  la  température  du  laboratoire  sans  chauf- 
fage se  maintient  à  un  degré  modéré,  puis  ils  mirent  euv- 
n)emes  en  expérience  des  chiens  de  forte  taille  et  très-poilus, 
dans  la  plupart  des  cas  ils  les  couvrirent  d'ouate. 

Wll.   BARBET  NOIR  DE    I  5  KILOGRAMMES. 


MOMFNT 

1 

TKMPKRA- 

>OMBRR 

TEMt'ÉRA- 

•         .le 

l.'dBsfhV* 

TDRF 

lies 

TURK 
(le 

REMARQUES. 

J       ruf\. 

1 

r«f«iMAi.. 

TtOVi, 

LA   C;H\MBIill. 

1 

1 
t 
t 

1 

16  AVRfL. 

.  U  o      -Il 
1      .1  ') 

1 

:UfJ\n    1 

■1            1 

// 

l/animnt  est  poila  el  gras.  Écrasement  d^* 
la  inoollp  au  uivpau  de  la  6'  vertèbre  cer- 
vicale. Le  chien  se  débal  quatre  fois  p»'n- 
d.int  l'opération.  La  température  sVIfWe  r 
à. 39 ',9  »ous  celle  influence. 

.  tt      V.           '" 

! 

/'■ 

'«r 

OjM^ralion  achevée.  Le  ch'en  est  envelop|»«« 
d'ouate  el  pltW  sur  de  ta   paille  daii'i  la  ' 
chambre.   Respiration    diaphrafrmatiqiir.  ' 
p.Tmlyic  df«5  extrémités. 

,  :V'(>fV" 

:uj  ,r>r) 

n 

// 

1  :i''.')o"' 
V'  r>o"' 

.")''    5'" 

^10  ,70 
'10  ,90 

H 
II 

,17 

Ml 

i 
FiC  chien  se  meurt;  la  roidenr  surrîenl. 

7':j.y" 

1  '.-.,75 

'  Maximum. 

ft 

II 

1 

1 

Vî  ,.'^> 

II 

•f 

Roidenr  complète.  En  même  temps  on  con<-  ^ 
tate  à  la  partie  supérieure  de  Pabdomen.  < 
ver»  lecanlia  ,  une  température  di*  A*  '.fi,  . 

ÉUWalion  totale  :  .r.i5.                                   \ 

'    R.  \niinyri  et  11.  Qiiinrk»',  DrViu-      dos  Avrhiros  de  Reirhert  et  Dnf»oin  Rey- 
fîucnrp  (Ica  rrulrt'x  nrvvfH.v  xur  la  proftfir-     mom/,  i^^ip.  .V  fascinile. 
tion  ilr  vhnh'iir  fltnts  Vurfriuisino.  Kxtrail 


RBGLLATlOiN  DE  LA  CHALEUR. 


509 


XVIII.   CHIEN  DE  BERGER  NOIR  DE  3  0  KILOGRAMMES. 


■ 


MOHBRT 

4e 

TIOS. 


TsapéiiA- 

TORS 

rARIIIAL. 


t''30"  39*,  10 


îi^3o"       39  »a5 

I 

9^  3o"  J    39  ,5o 
MaiiiDum. 


KOmRB 
d« 

KUFiaA- 

tiOrc 


f 


TBilpénA- 

TUBB 

de 

LA  ClAHiai. 


REMARQUES. 


«9 


9&  iVRIL. 

Ecrafiemeiit  de  iâ  moelle  k  la  htaleur  de  ia 
6*  vertibre  oervieale.  Nul  abainemenl  de 
la  température.  Le  chien  eit  aornilôt  en- 
veloppé d'ouate  et  placé  dapt  la  ebamhre 
«ar  de  la  paille. 

,/  La  patte  ^ache  de  devant  w  meut  un  peu. 

Du  rsite,  ooroplke  oaralytie  du  tronc 
tt  et  des  extrémitea,  à  rexception  da  dia» 

phragne. 


n"  la 

ia*3o" 


69  ,90 


a 


9  0  ATBIL. 


Le  chien  meurt  et  les  mouveroenUconTuUtfa 

font  monter  la  leupératnre. 
Élévatiou  totale:  3*.i. 


XIX. 


CHIEN  DE  TRAIT  NOIR  DE  3o  KILOGRAMMES. 


m 


MOIIBIIT 

de 
voÊfênià- 

TIOB. 


TBHP^Ri- 

TORB 
de 

L'AIMA  1». 


ROHBRB 

dea 

aatruA- 

noBS. 


TBHpéRA- 

^RB 

de 
LA  caAaaBB. 


REMARQUES. 


10  MAI. 


b  Q^ii 


i'3o 

9^00' 


i   9'3u" 

7^3o- 

I  7^45'" 

Midi. 
3S5- 


4o%4o 

» 

4o  ,00 

H 

39,90 

» 

)    ht  ,70 
(  Maiimnm 

U 

ht  ,55 

t 

I     â9,10 

t    h^  ,5o 
)  Maximum. 


>9' 


L*animai  ae  débat  dana  se»  lieua. 

Kcraaement  de  la  moelle  k  la  hauteur  de  la 
6*  vertèbre  cervicale.  Estrémiléa  coniplé- 
lemeot  paralyaéea.  Pas  d'action  réfleie  ; 
ranimai  eit  enveloppé  d'ouate  et  placé 
aur  de  la  paille. 

Le  chien  boit  de  Tean. 


11  MAI. 


// 


Le  chien  IxHl  de  l'eau. 


510        CHAPITRE  IL  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 


■0«KIIT 

TIHPKRA- 

HOMMK 

TKMPKRA- 

de 

TCRB 

de 

dn 
utniA» 

TUIE 
di? 

BBMABQDES. 

TIOR. 

L'AVIVAI. 

TMM* 

LA  CflABlOU 

Il     MAI. 

[Smtt.) 

3''3o'" 

4a  ,ao 

f 

4^00- 

49  ,3o 

» 

'i^   5- 

a 

M 

Rcepinilioii  cooTultive.  Mort. 

4^10- 

49  ,70 

H 

A'35- 

49,80 

» 

19  MAI.                                                                                 1 

43,o5 

U 

Le  rhicB  trk-ptttréfié.  Enpbjkèine  MUte-ce- 

,  Uni. 

Bi^lM»  toUlc  :  t'.Sa. 

XX.   GHIBKI  MÂLE  GRIfr-BRUK  DE  3o  KILOGBAMIIBS. 


■  OaiRT 

TBIlPéRA- 

IfOHRRR 

rvÊPÎMk- 

de 

L>OMnVA- 

TDRB 
de 

des 
•nriBA- 

TCRB 

de 

REMARQUES. 

TIOI. 

L'AMIRAI.. 

noRt. 

LA  ClAMni. 

9  A? 

WL. 

1^  jour. 

f 

fl 

ë 

Ch^D   trè*-poiln  avec  le  baale  fort  et  ki 

deM  Teev  Ml  tajecld  es  dififirarts  pointe 
mm  la  pee«,  el  aiiMitèt  00  fut  Popën- 

IKNI. 

u 

39%6 

Ê 

# 

VioleoUefloite. 

i^'So- 

39,6 

Ê 

f 

Moment  de  r^nieiiMBl  de  le  inoelle  (  6«  «et- 
l^re  cerricele^.  Le  cUai  000  emneH  «it 
mie  ddu  lo  chenhie  eor  la  paille.  Re»- 
piratioo  diapbMMlMoe.  Lee  eititeiléi 
anlérioRrea  oot  di  IrèMaiblct  «oumaaoli. 

1 '•So- 

39,9 

» 

i6- 

rs  5- 

39,3 

a 

n 

3%o- 

4o  ,9 

94 

II 

{)é<écalion.  Cm.  Paa  de  ■MMVcaeoto  réiexa 
des  c&lréiDitéa  oi  de  la  ^Mue  es  ncjtaal 
Taoïu. 

3'  45- 

4o,9 

0 

II 

4So- 

4 1,3 

ê 

9 
3  ATI 

UL. 

la   0 

49,5 

Mtùmum. 

â 

u 

Le  chien  ert  OMrt  ;  déji  putréfié,  lïtomo- 

mitre  è  oiaiima  daaa  Taniu.                      1 
Elévation  totale  :  %\^.                                1 

RÉGULATION  DE  LA  CHALEUR.  511 

Pour  voir  si  l'élévation  de  la  température  pouvait  être  im- 
putée à  une  diminution  du  refroidissement  produite  par  Ter- 
gotine ,  «t  quelle  influence  Tergotine  seule  avait  sur  la  tempé- 
rature, on  institua  l'expérience  suivante: 

XXI.  —  On  injecte  U  grammes  d'ergotine  sous  la  peau 
d'un  chien  à  poil  soyeux,  de  6  kilogr.  5oo  gr.  Le  chien  montra 
bient6t  du  malaise,  de  l'affaiblissement;  il  trembla  de  tout  son 
corps  et  eut  de  fréquents  vomissements.  Sa  température,  qui 
était,  au  début,  de  âo  degrés,  tomba,  en  l'espace  de  six  heures, 
de  quelques  dixièmes  de  degré  seulement. 

Le  jour  suivant^  le  chien  étant  rétabli,  on  lui  administra 
la  même  dose  d'ergotine,  et  en  même  temps  on  lui  écrasa  la 
moelle  au  niveau  de  la  sixième  vertèbre  cervicale.  Le  chien  fut 
placé  sur  de  la  paille  dans  la  chambre.  La  température ,  après 
l'opération,  tomba  continuellement;  l'animal,  à  la  Gn  du  jour 
suivant,  n'avait  que  97%7  dans  l'anus,  et  il  mourut  dans  la 
nuit. 

On  voit  par  là  combien  l'ergotine  influe  peu  sur  la  tempé- 
rature du  corps,  et  que  la  cause  de  l'élévation  de  la  tempéra- 
ture dans  l'observation  XX  était  non  pas  Fadministration  de 
cette  substance,  mais  le  fort  volume  et  le  poil  épais  de  l'ani- 
mal mis  en  expérience. 

Si  maintenant  on  examine  les  expériences  de  XVII  à  XX, 
oà  il  n'y  a  eu  qu'écrasement  de  la  moelle,  on  y  voit  des  élé- 
vations de  température  de  9%65  à  3%i5. 

On  peut  supposer  que,  dans  les  précédentes  expériences, 
on  ait,  par  un  obstacle  apporté  à  la  perte  de  la  chaleur,  ob- 
tenu que  l'augmentation  de  la  production  se  manifestât  sous  la 
forme  d'une  élévation  de  la  température;  mais  il  reste  à  cher- 
cher s'il  serait  possible  de  maintenir  la  température  du  corps, 
malgré  la  section  de  la  moelle ,  à  son  niveau  normal ,  par  l'arrêt 
de  la  production  de  chaleur. 

Naunyn  et  Quiucke  ont  tâché  d'y  parvenir  par  la  quinine, 
qui  a  été  employée  tant  de  fois  et  avec  succès  pour  amener 


MJ         '.H\i'    [iîK   11.   —  I.  \  riULELR  ET  LA  FIEVRK. 

i'.jli  ii>-Hrii»fit  d^  Id  tefii|»^*rHtiir»'  «Ihiis  la  lièvn»;  ils  espéraient. 
|)rii  1111  ^L^^liUr^t  ^oit  jM»>itil  soit  n»'*}|iitif.  joler  quelque  lumière 
|>fut-»^(n*  -ui  le  iiiudM  d'a<  lion  en<on»  si  j»^u  connu  de  la  qui- 
iiiii»-:  nMii>  «|i.iin»r.ifi<  |ilu>  loin  le>  résultats  obtenus,  quoique 
r  nntfHiin  toiffs.  »\t»v.  rli.  |\.  Artion  fin  sulfate  fie  nuininp.) 

tu  t'-riuiii  «nt,  NauiiNU  «*t  Quiiitke  [H'évoient  une  ohjectirui: 
à  N^ivoii  que  r«*iéwi(iun  de  température  cpii  suit  le  broiement 
«I»*  la  mo«'ll»*  •'•pinière  nr  serait  autre  chose  <|u'une  fièvre  d'in- 
f»M:linii  produit»'  par  la  n^sorption  des  sécrétions  de  la  plaie. 
.i[ii»Miées  p,ii  rMUMTlurt'du  ^ac  de  la  dure-mère,  r  Nous  croyons, 
di>»Mit-il>.  pouvoir  réfuter  celle  objection,  en  rappelant  avec 
(pudle  ra[)iditt''  coiiimeiic»'  IViévaticm,  conime  on  le  voit  surtout 
dans  le.>  <'\péii«»nc«*>  l\  .  I\.  \\\  ;  ici,  il  n'était  pas  possible 
<piVn  si  p«'u  d  heures  les  >écrétions  eussent  acquis  la  propriété 
Miforlieu>e;  ell»'  »»sl  contredite  »Micore  par  les  expériences  \IV  et 
\\  I.  011  la  blessure  des  [larties  molles,  de  la  dure-mère  et  de 
la  morlle,  était  la  niéiiie,  mais  avec  une  plaie  plus  profonde  en 
raison  du  .siégr.  el  où  l'élévation  de  la  température  est  restée 
faible  juMpi'iiu  dernier  moment.  L'Inpothèse  d'une  propriété 
[Kirticulièrement  infectieuse  des  j)arties  broyées  de  la  moelle 
doit  être  aus>i  l'cartée  '.^ 

-Nous  a\ons  donné  presque  ut  edtenfio  ce  mémoire  de 
MM.  iNaunyn  el  Ouincke.  parce  que  les  expériences  ont  été 
laites  avec  orand  .soin  et  «pi'elles  ont  été  variées.  Nous  de- 
vons [)Ourtanl  ajouter  ijue  d'autres  physlolofjistes.  iMM.  Riegel. 
Kosentbal,  Po(  lioj ,  n'ont  pas  obtenu  des  résultats  concor- 
dants, (|ue,  par  conséquent,  de  nouvelles  recherches  sont  né- 
cessaires. Il  faut  pourtant  admettre  que  les  lésions  de  la 
moelle  peuvent  amener  cb<^z  l'homme,  comme  chez  les  ani- 
maux, une  rapide  éié\ation  de  la  température. 


'    Eail  il  riii-oliliit  îiiKilt)mi(|ue  de  Ber-     M.  \e  (ionbeilU-T  pii\é  Reichf'rt(i.)  août 
Im,  ijiàre  a  la   |Mîtiui»ioii  lihéraK^  de      1869). 


RÉGULATlOiN  DE  LA  CHALEUR.  513 

Roseoihal,  dans  un  travail  donl  la  Revue  des  cours  scienU^ 
fiques  a  publie  une  analyse  très-coujplèle ,  fournit,  outre  ses 
recherches  personnelles,  un  ei^posë  intéressant  de  la  question 
en  Allemagne  ^ 

.  Les  expériences  du  professeur  de  physiologie  de  l'univer- 
sité d'Erlangen  ^  ont  surtout  eu  pour  objet  d'étudier  l'action 
d'une  température  élevée  sur  les  animaux.  Il  introduit  dans 
une  étuve  des  animaux,  de  préférence  des  lapins,  vivants  et 
libres  ;  il  insiste  sur  ce  dernier  point  :  l'animal  libre  de  ses 
mouvements,  libre  de  se  pelotonner  sur  lui-même  quand  il 
fait  froid,  de  s'étendre  quand  il  fait  chaud,  garde  sa  tempéra- 
ture invariable  dans  des  limites  plus  étendues  que  ne  le  fait 
un  même  animal  attaché  et  ne  pouvant  prendre  la  posture 
qui  lui  est  la  plus  convenable.  Les  résultats  obtenus  sont  les 
suivants  :  à  une  température  ambiante  de  +  1 1  à  +  3a  de* 
grés  C,  la  température  de  l'animal  en  expérience  ne  varie 
pas,  sauf  quelques  légères  oscillations  passagères  entre  a 6  et 
Sa  degrés.  De  3q  à  36  degrés,  la  température  de  l'animal 
monte  à  /îi*/î<i  degrés,  puis  devient  stationnaire;  l'animal  est 
couché ,  les  membres  étendus  et  écartés ,  la  respiration  est  ha* 
letante,  les  battements  du  cœur  sont  fréquents,  les  vaisseaux 
cutanés  très-dilatés.  De  36  à  ko  degrés,  la  température  de 
l'animal  s'élève  rapidement  à  /i/i-&5  degrés,  les  phénomènes 
précédents  se  prononcent  davantage,  la  pupille  se  dilate,  les 
muscles  sont  en  résolution,  et  la  mort  arrive  au  bout  de 
quelque  temps.  Que  l'on  retire  à  temps  l'animal  en  expérience 
et  qu'on  l'abandonne  à  la  température  habituelle  du  labora- 
toire, sa  température  tombe  à  36  degrés  et  au-dessous,  et 
demeure  basse  pendant  plusieurs  jours. 

'  Rnuêdeêcowrê$cie9à^uet,^\àé-  et  aa  Sénat  de  ruuiveraité  Frédérir- 

cenil>re  187a,  p.  099.  Aleiandre  d'Erlangeo,  par  le  docteur 

'  ZurKenniniêtdigrWârtneregnUrwig  J.  Roaentha],  professeur  de  physiologie 

6pt  ien  frarmblàtigen  Thieren.  (  Disser-  et  directeur  de  I*Institut  physiologique 

lation  d'entrée  i  la  Kacnlté  de  médecine  d'Erlangen.  )  Erlangen ,  juin  1 879. 

:<3 


:-'.r..'Li.    —   L  V  Lh  \LtLH  tr   LA  KIt\  i;t. 

'J  .'-..•r?  >--iit  le>  •  viidîiMoiiN  H  tiivr  (le  ce^  eï|iérieiices  ! 
L'-n?  '.ou'.'T*.  la  teriip^^rature  dt-  l'aninidl  est  supérieure  à  celle 
•lu  uiiiie:-.  ainhidnt:  il  |»er'l  donc  constamment  de  la  chaleur. 
N!  -!*.  eii  -ii;ro?iir.  i-^  «juanîité  de  «hal^^ur  jiroduile  constante, 
-*  •L'^fur^r  «^u»"-  Id  t- tijp»''pitur>-'  cmibiant»-'  s'élève,  la  diflereiio' 
•^htr^  -iie-'i  Ht  in  t^mpHrature  de  l'animal  diminue,  et  1h 
[•erî»?  d»^  -ai  «ri  jue.  qui  n'e>t  déterminée  que  par  cette  diflé- 
rence.  doit  diminuer  du»i:  la  température  de  Tanimal  duil 
d«'nc  >'éîe^êi  d'une  cei laine  quantité:  elle  s'élève,  en  ellet. 
iii^is  d'une  quantité  moindre.  Il  \  a  donc  dans  ce  phénouièiie 
jitef^enti  .n  d'un  dppcireil  réf^ulateur  de  la  chaleur.  El  cet 
HppîrHl  [►eut  l'on»  tionner  de  deui  façons  :  ou  bien  en  dimi- 
nuant Id  «jUcinlit»'  de  elialeur  produite,  ce  (|ui  n'a  encore  |)U 
être  C'-nstate:  ou  bien  en  au^qnentant  le^  pertes  de  calorique, 
ce  i|ui  arrive.  Le>  vai>>eaui  cutanés  sont  dilatés,  la  périphérie 
reroil  une  plus  grande  quantité  de  sang,  qui.  plus  chaud 
qu«-  b'  milieu  ambiant.  >e  refroidit.  En  même  temps  l'exha- 
lation aqueuse  est  plu>  considérable  et  concourt  à  faire  |}erdre 
à  l'animal  plu>  de  calorique.  A  l'appui  de  celle  théorie  vient 
encore  le  lait  constaté  de  l'abaissement,  au-dessous  de  la  nor- 
male, de  la  lempératuie  de  l'animal  lorsqu'on  l'a  retiré  de 
rétu\e.  Cet  abaisstinent  est  la  consé<|uence  naturelle  de  la 
paraKsie  des  \ aisseaux  suus  l'inlluence  de  la  chaleur,  para- 
lysie (jui  est  hurs  de  doute:  les  \aisseaux  périphériques  restent 
paralysés  et  dilatés  d'autant  plus  longtemps  que  la  tempéra- 
ture a  été  plus  élevée:  le  réseau  cutané,  dans  bMjuel  se  fait  h' 
refroidissement  du  san<;.  reçoit  une  plus  grande  quantité  de 
sang  (|ue  chez  un  animal  sain,  l'animal  doit  donc  se  refroidir 
davantage. 

M.  Rosenthal  pari  de  ce  lait  pour  jHoposer  une  explication 
ingénieuse  de  Taclion  patliogénique  du  refroidissement.  On 
se  soumet  à  une  température  élevée,  comme  celle  d'un»^ 
salle  de  bal,  d'un  théâtre,  on  se  livre  à  un  exercice  muscu- 
laire violent,  les  vaisseaux  cutanés  sont  dilatés,  dans  un  état 


RÉGULATION  DE  LA  GdALEUR.  515 

|>Ius»  OU  moins  voisin  de  la  paralysie»  dans  tous  les  cas  plus 
lents  à  se  contracter  ;  qu'à  ce  moment  on  vienne  à  s'exposer 
brusquement,  sans  transition,  à  une  basse  température,  sur- 
tout à  un  courant  d'air  froid ,  il  se  fait  immédiatement  une 
perte  de  chaleur  considérable  à  la  surface  du  corps;  le  sang, 
qui  s'est  notablement  refroidi  à  la  périphérie,  revient  dans 
les  organes  internes,  les  refroidit  brusquement,  et  cela  seul 
peut,  surtout  dans  un  organe  déjà  prédisposé,  devenir  la 
cause  efficiente  d'une  maladie.  Les  vaisseaux  cutanés ,  de  leur 
côté,  se  contractent,  chassent  le  sang  qu'ils  renfermaient,  et 
il  se  produit  ainsi  une  hypérémie  collatérale,  qui  peut,  elle 
aussi,  exercer  une  action  pathogénique.  Toutefois  cette  cause 
n'est  qu'accessoire,  du  moins  dans  les  cas  où  la  température 
a  été  très-élevée;  les  vaisseaux  ont  alors  perdu  de  leur  toni- 
cité, ils  ne  se  contractent  pas  subitement;  mais,  si  le  danger 
de  l'hypérémie  collatérale  est  ainsi  diminué,  celui  du  refroi- 
dissement est  encore  accru. 

La  température  de  l'animal  soumis  à  l'action  de  la  chaleur 
reste  quelque  temps,  avons-nous  dit,  au-dessus  de  la  nor- 
male. Aprj^  qu'elle  y  est  revenue,  si  l'on  répète  l'expérience, 
on  voit  l'animal  résister  bien  mieux  que  la  première  fois;  sa 
température  ne  s'élève  que  peu  et  plus  lentement  ;  il  s'accli- 
mate, pourrait-on  dire.  Il  perd,  il  est  vrai,  beaucoup  d'eau, 
et  l'on  pourrait  invoquer  l'augmentation  de  la  déperdition  de 
chaleur  par  évaporation  pour  expliquer  ce  phénomène.  Mais, 
dans  l'air  sec,  comme  dans  l'air  saturé  d'humidité,  cet  animal 
s'échauffera  toujours  moins  qu'un  animal  semblable,  mais 
•exposé  pour  la  première  fois  à  l'action  d'une  haute  tempéra- 
ture. En  même  temps  cet  animal  maigrit,  perd  Tappétit,  de- 
vient lent  et  paresseux;  c'est  un  animal  malade,  et  l'on  peut 
admettre  que,  dans  ce  cas,  il  produit  moins  de  calorique  qu'à 
Tétat  de  santé. 

Ce  n'est  pas  à  dire  cependant,  comme  le  veulent  Hopp, 
Liebermeister.  Rôhrig  et  Zuntz,  que  la  quantité  de  chaleur 

33. 


510         i.llAPITHE  II.  —  LA  CHALEUU  KT  LA  FIEVKE. 

produite  augmeiile  avec  la  quantité  de  chaleur  perdue;  di- 
verses expériences,  celles  notamment  de  Sénator,  de  Winter- 
nitz.  de  JurfjensrMi,  ont  démontré  qu'il  n'en  était  rien.  Ou«"d 
la  suilace  du  corps  est  (*xposée  au  froid,  un  therraomètiv 
introduit  profondément  dans  le  rectum  n'indique  jamais  une 
augmentation  de  température.  Un  thermomètre  placé  dans 
l'aisselle  s'élève;  mais,  dans  ce  cas,  il  y  a,  par  suite  de  la  con- 
traction des  vaisseaux  cutanés,  afflux  de  sang  plus  considé- 
rable dans  l'aisselle,  et,  comme  ce  sang  venant  des  organes 
internes  est  plus  chaud  que  ne  l'était  l'aisselle  auparavant,  il 
y  a  augmentation  de  température  locale.  En  effet,  au  point 
de  vue  de  la  distribution  de  la  chaleur  animale,  nous  pouvons 
regarder  l'organisme  comme  formé  de  trois  couches  :  Tune 
interne,  où  se  fait  la  j)roduction  de  chaleur;  l'autre  externe, 
|)ériphérique,  superlicielle,  où  se  fait  la  perte  de  chaleur: 
une  troisième  enfin  intermédiaire,  d'épaisseur  variable,  sui- 
vant les  différents  [)oints  du  corps,  et  dans  laquelle  se  fait 
graduellement  le  |>assage  de  la  température  centrale  à  la 
tem[)érature  périphérique  ;  c'est  la  tenq^érature  de  celte 
couche  qu'indique  un  thermomètre  placé  dans  Taisselle.  Que 
les  vaisseaux  périphériques  s(î  contractent,  l'afflux  du  sang 
sera  [dus  considérable  dans  la  couche  intermédiaire,  et,  comme 
ce  sang  vient  de  la  couche  interne,  qui  est  plus  chaude,  la 
tenq)érature  de  la  couche  intermédiaire  s'élèvera,  bien  que 
Torganisme,  considéré»  dans  son  ensemble,  ait  perdu  de  sa 
chaleur. 

Juscpi'ici  la  perle  de  chaleur  par  le  tégument  externe  a 
seule»  été  envisagée.  Or  la  surface  pulmonaire  est  aussi  le 
siège  d'une  déperdition  de  calorique  :  la  température  du  cœur 
gauche,  inférieure  à  celle  du  cœur  droit,  en  est  déjà  une 
preuve;  les  expériences  de  Riegel.  confirmées  par  celles  de 
Ro.-enthal ,  démontrent  (pie,.bous  Tintluence d'une  température 
and)iante  élevée,  la  lenq)érature  de  l'animal  s'élève  d'autant 
moins  ([ue  celui-ci  respire  davantage;  c'est  là  le  motif  pour 


RÉGULATION  DE  LA  CHALEUR.         517 

lequel  cette  augmentation  est  plus  marquée,  si  l'animal  est 
profondément  narcotisé,et,  par  conséquent,  a  une  respiration 
moins  fréquente. 

Quelle  est  Faction  des  centres  nerveux  sur  la  régularisation 
de  la  chaleur  ?  C'est  là  un  fait  intéressant  à  établir,  et  d'au* 
tant  plus  que  les  résultats  donnés  par  les  auteurs  sont  contra- 
dictoires. 

Ainsi  Naunyn  et  Quincke,  Fischer,  disent  que  la  section 
de  la  moelle  épinière  est  suivie  d'une  élévation  de  la  tem- 
pérature chez  un  animal  exposé  à  une  chaleur  d'environ 
Sa  degrés.  Tscheschichin  prétend  que  la  section  du  pont  de 
Varoie  amène  une  augmentation  de  température.  Heidenhain 
rapporte  le  même  effet  h  l'excitation  de  la  moelle  allongée. 
Ces  auteurs  sont  amenés  à  admettre  dans  la  moelle  l'existence 
'de  centres  nerveux  :  les  premiers,  modérateurs  de  la  chaleur 
animale;  le  dernier,  producteur  de  la  chaleur  animale.  D'après 
Ri^el,  la  section  de  la  moelle  est  suivie  d'un  abaissement 
de  température.  Nous  croyons  inutile  de  rappeler  k  nos  lec- 
teurs que  la  section  xle  la  moelle  est  un  des  moyens  employés 
par  M.  Claude  Bernard  pour  amener  le  refroidissement  d'un 
animal. 

Rosenthal  a  repris  les  expériences  de  ses  prédécesseurs. 
Ses  recherches  n'ont  porté  que  sur  des  animaux  qui  venaient 
d'être  opérés  ;  il  voulait  ainsi  se  mettre  à  l'abri  des  erreurs 
dues  â  l'apparition  de  la  chaleur  fébrile,  et  qui  entachent  plu- 
sieurs des  résultats  antérieurs.  Après  la  section  de  la  moelle 
épinière,  au  niveau  de  la  sixième  ou  septième  cervicale,  il  a 
vu  la  température  de  l'animal  s'abaisser,  la  température  am- 
biante étant  inférieure  à  3q  degrés;  à  3a  degrés,  l'animal 
garde  sa  température  initiale;  si  la  température  ambiante  dé- 
passe Sa  degrés,  tout  en  restant  inférieure  à  celle  de  l'atmos- 
phère, la  température  de  l'animal  s'élève,  mais  moins  que 
chez  un  animal  de  même  espèce,  mais  non  mutilé,  et  placé 
dans  les  mêmes  circonstances.  L'explication  de  ces  phénomènes 


:,|S         rH\PITRE  H.    -  L\  CIHLECR  ET  L\  FTKVRE. 

^sl  facile  ;'i  flonner:  il  y  r  paraivsie  des  vasomotenrs,  of  par 
^Jiite  |>^r(e  d'un»^  plus  grande  «juantitf^  de  chaleur. 

Mais,  si  la  >er(ion  de  la  moelle  n'est  faite  qu'au  niveau  de< 
sixième  ou  s^'ptième  dorsales,  la  terap^^ralure  de  Tanimal  va 
»'n  s'tMeNant  dès  que  r«dl«'  du  milieu  ambiant  dépasse  3o  de- 
gn's.  La  paral\>ie  d'un  certain  district  vasculaire  devrait  cc- 
liHnHanl  Ifiire  |)erdre  à  Tanimal  plus  de  chaleur,  amener  un 
;il)ai<senK*nt  de  tempt'rature  moindre  que  dans  le  cas  précé- 
dent. Mais  il  intervient  ici  d'autres  facteurs  dont  il  faut  tenir 
compte,  et  qui  équilibrent  cptte  déperdition  de  chaleur.  L'a- 
nimal dont  la  moelle  n'est  sectionnée  qu'au  bas  de  la  région 
dnr'-ale  peut  encore  contracter  une  grande  partie  de  ses 
muscles,  et  il  le  fait  effectivement:  or  on  sait  que  la  con- 
traction musculaire  est  une  source  de  production  de  chaleur. 
De  plus,  on  constate  que,  chez  lui,  quehjue  élevée  que  soit  la 
température  ambiante,  les  vaisseaux  de  l'oreille  ne  renferment 
(jue  peu  de  sang;  et  cependant  ces  vaisseaux,  encore  en  coni- 
ïnunication  avec  le  centre  vasomoteur,  sont  paralysés  par  Tar- 
li(m  d<*  la  chaleur:  s'ils  sont  pâles,  c'est  par  le  fait  d'une  ané- 
mie collatérale.  Après  la  section  de  la  moelle  au-dessus  de 
l'origine  des  splanchniques,  les  vaisseaux,  ceux  surtout  des 
viscères  abdominaux,  qui  plongent  dans  un  tissu  peu  résis- 
tant, se  dilatent  à  l'extrême,  le  sang  s'y  accumule;  par  contre 
il  n'en  circule  plus  que  peu  et  lentement  dans  les  vaisseaux 
cutanés,  l'animal  perd  moins  de  chaleur  que  ne  le  fait  un 
animal  sain  dans  les  mêmes  eirconstances:  sa  température  doit 
donc  s'élever. 

Ainsi,  en  résumé,  un  animal  est  exposé  à  l'action  d'une 
ten)pérature  ambiante  élevée.  Il  régularise  sa  chaleur:  cria 
([iiantité  de  calorique  qu'il  produit  n'augmente  pas;  la  régu- 
larisation dé|)end  des  variations  dans  les  pertes  de  calorique, 
varialions  (]ui  sont  elles-mêmes  sous  la  dépendance  de  l'état 
de  contraction  ou  de  dilatation  des  vaisseaux.  Ces  pertes  de 
calorique  se  font  surtoni  par  la  surface  cutanée:  la  respira- 


RÉG.IILATfON  DE  LA  GHALEOR.  519 

rion,  l'exhalation  aqueuse,  ne  s'y  ajoutent  que  pour  une  quan- 
tit<^  insignifiante. 

Telles  sont  les  conclusions  auxquelles  arrive  Rosenthal; 
elles  ne  sont  peut-être  pas  appelées,  et  d'ailleurs  l'auteur  se 
défend  de  cette  prétention ,  à  trancher  toutes  les  questions  qui 
se  rattachent  au  problème  de  la  régulation  de  la  chaleur 
animale.  Pour  le  professeur  d'Erlangen,  cette  régulation 
est  entièrement  dépendante  de  l'action  vasomotrice  du  sys- 
tème nerveux;  cette  interprétation  diffère  de  celle  de  M.  Cl. 
Bernard;  nous  avons  vu  que,  pour  Téminent  physiologiste  du 
Collège  de  France,  le  système  nerveux  du  grand  sympathique 
a ,  outre  son  action  vasomotrice ,  une  action  thermique  qui  en 
est  indépendan  te.  Les  expériences,  d'ailleurs,  n'ont  pas  été  faites , 
dans  les  deux  cas,  dans  les  mêmes  circonstances  :  M.  Cl.  Ber- 
nard a  surtout  étudié  la  température  dans  les  différentes  parties 
du  corps  d'un  même  animal*,  tandis  que  les  recherches  de  Ro- 
senthal ont  porté  sur  la  température  de  l'organisme  tout  entier: 
dans  ce  dernier  cas,  les  facteurs  étaient  plus  nombreux,  les 
conditions  organiques  plus  variées ,  et  il  en  est  peut-être  dont 
il  n'a  pas  été  tenu  un  compte  suflBsant.  Les  expériences  calorimé- 
triques, expériences  délicates  et  difficiles  à  exécuter,  destinées 
à  démontrer  que ,  sous  l'influence  d'une  température  ambiante 
élevée,  la  quantité  de  chaleur  produite  par  l'animal  ne  varie 
pas,  n'ont  pas  été  faites,  ou  du  moins  ne  l'ont  pas  été  avec 
asseï  de  rigueur.  Le  rAle  des  vaisseaux,  les  alternatives  de 
contraction  et  de  paralysie  vasculaire,  ont  seuls  été  envisagés. 
C'est  dire  que  ce  problème  demande  de  nouvelles  recherches 
pour  être  complètement  élucidé. 

D'un  autre  côté  Heidenhain  ^ ,  en  répétant  les  expériences 
précédentes,  est  arrivé  à  nier  également  le  centre  modérateur 
de  la  chaleur  invoqué  par  Tsheschichin.  Il  pense  que  ces  va* 

*  Heidenhain,    lnn$lMrùeher    Taghi,     korpertêmperatur  und  den  Kreiêlauf /iq 
ao3,  1869.  —  Vfber  biêhfr  unbeachtete     Areh.  de  Pftûgfr,  1870. 
Bmwnimngen  4ê$  NêrventifêtêmM  aufdiê 


520         CHAPITRE  IJ.  —  LA  CHALKUR  ET.L\  FIÈVRE. 

rifïtions  de  tempt^ralure  doivent  trouver  leur  expliralinn  dîins 
la  d«'|)erdilion  de  la  chaleur  îi  la  surface  du  corps. 

l/auteur  s*est  proposé  de  produire  des  modifications  dans 
la  température  du  cerveau  à  l'aide  de  l'excitation  des  nerfs 
sensibles,  et,  pour  cela,  il  a  couîmencë  par  comparer  la  tem- 
pérature du  cerveau  h  celle  du  sanjj  de  l'aorte  h  l'aide  d'un 
a|)pareil  lliermo-électri(jue. 

il  résulte  de  ces  expériences  que  le  cerveau  possède,  à  |)eu 
près  sans  exception,  une  température  plus  haute  que  le  sanfj 
artériel,  et  (|ue  cette  différence  s'accroît  notablement,  si  l'on 
excite  les  nerfs  de  la  sensibilité.  D'autre  part,  l'examen  ther- 
mométri(|ue  du  sang  a  montré  que  la  température  s'y  abaisse, 
quand  l'excitation  des  nerfs  a  lieu,  en  une  minute  ou  une  mi- 
nute et  demie,  de  o^îi  (].  Ces  deux  expériences  semblent  con- 
tradictoires. Cependant  cet  abaissement  n'a  pas  lieu  quand 
on  a  séparé  la  moelle  albuigée  de  la  moelle  épinière.  Si  l'on 
excite  la  moelle  allongée,  la  température  s'abaisse  aussitôt, 
d'où  il  suit  que  l'excitation  des  nerfs  sensibles  n'agit  sur  la 
lenq)érature  que  par  l'intermédiaire  de  la  moelle  allongée. 

Ka  pression  du  sang  croît  quand  la  température  baisse.  On 
ex|)lique  ordinairement  cette  augmentation  de  pression  par 
une  contraction  des  petites  artères  et  par  la  diminution  de 
l'afllux  du  sang  dans  le  système  artériel.  Le  ralentissement  du 
cours  du  sang,  (jue  l'on  peut  produire  par  l'excitation  du  nerf 
vague,  |»ar  la  sup|)ressi()n  du  courant  sanguin  dans  une  artère 
ou  la  co?npression  de  l'aorte,  n'a  pourtant  pas  pour  consé- 
rpience  un  abaissement,  mais,  au  contraire,  une  élévation  de 
la  te!iq)ératuredu  corps.  Cela  s'explique,  du  reste,  parla  dimi- 
nution de  la  perte  de  chaleur  à  la  périphérie,  où  le  sang  afflue 
moins.  C'est  là  aussi  qu'il  faut  chercher  la  cause  de  l'éléva- 
tion de  la  [cmpévMuvo  post^mortem .  phénomène  constant  chez 
les  rhiens. 

La  compression  de  l'aorte,  même  quand  on  irrite  la  moelle 
alhmgée.  pcuit   produire   un   abaissement  de  la  température 


BÉGULATIOX  DE  LA  CHALRUR.  521 

dans  le  train  postérieur.  Au  contraire  rabaissement  de  la 
température  ne  survient  que  peu  par  Texcitation  des  nerfs  de 
la  sensibilité  ou  de  ia  moelle  allongée  chez  les  animaux  atteints 
de  fièvre,  quoique  l'augmentation  de  la  pression  artérielle  s'y 
produise  comme  chez  les  animaux  sains.  Il  semble  cfu'on  en 
doive  conclure  que  rabaissement  de  la  température  ne  résulte 
aucunement  des  modifications  de  ia  circulation. 

Heidenhain  a  vérifié  de  nouveau  l'augmentation  de  pres- 
sion du  sang  dans  les  vaisseaux  par  l'excitation  de  la  moelle 
allongée;  il  a  trouvé,  en  se  servant  de  l'appareil  de  Ludwig, 
que  cette  pression  était  également  accrue  dans  les  veines,  et 
la  rapidité  du  cours  du  sang  augmentée  même  dans  les  gros 
troncs  artériels.  Si  l'excitation  des  nerfs  sensibles  et  de  ia 
moelle  allongée  et  ia  suspension  de  ia  respiration  ne  ralen- 
tissent pas  le  cours  du  sang,  mais  l'accélèrent,  rien  ne  s'o|)- 
pose  plus  à  ce  qu'on  interprète  l'abaissement  de  la  tempéra- 
ture que  ces  circonstances  produisent,  comme  étant  le  résultat 
d'une  augmentation  de  la  perte  de  chaleur  à  la  surface  du 
corps.  Et  elles  seraient  d'autant  plus  efficaces  que  la  surface 
du  corps  est  plus  froide.  En  effet  Heidenhain  a  trouvé  que, 
dans  un  bain  froid  (de  ilx^  h  1 8®  G.),  la  teiApérature  intérieure  * 
toml>e  rapidement,  et  que  cet  abaissement  acquiert  une  ra* 
pidité  excessive  quand  on  excite  un  nerf  de  la  sensibilité. 
Dans  le  bain  chaud  la  température  intérieure  monte,  et  cette 
élévation  est  enrayée  par  l'excitation  nerveuse,  mais  faible- 
ment. Enfin,  si  ia  température  du  bain  est  plus  haute  que 
celle  de  l'animal ,  on  peut ,  même  si  l'on  produit  l'excitation 
nerveuse,  observer  une  ascension  très-rapide  de  la  tempéra- 
ture du  corps. 

Dès  lors,  sans  invoquer  une  action  immédiate  du  système 
nerveux  sur  la  production  de  la  chaleur,  tous  ces  phénomènes 
peuvent  être  ramenés  simplement  h  une  question  d'émission 
de  chaleur  è  la  surface  du  coq>s.  On  peut  expliquer  le  peu 
d'actioo  de  l'excitation  nerveuse  sur  la  température  des  ani- 


.}/.J 


}•}      cii\i>îTni':  II.  -  i>\  ciîM.KnR  et  la  fikvre. 


niaiïx  on  ri  al  (l(^  fiovre  |)fir  le  depiV'  élevé  do  leur  lompératuiv 
|>/M'i|)h/'rir|in\ 

lloiflenhain  a  d/'iiiontré  par  ces  oxpérienres  que  l'excitation 
(les  nerfs  sensitifs  a  pour  résultat  un  abaissement  de  ia  tem- 
pérature du  r()r|)s.  Une  ancienne  expérience  de  M.  CI.  Ber- 
nard semble  en  ronlradiction  avee  celles  de  Heidenhain.  On 
sait  ([ue,  si  Ton  enfonce  un  clou  dans  le  sabot  d'un  cheval,  il 
se  produit  chez  lui  une  fièvre  traumatique.  Mais  si.  avant 
dVnfoncer  ce  clou.  M.  (il.  Bernard  coupe  les  nerfs  sensitifs.  la 
fièvre  ne  se  |)ro(luit  plus. 

Peut-être  expliquerait-on  le  résultat  contradictoire  des  expé- 
ri(»nces  de  Heidenhain  en  remarquant  que,  dans  ces  der 
nières,  rabaissement  de  température  est  passager  et  survient 
pendant  les  |)remiers  instants  qui  suivent  l'excitation,  tandis 
que,  si  Ton  prolonjje  l'excitation,  la  température  reprend  rapi- 
dement son  niveau,  ainsi  cpie  Heidenhain  l'a  noté  lui-même. 
Mais  ce  sont  des  recherches  à  préciser  de  nouveau,  et  il  est 
mieux  de  ne  pas  conclure  a  priori, 

Brcuer  el  (Ihrobak  '  ont  entre|)ris  aussi  des  expériences 
destinées  à  (^'terminer  si,  dans  la  lièvre  traumatique.  l'agent 
producteur  de  la  fièvre  se  transmel  |)ar  la  voie  nerveuse  ou 
par  le  système  vasculaire. 

Dans  ce  but.  ils  out  réséqué  d'abord  tous  les  troncs  ner- 
vcMix  d'un  des  membres  |)ostérieurs  d'un  chien,  nerfs  scia- 
tique,  obturateur,  crural,  à  leur  sortie  du  bassin,  dans  une 
longueur  d'un  à  trois  quarts  de  pouce:  ii  resta  seulement  du 
nerf  obturateur  un  petit  rameau  musculaire  profond.  Là  oii 
siège  le  réseau  sympathique  du  membre  postérieur  accompa- 
gnant l'artère  crurale,  on  retranche  un  bout  de  cette  artère  de 
trois  quarts  de  pouce  jusrpi'îi  un  pouce  de  long  entre  deux 
ligatures.  Après  celte  o|)éralion.  il  fallut,  en  général,  de  quatre 

'    Bi»*iJ«^r    ri    CliroliMk       /.nv     l.ihrc   ri>nt   W  nuil/îphpt'    (OFsîer  medir.    Jtilnh., 
u    'k  !•'  1-1-,  iHH;!. 


RÉGULATION  DE  LA  Cff ALEIIR.  523 

ù  huit  semaines  pour  la  cicatrisation  de  la  plaie,  dans  un 
cas  cinq  jours  seulement;  puis  on  fit  une  blessure  profonde  à 
la  jambe  pour  produire  la  fièvre,  cVtait  soit  un  écrasement, 
soit  rinjection  de  teinture  d*iode,  d'huile  essentielle  de  mou- 
tarde, etc.  Les  recherches  montrèrent  qu'après  cette  excitation , 
malgré  l'interruption  complète  du  courant  nerveux,  il  se  pro- 
duisait encore  une  élévation  de  température;  cette  élévation 
atteignait  o^&  et  i°,8  dans  le  maximum  observé  pour  la  se- 
conde opération ,  en  tout  cas  elle  était  égale  à  celle  qui  se  pro- 
duisait dans  le  cas  où  les  mêmes  lésions  avaient  été  faites  sans 
avoir  été  précédées  de  la  résection  des  nerfs. 

Malheureusement  il  faut  remarquer  qu'on  a  négligé  de 
s^assurer  si  les  nerfs  réséqués  n'avaient  |)as  été  régénérés  pen- 
dant ces  quatre  ou  six  semaines,  précaution  qu'il  faut  toujours 
prendre. 

Ces  expériences  semblent  prouver  que  la  fièvre  trauma- 
tique  ne  résulte  pas  d'une  excitation  nerveuse,  mais  du 
transport  par  les  veines  des  matériaux  provenant  de  la  partie 
lésée. 

De  ces  recherches  si  délicates  et  si  difficiles  à  interpréter, 
il  résulte  que  le  système  nerveux  central  et  surtout  la  moelle 
et  le  bulbe  ont  une  influence  réelle  sur  la  calorification , 
mais  il  semble  que  cette  action  s'exerce  surtout  par  l'intermé- 
diaire du  système  des  petits  vaisseaux.  La  dilatation  et  la 
constriction  de  ces  derniers  sont  sous  la  dépendance  des  nerfs 
vasomoteurs,  et  leur  état  de  reiftchement  ou  de  resserrement 
commande  la  circulation  périphérique  (cutanée  et  pulmo- 
naire); celle-ci  règle  la  dépense  et  par  conséquent  la  chaleur 
centrale,  résultant  de  l'équilibre  entre  la  production  et  la  dé- 
perdition. Probablement  aussi  les  échanges  chimiques  ont 
leur  activité  limitée  ou  exaltée  par  Tabondance  du  sang  qui 
baigne  les  tissus  et  on  peut  admettre  que,  sous  ce  rapport,  If^s 
vasomoteurs  ont  une  action  sur  la  nutrition  ou  la  production 
de  la  chaleur. 


55'i         (:îI\PITRE   II    -  1  \  CHALEUR  ET  LA   FIÈVRE. 

Nous  croyons  (|ira('lup||pmenl  nos  ron naissances  pljvsiolo 
|ji(|ncK  iM»  nous  pHrnn'Itcnt  pas  (Kaller  au  d«Ma  (]o  res  conclu- 
sions. 

.S  VII. 

L\    FIÈVRE. 


»»N 


Nous  av(»ns  établi,  en  élucliant  les  travaux  des  phvsiolofjisl 
(()nlein|)f)rains.  par  (jnels  moyens  Tliomme  sain  parvenait  à 
maintenir  constante  la  température  de  son  corps,  et.  dans  un 
chapitre  prt'cédent,  nous  avons  rappelé  les  efforts  de  Lieber- 
meisler  et  de  ses  élèves,  de  kernig  principalement,  pour  dé- 
terminer non  quelle  étail  la  température  du  corps,  mais  quelle 
élail  la  quantité  ib»  chaleur  réellement  produite.  Or  il  faut, 
avant  d'exposer  la  théorie  de  la  fièvre,  que  nous  sachions 
s'il  v  a  dans  la  lièvre  une  plus  grand»»  quantité  de  chaleur 
créée  (»l  si  sa  régulation  obéit  encore  aux  mêmes  lois.  Nous 
verrons,  en  effet,  cpie  qu(»li|ues-unes  des  hypothèses  proposées 
poiu'  explirpier  la  fièvre  mettent  précisément  en  doute  «ette 
augmentation  dans  la  |)rodncti<)n  de  la  chaleur. 


a.   PRonrcTioN  dk  ia  chalrir  dans  la  fièvre. 

Liebermeister  '  a  fait,  pour  démontrer  que  dans  la  fièvre  il 
\  a  une  plus  grande  quantité  de  chaleur  produite,  des  tra- 
vaux basés  •^ur  ce  j)rincij)e  :  il  calcule  la  (piantilé  d'acide  car- 
bonique exhalé  en  un  temj»s  donné  par  un  homme  sain 
puis|)ar  un  homme  malade:  il  fait  remarquer  que  l'acide  car- 
boni(|ue  surpasse  de  beaucoup  tous  les  autres  produits  d'oxj- 


'  l.i»»b«'riiiiM<.ler,  UfchcyrhpH  nnr  les  fiir  klin.  Mfilicin j  I.  VU,  p.  -'i,  1871». 
ilKnifrrmcnts  (juaulilatifs  {innH  hi  i)v(nh(r-  Doiixiènio  mémoire,  ibid.,  t.  Mit, 
tinii  ih'  rnnilf  airhoniffut'  chr:  riioininf.      p.  1  5.'^.  Troi'sièrtiP  inénioife,  thul.,  I.\, 


LA  FIËVHE.  525 

dation,  son  rapport  à  i*urée  chez  les  individus  bien  portants 
est  comme  a  o  est  à  i  ;  on  ne  saurait  donc  mettre  en  doute  que 
sa  détermination  sera  bien  plus  capable  de  faire  évaluer  la 
somme  des  oxydations  et  la  quantité  de  chaleur  produite  que 
les  conclusions  tirées  de  Taugmenlation  de  Turée.  11  se  sert, 
pour  ces  expériences,  d*une  caisse  où  un  homme  peut  rester 
aussi  à  Taise  que  dans  un  coupé  de  chemin  de  fer,  où  il  peut 
se  coucher,  s'asseoir,  lire,  prendre  un  bain;  un  courant  d'air 
de  volume  connu  entretient  une  ventilation  très-suffisante, 
lîo  litres  par  minute  environ.  Les  produits  de  l'expiration 
sont  recueillis  et  dosés. 

Liebermeister  choisit  un  homme  atteint  de  fièvre  intermit- 
tente, parce  qu'il  peut  connaître  exactement  la  quantité  d'acide 
carbonique  qu'il  élimine  bien  portant  et  que  cette  quantité 
varie  chez  chaque  individu.  L'auteur  fait  remarquer  qu'il  n'a 
observé  que  des  malades  atteints  de  fièvre  intermittente  lé- 
gère, parce  que  cette  maladie  n'existe  pas  à  Bâie,  et  qu'il  n'a 
pu  l'étudier  que  chez  des  voyugeurs  atteints  de  rechutes. 

Première  observation,  —  Un  charpentier,  âgé  de  vingt-deux 
ans,  fut  mis  en  expérience,  deux  fois  pendant  un  accès  de 
fièvre,  deux  fois  pendant  Tapyrexie.  Chaque  fois  le  malade  a 
passé  deux  heures  dans  la  chambre  close,  et  l'on  a  déterminé  de 
demi-heure  en  demi-heure  la  quantité  d'acide  carbonique 
exhalé.  Le  poids  du  malade  a  été,  dans  la  première  expérience, 
de  6â  kilogr.  700  gr. ,  et,  dans  la  deuxième  expérience,  de 
61  kilogr.  600  gr.  Toutes  ces  expériences  ont  été  faites  au 
milieu  de  la  journée  et  en  rendant  les  conditions  aussi  sem* 
blables  que  possible. 

Dans  la  première  expérience  (ti  juin  1869,  stade  d'accès), 
la  température  axillaire  était,  quarante-trois  minutes  avant 
la  mise  en  observation,  de  38%  1  ;  au  commencement  elle  était 
de  39%5;  elle  monta,  dans  les  quarante  minutes  qui  suivirent, 
à  /io'*,5,  resta  h  ce  maximum,  et  retomba,  neuf  minutes  après 


'o'2i\ 


CHAPITRE  11.  —  LA  CIJALEUH  ET  LA   FIEVIiE. 


la  lin  (le  rexpérieiice,  à  39%y.  Les  frissons  avaient  déjà  cessé 
au  début  de  Texpérience,  celle-ci  comprend  donc  la  période 
(le  chaleur. 

Dans  la  deuxième  expérience  (y  juin,  apyrexie),  la  tempé- 
rature axiilaire  était  de  87  degrés,  puis  de  36",/j. 

Dans  la  troisième  expérience  (10  juin,  accès  de  fièvre), 
l'acrès  avait  commencé  trois  heures  auparavant;  la  température 
axiilaire  avait  monté  à  4o  degrés,  mais  elle  avait  déjà  baissé 
avant  le  commencement  de  Texpérience,  et,  38  minutes  aprè^ 
la  tiii,  elle  était  redescendue  à  38°,3.  La  sueur  paraissait  déjà 
piand  le  malade  entra  dans  la  caisse.  L'expérience  embrass»' 
lonc  la  période  de  sudation. 

La  (piatrième  expérience  (i3  juin)  tomba  de  nouveau  pen- 
dant Tapyrexie.  Le  malade  avait  pris,  le  1  i  juin,  i^',5  de  sul- 
fate de  cpânine,  et  il  n  j  avait  pas  eu  d'accès  le  1  a  juin. 


IH'AÎSTITE  KN   GRAMMES   D'ACIDE  GAHBONIQUE  PRODUIT. 
110.M)1Ë  DE  VINGT-DKUX  ANS. 


MOMENT 

Db    l/OBSEnVATlO.^. 


i"  (leijii- heurt' 

a* 

;i* 

^* 


En  ileiix  Ijeiues. 


6  JUIN. 

Aie  M. 

Slmlf  (locliiili'ur 


18,7 


9  JUIN. 


apiukxik. 


i3,8 

1  h ,() 
I  .^7 


58,1 


10  JUIN. 

ACCÈii. 

Slaili'  (le  sueur. 


17,8 
18.8 
17,;^ 


7^.5 


13  JUIN 

APIBBtU. 


16,1 

«6,9 

10,1 

i5,8 


63,1) 


Ainsi  la  [)roduction  diacide  carbonique,  pendant  les  accès, 
a  été  plus  considérable  (jue  pendant  l'intervalle  des  accès.  Les 
cliiHres  obtenus  à  charpie  demi-beure,  pendant  Tapyrexie,  n'ont 
jamais  égalé  aucun  de  ceux  obtenus  de  demi-heure  en  demi- 
lieurfî  |)endant  Taccès.  Dans  la  période  de  chaleur  i'augiin^nta- 


LA  FIEVRE.  527 

tion  a  été  de  3  1  à  3â  p.  o/o,  et,  pendant  la  période  de  sueur, 
de  i5  à  97  p.  0/0. 

Deuxième  observation,  —  Chez  une  fille  de  vingt  ans  qui 
souffrait  depuis  peu  d*une  fièvre  tierce,  on  fit  quatre  séries  de 
déterminations  d'acide  carbonique,  toutes  de  k  heures  à 
7  heures  de  l'après-midi.  La  malade  pesait,  à  la  première  ex- 
périence, b'j  kilogr.  SCO  gr.,  à  la  dernière  56  kiiogr.  100  gr. 

La  première  expérience  eut  lieu  le  q  août  i8()y,  pendant 
l'ap) relie;  la  température  dans  l'aisselle,  après  cette  expérience, 
était  de  36%5. 

La  deuxième  expérience  se  fit  pendant  un  accès  le  3  août. 
La  température  dans  Taisselle,  quinze  minutes  avant  le  coni- 
Qiencement  de  l'observation,  était  de  3 8", 7  ;  bientôt  après  sur- 
vinrent des  frissons  modérés;  la  température  monta  lentement, 
atteignit  &o%9  quatre-vingt-cinq  minutes  après  le  commence- 
ment; elle  persista  alors  à  ce  niveau,  et  n'était  redescendue 
qu'à  &o%&  trente-cinq  minutes  après  la  fin  de  l'expérience. 
Celle-ci  eut  donc  lieu  pendant  le  stade  de  frisson  et  celui 
de  chaleur. 

La  troisième  expérience  eut  lieu  le  5  août  pendant  un  accès, 
mais  aux  derniers  moments  de  l'accès.  La  température  s'éleva 
à  Al", s  dans  l'aisselle  vingt  minutes  avant  le  commencement 
de  l'observation;  déjà,  au  commencement,  elle  avait  baissé  lé- 
gèrement, et  vingt-cinq  minutes  après  les  deux  heures  d'ob- 
servation elle  était  à  39",9.  Chaleur  sèche  jusqu'à  la  troisième 
demi-heure,  un  peu  de  transpiration  à  la  fin.  L'expérience  eut 
donc  lieu  au  commencement  du  stade  de  sueur. 

La  quatrième  expérience  eut  de  nouveau  lieu  pendant 
l'apyrexie,  le  6  août.  Pendant  celte  observation  la  température 
monta  à  36%9  dans  laisselle. 

Un  gramme  et  demi  de  quinine  coupa  net  les  accès. 


.■)2« 


(:ilAl»lTKt  11. —  LA  c:UALEUn  ET  LA  FIÈVRE. 


(HAMITE   KN  GRAMMES   D'ACIDE  CARBONIQUE   PRODUIT. 

JRIJNË  FILLE  DE  VINGT   ANS. 


MOMENT 

l»e   L'OBShlkVATIO.N. 

9.   AOUT. 

AIMHb\IE. 

3  AorT. 

ST*l)h 

dp  fristion 
«>!  de  chaleur. 

.')  AOUT. 

STiDE 
de  sui>ur. 

6    AOÎt 
tniBvit. 

i"  demi-heure 

'2' 

l3,0 

i3,3 
il 

17.0 
18,8 
17,3 

i6,îi 

i3,8 
i5,o 

1  '1,9 

i3,6       i 
10,3 

I  'i,8       j 

1. 

58,3  («»/') 

3' 

,'r 

Daii.s  \i's  (ItMix  lieiiies  . 

.'»3.7  [sir) 

69,3 

r)6,9 

L<»s  lieux  |)n.*niièn»s  séries  donneiil,  coiifoniiémenl  aux  ré- 
suIltiLs  ohh'ims  dans  la  première  observation,  une  augmenta- 
lion  dans  la  |n()duction  d'acide  carbonique  de  29  p.  0/0 
|)en(lanl  l'accès.  Tandis  (jue  la  troisième  série,  ayant  eu  lieu  an 
coininoncemenl  du  >tade  de  sueur,  n'a  donné  aucune  augniea- 
talion. 

Déjà  ces  quelriues  expériences  suffisent  pour  montrer  qw, 
pendant  F  accès  (lejicrrc,  In  production  d  acide  carbonique  est  plus 
/rrande  que  pendant  I  apyrexte, 

Klles  présenlenl  pourtant  certaines  particularités  qui  sur- 
|)rennent  au  premier  coup  d'œil  et  qui  paraissent  en  contia- 
diction  avec  ce  que  Ton  admet  habituellement. 

On  voit  d  abord  cpie,  si  une  température  élevée  correspond, 
en  {jéiiéral.  à  une  exlialation  plus  grande  d'acide  carbonique, 
il  n'y  a  |)as  là  |)ourtant  un  ra|)port  constant.  Dans  rexpérience 
du  T)  août  la  température  lut  comprise  entre  4i",  1  et  39°,9,  ^l 
pciuitant  lexlialation  d'acide  carbonique  ne  fut  pas  plus 
Irlande  (jue  celle  (pii  lut  rendue  quand  la  température  était 
de  07  degrés. 

Dr*  plus,  la  (piiiulité'  d'acide  carbonique  rendue  pendant 
l'auès  e.sl  (  eilaiiiriiienl  |dus  faible  cpi'on  ne  l'aurait  cru  tout 


LA  FIÈVRE.  529 

d'abord,  et  qu'elle  ne  devrait  être,  si  elle  correspondait  à  la 
quantité  de  chaleur  produite. 

C'est  ce  ({ue  Liebermeister  cherche  à  expliquer  en  faisant 
une  sorte  de  balance  entre  la  chaleur  produite  et  perdue  pen- 
dant un  accès  de  fièvre. 

Il  considère  d'abord  le  stade  pendant  lequel  la  chaleur 
reste  à  une  haute  température;  ce  stade  dure  peu  dans  la 
fièvre  intermittente,  mais  il  peut  durer  des  jours  et  des  se- 
maines dans  d'autres  maladies  fébriles. 

Quand  un  fébricitant,  chez  lequel  la  température  de  l'inté- 
rieur du  corps  est  d'environ  ko  degrés,  conserve  cette  tempé- 
rature quelque  temps,  la  production  et  la  perte  de  chaleur  se 
trouvent  en  équilibre  pendant  ce  temps.  Il  en  produit  autant 
qu'il  en  perd,  et,  pour  cette  raison,  la  provision  que  le  cor|>s 
conserve  est  toujours  la  même. 

Sous  ce  rapport,  le  fébricitant  se  trouve  dans  la  même  si- 
tuation que  l'homme  bien  portant;  la  seule  différence  est  que 
cet  équilibre  se  fait  h  une  température  plus  élevée. 

Liebermeister  s'efforce  de  déterminer  par  la  méthode  des 
bains  là  quantité  de  chaleur  que  perd  en  réalité  un  homme 
malade  comparé  k  un  homme  sain.  Voici  comment  il  procède  : 

Pour  faire  ce  calcul,  il  suppose,  toutes  les  conditions  étant 
égales  de  part  et  d'autre,  qu'une  seule  fasse  exception  :  le 
malade  a  une  température  de  &o%i  à  /io%(|,  l'homme  sain  a 
une  température  moyenne  de  Sy^,^.  Si  l'on  veut  déterminer 
théoriquement  la  perte  de  chaleur  qu'éprouve  un  malade 
ayant  une  température  de  &o'\5  et  placé  dans  un  bain  à 
3&%3,  on  note  que  la  différence  entre  la  température  du 
corps  et  celle  de  l'eau  est  de  6^9;  pour  un  homme  bien  por- 
tant à  la  température  de  37^îl,  cette  différence  ne  serait 
pour  le  même  bain  que  de  â^9.  Par  suite  la  perte  de  chaleur 
qu'éprouve  le  fiévreux  doit  être  è  celle  de  Tliomme  sain  comme 
6., 9  est  à  9,9,  elle  doit  donc  être  a,i&  fois  aussi  grande  ou 
de  1 1  A  |).  0/0  plus  considérable.  Or  les  observations»  donnent. 


530         CIIAIMTRE  11.  -     LA  CUALKUh   tT  LA  I-IEVIU:. 

|)Our  riioiuiiie  sain,  une  perte  de  17  calories  dans  un  bain  à 
3/i°,3  :  on  lire  de  là,  pour  la  valeur  de  la  perte  chez  riioinuie 
fébricllanl,  le  chiffre  de  3  G  calories.  L'observation  démontre 
(jue  celte  perte  est  égale  à  37  calories. 

Autre  exemple  :  un  fébricitant  dont  la  température  est  de 
'10".  I  est  placé  dans  un  bain  à  28",!  ;  quelle  est,  d'après  la 
théorie,  la  perte  de  chaleur  qu'il  éprouve?  La  différence  de 
température  est  de  1  *2  degrés;  pour  un  homme  sain  avec  une 
température  de  37",^  elle  serait,  dans  le  même  bain,  de  y",  1. 
La  perte  de  chaleur  du  fiévreux  doit  donc  être  avec  celle  di* 
Thomme  bien  portant  dans  le  rapport  de  13  a  9,1;  et,  par 
consé([uen(,  de  39  p.  0/0  plus  considérable.  Or,  chez  l'homme 
sain  placé  dans  un  bain  de  âS"*, i  on  observe  une  perte  de 
5  3  calories  ;  donc  le  calcul  donne ,  pour  le  fébricitant ,  une  perte 
de  70  calories  :  par  l'observation  on  a  trouvé  68  calorie&. 
Toutes  les  recherches  cpii  ont  été  laites  à  ce  sujet  n'ont  pas 
fourni  une  concordance  aussi  parfaite  entre  le  calcul  et  l'ob- 
servation, et,  d'après  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut,  on  n'é- 
tait pas  autorisé  à  s'y  attendre  a  priori. 

Dans  le  tableau  suivant,  à  la  troisième  colonne,  est  inscrite 
la  perte  de  chaleur  cpi'éprouve  un  honmie  placé  dans  un  bain 
dont  la  température  est  marquée  sur  la  même  ligne  dans  la 
colonne  de  tenq)érature,  perte  comptée  à  partir  de  la  sixième 
minute,  jusqu'à  la  vingtième.  On  trouve  ces  pertes  de  chaleur 
en  multipliant  la  dillerence  de  la  température  par  3,8i, 
moyenne  tirée  de  toutes  les  observations  laites  sur  l'homnie 
en  santé.  On  donne  dans  la  cinquième  colonne  la  quantité 
[héori(jue  dont  la  perte  de  chaleur  du  fébricitant  doit  dépasser 
p.  0/0  celle  de  l'homme  en  santé.  On  tire  de  cette  colonne  la 
quantité  tli/'orique  absolue  de  la  perte  de  chaleur  du  fébrici- 
lant  [)our  en  former  l'avant-dernière  colonne.  Enfin  la  der- 
nière colonne  donne,  pour  les  conq)arer  avec  les  chiffres  de 
ravant-dernière,  les  nondires  trouvés  par  l'observation.  Tous 
los  nombres  bon(  réduits  à  une  même  surlace  du  corps,  de 


LA  FIÈVRE. 


531 


façon  à  correspondre  à  un  homme  de  60  kilogrammes  (voyez 
loc.  cit.  p.  190  et  8uiv.).  On  n'a  pas  tenu  compte  de  la  perte 
de  chaleur  qui  se  fait  par  les  poumons  et  par  les  parties  du 
corps  qui  ne  plongent  pas  dans  Teau. 


SUJET 


m  ixruJHCK. 


HI 
Hl 
B. 
D. 
HI 
Hr 
B. 
HI 
D. 
Ur 


TMPUA- 

Tuai 

ftU  lAUl. 


3ii\5 
34,3 
3a  ,3 

3i  ,8 

'i8  j 
96  ,1 
93  ,0 

9  1  ,5 
90  ,0 


PERTB 

M  CIALIOB 

lit 

rhomme 
nin.* 


calorie*. 
16 

«7 
•9 

39 

hfi 
53 

77 
83 

9» 
100 


TSMPélA- 

TDIS 

du 

vtfaUCRAIT. 


'io%7 
4o,5 
4o  ,9 
/lo  ,9 
tlo^ 
ho  ,1 
Ao,9 
l^o^ 
ko  ,1 
4o,7 


QCANTIT^ 

M0B  0/0 

dont  la  perte 

de  chaleur 

remporte 

chei 

le  f^ricitant. 


l3o 

tl6 

6] 

56 

ha 

39 

98 

93 

18 

90 


PISTE  DS  CHALEUR 
caiz  Li  riaaiAtTAxT 


calculée. 


calories. 

37 

36 
47 
5o 
69 
70 

99 

109 
109 
190 


obaervoe. 


calorie*. 
39 

37 
39 

5o 
67 
68 

90 

l39 

139 

i4o 


Pour  juger  du  degré  de  concordance  entre  la  théorie  et  le 
résultat  expérimental  il  est  bon  de  remarquer  que  les  obser- 
vations ont  été  prises  chez  quatre  malades  différents,  dont  trois 
atteints  de  fièvre  typhoïde  et  un  de  pneumonie;  que  l'un  de 
ces  malades  pesait  38  kilogrammes,  un  autre  78;  on  remar- 
quera qu  il  nV  a  de  discordance  réelle  entre  le  chiffre  calculé 
et  le  chiffre  trouvé,  que  dans  les  trois  dernières  observations, 
et  que  cette  discordance  existe  précisément  lorsque  les  bains 
ont  été  plus  froids.  Il  y  a  là  une  circonstance  à  noter,  mais 
dont  nous  ignorons  la  cause.  Cependant  il  est  facile  de  cons- 
tater que  rhomme  sain  et  le  fiévreux  ne  subissent  pas  de  même 
riuflueuce  des  bains.  Ainsi,  en  divisant  la  perte  de  chaleur  par 
la  différence  de  température,  on  trouve,  |)our  l'homme  sain, 

3i. 


5.32         (.IIAlMinK  11.  -    LA  CHALKUli    Kï  LA  FIEVRE 

(|uajul  les  bains  varient  de  35  ,8  à  22  ,5,  et  en  suivant  la  5>érie 
décroissante  : 

De  la  fi' à  la  lô*  minute 5,o      '4,^     /i,q      ^,^      6,2      3,4      3,5 

Dr  la  6'  à  la  îio*"  minute 8,6     t),S     6,3     6,a     6,a     5,8      '4,9 

lies  nombres  sont  presque  réguliers,  ils  expriment  la  pro- 
porlionnahlé  entre  la  perte  de  chaleur  et  la  température,  ils 
montrent  qu'à  mesure  que  les  bains  deviennent  plus  froids, 
le  malade  se  refroidit  moins.  Il  est  probable  que  la  cause  be 
trouve  dans  une  diminution  de  la  circulation  cutanée  à  me- 
sure que  le  bain  a  une  température  moins  élevée.. 

Pour  les  fébriritants  cette  diminution  de  la  perte  de  cha- 
leur par  la  circulation  cutanée  ne  se  fait  pas  de  la  même  ma- 
nièn».  Pour  des  bains  de  3/i°,5  à  90  degrés  en  allant  des  plus 
chauds  aux  moins  chauds,  on  trouve  la  série  suivante: 

D<' la  (■»' à  la  i5*  minute. .  .     4,5     '4,8    •j,8    4,0    5,9    '4,1     4,0    5,3    5,'j     5.o 
De  la  G' à  la  3(/ minule. .  .     6,3    6,0     ^i,i     6,0    8,1     6,7    5,4    7,6    7,5    6,8 

A  part  leur  plus  grande  irrégularité,  ces  séries  concordent 
assez  bien,  dans  leur  première  partie,  avec  la  première  partie 
de  la  série  trouvée  chez  l'homme  sain,  et  elles  font  voir  en- 
core assez  clairement  une  certaine  proportion  entre  la  perte 
de  chaleur  et  la  différence  de  température.  Mais  la  partie  qui 
correspond  aux  bains  plus  froids  montre  un  accroissement  de 
perte  de  chaleur;  c'est  l'opposé  de  ce  qui  a  lieu  pour  l'homme 
sain. 

(le  résultat  est  tout  différent  |)our  les  cinq  premières  mi- 
nutes du  bain.  Si  l'ori  compare,  pour  ce  temps,  les  pertes  de 
chaleur  correspondant  à  des  différences  de  température  égales, 
on  trouve  que  celle  du  fébricitant  est  de  87  p.  0/0  plus  forte 
que  celle  de  l'homme  bien  poi'lanl.  Une  partie  de  cette  diffé- 
rence s'explique  bien,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  par  cette 
considération  qu'avant  le  bain  la  température  de  la  surface 
du  corps  est,  clvyi  le  fébricitant,  moins  éloignée  de  celle  de 


LA  FIÈVRE.  533 

rintërieur  que  chez  rhomme  bien  portant;  ainsi  donc  ia  sur- 
face relativement  plus  chaude  doit  émettre,  dans  tes  premiers 
moments  du  bain,  un  peu  plus  de  chaleur.  Mais,  si  l'on  voulait 
expliquer  par  cette  circonstance  la  différence  totale,  il  Faudrait 
que  la  différence  de  température,  entre  la  surface  et  l'intérieur, 
fât  supérieure  h  a  degrés.  Il  y  a  donc  une  autre  cause  qui 
explique  cette  différence;  et  cette  cause,  nous  la  trouvons  dans 
ce  fait  que  la  contraction  des  capillaires  de  la  peau ,  qui  se  fait 
régulièrement  chez  Thomme  bien  portant,  s'effectue  imparfai- 
tement chez  le  fébricitant.  Cette  circonstance  fait  concevoir 
comment  il  est  plus  facile  d'abaisser  la  température  intérieure 
du  fébricitant  que  celle  de  l'homme  bien  portant.  Ainsi  l'état 
de  la  circulation  explique  toutes  les  exceptions  que  l'on  ren- 
contre. 

En  somme,  le  fébricitant  perd  plus  de  chaleur  que  l'homme 
sain,  parce  que,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  sa  tempéra- 
ture est  plus  élevée ,  et  que,  par  suite ,  la  différence  dé  tempéra- 
ture entre  la  surface  de  son  corps  et  celle  du  milieu  ambiant 
est  plus  considérable. 

Il  est  bien  entendu  qu'il  ne  faut  pas  songer  h  appliquer 
sans  restriction  à  l'air  les  chiffres  trouvés  pour  l'eau.  En  effet 
la  perte  de  chaleur  dépend  aussi  de  la  conductibilité  et  de  la 
capacité  calorique,  rapportées  à  l'unité  de  volume,  que  pos- 
sède le  milieu  ambiant. 

L'adversaire  direct  de  Liebermeister ,  Sénator  \  conteste 
cette  théorie  du  pouvoir  régulateur  différent  en  santé  et  dans 
la  maladie. 

Dans  toutes  les  observations  qui  tendent  è  établir  cette  mer- 
veilleuse faculté  d'équilibre,  on  ne  tientaucun  compte,  d'après 
Sénator,  des  circonstances  extérieures  si  importantes ,  telles  que 
le  vêtement,  l'alimentation,  l'action  musculaire,  lesquelles  in- 

•     >  Sénator,  Étvde  de  la  fihrê  et  de     XLV.  3  et  /'i ,  p.  35 1 , 1 869,  et  Schmideê 
la  chaleur  propre  (Virchow*ê  Archiv,     Jahrb.f  6*  p.,  p.  55,  1870.) 


536         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

fliienl  beaucoii])  sur  IN^tat  de  la  chaleur,  dette  proposition  de 
Liebermeister  et  de  Kernig,  à  savoir  que  la  production  se  règle 
sur  la  dépense,  et  que  même  elle  s'accroft  dans  le  bain  froid, 
peut  bien  n'être  pas  exacte.  On  oublie  que  Ton  n'a  pas  du  tout 
'^tabli  une  constante  de  la  quantité  générale  de  la  chaleur, 
piand  on  a  montré  que  les  quantités  de  chaleur  émises  dans 
le  bain  pendant  Tunité  de  temps  n'offrent  que  de  légères 
différences.  S'il  était  absolument  vrai  que  la  production  de 
chaleur  s'élève  dans  le  bain  froid,  les  mutations  de  la  matière 
devraient  s'accroître  (produits  de  décomposition),  et  il  y  aurait 
beaucoup  |)lus  d'acide  carbonique  exhalé  par  la  respiration: 
et  la  peau  devrait  graduellement  reprendre  sa  température 
normale  dans  le  bain  froid,  du  moins  elle  n'y  devrait  pas 
devenir  plus  froide.  iMais  il  n'en  est  pas  ainsi  :  au  contraire 
le  bain  froid  est  un  remède  contre  la  dyspnée,  et  l'on  peut 
s'assurer  que  la  tenq)érature  de  Taisselle  et  celle  d'un  pli  du 
ventre,  autrement  dit  de  la  peau,  quand  on  se  tient  immobile 
à  fair  dans  une  chambre  étant  nu,  ne  sont  pas  semblables. 
dette  dernière  (celle  de  la  peau)  commence  à  décroître  dès  le 
début  de  l'expérience,  et  elle  tombe  peu  a  peu  jusqu'à  3o'C. 
(dans  une  chambre  l\  une  température  de  i  ^rà  i  f)'(i.),  oujus- 
rpi'a  3f>  ou  3()"  (i.  (dans  une  chambre  h  Qy**  ou  aS^C).  tandis 
(|ue  la  température  de  l'aisselle  monte  d'abord  un  peu,  puis 
redescend  à  S-y"  et  36Mi.  On  ne  peut  donc  pas  dire  dès  lor> 
que  la  température  du  corps  reste  toujours  égale  chez  l'homnif 
sain  en  toute  circonstance.  D'ailleurs,  dans  les  expériences 
faites  sur  les  animaux  tenus  dans  un  milieu  froid,  toutes  les 
conditions  étant  semblables  du  reste  (nourriture,  repos),  on 
ne  voit  pas  survenir  une  perte  de  poids,  c'est-à-dire  une  plus 
forte  consomption  des  tissus,  c^  qui  ne  manquerait  pas  d'ar- 
river, s'il  y  civait  réellement  une  augmentation  de  production 
de  chah'ur  connue  on  le  suppose.  Tant  qu'on  n'aura  |)as  fait  la 
preuve  du  fait  avancé,  iSénator  déclare  que.  pour  lui,  cette  mer- 
veilleuse régulation  de  la  chaleur  ne  sera  que  la  propriété  aw 


LA  FIÈVRE.  535 

possède  la  peau,  de  lutter  contre  des  variations  de  la  tem- 
p^^rature,  de  contracter  ses  vaisseaux  dans  le  froid  et  de  les 
dilater  dans  la  chaleur.  Dans  la  fièvre  même,  les  choses  ne  se 
passent  pas  autrement,  et  il  n*eât  pai)  besoin  de  recourir  h 
l'hypothèse  du  dérangement  d'un  centre  régulateur  de  la  cha- 
leur. Ce  qui  se  passe  dans  la  fièvre*  c'est  ce  qui  a  lieu  quand 
le  corps  est  échauffé  par  des  boissons  chaudes,  quand  on  in- 
jecte du  sang  chaud  dans  les  veines,  quand  on  se  livre  à  une 
puissante  action  musculaire.  La  chaleur  va  du  dedans  au  dehors, 
le  pouls  et  la  respiration  s'accélèrent,  les  vaisseaux  de  la  peau 
se  dilatent;  la  perte  de  chaleur  par  le  rayonnement,  le  con- 
tact et  Tévaporation ,  s'accrott.  Que  Ton  fasse  agir  le  froid  sur 
le  corps  à  l'état  fébrile,  les  vaisseaux  se  contractent,  le  pouls 
et  la  respiration  se  ralentissent,  la  température  de  l'aisselle 
monte  bien  un  peu  au  début,  mais  elle  s'abaisse  et  reste 
abaissée  même  après  que  l'application  du  froid  a  cessé.  Le 
frisson  et  la  sécheresse  de  la  peau,  que  l'on  considère  comme 
des  signes  essentiels  annonçant  dans  la  fièvre  un  trouble  de  la 
régulation  de  la  chaleur,  n'ont  rien  à  voir  avec  la  fièvre  :  ils 
peuvent  manquer,  et  ils  ne  dépendent  jamais  de  la  maladie  qui 
accompagne  la  fièvre. 

D'après  Sénator,  les  limites  de  la  production  de  chaleur 
sont  bien  plus  étroites  qu'on  ne  le  pense.  Si  Ton  fait  le  calcul 
des  déplacements  de  matériaux  opérés  chez  les  animaux  suivant 
qu'ils  sont  tenus  affamés  ou  qu'ils  sont  gorgés  d'aliments,  on 
trouve  que  la  production  de  chaleur  varie  dans  le  rapport  de 
100  à  137.  Quand  il  s'agit  de  comparer  le  repos  absolu  h 
l'activité  musculaire  la  plus  intense,  la  différence  est  k  la  vé- 
rité plus  grande,  elle  peut  être  comme  1  est  à  9  i/q,  mais 
c'est  là  l'extrême  limite  de  la  production  de  chaleur. 

L'opinion  courante,  à  savoir  que,  dans  la  fièvre,  la  produc- 
tion-de  chaleur  est  accrue  et  l'émission  moindre,  demande  de 
nouvelles  recherches.  Les  évaluations  calorimétriques  de  \ . 
Wahl  et  autres  reposent  sur  une  fausse  interprétation:  le  fait 


536        CÎHPÏTRK  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

de  l'augmentation  de  Texcrëtion  d'urëe  ne  prouve  qu'âne  chose, 
l'augmentation  de  la  combustion  de  l'albumine:  enfin  la  con- 
servation du  poids  des  fébricitants  ne  prouve  rien,  si  ce  n'est 
qu'un  individu  sain  tenu  à  la  diète  sans  fièvre  perd  encore 
plus  de  son  poids.  L'auteur  a  cherché  comment  se  com|K>rte 
la  dénutrition  chez  les  chiens  suivant  qu'on  les  affame,  qu'on 
les  nourrit,  ou  qu'on  produit  chez  eux  artificiellement  la 
fièvre. 

Il  est  résulté  de  ses  recherches  que  :  let  mbiUmees  azolfe^  ne 
êubissent  pas,  datis  la  fièvre  y  une  eombuêtian  plu$  active  q^ie  dans  Fê- 
tât (Tinanition  sans  fièvre,  et  que  Vaecrmssemmt  de  la  consomption 
dans  la  fièvre  s'explique  par  une  augmentation  Infère  de  la  œntr- 
bustion  de  l'albumine  et  une  augmentation  dans  l'élimination  de 
l'eau. 

Sénator  ajoute  que,  dans  la  fièvre  la  plus  intense,  l'élimina- 
tion quotidienne  d'urée  ne  dépasse  jamais  65  ou  70  grammes, 
ce  qui  est  3  d/3  ou  ^  fois  la  quantité  d'urée  rendue  en  un  ou 
deux  jours  de  diète  absolue  chez  l'adulte.  Ce  chiffre  corres- 
pond à  une  consomption  de  thU  k  t&a  grammes  d'albumine, 
qui  représentent  9  700  calories  (au  lieu  de  a  000  dans  l'ina- 
nition simple). 

La  perte  de  chaleur  d'un  fiévreux  représente  t  i/îi  fois  celle 
de  l'état  normal,  sa  production  de  chaleur  est  au  plus  de  t  i/3, 
et,  par  conséquent,  la  perte  de  chaleur  serait  plus  grande  dans 
la  fièvre  que  la  production.  Le  stade  de  chaleur  ne  pourrait 
donc  pas  durer  indéfiniment,  et  c'est  ce  qui  arrive  en  réalité; 
on  doit  donc  admettre  avec  Traube  qu'il  survient  de  temps  en 
temps  un  arrêt  de  la  perte  de  chaleur,  qui  consiste  tout  sim- 
plement en  une  contraction  des  éléments  contractiles  de  la 
peau.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  nous  ne  pouvons  pas  prouver 
que  tous  les  étaLs  fébriles  sont  accompagnés  d'un  accroisse- 
ment de  la  combustion  de  l'albumine,  et  que  fièvre  et  haufe 
température  ne  sont  pas  synonymes. 

Il  est  probable  que  le  mode  du  stoffwechsel  est  différent  dans 


LA  FIÈVRE. 


537 


tes  diverses  maladies.  On  ne  saurait  expliquer  de  la  même  ma- 
nière la  chaleur  du  tétanos,  celle  des  fièvres  intermittentes  et 
l'élévation  de  la  température  dans  i*agonie^ 

Liebermeister  adresse  à  ces  recherches  de  Sénator  de  vives 
critiques  :  il  fait  remarquer  que  cet  auteur  admet  que  le  rap- 
port de  la  perte  de  chaleur  d'un  homme  sain  à  celle  d*un 
homme  atteint  d'une  fièvre  violente  est  comme  t  oo  est  à  173, 
d'où  la  conclusion  que  l'on  peut  estimer  avec  certitude  que  la 
chaleur  perdue  par  un  adulte  fébricitant  ayant  une.  tempéra- 
ture moyenne  de  Ixo^-tix"  G.,  est  au  moins  1  i/a  fois  celle  qui 
est  perdue  dans  les  conditions  habituelles  (à  l'état  de  santé). 
Or  comme,  d'après  les  calculs  de  Sénator,  durant  la  fièvre  la 
plus  intense,  le  rapport  de  l'augmentation  de  production  de 
chaleur  à  la  production  normale  est  au  plus  comme  1 00  est  ù 
1 35,  il  en  arrive  à  poser  ce  principe  étonnant  :  La  production 
de  chaleur  demeure ,  même  pendant  la  plus  forte  fièvre ,  bien 
aunlessous  de  la  perte  de  chaleur. 

L'auteur  lui-même,  dit  Liebermeit^ter,  paratt  avoir  compris 
la  contradiction  frappante  qu'il  y  a  dans  ce  principe,  car  il 
ajoute  :  «S'il  n'entrait  en  jeu  aucune  cause  autre  que  celles 
que  nous  avons  considérées  jusqu'à  présent,  la  conséquence 
nécessaire  serait  que,  dans  la  fièvre,  la  température  s'abaisse- 
rait d'une  façon  continue.  Tout  le  monde  dirait  ou  que  le  cal- 
cul est  faux  ou  que  l'un  des  chiffres  est  faux«  ou  que  tous  le 
sont.  Mais  ce  serait  trop  simple.  y> 

Je  passe  sur  la  suite  de  cette  critique,  dans  laquelle  Lieber- 
meister relève  vivement  les  «  bévues  i»  de  Sénator,  pour  arriver 


'  Breuer,  in  Àrch.  /.  path.  Anal., 
46,  p.  391,  1 869 ,  critique  les  théones 
de  Sénator,  et  signale  Terreur  qui  ron- 
.«isle  dans  le  fait  suivant  :  Sénator,  pour 
trouver  la  quantité  des  pertes  en  ma- 
tières non  aiotëes,  a  défalqué  du  poids 
total  du  corps  do  chien  mis  en  eipé- 
rience,  non^seulement  Purée  éliminée. 


mais  encore  les  produits  de  combustion 
(acide  carbonique  et  eau)  provenant  du 
déplacement  de  Pal  bu  mine  qui  en  dé- 
pend. Par  là  Sénator  obtient  des  diffé- 
rences dans  réltmination  den  matières 
non  aiotées,  entre  les  jours  de  jeâne  et 
les  jours  de  6èvre,  fort  inférieures  à  ce 
qu^elles  sont  en  réalité. 


538  CIIAPITHR  II.        L\  CFFXLErR  KT  \A  FIKVRE. 

i\  Nil  [xiint  rapital  du  mfMiioin'  do   Liehermeister.  cpliii  où  il 
étyhlil  la  hnlanre  dn  la  rlialeur  [>endant  le  stade  de  frisson. 

rt  [.a  coniparaiNon  de  la  production  de  chaleur  el  de  l'exhala- 
tion d'acide  carhonique  pendant  ce  stade  esl  particulièrement 
int/'ressanle.  Quand  Pëlévation  de  température  se  produit  a^^scz 
rapidement,  il  y  a  habituellement,  avec  le  symptôme  siibjectil 
du  frisson,  des  phénomènes  qui  montrent  d'une  façon  très- 
évidente  que  la  perle  de  chaleur  est  au-des.sous  de  la  normale. 
Les  arfèr^s  péri[)hériques  sont  contractées,  la  peau  est  pâle, 
froide  et  sèche.  Tévaporation  es!  très-limitée.  La  production 
de  chaleur,  au  contraire,  est  extraordinairemeni  augmentée. 
i\on-seulement  elle  sullit  à  éf|uilihrer  la  perte  de  chaleur,  mais 
elle  sert  encore  a  élever  la  température  du  corps  du  malade. 
Lt,  comme  l'on  peut  facilement  évaluer  à  peu  près  la  quantité 
de  chaleur  employée  a  élever  la  température  du  corps,  ce  sont 
des  cas  semblables  avec  une  température  rapidement  croissante, 
(jui  ont  les  premiers  fourni  la  possibilité  de  déterminer  avec 
une  approximation  très-sure  la  quantité  de  production  de  cha- 
leur du  lébricitant. 

rtClomme  je   l'ai  démontré  a  celle  occasion,  il   faut,  poui 
élfîvcr  de  1   (1.  la  tenqjérature  du  corps  d'un  adulte,  autant  de 
chaleur  que  cet  adulte  en  produirait  pendant  une  demi-heure 
dans  les  circonstances  ordinaires.  Si  donc  la  température  s'é- 
lève de  i"*  (]    dans  une  demi-heure,  on  peut  être  convaincu 
(pie  la  production  de  chaleur  a  dépassé  la  nornjale.  (iar  alors 
toute  la  chaleur  produite  pendant  ce  temps  a  été  employée 
pour  élever  la  température  du  corps,  el,  en  outre,  une  certaine 
(piantité  s'est  répandue  au  dehors,  (ihez  un  homme  atteint  de 
lièvre  intermittente,  j'ai  observé  (ju'upe  quantité  de  chaleur 
é};ale  à  s?   i/o.  fois  la  normale  avait  été  employée  à  élever  la 
température;  si  la  perte  de  chaleur  avait  été  normale,  il  aurait 
fallu  en  co/iclure  (jue  la  production  de  chaleur  avait  élé  3  i/n 
fois  la  (juanlité  normale.  Mais,  comme  la  perte  de  chaleur  est 
habituellement  amoindrie  pendant  l'élévation  rapide  de  la  tein- 


LA  FIÈVRE. 


539 


pérature  du  rorps,  on  ne  pourrait,  dans  ce  ras.  aiïirmer  rien 
autre  chose,  si  ce  n'est  que  la  production  a  dépassé  q  i/a  fois 
la  normale,  et  qu'elle  est  ainsi  comprise  entre  9  1/9  et  3  1/9.  r? 
Voyons  quels  renseignements  fournit  le  dosage  de  Tacide 
carbonique  exhalé  et  analysons  quelques-unes  des  observa- 
tions de  Liebermeister, 


f^  Troisième  observation.  —  Le  malade  (Baùmlin)  avait  qua- 
rante et  un  ans,  était  de  petite  stature,  du  poids  de  5 A  kilo^. 
;)oo  gr.,  et  souffrait  d'une  fièvre  intermittente  quotidienne. 
Les  accès  n'étaient  pas  très-violents ,  le  frisson  était  bien  accen- 
tué, mais  le  tremblement  léger.  Les  accès  furent  plus  tard  cou- 
pés par  1  gramme  de  quinine. 

«La  première  expérience  fut  faite  le  10  avril  1870,  après 
midi. 

(«  Je  donne ,  outre  la  production  d'acide  carbonique  pour  cha- 
cune des  demi-heures,  la  température  du  corps  dans  l'aisselle, 
observée  k  la  fin  de  chaque  demi-heure.  Je  donne,  en  outre, 
la  différence  de  l'élévation  de  la  température  pendant  chaque 
demi-heure;  je  note  enfin,  pour  chacun  de  ces  moments.  Tin- 
tensité  de  la  ventilation  de  Tappareil ,  élément  important  dans 
les  calculs  que  l'on  peut  plus  tard  en  déduire,  n 


MOMENT 

M   L«OMItfATtA«. 

• 

TCHPÉRA- 
TURI 

BP  coin 

àlaia 

lie  la  drmi- 

hciire. 

36',90 
37  ,55 
39  ,'i5 
39  ,85 
39  ,85 
39  ,85 

AV0MKXT4- 

TIO% 
do 

LA  rnriBtTCii 

MiMlanl 
h  demi-beure. 

«CIDB 

CllMUIQ» 

fihaM. 

TIOR 
DE  L'iprtaiiL. 

Daos  b  1  "  dcmi-lieure. . . 
DaiM  ta  j' 

o",io 
0  ,65 
0,90 
0  ,4o 

// 
II 

grain  niM. 

i3,85 
3/j,>io 

19,31 

16,75 

lilrai. 
9ao,a 
9*3,3 
891,'! 

^99*9 
9o3,6 

9a  1.3 

Dann  la  3* 

Dans  la  4* 

Dans  la  5* 

DaiM  la  6* 

5'jU         CHU^ITRK  II.  —  LA  CHALEUR  KT  LA  FIÈVRE. 

Le  n'sullal  do  cHU'  série  d'observations  est  tout  à  fait  frajj- 
pant.  Nous  voyons  comment  la  production  d'acide  carbonique 
iuifjmente.  dans  la  deuxième  demi-heure,  de  ^i5  p.  o/o ,  pen- 
dant que  la  température  du  corps  n'au{jmente  encore  que  len-- 
lomenl.  Dans  la  troisième  demi-heure  apparaît  une  élévation 
rapide  de  la  lempérature  en  même  temps  (ju'une  augmentation 
de  l'i-y  |).  o/o  d'acide  carbonique;  la  quantité  énorme  de 
.Vi/v»  ff ranimes  est  exhalée  en  une  demi-heure.  Dans  la  qua- 
trième demi-heure,  la  température  monte  encore,  mais  len- 
tement; pendant  ce  temps  l'exhalation  d'acide  carbonique  di- 
minue et  ne  surpasse  plus  la  normale  (|ue  de  3 g  p.  o/o. 
Knlin ,  dans  les  deux  dernières  demi-heures,  alors  que  la  tempé- 
rature rest(î  à  peu  près  constante,  aux  environs  de  ^o  degrés, 
l'exhalation  d'acide  carbonique  n'est  plus  que  de  «îS  p.  o/o 
supérieure  c'i  la  normale,  ou  *i  i  p.  o/o  au-dessus  de  ce  qu'elle 
étail  |)endant  la  première  demi-heure. 

Pendant  la  rapide  élévation  de  la  lempérature  de  la  troi- 
sième denn-henre,  il  fallut,  pour  obtenir  ce  résultat ,  presque  le 
double  de  la  chaleur  normale:  la  production  dut  livrer  non- 
seulement  cette  chaleur  mais  encore  celle  qui  étail  perdue  à 
l'extérieur,  tout  anjoindrie  qu'elle  pût  êt»e.  La  production  d'a- 
cide carbonique  égala  deux  fois  et  demie  la  production  nor- 
male. 

Qnatrihie  observation,  —  On  lit  une  deuxième  série  d'obser- 
vations sur  le  même  malade,  le  1 8  avril,  après-midi.  Il  se  passa 
deux  demi-heures  avant  que  l'élévation  de  la  température 
devînt  appréciable.  On  a  eu  soin  de  déterminer,  pendant  la 
ra|)ide  élévation  de  la  température  (dans  la  quatrième  demi- 
heure),  l'exhalation  d'acide  carbonique  pour  chaque  quart 
(Theure  séparéinenl. 


LA  FIÈVRE. 


541 


MOMENT 

Dl  L'OnniTATlM. 

TMPéRA- 

TORB 
MOOBM 

à  la  fin 

d«  la  «Icmi- 

hMrp. 

AIGNRIITA- 

TIOK 

de 

u  TuriaATOBi 

pendaol 
la  deni-henre. 

ACIUB 

ciUonoLi 
etbalé. 

VK.\T1LA* 

rioa 

Vm  LUWAMIL. 

Dans  la  i'*dmii-lietire. 

Dana  la  s* 

Dans  la  3* 

37',0O 
37,10 
37,75 

39,60 

39,90 
60  ,90 

0*,o5 
u  ,10 

0  ,65 

1  ,65 

0  ,5o 
0  ,3o 

granoie». 
1 3,00 

•3,77 
40,59 

«8,09 
19,69 

litres. 

986,7 
985,6 
986,6 

977'9 

97<»»<> 
990»7 

Dans  la  /i* 

Dans  la  5' 

Dans  la  6* 

Le  résultat  correspond  eiactement  a  rekii  de  Tobservation 
précédente.  L auteur  remarque  particulièrement <»  en  passant, 
qu'ici  aussi  la  production  d  acide  carbonique  est  considérable 
au  moment  où  l'élévation  rapide  de  la  température  accuse  une 
élévation  très-grande  dans  la  production  de  la  chaleur; 
3 1  grammes  d'acide  carbonique  sont  produits  en  une  demi- 
heure.  C'est  presque  â  1/9  fois  la  production  normale. 

Ces  observations  complètent  le  tableau  de  la  marche  de 
Texhalation  d'acide  carbonique  pendant  un  accès  de  fièvre 
intermittente.  Elles  montrent  ensuite,  comme  les  autres  ob- 
servations, que  la  production  d'acide  carbonique  ne  dépend 
que  très-peu  de  l'élévation  absolue  de  la  température.  Au  mo- 
ment oii  la  température  était  presque  stationnaire  à  &o  degrés , 
la  production  d'acide  carbonique  était,  il  est  vrai, encore  plus 
considérable  que  la  normale ,  mais  à  peu  près  moitié  moindre 
qu'au  moment  où  la  température  était  plus  basse ,  mais  où 
elle  allait  en  s'élevant  rapidement.  En  utilisant  ces  résultats 
pour  juger  les  discussions  précédentes,  on  reconnaît  que, 
comme  dans  ces  observations,  il  y  a  concordance  parfaite 
entre  les  variations  de  Texhalation  diacide  carbonique  et  les 


bà2         CHAPITRE  11.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

chaiigeiiients  qu*il  faut  admettre  dans  la  production  de  la 
chaleur. 

Toutes  ces  observations  contribuent  à  établir  le  principe 
(|ue  l'exhalation  d'acide  carbonique  est  à  peu  près  proportion- 
nelle iï  la  production  de  chaleur  dans  tous  les  stades. 

Il  ne  fallait  |)as  s'attendre  à  autre  chose.  Si  Ton  représentait 
par  une  courbe  la  chaleur  du  soleil  à  chaque  instant,  et  par 
une  autre  courbe  la  température  de  l'air  et  du  sol,  on  obtien- 
drait les  mêmes  résultats.  L'intensité  maximum  du  soleil  est, 
chaque  jour,  à  midi;  sa  plus  grande  intensité  annuelle  coiTes- 
pond  au  jour  le  plus  long,  mais  le  maximum  de  la  tempéra- 
ture ne  correspond  pas  à  ces  moments,  il  se  produit  plus  tard. 
La  température  continue  à  croître  quand  déjà  l'intensité  de  la 
chaleur  solaire  commence  à  diminuer.  De  plus,  il  y  a  encore 
une  autre  circonstance  remarquable,  c'est  que  l'augmenta- 
tion de  la  température  se  fait  avec  la  plus  grande  rapidité 
au  moment  où  le  soleil  a  son  intensité  maximum,  plus  tard 
la  température  croit  encore,  mais  avec  une  rapidité  décrois- 
sante. 

(]'est  exactement  ce  qui  doit  se  passer  dans  nos  courbes.  Si  la 
production  d'acide  carbonique,  et  par  suite  la  chaleur,  devient 
plus  forte,  il  faut,  cœlerU  ixiribus,  que  la  température  du  corps 
s'élève.  I«a  température  doit  s'élever  d'autant  plus  rapide- 
ment que  la  production  de  chaleur  est  plus  forte,  la  couH»e 
de  la  production  de  chaleur  doit  être  d'autant  plus  aBruple 
que  l'intensité  de  la  production  de  chaleur  est  plus  considé- 
rable. Mais,  si  la  production  de  chaleur  commence  à  diminuer, 
la  température  ne  s'abaisse  pas,  elle  continue  à  croitre  tant 
que  la  production  de  chaleur  est  supérieure  à  la  perte.  Mais 
son  augmentation  doit  être  de  moins  en  moins  rapide,  et  la 
courbe  doit  devenir  de  moins  en  moins  abrupte. 

Il  faut,  en  plus,  tenir  compte  du  pouvoir  calorifique  des  dif- 
férentes substances  employées  pour  faire  de  la  chaleur.  Lieber- 
ineister  admet  «pie  : 


LA  hJÈVHE.  54a 

1  graiiiiiie  d  acide  carbouique  provenaot  de  la  grakse 

développe 3,5  calories. 

1  gramme  d'acide  carbonique  provenant  de  ralbuiiiine 

développe 3,3 

1  gramme  d'acide  carbonique  provenant  des  matières 

hydrocarbonëes  développe 2,6 

Chez  rhomuie,  le  chiiFre  qui  représente  le  rapport  de  la  cha- 
leur développée  à  Tacide  carbonique  produit  varie  entre  9,6 
et  3,5,  soit  en  moyenne  3,o.  Son  minimum  est  avec  les  ma- 
tièred  hydrocarbonées,  son  maximum  avec  les  graisses  et  la 
viande  (autophagie),  et  c'est  ce  qui  se  produit  souvent  dans  la 
lièvre,  où  le  chiffre  serait  3,q  calories  pour  t  gramme  d'acide 
carbonique.  Le  calcul  montre  que  la  dépense  de  chaleur,  dans 
le  temps  où  la  température  du  corps  s'élève  (frisson),  tombe 
au-dessous  de  la  normale,  et  qu^elle  est  à  son  minimum  alors 
que  la  montée  est  le  plus  rapide.  En  général,  d'après  Lieber- 
meister,  la  dépense  de  chaleur  du  corps  est  proportionnelle  k 
la  diflfërence  qui  existe  entre  la  température  de  l'intérieur  du 
corps  et  celle  du  milieu  ambiant.  Ainsi,  quand  le  milieu  ne 
change  pas,  elle  doit  s'accrottre  proportionnellement  è  la  hau- 
teur de  la  fièvre.  11  faut  pourtant  tenir  compte  des  circons- 
tances accessoires  qui  peuvent  diminuer  ou  augmenter  la  quan- 
tité de  la  dépense  de  chaleur,  telles  que  l'action  du  cœur,  le 
degré  de  contraction  des  vaisseaux  dje  la  peau ,  l'état  de  la  venti- 
lation pulmonaire,,  la  quantité  de  la  perspiralion  insensible, 
enlin  l'existence  ou  l'absence  de  perspiration  sensible;  il  faut 
tenir  compte  de  ces  éléments  pour  comprendre  l'élévation  de 
la  température  dans  le  frisson  et  son  abaissement  dans  le  stade 
de  sueur. 

L'essence  de  la  fièvre  ne  serait  pas  une  augmentation  de  la 
production  de  chaleur,  car  celle-ci  se  montre  aussi  dans  l'état 
de  santé  (digestion,  travail  musculaire)  tout  aussi  bien  que 
dans  la  fièvre.  Elle  ne  consiste  pas  non  pins  dans  la  cessation 
du  p4iuvuir  de  régler  la  chaleur,  car  les  (iévreiiv  se  règlent 


bhà        CHAPITRE  II.  ~  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

aussi  bien.  Elle  réside  bien  plutôt  en  ceci,  que  ie  mécanisme 
de  la  ralori-régulation  cesse  à  partir  d'un  certain  degré  ékvé 
de  la  cbaleur. 

Reprenant  ses  expériences  antérieures,  Sénator  a  cherché 
à  se  mettre  à  l'abri  des  reproches  que  lui  avait  adressés  Lie- 
bermeister;  le  résultat  principal  de  ces  nouvelles  recherches 
est  que  le  refroidissement  de  la  surface  du  corps  n'a  pas  pour 
effet  de  provoquer  une  augmentation  de  la  production  de 
chaleur. 

Voici  la  série  des  propositions  qu'il  pense  avoir  établies  '  : 

i*"  A  l'état  ordinaire,  au  repos,  pendant  la  veille,  et  en 
dehors  de  l'action  de  la  digestion,  la  production  et  l'émission 
de  la  chaleur  oscillent  dans  des  limites  assez  étroites.  Exemple  : 
un  chien  du  poids  de  5  lioo  grammes,  repu  depuis  quelque 
temps  de  viande  de  cheval  (3oo  grammes)  et  de  5  grammes 
de  graisse  de  porc,  a  donné,  au  calorimètre,  seixe  à  vingt-sii 
heures  après  le  repas,  de  iq  à  lA  calories  en  une  heure. 
Pendant  ce  temps,  sa  température  rectale  n'a  pas  varié.  Il 
élimina,  dans  le  même  temps,  de  3'%&  à  3'',7  d'acide  carbo- 
nique. 

9"  Dans  la  diète  prolongée,  la  production  de  chaleur  et 
l'élimination  d'acide  carbonique  baissent  lentement.  Le  même 
chien  donna,  après  deux  jours  d'abstinence  complète,  en  une 
heure,  1 1 ,6  calories  et  3'^^35  d'acide  carbonique,  et,  en  vingt- 
quatre  heures,  il  élimina  G*%oi  d'urée. 

3"*  I^endant  la  digestion  (une  heure  et  demie  à  trois  heures 
et  au  delà  après  le  repas),  la  production  de  chaleur  s'accrotl 
notablement  comme  l'élimination  d'acide  carbonique  (Vie- 
rordt),  mais  non  dans  les  mêmes  rapports,  celle-ci  étant 
moindre  que  celle-là.  Exemple  :  le  même  chien  émit,  dans  Ih 

*  Sénator,  Production  de  la  chaleur     d"*  k"]  et  'j8  et  Arck.  de  Reich*rtet  Ih- 
et  échaufreê  intintei  danê  Véiut  de  »anle     boii  Retfmontl,  p.  i  et  5^,  tH"]'!). 
et  danâ  la  fièvre  [(^tnlrnlblalt ,   iK^i, 


LA  FIÈVRE.  545 

deuxième  heure  de  digestion ,  ai  calories,  sa  température  rec- 
tale monta  un  peu,  et  il  rendit  5^,  1 7  d'acide  carbonique. 

A""  Lorsque  la  surface  du  corps  est  soumise  h  une  cause  de 
refroidissement  qui  augmente  énormément  la  perte  de  cha- 
leur,  la  production  de  la  chaleur  n'est  pas  sensiblement  ac- 
crue comme  cela  a  lieu  pour  l'acide  carbonique.  Exemple  : 
le  même  chien,  pesant  5  355  grammes,  émit  dans  le  calori- 
mètre, dont  l'eau  était  de  à  degrés  plus  froide  que  d'habitude, 
en  une  heure,  i5,3  calories;  sa  température  tomba,  dans  le 
rectum,  de  39°,  t  à  38% 5.  Or,  en  supposant  le  refroidissement 
total  de  l'animal  de  o%6,  en  prenant  le  chiffre  de  o,83  pour 
sa  chaleur  spéciBque,  il  n'aurait  dépassé  que  de  21,7  calories 
sa  production  normale,  qui  serait  au  plus  de  iâ,6  calories. 
L'excrétion  d'acide  carbonique  a  été  de  3^,9,  c'est-à-dire  a 
dépassé  le  chiffre  normal. 

5"*  Dans  les  premiers  moments  (une  heure  et  demie  à  deux 
heures)  qui  suivent  l'injection  sous-cutanée  de  pus  ou  de 
matière  de  sécrétion  purulente  avec  production  de  fièvre,  ni 
rémission  de  la  chaleur  ni  l'excrétion  de  l'acide  carbonique 
ne  sont  notablement  augmentées. 

G""  Au  plus  fort  de  cette  fièvre  artificielle,  alors  que  la  tem- 
pérature du  rectum  atteint  ko''  et  jusqu'à  Ai'' G.,  rémission  de 
la  chaleur  et  de  l'acide  carbonique  n'est  souvent  que  très-peu 
accrue  et  dépasse  à  peine  le  chiffre  normal.  La  quantité  des 
deux  émissions  n'est  pas  proportionnelle.  Exemple  :  le  même 
chien,  ayant  âo%q  et  âo%â5  dans  le  rectum,  a  émis,  en  une 
heure,  11, 5  calories  et  3^,7  d'acide  carbonique;  l'eicfétion 
d'urée  dans  les  dernières  vingt-quatre  heures  avait  été  de 
9  grammes. 

7''  L'augmentation  de  l'excrétion  de  l'acide  carbonique 
dans  la  fièvre  n'atteint  jamais  celle  de  l'élimination  d'urée. 
Exemple  :  un  chien ,  qui,  pendant  un  jour  de  jeûne,  avait  éli- 
miné 8  grammes  d'urée,  et,  à  la  fin  de  ce  jour,  rendu  en 
une  heure  â'^,73  d*acide  carbonique,  excréta,  alors  qu'il  avait 

35 


:>^6         tillAlMTlU-:  II.   —   LA  CHALEIH  KT  LA   KIKVHK. 

la  fièvre,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,    i/i"*', i8  d'urée  et 
V'/ii  d'acide  carbonique. 

8°  Malgré  l'augmentation  partielle  des  échanges  dans  la 
fièvre,  la  somme  des  forces  de  tension  mises  en  liberté  dans 
ce  cas  (par  l'albumine  ^,268  calories,  par  les  graisses  9,1  ca- 
lories), ne  dépasse  pas  la  quantité  qu'en  peut  développer  l'a- 
nimal à  l'état  normal,  quand  il  est  richement  nourri. 

Le  [problème  de  la  production  de  la  chaleur  pendant  la 
fièvre  est  un  de  ceux  qui  ont  le  plus  passionné  l'école  alle- 
mande, etilfaut  reconnaître  que.  si  nous  parvenions  à  le  ré- 
soudre, nos  connaissances  sur  la  nature  et  les  effets  de  la 
fièvre  prendraient  une  nouvelle  certitude.  Le  professeur  Ley- 
den  '  a  confirmé  les  résultats  obtenus  par  Liebermeister,  et  il 
a  en  même  temps  posé  la  question  de  la  diminution  du  poids 
du  corps. 

Les  deux  questions  que  Fauteur  s'est  posées,  sont  :  1**  sir 
lans  lafihre,  la  perle  de  chaleur  est  accrue  ;  a"  comment  s'opère  lit 
:onsomption  fébrile. 

Pour  résoudre  le  premier  problème,  l'auteur  installe  une 
petite  chambre  de  malade  dans  un  calorimètre  analogue  à 
l'appareil  de  Petlenkoler,  mais  son  appareil  est  incomplet,  el 
il  n'y  plonge  en  réalité  que  l'extrémité  inférieure  du  malade. 
L'auteur  arrive  à  dénjontrer  qu'indubitablement  la  perle  de 
chaleur  est  augmentée  dans  la  fièvre  pendant  la  rémission 
comme  pendant  l'exacerbai  ion.  Dans  la  fièvre  la  plus  haute, 
cette  perte  dépasse  de  1  i/\i  à  9  fois  la  quantité  normale,  et 
même  de  2  à  3  fols  pendant  une  forte  sueur.  Dans  le  stade 
épicritique,  au  contraire,  la  perte  de  chaleur  tombe  au-des- 
sous de  la  normale.  L'émission  normale,  à  l'état  de  santé,  est 
de  o.i'i  par  heure,  c'est-à-dire  qu'en  prenant  la  surface  de 


'   L(»Y»i<;n,  LnterHwlnatgrn  uher  dnn  Fteber  {Avch.  fiir  UUn.  Med.^  V,  3,  p.  27^, 


LA  FIÈVRE.  5A7 

tout  le  corps,  il  y  a  une  perte  de  Ità.i  calorie»  par  heure;  or 
il  faut  doubler  et  même  tripler  ce  chiffre  dans  la  fièvre. 

La  deuxième  question  fut  résolue  par  la  pésëe,  le  malade 
reposait  sur  un  lit  support<^  par  une  bascule,  et  Ton  tenait 
compte  de  tout  ce  qui  entrait  dans  le  corps  (aliments,  bois- 
sons). L'auteur  donne  le  tableau  de  la  perte  de  poids  insen- 
sible, par  heure,  chez  les  fiëvreui. 

Les  pesées  faites  ont  été  nombreuses.  Voici  le  tableau  qui 
en  est  extrait  : 

Perte  de  poidu  Perle  de  poids 

per  hcore  ptr  joar 

t>l  par  kilogremme.  et  par  kilogramme. 

Fièvre  ëlevëe 1,00  gramme.      6,73  grammes. 

Rémîftente 1 ,90  6,5o 

Crise i,&5  io,Go 

Stade  ëpicritique o,55  5, go 

Début  de  la  convalescence. . . .  0,66  !i,&o 

Apyrexie 0,78  ♦ 

Fièvre  hectique 0,99  * 

Perte  de  poids  pendant  le  cours  de  la  maladie  tout  entière, 
par  jour  et  par  kilogramme,  6,67. 

Il  résulte  de  ces  expériences,  que  la  perte  insensible  en 
eau  et  acide  carboni(|ue,  par  heure  et  par  kilogramme,  est 
accrue  dans  la  fièvre,  dans  la  proportion  de  to  à  7.  Chez  l'a- 
dulte à  Tétat  de  santé,  la  perte  insensible  par  heure  est  de 
37  grammes  environ,  dont  10  grammes  sous  la  forme  d'acide 
carbonique  exhalé,  27  grammes  par  l'évaporation  pulmonaire 
et  cutanée. 

La  perte  de  poids  esté  son  maximum  \  non  dans  la  fièvre, 
mais  au  moment  de  la  crise. 


*  Bolkin  (De  la  fièvre,  iraducHon  de  Celle  proposition,  s'appliqiiaol  à  un 

Geor^,  p.  69)  sVxprime  ainsi  :  «Le  cas  particulier  et  dans  des  condilions 

(aible  amaigrissement  permet  d'admet-  que  l*autear  n'indique  pas .  est  peul- 

tre  que  la  con.somptioa  du  corps  s'est  «Hre  vraie;  et,  en  l'absence  de  toute  ei- 

peu  accrue.  V             •  plication  et  jostilication,  il  convient  de 

.1:) . 


5^8        CHAPITRE  H.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

En  i8<y3,  Sénator  a  résumé  ses  travaux  antérieurs  sur  ia 
nature  et  le  mécanisme  de  la  fièvre  ^  Nous  ne  revenons  pas 
sur  l'analyse  qu*îl  donne  des  recherches  de  ses  devanciers  et 
des  siennes  propres,  nous  n'avons  plus  qu'à  les  compléter  par 
les  conséquences  qu'il  tire  de  ses  nouvelles  expériences. 

Il  ressort  de  cette  étude  que  les  pertes  diverses  qu'éprouve 
l'économie  pendant  ia  fièvre  ne  marchent  pas  parallèlement. 
La  courbe  de  l'urée  est  différente  de  celle  de  l'acide  carbo- 
nique, de  celle  de  la  perte  de  poids,  etc. 

Ces  faits  peuvent  s'expliquer  de  deux  façons  :  Ou  bien  tous 
les  produits  de  désintégration  n'augmentent  pas  dans  la  même 
mesure,  ou  bien  l'excrétion  d'un  certain  nombre  d'entre  eux 
ne  se  fait  pas  au  prorata  de  leur  formation,  et  leur  permet  de 
séjourner  un  temps  plus  ou  moins  long  dans  l'organisme. 
Dans  ce  dernier  cas,  ce  qui  caractériserait  ia  fièvre,  ce  serait 
moins  le  trouble  de  la  production  que  le  fait  de  Temmagasi- 
nement  et  l'arrêt  de  l'excrétion  des  déchets  organiques. 

Or  nous  avons  vu  que  l'urée  est  excrétée  en  excès  dès  le 
début  et  pendant  toute  la  durée  de  la  fièvre.  Est-ce  le  résultat 
d'une  simple  augmentation  de  l'excrétion  et  non  de  la  produc- 
tion ?  En  d'autres  termes ,  la  réserve  d'urée  de  l'économie  est- 
elle  simplement  entamée?  Mais  les  recherches  de  Meissner  et 
de  Schleiden  montrent  que  cette  réserve  n'existe  pas,  que.  dans 
aucun  cas,  à  moins  de  lésions  rénales,  le  corps  tout  entier  ne 

ne  poÎDi  ia  déclnrer  fàume  a  priori.  Ce-  m»  fièvre.  Les  pui^tife  im  déveiop- 

pendant  il   est  permis  de  la  déclarer  pent  point  raclivité  thermique.  Enfin 

erronée  en  tant  que  proposilion  gêné-  il  y  a«  dans  Botkin  même,  tout  un  cba- 

rale.  Chaleur  du  corps  n'est  point  syno-  pitre  sor  ramaigrissement ,  qui  contre- 

iiyine  d*amai|rri88emenl;  la  dénutrition  dit  formellement  la  proposition  préd- 

n'cjit  pas  équivalente  â  la  comhustion,  tée. 

les  déplacements  de  matière  ne  sont  pas         '  Sénalor,  Unter»uchuM(ren  ûbtr  dên 

tous  dn  même  ordre.  Beaucoup  de  phé-  fieherht^ïen  Proeetê  und  teing  Bêkand- 

noiiièues  osmiques  ont  lieu  sans  oom-  ^^f^g»  in-H*,  908  pages,  Berlin,  1873. 

bustion;  la  diarrhée,  les  sueurs,  qui  Analyse  in  E^vuê  d*Haifûm,  187a,  t. 

sont  de  puissants  moyens  de  dénutrition  IH,  p.  539,  à  laquelle  nous  empnin- 

et  d'amaigriss«*mcnt,    peuvent   exister  tons  une  partie  de* ce  résumé. 


LA  FIÈVRE.  549 

contient  pas  plus  de  1/9  à  1  gramme  d*i|irée.  Dans  la  fièvre, 
c'est  donc  bien  à  une  production  exagéri^e  d*urée  que  nous 
avons  affaire ,  ou ,  ce  qui  revient  au  même ,  à  une  destruction 
exagérée  de  matières  albuminoîdes. 

Pour  Sénator,  ainsi  qu'il  l'avait  dit  auparavant,  dans  la 
fièvre,  la  production  d'acide  carbonique  est  à  peine  augmen- 
tée, et  surtout  cette  augmentation  n*est  pas  comparable  en 
valeur  à  celle  de  l'urée. 

Sénator  pense  même  que  l'excès  d'acide  carbonique  exhalé 
dépend  non  d'un  augment  dans  la  production,  mais  seu- 
lement d'une  exagération  de  l'excrétion.  D'après  lui,  dans 
la  fièvre ,  l'excrétion  est  favorisée  par  les  causes  suivantes  : 
1  *  l'augmentation  de  la  différence  de  température  entre  le  corps 
et  le  milieu  ambiant  (on  sait  que  la  capacité  d'absorption  du 
sang,  comme  de  tout  liquide,  pour  l'acide  carbonique,  est  en 
raison  inverse  de  la  température);  a°  Zuntz  a  démontré  que, 
dans  la  fièvre,  les  acides  du  sang  augmentent;  ils  expjilsent 
donc  une  certaine  proportion  de  l'acide  carbonique  fixe  de  ce 
liquide;  3°  l'accélération  fébrile  de  la  circulation  et  l'aug- 
mentation de  tension  des  vaisseaux  pulmonaires  est  une  autre 
condition  qui  favorise  le  dégagement  de  l'acide  carbonique; 
6 'enfin  l'augmentation  dans  la  fréquence  des  respirations  agit 
dans  le  même  sens.  Vierordt  en  effet  a  depuis  longtemps  mis 
en  évidence  Finfluence  de  la  ventilation  pulmonaire  sur  le  déga- 
gement de  l'acide  carbonique;  en  doublant  le  nombre  de  ses 
inspirations,  il  augmentait  l'issue  de  ce  gaz  dans  la  proportion 
de  60  p.  0/0. 

Pour  Sénator,  l'augmentation  dans  l'excrétion  de  l'acide 
carbonique  tient  non  à  une  production  exagérée,  mais  à  une 
élimination  plus  active. 

iln  fait  le  confirme  dans  cette  opinion  :  c'est  que  le  sang 
d'un  animal  fébricitant  est  plus  pauvre  en  acide  carbonique 
que  celui  d'un  animal  sain.  Des  analyses  pneumatologiques 
faites  avec  Zuntz  lui  ont  montré  que  le  sang  de  la  fémorale 


550       ciiAPrrnK  ii.      la  chaleur  kt  la  fièvre. 

rPun  rhi(»ri,  qui,  a  Total  apyrétique.  renfermait  28  p.  0/0  en 
voliinip  d'acide  carbonique,  n'en  contenait  plus  que  9 3  p.  0/0 
pendant  la  fièvre. 

Le  troisième  produit  final  de  la  combustion,  l'eaft,  est 
augmenté  dans  la  fièvre,  chez  le  chien.  C'est  à  cette  perte  d'eau 
qu'il  attribue  la  perte  en  poids;  celle-ci  en  effet  disparaîtrait 
quand  on  permet  au  cbien  de  boire,  parfois  même  le  poids 
augmenterait. 

\  l'exemple  de  ses  devanciers,  Sénator  veut  faire,  lui  aussi, 
son  calcul  d'«^quivalence  de  la  recette  et  de  la  dépense,  et  il 
dit  :  Un  chien,  bien  portant,  i  jeun,  rend,  dans  les  vingt- 
fjuatre  heures,  7 '',08  d'urée  et  67  grammes  d'acide  carbo- 
nique, ce  qui  équivaut  à  la  combustion  dé  28  grammes 
d'albumine  et  de  10  grammes  de  graisse.  A  l'état  fébrile  et  pa- 
reillemont  à  jeun,  ce  chien  rend,  dans  les  vingt-quatre  heures, 
i5  grammes  d'urée  et  72  grammes  d'acide  carbonique,  ce 
qui  équivaut  à  la  combustion  de  /12  grammes  d'albumine  et 
de  io'%9  de  graisse.  La  combustion  de  l'albumine  a  donc 
augmenté,  pendant  la  fièvre,  de  80  p.  0/0,  celle  de  la  graisse 
n'a  pas  varié.  Sénator  en  conclut  que,  dftm  la  fièvre,  l'écotwmie 
sappavrrit  en  substances  nlbumnwïdes  et  devient  proporliomtelle- 
mrnt  plus  riche  ey\  ^vmsso  ', 

Sénator  a  dosé,  à  l'aide  d'un  appareil  spécial,  la  production 
rt  rémission  de  la  chaleur.  Voici  les  conclusions  importantes 
auxquelles  il  arrive  ;  Pendant  la  durée  de  la  fièvre,  la  tempé- 
rature rectale  de  l'animal  restant  sensiblement  constante,  les 
([uantités  de  chaleur  émises  sont  tantôt  supérieures,  tantôt 
inférieures  (à  d'autres  moments)  à  celles  que  Ton  constate  à 
l'état  normal.  Ainsi  il  est  certain  que,  chez  les  chiens,  la  fièvre 
purulente  déi)uto  par  une  diminution  dans  l'émission,  c'est-à- 
dire  par  une  rétention  de  chaleur.  Mais  cette  diminution  est 

'  C^lUi  conclusion  ne  nianr|noia  pas  haut  que  Lieliermeisler  a  déjà  reproche 
do  surpn^ndre  par  son  imprévu  les  iné-  à  Sénator  de  ne  pas  reculer  devant  les 
d«Hins  pralicions:   nous  avon*;  vu   plus     propositions  les  plus  paradoxales. 


LA  riËVRK.  551 

assez  faible  et  peu  durable,  elle  ne  suflit  plus  pour  expliquer 
réIëvatioD  de  température  du  corps  de  ranimai ,  ni  surtout 
Texagération  dans  l'émission  que  l'on  constate  à  d'autres  ins- 
tants. Le  processus  fébrile  ne  peut  donc  pas  se  caractériser 
par  une  formule  aussi  simple  que  celle  que  l'on  a  essayé  d'en 
donner;  il  y  a  diminution  et  exagération  alternatives  de  la 
production  comme  de  la  dépense  du  calorique.  D'après  Séna- 
tor,  rien  n'autorise  à  admettre  que  la  quantité  totale  de  cha- 
leur développée  et  dégagée ,  pendant  toute  la  durée  de  la 
fièvre  y  soit  supérieure  à  celle  que  fournirait,  pendant  le  même 
temps,  le  même  animal  soumis  aux  mêmes'  conditions,  la 
fièvre  exceptée. 

Il  est  facile  de  reconnaître»  dans  ces  assertions  contradic- 
toires et  dans  ces  expériences  ». pourtant  très-variées  et  très- 
soigneusement  exécutées,  que  le  problème  n'est  pas  encore 
résolu.  On  ne  peut  pas  accepter  comme  démontré  que  la  quan- 
tité d'acide  carbonique  exhalé  rende  compte  de  l'élévation  de 
la  température  du  corps  d'un  fiévreux,  et  la  solution  n'est 
probablement  pas  aussi  simple.  Les  voies  par  lesquelles  se  perd 
la  chaleur  sous  forme  de  chaleur,  ou  la  chaleur  utilisée  pour 
faire  des  corps  nouveaux ,  ne  se  prêtent  pas  aisément  aux  ana- 
lyses. Les  poumons  n'excrètent  pas  que  de  l'acide  carbonique; 
enfin  il  y  a  les  sueurs,  la  suppression  d'autres  sécrétions,  sa- 
live, liquides  intestinaux,  etc.,  dont  nous  ne  savons  quel 
compte  tenir. 

Aussi,  depuis  longtemps,  on  a  cherché  à  trouver  dans  les 
produits  incomplètement  oxydés,  et  surtout  dans  l'urée,  le  com* 
pléraent  des  combustions  opérées  pour  constituer  la  clialeur 
fébrile. 

Will.  Moss  ^  a  prétendu  même  que  la  courbe  de  l'excrétion 
de  l'urée  était  parallèle  a  celle  de  la  température  dans  les  ma- 


'   Moa8(WiH.),  On  the  action  ofpo-     colehium  on  thê  urine  \  Atnêrie,  Journ. 
tank,  êodaj  Uthia,  lead,   opium,    and     LXXXV II,  p.  38^-388,  april  1 861  ). 


:)52         CHAPITRE  If.    -  \A  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

ladies,  surtout  dans  la  scarlatine.  Pour  cet  auteur,  quand  la 
finvro  décroît»,  l'excrétion  dcTurée  diminue,  et  atteint,  quand 
1m  température  redevient  normale,  un  minimum  qui  nVsl  que 
le  tiers  de  Texcrétion  dans  Fétat  de  fièvre  intense.  Dans  toute 
la  durée  de  la  convalescence,  il  n'y  a  jamais  eu  autant  d'urée 
excrétée  qu'au  deuxième,  troisième  et  quatrième  jour  de  la 
maladie.  Dans  la  convalescence,  l'excrélion  du  chlorure  de  so- 
dium au{jmente. 

Leyden  et  Sénator  ont  émis  la  même  idée,  mais  leurs  expé- 
riences ont  été  reprises  par  Unruh  ^  et  voici  les  questions  aux- 
qnejjes  cet  auteur  a  cherché  successivement  à  répondre  : 

1**  L'excrétion  de  l'urée  et  des  autres  produits  d'excrétion 
azotés  de  l'urine,  s'accroit-elle  proportionnellement  h  la  hau- 
teur de  la  température? 

2°  Se  fait-il,  pendant  la  fièvre,  une  rétention  d'une  partie 
de  ces  matériaux  incomplètement  brûlés? 

3"  Quel  est  le  phénomène  initial,  l'élévation  de  la  tempé- 
rature ou  l'augmentation  d'oxydation  des  substances  azotées? 

/i"  L'accroissement  de  la  combustion  des  matières  azotées 
et  la  chahnir  qui  en  résulte  expliquent-ils  les  hautes  tempéra- 
tures de  la  fièvre? 

Les  analyses  d'urée,  d'acide  urique,  decréatine  et  de  chlo- 
rure de  sodium,  ont  été  faites  par  Unruh  dans  vingt-cinq  cas 
de  maladies  avec  crise  (fièvre  récurrente,  pneumonie,  ty- 
phus exanthémalique,  érésipèle,  abcès,  rhumatisme  articu- 
laire, etc.). 

Les  chiffres  moyens  ont  été  :  pour  l'urée,  i7^\466  par 
jour  (o'',383r)  par  jour  et  par  kilogramme  du  poids  du  corps); 
pour  l'acide  urique,  o ',/i07  par  jour  (soit  0^,0099  par  jour 
o\  |)ar  kilogramme  du  poids  du  corps.) 

Contrairement  à  Tasserlion  de  Naunyn  et  de  Sénator,  la 


'   Unruhy  Bvfi  iition  il'"{  in(itf'i'i(ii(T  (If     (Arch,  fui'  pnth.  Anat.y   ^j8,    s.    a^iy, 
cornbfiutton     itnomplî'ti'    Jttvs     lo  Ju'rrv      iS()(|). 


LA  FIEVRE.  55» 

quantité  de  l'urine  est  toujours  diminuée,  et  souvent  dans  une 
forte  proportion. 

En  ce  qui  concerne  la  première  question,  il  est  établi  par 
ces  observations  que  la  quantité  d'urée  excrétée  dans  une  (ièvre 
intense  et  continue  n'est  nullement  plus  grande  que  dans  une 
fièvre  peu  intense;  an  contraire  il  se  trouve  que,  surtout  au 
début  de  la  fièvre,  il  y  a  une  excrétion  d'urée  faible,  par  rap- 
port à  la  température;  par  exemple  voici  les  chiffres  d'un  ty- 
phus :  / 

Temptfniloret.  Trmpërttares.     QuanCilét  d*uré«. 

i"  jour  soir 4o%8     Malin 39*,6       i5  grammes. 

9* ko  ,S    Matin Ao  ,o       19 

Dans  les  jours  suivants,  h  une  température  à  peu  près  sem- 
blable (âo  degrés),  il  y  eut  une  excrétion  de  3o  è  5o  grammes 
d'urée.  Or  cet  accroissement  n'est  point  dA  à  l'alimentation.  Dans 
un  autre  cas  on  ne  trouve,  avec  une  température  de  39%6, 
que  1  q"%376  d'urée,  tandis  que,  dans  les  jours  suivants,  dans 
l'apyrexie,  il  s'en  excrète  27  grammes.  L'excrétion  de  l'urée 
est  plus  abondante  dans  les  fièvres  rémittentes  que  dans  les 
maladies  à  fièvre  intense  et  continue.  Ainsi  une  pneumonie 
donna,  pendant  trois  jours,  avec  une  température  de  39%6 
à  &o%â,  en  moyenne  35*^,373  d'urée;  tandis  qu'un  malade 
atteint  de  trichinose,  avec  une  température  è  39  degrés  le  soir 
et  normale  le  matin,  excrétait,  en  moyenne,  69^,6 5 6  d'urée. 

On  voit  aussi,  par  ces  observations,  que,  dans  tous  les  cas, 
au  moment  de  la  crise,  sans  fièvre  mais  avec  un  pouls  et  une 
respiration  encore  accélérés ,  il  y  avait  en  moyenne  une  excré- 
tion d'azote  supérieure  à  celle  de  la  fièvre  la  plus  élevée.  Il  .y 
a  aussi  une  excrétion  épicritique  augmentée.  Exemple  :  dans 
un  cas  de  typhus  il  y  avait,  pendant  la  fièvre,  en  moyenne, 
3q*',^io7  d'urée;  un  jour  avant  la  crise  47  grammes,  au  jour 
critique  90 grammes,  le  jour  suivant  99  grammes,  le  troisième 
jc»ur  &9  grammes,  soit  en  moyenne  39  grammes,  c'est-à-dire 


55^         CH\PrTRK  II.  —  L\  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

aillant  que  dans  la  fièvre,  bien  qu'il  ny  eût  alors  aucune  sur- 
élévation de  la  température.  De  même  pour  l'acide  urique. 

La  diminution  de  l'excrétion  d'azote  au  jour  de  la  crise  dé- 
pend de  diverses  circonstances,  notamment  de  l'augmentation 
excessive  de  la  sécrétion  sndorale,  laquelle  entraîne  une  cer- 
taine quantité  d'urée  et  diminue  en  même  temps  la  quantité 
de  l'urine. 

Il  résulte  de  tous  ces  documents  que  la  quantité  d'azote 
excrétée  n'est  pas  proportionnelle  à  l'élévation  de  la  tempéra- 
ture. 

L'auteur  montre  que  Pexcrétion  épicritique  ne  dépend  pas 
de  la  résolution  des  exsudats,  puisqu'elle  se  rencontre  dans 
les  maladies  oii  il  n'y  a  point  d'exsudat,  comme  le  tj^hus 
exanthématique,  l'érésipèle  de  la  face,  etc.  Il  cherche  à  expli- 
quer ce  phénomène,  soit  par  une  augmentation  épicritique  de 
l'oxydation  des  substances  albuminoîdes,  soit  par  la  rétention  des 
excréta ,  c'est-à-dire  des  produits  d'oxydation  incomplète,  pen- 
dant le  fort  de  la  fièvre,  et  par  leur  expulsion  après  la  crise, 
dette  dernière  explication  a  pour  elle  la  rétention  de  l'eau, 
si  vraisemblable,  d'après  l'avis  de  Leyden,  et  surtout  ce  fait 
de  la  prolongation,  pendant  plusieurs  jours,  de  l'excrétion  épi- 
critique, alors  que  l'émission  de  la  chaleur  tombe  au-dessous 
de  la  normale. 

Voici  les  conclusions  de  ce  travail  : 

r  Dans  lafihre,  f excrétion  totale  Jtazoie  est  augmentée,  et  est 
en  moyenne  une  fois  et  demie  celle  de  tétat  normal  (à  jeun). 

a*  L'augmetitation  de  l'excrétion  d'azote  n  est  pas  fropcrtionneUe 
à  f élévation  de  la  température, 

3'  Dans  la  crise,  Févacuation  des  substances  alhuminoides  est 
accrue,  et  en  même  temps  il  faut  se  souvetiir  que,  dans  le  fort  de  la 
fièvre,  il  y  a  rétention  des  produits  d'oxydation  incomplète,  comme 
Leyden  le  pensait,  et  rétention  de  Veau. 

â"  Dans  quelques  cas,  le  phénomène  itiitial  est  l'élévation  de  la 


\A  FIÈVRE.  555 

température,  et  e'eet  elle  qui  entraine  à  sa  suite  et  secondairement 
V excrétion  Jt azote; 

5*  La  chaleur  dégagée  far  l'accroiseement  de  l'oxydation  des 
substances  azotées  ne  suffit  pas  A  expliquer  la  température  souvent 
excessive  de  la  fièvre. 

Ces  conclusions  furent  contredites  par  d'autres  expérimen- 
tateurs; nous  ne  citerons  que  les  recherches  de  Naunyn  \  qui 
accepte  les  opinions  de  Traube  et  Jochmann,  pour  qui  Taug- 
mentalion  de  Texcrétion  de  l'urée  mesure  la  fièvre.  Voici  ces 
expériences  : 

Un  chien  en  bon  état  fut  maintenu  à  jeun  pendant  deux 
jours,  et»  dans  ce  temps,  ayant  une  température  de  38"*  à 
38*^,5  C,  excréta  o'',98  d'urée  par  heure.  —  Le  même  chien, 
nourri  et  ramené  à  son  poids  précédent,  fut  de  nouveau  niis  à 
la  diète  durant  deux  jours,  après  toutefois  qu'on  lui  eut  injecté 
sous  ia  peau  un  liquide  animal  corrompu ,  de  façon  à  lui  donner 
la  fièvre.  Alors  on  reconnut  qu'il  excrétait  o^,&9  d'urée  par 
heure,  et  la  quantité  de  son  urine  était  accrue  (sans  qu'il  bût 
davantage).  Cette  augmentation  fut,  dans  un  cas,  de  i8o  à 
ti8o  grammes. 

A  ce  propos,  Naunyn  se  demande  par  où  commence  le  phé- 
nomène, et  si  c'est  l'excrétion  accrue  qui  entraîne  l'accroisse- 
ment dans  les  oxydations ,  ou  si  c'est ,  au  contraire,  l'augmenta- 
tion de  la  température  qui  est  le  principe  initial.  Pour  résoudre 
cette  question ,  il  met  un  chien  dans  l'appareil  calorimétrique 
d*Obemier,  à  une  température  oscillant  de  So^'à  ^jo""  C.  Dans 
cet  appareil ,  la  température  du  chien  monte,  en  trois  heures, 
de  38%S  à  &a%5,  ce  qui  ie  met  fort  mal  à  l'aise.  A  peine  sorti 
de  lappareil ,  il  se  remet  vite  et  reprend  sa  température  nor- 
male. Or  ce  chien  avait  excrété  le  jour  même,  avant  l'expé- 


'  Naanyn,   Ih  t'excrtlion  de  Vwrée    et  Jahre^ferickt  de  Virehow  et  Hir$ekf 
datu  lûjihrp  (  Chmquê  de  Berlin ,  1 8(>9 ,     1. 1 ,  p.  a  33 ,  1870). 


500  (  HAIMJhK  II.  —   \A  r.lMLELR   KT  LA   KlfeVRK. 

ri'Tire.  (h*  i  n  lieuros  du  iiiiitin  ;i  ^i  heurnsdii  soir,  i  qo  gramnirs 
d'urinp  cnutriiMnl  {)'\>^  (riin*e,  ♦»!  lo  soir,  en  quatre  heures  de 
(enips  ;<|)res  l'«'\[)t'rience.  il  urinait  iio  ijrammes  contenanl 
()  ^-j  1  6  (l'un'*e.  Il  en  résulterait  cju'une  augmentation  priniiliv»* 
(h'  la  f  li.'ileiir  «'nlniîn»'  une  j)liis  grande  production  d'urée. 

pour  M.  fiiil)h,M^  une  des  rauses  principales  de  réJ«»valion 
de  la  teni[)éralure  dans  la  tièvre  serait  la  diminution  des  sé- 
crétions. \  l'état  normal,  une  certaine  quantité  de  calorique 
se  transforme  en  action  chimique  pour  produire  le  suc  gas- 
tri([u<»,  le  suc  intestinal,  la  hile,  la  salive,  etc.  Dans  la  fièvre, 
toutes  ces  sé'cré'lions  sont,  sinon  supprimées,  du  moins  dimi- 
îuiéf's:  il  ne  se  fait  donc  plus  le  même  travail  chimique;  la 
chalt'ur  (|ue  ce  travail  consommait  à  Tétat  normal  se  trouve 
lihre  et  |)eut  se  faire  sentir  au  thermomètre. 

M.  \\el)er'^  fait  à  cette  opinion,  dont  il  ne  conteste  pas  la 
justesse,  cette  ol)j<Ttion  cpie,  s*il  y  a  une  certaine  quantité  de 
chaleur  rendue  libre,  il  est  impossible  delà  mesurer. 

h,   Errris  dfs  iultes  températures  dans  les  maladies. 

\ous  savons,  par  les  expériences  des  physiologistes,  quels 
sont  les  degrés  de  tenipérature  extérieure  que  le  corps  ne  peiit 
|)as  supporter  impunéni(»nt.  et  MM.  (A.  Bernard,  Vallin,  etc.. 
nous  ont  a[)pris  (pie  les  muscles,  le  cœur  en  particulier,  le 
sang  et  le  système  nerveux,  étaient  affectés,  à  un  moment 
donné,  d'une  façon  irrémédiable  quand  l'animal  était  mis  dans 
des  conditions  telles,  que  la  chaleur  extérieure  élevât  sa  tempé- 
rature propre  de  quelques  degrés. 

Les  palbologistes,  et  surtout  Liebermeister,  ont  cherché  a 
déterminer  quelles  étaient  les  conséquences  de  l'élévation  de 
température  dans   les  maladies.   Nous  résumons  les  travaux 

Tiii'.sf  de  Bordirr,  iSHH.  —  Tliôso     dp  la  lempf*rnture  ânn»  In  Jii'vve.  Tlu'«i«^ 
fl«' riiîn  vr»l,  iS-ji,  il«'  Paiis.   iN-y  >. 

\\«'|i('i\   Ih's  rnnihlioHs  ih'  varinlian 


LA  FIÈVRE.  557 

très-remarquables  de  Liebermeister  '  sur  ce  point,  nous  ferons 
ensuite  quelques  réserves  nécessaires. 

Dans  beaucoup  de  cas,  dit  Liebermeister,  l'autopsie  ne 
montre  pas  la  cause  mécanique  de  la  mort.  On  parle  alors  de 
septicémie»  de  malignité,  etc.  (érésipèle,  fièvre  puerpérale, 
pneumonie,  fièvres  éruptives,  etc.). 

Une  nouvelle  hypothèse  tend  à  se  substituer  k  cette  septi- 
cémie, c'est  celle  de  l'excès  de  chaleur  fébrile.  Gela  ne  veut 
pas  dire  l'accroissement  des  combustions,  car  l'autophagie  n'est 
pas  si  commune  ;  c'est  de  la  chaleur  en  soi  qu'il  s'agit.  On  sait 
que  les  animaux  meurent  dans  un  milieu  trop  chaud;  pareille 
chose  a  lieu  pour  l'homme.  On  connaît  aussi  les  effets  de  l'in- 
solation. Wunderlicb  et  ses  élèves  ont  formulé  les  lois  des 
hautes  températures  du  corps,  et  montré,  par  exemple,  qu'un 
état  fébrile  persistant  à  3â%&  R.  (&o%5  G.)  était  d'un  pro- 
nostic très'grave,  quelle  que  fût  la  maladie. 

Coaunent  cette  élévation  de  température  produit-elle  une 
action  délétère?  Déjà  Boerhaave  et  Van  Swieten  supposaient 
Tévaporation  des  liquides,  une  coagulation  du  sérum,  et  ré- 
cemment Weickardt  a  formulé  une  hypothèse  semblable,  la 
concrétion  de  la  fibrine;  mais  cette  hypothèse  n'est  point  con- 
firmée à  l'autopsie. 

Liebermeister  croit  expliquer  mieux  cette  action  délétère  en 
disant  qu'elle  se  montre  sous  la  forme  de  dégénérescences 
secondaires  identiques,  qu'il  trouve  dans  la  pyémie,  la  fièvre 
puerpérale,  le  typhus,  la  scarlatine,  la  tuberculisation  aigué 
et  les  fièvres  catarrhales.  Toutes  ces  maladies  ont  de  hautes 
températures,  et,  à  l'autopsie.  Ton  trouve  une  dégénérescence 
parenchymateuse  du  foie,  des  reins  et  du  cœur,  c'est-à-dire 
des  principaux  organes.  Dans  la  plupart  des  cas  de  ce  genre, 

*  Liebermeisler,  Leê  eff$ti  dn  hautes  Voy.  aussi  ReeutU  de$  Uçotu  elmiqueê  de 

lempératuresdanM  (et  tnaUdiei.  {DeuUch,  Hichard  Volkmatm,  Du  traiL  de  la  fièvre , 

Arch.  fur  klin,  Med. ,  i -3-6 ,  1 865  et  par  Liebermeister,  d*  3 1 ,  1871. 
i856,  et  Sekmidt'ê  Jahrb.,  1867). 


558         CHAPITRE  11.  —  LA  CHALEUK  ET  L4  FIE\RE. 

dit  Liebermeisier,  la  température  s*était  élevée  à  Au  degrés 
dans  la  matinée,  à  6i%*i5  lors  de  l'exacerbation,  et  même  aa 
delà. 

D'autres  observateurs  ont  conclu  de  même.  Max.  Schultze  et 
W.  kûhne  ont  constaté,  pour  les  plantes  et  les  animaux  infé- 
rieurs, rinfluencedes  hautes  températures  sur  l'état  des  éléments 
cellulaires;  de  même,  Louis  et  Stokes,  E.  Wagner  et  ZenLer 
ont  signalé  la  dégénérescence  graisseuse  des  muscles  dans  le 
typhus;  Buhl  et  R.  Maier,  l'état  gras  du  foie,  des  reins  et  du 
cœur  dans  la  fièvre  puerpérale.  La  dégénérescence  graisseuse 
des  cellules  du  foie  se  voit  souvent  à  l'œil  nu  ^  à  plus  forte  raison 
est-elle  facile  à  constater  au  microscope.  Liebermeister  dit  que 
cet  état  du  foie  et  des  autres  organes  permet  d'affirmer  que 
le  malade  a  eu  de  hautes  températures. 

Dans  une  autre  partie  de  son  mémoire.  Liebermeister  si- 
gnale l'influence  des  hautes  températures  sur  la  circulation 
(parésie  du  cœur)  et  sur  les  fonctions  du  système  nerveux.  Ces 
troubles  nerveux  sont  le  malaise,  l'ennui,  l'excitabilité  des 
sens,  la  courbature  douloureuse,  le  vertige,  la  défaillance, 
l'accablement,  et  enfin  le  délire  de  différentes  formes,  et  inver- 
sement, la  stupeur  et  l'état  soporeux.  Si,  dans  quelques  cas, 
nous  pouvons  assigner  à  ces  perturbations  conune  cause  pro- 
chaine une  affection  locale  du  cerveau ,  la  cholémie  ou  l'uré- 
mie, dans  la  plupart  des  cas  il  faut  chercher  cette  cause  uni- 
quement dans  le  sang  surchauffé  qui  fait  vivre  d'une  autre  vie 
les  organes  centraux.  La  médecine  hippocra tique  s'exprimait, 
à  cet  égard,  avec  une  parfaite  clarté,  et  la  méthode  thérapeu- 
tique de  la  soustraction  de  chaleur  par  le  froid,  ainsi  que 
certains  moyens  antifébriles,  peuvent,  en  fait,  diminuer  nota- 
blement ces  troubles  morbides.  Les  manifestations  typbiques 
qui,  non-seulement  dans  le  typhus  lui-même,  mais  dans  quel- 
ques affections  locales,  telles  que  la  pneumonie  du  sommet, 
s'accompagnent  de  hautes  températures,  comme  encore  la 
grippe,  l'angine  tonsillaire,  doivent  d'autant  mieux  être  con- 


LA  FIÈVRE.  5.VJ 

sidérées  comme  dépendant  de  cette  haute  température,  qu'elles 
disparaissent  avec  celle-ci. 

Il  est  aussi  très-vraisemblable  que  les  hémorragies  mul- 
tiples que  Ton  observe  dans  les  fièvres  pernicieuses,  avec  une 
température  très-élevée,  dépendent  de  celle-ci.  Peut-être  y 
a-t-il  ici  une  dégénérescence  graisseuse  aigué  des  petits  vais- 
seaux. Déjà  Sydenham  avait  signalé  les  hémorragies  comme 
survenant  à  la  suite  d'une  chaleur  excessive  et  proscrivait  for- 
mellement la  thérapeutique  du  réchauffement  dans  la  va- 
riole. 

Si  les  hautes  températures  passagères  sont  dangereuses,  è 
plus  forte  raison  faut-il  redouter  les  hautes  températures  per> 
sistantes.  Pourtant  il  faut  aussi  faire  ici  intervenir  des  circons- 
tances importantes,  la  constitution  propre  du  malade,  son  âge, 
les  lésions  organiques  préexistantes,  l'alcoolisme,  etc. 

Les  chirurgiens  savent  que  des  blessures  en  voie  de  guérison 
retournent  à  un  état  pire  quand  le  patient  est  atteint  du  ty- 
phus ou  de  quelque  autre  maladie  fébrile  grave.  Us  ont  vu,  â 
diverses  reprises,  par  exemple  après  l'invasion  du  typhus  abdo- 
minal ,  un  chancre  simple  devenir  phagédénique  et  entraîner 
une  vaste  perte  de  substance;  dans  un  cas  même,  il  fallut  en 
venir  à  l'amputation  du  pénis.  Dans  un  autre  cas,  la  fièvre 
étant  tombée,  une  gangrène  peu  étendue  s'était  limitée  et 
marchait  vers  la  guérison  :  survint  une  récidive  du  typhus,  et 
le  retour  de  la  fièvre  fut  cause  que  la  gangrène  s'étendit  du 
bubon  à  la  totalité  du  scrotum  ;  la  fièvre  cessant,  la  plaie  gué- 
rit. Dans  la  phthisie ,  la  maladie  étant  demeurée  sans  change- 
ment pendant  un  temps  très-long,  souvent  la  venue  d'une 
maladie  fébrile  intercurrente  excite  la  marche  de  la  desiructi- 
vile.  A  peine  la  fièvre  est-elle  tombée,  qu'on  voit  les  malades 
se  relever,  prendre  soin  de  leur  toilette,  en  un  mot  guérir. 

Donc  le  danger  essentiel  de  la  fièvre  dans  les  maladies  aiguës 
consiste  dans  rinjluence  délétère  quont  les.  hautes  températures  sur 
les  vaisseaux.  Les  altérations  matérielles  de  ceux-ci  doivent 


560  CHAPITRE  il.  —  LA  CHVLEUU  ET  LA  FIEVRE. 

lu'cessairemeiit  eiilraîiier  des  troul)les  fonctionnels  qui  sont  en 
fail  très-variés,  mais  où  prédominent  deux  groupes  symptoina- 
tiques,  en  raison  de  leur  fré([uence  et  de  leur  tendance  h 
amener  la  nior[;  nous  voulons  [varier  des  troubles  des  fonc- 
tions du  cœur  et  de  celles  du  cerveau  amenant  la  paralysie  du 
crpiir  et  la  paralysie  du  cerveau. 

Le  trouble  de  la  Jonction  du  cœur  se  traduit  d'abord  par  l'aujj- 
mentalion  de  fréquence  des  battements.  L'accélération  du 
pouls  (|ui  est  propre  à  la  lièvre  peut  être  considérée  comme 
résultant  de  Télévation  de  la  température  du  corps;  c'est  là 
un  fait  qui  résulte  de  Texamen  statistique*  d'une  masse  consi- 
dérable d'observations,  où  l'on  voit  que  la  fréquence  du 
pouls  est  d'autant  plus  grande  (|ue  la  température  est  plus 
élevée.  Il  va  de  soi  que  c'est  là  un  fait  général,  mais  que,  dans 
certains  cas  |)articuHers,  il  peut  se  rencontrer  des  anomalies, 
et  que,  d'ailleurs,  les  influences  extérieures  qui  agissent  sur 
riiomme  sain  de  façon  à  accélérer  son  pouls,  peuvent  aussi 
agir  (le  même  sur  Tliomme  atteint  de  fièvre. 

L'iniluence  excessive  que  les  hautes  températures  exercent 
sur  le  cœur,  et  qui,  à  la  fin,  amène  la  paralysie  de  cet  organe, 
se  manifeste  principalement  sous  la  forme  d'une  excessive 
accélération  jointe  à  un  affaiblissement  du  pouls;  il  s'ajoute  à 
cela  bientôt  d'autres  manifestations  de  l'affaiblissement  général 
de  la  circulation,  entre  autres  l'hypostase  et  le  refroidissement 
des  parties  périphériques,  tandis  que  la  température  est  très- 
éh^ée  à  l'intérieur  du  corps;  enfin  la  mort  arrive  le  plus 
souvent  avec  les  symptômes  de  l'œdème  des  poumons. 

Les  troubles  des  fonctions  du  système  nerveux  central,  en  tant 
(|u'ils  sont  particuliers  à  la  fièvre,  doivent  aussi  être  con- 
sidérés comme  produits  par  l'action  directe  des  hautes  tem- 
|)ératures  sur  l'organe  central;  c'est  ce  qui  résulte  de  l'ob- 
servation de  l'état  du  cerveau  dans  un  très-grand  nombre 
de  maladies  fébriles.  Quebjue  variée  que  soit  la  nature  des 
maladies,  ces  troubles  sont  au  fond  les  mêmes,  et  leur  mod^ 


L\  FIÈVRE.  561 

comme  leur  intensité  (étant  mise  à  pari  la  question  de  Tidio- 
syncrasie)  ne  dépendent  qm  du  degré  et  de  la  durée  de  élévation 
de  température.  Dans  la  pneumonie,  dans  i'érésipèle  de  la  face, 
dans  le  rhumatisme  articulaire  aigu,  ils  sont,  quand  la  tempé- 
rature a  même  élévation  et  même  durée,  identiques  h  ceux 
qui  accompagnent  les  maladies  dites  typbiques. 

La  connaissance  de  ces  troubles  fébriles,  dont  une  descrip- 
tion plus  détaillée  nous  entraînerait  trop  loin,  et  la  certitude 
qu'ils  dépendent  de  l'élévation  de  la  température,  aident  déjà 
puissamment  au  diagnostic.  Il  arrive  en  effet  très-souvent  que , 
lorsqu'un  malade  commence  h  délirer  ou  à  tomber  dans  l'état 
soporeui,  le  médecin  croit  avoir  affaire  h  une  méningite  ou  à 
une  affection  du  cerveau,  ou  bienâ  un  cas  d'urémie  ou  de 
cholémie,  ou  h  quelque  autre  toxémie,  tandis  qu'en  réalité 
il  ,ne  »*agit  que  de  eimpks  effets  de  l'Ûévaùon  de  température.  Sans 
doute,  il  y  a  des  cas  où  il  est  difficile  de  distinguer  si  les  troubles 
existants  dépendent  seulement  de  la  fièvre,  ou  s'il  faut  les 
imputer  à  quelque  complication  particulière;  et  l'on  sait  que, 
dans  les  maladies  fébriles  les  plus  différentes,  on  voit  assez 
fréquemment  survenir  des  complications.  Or,  pour  bien  dis- 
tinguer en  pareil  cas,  il  est  de  la  plus  grande  importance  de 
noter  avec  soin  et  d'apprécier  avec  exactitude  l'état  de  la  tem- 
pérature du  corps  et  ses  oscillations  par  rapport  à  ces  troubles 
psycbiques. 

L'influence  de  l'individualité  est  ici  très-grande.  Il  y  a  des 
bommes  qui  délirent  sous  l'influence  de  la  moindre  fièvre, 
tandis  que  d'autres  n'arrivent  au  délire  que  par  des  tempéra- 
tures bien  plus  élevées  et  plu6  prolongées.  Cbez  lee  buveurs,  le 
délire  fébrile  prend  souvent  le  caractère  du  delirium  tremens, 
et,  chez  beaucoup  d'entre  eux,  le  delirium potatarum  n'est  qu'un 
simple  délire  fébrile  modifié  par  les  dispositions  particulières 
de  l'individu. 

Il  faut  dire  aussi  que,  parmi  ces  symptômes,  les  plus  graves 
ne  sont  pas  ceux  qui  font  le  plus  d'impression  sur  le  vulgaire: 

36 


562 


CHAPITRK  II— LA  CHALEUR  KT  LA  FIEVHK. 


que,  par  exemple,  le  délire  furieux  est  quelquefois  moins 
grave  qu'un  certain  degré  de  stupeur  ou  de  coma. 

L*nppréciation  du  degré  des  troubles  demande  mieux  qu'une 
observation  superficielle,  et  les  troubles  peu  marqués,  plutôt 
négatifs,  l'affaiblissement  simple  ou  une  légère  excitation  des 
fonctions,  ont  souvent  une  importance  beaucoup  plus  grande 
que  les  modifications  qualitatives  qui  se  manifestent  sous  la 
forme  d'une  action  pervertie  et  attirent  par  cela  même  parti- 
culièrement l'attention  '. 

Enlin,  il  faut  aussi  retenir  que  ces  troubles  psychiques 
doivent  être  imputés  à  une  modification  matérielle  produite 
dans  l'organe  central  |)ar  l'élévation  de  la  température,  et  que, 
j)ar  cela  même,  ils  ne  peuvent  pas  disparaître  subitement  avec 
l'abaissement  de  la  température,  mais  qu'ils  doivent  néces- 
sairement survivre  à  la  cause  qui  les  a  produits.  Sans  doute, 
s'il  s'agit  d'un  mouvement  fébrile  très-passager,  comme  dans 
Taccès  de  fièvre  intermittente,  les  suites  seront  aussi  de  courte 
durée.  Kt  même  dans  une  lièvre  de  longue  durée,  une  forte 
rémission  est  babituellement  suivie  d'une  diminution  notable 
des  troubles  psychiques.  Mais,  si  l'élévation  de  température 
s'est  prolongée  j)endant  un  temps  très-long,  il  peut  se  faire  que 


'  l)(»deur  0.  0.  H«'inze,  La  hnutes 
lcnij)é}'(Utn'CH  et  les  tronhh's  coréhraux 
diiiiit  In  pneumonie  (Anh  </.  Unilk.^  IX, 
1,  |).  /i().  i868). 

L\iuteiir  combat  Topinioa  de  Lieber- 
nieister,  à  savoir  que  les  troubles  fonc- 
tionnels du  cerveau  dans  la  fièvre  seraienl 
le  résultat  de  Taction  des  hautes  temp<?- 
ratures  sur  le  cerveau.  Dans  la  pneu- 
uionïp,  Ileinze  admet  «jue  les  grands 
troubles  c«;rébraux  peuxeiit  recevoir 
cette  interprétation,  mais  il  se  refuse  à 
ladmetlre  poui*  les  troubles  légers  tels 
(jue  l'agitation,  Tinsomnie,  l'embarras 
de  ta  tête,  la  céphalalgie,  etc.,  qui 
se   rencontrent  même  avec  Tapyrexie. 


—  (Juant  à  Pinfluence  de  la  dui^  des 
hautes  températures  sur  les  troubles 
cérébraux,  Heinze  donne  la  statistique 
suivante  :  Sur  57  cas  où  la  température 
était  à  /io**  C,  on  obsena  les  symp- 
lômes  cérébraux  20  fois  du  troisième 
au  septième  jour,  82  fois  au  premier  et 
au  deuxième  jour;  sur  k  1  cas,  avec  une 
température  de  Sg^'^o  et  au-dessus,  on 
vit  survenir  ces  symptômes  1 1  fois  du 
troisième  au  cinquième  jour,  3o  fois  au 
premier  et  au  deuxième  jour  Ainsi  la 
température  n'est  pas  ta  seule  cause  (1&<. 
troubles  céi^braux  :  1»  nature  de  la 
maladie  y  est  pour  quelque  chose. 


LA  FIÈVRE.  563 

le  trouble  qui  en  est  résulté  persiste  encore  longtemps  après 
que  la  température  est  retombée  au  niveau  normal;  il  nW 
pas  rare  qu'il  acquière  à  ce  moment  ses  formes  les  plus  frap- 
pantes. Il  faut  dire  que  c'est  l'état  de  simple  affaiblissement 
psychique  qui  persiste  souvent  le  plus  longtemps  et  ne  dispa- 
raît que  progressivement:  par  exemple  on  sait  qu'en  général, 
après  un  typhus  un  peu  grave,  il  se  passe  plusieurs  mois 
avant  que  le  malade  recouvre  sa  force  physique  et  l'intégrité 
de  ses  facultés  intellectuelles.  Du  reste,  on  voit  se  produire,  à 
la  suite  des  fièvres  graves,  certaines  maladies  mentales  aux- 
quelles la  précédente  élévation  de  température  n'a  certaine- 
ment pas  été  étrangère. 

Les  troubles  intellectuels,  à  leur  plus  haut  degré,  finissent, 
quand  les  hautes  températures  persistent,  par  une  suppression 
plus  ou  moins  complète  des  fonctions ,  par  la  paralysie  du  cer- 
veau qui  s'étend  à  la  moelle  allongée,  et  par  la  mort.  Il  faut 
remarquer,  à  ce  sujet,  .que  les  cas  de  ce  genre  et  tout  à  fait 
purs  ne  sont  pas  fréquents,  le  plus  souvent  il  s'y  joint  de  la 
paralysie  du  cœur.  La  prostration  cérébrale  n'est  jamais  dé- 
sespérée tant  que  le  cœur  n'est  pas  paralysé. 

C.    RAPPORTS  DE  LA   TBMPBRATLRR,  DE  LA   FRÉQUBNCC  DU    POULS, 

DE  LA  RESPIRATION  ET  DU   POIDS. 

Chercher  entre  la  chaleur  et  la  fréquence  du  pouls  un 
rapport  absolu  est  un  problème  vain.  Chaque  individu  a  une 
fréquence  des  pulsations  cardiaques  tout  à  fait  personnelle  et 
une  impressionnabilité  aux  divers  agents  extérieurs  variable, 
non  pas  seulement  de  personne  à  personne,  mais  suivant  ses 
dispositions  particulières  du  moment.  Nous  savons,  par  les 
travaux  de  M.  Marey,  que  la  marche,  l'élévation  du  bras,  l'im- 
pression du  froid ,  suffisent  pour  modifier  la  fréquence  et  la 
forme  du  pouls.  Ce  qui  est  vrai  dans  l'état  de  santé  l'est  éga- 
lement pendant  la  maladie.  Nous  devons  pourtant  dire  que,  si 

36. 


:^ùh         CHAPITHK  II. —  LA  CHALKUU  ET  LA  FIK\RH:. 

Ton  choisit  pour  point  de  départ  des  pulsations  le  chiffre  nor- 
mal du  malade,  on  peut  dire  d'une  façon  générale  que  chaleur 
et  pouls  varient  suivant  des  courhe^s  parallèles;  mais  nous  de- 
vons ajouter  tout  d(^  siiite  que  la  discordance  de  ces  deux  symp- 
tonM»s  est  grave  et  ne  se  rencontre  guère  que  pendant  Falgi- 
dité,  le  collapsus,  qu'en  tout  cas  elle  est  de  nature  à  éveiller 
Taltenlion  du  médecin  familier  avec  les  recherches  des  auteurs 
modernes. 

iNous  avons  déjà  donné  quelques-uns  des  tahleaux  dans  les- 
(juels  M.Roger  a  résuma'  ses  recherches.  Mais  il  suffit  de  jeter 
un  coup  d'œil  sur  les  tracés  que  l'on  trouvera  dans  la  troi- 
sième partie  de  ce  livre,  pour  ne  pas  accepter  de  propositions 
absolues  commcî  celles  que  VVoIff  et  Vierordt  ont  émises  à  ce 
sujel  \  Pour  eux  : 

rS  10.  Le  pouls  marche  parallèlement  à  la  température; 
si  celle-ci  est  normale,  il  en  est  de  même  du  pouls;  ses  courbes 
changent  avec  la  hauteur  de  la  température,  et  l'on  peut,  d'a- 
près la  lempérature,  mesurer  la  forme  de  la  courbe  du  pouls, 
comme,  d'après  celle-ci,  mesurer  la  hauteur  de  la  tempéra- 
tur<î ....'' 

Nous  pensons  que  Liobermeister -^  s'est  plus  approché  de  la 
récililé  en  disant  qu'en  général  les  deux  fonctions  varient  parallè- 
lement, sauf,  bien  (entendu,  les  cas  de  collapsus  et  d'algidité. 

Sur  deux  cent  quaire-vingts  observations,  Liebermeister  a 
reconnu  que  la  fréquence  moyenne  du  pouls  augmente  pro- 
portionnellement à  la  température,  et  (jue  ce  mouvement  est 
sensible  même  pour  les  différences  de  température  de  o\5. 

Nous  re[)roduisons  le  tableau  dans  lequel  cet  auteur  a 
cherché  h  établir  les  rap|)orts  qui  existent,  chez  le  fébricitant, 
entre  le  pouls  et  la  tei!q)érature. 

'    WollV  iiiirl  k.  Vierordl,  liecherchpft  Sur  le»  effets  de  Célévation  (le  la  tempéra- 

sur  le  pouls  (Arch.  der  Ihxlk,^  l\,  'i ,  ture  daim  la  Jièvre  {Deutseh.  Arch.Jûr 

p.  .S71,  iH(i.i).  klin.   Médian  ^  1866.  —   Arch.  gén.  dp 

^  \Aé\)iiY\wç\fi{fT  y  Température  et  jumln.  «wVi. ,  i8()6,  p.  733). 


LA  FIÈVRE.  565 


V'O 78'6  \ 

37,5 84,1 

38  ,0 gi,9 

38,5 94,7 

Température   I  «^  '^ ^^\  v  d  1    .• 

?,,  .          (  «^Q  «5 1 09,0   )  Pulsations. 

axuiaire.       \   ,  ^  oc' 

ao  ,0 1 08,5 

4o  ,5 109,0 

il  ,0 110,0 

Al  ,5   118,6 

Aa  ,0   137,5 

Dans  quelques  ras,  on  peut  reconnattre  que  la  montée  de 
Ih  chaleur  précède  celle  du  pouls. 

En  1868,  Thomas  a  publié,  dans  une  Étude  $ur  U  pouls, 
une  note*qui  se  trouve  absolument  en  rapport  avec  les  travaux 
des  physiologistes  sur  l'influence  de  la  chaleur  sur  le  cœur. 
Nous  savons  que  la  chaleur  a  pour  effet  d'exciter  les  contrac- 
tions musculaires,  jusqu'au  moment  oh  le  cœur  s'anréte  en 
contraction.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  s'étonner  qu'un  excès  de 
ralorique  accélère  les  battements  du  pouls,  jusqu'au  moment 
ou  ces  contractions,  augmentant  de  fréquence  et  diminuant 
de  puissance,  donnent  au  pouls  les  caractères  qui  précèdent 
i'arrét  total  des  pulsations.  Voici  comment  Thomas  apprécie 
cette  influence  '  : 

«^  On  a  prouvé  expérimentalement  l'influence  de  la  tempéra- 
ture sur  la  fréquence  du  pouls,  en  injectant  dans  un  cœur  sé- 
paré du  corps  de  l'animal  des  liquides  ayant  différentes  tem- 
pératures. Au  voisinage  de  la  température  normale ,  il  y  avait 
une  grande  accélération  du  pouls  pour  peu  que  l'on  élevât 
la  température;  mais  si  on  Télevait  trop,  l'excitabilité  du 
cœur  était  anéantie.  Du  reste,  on  voit^  chez  les  malades, 

*  Vinfluencê  de  h  têm/Hhraîun  mr  h     (  Zmitckr.  fSr  Meé, ,  Chir,  mtd  Gwtmiiêk. , 
p9ulM,  Kilniit  d*iin  Inviîl  du  profpMenr     1 868.  ) 
0.  F.  L.  Thomas  rar  Tëtude  du  poulR 


566 


CHAPITRE  II. —  LA  CHALKCR  ET  LA  FIÈVRE. 


la  fréquence  du  pouls  croître  ou  diminuer  comme  la  tempéra- 
ture. 

R  Lorsque  Ton  élève  artificiellement  la  température  chez  un 
homme  sain,  on  voit  la  fréquence  du  pouls  s'accroître  k  peu 
près  proportionnellement.  La  fréquence  du  pouls  du  fœtus 
chez  une  femme  enceinte  qui  a  la  fièvre,  monte  ou  descend 
avec  la  température  de  la  mère. 

''^L'application  du  froid  au  devant  de  la  région  du  cœur  di- 
minue considérablement  la  fréquence  des  battements. 

(t  Ce  n'est  pas  que  la  fréquence  absolue  du  pouls  dépende  de 
la  chaleur:  il  s'agit  seulement  de  sa  fréquence  relative,  c'est- 
21-dire  de  sa  marche.  Le  rapport  du  pouls  à  la  température 
n'existe  c|u'autant  que  les  autres  circonstances  sont  égales  d'ail- 
leurs (même  énergie  de  contraction,  même  état  dq  cœur  et 
des  vaisseaux).  La  température  du  sang  est  moins  souvent  dif- 
férente de  celle  de  la  périphérie  dans  les  fièvres  graves  qu'à 
l'état  normal.  On  peut  trouver,  avec  une  grande  accélération 
du  pouls,  une  circulation  moindre,  comme  dans  le  cas  d'a- 
baissement de  la  température  périphérique  par  collapsus  ou 
au  moment  de  l'agonie.  Le  ralentissement  de  la  circulation 
s'observe  aussi  avec  les  phénomènes  de  congestion  et  de  stase 
qui  se  montrent  dans  les  fièvres  graves,  et  s'accompagnent 
pourtant  d'une  grande  fréquence  du  pouls  ^  yt 

Si  nous  ne  pouvons  plus  dire  aujourd'hui ,  avec  Boerhaave: 
Qmâquid  de  febre  novit  medicui,  id  vero  amne  vehcikUe  pultuum 
Hola  cognosciiur.  S'il  nous  faut  reconnaître  que  cette  formule 
est  fausse,  et  que  faire  synonymes  la  fréquence  du  pouls  et  la 
fièvre,  c'est  établir  la  confusion ,  nous  devons  admettre  que 


'  influence  Ae  la  température  gur  let 
puUationi  du  rœur  Heê  mmmnifiret  et 
sur  l'actùm  du  nerf  vague,  par  Laoder 
Briinlon  (Saint-Bar th.  Ho$p,  Reporté, 
1871).  L*auleur,  après  avoir  montra 
que,  cbei  dea  lapina  chloraliséa  et  placés 
dans  une  éiuve,  les  batlemento  du  cœur 


s*ac<^lèren( ,  se  demande  ai.  dans  la  fièvrv, 
raocéléralion  du  poub  résulte  sealemcnt 
de  la  chaleur  ou  a^il  oe  s*}  joint  paa  une 
autre  cause;  ii  suppose  que  la  tempéra- 
ture élevée  fait  iiaisser  Ténei^ipe  du  nerf 
vague  (e&périenoes  de  Sdielske  sur  le 
cceur  des  grenouilles). 


LA   FI^.VRE.  567 

généralement  la  fièvre  s'accompagne  d'une  accélération  des 
battements  cardiaques,  en  faisant  remarquer  que  ceux-ci  s'ac- 
célèrent très-souvent  sans  qu'il  y  ait  fièvre. 

Ce  n'est  pas  seulement  sur  la  fréquence  du  pouls  que  la 
fièvre  agit,  la  force  et  la  forme  des  pulsations  sont  modifiées. 
M.  Marey  '  a  expérimentalement  reconnu  que,  chez  les  che- 
vaux atteints  de  fièvre,  la  pression  manométrique  est  faible, 
en  sorte  que,  bien  que  le  pouls  soit  fort  au  toucher»  ceci  in- 
dique simplement  que  l'ondée -sanguine  lancée  dans  le  vais- 
seau trouve  celui-ci  presque  vide  et  sépare  brusquement  les 
parois  de  l'artère  presque  accolées,  d'oi^  sensation  brusque. 
i\ou8  avons  nous-méme  analysé  ces  diverses  questions  dans 
le  livre  du  Pouls  ^. 

Outre  cette  force  du  pouls,  nous  devons  signaler  également 
le  dicrotisme  qui  survient,  non  pas  tant  sous  l'influence  de  la 
fièvre  que  |>endant  les  états  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de 
typhoïdes.  Nous  les  décrirons  en  étudiant  les  maladies  infec- 
tieuses, les  accidents  puerpéraux,  la  fièvre  typhoïde,  etc. 

Pouvons-nous,  malgré  ces  influences  diverses,  établir  entre 
la  fréquence  du  pouls  et  le  degré  de  la  température  normale 
une  sorte  de  rapport?  On  peut  le  tenter  et  admettre  que,  si 
37''.3  représentent  la  température  rectale  è  l'état  de  santé,  et 
70  le  nombre  des  pulsations  dans  les  mêmes  conditions, 
chaque  élévation  de  température  de  1  degré  se  traduira  par 
une  augmentation  de  9 5  pulsations.  On  aurait  alors  les  deux 
séries  suivantes  : 

Température Sj'.o     .38*,5     39%5     4o*,S     4i%5 

Pulsations 70         95         tao       i4S       160 

Elles  ne  s'éloignent  pas  beaucoup  de  ce  que  l'on  observe  en 
réalité. 


'  Marey.  Cimtlnhnn  iin Mitg, p.  367,         '  P.  I^iOrain ,  Ihi  poule,  1 870,  p.  1 3o 
1 863.  et  suiv.  J.  B.  Baillîère  et  fih. 


l 


:)(i8         (JIAPITnK  II.  —  L\  CIIALKIIH  KT  LA   KlfcVRK. 

H  y  a  un»»  aulre  coiisid<*ration  qui  ne  man(|ue  pas  de  \a- 
Inur.  CVst  que  nous  comptons  non  pas  la  quantité  de  sang 
(  irculant,  mais  la  vitesse  de  circulation,  et  nous  ne  comptons 
moine  pas  celte  vitesse  de  circulation,  attendu  que  frétjuence 

Ips  battements  du  cwur  n'est  |)oint  synonyme  de  quantité  de  sang 
i'voulée  dans  un  temps  donné.  La  largeur  des  amplitudes,  la  ré- 
j)létion  (les  vaisseaux,  et  par  conséquent  leur  diamètre,  la 
(|uanlilé  de  la  pression  et  le  jeu  des  capillaires,  ne  peuvent 
être  déduits  de  la  frécpience  des  battements  du  pouls. 

Il  n'\  a  point  de  moyen  de  remédier  à  ce  défaut.  Les  outils 
modernes  ne  nous  fournissent  point  la  solution  de  ce  problème. 
Le  spbjgmographe  nous  donne,  à  la  vérité,  le  tracé  de  la  ra- 
diale, et  nous  (lit  si  le  pouls  est  tendu  ou  détendu,  il  nous 
renseigne  un  peu  sur  la  circulation  péripliéri([ue,  mais  il  ne 
nous  donne  pas  la  notion  de  la  quantité  de  sang  en  circula- 
tion, ni  (le  celle  qui  demeure  stagnante  dans  les  grands  ré- 
servoirs veineux.  Il  nous  a  appris  à  nous  méfier  du  tact  mé- 
dical,  et  c'est  un  grand  service  dont  nous  lui  sommes  redevables. 
.Nous  savons  que  le  pouls  giand  et  dicrote  se  voit  surtout  dans 
les  sueurs  et  après  les  hémorragies,  que  le  pouls  le  plus 
grand  et  le  plus  dur  (pouls  aortique  et  sénile)  n'indique  rien 

jue  la  nalure  dure  des  ])arois  artérielles,  et  autres  notions  qui 

loiv(Mït  décourager  les  tateurs  de  pouls. 

A  la  vérité,  la  t(»mpérature  vue  au  thermomètre  n'est  pas 
e\em|>le  (robjfHlions.  Il  n'j  a  point  a  lui  en  faire  quant  aux 
snhslance.^  homogènes,  aux  liquides,  où  les  chimistes  pro- 
mènent leur  thermomètre;  là,  la  chaleur  est  uniformément 
répartie,  et  ïuu  obtient  un  chiffre  concret  parce  qu'on  connaît 
la  chaleur  multipli<''e  par  la  n)asse  et  la  chaleur  spécifique  du 
liquide  ou  du  mélange.  Par  conséquent,  on  sait  le  nombre  de 
calories  qu'on  peut  extraire  de  la  substance  qu'on  examine. 

Dans  le  corps  vivant,  si  peu  homogène  et  pourvu  d'appa- 
reils d'accommodation  (|ui  font  varier  a  chaque  instant  la 
(|uantité  et  le  mode  de  rcîpartition  de  la  chaleur,  sa  |)roductiQi) 


LA  FIÈVKE.  569 

et  sa  dépense,  la  chaleur  est  chose  mobile  et  non  constante, 
il  faudrait  pouvoir  évaluer  les  calories:  on  le  tente  en  ce 
moment.  Toujours  est-il  que  cette  chose  qualitative,  qui  est  le 
degré  de  la  température  du  rectum,  est  fin  élément  constant 
et  non  variable  à  l'état  physiologique;  et  ce  chiffre  est  à  peu 
près  celui  de  la  température  du  sang  et  des  viscères.  (l'est  un 
minimum  nécessaire  è  la  vie,  c'est  la  chaleur  du  centre.  Celle 
de  la  périphérie  est  moins  nécessaire,  elle  est  affaire  de  dé^ 
pense;  Tautre,  la  chaleur  intérieure,  est  la  recette  pour  ainsi 
dire  obligatoire  et  toujours  exigible,  cest  le  nécessaire.  Nous 
pouvons  donc  nous  fier  h  cette  température,  tant  pour  l'état 
physiologique  que  pour  Tétat  morbide.  Cependant  il  y  a  des 
questions  de  régulation  à  réserver. 

La  fièvre  a  sur  la  fréquence  des  mouvements  respiratoires  une 
influence  encore  plus  difficile  è  déterminer.  Accélérée  lorsque 
la  température  s'élève,  la  respiration  l'est  également  lorsque 
la  température  s'abaisse,  dans  le  collapsus,  l'algidité.  En  de- 
hors des  conditions  locales,  de  la  pneumonie,  de  la  pleu- 
résie, etc.,  il  faut  reconnaître  qu'au  début  la  fièvre  accélère 
les  mouvements  respiratoires,  surtout  chez  les  enfants,  et 
même  quand  l'accès  n'a  pas  une  grande  intensité.  L'accélé- 
ration des  actes  de  la  respiration  a  donc  une  valeur,  mais  elle 
n'a  pas  de  liens  intimes  avec  les  phénomènes  de  chaleur. 

M.  Michel  Peter  '  a  signalé  entre  le  volume  de  la  rate  et  les 
variations  de  la  chaleur  des  relations  qui  seraient  intéres- 
santes à  vérifier.  Nous  reproduisons  la  note  qu'il  a  commu- 
niquée à  l'Académie  de  médecine,  mais  nous  croyons  que  les 
premières  conclusions  de  notre  collègue  sont  trop  absolues, 
et  nous  nous  sommes  assez  expliqué  a  ce  sujet  pour  que  le 
lecteur  accepte  une  critique  ainsi  formulée.  Au  lieu  de  :  ^11 

*  Michel   Peter,  Modifications  de  la  température  {Àcad,  de  tttéd.,  16  mars 

1867). 


570         CHAPITRE  II. —  LA  CHALEUR  ET  L\  FIÈVRE. 

n*y  a  aucun  rapport  constant  entre  les  variations  de  ta  tem- 
pérature et  celles  de  la  circulation  et  de  ta  respiration,? 
nous  dirons  :  il  y  a  parallélisme  habituel  entre  les  courbes 
qui  représentent  ces  variations;  leur  discordance  exception- 
nelle implique  la  nécessité,  pour  Tebservateur,  d*en  recher- 
cher la  cause,  elle  commande  le  pronostic  et  souvent  aussi  le 
traitement. 

La  note  de  M.  Michel  Peter  est  ainsi  conçue  : 

Au  point  de  vue  des  modifications  de  la  température  géné- 
rale, dans  leur  relation  avec  celles  de  certaines  fonctions  ou 
les  changements  de  volume  de  certains  organes  : 

i"  //  n'y  a  awun  rapport  conitant  entre  le$  variatûme  de  la  tem- 
pérature et  celUê  de  la  circulaiion  ou  de  la  reiptrolûm.  .\insi ,  l'aug- 
mentation de  fréquence  du  pouls  ou  de  la  respiration  dans  les 
maladies  n'entratne  pas  nécessairement  l'élévation  de  la  tem- 
pérature générale  (prise  dans  l'aisselle),  et,  quand  celle-ci 
s'élève  alors  que  le  pouls  ou  la  respiration  augmente  de  fré- 
quence, il  n'y  a  pas  de  rapport  constant  entre  l'augmentation 
de  fréquence  du  pouls  ou  de  la  respiration  et  l'élévation  de  la 
température. 

d"*  //  Il  y  a  aucun  rapport  conetant  entre  les  variaiionê  de  la 
température  et  les  changement»  de  volume  du  foie, 

S'*  Il  y  a  un  rapport  conetant  entre  les  variatione  du  volume  de 
la  rate  et  celles  de  la  température, 

\insi,  toutes  les  fois  que  la  température  s'élève  dans  les 
maladies,  la  rate  augmente  de  volume,  et  il  y  a  un  rapport 
constant  ou  à  peu  prè3  constant  et  uniforme  entre  l'élévation 
de  la  température  et  le  volume  de  la  rate.  Pour  un  ou  plu- 
sieurs degrés  d'élévation  de  la  température,  la  fate  augmente 
d'un  ou  plusieurs  centimètres  dans  le  gens  vertical. 

Il  semble  donc  que  la  rate  soit  un  orgatie  d'hématopoiise,  et  quelle 
concoure  aciu^ement  à  la  production  de  la  chaleur  animale. 

Les  variations  de  poids  des  malades  pendant  le  cours  des 


LA  FIÈVRE.  571 

maladies  aiguës  présentent  un  intérêt  théorique  et  pratique. 
Le  contrôle  de  nos  sens  par  la  balance  nous  a  donné,  dans  le 
choléra,  la  preuve  du  peu  de  valeur  des  apparences,  et  nous 
avons  vu  que  les  dissensions  entre  JSénator  et  Liebermeister 
ne  portent  pas  seulement  sur  Tacide  carbonique  rendu ,  mais 
même  sur  l'appréciation  du  poids  des  malades. 

C'est  avec  une  certaine  surprise  que  nous  avons  lu,  dans 
l'ouvrage  de  Botkin,  des  résultats  en  contradiction  absolue 
avec  ceux  obtenus  par  Layton,  Sautarel  et .  nous -même. 
Botkin  '  aurait  constaté  que,  lorsque  la  température  du  corps 
est  élevée,  les  pertes  de  poids  augmentent  surtout  dans  les 
jours  où  cette  température  s'abaisse;  et  que,  torque  la  tem- 
pérature reste  élevée,  le  poids  du  corps  se  maintient  quelque- 
fois deux  ou  trois  jours  sans  variations.  Il  en  est  ainsi  seule- 
ment quand  il  n'y  a  pas  d'éliminations  accidentelles,  pas  de 
diarrhée,  de  sueurs  profuses,  etc.  Pendant  la  défervescence , 
au  contraire,  le  poids  baisse,  bien  que  le  malade  prenne  des^ 
aliments.  Botkin  explique  ces  résultats  par  la  grande  absorption 
des  boissons  provoquée  par  la  soif. 

On  peut  dire,  en  général,  d'après  Botkin,  que  les  pertes 
de  poids,  quand  la  chaleur  est  élevée,  sont  surtout  considé- 
rables lorsque  le  malade  a  perdu  connaissance,  lorsque  pro- 
bablement la  déperdition  de  liquide  n'est  pas  suffisamment 
couverte  par  Tingestion  des  boissons. 

La  perte  par  les  sueurs  est  souvent  insuffisante  pour  faire 
baisser  le  poids.  Botkin  cite,  a  l'appui  de  ces  remarques,  l'ob- 
servation suivante  : 

*  BolkÎD,  De  InJUhfTf,  1H79 ,  p.  .I1 .  Trad.  françaiM  par  A.  Geoi^es. 


.wJ  r.llAlMTRE  II.  —  L^  Cir^LEIiR  KT  LA   FIKVRK. 

KNFWT  DK   bOL'ZK    A>S   ATTEINT   D'UNK   I.K(;KKK  FIKVRK  RHCI'RRKNTF. 

TEMPBIUTURF.  p^j^^^ 

atm.       -Soir.  ° 

rjoui-:  lii'vro '^{ft'^         "  '^^  '^^^  Sueurs.  Délire  flans  la  nuit. 

•»■  JOUI-  :  fièvre 'M\  ,6  .*^8*,<»  3/i  ()8o  hiem. 

\V  jour  :  lirvrf 3^  ,6  3S  ,o  .35  95o  Plus  He  snpurs  ni  de  dôlirv. 

V  jour  :  pas  cio  fièvre.  36  »o  3^)  .-  36  oSo  /f/#i/i. 

r)'"jour:  piis  (Je  (ièvre.  //             /.                  a  Idem. 

6' jour:  pas  de  lièvre.  //             /'                  //  Idem. 

•7"  jour  :  pas  de  fièNn».  //              -i  36700  Idem. 

il  est  j)rol)al)le,  pour  Botkin ,  (jue  l'augmentation  de  la quan- 
lité  d'eau  ingc^rée  est  la  cause  de  l'augmentation  de  poids. 

Plus  loin  Bolkin  \  revenant  sur  la  [lerle  de  poids  et  sur 

ramaigrissement,  conclut  que  le  faible  amaigrissement  et  la 

petite  perte  de  poids  pendant  l'accès  de  la  chaleur  fArile  per- 

'uiettent  d'admettre  que  la  consomption  du   «orps  a  M  peu 

(Mevf^e. 

Il  (^st  juste  d'ajouter  que  l'observation  de  typhus  qui  est. 
|)our  Botkin ,  l'occasion  de  ces  diverses  remarques  critiques,  est 
en  opposition  avec  cette  théorie.  Son  malade  perdit  7  kilo- 
grammes dans  les  vingt  premiers  jours  de  son  typhus  ^. 

D'après  Vf.  Layton  '^.  dont  les  recherches  sont  basées  sur 
fanal)  se  de  soixante-neuf  observations  personnelles  prises  dans 
le  service  de  Monneret.  les  maladies  aiguës  auraient  sur  le 
poids  des  sujets  une  influence  réductible  en  lois. 

Pendant  la  durée  de  la  fièvre  typhoïde  (cinq  observations), 
M.  liavton  a  constaté  (pie  le  poids  suit,  en  général,  une  marche 
uniformément  descendante  jusqu'au  début  de  la  convales- 
cence.   \  cette  |)ériode,  le  poids  suit  un(»  marche  uuiformé- 


'   Holkin,  p.  ()6.  «tir  V influence  de»  eauies  qui  ailèrent  le 

■  Roikiu ,  p.  1  6r>.  poid»  corporel  do  Vhomtne  adulte  malade. 

Thouias  Laylon,    Etudes  clmù/ticx     Thèse  de  F^aris,  1H6H,  n"  ia3. 


LA  FIÈVRE. 


573 


ment  ascendante.  Cette  règle,  que  M.  Layton  appelle  une 
loi,  se  retrouve  dans  toutes  les  maladies  aiguës.  Donc  :  pé- 
riode fébrile  ou  de  perte,  période  de  convalescence  ou  de  ré- 
paratiùn. 

Dans  la  fièvre  typhoïde,  Monneret  a  trouvé  que  des  ma- 
lades avaient  perdu  3oo  et  5ob  grammes  par  jour,  ceux  de 
M.  Layton  ont  subi  des  déperditions  moins  considérables.  Voici 
les  résultats  qu'il  a  consignés  : 


FIÈVRE  TYPHOÏDE. 

CHIFFRE 

RÉSULTAT 

OBSBRVATIONS. 

PÉBIODB. 
,   Fébrile. 

»n  f  ABunoM 
obterréai. 

■OTIII 

parjour 
(en  frammot). 

V, : 

PeHe. 

38,6o 

'   De  convalescence. 

Gain 

go^g^* 

N*   9 

1  Fébrile. 

'   De  coDvaleacence. 

Perte. 
Gain. 

3i8,75 
i3Mo 

^•3 

• 

1   Fébrile. 

Perte. 

693,19 

1   De  oonvaleaeence. 

1 

Gain. 

1 33,75 

V  4 

Fébrile. 

Perte. 

1 55,38 

De  convalescence. 

Gain. 

169.00 

V5 ' 

1   Fébnle. 

'   De  oonvalesrence. 

1 

Perle. 
Gain. 

a57,8i 

1 

Il  faut  noter  que,  pendant  tout  le  temps  de  la  fièvre  ty- 
phoïde, Monneret  alimentait  le  plus  possible  ses  malades,  et 
que  les  effets  de  l'inanition  sont,  par  suite,  un  peu  atténués. 

Dans  la  pneumonie  aiguë,  les  résultats  sont  assez  sem- 
blables aux  précédents.  Toutefois  les  déperditions  sont  plus 
considérables,  ce  qui  s'explique  peut-être  par  ce  fait  que 
Monneret  soumettait  tous  les  malades  "atteints  de  pneumonie 
à  la  médication  par  le  tartre  slibié. 


57.'i 


CHAPITRK  II.    -LA  CHALELR   ET  LA  FIKVRE. 


PNEI  MUNIE. 


OBSKR  NATION  S. 


PKRIODE. 


v.  ^>  (  Fébrile. 

No < 

/  Mort. 

I 

.  „  \  Fébrile. 

{  De  convalescence. 

I 

Y  y^  \  Fébrile. 

/  De  convalescence. 

I 

.„  \  Fébrile. 

N    (| 

/  De  con\alescence. 

\  Fébrile. 

V  10 ^ 

f  De  convalescence. 

I 

.  „  \  Fébrile. 

N    11 l  ^  , 

r  De  convalesc^^nce. 

I 

i  Fébrile. 

^       \  -2 { 

f  De  convalescence. 


RÉSULTAT 

DBS  VAUiTIO^^ 

observa». 


Perle. 
ff 

Perle. 
Gain. 

Perle. 
Gain. 

Pertp. 
Gain. 

Perle. 
Gain. 

Perle. 

( Non  observée.) 

Perle. 
Gain. 


CniFFBE 

XOTBN 

par  joar 
(po  grammes). 


'j/i6,o6 

■/• 

633,o3 
733,o3 

1  70,r>o 

iao,o8 
30,76 

3a8,57 
600,00 

1 26,00 

y 

I  i8(soo 
I  80,00 


Dcins  les  autres  maladies  aiguës,  M.  Layton  a  obtenu  des 
résultats  analogues. 

Fm  1869,  un  de  nos  élèves,  M.  Sautarel ',  a  repris  cette 
question  et  est  arrivé  h  des  résultats  semblables;  nous  y  re- 
viendrons en  étudiant  les  diverses  maladies.  Nous  indique- 
rons également  les  résultats  que  nous  avons  obtenus  dans  le 
choléra  '. 


Théories  delà  fièvre. —  Nous  nous  sommes  elforcé,  dans  les 
«liapitres  qui  précèdent ,  d'établir  le  bilan  de  nos  connaissances 
sur  les  causes  de  la  production  de  la  cbaleur,  sur  sa  réparti- 

'   Suiilarel,  Ih  Cexamen  du  pouls  du  -  P.    Lorain ,   Le   Choléra  obêPirê  à 

rorp»  cotiHidévé  comme  moyen  ih' contràlr     Vkàpit al  Saint- Antoine,  Paris,    1868. 
rlwifjUp.TUèso  de  Paris,  1869.  '  p.  ."ia.  J.  B.  Baillière  et  fils. 


LA  FIKVRE.  573 

Uon,  sur  le  rôle  du  système  nerveux  dans  sa  régulation.  Nous 
avons  expose  fidèlement  ce  que  les  recherches  de  nos  contem- 
porains nous  ont  appris  sur  les  modifications  que  les  actes 
morbides  générateurs  de  la  fièvre  introduisent  dans  la  ma- 
chine humaine.  Si  nous  concluons  que  nous  sommes  loin 
d'avoir  épuisé  la  série  des  recherches  et  des  expériences  indis- 
pensables à  opérer  avant  de  pouvoir  adopter  une  opinion  sur 
les  causes  et  les  processus  intimes  de  la  fièvre,  que  Ton  ne 
nous  accuse  pas  de  scepticisme.  Nous  repoussons  ce  reproche , 
nous  sommes  convaincu  que  nous  suivons  le  chemin  de 
la  vérité,  mais  ce  serait  se  laisser  aller  à  un  enthousiasme 
trop  facile  que  d'accepter  sans  contrôle  une  quelconque  des 
théories  qui  résultent  de  ces  travaux.  Faire  la  .théorie  de  la 
fièvre,  c'est  en  effet  comprendre  dans  une  même  formule, 
synthétiser  tout  ce  que  nous  avons  analysé.  D'autres  l'ont 
tenté,  ils  ont  eu  raison;  convaincus  par  leurs  recherches  per- 
sonnelles, plus  frappés  par  les  points  lumineux  qu'ils  avaient 
fait  jaillir  des  ténèbres  que  par  les  points  qui  restaient  obscurs, 
ils  ont  groupé  en  tableaux  les  faits  qu'ils  tenaient  pour  essen- 
tiels, mais,  dans  ces  tableaux,  que  de  seconds  plans  restent 
incertains  et  vaguement  dessinés  ! 

Pour  nous,  è  qui  le  temps  et  le  défaut  d'outillage  n'ont  pas 
permis  de  prendre  part  à  ces  expériences  de  laboratoire,  nous 
restons  olinicien ,  et ,  suivant  les  mœurs  de  nos  collègues,  nous 
prenons  dans  chaque  théorie  ce  qui  nous  semble  utile  k  appli- 
quer au  lit  du  malade ,  ce  que,  pour  employer  l'expression  clas- 
sique, nous  trouvons  pratique,  c'est-è-dire  immédiatement 
utilisable.  Le  reste  servira  à  nos  successeurs  et  attend  qu'un 
ouvrier  plus  ingénieux  vienne  en  élaborer  la  masse  encore 
mal  dégrossie.  Les  auteurs  des  diverses  théories,  bien  que 
chacune  se  relie  aux  précédentes,  peuvent  se  diviser  en  deux 
classes.  Les  uns  ont  surtout  considéré  la  chaleur  eiagérée  de 
la  fièvre  connue  le  résultat  de  la  rétention  de  la  chaleur  nor- 
male qui  ne  se  répand  plus  au  dehors,  empêchée  qu'elle  est 


57fi  CriAlMTRK  II.    -   LA  CH\LELH  ET  LA  FFEVRE. 

par  la  rétraction  des  vaisseaux  (|ui  d'ordinaire  irriguent  la 
peau  et  les  muqueuses. 

D'autres  considèrent  la  fièvre  comme  créatrice  de  chaleur. 
el  ne  laissent  plus  au  système  nerveux  vasomoteur  qu'un  rôle 
accessoire. 

En  tête  des  premiers,  nous  trouvons  Traube  dont  nous  avons 
déjà  souvent  cité  les  travaux. 

Théorie  fie  Traube^,  —  Pour  TrauJ3e.  la  température  d'une 
|)artie  quelcon(|ue  de  la  peau  se  rèyle,  comme  celle  de  toute 
autre  partie  du  corps,  sur  la  |)roportion  de  la  quantité  de  cha- 
leur qui  lui  est  apportée,  et  sur  celle  qu'elle  perd  dans  le 
m^me  temps.  L'apport  de  chaleur  ne  dépend  cependant  pas 
seulemcnl  de  la  température  du  sang  qui  circule  dans  une 
partie  du  corps,  il  dépend  aussi  de  la  masse  du  sang  qui  la 
traverse  en  un  temps  donné.  Ces  deux  quantités  forment  un 
produit  qui  peut  devenir  plus  faible,  si,  par  l'accroissement 
d'un  des  deux  facteurs,  l'autre  est  diminué  dans  son  total. 
Même  lorsque  la  température  du  sang  s'élève  au-dessus  de  la 
jiormale,  la  température  d'une  partie  quelconque  de  la  peau 
doit  pouvoir  s'abaisser,  sitôt  que,  grâce  au  rétrécissement  des 
artères,  la  masses  du  sang  qui  lui  est  amenée  a  décru  plus  que 
ne  s'est  élevée  la  chaleur  du  sang,  (^'est  un  cas  de  ce  genre, 
comme  nous  Talions  voir,  qu'on  observe  dans  le  frisson  fébrile, 
pendant  le((uel  les  artères  du  tégument  externe  sont  contrac- 
tées, tandis  <]ue  la  lem[)érature  du  sang  est  élevée.  Il  est  en- 
core plus  aisé  de  comprendre  les  autres  cas,  alors  qu'il  s'agit 
seulement  d'une  diminution  de  l'afflux  du  sang  et  que  celui-ci 
conserve  sa  tenipérature  normale  ou  à  peu  près  normale. 

•  Traiihe,     AUgemmup    medirimschfi  frrofpnxpes  à  Cuniversitê  Friedrich- Wil- 

(Iptitral-Zeitun}^ ,  iHijl^.W  (nul  comp\eler  helm   de  Berlin,  i'*  livraison,    18H7, 

rolle  lliôoric  par  IV'ludu  dt's  Lcçom  sur  G'  leçon.  L'auteur  revient  sur  sa  théorie 

Iph  maladies  de  l'appareil  respirniaire  ^  «H  la  modifie  légèrement, 
rhapilre  Dr  la  température,  in  fjeron* 


LA  FIÈVRE.  577 

Nous  avons  un  type  (prototype)  de  l'élévation  partielle  de 
température  dans  Texpérience  de  M.  Cl.  Bernard  sur  la  sec- 
tion du  sympathique  au  cou  chez  le  lapin,  suivie  de  la  colora- 
tion rouge  et  de  réchauffement  de  l'oreille  du  même  cAté.  De 
même  nous  voyons  souvent  chez  un  malade,  fiévreux  ou  non, 
la  rougeur  et  l'élévation  de  température  dans  des  régions  li- 
mitées, sur  Tune  des  deux  oreilles  ou  sur  toutes  deux,  ou 
sur  une  joue.  Rappelons  encore  des  faits  intéressants  qui  res- 
sortissent  h  cette  question  :  la  rougeur  circonscrite  que  Ton 
constate  souvent  chez  les  pneumoniques  sur  la  joue  correspon- 
dante i^u  poumon  malade,  et  la  rougeur  circonscrite  de  même 
aux  deux  joues  des  phthisiques,  et  que  les  profanes  regardent 
comme  un  symptAme  d'incurabilité.  Dans  les  deux  cas  les 
parties  colorées  sont  aussi ,  en  général ,  plus  chaudes  que  les 
parties  voisines. 

Mais  ce  qui  est  autrement  important  que  ces  changements 
de  température  de  la  peau,  c'est  Félévatian  générale  de  tempéra- 
ture qui  a  sa  source  dans  Taugmentatton  de  la  chaleur  du 
sang:  car  elle  est  pour  nous  le  gymptdme  cardinal  de  la  fièvre 
qui  accompagne  un  grand  nombre  de  maladies  de  l'appareil 
respiratoire. 

Quelle  est  la  cause  de  cette  élévation  de  la  température  ?  A 
cette  question  il  n'y  a  que  deux  réponses  possibles  :  ou  bien 
les  phénomènes  de  combustion  qui  produisent  la  chaleur  sont 
augmentés,  ou  bien  le  refroidissement  du  sang  qui  s'effectue 
à  la  surface  de  la  peau  ou  de  la  muqueuse  pulmonaire,  sur- 
tout de  cette  dernière,  est  diminué. 

«Dans  mon  mémoire  sur  les  crises  et  les  jours  critiques, 
dit  Traube ,  j'.ai  incliné  pour  cette  dernière  explication.  L'hy- 
pothèse à  laquelle  je  me  suis  rattaché  depuis,  sous  l'influence 
d'observations  prolongées  et  de  l'étude  a|)profondie  des  an- 
ciens auteurs,  s'éloigne  de  cette  explication  et  pourrait  se  tra- 
duire de  la  façon  suivante  : 

«Par  suite  de  l'influence  que  la  cause  fébrifère  exerce  sur 

^7 


( 


ô7h  cmPITKt:  II   -LA  CHALKIK   ET  LA  FIKVKE. 

le  système  nerveux  vasomoteur,  et  (|ue  je  considère  coinm<» 
irritante,  les  muscles  <les  vaisseaux  qui  sont  surtout  développés 
dans  les  artériolps  et  les  plus  fins  ramûscules  artériels  entrent 
violemment  en  contraction.  Le  rétrécissement  de  la  lumière 
des  artères  qui  en  résulte  doit  avoir  un  double  effeL  11  y  a 
diminution  de  la  quantité  dr  sang  que  les  capillaires  reçoivent 
en  un  temps  donné  du  système  aortique,  et  en  même  temps 
|p  la  pression  qui  s'exerce  sur  la  surface  interne  de  ces  petiL»^ 
vaisseaux.  Dans  les  premiers  moments  il  en  résulte,  indépen- 
damment de  l'apport  moins  grand  d'oxygène  aux  tissus,  un 
moindre  refroidissement  du  sang  par  le  transport  et  le  rayon- 
nement à  la  surface  du  corps,  en  second  lieu  une  diminution 
de  l'élimination  de  la  liqueur  du  sang,  c'est-à-dire  de  ce  li- 
quide rjui,  sous  l'influence  de  la  pression  latérale  des  capil- 
laires, est  exprimé  à  travers  les  parois  de  ces  vaisseaux ,  et  qui 
apporte  a  chaque  tissu  les  conditions  nécessaires  à  sa  vie, 
r'est-à-dire.  les  matériaux  appropriés  aux  appareils  de  sécré- 
tion principalfMiient  pour  ta  séparation  et  l'élimination.  La 
diminution  de  rulllux  de  Teau  aux  cellules  épitbéliales  d»» 
la  peau  et  de  la  nm(|ueuse  pulmonaire  est  suivie  nécessaire- 
ment dune  diminution  de  l'évaporation  par  ces  deux  surfaces. 
(Toù  une  nouvelle  cause  restrictive  du  refroidissement  du 
corps. 

"Cette  hypothèse  est  confirmée  par  les  faits  que  nous  four- 
nit l'étude  du  frisson  fébrile.  Pendant  le  stade  de  froid, 
roujuie  nous  Tavons  vu,  la  turgescence  de  la  peau  et  du  tissu 
cellulaire  sous-cutané  diminuent;  les  mains,  les  pieds,  le  nez. 
sont  plus  froids  qu'c\  Tétai  normal:  les  petites  artères  acces- 
sibles à  l'observation  sont  rétrécies 

«Evidemnienl  le  rétrécissement  des  artères  n'a  pas,  pen- 
dant le  frisson,  la  même  cause  que  dans  le  cas  où  nous  nous 
e\|>osous  i\  une  basse  teujpérature.  car  le  sang  d'un  fébrici- 
lant  est  encore  plus  chaud  dans  le  frisson  qu'à  Tétat  normal: 
et  l'inllueiice  seule  d'un  milieu  qui  atteint  à  peine  la  tempe- 


LA  FIÈVHE.  570 

rature  du  sang  artériel  sijffit  dëjà  à  dilater  les  artères  de  la 
périphérie. 

«On  ne  peut  faire  ici  que  deux  suppositions.  La  cause 
fébrifère  agit  d'une  façon  en  quelque  sorte  paralysante  sur 
le  cœur,  et  détermine ,  par  la  diminution  de  Tafllux  du  sang 
dans  le  système  aortique,  une  rétraction  de  tous  les  vaisseaux 
et  aussi  des  artères  de  la  surface,  ou  bien  elle  produit,  par 
Texcitation  du  système  nerveux  vasomoteur,  une  contraction 
des  artères  de  petit  calibre  et  des  capillaires. 

(T  La  première  hypothèse  a  contre  elle  la  différence  de  co- 
loration que  présente  un  homme  suivant  qu  il  est  en  proie 
au  plus  fort  frisson,  ou  qu'il  est  évanoui,  puis  et  surtout  le 
degré  d'expansion  qu'offre  l'artère  radiale  dans  le  frisson  fé- 
brile. Reste  donc  seulement  la  supposition  que  la  cause  fébri- 
fère agit  d'une  façon  excitante  sur  le  système  nerveux  vaso- 
moteur. 

«J'ai  dit  ailleurs^  comment  j'expliquais  par  la  contraction 
des  petits  vaisseaux  les  autres  phénomènes  fébriles.  « 

Nous  ferons  remarquer  que  cette  théorie,  d'après  laquelle 
l'élévation  de  la  température  est  attribuée  exclusivement  à  la 
diminution  des  pertes  de  chaleur  ne  tient  pas  compte  d'une 
foule  de  phénomènes  tels  que  l'exagération  des  quantités  de 
l'acide  carbonique  exhalé  et  de  l'urée  éliminée;  elle  pourrait 
peut-être  suffire  pour  faire  comprendre  les  actes  d'un  accès 
de  fièvre  intermittente,  mais  elle  est  insuffisante,  si  l'on  veut 
l'appliquer  à  une  fièvre  continue,  à  la  fièvre  typhoïde  par 
exemple ,  dans  laquelle  cette  diminution  de  la  déperdition  n'est 
pas  soutenable ,  et  pendant  laquelle,  au  contraire ,  les  vaisseaux 
cutanés  sont  richement  irrigués  et  par  conséquent  apportent 
à  la  surface  du  corps  du  sang  incessamment  renouvelé  et  tou- 
jours dans  des  conditions  favorables  pour  qu'il  s'y  refroidisse. 

*   TrnuU»,  Alifffmêine  mêdinntêeke  CentraUeitung ,  i863. 

•*7- 


581)  CIIAIMJHK  II.   —  LA  CJIALELU  ET  LA  FIEVRE. 

Tliéoric  de  MareyK  —  Pour  M.  Marey,  la  caractérislijjue 
(le  a  lièvre,  c'est  l'excès  de  chaleur;  s'il  est  vrai  que  cet  ëtat 
ne  soil  (|u'uii  slade'dans  l'accès  de  lièvre  palustre,  on  le  trou\e 
souvent  isolé  dans  d'autres  lièvres;  lui  seul  constitue  la  mani- 
IV.sjalion  vraiment  constante  de  l'état  fébrile. 

«\ous  avons  assez  longuement  insisté,  dit-il.  sur  le  rôle  de 
la  contractilité  vasculaire  relativement  aux  changements  (|ui 
surviennent  dans  la  température  animale;  nous  avons  montré 
comment  cette  contractilité,  réglant  le  cours  du  sang,  modifie 
la  tension  artérielle,  et  par  suite  la  force  du  pouls,  et  même 
la  fréquence  des  lialtements  du  cœur.  On  ne  s'étonnera  donc 
pas,  si  nous  annonçons  maintenant  ([ue  les  phénomènes  qui 
caractérisent  l'état  fébrile  sont  tous  des  effets  plus  ou  moins 
directs  du  relâchement  des  vaisseaux  '-.  Pour  démontrer  ce 
premier  fait,  nous  partagerons  les  |)hénomènes  fébriles  en 
deux  [jroupes  : 

"  i"  (ieux  qui  se  ])assent  du  côté  des  tissus  :  A,  chaleur; 
B.  rougeur;  (i,  gonllement; 

"~  \i'  Ceux  qui  ont  pour  siège  les  artères  et  le  cœur  ;  A,  force 
|dus  grande  du  [)ouls;  B,  fréquence  exagérée  des  battements 
du  C(eiir.  ^^ 

Nous  n'empruntons  à  M.  Mare\  (|ue  ce  qui  est  relatif  à  /// 
chaleur  dans  la  fièvre  : 

•*  Lorsqu'on  touche  la  main  d'un  lébricitant,  on  la  trouve 
brûlante,  et  l'on  n'hésiterait  pas,  d'après  le  témoignage  des 
sens,  à  déclarer  (pi'elle  est  beaucoup  plus  chaude  qui  l'état 
normal.  Mais,  |)our  plus  de  rigueur  dans  Texpérimentation, 
on  enj|)loie  le  tliernjumètre  pour  évaluer  l'accroissement  de 
chaleur:  l'instrument  sigjiale  ordinairement  à  peine  quelques 
degrés  de  |)lus  ([u'à  l'état  normal.  Kn  somme,  dans  les  lièvres 

'   Mar».^y,  (:irriil,iiiun  ilu  sann  :  Paris,  l'élal  fébril»^;  le  malaise  Ja  céphalalgie, 

i'S()3,]i.  ^i<)u.  ririiippélence,  etc.;   nous  iiou>  borne- 

-   Nous  ne  clicidieiou.^  pi«>  à  pxpli-  i  uns  à  Tétude  des  modifications  qui  sur- 

juei  cerlain>pliHnoinèiie>  arcessuiitsde  vieiinenl  dans  l'élal  circulatoire. 


I  A  FIÈVRE.  581 

les  plus  intenses,  on  trouve  seulement  3  ou  ^  degrés  d'iiug- 
inentation  dans  la  température. 

«Cette  discordance  entre  les  renseignements  fournis  par  le 
toucher  et  les  indications  du  thermomètre  tient  en  grande 
partie  à  ce  que  la  main  et  Tinstrument  ne  sont  pas  appliqués 
aux  mêmes  régions  du  corps.  On  explore  par  le  toucher  les 
régions  superficielles,  la  main,  les  téguments  des  membres  et 
de  la  face  du  malade,  tandis  qu'on  applique  le  thermomètre 
tantôt  sous  l'aisselle,  tantôt  dans  les  cavités  naturelles  où  la 
température  présente  une  fixité  bien  plus  grande. 

^  L'élévation  de  la  température  sous  Tinfluence  de  la  fièvre 
consiste  bien  plutôt  en  un  nivellement  de  la  température  dans 
les  différents  points  de  l'économie,  qu'en  un  échauiïement  ab- 
solu. Il  se  produit,  sous  l'influence  de  la  fièvre,  un  effet  ana- 
logue à  celui  dont  nous  avons  parlé  à  propos  des  expériences 
de  Hunter  sur  le  rôle  de  l'inflammation  dans  la  production  de 
la  chaleur,  effet  tout  physiologique,  qui  se  rattachait  h  la  rapi- 
dité plus  grande  du  mouvement  du  sang.  La  chaleur  fébrile 
psI  assimilable  à  celle  qu'on  produit  dans  un  organe  par  la 
section  des  nerfs  du  grand  sympathique;  seulement  le  phéno- 
mène de  dilatation  des  vaisseaux  étant  pour  ainsi  dire  géné- 
ralisé dans  toute  l'économie,  réchauffement  qui  en  résulte  se 
généralise  également  pour  toutes  les  régions  superficielles  du 
corps. 

c(  Mais  nous  venons  de  dire  que  le  thermomètre .  lorsqu'on 
le  plonge  dans  les  cavités  profondes,  accuse  une  élévation 
réelle  de  température,  qui ,  toute  faible  qu'elle  est,  n'en  mérite 
pas  moins  d'attirer  l'attention.  La  masse  du  sang  s'est  donc 
échauffée  de  quelques  degrés.  Peut-on  expliquer  ce  phéno- 
mène par  la  plus  grande  rapidité  du  coura  du  sang? 

(tOn  se  rappelle  l'expérience  de  M.  Cl.  Bernard,  par  laquelle 
il  est  prouvé  que  la  section  du  grand  sympathique  n*échauffe 
pas  seulement  l'oreille  du  lapin  par  un  renouvellement  plus 
rapide  du  sang  qui  la  traverse,  mais  qu'elle  amène  aussi  la 


r)82         CHAIMTRK  11.    -  LA  CHALEÏIK  ET  LA  KIEVnK. 

prodiirlion   d'uiK»  quantité   de  clialeur  un  peu   plus  grande 
qu'îi  Tétai  normal. 

'^  Il  est  naturel  d'admettre  que ,  chez  le  fébricitant ,  la  rapidité 
du  mouvement  circulatoire  produira  non-seulement  le  nivel- 
lement do  la  température  dont  nous  avons  parlé,  mais  aussi 
un  accroissement  dans  la  production  de  chaleur. 

•■f  ()ueh|ue  léger  que  soit  cet  accroissement  dans  la  produc- 
tion de  chaleur  sous  Tinlluence  de  la  fièvre,  on  comprendra 
facilement  qu'il  puisse  élever  la  température  centrale  d'une 
uïanière  appréciable,  si  l'on  tient  compte  des  obstacles  qu'on 
ap|)orle  à  la  déperdition  du  calorique  chez  les  fébricitants.  La 
rapidité  de  la  circulation  périphérique  refroidirait  probable- 
ment bien  vite  l'homme  qui  a  la  lièvre,  si  une  plus  grande 
sensibilité  au  froid  ne  portait  le  malade  à  se  couvrir  de  véle- 
ujenLs;  de  plus  les  idées  qui  dirigent  la  thérapeutique  des 
fif'vres  font  (ju'en  général  on  dépasse  les  exigences  du  ma- 
lade, et  que.  lors  même  qu'il  désire  un  peu  de  fraîcheur,  on 
lui  impose  un  supplément  de  couvertures,  sans  compter  les 
boissons  chaudes  et  l'atmosphère  chaude  de  la  pièce  dans  la- 
<pielle  on  le  tient  enfermé,  ajoutons  à  cela  que  la  peau  du  fé- 
bricitant est  sèche,  de  sorte  qu'elle  n'a  plus,  dans  la  sécrétion 
<'l  réva|)oration  de  la  sueur,  l'une  des  sources  ordinaires  de 
la  déperditicm  du  calorique  dans  les  milieux  à  température 
élevée. 

«En  résumé  :  la  chaleur  augmentée  dans  la  fièvre  porte 
princi|)alement  sur  la  périphérie  du  coqis,  ce  qui  prouve  qu'elle 
consiste  surtout  en  un  nivellement  de  la  température,  sous 
l'influence  d'un  mouvement  plus  rapide  du  sang.  Toutefois  il 
existe  aussi  dans  la  lièvre  une  légère  augmentation  de  la  cha- 
leur centrale,  ce  qui  peut  s'expliquer  par  une  augmentation 
légère  de  la  production  de  chaleur  (|uand  la  circulation  s'accé- 
lère, mais  ce  cjui  peut  tenir  en  grande  partie  à  la  suppression 
presque  complet»*  des  causes  ih»  rfîfroidissement  chez  les  ma- 
lades.-^ 


LA  FIÈVRE.  5H3 

11  nous  semble  que,  dans  cette  théorie,  que  nous  avons  re- 
produite m  extenso,  M.  Marey  a  parfaitement  vu  les  deux  élé- 
ments qui  s'associent  pour  augmenter  la  température  des 
fiévreux ,  mais ,  au  lieu  de  considérer  l'accroissement  de  la  pro- 
duction de  chaleur  comme  le  second  élément,  il  faut  évidem- 
ment le  placer  en  première  ligne.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  négliger  le  nivellement  de  la  teippérature  serait  mécon- 
naître une  cause  réelle,  mais  secondaire,  de  l'état  fébrile. 

Théorie  de  M.  Claude  Bernard^.  —  M.  CL  Bernard  fait  re- 
marquer que  les  théories  de  Traube  et  de  Marey  sont  insulii- 
santés,  même  pour  le  frisson  de  la  fièvre  intermittente,  car 
l'élévation  de  la  chaleur  précède  le  frisson. 

Hunter,  Breschet  et  Becquerel  ont  démontré  que,  si  le^sang 
s'échauffe  légèrement  en  traversant  une  partie  enflammée, 
cette  petite  augmentation  de  chaleur  est  insuffisante  pour  ei- 
pliquer  l'élévation  totale  de  la  température  du  corps.  Zimmer* 
mann,  Weber,  John  Simon,  Billroth,  ont  constaté  les  mêmes 
faits. 

Donc,  s'il  y  a  production  île  chaleur  dans  la  fièvre,  cette 
chaleur  tient  è  un  processus  général,  comme  la  chaleur  nor- 
male; la  lésion  d'un  organe  n'a  été  que  le  point  de  départ  des 
actions  nerveuses  qui  président  à  la  calorification  normale  et 
è  son  exagération  pathologique. 

Les  travaux  de  Leyden,  de  Liebermeister,  ont  montré  que 
la  perte  de  chaleur  est  toujours  augmentée  dans  la  fièvre;  cette 
peiie  peut  aller  jusqu'à  i   i/ti  et  a  fois  la  normale. 

La  quantité  de  chaleur  produite  pendant  la  fièvre  est  donc 
augmentée.  la  preuve  s'en  trouve,  en  outre,  dans  l'augmenta- 
tion des  déchets  qui  résultent  des  combustions  organiques, 
ainsi  qu'on  le  constate  dans  l'air  expiré  et  dans  l'urine. 

Chez  le  fébricilant  la  respiration  est  accélérée.  Sénator  et 

*  et.  Bernard,  Lreom»  êur  la  ckakur  amimaie,  p.  6o5. 


5»4         CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

Traube,  ne  tenant  pas  compte  de  cette  circonstance,  avaient 
(*onclu  de  leurs  analyses  que  le  poumon  des  fiévreux  rend  moins 
d'acide  carbonique  que  celui  de  l'homme  sain.  I^yden  de 
kœnigsberg  et  Liebormeister  ont  démontré  leur  erreur.  lâe- 
bermeister  a  trouvé  que,  dans  un  accès  de  fièvre  intermitlente. 
In  contenu  proportionnel  d'acide  carbonique  dans  l'air  expiré 
est  diminué:  il  est  à  la  quantité  normale  comme  3  est  à  3  1/9. 
mais  la  quantité  absolue  dans  un  temps  donné  a  augmenté 
conmip  1   i/îi  est  «  i. 

bans  Taccès  de  (lèvre  pendant  la  seconde  demi-heure,  bien 
que  la  température  monte  lentement,  la  production  d'acide 
carboni(|ue  augmente  do  45  p.  0/0.  Dans  la  troisième  demi- 
heure,  la  température  monte  rapidement,  et  l'acide  carbonique 
augmente  de  fi-j  p.  0/0.  Il  est  éliminé  en  une  demi-heure  la 
quantité  énorme  de  3&*%*j  d'acide  carbonique,  puis  la  pro- 
portion baisse  à  ii)  p.  0/0  d'augmentation,  et,  pendant  les 
deux  dernières  demi-heures,  où  la  température  se  maintient 
a  /io  déparés,  l'élimination  de  l'acide  carbonique  n'est  |)ius  que 
de  38  p.  0/0  au-dessus  de  la  normale. 

Ainsi  la  proportion  d'acide  carbonique  varie  avec  la  tem- 
pérature. 

Voyons  maintenant  pour  l'urée,  qui  décèle,  dit-on,  les  mé- 
tamorphoses que  subissent  les  matières  albuminoldes.  Lo  kilo- 
gramme d'individu  sain,  à  la  diète,  produit,  par  vingt-4|uatre 
heures,  o^'.nS  d'urée,  or  les  fiévreux  éliminent,  par  kilo- 
gramme, de  i*',5  à  l*^89. 

La  perle  de  poids  éprouvée  par  un  individu  sain  à  la  diète 
est  de  q3  à  3o  f;rammes  par  jour  et  par  kilogramme;  celle  du 
fébricitant  de  3o  è  &A  grammes.  d*après  0.  Weber. 

L'excès  dans  la  calorification  du  fébricitant  se  trouve  donc 
démontré  par  la  température,  la  calorimétrie,  le  dosage  de 
Facide  carbonique  et  de  Turée,  enfin  par  la  perte  de  poids. 

Nous  savons,  en  physiologie,  que  la  chaleur  portée  h  un  cer- 
tain degré  amène  la  mort  de  Tanimal.  Il  n'est  pas  douteux 


( 


LA  FIËVRË.  585 

que  la  chaleur  fébrile  ne  puisse  produire  les  mêmes  résultats. 
La  température  ne  dépasse  pas  plusieurs  jours  6!\q  sans 
que  la  mort  survienne,  et,  dans  ces  cas,  ce  sont  les  lésions 
musculaires  qui  dominent  (dégénérescence  de  Zenker).  Il  en 
est  de  même  dans  Tinsolation,  le  coup  de  chaleur.  On  trouve, 
de  plus,  des  dégénérescences  graisseuses  du  foie,  des  reins, 
le  {encéphale. 

PourSénator,  ce  sont  surtout  des  albuminoïdes,  qui  brûlent, 
(|ui  se  dédoublent  en  excès,  pendant  la  fièvre;  les  hydrocar- 
bures, les  graisses,  ne  subissent  que  peu  ou  pas  d'augmenta- 
tion dans  leur  mouvement  de  décomposition;  il  en  résulte 
que  bientôt  cçs  graisses  se  trouvent  relativement  en  excès. 
Mais  nous  savons ^ue  la  combustion  des  albuminoides  donne 
environ  8  fois  moins  de  chaleur  que  celle  de  la  graisse.  Si  les 
hydrocarbures  étaient  épargnés,  il  y  aurait  peu  d'élévation  de 
température,  et,  dans  la  lièvre,  la  chaleur  constatée  serait  non 
le  fait  d'un  excès  de  production,  mais  d'une  modification  dans 
la  déperdition. 

Pour  M.  Ci.  Bernard,  nu  contraire,  on  doit  considérer  la 
fièvre  comme  une  exagération  de  la  calorification  normale.  Au 
point  de  vue  du  mécanisme,  mais  non  de  la  cause  de  la  fièvre, 
M.  Cl.  Bernard  considère  le  système  nerveux  grand  sympa- 
thique comme  le  frein  opposé  h  l'exagération  des  actes  de 
combustion. 

On  a  vu,  en  effet,  (|ue  la  section  de  la  moelle  épinière  à  la 
partie  inférieure  de  la  région  cervicale  produit  toujours  le 
refroidissement  chez  les  animaux  de  petite  taille.  Elle  serait 
due  au  rayonnement  d'après  les  expériences  de  Naunyn  et 
Quincke,  car,  si  l'on  supprime  ce  rayonnement ,  exagéré  par  ta 
dibilation  des  vasomoteurs,  si  l'on  enveloppe  les  animaux  dans 
de  la  ouate  à  96"* ou  3o^  la  température  s'élève  jusqu'à  ^3°- 
44^  et  l'animal  meurt  par  IVxcès  de  chaleur.  La  section  de  la 
moelle  aurait  donc  détruit  le  frein  qui  s'oppose  à  l'exagéra- 
tion de  la  production  de  chaleur.  Naunyn  et  Quincke  voient. 


r>,so       <:iiAi>iTnK  ii.   -  i.a  cmaleijk  kt  la  Fif:vnK. 

(!♦»  |)lus.  (jue,  si  l'on  pratique  la  section  de  la  moelle  à  des  ni- 
veaux inférieurs,  les  phénomènes  de  caloriiication  vont  en  s'at- 
ténuant,  à  mesure,  en  définitive,  que  Ton  restreint  le  champ 
dans  lequel  le  frein  est  su[)primé. 

M.  (]l.  Bernard  fait  remarquer  que.  non  protégés,  les  ani- 
njaux  auxquels  on  a  coupé  la  moelle  se  refroidissent  toujours, 
que  le  (ail  de  les  envelopper  et  de  les  échauffer  ainsi  ne  per- 
met pas  de  conclure  pour  la  lièvre,  et,  pour  lui,  les  phéno- 
uîènes  de  combustion  seraient  plus  spécialement  régis  par  les 
nerfs  vasomoleurs  dilatateurs  ou  calorifiques  qui  appartiennent 
en  parliculinr  au  système  cérébro-spinal.  Or  la  fièvre  n'est 
([u'une  exagération  de  l'action  de  ces  nerfs  calorifiques  et  non 
une  |)aralysie  des  vasodilatateurs. 

et  Pour  nous  résumer,  dit  M.  Cl.  Bernard  (p.  463),  relati- 
vement à  l'étude  de  la  chaleur,  de  la  fièvre,  des  nerfs  vaso- 
dilatateurs,  et  pour  indiquer  exactement  les  rapports  qui  lient 
étroitement  ces  questions  de  |)hysiologie  et  de  pathologie, 
nous  dirons,  en  les  considérant  aux  trois  points  de  vue  que  je 
vous  indiquais  comme  termes  obligés  de  toute  analyse  médi- 
cale vrain)ent  scientififjue.  que  : 

^  I  La  |)hysiologie  nous  montre,  dans  la  fièvre,  des  IroubleN 
(h»  nulrilion,  caractérisés  par  une  dénutrition  constante,  par 
suite  d'une  cessation  d'action  des  nerfs  vasoconstricteurs  ou 
frigorifiques,  o[  d'une  suractivité  constante  des  nerfs  vaso- 
dilatateurs  ou  calorifiques. 

"  !>  La  pathologie  nous  montre,  dans  cet  excès  même  de  cha- 
leur produite,  un  enqjéchement  à  l'assimilation  ou  à  la  syn- 
thèse nutritive  et  une  source  de  dangers  dont  la  mort  peut 
être  le  résidtat  plus  ou  moins  rapide. 

r.  l\'  (l'est  contre  cette  |)ersistance  de  l'état  de  dénutrition  ou 
de  caloriiication  due  à  la  suractivité  des  vasodilatateurs,  que 
la  thérapeiitif|ue  doit  chercher  à  réagir,  soit  en  trouvant  un 

moyen  i\r  ujettre  en  ieu  le  système  nerveux  vasoconstricteur, 

■  Il  II 

de  manière  n  ramener  le  froid  d.uis  le  milieu  intérieur,  soit  en 


LA  FIÈVRK. 


587 


substituant  h  Taction  nerveuse  physiologique  des  équivalents 
physiques,  tels  que  les  réfrigérations  artificielles  extérieures 
ou  intérieures  du  milieu  sanguin  ^.v 

Théorie  de  Hûlêi'*^.  —  Celle  théorie  bien  fantaisiste  ne  mérite 
d'4tre  signalée  que  parce  qu'elle  a  trouvé  des  partisans  en 
Allemagne  et  a  provoqué  un  travail  deSénator.  L'auteur  s'est 
occupé  de  ce  même  sujet  depuis  plusieurs  années  :  en  1 879 ,  il 
a  publié  avec  le  docteur  Greveler  des  expériences  sur  l'infec- 
tion des  grenouilles  par  l'injection  de  liquides  contenant  des 
monades.  Ces  études,  en  permettant  de  reconnatire  les  phéno- 
mènes intimes  de  la  circulation,  l'ont  conduit  à  rechercher  les 
causes  immédiates  de  la  fièvre,  et  il  se  range  à  lavis  des  expé- 
rimentateurs  qui  pensent  que  la  fièvre  consiste  essentiellement 
non  pas  dans  une  production  de  chaleur  augmentée,  mais  dans 
une  diminution  de  la  perte  de  chaleur.  Traube  a  admis  un 
étarde  contracture  des  petits  vaisseaux  de  la  peau.  Hûter  a 
plus  particulièrement  étudié  ce  phénomène  dans  les  capillaires 
du  poumon. 


'  Dans  lin  Iravail  tvceni  sur  la  ti«^\  re 
chei  l«*s  animauv  à  sang  froîd,  fVW 
Joê  Fiebtr  d§r  KaitbtiUtr  {Artk.  de  W. 
PfUêger,  jain  1 875  ) ,  0.  Lassar  a  obaervi^ 
que,  sur  les  grenouilles  auxquelles  on 
injectait  des  matières  putrides ,  on  n*ob- 
senrait  aoeune  augmentation  ni  dans  la 
chaleur  du  corps  de  raoimal,  ni  dans 
Celle  qu'il  peut  émettre  par  rayonnement  ; 
il  n'y  a  pas,  quoique  fanimal  succombe 
à  Texpérience,  de  chaleur  produite;  il 
n*y  a  point  de  fièvre  au  point  de  vue 
thermique.  Et,  en  rflel,  ces  animaux 
n'ayant  pas  de  chaleur  propre  ni  d*ap- 
pareil  de  régulation  thermique,  rien 
d'étonnant  i  ce  qu'on  ne  constate  pas 
chex  eux  des  manifestations  morbides 
qui  consisteraient  essenlieilement  en  un 
trouhle  du  pouvoir  calorifique  et  de  son 


appareil  nerveux  rf'giilateur.  Ce  n'est 
pas  A  dire  cependant ,  romnie  on  Pavait 
avancé  autrefois,  que  les  animaux  A 
sang  froid  ne  présentent  pas  les  phéno- 
mènes locaux  de  l'inflammation.  (  Voyex 
Robert  Latour,  Expérietteet  êerrant  à 
démontrer  ^n^  U  pnikaiop^  dn  tmimmmx 
à  ânugjfoid  ni  ejc^mptê  de  Vactê  mot- 
bide  t/ui ,  dam  (m  ammmtx  à  tang  ehaud , 
a  reçu  le  Wfm  d* inflammation ,  Pari<, 
i8Vi.) 

Extrait  de  Cl.  Bernard,  Chedeur ani- 
male, p.  &i5. 

*  Sitr  la  dmtlation  et  eee  troMe* 
danê  le$  poumonê  dee  grenauillêê,  /fe- 
cherchée  proprm  à  étahkr  une  théorie 
méranitfue  de  la  fièvre ,  par  C.  Hâter 
( Centralblalt ,  1 878 ,  n"  5 ,  p.  65  ). 


588  (IIAIMTIU:  11.   -  I.A  CHALKLR  KT  \A  FIKVRK. 

r  l.p  corps  animal ,  dil-il ,  se  refroidit  par  deux  surfaces  dillt^- 
ifMiles,  par  la  peau  oi  par  les  poumons. 

r  Moins  il  circule  de  sanfj  dans  les  vaisseaux  de  ces  surfaces 
de  refroidissemenl ,  moins  il  y  a  de  perte  de  chaleur,  et  plii*^ 
la  [empéralnre  du  corps  s'élève.  Si  la  moitié  environ  des  vais- 
seaux est  souslrailc  à  la  circulation,  comme  je  l'ai  observe  sur  la 
"renouille,  il  >  a  moitié  moins  de  perte  de  chaleur,  et  ain^i 
>'e\pli(|uerai[  TéleNalion  de  la  température  fébrile  chez  les 
animaux  à  sang  chaud  infectés.  Les  frissons  avec  leur  éléva- 
tion de  leni|)éra[iire  manpjent  la  suppression  brusque  d'une 
partie  considérable  des  vaisseaux  de  la  peau  au  point  de  vue 
de  la  circulation. 

"  Le  nombre  des  contractions  du  cœur  s'élève  avec  la  chaleur 
(hi  sanfj(Sénalor),  peut-être  aussi  en  raison  des  résistances  des 
vaisseaux  de  la  périphérie.  La  mort,  dans  la  fièvre,  peut  s'ex- 
plicpier  par  1  insullisance  du  cœur  ou  par  la  suppression  de  la 
cireulation  dans  une  étendue  considérable  des  vaisseaux  dii 
poumon  0(1  des  centres  nerveux. 

•'  L'élude  des  substances  pyrogènes  et  phlogotiqups  faite  par 
().  W  cher  et  Billrolh  ne  prouve  jias  que  la  fièvre  soit  néces- 
sriiremeïjt  tine  inloxieation  du  sang,  et  l'on  peut  admettre  aussi 
(ju'elle  peut  être  produite  par  des  troubles  mécaniques  de  la 
rirculation.  (l'est  ce  (jue  montre  l'état  de  congestion  de  la  rate, 
du  foie,  des  rjnns.  etc.,  dans  la  fièvre  infectieuse  traumatique 
ou  artificielle  par  injection  de  monades.  Vovez  aussi  les  abcès 
métastati(pies  des  poumons  ^  v 

Thi'oviv  ilv  Séiititor-.  -     Inspiré  par  les  études  de  Hûter  sur 


'    l/aiili'iir  il,   «Ijiiin  un    strornl   tuv-  i  hijodionsitaiis  lerœura\ec  la  seririgii" 

iiidirfî  [  CcnlntlhliUt ,  n"  () .  187-'^),  rap-  '!«  Pm^ai  ). 

I  orl»' «l»"*  Pxpt'rioiHC's  furil  a  laites  sni  '  Sôniiior.  i\ottrflleH  c*mlrif»ution<(n  In 

Ifs  i»ml«>lii*^  pfniliiilos  «laiis  l«s  poumons  ctninaissahce  de  la  Jihrr  (  dentralblna . 

.|.    ;|i<MUHiillc's  à   laiilc  <\r  poii^^iiTP  «If  iSyS.  n"  6,  p.  8'i.) 
'•|iarl»ofi    011    diinc    »'MiiiiKion    «l»'    1  iiv. 


L\  IMÈVRK.  589 

la  circulation  pulmonaire,  Sénator  s'est  propose  de  recher- 
cher, par  une  voie  analogue,  quel  est  Tétat  des  vaisseaux  dans 
le  frisson,  si  c'est  une  dilatation  paralytique,  ou  une  contrac- 
tion permanente  des  petites  artères  (Traube),  ou  une  contrac- 
tion périodique  changeant  suivant  le  temps  et  le  lieu.  Pour 
cela,  l'auteur  compare  Tétat  des  vaisseaux  de  l'oreille  chez  un 
lapin  albinos  à  l'état  de  santé  et  k  Tétat  fébrile.  Voici  le  ré- 
sultat de  ses  observations  : 

i"*  immédiatement  après  l'injection  de  la  matière  pyrogé- 
iiétique  sous  la  peau  du  dos,  il  se  produit  une  forte  contrac- 
tion de  tous  les  vaisseaux  de  l'oreille ,  et .  par  suite,  une  décolo- 
ration et  un  refroidissement  de  l'oreille,  auxquels  succèdent 
bientôt  un  ou  plusieurs  mouvements  de  dilatation.  iMais  cette 
contraction  a  lieu  aussi  à  la  suite  de  n'importe  quelle  émo- 
tion, par  exemple  la  peur,  et  n'a  rien  de  spécial. 

9"  Longtemps  après  l'injection,  quand  la  température  du 
rectum  s'élève  de  t*"  k  i\h  au-dessus  de  la  horniale.  et  que 
le  corps  de  l'animal  est  échauffé,  on  voit  les  vaisseaux  de  l'o- 
reille demeurer  souvent  resserrés  pendant  des  heures  entières, 
et  plus  contractés  qu'ils  ne  le  sont  jamais  à  l'état  normal  ;  mais, 
de  temps  en  temps,  tantôt  sans  cause  connue,  tantôt  sous  une 
influence  extérieui*e,  comme  la  peur,  un  contact  dur.  on  voit 
survenir  des  alternatives  de  resserrement  et  de  drlatation  d'une 
durée  considérable. 

3''  Après  plusieurs  jours  de  fièvre  et  chez  les  animaux  très- 
fatigués,  les  dilatations  deviennent  fort  rares,  courtes  et  peu 
marquées. 

&°  Pendant  la  dilatation  des  vaisseaux,  on  peut  sentir  sur 
le  tronc  des  pulsations  très-accusées,  ce  qui  n'avait  pas  lieu 
avant. 

5"  Les  deux  oreilles  ne  se  comportent  pas  toujours  de  la 
m^me  manière. 

De  ces  faits  résulte  cette  notion ,  que  l'auteur  considère  comme 
tout  à  fait  nouvelle,  que  la  fièvre  ne  donne  lieu  ni  à  une  pa- 


:m\       <:ii\iMTRK  ii— la  chalklk  et  la  kievur 

lalysie  ni  à  un  tétanos  |)ennanents  des  vaisseaux.  Il  faut  con- 
clure, avec  lleidenliain,  qu'il  y  a  des  circonstances  pathologi- 
ques 011  rexcitabilité  des  vaisseaux,  notamment  celle  des  vais- 
seaux Ho  la  peau,  est  très-surexcitëe. 

Théorie  de  Liebermeisier  \  —  Nous  avons  successivement 
rendu  compte  des  nombreuses  recherches  de  Liebermeister 
sur  la  calorimélrie,  sur  la  quantité  d'acide  carbonique  exhalé 
pendant  la  fièvre,  nous  n'avons  plus  qu'à  donner  sa  conclu- 
sion. 

Liebornieisler  pose  d'abord  cette  question  :  Quest-^e  tjue 
Iftfèvre?  et  il  procède»  par  analvse  à  la  détermination  de  cha- 
rnu de  ses  caractères. 

Chc:  unfévreux.  la  température  du  coè*p8  est  plus  élevée  que  chez  un 
homme  sain.  Plus  nous  sommes  convaincus  de  la  valeur  de  la 
ré|julalion  de  Irf  chaleur  et  de  la  constance  de  la  températun» 
de  rhoinnicî  sain  rjui  en  est  la  conséquence,  plus  nous  devons 
attacher  d'inq)ortance  à  celte  propriété  de  la  fièvre.  C'est  avec 
raison  f|ue  l'on  considère  l'élévation  de  la  température  comme 
étant  le  symptôme  patliO{jnomoni(jue  de  la  fièvre.  Nous  savons 
déjà  qui*,  mémo  dans  le  frisson  de  la  fièvre,  la  température 
intérieure  du  corps  s'élè\e,  et  que  la  période  de  frisson  est 
rrdie  pendant  laqu<'lle  la  tenjpérature  est  le  plus  élevée.  Il  n\ 
a  donc  j)as,  pour  nous,  de  lièvre  sans  élévation  de  tempéra- 
luro.  Mais  l'élévation  de  la  température  n'est  qu'un  symptôme, 
ce  nvM  pas  l'essence  de  la  lièvre,  ^ous  pouvons  en  effet,  chez 
un  lionmie  sain,  jiar  un  bain  chaud  par  exemple,  élever  la 
tenq)érature;  et  ci*t  homuje  manifeste,  en  outre,  d'autres  svmp- 
tômes  de  lièvre  :  la  lré(|uence  plus  grande  du  pouls,  un  ma- 
laise, des  douleurs  do  léte,  de  l'engourdissement,   etc.,  et. 


'    Lu'l>»TiiHM>'l»M',  irhrr    W  nrmfipftu-      Vorti  tif^p  rnn  fiirharfi  Volkmann  ^  li"  tif. 

Iirunfr  uHfl  Fiflirr  (  Saininhing  klinint  lipr      \H'j  \). 


LA  KIEVRK. 


691 


d*après  les  recherches  de  Burtels  et  de  Naunyn^  une  augmen- 
tation dans  rëlimiDalion  de  i'urëe.  Ces  faits  nous  apprennent 
clairement 'qu'une  grande  partie  des  symptâmes  IwbttueU  de  la 
fièvre  ne  sont  qu'une  conséquence  de  VHimHon  de  la  température.  Il 
faudrait  cependant  hésiter  à  considérer  comme  ayant  vérita- 
blement la  fièvre  un  homme  sain  dont  on  aurait  élevé  artiti- 
ciellement  la  température. 

Les  fiévreux  ont  une  augmentation  de  la  production  de  la  cha- 
leur. Pendant  Fardeur  de  la  fièvre,  Tapposition  de  la  main  ou 
l'usage  du  thermomètre  suffisent  pour  constater  qu'il  y  a  plus 
de  chaleur  exhalée  à  la  surface  qu'à  l'état  normal.  Leyden  a 
donné  d'une  façon  exacte  la  mesure  calorimétrique  de  cette 
chaleur  émise  par  une  partie  donnée  de  la  surface  du  corps. 
Tant  que,  grâce  à  cette  augmentation  de  la  perte  de  chaleur, 
la  température  du  corps  demeure  à  la  même  hauteur,  il  faut 


*  Cantributtom  a  V élude  de  la  fièvit , 
par  le  profeMeur  B.  M«unyn  à  Dorptt 
{Arck.fir  Att.^  Phifs.  und  wtMi.  Med., 
1870,  p.  159). 

Pour  Nauoyn ,  la  lièvre  eal  uoe  ré- 
tmUon  de  la  chaleur.  L«  mol  avail  dëjé 
élé  pronoocé.  Voici  rarguroeul  :  La 
proJurlion  de  la  chaleur  esl ,  au  fond , 
augmenlée;  cepeodani  on  oe  nie  pan 
que  la  rélenlion  de  la  chaleur  u  ait  lieu 
au  début  de  la  fièvre,  bien  que  plus 
tard  il  y  ait  certainement  augineo talion 
de  la  production.  Si  Ton  admet  que 
cette  élévation  de  température  est  cause 
d*an  plus  grand  déplacement  de  ma- 
tière, mais  que  ceUe  augmentation  de 
la  combustion  est  suivie  elleHoéme  d^une 
augmentation  de  la  production  de  cha- 
leur, il  se  trouve  que  Torganisme,  pen- 
dant la  fièvre,  est  dans  un  cercle  vi- 
cieui.  I^  mouvement  initial  proviendrait 
d'un  trouble  quelconque  qui  romprait 
le  pacte  d'équilibre  entro  la  production 


et  la  dépense  de  chaleur.  Il  y  aurait 
d*abord  rétention  de  la  chaleur,  et ,  alors 
même  que  plus  tard  la  dépense  serait 
augmentée,  k  rétention  n*en  aurait  pas 
moins  été  le  point  de  départ  d^un  uiou* 
vement  par  lequel  Taecroissement  des 
déplacements  de  matière  et  r«ugment 
de  la  chaleur  propre,  combinent,  pour 
ainsi  dire,  leurs  efforts  pour  entretenir 
une  élévation  penislante  de  la  tempéra- 
ture. 

Bartels  a  montré  que,  dans  le  bain 
de  vapeur,  non-seulement  uotie  tempé- 
rature peut  monter  à  Ao**  G.,  mais  que 
cette  température  de  notro  corps,  pro- 
duite simplement  par  rétention  de  notre 
chaleur,  a  pour  effet  à  la  fois  une  di- 
minution de  la  quantité  de  Turine  et 
une  augmentation  de  reicréUon  d'urée. 
L'excrétion  quotidienne  d'urée  est  en 
moyenne  de  ar><',8  avec  880  grammes 
d'urine  quaud  ou  a  administré  le  bain 
de  vapeur;   autrement,   elle   est,    en 


59.>  CIIMMTUH:  II.  —  LA  cri\LKll\  Kl    LA   KI^VUK. 

riece^sainMiieiit  que  la  production  de  la  chaleur  reste  élevée 
au  MHMue  dejjré.  Sans  doute,  rau{jmentation  de  la  perte  de 
rhaleur  et  de  la  production  de  la  chaleur  n'est  pas  si  grande 
(ju'on  pourrait  être  enclin  à  le  croire  d'aprè>  des  évaluations 
superficielles.  Une  mensuration  précise  montre  qu'un  fiévretix 
qui  a  plus  de  ^lo  degrés,  produit  habituellement  environ  de 
oQ  h  90  |).  o/o  plus  de  chalein*  qu'un  homme  sain  qui  a  3^  de- 
grés. La  méïne  |)roportion  existe  dans  l'excès  de  production 
(le  l'aride  carbonique  chez  les  fiévreux.  Pendant  le  stade  de 
lri>son  delà  fièvre,  alors  (|ue  la  température  du  cor|)s  est  le  plus 
♦'•levée,  la  contraction  des  vaisseaux  périphériques  et  la  sé- 
cheresse de  la  peau  diminuent  la  perte  de  la  chaleur  à  la  sur- 
face: mais,  par  cela  niéjue,  la  |)roduction  de  chaleur  s'accroît 
dans  iim^  pr(q)ortion  extraordinaire;  seulement,  la  chaleur 
produite  en  excès,  au  lieu  d'être  évacuée  par  le  dehors,  est 
rMumagasinée  dans  le  corps,  d'où  résulte  une  augmentation  de 


>-ml«',  il'   ^.'l"',."»,  a\ec  1576  j;rHinmes  résulté  de  foules  cos  expériences,  «^ue, 

«rmiiio.  dans  celte  période dile  de  fièxi'e  lalente, 

Xiiutivii  a  lail  dos  expériences  >ui' des  il  v  a  à  la  fois  diminulioo  de  la  masse 

rliieiis  placés  dans  un  bain  de  vapeur,  des  urines  et  augmentation  de  Texcré- 

\ii  IjouI  de  (rois  heures,  il  y  avait  une  lion  d'urée.  Cette  augmenlatij>n  jjersisle 

l«'Mi[)éraliire  de  ^m",.^)  pI  une  aiijpnenta-  nécessairemeni  avec  la  venue  delà  liè\it' 

lion  de  3  [jrannnes  poin*  Turée  ((|*^^75  toxique.                                               • 

an  lieu  de  6*^'  7  ).  Pourquoi,  pendant  ia  lièvre  latente, 

Chez  les  chiens  tenus  ù  la  dièle,  puis  ci'tte    diminution    dans   la    masse   des 

f'nli«'\iés  par  Tinjeclion  de  liquides  pu-  urines?  On  m*  sait.  \  coup  sûr,  cela  ne 

h  élics  sous  la  peau  ,  on  re(  iieillil  l'urine  provient  pas  de  rau^pnenlation  de  Teva- 

ilans  la  vessie  a\ec  une  sonde.  Dans  la  poralion  par  les  poumons  et  la  pei)u,car 

liriMuière  périod»',  alors  (pi'oxisle  ceque  le  poids  du  corps  pendant  ce  temps  est 

\auii  vu  appelle  la^Vr/e/f/^v/i^",  on  trouve  si  peu  diminué,  que  Pou  doit  8up(H)ser 

déjà  la  quantité  d'un'oauijnieutee,  bien  une  rétention  de  Peau  dans  le  corps. 

i\w  la  li'uqjérature  i\v  soit  pahciicoreen  L^an||menlation  de  Pexcrétion  urinaire 

vii;  d'rliN illion.  Dès  lois  on  doil  con-  sf  produit  souvent  au  pins  for!  de  la 

cbirr  (du  niuius  en  ce  qui  concerne  la  lièvre,  d'autres  fois  dès  son  début.  La 

liè\iHipulride)(pjerauguientalion  ifoxy  grande    excrétion   d'urée   sunit    à   la 

dation   de^    inaléiiaux   do   rorganisnio  fièvre,  et  cela  tient  sans  doute  à  ce  que, 

pr<'cédo,  ol  (|u«'  ri''lévalion  do  la  loiiipé-  po!:dnnl  la  fièvre,  les  organes  soni  gor- 

lafiiK'  f'si  III)  |ihéii(Mnpiio  spciuuliiir»'.  Il  /;és  d'urée  qui  s'élimine  ensuite. 


LA  FIEVRE.  593 

chaleur  toujours  croissante.  Dans  les  frissons  violents,  la  pro- 
duction de  la  chaleur  peut  être  triplée.  En  même  temps ,  la 
production  de  l'acide  carbonique  reste  au  même  degré  pen- 
dant ce  stade.  Mais  aussi  Télévation  de  la  production  de  cha- 
leur ne  fait  pas  disparaître  la  cause  essentusUe  de  la  fièvre. 
Une  augmentation  de  la  production  de  la  chaleur  de  qo  à 
a  5  p.  o/o,  comme  dans  le  stade  de  chaleur,  se  rencontre  très- 
souvent  chez  les  gens  en  bonne  santé.  Pour  la  produire,  il 
suffit  d*un  repas  plus  copieux  ou  d'une  très-grande  fatigue  du 
corps.  Et  même  en  peu  de  temps,  un  très-grand  effort  phy- 
sique, par  exemple  l'ascension. d'une  montagne,  peut  porter 
la  production  de  la  chaleur  au  triple  ou  au  quadruple  de 
l'état  normal.  Mais  cette  chaleur  en  excès  n'est  pas  encore  la 
fièvre. 

La  fièvre  comporte  nécessairement  et  une  haute  température 
et  l'augmentation  de  la  production  de  la  chaleur.  Mais  ni  l'un 
ni  l'autre  de  ces  phénomènes,  ni  même  tous  les  deux  réunis, 
ne  constituent  l'essence  de  la  fièvre. 

Si  l'on  parvient ,  chez  un  homme  sain ,  a  élever  artificielle- 
ment la  température  du  corps  à  Ao  degrés,  il  suffit  de  le 
replacer  dans  son  milieu  habituel  pour  voir  bientôt  la  tempé- 
rature revenir  à  l'état  normal.  Les  vaisseaux  de  la  peau  se 
dilatent ,  la  sueur  s'écoule ,  et  l'évaporalion  fait  perdre  beaucoup 
de  chaleur,  la  chaleur  qui  s'était  condensée  dans  le  corps 
s'en  échappe  de  nouveau.  L'homme  en  santé  règle  sa  perte  de 
chaleur  et  sa  production  pour  une  température  d'environ 
37  degrés;  et,  quand  cette  température  a  été  modifiée  violem- 
ment, il  tend  aussi  vite  que  le  permettent  les  conditions  phy- 
siques ,  h  la  recouvrer. 

Du  reste ,  lorsqu'un  homme  en  santé ,  par  exemple  par  un 
effort  corporel  prolongé,  produit  autant  ou  même  plus  de  cha- 
leur qu'un  fiévreux  dans  le  stade  de  chaleur,  il  n'élève  pour- 
tant jamais  la  température  de  son  corps  jusqu'à  la  hauteur  de 
colle  de  la  fièvre:  sa  tepérature  s'accroît  seulement  d'une 

38 


,V.)'.  CIl.VlMThK  II.  —  LA  CH  VLKU»  M'Y  LA  FIÈVKK. 

IVartioii  de  deyré.  Les  voies  par  lesquelles  se  perd  la  chaleur 
sont,  au  contraire,  d'autant  plus  ouvertes  que  la  chaleur  pro- 
duite en  excès  est  plus  vite  éliminée.  Le  corps  est  réglé  pour 
une  température  de  87  degrés,  et,  malgré  l'augmentation 
de  la  chaleur  produite,  il  peut  très-facilement  se  maintenir 
a[)proximalivemenl  à  cette  température. 

E(  enfin,  si  Ton  élève  artificiellement  la  chaleur  du  corps 
chez  un  homme  en  santé,  et  qu'après  l'avoir  replacé  dans  son 
milieu  habituel,  on  fasse,  par  un  exercice  musculaire  prolongé, 
tenir  sa  température  à  un  degré  élevé,  alors  même,  eussions- 
nous  en  même  temps  élévation  de  température  et  augmentation  de 
la  production  de  la  chaleur,  ce  n'est  pas  encore  la  fièvre.  Cet 
homme  n'en  serait  [)as  moins  réglé  pour  87  degrés,  et,  dans  un 
temps  relativement  court,  malgré  la  prolongation  de  la  pro- 
duction en  excès,  il  n'en  retournerait  pas  moins  à  son  chiffre 
de  3  7  degrés. 

(ies  exemples  montrent  que  l'homme  en  santé  se  différencie 
du  fi/'vreux  essentielh*ment  en  ce  qu'il  règle  sa  perte  et  sa 
production  de  chaleur  pour  une  température  d'environ  87  de- 
grés, qu'il  s'y  tient  autant  que  le  permettent  les  circonstances 
physiques,  et  qu'il  y  retourne  aussitôt  que  possible.  Le  fié- 
vreux, au  contraire,  ne  se  règle  plus  pour  la  température 
normale  de  87  degrés. 

On  est  conduit  ainsi  à  admettre  que  le  féhricitani  n'a  plus 
de  régulation  de  chaleur.  Il  se  comporterait  donc,  en  ce  qui 
concerne  l'état  de  sa  température,  à  la  façon  d'un  animal  dont 
le  cerveau  a  été  séparé  de  la  moelle  épinière.  El,  parle  fait, 
on  a  souvent  signalé  la  condition  de  ces  animaux  comme  étant 
à  proprement  |)arler  la  fièvre.  Mais  d'abord  ce  fait  que,  dans 
ce  cas,  un  certain  accroissement  de  la  perte  de  chaleur,  qui 
n'aurait  pas  modifié  sensiblement  la  température  d'un  fébrici- 
tant,  peut  amener  la  température  à  un  degré  très-inférieur  à 
l'état  normal,  montre  qu'on  ne  peut  pas  faire  une  semblable 
assimilation. 


LA  FIÈVKK.  595 

Le  fébricitant  ne  se  règle  donc  plus  |M>ur  3 7  degrés;  et 
une  observation  attentive  des  faits  montre  que  la  régulation 
de  la  chaleur  n'est  pas  pour  cela  détruite,  mais  que,  quoique 
à  ua  moindre  degré ,  elle  persiste  cependant  suffisamment  et 
de  la  même  façon  qu*à  l'état  de  santé.  Les  fiévreux  sont  réglés 
non  pas  pour  la  température  normale,  mais  pour  un  eeriain 
degré  ikvi  de  température. 

De  ce  que,  chez  les  fiévreux ,  il  existe  aussi  une  régulation  de 
la  perte  de  chaleur,  on  conclura  qu'ils  sont,  tout  comme  les 
gens  en  santé,  influencés  par  les  sensations  subjectives  de  froid 
et  de  chaud ,  suivant  le  choix  de  leur  vêtement  Lorsqu'il  j  a 
une  forte  soustraction  de  chaleur,  comme,  par  exemple,  dans 
un  bain  froid,  chez  le  fiévreux  comme  chez  l'homme  sain,  le 
même  mécanisme  est  mis  en  jeu  pour  lutter  contre  l'excès  de 
refroidissement;  or  les  recherches  expérimentales  exactes, 
relativement  à  la  perte  de  chaleur,  montrent  que  cette  lutte 
contre  le  refroidissement  est  un  peu  moins  efficace  que  chez 
l'homme  en  santé,  parce  que  la  peau  et  ses  vaisseaux  se  con* 
tractent  avec  moins  d'énergie. 

La  régulation  de  la  production  de  elialeur  par  la  perte  de  dut- 
leur  a  lieu  aussi  bien  chez  les  fiévreux  que  chez  les  gens  en 
santé.  Lorsque  déjà ,  dans  le  milieu  ordinaire ,  leur  production 
de  chaleur  s'élève  au-dessus  de  la  normale,  on  la  voit  atteindre 
encore  une  plus  grande  intensité  par  l'action  d'un  bain  froid , 
ainsi  que  le  démohtrent  de  nombreuses  observations  calori- 
métriques; et  la  production  de  l'acide  carbonique  est  élevée 
dans  la  même  proportion.  Dans  un  bain  de  ao*à  as*  G. ,  par 
exemple,  le  fiévreux  produit  s  fois  plus  de  chaleur  qu'il  n'en 
produit  dans  un  bain  à  3 &  ou  35''  G.  Il  est  encore  facile  d'en 
tirer  cette  conclusion ,  que  ses  moyens  sont  un  peu  plus  limités 
que  ceux  de  l'homme  en  santé ,  et  qu'il  n'est  pas  en  état  par- 
ticulièrement de  résister  aussi  longtemps  à  un  violent  refroi- 
dissement. 

Donc ,  de  même  que  l'homme  en  santé  déploie  tous  les  moyens 

38. 


olKi         CHAPITRE  H.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIÈVRE. 

dont  il  dispose  pour  maintenir  sa  température  à  87*"  C,  de 
même  fait  le  fiévreux  pour  maintenir  la  sienne  aux  environs  de 
/jo"  C.  Si  Ton  clierche,  par  de  violentes  soustractions  de  cha- 
leur, à  le  refroidir,  il  résiste  au  refroidissement  par  les  mêmes 
moyens  que  Thomme  en  santé.  A  la  vérité,  quand  il  y  a  force 
majeure,  c'est-à-dire  sous  l'action  d'un  bain  froid  d'une  durée 
suffisante,  sa  température  peut  être  abaissée,  comme  celle 
(le  l'homme  en  santé  et  même  avec  une  moindre  difficulté; 
on  peut  même  la  faire  descendre  au-dessous  du  chiffre  nor- 
mal; mais,  aussitôt  que  cela  est  physiquement  possible,  sa 
température  recommence  à  monter,  et,  après  un  temps  relati- 
vement court,  elle  atteint  sa  hauteur  précédente.  Nous  voyons 
par  là  que  l'organisme  du  fiévreux  a  une  tendance  prononcée 
à  persister  dans  sa  température  propre.  Si  cette  température 
est  brusquement  modifiée,  le  fiévreux  y  revient  aussitôt  que 
les  circonstances  et  ses  propres  moyens  le  permettent.  Il  se 
maintient  dans  cette  situation  à  peu  près  comme  l'homme 
on  santé;  seulement  il  est  réglé  pour  une  plus  haute  tempé- 
rature. 

La  différence  essentielle  entre  le  fiévreux  et  l'homme  sain 
consiste  donc,  non  pas  dans  l'élévation  de  la  température,  mais 
dans  ce  fait  que,  chez  le  fiévreux,  la  perte  comme  la  produc- 
tion de  chaleur  sont  réglées  pour  une  plus  haute  température. 
La  réffulatlon  de  la  chaleur  disposée  pour  un  degré  de  temj)érature 
plus  élevé  est  l'essence  mènie  de  la  fièvre. 

Comment  a  Heu  ce  transport  de  la  régulation  de  la  chaleur 
à  un  degré  plus  élevé?  Nous  sommes  ici  complètement  dans 
l'obscurité,  et  cette  obscurité  ne  se  dissipera  pas,  tant  que 
nous  ne  saurons  rien  de  plus  sur  le  mécanisme  de  la  régula- 
tion de  la  chaleur  chez  l'homme  sain.  Si  nous  avons  quelque 
raison  sérieuse  d'accepter  l'hypothèse  d'un  système  excito-calo- 
rique  et  d'un  système  calori-modérateur  chez  l'homme  sain, 
se  lelianl  avec  les  centres  nerveux,  nous  sommes  conduits  à 
adniotln»  ([uc  la  fièvre  (rouble  l'un  ou  l'autre  de  ces  systèmes 


LA  FIÈVRE.  597 

OU  tous  les  deui.  Leur  fonction  n'est  pas  accrue;  les  deux 
systèmes  agissent  encore  de  ]a  même  façon  qu'à  l'état  nor- 
mal; mais  leur  fonction  est  modifiée,  en  ce  sens  qu'elle  est 
réglée  pour  un  degré  plus  élevé  de  température.  Poursuivre 
plus  loin  cette  bypoth^e  en  ce  moment,. ce  serait  s'éloigner 
du  terrain  solide  des  faits  positifs. 

Tous  les  phénomènes  si  variés  que  comprennent  les  symp- 
tômes complexes  de  la  fièvre,  toutes  les  particularités  rela- 
tives à  l'organisme  en  état  de  Bèvre  peuvent  être  déduits  sans 
effort,  à  ce  que  pense  Liebermeister ,  de  ce  changement  essen- 
tiel qui  consiste  dans  la  régulation  établie  pour  une  plus  haute 
température.  Du  moins,  cette  déduction  serait  valable  pour  le 
symptôme  caractéristique  de  la  fièvre,  qui  est  l'élévation  de 
la  température,  et,  par  suite,  pour  les  phénomènes  variés  et 
incommensurables  qui  sont  la  suite  directe  ou  indirecte  de 
l'élévation  de  la  température.  Liebermeister  ajourne  à  plus 
tard  les  développements  relatifs  à  ces  considérations  pratiques 
si  importantes,  et  il  se  borne  è  montrer  comment  les  relations 
de  la  production  et  de  la  perte  de  chaleur  dans  les  différents 
stades  de  la  fièvre  peuvent  être  déduites  de  ce  point  de  vue. 

11  considère  d*abord,  ce  qui  est  le  cas  le  plus  simple,  le 
stade  où  la  température  reste  à  peu  près  sans  changement, 
c'est-^-dire  le  êtade  de  chaleur  qui,  dans  les  fièvres  intermit- 
tentes, ne  dure  que  quelques  heures,  mais  qui,  dans  les 
autres  maladies  fébriles  comme  la  fièvre  continue  ou  sub- 
continue, se  prolonge  pendant  plusieurs  jours  et  même  plu- 
sieurs semaines.  Pendant  le  stade  de  chaleur,  la  tempé- 
rature se  maintient  à  peu  près  à  la  même  hauteur,  il  y  a 
équilibre  entre  la  production  et  la  perte  de  chaleur.'  Le  ma- 
lade produit  autant  de  chaleur  qu'il  en  émet ,  et ,  par  là ,  la 
somme  de  chaleur  incluse  dans  le  corps  reste  la  même.  Le 
fiévreux  se  comporte  dans  ce  cas  exactement  comme  un  homme 
à  l'état  sain.  La  seule  différence  qu'il  y  ait  entre  eux ,  c'est 
que,  chez  le  fiévreux,  cet  état  d'équilibre  est  réglé  pour  une 


:)98         CHAPlTiU:  IL  —  LA  CHALKUR  ET  LA  FIEVr,E. 

plus  haute  température.  Donc  ie  fiévreux  règle  sa  température 
coninie  l'homine  sain,  seulement  pour  un  degré  plus  élevé;  il 
défend  sa  température  de  peut-élre  /jo**  C.  conlre  Télévation 
ou  rabaissement  par  les  mêmes  moyens  que  rhomme  sain 
pour  sa  température  de  3 7*  C.  Même  les  petites  variations 
diurn(»s  de  la  temjïérature  de  Thomme  sain  s'observent  aussi 
chez  le  fiévreux. 

Le  stade  de  la  température  décroissante  est  suivi  habituel- 
lement de  sueurs,  cjuand  la  chute  de  la  tem|>érature  a  lieu  avec 
queUpie  rapidité,  et  il  prend  pour  cela  le  nom  de  stade  de 
.meur,  La  chute  de  la  température  montre  que  la  perte  de  la 
chaleur  est  plus  grande  que  la  production.  Dans  ce  stade,  la 
régulation  de  la  température  est  tombée  relativement  d'un 
degré  plus  élevé  i\  un  degré  inférieur,  tandis  que  la  température 
du  corps,  obéissant  aux  lois  physiques,  ne  peut  tomber  que  len- 
tement, et,  par  conséquent,  demeure  d'abord  plus  haute  que 
ne  semblerait  le  comporter  la  modification  instantanée  de  la 
régulation.  Dès  lors  le  malade  se  trouve  dans  la  même  con- 
dition qu'un  homme  bien  ])ortant  dont  la  température  a  été 
artificiellement  élevée.  Aussi  les  voies  de  la  déperdition  s'on- 
vrent-elles  chez  lui  largement  :  les  vaisseaux  de  la  peau  se 
dilatent,  la  sueur  coule,  l'évaporation  augmente  beaucoup  la 
perte  de  chaleur,  et  l'on  peut  l'influencer  à  volonté  en  dé- 
couvrant le  corps  du  malade  ou  en  établissant  des  courants 
d'air.  Kn  réalité,  suivant  les  circonstances,  la  perte  de  cha- 
leur peut  être  amenée  à  dépasser  le  chiffre  de  déperdition 
normale,  et  il  s'ensuit  un  abaissement  plus  ou  moins  rapide 
de  la  température.  Sans  doute,  chez  les  fiévreux,  la  régulation 
de  la  chaleur  ne  quitte  pas  subitement  le  degré  élevé  où 
elle  était  établie  j)Our  tomber  à  un  degré  inférieur»  mais  peu 
à  peu  et  souvent  par  oscillations,  ce  qui  prolonge  la  dorée 
de  la  transition. 

Ainsi  l'on  voit  qu(^  l'on  a  tort  lorsque ,  et  cela  arrive  souvent 
dans  ce  stade,  on  considère  l'apparition  de  la  sueur  comme 


LA  FIÈVRE.  599 

le  phénomène  initial,  et  la  chute  de  la  température  comme 
la  suite  naturelle  d'une  violente  évaporation.  L'évaporation 
ne  produit  ce  résultat  que  lorsque  déjà  la  régulation  de  la 
température  est  descendue  h  un  degré  inférieur.  Si ,  pendant  le 
stade  de  chaleur,  et  alors  que  la  régulation  se  maintient  au 
même  niveau,  on  rend  la  peau  humide  par  une  aspersion 
d'eau  continue,  on  peut  s'assurer  qu'on  obtient  par  ce  moyen 
un  abaissement  de  température  qui  ne  le  cède  guère  à  celui 
qui  a  lieu  dans  le  stade  de  sueur.  Tant  que  le  niveau  de  la 
régulation  ne  change  pas,  le  malade  produit  d'autant  plus  de 
chaleur  qu'il  lui  en  est  plus  enlevé.  On  reconnaît  généralement 
aujourd'hui,  comme  un  fait  d'expérience,  qu'il  ne  sert  de  rien 
et  qu'il  peut  même,  suivant  les  cas,  être  nuisible  de  provo- 
quer la  sueur  dans  le  stade  de  chaleur,  alors  que,  par  le 
procès  morbide  légitime,  la  température  doit  continuer  à 
monter. 

«Comme  on  le  voit,  dit  Liebermeister,  ce  nest  pas  seu- 
lement a  l'état  de  santé  qu'existe  cette  merveilleuse  disposition 
qui  fait  que  le  corps  est  réglé  pour  un  degré  détermi^ié  de 
température,  mais  il  y  a  de  même,  on  peut  le  dire,  pour  les 
cas  pathologiques ,  en  tant  qu'il  s'agit  d'une  rapide  élévation 
et  du  maintien  du  corps  à  un  degré  quelconque  plus  élevé, 
un  mécanisme  spécial.  Au  reste  il  n'est  pas  nécessaire  de 
dire  que ,  si ,  sur  ce  point  particulier  de  nos  connaissances  gé- 
nérales ,  nous  sommes  obligés  de  supposer  un  organe  central 
de  la  régulation  de  la  chaleur,  obéissant  à  la  prétendue  loi 
des  causes  finales,  nous  ne  devons  considérer  cette  manière 
de  voir,  supposant  une  sorte  d'archée,  que  comme  une  né- 
cessité provisoire.  Nous  sommes  très-éloignés  d'adopter  une 
théorie  complète  de  la  fièvre  empruntée  au  dogme  des  causes 
finales  :  il  nous  suiBt  d'avoir  hasardé  un  coup  d'œil  sur  le 
mécanisme  particulier  de  l'organe  central  de  la  régulation, 
et  cette  vue  presque  téléologique  n'est  qu'une  nécessité  pro- 
visoire, elle  n'a  que  l'avantage  de  ramener  n  un  point  de 


(iOO  CIIAPITKE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

vue;  unique  les  conditions  si  compliquées  et  si  dilliciles  du 
phénomène;  ce  point  de  vue  était  nécessaire  non  pas  seule- 
ment pour  rex[)Osition  actuelle,  mais  peut-être  encore  pour 
permettre  les  recherches  ultérieures  faites  dans  la  même  voie. 

a  [Mais  comment  se  fait-il  que  souvent  la  régulation  de  la 
chaleur  s'étahlisse  à  un  degré  d'élévation  anomale?  En  d'autres 
termes,  (pielle  est  la  cause  de  la  fièvre?  La  réponse  à  cette 
demande  ne  peut  être  donnée  que  très-imparfaitement,  parce 
(|ue  nous  ne  savons  quelque  chose  que  relativement  aux  causes 
éloignées. 

r  \ous  savons  (pie  toutes  ou  du  moins  la  plus  grande  partie 
des  fièvres  sont  produites  i)ar  l'introduction  dans  le  sang,  ou 
dans  les  liquides,  de  certains  matériaux  particuliers.  Ce  sont, 
soit  les  [produits  d'un  procès  pathologique  local  pour  les  fièvres 
appeh'es  s ynq)tomaliques  ou  inflammatoires ,  soit  des  substances 
en  déconq)osilion  introduites  du  dehors,  substances  à  l'aide 
desfpiclles  Billroth  et  0.  Weber  nous  ont  montré  qu'on  pou- 
vait produire  artificiellement  la  fièvre,  soit  certains  poisons 
chimiques,  ou  enfin  des  poisons  organiques  appelés  matières 
infectieuses,  miasmes  et  contages,  qui  sont  la  source  des  ma- 
ladies infectieuses. 

^  Muis  connnent  la  fièvre  en  résulte-t-elle?  On  croit  généra- 
lement que  ces  substances  sont  par  elles-mêmes  facilement 
oxydables,  ou  bien  tpi'elles  disposent  les  matériaux  du  corps  à 
une  plus  puissante  oxydation  et  qu'ainsi  se  produirait  l'aug- 
mentation dans  la  production  de  chaleur.  Cette  explication 
serait  très-satisfaisante,  si  la  fièvre  ne  consistait  que  dans  une 
élévation  de  la  production  de  chaleur.  Mais  une  simple  éléva- 
(ion  de  la  production  de  chaleur  avec  la  régulation  normale 
n'aurait  ucune  action  réelle  sur  l'élévation  de  la  température, 
fiinsi  que  le  montre,  par  exenq)le,  d'une  façon  évidente,  l'ac- 
croissemcnt  (|ui  a  lieu  par  un  plus  fort  exercice  musculaire;  au 
contrains  on  verrait  alors  la  [)erte  croître  en  proportion  équi- 
vah'nle,  r\  \i\  (rnqiéiature  ne  s'élèverail   pas  réellement  au- 


LA  FIÈVRE. 


601 


dessus  de  la  normale.  Dans  la  Gèvre,  au  contraire,  la  régulation 
de  la  cbaleur  n'a  plus  lieu  pour  le  degré  normal,  mais  pour 
UD  degré  de  température  plus  élevé  ;  elle  est ,  du  reste ,  aussi 
fixe  et  elle  procède  de  même.  Sans  doute,  ces  matériaux  py* 
rogéniques  ont  aussi  une  action,  ils  doivent  agir  directement 
ou  indirectement  sur  le  centre  régulateur  de  la  chaleur  et 
sur  le  déplacement  du  niveau  de  la  régulation.  Gomment 
s*exerce  cette  action ,  nous  ne  pouvons  actuellement  le  dire  : 
tout  au  plus  peut- on  citer  quelques  expériences  qui  in- 
diquent que  le  degré  auquel  se  fixe  la  régulation  dépend 
eu  partie  de  la  quantité  des  matériaux  disponibles  pour  l'oxy- 
dation. y> 

Tel  est  le  long  exposé  que  donne  Liebermeister  des  condi- 
tions^qui  peuvent  ou  qui  doivent  concourir  théoriquement  à 
produire  la  fièvre.  Il  appartenait  a  l'homme  qui  a  tant  travaillé 
cette  question  de  ne  pas  s'aventurer  à  fournir  une  formule.  En 
l'état  actuel  des  choses,  nous  ne  pouvons  aller  plus  loin  que  lui. 
Libre  à  chacun  de  donner  è  chaque  condition  une  importance 
variable  suivant  ses  tendances* personnelles;  nous  nous  con- 
tenterons de  dire  que,  si  nous  pouvons  désigner  le  nombre  et 
la  nature  des  éléments  qui  paraissent  constituer  la  fièvre, 
nous  ne  les  connaissons  peut-être  pas  encore  tous,  et  nous 
n'avons  pas  encore  su  réduire  ceux  que  nous  connaissons  à 
une  unité  mesurable  ^ 


*  Noiu  ne  reproduisons  pas  toutes 
les  ibéories  de  la  fièvre,  nous  aurions 
peut-élre  dâ  réserver  une  place  à  celle 
de  Zimmennann ,  qui  a  joui  longtemps 
d^uoe  grande  réputation.  (JDs  laJOwrt, 
in  fV.  Ver,  Zeitung,  f.  Il,  1 1,  ta,  i6, 
18,  30,  aa,  a5,  97,  36,  3f),  38,  4o, 
1859),  analyse  dans  SckmiiWê  Jahr- 
bHekêTf  i86f,  t  GlX,p.  aai. 

Zimmennann  avait,  dès  1 856 ,  pour- 
s(ii\i  la  démonsLralion  de  cette  proposi- 
tion :  "  Il  n'y  a  pas  dp  fi«?vro  cssenliellt*, 


et  la  fièvre  résulte  toujours  de  quelque 
lésion  locale.»  Il  suppose  que  toute  par- 
tie lésée  par  traumatisme,  par  exemple, 
s*échauffe,  et  que  de  proche  en  proche, 
le  sang  transporte  ces  parties  échauffées 
dans  les  veines  et  ensuite  à  tout  le  corps. 
Si  Ton  admet  que  la  chaleur  fébrile 
vient  des  parties  enflammées,  il  faut 
admeUre  aussi  que  Texcès  de  dénutri- 
tion et  de  déchet  a  lieu  prédsénient 
dans  ces  parties.  (  Ain$i  Hrmi  jfuiifièê 
Vexpvctswn  de  fnfer,  ) 


00-> 


CHAPlTRfc:  II.  -    LA  CUALEUn  ET  LA  FIEVRE. 


Telles  sont  les  principales  théories  que  les  physiologistes  et 
les  médecins  expérimentateurs  ont  récemment  introduites  dans 
la  science.  Elles  sont  toutes  exclusives,  et  la  conclusion  de  Fau- 
teur se  trouve  en  quelque  sorte  commandée  par  la  direction 
de  ses  recherches  pei'sonnelles.  Placés  en  présence  des  ma- 
lades, les  médecins  cliniciens  se  sont  tenus  en  général  sur 
une  prudente  réserve,  et  nous  n'en  trouverions  pas  un  qui  ait 
adopté  dans  son  entier  une  seule  des  théories  que  nous  avons 
analysées.  Eclectiques  par  la  nécessité  de  l'application,  ils  ont 
tous  cherché  à  juxlapo.ser  les  diverses  propositions,  et  à  en 
tirer  ce  qui  était  inmiédiatement  utilisable  au  lit  du  malade, 
pour  le  traitement  ou  pour  la  connaissance  du  processus  pa- 
thologique particulier. 

Nous  ne  ferons  pas  une  longue  analyse  des  divers  articles 
consacrés  par  eux  à  Tétudc  de  la  lièvre,  les  médecins  ne  pou- 
vaient être  et  ne  furent  que  des  compilateurs. 

Nous  devons  dire  d'ailleurs  que  ce  n'est  pas  un  reproche 
que  nous  adreSvSons  à  nos  devanciers,  nous  ne  saurions  actuel- 
lement aller  j)lus  loin  qu'eux,  et  la  pratique  n'aurait  rien  à 
gagner  à  ce  que  les  médecins,  pris  subitement  d'enthousiasme 
pour  une  de  ces  théories,  acceptassent  sans  discussion  les  appli- 
cations thérapeutiques  qui  en  sont  la  conséquence  logique. 
Nous  sommes  trop  convaincus  que  la  solution  du  problème 


Le  rapporleiir  (Samuel,  Schmidt's 
Jahrb.)  déclare  cette  hypothèse  contre- 
dite par  ce  fuit  hien  connu  que  certaines 
lésions  locales  importantes,  qui  sup- 
posent n<kessairement  un  état  anomal 
(lu  sang  ^j  contenu,  ne  donnent  point 
lieu  à  la  fièvre.  Dans  le  cours  d'une 
même  dyssentcrie,  il  y  aura  aujourd'hui 
une  température  normale,  a  un  autre 
moment  il  y  aura  lièvre,  et  pourlant  on 
ne  peul  pas  admellre  que  le  sang  ait  dif- 
féré de  composiliou  hier  et  aujourd'hui. 
Lesfli'reuscurs  (ilon  cxisl»' encore)  de  la 


fièvre  essentielle  ne  peuvent  pas  expli- 
quer ces  diOerences  :  cela  est  cepondaut 
facile,  si  Ton  se  reporte  audeg^rë  pïm  on 
moins  élevé  d'intensité  da  processus 
inflamaiatoire,  constaté  par  le  thermo- 
mètre. Alors  on  voit  que  la  chaleur  fé- 
hrile  ne  se  forme  que  dans  le  foyer 
inflammatoire,  que  tous  les  antres 
organes  et  tissus  lui  servent  de  milieu 
physiologique ,  mais  qu'ils  ne  fournissent 
aucune  contribution  positive  à  Texcé- 
dant  que  nous  trouvons  alors. 


LA  FIÈVRE.  60S 

est  encore  éloignée  pour  ne  pas  résister  de  toute  notre  puis- 
sance à  des  déductions  prématurées. 

Wunderiich  ^  fait  remarquer  avec  raison  que  cette  ques« 
tion  :  Sur  quelle  baie  repoee  ïéUvaùon  iliermique  anomale?  n'est 
nullement  identique  avec  cette  autre  :  Qudk  e$t  la  cquêm  esam- 
tidle de  la  Jiivre?  La  fièvre  est  en  eflfet  un  ensemble  de  phéno- 
mânes  généraux  dont  Télé  va  tion  de  la  température  constitue 
peut-être  Télément  le  plus  important;  mais  il  est  impossible 
de  déduire  tous  les  autres  phénomènes  de  celui-ci. 

Pour  Wunderiich ,  on  ne  devrait  pas  demander  quelle  est 
la  raison  de  la  modification  thermique  dans  la  fièvre,  mais 
bien  quelle  est  la  cause  ou  plutôt  quelles  sont  les  causes  d'une 
élévation  déterminée  de  température  chez  un  individu  donné 
et  à  un  moment  précis,  ou,  tout  au  moins,  quelles  sont  les 
causes  de  la  modalité  thermique  dans  une  forme  morbide, 
dans  une  espèce  et  dans  un  temps  déterminés. 

L'élévation  de  la  température  générale  peut  résulter  d'un 
défaut  d'élimination  de  la  chaleur.  Pour  Wunderiich ,  dans  le 
frisson ,  on  peut  supposer  que ,  le  sang  ne  se  refroidissant  plu» 
dans  la  peau  anémiée,  il  en  résulte  en  grande  partie  une  aug- 
mentation de  la  chaleur  centrale. 

Wunderiich  ajoute  :  ^  On  peut  supposer  que ,  dès  qu'il  se 
trouve,  dans  un  point  quelconque  du  cor{)s,  un  foyer  local 
d'hyperproduetion  thermique,  le  surcroît  de  la  chaleur  qui 
en  dérive  est  communiqué  par  l'intermédiaire  de  la  circula- 
tion au  corps  tout  entier,  et  que  la  température  locale  en  est 
augmentée.  Les  lieux  dans  lesquels  il  peut  y  avoir  une  hyper- 
thermogénèse  sont  les  foyers  d'inflammation  ou  d'hypérémie, 
mais  ils  sont  trop  circonscrits  par  rapport  à  l'ensemble  de 
Forganisme ,  et  l'on  peut  tout  au  plus  admettre  que  le  sur- 
croît de  production  thermique  local  fait  naître  une  élévation 


*  Wunderiich ,  D9  la  tempèraturt  danê  Ut  malatliet.  TraJ.  de  Labadic  La|];ra\e. 
Paris,  187s,  p.  189. 


004  CHAPITRE  II.  —  LA  CHALEUR  ET  LA  FIEVRE. 

Irès-inodérée  de  la  température  générale,  qui,  d'ailleurs,  à 
moins  qu'il  ne  survienne  de  nouveaux  troubles,  doit  être 
promptemcnt  et  facilement  compensée  par  les  voies  norojales 
trélimination.  w 

On  voit  que,  dans  son  ardeur  à  découvrir  les  causes  de  la 
[)roduction  de  chaleur,  U  underlich  oublie  les  expériences  de 
Huntcr  et  celles  de  ses  contemporains.  Il  suppose  ensuite  que 
celte  élévation  de  la  température  générale  peut  dépendre  de 
l'activité  des  processus  thermogènes  normaux,  mais  il  fait  re- 
marquer que,  malgré  les  recherches  quantitatives  des  produits 
de  décomposition  (acide  carbonique,  urée),  nous  sommes 
encore  loin  des  résultats  qui  autoriseraient  a  considérer  la 
chaleur  fébrile  comme  la  consé([uence  d'une  suractivité  pure 
des  processus  chimiques  normaux. 

Pour  Wunderlich ,  ce  sont,  au  contraire,  des  processus  chi- 
miques plus  ou  moins  étrangers  à  l'état  physiologique  qui 
doivent  probablement  expliquer  l'augment  de  la  chaleur;  il 
lui  semble  que,  parmi  ces  processus,  il  faut  placer  une  surac- 
tivité de  la  combustion  de  l'hydrogène,  une  décomposition 
organique  rapide  (qu'il  ne  détermine  pas),  les  contractions 
musculaires  (convulsions  toniques),  enfin  les  fermentations. 

Wunderlich  enregistre  également  l'influence  des  nerfs  vaso- 
moteurs  et  de  l'activité  morbide  des  centres  spinaux  et  con- 
clut ainsi  :  ^^ Kn  réfléchissant  à  la  coopération  possible,  sinon 
certaine,  de  plusieurs  causes,  on  conçoit  que,  dans  deux  cas 
diiïérents  ou  à  deux  périodes  différentes  d'un  môme  cas,  une 
seule  et  même  élévation  de  la  température  morbide  puisse 
avoir  une  tout  autre  signification  (dans  ses  origines).» 

Ce  résumé  montre  assez  combien  un  auteur  soucieux  de 
n'avancer  que  des  faits  démontrables,  se  trouve  embarrassé 
au  milieu  des  matériaux  amassés,  et  quelle  peine  il  éprouve 
à  faire  un  choix;  incertain  de  ses  appréciations,  il  réunit  ceux 
qui  lui  semblent  plus  parfaits,  sans  réussir  à  les  joindre  et  à 
(»n  faire  un  ensemble. 


LA  FIÈVRK.  605 

M.  Jaccoud  est  plus  sévère  encore  dans  son  jugement  ^  : 
«  Ce  qui  est  certain ,  ce  qui  est  saisissable  par  l'observation , 
c'est  que  la  cause  pyrëlogène  crée  dans  l'organisme  une  mo- 
dalité anomale  de  la  nutrition  (accroissement  des  oxyda- 
tions), c'est  que  ce  mode  nutritif  a  pour  conséquence  une 
augmentation  parallèle  de  la  chaleur,  c'est  que ,  sous  l'influence 
de  cette  chaleur  fébrile,  l'action  du  cœur  s'exagère;  c'est  que 
cette  température  anomale  provoque  souvent  aussi  une  con- 
vulsion réflexe  temporaire ,  qui  constitue  l'épisode  du  frisson  et 
de  l'algidité;  mais  au  delà  de  ces  notions  certaines,  je  ne  vois 
que  contradictions  et  hypothèses,  et  je  ne  trouve  dans  toute 
cette  histoire  qu'une  seule  vérité  positive,  c'est  celle  qui  est 
exposée  dans  notre  définition  même  :  La  fièvre  est  un  accrois- 
sement morbide  de  la  combustion  et  de  la  température  orga- 
niques. Ti 

M.  Hirtz^  fait  è  ses  contemporains  une  part  plus  juste,  il 
regrette  que  Traûbe  ne  se  soit  pas  borné  è  tirer  des  objections 
dont  la  théorie  de  la  fièvre  est  passible  cette  conclusion, 
qu'outre  l'augmentation  de  combustion ,  la  fièvre  doit  encore 
être  cherchée  dans  cet  autre  facteur,  la  diminution  de  l'émis- 
sion :  il  aurait  eu  raison ,  pense  M.  Hirtz ,  de  ses  adversaires 
trop  enclins  à  tout  expliquer  par  l'excès  de  suroxydation. 

L'ancien  professeur  de  Strasbourg  admet  avec  Liebermeis- 
ter  que  Tacide  carbonique  exhalé  par  un  fébricitant  est  aug- 
menté; avec  Sénator,  que  l'urée  éliminée  représente  des  com- 
bustions plus  actives  ;  avec  Virchow,  Cl .  Bernard ,  Tscheschichin , 
que  le  système  nerveux  vasomoteur.  et  cérébro-spinal  règle 
la  répartition  du  sang. 

(tEn  résumé,  dit-il,  il  y  a  dans  la  fièvre  augmentation  de  la 
production  de  la  chaleur,  mais  en  même  temps  diminution  de 
la  faculté  modératrice  qui  la  dépense  proportionnellement. 

*  Jaccoud,  Traité  de  pathologie  in-     médêcmê  Hde  chirurgie  pratiquée.  (Di- 
lfn}e,  Paris,  1870, 1. 1,  p.  99.  racleiir :  Docteur  Jaccoud.)  Art.  Fi^'e, 

'  Hirti,  in  Nnuveau  àieiionnaire  de     T.  XIV,  Pari»,  1871,  p.  7.^0. 


(>()(•  CHAPITHK  If.  —  LA  CHALKIJR  KT  LA  KIEVUE. 

Nous  en  (loiinorons  une  iilée  eu  coniparanl  le  sang  à  un  poèlc» 
modérément  chauffé,  et  le  corps  a  la  chambre  dans  laf|uelle  il 
est  placé.  Tant  ({ue  la  fenêtre  reste  ouverte,  la  température 
ne  s'élève  pas  au  delà  d'un  certain  degré;  fermez  ia  fenêtre 
ou  augmentez  le  combustible,  et  la  chaleur  augmentera  aussi- 
tôt, (i'ettc  fonction  compensatrice  est  dans  la  dépense  par  les 
sécrétions  cutanée,  pulmonaire  et  urinaire.  5» 

Mais  pour  M.  Hirtz  :  ç^Dans  la  fièvre,  la  régulation  de  la 
température  existe  encore,  sans  quoi  la  chaleur  irait  toujours 
en  augmentant  par  suite  de  la  (combustion  ,  et  l'on  peut  ad- 
mettre seulement,  avec  Liebermeister,  que,  chez  un  malade 
qui  a  la  fièvre,  la  régulation  ne  commence  qu'à  deux  ou  trois 
degrés  au-dessus  de  la  normale. 

aA|)rès  celte  discussion,  nous  croyons  pouvoir  formuler  la 
lièvre  dans  une  définition  basée  sur  sa  nature  :  La  fièvre  est 
caractérisée  par  une  aufpnentnûon  morbide  de  la  chaleur,  due  à  une 
aujrmentalion  de  la  combustion  moléculaire  et  à  une  diminution  dan* 
l'émission ,  et  prowqu^e,  dans  la  majorité  des  cas,  par  une  altération 
du  siinif.  Combustion  exagérée  n'est  donc  pas  synonyme  de  fiè- 
vre; chaleur  augmentée  ne  l'est  pas  non  plus.  Ufaut,  comme  dit 
Virchow,  un(» chaleur pathologiquement  augmentée, et, comme 
dit  Van  Ilelmont  :  Calor  vtcumque  prœtcr  naturam  auctus  sit, 
non  est  tamcn  ipse  febrls.  Il  faut,  pour  que  cette  chaleur  soit 
morbide,  qu'elle  soit  permanente  et  non  due  à  l'excitation 
passagère  d'une  course,  d'une  émotion,  d'une  boisson  exci- 
tante. Nous  voici  donc,  par  la  voie  expérimentale,  ramenés  à  ia 
définition  des  premiers  pères  de  la  médecine.  Nous  pouvons 
encore  dire  :  Les  anciens  Font  trouvé,  les  modernes  l'ont  prourt.n 

Cette  longue  enquête  sur  les  causes  de  la  chaleur  fébrile 
montre  les  elTorts  répétés  des  médecins,  leurs  succès  et  leurs 
défaillances.  Nous  n'avons  cherché  à  dissimuler  ni  nos  espoirs 
ni  nos  doutes. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


DU  TOME  PREMIER. 


PaiPACB I 

NOTICB  MOOEàPHIQOB VII 

Publications  db  P.  Lorain xix 

Intboduction  : 

La  tradition  et  la  science  expérimentale • i 

lia  mëlhode  graphique • .  1 3 

Divisions  de  Touvrage 36 

CHAPITRE  PREMIER. 

LA  CBALBtR  RT  LA  FIBVRB. 

Opinions  des  auteurs  depuis  Hippocrate  jusqu'à  nos  jours.. .  39 

Hippocrate Ai 

Aristote 49 

Cebe.  .    5i 

Galien.  La  chaleur  du  corps 55 

La  Gèvre 65 

Les  contemporains  et  les  successeurs  de  Galien 76 

Les  Arabes 75 

Femd 78 

Gnillaonie  Rooddet,  de  Montpeilier 83 

G.  Haillon 86 

Schenck  (Jean) 87 

Alpinus 88 

Ambroise  Pare 93 


610  tablf:  des  matières. 

2"  R<^wtance  au  froid 388 

Abaissement  de  la  tempëratare  chez  les  animanx  re- 
couverts d'un  enduit  imperméable 898 

fr.  TempTaiure  post  mortem /ioo 

S  IV.  R('pariition  de  la  fbaleur 4o8 

1"  Répartition  réelle  de  la  chaleur  dans  Téconomie 608 

2"  Variations  de  la  température  dans  les  différents  points 

accessibles  à  la  Ihermométrie ^lâG 

(Ihoix  du  lieu  où  Ton  explore  la  température /j*>8 

Aisselle ^99 

Rouche 43 1 

Main 43^ 

Rectum  et  va{]fin 63-? 

S  V.   (lalorimélrie A3'i 

Hi^cherches  de  Liebormoisler  et  de  Kernig hho 

m 

(ialorimétrie  par  les  bains  froids &63 

Cialorimétrie  par  les  bains  chauds ii6i 

%  VI.  R»'*{]"ulation  de  la  chaleur Ay'i 

La  contraclililé  vasculaire  considérée  comme  i^gulatéur  de  la 

tem|)éralure  centrale 485 

Le  système  nerveux  régulateur  de  la  chaleur 486 

Théorie  du  centre  régulateur ftgo 

S  VII.  La  fièvre 524 

n.  Production  de  la  chaleur  dans  la  fièvre 5a4 

Augmentation  de  Tacide  carbonique  exhalé 5s5 

Augmentation  de  Turée  excrétée 549 

h.  ElTots  des  hautes  températures  dans  les  maladies 556 

r.  Rapports  de  la  température,  de  la  fréquence  du  pouls,  de 

la  respiration  et  du  poids 5G3 


TABLE  DES  MATIERES.  609 

ChoflMi •J91 

Les  ailleurs  classiques  moderaes.  —  Double 998 

Landrë  Beauvais.  —  Chomei. —  Henri  Roger 996 

Boiiiltaud.  —  Piorry 998 

Bouchut.  —  Bëhier  et  Hardy 996 

(àavarret r 997 


CHAPITRE  II. 

LA  CHALBUR  ET  LA   FIBVRB. 

Epoque  moderne 3oo 

S  I.   Production  et  déperdition  de  la  chaleur 3o3 

Foyers  de  production  de  la  chaleur 3o8 

Rôle  des  muêcles  dans  la  production  de  la  chaleur 3io 

Rôle  du  syêtème  nerveux  dans  la  production  de  ta  chaleur ...  3 1 A 

Rôles  de» glandeê  dàQS  ia  production  de  la  chaleur 3i5 

Transformation  mécanique  de  la  chaleur 3i8 

Origine  de  la  chaleur  transformée  en  mouvement Sa  A 

S  II.  Température  de  Thomme  sain.  Oscillations  diurnes 396 

S  III.  Conditions  qui  font  varier  la  température  du  corps  humain. 

Limites  des  oscillations 336 

a.  Influence  de  Tâge 336 

b.  Influence  du  sexe,  de  la  constitution,  de  la  race 35o 

r.  Influence  de  Talimentation 35i 

d.  Influence  de  Tactivité  musculaire 353 

e.  Influence  de  la  température  extérieure  sur  celle  du  corps..  367 
/.  Limites  de  résistance  des  animaux  à  la  chaleur  et  au  liroid.  365 

1*  Résistance  h  la  chaleur 366 

1"  Action  de  la  chaleur  sur  le  système  musculaire 37 1 

9**  Action  de  la  chaleur  sur  le  système  nerveux 378 

3*  Action  de  la  chaleur  sur  le  liquide  sanguin 38 1 

39 


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